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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente de l'éducation est réunie
pour l'étude des crédits du ministère. Est-ce que vous
avez des modifications quant aux noms des membres de la commission? Non.
M. Lalonde: Pas que je sache. Si vous voulez me donner les
noms.
Le Président (M. Rodrigue): Très bien. Alors, les
membres de cette commission sont: MM. Brouillet (Chauveau), Champagne
(Mille-Îles), Chevrette (Joliette), Cusano (Viau), de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Hains (Saint-Henri),
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Laurin (Bourget), Leduc (Fabre) et Paquette
(Rosemont).
Les intervenants à cette commission sont: MM. Bisaillon
(Sainte-Marie), French (Westmount), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Paré
(Shefford), Polak (Sainte-Anne), Proulx (Saint-Jean), Rochefort (Gouin), Ryan
(Argenteuil) et Saintonge (Laprairie).
M. Paquette: M. le Président, est-ce que vous pourriez
remplacer le nom de M. Chevrette par celui du député de Vachon,
M. David Payne?
Le Président (M. Rodrigue): Alors, M. Payne (Vachon)
remplace M. Chevrette (Joliette).
M. Lalonde: Pour ce qui est de notre côté, M. le
Président, M. Dauphin (Marquette) remplacerait M. Polak
(Sainte-Anne).
Le Président (M. Rodrigue): Dans les intervenants, M.
Dauphin (Marquette) remplace M. Polak (Sainte-Anne).
M. Lalonde: Tous ces remplacements pourront être
révisés chaque fois qu'on commence une séance.
Le Président (M. Rodrigue): À ce stade-ci, nous
devons nommer un rapporteur de la commission. Est-ce qu'il y a une
proposition?
M. Paquette: M. le Président, je propose le
député de Mille-Îles.
Le Président (M. Rodrigue): Le député de
Mille-Îles, M. Champagne. Est-ce qu'il y a d'autres suggestions?
M. Lalonde: C'est unanime.
Le Président (M. Rodrigue): Unanime. M. Champagne
(Mille-Îles) agira comme rapporteur de la commission.
Alors, l'objet de nos travaux est d'étudier les crédits du
ministère. Cependant, comme il est d'usage à l'ouverture d'une
séance de commission parlementaire pour l'étude des
crédits, je vais d'abord céder la parole au ministre pour des
remarques préliminaires, puis au représentant de
l'Opposition.
M. le ministre.
Exposés préliminaires M. Camille
Laurin
M. Laurin: M. le Président, chers collègues, c'est
sous le signe de l'essentiel que j'ai voulu, au cours de l'année
1981-1982 et pour l'ensemble de mon mandat à l'Éducation, placer
mon action et celle de mon ministère. Un essentiel qu'il n'est pas
toujours facile de discerner et de poursuivre dans un contexte sociétal
fortement perturbé par une crise économique et politique qui
risque de se transformer dans le secret des coeurs sinon dans les discours
publics, en crise de confiance dans les institutions sociales, voire de
confiance en soi. Mais un essentiel vers lequel il n'est pas question de ne pas
maintenir le cap sous peine de renier les valeurs qui doivent présider
au développement de notre système scolaire et qui - je me permets
de l'ajouter - sont celles-là mêmes qui inspirent l'ensemble de
mon action personnelle et de mes engagements politiques.
Au moment de soumettre à cette commission parlementaire les
crédits détaillés de 1982-1983, il m'apparaît
indiqué de faire le point sur cette option de fond et sur les principaux
chantiers dans lesquels j'ai indiqué ici même, l'année
dernière, que je comptais la voir traduire en priorité. Je ferai
donc brièvement le bilan de ce qui, à travers les grands
programmes dont les crédits sont aujourd'hui portés à
votre attention, a été réalisé dans cette voie au
cours de la dernière année et qui sera poursuivi ou
relancé en 1982-1983. Je souhaite vivement
que puisse ainsi apparaître le plus clairement possible que,
à travers les contraintes actuelles, tous ces chantiers visent
méthodiquement et obstinément le même essentiel.
Une visée essentielle: la qualité de l'acte d'apprendre et
de son environnement.
Viser l'essentiel en éducation est une tâche
éminemment concrète, toute proche de la quotidienneté
vécue des écoles, des collèges, des universités et
du ministère même. Puisque, en dernière analyse, c'est de
l'aménagement même de notre système scolaire qu'il s'agit.
Un système scolaire qu'il faut, chaque jour davantage, et à coups
de gestes patiemment posés dans la même direction, recentrer sur
sa mission éducative de service aux personnes et à la
collectivité et modeler en fonction de l'acte d'apprendre qui en
constitue l'ultime légitimation.
À la source du système scolaire, et lui donnant son
âme - à certains jours, un nécessaire "supplément
d'âme" - il y a le désir de connaître des personnes, des
communautés locales et régionales, de l'ensemble de la
collectivité, dont le développement harmonieux ou boiteux fait le
succès ou l'échec de l'entreprise éducative. À
quelque niveau qu'on le considère, le système scolaire nous
renvoie toujours à ce dynamisme fondamental des personnes. Cette
démarche sans cesse relancée qui conduit vers l'acquisition des
compétences et, à travers elles, vers le développement
intégral de leur potentialité, voire de leur soif de savoir,
d'aimer, et de vivre. Il nous renvoie ainsi vers les sujets de cette
démarche, l'enfant, l'adolescent, l'adulte en processus d'apprentissage
et de développement engagé dans une relation
privilégiée avec des hommes et des femmes spécialement
voués à cette grande tâche.
Pour un ministre et un ministère de l'Éducation, viser cet
essentiel c'est assurément sans cesse le rappeler à l'attention
de tous, le dire, le nommer s'il est vrai qu'on ne s'approprie bien que ce que
l'on réussi à dire et à nommer. Au commencement
était le verbe, n'est-ce pas? mais c'est surtout, ou mieux en même
temps, dans l'enchaînement des décisions quotidiennes, essayer de
faire du système scolaire et de chacun de ses éléments un
environnement de plus en plus propice à l'épanouissement et au
succès des démarches d'apprentissage. Cet environnement
éducatif, nous le savons tous d'expérience, est
déterminant pour la réalisation de nos cheminements personnels,
car nous n'apprenons jamais que nous ne soyons en relation avec un
environnement, une altérité qui devient justement nôtre
dans l'acte d'apprendre.
Cette altérité, cet environnement éducatif, ce sont
d'abord des personnes avec lesquelles nous arrivons à nouer des
relations pédagogiques positives, c'est-à-dire des relations qui
aiguisent la soif d'apprendre et indiquent, montrent, comme savent le faire les
vrais maîtres, des objets de connaissance à assimiler, et
grâce auxquelles grandir soi-même; c'est autour de cette relation
pédagogique que se joue la qualité du système scolaire.
C'est par la médiation de cette relation que tous les services du
système scolaire rejoignent les personnes en démarche
d'apprentissage. Le système scolaire tire même sa signification de
ce qui se passe chez les personnes qui apprennent et se développent avec
l'aide d'éducateurs compétents et conscients de leurs
responsabilités. Les uns et les autres sont engagés dans une
même aventure, celle exaltante du projet éducatif.
Le projet éducatif n'a rien d'un concept abstrait, d'une
idée floue ou fumeuse; il est bien plutôt, dans le quotidien de
l'établissement scolaire, l'utilisation de chaque moment, de chaque
ressource, de chaque activité, de chaque agent en fonction des besoins
et des objectifs d'apprentissage des usagers du système scolaire. Il y a
projet éducatif authentique lorsque tous les partenaires se sentent
solidairement responsables de définir, d'organiser, de réaliser
et d'évaluer les démarches d'apprentissage, lorsque, en
concertation, ils s'appliquent à identifier les besoins, à fixer
les priorités, à choisir les moyens, à les mettre en
oeuvre et à juger aussi bien de la démarche suivie que des
résultats obtenus. L'environnement éducatif doit servir ce projet
éducatif.
L'environnement éducatif, c'est aussi des régimes
pédagogiques à la fois stimulants et exigeants, des programmes
d'études riches et équilibrés, résolument
axés sur l'acquisition d'une solide formation de base et des
compétences professionnelles les plus poussées possible. C'est
également des pratiques pédagogiques, des instruments
didactiques, des modes d'organisation de la vie de tous les jours, des
attitudes aussi qui permettent qu'il fasse bon d'apprendre ou qui
émoussent jusqu'au goût d'apprendre.
L'environnement éducatif, c'est encore des ressources
équitablement réparties, des pouvoirs et des
responsabilités exercés en esprit de collaboration et de
concertation, des structures institutionnelles qui soient elles-mêmes au
service de l'acte d'apprendre. Chacun sait que les intentions et les objectifs
les plus nobles tournent parfois court, faute d'avoir pu inspirer les
structures et les moyens mis en place pour les atteindre. Améliorer les
aménagements, c'est être au service de l'acte d'apprendre.
L'environnement éducatif, c'est aussi l'enracinement
socio-communautaire des établissements scolaires, leur ouverture aux
réalités culturelles, sociales, économiques et politiques
des communautés qui les
soutiennent, les animent et leur expriment sans cesse leurs besoins et
leurs aspirations. Pour être vraiment éducatifs, l'école,
le collège, l'université doivent être des instruments de
développement des communautés, des lieux de rassemblement et de
ressourcement, des "foyers de culture", des "lieux de convergence" de la
culture. Des ferments d'éducation permanente aussi - et, par là,
des instruments de démocratisation et d'égalisation des chances -
dans la mesure où jeunes et moins jeunes peuvent y trouver une occasion
sans cesse renouvelée d'apprendre et de se développer. Il n'y a
pas de "cité éducative" possible, si les établissements
scolaires ne sont pas eux-mêmes pleinement éducatifs pour tous
ceux qui, d'une manière ou d'une autre, participent à leur
vie.
L'école - et entendons ici aussi bien le collège et
l'université - qu'il nous faut bâtir ensemble comme un des pivots
de cette cité éducative est une école qui sera de part en
part éducative, humaine, personnalisée, façonnée
selon les valeurs et les aspirations de ses usagers, de ses agents et de sa
communauté d'appartenance, une école qui soit en même temps
reflet de ce que nous sommes et invitation à devenir ce que nous voulons
être, une école responsable de son projet éducatif, ouverte
et accueillante aux besoins, lieu de maturation où il soit possible
d'aimer ce qu'on apprend à connaître et ainsi de le mieux
connaître.
Essayer d'aménager ainsi l'école en un environnement
éducatif plus fécond et plus centré sur la relation
pédagogique, c'est opter pour la qualité. La qualité est
devenue une sorte de leitmotiv chez ceux qui se préoccupent
d'éducation, comme chez tous les contribuables, d'ailleurs. Tout le
monde en parle, parce que tout le monde exprime ainsi une attente et une
volonté dont tous perçoivent le bien-fondé et
l'opportunité. L'identification des critères de la qualité
elle-même ne peut sans doute guère échapper à un
débat philosophique sur les finalités de l'éducation; mais
l'accord se fait généralement assez rapidement sur les conditions
qui, certaines plus que d'autres, permettent et favorisent une relation
éducative de qualité. Tout le monde semble ainsi s'accorder
à reconnaître que, en valorisant l'école, ses agents et son
projet éducatif, on met vraiment l'accent sur la condition essentielle
de la qualité du système scolaire: un milieu centré sur
les enjeux éducatifs, animé par des agents solidairement
responsables de leurs objectifs, de leurs moyens d'action et de leurs
résultats.
Comme chacun le sait, l'éducation est en quelque sorte
"atmosphérique"; elle est largement affaire de climat. D'où
l'importance capitale de communautés éducatives conscientes de
leur mission, responsables de leurs décisions, ouvertes à
l'innovation et à l'autocritique; l'importance aussi capitale de
communautés éducatives dont les partenaires sont
profondément motivés et collaborent dans un esprit de respect et
d'estime réciproques. Travailler à susciter, à
développer et à maintenir de tels milieux, c'est travailler
à humaniser l'école, à en faire tout le contraire d'une
boîte à cours ou d'une entreprise bureaucratique où les
agents répètent machinalement les mêmes gestes routiniers
et tuent leur goût de vivre à force de tuer le temps. Un
environnement éducatif de qualité suppose une prise en charge par
l'ensemble des partenaires et une appropriation commune des objectifs, des
moyens d'action et des résultats. Il exige que chacun soit reconnu,
accepté et promu dans son rôle propre et que les divergences
soient discutées avec "fair play". Par-dessus tout, il repose sur une
perception partagée du projet éducatif et des visées qui
lui donnent corps.
Travailler à l'amélioration de tout l'environnement
éducatif, c'est aborder le problème de la qualité à
sa source môme, si l'on peut dire. Non pas par quelque critère
abstrait applicable aux processus d'apprentissage ou à leur produit,
mais plutôt par la mise en valeur du terreau quotidien où se
forment et se vivent les projets éducatifs. C'est poursuivre un objectif
singulièrement intégrateur de l'ensemble des
réalités que la plupart des gens évoquent quand ils
parlent de qualité de l'éducation, comme aussi lorsqu'ils parlent
de retour à l'essentiel. C'est, jour après jour, à la
manière du cheminement éducatif en quoi consiste la culture
elle-même, franchir des pas vers une démocratie culturelle qui
soit vraiment participation aux biens culturels et à la création
même de ces biens. Telle est, en dernière instance, la
visée fondamentale que je poursuis.
De la maternelle à l'université: des chantiers
convergents. Cette volonté d'aménager le système scolaire
à la manière d'un environnement éducatif favorable
à l'acte d'apprendre, nous l'avons systématiquement poursuivie au
cours de 1981-1982 à travers l'ensemble des chantiers dont j'avais
annoncé l'ouverture, la relance ou la continuation. Je veux maintenant
passer brièvement ces chantiers en revue pour rappeler ce qui y a
été fait au cours de l'année qui s'achève et pour
indiquer les pas que je me propose de franchir en 1982-1983. (10 h 30)
Les réseaux de l'éducation préscolaire et de
l'enseignement primaire et secondaire ont été, au cours de
l'année 1981-1982, un terrain d'intense activité. Les milieux
scolaires ont continué de se familiariser avec les nouveaux
régimes pédagogiques et en ont résolument entrepris
l'implantation progressive. Ces régimes pédagogiques, comme vous
le savez, constituent les pièces centrales de tout le renouveau
pédagogique
amorcé avec l'école québécoise. Ils visent
la consolidation et l'amélioration des services publics
d'éducation, notamment en proposant une répartition des
matières d'enseignement plus nettement orientée vers
l'acquisition d'une formation de base plus riche et plus
équilibrée, en précisant de nouveaux équilibres
à respecter entre cours obligatoires et cours à option, en
définissant l'esprit et la facture générale de nouveaux
programmes destinés à remplacer les programmes-cadres
jugés insuffisamment précis, en consacrant l'usage d'un guide
pédagogique pour chaque programme et d'un manuel pour chaque
matière d'enseignement.
Ces nouveaux programmes sont pratiquement tous prêts et la
préparation des guides pédagogiques est également
très avancée. La politique d'évaluation pédagogique
qui découle de ce régime est également en bonne voie
d'appropriation et d'implantation. De plus, les services personnels aux
élèves ont fait l'objet de réflexion des milieux scolaires
et un ensemble d'orientations et de mesures sera sous peu rendu public. Des
propositions relatives aux services complémentaires seront
également bientôt soumises à la consultation. Il y a
là autant d'éléments d'un environnement qui, dans la vie
quotidienne de l'école, conditionne la qualité et la
possibilité même d'un vrai projet éducatif.
Au cours de l'année 1981-1982, on a aussi beaucoup parlé
de réforme des structures scolaires. Non sans raison, d'ailleurs,
puisque le ministère et moi-même y avons investi d'importantes
énergies. La proposition que je compte faire à la population
à ce sujet approche même de sa forme définitive et est
actuellement à l'étude au Conseil des ministres.
Ce projet de réforme scolaire s'inscrit directement dans la
foulée de ce que nous avons entrepris avec L'École
québécoise et les régimes pédagogiques, de
même qu'avec les diverses opérations qui en découlent. En
fait, c'est une sorte de phase II de L'École québécoise
qu'il propose de réaliser, comme moyen de rendre pleinement possible la
mise en oeuvre des projets éducatifs et d'assurer le renouveau
pédagogique préconisé. Tout se passe, en effet, comme si
les mesures d'amélioration et de redressement des contenus et des
pratiques d'apprentissage souhaitées par la majorité des gens
risquaient de ne pas pouvoir donner les résultats attendus, à
cause de contraintes qui tiennent au partage des responsabilités et aux
structures de décision et de fonctionnement. Ainsi, l'implantation du
renouveau L'École québécoise ramène
d'elle-même à l'attention collective la question des structures de
notre système d'écoles primaires et secondaires. Tout donne
même à penser que ce renouveau est difficilement
réalisable, voire menacé, en raison d'un aménagement des
pouvoirs et de structures qui ne laisse pas à l'école une marge
de manoeuvre suffisante. Les maigres pouvoirs de l'école sont vite
récupérés par les technocraties du ministère, aussi
bien que par celles des commissions scolaires et des syndicats. D'où ce
sentiment d'impuissance fréquemment éprouvé au niveau de
l'école, là où se joue pourtant l'essentiel de
l'activité éducative et où se vit la qualité de la
pédagogie et des apprentissages.
Le projet de restructuration en voie de préparation vise le
réaménagement d'éléments fondamentaux de
l'environnement éducatif. Il veut redonner l'école à son
milieu d'appartenance et en faire le véritable pivot du système
scolaire. Il veut favoriser la prise en charge du projet éducatif par la
communauté scolaire, élargir les marges d'autonomie de
l'école, accroître sa stabilité ainsi que sa
capacité d'assumer la responsabilité de ses orientations et de sa
vie quotidienne. Toutes des composantes de cela même qui conditionne la
qualité de l'acte d'apprendre et de son environnement. Ce projet
constituera un chantier prioritaire au cours de 1982-1983: présentation
à la population, discussion publique, dépôt et adoption
d'un projet de loi, premières implantations en . marqueront les grandes
étapes.
Dans le réseau de l'enseignement collégial, c'est à
l'implantation des mesures annoncées dans Les Collèges du
Québec que les principaux efforts ont été consacrés
cette année. Accroissement de l'accessibilité aux études
collégiales, en particulier pour les diplômés de
l'enseignement secondaire professionnel, développement des programmes
d'enseignement professionnel, élaboration des conditions de
création de centres spécialisés d'enseignement
professionnel, révision de programmes actuels de formation
générale et professionnelle, soutien à
l'expérimentation et à l'innovation pédagogiques,
production de plus d'une vingtaine de guides pédagogiques,
élaboration d'orientations relatives aux services aux étudiants
et aux affaires étudiantes, rationalisation de la gestion des
établissements, perfectionnement du personnel des collèges, mise
en oeuvre des dispositions de la politique de développement culturel et
des recommandations du Conseil du statut de la femme: voilà autant de
champs où des pas ont été franchis, tous orientés
vers l'aménagement d'environnements éducatifs mis au service de
l'acte d'apprendre.
Mesure intégratrice s'il est est une, le projet de
règlement des études collégiales a fait, au cours de
l'année 1981-1982, l'objet d'une vaste consultation de l'ensemble des
partenaires. Il en est ressorti amélioré, davantage
enraciné dans les besoins vécus des étudiants et des
agents de la vie quotidienne des collèges. Le libellé que je
compte soumettre bientôt au Conseil des collèges et aux
partenaires du réseau
collégial, puis au Conseil des ministres, est pratiquement
arrêté. Conçu pour consacrer les traits spécifiques
de l'enseignement collégial, pour consolider l'unité, la
cohérence et la stabilité de ce réseau qui nous est
propre, pour servir de base solide à l'octroi des diplômes
d'État, pour garantir les droits pédagogiques des
étudiants, ce règlement devrait marquer, en même temps que
la fin d'une étape, un nouveau départ pour le
développement novateur de nos collèges. Ce règlement
consacrera les objectifs visés par la création du niveau
collégial, notamment ceux qui portent sur l'accès aux
études collégiales et sur le principe toujours actuel de la
polyvalence. Il fera de la formation fondamentale le principe
intégrateur des programmes d'études, confirmera l'importance
qu'il attache à la mission éducative des collèges au sein
de la collectivité, consacrera le droit des étudiants à
une formation de qualité. Il établira aussi avec netteté
la possibilité pour les collèges de procéder aux
innovations et aux expérimentations susceptibles de leur permettre de
répondre aux exigences sans cesse changeantes des régions du
Québec. À n'en pas douter, ce régime pédagogique
marquera un pas important dans notre entreprise collective
d'amélioration de l'environnement éducatif offert aux
étudiants et aux étudiantes des collèges.
L'année 1982-1983 sera donc marquée par la mise au point
de ce nouveau régime pédagogique et par l'implantation d'un
certain nombre de mesures qui en découlent: révision des
programmes d'enseignement du français et de philosophie, implantation
des nouveaux cours d'économie, d'histoire et institutions du
Québec, création de centres spécialisés, production
de matériel didactique, soutien à l'innovation
pédagogique. Ainsi, étape par étape, nous continuerons de
poursuivre nos objectifs de qualité des apprentissages,
d'amélioration de la pédagogie, d'insertion culturelle et
socio-communautaire, de contribution au développement économique
régional: tout cela qui, au collégial, doit constituer des
éléments déterminants de l'environnement éducatif
et qu'il importe, là aussi, de mettre au service de l'acte
d'apprendre.
Le réseau des établissements universitaires a poursuivi,
au cours de 1981-1982, la démarche d'approfondissement, de
rationalisation et de concertation à laquelle je l'avais convié
il y a une quinzaine de mois. Dans le prolongement du discours programme que
j'ai prononcé en février 1981, j'ai tenu, au cours de l'automne
dernier, les ateliers que j'avais annoncés. Le processus n'a pas
été sans difficulté, ni sans incident de parcours. Mais il
aura permis aux principaux partenaires (administrateurs, professeurs,
étudiants, ministère) de prendre acte des grandes questions qui
sollicitent actuellement les universités et d'explorer les moyens d'y
répondre le plus efficacement possible, dans le respect de l'autonomie
des établissements aussi bien que des enjeux collectifs qui y sont
impliqués.
Des éléments importants d'une politique des
universités ont donc commencé d'être mis en oeuvre au cours
des derniers mois, notamment en matière de financement, de coordination,
de concertation et de promotion de l'accessibilité, cet objectif
toujours impérieux pour le Québec. C'est ainsi que, dans les
limites d'une enveloppe budgétaire encore très serrée pour
la prochaine année, les subventions aux universités tiendront
compte du même taux d'indexation que les subventions aux autres
réseaux. Avec les administrateurs universitaires, nous avons aussi
discuté d'un mode de financement des clientèles additionnelles
qui favoriserait un meilleur partage de l'effort d'accessibilité entre
les établissements et constituerait une forme d'incitation à
l'accueil de nouveaux étudiants. Le Conseil des universités
prépare actuellement un avis sur cette question. Nous avons aussi
discuté d'une formule de répartition des ressources qui
permettrait d'opérer un réajustement des bases de financement et
sur laquelle le Conseil des universités sera consulté au cours de
l'automne. Toutes ces mesures posent les jalons d'une refonte en profondeur des
méthodes actuelles de financement des universités que nous
comptons mettre au point en concertation avec les universités.
On a également entrepris la mise en place de systèmes
d'information mieux accordés aux besoins des divers partenaires et plus
propices à une gestion concertée et transparente du réseau
des universités. Avec les établissements de la région de
Montréal, une démarche de concertation a aussi été
solidement amorcée, qui vise l'utilisation plus rationnelle des
ressources disponibles, voire une certaine mise en commun; en ce qui a trait
aux services et aux mécanismes d'admission, les travaux entrepris
devraient même permettre d'atteindre les premiers résultats pour
la prochaine rentrée. Enfin, les impératifs
généraux de coordination et de concertation de l'ensemble du
réseau m'ont conduit à confirmer et à préciser
récemment devant le Conseil des universités les rôles et
les responsabilités des divers partenaires. J'ai alors confié au
Conseil des universités d'importants mandats d'évaluation des
programmes d'enseignement et de recherche dont les résultats
éclaireront les décisions du ministère concernant le
développement rationnel du réseau.
Ces travaux ont été menés jour après jour,
semaine après semaine, avec une volonté maintes fois
exprimée d'assurer un développement de nos universités qui
tienne compte des capacités financières limitées de
l'État, mais ne sacrifie en rien nos grands
objectifs de qualité et d'accessibilité. Je puis dire que
les universités collaborent étroitement à ce projet;
j'oserais même avancer qu'elles ont vraiment décidé de
faire plus avec moins. Nous poursuivrons ces travaux en 1982-1983, avec la
même ténacité et la même volonté de dialogue.
Chacun de ces travaux s'inscrit comme un élément dans un ensemble
dont j'ai déjà exprimé le dessein en toute clarté
et qui, comme aux autres niveaux d'enseignement, vise la constitution de
milieux d'étude et de recherche de haute qualité, voués
sans équivoque au déploiement de l'acte d'apprendre et au service
des personnes et des communautés qui en attendent les retombées.
Je me propose, d'ailleurs, de faire bientôt publiquement le point sur cet
important dossier de notre politique des universités.
En éducation des adultes, l'année 1981-1982, une
année de coupures budgétaires particulièrement
pénibles dans ce secteur, aura été une année
d'approfondissement et de maturation dont les effets sont loin d'être
tous négatifs. Les programmes ont été
réexaminés, émondés, recentrés sur des
objectifs éducatifs plus précis et plus sélectifs; leur
administration s'est aussi faite plus rigoureuse. De manière
générale, l'essentiel des activités de formation a pu
être maintenu et tout indique que le projet socioculturel majeur que
constitue l'éducation des adultes en sort indemne et même
conforté dans ses dynamismes et ses visées de fond.
C'est dans ce contexte de remise en question qu'a été
déposé le rapport de la commission d'étude sur la
formation des adultes. Ce volumineux rapport, qui interpelle avec vigueur notre
système scolaire et l'ensemble de notre société, fait
actuellement l'objet d'une étude attentive dans les plus hautes
instances gouvernementales. Au ministère même, nous sommes
à nous approprier cet important document et nous explorons les moyens
d'y donner la meilleure suite possible dans nos programmes d'action. D'ores et
déjà, je puis affirmer que la trame de fond du rapport suscite
chez nous des connivences culturelles et pédagogiques profondes. Plus
encore, dans plusieurs de ces suggestions particulières, la commission
évoque des actions dont nous étudiions déjà la mise
en oeuvre ou même que nous avions déjà amorcées; je
pense ici, par exemple, à la reconnaissance des acquis, à
l'alphabétisation, à la formation à distance et, plus
globalement, aux principes et aux exigences d'une authentique formation de
base. (10 h 45)
L'année qui vient sera déterminante pour les suites qu'il
convient de donner au rapport. Je m'y emploierai moi-même avec mes
collègues du comité ministériel spécialement
formé à cette fin. J'ai aussi demandé à mon
ministère de tout mettre en oeuvre pour activer nos propres projets qui
trouvent dans le rapport de la commission des échos de convergence et
des confirmations - et ce n'est assurément pas peu de choses, puisque,
jusque dans son titre même, le rapport est lui aussi centré sur
l'acte d'apprendre et son environnement.
En formation professionnelle, les travaux que j'avais commandés
en vue d'élaborer une politique d'ensemble ont franchi, en 1981-1982 des
étapes décisives. Profitant des éclairages
simultanés et convergents de l'expérience d'implantation du
régime pédagogique du secondaire, des avis reçus sur le
projet de règlement des études collégiales et du rapport
de la commission Jean, je serai en mesure de présenter sous peu - en
fait, dans quelques jours - des propositions de relance et de renouveau
concernant la formation professionnelle offerte aux jeunes dans les
établissements de niveaux secondaire et collégial. Au cours des
prochains mois, les milieux intéressés auront l'occasion de
discuter ces propositions et de faire des suggestions. Après quoi, je
compte adopter les mesures qui conviennent.
Quant au dossier de la formation professionnelle des adultes, un dossier
dont les enjeux culturels, sociaux et économiques apparaissent
aujourd'hui avec une acuité toute particulière, c'est de concert
avec mes collègues du Travail, de l'Immigration et des Affaires
intergouvernementales que je collabore activement à la formulation d'une
position gouvernementale québécoise qui servira de base à
nos pourparlers avec le gouvernement fédéral. Ce qu'il nous faut
y sauvegarder en priorité, c'est que la participation
fédérale s'inscrive harmonieusement dans les priorités
québécoises de développement économique, social et
culturel. La formation professionnelle des adultes est trop intimement
liée à l'ensemble de notre entreprise éducative et de nos
compétences en matière de main-d'oeuvre et de
développement économique pour que sa maîtrise d'oeuvre ne
puisse pas être assurée par le Québec.
Dans le projet des individus comme dans celui de l'ensemble de la
collectivité, l'acquisition des compétences professionnelles
constitue une tâche de première importance, déterminante
pour l'avenir. C'est pourquoi il faut en faire, avec tout ce que cela comporte
d'exigences d'approfondissement, un authentique acte d'apprendre, porteur de
progrès et développement intégral des personnes en
fonction duquel un environnement éducatif adéquat doit être
aménagé.
La vie étudiante continue d'être pour moi une
préoccupation. Tout au long de l'année, le ministère a
poursuivi sa réflexion
et intensifié son rapprochement avec les milieux
étudiants. Moi-même, j'ai tenu à avoir des contacts
réguliers avec des étudiants, trouvant chez eux, en même
temps que le questionnement de l'avenir, le rappel vivant - encombrant,
devrions-nous espérer -de ce pour quoi tournent toutes les machines
administratives du monde de l'éducation. Les ateliers universitaires de
l'automne ont d'ailleurs démontré sans équivoque tout ce
que la voix des étudiants peut apporter à nos analyses et
à nos entreprises.
La définition de nos orientations en matière de services
personnels et complémentaires à offrir aux étudiants, le
dossier de la reconnaissance des associations étudiantes, la promotion
des droits des étudiants sont autant de chantiers qui ont franchi cette
année des étapes importantes d'approfondissement. C'est pour
assurer la cohérence de ses actions en ce domaine que le
ministère a récemment créé une mission des affaires
étudiantes. Nous sommes également à mettre la
dernière main à la formulation de ce qui pourra constituer une
politique ministérielle de vie étudiante, disant en clair nos
objectifs et nos moyens d'action en cette matière.
L'importance d'un tel dossier se passe de tout commentaire: les
étudiants ne sont-ils pas ultimement la raison d'être d'un
système d'éducation, les sujets irréductibles de l'acte
d'apprendre? Surtout en ces temps où la vie se fait très dure
pour beaucoup d'entre eux, les étudiants doivent habiter l'ensemble de
nos projets, sans que nous ne puissions, cependant, et sans qu'ils ne puissent
eux-mêmes oublier la masse de ceux et celles qui, à
l'extérieur du système scolaire et souvent pourvus d'une
préparation scolaire et professionnelle insuffisante, se
débattent avec difficulté dans la crise économique
actuelle. Cet horizon plus vaste et plus réel, nous en tiendrons de plus
en plus compte dans nos interventions auprès des étudiants.
Pour l'ensemble des chantiers auxquels nous travaillons, la formation et
le perfectionnement des maîtres constituent une sorte de plaque
tournante. Nous le savons pour ainsi dire d'instinct: les maîtres sont
les partenaires majeurs et irremplaçables de l'acte d'apprendre, en tout
cas les éléments les plus déterminants de tous les
environnements éducatifs. C'est donc sans hésitation qu'il faut
voir dans leur formation et leur perfectionnement une sorte de condition de
toute adhésion à l'essentiel en éducation.
C'est un dossier qui, au Québec comme ailleurs, est un dossier
difficile. La baisse des clientèles scolaires, la stabilisation des
effectifs, la diminution des taux d'entrée dans la profession, les
dispositions des conventions collectives sont autant d'éléments
qui limitent singulièrement les marges de manoeuvre en cette
matière et qui expliquent qu'on ne progresse pas ici avec toute la
célérité que nous souhaiterions. Nous y travaillons
cependant avec détermination, je puis vous l'assurer.
Ainsi, à la suite du rapport de la Commission d'étude sur
les universités et dans la foulée de L'École
québécoise et des régimes pédagogiques qui en sont
issus, j'ai formulé, dès mars 1981, les éléments
d'une politique d'ensemble et indiqué mon propos de poursuivre
l'élaboration d'une politique à caractère plus complet, en
relançant la discussion sur les aménagements et les pratiques,
à la faveur d'un dialogue direct avec les intervenants
concernés.
Cette autre étape d'élaboration est actuellement en cours
et porte, en particulier, sur le brevet d'enseignement, la probation, le cadre
général de la formation des maîtres du secondaire, la
formation pratique et le perfectionnement. Nous nous employons à
formuler des hypothèses qui tiennent compte des perspectives
exprimées par la commission Jean, comme aussi de celles qui
découlent du projet de règlement des études
collégiales et des propositions que je ferai sous peu sur la formation
professionnelle des jeunes. Nous attendons aussi les études et les
recommandations que doivent compléter prochainement l'Office des
professions et le Conseil des universités sur la formation
professionnelle à l'université. C'est au centre de convergence de
toutes ces démarches que je souhaite pouvoir, dès que la chose
sera possible, formuler des propositions d'amélioration et de
relance.
Pas plus en ce dossier qu'en d'autres, nous n'avons de solution miracle.
Mais, tout spécialement dans celui-ci, nous souhaitons pouvoir aller
à l'essentiel. Car les maîtres sont au coeur de tout notre projet
de qualité et d'approfondissement de l'acte pédagogique.
Le dossier de la recherche a franchi des pas importants en 1981-1982.
