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(Dix heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'éducation se réunit aux fins
d'étudier les crédits 1982-1983 de ce ministère.
Sont membres de cette commission: M. Brouillet (Chauveau)
remplacé par M. LeMay (Gaspé), M. Champagne (Mille-Îles),
M. Chevrette (Joliette) remplacé par M. Payne (Vachon), M. Cusano
(Viau), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) remplacé par M. Paré
(Shefford), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Paquette
(Rosemont).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. French
(Westmount), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paré (Shefford) qui devient
membre, M. Polak (Sainte-Anne), M, Proulx (Saint-Jean), M. Rochefort (Gouin),
M. Ryan (Argenteuil), M. Saintonge (Laprairie).
M. Lalonde: Est-ce que je pourrais faire deux petits
changements?
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le
député.
M. Lalonde: M. Dauphin (Marquette) au lieu de M. Polak
(Sainte-Anne), et M. Doyon (Louis-Hébert) au lieu de M. Ryan
(Argenteuil).
Le Président (M. Gagnon): M. Dauphin (Marquette) au lieu
de M. Polak (Sainte-Anne).
M. Lalonde: M. Dauphin (Marquette) au lieu de M. Polak
(Sainte-Anne), et M. Doyon (Louis-Hébert) au lieu de M. Ryan
(Argenteuil). M. French est-il là?
Le Président (M. Gagnon): Oui. Alors, au moment de la
suspension des travaux, nous en étions rendus à
l'élément 4?
M. Lalonde: Au programme 4.
Le Président (M. Gagnon): Au programme 4. Oui, M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne: Si on me permet une petite motion non
annoncée.
M. Lalonde: Oui, sûrement, surtout que vous me l'avez
annoncée.
Anniversaire du ministre
M. Champagne: J'ai su votre réflexion, aussi. Au nom de
mes collègues de l'Assemblée nationale, du côté
ministériel, il me fait plaisir de souhaiter un heureux anniversaire au
ministre de l'Education; aujourd'hui c'est son anniversaire de naissance.
M. Laurin: Merci beaucoup.
M. Champagne: On peut souhaiter qu'aujourd'hui tout se passe, les
discussions, dans le sérieux et dans la sérénité,
pour ne pas donner d'autres cheveux blancs à notre cher ministre... On
va espérer de plus que les étudiants du secondaire acceptent sa
note de passage de 50% à 60% en guise de cadeau. Heureux anniversaire,
M. le ministre!
M. Laurin: Moi aussi je viens d'arriver à 60.
M. Lalonde: M. le Président, il me fait plaisir au nom de
l'Opposition de me joindre aux bons voeux, de souhaiter au ministre la
santé, c'est ce qui compte au départ, une retraite fructueuse, la
plus longue possible. C'est tout ce qu'il désire, pas tout à fait
tout ce qu'il désire, mais, enfin, il sait ce que je veux dire.
M. Laurin: Je remercie beaucoup mes collègues de leurs
bons voeux. On sait que la sérénité est une vertu que je
cultive beaucoup, et c'est peut-être pour cela que le
député de Marguerite-Bourgeoys m'incite à la retraite,
c'est là qu'on la pratique le mieux, évidemment. J'espère
retarder cette échéance durant quelque temps encore pour mieux
apprendre la sérénité afin de la pratiquer mieux quand le
moment arrivera véritablement. Merci.
M. Lalonde: Décidément, on a toujours tort dans
l'Opposition.
Le Président (M. Gagnon): Merci. J'ai oublié de
mentionner que le rapporteur était le député de
Mille-Îles. Nous en étions au programme 4 et je crois qu'on
étudiait le programme dans son ensemble plutôt...
M. Lalonde: Oui.
Le Président (M. Gagnon): qu'élément par
élément. Et la parole, je crois, était au ministre.
M. Lalonde: Non, la députée de Jacques-Cartier
avait une autre question à poser.
Le Président (M. Gagnon): La députée de
Jacques-Cartier.
Classes d'immersion pour les francophones
Mme Dougherty: C'est la question de la langue seconde pour les
étudiants francophones, l'immersion. Compte tenu que l'immersion est
permise pour les anglophones dans le régime pédagogique, j'ai
demandé pourquoi l'immersion n'était pas disponible pour les
francophones, les parents qui veulent les programmes d'immersion, qui sont
très efficaces pour les étudiants anglophones, les programmes
d'immersion en anglais. Je crois que le ministre était en train de
nous...
M. Laurin: Je pense que j'avais déjà répondu
à cette question, M. le Président, en disant que, d'abord, il y
avait encore des querelles d'école au sujet de l'immersion. Certaines
écoles de pensée préfèrent l'enseignement intensif
donné au cours de la sixième année, à la fin du
cycle primaire, alors que d'autres croient davantage à une immersion
pratiquée au tout début du cycle. Aussi, je faisais valoir qu'il
était difficile de comparer la situation d'une population scolaire
majoritaire et d'une population scolaire minoritaire. Autant il est important,
nécessaire, pour une minorité de connaître, de
maîtriser même la langue de la majorité non seulement
à des fins d'insertion sociale mais également à des fins
économiques - on pense ici, par exemple, à la facilité
d'obtenir un emploi bien rémunéré dans tous les secteurs
de la société - autant donc il est nécessaire pour une
minorité de maîtriser la langue de la minorité, ce besoin
est moins marqué pour la majorité. Je ne conteste pas que
certains éléments de la majorité trouvent également
utile, opportun et même nécessaire de connaître une
deuxième langue, particulièrement lorsqu'ils s'intéressent
à des secteurs où la langue de la minorité est
prévalante, par exemple, dans le secteur du commerce et de l'industrie,
ou, par exemple, dans le champ de la science et de la technologie, où il
faut prendre connaissance de travaux écrits dans une autre langue.
Abstraction faite de ces secteurs de la population majoritaire où la
connaissance d'une deuxième et même d'une troisième langue
peut s'imposer, on ne peut quand même conclure que, pour la plus grande
partie des citoyens, la connaissance de la langue seconde soit à ce
point essentielle.
Bien sûr, et je l'ai souvent dit, le bilinguisme individuel pour
n'importe quel citoyen est un objectif valable qu'on peut se fixer. Il est
toujours intéressant et utile de connaître une deuxième ou
même une troisième langue. Il reste cependant qu'elle ne s'impose
pas avec le même absolu pour la majorité que pour la
minorité. On ne peut donc prévoir un régime identique pour
les citoyens appartenant à la majorité ou à la
minorité.
C'est un peu ce que tente de transcrire notre régime
pédagogique quand il fait commencer, par exemple, d'une façon
obligatoire, l'enseignement de la langue seconde en première
année pour les anglophones du Québec et en quatrième
année pour les francophones du Québec. Par ailleurs, je pense
qu'il faut également tenir compte des lois québécoises et
en particulier de la loi 101, qui a été adoptée en 1977
pour plusieurs raisons. Une des raisons importantes, fondamentales,
c'était pour parer à la situation difficile qu'avait
engendrée ou l'absence de législation ou une législation
à ce point ouverte, trouée, poreuse, que l'école de la
minorité anglophone au Québec, de par sa situation historique
privilégiée, de par les éléments
démographiques propres à notre territoire canadien ou à
notre continent américain, de par la force économique qu'avait
acquise chez nous le secteur privé de l'économie
contrôlée par la minorité, l'école de la
minorité, dis-je, en était venue à annexer la presque
totalité des nouveaux arrivants au Québec. La commission Gendron
avait montré les effets cumulatifs d'une pareille situation qui,
à long terme, selon l'avis des spécialistes, constituait une
menace pour le devenir même de la majorité francophone au
Québec et donc une menace pour son identité. La loi 101 a voulu
parer à cette menace et a voulu rétablir les droits de la
majorité, et elle a fait en sorte que, maintenant, les nouveaux
arrivants au Québec doivent s'inscrire à l'école
française alors même que la loi permet cependant à chaque
anglophone au Québec dont les parents ont fait leur éducation en
anglais au Québec d'avoir accès à l'école anglaise,
ce qui est beaucoup plus généreux, incidemment, que l'article 23
de la Charte constitutionnelle et beaucoup plus généreux que la
législation linguistique de la majeure partie de la
quasi-totalité des autres provinces. Et c'est pour ces raisons...
M. Lalonde: Je m'excuse d'interrompre le ministre, mais... Que
votre fille sera muette, oui!
Mme Dougherty: J'ai trois questions.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Laurin: C'est pour ces raisons que nous avons refusé
à la commission scolaire Baldwin Cartier...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Est-ce sur une
question de règlement?
Mme Dougherty: Non. Mais j'aimerais poser mes questions.
M. Laurin: ... la permission qu'elle nous demandait.
M. Lalonde: M. le Président, je m'excuse de vous
interrompre, mais c'est une bonne chose parce qu'on sera rendu à midi
même si l'horloge ne fonctionne pas, M. le Président, avant la fin
de la phrase. C'est sa fête, M. le Président, mais il ne faut
quand même pas exagérer. Ne nous faites pas regretter nos bons
voeux.
M. le Président, le ministre s'égare. Mme Lise Bisonnette,
dans le Devoir de jeudi, parlait de pérorer et je pense que, dans le cas
qui nous occupe, dans la question de Mme la députée de
Jacques-Cartier, l'esprit, sinon la langue du ministre, est fourchu et je vais
vous dire pourquoi.
Lorsqu'il dit qu'il est nécessaire pour la minorité de
maîtriser la langue de la majorité, nous en sommes, mais lorsqu'il
décrit la situation de majorité-minorité en termes du
Québec, comme si le Québec était entouré d'un mur,
nous n'en sommes plus, nous ne suivons plus le ministre. Et le ministre,
lorsqu'il dit qu'il est beaucoup moins nécessaire, beaucoup moins
désirable pour la majorité au Québec, donc les
francophones, d'acquérir une bonne connaissance de la langue seconde -
on parle de l'anglais ici - il ne traduit pas le désir des
Québécois. Qu'il consulte les parents et il aura un message
totalement différent. Je comprends que son message est conforme à
la théorie du Parti québécois, mais il oublie une autre
réalité de majorité/minorité qui est tout à
fait présente, concrète ici au Québec, à tel point
que le règlement de la question linguistique, c'est presque toujours la
quadrature du cercle. Nous en savons quelque chose. Depuis 1974 qu'on essaie de
trouver la vérité. C'est la contradiction des majorités,
des minorités au Québec. C'est vrai que les francophones forment
80% au Québec, mais aller refuser de donner un enseignement de
qualité de la langue seconde en anglais, ne pas vous préoccuper
de donner une connaissance suffisante, une bonne connaissance de la langue
seconde aux francophones, c'est mal traduire les aspirations des
Québécois. Et lorsque, M. le Président... Non, j'ai la
parole...
Le Président (M. Gagnon): Question de règlement, M.
le député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, j'ai laissé aller le
député même si, depuis dix minutes, je suis convaincu qu'il
n'a pas le droit de parole. Il a interrompu le ministre en train
d'exposer...
M. Lalonde: II avait fini de parler. Non?
M. Paquette: Vous l'avez interrompu. C'était votre
collègue de Jacques-Cartier qui avait la parole. Le suivant sur la
liste...
M. Lalonde: Le président m'a donné la parole.
M. Paquette: Le suivant sur la liste... Non, il ne vous l'a pas
donnée, vous l'avez prise.
M. Lalonde: Bien oui, il a dit, à un moment donné:
Voilà pourquoi... Voilà ma réponse...
M. Paquette: M. le Président, moi, je n'ai pas d'objection
à ce qu'on commence à discuter...
M. Laurin: Je n'avais pas terminé.
M. Paquette: ... de toute la question linguistique, de l'Office
de la langue française. Je voudrais simplement vous rappeler, M. le
Président, qu'on est dans l'étude du programme 4, qu'on va
arriver à l'étude des erédits de l'Office de la langue
française bientôt.
M. Lalonde: Je ne parle pas de l'office. Je parle de
l'enseignement de l'anglais dans les écoles...
M. Paquette: Oui, oui. D'accord.
M. Lalonde: ... françaises et, si ce n'est pas dans le
programme 4, je ne sais pas où je vais pouvoir le faire.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Paquette: M. le Président, c'était simplement
pour vous rappeler qu'actuellement le député n'a pas la
parole...
M. Lalonde: Oui, j'ai la parole.
M. Paquette: ... et c'est par tolérance que nous le
laissons parler.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. J'ai effectivement
donné la parole au député de Marguerite-Bourgeoys. Je
croyais que le ministre avait terminé, mais, compte tenu
que le ministre m'a dit qu'il n'a pas terminé, aussitôt
après le député de Marguerite-Bourgeoys, je lui redonnerai
la parole.
M. Laurin: Très bien.
M. Lalonde: Bon. Alors, M. le Président, n'en
déplaise au député de Rosemont, la réalité
des choses, c'est cela. C'est que les parents des francophones veulent que
leurs enfants ne soient pas traités comme des citoyens de seconde classe
lorsqu'ils seront rendus sur le marché du travail et ce que vous
êtes en train de faire... Parce que nous aussi, et pourtant ça n'a
pas été facile parce que, individuellement, vous posez la
question aux gens et la réponse est qu'on aimerait avoir la
liberté de choix, quand vous posez la question aux gens. Je pense que le
député de Vachon peut la poser aussi et les sondages sont dans ce
sens. Alors, on s'est imposé, même dans la loi 22 et encore
à la loi 101, le devoir pour les francophones de fréquenter
l'école française et je pense que c'est tout à fait juste,
mais et le mais nous est répété: Donnez un bon
enseignement, un enseignement solide de l'anglais pour que nos enfants,
lorsqu'ils sortiront de l'école, ne soient pas devant la situation
où, ne sachant pas l'anglais, ce sont les anglophones qui, ayant appris
le français comme il faut, auront les jobs; c'est cela que vous
êtes en train de préparer. Écoutez, le ministre dit: Ce
n'est pas nécessaire, ce n'est pas aussi nécessaire pour la
majorité de connaître la langue de la minorité, mais c'est
la langue de la majorité de l'Amérique du Nord. Il dit: Oui,
peut-être dans le domaine de l'industrie, du commerce, de la science et
de la technologie, mais où sont les emplois, s'ils ne sont pas
là-dedans, à partir de demain? Où sont les emplois? Nous
ne serons pas tous des enseignants! Sur le marché du travail, c'est dans
le commerce, l'industrie. Surtout, si vous voulez en avoir dans les industries
de pointe, les sciences et la technologie, il faut avoir une bonne
connaissance... Là où l'esprit est fourchu aussi, c'est lorsqu'il
parle de l'immersion. Il y a deux écoles. La preuve n'est pas faite que
c'est bien bon, mais on va la donner aux Anglais quand même parce que le
règlement prévoit que pour les anglophones, oui, eux autres... On
n'est pas sûr que c'est bon, mais on va leur donner l'immersion. Pour les
francophones, ce n'est pas assez bon, ce n'est pas prouvé.
M. le Président, je m'excuse si je choque un peu les esprits
péquistes, parce que ce n'est pas tout à fait conforme à
votre conception du Québec, mais c'est vrai. Les parents francophones
veulent que leurs enfants, lorsqu'ils sortent de l'école, tout en
acceptant cette contrainte de ne pas pouvoir les envoyer à
l'école anglaise, cela étant un comportement tout à fait
désirable, aient une bonne connaissance de la langue anglaise, parce que
c'est la langue de 225 000 000 -on ne les compte plus - de
Nord-Américains et aussi la langue du commerce, le ministre l'admet.
C'est la langue de la recherche scientifique, on en sait quelque chose, M. le
Président, car on a assisté tous les deux, avec quelques autres
collègues, à l'assemblée annuelle de l'Association
internationale des parlementaires de langue française, en janvier, dont
l'un des deux sujets était: Qu'allons-nous faire du français
langue scientifique? On a adopté des résolutions, on tente de
redonner au français un caractère un peu plus officiel, un peu
plus utilitaire, mais c'est l'anglais actuellement qui est la "lingua franca"
dans ces domaines. On ne voit pas que, dans un avenir rapproché, la
situation va changer.
Je pense qu'il est très important de demander au ministre de
changer d'attitude là-dessus. Qu'il ne pense pas qu'en enseignant
très bien l'anglais, langue seconde, il prépare la disparition
des francophones. Je ne pense pas que ce soit là... Les dispositions de
la loi 101, on en parlera au programme 11. Sur la francisation des entreprises,
la francisation du Québec, dans l'ensemble, nous sommes d'accord parce
qu'au fond on les avait faites déjà d'une autre manière
avec la loi 22. On est pas d'accord avec les abus que vous avez faits, que vous
avez mis dans votre loi, comme, par exemple, l'interdiction de l'anglais sur
les enseignes publiques et d'autres abus. Mais, dans l'ensemble, la
francisation du Québec est en train de se faire.
Les parents veulent que leurs enfants, et les enfants aussi, apprennent
l'anglais d'une façon raisonnable, d'une façon qui leur permette
en sortant de l'école de pouvoir l'utiliser au travail.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: Oui, M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Juste avant, si vous me
permettez, pour qu'on s'entende, j'ai sur ma liste, après le
député de Saint-Henri, le député de Viau et le
député de Rosemont.
M. Laurin: M. le Président, je connais bien le plaidoyer
du député de Marguerite-Bourgeoys. Je l'ai entendu à
plusieurs reprises depuis six ans et je ne veux pas reprendre tout ce
débat mais m'en tenir strictement aux faits.
Le député admet lui-même que la francisation du
Québec est en train de se faire. Justement, elle est en train de se
faire et de se compléter grâce à la loi 101, parce que sous
le régime libéral, au contraire, nous perdions du terrain
à chaque
année. Je veux m'en tenir simplement aux faits pour lui dire, par
exemple, que les travailleurs, même dans les usines à haute
technologie, les plus avancées, sont maintenant de plus en plus nombreux
à travailler en français. Graduellement, nos usines, encore une
fois, même les usines à haute technologie, sont en train de se
franciser à une cadence très rapide, et il ne s'écoulera
plus beaucoup d'années avant que toutes ces usines fonctionnent
entièrement en français. Il est faux de prétendre que nos
Québécois francophones aient besoin d'apprendre l'anglais ou
auront besoin d'apprendre l'anglais pour travailler dans des usines, même
à haute technologie, encore une fois, qui fonctionnent
déjà et fonctionneront de plus en plus en français. (10 h
45)
Quand on prétend aussi que l'anglais est la langue de la
recherche scientifique, je m'inscris en faux contre cette affirmation. Le
français est une langue qui a ses lettres de noblesse depuis près
de mille ans et beaucoup d'inventions, de progrès scientifiques sont
attribuables justement à des chercheurs français qui ont
publié leurs travaux en français, et il en est encore ainsi
aujourd'hui. Prétendre que le français n'est pas adapté
à la science, à la technologie, c'est là faire injure
à une langue qui, au contraire, a montré et montre encore
aujourd'hui qu'elle est parfaitement adaptée à l'exploration,
à la recherche scientifique, à la publication et à la
diffusion des travaux scientifiques.
M. Lalonde: Pourquoi Hydro-Québec publie-t-elle 94% de ses
recherches en anglais?
M. Laurin: Ah! c'est pour d'autres raisons.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Laurin: Oui, j'ai la parole en effet. Un autre fait que je
voudrais porter à l'attention du député, c'est que depuis
la loi 101, depuis 1977, les étudiants francophones s'avèrent
beaucoup plus ouverts à l'apprentissage de la langue anglaise.
Auparavant, nous avions constaté une grande résistance à
l'apprentissage de cette langue précisément en raison du fait que
les étudiants ou la jeunesse sentait son identité menacée,
se sentait envahie, se sentait opprimée par une prédominance
excessive et injustifiée dans sa propre patrie, dans son propre pays
d'une langue qui n'était pas la sienne. Maintenant qu'elle se sent
protégée, nous constatons chez cette jeunesse, de même que
dans tous les secteurs de la société, une ouverture beaucoup plus
grande non seulement à l'apprentissage de la langue anglaise, mais
également aux autres cultures.
Nous constatons - et j'ai pu le constater moi-même depuis cinq ans
- une ouverture beaucoup plus marquée à l'apprentissage des
autres langues et à la connaissance des autres cultures, ce qui montre
bien que la loi 101 n'avait pas du tout comme objectif d'enfermer le
Québec et les citoyens francophones dans un ghuetto mais, au contraire,
de les ouvrir aux autres civilisations, aux autres cultures, aux autres pays et
de les amener à en profiter, mais dans un sentiment de
sécurité quant à leur propre identité
culturelle.
Je voudrais dire aussi que - c'est un autre fait - au-delà des
querelles qui opposent les tenants de l'immersion et de l'enseignement intensif
de la langue seconde, il y a bien d'autres façons d'enseigner une langue
seconde. L'immersion n'est qu'un des mécanismes, qu'une des
méthodes. Il y a quand même beaucoup d'autres méthodes et,
parmi ces méthodes, il y en a qui ont fait leurs preuves depuis
longtemps. J'ai souvent dit la préoccupation, l'intérêt du
gouvernement pour un meilleur enseignement de l'anglais. De fait, au cours des
quelques années qui viennent de se passer, le ministère a
été très actif à cet égard. Des
équipes de recherche ont travaillé à l'amélioration
de l'enseignement de l'anglais et je peux même dire que les programmes
sont en voie de renouvellement complet. Je demanderai d'ailleurs à M.
Rousseau de préciser les travaux du ministère à cet
égard. Nous avons aussi pensé présenter dans notre projet
de réforme scolaire une autre hypothèse qui, si elle
s'avérait, pourrait contribuer également à
améliorer la qualité de l'enseignement de l'anglais, langue
seconde.
Nous proposons, par exemple, un échange entre les divers
syndicats d'enseignants, francophones et anglophones, de façon que des
enseignants anglophones viennent enseigner l'anglais dans nos écoles
françaises et réciproquement. Je pense que c'est là une
hypothèse qu'il serait intéressant d'explorer en collaboration,
bien sûr, avec les centrales syndicales pour voir si nous ne pourrions
pas mettre sur pied un système qui, tout en respectant les droits
syndicaux, permettrait quand même de faire bénéficier les
étudiants de l'expertise et d'une connaissance originelle de la langue
seconde de la part de ces enseignants.
Enfin, nous continuons à nous préoccuper du
perfectionnement des maîtres en ce qui a trait à l'enseignement
non seulement de la langue maternelle, mais aussi de la langue seconde. Je
m'étonne, pour terminer, que le député de
Marguerite-Bourgeoys dise qu'à la façon dont vont les choses ce
sont les anglophones, devenus de plus en plus bilingues qui auront
bientôt les meilleurs emplois. Cette affirmation est
démentie tous les jours par les députés de la
formation libérale, aussi bien que par les journaux anglophones qui
prétendent, au contraire, que le nombre d'anglophones qui peuvent
accéder aux emplois bien rémunérés ou aux emplois
supérieurs, de cadres ou d'administration, sont de moins en moins
nombreux, et qu'en conséquence ils sont tentés - et beaucoup le
font - d'aller se trouver des emplois auxquels ils croient pouvoir aspirer dans
les autres provinces anglophones ou aux États-Unis.
Il y a donc là une contradiction dans les termes, entre un
certain discours qui prétend que les politiques linguistiques du
Québec font fuire les anglophones, particulièrement les plus
instruits, vers d'autres provinces et l'affirmation du député de
Marguerite-Bourgeoys, qui nous annonce pour bientôt qu'au Québec
ce seront les anglophones qui auront les meilleurs emplois en raison de notre
politique linguistique. C'est une contradiction qui ressemble à cette
quadrature du cercle dont parlait le député de
Marguerite-Bourgeoys et dont ils ne sont jamais sortis. Je
préfère, pour ma part, une politique claire, cohérente,
qui assure les droits et les intérêts de la majorité tout
en respectant les droits de la minorité.
En ce qui concerne l'enseignement de l'anglais, encore une fois, je
voudrais demander à M. Rousseau de préciser les travaux qui ont
eu cours à notre ministère depuis quelques années, et les
résultats dont on peut déjà faire état.
Il faut bien indiquer que l'apprentissage de l'anglais, langue seconde,
nécessitait évidemment des enseignants bien
préparés. Il est clair qu'on ne peut pas s'improviser dans
l'enseignement d'une langue seconde. Or, même pour les enseignants qui
provenaient du secteur anglophone, il y avait obligation de sessions intensives
de perfectionnement... (panne de courant)
M. Lalonde: On a un gouvernement bien fatigué.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela fonctionne?
Vous pouvez y aller, M. Rousseau.
M. Laurin: Ce qui veut dire qu'un effort important a
été fait au niveau du perfectionnement des maîtres, comme
on vient de l'indiquer, et également au niveau des conseillers
pédagogiques. En ce qui concerne les maîtres, des moyens
très diversifiés ont été mis en oeuvre, de
manière à pouvoir multiplier le personnel qui pourrait soutenir
les enseignants de langue seconde à l'intérieur des commissions
scolaires.
Tout d'abord, en plus des cours qui ont été offerts
à l'intérieur des plans de développement, nous sommes
mêmes allés jusqu'à multiplier les ententes avec la
Louisiane et avec d'autres provinces canadiennes pour pouvoir assurer un
complément de formation au niveau des professeurs de l'anglais, langue
seconde. Aussi, c'est peut-être technique, mais cela vient encore
soutenir les mesures prises pour assurer la qualité, dans les
conventions collectives, nous avons prévu un champ protégé
pour l'enseignement de la langue seconde. Ce qui veut dire que tout ce que l'on
appelle le "bumping", tous les effets du déplacement du personnel, en ce
qui concerne la qualité de la langue seconde, depuis la dernière
ronde de négociations, on peut dire que c'est un champ
protégé et ne peut se glisser dans ce champ protégé
que le personnel qui répond à des critères qui sont
fixés par les commissions scolaires. Aussi, et c'est là, je
pense, l'événement le plus important qu'on peut considérer
à l'intérieur de notre recherche pour améliorer la
qualité de l'enseignement, langue seconde, c'est que, dans le
passé, nous nous sommes toujours appuyés sur des méthodes
et sur des besoins langagiers qui avaient été identifiés
ailleurs qu'au Québec. Nous prenions des méthodes
américaines, des méthodes anglaises ou des méthodes
ontariennes, qui s'adaptaient souvent mal aux besoins véritables des
jeunes Québécois. Alors, en 1977-1978, nous avons terminé
une vaste recherche avec l'appart de l'Université Laval, de
l'Université McGill, de même que du personnel des commissions
scolaires, pour définir les besoins langagiers des enfants du primaire
et du premier cycle du secondaire en anglais, langue seconde, tant dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean que de la Gaspésie, que du
coeur de Montréal. Cette recherche nous a permis, finalement, à
toutes fins utiles, de remettre en question de nombreux moyens utilisés
à l'intérieur de nos écoles pour réaliser les
objectifs, c'est-à-dire des objectifs qui ne sont pas des objectifs de
bilinguisation, parce que c'est impossible à l'intérieur de notre
système scolaire d'arriver, pour la totalité des
élèves du Québec, à atteindre cet objectif, mais,
au moins, viser l'objectif pour que l'élève puisse arriver
à ce qu'on pourrait appeler un usage fonctionnel de la langue seconde.
C'est l'objectif qui est poursuivi. Les résultats de cette recherche
ont, évidemment, influencé l'ensemble de la démarche dans
la conception des programmes et influenceront, évidemment, la
préparation des manuels scolaires et du matériel didactique. Il
s'agit là d'une initiative importante et, d'ailleurs, on vient de
l'extérieur du Québec pour vérifier la démarche que
nous avons prise, parce que, jusqu'à ce jour, il n'y avait qu'un nombre
limité de maisons d'édition qui, finalement, avaient
imposé aux professeurs de l'enseignement de l'anglais, langue seconde,
leur propre méthodologie et leur propre vocabulaire également,
alors qu'on peut dire
maintenant que nous sommes en train de développer notre propre
méthode d'enseignement de langue seconde, en tenant compte des besoins
propres de notre population étudiante.
Le Président (M. Gagnon): Merci. En vertu de l'article
96...
M. Lalonde: M. le Président, en vertu de l'article 96, le
ministre a dénaturé mes propos comme il le fait d'ailleurs
régulièrement. Je pense qu'il est important de souligner cette
question. Lorsqu'il dit que j'ai tenu un langage contradictoire en disant que
les jeunes anglophones, en arrivant sur le marché du travail,
étant parfaitement bilingues, auront plus de chances que les
francophones qui ne le seront pas, il mentionne que je contredis le discours
libéral qui veut que des anglophones partent du Québec ou n'aient
pas accès à des emplois, actuellement. C'est vrai pour les deux,
mais le ministre confond. Les anglophones d'aujourd'hui, sur le marché
du travail, qui n'ont pas appris le français, c'est vrai qu'ils ont de
la difficulté. Mais regardez aller les jeunes, par exemple, ceux qui ont
commencé la fréquentation scolaire dans les années 1970,
lorsqu'ils arriveront sur le marché du travail. Écoutez-les
parler, ils sont parfaitement bilingues et ils parlent un beau français.
