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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Thursday, March 3, 1983 - Vol. 26 N° 249

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur les causes du conflit scolaire dans le secteur de l'éducation


Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La commission permanente de l'éducation se réunit à nouveau pour entendre les organismes directement impliqués dans l'administration scolaire qui veulent faire des représentations sur la qualité de l'enseignement, la tâche et la sécurité d'emploi des enseignants et enseignantes en regard de la situation actuelle au Québec.

Les membres de cette commission sont: MM. Brouillet (Chauveau), Champagne (Mille-Îles), Cusano (Viau), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Gauthier (Roberval), Hains (Saint-Henri), Laurin (Bourget), Leduc (Fabre), LeMay (Gaspé), Payne (Vachon), Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Bérubé (Matane), Dauphin (Marquette), Doyon (Louis-Hébert), Parizeau (L'Assomption), Mme Harel (Maisonneuve), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Brassard (Lac-Saint-Jean), Rivest (Jean-Talon).

Le rapporteur est toujours M. Michel Leduc (Fabre). Est-ce qu'il y a des changements à la liste que je possède?

M. Ryan: M. le Président, M. Daniel Johnson, député de Vaudreuil-Soulanges, remplacera M. Claude Dauphin, s'il vous plaît.

Le Président (M. Jolivet): Claude Dauphin. Pour la matinée seulement ou pour l'ensemble de la journée?

M. Ryan: Inscrivez-le pour la journée.

Le Président (M. Jolivet): Pour la journée. Donc, M. Dauphin est remplacé par M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges).

Questions en suspens

Au moment où nous nous sommes quittés hier soir, il y avait deux sujets encore sur la table, avant de passer aux intervenants qui doivent être ce matin, normalement jusqu'à 13 heures, la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec et, pour le reste de la journée, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, la Centrale de l'enseignement du Québec. Quant aux documents que vous aviez demandés, ils vous ont été communiqués ce matin, c'est-à-dire le communiqué de presse concernant la Fédération des commissions scolaires, ainsi qu'un tableau du ministère de l'Éducation concernant les compressions administratives.

M. le leader du gouvernement, est-ce que vous avez quelque chose à dire sur le sujet qui restait sur la table ou sur la question qui était posée par le député d'Argenteuil concernant le Conseil supérieur de l'éducation? Lequel des deux?

M. Bertrand: Non. Je voudrais seulement savoir si la nuit a porté conseil au député d'Argenteuil relativement au sujet qui était demeuré en suspens hier.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Est-ce que vous pourriez donner lecture du télégramme que nous avions reçu de M. Benjamin? Cela nous rafraîchirait la mémoire à tous.

Le Président (M. Jolivet): Certainement. "Le Conseil supérieur de l'éducation regrette de ne pouvoir participer à la commission parlementaire sur l'éducation. La raison en est que les travaux de son comité chargé d'analyser l'impact des décrets ne sont pas encore achevés et que, par conséquent, le conseil n'est pas en mesure de faire connaître son avis sur les questions étudiées par la commission parlementaire".

Le conseil ajoute qu'on lui avait adressé par téléphone une invitation à se présenter devant la commission parlementaire et ce, pour jeudi, 14 heures. Le conseil ignorait que cette invitation était contraignante. Le président du conseil, M. Claude Benjamin, au moment où le télégramme a été envoyé, était retenu à Montréal pour des funérailles. Mais, comme je le disais hier soir, il était présent ici. Il se tient à la disposition de la commission parlementaire si cette dernière estime qu'il doit, en vertu des règlements de l'Assemblée nationale, se présenter devant elle. C'était signé par le directeur général, Fernand Toussaint. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, j'apprécie le message que nous a fait adresser hier le président du Conseil supérieur de l'éducation.

Je comprends les circonstances dans lesquelles il a été appelé à donner la réponse que nous savons. Je voudrais dire que j'ai spécialement apprécié la deuxième partie de sa réponse dans laquelle il dit que, malgré les circonstances peu propices à une comparution immédiate de sa part, il se tient à la disposition de la commission parlementaire si cette dernière estime qu'il devrait se présenter devant elle en vertu des règlements de l'Assemblée nationale.

Je n'irai pas aussi loin que cela, mais j'aurais deux ou trois remarques à formuler à ce sujet. Tout d'abord, je voudrais rappeler que M. Benjamin, le 16 février dernier, avait adressé au premier ministre et au président de la Centrale de l'enseignement du Québec une lettre dans laquelle on pouvait lire qu'il en était venu à certaines conclusions au sujet de l'impact tant d'une grève générale que d'une loi comme celle qui a été adoptée depuis par l'Assemblée nationale. Il aurait été très intéressant pour nous de savoir si M. Benjamin a toujours la même opinion au sujet des conséquences qu'il nous faisait entrevoir, dans l'une ou l'autre hypothèse.

Deuxièmement, il me semble un peu curieux que la commission du Conseil supérieur de l'éducation n'entrevoie point de compléter son travail au sujet des effets des décrets avant la fin du mois de mars. Nous sommes dans un contexte assez particulier. Nous vivons présentement une période de trêve. Nous ne savons pas ce qui se produira le 14 mars, nous espérons tous qu'un règlement négocié aura été trouvé d'ici là. Mais, à supposer qu'un règlement négocié n'aurait point été trouvé et que la grève dût reprendre, ce que personne d'entre nous ne souhaite évidemment, à ce moment, il serait peut-être un petit peu curieux que le Conseil supérieur de l'éducation nous arrive avec une opinion à la fin du mois de mars.

Je ne sais pas si la commission pourrait, au moins, demander à M. Benjamin de faire tout ce qui est possible pour accélérer les travaux de cette commission spéciale et voir à ce qu'il soit à la disposition des parties et du public dans les plus brefs délais. Je ne comprends vraiment pas pourquoi on devrait attendre jusqu'à la fin du mois de mars. Je voudrais émettre une opinion très ferme en ce sens. Je ne sais pas ce qu'en pense le leader du gouvernement, mais il me semble que nous nous satisferions peut-être à trop bon compte si nous disions seulement: C'est un gentilhomme, nous l'apprécions pour passer ensuite à l'article suivant.

Le Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, il y a un article dans notre règlement qui prévoit qu'on peut effectivement contraindre une personne à se présenter devant la commission parlementaire. La règle veut qu'une personne soit invitée et qu'elle puisse, à sa discrétion, évaluer si elle doit ou non se présenter. C'est un choix, je pense, qui revient à un organisme ou à une personne qui est invitée. Partant de là, une commission parlementaire peut effectivement décider qu'elle souhaiterait ou qu'elle voudrait émettre le voeu que cette personne, représentant un organisme d'importance, comparaisse pour se faire entendre. Dans ce contexte, comme leader parlementaire du gouvernement, je ne peux que concourir à ce que dit le député d'Argenteuil. Ceci étant dit, il est toujours malaisé et assez délicat d'utiliser de façon abusive l'article qui nous permet de contraindre quelqu'un à comparaître.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je pense qu'il n'était pas question dans ce que j'ai dit de contraindre le président du Conseil supérieur de l'éducation à venir témoigner, surtout étant donné les circonstances qu'il a invoquées dans son message d'hier. Le leader n'a pas répondu à ce que j'avais dit. Pour prendre la question autrement, si le Conseil supérieur de l'éducation pouvait accélérer le travail qu'il a entrepris sur les répercussions du régime de décrets qui a été imposé avec la loi 105 et confirmé par la loi 111, à ce moment-là, ne faudrait-il pas laisser ouverte la possibilité qu'il vienne rencontrer la commission parlementaire peut-être la semaine prochaine, si son travail n'est pas complété?

Le Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Dans la mesure où le président du Conseil supérieur de l'éducation aurait le sentiment que de telles études sont complétées et qu'il est donc en mesure de fournir des informations intéressantes pour éclairer les membres de la commission parlementaire, comme il est fort probable que nous ayons à siéger lundi prochain, si jamais ce délai lui suffisait, je ne pense pas que nous aurions des objections, au contraire, puisqu'il était déjà invité à venir en commission parlementaire. Alors, dans ce contexte, notre réponse serait positive.

Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je voudrais vous demander si vous pouvez vous enquérir du moment où nous allons entrer en possession des documents dont il a été question hier soir et qui doivent être déposés en commission aujourd'hui. Je les ai décrits.

En fait, il s'agit du document sur les effectifs scolaires dans le secteur privé de l'enseignement et également des documents qui, selon le sous-ministre Girard, doivent nous venir du Conseil du trésor, je pense, et qui porteront sur la contribution des enseignants à la réduction des dépenses publiques, au chapitre des régimes de retraite, de la récupération des trois premiers mois de l'année et de la transformation des formules d'indexation.

Le Président (M. Jolivet): La responsable du secrétariat des commissions, Mme Tanguay, va avoir l'ordre de vérifier ces choses et, dans les plus brefs délais, on vous les fera parvenir, dans la mesure où le secrétariat les aura.

Mme Harel: Je termine en notant également un troisième document, à savoir les coûts du double système d'enseignement -catholique et protestant - et les coûts d'enseignement de la langue seconde en regard des dépenses par étudiant consacrées, au Québec, à l'éducation.

Le Président (M. Jolivet): Ce sera vérifié. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Avant que vous appeliez les groupes, M. le Président, je veux réitérer ce que j'ai dit hier soir. Nous projetons de prendre l'avant-midi et, s'il le fallait, même de dépasser 13 heures et de nous rendre à 13 h 15 ou 13 h 30, pour faire le tour des dossiers relatifs au secteur collégial. Nous comptons commencer à 15 heures avec les représentants du secteur primaire et secondaire. Donc, c'est simplement pour que nous puissions tenter d'en arriver à nous discipliner au maximum et faire en sorte que nous réussissions aujourd'hui à faire tout le travail que nous avons à faire.

Auditions

Le Président (M. Jolivet): J'invite donc la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec, représentée par M. Claude Gauthier, d'abord, à nous présenter les gens qui l'accompagnent et, dans la banque de temps qui lui est accordée, à présenter son mémoire. Ensuite, nous passerons aux questions que les gens de la table ici voudront poser. Donc, je sais qu'il y a M. Donatien Corriveau. Je ne sais pas lequel des deux prendra le premier la parole. M. Corriveau.

Fédération nationale des

enseignants et enseignantes

du Québec (CSN)

M. Corriveau (Donatien): M. le Président, permettez-moi, avant de lire notre texte, de présenter les camarades qui m'accompagnent. En commençant par la droite, le président de la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec, Claude Gauthier, Flavie Achard et Pierre Léonard. À ma gauche, Nadine Pirotte et Pierre Gingras.

Je vais vous lire l'introduction et Claude Gauthier continuera ensuite avec un exposé plus détaillé. Les camarades qui l'accompagnent pourront répondre avec lui aux questions que les gens voudront bien leur poser.

M. le Président, mesdames les députées, messieurs les députés, nous nous retrouvons ici aujourd'hui à peu près au terme d'une opération commencée il y a plus d'un an et demi. Une opération savamment orchestrée par un gouvernement qui avait remplacé par la propagande et la manipulation des masses les mécanismes normaux d'ajustements sociaux.

C'était justement hier, le 2 mars, l'anniversaire de la divulgation par un journal d'un plan québécois pour contrer la crédibilité syndicale. Les mois précédents avaient vu les principaux porte-parole de ce gouvernement s'adonner à une entreprise, révoltante sous plusieurs aspects, qui a consisté à tenter de dresser les uns contre les autres ceux et celles qui avaient à payer un prix terrible pour la crise économique en étant réduits au chômage ou encore à l'assistance sociale, et ceux et celles qui, dans les secteurs public et parapublic, travaillent au service de la population. Que ce soit dans la fonction publique, que ce soit dans le réseau de la santé, que ce soit dans le réseau de l'éducation, ce gouvernement aura réussi là où d'autres forces avant lui avaient échoué.

Ce gouvernement aura brisé, on ne sait encore pour combien de temps, le ressort qui fait que des hommes et des femmes par milliers mettent leur coeur à l'ouvrage. Il aura éteint chez des milliers l'étincelle qui donne le courage d'attaquer un dossier qui ne plaît pas, d'aider l'étudiant qui a, plus que d'autres, besoin de conseils, de soutenir le malade à la fin d'une journée harassante.

Dans cette attaque directe, ce sont encore les femmes qui sont les premières victimes. D'autres l'ont dit avant nous, c'est une responsabilité que ce gouvernement devra porter dans l'histoire, celle d'avoir au premier chef puissamment contribué à détruire les fibres d'un peuple en sabrant, comme cela a été fait depuis plus d'un an, au coeur même des mécanismes que, de peine et de misère, nous avions collectivement mis au point.

Aujourd'hui, au moment où se tient cette commission parlementaire, il est très tard: peut-être même est-il trop tard pour que ce gouvernement se rende compte qu'en dépit de ses ressentiments, qu'au-delà de ses

désirs les plus obscurs il ne pourra réussir à imposer ses désirs, ses volontés, ses lois, malgré tous les moyens qu'il a à sa disposition alors qu'il est aux commandes de l'appareil de l'État.

Cela aussi, d'autres l'ont dit avant nous. C'est par dizaine; par centaines qu'en privé ou encore publiquement les démocrates ont condamné cette pente fatale sur laquelle nous ont entraînés tous les gestes du gouvernement. Il avait pourtant été prévenu du fait qu'en plaçant sa stratégie sur des rails comme ceux de la loi 70, adoptée en juin dernier, il déclencherait une série de mécanismes dont nous constatons aujourd'hui les conséquences funestes pour les travailleuses et les travailleurs, pour la population, pour la qualité des services qui lui sont fournis, pour notre collectivité enfin. (10 h 30)

Le 11 juin dernier, la CEQ, la FTQ et la CSN affirmaient ce qui suit, ici même, dans cette salle, en commission parlementaire: "Les acquis démocratiques ne tiennent pas uniquement au parlementarisme, n'en déplaise aux parlementaires. Les acquis démocratiques tiennent aussi dans les règles non écrites qui permettent à la justice et à l'équité de prendre forme. Parmi les libertés fondamentales qui servent une plus grande justice sociale apparaissent au tout premier rang les libertés d'association, de réunion, de négociation et de grève. Le gouvernement du Québec devrait en tenir compte. Il est significatif que tous les États qui ont opprimé ont d'abord contraint, limité, puis nié les libertés syndicales. Ceux et celles qui ont à coeur la démocratie devraient comprendre qu'on ne mine pas sans risque la crédibilité des seules institutions qui appartiennent en propre aux travailleuses et aux travailleurs. Mais le gouvernement est demeuré sourd à tous les appels à la négociation comme s'il était arrivé à se convaincre que la reddition, dorénavant, devait faire partie des pratiques syndicales."

Encore là, comme l'aurait dit un éditorialiste bien connu, c'est un autre coup de poker qui a mal tourné. Car si la négociation, les ajustements nécessaires, les compromis honorables, les contrepropositions positives et formulées de bonne foi font partie intégrante de la tradition syndicale, la reddition, elle, n'en a jamais fait partie. Nous devons à celles et à ceux qui nous ont précédés que cela ne commence pas maintenant.

L'adoption de la loi 70 conduisait le gouvernement à s'enferrer encore davantage dans sa stratégie. Encore là, nous n'avons pas été les seuls à le dire. Le 20 novembre, dans la Presse, M. Michel Roy écrivait: "C'est la loi 70 qui constitue encore l'obstacle majeur". Le 22 novembre, dans le Devoir, Mme Lise Bissonnette déclarait: "que le gouvernement devrait renoncer à la loi 70, la retirer tout simplement". Dans le Soleil du 24 novembre, Mme Anne-Marie Voisard écrivait "II faut que le front commun obtienne du gouvernement qu'il retire sa loi 70, une loi injuste qui ne s'attaque qu'à une seule catégorie de travailleurs, ceux du secteur public". Le 26 novembre, dans la page éditoriale de la Presse, Pierre Vadeboncoeur affirmait: "Le gouvernement pourrait, devrait laisser tomber cette invention abstraite qu'est la loi no 70. Cette loi ne saurait être acceptée. Elle porte en elle le principe d'une logique fatale. C'est de cette logique qu'il faut sortir".

La logique fatale dont parlait de manière quasi prophétique Pierre

Vadeboncoeur il y a plus de trois mois, nous l'avons vue à l'oeuvre par la suite. Le gouvernement avait inscrit sa stratégie dans un engrenage infernal. Encore aujourd'hui, il refuse d'en sortir. Il est très tard. Cet engrenage l'a conduit à l'adoption, à des fins strictement partisanes d'État-employeur, de 50 000 à 80 000 pages de décrets qui vont déterminer les conditions de travail et de vie d'au-delà de 300 000 personnes durant les trois prochaines années.

Nous sommes alors collectivement entrés dans une ère que le professeur Léon Dion a appelée "le gouvernement par décrets". Encore là, c'est par dizaines, par centaines que les démocrates québécois se sont inquiétés. Mais l'adoption de ces tonnes de décrets était inscrite avec une inquiétante clarté dans le cours des choses, comme l'était elle aussi l'adoption de la loi 111. Car la logique froide, bureaucratique qui a conduit à l'adoption de cette loi, la plus répressive de notre histoire ouvrière, était tout entière contenue dans la démarche qui avait conduit le gouvernement, deux mois auparavant, à faire adopter la loi 105 et les milliers de pages de décrets.

De la même manière, ces décrets étaient, eux aussi, en germe dans la loi 70 du mois de juin 1982. Ils en étaient la conséquence logique, la conséquence bureaucratique. Comme la loi 70 était elle aussi l'expression législative d'un gouvernement qui, de toute façon, avait décidé de privilégier l'affrontement plutôt que la négociation, l'écrasement plutôt que les ajustements et qui, pour arriver à ses fins, n'a pas hésité une seconde à dresser les uns contre les autres ceux et celles qui travaillent et qui sont victimes de décisions économiques où ils n'ont aucun mot à dire.

C'est un mensonge de dire qu'en fermant une école, en fermant un hôpital, cela peut ouvrir une usine. Mais cela devient un crime contre l'esprit de répéter sur tous les tons et à tout propos qu'en fermant une école, un hôpital cela peut ouvrir une usine, quand on sait, comme le sait le gouvernement, comme le savent les ministres, que ce n'est pas comme cela que

les choses se passent.

Il est tard aujourd'hui, mais il n'est jamais trop tard pour recréer l'espoir, ce à quoi le mouvement syndical s'est constamment attaché. Malgré les torts irréparables que ce gouvernement a pu faire à notre tissu social fragile et qui ne se résorberont sans doute qu'après plusieurs années, une porte est encore ouverte. C'est celle qui permet au gouvernement de répudier cette loi honteuse et d'accepter de négocier, dès aujourd'hui. Nous y sommes prêts. Nous sommes prêts à accepter toute suggestion venant de cette commission parlementaire qui pourrait redonner un sens à la libre négociation. Mon camarade, M. Claude Gauthier, poursuivra l'exposé.

Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.

M. Gauthier (Claude): M. le Président, Mmes les députées, MM. les députés, il existe 44 cégeps au Québec offrant de l'enseignement à près de 130 000 étudiants et étudiantes réguliers. Environ 10 000 enseignants et enseignantes y oeuvrent. Les enseignants et les enseignantes des cégeps sont un des groupes de travailleurs du secteur public touchés par les décrets de la loi 105. Deux des 109 décrets leur sont destinés: l'un vise les neuf syndicats d'enseignants et d'enseignantes affiliés à la CEQ, l'autre, les 41 syndicats affiliés à la Fédération nationale des enseignants et enseignantes, affiliée à la CSN.

Pour situer le lecteur moins familier avec l'enseignement collégial, rappelons quelques faits. La plupart des cégeps ont été fondés de 1967 à 1972 à la suite des recommandations du rapport Parent pour mettre fin à l'éparpillement alors caractéristique de l'enseignement postsecondaire. La création de cette structure visait à "assurer au plus grand nombre possible d'étudiants qui en ont les aptitudes la possibilité de poursuivre des études plus longues et de meilleure qualité." La création des cégeps visait une démocratisation de l'enseignement aussi bien du point de vue de l'accessibilité aux études que du point de vue d'une qualité de formation égale pour tous.

Quinze ans plus tard, l'évaluation de l'expérience originale que constitue le niveau collégial québécois reste positive. Qu'il suffise de citer les préliminaires des derniers rapports gouvernementaux le concernant: "Dans l'examen critique des politiques nationales d'éducation entrepris par l'Organisation de coopération et de développement économique, on reconnaît au Québec le mérite d'avoir accompli la réalisation la plus importante dans l'enseignement postsecondaire par la création des cégeps." M. Jacques-Yvan Morin, alors ministre de l'Éducation, Dans les collèges du

Québec, nouvelle étape, disait ce qui suit: "Les experts de l'OCDE estiment que les cégeps constituent en conséquence un modèle éducatif et sociopolitique de la plus grande importance et ce, à l'échelle internationale." Plus récemment, le ministère de l'Éducation allait dans le même sens en disant: "Les taux de satisfaction des usagers y sont remarquables et, dans bien des secteurs économiques et industriels, on se réjouit de la solide formation de la plupart des diplômés des collèges."

Il n'est donc pas étonnant que le réseau collégial soit, depuis sa fondation, en perpétuelle expansion. Ce qui, en revanche, surprend beaucoup, c'est que la partie patronale, non contente de ne pas accéder à des demandes fort raisonnables, nous impose un décret qui, à toutes fins utiles, sape les bases mêmes de notre pédagogie. Nous le démontrerons d'abord en exposant brièvement l'essentiel de nos revendications. Viendra, en deuxième lieu, une étude de l'influence des décrets, d'abord, sur la pédagogie, ensuite sur l'organisation des collèges. Enfin, nous établirons que les décrets mettent en question les acquis des femmes enseignant dans les cégeps. Que restera-t-il des cégeps si la loi 105 s'applique? Nous croyons que la réponse deviendra évidente.

En ce qui concerne l'ensemble de la convention, notamment la tâche, la sécurité d'emploi, les mécanismes de participation, nos demandes étaient fort minces. Nous avions choisi de faire porter nos efforts sur un type d'enseignement qui, tout en correspondant à des besoins croissants, était demeuré le parent pauvre du système d'éducation: l'enseignement aux adultes. Nous croyions, et nous croyons toujours, que c'est en intégrant cet enseignement à l'enseignement régulier que nous assurerons aux adultes un enseignement de qualité qui réponde à leurs beoins.

Actuellement, il existe, en ce qui concerne ce secteur de l'enseignement, un fouillis administratif qui ne permet ni la planification, ni l'adaptation de l'enseignement aux besoins de la clientèle adulte. Conscient du problème, le gouvernement du Québec créait, en 1980, la commission Jean dont le rapport a été remis le 25 février 1982; il venait d'une volonté du gouvernement d'élaborer une politique d'ensemble en éducation des adultes. Or, les conclusions du rapport sont demeurées lettre morte, parce qu'elles dénonçaient l'improvisation et l'incohérence du système. Pour ce qui est du Conseil des collèges, il affirme, dans un avis donné en juin 1982: "Le volume de l'activité à l'éducation des adultes est déjà prédéterminé; les priorités et, par le fait même, le poids associé à celles-ci servent plutôt à répartir une enveloppe fixe et non à la déterminer".

D'autre part, il paraît impossible aux

collèges, toujours selon le même texte, de prévoir quoi que ce soit en cette matière. En effet, on trouve plus loin l'affirmation suivante: "Quand on sait que le budget est révisé à une date très tardive, toute planification des activités que désire offrir un collège devient très aléatoire."

En ce qui concerne les services offerts, ils se révèlent inadéquats. "On demande aux collèges d'offrir à l'éducation des adultes les mêmes services qu'à l'enseignement régulier, alors qu'on ne leur donne même pas les ressources nécessaires pour compenser les coûts d'une telle mesure."

Or, si les services sont inadéquats, les besoins ont connu une croissance très rapide au cours des dernières années. De 1976 à 1978, le nombre d'adultes à temps complet est passé de 11 025 à 23 376 et, en 1980, il dépassait certainement 35 000. Cela tient principalement à trois facteurs: 1. Cela vient d'abord des besoins croissants en perfectionnement et recyclage pour trouver ou conserver un emploi face aux modifications dans la structure de la main-d'oeuvre et aux changements technologiques. 2. Cela provient ensuite de la volonté d'un nombre croissant de femmes de revenir sur le marché du travail. 3. À cela s'ajoute enfin la conjoncture économique elle-même, en particulier le niveau très élevé du chômage, qui ramène au cégep de jeunes adultes qui n'ont pu trouver un emploi.

Ces facteurs, loin de perdre leur importance, devraient s'accentuer au cours des années quatre-vingt et accroître les besoins des adultes en éducation. Le vieillissement de la population accroîtrr. considérablement la charge sociale de la population active au cours des deux prochaines décennies. Il est fort possible que le Québec connaisse une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée d'ici la fin des années quatre-vingt. Et, pour y remédier, les gouvernements ont envisagé le perfectionnement de la main-d'oeuvre existante pour assurer l'innovation technologique (automatisation, télématique, etc.).

Or, dans ce cas, l'éducation des adultes, en particulier de niveaux secondaire et collégial, devra jouer un rôle prépondérant. Le phénomène du vieillissement de la population ajoute encore à l'importance de ce rôle. Toutes les études le confirment et la commission Jean elle-même a constaté que "les faits étoffent l'hypothèse d'une demande accrue en éducation des adultes."

Les adultes protestent de plus en plus, à juste titre, contre la mauvaise qualité de l'enseignement qui leur est offert. Ils se plaignent d'obtenir moins de services que les étudiants et étudiantes du secteur régulier: cafétéria, laboratoires, bibliothèques, services audiovisuels sont souvent fermés en soirée. Les services d'information et d'orientation sont généralement insuffisants ou parfois même inexistants. Il arrive même qu'ils doivent payer pour des services qu'ils ne reçoivent pas. Les enseignants sont généralement engagés à la dernière minute, de telle sorte qu'ils n'ont souvent guère eu le temps de préparer leurs cours. La sélection des chargés de cours est souvent déficiente. N'étant pas soumise aux mêmes règles que l'enseignement régulier, elle fait souvent place à des abus patronaux. (10 h 45)

Par ailleurs, les enseignants et enseignantes qui dispensent des cours aux adultes et qui ne sont rémunérés que pour la prestation de cours n'assurent une disponibilité aux étudiants et étudiantes qu'à leurs propres frais. Le choix des cours offerts aux adultes est limité. Les cours auxquels elles ou ils s'étaient inscrits sont souvent annulés à la dernière minute. Les cours manquent de coordination: les séquences habituelles d'un programme souvent ne sont pas respectées.

Pouvons-nous rester indifférents devant la situation vécue par les étudiantes et des étudiants de l'éducation des adultes? C'est pour rendre compte de cette préoccupation que nous revendiquions que les services de l'enseignement régulier servent aussi aux adultes. Nous voulions que les enseignants et les enseignantes qui s'occupent des adultes aient les mêmes conditions de travail que les autres. Nous demandions que la planification pédagogique soit faite par le département. Nous voulions, en somme, que les travailleurs et les travailleuses aient accès à part entière à un système que leurs impôts contribuent à financer. Nous voulions que les édifices, le matériel didactique, le service audiovisuel servent le plus longtemps et à plus de gens possible. Nous voulions, enfin, favoriser la création d'emplois d'enseignants et d'enseignantes plutôt que la prestation de cours en temps supplémentaire.

Malheureusement, le gouvernement a refusé de voir que l'intégration de l'éducation aux adultes était une voie intéressante pour toutes les parties. Aux adultes, elle aurait offert les meilleures garanties de qualité; aux enseignants et aux enseignantes concernés, des conditions de travail honnêtes; au gouvernement, la création de nouveaux emplois et la prévention d'un grand nombre de mises en disponibilité.

Nous préconisions aussi l'instauration d'une véritable politique de recyclage pour les enseignantes et les enseignants mis en disponibilité. Nous voulions que, chaque année, 20% d'entre eux y aient accès de manière à pouvoir enseigner, au retour, dans des disciplines en expansion. Les coûts auraient été minimes, puisque les

enseignantes et les enseignants en question reçoivent déjà leur salaire. D'autre part, nous demandions qu'une priorité soit accordée aux enseignantes qui sont proportionnellement plus touchées par la mise en disponibilité que leurs collègues masculins. Je veux souligner qu'on retrouve cette disposition dans les décrets.

Enfin, si notre mécanisme de sécurité d'emploi est relativement efficace pour les permanents, il ne vise cependant à peu près pas les enseignantes et les enseignants qui ne possèdent pas ce statut. Or, ils sont nombreux dans les cégeps. Il s'agit soit de personnes engagées récemment pour occuper des charges à temps complet, soit d'enseignantes et d'enseignants à temps partiel et chargés de cours. Les disparités entre leurs droits et ceux des autres sont le fruit du hasard et ne mettent pas en cause leurs qualifications. C'est pourquoi il nous a semblé primordial de revendiquer pour eux quelques mesures destinées à améliorer leur sort. Nous réclamions, par exemple, le maintien de leur ancienneté, des priorités pour les nouveaux postes et un droit de grief lors du non-renouvellement de leur contrat. C'était un minimum que nous n'avons pas eu le loisir de défendre.

Les demandes salariales des enseignantes et des enseignants de cégeps, dans cette ronde de négociations, ont été très modestes: l'indexation en montant fixe basée sur l'indexation du salaire moyen pour la première année, ce qui accordait moins en augmentation que la convention en cours, puis l'indexation en pourcentage pour les deuxième et troisième années. Le gouvernement imposait la loi 70 au mois de juin. Depuis, le gouvernement n'a pas changé de position pour les enseignantes et les enseignants des collèges sur les salaires, même si nous avions déposé une contre-proposition syndicale de gels de salaires pour un an ou plus. Le gouvernement n'a pas daigné répondre et a manifestement refusé de négocier les salaires, un des aspects les plus importants de toute convention.

En 1983 seulement, une enseignante ou un enseignant gagnera de 6,3% à 9,4% de moins que son salaire de septembre 1982. Un quart des enseignantes et des enseignants recevra en février 1985 un salaire inférieur à celui qu'il recevait en septembre 1982. Avec le taux d'inflation prévu pour les prochaines années par le "Conference Board", le pouvoir d'achat des enseignantes et des enseignants sera réduit, à la fin de 1985, de 10% à 20%, selon la scolarité et l'expérience, sans compter le gel d'échelon décrété pour l'année en cours. Rappelons que ce gel d'échelon signifie que l'expérience acquise en 1983 ne pourra jamais être comptabilisée aux fins de la détermination des salaires.

Lors de l'adoption de loi 105, le ministre Bérubé déclarait que, là où il n'y avait pas d'accord aux tables, le gouvernement était parti du statu quo en n'y apportant "que les modifications essentielles que le gouvernement avait décrites dans son cadre général de règlement." Si c'est effectivement le cas, on peut dire que les modifications essentielles étaient fort nombreuses en ce qui concerne le personnel enseignant des cégeps. C'est surtout l'ampleur des modifications normatives qui a déterminé les votes de grève massifs de décembre dernier et le maintien de ces mandats pendant plus de trois semaines et ce, malgré l'adoption d'une loi aussi répressive que la loi 111. Le constat fut vite fait: il s'agissait là de l'élimination brutale de ce qui a été mis en place au cours des quinze dernières années.

Notre intention dans la partie qui suit est de démontrer en quoi ces décrets nient le court passé des cégeps et menacent leur avenir. Pour l'ensemble du réseau collégial, ils signifient deux choses: 1) La détérioration des conditions de travail des enseignantes et des enseignants entraînera nécessairement une détérioration de la qualité des enseignements dispensés dans les cégeps. 2) Les modifications apportées aux conventions collectives confirment, en les facilitant, les intentions du MEQ en ce qui concerne l'organisation de l'enseignement collégial, intentions qui remettent en cause les principes mêmes de la création des cégeps.

Un des objectifs budgétaires du gouvernement dans la présente négociation est de récupérer 110 000 000 $ dans les cégeps pour les trois prochaines années. C'est en fonction de cet énoncé de principe qu'ont été modifiés en profondeur deux des chapitres essentiels de notre convention collective: la sécurité d'emploi et la tâche.

Nous avons précédemment dit qu'il y a, pour l'année 1982-1983, environ 10 600 enseignantes et enseignants dans les cégeps et que le gouvernement a décrété une "augmentation de productivité de 15%." Concrètement, cela signifie qu'il y aura une diminution du nombre d'enseignants et enseignantes pour un même nombre d'étudiants et étudiantes. Si on veut évaluer le nombre d'emplois perdus, on peut, grossièrement, appliquer ce pourcentage de 15% sur le nombre total d'enseignants et d'enseignantes dans le réseau. On obtient alors un nombre de 1600 de ce qu'il faut appeler "équivalents temps complet".

Le nombre de postes et de personnes touchés sera, cependant, différent et beaucoup plus considérable. Ainsi, dans une matière telle que la philosophie, où il y a 12 enseignantes et enseignants, soit 10 temps complet permanents, un temps complet non permanent et un temps partiel pour un tiers de charge, une diminution de 15% équivaut à 1,8 et entraîne la mise à pied du temps partiel et du temps complet non permanent,

de même que la mise en disponibilité du temps complet permanent. Il y a donc trois personnes touchées dont deux n'ont pas la sécurité d'emploi. C'est important, je pense, de faire la distinction. Hier, on a mentionné que 700 personnes seraient touchées. Alors, quand on regarde ces 700 personnes, c'est plus en termes "d'équivalents temps complet", mais, dans la réalité, c'est beaucoup plus de 700.

Il s'enseigne de 20 à 30 matières différentes dans chacun des 54 campus et collèges et une enseignante ou un enseignant n'en enseigne généralement qu'une. Comme il est vraisemblable que le modèle invoqué plus haut se produira dans plus de la moitié des matières enseignées, il est possible d'affirmer que le nombre d'enseignantes et d'enseignants touchés se situera facilement au-dessus de 2000 personnes. C'est même une estimation prudente. Il peut suffire d'une diminution d'un quart "équivalent temps complet" dans une matière pour entraîner une mise à pied ou une mise en disponibilité.

Quel sera le sort de ces enseignantes et enseignants? La majorité de ceux qui sont à temps partiel ou non permanents perdent carrément leur emploi. Ceux qui seront réengagés le seront à des conditions considérablement modifiées. Ainsi, les enseignantes et enseignants à temps partiel devront travailler proportionnellement plus que leurs collègues à temps complet pour une même portion de salaire et leur ancienneté accumulée ne comptera plus pour l'acquisition de la permanence. Soulignons que, dans les réaménagements des décrets déposés le 10 février, on corrigeait cette situation, mais, à la suite de ce qui avait été dit publiquement par M. le ministre Laurin, compte tenu que ces aménagements au cadre de règlement ont été rejetés, ce n'était plus sur la table. On a donc construit notre mémoire en fonction de cela.

À cela s'ajoutent d'autres dispositions qui feront en sorte qu'on pourra facilement enseigner plusieurs années dans les cégeps sans jamais bénéficier de la moindre protection d'emploi ni, non plus, de droit de grief contre son non-réengagement.

Mais qu'en est-il de cette sécurité d'emploi et de la situation des enseignantes et des enseignants qui seront mis en disponibilité? La principale modification à leur situation est connue: Leur protection salariale est réduite: 80% la première année et 50% la deuxième année. On est loin de la sécurité d'emploi à toute épreuve qui est censée compenser pour la réduction de notre pouvoir d'achat. Bien sûr, nous avons souvent dit que les enseignantes et les enseignants mis en disponibilité avaient effectivement des charges d'enseignement. On peut donc penser que leur situation ne sera pas si mal après tout. Rappelons d'abord que, compte tenu de la réduction qui crée ces mises en disponibilité, il y aura évidemment moins de charges disponibles. De plus, quand on y regarde de plus près, on constate que les décrets créent une catégorie d'enseignantes et d'enseignants bien particulière: des enseignantes et des enseignants qui, pour obtenir un plein salaire, devront travailler plus que leurs collègues; des enseignants et des enseignantes qui, d'une session à l'autre, d'une année à l'autre, ne sauront pas dans quel collège, voire dans quelle école secondaire, ils devront enseigner et ce, tant et aussi longtemps qu'ils ne seront pas replacés dans un poste.

Pour la totalité du personnel enseignant ainsi touché (de 10% à 20%), il s'agit d'une situation d'insécurité permanente. Si on considère que cette insécurité s'étendra aussi à ceux qui seront les prochains sur la liste d'ancienneté, on peut dire que c'est à peu près le quart du personnel enseignant qui travaillera désormais dans l'insécurité.

De toute évidence, la diminution du nombre d'enseignantes et d'enseignants pour un même nombre d'étudiants et d'étudiantes a pour effet d'augmenter la tâche de ceux qui restent. Dans son allocution, lors de la présentation des offres gouvernementales le 24 septembre dernier, le ministre Camille Laurin a lancé un appel à la conscience professionnelle des enseignantes et des enseignants. On peut avoir la meilleure conscience professionnelle qui soit, cela n'empêche toutefois pas de considérer les conditions objectives dans lesquelles on travaille. Lorsque, pendant plusieurs années, on a développé une pédagogie adaptée à un certain nombre de cours à donner, de cours différents à préparer et d'étudiantes et d'étudiants différents à encadrer, on a généralement, si justement on a une conscience professionnelle, développé une pédagogie qui utilise pleinement le temps disponible.

En matière d'enseignement, le temps consacré à la préparation des cours, à leur mise à jour dans les matières où les connaissances et les techniques évoluent rapidement, à l'encadrement étudiant, à la correction des travaux, varie en fonction du soin qu'on veut ou qu'on peut y mettre. Il peut varier aussi selon les méthodes qu'on utilise et, au niveau du cégep, il était précisément recommandé qu'elles soient variées.