Dans les perspectives mises de l'avant par l'énoncé de politique
gouvernementale Un projet collectif, j'ai récemment lancé la
première tranche de notre politique ministérielle de recherche,
portant sur ce qu'on peut appeler le cadre organisationnel de la recherche au
ministère. Cet énoncé définit les objectifs, les
lieux de responsabilité et les mécanismes de coordination qui
président à la gestion de ce dossier essentiel à la vie du
ministère et de nos réseaux. On y traite de la recherche
réalisée en vue de soutenir l'action politique et administrative
du ministère, de la recherche orientée vers le
développement des réseaux d'enseignement, du soutien à la
mission de recherche dans les universités et les collèges, du
soutien au développement de la recherche en éducation. On y
précise et consolide ainsi l'action du ministère en ce
domaine.
Dans ces temps de difficultés et
d'inquiétudes que nous traversons et au moment où nous
voulons procéder à des aménagements des environnements
éducatifs vraiment centrés sur l'acte d'apprendre et sur les
personnes qui le vivent, la fonction recherche revêt une importance toute
particulière. Aujourd'hui moins que jamais il n'est question de
sacrifier la recherche au profit de quelque urgence immédiate. Pour
discerner l'essentiel et pour travailler chaque jour à en inspirer
l'ensemble du système scolaire, nous avons besoin de cette quête
méthodique et patiente d'une connaissance de plus en plus exacte de la
réalité. C'est par cet acte d'apprendre, nécessaire s'il
en est un, qu'il nous fait éclairer nos décisions d'orientation
et de gestion, ici même au ministère et dans l'ensemble des
réseaux d'enseignement. À cet égard, il n'est d'ailleurs
pas sans signification que le ministère se soit engagé dans des
actions de diffusion des données de recherche en éducation, comme
en fait foi la banque EDUQ, dont j'ai aussi récemment lancé le
premier numéro imprimé.
En 1982-1983 ces travaux se poursuivront. Ainsi, je compte
énoncer des orientations et annoncer des mesures pour le
développement de la recherche universitaire, y compris les principes qui
doivent guider les "actions structurantes" que, selon la politique
gouvernementale de recherche, le ministère a la charge d'entreprendre et
de soutenir. Je ferai de même en ce qui a trait à la recherche
dans les collèges. Les deux dossiers progressent à bon
rythme.
Enfin, je déposerai à l'Assemblée nationale un
projet de loi créant la Fondation FCAC. Le fonds FCAC a
déjà expérimenté une forme plus marquée
d'autonomie administrative et il convient de la consacrer par voie
législative. Cette arrivée à maturité de cet
important mécanisme de subvention à la recherche permettra d'en
accroître la visibilité et la transparence, tout en maintenant les
liaisons organiques qui s'imposent entre le subventionnement de la recherche,
le développement des réseaux d'enseignement et la formation des
ressources humaines.
Enfin, l'administration interne du ministère est aussi
directement conviée à participer, en l'incarnant elle-même
dans son quotidien, à cette même quête de l'essentiel.
Rationalisation de la gestion, croissance de la productivité,
coordination et concertation entre les diverses unités associent
actuellement le ministère - de l'intérieur, pour ainsi dire - aux
efforts demandés à l'ensemble des réseaux
d'enseignement.
Plus près encore de cet essentiel que nous poursuivons, le
ministère est à revoir les modes de gestion de son propre
personnel, ses règles de communication interne, les mécanismes
par lesquels il associe son personnel à l'élaboration et à
la gestion de ses programmes d'action. À sa manière, un
ministère de l'Éducation se doit d'être lui-même un
environnement éducatif de qualité, permettant aussi
l'éclosion permanente de l'acte d'apprendre. Ainsi seulement peut-il, en
toute ouverture, travailler à l'amélioration de l'environnement
éducatif de l'ensemble des réseaux d'enseignement.
En 1981-1982, la formation, à même les unités
existantes, d'un nouveau secteur de l'administration a permis de lancer ces
opérations sur des bases plus claires et plus solides. Je me
réjouis de cette décision dont les fruits sont chaque jour plus
sensibles. En 1982-1983, je souhaite engager le ministère dans une
démarche encore plus incisive de réflexion et de recentration sur
sa mission proprement éducative. Dans l'esprit des questions et des
propositions que nous soumettons à l'ensemble de nos partenaires des
réseaux, il me paraît nécessaire que nous cherchions aussi
les moyens, dussent-ils être éventuellement assez radicaux, de
délester le ministère de certaines fonctions accessoires, de
poursuivre sa dynamique de décentralisation, d'accentuer ses
mécanismes de concertation et de coordination, de l'organiser
très nettement en fonction de sa mission propre, de le convier lui aussi
à faire plus avec moins. Je compte activer résolument ce dossier
au cours de la prochaine année.
Les chantiers sont nombreux, encore que j'aie dû me limiter aux
plus intégrateurs et aux plus engageants. Ce que j'ai voulu mettre en
lumière, par-delà les informations que je me dois de communiquer
à cette commission ou, mieux, comme l'élément le plus
important de ces informations mêmes, c'est la convergence fondamentale de
tous ces travaux. Ceux-ci sont autant de pas quotidiennement franchis dans une
direction, toujours la même, c'est-à-dire la promotion de l'acte
d'apprendre et l'amélioration de son environnement.
Une conjoncture difficile: des obstacles à transformer en
instruments de progrès. Dans mon dernier message des fêtes, j'ai
dû formuler des voeux sans avoir de cadeaux à offrir. Je n'en ai
pas davantage au seuil de cette nouvelle année budgétaire. Les
temps sont difficiles, je n'apprends rien à personne.
Difficultés financières, d'abord, que tous les partenaires
des réseaux de l'éducation connaissent aussi bien que moi et dont
ils ont dû assumer les effets et les contraintes. L'état des
finances publiques n'est pas plus exaltant aujourd'hui et c'est dans
l'austérité que nous entreprenons cette autre année.
Difficultés politiques et constitutionnelles aussi. Le
Québec est encore à se remettre, péniblement, mais
courageusement, de l'offensive sans précédent du gouvernement
fédéral contre les pouvoirs
de l'Assemblée nationale et les droits du peuple
québécois lui-même. Et cela, dans des domaines comme la
langue d'enseignement, qui touchent de plein fouet la mission éducative
et culturelle. À quoi s'ajoute l'offensive non moins massive que
traduisent les propositions relatives aux accords fiscaux, lesquels concernent
directement des champs de compétence aussi déterminants que
l'enseignement postsecondaire et la formation des adultes.
Tiraillements sociaux, enfin, comme il arrive dans les périodes
de crise économique et politique. Les inégalités
s'accentuent, les rapports se tendent, les intérêts se durcissent,
la morosité menace de s'installer. Dans les réseaux de
l'éducation, la négociation des conventions collectives
entraînera peut-être son cortège de tensions et de
confrontations. Et nul ne peut certifier à l'avance que l'environnement
éducatif, voire l'acte même d'apprendre, n'en subiront pas quelque
soubresaut.
Tel sera le contexte de notre action en 1982-1983. Tel sera le pays
réel dans lequel il nous faudra continuer de poursuivre l'essentiel.
Sans fanfare ni prétention, vous devinez bien. Mais avec courage,
lucidité, cohérence, obstination, comme il convient à des
partenaires qui ne se racontent pas d'histoires, mais qui ont assez le sens de
l'histoire pour protéger les acquis et, contre vents et marées,
s'appliquer à garder l'avenir ouvert. Et l'avenir de l'éducation
est assurément ouvert, quand, dans des milliers d'endroits sur
l'ensemble du territoire, dans le quotidien des salles de cours, des
laboratoires, des bureaux ou des médiathèques, des personnes
apprennent et s'approprient des connaissances et trouvent de la joie à
le faire. Cela, nous devons le maintenir et le développer à tout
prix.
L'évocation de telles zones plus illuminées n'est
d'ailleurs pas simple artifice de rhétorique. Je pense, en particulier,
aux taux de fréquentation scolaire et de passage aux niveaux
supérieurs d'enseignement. Des progrès sensibles ont
été réalisés tout récemment, et en
dépit des contraintes que vous savez. Selon des travaux en cours dans
nos services d'étude et de recherche, la situation, sans être
parfaite, s'améliore nettement. Ainsi, une génération de
100 personnes, qui connaîtrait au cours de sa vie les
phénomènes observés à chaque âge en 1981,
compterait 63 diplômés de l'enseignement secondaire
régulier, contre 54 selon les comportements observés en 1976. 8
autres obtiendraient un diplôme d'études secondaires dans le cadre
de l'éducation des adultes; il y en avait 5 en 1976. Dans cette
génération de 100 personnes, 45 s'inscrivent dans l'enseignement
collégial régulier à plein temps et 27 obtiennent un
diplôme - la prise en compte des durées variables de séjour
au collège nous amènerait même à des chiffres un peu
plus élevés. En 1976, on comptait 40 inscrits et 23
diplômés. Dans la même génération de 100
personnes, environ 30 accèdent à l'université, dont 19
à temps plein.
Ce n'est donc pas chimère que de parler du maintien de nos
objectifs d'accessibilité et de hausse du niveau général
de scolarisation. Les faits montrent que nous progressons en ce sens et nous
confirment dans notre volonté d'accroître le nombre de
diplômés du secondaire et les taux de fréquentation de
l'enseignement collégial et universitaire. Les efforts collectifs du
Québec portent donc leurs fruits et ce n'est pas sans résultat
que le Québec a consacré à l'éducation une part
aussi importante de son produit intérieur brut, 7,5% en 1979-1980,
comparativement à 5,6% pour l'Ontario.
J'ai la conviction que les difficultés que nous traversons ne
comportent pas que des inconvénients. Non pas que je veuille ici en
sous-estimer le poids. Mais j'ai toujours pensé que les obstacles
peuvent être transformés en tremplins d'approfondissement et de
progrès, pourvu que nous sachions en assumer les dynamismes de vie et de
relance. Aussi, en revenant sur l'année qui s'achève, j'ai
plaisir à noter que, partout dans les milieux d'éducation du
Québec, l'heure est effectivement à la réflexion, au
discernement de l'essentiel, à la réorientation, à la
maturation, à la concertation aussi. Je continue d'être convaincu
que nous pourrons, ensemble, passer au travers et sans que nous ayons à
y sacrifier quoi que ce soit de nos grands objectifs éducatifs et
culturels. L'examen détaillé des crédits que je
dépose aujourd'hui révèle, me semble-t-il, qu'il est
possible, avec les ressources que la collectivité peut mettre à
notre disposition, de construire chaque jour davantage la cité
éducative que nous souhaitons et aménager des environnements
éducatifs de qualité au service de l'acte d'apprendre. Nous
devons et pouvons maintenir le cap. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, permettez-moi d'abord de dire
quelques mots sur la préparation de l'étude des crédits.
Nous avons eu accès au livre vert plus de 24 heures avant le
début de nos travaux. C'est déjà une amélioration.
J'en remercie le ministre, ses collègues et ses assistants. Autrefois,
nous l'avions, à peu près, la veille du début de
l'étude de nos crédits, nous n'avions pas le loisir d'en prendre
connaissance. C'est donc un précédent, mais il y a
inconvénient à permettre à
l'Opposition de lire les documents du ministre. C'est qu'on peut
maintenant se rendre compte du caractère irréel du message
ministériel. Et j'ai dit irréel pour être très
poli.
Ce document peut être divisé en deux parties:
premièrement, les faits, les chiffres et tableaux et,
deuxièmement, les bilans 1981-1982 et les orientations 1982-1983. Les
bilans sont tous positifs, le croirez-vous? Par exemple, à
l'enseignement collégial public, le ministre se félicite de
l'amélioration de l'accessibilité aux études
collégiales. Nous y reviendrons. Il se félicite du
développement de l'enseignement professionnel. Nous y reviendrons aussi.
À l'enseignement universitaire, l'asphyxie des universités
devient la rationalisation du financement. L'inaction dans la formation des
maîtres est pudiquement voilée sur la réflexion qui se
poursuit. La crise financière de l'UQAM, en quasi faillite, devient un
effort de générosité du gouvernement. Les coupures
scandaleuses du financement des bibliothèques universitaires sont
passées sous silence. Le vocabulaire du personnel politique a tout de
même des limites. À l'éducation des adultes, on nage dans
la fiction. Bilan 1981-1982, limite des impacts négatifs de compression
budgétaire. La diminution de 65% du volume d'activité, c'est
l'épuration de la liste des cours. Orientation 1982-1983: Faire la
même chose.
Pour les orientations 1982-1983, on retrouve ad nauseam les phrases
creuses et insipides suivantes: Améliorer les programmes, maintenir les
orientations, la plupart des orientations inscrites en 1981-1982 seront
maintenues, des accents particuliers seront mis, des efforts particuliers, etc.
Un projet énorme: la réforme scolaire reçoit un
paragraphe. Je vais vous le lire, M. le Président, et vous essaierez de
me dire, si vous pouvez le deviner, de quelle réforme parle le ministre.
Je cite: "Le secteur de l'enseignement primaire et secondaire complète
la réalisation des objectifs de L'École québécoise.
Dans la foulée - c'est la cinquième, je pense - de cet
énoncé de politique, il poursuit le développement du
réseau en initiant une réforme qui vise à faire de
l'école le pivot du système d'enseignement, et de la commission
scolaire, un lieu de planification, de coordination et de gestion des services
communs aux écoles de son territoire." Je poursuis la lecture, M. le
Président: "Cette réforme suppose une réaménagement
des pouvoirs, une réévaluation des territoires, de même
qu'une réorganisation politique et administrative des institutions
scolaires. Elle suppose, également, une refonte de la Loi sur
l'instruction publique et de la réglementation qui en découle.
Ces règlements touchent à la fois le régime
pédagogique, les conditions de travail du personnel de cadre et de
gérance, le régime financier et la gestion des biens, des
services et des archives." Je termine la citation, M. le Président: "De
plus, cette réforme exige la préparation de guides et
d'instruments qui en permettront la mise en place progressive." Fin de la
citation.
Pouvez-vous nous dire, M. le Président, de quoi aura l'air le
système scolaire, après? Je ne peux pas, c'est nébuleux,
c'est vague, opaque, ambigu et obscur. M. le Président, je vous laisse
l'initiative de décrire ce caractère irréel des
propositions du ministère et du ministre, dans son livre vert. Pas une
seule erreur en 1981-1982, ni de la part du ministre ni de la part des
réseaux. On a administré au-delà de 5 000 000 000 $, et
pas une erreur. Je suis convaincu, M. le ministre, que dans la profession que
vous exerciez avant d'entrer en politique, vous avez dû prodiguer vos
soins à plusieurs patients de ce genre qui affirmaient ne faire jamais
d'erreur. Je conserve précieusement le document du ministre. Il pourra
me servir plus tard pour démontrer aux Québécois que nous
avons un gouvernement malade.
Quant au discours, il s'inspire des mêmes sources et
mériterait un autre titre que Maintenir le cap. On pourrait plutôt
lui donner le titre La fuite dans l'imaginaire ou les visions d'un
ministre.
Ce qui est la réalité des choses au Québec, en
1982, dans le domaine de l'éducation, c'est un avenir bloqué. Un
petit retour en arrière servira, je l'espère, à comprendre
à quels problèmes fait face le gouvernement actuellement dans le
domaine de l'éducation. C'est dans le domaine de l'éducation plus
que dans tout autre que la révolution tranquille s'est
concrètement manifestée. Ce fut un effort collectif sans
précédent de la part d'une société
foncièrement rurale, centrée sur la famille, dominée par
l'Église, mais aussi de plus en plus industrialisée et urbaine.
Le Québec avait un besoin pressant d'être propulsé dans le
XXe siècle. Un secteur public diminué, un secteur privé en
plein essor qui constitue la voie privilégiée, sinon unique, pour
accéder à l'université. 76% des élèves du
secteur public sont au primaire. On en trouve seulement 280 000 au secondaire,
et encore sont-ils concentrés dans les deux ou trois premières
années, de la 8e à la 11e. Au secondaire privé:
académies, instituts commerciaux et familiaux etc. et dans les
collèges classiques, il y a 120 000 élèves.
Les carences fondamentales d'une telle structure étaient de deux
ordres: la non-accessibilité de l'éducation secondaire et
universitaire à toutes les couches de la société et,
surtout, le manque de diversité des disciplines, ce qui créait
une lacune sérieuse au niveau de la préparation pour le
marché du travail ou bien forçait les jeunes à aller
parfaire leur éducation à l'extérieur
du Québec dans plusieurs domaines, restreignant ainsi
l'égalité des éduqués devant le système
scolaire. Il existait aussi un manque d'équité; les commissions
scolaires étant à ce moment largement financées par la
taxe scolaire, celles des régions les plus riches étaient
beaucoup mieux munies que celles des régions les plus pauvres. Il est
facile d'imaginer les effets de cette situation sur les possibilités de
réussite scolaire.
L'importante contribution du Parti libéral du Québec
à l'essor de l'éducation au Québec. Presque tout reste
à faire, en 1960, au Québec dans le domaine de
l'éducation. Un adulte sur deux a moins de sept ans de scolarité.
Le secondaire, le collégial et, à plus forte raison,
l'université sont inaccessibles à la majorité de la
population. Qui veut s'instruire doit payer. Si l'on jette un coup d'oeil en
arrière, force est de constater que l'ampleur des changements a
été colossale: introduction généralisée des
maternelles publiques et du progrès continu à
l'élémentaire, "regénérescence" du curriculum
secondaire, création du secteur collégial, fondation de
l'Université du Québec, syndicalisation de la profession
d'enseignant, regroupement des commissions scolaires et institutions
légales des comités de parents, pour ne nommer que
ceux-là. La contribution du Parti libéral du Québec
à ces transformations de notre système éducatif est
importante, et, par conséquent, mérite d'être
rappelée à nouveau, ne serait-ce que brièvement.
Le 22 juin 1960, le Parti libéral, dirigé par M. Jean
Lesage, remportait la victoire à l'élection
générale tenue au Québec. D'importantes réformes
étaient inscrites au programme de notre formation politique à
cette époque, notamment dans le domaine de l'éducation. Le
principal objectif de ces projets était de garantir le libre
accès de l'école à tous les jeunes en âge de la
fréquenter. Dès son arrivée au pouvoir, le nouveau
gouvernement s'applique à réaliser graduellement ce programme.
Bien avant la réception du premier volume du rapport de la Commission
royale d'enquête sur l'enseignement dans la province, le gouvernement a
entrepris la réforme du système scolaire, soit par des
décisions administratives, soit par des lois adoptées avant la
création du ministère de l'Éducation, en 1964:
prolongation de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans,
gratuité des manuels scolaires, octroi du droit de vote aux parents aux
élections scolaires, jusque-là, seuls les propriétaires y
avaient droit, programme quinquennal de 175 000 000 $ pour le
développement universitaire, obligation pour les commissions scolaires
à dispenser l'enseignement secondaire, gratuité scolaire
jusqu'à la He année, accroissement du régime de bourses et
prêts gouvernementaux.
(11 h 15)
Au même moment, le gouvernement de M. Jean Lesage prenait l'une de
ses importantes décisions en créant une commission royale
d'enquête sur l'enseignement, la commission Parent. La commission Parent
a défini trois objectifs d'un système éducationnel
nouveau: donner à tous l'opportunité de s'instruire, fournir
à chacun le genre d'éducation le mieux approprié à
ses aptitudes et à ses intérêts, préparer l'individu
à la vie en société. Ces objectifs demeurent encore
très valables aujourd'hui. Aussi, il importe de les mettre en
lumière à la face d'un ministre de l'Éducation dont les
préoccupations actuelles concernent les bouleversements de structures,
à la face d'un ministre instigateur de certaines perturbations dans le
système scolaire actuellement.
En 1964, c'était la création du ministère de
l'Éducation et, au cours de la même année, le gouvernement
libéral lance l'opération 55 qui visait à implanter sur
l'ensemble du territoire québécois 55 commissions scolaires
régionales pour assurer la constitution d'un réseau
d'écoles secondaires publiques.
Inspirée par le souffle de renouveau et le train de mesures
législatives et réglementaires mises de l'avant par les
libéraux dans le but de démocratiser l'éducation, outil de
promotion sociale et économique pour toute la collectivité
québécoise, l'Union Nationale poursuit les réformes
amorcées par le Parti libéral de 1966 à 1970. De retour au
pouvoir, de 1970 à 1976, le Parti libéral du Québec sous
M. Robert Bourassa introduit à son tour des réformes et
innovations majeures au nombre desquelles on peut retenir les suivantes:
amélioration du système financier et administratif de
l'éducation; regroupement des commissions scolaires locales;
amélioration du régime pédagogique; création de
nouvelles écoles et de nouveaux cégeps, participation
institutionnalisée des parents et élection des commissaires au
suffrage universel, donc, démocratisation; création du Conseil
scolaire de l'île de Montréal; développement de
l'Université du Québec.
En somme, sous l'impulsion des libéraux du Québec, la
société québécoise a vu son système
d'enseignement passer d'un système inspiré par une tradition
patriarcale à un système orienté vers l'avenir, faisant
une large place à la technologie et à la formation d'une
main-d'oeuvre qualifiée pour être à la hauteur des
défis économiques du Québec.
L'effort du gouvernement du 15 novembre en matière
d'éducation se reflète plus visiblement dans les livres de toutes
les couleurs couvrant tous les niveaux d'enseignement, en n'oubliant pas les
domaines de la recherche scientifique, de la
formation professionnelle, des milieux économiquement faibles, de
l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, de même
que l'éducation aux adultes. Ces multiples études qui ne se sont
pas toutes traduites à l'heure qu'il est en énoncés de
politique, de même que la consultation dont elles furent la plupart du
temps entourées représentent, il faut l'admettre, un effort
considérable de réflexion collective en vue de mieux
définir les orientations et les méthodes de l'école
publique québécoise à tous les niveaux.
Il ne faudrait pas être dupe, cependant, et croire naïvement
que les projets du ministère de l'Éducation en vue de pallier aux
carences de l'école publique sont nés avec l'arrivée du
Parti québécois au pouvoir. M. Jacques-Yvan Morin lui-même
reconnaissait, d'ailleurs, avoir trouvé lors de son entrée en
fonction comme ministre de l'Éducation - je cite - "de volumineux et
utiles dossiers sur la question." À titre d'exemple, la politique
touchant les enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage
reprenait dans ses grandes lignes le rapport COPEX dont le gouvernement avait
hérité lors de son arrivée au pouvoir.
Les livres multicolores du ministère de l'Éducation du
Québec sous la gouverne péquiste ne sauraient témoigner
à eux seuls de sa performance réelle en matière
d'éducation. En effet, la plus saine méfiance nous commande
d'user de prudence et de convenir, comme l'écrivait Paul-Émile
Gingras dans la revue Prospective que - je cite - "ces livres sont le lieu des
bilans rapides, des orientations, des consultations; on leur doit le pouvoir
d'exorciser les écoles; ici, l'on confesse; là, on affirme sa
volonté de redresser, de contrôler, de reprendre; c'est
écrit, cela se fera. Est-ce stratégie ou naïveté? Le
peuple peut réagir devant les orientations, les ministres peuvent
ensuite agir à leur guise, réformer à la pièce; on
consulte sur des orientations; on adopte des mesures; on donne des
directives."
À vrai dire, il existe deux ordres de réalités
concernant la politique du gouvernement actuel dans le champ de
l'éducation. Il y a, tout d'abord, la réalité des livres,
semblable en plusieurs points à celle des déclarations et des
programmes. À écouter les discours tenus par le ministre de
l'Éducation, M. Morin, et son successeur le ministre actuel de
l'Éducation, reprenant infatigablement les mêmes thèmes:
responsabilité locale, consultation, renouveau, qualité de
l'enseignement, ou à lire le livre orange ou encore à parcourir
le programme du Parti québécois, on serait porté à
croire que l'éducation au Québec affiche une allure de plus en
plus florissante. Mais cette pseudo-réalité que le pouvoir
politique, tant bien que mal, tente inlassablement de nous vendre s'estompe en
grande partie lorsque l'on confronte l'image à la réalité.
C'est à ce moment que le voile est levé sur un autre ordre de
réalité, celui du fonctionnement d'une école où des
problèmes tels l'abandon scolaire, la piètre qualité du
français écrit, la pauvreté d'un trop grand nombre de
bibliothèques scolaires, la détérioration de la
qualité de l'enseignement engendrée par des coupures
budgétaires improvisées sont pourtant monnaie courante.
Le Parti québécois, par les choix improvisés qu'il
pose en matière d'éducation, dans ce contexte de ralentissement
de la croissance des dépenses publiques, est en train d'instituer une
politique de fait qui remet en question les deux grands objectifs de la
révolution tranquille, à savoir une formation de qualité
et l'accessibilité à cette formation.
Tout en dressant sommairement le bilan de l'action gouvernementale dans
chaque secteur depuis 1976, c'est cette thèse que nous nous appliquerons
à démontrer au cours des prochaines minutes pour chacun des
niveaux d'enseignement.
Enseignement primaire et secondaire. L'enseignement primaire et
secondaire sous le régime péquiste a été soumis
à une évaluation globale, à l'automne 1977, avec la
publication du livre vert sur l'enseignement primaire et secondaire et la vaste
consultation qui s'ensuivit.
De l'analyse de données qui suivit la période de
consultation est résulté, en février 1979, L'École
québécoise, énoncé de politique et plan d'action,
qui reflète des choix d'orientation, d'objectifs et de moyens à
privilégier en vue d'une qualité accrue de l'enseignement.
L'entreprise est ambitieuse puisqu'il faut agir sur plusieurs tableaux à
la fois, notamment les programmes d'étude, les régimes
pédagogiques, le matériel d'enseignement, l'encadrement des
élèves, la participation des parents, l'enfance en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage et les clientèles des
milieux défavorisés. Mais, de l'énoncé de politique
à l'action concrète, il y a plus d'un pas, surtout dans la
conjoncture actuelle où on cherche désespérément
à entendre un discours cohérent de la part des ministres des
Finances et de l'Éducation sur la logique qui a présidé
à la détermination des coupures budgétaires en
matière d'éducation.
Il va de soi que les coupures ainsi opérées sont
très nombreuses et touchent une foule de secteurs. Certaines, même
si elles choquent quelques spécialistes, n'auront guère d'effet
sur le public, déclarait le ministre des Finances, Jacques Parizeau,
lors de la présentation du budget en mai 1981.
Ces coupures sont bien loin de s'avérer seulement une affaire de
spécialistes, comme cherche à nous le faire croire le
gouvernement, mais elles sont plutôt ressenties concrètement par
les agents éducatifs dans
le milieu scolaire.
Le président du Conseil supérieur de l'éducation,
M. Claude Benjamin, ex-conseiller spécial de l'ex-ministre de
l'Éducation, exposait, il y a quelques semaines, dans le bulletin
officiel de l'organisme, les principaux effets des coupures budgétaires
qui attaquent de plein front les orientations de fond du système que
sont la qualité et l'accessibilité à l'éducation.
M. Benjamin retenait les effets suivants: diminution des services offerts aux
plus démunis, gel du développement des maternelles pour enfants
de quatre ans et retrait de programmes maternelle maison et maternelle
animation qui s'adressent aux milieux économiquement faibles, retard
dans l'application de nouvelles mesures qui s'adresse aux enfants qui
connaissent des difficultés d'adaptation et d'apprentissage et à
ceux qui vivent en milieux défavorisés, ralentissement dans
l'application des mesures énoncées dans L'École
québécoise et plus particulièrement de certaines qui
visaient à assurer une éducation de qualité - pensons
à l'implantation des nouveaux programmes, à l'application de la
politique sur l'évaluation pédagogique, aux manuels scolaires et
aux autres instruments didactiques, à l'adaptation des divers
instruments pédagogiques aux besoins des élèves les plus
démunis - enfin, diminution, toujours selon M. Benjamin, des effectifs
qui auraient permis un meilleur soutien pédagogique auprès des
enseignants ou encore un meilleur encadrement des élèves,
notamment au niveau secondaire. Ces principaux effets empêchent, à
des degrés divers, la réalisation des objectifs retenus dans
L'École québécoise ou en diffèrent leur
application.
Il n'est donc pas surprenant, dans ces circonstances, de constater que
l'institution scolaire québécoise souffre d'une crise de
crédibilité aigüe auprès de la population. La
popularité croissante de l'école privée, en dépit
de la hausse des coûts, constitue à cet égard un indice
dont l'importance est loin d'être négligeable. Cette crise de
crédibilité envers l'école québécoise risque
de s'aggraver d'autant plus que les citoyens en sont largement convaincus.
Comme l'a démontré un sondage mené par deux professeurs de
l'Université de Montréal, l'automne dernier, l'école
québécoise est moins bonne qu'elle ne l'était avant ces
compressions. "L'opinion des citoyens - ajoutent les auteurs - risque d'avoir
un caractère prophétique. L'opinion peut engendrer des
conséquences qui finissent par la rendre réelle. Dans la mesure
où, écrivent-ils, l'opinion québécoise juge les
coupures nuisibles à la qualité de l'éducation, elles
peuvent déterminer chez les agents d'éducation des attitudes et
comportements défaitistes - le ministre parlait de morosité,
à la fin de son discours - qui augmentent les possibilités que
cette opinion devienne réalité".
Une foule d'autres problèmes de nature pédagogique
caractérisent aujourd'hui l'enseignement primaire et secondaire au
Québec. Ceux-ci sont relatifs, par exemple, à la qualité
du français écrit, à l'enseignement des langues secondes,
à l'intégration des enfants en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage, à l'enseignement professionnel et à l'abandon
scolaire.
Comment un ministre de l'Éducation qui parlait d'un retour
à l'essentiel, lors de sa nomination à ce poste - il l'a
répété encore aujourd'hui - peut-il expliquer
décemment que toutes ses énergies, toutes les compétences
de son ministère ne se consacrent pas, à ce moment-ci, à
préserver la qualité de l'enseignement dans ces milieux
d'apprentissage que sont les écoles, au lieu d'investir les efforts de
plusieurs fonctionnaires dans la préparation d'un plan visant à
chambarder les structures scolaires que nous connaissons? Le ministre n'a pas
encore réussi à convaincre la population que son projet de
restructuration scolaire contribuera substantiellement à la relance de
la qualité de l'éducation.
En parallèle, au chapitre de l'administration de l'enseignement
primaire et secondaire, émerge d'abord l'orientation
générale suivante, sous la gouverne péquiste: la
dévalorisation constante du rôle des commissions scolaires
accompagnée d'une perte de pouvoirs significative pour elles. En
dépit des intentions maintes fois répétées des
ministres Morin et Laurin, à l'effet de décentraliser la gestion
de l'éducation, il faut bien se rendre à l'évidence que
les gestes posés à l'endroit des commissions scolaires ces cinq
dernières années nous fournissent la preuve qu'ils n'ont
raté aucune occasion de brimer leur autonomie. Des exemples ne manquent
pas: contrôles administratifs tracassiers, limitation du pouvoir de taxer
des commissions scolaires, mise en tutelle de la Commission des écoles
catholiques de Montréal. Globalement, les actes posés par le
gouvernement péquiste vis-à-vis des commissions scolaires depuis
son arrivée au pouvoir doivent être analysés dans une
perspective d'ensemble d'où émerge l'idée de gouvernements
régionaux, comme nous le confirme le projet de restructuration scolaire.
Alors, qu'il a toujours prétendu revaloriser le rôle joué
par les commissions scolaires, il est aujourd'hui aisé de constater,
avec un peu de recul, que le Parti québécois est en train de leur
préparer un enterrement de première classe. Sur le plan
administratif toujours, on ne peut non plus passer sous silence l'incurie
administrative du gouvernement péquiste qui a laissé se creuser
un trou de 500 000 000 $. L'absence de contrôle budgétaire
approprié au ministère de M. Jacques-Yvan Morin et aussi au
Conseil du trésor et, partant, l'énorme tort ainsi
causé à la réputation du bon gouvernement nous ont
sans doute valu un nouveau titulaire à l'Éducation.
L'enseignement collégial. Annoncée en 1977-1978, la
priorité accordée à la préparation d'un livre blanc
sur l'enseignement collégial allait déboucher, en octobre de la
même année, sur la publication du projet du gouvernement à
l'endroit des cégeps. La première suite que le gouvernement donna
à son énoncé de politique fut d'ordre législatif.
En juin 1979 furent promulguées les lois no 24 et 25, l'une
créant un Conseil des collèges, et l'autre modifiant la Loi sur
les collèges d'enseignement général et professionnel,
lesquelles ont débouché sur un débat serré à
l'Assemblée nationale, vu la volte-face de l'ex-ministre de
l'Éducation malgré ses promesses concernant la tenue d'une
consultation sur ces projets de loi. L'adoption à la vapeur, en fin
d'année scolaire, au moment où la mobilisation est moins facile
chez les étudiants et les enseignants, témoigne des
méthodes et de la démarche odieuse du gouvernement dans ce
dossier.
Il est bien connu que la façon de faire qui préside
à l'élaboration d'une politique ou à son application est
aussi révélatrice des intérêts défendus par
un ministre que les contenus de ses projets. Au-delà des discours du
ministre de l'époque, qui parlait, dans son livre blanc, et je cite: du
"renforcement des responsabilités pédagogiques et administratives
locales comme deuxième des priorités essentielles du renouveau
des cégeps", il faut voir dans ces deux projets de loi la manifestation
des visées centralisatrices du ministère de l'Éducation.