Les deux réalités sont vraies. Elles ne sont pas
contradictoires.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Jacques-Cartier, pour terminer votre... Ou si vous passez la parole au
député de Viau.
Mme Dougherty: C'est sur le même sujet. J'aimerais avoir
une chance après, sur le même sujet.
Le Président (M. Gagnon): J'en ai déjà un
certain nombre en lice. Vous m'avez dit tantôt que vous n'aviez pas
terminé, alors, je vous redonnais la parole immédiatement. Il va
falloir que je respecte aussi le droit de parole des autres.
M. Lalonde: Avant cela, c'est une question d'ordre...
Le Président (M. Gagnon): Question de
règlement.
M. Lalonde: ... de règlement. On avait convenu qu'on
aborderait les programmes 3 et 5, je pense, ce matin et qu'on terminerait donc
le programme 4 bientôt. Il est 11 heures, est-ce qu'on s'entend pour
filer encore 15, 20 minutes, une demi-heure, sur le programme 4?
Mme Dougherty: J'ai un commentaire sur ce sujet. J'ai d'autres
questions sur le régime pédagogique.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a eu entente
là-dessus hier?
M. Lalonde: Oui, mais une entente floue, un peu flexible.
Le Président (M. Gagnon): Alors, à plus forte
raison, je vous laisse le droit de parole pour terminer votre intervention.
M. Paquette: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Rosemont.
M. Paquette: Je pense que nous sommes encore deux ou trois
députés à avoir des questions à poser sur le
programme 4. Il faudrait qu'on ait la chance de terminer, d'autant plus que le
député de Marguerite-Bourgeoys a pris du temps de son
député.
M. Lalonde: Non, j'ai mon temps à moi. Je regrette.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Effectivement,
chaque député...
M. Lalonde: Le règlement me prévoit aussi un peu de
temps, vous savez.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Effectivement,
chaque député a son droit de parole.
M. Lalonde: On a 20 minutes sur chaque sujet.
Le Président (M. Gagnon): Je reconnais que le
député de Marguerite-Bourgeoys... Peut-être que Mme la
députée de Jacques-Cartier n'avait pas terminé lorsque le
député de Marguerite-Bourgeoys a pris la parole.
M. Champagne: M. le Président, une question de directive.
Hier, je suis intervenu peut-être pendant 20 minutes. La
députée de Jacques-Cartier est intervenue sûrement pendant
20 minutes hier. Elle a un droit de parole de 20 minutes encore aujourd'hui,
est-ce que cela fonctionne comme cela?
M. Lalonde: Oui, sur chaque question et sur chaque
élément, on a droit à 20 minutes.
M. Champagne: À 20 minutes, c'est cela, la directive.
M. Lalonde: On n'essaie pas de prendre les 20 minutes, vous
savez. Il n'y a pas de "filibuster".
M. Champagne: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Pour qu'on puisse justement
passer à l'élément 4, je demanderais si on peut retourner
au débat immédiatement...
M. Champagne: Enfin, c'est parce qu'il y en a d'autres aussi qui
ont des questions.
Le Président (M. Gagnon): ... parce qu'un certain nombre
de députés ont demandé la parole et je voudrais bien les
entendre. Mme la députée de Jacques-Cartier, pour terminer votre
intervention. (11 heures)
Mme Dougherty: J'ai toute une série de questions sur le
régime pédagogique. La question de la langue seconde pour les
francophones en était une; j'en ai une autre après.
It is this immersion thing first of all. I think that the ministry is
hung up on a technicality. The reason that has been given to the
Baldwin-Cartier School Board that they cannot do this or they have to phase it
out is that Bill 101 does not allow French children to be taught in English.
They can be taught English but not another subject in English which is inherent
to the immersion program. Now, this is very funny because the English children
who are in French immersion learn many subjects in French and it is considered
an English program. It is still, according to the ministry, an English program,
even though 100% of it is in French. How come the reverse does not apply? Why
can't English immersion for French children be considered a French program,
simply a good way of teaching French? But I think the most significant thing in
this issue is that the parents want it. The ministry is on record; in their
restructuration, the whole rationale is to give the schools back to the
parents. Now, the parents want it. These are parents who live on the island of
Montreal in a community that is 50% French, 50% English and they want it for
their children, to expand their children's opportunities. The minister on one
hand says: "We are going to give the schools to the parents, the parents'
priorities, the parents know best", but when they come up with something like
this which has been positively evaluated, they say: "No, parents, you cannot
have it because it does not fit the wording of Bill 101". Now, are we going to
be in the education business or are we going to block opportunities for
children because of political considerations?
I think we better stick to good education.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je ne sais pas si on doit
répliquer à ce qui a été dit avant de poser une
question. Je pense que je vais le faire un peu quand même. On dirait que
dans l'esprit des députés de l'Opposition sur la question de
l'anglais langue seconde, il y a une espèce d'attitude qui voudrait
qu'on traite le secteur anglophone exactement de la même façon que
le secteur francophone, comme si le Québec n'avait pas
évolué, comme si le Québec n'était pas un
État officiellement français, comme s'il n'y avait pas une
majorité et une minorité. Je n'ai pas accepté du tout les
affirmations des députés de l'Opposition à savoir que nous
voudrions empêcher l'apprentissage de l'anglais par l'ensemble des
Québécois. C'est totalement faux, un simple indice en fait foi.
Avant 1976, l'enseignement de l'anglais commençait en 5e année
dans presque toutes les écoles françaises; maintenant, il
commence en 4e année. Je pense qu'on est une des rares
sociétés qui commencent l'enseignement d'une langue seconde aussi
tôt.
Tantôt, on a souligné tous les efforts qui ont
été faits sur le plan pédagogique. On a parlé
d'échange d'enseignants, de perfectionnement des maîtres, de
nouveaux programmes concernant l'anglais langue seconde. Le ministère a
autorisé des expériences dans certaines commissions scolaires
francophones où l'enseignement des matières se fait pendant la
moitié de l'année dans la langue seconde, de façon
à voir si de telles méthodes, appliquées aux
étudiants du secteur français, qui ne sont pas dans la même
situation sociologique et culturelle que les étudiants anglophones du
Québec, pouvaient améliorer l'enseignement de l'anglais. Il y a
eu non seulement des déclarations d'intention de la part du ministre
actuel de l'Éducation et de son prédécesseur, mais
également des gestes qui ont été posés - on vient
d'en mentionner quelques-uns - pour améliorer l'enseignement de
l'anglais dans les écoles françaises. Cela a toujours
été notre politique de dire que ce n'était pas
nécessaire que les francophones du Québec ou que les immigrants
aillent s'assimiler dans les écoles anglaises pour apprendre l'anglais.
Cela peut très bien se faire dans les écoles françaises.
C'est notre intention de le faire, et nous allons le faire. Je pense que c'est
une question qui est d'abord pédagogique. C'est quand même
effarant de constater qu'en six années au moins d'enseignement de
l'anglais dans les écoles françaises encore trop
d'étudiants sortent de l'école française sans une
connaissance adéquate de la langue seconde. Cela met en évidence
le fait que le problème est d'abord pédagogique. Je comprends que
les députés de l'Opposition veulent en faire un problème
politique, mais ce n'est pas un problème politique.
M. Lalonde: On veut une volonté politique, mais c'est
pédagogique.
M. Paquette: Sur le plan politique, la volonté du
gouvernement, du ministre de l'Éducation, a été
très clairement exprimée et les gestes y correspondent
également.
M. Lalonde: II a dit: Ce n'est pas nécessaire.
Le placement des finissants
M. Paquette: L'apprentissage de l'anglais doit se faire dans les
écoles françaises pour tous les gens qui ne peuvent pas se
considérer comme membres de la minorité anglophone et cet
enseignement doit être de qualité. Je pense qu'on devrait cesser
de prêter des intentions qui ne correspondent pas aux faits.
J'aurais une question, M. le Président, sur un autre sujet. On
vit actuellement une situation économique extrêmement difficile
-tout le monde en est conscient - qui est causée par une
récession économique dans tout le monde occidental et aussi par
des politiques monétaristes qui visent à combattre l'inflation
par l'augmentation des taux d'intérêt et des politiques qui
créent du chômage. Je pense que c'est une volonté politique
des gouvernements américain et canadien de lutter contre l'inflation en
créant du chômage. Le phénomène a été
mis amplement en évidence.
Or, le chômage touche plus durement les gens. Certains
considèrent que, quand le taux de chômage augmente de 1% au
Québec, il augmente de 3% chez les jeunes, parce que c'est plus
difficile pour un jeune de se trouver un premier emploi. On lui dit: Vous
n'avez pas d'expérience et il n'y a pas de place pour vous.
Je pense que tout le monde est conscient du fait également qu'il
y a eu un certain nombre de politiques du gouvernement du côté du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je voudrais reprendre le
volet bons d'emploi chantiers du Québec. Il y a un certain nombre de
programmes qui sont en marche, d'autres qui vont commencer bientôt, mais
ce qui m'intéresse, c'est de demander au ministre de faire un peu le
point sur cette situation du point de vue du ministère de
l'Éducation.
En ce qui concerne le taux de placement des finissants, si vous me
permettez, on va déborder un peu le niveau secondaire, et voir aussi les
niveaux collégial et universitaire. Comme cela, je n'aurai pas besoin de
revenir avec la même question pour les deux autres niveaux.
M. Lalonde: D'accord. On est en dehors de l'élément
4, mais...
M. Paquette: Je pense que le ministère, par
l'opération relance, est en mesure de nous dire quelle est la proportion
des étudiants ayant un diplôme secondaire, collégial ou
universitaire qui trouve de l'emploi actuellement. C'est ma première
question. J'en aurai deux autres après.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: II est vrai, M. le Président, que nous nous
interrogeons, dans le contexte des difficultés économiques
actuelles, sur les problèmes d'intégration au marché du
travail des jeunes et sur les taux de placement de ces jeunes à la
sortie de leurs études.
Heureusement, nous disposons d'un instrument qui consiste à mener
des enquêtes auprès des finissants. Ces enquêtes sont
répétées annuellement, depuis 1972, pour les finissants du
secondaire et du collégial. Pour ce qui est des diplômés
universitaires, une première enquête a été
réalisée en 1978 et elle se poursuit depuis à tous les
deux ans.
Les relances ayant trait aux finissants du secondaire et du
collégial ont fait l'objet d'une entente récemment, en novembre
1981, entre le ministère de l'Éducation et le ministère du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Cette
entente va nous permettre d'effectuer une cueillette unique répondant
à la fois aux besoins des deux ministères. De plus, les deux
ministères se partagent les travaux d'analyse et de rédaction des
rapports.
Les résultats de ces relances servent en priorité aux
spécialistes en information et en orientation scolaire à tous les
niveaux pour leur travail, ainsi qu'aux gestionnaires du ministère de
l'Éducation qui ont à planifier les options professionnelles. Les
résultats sont présentés de façon qu'ils puissent
être utilisés directement par les étudiants. Ces travaux
effectués en 1980 nous fournissent les données suivantes au
chapitre des taux de chômage et des salaires moyens des finissants pour
chacun des niveaux d'étude du système d'éducation.
Au niveau secondaire, au professionnel court, par exemple, c'est 42,5%
pour les hommes et 43,27% pour les femmes, avec des salaires de 8500 $ pour les
hommes et de 5000 $ pour les femmes.
Au niveau secondaire pour le professionnel long, le taux pour les
diplômés est de 24,7% pour les hommes et de 19,5% pour les
femmes.
Au niveau des non-diplômés, c'est 28,27% pour les hommes et
32% pour les femmes, avec des salaires qui s'échelonnent entre 6500 $ et
10 000 $.
Au niveau collégial, le taux continue à
s'améliorer. Il est de 15,9% pour les hommes, de 11% pour les femmes,
et, pour les non-diplômés, il est de 17,3% pour les hommes et de
16,7% pour les femmes, pour des salaires qui s'échelonnent entre 8500 $
et 12 500 $.
Au niveau universitaire, le taux diminue encore. Pour les
diplômés de premier cycle, ce n'est plus que 6,57% pour les hommes
et 6,97% pour les femmes.
Pour les diplômés de deuxième cycle, ce n'est plus
que 2,8% pour les hommes et 2,8% pour les femmes, pour des salaires qui
s'échelonnent entre 18 000 $ et 24 000 $.
C'est sur la base de ces données, encore une fois, que nous
planifions les options professionnelles.
M. Paquette: M. le Président, ces taux ou ces
pourcentages, si je comprends bien, c'est le pourcentage des étudiants
qui n'ont pas trouvé un emploi après combien de temps?
M. Laurin: Je pense qu'il faudrait que je revérifie
comment procède l'opération relance mais, en
général, il y a une première relance lorsqu'ils ont
été diplômés depuis six mois et une deuxième
relance qui est faite après 18 mois. Donc, normalement, les chiffres
dont nous disposons ici sont ceux qui découlent de la première
relance, qui est faite après six mois du moment de l'obtention du
diplôme.
M. Paquette: Le taux de personnes en inactivité diminue
avec le niveau d'enseignement assez considérablement. À 40% au
niveau du professionnel court, avez-vous dit.
M. Lalonde: Le professionnel court, c'est celui-là qui est
le cul-de-sac.
M. Paquette: C'est ce que j'allais souligner. Parmi les mesures
de correction, je pense qu'on a une politique de formation professionnelle qui
est attendue et qui a été annoncée à plusieurs
reprises. J'aimerais savoir où en sont les travaux du ministre et quand
la politique va être mise en vigueur.
M. Laurin: Je voudrais signaler que ces données que nous
fournissons et que nous avions en notre possession, en particulier sur le
professionnel court, nous ont fortement orientés dans
l'élaboration de notre politique de formation professionnelle, parce que
ces données contredisent ce qu'on entend souvent dire, que le
professionnel court prépare immédiatement pour le marché
du travail pour certains emplois non spécialisés. Or, on voit
bien que les premiers qui sont touchés et particulièrement dans
une phase de récession ou de difficulté, ce sont justement ces
ouvriers non spécialisés qui ont une formation de professionnel
court. C'est d'ailleurs un peu pourquoi, également, dans notre
régime pédagogique et dans l'école
québécoise, nous avions mis l'accent sur la formation
générale en tentant de la prolonger. Dans notre
énoncé de politique professionnelle, on verra que, sans abolir le
professionnel court, nous allons le diminuer considérablement, nous
allons le réduire véritablement à ceux qui, par
impossibilité ou par choix véritablement très fort, le
choisissent, mais nous le réduirons dans toute la mesure du possible,
d'une part, et non seulement le réduirons-nous, mais nous tenterons de
suivre d'une façon beaucoup plus attentive le cheminement
d'apprentissage de ces étudiants qui se destinent au professionnel
court. (11 h 15)
Donc, réduction du nombre d'étudiants engagés dans
le professionnel court, meilleure identification de leurs problèmes,
assistance pédagogique plus intense et plus suivie pour aider à
leur cheminement. D'ailleurs, ce sera l'orientation générale de
notre politique de formation professionnelle ou plutôt de nos
hypothèses que nous entendons soumettre, bien sûr, à la
consultation, étant donné l'intérêt que manifestent
depuis plusieurs années presque tous les groupes de notre
société.
J'annoncerai cette politique, ou plutôt ces hypothèses, le
13 mai prochain. J'espère que le dialogue va s'engager assez vite pour
que nous puissions en arriver à une décision sinon avant la fin
de l'année 1982, du moins au début de l'année 1983.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Rosemont, juste avant de vous donner la parole, compte
tenu qu'il y a une entente qui semble être intervenue pour qu'à 11
h 30, c'est-à-dire qu'il est 11 h 18, on devrait adopter le programme 4
et que j'ai deux autres députés qui avaient demandé la
parole sur le programme.
M. Lalonde: On va y revenir aussi au collégial.
M. Paquette: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Si possible; peut-on revenir
à un autre programme ou si vous avez une autre question?
M. Paquette: Non, non. Je n'ai pas d'objection, M. le
Président, j'avais simplement une autre question qui ne demandera
peut-être pas beaucoup...
M. Lalonde: En fait, M. le Président, c'est très
flexible. Le sujet soulevé par le député de Rosemont nous
intéresse énormément, on voulait d'ailleurs l'aborder; je
pense qu'on devrait permettre aux députés qui veulent s'exprimer
là-dessus...
M. Paquette: Moi, j'avais une question sur un autre sujet; s'il y
a d'autres députés qui veulent poser des questions sur le
même sujet, je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Gagnon): Si on peut y revenir par la
suite, je vais donner la parole au député de Viau et je vous
reconnaîtrai ensuite.
M. Cusano: Merci, M. le Président. On entend le ministre
depuis quelque temps ainsi que les députés ministériels
nous dire que les écoles devront devenir le pivot du système
scolaire, que les parents auront de plus en plus la responsabilité de se
donner des projets éducatifs dans leurs écoles, que les
écoles pourront se donner une couleur locale; pour ne pas vous ennuyer,
je n'ajouterai pas tout le reste. Ceci, vous dites, étant la cause
majeure de la nécessité d'une restructuration scolaire, le projet
d'immersion de la commission scolaire Baldwin-Cartier n'est pas un projet qui
est imposé par la commission scolaire, mais c'est un projet qui est
exigé par les parents, un projet de couleur locale.
M. le ministre, si le passé est garant de l'avenir, est-ce que ce
type de décision unilatérale du MEQ sera à l'ordre du jour
une fois que votre projet de restructuration scolaire sera
réalisé? Si chaque projet éducatif aura à avoir
l'imprimatur de l'État et s'il peut être sabré parce que le
ministre ne souscrit pas à la même école de pensée,
comment pouvez-vous nous dire, M. le ministre, dans toute la
sérénité dont vous êtes capable, que vos actions ne
visent pas l'étatisation des écoles du Québec?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: M. le député me dit que ce
projet-là est exigé par les parents, correspond aux désirs
des parents, mais je veux lui dire, ainsi qu'à la députée
de Jacques-Cartier qui reprenait la même affirmation, que nous avons de
notre côté d'autres sons de cloche, et que plusieurs parents,
plusieurs enseignants nous ont fait savoir qu'ils voulaient que les lois soient
respectées, que les régimes pédagogiques soient
respectés, qu'ils étaient très satisfaits de la
situation.
En ce qui concerne, évidemment, le futur projet de réforme
scolaire, c'est vrai que l'école doit devenir le pivot du
système, que les parents auront un pouvoir décisionnel, que le
conseil d'école, en collaboration avec le comité
pédagogique des enseignants, le conseil de la vie étudiante,
devront travailler ensemble à l'élaboration, à la
réalisation et à l'évaluation d'un projet éducatif;
donc, que l'école aura une bonne marge de manoeuvre pour adapter les
projets éducatifs aux aspirations et aux besoins de leur milieu
respectif, mais le député de Viau oublie de citer une phrase du
document qui a fui il y a quelques mois en disant que ceci devait se situer
quand même à l'intérieur des encadrements
pédagogiques, financiers et administratifs du ministère. Par
exemple, les programmes laissent une marge de manoeuvre de près de 40%
aux communautés locales, mais il reste que le ministère est
responsable de 60% de ces programmes, justement en fonction de
l'égalité des chances dont doivent bénéficier des
enfants placés dans toutes les régions du Québec.
Donc, autant nous voulons donner à l'école la marge de
manoeuvre nécessaire, pour enrichir, adapter les programmes aux couleurs
de leur milieu, autant il nous apparaît encore nécessaire dans le
prolongement même de la philosophie du rapport Parent, de donner et
laisser à l'État le pouvoir qui doit être le sien de
faciliter la démocratisation, l'égalité des chances, une
qualité uniforme de l'enseignement. Ce sera donc une articulation entre
les pouvoirs nécessaires de l'État sur les plans
pédagogique, administratif et budgétaire, et les pouvoirs qu'il
convient de laisser aux communautés régionales et aux
communautés locales.
Je pense que cette philosophie de la concertation, de la
coopération et de la décentralisation nous apparaît la
meilleure que l'on puisse suivre.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Viau.
M. Cusano: Si je comprends bien, M. le ministre, lorsque vous
parlez de donner à une école la couleur locale, vous parlez
seulement de peinture.
M. Laurin: Absolument pas. Quand on dit qu'une école aura
le pouvoir d'adapter des programmes, d'enrichir des programmes, de
compléter les programmes du ministère par des programmes qu'elle
élaborera elle-même, dont elle sera responsable du contenu, il
s'agit de bien autre chose que d'entretien de bâtiments.
M. Cusano: Ah! bon.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Henri.
Éducation sexuelle (suite)
M. Hains: M. le ministre, ce matin, le 6 mai, dans le journal de
Montréal, aux pages 4 et 5, on relate des faits troublants, choquants,
vraiment tristes et pénibles sur la prostitution juvénile
à Montréal. On sait que, malheureusement, à Québec,
le même problème existe. Donc, à Montréal, aux dires
du groupe des PIMP-J, qui est un groupe d'intervention pour les mineurs
prostitués, il y aurait plus de 5000 juvéniles prostitués
actuellement à Montréal. C'est vraiment une catastrophe - c'est
juste un préambule très
court, j'achève déjà - qui est vraiment un
échec pour notre société et tout naturellement, je me
tourne vers le programme d'éducation sexuelle.
M. le ministre, dans votre âme et conscience, croyez-vous vraiment
que ce nouveau programme va aider nos enfants et nos adolescents, ou s'il ne
deviendra pas un nouvel instrument de libéralisation du sexe? Je sais
que le clergé s'est prononcé pour une certaine éducation
sexuelle, mais dans l'esprit et le respect de la morale chrétienne.
Va-t-on y trouver vraiment le respect de cette morale? Je sais que vous assumez
vraiment, M. le ministre, une responsabilité et que vous avez dû
exercer une surveillance et un contrôle des plus minutieux.
Voici une série de courtes questions: Où le programme en
est-il actuellement? Quand sera-t-il en vigueur? Quels en seront les
dispensateurs, les titulaires ou des spécialistes? Sera-t-il libre ou
obligatoire? Est-ce que ce sera un cours régulier ou occasionnel? Les
parents ont-ils approuvé ce cours et en auront-ils un certain
contrôle? Bref, M. le ministre, j'espère que ce nouveau programme
sera un apport précieux pour une meilleure gouverne personnelle de nos
enfants et de nos adolescents.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: Le député de Mille-Îles m'a
posé exactement la même question hier et je pense y avoir
longuement répondu. Je pense que, si vous voulez vous épargner
une autre réponse identique, car je me rappelle très bien ce que
j'ai dit hier...
M. Lalonde: Oui, oui, il était en Chambre, il faisait un
autre discours.
M. Hains: Je m'excuse, alors.
M. Lalonde: On vous lira, M. le ministre.
M. Laurin: Oui, je pense que c'est mieux.
M. Hains: Je vous relirai avec plaisir.
M. Laurin: Je veux simplement dire au député de
Saint-Henri que je partage ses préoccupations, que je me suis
posé les mêmes questions et que, précisément, le
programme d'éducation à la sexualité entend constituer une
réponse, du moins à long terme, à la solution des
problèmes qu'il a signalés et qui, évidement, me
préoccupent beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vachon.
L'enseignement de l'anglais.
M. Payne: J'aimerais revenir brièvement sur la discussion
concernant les étudiants dans les écoles anglaises,
particulièrement sur l'enseignement de la langue anglaise, comme langue
seconde aux Québécois francophones. Il y a une histoire
derrière les affirmations et les craintes des députés de
l'Opposition, que j'ai vue de très près dans certaines
écoles anglophones, dans certaines commissions scolaires qu'on peut
qualifier d'anglophones.
On a eu à peu près le même phénomène
avec les classes d'accueil, où on a vu une occasion, de la part de
certaines commissions scolaires et certaines écoles,
particulièrement dans l'Ouest de Montréal, de gonfler
artificiellement leur secteur. Ce qui s'est produit est une situation assez
aberrante dans ces classes d'accueil. Par exemple, on a très souvent vu
des immigrants italiens, grecs ou portuguais, ceux qui viennent des
communautés culturelles autres que la communauté anglophone,
apprendre le français d'un anglophone. J'ai vu cela de très
près dans beaucoup d'écoles de l'Ouest de Montréal, dans
un secteur français, dans une école anglaise, dans une commission
scolaire à toutes fins utiles anglaise. Pourquoi? Pour favoriser
l'intégration de ces élèves dans le Québec
français? C'est cela, l'aberration du système.
J'ai même entendu des professeurs, des enseignants m'affirmer
ouvertement que c'est une bonne manière - je les cite - de "contourner
la loi 101". Si on peut parler d'un équilibre délicat et fragile
entre les deux communautés culturelles, les communautés
francophone et anglophone, on devrait admettre qu'il est très important
de trouver cet équilibre. On a retrouvé le même
phénomène avec le PSBGM. Je cite, en termes
généraux, les remarques qui m'ont été faites
personnellement par le président du PSBGM il y a un an et demi, à
peu près, alors qu'il avait dit: Nous sommes prêts à ouvrir
n'importe quel nombre d'écoles francophones, d'écoles
françaises partout à Montréal, peu importe le statut
religieux de ces écoles, qu'elles soient protestantes, non conformistes,
etc., on est prêt à ouvrir des écoles françaises. Je
vois rire la députée. Peut-être qu'elle s'entend avec moi
là-dessus. C'était vraiment une façon de
déséquilibrer le système.
Je terminerai mes remarques au niveau de l'équilibre fragile
créé par la loi 101 avec quelques suggestions en ce qui concerne
l'application de la constitution qui, si jamais elle était
appliquée intégralement au Québec, changerait radicalement
la situation. Je pense que c'est important. La députée de
Jacques-Cartier, en Chambre, et même le chef de l'Opposition - dans le
contexte du projet de loi no 46 alors qu'on discutait ce
qu'on appelle le "Canada clause" - ne semblent pas avoir compris encore,
comme les députés de l'Opposition, qu'effectivement ceux qui
viennent de l'extérieur de Québec...
M. Lalonde: Nous prendrons des notes.
M. Payne: Je sais que cela gêne beaucoup le
député de Marguerite-Bourgeoys, mais est-ce qu'il sait que
l'immigration interprovinciale, loin d'être négligeable,
amène plus de personnes chaque année au Québec que
l'immigration internationale? Donc, cela peut affecter directement
l'équilibre fragile et délicat dans les écoles anglaises.
Je pense qu'il serait intéressant que les députés de
l'Opposition puissent considérer que, par exemple, en ce qui concerne
les nouveaux venus au Québec, il y en a eu 27 000 en 1980
comparativement à environ 22 000 venant d'autres pays. (11 h 30)
Pour conclure, les députés de l'Opposition devraient
plutôt discuter le problème dans son ensemble, être
honnêtes et francs pour essayer de savoir pour quelles raisons les
commissions scolaires dites anglophones sont prêtes à offrir les
programmes comme je viens de le dire, en ouvrant les secteurs français
où en offrant l'enseignement de la langue anglaise aux
Québécois de souche francophone, on pourrait éviter
justement ce genre de situation que je viens de décrire. Je
répète, il n'y a rien de plus aberrant que de voir, par exemple,
dans les classes d'accueil où nous avons des programmes semblables,
souvent des immigrants grecs, portugais, italiens qui apprennent le
français d'un anglophone dans un secteur français, dans une
école anglaise ouverte pour favoriser l'intégration de ces
élèves dans un Québec français. Je prétends,
M. le Président, que ce n'est pas raisonnable dans le Québec,
aujourd'hui, là où nous avons toutes les possibilités du
monde d'apprendre le français dans la vie au jour le jour, sans
nécessairement accueillir dans les écoles anglaises les
Québécois de souche française.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. En vertu de
l'article 96, Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Je ne veux pas répondre au
député de Vachon, sauf pour le corriger sur un point très
important, parce qu'il a parlé du PSBGM, dont j'étais
présidente au temps où le député a visité
les écoles. Vous avez dit que des anglophones enseignent le
français aux immigrants. Je vous assure que le "staff" qui enseigne le
français au PSBGM est entièrement francophone et de
première classe.
M. Payne: Je m'inscris en faux, M. le Président, et je
serais prêt à entreprendre la discussion, si on le
désire.