Rappelons que, dans le rapport Parent, on préconisait qu'on utilise autre chose que les cours magistraux. On préconisait "les séminaires, les discussions de groupe, les travaux personnels, les projets collectifs pour donner à tout l'enseignement un caractère actif, dynamique dans lequel l'étudiant devra s'engager et s'exprimer." De telles méthodes requièrent du temps de préparation et d'encadrement en dehors des seules heures de cours et elles ne sont plus efficaces, ni

même physiquement possibles, si le nombre de cours à donner ou le nombre d'étudiantes et d'étudiants pour chacun des cours est trop élevé.

Au niveau collégial plus particulièrement, le rôle du professeur dans la construction de son cours, tant sur le plan du contenu que sur le plan pédagogique, est déterminant. Les programmes fixés par le ministère de l'Éducation pour le collégial le montrent très bien. Contrairement à ceux du secondaire et conformément au voeu du rapport Parent, ils sont très larges et définissent des champs d'études à l'intérieur desquels de nombreux aménagements sont possibles.

En pratique, un cours doit être bâti de A à Z par l'enseignante et l'enseignant. Il détermine à partir des thèmes et des objectifs définis par le ministère: une structure de cours, des contenus particuliers, une démarche semestrielle, le matériel pédagogique requis (livres, laboratoires et ateliers). On peut souligner en passant que, dans le contexte québécois, on a énormément de travail pour adapter les livres qui nous viennent soit des autres provinces, soit des États-Unis, soit de la France, à la réalité du contexte québécois. Ajoutons également les modes d'évaluation appropriés. Comme à l'université, le professeur assure l'entière structuration de chaque cours qu'il est appelé à donner.

Il est difficile de quantifier de façon uniforme les effets de l'augmentation de la tâche décrétée par le gouvernement. Cela variera selon les matières enseignées. Dans certains cas, il s'agira surtout d'une augmentation du nombre d'heures de cours, le nombre d'étudiants et d'étudiantes par groupe étant peu élevé et ne pouvant augmenter au-delà de certaines contraintes physiques (ateliers, laboratoires, exigences des milieux de stage). Dans d'autres cas, cette augmentation du nombre d'heures de cours sera moindre, mais l'augmentation du nombre d'étudiantes et d'étudiants sera d'autant plus grande que le nombre de cours à donner à chaque groupe est faible et que le nombre d'étudiantes et d'étudiants par groupe est élevé. (11 heures)

Ainsi, on peut prévoir que c'est surtout le nombre d'heures de cours qui augmentera dans les secteurs technique, biologique et physique, alors que, dans les domaines de sciences humaines, il y a des cours obligatoires de philosophie et de français. C'est surtout le grand nombre d'étudiantes et d'étudiants différents qui rendra la tâche plus lourde et diminuera les possibilités pédagogiques. Dans ces matières, il ne sera pas rare - ce sera même la règle - qu'une enseignante ou un enseignant ait à s'occuper de 150 à 180 étudiantes et étudiants différents à chaque session. L'augmentation de la tâche des enseignantes et enseignants de cégeps entraînera nécessairement une détérioration de l'enseignement au collégial.

Dans le rapport Parent, on trace globalement le portrait de l'institut idéal et on y indique à grands traits que, pour 1500 étudiantes et étudiants, les cours variés offerts à ceux-ci sont assurés par plus d'une centaine de professeurs à temps complet. C'est sans doute de là que vient cette fameuse norme 1-15 qui demeure toujours à la base de la détermination du nombre d'enseignantes et d'enseignants dans les cégeps.

Nous ne ferons pas ici l'historique des divers accommodements qu'elle a connus selon les conventions ou les décrets depuis 1968. Nous dirons simplement que la version des décrets de 1983 est inférieure en nombre global d'enseignantes et d'enseignants à celle du décret de 1972.

Nous pouvons d'abord nous interroger sur la suffisance de cette norme. Une lecture attentive du chapitre VI du tome II du rapport Parent nous révèle un cégep différent de ce qui a effectivement été mis en place. La formation professionnelle y était beaucoup moins poussée. Moins de cours spécialisés et une formation professionnelle de deux ans au lieu de trois ans. Or, ce sont les cours de spécialité technique qui sont les plus coûteux au point de vue du nombre d'enseignantes et d'enseignants, parce qu'il exige des groupes d'étudiantes et d'étudiants plus réduits. Dans la mesure où ce secteur se développe et attire une clientèle de plus en plus nombreuse, l'insatisfaction des enseignantes et des enseignants va croissant. Des pressions s'exercent à tous les niveaux pour que la situation s'améliore.

C'est dans ce contexte que le gouvernement met sur pied, en 1974, la Commission d'étude de la tâche des enseignants du collégial. Le rapport CETEC constituera la toile de fond de la négociation de 1976, négociation au cours de laquelle on constatera qu'il y a déjà 240 enseignantes et enseignants de plus qu'il aurait dû y en avoir dans le réseau collégial d'alors. Quant à ces 240 enseignantes et enseignants, ce sont des luttes qu'on avait menées localement, lors du décret de 1972 à 1976. La négociation de 1976 s'est conclue par l'addition de 400 professeurs la première année. Pour les deux années suivantes, 100 professeurs par année.

Plusieurs directions locales avaient convenu du caractère inacceptable de la situation entraînée par l'évolution des programmes et des clientèles de leur collège. C'est en tenant compte de tous ces éléments que fut négociée la convention de 1976 qui améliorera, dans une proportion d'environ 15%, la tâche des enseignantes et enseignants de cégep. Vouloir aujourd'hui augmenter leur tâche de 15% et ramener le nombre proportionnel d'enseignantes et

d'enseignants à ce qu'il était dans la convention de 1969, c'est nier la nature même de l'évolution de l'enseignement collégial au Québec.

Il se peut que les mécanismes complexes mis en place en 1976 ne soient pas parfaits. À la table de négociation, nous avions clairement indiqué que nous étions disposés à réexaminer conjointement l'ensemble de ces mécanismes pendant les trois prochaines années, si le gouvernement renonçait à l'augmentation de la tâche déposée dans les offres gouvernementales du 24 septembre. Cette proposition n'a guère eu plus d'écho que celle du front commun quant à un éventuel gel des salaires.

En ce qui regarde la répartition des enseignantes et enseignants entre les collèges et les départements, dans le décret, les mécanismes de distribution entre les collèges et les départements du nombre d'enseignantes et d'enseignants sont disparus. De tels mécanismes avaient été négociés en 1976 pour assurer à l'ensemble du personnel enseignant un partage équitable des ressources et ce, en fonction de la tâche réelle à accomplir. Leur disparition entraînera, lors de la répartition des démarches, des pourparlers ou des conflits, où chacun, collège ou département, voudra s'assurer de recevoir sa juste part ou, encore, se cherchera toutes sortes de raisons pour obtenir la meilleure part. Des règles de distribution devront donc exister de toute façon. Les règles existantes n'étaient pas parfaites, nous en convenons. Mais nous étions, rappelons-le, disposés à les revoir au cours des trois prochaines années.

Pour éviter les décisions caractérisées par l'arbitraire et le favoritisme qui entraîneront un "débalancement" de la qualité de l'enseignement entre les différents collèges, pour éviter aussi les séances de lobbying, le gaspillage d'énergie et les conflits qui surviendront nécessairement chaque année lors du "partage du gâteau", il est essentiel que les règles qui déterminent ce partage soient clairement établies par la voie de la négociation. Nous n'insisterons jamais assez sur l'importance de telles règles qui assurent l'équité entre les collèges de toutes les régions de façon à assurer une même qualité d'enseignement dans tout le Québec.

En ce qui regarde le cadre horaire et l'éducation des adultes, dans les conventions antérieures, cette période allait de 8 heures à 18 heures. Le décret élargit cette période de 18 heures à 23 heures. Les raisons invoquées à la table de négociation pour cette modification: meilleure utilisation des locaux, plus grande souplesse pour les stages, possibilité d'utiliser les enseignantes et enseignants en disponibilité de l'éducation des adultes. Nous avons toujours revendiqué l'intégration de ce secteur de l'enseignement et, dans ce sens, nous étions prêts à accepter l'ouverture du cadre horaire de 8 heures à 23 heures. Le décret gouvernemental ne va cependant pas dans ce sens. Au contraire, il établit très clairement que les enseignantes et enseignants de l'éducation des adultes sont des chargés de cours. Il élimine aussi toutes les dispositions qui permettraient aux enseignantes et enseignants réguliers de compléter leur charge à l'éducation aux adultes pour conserver ou obtenir un emploi stable. Telle que présentée, la modification du cadre horaire permet donc de penser que certains enseignements réguliers seront transférés le soir.

Quant aux enseignantes et enseignants mis en disponibilité, ils étaient déjà tenus d'assumer jusqu'à un maximum de six heures de cours à l'éducation des adultes. L'expérience vécue ne peut cependant que nous inquiéter en ce qui concerne cet autre aspect de la situation de ces enseignantes et enseignants: les collèges ont considéré ces enseignements comme s'ils avaient été donnés par des chargés de cours, ce qui implique qu'en termes d'équivalence, au lieu de calculer sur une base de temps partiel, on calcule sur la base d'un chargé de cours. Or, cela prend 525 heures pour faire une charge à temps complet. En d'autres termes, cela veut dire que l'enseignante ou l'enseignant mis en disponibilité devra, ici encore, donner plus de cours que ses collègues pour mériter un plein salaire. Il n'y a vraiment rien là pour améliorer la qualité de l'enseignement aux adultes.

En ce qui regarde la modification du fonctionnement départemental, actuellement les principes de fonctionnement du département inscrits dans la convention se caractérisent par la collégialité et l'autonomie. Un certain nombre de fonctions du département s'exercent "sous l'autorité du collège" et les enseignantes et enseignants se considèrent collectivement responsables de l'ensemble des activités du département. Les "responsables de coordination départementale" sont des coordonnateurs et des porte-parole élus annuellement par leurs collègues. L'acceptation, par les parties, de ce fonctionnement, en 1976, reconnaissait une situation de fait progressivement établie depuis la création des cégeps. Le dynamisme de ce fonctionnement collectif des enseignantes et enseignants a été un élément essentiel de la mise sur pied d'un niveau d'enseignement nouveau au Québec.

Par décret. les collèges et le gouvernement veulent renforcer la ligne d'autorité hiérarchique entre les directions de collège et les enseignants et enseignantes en faisant des coordonnateurs des "répondants" auprès des directions de collège. On peut s'interroger longuement sur les objectifs de cette modification. Quoi qu'il en soit, pour

les collèges qui voudront rendre effectif ce texte du décret, les résultats sont prévisibles: tiraillements, résistance passive, conflits. De quoi créer un climat général qui aura pour effet de réduire la motivation des enseignantes et des enseignants pour l'expérimentation et l'amélioration de la qualité de l'enseignement. Nous avons là une belle contradiction entre les déclarations d'un ministre qui mise sur la conscience professionnelle des enseignantes et des enseignants et le texte des décrets qui la nie.

Maintenant, M. le Président, si vous le permettez, j'aimerais que Mme Achard, vice-présidente de la fédération puisse poursuivre la lecture de notre mémoire.

Le Président (M. Jolivet): Parfait. Mme Achard, vous avez la parole.

Mme Achard (Flavie): Lorsqu'on étudie les dispositions décrétées par le gouvernement à la lumière des changements annoncés dans les différents textes gouvernementaux concernant l'enseignement collégial - citons: Les collèges du Québec, en 1978, La formation professionnelle des jeunes au Québec en 1980 et également la version de 1982, on découvre encore davantage de raisons de s'inquiéter de l'avenir des cégeps. On constate que la ponction budgétaire que le gouvernement veut prélever dans le réseau collégial passe non seulement par la détérioration des conditions de travail des enseignantes et des enseignants mais aussi par l'appauvrissement de la formation qu'on y dispense. On constate en outre que les deux sont étroitement liés notamment pour ce qui est des dispositions relatives à la sécurité d'emploi. Ces modifications à l'organisation sont présentées comme mineures dans les différents textes gouvernementaux. À l'examen, ces ajustements révèlent cependant des choix et des orientations dont les conséquences seront majeures.

Nous ne visons pas ici à traiter de tous les aspects des changements envisagés mais à souligner certains d'entre eux. Nous examinerons plus particulièrement ceux qui, à notre avis, remettent en cause les raisons mêmes de la mise en commun dans une structure unique de l'enseignement préuniversitaire et de l'enseignement professionnel. Je voudrais donner un extrait du rapport Parent qui est assez éloquent. Dans le rapport Parent on dit: "Notre société manque de gens bien formés et compétents dans tous les secteurs de la fonction publique, de l'industrie et du commerce. À tous ces échelons, le besoin d'une meilleure culture et d'une formation générale plus poussée se fait de plus en plus sentir en même temps que le besoin d'une formation technique et profesionnelle vraiment sérieuse.

La sociologie, l'économique, la langue maternelle, les statistiques, les arts plastiques, la philosophie, l'histoire et la géographie et autres disciplines ne peuvent pas, après le secondaire, rester l'apanage exclusif des futurs universitaires. Des techniciens de toutes sortes doivent se former dans ces disciplines et ce, au même niveau d'études que les futurs médecins, avocats, enseignants et chercheurs. C'est pour la préparation aux carrières techniques et profesionnelles que s'impose avec le plus d'urgence un enseignement public répondant aux aspirations des jeunes et aux besoins de notre province." C'était en 1967.

Comme on le voit, la création des cégeps ne visait pas qu'à rendre publics, c'est-à-dire accessible à tous, par leur gratuité les différents enseignements post-secondaires qui se donnaient alors au Québec. Elle visait aussi à démocratiser un type de formation jusque là réservée à une élite, c'est-à-dire les futurs étudiants et étudiantes universitaires. Par les modifications que le gouvernement s'apprête à faire dans les programmes et les diplômes, c'est à cette démocratisation que l'on s'attaque. Ce sont, entre autres, l'introduction des certificats d'études collégiales pour les étudiantes et les étudiants réguliers et la modification du régime pédagogique en regard des cours complémentaires qui permettent d'affirmer que les intentions citées précédemment seront mises en veilleuse par ce qu'on appelle des ajustements.

Jusqu'à aujourd'hui le CEC a été réservé aux étudiantes et étudiants inscrits à l'éducation aux adultes. Il ne comporte pas de cours communs obligatoires, ni de cours complémentaires. Le gouvernement propose de le rendre accessible aux étudiantes et aux étudiants réguliers. Afin de dorer la pilule à ceux qui ont à coeur une formation plus globale pour tous, il propose d'y introduire quelques cours communs. Cela n'en demeurera pas moins un niveau de formation inférieur.

D'autre part, dans les programmes conduisant au diplôme d'études collégiales, le régime pédagogique actuel prévoit que les cours complémentaires au choix de l'étudiante et de l'étudiant doivent être choisis en dehors du champ de spécialisation afin de varier la formation ainsi que le recommandait le rapport Parent. Avec les modifications annoncées, cette obligation disparaît.

Pour justifier de telles modifications, les penseurs du ministère de l'Éducation invoquent le caractère post-obligatoire de l'enseignement collégial. Selon eux, on ne devrait pas contraindre par programmes ou diplômes les étudiantes et les étudiants qui ont dépassé l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire à suivre des cours dans des matières qu'ils ne jugent pas eux-mêmes

utiles. C'est cité dans La formation professionnelle des jeunes: propositions de relance et de renouveau, 1982 - Je dois dire qu'il manque une page à notre texte, on s'en excuse - On est loin de la planification scolaire qui devait correspondre à des objectifs de société. De plus, on fait fi des nombreux témoignages d'étudiantes et d'étudiants qui, après coup, reconnaissent l'utilité de certains cours pour lesquels ils étaient peu motivés au moment où ils les ont suivis. (10 h 15)

Cette volonté de réduire la formation professionnelle est encore plus évidente pour un certain nombre de programmes que le ministère de l'Éducation se propose de transférer au secondaire en ajoutant à ce secteur une ou deux années supplémentaires, selon le cas, qu'on appellera secondaire VI et secondaire VII.

La chose est confirmée pour l'option secrétariat et des intentions sérieuses sont annoncées à l'égard du programme de techniques infirmières et de certains autres programmes de cégep. Dans de tels cas, la formation générale et complémentaire du secteur collégial n'est même plus offerte. Il est particulièrement odieux de constater que les options ainsi touchées sont précisément celles qui conduisent à des ghettos d'emploi féminin.

D'autres aspects des changements envisagés, que nous n'élaborerons pas ici, confirment cette tendance à la différenciation plus marquée des enseignements pré-universitaire, des enseignements professionnels et à la réduction des services. Dans ce sens, on peut mentionner la réduction du nombre de cours de sciences, les modifications au programme-cadre de français, la régionalisation des options, la création des centres spécialisés, la formation en entreprise et même la fermeture de certains cégeps.

Les intentions du rapport Parent visaient, nous l'avons vu, à démocratiser l'accessibilité au secteur collégial et à des enseignements moins directement utilitaires. Elles reconnaissaient la valeur formative de ces enseignements qui, progressivement - et cette progression est loin d'être terminée à seize ans - permettent à l'individu de mieux comprendre son environnement physique, spirituel, social, économique, de mieux s'y situer et d'être mieux à même de le maîtriser. Il donne aussi des habitudes de travail plus variées qui rendront les futurs travailleurs et travailleuses plus polyvalents, plus capables de se réorienter dans le monde du travail, plus capables aussi d'intervenir dans leur milieu de travail. En diminuant ces enseignements ou en les rendant facultatifs, ce sont ces capacités qu'on diminue. On compend aisément que les représentants du patronat soient favorables à ces mesures, d'autant que les économies ainsi réalisées pourront servir à subventionner leurs entreprises. Enfin, les réorientations proposées constituent un recul par rapport à la volonté exprimée dans les réformes des années soixante de réduire, par une éducation plus large, les clivages culturels liés à l'occupation et au revenu. On sait que la motivation scolaire, autant en ce qui concerne le choix de carrière que la motivation à une formation plus large, est directement reliée à l'appartenance de classe. On doit donc conclure que ce sont les jeunes des milieux les moins favorisés, c'est-à-dire ceux qui en auraient le plus besoin, qui s'excluront ou qui seront exclus de la formation que les cégeps voulaient démocratiser.

Par ses décrets, le gouvernement confirme ces orientations. D'une part, il réduit le coût des enseignantes et des enseignants qui seront mis en disponibilité par ces changements et d'autre part, il se donne la possibilité de transférer les enseignantes et les enseignants au secondaire si, bien sûr, le transfert des programmes crée des postes pour eux et surtout elles, parce qu'on a dit que c'étaient surtout des ghettos d'emploi féminin qui étaient touchés. Cet éclairage étend donc l'insécurité d'emploi à un nombre encore plus grand d'enseignantes et d'enseignants et ce, plus spécialement parmi celles et ceux qui dispensent des cours communs obligatoires: citons la langue maternelle, la philosophie, l'éducation physique ou ceux qui enseignent dans des programmes menacés d'être transférés au secondaire.

Le livre blanc sur le réseau collégial paru en 1978 proposait de changer les rapports entre le ministère et les collèges de même qu'entre les directions de collège et les enseignantes et les enseignants. Dans ce sens, le gouvernement adoptait en juin 1979 la loi 25 qui, modifiant la Loi sur les collèges de 1967 donnait au ministère un pouvoir accru de réglementation. Dans son projet de règlement des études collégiales, le ministère cherche à accroître le contrôle des directions de collège sur l'enseignement. Les décrets, en modifiant le fonctionnement départemental, viennent parachever cette entreprise de centralisation de la gestion de l'enseignement collégial. Nous employons sciemment le terme "gestion". C'est nettement le terme qui convient. On veut gérer la pédagogie et ce, par l'expérimentation ou la mise en oeuvre d'un ensemble de théories, de modèles ou de gestions ou de techniques gestionnaires développées par des spécialistes de l'administration scolaire ou autres.

Il se dépense beaucoup d'énergie, d'encre et de papier chez nos technocrates et administrateurs pour mettre en oeuvre un modèle de gestion basé sur l'analyse

institutionnelle et sur l'évaluation. La fédération des cégeps vient justement de publier 870 pages sur le sujet et tout cela représente beaucoup de sous également.

Pour les enseignantes et les enseignants, l'idée de gestion de la pédagogie est en elle-même choquante. Pour eux, l'expérimentation et l'évaluation se font quotidiennement, en classe, avec les étudiantes et les étudiants et, collectivement, en départements, avec des collègues qui enseignent une même matière ou des matières semblables. C'est de cette façon que se sont construits les cégeps. Bien sûr, il faut dépasser ces niveaux. Les programmes et les ressources qu'il faut y affecter ne peuvent être décidés à ce niveau. Les enseignantes et les enseignants ont d'ailleurs beaucoup contribué à la mise sur pied des programmes par le biais des coordinations provinciales de matières et des commissions pédagogiques de chaque collège. Ils ont aussi tenté de le faire par le biais d'une représentation démocratique. Or, ce type d'intervention collective semble bien peu compatible avec les modèles de gestion développés en vases clos dans les salles de réunion du ministère de l'Éducation et de la fédération des cégeps.

Progressivement, les coordinations provinciales de matières composées d'enseignantes et d'enseignants ont été mises en veilleuse. À chaque négociation, on tente de retirer la commission pédagogique du champ de la représentation collective, principe reconnu dans la convention de 1976. Les dispositions du décret, en regard du département, vont dans le même sens. On peut en dire autant de celles qui restreignent les libérations syndicales. Parce qu'ils veulent un fonctionnement collectif démocratique, les enseignantes et les enseignants sont devenus des intervenants bien gênants.

M. le Président, pour la suite, j'aimerais passer la parole à Nadine Pirotte qui est responsable du dossier de la condition féminine à notre comité de négociation.

Mme Pirotte (Nadine): M. Donatien Corriveau, tout à l'heure, a dit que les femmes étaient les premières victimes des décrets. On aimerait montrer maintenant comment, par le décret des cégeps, le gouvernement attaque particulièrement les femmes.

Bien que les femmes soient majoritaires dans l'ensemble du réseau de l'éducation, les femmes ne représentent que 32% de l'ensemble du personnel enseignant des cégeps. Ce pourcentage, même s'il est faible, représente une amélioration qui résulte d'une prise de conscience en milieu collégial de la sous-représentation des femmes.

Il faut ajouter que, de ces 32%, près de 40% des enseignantes se retrouvent dans des départements traditionnellement réservés aux femmes comme: techniques infirmières, techniques de secrétariat, techniques de garderie. Sous-représentées en sciences pures, en philosophie, en sciences sociales et même en français, bien qu'elles y soient majoritaires à l'université comme étudiantes, elles sont carrément absentes dans les secteurs traditionnellement réservés aux hommes: génie civil, électronique, architecture. Somme toute, nous reflétons parfaitement la division sexuelle du travail dans notre société, division qui entraîne la discrimination systématique des femmes.

Depuis plus d'un an, de nombreux débats se sont amorcés sur la question de la faible représentation des femmes. Les comités de condition féminine, très nombreux dans les cégeps, se sont attaqués à ce problème et ont sensibilisé tout le milieu collégial à l'importance de transformer une éducation encore sexiste en une éducation basée sur des modèles plus égalitaires.

Les femmes n'ont pas eu le même accès à l'enseignement collégial que les hommes pour maintes raisons, à la fois historiques et sociales: évolution des collèges classiques et des écoles techniques, accès limité des filles à l'éducation supérieure jusqu'au milieu des années soixante, contraintes familiales, orientations professionnelles sexistes.

C'est pourquoi les enseignantes et les enseignants des cégeps ont formulé une revendication qui venait pallier la situation. Nous demandions, dans notre projet de convention collective, un programme d'accès à l'égalité dans l'ensemble du résseau collégial, programme qui visait à atteindre, par un mécanisme de priorité à l'embauche et par le recyclage, une représentation égalitaire des femmes dans chacune des disciplines.

Un autre problème sur lequel les comités de femmes dans les cégeps ont beaucoup travaillé est celui du harcèlement sexuel. Les sondages nous indiquent, en effet, que les cégeps ne sont pas des milieux exempts de harcèlement ni d'agressions sexuelles qui peuvent aller jusqu'au viol.

Nous avions également une demande concernant les changements technologiques. Ces changements sont introduits sans aucune consultation, sans qu'il y ait formation des employés, sans considération des effets sur la santé des travailleurs et des travailleuses. Or, dans l'enseignement, les modifications de tâche ainsi que de contenu de cours occasionnées par les changements technologiques apparaîtront d'abord dans les disciplines où l'on retrouve surtout des femmes. Nous demandions, en plus d'un droit de regard sur ces changements, des possibilités réelles de recyclage dans les cas où des fonctions ou du matériel sont introduits, modifiés ou éliminés. On peut prendre, par exemple, l'impact de la

bureautique sur les techniques de secrétariat.

À la table centrale, notre demande sur les garderies consistait en l'application du rapport du comité paritaire sur l'implantation des garderies. Ce rapport résultait d'une entente intervenue en 1981 entre les représentants du gouvernement et les syndicats à la suite de notre dernière négociation. Il prévoyait la création de 13 000 places dont 5000 places pour les enfants de quartiers. L'entente spécifiait également que les employeurs assumaient le loyer et l'entretien des locaux.

Au chapitre des congés de maternité, nous voulions étendre les gains de 1979 à l'ensemble des travailleuses. C'est pourquoi, afin d'assurer un congé de maternité de 20 semaines pour toutes les enseignantes, qu'elles soient permanentes ou non, à temps partiel ou à temps plein, nous demandions qu'il ne soit plus nécessaire d'être éligible à l'assurance-chômage pour avoir droit au congé de maternité.

Qu'est-il arrivé de nos demandes? D'abord, nos demandes concernant le harcèlement sexuel n'ont reçu aucune écoute auprès du gouvernement, malgré leur peu d'incidence monétaire. Notons également que la partie patronale n'a pas voulu reconnaître que le harcèlement sexuel est un motif de discrimination, alors que des amendements prévus à la charte des droits et libertés vont dans ce sens. Nous n'avons même pas réussi à présenter notre demande sur les changements technologiques. Quant à l'accès à l'égalité, le gouvernement a d'abord tenté de récupérer ce dossier en remettant en cause le principe d'ancienneté. Il nous a finalement déposé une clause d'accès à l'égalité vidée de son sens. Pour ce qui est des garderies, il n'est question que d'un nombre réduit de places, sans aucun frais assumé par l'employeur. Finalement, les demandes concernant les congés de maternité ont été balayées du revers de la main.

Quelles seront les conséquences du décret dans les cégeps sur les enseignantes? Par son décret, le gouvernement remet en question les acquis des femmes depuis la création des cégeps. En fait, c'est l'existence même des femmes comme enseignantes qui est remise en question. Nous avons montré précédemment que le décret attaque principalement la tâche et la sécurité d'emploi. Or, les femmes subiront de façon plus aiguë les effets de pertes d'emploi et de l'augmentation de la tâche occasionnée par le décret.

Une simulation de la tâche faite dans quatorze cégeps de différentes régions du Québec nous montre que les femmes seront plus affectées que les hommes par le décret. En effet, à peu près un femme sur deux sera touchée par le décret. Certaines seront mises en disponibilité, d'autres perdront carrément leur emploi. Nous avons déjà montré aussi qu'un aspect particulièrement inquiétant du décret était la condition faite aux enseignantes et aux enseignants non permanents. Or, dans plusieurs cégeps, ce sont principalement des femmes qui n'ont pas la sécurité d'emploi. Avec le décret, ou bien ces femmes sont définitivement mises à pied ou bien elles n'obtiennent qu'une tâche à temps partiel et n'ont, pour ainsi dire, plus de chance d'accéder à la permanence, ou bien elles seront sujettes au "bumping" provoqué par la clause intra-sectorielle qui permet aux enseignants du secondaire de venir se relocaliser au cégep.

Cette situation s'explique par le fait que les femmes ont accumulé moins d'ancienneté que les hommes. Dernières arrivées, elles seront les premières sorties. Si on ne considère que les mises à pied directes, la proportion des femmes au cégep passera rapidement de 32% à 29%. De plus, les nouvelles conditions apportées par le décret aux enseignantes mises en disponibilité viendront accentuer la disparition des femmes du réseau collégial. Citons, par exemple, la réduction salariale prévue pour les mises en disponibilité qui constitue une invitation à quitter son emploi, de même que l'absence de perspectives réelles de recyclage. Ajoutons à ces éléments le tranfert de certaines options du collégial au secondaire, comme le secrétariat ou les techniques infirmières. Les femmes pourraient bien ne constituer que 15% du personnel enseignant, ces 15% de femmes qu'elles étaient au début de la création des cégeps. (11 h 30)

L'augmentation de la tâche imposée par le décret sera doublement difficile pour les femmes. La réalité sociale n'ayant pas encore assez évolué, ce sont encore les femmes qui assument les responsabilités parentales et les tâches ménagères. La double journée de travail réservée traditionnellement aux femmes sera accentuée par le décret. Ouvrir le cadre horaire jusqu'à 23 heures, de même qu'obliger les MED à compléter leur tâche à l'éducation des adultes, cela pose de sérieux problèmes quand on sait qu'il n'y a pas beaucoup de garderies qui sont ouvertes le soir.

Le décret dans les cégeps n'aura pas seulement des conséquences sur les enseignantes, mais également sur les étudiantes et les étudiants. En effet, la disparition importante de femmes risque de nous ramener à une pédagogie masculine qui a toujours tenu les femmes à l'écart de la vie collégiale.

Traditionnellement, les femmes avaient été exclues de l'enseignement de l'histoire, de la philosophie, des sciences mais, depuis les cinq dernières années, l'engagement de femmes dans ces disciplines a constitué un

apport à l'enseignement. De plus, la création de cours sur la condition féminine donnés par des femmes, tels des cours sur la famille, la sexualité féminine, la littérature féministe, l'autodéfense, a entraîné une contribution originale qui est menacée par les décrets.

Dans les ghettos masculins, tels l'administration, les sciences pures, l'électrotechnique, le génie civil, les effets du décret se feront encore plus lourdement sentir. Bien que le nombre d'étudiantes dans ces programmes augmente progressivement, il y a encore bien peu d'enseignantes. La plupart d'entre elles seront mises à pied. Ainsi, les étudiantes, encore victimes de discrimination sexuelle et souvent vues comme des intruses dans ces disciplines masculines, perdront leurs modèles féminins et la motivation à étudier dans des domaines qui resteront la chasse gardée des hommes.

De plus, il nous semble important que les étudiantes et les étudiants puissent entendre le point de vue des femmes au cours de leur formation. Comment cela peut-il être possible si les femmes disparaissent des cégeps ou restent cantonnées dans des secteurs traditionnellement féminins?

Si l'on veut que la société change, que les rapports hommes-femmes deviennent égalitaires, il faut que les étudiants entendent parler de l'histoire des femmes, de leur vécu, ainsi que de leurs luttes syndicales et politiques. Ainsi, les étudiants seront en contact avec cette moitié du monde si souvent gardée dans le silence et le mépris.

Nous avons déjà expliqué les effets désastreux du décret en lien avec les réformes de l'enseignement collégial. Nous voulons également démontrer qu'ici encore les femmes seront particulièrement touchées. Citons principalement les transferts d'options du collégial au secondaire annoncés dans le document sur la Formation professionnelle des jeunes. La première option touchée est celle des techniques de secrétariat, une technique composée presque exclusivement de femmes, tant du côté des enseignantes que de celui des étudiantes. Il est question que les options à venir soient les techniques infirmières et les techniques de garderie: encore des options composées majoritairement de femmes. Il faut préciser que seuls les cours strictement techniques seront transférés au secondaire et non le programme en entier. Les effets d'appauvrissement de la formation sont clairs. De professionnelles qu'elles étaient, les femmes passeront à un état strict d'exécutantes. Est-ce là le type de formation revalorisante et égalitaire que ce gouvernement veut mettre de l'avant pour les femmes?

Les femmes, nous l'avons vu, sont les dernières arrivées et les premières sorties; une fois mises à pied, de quel genre d'emploi devront-elles se contenter? De postes à temps partiel, d'emplois précaires et non syndiqués dans la plupart des cas. En fait, les décrets et certains aspects de la contre-réforme auront pour conséquence de faire disparaître les femmes qui avaient réussi à se tailler une place au sein de l'enseignement collégial depuis le milieu des années soixante-dix.

Pour la conclusion, je repasserai la parole à Claude Gauthier.

M. Gauthier (Claude): Pour nous, l'obstacle majeur à un règlement réside dans un cadre financier assez rigide auquel veut nous astreindre le gouvernement. Cadre financier de 123 000 000 $ ramené à 110 000 000 $ par les aménagements au cadre du règlement relativement à la tâche et à la sécurité d'emploi, auquel il manque toutefois les données sur la récupération qu'entend faire le ministère de l'Éducation face à l'acquisiton de la permanence et aux modalités nouvelles d'engagement. À ce chiffre il faut ajouter la récupération salariale prévue à la loi 70 qui fixe pour le seul niveau collégial un objectif de 6 000 000 $ pour l'exercice financier courant et 30 000 000 $ pour l'exercice suivant.

Il reste encore la récupération prévue à la loi 70 qu'on peut évaluer à 30 000 000 $. Le gouvernement cherche donc à prendre une récupération équivalente à 20 000 $ dans la poche de chaque enseignante et enseignant pour les trois années à venir.

L'importance de cette récupération fixée par le Conseil du trésor s'accorde mal avec les objectifs que devrait poursuivre le ministère de l'Éducation. Ces objectifs sont à courte vue et sans égard aux conséquences désastreuses qu'ils peuvent avoir sur les étudiantes et les étudiants que nous avons la responsabilité de former. Le gouvernement, même au nom de la situation économique qui prévaut, n'a pas le droit de renflouer les coffres de l'État à même les budgets qui lui sont, pour le moment, les plus facilement accessibles. Par cette opération, le gouvernement impose une taxe fort élevée aux enseignantes et enseignants sans garantir par ailleurs la qualité même de l'éducation. C'est un peu trop lourd tant pour le personnel enseignant que pour la société québécoise. Ce choix est irresponsable.

Faut-il s'étonner que les enseignantes et enseignants de cégep, comme ceux de l'élémentaire et du secondaire, se soient retrouvés massivement dans la rue pour protester contre les choix du gouvernement? Faut-il aussi s'étonner que cette protestation se soit faite au risque même de la perte de leur emploi? En prenant un tel risque, les enseignantes et les enseignants ont voulu témoigner de l'importance qu'ils accordent à la qualité de l'enseignement et alerter l'opinion publique sur la remise en cause de

notre système d'éducation.

Là où le gouvernement prétend que les enseignantes et enseignants défendent leurs privilèges, nous affirmons que le gouvernement trafique dans l'ombre, à même notre négociation, des choix démocratiques importants: le droit à la libre négociation, le droit à une éducation de qualité.

Qu'on ne vienne pas prétendre que les enseignantes et enseignants se refusent à consentir un effort particulier face à la situation économique actuelle. L'effort exigé est, en fait, un sacrifice aveugle. Les enseignantes et enseignants se refusent en effet à mettre en péril les cégeps, oeuvre à laquelle ils ont largement contribué. Ils s'opposent à ce que le ministère de l'Éducation profite de la présente négociation pour mettre en place ces prétendues réformes qui ont pour effet de remettre en cause le dynamisme propre des cégeps et la qualité de l'enseignement qu'ils dispensent. Ils refusent de souscrire à une formation professionnelle des jeunes qui les priverait de leur droit à la formation de base que mettait de l'avant le rapport Parent. C'est pourquoi ils défendent avec acharnement le statu quo de leur convention collective.

Faut-il encore rappeler que les cégeps, fondés il y a à peine quinze ans, constituent une oeuvre originale de la société québécoise? Faut-il également souligner, compte tenu du contexte nord-américain dans lequel vit notre société, du prix qu'il faut payer pour le maintien de notre identité? Les enseignantes et enseignants de cégep le savent bien, eux qui doivent travailler à toute l'organisation matérielle des cours qu'ils dispensent: de la conception des cours jusqu'à la correction des travaux qui y sont rattachés. Le niveau collégial, parce qu'il est propre au Québec, exige du personnel enseignant des efforts supplémentaires. On ne sait pas assez que ce sont les enseignantes et enseignants qui, au niveau collégial, ont la responsabilité des notes de cours, c'est-à-dire de la construction même des manuels qu'ils utilisent. Ils sont fiers de cet effort. Et c'est parce qu'ils sont fiers du travail qu'ils ont accompli jusqu'à maintenant qu'ils défendent le statu quo de leur convention collective, statu quo de la tâche et de la sécurité d'emploi, garantie d'un enseignement de qualité.

Pour eux, la reprise de la négociation doit passer par la remise en cause du cadre financier du gouvernement. Ils croient qu'il est plus important, pour la société québécoise, de protéger la qualité de l'enseignement que de souscrire aux objectifs à trop courte vue du Conseil du trésor. Et pour sauver la qualité de l'enseignement au niveau collégial, ils sont prêts à regarder les efforts qu'ils peuvent consentir.

À cette fin, ils envisagent la reprise de la négociation à la lumière des efforts déjà consentis, de ceux aussi qu'ils seraient prêts à consentir si le gouvernement ne maintenait pas de façon aussi rigide le cadre financier qu'il s'est fixé. Quant à eux la reprise de la négociation doit se faire autour des objectifs qu'on doit poursuivre en matière d'éducation. À cette fin, nous rappelons la volonté réaffirmée des enseignantes et enseignants du collégial de jouer leur rôle face à l'éducation des adultes, de poursuivre leur travail dans les départements, de veiller à l'équité dans la répartition des enseignantes et enseignants entre les collèges de toutes les régions, de façon à garantir une même qualité d'enseignement partout au Québec.