Mme Lise Bissonnette, alors éditorialiste au Devoir, avait à ce
moment pertinemment souligné qu'on ne pouvait aucunement voir dans
l'accroissement des pouvoirs réglementaires du ministre et
l'élargissement de ses pouvoirs de tutelle qui découlent de
l'amendement de la Loi sur les collèges, la traduction des intentions
ministérielles de décentralisation, bien au contraire. Je cite
Mme Bissonnette: "Le ministère de l'Éducation, les deux projets
de loi le prouvent, porte, sur la gestion du réseau collégial et
notamment sur les conseils d'administration des cégeps, le même
jugement sévère que lui faisait refuser la velléité
d'autonomie des commissions scolaires aux niveaux primaire et secondaire. Il ne
l'a pas dit dans son livre blanc d'octobre; au contraire, il s'est pourfendu de
cent compliments tous plus sédatifs les uns que les autres. Aujourd'hui,
il sert complètement la vis par une loi et perpétue l'illusion
d'autonomie par une autre. À la pièce, la réforme prend
corps et elle est centralisatrice. Nul ne peut s'y tromper." (11 h 30)
L'éditorialiste avait alors raison de frémir devant le
spectre de collège d'État. Cela sonne une cloche, il me semble
entendre l'écho de l'école d'État que le ministre se
défendait si violemment de vouloir implanter par sa réforme
scolaire, à la fin de notre question avec débat du 5 mars
dernier. L'évolution du réseau d'enseignement collégial,
sous le régime péquiste, s'est traduite comme prévu par un
centralisme croissant de l'État en matière scolaire. La
volonté récente du MEQ de déterminer le contenu du rapport
annuel d'activité des collèges, de dicter la conduite à
adopter dans l'élaboration de règlements de vie étudiante,
la prolifération de règlements, l'absence de consultation
auprès des cégeps relativement aux modifications importantes
apportées à l'éducation des adultes pour l'exercice
financier 1981-1982, de même que le projet de règlement des
études collégiales dans sa version originale, tout cela nous
porte à croire que la tentation bureaucratique gagne constamment en
vivacité au sein de ce ministère et auprès du ministre en
titre.
D'ailleurs, le Conseil des collèges, dans son deuxième
rapport annuel, n'a pas manqué d'attirer l'attention du ministre sur
cette question de l'autonomie administrative et pédagogique des
collèges qui, constate-t-on, est en voie de régression à
cause de la multitude d'interventions dont ils sont l'objet de la part de
l'État.
L'organisme consultatif juge la situation à ce point alarmante
qu'il a décidé d'accorder priorité à ce
problème au cours de la prochaine année. Est-il besoin de
rappeler que l'autonomie des collèges, dès leur création
en 1963 à venir jusqu'à il y a quelques années,
était toujours perçue à la fois par le milieu et par le
pouvoir politique comme un attribut essentiel à la réalisation de
la mission éducative de chacune des institutions.
Le Parti libéral du Québec, avec le Conseil des
collèges, croient toujours que l'autonomie des collèges est une
réalité nécessaire que le pouvoir doit accepter quand il
privilégie le respect des personnes ayant l'uniformisation des
comportements ou l'attention au besoin avant la standardisation des
résultats.
C'est actuellement de ce contexte où ils jouissent de moins en
moins d'autonomie que les cégeps sont appelés à relever le
défi sans doute le plus exigeant depuis le début de leur
création, soit la gestion de la décroissance des ressources
financières parallèlement à l'accroissement inattendu des
clientèles, selon les démographes du ministère.
En septembre dernier, le MEQ estimait que la clientèle des
cégeps publics tournerait autour de 118 450 étudiants. C'est 3000
étudiants de plus qui ont été admis dans les faits. La
prolongation par les jeunes de leurs
études, en raison du chômage qui les atteint si durement,
contribue partiellement à comprendre les causes d'une telle
augmentation.
Malgré ce phénomène quelque peu inattendu, le
ministère semble pourtant bien décidé à maintenir
sa politique de décroissance de la clientèle scolaire et ce, en
dépit des faits troublants suivants:
La moitié des étudiants ne terminent pas leurs
études secondaires. Et on change les structures.
La moitié de ceux qui les terminent ne vont pas au
collège. Et on change les structures.
La moitié de ceux qui vont au collège ne terminent pas
leurs études et n'obtiennent pas de DEC. On est rendu à la
moitié de la moitié de la moitié.
Et, enfin, la moitié de ceux qui obtiennent un DEC sont inscrits
aux études préparant à l'université.
Des données publiées dans la revue Cégepropos
viennent confirmer que l'écart entre l'accessibilité potentielle
et l'accessibilité réelle aux études collégiales
est de l'ordre de 25%; et le ministre nous sert, à la fin de son
discours, un scénario d'accessibilité que j'avoue ne pas avoir
complètement compris, qui semble plutôt tenir de la fiction que de
la réalité. On y voit des chiffres, mais dans la
réalité des choses 50% des étudiants ne terminent pas
leurs études secondaires; de ces 50%, seulement la moitié va au
collège et de cette moitié, seulement la moitié termine
les études collégiales.
L'accessibilité est donc loin d'être acquise, mais le Parti
québécois semble avoir abandonné l'idée d'investir
directement dans l'avenir en refusant, comme pour les universités, de
subventionner pleinement l'arrivée des nouveaux étudiants. Une
règle budgétaire lourde de conséquences pour le futur
stipule, en effet, que les cégeps qui admettent, ô catastrophe,
plus d'étudiants que ce qui était prévu ne se voient
accorder que 50% de la subvention que le gouvernement accorde pour chaque
étudiant inscrit dans un collège. Une telle politique peut
facilement être qualifiée, comme on l'a déjà dit, de
"l'une des plus défaitistes, des plus suicidaires jamais
imaginées à la direction d'un État qui a l'ironie de se
prétendre nationaliste"; je cite Mme Lise Bissonnette. On a entendu des
rumeurs à savoir que le gouvernement ou le ministère aurait
changé d'attitude à l'égard du financement de ces
clientèles additionnelles, mais nous n'avons eu jusqu'à
maintenant aucune confirmation et nous demandons au ministre de profiter de
l'étude de ses crédits pour nous donner des confirmations
à cet égard.
D'autres pratiques, soit le relèvement des préalables
à l'admission et le contingentement par discipline dans des secteurs de
pointe, font souvent subtilement leur apparition comme cela s'est fait à
l'université. Alors que les barrières d'accès à
l'enseignement postsecondaire devraient tomber l'une après l'autre sous
l'impulsion du MEQ, ce dernier crée plutôt les conditions
favorables à leur maintien et même à leur hausse. Le
gouvernement devrait, plutôt, prendre les mesures nécessaires pour
hausser le taux de passage des finissants du secondaire vers le
collégial, lequel ne s'est guère amélioré au cours
des dernières années malgré tous les scénarios du
ministre; il était de 41,1% en septembre 1975 et de 41,9% en septembre
1980. Celles-ci pourraient être de divers ordres: reprise de la campagne
d'incitation "Le cégep, c'est pour toi" auprès des finissants du
secondaire et spécialement des milieux défavorisés,
modification du régime des prêts et bourses pour venir en aide aux
étudiants des milieux défavorisés, importance accrue
à l'information scolaire et professionnelle, développement de
sous-centres pour rapprocher l'enseignement collégial des usagers. Le
taux de passage des finissants du secondaire est plus faible dans les
régions éloignées que dans les centres urbains.
Quant à la qualité de l'enseignement et des services
offerts dans les collèges, des compressions budgétaires de
l'ordre de 20 000 000 $ cette année l'ont compromise quelque peu, entre
autres en mettant en veilleuse des programmes prometteurs ou encore en
empêchant quelques autres d'atteindre un niveau d'excellence à
court terme.
L'enseignement universitaire. Le gouvernement du Parti
québécois procédait, en juillet 1977, à la
création d'une commission d'étude sur les universités,
mandatée de faire état de la situation dans le monde
universitaire québécois et d'en dégager les voies
d'avenir. Les rapports de la commission Angers ont été
publiés en juin 1979 dans l'ensemble. Ont suivi les commentaires des
universités, de même qu'un avis du Conseil des universités
en mars 1980 sur ces rapports. Depuis ce moment, les milieux concernés
attendent en vain la publication par le ministère de l'Éducation
du Québec d'un énoncé de politique en matière de
développement du réseau universitaire qui va poser les jalons des
orientations de l'avenir en ce secteur. L'absence d'une politique des
universités en cette période de difficultés
financières du gouvernement se fait cruellement sentir. Mais le net
tournant qu'a pris la politique du ministère de l'Éducation en
réduisant considérablement cette subvention à
l'enseignement supérieur aura un impact considérable à
long terme sur l'essor de l'enseignement supérieur au Québec.
Le ministre Laurin - c'est maintenant
bien connu de tous - a procédé depuis sa mutation à
l'Éducation à la réduction brutale de l'université.
Entre les années 1977-1978 et 1981-1982, les universités ont fait
face à d'importantes compressions budgétaires. Elles ont dû
comprimer leurs dépenses de 220 000 000 $, soit de 141 000 000 $ entre
1977-1978 et 1980-1981, puis d'une autre tranche de 80 000 000 $ cette
année. Le ministère de l'Éducation exige, de plus, un
effort supplémentaire en les obligeant à des compressions de 180
000 000 $ réparties sur les trois années suivantes, 1982 à
1985, ce qui représente 20% de l'enveloppe budgétaire actuelle.
Cette année, le secteur universitaire doit absorber à lui seul
50%, la moitié, des coupures pratiquées dans le secteur de
l'éducation, alors que les subventions aux universités
représentent 15% seulement du budget total du ministère de
l'Éducation.
La politique des coupures budgétaires s'est substituée
à une véritable politique des universités. À tout
le moins, on peut affirmer sans réserve aucune qu'elle en conditionne
drôlement l'orientation. Le professeur Léon Dion tenait
récemment des propos semblables en affirmant "qu'au lieu que ce soit,
comme au cours des 20 dernières années, l'énoncé de
normes sociales: amélioration de la santé publique, accès
universel à l'éducation, etc., qui fondent les prévisions
budgétaires, ce sont désormais les prévisions
budgétaires qui vont fonder les normes sociales."
Ce revirement subit, caractérisé par des amputations
budgétaires à l'ampleur et au rythme démesurés,
survient sans qu'un débat public véritable, libre et bien
informé n'ait eu lieu. Il faudrait être bien naïf pour
attribuer le mérite d'avoir comblé un tel vide à la tenue
des ateliers bidons et aux petits déjeuners du Ritz animés par le
ministre et dont le cadre et les guides de discussion ont amené les
professeurs à claquer la porte. Personne, au cours des derniers mois,
n'a contesté la nécessité pour les universités
d'avoir à réduire le taux d'augmentation de leurs
dépenses. Mais l'ampleur des restrictions qu'on leur demande est en
train de menacer leur avenir, ce qui s'avérera préjudiciable
à l'ensemble de la société. Un débat fondamental
constitue la toile de fonds de cette ère de vaches maigres, celui de
l'accessibilité réelle des Québécois à
l'enseignement supérieur. Les modifications aux règles de
financement, dès 1977, ont favorisé un financement marginal de
clientèle additionnelle et ont dissuadé les universités de
s'ouvrir à elle. Et la seule qui a décidé qu'elle
continuait de le faire, l'UQAM, a failli tomber en faillite il y a quelques
mois, ce qui va à l'encontre du principe même de
l'accessibilité. La formule de financement actuelle a ceci d'original
qu'elle conduit les institutions accueillantes - je parlais de l'UQAM -
à s'appauvrir davantage chaque année, tandis que les institutions
plus fermées maintiennent leur rythme de croisière ou ont
tendance à s'enrichir. De plus, les compressions actuelles et celles
à venir favorisent le contingentement et la sélection
plutôt que l'accessibilité. Une telle volte-face dans la poursuite
de l'accessibilité aux études supérieures, qui figurait
comme l'objectif de tout un peuple, prend place alors que la plupart des
intervenants s'entendent pour dire que le Québec francophone n'a pas
encore terminé son effort de rattrapage et que notre
société demeure encore sous-instruite malgré tous les
progrès accomplis.
L'augmentation des taux de fréquentation scolaire au niveau
supérieur chez les francophones québécois reste encore
inférieure à celle du taux des Québécois
anglophones et des Ontariens. Le ministre doit justifier publiquement son choix
de renoncer scandaleusement à ce but, alors qu'on est encore loin de
l'avoir atteint, ou il doit nous dévoiler, plus de quinze mois
après son discours fleuve sur les universités, ce qu'il entend
concrètement par une poursuite, et je cite, "plus
différenciée de l'accessibilité et de la
démocratisation".
On est, aussi, bien loin de l'objectif au niveau de l'égalisation
des chances d'accès à l'enseignement supérieur. Dans un
document de travail du ministère déposé au mois d'octobre
dernier à l'OCDE, l'Organisation de coopération et de
développement économique, on peut lire qu'"actuellement, parmi la
population francophone, l'étudiant de l'école secondaire dont le
père est professionnel ou cadre supérieur a deux fois plus de
chances de poursuivre des études universitaires que le fils ou la fille
d'un semi-professionnel ou cadre moyen, et quatre fois plus de chances que le
fils ou la fille d'un père col blanc, ouvrier ou fermier."
C'est donc dire qu'un freinage de l'élan des universités
à ce stade-ci nuira d'abord aux strates de la population les moins
favorisées. Nous devons nous rendre à l'évidence, tel que
l'affirmait Mme Lise Bissonnette dans un article intitulé Le vrai
référendum, oui ou non à l'école: "La
génération qui a le plus profité du déblocage des
années 1960 est maintenant au pouvoir, en train de refuser à
celle qui la suit une véritable égalité des chances." De
plus, les choix budgétaires et politiques délibérés
du gouvernement vis-à-vis des universités remettent non seulement
en question les plans de développement élaborés au cours
des dernières années, mais vont y rendre impossibles, comme
plusieurs voix l'ont clamé ces derniers temps, un enseignement et une
recherche de qualité. L'opération coupure se traduit sur le
campus par une réduction importante des budgets spéciaux de la
recherche, une diminution excessive des
budgets des bibliothèques - et je pourrais dire une diminution
scandaleuse des budgets des bibliothèques - l'accroissement des charges
d'enseignement des professeurs, l'abolition de programmes et peut-être
même de facultés, le vieillissement du corps professoral. La
relève est éliminée actuellement dans le corps professoral
des universités. Les répercussions de l'austérité
actuelle ne pourront être mesurées avant plusieurs années
et risquent de faire mal, notamment dans les secteurs de l'informatique, des
techniques de pointe, de la formation des scientifiques, qui exigent des
investissements considérables étalés sur plusieurs
années, et qui sont d'une importance vitale pour le Québec de
demain, avertissait, en décembre dernier, le Conseil supérieur de
l'éducation. (11 h 45)
Le gouvernement du Parti québécois doit mettre fin
à l'étranglement financier qui empêche les
universités de remplir leur mission essentielle et qui compromet
irrémédiablement l'avenir. Les universités, quant à
elles, doivent éviter d'effectuer des coupures dans des services aux
fins pédagogiques et doivent explorer des avenues du côté
de l'administration.
L'éducation des adultes, maintenant. L'accroissement
accéléré de la clientèle du secteur de
l'éducation des adultes au cours de la dernière décennie,
la diversification des activités, lieux, conditions et agents qui s'y
rattachent, de même que l'évolution du concept de
l'éducation des adultes figurent au nombre des multiples facteurs ayant
suscité la réflexion d'abord, puis la réalisation de
travaux importants chez de nombreux individus et organismes, dont le Conseil
supérieur de l'éducation et l'Institut canadien
d'éducation des adultes, pour ne nommer que ceux-là.
Chaque année, depuis que le Parti québécois est au
pouvoir, depuis 1976, le rapport de la commission sur l'éducation des
adultes a fait valoir la nécessité et l'urgence d'une politique
d'ensemble cohérente. De tels avis répétés, joints
aux pressions issues des milieux concernés, ont sans doute
contribué à persuader le gouvernement, alors
réfugié dans le confort de l'immobilisme, à créer
une commission d'étude sur l'éducation des adultes, la commission
Jean, dans le but de faire le point sur une multitude d'expériences et
de réalisations dans ce domaine. Il importe de souligner que la
prolifération rapide d'activités de qualité très
inégale, au cours des dernières années, de même que
le fouillis administratif observé dans ce secteur commandaient, de toute
urgence, une action en propriété de la part de l'État.
Le rapport de la Commission d'étude sur la formation des adultes
ouvre des perspectives de renouveau et permet d'entretenir certains espoirs,
mais il arrive dans une conjoncture de crise qui pèse lourd sur l'avenir
de l'éducation des adultes. En effet, les commissaires ont remis le
rapport final dans l'attente prochaine des modifications des politiques
fédérales de financement de l'enseignement postsecondaire et,
surtout, dans un contexte où les conséquences désastreuses
des coupures budgétaires imposées par le gouvernement du
Québec à ce secteur ont été douloureusement
ressenties au cours des derniers mois. À ce moment-ci, il nous reste
seulement à espérer que l'étude des recommandations de la
commission Jean sera intensive de façon que celles-ci se traduisent au
plus tôt par l'implantation d'une politique gouvernementale. Si l'on se
réfère au dossier noir préparé par la coalition
nationale contre les coupures en éducation des adultes, la situation
actuelle est vraiment catastrophique quand on sait qu'il existe encore, au
Québec, plus de 500 000 analphabètes et plus de 2 300 000
personnes qui n'ont pas la formation minimale de base pour obtenir un emploi.
Ce sont précisément ces personnes qui bénéficient
le plus des cours d'éducation aux adultes. La décision du
gouvernement, lors de la présentation du budget 1981-1982, à
l'effet de ne pas indexer, mais de réduire les ressources de
l'éducation des adultes -décision assez incohérente de la
part d'un gouvernement dont les nombreuses déclarations
ministérielles indiquent une volonté de donner un nouvel essor
à l'éducation permanente - a eu des effets désastreux sur
ce secteur déjà sous-développé, même si le
ministre minimisait, lors de l'étude des crédits de l'an dernier,
l'importance des coupures, notamment, en ce qui concerne une hausse
éventuelle des frais d'inscription, la qualité des services et le
nombre d'heures-cours offerts. Il maintenait, et je le cite, que "la
qualité des cours n'était pas mise en cause et que la
quantité des services d'enseignement offerts aux adultes en 1981-1982
sera sensiblement la même que l'année précédente."
C'était à l'étude des crédits du ministère,
le 15 juin 1981.
L'impact réel des coupures sur les services offerts à tous
les niveaux du système public d'éducation est cependant beaucoup
plus grave que ce à quoi le ministre s'attendait. La hausse en
flèche des frais d'inscription, la chute brutale du nombre
d'inscriptions - 66,3%, deux tiers de moins d'inscriptions - l'instauration de
nouveaux coûts, la disparition de sous-centres, 25% - c'est cela,
l'accessibilité - la réduction des services d'aide
pédagogique, les mises à pied et les mises en
disponibilité viennent aujourd'hui confirmer la justesse de ce
pronostic.
Au moins trois constats s'imposent. Premièrement, le
Québec se retire substantiellement du financement de
l'éducation des adultes. Depuis plusieurs années, le
gouvernement péquiste réclame à hauts cris le retrait du
gouvernement fédéral dans le domaine de l'éducation. Le
Québec n'a, en fait, à peu près aucun contrôle sur
les cours de formation générale et professionnelle, à
temps plein, qui se donnent aux adultes en chômage. Il est paradoxal de
constater, parallèlement, que le même gouvernement n'indexe pas
les ressources allouées l'an dernier au service de l'éducation
aux adultes et qu'il diminue même le budget qui leur était
accordé en sachant très bien que la part du budget
affectée à ce secteur constitue à peine 1% du budget total
du ministère de l'Éducation. Le gouvernement
fédéral, de son côté, maintient ses subventions et
les indexe au taux de 9,3%. "Les coupures en éducation des adultes,
comme le fait remarquer avec justesse M. Paul Bélanger, directeur
général de l'Institut canadien de l'éducation des adultes
ont essentiellement consisté à supprimer la majeure partie des
fonds spécifiquement québécois, de sorte que la
contribution fédérale est passée de 78% à plus de
90%." "Comment comprendre - et je cite le Conseil supérieur de
l'éducation - que le gouvernement fédéral sans
compétence constitutionnelle dans l'éducation augmente sa
participation au financement de la formation des adultes
québécois, tandis que le gouvernement du Québec
décrète des coupures imposantes? Le gouvernement du Québec
va-t-il cesser d'être le maître d'oeuvre de l'éducation des
adultes? Désormais, qui assurera la conception et le financement de la
formation des adultes? Ottawa ou Québec?"
Deuxièmement, l'accessibilité à la formation
individuelle est menacée surtout chez les plus démunis. Nous
l'avons déjà mentionné précédemment, un
nombre considérable d'adultes n'ont pas accès aux cours cette
année à la suite des coupures, soit à cause de
l'augmentation des frais de scolarité, soit parce qu'il devient plus
difficile de former des groupes, surtout dans les régions
périphériques, en raison de l'incitation du ministère
à augmenter le nombre d'adultes de 15 à 20 pour la formation
professionnelle. "Il est à craindre que ce soient les personnes les plus
démunies en termes de moyens financiers, de même que celles qui
sont sous-scolarisées, qui fassent les frais d'une telle politique. Pour
ces individus, est-il besoin de le préciser, les services
d'éducation des adultes constituent une chance de rattrapage, de
développement de leurs aspirations et de perfectionnement dans leur
métier. L'acte de l'éducation, qui est
répété à plusieurs reprises dans le discours du
ministre, vaut-il moins pour les adultes que pour les enfants? "Quant aux
adultes qui n'ont pas renoncé, ils s'inscrivent à moins
d'activités en raison du coût élevé, de la distance
à franchir, et voient ainsi l'atteinte de leurs objectifs
retardée de plusieurs années. En n'assumant pas ses
responsabilités en formation professionnelle, par exemple, le
gouvernement du Québec condamne des milliers d'adultes à demeurer
ou à devenir des assistés sociaux. Comment peut-on oublier ainsi
que le coût social qui en découle s'avère dix fois plus
élevé que la dépense occasionnée par le recyclage
ou l'apprentissage d'un métier?" Ces quelques derniers mots sont du
Conseil supérieur de l'éducation.
Troisièmement, les acquis récents et le
développement futur de l'éducation des adultes s'en trouveront
modifiés. Depuis une dizaine d'années, le Québec a
consenti au prix de longs et coûteux efforts à effectuer un
certain rattrapage en éducation des adultes. Le chemin qui reste
à parcourir demeure malgré tout assez long, car, au
Québec, les divers organismes d'enseignement sont peu
fréquentés par la population. Ainsi, 85% des jeunes
Québécois n'utilisent pas leurs ressources universitaires, 67%
n'atteignent pas le niveau collégial, et environ 45% de la population
scolaire n'obtiennent pas le diplôme de fin d'études
secondaires.
Dans un tel contexte, comment accepter que les coupures draconiennes
imposées par le ministère de l'Éducation du Québec
mettent en péril l'existence même de certains secteurs de
l'éducation des adultes? Comment comprendre que le gouvernement du
Québec n'hésite pas, en dépit de ses déclarations
rassurantes, à sabrer allègrement dans un secteur jugé
depuis longtemps comme le parent pauvre du secteur de l'éducation, et ce
avant même qu'une politique globale et cohérente ait
été formulée? Les coupures tendent à établir
une politique de fait dans le domaine de l'éducation des adultes.
Les promoteurs d'une démocratisation très large de
l'éducation des adultes devront d'abord s'attaquer à cette
contre-réforme avant même d'aborder le rapport de la commission
d'étude sur la formation des adultes. Cette dernière citation est
de Richard Nantel et porte un dur coup au programme d'éducation des
adultes.
Maintenant l'aide financière aux étudiants. Depuis 1974,
année de la refonte du système de prêts et bourses,
l'efficacité administrative du régime québécois
d'aide financière aux étudiants n'a cessé de
s'améliorer. Par exemple, le traitement des dossiers individuels est
définitivement beaucoup plus rapide qu'auparavant. Bien que le programme
du Parti québécois prône la gratuité scolaire, le
gouvernement a décidé de reporter indéfiniment les
réalisations de
cette mesure évaluée à 60 000 000 $. Je vois le
député de Rosemont sourire, je suis certain que ce n'est pas
à mes propos.
M. Paquette: Non, c'est votre habileté. Allez-y.
M. Lalonde: Non, c'est parce que je ne trouvais pas cela
drôle.
M. Paquette: C'est un hommage à votre habileté.
M. Lalonde: Alors, je répète. Bien que le programme
du Parti québécois prône la gratuité scolaire, le
gouvernement a décidé de reporter indéfiniment la
réalisation de cette mesure évaluée à 60 000 000
$.
La commission d'étude sur les universités s'est d'ailleurs
inscrite en faux contre la gratuité scolaire à
l'université. L'évolution du régime d'aide
financière aux étudiants, depuis 1976, a été
marquée par des ajustements mineurs au nombre desquels on peut retenir
notamment: les bourses sont devenues plus importantes par rapport aux
prêts, le report du remboursement de la dette contractée à
six mois après l'obtention d'un emploi et enfin l'indexation des divers
montants servant à définir l'aide financière. Il faut
noter qu'il subsiste quand même un écart de 3% entre l'indexation
des prêts et bourses et le taux réel d'inflation.
Il faut cependant noter que ces améliorations ont
été gagnées de haute lutte par le mouvement
étudiant. Souvenons-nous seulement qu'à l'automne 1978, la
quasi-totalité des institutions d'enseignement postsecondaire ont
été paralysées étant donné les
revendications des étudiants concernant le système des
prêts et bourses. Cette grève qu'ont menée les
étudiants en 1978 reflétait une profonde insatisfaction de ces
derniers à l'égard de plusieurs aspects du régime alors en
vigueur. Le Parti libéral du Québec s'est particulièrement
préoccupé du dossier des prêts et bourses à ce
moment. Il a pressé le gouvernement de formuler des propositions
acceptables à la fois pour la communauté étudiante et pour
la société en général.
À la suite d'un conflit, le ministre, Jacques-Yvan Morin,
annonçait, en décembre 1978, une série de cinq mesures qui
rejoignaient dans une faible proportion les revendications des
étudiants, mais qui a permis néanmoins de désamorcer la
crise. Il a fallu attendre plus de deux ans cependant pour que l'un de ces
engagements relatif à la modification du mode de remboursement des
prêts pour l'étudiant qui se trouve en chômage à la
fin de ses études puisse se concrétiser, au grand dam des
étudiants.
Le gouvernement a étudié au cours des deux
dernières années et explore encore aujourd'hui des alternatives
au système actuel pensé davantage en fonction de
l'étudiant régulier. Le ministre devrait au plus tôt,
premièrement, dévoiler le résultat des études
menées sur les alternatives au système actuel;
deuxièmement, examiner la possibilité de réduire certains
coûts, sans affecter l'atteinte des objectifs entraînés par
un contrôle insuffisant des gains réels de l'étudiant, de
même que certains coûts administratifs et, troisièmement, se
pencher prioritairement sur l'aide financière à apporter aux
clientèles défavorisées par les normes actuelles, les
étudiants adultes, les étudiants dépendant de leurs
parents, mais vivant des difficultés familiales, par exemple.
Le programme du Parti libéral du Québec va exactement dans
ce sens. On y prône une révision du système des prêts
et bourses de manière à redéfinir, dans une optique plus
juste et plus équitable, les facteurs servant au calcul du montant
d'aide financière allouée, indépendance par rapport
à la famille, lieu de résidence et contribution de
l'étudiant.
Dans son programme, le Parti libéral du Québec
suggère aussi la création d'une instance auprès de
laquelle l'étudiant pourrait se prévaloir d'un droit d'appel sur
toute décision rendue par le service des prêts et bourses.
De plus, l'actuel régime de soutien financier aux
étudiants n'est pas juste et équitable, en ce sens que les
groupes socio-économiques les moins présents à
l'université contribuent proportionnellement plus que les autres par
leurs impôts au maintien de ces niveaux. C'est du moins ce que nous
apprend une étude du Conseil des universités qui nous
révèle, en somme, que les mesures fiscales et le régime
d'aide financière ne favorisent pas ceux qui en auraient le plus besoin.
Il va donc sans dire que la recherche de formules alternatives au
système actuel doit être entreprise dans une perspective
d'ensemble, dans une perspective d'équité sociale et non pas
à la pièce.
Sur l'enseignement privé, M. le Président, s'il est une
caractéristique que l'on peut retenir du gouvernement péquiste
relativement au dossier de l'enseignement privé, c'est bien le report
continuel de l'échéancier de publication de
l'énoncé de politique en ce domaine.
À de multiples reprises, l'Opposition a insisté en vue
d'obtenir un engagement précis du ministre Morin quant au moment de
l'annonce de la nouvelle politique sur l'enseignement privé. Chaque fois
- son remplaçant n'a pas non plus dérogé à cette
règle - on entonnait le sempiternel refrain péquiste sur le sort
de l'enseignement privé au Québec. La question, nous
répondait-on, est toujours à l'étude au Conseil des
ministres.
Malgré les paroles rassurantes du premier ministre et des
ministres de l'Éducation qui se sont succédé
relativement
au maintien et au développement de l'enseignement privé,
la situation dans ce secteur ne s'est pas améliorée depuis
l'élection du Parti québécois. Le gouvernement du PQ
adoptait en effet une série de mesures qui allaient porter un dur coup
au secteur de l'enseignement privé. (12 heures)
Depuis 1977, aucune nouvelle institution privée
subventionnée n'a ouvert ses portes au Québec. Toute initiative
locale est ainsi étouffée avant même de naître,
qu'elle vienne de parents, d'enseignants ou autres agents. Aucune institution
existante susceptible que son statut s'améliore n'a pu obtenir justice
et équité. Les clientèles des institutions privées
sont ainsi gelées au seul nombre que permettent d'accueillir les
écoles existantes. La population des territoires où n'existe pas
d'enseignement privé est incapable de se donner les institutions de son
choix. Voilà les conséquences de l'absence de politique du
gouvernement.
La paralysie politique réussie, selon l'expression
utilisée par l'Association des institutions d'enseignement secondaire,
le gouvernement en arrive à la deuxième phase de sa
démarche: la suppression lente de l'enseignement privé, comme en
fait foi son programme politique. Le 18 juin 1981 le gouvernement fait adopter
la loi no 11 qui, sournoisement, vient modifier le mode de financement de
l'enseignement privé. Le taux de croissance des subventions
accordées par l'État aux institutions privées est ainsi
ralenti. Si la loi no 56, au chapitre du financement, avait continué
à s'appliquer, c'est 200 $ de plus par élève que les
maisons d'enseignement privé de niveau secondaire auraient reçus.
Bon nombre de maisons ont maintenant des situations déficitaires. Pour y
faire face les écoles privées n'ont pas le choix: elles doivent
compresser leurs dépenses, augmenter les frais de scolarité et
trouver de nouvelles sources de financement pour compenser la diminution des
subventions gouvernementales. Mais ce sont surtout les parents des
élèves qui font les frais des difficultés
financières de l'école privée. Ils se voient dans
l'obligation de supporter une hausse de frais de scolarité de 50 $
à 125 $ au secondaire et davantage au collégial, ce qui menace de
rendre l'enseignement privé moins accessible à la population
moins favorisée. Malgré les coûts élevés,
l'enseignement privé attire quand même de plus en plus de
Québécois. Plusieurs institutions ne peuvent même pas
répondre à leurs demandes pour 1982-1983. Le secteur privé
gagne de plus en plus la confiance de la population. Le ministre de
l'Éducation devrait tirer les conclusions qui s'imposent à ce
phénomène. Il devrait voir également un sérieux
avertissement, ce qu'est venu confirmer d'ailleurs le sondage effectué
récemment par la Société Plurimar qui
révèle, entre autres, que plus de sept Québécois
sur dix aimeraient pouvoir envoyer leurs enfants à l'école
secondaire privée parce que huit Québécois sur dix
estiment que la formation donnée dans les écoles privées
est de qualité. La perspective d'une abolition des écoles
secondaires privées par le gouvernement est rejetée par 84% de la
population. "Comment un parti politique peut-il encore prétendre imposer
une pratique contraire à une si forte majorité de gens",
interrogeait l'éditorialiste Jean-Guy Dubuc, à la suite de la
publication des résultats de ce sondage? "Outre la situation
intolérable que crée le climat d'insécurité actuel
auprès des institutions d'enseignement privé, il existe au moins
une autre raison qui milite en faveur de la divulgation par le gouvernement
dans les plus brefs délais de ses intentions quant au maintien ou non
d'un réseau d'enseignement privé. Il s'agit de la tendance
évoquée par la Fédération nationale des enseignants
québécois, à savoir la disparition de plusieurs petites
institutions privées et le maintien de plus grosses qui feront des
économies d'échelle et imposeront des frais plus importants aux
étudiants, comme la loi no 11 le permet. Il résulte de cette
politique une situation où l'injustice du réseau privé
devient plus criante puisque l'accessibilité en est réduite et
que ce sont les bien nantis qui sont subventionnés." Francine Lalonde:
"L'avenir des collèges privés, les professeurs sont inquiets". Le
Devoir, vendredi 16 octobre 1981.
M. le Président, le Parti libéral du Québec, comme
la vaste majorité des Québécois, remet en question le type
de gestion de l'austérité que pratique actuellement le
gouvernement dans le secteur de l'éducation. Il pense également,
comme la majorité d'entre eux, qu'une stratégie budgétaire
de rechange doit passer par une véritable diminution du nombre
d'administrateurs et de fonctionnaires affectés à
l'éducation plutôt que par l'élimination des écoles
privées ou encore une réduction importante des services
reliés à l'enseignement. Le gouvernement péquiste
procède actuellement à des choix à courte vue, sans
égard aux conditions de vie futures des Québécois et des
Québécoises, jeunes ou moins jeunes. Le vieux mythe du
chômeur instruit achève de s'effriter, une scolarité
supérieure demeure le meilleur antidote au chômage, aux bas
salaires et aux emplois à temps partiel, même en cette
période difficile. C'est ce que démontrent toutes les
études, y compris celle du ministère de l'Éducation,
"Relance". Ce qui constituait, il n'y a pas si longtemps encore, un droit
strict, le droit à l'éducation n'est-il pas en train de devenir
un privilège?
Le Parti québécois détourne l'attention de la
population en accusant le gouvernement
fédéral et en invoquant la situation économique
mondiale afin de tenter de justifier ses coupures sévères dans le
domaine de l'éducation. La majorité de la population n'est pas
dupe. Elle sait très bien que c'est le gouvernement
québécois qui, au seuil d'une ère où les cerveaux
constitueront la première ressource des peuples, pratique une politique
de l'aberration qui heurte de front les grands objectifs de la
révolution tranquille.
