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(Quatorze heures onze minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Si chacun veut bien prendre sa place pour que l'on puisse commencer la
commission de l'éducation qui est réunie aux fins d'entendre les
organismes directement impliqués dans l'administration scolaire, qui
veulent faire des représentations sur la qualité de
l'enseignement, la tâche et la sécurité d'emploi des
enseignants et enseignantes en regard de la situation actuelle au
Québec.
Les membres de cette commission: sont M. Brouillet (Chauveau), M.
Champagne (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. Gauthier (Roberval), Mme
Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M.
Leduc (Fabre), M. LeMay (Gaspé), M. Payne (Vachon) et M. Ryan
(Argenteuil).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Bérubé (Matane), M. Dauphin (Marquette), M. Doyon
(Louis-Hébert), M. Parizeau (L'Assomption), Mme Harel (Maisonneuve), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Brassard (Lac-Saint-Jean) et M. Rivest
(Jean-Talon).
Comme je vous ai fait part du mandat, ainsi que des membres de la
commission, je vous demanderais de proposer un rapporteur pour cette
commission.
M. Laurin: M. Michel Leduc.
Le Président (M. Jolivet): M. Michel Leduc est
proposé. Adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Jolivet): Adopté. M. Michel Leduc
(Fabre).
Nous avons à entendre aujourd'hui, d'abord, les groupes ou
organismes suivants: le ministère de l'Éducation,
représenté par M. Jacques Girard, sous-ministre; le
ministère de l'Éducation, représenté par M.
André Rousseau, sous-ministre adjoint au préscolaire, au primaire
et au secondaire; le ministère de l'Éducation,
représenté par Mme Michèle Fortin, sous-ministre adjointe
à l'enseignement supérieur; le Conseil des collèges; la
Coalition étudiante pour la défense des droits des usagers de
l'éducation, représentée par M. François Houle,
secrétaire général, et l'Association nationale des
étudiants du Québec, représentée par M. Guy
Bédard, représentant officiel. Ce sont les gens que nous avons
à entendre à partir de maintenant jusqu'à 18 heures et,
après la suspension pour l'heure du souper, de 20 heures à 24
heures, en vertu du règlement. M. le député
d'Argenteuil.
Programme de travail
M. Ryan: M. le Président, vous voulez peut-être
régler le problème qui a été soulevé par Mme
la députée de L'Acadie, pour commencer.
Le Président (M. Jolivet): Je le réglerai
immédiatement, M. le député. En vertu du règlement,
hors session, l'heure de la suspension est celle prévue, de 18 heures
à 20 heures, mais les travaux peuvent se poursuivre jusqu'à 24
heures. Au-delà de 24 heures, c'est sur consentement, si les besoins se
font sentir.
Mme Lavoie-Roux: La semaine dernière, on nous demandait
notre consentement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Au sujet de la liste des organismes invités,
j'aurais quelques observations à vous soumettre. Certaines
procèdent peut-être de malentendus qui auraient pu se glisser
entre le leader du gouvernement et l'Opposition; d'autres procèdent,
à mon point de vue, d'omissions pures et simples qu'il faudrait,
souhaiterions-nous, combler.
D'abord, pour la journée de demain, sont inscrits au programme
les noms de deux organismes: la Fédération nationale des
enseignants et enseignantes du Québec et la Centrale de l'enseignement
du Québec. Dans la liste des organismes invités à se
présenter devant la commission, il faudrait, si le leader du
gouvernement et le ministre n'y ont pas d'objection, ajouter les noms des
organismes suivants: la "Provincial
Association of Protestant Teachers" et la "Provincial Association of
Catholic Teachers". Ce sont deux organismes entièrement distincts qui,
crois-je comprendre, feront peut-être cause commune pour se
présenter devant la commission, mais qui ont laissé entendre,
pour des raisons qui sautent aux
yeux, qu'ils voudraient être invités distinctement. Comme
vous le savez, ces organismes représentent des enseignants qui se
situent dans des unités de négociation distinctes. Ils ont
même eu l'honneur d'un décret distinct à leur intention
respective. Par conséquent, le moins qu'on puisse leur proposer en
retour, c'est une invitation en bonne et due forme à leur nom.
Ensuite, on me fait part qu'un organisme appelé "Québec
Association of Directors General of English Schools" voudrait être
invité devant cette commission. C'est un organisme qui regroupe des
directeurs généraux d'écoles anglaises, tant protestantes
que catholiques.
Le Président (M. Jolivet): Ils seront entendus vendredi,
selon la liste qu'on a, M. le député.
M. Bertrand: Je prends note des différents organismes.
Le Président (M. Jolivet): Oui, allez.
M. Ryan: Un autre organisme dont j'entends dire qu'il voudrait
être invité à comparaître, c'est le "Quebec
Association of Catholic School Administrators", qui est le pendant du
côté catholique anglophone, un organisme qui est
déjà sur la liste du côté protestant. Enfin, un
dernier organisme voudrait être invité également et devrait
l'être, à notre point de vue, c'est la "Quebec Federation of Home
and School Associations", un organisme qui, du côté surtout
anglo-protestant, regroupe les associations de parents formées au niveau
local et constitue une fédération au niveau provincial. Le nom
avait été communiqué par l'Opposition, je pense, au bureau
du leader. J'ai été étonné de constater, en me
rendant à la séance aujourd'hui, qu'il n'était pas sur la
liste. S'il y avait moyen d'ajouter ces organismes à la liste des
organismes invités, nous en serions très heureux.
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement,
sur la demande faite par M. le député d'Argenteuil.
M. Bertrand: M. le Président, pas d'objection à
prendre en considération les demandes qui sont faites par le
député d'Argenteuil relativement à ces organismes.
Maintenant, il faut savoir une chose et, là-dessus, je demanderais
seulement qu'on me donne la possibilité de faire des
vérifications aujourd'hui parce qu'on sait déjà, de toute
façon, qu'au sein même de la Centrale de l'enseignement du
Québec il y a des organisations différentes. On parle souvent,
par exemple, du CECS, on parle de la FEQ; il y a comme cela, bien sûr,
des distinctions qui s'établissent, même au départ,
à l'intérieur de ces organisations. Il s'agirait de voir parce
que, là aussi, il y a des regroupements qui se sont faits au niveau des
tables de négociations entre le PAPT -je résume - et le PACT. Si
la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du
Québec et/ou la Centrale de l'enseignement du Québec, avec la
participation de ces groupes, veulent faire des représentations
conjointes, je ne vois pas au nom de quoi on s'y opposerait. Dans ce contexte,
on est vraiment prêt à évaluer la possibilité que
cela puisse se faire.
C'est la même chose aussi pour les autres associations dont le
député d'Argenteuil a parlé, que ce soit celles des
parents ou ces associations qui ont un pendant catholique lorsqu'il y a un
côté protestant. Nous allons aussi prendre note des informations
qui nous ont été transmises par le député
d'Argenteuil et lui communiquer les réponses le plus rapidement
possible, pendant la tenue de nos travaux.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Pour que tout soit bien clair, est-ce que je puis
comprendre que le leader du gouvernement n'a aucune objection, quelle que soit
la modalité sous laquelle ces organismes se présentent ici,
à ce qu'ils soient ajoutés à la liste des organismes
invités à se faire entendre? C'était l'objet de ma
demande.
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Sous réserve de vérification à
faire, je pourrai revenir devant la commission et donner une réponse
beaucoup plus précise au député d'Argenteuil, puisque je
sais qu'il a été très coopératif à ce point
de vue. On a communiqué ensemble, lui et moi, ensuite, de leader
à leader, pour ajouter certains groupes. Je n'avais pas en main ces
renseignements avant de commencer les travaux cet après-midi.
Maintenant, je prends bonne note de sa demande et je peux garantir au
député d'Argenteuil que je reviendrai en commission lui donner
une réponse définitive avant que nous ayons terminé
à 18 heures.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que cela va, M. le
député d'Argenteuil? M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Toujours sur le même sujet, je n'ai pas le
même avantage que le chef de l'Opposition, je n'ai pas la liste des
groupes qui ont été programmés pour venir rencontrer les
membres de la commission, je n'ai que l'horaire de la journée. Est-ce
que, pour fins d'organisation de nos travaux et
pour savoir à quel moment les groupes ont été
prévus, il serait possible d'avoir la liste complète des
organismes qui vont passer devant nous? Est-ce que je pourrais savoir
dès maintenant, de la part du leader du gouvernement, à quel
moment, par exemple, le Conseil supérieur de l'éducation va venir
devant la commission?
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Deux réponses. Je m'excuse auprès du
député de Sainte-Marie. Je sais qu'à l'occasion il lui
arrive de passer à mon bureau pour être bien certain qu'il a en
main tous les documents qui peuvent l'aider.
M. Bisaillon: L'habitude était déjà
prise.
M. Bertrand: J'essaie de l'acquérir. À l'occasion -
je m'en excuse auprès de lui - il m'arrive effectivement de faire un
oubli. Je vais lui transmettre le document immédiatement, je l'ai entre
les mains. Quant au Conseil supérieur de l'éducation, il a
été effectivement invité à venir
immédiatement après les sous-ministres du ministère de
l'Éducation du Québec. Donc, cela aurait été en
début de soirée, ce soir. D'après la feuille qui vient de
nous être remise, qui nous vient du secrétariat des commissions
parlementaires et qui est signée par M. Valmond Bouliane, le
secrétaire des commissions, je note que pour l'ensemble des groupes qui
ont été invités aujourd'hui, tous ont accepté de se
présenter devant la commission, sauf que je crois noter que le Conseil
supérieur de l'éducation a décidé de ne pas venir
devant la commission parlementaire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Est-ce que je comprends bien, M. le
Président, que ce serait le conseil supérieur lui-même qui
aurait décidé de ne pas se présenter?
Le Président (M. Jolivet): Je vais faire les
vérifications qui s'imposent auprès du secrétaire des
commissions et j'en ferai part aussitôt que j'aurai les détails
pertinents.
M. Bisaillon: Si vous me le permettez, M. le Président, ce
serait important, parce que j'aurais peut-être une intervention à
faire à ce moment. On sait, évidemment, que c'est une commission
qui reçoit les groupes intéressés à venir se
présenter, mais il serait peut-être aussi utile que les membres de
la commission puissent indiquer quels sont leurs intérêts à
recevoir un certain nombre de personnes. Comme le
Conseil supérieur de l'éducation a jugé utile,
à un moment donné, d'intervenir dans le débat qu'on va
traiter, il me semble que ce serait intéressant qu'on puisse discuter
entre nous, à l'avance, s'il est utile pour les membres de la commission
de l'entendre et de lui demander de se présenter devant nous.
Le Président (M. Jolivet): Pour le moment, l'information
que j'ai du secrétariat des commissions est que M. Benjamin, qui
représente le Conseil supérieur de l'éducation, aurait
téléphoné à Mme Marie Tanguay pour dire qu'il
serait présent dans la salle, mais qu'il n'avait pas l'intention
d'intervenir à la commission parlementaire. C'est un
téléphone que nous avons reçu en ce sens au
secrétariat des commissions.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Sur ce sujet, je voudrais me permettre une observation.
Il peut arriver que le président du Conseil supérieur de
l'éducation en vienne à cette conclusion de son propre chef. II
pourrait très bien arriver que nous, ayant une autre opinion
là-dessus, nous voulions discuter de ce cas. C'est pourquoi j'aimerais
beaucoup que vous vous enquériez, d'abord, avec le plus de
précision possible des raisons qui ont pu motiver la décision de
M. Benjamin et que vous nous en fassiez part. À ce moment-là,
nous jugerons s'il y a lieu de demander un débat là-dessus et
d'inviter peut-être la commission à presser le président de
reconsidérer son attitude. Je ne voudrais pas qu'on prenne l'habitude
dans les commissions parlementaires de tenir pour acquise la décision
qu'a pu prendre le président d'un organisme public de considérer,
de son côté, qu'il ne serait peut-être pas utile ou opportun
qu'il vienne se présenter, si on désire qu'il se
présente.
Le Président (M. Jolivet): Nous allons donc demander
à Mme Marie Tanguay, du secrétariat des commissions, de
communiquer avec M. Benjamin et de lui demander de nous faire part -
peut-être qu'il serait préférable qu'il le fasse par
écrit - des raisons pour lesquelles il ne veut pas se présenter.
Ensuite, vous pourrez ajuster en conséquence votre décision.
M. le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. À l'occasion du
conflit dans le milieu scolaire, qu'on connaît et qui dure depuis un
certain temps, il s'est formé dans la région de Québec, et
plus particulièrement à la régionale Jean-Talon, un
comité de participation pour la polyvalente de Charlesbourg en
particulier, qui est une grosse polyvalente et qui regroupe 2600
élèves. Ce comité de participation est composé de
tous les principaux intéressés
dans le domaine de l'éducation: les professeurs, les directeurs
d'école, les employés de soutien et les professionnels du milieu
scolaire. Je pense qu'ils ont eu des contacts avec le leader du gouvernement
à ce sujet et ces gens ont rédigé, en travaillant
très fort, un mémoire où ils ont préparé une
simulation de l'application des décrets dans leur milieu scolaire
pratique, à la polyvalente de Charlesbourg où étudient
2600 élèves. Ces gens sont ici et je les ai rencontrés.
Ils sont désireux de présenter leur mémoire et
d'éclairer la commission sur ce qu'implique l'application des
décrets et sur les conséquences de ces décrets. Ils sont
prêts à répondre à toutes les questions. Je
demanderais à la commission de bien vouloir ajouter le nom de cet
intervenant qui s'appelle, pour l'occasion, le Comité de participation
de la régionale Jean-Talon (polyvalente de Charlesbourg).
Il est important que ces gens soient entendus, parce que je pense, M. le
Président, que nous aurons amplement l'occasion d'avoir en notre
présence des gens qui sont des antagonistes, des gens qui ne s'entendent
pas dans le moment. Ce qui serait intéressant pour cette commission,
c'est de voir comment ont pu travailler des gens qui sont censés
être d'un côté opposé de la barrière et qui,
pour les fins de cette commission, ont accepté de travailler ensemble et
de mettre leur expertise commune ensemble. Ils viendraient nous donner une
idée des conséquences pratiques des décrets dans le
domaine de l'éducation, dans leur milieu spécifique qui est la
polyvalente de Charlesbourg.
M. le Président, j'aimerais que cette demande soit prise en
très sérieuse considération. Je ne vois vraiment pas
comment la commission pourrait se priver du bénéfice qu'elle
aurait, car elle n'a qu'un bénéfice certain à retirer de
l'intervention de ces personnes. Je pense que c'est la seule occasion - je me
répète - que nous avons de voir des gens qui, tout en
étant censés être d'un côté différent
de la barrière, sont prêts à venir devant nous. Ils ont
participé à la préparation d'un mémoire où
des positions communes ont été agréées de part et
d'autre. Je demanderais que cette commission puisse avoir le loisir d'entendre
ces personnes qui sont disponibles à n'importe quel moment pour nous
faire leur présentation.
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, nous avons dressé une
liste d'organismes qui nous paraissent très représentatifs de ce
qu'on peut appeler le milieu scolaire, de gens qui sont impliqués
directement dans l'administration scolaire au Québec. Cette liste, nous
l'avons dressée, dans un premier temps, de notre côté; par
la suite, nous avons mené quelques consultations pour nous permettre
d'ajouter certains groupes qui avaient été omis. Nous avons
quelques représentations qui nous ont été faites par le
député d'Argenteuil dont nous allons faire une certaine analyse
quant à la faisabilité sur le plan du fonctionnement de notre
commission parlementaire, étant donné les nombreux groupes qui
vont se présenter d'ici à vendredi soir à minuit.
Dans le cas très précis du député de
Louis-Hébert, je dois dire qu'a priori, tout intéressante que
puisse être cette opération qui a été menée
par des gens dans cette commission scolaire, celle de Charlesbourg, je crois,
il y a tout de même environ 250 commissions scolaires au Québec,
il y a 3000 écoles environ. Nous pourrions, effectivement, demander
à plusieurs de ces écoles, de ces commissions scolaires, à
plusieurs des associations de parents de venir témoigner les unes
après les autres. Il m'apparaît plus convenable - et il y a tout
de même une logique derrière tout ça - que nous recevions
les représentants des écoles, des directeurs, d'une part, des
cadres, des directeurs généraux, des comités de parents.
C'est un peu l'effort que nous avons tenté d'effectuer. À partir
du moment où l'on commence à multiplier le nombre de cas... Parce
que, effectivement, au-delà de cette demande qui nous a
été acheminée - je n'ai pas eu moi-même de contact
direct, mais je sais qu'elle a été acheminée - il y en a
eu d'autres aussi. Nous avons considéré qu'il était
préférable de fonctionner sur la base des associations, des
fédérations représentatives de ces différentes
écoles, commissions scolaires ou autres organismes du même type
qui sont reliés à l'administration scolaire. (14 h 30)
Je ne porte pas un jugement sur la qualité du travail qui a pu
être effectué; je dis simplement que, ce faisant, nous nous
introduirions dans un processus dont nous ne pourrions pas connaître
l'aboutissement puisque, effectivement, il serait physiquement impossible de
recevoir tous les groupes qui nous ont demandé d'être reçus
et qui sont déjà, de toute façon,
représentés par des fédérations ou des
associations.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. La décision que
prend le leader du gouvernement me déçoit, dans ce sens où
des gens spontanément ont fait un effort de concertation. On sait
l'utilisation que fait le gouvernement, avec raison, du mot "concertation".
Quand on en a une preuve vivante, une preuve pratique, une preuve
vécue, on ne donne pas l'occasion à cette concertation de
s'exprimer et de se manifester. Je ne peux évidemment, M. le
Président, que déplorer la chose.
Je me permets de souhaiter que le leader du gouvernement puisse se
raviser là-dessus, puisse se raviser de façon qu'on puisse avoir
devant nous la preuve vivante qu'il est possible pour des gens de se rencontrer
et de faire des propositions de nature à faciliter un règlement.
Je regrette que cette décision soit prise par le leader du gouvernement.
Je lui demande de songer de nouveau à la chose et possiblement de se
raviser. À tout événement, je fais la demande officielle
à cette commission que le mémoire, qui a été
préparé avec beaucoup de travail par les gens qui sont
présents ici dans la salle, soit au moins déposé
officiellement devant cette commission, qu'il soit inscrit au journal des
Débats et que les membres de cette commission, chacun le faisant si cela
lui plaît, puissent en prendre connaissance et utiliser les
données qui peuvent nous être utiles dans la solution du
problème auquel on a à faire face.
Je ne pense pas que l'on puisse dire que le temps nous manque pour que
le document soit déposé purement et simplement, chacun en faisant
l'utilisation qu'il juge à propos. J'aimerais au moins, si le leader du
gouvernement n'est pas prêt à entendre les personnes qui sont ici
dans le but de nous aider à en venir à des arrangements qui
soient acceptables par les parties, que le leader du gouvernement et cette
commission acceptent que le mémoire préparé soit
déposé pour que nous puissions, chacun comme nous l'entendons,
l'utiliser pour éclairer la situation d'une meilleure façon.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Je voulais intervenir dans le même sens.
Je comprends qu'on ne puisse pas permettre à tous les groupes, à
toutes les écoles d'intervenir à la commission. Dans le
même sens, je voudrais demander à la commission de permettre la
présentation de mémoires écrits. Enfin, s'il y a des
groupes qui veulent présenter des mémoires écrits, je
pense qu'il serait logique que la permission en soit donnée.
Le Président (M. Jolivet): Cependant, il y a juste une
chose, comme président, que je vais clarifier. S'il y a consentement
unanime autour de cette table, on peut faire deux choses. La première,
c'est que chacun des députés reçoive le document. C'est
une sorte de dépôt qui n'est pas permis en commission, mais qui
peut l'être par consentement. La deuxième est qu'on a toujours
demandé, comme président de commission, compte tenu des
coûts inhérents à l'impression quand on dit "à
annexer au journal des Débats", que le mémoire soit
déposé au secrétariat des commissions et que toute
personne qui veut en prendre connaissance en prenne connaissance. Mais qu'il
soit annexé au journal des Débats, cela était
refusé. S'il y a consentement en ce sens, le dépôt se fera,
une distribution en sera faite à chacun et des copies additionnelles
seront déposées au secrétariat des commissions.
Êtes-vous d'accord? M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je comprends bien effectivement qu'il s'agit d'une
possibilité -bien sûr, nous sommes intéressés
à connaître des points de vue qui nous viennent de
différents milieux - de permettre, non seulement à ceux qui
siègent à la commission parlementaire, mais à tous les
députés de l'Assemblée nationale du Québec, aux
membres de la presse et, éventuellement, à tous les gens qui
oeuvrent au sein du réseau scolaire de prendre connaissance de ces
documents; donc, qu'ils puissent être remis à ces gens.
Je ne voudrais pas qu'on fasse une entorse à ce qui est, à
mon avis, très important et qui est de votre ressort, M. le
Président; c'est qu'il s'agit ici d'une commission élue
permanente qui a invité des groupes à se présenter.
Lorsqu'il y a une commission parlementaire permanente qui lance dans les
journaux et via la Gazette officielle une invitation urbi et orbi, universelle,
à quiconque de soumettre à la commission son intention ou bien de
déposer un mémoire ou bien de se faire entendre, cela est un
autre contexte. Je crois que, pour ne pas faire entorse à cette
importante façon de procéder pour le secrétariat des
commissions parlementaires, à cause des abus que vous connaissez et
auxquels cela peut donner lieu, je dis oui. Je suis totalement d'accord avec le
dépôt des dossiers, des rapports, des mémoires, des
documents qui peuvent être utiles pour les membres de la commission, mais
en respectant les règlements que suit le secrétariat des
commissions parlementaires pour les commissions où il y a des groupes
invités.
Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une
autre, on demande toujours qu'un dépôt soit fait en cent copies
pour permettre la distribution à tout le monde. Le secrétaire des
commissions est consulté et les gens qui le veulent obtiennent les
formules appropriées pour avoir l'ensemble des documents
déposés au secrétariat des commissions. Dans ce contexte,
je considère que c'est accepté par l'ensemble des membres de la
commission?
Oui, M. le député d'Argenteuil, avant qu'on commence?
M. Ryan: M. le Président. Nous avions
suggéré au leader du gouvernement qu'à la fin des travaux
de la commission une période de quelques heures soit prévue pour
chacune des parties principales au différend afin qu'après avoir
entendu les opinions des divers groupes qui se présenteront devant nous
nous puissions revenir devant eux et leur poser des questions au sujet des
aspects nouveaux qui auraient pu être soumis à notre attention.
J'ai cru comprendre que, lors d'une conférence de presse que vous
donniez hier, vous n'aviez pas formulé d'objection à ce sujet.
Vous avez même dit que c'était une chose qui pourrait être
envisagée. Mais avec le partage du temps que vous proposez, j'ai du mal
à concevoir comment cela pourrait se faire vendredi. Cela pose la
question relative à la période où devra se terminer le
travail de la commission. Je ne sais pas si vous pourriez donner votre avis sur
ces deux aspects du même problème.
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, effectivement, lors d'une
conversation téléphonique que le député
d'Argenteuil a eue avec moi, il m'a fait part de cette suggestion. Je dois dire
que je l'ai trouvée extrêmement intéressante. Le ministre
de l'Éducation avec qui j'en ai discuté l'a trouvée fort
intéressante, dans la mesure où cela nous permettrait de
confronter à l'occasion certains points de vue ou certains chiffres,
certains faits, certaines données de base. Donc, nous sommes
réceptif à toute possibilité. Effectivement, comme le
député d'Argenteuil le souligne, nous avons, par ailleurs, un
ordre du jour passablement chargé, c'est le moins qu'on puisse dire,
surtout s'il s'y ajoute quelques groupes. Et, à ce sujet, je lui ai dit
qu'au cours de la séance d'aujourd'hui, je lui donnerais une
réponse. Mais le député d'Argenteuil se rappellera aussi -
et à ce sujet, je crois que les membres pourront prendre des
décisions qui leur appartiennent - que je n'ai pas fermé la
porte, non plus, à ce que, dans la mesure où nous sentirions
qu'il y a un besoin réel et que les travaux sont fructueux, nous
puissions déborder sur lundi prochain, si nous n'avons pas fait tout
notre travail ou si nous considérons que nous devons faire certaines
autres choses qui pourraient être utiles pour la commission
parlementaire.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Nous pouvons donc
commencer par la partie préliminaire qui consiste en des exposés
du ministre de l'Éducation, du représentant de l'Opposition et,
possiblement, de tous les autres membres de cette commission qui veulent
intervenir. En vertu du règlement, vous le savez tous, c'est vingt
minutes, mais dans le cas des deux formations politiques qui sont l'une
à ma droite et l'autre à ma gauche, la latitude pourrait
être un peu plus grande compte tenu du sujet. Donc, la parole est
à M. le ministre de l'Éducation.
Remarques préliminaires M. Camille
Laurin
M. Laurin: Nous sommes devant cette commission parlementaire pour
faire la lumière sur tous les aspects du conflit qui oppose les
enseignants des écoles et des collèges du Québec au
gouvernement du Québec lors de cette ronde de négociations
collectives. Cette négociation dure maintenant depuis près d'un
an. En raison de la crise économique, la pire depuis 1929, qui a
déstabilisé et appauvri...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre,
mais on va devoir approcher un micro près de vous.
M. Laurin: Mon leader parlementaire m'avait volé sans que
je m'en rende compte.
Nous sommes devant cette commission parlementaire pour faire la
lumière sur tous les aspects du conflit qui oppose les enseignants des
écoles et des collèges au gouvernement lors de cette ronde de
négociations collectives. Cette négociation dure maintenant
depuis près d'un an. En raison de la crise économique, la pire
depuis 1929, qui a déstabilisé et appauvri le Québec, le
Québec a demandé aux syndiqués des secteurs public et
parapublic de réduire cette fois au maximum leurs demandes
traditionnelles, de prendre leur part du fardeau collectif et de dégager
ainsi les sommes nécessaires pour le maintien de services de
qualité, l'assistance aux personnes et groupes les plus lourdement
frappés par la crise et la relance de l'économie.
Cette demande aurait dû être acceptée au nom du bien
commun, de la justice sociale et du sens des responsabilités à
l'endroit de la société québécoise tout
entière. Mais les syndiqués ne l'ont pas voulu. Ils se sont
comportés comme ils l'ont toujours fait en temps de
prospérité. Déjà favorisés sur le plan des
salaires, de la sécurité d'emploi et des avantages sociaux, tels
que pension, congés, libération syndicale, ils ont exigé
encore davantage mettant ainsi en danger l'équilibre budgétaire,
économique et social du pays, condamnant celui-ci à la stagnation
et au recul, aggravant la crise et compromettant sérieusement l'avenir
du Québec.
Devant cette insensibilité et cet aveuglement, le gouvernement se
devait d'agir. Par la loi 68, il réduisit sa contribution au
régime de retraite des syndiqués et augmenta en
conséquence la
contribution des syndiqués. Le système n'en demeure pas
moins équitable et avantageux si on le compare à d'autres
systèmes analogues. Par la loi 70, le gouvernement avertissait
également les syndiqués qu'il récupérerait
dès janvier 1983 les augmentations de salaires d'environ 11%
versées le 1er juillet 1982 en vertu de la convention collective si,
d'ici là, c'est-à-dire d'ici janvier, il n'y avait pas entente
sur les modes de retour au gouvernement de la somme de 421 000 000 $
nécessaire au maintien de l'équilibre budgétaire du
Québec. Or, il n'y eut pas entente et c'est le gouvernement
lui-même qui dut légiférer afin que cette
récupération ne soit pas exigée des bas salariés et
ne touche qu'en partie les salariés moyens.
Sur les autres aspects de la nouvelle convention collective, la
négociation se continua jusqu'en décembre, mais les écarts
demeuraient très grands entre les demandes des syndiqués et
celles du gouvernement. Le dialogue devint vite stérile et sans issue,
les syndicats refusant de renoncer aux avantages financiers et autres qu'ils
escomptaient et le gouvernement ne pouvant, lui non plus, renoncer à ses
objectifs d'assainissement des finances de l'État, d'équilibre
budgétaire en période de crise, de justice sociale et de relance
de l'économie. Devant l'impasse désormais
irrémédiable et l'urgence de la situation, le gouvernement,
élu pour gouverner et représenter la volonté du peuple,
dut prendre ses responsabilités d'arbitre du bien commun et imposer par
la loi 105 des décrets qui tiendront lieu de conventions collectives
pour les trois prochaines années. (14 h 45)
Les syndicats dénoncèrent ces décrets et
annoncèrent, en réaction, une grève générale
et illimitée. Ils refusèrent, par la suite, une dernière
offre du premier ministre, le 21 janvier, qui aménageait à leur
avantage quelques clauses des décrets, diminuait le montant des
récupérations salariales pour les employés à temps
partiel, rouvrait la discussion avec les syndicats sur les clauses salariales
devant s'appliquer en 1985-1986 et accordait une somme additionnelle de
près de 100 000 000 $ aux enseignants.
Cinq jours plus tard, les syndicats d'enseignants, fer de lance du front
commun, commençaient leur grève illégale, mais les
syndicats des autres secteurs ne les suivirent pas. Des négociations de
dernière heure permirent, en effet, d'en arriver successivement à
une entente avec tous et chacun d'entre eux.
Le pire était donc évité. Nos hôpitaux et
centres d'accueil demeuraient au service du public. Nos fonctionnaires
continuaient de servir les citoyens. Après quelques jours de
grève, nos professionnels rentraient au travail. Seuls les enseignants
continuaient leur grève, défiant nos lois, nos institutions,
l'Assemblée des élus du peuple, en plus de nier le droit des
enfants et autres citoyens à l'éducation, au point de
compromettre dangereusement l'année scolaire.
Aux grands maux les grands remèdes. C'est pour mettre fin
à cet assaut scandaleux contre la démocratie et pour
protéger le droit sacré des citoyens, dont les enfants, à
des services éducatifs essentiels que le gouvernement a dû faire
adopter une loi très sévère de retour au travail. Ce n'est
que devant la menace de sanctions sans précédent que les
syndicats, après deux autres jours de grève doublement
illégale, ont enfin ordonné un retour au travail dont on ne peut
dire encore qu'il sera définitif. Dans un autre geste de défi et
de menace, ce retour au travail a, en effet, été qualifié
de trêve et on nous avertit que, si on ne fait pas droit à leurs
demandes, la guerre ou la grève pourrait bien recommencer le 14 mars,
encore une fois doublement illégale, frappant les enfants et leurs
parents, alors qu'elle prétend viser le gouvernement, et compromettant
encore plus gravement, sinon définitivement, l'année
scolaire.
Lors de mes toutes dernières rencontres avec les syndicats, j'ai
dû constater que leurs positions et demandes n'avaient pas changé.
C'est pourquoi il importe maintenant de faire le point sur toute la situation
au sein de l'Assemblée nationale, au vu et au su de toute la population,
afin de dégager les enjeux de cette négociation, de comparer les
objectifs respectifs du gouvernement et des centrales syndicales et de chercher
ensemble, au nom du bien commun et de l'intérêt public, les
meilleurs aménagements possible et voies de sortie au conflit.
Pour notre part, M. le Président, nous avons abordé ces
négociations collectives au nom d'objectifs éducatifs et au nom
d'objectifs sociaux. Je voudrais, d'abord, parler des objectifs
éducatifs. Nous attendions cette négociation parce qu'elle nous
fournissait une occasion de poursuivre le travail acharné et incessant
que mènent depuis 1976 le ministère de l'Éducation et les
deux ministres de l'Éducation pour améliorer la qualité de
l'enseignement. Rappelons qu'en 1976 le gouvernement a préparé un
livre vert sur la qualité de l'enseignement qu'il a soumis à la
population. La population y a réagi d'une façon massive en nous
faisant tenir ses critiques, commentaires, représentations,
demandes.
Nos partenaires de l'éducation ont également réagi.
Qu'il s'agisse des fédérations de commissions scolaires, des
directeurs d'école, des directeurs généraux de commissions
scolaires, des cadres scolaires, des parents et de plusieurs autres groupes.
Nous avons reçu aussi, à l'occasion, des avis
circonstanciés, qui se sont continués d'ailleurs, de la part de
nos conseils
consultatifs et, en particulier, du Conseil supérieur de
l'éducation et du Conseil des collèges.
Forts de toutes ces représentations et en en tenant compte dans
toute la mesure du possible, nous avons, par la suite, préparé un
livre blanc sur l'enseignement primaire et secondaire qui tenait lieu,
après la consultation, de prise de position du gouvernement. Dans le
même temps, nous avons, d'ailleurs, publié, rendu public, un livre
blanc, c'est-à-dire un plan de politique pour les collèges du
Québec, un plan de relance axé sur l'accessibilité
toujours plus grande des adolescents au système collégial, sur un
meilleur aménagement des options professionnelles dans une
société en devenir, en préconisant la création de
centres d'excellence dans les collèges, de centres
spécialisés axés sur certaines disciplines
particulières et en demandant aux collèges également de
faire un effort accentué pour la recherche afin qu'ils deviennent les
véritables moteurs de leur collectivité régionale.
Quant à l'enseignement primaire et secondaire, après le
livre blanc, nous avons publié un plan d'action qui s'est traduit, en
avril 1981, par un régime pédagogique. Le régime
pédagogique, M. le Président, c'est la charte de
l'élève, qui annonce quelles matières devront être
enseignées dans nos écoles, quelles matières seront
obligatoires et quelles autres seront optionnelles, le temps qu'il faut
consacrer à l'enseignement et à l'apprentissage de chacune
d'entre elles, les conditions d'admission, les conditions de
vérification des résultats, les examens, les évaluations,
les services personnels et complémentaires qu'il faut offrir aux
élèves pour les aider dans leur apprentissage, qu'il s'agisse de
services de pastorale, d'animation étudiante, d'assistance psychologique
ou pédagogique, qu'il s'agisse d'activités culturelles ou qu'il
s'agisse de loisirs en général.
Cet effort immense que nous avons fait nous a permis d'apporter
immédiatement, dans les deux années qui ont suivi, des
améliorations considérables à l'enseignement dans nos
écoles. Par exemple, nous avons allongé d'une année la
formation générale au premier cycle de l'école secondaire,
reportant ainsi d'une année les options que pouvaient prendre les
élèves, en réponse justement à cette demande qui
nous avait été faite par tout le monde, et surtout par les
parents, de donner à nos élèves une solide formation
générale qui leur permettait de maîtriser les
apprentissages fondamentaux, formation générale sur laquelle
pouvait ensuite se construire une formation professionnelle, selon les cas, ou
une formation collégiale, universitaire, dans d'autres cas.
L'amélioration de cette formation générale nous a
permis également de revenir à certaines pratiques qu'on avait
laissées de côté, d'une façon abusive, au cours des
quinze dernières années, c'est-à-dire un encadrement
adéquat des élèves, surtout au premier cycle du
secondaire. Ce nouvel aménagement du régime pédagogique
nous a permis d'assigner des tâches de tuteur à plusieurs
enseignants, permettant ainsi un suivi plus intime, plus constant, de leur
évolution. Il nous a permis aussi de revenir quelque peu à la
formule du titulaire de classe qui a déjà fait ses preuves au
primaire et qui peut les faire aussi au premier cycle du secondaire.
Ce nouvel aménagement nous a permis aussi de mettre moins
l'accent, contrairement à ce qui s'était fait depuis quinze ans,
sur une spécialisation à outrance qui avait été
instaurée selon le modèle propre à l'université et
au collégial, pour mettre davantage l'accent, à ce premier cycle
du secondaire, sur un enseignement polyvalent, sur une capacité pour
l'enseignant d'enseigner plus qu'une matière de façon à se
rapprocher dans les faits de ce système ou du tutorat ou du titulariat,
du titulaire de classe, afin d'améliorer la relation éducative
entre le professeur et ses élèves, l'éducation
étant entendue comme une tâche globale comportant plusieurs
dimensions où les éléments affectifs, moteurs, artistiques
sont aussi importants que les éléments cognitifs.
Enfin, ce nouvel aménagement de la formation
générale s'est accompagné d'une réforme très
importante concernant l'évaluation des étudiants; celle-ci, au
lieu de se contenter de simples bulletins ou de simples compilations de
résultats, devient maintenant une évaluation formative en ce sens
qu'elle permet à l'enseignant, dont c'est une tâche maintenant
importante pour ne pas dire essentielle, d'identifier les forces et les
faiblesses de l'étudiant, ses lacunes, permet à l'enseignant, en
cours de route, de corriger la trajectoire ou d'apporter à cet enfant,
à cet adolescent les secours, l'assistance, les mesures dont il a besoin
pour profiter au maximum de son enseignement et de ses apprentissages.
Nous avons également amélioré de beaucoup les
services personnels et les services complémentaires que nous pouvions
offrir jusque-là aux élèves. Je les ai mentionnés
quelque peu tout à l'heure, mais tout le monde reconnaîtra que,
pour certains élèves, il est important, à un moment
donné, de compter sur des ressources spécialisées comme
celles que peuvent offrir les orthopédagogues ou les psychologues ou les
psychoéducateurs ou les infirmières, ou les assistants sociaux,
les assistantes sociales. Il est important également que l'enfant,
l'adolescent puisse compter sur des services collectifs dont il a besoin, qu'il
s'agisse d'activités culturelles s'inscrivant à
l'intérieur de son horaire ou en dehors de son horaire, qu'il
s'agisse d'une animation pastorale qui lui permet de veiller à son
évolution sur le plan de la spiritualité, qu'il s'agisse
d'éducation physique en dehors des cours, disciplines qui sont tellement
importantes à cet âge.
Nous avons aussi, à l'intérieur de ce plan d'action,
consacré une attention particulière aux élèves en
difficulté au point de consacrer à ces élèves un
chapitre entier de notre livre blanc et aussi de notre plan d'action. Ces
élèves en difficulté, nous visons à les
intégrer, à les insérer le mieux possible et le plus
tôt qu'il leur est possible à des classes
régulières, c'est-à-dire à la société
en général, mais en tenant compte de leur handicap, en tenant
compte de leurs difficultés, en tenant compte, en somme, de la
sévérité plus ou moins grande selon laquelle la nature les
a frappés. Ceci nous a amenés à consacrer à ces
élèves en difficulté des sommes considérables,
à créer à leur intention des services
spécialisés pour les handicapés les plus lourds, par
exemple, écoles spéciales pour les sourds, écoles
spéciales pour les aveugles, écoles spéciales pour les
handicapés moteurs, classes spéciales aussi pour certains
élèves qui ont progressé grâce aux écoles
spéciales et qui peuvent maintenant s'intégrer davantage au
curriculum usuel des classes, classes spéciales qui ont
été dotées de ressources considérables dont elles
ne disposaient pas auparavant. Enfin, selon le modèle en cascade qui est
maintenant bien connu, effort pour intégrer le plus possible ces
élèves, une fois que leur évolution le leur permet,
à des classes régulières en tenant compte des
difficultés que cela peut causer, aussi bien pour eux que pour les
autres élèves et pour les enseignants. (15 heures)
Nous avons fait aussi un effort particulier pour les milieux
défavorisés, pour les élèves appartenant à
des milieux économiquement faibles. C'est à leur intention que
nous avons commencé à établir ou à instaurer des
maternelles maisons dans certains secteurs défavorisés, que nous
avons pris l'initiative de faire des programmes de télévision
comme Passe-Partout qui pouvaient les rejoindre. L'expérience de
Passe-Partout s'est, d'ailleurs, révélée utile non
seulement aux élèves des milieux défavorisés, mais
à tous les enfants du Québec.
Nous avons aussi, dans la foulée du livre blanc, tenté
d'accroître la participation des parents à la vie de
l'école. Par la loi 71, nous avons instauré un comité ou
un conseil d'orientation où participaient les parents à part
entière, comité d'orientation qui devait être
obligatoirement consulté sur des matières qui touchent le
vécu des élèves, ainsi que les orientations de
l'école. Par la loi 30, nous avons permis que des
délégués de comités d'école et de conseils
de parents siègent aux commissions scolaires, même si
c'était sans droit de vote, afin d'éclairer les commissaires sur
les préoccupations et les interrogations particulières des
parents. Nous avons de même tenté d'accroître la
participation des étudiants, particulièrement ceux du secondaire
et du collégial, à la vie de l'école puisque
l'étudiant, à titre d'usager, se doit de mieux connaître
les cours qu'on lui dispense, le régime de vie qu'on prévoit
à son intention et il a le droit de donner son avis ou son opinion sur
les décisions qui sont prises et dont il a à connaître. Il
a également le droit de suggérer, lui aussi, des
améliorations et des correctifs. Ce mouvement est en cours actuellement
et je pense que nous verrons très prochainement l'éclosion d'une
association nationale d'étudiants du secondaire en même temps que
les associations nationales d'étudiants du collégial verront
leurs pouvoirs et leurs responsabilités accrus.
Cet effort nous a aussi permis, d'une façon fondamentale,
à mon avis, de remplacer les proqrammes-cadres que nous avaient
laissés les années antérieures, programmes flous et
imprécis qui laissaient une trop grande marge de manoeuvre à des
écoles qui ne pouvaient pas toujours les utiliser de la meilleure
façon, par des programmes beaucoup plus précis, bien que
laissant, cependant, une marge de manoeuvre aux écoles et aux
enseignants, programmes plus précis où maintenant les objectifs
sont plus clairs, mieux délimités et semblables pour tous les
élèves du Québec, assurant une égalité des
chances et une qualité égale d'éducation dans toutes les
écoles du Québec, programmes précis qui, en plus des
objectifs, comportent également des contenus notionnels obligatoires,
c'est-à-dire une somme de connaissances obligatoires que doivent
posséder tous les enfants du Québec, tous les citoyens futurs du
Québec dans une société en évolution constante
marquée au coin de la technologie.
Ces programmes existent maintenant. La révision des programmes du
primaire est achevée. Celle du secondaire est en voie de l'être et
nous sommes à préparer, pour chacun de ces nouveaux programmes,
des guides pédagogiques qui, à titre indicatif, seront
utilisés par les écoles et par les enseignants pour
l'implantation des nouveaux programmes. À ces guides
pédagogiques, nous avons l'intention - elle a déjà
été annoncée -d'ajouter des manuels, au moins un par
matière, élaborés par les enseignants à la
lumière de leurs expériences, des manuels, nous
l'espérons, non plus uniquement importés de France ou traduits de
l'américain, mais fabriqués ici même au Québec pour
notre clientèle québécoise.
Nous avons également commencé à réviser tous
nos programmes de formation
professionnelle. Ce n'est pas qu'il n'y avait que des lacunes ou des
carences à cet égard, mais les critiques constructives qui nous
ont été faites au cours des dernières années nous
faisaient constater que, là aussi, il fallait étendre,
améliorer la culture générale. Il fallait introduire, dans
la culture générale elle-même, une culture technologique
qui reflète l'évolution de notre société
occidentale et celle de la société québécoise, en
particulier; une formation générale, là aussi plus longue,
sur laquelle viendra ensuite s'appuyer une formation professionnelle plus
adéquate, plus spécialisée dans les métiers de
pointe de sorte que, dans l'avenir, ces diplômés sauront mieux
trouver leur place sur le marché du travail, d'une part, et,
deuxièmement, si le besoin s'en fait sentir, pourront mieux se recycler,
transférer leur savoir d'une discipline à une autre qui lui est
apparentée, ce qui permettra de réduire le problème du
chômage en même temps que d'augmenter la satisfaction que peuvent
et doivent éprouver les citoyens de demain du fait qu'ils trouvent
à exercer leurs aptitutes dans un métier ou une profession qu'ils
ont choisi.
Nous avons mis en marche également toute une politique nouvelle
de formation des maîtres, qui vise à les préparer aux
responsabilités d'une société changeante, en devenir,
d'une part, et qui vise à réparer certaines des lacunes ou des
carences qui nous ont été signalées au cours des quinze
dernières années, particulièrement dans la formation
initiale qui devra être axée davantage sur la pédagogie,
sur la connaissance de l'enfant dans toutes les dimensions de sa
personnalité, sur les nouvelles techniques pédagogiques ou
instruments didactiques, tel l'ordinateur, qui doivent maintenant être
mis à sa portée et qui mettront davantage l'accent sur la
formation pratique et sur les stages dont l'exécution postulera, exigera
une collaboration des milieux de travail, en l'occurrence les écoles et
les collèges.
Tout ceci a finalement trouvé sa place dans un régime
pédagogique qui a été adopté en 1981, au mois
d'avril, dont l'implantation se poursuit depuis lors à une cadence
régulière et qui implique la participation des enseignants, des
directeurs d'école, participation qui, d'ailleurs, ne manque pas
puisqu'on nous dit que les nouveaux programmes, en particulier,
s'avèrent de loin meilleurs que les anciens.
C'est dans ce sens, dans la foulée de cette poursuite, de cette
quête de la qualité que nous avons abordé les conventions
collectives. Puisqu'il y avait certaines suggestions, recommandations qui nous
avaient été faites et qui n'étaient pas de notre seul
ressort, il fallait que nous en discutions avec nos partenaires et il fallait
qu'elles trouvent leur place dans la convention collective, d'où les
objectifs proprement éducatifs qui ont inspiré la partie
gouvernementale dans les négociations de 1982.
Notre première demande, la plus essentielle, la plus
générale, était et demeure qu'aucune clause des
conventions collectives ne vienne contredire ou rendre inapplicable quelque
article que ce soit de ce régime pédagogique. Il s'était
révélé, en effet, que la convention collective de
1979-1982, dans certains de ses articles, rendait ce régime
pédagogique difficilement applicable ou non applicable. Par ailleurs, il
était loin d'exister une cohérence entre la convention et le
régime pédagogique et encore moins des éléments
incitatifs dans la convention collective favorisant la réalisation de ce
régime. C'est donc là un principe qui nous apparaît
essentiel puisqu'il appartient au gouvernement, à l'État, au
ministère de l'Éducation de déterminer les grandes
orientations du système éducatif et d'assumer en cette
matière ses responsabilités.
Une autre de nos demandes était d'augmenter le temps de
présence au primaire, de le porter de 23 à 25 heures, comme
partout ailleurs dans les autres provinces canadiennes et dans tous les autres
pays, comme d'ailleurs c'était le cas en 1976. Il est devenu important
de faire droit à cette demande puisqu'on nous demande d'inclure dans le
cours primaire des matières de plus en plus nombreuses, d'une part, et,
deuxièmement, puisqu'on demande que l'enfant consacre plus de temps aux
apprentissages fondamentaux, comme celui de la langue maternelle, de la langue
seconde, des mathématiques et des sciences de la nature, sans pour cela,
évidemment, négliger ces spécialités nouvelles
qu'on lui demande d'apprendre et dont il a besoin, c'est-à-dire
l'éducation physique, la formation morale, personnelle et sociale, les
arts en général. Il est donc important de faire droit enfin
à cette demande.
Nous avons aussi choisi délibérément de changer le
processus d'affectation et de mutation des enseignants dans les écoles.
Beaucoup de critiques nous ont été faites au cours des
dernières années à l'endroit du processus qui est
actuellement prévu aux conventions collectives. Nous voulons maintenant
que cette affectation se fasse en fonction des besoins des enfants, en fonction
des besoins des écoles, d'une part; deuxièmement, en fonction de
la compétence, en fonction de la capacité des enseignants
à dispenser tel ou tel enseignement, assurant ainsi aux écoles du
Québec une plus grande stabilité que celle qu'elles ont connue au
cours des dernières années.
Ce que les parents en particulier déplorent, ce ne sont pas
seulement les fermetures d'écoles, c'est-à-dire
l'instabilité géographique, mais c'est également
l'instabilité au niveau des personnels. Nous savons, en effet,
que le mode actuel d'affectation aboutissait à déplacer chaque
année près du tiers de nos enseignants. Des déplacements
mécaniques, des déplacements à la chaîne
aboutissaient à des situations aberrantes où un enseignant ne
pouvait pas enseigner dans la spécialité pour laquelle il avait
étudié à l'université.
Avec ce nouveau processus d'affectation, qui se fait désormais au
niveau de l'école, en fonction des besoins de l'école, de son
projet éducatif, je pense que nous ferons d'une pierre plusieurs coups
puisque nous assurerons une éducation de qualité aux
élèves en même temps qu'un choix d'enseignement qui
correspondra aux aptitutes, à la compétence des enseignants,
assurant également la stabilité de l'école.
Nous voulons aussi, par la présente convention collective,
assurer une présence effective des enseignants auprès des
enfants. À l'école elle-même, la convention collective
actuelle prévoit 27 heures, mais, de ces 27 heures, une partie
seulement, celle consacrée à l'enseignement et quelques heures
additionnelles, doit se passer à l'école. Pour un certain nombre
d'heures, trois ou quatre, la disponibilité était auprès
d'une commission scolaire, et la pratique a montré que bien peu
d'enseignants pouvaient consacrer aux enfants dont ils avaient la charge les 27
heures que prévoyait la convention collective. (15 h 15)
II est donc important que les enseignants assurent maintenant ce service
aux élèves dans les écoles durant tout le temps
prévu, ce qui permettra, j'en suis sûr, de mieux identifier tous
les besoins des élèves dans toutes les sphères de leur
développement, de mieux y répondre également, que ce soit
pour des fins de conseil ou de récupération ou d'assistance, ce
qui leur permettra, en définitive, d'établir une relation
éducative plus signifiante, plus personnelle, plus humaniste, ce qui, au
fond, est la fonction première de l'acte éducatif et de l'acte
pédagogique.