De même, il nous paraît important de protéger la difficile percée des femmes au collégial dans un réseau en pleine expansion qui doit leur reconnaître le droit qu'elles ont d'occuper des charges d'enseignement ou de poursuivre des études post-secondaires.

Nous croyons que la reprise de la négociation doit toucher à tous les aspects de la vie collégiale, y compris celui des réformes qu'on voudrait nous imposer et qui ne sauraient avoir de sens sans la contribution active des enseignantes et des enseignants du collégial.

Il y a également un autre objectif qu'on poursuit lors de la présente négociation. C'est le règlement du cas des 113 professeurs qui avaient été alloués, lors de la négociation de la convention collective, sur des postes à l'éducation des adultes. Ces 113 professeurs n'ont pu occuper ces postes parce qu'à la suite de technicités, on leur refuse le droit d'occuper ces postes. Je veux rappeler, à ce sujet, qu'on a fait des ouvertures qui pourraient permettre de régler ce dossier. C'est sur eux qu'on a compté pour l'édification des cégeps, c'est avec eux qu'on doit poursuivre le travail à accomplir. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci, mesdames et messieurs. Tel qu'entendu et pour poursuivre dans le même domaine, j'inviterais maintenant M. Yvon Charbonneau, président de la Centrale de l'enseignement du Québec, ainsi que M. Guy Bellefeuille, président de la Fédération des enseignants de cégeps, à venir compléter sur le même sujet, avant qu'on en arrive à la période des questions.

Le Président (M. Paré): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: À moins qu'il y ait maldonne, il est possible que la Centrale de l'enseignement du Québec veuille se présenter à ce moment-ci parce qu'il y a la Fédération des enseignants du Québec qui appartient au secteur collégial, et qu'on veuille donc faire entendre la CEQ dans ce

contexte très particulier, si je comprends bien?

Le Président (M. Paré): Vous avez bien compris et c'est d'un commun accord des deux côtés. C'est spécifiquement afin de poursuivre sur le même sujet.

M. Ryan: Si je comprends bien, les questions pourront s'adresser à l'un ou à l'autre groupe quand viendra ce moment?

Le Président (M. Paré): Exactement, M. le député d'Argenteuil. Tous ceux qui sont maintenant intervenus, en plus des deux intervenants à venir, pourront répondre à toutes les questions que les membres de la commission voudront bien poser par la suite. La parole est présentement à M. Yvon Charbonneau, président de la CEQ.

Centrale de l'enseignement du Québec

M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, mesdames et messieurs les députés, membres de cette commission. Je voudrais tout d'abord présenter les deux personnes qui sont à ma droite: M. Guy Bellefeuille, président de notre Fédération des enseignantes et enseignants de cégep; Mme Denise Blanchette, de la même fédération.

En introduction à notre intervention, vous me permettrez d'outrepasser ou de dépasser quelque peu l'objet officiel en titre de cette commission ou du conflit qui a provoqué cette rencontre, pour mieux situer ce qui, pour nous, en constitue les enjeux. Il nous semble, en effet, que ceux-ci dépassent largement les conditions de travail d'un groupe particulier d'employés. Soulignons, cependant, que cet aspect est loin d'être négligeable puisque la détérioration générale des conditions de travail des employés de l'État aura des répercussions directes sur les conditions de travail de l'ensemble des Québécoises et des Québécois. Le patronat de la construction en fait déjà foi. (11 h 45)

Mais ce n'est pas sur cet aspect du problème que nous voulons insister ici, mais plutôt sur ce qui fait la raison d'être de notre métier, c'est-à-dire la formation des jeunes et des adultes. En effet, les décrets ne constituent dans les faits qu'une des mesures inquiétantes prises par le gouvernement depuis 1978 et qui auront pour effet, à plus ou moins long terme, de dégrader, à notre avis, d'une manière assez systématique l'enseignement collégial. Parmi ces mesures, rappelons la trame suivante: L'adoption des lois 24 et 25 amendant la Loi des collèges, il y a quelques années; les coupures budgétaires, notamment celles de 1981 et de 1982; la mise en tutelle de certaines coordinations provinciales de programmes et matières; la création des comités école-travail; la mise en place de mesures administratives d'évaluation des enseignements; la mise en marche de mesures visant à transférer certains programmes du collégial au secondaire, et, enfin, les décrets.

Ces mesures ne peuvent pas avoir été improvisées. Elles font partie d'un projet d'ensemble concernant l'avenir de l'enseignement collégial et énoncé dans deux documents majeurs: Les collèges du Québec, publié en 1978, et le livre blanc sur la formation professionnelle, publié récemment. Bien que toute la rhétorique de ces documents vise à en atténuer les aspects inquiétants, elle ne suffit pas à en masquer les grandes orientations qui peuvent se résumer comme suit, à notre point de vue: premièrement, une réduction draconienne des coûts de la formation collégiale; deuxièmement, un contrôle direct accru de l'État sur l'enseignement; troisièmement, l'asservissement de la formation professionnelle de manière de plus en plus évidente aux besoins et directives de l'entreprise privée.

La réalisation de ces objectifs, nous l'avons souligné par l'énumération de mesures déjà adoptées, est en partie amorcé, mais l'adoption des décrets viendra justement permettre de dégeler au printemps bon nombre de projets qui ne pouvaient pas être concrétisés jusqu'à maintenant, à moins de sabrer à grands coups dans les conditions de travail et d'apprentissage consignées dans les conventions de nos membres maintenant échues.

Tout d'abord, sur la réduction des coûts. Déjà, les budgets de 1981 et 1982 avaient sabré lourdement dans les budgets de fonctionnement des collèges. Ainsi, alors que les budgets globaux pour ces deux années augmentaient au rythme de l'inflation à peu près, celui de l'éducation baissait en chiffres absolus. À cause des conventions en vigueur, l'enveloppe-enseignant", la rémunération des enseignants, n'était pas touchée, mais il n'en fut pas de même - on n'en parle pas assez souvent - pour celle du personnel non enseignant dont les postes ont disparu par dizaines dans le réseau depuis 1981: bibliothécaires, psychologues, conseillers pédagogiques, appariteurs, secrétaires.

De la même façon, on a "rentabilisé" l'équipement aux dépens de la qualité des services. Les budgets alloués aux bibliothèques et à l'audiovisuel, aux laboratoires, d'après nos informations, n'existent plus, à toutes fins utiles, dans plusieurs cégeps. À titre d'exemple, dans un collège important de Montréal, le budget alloué, en chimie industrielle, pour le renouvellement du matériel de laboratoire est de 1% de sa valeur. Un pour cent de sa valeur, en termes de renouvellement, cela ne

prendrait pas moins d'un siècle pour le renouveler à ce rythme-là. Par ailleurs, le budget annuel alloué à l'ameublement de l'administration est de 20% de sa valeur. L'ameublement de l'administration: renouvelable en cinq ans!

Les étudiants défraient de leur poche ces coupures. Ils doivent payer à la hausse notes de cours, résidence, cafétéria, équipement sportif, etc. L'effet le plus grave de ces coupures se manifeste donc dans l'accessibilité. Le périodique de la Fédération des cégeps, "CÉGE PROPOS", soulignait en septembre ce problème. Les collèges, par le biais de ce qu'on appelle les autorisations de clientèles émanant du ministère, par le biais des règles budgétaires, de la limitation du nombre de places, sont fortement incités au contingentement, à défaut de ne pouvoir assumer ce déficit.

À cause, sans doute, des conditions d'emploi ou du haut taux de chômage, les clientèles ont augmenté depuis deux ans de façon notoire dans les cégeps, mais elles auraient augmenté davantage si on avait tenu compte des besoins réels de la population et n'eussent été les contingentements et les contraintes exigés par les coupures.

On peut souligner - les comparaisons avec l'Ontario étant à la mode - que la scolarisation au Québec au niveau collégial laisse plus que largement à désirer. À titre d'indication, en 1980, pour les jeunes de 18 ans d'âge - à peu près l'âge moyen d'un cégépien - 42% des jeunes de 18 ans d'âge au Québec fréquentaient l'école; 75% des jeunes du même âge étaient dans un établissement scolaire de même niveau en Ontario. Par le seul biais des coupures déjà exercées, l'accessibilité à la formation est lourdement hypothéquée. La formation collégiale menant, d'une part, soit à un niveau d'occupation ou de travail technique ou bien menant, d'autre part, à l'université, cette hypothèque pèse lourd sur le développement du Québec. Nous n'avons pas abordé ici les effets combinés des décrets, de la régionalisation des options, des coupures, des contraintes dans les prêts et bourses, du resserrement des conditions d'admission, du transfert de certains programmes au secondaire et des fermetures appréhendées d'établissements à basse clientèle.

Parlons maintenant des contrôles de l'État. Concernant cet objectif, plusieurs mesures ont déjà été adoptées. Il ne reste pour ainsi dire qu'à mettre en application les décrets et à adopter le projet de règlement des études collégiales pour mettre en marche ce que nous considérons être un processus bien huilé de contrôle bureaucratique qui descendrait des officines du ministère jusqu'aux salles de cours. Les lois 24 et 25 inauguraient cette mise en place en juin 1979. Il s'agissait d'enlever aux collèges une bonne marge de leur autonomie, de créer le Conseil des collèges qui, avec sa commission d'évaluation, devient le tampon entre le ministère et les collèges et le juge de leur bon fonctionnement selon les critères et directives du ministère. Cette commission, pour mener à bien son mandat, exigeait des collèges qu'ils se donnent des mécanismes d'évaluation. Cela est fait. Il ne reste plus qu'à mettre en application ces mécanismes qui consistent à donner aux administrateurs locaux, pour ainsi dire transformés en commis, les pouvoirs d'intervenir dans les salles de cours. Le décret le permet et nous pouvons y revenir, s'il y a des questions.

L'adoption du projet des régimes pédagogiques qu'on prévoit pour juin, semble-t-il, fera aux administrations des cégeps l'obligation de superviser les plans de travail des départements, les plans de cours de chaque enseignant, les critères, méthodes et instruments d'évaluation des étudiants en conformité avec les plans-cadres du ministère. En fait, il ne s'agit pas d'évaluer et de contrôler pour améliorer tellement comme pour vérifier la conformité entre ce qui se passe dans les cégeps et les cadres prévus en haut lieu. Finies donc - selon le sentiment de nos membres qui travaillent dans les cégeps - les possibilités d'expérimentation ou d'innovation et nous tombons dans un régime où l'uniformisation, la standardisation seront les critères de base de l'enseignement dans l'ensemble des cégeps, selon un processus typiquement hiérarchisé. Les enseignants et les enseignantes se conçoivent, à ce moment-là, comme transformés en exécutants, en haut-parleurs des directives venant d'en haut plutôt qu'en véritables professionnels auxquels parfois on fait appel dans certaines lettres envoyées par le ministre à nos membres.

Parallèlement à cette mise en place, on remet de "l'ordre" dans l'élaboration des programmes en éliminant toute participation des enseignants. Encore un geste d'attention à l'égard des professionnels de l'enseignement que nous sommes censés être. En effet, d'une mise en tutelle à l'autre, dans les coordinations de matières et programmes, français, sciences, plusieurs programmes du professionnel, on met fin en douceur - plus ou moins - à la consultation des enseignants dans la construction et l'évolution des programmes. Le ministère impose aux enseignants de disposer, selon les règles émises. Il nous reste à imaginer les résultats de telles mesures. La qualité de l'enseignement s'en portera-t-elle mieux du fait que le ministre de l'Éducation sait ou croit savoir ce qui se passe quotidiennement dans les salles de cours? La formation des jeunes n'a rien à voir, semble-t-il, avec ce genre de mesure.

Au niveau de la formation professionnelle, nous abordons ici le domaine,

pour ainsi dire, du secret d'État, dans le sens que ce tableau se présente à nous comme un casse-tête auquel il manquerait quelques pièces maîtresses. Il s'agit du dossier de la formation professionnelle. Cependant, si le scénario que nous pouvons imaginer pour les années futures reste encore vague, nous en possédons quelques pièces suffisantes pour poser des questions. Passons-les en revue. Premièrement La création d'un nouveau diplôme dit certificat d'études collégiales, ou CEC, dont la caractéristique consiste à permettre à l'étudiant d'obtenir une compétence professionnelle en acquérant une formation générale plus que précaire et une formation professionnelle à rabais. La création aussi de centres spécialisés, dit-on, qui devraient s'ajuster aux besoins de l'industrie régionale aussi bien en ce qui a trait au programme qu'à l'évaluation des étudiants, la formation des enseignants ou certains programmes de recherche. À remarquer que les programmes visés jusqu'à maintenant par les mesures de transfert du collégial vers le secondaire touchent particulièrement des étudiantes de collège. La régionalisation des options en vue, en fonction, une fois de plus, des besoins du patronat régional, sans tenir compte nécessairement des besoins à long terme de la collectivité québécoise et des aspirations des étudiantes et des étudiants. Des questions aussi qu'on peut poser à propos de l'alternance études-travail. Certaines expériences européennes en ce domaine qu'on nous a rapportées d'Allemagne ou d'Autriche nous indiquent que ce mode de formation revient, plus souvent qu'autrement, à moins qu'on soit très sérieux dans les conditions de mise en oeuvre, à donner à l'entreprise le contrôle quasi total de l'orientation et de la formation des jeunes.

À la lumière de tous ces éléments, bien que nous sachions mal comment ils seront agencés - enfin il y a un débat en cours actuellement - nous craignons fort que les institutions collégiales perdent finalement le contrôle de la formation professionnelle des jeunes et des adultes qui s'inscrivent à ces secteurs, mais nous craignons surtout que cette formation se retrouve sévèrement déqualifiée, qu'elle perde peu à peu son aspect tout de même polyvalent - la notion de base d'un cégep - et qu'elle perde aussi ses assises scientifiques et humanistes et ne soit orientée de plus en plus que vers un apprentissage utilitaire à court terme.

Cette orientation vers la déqualification de la formation ne semble pas être réservée qu'au secteur professionnel. Nous assistons actuellement, sans être dans le coup par la consultation et malgré certains mécanismes de coordination créés à cet effet, à la refonte de tous les programmes du général. Les résultats connus jusqu'à maintenant de cette manoeuvre ne laissent pas de nous inquiéter, notamment en ce qui touche le programme des sciences par exemple. La réduction dramatique de la formation préalable au secondaire, la simplification à l'extrême de l'approche pédagogique et des contenus nous font craindre pour l'avenir de la formation et de la recherche scientifique au Québec. Ne l'oublions pas: le programme des sciences s'adresse uniquement à ceux qui se dirigent vers une carrière scientifique.

En conclusion, les décrets, M. le ministre - vos porte-parole aux diverses tables où nous sommes passés depuis six mois nous l'ont répété - n'ont pas pour seul but de réduire les dépenses de l'État. Je sais quel bruit on fait autour de toutes les questions budgétaires, financières. Nous voulons tout de même soulever ici l'attention du public sur le fait qu'il y a beaucoup d'objectifs qui ne sont pas d'ordre pécuniaire qui sont visés et atteints par les décrets et qui, à notre avis, ne sont pas des objectifs de nature à améliorer la formation des jeunes de ce secteur. On comprendrait mal certaines dispositions de ces décrets si on pensait qu'il n'y a que des objectifs financiers derrière cela. En instaurant de plus en plus d'arbitraire à tous les niveaux du processus d'enseignement collégial, ces décrets permettent de bouleverser peu à peu, mais de fond en comble, l'enseignement collégial en répondant à notre avis à des besoins qui ne sont pas ceux de la majorité. Quoi qu'on en dise, l'effet combiné des coupures, des contrôles et de l'asservissement progressif mais accru à l'entreprise ne peut avoir pour effet d'améliorer d'une manière fondamentale et à moyen terme la qualité de la formation à ce niveau.

M. Guy Bellefeuille, président de la Fédération des enseignants de cégep, complétera cet exposé.

M. Bellefeuille (Guy): Sur toute la question du contenu de la négociation, nous partageons, comme Fédération des enseignants et enseignantes de cégep (CEQ), le discours que la FNEEQ vous a livré tantôt. Aussi, ce n'est pas notre intention maintenant de reprendre en détail les différents chapitres qui font encore problème dans cette négociation. (12 heures)

Je voudrais cependant, si vous le permettez M. le Président, relever quelques affirmations qui ont été faites ici hier. M. Girard affirmait vouloir "désencarcaner" -selon son mot - le monde de l'éducation par des conventions collectives qui prévoient les moindres détails et qui réglementent les moindres aspects de la vie pédagogique.

Nous pourrions en être, mais je vais aussi souligner, sur cette question, que l'évolution des conventions collectives depuis une quinzaine d'années a amené une

complexification des textes, certes, mais cela était dû, il ne faut pas l'oublier, au fait que chaque fois qu'il y avait une absence dans une convention collective de travail, la partie patronale en profitait pour essayer d'utiliser au maximum ces trous - comme on les appelle - à ses fins propres et parfois de façon outrancière et, la plupart du temps, sans vouloir négocier, s'entendre avec les syndicats.

C'est ce qui amenait continuellement les syndicats à vouloir boucher ces trous et ainsi à réduire la marge de manoeuvre de la partie patronale, à limiter ainsi le droit de gérance qui, s'il n'est pas vu - comme disait M. Girard - comme le mal absolu, est vu parfois comme tel par les enseignants et les enseignantes. Que ce droit soit exercé par d'anciens professeurs - comme le soulignait M. Girard - ne change strictement rien à la situation. Regardons combien de professeurs ou d'anciens professeurs, membres du Parti québécois, ont voté pour les décrets, pour la loi 105, pour la loi 111, pour se rendre compte qu'il n'y a pas de relation entre une fonction et une autre.

Sur la question des clientèles scolaires, M. Girard disait hier que, pour l'année qui vient, les prévisions que nous avons sont considérables. On le croit aussi. Cependant, quand on regarde l'application que le ministère tente de faire actuellement du décret pour l'année prochaine, on se rend compte qu'il utilise la même clientèle que cette année. Nous craignons fort qu'avec une telle perspective les problèmes qui tournent autour de la question du financement, des prévisions d'engagement, des contingentements, n'amènent de façon claire une limitation de l'accessibilité à l'enseignement collégial. Il faut dire que telle a toujours été la politique du ministère de sous-évaluer les prévisions de clientèles pour ne pas avoir à engager le nombre de professeurs nécessaires avant coup et se donner une bonne marge de manoeuvre dans toute la question de la répartition des enseignants et des enseignantes entre les collèges et entre les disciplines.

Une autre chose que je voudrais relever, c'est quand M. Girard affirmait que le ministère maintenait la libération d'un enseignant sur 20 afin d'assurer la coordination départementale. C'est vrai mais il faut faire une nuance très importante. C'est que ce nombre de professeurs sera désormais pris à l'intérieur du quantum résultant de la norme 1 sur 15, alors qu'auparavant ces professeurs étaient pris en dehors du quantum régulier. Si on tient compte de ce nombre de professeurs, la norme 1 sur 15 n'est plus une norme 1 sur 15. C'est une norme 1 sur 15,8 qui nous est offerte pour l'enseignement. Ce n'est pas négligeable.

Une autre chose dont M. Girard parlait hier, autour de la question de la disparition de la formule d'allocation que nous avions dans nos conventions collectives. Il nous apparaissait important de maintenir cette formule de répartition des conventions collectives antérieures parce qu'elle avait plusieurs usages et comportait, pour les enseignantes et les enseignants, des garanties multiples.

D'abord, elle garantissait que la répartition de l'allocation entre les collèges du réseau tenait compte des spécificités de chacun. Elle servait aussi, localement, pour la répartition entre les disciplines et ce, avec un minimum d'équité. De plus, on obligeait ainsi le collège à procéder aux engagements nécessaires de l'ordre de 98% de ce que c'était dans la dernière convention collective.

Rien dans le décret ne garantit que l'allocation ne diminuera pas de plus de 14% à 15%, qui est la volonté du gouvernement. Mais ce dont on peut être certain, c'est que le décret garantit une diminution minimale de 15%. Il existe de grandes nuances entre allocation et répartition et entre répartition et engagement; c'est ce qu'on craint. De fait, pour les enseignantes et les enseignants, il ne reste qu'une seule garantie dans le décret, c'est la charge individuelle maximale. Cette "garantie" permet à l'employeur, si elle est utilisée au maximum, de diminuer d'au moins, selon toutes les simulations que nous avons faites, 25% l'allocation des disciplines.

Nous n'affirmons pas que chaque discipline subira des diminutions de cet ordre. Cependant, il est possible que chacune subisse une diminution qui variera entre 0% et 30%, dépendant du maquignonnage qui se fera auprès des administrateurs ou des privilèges que certaines administrations voudront donner. En bref, les syndicats n'ont plus aucun contrôle sur la quantification de la charge de travail de leurs membres, étant donné que les collèges pourront la répartir selon des principes qui leur semblent bons et selon l'arbitraire le plus total. C'est cela, le droit de gérance que nous refusons.

M. le Président, je vous livrerai aussi la conclusion de notre mémoire qui, à cause d'un problème technique, ne peut vous être déposé ce matin, mais qui sera sûrement déposé cet après-midi. Je pense que tout le monde en conviendra, les enseignantes et les enseignants de cégep ne sont pas volontiers frondeurs. S'ils sont sortis en grève, malgré l'interdiction qui leur en était faite par les lois 70 et 105, c'est qu'ils avaient des raisons. S'ils ont fait fi des menaces brutales de la loi 111, c'est qu'ils estimaient que le bons sens, la légitimité et le droit de la collectivité font partie de leur cause. Vous le savez autant que nous, ils conviennent d'emblée que les temps ne sont pas aux gains syndicaux, mais entre cela et les

contenus de vos décrets il y a un large espace pour les compromis que nous avons offerts et que vous avez refusés systématiquement.

Alors, ils s'interrogent et ils sont inquiets. Que recherche donc ce gouvernement? Quels objectifs poursuit-il dans son entêtement? Préserver la qualité de l'enseignement? Parce que vous aviez encore l'audace, il y a peu de temps, de tenir ce discours! Faut-il en souligner l'absurde? Préserve-t-on ou améliore-t-on la qualité de l'enseignement en détériorant la charge des enseignantes et des enseignants, en les obligeant à faire un choix entre leurs nombreuses tâches et en surchargeant les classes? Améliore-t-on la qualité de l'enseignement en bloquant tout accès à la carrière d'enseignant aux jeunes professeurs, en soumettant ceux en place à l'arbitraire et à l'insécurité constante? Améliore-t-on la qualité de l'enseignement en instaurant la bureaucratie, le contrôle et, parfois même, nous irions jusqu'à dire la "flicaillerie" dans et autour des salles de cours? En enlevant aux enseignantes et aux enseignants tout droit de regard sur la pratique de leur métier? La réponse à cette question va de soi. Selon nous, les sophismes ne convainquent personne, même pas celui qui les fait.

Alors, nous réplique-t-on sur un autre mode, les temps sont au partage et au rationnement. Vous devez aussi faire des sacrifices au profit des chômeurs. Quelle blague, M. le ministrel Règle-t-on le chômage dans le secteur privé en créant du chômage dans le secteur public? Quelle différence y a-t-il entre un chômeur issu du public et celui issu du privé? Mais ce n'est pas tout, et vous le savez. Les salaires dans lesquels vous avez sabré, c'est du pouvoir d'achat, ce sont des impôts qui ne sont pas perçus. En quoi cela aide-t-il les chômeurs du secteur privé? Et qu'en est-il du blocage des emplois dans le secteur public? M. le ministre, vous avez, vous et vos collègues, une conception bizarre du plein emploi, à moins que vous ne vouliez élargir la solidarité chez les chômeurs.

Il vous reste encore un argument: le cadre financier, la cote de New York, c'est l'argument massue. Admettons que, pour un moment, nous partagions vos inquiétudes quant au déficit budgétaire. Mais en sommes-nous responsables, en sommes-nous les seuls responsables? Déjà, vous êtes venus chercher chez les seuls travailleurs du secteur public, par les lois 68, 70 et 105, près de 3 000 000 000 $. C'est une somme, vous en conviendrez! Par le décret, vous venez chercher encore une centaine de millions, la différence, en dollars, entre votre décret sur le normatif et nos acquis. Là ne peut se situer, dans cette mince marge qui nous sépare, l'argument indéfectible à votre entêtement. Ce serait vraiment trop bête. Il faut chercher ailleurs et, ailleurs, il ne vous reste que des mauvaises raisons. Par exemple, vouloir détruire la combativité syndicale dans le secteur public, parce que, pour des raisons structurelles, historiques et démographiques au Québec, ce secteur est, depuis dix ans, le fer de lance de l'ensemble du syndicalisme. Par exemple, vouloir détériorer les conditions de travail du secteur public, parce que ces conditions servent d'étalon, d'exemple au secteur privé. Vous le savez, toute baisse de salaire chez nous, toute augmentation de la productivité entraîneront, en les multipliant, les mêmes détériorations dans le secteur privé. Vous avez écrit cela dans Le virage technologique, sous une rhétorique moins brutale.

Reste aussi vouloir mettre un frein au développement du système d'éducation au Québec. Cela aussi, vous l'avez écrit, M. le ministre, dans Les collèges du Québec et dans Bâtir le Québec, toujours sous la même rhétorique enveloppante. Vouloir y mettre un frein pour placer l'argent des contribuables ailleurs: dans la PME qui risque ou qui fait faillite, dans les multinationales qui s'installent ailleurs, chez les petits financiers bien de chez nous, mais parfois incompétents ou un peu véreux, dans les stades olympiques ou dans Quebecair. Mais aussi vouloir mettre un frein à l'éducation parce que la nouvelle organisation du travail, le virage technologique, nécessitent peu de têtes penseuses, mais plutôt des exécutants dociles et beaucoup de chômeurs.

Inutile de vous le souligner, M. le ministre, nous ne partageons par ces raisons. Nous n'avons que la force du nombre et notre détermination pour les combattre. Parce que nos acquis des dix dernières années peuvent encore freiner vos projets, nous y tenons à ces acquis. Il n'y a maintenant plus qu'un seule solution pour sortir du dilemme dans lequel nous sommes placés, c'est de reprendre les négociations sur de nouvelles bases. C'est ce que nous espérons.

Le Président (M. Paré): Messieurs, tel que cela a été entendu précédemment, il sera possible à tous les intervenants de la commission de poser des questions soit aux membres de la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec ou à M. Charbonneau et à M. Bellefeuille qui viennent de parler. Donc, la parole est maintenant à vous, M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: Le mémoire de la FNEEQ est abondant. C'est surtout de celui-là que je parlerai, puisque la FEEC s'y rallie, selon ce que vient de dire M. Bellefeuille. Donc, le mémoire de la FNEEQ est abondant, touche plusieurs sujets, dont un certain nombre, sur

lesquels elle s'étend longuement, par ailleurs, qui relèvent de la responsabilité propre du gouvernement et du ministère de l'Éducation, par exemple, l'élaboration des politiques, que ce soit la politique des collèges, que ce soit la politique de la formation professionnelle, que ce soit ce qui doit en sortir, c'est-à-dire le règlement pédagogique pour le collégial, que ce soit aussi des décisions proprement ministérielles comme les options professionnelles, leurs modifications ou les changements qui s'imposent à cet égard. (12 h 15)

D'ailleurs, j'aimerais vous faire remarquer, au départ, que, parmi ces grandes politiques, la politique de formation professionnelle est sur la planche à dessin depuis maintenant quatre ou cinq ans. Elle a fait l'objet d'abondantes consultations à deux reprises. Nous avons modifié nos propositions pour les soumettre de nouveau à la consultation. Cette politique de formation professionnelle a fait l'objet de consultations au niveau des régions au cours de plusieurs mois et où nous aurions aimé voir un plus grand nombre de groupes de votre fédération y participer. Elle a fait l'objet d'audiences nationales auxquelles vous brilliez par votre absence, pas plus tard qu'il y a deux jours. Nous aurions bien aimé et nous aimerions bien encore, chaque fois qu'il s'agit de l'élaboration d'une politique, entendre tous vos points de vue; nous les sollicitons.

Il en va de même pour le projet de règlement pédagogique. Une première version a été lancée il y a près de trois ans. À la suite de la consultation que nous avons menée, nous l'avons reprise; elle est elle-même soumise à la consultation depuis maintenant près de deux ans. Les décisions ne sont pas encore prises. Je n'ai pas encore présenté de projet au Conseil des ministres.

Sur ces points, le ministère de l'Éducation revendique sa responsabilité, le gouvernement revendique sa responsabilité jusqu'à nouvel ordre. L'élaboration des politiques, les orientations du système éducatif sont encore de la responsabilité du gouvernement, bien qu'il soit séant, sain, opportun de s'entourer de tous les éclairages venant de toutes les couches ou secteurs de la société et en particulier de nos partenaires de l'éducation.

Dans votre mémoire également, vous faites le procès du gouvernement sur des décisions qui ne sont pas encore prises, par exemple le transfert au secondaire d'un certain programme et le transfert éventuel d'autres programmes comme les techniques infirmières ou les techniques de garderie. Ces décisions-là sont loin d'être prises en ce qui concerne, par exemple, commerce et secrétariat. Tout ce que nous avons noté, ce sont les observations qui nous viennent de toute part disant qu'il s'est développé un dédoublement, un chevauchement entre les programmes du secondaire en commerce secrétariat et les programmes du collégial en techniques de secrétariat. Nous voulons, d'une part, assurer la spécificité de niveau de chacun de ces enseignements, mais en même temps assurer la continuité entre les programmes de commerce secrétariat au niveau du secondaire et ceux qui doivent exister au niveau du collégial. Au lieu de prendre une décision, nous avons fait ce qui convenait, je pense, soit nous accorder du temps pour étudier les critiques qui sont faites, voir si elles sont bien fondées et essayer de prendre des solutions à la lumière des deux principes que je viens de signaler.

Donc, sur les sujets sur lesquels vous vous êtes beaucoup étendus, je pense que, d'une part, les décisions ne sont pas prises; deuxièmement qu'elles seront prises en prenant en considération tous les avis qui peuvent et doivent nous parvenir à cet égard; ces décisions, bien sûr, seront prises en fonction de ce qui paraît le plus opportun.

Je veux revenir à tous les autres sujets qui touchent proprement la négociation et que contenait votre mémoire. Ce mémoire, encore une fois, était abondant et touchait plusieurs sujets.

J'aurais une première question à vous poser. Comment se fait-il que, depuis sept mois, il n'ait pas été possible d'en discuter à la table de négociation, en vertu de l'exigence que vous avez posée et dont vous faites état dans votre mémoire, qu'il aurait fallu, pour que la discussion s'amorce, que le gouvernement renonce, d'abord, à sa demande sur la tâche? Il me semble que vous auriez pu poser cette exigence, faire cette demande. Nous voudrions, bien sûr, parler de la tâche, mais, en attendant que cette discussion évolue à la table centrale, par exemple, en ce qui concerne l'aspect salarial et la sécurité d'emploi, donc, en attendant qu'on puisse la reprendre plus tard, nous aurions pu négocier tous les autres points dont vous avez fait état dans votre mémoire. Pourquoi avons-nous perdu sept mois, avant de discuter en négociation de tous les sujets dont vous parlez dans votre mémoire?

Le Président (M. Paré): M. Gauthier.

M. Gauthier (Claude): Je reprends quelques éléments de l'introduction à votre question. Je pense que vous comprendrez l'absence de la FNEEQ à la dernière consultation concernant l'enseignement professionnel, compte tenu des circonstances dans lesquelles on se trouve. Il est assez difficile, en même temps qu'on subit une répression terrible, d'être disposés à faire valoir nos points de vue sur des dossiers aussi importants.

Nous sommes également conscients que le ministère de l'Éducation a des rôles et

des responsabilités dans le sens de ce que vous avez dit. Mais, comme intervenant important sur l'ensemble de la question, ce qu'on a voulu faire à cette commission parlementaire, c'est rappeler les dangers encourus à la suite des modifications proposées dans les différents projets de règlement collégial qu'on a connus et vous rappeler également les dangers qu'on voit dans les modifications que vous voulez apporter dans le secteur de la formation professionnelle des jeunes.

Quant aux décisions qui ne sont pas encore prises concernant le transfert d'options, des enseignantes en techniques de secrétariat ont eu l'occasion de rencontrer M. Lamontagne, qui est un des sous-ministres du ministère de l'Éducation. Lors de cette rencontre, les intentions du gouvernement ont été précisées en termes de délai concernant l'option des techniques de secrétariat. Pour les autres techniques, on a évoqué des possibilités. À la suite de cette rencontre, on a vraiment eu l'impression que le transfert de l'option des techniques de secrétariat au secondaire se ferait à très court terme. Je suis heureux de vous entendre dire que ce ne sont pas des décisions vraiment arrêtées parce qu'on aura des représentations à vous faire sur le sujet. D'ailleurs, je pense que les représentations que nous avons faites dans le mémoire en font déjà état, mais, là-dessus, on pourrait vous présenter des représentations encore plus détaillées.

Maintenant, concernant la négociation, je la situerais en deux temps. Dans un premier temps, lorsqu'on a abordé les dossiers qu'on a qualifiés "de moindre importance", on avait des demandes sur l'ensemble de ces dossiers. On a fait des concessions au cours de la négociation et le gouvernement en a fait également. On n'a pas, pendant cette phase, abordé la négociation sur ce qu'on a appelé "les gros dossiers": tâche, sécurité d'emploi et département.

On avait commencé, vers le 28 novembre, à discuter, avec vos représentants à la table des négociations, du dossier de l'éducation aux adultes en fonction du dossier de la tâche et de la sécurité d'emploi. Lorsqu'on a voulu discuter du dossier de la tâche, la réponse qu'on a eue de vos représentants est la même qu'on a eue également à d'autres moments tout récents lors de rencontres à la fois avec vous et avec M. Girard. Il fallait, pour discuter, qu'on accepte une augmentation de la tâche, qu'on s'inscrive dans le cadre budgétaire ou dans le cadre financier du ministère de l'Éducation.

Il faut comprendre que la présente négociation s'est faite constamment à partir de lois: la loi no 68, où on n'a eu aucune occasion de négocier; la loi no 70 et, ensuite, les décrets. Quand, effectivement, vous nous placez dans une situation de négociation comme celle où vous nous avez placés, quand les enjeux - on vous l'a rappelé ce matin - sont de la nature de ceux qu'on invoque, quand le gouvernement reste figé dans son intention de récupérer 110 000 000 $, que la seule ouverture est sur l'étalement de cette récupération qui va avoir, en bout de ligne, les mêmes conséquences que si c'était en début, sauf, par exemple, de reporter la coupure de postes d'une année, il est extrêmement difficile de s'asseoir, il est extrêmement difficile également d'aller chercher des mandats nous permettant de travailler sur ces dossiers.

Personnellement, je veux réaffirmer qu'on a démontré, pendant la première phase des négociations, qu'il était possible de faire des compromis. On a rappelé hier qu'on avait réussi à s'entendre sur à peu près la moitié des clauses de la convention collective. Vos représentants à la table de négociation nous ont fait part qu'effectivement ils étaient d'accord avec le fait que nous avions fait de nombreuses concessions. Mais quand on s'enferme, comme le ministère de l'Éducation l'a fait, comment peut-on penser décemment que la négociation reste possible?

Quand on regarde le dossier des tâches lui-même, si vous demeurez sur vos objectifs de départ, qui ne tiennent pas compte des effets concrets qu'ils auraient sur les collèges, comment peut-on penser par la suite aller négocier sur la sécurité d'emploi? Pour ce qui est de la sécurité d'emploi, il faut rappeler que dans les cégeps il y a environ 350 professeurs qui sont mis en disponibilité, que la très grande majorité -soit près de 80% - ont une tâche à temps complet, qu'entre 15% et 17% occupent leur tâche à des projets de recherche et qu'environ 5% n'ont pas de tâche bien spécifique.

Pour nous, le problème de la sécurité d'emploi, dans le contexte de notre vécu au niveau de la convention collective, ce n'est pas un problème, dans le sens que les enseignants et les enseignantes travaillent. On s'est dit disposés à regarder des mesures de résorption et, entre autres, sans qu'on ait eu l'occasion d'en discuter très longuement, on voulait regarder avec vos représentants tout ce qui touche le recyclage. Il y a, dans le décret, un certain nombre de postes qui sont prévus pour le recyclage. On estime que cela est insuffisant. Il est clair qu'à partir des positions rigides du ministère de l'Éducation il était difficile d'aller plus loin dans ce dossier. En ce qui regarde le département, c'est un sujet dont on a très longuement débattu lors de la dernière ronde de négociations. Rappelons qu'encore une fois vous nous avez dit que, sur ce dossier, vous teniez à vos objectifs. On n'a pas senti, du côté du ministère de l'Éducation, une

attitude favorable à la négociation.

Je me résume: sur ces trois dossiers, si effectivement on n'a pas pu échanger, c'est que l'attitude du ministère de l'Éducation a été de rester sur ses positions de départ ou à peu près.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Laurin: En tout cas, nous aurions sûrement aimé, au cours de ces sept mois, discuter et explorer toutes les questions que vous avez soulevées dans votre mémoire et, en particulier, la question du département puisqu'il y a, bien sûr, des objectifs, mais il y a bien des modalités pour y atteindre. Cela aurait pu faire l'objet de discussions entre nous. À propos du département, justement, pourquoi vous opposeriez-vous à ce que le département au sein du collège ait à peu près la même fonction, la même responsabilité vis-à-vis de l'administration que le département possède actuellement dans nos universités à l'endroit des administrations universitaires? Qu'est-ce qui ferait que, dans un collège, il faudrait qu'un département soit plus indépendant, autonome, autogéré, même, que la situation actuelle dans les universités?

Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.

M. Gauthier (Claude): Si on prend cet aspect, quand on parle des départements autogérés et autonomes, il faudrait revoir la convention collective de 1976 et celle de 1979 là-dessus. Une partie importante des tâches que l'on fait se déroule sous la responsabilité du collège. La convention intitule cette partie: Les fonctions du département et En assemblée départementale sous l'autorité du collège. Donc, les fonctions importantes liées à la prestation de cours, liées à l'enseignement se font sous l'autorité du collège. (12 h 30)

II y a un autre aspect où on parle de l'assemblée départementale. Il faudrait peut-être le voir un peu: définir les règles de régie interne; on ne voit pas ce que le collège viendrait faire là-dedans. Désigner les professeurs appelés à siéger aux comités de sélection; cela relève de l'assemblée départementale. Assurer l'assistance professionnelle aux nouveaux professeurs; là-dessus, c'est fort important que cela demeure au niveau de l'assemblée départementale, parce que c'est une relation d'aide. On souhaite que cela demeure une relation d'aide au niveau du professeur, qu'on soit en mesure de travailler avec un professeur qui aurait des difficultés, à partir des ressources qu'on a au niveau du département. Faire au collège et à la CP des recommandations susceptibles d'améliorer la qualité de l'enseignement; là encore, il me semble que cela parle par soi-même, c'est une fonction de l'assemblée départementale, parce qu'on fait des recommandations au collège. Procéder à l'analyse des besoins des ressources humaines et matérielles des départements; on fait donc rapport au collège là-dessus. Voir à désigner les professeurs appelés à participer aux comités du ministère de l'Éducation et en informer le collège; ce sont les départements qui sont représentés. Et on pourrait continuer assez longuement là-dessus.

Que remettez-vous vraiment en cause? C'est la responsabilité collective de l'assemblée départementale sur ces points. C'est aussi, finalement, la représentation des professeurs qu'on élit pour faire la coordination départementale. Cette forme de fonctionnement dans les départements a été une source de dynamisme. Cela a été un élément important en termes d'innovation pédagogique, en termes d'élaboration des contenus et en termes d'élaboration des plans de cours. Prétendre qu'on ne fait pas de rapport ou prétendre que, parce qu'on a un fonctionnement de cette nature, les administrations de collège ne sont pas informées de ce qui se passe dans les départements, c'est aller très loin. Il y a des rapports constants qui sont faits. Notre travail s'inscrit dans le contexte de la convention collective. Il y a des collaborations entre les départements et les collèges. Il y a des collaborations également dans ce domaine au niveau de la commission pédagogique. Les directions de collège sont informées de tout ce qui se passe. En ce qui regarde le fonctionnement des structures départementales au niveau des universités, que je sache, les structures départementales ne sont pas identiques à ce qui existe au collège, mais elles ont des responsabilités particulières et prennent en charge ces responsabilités particulières. Il faudrait comparer les deux textes, mais il y a une partie importante des responsabilités qui est laissée aux professeurs dans les départements au niveau des universités.

M. Laurin: Sur un autre point, M. le Président, le nombre des mises en disponibilité, il m'apparaît que les projections catastrophiques que vous faites dans votre mémoire relèvent de la plus haute conjecture et, surtout, elles ne me paraissent pas tenir compte - et je pense que c'est délibéré de votre part - du cadre de règlement que nous avons offert le 9 février en ce qui concerne l'étalement de la tâche. Puis-je vous demander jusqu'à quel point vous auriez été obligés de réviser les chiffres que vous nous donnez aujourd'hui si vous aviez tenu compte, justement, de l'étalement sur trois ans de ce que nous demandons au sujet de l'augmentation de la tâche?

Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.

M. Gauthier (Claude): Effectivement, et je l'ai souligné, dans le contexte de notre mémoire, compte tenu de ce que vous nous aviez dit concernant l'aménagement au cadre de règlement, on n'a pas tenu compte de cet aménagement puisque cela a été rejeté par nos assemblées générales. À ce moment-là, cela avait été clairement établi que ces aménagements n'étaient plus sur la table. Quand vous avancez le nombre de 700, c'est l'évaluation qu'on faisait. Vous avancez là des équivalents de temps complet. Avec le décret - on a donné quelques exemples dans le mémoire qu'on présente - lorsqu'un enseignant ou une enseignante n'aura plus une tâche à temps complet, celui-ci ou celle-ci sera mis en disponibilité. Je peux partir de quelques exemples; on a extrapolé à partir de ces exemples pour vous montrer que les chiffres qu'on met de l'avant ne sont pas farfelus. À partir de six cégeps - là-dedans il y a des cégeps de région et il y a des cégeps aussi dans les grandes villes - on arrive à 196 mises en disponibilité sur une possibilité de 1305 équivalents de temps complet. Donc, c'est environ 15%. Si on extrapole et qu'on prend la même règle pour les 10 600 enseignants ou enseignantes de niveau collégial, on arrive au chiffre de 1590. Il est clair que, quand on parle de ces mises en disponibilité, on ne calcule pas les mises à pied des professeurs à temps partiel et on ne calcule pas, non plus, les mises à pied des professeurs non permanents.

Maintenant, ce que faisait le cadre de règlement, c'était reprendre l'ensemble de la situation, mais en étalant dans le temps ces mises à pied ou ces mises en disponibilité. En bout de ligne, en 1985, on aurait donc constaté le même effet, sauf que cela aurait été moins brutal la première année si on le compare, par exemple, à ce qui existe dans les décrets.

M. Laurin: Je prends note, M. Gauthier, que vous admettez vous-même que votre mémoire réquisitoire d'aujourd'hui ne tient pas compte de l'offre du 9 février dont j'ai pourtant dit à plusieurs reprises depuis une semaine qu'elle est encore sur la table. Je voudrais maintenant parler de la formule. Elle est abandonnée dans le décret pour des raisons que nous avons pu vous expliquer. Êtes-vous au courant qu'avec l'emploi de la formule telle qu'elle existait dans la convention collective antérieure nous en arrivions parfois à cette situation assez étrange où des collèges avaient tellement de professeurs qu'ils ne savaient plus à quoi les employer et qu'en conséquence ils ne les employaient pas et que les salaires qui auraient dû être versés à ces enseignants en vertu de la convention étaient redistribués sous forme monétaire aux professeurs du cégep? Êtes-vous au courant qu'il y avait une telle situation?

Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier. M. Laurin: La trouvez-vous normale?

M. Gauthier (Claude): Effectivement, si on reprend ce dossier, on va regarder un peu comment se fait la répartition de la tâche au niveau local. Notre enlignement a toujours été d'engager et ce, le plus rapidement possible, en mai, le nombre de professeurs correspondant à l'allocation. Maintenant, en mai, il y a un flottement à cause de la clientèle étudiante qui se confirme beaucoup plus tard. Compte tenu du fait que, si les collèges avaient alloué plus de professeurs que la formule leur en donnait, ce sont eux qui devaient assumer, à même les autres budgets, les masses monétaires correspondantes, les collèges attendent donc la confirmation du nombre d'étudiants, au 20 septembre, avant de compléter l'engagement des professeurs.

Dans les collèges locaux, on a toujours et ce, vers le mois d'août, fait des efforts considérables pour forcer l'engagement. Les administrations locales se gardent des coussins. Ces coussins ne sont pas régis par la convention collective; ils le sont, mais dans une certaine limite. Même si les syndicats locaux forçaient les collèges ou les administrations locales à engager, effectivement celles-ci se gardaient des marges de manoeuvre. Dans certains cas il y a des surplus de masse monétaire. On pourrait faire le tour de l'ensemble des collèges et constater que ces surplus de masse, au cours des années, ont diminué considérablement. Également, ces surplus de masse sont redistribués à l'ensemble des enseignants et enseignantes selon des ententes à faire au niveau local, parce qu'on présume que ce sont les enseignants et les enseignantes qui ont assumé le fardeau de tâche correspondant au non-engagement de profs correspondant à cet état de choses.

M. Laurin: Mais vous admettez quand même qu'en vertu de la formule ces surplus de masse monétaire pour des professeurs qu'on n'avait même pas besoin d'engager ont été redistribués aux professeurs qui enseignaient dans le cégep.

Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.

M. Gauthier (Claude): Avec les surplus, on a toujours forcé l'engagement. Quand on dit qu'on n'avait pas besoin d'engager, c'est faux. On avait besoin de ces enseignants et enseignantes mais, pour les raisons que je vous ai mentionnées, ce sont les administrations locales qui se gardaient une marge de manoeuvre. Nous avons voulu, par

les surplus, forcer l'engagement. Ce que je prétends, c'est que dans les décrets la même situation existera, mais où ira l'argent? Dans les décrets - c'est aussi un danger de l'absence de mécanismes de répartition -entre le collège et les disciplines, on laisse place à toutes les marges de manoeuvre nécessaires pour les administrations locales. Aucune garantie que les profs nécessaires à une discipline seront alloués. Aucune garantie qu'il n'y aura pas de distorsion dans ces allocations.

Quand on regarde les décrets, il n'y a même pas de garantie formelle pour que les profs nécessaires à un collège soient vraiment affectés à ce collège. Dans ce sens-là, on répète que c'est une revendication fort importante. On veut des mécanismes de répartition entre les collèges et les disciplines pour qu'effectivement l'ensemble des disciplines ait droit à tous les profs correspondant aux besoins de la discipline. On ne veut pas laisser cela à l'arbitraire patronal au niveau local parce qu'on sait ce que c'est, ayant déjà vécu cela notamment lors des décrets. Je peux vous dire, entre autres, que lors du décret de 1972 il y avait beaucoup moins de profs qui étaient engagés et que les surplus de masse salariale étaient beaucoup plus importants.

M. Laurin: II reste que dans les faits, dans les collèges où la situation existe, les professeurs ont bénéficié de ce surplus de masse monétaire au-delà du salaire quand même assez généreux qui leur est consenti.

J'aurais une question à adresser à M. Charbonneau.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le ministre.

M. Laurin: Oui?

Le Président (M. Jolivet): Sur la même question, je pense que M. Bellefeuille aurait une intervention à faire.

M. Bellefeuille: Je voudrais préciser, M. le ministre, que je trouve bizarre votre affirmation puisque les conventions faisaient obligation aux collèges d'engager 98% de l'allocation. Or, il est vrai que certains collèges n'appliquaient pas la convention et ne procédaient pas aux engagements, d'où un surplus de masse monétaire. Mais s'il y avait un surplus de masse monétaire à ce moment-là, on pourrait faire une espèce de comparaison en disant que c'était comme si les enseignants et enseignantes faisaient du temps supplémentaire parce que leur tâche était plus élevée que celle prévue dans les conventions collectives. Quand on dit qu'on a besoin de 100 personnes pour faire la "job" et qu'on en met 90 pour la faire, ces gens-là font 110% de la "job" et ils sont payés en conséquence. C'est cela qu'il faut souligner, M. le ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. (12 h 45)

M. Laurin: J'aurais une dernière question à adresser à M. Charbonneau et à M. Bellefeuille qui nous disent qu'avec l'augmentation de la tâche telle que prévue aux décrets, avec l'augmentation de la norme 1 professeur par 15 et peut-être même par 15,8, si on prend le coordonnateur départemental au sein des effectifs enseignants existants, donc, avec l'élévation de cette norme à quinze, nous allons détériorer, d'une façon irrémédiable, la qualité de l'enseignement dans les collèges. Comment, alors, expliquer que la moyenne nationale d'étudiants par professeur dans les collèges est de 17,7, c'est-à-dire deux points au moins, peut-être trois, au-dessus de la norme prévue aux décrets? Est-ce que M. Charbonneau pourrait me prouver qu'avec cette norme les collèges canadiens ont vu une détérioration considérable de la qualité de l'enseignement?

Le Président (M. Jolivet): M.

Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Pour ma part, je prenais certaines données ou je faisais certaines hypothèses à partir d'une augmentation qui surviendrait au Québec. D'après ma compréhension de ce qui se passe actuellement dans les cégeps concernant les rapports entre les professeurs et les étudiants, il y a un besoin ou il y a une lacune qu'on entend souvent et qui provient soit des enseignants, soit des étudiants ou de leurs associations. C'est une lacune qu'il faut combler, je crois, et à laquelle il faut s'attarder. C'est de s'arranger pour que, dans les cégeps, il y ait la préservation, l'amélioration, dans certains cas, du temps ou des facteurs assurant de meilleures relations entre enseignants et étudiants. On pense que, dès qu'on fait face à une augmentation des nombres ou des quotas, à ce moment-là, on ne s'en va pas vers la solution de ce problème. C'est ainsi que j'ai entendu le point de vue des enseignants et des étudiants et on essaie de ramener cette préoccupation ici et de dire qu'on ne s'en va probablement pas dans la direction de la solution de ce problème en augmentant les quotas.

Le Président (M. Jolivet): Question? M. Laurin: Cela va.

Le Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole au député d'Argenteuil, on avait prévu dépasser 13 heures, mais, à la

suite d'une entente que j'aimerais faire confirmer, on terminerait quand même nos travaux à 13 heures et M. le député d'Argenteuil prendrait les 30 minutes qui lui sont allouées selon l'entente, soit un temps équivalent à celui du ministre, pour poser ses questions. Nous reviendrons à 14 h 30 pour disposer d'une autre heure additionnelle avec les représentants des cégeps, avant de passer à l'autre secteur élémentaire et secondaire. Si vous êtes d'accord avec cette formule, nous agirons ainsi.

Donc, il y a consentement. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt les communications présentées par la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec et la CEQ qui a suivi. Je ne veux pas commenter tous ces mémoires en détail, parce que cela nous prendrait beaucoup de temps. On veut poser les questions les plus essentielles.

Je voudrais simplement rappeler un fait, dont j'ai eu connaissance ces jours-ci, à l'attention du ministre et de ses collègues qui sont ici. On me parlait du retour en classe qui s'est fait dans un cégep de la région de Québec, la semaine dernière. Je ne sais pas si le ministre est au courant du climat que crée toute la politique du gouvernement. Les assemblées de professeurs, ce n'est presque pas manoeuvrable, d'après ce qu'on m'a dit; c'est un climat d'insécurité extrêmement poussé. Les gens commencent même à se soupçonner les uns les autres: Toi, tu es de ce côté-ci; toi, tu es de ce côté-là; toi, tu te mets avec les autorités pour éviter d'être mis à la porte éventuellement ou mis en disponibilité. Il y a toutes sortes d'éléments qui entrent dans l'atmosphère et cela devient extrêmement difficile d'envisager un travail d'éducation sérieux dans ces conditions.

Je ne prétends pas qu'il y a seulement M. le ministre de l'Éducation qui soit responsable de tout cela, mais il y a un climat qui est mauvais actuellement, qui a été empoisonné par les événements des dernières semaines. Si on devait continuer dans la ligne autoritaire qui s'est manifestée depuis maintenant huit mois en tout ce qui se rattache à la négociation collective, je pense que ce serait très mauvais pour la qualité de l'enseignement, indépendamment des enjeux objectifs dont nous allons essayer de parler avec le plus d'impartialité possible.

Évidemment, on pourrait s'attarder longuement sur beaucoup de considérations qui ont trait à la politique du gouvernement en matière d'enseignement collégial. M. Charbonneau a soulevé plusieurs éléments, au début de ses remarques tantôt, qui m'ont beaucoup intéressé. Je ne pense pas, malheureusement, que nous ayons le temps de faire un débat sur ces points ce matin.

Vous l'avez présenté comme toile de fond, si je comprends bien. C'est bon qu'on se fasse rappeler ces choses, mais le but de la commission est d'en venir aux questions qui séparent le gouvernement et les organismes syndicaux en relation avec les décrets qui portent le nom faux - évidemment, c'est un nom usurpé - de conventions collectives. On a mis cela dans la loi. C'est un mensonge institutionnalisé, à mon point de vue.

Cela étant dit, je vais essayer d'éclaircir certains points que vous avez apportés. Ma première question se rapportant assez directement, par conséquent, aux négociations serait la suivante. Vous avez dit tantôt, M. Gauthier, qu'il y avait trois sujets majeurs de litige: la tâche, la sécurité d'emploi, c'est-à-dire les mises en disponibilité...

M. Gauthier (Claude): Et le département.

M. Ryan: ...et le département. On pourrait peut-être régler cela tout de suite. Ce n'est pas très compliqué, je pense bien. C'est compliqué à régler, mais ce n'est pas compliqué à identifier. Si je comprends bien, dans la convention qui existait, il y avait un responsable de département qui était élu par ses collègues en assemblée départementale et qui exerçait la fonction de responsable, une fonction dont le contenu est assez limité, je pense. C'est une fonction de coordination, si je comprends bien. D'ailleurs, le titre est coordonnateur, je pense. Comme vous l'avez dit tantôt, il soumet des rapports à la direction générale du collège de temps à autre et, dans le décret, cela est changé. Est-ce encore un coordonnateur ou un responsable maintenant?

Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.

M. Gauthier (Claude): C'est plus un responsable. Il est quand même élu par l'assemblée départementale, mais il doit rendre des comptes au collège sur l'ensemble des fonctions du département et il est perçu beaucoup plus comme un responsable dans la ligne hiérarchique de l'administration envers lui.

M. Ryan: Trouvez-vous que cela va être plus difficile à faire fonctionner?

M. Gauthier (Claude): Nos expériences passées - parce qu'on a déjà eu à expérimenter ce type de fonctionnement dans le passé - nous démontrent qu'effectivement le fonctionnement est moins harmonieux et que toutes les tâches qu'on réussit à faire en assemblée départementale se font de façon différente.

M. Ryan: Quand cela a-t-il été mis

dans la convention, ce statut de coordonnateur? Y a-t-il eu des changements lors de la dernière convention, en 1979?

M. Gauthier (Claude): Cela a été introduit dans les conventions collectives en 1976 et c'était un des accrochages majeurs de la convention collective de 1979. On en a longuement discuté avec les représentants du ministère de l'Éducation et cela a été réintroduit dans la convention collective.

M. Ryan: M. le ministre, le gouvernement n'aurait-il pas forcé la main à la Fédération des cégeps, à ce moment-là, pour que cela reste dans les conventions?

M. Gauthier (Claude): C'est fort possible. Je ne le sais pas. M. le ministre pourrait mieux répondre.

M. Ryan: C'est le souvenir que je conserve, que le gouvernement aurait forcé la main de la Fédération des cégeps à ce moment-là et, aujourd'hui, il aurait changé d'attitude pour des raisons qu'il évite d'exprimer. Oui?

Le Président (M. Jolivet): M.

Bellefeuille.

M. Bellefeuille: C'est exactement le cas, M. Ryan. Lors de la dernière ronde de négociations, où cela a été un des points qui ont achoppé jusqu'à dernière minute, on a dû faire, selon le processus de la loi 55, un arrêté en conseil au Conseil du trésor pour donner l'autorisation au ministère de signer, sur la question du département, une entente avec les fédérations d'enseignants. C'est ainsi que la fédération patronale avait été tassée et là, on avait l'impression que c'était la fédération patronale qui avait tassé le gouvernement.

M. Ryan: Le ministre est chanceux. Il n'était pas là à ce moment-là. Le ministre des Finances s'en souvient peut-être. C'est peut-être une partie des concessions abondantes que vous avez faites en matière normative vers la fin et qui sont racontées dans un certain volume.

M. Parizeau: C'est inscrit, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Comme les CT, les décisions du Conseil du trésor à cet égard, en vertu de la loi 55, existent par écrit, la chose la plus simple, je pense, c'est qu'on vérifie et qu'on sorte le document. Ce sera facile à vérifier.

M. Ryan: Mais c'est...

M. Parizeau: Effectivement, il y en a une couple qui ont été passés à travers une année et demie de discussions pour régler des choses. Cela peut fort bien être le cas.

M. Ryan: Cela n'a pas un intérêt immense, c'est seulement pour essayer de comprendre la logique souvent tortueuse que suit le gouvernement dans ses décisions suivant qu'il est avant un référendum ou après.

M. Parizeau: Torturée ou évoluante.

M. Ryan: Évolutive, pour le moins. Juste un point de clarification. Je pense que c'est le collègue de M. Charbonneau, M. Bellefeuille, qui a dit tantôt qu'on avait un responsable de département par 20 professeurs, qui était compté autrefois en plus du nombre de professeurs qui est attribué à chaque cégep et, en vertu du décret, ce serait compté parmi les professeurs, ce qui ferait évidemment une diminution de je ne sais pas de combien de professeurs en tout. Peut-être 500 ou 600 dans l'ensemble du réseau des cégeps. Est-ce que c'est bien cela et est-ce que le ministre accepte cette interprétation?

Le Président (M. Jolivet): M.

Bellefeuille.

M. Bellefeuille: C'est exact. C'est très clair, dans la convention, que la norme 1/20 pour la coordination départementale est encore là, mais elle est maintenant prise dans le quantum général de la norme 1/15 alors qu'auparavant elle était prise à l'extérieur. C'est un quantum additionnel à la norme pour l'enseignement. C'est pour cela que, quand le gouvernement dit: C'est la norme 1/15, nous disons: C'est la norme 1/15, c'est vrai, pour le nombre d'enseignants dans le cégep, mais, pour l'enseignement proprement dit, ce n'est plus 1/15. En faisant les calculs, cela donnerait approximativement 1/15,8.

M. Ryan: II ne semble pas y avoir de contradiction de la part du gouvernement. Par conséquent, je pense que c'est juste. Vous avez parlé de l'augmentation de la tâche de l'enseignant. Vous dites, à un moment donné, que l'augmentation moyenne de la tâche sera de l'ordre de 15% à 20%. Dans le mémoire que vous avez présenté, qui était très long, je n'ai pas trouvé les précisions que je souhaitais avoir. Est-ce que vous pourriez illustrer concrètement, en prenant, par exemple, le cas d'un professeur d'histoire, le cas d'un professeur de sciences, le cas d'un professeur de mathématiques, ce que les dispositions décrétales entraîneraient

comme changements dans les conditions de travail de cet enseignant?

Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier, en disant que c'est la dernière réponse pour le moment puisque nous suspendrons les travaux dans quelques minutes. M. Gauthier.

M. Gauthier (Claude): Comme la réponse risque d'être longue, on peut la reprendre en revenant du dîner.

Le Président (M. Jolivet): Parfait; donc, suspension jusqu'à 14 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise de la séance à 14 h 43)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît;

La commission de l'éducation reprend ses travaux là où elle les a laissés ce midi afin d'entendre les organismes directement impliqués dans l'administration scolaire qui veulent faire des représentations sur la qualité de l'enseignement, la tâche et la sécurité d'emploi des enseignants et enseignantes en regard de la situation actuelle au Québec.

Avant que débutent nos travaux, j'aimerais faire mention du dépôt d'un document qui a été distribué aux membres de la commission et qui provient d'un enseignant, M. Rosaire Thibault de la commission scolaire de Chicoutimi.

Vous avez ensuite une lettre que je viens de recevoir et dont je fais lecture et qui a trait à M. Claude Benjamin et qui se lit comme suit: "Ayant entendu les commentaires du leader du gouvernement, M. Jean-François Bertrand, et ceux du critique de l'Opposition, M. Claude Ryan, ce matin, le 3 mars 1983, je me permets de vous réitérer que je demeure à la disposition de la commission parlementaire de l'éducation. Toutefois, je prie les membres de la commission d'accepter que je ne comparaisse pas. La principale raison de cette demande, je le soulignais hier, en est que le Conseil supérieur de l'éducation n'est pas en mesure actuellement de faire connaître son avis sur les conséquences des décrets qui régissent les conditions de travail de ceux qui oeuvrent dans le secteur de l'éducation. "En outre, il me faut faire savoir aux membres de la commission parlementaire que le conseil ne sera pas en mesure de faire connaître son avis au tout début de la semaine prochaine. Par ailleurs, un rapport sera porté à la connaissance des membres du conseil lors de la prochaine réunion des 10 et 11 mars prochains. Mais encore là, il n'est pas assuré que le conseil adoptera un avis au cours de ladite réunion. "J'ose espérer que les membres de la commission voudront bien agréer ma requête. "Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments distingués."

C'est signé par M. Claude Benjamin et daté du 3 mars 1983. Donc, je devais faire part à la commission de la lettre que j'ai reçue pendant l'heure du dîner. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Est-ce qu'on doit comprendre que le Conseil supérieur de l'éducation se met en réserve de la république?

Le Président (M. Jolivet): Tout ce que je peux vous dire en vertu de cette lettre, car je dois faire rapport, c'est que vous l'avez bien comprise, comme moi. En termes de ce qu'il demande, la commission est toujours libre des décisions qu'elle peut prendre.

M. Ryan: Je voudrais simplement émettre le voeu, de nouveau en conformité avec ce que j'ai dit ce matin, que la commission garde cette idée-là ouverte, sans tirer de conclusion définitive. Comme nous ne savons pas d'ailleurs quand nous terminerons nos travaux, je pense qu'il faudrait garder ouverte l'idée de recevoir le président du Conseil supérieur de l'éducation ou ceux qui seront appelés à parler au nom du Conseil supérieur de l'éducation, si jamais ils peuvent compléter leurs travaux à temps, pour qu'ils puissent nous en faire part ici.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, M. le député d'Argenteuil.

Même si nous commençons avec un quart d'heure de retard, l'horaire est toujours tel que prévu. L'entente est en ce sens que le député d'Argenteuil termine avec les 20 minutes qui lui restaient. Tout en tenant compte aussi qu'il restera 40 minutes à partager de façon équitable entre le côté gauche et le côté droit de la présidence, à 20 minutes chacun, utilisables selon la bonne entente de chacune des parties.

Pour le moment c'est le député d'Argenteuil qui a la parole.

M. Ryan: Nous nous sommes laissés tantôt sur une question que j'avais posée aux porte-parole des syndicats d'enseignants de cégeps. Je leur demandais s'ils pouvaient nous apporter des précisions les plus concrètes possible sur la signification pratique de l'augmentation de la tâche qui est impliquée par une mise en oeuvre des décrets éventuellement. J'avais demandé qu'on prenne des exemples de professeurs dans une discipline ou dans l'autre, et qu'on fasse voir concrètement ce que veut dire cette augmentation de la tâche qui va de 15% à 20%.

Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.

M. Gauthier (Claude): Les protections individuelles peuvent provoquer des augmentations de tâche allant jusqu'à 25% et on va donner un exemple où cela peut aller à plus de 25%. Alors, prenons par exemple quelqu'un qui enseigne en histoire - et ce qui est vrai pour l'histoire, c'est aussi vrai pour la philosophie et le français. Actuellement, la charge d'enseignement varie entre 12 ou 15 heures par semaine pour des groupes de 30 à 35 étudiants ou étudiantes. Avec le décret, la charge sera augmentée de 15 à 18 heures pour des groupes de même type. Donc, dans certains cas il y a des possibilités qu'un professeur ait à rencontrer jusqu'à 210 étudiants ou étudiantes par semaine.

Si on prenait l'exemple d'un professeur de biologie qui enseigne actuellement 14 heures par semaine dans une session à des groupes de 40 étudiants et étudiantes, le décret peut faire en sorte que cela aille jusqu'à 17 heures pour des groupes semblables. Si on prend l'exemple des techniques infirmières, la moyenne actuelle... Oui?

M. Ryan: J'aimerais avoir une précision additionnelle. Sous le régime conventuel que nous avons actuellement, 14 heures par semaine pour des groupes de 40 étudiants, cela ferait 560 étudiants qu'il doit rencontrer dans sa semaine; est-ce bien cela?

M. Gauthier (Claude): Non, il y a là-dedans des cours théoriques et des cours pratiques. Un professeur rencontrerait 80 étudiants par semaine.

M. Ryan: 80 étudiants par semaine?

M. Gauthier (Claude): 80 étudiants en cours théorique et le même nombre en laboratoire.

M. Ryan: Très bien. Sous le régime du décret, cela irait jusqu'à combien?

M. Gauthier (Claude): C'est le nombre d'heures qui augmenterait jusqu'à 17. Au lieu de 80 étudiants, cela pourrait aller à 120 étudiants.

M. Ryan: Très bien.

M. Gauthier (Claude): Maintenant, si on regarde les techniques infirmières, une option où il a des contraintes notamment quant aux stages dans les hôpitaux, la moyenne actuelle est de 14 heures par semaine, cela peut aller jusqu'à 20 heures par semaine. Je vais prendre un autre exemple: électro, où la moyenne actuelle est de 14 périodes; cela peut aller jusqu'à 17 périodes.

Maintenant, je voudrais donner un complément d'information. Quand on regarde l'ensemble de la question, cela impliquera donc nécessairement moins de disponibilité pour les étudiants et les étudiantes, forcément, ayant plus d'étudiants ou d'étudiantes, cela impliquera plus de travaux. Compte tenu que cela a un impact sur la correction, c'est possible que cela ait également un impact sur le rythme des travaux. Dans des domaines où il y a des stages, ça va avoir des incidences sur la supervision des stages.

Maintenant des éléments cachés de la tâche d'un enseignant ou d'une enseignante. Je voudrais me servir d'un exemple d'électro, et c'est vrai pour la majorité des enseignements au professionnel. Des choses qui s'ajoutent à la tâche des enseignants et des enseignantes comme par exemple l'information scolaire, la promotion des programmes, la relation avec les entreprises et les organismes. Il y a aussi des contacts avec les entreprises et les organismes pour le placement des étudiants ou des étudiantes. Ce sont des éléments cachés mais qui sont très présents dans la tâche des enseignants et des enseignantes.

Je voudrais aussi donner comme exemple ce qui se passe au département de l'électronique dans le collège où j'enseigne. Il y a beaucoup de laboratoires, et compte tenu des objectifs qu'on vise au plan de la formation, on a orienté chacun des laboratoires vers de la conception, de la conception qui évolue au même rythme que les étudiants et les étudiantes évoluent dans les cours. Pour terminer le cours par un projet de fin d'études qui est axé également sur la conception, il y a un certain nombre de professeurs d'alloué pour ce projet de fin d'études et le département a accepté de se surcharger pour donner une supervision plus directe aux étudiants et aux étudiantes.

C'est clair qu'augmenter la tâche dans les proportions que je mentionnais, ça va avoir des conséquences directes sur la façon d'enseigner.

M. Ryan: Très bien. Je ne sais pas si cela serait possible que vous prépariez tous les deux peut-être, un petit supplément pour le mémoire sur ce sujet que vous nous avez remis parce que là, toute la période qui me reste va passer là-dessus. J'ai d'autres questions qui se rattachent peut-être plus immédiatement au sujet que nous discutons. Ce n'est par manque d'intérêt au contraire. Je pense que si l'on pouvait avoir des précisions de cette nature ce serait bien précieux. Cela étant dit, oui...

M. Bellefeuille: Je ne veux pas prendre des exemples comme ça malgré qu'on en a des très précis par session. Tout ce que je voulais souligner, c'est qu'actuellement, avec

le nombre d'enseignants équivalant en temps complet, 8724 par exemple, qu'on prévoit actuellement pour 110 000 étudiants, 8724 enseignants à temps complet, dans le régime actuel, se seraient occupés de 110 000 étudiants. Avec le décret, on leur demande de s'occuper de 23 000 étudiants de plus. On demande aux mêmes 8724 enseignants à temps complet, au lieu de s'occuper de 110 000 étudiants, on leur demande maintenant de s'occuper de 133 000 étudiants. Donc, 23 000 étudiants de plus pour le même nombre d'enseignants. C'est seulement ce que je voulais ajouter. On pourra aussi vous donner les simulations que nous avons.

M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'ai une question, étant donné qu'on nous a beaucoup parlé de cela depuis hier. On nous a remis une note provenant du ministère de l'Éducation sur la charge d'enseignement au Québec comparée à l'Ontario et avec l'ensemble du Canada, et même avec certains États américains. Je retiens de ces données qu'on nous a présentées seulement deux chiffres sur lesquels je voudrais attirer votre attention. On nous dit que le rapport élèves-professeur, pour les cégeps du Québec, en 1980-1981, était de 13,42, alors qu'à Toronto, dans la région métropolitaine de Toronto, il aurait été de 17,24 et, pour l'ensemble de l'Ontario, de 17,09. À la fin, on tire une conclusion qui est celle que la norme élèves-professeur, pour l'ensemble des collèges du Québec, est inférieure de 25% à celle de l'ensemble des collèges de l'Ontario.

Deux questions découlent de ceci: D'abord, est-ce que vous reconnaissez la validité de ces affirmations? Deuxièmement, si oui, qu'est-ce que vous en pensez au point de vue de la conclusion que l'autorité politique doit en tirer de même que ceux qui sont directement concernés par ces faits, y compris, évidemment, les enseignants de cégeps?

Le Président (M. Jolivet): D'abord, M. Gauthier et, ensuite, M. Bellefeuille.

M. Gauthier (Claude): Ce qu'on peut dire sur les comparaisons avec l'Ontario, c'est que tout d'abord le système collégial comme tel n'existe pas en Ontario. Dans le système collégial, il y a près de 50% des étudiantes et étudiants qui se préparent à aller à l'université et 50% qui se préparent à exercer une profession dans l'industrie.

Quand on regarde les collèges de l'Ontario, ce qu'on appelle les "CATS", il y a un grand nombre d'étudiantes et d'étudiants à l'intérieur des "CATS"qui étudient au niveau des métiers. Il y a aussi un grand nombre d'étudiantes et d'étudiants qui suivent des cours de perfectionnement préalables à la formation professionnelle. Ce serait, selon les statistiques, de l'ordre de 50%. Il est évident que de donner des cours de métiers ou de donner des cours de perfectionnement, ce n'est pas du tout le même type d'enseignement qu'au niveau collégial. Rappelons qu'au niveau collégial, on prépare à l'exercice d'une profession.

Maintenant, quand on regarde les normes, je pense qu'il faut s'arrêter un peu sur le type de cours que l'on donne dans le réseau collégial et s'interroger à savoir s'il y a une équivalence avec les collèges américains. Par exemple, les contraintes qui existent dans les techniques infirmières: pour les stages, les étudiants et étudiantes sont limités à six. Quand on regarde l'ensemble de l'enseignement professionnel où le nombre d'étudiants et d'étudiantes dans les laboratoires varie entre 15 et 22, il est intéressant de se poser la question pour voir si d'autres types d'enseignement existent comme cela dans les "CATS".

Je voudrais ajouter aussi qu'au Québec, il y a beaucoup d'enseignement exclu. Par exemple, l'école de pilotage à Saint-Honoré, les contrôleurs aériens à Saint-Jean, l'enseignement de la musique, le théâtre, l'assainissement de l'eau, l'aérotechnique, l'imprimerie; ce sont tous des cours professionnels très très lourds qui demandent un encadrement assez important. Quand on compare, il faut faire attention aux comparaisons que l'on fait.

Je voudrais en profiter pour dire que quand on a mentionné à cette commission parlementaire que la moyenne était de 12,5 périodes, c'était avec les chiffres de 1980-1981. Que, par rapport à 1980-1981, il y avait 2000 étudiants de moins qu'en 1978-1979 et on sait que, dans les années subséquentes, le nombre d'étudiants a augmenté dans le réseau. (15 heures)

Le Président (M. Jolivet): Un instant. M. Bellefeuille a quelque chose à ajouter.

M. Bellefeuille: Si vous le permettez, M. Ryan, je voudrais seulement ajouter une chose. C'est comme si on comparait les "CATS" d'Ontario avec la partie professionnelle de nos cégeps qui est beaucoup plus lourde, tout le monde le sait, que la partie générale de nos cégeps. Il n'y a aucune comparaison possible, de façon générale, entre ces deux affaires-là.

M. Ryan: Est-ce que...

M. Bellefeuille: Deuxièmement, on a fait une vérification des informations qui avaient été données relativement aux

collèges de la Floride où la définition de l'heure-contact est très, très large. Vous trouverez toutes ces données dans le rapport de la CETEC de 1976, Commission d'enquête sur la tâche des enseignants du collégial, où la définition de l'heure-contact comprenait l'administration que les enseignants devaient faire, l'orientation, la recherche, la supervision des enseignements coopératifs, la planification des nouveaux cours, etc. Tout cela était compris dans l'heure-contact. On ne compare pas vraiment les mêmes choses avec ces chiffres-là. C'est impossible. Je voudrais ajouter que ces données étaient connues en 1976 et en 1979 et elles n'ont pas été changées depuis ce temps.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais simplement signaler que j'ai rappelé, hier, ces études qui avaient été faites en 1975. Il y en avait une qui avait été faite pour le niveau collégial et une autre pour le niveau primaire et secondaire qui comportait des données pas mal plus nuancées que celles qu'on a entendu évoquer jusqu'à maintenant. Je crois que si on voulait retourner à ces études qui demeurent les meilleures qui aient été faites, on pourrait partir de là pour les améliorer mais cela serait mieux que les équations abstraites et absolues qu'on nous a présentées jusqu'à maintenant.

Vous avez déposé les demandes syndicales - j'appelle cela des "demandes" pour garder le langage conventionnel - en septembre 1982. Est-ce exact? Vous demandiez un certain nombre d'améliorations dans les conditions normatives - je fais abstraction des conditions salariales parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. En cours de route, quel a été le cheminement de la partie syndicale relativement à ces demandes et où en sommes-nous aujourd'hui? Je vais vous dire ce que je comprends. Je crois comprendre que vous auriez dit: C'est très bien, on voulait des améliorations; ils ne veulent pas en entendre parler; nous nous contenterions du statu quo. J'ai vu l'expression statu quo à trois ou quatre reprises dans le mémoire de la FNEQ ce matin. Pourriez-vous m'expliquer le cheminement que vous avez suivi et où vous en êtes exactement aujourd'hui? Pourquoi avez-vous recommandé le rejet du cadre de règlement proposé par le gouvernement le 9 février?

Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.

M. Gauthier (Claude): Pour la première question, je demanderais à M. Pierre Gingras, porte-parole à la table de négociation, de répondre à M. Ryan.

M. Gingras (Pierre): On a expliqué un peu dans le mémoire qu'en cours de route, il y avait certaines demandes au niveau de l'éducation aux adultes. Il y avait aussi certaines corrections qu'on voulait apporter au niveau de la tâche, certains NEG nombre d'étudiants par groupe, si on veut, sur les dossiers non monétaires, parce qu'il y a un certain nombre de paraphes, qui ont été faits, qui ont été reproduits dans les décrets. Il y a eu des aménagements de part et d'autre. On a laissé tomber certaines demandes et les tables ont accepté certaines de nos demandes, mais cela est sur le non monétaire. Cela fait à peu près une trentaine d'articles qui ont été paraphés, il en reste 20 qui ne sont pas paraphés et sur les 20, à part 4 articles, cela tourne autour des gros points qu'on mentionne: la tâche, la sécurité d'emploi, le département et l'éducation aux adultes que j'ai mentionnée aussi.

Sur ces points, on a effectivement, en cours de route, laissé tomber ces améliorations. On voyait certaines difficultés. On se retrouve évidemment maintenant à défendre exactement la convention qui a été échue le 31 décembre. Il n'y a pas eu beaucoup de discussion effectivement sur la tâche et la sécurité d'emploi. Sur la sécurité d'emploi, il faut dire aussi que cela découle des augmentations de tâche et c'est pour cela que - c'est toujours comme cela qu'on l'a expliqué - s'il y a eu une détérioration sur la sécurité d'emploi, c'était lié évidemment à la tâche. Alors, pour répondre à votre question, on est au statu quo maintenant. On a abandonné en cours de route l'ensemble des demandes qu'on avait faites sur ces dossiers.

M. Ryan: Maintenant nous en sommes aujourd'hui, si je comprends bien, à la situation suivante: d'un côté, le gouvernement avait fait connaître son cadre de règlement le 9 février, dont le ministre de l'Éducation nous a dit ce matin qu'il était toujours sur la table; de l'autre côté, la FNEEQ et la CEQ nous disent qu'elles veulent le statu quo. Est-ce que, de votre côté, c'est le dernier mot, la position finale, irréductible ou s'il y a de la matière à négociation entre la position que vous venez de résumer et le décret qui a été présenté par le gouvernement? Est-ce qu'il y a un espace pour de la négociation quelconque ou s'il n'y en a pas?

Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier d'abord et M. Bellefeuille ensuite.

M. Gauthier (Claude): D'abord, je profiterais de l'occasion pour répondre à la deuxième question que vous avez posée tout à l'heure: pourquoi très majoritairement les cadres de règlement ont-ils été rejetés? Les

cadres de règlement ne faisaient qu'étaler dans le temps l'ensemble des coupures comprises dans le décret du mois de décembre. À la fin de la convention collective, on se retrouvait donc avec l'ensemble des coupures et avec toutes les détériorations et les conséquences que cela avait sur la tâche,

Maintenant, pour répondre à votre deuxième question, on l'a dit dans la conclusion, le gouvernement est resté sur ses positions initiales, alors, il est sûr que cela a provoqué à la fois sur l'ensemble du salarial et sur le normatif... Compte tenu aussi de ce que le statu quo peut représenter pour les enseignants et les enseignantes qu'on représente, le mandat de nos instances actuellement c'est effectivement de négocier avec l'objectif d'avoir le statu quo. Maintenant, nous sommes prêts à regarder des choses autour du statu quo sur des points, mais il est évident que la tâche représente un gros bloc.

Le Président (M. Jolivet): M.

Bellefeuille.

M. Bellefeuille: Je voudrais compléter rapidement en disant ceci: Comme nous n'avions jamais vu la possibilité de voir poindre à l'horizon un règlement, parce que le gouvernement n'avait jamais modifié de façon substantielle ses positions, nos membres nous ont dit, en assemblée générale, après explication claire, dépôt des documents, du cadre de règlement - qu'il n'est pas question d'accepter cela pour les raisons que M. Gauthier a mentionnées. D'autre part, si vous me permettez l'expression qui n'est pas très parlementaire, nous ne serions pas les premiers à commencer le "strip-tease". En partant du fait qu'il n'y a pas moyen d'envisager pour le moment d'autres pas, à cause de la position très ferme du gouvernement sur l'ensemble de la question de la récupération de la tâche, de la sécurité d'emploi et du département, le fossé étant trop grand, nous avions fait suffisamment de pas pour aboutir au statu quo... Même si, en faisant d'autres pas, on ne pouvait pas espérer avoir de règlement autrement que d'aller sur la position du gouvernement, nos membres ont dit: II n'est pas question d'aller en bas du statu quo pour l'instant.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, parmi certaines des démonstrations qui nous ont été présentées par la FNEEQ ce matin, j'aimerais en examiner une qui me paraît avoir, à la fois sur le plan des faits et sur le plan de la réaction que les syndiqués peuvent avoir à l'égard de ces faits, une importance assez considérable. Il s'agit essentiellement des pages 15 à 17.

Ce qu'on essaie de démontrer dans ces pages, c'est que sur 10 600 enseignants, environ, les mesures d'augmentation de tâche ou d'augmentation de productivité auraient un impact important sur la mise en disponibilité en particulier, mais aussi sur d'autres ajustements quant à la tâche, quant au travail de, dit-on en page 17, au-dessus de 2000 personnes. Ce qu'on dit en page 17, c'est qu'il est possible d'affirmer que le nombre d'enseignantes et d'enseignants touchés par ces mesures d'augmentation de la tâche, de mise en disponibilité, etc., se situera facilement au-dessus de 2000 personnes. C'est même une estimation prudente. 2000 personnes sur 10 600, c'est évidemment beaucoup. C'est un nombre considérable. Je reconnais qu'on peut provoquer une incertitude importante chez bien des gens avec des chiffres pareils. Sauf erreur, à la page 15, quand on commence la démonstration, on dit: Concrètement cela -cette augmentation de productivité de 15% -signifie qu'il y aura diminution du nombre d'enseignantes et d'enseignants - là, il y a un petit bout de phrase très important -"pour un même nombre d'étudiantes et d'étudiants". Ce sont juste quelques mots, mais c'est fondamental.

Si je comprends bien la démonstration, les mises en disponibilité telles qu'évaluées par la FNEEQ seraient de l'ordre de 1500 à 1600. Attention! Toujours dans l'hypothèse où le nombre d'étudiants ne change pas pour les trois prochaines années. De notre côté, on arrive à peu près à 1300. C'est le genre de différence qu'on peut examiner ou discuter.

Si l'on suppose maintenant que le nombre d'étudiants change au cours des trois prochaines années - et cela, ce n'est pas comme pour l'enseignement primaire et secondaire, le nombre d'étudiants augmente -et que, sur la base de ce qu'on constate depuis quelque temps, on ajoute quelque chose qui semblerait raisonnable, disons 4000 étudiants de plus par an, je pense que tout le monde conviendra que 4000 étudiants par an, ce n'est pas une exagération, compte tenu de ce qu'on a vu depuis quelque temps. Évidemment, cela change complètement les perspectives. Les mises en disponibilité sont de plus de 1300, comme diraient certains de nos calculs, 1500 ou 1600 diraient vos calculs, mais c'est beaucoup moins que cela. Moi, j'arriverais à des choses comme ceci: Mises en disponibilité pour l'année prochaine, 450 à peu près; l'année suivante, 530; l'année suivante, 380. Cela n'est pas du cumulatif, c'est le nombre à chacune de ces années. Si c'est cela qui est susceptible de se produire, ce n'est pas très différent de ce que nous avons connu depuis trois ans. En 1980-1981, il y en avait 480; en 1981-1982, il y en

avait 460; en 1982-1983, il va y en avoir à peu 350. Donc, ce qu'on envisagerait, dans la mesure où le nombre d'étudiants augmente, comme c'est le cas, ce sont des mises en disponibilité pas très différentes de celles qu'on connaît depuis trois ans.

J'ajouterais en outre que, sur ces 300 à 400 mises en disponibilité, nous savons tous qu'il y a actuellement, dans le système des collèges, 175 professeurs de techniques infirmières à peu près, et on sait très bien que ces personnes sont mises en disponibilité et qu'elles vont rester en disponibilité parce que l'enseignement infirmier a beaucoup moins d'importance maintenant dans les collèges que c'était le cas autrefois. Il y a beaucoup moins de demandes et il y a certains collèges qui, devant le manque de demandes, ferment ces cours. Donc, nous avons l'impression que, dans la mesure où le nombre d'étudiants continue d'augmenter de façon à peu près raisonnable, les mises en disponibilité ne sont pas du tout de l'ordre des chiffres qui ont été mentionnés, que pour ce qui a trait aux mises en disponibilité que l'on constate et qu'on peut envisager pour l'avenir, presque la moitié, 40%, sont dans le cadre très spécifique de l'enseignement des techniques infirmières, que c'est un problème que tout le monde reconnaît et qu'il va quand même falloir faire quelque chose avec ces enseignants de techniques infirmières. Donc, le problème n'a pas du tout l'ampleur que votre mémoire semblait révéler ce matin.

Non pas que je dise que votre mémoire n'est pas correct. Dans la mesure où on retient votre hypothèse de départ, pour un même nombre d'étudiants et d'étudiantes, vos chiffres se comprennent, mais on sait très bien que ce n'est pas tout à fait cela. On ne peut pas faire état de l'expansion du nombre d'élèves à certains moments et, à d'autres moments, pour des démonstrations comme celles-là, supposer qu'il est constant. Il faut qu'on se branche.

Alors, j'aimerais seulement avoir quelques commentaires sur mes réflexions à ce sujet.

Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier. (15 h 15)

M. Gauthier (Claude): M. Gingras répondra à cette question. M. Gingras.

M. Gingras: J'aimerais bien situer, dans un premier temps, les différences de chiffres que vous soulignez. Les chiffres dont vous parlez nous ont été communiqués dans une rencontre technique et la façon dont vous faites les calculs, c'est toujours en équivalents à temps complet. C'est une première chose importante.

Quand on soulève le chiffre de 2000 et qu'on dit que c'est un chiffre prudent, ce sont des individus, non plus des équivalents à temps complet. C'est à partir, effectivement, d'une simulation qu'on a faite à travers tous les syndicats, à clientèle constante, avec une augmentation de tâche de 15%. On leur a demandé... Disons qu'ils répartissent les professeurs de la même façon qu'ils les ont répartis cette année, qu'est-ce que cela crée comme pertes d'emplois? Vous avez, dans ce chiffre-là, des mises en disponibilité, donc des professeurs à temps complet mis en disponibilité sur les 26 collèges, et on peut faire une extrapolation des renseignements qu'on a actuellement, cela donne 700 MED.

Je vais seulement vous donner un exemple. Si, dans un petit collège où il y a 20 départements - parce que l'enseignement collégial fonctionne toujours par discipline -vous réduisez la tâche de 15% uniformément, dans chacune de ces disciplines, vous aurez au moins un MED, en admettant que tout le monde est permanent. Vous en aurez 20 en partant. Si vous avez, dans ces disciplines, des gens qui sont non permanents et des gens à temps partiel, cela multipliera, évidemment, le nombre de personnes touchées. C'est là qu'on trouve le chiffre de 2000. D'ailleurs, on en arrive, sur les 26 collèges - si on extrapole - à environ 2500 personnes. Cela comprend les personnes à temps partiel, qui perdront évidemment leur emploi, les personnes non permanentes, qui le perdront aussi, et les mises en disponibilité. Alors, ce n'est plus en termes d'équivalents temps complet, c'est en termes de personnes touchées et c'est l'équivalent, si on parle des MED, d'environ deux pour un, parce qu'il y a toujours des fractions qui restent. Alors, il y a toujours une personne à temps partiel ou une personne non permanente qui perdra son emploi.

Vous avez évidemment raison de dire que, s'il y a augmentation de la clientèle étudiante, cela épongera une partie des mises en disponibilité; c'est vrai. Mais sur cet élément, dans une première rencontre technique - c'était un modèle théorique qui nous a été soumis - on nous disait: S'il y a 4000 étudiants de plus par année, cela réduira évidemment les mises en disponibilité - j'ai à peu près les mêmes chiffres que vous avez donnés tantôt - sauf que, pas plus tard que mardi, on a eu une nouvelle rencontre technique et on nous a dit qu'il n'y avait pas d'estimation de l'augmentation de la clientèle, que les chiffres du ministère prévoient à peu près la même clientèle que cette année, 133 000 étudiants. Les arguments qu'on nous a servis, c'est que, compte tenu qu'il y a eu une grosse augmentation de la clientèle ces dernières années, quand ces étudiants sortiront du réseau collégial, les gens qu'on a rencontrés nous disaient qu'ils ne pensaient pas qu'il y en aurait autant qui entreraient dans le réseau. Donc, à toutes fins utiles, il y aurait plus une stabilité qu'une augmentation de

4000 étudiants. Si, effectivement, il n'y a pas d'augmentation de la clientèle, comme ce qui nous a été dit cette semaine, ces chiffres resteront tels quels.

Le Président (M. Jolivet): M.

Bellefeuille.

M. Bellefeuille: Les chiffres que vous avez utilisés sont les chiffres du cadre de règlement et non pas les chiffres du décret.

M. Parizeau: Oui, c'est cela.

M. Bellefeuille: C'est cela. C'est aussi toute la différence.

M. Parizeau: Non, pas à ce point. On va les reprendre, M. le Président. J'aimerais revenir rapidement sur cette affaire, parce que c'est fondamental. D'abord, la première intervention...

Une voix: De M. Gingras.

M. Parizeau: De M. Gingras. Dans le document de la FNEEQ, on nous dit: II y aura 2000 personnes touchées. À la page précédente - je ne reviens pas sur chacune des étapes de la démonstration - on évalue à 1600 ce qu'il faut appeler les "équivalents temps complet". On s'entend bien, les 1600, ce sont des personnes à temps complet. S'il y a augmentation de la clientèle, les équivalents temps complet ne sont pas au nombre de 1600, mais de 400. C'est très différent. 400 équivalents temps complet, ce n'est pas plus que ce qu'on connaît depuis trois ans, en pratique, à plus ou moins 50.

Donc, il devient fondamental de savoir si le nombre d'élèves va continuer à augmenter ou pas. Je ne peux pas, d'une part, me faire demander des augmentations de budget pour les cégeps parce que les effectifs montent et, d'autre part, me faire dire: II va y avoir des mises en disponibilité parce que le nombre d'étudiants n'augmente pas. Il faut se brancher. C'est l'un ou c'est l'autre. Cela ne peut pas être les deux. Compte tenu de ce qui s'est passé depuis deux ou trois ans, on a plutôt l'impression que c'est 4% d'augmentation de la clientèle. On faisait d'ailleurs déjà allusion, ce matin, au fait que les clientèles étaient en hausse et continueraient d'être en hausse. Si elles le sont, le problème que vous soulevez n'est plus là. C'est un problème qui n'est pas de nature différente de ce qu'on connaît depuis plusieurs années. Si les clientèles plafonnent, là c'est autre chose.

Pour ce qui a trait au cadre de règlement par opposition au décret, pour les mises en disponibilité à supposer que les étudiants ne changent pas, que le nombre d'étudiants reste constant - on s'entend bien là-dessus - les différences sont de l'ordre de 422 la première année, 46 et puis 59 dans l'autre sens la troisième. Il n'y a pas lieu de se battre les flancs entre les deux.

Je reviens simplement à ce que je disais tout à l'heure. Dans la mesure où le nombre d'étudiants de cégep continue le moindrement à augmenter, le problème que vous mentionnez en termes d'effectif qui serait touché par l'augmentation de productivité et les compressions se ramènerait au fond à ce que l'on connaît depuis trois ans et qui n'avait pas, à ma connaissance, compte tenu du problème très spécifique des infirmières, créé de problème majeur. Si cela avait été le cas, j'imagine qu'on en aurait entendu parler.

Le Président (M. Jolivet): M.

Bellefeuille vous voulez ajouter quelque chose?

M. Bellefeuille: Oui, il y a juste une différence, un oubli que vous faites, M. Parizeau, là-dedans. C'est que le décret a modifié la formule de mise en disponibilité. Dans le décret on prévoit faire la différence entre les enseignants et les enseignants permanents à l'emploi du collège et le nombre entier d'enseignants attribués à une discipline donnée, les permanents puis ceux qu'on leur attribue, alors que la convention collective prévoyait non pas les permanents mais ceux qui étaient là occupant des postes, et ceux qu'on prévoyait. Donc, il va y avoir nécessairement beaucoup plus de mises en disponibilité puisque tous les non-permanents vont y passer, première chose. C'est important parce que ça accroît le nombre de mises en disponibilité.

Deuxième chose, c'est que cela se fait dans le temps. Puis il y a toute la question d'autorisation de clientèle autour de cette question. Comme je l'ai dit ce matin, concernant les autorisations de clientèle, d'après les informations que nous a données le ministère, l'année prochaine ça va être la même clientèle que cette année. Donc, à partir de ce moment c'est clair qu'il va y avoir plus de mises en disponibilité. Si, au moins, le ministère prévoyait des hausses de clientèle, si au moins on en prévoyait 4%, ce qui est un peu conservateur; si au moins on les prévoyait, mais on ne les prévoit pas. C'est ça le problème et c'est ça qui fait qu'on crée de plus en plus de mises en disponibilité et qu'on va en créer de plus en plus. Avec le décret il faudra que l'enseignant ait une charge tout à fait complète, équivalant à 88 de charge individuelle maximale pour obtenir son annulation de mise en disponibilité; 88 c'est beaucoup d'heures, M. Parizeau.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Parizeau: J'ai un peu de difficulté, même en fonction des conventions collectives antérieures, à comprendre comment des non-permanents peuvent se retrouver en disponibilité. La mise en disponibilité s'applique aux permanents. On ne peut pas faire glisser de l'un à l'autre. Je m'adressais encore une fois à la démonstration qu'on nous a présentée ce matin. Je ne sortais pas de cette démonstration: quand on me dit 16 000 équivalents temps complet, je prends le chiffre pour ce qu'il veut dire.

D'autre part, encore une fois, que le ministère, dans certaines de ses discussions, fasse des hypothèses de plafonnement de clientèle ou d'augmentation de clientèle, le problème n'est pas là. Vous soutenez, comme nous le soutenons, que le nombre d'étudiants au cégep augmente. Concernant cette augmentation des clientèles, quand vous disiez 4% tout à l'heure, je reconnais que sur la base de ce qui s'est passé depuis deux ans ça m'a l'air très conservateur, effectivement. C'est pour cela que je n'exubérais pas. En fait, je suis même en dessous de 4% parce que je disais 4000 sur 132 000. Je me trouve à 3% d'augmentation de clientèle et je trouve ça très conservateur. Mais cela va se traduire par des augmentations de budget.

On peut faire toutes les hypothèses théoriques qu'on voudra mais si on est certain, de votre côté comme de notre côté, que le nombre d'étudiants va augmenter: a) ça va se traduire par des budgets plus élevés, puis b) ça va se traduire non pas par 1600 mises en disponibilité, mais par quelque chose d'un ordre analogue à ce que l'on connaît depuis trois ans. Je tenais simplement à ce que ce soit très clair entre nous parce que certaines des hypothèses, comment dire, les plus dommageables pour les enseignants qui apparaissaient dans le mémoire de ce matin, il faut bien comprendre que c'est basé sur une hypothèse et une hypothèse seulement. C'est que la clientèle plafonne dans les cégeps.

Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.

M. Gauthier (Claude): II y aura un complément de réponse par M. Léonard.

Le Président (M. Jolivet): M. Léonard.

M. Léonard (Pierre): Je vais essayer de l'expliquer parce que je pense que cet aspect de la question est important. Il faut bien s'entendre sur ce que les mots veulent dire. Quand, dans le mémoire, à partir des données de prévision de clientèle qui nous ont été fournies récemment, nous faisions l'hypothèse qu'il pouvait y avoir une augmentation de clientèle prévisible pour l'an prochain et la deuxième année, on nous a dit que les prévisions du ministère de l'Éducation - et là, cela ne concorde pas avec ce que vous nous signalez - pour l'an prochain, pour le réseau collégial, étaient d'environ 133 000 étudiants. Cette année, en 1982-1983, le nombre d'étudiants vérifié est légèrement au-delà de 132 000. Donc, il y a une variation d'un peu moins de 1000 étudiants.

M. Parizeau: On s'entend.

M. Léonard (Pierre): Donc, que l'on sache, les prévisions officielles du ministère ne font pas état d'une hausse de clientèle, pour l'an prochain à tout le moins.

Deuxièmement, quand on dit, dans le mémoire, qu'il y a une différence d'environ 1600 professeurs équivalents temps complet, il faut bien voir que les équivalents temps complet ne sont pas des individus, comme le soulignait tantôt M. Pierre Gingras. Dans ce nombre, ce ne sont pas tous des gens qui avaient leur permanence. Donc, cela ne provoque pas 1600 mises en disponibilité. Parce que les mises en disponibilité - c'est un fait - ne concernent que les gens qui ont acquis leur permanence. Il est juste de dire que, depuis trois ans en moyenne, le nombre de mises en disponibilité dans le réseau collégial était autour de 375 à 400, plus ou moins, bon an mal an. Effectivement, il pourrait arriver, si on avait une hausse de clientèle d'environ 4%, avec les nouveaux mécanismes d'acquisition de la permanence que le décret crée, qu'on ne se retrouve encore qu'avec 375 ou 400 mises en disponibilité. Sauf que le décret, pour ce qui est des enseignants de cégep - je pense que c'est le seul dans ce sens - s'applique à partir du 1er janvier précisément, pour un chapitre. Les autres dispositions s'appliquent après le 1er avril. Je pense que ce n'est pas innocent.

C'est précisément pour éviter qu'un grand nombre de professeurs qui auraient du acquérir leur permanence au 1er avril 1983 ne l'acquièrent pas et qu'ils ne soient donc plus, par la suite, considérés comme mis en disponibilité. Évidemment, il y a un certain nombre de gens qui devaient avoir leur permanence au 1er avril et on change les règles du jeu. On dit, avant le 1er avril, qu'ils ne l'auront pas et, forcément, cela fera d'autant moins de mises en disponibilité qu'on n'aura pas à comptabiliser par la suite.

Il nous semble, si on n'avait pas changé les règles du jeu de cette façon, que le nombre de mises en disponibilité, selon les règles qui existaient dans la convention de 1979-1982, serait beaucoup plus élevé que 375 à 400, malgré une hausse de clientèle qui, que l'on sache en tout cas, n'est pas prévue par le ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, juste en concluant...

Le Président (M. Jolivet): Très bien.

M. Parizeau: ...l'aspect qui vient d'être soulevé ici est intéressant. Est-ce que je pourrais demander si on a... C'est M. Gingras?

Le Président (M. Jolivet): M. Léonard et M. Gingras.

M. Parizeau: M. Léonard, est-ce qu'on a une note, une approximation du nombre de gens qui auraient pu avoir leur permanence entre le 1er janvier et le 1er avril, ou le 31 avril?

M. Gingras: Nous avons une approximation. Nous aurons les chiffres définitifs demain. Il y a un certain nombre de syndicats qui nous ont déjà répondu. Pour la moitié des syndicats, cela donne 202 permanences qui auraient du être acquises, dont 162 sur des postes et 40 sur des charges, parce qu'il y a un an de plus quand on remplace. D'après nous, il faudrait multiplier à peu près par 2 pour avoir un chiffre dans l'ensemble du réseau. Cela se chiffrerait autour de 400 probablement.

M. Parizeau: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Merci, M. le Président. M. Corriveau, vous êtes un peu caché, là-bas. Bon! Je crois que votre court mémoire de ce matin rejoint vraiment l'inquiétude générale qui plane dans cette salle. On sait que l'enjeu de cette commission est des plus importants pour toute la société québécoise.

Hier, ce fut le discours de M. le ministre de l'Éducation, suivi ensuite du discours parfaitement technique, mais vraiment éclairant, du sous-ministre. Mais tout cela s'est fait, hier, dans une sorte d'euphorie, et on semblait oublier presque le drame qui se joue ici et dont on espère qu'il se dénouera comme il faut. On semblait tout oublier.

Aujourd'hui, M. Corriveau, un peu grâce à vous, résonne à nouveau la cloche d'alarme. Dans votre intervention, vous revenez sur l'urgence de la négociation. Vous répétez, à maintes occasions, qu'il est tard. Cela résonne un peu comme un tocsin qui nous dit que si la tornade ne dévie pas, eh bien, la tempête va nous toucher gravement. (15 h 30)

Nous connaissons aussi actuellement la détermination du gouvernement à maintenir son cadre financier, malgré qu'il vous ait offert deux aménagements que vous trouvez légitime et bon de refuser. Ce matin, dans le Devoir, pour aggraver un peu notre inquiétude, le professeur Paul Bernard disait qu'il est vain d'espérer de ramener le PQ à la raison. Et l'autre question que tout le monde se pose quand même: Est-ce que les syndicats vont demeurer irréductibles?

Mon rôle, évidemment, n'est pas de jeter de l'huile sur le feu, au contraire. Notre râle ici en est un de médiation, sans en être un, mais surtout un rôle de rapprochement et de reprise de la négociation. L'affrontement demeure quand même et c'est un duel, je crois, où les deux antagonistes pourront avoir des blessures mortelles. Alors, je me demande à quoi bon jouer le vainqueur et le vaincu et, pour moi, le grand héros de cette entreprise sera le plus raisonnable et le plus respectueux de la paix sociale.

M. Gauthier - je m'adresse maintenant à vous - en peu de mots, pourriez-vous nous donner vos exigences essentielles? Vous aussi, M. le ministre, pourriez-vous nous donner les vôtres, pour que ce ne soit pas dilué, comme on le fait depuis deux jours déjà, dans un déluge de mots où on perd souvent les priorités et où le public qui nous regarde et qui nous voit perd facilement le fil de la discussion? Je crois que, devant cet étalement des exigences réciproques, on pourrait peut-être mieux préparer les ponts pour une entente qui demeure et qu'on espère toujours possible.

M. Gauthier (Claude): Je vais vous répondre brièvement...

M. Hains: Voilà.

M. Gauthier (Claude): ...ce qu'on veut, c'est négocier sur tous les aspects où on n'a pas réussi à négocier jusqu'à maintenant.

M. Hains: II faudrait un peu plus de détails quand même. Vous êtes vraiment trop bref.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Hains: Je crois que, dans votre conclusion, vous parliez de la tâche. Est-ce que c'est cela? Ensuite, la sécurité et, la fameuse question du département.

M. Gauthier (Claude): Effectivement, ce sont les trois gros dossiers et quand je dis que nous, on est prêts à négocier, on espère qu'on va se retrouver en négociation avec les représentants du ministère et que, cette fois-ci, on ne se retrouvera pas avec des positions rigides sur l'ensemble des trois dossiers.

M. Hains: Est-ce que M. le ministre daignerait répondre aussi?

M. Laurin: On aura l'occasion d'y revenir par la suite.

M. Hains: II a toujours l'art de s'esquiver facilement! Alors, merci à vous deux.

Le Président (M. Desbiens): Alors, est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Leduc (Fabre): Vous permettez? Vous êtes au courant de l'entente qu'on a faite, M. le Président? Vingt minutes de chaque côté?

Vous me signalez, M. le Président, qu'il ne reste plus de temps pour notre côté?

Le Président (M. Jolivet):

Effectivement, l'entente disait vingt minutes.

M. Leduc (Fabre): Alors, je demande ceci: Compte tenu que les députés n'ont pas pu poser de questions et que, de notre côté, on aurait quatre ou cinq questions à poser, je ne sais pas si l'Opposition aurait objection à une prolongation? On pourrait clore la liste, mais permettre aux députés qui sont sur la liste de poser leurs questions, des deux côtés.

Le Président (M. Jolivet): Avant de permettre cela, cependant, je dois vous dire qu'il reste actuellement du temps à l'Opposition et que Mme la députée de L'Acadie avait demandé d'intervenir. Donc, jusqu'à 15 heures 45, le droit de parole étant à l'Opposition selon l'entente, Mme la députée de L'Acadie pourra utiliser ce temps-là. Quant à la question qui est posée, à savoir si on dépasse 13 heures 45 pour se rendre à 16 heures, cela me prend un consentement et on me dit non.

Mme la députée de L'Acadie, vous avez la parole.

Mme Lavoie-Roux: Je vais prendre trois minutes, M. le Président.

Je voudrais revenir sur cette fameuse question du coordonnateur qu'on appelle maintenant "responsable". Je dois vous dire que sur ce point particulier je m'explique mal cette difficulté que vous avez à accepter la demande qui vous est faite et que le coordonateur doive répondre - je ne sais selon quelles modalités, vous pourriez peut-être le préciser, je n'ai pas le décret devant moi - à l'administration du collège de toutes les activités à l'intérieur des départements. Cela m'apparaît normal parce qu'on demande des comptes à l'administration d'un collège et l'administration d'un collège doit aussi rendre des comptes à la population. Je m'explique mal votre résistance de ce côté-là.

Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier ou Mme Achard.

Mme Achard: Je peux essayer de répondre. D'une part, on se demande où est le problème parce que, depuis que les collèges existent, le département fonctionne comme cela. C'est cela qui a permis la construction des cégeps. C'est le travail d'équipe à l'intérieur des départements, le fait que tout le monde à l'assemblée départementale est sur le même pied et qu'on mandate un représentant de l'assemblée départementale pour acheminer nos positions. Ce qu'on nous demande ici, c'est que ce mandataire devienne un patron, devienne notre contremaître. C'est s'attaquer à notre fonctionnement d'équipe. Pour nous, il s'agit d'une partie importante de notre tâche; c'est la partie créatrice de notre tâche que de travailler en équipe et que tout le monde soit sur le même pied. Je pense qu'on a fait nos preuves. Regardez les cégeps. Regardez le fonctionnement des départements. Je viens d'un collège qui est nouveau, le collège Montmorency, et c'est incroyable la quantité de travail qu'on a fait comme équipe en département. Si on avait un contremaître, cela ne serait pas du tout le même climat de travail. Penser qu'ils ont une certaine autonomie dans leur travail, c'est cela qui motive les professeurs. Si on veut nous placer à un niveau d'exécutants, je pense que cela fera une éducation tout à fait différente. Si on ne veut pas nous considérer comme ayant pleinement la responsabilité de notre travail, cela va changer. Je demande encore une fois où sont les problèmes. Il n'y en a pas de problème. On donne nos cours. Le ministère de l'Éducation dit dans tous ses rapports qu'il trouve cela original et qu'on a des résultats intéressants au niveau des cégeps. Où est le problème?

Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: II me semble qu'il ne devrait pas y avoir là une difficulté absolument insurmontable. Dans le fond, quand vous le présentez sous l'angle de celui qui, tout à coup, deviendrait votre patron à l'intérieur de ce département, vous pouvez avoir raison. Est-ce qu'il n'y a pas un moyen terme entre les deux? Je crois comprendre de la partie patronale qu'à un moment donné on veut savoir les objectifs du département, ce qui se passe à l'intérieur du département. Est-ce qu'il y a moyen qu'au lieu de l'appeler un nouveau patron qui serait là, dans les modalités, tout en respectant... Il est vrai qu'il y a eu du travail en collégialité intéressant qui s'est fait dans les cégeps. Mais, d'un autre côté, si on se met du côté de l'administration, on lui demande des comptes et ce n'est pas simplement le ministère de l'Éducation - je sais que le

ministère de l'Éducation est bien centralisateur; je ne veux pas faire de discours là-dessus, j'ai eu l'occasion de voter contre la loi 25 - mais la population aussi qui demande des comptes et il faut quelqu'un de responsable tout au long de ce cheminement. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais il me semble qu'il y aurait moyen d'arriver à un moyen terme entre ce que je pense légitime dans la demande de l'administration et, d'un autre côté, dans la conservation de ce caractère collégial sans que tout à coup vous vous opposiez à l'intérieur de votre département en termes de patron-employés. C'est seulement une réflexion que je fais. Il me semble qu'il y aurait moyen de trouver un point de négociation.

Le Président (M. Jolivet): Mme Achard.

Mme Achard: Dans la convention qui vient de se terminer, il y a des éléments de rapport dans les dispositions du département. L'assemblée départementale doit présenter au collège un plan de travail et un rapport annuel. Cela est fait en assemblée départementale. Maintenant, ce qu'on veut, c'est que ce plan de travail et ce rapport ne soient plus la propriété de l'assemblée départementale, mais que ce soit le contremaître du département qui le fasse et qui évalue ses employés. Je pense que la meilleure démonstration de notre travail, c'est la qualité des gens qu'on produit, qui sortent avec des DEC des collèges. On dit qu'ils ont une bonne formation. Il me semble que c'est cela, la preuve du travail qu'on fait.

Mme Lavoie-Roux: J'ai un deuxième point, M. le Président. En fait, c'est une réflexion que je voudrais faire peut-être pour remettre les choses dans une perspective un peu plus juste que celle que le ministère de l'Éducation nous a présentée hier, quand il faisait des comparaisons entre la tâche des enseignants du Québec et celle de l'Ontario. Quant à moi, je me contente de l'Ontario; pour le reste, cela commence à être un peu loin. C'est vrai qu'il y a une différence de tâche. Même en tenant compte de cet élément, elle demeure peut-être encore trop grande, je ne le sais pas. Ce qu'il ne faudrait pas oublier, c'est que les étudiants des collèges communautaires, à moins qu'on ne me contredise, ont terminé une 13e année, en général, en Ontario. Ils font la 12e et la 13e année avant d'aller dans les collèges communautaires, alors que nos étudiants de cégep ont terminé une 11e année, ce qui fait une différence de deux ans.

Sans vouloir jouer à la mère, ni au père, quand on a des enfants de 17 et 18 ans et des enfants de 19 et 20 ans, si on se réfère à l'écart de deux ans, cela fait une différence. Du point de vue de l'encadrement, il est peut-être souhaitable qu'on n'arrive pas à une tâche, une norme ou un ratio qui soit exactement le même parce qu'à 16-17 ans ou 17-18 ans, c'est encore un âge où les jeunes se cherchent. Ils n'ont pas fait un choix de carrière aussi définitif, je pense, à cet âge que ceux qui s'en vont dans les collèges communautaires où, finalement, on arrive à une formation professionnelle vraiment beaucoup plus terminale. Il faudrait faire exception, évidemment, pour les gens de la formation professionnelle. J'aimerais vous poser une question précise: Compte tenu de ce que je viens de dire, quel est le travail d'encadrement que vous faites auprès des étudiants au niveau du cégep?

Le Président (M. Jolivet): Mme Achard.

Mme Achard: II est assez varié; cela dépend aussi des demandes expresses des étudiants. Il y a le travail classique que tout le monde connaît: corriger les travaux qu'on leur donne. La qualité de ce qu'on donne comme enseignement peut dépendre, en partie, de la quantité de travaux qu'on peut donner à nos étudiants. J'enseigne en sciences et, actuellement, on donne un laboratoire par semaine à chacun des étudiants et on demande un rapport de laboratoire par semaine. Cela fait pas mal de corrections. Comme on le disait tout à l'heure, actuellement, on a 80 étudiants à rencontrer par semaine; alors, cela nous fait 80 rapports de laboratoire, en plus de la préparation des cours, en plus des recherches qu'on doit faire parce que c'est nous qui composons nos notes de cours et ce qu'on donne. Si on augmente notre tâche, cela veut dire qu'on demandera moins de travaux aux étudiants. C'est sûr que l'étudiant sera peut-être content à court terme, mais, quant à la formation qu'il reçoit, ce sera différent. C'est très long de corriger des rapports de laboratoire. Cela est un aspect.

Il y a l'aspect rencontre avec les étudiants. Quand on donne un travail de recherche, on doit les diriger, leur donner des suggestions sur la façon de rédiger le travail, leur donner les sources où ils doivent chercher et toutes ces choses. Cela est un autre aspect.

Il y a l'aspect de simplement répondre à des questions après le cours. Après chaque cours - quand on dit qu'on donne, mettons, douze heures de cours - il y a toujours des étudiants qui restent et qui nous posent des questions sur les différents travaux qu'ils ont à faire et sur des points de non-compréhension. C'est cet ensemble. Dernièrement, l'âge des étudiants qui arrivent au cégep est moins élevé à cause de la suppression d'une année au secteur élémentaire, je pense. On remarque, depuis une couple d'années, beaucoup plus de demandes de la part des étudiants. Ils sont plus jeunes, ils sont moins

sûrs d'eux et il faut être plus près d'eux depuis une couple d'années.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, merci. Il ne reste presque plus de temps pour poser d'autres questions. Il y a des gens qui se posent la question à savoir d'où venait ce document; c'est de la CEQ, je pense, que vient ce document, du mémoire de la CEQ.

Compte tenu des circonstances, je remercie les gens qui sont venus témoigner au nom des cégeps. Je vais suspendre cinq minutes simplement pour permettre aux gens de la CEQ, du secteur élémentaire et secondaire, de s'installer.