Le Président (M. Gagnon): La parole est maintenant au
ministre pour la réponse que vous avez demandée.
M. Lalonde: He does not know what he is talking about.
M. Laurin: Je ne vois pas de question aux commentaires...
Le Président (M. Gagnon): Ah bon! C'étaient tout
simplement des commentaires.
M. Lalonde: Je suis d'accord avec le ministre, moi non plus je
n'ai rien vu.
M. Laurin: C'est-à-dire que c'étaient des
commentaires.
M. Lalonde: Même... Enfin, passons.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que le programme 4 est
adopté?
M. Lalonde: Une dernière question.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Enseignants en disponibilité
Mme Dougherty: Une dernière question sur le programme 4,
M. le Président. It is the question of surplus, particularly the surplus
of teachers, le personnel en disponibilité, et je parle uniquement des
enseignants. And I am bringing it up under program 4 because of the effect that
the phenomenon has on the quality of education in the schools. What is
happening in schools particularly, and it is a more serious problem where the
enrollment is dropping faster, is that we have aging staffs and we have very
little opportunity for young, vigorous teachers to enter the system. Of course,
with the aging staff, we have more and more of the teachers burnt out
phenomenon, which is a very serious phenomenon I think we should look at.
Because of the seniority provisions in the contract and the way in which the
surplus is declared, we have repeated disruptions of programs. You just get a
teacher going with a program in the school with a certain number of children
and that teacher is bounced out, may be he will have to go to another school or
on surplus. I think that this is a very serious problem for our schools.
First of all, there is the program disruption. There is the morale loss
on the part of the teachers, the parents are very upset by this constant
change, I mean it is bad enough with closing schools and having
to regroup without having this continual flux of teachers and some of
the best teachers, the new teachers are not getting a chance except where
second language programs are growing and those are the luckones. Now, the
Superior Council has made a study of this and they have come up with some
constructive suggestions of a more effective use of personnel, but, you know, I
do not think that it is enough because these people are so subject to having to
move to another school board and, you know, there is always this constant
insecurity. Very often, people are assigned to jobs which are not their
priority expertise. I think that the use of these people for substitution is
really a waste, in many ways, and it is a very costly way to use these
people.
Now, what I want to know is: What is the Minister going to do about
this? Are we just going to live with this problem and put up with it? Have any
imaginative solutions for this thing been looked at? What does the Minister
plan to do about this?
M. Laurin: Je suis d'accord avec l'analyse de la situation que
fait la députée de Jacques-Cartier et sur les conclusions qu'elle
en tire, particulièrement la conclusion qu'il se pose un problème
sérieux au niveau de la relève des professeurs. Cependant, nous
sommes liés par un certain nombre de facteurs auxquels nous ne pouvons
rien pour le moment. Le premier est celui de la décroissance des
effectifs scolaires, ce qui implique nécessairement, même si nous
tentons de la diminuer, une perte d'effectifs, aussi bien au niveau du
personnel enseignant qu'au niveau du personnel non enseignant, qui doit
s'ajuster au niveau des clientèles. L'autre facteur est celui des
conventions collectives qui a défini, par exemple, des champs
d'enseignement, qui a défini un concept de mobilité qui n'est pas
sans avoir les effets que la députée de Jacques-Cartier a
signalés.
Qu'avons-nous fait à cet égard pour tenter, quand
même, de limiter la portée des effets négatifs? Nous avons
fait beaucoup. Vous aurez remarqué que cette année le nombre de
mises en disponibilité est quand même moins marqué que l'an
dernier. Pourquoi? Parce que nous avons modifié aussi bien nos
règles budgétaires que nos pratiques auprès des
commissions scolaires, et je demanderai à M. Rousseau de vous donner les
détails. Deuxièmement, nous nous sommes penchés beaucoup
sur l'affectation du personnel en disponibilité, au-delà de la
suppléance qui est permise par les conventions collectives,
au-delà du transfert de certaines personnes dans des champs permis par
la convention collective. Nous avons fait des hypothèses de transfert
dans d'autres secteurs, que ce soit au niveau des commissions scolaires, du
ministère ou même de d'autres organismes en dehors du secteur de
l'éducation, et nous en discutons régulièrement avec les
centrales syndicales car nous visons, au-delà des conventions
collectives, une action conjuguée et volontaire. Je demanderai à
M. Girard de faire le point sur cette situation. D'abord, M. Rousseau.
En ce qui concerne la situation nouvelle pour l'année 1982-1983,
étant donné que les règles budgétaires telles
qu'elles étaient inscrites ne prévoyaient aucune modalité
qui vienne diminuer le nombre de professeurs mis en disponibilité, ceci
impliquait, à toutes fins utiles, qu'au 1er mai, par souci de prudence
ou à cause des problèmes de planification, les commissions
scolaires mettaient beaucoup plus de personnel en disponibilité que le
besoin réel. L'an dernier, au 1er mai 1981, les commissions scolaires
avaient mis environ 7315 enseignants en disponibilité, alors que, le 26
mars, plus de la moitié de ces enseignants avaient déjà
réintégré leur poste - et même aussi tôt que
le 30 octobre. C'est à cause du mouvement, des inscriptions tardives et
des déménagements du 1er juillet. Cette année, il a
été convenu avec les commissions scolaires, lors des
consultations, que nous mettions un plafond aux mises en disponibilité,
ce qui veut dire que cela diminuerait normalement de près de la
moitié, au cours du mois de mai 1982, le nombre de professeurs mis en
disponibilité par rapport à l'année dernière. On
prévoit 2488 enseignants mis en disponibilité pour 1982-1983,
alors qu'à la même date l'an dernier, c'était 7315. Ils
seront ajoutés à ceux qui sont déjà en
disponibilité.
M. Cusano: II y en a combien en disponibilité
présentement?
M. Laurin: Présentement, 2500 environ. M. Cusano:
Plus combien?
M. Laurin: 2500, mais comprenons-nous bien, il y a 2500
professeurs mis en disponibilité. Cependant, il y en a plus de la
moitié qui sont réutilisés pour différentes fins,
que ce soit en contrat de services, en suppléance
régulière et autres. À toutes fins utiles, les professeurs
qui sont donc en disponibilité pour des services autres à
l'intérieur des écoles, soit suppléance occasionnelle
plutôt que de longues suppléances, ou bien pour de l'implantation
des programmes ou l'animation des parents ou autres, représentent
environ un millier d'enseignants, les autres étant vraiment
affectés pour l'année, mais non dans un poste permanent.
Je pourrais ajouter également en réponse à une
autre partie de votre question qu'on tente de prendre des moyens concrets,
à la fois pour réduire le nombre
d'enseignants qui sont mis en disponibilité, et
précisément, pour permettre l'entrée de nouveaux et de
jeunes professeurs dans le système. Pour réaliser ces deux
objectifs à la fois, ce que nous avons fait au cours de l'année
qui vient de s'écouler, c'est offrir une année de
préretraite dans la mesure où celle-ci annule une mise en
disponibilité, offrir une prime de séparation pour inciter une
personne mise en disponibilité à démissionner, offrir une
prime pour favoriser la relocalisation dans un rayon qui dépasse les
cinquante kilomètres.
En 1981-1982, de cette façon, 692 enseignants ont obtenu une
prime de séparation, et 539 ont obtenu une préretraite. Au total,
un peu plus de 1730 personnes se sont retirées du réseau
scolaire, tout en profitant soit d'une prime de séparation ou encore
d'une préretraite au cours de l'année 1981-1982. Nous comptons
intensifier ces mesures au cours de l'année 1982-1983 dans un double
but: à la fois réduire le nombre de mises en disponibilité
et mieux utiliser les enseignants disponibles dans d'autres commissions
scolaires qui sont en croissance de clientèle et qui pourraient se
trouver dans un rayon de plus de cinquante kilomètres.
M. Cusano: Merci.
Mme Dougherty: J'espère que vous allez abolir cette clause
de cinquante kilomètres. C'est absolument irresponsable pour une
société qui a des problèmes financiers.
Le Président (M. Gagnon): Avant de céder la parole
au député de Viau, je dois vous faire remarquer que nous
dépassons de 14 minutes le temps qu'on s'était alloué pour
étudier le programme 4.
M. Lalonde: C'est très important, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on peut continuer?
M. Lalonde: On peut continuer, si vous voulez.
Le Président (M. Gagnon): C'est parce que tantôt,
j'ai coupé la parole au député de Rosemont. Je vais
reconnaître le député de Viau, et après...
M. Paquette: M. le Président, je peux revenir sur un autre
programme. Ce serait important qu'on couvre quand même tous les
programmes. On doit terminer nos travaux cet après-midi.
M. Lalonde: J'ai supplié le leader, le personnel du
leader, de nous trouver une autre période. J'en ai parlé
d'ailleurs au chef de cabinet pour qu'on puisse accorder à l'office et
à la loi 101 une période assez longue.
M. Laurin: Non, il faut terminer l'éducation
aujourd'hui.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Ma question sera courte. Je voudrais savoir du
ministre quelle priorité est accordée par son ministère au
développement de la pédagogie anglaise. L'an dernier, il y avait
de prévu, si je ne me trompe pas, 600 000 $ pour des services
d'enseignement en langue anglaise, notamment pour les programmes et les
services aux étudiants. Il semble que jusqu'à maintenant, on
n'aurait dépensé que 180 000 $. Pourquoi cet écart?
M. Lalonde: M. Rousseau.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: Les objectifs que nous poursuivons sont l'adaptation
et la traduction de tous nos programmes d'étude. En ce qui concerne les
guides pédagogiques, nous avons travaillé avec le Pedagogic
Curriculum Council pour qu'il puisse vérifier l'adaptation des guides
pédagogiques pour les écoles anglaises et nous faire les
recommandations. Lorsque les guides ne correspondent pas véritablement
aux besoins des enseignants de langue anglaise, il y a d'autres guides qui sont
préparés ou bien ils sont adaptés. Lorsqu'ils
correspondent véritablement, ils sont traduits. Si les budgets
prévus n'ont pas été complètement
dépensés, c'est tout simplement parce que pour réaliser
tout cet effort d'adaptation et de traduction, nous avions d'abord
négocié un contrat avec la faculté des sciences de
l'éducation de l'Université McGill et, finalement, les
associations des directeurs d'école, les associations d'enseignants du
secteur anglophone ont plutôt recommandé qu'ils puissent
constituer ce comité de prise en charge de l'adaptation de l'ensemble de
nos contenus. (11 h 45)
Pour l'an prochain, on reconduit donc ce montant en ce qui concerne la
préparation des outils. Ce montant, il faut bien l'indiquer, exclut
l'impression de ces documents.
Le Président (M. Gagnon): Merci. À ce moment-ci, je
vous demande si le programme 4, éléments 1, 2 et 3, est
adopté.
M. Lalonde: Adopté sur division, naturellement.
Le Président (M. Gagnon): J'appelle le programme 5. M. le
ministre.
M. Lalonde: M. le Président, on avait décidé
d'aborder les programmes 3 et 5, je pense, ensemble ou dans l'ordre. Il
faudrait peut-être revenir au programme 3 qui n'a pas été
adopté, si vous permettez. Avec le consentement du ministre.
Aide financière aux étudiants
Le Président (M. Gagnon): Alors, le programme 3
d'abord.
M. Paquette: M. le Président, il semble que ce soit un
programme ou il n'y a pas de problèmes.
M. Lalonde: Lequel?
M. Paquette: Le programme 3.
M. Lalonde: Non, non. On a nos porte-parole.
M. Laurin: Probablement que le député de Rosemont
veut faire allusion au fait que c'est une enveloppe que nous avons
protégée d'une façon particulière, puisqu'elle n'a
pas connu de compressions au cours de 1981-1982, que nous avons effectivement
dépensé 28 000 000 $ de plus que ce qui avait été
prévu aux crédits de l'an dernier l'enveloppe est demeurée
ouverte et elle a été ajustée en fonction des besoins des
étudiants - et nous entendons continuer dans la même direction
pour 1982-1983, particulièrement en mentionnant que les
paramètres, les nombreux paramètres qui serviront au calcul des
prêts et bourses sont maintenus tels quels. On peut donc s'attendre qu'en
maintenant les paramètres de conversion tels quels, la demande
continuera à se situer à la mesure des besoins des
étudiants et que le gouvernement s'engage à y donner suite.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: C'est un cas spécial, M. le Président.
Je voudrais sensibiliser M. le ministre sur l'aide aux étudiants.
Vous connaissez l'école Marie-Anne à Montréal pour
les "décrocheurs". Un certain nombre de ces étudiants aimeraient
continuer leurs cours mais beaucoup d'entre eux, peut-être le tiers, sont
en difficulté, soit qu'ils vivent en appartement ou qu'ils aient
passé l'âge de 18 ans. Ils sont sans ouvrage et ils veulent
compléter leur secondaire IV ou V. Ils sont obligés de
décrocher de nouveau. L'aide sociale qu'ils peuvent percevoir
actuellement leur donne environ 130 $ par mois. Ils ne peuvent arriver. Il leur
est difficile d'obtenir des bourses à ce niveau de scolarité, et
ils se trouvent, à un moment donné, dans un cul-de-sac.
Je me demande, vu les responsabilités que nous avons actuellement
vis-à-vis de ces jeunes, pour essayer de les intégrer à la
société avec un cours pour finir au moins leur secondaire V, s'il
n'y aurait pas possibilité de trouver quelque chose, dans quelque
programme que ce soit, pour rendre cette école viable pour une jeunesse
actuellement en difficulté.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: Je suis très sensible à la demande du
député de Bourassa ainsi qu'aux besoins des étudiants,
qu'il veut bien nous transmettre.
J'ai suivi, comme je l'ai dit un peu plus tôt à cette
commission parlementaire, non seulement avec beaucoup d'attention mais beaucoup
d'intérêt et de sympathie l'initiative prise par la CECM
d'établir une école pour ceux qui avaient abandonné trop
tôt leurs études. J'ai lu, moi aussi, les nombreux articles de
journaux qui ont paru à cet égard et qui faisaient état de
la situation difficile de certains étudiants.
À première vue, il est difficile pour le ministère
de l'Éducation de traiter ces étudiants de la même
façon que nous traitons les étudiants du collégial et de
l'universitaire puisque les programmes d'aide financière, tels qu'ils
existent à l'heure actuelle, ne s'adressent qu'aux étudiants du
collégial et de l'universitaire. Ils ne s'adressent même pas aux
adultes qui suivent des cours au niveau secondaire, que ce soient des cours de
recyclage ou de perfectionnement.
Donc, à l'intérieur des règles que nous avons
actuellement, il n'est pas possible de trouver une réponse. Il faudrait
étendre les règles de façon qu'elles puissent couvrir le
secondaire et, particulièrement, les adultes qui étudient au
niveau secondaire, mais cela n'est pas fait actuellement. Il faut
évidemment faire des calculs, des études de coûts pour
évaluer combien nous coûterait l'extension du programme d'aide
financière au niveau secondaire.
Ces études seront faites, sûrement, mais je pense qu'il
importe d'appliquer des mesures immédiates pour régler ces
problèmes qui sont soumis à notre intention. Jusqu'ici, je pense
qu'il appartient plutôt au ministère des Affaires sociales, par
ses différentes politiques, ou au ministère du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu d'ajuster ses
politiques pour qu'on puisse combler ces besoins. Soyez sûrs que je
communiquerai avec mes deux collègues pour tenter d'établir quel
genre d'aide ou quel type d'aide pourrait être
apporté à ces élèves.
Par ailleurs, il serait probablement souhaitable également que
nous puissions établir un comité qui viserait une action
concertée en ce domaine avec le ministère du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, d'une part, et le
ministère des Affaires sociales, de l'autre, en attendant qu'on puisse
apporter une solution à long terme à ce problème, comme,
par exemple, l'extension du régime aux élèves du
secondaire. Mais on ne peut pas le faire et je ne peux pas vous dire que nous
le ferons avant d'avoir étudié tous les paramètres
financiers d'une pareille extension.
M. Laplante: Une dernière question.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Si je pose le problème aujourd'hui, c'est que
je crois que la CECM a fait sa part pour aider ces étudiants. Je trouve
aussi et je tiens à féliciter en commission parlementaire les
maîtres qui ont même pris de leurs propres deniers pour essayer
d'aider ces jeunes. Si notre gouvernement peut donner à un
diplômé des niveaux secondaire et collégial actuellement
3000 $ pour la recherche d'un emploi, il y aurait peut-être là une
formule à trouver dans un comité de concertation. C'est une
semence qu'on est en train de faire pour avoir encore plus d'assistés
sociaux plus tard. Si on était capable de trouver d'autres
mécanismes du gouvernement, même en allant chercher, par
l'assurance-chômage ou un autre programme de travail, une aide
fédérale aussi, il pourrait peut-être y avoir des ententes
pour une catégorie de ces jeunes, afin de leur donner une fierté
du travail parce qu'on sait que la société de demain, même
avec un secondaire V, ce n'est pas riche comme éducation.
C'est le voeu que j'exprime au nom du caucus de Montréal et au
nom aussi de ces jeunes que j'ai rencontrés et qui s'attendent qu'on
soit sensibilisé à un problème aigu vécu dans ce
type d'écoles.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Merci. Dans la même veine, je remercie le
député de Bourassa d'avoir soulevé cette question. Ce
n'est pas pour lui en enlever le mérite, mais nous l'avions
soulevée lors de l'étude des crédits du
prédécesseur du ministre. C'est un problème qui
était déjà très grave et qui est rendu aigu
à cause du chômage. Quand on est rendu à 360 000
chômeurs, dont la moitié est des jeunes, on a naturellement des
situations comme celle que le député de Bourassa
décrit.
La raison pour laquelle j'ai posé la question, c'est que M.
Jacques-Yvan Morin, alors ministre de l'Éducation, nous avait dit qu'il
faisait des études pour étendre le programme. Alors que la
situation est devenue tragique, deux ans plus tard, on a la même
réponse du ministre qui veut régler le problème à
long terme, mais qui fait aussi des études à long terme
actuellement.
M. le ministre, ce n'est pas dans dix ans que le problème sera
grave, il est grave actuellement. Je me joins au député de
Bourassa pour vous demander de déposer ces études afin qu'on
sache où vous en êtes ou pour y mettre fin. C'est un
problème crucial, actuellement. Une solution, dans le sens
suggéré par le député de Bourassa, aiderait aussi
à régler le problème des décrocheurs. Ils n'ont
aucune incitation à retourner aux études, s'ils n'ont aucune
aide. Étant encore au secondaire, étant majeurs, étant
bloqués au niveau du marché du travail, ils n'ont aucune
incitation à revenir aux études.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: Le député de Marguerite-Bourgeoys
affirme que mon prédécesseur s'était engagé
à faire des études sur ce sujet et, en particulier, sur
l'extension, au niveau secondaire, du programme d'aide financière.
M. Lalonde: De mémoire, on le lui a demandé et il
nous a dit cela.
M. Laurin: Évidemment, je prends son affirmation avec un
grain de sel et, sous bénéfice d'inventaire, si j'en juge par
toutes les affirmations qu'il a faites au début des travaux de cette
commission, affirmations que nous avons démantibulées,
démolies les unes après les autres comme étant contraires
aux faits. Donc, je prends sa déclaration sous
bénéfice...
M. Lalonde: Si vous permettez, M. le ministre, je vais vous
donner la source. C'est "Le renouveau pédagogique", document du
ministère daté de mai 1979; cela fait trois ans.
M. Laurin: Ah! c'est une étude.
M. Lalonde: On dit ceci à la page 120: "... une
étude sur l'admissibilité au régime de prêts et
bourses des élèves de 18 ans et plus poursuivant à temps
complet des études secondaires, etc."
M. Laurin: Le député de Marguerite-Borgeoys est en
train d'effectuer un glissement verbal. Dans sa première affirmation, il
disait que c'est le ministre de l'Éducation qui, lors de l'étude
des crédits, avait promis qu'il ferait faire des études.
Là,
il nous apporte un document du ministère, que je ne conteste pas,
évidemment, mais ce n'est pas du tout la même affirmation.
M. Lalonde: C'est le discours d'ouverture du ministre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député, je
m'excuse, mais vous pourrez y revenir.
M. Lalonde: Oui, mais c'est le discours du ministre de mai 1979
qui est reproduit ici.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le
ministre.
M. Laurin: De toute façon, je répète ce que
je disais: Nous étudierons sûrement le problème de
l'extension à d'autres niveaux du programme d'aide financière.
Encore une fois, je répète qu'il nous faut évaluer d'une
façon précise et sérieuse, surtout en cette période
de compressions budgétaires et d'austérité
économique qui est la nôtre, l'impact d'une pareille extension.
Donc, je suis bien prêt à continuer les études et surtout
à tenter de mettre sur pied une concertation qui nous permettrait
d'apporter une réponse immédiate à ces problèmes.
À cet égard, le député de Bourassa peut compter sur
ma collaboration la plus entière.
Je demanderais à M. Girard de compléter ma réponse
à cet effet.
Le Président (M. Gagnon): M. Girard, au nom du
ministre.
M. Laurin: Je me souviens qu'il y avait un autre problème
qui avait été abordé à cette époque et je
pensais que c'était celui-là auquel vous faisiez allusion.
C'était l'incompatibilité entre certaines règles de l'aide
sociale et certaines règles des prêts et bourses qui faisaient que
certains étudiants pouvaient y perdre en passant d'un régime
à l'autre. Ce problème d'harmonisation entre les règles de
l'aide sociale et les règlements du régime des prêts et
bourses a été réglé.
M. Lalonde: La question soulevée par le
député de Bourassa a fait l'objet d'une déclaration du
ministre de l'Éducation dans son discours d'ouverture de l'étude
des crédits. J'appelle cela le temps de l'action. Maintenant, on
maintient le cap. Il disait, à la page 120: En 1979-1980, le service des
prêts et bourses mettra la dernière main -cela avait l'air qu'il
en avait plusieurs - à plusieurs études dont l'une est une
étude sur l'admissibilité au régime des prêts et
bourses des élèves de 18 ans et plus poursuivant à temps
complet des études secondaires. Exactement l'exemple du
député de Bourassa. Cela fait trois ans qu'on étudie et le
ministre nous dit: On fait encore des études.
C'est pour cela, M. le Président, que je me suis permis de
l'interrompre avant que le député de Marquette fasse sa
présentation, parce que cela devient ridicule. (12 heures)
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse.
M. Laplante: Seulement une petite correction.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: C'est que moi, je n'ai pas voulu en faire un
élément politique, c'est un élément humain;
l'école, ça fait seulement un an et demi qu'elle fonctionne. On
ne peut pas attribuer des choses depuis 1979. On est en 1982 actuellement. Ce
que je voudrais, c'est que ce soit l'élément humain qui l'emporte
sur la politique. C'est important dans mon esprit.
M. Lalonde: Je suis d'accord avec ça. C'est humainement
que je fais des reproches au ministre.
M. Laurin: Une solution immédiate, pour nous autres, c'est
une solution culturelle.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marquette, vous avez la parole.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Évidemment, je
réitère les propos de mon savant collègue de
Marguerite-Bourgeoys, notre principal porte-parole. Étant donné
que le temps nous presse, je vais essayer de résumer en quelques minutes
les réflexions et certaines interrogations que j'aimerais poser au
ministre. Comme on l'a dit plus tôt, M. le Président, comme on le
sait, la crise économique actuelle bat son plein et personne n'en est
épargné. En outre, ce sont les plus démunis de notre
société, les jeunes, étudiants ou chômeurs, et les
familles à revenus modestes qui sont les premiers touchés. Nos
amis de l'autre côté doivent démontrer plus de vertu et
mettre de côté leur nationalisme repiqué et faire des choix
judicieux et civilisés, de manière à rationaliser et
améliorer les programmes existants. Les péquistes, M. le
Président, se sont fait élire en jetant de la poudre aux yeux
à nos concitoyens. Notamment, on n'a jamais cessé, de l'autre
côté, de berner nos jeunes au Québec, leur promettant un
réaménagement substantiel du régime des prêts et
bourses.
Rien n'a encore été fait en ce sens. Le ministre est-il
conscient que le régime actuel favorise davantage l'étudiant
régulier de type célibataire et poursuivant ses études
normalement? Quand le ministre va-t-il entreprendre une réforme visant
à faciliter
l'accès aux études des victimes du système?
Nombreux sont les jeunes chômeurs instruits désirant retourner aux
études, mais rebutés parce qu'ils rencontrent d'innombrables
difficultés pour accéder au régime de prêts et
bourses, étant donné qu'ils sont affectés du statut
d'étudiants adultes. Des aménagements doivent aussi être
faits pour d'autres catégories d'étudiants victimes des carences
du régime. On doit considérer les étudiants mariés
qui reviennent aux études après avoir travaillé, ceux qui
sont parents de famille monoparentale et ceux qui sont majeurs en mal
d'indépendance ou en difficulté avec leur milieu familial et qui,
raison des règlements du régime, sont contraints à
demeurer financièrement dépendants de leurs parents. Dans les
périodes de coupures aveugles que nous vivons, il faut que le
gouvernement s'ouvre les yeux et fasse des choix budgétaires
consciencieux. Faut-il revoir le régime des prêts et bourses. Les
critères de résidence, de non-résidence, de
dépendance et d'indépendance doivent sans aucune
hésitation être révisés.
Ce sont les plus démunis qui doivent en être les premiers
bénéficiaires dans ce temps de crise. Il est intolérable,
M. le Président, et les exemples de cas particuliers sont nombreux, que
des individus utilisent de telles sommes à des fins de voyages outremer
ou d'achats luxueux ou encore d'épargne. Le ministère devra
resserrer les contrôles à cet effet. Il n'y a pas que l'Opposition
qui réclame des réajustements à l'aide financière
aux étudiants. Je me souviens que Mme Jeanne Blackburn,
présidente du Conseil des collèges, juge elle aussi qu'il faut
repenser l'aide financière aux étudiants en fonction de ceux qui
en ont le plus besoin. On se réfère au Soleil du 28 novembre
1981. À cette voix s'ajoute évidemment celle de plusieurs
mouvements étudiants.
On se demande si le ministre a pris connaissance de l'étude de
l'économiste Clément Lemelin, étude que j'ai avec moi
aujourd'hui, qui s'est penché sur ce difficile problème. Nous
savons pertinemment qu'on n'y découvre pas tous les remèdes au
problème, mais on y présente tout de même une voie
progressive sur laquelle on pourrait se pencher et de plus on y démontre
la nécessité de modifier le régime actuel. Est-il besoin
de préciser ce que Maréchal Francoeur nous a appris dans un
article relevé du journal Le Soleil du 10 novembre 1980: "Même en
tenant compte des revenus et impôts propres à chaque classe de la
société, on constate que les parents de milieux modestes
contribuent à environ 60% et plus au financement universitaire,
subventionnant ainsi par leurs impôts et taxes les enfants issus de
familles aisées ou de familles moyennes." Cette situation est aberrante
lorsqu'on sait que les enfants de famille modeste fréquentent peu les
institutions d'enseignement supérieur.
D'ailleurs, n'est-ce pas le ministre de l'Éducation
lui-même qui, ayant songé è doubler les frais de
scolarité à l'université, expliquait cette
hypothèse parce que près de 70% des étudiants et
étudiantes universitaires proviennent de milieux aisés?
Toutes ces constatations nous forcent à blâmer le
gouvernement qui se vante d'aider les plus démunis, mais qui au fond ne
fait rien pour eux et continue de jouer à l'autruche. Par ailleurs, il
est à prévoir que les besoins des étudiants iront en
grandissant pour l'année scolaire 1982-1983. On estime qu'ils auront
beaucoup de difficulté à se trouver un emploi
d'été. Les coupures ont affecté bien des programmes dont
celui des subventions aux employeurs par l'intermédiaire du placement
étudiant et à cela s'ajoute la mauvaise performance
économique du gouvernement les affectant particulièrement.
En concluant, M. le Président, sur le programme no 3, nous
exigeons expressément au même titre que mon collègue de
Marguerite-Bourgeoys que le ministre dépose dans les plus brefs
délais un projet de réforme du régime des prêts et
bourses.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je passerai maintenant sur la
cassette entendue à plusieurs reprises depuis le début des
travaux de cette commission dont le député de Marquette a cru
devoir faire précéder son exposé plus technique sur les
modalités des programmes de prêts et bourses.