C'est pour les mêmes raisons, d'ailleurs, que nous exigeons dans
la présente convention collective le décloisonnement des
tâches. Nous voulons nous éloigner du modèle industriel,
selon lequel la tâche de l'enseignant avait été
conçue d'une façon fractionnée, d'une façon
minutée pour nous rapprocher de l'essence même de l'acte
éducatif qui est, par essence, une tâche globale qui
s'intéresse à toutes les dimensions de la personnalité de
l'enfant et qui exige que tantôt on consacre plus de temps à
l'enseignement - ce qui va de soi -mais tantôt beaucoup de temps, et
parfois même plus de temps, au développement des autres dimensions
de la personnalité de l'enfant.
Nous voulons aussi, par les présentes conventions collectives,
assurer avec les parents, des communications non seulement plus
fréquentes, mais également plus significatives. Nous voulons
améliorer encore la situation des élèves en
difficulté. C'est la raison pour laquelle nous demandons maintenant
à toutes les commissions scolaires d'établir une politique
à cet égard en consultation avec les syndicats. C'est la raison
pour laquelle nous demandons qu'aucun élève ne soit
intégré dans une classe sans que l'enseignant soit
consulté et que, si un élève en difficulté est
intégré, ou le nombre d'élèves par classe diminuera
ou on devra fournir à cet enseignant les ressources
spécialisées dont il a besoin.
Nous voulons, enfin, par la présente négociation remplacer
les négociations locales par des arrangements locaux qui pourront
modifier les conventions établies sur le plan national, qui pourront y
ajouter également, mais sans que cette discussion conduise à des
grèves ou à des lock-out et sans qu'elle s'éternise
également, puisqu'un délai sera accordé pour que ces
discussions aboutissent.
Ces demandes, marquées au coin de la qualité, nous avons
cherché, nous avons voulu en discuter durant ces sept mois avec nos
partenaires. Mais il n'a pas été possible de le faire, puisque
ces discussions ont achoppé sur d'autres clauses de la convention
collective dont je voudrais maintenant parler, celles qui ont un
caractère financier. Nous avions, d'ailleurs, lors de cette
négociation, des objectifs économiques et financiers
également importants. Nous savons, en effet, que le coût de nos
conventions collectives augmente de 17% par année en fonction de l'une
ou l'autre des clauses qui y sont incluses. Par ailleurs, nous savons que le
Québec, au cours de 1981, a connu un appauvrissement collectif de 6,3%
et cela s'est continué en 1982. Il y a là un décalage
qu'aucune société responsable ne peut se permettre. Alors que le
coût du système augmente de 17% et que la richesse collective
diminue de 6%, il importe, il est essentiel d'effectuer des ajustements,
d'autant plus qu'au cours des deux dernières années, étant
donné que 88% des montants dépensés aux secteurs primaire
et secondaire allaient aux salaires, nous avons dû effectuer des
compressions sur les 12% restants au point de compromettre les réformes
déjà entreprises et même la survie, l'existence de services
que nous considérions comme essentiels.
C'est la raison pour laquelle nous avons, au niveau des salaires,
demandé une diminution en même temps qu'une
récupération, que nous avons demandé, au niveau des
pensions, une diminution des contributions de l'État. C'est aussi la
raison pour laquelle nous avons demandé une augmentation de deux heures
par semaine au niveau de la tâche. Cette augmentation de
deux heures, qui se solde par des chiffres importants, près de
344 000 000 $, elle ne nous apparaît pas excessive. Deux heures de plus
pour la durée de la convention ramèneraient la tâche de
l'enseignant québécois à ce qu'elle est pratiquement dans
toutes les autres provinces du Canada et dans les États
américains avoisinants. Elle serait encore inférieure à
celle qui existe dans la plupart de nos institutions privées au
Québec. Même si elle est augmentée, il reste, cependant,
qu'elle doit être mise en parallèle avec la situation
économique du Québec qui, elle, est beaucoup moins avantageuse
que celle de l'Ontario ou de l'Alberta, par exemple, ou celle de la plupart des
États américains que nous connaissons.
De plus, même s'il s'agit d'une augmentation de la tâche,
notre dernière offre, qui est encore sur la table, permet que cette
augmentation s'étale sur trois ans, en d'autres termes, une heure au
cours de la prochaine année, deux heures au cours de la deuxième
année ou, s'il s'agit du secondaire, une période par
année. Cela voudrait dire que, l'an prochain, un enseignant devrait
enseigner douze minutes de plus par jour et, au terme des trois ans, 25 minutes
de plus par jour. Il ne nous semble pas que cette augmentation, même si
on peut la critiquer, soit excessive ou exorbitante en fonction de la crise que
nous vivons et des besoins économiques et financiers qui sont les
nôtres à l'heure actuelle.
Nous ne disons pas que cette augmentation de la tâche n'affecte
pas la qualité; nous l'avons dit à plusieurs reprises. Il serait
peut-être idéal que le ratio élèves-enseignant
continue de s'abaisser indéfiniment jusqu'à quatre, trois, deux
ou un, comme cela existait à certaines époques ou encore
peut-être aujourd'hui pour les familles très riches. Mais il reste
qu'il faut aussi tenir compte des ressources de la collectivité et de la
capacité de payer de la collectivité. Il est devenu impossible
maintenant de vivre au-dessus de nos moyens et nous croyons, par ailleurs,
qu'une organisation pédagogique différente, faisant droit, par
exemple, d'une façon plus marquée au concept de polyvalence dont
je parlais tout à l'heure, peut permettre d'aménager cette
augmentation de la tâche tout en maintenant des services de
qualité.
Quant à la sécurité d'emploi qui est reliée
à la tâche, je voudrais seulement faire quelques remarques en
disant que la clientèle scolaire au Québec a diminué de
30% environ, alors que les effectifs enseignants n'ont diminué que de
2,3% ou de 2,5%. Il y a là un écart dont on peut se
féliciter à certains égards sur le plan de la
qualité, mais un écart qui existe quand même et que l'on
peut ou doit remettre en question à l'occasion de crises
économiques de l'ampleur de celle que nous connaissons. Il faut aussi
rappeler à cet égard qu'en 1976 la convention collective a
ajouté 5600 enseignants au bassin des étudiants et, en 1979, 1600
autres. Ceci explique en grande partie l'immensité de l'écart qui
existe à l'heure actuelle. Donc, nous reconnaissons qu'il y a là
un problème et un problème auquel notre société
doit faire face.
Mais, là encore, l'offre du 9 février, que nous avons
faite et qui reste sur la table, permet un étalement de la tâche
qui se traduira également au niveau du nombre d'enseignants mis en
disponibilité. Par exemple, au niveau du primaire, il n'y aura aucune
diminution d'effectifs du fait que nous portons le temps de présence des
enfants à 25 heures tout en augmentant la tâche. Il y aura une
équivalence, une adéquation qui va s'effectuer et qui va rendre
nulles les mises en disponibilité. Bien plus, le fait que nous
augmentions la tâche moins rapidement que le nombre d'heures de
présence des enfants à l'école nous permettra d'ajouter,
dès l'an prochain, 600 spécialistes à l'école
primaire pour l'enseignement de la langue seconde, pour l'enseignement de
l'éducation physique, pour l'enseignement de la formation personnelle,
morale et sociale et pour l'enseignement des arts.
Au secondaire, évidemment, le problème sera plus
marqué. Mais ce ne sont pas 10 000 ou 15 000 enseignants qui seront mis
en disponibilité, comme on essaie parfois de le faire croire. Notre
offre du 9 février qui est encore sur la table garantit que les mises en
disponibilité ne sauraient en aucun cas dépasser 5000. Ce chiffre
sera beaucoup moindre si les efforts intenses de résorption que nous
voulons faire avec la collaboration des syndicats et si les efforts de
relocalisation que nous tenterons réussissent. Nous avons, en effet,
porté à la connaissance des enseignants une vingtaine de mesures
qui nous permettront de résorber, là où les enseignants le
veulent, en sentent le besoin, les effectifs et aussi qui nous permettront
d'assurer une meilleure mobilité des enseignants à
l'intérieur du secteur de l'enseignement et aussi entre les divers
secteurs de la fonction publique. Cette meilleure mobilité
intrasectorielle et intersectorielle respectera, pas ailleurs, en tout point,
les compétences et les capacités particulières des
enseignants, ainsi que leurs qualifications.
Il en va de même au collégial. Ce n'est pas de 3000 ou de
4000 mises en disponibilité qu'il faut maintenant parler. Avec notre
offre du 9 février qui est toujours sur la table, le nombre de ces mises
en disponibilité ne saurait en aucune façon dépasser 700
ou 800. Et même si l'augmentation de la clientèle que nous
connaissons depuis deux ans au collégial se maintient, comme cela semble
probable, le
nombre des mises en disponibilité va diminuer encore davantage,
en deçà de 700. Là aussi, nous appliquerons les
mêmes mesures de résorption, les mêmes mesures de
relocalisation qui nous permettront, encore une fois, de diminuer le nombre des
mises en disponibilité.
Quant au paiement de la sécurité d'emploi, il demeure
très avantageux si on le compare au traitement, au régime dont
jouissent des employés dans d'autres secteurs et, d'une façon
encore plus particulière, dans le secteur privé. Nous assurons un
paiement à 80% pour les deux premières années et à
80% ou 50% pour la troisième année, selon que l'année de
disponibilité est la première ou la deuxième. C'est
là un régime, encore une fois, très avantageux et que nous
pourrons même améliorer si le succès de nos mesures de
résorption et de relocalisation est à la mesure de nos
espérances et se fait avec la collaboration des enseignants. Nous
pourrions même en arriver à payer à 100%, de cette
façon, le coût de la sécurité d'emploi.
Il me semble donc, M. le Président, en conclusion, que nos
objectifs éducatifs, que nos objectifs sociaux, économiques au
cours de la présente négociation ont été
marqués au coin de l'exigence de la qualité, en même temps
que de la justice sociale et constituent, à ce dernier égard, un
ajustement essentiel, nécessaire à nos ressources qui ont connu
une nette diminution, un ajustement nécessaire, essentiel, à la
capacité de payer de notre collectivité. C'est pourquoi nous
continuons d'espérer que ces choix seront acceptés par les
syndicats, d'autant plus qu'il est temps, je crois, de penser aux autres
défis, aux autres problèmes que nous avons à
connaître dans notre société québécoise,
qu'il importe maintenant au plus tôt de tourner la page et, tous
ensemble, de relever d'autres défis, de mener d'autres combats sur le
plan social, économique, culturel et aussi politique. (15 h 30)
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre. Compte
tenu du temps qui a été pris, c'est-à-dire 49 minutes, M.
le député d'Argenteuil, vous avez le même temps à
votre disposition. M. le député.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Merci, M. le Président. Je ne chercherai pas
nécessairement à prendre le même temps que le ministre. Je
vais essayer de présenter le point de vue de notre formation politique
de la manière la plus simple et la plus réaliste possible. C'est
en conformité avec l'esprit dans lequel nous venons à cette
commission. Nous voulons collaborer à la recherche d'un règlement
négocié d'un conflit qui fait mal au Québec actuellement,
qui fait très mal au gouvernement aussi. Nous avons tous
intérêt à chercher à le résoudre par les
voies de la conversation et du dialogue plutôt que par les voies de
l'imposition.
Je me réjouis de ce que le gouvernement ait enfin consenti
à convoquer la commission parlementaire de l'éducation pour
examiner le contenu du litige. Pendant longtemps, le gouvernement s'est
refusé à cette démarche que nous lui suggérions
avec insistance. Je suis convaincu qu'avant de tirer quelque conclusion
définitive ou irréversible que ce soit dans ce conflit, le
gouvernement avait l'obligation stricte, et nous aussi comme
législateurs, d'aller au fond des problèmes afin de vraiment
explorer toutes les possibilités.
Certains observateurs se sont inquiétés de l'apport qu'une
commission parlementaire peut fournir à la recherche d'une solution.
Certaines limites sont inhérentes à la nature d'une commission
parlementaire sous notre système de gouvernement. Il ne faut pas y
être indifférent. Vous constaterez que la commission parlementaire
est formée en majorité de membres du parti qui forme le
gouvernement. Par conséquent, si les règles permettent à
l'Opposition de s'exprimer très librement, nous ne saurions faire
miroiter aux yeux de la population, encore moins des intéressés
immédiats que sont les enseignants, que la commission aurait le pouvoir
de tirer des conclusions différentes de celles du gouvernement et
surtout opposées à celles du gouvernement. Je dis ceci simplement
par mode de constatation et pas du tout d'imputation de motifs,
évidemment. Les députés qui siègent à la
commission du côté ministériel sont aussi les
députés qui ont voté pour la loi 70 en juin dernier, pour
la 105 en décembre et pour la loi 111 plus récemment. Je ne pense
pas qu'on puisse s'attendre, sous le régime à l'intérieur
duquel nous travaillons, qu'il y ait un changement radical d'attitude de ce
côté-là. Je comprends dans ce sens les réserves que
certains ont pu exprimer quant à l'utilité éventuelle
d'une commission parlementaire.
Je rappelle, par contre, qu'il est arrivé souvent, dans le
passé, qu'en commission parlementaire les députés se
soient montrés capables de s'élever au-dessus des
considérations partisanes pour essayer de voir les problèmes dans
une perspective plus approfondie. Il est arrivé que, sans aller
jusqu'à tirer des conclusions qui auraient été
opposées à celles du gouvernement, une commission parlementaire
ait pu dégager des aperçus ou des horizons qui étaient de
nature à infléchir les manières de voir du
gouvernement.
Comme le conflit actuel implique directement l'avenir de
l'éducation chez nous, l'avenir de nos libertés fondamentales et
l'avenir, évidemment, de notre société dans sa
qualité démocratique, je pense que
nous avons le devoir de chercher loyalement à trouver des pistes
de rapprochement entre les parties.
À ceux qui s'inquiéteraient de l'aptitude d'un groupe de
députés à fournir un éclairage utile à ce
sujet, je voudrais rappeler deux choses très modestes. D'abord, les
députés sont les représentants élus de la
population. On me dira que parfois ils se situent plus près de la
moyenne que de ceux qui se considèrent comme les phénix de la
société. Dans un conflit aussi complexe et ardu que celui auquel
nous avons affaire, je pense que le devoir de simplification est une des
responsabilités importantes de ceux qui y touchent. Peut-être, de
ce côté-là, les députés, avec les questions
en apparence simples ou même parfois naïves qu'ils pourraient
adresser aux témoins qui viendront les rencontrer, pourront-ils aider
à dégager les éléments susceptibles de conduire
à un rapprochement.
Il y a une fonction qui incombe aux députés aussi, qu'on
ne saurait minimiser: ils sont les gardiens des fonds publics. lis sont
gardiens non seulement de l'emploi minutieusement contrôlé des
fonds publics, mais aussi de l'emploi judicieux et efficace des fonds publics.
Leur rôle ne se borne pas à dire qu'il faudrait absolument que les
dépenses à ce chapitre-ci soient coupées l'an prochain. Il
consiste beaucoup plus à veiller à ce que les dépenses
soient faites dans l'ordre de grandeur nécessaire pour assurer la
réalisation des objectifs que notre société se fixe et
moyennant tous les contrôles voulus. Dans cette perspective, je pense que
la commission peut être utile et j'aborde son travail dans un esprit
constructif.
En face de quelle sorte de problème sommes-nous placés? Je
pense que le problème se situe à deux niveaux. Nous avons,
d'abord, un conflit de travail, comme il s'en est présenté
souvent au cours des 20 dernières années dans les secteurs public
et parapublic. Un conflit de travail dans lequel, cette fois-ci en particulier,
la responsabilité du gouvernement est, évidemment,
considérable. Pour comprendre ce qui se produit aujourd'hui, il faut se
souvenir de tout cet arrière-plan troublé que constitue
l'histoire des relations du travail dans les secteurs public et parapublic au
Québec depuis maintenant une vingtaine d'années que le droit
à la libre négociation a été reconnu en
plénitude dans le secteur public. L'histoire de ces années
difficiles nous appelle à des révisions exigeantes, qui ont
été promises à maintes reprises, mais qui n'ont jamais
été véritablement faites. Nous payons aujourd'hui le prix
de cette négligence dont le gouvernement s'est rendu responsable, ayant
été maintenant au pouvoir depuis sept ans.
Cette semaine, j'avais l'occasion, en préparation des audiences
de notre commission, d'étudier le système des relations du
travail dans le secteur de l'éducation en Ontario. J'avais toujours
pensé, par les allusions vagues et plus ou moins mal informées
qu'on y faisait, qu'il s'agissait d'un système beaucoup moins
avancé que le nôtre, beaucoup moins intéressant. Au
contraire, j'ai trouvé des choses extrêmement intéressantes
et suggestives. Je ne veux pas dire que nous devrions le transformer demain
matin. Mais je dois constater que, depuis sept ans que le gouvernement est au
pouvoir, nous n'avons pas eu la chance de faire un examen en profondeur des
relations du travail dans le secteur de l'éducation, alors qu'en Ontario
on s'est doté de tout un appareil beaucoup moins dispendieux que bien
des opérations que nous faisons ici et qui, dans l'ensemble, fonctionne
de manière satisfaisante.
Une de ses grandes caractéristiques est son caractère
hautement décentralisé. On avait formé une commission
d'enquête, il y a deux ans, pour réviser ce système. La
commission d'enquête a procédé à des constatations
dans la province de l'Ontario. L'une des grandes conclusions auxquelles elle en
est venue est qu'il ne fallait surtout pas aller vers les excès de
centralisation dont nous payons malheureusement le prix et dont nous subissons
les contraintes très lourdes au Québec. De toute façon, le
gouvernement a une responsabilité certaine de ce côté. Je
pense qu'il doit porter également la responsabilité des
conséquences.
En plus de cette toile de fond très générale, il y
a eu une succession d'événements plus récents qui
expliquent que nous soyons, encore une fois, plongés aujourd'hui dans
l'impasse. L'année 1982-1983 marquait l'expiration des conventions
collectives qui embrassaient la période allant de 1979 à 1982.
Elle devait être marquée, en conséquence, par la
négociation d'une nouvelle convention collective pour les années
à venir. Mais, au lieu d'une nouvelle convention collective, nous avons
été témoins depuis huit mois d'une succession absolument
inusitée de lois unilatérales et autoritaires qui constituent
l'ensemble de lois autoritaires le plus lourd, le plus écrasant qui ait
jamais été adopté par aucun gouvernement dans l'histoire
des relations du travail au Québec.
Déjà, la loi 105, adoptée en décembre
dernier, imposait les conditions de travail de la première à la
dernière ligne, pour une période de trois années à
venir, non seulement aux travailleurs du monde de l'enseignement, mais à
tous les travailleurs syndiqués des secteurs public et parapublic.
Étant donné l'énormité des contraintes que cette
loi faisait peser sur les intéressés, il n'est pas
étonnant que, pendant tout le mois de janvier, nous ayons entendu parler
de bruits de grève, de bruits d'arrêt de travail, de mouvements
concertés des travailleurs concernés afin de faire entendre
leurs
intérêts et leurs points de vue dans cette affaire.
C'est dans ce contexte, M. le Président, que nous avons
été témoins, à compter de la fin de janvier, de la
grève des enseignants qui a débouché récemment sur
la trêve que nous connaissons. C'est facile de dire que cette
grève, parce qu'elle était illégale, était un
assaut contre l'État. Mais je ne pense pas qu'on devrait "grimper dans
les rideaux" à ce point-là. C'était une grève
illégale, c'est évident, c'est regrettable, et jamais un parti
politique siégeant à l'Assemblée nationale ne pourra se
porter solidaire d'une grève qui, dans sa nature même, est
illégale. Mais on peut constater le caractère illégal
d'une grève, on peut le déplorer, tout en essayant de comprendre
comment il se fait que des travailleurs aient été conduits
là. Je ne sache pas qu'on ait assisté au cours des
dernières semaines à un assaut contre l'État dans le sens
que les gens auraient dit: II faut renverser l'État, il faut se
débarrasser des structures politiques que nous avons, il faut amener le
monde à la révolution. Je ne pense pas qu'on ait entendu ce
langage et je ne pense pas, pour avoir moi-même été
invité à participer à plusieurs réunions publiques
traitant de ces questions, que cela ait été le moindrement le
climat dans lequel s'est fait ce mouvement de protestation contre une loi qui,
dans sa nature même, était injuste.
Si on veut bien comprendre ce qui s'est passé, il ne faut pas
oublier que des milliers de travailleurs du monde de l'enseignement
étaient en présence d'un gouvernement qui avait froidement,
formellement, systématiquement renié sa signature: la signature
qu'il leur avait donnée dans des conventions précédentes
et qu'il avait envoyé promener six mois avant l'expiration des
conventions collectives qui étaient en cours. Il avait dit, dès
le mois de juin: On décide de notre seule autorité de vos
conventions qui expirent le 31 décembre. On les prolonge jusqu'au 1er
avril. Non seulement cela, on va vous dicter des conditions de salaires pour
les trois derniers mois de la convention collective. Par conséquent, en
prolongeant la convention d'un côté, il aurait dû, au moins,
la laisser telle quelle parce qu'il y avait sa signature au bas. Non seulement
il l'a prolongée d'un côté, mais il l'a changée
unilatéralement. Je n'ai jamais vu une chose comme celle-là.
J'espère qu'on me citera des exemples d'employeurs publics ou
privés qui se seraient comportés de cette manière sans
encourir une sanction quelconque.
Deuxièmement, le gouvernement - et c'est un jugement politique
qu'il a fait - a imposé aux enseignants et à tous les groupes de
travailleurs de notre société, et cela embrasse autant le secteur
privé que le secteur public... Les enseignants sont le groupe qui a
été appelé à payer le plus cher au point de vue des
sacrifices financiers: coupures de salaires, coupures de services, coupures au
point de vue de la sécurité d'emploi également, pour une
situation qui est en très grande partie la responsabilité du
gouvernement.
J'entendais le ministre de l'Éducation, tantôt,
évoquer suavement la crise économique que nous connaissons. Dieu
sait que nous en sommes conscients! Mais je ne peux pas accepter que le
gouvernement confonde, continuellement et systématiquement, la crise
financière, la crise des finances publiques dont il est l'auteur, avec
une crise économique aux dimensions beaucoup plus larges. Il y a deux
aspects dans ce problème. Quand on a accumulé des déficits
comme l'a fait le gouvernement actuel depuis quatre ans, c'est bien avant la
crise économique qu'on a commencé cela. Dans les autres provinces
du Canada, on s'est ajusté cinq ans plus vite que le gouvernement du
Québec aux temps difficiles qui s'annonçaient. Parce qu'il a
été imprévoyant, parce qu'il avait d'autres
priorités avant le référendum de 1980 et l'élection
de 1981, le gouvernement n'a commencé à réagir à
ses propres abus ou à sa propre inconscience administrative qu'au
lendemain d'une élection qui lui garantissait la jouissance du pouvoir
pour quelques années à venir.
Il ne peut pas prendre une catégorie de citoyens et leur dire:
Vous serez des otages et c'est vous qui allez en payer le prix. Il l'a fait
quand même. En plus, il disait à ses travailleurs: Pour les trois
prochaines années, voici votre convention, on vous apporte tout un
paquet d'améliorations; tâchez d'être assez intelligents
pour être reconnaissants et dire merci au gouvernement. Les gens ont dit:
Non, merci. Ils ont dit: Franchement, c'est un paquet trop lourd. C'est une
accumulation. Ils voudraient que le ministre s'en rende rende compte. Je
l'écoute parler et j'ai l'impression qu'il n'est pas conscient de la
morsure profonde que des actes comme ceux-là créent chez les gens
qui sont attachés à nos libertés. Cela aide à
comprendre ce qui est arrivé. Cela ne l'excuse pas, cela ne l'efface pas
de l'histoire. Ce sont des faits qui sont inscrits dans notre dossier
historique à tous, mais cela explique et aide à comprendre.
Surtout, je pense que cela devrait nous mettre sur la piste de certaines voies
de recherche, de certaines attitudes différentes qui permettraient de
mieux se préparer à trouver des solutions. (15 h 45)
Dans le sillage de cette grève illégale, il y eut ensuite
la loi 111, avec la suspension des libertés fondamentales des citoyens
concernés. J'ai entendu toutes sortes de choses du côté
gouvernemental, mais je ne pense pas que le ministre les ait
répétées
aujourd'hui. On a dit qu'il s'agissait d'une suspension limitée,
d'une suspension qui compte plus ou moins. C'est une suspension
complète. Aux termes mêmes de l'article 28 de la loi 111, c'est
une suspension de toutes les libertés, de tous les droits qui sont
garantis dans la Charte des droits et libertés de la personne pour les
travailleurs concernés. Cela va très loin. Je suis bien content
que le député de Vachon en soit encore très
profondément blessé parce que c'est franchement un excès
qui trouve difficilement sa justification même quelques semaines
après. Il y a, évidement, tout un cortège de sanctions sur
lesquelles je me dispense de revenir. Si le gouvernement avait eu autant
d'imagination pour trouver des solutions qu'il en a manifesté pour
trouver des sanctions, je pense que nous serions plus avancés
aujourd'hui sur la voie d'un règlement.
Mais cela est l'arrière-plan qu'il fallait rappeler
malheureusement parce que cela fait partie du dossier. Ce n'est pas - je
regrette de diverger d'attitude avec le ministre de l'Éducation - un
dossier bucolique, ce n'est pas un dossier romantique, ce n'est pas un dossier
à l'eau de rose. C'est un dossier extrêmement difficile. Encore
une fois, je pense que les responsabilités du gouvernement sont
considérables et doivent être soulignées au début de
nos travaux.
Fort heureusement, nous connaissons présentement une trêve
sur laquelle je ne veux pas me prononcer aujourd'hui sur les motifs et le
dénouement parce que cela nous entraînerait dans toutes sortes
d'hypothèses plus ou moins gratuites. Ce que je considère, c'est
que la trêve a été un moment heureux, bien accueilli de
tous, je pense bien, dans le cheminement de ce conflit. Elle doit surtout
être employée à la recherche d'un règlement
négocié. Pourquoi? Parce que la négociation est l'essence
même de tout notre régime de relations du travail au
Québec. Enlevez la négociation libre et tout le reste n'est que
de la vulgaire mécanique qui n'a aucune signification
intéressante. Le régime des relations du travail que nous avons
est le meilleur instrument que nous ayons pu mettre au point à la suite
de plusieurs générations de travailleurs - cela a commencé
dès la fin du XIX siècle - pour assurer la protection efficace
des droits de toutes les catégories de travailleurs qui veulent recourir
à ces lois du travail. Le Code du travail, nos lois du travail, encore
une fois, n'ont aucune signification, sont vidés de leur substance
dès que disparaît, dès qu'est nié le principe de la
libre négociation qui en est le coeur, qui en est l'essence.
Je me permets de rappeler que l'histoire des sociétés
modernes enseigne que le maintien d'une liberté de négociation
vigoureuse dans le domaine du travail est un corollaire essentiel du maintien
des libertés tout court dans une société. Les
libertés syndicales n'ont pas toujours été
utilisées avec tout le discernement qu'il faut. De ce
côté-là, on pourrait dresser toute une critique. On l'a
fait souvent les uns et les autres, mais, nonobstant certains abus qui ont pu
être commis, elles restent un des piliers, un des pylônes sur
lesquels doit reposer le fonctionnement d'une société
démocratique.
Vers le milieu de cette trêve, je suis encore une fois heureux que
le gouvernement ait enfin consenti à convoquer la commission
parlementaire. Je ne voudrais pas qu'on s'imagine que la commission aura
nécessairement un rôle décisif ou nécessairement un
rôle insignifiant. Nous ne le savons pas. Les pouvoirs de décision
sont ailleurs. Les pouvoirs moraux dans une société, fort
heureusement, aussi longtemps que subsiste la liberté d'expression, ne
logent nulle part de manière exclusive ou définitive. C'est une
réalité qui peut aller d'un point à l'autre, et je pense
que c'est à ce niveau que nous allons essayer de nous situer
ensemble.
Dans ce climat, dans cette perspective, la première
responsabilité de la commission parlementaire doit consister à
chercher à cerner, avec le plus de précision possible, les enjeux
véritables du litige. Il y avait un vieil adage qui nous disait
autrefois que dans un problème bien posé on trouve
généralement les quatre cinquièmes de la solution. Il me
semble que la responsabilité de la commission parlementaire est de bien
poser le problème et d'obliger les parties et les autres organismes qui
se présenteront devant elle à le poser honnêtement,
franchement, en dehors de toute enflure, en dehors de toute
ambiguïté.
Chacun, dans un conflit comme celui-ci, est porté à ses
propres écarts de langage ou de propagande. Nous en avons signalé
plusieurs, y compris du côté du gouvernement, mais je pense que
cette commission, vous vous en rendrez vite compte, est un lieu qui se
prête beaucoup moins bien à ce genre d'écarts. Ceux qui
voudraient se complaire là-dedans seront rappelés à
l'ordre par des questions qui viendront, je pense bien, d'un côté
ou de l'autre.
Je voudrais vous prévenir que même si, parfois, nos
questions sont dures, elles ne témoignent pas d'une mauvaise intention
ou d'une mauvaise pensée à l'endroit de qui que ce soit. Elles
témoignent d'un désir de chercher la vérité dans
une situation très difficile, qui doit être conçu par nous
comme un devoir strict de notre charge.
Les deux aspects majeurs du conflit m'apparaissent être, d'un
côté, la question salariale et, d'autre part, la qualité
même de l'éducation, tout ceci à l'ombre du fameux cadre
financier dont on nous parle
continuellement et sur lequel nous obtiendrons, j'imagine, des
indications peut-être plus précises. En temps normal, les salaires
et tout ce qui s'y rattache feraient l'objet d'une âpre contestation,
spécialement à la suite des mesures qui furent instituées
avec la loi 68, la loi 70 et la loi 105, mais - ici, on me corrigera si je fais
erreur - j'ai cru comprendre que les enseignants ont indiqué
eux-mêmes que, non sans réticence, mais quand même, ils
acceptent à cet égard, de manière générale,
les contraintes et les sacrifices inusités qui leur ont
été imposés par la politique gouvernementale.
Quand le ministre a parlé d'un écart de 2 000 000 000 $ ou
de 2 500 000 000 $ qui séparait les deux parties à un certain
stade, je ne pense pas qu'il ait fait ses calculs en tenant compte des
propositions de gel salarial qui avaient été faites par les
syndicats d'enseignants. Je pense que, si on tient compte d'ouvertures comme
celles-là, qui avaient été faites, à ma souvenance,
dès le mois de juin dernier, qui ont été
répétées avec plus de précision dans les mois qui
ont suivi, l'écart est déjà moins considérable.
Mais, à moins que je ne me trompe, cette partie du litige ne fait pas
l'objet de l'essentiel de la contestation actuelle que les enseignants
instituent contre les décrets découlant de la loi 105. Il faut
leur en savoir gré parce qu'ils montrent par là qu'ils sont
conscients, contrairement à ce qu'on a entendu dire souvent, des
contraintes inhérentes à la situation dans laquelle nous sommes,
tant au point de vue de la marche de l'économie en général
qu'au point de vue plus précis de la santé, ou de la mauvaise
santé, plus exactement, des finances publiques.
Par conséquent, je ne m'attarderai pas sur cette dimension du
conflit pour l'instant, sauf pour signaler que le gouvernement devrait faire
preuve d'une prudence extrême lorsqu'il fait, à cet égard,
des observations ou des comparaisons touchant la rémunération des
enseignants. Lors du débat de deuxième lecture sur la loi 111, le
ministre de l'Éducation, invoquant l'exemple de l'Ontario dont je dirai
un petit mot tantôt, disait ceci: "Parce que c'est à peu
près la moyenne qui existe dans ces provinces, pays et États,
mais aussi parce que le Québec, dans l'effort de rattrapage
extraordinaire qu'il fait dans le domaine de l'éducation depuis 20 ans a
privilégié ses enseignants. Par exemple, un enseigné, un
enfant, un élève au primaire nous coûte, au Québec,
652 $ de plus qu'en Ontario. La tâche d'un enseignant au Québec
est de 15% inférieure à celle d'un enseignant de l'Ontario. Le
salaire d'un enseignant est supérieur de près de 20% à
celui d'un enseignant en Ontario." 0e pense que le ministre conviendra
lui-même aujourd'hui que ses propos étaient erronés, du
moins dans la partie salariale.
M. Laurin: J'en parlerai.
M. Ryan: Ainsi que l'indiquent clairement des chiffres
publiés dans le journal Les affaires, cette semaine, sur la foi de
données émanant du ministère de l'Éducation
lui-même, les enseignants québécois ont gagné en
moyenne, en 1981-1982, 28 980 $, ce qui est seulement 292 $ de plus que la
rémunération moyenne des enseignants ontariens. 292 $ sur 289 $,
cela fait à peu près 1%, à moins que je ne sache plus
compter, 1,1%. L'année précédente, en 1980-1981, les
enseignants ontariens avaient obtenu en moyenne une rémunération
salariale supérieure de 318 $ à celle des professeurs
québécois. Pour 1982-1983, la rémunération
salariale des enseignants québécois se détériorera
puisqu'ils recevront en moyenne 30 199 $, alors que les salaires moyens des
enseignants ontariens sont de l'ordre de 31 531 $. Ces données
étaient déjà disponibles ou des données du
même genre. Les comparaisons ne sont pas faciles parce que, en Ontario,
nous savons tous que les salaires sont déterminés à l'aide
de conventions collectives négociées pour chaque commission
scolaire. Mais, déjà, dans le rapport d'une étude qui
avait été faite au ministère de l'Éducation et qui
a été publié en janvier 1982, on avait, pour
l'année 1979-1980, des données à peu près
équivalentes. Par conséquent, de ce côté-là,
je pense qu'on devrait cesser au moins de dire qu'ils sont beaucoup mieux
payés qu'ailleurs. Je pense que cela n'est pas vrai et, pour
l'année 1982-1983, comme l'indiquent les dernières données
rendues disponibles... D'ailleurs, je ne pense pas qu'il y ait eu de la
mauvaise foi là-dedans - je vais être bien honnête -parce
que les données que publie M. Gagné émanent du
ministère de l'Éducation. Parfois, il nous arrive de nous laisser
emporter par des excès, en mettant un zéro là où il
ne faudrait pas en mettre. Je pense que, dans ce cas-ci, c'est bien important
qu'on dise les choses comme elles sont, pour les salaires.
Maintenant, quelque chose nous préoccupe davantage. Encore une
fois, nous sommes prêts à écouter toutes les
représentations qu'on nous fera au chapitre des salaires, mais je crois
avoir compris que ce n'est pas là-dessus qu'on fait porter le
débat. Par conséquent, je passe à l'autre dimension qui
est la dimension pédagogique, la dimension de la qualité de
l'enseignement. Le gouvernement ne s'est pas borné à exiger des
enseignants de très lourds sacrifices financiers. Il a également
décidé d'imposer unilatéralement des modifications
très importantes dans les conditions de travail des enseignants.
Je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu à ce sujet en ce qui
touche la
ligne de conduite de l'Opposition. Divers facteurs plaidaient en faveur
d'ajustements qui étaient devenus nécessaires dans les
conventions collectives, lesquelles définissent les conditions de
travail des enseignants. La rigidité extrême des conventions
collectives exigeait, à maints égards, des ajustements. Je
voudrais citer, à ce sujet, l'étude qu'avait faite le Conseil
supérieur de l'éducation, il y a quelques mois, une étude
dans laquelle le conseil concluait qu'il faudrait faire disparaître des
conventions collectives maintes rigidités excessives qui rendaient plus
difficile le véritable travail d'éducation.
Le ministre évoquait tantôt la diminution de
clientèle; c'est un fait qu'il faut reconnaître. Si la
clientèle a diminué de 30% au cours des dix dernières
années, c'est évident que cela entraîne - qu'on aime cela
ou non - des conséquences au point de vue des effectifs salariés
qui seront appelés à oeuvrer dans le secteur de
l'éducation. (16 heures)
On a fait état de comparaisons avec les autres provinces ou les
autres États. On est obligé de tenir compte de ce
facteur-là. On ne vit pas dans une cage de verre. On ne vit pas dans un
isolement complet par rapport aux autres. Par conséquent, il est normal
que nous tenions compte de facteurs comme ceux-là et je pense que le
gouvernement aurait pu se réveiller beaucoup plus vite à
l'importance d'un facteur comme celui-là. Finalement, la situation de
l'économie, le mauvais état des finances publiques, tout cela
indiquait, nous l'avons dit souvent, que des ajustements étaient devenus
nécessaires.
J'entendais le ministre évoquer tantôt certains changements
que le gouvernement a instaurés dans les décrets. Quand il parle
du décloisonnement de la tâche éducative, là il
reprend une idée qui avait été mise de l'avant par le
Conseil supérieur de l'éducation et que nous-mêmes, du
côté de l'Opposition, avions proposée il y a
déjà plusieurs mois, d'ailleurs.
J'ai du mal à croire qu'une idée comme celle-là
n'aurait pas pu faire son chemin dans une convention collective librement
négociée. C'est un bon exemple. Il y avait trop de cloisonnement
de ce côté et je pense qu'aller vers une définition plus
globale, plus intégrée de la tâche éducative qui
incombe à l'enseignant est un progrès plutôt qu'un mal.
Au sujet des heures de présence obligatoire à
l'école, le Conseil supérieur de l'éducation avait fait
des recommandations également. Il avait fait des recommandations qui
allaient contre cette espèce de discontinuité qui est la
résultante du régime actuel. J'aurais aimé que le ministre
nous donne des garanties que la présence obligatoire à
l'école ne sera pas là seulement pour satisfaire les auteurs du
décret, mais qu'elle s'accompagnera des conditions pratiques qui vont la
rendre efficace. Il y a bien des écoles, M. le ministre, où on
n'a même pas les locaux pour permettre aux gens de travailler entre les
heures où ils vont donner des cours. Je pense que, si on faisait un
examen complet de cela, on se rendrait compte que c'est un idéal
très intéressant, mais pour lequel on ne s'est pas du tout
préparé. Je n'ai pas eu connaissance de directive - pourtant ce
n'est pas cela qui manque du côté du ministère, Dieu le
sait -qui ait été envoyée, en préparation des
décrets, disant, il y a un an ou deux: Préparez-vous, au point de
vue de locaux; il faut qu'au point de vue pédagogique cela marche. On
voudrait que les enseignants soient à l'école au moins 27 heures;
il faut leur donner des conditions de travail au point de vue physique qui vont
faire en sorte que cela produira véritablement.
Par conséquent, il y a des points sur lesquels, du point de vue
de ce que j'appellerais le fardeau, le poids de la preuve, il y avait de bons
arguments qui plaidaient pour des changements et je pense que le gouvernement
et les partenaires qu'il a du côté patronal avaient l'obligation
de les faire valoir en négociation. Mais le gouvernement ne s'est pas
borné à mettre de l'avant des propositions de changements
raisonnables. Il y aurait peut-être eu une chance qu'il s'entende avec
l'autre partie de ce côté-là, du moins je le crois. On a
déposé sur la table de négociations, en septembre dernier,
une masse de propositions très lourde qui entraînaient des
changements absolument majeurs dans les dispositions des conventions
collectives qui avaient été le fruit d'années et
d'exercices répétés de négociation. On touchait le
statut professionnel de l'enseignant.
Le ministre nous a parlé tantôt du régime
pédagogique. Je pense que le régime pédagogique, s'il doit
produire des fruits, devra s'accompagner de tout un ensemble de conditions, au
premier rang desquelles la liberté d'adaptation et la souplesse de
l'enseignant devront être un facteur majeur. Or, tout ce qui parlait de
souplesse dans les anciennes conventions, on l'a fait sauter
cavalièrement. On a remplacé cela par un petit article de trois
lignes qui dit que tout devra passer par le creuset des règlements
émanant du ministère. C'est la bible. C'est la norme
suprême. Tout le reste a sauté comme cela.
Et on s'imagine que les gens ne réagiront pas! On leur dit:
C'étaient juste des suçons, un peu de sucre qu'il y avait dans
les conventions. Il faut avoir négocié des conventions pour
savoir que des clauses comme celles-là, les syndiqués y tiennent
beaucoup et probablement à bon droit. On a tout fait partir cela avec
une - je ne sais pas - légèreté qui m'apparaît
extrême. On modifie les heures de travail. J'en dirai un
petit mot tantôt. On modifie les normes devant présider
à la formation des groupes d'élèves. On modifie les
procédures relatives à l'affectation et à la mutation des
enseignants. C'est la vie même de l'enseignant qui est impliquée
dans des changements aussi radicaux que ceux-là.
Il n'est pas étonnant que, quand on touche à des choses
aussi centrales dans les conventions collectives, il en résulte des
perspectives plutôt inquiétantes au point de vue de la
qualité de l'éducation. Je voudrais évoquer quelques
sujets d'inquiétude qui ont été portés à
notre attention. On pourrait en parler pendant trois heures, mais je pense que
nous aurons l'occasion pendant les travaux de la commission d'y revenir
abondamment.
La Fédération des commissions scolaires, après
avoir étudié le modèle soumis par le gouvernement au point
de vue du cadre financier qui devrait présider à la mise en
oeuvre de tout cela, concluait que dans le secteur secondaire il y aurait 25%
des enseignants qui risqueraient d'être mis en disponibilité par
le fait des décrets. Il y a à peu près 29 000 enseignants
à temps complet, si mes souvenirs sont bons, dans le secteur secondaire.
Enlevez-en 7500. Le ministre nous a dit tantôt que c'est moins. C'est
vrai que le gouvernement a fait du progrès depuis ce temps - je le
reconnais -mais les décrets, ce que vous nous avez fait voter à
l'aveuglette à l'Assemblée nationale, c'était cela. Cela
donnait le quart des enseignants qui auraient été exposés
directement à la mise en disponibilité. Je pense que personne ne
va penser sérieusement qu'on pourrait risquer de mettre en
disponibilité le quart des enseignants au secondaire sans que cela ait
d'effets désastreux sur la qualité de l'éducation.
Dans plusieurs écoles, on a fait des simulations. Le
député de Louis-Hébert aurait voulu qu'on entende un
témoignage là-dessus. J'espère qu'on aura le rapport
écrit des calculs auxquels se sont livrés les collaborateurs de
cette école de Charlesbourg. Nous avons eu d'autres cas. Il y en avait
un dans le Devoir de ce matin, un cas très intéressant, le cas de
l'école Jeanne-Mance à Montréal, une école, comme
vous le savez, qui oeuvre dans un milieu défavorisé, une
école qui s'est signalée ces dernières années par
ses efforts d'adaptation au point de vue pédagogique et par un
zèle assez extraordinaire de ses enseignants. Ils nous disent: Nous
avions 100 enseignants dans l'école. Cela va tomber à 79 avec le
décret, s'il est appliqué comme il a été
conçu. Mais tomber à 79, c'est une chute de 21. J'ai
déjà été directeur d'un journal et, si on m'avait
dit: On va te couper ton personnel de 21%, je n'aurais pas été
sûr de pouvoir le publier le lendemain dans de bonnes conditions. On
aurait toujours réussi à sortir un journal de troisième ou
de quatrième qualité.
On nous a dit que l'enseignant dont la tâche actuelle consiste
à travailler auprès de 150 élèves se verrait
confier avec le décret 210 élèves. C'est une augmentation
de 40%. C'est un gros tonique. C'est un gros gin. L'enseignant dont la
tâche actuelle consiste à travailler auprès de 300
élèves se verrait confier, avec le décret, 430
élèves. D'autres cas ont été soumis à notre
attention; une autre école dont les effectifs seraient exposés
à passer de 83 à 59 et une autre de 105 à 85.
On me dira: II y a des ajustements. C'est très bien, mais c'est
bon de savoir le point de vue d'où on part. Cela nous aide à
comprendre ce qui est arrivé depuis un mois et demi. Cela nous aide, au
moins, à comprendre que les motifs de protestations qui ont
été élevés n'étaient pas des motifs
superficiels ou inventés. Je tiens à souligner que j'ai
rencontré un grand nombre d'enseignants qui n'ont jamais
été spécialement enthousiastes envers leur propre syndicat
ou d'autres qui l'avaient été et qui étaient devenus plus
tièdes parce qu'ils trouvaient qu'il y avait eu des abus. Ils m'ont dit:
Cette fois, on est obligés d'être d'accord, parce que cela n'a pas
de bon sens pour la qualité de l'enseignement. Quand vous entendez des
témoignages semblables, vous êtes obligé de vous dire: II
doit y avoir quelque chose au fond de cela.
On aura l'occasion de soulever bien d'autres problèmes en cours
de route, le problème des élèves en difficulté
d'apprentissage; le problème de l'éducation des adultes; l'effet
de ces coupures sur l'entrée des jeunes et des femmes dans le
système. On est là, on se gargarise. Quand arrive la semaine de
la femme, c'est à quel ministre serait le premier sur la ligne pour la
photographie, mais là il y a un cas concret de promotion de la femme. Ce
sont des femmes qui sont affectées en grande majorité par ces
mesures. À-t-on fait des calculs avec tous les ordinateurs du
ministère pour savoir quelles seraient les conséquences sur les
femmes et les jeunes? On ne peut pas "gargariser" toute une
société seulement avec des refrains de
sécurité.
Si le système d'enseignement doit être dynamique, il faut
qu'il se renouvelle aussi de manière régulière et assez
suivie. Un système comme celui qu'on nous annonce ne conduira-t-il pas
à une entrée beaucoup plus difficile des jeunes dans le
système d'enseignement et, par conséquent, à un
vieillissement prématuré ou à une sclérose
éventuelle du système? Ce sont toutes des questions qui nous
préoccupent au plus haut point, qui sont même absolument centrales
dans l'attitude que nous avons vis-à-vis de ce problème. Si on
nous arrive avec des données, M. le Président, qui
établissent
qu'en faisant ceci la qualité de l'enseignement va être
maintenue dans des dimensions raisonnables, nous sommes prêts à
écouter. Nous n'avons pas d'oeillères. Nous n'avons pas d'esprit
arrêté avant de partir. Si on nous dit: C'est très grave,
si on nous accumule des témoignages comme ceux que nous avons
reçus, comme celui que je citais tantôt - et j'aurais pu citer de
nombreux autres témoignages semblables - à ce moment-là,
il faut bien qu'on vous prie, M. le ministre, de voir s'il n'y aurait pas
encore quelques ajustements à faire dans les cadres que vous vous
êtes fixés ou qui vous ont peut-être été
imposés. J'ai eu l'occasion de voir une lettre que vous avez
adressée, il y a quelque temps, au ministre qui est président du
Conseil du trésor, à propos de coupures dans les effectifs de
votre propre ministère. Je me disais: S'il avait donc employé le
même langage pour défendre les enseignants, on s'entendrait
très bien parce que votre lettre était de très bonne
inspiration.
Je termine en prévenant le gouvernement contre les tentatives de
tout quantifier. Nous savons très bien que ce n'est pas l'histoire de
décider si ce sera 23 heures ou 22 heures d'enseignement proprement dit
qui sera capitale; c'est le contenu global de la tâche éducative
de l'enseignant. Si vous lui demandez d'enseigner une heure de plus et qu'il
dit: Je préparerai mes cours deux heures de moins en guise de
protestation, vous aurez une heure de cours de plus, mais vous aurez une
diminution de qualité de 10%, 15% ou 20%; nous ne serons pas plus
avancés comme système. Des ajustements s'imposent, discutons-les,
mais, encore une fois, je voudrais qu'on voie le problème dans son
ensemble.
Il m'a été donné, en préparation de la
commmission parlementaire, de consulter une étude qui avait
été faite dès 1975 par une commission - je ne sais pas si
le ministre se souvient de cette commission - qui avait étudié le
contenu de la tâche de l'enseignant. C'est un rapport en cinq volumes qui
a été mis dans des tiroirs et qu'on n'a plus jamais revu. Il y a
quelqu'un qui m'a téléphoné ces jours-ci pour me le
rappeler. Je l'ai lu. On dit là-dedans que, d'après des
études très sérieuses qui ont été faites, la
semaine de travail d'un enseignant, ce n'est pas 20 heures ou 22 heures, comme
l'a laissé malheureusement entendre la propagande gouvernementale; cela
va plus chercher autour de 38 ou 39 heures, en comptant tout ce qui entre
dedans. Je pense que, si on veut arriver à quelque chose de
sérieux, il faudra qu'on tienne compte de tout cela. C'est vrai qu'il y
a des dimensions qui ne sont pas contrôlables par des inspecteurs du
gouvernement ou par des policiers. Fort heureusement, j'espère qu'on
n'en viendra jamais là. Je me dis: Si on prend le problème dans
une perspective plus large, il me semble qu'il y a moyen de rétablir un
climat qui sera plus intéressant pour la discussion des questions qui
restent à régler, et j'en viens à ces questions maintenant
pour terminer.
J'ai l'impression que nous n'en sommes pas à zéro
aujourd'hui. Du côté syndical, je comprends le ministre d'avoir
l'impression que rien n'a bougé depuis huit mois. Je le comprends parce
qu'il est du côté patronal, il voudrait que cela bouge plus. J'ai
cru noter deux éléments, on me corrigera si je me trompe.
D'abord, la partie syndicale avait déposé des demandes en octobre
dernier; depuis ce temps, elle les a pratiquement toutes laissé tomber.
Elle a dit: On serait content de garder les conditions qui existaient. C'est
quand même un pas important. Le ministre lui-même nous disait que
tous ces changements coûteraient très cher. Alors, ils ont
laissé tomber cela. J'ai cru comprendre récemment - et on le
vérifiera au cours des travaux de la commission - que le statu quo n'est
pas un concept gelé et figé une fois pour toutes dans l'esprit
des porte-parole syndicaux. Ce sont des choses qui peuvent se discuter. Il y a
peut-être des points sur lesquels il faut maintenir le, statu quo. Je
serais fort étonné qu'il fallût le maintenir rigidement sur
tous les articles qui font l'objet du débat actuel. J'ai eu l'occasion
de débattre à la télévision, il y a quelque temps,
avec des personnes parmi lesquelles il y avait des représentants
autorisés des syndicats d'enseignants. Je pense que, de ce
côté, il y a des choses à explorer que nous explorerons
avec vous à l'occasion des travaux de cette commission.