Dans une entrevue qu'il accordait au journal Le Soleil dès son
arrivée au ministère de l'Éducation, le ministre actuel
exprimait sa volonté de rapprocher davantage les politiques du
ministère du programme du Parti québécois. L'heure est
maintenant venue pour ce dernier - c'est l'avenir même du Québec
qui le commande - de rapprocher les politiques de son ministère des
aspirations des Québécois et des Québécoises,
même si les coûts et les sacrifices lui apparaissent très
lourds dans l'immédiat.
C'est l'école, et non le Parti québécois, qui
décerne les passeports de l'avenir. Notre avenir doit se fonder sur une
éducation de qualité. Quels que soient les choix politiques,
économiques et sociaux que feront les Québécois, il est
inutile d'en attendre quoi que ce soit s'ils ne sont pas appuyés par une
échelle de valeurs acceptée par l'ensemble de la population et
alimentée par un système scolaire de qualité, rapportait
Paule des Rivières dans le Devoir du 1er avril 1978. Ces
dernières paroles ont été prononcées par
l'ex-ministre de l'Éducation, M. Jacques-Yvan Morin, lors du lancement
de la semaine de l'éducation au mois d'avril 1978. Si le ministre Morin
croit encore aujourd'hui ce qu'il a dit à l'époque, il doit
certainement se rendre à l'évidence aujourd'hui que la politique
de son successeur risque de mener les Québécois et les
Québécoises dans un cul-de-sac, à bloquer l'avenir de ceux
pour qui la promotion collective équivaut à la somme des
promotions individuelles.
La politique du gouvernement en matière d'éducation doit
être assise sur des objectifs à long terme plutôt que sur
une dictature budgétaire. Quelle est la première partie de la
politique? L'éducation. La seconde? L'éducation. La
troisième? L'éducation. Michelet. C'est en partageant cette
vision du rôle de l'éducation dans une société,
vision à la fois idéaliste et pragmatique, que le ministre doit
désormais fixer ses orientations et ses attitudes comme titulaire du
ministère.
Pour toute communauté, l'éducation est la pierre angulaire
de la qualité de la vie des personnes, la source irremplaçable de
liberté et de développement des gens. Et c'est encore plus vrai
pour les Québécois. Le Parti libéral du Québec
l'avait compris depuis longtemps. À l'instar de plusieurs
Québécois, je croyais que le Parti québécois
partageait cette préoccupation.
Issu du Parti libéral du Québec dans une bonne proportion
de ses fondateurs, le Parti québécois fait porter tout son projet
politique sur l'avenir du peuple québécois. Il a réussi,
prétend-il, à sensibiliser un grand nombre d'agents de
l'éducation à ses politiques dites nationales. C'est donc avec
stupeur que de plus en plus de Québécois se rendent compte de
l'insouciance du Parti québécois à l'égard de la
qualité de l'enseignement prodigué aux
Québécois.
C'est être très présomptueux pour le Parti
québécois de croire que l'éducation de nos jeunes est
assurée par le simple fait que le PQ croit compter plusieurs adeptes
dans ce milieu. S'il était évident, en 1960, que le
développement du Québec exigeait un rattrapage énorme des
Québécois en éducation, il n'en reste pas moins
impératif que dans les temps difficiles que nous traversons nous devions
protéger comme la prunelle de nos yeux la qualité de
l'enseignement. Dans ces temps difficiles nous devons protéger
l'essentiel, et l'éducation est essentielle. Le Parti libéral a
compris cela.
Sacrifions ailleurs, mais investissons au maximum dans nos jeunes.
Donnons-leur une formation de qualité et accessible à la
majorité, pas à 6%. C'est là le choix du Parti
libéral du Québec. Prenons les devants. La révolution
tranquille est trahie par le Parti québécois qui appauvrit et
affaiblit. La preuve en est terriblement et tristement faite aujourd'hui par un
gouvernement essoufflé, sans imagination et par un ministre qui gaspille
ses ressources à faire de la structure au lieu de s'appliquer à
améliorer la qualité de l'éducation.
L'entêtement du ministre à vouloir imposer au
ministère les politiques du Parti québécois plutôt
que de les adapter aux aspirations des Québécois constitue un
véritable scandale, M. le Président. Inexorablement,
l'intérêt des Québécois, que le ministre a pourtant
juré de promouvoir, de poursuivre, exige que le ministre mette d'abord
et avant tout, dans l'ordre de ses priorités, non pas le programme du
Parti québécois, mais les aspirations des Québécois
à une formation solide et complète, le règlement de
problèmes extrêmement troublants des décrocheurs, du
blocage de l'enseignement supérieur de l'enseignement des sciences, de
l'enseignement de la langue première, de l'enseignement de la langue
seconde et autres, les coûts. Le Parti libéral du Québec,
M. le Président, qui a présidé à la
révolution tranquille, s'appliquera à exiger du gouvernement du
Parti québécois qu'il respecte les acquis et qu'il cesse de
bloquer l'avenir des Québécois. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Rodrigue): M. le
député de Rosemont.
M. Gilbert Paquette
M. Paquette: M. le Président, l'étude des
crédits du ministère de l'Éducation est chaque
année un moment extrêmement important dans nos travaux
parlementaires puisque, dans les politiques d'éducation, se joue
l'avenir du peuple québécois et, de ce côté-ci, la
députation ministérielle ne s'y intéresse pas pendant
quelques jours, mais toute l'année. Quand on a travaillé avec le
ministre à préparer ses crédits à l'occasion de la
revue des programmes au cours de l'automne dernier, nous avons essayé de
l'alimenter du meilleur de nos connaissances et de ce qu'on ressent dans les
divers milieux éducatifs de façon à faire que la situation
d'austérité dans laquelle le Québec est placé ait
le minimum de conséquences possible sur les étudiants qui sont au
centre de nos préoccupations, sur la qualité de l'enseignement et
même qu'au contraire on puisse continuer à progresser
malgré les contraintes. Le député de Marguerite-Bourgeoys
a voulu rebaptiser le discours du ministre et le qualifier de fuite dans
l'imaginaire. Je pense qu'on pourrait qualifier le sien de délire
partisan. Tout a été fait par le Parti libéral au cours
des 20 dernières années, M. le Président, toutes les
réformes ont été faites par le Parti libéral et
rien n'a été fait par les gouvernements de quelque autre parti
que ce soit, rien de bon n'a été fait par le gouvernement du
Parti québécois.
À ce compte, sûrement que le ministre de l'Éducation
a eu parmi ses patients beaucoup de personnes qui ressemblaient au
député de Marguerite-Bourgeoys également. Au contraire, M.
le Président, la réalité est beaucoup plus dans le
discours du ministre que dans celui du député de
Marguerite-Bourgeoys parce que la réalité, c'est le contexte
économique extrêmement difficile dans lequel on est placé
et la réalité que négligent continuellement les
députés de l'Opposition, c'est que le Québec est une
société qui est constamment perturbée de
l'extérieur et qui n'est pas maîtresse de l'ensemble de ses
politiques. Avant de passer à la critique des orientations
budgétaires, dont on peut tenir responsable le gouvernement, parce que
c'est lui qui est responsable de dire: "On va faire des coupures
budgétaires à tel ou tel endroit, je pense qu'on ne doit pas
passer sous silence que l'ampleur de ces coupures ne dépend pas de nous,
n'est pas causée par nous essentiellement mais dépend de coupures
sauvages du gouvernement fédéral dans les paiements de
transferts, de l'augmentation inconsidérée des taux
d'intérêt, qui nuit à l'économie. On a fait un
calcul rapide. Vous savez, M. le Président, que les paiements de
transferts augmentaient d'à peu près 18% par année pour la
période de 1970 à 1976. Depuis 1976, ils ont augmenté en
moyenne de 8% par année. Donc, en deçà de l'inflation et
chaque année, M. le Président, le gouvernement du Québec,
depuis cinq ans, a à assumer dans ses budgets des sommes qui
s'accumulent et qui augmentent d'année en année, un manque
à gagner qui était, l'année dernière, d'environ 700
000 000 $, un manque à gagner par rapport à l'inflation, un
manque à gagner de la part des paiements de transfert du gouvernement
fédéral qui ne sont que le juste retour de nos impôts. (12
h 15)
Cette année, quand on accumule tout ce manque à gagner, si
les paiements fédéraux s'étaient maintenus au rythme de
l'inflation, on en arrive à un total d'à peu près 1 500
000 000 $. Si on ajoute à cette somme les taux d'intérêt
élevés que le gouvernement du Québec doit payer sur ses
emprunts, les coûts additionnels qu'il doit assumer sur le budget de
l'aide sociale à cause de l'augmentation du chômage qui est
créée par les faillites qui sont occasionnées par ces taux
d'intérêt, on en arrive à la situation que le gouvernement
du Québec, quel que soit le parti au pouvoir, aurait eu à faire
peut-être des compressions normales, qui sont toujours nécessaires
dans une optique de saine gestion, mais jamais des compressions de cette
ampleur, si le gouvernement fédéral n'avait pas
décidé de refiler son déficit sur le dos des provinces, et
particulièrement du Québec, puisque 73% des coupures
fédérales dans les paiements de transfert se font sur le dos des
Québécois et du gouvernement du Québec, et si ce
gouvernement n'avait pas décidé de massacrer l'économie
pour tenter de lutter sans succès contre l'inflation.
M. le Président, je pense que l'ampleur du problème,
l'ampleur des coupures budgétaires ou des mesures budgétaires que
le gouvernement du Québec a à prendre, il est un peu
puéril et irréaliste aussi, si on veut parler de réalisme
et de ce qui exprime la réalité, il est irréaliste de les
attribuer au gouvernement du Québec. Ceci dit, il reste que le
gouvernement du Québec est responsable de l'endroit, de la façon,
des mesures, de la valeur et de la qualité des mesures qu'il a à
prendre pour faire face à cette situation et à ces
contraintes.
En ce sens, on n'a pas entendu beaucoup ce que l'Opposition proposerait
comme alternative. Une toute petite phrase à la fin du discours du
député de Marguerite-Bourgeoys qui nous dit: "Le Parti
libéral est favorable à une alternative budgétaire qui
consiste à réduire le nombre d'administrateurs." C'est tout ce
qu'on a entendu du député de Marguerite-Bourgeoys dans tout son
discours, comme alternative budgétaire. Je pense qu'on peut lui dire
que
c'est déjà fait, c'est déjà en voie de se
faire, que cela va se continuer, mais que ce n'est sûrement pas de ce
côté qu'on va trouver la solution de la crise budgétaire.
On n'a qu'à examiner les chiffres quant aux effectifs du
ministère - on a cela dans le cahier qui nous a été fourni
- et je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas eu
assez de 24 heures pour lire le document, parce qu'il a proposé une
chose qui est déjà faite au niveau du ministère. En
1980-1981, les effectifs ont été réduits de 1%; en
1981-1982, de 3%; en 1982-1983, tout près de 4%, soit 3.9%. Lorsqu'on
arrivera à l'étude de l'enseignement élémentaire et
secondaire, il sera intéressant d'examiner aussi l'impact que pourra
avoir ce projet de réforme, que le député de
Marguerite-Bourgeoys a évoqué fort négativement et dont le
ministre a parlé dans son discours. Quand on sait que l'ensemble du
budget de l'administration du ministère compte pour 4,3% de l'ensemble
des crédits de l'Éducation, c'est tout à fait
irréaliste et c'est du délire partisan de proposer une coupure du
nombre d'administrateurs comme solution au problème que nous laisse le
gouvernement fédéral sur le plan budgétaire. J'aimerais
savoir, au cours de cette commission parlementaire, quelles sont les solutions
du Parti libéral. Lui qui aspire à remplacer ce gouvernement, que
pourrait-il faire de mieux dans cette situation? Quelles sont ses propositions?
Je viens de démontrer que sa solution budgétaire, proposée
par le député de Marguerite-Bourgeoys, est totalement
irréaliste. Quelles sont ses propositions?
Au contraire, dans le discours du ministre, on sent la
préoccupation d'un homme et d'une administration au ministère,
parce qu'on a beaucoup dénaturé tous les efforts qui ont
été faits depuis un an et demi par tous les fonctionnaires du
ministère de l'Éducation - j'ai été à
même de l'observer de près et même d'y participer à
l'occasion - pour continuer à vaincre la morosité qui risque de
s'installer lorsqu'une situation qui ne dépend pas de nous nous
amène à poser certains gestes qu'on préférerait ne
pas poser, à essayer de sauvegarder les acquis essentiels et à
maintenir un esprit de réforme qu'on ne sent pas beaucoup du
côté de l'Opposition.
Nous, les députés ministériels, pensons que, pour
le budget de l'année 1981-1982, il y a eu des difficultés
d'ajustement. Il fallait apprendre à faire face à cette situation
qui nous tombait sur la tête. Il y a eu des difficultés dans
l'éducation des adultes - on ne tombera pas dans le délire
partisan du député de Marguerite-Bourgeoys - il y a eu des
difficultés. Il y a eu des projets qui n'allaient pas dans le sens du
programme du Parti québécois au niveau des prêts et
bourses. Les difficultés ont été surmontées.
Cette année, dans les crédits qui nous sont
proposés, nous sommes heureux de constater que les suggestions qu'on a
faites, bien avant le député de Marguerite-Bourgeoys, de
réduire et de comprimer dans l'administration ont été
réalisées en bonne partie; que, d'autre part, on aura, dans les
crédits de cette année, une augmentation des crédits
à l'éducation des adultes qui vont permettre de maintenir et
même de faire progresser les activités; qu'on a également
une indexation totale du budget des prêts et bourses, ce qui va permettre
aux étudiants de continuer, et, particulièrement dans cette
période de chômage accru, à avoir pleinement accès
aux études supérieures. À ce point de vue, je comprends
mal l'accusation du député de Marguerite-Bourgeoys qui dit: Au
niveau de l'enseignement collégial, on demande aux collèges de
faire face à une augmentation de clientèle et en même temps
on coupe les budgets. Les budgets sont accordés en fonction de la
clientèle; si la clientèle augmente, les budgets vont augmenter
en conséquence.
Ceci met en évidence justement le fait que l'accessibilité
aux études supérieures a augmenté. Je pense que tout le
monde est conscient du phénomène de dénatalité aux
niveaux élémentaire et secondaire; il y a une diminution assez
importante de clientèle depuis plusieurs années. Normalement, la
clientèle du collégial devrait diminuer mais elle augmente. Elle
a augmenté de 4,5% l'année dernière et elle augmentera
possiblement de 1% à 2% encore cette année; c'est donc que le
taux de passage a augmenté. Effectivement, lorsqu'on regarde les
chiffres, le taux de passage du secondaire au collégial était
peut-être de 40%, il y a une dizaine d'années, et le
député de Marguerite-Bourgeoys a admis lui-même qu'on
était rendu à 50%. Oui, je pense que si on tient compte du retour
aux études... J'ai les chiffres ici. C'est 43% de passage direct, mais
lorsqu'on tient compte du retour aux études de gens qui les ont
interrompues pendant un an ou deux et puis qui reviennent aux études au
niveau collégial, on peut dire qu'il y a à peu près 50% de
la population québécoise qui bénéficie de
l'enseignement collégial.
Le député de Marguerite-Bourgeoys a voulu peindre à
dessein, un tableau qui est déjà difficile, le ministre l'a
souligné dans son discours, personne ne va nier la
réalité. On a essayé de mettre en évidence un peu
pourquoi cette situation était difficile, mais le député a
pondu un tableau qui n'avait pas besoin de ses exagérations partisanes.
On doit prendre en compte le fait suivant qui est quand même
déterminant: c'est que l'ensemble du budget du ministère de
l'Éducation, dans les dépenses gouvernementales totales, est
resté au même niveau depuis cinq ans, malgré les
coupures,
c'est-à-dire à peu près 28%. Certaines
années, cela a pu augmenter à 29%, d'autres années
à 26%, mais la part de l'ensemble des dépenses gouvernementales
consacrées à l'éducation est restée au niveau de
28%. Prétendre que le gouvernement du Québec a réduit
l'importance de l'éducation dans son budget, c'est une fausseté
monumentale, M. le Président. On peut simplement s'y adonner quand on
est soumis à ce genre de délire partisan. Je le soulignais au
début.
Quand on se compare aussi avec la province voisine, avec l'Ontario, on
se rend compte qu'entre 1972-1973 et 1979-1980, la part du produit
intérieur brut, c'est-à-dire de l'ensemble des richesses de la
collectivité québécoise consacrée à
l'enseignement, a légèrement augmenté au Québec.
Elle est passée de 7,1% à 7,5%.
Donc, pour l'ensemble de la richesse collective des
Québécois, la part consacrée à l'éducation a
augmenté de 7,1% à 7,5%, alors qu'en Ontario, elle a
diminué de 6% à 5,6%. Les derniers chiffres qu'on a sont ceux de
1979-1980. Vous allez dire: C'était avant les coupures. Je pense que
tout le monde va admettre que l'Ontario a un programme de coupures au moins
aussi sévère que celui du gouvernement du Québec et que
ces chiffres ont dû se maintenir.
Autrement dit, l'effort de rattrapage en éducation, malgré
les compressions, se poursuit sous ce gouvernement et ce gouvernement attache
toujours la même importance, du moins sur le plan financier, à
l'éducation qu'aux autres secteurs d'activité.
Cependant, M. le Président, tout n'est pas que chiffres, tout
n'est pas que budget. C'est dans ce sens malgré des compressions
budgétaires qui, je le répète, nous sont imposées
de l'extérieur et que nous essayons d'administrer avec le moins de mal
possible, ce qui n'est pas facile, puisque 90% du budget de l'éducation
sont bloqués par des conventions collectives, par des dépenses
incompressibles, et c'est seulement avec les 10% qui restent qu'on peut
réussir à réduire les dépenses gouvernementales,
malgré cette situation où on doit faire des compressions
budgétaires - je pense que le député de
Marguerite-Bourgeoys ne pourra pas le nier, il faut en faire - on a quand
même réussi à maintenir l'effort budgétaire et
à mettre en route un ensemble quand même assez impressionnant de
réformes qui, pour la plupart, vont aboutir au cours de l'année
et qui ont fait l'objet de travaux extrêmement intensifs au niveau du
ministère depuis une année et demie. On a parlé de la
réforme de l'enseignement élémentaire et secondaire.
À la simple nomenclature des sujets qui font l'objet de cette
réforme, nomenclature que faisait le député de
Marguerite-Bourgeoys, je pense qu'on doit se rendre compte que c'est une
réforme d'envergure; c'est une réforme qui va au coeur du
processus d'apprentissage.
Le député de Marguerite-Bourgeoys veut laisser croire
qu'il s'agit simplement d'une réforme de structure; c'est beaucoup plus
que cela. Quand on sait l'importance pour l'apprentissage de la relation qui se
passe au niveau de l'école entre l'enseignant et l'étudiant, on
ne peut que se dire que c'est dans l'école que la qualité de
l'enseignement va s'améliorer, non pas dans les bureaux du
ministère et non pas dans les bureaux des commissions scolaires, comme
le défend continuellement le député de
Marguerite-Bourgeoys. Ce n'est pas la bureaucratie du ministère, ce
n'est pas la bureaucratie des commissions scolaires qui va d'abord
améliorer l'enseignement dans l'école. Sans nier l'importance des
activités de soutien et du support pédagogique et didactique qui
doit être fourni aux écoles, si on veut vraiment être
décentralisateur, si on veut vraiment lutter contre la bureaucratie, il
ne faut pas arrêter la décentralisation au niveau des commissions
scolaires, mais la faire se rendre jusqu'au niveau de l'école, de
façon qu'enseignants, éducateurs, étudiants, aient
à leur disposition la liberté justement, la marge de manoeuvre
que le Parti libéral voudrait restreindre au niveau des commissions
scolaires, mais que ce gouvernement et ce ministère voudraient remettre
au niveau des artisans principaux du processus éducatif qui sont dans
l'école. (12 h 30)
M. le Président, je pense qu'on a là une réforme
majeure qui montre qu'on peut continuer à faire progresser la
qualité de l'enseignement et même à lui faire faire un pas
en avant assez considérable malgré la situation
d'austérité budgétaire dans laquelle on est
placé.
J'aimerais terminer là-dessus. Je regrette qu'on doive, dans ces
débats, d'un côté présenter toujours la vie en rose,
et, de l'autre côté, la situation la plus noire possible. Je pense
que la vérité se situe entre les deux et que cette année
doit nous laisser beaucoup d'espoir puisque tout le travail des quinze derniers
mois va aboutir au cours de cette année malgré les compressions
budgétaires. Je vous remercie.
Le Président (M. Rodrigue): La commission élue
permanente de l'éducation ajourne ses travaux sine die.
M. Lalonde: Excusez-moi, M. le Président, je ne savais pas
qu'on ajournait nos travaux à midi et demi. Je pensais qu'on allait
jusqu'à 13 heures.
Le Président (M. Rodrigue): Étant donné que
l'Assemblée reprend ses travaux à 14 heures, nous ajournons
à midi et demi.
M. Lalonde: Avant l'ajournement, est-ce qu'on pourrait simplement
prévoir la marche
de nos travaux pour le moment où nous reviendrons? Le chef de
cabinet du ministre a communiqué avec moi vendredi dernier pour voir
à peu près de quelle façon... J'avais proposé un
calendrier, je ne sais pas s'il est accepté.
Le Président (M. Rodrigue): Si vous voulez vous entretenir
avec le ministre et ses représentants à l'heure du dîner et
me faire part des ententes intervenues, s'il y a lieu, à la reprise des
travaux cet après-midi.
M. Lalonde: Cela va.
M. Paquette: M. le Président, si vous me permettez, avant
de commencer l'étude du premier programme, il y a également
quelques-uns de mes collègues qui auraient des remarques
particulières à faire sur l'ensemble. Cela ne devrait pas prendre
énormément de temps, mais je pense qu'il serait important...
Le Président (M. Rodrigue): J'ai noté les noms de
ces collègues. Il est possible, également, que des
députés de l'Opposition voudront faire de même.
M. Paquette: D'accord.
Le Président (M. Rodrigue): Tout cela est noté et
à la reprise des travaux nous poursuivrons les remarques
préliminaires avant d'entamer l'étude des crédits
proprement dite.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise de la séance à 16 h 43)
Le Président (M. Rodrigue): La commission élue
permanente de l'éducation reprend ses travaux pour l'étude des
crédits du ministère.
Les membres de cette commission sont les députés: MM.
Brouillet (Chauveau), Champagne (Mille-Îles), Chevrette (Joliette)
remplacé par M. Payne (Vachon), MM. Cusano (Viau), de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Hains (Saint-Henri),
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Laurin (Bourget), Leduc (Fabre), Paquette
(Rosemont).
Les intervenants à cette commission sont les
députés: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), French (Westmount), Mme
Harel (Maisonneuve), MM. Paré (Shefford), Polak (Sainte-Anne)
remplacé par M. Dauphin (Marquette), MM. Proulx (Saint-Jean), Rochefort
(Gouin), Ryan (Argenteuil), Saintonge (Laprairie).
Nous en étions aux remarques préliminaires.
M. le député de Mille-Îles.
M. Jean-Paul Champagne
M. Champagne: Merci, M. le Président. C'est avec
fierté et beaucoup d'intérêt que je fais partie de cette
commission parlementaire de l'éducation. On en est à
l'étude des crédits de l'éducation.
Personnellement, longuement j'ai oeuvré dans ce domaine en tant
qu'administrateur, en tant qu'enseignant, en tant que parent aussi, j'ai
oeuvré au comité d'école, soit dans le secteur
privé et le secteur public. C'est pour cela que je considère
cette commission importante. Aussi, je souscris d'emblée à
l'exposé du ministre ce matin, exposé qui couvrait tout le
domaine de l'enseignement, que ce soit l'enseignement collégial,
primaire, secondaire, les établissements universitaires,
l'éducation des adultes, la formation professionnelle. On parlait de la
vie étudiante, de la formation et du perfectionnement des maîtres.
On parlait de l'ensemble de notre système d'éducation. Je
souscris d'emblée à l'exposé du ministre.
Maintenant, en réponse, le député de
Marguerite-Bourgeoys a traité le sujet de l'éducation d'une
façon que je considère superficielle. On a parlé de tout
et de rien. Sa vision globale a été très négative
et pessimiste.
Je pense que, considérant l'importance du budget de
l'éducation qui est d'au-delà de 6 000 000 000 $, on voit que le
gouvernement insiste sur la qualité des services et la qualité de
l'enseignement. Une commission parlementaire de l'éducation devrait
être un genre de comité sélect et on ne devrait pas faire
de partisanerie. Il ne devrait pas y avoir d'opposition et un parti
ministériel qui défend des positions... On devrait travailler
ensemble pour avoir le meilleur système d'éducation possible. On
va souhaiter que la prochaine commission parlementaire qui deviendra un
comité sélect soit la commission parlementaire de
l'éducation.
C'est bien sûr qu'on voit l'importance de l'éducation de
par les effectifs qu'elle contient, de par l'importance du budget et la
variété des programmes qu'elle comprend. Je pense que la
qualité des membres d'une nation en devenir est directement
proportionnelle à la qualité de l'éducation qu'elle donne,
soit dans la famille, soit dans l'école, soit dans les cégeps,
soit dans les universités. Je pense qu'ici autour de cette table, chaque
parent, chaque citoyen a le devoir de voir à ce que chacun des
Québécois ait la meilleure éducation et le meilleur
enseignement possible. Ce n'est pas ici qu'on doit savoir qui on doit
privilégier, un secteur plutôt qu'un autre. Je m'adressais
dernièrement à un conseil d'administration du secteur
privé et je disais tout bonnement qu'autour de la table tout le monde
devrait
se demander comment améliorer, parce que tout le monde paie des
taxes, le système de l'éducation dans le secteur public. Je pense
que c'est l'affaire de tout le monde.
Alors, l'éducation ne nous appartient pas, nous qui sommes autour
de la table, que ce soit le ministre, les députés ou les
commissions scolaires. L'éducation appartient aux parents et les parents
viennent d'un milieu, et la nouvelle philosophie, la réforme scolaire
est basée sur les parents, sur le milieu et sur l'école qui est
le pivot de tout le système d'enseignement. Dans cette réforme,
on voit qu'on veut décentraliser le pouvoir, parce que c'est autour de
l'école qu'on peut constater la dimension du vécu quotidien et
c'est dans ce sens-là que la réforme scolaire respecte les
parents qui sont les premiers responsables de l'éducation. Elle respecte
aussi, cette réforme, les éducateurs qui font partie du
comité d'école, le principal d'école et les
étudiants. Tous ensemble, dans leur milieu de vie, ils doivent
bâtir un projet éducatif, un projet collectif. On leur donne,
à ces agents du milieu, tout ce qu'il faut, soit un régime
pédagogique à leur image, à l'image du milieu. On leur
donne, à travers cette réforme, des budgets. Si les gens veulent
favoriser des activités sociales, favoriser des activités
culturelles, favoriser le parascolaire, ils se donnent les services qu'ils
veulent. Alors, c'est par le milieu, pour le milieu. C'est cela la
réforme scolaire qui s'en vient. J'entendais, ce matin, le
député de Marguerite-Bourgeoys qui disait: C'est un projet qui
est flou, qui est opaque. Et on le rejetait du revers de la main. Dans le sens
où l'éducation appartient aux parents, je pense que cette
réforme est très importante en vue de la décentralisation.
On s'aperçoit que certains députés de l'Opposition
voudraient donner quand même plus d'autorité aux commissions
scolaires. Nous respectons, dans cette réforme, l'autorité des
commissions scolaires et aussi l'autorité du ministère de
l'Éducation.
Je pense que, si l'école est au service du milieu, les parents ou
l'école peuvent se donner des services, que ce soit des services de
garde des enfants, que ce soit un service de transport, si on le veut, que ce
soit des activités diverses. Dans ce sens, la réforme scolaire
doit être acceptée et, en fin de compte, désirée par
tous les parents impliqués dans le milieu scolaire.
Le mode électif, avec la réforme scolaire, sera
basé sur les gens qui sont directement impliqués dans le milieu.
Les présidents des comités d'école feront partie de la
future commission scolaire. Contrairement à ce qu'on a dit ce matin, les
commissions scolaires ne sont pas abolies dans cette réforme scolaire;
elles vont continuer. Maintenant, les gens qui vont faire partie de cette
commission scolaire viendront directement du milieu, à savoir des
écoles qui auront nommé ou élu leur président.
C'est bien sûr que ces commissions scolaires et le ministère de
l'Éducation subsistent; ils auront pour tâche de voir aux grandes
orientations du système; ils auront à voir à
l'élaboration des programmes et aussi à répartir le budget
de l'Éducation.
Actuellement, nous sommes dans une période de consultation. On
dit que le livre blanc sortira très prochainement. Il y aura aussi
consultation publique; il y aura dépôt de la loi et
espérons que, dans un avenir prochain, cette loi sera en application
dans cette nouvelle réforme.
Alors, je pense qu'avec ce qui est devant nous, à savoir un
budget de plus de 6 000 000 000 $, nous, comme membres de cette commission, on
doit voir à ce qu'il y ait une rigueur administrative dans tout ce qu'il
y a comme budget dans chacun des sujets, et je pense que les commissions
scolaires, les écoles, les cégeps et les universités
doivent, comme le ministère le fait, avoir une rigueur
administrative.
Déjà on a connu l'an passé des compressions
budgétaires. Face à la conjoncture économique qui est
difficile, on doit tous ensemble, tous les agents de l'éducation, voir
à la meilleure qualité de l'enseignement, et je pense qu'avec le
dynamisme du personnel, avec les enseignants, avec les administrateurs, cela
nous préparera à accueillir la nouvelle réforme scolaire
qui s'en vient. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: M. le Président, ce matin, nous avons
entendu le ministre, qui a parlé de beaux principes. Moi aussi, je
partage ces beaux principes, mais je crois que ce n'est pas un retour à
l'essentiel en éducation qui va solutionner nos problèmes. Mon
collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys, a
parlé du bilan du péquisme, et c'est loin de réaliser ces
beaux principes. Je soutiens qu'on n'arrivera jamais à améliorer
la qualité de l'éducation tant que le gouvernement n'aura pas
fait face à l'essentiel du problème. Le vrai problème, ce
n'est pas la faute d'Ottawa, ce n'est pas la faute de la crise
économique; c'est la faute du gouvernement et la façon dont il
gère les ressources humaines en éducation.
Je vais parler en anglais parce que c'est plus clair et c'est plus vite
pour tout le monde.
I am going to talk about the management of human resources in education
because, I think, if the Government does not have the courage to face the real
problems with respect to the management of the
human resources in education, then none of the beautiful goals and
ideals which are going to improve the quality of education, none of these
things will ever be realized. As a matter of fact, we will experience a further
and further deterioration of education.
The costs of education in Québec have been rising rapidly for
several years. They now represent, I believe, 28% of the Government
expenditures. Expressed as a percentage of the gross national product of
Quebec, it is becoming a larger and larger proportion, as was pointed out by
the député de Rosemont this morning, and it now stands at 7,8% of
the gross national product. I should not say now, these are 1979-1980 figures
that I received from the ministry.
But even more alarming, the cost per student eats up 35,9% of the
individual riches per person in this province, 35,9%. The individual in this
province - and I am still talking about 1979-1980 figures -generates 9 800 087
$; 35,9% per student, per person's riches are taken up by educational costs in
this province.
I think it is important, in looking at this problem, that we look at
what is happening in Ontario, because it is true that a larger proportion of
our gross national product is being devoted to education in this province, but
we are concluding falsely if we think that we are doing a better job. It is
true that Ontario has a lesser proportion, it is going down and ours is going
up in proportion to our riches, but the clue is that in the same year,
1979-1980, the average student cost - and I am talking globally - in this
province was 500 $ more per student than in the Province of Ontario.
I think we have to ask ourselves the question and, obviously, the
Government has: Can we afford it? Obviously not. What has been the Government's
response to this situation? The Government's response - and the Minister said
it this morning - is: We must do more with less. Global cuts, therefore. Let
the chips fall where they may, because that is what is happening.
This year, the cut, I should say the rise, is only 7,9%. The Education
global budget is up 7,9%. 80% of that are salaries, on a global basis, but in
elementary and secondary education, the salaries represent 88% and in those
salaries, according to the ministry's own figures, in the sous-ministre's own
statements, the average rise in the salaries that will be given is 12 plus 2
per scale, 14%. It is clear that a budget hike of 7,9% is totally inadequate to
cover the salaries.
Now, fortunately, there is a bit of a cushion because of declining
enrollment in the school system. The gap between the increase in the Education
budget would be even greater if it were not for that declining enrollment.
Faced with severe cuts imposed on the school boards - and my remarks from here
on are going to be related just to elementary and secondary education, although
the same analysis could be made at the other levels. Faced with the cuts, faced
with the amount of money available to the school boards, what are their
options? (17 heures)
First of all, with regard to the teachers which occupy most of the
school board budgets, the boards have no choice but to use all of the "masse
salariale" that is given to them because of the contract provisions which they
have to respect in order to staff the schools. So that money is gone. That
represents about 70% of the monies that come to the boards. They have to find
the cuts elsewhere than in the teachers' salaries. Therefore, what do they have
to look at? They look at the maintenance of buildings, oil, electricity,
textbooks, library books, other learning materials but, most importantly, they
have to look at support staff and non-teaching professionals that are not
protected by any norms in their contracts.
To make matters worse, the school boards are faced with budgetary rules
which are unloading an increasing proportion of personnel in surplus on the
school boards, because the Government has not seemed to pay the full cost of
the commitments in the contracts of those personnel. Last year, it was 80% paid
by the Government, now it is only 50% and the school boards have to find the
balance somewhere in the other expenses. The Superior Council has deplored this
practice, just as the school boards have, and said in their document of 1981
that the Government simply must agree to pay the full commitment of their
engagements in the contracts, so that the school boards do not have to carry
the load and find other things to cut to pay for the surplus.