J'en arrive immédiatement aux demandes plus précises qu'il
nous fait. Je relève à nouveau, comme d'habitude, dans son
exposé des exagérations ou des erreurs, et des erreurs franches,
lorsque, par exemple, il dit que nous ne portons pas une assez grande attention
à ceux des étudiants qui sont les plus démunis. C'est
précisément le contraire puisque le programme est bâti,
justement, en utilisant des paramètres qui font état de la
contribution des parents et de la contribution des étudiants; plus
l'étudiant ou plus la famille à laquelle appartient
l'étudiant est démuni, plus les paramètres sont
généreux. Il fait la même critique au sujet des familles
des étudiants dont les membres appartiennent à des familles
monoparentales et là aussi les mêmes critères
s'appliquent.
Il fait mention aussi d'un vieux problème dont on nous a souvent
parlé, une revendication d'indépendance pour certains
étudiants qui vivent, en fait, seuls, mais que les règles
actuelles obligent à reconnaître comme étant encore membres
d'une famille. Je pense que l'information du député est
inexacte, incomplète ou qu'elle n'est pas à jour. Je
demanderai à M. Girard tout à l'heure de lui montrer comment
fonctionne le système pour bien lui indiquer que les problèmes
auxquels fait allusion le député de Marquette sont
déjà en grande partie résolus. Je ne dis pas qu'ils le
sont tous, parce que, étant donné le niveau de revenus de notre
population, d'une part, étant donné le niveau de chômage
qui s'accroît, étant donné les ressources de l'État
qui diminuent, il est bien évident qu'un écart peut encore
exister entre l'offre et la demande, écart que nous déplorons,
que nous pouvons essayer de réduire dans toute la mesure du possible,
mais qui continue, justement, à demeurer en fonction de la conjoncture
que nous traversons.
Le député nous accuse aussi de ne pas nous occuper
suffisamment de l'utilisation judicieuse des fonds. Il prétend que
certains étudiants utilisent à mauvais escient les sommes qui
leur sont allouées par le programme des prêts et bourses. Il nous
accuse, en somme, de ne pas nous préoccuper de contrôles. Bien au
contraire, M. le Président. Nous avons vu et nous voyons encore à
ce que des contrôles, sans être tatillons, bien sûr, sans
être oppressifs, existent quand même et visent à atteindre
ceux qui se sont rendus coupables de fraude.
Enfin, il nous reproche de pratiquer une politique
d'accessibilité qui néglige les plus démunis, mais
là encore je pense qu'au contraire tout le programme des prêts et
bourses, de l'aide financière, favorise d'une façon
particulière les plus démunis, à telle enseigne, M. le
Président, que le programme québécois d'aide
financière est le plus généreux, et de loin, qui existe
actuellement dans toutes les provinces canadiennes. Nous recevons d'ailleurs
des demandes constantes de la part d'officiels des autres ministères
provinciaux qui viennent étudier notre système, qui s'en
inspirent et je sais même que le nouveau programme fédéral
qui fera l'objet d'un projet de loi au cours des prochains mois, nous
annonce-t-on, dérivera en grande partie de la philosophie et des
pratiques qui sont à l'honneur au Québec depuis bon nombre
d'années.
Donc, je pense que ces critiques sont tout à fait
injustifiées et je demanderais en conséquence à M. Girard
de nous indiquer sur le plan technique les orientations de notre politique et,
surtout, les pratiques qui nous permettent de répondre aux besoins, dans
toute la mesure du possible, encore une fois, des étudiants qui nous
font part de leur demande d'aide financière.
Je rappellerai tout d'abord que le conseil des ministres de
l'Éducation du Canada a mis sur pied un comité
précisément pour étudier un nouveau régime qui
pourrait s'appliquer aux autres provinces et le modèle qui a servi de
base est le modèle québécois, parce que le Régime
des prêts et bourses du Québec est le régime le plus
généreux et c'est au Québec que les étudiants ont
le taux d'endettement le plus bas. Et, comment expliquer le fait que le taux
d'endettement soit plus bas ici? C'est que précisément au cours
des dix dernières années, la proportion d'aide donnée aux
étudiants qui a été versée sous forme de prêt
a constamment diminué et la proportion d'aide qui a été
distribuée sous forme de bourse a constamment augmenté.
En 1966-1967, par exemple, le ministère pour ce qui est des
prêts, déboursait 26 168 000 $ et pour les bourses, 16 524 000 $.
Donc, sensiblement moins au titre des bourses qu'au titre des prêts. En
1973-1974, le gouvernement déboursait 26 000 000 $ au titre des
prêts et 20 000 000 $ au titre des bourses. En 1981-1982, le gouvernement
déboursait 90 000 000 $ au titre des prêts et 101 000 000 $ au
titre des bourses. C'est donc un renversement de la situation. Donc,
précisément dans ce but de tenir compte de plus en plus de ceux
qui ont le moins de ressources et d'ailleurs tout le régime des
prêts et bourses est basé sur les revenus des parents et sur les
revenus des étudiants.
Autre élément important à souligner. En l'espace de
quelques années, le taux des parents qui ne contribuent en aucune
façon à l'entretien de leurs enfants qui sont au collégial
ou à l'universitaire est passé de 32% à 44%,
précisément, parce que nous avons diminué les exigences
des parents dont les revenus sont plus modestes. Donc, je pense que les
chiffres que je viens de citer démontrent que tout le régime est
conçu de telle sorte qu'on vienne en aide aux plus démunis et
qu'on leur permette l'accès au collégial et à
l'universitaire. Je pense qu'en particulier les chiffres sur la contribution
des familles à revenu modeste et les chiffres que j'ai indiqués
sur le pourcentage d'argent consacré aux bourses par rapport aux
prêts sont très significatifs.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: II y a un point où le ministre ne m'a pas
répondu, c'est que l'an passé il y avait 3 500 000 $ de
prévus en subvention aux employeurs pour engager des étudiants
l'été. Le ministre est sûrement au courant que beaucoup
d'étudiants pour poursuivre leurs études doivent effectivement
travailler au courant de l'été, sinon ils vont décrocher,
comme on en a parlé tantôt. Est-ce que le ministre peut nous dire
sérieusement de par l'abolition de ce programme, que par une
simple...
M. Laurin: Question de règlement. Je pense...
Le Président (M. Gagnon): Question de
règlement...
M. Laurin: ... que le député se trompe de
commission. Je pense qu'il devrait participer à l'étude des
crédits du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, parce que c'est ce ministre qui est
responsable du programme dont le député est en train de nous
entretenir savamment et avec éloquence.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Gagnon): Sur la question de
règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: On peut, naturellement, en appliquant de façon
très étroite le règlement, empêcher le
député de Marquette de terminer sa question. Mais, je suis
surpris que ce soit le ministre lui-même qui pose la question de
règlement. Est-ce qu'il ne s'intéresse pas du tout à cette
question?
M. Laurin: Non, ce n'est pas que je ne m'y intéresse pas,
mais je ne serai pas en état de répondre. J'aime bien pouvoir
apporter des réponses techniques, chiffrées et structurelles
aussi, parler de la façon dont les programmes sont
élaborés, de la façon dont ils fonctionnent. Comme je sais
à l'avance que je ne pourrai pas répondre à la question du
député, tel que je le vois s'orienter, j'aime autant lui
épargner un effort et de la salive également.
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): C'est sur la question de
règlement?
M. Paquette: Oui, sur la question de règlement, je pense
qu'il n'est pas question de s'opposer à répondre aux questions du
député de Marquette. S'il veut demander au ministre quels vont
être les effets sur le programme des prêts et bourses, des
restrictions, du fait que l'emploi d'été est plus difficile pour
les étudiants, j'imagine que le ministre va pouvoir répondre. Il
faudrait poser les questions au bon ministre.
Le Président (M. Gagnon): Alors, la question de
règlement est-elle terminée? M. le député de
Marquette.
M. Lalonde: On a un bon adjoint, en tout cas.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez parfaitement raison.
Votre question telle que formulée ne s'applique pas au programme 3 qu'on
étudie présentement; elle s'appliquerait plutôt au
ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, mais si vous voulez reformuler votre question
dans ce sens-là. (12 h 15)
M. Dauphin: Si on m'avait laissé le temps de finir ma
question tantôt, j'y arrivais. Comme le disait le député de
Rosemont, on se vante depuis tantôt qu'on donne le meilleur
système de régime de prêts et bourses au Canada. Alors, si
les étudiants ne travaillent pas l'été, il va de soi que
la bourse ou le prêt va demander d'être plus substantiel
l'année subséquente, c'est évident. C'est ce à quoi
je voulais en venir.
Une voix: Dans ce sens, cela a du bon.
M. Dauphin: Alors, de l'aveu même des responsables du
placement étudiant du Québec - je comprends que cela peut toucher
la commission du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité
du revenu - cela ne sera que de l'incitation morale, cet été, que
certains étudiants vont faire auprès de l'employeur pour les
inciter à engager des étudiants. Ma question était la
suivante: - je comprends que c'est le ministre du Travail qui, a priori,
s'occupe de ces programmes -je veux avoir l'opinion du ministre
là-dessus: Si jamais la fin de l'été qui s'en vient nous
démontre en période de crise économique qu'on vit
actuellement qu'une incitation morale n'est pas nécessairement le
meilleur moyen d'engager des étudiants, est-ce que le ministre serait
prêt à réviser le système de prêts et bourses?
L'an passé, on a engagé 10 000 étudiants en vertu de ce
programme. Si on en engage 500 cette année, à cause du contexte
économique, est-ce que le ministre est prêt à
réviser son système de prêts et bourses?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: Je n'aurai pas à le réviser pour les
raisons que j'expliquerai tout à l'heure. D'abord, je veux simplement
dire au député que je suis très conscient qu'une
diminution des emplois d'été aux étudiants affecte
indirectement le programme des prêts et bourses. C'est
précisément pour cette raison que, l'an dernier, alors même
que le chômage augmentait, que la récession économique
empirait, j'ai lutté avec la dernière énergie
auprès de mes collègues pour que soit maintenue ouverte
l'enveloppe des prêts et bourses et pour que soit maintenus les
paramètres utilisés pour l'étude des demandes qui nous
étaient faites et pour que soit maintenue également l'enveloppe
qui avait été prévue à cet effet. Heureusement, je
peux dire que ces efforts ont réussi. Il en sera de même cette
année. Si, par exemple,
l'emploi d'été n'apportait pas les résultats que
nous en escomptons, avec les programmes que mon collègue entend mettre
sur pied, et que le nombre d'étudiants dont la situation
financière est déplorable les obligeait ainsi à faire une
demande de prêt et bourse, alors qu'ils ne l'auraient pas fait autrement,
ou les obligeait à faire une demande accrue d'aide financière, je
peux lui dire que nous sommes outillés pour répondre à ces
demandes, car l'enveloppe demeure ouverte cette année comme elle
l'était l'an dernier. Effectivement, l'an dernier, nous avons
dépensé 29 500 000 $ de plus que ce qui avait été
prévu aux crédits, précisément parce que nous
étions en période de récession économique, le
chômage a été plus lourd que prévu, et nous avons
compensé, à notre niveau, cette récession
économique et cette augmentation du chômage. Il en sera de
même cette année. Si, malheureusement, le chômage devait
s'accroître, le ministère de l'Éducation compenserait, au
titre des prêts et bourses, pour ceux qui sont admissibles à
l'enseignement collégial et universitaire.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Est-ce que le programme
3, élément...
M. Lalonde: En terminant, pour l'adoption du programme 3, je
voudrais savoir si le ministre, lorsque la dernière main aura
été mise aux études qu'il a promis de faire, va les
déposer ou s'il est prêt à les déposer
maintenant.
M. Laurin: Quelles études?
M. Lalonde: Les études pour évaluer le changement
d'accessibilité au programme des prêts et bourses qui
étaient en train d'être faites en mai 1979, il y a trois ans.
M. Laurin: Je vérifierai, évidemment, et,
dès que ce sera possible, je transmettrai à l'Opposition les
renseignements nécessaires.
Le Président (M. Gagnon): Le programme 3,
éléments 1, 2 et 3, est-il adopté?
M. Lalonde: Cela me comble.
Le Président (M. Gagnon): Adopté.
M. Laplante: Est-ce que cela veut dire que le programme 3 est
déjà adopté?
Le Président (M. Gagnon): II est adopté.
M. Laplante: On parle des jeunes et on essaie de les
défendre, on fait cela dans... C'est l'fun, cela.
Une voix: 20 minutes.
M. Lalonde: On veut l'adopter le plus vite possible pour donner
les moyens au ministre de faire les dépenses.
M. Laplante: D'accord. On va les défendre en vingt
minutes.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. J'appelle
maintenant le programme 5. M. le député de Rosemont.
M. Paquette: Serait-ce que nous avons convaincu les
députés de l'Opposition qu'on avait tout prévu?
M. Lalonde: On ne s'est pas encore prononcé.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il est
adopté?
M. Lalonde: Étant donné qu'il est ouvert, il reste
ouvert, on ne peut qu'y concourir, M. le Président.
Enseignement collégial public
Le Président (M. Gagnon): Le programme 5, M. le
ministre.
M. Laurin: Je n'ai pas grand-chose à ajouter, M. le
Président, aux réponses que j'ai déjà faites au
député de Marguerite-Bourgeoys lors de son exposé
liminaire. Il avait, si vous vous le rappelez, fait porter ses critiques en
grande partie sur l'enseignement collégial et l'enseignement
universitaire. Dans nos réponses, les députés
ministériels aussi bien que moi-même avions pu faire la preuve
qu'il s'agissait d'exagérations ou d'erreurs. Donc, je n'entends pas
revenir là-dessus, sauf peut-être pour apporter quelques petites
précisions que le débat ne m'avait pas permis d'apporter
alors.
Je voudrais dire, par exemple, pour informer l'Opposition, que le
réseau collégial a accueilli à l'automne 1981 5300
étudiants de plus qu'on ne l'avait prévu initialement, et non pas
3000, comme le mentionnait le député de Marguerite-Bourgeoys.
Cette hausse inattendue s'expliquait en grande partie, soit 52%, par
l'accroissement des clientèles en provenance directe du secondaire.
Cette augmentation s'est traduite en particulier par une amélioration du
taux de passage du secondaire au collégial, soit V/o, le faisant passer
à un sommet record de 44% à l'automne 1981; on m'informe que ce
taux de passage a continué d'augmenter et qu'il se situe actuellement
à un niveau supérieur.
Je voudrais ajouter une autre petite remarque. Le député
de Marguerite-Bourgeoys a parlé avec beaucoup d'émotion des
compressions affreuses, épouvantables, que
l'on avait imposées aux universités, et en particulier aux
bibliothèques universitaires. Je voudrais dire au député
que selon nos calculs...
Le Président (M. Gagnon): Question de règlement, M.
le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je sais que le ministre est
très pointilleux sur le règlement, il l'a démontré
tout à l'heure...
M. Laurin: Une fois n'est pas coutume.
M. Lalonde: Je lui ferai remarquer que nous sommes au programme
5, c'est l'enseignement collégial, et...
M. Laurin: Parfait, très bien.
M. Lalonde: ... je lui laisserai le soin de me faire tous les
reproches possibles plus tard.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: Je me rends à votre argument; c'est tout ce que
j'avais à dire, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: M. le Président, maintenant, si j'ai bien
compris, nous allons suspendre la séance à 12 h 30. J'ai une
allocution de 15 minutes à faire.
M. Lalonde: ...
M. Laurin: Vous pouvez faire votre exposé et on pourra
suspendre la séance après.
Le Président (M. Gagnon): II vous reste encore cinq
minutes, si on décide d'arrêter à 12 h 30.
M. Laurin: Mais on pourrait permettre au
député...
M. Dauphin: J'en ai pour quinze à vingt minutes, mes
questions sont à même l'exposé.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que la commission est
d'accord?
M. Laurin: On a commencé un peu en retard.
M. Paquette: Le problème, c'est que les questions peuvent
venir en quinze minutes, comme nous dit le député de Marquette,
mais les réponses devront venir après le repas.
M. Lalonde: Après le repas, mais il pourra y
réfléchir un peu avant de répondre.
M. Paquette: Et le député pourra prendre des forces
pour encaisser la réponse.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marquette, vous avez la parole.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Évidemment,
à titre de porte-parole de ma formation en la matière, il m'a
été donné de rencontrer de nombreux intervenants de ce
milieu qui m'ont fait état de leur profonde insatisfaction à
l'égard des politiques gouvernementales. Nombreuses sont les questions
touchant ce secteur de l'enseignement qui soulève de vives critiques
dans ce milieu. À l'occasion des présents travaux, j'aborderai
plusieurs de ces questions sous forme de thèmes et, pour rassurer le
ministre, c'est dans un esprit de collaboration que j'exprimerai maints
commentaires et ferai un certain nombre de propositions constructives.
Le premier thème que je vais aborder concerne le projet de
règlement des études collégiales sur lequel on a eu
l'occasion de questionner le ministre en Chambre. L'an dernier, lors de
l'étude des crédits en commission parlementaire, le ministre
s'est contenté de parler de compromis et d'équilibre à
atteindre sur chacun des différents points controversés. Il
s'accommoda de justifier une prolongation de la consultation soi-disant pour
rentrer en contact avec le plus grand nombre possible d'organismes
étudiants et parce qu'il lui fallait tenir compte de la politique
d'enseignement professionnel en cours d'élaboration et des
recommandations issues de la commission Jean dont les travaux étaient
inachevés à l'époque. Et le ministre s'engageait
auprès de son collègue de Westmount l'an passé a ce que
soit élaboré un projet définitif dès les premiers
mois de 1982. Nous entreprenons le mois de mai et le ministre n'a toujours pas
déposé son projet définitif. Pourtant les motifs
qu'invoquait le ministre pour en retarder le dépôt n'ont plus leur
raison d'être. Le ministre manque-t-il de courage? Pourquoi
tergiverse-t-il toujours? Le ministre ne se rend-il pas compte que pendant ce
temps, c'est la qualité de l'enseignement qui en souffre?
Quant à nous du Parti libéral du Québec, nous nous
sommes patiemment penchés sur le projet de règlement des
études collégiales. D'ailleurs, un comité d'étude a
mené une consultation auprès de nombreux intervenants du milieu
puis, à la lumière de nos consultations et analyses, nous avons
rédigé la position que défendront
les porte-parole de notre formation en cette matière.
D'abord, nous convenons avec le gouvernement qu'il faille
réglementer les études collégiales, étant
donné qu'il revient à l'État de définir les grands
objectifs en matière d'éducation, que le gouvernement a le devoir
de gérer les fonds publics en procédant de la manière la
plus rationnelle, aussi parce qu'on doit assurer une formation fondamentale
à tous les étudiants et enfin parce que doivent être
instaurés des mécanismes de contrôle visant à
empêcher diverses situations pédagogiquement et socialement
abusives.
Cependant, la réglementation devra être
élaborée dans le respect de l'autonomie de chacun des
intervenants. Voilà pourquoi notre approche est orientée dans le
sens d'un partage adéquat et clairement défini des
compétences entre les autorités gouvernementales et les instances
locales.
Ainsi une liste minimale de compétences devrait être
définie comme étant de la responsabilité du ministre et
toute autre responsabilité n'ayant pas été explicitement
définie dans le règlement relèverait des instances
locales.
Inspiré du rapport Tremblay sur le cégep de Limoilou,
c'est ce qu'on a appelé les principes de la cohérence du
système et du résiduel. De cette façon on éviterait
maints facteurs d'inertie et de nombreuses interventions tatillonnes de la part
de l'État.
Concernant l'augmentation du nombre de cours obligatoires, nous nous y
opposons fermement, d'abord parce qu'une telle mesure a pour effet de
réduire le nombre de cours complémentaires, mais aussi parce
qu'elle conduit vers une secondarisation poussée du niveau
collégial. Les objectifs de complémentarité et de
polyvalence énoncés dans le rapport Parent, et qui doivent
être à la base de la formation de l'étudiant de niveau
collégial, seraient alors gravement compromis.
Nous ne savons pas si le ministre a arrêté sa position
à ce sujet. Peut-être pourrait-il nous en faire part dans sa
réplique. Nous souhaitons qu'il ait trouvé une formule
reflétant de la souplesse et de la flexibilité, puisque
c'était là l'un de ses objectifs, affirmait-il l'an dernier
à cette même commission.
Cette particularité, la souplesse, qui a toujours
caractérisé notre formation politique, nous permet de lui
suggérer que soit inscrite dans le règlement une disposition
obligeant l'étudiant de choisir ses cours complémentaires en
dehors de son champ de concentration ou de spécialisation.
Il nous semble tout à fait inopportun que soient rendus
obligatoires les cours d'histoire et d'institutions du Québec et
d'économie du Québec. Ces cours font déjà partie
intégrante de la formation de niveau secondaire IV et V et c'est
à ce niveau d'enseignement qu'ils se doivent d'être introduits
à titre obligatoire.
Quant aux cours de mathématiques, nous convenons sans
réserve avec le ministre qu'il est essentiel que tout étudiant
n'ayant pas de cours de mathématiques dans son champ de concentration ou
de spécialisation, doive en inscrire au moins un de son choix dans son
programme d'étude.
Une autre mesure fort controversée a trait à la
présence obligataire aux cours. À notre avis, une telle mesure ne
doit pas être inscrite dans le règlement et, par
conséquent, son application ou non devrait en être
décidée au niveau des instances locales.
D'ailleurs, pour soutenir notre opposition à la présence
obligatoire aux cours, je rappelle au ministre d'autres propos qu'il a tenus
à cette même commission, l'an dernier, et que nous partageons
aussi. Il disait que l'étudiant de niveau collégial était
"un citoyen déjà responsable de lui-même, de sa vie et
même en partie de son milieu". Bien sûr, le degré de
maturité d'un individu demeure relatif, mais ce n'est certainement pas
en l'encarcanant qu'on va lui permettre d'atteindre une maturation plus
complète.
Il importe, M. le Président, de rappeler au ministre les
difficultés que suscite l'accroissement de l'autorité
dévolue au directeur des services pédagogiques. Plusieurs
organismes syndicaux craignent que les instances départementales et les
enseignants perdent des droits acquis aux dernières négociations.
Bien que nous soyons d'accord avec une telle mesure, il nous apparaît
indispensable de rechercher un consensus à ce propos. Le ministre
peut-il nous indiquer où en est sa réflexion à ce sujet et
entend-il rendre la convention collective conforme à son projet de
règlement en cette matière?
En terminant sur ce thème, M. le Président, nous
désirons rappeler au gouvernement qu'il est essentiel que l'autonomie
des cégeps soit respectée intégralement et que
l'implantation de ce règlement pédagogique ne doit pas donner
lieu à une prolifération excessive de règlements et de
directives de la part de l'État. (12 h 30)
Le deuxième thème que nous voulons aborder concerne
justement l'autonomie des collèges. Tout en étant bref, nous
désirons tout de même prévenir le gouvernement que
l'Opposition officielle ne pourra endosser ces tendances centralisatrices. Le
Conseil des collèges dénonce la situation alarmante à ce
sujet. Un budget de fonctionnement fort encadré de directives
gouvernementales, des modifications importantes apportées au financement
de l'éducation des adultes, l'implantation d'un règlement de vie
étudiante par l'État, l'obligation pour les collèges de
présenter le contenu de leur
rapport annuel d'activités, tel qu'édicté par le
ministère de l'Éducation, s'ajoutent à d'autres mesures
encore à l'étude.
Où le ministre veut-il en venir? La seule réponse qui me
semble plausible indique la volonté du ministre de créer des
collèges d'État ou bien alors il retire sa confiance aux
gestionnaires locaux. Pourtant le ministère de l'Éducation a lui
aussi commis d'innombrables erreurs administratives, par exemple, on n'a pas su
prévoir dans les compressions budgétaires l'excédent de
3000 étudiants pour l'année scolaire 1981-1982.
Le troisième thème que je veux traiter se rapporte
à la hausse des demandes d'admission pour l'année scolaire
1982-1983. Comment se fait-il que pour une troisième année
consécutive le ministère de l'Éducation se trompe autant
quant à ses prévisions pour le nombre d'étudiants
admissibles au cours collégial? Ainsi, dans la région de
Québec, c'est 1350 étudiants de plus que l'on compte accueillir
en septembre prochain. Dans la région métropolitaine,
l'augmentation serait de l'ordre de 2000, semble-t-il. Le ministre invoque en
sa faveur une hausse du taux de passage du secondaire vers le
collégial.
Il nous revient à nous de l'Opposition d'informer correctement la
population. Entre septembre 1975 et septembre 1980, le taux de passage ne
crût que de 0,8%. Il n'y a pas de quoi faire des éloges. Le
facteur réel qui explique ce phénomène, c'est la crise du
chômage qui affecte particulièrement les jeunes. Ces derniers ne
veulent pas chômer et c'est pourquoi, entre autres, ils poursuivent ou
retournent aux études. Bien sûr, le ministre dans sa grande
générosité légendaire s'engage à
subventionner les dépenses occasionnées par cette nouvelle
clientèle. Toutefois, ne se rend-il pas compte que cette situation
crée de sérieux problèmes, tels que l'absence de locaux
adéquats, une plus lourde charge de travail pour l'enseignant dont
souvent le nombre d'étudiants dépassera la quarantaine et des
difficultés pour les services pédagogiques de respecter comme par
le passé les choix de cours des étudiants? Face à cette
dure réalité, le ministre doit prendre ses responsabilités
plus qu'il ne l'a fait jusqu'à maintenant et agir afin de
préserver la qualité de l'enseignement.
Avant de passer à un quatrième thème, le ministre
pourrait-il nous fournir des indications plus précises et
détaillées lors de sa réplique sur les modalités de
financement des collèges qui accueilleront un surplus
d'étudiants? Et comment le ministre entend-il corriger la situation dans
les prochaines années pour ne plus que se répètent de
telles erreurs de gestion dans son ministère?
Comme quatrième thème de mon exposé, je vais
traiter du problème de l'accessibilité aux études
collégiales. En cette matière, le ministre doit
reconnaître, hors de tout doute, que son gouvernement n'a guère
réalisé de progrès. Le taux de passage des finissants du
secondaire vers le collégial se trouvait à 41,1% en septembre
1975 et il se situait à 41,9% en septembre 1980.
De plus, des recherches démontrent que seulement un jeune
Québécois sur quatre entreprend des études de niveau
collégial et pourtant, Mme Michèle Fortin, sous-ministre adjointe
au secteur de l'enseignement postsecondaire, affirmait sans la moindre
hésitation qu'au moins 50% des jeunes Québécois seraient
aptes intellectuellement à entreprendre des études
collégiales. Cela fait donc un écart de 25%. C'est donc un
constat d'échec du gouvernement en cette matière et un aveu
d'incapacité de la part du ministre et de son
prédécesseur.
Le ministre peut bien camoufler la situation en arguant que la
clientèle des cégeps est à la hausse, mais, comme nous
l'avons mentionné précédemment, ce phénomène
est principalement dû à la situation dramatique du chômage
des jeunes. N'eût été la piètre performance
économique du gouvernement péquiste, la situation
socio-économique serait sans doute plus saine et il ne subsisterait pas
un tel déséquilibre entre le passage des études vers le
marché du travail.
En terminant sur ce thème, je veux attirer l'attention du
ministre sur les données d'une récente étude du
ministère de l'Éducation qui révèle un indice
d'accès assez faible aux études collégiales dans les
régions périphériques. Le cas des régions de
l'Abitibi-Témiscamingue et de l'Outaouais illustrent bien ce malaise. Le
ministre entend-il poursuivre des études à cet effet et quelles
mesures envisage-t-il pour contrer le malaise?
Le cinquième thème de mon exposé qui va faire
l'objet de mes commentaires se rapporte aux coupures budgétaires. Nous
sommes tous conscients qu'il faut rationaliser les dépenses de
l'État même dans le budget de l'éducation. Cependant, le
gouvernement sabre aveuglement et évite de faire des choix rationnels et
judicieux. À la lumière du débat public, il apparaît
clairement que le gouvernement a agi de façon irresponsable.
Brièvement, les effets des coupures draconiennes dans les
collèges se résument ainsi: Selon une étude de la CEQ, les
subventions accordées aux collèges pour l'excédent de
clientèle étudiante ont été diminuées de
moitié. Un rationnement strict a dû être imposé sur
le matériel didactique: livres, impression et équipement de
laboratoire. À de nombreux endroits les étudiants se sont vus
dans l'obligation de payer leurs notes de cours, photocopies, et tout cela
entraîne invariablement une détérioration de la
qualité de l'enseignement. Au surplus, de nombreux postes de
personnel
professionnel et de soutien furent coupés et diminuèrent
avidement les services pédagogiques et les services aux
étudiants. Paradoxalement, on ouvre plusieurs postes à temps
partiel et de nombreux contractuels sont engagés. On a dû abolir,
dans certains cas, certaines activités scolaires ou parascolaires
vitales au développement de la personne et, enfin, dans certains
collèges, on coupe sur l'équipement de service comme, par
exemple, la climatisation.