Du côté du gouvernement, depuis l'adoption de la loi 105,
le gouvernement a fait deux pas significatifs. Il y eut, d'abord, le cadre de
règlement du 20 janvier dernier qui apportait des changements et des
modifications. Il y a eu, ensuite, le cadre de règlement du 9
février qui apportait de nouvelles modifications et qui donnait la
"preuve", entre guillemets, que le cadre financier de décembre, ce n'est
pas une affaire absolument immuable; c'est une affaire qui peut se prêter
à certains accommodements si on veut vraiment en arriver à un
règlement. Je me dis qu'en partant de là on a l'espace dans
lequel il faut travailler. Cela ne donne rien de revenir sur les choses qui
sont en dehors de cet espace. Je pense qu'on perdrait le temps de la
commission; on perdrait le temps de nos concitoyens également. Nous
allons chercher avec vigueur à préciser les enjeux à
l'intérieur de cet espace et, deuxièmement, essayer de voir la
signification la plus précise possible de ces enjeux au point de vue
financier pour la période à venir en prévenant tout de
suite le gouvernement que la manière dont il a présenté le
cadre financier jusqu'ici est très
imparfaite, très incomplète et qu'il aura des
précisions à fournir là-dessus s'il veut obtenir
l'adhésion des citoyens responsables. En définitive, il y a un
jugement politique à porter; chacun le portera. Nous ne reculerons pas
devant notre responsabilité, nous tirerons un certain nombre de
conclusions. (16 h 15)
En terminant, je voudrais signaler qu'il y a, peut-être, un
facteur qui est favorable à la commission. Je ne pense pas, d'un point
de vue raisonnable, que le gouvernement soit intéressé à
appliquer la loi 111. Je ne pense pas qu'il soit intéressé, non
plus, à ce que le travail continue dans les écoles à
l'ombre de cette espèce de chape de plomb que la loi 111 fait peser sur
les enseignants, sur les élèves et sur tous les collaborateurs de
l'école. Je ne pense pas, non plus, que les syndicats aient
intérêt à retourner en grève. D'abord, au bout d'un
mois, d'après la documentation que j'ai étudiée sur le
système ontarien, il y a un organisme, l'Institut de la commission sur
les relations du travail dans le domaine de l'éducation, qui a le
pouvoir, à un moment, de faire rapport au gouvernement, de lui dire:
Là, il y a un conflit qui dure dans l'éducation depuis tant de
temps, c'est assez, il faut une intervention. Je pense que nous reconnaissons
tous qu'il faut une intervention quelque part pour qu'un conflit se
règle. Nos enfants ont déjà perdu un mois. J'en ai un qui
est au secondaire; il a perdu un mois franc. On ne pourrait pas accepter de
gaieté de coeur que tout cela continue. En plus, la grève serait
aussi illégale qu'elle l'était il y a quelque temps encore,
peut-être d'une manière plus marquée à cause de tout
ce qui est dans la loi 111.
Je pense que cela nous crée un espace aussi. Honnêtement
parlant, en raisonnant froidement, je ne vois pas l'intérêt que
l'un ou l'autre peut avoir à ce que cela débouche encore une fois
sur un arrêt de travail. Tout cela nous indique, à tous, que nous
avons un grand intérêt à chercher une solution et un
rapprochement. Je voudrais dire, encore une fois, que le but de l'Opposition
est de favoriser ce dénouement par tous les moyens raisonnables que
cette institution nous fournit.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Avant d'accorder la parole au
député de Sainte-Marie, j'aimerais ajouter que le but de la
commission étant d'entendre des organismes, s'il y a d'autres personnes
qui veulent intervenir, elles n'ont qu'à me faire signe pour que je
puisse les inscrire à l'ordre du jour. M. le député de
Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, justement, j'allais dire
que, comme l'objectif premier de notre réunion d'aujourd'hui est
d'entendre des organismes qui sont impliqués dans ce qu'on vit, je n'ai
pas l'intention d'utiliser tout le temps qui est mis à ma disposition.
Je ne peux, cependant, passer sous silence un certain nombre de choses que j'ai
entendues depuis les débuts de cette commission. Le chef de l'Opposition
a mentionné dans son intervention que toute question bien
formulée - j'essaie de répéter cela selon ses propres
termes - comporte nécessairement des éléments de solution.
Je pense que c'est à peu près le sens de ce que le chef de
l'Opposition a dit.
Je me suis penché à ce moment sur le mandat de la
commission élue qui nous regroupe aujourd'hui: "Entendre les organismes
directement impliqués dans l'administration scolaire qui veulent faire
des représentations sur la qualité de l'enseignement, la
tâche et la sécurité d'emploi des enseignants et
enseignantes en regard de la situation actuelle au Québec". Il me semble
que si on formulait cela sous forme de question, cela pourrait être
perçu de deux façons. Pour le gouvernement ou pour plusieurs
autres, la situation actuelle au Québec pourrait ne pas être le
conflit qui met en présence les enseignants du Québec et le
gouvernement. Et, si c'était leur perception, évidemment, le
langage serait différent. Si la situation actuelle au Québec,
pour d'autres, c'est le conflit qu'on vit et la recherche d'une solution de ce
conflit, l'attitude en commission parlementaire sera différente.
Cela m'amène à vous expliquer un peu quelle est ou quelle
était mon attitude d'esprit au moment où se sont ouverts nos
travaux. Pour les uns, pour plusieurs, cette commission parlementaire se
présentait comme un moyen qui pouvait être positif pour arriver
à chercher une possibilité d'entente et de règlement de la
situation qu'on vit. Pour d'autres, cela se présentait davantage comme
une façon pour le gouvernement de mettre fin à toute une
période qui, selon lui, a assez duré. Pour d'autres, le
gouvernement profiterait de cette commission parlementaire pour faire un
spectacle, un baroud d'honneur en mettant les points sur les "i", en expliquant
à l'ensemble de la population quelle est, à son sens, l'analyse
qu'il fait de ce qu'on vit aussi.
Je dois vous avouer qu'au moment où je vous parle je fais
plutôt partie des autres; le discours même et l'introduction du
ministre de l'Éducation me confirment dans cette idée. D'une
part, comme le ministre a jugé utile de convoquer le Parlement, donc la
commission parlementaire dont nous sommes, et qu'il a jugé utile de
recevoir des groupes pour entendre ce qu'il a à dire, j'aurais
pensé que le ministre se serait adressé aux parlementaires et
qu'il se serait adressé aussi aux personnes qui sont ici
devant nous en commission. Or, pendant toute son intervention, le
ministre n'a cessé de ne fixer qu'un objectif: la caméra. Je me
suis alors demandé, comme parlementaire, ce que je venais faire dans
l'intervention du ministre de l'Éducation.
Cette intervention a commencé avec le discours qu'on entend
régulièrement depuis le début, c'est-à-dire ce
discours "antagonisant" entre les groupes de la société, la
démonstration qu'on tente de faire constamment qu'il y a les bons d'un
côté et les méchants de l'autre, que les bons essaient
d'épuiser les méchants pour aller chercher ce dont on a besoin
pour se préoccuper des plus démunis de la société.
Tout est négatif. Même dans le langage utilisé, on retrouve
ces expressions: insensibilité, aveuglement. Il me semble que ce sont
des propos démesurés à partir du moment où on
essaie de chercher une solution. Lorsque les syndicats ont voté une
trêve, les dirigeants syndicaux n'ont pas recommandé la
trêve; ils l'ont ordonnée, selon les propos du ministre. On voit
déjà que tout le langage est orienté pour faire une
démonstration que, d'un côté, il y a des méchants
et, de l'autre, les bons qui font l'analyse correcte.
Le ministre de l'Éducation a laissé supposer que cette
trêve venait davantage de la pression des menaces que faisait peser la
loi 111, beaucoup plus que de la volonté positive exprimée par
les membres et recommandée par les exécutifs de syndicats de
chercher un règlement. Comment cela se fait-il qu'on ne puisse pas,
l'espace au moins d'une commission parlementaire, prêter les bonnes
intentions suffisantes aux parties qui sont devant nous?
Là-dessus, le ministre de l'Éducation a tenté de
démontrer que, dès le départ et avant même le
début des négociations, les parties syndicales n'ont jamais voulu
rien entendre du discours gouvernemental. Aurait-on déjà
oublié les manifestations évidentes de bonne foi? Aurait-on
déjà oublié, par exemple, la proposition qu'a
déjà faite l'Alliance des professeurs de Montréal,
votée par son assemblée générale, à savoir
que les sommes d'argent qui étaient dues aux enseignants, elle acceptait
qu'elles ne lui soient pas versées, qu'elles lui soient versées
en bons d'épargne, en bons du gouvernement payables dans cinq ans, pas
avec l'intérêt du marché, mais un intérêt
équivalent à l'indexation du coût de la vie? Vous vous
souviendrez qu'à l'époque c'était drôlement en bas
du coût du marché l'indexation, plutôt que le taux
d'intérêt qui était à 17% ou 18%. C'était une
proposition mise de l'avant par l'Alliance des professeurs de Montréal.
Cette même proposition a été amenée à
l'instance nationale. Les représentants des enseignants à
l'élémentaire et au secondaire ont endossé cette
proposition.
Pour quiconque connaît un tant soit peu les négociations,
c'était une ouverture extraordinaire à la négociation.
C'était là la possibilité, au moins, de rechercher des
solutions nouvelles. C'était en même temps la reconnaissance, de
la part des organisations syndicales, qu'il pouvait y avoir quelque chose de
fait de leur côté. Ces propositions, comme bien d'autres qui sont
venues par la suite, sont restées lettre morte. Deux jours après
la proposition de l'alliance, on se souviendra que, d'un revers de main, le
ministre des Finances l'avait rejetée en disant que cela ne
répondait pas aux besoins exprimés par le gouvernement. On ne
voulait donc pas véritablement négocier parce que, si on avait
voulu véritablement négocier, on se serait servi de cette
occasion que le mouvement syndical fournissait.
Le ministre de l'Éducation a aussi fait mention de groupes de la
société plus démunis sur lesquels on devrait se pencher.
Je tiens à dire que, dans ces groupes et par les temps qu'on vit, il y a
aussi un groupe très important: les jeunes. Dans la crise qu'on traverse
actuellement, un des groupes qui écopent le plus, c'est le groupe des
jeunes. C'est peut-être aussi le groupe dont on tient le moins compte
lorsqu'on examine le décret. D'en haut de l'appareil du ministère
de l'Éducation, on nous dit que le décret va permettre une
amélioration de la qualité de l'enseignement.
M. le Président, c'est assez étrange que, d'en bas, les
échos sont différents. Depuis à peu près deux ou
trois semaines, des cadres scolaires, des commissions scolaires, des personnes
reconnues pour donner des avis éclairés en éducation nous
disent justement le contraire. Le chef de l'Opposition a fait mention
tantôt d'un groupe qui écrivait dans le Devoir d'aujourd'hui -
parce que cela n'a pas été mentionné - une lettre ouverte
intitulée "Le décret soumis à l'épreuve du
réel" et qui était rédigée par la directrice de
l'école polyvalente Jeanne-Mance, ainsi que par tout son personnel de
cadre. À peu près une semaine avant que les arrêts de
travail débutent, j'étais à l'école Jeanne-Mance et
j'ai rencontré les enseignants. C'est une école qui est dans le
comté de Sainte-Marie. J'ai aussi rencontré le personnel de
direction. J'ai vu les efforts déployés dans un milieu
défavorisé, dans cette école pour apporter tout le soutien
nécessaire aux besoins fort différents et variés de
l'ensemble de la population étudiante de cette école. Je ne peux
pas faire autrement, compte tenu de ce que j'y ai vu dans cette école,
que de prendre en considération le bout de texte que je vais vous citer
de cette lettre d'aujourd'hui.
Je cite l'article du Devoir: "Le gouvernement affirme que les
nouvelles
conditions de travail font une large part à l'encadrement.
Comment cette "large part" est-elle conciliable avec les faits suivants? a)
L'enseignant dont la tâche actuelle consiste à travailler
auprès de 150 élèves se verrait confier, avec le
décret, 210 élèves. b) L'enseignant dont la tâche
actuelle consiste à travailler auprès de 300 élèves
se verrait confier, avec le décret, 430 élèves. c) Une
école qui compte 100 enseignants en 1982 n'en compterait plus que 79 en
1983.
Ne serait-il pas plus dans la ligne des solutions raisonnables
d'affecter à l'encadrement sous toutes ses formes plutôt
qu'à l'enseignement des heures correspondant à l'augmentation de
tâche proposée? Nous considérons, en toute loyauté
avec les besoins du milieu, que cette voie de solution doit être
explorée par le ministre de l'Éducation si ses intentions sont,
comme il le proclame, d'améliorer la qualité de vie dans
l'école québécoise".
M. le Président, je pense que c'est la question à laquelle
la commission parlementaire devra répondre et que c'est aussi la voie
d'un règlement du conflit qui oppose actuellement les enseignants et le
gouvernement du Québec. Cela n'est plus une simple question de
négociation. C'est beaucoup plus qu'une question de négociation;
c'est une question d'application dans le milieu d'un service de qualité,
et d'un service de qualité qui est vécu par ce milieu, avec une
perception non pas de syndiqués - ce ne sont pas des syndiqués
qui nous parlent - mais des cadres scolaires, qui sont de la partie patronale,
mais qui la vivent, la situation, eux. Cela fait longtemps qu'ils sont dans le
milieu. Il y en a, et j'en connais, au ministère de l'Éducation
qui ont déjà été dans le milieu. Il me semble que
cela fait fort longtemps qu'ils en sont sortis quand on regarde l'approche que
l'on retrouve dans le décret.
M. le Président, je pourrais terminer en soulignant qu'il m'a
semblé depuis le début que les décrets ne cherchaient pas
uniquement à régler les problèmes des conditions de
travail ou le manque à gagner du gouvernement, mais que les
décrets avaient d'autres visées. On a fait
référence tantôt à des recommandations, à des
avis que le Conseil supérieur de l'éducation avait
formulés auprès du ministre de l'Éducation. On retrouve un
certain nombre de recommandations du Conseil supérieur de
l'éducation dans les décrets. On se rend compte dans les
décrets que le ministre a tenu compte d'un certain nombre d'avis, mais
il me semble qu'il a tenu compte des avis qui faisaient bien son affaire.
J'aimerais savoir, quant à moi, pourquoi il n'a pas retenu les autres
avis, les autres éléments que soumettait le Conseil
supérieur de l'éducation.
(16 h 30)
M. le Président, j'en profite pour dire, surtout après
l'intervention qu'a faite le Conseil supérieur de l'éducation
récemment auprès de l'Assemblée nationale, aussi
après la façon dont le gouvernement a reçu cette
intervention en traitant le Conseil supérieur de l'éducation
d'organisme prestigieux, que je m'étonne que cet organisme prestigieux
ne soit pas devant les parlementaires et ne vienne pas témoigner des
avis qu'il a soumis au ministre et nous expliquer pourquoi certains n'ont pas
été retenus. Il me semble qu'on y gagnerait beaucoup, justement,
dans la recherche d'une solution.
M. le Président, j'ai expliqué, en commençant, que
je faisais partie des "autres" dans ma perception des travaux de la commission
parlementaire. Je ne demande pas mieux que de profiter des périodes que
l'on aura à notre disposition pour changer d'idée. Je veux
seulement souligner que, pour que cela puisse se faire, il faudrait aussi que
le discours du côté du ministre de l'Éducation soit
modifié. Il faudrait surtout que les parlementaires ne soient plus pris
en otages.
M. le Président, cela fait déjà deux fois: la loi
105 et la loi 111 sont des exemples frappants où le Parlement n'a pas
été respecté par l'Exécutif, par le gouvernement.
Est-ce que maintenant, pendant que nous sommes en commission parlementaire,
possiblement capables d'aller chercher des éléments d'une
solution au conflit qu'on vit, le gouvernement respectera les parlementaires?
M. le Président, c'est ce que je souhaite.
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Oui, M. le Président. Je ferai une seule et
simple observation. Qu'on comprenne bien que le sens de cette observation n'a
pas pour objectif - loin de là, puisque c'est un droit qui appartient
à tout parlementaire - de prendre la parole. Dieu sait que c'est une
chose que nous aimons particulièrement faire en cette Assemblée
nationale et en commission parlementaire. Mais le mandat de la commission est
aussi d'entendre des organismes. De ce côté-ci, le ministre a fait
son intervention, nous n'avons pas l'intention d'y ajouter quelque chose. Nous
croyons important de commencer à entendre immédiatement les
organismes. Je crois savoir qu'il y a d'autres personnes qui, paraît-il,
voudraient prendre la parole. Je veux simplement indiquer que j'escomptais que
nous puissions, après avoir entendu un porte-parole de chacune des
formations politiques et, par déférence pour le
député indépendant de Sainte-Marie, après avoir
écouté ses quelques remarques préliminaires,
procéder à l'audition des organismes.
Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de
L'Acadie, cependant, m'a demandé le droit de parole que je lui
accorde.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse de ne pas
accéder à la demande du leader du gouvernement, mais vous
comprendrez qu'après avoir entendu l'introduction du ministre je ne sois
pas capable de me taire et de laisser passer les affirmations qu'il a faites.
Je ne serai pas longue. Évidemment, le député de
Sainte-Marie a parlé du discours officiel qui est toujours celui de la
crise économique, alors que le gouvernement passe sous silence tous les
actes antérieurs de mauvaise administration qu'il a lui même
posés et qui nous ont menés, en fin de compte, à ce
cul-de-sac devant lequel nous sommes. Il a aussi fait un peu la semonce aux
enseignants en leur disant qu'ils n'avaient pas voulu diminuer leurs demandes,
alors qu'on leur demandait de diminuer leurs demandes pour partager les
difficultés économiques avec l'ensemble de la population.
Je trouve que le gouvernement a vraiment mauvaise conscience de venir
affirmer ceci quand lui-même, par exemple, a accordé - il faut
bien le dire - des augmentations de salaires aux députés; quand
lui-même, d'une part, dit: Nous avons révisé les fonds de
pension des enseignants à la baisse, compte tenu des difficultés
économiques, mais ceci n'a pas été fait pour les
députés actuels du Parlement, sauf pour ceux qui ont
été élus en 1981; au contraire, les autres ont
gardé tous leurs privilèges et on en a même ajouté.
C'est tout ce que je dirai là-dessus parce que je ne voudrais surtout
pas qu'on fasse une longue digression. Mais je pense, au moins, qu'on devrait
avoir une certaine cohérence dans le discours. Cela, je ne trouve pas
que ce soit très honnête intellectuellement.
Le ministre en a aussi profité pour nous faire une longue
énumération des grands bienfaits dont l'éducation a
été l'objet depuis l'avènement au pouvoir du Parti
québécois. Sans, non plus, vouloir entrer dans une grande
digression sur ce point, je voudrais quand même qu'on revienne dans la
réalité. C'est vrai que le ministère de l'Éducation
a produit beaucoup de livres, tout le monde le sait: le livre vert, le livre
blanc, un autre livre blanc, le livre sur les collèges, etc. Mais la
marque de commerce du gouvernement a été bien plus les livres, la
théorie et les discours que la réalité des faits, que de
vrais moyens concrets d'améliorer l'éducation.
J'entendais le ministre - je ne reviendrai que sur deux ou trois points
-nous parler de tout ce qu'ils avaient fait pour les élèves en
difficulté d'apprentissage, alors que lui-même, le ministre,
à la radio, il y a à peu près 15 jours, disait: On est
obligé de couper dans les mesures d'appoint pour les
élèves en difficulté d'apprentissage. Il a parlé
des services aux étudiants qui ont à leur disposition des
psychologues, des travailleurs sociaux. Ils en ont et ce n'est, d'ailleurs, pas
depuis l'arrivée du Parti québécois. Mais il ne faudrait
pas oublier que, depuis plusieurs années, on est obligé de couper
dans ces services parapédagogiques d'assistance aux étudiants
à cause des coupures budgétaires qui ont été
imposées.
Il a parlé des milieux défavorisés.
Évidemment, il a mentionné, en passant, le fameux programme
Passe-Partout. Même ce programme, qui prétendument était
pour les milieux défavorisés, a été fortement
critiqué par ceux qui oeuvraient dans les milieux
défavorisés. C'était un programme qui coûtait
plusieurs millions; cet argent aurait été probablement fort mieux
utilisé si on avait pris ces mêmes montants pour les accorder
directement à des projets dans les milieux défavorisés.
Évidemment, au plan électoral, ceci avait beaucoup plus de
rayonnement que de se contenter peut-être d'actions moins grandioses,
mais qui auraient eu plus d'effet sur les milieux défavorisés. On
sait aussi que les milieux défavorisés sont l'objet de coupures
de la part du gouvernement.
Je repensais, pendant que le ministre parlait, à toutes les
questions que j'avais posées à son prédécesseur
à l'étude des crédits en 1977 où je lui posais le
problème des décrocheurs, où je lui posais le
problème de l'enseignement professionnel, de l'enseignement des adultes.
Nous sommes rendus 6 ans plus tard, exactement, et nous en sommes toujours au
même point, M. le Président.
Si j'interviens - et je limiterai mes remarques à ces points
particuliers - c'est que je trouve que le ministre n'est pas rigoureux quand il
profite de cette tribune pour essayer de faire croire à la population
que, sous l'avènement de son gouvernement, c'est tout à coup des
progrès immenses qui ont été faits dans le domaine de
l'éducation. Là, je ne parle pas de ce qui arrive aux
universités ou à l'enseignement collégial, etc. Je m'en
tiens uniquement à ces milieux-là. Qu'on pense aux coupures dans
les classes d'accueil, etc., enfin, il y a une foule de choses pour lesquelles
on pourrait adresser des blâmes sévères au gouvernement. La
grande préoccupation du gouvernement actuel en matière
d'éducation, ça a été, sous un discours de
décentralisation, une centralisation excessive qui s'est traduite par la
multiplicité des directives, la multiplicité des
règlements, comme on n'en a jamais
connu au ministère de l'Éducation.
M. le Président, je m'arrête ici. Je pense que le ministre
a peut-être eu tort de tenter de profiter de cette tribune pour faire
l'éloge du gouvernement et de son action en matière
d'éducation. Si les gens la scrutaient de plus près et si on
avait l'avantage de faire un débat là-dessus - occasion qui ne
nous a jamais été donnée à l'Assemblée
nationale - je suis presque certaine que le bilan du gouvernement serait
beaucoup plus négatif dans ce domaine que positif. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Mon intervention va
un peu dans le même sens que celle de la députée de
L'Acadie. J'ai été vraiment étonnée de la
façon dont le ministre a posé le problème. Il a
parlé longuement du livre vert de 1966, du livre blanc après, des
demandes des parents. Il a même osé parler des services personnels
qui se sont détériorés chaque année avec chaque
coupure du budget. Il a parlé du régime pédagogique. J'ai
beaucoup de craintes au sujet du régime pédagogique. Par exemple,
on va diminuer les mathématiques, les sciences, qui sont tellement
nécessaires pour que les étudiants québécois se
préparent pour le virage technologique. Le ministre a utilisé
aussi les besoins dans la formation professionnelle. Il a parlé de
l'enfance exceptionnelle. Personnellement, je suis très consciente qu'on
n'a jamais implanté les conditions demandées par le rapport du
COPEX; dont j'étais membre. On a parlé de l'intégration,
mais on n'a jamais implanté les conditions nécessaires pour une
réelle intégration pour le bien de l'enfant et non pas uniquement
pour le bien du budget du gouvernement.
D'après les remarques du ministre, les conditions imposées
par les décrets sont nécessaires pour faciliter
l'amélioration demandée par le public. C'est loin de la
vérité. J'aimerais dire que c'est vraiment le monde à
l'envers, parce que la façon dont le ministre a posé la question
est tout à fait malhonnête. C'est une insulte à
l'intelligence du public. Nous sommes ici pour éclairer le public. C'est
vrai, il y a un problème. Il y a un problème grave de finances
publiques. Peut-être qu'il faut augmenter la tâche pour
améliorer le rapport coûts-bénéfices en
éducation. C'est cela, le vrai problème. Mais, justifier ce qui
se passe dans les écoles en disant que cela a pour but
d'améliorer la qualité de l'éducation, c'est tout à
fait malhonnête. Je crois que le problème que tout le monde ici
essaie de résoudre est de garder la qualité de l'éducation
malgré la nécessité d'améliorer le rapport
coûts-bénéfices en éducation. Nous essayons de
trouver un moyen d'utiliser d'une façon optimale nos ressources humaines
en éducation.
Je suis très heureuse que le député d'Argenteuil
ait mieux exprimé le problème; qu'il ait mieux posé le
problème pour une meilleure compréhension par le public et tout
le monde rassemblé ici. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, est-ce
que vous voulez intervenir? En aucune façon. Personne d'autre ne veut
intervenir? En conséquence, nous allons passer au premier intervenant,
le ministère de l'Éducation, représenté par M.
Jacques Girard, sous-ministre. Pendant qu'il prend place, j'essaie de voir,
pour le temps qu'il nous reste, soit près de cinq heures quinze minutes,
comment nous pourrons entendre six intervenants. Normalement, avec une heure
par intervenant et en jouant avec le temps, toujours en plus ou en moins, nous
espérons être capables de couvrir l'ensemble pour minuit, ce soir,
tel que le prévoit l'article 150 de notre règlement, paragraphe
3. S'il y a possibilité de dépasser l'heure, ce sera par
consentement de l'ensemble des membres de la commission. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Question de règlement, M. le Président.
Est-ce que je pourrais vous demander si les sous-ministres qui sont à la
table des témoins sont ici sous l'effet de leur serment d'office? Est-ce
qu'il y a un lien quelconque avec la liberté qu'ils ont de divulguer
tous les renseignements qui pourraient être requis au sujet de la marche
des négociations et tout cela? Est-ce qu'il y a quelque contrainte que
ce soit?
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Je l'ai indiqué en conférence de
presse, hier. Il s'agit effectivement d'une première. Le
député d'Argenteuil le souligne à sa façon. Il
s'agit d'une première qui est souhaitée, je crois, depuis fort
longtemps par les parlementaires. On sait qu'il y a des questions d'ordre
très politique auxquelles doivent répondre les élus,
légitimement choisis par la population pour donner toutes les
réponses qui s'imposent. Mais quand vient le temps de mettre en
application, dans le réseau scolaire, l'ensemble des décisions
politiques que nous avons prises, il y a des personnes qui ont des
responsabilités administratives à assumer, au premier chef, bien
sûr, les sous-ministres du ministère de l'Éducation et,
partant de là, tous les gens qui oeuvrent dans le réseau scolaire
à quelque niveau que ce soit. (16 h 45)
Alors, c'est un peu l'application du
principe de l'imputabilité dans le contexte de la réforme
parlementaire que nous essayons d'une certaine façon aujourd'hui
d'introduire, d'inaugurer. On verra les résultats que cela donne, mais
je ne crois pas qu'il y ait aucune contrainte, a priori, sauf celle de savoir
qu'il y a des questions auxquelles seuls les élus qui ont la
responsabilité politique de certaines décisions peuvent ou
doivent répondre.
Le Président (M. Jolivet): Cela vous satisfait, M. le
député d'Argenteuil?
M. Ryan: Dois-je comprendre, par conséquent, que les
sous-ministres sont ici sous l'empire des contraintes inhérentes
à leur serment d'office?
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Ceci ne les empêche nullement de donner toutes
les informations qu'une commission parlementaire a le droit d'obtenir de
personnes qui détiennent des responsabilités administratives
hautement importantes au sein du ministère de l'Éducation. Mais
je ne crois pas, par exemple, qu'on puisse demander aux sous-ministres de
l'Éducation ce qui s'est passé au Conseil des ministres quand est
venu le temps de prendre des décisions relatives au projet de loi no 70,
au projet de loi no 105. Ce sont des questions auxquelles le ministre de
l'Éducation se fera sans doute un plaisir de répondre. C'est sa
responsabilité.
Auditions
Le Président (M. Jolivet): Merci. Comme j'ai vu à
la table qu'il y avait, d'abord, M. Jacques Girard, M. André Rousseau et
Mme Michèle Fortin, je crois comprendre que c'est dans la banque de
temps qui est prévue pour leur témoignage. Avant, j'aimerais
savoir si vous parlez chacun à votre tour et si on questionne chacune
des personnes ou bien si vous faites un exposé global et qu'ensuite on
pose les questions qui s'imposent.
Ministère de l'Éducation
M. Girard (Jacques): M. le Président, je vais faire un
exposé global qui sera complété sur un point par le
sous-ministre adjoint, responsable du secteur préscolaire, primaire et
secondaire. Ensuite, j'imagine qu'on pourrait passer à la période
des questions. Les gens qui m'accompagnent sont là
précisément pour répondre à certaines questions
plus précises.
Le Président (M. Jolivet): Pour les besoins du journal des
Débats, si vous voulez bien commencer à nous les
présenter.
M. Girard: A mon extrême gauche, M. Bill Smith, qui
était porte-parole pour le secteur protestant, M. René Lapointe,
porte-parole auprès de la table des enseignants de la CEQ, M.
André Rousseau, sous-ministre adjoint, responsable du secteur
préscolaire, primaire et secondaire, et Mme Michèle Fortin,
sous-ministre adjointe, responsable du secteur de l'enseignement
supérieur.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Pourriez-vous nous dire quelles sont les fonctions
régulières de vos deux voisins de gauche que vous avez
identifiés comme porte-parole? Quelles sont leurs fonctions
régulières au ministère de l'Éducation?
M. Girard: M. le Président, je pense que le plus simple
serait que MM. Smith et Lapointe répondent à la question qui
vient d'être posée.
Le Président (M. Jolivet): M. Smith, d'abord.
M. Smith (Bill): Les fonctions que nous avons exercées
pendant la ronde des négociations étaient d'être les
porte-parole des comités patronaux auprès des tables de
négociations.
Le Président (M. Jolivet): Mais votre fonction avant
d'être porte-parole?
M. Smith: Normalement, mes fonctions personnelles sont
d'être consultant dans le domaine des relations du travail.
M. Ryan: II n'y a pas de sous-ministre de langue anglaise.
Le Président (M. Jolivet): Maintenant, M. Lapointe?
M. Lapointe (René): Je suis avocat et je pratique surtout
en relations du travail.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Alors, M. Girard, vous
avez la parole.
M. Girard: M. le Président, je voudrais tout d'abord, pour
que la situation soit la plus claire possible, vous dire suivant quel plan j'ai
préparé l'intervention que je m'apprête à faire. Il
y a un premier bloc qui comporte les questions suivantes: tout d'abord, la
problématique des présentes négociations, quelques
chiffres relatifs au budget du ministère de l'Éducation et au
budget de l'État, les choix qui ont été faits dans la
présente négociation, les propositions
qui sont contenues dans les décrets qui tiennent lieu de
conventions collectives et qui intègrent le cadre de règlement
que nous avions déposé le 28 novembre, tant pour le secteur
primaire ou secondaire que pour le secteur collégial, et le cadre de
règlement déposé le 10 février, encore une fois,
tant pour le secteur primaire ou secondaire que pour le secteur
collégial.
Dans un deuxième temps et dans un deuxième bloc, j'avais
l'intention d'aborder ce que j'ai intitulé des points chauds, une
première subdivision portant sur le secteur primaire et secondaire
où je voulais aborder la question de l'évolution des
clientèles dans le réseau primaire et secondaire et
l'évolution des effectifs enseignants; un deuxième point pour
expliquer le sens de l'étude que nous avons faite et de la comparaison
que nous avons effectuée Québec-Ontario; un troisième
point pour aborder plus spécifiquement certains aspects de la
tâche des enseignants; un quatrième point portant sur la question
des spécialistes au primaire; un cinquième point portant sur le
nombre de groupes d'élèves au secondaire (je me contenterai d'une
introduction générale qui sera complétée par la
suite par M. Rousseau); un sixième point qui traitera des
élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage; un
septième point qui traitera de la capacité; un huitième
point, de l'affectation et de la mutation; un neuvième point, de ce
qu'il est convenu d'appeler les droits de gérance, et un dixième
point, de l'éducation des adultes. Pour le secteur collégial,
j'aborderai la question du département, de la tâche et de la
formule d'affectation et, dans un troisième bloc, le déroulement
de la présente négociation et, enfin, l'historique des
négociations, particulièrement dans le secteur primaire et
secondaire, au cours des quinze dernières années avec la Centrale
de l'enseignement du Québec.
Le Président (M. Jolivet): Avant que vous continuiez, Mme
la députée de L'Acadie a une question à poser.
Mme Lavoie-Roux: Là où des chiffres seront
donnés - par exemple, vous avez parlé de l'évolution des
effectifs, et il y a d'autres séries de chiffres auxquels vous avez fait
référence - est-ce qu'il y aurait possibilité que des
copies soient mises à notre disposition? Parce qu'il est douteux que
nous puissions avoir le journal des Débats avant demain matin. Là
où il y a une série de chiffres, cela simplifierait notre
travail.
M. Girard: Je n'ai pas de copies, mais je présume qu'au
fur et à mesure qu'on identifiera les documents que j'utilise, il sera
possible d'en faire faire des photocopies qui pourraient être disponibles
par la suite.
Le Président (M. Jolivet): Dans ce contexte-là, au
moment où vous aurez les copies, vous n'aurez qu'à les faire
parvenir à la table du secrétariat des commissions afin de faire
faire les copies nécessaires.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
M. Girard: La problématique gouvernementale et la
problématique du ministère de l'Éducation dans la
présente ronde de négociations tournent autour de trois
éléments majeurs. Le premier consiste à augmenter la
productivité des enseignants et des enseignantes pour qu'elle soit
comparable à ce que l'on trouve ailleurs, notamment dans des provinces
canadiennes et dans des États américains qui sont à
proximité de nos frontières; le deuxième à
maintenir - et cela me paraît extrêmement important par rapport
à ce qui a été véhiculé - le principe de la
sécurité d'emploi. La sécurité d'emploi n'est en
aucune façon abolie, mais il s'agit d'en revoir le mode de financement;
le troisième à améliorer la qualité de
l'éducation en aérant, une bonne fois pour toutes, le dossier, en
donnant plus de place aux responsabilités individuelles, à la
participation de chacun des agents de l'éducation. En quelque sorte, il
s'agit de "désencarcaner" le monde de l'éducation qui est
"encarcané" par des conventions collectives qui prévoient les
moindres détails et qui réglementent les moindres aspects de la
vie pédagogique. Voilà donc les trois éléments
majeurs.
En deuxième point, j'ai mentionné que je voulais aborder
quelques chiffres. Les chiffres ne sont pas, non plus, très
compliqués. La richesse collective des Québécois en 1981 a
chuté de 6,3%. C'est un élément que nous ne pouvons pas
ignorer et que nous devons toujours avoir en tête, que cette
réalité nous plaise ou nous déplaise. Deuxième
élément, le Québec fournit déjà un effort
très considérable en éducation. Il dépense plus
pour son système d'éducation que les provinces canadiennes les
mieux nanties. Le ministère de l'Éducation accapare 30% du budget
de l'État du Québec, soit 6 500 000 000 $ dont 4 500 000 000 $
sont consacrés au secteur préscolaire, primaire et secondaire. Un
étudiant coûte 605 $ de plus au Québec qu'en Ontario, et
j'explique le chiffre de 605 $. Il englobe à la fois le
primaire-secondaire, le collégial et l'universitaire. Si on s'en tient
au primaire-secondaire seulement, le chiffre est de 652 $. L'écart est
donc encore plus marqué au primaire-secondaire qu'il ne l'est lorsqu'on
fait la comparaison pour l'ensemble des réseaux de
l'éducation.
Devant la croissance accélérée des coûts, le
ministère a dû, au cours des dernières années,
effectuer des compressions significatives dans plusieurs services. Le
ministère a également un cadre financier en vertu duquel
il doit continuer de faire des coupures. Au primaire, au secondaire et au
collégial, près de 88% du budget sont affectés aux
salaires et aux avantages sociaux des conventions collectives. C'est donc un
budget incompressible. Il nous reste 12%, et c'est à l'intérieur
de ces 12% que nous avons dû effectuer les coupures au cours des
dernières années. Cela veut dire, en clair, que nous devons faire
des coupures dans les services pour protéger totalement les
dispensateurs de services. Nous sommes rendus dans une situation proprement
aberrante où c'est vraiment le monde à l'envers. Les
dispensateurs de services sont totalement protégés et les
services qu'ils doivent dispenser sont coupés. C'est une situation,
pensons-nous, qui n'est plus possible, qui nous amène à faire des
choix et qui nous a conduits à faire, de fait, les choix fondamentaux
qui ont présidé à la présente ronde de
négociations.
En toute équité, nous semble-t-il, pour la population,
dans un contexte de ressources limitées, il nous faut augmenter la
productivité. Le coût de l'éducation au Québec est
de 25% plus élevé qu'en Ontario - j'aurai l'occasion d'y revenir
plus tard - et la tâche des enseignants est inférieure en moyenne
de 15% à celle des provinces les mieux nanties et des États
américains avoisinants. Augmenter la productivité, ça veut
dire quoi? Augmenter la productivité, ça veut dire maintenir des
programmes essentiels en éducation, ça veut dire introduire de
nouvelles technologies à l'école. Je pense, en particulier,
à l'introduction des micro-ordinateurs, je pense à l'ouverture de
nouvelles options au secondaire pour prendre le virage technologique. C'est
développer la recherche de façon toute particulière dans
le réseau collégial; c'est garantir des services aux adultes;
c'est assurer des services à l'enfance en difficulté; c'est
soutenir les milieux socio-économiquement faibles et c'est stimuler
l'innovation.
Pour faire cela, il faut bien se rendre compte que la qualité de
l'éducation n'est pas qu'une affaire de quantité. Trop souvent et
trop facilement, dans les discours que l'on entend, la qualité de
l'éducation est réduite aux conditions de travail et à la
quantité de ressources humaines qui sont impliquées. La
qualité de l'acte éducatif et du service à
l'élève est tout autant, sinon plus, le fruit d'un ensemble de
politiques et de mesures très importantes. Assurer la qualité,
donc, c'est quoi? C'est implanter les régimes pédagogiques; c'est
favoriser la présence effective des enseignants auprès de leurs
élèves; c'est respecter la compétence des enseignants,
d'où les modifications apportées au critère de la
capacité; c'est intensifier la participation des enseignants,
d'où la proposition faite dans le cadre du règlement du 28
novembre relativement à l'enfance en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage; c'est favoriser la stabilité du personnel à
l'école, d'où les nouvelles propositions concernant l'affectation
et la mutation; c'est donner des services personnels et complémentaires
aux élèves, prévus dans les régimes
pédagogiques; c'est décloisonner la tâche, la
déminuter, la globaliser; c'est permettre des rencontres avec les
parents; c'est enfin stabiliser professionnellement l'école et
éviter qu'elle ne soit soumise constamment à des modifications en
profondeur par un processus d'affectation ou de mutation qui suppose à
l'infini des déplacements à l'intérieur d'une même
commission scolaire.
Pour ce qui est de la sécurité d'emploi, je
répète qu'elle est maintenue, mais, dans la conjoncture
économique difficile qui frappe tous les secteurs d'activités, la
sécurité d'emploi constitue, à n'en pas douter, un bien
précieux pour les enseignants, et un bien précieux que nous
respectons. Le contexte actuel, par ailleurs, nous invite à revoir le
financement d'un tel principe si nous ne voulons pas être contraints de
réduire la qualité des services éducatifs. La garantie qui
est donnée aux enseignants, c'est de leur assurer 80% de leur salaire
pour la première année et, suivant les décrets,
c'était 50% pour les années subséquentes. Avec la
proposition du 10 février, c'est 80% la première année,
80% la deuxième année et 80% la troisième année,
pour ceux qui en sont à leur première année de mise en
disponibilité, et 50% pour ceux qui en sont à leur
deuxième année de mise en disponibilité. (17 heures)
Accompagnées dans les décrets d'une annexe XV en vertu de
laquelle, dans la mesure même où les centrales nous aideraient
à résorber un nombre important d'enseignants, la
sécurité d'emploi pour les professeurs, les enseignants et les
enseignantes demeurant dans le réseau pourrait être
financée à 80% et même à au-delà de 80% nous
avons déposé un ensemble de mesures, 17 mesures très
exactement, de relocalisation. Nous avons, de plus, lors du cadre de
règlement du 10 février, proposé, pour favoriser
l'utilisation de ces 17 mesures dont je pourrai faire la liste plus tard, si
vous le souhaitez, de créer un comité national d'implantation de
ces mesures, comité composé de trois parties: les centrales
syndicales elles-mêmes, les fédérations de commissions
scolaires tant catholiques que protestantes et le ministère de
l'Éducation.
J'arrive, M. le Président, au quatrième point du premier
bloc, c'est-à-dire le contenu des décrets. Les décrets
maintiennent, comme je viens de le dire, la sécurité d'emploi
pour tous les personnels de
l'éducation. Une garantie de revenu que je viens d'exposer, il y
en avait une dans les décrets; elle a été modifiée
et de façon très avantageuse dans la proposition du 10
février. Le troisième élément est la
redéfinition d'une tâche éducative globale, sans minutage,
ni cloisonnement, plus respectueuse de l'activité éducative et
des enseignants. Quatrièmement, une procédure d'affectation et de
mutation fondée non plus exclusivement sur l'ancienneté, comme
c'était le cas dans plusieurs commissions scolaires, mais
également sur la capacité de l'enseignant. L'accroissement de la
tâche d'enseignement - je parle des décrets - de 10% au primaire
et de 15% au secondaire. Je reviendrai, dans un instant, à notre
proposition du 10 février pour démontrer de quelle façon
ces augmentations de tâche ont été étalées
dans le temps. La reconduction des ententes locales sur dix matières qui
permettent l'affirmation des particularismes locaux. L'ajout de 70 postes
permanents et stables à l'éducation des adultes pour les
enseignants du primaire et du secondaire. En consultation avec les syndicats,
la nécessité pour les commissions scolaires de se doter d'une
politique d'intégration pour les élèves en
difficulté. Donc, chaque commission scolaire doit désormais se
donner une politique pour l'intégration des enfants en
difficulté. Les sommes investies à ce niveau seront
protégées et consacrées à des services
appropriés en consultation avec les enseignants touchés par cette
intégration. Neuvièmement, la protection contre toute forme de
déqualification des personnes impliquées dans la mise en place de
la politique de l'enseignement professionnel. Dixièmement, le maintien
du principe, dans le réseau collégial, de la libération
d'un enseignant sur 20 afin d'assurer la coordination départementale.
L'ajout de 150 postes au collégial pour permettre la recherche, le
soutien au niveau de la formation professionnelle ou encore pour favoriser le
recyclage des enseignants mis en disponibilité. L'application
intégrale des régimes pédagogiques. Enfin, à
l'époque, l'augmentation du temps de présence des enfants au
primaire de 23 à 25 heures, sujette à une commission
parlementaire. Ce dernier point a été modifié, comme vous
le savez, lors de la proposition du 10 février.
J'en arrive maintenant, de façon plus spécifique, au cadre
de règlement du 28 novembre 1982 et je répète que ce cadre
de règlement a été intégré dans les
décrets qui ont été adoptés par l'Assemblée
nationale. Pour ce qui est de la tâche, fixation d'un temps moyen
d'enseignement... Oui?
M. Ryan: J'ai manqué les dates parce que vous parlez
peut-être un peu vite quand il y a beaucoup de dates et de chiffres. Vous
avez dit: Le cadre de règlement qui a été
intégré dans le décret.
M. Girard: Le cadre de règlement que nous avions
déposé le 28 novembre 1982 et qui a été
intégré dans les décrets. Je parlerai, par la suite, du
cadre de règlement du 10 février. Le cadre de règlement du
28 novembre, pour ce qui est de la tâche, fixation d'un temps moyen
d'enseignement de 22 heures par semaine au niveau primaire et de 23
périodes de 50 minutes par semaine au niveau secondaire. Au niveau
collégial, réintroduction de la norme suivante,
c'est-à-dire garantie de mettre dans le réseau collégial
un enseignant pour quinze étudiants, ce à quoi on ajoute pour
faire bonne mesure 150 postes. Sécurité d'emploi, j'en ai
déjà parlé, garantir un revenu supérieur aux
enseignants mis en disponibilité dans la mesure où la
résorption franchira certains seuils. L'éducation des adultes,
ajout de 70 contrats à temps plein.
Je reviens à la sécurité d'emploi. Au niveau
collégial, nous avons fait la même offre qu'au niveau primaire et
secondaire. Il y a également une annexe qui propose un ensemble de
mesures de résorption et qui garantit que, dans la mesure où ces
mesures, précisément, seront efficaces et qu'un nombre d'autant
plus important de professeurs du réseau collégial quitteront le
réseau collégial pour être affectés à
d'autres tâches, dans la mesure, donc, où le nombre d'enseignants
diminue, les enseignants ou les professeurs qui restent et qui sont mis en
disponibilité peuvent se voir payer la sécurité d'emploi
dépendant des seuils établis au-delà de 50%. On peut aller
à 60%, 70%, 80%, 85%, 90%, mais dans la mesure où la
résorption se fait; les seuils sont indiqués à l'annexe
XV.
Mme Lavoie-Roux: Les 50% restent toujours,
M. Girard: Là, je parle toujours du contenu des
décrets. Je vais passer dans un instant à la proposition du mois
de février.
L'intégration de l'enfance en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage, ce que nous avons dit, c'est que la commission qui entend
procéder à l'intégration des enfants en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage devra, premièrement, se donner une
politique d'intégration. Elle devra, deuxièmement, consulter le
syndicat sur cette politique. De plus, les sommes allouées à
l'enfance en difficulté seront protégées et
réinvesties dans des services appropriés à cette
population scolaire, c'est-à-dire activités de soutien,
diminution du nombre d'élèves dans le groupe où
l'élève en difficulté est intégré. Enfin,
l'enseignant qui est impliqué par une telle intégration devra
être consulté sur la façon dont l'intégration doit
se faire. Ce sont des mesures qui sont dans le cadre de règlement
et qui ont été intégrées par la suite au
décret.
J'ai parlé tantôt des ententes locales. Comme chacun le
sait, les négociations locales avec droit de grève du
côté syndical et droit de lock-out du côté patronal
n'existent plus. Elles ont été remplacées par des ententes
locales. Les ententes locales pourraient se faire sur les matières
suivantes: la participation des enseignants, la cotisation syndicale, la
documentation, l'utilisation des locaux de la commission, communication et
affichage d'avis, congés sans traitement, démission et bris de
contrat, réglementation des absences, contribution d'un enseignant
à une caisse d'épargne et régime complémentaire
d'assurance. Le critère capacité: permettre aux détenteurs
de brevets généraux tels les brevets "A" d'être reconnus
capables d'occuper le poste de titulaire au primaire pour les
élèves du régulier et d'enseigner au secondaire aux
élèves du régulier et du professionnel dans les
disciplines de formation générale, sauf l'éducation
physique, la musique, les arts plastiques et l'informatique. Donc, un
élargissement de la notion de capacité principalement à
l'endroit des détenteurs d'un brevet "A".
Formation professionnelle, l'implantation graduelle de cette nouvelle
politique en ne procédant à aucune déqualification et
enfin, pour ce qui est des collèges, maintien de la libération
d'un enseignant sur 20 pour assurer l'accomplissement de la tâche du
coordonnateur départemental et l'ajout de 150 postes pour la recherche,
la mise en place des centres spécialisés et le soutien à
la formation professionnelle.
Si nous passons maintenant au cadre de règlement du 10
février, ce cadre de règlement peut "se résumer de la
façon suivante pour ce qui est de la tâche d'enseignement...
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Argenteuil a une question.
M. Ryan: J'ai compris que vous parliez du cadre de
règlement du 10 février. Celui du 20 janvier, lui?
M. Girard: Celui du 20 janvier, si vous le voulez, nous pourrions
en parler. C'est le cadre de règlement qui a été
déposé par le premier ministre et ce cadre de règlement
s'adressait à l'ensemble des centrales syndicales. Ce que nous avons
fait pour préparer le cadre de règlement du 10 février,
c'est, au fond, nous inspirer de ce cadre de règlement
déposé par le premier ministre, mais le réaménager
de façon à atteindre le plus possible les objectifs de
l'éducation et à répondre précisément
à plusieurs des questions ou à plusieurs des points de vue que
nous avaient fait valoir tant nos partenaires que les représentants de
la partie syndicale.
Quant au cadre de règlement du 10 février, donc, je vais y
aller doucement pour être sûr qu'on se met tous bien en tête
les différentes dispositions. Je reprends à partir des
décrets. Dans les décrets, la tâche moyenne au primaire
était de 22 heures en première année de la convention, 22
heures en deuxième année et 22 heures en troisième
année, soit, par rapport à la situation actuelle qui est de 20
heures, une augmentation de 10% de la tâche au primaire. Le régime
pédagogique au primaire, c'est-à-dire, essentiellement, le temps
de présence des enfants à l'école primaire, passait de 23
heures, ce qui est la situation qui prévaut actuellement, à 25
heures pour chacune des trois années.
La tâche moyenne au secondaire passait de 20 périodes de 50
minutes qu'elle est à l'heure actuelle à 23 périodes de 50
minutes en première année de la convention, 23 en deuxième
année et 23 en troisième année, c'est-à-dire que
l'augmentation de la tâche de l'ordre de 15% était
réalisée dès la première année de la
convention collective. La sécurité d'emploi était de 80%
pour la première année de la convention, de 80% pour la
deuxième année pour les enseignants qui en étaient
à leur première année de mise en disponibilité, de
50% pour ceux qui en étaient à leur deuxième année,
et la même situation pour la troisième année de la
convention. Ces dispositions nous permettaient de respecter le cadre financier
du ministère de l'Éducation et d'économiser, en termes de
crédits, 344 500 000 $.