The boards are faced with ridiculous trade-offs. They have no other
administrative alternative but to trade off teaching personnel versus oil,
professional personnel and support staff versus books. Posts are abolished that
are desperately needed. In the last three years, according to the figures that
we received, in the professionals alone, in 1981, 340 professionals were put on
surplus and 135 non reengaged. Last year, -this is October 1981 - 231 on
surplus, 83 non reengaged. In 1982, 200 on surplus, 80 non reengaged. This is
far beyond what one would expect in terms of dropping enrollment. The total
professional teaching force, according to these figures, in 1981-1982 was 3583.
These are the people that are getting hit: guidance services. The ratios for
guidance are already very poor in Québec.
In the United States, the ratio of 300 pupils per guidance counselor is
not unusual. In Ontario, the norm is 365. What is the norm here? A practice not
set out by law, but what does one observe in Québec, one to 1000 pupils.
These are the people that are still getting cut, because the boards have no
other choice. Career guidance people, people who are preoccupied with orienting
students to find useful work after school, work study programs. All these
things are very much in line with the Government's own orientations. The gap
between school and work is one of the most serious gaps that we have in our
society; we have hundreds of thousands of students that are graduating without
the skills and without any idea of where they are going to find work. These are
the people that are helping those students get on track.
Crisis teachers, some boards have found ways to buy crisis teachers.
These people are going because of the cuts. These are the people that look
after the students in trouble. There are hundreds of thousands of students in
trouble. I have a report here from the Conseil scolaire de l'île de
Montréal prepared by Mr. Wener, very recently, and one of his major
conclusions - it is an extensive report of the estimated 5% of children who
have behavior problems, very complex problems combined with acting out problems
of learning. These are the children that are going to be our dropouts, our
delinquents and very costly, socially, in the long run to our society. The
conclusion of Mr. Wener is that we simply do not have enough. It is not that we
are using necessarily in the best way the resources we have, but it is critical
that we have more resources to look after these children in trouble.
Help for inner-city students, another priority announced by the
Government in these documents. This takes personnel, it takes professional
personnel over and above teaching personnel. Speech therapists, special
programs that some boards are trying to do something to rescue those children
who have already dropped out from our schools. There are community based
programs. I have some in my own county, run by the YMCA, that are doing a
splendid job in rescuing children who have dropped out. Do you think that they
can get any money from the Department of Education to do anything about it, to
support the professionals that are so desperately needed and should be doing
the job in the schools? No.
Special support services for the integration of special ed. children.
Integration is a beautiful theory. I happen to be a member of the COPEX
committee that worked three years to produce that report that the Government is
now trying to implement. But integration cannot be done without support for the
teachers. These are nonteaching professionals that I am talking about and these
are the people that the boards are putting out, knowing that it is an unwise
decision.
The other people that are getting the chop: librarians, lab technicians,
library technicians. It is grand to talk about the importance of library
services, but if you have no bodies in there to make it come alive, you have no
library services. Technical vocational programs. Guess which ones get the chop.
The expensive ones get the chop, the cheap ones are kept. It is not because the
boards are malicious or have not got good judgment. These are the kinds of
decisions that they are making and I think it is totally unacceptable.
The Conseil supérieur looked at what was happening because - this
was in 1981, last year, - of the budget, because of the cuts, and the way the
cuts were made. And they said: Certain so-called priority measures which had
obtained a consensus from the school world at large as well as a firm place in
the schools of Québec and in other policy statements may, in all
likelyhood, find no form of application. Will school boards have the means to
guarantee the provisions of the new "régime pédagogique" and
especially revised programs, provision to... students of all basic textbooks as
well as the requirements of the new subject period schedules? Will they be
financially able to comply with the policy of keeping the last school alive in
a district or with policies pertaining to exemption from religious instruction,
the integration of children with special needs, the educational needs of
disadvantaged areas and the forthcoming policy on vocational education?
Under the present circumstances, the Conseil supérieur said: Our
answer is no. How do we get out of this mess? Because what is happening is that
the quality of education is going down, down, down with each new budget. Where
do we look to do something about it? I think, first of all, we have to
recognize that because the costs of education in Quebec are going up, we should
not be patting ourselves on the back, as I have seen the Minister do, and say:
Look how grand we are, we are doing more than they are in other places. I think
the key question we have to ask ourselves is: Are we getting our money's worth
in education? And since 88% - I am talking about elementary and secondary
education - of the money goes in salaries, I think we have to look at the
productivity and the cost benefit of our teaching force.
I think that, in Québec, we are no richer. As a matter of fact,
in many ways, the individual richness that is generated by the individual is
less than in much of Canada. I think that we can at least expect, in
Québec, that we should get as good a job
done with our dollar as they do in other provinces. Now, I think that a
very important study was contracted by the ministry, of which I received a copy
just the other day. It is a study prepared for you of the work load of teachers
across this country. I want to tell you just the conclusions.
The study is dated January 25th 1982 and it is a study of the teaching
work load, the pupil timetable in elementary and secondary, the work here and
so on; class sizes in Sudbury, Windsor, London, Toronto, Ontario (Ontario
School Trusties), in Winnipeg, Calgary, Edmonton and Vancouver. I think it is
important that these are big cities, where the working conditions have been
developed by agressive unions in discussion with their boards. The chances are
that these conditions would be more rigorous, perhaps, than in other areas. So
I think they make a good comparison. Now, the important conclusions from this
study are as follows.
Québec, in general, compared to all of these other places, the
pupils have fewer days per year in school and fewer minutes of instruction, or
hours of instruction per week than anywhere else in Canada. I am talking about
these big boards. The teachers have fewer pedagogical days in other places and
in other places - I think it is important almost everywhere - the teachers are
present in school all day, plus 15 minutes at each end of the school day.
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée
de Jacques-Cartier, étant donné que le temps qui vous est
alloué est épuisé, je vais vous demander de conclure
rapidement, s'il vous plaît.
Mme Dougherty: The teacher-pupil ratios are higher. There are
more teachers per pupil in the other provinces. The teacher work load is 15% to
20% higher in other provinces and the class size, on the average, is equal or
higher. I think these are very very important and it is important also to note
that in the elementary schools, in this province, next year, the elementary
work load for our teachers is going to drop, which will cost 30 000 000 $, that
is 1 000 000 $ for every minute that one drops in work load.
Le Président (M. Rodrigue): Je m'excuse, le temps qui vous
est alloué est écoulé.
M. le député de Fabre, vous avez droit à vingt
minutes pour vos remarques préliminaires.
(17 h 15)
M. Michel Leduc
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Le
député de Rosemont, tout à l'heure, a mentionné
que, de ce côté-ci, tout était rose; de l'autre
côté, tout est noir. Effectivement, on est obligé de
constater que tout est vraiment noir de l'autre côté, du
côté de l'Opposition, et je voudrais relever quelques commentaires
qu'ont faits Mme la députée de Jacques-Cartier et M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
Mme la députée de Jacques-Cartier a mentionné qu'il
était nécessaire pour le ministère de l'Éducation
de faire face aux vrais problèmes. Elle a mentionné aussi - je
prends simplement quelques idées importantes - que la qualité de
l'éducation baisse d'un budget à l'autre, et elle a fait une
comparaison avec ce qui se passe dans les autres provinces du Canada pour en
arriver à démontrer que le travail des enseignants est beaucoup
plus élevé dans les autres provinces canadiennes, qu'il y a plus
d'élèves par classe dans les autres provinces canadiennes, qu'il
y a moins de journées pédagogiques, que les professeurs sont
présents aux journées pédagogiques, etc., et tout cela
pour conclure que la qualité de l'enseignement est plus
élevée dans les autres provinces canadiennes.
Je dois dire qu'elle ne m'a guère convaincu et qu'on pourrait
aisément démontrer que le fait d'avoir moins
d'élèves par classe est au contraire un gage de qualité de
l'enseignement, que le fait pour les enseignants du Québec d'avoir moins
de minutes d'enseignement à faire dans une journée est
également un gage de qualité pour l'enseignement au
Québec. C'est assez curieux, selon Mme la députée de
Jacques-Cartier, plus les enseignants passent d'heures en classe, plus la
qualité de l'enseignement est assurée; curieux raisonnement
puisqu'on pourrait aisément démontrer qu'au contraire, plus les
enseignants ont de temps pour se préparer adéquatement, ça
peut être au contraire un gage également de qualité de
l'enseignement. Les arguments sont fallacieux, et je m'attendais qu'il y ait un
certain nombre de solutions, finalement, face aux difficultés qu'on
traverse, et je n'ai rien entendu de sa part; aucune solution; rien, absolument
rien de concret de sa part. Uniquement des critiques et, encore une fois, des
critiques basées sur une dépréciation de notre
système d'enseignement au Québec par rapport au système
d'enseignement dans les autres provinces canadiennes.
Quant au député de Marguerite-Bourgeoys, je me demande
sincèrement s'il a lu le même livre que nous, s'il a reçu
le même livre que nous, ou peut-être qu'il a composé son
discours avant d'avoir lu ou avant d'avoir pris connaissance du livre que nous
avons parce que je cherchais ses points de référence dans le
livre, et je n'en ai trouvé aucun. J'ai entendu beaucoup d'opinions,
d'opinions qui me semblent tout à fait gratuites. Évidemment, je
n'ai pas eu le
temps de les relever toutes, mais je voudrais simplement me concentrer
sur les remarques qu'il a faites au sujet du système, au sujet du niveau
collégial.
Je vais concentrer en particulier mes commentaires sur trois points.
D'abord, le premier point, la question de la centralisation. Il a
mentionné les lois 24 et 25 qui avaient contribué à
augmenter la centralisation au niveau du ministère quant au
système collégial et pourtant, en aucun temps, il n'a
réussi à nous dire en quoi les collègues étaient
véritablement affectés par cette centralisation. J'attendais des
exemples concrets, vécus dans le milieu, à la suite de l'adoption
des lois 24 et 25, et je n'en ai entendu aucun. C'est vrai qu'à
l'époque, on a beaucoup critiqué le fait que les lois 24 et 25
aient été adoptées un peu trop hâtivement, mais,
quant aux résultats, on n'a entendu aucune critique concrète, et
c'est cette même Opposition, par contre, qui réclame des
enquêtes à tout bout de champ de la part du ministère de
l'Éducation. Notamment, dans le cas du cégep d'Ahuntsic, on
réclame à cor et à cri une intervention du
ministère de l'Éducation au lieu de laisser le milieu
régler ses problèmes à partir d'un rapport d'enquête
qui a été déposé et à partir d'un conseil
d'administration qui doit prendre ses responsabilités.
Quant à la politique de décroissance scolaire dont il a
été fait mention, je ne sais pas si le député de
Marguerite-Bourgeoys a lu la page 6 de son manuel, section 5, mais il est
étonnant de voir qu'il est mentionné qu'en 1981-1982, la
clientèle a augmenté au-delà des prévisions. Si on
vérifie un peu plus loin dans le même manuel, on constate qu'entre
1976 et 1981, la clientèle du collégial est passée de 107
204 élèves à 124 480 élèves, soit une
augmentation de 13% de la clientèle depuis 1976. Comment peut-on parler
d'une politique de décroissance scolaire alors qu'il y a une
augmentation constante de la clientèle depuis 1976?
En passant, je voudrais souligner - je pense que c'est
intéressant de le mentionner - qu'il y a une augmentation marquée
de la clientèle de sexe féminin, maintenant supérieure en
nombre à celle du sexe masculin, et un accroissement du secteur
général par rapport au secteur professionnel pour l'année
1981-1982. Il est étonnant encore une fois d'entendre parler de
politique de décroissance scolaire dans un tel contexte. Je pense que
les cégeps reçoivent présentement ces clientèles.
Bien sûr, on vit dans un contexte de compressions budgétaires; on
n'a pas le choix, mais je pense que les collèges arrivent à vivre
avec cette clientèle et que, somme toute, les critiques, bien qu'elles
existent, ne font pas les premières pages de journaux ce temps-ci, en
tout cas quant à la réception de la clientèle dans les
cégeps.
Il a mentionné aussi, dans ses commentaires sur la politique de
décroissance scolaire, que la moitié des étudiants du
secondaire ne réalisaient pas le passage du secondaire au
collégial. C'est vrai, M. le Président, mais la
présentation est fausse. Ce qu'il aurait fallu dire, c'est qu'en
l'espace de quelques années, on est passé d'un taux de passage de
40% à 43%. Et cela, M. le député ne l'a pas dit. Si on
reculait au temps où les libéraux étaient au pouvoir, on
s'apercevrait que le taux de passage a considérablement augmenté
depuis ce temps-là. Alors pourquoi ne pas dire la vérité
quant à la politique de croissance scolaire, au contraire, qu'a connue
le milieu collégial?
Il a mentionné aussi la question de l'implantation des programmes
au niveau collégial, implantation qui, selon lui, est remise en question
présentement. Pourtant, M. le Président, on lit très bien,
aux pages 9 et 11, une série de réalisations pour 1981-1982 et
des projets très intéressants pour 1982-1983, toujours dans le
domaine de l'implantation des programmes. Le député a-t-il pris
connaissance de ces pages?
Je mentionne, M. le Président, qu'en 1981-1982, l'accès
à quatre programmes professionnels a été facilité
par l'élargissement de leur distribution dans le réseau. Il
s'agit des programmes de gestion d'entreprises agricoles, de techniques du
génie civil, de techniques correctionnelles, de techniques de design
industriel et, en 1982-1983, cinq programmes connaîtront une plus large
diffusion dans le réseau: aménagement forestier, exploitation
forestière, dessin de conception mécanique; en troisième
année, garderies d'enfants, informatique dans les collèges. On
peut retrouver le nom des collèges à côté de ces
techniques dont l'implantation sera étendue. Comment peut-on alors
parler d'une remise en cause des programmes d'implantation?
À la page 11, on retrouve une série de programmes
présentement dans le réseau, mais à l'état
expérimental. Il ne s'agit pas de deux ou trois programmes, mais de
plusieurs programmes. Dans une première catégorie, on retrouve
les cours d'expérimentation suivants dans le réseau: techniques
dentaires, techniques de denturologie, techniques d'électro-physiologie
médicale, prothèses visuelles, etc. Il y en a dix de ce type.
Comment peut-on parler d'une remise en cause de l'implantation des programmes
quand, au contraire, on voit qu'il y a une expansion des programmes, entre
autres, de certains programmes qui sont dispensés présentement en
milieu privé et qui seront intégrés à
l'enseignement collégial? Il s'agit de trois programmes qui
étaient offerts uniquement en milieu privé et qui passent au
milieu public. Il s'agit de techniques de thanatologie, de ballet-danse,
de sciences de la parole, trois programmes nouveaux qui seront
implantés dans le milieu. Je mentionne deux autres programmes qui sont
présentement expérimentés dans le réseau:
techniques du milieu naturel, techniques de soins infirmiers.
C'est assez curieux, encore une fois, de trouver une critique,
finalement, qui ne se fonde pas sur les faits, mais qui se fonde, au contraire,
sur des a priori, basée sur une approximation de la situation
vécue dans le milieu collégial. Le temps ne me permet pas de
poursuivre la critique, mais je suis convaincu que, si on examinait la critique
qu'il a faite des milieux primaire, secondaire et universitaire, on en
arriverait à la même conclusion, soit que le député
de Marguerite-Bourgeoys a sans doute rédigé son discours avant de
prendre connaissance du manuel qui est devant nous.
M. Lalonde: En vertu de l'article 96.
Le Président (M. Rodrigue): En vertu de l'article 96.
M. Lalonde: Étant donné que le député
de Fabre a tiré des conclusions de mon discours, je voudrais lui dire
que je n'ai pas parlé de décroissance, j'ai parlé de
défaut d'amélioration de l'accessibilité. C'est tout
à fait différent. Quand il demande, concernant la centralisation
dans le domaine collégial, pourquoi je n'ai pas donné d'exemple,
je lui rappellerai - je comprends qu'il n'avait pas le texte de mon discours -
que je me suis même référé non seulement à
l'article de Mme Bissonnette, mais au Conseil des collèges qui, dans son
deuxième rapport annuel, n'a pas manqué d'attirer l'attention du
ministre sur cette question de l'autonomie administrative et pédagogique
des collèges. L'organisme consultatif juge la situation à ce
point alarmante qu'il a décidé d'accorder priorité
à ce problème au cours de la prochaine année. Il me semble
que c'est assez sérieux pour qu'on le soulève ici, à
l'étude des crédits. Lorsqu'on abordera l'étude de ces
différents programmes, je pourrai donner plus de détails, M. le
Président.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: M. le Président, je n'aborderai pas des
sujets précis, mais je vais plutôt intervenir et apporter des
commentaires sur les deux discours de présentation concernant le budget
du ministère de l'Éducation pour 1982-1983, surtout sur les
visions et les orientations, qui sont totalement différentes. Je ne
dirai pas que l'un est rose et que l'autre est noir parce que, finalement,
j'aime mieux qu'on étudie programme par programme pour s'apercevoir,
finalement, de ce qu'est la réalité. On interprétera
dossier par dossier.
Au niveau de la vision générale, le ministre
présente son budget dans un contexte économique difficile, dans
une situation de crise économique, de crise budgétaire. On essaie
avec moins de faire plus et de faire mieux. D'après les commentaires
qu'on a entendus de l'autre côté, on se rend compte que c'est
possible parce qu'en faisant des comparaisons avec d'autres provinces, on
s'aperçoit que c'est possible, c'est faisable. Ce qu'on va essayer de
faire, c'est justement d'améliorer ce qu'on a, d'utiliser le potentiel
qu'on a, autant humain que physique et, évidemment, financier. (17 h
30)
Donc, ce qu'on va essayer de faire, c'est de préserver la
qualité de l'enseignement qu'on va donner en touchant les structures, en
touchant ce qui est, finalement, d'utilité, des services à donner
à celui pour qui l'éducation a été faite,
c'est-à-dire l'étudiant. Cela a été fait,
pensé avec un budget en période de crise économique. Donc,
on va s'attaquer - c'est ce que le ministre a dit - à des changements de
structures. Ce qu'on entend de l'autre côté venant du
député de Marguerite-Bourgeoys, c'est que, finalement, les
coupures ou l'argent, on devrait pas couper, on devrait faire plaisir à
tout le monde, on devrait même augmenter. Je ne pense pas qu'on doive
augmenter quand cela prend déjà plus de 28% du budget;
l'éducation doit comme le reste participer à la crise qu'on
subit. Il ne faudrait pas oublier qu'on n'est plus en période
préolympique, mais on est en période de crise économique.
Donc, les deux visions sont complètement différentes, c'est
évident. Sauf que la situation qu'on vit, elle est réelle, elle
est actuelle, puis les budgets doivent en tenir compte.
Donc, on fait quoi à partir de ça? Nous autres, on dit les
structures. On entend souvent les remarques, en disant: "Cessez le gaspillage,
ayez de meilleurs contrôles, rendez la machine plus efficace, plus
fonctionnelle", c'est exactement ce qu'on est en train de faire. Entre autres,
avec la restructuration scolaire, rendre l'école au milieu, c'est ce
qu'on dit, c'est ce qui est demandé par la consultation. On a
consulté, ce n'est pas quelque chose qui est imposé; c'est
quelque chose qui semble contesté de façon politique, sauf qu'on
répond à une demande et à une étude qui s'est
allongée sur plusieurs années, mais cela va répondre
vraiment au milieu.
Juste un exemple. C'est impensable de continuer comme ça et c'est
vrai qu'il y a du gaspillage, et c'est en éliminant le gaspillage
justement qu'on n'aura pas besoin
d'augmenter les budgets, mais de mieux utiliser ces mêmes budgets.
Comment se fait-il, surtout dans les petites places, que les conseils
municipaux doivent investir dans un terrain de baseball, par exemple, parce
qu'ils ne peuvent pas utiliser la cour de l'école le soir et les fins de
semaine? C'est impensable, cela a été demandé par le
milieu de changer ça et c'est ce qu'on va faire.
Le projet n'est pas connu et ce n'est pas moi qui vais le
dévoiler, sauf que cela va répondre aux besoins du milieu et
j'aimerais mieux qu'on le conteste ou qu'on attende de l'avoir en main et de
l'étudier avant de le contester comme tel. Donc, ce qu'on propose, ce
n'est pas d'enlever des services, ce n'est pas d'enlever de la qualité
non plus. C'est de mieux utiliser tout ce qu'on a pour être capable de
donner de la qualité, pas nécessairement avec plus d'argent, mais
avec plus de bonne volonté, des structures meilleures, mieux
adaptées à l'école et à l'étudiant. Donc,
c'est dans ce sens qu'on le voit et ce n'est pas nécessaire d'augmenter
les services.
Quand on parle aussi de la popularité croissante de
l'école privée, on ne s'assoira certainement pas sur le tas
à regarder passer la misère et à constater que,
finalement, c'est vrai que l'école privée est drôlement
bien vue par la population. Et ça, c'est dû à des facteurs
qui datent déjà. Entre autres, une des plaintes qu'on a souvent,
c'est que les écoles publiques sont trop grandes. On ne peut pas nous le
reprocher à nous: elles sont là depuis plusieurs années.
Et nous devrons fonctionner aussi avec ça. On doit faire en sorte de
rendre l'école publique plus attrayante, ou du moins aussi attrayante
que l'école privée, et c'est ce qu'on est en train de faire en
répondant justement aux gens, à la population locale. Donc, il ne
faut pas nous reprocher de vouloir corriger une situation. Et la corriger, ce
n'est pas en mettant plus d'argent à l'intérieur parce que vous
allez nous reprocher, vous serez les premiers à nous reprocher de
réinvestir davantage et d'avoir moins d'élèves par classe
et moins de minutes et toutes sortes de choses. Donc, ce n'est pas ça la
solution, ce n'est pas d'investir davantage. C'est quoi? C'est au niveau des
structures qu'il y a quelque chose à changer, et c'est au niveau des
structures qu'on va s'attaquer.
Donc, cela va nous permettre non seulement un meilleur contrôle,
mais plus d'économies aussi. C'est dans ce sens que nous autres, nous
allons fonctionner et c'est pour cela que les budgets sont encore
énormes. Ils ne seront pas, par contre, augmentés dans l'ensemble
du budget au niveau du pourcentage.
Un autre exemple qu'on pourrait prendre, où on nous fait des
reproches - le député de Marguerite-Bourgeoys y faisant allusion
- c'est l'éducation des adultes; c'est évident qu'il y a eu une
grande partie des gens qui ont abandonné l'éducation des adultes.
Si on regarde, par exemple, les chiffres qui apparaissent dans le livre des
crédits qui est déposé aujourd'hui, on se rend compte que,
là où cela a lâché, c'est dans le socioculturel. Et
est-ce que ce n'est pas justement une bonne chose que cela se produise? Est-ce
que ce ne sont pas plutôt des loisirs? Est-ce qu'on n'a pas
plutôt... Et c'est un reproche que vous nous faites souvent de vouloir
toujours centraliser, étatiser, que le gouvernement prend tout en main
et se charge de tout ce que la population locale faisait de façon
bénévole auparavant! Est-ce qu'on n'est pas en train de le tuer,
le bénévole? Justement parce qu'on a ouvert trop grands nos
programmes, étant donné qu'on pouvait, à meilleur
coût, fournir des équipements de luxe à des gens, on a pris
des cours de macramé, de danse, toutes sortes de choses, qui
étaient donnés par d'autres groupes, qui coûtaient moins
cher à la société, qui relevaient du loisir. On les a pris
et cela a fait en sorte que les coûts de l'éducation sont devenus
aussi énormes. Que les domaines socioculturels retournent finalement
là où ils doivent aller, ce n'est pas nécessairement une
mauvaise chose. Ce qu'on peut remarquer, par exemple, c'est qu'à
l'éducation des adultes, dans le général, cela demeure
stable et, dans le socio-économique, cela augmente. Donc, si
l'éducation doit servir justement à préparer l'avenir et
non pas nécessairement fournir des loisirs, je pense qu'on atteint quand
même les objectifs auxquels le ministère de l'Éducation
doit répondre.
Donc, c'était surtout cela, globalement, sur les perceptions, les
vues générales, les deux façons de voir
l'éducation, que je voulais intervenir particulièrement. Je
continue à dire que ce n'est pas en augmentant les budgets, que ce n'est
pas nécessairement en changeant non plus tout le système qu'on a,
mais c'est en faisant en sorte que les structures répondent à
l'éducation à donner à l'étudiant et se rapprochent
du milieu, c'est-à-dire de l'école. C'est exactement ce qu'on
dit. Donc, cela va nous permettre d'éviter ce qui pouvait se produire
parce que, finalement, on décentralisait tellement qu'on s'est
ramassé avec des trous énormes dont on a souvent parlé.
C'est ce qu'on veut éviter. C'est justement en étant plus
près de l'étudiant, plus près de la population locale
qu'on va pouvoir s'assurer de répondre à leurs besoins et qu'on
va être capable de dépenser, je pense, plus efficacement l'argent
dans le domaine de l'éducation.
Je vais plutôt réserver mes autres questions pour chacun
des programmes.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Vachon.
M. David Payne
M. Payne: M. le Président, je suis tenté de
m'éloigner de mes préoccupations de ce matin suivant les
remarques invoquées par Mme la députée de Jacques-Cartier,
qui semble vouloir suggérer aux Québécois, évoquer
aux Québécois une vision cauchemardesque de l'éducation au
Québec. Je pense que ce serait plus dans l'ordre, de notre
intérêt, de nous amener à la réalité plus
spécifique de certains autres programmes. Elle s'est bien
défendue de vouloir attaquer exclusivement ce qu'on peut appeler le
programme 4.
Pour ma part, j'aimerais aller plus en détail dans mes remarques
préliminaires. Je ne m'adresserai pas directement aux crédits de
cette année. On y reviendra plus tard ce soir. Mais pour qu'on puisse
avoir un bon point de départ, peut-être qu'on peut faire des
comparaisons avec l'année dernière, l'année qui
précédait, etc.
Par exemple, elle a mentionné j'espère que vous avez bien
saisi la nature de ses remarques, M. le Président - le cas des personnes
en difficulté de réadaptation et celui des services
éducatifs, si je l'ai bien comprise, aux déficients mentaux. Je
pense que le gouvernement actuel est en mesure de bien défendre son
dossier. Par exemple, concernant les services éducatifs aux jeunes
présentant - comment dit-on cela en français - des signes
psychopathologiques, ceux qui souffrent d'autisme, depuis quelque temps, les
pressions s'accentuent pour qu'on offre des services éducatifs dans les
écoles à des jeunes présentant de telles
difficultés. Or, Mme la députée de Jacques-Cartier, qui
est tout à fait prête à blâmer le gouvernement
d'enlever des services, n'est pas prête à assumer, pour sa part,
une réalité, à savoir que ce sont vraiment, la plupart du
temps, les commissions scolaires qui sont récalcitrantes, difficilement
prêtes à vraiment instaurer des services éducatifs aux
jeunes présentant ce genre de difficulté. Je vois qu'elle montre
des signes de désaccord, mais je pourrai peut-être me
référer aux deux cas qui ont été débattus,
si ma mémoire est fidèle, devant les tribunaux. Je pense que
c'est à Sainte-Foy et à Drummondville. Même si le taux
d'expansion de ce genre de maladie est assez minime, je pense que cela
représente un défi de taille pour les commissions scolaires.
Au sujet de l'accessibilité en général des
élèves en difficulté d'apprentissage, je pense qu'on
pourrait aussi souligner une certaine lacune en ce qui concerne certaines
commissions scolaires. N'oublions pas que le MEQ donne aux commissions
scolaires une enveloppe globale et les sommes supplémentaires sont
toujours disponibles devant le Conseil du trésor pour favoriser
davantage l'accessibilité des élèves aux services
éducatifs. Le MEQ, d'après mon expérience, a toujours
insisté pour que les commissions scolaires se donnent une politique
d'organisation des services aux élèves, y compris les services
à l'intention des élèves en difficulté
d'apprentissage.
La députée de Jacques-Cartier, qui veut imputer au
gouvernement le fait de ne pas vouloir décentraliser ses services, se
refuse encore à accepter le fait que, peut-être dans tous les cas,
les commissions scolaires n'ont pas montré toute la bonne foi
nécessaire à cet égard. Pour justifier mes craintes, je
pourrais peut-être invoquer un autre exemple dans le programme 4 auquel
fait référence la députée de Jacques-Cartier. Je
suggérerais aussi que les commissions scolaires... Le gouvernement
actuel, depuis 1978, je crois, a instauré le projet de service de garde
en milieu scolaire. J'ai constaté, dans mon comté et dans
plusieurs comtés avoisinants, que les commissions scolaires ont
montré une certaine réticence à divulguer les
détails de cet intéressant programme. Or, une étude
précise et concise de la situation nous montre les budgets
accordés par le gouvernement du Québec pour le
développement de ce programme qui est très remarquable, à
mon avis. En 1978, c'était une modeste somme de 53 000 $. L'année
suivante, 238 000 $. En 1980, 934 000 $ et en 1981, 1 800 000 $. Le nombre de
commissions scolaires dispensant ce service est de 15 en 1978 et, aujourd'hui
de 66.
Je trouve ça assez intéressant et je porte à
l'attention du ministre ma préoccupation, que peut-être les
commissions scolaires ont encore une certaine responsabilité à
assumer, et peut-être explorer les problèmes évoqués
par la députée de Jacques-Cartier. Lorsqu'elle parlait du
personnel de soutien mis en disponibilité, elle a cité les
chiffres, qui n'étaient pas les bons d'ailleurs, mais je n'ouvrirai pas
une parenthèse là-dessus. Ce personnel de soutien pourrait
peut-être être bien utilisé pour aider la mise en
application de ce service de garde en milieu scolaire.
Mes discussions sont fondées sur des discussions avec les
enseignants, avec les parents et avec les administrateurs des commissions
scolaires. Parfois, et souvent, les commissions scolaires sont peu
intéressées à mettre en application ce programme.
Pourquoi? Parce que ça prend du temps, ça prend un certain
effort, ça prend une certaine technique de négociation avec les
syndicats pour les convaincre de l'importance de cela. Cela exigerait aussi le
besoin de négocier les descriptions de tâches et les descriptions
du nombre de postes disponibles.
Je pense que, si certaines commissions scolaires étaient plus
intéressées à accepter et mettre en application ce bon
principe de décentralisation, assumant leurs responsabilités en
ce qui concerne ce
programme, par exemple, elles pourraient peut-être avoir plus de
pouvoirs qu'elles n'en ont actuellement. Je sais qu'au mois d'octobre dernier,
si je me souviens bien, le ministère de l'Éducation a pris
l'initiative de former un comité ministériel MEC-MAS, qui
fonctionne très bien, et je pense que c'est le genre d'exemple pour
l'avenir, où on peut faire mieux avec moins. (17 h 45)
Tout en étant solidaire de mes collègues, je pense que les
critères d'évaluation des programmes et des services ne devraient
pas être faits en fonction des sommes d'argent dépensées
pour les programmes, mais plutôt en termes de rendement des services que
nous retirons de nos programmes. On peut faire mieux avec moins. En terminant
mes remarques, je parlerai particulièrement de la situation qui
prévaut à l'heure actuelle sur l'île de Montréal
justement au sujet de ce principe de décentralisation. Je m'adresserai
brièvement... Est-ce que j'ai quelques minutes, M. le
Président?
Le Président (M. Rodrigue): II vous reste effectivement
douze minutes.
M. Payne: Je ne prendrai pas ces douze minutes, mais je tiens
à parler du principe de décentralisation. La
députée de Jacques-Cartier ne semble pas porter beaucoup
d'intérêt aux réformes proposées par le
gouvernement. Dans ses grandes lignes, la réforme proposée semble
vouloir apporter un certain élément décentralisateur. La
députée de Jacques-Cartier est bien au courant de la situation du
fait que nous avons à peu près 250 commissions scolaires, les
commissions scolaires régionales, les commissions scolaires
élémentaires et secondaires; nous avons une gamme de services
administratifs.
Au niveau des commissions scolaires, beaucoup de services sont
déjà très décentralisés, mais si le Parti
libéral du Québec veut être conséquent avec ses
idées, pourquoi ses membres sont-ils prêts à faire une
campagne de peur, particulièrement dans le milieu anglophone de
Montréal, en lui disant que les anglophones de Montréal vont
perdre le pouvoir qu'ils ont à l'heure actuelle? Pourquoi veulent-ils
tellement y mener une campagne de propagande féroce, une campagne
défensive, une campagne de peur pour empêcher justement que le
comité des parents et les écoles deviennent peut-être une
corporation publique dans le sens de la loi? Pourquoi sont-ils tellement contre
l'idée que l'école publique devienne quelque chose de plus
important que ce qu'elle est à l'heure actuelle?
Est-ce que la députée de Jacques-Cartier et ses
collègues de l'Assemblée nationale ont tellement peur de la
réforme qu'ils sont prêts à enlever aux parents les
pouvoirs qu'ils ont à l'heure actuelle? Sont-ils prêts à
discuter avec le gouvernement d'un projet de réforme qui aurait pour
effet et comme conséquence de donner plus de pouvoirs aux parents? Je ne
suis pas sûr que les parents soient vraiment incapables de
s'intéresser à un projet de réforme scolaire et, par
conséquent, d'accepter par la suite les responsabilités qui
accompagnent une telle réforme. Je donne, à titre d'exemple,
quelque chose qui a été souligné en Chambre il y a
à peine quelques semaines par la députée de
Jacques-Cartier. Elle s'inquiétait du problème du transport, si
jamais il y a avait une réforme, qui aurait comme effet d'uniformiser
certains services. À l'heure actuelle, pour le transport scolaire, cela
coûte - je donne un chiffre rond - à peu près 2 000 000 $
par année. Avec une réforme scolaire, selon laquelle le milieu
anglophone serait regroupé, il serait possible d'économiser
davantage. Si on avait moins de commissions scolaires, 100 ou 150 au lieu de
250, je ne sais trop, cela pourrait beaucoup aider en termes de services, cela
pourrait aider au rendement du produit.
Si nous avons une diversification de notre produit éducatif, si
je peux l'appeler ainsi, si on peut avoir une école qui ne soit pas
nécessairement la même exactement, en termes d'application du
régime pédagogique, dans une école anglophone sur la
Basse-Côte-Nord que dans une école francophone de l'Est de
Montréal, peut-être qu'on pourrait économiser de l'argent.