(Suspension de la séance à 15 h 45)

(Reprise de la séance à 15 h 52)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît;

Je demanderais à tout le monde de revenir à son siège pour que l'on puisse reprendre nos travaux. Je demanderais à M. Charbonneau de présenter les membres qui l'accompagnent et de commencer à utiliser son droit de parole.

À l'ordre, s'il vous plaît! Un instant. M. le député de Vachon veut me poser une question de règlement. M. le député de Vachon, vous avez la parole.

M. Payne: Je pense qu'il y en a plusieurs qui voulaient intervenir. En ce qui me concerne, je voulais le faire au sujet des collèges. Voulez-vous répéter l'entente pour la fin de la journée, s'il vous plaît?

Le Président (M. Jolivet): Oui. M. le député de Vachon, est-ce que vous parlez de l'entente à partir de maintenant ou de ce qui est passé depuis ce matin?

M. Payne: Ce que je veux dire, c'est que ce serait intéressant d'avoir un autre moment où on pourrait intervenir, au moins pour des commentaires généraux.

Le Président (M. Jolivet): Pour le moment, tout ce que je peux vous dire, c'est qu'à partir de maintenant la CEQ présente son mémoire. Quand elle aura terminé, chacun pourra poser les questions qu'il désire jusqu'à 18 heures et nous reprenons à 20 heures jusqu'à 24 heures. S'il restait du temps pour des commentaires généraux à la fin - puisque avant 24 heures il y aurait du temps - vous aurez la possibilité de faire des commentaires généraux si vous le désirez.

M. Payne: Donc, pour le moment, on se limite à la CEQ, primaire, secondaire.

Le Président (M. Jolivet): Actuellement, c'est primaire, secondaire. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais vous soumettre une demande au sujet de la journée de demain. Un organisme, l'Institut canadien d'éducation des adultes, voudrait être entendu au cours de la journée de demain spécialement - vous le devinez par son nom et sa mission - au sujet de la dimension éducation des adultes des problèmes que nous discutons à la commission. C'est une dimension qui est capitale sur laquelle nous n'avons pas eu la chance d'échanger beaucoup jusqu'à maintenant.

Je crois comprendre que l'Institut canadien d'éducation des adultes se serait fait dire qu'il ne pouvait pas être reçu, qu'on l'invitait à communiquer un mémoire écrit. Je voudrais demander avec insistance que le nom de l'Institut canadien d'éducation des adultes soit ajouté à la liste des organismes qui sont invités à se faire entendre demain.

Comme vous le savez, l'Institut canadien d'éducation des adultes est un organisme qui regroupe à peu près tout ce que nous comptons d'organismes, privés ou. bénévoles, engagés dans l'éducation populaire. Il a fait beaucoup de travaux dans le sens de la promotion de l'éducation des adultes et je pense que cela compléterait très bien la liste d'organismes que nous avons déjà, si la commission consentait à ajouter le nom de cet institut à la liste de ceux qui seront entendus demain.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: Je prends note de la demande du député d'Argenteuil et, comme le leader parlementaire n'est pas ici, je peux l'assurer que nous allons discuter de cette demande au cours de l'après-midi. Comme cela a été fait, hier, nous pourrons donner une réponse au début de la soirée.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, avant... M. Ryan: Si vous le permettez...

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: ...c'est sur le même sujet et c'est très bref. Je voudrais simplement demander au ministre de l'Éducation de faire diligence, si possible, parce que, si l'institut devait être invité à se présenter demain, i! serait assez bon qu'il puisse le savoir dès cet après-midi.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: On a fait allusion ce matin à une décision du Conseil du trésor au sujet du mandat des collèges à l'occasion de la ronde de négociations de 1979-1980. J'ai fait venir la décision et je la dépose. C'est la décision 125865 du 22 avril 1980.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Donc, les dépôts seront faits.

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Autre point, M. le Président. On a distribué, ce matin, une note au sujet de certains éléments qui différencient les coûts d'administration au ministère de l'Éducation du Québec et au ministère de l'Éducation de l'Ontario. Les informations que contenait cette note sont extrêmement squelettiques et je demande que le ministère de l'Éducation nous fournisse, à ce sujet, une note plus complète que celle distribuée ce matin. Qu'on nous donne, en somme, les chiffres comparatifs sur les frais d'administration du ministère de l'Éducation du Québec et de celui de l'Ontario, en tenant compte, évidemment, de l'autre ministère chargé des universités et de la technologie en Ontario. Je crois que la note qu'on a reçue ce matin ne nous éclaire pas conformément aux attentes qu'on avait fait naître hier soir.

Le Président (M. Jolivet): Tout ce que je peux vous dire, M. le député, c'est que le message doit être compris à ma droite et on devra faire les efforts nécessaires pour répondre à vos questions. Merci.

M. Charbonneau.

La négociation

M. Charbonneau (Yvon): Oui, M. le Président. Tout d'abord, je veux vous présenter les gens qui sont avec moi à cette table et qui participeront aux débats ou, en partie, à l'exposé et qui présenteront le point de vue de notre organisme.

À ma gauche, Mme Alice Tremblay, première vice-présidente du bureau national de la centrale; M. Gilles Lavoie, coordonnateur des négociations, M. Pierre Beaune, économiste; à ma droite, M. Robert Bisaillon, président de la Commission des enseignants et enseignantes de commissions scolaires, M. Robert Dobie, secrétaire général de la Provincial Association of Catholic Teachers; M. Harvey Weiner, président de l'Association provinciale des enseignants protestants; agiront aussi à titre de ressources techniques, M. Alan Lombard et M. Denis Leclerc.

M. le Président, mesdames, messieurs, députés et membres de cette commission, au moment où s'ouvre cette séance de travail, il est 16 heures. C'est l'heure traditionnelle de la fin des classes et du retour à la maison. Je profiterai certainement de cette occasion pour souhaiter la bienvenue avec nous, à l'occasion de ce débat, au plus grand nombre d'étudiants possible de fin de secondaire, de collégial en particulier, ainsi qu'à leurs parents. Ou bien que les parents suggèrent à leurs enfants d'ouvrir la télévision et d'écouter l'émission ou que les enfants suggèrent à leurs parents que cela peut être intéressant, vu qu'on va discuter de l'école publique au Québec.

Je voudrais aussi profiter de cette occasion pour féliciter tous les jeunes Québécois et Québécoises qui ont représenté l'ensemble de la jeunesse québécoise aux Jeux du Canada qui viennent de se terminer à Chicoutimi et qui ont bien figuré. Je pense que nous avons bien raison d'être fiers de leur rendement. Derrière le rendement de ces jeunes, il y a certainement aussi le travail dans l'ombre de milliers de personnes bénévoles et aussi d'éducateurs que je veux saluer à cette occasion.

La CEQ accepte de prendre part à cette commission parlementaire parce que nous croyons que l'impasse actuelle a déjà trop duré. Même si nous n'avons rien négligé, quant à nous, du côté de l'information au public ou à nos membres, il se peut que les présents débats concourent à éclairer certains aspects de ce conflit dans lequel nous sommes plongés bien malgré nous. Le large appui que notre cause a reçu dans plusieurs milieux, ainsi que l'immense réprobation que s'est attirée le gouvernement à la suite de l'adoption des décrets et de la loi 111 démontrent je crois, que ce qu'on appelle l'opinion publique est loin d'être insensible à nos objectifs de maintien d'un enseignement public de qualité et de préservation de nos droits démocratiques.

Nous faisons face actuellement à un gouvernement qui a fait le choix suivant: "couper jusqu'à ce que cela crie", comme l'a dit un important ministre, puis faire taire ceux qui crient, comme l'ont dit tous les autres ministres, et recommencer ainsi. Nous faisons face à un gouvernement qui s'attaque non seulement aux droits syndicaux, non seulement au droit à des services publics de qualité, au droit à l'éducation, mais qui a fait le choix de gérer - c'est une immense responsabilité qu'un gouvernement prend à ce moment-là - la décroissance de façon non pas humaine, mais autoritaire et ce, au mépris de nos acquis collectifs et sociaux les plus précieux et de nos équilibres démocratiques devenus - il faut l'admettre -pas mal précaires.

En tant qu'organisation syndicale représentative d'un large secteur des services publics, éducation, professionnels de la fonction publique - à l'occasion de cette

ronde de négociations, nous représentions environ 95 000 salariés - la CEQ s'est inscrite depuis juin dernier non pas dans une ligne d'affrontement ou de confrontation, mais dans un processus d'échanges, de négociation visant au renouvellement des conventions collectives de ses membres et ce, avant la fin de 1982 si cela eût été possible. Mais c'est à coups de lois spéciales qu'on nous a répondu dès le mois de juin. Les dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs que nous regroupons n'ont toujours pas compris qu'on veuille à tout prix faire d'eux des boucs émissaires d'une crise qu'ils n'ont ni provoquée ni alimentée.

De compromis en compromis, nous en sommes arrivés à proposer le gel de nos salaires. Ce qui implique, puisqu'on ne peut pas geler le coût de la vie, ni demander au gouvernement de geler le coût de la vie, l'acceptation d'un appauvrissement relatif pouvant aller jusqu'à 15% pendant la durée de la convention. Nous en sommes arrivés aussi - quelle audace! - à demander le maintien des conditions de travail que nous avions auparavant. Nous voulons bien qu'en certains milieux on nous taxe de radicaux, mais la réalité est que nous sommes plutôt des radicaux du statu quo, donc des radicaux bien modestes, M. le Président. La réalité, c'est que nos membres sont allés en grève non pas pour avoir toujours plus et plus, comme certains un peu retardés disent encore de nous, mais pour éviter de perdre absolument tout ce que nous avions acquis et signé depuis une quinzaine d'années.

Quelle que soit l'issue de ce conflit, nous aurons au moins la satisfaction d'avoir forcé un large débat à propos de la qualité et du niveau des services publics au Québec et en particulier en regard de l'éducation. Pourquoi faut-il donc qu'il y ait conflit pour que certains débats d'intérêt permanent en arrivent à prendre place? Nous laissons à d'autres le soin de répondre à cette question, mais nous souhaitons vivement, dans l'intérêt du million et plus de jeunes que nos membres doivent côtoyer chaque jour, qu'une plus large couche de la population s'intéresse de façon active et continue à l'éducation. Cela nous éviterait peut-être d'être plongés périodiquement, malheureusement, dans le quasi-chaos social et scolaire qu'occasionnent des politiques à courte vue, sans rapport avec les besoins réels du développement de la jeunesse dans cette société. On n'a qu'à penser au tournage en rond, par exemple, qui caractérise tout le dossier de l'éducation des adultes au Québec pour se rendre compte de ce que se permettent des gouvernements que n'aiguillonne pas systématiquement une opinion publique en éveil. Cette commission parlementaire, on me permettra de le souligner, illustre bien jusqu'à quel point les représentants gouvernementaux sont à la fois juge et partie puisqu'on retrouve, parmi les députés ministériels, le ministre de l'Éducation, le ministre des Finances et le ministre président du Conseil du trésor qui ont la main haute sur la conduite de cette négociation. Donc, on les retrouve parmi les membres de la commission parlementaire plutôt que comme témoins convoqués à cette commission à côté de nous comme partie au conflit.

De toute façon, ceci étant bien précisé, pour les fins de cette commission parlementaire, nous rappellerons, d'abord, les efforts déjà imposés depuis six ans, à coups de compressions budgétaires, au secteur de l'éducation. Deuxièmement, nous allons resituer le contexte et l'aboutissement à ce jour de cette ronde de soi-disant négociations. Nous aurions bien aimé que ce soit des négociations, quant à nous. Nous démontrerons aussi certains effets des décrets sur les conditions de vie et de travail des travailleuses, des femmes, parmi nos membres et dans la société. Nous démontrerons avec insistance les effets des décrets sur le vécu scolaire de l'ensemble de nos membres et de l'ensemble de ceux et celles avec qui nos membres doivent travailler chaque jour, les élèves, ce dont traiteront en particulier les représentants de la Commission des enseignants de commissions scolaires.

Si le temps nous le permet, par la suite, nous pourrons éventuellement revenir avec une couple de propositions ou de suggestions.

Pour ce qui est de ce que l'on appelle ici les efforts déjà imposés, déjà consentis par le secteur de l'éducation depuis quelques années, je voudrais souligner ici que d'éminents porte-parole gouvernementaux tentent d'expliquer leur position restrictive envers les services publics, celle qu'ils prennent, l'année dernière et cette année, en invoquant la crise qui nous traverse depuis une couple d'années. Nous avons bien vu tout le battage qu'il y avait à ce propos à l'occasion du Sommet de Québec. La crise est arrivée ou elle est sur le point d'arriver. C'était plutôt un malaise à l'occasion du Sommet de Québec, nous disait-on en haut lieu, mais la crise s'en venait. Elle est arrivée au mois de septembre.

On explique ces politiques draconiennes en invoquant la crise. Mais je crois que c'est avoir la mémoire un peu courte. Dès la présentation de son premier budget, le 29 mars 1977, ce gouvernement, le gouvernement d'alors conduit par les mêmes personnes qu'aujourd'hui, annonçait - je rappelle le titre de certains de leurs communiqués - "Mission éducative et culturelle: un sérieux coup de frein à la croissance des dépenses d'éducation". Ou encore: "C'est au domaine de l'éducation proprement dite que le coup de barre est sérieux: la croissance des crédits, disait-on,

est ramenée de 32% à 9%". De fait, c'est à 4,3% qu'on ramena le taux d'augmentation des crédits alloués à l'enseignement primaire et secondaire public, 4,3% dès 1977-1978, alors que l'inflation était de l'ordre de 10%. Donc, dès cette année-là, on demandait à l'enseignement secondaire et primaire public de s'arranger avec 6% de moins que la hausse du coût de la vie. La politique de médecine de guerre appliquée au secteur de l'éducation est donc née avant la crise, enfin la dernière dont on parle. Elle remonte au moins, en ce qui concerne ce gouvernement, à son premier budget il y a six ans.

Afin de rembourser les arrérages laissés par le gouvernement antérieur à raison de 159 000 000 $ en 1977-1978, 130 000 000 $ en 1978-1979 et 72 000 000 $ en 1979-1980, le gouvernement péquiste a sévèrement comprimé les crédits à l'éducation pendant les trois premières années de son premier mandat.

Lors du budget de 1980-1981, il annonçait les coupures suivantes. "Quant aux 300 000 000 $ d'arrérages, le budget de l'éducation primaire et secondaire du ministère de l'Éducation va les assumer grâce à des coupures annuelles qui ont déjà été fixées pour les trois années à venir, en 1980-1981, 30 000 000 $; en 1981-1982, 50 000 000 $; l'année suivante, 53 000 000 $". Mais la réalité devait s'avérer beaucoup plus contraignante. Les nouvelles règles budgétaires émises pour les commissions scolaires en juin 1980, de même que les effets de la loi spéciale no 113 -une parmi la série des neuf lois adoptées par ce gouvernement - à l'automne 1980, à l'occasion de deux conflits locaux, portaient les coupures à environ 100 000 000 $ en 1980-1981, selon une estimation du partenaire du gouvernement, la Fédération des commissions scolaires. En 1981-1982, les coupures pour l'enseignement primaire et secondaire s'élèvent à au moins 180 000 000 $.

Les crédits déposés le 23 mars 1982 ont fait état de coupures à l'éducation de 38 000 000 $ de plus. À notre avis, c'est un chiffre mystificateur en ce sens qu'en réalité, le gouvernement a projeté une augmentation des crédits à l'enseignement primaire et secondaire de 3,6% seulement, prétextant surtout une baisse de clientèle. L'enveloppe budgétaire pour les personnels autres qu'enseignants. On va parler, naturellement, durant cette commission parlementaire surtout du sort fait aux enseignants, puisqu'il y a encore un conflit de ce côté-là, mais il y a aussi des situations non réglées pour ce qui est des autres catégories de personnels qui sont, dans les écoles et dans les collèges, les professionnels, le personnel de soutien, le personnel technique, le personnel d'entretien. L'enveloppe budgétaire, pour ces personnels, a été réduite de 2% à 5%. C'était la partie la plus facilement compressible, étant donné la nature des conventions collectives dans ces secteurs.

À cet égard, les propos d'un sous-ministre, tels que rapportés dans le journal Les affaires en avril 1982, sont fort explicites: "D'autre part, nous avons coupé dans les réseaux là où les conventions collectives étaient les plus souples. Par exemple, au primaire et au secondaire, nous avons demandé aux commissions scolaires de réduire le nombre de professionnels et d'employés de soutien."

Plus récemment, dans la synthèse des opérations financières du troisième trimestre de l'année 1982-1983 qui vient d'être publiée et qui se rend jusqu'au 4 février, le gouvernement prévoit une croissance du budget du ministère de l'Éducation, cette année, d'environ 2,9% au total. Quand on considère ce que le gouvernement ou ce que le ministère de l'Éducation doit prévoir dans certains autres secteurs que l'enseignement public, primaire et secondaire, c'est de décroissance accélérée qu'il s'agit pour ce secteur de l'enseignement public, primaire et secondaire.

Je voudrais, en contrepartie de ce tableau des coupures et des efforts imposés au secteur de l'éducation depuis six ou sept ans par ce gouvernement, faire ressortir le caractère positif de l'action syndicale, ainsi que le caractère positif de certaines dispositions de nos conventions collectives. En certains milieux, la crise servant de prétexte à bien des discours, je crois qu'on y va un peu trop largement à propos du caractère radical des syndicats. On parle de gens récalcitrants ou mal accommodants, de gens qui ne comprennent jamais rien, etc.

On doit souligner que, justement en période de crise, l'action du mouvement syndical, l'action d'une organisation syndicale, prend encore plus d'importance en ce sens qu'elle amène dans cette société, je dirais, des feux jaunes ou des feux rouges. Elle amène des signaux d'alarme à la dégradation de certaines situations. Sans cette intervention du mouvement syndical, de certaines organisations, donc, sans l'intervention des travailleurs organisés, jusqu'où cela irait-il du côté des attaques aux droits et du côté de la dégradation des conditions de travail et des conditions des services publics? On peut au moins soulever la question et reconnaître qu'il y a là une contribution sociale positive de la part du mouvement syndical, même si cela prend parfois des allures, des extérieurs d'affrontement ou de confrontation. L'origine et l'aboutissement de cette action sont une contribution pour préserver certains acquis, certains droits dans une société qui se prétend devoir être démocratique. (16 h 15)

La contre-réforme - c'est comme cela que nous décrivons l'ensemble des mesures prises par ce gouvernement en éducation -entreprise depuis quelques années met en danger les acquis que nous avions accumulés en ce qui concerne le développement ou les possibilités de développement éducatif. Nous avons publié quantité de textes là-dessus et je crois que ce n'est pas nécessairement le lieu où faire état de tout ce que nous avons publié. Même si le ministre a fait son tour de piste hier, je crois que, quant à nous, nous allons nous concentrer sur la recherche de moyens pouvant nous amener à résoudre, si c'est encore possible, la situation, à dénouer le conflit. Mais, pour chaque document rappelé ou évoqué hier par le ministre de l'Éducation, pour chaque opération soi-disant de consultation, on pourra ici, en ce débat ou à une autre occasion où on pourra parler d'éducation, même s'il n'y a pas toujours un conflit autour pour nous y pousser - je souhaite que cela soit possible à un moment donné - faire état des analyses que nous pouvons faire de ces soi-disant consultations largement bidon. Et, aussi, on pourra sortir des documents du ministère de l'Éducation montrant justement, dans des synthèses de ces consultations, que la population a largement rejeté, en 1977 et en 1978, les idées et les suggestions mises de l'avant par le livre vert dont on parlait hier avec tant d'abondance. Voici des idées justement rejetées à l'occasion des consultations - c'est dans les rapports-synthèses publiés par le ministère de l'Éducation même - "l'école-pivot", la "corporation-école" et des choses du genre sur lesquelles on a voulu baser le projet de restructuration scolaire; idées rejetées en consultation, mais tout de même reproduites dans des livres blancs et des projets de politiques. On pourrait sortir beaucoup de choses de ce côté-là. On va passer pardessus pour le moment, mais, s'il y a des questions, nous sommes particulièrement bien équipés de ce côté.

Il nous apparaît donc que la convention collective est le seul frein sérieux aux politiques de coupures dans le personnel et dans les services publics et d'éducation en particulier. En ce sens, l'action syndicale, qui est positive sur le fond, aura contribué à faire en sorte que la population puisse encore disposer aujourd'hui de services qu'autrement elle aurait pu perdre plus tôt ou qu'elle risque encore de perdre si jamais les décrets devaient devenir une réalité immuable. Les centrales syndicales ne sont pas les seules à dénoncer les coupures effectuées par l'État ou ses partenaires. Il y a tout un concert d'opinions. Nous avons reçu des centaines de lettres, des témoignages de diverses organisations, de regroupements d'assistés sociaux, de chômeurs, de comités d'école, de comités de parents, d'associations étudiantes. Beaucoup de groupes nous ont dit à quel point ils étaient préoccupés de la situation faite aux services publics et à l'éducation à travers les décrets. C'est un ensemble d'opinions provenant d'un vaste éventail de catégories sociales qui ne sont pas en opposition sur ces questions, comme on le laisse croire dans certains discours officiels où il paraît que les chômeurs ou les assistés sociaux aimeraient bien que les travailleurs des services publics perdent quelques plumes. Non, les gens, quand ils s'expriment à travers leurs organisations, ne disent pas cela. Ils disent, au contraire: La lutte que vous menez dans le secteur public, elle va servir tout le monde si vous réussissez à conserver un minimum de qualité, même à travers la crise. Et, justement parce qu'il y a crise, nous disent-ils, c'est important que vous teniez encore un peu plus, malgré les coups durs qu'on vous assène. Nous sentons que nous avons les mêmes objectifs de fond, nous ne sommes pas divisés, malgré les discours dont on nous arrose abondamment.

Je crois qu'il est important de souligner cela ici. C'est un indice sérieux de l'attitude qu'adopterait la population si on lui présentait, avec transparence et méthodiquement, les effets des politiques du gouvernement dans le domaine de l'éducation. Ces témoignages que nous avons ici indiquent déjà l'immense appui que soulèvent les objectifs que nous mettons de l'avant. Ils indiquent aussi la réprobation que s'attirerait le gouvernement par ses politiques, si elles étaient bien connues à la base par les citoyens de façon détaillée, et non pas seulement par des consultations à huis clos ou sélectives comme ce qu'on a déjà vu, par exemple, sur la restructuration scolaire.

Pour la partie suivante de l'exposé, Mme Alice Tremblay enchaînera.

Le Président (M. Jolivet): Mme

Tremblay.

Mme Tremblay (Alice): Permettez-moi de vous faire connaître les faits tels qu'ils se sont présentés au cours de la présente ronde de négociations. Pour rendre la réalité scolaire la plus conforme possible à ses cadres budgétaires, le gouvernement a fait le choix de la confrontation et de l'affrontement avec celles et ceux qui travaillent dans les services publics et, notamment, dans l'éducation. Il a fait le choix d'imposer sa politique de coupure de services éducatifs par une série d'interventions soigneusement planifiées depuis bientôt deux ans.

D'abord, à l'automne 1981 et au début 1982, des ministériels lancent une vaste opération de propagande et de dénigrement des employés du secteur public. Haro sur ces privilégiés qui jouissent d'une relative

sécurité d'emploi en cette période de chômage importants Le patronat, les médias et une certaine élite s'en mêlent. Peu importe la valeur scientifique des comparaisons privé-public, le mythe est créé.

La tenue du Sommet de Québec en avril 1982 est un moment privilégié de ce processus. Nous sommes allés effectivement dans ce processus. Devant traiter de la crise économique dans son ensemble, ce forum est devenu pour le gouvernement l'occasion de procéder à une mise en scène à grand déploiement concernant ses problèmes budgétaires. La cible? Évidemment, encore une fois les services publics. Aucune considération de la part du gouvernement pour nos propositions à caractère économique, social ou éducatif. L'opération "bulldozage" est enclenchée. Le 15 avril, le gouvernement déposait aux centrales dans le secteur public une proposition de réouverture de la convention collective, demandant la renonciation à un montant de 521 000 000 $ dû pour la période du 1er juillet au 31 décembre 1982, sans compter l'annonce d'une importante récupération au plan des régimes de retraite. En cas de refus, la menace était là - c'était effectivement la contrepartie -une coupure de plus 17 000 postes et un gel complet des salaires pour 1983. En réponse à cela, les centrales syndicales, vers le 6 mai, font état des propositions suivantes, et c'est très important. Nous offrons notre entière disponibilité à négocier à compter du début de juin 1982 le renouvellement complet des conventions collectives. Nous sommes ouverts à accepter une nouvelle convention collective avant même la date d'échéance prévue des conventions collectives en vigueur.

Le gouvernement refuse cette approche et fait adopter en juin trois lois spéciales: d'abord, la loi 68 qui modifie unilatéralement nos régimes de retraite; ensuite, la loi 70 qui nous impose des coupures au niveau des salaires et un recul très important et, finalement, la loi 72, la Loi sur les services essentiels, qui vise à rétrécir le corridor d'exercice du droit de grève. Accompagnant ces lois, il dépose en même temps un budget qui est un véritable recul social et qui fige une fois pour toutes la ronde de négociations qu'il entend entreprendre avec ses syndiqués.

Le 24 septembre, il devient évident, lors du dépôt des demandes patronales - on est habitué d'entendre les demandes syndicales, mais c'étaient effectivement des demandes patronales - que le gouvernement veut tout le morceau en même temps, le salarial et les conditions de travail. Du côté syndical, une demande salariale équivalant à 3% d'augmentation en 1983 se transforme très rapidement, dès la mi-novembre, en une proposition de gel des salaires pour un an pendant que les demandes normatives se ramènent tout près du statu quo.

Pour le gouvernement, la réponse: "II n'y a rien là". Le temps des décrets est arrivé. Après avoir rompu la négociation, il fait adopter à la vapeur la loi 105 et des dizaines de milliers de pages de décrets que pas un seul député n'avait eu le temps de parcourir. C'est 109 décrets qui sont imposés.

Ensuite, c'est le pari du président du Conseil du trésor: "Ah! Le mécontentement se résorbera. Les employés oublieront tout. Les syndicats manqueront de souffle." Déclaration tirée du Soleil du 7 décembre 1982. Nos membres avaient pourtant rejeté à 96% le cadre de règlement proposé par le gouvernement le 29 novembre et nous avaient donné un mandat de grève à 74%. Pour le premier ministre, l'échec des négociations est le fait d'un "establishment syndical dangereusement coupé de la réalité". Advenant du "brasse-canayen" en janvier, il se dit prêt à adopter des mesures "très, très raides". C'est tiré du Devoir du 21 décembre 1982. C'est toutefois avec ces mêmes directions syndicales que le premier ministre tentera du 17 au 21 janvier de convenir de certains adoucissements à apporter à ces décrets. En vain.

La mobilisation syndicale tourne à la grève. Malgré l'inflation verbale du premier ministre contre notre soi-disant "radicalisme dévoyé", nos membres rejettent le réaménagement du cadre de règlement proposé par le ministre de l'Éducation et ce, à 87%, tout comme ils voteront pour la poursuite de la grève, malgré la loi 111, à 64% et accepteront la trêve le 20 février à 85%. La preuve est maintenant faite que cette mobilisation contre les décrets et contre la loi 111 est l'affaire de l'ensemble de nos membres, tant ils se sentent attaqués, violentés et méprisés par cette cascade de mesures autoritaires qui s'abattent sur eux. Ce sentiment existe, il est très profond: trêve, grève ou rien du tout!

Les présentes négociations sont un échec gouvernemental sur toute la ligne. On ne fera pas le bilan des autres groupes du front commun. On rappellera, cependant, qu'aucun groupe n'a signé les décrets, ni accepté cette situation de négation brutale du droit à la libre négociation. Pour ce qui est de la CEQ, aucun des onze groupes de salariés qu'elle représente à huit tables de négociations différentes n'a pu conclure une convention collective. Avant la présente ronde, tous ces groupes en étaient venus à une entente signée. Nous signons donc des conventions collectives à la CEQ.

Cette fois, malgré le fait que certaines unités, cependant, ont accepté d'entériner des aménagements partiels aux décrets de la loi 105, tous les décrets sont demeurés et tous les groupes concernés ont enregistré des reculs importants et n'ont pu préserver certains acquis essentiels dans leurs conditions de travail. J'en rappellerai

quelques-uns. C'est ainsi que, pour le personnel de soutien des commissions scolaires et des cégeps, aucun règlement entièrement satisfaisant sur la sécurité d'emploi, sur la protection des emplois et sur les horaires de travail n'a pu être obtenu; pour les professionnels du réseau scolaire, trois dossiers majeurs ne sont pas encore réglés: celui de la sécurité d'emploi, de l'horaire de travail et de la classe 1; pour les professionnels de cégeps, la négociation n'a pas permis d'assurer, au minimum, la protection des emplois encore existants, de même que l'utilisation des professionnels mis en disponibilité n'a pas, non plus, été réglée, ces derniers risquant d'être encore, pour au moins trois ans, oubliés et sans affectation; pour les personnels du secteur des affaires sociales, parce que nous en avons également chez nous, ils étaient en face d'un cadre de règlement négocié par d'autres et qu'ils avaient rejeté à l'unanimité. Présentement, aucune solution appropriée n'a encore été déterminée pour régler les problèmes particuliers des centres d'accueil spécialisés dans lesquels ils oeuvrent, même si certains pourparlers se poursuivent: pour les professionnels du gouvernement enfin, ils sont en train de refaire pour une troisième fois -ils sont bien patients - un exercice autour des cinq grandes questions suivantes: la situation des occasionnels, la classification et les catégories discriminatoires pour les femmes, la sécurité d'emploi et, enfin, deux questions qui sont communes à tous les professionnels: l'horaire de travail et la classe I. (16 h 30)

Force nous est de constater que, même en ce qui concerne des groupes à moindre incidence budgétaire, le gouvernement n'a pas su tempérer ses volontés de récupération et s'est privé lui-même d'un règlement négocié et accepté par ses salariés. Mais le problème demeure entier. C'est le droit à la libre négociation qui a été nié au cours de cette ronde. Ce gouvernement avait décidé froidement d'imposer ses vues sans négocier avec quiconque, sans écouter qui que ce soit.

M. Charbonneau (Yvon): Donc, comme on l'a vu jusqu'à maintenant, six ans de mise à contribution parfois assez brutale, sous le couvert de compressions, de coupures, de réductions budgétaires imposées au secteur de l'éducation, deux ans d'une démarche autoritaire bien planifiée, il faut le dire, mais autoritaire tout de même et, l'aboutissement de cela: il n'y a pas moyen de régler. Et on dit: Est-ce que vous pouvez faire un effort? Pouvez-vous nous faire une autre proposition? Après avoir subi le ravage de l'envahisseur dans à peu près toutes les pièces de notre maison, il nous dit: Avez-vous encore une couple de meubles à nous offrir? Ils nous demandent une contreproposition.

Nous devons regarder avec encore plus de soin les effets des décrets sur certaines catégories de personnes qui sont visées par ces documents, ces édits gouvernementaux. En particulier - je crois - que la période de l'année s'y prête aussi - il faut souligner que les décrets imposent des reculs à l'ensemble des travailleurs, mais de manière particulière aux travailleuses qui sont dans nos rangs en tant que syndiquées du secteur public ou qui sont membres de syndicats dans le secteur privé ou qui sont au travail ou sans travail un peu partout dans le Québec.

À l'instar des comités de condition féminine de nos syndicats et à l'instar aussi du Conseil du statut de la femme, la CEQ tient à dénoncer la situation désastreuse provoquée par les décrets au chapitre des droits des femmes, en tant que syndiquées dans leur accès à l'égalité et à l'indépendance économique et aussi en tant qu'utilisatrices des services publics, qui seront affectées, elles aussi, par les nombreuses coupures dans les services disponibles à la population. Ce désastre, souligne le Conseil du statut de la femme, n'a fait que s'amplifier depuis l'adoption de la loi 111 qui nie avec force le processus de négociation et qui s'attaque au principe même des conventions collectives.

Décréter, c'est une manière subtile, mais probablement pas mal efficace de handicaper la syndicalisation dans une société, puisque les décrets provenant du gouvernement essaient de faire la preuve qu'il n'y a plus de champs de manoeuvre, qu'il n'y a plus d'aires d'intervention, de possibilités d'intervention efficace pour les syndicats. À ce moment, cela ne peut avoir comme incidence que de décourager ou de démotiver ceux qui sont déjà syndiqués à utiliser à fond leur syndicat ou de démotiver aussi des personnes qui pourraient, à un moment donné, se syndiquer, mais qui se le refuseront finalement.

Décréter, dans les conditions où cela se passe au Québec aussi, c'est certainement fournir un modèle aux entreprises et à un certain patronat qui cherchent à justifier des mesures arbitraires qu'ils prennent actuellement ou qu'ils sont à préparer pour les prochaines semaines.

Vu sous l'angle des travailleuses, ce processus intervenu dans le secteur public, les décrets, conduit tout droit à une détérioration des conditions de travail pour les autres travailleuses du Québec. Même la ministre déléguée à la Condition féminine, Mme Marois, a dû "reconnaître que les récentes décisions gouvernementales touchent durement les travailleuses des secteurs public et parapublic." La Presse du 25 février. La ministre aura beau, au plan du discours, demander aux femmes de "se serrer les coudes", comme elle le dit, par la loi 70,

par les décrets et par la loi 111, en réalité ce qu'on demande aux femmes, c'est de se serrer encore davantage la ceinture.

Nul discours sur la crise ne nous fera souscrire au maintien de certaines formes de discrimination ou de disparités s'exerçant au détriment de certaines fonctions occupées majoritairement par des femmes, ni à certaines disparités dans l'octroi des congés de maternité et des congés parentaux à travers les diverses conventions collectives.

Nous ne souscrirons pas non plus, même s'il y a crise, à l'atteinte à la sécurité d'emploi proportionnellement plus poussée en ce qui a trait aux travailleuses. Par exemple, les mises en disponibilité dans les cégeps feraient passer le pourcentage des enseignantes travaillant à ce niveau de 35% qu'elles sont actuellement à 17%. On pourrait parler de plusieurs autres problèmes qui menacent plus gravement les femmes, étant donné la position qu'elles occupent, position souvent précaire, sur le marché du travail.

Il y a aussi les décrets et la méthode forte gouvernementale, et les faux discours aussi sur l'ordre ou l'anarchie provenant du Conseil des ministres. On arrache une page complète du Code du travail et on dit: Nous sommes du côté de l'ordre et vous êtes du côté de l'anarchie. Si, nous, nous prenions le Code du travail et que nous avions un petit accroc sur une disposition du Code du travail, on est des anarchistes, mais si eux enlèvent une page complète, ils sont du côté de l'ordre. De faux discours, je crois. Cela ne fait que camoufler, ici comme ailleurs, les véritables enjeux de cette crise, tant pour les femmes que pour l'ensemble de la société. En s'attaquant donc au processus de la négociation et au processus de la syndicalisation dans le secteur public, ce sont toutes les femmes, croyons-nous, travailleuses ou non, que le gouvernement atteint au détriment de ses devoirs élémentaires de justice. La justice a ses droits de cité même en temps de crise, croyons-nous.

Le reste de l'exposé sera fait par mon collègue, Robert Bisaillon.

M. Bisaillon (Robert): Comme vous le voyez, les enseignants et les enseignantes du Québec sont en colère. Moi, j'aurais aimé vous la transmettre directement, parce que je partage cette colère, dans cette salle. Si c'était possible de vous la transmettre de façon concentrée, je vous assure qu'on réglerait au moins des problèmes d'aération.

On parlera des motifs de la colère. Ce n'est pas pour rien que les enseignantes et les enseignants du Québec, qui sont des gens d'un certain âge, au moins quand on parle de l'âge moyen, comme en a déjà témoigné le ministre de l'Éducation, ont joint le geste à la parole depuis quelques mois, et particulièrement ces dernières semaines. Les enseignantes et les enseignants du Québec sont principalement en colère parce qu'au niveau même de ce qu'ils vivent dans leur école, dans leur commission scolaire, les décrets ont désorganisé le vécu qu'ils avaient construit, par la négociation entre autres, depuis un certain nombre d'années, vécu qui fonctionnait bien de leur point de vue.

Ils sont aussi en colère parce qu'on s'obstine à continuer à désorganiser ce qu'on avait déjà réussi à désorganiser largement dans les secteurs des conventions collectives où les protections étaient moins adéquates -je fais référence, entre autres, à l'éducation des adultes - mais surtout parce que les enseignantes et les enseignants, qui affirment sans honte qu'ils ont contribué bien davantage à l'édification du système public d'éducation au Québec que tous les ministres qui se sont succédé, ont l'impression qu'on veut désorganiser l'école au complet, l'exercice de leur métier et, ce faisant, défaire la motivation qui est le coeur de l'exercice de ce métier. Quand vous enlevez le moteur, vous avez beau donner des coups de pieds de plus en plus forts sur la bagnole, vous savez ce que cela produit comme effet.

Ces affirmations que le ministre nous a déjà demandé de démontrer quant aux effets des décrets sur le vécu dans les écoles et sur la qualité de l'enseignement, nous allons les démontrer en puisant dans le décret des exemples probants et faciles à comprendre, parce qu'il faut se mettre de l'intérieur d'une école et, si possible, de l'intérieur d'une classe pour comprendre ce que vous faites à l'éducation. Je vais vous demander la permission de vous accompagner dans cette visite. À cette fin, nous allons, pour chacun des exemples, faire ressortir les différences qui existent entre le décret et la convention signée, il y a à peine trois ans, par ce même gouvernement, c'est-à-dire à une époque où la crise et l'Ontario existaient déjà.