L'hypothèse retenue et déposée lors du cadre de
règlement du 10 février s'établit de la façon
suivante: au primaire, la tâche moyenne, en première année,
passe de 20 heures - la situation actuelle - à 21 heures; en
deuxième année, elle est maintenue à 21 heures; en
troisième année, elle passe à 21 heures et demie. Le temps
de présence des enfants à l'école primaire passe de 23
à 24 heures en 1re année, de 24 à 24 heures et
demie en 2e année et de 24 heures et demie à 25 heures en 3e
année. (17 h 15)
La tâche moyenne au secondaire passe de 20 périodes de 50
minutes à 21 périodes de 50 minutes en 1re
année, à 22 périodes en 2e année et à 23
périodes en 3e année. Donc, pour ce qui est de la tâche au
primaire, l'objectif total de 10% n'est pas totalement réalisé;
l'objectif de 15% au secondaire est réalisé, mais il est
étalé dans le temps sur une période de trois ans.
Tout d'abord, je devrais dire qu'en augmentant le temps de
présence des enfants à l'école primaire, nous nous
trouvons à assurer le maintien de tous les spécialistes au
primaire de façon absolue; aucune mise en disponibilité chez les
spécialistes. De plus,
en étalant l'augmentation de la tâche au secondaire, nous
comptons utiliser les fonds pour le perfectionnement des enseignants afin de
perfectionner certains enseignants du secondaire qui le souhaiteraient ou
encore afin que certains enseignants du secondaire qui le souhaiteraient
puissent passer au primaire pour y augmenter le nombre des spécialistes.
Donc, utilisation de l'aménagement dans le temps pour faire servir les
fonds destinés au recyclage à une réutilisation maximale
des professeurs du secondaire, ce qui a pour effet - vous l'aurez compris - de
réduire les mises en disponibilité au secondaire.
Enfin, pour ce qui est de la sécurité d'emploi, elle
demeure subventionnée ou financée à 80% pour la
première année. Elle est désormais, dans la proposition du
10 février, financée à 80% pour la deuxième
année, donc modification par rapport au décret - modification
importante - et, pour la troisième année, 80% pour ceux qui sont
en disponibilité pour la première fois; 50% pour ceux qui sont en
disponibilité pour la deuxième fois, ce à quoi s'ajoute ce
dont j'ai parlé tantôt, c'est-à-dire les 17 mesures de
résorption et la création d'un comité national
d'implantation composé de représentants du ministère, des
centrales syndicales et des fédérations de commissions
scolaires.
L'effet de ces propositions et de cet étalement de la tâche
sur le nombre de mises en diponibilité au 15 octobre est le suivant.
À partir des décrets, nous aurions eu, en 1983-1984, 6800 mises
en disponibilité, en 1984-1985, 6436 et, en 1985-1986, 5715. L'effet de
la proposition du 10 février est de ramener les mises en
disponibilité au 15 octobre à 4507, à 4735 en 1984-1985 et
à 5142 en 1985-1986. Par ailleurs, nous donnons la garantie dans le
cadre de règlement que le nombre de professeurs ou d'enseignants et
d'enseignantes mis en disponibilité ne dépassera jamais 5000.
Avec des chiffres comme ceux que je viens de citer, le moindrement que les
mesures de résorption seront utilisées de façon
significative par une collaboration voulue, honnête et de bonne foi entre
les trois parties, les enseignants mis en disponibilité qui
demeureraient dans le système pourraient assurément voir leur
sécurité d'emploi financée, même en troisième
année, à au-delà de 50%.
Mme Lavoie-Roux: C'est le chiffre que vous avez donné.
M. Girard: Non.
Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire que 1983-1984, 1984-1985,
1985-1986...
M. Girard: Alors, je donne le chiffre pour chacune des
années scolaires. Il y aura 4500 mises en disponibilité en
1983-1984; comme il y a une augmentation de la tâche en 1984-1985 au
secondaire, la deuxième année, le chiffre augmente
légèrement et passe à 4700.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Girard: Et, en troisième année, il passe
à 5142. Mais, encore une fois, dépendant de l'efficacité
des mesures de résorption, le nombre pourrait être sensiblement
moins grand.
J'ai beaucoup parlé des mesures de résorption. Je pense
que je pourrais vous en faire la liste brièvement. Tout d'abord, il y a
des mesures qui sont contenues dans les conventions collectives et d'autres non
contenues dans les conventions collectives. La première liste est celle
des mesures contenues dans les conventions collectives. Il y a, tout d'abord,
une série de mesures qui existent dans la présente convention
collective et qui sont reconduites. Premièrement, réaffectation
et relocalisation obligatoires des enseignants en disponibilité.
Deuxièmement, relocalisation volontaire avec transfert des droits.
Troisièmement, congés sans traitement à temps partiel.
Quatrièmement, congés sans traitement d'une année.
Cinquièmement, congés de préretraite. Sixièmement,
prime de sépraration.
Les nouvelles mesures contenues dans la convention: congés
sabbatiques à traitement différé, mobilité vers une
autre commission scolaire ou une autre institution d'enseignement du secteur de
l'éducation, soit le collégial, soit mobilité entre le
réseau catholique et le réseau protestant, soit mobilité
vers l'éducation des adultes. Enfin, neuvième mesure, changement
de catégorie de personnel et, dixième mesure, retraite
anticipée.
Les mesures non contenues dans les conventions collectives:
création de postes réguliers pour assurer la suppléance,
prêt de services à des provinces canadiennes ou à des pays
étrangers, prêt de services dans des emplois occasionnels du
réseau de la fonction publique, prêt de services auprès des
organismes communautaires, recrutement prioritaire des enseignants en
disponibilité dans des emplois réguliers du réseau de la
fonction publique, allocation de replacement vers le secteur privé,
incitation à la prise de la retraite pour les enseignants ayant 35
années de service cotisées.
Pour ce qui est du réseau collégial, le cadre de
règlement déposé le 10 février étale
également l'augmentation de la tâche qui, dans le réseau
collégial, est de l'ordre de 13,5% sur la totalité des trois ans
de la convention. L'étalement se ferait de la façon suivante: en
première année, le nombre d'élèves par rapport au
nombre de professeurs serait de 1 sur 14 plus 150; en deuxième
année de convention, de 1 sur 14,5
plus 150 et, en troisième année, de 1 sur 15 plus deux
fois 150, le 150 que je viens de mentionner pour les années
précédentes et un 150 additionnel.
Donc, essentiellement, la proposition du 10 février vise à
un étalement de l'augmentation de la tâche qui a également
des significations très intéressantes au niveau de la
sécurité d'emploi dans le réseau collégial
puisqu'en étalant l'augmentation de la tâche le nombre de
professeurs mis en disponibilité la première année est
moins grand dans le réseau collégial comme dans le réseau
primaire, secondaire. On peut également utiliser les fonds
destinés au recyclage pour favoriser la relocalisation des enseignants.
On a les mêmes mesures de relocalisation et la même offre d'un
comité.
De plus, à la différence du réseau primaire et
secondaire, le réseau collégial est un réseau en
croissance de clientèle. Donc, on pourrait presque, dépendamment
des augmentations de clientèles que nous aurons, et pour l'année
qui vient - les prévisions que nous avons sont considérables - en
arriver à une situation où il n'y aurait à peu près
pas de mise en disponibilité dans le réseau collégial, ou
à tout le moins un très petit nombre. Et, par l'utilisation des
mesures de résorption, ceux qui resteraient en disponibilité
pourraient sûrement voir leur traitement payé en troisième
année à bien au-delà de 50%.
Il y a d'autres éléments dans le cadre de règlement
du 10 février. Je n'entrerai pas dans le détail parce que cela
pourrait être très long, mais je pense qu'il peut quand même
être intéressant que je cite tout au moins les titres de chapitre.
À nouveau, au plan de la capacité, ce que nous avons
proposé le 10 février, c'est de rouvrir les discussions sur le
facteur capacité, de façon à prévoir une notion de
capacité élargie pour celui qui a déjà
enseigné un an à temps plein ou l'équivalent à
temps partiel. L'élargissement, c'est dans l'ouverture du
côté du professeur, de l'enseignant à temps partiel, dans
les dix dernières années de la discipline visée, alors que
le texte actuel dit cinq. Donc, on élargit, ce qui favorise une plus
grande utilisation des professeurs ayant plus d'ancienneté à
l'intérieur du système.
Pour ce qui est de l'affectation et de la mutation des enseignants, nous
avons offert d'incorporer les règles suivantes: le transfert partiel de
clientèle d'une école à une autre devrait être
prévu de façon spécifique; l'enseignant dont la
tâche est composée de plusieurs disciplines sans dominante de
l'une d'entre elles pourrait être maintenu en poste dans l'une des
disciplines qu'il choisit en tenant compte du principe que sa tâche
serait complétée au besoin avec d'autres disciplines; dans le cas
où plus d'un enseignant répond au critère capacité
en regard d'un poste à combler, l'ancienneté serait
déterminante dans l'octroi du poste.
Également, des offres nouvelles pour ce qui est de la
distribution des tâches des enseignants. La clause 5.3.27 serait
modifiée pour prévoir une consultation du comité
consultatif au niveau de l'école sur les critères
généraux de répartition des fonctions et
responsabilités et sur les critères de formation de groupes
autres que les nombres d'élèves par groupe. Enfin, une
consultation encore plus précise au niveau de chaque équipe
d'enseignants par champ ou par discipline sur la distribution des fonctions et
responsabilités entre les membres de l'équipe.
Pour ce qui est de certaines obligations - je viens de le mentionner
à l'égard des mesures de relocalisation - nous avons
proposé de modifier l'article 5.4.00 en remplaçant le pouvoir de
la commission par une obligation de la commission de verser une prime de
séparation ou d'accorder une préretraite. J'ai donc
mentionné tantôt que ces deux nouvelles mesures étaient
désormais conventionnées.
Au sujet du comité national d'implantation, j'en ai
déjà parlé. Le financement de la sécurité
d'emploi, j'en ai parlé. C'est dans ce cadre de règlement que
nous avons offert la garantie formelle que le nombre de mises en
disponibilité ne pourrait pas, pour la durée de la convention,
dépasser 5000. Pour ce qui est de la tâche des enseignants, j'en
ai parlé abondamment à partir du tableau.
M. le Président, cela couvre le premier bloc que je voulais
aborder, c'est-à-dire celui de la problématique des choix
fondamentaux et des propositions que nous avons faites. Le deuxième bloc
porte sur ce que j'ai appelé les points chauds. Je pourrai le faire plus
rapidement. Le premier touche à la question de l'évolution des
clientèles et de l'évolution des effectifs dans le réseau
scolaire. À cet égard, j'ai un tableau très complet, mais
je me contenterai de ne citer que six chiffres qui nous donnent une image
très précise de ce qui s'est passé dans le réseau
de l'éducation au cours des dix dernières années. (17 h
30)
En 1970-1971, nous avions, dans le réseau de l'éducation
primaire-secondaire, 70 364 enseignants. Nous en avions, en 1980-1981, 68 349,
donc une réduction du nombre total d'enseignants de l'ordre de 2,9%.
Pour ce qui est des étudiants ou des élèves, en 1970-1971,
nous avions 1 588 788 enfants et adolescents dans le réseau
primaire-secondaire. En 1980-1981, nous en avions 1 130 000,
c'est-à-dire très exactement 28,9% de moins. En une
période de dix ans, pour une réduction du nombre
d'élèves de 28,9%, il y a eu une réduction du nombre
d'enseignants de 2,9%.
M. le Président, j'en profiterai pour faire une distinction qui
m'apparaît importante et fondamentale. Le problème que
nous avons dans le réseau de l'éducation tient bien
sûr, pour une partie, à la conjoncture économique, mais,
plus fondamentalement, ce n'est pas à un problème de conjoncture
auquel nous avons à faire face, mais à un problème de
structure. Je pense que les chiffres que je viens de mentionner le
démontrent à souhait et je passerai dans un instant à la
comparaison Québec-Ontario qui nous démontre que, pendant ces dix
années, le coût de système du réseau de
l'éducation a augmenté de 17% par année, ce qui est
largement supérieur à la progression du produit intérieur
brut du Québec et ce qui est largement supérieur également
à l'augmentation des revenus du Québec. Donc, un système
dont le taux de croissance est de l'ordre de 17% par année est un
système qui ne peut plus fonctionner ou alors un système dont
toutes les ressources vont à un seul endroit, c'est-à-dire la
protection des dispensateurs de services. Vous voyez la difficulté dans
laquelle nous sommes pour implanter de nouveaux services. J'ai parlé du
virage technologique au collégial, j'ai parlé de la recherche,
j'ai parlé de l'ouverture de nouvelles options au primaire et au
secondaire, de l'enfance en difficulté, de milieux sociaux
économiquement faibles; voilà le véritable problème
auquel nous avons à faire face. C'est-à-dire que nous avons, dans
le réseau de l'éducation, et en particulier dans le réseau
primaire-secondaire, une structure qui nous amène une croissance du
système de 17% par année, ce qui est intenable à
l'évidence. Cela, en raison même du fait que nous avons trop
d'enseignants. Pourquoi avons-nous trop d'enseignants? C'est parce qu'il y en a
un trop grand nombre qui ont été maintenus dans le système
alors même que le système décroissait en raison de la
dénatalité.
Le deuxième point: la comparaison Québec-Ontario. Je pense
qu'il y a là quelques éléments essentiels que je dois
souligner relativement à cette étude. Tout d'abord, elle porte
sur les années 1972-1973 à 1979-1980; deuxièmement, elle
porte sur les dépenses effectuées par les organismes
d'enseignement, c'est-à-dire les dépenses rapportées aux
états financiers, telles que constatées par les
vérificateurs des institutions et par les vérificateurs
gouvernementaux dans les deux provinces, en Ontario et au Québec. Elle
porte sur les organismes du réseau public, c'est-à-dire les
commissions scolaires, les cégeps et les universités. Elle
s'arrête en 1979-1980, parce que c'est la dernière année
pour laquelle les données ontariennes étaient disponibles au
moment où nous avons rédigé l'étude. Elle est
très peu affectée - et cela me semble important de le souligner -
par les différences de structure entre les deux systèmes pour les
raisons suivantes. Les différences entre les deux systèmes, quant
à la part des subventions provinciales dans les dépenses totales,
ne jouent aucun rôle, puisque la comparaison porte exclusivement sur les
dépenses des organismes indépendamment de leur mode ou de leur
méthode de financement. Enfin, la durée totale de la
scolarisation est à peu près la même dans les deux
provinces.
J'ai dit plus tôt que l'étude portait sur l'ensemble du
réseau de l'éducation, à l'exclusion du secteur
privé. J'ai mentionné que l'écart était de 605 $
pour ce qui est de l'ensemble des étudiants des trois réseaux et
que lorsque nous parlons exclusivement du primaire et du secondaire,
l'écart est de 652 $. J'ai fait mettre l'étude à jour,
à partir de contacts que nous avons pris avec le gouvernement de
l'Ontario, pour l'année 1980-1981. La situation est désormais la
suivante; je rappelle quelques chiffres: en 1972-1973, au Québec, nous
dépensions 948 $ par étudiant et, en Ontario, 994 $, pour un
écart de moins 46 $ du côté du Québec. L'Ontario,
autrement dit, dépensait 46 $ de plus par étudiant que nous. En
1979-1980, on dépense par étudiant, au Québec, 2971 $ et
on en dépense 2319 $ en Ontario. Donc, une dépense additionnelle
de 652 $ par étudiant au Québec. En 1980-1981, on dépense
3401 $ par étudiant au Québec et on dépense 2619 $ par
étudiant - toujours au primaire et secondaire - en Ontario, pour un
écart de 782 $ cette fois, avec un taux de croissance du coût de
système au Québec de l'ordre de 17,3%, ce que je disais il y a un
instant. Voilà donc, M. le Président, essentiellement, pour ce
qui est de la comparaison Québec-Ontario.
Pour ce qui est de la tâche au primaire et secondaire, à
l'exclusion des quanta de la tâche dont nous avons parlé il y a un
instant, nous avons conservé le statu quo sur les points suivants: la
description des fonctions; le nombre de jours de travail, c'est-à-dire
200 jours; les moyennes d'élèves par groupe, pourvu qu'il y ait
dix groupes; le maximum d'élèves par groupe avec compensation
monétaire pour l'excédent. Ce point me paraît
extrêmement important; tous les maximums d'élèves par
groupe pour toutes les catégories, que ce soit en enfance en
difficulté, que ce soit à la formation professionnelle, ayant
été maintenus tels qu'ils étaient dans la convention
actuelle. Les trois rencontres avec les parents, en soirée, ont
été maintenues, pas de modification; les dix rencontres
collectives après les cours ont été maintenues. Voici ce
qui a été modifié par rapport à la tâche
au-delà des quanta dont nous avons parlé il y a un instant: 27
heures de présence par semaine à l'école;
décompartimentation des diverses composantes de la tâche ou, si
vous voulez le prendre à l'inverse, globalisation de la tâche; les
surveillances sont comptabilisées
dans la tâche, mais ne sont plus limitées, alors que, par
exemple, autrefois elles étaient limitées à 10 minutes
après les cours en après-midi; élimination des ratios, les
effectifs étant désormais déterminés à
partir de deux paramètres qui nous paraissent fondamentaux et qui
constituent, pour les enseignants, des garanties individuelles,
c'est-à-dire la tâche des enseignants et les règles de
formation de groupes ou le nombre maximum d'élèves par groupe.
Donc, la façon de déterminer le nombre d'enseignants dont nous
avons besoin se fait désormais à partir de ces deux
paramètres qui, je le répète, sont deux paramètres
qui, dans la convention, constituent une garantie absolue pour les enseignants.
Enfin, service d'appui ou pondération des élèves en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage qui sont
intégrés dans les classes régulières. Voilà,
M. le Président, très brièvement. Je suis sûr qu'on
aura l'occasion d'y revenir pour la tâche.
Pour ce qui est des spécialistes au primaire. On continue de
répéter qu'il y aura disparition des spécialistes au
primaire. Je pense avoir démontré qu'il n'y aura pas de
disparition des spécialistes au primaire par l'augmentation du temps de
présence des enfants. Je pense avoir démontré comment nous
ajouterions des professeurs au primaire pour enseigner les
spécialités. Soit dit en passant les spécialités au
primaire - et c'est pourquoi nous avons besoin de spécialistes -ce sont
l'enseignement de la langue seconde, l'enseignement des arts (arts plastiques
et musique) et l'éducation physique.
Nombre de groupes d'élèves au secondaire. C'est une
question qui a été abordée plus tôt. C'est
évidemment une question fondamentale. Je me contenterai d'exposer ou de
résumer deux ou trois principes. Une fois que j'aurai terminé
l'exposé global, mon collègue Rousseau pourra préciser
davantage à cet égard.
Le problème que l'on nous soulève par l'augmentation des
groupes à rencontrer procède d'une conception de l'enseignement
au secondaire qui veut que l'enseignement soit dispensé uniquement par
des spécialistes. Or, suite au livre vert du ministère de
l'Éducation qui faisait suite à une vaste consultation de la
population, il y avait, je pense que je puis le dire sans risque de me tromper,
une volonté pour humaniser l'école de faire en sorte qu'au
premier cycle du secondaire, tout au moins, on assiste doucement à la
réintroduction de ce que l'on appelait dans mon temps le titulariat,
c'est-à-dire qu'un professeur puisse enseigner plus d'une matière
pour être en présence des adolescents plus longtemps et les mieux
connaître. Cela c'est possible, c'est encouragé, c'est voulu,
c'est souhaité par les régimes pédagogiques. Dans la
mesure où les enseignants du secondaire acceptent d'enseigner plus d'une
matière, le nombre de groupes qu'ils ont à rencontrer pourrait
non pas augmenter mais bien au contraire diminuer.
Là, nous faisons affaires, M. le Président, vraiment
à un problème fondamental qui est celui de la conception qu'on se
fait de l'école secondaire au Québec. La conception que le
ministère de l'Éducation s'en fait, et la conception qui est
véhiculée dans les régimes pédagogiques, c'est une
conception humanisante de l'école par des mesures comme celles que je
viens de mentionner qui sont comprises, qui sont contenues, qui sont possibles
à l'intérieur des régimes pédagogiques.
Pour ce qui est des élèves en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage, je l'ai mentionné tantôt, toute
commission qui désire intégrer dans ses classes
régulières des élèves en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage doit se doter d'une politique à cet
effet, et elle doit consulter le syndicat sur cette politique.
On s'assure de cette façon, pensons-nous, que
l'intégration se fera de façon rationnelle et ordonnée. De
plus en cas d'intégration, la commission scolaire devra ou bien se doter
d'un service d'appui aux élèves intégrés, ou bien
pondérer ses élèves de façon à diminuer le
nombre d'élèves dans le groupe où un enfant en
difficulté est intégré précisément pour
alléger la tâche de l'enseignant.
J'en arrive au critère de la capacité. Jusqu'à
maintenant, dans les conventions collectives, le critère de
l'ancienneté, considéré dans plusieurs cas à
l'exclusion de tout autre et appliqué sur l'ensemble du territoire d'une
commission scolaire, pouvait par simple automatisme déplacer
jusqu'à 35% du personnel, d'année en année.
Dorénavant, la procédure d'affectation, de réaffectation,
de mutation commencera à l'école en fonction des besoins de
l'école et du projet éducatif de l'école. Donc, une plus
grande stabilité du personnel à l'école.
Le Président (M. Jolivet): Un instant! Mme la
députée de L'Acadie aurait une petite information. (17 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Pour ne pas être obligé d'y
revenir, vous avez parlé de l'humanisation de l'école au
secondaire en revenant à la notion de titulaire de secondaire I et II.
Mais vous n'avez pas parlé de ce qui se produit en secondaire III, IV ou
V. Est-ce parce que c'est dans le même...
Le Président (M. Jolivet): M. Rousseau.
M. Rousseau (André): C'est l'exposé que je ferai
après M. Girard, si vous me le permettez.
Commission permanente
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Parfait! Merci.
M. Girard: Respecter la motivation de l'enseignant, la
capacité et l'ancienneté. En réduisant les
déplacements mécaniques et les affectations inappropriées,
on respectera la motivation et la compétence des enseignants. Le
critère de l'ancienneté ne disparaît pas. Il est maintenu
mais il est appliqué à la discipline et au champ
d'enseignement.
Pourquoi privilégie-t-on la notion de capacité? C'est pour
motiver précisément les enseignants et pour répondre
également à des doléances qui ont été
véhiculées tant et plus par les parents relativement à des
critères qui voulaient que seule l'ancienneté vaille et qu'on ne
tienne pas compte de la capacité des enseignants.
Enfin, je dirai qu'un enseignant sera réputé avoir les
capacités pour enseigner s'il répond à un des
critères suivants: un brevet général ou
spécialisé dans le domaine de l'enseignement; s'il a acquis une
expérience d'enseignement dans ce champ; s'il poursuit un programme
d'étude reconnu pour cette spécialité et si ses aptitudes
ou son intérêt sont reconnus par l'école ou la commission
scolaire.
Il nous paraît que c'est là un choix fondamental et que
c'est un choix qui répond à plusieurs commentaires qui avaient
été véhiculés au ministère. C'est un choix
qui répond également à des recommandations qui avaient
été faites par le Conseil supérieur de
l'éducation.
L'affectation et la mutation, je pense en avoir suffisamment
parlé pour ne pas y revenir. J'aborderais maintenant la question des
droits de gérance parce qu'il me semble qu'il y a maldonne relativement
aux droits de gérance.
À entendre ce que l'on véhicule sur les droits de
gérance, on finirait par croire que le droit de gérance est un
mal absolu. C'est comme si tous les directeurs d'école, dont la plupart
sont d'anciens enseignants, c'est comme si tous les directeurs
généraux de commission scolaire, c'est comme si tous les cadres
des commissions scolaires, une fois qu'ils étaient devenus des cadres -
et, comme je l'ai dit, plusieurs d'entre eux étaient autrefois des
enseignants - se muaient en méchants qui ne veulent que le mal des
enseignants. Cela ne peut pas être le cas. Je pense qu'il faut
réaffirmer bien haut que les directeurs d'école, les cadres
scolaires, les directeurs de commission scolaire, sont des gens qui, comme
nous, comme les enseignants, sont préoccupés de la qualité
de l'éducation, sont préoccupés de la viabilité de
l'école, sont préoccupés de la qualité de
l'enseignement qui se donne dans l'école et sont
préoccupés d'améliorer, de bonifier ce qui se passe dans
leur école.
Ceci étant dit, on nous accuse, M. le Président, d'avoir
allègrement redonné des droits de gérance de façon
exagérée. Il n'en est rien, compte tenu, en plus, de ce que je
viens de dire. En effet, la plus grande partie de la convention collective de
1979-1982 a été reconduite intégralement. Une dizaine de
sujets ayant fait l'objet d'ententes locales en 1979-1982 ont également
été reconduits intégralement. Enfin, il y a eu entente
à ce sujet sur d'autres parties du décret.
En conséquence, ce n'est qu'au chapitre de l'affectation et de la
distribution des tâches que l'on retrouve une récupération
du droit de gérance. Dans certaines commissions scolaires, il est vrai
que ces sujets relevaient de l'automaticité la plus aveugle,
éliminant ainsi toute intervention possible de l'administrateur scolaire
ou du directeur d'école. Mais il est également vrai que, dans
bien d'autres commissions scolaires, à partir des ententes locales, le
droit dit de gérance avait été conservé à
peu près intact et je dois dire que, finalement, la convention
collective continue de contenir un nombre considérable
d'éléments qui constituent, pour les enseignants et les
enseignantes, des garanties individuelles et collectives.
À l'éducation des adultes, j'ai parlé de l'ajout
que nous avons fait de 70 postes additionnels et c'est à la demande
même de la Centrale de l'enseignement du Québec que nous avons
octroyé ces 70 postes, l'automne dernier.
Je passe au collégial brièvement. Le département.
C'est un objet de discussion et, essentiellement, ce que nous faisons dans le
réseau collégial pour le département, c'est, là
aussi, assez simple. C'est que nous voulons qu'au département, pour une
série de responsabilités - parce que j'aurais dû dire au
point de départ qu'il y a des responsabilités sous
l'autorité du coordonnateur et d'autres qui sont collégiales les
responsabilités sous l'autorité du coordonnateur se voient
modifiées de deux façons. Tout d'abord passent sous cette
rubrique le dépôt d'un rapport annuel à la direction du
collège et la création d'un comité de révision de
notes pour les étudiants qui font appel des notes qu'ils ont
reçues. Enfin, ces responsabilités du département
exercées sous l'autorité du coordonnateur, ce dernier en
deviendrait désormais responsable devant le directeur des services
pédagogiques.
Il me semble, M. le Président, qu'il n'y a rien là
d'exagéré, qu'il n'y a rien là d'obsessif de la part de la
partie patronale, qu'il n'y a qu'une volonté de faire en sorte
qu'à l'intérieur d'une institution aussi importante qu'un
collège d'enseignement général et professionnel, le
coordonnateur de département puisse répondre des activités
du département et de ses collègues devant l'autorité
constituée, c'est-à-dire le directeur des services
pédagogiques et ultimement le
conseil d'administration du collège.
Pour ce qui est de la tâche au niveau du collégial,
là aussi j'ai des chiffres. Je me contenterai d'en citer quelques-uns.
Au Québec, pour l'année 1980-1981, le nombre d'heures-contact
qu'a en une semaine un professeur de cégep avec les étudiants est
de 12,6, et ce en moyenne devant un groupe de 23 étudiants. Cette valeur
moyenne du nombre d'heures-contact par semaine au Québec est de 9,8%
inférieure à la charge minimale en Ontario et de 32%
inférieure à la charge moyenne en Ontario. Cette même
charge de 12,6 heures-contact en moyenne est inférieure de 17,8%
à la charge minimale d'un enseignant des collèges communautaires
de la Floride, de 10% inférieure à ce que l'on retrouve dans des
collèges de la région de Boston et de 26% inférieure
à la charge moyenne d'un enseignant de collège du sud de la
Californie. Que je sache, la Californie n'est pas réputée pour
avoir particulièrement un mauvais système d'éducation.
Encore là, je pense qu'on confond quantum, tâche et
capacité d'enseigner avec des objectifs de qualité. La
qualité passe non seulement par le nombre de professeurs, mais
également par un ensemble de mesures et de dispositions tout autant dans
le réseau collégial et dans le réseau universitaire que
dans le réseau primaire et secondaire.
Je vous ai cité tantôt, pour ce qui est de la tâche,
les chiffres pour le Québec. En première année, on aura un
enseignant pour quatorze étudiants. Je vous donne les comparaisons pour
l'année 1981-1982 avec certains collèges de l'Ontario. Pour
Cambrian, c'est 18; Centennial, 24; Durham, 21; Humber, 19; Lambton, 23; St.
Clair, 23; St. Lawrence, 15; Sheridan, Senaca et Sir Sandford Flewing, 21,
alors que nous à la fin de la convention, nous en serons à 1 pour
15. Première année 1 sur 14, deuxième année 1 sur
14,5 et dernière année 1 sur 15.
Enfin, M. le Président, au collégial, la disparition de la
formule d'allocation. Il existait dans les conventions collectives des
enseignants, des professeurs du réseau collégial, une formule
mathématique en vertu de laquelle se faisait l'allocation totale du
nombre de professeurs dans le réseau, ensuite l'allocation par
collège et ensuite l'allocation par département et par
discipline. Tout cela se faisait de façon mécanique et
automatique. Il suffisait de mettre la machine en marche, d'introduire le
nombre d'étudiants et nous avions, au bout de la ligne, le nombre de
professeurs.
Cette formule doit disparaître de la convention collective parce
qu'elle encarcane le réseau collégial, parce qu'elle
empêche l'évolution de la vie qui doit se faire normalement dans
ce réseau, c'est-à-dire le passage des étudiants d'une
discipline à l'autre, la nécessité d'ouvrir de nouvelles
options dans le réseau collégial, la nécessité de
créer des centres spécialisés; bref une formule comme
celle-là encarcane totalement tout ce que l'on peut vouloir faire dans
le réseau collégial.
Le réseau collégial est un réseau charnière,
un réseau qui est en croissance de clientèle, un réseau
dans lequel il faut prendre le virage technologique en ouvrant de nouvelles
options, un réseau dans lequel il faut introduire des micro-ordinateurs,
un réseau dans lequel il faut garantir l'accessibilité des
étudiants, un réseau dans lequel il faut développer la
recherche et un réseau dans lequel il faut créer des centres
spécialisés. Tout cela ne devient possible que si et les
collèges et les enseignants et le ministère jouissent d'une marge
de manoeuvre raisonnable.
Je dois dire qu'une formule semblable c'est une particularité,
parce qu'à ma connaissance cela n'existe dans aucune autre convention
collective.
Voilà donc, M. le Président, l'ensemble des points chauds
que nous voulions traiter pour ce qui est du primaire, du secondaire et du
collégial. J'avais un dernier bloc qui abordait la question du
déroulement de la présente négociation et de l'historique
des négociations. Je pense qu'il est bon de rappeler certains faits qui
me paraissent fondamentaux. Tout d'abord, la Centrale de l'enseignement du
Québec qui, après le sommet économique, avait promis de
déposer ses demandes rapidement, ne l'a pas fait rapidement, je pense,
puisque le 11 mai la CEQ déposait ses demandes sur le partage des
matières à être négociées à un niveau
autre que national, alors qu'il avait été annoncé que les
négociations locales assorties du droit de grève et du droit de
lock-out disparaissaient et qu'elles étaient remplacées par des
ententes locales.
De plus, malgré toutes les promesses, encore une fois,
d'accélérer le processus de négociation, ce n'est que le
20 septembre que la CEQ déposait ses demandes sur le normatif. Ces
demandes, comme on l'a rappelé, évaluées sommairement et
uniquement en termes d'effectifs additionnels, représentaient une
dépense additionnelle de l'ordre de 210 000 000 $. Le 24 septembre, la
partie patronale déposait ses propositions complètes sur le
normatif.
M. Ryan: Vous nous alignez des chiffres à n'en plus finir.
Mais une dépense additionnelle de 210 000 000 $, c'est pour combien de
temps?
M. Girard: Pour la première année de la
convention.
M. Ryan: Pour la première année de la convention.
Par rapport à quel montant? Le coût?
M. Girard: Par rapport au coût actuel que nous avons. Cela
s'ajoutait au coût actuel...
M. Ryan: Quel est le coût actuel? Cela venait s'ajouter
à quel coût?
M. Girard: Êcoutez! Le coût total pour les
enseignants, je pourrais le trouver; je ne l'ai pas en mémoire. Mais le
coût total du réseau primaire et secondaire, c'est 4 500 000 000
$. Pour les enseignants, on me dit que c'est 2 200 000 000 $. Donc, il
s'ajoutait 210 000 000 $, pour la première année, aux 2 200 000
000 $.
Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez continuer.
M. Ryan: On y reviendra, parce qu'il y beaucoup d'autres chiffres
à mettre en regard...
M. Girard: Pardon?
M. Ryan: On y reviendra plus tard, à la période des
questions, parce qu'il y a beaucoup d'autres chiffres qu'il faut mettre en
regard de ceux que vous citez. On vous demandera des explications. (18
heures)
M. Girard: Du 3 octobre au 17 novembre, il y a eu
négociation à un rythme pour le moins modéré, bien
qu'on ait manifesté de notre disponibilité. Il y a eu, en en
effet, 21 rencontres, ce qui équivaut au travail d'une dizaine de jours.
Du 17 au 25 novembre, il y a eu intensification des négociations et
formation de part et d'autre d'un comité spécial regroupant les
protestants et les catholiques. Du 25 au 29 novembre, les sous-ministres de
l'Éducation se sont joints aux équipes de négociateurs et
c'est ce qui a donné le cadre de règlement du 29 novembre. Par la
suite, les événements sont connus. Donc, il me semble important
de répéter que cette négociation s'est faite avec pleine
et entière disponibilité de la partie patronale, avec les
interventions nécessaires au plus haut niveau chaque fois que cela a
semblé utile. Le dernier point...
Le Président (M. Jolivet): M. le sous-ministre, comme il
est 18 heures, je vais suspendre les travaux jusqu'à 20 heures. Nous
reviendrons alors, avant de continuer votre exposé, avec l'apport du
leader sur les questions qui lui ont été posées ainsi que
la réponse du Conseil supérieur de l'éducation. Suspension
des travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 02)
(Reprise de la séance à 20 h 06)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission permanente de l'éducation continue ses travaux.
Elle était, au moment de l'interruption pour l'heure du souper, au
témoignage de M. Jacques Girard, qui sera suivi de celui de M.
André Rousseau, sous-ministre adjoint, et de Mme Michèle Fortin,
sous-ministre adjointe. Donc, M. Girard, il vous restait encore un peu de temps
pour votre intervention.
M. Girard: Oui, M. le Président. M. Cusano: M. le
Président...
Le Président (M. Jolivet): Un instant, M. Girard! M. le
député de Viau.
M. Cusano: La députée de L'Acadie avait
demandé des statistiques ou le dépôt des documents dont M.
Girard se sert, et il me semble qu'on nous les avait promis pour 20 heures.
Sont-ils ici?
Le Président (M. Jolivet): M. Girard, avez-vous une
réponse à cette question?
M. Girard: J'ai demandé, M. le Président, que les
documents soient photocopiés. Je ne sais pas s'ils ont été
distribués ou s'ils ont été remis au secrétariat
des commissions, mais j'ai demandé tout de suite au moment de
l'ajournement qu'on photocopie les documents qui comportaient les chiffres dont
je me suis servi.
Le Président (M. Jolivet): Ils ne sont pas rendus,
à ma connaissance, au secrétariat des commissions. Il faudrait
les faire parvenir le plus rapidement possible.
Avant de vous donner la parole, j'oubliais qu'il y avait deux choses
à régler puisqu'on s'était dit qu'à 20 heures, on
réglerait deux choses. Premièrement, il y a dans l'assistance M.
Claude Benjamin, que j'ai entrevu tout à l'heure, dont la
présence a trait à ce télégramme que nous avons
reçu à la suite d'une demande qui a été faite. Je
vous le lis: "Le Conseil supérieur de l'éducation regrette de ne
pouvoir participer à la commission parlementaire de l'éducation.
La raison en est que les travaux de son comité chargé d'analyser
l'impact des décrets ne sont pas encore achevés et que, par
conséquent, le conseil n'est pas en mesure de faire connaître son
avis sur les questions étudiées par la commission parlementaire.
Le conseil ajoute qu'on lui avait adressé par téléphone
une invitation à se présenter devant la commission parlementaire,
et ce pour jeudi à 14 heures. Le conseil ignorait que cette invitation
était contraignante. Le
président du conseil, M. Claude Benjamin, au moment où on
a reçu le télégramme, était à
Montréal, retenu pour des funérailles. Cependant, il se tient
à la disposition de la commission parlementaire si cette dernière
estime qu'il doit, en vertu des règlements de l'Assemblée
nationale, se présenter devant elle." Donc, le télégramme
dit, en résumé, que M. Benjamin, au nom du Conseil
supérieur de l'éducation, est prêt à intervenir dans
la mesure où la commission parlementaire lui dit qu'il doit se
présenter. Or, comme la demande était faite par le
député d'Argenteuil, je lui demande d'exprimer sa demande.
M. Ryan: M. le Président, je prends connaissance de cette
réaction de M. Benjamin. Mes collègues n'en ont pas pris
connaissance. Si vous pouviez remettre cette question à demain matin,
nous la soulèverons demain matin au besoin...
Le Président (M. Jolivet): Parfait.
M. Ryan: ...avant de délibérer entre nous.
Le Président (M. Jolivet): À moins qu'il n'y ait
d'autres... M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Est-ce que j'ai bien compris que le
député d'Argenteuil vient de demander si nous pouvions remettre
cette comparution à demain matin.
Le Président (M. Jolivet): Non, la discussion sur la
question, demain matin.
M. Bertrand: La discussion, très bien.
M. Ryan: Seulement la question de décider si j'ai quelque
chose à dire.
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Bertrand: Vous avez besoin de la nuit pour y
réfléchir.
Le Président (M. Jolivet): Nous allons... M. Bertrand:
M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le leader, mais avant
nous demandons donc au secrétariat des commissions de vous donner une
copie de ce télégramme. M. le leader du gouvernement, sur les
autres questions.
M. Bertrand: Oui. Je veux immédiatement indiquer, pour des
personnes qui se sont déplacées pour venir se faire entendre ce
soir, qu'après avoir pris contact avec Mme Blackburn, la
représentante du Conseil des collèges, elle serait consentente
à ce que son intervention soit reportée à vendredi. Je
crois que nous aurons une soirée passablement remplie.
Quant aux associations étudiantes, s'il arrivait que nous
puissions terminer de poser des questions au sous-ministre du ministère
de l'Éducation à 23 heures, nous pourrions toujours nous
réserver un groupe. Mais je crois comprendre que mes échanges
avec le député d'Argenteuil nous permettraient de faire en sorte
que, dans la mesure où nous n'empêcherions pas la commission
d'entendre la FNQ et la CEQ tel que nous le souhaitions, nous puissions
commencer demain matin avec les représentants des organisations
étudiantes qui se sont déplacées et qui, bien sûr,
tiendraient beaucoup à être entendues.
Le Président (M. Jolivet): J'ai juste une question pour
les besoins de la présidence. Est-ce que cela voudrait dire que si nous
avions l'occasion de terminer l'ensemble d'ici minuit, excluant le Conseil des
collèges qui pourrait revenir vendredi, on pourrait entendre dès
ce soir les associations étudiantes? Ou est-ce qu'on les reporterait
à demain matin?
M. Bertrand: Nous pourrions entendre au moins l'une des deux ce
soir, si nous terminions avant minuit; sinon, les deux demain matin,
c'est-à-dire la Coalition étudiante et l'Association nationale
des étudiants du Québec.
Le Président (M. Jolivet): Ce qui impliquerait que, par la
suite, en termes d'horaire, ce serait...
M. Bertrand: Cela pourrait arriver, M. le Président, mais
tout dépend de la volonté des parlementaires et du nombre de
questions qu'on a à poser bien sûr, du temps dont on veut disposer
pour interroger tout le monde. Il pourrait arriver que nous ne commencions que
demain après-midi les auditions avec les représentants de la FNQ
ou du secteur collégial et les représentants des secteurs
primaire et secondaire du côté syndical.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je souligne juste un point à l'attention des
membres. Si on commence à entendre les organismes syndicaux seulement
demain après-midi, il peut arriver qu'on soit obligé de
déborder sur la journée de vendredi avec eux et il y a un gros
programme de prévu pour vendredi.
Le Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: J'en suis fort conscient. C'est la raison d'ailleurs
pour laquelle j'avais
dit au député d'Argenteuil, par voie
téléphonique, à quel point je considérais qu'il
fallait, tout en respectant, bien sûr, le désir de plusieurs
groupes de se faire entendre, tout en ne multipliant pas à l'infini le
nombre de groupes que nous voulons entendre ici à cette commission,
faire des choix. Dans cette perspective, je suis conscient du problème
d'engorgement que cela pourrait provoquer vendredi. J'indique
immédiatement que nous sommes très ouverts à ce que la
commission puisse siéger lundi, mais j'indique aussi que nous nous
rallions d'emblée à la proposition qui a été faite
par l'Opposition et que nous avons nous-mêmes jusqu'à un certain
point souhaité c'est-à-dire, dans le cadre de ces
délibérations, à un moment donné, celui que nous
croirions être le meilleur, pouvoir avoir côte à côte,
à la table ici devant nous, des représentants du milieu syndical,
primaire, secondaire et collégial, et des représentants du milieu
gouvernemental, plus particulièrement les sous-ministres, MM. Girard et
Rousseau et Mme Fortin.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: En premier lieu, s'il y avait moyen de faire les choses
raisonnablement vite, sans rien expédier, pour qu'on essaie d'entendre
les organismes étudiants ce soir, ce serait infiniment
préférable. Nous allons essayer de collaborer avec vous dans ce
sens, M. le Président. Si on se fixe jusqu'à vers 22 h 30 ou 23
heures avec les représentants du ministère de l'Éducation,
je pense que pour cette rencontre cela fera quand même beaucoup, mais si
c'était possible, je pense que ce serait mieux pour l'équilibre
général.
Je pense qu'il y a un petit malentendu qui s'est glissé entre le
leader et moi-même, que je voudrais dissiper tout de suite. Je n'ai point
proposé, à ma connaissance, qu'à la fin on amène
à la même table les représentants syndicaux et les
représentants patronaux. J'avais suggéré qu'on
prévoie une période d'une heure ou deux avec chaque partie pour
pouvoir aller au fond de la position de chacune. C'est ce que j'ai
suggéré. Je me suis peut-être mal exprimé.
M. Bertrand: Tout ce que je faisais, c'était de retenir la
suggestion du député d'Argenteuil et d'y ajouter un
élément additionnel qui me paraissait fort intéressant.
C'était de permettre au député d'Argenteuil d'acheminer
une même question en même temps aux représentants du monde
syndical et aux représentants du secteur gouvernemental et de voir ce
que cela peut donner comme exercice. Je crois qu'on pourrait peut-être
faire jaillir la lumière de ce genre de situation d'interpellation
à deux intervenants différents.
Le Président (M, Jolivet): Je pourrais vous
suggérer, M. le leader, de continuer cette discussion hors de la table,
de façon que, demain matin, on présente une solution. (20 h
15)
M. Bertrand: Très bien.
Le Président (M. Jolivet): M. Girard.
M. Girard: M. le Président, avant la suspension des
travaux, j'avais abordé le premier point de mon troisième bloc,
c'est-à-dire le déroulement de la présente
négociation. Je voudrais tout simplement souligner, en conclusion sur ce
point, que le ministère de l'Éducation et le gouvernement ont, de
leur côté, au cours de la présente négociation, fait
trois propositions précises, c'est-à-dire le cadre de
règlement du 28 novembre qui n'a pas été accepté,
le cadre de règlement du premier ministre proposé le 21 janvier
aux trois centrales syndicales auquel la CEQ a opposé une fin de
non-recevoir et, enfin, la proposition du 10 février qui est une
proposition éminemment intéressante, en ce sens qu'elle est
adaptée aux besoins du réseau de l'éducation, en ce sens
qu'elle a été proposée non seulement par le
ministère de l'Éducation, mais par tous les partenaires du
ministère de l'Éducation et en ce sens qu'elle répondait
à des demandes précises qui avaient été
formulées par la Centrale de l'enseignement du Québec.
Contrairement à toute attente, cette proposition, dans mon
esprit, n'a pas reçu l'attention et n'a pas fait l'objet des analyses
qu'elle méritait.
Enfin, je pense qu'il faut souligner que, là également,
contre toute attente, lors de la reprise de la négociation, une fois que
les enseignants et les enseignantes du primaire, du secondaire et les
professeurs du collégial eurent repris leurs cours et le travail, nous
n'avons reçu, lors de la dernière rencontre avec la CEQ, aucune
contre-proposition précise.
La situation dans laquelle nous sommes, tant au niveau primaire, au
niveau secondaire qu'au niveau collégial, c'est le maintien du statu quo
des demandes syndicales. Donc, malgré une bonne volonté manifeste
de notre part, et j'ai participé à ces cadres de
règlement, aucune ouverture significative, aucune proposition
écrite, aucune proposition articulée de nature à engager
véritablement le débat.
Par ailleurs, il me semble important également de faire
l'historique des différentes négociations dans le secteur de
l'éducation au cours des dernières années. Nous nous
retrouvons à l'heure actuelle, et cela fait l'objet d'un consensus, dans
une situation difficile. Par ailleurs, ce n'est pas la première fois que
les gouvernements successifs du Québec se retrouvent dans une
situation difficile avec les représentants des enseignants, qu'il
s'agisse de ceux du primaire et secondaire ou qu'il s'agisse des professeurs de
l'enseignement collégial.
Vous me permettrez de faire un peu d'histoire et de résumer
à larges traits ce qui s'est passé au cours des quinze
dernières années.
Avant 1968, c'est-à-dire en février 1967,
nécessité pour le gouvernement de l'époque, qui
était le gouvernement de M. Johnson, d'adopter la loi 25, laquelle
mettait fin aux grèves, instaurait une échelle de salaires unique
pour l'ensemble des enseignants du Québec et prolongeait les autres
dispositions des conventions collectives jusqu'au 30 juin 1968.
La ronde de 1968-1971; entente, première convention collective
à l'échelle nationale entre les centrales syndicales et les
parties patronales provinciales. Par ailleurs, une négociation qui a
duré 27 mois, avec tous les coûts qui s'ensuivent et qui en
découlent. Au printemps 1971, grève illégale sur la
classification. Ce litige a été réglé par entente,
trois ans plus tard, après une commission parlementaire.
La ronde de 1971-1975. Tout d'abord, en 1971, la loi 46 instaure un
régime de négociations dans le secteur de l'éducation sur
le modèle de la convention précédente. En avril 1972,
nécessité pour le gouvernement de l'époque d'adopter la
loi 19 qui met fin à une grève de dix jours.
Désobéissance à la loi et emprisonnement qui s'ensuivit et
qui demeure dans l'esprit de la plupart des gens. Juin 1972, loi 53 qui
prolonge les délais pour conclure une convention collective, à
défaut de quoi un décret sera adopté. Enfin, le 15
décembre 1972, un décret. Seuls les enseignants ont
été touchés par un décret. Tous les autres
employés avaient conclu une convention collective. Par ailleurs, pour la
première fois, les décrets donnaient l'ancienneté qui
devenait le critère dans le cas d'abolition de poste, et c'est
l'apparition de la notion de sécurité d'emploi. Durée de
la négociation, 22 mois.
La ronde 1975-1979. En décembre 1974, loi 95, qui instaure un
régime de négociations dans les secteurs public et parapublic. En
avril 1976, la loi 23 met fin à la grève et nomme des
commissaires au différend scolaire. En août 1976, l'acceptation
des offres finales. Il faut noter que, malgré une augmentation de 35% de
salaire la première année, une diminution de la tâche, un
ajout de plus de 6000 postes, une pleine sécurité d'emploi,
l'abolition de la présence obligatoire à l'école,
l'instauration des négociations locales et l'indexation, le
président de la Centrale de l'enseignement du Québec de
l'époque et son exécutif avaient jugé bon de recommander
aux enseignants de rejeter les offres. Ce n'est que le 20 octobre 1976,
après un deuxième vote des enseignants eux-mêmes demandant
au président de signer que la convention collective a été
signée. Durée de la négociation: 18 mois.
La ronde de 1979-1982: En juin 1978, les lois 55 et 59 qui instaurent un
régime de négociation dans les secteurs public et parapublic. En
novembre 1979, la loi 62 qui suspend le droit de grève dans le secteur
public et ordonne aux centrales de faire voter leurs membres sur les
dernières offres patronales. En janvier 1980, grève des
enseignants, durée de onze jours. Le 26 mai 1980, signature d'une
entente; durée de la négociation, quinze mois. À
l'occasion des négociations locales qui ont suivi, 28 demandes de
conciliation, douze grèves, une mise en tutelle et une loi
extraordinaire, une loi spéciale, la loi 113, mettant fin à la
grève des régions de Trois-Rivières et de Sorel et
instaurant un arbitrage obligatoire à défaut d'entente.