Sixièmement, un thème, dont on peut dégager de
nombreuses préoccupations chez les étudiants, a trait à
leurs conditions de vie à l'école et notamment, dans les
cégeps. D'abord, traitons de la question des frais afférents au
collégial. Le ministère de l'Éducation, semble-t-il, a
émis une directive faisant en sorte que les frais afférents, que
la cotisation étudiante deviendrait volontaire. Une telle directive
risque d'entraîner la disparition des associations étudiantes ou
à tout le moins de paralyser leur activité. On ne peut laisser
faire le ministre sans réagir. Le mouvement étudiant contribue
considérablement à animer le milieu estudiantin et à
défendre les droits des étudiants qui seraient sans cesse
brimés autrement. Nous, du Parti libéral du Québec,
refusons d'endosser cette directive du ministère et nous exigeons que le
ministre rassure les associations étudiantes. De plus, celles-ci doivent
posséder toute l'autonomie nécessaire pour la gestion des revenus
provenant des frais afférents.
Quant à l'avis des associations étudiantes
elles-mêmes, il y a plus d'un an, le ministre affirmait sa volonté
d'aider les étudiants à se donner des associations authentiques.
À l'époque, dans le quotidien montréalais, La Presse, M.
Bernard Descôteaux, nous rapporte un engagement du ministre
annoncé lors d'une conférence de presse. Le ministre de
l'Éducation, M. Camille Laurin, utilisera volontiers les moyens à
sa disposition, si on lui demande, pour aider les étudiants du
Québec à se regrouper en association, afin de, et je cite les
paroles du ministre: "se redonner une voie qui puisse exprimer authentiquement
leurs besoins et leurs aspirations." Et, nous relate encore M.
Descôteaux: "M. Laurin a qualifié de malsaine l'absence des
étudiants des lieux officiels de concertation, de consultation et de
décision, que ce soit au niveau secondaire, collégial ou
universitaire."
Rappelez-vous, M. le Président, que le ministre a tenu ces propos
quelques mois seulement avant que soient déclenchées les
élections générales. Un autre bonbon électoral. Le
ministre n'a pas encore bougé et maintenant que les étudiants
sont confrontés à maints problèmes, il se terre avec
l'espoir que ces jeunes auront oublié ses voeux pieux. Au moment de
voter, lors de la prochaine élection référendaire, il
revient à l'État de protéger les droits des
étudiants, ce groupe minoritaire et souvent marginalisé de notre
société. Cette protection doit leur être accordée
par une reconnaissance formelle de leurs droits, de leurs associations, des
moyens matériels indispensables à la survie de leur organisation,
nous dit Jean-Claude Leclerc dans un éditorial du Devoir du 23 janvier
1981. Le ministre peut-il aujourd'hui informer la communauté
estudiantine et nous indiquer quand il va rencontrer ses représentants,
afin de donner suite à ses engagements?
Concernant la charte des droits des étudiants, le débat se
poursuit toujours et aucun consensus ne pointe encore à l'horizon. Le
ministre compte-t-il agir comme agent catalyseur, afin d'assurer un minimum de
protection aux étudiants là où le mouvement
étudiant est absent ou quasi inopérant? Je rappelle enfin au
ministre que l'expérience du protecteur de l'étudiant se
révèle positive et qu'il y aurait peut-être lieu d'en
étendre la portée dans le monde scolaire, notamment au niveau
collégial.
Comme dernier thème, M. le Président, je vais aborder un
problème qui inquiète l'ensemble des étudiants. On
pourrait l'intituler: éducation-emploi. D'abord, au cours des cinq
dernières années, le taux de chômage des
diplômés postsecondaires s'est sérieusement aggravé.
Chez les diplômés universitaires, le taux de chômage a
doublé, passant de 4,4% à 8,4% et la situation est pire encore
chez les moins instruits - on a abordé cela un peu tantôt -
notamment chez les finissants du niveau collégial. Devant cette
dégradation persistante, le ministre va-t-il demeurer impassible encore
bien longtemps? Combien de temps encore va-t-il contribuer à
élargir le nombre de chômeurs instruits? Il me semble que des
aménagements pourraient être effectués dans les politiques
de contingentement et que des analyses détaillées des besoins en
main-d'oeuvre devraient se poursuivre. Inutile de dire que les résultats
de ces études devraient être communiqués aux
étudiants afin de faciliter leur tâche quant à
l'élaboration de leur plan de carrière.
Enfin, n'y aurait-il pas lieu d'accentuer nos efforts dans le
développement de programmes d'éducation postsecondaire, notamment
à l'enseignement collégial, vers les secteurs de technologie de
pointe, tels que la fibre d'optique, l'électronique, la
télématique, le laser et dans bien d'autres domaines encore?
Ainsi, on ouvrirait des débouchés pour un plus grand nombre de
jeunes diplômés puisqu'il s'agit de domaines où la
main-d'oeuvre québécoise se fait très rare. Ceci
étant dit, la pénurie de ressources humaines qui sévit
dans ces secteurs constitue une barrière importante pour des entreprises
de ce type qui désireraient s'implanter au Québec. Elles se
trouvent
devant un choix bien mince: ou bien elles importent la main-d'oeuvre, ou
bien elles vont s'installer ailleurs. Pendant ce temps, les conditions
socio-économiques du Québec continuent de régresser.
Prendre les devants, tel est le défi national que le Parti
libéral du Québec offre à tous les jeunes du
Québec. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Marquette. Comme il est 12 h 43, nous allons ajourner
nos travaux sine die. À la reprise des travaux, M. le ministre aura la
parole, ensuite, M. le député de Shefford et M. le
député de Vachon.
(Suspension de la séance à 12 h 42)
(Reprise de la séance à 15 h 58)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux
pour l'étude des crédits du ministère de
l'Éducation.
Les membres de la commission sont pour cette séance: M. LeMay
(Gaspé), M. Champagne (Mille-Îles), M. Payne (Vachon), M. Cusano
(Viau), M. Paré (Shefford), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains
(Saint-Henri), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laurin (Bourget), M. Leduc
(Fabre), M. Paquette (Rosemont).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. French
(Westmount), Mme Harel (Maisonneuve), M. Dauphin (Marquette), M. Proulx
(Saint-Jean), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Saintonge (Laprairie).
À la suspension des travaux, la parole était au
ministre.
M. Lalonde: M. le Président, seulement une question
d'ordre.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'ai vérifié cela avec les
fonctionnaires. À la suspension à 12 h 45 ce midi, on avait
déjà consommé dix heures et 30 minutes de l'enveloppe de
temps qui nous est consacrée. Ce soir, à l'ajournement à
18 heures, cela veut dire qu'on aura fait douze heures et 30 minutes sur
quatorze heures. Je comprends qu'on tente de trouver une autre petite enveloppe
d'une heure et demie ou deux heures un autre tantôt. C'est entendu,
d'après ce que je comprends.
M. Paquette: M. le Président, je pense que cela va de soi.
On a demandé au leader de nous donner les quatorze heures, puisqu'on
n'aura pas fait quatorze heures à la clôture de nos travaux
à 18 heures. Il est entendu que - peut-être pas la semaine
prochaine, parce que cela semble être difficile de s'arranger pour que
les trois présidents des organismes reliés à la Charte de
la langue française soient ici - sûrement dans les meilleurs
délais possible, on obtiendra une autre heure et demie sur l'Office de
la langue française, mais il faudrait essayer de terminer les
crédits de l'Éducation à 18 heures.
M. Lalonde: Non, c'est cela. Donc, il nous reste deux heures. On
a abordé à peine les collèges. J'aimerais, si on s'entend
- j'en ai parlé au député de Rosemont - aborder
immédiatement après les universités et la recherche...
M. Paquette: D'accord.
M. Lalonde: ... ensuite, l'éducation des adultes et
l'enseignement privé, de sorte que si on ne peut pas terminer...
J'aimerais moi aussi que le programme 11, la loi 101, on lui consacre toute une
session.
M. Paquette: Cela nous donnerait au moins une heure et demie sur
la loi 101.
M. Lalonde: Oui. J'aimerais simplement, en terminant, m'excuser.
Je vais être appelé à aller à l'Assemblée
nationale une bonne partie de cet après-midi. Je ne voudrais pas que ce
soit interprété comme un désintérêt à
l'égard des réponses et des questions surtout.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je veux d'abord remercier le
député de Marquette pour ses propos préliminaires. Pour
une fois, ils m'ont paru plus constructifs que ceux que j'avais entendus et je
m'en réjouis.
Je constate aussi que le député de Marquette a suivi avec
la plus grande attention les divers développements dans le réseau
de l'enseignement collégial non seulement parce qu'il a repris à
son compte certains commentaires qui ont paru dans les journaux, mais qu'il a
aussi repris une bonne partie des propos que j'ai été
appelé à tenir que ce soit sur le projet de règlement des
études collégiales, la politique de vie étudiante, le
projet d'enseignement professionnel et ainsi de suite. Je peux l'assurer que
nous tiendrons compte de ses suggestions constructives dans la poursuite des
réflexions que nous menons à l'heure actuelle sur ces
différents sujets.
Pour me conformer au désir du député de
Marguerite-Bourgeoys, je vais tenter d'être le plus bref possible et
j'essaierai de traiter successivement, que je le fasse personnellement ou en
m'adressant à mes sous-ministres, les divers sujets qu'il a
abordés. Parlons, d'abord, du projet de règlement des
études collégiales. Comme on
le sait, il y a déjà un régime pédagogique
au collégial. En fait, il existe depuis 1967. On peut dire qu'il est
encore au stade expérimental, mais il existe quand même. Ce ne
sont pas les efforts qui ont manqué pour l'officialiser ou pour
l'améliorer. Nos prédécesseurs ont tenté de le
faire à plusieurs reprises. Il y a eu plusieurs projets qui ont
été présentés et ensuite retirés, qui ont
fait l'objet d'études. Le rapport GTX était une des suites de la
tentative d'introduire ce nouveau règlement. De toute façon,
comme il ne semblait pas donner satisfaction, il y a toujours eu des refontes
et des réflexions additionnelles qui se sont imposées.
Avec les collèges du Québec, on annonçait un projet
de règlement. En fait, ce projet de règlement a été
déposé par mon prédécesseur et il a
déjà donné lieu, à ce moment-là, à
une certaine consultation. Quand je suis arrivé au ministère, je
me suis rendu compte qu'il était peut-être encore
prématuré de lui donner une forme définitive, étant
donné que nous étions engagés dans des travaux assez
importants au niveau de l'enseignement professionnel. Il ne fait aucun doute
qu'il faut tenir compte des travaux ayant cours sur l'enseignement
professionnel dans l'établissement de notre régime
pédagogique au collégial. Il en était de même
également pour les travaux de la commission Jean, comme le
député l'a lui-même rappelé. Il nous fallait
attendre les résultats de cette étude, ainsi que les diverses
recommandations. Je dirais la même chose sur la politique de vie
étudiante qui m'apparaît extrêmement importante aussi, et le
député l'a souligné à plusieurs reprises dans son
exposé.
Donc, il nous fallait attendre la maturation et le résultat de
ces trois études avant de nous mettre à la formulation
définitive du projet, d'autant plus que ce projet, même s'il avait
fait l'objet d'une consultation, même si nous avions reçu à
cet égard un bon nombre d'avis de la part des centrales syndicales, de
la part de quelques organismes étudiants, de la part des organismes
socio-économiques, n'avait pas reçu, à notre avis, toute
l'attention voulue de tous les agents concernés. Il fallait donc
prolonger la consultation et particulièrement auprès des milieux
étudiants qui n'avaient pas fait connaître suffisamment leur
opinion. Ces consultations ont été menées. Je suis
maintenant heureux de signaler que près d'une vingtaine d'associations
étudiantes nous ont fait parvenir leurs vues sur le projet de
règlement des études collégiales.
En même temps, nous avons nous-mêmes poursuivi nos
études, nos réflexions, nous avons mûri certaines
hypothèses et je pense qu'on peut dire, au moment où on se parle,
que nous approchons du terme. Comme je l'expliquais longuement dans une
entrevue que j'ai donnée récemment au journal Le Soleil, la
prolongation de cette consultation a permis des consensus et des rapprochements
que d'aucuns n'escomptaient plus. Je suis heureux de constater, par exemple,
que le député de Marquette est d'accord sur la
nécessité de l'existence d'un régime pédagogique;
c'est un appui que nous apprécions à sa juste mesure. Je pense
que cet accord sur la nécessité d'un régime
pédagogique est en train de s'étendre. Elle recueille quasi
l'unanimité, maintenant; il n'y a plus que quelques centrales syndicales
et quelques groupes d'étudiants qui contestent encore la
nécessité d'un règlement.
Un autre point semble faire consensus, c'est la latitude ou la
liberté qui serait laissée aux étudiants de suivre leurs
cours. Là aussi, on constate qu'une unanimité est en train de se
faire. On constate également qu'il y a un rapprochement de points de vue
en ce qui concerne les cours obligatoires et les cours complémentaires.
Je pense que tout le monde s'entend maintenant sur la nécessité
de ne pas augmenter le nombre de cours obligatoires, mais s'entend cependant
sur une possibilité d'aménager différemment les divers
cours obligatoires; étant donné, par exemple, que la philosophie
comporte plusieurs options, il est possible d'aménager
différemment, à l'intérieur de ces cours obligatoires,
l'enseignement de certaines disciplines.
Je continue à croire, personnellement, que l'introduction de
l'enseignement en histoire et institutions du Québec, de même
qu'en économie du Québec demeure utile, pour ne pas dire
essentielle. Il m'est difficile de suivre l'avis du député de
Marquette qui dit que tout cela a été fait déjà au
niveau du secondaire; je pense, au contraire, qu'il y a une continuité
et une articulation entre ce qui a été décidé comme
matière d'enseignement au niveau du secondaire et ce qui l'a
été au niveau du collégial.
Au niveau du secondaire, ce qui est donné, c'est surtout un
enseignement général, un enseignement de base en matière
d'économie alors qu'au niveau collégial on spécifie
davantage la matière à enseigner en la limitant aux institutions
du Québec et à l'économie du Québec. On pourrait
dire la même chose, d'ailleurs, pour l'histoire. Est-ce qu'il sera
maintenant possible d'aménager l'introduction de ces nouveaux
enseignements en tenant compte des contraintes des conventions collectives?
Dans le programme du collégial, c'est précisément l'une
des questions que nous sommes en train d'examiner.
Sera-t-il possible de conserver l'autonomie des collèges à
cet égard? Je pense que l'autonomie des collèges, en
matière de gestion pédagogique, est déjà
très grande. Il n'est pas question de la limiter à cet
égard. Je crois donc qu'il sera possible
aux collèges, à l'intérieur des grands encadrements
prévus par le régime pédagogique du collégial,
d'exercer un degré très élevé d'autonomie. Nous
avons même reçu des représentations à l'effet que
cette autonomie serait peut-être trop grande en ce qui concerne, par
exemple, les pouvoirs du directeur des services pédagogiques, de la
direction des collèges, sur le plan de l'évaluation. Voilà
une autre question que nous sommes en train d'évaluer actuellement. Nous
ne sommes pas encore prêts à donner une réponse
définitive. D'autant plus qu'il est délicat de toucher aux
pouvoirs des départements ou de la direction, eu égard aux
conventions collectives que nous avons signées et qu'il nous faut
respecter. Justement, c'est là une matière que nous sommes en
train de mûrir davantage.
Tout cela pour dire, M. le Président, que pour nous le projet de
règlement des études collégiales constitue certes une
matière importante, majeure car, comme pour le primaire et le
secondaire, ce régime incarnera les orientations de l'enseignement
collégial, les options sociétales que nous faisons,
l'articulation de cet enseignement collégial sur les besoins des jeunes
aussi bien que sur les besoins de la communauté. Donc, il est
très important, mais pour ncus c'est un point d'arrivée en
même temps qu'un point de départ. Un point d'arrivée qui
doit tenir compte de toutes les études et consultations
déjà faites, mais en même temps qui doit être un
point de départ pour relancer l'enseignement de niveau collégial
vers de nouveaux horizons axés d'une façon plus étroite
sur les véritables besoins de la population étudiante, qu'il
s'agisse d'ailleurs de la population adulte ou régulière.
Voilà un autre point sur lequel nous réfléchissons et nous
nous orientons de plus en plus vers un régime unique pour les adultes et
pour les élèves réguliers.
C'est un point quand même d'arrivée qui nous permettra de
tenir compte de toutes les études, réflexions, consultations
déjà faites et qui nous permettra de relancer l'enseignement
collégial vers de nouveaux progrès. Quel est
l'échéancier maintenant? Je pense que nous avons bien fait de
prolonger la réflexion. Nous aurons, je pense, un régime mieux
adapté et de plus grande qualité. Mais il reste que, comme je
viens de le dire, nous arrivons au bout de la période que nous nous
étions imposée. C'est bien mon intention de rendre public ce
projet de régime pédagogique avant la fin de l'année. Nous
entendrons ensuite une dernière fois les divers agents
intéressés avant de le promulguer d'une façon
définitive. Je peux aussi assurer le député qui a
parlé de beaucoup de souplesse dans son exposé que le projet
comportera des éléments de souplesse qui permettront justement de
l'ajuster au fur et à mesure aux considérations qui nous seront
encore faites.
Le député a aussi beaucoup parlé de l'augmentation
de la clientèle au niveau collégial. Il nous a même
accusés de manquer de sens de la prospective puisque, selon lui, nous
aurions dû prévoir d'une façon plus exacte les
clientèles. Je ne suis pas d'accord avec lui là-dessus parce que
même si nous avons fait beaucoup d'efforts depuis plusieurs années
pour augmenter le taux de scolarisation au secondaire, pour garder à
l'école le plus grand nombre d'élèves possible, pour
diplômer au niveau du secondaire le plus grand nombre
d'élèves possible, nous ne pouvions prévoir que les
mesures que nous avons prises résulteraient aussi rapidement dans les
résultats que nous avons connus. Je suis heureux personnellement que les
résultats aient été plus rapides que nous-mêmes ne
l'avions escompté. Mais on ne peut se cacher le fait que le taux de
fréquentation, le taux de diplômées a augmenté d'une
façon plus rapide que ce qui avait été prévu. C'est
là une des grandes causes de l'augmentation des inscriptions au niveau
collégial. Il est vrai que le chômage et en particulier le
chômage des jeunes peut avoir contribué également à
l'augmentation des inscriptions. Cela est bien possible, mais je pense qu'il
serait difficile de chiffrer l'importance respective des deux facteurs. Il faut
peut-être en ajouter un troisième. Dans la foulée des
travaux de la commission Jean, de la publicité extraordinaire qu'elle a
reçue, de l'intérêt qu'elle a suscité, je pense que
le goût qu'éprouvent maintenant les adultes de revenir
compléter leurs études peut s'en être trouvé
également augmenté.
De toute façon, pour toutes ces raisons, le taux d'inscription
aux études collégiales a augmenté. En ce qui nous
concerne, nous nous réjouissons du phénomène et nous
entendons faciliter, pour tous ces nouveaux étudiants, les conditions
d'apprentissage et nous entendons le faire de toutes les façons. Par
exemple, au niveau du financement, j'ai déjà eu l'occasion
d'exprimer à votre collègue, le député de
Marguerite-Bourgeoys, que nous finançons les nouvelles clientèles
à 100% pour ce qui concerne les enseignants, et non pas à 50%
comme il l'a dit et comme vous aviez peut-être tendance à le
répéter. Nous le finançons à 50% pour les autres
coûts, mais évidemment, les autres coûts comprennent le
personnel non enseignant, les locaux et les bibliothèques. Cela compte
pour beaucoup moins dans la proportion du coût de l'enseignement au
niveau collégial. (16 h 15)
En conclusion, je pourrais dire que nous allons financer 82% du
coût total de l'enseignement dispensé à ces nouveaux
diplômés. En particulier, nous avons fait et ferons encore une
fois des efforts pour
faciliter dans l'immédiat les conditions d'apprentissage, par
exemple, par l'amélioration et la transformation des édifices
existants, ce qui est déjà commencé, par la location
d'espaces additionnels, par la conclusion d'ententes de services avec d'autres
institutions d'enseignement, par l'achat de mobilier nécessaire à
l'enseignement qu'il convient de dispenser et par les mises de fonds
nécessaires pour l'amélioration des services qui sont offerts
à un plus grand nombre d'étudiants. Je crois donc que,
là-dessus, nous avons déjà assumé nos
responsabilités et nous entendons continuer de les assumer de la
façon la plus intégrale et la plus adaptée possible.
Quant à l'autonomie des collèges, on semble craindre
beaucoup, de l'autre côté de la table, que l'État s'empare
de l'administration des collèges. Il y a parfois un langage
contradictoire. Parfois, on nous accuse d'intervenir trop tôt et trop
brutalement dans l'administration des collèges, comme on a pu le voir
à l'occasion du conflit d'Ahuntsic, et par ailleurs, à d'autres
occasions, on nous accuse de trop centraliser, d'infliger aux collèges
une foule de règlements qui les contraignent, qui les obligent à
passer à travers les fourches caudines du ministère et qui leur
enlèvent toute autonomie. Sur ce point, j'aimerais demander à Mme
la sous-ministre, Mme Michèle Fortin, de bien montrer où les
responsabilités du ministère se situent et quelle est la
très grande marge de manoeuvre laissée encore aux
collèges, que ce soit en matière pédagogique ou en
matière d'administration financière.
On sait que les collèges d'enseignement professionnel sont des
corporations régies par des conseils d'administration. Je pense qu'il y
a eu un certain nombre de commentaires concernant l'autonomie des
collèges, et la principale critique, dans le fond, qui résulte de
la réduction qu'on semble apercevoir de l'autonomie des collèges
vient en partie d'une réduction des sommes d'argent qui sont mises
à la disposition des collèges et aussi des règles qui sont
imposées par les conventions collectives. Je pense que, par rapport au
ministère, le collège est une corporation autonome. Le
ministère a une loi qui régit les collèges. Cette loi
détermine de façon précise et limite les pouvoirs du
ministre concernant les corporations. La capacité du ministre de
réglementer concernant les collèges est réduite à
quatre ou cinq objets qui sont déjà définis dans la loi,
et à l'intérieur de ce cadre, c'est le conseil d'administration
du collège qui prend les décisions.
Sur le plan pédagogique, les diplômes, au niveau
collégial, sont des diplômes d'État, c'est-à-dire
qu'un étudiant de niveau collégial qui obtient un diplôme
dans une discipline ou une spécialisation donnée, quel que soit
son collège, reçoit le même diplôme avec une garantie
de formation qui lui permet une mobilité à l'échelle de
l'ensemble du Québec. À l'intérieur de cela, la gestion
pédagogique du collège relève de l'établissement.
Et comme M. Laurin le disait tantôt, avec le nouveau règlement des
études collégiales et avec certaines propositions, nous tentons
progressivement de laisser au collège une plus grande marge de manoeuvre
dans la définition de ses programmes. Le projet de règlement des
études collégiales proposait en particulier la création de
programmes locaux, permettait le choix au collège d'un certain nombre de
cours pour adapter davantage la programmation provinciale ou nationale à
des besoins locaux.
Le collège a un pouvoir d'initiative en matière de
programmation. Je ne pense pas que les actions ministérielles, au
contraire, aient été vers une plus grande centralisation des
collèges. Je pense que la plus grande partie de ce débat
résulte de la conception d'un équilibre entre les
responsabilités de l'État vis-à-vis de l'enseignement
collégial, vis-à-vis du respect des droits des étudiants
et sa responsabilité concernant une formation de qualité à
laquelle vous faisiez référence dans votre texte et
vis-à-vis de l'autonomie des gestions locales d'assumer ces objectifs et
de les traduire sur le plan local par des politiques et des pratiques qui sont
particulières à chaque collège. Je pense que,
là-dessus, la position ministérielle n'a pas changé. S'il
y a une transformation et une évolution, c'est vers une plus grande
reconnaissance de la capacité des collèges d'innover et
d'expérimenter selon leurs besoins.
Le député de Marquette s'intéresse, avec raison, au
problème de l'accessibilité aux études collégiales,
particulièrement, comme il l'a souligné ce matin, dans les
régions excentriques ou les régions périphériques.
Je pense effectivement que, malgré que nous puissions nous
réjouir d'un accroissement de l'accessibilité aux études
collégiales dans les grandes centres urbains, il y a encore des retards
ou des délais dans les régions périphériques et du
rattrapage à effectuer. Nous sommes bien conscients du
phénomène. Je voudrais, quand même, souligner le fait que
l'adéquation entre la population des régions
périphériques et l'inscription au niveau collégial comme
au niveau universitaire ne sera jamais exacte ou parfaite. En effet, d'une
part, certains étudiants des régions périphériques
préfèrent aller poursuivre leurs études collégiales
dans des centres plus populeux, que ce soit à Québec, à
Montréal, à Chicoutimi, ou à Sherbrooke, pour des raisons
sur lesquelles nous pourrions faire des études et où la
pédagogie ne tient pas toujours toute la place - il peut s'agir de
goût personnel également, de motivation plus personnelle -
ou encore pour la raison que les collèges, même s'ils
comportent tous un nombre relativement élevé d'options
professionnelles ne les comportent pas toutes. Il est évident que, dans
certaines grandes agglomérations comme Québec et Montréal,
les étudiants peuvent trouver un nombre d'options beaucoup plus
élevé que dans leur propre région. Je pense, par exemple,
à l'École de pilotage qui a l'exclusivité de
l'enseignement du pilotage au Québec ou à l'enseignement en
contrôle aérien qui est réservé exclusivement au
Collège de Saint-Jean. Je pourrais aussi continuer pour beaucoup
d'autres options professionnelles, la marine, par exemple. Donc, il n'y aura
jamais une adéquation parfaite entre les inscriptions au niveau
collégial et la population. Ceci dit, cependant, nous constatons, nous
aussi, une demande accrue de la part des étudiants qui ont leur
certificat de secondaire V à poursuivre leurs études dans leur
propre milieu. C'est une demande qui nous vient des parents, mais c'est une
demande qui nous vient aussi des étudiants eux-mêmes et aussi, de
plus en plus, des adultes.
Par ailleurs, il est impossible de multiplier de façon
inconsidérée le nombre d'établissements collégiaux
au Québec. Comme le député le sait, il s'agit
d'investissements considérables non seulement sur le plan des
immobilisations, mais ensuite sur le plan du fonctionnement. Il y a aussi une
taille critique des collèges qu'il faut respecter, ne serait-ce qu'aux
seules fins de l'organisation pédagogique ou pour la qualité de
l'organisation pédagogique. Donc, il ne s'agit pas de multiplier
à l'infini, à la demande, les cégeps au Québec.
Nous en avons déjà 46, en plus des collèges privés.
D'aucuns disent déjà que nous avons atteint la limite en ce qui
concerne les collèges nouveaux.
Cependant, il y a d'autres méthodes qui peuvent être
considérées. Je prends, par exemple, celle qui est
déjà appliquée, à titre expérimental, par le
collège de Saint-Félicien, dans la région du
Lac-Saint-Jean, où une équipe du collège se déplace
pour aller dispenser de l'enseignement collégial à 250
kilomètres de Saint-Félicien dans la région de
Chibougamau. Il y a 45 élèves qui se sont inscrits dans une
première année à cet enseignement. L'expérience se
poursuit actuellement, nous en évaluerons les résultats et, si
les études devaient s'avérer positives, je pense qu'on pourrait
envisager l'extension graduelle de ce système des sous-centres
d'enseignement collégial dans certaines des régions
périphériques du Québec comme par exemple l'Abitibi ou
même la Gaspésie. Mais, actuellement, nous sommes justement en
train d'évaluer très sérieusement ces expériences
et de voir comment elles pourraient être améliorées en
tenant compte des contraintes financières très lourdes que nous
subissons actuellement.
Il n'y a pas que cette étude, il n'y a pas que cette
expérience en cours, nous continuons aussi de notre côté,
au ministère, à étudier tout le problème de la
décentralisation des enseignants, que ce soit dans la région du
Nord-Ouest, Amos, Chibougamau, Témiscamingue, de l'Outaouais, Maniwaki,
Mont-Laurier, des Îles-de-la-Madeleine. Les études auxquelles nous
nous livrons actuellement portent sur la clientèle, sur le type
d'enseignement, sur les coûts d'investissement et de fonctionnement, sur
les formules d'organisation pédagogique et administrative, sur les
impacts que pareilles organisations auraient également sur les
conventions collectives.