Cela pourrait peut-être favoriser davantage et le milieu anglophone de la
Basse-Côte-Nord, d'une part et, d'autre part, l'école francophone
de l'Est de la ville de Montréal, qui peuvent faire des économies
assez intéressantes avec une réforme. À l'heure actuelle -
il faut que je fasse attention devant les fonctionnaires -nous avons 29,000
fonctionnaires au Québec qui travaillent dans le milieu. Je n'ose pas
dire que c'est trop, mais en réalité, peut-être qu'on
pourrait faire mieux avec moins.
Le principe de décentralisation souvent évoqué par
le gouvernement actuel peut donc produire des conséquences
intéressantes au niveau du budget pour le gouvernement du Québec.
Et si nous sommes tentés d'invoquer le fait que le Québec a
consacré 7,5% de son produit intérieur brut à
l'enseignement en 1979 comparativement à 5,6% en Ontario. C'est que les
membres de l'Opposition semblaient obsédés par les comparaisons
avec d'autres provinces, alors que nous, au Québec, nous offrons
beaucoup moins pour les sommes que nous consacrons à
l'éducation.
Je laisse mes remarques préliminaires. J'aimerais revenir plus
tard, au cours de l'étude des crédits, pour obtenir plus de
détails, particulièrement en ce qui concerne les cégeps et
les universités. Merci.
Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre.
Réponse du ministre
M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
mes collègues de la commission pour s'être exprimés
à ce stade-ci de nos travaux sur les orientations
générales, malgré que j'aie beaucoup mieux
apprécié les commentaires éminemment positifs de mes
collègues ministériels que les tableaux exagérément
pessimistes et catastrophiques qu'ont voulu dresser les membres de
l'Opposition. Je remarque que le critique officiel de l'éducation s'est
exprimé cette année beaucoup plus longuement que l'an
dernier.
M. Lalonde: C'est le mauvais exemple que j'ai suivi.
M. Laurin: II a même parlé vingt minutes de plus que
le ministre, ce qui est un véritable exploit, si j'en crois les
commentaires que me faisait l'an dernier le député de
Marguerite-Bourgeoys. On peut même parler de sa part de discours fleuve,
un discours fleuve qui a voulu reprendre chacun des volets ou
éléments des crédits du ministère de
l'Éducation. Je le remercie de cet effort, ainsi que tous les autres
membres de la commission.
Je remarque cependant qu'il s'est plutôt fait l'avocat du diable,
puisqu'il n'a rien trouvé de positif à dire sur les
crédits qui font actuellement l'objet de notre discussion. Il s'est
lancé dans une attaque à fond de train, tous azimuts, ne
cherchant guère ses cibles, frappant sur tout ce qui bougeait. Je trouve
cette attaque assez injuste étant donné que, dans mon discours
d'ouverture, je n'ai sûrement pas tenté, ainsi qu'on m'en accuse,
de prouver que le ministre et le ministère n'avaient fait aucune erreur
au cours de l'année. Je n'ai pas non plus passé sous silence ni
minimisé les difficultés considérables au milieu
desquelles nous avons à mener notre action. Au contraire, j'ai
décrit à grands traits les difficultés aussi bien
économiques que sociales et politiques qui constituent autant de
contraintes à notre action.
Cependant, j'ai tenté, dans une optique réaliste, de
montrer à quel point le ministère de l'Éducation a
été - j'inclus ici non seulement le ministère
lui-même, mais tout le réseau, les divers secteurs - un
véritable chantier et a tenté, avec des ressources moindres, de
s'attaquer à tous les problèmes qui avaient été
identifiés au cours des récentes années afin d'y apporter
des solutions marquées au coin de la saine pédagogie, de la
qualité et également de l'essentiel, comme je le disais. Je
trouve donc cette attaque éminemment injuste, non seulement pour tous
les fonctionnaires du ministère, mais pour tous les 29 000 permanents
dont on vient de parler et qui se sont dévoués d'une façon
extraordinaire pour l'amélioration de notre système
d'éducation.
À vouloir trop exagérer, comme l'a fait le
député de Marguerite-Bourgeoys, je pense qu'on nuit à la
cause que l'on veut défendre. Le discours du député de
Marguerite-Bourgeoys ne constituait peut-être pas une fuite dans
l'imaginaire, mais il constituait, à coup sûr, une
déformation de la réalité existante en même temps
qu'une exagération au chapitre du catastrophisme et du pessimisme; en ce
sens, je pense qu'il nous faut le taxer d'irréalisme et le rejeter en
grande partie.
Dans son discours, d'une façon générale, le
député de Marguerite-Bourgeoys, comme je le disais au
début, a voulu se reprendre sur la critique qu'il faisait l'an dernier.
J'ai même eu l'impression, à certains moments, qu'il faisait la
critique des crédits de 1981-1982 et même de 1980-1981
plutôt que la critique des crédits de 1982-1983. À l'appui
de cette thèse, je remarque que la plupart des citations dont il a
assaisonné son discours avaient paru il y a deux ans, parfois il y a
trois ans et parfois il y a quatre ans dans les divers journaux du
Québec. On peut donc dire qu'il y avait là du
réchauffé en grande partie, un réchauffé qui avait
grandement perdu de son actualité puisque, dans beaucoup de cas, en tout
cas, les situations qu'il dénonçait par personne
interposée ont été corrigées. Dans les quelques
citations qui s'appliqueraient davantage à la réalité
présente, je pense qu'on peut remarquer, là aussi, des
exagérations et des déformations sur lesquelles j'aurai
d'ailleurs l'occasion de revenir.
M. le Président, étant donné qu'il est 17 h 58, je
vous demanderais la permission de m'interrompre temporairement et de reprendre
la parole lorsque la commission reprendra sa séance.
M. Lalonde: Je suis entièrement d'accord, M. le
Président. Maintenant, est-ce que je peux profiter de ces deux minutes
pour discuter de l'organisation des travaux, à savoir quels programmes
nous allons aborder? J'avais discuté, comme je le disais ce matin, avec
le chef de cabinet et j'avais demandé si c'était possible, tout
d'abord, d'aborder les programmes 1 et 2. On en a discuté un peu ce
midi. Autrefois, on faisait cela à la fin, mais je pense que, pour les
grandes politiques, la gestion des ressources, c'est bon d'aborder cela au
début. Ensuite, compte tenu de la disponibilité de nos
différents porte-parole, on pourra y aller en tentant de couvrir tout le
terrain, par exemple, si c'est possible.
M. Paquette: M. le Président, si l'Opposition
préfère commencer par les programmes 1 et 2 plutôt que les
autres, on n'a absolument aucune objection. La seule chose, c'est qu'on
aimerait bien, autant que possible, que tous les programmes soient couverts.
Dans ce sens-là, il serait peut-être intéressant qu'on
s'entende sur une répartition approximative - il ne s'agit pas
d'être rigide de façon excessive - pour être sûr de
toucher les différents programmes: l'enseignement
élémentaire et secondaire, l'enseignement aux adultes, l'Office
de la langue française aussi. (18 heures)
M. Lalonde: Voici ce que j'avais suggéré à
M. Leclerc. Je croyais que les discours d'introduction seraient terminés
ce midi, à 13 heures. Enfin, cela a été un peu plus long
et ils ont été plus nombreux que prévu.
Je croyais que, cet après-midi, nous pourrions étudier les
programmes 1 et 2 - on ne les a pas encore abordés - et que, ce soir, on
aurait les programmes 3 et 5, mais je pense qu'on va essayer de couvrir les
programmes 1 et 2 ce soir. Demain matin, si cela vous va, on pourrait faire les
programmes 3 et 5, quoique, si vous préférez commencer tout de
suite le programme 4 avant les programmes 3 et 5, je n'ai pas d'objection,
c'est très vaste. Étant donné qu'on a deux heures et demie
demain matin, sans interruption et sans accident de parcours de
l'Assemblée nationale, on sera sûr au moins de pouvoir travailler
deux heures et demie là-dessus.
Le Président (M. Rodrigue): Est-ce qu'il y a accord pour
que nous abordions d'abord l'étude des programmes 1 et 2 ce soir, puis
le 4 demain matin?
M. Lalonde: Pour continuer à...
M. Paquette: Peut-être aurons-nous le temps d'aborder aussi
le programme 3 ce soir, si c'est possible, sinon...
Le Président (M. Rodrigue): On verra.
M. Lalonde: Notre porte-parole n'est pas ici, il est malade, il a
été obligé de subir un examen ce matin. Il est
peut-être arrivé à Québec, je vais vérifier.
Après ça, on pourrait faire les programmes 3 et 5, et 7 et 8.
J'aimerais lancer tout de suite un appel. On a convenu d'un certain nombre
d'heures et on a tassé ces heures pour terminer le tout jeudi midi, mais
il ne semble pas qu'on puisse couvrir ce nombre d'heures. Je vais en parler au
leader de l'Opposition, qui pourra discuter avec votre leader. Je ne voudrais
pas qu'on escamote un seul des programmes. Malheureusement, on arrive toujours
à la fin avec la langue française et il nous reste 30 ou 45
minutes pour ce sujet, beaucoup trop important pour le traiter de cette
façon-là. J'invite le ministre à accepter d'avance cette
indulgence sur l'étendue qu'on pourrait demander.
M. Laurin; Vous savez que j'aime parler.
Le Président (M. Rodrigue): La commission élue
permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 02)
(Reprise de la séance à 20 h 08)
Le Président (M. Rodrigue): La commission élue
permanente de l'éducation reprend ses travaux. Son mandat est
d'étudier les crédits du ministère de l'Éducation
pour l'année 1982-1983.
Les membres de cette commission sont: MM. Brouillet (Chauveau),
Champagne (Mille-Îles), Chevrette (Joliette) remplacé par Payne
(Vachon), Cusano (Viau), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme Dougherty
(Jacques-Cartier), MM. Hains (Saint-Henri), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys),
Laurin (Bourget), Leduc (Fabre), Paquette (Rosemont).
Les intervenants à cette commission sont: MM. Bisaillon
(Sainte-Marie), French (Westmount), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Paré
(Shefford), Polak (Sainte-Anne) remplacé par Dauphin (Marquette), Proulx
(Saint-Jean), Rochefort (Gouin), Ryan (Argenteuil), Saintonge (Laprairie).
Nous en étions à la réplique du ministre sur les
remarques préliminaires.
M. le ministre.
M. Laurin: Dans sa réponse à mon intervention le
député de Marguerite-Bourgeoys nous accuse en quelque sorte
d'avoir comprimé dans tous les programmes, d'avoir comprimé
inconsidérément, d'avoir comprimé sans réflexion
suffisante. Il nous accuse, par exemple, d'avoir coupé dans presque tous
les services, comme les services en milieux économiquement faibles, les
services aux élèves en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage, d'avoir coupé dans le soutien pédagogique d'une
façon marquée. Au collégial, il nous accuse
également d'avoir coupé dans les mesures de soutien
pédagogique, dans les bibliothèques, également d'ailleurs
aux niveaux primaire et secondaire, d'avoir trop coupé dans les
bibliothèques, d'avoir coupé dans la recherche, d'avoir
coupé dans l'éducation des adultes, d'avoir coupé dans les
universités ou d'avoir comprimé, ce qui revient au même. Il
mentionne des sommes astronomiques: 100 000 000 $, 80 000 000 $,
140 000 000 $, un peu comme s'il nous reprochait au fond d'avoir
dû procéder à ces compressions et à ces
coupures.
Si l'on fait la somme de toutes ces compressions ou coupures qu'il nous
reproche d'avoir effectuées en laissant entendre que le gouvernement
libéral ne les aurait pas effectuées, nous en arrivons à
une somme assez astronomique qui dépasse les 500 000 000 $ ou 600 000
000 $ et peut-être même davantage.
En somme, cela veut dire, si je l'entends bien, qu'un gouvernement
libéral aurait coupé ailleurs, comme il l'a dit à la fin
de son exposé, qu'il aurait sacrifié d'autres missions
gouvernementales, probablement la mission économique ou la mission
sociale, et que la mission éducative aurait non seulement
été maintenue, mais se serait considérablement
développée. À l'entendre, j'ai vraiment l'impression que
le député de Marguerite-Bourgeoys habite une autre
planète, pour ne pas dire un autre pays, ou encore qu'il se croit il y a
quinze ans passés où nous connaissions ce que l'économiste
Galbraith a appelé "l'affluent society", où les revenus montaient
en flèche et où les gouvernements pouvaient se permettre, bon an,
mal an, d'augmenter les crédits gouvernementaux de 18%, 19% ou 20%.
On dirait donc que le député de Marguerite-Bourgeoys n'a
pas lu les journaux depuis une quinzaine d'années et qu'il ne se rend
pas compte que nous vivons dans une société qui est
frappée, au moins depuis une dizaine d'années, par une crise qui
a diminué considérablement les revenus des gouvernements en
même temps que l'inflation frappait à nos portes et que nous
connaissions même une inflation galopante. De là à venir
dire maintenant que son gouvernement n'aurait procédé à
aucune de ces coupures, qu'il aurait sacrifié ailleurs, qu'il aurait
dépensé pour la mission éducative 500 000 000 $ de plus,
cela m'apparaît ou irréaliste, ou complètement
irresponsable, ou plutôt entièrement démagogique. Je
remarque d'ailleurs que le député de Marguerite-Bourgeoys n'est
pas suivi dans ce raisonnement par son chef qui a dit encore récemment
que, si le Parti libéral avait été élu ou
était élu dans un proche avenir, il continuerait d'effectuer des
compressions et des coupures qui sont absolument indispensables ou
inévitables, plutôt.
On a aussi la désagréable impression, quand on entend
pareil discours, que la seule façon d'améliorer la mission
éducative, c'est d'y ajouter plus d'argent et toujours plus d'argent.
L'augmentation des crédits paraît alors comme une sorte de
solution magique qui devrait régler tous les problèmes, alors que
le gouvernement, d'une façon beaucoup plus responsable et
réaliste, tenant compte de la situation créée par la
conjoncture, essaie d'appliquer des solutions qui sont marquées au coin
du réalisme économique tout en tentant d'explorer de nouvelles
voies qui sauront sauvegarder l'essentiel, c'est-à-dire la
qualité des divers enseignements en sacrifiant ou en rognant davantage
sur ce qui paraît moins essentiel ou plus accessoire.
Je fais d'ailleurs remarquer, comme mes collègues l'ont fait
avant moi, que, malgré une décroissance de clientèle de
près de 6% au cours des quatre dernières années, le
montant global alloué par le gouvernement à la mission
éducative n'a pas varié depuis cinq ou six ans. Cette proportion
du budget est toujours de 28% ou à peu près, malgré encore
une fois cette décroissance de clientèle et malgré les
difficultés que nous connaissons. (20 h 15)
Ce qu'il serait plus juste de dire, c'est que le budget de tout le
gouvernement ou de toutes les missions n'a pu augmenter aussi rapidement qu'il
le faisait auparavant et les causes de ce phénomène sont bien
connues. D'une part, il y a cette récession mondiale à laquelle
je viens de faire allusion, la crise du pétrole, la crise de l'inflation
avec toutes ses conséquences et, depuis deux ans à peu
près, les facteurs additionnels qui nous ont singulièrement
compliqué l'existence comme, par exemple, cette augmentation rapide des
taux d'intérêt, particulièrement aux États-Unis, et
qui ont entraîné au Canada, évidemment, puisque le Canada
est un satellite des États-Unis, une augmentation encore plus rapide et
plus importante des taux d'intérêt qu'aux États-Unis.
On sait que cette augmentation de près de 10% des taux
d'intérêt en moins de deux ans complique non seulement la vie des
individus et des familles, mais également des gouvernements, qui sont
obligés d'hypothéquer l'avenir, c'est-à-dire d'emprunter
pour doter les générations futures de services dont elles ont
besoin. On peut parler aussi d'une inflation qui, malgré une politique
restrictive marquée par l'augmentation des taux d'intérêt,
n'a quand même pas pu être contrôlée par les
autorités fédérales, une inflation qui augmente
considérablement tous les prix, biens et services que les gouvernements
dispensent et que le ministère de l'Éducation,
particulièrement, dispense à ses réseaux.
Quand on ajoute à cela la réduction considérable
des taux de transfert venant d'Ottawa, il n'est pas étonnant de
constater que nous ayons un manque à gagner, un manque à pourvoir
que tout gouvernement responsable se doit de reconnaître et auquel il se
doit aussi d'apporter des solutions, encore une fois, qui sont adaptées
à la réalité, tout en tentant de minimiser, dans toute la
mesure du possible, les conséquences difficiles qui peuvent s'ensuivre
pour le maintien ou le développement des réseaux.
Mais ce raisonnement semble inconnu au député de
Marguerite-Bourgeoys et il continue de réclamer une augmentation des
dépenses dans tous les secteurs. Encore une fois, c'est une attitude qui
m'apparaît très peu responsable et qui m'apparaît
confinée à ce que mon collègue de Rosemont appelait tout
à l'heure une sorte de délire partisan on ne peut plus
irréel.
Le député de Marguerite-Bourgeoys nous accuse aussi
d'avoir augmenté, accru, accentué le degré de
centralisation, particulièrement dans la mission éducative.
Peut-être pensait-il à l'adoption de la loi 57 qui a enlevé
aux commissions scolaires une partie de leur pouvoir fiscal. Mais je
rappellerai alors au député de Marguerite-Bourgeoys que ce
mouvement a été commencé bien avant que le Parti
québécois arrive au pouvoir. Je me rappelle, en particulier,
lorsque j'étais chef parlementaire du Parti québécois,
avoir entendu à plusieurs reprises le ministre des Finances d'alors, M.
Garneau, qui disait qu'il convenait de diminuer l'apport de l'impôt
foncier attribuable aux commissions scolaires pour le transférer aux
municipalités. Et il a commencé, pendant qu'il était
ministre des Finances, à effectuer ce transfert et nous n'avons fait, au
fond, qu'aller jusqu'au bout de la logique qu'il avait lui-même
énoncée à cette époque en transférant 94%
des impôts fonciers aux municipalités.
Ceci ne veut pas dire, M. le Président, que le gouvernement a
centralisé davantage ses services, en particulier en ce qui concerne les
commissions scolaires. 11 fallait peut-être, bien sûr, à
l'occasion de cette découverte, qui a été faite il y a
quelques années, des dettes qu'avaient effectuées les commissions
scolaires sans la connaissance du gouvernement aménager certains
contrôles. Ceci peut expliquer, évidemment, certaines des mesures
que le gouvernement a dû prendre, mais je rappellerai là encore au
député de Marguerite-Bourgeoys que ces trous, que ces lacunes,
que ces dettes considérables ont été contractées,
pour près de 250 000 000 $, la première fois que le gouvernement
en a pris connaissance, pendant l'administration libérale. Nous sommes
arrivés, en 1977, avec cette désagréable découverte
qu'il nous fallait assumer ces dettes qui avaient été
effectuées par les commissions scolaires justement parce que le
gouvernement d'alors n'avait pas mis en place des contrôles de
dépenses propres à lui éviter pareille
déconvenue.
Cette première tentative de contrôle s'est
avérée insuffisante puisque par la suite, et
précisément à l'occasion des études qui ont
été rendues nécessaires par l'adoption de la loi no 57,
nous nous sommes rendu compte que les commissions scolaires s'étaient
endettées d'une façon encore plus considérable que nous ne
le pensions, en raison justement des méthodes qui avaient cours à
cette époque quant au contrôle des dépenses. Ce sont des
sommes considérables dont il s'agissait, près de 300 000 000 $,
et il a fallu mettre en place des contrôles plus rigoureux.
La mise en place de contrôles par un gouvernement n'implique pas
que le gouvernement centralise tous les services. Au contraire,
parallèlement à cette mise en place de contrôles, le
gouvernement a procédé graduellement à une
décentralisation progressive auprès des commissions scolaires. Si
le député de Marguerite-Bourgeoys était
véritablement au courant de la façon dont le secteur primaire et
secondaire gère actuellement son secteur, il verrait que le reproche
qu'il nous fait de centraliser davantage est absolument injustifié et
non fondé. Sur cette question, il faudrait rappeler, par exemple, que
les fondements de la nouvelle méthode d'allocation des ressources sont
les suivants. D'abord, nous distribuons aux commissions scolaires une
allocation globale a priori en fonction de paramètres propres à
chaque commission scolaire. Nous laissons à chaque commission scolaire
la possibilité d'utiliser des surplus et des déficits. Nous avons
diminué considérablement les contrôles a priori au profit
de contrôles a posteriori, moins nombreux et plus appropriés, nous
conformant en cela aux méthodes les plus modernes de gestion.
Nous avons réussi aussi à simplifier d'une façon
considérable le processus administratif. Avant d'imposer des
règles budgétaires, nous consultons systé- matiquement les
administrations locales et régionales; ceci est vrai pour les
commissions scolaires, mais ceci est vrai également pour les
collèges. Nous approuvons le budget avant même le début de
l'exercice financier, ce qui permet aux commissions scolaires de planifier
d'une façon beaucoup plus adéquate et cohérente leurs
activités pour l'année en cours. Enfin, nous n'allouons les
allocations supplémentaires qu'après avoir connu la
clientèle scolaire de la commission, ce qui permet encore une fois
à la commission scolaire de mieux planifier ses activités et
aussi, incidemment - nous le voyons cette année - de diminuer le nombre
de ses mises en disponibilité.
Donc, de ce bref résumé, je pense qu'il faut conclure que
le gouvernement, loin d'avoir centralisé l'administration des
commissions scolaires, l'a au contraire décentralisée.
D'ailleurs, ceci est parfaitement conforme à ce que je disais sur les
compressions et les coupures que nous avons dû effectuer parce que,
précisément, cette décentralisation constitue un des
moyens grâce auxquels nous avons pu parer en très grande partie
à l'effet malencontreux de ces compressions ou de ces coupures
inévitables.
Nous ne croyons pas ici, en tout cas, de ce côté de la
table, que la solution au problème de l'enseignement, que nous n'avons
pas nié, passe nécessairement par un accroissement des
crédits. Bien sûr, il en faut - encore une fois, la mission
gouvernementale, la mission éducative se maintient à 28% - mais
nous croyons aussi et peut-être même davantage à d'autres
moyens pour augmenter la qualité et même la quantité des
services. Nous croyons, par exemple, à cette consultation dont je viens
de donner un exemple; nous croyons à la participation des milieux locaux
et régionaux; nous croyons enfin à la concertation,
c'est-à-dire à une recherche en commun des meilleurs moyens, y
compris les moyens financiers, pour atteindre des objectifs que nous avons
établis en commun.
Nous croyons aussi qu'après avoir mis en place durant un certain
nombre d'années des services, il importe de les évaluer en vue
d'en rationaliser, d'en aménager le mieux possible le rendement. Nous en
avons donné plusieurs exemples au cours de l'année,
particulièrement dans mon exposé d'ouverture, et je pense que ces
divers moyens, participation, consultation, concertation, rationalisation, se
sont avérés très efficaces et continueront de
s'avérer très efficaces dans les années qui viennent.
Je n'ai pas mentionné un autre moyen sur lequel nous reviendrons
probablement, c'est l'augmentation de la productivité, une augmentation
de la productivité qui peut certes se calculer en ratio
professeur-élèves, qui peut certes se calculer en charge de
travail, en tâches, mais aussi qui peut s'évaluer, cette fois sur
le plan qualitatif, par la mise en place de meilleurs mécanismes
d'information, de consultation réciproque et de recherche en commun de
moyens aptes à nous faire atteindre les objectifs que nous nous sommes
fixés.
Je rejette donc, comme absolument injuste et injustifié, le
reproche de centralisation qu'on tente de nous faire. Bien loin de là,
nous avons pris l'habitude de tenter par tous les moyens de
débureaucratiser, de détechnocratiser, de
déréglementer et, même s'il y a encore beaucoup d'efforts
à faire dans cette direction, c'est bien celle que nous avons prise et
que nous entendons continuer de prendre dans les années qui
viennent.
Le député de Marguerite-Bourgeoys nous fait aussi reproche
d'avoir négligé le problème de l'accessibilité et,
encore une fois, à tous les niveaux. Qu'il s'agisse du
préscolaire, du primaire-secondaire, du collégial, de
l'université, de l'éducation des adultes et même de
l'enseignement privé, là aussi, je pense que cette affirmation
gratuite provient d'un manque d'information ou d'un manque de suivi dans les
activités du ministère. D'ailleurs, les résultats sont
là pour le prouver. J'y ai fait allusion dans mon exposé
d'ouverture, mais, toutes les statistiques le prouvent, nous sommes en train de
rattraper le retard qui avait nécessité la révolution
tranquille en matière éducative et nous sommes en train de le
rattraper rapidement, beaucoup plus rapidement qu'aucune autre
société, grâce à l'effort financier
considérable que notre collectivité s'est imposé et
qu'elle continue de s'imposer depuis quinze ans.
Par exemple, on peut dire que près de 100% de notre population
est maintenant scolarisée au préscolaire et au primaire. Nous
pouvons dire que 63 étudiants sur 100 possèdent leur
diplôme du secondaire, contrairement aux chiffres du député
de Marguerite-Bourgeoys. Nous pouvons dire que, sur ces 63 étudiants qui
ont leur diplôme du secondaire, 45 sont maintenant inscrits au
cégep, ce qui est une augmentation considérable par rapport aux
années précédentes. Si on ajoute à ces 45 ceux qui
vont chercher un diplôme à l'éducation des adultes, nous
atteignons le chiffre de 53.
Au niveau de l'enseignement universitaire, nous avons presque
complètement rattrapé notre retard au niveau des études de
premier cycle. Le Québec donne même maintenant plus de certificats
de premier cycle que n'en donne l'Ontario. Évidemment, nous avons encore
un retard à rattraper au niveau des maîtrises, au niveau des
doctorats, c'est-à-dire au niveau des études de deuxième
cycle, mais cet écart ne cesse de s'amenuiser, de se tasser au cours des
années que nous venons de vivre et nous avons bon espoir qu'il
continuera d'en être ainsi, malgré les compressions que la
conjoncture nous impose. Car, cela est vrai autant au niveau du primaire, du
secondaire, du collégial et de l'université, nous avons
tenté de limiter les compressions ou les coupures dans des secteurs qui
pouvaient laisser intact notre objectif d'accessibilité et qui pouvaient
nous permettre de continuer à y travailler. (20 h 30)
Quant à l'enseignement privé, je pense que, là non
plus, nous n'avons pas tenté de limiter l'accessibilité, puisque,
cette année encore, nous constatons une augmentation de près de
2000 élèves au niveau de l'enseignement privé. J'ai cru
comprendre que le député de Marguerite-Bourgeoys se plaignait
plutôt en disant que nous avions découragé la croissance du
secteur privé. Il a même parlé de suppression lente. Je lui
rappellerai pourtant que c'est son prédécesseur,
c'est-à-dire le gouvernement libéral, qui, le premier, a
limité la croissance de l'enseignement privé. Le moratoire dont
nos collègues libéraux se plaignent souvent a été
institué par le ministre Cloutier, à l'époque. Nous
n'avons
fait que continuer dans la direction qu'il a prise à cette
époque. Il reste quand même que le ministre de l'époque,
particulièrement au niveau de l'enseignement primaire, se refusait
à accorder tout permis nouveau à l'enseignement privé.
Tout ceci pour vous démontrer que les affirmations du
député de Marguerite-Bourgeoys sont le plus souvent gratuites ou
manquent de nuance ou sont trop globales. Mais il y a probablement quelque
chose de plus grave et peut-être que le député de
Marguerite-Bourgeoys regrettera son discours-fleuve car, dans ce discours, non
seulement a-t-il exagéré, non seulement a-t-il
déformé, mais il a aussi dit des faussetés, des
faussetés que je ne peux toutes relever tellement elles sont nombreuses,
mais je veux quand même en relever quelques-unes. D'ailleurs, le fait de
les relever pourra peut-être écourter nos débats lorsque
nous arriverons à l'étude de chacun des réseaux puisque
j'imagine que le député de Marguerite-Bourgeoys ne voudra pas y
revenir. Par exemple, le député de Marguerite-Bourgeoys dit qu'il
y a 76% des élèves du secteur public au primaire et qu'il y en a
280 000 au secondaire. Je ne sais pas où il a pris ses chiffres parce
qu'ils ne correspondent pas du tout à ceux...
M. Lalonde: En 1960.
M. Laurin: ... que nous avons puisque maintenant, et le tableau
18 le montre bien, il y a 566 000 élèves au secteur public et il
y en a 429 000 au secteur secondaire.
M. Lalonde: C'est en 1960, ce que je disais.
M. Laurin: Mais le député de Marguerite-Bourgeoys
n'avait pas spécifié, quand il avait fait sa déclaration,
qu'il s'agissait des chiffres de la révolution tranquille.
M. Lalonde: Bien oui.
M. Laurin: Non, je ne l'ai pas relogé dans son texte ou
peut-être encore une fois le député de Marguerite-Bourgeoys
se prélasse-t-il dans les nostalgies de la révolution
tranquille.
M. Lalonde: Vous êtes contre ça, la
révolution tranquille?
M. Laurin: Au contraire, mais le mouvement de la vie nous a
déjà entraînés beaucoup plus loin.
M. Lalonde: II ne faut pas trahir ce qu'on a adoré.
M. Laurin: La commission Parent, puisque nous sommes toujours
dans la révolution tranquille, a certes défini, comme le
rappelait le député de Marguerite-Bourgeoys, trois objectifs d'un
système éducationnel nouveau. Le premier était de donner
à tous la possibilité de s'instruire, et là je lui
rappelle que maintenant nous avons un taux d'accessibilité de 100% au
primaire, une entrée de 100% au secondaire et 63% de diplomation au
secondaire. Je lui rappelle aussi que le nombre de décrocheurs, sur
lequel il a tellement insisté, est à la baisse à chaque
année puisque justement 63%, effectivement, des étudiants
décrochent maintenant leur diplôme secondaire. Le deuxième
objectif, c'était fournir à chacun le genre d'éducation le
mieux approprié à ses aptitudes et à ses
intérêts. Je pense qu'on peut rapporter progrès là
aussi d'une façon considérable puisque non seulement avons-nous
scolarisé toute la population au niveau primaire et au niveau
secondaire, à l'inscription et presque à la diplomation, mais en
plus nous avons fait des efforts spéciaux pour les clientèles
démunies ou qui avaient des problèmes particuliers.
Je pense, par exemple, aux efforts extraordinaires que nous faisons pour
l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Maintenant,
nous intégrons la plus grande quantité des déficients
légers dans des classes régulières et, dans ces classes
régulières, près de 44% des étudiants peuvent
bénéficier d'un soutien pédagogique tout en demeurant
intégrés à leurs classes régulières. Pour
les déficients plus profonds ou qui ont des handicaps plus
spécifiques, bien, nous avons établi des programmes
spéciaux, nous avons organisé des services spéciaux qui
sont répartis dans tout le territoire, pour lesquels nous fournissons un
effort qualitatif et quantitatif magnifique et considérable. Nous avons
contribué, par exemple, malgré les contraintes
budgétaires, des sommes considérables à ces classes
spéciales d'enfants autistiques ou d'enfants sourds ou d'enfants
souffrant de déficience visuelle, et nous nous préparons à
établir d'une façon définitive près d'une vingtaine
de programmes et de nouveaux services pour le bénéfice de ces
clientèles.
Bien sûr, pour les milieux économiquement faibles, les
compressions nous ont empêchés de faire autant que nous l'aurions
voulu, mais nous n'avons pas sacrifié du moins l'accessibilité.
Nous avons maintenu les maternelles en milieux économiquement faibles.
Nous pratiquons l'enseignement à distance. Comme le député
le sait, la série Passe-Partout, les 125 émissions de
Passe-Partout constituent une réussite extraordinaire. Nous avons ainsi
atteint des milliers et des milliers d'enfants de milieux économiquement
faibles et même des parents de milieux économiquement faibles.
Grâce aux subventions que nous
donnons aux animateurs qui travaillent avec ces parents et avec ces
enfants, nous avons pu multiplier, démultiplier l'effet
bénéfique de ces maternelles et de ces séries
télévisées. Donc, nous nous occupons également du
genre d'éducation le mieux approprié aux aptitudes et aux
intérêts des clientèles spéciales.
Le troisième but était la préparation de l'individu
à la vie en société. Je pense que nous tentons de plus en
plus d'intégrer l'enseignement à la vie des milieux. Nous tentons
de rendre cet enseignement toujours plus concret. Nous avons
révisé tous les programmes du primaire et du secondaire et,
d'ailleurs, je suis prêt à distribuer à l'Opposition tous
les programmes que nous avons révisés et élaborés
au cours de l'année dernière et de l'année qui
précède. Je peux annoncer aussi au député de
Marguerite-Bourgeoys qu'à la fin de cette année, 1982-1983, nous
aurons terminé la révision de tous les programmes du primaire et
du secondaire avec également la préparation des guides
pédagogiques appropriés.
Quand je disais tout à l'heure que le député de
Marguerite-Bourgeoys est très injuste pour les milliers de
fonctionnaires qui ont oeuvré sur ces programmes au ministère et
pour les milliers d'enseignants et de professionnels non enseignants qui ont
aidé les fonctionnaires du ministère à préparer ces
programmes, c'est en grande partie à cet aspect de notre travail que je
faisais allusion car il s'agit d'un chantier qui a été on ne peut
plus actif au cours de l'année qui vient de s'écouler et qui le
sera encore au cours de l'année prochaine. S'il y a une démarche
qualitative, c'est bien celle-là. Elle vise, en tout cas, à
préparer toujours plus adéquatement l'étudiant à la
vie en société telle qu'elle est faite actuellement. Si on en
croit les analyses et les évaluations qui ont été faites
de ces nouveaux programmes, plus particulièrement celles qui sont faites
par les enseignants, je pense qu'il faut conclure à leur grande
qualité et à une amélioration considérable par
rapport aux programmes dont nous disposions auparavant et, en particulier, les
programmes cadres dont chacun a dénoncé le caractère trop
flou et trop imprécis. Donc, une autre fausseté qui, encore une
fois, constitue une grande injustice pour ceux qui sont à l'origine de
cette amélioration.