La ronde del982-1985, la présente: En novembre 1982, une
grève illégale d'une durée d'une journée; en
décembre 1982, l'adoption de la loi 105 et en février 1983, une
grève illégale d'une durée de 17 jours. Enfin, la loi 111
adoptée le 17 février qui oblige le retour au travail des
enseignants, qui sont les seuls à être en grève.
Il me semble, M. le Président, que ce petit rappel historique
démontre que l'histoire des négociations entre le gouvernement et
les représentants des enseignants du primaire-secondaire a toujours
été particulièrement difficile. Et il me semble que ce
simple rappel démontre à l'évidence que le régime
dans lequel nous sommes engagés est un régime qui présente
sûrement plus de difficultés que d'avantages. Comment expliquer
que sous quatre gouvernements successifs, que les conventions donnent, que les
conventions modifient ou que les conventions retranchent, il soit toujours
quasi impossible de régler de façon satisfaisante et dans des
délais raisonnables avec les représentants des enseignants?
Comment expliquer qu'il soit possible de s'entendre avec les autres
employés de l'État et qu'avec les enseignants il soit toujours
tellement difficile de le faire. Il me semble qu'il y a là, M. le
Président, matière à réflexion. Cela termine mon
exposé. M. Rousseau va maintenant aborder certains points particuliers
que j'ai indiqués plus tôt et si vous me le permettiez,
j'aimerais, après l'intervention de M. Rousseau, tirer quelques
conclusions de nature générale. Je vous remercie.
Le Président (M. Paré): Merci, M. Girard. La parole
est maintenant à M. André Rousseau, sous-ministre adjoint au
préscolaire, au primaire et au secondaire. La parole est à vous
M. Rousseau.
M. Rousseau: M. le Président, mesdames et messieurs de la
commission, lors des interventions du ministre de l'Éducation et de mon
collègue, le sous-ministre Jacques Girard, il a été
question du problème, qui est très important lorsque nous sommes
préoccupés de la qualité de l'éducation, du nombre
d'élèves que les enseignants rencontreraient à la suite de
l'adoption du décret. C'est important pour nous, qui avons cette
préoccupation depuis plusieurs années; c'est important pour les
parents, pour les enseignants eux-mêmes puisque tous les parents et tous
les enseignants de nos écoles ont tous connu des situations de
complicité où ils avaient à s'appuyer les uns sur les
autres pour chercher un commentaire ou un soutien pour pouvoir, en
collaboration, obtenir une réalisation d'objectifs qu'ils avaient en
commun. Donc, la communication entre celui qui doit accompagner les jeunes dans
leur croissance, dans leur développement et le jeune lui-même est
un point crucial lorsqu'on parle de la qualité de l'éducation.
Jusqu'à ce jour, on a plutôt voulu traduire cette question de
contact entre l'adulte accompagnateur et l'élève en termes
beaucoup plus techniques que de nombres d'élèves de 330 ou de 150
à 210.
Le débat est important et nous avons au ministère de
l'Éducation, avec la très grande collaboration de l'ensemble des
agents d'éducation depuis 1977-1978, participé à une vaste
remise en question de nos modèles d'organisation d'école, je
dirais même de notre école elle-même, lors de la
présentation du livre vert, lors de la consultation de 12 à 18
mois qui a suivi, lors de l'adoption du livre orange, du livre blanc sur les
écoles primaires et les écoles secondaires, et l'adoption des
régimes pédagogiques en 1981. J'ai eu grande satisfaction, comme
ex-enseignant, directeur d'école, cadre de commission scolaire et
hors-cadre de commission scolaire, d'arriver au ministère de
l'Éducation au moment où on commençait à
préparer, avec les comités de parents, avec des enseignants, avec
des directeurs d'école, des cadres et des hors-cadres, le contenu d'un
projet de livre vert pour vérifier, après plus d'une dizaine
d'années de mise en place d'une réforme scolaire, quel type
d'école correspondrait le mieux aux besoins des jeunes dans une
situation qui les prépare aux années quatre-vingt et
quatre-vingt-dix. C'est donc un point important et je pense qu'il faut sortir
de la considération du 150 à 218 ou à 380, il faut
regarder beaucoup plus profondément cette question.
Que fait le décret au secteur du préscolaire, au secteur
des maternelles sur cette question? Dans ce secteur, vous savez que, pour la
majorité des enfants de cinq ans ou quatre ans qui sont actuellement
à la classe maternelle, l'enseignante ou l'enseignant enseigne à
deux groupes d'élèves: un groupe le matin et un groupe
l'après-midi. Que fait le décret? Il maintient cette situation.
Les jardinières et les enseignants du préscolaire continueront,
comme c'est le cas depuis le développement du préscolaire au
Québec, à avoir deux groupes d'élèves et, comme on
l'a indiqué précédemment, le nombre d'élèves
pour chacun de ces groupes est maintenu dans les décrets,
c'est-à-dire que c'est un maximum de 20 élèves par groupe,
le matin, et 20, l'après-midi. Ce qui veut dire que cette
problématique de l'augmentation du groupe d'élèves pour
les 3500 enseignantes et enseignants qui sont au préscolaire ne vaut
pas. Aussi pourrait-on nous dire que l'augmentation de la tâche pourrait
amener ces enseignantes et ces enseignants à être dans une
situation plus problématique dans leur contact personnel avec ces
enfants? (20 h 30)
Rappelons-nous que, dans l'offre gouvernementale, les jardinières
qui sont actuellement dans les classes maternelles verront, en 1983-1984, avec
chacun de leur groupe, une augmentation de tâche qui les amènera
à six minutes de plus le matin et à six minutes de plus
l'après-midi. L'année suivante s'ajouteront trois minutes,
c'est-à-dire que la tâche augmenterait donc de neuf minutes pour
le groupe du matin et de neuf minutes pour le groupe de
l'après-midi.
Que fait le décret pour ce personnel du préscolaire? En ce
qui concerne tout ce grand processus qui créait une problématique
majeure et une forme de rage de plus, au cours du mois d'avril et au cours du
mois de mars, lors de la préparation des listes de personnes mises en
disponibilité, alors, par exemple, qu'à la Commission des
écoles catholiques de Montréal, il y avait une baisse de
clientèle de 5%, 25% et jusqu'à 35%, des enseignants de certaines
écoles étaient touchés par le "bumping", par la
supplantation, changements d'écoles inutiles liés à des
automatismes et autres, pour ces professeurs de la maternelle - ce sera la
même chose pour le primaire - le décret offre une meilleure
stabilité puisque si, dans l'école, on a besoin des services au
préscolaire, le personnel ne sera pas touché, en lien avec des
automatismes, étant donné que tout ce processus de supplantation
et de mise en disponibilité part des besoins de l'école, alors
que, dans le système actuel, on regarde la liste des enseignants, on
élimine les plus jeunes et on réaffecte les plus anciens. Dans le
processus prévu à l'intérieur de ce décret, on
affecte d'abord, selon les besoins, et on fait les mises en
disponibilité après. C'est un renversement total de toute cette
pyramide des mises en disponibilité, ce qui accorde une meilleure
stabilité à l'école. Ce qui veut dire qu'en bref,
cette
problématique du contact de la jardinière ou de
l'enseignant du préscolaire avec ses élèves n'a absolument
aucun impact: six ou neuf minutes de plus, une meilleure stabilité
à l'école et aussi le maintien du nombre maximum
d'élèves par groupe qui est de 20 élèves le matin
et 20 élèves l'après-midi.
Regardons maintenant les 28 000 enseignants du primaire: même
stabilité qu'au préscolaire. Ils sont d'ailleurs dans les
mêmes écoles. Il n'y a à peu près pas
d'écoles de préscolaire au Québec. Habituellement, les
classes de maternelle sont dans des écoles primaires. Même
stabilité que pour les enseignantes et les enseignants du
préscolaire. Aussi, maximum d'élèves par groupe, c'est le
statu quo par rapport à la dernière convention, soit 27
élèves par groupe pour les classes de Ire, de 2e et de 3e
année, qu'on appelle dans notre jargon le premier cycle du primaire, et
29 élèves par groupe pour les classes de 4e, de 5e et de 6e
année, que l'on appelle dans notre jargon le deuxième cycle du
primaire. Même stabilité, même nombre maximal
d'élèves par groupe et le titulaire de classe, au niveau du
primaire, voit l'augmentation de sa tâche de 12 minutes par jour,
puisqu'il s'agit d'une heure, soit 60 minutes, au niveau de la première
année, ce qui fait 12 minutes par jour avec ses élèves.
C'est cela l'effort qui est réclamé en ce qui concerne
l'augmentation de la tâche: une meilleure stabilité, une
augmentation de tâche de 12 minutes par jour et également un
maximum d'élèves par groupe maintenu au niveau du primaire.
Aussi, nous avons actuellement 3200 à 3500 spécialistes
dans les écoles primaires. Vous savez que, lorsque nous avons
consulté l'ensemble de la population sur le livre vert, dont le Dr
Laurin faisait état au début de cette commission, il a
été convenu que l'école primaire n'était plus
l'école où on limitait les activités d'apprentissage
à la lecture, au calcul et à la religion.
Lorsque le gouvernement a consulté sur le livre vert, il avait
inscrit toute une série d'objectifs d'apprentissage touchant
évidemment la langue maternelle, touchant évidemment les
mathématiques, la croissance dans la foi ou la croissance au niveau
moral, mais nous avions ajouté à l'intérieur de ce livre
vert des objectifs en ce qui concerne l'histoire, la géographie,
l'éducation scientifique, l'éducation physique,
l'éducation artistique et, évidemment, la langue seconde, tant
pour les francophones que pour les anglophones.
Lors de la tournée sur le livre vert, alors que dans plusieurs
systèmes d'éducation dans le monde il y avait une
réflexion sur le retour à ce qu'on appelle le "basic", lire,
écrire et un minimum de sens moral de manière à pouvoir
devenir un bon citoyen, alors qu'il y avait ce mouvement au Québec,
l'ensemble des agents d'éducation - vous savez que les résultats
de cette consultation sont publics - ont réclamé le maintien et
le développement d'objectifs beaucoup plus diversifiés touchant
tout d'abord les outils de formation, soit la langue, les mathématiques,
et le développement d'une formation personnelle et sociale, mais aussi
l'éveil dans plusieurs champs diversifiés. Si maintenant nous
retournions devant la population avec le livre vert, je crois qu'il faudrait
même ajouter - c'est pour dire que les système d'éducation
doivent évoluer rapidement - les objectifs qui permettraient
d'entreprendre dès le cours primaire le virage technologique.
Donc, cette école primaire déborde des objectifs
traditionnels, ce qui a amené des obligations de permettre à
l'ensemble du réseau scolaire, malgré de nombreuses
réticences à plusieurs égards, l'avènement d'un
certain nombre de spécialistes. Nous ne pouvons pas imposer à
tous les enseignants du Québec d'enseigner la langue seconde. Nous ne
pouvons pas obliger tous les enseignants du Québec à enseigner
l'éducation physique ou la musique ou le domaine artistique et
même, dans certains cas, la formation scientifique.
Les commissions scolaires, les écoles, souvent après de
vastes consultations dans leurs propres projets locaux, ont tenu à
développer des spécialités qui correspondent à
leurs propres besoins. On a vu des commissions scolaires investir davantage
dans l'enseignement de la musique, d'autres davantage dans le domaine de la
danse, d'autres davantage dans le domaine de l'éducation physique ou
autres, d'où la nécessité dans l'école primaire,
étant donné que le titulaire a la responsabilité de toutes
les matières, d'avoir avec lui, l'accompagnant dans le travail de
synthèse avec les élèves, des spécialistes.
S'est développé alors, au fur et à mesure des
années, ce besoin qui était très diversifié d'un
endroit à l'autre, devant les obligations nouvelles de l'école
primaire, devant la diversité des objectifs qui sont imposés
à l'école primaire, parce que j'ai parlé de formation
personnelle et sociale mais vous savez que cela inclut l'éducation
sexuelle, vous savez que cela inclut l'éducation économique, vous
savez que cela inclut également la protection contre les incendies,
l'écologie. Vous savez qu'il y a toute une pression sur l'école
primaire. Chaque fois que quelqu'un a une bonne idée - et nous ne sommes
pas les seuls dans cette situation - il dit: Puisque c'est une bonne
idée pour la collectivité, il faudrait sensibiliser et
éveiller les enfants, donc, ajoutons un programme. Nous sommes
obligés de résister parce que le nombre de programmes
augmenterait considérablement. D'où la nécessité,
étant donné déjà le nombre important de programmes,
d'ajouter
des spécialistes à l'école primaire. Dans l'offre
gouvernementale du 10 février dernier, le gouvernement a
décidé d'ajouter au nombre d'enseignants qui existent
déjà au niveau des écoles primaires, 600 à 700
spécialistes supplémentaires. Nous sommes donc avec les 28 000
enseignants de l'école primaire dans une situation où ils seront
soutenus davantage par un nombre croissant de spécialistes; il y a une
garantie absolue qui a été donnée par le ministre de
l'Éducation sur le maintien des spécialistes actuels et
s'ajoutent de nouveaux spécialistes et s'ajouteront aussi des heures
supplémentaires pour pouvoir permettre la réalisation de
l'ensemble de ces objectifs. Au lieu de bousculer dans l'implantation de nos
nouveaux programmes, comme c'est la situation dans la totalité des
provinces canadiennes, dans la majorité des États
américains et nous avons les statistiques pour plusieurs pays, il est
nécessaire et essentiel, au niveau du primaire, d'augmenter le temps de
présence des élèves, ce qui amène cette garantie
d'effectifs.
Ce qui veut dire pour le primaire, sans vouloir me
répéter, une plus grande stabilité, maintien du nombre
d'élèves par groupes, 27 et 29 selon les cycles, ajout de
spécialistes et en plus, en ce qui concerne les enseignants du primaire,
absence, à toutes fins utiles, de mise en disponibilité. Quand on
regarde uniquement notre projet de règles budgétaires - parce que
ce qui a été envoyé dernièrement, ce ne sont pas
les règles budgétaires, c'est un projet de règles
budgétaires à partir d'une première vérification de
l'enveloppe réservée à l'enseignement primaire-secondaire
- le ministère fait une première distribution et, puisque la loi
l'impose et puisque c'est déjà la tradition depuis plusieurs
années, demande aux commissions scolaires leur réaction
concernant l'impact de ces règles sur leurs écoles et sur leurs
propres activités. Le projet de règles budgétaires
n'entraîne, à toutes fins utiles, aucun écart entre les
ratios qui existaient déjà au niveau du primaire et les montants
alloués pour les fins de financement du personnel enseignant au niveau
primaire. On peut donc dire qu'à toutes fins utiles l'augmentation du
temps de présence des élèves n'entraînera pas,
n'aura pas comme impact des mises en disponibilité au primaire. En lien
avec notre question: Qu'en est-il donc au niveau primaire dans cette
communication entre l'enseignant et ses groupes d'élèves? Le
titulaire continuera à avoir un groupe alors que, comme on l'a dit au
point de départ, la jardinière a deux groupes,
l'après-midi et la matinée; au niveau primaire il continuera
à avoir son groupe. Le spécialiste continuera à avoir un
certain nombre de groupes variables, selon les décisions qui seront
prises localement. Car ce qu'ajoute le décret, et M. Girard en a fait
état largement, c'est que tout le monde n'a pas une tâche
identique.
Il y a une moyenne et il y a un maximum. Il y a donc possibilité,
lié à des adaptations, à des besoins locaux, d'avoir des
variations. Si dans l'école de Saint-Raphaël il reste douze
élèves en cinquième année, il est possible que la
commission scolaire, que le directeur d'école s'entende avec
l'enseignant pour qu'il puisse avoir une tâche supérieure,
puisqu'il a douze élèves, à celui qui en a 29 dans la
classe voisine. Il y a donc une possibilité de souplesse qui, à
notre avis, rend plus juste et plus équitable la distribution des
tâches que le nivellement que nous avions dans le statu quo. Donc, 3500
enseignants au préscolaire qui ne voient pas leurs groupes augmenter, 28
000 au primaire qui ne voient pas leurs groupes augmenter. (20 h 45)
Parlons donc des enseignants qui sont à l'enfance en
difficulté. Il y en a environ 6000. Pour tous ces enseignants qui sont
actuellement avec des groupes d'enfants inadaptés où il n'y a que
des enfants en difficulté, des groupes qui peuvent cohabiter dans une
école ou qui peuvent être dans une école à vocation
spéciale, tous les nombres d'élèves maxima prévus
dans la convention collective de 1979 pour l'enfance en difficulté ont
été reconduits comme pour le préscolaire ou pour le
primaire. Donc, aucune augmentation du nombre d'élèves au plan
maximum. Aussi, si c'est un enfant en difficulté qui est
intégré dans une classe régulière dans la situation
actuelle, cet enfant compte pour un élève. Si, dans une classe de
quatrième année, une enseignante reçoit, au cours de
l'année actuelle, avant que le décret s'applique, un enfant en
difficulté, cet enfant compte pour un élève. Avec le
décret, si c'est un enfant intégrable, si c'est un enfant qui est
intégré après l'adoption par la commission scolaire d'une
politique de l'enfance en difficulté, qui a fait l'objet d'une
consultation auprès du syndicat et auprès de l'enseignant, si cet
enfant intégré avait un poids relatif, c'est-à-dire que
dans son groupe d'élèves il faisait partie d'un groupe beaucoup
plus petit parce qu'il entraînait des difficultés à
l'intérieur de son groupe, il vient diminuer le nombre
d'élèves dans la classe de cet enseignant, ce qui veut dire que
l'intégration d'enfants en difficulté a comme impact la
diminution d'élèves dans la classe qui accueille cet enfant en
difficulté.
Donc, toujours dans le même esprit et visant le même
objectif de faciliter la communication entre l'adulte et les jeunes et,
même s'il y avait des récupérations financières
importantes, même si, comme le disait le sous-ministre Girard, il y avait
nécessité d'apporter des changements structurels, nous avons
vraiment voulu
protéger cette communication entre l'adulte et les jeunes de sa
classe, parce que nous savons que, comme je l'ai indiqué au point de
départ, c'est l'assise de la qualité de l'éducation.
Lorsque cette relation, lorsque cette communication est perturbée de
quelque façon que ce soit, ce n'est pas possible de réaliser
à la fois avec les enfants des objectifs au plan cognitif, des objectifs
au plan affectif et des objectifs au plan moral, au plan physique et autres.
C'est donc important et c'est pour cette raison qu'on a cru qu'il fallait
prendre le temps d'examiner cette question.
Maintenant, j'arrive au secondaire. Au secondaire, le débat
actuel - et M. Girard l'a indiqué tantôt - déborde
largement le dossier des conventions collectives. Lors de la consultation -
comme je l'indiquais tantôt - sur le livre vert, il y a eu des consensus
généralisés. Vous savez que cette consultation a
été accompagnée de sondages plus scientifiques et nous
avons reçu pendant 20 jours des mémoires de 800 organismes.
Environ 30 000 comités d'école ou groupes d'enseignants ou autres
ont rempli un questionnaire, ce qui veut dire qu'on retrouve là un
certain nombre de consensus. Lors de cette consultation, pour le
préscolaire et pour le primaire on a exigé des programmes plus
précis. On a exigé une possibilité d'augmenter le nombre
d'objectifs, comme je l'ai indiqué tantôt, mais, au niveau de
l'école secondaire, on a exigé des redressements. Ce n'est pas
seulement l'école secondaire du Québec qui est en
difficulté. C'est un niveau difficile. Les adolescents, les jeunes, sont
dans une situation d'insécurité. Ce n'est pas seulement au
Québec. Il y a eu, comme vous le savez, le développement de
valeurs nouvelles pour les jeunes. Il y a eu, comme vous le savez, un
fossé qui s'est créé entre le monde adulte et le monde de
la jeunesse et au Québec, plus particulièrement, la
rapidité dans l'évolution de ces valeurs, l'élimination
des consensus et une multiplication des divergences ont amené le monde
de la jeunesse à développer une certaine inquiétude et une
certaine contestation. Vous vous souvenez de 1968 et ce qui a suivi. Le niveau
secondaire est un niveau important parce que vous savez tous -les parents le
rappellent constamment aux enseignants dans l'école et les enseignants
qui touchent de très près les activités étudiantes,
les groupes d'encadrement le savent également - que c'est le moment
où le jeunes font des choix; c'est le moment où les jeunes
marquent finalement l'ensemble des orientations de leur vie. C'est une
formation de base, à l'école secondaire, qui a une importance
cruciale. C'est difficile.
Lors de la consultation, donc, ce qu'on a entendu et là où
il y a eu des consensus, c'est que l'école secondaire
québécoise devait cesser d'être une boîte à
cours; c'est un premier consensus. L'éducation avec les jeunes
déborde le cognitif, la transmission du savoir. Tout l'aspect affectif,
tout l'aspect du développement du souci d'appartenance, tout l'aspect
également de l'esprit d'équipe, de l'esprit de groupe, devait se
développer.
Un deuxième consensus est la spécialisation hâtive
qui doit être éliminée. Nos jeunes à l'école
secondaire entrent maintenant à douze ans. Quand l'école
secondaire a été conçue au Québec, ils entraient
à 13 ans ou à 14 ans; plusieurs enfants doublaient au primaire et
il existait une 7e année. On a gardé le même modèle
d'école secondaire alors que maintenant ils quittent après six
ans de primaire.
On a aussi contesté ce contact exclusif avec les
spécialistes. Et même, comme adultes, nous serions probablement
incapables de faire la journée que l'on a imposée trop longtemps
à la presque totalité des jeunes. Fort heureusement, il y a eu
beaucoup d'évolution et de changement, mais il reste encore des
résistances dans plusieurs milieux. Vous vous imaginez des jeunes de
douze, treize, quatorze et quinze ans qui reçoivent quotidiennement six
ou sept cours de six ou sept adultes qui ont six ou sept approches
différentes, avec des groupes d'élèves qui se font et se
défont à chaque période et souvent avec des
élèves qui doivent se déplacer d'un local à l'autre
à chaque période. Probablement que plusieurs d'entre vous avez
déjà fait du scoutisme, du guidisme, avez participé
à des mouvements de jeunesse. Nous savons qu'à douze, treize,
quatorze ou quinze ans, c'est l'âge du gang, c'est l'âge de
l'enracinement, c'est l'âge du développement par la coexistence en
équipe. M. Baden Powell a basé tout son système
là-dessus: le gang, la patrouille, la troupe. On n'en voit pas de gangs
d'enfants de huit ans. Cela n'existe pas non plus des gangs qui se tiennent
continuellement ensemble et qui partagent continuellement à l'âge
de 25 ans. C'est à l'âge de l'adolescence que cela se
développe. C'est à cet âge qu'ils ont besoin de cette
sécurité par le groupe.
Eh bien! C'est drôle - c'est une façon de parler - c'est
étonnant que ce que j'appelle notre pédagogie triomphante, pas
seulement au Québec, s'appuyant sur... Au moment où il y avait un
plein consensus, il n'y avait probablement pas de risque à faire si vous
me permettez l'expression "rotater" les jeunes comme cela. Mais cette
pédagogie triomphante n'avait pas tenu compte de cette donnée
élémentaire, plus particulièrement au premier cycle. Lors
de cette consultation, c'est bien clair qu'il y a eu beaucoup d'insistance sur
le développement d'un modèle d'école secondaire qui,
d'abord au premier cycle, soit une véritable charnière entre le
cours primaire et le deuxième cycle, soit une véritable
période de transition où le groupe
classe devienne signifiant pour le jeune, où également on
puisse trouver des éducateurs qui aident le jeune à faire sa
synthèse.
On parle, dans la publicité, d'abandon scolaire, de
désintéressement, d'irresponsabilité, mais vous vous
imaginez l'effort d'un jeune de douze ans qui traverse une année
scolaire sans être accompagné pour faire la synthèse de
tous ces contenus et de tous ces objectifs qui se sont développés
à l'intérieur de ces cours: six cours par jour, trente cours par
semaine! C'est donc essentiel que l'élève puisse être
accompagné, qu'on puisse faciliter sa synthèse. Pour ce faire,
lors de cette consultation - le régime pédagogique est venu
préciser cette orientation de façon encore plus claire - il est
important que le jeune, au moins du premier cycle, puisse rencontrer le moins
d'adultes possible et qu'il puisse rencontrer des adultes qui lui permettent de
faire le plus de synthèse possible. Ce qui veut dire qu'à cet
égard, lorsqu'on nous met dans une problématique d'une
augmentation du nombre de groupes d'élèves ou du nombre
d'élèves à rencontrer, je crois que l'on conteste
fondamentalement le nouveau modèle d'école secondaire que le
régime pédagogique a proposé. On ne peut pas imposer aux
écoles la nécessité de rendre tous les enseignants
polyvalents, mais il y a eu un virage, à la suite de cette consultation,
et ce virage propose que les écoles puissent regrouper des encadreurs,
des gens qui facilitent la synthèse, donc des maîtres plus
polyvalents.
Vous comprenez qu'un professeur d'information scolaire et
professionnelle, avec le modèle actuel d'organisation - je ne parle
même pas de convention collective - puisque, pour ces vingt
périodes, il y a une heure d'information scolaire et professionnelle,
fait vingt groupes: vingt fois trente, cela fait 600 élèves, avec
le modèle actuel, avec la convention collective actuelle. Peut-on
prétendre qu'un éducateur puisse accompagner 600
élèves? Un professeur de religion qui aurait une
spécialité pointue en religion, avec le modèle actuel,
rencontre 300 élèves. Peut-on prétendre que ce professeur
puisse accompagner les jeunes dans leur croissance dans la foi? Non. Ce qui
veut dire que le décret ne propose pas qu'on passe de dix groupes
à douze groupes ou à onze groupes. Le décret propose qu'il
y ait une augmentation de la tâche, mais le régime
pédagogique et le modèle d'école qu'a proposé le
livre orange, le plan d'action et le régime pédagogique proposent
que l'on développe d'autres modèles d'organisation de
l'école. Enseigner à vingt groupes, c'est quelque chose
d'impensable et cela se vit déjà. Ce qui veut dire qu'il ne faut
pas se faire enferrer dans cette dynamique qui, à toutes fins utiles,
est une dynamique qui nous propose de maintenir le modèle du professeur
spécialiste, des six spécialistes par élève par
jour, de six approches différentes sans accompagnement et
synthèse. Il faut donc changer le modèle. C'est
déjà fait dans la majorité des écoles du
Québec, parce que là-dessus, il ne faudrait pas l'oublier, je ne
vous ai pas donné de statistiques. Je vais vous en donner
quelques-unes.
Il y a actuellement 197 écoles secondaires qui sont dans des
écoles primaires. Donc, le modèle organisationnel de ces 197
écoles secondaires s'apparente, s'harmonise avec le modèle de
l'école primaire. Les professeurs enseignent donc plusieurs
matières parce qu'il n'est pas possible, dans des écoles de cette
dimension, de maintenir la spécialité comme maintenant. Il y a
192 écoles de plus de 600 élèves. On parle du
modèle de Jeanne-Mance, du modèle de Charlesbourg. Ce sont
quelques écoles, quelques-unes des onze écoles de 2600
élèves et plus au Québec. Plus il y a
d'élèves, plus c'est facile de maintenir le système de
spécialistes à outrance; et nous croyons que ce modèle
doit être remis en question. (21 heures)
Il y a donc 192 écoles de plus de 600 élèves dont
11 de plus de 2600 élèves et 350 petites écoles
secondaires de moins de 500 élèves. Donc, la polyvalence dont on
parle pour les grosses écoles polyvalentes ou pour les écoles de
500 élèves et plus, la polyvalence des maîtres c'est
faisable, cela se fait déjà dans les 197 écoles
secondaires qui sont dans les écoles primaires, cela se fait
déjà dans les 350 petites écoles secondaires du
Québec. Quand on parle d'une école secondaire on est porté
à voir toujours cette école de 2000 ou 2500 élèves.
Je le répète, il y a 11 écoles de 2600
élèves et plus.
Je peux vous donner les statistiques dans le détail, je peux vous
les remettre ou je peux vous les dicter. Nous avons 65 écoles entre 900
et 1200 élèves; 51 entre 1200 et 1500; 44 entre 1500 et
2000...
Le Président (M. Paré): Vous devriez aller
lentement.
M. Rousseau: C'est vous qui demandez des statistiques.
Le Président (M. Paré): Lentement, s'il vous
plaît!
M. Rousseau: ...21 écoles entre 2000 et 2600 et 11
entre...
M. Ryan: 44 c'est entre quoi?
M. Rousseau: Entre 1500 et 2000; 21 entre 2000 et 2600 et 11
entre 2600 et 3100.
M. Ryan: Avez-vous la population
étudiante correspondant à chacune de ces
catégories-là?
M. Rousseau: Oui. C'est encore vous qui me demandez des
statistiques.
M. Ryan: Oui, on les prend.
M. Rousseau: Entre 900 et 1200...
Mme Lavoie-Roux: Vous pourrez nous donner le tableau
après.
M. Rousseau: Bien. Entre 900 et 1200 vous avez 65 988
élèves dans les 65 écoles; dans les 1200 à 1500 il
y en a 69 541; dans les 1500 à 2000 il y en a 75 639.
M. Ryan: Oui.
M. Rousseau: Dans les 2000 à 2600 il y en a 46 716; dans
les 2600 à 3100 il y en a 30 353.
Mme Lavoie-Roux: La majorité des enfants du secondaire est
dans des écoles de 1000 et plus.
M. Ryan: De plus de 1500.
M. Rousseau: C'est-à-dire qu'au secondaire il faudrait
faire une addition. Malheureusement je ne l'ai pas, je pourrais la faire
cependant. Il y a 412 246 élèves qui sont dans des écoles
secondaires où se donne exclusivement l'enseignement secondaire. Il y en
a 66 457 qui sont dans les 197 écoles primaires qui donnent à la
fois l'enseignement primaire et secondaire. Ce sont donc habituellement des
écoles de quartier, des écoles de village qui sont maintenues
ouvertes pour donner le secondaire I, le secondaire II...
Mme Lavoie-Roux: Combien avez-vous dit?
M. Rousseau: II y a 197 écoles secondaires qui sont dans
des écoles primaires...
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais combien d'élèves du
secondaire...
M. Rousseau: 66 457. Donc, dans la majorité des
écoles le modèle qui nous paraît répondre aux
besoins des jeunes de cet âge-là a été
développé par la force des choses souvent; mais à la suite
de cette consultation, de cette réflexion qui a été faite,
les régimes pédagogiques indiquaient déjà,
dès 1981 - et l'histoire sait que ces projets découlaient du
livre orange - à l'article 26, que la commission scolaire ou
l'école avait la marge de manoeuvre pour distribuer le temps, les
matières. Le ministère fournit aussi des documents de soutien:
l'implantation de la nouvelle répartition des matières du
secondaire s'accompagnera graduellement de modifications des pratiques touchant
l'affectation et l'assignation des enseignants. En effet, certains
regroupements de matières basés à la fois sur la
complémentarité de certaines disciplines et sur la formation,
l'expérience et les capacités des enseignants devraient
s'opérer de façon que ceux-ci rencontrent moins de groupes
d'élèves et que, par conséquent, la relation
maître-élèves se trouve améliorée.
Je pense, et je le répète, que c'est difficile de se
laisser embarquer dans la problématique du nombre de groupes. C'est,
comme l'indiquait Jacques Girard lors de son exposé, le modèle
organisationnel, à toutes fins utiles, qui pourrait même permettre
à tous les enseignants du secondaire du Québec d'avoir moins de
groupes avec le décret que maintenant.
Il s'agit d'avoir un autre modèle organisationnel. Si les
professeurs de mathématiques qui, en général, ont aussi
une formation scientifique de base, ou l'inverse... Si un professeur de
mathématiques de secondaire I avec des enfants de douze ans acceptait
d'enseigner l'écologie, au lieu d'avoir quatre groupes de
mathématiques comme maintenant, il aurait deux groupes ou deux groupes
et demi de mathématiques et d'écologie. Cela serait le même
groupe avec qui il passerait non pas cinq heures par semaine, mais dix heures
par semaine. Il pourrait donc davantage assurer la synthèse sur le plan
scientifique, au plan personnel et autres.
Mme Lavoie-Roux: On reviendra, j'aurai des questions
tantôt.
M. Rousseau: Au secondaire du deuxième cycle, là
aussi nous retrouvons une situation où la tâche des enseignants
n'est plus nivelée pour tous les enseignants du Québec.
Actuellement, pour tous les enseignants du Québec la tâche est de
20 périodes de 50 minutes pour tout le monde, plus deux périodes
d'activités d'encadrement ou autres pour tout le monde. Le décret
propose une tâche globale avec un maximum et une moyenne. Il y a donc
possibilité de tenir compte de la situation d'augmentation possible du
nombre de groupes d'élèves au deuxième cycle, dans la
répartition des tâches. Ce n'est donc pas noir ou blanc. Il y a
une marge de manoeuvre prévue dans la convention collective pour le
nombre de minutes d'enseignement pour chacune des matières, puisque
c'est l'école ou la commission scolaire qui détermine cela, et il
y a une marge de manoeuvre en ce qui concerne la répartition
équitable des tâches.
J'ai voulu, M. le Président, M. le
ministre, mesdames, messieurs les députés, déborder
le cadre technique parce que pour -nous le croyons en tout cas - l'ensemble des
agents d'éducation qui ont travaillé avec nous et qui ont fait
consensus lors de la préparation des régimes pédagogiques
et du livre orange, à la suite de la consultation sur le livre vert, il
y avait lieu de remettre en question le modèle d'organisation de
l'école, ce qui impose une modification aux conditions de travail qui
apparaissaient à la dernière convention collective, le statu quo
ante, indépendamment des récupérations budgétaires.
C'était strictement pour répondre aux exigences de cette
école nouvelle, de cette école que nous croyons en tout cas plus
humanisante, de cette école qui se développe. C'est faisable
puisque cela existe déjà dans un très grand nombre
d'écoles au Québec, même dans des grandes polyvalentes
d'ailleurs. Ce n'était donc pas possible de maintenir le statu quo ante
et nous devions apporter les modifications que le décret a
apportées. Je vous remercie.
Le Président (M. Paré): Merci, M. Rousseau. Tel que
vous l'avez demandé, la parole est maintenant au sous-ministre, M.
Jacques Girard.
M. Girard: Merci, M. le Président. Tout simplement, pour
conclure, rappeler quelques principes qui ont guidé le gouvernement et
le ministère de l'Éducation dans cette négociation et dans
les propositions qui ont été faites aux enseignants et aux
enseignantes du primaire et du secondaire et aux professeurs du
collégial. Essentiellement, c'est demander un effort nouveau, mais tout
compte fait, minime, aux enseignants, tant au primaire, au secondaire qu'au
collégial, par une augmentation de leur tâche. C'est le maintien
de la sécurité d'emploi, ce qui, soit dit en passant, est un
phénomène unique au Québec. Ce phénomène
n'existe pas dans les autres provinces canadiennes et il n'existe pas non plus
aux États-Unis. Cela a été également de vouloir
maintenir et augmenter la qualité de l'enseignement en
"désencarcanant" l'école et le collège, en insérant
dans les conventions collectives une possibilité de souplesse pour faire
face à de nouveaux défis. C'est également faire en sorte
que nous ne soyons plus dans la situation aberrante dans laquelle nous avons
été au cours des trois dernières années,
c'est-à-dire être obligés de couper des services, alors que
l'on protège intégralement les dispensateurs de services qui, au
rythme où vont les choses, n'auraient plus de services à
dispenser.
L'essentiel est de maintenir les services et de dispenser les services
en demandant un effort accru aux enseignants, aux enseignantes et aux
professeurs. C'est de libérer le réseau de l'éducation des
hypothèques épouvantables qui pèsent sur lui depuis une
dizaine d'années, hypothèques qui résultent d'un
coût de système qui est intolérable et dont j'ai
parlé cet après-midi, c'est-à-dire un coût de
système qui, bon an mal an, au cours des dernières années,
a crû dans des proportions de 17%. Il faut lever ces hypothèques,
retrouver une croissance du coût du système comparable à ce
qui existe ailleurs pour faire les développements qui s'imposent au
niveau de la formation professionnelle, au niveau de l'introduction des
micro-ordinateurs et au niveau de l'introduction de nouvelles options pour
prendre, une fois pour toutes, le virage technologique et les mêmes
virages que les autres prennent autour de nous, alors que nous nous
abîmons dans des négociations qui durent 20, 22, 24, 18 ou 12
mois. C'est une volonté d'augmenter la qualité de l'enseignement
au primaire et au secondaire en globalisant la tâche, en faisant
disparaître le modèle industriel du minutage. C'est une
volonté d'augmenter le temps de présence des élèves
en classe, ce qui est voulu par la majorité des parents à la
suite des consultations qui ont été faites. C'est la
volonté d'assurer une présence des enseignants à
l'école pendant 27 heures. C'est la volonté de protéger la
dispensation des enseignements spécialisés au primaire et c'est
également la volonté de faire en sorte que l'école
secondaire s'humanise.
Pour ce qui est du réseau collégial, qui est un
réseau unique et propre au Québec, c'est la volonté de
faire en sorte que, par cet effort demandé aux enseignants, les jeunes
Québécois et les jeunes Québécoises puissent
continuer d'avoir accès au réseau collégial et puissent
continuer d'y entrer au rythme où ils demandent d'y entrer. C'est la
volonté de développer la recherche au plan technologique, en
particulier. C'est la volonté de développer des centres
spécialisés. C'est la volonté de prendre le virage
technologique. C'est la volonté d'ouvrir de nouvelles options. C'est la
volonté d'ouvrir de nouveaux laboratoires et de les équiper de
façon convenable.
Donc, de façon claire, ce que nous faisons, c'est de maintenir la
sécurité d'emploi pour les enseignants avec l'ensemble des
propositions dont j'ai parlé. Je rappelle à cet égard que,
pour la première année, les enseignants voient leur traitement
garanti à 80%, pour la deuxième année, à 80% et
pour la troisième, à 80% pour ceux qui sont dans leur
première année de mise en disponibilité et à 50%
pour ceux qui sont dans leur deuxième année; tout ceci
accompagné de 17 mesures de résorption qui font en sorte que, si
elles sont efficaces, le nombre d'enseignants mis en disponibilité
diminuera considérablement et que ceux qui le demeureront pourront
toucher un traitement égal ou supérieur à 80%.
C'est donc, M. le Président, les propositions que nous avons
faites, un ensemble de mesures pour tenir compte des consultations que le
gouvernement a faites au cours des dernières années, pour tenir
compte des hypothèques qui pèsent sur ces réseaux et que
nous devons lever, pour tenir compte de la nécessité de prendre
le virage technologique et pour tenir compte de la volonté de l'ensemble
de la population de faire en sorte que les écoles et les collèges
du Québec soient accessibles, valables, qu'on y retrouve un climat de
concertation, de consultation et qu'on puisse envisager au cours des prochaines
années les développements qui s'imposent. Je vous remercie, M. le
Président. (21 h 15)
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à Mme Michèle Fortin, sous-ministre adjointe à
l'enseignement supérieur.
Mme Fortin (Michèle): Cela va. Je pense que M. Girard a
donné les principales indications. Je répondrai aux questions si
vous le désirez.
Le Président (M. Paré): Merci, Mme Fortin. La
parole est maintenant au député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'aurais une question préliminaire pour le
ministre. Je poserai mes autres questions un peu plus tard. J'ai
remarqué que l'exposé du sous-ministre, en certains endroits,
avait une connotation - que j'appellerais parapolitique - qui dépassait
beaucoup les bornes administratives auxquelles nous sommes habitués dans
des témoignages de ce genre de la part des salariés de
l'État.
M. Girard: C'est une question d'opinion.
M. Ryan: Cela ne me fait rien, c'est très agréable.
La seule question que je voudrais poser au ministre... C'est la première
fois qu'on est dans une situation comme celle-là où le ministre
devient tout à coup silencieux et où des fonctionnaires viennent
vraiment énoncer avec vigueur, portant même des jugements sur les
interlocuteurs en cours de route, la politique du gouvernement. J'aimerais que
le ministre nous précise un peu la ligne de conduite qu'il entend
suivre. Est-ce qu'il ouvre des avenues nouvelles? Est-ce qu'il nous annonce une
définition nouvelle du rôle du fonctionnaire supérieur dans
la cité et dans les débats politiques?
Deuxièmement - c'est une question qui est un peu
extérieure à la commission mais qui se rattache quand même
à la question que je pose - j'apprends que ce soir même, à
Montréal, il y a des réunions du Parti québécois
qui se tiennent, deux réunions auxquelles sont présents deux
ministres importants qui sont allés expliquer la position du
gouvernement dans le débat sur la négociation collective.
À ces réunions, ils sont accompagnés de fonctionnaires du
ministère de l'Éducation qui viennent expliquer la politique du
gouvernement, un peu comme on le fait aujourd'hui, dans un esprit de grande
communion politique. Il y a eu d'autres cas où ce sont les
fonctionnaires qui sont allés faire la promotion du projet
gouvernemental, soit dans ce cas-ci, soit dans le cas du projet de
restructuration scolaire. Je voudrais savoir quelle est la ligne de conduite du
ministre et du gouvernement là-dessus. Est-ce qu'il pourrait nous
éclairer?
M. Laurin: M. le Président, je n'ai rien vu de politique
dans les affirmations des sous-ministres qui se sont exprimés.
Évidemment, si le député d'Argenteuil a trouvé
qu'ils pouvaient mettre une certaine chaleur dans leurs exposés, je
pense que cette chaleur avait trait à la profondeur et à
l'intensité de leurs convictions pédagogiques. Il n'est pas
étonnant de le constater, étant donné les états de
service signalés que nos sous-ministres ont dans le domaine de
l'éducation et le temps qu'ils ont eu de développer leurs
convictions, surtout à la lumière des expériences dont ils
ont pris connaissance et auxquelles ils ont participé, et en raison
aussi de la réflexion profonde qu'ils ont menée au cours des
dernières années sur le vécu éducatif, les
orientations éducatives. Si vous avez noté une concordance entre
les propos que je tenais au début de la commission et ceux que vous avez
entendus par la suite, il ne faudrait pas y voir l'effet du hasard puisque je
partage moi aussi certaines convictions sur le plan de la pédagogie, que
j'ai acquises depuis un bon bout de temps et qui peuvent évidemment, en
raison de mon rôle, revêtir à l'occasion une connotation
politique. Je pense qu'il n'y a là rien d'étonnant.
Quant aux hauts fonctionnaires qui peuvent être appelés
à Montréal ou ailleurs à participer à certaines
réunions, ils le font dans le même esprit que nos sous-ministres
l'ont fait ici. Ils le font dans le souci d'éclairer les audiences qui
se rendent à ces réunions sur le contenu des décrets, sur
les modifications exactes qui y sont rapportées, sur les reconductions,
également, des conventions collectives qui se retrouvent dans les
décrets. Donc, ce sont des exposés techniques, factuels, qui
rejoignent en somme la réalité telle qu'elle devrait être
connue au-delà ou des déformations ou des exagérations ou
des discours partisans dont elle peut être l'objet.
M. Ryan: Est-ce que le ministre veut dire qu'avant même
qu'un projet soit devenu
loi, sa conception veut que le fonctionnaire aille en faire la promotion
librement, de la même manière que l'homme politique.
M. Laurin: Non, ne pensez pas à faire une exploration, un
retour dans le passé.
M. Ryan: J'aimerais que la réponse soit concise parce que
plus elle est longue, moins elle est claire dans votre cas.
M. Laurin: Je pense que si on regarde l'histoire du
Québec, tous les gouvernements successifs ont eu, à un moment ou
l'autre, à présenter des projets dont le contenu pouvait
être complexe, abondant et que les exemples passés nous rapportent
que les fonctionnaires ont toujours eu à tenir ce rôle au service
de projets complexes qui ont été présentés.
M. Ryan: M. le Président, je dénonce vigoureusement
cette façon d'agir du gouvernement et la justification qu'en
présente le ministre de l'Éducation. Je m'érige en faux
contre cette conception qui est très dangeureuse pour le rôle
même que la fonction publique doit remplir dans notre système de
gouvernement. Je m'arrête ici sur ce point. Je me réserve de
revenir avec d'autres questions plus tard.
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député de Chauveau.
M. Brouillet: Une question d'information sur ce point. J'aimerais
demander au ministre ceci: Si jamais les chefs syndicaux, les
représentants syndicaux requéraient l'aide technique des gens du
ministère pour aller exposer aux réunions qu'ils organisent
certains aspects du décret, est-ce qu'à ce moment, ce serait
possible finalement que les gens du ministère aillent, à la
demande des chefs syndicaux?
M. Laurin: Cela est déjà arrivé,
effectivement.
M. Brouillet: Merci, M. le ministre.
M. Rivest: Si vous avez besoin d'aide, on va vous aider!
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît:
La parole est maintenant à M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. J'aurais
quelques questions à adresser au sous-ministre. Pour commencer, une
question qui a trait à une partie de l'intervention du
député: Au tout début, lorsqu'il a été
question du salaire des enseignants, en comparaison avec le Québec et
l'Ontario, on a dit à ce moment que la
CEQ, que les enseignants québécois - cela a
été véhiculé aussi dans le public par les syndicats
- seraient payés 2000 $ de moins que leurs collègues ontariens
à compter de 1983. J'aimerais simplement savoir, à partir des
chiffres que vous avez, si ces chiffres sont exacts.
M. Girard: M. le Président, j'ai devant moi le tableau
comparatif des salaires des enseignants et enseignantes du Québec par
rapport à ceux et celles de l'Ontario. Au cours de l'année
1981-1982, le salaire moyen d'un enseignant au Québec était de
l'ordre de 28 983 $, alors qu'il était de 28 691 $ en Ontario. Pour ce
qui est de l'année 1982-1983, pendant les 100 premiers jours, le salaire
est de 32 668 $; pour les 50 jours suivants, il est de 26 314 $ et pour les 50
derniers jours, il est de l'ordre de 30 495 $, ce qui fait une moyenne pour
l'année comprise entre l'été 1982 et l'été
1983 de 30 536 $, alors que les renseignements que nous avons obtenus du
ministère ontarien, pour la même année, donnent 31 531
$.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Je m'excuse, cela fait une différence
de?
M. Girard: Non pas de 2000 $, mais une différence de 1000
$, à laquelle il faut ajouter bien sûr le fait que la charge
d'enseignement continue d'être inférieure à celle que l'on
a en Ontario et qu'il n'existe pas en Ontario le système de
sécurité d'emploi dont j'ai parlé plus tôt cet
après-midi et ce soir.
M. Leduc (Fabre): C'est pour 1983? M. Girard: C'est pour
1982-1983.
M. Leduc (Fabre): Avez-vous des chiffres pour les années
suivantes?
M. Girard: Je n'ai malheureusement pas les chiffres pour les
années suivantes. Je peux vérifier si c'est possible de les
obtenir mais pour l'instant nous ne les avons pas.
M. Leduc (Fabre): En ce qui concerne la sécurité
d'emploi, si j'ai bien compris, les enseignants et enseignantes du
Québec seraient les seuls en Amérique du Nord à avoir une
formule de sécurité d'emploi.
M. Girard: Les seuls à avoir une formule de
sécurité d'emploi aussi absolue et aussi généreuse
que celle que nous avions et que nous aurons.
M. Leduc (Fabre): Si je comprends bien, cependant, il pourrait
exister d'autres
formules. Par exemple, pour prendre la comparaison qu'on prend toujours,
en Ontario est-ce qu'on a une formule de sécurité d'emploi pour
les enseignants et les enseignantes?
M. Girard: M. le Président, M. Smith, qui nous accompagne
ici, a fait la tournée, l'an dernier, de différentes provinces
canadiennes et de différents États américains pour
analyser sur place précisément la question de la charge, la
question de la sécurité d'emploi. Je pense qu'il est parfaitement
à même de répondre à la question posée.
M. Smith: M. le Président, dans l'étude que nous
avons effectuée dans diverses provinces canadiennes, il n'y a nulle part
dans les conventions collectives un système de sécurité
d'emploi quelconque. À certains endroits, bien sûr, il y a des
négociations sur les rapports maître-élèves à
maintenir dans une province ou État donné, de sorte que le
syndicat sur place peut demander que dans l'année qui vient il y ait un
ajustement des rapports maître-élèves pour que moins
d'enseignants soient mis à pied.
Il y a aussi des endroits où il y a un genre de priorité
d'emploi pour ceux qui sont non réengagés à cause de ce
qu'ils appellent ailleurs la redondance, mais nulle part, dans les provinces ou
États que nous avons visités, il n'y a un système qui
garantisse que les enseignants dont on n'a plus besoin, en termes d'affectation
régulière, auront un quelconque traitement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Qu'est-ce que cela représente comme
coût? Vous n'avez pas donné de précision au sujet du
coût de la sécurité d'emploi et il me semblerait important
que la commission ait des détails à ce sujet-là. Si vous
avez aussi des chiffres pour nous éclairer pour l'avenir,
c'est-à-dire pour les trois prochaines années, compte tenu que la
sécurité d'emploi ne sera pas absolue, ne sera pas assurée
de façon absolue pour les enseignants, c'est-à-dire à
100%.
Le Président (M. Jolivet): M. le sous-ministre.
M. Girard: M. le Président, si vous le permettez, c'est M.
Lamoureux, qui est à la Direction générale des ressources
humaines, qui fait tous les calculs et les a parfaitement à l'esprit. Il
pourrait donc vous donner une réponse très concise.
Le Président (M. Jolivet): Je vais vous demander de vous
approcher du micro pour les besoins du journal des Débats. M.
Lamoureux.
M. Lamoureux (Claude): Pour 1981-1982, le coût net est
d'environ 95 000 000 $ pour les enseignants comme tels et, pour les autres
personnels, c'est environ 30 000 000 $.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): C'est pour 1981-1982?