Je peux dire au député que nous allons bon train dans ces
études et qu'il est probable que nous les aurons en main à
l'automne 1982 et, par la suite, nous engagerons la réflexion sur le
plan d'action que nous pourrions nous donner, plan d'action qui devra tenir
compte des conclusions pédagogiques mais aussi financières
auxquelles nous en serons parvenus.
Quant aux compressions budgétaires, je sais qu'au fur et à
mesure qu'elles se répètent d'année en année elles
causent des effets de plus en plus difficiles à accepter pour la
population aussi bien que pour les collèges. Mais il reste que,
là aussi, nous avons tenté de réduire ces compressions de
façon à respecter l'accessibilité et la qualité des
enseignements. Contraints que nous étions à respecter les
conventions collectives également, il est bien évident que, d'une
façon inévitable, ces compressions ont dû porter sur la
partie du budget que ne couvrait pas les conventions collectives. Comme le sait
le député probablement, les salaires au niveau des
collèges comptent pour 85% des budgets, ce qui veut dire que, les
compressions ont dû s'effectuer dans le 15% restant. Voilà donc la
situation qui était la nôtre, ce qui veut dire que dans les
règles budgétaires que nous avons adressées aux
collèges, il s'ensuivait que les administrations collégiales
devaient effectuer les compressions compatibles avec l'enveloppe que nous leur
donnions dans cette zone compressible qui comprend le personnel non enseignant
qui n'a pas acquis sa permanence, qui comprend les services, qu'il s'agisse des
notes de cours, de la polycopie, des audiovisuels, qu'il s'agisse au fond de
tous les autres services avec peut-être une exception pour les
coûts liés à l'augmentation du prix de
l'énergie.
Je remarque aussi quand même que la convention collective dont
bénéficient actuellement les enseignants du collégial est
très contraignante et, par exemple, la mobilité des professeurs
entre les divers types d'enseignement est restreinte. C'est une autre
contrainte qu'il nous faut quand
même respecter mais qui peut être responsable, en tout cas,
de certains problèmes que connaissent les administrations
collégiales à l'heure actuelle. Pour faire le point d'une
façon plus précise sur ce sujet, je demanderais à Mme
Fortin de vous donner les détails.
Je pense que vous avez, dans votre cahier sur les crédits, aux
pages 36 et suivantes, les données financières concernant
l'évolution des coûts des budgets au niveau collégial pour
1980-1981, 1981-1982 et 1982-1983. Vous avez, à la page 40 - je ne la
lirai pas - une explication de l'évolution des coûts de ces
budgets et certains cas particuliers concernant les taxes de vente, la
contribution de l'employeur au régime d'assurance-maladie.
Il y a eu, en 1981-1982, une compression budgétaire de 1,5% de la
masse des autres personnels, de 14,2% des autres coûts et de 15,7% des
budgets spéciaux, pour un total de 18 600 000 $. En 1982-1983, le total
des compressions est de 8 800 000 $. Dans le fond, je pense que, sur le plan
des explications, le Dr Laurin a donné de façon assez
précise l'impact, en termes de conséquences, de ces
compressions-là sur la vie des collèges.
Nous pensons que l'essentiel a été respecté. Nous
avons réservé dans les budgets certaines sommes
particulières pour faire face aux croissances de clientèles
très considérables qui ont lieu dans certains collèges, en
particulier certains collèges de la région de Montréal et
de Québec, qui se sont vu donner des budgets spéciaux
supplémentaires pour pouvoir accueillir les clientèles.
Sur le plan de la formation à l'informatique où la demande
est très élevée et où le marché du travail
est très ouvert pour les diplômés, nous avons mis sur pied
un plan particulier pour permettre à tous les collèges offrant le
programme et qui acceptaient d'ouvrir des classes supplémentaires de
venir et d'obtenir des fonds additionnels en matière d'équipement
pour pouvoir accueillir la clientèle jeune et adulte qui désire
faire des études dans le domaine de l'informatique.
Dans le domaine des techniques de pointe dont vous parliez, nous avons
développé un certain nombre de programmes et nous avons, par
exemple en techniques physiques, autorisé un cégep de la
région de Montréal à travailler dans les programmes que
vous mentionniez ce matin.
Je pense que, du côté de l'enseignement professionnel et du
côté de l'accessibilité, nous avons sauvé
l'essentiel. Je ne dirai pas qu'il n'y a pas eu de contrecoups dans la vie
quotidienne des collèges. Je sais que les stationnements qui
étaient gratuits sont devenus payants pour les enseignants. Il y a eu
des choses de ce type-là, mais les entreprises de services se sont
davantage autofinancés et ça ne me semble pas fondamental en ce
qui concerne la population étudiante.
Si je peux me permettre un complément à la question de
l'accessibilité en région, je pense qu'il est important de dire
que, parmi les 5300 nouveaux étudiants que nous avons accueillis, la
croissance s'est faite également dans les centres urbains et en
région. Ce n'est pas une croissance localisée à quelques
collèges, c'est une croissance généralisée dans les
collèges, généralisée dans les régions, qui
est plus forte au secteur général qu'au secteur professionnel et
qui est plus forte chez les filles que chez les garçons.
Nous avons des prévisions qui nous indiquent que, l'an prochain,
le mouvement se continuera probablement avec les mêmes orientations et
nous sommes justement en train d'évaluer quelle est la part de cette
croissance qui est conjoncturelle et quelle est la part qui est liée
à des valeurs plus fondamentales et qui permettrait de s'assurer que ce
progrès de scolarisation résulte d'un mouvement à long
terme.
Je pense que le ministère devrait publier, d'ici à une ou
deux semaines, une analyse très détaillée du
phénomène de la croissance de la clientèle au
collégial et je pense qu'on pourrait la faire parvenir. Cette analyse
définit d'une façon très précise les
catégories, les cégeps, les programmes et l'orientation de ce
développement qui était imprévisible dans les faits parce
que, comme vous le disiez, le taux de passage au secondaire est demeuré
stable depuis cinq ou six ans, autour de 40 ou 41. Le taux de passage direct du
secondaire V au collégial I est passé à 44 et il semble se
maintenir et croître encore l'an prochain. C'est un
phénomène encourageant auquel nous devons apporter les solutions
appropriées sur le plan des investissements, des équipements,
etc.
J'ai accueilli par ailleurs avec plaisir les considérations et
opinions du député de Marquette sur la vie étudiante au
collégial. Je pense que ses préoccupations rejoignent les
miennes, je l'ai manifesté à plusieurs reprises. Je l'ai
manifesté non seulement en parole, à toutes les occasions que
j'avais de m'exprimer sur ce plan, mais également par des actes, par
exemple, en participant aux colloques organisés par les divers
organismes étudiants, en soutenant financièrement, pour la
première fois, l'organisme national des étudiants et en
travaillant concrètement avec eux à mettre sur papier une
problématique sur laquelle, ensuite, nous travaillerons pour en arriver
à une véritable politique de la vie étudiante. C'est
là un chantier qui a été très actif au cours de
l'année.
Un problème plus spécifique a été
soulevé récemment, par exemple, à l'occasion de certaines
contestations étudiantes, en
particulier, au collège de Lévis-Lauzon, mais aussi dans
d'autres collèges qui n'ont pas fait la manchette des journaux,
où les associations étudiantes existantes s'inquiétaient
de la réticence de certaines administrations à percevoir à
la source, désormais, la cotisation dont les associations ont besoin
pour mener leurs propres activités.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire à quelques reprises, la Loi
sur les collèges ne nous permet malheureusement pas d'obliger les
administrations collégiales à percevoir à la source ces
fonds. Pour pallier temporairement cette lacune de la loi, j'ai quand
même demandé, par une lettre aux administrations
collégiales, de continuer à percevoir à la source les
cotisations nécessaires à la poursuite des activités des
associations étudiantes et je pense pouvoir dire, en m'en
réjouissant, au député que la plupart des administrations
collégiales entendent continuer à percevoir ces cotisations
à la source.
Évidemment, ce n'est qu'un élément, ce n'est qu'un
volet d'une véritable politique de la vie étudiante, une
politique qui pose beaucoup de problèmes: d'abord, la reconnaissance
même des associations étudiantes, leur statut juridique, leur
capacité de négocier avec les administrations, la limite de cette
négociation, l'articulation entre les associations étudiantes et
les services des affaires étudiantes et, d'une façon plus
lointaine, avec les administrations collégiales elles-mêmes. Le
degré d'autonomie de gestion qui peut être confié aux
associations étudiantes dans la poursuite de leurs propres
activités, la participation des étudiants à
l'évaluation pédagogique, à la préparation des
programmes, à la dispensation des cours, à la confection des
plans de cours, il y a là une foule de problèmes qui
méritent un examen attentif. Comme je viens de vous le dire, cela a
constitué, au cours de l'année, un chantier très actif au
sein du ministère et nous sommes à la veille, je crois, d'en
arriver à la publication d'un énoncé de politique en ce
domaine. Pour être plus précis, je demanderais à M. Girard
de vous donner plus de détails.
En fait, il y a un premier document que nous avons analysé et qui
établit les modalités qui pourraient être proposées
pour ce qui est de la reconnaissance des associations étudiantes. Ce
document est actuellement repris pour tenir compte des différences qui
existent entre les niveaux. Les associations étudiantes ne peuvent pas
nécessairement avoir la même forme, la même reconnaissance
au niveau secondaire qu'au niveau collégial ou au niveau universitaire,
mais le document est actuellement repris dans ce sens et devrait pouvoir
être remis au ministre, au cours des prochaines semaines.
Vous aviez également souligné plus tôt un autre
problème, celui de l'adaptation des programmes aux
réalités économiques ou aux réalités
technologiques. On a eu l'occasion de parler, plus tôt ce matin, de
l'opération relance. Il en existe une pour le niveau secondaire, une
pour le niveau universitaire et une autre pour le niveau collégial.
À partir des résultats que donne l'opération relance et
qui nous indiquent à quel rythme les étudiants ont pu se placer
dans le secteur où ils avaient étudié, nous augmentons ou
nous diminuons le nombre des options professionnelles offertes dans les
différents cégeps et nous augmentons ou diminuons les
capacités d'accueil.
Il y a donc vraiment, à partir de l'opération relance et
rapidement dans le temps, une adéquation entre les différents
programmes professionnels qui sont offerts et les possibilités pour les
étudiants de se placer sur le marché du travail. Il y a
également une autre opération qui est en cours à la
Direction générale de l'enseignement collégial et qui
consiste à évaluer les différents programmes par familles
ou par secteurs de façon à adapter le contenu des programmes aux
réalités nouvelles. Il y a évidemment, bien sûr,
aussi des ouvertures de nouveaux programmes ou des ouvertures de nouvelles
options. Par exemple, pour ce qui est de l'informatique, il y a eu de
nombreuses ouvertures au cours de l'année qui vient de s'écouler
et il y en aura vraisemblablement de nouvelles au cours de l'année qui
vient étant donné la demande croissante des étudiants.
Récemment, le ministère a approuvé un programme de
technologie des systèmes ordinés qui a terminé sa phase
d'expérimentation et qui sera vraisemblablement offert dans plus d'un
cégep au cours des prochaines années. Le ministre a
également autorisé pour septembre 1982 l'implantation d'un
programme d'informatique dans deux nouveaux collèges, Sept-Îles et
Nord-Ouest, ce qui porte à 26 le nombre des collèges qui offrent
ce programme. Cela rejoint une demande qui avait été faite par
Mme Dougherty hier. Le ministre a également autorisé un second
collège à offrir le programme des technologies physiques à
partir de septembre 1984. À partir, de l'automne 1982-1983, le
ministère va entreprendre la révision des programmes
d'enseignement collégial de la famille de l'électrotechnique pour
tenir compte de l'arrivée de la robotique dans l'industrie. Donc,
efforts concertés, constants, de la part de la Direction
générale de l'enseignement collégial à partir des
outils que j'ai mentionnés pour adapter le plus rapidement possible les
programmes de l'enseignement professionnel aux besoins du marché du
travail et aux besoins des
étudiants.
Je pense ainsi, M. le Président, avoir répondu à la
majeure partie des préoccupations et questions du député
de Marquette à sa satisfaction, je l'espère.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Je ne serai pas long, non plus, parce que le
ministre a aussi répondu à mes préoccupations qui
concernaient le projet de règlement des études
collégiales. Je pense qu'il y a répondu en très grande
partie. II y a juste un point où je vais demander plutôt une
opinion au ministre. C'est un heureux précédent, une heureuse
initiative de consulter les associations étudiantes parce que cela les
touche directement, ce qu'on propose. La consultation a eu lieu. Vous dites que
vous avez reçu 20 dossiers sur une possibilité de 46
cégeps. Comment expliquez-vous - est-ce que vous attendez des
réponses des 26 autres - que finalement 20 aient répondu sur une
possibilité de 46?
M. Laurin: Nous avons, dans un premier temps, contacté les
organismes nationaux au niveau collégial pour leur manifester
l'impatience même que nous avions à avoir leurs commentaires sur
chacun des aspects du programme. Mais comme nous constations que, même
après cette tentative, nous avions peu de réponses, j'ai
rencontré à deux reprises des représentants de toutes les
associations étudiantes collégiales et je dois dire qu'elles ont
été présentes au rendez-vous une fois dans la
région de Québec et une fois dans la région de
Montréal et que nous avons à l'occasion de cette rencontre qui a
duré quelques heures échangé déjà beaucoup
d'opinions sur l'un ou l'autre des articles du premier projet qui était
en circulation. Déjà, je pense, ces deux consultations nous en
ont appris beaucoup et d'une façon très vivante sur les
préoccupations, les demandes des étudiants. Nous leur avons,
quand même, demandé de nous faire parvenir un mémoire
après avoir consulté les étudiants au niveau de leur
collège, pensant que peut-être ces mémoires contiendraient
des informations additionnelles et peut-être encore plus crédibles
du fait qu'elles nous parviendraient après consultation de leurs propres
commettants.
Il y a 46 collèges au Québec. Nous avons reçu
jusqu'ici entre 15 et 20 réponses. Il y en a peut-être encore qui
profiteront des prochaines semaines pour nous faire parvenir leurs opinions.
Mais si ces réponses devaient trop tarder, évidemment, nous
n'attendrions pas d'avoir en main les opinions des 46 associations
étudiantes de tous les collèges. Je pense, d'ailleurs, que nous
avons maintenant en main à peu près toutes les opinions qui
pouvaient s'exprimer de la part des étudiants. Je pense que nous en
connaissons assez maintenant pour pouvoir procéder. C'est la raison pour
laquelle je disais qu'il n'y avait plus de raisons de retarder davantage et
j'espère bien être en mesure de présenter un nouveau projet
de régime pédagogique au collégial avant la fin de cette
année. (16 h 45)
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: J'aurais une dernière question d'ordre
général mais, avant de passer à l'enseignement
universitaire, je crois que M. le député de Westmount aurait deux
questions précises. Une question?
Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le
député de Marquette, sauf qu'il y a d'autres
députés qui se sont inscrits. Prévalez-vous de votre droit
de parole et le député de Westmount viendra un peu plus tard.
M. Dauphin: Je m'excuse. D'accord.
C'est relativement à l'évaluation de l'enseignement. Je
crois que le ministre n'en a pas tellement parlé. Évidemment, je
ne lui ai pas posé de questions précises à ce niveau. Je
me demande si le ministre peut nous informer de la manière dont il
pourrait y avoir une amélioration de l'évaluation de
l'enseignement au niveau collégial.
M. Laurin: Je pense que, quand on parle d'évaluation de
l'enseignement, c'est relié de façon globale à des
politiques d'évaluation institutionnelle que devrait se donner chacun
des cégeps. L'évaluation institutionnelle comporte, bien
sûr, une évaluation au plan de l'administration, au plan de la
gestion financière. C'est toujours assez simple à
réaliser. Cela doit comporter un deuxième volet qui est
extrêmement important, c'est-à-dire une politique
d'évaluation des étudiants et, dans le nouveau projet de
régime pédagogique pour les études collégiales, il
y a des dispositions à cet effet quant à la
nécessité pour chacun des collèges de se doter d'une
politique précise d'évaluation des étudiants. Pour ce qui
est de la politique d'évaluation des enseignements, je pense que chacun
des collèges doit se donner une politique qui lui est propre. Par
ailleurs, le Conseil des collèges, qui a été
créé il y a deux ans, a reçu comme mandat celui de
contribuer à l'évaluation de l'enseignement qui se dispense dans
les collèges et le Conseil des collèges, si mes renseignements
sont bons, est à se donner des outils et est à la disposition des
collèges qui veulent faire appel à ses services.
Il y a aussi un rôle, bien sûr, du ministère. Je l'ai
mentionné tantôt en soulignant que par famille de programmes,
on
revoyait le contenu des cours pour être sûrs que le contenu
des cours et des programmes était adapté aux besoins nouveaux de
la science, de la technologie, aux nouveaux besoins sociaux et aux besoins des
étudiants. D'ailleurs, vous savez pertinemment que, lorsqu'on aborde la
question de l'évaluation des enseignements, on touche à la
question de l'évaluation des enseignants eux-mêmes et cette
question est abordée dans les dispositions de la convention collective
et précise ce qui peut être fait et ce qui ne peut pas être
fait. J'ajouterai par ailleurs qu'en vertu de la Loi sur les collèges le
directeur des services pédagogiques de chacun des collèges peut
demander au début de chaque année le plan de cours de chacun des
professeurs, ce qui est fait, et il appartient au directeur des services
pédagogiques d'évaluer ce que valent les plans de cours qui lui
sont donnés et d'intervenir auprès du directeur de
département s'il juge que les plans qui lui sont soumis sont
insatisfaisants. Je pense que l'on peut affirmer que, dans la plupart des
collèges, les directeurs des services pédagogiques remplissent le
rôle qui leur est dévolu par la loi et qui est confirmé
dans le régime des études collégiales.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Vachon. Il est absent. M. le député de
Westmount. M. le député de Rosemont.
M. Paquette: Avez-vous...
Le Président (M. Rochefort): Oui, oui, c'est fait. M. le
député de Westmount.
Le campus Héritage
M. French: M. le Président, le ministre n'est pas sans
savoir qu'un groupe d'étudiants et de parents anglophones et
francophones de la région de l'Outaouais attendent avec beaucoup
d'intérêt son verdict sur le destin du cégep de l'Outaouais
et plus particulièrement du campus Héritage dudit cégep.
Le ministre a décidé, après avoir agréé une
solution qui aurait plu, je crois, à la plupart des gens, de confier un
mandat d'étude à un comité qui s'appelle le comité
Caldwell, qui a maintenant rendu son rapport public. Ce rapport contient
quatorze recommandations qui, en somme, endossent le bon sens du ministre dans
sa première démarche dans le dossier, c'est-à-dire d'avoir
agréé l'affiliation du campus Héritage au collège
régional Champlain. Le ministre a dit aux médias qu'il allait
donner sa décision sur le dossier au début du mois de mai. Vu que
le comité Caldwell est d'accord avec la décision du ministre, on
doit s'attendre qu'il accepte toutes les recommandations du rapport Caldwell et
que les démarches nécessaires soient entreprises dans les plus
brefs délais. Est-ce que ces attentes seraient
réalisées?
M. Laurin: Le rapport Caldwell, par son contenu même,
montre qu'il était opportun de demander une étude additionnelle
avant de prendre une décision finale. J'ai félicité
moi-même les auteurs du rapport de l'excellent travail qu'ils ont fait.
Ce rapport est très instructif, non seulement sur la situation
spécifique du campus Héritage, mais également sur la
situation de l'enseignement collégial au niveau anglophone dans tout le
Québec, également sur la position ou la situation du
collège Champlain. Il y a des remarques qui ont retenu
particulièrement mon attention, je dois dire, qui m'ont même un
peu étonné, inquiété et même
scandalisé. Par exemple, je m'étonne qu'à la suite du
rapport Caldwell, la totalité des professeurs qui enseignent au campus
Héritage aient été recrutés en Ontario. C'est un
grand sujet d'étonnement et même de scandale de ma part.
Je m'étonne aussi que le rapport fasse état d'une
situation proprement inacceptable, que tous les étudiants qu'ils ont
rencontrés lors de leurs audiences étaient unilingues
anglophones, ne pouvaient pas s'exprimer en français. Le rapport
Caldwell signale une grave carence, une grave lacune dans l'enseignement du
français et dans l'enseignement de la culture et des institutions
québécoises dans le campus Héritage.
Il y a d'autres constatations aussi sur les difficultés de
fonctionnement du collège Champlain, du fait peut-être de sa trop
grande étendue, du fait qu'il est obligé de voir à une
saine gestion de campus séparés par des centaines et des
centaines de kilomètres. Les problèmes qui sont posés
là requièrent mon attention au-delà du règlement du
campus Héritage.
J'ai aussi constaté, à la lecture de ce rapport, qu'un des
campus du collège Champlain, celui de Québec, reçoit
près de 45% d'élèves francophones. M. Caldwell
s'étonne lui-même de cette situation. Il ne l'accepte pas. Il
recommande qu'on se penche davantage sur le problème au nom même
de la qualité de l'enseignement et aussi du devenir de l'enseignement
collégial anglophone.
Il y a donc beaucoup de considérations très utiles qui
sont faites dans ce rapport. Quant aux recommandations - il y en a 14 -elles
privilégient, bien sûr, l'intégration du campus
Héritage au collège régional Champlain, mais à
certaines conditions. Il faudrait revoir les lettres patentes en particulier.
Elles n'écartent pas non plus l'intégration possible du campus
Héritage au cégep de l'Outaouais, mais là aussi, à
certaines conditions, que ce soit par la
révision de lettres patentes du cégep de l'Outaouais, mais
surtout que ce soit une nouvelle méthode de financement du campus
Héritage, dans l'éventualité où il serait
intégré au cégep de l'Outaouais.
Le rapport ne tranche donc pas d'une façon catégorique
entre les deux hypothèses. Le rapport fait aussi état d'un besoin
d'intégration plus marqué du campus Héritage à la
vie culturelle de l'Outaouais et à la vie québécoise en
général. Il y a là des considérations et une
recommandation également sur lesquelles il faut se pencher.
Enfin, le rapport Caldwell nous recommande de poser certains gestes, en
vue d'une "autonomisation" de plus en plus marquée de la part du campus
Héritage vis-à-vis du collège, que ce soit le
collège Champlain ou le collège de l'Outaouais, auquel il devrait
être intégré.
Ce sont là des recommandations évidemment
intéressantes, mais également très importantes, surtout si
l'on se rappelle, si on tient compte du fait que ce campus se situe dans une
région particulièrement névralgique qui est celle de
l'Outaouais. Depuis, il est paru, aussi, une autre étude sous
l'égide du Conseil de la langue française qui fait le point de la
situation culturelle de l'Outaouais, et qui traite évidemment des pivots
institutionnels de cette vie culturelle, qu'il s'agisse de l'Université
du Québec à Hull, du cégep de l'Outaouais ou des
institutions scolaires aux niveaux primaire et secondaire, sans parler
évidemment des organismes culturels de la région.
C'est à la lumière de toutes ces recommandations que je
poursuis actuellement ma réflexion. Je dois vous avouer qu'elle n'est
pas terminée encore, mais que je ne la prolongerai pas indûment.
J'avais annoncé ma décision pour le début de mai, le
début de mai se poursuit jusqu'au 15 mai. La période de
l'étude des crédits m'empêche d'y consacrer pour le moment
l'attention que j'aimerais, mais j'espère bien quand même
respecter l'échéance que je me suis fixée,
c'est-à-dire celle du début de mai qui se poursuit jusqu'au 15.
Si jamais je devais retarder cette décision, ce ne sera sûrement
pas au-delà d'une semaine après le 15 mai, car je suis
très conscient qu'il faut apporter une réponse avant la fin du
mois, aussi bien au collège Champlain, au collège de l'Outaouais,
qu'au campus Héritage.
Quelle que soit la solution choisie, il est certain que le campus
Héritage devra conclure des ententes de service avec le cégep de
l'Outaouais pour l'utilisation de services dont ne dispose pas actuellement le
campus Héritage. Je dois quand même informer le
député qu'en attendant cette décision, nous avons
progressé. Par exemple, le campus Héritage, qui se plaignait
à bon droit de n'avoir pas les espaces requis, et surtout la
qualité d'espaces requis, verra maintenant ses voeux
réalisés puisqu'en cours d'année le ministère a pu
procéder à l'achat et à la réfection de locaux qui
sont actuellement en voie de terminaison et qui procureront aux
étudiants anglophones du campus Héritage des services de grande
qualité quant aux équipements et aux espaces dont ils avaient
grandement besoin. Je ne connais pas la date de la fin des travaux, je ne sais
pas si Mme Fortin le sait, mais je pense qu'au moins ce problème sera
réglé avant le début de la prochaine année
scolaire, pour la rentrée.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: J'ai l'impression d'avoir assisté à
l'éloge du contenu du rapport et à une hésitation pour ne
pas dire un rejet des recommandations du même rapport. Le ministre me
signale que non et, j'en suis très content.
Loin de moi le fait de vouloir endosser le document en Ontario des
professeurs du campus Héritage ni de l'unilinguisme anglophone ou
francophone qui ne peut que nuire à nos aspirations communes de vivre
ensemble ici au Québec. (17 heures)
Quant aux étudiants francophones dans un des campus du
collège Champlain, je ne voudrais pas déclencher un débat
là-dessus; je me contenterai de dire que ce n'est pas la faute des
anglophones de l'Outaouais. C'est un phénomène qui se situe tout
à fait ailleurs et qui n'a aucun vrai lien, d'après moi, avec le
destin du campus Héritage.
Je voudrais poser une question assez directe au ministre. J'ai les
quatorze recommandations du rapport Caldwell devant moi. Où, dans ces
quatorze recommandations, trouve-t-on l'hypothèse de
l'intégration du campus Héritage au cégep de l'Outaouais?
Si, comme le ministre le prétend...
M. Laurin: Dans les pages qui précèdent.
M. French: Ouais.
M. Laurin: Quand le rapport Caldwell fait l'analyse d'un
rattachement au collège Champlain ou au cégep de l'Outaouais, il
s'exprime, justement, sur le besoin "d'autonomisation" des collèges et
aussi sur les conditions qui ont empêché ou qui ont rendu
difficile la vie du campus Héritage dans le passé et qui
pourraient être améliorées dans le cas d'un rattachement au
cégep de l'Outaouais. Mais c'est vrai, je suis d'accord avec le
député que la recommandation principale aboutit à
recommander le rattachement au collège Champlain.
M. French: Je voudrais simplement souligner au ministre que, sans
une solution satisfaisante pour la clientèle principale en question,
c'est-à-dire les étudiants et les parents qui ont choisi le
campus Héritage, on ne peut pas s'attendre que le genre
d'intégration à la vie culturelle outaouaise, que le ministre
voudrait voir, soit accomplie. On ne peut pas s'attendre qu'en brimant les
prérogatives administratives et la liberté institutionnelle que
recherchent ces gens-là on va les encourager à participer plus
pleinement à la vie collective des Québécois dans
l'Outaouais.
Je souligne au ministre que son propre comité n'a pas
hésité, qu'il a été suffisamment convaincu du
bien-fondé de l'hypothèse de l'indépendance du campus
Héritage du collège de l'Outaouais et de son affiliation à
un autre collège régional de langue anglaise pour avoir
consacré quatorze recommandations à cette fin. Si le ministre
veut bifurquer ou rejeter ces recommandations-là, on compte qu'il le
fasse non pas parce que dans le contenu du rapport il y a certains autres faits
qui, dans certains cas, n'ont strictement rien à faire avec les
principaux intéressés; ils se situent dans une autre
problématique qui trouble le ministre à bon droit, mais cela n'a
strictement rien à faire avec les individus dont les
intérêts sont en question.
Je lui suggère que, dans la mesure où sa décision
est basée sur une série d'impressions qui coïncident avec
quelques préoccupations qu'il a eues toute sa vie et dans sa vie
politique en tout cas, elle me semble extrêmement difficile à
justifier quant aux principaux intéressés, encore une fois.
Ce n'est pas par des mesures essentiellement négatives, par des
mesures de facto prolongeant la loi 101 au niveau des cégeps - je le
répète, dans les faits et pas de jure - qu'on va régler le
genre de tensions et le manque d'intégration qui existent. C'est
plutôt par des mesures incitatives que par des mesures contraignantes que
l'on va réussir à le faire. Je pense que le cas du campus
Héritage est le cas parfait pour démontrer cette
hypothèse-là parce que le ministre va faire un laboratoire
d'intégration culturelle s'il essaie une intégration
forcée de nature institutionnelle qui va le satisfaire aux dépens
de certaines générations d'étudiants des deux
côtés. On ne pourrait pas le faire en les forçant, en
demandant de façon contraignante un comportement qui doit -c'est un mot
que le ministre aime beaucoup - évoluer plutôt qu'émerger
sur la base de changements essentiellement administratifs.