Quand le député de Marguerite-Bourgeoys parle de l'abandon
scolaire comme d'une catastrophe, de la qualité du français
écrit qui ne cesse de se détériorer, je pense qu'il commet
également une autre erreur ainsi qu'une autre injustice. J'ai
parlé de l'abandon scolaire qui est en diminution. Même si nous
continuons à le diminuer dans toute la mesure du possible - et nous ne
serons satisfaits que lorsqu'il n'y aura plus d'abandon scolaire - il ne faut
quand même pas minimiser les progrès que nous avons faits depuis
quelque temps là-dessus. Quant à la qualité du
français écrit, je viens de rappeler que tous les programmes de
français ont été révisés à tous les
niveaux. D'ailleurs, encore une fois, le député pourra se rendre
compte par lui-même de la qualité de ce programme et les examens
qui, après tout, constituent une façon de juger de la
qualité d'un programme montrent déjà que le taux
d'échecs ne cesse de diminuer en ce qui concerne les examens de
français et que les copies sont de bien meilleure qualité depuis
que les enseignants peuvent disposer de nouveaux programmes.
Je rappellerais aussi que, malgré les compressions et les
coupures budgétaires que l'on nous reproche, nous avons consacré
près de 45 000 000 $ à l'implantation des nouveaux régimes
pédagogiques, régimes pédagogiques qui comprennent aussi,
évidemment, l'implantation de ces nouveaux programmes qui ont
été révisés dans une très grande proportion.
Donc, un autre ballon se dégonfle, une autre fausseté à
mettre au compte du député de Marguerite-Bourgeoys.
On pourrait relever bien d'autres faussetés, par exemple, lorsque
le député dit qu'il faut se rendre à l'évidence que
les gestes posés à l'endroit des commissions scolaires ces cinq
dernières années nous fournissent la preuve qu'ils n'ont
raté aucune occasion de brimer leur autonomie. Là aussi, c'est
une autre fausseté et je crois l'avoir démontré en
décrivant, non pas en détail mais en gros, les nouvelles
attitudes ainsi que les nouvelles pratiques qui ont cours au ministère
de l'Éducation en ce qui concerne les relations avec les commissions
scolaires.
Donc, il est faux de dire que la tentation bureaucratique, comme le dit
le député de Marguerite-Bourgeoys, gagne constamment en
vivacité au sein de ce ministère et auprès du ministre en
titre. C'est tout le contraire. Loin de nous diriger vers un centralisme
croissant de l'État en matière scolaire, loin de nous diriger
vers une école d'État ou un collège d'État, nous
avons pris et prendrons encore une direction tout à fait opposée
et le projet de réforme scolaire que nous espérons rendre public
bientôt fera la preuve que, précisément, nous nous
dirigeons dans une direction tout à fait opposée, qui fera de
l'école le lieu majeur de dispensation de l'éducation, une
école qui sera responsable en même temps qu'elle sera
communautaire.
Le député de Marguerite-Bourgeoys a parlé de
décroissance de la clientèle scolaire en disant assez
curieusement que le ministère semble décidé à
maintenir sa politique de décroissance de la clientèle scolaire.
Je me demande où il a pris cette affirmation, puisque, au contraire - et
je viens de le dire - notre objectif demeure toujours de maintenir
l'accessibilité à tous
les niveaux d'enseignement et d'augmenter la clientèle scolaire
par tous les moyens, aussi bien sur le plan qualitatif d'ailleurs que sur le
plan quantitatif.
Nous reviendrons sur ce qu'il a dit à cet égard, en ce qui
concerne l'accessibilité au collégial, mais lorsqu'il dit, en
tout cas, que l'accessibilité réelle aux études
collégiales est de l'ordre de 21%, je suis prêt à dire que
nous avons encore des progrès à faire dans ce domaine. Mais,
justement, nous nous en occupons et, très bientôt, comme je l'ai
annoncé dans mon discours d'ouverture, nous annoncerons une
réforme de l'enseignement professionnel. En mettant en place cette
réforme, nous entendons bien faire diminuer cet écart de 21%
entre l'accessibilité potentielle et l'accessibilité
réelle aux études collégiales. (20 h 45)
J'en arrive maintenant aux universités. Je m'étonne que le
député de Marguerite-Bourgeoys continue de colporter une
affirmation que nous avons pourtant démentie un très grand nombre
de fois, lorsqu'il dit, par exemple, que les universités ont
porté 50% des compressions au ministère de l'Éducation,
alors qu'elles ne comptent que pour 15% du budget global. Nous avons
déjà, à quelques reprises, aussi bien dans les journaux
qu'à l'Assemblée nationale, lors même de la discussion du
budget supplémentaire, il y a quelques mois, démontré que
le pourcentage de compressions qu'avaient dû subir les universités
était de 28%, ce qui était trop élevé encore,
à mon goût, 28% des compressions totales imposées à
tous les secteurs, alors que le secteur de l'université
représente 16% de la masse globale. Nous l'avons prouvé, mais on
continue de colporter ce bobard. Probablement que le député de
Marguerite-Bourgeoys ne vérifie pas régulièrement ses
informations, car l'écart, même s'il est encore trop
élevé à mon goût, entre 28% et 16%, n'atteint quand
même pas un degré aussi considérable que celui que le
député de Marguerite-Bourgeoys mentionne. Je dirais, d'ailleurs,
la même chose de son affirmation au niveau des cégeps, quand il
affirme qu'une règle budgétaire, lourde de conséquences
pour l'avenir, stipule que les cégeps qui admettent plus
d'étudiants que ce qui était prévu ne se voient accorder
que 50% de la subvention que le gouvernement accorde pour chaque
étudiant inscrit dans un collège. Cette affirmation est fausse,
ou plutôt elle est partiellement fausse.
M. Lalonde: Ah! Elle est partiellement vraie.
M. Laurin: Oui, mais elle est...
M. Lalonde: Elle est vraie, en partie.
M. Laurin: Non. Elle est en grande partie fausse.
M. Lalonde: Ah bon!
M. Laurin: Je vais vous le prouver, car, s'il est vrai que le
gouvernement accorde 50% au lieu de 100%, c'est pour les autres coûts,
c'est-à-dire les coûts non reliés à l'enseignement,
comme pour l'électricité, les professionnels non enseignants ou
pour le soutien, alors qu'on sait que la masse la plus considérable,
dans l'absolu, pour l'éducation provient évidemment des
enseignants. C'est là qu'est le poste budgétaire le plus
important. Donc, c'est une insinuation ou c'est une demi-vérité
qui tend à masquer la vérité et à laisser une
fausse impression à la population. C'est une erreur, peut-être
involontaire, peut-être aussi délibérée...
M. Lalonde: Une demi-erreur.
M. Laurin: ... en vue de provoquer la confusion dans la
population. Le député fait aussi état de rumeurs, à
savoir que le gouvernement ou le ministère aurait changé
d'attitude à l'égard du financement de ces clientèles
additionnelles, mais nous n'avons eu, dit-il, jusqu'à maintenant aucune
confirmation de cela. Si nous changeons les méthodes de financement au
niveau des universités, nous l'annoncerons en temps opportun. Nous en
avons parlé, nous avons parlé de nos hypothèses aux
recteurs des universités...
M. Lalonde: Pour les collèges.
M. Laurin: Pour les collèges, il n'est pas question de
changer d'une façon substantielle le mode de financement. Il est entendu
que nous devons adapter l'enveloppe budgétaire des collèges
à l'enveloppe générale qui nous est consentie par le
Conseil du trésor et le gouvernement, mais nous n'entendons pas apporter
des changements structuraux importants aux méthodes de financement des
collèges. D'ailleurs, quand nous parlons de compressions
budgétaires au niveau des collèges, malgré qu'elles soient
plus considérables que ce que nous voudrions, là aussi, on peut
dire que l'essentiel, c'est-à-dire l'accessibilité aux
études et la qualité de l'enseignement telles que
manifestées par les sommes budgétaires consenties aux
enseignants, n'a pas été modifié ou l'a été
très peu. C'est l'endroit où il y a quand même le moins de
mises en disponibilité.
Quant aux universités, comme je viens de le dire, il est vrai que
nous envisageons des changements aux méthodes de financement, à
deux titres.
D'abord, nous entendons modifier le système de financement des
clientèles
additionnelles.
Dans ce domaine, comme ça a été le cas dans le
domaine des Affaires sociales il y a quelques années, nous financions
les universités selon une méthode dite historique, et il est
sûr que cette méthode historique privilégiait les
universités traditionnelles, celles qui fonctionnaient depuis un certain
nombre d'années. Elle favorisait ou privilégiait non seulement
des universités plus solidement enracinées depuis quelque temps,
mais dont la vocation était tournée vers certains secteurs; donc,
elle pénalisait en conséquence les universités nouvelles,
comme les constituantes de l'Université du Québec ou Concordia,
qui s'étaient donné une vocation plus populiste, je dirais,
axée sur les besoins des nouvelles clientèles d'adultes en
recyclage ou en perfectionnement, et qui voulaient faire un effort pour
démocratiser l'enseignement universitaire. Nous pensons que de toutes
les discussions que nous avons eues sur le sujet peuvent naître des
hypothèses nouvelles que nous avons discutées avec les recteurs,
qui ont reçu un accueil favorable de leur part et que nous sommes en
train maintenant de mettre au point et de discuter avec le Conseil du
trésor.
Nous pensons aussi proposer de nouvelles hypothèses en ce qui
concerne les bases mêmes du financement des universités. Par
exemple, à cette méthode historique, nous pensons substituer un
financement basé sur le coût moyen de l'enseignement universitaire
par discipline, qui permettrait d'effectuer une comparaison plus exacte non
plus entre les diverses universités, mais entre l'enseignement
dispensé au niveau de chacune des disciplines. De cette façon je
crois que nous aboutirions à une méthode de financement plus
juste et plus équitable.
Voilà les deux hypothèses, en particulier, que nous
considérons à l'heure actuelle, mais je ne suis pas encore en
mesure d'annoncer une solution définitive à ce moment-ci. Si ces
hypothèses étaient retenues, totalement ou partiellement, je
pense que nous pourrions assainir la situation financière d'un certain
nombre d'universités qui ont fait l'objet de discussions au cours des
derniers mois. Nous pourrions aussi faciliter le maintien de l'équilibre
budgétaire de certaines de ces universités. Nous pourrions
maintenir et développer l'accessibilité en la partageant d'une
façon plus équitable entre toutes les universités et nous
pourrions continuer à travailler d'une façon plus efficace aux
objectifs que nous nous sommes fixés.
Voilà donc un autre ballon lancé par le
député de Marguerite-Bourgeoys qui se dégonfle, car nos
efforts démontrent que nous avons pris très au sérieux les
problèmes des universités, et que nous tentons de les
régler d'une façon réaliste, efficace, dans le respect des
objectifs d'accessibilité que nous nous sommes toujours
fixés.
Il est vrai que les crédits ont diminué à
l'éducation des adultes.
M. Lalonde: Ah! Un aveu!
M. Laurin: C'est vrai, mais encore une fois je pense que le
discours du député de Marguerite-Bourgeoys content des
demi-vérités, des erreurs flagrantes, des déformations ou
des affirmations globales qu'il faudrait considérablement nuancer. Par
exemple, dans son discours le député de Marguerite-Bourgeoys a
déclaré que les coupures à l'éducation des adultes
avaient amené une diminution de 66% des activités laissant
entendre qu'il s'agissait là de 66% des activités, globales du
secteur de l'éducation des adultes. Pourtant, si le député
avait été mieux informé, il nous aurait dit que la
diminution de 66% ne touche que les activités d'éducation
populaire ou que les activités socioculturelles...
Une voix: C'est important.
M. Lalonde: Ce n'est pas certain.
M. Laurin: ... que les activités d'éducation
populaire dans les commissions scolaires, que les activités
d'éducation populaire que le MEQ a jugées non prioritaires dans
le contexte économique actuel.
M. Lalonde: Le MEQ est important.
M. Laurin: Je vais vous donner un exemple de ces
activités. Nous avons suspendu en 1980-1982 les cours d'éducation
populaire suivants. Par exemple, dans le secteur alimentation, un cours sur les
fondues, sur le crémage des gâteaux, sur le "brunch". Dans le
secteur santé physique et mentale, nous avons suspendu les subventions,
en 1981-1982, pour le judo, pour le karaté, pour le yoga, pour le
taïki, etc. Dans le secteur développement de la
personnalité, nous avons suspendu les subventions pour les cours de
charme et de maintien, pour les cours de maquillage et de coiffure.
M. Paquette: Cela serait excellent.
M. Lalonde: Le ministre ne les a pas suivis?
M. Laurin: Nous avons suspendu, dans le secteur des relations
humaines, les subventions pour les cours portant le titre suivant: Comment se
faire des amis? Dans le secteur des arts plastiques, nous avons suspendu les
subventions pour les cours - ce sont des exemples que je vous donne - de
macramé, de courte-pointe. Dans le secteur expression physique, nous
avons suspendu les
subventions sur les cours de danse du ventre. Dans le secteur des arts
audiovisuels, nous avons suspendu les subventions pour les cours d'initiation
au cinéma amateur. Dans le secteur des habilités manuelles ou
domestiques, entre autres choses, nous avons suspendu les subventions pour les
cours sur la décoration intérieure, l'entretien de motoneige, le
bricolage, le crochetage, sur l'art de finir son sous-sol, sur l'initiation
à l'habillement et, dans le secteur des habilités manuelles ou
domestiques, nous avons, entre autres, suspendu les subventions pour le tricot
au crochet. Mais nous avons maintenu intégralement toutes les
subventions à des secteurs aussi importants que le secteur de la
famille, aucune coupure; le secteur parents et école, aucune coupure; le
secteur consommation, aucune coupure; économie et gestion, aucune
coupure; condition féminine et condition masculine, aucune
coupure...
M. Lalonde: La formation syndicale?
M. Laurin: ... retraite et préretraite, aucune coupure;
vie politique...
M. Lalonde: La formation syndicale?
M. Laurin: ... aucune coupure; droits sociaux...
M. Lalonde: La formation syndicale?
M. Laurin: ... aucune coupure; participation et intervention
sociale...
M. Lalonde: La formation syndicale?
M. Laurin: ... aucune coupure; communications et médias,
aucune coupure; environnement...
M. Lalonde: La formation syndicale?
M. Laurin: ... aucune coupure; formation syndicale, une
très légère coupure.
M. Lalonde: C'était pour préparer la
réouverture des contrats.
M. Laurin: En somme...
M. Lalonde: Vous avez noté cela pendant tout ce
temps-là?
M. Laurin: ... c'étaient des commissions scolaires qui
offraient ces cours et qui demandaient des subventions et nous donnions des
subventions globales.
M. Lalonde: Que les Québécois aimaient
beaucoup.
M. Laurin: Mais justement les compressions budgétaires
nous ont permis et nous ont forcés, en fait, à regarder avec
beaucoup plus d'attention les pratiques des diverses commissions scolaires et
même des cégeps. Nous n'avons pas coupé au hasard. Comme je
le disais tout à l'heure, grâce à la compression, nous
avons demandé aux commissions scolaires de juger elles-mêmes ce
qui était prioritaire et nous leur avons dit, pour notre part, que nous
ne subventionnerions que ce qui nous apparaissait vraiment prioritaire. Nous
n'avons pas cependant interdit aux commissions scolaires d'offrir les cours
dont je viens de parler, mais nous leur avons dit que, si elles les offraient,
elles devraient les autofinancer.
On peut donc dire que, malgré les compressions ou les coupures,
l'essentiel des efforts faits en éducation des adultes a
été maintenu au cours de l'année dernière,
particulièrement en ce qui concerne la formation générale,
à temps complet ou à temps partiel, particulièrement la
formation professionnelle également, particulièrement les
organismes d'éducation populaire dont le budget a même
augmenté au cours de l'année dernière. Je pense ici aux
organismes volontaires d'éducation populaire, parce que justement ces
organismes nous semblent très importants. Ce sont des organismes
où des citoyens souvent démunis se prennent en charge et essaient
de régler par eux-mêmes leurs problèmes en sollicitant
l'aide des organismes scolaires. Voilà quelque chose que nous n'avons
pas coupé et que nous n'avons pas l'intention de couper. D'ailleurs, si
les circonstances étaient plus favorables, c'est dans ce sens que nous
ferions un effort encore plus marqué. Il en va de même pour
l'alphabétisation et d'autres tentatives qui nous paraissent
importantes. (21 heures)
Le Président (M. Rodrigue): Un instant, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Une question de règlement. Je m'excuse
d'interrompre le ministre après si peu de temps. Cela fait seulement 53
minutes qu'il parle, en réplique d'ailleurs. Dans le livre qu'il nous a
remis, à la page 8 du programme 7, je lis ceci: Par ailleurs, devant une
situation budgétaire difficile et afin d'assurer la survie de l'IRAI, le
ministère a résolu de mettre fin aux programmes de formation
syndicale. Comment peut-il...
M. Laurin: Cette affirmation qui paraît dans le cahier vert
n'est pas encore une décision.
M. Lalonde: Ah!
M. Laurin: C'est une des hypothèses qui sont
étudiées actuellement; s'il était possible de trouver un
aménagement budgétaire qui
nous permette de la conserver, nous la conserverons.
M. Lalonde: M. le Président, combien d'affirmations dans
ce livre sont des hypothèses?
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît! Un instant.
M. Laurin: Nous parlons de ce cas précis et je vous donne
une réponse précise.
M. Lalonde: II y en a d'autres.
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Laurin: Vous la poserez!
Le Président (M. Rodrigue): Vu qu'il ne s'agit pas d'une
question de règlement, je vais inviter le député de
Marguerite-Bourgeoys à poser sa question à l'occasion de
l'étude des programmes. Je pense qu'on y arrive très
bientôt.
M. Lalonde: Écoutez, M. le Président...
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je ne peux pas recevoir votre question comme étant
une question de règlement.
M. Lalonde: Maintenant, j'en pose une autre, s'il vous
plaît.
Le Président (M. Rodrigue): Vous avez plutôt
profité de cela pour poser une question et, effectivement, ce n'est pas
une question de règlement. Maintenant, je vous écoute sur une
autre question de règlement.
M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je respecte votre
jugement final. Je voudrais simplement rappeler au ministre que nous avons
suggéré à la fin de l'après-midi de consacrer les
deux heures de ce soir aux programmes 1 et 2. Je ne veux pas naturellement
écourter le temps; d'ailleurs, il est illimité, d'après le
règlement, et disponible au ministre pour tenter de justifier ses
politiques. Il reste que son attitude actuelle met de côté
l'entente que nous avons faite.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, il y avait eu accord à la fin de la séance
de l'après-midi pour étudier les programmes 1 et 2 ce soir. Comme
vous le savez, le président, dans ces circonstances, ne peut que
rappeler aux membres de la commission qu'il y a eu entente et les inviter
à faire en sorte que nous puissions passer à l'étude des
programmes. Cependant, les règlements sont là et le ministre a
toute latitude pour répliquer aux remarques préliminaires; son
temps est illimité. Je me dois de le respecter. M. le ministre, si vous
voulez continuer.
M. Lalonde: M. le Président, je m'excuse, le temps est
peut-être illimité, mais notre patience ne l'est pas!
M. Laurin: M. le Président, je m'excuse d'avoir
été aussi long. J'ai dit que je me contenterais surtout de
relever les faussetés que contenait la réplique du
député de Marguerite-Bourgeoys. Comme son discours est un
véritable tissu de faussetés ou une litanie de faussetés,
vous comprendrez que je dois consacrer beaucoup de temps à relever des
faussetés que je ne peux tout de même pas laisser passer.
M. Lalonde: Si c'était si faux que cela, ça vous
aurait pris cinq minutes.
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre,
messieurs!
M. Laurin: Pas du tout!
Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre, si vous voulez
compléter vos remarques.
M. Laurin: II y a plusieurs autres faussetés, mais, pour
ne pas abuser indûment de la patience du député de
Marguerite-Bourgeoys, je ferai vite, espérant que nous pourrons y
revenir à l'occasion de l'étude de programmes plus
spécifiques. Par exemple, il est faux de dire qu'il y a eu une hausse en
flèche des frais d'inscription à l'éducation des adultes,
laissant entendre ainsi que ceci s'est effectué pour tous les
programmes. La majeure partie des programmes maintenus, particulièrement
dans les secteurs névralgiques que je viens de signaler, n'ont pas connu
d'augmentation de programme. Là où il y a eu augmentation de
programme en particulier, c'est dans les programmes comme ceux que je viens de
mentionner et que les commissions scolaires ont cherché à
maintenir, ce qui m'apparaît absolument justifiable.
Il est faux également de dire qu'il y a eu dans le secteur de
l'éducation des adultes des mises à pied nombreuses, si l'on
entend par ces mises à pied des mises à pied d'éducateurs
à temps complet. Le secteur de l'éducation des adultes ne compte
que 373 professeurs à temps plein, à temps complet. Je pense que
les mises à pied dans ce secteur sont inexistantes ou très
minimes. Évidemment, il y a eu moins de professeurs engagés
à la leçon. Tous ces cours que nous avons suspendus signifient
une réduction du nombre de leçons et probablement une
réduction du nombre des professeurs qui devaient les donner.
Encore une fois, je ne crois pas que l'essentiel ait été
atteint.
Quant à l'aide financière, M. le Président, nous y
reviendrons, mais il est faux de dire que l'aide financière n'a pas
été le lieu d'un effort considérable de la part du
gouvernement. On peut même dire que c'est l'un des rares secteurs que
nous avons protégés qui n'a pas été touché
par les compressions ou les coupures. À telle enseigne, M. le
Président, que le budget de l'aide financière a connu, en
1981-1982, une augmentation de 28%, probablement en raison de la conjoncture
financière difficile que nous connaissions et qui a fait que les
étudiants ayant moins travaillé cet été ont eu
besoin de prêts ou de bourses plus élevés ou encore en
raison du fait que la contribution des parents a été
peut-être moins forte que nous ne l'aurions prévu. De toute
façon, ce budget de l'aide financière a été
considérablement plus élevé que ce que nous avions
prévu. Nous avons annoncé que nous avons conservé tous les
paramètres de fixation de l'aide financière, aussi bien en ce qui
concerne les prêts que les bourses, et je pense que ceci nous a permis de
faire un effort très sérieux qui est très important pour
la poursuite de l'objectif de l'accessibilité que nous nous sommes
fixé.
Il en est de même pour la recherche, M. le Président.
Voilà un autre secteur que nous avons protégé où il
n'y a pas eu de compressions ou de réductions budgétaires. Le
budget de la FCAC ou du fonds FCAC non seulement a été maintenu,
mais il a été augmenté, le nombre de bourses a
été augmenté. Ceci ne veut pas dire que le budget total de
la recherche a été augmenté dans toutes les
universités, car les subventions gouvernementales ne sont pas la seule
source sur laquelle les universités peuvent compter pour la recherche.
Nous savons, en effet, que le gouvernement fédéral y contribue,
que certaines entreprises y contribuent, qu'il y a des commandites de recherche
qui sont faites aux universités par certains organismes. Il faut enfin
rappeler également que les universités sont maîtresses de
leurs politiques de recherche et qu'elles sont responsables, jusqu'à un
certain point et parfois d'une façon considérable, de
l'allocation des fonds de recherche dont peuvent bénéficier leurs
professeurs.
Je pourrais continuer indéfiniment, M. le Président, mais
je pense qu'il est déjà assez évident que ce discours,
tout fleuve qu'il soit, ne correspond pas à la vérité,
qu'il comporte des déformations, des exagérations, des
généralisations, des erreurs et qu'il faudrait probablement
demander, l'an prochain, au député de Marguerite-Bourgeoys de
mieux faire ses devoirs afin de mieux éclairer la population.
En conséquence, je pense que l'appel par lequel le
député de Marguerite-Bourgeoys termine son long exposé,
où il nous dit que le gouvernement libéral a pris la
décision, en matière d'éducation, de prendre les devants,
sonne un peu faux. Je serais plutôt porté à croire,
à la lumière du manifeste politique du Parti libéral que
je viens de lire et à la lumière de l'exposé qu'il vient
de nous faire, que le gouvernement libéral, aujourd'hui comme hier, a
plutôt pris la décision de rentrer dans le rang et de faire du
Québec, en matière d'éducation comme dans les autres
domaines, une petite province repliée sur elle-même, inconsciente
des défis, des enjeux qui se posent à notre société
et insouciante des objectifs que nous devons nous fixer pour le
développement de tous nos secteurs d'enseignement.
Administration générale
Le Président (M. Rodrigue): J'appelle l'étude du
programme 1 qui est composé de quatre éléments. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, le programme 1, en fait, nous
permet de poser des questions sur la gestion du ministère de
l'Éducation et, dans ce cadre, je me permettrai de rappeler un certain
nombre de faits au ministre. Si cela lui a pris une heure pour tenter de
démontrer que le bilan que j'ai fait de son administration était
faux, je crois qu'on peut conclure que la difficulté que le ministre a
trouvée pour faire cette preuve est la principale source du temps qu'il
y a mis. Il s'est plaint de mon bilan, mais s'il avait fallu compter sur les
députés péquistes pour poser les bonnes questions, on
serait déçu, M. le Président. On a vu que les
députés du Parti québécois, autour de cette table,
en réaction aux discours des députés de l'Opposition,
étaient plutôt faibles. Je ne veux pas m'en prendre
personnellement à chacun des députés. C'est
peut-être un manque de préparation, mais enfin! Lorsque, par
exemple, le député de Shefford parlait de l'utilisation des
équipements scolaires, c'est un problème qui a été
attaqué il y a beaucoup de temps, avant que le député de
Shefford ne soit élu. Je n'en veux comme exemple que cette communication
de la Fédération des commissions scolaires, en 1980, qui disait
ceci: "Longtemps controversée et maintes fois mise au banc des
accusés, la question de l'utilisation des locaux des commissions
scolaires par les municipalités et les mouvements populaires pour des
fins récréatives ou communautaires se clarifie. En effet, un
sondage mené au cours des derniers mois par la Fédération
des commissions scolaires révèle que les critiques
formulées contre les commissions scolaires au sujet de la
sous-utilisation de leurs locaux sont dénuées de tout fondement.
Ce sondage
auquel 92% des commissions scolaires ont répondu indique que plus
de 80% d'entre elles assument des responsabilités de location de locaux
pour diverses activités." Je ne veux pas poursuivre la lecture, mais il
est possible qu'à un endroit ou à un autre on n'ait pas
réussi à conclure les ententes nécessaires entre les
municipalités et les commissions scolaires. C'est fort possible. Mais
est-ce que, parce qu'à un endroit ou à un autre au Québec
on en est encore à rechercher la façon de s'entendre, on doive
restructurer tout le système à la façon péquiste?
Quand il y a un petit problème, il y a une grosse solution.
M. le Président, en ce qui concerne l'éducation des
adultes, le même député disait que c'était surtout
dans la formation éducative et socioculturelle que la diminution se
trouvait. À ce moment-là, je pense que je réponds un peu
à quelques prétentions du ministre. Je prends justement les
documents qui m'ont été remis par le ministère. À
la page 21, programme 7, on voit que dans la formation
socio-économique...
M. Paquette: Je m'excuse d'interrompre le député,
mais...
Le Président (M. Leduc): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: ... M. le Président, sur une question de
règlement, je pense que vous aviez appelé, à la demande
même du député de Marguerite-Bourgeoys, l'étude des
programmes 1 et 2 et le député s'engage dans une réplique,
ou réplique à la réplique du ministre.
M. Lalonde: Non, c'était... On parle de la gestion.
M. Paquette: Remarquez bien que je n'ai pas d'objection, mais
j'aimerais bien, moi aussi, comme le député de
Marguerite-Bourgeoys, qu'on puisse aborder les programmes 1 et 2 ce soir et
essayer de les terminer.
M. Lalonde: Oui, oui. On parle de la gestion des ressources et
c'est dans ce cadre-là que je fais les corrections
nécessaires.
Le Président (M. Leduc): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, sur le programme 1.
M. Lalonde: Merci, M. le Président. Donc, ce tableau qui
est celui du ministère dit que dans la formation socio-économique
générale à plein temps, on en avait 12 241 en 1979-1980 et
8954 en 1982-1983. Pour la formation professionnelle à temps partiel -ce
sont des travailleurs qui travaillent le jour, qui veulent augmenter leurs
chances à une meilleure qualité de vie et qui, le soir,
s'imposent des études - c'est passé de 73 000 $ à 56 000
$. M. le Président, je demande au député de Shefford si
c'est du socioculturel, cela. C'est très important, cette diminution.
J'aurais espéré que les députés du Parti
québécois fassent autre chose que le dos rond devant le ministre,
devant le gouvernement. Ils sont quand même ici à titre de
représentants de leur population, de leurs électeurs, et c'est
vrai qu'il y a des problèmes en éducation. Ils ont
préféré la soumission ou l'asservissement, je ne sais pas
lequel, je leur laisse le choix, et c'est tout à fait décevant,
parce qu'on a connu d'autres commissions parlementaires où les
députés choisissaient de poser des questions au ministre. (21 h
15)
M. Paquette: Question de règlement.
Le Président (M. Leduc): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: Je pense, M. le Président, que le
député de Marguerite-Bourgeoys s'est engagé dans une
tentative de dénigrement du travail des députés
ministériels, dont le travail a été fait, je l'ai dit
d'ailleurs dans mes remarques ce matin, durant toute l'année et durant
tout l'automne. On a eu amplement l'occasion de faire connaître nos
positions au ministre et de l'aider à préparer les
crédits. Je pense que s'il y a eu des remarques des
députés ministériels, c'était devant
l'énormité des affirmations du député de
Marguerite-Bourgeoys et je souhaiterais, M. le Président, que vous le
rameniez aux programmes 1 et 2, puisque vous avez appelé l'étude
de ces deux programmes.
M. Lalonde: M. le Président, sur cette question de
règlement, je pense que les Nordiques auraient besoin d'un "goaler"
comme le député de Rosemont ce soir.
Le Président (M. Leduc): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: II ne veut pas que je pose de questions. C'est un
débat, M. le député de Rosemont, vous n'êtes pas
encore maire.
M. Paquette: M. le Président, je tiens à vous dire
qu'on n'a absolument aucune objection à engager le débat avec le
député de Marguerite-Bourgeoys, s'il veut répliquer...
M. Lalonde: Laissez donc parler le député de
Marguerite-Bourgeoys, cela fait des heures que vous parlez.
M. Paquette: ... à nos répliques, nous allons
répliquer à ses répliques.
M. Lalonde: Vous répliquerez tant que vous voudrez quand
vous aurez le droit de parole, mais laissez-moi parler.
M. Paquette: Je vous signale, M. le Président, que vous
avez appelé les programmes 1 et 2.
Le Président (M. Leduc): S'il vous plaît! M. le
député...
M. Lalonde: C'est la gestion des ressources et, là-dessus,
j'ai beaucoup de choses à dire.
Le Président (M. Leduc): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, sur le programme 1.
M. Paquette: Allez-y, on a hâte que vous disiez quelque
chose.
M. Lalonde: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais
que le député de Rosemont ne croie pas qu'il a déjà
été élu maire. On sait qu'il y a des mesures dictatoriales
dans ce milieu.
M. Paquette: M. le Président, le député
enfreint de plus en plus le règlement.
Le Président (M. Leduc): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, sur le programme 1.
M. Lalonde: Pourtant, je n'ai aucune dent contre vous.
Le Président (M. Leduc): S'il vous plaît!
M. Lalonde: Justement, dans ce programme, on parle de la gestion
des ressources et de la gestion du ministère. Tout ce qu'on a entendu
jusqu'à maintenant de la part du côté ministériel,
c'est simplement relié à la soumission; même le
député de Rosemont est d'habitude plus critique, mais je
comprends qu'il a une fonction d'adjoint parlementaire qui l'oblige un peu
à protéger son ministre. Le député de Rosemont,
d'ailleurs, et peut-être qu'on peut se l'expliquer maintenant, dans son
intervention a dit - et je suis prêt à me faire corriger, parce
que cela m'a surpris -que 50% de la population - je présume qu'il
voulait parler de la population étudiante -avait accès au
cégep. Je pense que vous devriez vous relire. Cela m'a surpris, parce
que si on pense aux étudiants qui ont accès au cégep en
1981-1982, par exemple, ce sont ceux et celles qui se sont inscrits ou
inscrites au primaire il y a à peu près une dizaine
d'années, au début des années 1970. Il y en avait combien
à ce moment-là? 1 400 000. On en retrouve 130 000 au
cégep, c'est moins de 10%, c'est loin de 50%.
Je ne sais pas ce que le député a voulu...
M. Paquette: M. le Président, je pense qu'on va s'entendre
rapidement là-dessus. Je ne me rappelle pas exactement mes paroles, mais
je pense que le sens en était le suivant: c'est qu'on examinait les taux
de passage du secondaire au collégial. Je pense que ce taux est autour
de 50%, on va s'entendre rapidement là-dessus.
M. Lalonde: II est autour de 41%. Je veux permettre au
député de Rosemont de me corriger, parce qu'il a dit que 50% de
la population peut aller au cégep.
M. Paquette: Si, effectivement, j'ai dit cela, M. le
Président, je pense qu'il serait bon de me corriger, parce que mon
intention était de parler du taux de passage du secondaire au
collégial.
M. Lalonde: Le taux de passage est passé de 41,1% en 1975
et à 41,9% en septembre 1980.
M. Paquette: J'ai indiqué dans mon intervention qu'il y
avait aussi des étudiants qui cessaient les études un an ou deux
après le secondaire et que, si on ajoutait ces étudiants, on se
retrouvait autour de 50%.
M. Lalonde: On ne peut pas les ajouter à tous les ans
parce que, si on les enlève pendant l'année où ils ne
passent pas, on ne peut pas les ajouter quand ils passent.