M. Lamoureux: Oui.
M. Leduc (Fabre): Vous n'avez pas de chiffres pour 1982-1983?
M. Lamoureux: On est en train de les vérifier, ce n'est
pas terminé, cela se terminera au 30 juin 1983, pour l'année
1982-1983, mais les estimations sont au-delà de 100 000 000 $.
M. Leduc (Fabre): Environ 100 000 000 $.
M. Lamoureux: Oui, au début.
M. Leduc (Fabre): Compte tenu que la sécurité
absolue sera réduite à une formule 80%-50%, est-ce que vous avez
des précisions à nous apporter sur l'économie que cela
peut apporter ou le coût que cela peut représenter?
Le Président (M. Jolivet): M.
Lamoureux.
M. Lamoureux: Au 1er juillet 1983, compte tenu de l'application
de la loi 105, si on exclut le cadre de règlement du 10 février,
nous pouvons appréhender une mise en vigueur de ce qu'on appelle les
nouvelles dispositions sur la tâche de l'enseignant, ce qui apportera
quand même quelques surplus de plus. (21 h 30)
Autrement dit, plus de surplus que l'allure normale de la convention
précédente, ce qui nous donnera un ordre de grandeur, au point de
vue du coût de la sécurité d'emploi de la clientèle
constante, c'est-à-dire sans changement sur la tâche, autour de 88
000 000 $, mais, quand on fait l'application du nouveau régime de
sécurité d'emploi, vu qu'on rémunère nos
enseignants en 1983-1984 à 80% et non pas à 80%-50%, puisque
c'est 80% la première année, cela entraîne un coût
d'à peu près 120 000 000 $, moins les 85 000 000 $ que cela nous
coûtait, on fait une économie nette de la différence des
deux montants que je viens d'énoncer. Par contre, on a une
économie dans ce qu'on appelle la subvention
dans l'allocation de base. D'après ce qu'on peut
expérimenter, pour l'année scolaire 1983-1984, on aurait, si on
applique la loi 105, autour de 86 000 000 $ d'économie pour la
tâche et la sécurité d'emploi combinées. Si on
applique maintenant le cadre de règlement, cela réduit
sensiblement ce montant de l'ordre de grandeur de 30 000 000 $ à 35 000
000 $ pour nous amener autour de 71 000 000 $ durant l'année scolaire
1983-1984.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Très bien. J'aurais une question qui a
trait aux spécialistes. Dans un magazine ou, enfin, une documentation
qui circule actuellement chez les parents, chez les enfants également,
qui a été distribuée récemment par l'Alliance des
professeurs de Montréal, on pose toute une série de questions
dans une rubrique qui s'intitule: Et maintenant, qu'en pensez-vous? Il y a
cette question: Voulez-vous l'abolition des spécialistes en
éducation physique, arts plastiques, musique et anglais langue seconde
au niveau primaire et secondaire? Il y a place pour deux réponses: oui
ou non. Bien sûr que la réponse est suggérée. Je
pense que personne ne souhaite l'abolition des spécialistes.
Vous avez parlé non pas du maintien des spécialistes
existants, mais de l'augmentation de 600 spécialistes au primaire.
J'aimerais savoir où vous prenez ces 600 spécialistes. Si je
comprends bien, ils ne sont pas présentement au primaire. Donc,
où allons-nous les prendre? Vous comprenez? D'où
viennent-ils?
Le Président (M. Jolivet): M. Girard.
M. Girard: Comme je l'ai dit plus tôt, les
spécialistes à l'école primaire seront maintenus dans les
trois disciplines qui sont enseignées par des enseignants
spécialisés. Non seulement seront-ils maintenus au cours de la
première année, mais, au cours des années
subséquentes, nous comptons injecter 600 professeurs
spécialisés additionnels dans les écoles primaires pour
précisément assurer l'enseignement spécialisé sur
l'ensemble du territoire du Québec. C'est à partir de
l'étalement de la tâche, que nous avons proposé le 10
février et qui nous permettra, comme je le disais, d'utiliser les fonds
destinés au recyclage, que certains professeurs du secondaire pourront
devenir des spécialistes au primaire. Certains pourraient
déjà le devenir dans le cas de l'enseignement de la langue
seconde. Certains pourraient également le devenir pour
l'éducation physique et pour les arts, mais, quoi qu'il en soit, l'offre
sera faite. Elle est faite pour que les enseignants du secondaire qui
voudraient profiter du recyclage pour devenir des spécialistes au
primaire puissent le faire. Ceci pourrait être fait
précisément au cours de la première année de la
convention collective pour que ces spécialistes puissent s'ajouter, en
deuxième année de leur convention collective, dans les
écoles primaires.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Ce qui veut dire une diminution des mises en
disponibilité au niveau secondaire. Je crois qu'il y a un chiffre que
vous avez avancé, 4700 ou 4600 mises en disponibilité en
première année au secondaire. Ces 600 ont-ils été
calculés?
M. Girard: Ces 600 ont été calculés, bien
sûr, et ceci démontre, je pense, la volonté ferme du
ministère d'utiliser tous les moyens possibles et disponibles pour
réduire le nombre des enseignants mis en disponibilité.
M. Leduc (Fabre): Une autre question, M. le Président. Je
m'inspire, encore une fois, du document de l'alliance qui contient de bonnes
questions. Je crois que la question des 600 spécialistes ajoutés
au primaire était dans le cadre du règlement du 10
février. Cela m'étonne un peu qu'on trouve de telles questions
dans le document de l'alliance. On ne semble pas être au courant de ces
renseignements qui ont été divulgués le 10 février
dernier. Une autre question qu'on retrouve dans le document est la suivante:
"Considérez-vous logique qu'un élève de six ans reste
aussi longtemps en classe qu'un élève de secondaire V? Oui ou
non?" Bien sûr, cette question a trait à l'augmentation de la
tâche au niveau primaire...
Une voix: Du temps de présence.
M. Leduc (Fabre): Pardon! Non pas l'augmentation de la
tâche, mais du temps de présence des enfants, temps de
présence qui passe de 23 heures à 25 heures.
Le Président (M. Jolivet): Oui?
M. Leduc (Fabre): D'une part - je reviens à ma question -
est-il logique qu'un élève de six ans reste aussi longtemps en
classe qu'un élève de secondaire V? Mais a-t-on aussi des
comparaisons avec le temps de présence en classe des
élèves d'autres provinces canadiennes ou des comparaisons qui
peuvent aussi être faites avec des États américains?
Le Président (M. Jolivet): M. Girard. M. Girard: M.
le Président, nous avons
des comparaisons dont M. Rousseau pourra faire état dans un
instant. Il nous apparaît que le passage du temps de présence des
élèves à l'école primaire de 23 à 25 heures
est parfaitement raisonnable, compte tenu de ce qui se fait ailleurs, compte
tenu des consultations qui ont eu lieu et des nombreuses demandes qui nous sont
faites pour augmenter, comme le ministre l'indiquait plus tôt, le contenu
de certains enseignements et ce, dès le primaire. Pour répondre
précisément à la question, nous avons une liste
d'États ou de pays où, précisément, le temps de
présence des enfants à l'école primaire dépasse
largement 23 heures par semaine.
Le Président (M. Jolivet): M. Rousseau.
M. Rousseau: II faut d'abord dire qu'avant 1976 c'était la
situation au Québec. Lorsque la convention collective de 1976 a
été signée, au mois d'octobre, le ministre de
l'Éducation a proposé au Conseil des ministres la diminution du
temps de présence des enfants. Le règlement no 7 qui a
été adopté en 1971 indiquait 1750 minutes au secondaire -
nous sommes maintenant à 1500 et on en arrache - et, au primaire,
c'était 1500 qui était indiqué dans le règlement no
7. Avant 1971, les situations pouvaient être variables, mais
c'était cette moyenne. Le règlement no 7, en 1971, a donné
cela. Mais si on examine la situation dans les provinces canadiennes, on
trouve, en Ontario, 25 minimum; au Manitoba, 27,5; en Alberta, 27,5; en
Colombie britannique, 25; à l'Île-du-Prince-Édouard, 25; en
Saskatchewan, 27,5 et, au Québec, 23. Aussi - il ne faut pas l'oublier -
nous avons la plus petite semaine du primaire du Canada et nous avons le plus
petit calendrier scolaire: nous sommes 180 jours avec les élèves;
en Ontario, 185; au Manitoba, 186; en Alberta, 190; en Colombie britannique,
194; à l'Île-du-Prince-Édouard, 195; en Saskatchewan, 200
au maximum - le minimum, ce n'est jamais 180 - et, au Québec, 180.
À New York, à ce que je sache, les fuseaux horaires sont
semblables, la noirceur vient au même moment et la clarté aussi,
186 jours de classe dans l'État de New York et 27,5 heures par semaine
au primaire; à Chicago, 176 jours par année, et 26,5 heures;
à Atlanta, Géorgie, 180 et 22,5 heures de la Ire
à la 3e année et 30 heures de la 4e à la 12e année;
en France, 27 heures, et les 27 heures en France excluent les arts et
l'éducation physique.
Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire...
M. Rousseau: C'est-à-dire que c'est six jours par semaine,
mais ils ont congé...
Mme Lavoie-Roux: C'est combien de jours par année, je veux
dire?
M. Rousseau: Ah! C'est entre 165 et 176 jours, c'est beaucoup
moins qu'ici. Mais ils ont 27 heures par semaine excluant les arts et
l'éducation physique. En Italie, 24 heures par semaine pour environ 215
jours par année. Cela veut dire que nous avons le plus petit calendrier.
Je pense que la question qu'il faudrait poser, plutôt que de demander aux
parents: Pensez-vous que 25 heures ce serait trop, ce serait: Pensez-vous que
sept heures de français par semaine suffisent? Que cinq heures de
mathématiques par semaine sont suffisantes? Que deux heures
d'enseignement moral et religieux, deux heures d'éducation physique,
deux heures d'arts, deux heures d'histoire, de géographie et de vie
économique, une heure de sciences de la nature et deux heures de
français, langue seconde sont suffisantes? C'est la répartition
possible. Nous savons que les objectifs de la langue maternelle sont
difficilement réalisables pour la majorité de nos enfants; nous
sommes obligés d'ajouter des mesures d'appui, des cours de
récupération, des cours spéciaux pour pouvoir assurer une
meilleure égalisation des chances. Mettre plus de temps, c'est, je
pense, permettre une meilleure utilisation des ressources humaines et de ces
milliards de dollars qui ont été investis aussi en ressources
physiques, qui sont utilisées 180 jours pour trois heures et seize
minutes par jour aux fins éducatives.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Fabre, en terminant.
M. Leduc (Fabre): Au secteur secondaire, monsieur, est-ce que
vous pouvez simplement nous dire combien d'heures de présence ont les
enfants à l'école secondaire?
M. Rousseau: Les 1500 minutes, si je suis bien informé,
sont à peu près la moyenne inférieure, c'est-à-dire
qu'il y a des provinces où il y en a davantage, mais nous sommes, au
secteur secondaire, dans une situation comparable.
M. Leduc (Fabre): Comparable aux autres provinces?
M. Rousseau: Comparable. M. Leduc (Fabre): D'accord.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Non, c'est madame.
Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de
L'Acadie, parfait.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le
Préesident. Si vous me permettez une remarque au point de
départ. J'appuie les remarques du député d'Argenteuil qui
dit que c'est une mauvaise façon d'utiliser les fonctionnaires que de
les envoyer faire la propagande politique du gouvernement. Mais il y a
peut-être une autre explication à ceci: c'est que je me suis fait
dire par deux journalistes qu'il était impossible d'obtenir la
présence de députés péquistes pour venir
défendre la position gouvernementale dans ce dossier.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, Mme la
députée. Dans l'assistance, on peut avoir le droit de penser
à faire quelque geste que ce soit en termes de manifestation, mais on
vous demanderait de laisser plutôt aux membres de la commission le soin
de les faire, s'ils ont à les faire.
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'ai deux questions générales
touchant la comparaison avec l'Ontario. On peut bien descendre à
Atlanta, en Georgie, on peut bien descendre à la Barbabe aussi et ainsi
de suite, mais il faudrait aussi faire des comparaisons quant au
résultat final. Alors, on s'en tiendra à l'Ontario, c'est
toujours celui avec lequel on aime se comparer ou ne pas se comparer, cela
dépend de ce qu'on veut défendre ou ne pas défendre. Quand
vous me parlez d'une différence de coût de 652 $ au secteur
primaire et secondaire entre l'Ontario et le Québec, est-ce que les 652
$ sont reliés uniquement à la masse salariale ou s'il y a
d'autres variables qui entrent en ligne de compte?
M. Girard: M. le Président, il y a d'autres variables.
Pour le secteur primaire et secondaire, pour l'année 1979-1980,
l'écart est de 652 $. Je rappelle que, pour 1980-1981, à la suite
de la mise à jour que nous venons de faire, il est de 782 $ et je vous
dis comment se chiffre ce partage.
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je sais que le sous-ministre veut bien passer
ses messages. Je m'excuse d'avoir à le dire, je vous ai posé une
question précise. Je sais que, pour les années 1982, 1983, 1984,
1985... Ce que je vous ai demandé précisément, c'est
quelles sont les variables qui entrent dans les 652 $.
M. Girard: Masse salariale des enseignants: 335 $; transport
scolaire: 90 $; service de la dette: 183 $.
Mme Lavoie-Roux: La différence, si on compare tâche
et salaire, est de l'ordre de 335 $ pour l'année 1981-1982.
M. Girard: Pour 1979-1980.
Mme Lavoie-Roux: Pour 1979-1980, d'accord. (21 h 45)
Pouvez-vous nous dire - c'est évident qu'il y a une
différence entre les coûts - si la situation de rattrapage dans
laquelle s'est trouvé le Québec au plan de l'éducation,
comparativement à l'Ontario, est un facteur qui a pu jouer dans la
progression rapide des coûts de l'éducation au Québec?
Le Président (M. Jolivet): M. Girard.
Mme Lavoie-Roux: On sait fort bien qu'à peu près
jusqu'en 1970 l'enseignement collégial était presque absent,
disons 1969 à peu près, et que cela a été en
progression jusqu'en 1975. Du côté du secondaire, avant les
années soixante, c'était aussi assez, je ne dirais pas marginal,
mais très bas.
Le Président (M. Jolivet): M. le sous-ministre.
M. Girard: Je pense qu'effectivement nous avons été
dans une situation de rattrapage, mais l'écart, qui est un écart,
comme je le disais, plutôt constaté aux états financiers -
je parle de l'écart de 335 $ -ne résulte que d'un seul fait,
c'est-à-dire un nombre plus grand de professeurs que celui dont nous
avons effectivement besoin. Je rappelle les chiffres de cet après-midi
qui, à mon avis, sont la réponse, c'est-à-dire la
diminution de clientèle de 29,2% pour une diminution des effectifs
enseignants de l'ordre de 2,3%. L'écart s'explique de cette
façon. La façon de faire disparaître l'écart, c'est
d'en venir aux deux paramètres que nous proposons, c'est-à-dire
de déterminer le nombre de professeurs à partir de la charge des
enseignants et du nombre maximal d'élèves par groupe.
Mme Lavoie-Roux: J'ai quelques questions très
précises. Je vais les formuler rapidement. Est-ce qu'on peut nous dire
si des professeurs en disponibilité au secondaire, sauf pour ceux qui
seraient recyclés ou même une fois recyclés, pourraient
venir enlever des places aux enseignants qui sont déjà en poste
à l'élémentaire?
M. Girard: Pas dans la perspective de ce que nous proposons,
parce qu'il faut bien comprendre - cela a été expliqué
plus tôt -que le processus d'affectation, dans la proposition du
gouvernement, et de mutation est modifié de telle sorte que,
plutôt que de considérer l'ensemble des enseignants de la
commission scolaire pour commencer le processus de supplantation, nous
commençons par l'école et nous appliquons aux enseignants de
l'école les quatre critères de capacité.
Mme Lavoie-Roux: Une fois ce premier processus fait au niveau de
l'école, serait-il possible... Non, il faudrait que la place ne soit pas
disponible pour que ce soit un enseignant du secondaire qui vienne la prendre.
Pourrait-il venir supplanter quelqu'un qui est déjà à
l'élémentaire ou au primaire?
Le Président (M. Jolivet): M. le sous-ministre.
M. Girard: M. le Président, si vous le permettez, je
demanderais à M. Lapointe de répondre à cette
question.
Le Président (M. Jolivet): Parfait, M. Lapointe.
M. Lapointe: II n'y a pas de supplantation des professeurs du
régulier à l'éducation des adultes. Cependant, on va
favoriser le fait que la commission scolaire affecte à
l'éducation des adultes les enseignants qui sont en disponibilité
au régulier.
M. Girard: Les personnes du secondaire au primaire.
M. Lapointe: Du secondaire au primaire, dans la mesure où
le champ d'enseignement sera le même, il peut y avoir
préséance par ancienneté dans le même champ. Par
exemple, on a regroupé dans un même champ l'enseignement de
l'éducation physique. Il est bien évident que, s'il y a un
surplus d'enseignants en éducation physique, c'est l'enseignant le moins
ancien de ce champ qui sera mis en disponibilité, peu importe qu'il
vienne du primaire ou du secondaire, si c'est la même commission
scolaire.
Mme Lavoie-Roux: S'il y a des professeurs spécialistes en
disponibilité à l'élémentaire en éducation
physique, pour reprendre votre exemple, et qu'il s'en trouve également
au secondaire, à cause du facteur de l'ancienneté, ils pourraient
avoir préséance sur celui qui est déjà à
l'élémentaire ou qui vient d'être mis en
disponibilité à l'élémentaire. Est-ce bien cela
qu'il faut comprendre?
M. Lapointe: Je comprends mal votre question.
M. Girard: Je peux peut-être répondre, Mme
Lavoie-Roux, parce que je pense avoir compris la question.
Mme Lavoie-Roux: Je pourrais peut-être la
répéter, parce qu'il serait important que les gens comprennent la
question que j'ai posée. Je vous remercie quand même, M. Girard.
Il y a des gens qui nous écoutent. Nous sommes habitués, ce n'est
pas la première fois que nous faisons des commissions ensemble. Ma
question est celle-ci: Si vous avez au secondaire des professeurs disponibles
en éducation physique et que vous avez, au primaire, des professeurs qui
auront été mis en disponibilité en éducation
physique parce qu'il y a moins d'élèves dans cette école
ou si l'école ferme, disons, est-il possible que le spécialiste
du secondaire en éducation physique ait préséance sur
celui qui travaillait déjà à l'élémentaire,
à cause de son ancienneté?
M. Lapointe: S'ils sont tous deux en disponibilité, c'est
nécessairement le plus ancien qui sera rappelé.
Mme Lavoie-Roux: II aura préséance sur celui de
l'élémentaire.
M. Lapointe: Exact. Dans une même spécialité,
par exemple, l'éducation physique, on privilégiera l'enseignant
spécialiste de la discipline, peu importe qu'il vienne du primaire ou du
secondaire.
Mme Lavoie-Roux: On a beaucoup parlé - le ministre entre
autres - du titulariat. D'ailleurs, il y a des expériences qui sont
déjà en place à plusieurs endroits et depuis un bon nombre
d'années. Je me souviens qu'en 1973, 1974, 1975 cela avait même
créé certains problèmes. On semble vouloir le
développer davantage. Qu'arriverait-il si, à cause des champs de
compétence, un professeur de français décidait, pour avoir
moins de groupes, comme le sous-ministre nous le disait, d'enseigner aussi
l'histoire? Qu'arrive-t-il à ce moment du professeur d'histoire, parlons
du secondaire I ou II?
Le Président (M. Jolivet): M. Rousseau? M. Lapointe.
M. Lapointe: Si on favorise la multidisciplinarité au
niveau de l'enseignement, c'est bien certain que cela va façonner de
façon différente la mise en surplus des enseignants. L'enseignant
qui aura choisi d'enseigner plusieurs spécialités, si on les lui
confie, devra choisir, s'il n'y a pas de dominante dans sa tâche, la
discipline dans laquelle il désire conserver sa sécurité
d'emploi. Si on prend, par exemple, un professeur de français d'origine
qui accepte d'enseigner d'autres disciplines et si sa dominante demeure le
français, il va conserver sa sécurité d'emploi en
français. C'est possible qu'en lui confiant certaines
tâches, par exemple, en histoire, on diminue d'autant le besoin
d'enseignants en histoire. Cependant, les enseignants qui continueront d'avoir
une dominante en histoire demeureront attachés au champ de l'histoire et
eux, à leur tour, pourront aussi enseigner d'autres disciplines.
S'ils continuent à enseigner uniquement la discipline de
l'histoire, ils seront certainement dans le champ d'histoire. Sinon - je prends
l'exemple de l'enseignant qui aurait l'enseignement de trois disciplines de
façon égale - ce sera à l'enseignant de déterminer
dans quelle discipline il désire que sa sécurité d'emploi
soit conservée.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question sur ce point. Je
pense que le décret prévoit le maintien des champs à
quelques différences près. Comment conciliez-vous ce maintien des
champs avec le titulariat?
M. Lapointe: Je pense qu'il n'y a pas d'opposition entre les
champs et le titulariat de la façon suivante: c'est que les champs
servent et servaient dans le passé, d'abord, pour la
sécurité d'emploi. Une fois rendue dans l'école,
même si je fais appel à la convention de 1979-1982 et même
à celle de 1976-1979, la question des champs n'était plus aussi
primordiale. Il arrivait que, dans une école, un enseignant qui
était, par exemple, affecté au champ histoire se voyait confier
des responsabilités dans d'autres champs. Or, c'est la même
réalité qui se produira avec l'entrée en vigueur des
décrets.
Mme Lavoie-Roux: Le ministre a insisté, dans son
allocution d'ouverture, pour dire qu'il devait y avoir concordance entre le
régime pédagogique et l'augmentation de la tâche. Est-ce
qu'on peut nous dire si est également prévue une concordance
entre le régime pédagogique et les règles
budgétaires telles qu'elles sont proposées à ce moment-ci
aux commissions scolaires?
M. Girard: Oui. Les règles budgétaires permettent
l'application des régimes pédagogiques. Les règles
budgétaires, actuellement en consultation, ont été
préparées sur la base des décrets. Si, un jour ou l'autre,
la proposition du 10 février était acceptée, les
règles budgétaires devraient être modifiées en
conséquence. Comme on a établi le coût de la proposition du
mois de février à 97 000 000 $, il faudrait ajouter, dans les
règles budgétaires, les 97 000 000 $ additionnels pour permettre
le respect de la convention collective, la concordance entre le régime
pédagogique et les règles budgétaires.
Mme Lavoie-Roux: Le sous-ministre, M. Rousseau, nous a dit
qu'évidemment des gens avaient prévu tel type d'organisation
d'école qui créait l'obligation pour un professeur de voir tout
le groupe d'élèves, particulièrement au deuxième
cycle du secondaire. Vous nous avez dit: II s'agit de penser à un autre
modèle. Pourriez-vous déposer cet autre modèle, non
seulement avec les classes de secondaire I et II à l'intérieur
d'une école élémentaire, mais dans des écoles de
taille différente comme celle dont vous nous avez parlé en
partant des 1500 et plus? Auriez-vous un modèle? C'est bien beau de
parler d'un autre modèle, mais, pour le moment, les versions qu'on a ne
nous viennent pas des enseignants - je vous le fais remarquer -elles nous
viennent de cadres scolaires et de directeurs généraux et non pas
d'une seule, mais de plusieurs commissions scolaires. Ce n'est pas à
nous de faire l'organisation scolaire, mais il semble y avoir un fondement
réel aux difficultés qu'on prévoit et vous nous dites: II
s'agit d'adopter un autre modèle. Serait-il possible de nous
déposer cet autre modèle?
Le Président (M. Jolivet): M. Rousseau
M. Rousseau: C'est-à-dire que les principes inspirant la
diversité des modèles apparaissent dans les régimes
pédagogiques. Le régime pédagogique stipule que le
temps consacré à l'enseignement de chaque matière doit
être déterminé localement. Ce n'est pas le ministère
qui dit que, en secondaire I, il faut consacrer six périodes de 50
minutes en français. Le ministère indique, par les programmes
approuvés par le ministre de l'Éducation, les objectifs
obligatoires et les contenus notionnels obligatoires. Par exemple, les
objectifs de l'enseignement de l'histoire, en 4e année, sont de
connaître les fondateurs de la Nouvelle-France et, comme contenu
notionnel obligatoire de connaître davantage Champlain. Je donne cela
comme exemple pour que tout le monde saisisse bien les objectifs obligatoires
et les contenus notionnels obligatoires, mais pour le temps consacré,
c'est l'école et la commission scolaire. Mais ce régime
pédagogique, adopté en 1981, n'a pas encore réussi,
finalement, à s'implanter partout en termes de ses principes,
c'est-à-dire que nous sommes à la deuxième année
d'implantation des nouveaux programmes et des obligations en ce qui concerne
les matières.
Cependant, à cause de l'habitude ou de la responsabilité
de vérifier les besoins de répartition différente, il y a
de petites écoles et un certain nombre de grandes écoles qui
l'ont fait, mais plusieurs attendaient d'être rendues au secondaire III
pour pouvoir profiter de toutes ces marges de manoeuvre, parce que ce n'est
sûrement pas normal et nous ne pouvons pas imposer de modèle
à l'échelle de toutes les écoles du Québec en
disant: C'est six heures en
français et c'est cinq heures en couture et en économie
familiale. Si c'est un élève de secondaire II qui a des
difficultés en français et s'il y a un groupe dans cette
même situation, le règlement permet comme marge de manoeuvre de
dire: Avec ce groupe, nous allons donner huit heures en français et
trois heures en économie familiale plutôt que de faire des blocs
identiques, ce qui veut dire qu'il y a donc, pour le temps consacré
à chaque matière, une marge de manoeuvre. (22 heures)
En ce qui concerne le décret pour la tâche, il y a aussi
une marge de manoeuvre. Nous ne sommes plus à la tâche
nivelée ou identique pour tout le monde. Il y a une possibilité
de souplesse. Les modèles dépendent donc à la fois des
besoins des élèves identifiés par l'école et la
commission scolaire et à la fois des ressources humaines que la
commission scolaire et l'école ont. S'il y a un certain nombre de
spécialistes pointus qui ne peuvent pas enseigner autre chose que leur
matière, à ce moment, ces spécialistes pointus ne peuvent
pas être affectés à plusieurs matières s'ils ne
répondent pas à des critères de capacité, mais ce
n'est pas le cas de la majorité des enseignants du secondaire. Pensons
au secondaire I, au secondaire II. Un jour, on a aboli la 7e année. Tous
ces enseignants sont passés au niveau secondaire. C'étaient tous
des généralistes. Ceci pour dire, comme préambule, si vous
le permettez, qu'il n'y a pas de modèle unique, mais les principes
apparaissent dans le régime pédagogique et apparaissent dans les
modèles organisationnels envoyés aux commissions scolaires.
Le Président (M. Jolivet): Mme la députée,
en terminant.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas quelle question je devrais poser.
Je reviendrai après, si vous me le permettez, M. le Président. Je
serais prête à souscrire aux avancés du sous-ministre en ce
qui touche l'organisation de l'enseignement élémentaire pour
qu'il y ait une flexibilité; par exemple, si un groupe
d'élèves est plus intéressé à faire de la
géographie qu'à faire une autre matière ou semble plus
éveillé à cela, qu'il y ait une certaine
flexibilité, c'est souhaitable. Quand on regarde, dans le livre orange,
tout ce qui est prévu comme programme, je vous assure que le temps de
flexibilité et de marge, etc. Vous-même avez dit: On nous impose
toutes sortes de nouvelles matières, selon les fantaisies de chacun.
Mais lorsque vous arrivez au secondaire et que vous avez, au secondaire III, IV
ou V, des examens du ministère et que vous devez - les objectifs et le
notionnel, comme vous l'appelez, cela se rapproche - passer votre examen de
chimie, de mathématiques ou de ce que vous voudrez, je ne sais pas
où est la marge de manoeuvre pour arriver à cette
flexibilité qui permettrait de jouer tellement avec le régime
pédagogique et de modifier les tâches des enseignants. Cela me
paraît beaucoup plus compliqué.
Une dernière question: Est-ce que les normes budgétaires
1983-1984 permettront d'obtenir des allocations supplémentaires en cours
d'année pour les enfants en difficulté d'apprentissage qui seront
intégrés aux classes régulières, parce que cela se
modifie en cours d'année?
Le Président (M. Jolivet): M. Rousseau.
M. Rousseau: Pour le premier point, si on se résume, le
régime pédagogique prévoit que, pour la première
année du secondaire, il n'y a pas d'options. Donc, vous pouvez fermer
vos groupes.
Mme Lavoie-Roux: Je parle du secondaire III, IV et V. C'est
là que j'ai soulevé la difficulté.
M. Rousseau: Pour le secondaire II, il n'y a pas d'options. Pour
le secondaire III, il y a une seule option. Vous pouvez fermer votre groupe,
sauf à un moment donné, pour chacun des groupes. Pour le
secondaire IV et V, on ne peut pas avoir de classes fermées, sauf
là où on ne peut pas offrir de régime optionnel. Dans une
petite école secondaire de 300 élèves, il y a peu
d'options en secondaire IV et V, on le sait. Dans le cas des écoles de
plus grande dimension, ces options sont possibles, sauf que cela ne vient pas
en contradiction avec un modèle d'organisation où le professeur
de mathématiques enseignerait également la physique, la chimie et
la biologie. Un professeur de français pourrait également
enseigner l'histoire, mais il n'y a pas de modèle unique.
Il faut toujours penser que nous sommes, au secondaire, en formation de
base. Nous sommes partis du modèle des collèges et des
universités avec une attitude de spécialistes, mais ce n'est plus
l'école secondaire que l'on veut développer; c'est une
école de formation de base où le contenu des programmes est
important, mais où les priorités sont au niveau des
habiletés, au niveau du processus de prise en charge, d'apprentissage et
de développement personnel. Cela veut dire que le modèle doit
s'inspirer de ces principes. On ne peut pas avoir de modèle unique. Il
existe actuellement, dans plusieurs polyvalentes, ce qu'on appelle des
familles. Ce sont six, sept ou huit enseignants qui se partagent un certain
nombre de groupes, des familles plus petites que l'ensemble du secondaire IV ou
du secondaire V. Ces modèles peuvent être diffusés. Les
modèles existants pourraient être transmis aux membres de la
commission.
Ce sont des modèles préparés par les commissions
scolaires et qui inspirent leurs modèles d'organisation
actuellement.
Pour votre deuxième question sur l'enfance en difficulté,
les règles budgétaires prévoient que les ressources dans
les écoles à vocation régionale ou à vocation
provinciale seront maintenues. Il n'y aura pas de diminution de ressources dans
ces écoles. Les allocations supplémentaires n'ont fait que
croître d'année en année pour répondre à des
situations particulières parce que même le décret,
même les conventions collectives ne pouvaient pas tout prévoir
dans des cas comme Cité-des-Prairies, des cas comme Victor-Doré,
des cas comme Joseph-Charbonneau, l'Institut des sourds, l'Institut Nazareth et
Louis-Braille, l'école Gadbois, l'Institut des sourds de Charlesbourg.
On ne peut pas tout prévoir. Souvent, vous arrivez avec deux aveugles en
deuxième année, dont une ou un est déficient mental en
plus, ce qui veut dire qu'il n'y a pas de normes. On est obligé de faire
de l'adaptation. L'année dernière, si je me souviens bien, les
allocations supplémentaires avaient été de l'ordre de 19
000 000 $ pour cette population étudiante, et cela continue. En ce qui
concerne les écoles à vocation nationale et régionale, on
les rencontre toutes actuellement pour bien identifier leurs besoins, ce qui
veut dire que c'est même possible qu'il n'y ait pas d'allocations
supplémentaires en cours d'année, qu'on les ait en même
temps que l'allocation budgétaire de base, c'est-à-dire au moment
où on enverra les règles budgétaires
définitives.
Mme Lavoie-Roux: Pour l'intégration dans les classes
régulières, il pourrait y avoir modification, ajout d'allocations
en cours d'année.
M. Rousseau: Nécessairement, parce que, lorsque
l'intégration se fait, on diminue le nombre d'élèves dans
la classe. Cette intégration a un coût.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chauveau.
M. Brouillet: Après avoir entendu tout ce qui s'est dit
ici aujourd'hui par les représentants du ministère et
après avoir aussi été en contact avec plusieurs
enseignants, après avoir reçu de la documentation venant de
certains syndicats d'enseignants, ce qui me frappe le plus dans la situation
actuelle, c'est l'écart qui existe entre la perception qu'ont les
enseignants encore aujourd'hui du contenu des décrets et aussi du cadre
de règlement qui a été proposé le 10 février
et ce que nous entendons aujourd'hui. C'est vraiment l'élément
qui me frappe le plus. J'y reviendrai.
Simplement pour rappeler ce que le député de Fabre
mentionnait tantôt, on a ici un document, je ne dirais pas de propagande,
mais qui se veut d'information, de l'Alliance des professeurs de
Montréal. C'est quelque chose qui date de ces jours-ci, où on
dit, entre autres: Pourtant, nous ne demandions pas grand-chose. Parmi ces
choses qu'on demandait, on mentionne le nombre d'élèves par
groupe. Cela a été écrit hier ou avant-hier.
On m'apprend que le nombre d'élèves par groupe demeure tel
qu'il était antérieurement. Comment se fait-il, puisque c'est
cela, si c'est cela, qu'on écrive que sur ce point on n'a pas eu
satisfaction? On mentionne le nombre d'élèves par groupe. On
demandait cela, entre autres choses, et on ajoute, parmi les choses qu'on
demandait, le maintien des spécialistes au primaire. C'est hier que cela
a été écrit. Les enseignants ont cela entre les mains et
je sais que beaucoup d'enseignants croient encore aujourd'hui qu'il n'y aura
plus de spécialistes au primaire ou qu'il va y en avoir beaucoup moins.
Or, vous m'avez dit tantôt qu'on en garantit le maintien pour cette
année et qu'on en ajoute 600. Il y a des questions. Comment cela se
fait-il? Je peux continuer encore: Nous demandions le maintien des services
rendus actuellement aux enfants en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage. C'est ce que les enseignants d'aujourd'hui reçoivent
comme information. Si j'écoute ce que vous m'avez dit tantôt, les
propositions actuelles du gouvernement assurent plus de garanties, à ce
que je sache, d'aide et de soutien à l'intégration des
étudiants que ce qui existait dans l'ancienne convention. Si je ne me
trompe pas, c'est ce que vous avez dit tantôt. Je peux continuer ainsi,
et cela c'est ce que les étudiants croient aujourd'hui dans la rue,
à l'école. Ils croient encore cela. C'est la perception qu'ils
ont des décrets et de leurs conséquences.
Il y a un autre document que j'ai reçu à la maison, par
mes enfants qui vont au primaire. Mes trois filles, dans trois classes
différentes, m'ont apporté chacune l'information qu'on destinait
aux parents. Cela ne fait pas longtemps, cela fait deux jours. Donc, les
professeurs, encore aujourd'hui, ont cette perception des contenus, des
conséquences qu'on retrouve là-dedans. On dit ceci: "Sans entrer
dans tous les détails, disons que les offres qui nous sont faites
présentement, plus de temps de présence à l'école
pour vos enfants, risquent de représenter un plus grand nombre
d'élèves par classe". Vous m'avez dit tantôt qu'il y avait
un maximum.
Mme Lavoie-Roux: Une moyenne.
M. Brouillet: On ne parle pas de
moyenne. On parle ici d'un risque d'un plus grand nombre
d'élèves par classe; il y a un maximum et il y a une moyenne.
C'est ce que les professeurs qui sont encore à l'enseignement pensent.
Est-ce que ce sont eux qui ont raison ou vous?
Autre chose: "Et moins de spécialistes pour les enfants au
primaire". Les professeurs pensent, encore aujourd'hui, qu'il y aura moins de
spécialistes dans l'école demain, au primaire. Vous m'avez dit
que non. On continue: "De plus, les enfants en difficulté
d'apprentissage seront intégrés à des classes
régulières et ce, sans aucune garantie d'aide et de support de
personnes compétentes."
Mme Lavoie-Roux: C'est cela.
M. Brouillet: Sans garantie. Est-ce que la situation actuelle est
pire que la situation qui existait antérieurement? On m'a dit, et j'ai
lu dans les décrets, qu'il y avait des garanties additionnelles,
peut-être pas les plus belles garanties et les meilleures des garanties
qu'on voudrait peut-être souhaiter. Mais ce qui m'intéresse
actuellement, c'est de savoir si la proposition actuelle du gouvernement offre
plus de garanties par rapport à ce qui existait dans la convention
antérieure. C'est cela qui m'intéresse comme question
aujourd'hui. C'est cela qu'il faut savoir et qu'il faut dire aux gens: s'il y a
amélioration. Peut-être que ce n'est pas encore idéal, mais
est-ce qu'il y a amélioration? On m'avait laissé entendre
tantôt qu'il y avait amélioration quant aux garanties, et on
pourrait continuer ainsi.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez dit qu'il y aurait...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, Mme la
députée de L'Acadie. Je voudrais simplement vous avertir que
personne ne vous a dérangée.
Mme Lavoie-Roux: Je ne répondais pas, je voulais avoir une
réponse.
Le Président (M. Jolivet): J'ai l'impression que M. le
député a le droit de poser ses questions comme il le veut. Le
sous-ministre verra...
Mme Lavoie-Roux: Ah! Il en pose une série, d'accord, on
l'écoute.
M. Brouillet: On peut passer aussi à
l'insécurité face à votre emploi. "Ajoutons, enfin,
qu'à toutes ces nouvelles tâches s'ajoute maintenant
l'insécurité face notre emploi." Ce sont aussi des professeurs du
primaire qui parlent. Vous m'avez dit tantôt qu'il n'y aurait pas de
mises en disponibilité significatives dans l'ensemble du secteur
primaire au Québec l'an prochain. Comment se fait-il que des professeurs
aujourd'hui, après la proposition du 10 - cela fait quand même
au-delà de 20 jours que la proposition a été mise sur la
table - et des étudiants aient encore cette perception des contenus et
des effets des conventions collectives? Je pourrais continuer sur d'autres
points, mais j'ai d'autres questions en réserve. Vous pouvez
peut-être me répondre sur ces points. J'ai quelques autres
questions aussi.
Le Président (M. Jolivet): M. Girard.
M. Girard: M. le Président, je ne peux que répondre
une chose, c'est que je suis tout aussi étonné de ce que la
publicité ou l'information des syndicats répand. Certains jours,
j'avoue que cela me donne des frissons dans le dos et que je ne comprends
véritablement pas ce qui se passe. À toutes les questions
posées par les députés, les réponses que j'ai
apportées cet après-midi sont vraies, exactes. Je peux les
substantifier à partir de ce qui est contenu dans les décrets,
les substantifier à partir du cadre de règlement du 28 novembre
et les substantifier à partir du cadre de règlement du 10
février. Pourquoi les enseignants n'en sont-ils pas informés?
Pourquoi est-ce qu'on dit aux enseignants le contraire de ce qui a
été proposé? Vous comprendrez que j'ai des réponses
personnelles à cela, mais je préférerais que la question
soit posée directement aux représentants des enseignants. Je ne
peux...
M. Brouillet: Le sens de ma question, c'est que je veux vraiment
que vous réaffirmiez ce que vous avez dit. Je veux être sûr
que ce que vous avez dit, c'est bien ce que vous avez dit. Demain, je me charge
de poser des questions aux membres de la CEQ et ils devront répondre,
eux aussi, aux questions qu'on leur posera. C'est simplement le sens de ma
question. Il y a je ne dirais pas deux clans, mais, enfin, deux tendances qui
se présenteront. Je veux m'assurer, pendant que vous êtes
là, que ce que vous m'avez dit, vous le réaffirmez et demain, on
verra à reposer les mêmes questions aux membres de la CEQ.
M. Girard: En ce qui concerne les spécialistes au
primaire, je réaffirme qu'ils seront maintenus au cours de la
première année de la convention collective et que la
volonté du gouvernement est d'en injecter 600 nouveaux au cours de la
deuxième année. Pour ce qui est du nombre maximal
d'élèves par groupe, je réaffirme que les nombres maximaux
d'élèves par groupe ont été maintenus, pour toutes
les spécialités de l'enseignement professionnel, à ce
qu'ils étaient dans la dernière convention collective.
(22 h 15)
De plus, on nous avait fait remarquer, au cours des négociations
du mois d'octobre et du mois de novembre, que la disparition des moyennes
pouvait, de fait, conduire à une augmentation du nombre
d'élèves par groupe et, dans le cadre de règlement du 28
novembre, nous avons réintroduit les moyennes. Donc, je suis incapable
de comprendre comment on peut affirmer dans des documents syndicaux que les
spécialités disparaîtront au primaire, que le nombre
d'élèves par groupe augmentera, alors que les garanties sont
données, alors que le temps de présence à l'école
des enfants au primaire va passer de 23 à 25 heures. Là-dessus,
il n'y a plus aucun doute possible depuis le dépôt de la
proposition faite en bonne et due forme le 10 février. Pour ce qui est
du nombre d'élèves par groupe, tout le monde sait - et je pense
que les syndicats le reconnaissent -qu'il a été maintenu tel
qu'il était dans la convention de 1979-1982 et les moyennes ont
été réintroduites dans le cadre de règlement que
nous avons proposé le 28 novembre.
Pour ce qui est de l'enfance en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage, j'ai indiqué quelles étaient les
nouveautés dans la convention et les garanties qui avaient
été proposées également lors du cadre de
règlement du 28 novembre. Mais M. Rousseau pourra ajouter des
détails là-dessus.
Le Président (M. Jolivet): M. Rousseau.
M. Rousseau: Pour ce qui est de l'enfance en difficulté,
je pense qu'il faut clarifier les choses. La députée de
Jacques-Cartier a parlé, cet après-midi, du rapport du COPEX. Ce
rapport a été traduit en politique gouvernementale en 1979
à l'intérieur du plan d'action. Cette politique visait l'objectif
de l'intégration sociale des jeunes en utilisant comme moyen
l'intégration scolaire, de manière que les jeunes puissent vivre
à l'intérieur des écoles dans le milieu le plus normal
possible. Il n'a jamais été question d'entreprendre un processus
d'intégration scolaire comme but pour tous les enfants en
difficulté. Cela n'a aucun sens d'intégrer dans une classe
régulière un déficient mental qui serait incapable de
faire des apprentissages correspondant à ceux qui sont faits à
l'intérieur de la classe; il serait dans une situation d'échec
constant. Les écarts ne feraient que s'agrandir.
Donc, il n'est pas question de faire une intégration sauvage de
tous les enfants en difficulté dans les classes; il y a des enfants qui
cohabiteront dans une même école avec des services
spéciaux. Il y a d'autres enfants qui seront dans des écoles
spéciales pour un certain temps et qui pourront cohabiter et faire des
apprentissages d'intégration dans l'école
régulière. Nous avons prévu dans cette politique ce que
nous appelons dans notre jargon un modèle en cascade. Il y a des enfants
qui seront toujours dans des services où ils devront être
surprotégés pendant plusieurs années durant leur
scolarité, d'autres pourront être intégrés.
Parlons-en, de l'enfance en difficulté, parce que dans notre
système scolaire québécois nous avons eu, je pense, comme
éducateurs, une attitude dont on peut ne pas être fier. De 1976
à 1979, en trois ans, nous avons identifié 30 000 troubles
légers d'apprentissage. Qui d'entre nous, sans vouloir être
irrespectueux vis-à-vis de la commission, un jour ou l'autre dans sa
vie, n'a pas été en situation de trouble léger
d'apprentissage? Moi, je sais, en tout cas, que lorsque je tombe en panne sur
la route je suis en trouble léger d'apprentissage. Je ne peux pas me
dépanner, j'ai besoin de soutien, j'ai besoin d'aide.
L'intégration de ces 30 000 s'est faite sans de longues discussions,
c'étaient des queues de classe. Dans toutes les écoles, dans
toutes les classes du monde, il y a toujours un dernier qui a besoin
d'être plus soutenu.
Pendant trois ans, nous avions développé dans notre
système la bonne habitude, qui est épouvantable en termes
éducatifs, de dire: Celui-là, qu'il aille donc chercher des
services spéciaux: marginalisation. L'intégration de ces 30 000
s'est faite rapidement. Pour les autres, il y en a un nombre important qui
continuent de s'intégrer, mais il n'est pas question d'intégrer
tout le monde. On a dit - et cela a été
répété fréquemment par la centrale syndicale - que
les commissions scolaires faisaient des intégrations sauvages. Ah bon!
Pour assurer à tous les enfants, à tous les parents et à
tous les enseignants que les intégrations se feront après
réflexion et après mise en commun, dans la convention collective
- c'est assez rare de donner des ordres à des commissions scolaires,
mais, avec leur accord, cependant, par ce biais, c'est assez étonnant,
mais quand même -pour arriver à réaliser l'objectif, il est
indiqué que la commission scolaire devra consulter le syndicat sur la
politique d'intégration de l'enfance en difficulté.
Deuxièmement, avant d'intégrer un enfant dans une classe,
l'enseignant devra également être consulté.
Troisièmement, comme je l'ai indiqué tantôt, lorsqu'il est
intégré, cela vient diminuer le nombre d'élèves
dans sa classe. Les mesures d'appui, s'il n'est pas intégré, vont
toutes vers les écoles et les classes spéciales et, s'il est
intégré, faut-il nécessairement que ce soient des
enseignants qui viennent l'appuyer? Et quand on parle de ressources humaines
à l'enfance en difficulté, il y a, là aussi, un vaste
malentendu, parce que tous ceux qui oeuvrent dans les centres d'accueil, dans
les centres spécialisés ou à l'intérieur de ce
service dans les écoles
régulières savent que la diversité des handicaps
amène obligatoirement une diversité de ressources.
Or, la CEQ veut absolument que tout soit là-dedans pour garantir
des ressources enseignantes. Mais comprenons-nous bien, pour développer
une motricité fine à un déficient mental, pour
développer une autonomie à un mésadapté
socio-affectif, ce n'est pas nécessairement des enseignants qu'il faut.
Or, nous avions, depuis 1976, tout misé sur une seule ressource garantie
qui était la ressource enseignante. Cependant, pour l'habillage, le
déshabillage et le développement de l'autonomie, on a besoin de
psychoéducateurs, d'orthopédagogues, de PNE - des professionnels
non enseignants -ou du personnel de soutien. Avec des enfants qui prennent deux
ans pour apprendre à manger, un enseignant peut le leur montrer, s'il
est spécialisé dans ce type de handicap, mais il y a aussi
d'autres types de ressources.
Faisons attention à ce discours, parce que, pour les enfants en
difficulté, il ne faut pas tomber dans le panneau; ce ne sont pas
nécessairement des garanties de ressources additionnelles d'enseignants
qu'il faut. C'est une garantie de ressources additionnelles
diversifiées. Le rapport du COPEX et la politique d'intégration
de l'enfance en difficulté que le gouvernement a adoptée en 1979
étaient très clairs à cet égard. Mais nous avions
garanti un ratio au niveau de la dernière convention collective, ce qui
a empêché l'utilisation d'un vase communicant qui puisse permettre
de mettre moins d'enseignants là où on a moins besoin
d'enseignants pour pouvoir mettre plus de ressources humaines autres que des
enseignants, c'est-à-dire des professionnels non enseignants pour
répondre à ces fins. Mais ce que le ministre de
l'Éducation a bien indiqué, c'est qu'il garantissait par les
règles budgétaires le personnel ou les ressources qui existent
actuellement dans ces centres et l'objectif pédagogique poursuivi pour
ces enfants est d'assurer une diversité de ressources.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chauveau, en terminant.
M. Brouillet: Je vais laisser tomber mes autres questions, parce
que plusieurs de mes collègues ont aussi des questions à poser.
J'aimerais simplement faire cette réflexion. La perception qu'ont les
enseignants des contenus des décrets et de leurs conséquences,
nous l'avons par cette information qui est véhiculée par les
écoles vers les foyers par le biais des enfants, mes enfants, en
l'occurrence. Je comprends les enseignants d'être un peu dans le
désarroi où ils sont actuellement et, je dirais, d'être un
peu survoltés. À partir de la perception qu'ils ont de la
réalité, je les comprendrais très bien. Mais ce que je ne
m'explique pas facilement - je pourrai confirmer demain mes
appréhensions à cet égard - c'est qu'ils soient si mal
informés. Demain, j'essaierai d'avoir un autre éclairage pour me
faire une idée définitive sur la situation actuelle et sur ce qui
a conduit, à mon sens, à cette hypertension entre les groupes
impliqués dans le débat actuel. Je vais terminer sur cela pour ce
soir. On y reviendra demain et les autres jours.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais, tout d'abord, poser une question au
sous-ministre de l'Éducation. Je vois qu'il y a beaucoup de confusion
dans la documentation qui circule entre les conclusions qu'on tire du texte du
décret et les conclusions que vous autres, qui parlez au nom du
ministère de l'Éducation, êtes enclins à tirer du
cadre de règlement du 10 février. Il y a toute une marge qui
sépare les deux et il va falloir essayer de la cerner avec le plus de
précision possible. C'est ce que je disais dans mes remarques
introductrices cet après-midi. D'ailleurs, c'est un des points de
fond.