M. Laurin: Merci beaucoup pour cette opinion.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Vachon.
M. Payne: M. le Président, j'aurais trois questions
précédées de quelques commentaires touchant le
collège Dawson, le cégep Héritage et Concordia. Je vois
qu'il y a eu effectivement une question dans ce sens touchant le campus
Héritage. Le ministre a eu l'occasion de prendre connaissance de mes
préoccupations à plusieurs reprises depuis le début de ce
dossier. Je me réjouis de sa ténacité, de son
intérêt et de son sérieux à mettre sur pied le
comité d'étude Caldwell. Je pense que son jugement a
été bien justifié dans la rigueur de ce rapport.
Tout en étant fidèle avocat pour le maintien et le
développement culturel de l'anglophonie de l'Outaouais, je mettrais le
ministre en garde, encore une fois, afin qu'il prenne tout le temps
nécessaire avant de prendre une décision sur Héritage.
Personnellement, j'endosse - il le sait fort bien - les recommandations du
rapport Caldwell. Le ministre lui-même a eu l'occasion, à
plusieurs reprises, de se montrer sympathique à certaines
recommandations que lui-même avait proposées avant même la
formation de ce comité.
Cependant, je trouve aberrant que des enseignants soient engagés
par des collèges anglophones du Québec alors que nous avons un
grand nombre de mises en disponibilité. Je me demande si la FNEQ serait
enchantée de savoir que nous donnons la priorité d'emploi aux
Non-Québécois dans une situation semblable. Je pense que cela
devrait pris en considération.
Je me refuse à souscrire aux recommandations d'impatience du
député de Westmount. Je me souviens très bien - ma
mémoire est fidèle - que c'était justement la
ténacité et la patience de beaucoup d'intervenants, mais
principalement celles du ministre de l'Éducation, qui ont fait qu'on a
maintenant un campus permanent à Dawson. S'il y avait eu une
décision précipitée de prise il y a déjà un
an, je me demande si vraiment la décision du Conseil du trésor et
la décision du Conseil des ministres auraient été
exactement les mêmes que maintenant. C'est en épuisant toutes les
possibilités, en discutant avec tous les intervenants que nous avons
réussi cela.
Je vois d'ailleurs dans les crédits, si ma mémoire est
fidèle, à peu près 17 000 000 $ pour les
rénovations de Dawson. Peut-être une petite remarque: Je ne vois
rien là-dedans pour l'investissement en capital, c'est peut-être
ailleurs dans les crédits, à peu près 16 000 000 $.
Peut-être que c'est quelque part ailleurs.
En ce qui concerne Héritage, je ne veux pas reprendre les
discussions mais, personnellement, j'appuie les recommandations pour qu'on
puisse avoir une
affiliation avec le collège Champlain. Je veux dire en passant
que cela va poser beaucoup de problèmes d'ordre administratif avec le
campus Saint-Laurent, à Québec, avec le campus des Cantons de
l'Est, avec le campus de Saint-Lambert. Cela pose énormément de
problèmes pour la gestion de ce collège. Je m'inscris en faux
contre la recommandation du député de Westmount. Que le ministre
prenne son temps. J'espère bien quand même que sa décision
ira dans le sens d'une affiliation avec le collège Champlain.
D'ailleurs, je pense qu'il est important de respecter l'intégrité
linguistique d'une institution publique. C'est l'orientation du
ministère de l'Éducation depuis 20 ans pour que les institutions
francophones ou anglophones soient normalement en mesure de maintenir leur
intégrité linguistique.
Je reviens pour deux secondes sur la question de la bibliothèque
Concordia. À l'heure actuelle, Concordia n'a que 60%...
M. French: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Rochefort): Question de règlement,
M. le député de Westmount.
M. French: Si j'ai bien compris, le député de
Vachon veut aborder un sujet touchant le crédit des universités.
On n'est pas rendu là. Je ne sais pas si...
M. Paquette: II faudrait essayer d'y arriver le plus vite
possible, M. le Président.
M. French: Bien sûr, j'en suis à 100%. Dans ce cas,
je voudrais que...
M. Laurin: Une toute petite réponse technique, M. le
Président, pour la question du collège Dawson.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Laurin: Pour Dawson, ce que dit le cahier qui vous a
été distribué, c'est 16 000 000 $, mais c'est pour les
réparations et les rénovations. Le coût d'achat n'est pas
inclus. Il apparaît au plan des investissements et il est de l'ordre de
12 000 000 $. De toute façon, dans le cadre du plan d'investissements,
les investissements sont répartis sur le nombre d'années que va
prendre la totalité des rénovations.
M. French: C'était quoi, l'autre chose? Je reviendrai plus
tard au sujet de Concordia. Héritage, je pense qu'il y a 1 200 000 $
pour cette année. En réalité, nous avons
déjà, si on adopte les crédits dans quelques minutes,
franchi une étape assez importante. Je pense que la décision pour
le mois de mai, on devrait prendre cela avec un grain de sel et que, de toute
façon, cela n'affecterait en rien l'entrée scolaire pour cette
année. Je pense que c'est un point important.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Gaspé.
L'enseignement collégial aux
Îles-de-la-Madeleine
M. LeMay: Merci, M. le Président. C'est plutôt une
question d'information. M. le ministre, vous parliez tantôt de
régionalisation de l'enseignement collégial. Vous donniez
l'exemple de l'expérience pilote de Saint-Félicien-Chibougamau.
Il y a un secteur dans l'Est du Québec qui, actuellement, est
très délaissé, c'est le secteur des
Îles-de-la-Madeleine. Vous êtes sans doute au courant qu'il y a eu
une demande de faite afin qu'il y ait une aile du cégep de la
Gaspésie qui s'installe aux Îles dès l'automne prochain.
Est-ce que vous pourriez ou est-ce que ceux qui vous entourent pourraient me
donner des renseignements sur ce dossier parce que, pour les étudiants
des Îles, le transport est très coûteux, c'est très
pénalisant pour eux?
M. Laurin: Effectivement, j'ai été
sensibilisé à ce problème par le député de
Gaspé et évidemment aussi par la députée des
Îles-de-la-Madeleine. Nous avons déjà eu de longues
conversations à ce sujet. Au départ, je reconnais tout à
fait le bien-fondé de la demande, particulièrement quand on
considère la distance et le degré d'isolement des
Îles-de-la-Madeleine. Nous avons donc demandé à la
direction des études collégiales d'entreprendre à ce sujet
les études nécessaires et je demanderais à Mme Fortin de
nous faire le point là-dessus.
Oui, en fait, le dossier des Îles-de-la-Madeleine est
présentement à l'étude à la direction
générale de l'enseignement collégial. Il n'est pas le
seul. C'est qu'il y a le dossier de Chibougamau, il y a eu des demandes pour
l'Abitibi et, dans le fond, il y a plusieurs milieux qui sont arrivés
avec des projets de régionalisation de l'enseignement en région.
Le Dr Laurin a parlé tantôt d'un certain nombre de contraintes:
les conventions collectives, les coûts reliés à ces
projets. Nous devons les examiner de façon globale et en regard d'un
certain nombre de possibilités d'économie. Je sais que nous avons
avec le secteur de l'enseignement primaire et secondaire des discussions au
niveau des commissions scolaires pour voir si un certain nombre de commissions
scolaires ne pourraient pas, à l'intérieur de leurs
disponibilités, fournir des services administratifs, l'enseignement
collégial fournissant des services scolaires, un peu de la même
façon que l'enseignement collégial
héberge, dans un sens, des programmes d'enseignement secondaire
dans des secteurs professionnels spécifiques.
Il y a aussi, et on va probablement en parler tantôt, une
étude concernant l'enseignement à distance, l'utilisation des
médias et d'autres moyens d'enseignement qui viseraient à fournir
de l'enseignement aux régions éloignées. Ces
possibilités touchent l'enseignement primaire et secondaire et ont
toujours été envisagées dans la perspective de
l'enseignement aux adultes. Ce que nous tentons de faire, c'est d'explorer
jusqu'à quel point nous ne pourrions pas utiliser aussi les
possibilités de l'enseignement à distance pour fournir,
conjointement avec des cégeps dans des régions probablement plus
centrales, de l'enseignement déconcentré dans des régions.
Cette question est abordée de façon plus générale
qu'uniquement en fonction du problème des Îles-de-la-Madeleine et
aussi en tenant compte des diverses ressources existantes qui pourraient
être mises à contribution, non seulement dans le cadre même
de l'enseignement collégial. À partir de cela, nous allons
présenter une politique de l'accessibilité avec des aspects de
déconcentration des enseignements, en tenant compte de ces
différents facteurs. (17 h 15)
Le Président (M. Rochefort): Cela va? Le programme 5
est-il adopté?
M. Lalonde: Y a-t-il d'autres questions? Cela va? Adopté
sur division.
Enseignement universitaire
Le Président (M. Rochefort): Le programme 5 est
adopté sur division. J'appelle donc le programme 6. Avez-vous des
remarques préliminaires, M. le ministre?
M. Laurin: Très brèves, M. le Président. Je
voudrais simplement répondre à certaines affirmations du
député de Marguerite-Bourgeoys dans son exposé liminaire,
auxquelles je n'ai pas eu le temps, durant la période qui a suivi,
d'apporter les éclaircissements nécessaires. Le
député de Marguerite-Bourgeoys, dans son exposé liminaire,
s'inquiétait du sort des bibliothèques universitaires,
particulièrement dans cette période de compressions, et ses
propos permettaient de penser que la situation de ces bibliothèques
était catastrophique. Je voudrais le rassurer ici en lui disant que
l'ensemble des dépenses des bibliothèques a connu entre 1979 et
1981 un accroissement de 9,7%. Quant à l'achat des volumes, cet
accroissement a été de 14,9%, alors qu'il était de 10,2%
au chapitre des autres dépenses de fonctionnement. Au cours de toutes
ces années, la proportion des dépenses allouées aux
bibliothèques s'est maintenue à environ 4,5% du budget. Nous ne
possédons pas encore les informations pour l'exercice 1981-1982, compte
tenu que l'exercice financier n'est pas encore terminé; mais ce que nous
savons, d'après les informations qui nous ont été
transmises, c'est que la situation des bibliothèques universitaires est
loin d'être aussi catastrophique que l'a laissé entendre le
député, même si, cependant, le moment nous semble venu de
coordonner d'une façon plus rationnelle le développement des
bibliothèques universitaires, particulièrement dans la
région de Montréal. De cette façon, je pense que nous
pourrons compenser les développements plus lents de ces
bibliothèques universitaires par un aménagement plus rationnel
qui nous permettra de dépenser d'une façon plus judicieuse les
fonds que nous pouvons mettre à la disposition des
universités.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. M. le
député de Westmount.
M. French: Sur le programme 6, M. le Président. Pendant
que le ministre de l'Éducation se préoccupe d'une réforme
scolaire que personne n'a demandée et qu'il ne parvient pas
lui-même à expliquer, les universités
québécoises subissent sous son égide la pire crise de leur
histoire. Jamais fut-on témoin d'autant de pessimisme et
d'inquiétude de la part de la communauté universitaire, qu'il
s'agisse des étudiants, des professeurs, des employés non
enseignants ou des administrateurs. Après six ans de comités, de
commissions d'étude, de rapports, d'avis, de consultations,
d'assemblées, de discours savants, la situation des universités
est nettement moins saine et moins prometteuse qu'elle ne l'était
lorsque le Parti québécois a pris le pouvoir, c'est-à-dire
que la mauvaise administration pour laquelle ce gouvernement est maintenant
renommé, non seulement n'a pas épargné le système
universitaire, mais l'a affaibli plus que d'autres secteurs de par le choix
conscient du ministre, choix qu'il n'a jamais d'ailleurs expliqué.
Malgré les prétentions à cet effet, le ministre ne traite
pas les universités sur le même pied que d'autres institutions
éducatives. Loin de là. En effet, le ministre demande que les
universités qui touchent à peu près 15% du budget de
l'Éducation portent non moins de trois fois cette proportion des
coupures dans le domaine de l'éducation.
Je sais que le ministre s'est empressé, il y a deux jours, de
démentir cet argument. Je veux l'assurer qu'on serait tout prêt
à changer notre discours, mais ce n'est pas le Parti libéral du
Québec qui a inventé l'argument. Cela a été une
constatation faite par le président de la CREPUQ de l'époque, il
y a presque un an, M. Boulay, aussi par le
président de l'Université du Québec. Cet argument a
été endossé entièrement par la FAPUQ, la
Fédération des associations de professeurs d'universités
du Québec. Donc, si le ministre veut déposer ses calculs
là où les services de recherche respectifs du Parti
libéral, de la CREPUQ et de la FAPUQ peuvent les examiner, on serait
tout prêt à discuter de cette question. Jusque-là, on va
aligner notre discours sur le fait que le ministre a demandé aux
universités de porter plus que trois fois leur part du fardeau. La crise
des services publics au Québec est donc magnifiée pour autant
dans le cas des universités. Les étudiants et les professeurs
paient cher aujourd'hui l'incompétence, l'imprévoyance et le
manque de planification du gouvernement péquiste de la fin des
années soixante-dix.
On a trop souvent tendance à sous-estimer la valeur
extraordinaire que représente toujours le réseau universitaire
pour la société québécoise. Les finissants des
cégeps au Québec se trouvent devant un des plus grands choix de
cours, de programmes et d'institutions universitaires au monde dans deux des
langues les plus importantes au monde et avec des frais de scolarité
parmi les plus bas au monde. Sans vouloir dire qu'aucune amélioration ne
pourrait se faire en ce sens, il n'en demeure pas moins que les forces du
réseau universitaire, la liberté de choix, la diversité,
la qualité, le pluralisme et l'accessibilité jusqu'ici toujours
grandissante, représentaient des atouts formidables pour le
Québec.
Nos universités furent bâties sur les meilleurs
éléments des traditions académiques de la France, de
l'Angleterre et des États-Unis. Nulle part ailleurs au monde ne
pourrait-on trouver un système aussi ouvert, aussi diversifié,
aussi sensibilisé aux besoins régionaux et culturels, aussi
à l'image et au service de la société qui l'a fait
naître. C'est cet atout qui est menacé aujourd'hui pendant que le
gouvernement nous fait collectivement passer à la caisse, à
défaut d'avoir su comment compter lorsqu'il avait un
référendum à gagner.
Nous ne sommes pas encore saisis, en tant que société, de
l'ampleur des changements que le revirement de la politique universitaire du
gouvernement implique pour les universités. Le ministre ne s'est jamais
donné le trouble d'en parler franchement, non plus. La
vérité brutale telle que comprise par les administrateurs
universitaires, c'est que les exigences du gouvernement impliquent la
disparition d'un quart ou plus de l'activité universitaire actuelle au
Québec. Encore une fois, ce n'est pas une invention du service de
recherche du Parti libéral, mais plutôt des constatations de la
CREPUQ et de la FAPUQ.
Tout indique que le ministre essaie d'effectuer cette intervention
chirurgicale de la façon la moins visible possible. Qu'on compromette
ainsi l'excellence, les standards, la recherche, la qualité semble le
laisser tout à fait indifférent. C'est vrai que l'attaque du
gouvernement contre nos universités est terriblement cachée,
terriblement voilée. On va se réveiller, aux alentours de 1990,
conscients que notre système s'est métamorphosé, passant
d'un réseau universitaire de première classe à un
réseau de deuxième classe, sans avoir remarqué le
processus de dégénération et sans être capables de
préciser le moment où cette transition s'est faite.
Cela me fait penser à l'aristocrate français, fils
aîné d'une famille de fortune déclinante. Il lui fallait
sauver la face; alors le bonhomme vendait clandestinement à Londres tous
les cinq ans un Rembrandt ou un Bruegel de la collection familiale. Cela
suffisait pour continuer à se promener en Mercedes et pour recevoir avec
style et éclat. Les années passaient et l'héritage
fondait. Le château était toujours là et personne n'en
savait plus long jusqu'au jour où les domestiques furent renvoyés
en masse et la faillite déclarée.
C'est un peu cela que le ministre veut faire avec nos universités
québécoises. Il ne s'agit pas du train de vie d'un aristocrate,
mais de l'avenir d'une société. Au lieu des peintures qui seront
vendues en cachette, ce seront les étudiants qui verront la
qualité de leur éducation compromise, ce seront les jeunes
chercheurs qui ne feront jamais carrière comme professeurs, ce seront
les bibliothèques qui n'auront pas les livres et les revues
indispensables, ce seront les laboratoires qui n'auront pas le renouvellement
d'équipement nécessaire. Pourtant, les universités seront
toujours là et, de l'extérieur, on présumera que rien n'a
changé. La vérité sera tout autre dans les salles de
classe surchargées d'étudiants. La vérité sera tout
autre au sein du corps professoral vieillissant au fur et à mesure que
les jeunes se retrouveront incapables de se joindre à son rang. La
vérité sera tout autre parmi les chercheurs incapables
d'effectuer de la recherche de première classe à cause de la
dégénération de l'infrastructure des bibliothèques
et des laboratoires.
Non, il n'est pas possible que le ministre échappe dans
l'immédiat à la lourde responsabilité qui est la sienne
dans ce dossier, parce que les effets de la taxe gouvernementale sur les
universités grugent d'abord de l'intérieur mais, à la
longue, les résultats seront là au grand jour et tout le monde
les verra. Prenons à titre d'exemple les effets sur l'Université
Laval. C'est à remarquer que d'après les documents du
ministère préparés pour l'étude des crédits,
Laval est une des institutions les moins durement frappées par la crise
mais c'est
déjà bien assez comme on le verra. Je sais que le
sous-ministre adjoint a des raisons spéciales d'apprécier cet
exemple. Grosso modo, Laval doit couper 30 000 000 $ en trois ans. Cela se
traduit de la façon suivante. D'abord, la perte de la relève; au
cours des trois ans à venir, il y aura des coupures de 300 postes de
professeurs. La perte de l'infrastructure humaine, au cours des trois ans, il y
aura des coupures de 600 postes de non-enseignants. La perte de
l'infrastructure matérielle; le budget de la bibliothèque sera
coupé de moitié et des compressions semblables auront cours
partout ailleurs. La perte de l'excellence; le budget de la recherche sera
sabré de près d'un million de dollars. Tout cela dans une
université jugée par le ministère parmi les moins
affectées par les temps qui courent.
Imaginez les préoccupations des gens de Sherbrooke ou de
l'Université Concordia. Leurs institutions ont été
évaluées par le ministre comme étant profondément
atteintes par les mesures gouvernementales. Bien sûr, le ministre nous a
offert une espèce de simulacre de consultation, soit les petits
déjeuners au Ritz de novembre dernier où on a discuté un
peu de tout et de rien avec des intervenants fort variables et, dès la
mi-chemin du processus, largement absents. Imputer l'échec des ateliers
du Ritz uniquement aux difficultés financières du gouvernement,
ce serait trop facile. Enfin, la frustration découlait autant du manque"
de dialogue ouvert et réel avec le ministre que de la situation
pénible en soi. L'impact conjugué d'un ministre ratoureux et d'un
gouvernement cassé fait en sorte qu'il ne subsiste aucune confiance de
la part des intervenants universitaires. Comme l'a remarqué, il y a
quelques jours, le recteur de l'Université du Québec à
Chicoutimi, M. Gérard Arguin, le gouvernement qui demande à
l'Université du Québec de ne pas contigenter sur la foi de
certaines promesses du ministre est le même gouvernement qui recommandait
aux universités d'honorer les conventions collectives jusqu'à
tout récemment, où il exigeait qu'elles soient rouvertes.
D'ailleurs, l'Université du Québec est l'exemple parfait
de la confusion et des tiraillements internes occasionnés par les
sursauts de politique et le manque de leadership du ministre.
L'assemblée des gouverneurs de l'UQ a refusé d'accepter les
recommandations dûment déposées de reconduire le recteur de
l'UQAM à un nouveau mandat. Il suffit de dire que cette décision
n'a que très peu à faire avec les performances du titulaire
actuel du poste en question mais résulte plutôt du
désespoir à l'intérieur du réseau engendré
par le manque de ressources financières ainsi que par l'absence de
crédibilité du ministre et du gouvernement. Sans plus de
leadership de la part du ministre, on pourrait s'attendre que les relations
UQ-UQAM pourrissent davantage. Combien de temps peut-on accepter une situation
où dans l'assemblée des gouverneurs de l'Université du
Québec, et je cite le journaliste Jean-Claude Rivard dans le Soleil de
samedi dernier: "On a surtout peur que le ministère de
l'Éducation ne tienne pas promesse"? Cela en dit long sur l'état
des relations entre le ministre et le réseau. On nous dit que
l'ère de l'abondance est terminée, on nous dit qu'il n'y a plus
d'argent. On regrette la perte d'une génération de
professeurs-chercheurs, faute de "cash". On prétend qu'on a
procédé rigoureusement à toutes les économies
possibles, qu'il n'y a plus de gras. Mais qu'est-ce qu'on lit tout
récemment dans le Devoir du 3 avril 1982? Des bourses d'étude de
1200 $ pour des cours d'été à la Louisiana State
University. C'est certain qu'il faut parfois se rendre à
l'extérieur du Québec afin d'étudier les sujets importants
qui ne nous sont pas disponibles ici. Alors, quel est le sujet qui amène
l'État à dépenser pour envoyer des Québécois
en Louisiane? La technologie de forage de pétrole en haute mer? Comment
construire un stade couvert sans appauvrir la population à tout jamais?
Comment faire cuire les crevettes à la créole? Non, un sujet
beaucoup plus exotique que cela. Le contribuable québécois paie
des bourses d'étude pour envoyer des enseignants en Louisiane apprendre
l'anglais. (17 h 30)
Quelle ironiel Pendant qu'on paie ici pour réglementer
l'utilisation de l'anglais parce qu'il y en a trop, on paie une deuxième
fois pour envoyer les gens 2000 milles plus loin pour étudier ailleurs.
J'aime bien Zacharie Richard, M. le Président, mais je ne vois pas
pourquoi nos enfants doivent parler l'anglais comme lui.
Quant à cultiver les accents distincts, on serait aussi bien de
suivre l'élégant modèle du ministre des Affaires
intergouvernementales. C'est comme si on offrait une bourse aux enseignants du
français dans nos écoles anglaises pour un stage d'immersion
à Dakar ou à Port-au-Prince. Ce serait encore mieux si on
décidait comment apprendre à se parler ensemble ici même au
Québec.
M. le Président, le ministre nous a promis un plan
montréalais afin de mieux situer le développement des quatre
institutions universitaires de la métropole. On n'a rien vu jusqu'ici.
Le ministre s'était engagé à produire une nouvelle formule
de financement. On n'a entendu que des promesses et des
généralités à ce jour. Il y a, dans ces deux
éléments-là, les fondations requises pour une vraie
politique universitaire.
L'essentiel de l'université, cependant, ne demeure pas dans les
structures
administratives et les politiques. Il existe plutôt entre
professeurs et étudiants, entre chercheurs et problèmes,
c'est-à-dire dans une multitude infinie d'interactions personnelles et
intellectuelles à l'intérieur d'une communauté
dévouée aux idéaux de la protection et de la transmission
du savoir.
Il y a lieu de penser que cet idéal n'a pas encore
été remisé au Québec. On s'apprête à
le faire par indifférence, par incompétence et par
insolvabilité. Pour éviter le pire, cela prendrait des sacrifices
mutuels et un dialogue ouvert. Cela prendrait un leadership soutenu de la part
du ministre, plus de franchise de la part du ministre et, par exemple, qu'il
nous explique plus en détail quels sont ses plans et quelles seraient
les sources des fonds discrétionnaires de 4% ou de 5%, selon
l'interprétation des renseignements qui nous ont été
fournis avec les crédits. Qu'est-ce que le ministre s'attend de faire
avec cet argent, quelque 35 000 000 $ à 45 000 000 $, 4% des
dépenses de base telles que décrites dans le document, des fonds
que le ministre va utiliser pour renflouer les bases de financement des
universités ou pour mieux équilibrer le système de
financement?
Comment le ministre expliquerait-il la démarche qu'il a
entreprise, il y a maintenant une semaine ou dix jours, pour rencontrer les
administrateurs universitaires quant à l'ouverture des conventions
collectives? Pourrait-il déposer le document de base qu'il a
laissé aux administrateurs universitaires? Pourrait-il nous expliquer
précisément quelles sont ses attentes face à cette
démarche? Pourrait-il expliquer, dans le contexte de l'ouverture des
conventions collectives des professeurs, quelle politique il adoptera quant aux
professeurs des universités telles que McGill ou d'autres
universités et d'autres institutions où les professeurs ont
déjà, sans l'encouragement du ministre, décidé de
faire certains sacrifices mutuels quant à leurs augmentations de
salaires pour sauver les postes, pour aider leurs institutions à se
débrouiller? Est-ce que ces professeurs qui ont déjà fait
ces sacrifices à McGill et ailleurs seront pénalisés
autant par le gel ou est-ce qu'il y aurait une prime d'équilibre de
disponible?
Le ministre pourrait-il nous expliquer quels sont ses plans pour
l'Université de Sherbrooke, et surtout pour la faculté de
médecine où les effectifs sont menacés d'une telle
façon par l'austérité financière qu'elle se trouve
en danger de perdre son accréditation? Pourrait-il nous expliquer
quelles sont ses attentes dans les rapports qu'il demande aux
universités anglophones quant à leur participation à la
collectivité et à la vie culturelle du Québec, telle que
décrite dans les documents?
On aurait beaucoup d'autres questions, M. le Président. Mais,
pour le moment, tout cela pour dire que je pense que la communauté
universitaire du Québec, autant que l'Assemblée nationale, attend
du ministre un peu plus de franchise, un peu plus d'honnêteté face
aux vraies implications des démarches du gouvernement dans le domaine
universitaire.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord
répondre au député de Marguerite-Bourgeoys qui
s'inquiétait que la situation budgétaire actuelle nuise au
développement du secteur informatique. On a déjà
donné la réponse pour le niveau collégial, on a dit que 26
collèges dispensent actuellement un enseignement en informatique. Aussi
au niveau universitaire, j'aimerais l'informer que le ministère
prépare actuellement, dans le cas des actions structurantes, une action
en vue de doter la région de Montréal d'un centre de recherche et
de gestion en informatique. J'ai l'intention de demander, dans les prochaines
semaines, un avis sur ce point au Conseil des universités.
M. Lalonde: Je remercie le ministre. Je me faisais l'écho,
il le sait, du Conseil supérieur de l'éducation sur cette
question.
M. Laurin: Dans les 25 minutes qui me restent, je n'ai ni le
temps ni l'intention de répondre à la diatribe du
député de Westmount qui ressemble plutôt à une
bouillabaisse ou à une salade niçoise où plusieurs
éléments de nature variable nagent dans un liquide qui ne les lie
pas trop. Je ne crois pas que la multiplication des épithètes
négatives ou que l'enflure verbale constitue un substitut pour un
raisonnement qui se voudrait cohérent et logique. En conséquence,
je laisserai de côté la plus grande partie de ce discours pour
essayer plutôt de m'arrêter aux quelques éléments
solides qu'il contient.
Le député de Westmount fait état de son pessimisme
et de son inquiétude en ce qui concerne les compressions qu'il assimile
souvent à des coupures budgétaires dans le réseau
universitaire. Je voudrais simplement lui signaler que, dans les autres
provinces, les compressions ou les coupures se sont effectuées
déjà depuis une longue période, particulièrement en
Ontario. Le Québec ne fait que suivre ce mouvement et avec un certain
retard. Non seulement cela, mais le secteur universitaire n'a vu ses
crédits comprimés ou coupés que longtemps après les
compressions qui se sont effectuées aux secteurs primaire, secondaire et
collégial. C'est peut-être ce qui explique que les compressions ou
les coupures, si le député préfère, ont paru plus
marquées puisqu'elles sont survenues plus tard. Même au moment
où on se parle, ces compressions ou ces
coupures sont de loin inférieures à celles qui sont
effectuées dans d'autres provinces.