M. le Président, le ministre a fait une pénible
démonstration - pénible, oui, sûrement, pour lui,
j'imagine; pour nous, on n'a pas à se plaindre - de la fausseté
de ce que j'ai dit et pourtant j'ai pris soin d'appuyer chacune des
propositions que j'ai faites, chacune des observations que j'ai faites soit sur
des documents du ministère, soit sur des témoignages du milieu, y
compris le Conseil supérieur de l'éducation. Le ministre
lui-même a dit que mon discours était truffé de citations
qu'il a, à l'occasion, mentionnées comme étant trop
vieilles, soit de deux, trois ou quatre ans. Que voulez-vous, M. le
Président? Quand ce n'est pas corrigé depuis deux, trois ou
quatre ans, ces citations, ces témoignages sont encore valides. Il
disait tout à l'heure que j'avais menti, que c'était faux - il ne
m'a pas accusé de mentir - par exemple, quand j'ai dit que le coût
de l'admission à l'éducation des adultes avait augmenté.
J'ai un cas ici. À la Commission scolaire régionale du
Lac-Saint-Jean, il y a quelques semaines, on me disait que le directeur du
service de la formation des adultes, M. Marc-André Deschênes, dans
un document d'octobre 1981,
brossait un tableau très noir de la situation dans ce secteur
fortement touché par l'ampleur des coupures
décrétées par le ministère de l'Éducation.
Le budget de l'éducation des adultes consenti par le MEQ - c'est MEQ et
non pas MEC - atteignait l'an dernier, disait-il, 1 500 000 $ et a
été ramené à un peu plus de 950 000 $, soit une
diminution d'environ un tiers. Les conséquences de ces restrictions,
d'après le document que j'ai, c'est que le coût de la plupart des
cours a triplé et parfois quadruplé, M. le ministre. Je ne sais
pas où vous avez pris vos chiffres en disant que ce sont les mêmes
coûts.
Je comprends que la danse du ventre, c'est une chose, mais ce n'est pas
que cela. J'espère que vous n'allez pas insulter les
Québécois, à savoir qu'ils ne fréquentaient que les
cours de danse du ventre auparavant.
M. Payne: Ce sont des cours d'intérêt que vous
parlez. Les cours d'intérêt sont à la discrétion du
collège.
M. Lalonde: Quels sont les intérêts? C'est le
député de Vachon qui va décider ce qui intéresse
les Québécois. Voyons donc!
M. Payne: Je pense que cela intéresse tout le monde.
M. Lalonde: M. le Président.
M. Payne: Qu'on passe aux programmes 1 et 2; sinon, on va passer
tout de suite au programme 5 et on va tous s'entendre là-dessus.
M. Lalonde: Je ne peux - le temps me l'interdit - relever les
imprécisions, les pirouettes, en fait, de langage du ministre, dans sa
réplique, dans sa très longue réplique, dans sa
pénible réplique, mais je vais vous dire ceci: Dans le cadre...
C'est pour cela que nous avons demandé d'aborder le programme 1 et le
programme 2 au début. Contrairement à ce que le
député de Shefford disait, nous n'avons pas demandé
d'augmenter les crédits; nous avons accusé le gouvernement de
faire des coupures sauvages, aveugles. Il l'a même avoué. Ce que
nous voulons soulever aujourd'hui, c'est la gestion des ressources de la part
du gouvernement. Lorsque le ministre parlait du retour à l'essentiel, il
aurait dû avouer aussi que l'essentiel, il ne le contrôle que dans
une très faible partie. L'essentiel, il l'a confié, par voie de
convention collective, à des agents d'éducation. C'est dans ce
cadre que nous voulons poser des questions au ministre. Le gouvernement
s'apprête à renégocier les conventions collectives, dans le
domaine de l'éducation, en particulier, très bientôt, dans
les mois qui suivent. Or, on sait que les conventions collectives
déterminent un grand nombre des éléments, des
comportements, du fonctionnement des enseignants, agent principal - le ministre
l'affirme, tout le monde le reconnaît - de la qualité de l'acte
d'éducation.
Je veux demander au ministre, comme première question, quels sont
les conditions de la négociation? Quels sont les éléments
qu'il veut négocier avec les syndicats dans la nouvelle
négociation des conventions collectives en ce qui concerne la
tâche? Quelle est sa politique, autrement dit, de négociation
comme ministre de l'Éducation? Va-t-il laisser cela au président
du Conseil du trésor? Va-t-il laisser cela au ministre des Finances,
comme cela a été le cas il y a trois ans? Est-ce qu'il va...
Est-ce qu'il a l'intention de récupérer l'autorité qu'il
devrait avoir, qu'il devrait conserver comme ministre de l'Éducation
dans la prochaine négociation? Et quelle est sa politique? La politique
qui présidera à cette négociation comme ministre de
l'Éducation?
M. Laurin: M. le Président, la dernière ronde de
négociations a eu lieu en 1979. Nous avions à négocier une
nouvelle convention collective en même temps que nous avions à
faire face à une situation difficile. Nous savons depuis un bon nombre
d'années que le secteur public de l'éducation coûte
beaucoup plus cher au Québec que dans les autres provinces canadiennes.
Nous savons aussi que l'écart entre le secteur privé et le
secteur public en 1976 était de 16%. Nous avons donc
hérité d'une situation extrêmement difficile et
délicate, et cet écart est responsable d'une façon
marquée pour les dépenses qu'exigeaient nos divers secteurs, le
primaire, le secondaire et le collégial en particulier, mais il faut
bien dire que c'est là un héritage que nous avait laissé
le gouvernement précédent puisqu'il avait négocié,
à quelques reprises en tout cas, avec les enseignants dans le secteur
qui m'intéresse.
Cependant, en 1979 nous avons réussi à réduire cet
écart entre le secteur public et le secteur privé de 16% à
11%. Peut-être aurions-nous dû faire davantage, aurions-nous
dû réduire davantage cet écart entre le secteur
privé et le secteur public, mais de toute façon, dans le contexte
qui sévissait à ce moment-là, nous avons pensé
quand même que c'était là une amélioration notable.
Cette négociation a eu lieu en 1979 et nous avons signé de bonne
foi, partie patronale et partie syndicale, cet accord.
Quand le député de Marguerite-Bourgeoys laisse entendre
que les coupures que son gouvernement aurait effectuées n'auraient
été faites dans aucun des services du primaire, du secondaire, du
collégial, de l'universitaire, de l'éducation des adultes qu'il a
mentionnés, est-ce qu'il veut faire croire que si son gouvernement, son
parti
avait été au pouvoir il aurait rouvert les conventions
collectives dès 1980 et qu'il aurait sabré dans les conventions
collectives signées en 1979? Est-ce que c'est cela?
M. Lalonde: Répondez donc à la question que j'ai
posée. Qu'est-ce que vous allez faire là dans un mois?
M. Laurin: La conclusion implicite de votre argumentation est que
le seul endroit où il aurait été judicieux de couper,
c'est dans les conventions collectives négociées en 1979.
M. Lalonde: Qu'est-ce que vous allez faire dans un mois?
M. Laurin: Donc, j'en conclus que le Parti libéral aurait
sabré libéralement dans les conventions collectives
signées en 1979 et qu'il aurait même pris la décision de
les rouvrir beaucoup plus tôt.
M. Lalonde: Qu'est-ce que vous allez faire dans un mois?
M. Laurin: Quant à nous, nous avons signé ces
conventions collectives en 1979. Il est vrai que la conjoncture de 1982 est
beaucoup plus dure, beaucoup plus difficile que ce que nous avions prévu
en 1979, avec tous les facteurs que mes collègues et moi avons
mentionnés, et là nous sommes en face d'une nouvelle
négociation collective.
M. Lalonde: Pas de référendum en vue? (21 h 30)
M. Laurin: Ah! un référendum, il ne faut quand
même pas exagérer l'importance, car ces négociations ont eu
lieu un an avant le référendum.
M. Lalonde: Le règlement, quelques mois avant.
M. Laurin: Nous sommes donc...
M. Lalonde: Qu'est-ce que vous allez faire?
M. Laurin: ... en face d'une nouvelle ronde de
négociations.
M. Lalonde: Dites-nous ce que vous allez faire.
M. Laurin: II nous faut établir nos positions.
Habituellement, la partie gouvernementale attend que la partie syndicale
dépose ses demandes et, selon le calendrier prévu par la loi 55,
ce dépôt d'offres aurait dû survenir ou devrait survenir au
mois d'août. L'offre patronale ou la réponse patronale devrait
être déposée au mois d'octobre, ce qui nous donne du temps
pour discuter des diverses hypothèses ou des diverses
éventualités qui s'offrent à nous et, effectivement, nous
en avons commencé la discussion au sein des instances que le
député connaît bien, en particulier le comité
ministériel de la négociation, mais nous n'avons pas encore
élaboré de position finale ou définitive à cet
égard.
Il n'est pas du tout impossible que la position patronale touche, d'une
part, le niveau de la rémunération, étant donné cet
écart dont je parlais tout à l'heure qui existe entre le secteur
public et le secteur privé. Étant donné cet écart
de productivité ou de fécondité qui existe entre le
secteur public québécois et le secteur ontarien, au même le
secteur américain, il n'est pas non plus impossible que la position
patronale inclue une position qui aurait pour effet d'augmenter la
productivité, par exemple au niveau de la tâche. Mais ce sont
toutes là des hypothèses que nous sommes en train de discuter
actuellement et sur lesquelles nous en arriverons probablement d'une
façon accélérée à une position finale, selon
que se développera dans un sens ou dans l'autre le débat
actuellement en cours entre le gouvernement et le monde du travail.
M. Lalonde: M. le Président, nous sommes actuellement face
à une situation tout à fait exceptionnelle, jamais vue en fait au
Québec. Un gouvernement qui a négocié et signé
lui-même des conventions collectives en 1979 demande de les rouvrir et
menace même de le faire unilatéralement si les autres parties n'y
consentent pas. Premièrement, le ministre peut-il me dire s'il est
d'accord avec la réouverture unilatérale?
M. Laurin: Je n'ai pas à donner une réponse au
député là-dessus, c'est une position gouvernementale qui a
été adoptée par le cabinet et dont je suis solidaire.
M. Lalonde: Vous êtes donc d'accord avec la
réouverture unilatérale?
M. Laurin: C'est une position qui a été prise par
le gouvernement dont je fais partie.
M. Lalonde: Oui, je sais, c'est facile de se cacher
derrière le gouvernement, comme d'ailleurs vous vous êtes
caché derrière les 29 000 intervenants en éducation tout
à l'heure quand j'ai fait le bilan. Je ne vous fais pas un procès
de courage.
M. Laurin: J'ai dit que vous étiez injuste à leur
endroit...
M. Lalonde: Ce ne serait pas long d'ailleurs, on a jusqu'à
22 heures.
M. Laurin: ... que vous aviez minimisé leurs efforts.
M. Lalonde: Premièrement, la réponse, c'est que,
oui, vous êtes d'accord avec la réouverture unilatérale. On
en reparlera plus tard.
M. Laurin: Évidemment, c'est une position
gouvernementale.
M. Lalonde: Oui, c'est le gouvernement. C'est facile, quand on
est un sur 29.
M. le Président, deuxième question. Le ministre veut-il
dire qu'il a déjà décidé de participer à la
décision du gouvernement de rouvrir unilatéralement des
conventions collectives qu'il a lui-même signées,
c'est-à-dire que son gouvernement a signées et qu'il ne sait pas,
qu'il n'est pas en mesure de nous dire ici quels sont les changements aux
conventions collectives à négocier que lui-même est
prêt à proposer, à préconiser lors de la prochaine
convention collective?
M. Laurin: M. le Président, pour le moment, nous avons
affaire à une offre gouvernementale, à une proposition
gouvernementale, à une hypothèse gouvernementale qui a
été soumise aux diverses centrales syndicales, qui ont
demandé du temps, un délai pour y réfléchir et qui
doivent donner, d'ici à quelques jours probablement, d'après ce
que l'on nous dit, une réponse à cette offre, ou à cette
hypothèse, ou à cette proposition gouvernementale. Il est donc
prématuré pour le gouvernement d'apporter une contre-proposition
à une réponse qui ne nous est pas encore parvenue, mais, si je
comprends bien le député de Marguerite-Bourgeoys, est-ce qu'il
entend me suggérer non seulement de rouvrir les conventions collectives,
mais de déposer une offre ou une proposition patronale qui impliquerait
non seulement une diminution du niveau de rémunération, mais
également une augmentation de la tâche?
M. Lalonde: M. le Président, nous sommes rendus au point
où le ministre est tellement mal pris, est tellement incapable de
répondre aux questions qu'il en pose lui-même. Si le ministre n'a
pas de réponse...
M. Paquette: ... auxquelles vous êtes incapable de
répondre!
M. Lalonde: ... et qu'il est incapable de faire face à la
situation, il sait quelle est la seule possibilité.
M. Laurin: Simplement que le moment n'est pas encore
arrivé.
M. Lalonde: ... il pourra même la proposer!
M. Laurin: On ne peut pas donner une réponse...
M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas terminé ma
réponse. Il m'a posé une question.
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Paquette: Vous allez répondre. Ah bon!
M. Lalonde: Parce que la question était double.
M. Paquette: On a bien hâte d'entendre cela.
M. Lalonde: Premièrement, est-ce que j'ai
suggéré la réouverture unilatérale des conventions
collectives? Je n'ai jamais suggéré à quiconque de renier
sa signature.
M. Laurin: Mais pourtant vous avez suggéré
que...
M. Lalonde: Jamais je n'ai suggéré cela et jamais
je n'appuierai une mesure dans ce sens parce qu'il me semble que, même
quand on est mal pris comme vous l'êtes, il y a ce qui s'appelle
l'honneur...
Une voix: ...
M. Lalonde: ... qu'on doit respecter, M. le ministre.
Deuxièmement...
M. Laurin: ... mais vous avez suggéré que
c'était le seul endroit où les coupures pouvaient se faire.
M. Lalonde: J'ai seulement demandé au ministre quelles
étaient ses intentions pour la négociation qui s'en vient.
M. Laurin: Elles ne sont pas encore arrêtées parce
que nous attendons une réponse qui ne nous est pas encore parvenue.
M. Lalonde: Écoutez! La réponse qui va vous
parvenir, cela va régler quoi? Cela va régler ce que le ministre
des Finances appelle son trou de 700 000 000 $ parce que les trous, il y en a
tellement de ce temps-ci. Il y a eu celui de 500 000 000 $, il y a eu celui de
700 000 000 $, ce qui n'est pas le trou de 700 000 000 $ parce que c'est un
trou de 4 200 000 000 $ moins un déficit, qu'il est prêt à
accumuler avec les autres déficits de 15 000 000 000 $ depuis qu'il est
au pouvoir, de 3 500 000 000 $ pour l'année qui s'en vient cela va
être beau. Donc, la réouverture, d'après ce que je
comprends, c'est simplement pour régler ce
trou de 700 000 000 $.
M. Laurin: II est encore dans le catastrophisme!
M. Lalonde: Ah oui! Le catastrophisme. Je regrette, mais je n'ai
rien inventé en fait de catastrophe; on n'a qu'à regarder le
bilan de ce gouvernement. Ma question s'adresse à l'avenir. On sait
qu'une très grande proportion des 6 000 000 000 $ des fonds publics que
vous allez chercher dans les poches des Québécois et qu'on
retrouve au budget de l'éducation, se retrouve dans les salaires. C'est
donc très important de nous arrêter quelques minutes à ce
problème. On sait que la qualité de l'enseignement, quoi qu'en
dise le député de Vachon, est très proche de la
tâche qu'on décrit dans ces conventions collectives. Je ne lui
ferai pas de procès actuellement, à savoir, si on passe moins de
temps avec l'élève, l'élève apprend plus; je n'en
suis pas sûr. Je ne suis pas sûr non plus que, si on passe trop de
temps avec l'élève, il apprend moins. Je ne ferai pas de
procès sur cela.
M. Payne: Vous vous trompez de député,
c'était mon collègue.
M. Lalonde: Je veux le demander, parce que c'est important que
nous le sachions. On nous demande ici, à nous les
députés... Les députés du Parti
québécois, il ne semble pas qu'ils se posent trop trop de
questions. En fait, ils n'en n'ont pas posé.
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre!
M. Lalonde: On nous demande, les députés,
d'approuver des dépenses de 6 000 000 000 $ pour l'année qui s'en
vient, dont une grande partie va s'en aller dans des salaires, des salaires de
gens dont la tâche est aussi en grande partie décrite dans des
conventions collectives. Je dis au ministre qu'il est important qu'il nous
réponde de la façon la plus franche et, si possible, la plus
candide possible. Est-ce que le ministre est prêt à s'engager,
à l'égard de la commission parlementaire qui est appelée
à approuver ces crédits, à réviser la tâche
de l'enseignant, premièrement?
M. Laurin: Est-ce que c'est une suggestion?
M. Lalonde: Deuxièmement, dans quels
éléments de la tâche de l'enseignant est-il prêt,
dans l'affirmative à la première question, à faire ces
révisions?
M. Laurin: Je me demande encore si c'est une suggestion que me
fait le député de Marguerite-Bourgeoys...
Une voix: ... des responsabilités, cela ne vous arrive pas
souvent.
M. Laurin: ... mais je peux quand même lui dire que,
jusqu'ici, nous avons respecté intégralement la convention
collective que nous avons signée en 1979, même si l'inflation a
connu une augmentation que l'on pourrait qualifier de galopante, même si
cela s'est traduit par des augmentations de rémunérations de
près de 17% ou de 18% au cours de la dernière année. Nous
avons payé ces indexations et ces augmentations de
rémunération par l'augmentation d'échelons, rubis sur
l'ongle, et nous avons respecté, donc, toutes nos obligations, mais il
reste que nous avons fait, comme je le disais tout à l'heure, une offre,
une proposition, une hypothèse aux centrales syndicales,
particulièrement à celles avec lesquelles nous avons
négocié les anciennes conventions et avec lesquelles nous
négocierons les nouvelles, et nous attendons, pour le moment, la
réaction, la réponse ou les contre-propositions de ces centrales
syndicales. Ce n'est que lorsque nous les aurons reçues que nous les
examinerons et que nous verrons à modifier ou non les quelques
hypothèses que nous avons été forcés,
évidemment, d'envisager.
Le moment venu, nous prendrons nos responsabilités, comme nous
les avons toujours prises, et nous ferons connaître, à ce moment,
d'abord aux centrales syndicales, puis à la population, la
réponse que nous ferons aux contre-propositions qui nous seront faites.
Mais nous jugeons qu'il est prématuré, pour le moment, de
franchir le pont, puisque nous ne sommes pas encore arrivés à la
rivière. Le moment venu, le député peut être
assuré que nous assumerons entièrement nos
responsabilités.
M. Lalonde: M. le Président, tout d'abord, le ministre dit
qu'il n'est pas rendu à la rivière. Je pense qu'il est dedans
jusqu'au cou, premièrement...
M. Laurin: Nous ne sommes pas mouillés du tout encore.
M. Lalonde: L'inconscience du ministre m'étonne et
m'attriste. Nous devons lui confier 6 000 000 000 $, M. le Président, et
je commence à me poser de sérieuses questions s'il ne sait pas
qu'il est rendu dans la rivière. Mais le ministre se rend-il compte
qu'il est actuellement devant la commission parlementaire, devant
l'Assemblée nationale qui nous a confié un mandat et que seule
l'Assemblée nationale est habilitée à autoriser de
dépenser 6 000 000 000 $, le plus gros budget du gouvernement. Est-ce
qu'il se rend compte qu'il doit la franchise la plus totale aux
députés en ce qui concerne les intentions du ministre et du
gouvernement dans la prochaine négociation des conventions
collectives?
M. Laurin: Je ne peux quand même pas annoncer au
député ou à la commission, ou à la population, des
décisions qui ne sont pas prises et que nous prendrons en temps
opportun, probablement pas avant quelques semaines. Tout ce que je peux dire au
député, c'est que nous avons fait nos devoirs et que nous avons
envisagé avec la plus grande confiance possible, la plus grande
capacité de calcul possible diverses hypothèses, mais que pour le
moment, avant d'aller plus loin, il nous faut connaître d'autres
éléments qui ne sont pas encore en notre possession. Quand nous
les aurons, nous progresserons davantage dans l'étude des
hypothèses diverses que nous avons déjà envisagées,
car un dialogue est fait de questions et de réponses et nous savons que
parfois des discussions peuvent se prolonger, peuvent être ardues et
qu'une conclusion heureuse ne peut s'ensuivre qu'après des
échanges difficiles, longs et délicats. Mais, encore une fois, il
est difficile d'apporter une réponse définitive avant que ce
processus n'ait atteint son terme. Il n'a pas encore atteint son terme. Il nous
manque des éléments et, lorsque nous les connaîtrons, il
nous sera possible d'aller plus loin. À ce moment-là - je le
répète - nous assumerons entièrement nos
responsabilités.
M. Lalonde: Quels sont les éléments qui vous
manquent?
M. Laurin: La réponse des centrales syndicales et les
contre-propositions des centrales syndicales.
M. Lalonde: En ce qui concerne la tâche - quand on parle de
la réponse des centrales syndicales, c'est pour rouvrir un contrat qui
se termine le 31 décembre 1982, dans quelques mois - le budget qu'on
nous demande de voter va aller au-delà de cela, va aller jusqu'au 31
mars de l'an prochain. Il me semble que vous devriez, avec la plus grande
franchise, décrire aux membres de cette commission quelles sont vos
intentions comme ministre de l'Éducation, à savoir la tâche
de l'enseignant, telle que décrite, telle qu'encadrée par la
convention collective. Quels sont les éléments de cette
tâche que vous avez l'intention de changer dans la prochaine convention
collective?
M. Laurin: C'est avec la plus grande franchise et la plus grande
candeur que je réponds au député de Marguerite-Bourgeoys
que nous sommes en plein processus et que ce processus comporte l'examen
d'hypothèses auxquelles nous ne pouvons apporter une réponse tant
que nous ne serons pas éclairés davantage sur les attitudes,
propositions ou contre-hypothèses que pourra nous présenter la
partie syndicale. Lorsqu'il est prématuré de prendre une
décision, il devient irresponsable d'en faire état avant qu'elle
ne puisse être prise et ce n'est qu'à ce moment-là que nous
pourrons prendre des décisions, que ce soit en regard du niveau de
rémunération, comme je le disais tout à l'heure, ou que ce
soit en raison de clauses normatives qui font l'objet habituel des
négociations entre la partie syndicale et la partie gouvernementale.
Nous sommes en plein processus et, lorsque nous aurons poussé davantage
nos échanges, il nous sera possible d'arrêter des
hypothèses plus précises que nous pourrons alors soumettre
à la négociation. Je ne peux dire à ce moment-ci au
député de Marguerite-Bourgeoys si ces hypothèses ou ces
propositions se limiteront au niveau de la rémunération
exclusivement ou s'il sera opportun d'y ajouter des clauses normatives.
M. Lalonde: M. le Président, je répète ma
question: Quels sont les éléments de la tâche de
l'enseignant que le ministre a l'intention de soumettre à la
négociation?
M. Laurin: Mon intention est flottante pour le moment, M. le
Président.
M. Lalonde: Je dirais plutôt le genre calé que
flottant.
M. Laurin: Elle est flottante parce que, comme le
député le sait sûrement, dans toute négociation, il
y a plusieurs paramètres, dont les uns ont un effet sur les autres,
qu'il faut envisager globalement pour en connaître l'impact ou le
résultat définitif. C'est la raison pour laquelle, même si
nous jouons actuellement avec plusieurs paramètres, il est difficile
d'arrêter l'un ou l'autre d'une façon définitive car ce qui
nous importe, c'est le résultat final de ces calculs ou de ces
articulations réciproques.
M. Lalonde: M. le Président, comment voulez-vous que les
députés, en toute honnêteté et, si c'est possible,
au-delà de l'appartenance à un parti...
M. Laurin: M. le Président...
M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas
terminé!
M. Laurin: ... quand l'almanach dit que le soleil va se lever
à 5 h 05, malgré tous les efforts du député, on ne
pourra pas l'amener à se lever à 4 h 30. Le député
me demande que le soleil se lève dix minutes avant le temps fixé
par l'almanach. Donc, ce n'est pas possible.
M. Lalonde: D'abord, je n'ai pas posé la
question au soleil, c'est évident. Deuxièmement, je n'ai
pas demandé au ministre de faire le Josué. Je lui demande
simplement de me dire quelles sont ses intentions. Au fond, c'est cela que vous
faites, M. le ministre, c'est ce que vous nous demandez aux
députés, ici, autour de la table. Chacun de nous a une obligation
de par la fonction que chacun occupe, de dire: Oui, nous allons dépenser
tant d'argent. C'est le seul petit pouvoir qu'il nous reste à
l'Assemblée nationale et il est très mince, parce qu'on doit
adopter globalement, de toute façon, les budgets. Je vous demande
comment vous voulez que nous fassions notre travail honnêtement, si,
sachant que - quel est le pourcentage? - 80%, 78% ou 88% des 6 000 000 000 $
s'en vont dans les salaires? Non? C'est 50%, 70%...
M. Laurin: 88% pour le primaire et le secondaire, 85% pour le
collégial et 70% à peu près pour l'université.
M. Lalonde: Alors, cela fait des taux de succès
extraordinaires. C'est autour de 80% disons, en tout et partout?
M. Laurin: À peu près.
M. Lalonde: 80% des 6 000 000 000 $, près de 5 000 000 000
$ sont destinés à payer des salaires, dont une grande partie
à des enseignants, et une grande partie de ces enseignants vont se
retrouver à négocier avec le ministre et ses collègues
d'ici quelques mois. Vous savez sûrement, nous avons fait une petite
tournée, très modeste de la province, dans quelques
régions: l'Outaouais, le Nord-Ouest, la Mauricie, le Saguenay, l'Estrie,
le Grand Montréal, le Québec, dans le cadre de la proposition
à venir du ministre, en ce qui concerne la réforme scolaire, mais
une réforme scolaire, il faut le souligner, que les
députés ministériels se sont appliqués à
défendre dans leurs interventions, alors qu'elle n'est même pas
déposée. M. le Président, comme docilité, le
ministre ne peut pas désirer mieux. Nous avons parlé au monde,
peut-être dans ce contexte, à un peu plus de monde que le ministre
n'a parlé depuis quelques mois.
Une voix: Qui donc, cela?
M. Lalonde: Peut-être. Enfin, je n'ose pas le
suggérer, je le suppose. La grande inquiétude, ce qui ressort
constamment des discussions avec les administrateurs scolaires, pas
nécessairement les membres des commissions scolaires que le gouvernement
veut occire bientôt, mais aussi les administrateurs au niveau de
l'école, c'est la complexité, le caractère enfermé
des conventions collectives qui enlève toute possibilité de
flexibilité, en ce qui concerne l'amélioration de la
qualité de l'enseignement. C'est pour cela que nous insistons - vous me
permettrez de le faire, M. le Président - auprès du ministre pour
lui demander ce qu'il a l'intention de faire en ce qui concerne les conventions
collectives. C'est là qu'est l'essentiel, M. le ministre, qu'on retrouve
dans votre discours; c'est là qu'est l'essentiel de la qualité de
l'enseignement dans la convention collective - non pas que je veuille qu'il n'y
en ait pas - mais je veux savoir, avant de voter, et mes collègues
aussi, ce que vous avez l'intention de faire parce que la négociation
commence dans quelques mois. Vous me dites: Ce sont des hypothèses et
quand ce sera réglé, ce sera réglé. Mais où
est-ce qu'on va être, nous, les élus? Nulle part. Il me semble que
c'est faire injure à l'autonomie de l'Assemblée nationale que
d'avoir une telle approche.
Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre, avant de vous
permettre de répondre, je voudrais quand même attirer votre
attention - j'ai laissé filer le débat là-dessus depuis le
début de l'étude des crédits du programme 1 - cependant,
je constate que, pratiquement, depuis le début de l'étude du
programme 1, nous discutons surtout de l'étude des crédits du
programme 4 où, si je ne m'abuse, et vous me corrigerez si je fais
erreur, il me semble que c'est à ce programme que sont prévus les
salaires pour ce qui est des réseaux. C'est pour le primaire et le
secondaire; au programme 5, pour le collégial et au programme 6, pour
l'enseignement universitaire. Alors, les questions portent surtout sur ces
programmes. Je voudrais vous demander, même si j'ai laissé filer
assez librement la discussion, de réserver vos questions qui traitent de
ces programmes pour le moment où nous serons rendus à
l'étude de ceux-ci. Nous en sommes au programme 1. Si nous voulons
avancer dans nos discussions - je voudrais bien que mes paroles soient
interprétées correctement, il ne s'agit pas de blâmer qui
que ce soit - mais enfin, si nous voulons avancer dans l'étude du
programme 1, je pense qu'il n'y a pas lieu de sauter d'emblée dans les
programmes 4, 5 et 6, que nous devons aborder demain.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Rodrigue): Alors, j'aimerais qu'on en
revienne autant que possible au programme 1. Je vais vous demander si vous avez
des questions spécifiques à poser ou des remarques à faire
concernant le programme 1.
M. Lalonde: M. le Président, sur le programme 1, vous me
permettrez de lire ce
que le ministre nous propose sous la rubrique: Administration
générale, et je cite: "Ce programme vise à assurer
l'administration de l'ensemble des programmes confiés au
ministère de l'Éducation..." et, je peux continuer, mais
déjà, on a là la mission générale du
ministère en ce qui concerne l'administration de l'ensemble des
programmes. Je pense, le tout respectueusement suggéré, que c'est
à cet endroit que nous devons poser des questions au ministre sur ses
décisions politiques dans l'administration de l'ensemble des programmes.
Vous n'avez pas été sans entendre les chiffres que j'ai
cités, à savoir que près de 80% des crédits des
programmes confiés au ministère de l'Éducation tels qu'on
les retrouve ici se retrouvent dans les salaires. Il me semble que c'est au
programme 1, à l'administration générale, au cabinet du
ministre, aux cabinets des sous-ministres que se discutent ces
choses-là, que se prennent les décisions. Ce n'est pas au
programme 4, où on va retrouver le payeur, celui qui va faire les
chèques de transfert d'environ 4 000 000 000 $ pour le primaire et le
secondaire, que les décisions de cette nature vont se prendre. C'est
pour cela que je pose la question à ce programme-là.
Le Président (M. Rodrigue): Au niveau du programme 1, on
parle d'assurer l'administration de l'ensemble des programmes confiés au
ministère de l'Éducation. Au programme 2, par ailleurs, on parle
d'assurer la coordination des différents réseaux et leur fournir
les services nécessaires en matière de soutien à
l'enseignement et à la gestion. À quel endroit, M. le ministre,
avez-vous prévu les sommes d'argent requises pour vos équipes de
négociateurs? Est-ce que c'est dans le programme 1, le programme 2, le
programme 4, le programme 5 ou le programme 6?
M. Laurin: Pour l'équipe de négociateurs, au
programme 1.
Le Président (M. Rodrigue): Très bien. Alors,
j'accepte la remarque du député de Marguerite-Bourgeoys et la
question est pertinente.
M. Laurin: Cela va d'ailleurs nous coûter 4 000 000 $.
M. Paquette: Si vous permettez, sur une autre question de
règlement, tout en me disant d'accord avec la décision que vous
venez de rendre, j'allais justement vous faire cette remarque. C'est au
programme 1 qu'il faut faire ce débat et c'est important qu'on le
fasse.
Maintenant, on arrive à 9 h 45, je ne sais si le
député de Marguerite-Bourgeoys serait d'accord pour prolonger
quelque peu, pour qu'on puisse terminer si possible l'étude du programme
1, de façon à s'assurer, dans les contraintes de temps qui nous
sont imposées, qu'on pourra étudier également les autres
programmes, tel que prévu avant le souper.
M. Lalonde: En réponse à la question du
député de Rosemont, c'est que j'avais suggéré qu'on
trouve d'ici à la fin de semaine une période additionnelle pour
nous permettre de couvrir tous les programmes; je ne pense pas qu'ajouter
quelques minutes, dix ou quinze minutes, ça suffirait. Est-ce que...
M. Paquette: Compte tenu que les remarques préliminaires
se sont prolongées quelque peu, on pourrait...
M. Lalonde: Mais est-ce qu'il serait possible de prévoir
jeudi après-midi mercredi soir, c'est impossible, en ce qui me concerne;
jeudi, on devait finir jeudi à midi, midi et trente ou 13 heures.
Une voix: II y a une période de questions à 14
heures.
M. Lalonde: Oui, il y a une période des questions à
14 heures, mais, de 15 h 15 à 18 heures, c'est beaucoup plus long que de
22 heures à 22 h 15. Si c'était possible jeudi après-midi,
cela nous irait.
M. Laurin: On va y penser.
M. Paquette: De toute façon, M. le Président, cela
devient difficile parce que, comme vous pouvez le constater, on doit
déplacer beaucoup de personnes.
M. Lalonde: Je regrette et je m'excuse auprès de ces
personnes très importantes, mais c'est simplement pour satisfaire la
curiosité morbide de quelques petits députés de
l'Opposition dont le seul défaut est d'avoir été
élus.
M. Paquette: II me semble, M. le Président, que, si cette
curiosité était tellement dévorante, on pourrait la
satisfaire tout de suite.
M. Lalonde: M. le Président, cela fait une demi-heure que
je pose des questions au ministre et ma curiosité, qui est tout à
fait justifiée, n'a pas été satisfaite.
Le Président (M. Rodrigue): Je constate qu'il n'y a pas
accord pour poursuivre nos travaux. Étant donné qu'il est
maintenant 21 h 58, je pense qu'il y a lieu à ce stade-ci d'ajourner les
travaux de la commission jusqu'à 10 heures, demain matin.
M. Lalonde: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): La commission élue
permanente de l'éducation ajourne ses travaux jusqu'à 10 heures,
demain matin.
(Ajournement de la séance à 21 h 59)