Je vais vous poser une question. Nous sommes dans un régime assez
flottant. Comme vous le savez, nous avons essayé d'obtenir du
gouvernement qu'il intègre dans le texte de la loi 111 les
éléments déjà inclus dans le cadre de
règlement du 10 février. Il n'a pas voulu le faire pour des
raisons dont il est le maître. Nous sommes dans une espèce de vide
juridique. Si je comprends bien, le décret ne peut pas être
modifié, sauf à la suite d'un accord entre les deux parties ou
à l'occasion d'une modification législative. Le gouvernement nous
a laissé entendre qu'il ne voulait pas faire de modifications
législatives. La partie syndicale vous a dit qu'elle ne voulait pas du
cadre de règlement du 10 février. Vous autres, faites-vous vos
plans comme si le cadre de règlement du 10 février était
pour être chose faite? Je pense aux règles budgétaires, par
exemple, quand vous avez envoyé un projet à la fin de
décembre, au début de janvier qui, lui, était basé
strictement sur le décret. Tantôt, M. Rousseau a laissé
entendre qu'on était en train de travailler à cela. Je pense
qu'il avait beaucoup de matière à travail sur la base du
décret d'après des critiques que les commissions scolaires ont
faites des règles budgétaires et du cadre financier
proposé. Où en êtes-vous aujourd'hui et où vous en
allez-vous avec cela?
Le Président (M. Jolivet): M. Girard. M. Ryan: Et
à supposer qu'il n'y ait
pas d'entente avec les syndicats, pas de modifications
législatives, cela veut dire qu'il n'y a pas de cadre de
règlement du 10 février et que nous retournons exactement au
décret. Ce que je constate, M. le sous-ministre - je finis ma question
par cela -c'est que vous parlez comme si ce cadre de règlement
était une chose acquise alors que, d'après ce nous avons entendu
du premier ministre et du ministre de l'Éducation, il y a des bonnes
chances que ce ne soit pas acquis du tout. Où s'en va-t-on?
Le Président (M. Jolivet): M. Girard.
M. Girard: M. le Président, je pense avoir décrit
assez clairement plus tôt la situation dans laquelle nous étions.
Les règles budgétaires que nous avons préparées et
qui sont en circulation dans les commissions scolaires depuis un peu avant
Noël - dans certaines commissions scolaires, c'est arrivé entre
Noël et la nouvelle année - ont été faites à
partir du contenu des décrets. Les règles budgétaires
doivent être complétées au ministère de
l'Éducation au cours des prochaines semaines. La proposition du 10
février, comme l'a indiqué le ministre de l'Éducation et
comme je l'ai indiqué, est toujours sur la table. Par ailleurs, tant et
aussi longtemps que cette proposition n'est pas acceptée, tant et aussi
longtemps qu'une décision n'a pas été prise par le
gouvernement relativement à la proposition du 10 février, nous
devons maintenir les règles budgétaires telles qu'elles sont.
Dès le moment où une entente interviendrait avec la
Centrale de l'enseignement du Québec, nous modifierions
immédiatement les règles budgétaires avec l'accord, bien
sûr, du Conseil du trésor auquel elles doivent être soumises
pour qu'elles tiennent compte des millions qui doivent être
ajoutés à partir de la proposition du 10 février. Il nous
faut, bien sûr, avant de modifier quoi que ce soit, attendre ou qu'il y
ait une entente ou qu'il y ait une décision du gouvernement.
M. Ryan: Dans le sens de faire une modification
législative. Par conséquent, cela donne de la vraisemblance aux
questions qu'on peut soulever à partir du décret, parce que,
légalement, c'est le décret qui existe et non pas le cadre de
règlement, pour l'instant. (22 h 30)
M. Girard: M. le Président, bien sûr que c'est la
situation dans laquelle nous sommes. Je voudrais quand même rappeler que
nous avons fait une proposition en bonne et due forme le 10 février aux
représentants dûment mandatés de la Centrale de
l'enseignement du Québec, que cette proposition est sur la table et que
la chose la plus élémentaire qui pourrait être faite, me
semble-t-il, c'est qu'au-delà des instances constituées de la CEQ
- je pense, en particulier, à la CECS - les enseignants soient
informés objectivement, totalement et de façon exhaustive du
contenu de la proposition que nous avons faite le 10 février. Autrement,
nous nous retrouvons dans une situation qui est pour le moins ambiguë.
M. Ryan: Très bien. Je vous entendais dire tantôt
qu'il n'y avait aucune modification en ce qui touche les règles de
formation des groupes. Quand on lit le texte du décret, qu'on le compare
au texte de la convention collective qui existait jusqu'au 31 décembre,
il y a quand même des changements. Si vous prenez les règles de
formation des groupes, on dit: "On maintient les moyennes et les maxima comme
ils étaient." Ça, c'est très bien. Mais on dit: "Les
règles de formation des groupes doivent être telles que la moyenne
du nombre d'élèves par groupe pour l'ensemble des groupes de
chaque catégorie d'élèves définie au présent
article ne peut excéder les nombres indiqués à la
condition qu'il y ait, à la commission, au moins dix groupes
d'élèves de la même catégorie; à
défaut de quoi ladite moyenne ne s'applique pas." Vous admettrez que
cela est nouveau, ce n'était pas dans l'ancienne convention et cela peut
avoir des répercussions assez considérables pour les petites
commissions scolaires.
Je crois comprendre que la Fédération des commissions
scolaires vous a demandé de faire une exception particulière pour
les petites écoles. Vous avez également enlevé cela de
l'ancienne convention collective. Il y avait une disposition pour les
écoles, soit, je pense, de 250 élèves et moins. Est-ce que
vous pourriez nous dire où vous en êtes là-dessus et est-ce
que mon interprétation est erronée ou si j'ai bien lu le texte du
décret?
M. Girard: Je pense, M. le Président, que le
député d'Argenteuil a bien lu le texte du décret, et je
pense que M. Lapointe ou M. Rousseau pourrait répondre aux deux
questions précises que vous venez de poser.
Le Président (M. Jolivet): M. Rousseau.
M. Rousseau: En ce qui concerne les petites écoles, c'est
par le financement des commissions scolaires, par les règles
budgétaires que ces situations seront financées. Les situations
étaient très diversifiées et nous étions
même, dans plusieurs cas, obligés de verser des allocations
supplémentaires pour répondre à des besoins particuliers
qui débordaient même le cadre de la convention, dans plusieurs
cas. Cela veut dire que ce n'est pas nécessaire -et c'est un principe
qui peut faire l'objet d'un débat - pour garantir l'accessibilité
et
l'adaptation des services, de tout écrire dans une convention
collective. Il y a des débats qui se font lorsque les règles
budgétaires sont préparées. Les commissions scolaires sont
consultées, elles réagissent et, si nous ne prévoyons pas
des situations qui correspondent à des cas particuliers, elles nous en
informent et nous avons donc une possibilité de dialogue. C'est par les
règles budgétaires que nous continuons.
En ce qui concerne les règles de formation de groupes, je
demanderai à M. Lapointe de compléter.
M. Lapointe: Effectivement, dans la convention antérieure
n'existait pas cette disposition qui veut qu'au moins dix groupes
d'élèves existent à la commission pour que la moyenne
joue. Cependant, les études observées nous amenaient à
conclure que, lorsqu'on examine des situations où il existe très
peu de groupes d'élèves d'une certaine catégorie, la
moyenne ne veut plus rien dire. Il fallait, pour que la moyenne soit
significative, la fixer avec un minimum de groupes. C'est ce qui nous a
amenés à fixer cette norme de dix groupes au minimum pour que la
moyenne joue.
M. Ryan: Je ne veux pas être injuste, mais
j'écoutais M. Rousseau qui - est-ce que je comprends bien, - concluant
que le gouvernement qui, la dernière fois encore, avait inscrit cela
dans une convention collective, a regardé cela du haut de sa grandeur et
s'est dit: Bien, là, il faudrait qu'on sorte cela de là. Cela ne
relève plus du champ de la convention collective, on réglera cela
avec nos partenaires des commissions scolaires et ce sera mieux comme cela.
C'est cela que vous avez fait, en somme, dans le décret.
Le Président (M. Jolivet): M. Girard.
M. Girard: M. le Président, si je peux me le permettre,
j'aimerais bien répondre à cette question parce que, d'abord, je
pense qu'on ne l'a pas fait du haut de notre grandeur. On l'a fait après
avoir constaté ce qui se passait dans le réseau. J'aimerais
rappeler des objectifs qui me semblent fondamentaux et qui, très
souvent, ont été invoqués par plusieurs d'entre nous.
C'est, au fond, la situation suivante: on nous a dit que les règles
budgétaires du ministère de l'Éducation étaient
trop contraignantes. On nous a dit que les règles administratives du
ministère de l'Éducation étaient trop contraignantes. On
nous a dit que les conventions collectives étaient trop contraignantes,
et pour que l'école puisse vivre raisonnablement ou que le
collège puisse vivre raisonnablement, il fallait faire part d'ouverture,
il fallait faire part de souplesse.
Depuis le jour où le ministère de l'Éducation et le
gouvernement ont véritablement accepté ces principes, nous
l'avons accepté au plan des règles budgétaires que nous
avons décomplexifiées sérieusement au cours des
dernières années, que nous avons rendues plus simples, que nous
avons rendues souples afin de laisser une marge de manoeuvre plus grande aux
commissions scolaires, depuis ce jour, dis-je, on nous reproche d'avoir
libéralisé les règles budgétaires.
Pour ce qui est des régimes pédagogiques et des
programmes, nous allons dans la même direction. Comme nous l'avons
expliqué tantôt, les régimes pédagogiques
contiennent de nombreuses dispositions facultatives et laissent à la
commission scolaire et à l'école de nombreuses
possibilités de s'adapter aux besoins du lieu. Je trouve pour le moins
étrange qu'on nous reproche, après avoir
décentralisé, de ne pas tout remettre ou dans les règles
budgétaires ou dans les régimes pédagogiques.
Venons-en maintenant à la convention collective. Je pense qu'il
existe un désir que la convention collective ne constitue pas un carcan.
Tout le monde admet que la vie ne peut pas s'inscrire entre deux pages d'un
même livre. Tout le monde nous a demandé que les conventions
soient plus simples, plus claires, plus explicites, qu'elles ne soient pas la
propriété de grands prêtres ou de sorciers qui, d'un
côté comme de l'autre, sont les seuls à en comprendre les
dispositions. Donc, c'est ce que nous faisons. C'est un objectif que nous avons
voulu atteindre. Je dois admettre que l'objectif n'est pas parfaitement atteint
et qu'il y a encore, à l'égard des conventions collectives, un
grand bout de chemin à faire pour qu'elles puissent être
compréhensibles, pour le commun des mortels et que l'on sorte
précisément des explications ésotériques que seuls
des connaissants ou des sorciers possèdent.
M. Ryan: Ce sont de beaux discours, mais qui n'éclairent
pas grand-chose, à mon humble point de vue. Les règles
budgétaires de cette année sont à peu près aussi
compliquées qu'elles l'étaient l'année
précédente. Il n'y a pas beaucoup de changements, à ma
connaissance.
M. Girard: M. le Président, je pense que les règles
budgétaires, au cours de trois dernières années, se sont
simplifiées. Maintenant, chaque fois qu'on tente de simplifier une
règle, on a une réaction de la part du milieu qui nous
amène à vouloir préciser. Je peux vous donner un exemple
clair et concret. Nous avons, au début du mois de janvier, envoyé
une directive de nature administrative aux commissions scolaires sur
l'organisation pédagogique. La première version que nous avons
reçue
comportait 150 pages. Nous l'avons fait réduire à quinze
pages. Dans cette perspective de décentralisation et de respect de
l'autonomie des commissions scolaires à l'égard des règles
budgétaires, nous tentons également de faire la même chose
et, à l'égard des conventions, nous tentons de faire la
même chose. Si vous me dites que l'objectif n'est pas parfaitement
atteint, je vais en convenir avec vous.
M. Ryan: Je m'excuse, parce que j'ai plusieurs autres questions.
Cela va peut-être me prendre cinq ou dix minutes de plus, M. le
Président, mais je pense que ce sont des questions qui touchent au fond
du problème. Il faut qu'on ait des éclaircissements
là-dessus.
Au sujet des enfants en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage, encore là, je pense que vous allez convenir qu'il y a
des changements importants dans le texte du décret par rapport au texte
de la convention collective antérieure. Je vais vous donner quelques
perceptions que j'ai. Je peux me tromper. Par exemple, on dit que la
commission, qui entend procéder à l'intégration
d'élèves en difficulté d'apprentissage dans les classes
régulières, doit adopter une politique à cet effet,
après consultation du syndicat. Quelle politique? On n'a pas
d'indication, en tout cas, dans les décrets, de ce que doit être
cette politique. Je ne pense pas qu'un employeur ordinaire, qui voudrait mettre
un paragraphe comme celui-là dans une convention collective, serait pris
au sérieux par la partie syndicale, parce qu'elle dirait: Quelle va
être la politique?
Deuxièmement, je crois comprendre que, si la commission scolaire
décide d'intégrer des enfants en difficulté
d'apprentissage dans les classes régulières, le principe de base,
c'est que l'enfant est considéré comme étant un enfant
régulier, comme appartenant à la catégorie
d'élèves à laquelle il est intégré.
Après, il faudra apporter des éléments pour prouver qu'il
ne l'est pas. On dit que, si la commission, dans ce cas-là, agit de
manière à l'intégrer, elle choisit soit de fournir des
services d'appui aux élèves intégrés, soit de les
pondérer conformément aux dispositions de l'annexe XIX.
Il y a une chose que le sous-ministre a dite tantôt et je voudrais
qu'il m'éclaire. Je pense que c'est M. Rousseau qui a dit cela. Un
enfant en difficulté d'apprentissage sera considéré comme
quatre réguliers; je ne sais pas trop. Vous avez dit trois. Je ne crois
pas que ce soit dans le cadre de règlement. Je ne sais pas si cela a
déjà été proposé quelque part. J'aimerais
que vous nous le disiez tantôt. Ici, vous le remarquez sans doute,
à l'annexe XIX, est-ce que cela fait partie de la convention ou si c'est
protocolaire et extérieur à la convention?
Est-ce que c'est sujet à arbitrage vraiment ou non? Il me semble
que non. Encore là, vous sortez du champ de la convention collective un
élément extrêmement important. Les choses qu'on dit dans
l'annexe, c'est très bien. Cela va impressionner la galerie, mais je ne
pense pas que ce soit de même nature que ce qu'on avait auparavant. C'est
un autre exemple d'un changement qui est loin d'être négligeable.
J'entendais tantôt des réponses qui semblaient vouloir faire
croire au député de Chauveau que tout continuait comme avant; il
y a quand même des changements importants. Il faut les noter. Il y a un
autre exemple. On parle du facteur géographique. Autrefois, pour la
formation des groupes d'élèves, on disait: S'ils veulent faire
des changements dans les moyennes en raison du facteur géographique, il
devra y avoir une entente avec les syndicats. Cette fois-ci, on dit: II pourra
y en avoir une. Ce n'est pas la même chose. Ces mots engendrent des
discussions interminables dans les négociations collectives. Vous le
savez comme moi.
Maintenant, si vous voulez me répondre à cela, c'est
très bien, mais j'ai une couple de questions sur d'autres sujets. Je ne
voudrais pas qu'on se quitte ce soir avec l'impression qu'il n'y a rien de
changé. Il y a des changements substantiels, c'est pour cela qu'il y a
une chicane. Je pense qu'on doit essayer de les identifier le plus clairement
possible. On va entendre la version du syndicat demain, on va essayer de se
faire une opinion. Si je me trompe en interprétant le décret
comme je le fais, encore une fois, je suis humblement soumis à toute
correction qu'on pourra vouloir me faire sur le plan de l'information.
Le Président (M. Jolivet): M. Girard.
M. Girard: Si ma mémoire est bonne, je pense avoir
indiqué cet après-midi que, dans plusieurs chapitres, il n'y
avait pas eu de modifications, mais que dans d'autres il y avait eu des
modifications importantes et je pense avoir énuméré les
chapitres où il y en avait eu. Donc, nous n'avons jamais prétendu
qu'il n'y avait pas de modifications. Il existe des modifications. J'ai
expliqué cet après-midi dans quel esprit ces modifications ont
été apportées.
Pour ce qui est de la politique de l'enfance en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage, je pense que ce qui est inclus dans la
convention, à la suite du cadre que nous avons déposé le
28 novembre, découle directement d'une demande qui nous avait
été faite par la Centrale de l'enseignement du Québec.
Tout d'abord, pour ce qui est de l'enfance en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage, il existe une politique gouvernementale qui a fait l'objet
de consultations, qui a été rendue publique et qui est
connue de l'ensemble de la population. Je ne répéterai pas le
contenu de cette politique. M. Rousseau l'a fait tantôt.
Les représentants de la centrale nous ont dit: Fort bien, votre
politique existe, mais rien ne nous garantit que la commission scolaire va
l'appliquer et le droit de consultation que vous nous donnez est un droit de
consultation factice puisque, pour ne pas consulter, certaines commissions
scolaires pourraient aller jusqu'à refuser de se donner une politique.
Donc, nous avons dit: La façon de répondre à l'objection,
c'est de demander, plus que demander, d'obliger chaque commission scolaire
à se donner une politique. La commission scolaire doit se donner une
politique d'intégration des enfants en difficulté qui lui est
propre, qui répond aux besoins de son milieu, mais qui dans le
même temps s'inspire des principes généraux contenus dans
la politique gouvernementale. Donc, on a là, me semble-t-il, une
situation parfaitement claire et parfaitement respectueuse de l'autorité
de chacun, un ministère de l'Éducation qui indique les grands
objectifs d'une politique après consultation, les grandes orientations
que l'on doit suivre à l'égard de l'enfance en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage et la responsabilité concernant chaque
commission de se donner, à partir de ces grands principes, une politique
qui réponde aux besoins propres de la commission.
La commission devant se donner obligatoirement une politique sur
l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, la consultation
prévue auprès du syndicat devient non seulement réaliste,
mais évidente et doit être faite. C'est la réponse que je
voulais apporter à la première question. Pour ce qui est des
autres questions, M. Lapointe peut y répondre.
Le Président (M. Jolivet): M. Lapointe.
M. Lapointe: Pour compléter la réponse de M.
Girard, sur le premier point, je dois dire que nous avons ajouté cette
disposition pour pallier un argument syndical qui nous était servi
à la table, à savoir que certaines commissions scolaires
intégraient des élèves sans se doter d'une politique et,
par ce biais, omettaient de consulter le syndicat sans que la convention
collective leur donne quelque prise que ce soit. C'est pourquoi nous avons
intégré à la convention collective la disposition que, si
une commission désirait intégrer des élèves, elle
devait se doter d'une politique. (22 h 45)
La deuxième question, quant à la situation
géographique de l'école, c'est vrai que la convention collective
1979-1982 prévoyait que la commission devait s'entendre avec le syndicat
sur les modalités de dépassement de la situation
géographique de l'école. Il n'en reste pas moins que la situation
géographique de l'école était et demeure un critère
objectif de dépassement du maximum d'élèves par groupe, de
telle sorte que tout ce que cela pouvait engendrer, c'était le gel de la
situation sous le simple prétexte qu'il n'y avait pas d'entente possible
avec le syndicat. Il faut noter qu'on n'a pas touché au fond de la
question. On a simplement touché à la modalité
d'application.
Quant à la troisième question, à savoir que la
pondération fait l'objet d'une annexe qui est protocolaire, donc, pas
arbitrable, le député d'Argenteuil a parfaitement raison.
Cependant, il faut noter que même là il s'agit d'une
amélioration par rapport à la convention précédente
où il n'y avait même pas d'obligation de pondérer ou
d'offrir des services d'appui à l'élève qui était
intégré dans une classe régulière. Il y avait, tout
au plus, une autre annexe qui, elle aussi, était protocolaire, non
arbitrable, qui était un comité destiné à examiner
les cas d'abus. Je pense qu'encore là il s'agit, même si c'est
protocolaire, d'un pas additionnel, à savoir qu'on s'engage de
façon ferme à pondérer des élèves ou
à fournir des services d'appui.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je commente seulement les points qu'on vient de discuter
par la remarque suivante. Le sous-ministre nous disait cet après-midi
qu'il y avait peut-être quelques petits droits de gérance ici et
là qui avaient été restaurés, mais à mesure
qu'on fouille on en trouve plus que quelques-uns. On en trouve une
quantité assez considérable.
M. Laurin: Deux ou trois.
M. Ryan: Non, beaucoup plus que deux ou trois. Je viens justement
de donner deux ou trois exemples dans l'espace de quelques minutes.
M. Laurin: Deux ou trois.
M. Ryan: II y en a beaucoup d'autres. Si on avait le temps, si on
prenait la négociation locale, la version qui a été
donnée ce matin est extrêmement simple. J'en viens, justement,
à un autre exemple: tout le sujet des mutations et affectations. Je
voudrais essayer de comprendre cela un peu mieux. C'est extrêmement
difficile à comprendre pour quelqu'un de l'extérieur. Vous avez
dit plus tôt, M. Rousseau: Là, on fait un gros changement.
Autrefois, cela se faisait au niveau de la commission scolaire. On
établissait le ratio et, ensuite, on examinait les listes. On
établissait les
besoins et les affectations se faisaient. Il y avait peut-être des
problèmes d'instabilité qui résultaient de cette
méthode au point de vue de l'affectation, mais là, si je
comprends bien, on va d'abord établir les besoins de l'école et,
ensuite, à supposer qu'on ait besoin - je prends un exemple
théorique -cette année de cinq professeurs de français au
lieu de sept dans une école donnée, cela veut dire qu'il y en a
deux qui seront libérés. Vous me direz pourquoi ensuite, parce
que je perds un peu la trace à partir de ce moment-là. Ce qui me
frappe là-dedans, c'est qu'il pourrait très bien arriver avant,
on procédait au niveau de la commission scolaire - que les deux qui vont
être libérés, mis en disponibilité ou envoyés
dans le bassin de ressources communes dans cette école, et qui
étaient dans la liste générale en assez bonne place, se
trouvent à être délogés de là où ils
étaient. Si vous faites cela dans chaque école - comme vous
dites, on règle d'abord les besoins de l'école il va arriver que
des gens qui sont beaucoup plus anciens que d'autres vont se trouver à
être envoyés dans le bassin de disponibilité ou dans une
situation où ils n'auront pas les mêmes avantages. Est-ce que je
comprends mal l'affaire ou si c'est un peu cela, le système?
Le Président (M. Jolivet): M. Rousseau.
M. Rousseau: Dans l'ancien système, il faut bien
comprendre que c'était le résultat d'une négociation
locale. Donc, les situations étaient très diversifiées. Je
peux vous donner l'exemple d'une commission scolaire régionale au
secondaire qui réunissait des enseignants dans une salle et
c'était la criée par ancienneté pure. Cela veut dire qu'on
mettait tous les postes et, par ancienneté pure, chacun passait pour
choisir son poste. Il y a une année où, par rapport à ce
système sur 500 à 600 enseignants, il y en avait 69 à la
fin qui n'avaient aucune capacité pour prendre les postes qui restaient,
parce que les choix avaient été faits par ordre
d'ancienneté. Donc, il y a des endroits où c'était
l'ancienneté pure, aveugle; d'autres endroits où c'était
partagé, bien que l'entente au plan provincial indiquait bien que les
deux critères devaient être respectés. Mais, comme le dit,
d'ailleurs, le Conseil supérieur de l'éducation dans l'avis qu'il
a envoyé au ministre, il y a eu un certain flottement par rapport au
critère de la capacité. Cette fois-ci, le critère de la
capacité est fixé. Il y a quatre points. Il est défini au
niveau de la convention collective provinciale, ce qui est un gros changement
par rapport à la situation antérieure, mais cela vient clarifier
beaucoup de choses. Cela vient mettre tout le monde sur le même pied en
ce qui concerne la définition du critère de capacité.
L'ancienneté, c'est objectif, c'est facile, mais, en ce qui concerne la
capacité, c'est complexe.
Ce qui change considérablement par rapport aux anciens
systèmes qui s'appuyaient à peu près tous, sur les
mêmes principes, c'est que c'est à partir des besoins de
l'école, comme on l'a dit cet après-midi et qu'on l'a
répété ce soir, que les enseignants qui sont mis en
disponibilité entrent dans un bassin de la commission scolaire. Par la
suite, le facteur d'ancienneté va jouer, c'est-à-dire que si un
professeur de français est beaucoup plus ancien qu'un autre d'une autre
école, il va être réaffecté, il va déloger le
moins ancien de l'autre école. Le nombre de personnes
déplacées se fondera sur les besoins des écoles et non pas
sur des automatismes qui, comme on a pu l'indiquer ce soir, à certains
moments, feraient que pour une baisse de la population scolaire de 5%, 20% des
enseignants seraient ballottés, seraient "bumpés". Le
critère de l'ancienneté va jouer en bout de course pour aller
déloger un moins ancien si le professeur a la capacité qu'a
l'autre qui est moins ancien.
M. Ryan: II y a toute l'évaluation du critère de la
capacité qui est très important, mais je vais laisser cela
à mon collègue de Viau et peut-être à mon
collègue de Saint-Henri aussi, qui sont des éducateurs de
carrière. Je pense qu'ils auront des questions à vous adresser
là-dessus tantôt.
Vous m'assurez bien que, si un enseignant était dans une
école et qu'il est déclaré non requis dans cette
école, il s'en va dans un bassin de la commission scolaire et que si
dans une autre école, on avait trois professeurs de français l'an
dernier, qu'on a besoin de trois professeurs l'an prochain et que l'un de
ceux-là a une ancienneté inférieure à celle de
celui qui vient de l'école A, le dernier va déloger celui qui est
dans l'autre école.
M. Rousseau: Selon le critère de la capacité, oui,
si c'est un professeur de français qui correspond au critère de
la capacité, oui.
M. Ryan: Encore là, tout est sujet à
appréciation du facteur de la capacité, parce qu'il y a des
éléments objectifs et des éléments subjectifs, mais
on va regarder cela tantôt. C'est extrêmement important parce qu'on
peut retourner avec cela au système où le jugement plus ou moins
arbitraire du principal jouait un rôle extrêmement important. Un
des gros efforts de la négociation collective depuis 25 ans a
consisté à faire reculer cet arbitraire. Je vais laisser - si
vous me le permettez, parce que j'ai encore quelques questions et que je ne
voudrais pas prendre trop de temps - mes collègues continuer
tantôt là-dessus.
Il y a une autre question que je
voudrais adresser à M. le sous-ministre. Vous avez produit un
cadre de règlement le 10 février. Pouvez-vous nous indiquer quel
déplacement de sommes d'argent cela représente par rapport au
décret, par rapport au cadre de règlement du 21 janvier? Si c'est
possible, si vous l'avez. J'y tiens moins, vu ce que vous avez dit tantôt
là-dessus. Deuxièmement, pouvez-vous nous dire, à la
lumière du cadre de règlement du 10 février, quelle est,
à votre point de vue, la dimension de l'écart qui sépare
la position du gouvernement de celle des syndicats?
Le Président (M. Jolivet): M. le sous-ministre.
M. Girard: M. le Président, pour ce qui est de
l'écart au plan du cadre financier entre ce qui est contenu dans les
décrets et ce qui est contenu dans l'hypothèse ou dans la
proposition du 10 février, il est de 97 200 000 $. Le décret
permettait au...
M. Ryan: Voulez-vous répéter ceci s'il vous
plaît? Je ne voudrais pas manquer la portée exacte de ce que vous
avez dit.
M. Girard: D'accord. Le cadre financier, tel qu'il apparaissait
à la suite du décret, permettait au ministère de
l'Éducation d'économiser, sur une période de trois ans,
une somme de 344 500 000 $. La proposition faite le 10 février ne nous
permet plus d'économiser que 247 300 000 $. Donc, le coût de la
proposition déposée le 10 février est de 97 200 000 $, ce
qui, dans les circonstances ne constitue pas une mince somme. C'est une somme
à peu près équivalente à ce qu'il en aurait
coûté pour mettre en application la proposition qui avait
été déposée à l'ensemble des centrales
syndicales par le premier ministre le 21 ou le 22 janvier. Le coût
attribué à l'éducation aurait été, grosso
modo, de la même nature que celui du cadre proposé le 10
février.
M. Ryan: Est-ce que... Excusez-moi.
M. Girard: Maintenant, vous m'avez posé une autre
question, à savoir: Est-ce que je peux estimer, à partir de cette
proposition, ce qui nous sépare de la Centrale de l'enseignement du
Québec? J'aimerais bien pouvoir vous le dire, mais je suis dans
l'impossibilité de vous le dire puisqu'à la suite de cette
proposition nous n'avons eu, contrairement à ce que nous avions
demandé, aucune contreproposition chiffrée de la Centrale de
i'enseignement du Québec, aucune indication de ce qu'elle entendait
faire au niveau de l'augmentation de la tâche, du genre
d'étalement de l'augmentation de la tâche qu'elle était
prête à accepter.
Le Président (M. Jolivet): Avant d'aller plus loin, M. le
député d'Argenteuil, j'ai sept autres personnes, dont Mme la
députée de L'Acadie qui m'a redemandé la parole.
Mme Lavoie-Roux: Moi, je me reprendrai demain.
Le Président (M. Jolivet): Sauf que mon problème,
c'est qu'il ne reste qu'une heure et, à ce rythme-là, il y a des
gens qui n'ont pas pu parler encore.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, j'ai eu ma chance.
M. Ryan: J'aurai fini dans deux minutes.
Le Président (M. Jolivet): Parfait.
M. Ryan: Par conséquent, vous n'avez pas fait le calcul de
ce que coûterait le maintien du statu quo que demandait la partie
syndicale par rapport à l'application du décret. L'écart
entre les deux, vous ne l'avez pas fait pour la première année,
par exemple.
M. Girard: C'est-à-dire que la réponse me
paraît assez simple. Si nous maintenions le statu quo, le coût du
statu quo serait 344 000 000 $, c'est-à-dire l'absence de
l'économie que l'on réalise par les augmentations de la
tâche prévues dans les décrets ou l'absence
d'économie que l'on réalise et qui est moindre dans la
proposition faite le 10 février. Je parle du normatif seulement.
M. Ryan: Oui. Je vous dis seulement que là-dessus nous
avons eu des résultats de calculs différents des vôtres. On
aura l'occasion d'en discuter au cours des prochains jours. Je signale
seulement qu'il est souvent arrivé dans le passé que les calculs
du gouvernement ont accusé quelques écarts en fin de
période, mais c'est une autre affaire.
Une dernière question. Dans le calcul des coûts avec
l'Ontario - c'est tout un sujet et je ne veux pas l'ouvrir - est-ce que vous
avez tenu compte du facteur linguistique qui nous oblige au Québec
à avoir une structure d'organisation différente?
M. Girard: Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais je pourrais
les avoir demain. Au plan de la structure des commissions scolaires, il y a,
bien sûr, un écart avec l'Ontario qui résulte du fait que
nous avons plus de commissions scolaires et il y a un écart qui
résulte du fait que nous avons un double système,
c'est-à-dire un système à la fois catholique et à
la fois protestant. D'ailleurs, j'ai le chiffre total des
coûts d'administration au Québec et je pourrai demain, non
pas, je pense, indiquer avec précision ce qui peut être
attribuable à la division linguistique ou à la division
religieuse, mais vous donner le coût total imputable à
l'administration par rapport au coût imputable aux salaires et aux
avantages sociaux des enseignants.
M. Ryan: Pourriez-vous apporter, en même temps, les frais
d'administration du ministère de l'Éducation dans les deux
provinces?
M. Girard: Pour ce qui est des frais d'administration dans les
deux provinces...
M. Ryan: Du ministère de l'Éducation. (23
heures)
M. Girard: ...du ministère de l'Éducation, je peux
déjà vous donner une réponse à l'article qui avait
été publié dans le Soleil, mais je pourrai le faire plus
précisément demain matin, je le fais de mémoire. Ce que je
peux dire dès maintenant et qui explique une bonne partie de
l'écart, c'est que, tout d'abord, dans les chiffres qui ont
été cités dans le Soleil, on a oublié de
considérer qu'il y a en Ontario, deux ministères de
l'Éducation, bien qu'il n'y ait plus qu'un seul ministre et un seul
sous-ministre. On a fait le compte uniquement pour le ministère
responsable du secteur primaire et secondaire et on a oublié qu'il
existait un ministère responsable des collèges et des
universités, ce qui, déjà, fait une différence
appréciable. Deuxièmement, la négociation des conventions
collectives n'étant pas centralisées en Ontario, il y a deux
directions générales qui existent au ministère de
l'Éducation du Québec et qui n'existent pas au ministère
de l'Éducation de l'Ontario. De plus, il y a, au Québec, des
examens ministériels, alors qu'il n'existe pas d'examens
ministériels en Ontario.
Une voix: Bonne chose.
M. Girard: Troisièmement, nous avons un système de
télécommunications dans l'ensemble du réseau primaire et
secondaire et du réseau collégial qui n'existe pas en Ontario.
Mais je pourrai, demain matin, vous apporter les coûts précis qui
découlent de ces différences de systèmes.
M. Ryan: À un moment donné, vous avez parlé
de 88% des ressources affectées aux commissions scolaires qui allaient
pour garantir la sécurité de ces messieurs dames sous une forme
ou l'autre. Je pense que c'est important que vous précisiez que tout
cela ne va pas aux enseignants.
M. Girard: C'est-à-dire que...
M. Ryan: Si je comprends bien... M. Girard: Oui.
M. Ryan: ...vous donnez environ 4 000 000 000 $ cette
année aux commissions scolaires et, pour les salaires des enseignants,
c'est un peu plus de 2 000 000 000 $.
M. Girard: Un peu plus de 2 000 000 000 $.
M. Ryan: Alors, ce n'est pas 88%.
M. Girard: C'est-à-dire que je ne pense pas, M. le
Président, sauf erreur, avoir parlé des enseignants. Je pense
avoir parlé des enseignants et de tout le personnel.
M. Ryan: D'accord.
M. Girard: Le coût total de 88% comprend, bien sûr,
les enseignants, les enseignantes, le personnel professionnel non enseignant et
le personnel de soutien des commissions scolaires.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vachon.
M. Payne: J'ai été fort impressionné, M. le
Président, par les descriptions données par le sous-ministre
concernant la tâche et la disparité qui existe entre les provinces
et les huit commissions scolaires aux États-Unis. Je pense que tout le
monde devrait s'entendre sur le besoin absolu d'augmenter la tâche des
enseignants en fonction de cette disparité, d'une part. D'autre part,
comme on l'a constaté tout à l'heure, mais on le sait depuis
longtemps, la baisse des clientèles était de l'ordre de 30% et
celle des effectifs, de 2,4%, si ma mémoire est fidèle, depuis
les dix dernières années. Cela pose, on le sait très bien,
un problème très grave en ce qui concerne les mises en
disponibilité et les mises à pied pour ceux qui n'ont pas
d'ancienneté.
En contrepartie, pour résoudre ce problème grave - je
pense qu'on devrait être assez objectif à cette commission parce
qu'à l'heure actuelle, nous sommes dans une phase de réflexion et
d'information - le gouvernement a également dressé un bilan fort
impressionnant, c'est-à-dire une série de mesures qui ont comme
objet de pallier les effets de nos mises en disponibilité. Par exemple,
dans les décrets - je fais référence aux décrets
concernant les collèges - nous avons une série de mesures qui
peuvent pallier ce problème, soit la retraite anticipée,
c'est-à-dire que le collège peut accorder une retraite
anticipée à un enseignant jusqu'à un maximum de cinq ans.
De plus, si on veut, il y a le congé
sabbatique à un professeur. Également - ceci n'est pas
dans le décret, mais je présume que c'est dans le cadre de
règlement du 10 février - une prime de séparation, un
régime d'emploi à temps partiel, tel que proposé, par
exemple, et tel qu'il en existe dans d'autres sociétés de la
couronne et d'autres entreprises privées, ce qu'on appelle le "time
sharing", une série de mesures pour prêter des services aux
commissions scolaires, une série de mesures qui peuvent faciliter la
mobilité intersectorielle. Je trouve cela très
impressionnant.
Cependant, j'ai une question et c'est la suivante: Dans tous les cas,
c'est écrit: Le collège peut accorder. C'est pour la retraite
anticipée. Deuxièmement, le congé sabbatique, c'est la
même chose: "le collège peut". Pensez-vous, étant
donné que ce n'est pas paraphé à l'heure actuelle, que
cela peut faire l'objet d'une discussion, la semaine prochaine, dès que
les négociations reprendront?
M. Girard: M. le Président, la situation avec les
représentants des enseignants au niveau collégial est encore plus
compliquée, si c'est possible, qu'elle ne l'est au niveau primaire,
secondaire, en ce sens qu'avec les représentants de la Centrale de
l'enseignement du Québec, nous avons quand même eu au début
du mois de février des rencontres qui nous ont conduits au cadre de
règlement du 10 février, alors que dans le réseau
collégial nous n'avons même pas pu avoir de rencontre qui nous
aurait permis d'échanger des opinions sur des points comme
ceux-là. Par ailleurs, il n'est pas impossible de penser que, dans le
cadre de rencontres qui permettraient d'identifier certains points
précis comme ceux-là, l'on puisse suivre au collégial une
politique semblable à celle que nous avons adoptée à
l'égard du réseau primaire, secondaire.
M. Payne: Cela m'apparaît une avenue intéressante
à poursuivre parce que je remarque, si je me souviens bien, qu'il y a 24
articles paraphés sur 51. Ce n'est quand même pas un score
extraordinaire, mais cela veut dire qu'il y a du progrès quelque part.
J'ai une inquiétude aussi là-dedans. Lorsqu'on parle de mises en
disponibilité, l'État est prêt a offrir des primes de
séparation - si on peut les appeler ainsi - assez intéressantes:
80%, 80% et 50%. C'est un investissement considérable de la part de
l'État. Cela ferait l'envie de l'entreprise privée, comme,
d'ailleurs, toutes ces mesures de relocalisation. Qu'est-ce que l'État
reçoit en retour? Vous parlez, à un moment donné, dans le
décret d'un programme de recyclage pour ceux qui sont mis en
disponibilité. Est-ce qu'on peut avoir plus de précisions?
Qu'est-ce que c'est exactement, ce programme de recyclage? Est-ce que cela fait
l'objet de discussions entre les syndicats et le gouvernement?
Je conclus là-dessus. J'ai une autre brève question.
Est-ce qu'il y a une espèce de politique de création d'emplois,
ainsi qu'une série de mesures pour recycler les enseignants dont on
pourrait discuter? Si on les paie 80% de leur salaire sans aucune demande de
notre part et sans aucune garantie qu'ils vont effectivement utiliser cette
masse salariale, je pense qu'il y a lieu d'en discuter.
M. Girard: D'abord, quand on parle du réseau
collégial, il faut faire une première distinction qui est
fondamentale avec le réseau primaire, secondaire, en ce sens que c'est
un réseau qui est en croissance de clientèle et que le nombre de
mises en disponibilité est beaucoup moins important. De plus, nous
pourrions, si les clientèles continuent d'augmenter au rythme où
elles augmentent, utiliser la quasi totalité des professeurs mis en
disponibilité. Par ailleurs, il y a une autre distinction importante
qu'il faut faire dans le réseau collégial, c'est que les
représentants des enseignants, des professeurs au collégial,
considèrent que l'on doit donner les mêmes garanties aux
professeurs non permanents qu'aux professeurs permanents. Il faut toujours
faire la distinction entre les professeurs permanents qui sont mis en
disponibilité et ceux qui n'ont pas obtenu la permanence et qui, en
conséquence, n'ayant pas la permanence, n'ont pas la
sécurité d'emploi. Cela m'apparaît des distinctions
importantes.
Pour ce qui est de votre question sur le recyclage, il existe dans le
réseau collégial comme dans le réseau primaire,
secondaire, des fonds découlant de la convention qui sont
affectés au recyclage des enseignants. C'est de ces fonds que nous
voulons nous servir pour recycler effectivement les enseignants. J'ai
mentionné, dans le cas du primaire, secondaire, des enseignants du
secondaire qui pourraient devenir des spécialistes au primaire. Dans le
cas du collégial, on peut envisager des enseignants qui changeraient de
discipline. De plus, dans le réseau collégial, comme j'ai eu
l'occasion de l'expliquer pour le primaire, secondaire, il y a un ensemble de
mesures de résorption qui permettraient de diminuer le petit nombre de
mises en disponibilité qui demeure.
Mme Fortin: Si je peux me permettre d'ajouter ceci, il y a aussi
un certain nombre de postes de résorbés à
l'intérieur du deuxième lot de 150 postes dans le décret
pour fins de recyclage avec des priorités. Cela équivaut à
5% des mises en disponibilité jusqu'à un maximum de 40 postes. Je
pense qu'il est important aussi de souligner que, quand on parle du nombre
de
mises en disponibilité à l'enseignement collégial
et de l'utilisation des mises en disponibilité, nous sommes devant une
situation fort différente par rapport à ce qui se passe au
primaire, secondaire.
M. Payne: On sait très bien qu'il y aura très peu
de mises en disponibilité dans les cégeps. J'imagine aussi que
des mesures ont été envisagées avec la FNEEQ, par exemple,
selon lesquelles on pourrait absorber un certain nombre de ceux qui seront mis
en disponibilité à l'éducation des adultes. Ce serait
plutôt logique. Aussi, je pense qu'il y aura lieu de discuter d'une
manière selon laquelle on pourrait éviter ou éliminer
autant que possible ce qu'on appelle le double emploi selon lequel, souvent,
quelqu'un travaille à temps plein pendant le jour avec un plein
complément de cours à donner, mais aussi pendant tout
l'été et le soir aussi. Il finit par avoir cumulativement,
très souvent, presque un double emploi, deux salaires, avec tous les
bénéfices marginaux qui les accompagnent. Je répète
ce que je disais tout à l'heure. Je pense que les mesures de
relocalisation proposées par le gouvernement sont respectables. Je peux
vous dire quelque chose, par exemple. J'ai rencontré beaucoup
d'enseignants. Ils ne sont pas du tout au courant du contenu qui est
là-dedans. Je pense qu'il y a lieu de bien clarifier cela aussitôt
que possible.
Cependant - et, ici, j'ai aussi une inquiétude - en ce qui
concerne les mises en disponibilité, il faut bien être clair et je
pense que le public a le droit de savoir. Ce n'est pas le chômage. C'est
80% pendant deux ans et 50% la troisième année. Cependant, ceux
qui étaient, par exemple, dans l'enseignement il y a trois ans avaient
quand même signé un contrat selon lequel, normalement,
après une, deux et au début de la troisième année
de leur engagement, ils recevraient leur permanence. Étant donné,
cependant, que les décrets sont entrés en vigueur le
1er janvier plutôt que le 1er avril, cela fait en sorte
qu'effectivement il y a beaucoup d'enseignants qui avaient
présumé qu'ils recevraient leur ancienneté le 1er avril
suivant le cours normal des choses, mais effectivement ils ne l'auront pas
maintenant. Y a-t-il des mesures prévues pour ces enseignants qui
n'auront plus de droits, parce qu'ils n'ont pas d'ancienneté? Ils n'ont
même pas le droit, naturellement, par le fait même, d'avoir les
droits de ceux qui sont mis en disponibilité. Y a-t-il un
mécanisme pour discuter, au nom de l'équité sociale ou de
la justice sociale envers ces enseignants, de la manière dont ils
pourraient se recycler?
Le Président (M. Desbiens): M. Girard. M. Girard:
M. le Président, vous comprendrez que c'est difficile de
répondre puisque, lors des rencontres que nous avons eues avec la FNEEQ
et avec la FEEC, nous avons été totalement incapables d'aborder
des sujets comme ceux que vient de mentionner le député de
Vachon. Les représentants des deux centrales nous ont
réaffirmé que, tant et aussi longtemps que la base de la
discussion ne serait pas le retour au statu quo, il n 'y avait pas de
discussion possible. Donc, je suis dans l'impossibilité de
répondre à des questions hypothétiques.
Le député de Vachon indique certains
éléments. Ces éléments auraient pu être
discutés. Malheureusement, ils ne l'ont pas été. Pour
répondre plus précisément à sa question, il est
évident que, pour ce qui est des professeurs qui n'ont pas la permanence
dans le réseau collégial, il pourrait y avoir une priorité
d'embauche à l'égard de ces gens qui ont déjà
été dans le réseau si nous avons, effectivement, les
augmentations de clientèle que nous prévoyons. Mais, encore une
fois, je peux difficilement répondre à des questions
hypothétiques puisque toute discussion a été
impossible.
M. Payne: Je conclus là-dessus que je suis inquiet pour
ces enseignants. Comme je le disais tout à l'heure, si l'État
paie 80% du salaire pendant deux ans et 50% pour la troisième
année, je pense qu'on devrait avoir un programme compréhensif
pour recycler ces enseignants dont la formation a coûté une
fortune à l'État. Je pense que tout cela pourrait faire l'objet
d'une discussion ou d'une négociation fort importante la semaine
prochaine, parce qu'en fin de compte c'est le contribuable
québécois qui sera obligé de payer 80% pendant deux ans et
50% la troisième année. Comme je le disais tout à l'heure,
cela fait l'envie de l'entreprise privée en pleine récession. (23
h 15)
M. Girard: Mais ces programmes de recyclage existent, M. le
Président, et ils peuvent être utilisés aux fins que
décrit le député. Je rappellerai ce que j'ai dit cet
après-midi au début de mon exposé: Le gouvernement,
effectivement, maintient la sécurité d'emploi pour les
enseignants du primaire et du secondaire et les professeurs du
collégial, mais il modifie tout simplement les modalités de
financement de la sécurité d'emploi. J'ai fait la distinction
entre ce que contiennent les décrets et ce que contient la proposition
du 10 février où, en vertu de celle-ci, les enseignants mis en
disponibilité sont payés à 80% la première
année, 80% la deuxième année et, pour la troisième
année, 80% pour ceux qui en sont à leur première
année de mise en disponibilité et 50% pour ceux qui sont à
leur deuxième année de mise en disponibilité.
Également, dans le réseau collégial, il faut ajouter les
mesures de résorption et l'annexe XV apparaissant au
décret, en vertu de laquelle plus nous serons en mesure de
résorber un grand nombre de professeurs, plus ceux qui resteront - c'est
un tout petit nombre dans le cas du réseau collégial - seront
payés en troisième année non seulement à 80%, mais
peut-être à plus de 80%.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Dans l'exposé du
ministre de l'Éducation et vos commentaires, M. le sous-ministre, vous
semblez avoir dit que, dans les cinq ou six dernières années,
vous avez concentré vos efforts à la recherche d'une formule
magique pour résoudre tous les problèmes de l'éducation.
Cette formule magique semble être le régime pédagogique
qui, d'après le ministre et vos exposés, a été
conçu par tous les partenaires du système éducationnel.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, si ce régime pédagogique a
été le résultat d'une concertation de tous les agents au
niveau scolaire, de la part du gouvernement, de la part de votre
ministère, comme première demande aux enseignants, on leur dit
qu'aucune clause ne peut empêcher l'application du régime
pédagogique? S'il y avait eu ce consentement auparavant, si ce
système a été si bien mis au point, pourquoi arrivez-vous
avec une telle clause, une telle directive dans les décrets?
Le Président (M. Desbiens): M. Girard.
M. Girard: M. le Président, je pense qu'il n'existe pas de
formule magique, que nous n'avons jamais eu l'intention de proposer une formule
magique et qu'on aura toujours beaucoup de difficulté, dans le
réseau de l'éducation, à trouver la formule magique qui
pourrait satisfaire tout le monde à la fois. Ce que j'ai dit, c'est que
les régimes pédagogiques adoptés par le gouvernement,
à l'hiver 1981, étaient le résultat des
énoncés de politique faits auparavant, lesquels
énoncés de politique étaient le résultat de larges
consultations entreprises auprès de la population. Donc, les
régimes pédagogiques résultent d'indications
données au ministère de l'Éducation dans le cadre de
consultations avec l'ensemble de la population et qu'il a tenté de
formuler dans un règlement global, général. Soit dit en
passant, il en existe ailleurs, des règlements pédagogiques
aussi; le Québec n'est pas le seul à avoir un règlement
pédagogique.
Ces règlements, comme je le disais, sont le résultat d'un
vaste consensus. Si vous me dites que dans tous leurs éléments,
dans tous leurs articles, ils ne répondent pas aux voeux de l'ensemble
ou de chacun des citoyens ou des enseignants, soit. Ce pourquoi nous avons mis
cette disposition dans les conventions collectives, c'est pour une raison
fondamentale sur laquelle s'est déjà expliqué abondamment
le ministre de l'Éducation. Le régime pédagogique ne peut
pas faire l'objet de négociations dans les conventions collectives. Il
me semble que le régime pédagogique constitue un règlement
adopté par le gouvernement au Conseil des ministres et que ce
régime ne peut pas faire l'objet de négociations. Le
régime pédagogique est au-dessus de la négociation, il
n'est pas négociable.
M. Cusano: Merci. Je change de sujet parce que le temps passe
très vite.
J'ai un document daté du 22 septembre 1982, qui s'intitule
Conditions de travail des enseignants, comparaisons à l'extérieur
du Québec. Au deuxième paragraphe de la deuxième page, on
trouve les paroles suivantes: "Les comparaisons établies pour les huit
commissions scolaires des autres provinces et les neuf commissions scolaires
américaines avec celles du Québec ne valent que pour ces
commissions scolaires ainsi comparées." Très bien.
Dans les voyages de votre délégation, pouvez-vous nous
expliquer pourquoi on a choisi "The Sudbury Board of Education", en Ontario? Je
n'ai pas besoin de les énumérer toutes. Pour les
États-Unis, on a choisi Atlantic City Board of Education; dans le New
Jersey, vous en avez choisi deux; dans le Massachusetts, vous en avez choisi
une; dans le Vermont, deux; dans le Connecticut, une; dans New York, deux. Vous
vous êtes servis de ces données pour faire certaines comparaisons
avec cet ensemble et la province de Québec.