La raison est bien simple, c'est que nous sommes tous conscients qu'au
niveau universitaire, nous avions un rattrapage à faire et la
collectivité québécoise y a longtemps consacré une
partie considérable du budget de l'éducation. Il est vrai que la
méthode qui a été choisie avant que j'arrive au
ministère, qui consistait à ne pas indexer des masses salariales,
a pu paraître difficile à accepter, d'autant plus que dans les
autres secteurs, l'indexation est inscrite dans des conventions collectives que
nous avions signées, alors qu'au niveau universitaire, ce n'est pas le
gouvernement qui signe les conventions collectives.
Il me fait plaisir de dire au député de Westmount que,
dans la préparation du budget actuel, j'ai pu obtenir de mon
collègue des Finances et de mon collègue du Conseil du
trésor une indexation des masses salariales au plan universitaire qui
met, cette fois, après une année, les universités sur le
même pied que les autres réseaux et que ceci se traduira par une
augmentation marquée des crédits dont pourront
bénéficier les universités.
Le député répète encore que le secteur
universitaire a connu un pourcentage de compressions ou de coupures beaucoup
plus élevé que la part qui lui revient dans le budget du
ministère de l'Éducation. Je lui répète que c'est
faux. Il est possible que cette affirmation ait été faite par
d'autres personnes que le député de Westmount. Le
député a mentionné le président de la
conférence des recteurs, mais il est bien possible que les statistiques,
que les chiffres sur lesquels s'appuyait alors le président de la CREPUQ
étaient incomplets. Je demanderais à Mme Fortin de faire le point
une fois pour toutes sur ce sujet en donnant au député tous les
chiffres et tous les faits qui lui permettront de se faire une opinion, en
même temps que je lui demanderais de répondre à son
assertion sur les 4% du budget que nous consacrerions à des mesures qui
ne sont pas tout à fait opportunes.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: Est-ce que je pourrais suggérer que le
sous-ministre adjoint ou le ministre dépose le document sur les calculs?
On pourrait le distribuer pour gagner du temps.
M. Laurin: Oui, mais je pense que cela justifie plus qu'un
document, M. le Président. Il y a des explications qu'un document ne
saurait donner et il nous fera plaisir d'assortir les commentaires qu'il nous
apparaît nécessaire de faire du dépôt du document
dont parle le député.
Nous allons déposer le document. Le chiffre ou le pourcentage de
50% est sorti de la CREPUQ vers le mois d'août de l'an dernier et
concerne les crédits de 1980-1981. À cette époque, ils se
basaient sur des estimations approximatives du niveau de coupures à
l'université et du niveau de coupures dans l'ensemble du
ministère de l'Éducation. Dans l'ensemble, il est juste de dire
que, proportionnellement, la part du budget universitaire a été
davantage coupée en 1981-1982 que sa part dans l'Éducation. Mais
la coupure ou la compression n'était pas de 90 000 000 $ sur 160 000 000
$, comme on l'a cru alors, mais de 66 000 000 $ sur 223 000 000 $,
c'est-à-dire de l'ordre de 29%, par rapport à l'ensemble des
compressions dans les autres réseaux et non à l'ensemble du
budget de l'Éducation.
Si on traite maintenant des crédits de 1982-1983, la croissance
du revenu universitaire est revenue à peu près au niveau des
autres réseaux d'enseignement, toutes les considérations
étant faites, toutes choses étant égales, par ailleurs.
Sur le plan de la répartition, il est exact que nous avons retenu une
certaine somme que vous qualifiez de discrétionnaire et dont l'usage a
été clairement expliqué aux universités. Nous avons
fait une demande d'avis sur les règles de répartition au Conseil
des universités et nous attendons un avis ces jours-ci.
Ces sommes concernent en particulier quatre choses. La première,
c'est une somme qui vise à payer les clientèles acceptées
dans les universités pour les années antérieures à
1982-1983 selon l'ancienne formule de financement des clientèles dont
nous proposons de nous retirer et pour laquelle nous ne voulons pas
pénaliser les universités qui ont déjà
accepté des étudiants sur cette base. La deuxième, c'est
un prélèvement pour financer un certain nombre de variations de
la clientèle nouvelle de 1982-1983 selon des nouvelles règles que
nous avons proposées.
Le troisième élément, qui concerne une somme de 10
000 000 $, est un montant qui est mis sur la table pour amorcer plus rapidement
que les études techniques ne nous le permettraient maintenant
l'implantation d'une nouvelle formule de financement. Des documents techniques
préliminaires ont déjà été transmis aux
universités concernant l'état de leur base actuelle par rapport
à des coûts moyens/réseaux. Nous rencontrons
présentement chacun des établissements pour réviser ces
bases et discuter des paramètres de la nouvelle formule. Vers l'automne,
nous comptons rencontrer collectivement les universités et demander un
avis au Conseil des universités sur une nouvelle formule de financement
et ces 10 000 000 $ devraient être appliqués comme une
première phase de l'application de la nouvelle formule de
financement dont vous nous parliez tout a l'heure.
Le quatrième élément du montant
discrétionnaire, comme vous l'appelez, c'est une somme qui est globale
que nous réservons toujours dans le budget du ministère et qui
sert à payer des choses comme les loyers, certains
éléments qui sont des factures ad hoc et qui ne sont pas dans
l'enveloppe de fonctionnement des universités avec un taux de
croissance, mais qui sont financés sur dossiers. Il y a une somme
considérable pour les universités qui paient des loyers. Les
montants consacrés au fonds de développement pédagogique,
au financement des stages, à l'école du barreau et à un
certain nombre de ces choses-là sont toujours financés à
même l'enveloppe. Ils ne sont jamais distribués en début
d'année aux universités, elles sont probablement comprises dans
les sommes de 4% ou 5% dont vous parliez tantôt. (17 h 45)
La qualité des universités québécoises fait
sûrement consensus. Il n'en demeure pas moins que les universités
connaissent, malgré cette qualité, des problèmes auxquels
il importe d'apporter des solutions. Ces problèmes ne sont pas que
financiers, donc ne sont pas que liés à la conjoncture
présente. Ils sont également liés à la
pédagogie, à l'"accountability", c'est-à-dire à
l'imputabilité à la collectivité des services proprement
universitaires dont cette société a besoin. Ils sont liés
également à ce que l'on connaît de la vie étudiante
qui s'y mène. Ils sont liés aussi à l'organisation de
l'enseignement sous les formes que l'on connaît actuellement et c'est la
raison pour laquelle le gouvernement avait formé une commission
d'étude sur les universités dès 1977. Le temps qu'a mis
cette commission à étudier ces divers problèmes, la
longueur, la variété de ses recommandations montrent bien que nos
universités n'avaient pas que des problèmes financiers.
C'est dans la foulée de ces recommandations que nous avons
étudié le plan d'action qui pourrait apporter une solution
à ces divers problèmes. Les ateliers que nous avons tenus en
novembre 1981 se situaient dans le prolongement de ces recommandations, aussi
bien que des recherches et des études que nous avions menées
à la suite du dépôt des recommandations.
Ces problèmes existent, il n'y a aucun doute et nous en avons
identifié quelques-uns qui nous paraissent plus immédiatement
solubles et dont l'importance s'avère d'une façon plus
significative. Par exemple, il est évident que la méthode
d'organisation que nous connaissons actuellement pourrait être
améliorée et de par son amélioration elle-même
pourrait conduire à une utilisation plus judicieuse des ressources que
nous possédons.
Je ne parle pas seulement des ressources financières, mais
également des ressources humaines que nous possédons. Nous
continuerons à étudier ces diverses solutions en concertation
avec le milieu, comme nous avons commencé à le faire lors des
réunions assez fréquentes que nous avons avec les recteurs et au
cours de comités de concertation qui se tiendront sur une base
régionale.
Le député voudrait que nous en arrivions à des
résultats immédiatement, mais pourtant il est bien difficile, M.
le Président, lorsque nous avons rencontré pour la
première fois les universités le 26 mars dernier, d'en arriver
immédiatement à des conclusions. Il faudrait bien que nous
continuions à tenir pendant quelque temps ces réunions pour
étudier d'une façon concertée des problèmes aussi
concrets que la politique d'admission, que la coordination des
aménagements et des fonctionnements de bibliothèques, que la
rationalisation des programmes de premier et de deuxième cycles - je
pourrais continuer durant longtemps - avant que nous puissions en arriver de
façon concertée à des conclusions qui nous permettraient
d'atteindre cet objectif de faire plus avec moins, c'est-à-dire de
continuer à faire les efforts nécessaires pour atteindre nos
objectifs d'accessibilité, de démocratisation et de rattrapage
à l'intérieur des contraintes budgétaires nouvelles qui
sont les nôtres.
Donc, je demande un peu de patience au député à cet
égard. Je partage d'un certain point de vue son impatience, mais on ne
peut quand même pas aller plus vite que le train et, au nom même du
respect de l'autonomie des universités dont parlait le
député, je pense qu'il sera le premier à nous encourager
à rechercher, avec les universités, les solutions les plus
appropriées aux difficultés qu'a mises en évidence la
commission Angers.
Je suis d'accord avec lui que certains problèmes immédiats
se posent à notre attention, comme, par exemple, celui de la
relève au niveau du corps professoral. Il se pose d'ailleurs aussi au
niveau secondaire, au niveau collégial même. Il est évident
qu'il faudra se pencher sur ce problème, que ce soit au moyen de notre
politique de l'enseignement supérieur ou que ce soit au moyen de notre
politique de recherche. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le budget
prévoit, l'an dernier aussi bien que cette année, un
accroissement des bourses de recherche.
Quant aux classes surchargées, je ne suis pas sûr que cela
s'applique dans tous les cas. Si l'on compare la situation des
universités québécoises avec celle de nos voisins et des
États-Unis, on constate que, dans les récentes années, nos
classes avaient un nombre d'étudiants inférieur à celui
que
connaissent nos voisins. Faut-il rétablir la situation? Faut-il
augmenter le nombre d'élèves par classe et ainsi augmenter
d'autant la productivité et diminuer d'autant les charges
financières à ce chapitre pour pouvoir les répartir dans
d'autres secteurs? C'est là effectivement une solution que nous
étudions, encore une fois, en concertation avec les divers agents
universitaires.
Quant aux laboratoires et aux bibliothèques, je ne sache pas que
nos universités manquent actuellement de laboratoires. L'effort
considérable consenti par les divers agents subventionnaires, dont le
gouvernement fédéral, au niveau des projets de recherche, et
l'effort considérable fait par le gouvernement du Québec au cours
des dernières années pour procurer aux universités les
infrastructures dont elles avaient besoin pour leurs projets de recherche aussi
bien que pour l'enseignement, montrent bien que la situation n'est pas aussi
grave, alarmante, en tout cas, que le signale le député.
Je ne dis pas qu'il ne faille pas accroître ces laboratoires,
améliorer leurs infrastructures, mais il ne faudrait le faire
qu'à bon escient, dans les programmes nécessaires, indispensables
à la poursuite d'un enseignement universitaire diversifié, en
conformité avec les besoins du Québec, et il faudrait le faire
aussi en utilisant au maximum les ressources que nous possédons
actuellement. J'ai parlé des bibliothèques et, là aussi,
nous espérons quand même que, par cet effort de coordination qui
est actuellement mené auprès des universités
montréalaises, nous en arriverons à des résultats
intéressants.
Le député a aussi parlé du cas de plusieurs
universités: Laval, Sherbrooke. Il aurait pu parler de Concordia, de
l'UQAM. Nous aurions beaucoup de choses à dire sur chacune de ces
universités car nous avons demandé à chacune de nous
fournir son plan d'équilibre budgétaire pour les trois prochaines
années. Le député peut être sûr que nous les
étudions avec non seulement toute la rigueur, mais également
toute l'attention que nous portons au développement nécessaire de
chacune de ces universités. Mais je pense que le moment n'est pas venu.
Je veux simplement le rassurer, cependant, pour l'Université de
Sherbrooke; il n'est pas question de fermer la faculté de
médecine de l'Université de Sherbrooke. Dans le plan
d'équilibre et le plan de développement que nous
commençons à discuter avec les autorités de cette
université, nous pensons à d'autres méthodes qui, tout en
améliorant la situation, permettront de garder à
l'Université de Sherbrooke sa faculté de médecine parce
qu'elle correspond à des besoins régionaux.
Je pense que je vais m'en tenir là pour le moment pour laisser la
chance, durant les dix minutes qui viennent, à d'autres
intervenants.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: Pourrais-je demander au ministre de nous dire
brièvement ce qu'il avait entrepris avec les administrateurs
universitaires quant aux conventions collectives des professeurs et serait-il
prêt à déposer le document qu'il a laissé aux
administrateurs, à ce moment-là, pour que tous puissent en
prendre connaissance?
M. Laurin: D'accord. J'ai rencontré les recteurs des
universités il y a maintenant deux semaines et, la semaine
dernière, les représentants de la Fédération des
associations de professeurs d'universités du Québec. Au cours de
ces rencontres, j'ai déposé le document qui avait
été déposé par le coordonnateur des
négociations, M. Lucien Bouchard, aux représentants des centrales
syndicales, c'est-à-dire une proposition de gel des salaires, une
proposition modulée, de gel modulé pour ceux qui gagnent entre 16
500 $ et 37 000 $ et de gel total au-delà.
Ce que j'ai dit aux recteurs au moment de la rencontre, c'est que
c'était une proposition qui avait été faite par le
gouvernement pour l'ensemble des syndiqués des secteurs public et
parapublic. Comme le budget des universités émargeait au budget
de l'Éducation, nous considérions les universités au
même titre que le réseau collégial ou le réseau
primaire secondaire quant à la participation des universités
à un gel éventuel des traitements. Nous avons demandé aux
recteurs des universités de rencontrer les représentants de leurs
différents syndicats, ce que les universités ont fait, et
à la suite des rencontres qui ont eu lieu entre les universités
et les syndicats, les représentants des syndicats d'enseignants ont
demandé à nous rencontrer, nous leur avons expliqué dans
quel contexte la démarche avait été faite et nous leur
avons déposé le document qui est public sur la proposition de gel
des salaires et sur la modulation que comprend cette proposition.
M. French: Comment un tel document qui est rédigé
pour les travailleurs syndiqués de la fonction publique et qui sont
présents à la table ronde, pourrait-il servir de base pour une
négociation "arm's length" entre les administrateurs et leurs propres
professeurs? Il me semble un peu difficile de demander une réaction
comme ça, si le premier ministre avait si bien dit tantôt, dans le
discours un peu drôle que nous tient le gouvernement, qu'ils n'avaient
pas signé ces documents, qu'ils n'étaient pas partie aux
conventions collectives. Par contre, par
l'entremise de la formule Parizeau, ils étaient présents
et c'est une espèce de difficulté à laquelle il faudrait
faire face à un moment donné.
M. Laurin: J'ai bien expliqué, à ce moment, qu'il
s'agissait d'une proposition dans le même sens que la proposition avait
été faite aux représentants des centrales syndicales en
soulignant que s'il y avait un gel des traitements éventuellement, le
gel devait s'appliquer de façon uniforme à tous ceux qui
émargent au budget de l'État. Dans la même foulée,
il y avait eu une rencontre avec les différents représentants des
différentes associations-cadres du réseau primaire-secondaire et
du réseau collégial où on a fait la même
proposition. On voit difficilement comment une proposition semblable
étant faite pour le réseau primaire-secondaire et pour le
réseau collégial, la proposition ne serait pas faite pour le
réseau universitaire qui est subventionné à au-delà
de 90% par le gouvernement et qui totalise pour l'année qui vient un
budget de 984 000 000 $. Mais il s'agissait d'une proposition qui a
été déposée et sur laquelle nous demandions une
réponse à la fois des universités et par les
universités, une réponse de chacun des syndicats qui existe dans
chacune des universités.
Nous avons, par ailleurs, eu l'occasion d'expliquer au cours des
échanges qui ont suivi comment nous appliquerions, si cette formule
était finalement adoptée par le gouvernement, au réseau
universitaire en prenant bien soin de souligner que là où les
universités avaient déjà fait des efforts, que là
où il y avait déjà eu des ententes qui étaient
intervenues entre leurs syndicats ou leurs associations pour limiter les
augmentations de traitements, les universités ne seraient
évidemment pas pénalisées deux fois, que l'on tiendrait
compte des économies qui pourraient être faites de cette
façon.
M. French: Vous tenez compte des sacrifices que les professeurs
de McGill et certaines autres unités sur d'autres campus ont
déjà faits.
M. Laurin: Sûrement.
M. French: Merci beaucoup.
M. Paquette: M. le Président, si vous me le permettez, il
est presque 18 heures, de notre côté, deux de mes collègues
ont chacun une brève question à poser. On pourrait
peut-être s'accorder au maximum cinq minutes, et adopter les programmes 6
et 9. On a l'assurance du leader du gouvernement d'une autre période
à laquelle on pourrait ajourner nos travaux et, lors de la reprise qui
serait probablement le mardi matin, 18 mai, nous pourrions étudier les
programmes 7 et 8 et ensuite les crédits de l'Office de la langue
française, soit le programme 11.
Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il consentement? M. le
député de Vachon.
M. French: M. le Président, mes préoccupations
concernent l'Université
Concordia et particulièrement le problème de la
bibliothèque. On sait que l'université n'occupe que 60% de ses
espaces physiques, et que la bibliothèque occupe à peu
près 35%. Il y avait une proposition émanant de
l'université depuis longtemps, elle est maintenant plus concrète,
à savoir que l'université devrait acquérir,
peut-être qu'elle l'a déjà acquis, le Royal George,
à Montréal, pour l'aménagement d'une bibliothèque.
L'Université McGill, à cet égard, possède deux fois
plus que les normes en vigueur au Québec. (18 heures)
Je pense que la proposition de la part du Concordia est à savoir
que le gouvernement du Québec devrait contribuer à peu
près 6 000 000 $ répartis comme suit: 5 000 000 $ de la part du
ministère de l'Éducation et, à cause du fait que le Royal
George était considéré, pour la façade,
d'intérêt culturel, 1 000 000 $; 6 000 000 $, donc, en tout. Par
contre, je pense que nous sommes tous, les parlementaires, de plus en plus
sensibles, justement, au principe opérationnel de faire plus avec moins
et je pense que ça devrait être un bon exemple où les
ministères pourraient encourager davantage les deux institutions, McGill
et Concordia, à se mettre ensemble. Tout en étant très
sensible aux demandes spécifiques de Concordia, et en reconnaissant le
fait que les orientations de Concordia sont plutôt pour le premier cycle
et celles de McGill pour le deuxième et troisième,
personnellement, je pense qu'on ne devrait peut-être pas trop
écouter les arguments émotifs qui émanent
particulièrement de la communauté anglophone, suggérant
que nous sommes menacés culturellement et linguistiquement. Moi, je
considère qu'on devrait pousser davantage les deux parties à
s'intéresser à l'utilisation maximale de leurs espaces. Bref, ma
question vise à savoir de la part du ministre, où en sont rendues
les discussions. Est-ce que c'est bien avancé?
M. Laurin: Nous avons effectivement en main une proposition
à la fois complexe et intéressante de l'Université
Concordia. Il ne s'agit plus seulement de construire une bibliothèque,
mais également de procurer à l'université des espaces
additionnels pour loger certains services. Nous avons aussi une proposition de
financement en vertu de
laquelle le ministère paierait sous forme d'investissement
initial ce qu'il ne serait plus appelé à payer du fait du
déménagement de certains services périphériques
dans les nouveaux locaux. C'est une proposition astucieuse et
intéressante. Et, en même temps, on la considère en
fonction d'un autre paramètre, celui d'une utilisation plus judicieuse
par la clientèle universitaire anglophone de toutes les
bibliothèques anglophones de l'île de Montréal de niveau
universitaire. On sait que la bibliothèque universitaire de McGill est
très bien pourvue; on sait que ses espaces sont même
supérieurs aux normes prévues par nos plans d'équipement.
L'Université McGill le reconnaît, d'ailleurs; elle est prête
non pas à sacrifier, mais à consentir à des discussions
pouvant mener à un aménagement différent de ses espaces,
par exemple, à un aménagement qui lui permettrait de loger dans
un sous-sol structuré à cette fin certaines collections. Mais il
y a des problèmes techniques qui se posent et qu'il nous faut
étudier à cet effet. Donc, un problème en entraîne
un autre et cela entraîne aussi un problème de coordination avec
les universités. L'heure est à la coordination.
Tout cela s'inscrit aussi à la fois dans cette discussion
générale de l'aménagement des bibliothèques
universitaires sur l'île de Montréal. Je dirais donc que la
discussion est bien en train, mais, comme elle est hautement technique,
complexe, qu'elle comporte des éléments financiers et
"constitutionnels" importants, c'est-à-dire de rapports entre les
universités, nous devrons continuer à mûrir cette
hypothèse en concertation, justement, encore durant quelque temps.
J'espère bien que nous pourrons arriver à une solution
rationnelle qui satisfera les objectifs des diverses parties en cause.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Ma question
porte sur l'accessibilité à l'enseignement universitaire. Dans un
contexte de compressions budgétaires, comment favoriser cette
accessibilité? Est-ce qu'il n'y a pas contradiction entre le fait de
prôner l'accessibilité et le fait d'avoir à vivre dans un
contexte de restrictions budgétaires? Je voudrais rappeler un certain
nombre de faits. Depuis 3 ans, le ministère n'a financé aucun des
13 000 étudiants supplémentaires du réseau. Il y a eu une
baisse de subvention per capita de 15% pour les universités depuis
1978-1979. En parlant d'accessibilité, on touche également
à la question du partage de l'effort d'accessibilité entre les
établissements. Est-ce qu'il y a un plan qui va prévoir ce
partage des efforts? On sait que l'Université du Québec propose
de contingenter ses inscriptions en 1982-1983, mais l'UQAM refuse cette
perspective. Quand on pense que l'Université du Québec a
absorbé les deux tiers additionnels du réseau au cours des
dernières années, est-ce qu'il existe une politique concernant
l'accessibilité?
M. Laurin: Effectivement, depuis deux ou trois ans, le
ministère de l'Éducation n'a pas reçu du gouvernement des
allocations spécifiques pour financer les nouvelles clientèles.
Nous avons quand même financé les nouvelles clientèles,
mais à même l'enveloppe générale qui avait
été consentie au ministère de l'Éducation, ce qui
n'a pas été sans nous causer un certain nombre de
problèmes.
Le député a raison aussi de dire que le fardeau de
l'accessibilité, particulièrement dans la région de
Montréal, a été très mal réparti. Il est
parfaitement vrai que les universités traditionnelles n'en ont pris
qu'une part minime, alors que l'Université du Québec avec
Concordia ont fait presque tous les efforts requis pour accueillir les
nouvelles clientèles. C'est là évidemment une situation
qui ne peut pas durer. Nous envisageons des solutions immédiates
à ce problème. Des solutions qui dépassent d'ailleurs de
loin la seule solution du problème de l'accessibilité, mais qui
auraient pour but de changer d'une façon substantielle les modes de
financement des universités en vue de leur assurer un
développement tous azimuts beaucoup plus ordonné et beaucoup plus
judicieux. Il s'agit évidemment des deux hypothèses dont j'ai
déjà parlé lors du début de ces crédits: une
méthode de financement des nouvelles clientèles qui aurait pour
but de répartir d'une façon plus équitable les nouvelles
clientèles et aussi une nouvelle hypothèse de financement global,
du financement de base des universités qui nous ferait abandonner la
méthode historique jusqu'ici suivie, qui comportait beaucoup
d'injustices, pour la remplacer par un mode de financement basé sur le
coût moyen par discipline.
Nous pensons ainsi apporter une solution à long terme à un
bon nombre de problèmes qui ont été identifiés par
la commission Angers et par les universités elles-mêmes
d'ailleurs. En plus, cette méthode nous permettra de régler, je
l'espère, d'une façon judicieuse et définitive le
problème de l'accessibilité aux études supérieures.
Je demanderais à Mme Fortin de vous expliquer plus en détail et
d'une façon plus technique ces méthodes nouvelles pour
régler le problème de l'accessibilité.
Globalement, il y a trois ans, quand le ministère a adopté
une formule de financement des clientèles nouvelles, se basant sur des
prévisions démographiques, qui
n'étaient contredites par personne, la formule avait
été développée dans la perspective où
l'impact démographique ferait décroître la clientèle
universitaire progressivement. Nous voulions, de concert avec les
universités, atténuer l'impact de cette décroissance sur
les budgets globaux. Ce qui s'est passé est un peu différent de
ce qu'on avait prévu. Les clientèles ont continué de
croître et elles n'ont pas crû également. Les gens de
l'Université du Québec à Montréal eux-mêmes
ont été les premiers surpris de l'explosion des clientèles
à partir desquelles ils n'avaient pas prévu leur budget de base.
Les deux problèmes qui se sont posés ont été les
suivants, c'est que la clientèle a crû plus rapidement que nous le
comptions et elle ne s'est pas distribuée également entre les
universités.
Nous faisons face présentement à cette situation. Les
mesures envisagées sont de plusieurs ordres. Certaines sont
financières, elles ne le sont pas toutes. Sur le plan financier, la
première mesure est la transformation, dont j'ai parlé
tantôt, de la méthode de financement des clientèles
nouvelles, tout en assurant aux universités qui avaient accepté
les clientèles sous l'ancien mode qui prévoyait un financement
sur trois ans que ces clientèles seraient financées aux anciens
taux, c'est-à-dire la possibilité pour une université
comme l'Université du Québec de recevoir progressivement au cours
des prochaines années une somme équivalant à une vingtaine
de millions en paiement sur les clientèles nouvelles déjà
reçues.
Deuxièmement, la transformation de la méthode de
façon à inciter, à compter de 1982-1983, l'ensemble des
universités à se partager les clientèles ou à
transférer des fonds des universités qui n'en acceptent pas
à des universités qui les acceptent. La méthode de
financement des clientèles nouvelles, de plus, tiendra compte du
coût réel des programmes et nous proposons un financement à
75% des étudiants, mais des étudiants selon le coût
réel disciplinaire moyen du réseau, c'est-à-dire qu'un
étudiant nouveau en génie sera financé davantage qu'un
étudiant nouveau en sciences de l'éducation ou dans une
faculté d'éducation permanente. Par ailleurs, nous continuons des
études concernant certaines clientèles cibles qui vont à
l'université, des clientèles de perfectionnement, certaines
catégories de clientèles adultes pour voir s'il n'y aurait pas
certaines modalités d'accueil et de financement de ces
clientèles. Ces études en sont encore au premier stade et nous
n'en avons pas discuté avec les universités.
Nous avons rencontré les universités en leur proposant,
premièrement, la nouvelle formule de financement des clientèles
nouvelles, un partage plus équitable des clientèles entre les
divers établissements. En 1982-1983, la saison étant relativement
avancée, les universités ont accepté de se concerter pour
faire un partage possible des clientèles qui faisaient des demandes
à plusieurs universités et dans des programmes qui sont
particulièrement surchargés. On pense en particulier aux sciences
de l'administration où l'Université Concordia pensait
contingenter l'an prochain, où les HEC contingentaient
déjà depuis trois ans, où l'UQAM ne peut plus accueillir
un taux de croissance des clientèles de l'ordre de 20% à 30% et
où l'Université McGill a beaucoup de demandes d'étudiants,
y compris des étudiants francophones.
Le deuxième élément. Nous avons demandé aux
universités de faire connaître les politiques d'admission qui sont
en vigueur dans chacune d'elles et nous comptons soumettre
régulièrement au Conseil des universités, pour avis, les
politiques d'admission et les statistiques d'admission des universités,
le pourcentage de demandes acceptées sur les demandes reçues, de
façon à clarifier un peu le processus des admissions à
l'échelle du Québec et à permettre un alignement et une
modulation des politiques d'admission en fonction de certains objectifs
d'accessibilité de la clientèle.
Le dernier élément concerne le programme qu'on a
traité tantôt, c'est-à-dire la question des prêts et
bourses; nous continuons de financer les étudiants et nous avons aussi,
au programme 9 - je ne sais pas si on va en parler tantôt - maintenu le
niveau de financement des bourses d'excellence pour les étudiants de
maîtrise et de doctorat, étant donné que nous accusons, sur
le plan des diplômes, par rapport aux autres provinces du Canada, un
retard beaucoup plus marqué à ces deux niveaux, ayant
rattrapé ailleurs.
Globalement, ce sont les choses que nous avons discutées avec les
universités. Je ne pense pas que le document que nous avons transmis aux
universités soit confidentiel; nous en avons, comme d'habitude, transmis
copie aux associations de professeurs et d'étudiants et ça
pourrait vous être transmis, si vous le désirez.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Les programmes 6 et 9
sont-ils adoptés?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. Alors, sur ce,
la commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 14)