Auparavant, très brièvement, mon collègue, le président de l'Association provinciale des enseignants protestants, aimerait soulever le voile sur un aspect -cela ne durera pas longtemps - salarial qu'on ignore souvent, un peu trop facilement croyons-nous, ce qui explique, même si nos revendications salariales ne sont pas au premier plan, lorsqu'on fait des comparaisons par la suite, que certains sont bien heureux qu'on ait fait cet oubli. Je laisse la parole à Harvey Weiner.

Association provinciale des enseignants protestants

M. Weiner (Harvey): Pour ceux qui aiment parler de l'aspect salarial, nous tenons à rappeler que les enseignants du Québec ont toujours accordé une grande importance, une importance prépondérante à

la négociation de leurs tâches et de leur sécurité d'emploi. C'était un choix fait par nos enseignants. En 1976, les chiffres indiquaient que nous, les enseignants, avant la convention collective de 1976, étions les plus bas payés au Canada. En faisant ce choix, il s'est développé un écart significatif entre notre structure salariale et celle des autres provinces, particulièrement en regard du nombre d'échelons à franchir pour atteindre le salaire maximal. C'est un fait. On pourra constater, dans les tableaux qui ont été distribués auparavant, que dans plusieurs régions canadiennes il faut onze ans pour atteindre le salaire maximal, alors qu'au Québec notre échelle comporte quinze échelons et il faut désormais, depuis la loi 70, seize années pour y parvenir. C'est la seule province au Canada où seize vaut quinze.

Les équivalences salariales se fondent sur les normes courantes d'admission et d'obtention de grade dans les universités du pays. Je vais utiliser comme exemple la catégorie 16, c'est une catégorie typique de baccalauréat au niveau inférieur exigeant au moins seize années de scolarité. Il peut y avoir un ou deux cas où les équivalences salariales employées aux fins du bulletin ne correspondent pas exactement à celles reconnues par une faculté d'éducation ou une organisation d'enseignants particulière dans l'évaluation du candidat venant d'une province voisine précise. Toutefois, ce sont les équivalences qu'il semble le plus logique d'utiliser pour effectuer des comparaisons de salaires dans toutes les provinces. Je veux dire qu'en Ontario, ce sont les enseignants eux-mêmes qui évaluent les qualifications pour fins de classification. Les négociations ne sont pas encore terminées dans plusieurs villes et provinces utilisées dans ce résumé, alors l'écart est plus grand que ce qui est indiqué. Dans ces cas, nous avons fourni les salaires de l'entente expirée. Je vais donner quelques corrections et éclaircissements.

Premièrement, pour le Québec, c'est le décret, c'est-à-dire l'article 6506, l'échelle qui commencerait en avril et qui se termine le 31 décembre 1983 - Correction au mot "Nouveau-Brunswich", c'est un "k" au lieu d'un "h" - Peel, Toronto et York sont trois commissions scolaires secondaires de l'agglomération de Toronto en Ontario. À Winnipeg, c'est une échelle qui a expiré le 31 décembre 1982, c'est en négociation actuellement. À Terre-Neuve, c'est expiré depuis le 31 août 1982, c'est en négociation. À Vancouver, Edmonton et Calgary, c'est expiré depuis le 31 décembre 1982 et à ma connaissance... (16 h 45)

M. Ryan: Voulez-vous répéter, s'il vous plaît.

M. Weiner: Winnipeg, 31 décembre 1982; Terre-Neuve, 31 août 1982; Edmonton, Vancouver et Calgary, 31 décembre 1982. Ces cinq dernières sont actuellement en négociation et à ma connaissance elles négocient des salaires à la hausse, pas à la baisse.

Si on prend les colonnes 11 années d'expérience, ça veut dire que dans toutes les provinces à l'exception du Québec, Edmonton et Calgary, c'est-à-dire en Alberta, le maximum est atteint à la onzième année d'expérience. Cela veut dire que l'enseignant à Saskatchewan bénéficie du salaire de 36 354 $ avec seize ans de scolarité, de onze années d'expérience jusqu'à quinze ans d'expérience. C'est une échelle de...

Au Québec, ça prend quatre années de plus pour avoir un salaire de 31 384 $.

À Edmonton et Calgary, le maximum est atteint au douzième échelon. On peut prendre la carte pour 17 ans de scolarité, parce que je ne veux pas dire ici que les qualifications des 16 et 17, c'est une équivalence exacte. Je veux dire que même si on prend 17 ans de scolarité et des professeurs de Québec qui peut-être enseigneront à Vancouver ou Edmonton, avec les problèmes de disponibilité l'année prochaine, même les professeurs qui sont déclassifiés ou qui auront leur qualification évaluée à la baisse, c'est-à-dire à 16 ans de scolarité, dans quatre cas sur onze auront plus d'argent après 16 ans dans les autres provinces, dans les autres villes utilisées comme exemple qu'au Québec.

Moi, je ne suis pas qualifié pour évaluer, par exemple, le taux d'imposition comparé en Ontario et au Québec, Je pense qu'il y en a d'autres autour de la table qui sont plus qualifiés que moi, mais, à ma connaissance, il y a quelque chose là aussi. Par exemple, entre l'Ontario et le Québec, à ma connaissance, il y a un écart qui nous défavorise aussi. J'arrête là; plus tard je serai prêt à répondre aux questions.

La négociation (suite)

M. Bisaillon (Robert): Nous voulions vous indiquer en passant que nous avions aussi des problèmes structurels qui résultaient, cependant, de choix que nous avions faits. Vous comprendrez pourquoi, quant au reste, lorsqu'on dit que depuis des années on a choisi la tâche et la sécurité d'emploi ce n'est pas pour rien qu'aujourd'hui on est en colère lorsqu'on veut nous l'enlever.

Si vous permettez, en repassant à grands traits les principaux éléments de la convention collective et du décret, j'aimerais quand même vous signaler que ce soir, avec votre permission, nous aimerions faire droit à une correction par rapport à des chiffres qui ont été avancés hier soir ici, du côté

ministériel, qui nous apparaissent mettre sérieusement en doute la crédibilité de ceux qui les ont avancés et, finalement, des conclusions qui sont sous-tendues par ces chiffres-là.

Nous aimerions aussi, ce soir, faire la démonstration par une simulation très précise dans une grosse commission scolaire - on pourrait en faire dans des petites aussi - des effets du décret. Je pense que vous permettrez, comme un de nos affiliés a été, hier, cité en cette commission à partir d'un document qui a été lu à l'envers que le président de cet affilié le lise à l'endroit. Cela permettra devant le public et devant les membres de la commission de vous faire une idée, après les deux lectures, quant à l'orthodoxie de l'information syndicale. Je pense que vous nous devez cela.

Je voudrais vous parler de l'affectation, de la mutation et de la distribution des tâches, parce que c'est le tissu des relations du travail entre un employeur et ses salariés. Ces matières ont été négociées localement, employeur, commission scolaire versus syndicat depuis les deux dernières rondes de négociations. Donc, depuis 1976, ces sujets faisaient l'objet de discussions approfondies, d'ententes, de signatures, de mises en application, de réaménagements entre les parties locales, selon leurs besoins.

Ce qu'il faut rappeler, parce que, dans la démonstration qui a été faite hier ou qu'on a tenté de faire, on se gardait bien de souligner cet aspect. À ce jour, le vécu propre de chacun des milieux a souffert en de très rares exceptions de griefs pour renforcer l'application. C'est quand même curieux qu'un système qui fonctionnait relativement bien, puisque quand cela va mal on engorge le rôle d'arbitrage, on veuille le défaire aujourd'hui. Nous tenons à souligner que ces ententes, convenues localement, portaient à la fois sur la répartition des enseignantes et des enseignants dans les écoles et, une fois dans les écoles, sur la répartition du travail à effectuer entre les enseignantes et les enseignants. Ces négociations, conduites localement, ont mené les employeurs et les salariés à définir conjointement le critère de la capacité de différentes façons, bien sûr, mais à le définir par négociation en fonction de leurs besoins - ce qui n'est pas nécessairement un crime, lorsqu'on sait que la Gaspésie ne ressemble pas particulièrement au West Island - et à assurer aux enseignantes et aux enseignants une sécurité dans l'emploi qui était fondée sur des règles communes, non arbitraires et à la détermination desquelles tout le monde avait contribué.

Le décret du 11 décembre 1982 a ramené l'ensemble de ces matières au niveau national. Comment? D'abord en y introduisant, bien sûr, une définition du critère de la capacité et les droits de gérance à leur état pur. C'est un retour au décret de 1972. Il est à peu près normal qu'un décret ressemble à un autre décret. Mais ce n'est pas ce que je veux souligner. C'est le saut dans le temps qu'on fait, en 1972. Cela a concrétisé une rupture profonde avec le vécu des sept dernières années.

Pourtant, dès le 11 mai 1982, nous avions déposé une revendication sur le partage des matières. Dès la première séance, sans discussion, ce fut une fin de non-recevoir. Mesdames, messieurs, ce n'est plus une négociation. Premier décret, la négociation locale est disparue. Coucou! Puis, le 23 novembre 1982, nous avons proposé la reconduction intégrale des ententes locales de 1979-1982, puisque, de l'avis du ministre -cela a été abondamment répété hier, avec des chiffres un peu faux cependant, mais cela a été répété hier - de l'avis de tout le monde du côté gouvernemental, vous savez, la négociation locale a conduit à des grèves et des grèves et des grèves. Huit grèves en tout, dont deux ont affecté un territoire complet. C'était un compromis, cette reconduction intégrale des ententes locales. Le gouvernement a refusé ce compromis sur les six matières les plus importantes et, hier, on a fait évidemment l'énumération des matières très importantes qu'on laisse maintenant au palier local. Pourquoi? Il semblerait que le vécu, dorénavant, au Québec, doit être centralisé.

Les conséquences. C'est le tissu des relations du travail dans une commission scolaire qui est maintenant détruit. Et, il faut le dire, les enseignantes et les enseignants se retrouvent maintenant à la merci des administrations de chacune des écoles et de la commission scolaire. Non pas, comme cela a été souligné hier, parce que tel administrateur est un méchant par rapport à un autre, mais bien parce que, en l'absence de normes convenues localement, c'est forcément un décret local qui s'applique aussi.

Nous croyons toujours qu'il y a une voie facile de règlement sur ces sujets: le retour à la négociation locale et la reconduction des règles actuelles d'affectation, de mutation et de distribution des tâches. Est-ce exagéré de demander le statu quo quand on fonctionne bien?

Quant à l'éducation des adultes, on le sait - cela a été d'ailleurs grandement apprécié par le président du Conseil du trésor - la convention collective 1979-1982 comportait très peu de protection relativement aux enseignantes et enseignants de l'éducation des adultes. En fait, on y trouvait à peu près les mêmes garanties que celles que le décret impose maintenant à tous les autres secteurs. Cette absence de garanties a permis au gouvernement d'en faire sa cible de prédilection pour effectuer des coupures, comme en témoigne l'extrait

que vous voyez, tiré du dossier de l'ICAA et qui vient d'une table de concertation des responsables de l'éducation aux adultes au Québec.

Les données recueillies par cette table montrent, pour l'automne 1981 seulement, et comparativement à l'année précédente, une baisse de 49% des étudiants adultes, de 46% des activités de formation et de 54% du nombre de classes mises sur pied. C'était une charcuterie. Pourquoi? De l'avis même des porte-parole gouvernementaux, c'est parce qu'il y avait de mauvaises conventions collectives, des conventions collectives insatisfaisantes. Et on nous dira après qu'il n'y a pas de lien entre la qualité et les conventions.

Le décret. À partir de ce constat ainsi que des travaux réalisés sous l'autorité de la commission Jean, nous revendiquions, nous revendiquons toujours, un statut décent pour les enseignants et enseignantes à taux horaire, puisqu'il s'agit essentiellement de ce genre d'enseignants à l'éducation des adultes qui y tiraient leur revenu principal. L'offre patronale du 24 septembre qui s'est matérialisée dans le décret n'a fait que détériorer la tâche de l'enseignant et de l'enseignante aux adultes sous contrat à temps plein en l'augmentant, tout en reconnaissant - et je veux vous souligner la différence entre un décret et une convention - quatre éléments tout en reconnaissant (1er élément) la possibilité de créer (2e élément) un maximum de 70 contrats - vous savez que cela veut dire entre 1 et 70 - pour des taux horaires qui répondraient à des critères (troisième élément) qui seront ultérieurement définis par un comité paritaire, mais à la condition (quatrième élément) que celui-ci s'entende sur les critères. Tout cela dans une annexe, évidemment non arbitrable.

Vous avez un exemple de l'utilité d'un décret. Quand il s'agit de créer des trous plutôt que de poser des chevilles, on n'a pas besoin d'une convention collective. De plus, les nouveaux mécanismes de relocalisation des enseignants et enseignantes de l'enseignement régulier en disponibilité, ajoutés à la disparition de toute étanchéité entre les deux secteurs, font en sorte qu'à très court terme, les taux horaires que nous voulions protéger seront à toutes fins utiles éliminés de l'enseignement. Eux qui constituent, selon la commission Jean, 98% des enseignantes et enseignants aux adultes, ceux-là même qui gagnent leur vie depuis très longtemps, seront évacués du système.

Les conséquences. Le gouvernement aurait pu profiter de la présente négociation pour commencer, amorcer la mise en oeuvre des recommandations de la commission qu'il avait lui-même créée. Je vous rappelle l'une des recommandations de cette commission: "que l'État garantisse la formation des éducateurs d'adultes et leur assure des conditions de travail équivalant à celles des autres catégories d'éducateurs". Je rappellerai que dans le Devoir du 25 février, la présidente de la commission qui portait son nom, Mme Jean, "célébrait", entre guillemets bien sûr, l'anniversaire du dépôt de son rapport et concluait ce rappel en disant: "S'il y a un secteur ou l'on se doit de sortir de la torpeur budgétaire qui nous a envahis, c'est bien celui de l'éducation des adultes." Nous ne disons rien d'autre.

Quant à la mécanique de la sécurité d'emploi, qu'on a décriée hier et sur laquelle on a porté des jugements qui confinaient au ridicule, j'aimerais rappeler comment était constituée cette mécanique très importante dans la convention collective, toujours signée il y a trois ans entre nous. La convention 1979-1982 établissait des règles pour déterminer: 1° le nombre d'enseignants et d'enseignantes requis pour l'année scolaire suivante; 2° la déclaration des surplus. Ainsi, le calcul du nombre d'enseignants et enseignantes se faisait sur la base de la clientèle étudiante prévue au 30 septembre suivant, en respectant les ratios maître-élèves. Et, si dans un champ d'enseignement donné, le nombre d'enseignantes et enseignants en place était supérieur au nombre prévu, les enseignantes et enseignants les moins anciens étaient déclarés en excédent d'effectifs.

Hier, on s'est permis de dire, ici: "Vous savez, l'ancienne mécanique faisait en sorte" selon l'avis d'un sous-ministre "qu'un tiers des enseignants était en ballotage" et, selon l'avis de l'autre sous-ministre, "30%", à chaque année. Je peux vous dire pourquoi. Au départ, on mettait un tiers des enseignants en surplus sur la base d'une prévision alors que trois ou quatre mois plus tard, on devait bien, sur la base de la réalité au 30 septembre, rappeler ces enseignants parce qu'on les avait mis en surplus en nombre beaucoup trop élevé. Voilà le genre de ballottage qui s'est produit, mais, faut-il le dire, qui dépendait de l'utilisation que les commissions scolaires faisaient de la mécanique convenue en convention collective. (17 heures)

Le décret abolit les ratios, bien sûr. Il chambarde complètement toute la sécurité d'emploi qui avait été développée au cours des dernières années. Ainsi, maintenant, la détermination des surplus se fera par école, sur la base d'une estimation de la clientèle, comme avant, et par discipline dont le contenu ou la configuration, cette fois-ci, sera déterminée par la commission scolaire. Une discipline, c'est une matière.

Le décret vient généraliser le "bumping", et nous vous en ferons la démonstration ce soir, comme mécanique d'affectation. Imaginez, cette année, au moment où on parle de la stabilité du

personnel dans les écoles comme objectif, on sort tout près de 4000 enseignants au secondaire, dès cette année, par école, par discipline, selon une configuration faite par le principal. Vous imaginez-vous l'effet de "bumping" que cela va faire? C'est cela le décret. Évidemment, à la fin du processus, ceux qui n'auront pas réussi à supplanter une enseignante ou un autre enseignant ou à combler un poste vacant seront non réengagés ou mis en disponibilité. Les conséquences: l'abolition des ratios conduira à supprimer 1200 postes d'enseignants et d'enseignantes.

Toute la détermination et la mécanique seront sous le contrôle exclusif des commissions scolaires et des directeurs d'écoles. Comme le critère capacité devient déterminant et que l'ancienneté lui est subordonnée, les directions auront la marge de manoeuvre nécessaire pour déplacer n'importe quel enseignant ou enseignante. Cela me rappelle certaines années où des directrices d'écoles se disaient entre elles: Une telle, je l'avais l'an passé, c'est à ton tour cette année de l'avoir, en parlant des enseignantes. On va revenir à ce système-là, directement ou indirectement, il suffit d'être patient et de planifier. D'où le climat de méfiance et d'insécurité dans les écoles puisqu'un nombre considérable d'enseignants ne sauront pas si cela se fera directement ou indirectement; autrement dit, ils ne verront pas venir.

Mon collègue, M. Dobie, secrétaire général de la PACT, association des enseignants anglo-catholiques, va vous lire la partie sur le nombre d'enseignants et d'enseignantes en disponibilité.

M. Dobie (Robert): C'était beau de voir deux ex-principaux rire à l'affectation. Je pense qu'ils ont eu l'expérience. En ce qui concerne le nombre d'enseignants et enseignantes en disponibilité, si la présente convention continuait de s'appliquer, le phénomène des disponibilités s'estomperait d'ici trois ans. Toutes les prévisions démontrent que la clientèle étudiante est en croissance au préscolaire et au primaire, tandis qu'au secondaire, la baisse de clientèle achève. Actuellement, il reste environ 2300 enseignants disponibles, dans l'ensemble du réseau primaire et secondaire, utilisés en grande partie à la suppléance. Les mises en disponibilité seraient beaucoup moins spectaculaires qu'au cours des années précédentes. Les enseignantes et enseignants en disponibilité seraient rappelés rapidement pour combler de nouveaux besoins, particulièrement au primaire.

Dans le décret, sans compter la baisse d'effectif à cause de la baisse de la clientèle scolaire, le décret vient accentuer le phénomène des surplus en ajoutant au nombre actuel 1200 enseignants en disponibilité au secondaire, à cause de l'abolition des ratios, et un nombre de 3700 au secondaire, à cause de l'augmentation de la tâche, seulement pour l'année 1983-1984. En conséquence, comment peut-on parler de maintien de la qualité de l'éducation en retranchant 5000 enseignants et enseignantes du réseau?

M. Bisaillon (Robert): Hier, nous avons eu droit à un discours écolo-pédagogique en début de session, qui nous amenait presque à conclure que l'école si idyllique qu'on pourrait créer avec 5000 enseignants de moins deviendrait sûrement merveilleuse avec 10 000 de moins, extraordinaire avec 15 000 de moins.

Je voudrais vous parler aussi de l'utilisation des enseignantes et enseignants en disponibilité. Vous savez, dans le milieu scolaire, un des motifs de la colère des enseignants remonte à la campagne qui a été menée systématiquement, délibérément sur le dos de ce personnel et sous des étiquettes dont la responsabilité revient aux ministériels qui laissaient entendre que ces enseignants étaient grassement payés à ne rien faire. Pour vérifier les épinglettes qu'on avait mises, ensuite, on a fait des études qui ont contredit les images qu'on avait voulu créer, mais le mal était fait. La convention 1979-1982 prévoyait que les enseignantes et les enseignants en disponibilité étaient utilisés à des fonctions à caractère temporaire normalement dévolues à une ou un enseignant. Le contenu de cette fonction était convenu entre le syndicat et la commission. On va mettre de côté les résultats de nos enquêtes de même que ceux de l'étude de l'ENAP. Celle-ci, non pas commandée par nous, révèle que les enseignantes et enseignants en disponibilité étaient utilisés dans une très grande proportion, et ce à des tâches de suppléance, de remplacement, d'encadrement, de récupération, de projets pédagogiques, d'implantation de nouveaux programmes, et je pourrais vous déposer une pile haute comme cela d'ententes locales qui ont spécifié ces choses.

Dans notre dépôt du 20 septembre, nous étions disposés, et nous l'avions signifié, à élargir l'utilisation des enseignantes et enseignants en disponibilité par des prêts de services volontaires à des commissions scolaires qui se situent dans un rayon de 50 kilomètres. Il n'était pas question de rémunération puisque les enseignantes et enseignants recevaient le même salaire que les enseignants et enseignantes du secteur régulier. Avec le décret, l'enseignante ou l'enseignant en disponibilité recevra maintenant 80% de son traitement pour la première année de mise en disponibilité et 50% pour les années subséquentes.

Le réaménagement du 9 février propose

80% pour la première et la deuxième année du décret et 80% et 50% pour la troisième année. La tâche de l'enseignante ou de l'enseignant est proportionnelle à son traitement. Autrement dit, une ou un enseignant qui reçoit 50% du salaire se verra confier 50% d'une tâche. Ceci implique que les commissions auront tendance à répartir les tâches évidemment en fonction du niveau de rémunération de chacun des disponibles.

Enfin, l'enseignante ou l'enseignant en disponibilité peut être utilisé - cela a déjà commencé - à toutes les sauces sans égard à la fonction générale, sans égard aux fonctions qui avaient été déterminées localement et, faut-il le dire, sans égard à la capacité pourtant si chère lorsqu'un enseignant se retrouve devant une classe. Hier, nous avons entendu un discours sur la capacité qui était absolument merveilleux en relation avec la qualité de l'enseignement. On disait: "Un enseignant dans une classe qui n'y est pas selon sa capacité, c'est criminel pour les enfants." On peut employer le terme, cela a des effets dévastateurs. Or, quand un enseignant est en disponibilité, est-ce que je peux vous dire qu'il peut tout faire, n'importe où, n'importe quand?

Il y a des conséquences à ce genre de traitement. Après avoir multiplié le nombre de disponibles, on les transforme maintenant en sous-catégories d'enseignantes et d'enseignants qui seront payés à 80% et 50% du salaire de leurs collègues de la même commission scolaire. Avec une fraction de salaire et une détérioration des conditions de travail, c'est une incitation à évacuer le réseau, c'est une mise à pied massive, déguisée, et le mot est modeste. Hier, nous parlions de sécurité d'emploi comme il n'y en a nulle part ailleurs, étanche, garantie. Je vous rappellerai que pour un enseignant ou une enseignante qui a une moyenne de seize ans de scolarité et quinze ans d'expérience, tomber au bout de deux ans à 50% du salaire, c'est lui dire: Débarrasse du réseau, cela presse! On crée une situation d'injustice aussi par rapport aux autres personnels de l'éducation: directeurs, professionnels, employés de soutien et par rapport à l'ensemble des secteurs public ou parapublic où les personnels en disponbilité sont par ailleurs payés à 100%. Quelle est la justification de l'écart? Nous considérons que c'est une honte.

Il y avait aussi dans la convention collective un ordre de rappel. Je passe rapidement, mais vous verrez que dans l'ordre de rappel des enseignants on a modifié délibérément la séquence de façon, d'une part, à éliminer les non permanents, mais de façon, d'autre part, à faire passer avant les enseignants en disponibilité d'autres personnels de la commission scolaire.

Je voudrais aussi vous parler de la tâche: la désorganisation de l'école qui fait le plus mal. Vous savez que les enseignants et les enseignantes, depuis un certain nombre d'années, ont expérimenté, très souvent à leur corps défendant parce qu'ils n'y avaient pas participé, ont innové, ont créé, mais ont surtout implanté, permis la réforme pédagogique très souvent élaborée par d'autres. C'est eux et elles qui l'ont vécue. On a reçu des lettres du ministre, il n'y a pas si longtemps, qui nous félicitait, disant que c'était là la caractéristique même du professionnel, de la professionnelle. C'était un an avant le décret. C'était sous l'empire de la convention signée qui reconnaissait à l'enseignant et à l'enseignante une certaine autorité, autonomie ou marge de manoeuvre. Ainsi, dans la convention collective, on reconnaissait que les guides pédagogiques et instruments de mesure autres que les examens de fin d'année étaient fournis à titre indicatif seulement. Les enseignantes et enseignants étaient consultés collectivement avant l'implantation des nouvelles méthodes pédagogiques et sur les bulletins scolaires.

À ce qui était déjà acquis - ce pourquoi d'ailleurs on était félicité - on a demandé légitimement que soit précisée la marge de manoeuvre aussi dans la préparation des cours et des démarches pédagogiques et dans l'utilisation du matériel didactique.

Le décret non seulement ignore-t-il ces nouvelles revendications mais il efface tous les acquis de la convention précédente. Dorénavant, les enseignantes et enseignants ne verront leur tâche définie - et allez voir ce bout du décret par rapport au bout de la convention collective, c'est le chapitre 8 -qu'en fonction de l'application des règlements du ministre. Les professionnels maintenant deviennent des exécutants. Il y a un principal d'école au Québec, c'est le ministre de l'Éducation et il y a une seule façon de savoir comment travailler, c'est par des règlements. En un an, on pense qu'on a diminué beaucoup dans l'estime du ministre.

Dans la tâche, il y a aussi les règles de formation de groupes d'élèves. On a fait des gorges chaudes ici aussi, hier, sur les maxima. La convention prévoyait des moyennes et des maxima d'élèves par groupe, les raisons permettant exceptionnellement le dépassement des maxima et des modalités de compensation en temps ou en argent dans le cas de dépassement.

Le décret maintient les moyennes, c'est vrai, et les maxima d'élèves par groupe de même que les raisons de dépassement des maxima. Toutefois, parce qu'il y a toujours un toutefois dans un décret, il rend les moyennes inapplicables pour toutes les catégories d'élèves pour lesquelles il y a moins de dix groupes à la commission scolaire, c'est-à-dire dans la plupart des programmes de formation professionnelle et les classes spéciales d'enfants en difficulté

d'adaptation et d'apprentissage, parce qu'une catégorie à la commission scolaire qui a dix groupes ou plus d'élèves exclut ces clientèles. Donc, les moyennes protégeant le nombre d'élèves par groupe pour toutes ces catégories sont inapplicables. De plus le décret, évidemment, élimine le choix d'une compensation en temps dans le cas des dépassements des maxima d'élèves par groupe et ajoute des conditions à l'application de la compensation monétaire. Quelles sont les conséquences? Cela a une certaine importance de regarder cela parce que dans les conséquences, on peut vérifier le sort qui est fait aux conditions d'apprentissage des élèves.

C'est sûr qu'en minimisant les obligations qui découlent des dépassements des maxima d'élèves par groupe, le décret ouvre plus grande la porte à l'existence de tels dépassements. Cela va de soi, cela se passe toujours comme cela. Auparavant, les dépassements de tels maxima ne se justifiaient que par des contraintes locales dans l'organisation des groupes. On disait: D'accord, on peut dépasser les maxima par groupe s'il manque de locaux, selon la situation géographique.

Dorénavant, cette mesure étant combinée avec une réduction du nombre d'enseignantes et d'enseignants dû à la disparition du rapport maître-élèves, il y aura un intérêt économique - on n'est plus sur le terrain du pédagogique - mais il y aura un intérêt économique certain à augmenter au-delà des maxima le nombre d'élèves par groupe. On va dire pourquoi: Parce que, lorsqu'on élimine la compensation en temps, cela enlève une contrainte d'organisation qui incitait à respecter ces maxima. Parce que, dans les conventions collectives, en plus d'être un contrat, des fois cela aide quand il y a comme une sanction, une compensation qui oblige au respect des dispositions.

Évidemment, si on élimine la compensation, cela enlève toute une contrainte à ce niveau. Les restrictions à la compensation monétaire aussi rendront les dépassements plus économiques qu'ils ne l'étaient parce que cela coûtera toujours moins cher de surcharger les groupes que d'engager de nouvelles et nouveaux enseignants ou de rappeler des enseignants ou enseignantes en disponibilité. Faites le calcul. C'est très économique et c'est permis maintenant par le décret. (17 h 15)

Sur la charge d'enseignement. On va sûrement y revenir ce soir au niveau des questions, j'imagine. Un petit rappel. Ce qui se passait dans la charge d'enseignement au préscolaire et au primaire, c'était une charge d'enseignement global de 22 heures par semaine, un temps maximal de 21 heures par semaine au primaire et un temps moyen d'enseignement de 20 heures par semaine au primaire, un temps suffisant pour assurer la surveillance, la récupération, les activités étudiantes, des possibilités d'entente locale pour tenir compte des contraintes locales dans l'organisation de la surveillance et du travail des spécialistes - parce qu'un spécialiste, cela ne travaille pas de la même façon à Montréal qu'en Abitibi; que voulez-vous, il y a des distances, alors, tu ne peux pas régler cela nationalement, il faut que tu t'entendes localement - et un rapport maître-élèves particulier pour les écoles où il y a moins de 250 élèves afin de garantir le maintien de la quantité et de la qualité des services d'enseignement. Il se trouve que la plupart des écoles primaires au Québec sont des écoles dites cas spéciaux de 250 élèves et moins, pour lesquelles on avait prévu dans la convention un rapport maître-élèves particulier.

Le décret et le réaménagement proposé par le ministre, le 9 février, imposent une tâche éducative globale qui comprend les mêmes composantes que dans la convention collective, sauf que la tâche éducative est accrue de deux heures par semaine au plus tard en 1985-1986 - c'est l'effet du réaménagement - et le temps moyen d'enseignement est augmenté aussi de deux heures par semaine. Le temps maximal d'enseignement, lui, disparaît. Cela veut dire quoi? Cela veut dire évidemment qu'il y a une récupération complète des droits de gérance quant à l'imposition des tâches de surveillance, de récupération et d'activités étudiantes. Aussi, le rapport maître-élèves particulier aux écoles cas spéciaux, les écoles de campagne qu'on appelle, dans les documents ministériels, de quartier, disparaît et, bien sûr, avec lui la garantie qu'il comportait.

Il faut rappeler aussi que le régime pédagogique a été modifié. Les programmes existants ont été renouvelés, mais les manuels et les instruments didactiques appropriés ne sont pas tous disponibles. De nouveaux programmes ont été ajoutés, notamment, en art, en activités manuelles et en formation personnelle et sociale. Le ministre Laurin a annoncé une commission parlementaire pour étudier le pour et le contre de l'augmentation du temps prescrit pour les élèves de 23 à 25 heures par semaine. Il annonce toutefois du même souffle que la décision est prise et qu'elle est irrévocable.

Regardons les conséquences de cette augmentation de la charge. D'abord, pour l'ensemble des enseignantes et des enseignants, il faut rappeler que les modifications au régime pédagogique en cours de convention collective ont déjà alourdi la tâche des enseignantes et des enseignants en termes d'implantation de nouveaux programmes, de renouvellement des

préparations, de conception et de fabrication des moyens didactiques, surtout lorsque les manuels promis ne sont pas fournis, d'exigences nouvelles et accrues en matière d'évaluation. Parce que, en fin de compte, tant qu'un manuel promis n'est pas fourni mais que le programme est là, c'est l'enseignant qui, à la page, à la pièce, à la journée, à la semaine, construit le manuel. Il faut bien qu'il travaille en classe avec quelque chose.

La récupération des droits de gérance sur tous les aspects de la tâche est un mépris pour leur conscience professionnelle et ne comporte aucune économie. Les enseignantes et enseignants considèrent qu'à cet égard, c'est une attaque purement gratuite, inutile et anti-pédagogique, antimotivation. L'augmentation du temps d'enseignement et l'ajout d'un nouveau programme viennent alourdir considérablement les tâches de préparation d'enseignement et de corrections parce que, contrairement à l'annonce publicitaire, une enseignante et un enseignant, cela travaille en dehors de la classe comme, j'imagine, un député et un ministre, cela travaille en dehors de la Chambre. Je dis "j'imagine" parce que je vous laisse le bénéfice du doute, sauf que le principal d'école, lui, il peut vérifier quotidiennement, de façon hebdomadaire, ce que font une enseignante et un enseignant en dehors du temps qu'ils passent en présence des élèves.

Il est assez ironique de constater que l'on substitue à une charge d'enseignement négociée, qui faisait une juste place aux aspects plus éducatifs de la fonction d'enseignante et d'enseignant, une tâche éducative imposée par décret qui amplifie les exigences de l'enseignement au point de compromettre gravement la fonction plus éducative. Or, les données dont on dispose, à connotation pédagogique, pour quantifier la tâche d'un enseignant sont contenues dans une étude du ministère qui s'appelait la CETEES, commission d'étude qui date de 1975-1976, qui établissait à ce moment-là, avant la nouvelle invasion de programmes, à 40 heures-semaine en moyenne - cela dépendait des spécialistes, des titulaires - la charge de travail d'un enseignant de façon hebdomadaire.

Quand on a tourné la page de publicité et qu'on s'en va dans une école et qu'on regarde ce que fait une enseignante ou un enseignant et qu'on lui dit: Tu n'es pas assez productive, qu'est-ce que vous voulez qu'elle comprenne? Tu n'es pas assez efficace? Qu'est-ce que vous voulez qu'on ajoute? Les enseignantes n'ont jamais compris cela, parce qu'elles savent le nombre d'heures qu'elles font quand vous, vous prétendez qu'en dehors des classes, il n'y a rien là à ajouter des minutes par jour et des heures par semaine. Pour les spécialistes du primaire et du préscolaire, non seulement les effets qu'on vient de décrire vont être subis, mais encore ils vont augmenter en vertu de l'augmentation du temps d'enseignement, du nombre de groupes à rencontrer, du nombre d'élèves à évaluer et, pour plusieurs, des temps de déplacement entre les écoles. Pour illustrer cet effet, je vous cite la situation la pire et la situation la meilleure. Vous ferez une moyenne de ce qui attend les spécialistes. Prenons la situation d'un spécialiste de musique qui rencontrait déjà une quarantaine de groupes à raison de 30 minutes-semaine, le pire découpage, soit environ 1000 élèves. Il pourra, dorénavant, rencontrer jusqu'à 46 ou 48 groupes pour un total de 1150 à 1200 élèves. J'avoue qu'on exagère en prenant la pire des situations, mais je peux vous dire qu'elle existe.

Le spécialiste d'éducation physique, qui rencontrait déjà 19 ou 20 groupes à raison de 60 minutes par semaine par groupe, la meilleure situation pour un spécialiste comme découpage, soit entre 475 et 525 élèves, verra dorénavant 23 ou 24 groupes pour un total de 575 à 625 élèves. Hier soir, ici, j'ai entendu parler de la philosophie du contact personnel, j'espère qu'on pourra en reparler ce soir.

Quant à la garantie de services pour les petites écoles, les écoles cas spéciaux, la majorité des écoles primaires au Québec, si comme l'analyse des règles budgétaires 1983-1984 nous le révèle, le ministère n'entend pas réduire dans l'immédiat le niveau de services dans les écoles cas spéciaux, nous comprenons mal le refus du gouvernement de maintenir dans la convention les rapports maître-élèves garantissant de tels services. Car, pour nous, des règles budgétaires, cela peut changer en dehors de notre contrôle. Imaginez-vous, même des conventions signées changent en dehors de notre contrôle, mais on préfère les garanties dans la convention plutôt que dans les règles budgétaires.

Quant à l'augmentation du temps prescrit pour les élèves de 23 à 25 heures par semaine, le ministre remanifeste un mépris exceptionnel pour tous les intervenants et particulièrement, il faut le dire, pour les parents, les enseignantes et enseignants en les invitant à se prononcer sur le fond qui est pédagogique de la question, alors que sa décision est déjà prise et soi-disant irrévocable. Il faudra qu'on en reparle. Nous nous sentons pris dans un piège, parce que le décret pur, qui maintenait à 1380 minutes le régime pédagogique, mais qui augmentait la charge d'enseignement, faisait disparaître 2800 spécialistes. Le cadre de réaménagement qui, lui, intègre la dimension de l'augmentation du régime pédagogique protège le nombre de spécialistes, mais vous voyez ce qu'il faut acheter, sans faire un débat pédagogique sur la question du régime pédagogique, pour

maintenir le nombre de spécialistes? C'est dans ce piège qu'on est amené à parler du régime pédagogique au primaire.

Au secondaire, la convention comportait, dans la même proportion des 40 heures-semaine, une charge d'enseignement globale de 22 périodes de 50 minutes ou 18,3 heures-semaine, un temps maximal d'enseignement présence élève pour leçons de 20 périodes de 50 minutes ou 16,6 heures par semaine, une période de temps variable pour chaque enseignante et enseignant permettant d'assurer les surveillances, l'encadrement des élèves, la récupération et les activités étudiantes et, évidemment, un rapport maître-élèves accordant le nombre d'enseignantes et enseignants suffisant pour maintenir les options, le respect des moyennes d'élèves par groupe et la solution des problèmes d'organisation scolaire. En cours de convention, le nouveau régime pédagogique avait déjà renouvelé les programmes existants et introduit les modifications dans la grille-matières et la grille-horaire de façon à déjà augmenter le nombre de groupes d'élèves à rencontrer pour un grand nombre d'enseignantes et d'enseignants. C'était déjà une tâche augmentée par la modification du régime pédagogique sous la convention 1979-1982.