Premièrement, dans votre tournée de consultations, est-ce
que ce sont les seules commissions scolaires, ou "school boards", que vous avez
rencontrées? J'attendrai votre réponse avant de poursuivre.
M. Girard: Vous comprendrez facilement, M. le Président,
qu'il n'était pas possible de visiter toutes les commissions scolaires
de toutes les provinces canadiennes et de tous les États
américains avoisinants. Il nous a fallu choisir.
M. Cusano: Excusez-moi, M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Je demande précisément si, dans vos
voyages, c'est la totalité des rencontres que vous avez eues avec les
commissions scolaires. Vous dites huit d'autres provinces canadiennes et neuf
commissions scolaires américaines. Est-ce que vous en avez
rencontré d'autres?
M. Girard: M. le Président...
M. Cusano: Je veux simplement un oui ou un non, M. le
Président.
M. Girard: ...comme je n'ai pas fait cette tournée
moi-même, mais que M. Smith, qui est ici, a fait la tournée, je
lui demanderais, si vous le permettez, de répondre à la
question.
Le Président (M. Desbiens): M. Smith.
M. Smith: Pour répondre précisément à
votre question, les commissions scolaires indiquées dans le rapport
représentent la totalité des commissions scolaires
visitées dans les deux tournées, canadienne et
américaine.
M. Cusano: Sur quoi a été basé votre choix
de visiter ces commissions scolaires?
M. Smith: Je parlerai davantage de la tournée canadienne
pour commencer. Après avoir contacté les autorités de
chaque province canadienne impliquée dans l'étude, à
savoir l'Ontario, le Manitoba, l'Alberta et la Colombie britannique, nous avons
demandé aux autorités quelles sont les commissions scolaires
typiques de la province, même celles où les conditions de travail
sont plus avantageuses. Vous comprenez fort bien que, si on prend une province
comme l'Ontario, il y a un grand nombre de commissions scolaires avec des
conditions de travail décentralisées. Les commissions scolaires
choisies étaient, d'après les autorités ontariennes,
typiques, même si un peu plus fortes en termes de conditions de travail
données aux enseignants. Cela a été la même chose
dans les autres provinces.
M. Cusano: Je suppose que vous avez eu une correspondance avec
ces personnes. Serait-il possible de déposer la correspondance que vous
avez eue avec ces différentes instances?
M. Smith: La correspondance a plutôt été
limitée à une demande de nous recevoir, accompagnée d'une
copie des renseignements dont nous voulions parler lors de notre visite. Nous
avons recueilli les informations sur place, en entrevues avec les personnes;
nous avons amassé les documents pertinents de chaque commission scolaire
concernée.
M. Cusano: Merci. Concernant la compétence comme
critère pour déclarer les personnes en disponibilité, je
suis d'accord avec ce que vous avez dit. Lorsqu'on prend le critère de
l'ancienneté, il n'y a aucune difficulté, c'est très
objectif et cela va. Pouvez-vous tenter, en quelques minutes, de nous dire ce
que vous entendez, premièrement, par compétence?
Deuxièmement, relativement à cette compétence, est-ce que
le ministère a des directives - vous ne manquez pas de directives; vous
en avez tous les jours, et des décrets - quelque chose, un guide qui
sera envoyé aux commissions scolaires pour l'évaluation de la
compétence d'un professeur? M. le Président, j'ai passé 20
ans dans le domaine de l'éducation et, comme le député
d'Argenteuil l'a souligné, je crois qu'au cours de ces 20 années
la question de la compétence a toujours été
discutée, chaque année. On n'a jamais été capable
d'en arriver à une façon très objective d'évaluer
l'acte pédagogique dans la classe à cause de toutes les variables
qui sont présentes: enfants, professeurs, situation, direction de la
commission scolaire, ministère, etc.
Pouvez-vous nous dire comment - parce que c'est dans le décret -
vous allez appliquer, d'ici quelques mois, cette question de la
compétence? Comment allez-vous vous assurer que, dans toute la province,
chaque individu, chaque professeur sera jugé de façon
équitable?
Le Président (M. Desbiens): M. Girard.
M. Girard: M. le Président, le critère de la
capacité sera appliqué par chacune des commissions scolaires
à la lumière des conventions collectives.
Précisément, pour bien démontrer comment la
capacité jouait dans le texte de la convention, à l'article
5.3.19, on définit ce qu'est la capacité, comment elle joue et
à quel moment elle joue.
M. Cusano: Puis-je vous poser une question? Faites-vous une
différence entre capacité et compétence?
M. Girard: C'est-à-dire que la notion de capacité
et la notion de compétence se rejoignent. Ce que l'on entend par notion
de capacité, c'est la compétence professionnelle qu'a un
enseignant à partir des études qu'il a faites, à partir de
l'expérience qu'il a, à partir des matières qu'il a
enseignées. Si je peux me le permettre, je vous lirai l'article 5.3.19
de la convention collective. "Capacité: est réputé
répondre aux exigences de la discipline...
Une voix: Du décret.
M. Girard: ...celui qui répond à l'un ou l'autre
des critères suivants: Premièrement, avoir un brevet
spécialisé ou un certificat spécialisé pour la
discipline visée. Toutefois, l'enseignant qui détient un brevet
d'enseignement qui ne comporte pas de mention de spécialité est
réputé capable d'enseigner aux élèves autres que
ceux de
l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, soit au
niveau primaire comme titulaire, soit au niveau secondaire dans les disciplines
de formation générale autres que l'éducation physique, la
musique, les arts plastiques et l'informatique." La dernière partie de
ce premier paragraphe, que je viens de lire, la deuxième phrase, est un
ajout qui a été convenu lors du cadre de règlement du 28
novembre. "Deuxièmement, avoir l'expérience d'enseignement d'au
moins un an à temps complet dans la discipline visée à
l'intérieur des cinq dernières années." C'est le texte du
décret. Dans la proposition du 10 février, comme je l'ai
expliqué cet après-midi, nous avons ajouté au moins un an
à temps complet ou à temps partiel dans la discipline
visée à l'intérieur non plus des cinq dernières
années, mais des dix dernières années.
"Troisièmement, poursuivre un programme d'études reconnu pour la
discipline et avoir complété quinze crédits de
spécialisation dans la discipline visée. "Si, lors du processus
d'affectation au niveau de l'école, aucun enseignant, en excédent
d'effectifs, ne répond à l'un des trois critères
précédents, l'enseignant peut être reconnu capable par la
commission de combler un besoin dans la discipline visée s'il
possède des qualifications spécifiques ou s'il possède des
connaissances particulières dans la discipline visée ou s'il a
une expérience pertinente. "Si, lors du processus d'affectation au
niveau de la commission, aucun enseignant du bassin d'affectation et de
mutation ne répond à l'un des trois critères
précédents, l'enseignant peut être reconnu capable par la
commission de combler un besoin dans la discipline visée s'il
possède des qualifications spécifiques ou s'il possède des
connaissances particulières dans la discipline visée ou s'il a
une expérience pertinente. (23 h 30) "Enfin, si pour des raisons
exceptionnelles, la commission estime nécessaire d'avoir des exigences
particulières, celles-ci doivent être préalablement
déterminées après consultation du syndicat. Ces exigences
doivent être directement reliées aux besoins à combler,
soit à cause de la clientèle visée: sourds, aveugles,
etc., soit à cause de la nature même de la matière à
enseigner: cours de violon, natation, etc. De plus, des exigences
particulières ne peuvent être déterminées que si
elles sont requises par la commission pour les autres postes identiques."
Donc, après avoir défini la capacité, nous avons
explicité dans trois paragraphes comment la commission scolaire pouvait
procéder.
M. Cusano: Formidable. Prochaine question, vous vous vantez du
fait que vous ajoutez 600 spécialistes au niveau primaire. C'est un beau
geste lorsqu'on parle de 600 spécialistes, mais 600 spécialistes
répartis sur 1800 écoles à peu près - vous pouvez
me corriger - à l'élémentaire, cela veut dire un tiers de
personne par école.
M. Girard: Ce sont des spécialistes qui s'ajoutent
à ceux qui existent déjà. Nous ne partons pas d'une
situation où il n'en existe pas.
M. Cusano: Non, mais vous avez semblé donner l'impression
- j'ai eu cette impression - qu'on ajoutait 600 spécialistes. On en
ajoute 600.
M. Girard: Je pense que ce que j'ai dit, c'est que non seulement
les professeurs spécialistes qui existent actuellement dans le
réseau primaire ne disparaîtraient pas, mais que,
précisément pour donner un meilleur service, au-delà de
ceux qui existent déjà, nous allons en ajouter 600 afin qu'il y
ait une répartition équitable.
M. Cusano: C'est un ajout - on peut jouer avec les statistiques -
d'un tiers de personne par école élémentaire dans la
province de Québec.
M. Girard: Écoutez, ils ne seront pas répartis
tiers par tiers.
M. Cusano: Je comprends. Cela veut dire qu'il ne faudrait pas
donner l'impression que chaque école va avoir des
spécialistes.
M. Girard: Non.
M. Cusano: Cela veut dire qu'il y a un spécialiste par
trois écoles. C'est ça qui est la vérité.
M. Girard: La vérité, c'est qu'il existe des
spécialistes dans les écoles.
M. Cusano: On le sait qu'ils existent les
spécialistes.
M. Girard: On veut les maintenir et on veut en ajouter.
M. Rousseau: Cela veut dire qu'au plan pratique, pour les
enseignants, il y aura un écart de trois heures et demie entre leur
tâche moyenne, dans les écoles primaires, et le temps de
présence des élèves, alors qu'actuellement pour la
première année de la convention collective ou du décret
l'écart entre le temps de présence des élèves et la
tâche moyenne des enseignants est de trois heures. Cela fait une
demi-heure de plus pour chaque enseignant. C'est cela que cela veut dire.
À la dernière ronde, on avait réussi à
régler, justement, avec une demi-
heure de plus en P-4 dans notre jargon, la quatrième
année, une diminution de tâche au primaire, ce qui ajoutait une
demi-heure de spécialistes et ce qui représente une somme de 18
000 000 $. Il ne faut pas l'oublier. C'est donc un choix qui est fait là
et on sait que 18 000 000 $ pourraient servir à bien d'autres choix
également.
M. Cusano: Oui, je suis bien d'accord avec vous. Seulement une
dernière question complémentaire à celle du
député d'Argenteuil ayant trait à la question des budgets
à travers les autres provinces par rapport au budget qui est
affecté au ministère de l'Éducation. Pourriez-vous, demain
matin ou le plus tôt possible, ajouter à la demande du
député d'Argenteuil quelles sont les compressions
budgétaires que le ministère de l'Éducation prévoit
pour le ministère de l'Éducation même d'ici 1985?
M. Rousseau: J'ai fait état déjà des
compressions que l'on prévoyait au cours des trois prochaines
années. J'ai parlé du cadre financier du ministère. Je
m'excuse, vous ne parlez plus du réseau primaire, secondaire, mais vous
parlez du ministère de l'Éducation.
M. Cusano: C'est cela.
M. Rousseau: On pourrait vous donner, en termes d'effectifs,
à partir des décisions qui ont été prises par le
gouvernement, le nombre de fonctionnaires en moins qu'il y aura à
l'intérieur du ministère de l'Éducation au cours des trois
prochaines années.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gaspé.
M. LeMay: Merci, M. le Président. Je vous avouerai, M. le
sous-ministre, après votre intervention d'aujourd'hui, que j'ai des
inquiétudes. Vous nous avez parlé quatre fois de mesures de
résorption de la part des professeurs qui seraient en
disponibilité. Je vais vous illustrer un peu mon inquiétude par
un exemple. Lundi, j'étais invité par un groupe
d'étudiants à l'éducation aux adultes du comté de
Bonaventure, un comté bien connu, d'ailleurs, de nos amis d'en face. Je
discutais avec des professeurs et je leur parlais des fameuses mesures dont on
a la liste ici - les 17 mesures possibles - et ils ne semblaient pas au courant
du tout.
Ma première réaction a été la suivante. Je
me suis dit: Je représente une région grande comme un pays.
Peut-être que les moyens de communication sont plus difficiles. On
reçoit les journaux de temps en temps. J'étais inquiet. En
arrivant à Québec, hier, j'ai fait quand même des
vérifications et je me suis aperçu que plusieurs enseignants
n'étaient pas au courant de ces mesures. Vous savez que le fond du
problème, c'est que les enseignants veulent sauver leur "job". Dans le
fond, c'est cela, la négociation actuelle.
Je voudrais vous poser une question. Premièrement, est-ce que les
mesures dont vous avez parlé cet après-midi ont été
déposées à la table de négociations?
Deuxièmement, existe-t-il une entente entre les parties, quand vous
négociez, ou un moyen de vérification pour savoir si
l'information se rend aux personnes intéressées? Quand vous vous
rencontrez dans une chambre du Hilton pour négocier, que ce soit le jour
ou la nuit, est-ce que cette information se rend? C'est inquiétant quand
on s'aperçoit que les enseignants ne sont pas au courant qu'ils peuvent,
quand même, s'en sortir avec 17 moyens possibles.
M. Girard: M. le Président, il n'y a aucune façon
de vérifier si, effectivement, ce qui est déposé au cours
des négociations atteint ou n'atteint pas les enseignants. Ce sont les
centrales syndicales qui décident de faire état ou de ne pas
faire état de nos propositions, d'abord, à ce que l'on appelle
leurs instances et, par la suite, une fois que c'est allé devant les
instances, de décider si, oui ou non, ce sera soumis à l'ensemble
des syndicats locaux en présence des enseignants. Donc, la
réponse claire à votre question est que nous n'avons aucune
assurance que ce que nous avons déposé sur la table a
effectivement été transmis aux enseignants.
Deuxièmement, au sujet des 17 mesures dont j'ai parlé, je
les ai énumérées cet après-midi. J'ai
indiqué les mesures qui apparaissaient dans la convention et celles qui
n'y apparaissaient pas, mais l'ensemble des 17 mesures a été
dûment proposé à la partie syndicale. De plus, lors du
cadre de règlement du 10 février, non seulement avons-nous
insisté sur la présence des 17 mesures, mais nous avons
proposé, comme je le disais plus tôt, la création d'un
comité national d'implantation de ces mesures composé de
représentants des syndicats, de représentants des
fédérations de commissions scolaires et de représentants
du ministère de l'Éducation. Non seulement les mesures
existent-elles, mais nous avons proposé aux syndicats de voir à
leur implantation avec nous et avec les commissions scolaires.
M. LeMay: M. le Président, j'aurais d'autres questions
à poser à M. le sous-ministre. J'y reviendrai. Je vais laisser la
chance aux autres, étant donné que le temps s'écoule
rapidement. J'aurais aimé que ces 17 mesures aient été
dans les annexes du décret. Il me semble que cela aurait informé,
en tout cas, ceux qui ont le décret entre les mains. Cela aurait
aidé, il me semble. Mais vous savez, M. le sous-ministre, que s'il y a
des renseignements aussi importants que ceux-là qui ne se rendent
pas
à la base, c'est toute la base des négociations
elle-même qui est bousillée. Je trouve cela grave.
Le Président (M. Jolivet): M. Girard.
M. Girard: M. le Président, je réalise pleinement
la gravité de la situation qui est décrite par le
député. Si, effectivement, l'information ne parvient pas aux
enseignants, nous ne pouvons que le déplorer et le déplorer de
façon tragique, puisque cela a conduit à la grève
illégale de 17 jours que nous avons connue.
Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Seulement une question. C'est évident qu'on
ne peut pas considérer l'impact du décret sans tenir compte, en
même temps, des règles budgétaires. J'aimerais revenir sur
les services professionnels que M. Girard a mentionnés, les 12% des
ressources humaines de non-enseignants, parce que M. Rousseau en avait
parlé aussi dans le cadre des services aux enfants exceptionnels. Il me
semble qu'il est trop facile peut-être de réaliser des
économies par le biais des règles budgétaires si on ne
réussit pas à faire des économies par le biais des
décrets. Quelle garantie aurons-nous qu'il y aura vraiment une
augmentation proportionnelle des services professionnels? Ce sont des services
qui étaient toujours les plus vulnérables. Seront-ils toujours
aussi vulnérables? Y a-t-il quelque chose dans le décret ou dans
les règles budgétaires qui garantit une amélioration
proportionnelle de ces services?
M. Girard: D'abord, je pense qu'il faut préciser que les
88% dont nous avons parlé, comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer
tantôt, couvrent non seulement les traitements et les avantages sociaux
des enseignants, mais également des autres personnels,
c'est-à-dire le personnel non enseignant et le personnel de soutien.
Dans les 12% qui restent, il y a effectivement un ensemble de mesures qui
constituent des services. L'opération que nous faisons à l'heure
actuelle n'a qu'un seul but: maintenir et augmenter les services. Ce n'est pas
inutilement que j'ai parlé plus tôt cet après-midi de la
situation aberrante dans laquelle nous étions, où, au cours des
dernières années, pour protéger les dispensateurs de
services, nous avons été obligés de couper des services.
Dans la mesure où nous réalisons les économies qui sont
proposées - ces économies sont réalisées en
augmentant la tâche des enseignants, au primaire, au secondaire et au
collégial, en modifiant les modalités de financement de la
sécurité d'emploi et en faisant en sorte que, par un ensemble de
mesures, un nombre important de professeurs sortent du réseau -dans la
mesure où nous réalisons l'ensemble de ces objectifs, nous ne
sommes plus obligés de couper dans les services.
Les règles budgétaires qui sont en consultation
actuellement auprès des commissions scolaires démontrent que les
économies que nous voulons réaliser au cours des trois prochaines
années passent par le maintien des services, mais aussi par les
économies résultant des modifications que nous apportons à
la convention collective que j'ai décrites. Les volontés
existent. Cela s'appelle, comme je l'ai dit, l'introduction des
micro-ordinateurs dans les écoles, cela s'appelle la mise en application
de la politique de la formation professionnelle, cela s'appelle le maintien et
le développement des services aux enfants des milieux
socio-économiquement faibles, cela s'applique aux enfants en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage, cela s'appelle la
publication de manuels, enfin un ensemble de mesures qui assurent la
qualité de l'éducation. C'est précisément ce que
nous voulons faire.
Mme Dougherty: Donc, il y aura la possibilité d'une
espèce de transfert de ressources financières d'un secteur
à l'autre à l'intérieur d'une commission scolaire. Si le
gouvernement ramasse toutes les économies pour le budget du
gouvernement, les commissions scolaires n'auront pas la capacité
d'améliorer l'autre secteur. Il y a une grande tentation, j'en suis
sûre, pour le gouvernement de tout garder.
Mme Lavoie-Roux: C'est ce qu'ils nous ont dit, d'ailleurs!
C'était pour équilibrer leur budget.
Mme Dougherty: La flexibilité est quelque chose de
merveilleux, mais quand on n'a pas d'argent on ne peut pas être flexible.
(23 h 45)
M. Girard: M. le Président, je répète ce que
j'ai déjà dit. L'objectif, c'est de lever les hypothèques
qui pèsent sur ce réseau. Le jour où le taux de croissance
du système des réseaux de l'éducation au Québec
sera devenu normal, les sommes additionnelles qui peuvent être mises
à notre disposition par le gouvernement, dans le cadre du
développement d'une politique éducative, d'une politique
culturelle, d'une politique sociale ou d'une politique économique, nous
seront accordées et nous les répartirons selon les règles
budgétaires de façon à atteindre les objectifs
visés.
Si vous me demandez, Mme la députée, si nous pouvons
d'ores et déjà vous dire que telle règle budgétaire
sera modifiée dans le sens d'un ajout de tant de millions, je ne peux
pas vous dire oui. Nous ferons les règles budgétaires avec
l'enveloppe dont nous disposerons et l'enveloppe dont nous disposons
cette année nous permet, à partir des choix que nous avons
faits, de ne plus couper dans les services parce que nous réalisons les
compressions budgétaires qui nous sont demandées à partir
des modifications que nous avons exposées dans les conventions
collectives.
Mme Lavoie-Roux: Mais il n'y en a pas d'ajouté.
Mme Dougherty: II n'y aura pas plus d'argent pour ces services
professionnels.
M. Girard: C'est-à-dire que, d'abord, il n'y a plus de
coupures, ce qui est un élément important, et il y a aussi des
ajouts pour certaines fins.
Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Girard, j'aimerais
bien comprendre l'écart comparatif des dépenses par
étudiant entre l'Ontario et le Québec. Cela m'est apparu la
prémisse à l'argumentation que vous avez développée
cet après-midi. Si je comprends bien, les chiffres que vous avez mis
à jour dernièrement démontreraient un écart de 652
$ ou 782 $ - je n'en suis pas à quelques dollars près - dont la
moitié, grosso modo, s'explique par l'augmentation du service de la
dette et par les coûts du transport scolaire.
Quant à la partie que vous dites être affectée
à la masse salariale par étudiant, je voudrais vraiment
vérifier si cela est dû à un nombre plus grand de
professeurs que ceux dont nous avons besoin - c'est ce que vous avez
semblé dire - ou s'il n'y a pas des éléments qui sont
propres à la spécificité culturelle du Québec. Vous
avez dit au député d'Argenteuil que vous lui remettriez demain,
je pense, les coûts imputables au dédoublement d'un
système. Je pense bien que nous sommes les seuls - tout le monde en
conviendra - à avoir ce double système, protestant et catholique,
et à l'intérieur de ce système, un sous-système
franco-catholique, franco-protestant, anglo-catholique et anglo-protestant.
Quant au financement public du secteur privé, je ne crois pas que ce
soit le cas en Ontario. Je ne pense pas qu'il y ait de dépenses
consacrées par l'administration publique au secteur privé en
Ontario.
En plus de ces chiffres, j'aimerais obtenir également les
coûts de l'enseignement de la langue seconde - je crois ne pas me tromper
en pensant qu'un effort particulier est fait au Québec en termes
d'enseignement de la langue seconde notamment les coûts
d'intégration linguistique dans les classes d'accueil. Je pense que cela
nous permettrait d'avoir un meilleur tableau des dépenses réelles
affectées par étudiant en comparaison avec l'Ontario.
Puisqu'on en est à des études comparatives avec l'Ontario,
je me suis demandé également si, au ministère, vous aviez
une étude du ratio cadre-étudiants pour l'Ontario et pour le
Québec. On a des études - vous nous les avez distribuées,
en fait, tous les membres de la commission parlementaire les ont eues - de la
comparaison du ratio enseignant-étudiants pour le Québec et pour
l'Ontario. Est-ce que de telles études ont été faites en
ce qui concerne le ratio cadre-étudiants?
M. Girard: Non, je ne pense pas, sauf vérification
à faire, que nous ayons une étude sur le ratio
cadre-étudiants. Par ailleurs, dans les chiffres que nous
déposerons demain matin, vous constaterez que la masse salariale
constatée au traitement des cadres est, si je peux me permettre
l'expression, insignifiante par rapport à la masse salariale des
enseignants, ne serait-ce qu'en raison du nombre très faible de cadres
par rapport au nombre d'enseignants. Il m'apparaît également
normal qu'un réseau d'éducation s'appuie essentiellement sur ses
enseignants et ses enseignantes pour fonctionner.
Vous avez mentionné le phénomène du privé
qui est subventionné au Québec et qui ne l'est pas en Ontario. Je
tiens à repréciser ce que j'ai dit cet après-midi:
L'étude exclut le secteur privé de l'Ontario. L'étude ne
porte que sur le secteur public du Québec. L'explication de
l'écart de 652 $, c'est 335 $ à la masse salariale des
enseignants, 90 $ au transport scolaire des étudiants qui s'explique par
une répartition géographique différente sur le territoire
du Québec de celle sur le territoire de l'Ontario, et un écart de
183 $ au service de la dette.
Mais ce que je voudrais répéter, c'est que les 335 $ ne
peuvent qu'être vrais, comme les 354 $, que quand on prend l'année
suivante, parce que la comparaison s'est faite sur la base des états
financiers vérifiés dans les commissions scolaires et dans les
deux gouvernements et elle nous donne le nombre total de professeurs qu'il y a
en Ontario par rapport au nombre total d'étudiants qu'il y a en
Ontario.
Si vous me dites qu'à l'intérieur de cette comparaison il
y a des spécificités propres au Québec - il y a
probablement des spécificités propres au Québec et on les
connaît; vous en avez énuméré certaines - il y a des
spécificités propres à l'Ontario également. Mais on
a voulu précisément en arriver à des chiffres qui soient
les plus vrais et les plus justes possible en comparant deux systèmes
d'éducation qui ont ceci de particulier: ils existent dans deux
provinces qui sont voisines, qui sont les deux provinces
les plus considérables du Canada, avec un niveau de scolarisation
à peu près identique. Donc, l'intérêt de
l'étude Québec-Ontario, c'était précisément
de pouvoir faire une comparaison valable. Une étude avec la
Saskatchewan, étant donné l'écart de la population,
n'aurait pas été valable.
Mme Harel: Donc, M. Girard, vous me répondez que la
commission pourra obtenir les chiffres afférents au coût du
dédoublement des systèmes, ce qui est propre au Québec, et
également au coût de l'enseignement de la langue seconde et
à l'effort qui est fait d'intégration linguistique.
M. Girard: Écoutez! Avant de faire des promesses, je
voudrais quand même vérifier. Je pense avoir dit plus tôt,
en réponse à la question que posait le député.
d'Argenteuil, que je tenterais de voir si nous avons ces chiffres. Les chiffres
que nous possédons sont les grandes masses, et nous avons la masse qui
est consacrée à l'administration des commissions scolaires. Je
pourrais vous dire de quoi est composée cette masse, de quelles
dépenses et de quels traitements. Mais je ne pense pas être
à même de vous faire une preuve ou de vous donner des chiffres
précis sur le coût qui résulte du fait que nous avons 248
commissions scolaires et que nous avons la division religieuse, dont vous avez
parlé, et la division linguistique à l'intérieur des deux
systèmes.
Mme Harel: M. le Président, il a été
également question de la décroissance des effectifs au
Québec. M. le sous-ministre, vous avez semblé l'attribuer
uniquement à la dénatalité, enfin, dans vos propos. J'y
reviens parce que, dans le document qui nous a été remis et qui
s'intitule Les principales statistiques de l'éducation, j'aimerais qu'on
y ajoute les statistiques concernant la clientèle de l'enseignement
privé. Enfin, cela va peut-être nous permettre de voir... Je
voudrais avoir votre avis à ce sujet. Il est fait mention, abondamment,
actuellement, dans les médias d'information, que le Québec
connaîtrait un des taux de fréquentation scolaire parmi les plus
bas au Canada. On cite souvent la province de Terre-Neuve comme étant
celle ayant le taux le plus bas et le Québec suivrait de près.
Est-ce que les taux de fréquentation scolaire, au secondaire
particulièrement, se comparent à ceux des autres provinces?
Est-ce que notre taux de fréquentation scolaire est plus bas? Est-ce que
la décroissance des effectifs dans le secteur public est liée
à l'augmentation des effectifs de la clientèle dans le secteur
privé?
Dans ce tableau statistique, nous n'avons pas obtenu les chiffres
concernant la clientèle dans le secteur privé. J'imagine que vous
pourrez les fournir à la commission.
Est-ce que la décroissance des effectifs est seulement
liée à la dénatalité ou s'il y a d'autres
phénomènes, notamment la diminution de fréquentation,
semble-t-il, ou, en tout cas, un faible taux de fréquentation? Est-ce
qu'il y a des projets au ministère qui mettraient de l'avant des
politiques pour augmenter la fréquentation scolaire?
Je lisais dans l'Actualité, dans la page éditoriale de ce
mois, une comparaison avec le Japon. On y disait, notamment, que le Japon avait
un taux de fréquentation fort élevé, je pense que
c'était 92% au secondaire et très élevé au niveau
universitaire - je pense ne pas me tromper en parlant de 60% - tandis qu'au
Québec il s'agissait de 6% d'universitaires et de 60% au secondaire.
Est-ce que ces chiffres sont exacts?
M. Girard: Je pense que les chiffres que vous venez de citer ne
sont pas exacts et on pourra vous apporter les chiffres véridiques
demain matin. Je peux d'ores et déjà vous dire que le taux de
fréquentation scolaire au Québec, au cours des dernières
années, n'a connu aucune diminution, mais qu'au contraire il a connu des
augmentations constantes. Le taux de fréquentation scolaire au primaire
est d'environ 100%. Au secondaire, il a augmenté considérablement
au cours des dernières années. Le taux de passage du secondaire
au collégial va en augmentant considérablement d'année en
année et le taux de passage du collégial à l'universitaire
va en augmentant également au cours des dernières années.
De fait, contrairement à ce que vous disiez, nous sommes en train de
nous retrouver dans le peloton de tête et non pas à la queue. Dans
le réseau universitaire, en particulier, les taux de croissance ont
été phénoménaux au cours des dernières
années.
J'admets tout de suite qu'il faut faire au plan universitaire une
distinction entre la fréquentation à temps régulier et la
fréquentation à temps partiel. Mais, lorsque l'on tient compte
à la fois de la fréquentation à temps régulier et
de la fréquentation à temps partiel, nous avons atteint un taux
de scolarisation universitaire qui nous place au premier rang des provinces
canadiennes.
Mme Harel: Merci, j'ai encore deux questions rapidement.
Le Président (M. Jolivet): Juste avant, simplement pour
vous rappeler que nous devons terminer à minuit, mais que de
consentement on pourrait entendre le dernier intervenant, qui est le
député de Louis-Hébert, après vous, madame. Il n'y
a pas de problème? Consentement? Madame.
Mme Harel: Merci. M. Girard, puisque
c'est l'occasion de préciser certains chiffres qui circulent,
vous avez parlé d'économies résultant des modifications
aux conventions de travail. J'aimerais connaître
précisément quelles sont, en fait, les réductions des
dépenses publiques qui sont dues à la contribution des
enseignants québécois. Je dis bien "les réductions des
dépenses publiques" parce que j'aimerais que vous puissiez chiffrer
à la fois le régime de retraite, avec les hausses de cotisations
et les diminutions d'avantages sociaux, la récupération pour les
trois premiers mois de l'année et la transformation des formules
d'indexation. Pour chacun de ces aspects, il s'agit d'économies de quel
ordre?
M. Girard: Je n'ai pas les chiffres en tête. Je suis
beaucoup plus familier avec les chiffres, comme je l'ai indiqué, qui
traitent du cadre financier du ministère de l'Éducation et de ce
qui résulte des modifications aux conventions collectives. Pour ce qui
est des chiffres globaux que vous voulez avoir, nous ne les avons pas
nécessairement tous au ministère de l'Éducation, mais je
suis sûr que le Conseil du trésor les possède et que l'on
pourrait demander au conseil de les déposer demain.
Mme Harel: Une dernière question. M. Rousseau, vous avez
dans votre exposé souligné la nécessité de remettre
en question le modèle d'organisation de l'école. Vous savez, dans
la situation actuelle, les opinions sont partagées. Certains disent
qu'il y aura détérioration des conditions d'apprentissage, des
conditions de vie. Vous faites valoir qu'il peut en être autrement. On a
cité, ce matin, l'article paru dans le journal Le Devoir et
publié par la direction de l'école Jeanne-Mance, qui est une
école qui dispense l'enseignement dans un quartier ouvrier qui ressemble
à celui que je représente à l'Assemblée. La
direction de l'école concluait ceci - et je pense que leurs propos
étaient aussi de rechercher un nouveau modèle d'organisation;
j'aimerais avoir votre avis là-dessus - "Ne serait-il pas plus dans la
ligne des solutions raisonnables d'affecter à l'encadrement sous toutes
ses formes plutôt qu'à l'enseignement les heures correspondant
à l'augmentation de tâche proposée?" (minuit)
M. Rousseau: Disons qu'il s'agit ici d'un choix différent
de celui qui a été fait en termes de récupération.
La récupération qui a été faite est en termes de
tâche globale, en termes de tâche moyenne. Cependant, dans le
décret, la tâche maximale augmente, la taxe moyenne augmente, mais
la direction de l'école Jeanne-Mance aura beaucoup plus de marge de
manoeuvre pour pouvoir réaliser les services d'encadrement et les
services de soutien qu'elle veut réaliser. Je n'ai pas de statistiques
récentes pour 1982-1983, mais pour 1981-1982, alors qu'on investissait
10% du salaire des enseignants pour des fins d'activités B, C et D dans
l'ancienne convention collective, c'est-à-dire de la
récupération, de la surveillance, des cours spéciaux, du
titulariat, etc., au niveau des écoles secondaires, la dernière
statistique que j'ai vue indiquait qu'il y avait presque 50% de ces services
qui n'étaient pas rendus. On attribuait à chaque enseignant des
activités qu'on appelait dans les conventions collectives des
activités A, c'est-à-dire des activités d'enseignement,
mais on n'affectait pas les enseignants à d'autres types
d'activités à 100%, tel qu'on aurait dû le trouver à
l'intérieur des conventions collectives, pour mille et une raisons,
question de manque d'intérêt, question de manque de tradition,
question d'absence de besoins particuliers ou autres.
Mais il me semble - et j'aurais beaucoup d'intérêt à
en traiter avec la direction de l'école Jeanne-Mance de la CECM -
qu'à l'égard de l'objectif qu'elle poursuit d'assurer un meilleur
encadrement la tâche globale que l'on retrouve à
l'intérieur des décrets, même s'il y a une augmentation de
la tâche moyenne, lui permettra d'assurer davantage la réalisation
de ces objectifs. C'est pour cette raison que nous avons cru nécessaire
d'introduire une tâche globale de manière à assurer les
directions d'école, après avoir évalué les besoins
d'activités autres que les activités strictement d'enseignement,
de choisir le personnel et de travailler avec l'équipe-école
à l'utilisation maximale des périodes qui peuvent être
affectées à cette fin, mais qui seraient, cependant,
assignées à des enseignants qui ont de l'intérêt
pour le faire, qui ont la compétence pour le faire et qui
développent leurs propres projets avec les élèves.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert, en terminant, comme dernier intervenant.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Il est minuit. Alors, je
vais être très bref.
Tout d'abord, deux remarques, si vous me le permettez. La
première est une réaction à l'étonnement que
manifestait, entre autres personnes, le député de Chauveau
vis-à-vis de la disparité qu'il voyait entre le discours que nous
faisaient les sous-ministres et la perception que semblaient en avoir les
enseignants par l'entremise de certaines publications qui, selon lui, lui
étaient arrivées par la main de ses enfants de l'école
primaire ou de l'école secondaire. Il ne faut peut-être pas trop
s'étonner de la chose. Je pense qu'une grande partie - et c'est
peut-être là l'explication qu'il recherche - de la
responsabilité de cette disparité réside dans le fait que
le discours ministériel n'est plus
cru et qu'il n'est pas crédible. On a dit tellement de choses sur
tellement de tons différents, on s'est justifié de tellement de
façons, on s'est ajusté selon les circonstances et on a
changé son fusil d'épaule tellement souvent que, aussi bien quant
aux enseignants que quant à la population en général, les
ministériels crient dans le désert. C'est pour cette raison qu'il
est peut-être heureux que les fonctionnaires, les professionnels puissent
venir donner des renseignements qui éclairent la situation, qui ne
proviennent pas de la bouche du ministre et qui, à ce moment-là,
ont peut-être des chances d'éclairer jusqu'à un certain
point la situation. Il est dommage que nous en soyons rendus là. Il
serait beaucoup plus normal que nous puissions obtenir des renseignements qui
soient parfaitement crédibles de la part d'un ministre qui est le
ministre responsable de l'Éducation que d'avoir à se
référer aux sous-ministres en charge pour savoir ce qui en est du
domaine de l'éducation. C'est regrettable. Je soumets respectueusement
que c'est là l'explication que cherche, entre autres personnes, le
député de Chauveau. C'est ma première
réflexion.
Ma deuxième réflexion est la suivante: On fait grand
état de l'écart qui existe entre le Québec et l'Ontario au
niveau des coûts de l'éducation. La question qu'il faut se poser
est celle-ci: Est-ce la poule qui est venue avant l'oeuf ou est-ce l'oeuf qui
est venu avant la poule? Ce qu'il faut savoir, c'est qu'on paie 15% ou 20%, je
ne sais trop, de plus de taxes qu'en Ontario. C'est évident que
l'appétit vient en mangeant. On a un gouvernement qui a
été gourmand au point de vue des taxes, qui a été
gourmand au point de vue de l'imposition des citoyens. Il a tenté
d'engrosser les coffres de l'État en imposant 15%, 12%, 13%; je ne sais
trop le chiffre, mais c'est important comme différence 17%, me dit-on.
Alors, allons-y pour 17%. À ce moment, il est normal, de la part des
consommateurs de biens de l'État, que l'appétit soit là.
Il ne faut pas s'étonner de la chose. Il faut probablement corriger la
situation. Il faut réaliser que cette situation n'est pas arrivée
comme cela. Si on avait eu...
Je regrette, je n'ai pas interrompu qui que ce soit pendant les
interventions antérieures et j'espère que le même
traitement me sera accordé par M. le député de
Mille-Îles, entre autres.
Ce sont là des réflexions que je tiens à faire. Je
pense que le gouvernement serait beaucoup plus crédible lorsqu'il parle
d'ajuster le traitement des enseignants, le traitement de tout le monde de la
fonction publique et parapublique sur celui de l'Ontario, s'il pouvait nous
dire: Nous autres, on ne peut pas payer plus que l'Ontario parce qu'on ne taxe
pas plus que l'Ontario. J'entends encore le ministre des Finances, ou le
ministre responsable du Conseil du trésor nous dire une chose semblable.
Il reconnaît d'emblée que les Québécois sont les
citoyens les plus taxés au Canada, les citoyens les plus imposés
à tous les niveaux. Le gouvernement, évidemment, nous arrive avec
des dépenses qui, comparativement, sont plus lourdes au Québec.
Est-ce que le discours gouvernemental ne serait pas plus crédible si,
après nous avoir dit: Nous allons rajuster le traitement de nos
enseignants sur celui des enseignants de l'Ontario, nos dépenses dans
l'éducation sur celles de l'Ontario, le gouvernement, prenant un
engagement ferme, nous disait: Nous allons aussi rajuster notre taxation sur
celle de l'Ontario? Je vous pose la question. Je laisse cela à la
réflexion de tous et de chacun pour le moment.
M. le Président, j'aimerais pouvoir continuer, si vous me le
permettez. Le député de Mille-Îles récidive, mais ce
n'est pas grave. Je pense que c'est l'heure tardive.
M. Champagne: M. le Président, j'ai une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mille-Îles, sur une question de règlement.
M. Champagne: II y a eu consentement pour dépasser
l'heure. Le député de Louis-Hébert nous dit: J'ai
seulement deux petites observations très courtes à faire. Je
considère qu'il étire le débat pour le moment. La
journée a été assez lourde...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mille-Îles, M. le député de Louis-Hébert a le droit
de parole. Je vais le lui laisser.
M. Doyon: M. le Président, je vous signale que cela fait
trois minutes que je parle. Je serai très bref. J'ai fait deux
observations et j'avais aussi deux questions à soulever qui s'adressent
au sous-ministre de l'Éducation. J'aimerais savoir si le ministre de
l'Éducation... Je pense qu'il était ici quand je suis intervenu
au début de la commission concernant le comité de l'école
polyvalente de Charlesbourg, à la régionale Jean-talon, dans
lequel un groupe de parents, de professionnels, de professeurs ont fait des
simulations de l'application des décrets. J'aimerais savoir de la part
du sous-ministre si, eux, personnellement, ils ont imaginé un cas
pratique, que ce soit de la polyvalente que vous voudrez, d'application des
décrets.
A-t-on fait cela quelque part? A-t-on, au hasard, dans un chapeau ou peu
importe, tiré le nom d'une école primaire ou secondaire et a-t-on
dit: Voici ce qui se passe en pratique si on applique les décrets?
J'aimerais qu'on m'indique si cette opération a été
faite.
Le Président (M. Jolivet): M. le sous-ministre.
M. Girard: Oui, M. le Président. Nous avons
rencontré des directeurs d'école qui nous ont
démontré, de façon très claire et très
limpide, la façon dont ils appliquaient les décrets qui tiennent
lieu de convention collective chez eux et ils nous ont démontré
que cela ne posait aucun problème. Par ailleurs, ce sont des directeurs
d'école et des directeurs généraux de commissions
scolaires qui ont utilisé tous les moyens qu'ils ont à leur
disposition et qui ont accepté les orientations contenues dans les
régimes pédagogiques qui ont tenté d'en arriver à
l'organisation scolaire la plus intelligente.
M. Doyon: Pour faire suite à cela, est-ce que le
sous-ministre pourrait nous dire s'il serait d'accord, compte tenu du document
qui sera présenté demain par le comité de participation,
pour faire étudier ou étudier personnellement la justesse des
observations sur les conséquences d'application des décrets qui
seraient faites dans ce document-là? Est-ce qu'il pourrait prendre ce
document, qui lui sera remis à lui comme à d'autres, et nous dire
si ce document fait fausse route, si ce qu'il nous dit est juste et
fondé ou en quoi il est fautif, si jamais il l'est, ou, s'il est exact,
qu'on puisse nous le confirmer? Est-ce une chose pensable?
Le Président (M. Jolivet): M. le sous-ministre.
M. Girard: Je ne veux pas esquiver la question, mais j'avais
compris que la commission parlementaire avait demandé que le document
soit déposé et que chacun puisse en prendre connaissance. Il n'y
a aucune espèce d'objection à ce que nous en prenions
connaissance de notre côté.
M. Doyon: Je suis bien d'accord que vous n'avez pas à
avoir la permission de la commission pour en prendre connaissance, mais ma
question va plus loin que cela. Êtes-vous d'accord pour vous engager
à en faire un examen approfondi et à nous indiquer quelle est
votre opinion sur ce document-là? En quoi pêche-t-il, s'il
pêche en quelque chose, ou, s'il est exact, que vous puissiez nous le
confirmer?
M. Girard: On peut sûrement procéder à
l'analyse du document.
M. Doyon: Merci. C'est ma dernière question. M. le
sous-ministre a signalé tout à l'heure que la différence
monétaire entre les décrets tels qu'ils avaient été
préparés et le statu quo était de l'ordre de 340 000 000
$. J'aimerais qu'il indique à cette commission quelle sorte de
méthodologie on a suivi. Ce que je veux dire par là, c'est ceci:
Est-ce qu'on a reçu une commande du Conseil du trésor disant:
Vous avez à épargner en trois ans 340 000 000 $ et maintenant il
faut ajuster vos flûtes en conséquence et que les décrets
soient faits sur mesure pour en arriver à une économie d'environ
340 000 000 $? Ou si vous avez procédé à l'inverse et que
vous avez posé des jalons pédagogiques, des objectifs
pédagogiques à atteindre et que le fruit de
l'établissement de ces jalons ou de ces objectifs pédagogiques a
donné, comme application, une économie finale de 340 000 000 $?
En d'autres termes, est-ce que vous avez été partie purement et
simplement - comme il a été question que cela avait
été le cas - à une opération budgétaire qui
visait à faire épargner 340 000 000 $ au gouvernement ou si,
à l'inverse, vous avez été, tout simplement, l'initiateur
d'une réforme pédagogique dont, finalement, comme par hasard, le
résultat net est une économie pour la province de 340 000 000
$?
M. Girard: II n'y a pas de hasard. La problématique que
j'ai évoquée au tout début de mon intervention cet
après-midi était claire. Les expériences que nous avons
connues au cours des dernières années, les analyses
financières que nous avons faites année après année
nous ont amenés à constater à l'intérieur du
ministère de l'Éducation que nous faisions face à des
problèmes majeurs et qu'il fallait y trouver une solution.
Le premier problème majeur était l'augmentation d'un
coût de système de l'ordre de 17% par année, ce qui n'est
pas tolérable. Il y avait une volonté de lever les
hypothèques qui pèsent sur le budget de l'éducation et de
prendre les mesures nécessaires pour le ramener à des dimensions
convenables pour précisément pouvoir faire, par la suite, les
modifications et les améliorations qui s'imposent. C'est à partir
d'une analyse stricte, sérieuse et fouillée des conventions
collectives, que nous avons faite à la suite de la dernière
convention, que nous en sommes arrivés aux conclusions auxquelles nous
en sommes arrivés.
Par ailleurs, il va de soi qu'à l'égard du
ministère de l'Éducation, comme à l'égard de tous
les autres ministères, le gouvernement indique des objectifs de
compression, mais la démarche que nous avons suivie est d'abord une
démarche propre au ministère, démarche à la fois
pédagogique et financière. Quand je dis démarche
pédagogique, je parle des objectifs poursuivis par le ministère
et des moyens à mettre en oeuvre pour y arriver. Démarche
financière, les constatations que nous avions faites et la
nécessité de modifier les écarts trop considérables
que nous avions constatés et, à partir de ces objectifs propres
au ministère de l'Éducation, une acceptation des objectifs qui
nous avaient été assignés par le Conseil du trésor
et par le gouvernement.
M. Doyon: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Leurs témoignages
étant terminés, je remercie les personnes qui sont venues devant
nous aujourd'hui.
Je veux rappeler deux choses. Premièrement, des documents
pourront être déposés au secrétariat des commissions
pour distribution durant la journée de demain, concernant l'ensemble des
questions qui restent en suspens. Deuxièmement, concernant le retour
possible des représentants du ministère afin de répondre
aux questions des membres des deux partis politiques qui composent cette
commission parlementaire, le leader aura des choses à dire.
Quant à moi, il faudra régler un problème demain
matin, à 10 heures, concernant le Conseil supérieur de
l'éducation, suggestion faite par le député d'Argenteuil.
Quant au reste, je vais demander, pour le bénéfice des gens qui
seront ici demain matin, plutôt ce matin, à 10 heures, que le
leader du gouvernement nous indique quel sera le menu de la journée de
demain. (0 h 15)
M. Bertrand: M. le Président, nous avons pris beaucoup de
temps depuis 14 heures, cet après-midi, pour permettre aux
parlementaires de s'exprimer, dans un premier temps; et, deuxièmement,
pour permettre aux trois sous-ministres du ministère de
l'Éducation de s'exprimer et, ensuite, de répondre aux questions.
Je crois que cela a été un exercice fort intéressant et,
je l'espère aussi, finalement, fructueux.
Les représentants du Conseil des collèges devaient se
présenter devant nous et ils ont accepté de revenir vendredi.
Deux regroupements d'étudiants, la Coalition étudiante pour la
défense des droits des usagers de l'éducation et l'Association
nationale des étudiants du Québec, devaient également se
présenter devant la commission aujourd'hui. Nous devons leur faire
savoir que, dans les circonstances, leur témoignage sera,
évidemment, remis à plus tard, peut-être vendredi.
Je tiens à respecter ce que je pourrais appeler une forme
d'engagement que j'ai pris et que, je pense, nous avons pris, de part et
d'autre, de laisser le plus de temps possible à ces partenaires à
qui on a indiqué qu'ils seraient entendus durant toute la journée
de jeudi, c'est-à-dire la Fédération nationale des
enseignants et enseignantes du Québec et la CEQ, la Centrale de
l'enseignement du Québec. Dans ce contexte, demain, de 10 heures
jusqu'à 13 heures - j'en ai discuté avec le député
d'Argenteuil, tout à l'heure -nous souhaitons - nous pensons pouvoir y
parvenir - entendre les représentants du secteur collégial,
à quelque centrale qu'ils appartiennent. Donc, le dossier
collégial, demain, de 10 heures à 13 heures. Ensuite, ce sera le
dossier primaire et secondaire, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures
à minuit. Cela veut donc dire que, demain, nous pourrions, au total, M.
le Président, disposer d'une dizaine d'heures pour discussions et
échanges avec les représentants du monde syndical.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Comme le veut la
coutume, les deux derniers intervenants, pour la fin, sont le
député d'Argenteuil et, ensuite, M. le ministre pour remercier
les gens qui sont devant nous.
M. Ryan: M. le Président, je veux simplement regretter que
la séance, même si elle a été relativement longue,
ait été trop courte à d'autres points de vue. Nous avons
pu avoir un échange substantiel et constructif. Je remercie le
sous-ministre, M. Girard, et ses collègues qui l'accompagnaient.
Certaines questions de principe se sont posées à notre esprit en
relation avec cette expérience. Cela n'empêche pas
l'expérience d'avoir été excellente. Mais je voudrais
m'excuser auprès de Mme Fortin du peu de questions qui lui ont
été adressées. Ce n'est pas du tout en raison de son sexe,
mais peut-être parce qu'elle ne nous a pas assez provoqués au
début en voulant être un peu trop modeste. Mais je suis sûr
qu'après la discussion de demain matin, si l'occasion nous est
donnée de retrouver des responsables du ministère, il y aura
beaucoup de questions qui s'adresseront à vous également.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Laurin: Je veux remercier, de mon côté, les
parlementaires qui se sont exprimés et aussi les fonctionnaires de mon
ministère qui ont si bien répondu aux questions avec autant de
clarté, avec autant de franchise, même de candeur et en tentant -
et en y réussissant - d'être très complets dans leurs
réponses. Je pense que c'est là une condition en même temps
qu'une garantie du succès des échanges ultérieurs que nous
aurons et de l'atteinte des objectifs que nous nous sommes fixés.
Le Président (M- Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Ce n'était pas pour ajouter à ces
paroles élogieuses du député d'Argenteuil et du ministre
de l'Éducation, mais simplement pour indiquer qu'il va de soi que, dans
toute la mesure du possible, si les parlementaires le demandent à un
moment ou l'autre des discussions, des délibérations de la
commission, demain ou vendredi et éven-
tuellement lundi si on avait besoin d'aller jusqu'à lundi, bien
sûr les sous-ministres du ministère de l'Éducation
demeureront à la disposition des membres de la commission
parlementaire.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Donc, bonne nuit
et ajournement à ce matin, jeudi, 10 heures.
(Fin de la séance à 0 h 21)