Le décret impose une tâche éducative globale de 21 heures par semaine et un temps moyen d'enseignement de 23 périodes de 50 minutes par semaine et il élimine le rapport maître-élèves. Quant à la proposition du ministre du 9 février, faut-il dire qu'elle ne permet que d'étaler le désastre sur trois ans.

Les conséquences. Ce sont les conséquences qui sont importantes en termes pédagogiques. Une augmentation évidente du nombre d'élèves par groupe à cause de l'élimination du ratio. Une augmentation du temps d'enseignement, bien sûr, mais surtout du nombre de groupes à rencontrer, du nombre de programmes à enseigner, du nombre d'élèves à évaluer et du temps de correction.

Nous sommes assez loin de la pédagogie de l'accompagnant d'hier soir. Donc, évidemment, ça tombe sous le sens d'une diminution du temps disponible pour le contact individuel avec les élèves pour l'encadrement, la récupération et les activités.

La majorité - c'est ça les effets du décret - des enseignantes et enseignants consacrera tout son temps à l'enseignement et avec moins d'efficacité bien sûr. Une minorité d'enseignantes et d'enseignants devront assumer toutes les autres fonctions en plus de leur enseignement et ils seront très peu nombreux pour un nombre d'élèves qui, lui, tend à se stabiliser. Ce soir, nous déposerons une simulation assez précise à cet effet que vous pourrez examiner.

Sur la formation professionnelle, en milieu de convention, le gouvernement a mis au point une politique de formation professionnelle qui ne nous révèle, pour l'instant, que les grandes orientations de la réforme à venir. Sauf que ça laisse entrevoir une réduction substantielle ou la disparition des programmes courts de formation professionnelle avec la mise en surplus de nombreuses et nombreux enseignants, et ça nous informe du report probable de la formation professionnelle à la fin du cours secondaire.

Le décret, il élimine les rapports maître-élèves et le ratio qui rendait possible l'organisation de la formation professionnelle; ça rend inapplicable - évidemment, on en a parlé tantôt, - dans la grande majorité des cas, les moyennes d'élèves par groupe, mais ça reste muet - j'avais posé la question le 28 novembre à une table de négociation -sur tous les ajustements d'affectation de tâche et de sécurité d'emploi qui seront exigés par la modification de la politique de formation professionnelle. Il m'avait été confirmé, à ce moment, que, sur une période de deux ans, il y aurait à chaque année 1600 enseignants qui seraient en surplus de discipline parce que la discipline était reportée d'une année.

Les conséquences. Évidemment, on va augmenter le nombre d'élèves par groupe à cause de la disparition des ratios et parce qu'on n'aura pas à appliquer les moyennes d'élèves par groupe. Puisque, au professionnel, c'est assez rare une commission scolaire qui, dans une catégorie, dans une option, a dix groupes ou plus, on va bien sûr réduire l'éventail des options disponibles à cause de la disparition des ratios et de l'augmentation du temps d'enseignement.

Vous vous imaginez la difficulté accrue de l'enseignement pratique et la moins grande sécurité dans les ateliers à cause de l'augmentation du nombre d'élèves par groupe. Il y a déjà, dans des ateliers, quinze élèves pour cinq, six appareils, machines; donc, imaginez ce qui va se produire. Bien sûr, la mise en disponibilité et le non-engagement d'un grand nombre d'enseignantes et d'enseignants spécialisés et expérimentés.

Il faut souligner ici que les enseignantes et enseignants de ce secteur qui seront mis en disponibilité vont être beaucoup plus difficiles à relocaliser et à utiliser autrement à cause de leur spécialisation particulière. Celles et ceux qui quitteront l'enseignement seront difficiles à remplacer par des gens de formation équivalente. J'aimerais avoir des réponse là-dessus.

Il ne faudra pas s'étonner d'une augmentation plus grande d'élèves décrocheurs surtout au professionnel où les élèves décrochent souvent en fonction de la

qualité du service qu'ils reçoivent ou ne reçoivent pas. Dans l'éventualité d'un report de la formation professionnelle longue en secondaire V et VI, c'est plus de 2000 enseignants et enseignantes qui seront soumis durant deux ans à l'arbitraire le plus complet quant au maintien de leur emploi et de leurs revenus, quant à leur lieu d'affectation et à leurs tâches. (17 h 30)

Rappelez-vous ce que je vous ai dit de la mécanique du décret. Le principal va déterminer les postes et, par discipline, il va dire, l'an prochain, tu es en surplus, tu es en surplus, tu es en surplus. Si, dans des matières du cours professionnel, on reporte l'option d'un an, automatiquement ces enseignants, pendant un an ou deux, vont se retrouver en surplus, évidemment! Ce ne sont pas là, pensons-nous, des conditions propres à assurer un bon climat de travail à un enseignant de qualité dans ce secteur.

Quant au service à l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, on a fait un bout hier, en commission parlementaire, tellement que les garanties qu'on nous offre, même dans le cadre de règlement, lorsqu'on regarde les clauses qui les accompagnent, sont des ballons vides. On rappelait qu'on avait certaines dispositions qui étaient déjà faibles. On a noté d'ailleurs qu'on a pu comprimer dans ce secteur parce que les conventions collectives étaient fragiles. Mais il y avait quand même dans ces dispositions des rapports maître-élèves qui garantissaient le nombre d'enseignantes et d'enseignants pour les classes spéciales et les services de dénombrement flottant, vous savez, cet enseignement correctif individualisé par des enseignantes et enseignants spécialisés. De plus, il y avait une négociation locale possible sur la distribution de ces enseignantes et enseignants, en plus d'imposer le respect des moyennes d'élèves par groupe.

Enfin, on amorçait timidement, modestement, mais quand même, une consultation des enseignantes et enseignants quant à l'identification des élèves en difficulté et à la politique d'adaptation scolaire et d'intégration dans chacune des commissions scolaires. Vous comprenez bien que nous avions demandé, à la suite du vécu, des protections accrues.

Le décret ne maintient que le principe de la consultation des enseignants sur la politique d'intégration de la commission scolaire et indique une intention sans fournir de garantie de donner certains services aux élèves intégrés. Vous irez voir la clause du décret 8902. Lisez cela, c'est un chef-d'oeuvre de décret, de garanties qui n'en sont pas. J'aimerais vous lire très brièvement, parce que c'est contenu dans une petite page, la politique d'intégration d'une grosse commission scolaire. Il y a cinq points. Cela vaut la peine parce que ce qu'on garantit dans la convention, c'est qu'avant d'intégrer, une commission scolaire devra avoir une politique et consulter le syndicat sur cette politique.

Principes. Evidemment, c'est une politique. Premier principe: Pour les élèves en difficulté, la commission scolaire en question entend favoriser l'accessibilité à une éducation de qualité dans le cadre le plus normal possible, c'est-à-dire l'école secondaire. J'imagine que le syndicat va dire oui.

Deuxième principe: L'école secondaire devra tenter de répondre aux besoins de tous les élèves de son territoire. En consultations, j'imagine que le syndicat va dire oui.

Troisième principe: L'école secondaire précisera et implantera son propre modèle d'intégration des élèves en difficulté. Nous n'avons rien, et vous le savez, contre les affaires locales. J'imagine que le syndicat dira oui aussi.

Quatrième principe: L'école secondaire qui accueillera les élèves en difficulté disposera des ressources humaines et du matériel nécessaire pour dispenser des services éducatifs de qualité. Ah! là, il y a un petit problème. Il y a une intention, un principe auquel on devra dire oui. Mais comme on n'est pas consulté sur les modalités, vous comprendrez bien qu'on n'en saura pas plus après qu'avant.

Cinquième et dernier principe: Le maintien d'écoles spécialisées ne se justifiera à l'avenir que par l'impossibilité physique d'accueillir à l'école régulière certains élèves en difficulté. Voilà la politique d'une grosse commission scolaire. C'est en vertu de ce genre de chose que le ministère prétend qu'il y a des garanties additionnelles dans les écoles.

Nous savons, les parents de ces enfants savent, les enfants qui ont des difficultés d'adaptation et d'apprentissage savent aussi, de même que leurs copains et copines des classes dans lesquelles ils ont été intégrés comment s'est faite l'intégration. On pense aujourd'hui au moins qu'il ne faudrait pas dire dans la convention collective qu'on donne des garanties quand tout le monde qui vit dans ce milieu sait pertinemment l'espèce de ravage qui s'est produit, planifié justement parce que les conventions étaient plus faibles.

Vous voyez donc les stipulations que nous demandons pour que ce soit vraiment des garanties dont on dispose dans les conventions collectives. Vous voyez aussi quelques simulations de commissions scolaires - ce n'est pas fait par des enseignants - à la page 34. Cela vous dit les décrets appliqués, les règles budgétaires appliquées avec les décrets. Donc, toute la quincaillerie ministérielle mise en place. Vous voyez, école par école, les effets que ces décrets

produiront sur la qualité de l'enseignement, l'augmentation de la charge. Cela tend, dans tous les cas, à dire que sous un concept de tâche éducative globale, ce qui va remplacer le minutage, ce qui va remplacer le modèle prétendument industrialisé que les conventions collectives avaient imposé, cela dit essentiellement ceci: une fois le discours transcrit sous forme de décret, les enseignants enseigneront plus qu'avant et disposeront évidemment de moins de temps et de moins de disponibilité pour faire tout ce qui ferait qu'une tâche éducative globale, ce n'est pas seulement de l'enseignement.

Ce genre de simulation, ce genre de propos, peut-on vous signaler que de plus en plus de parents, de comités de parents, de principaux d'écoles, de cadres scolaires, l'ont déjà relevé? Et si vous descendez à l'échelon où se vivent les apprentissages, à l'échelon où travaillent les agents d'éducation, si vous descendez à cet échelon, vous pouvez seulement à ce moment-là comprendre ce que sont les effets d'un décret comme celui que vous avez mis sur la table pour la qualité de l'enseignement. Mais, encore faudrait-il le faire.

De nos observations sur le contenu, nous tirons les conclusions suivantes, Nous affirmons que le décret constitue un instrument de désorganisation de l'école, notamment à cause des stipulations qu'il comporte en matière de tâche et de sécurité d'emploi. Nous disons qu'il ne fait que continuer le travail de désorganisation déjà amorcé à cause de l'insuffisance de stipulation de nos anciennes conventions en matière d'éducation des adultes et d'enfance en difficulté d'adaptation. Nous disons qu'il s'attaque au vécu local en désorganisant tout ce qui avait été convenu localement et qui faisait que, dans un milieu, on se reconnaissait en matière de relations du travail. Il constitue enfin une désorganisation du syndicalisme et des négociations elles-mêmes en refusant de reconnaître l'organisation syndicale des enseignantes et des enseignants comme un interlocuteur représentatif des enseignants et en refusant systématiquement, et depuis le début, de négocier véritablement. Même le mot négocier est devenu un problème à circonscrire. Et pourtant, faut-il le rappeler, parce qu'il y a beaucoup de façons de faire l'historique - vous en avez entendu un hier soir - nous négocions depuis seize ans sur le plan national et nous avons réussi à signer une entente trois fois sur quatre. Cela ne ressemble pas à ce que j'ai entendu ici, hier.

Nous croyons, et notre présence ici en témoigne, qu'il est encore possible d'en arriver à une entente avant le 14 mars, malgré tous les obstacles à la libre négociation que le gouvernement a dressés sur notre route. Je ne répète pas tous ces obstacles, vous les connaissez plus que nous puisque vous les avez votés. Malgré tous ces obstacles, et considérant que l'objectif principal de l'école publique au Québec, c'est que tous les enfants aient accès à la même éducation, considérant que le décret compromet, détruit considérablement cet objectif, nous osons encore espérer, sur le plan de la pédagogie et du vécu des écoles et non pas sur le plan des discours, aussi beaux soient-ils, nous osons encore espérer que la présente commission parlementaire réussira à convaincre le gouvernement qu'il faut trouver rapidement une solution au conflit, mais une solution qui passe par où les problèmes ont été posés. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci beaucoup.

M. Charbonneau (Yvon): Je voudrais, M. le Président, en conclusion de ces exposés, faire part de deux propositions. Nous avons le droit - et je crois que nous sommes ici pour souligner ce qui ne nous plaît pas dans les décrets - d'expliquer notre point de vue sur les lois qui contraignent ou qui empêchent la négociation. Nous sommes ici aussi pour essayer de trouver une voie, des avenues, des perspectives qui pourraient comporter un élément de solution ou un élément d'espoir dans ce conflit. Vous avez reçu, je crois, un document plus bref, un deuxième document... il s'en vient. Malgré toute l'information que nous avons faite sur les enjeux de cette négociation, nous voudrions attirer votre attention sur ce que nous considérons être notre dernier lopin de terre: nos conditions de travail. Il subsiste encore en certains milieux de la confusion quant aux priorités que nous aurions recherchées au cours de cette négociation, une certaine confusion quant aux priorités, aux préoccupations que nous voulons maintenir à ce stade-ci de la négociation.

À ce propos, nous voulons faire remarquer une fois de plus que cette négociation n'a rien eu du caractère d'échange de bonne foi qui doit, en principe, caractériser le processus dit de libre négociation. Il s'est agi - beaucoup d'autres l'ont dit aussi et c'est notre point de vue -d'abord et avant tout d'une invasion unilatérale de la part du gouvernement dans l'ensemble de nos conditions de travail et de salaire. Je voudrais, à cet égard, essayer de rendre concret ce genre d'invasion que nous avons subie. Utilisant ce qui souvent est considéré comme un symbole de la justice, une balance avec deux plateaux, nous allons essayer de montrer ici comment les affaires se sont passées et comment aussi on pourrait détendre la situation de cette commission parlementaire mais plus sérieusement la situation de ce conflit.

D'abord, nous avons un certain nombre

de conditions de travail qui s'appellent nos régimes de retraite, nos salaires, nos conditions normatives de travail. C'est ce que nous avons actuellement. Le gouvernement, en adoptant la loi 68 en juin dernier, s'est attaqué à l'ensemble de nos régime de retraite: le régime de retraite des enseignants, pour une somme de 100 000 000 $; le régime de retraite des fonctionnaires, pour une somme de 38 000 000 $; le RREGOP, pour 243 000 000 $. L'attaque a porté sur deux fronts: soit des augmentations de cotisation soit des diminutions de bénéfices.

J'ai ici ce qu'on pourrait appeler avec un peu d'humour - j'espère qu'on acceptera -un "Bérubik". Le "Bérubik" no 68, disons. Il y a 1 000 000 000 $ de récupération de régime de retraite en trois ans; 381 000 000 $ répétitif, etc. Première récupération.

Non content de cela mais quand même encouragé par ce premier exploit, le gouvernement adopte ensuite la loi 70 quelque peu corrigée ou revue par la loi 105. Ici, j'ai ce qu'on pourrait appeler le "Bérubik 70-105": de nouveau 1 000 000 000 $ de récupération en trois ans. Cela se décompose comme suit: perte de l'ajustement dû au 31 décembre, tel que mentionné à nos conventions collectives: 85 000 000 $, 145 000 000 $ de récupération en ce qui concerne nos membres seulement pour la période de trois mois, dite de la piscine: janvier, février, mars; 150 000 000 $ pour le reste de l'année 1983; perte d'échelons: 90 000 000 $; en 1984: 200 000 000 $ en 1985: 200 000 000 $. Nous avons aussi l'estimation pour l'ensemble des professionnels des réseaux gouvernementaux: 185 000 000 $. Cela dépasse un peu 1 000 000 000 $, mais soyons bon prince tout comme pour le "Bérubik 68", disons que le 70-105 vaut aussi 1 000 000 000 $. C'était à nous et maintenant c'est passé du côté du plateau de la balance qui serait, si vous voulez, dans les avoirs ou dans les revenus du gouvernement. (17 h 45)

C'est déjà important 2 000 000 000 $ de récupération. Non content de cela, le gouvernement, à l'occasion des décrets, a voulu aller un peu plus loin et imposer une autre récupération, sur le plan du normatif, de nos conditions de travail. Celui-là est un "mini-Bérubik", seulement 500 000 000 $, disons, pour être précis, 475 000 000 $. Cela est pour ce qui est de la charge de travail, la sécurité d'emploi, ce qu'on appelle le normatif et 475 000 000 $ couvrent le coût, ou c'est l'équivalent de la compression imposée par le gouvernement sur trois ans pour ce qui des enseignants de commissions scolaires et de cégeps.

Il est à noter qu'à ce niveau, celui du "mini-Bérubik" ici, 500 000 000 $, ce qu'il y a là-dedans, ce sont des services à la population étudiante, jeune ou adulte; c'est aussi des restrictions, des contraintes apportées à nos conditions de travail et d'emploi. Ce petit cube se traduit, dans la vie concrète, par une augmentation du nombre d'élèves dans certains groupes, une augmentation de la charge de travail ou du nombre de groupes à rencontrer pour nos membres, cela se traduit aussi par une diminution des possibilités d'encadrement et cela se traduit aussi par une diminution de la rémunération pour les personnes qui seraient éventuellement mises en disponibilité.

Il est vrai qu'à l'occasion du 9 février, le gouvernement a semblé disposé à faire un effort important d'après ce qu'il a dit: 110 000 000 $ qu'il serait d'accord maintenant à ne plus récupérer. Ce n'est pas de l'argent neuf qu'il met, mais c'est de l'argent qu'il ne prendrait pas là où il était avant, 110 000 000 $, un très gros effort. Je le mets ici. Cela n'apporte pas un règlement, ni d'après ma balance ni d'après l'opinion de nos membres. 2 365 000 000 $, c'est beaucoup trop gros, ce qui reste là et 110 000 000 $. Bien. Cherchons mieux. Ces 110 000 000 $ étaient une petite amélioration de 14 000 000 $ pour ce qui est des cégeps et à peu près 97 000 000 $ pour les commissions scolaires.

Ce que nous sommes prêts à dire aujourd'hui, officiellement, et c'est ce qui ressort du contexte d'ensemble où en est rendu cette soi-disant ronde de négociations, c'est que nous sommes prêts - et on comprendra que ce n'est pas de gaieté de coeur, mais en sachant quand même le faire avec un peu d'humour - à clore, à fermer l'ensemble des dossiers régime de retraite et salaires, ce qui permet au gouvernement, comme on l'a vu, une récupération d'environ 2 000 000 000 $ sur trois ans, pourvu - il y aurait une petite condition - que le gouvernement consente à laisser dans le système un montant de l'ordre de 120 000 000 $ par année dont 80 000 000 $ par année pour ce qui est des commissions scolaires et le reste pour ce qui est des cégeps.

Remarquons que cela n'est pas de l'argent neuf, ce n'est pas un déboursé qui est demandé au gouvernement; c'est tout simplement de ne pas prendre ce qui était là. Nous pourrons, moyennant ce geste, en arriver à recommander un règlement à nos membres - et là, cela pourrait faire bouger le plateau un peu - moyennant ce geste de la part du gouvernement, nous pourrions aussi préserver le niveau actuel des services éducatifs en qualité et en quantité et assurer un emploi utile avec pleine rémunération à toutes celles et ceux qui y travaillent actuellement. Comme cela n'est pas encore tout à fait réalisé, je replace le "mini-Bérubik",

là où il est, espérant qu'il tombe sur le bon plateau à un moment donné.

Que personne donc, après cette proposition que nous faisons, ne vienne plus prétendre que notre préoccupation, à ce stade-ci, est d'ordre salarial ou lourdement monétaire. Que personne ne vienne plus soutenir non plus que la CEQ ou ses membres n'ont pas vu qu'il y avait une crise, n'ont pas fait leur effort en cette période difficile, dit-on, pour les finances gouvernementales. Que l'on cesse aussi ces appels à notre égard que je qualifie d'insistants et de démagogiques en réalité, ces appels pour que nous présentions une contre-proposition sérieuse et chiffrée, comme on dit en certains milieux, dans les circonstances où les décrets nous ont à peu près tout enlevé. La seule proposition que nous ayons à faire maintenant, mais c'est une proposition très positive dans les circonstances où on partait de rien, c'est qu'après avoir dégradé nos régimes de retraite et après avoir diminué nos salaires de 10% à 15% pour les prochaines années avec effet à la baisse pour le reste de la carrière de nos membres, on nous remette notre dernier lopin de terre, soit nos conditions de travail et d'emploi.

Nous avons une deuxième proposition à faire. Le contexte qui a abouti à cette période de trêve est bien connu. Les moyens utilisés jusqu'à maintenant par les parties n'ont pas conduit à l'élaboration d'une hypothèse de recommandation qui nous soit acceptable. S'ajoutant à la loi 105 et au décret, la loi 111 est venue obstruer encore davantage les avenues permettant des discussions un tant soit peu fructueuses.

Faut-il encore souligner que la suspension de notre action de grève, bien entendu, n'a rien suspendu de l'existence ou des effets des décrets ou des menaces qui sont incorporées à la loi 111? Quelques heures avant l'adoption, en troisième lecture, de la loi 111 il y a quelques jours, la CEQ a fait savoir au chef du gouvernement son intention de recommander le retour au travail en échange d'une commission parlementaire et d'une médiation de courte durée, ainsi que le proposait le président du Conseil supérieur de l'éducation, le 16 février.

Malheureusement, le gouvernement s'est acharné à faire adopter et sanctionner -mais la sanction s'est faite très vite - la loi 111 sans considérer notre proposition ni celle du président du Conseil supérieur de l'éducation. Pourtant, cette suggestion de médiation avait été endossée par un fort grand nombre de personnes et d'organismes soucieux de rechercher les conditions pouvant favoriser un règlement négocié de ce conflit: associations d'étudiants, groupes de parents, comités d'écoles et associations volontaires. Malgré tout, et pour des raisons que nous estimons frivoles, quant à nous, la médiation ne pouvant être assimilée à de l'arbitrage, ainsi que l'ont fait certains représentants gouvernementaux, cette demande de médiation a été rejetée par le premier ministre au risque de nous priver, les uns et les autres, d'un moyen qui aurait pu se révéler utile.

Dans un contexte de relations du travail normales, nous continuerions d'insister pour une négociation en face à face avec la partie patronale, laquelle n'est pas composée que du gouvernement. Mais nous ne sommes pas dans un contexte normal et le temps presse. C'est pourquoi - c'est notre demande à la commission parlementaire - nous demandons de recommander la reprise de la négociation en présence d'un tiers observateur agréé par les parties et habilité à considérer les problèmes en question, tant sous l'angle de l'éducation que des relations du travail. Ce tiers intervenant devrait avoir la possibilité d'interroger les parties et de leur faire des suggestions en cours d'observation. À la fin de son travail ou en cours de route, s'il le juge approprié, l'observateur pourra faire état publiquement de ses observations ou suggestions, concourant ainsi à informer l'opinion publique de l'évolution des positions des parties en présence.

Nous estimons que cette formule pourrait répondre à une grande attente dans la population. À notre avis, le gouvernement, qui a déjà tout décidé et tout décrété, serait bien mal placé pour soutenir qu'il encourrait des risques inacceptables face à une partie syndicale dont le seul atout est d'entrer bientôt dans sa troisième semaine de trêve.

Voilà, M. le Président, deux propositions. Si elles étaient le moindrement considérées par la commission parlementaire et si on pouvait leur donner suite dans les jours qui viennent, je crois qu'il pourrait y avoir là quelque espoir pour la population étudiante, pour les parents et pour tous ceux et celles qu'intéresse l'avenir de l'éducation et de l'enseignement public au Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Compte tenu du temps... À l'ordre! À l'ordre! Je comprends très bien les sentiments qui peuvent animer les personnes, mais je demanderais simplement de respecter ce qui est la convenance vis-à-vis de la commission parlementaire, c'est-à-dire de permettre simplement aux intervenants de se manifester. Quant à l'autre partie, cependant, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures et la parole sera au ministre des Finances.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

(Reprise de la séance à 20 h 13)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'éducation continue ses travaux tel que prévu concernant l'audition des organismes directement impliqués dans l'administration scolaire qui veulent faire des représentations sur la qualité de l'enseignement, la tâche et la sécurité d'emploi des enseignants et enseignantes en regard de la situation actuelle au Québec. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): Au moment où vous avez procédé...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, vous avez la parole.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): Au moment où vous avez procédé à l'ajournement de la séance de cet après-midi, vous avez indiqué que, dès le retour, le ministre des Finances aurait la parole. J'ai voulu intervenir pour vous indiquer- qu'il me semblait qu'il y avait une étape préalable avant de passer à la période des questions, mais déjà l'assemblée était levée.

Le président de la Commission de l'enseignement primaire et secondaire, dans la présentation qu'il a faite à la commission parlementaire, avait indiqué qu'il aurait souhaité qu'il puisse y avoir une mise au point de faite par un des présidents des syndicats affiliés à la CEQ et il me semblait qu'il avait précisé que ça devait être fait au début de la soirée.

Le Président (M. Jolivet): J'ai vérifié auprès du président, parce qu'à un moment donné j'ai été remplacé par un autre président sur cette question. Je me souviens que lorsque je suis revenu, M. Bisaillon a fait mention, le président de la CECS, qu'il avait des simulations à déposer. J'ai revérifié, sauf que je n'ai devant moi aucun moyen de faire d'autres vérifications que celle-là. Le président qui m'avait remplacé a compris à peu près la même chose, qu'il y avait dépôt d'une simulation. À la fin du discours du président de la CEQ, j'ai annoncé le droit de parole du ministre des Finances et tout le monde ici autour de cette table... du moins, j'avais vérifié auprès de M. le député d'Argenteuil s'il voulait intervenir et à quel moment, puisqu'à ce moment on se préparait à commencer les interventions avant la déclaration finale du président de la CEQ. C'était vers 17 h 40 environ. Ce que je peux vous dire, c'est que nous avions compris à la présidence, du moins quand j'étais là et après vérification auprès de l'autre président, qu'il y aurait dépôt et qu'on l'utiliserait dans la discussion, lors des questions, pour faire des mises au point si on le jugeait important.

Je dois vous dire que le mandat - et là, je vais essayer de bien clarifier ce que prévoit le règlement sur cette question -était d'entendre les organismes directement impliqués dans l'administration, etc., selon le mandat que vous connaissez. L'organisme qui a été invité par le leader a été la CEQ ainsi que les organismes que le député d'Argenteuil a mentionnés hier, la PAPT et la PACT, dans le contexte du groupe que la CEQ représentait.

Dans ce contexte, j'ai donc dit que le ministre des Finances avait le droit de parole à la reprise des travaux ce soir et qu'en même temps il n'y avait aucune objection à ce qu'il y ait dépôt.

Quant à moi, au moment où j'ai eu à présider hier, il avait été question justement d'autres organismes qui voulaient venir présenter des documents. La décision prise a été de les déposer pour en faire une distribution à tout le monde. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): M. le Président, peut-être me suis-je mal exprimé. Peut-être que je me suis fait mal comprendre. Il est évident, quant aux membres de la commission, que l'organisme devant nous est la CEQ. Sauf que pendant la présentation, il ne nous appartient pas de décider qui, de la CEQ, va parler. Le président de la Commission de l'enseignement primaire et secondaire, au moment où il a fait son intervention, a souligné deux choses. Premièrement, il s'est référé à une déclaration qui aurait été faite hier soir. Il a dit: Là-dessus, on aura une rectification à faire ainsi qu'un dépôt de documents pour faire une mise au point. Je me souviens textuellement de ses paroles à propos d'une explication qui aurait été donnée à l'envers, qu'on essaierait de refaire à l'endroit. Il a indiqué que cette présentation serait faite par un des présidents d'un des syndicats de la CEQ. Il a dit, dans un deuxième temps, qu'il déposera des documents sur la simulation.

M. le Président, je ne veux pas faire un débat de procédure. Je veux simplement souligner que si on avait bien compris que cela n'aurait pas été possible à la reprise des travaux à 20 heures, on aurait pu demander de prolonger de cinq minutes, à 18 heures, afin de permettre à la CEQ de terminer sa déposition devant nous, avant d'entreprendre la période des questions. Peut-être pourrions-nous simplement nous entendre ensemble pour permettre la fin de la déposition, environ cinq minutes. Ensuite, nous pourrions procéder à la période des questions.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, à moins que vous ne soyez prêt a rendre une réponse positive sur la requête qui vient de vous être présentée, je voudrais vous dire qu'il me semble tout à fait logique de l'appuyer. Je veux vous demander de fournir l'occasion à cette délégation de compléter sa présentation. Je pense aussi qu'il serait dans l'ordre que cela soit fait assez brièvement, si cela peut être bref, parce qu'il y a quand même toute une période que nous voulons réserver pour les interventions des députés des deux côtés de la salle. Par conséquent, j'appuierais cette requête dans l'espoir que tout cela se fera rapidement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, tout à l'heure, avant que l'on ajourne, lorsqu'on a entendu le président de la Centrale de l'enseignement du Québec, il s'agissait de la conclusion de l'exposé qui a duré deux bonnes heures. Et je vous suggère tout simplement que, s'il y a des documents à distribuer aux membres de cette commission, ces documents soient déposés comme cela est déjà arrivé depuis hier, depuis le début de nos travaux. Il y a des documents qui ont été déposés. S'il y a des documents nouveaux à distribuer aux membres de cette commission, que la CEQ nous les distribue tout simplement et les dépose.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, c'est simplement pour ajouter ma mémoire des faits à celle du député de Sainte-Marie et du député d'Argenteuil. Quoi qu'en dise le député de Lac-Saint-Jean, qui est téléguidé par le leader parlementaire, il n'est pas simplement question de dépôt de documents de la part de la CEQ; il est manifestement question, à l'occasion de la présentation de la CEQ et de d'autres intervenants, de conclure cette présentation qui a été annoncée par le président d'une fédération qui appartient à la CEQ. C'est ce que j'ai compris nettement, mot à mot, de la part de celui qui avait la parole à ce moment-là. Et on a tous compris de qui il s'agissait et on a même annoncé le sujet de l'intervention avant qu'on se lance dans les répliques du gouvernement, les contre-répliques et tout ce que vous voulez.

Le Président (M. Jolivet): Y a-t-il d'autres intervenants sur la question? M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, le jeu de la balance devait se faire avant 18 heures.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): Non, vous ne comprenez pas...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Y a-t-il d'autres intervenants? Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux simplement appuyer le député de Vaudreuil-Soulanges parce que sa mémoire est fidèle et c'est exactement la façon dont les faits ont été présentés au moment où M. Bisaillon parlait. Alors...

Le Président (M. Jolivet): Je voudrais, avant de prendre la décision, demander si jamais il y avait une acceptation de la part de la présidence - peut-être que M. Charbonneau pourrait répondre à cette question - combien de temps durerait la présentation? Le député de Sainte-Marie a dit cinq minutes environ. Il y aurait le dépôt du document.

M. Bisaillon (Robert): Je peux répondre?

Le Président (M. Jolivet): M. Bisaillon, oui.

M. Bisaillon (Robert): Quand j'ai dit à la fois sur ce que je considérais comme un privilège, même si je ne suis pas admis à ce genre de question ici, cela est court. Mais j'ai aussi indiqué très honnêtement, au tout début de ma présentation, qu'il y avait un complément essentiel pour comprendre les répercussions de la démonstration des effets du décret qui était une simulation. J'espère que vous rendrez justice au dossier pour permettre que cela soit fait avec le temps que cela prend pour le faire. Il s'agit d'une très grosse région. Je pense que cela éclairerait tout le monde. On n'abusera pas. Même si on a pris deux heures, c'était une journée pour nous et on pense qu'on pourrait faire ce petit bout-là.

Le Président (M. Jolivet): M.

Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Je voudrais souligner que selon les arrangements qui ont été faits, à ma connaissance, pour l'organisation du temps de cette commission parlementaire, hier, c'était le moment où différents porte-parole du gouvernement ont eu tout le loisir de s'expliquer. Ils ont tout repris en soirée, sans interruption de la partie syndicale, à loisir, pendant de nombreuses heures, ce qu'ils avaient dit durant l'après-midi. Je crois qu'on devrait faire droit à une modeste demande de quelques minutes en complément, puisque des représentants du gouvernement s'apprêtent à intervenir. Hier soir, il n'y a eu aucune intervention syndicale pendant les exposés du

gouvernement. Il me semble qu'un minimum de "fair play" britannique à tout le moins devrait certainement faire droit à une telle demande.

Le Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement, j'ai cru comprendre que vous vouliez intervenir.

M. Bertrand: Je veux bien croire que, cet après-midi, on a annoncé qu'on avait un document à déposer en réponse à des questions qui avaient été posées hier soir par certains députés ou un député en commission parlementaire. C'est le document sur la simulation? Non. Si ma mémoire est bonne, j'étais ici lorsque M. Bisaillon a terminé son témoignage par un document qu'il a lu et expliqué devant la commission parlementaire. Il s'est tourné vers le président de la CEQ pour indiquer qu'il y avait des éléments de proposition, de suggestion qui étaient faits devant la commission parlementaire, ce que le président de la CEQ a fait.

Dans ce contexte-là, les membres de la commission, considérant qu'il y va de l'intérêt du débat que nous avons sur toute cette question de profiter du maximum de temps - il est 20 h 25, nous savons que nous allons terminer à minuit - et qu'il y a intérêt à ce que les parlementaires puissent s'exprimer sur ce qui a été dit par le cartel des groupes représentant les enseignants et enseignantes des secteurs primaire et secondaire, qui est le maximum de temps, je crois comprendre que dans l'esprit des représentants du mouvement syndical, il s'agirait d'un dépôt d'un document d'un des groupes qui est associé très intimement au cartel, et de brèves explications qui accompagneraient le dépôt de ce document. Sinon, il s'agit de savoir exactement comment on veut mener les travaux au sein de cette commission parlementaire. Il me semble que les parlementaires sont aussi des gens qui, à l'occasion de la présence des partenaires syndicaux, sont en droit de non seulement leur poser des questions mais aussi de réagir aux interventions qui ont été faites devant la commission jusqu'à maintenant. Je pense qu'il y a là une question d'organisation du travail qui m'apparaît tout à fait normale.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais insister de nouveau auprès de vous avec toute la fermeté dont je suis capable pour que le complément d'intervention qu'on veut faire soit autorisé, même sollicité ne serait-ce que par simple courtoisie. Ces gens sont venus nous exposer leur point de vue. Le mandat même de la commission, quand cela fait l'affaire des gens du gouvernement, de nous rappeler que c'est d'entendre les points de vue des gens qui sont immédiatement concernés, ils nous le rappellent volontiers. Il me semble qu'on devrait faire cela. On devrait oublier pour quelques minutes si telle ou telle heure est plus propice à la télévision ou à l'impact de ceci ou de cela. Je pense que le gouvernement est beaucoup plus familier que nous avec ces choses. Nous sommes plus intéressés à entendre ce que ces messieurs ont à dire et après cela, le gouvernement sera mieux placé pour répondre quand il aura eu la présentation complète. Je voudrais suggérer, vu que le temps passe, que ce soit plutôt bref pour que la période qui est réservée aux députés, qui sont quand même l'élément central de cette commission, puisse leur être conservée. Cela me fera rien de continuer demain toute la matinée avec la CEQ, cela m'intéresserait. Mais on a un grand nombre d'autres organismes à entendre. Si on veut que le travail se fasse au complet, je pense que nous sommes tous conscients du devoir que nous avons d'expédier raisonnablement les choses. Dans cet esprit, je demande qu'ils soient entendus dans ce complément de présentation et qu'après cela on marche.

Le Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je pense que les propos qui terminaient l'intervention du député d'Argenteuil rejoignent nos intentions: c'est de faire en sorte que les choses puissent se faire de façon responsable et respectable. Dans ce contexte, dans la mesure où évidemment, comme le disait le député d'Argenteuil, les parlementaires peuvent disposer du maximum de temps tout en sachant fort bien, par ailleurs, que nous avons repoussé à demain des groupes qui devaient venir nous rencontrer, hier, et que demain, il y a déjà un engorgement substantiel - j'en ai discuté avec le député d'Argenteuil à l'heure du souper ce soir - de telle sorte que nous devrons probablement siéger lundi pour faire en sorte que dans toute la mesure du possible, si on veut bien comprendre l'intérêt des parlementaires de discuter avec les représentants du monde syndical, tout cela puisse se faire dans des délais relativement rapides.

Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue Dubé, représentant de l'alliance de Montréal. Pouvez-vous... de la CEQ, excusez-moi. C'est M. Bisaillon qui va le faire?

M. Bisaillon (Robert): Oui. Cela va être frugal, mais substantiel. Pour cette démonstration, M. Dubé me remplacera, le président de l'alliance.

Une voix: ...

Le Président (M. Jolivet): Je jugerai.

M. Dubé (Rodrigue): Je vous remercie, M. le Président, d'avoir accepté...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse... M. Dubé.

Alliance des professeurs de Montréal

M. Dubé: Merci, M. le Président, d'avoir accepté que je puisse compléter la présentation de la CEQ, parce que nous sommes membres à part entière de la CEQ, et nous en sommes fiers. Le président Bisaillon de la CECS avait annoncé qu'à ce moment-ci, d'une part, nous traiterions de la question soulevée par le député de Chauveau hier soir et que, d'autre part, nous déposerions une simulation concernant l'application des décrets dans une des régions de la CECM.

Permettez-moi donc, M. le Président, de faire référence au texte intégral que nous avons déposé dimanche dernier en assemblée générale des membres de l'alliance, lequel texte, sous une présentation différente mais avec le même contenu, sera déposé aux parents lors des réunions qui se tiendront la semaine prochaine, lequel document a aussi été déposé soit hier soir, soit ce soir à des groupes exécutifs de parents.

Permettez-moi de vous souligner que le député signalait hier soir que les membres étaient très mal informés. Il citait, entre autres, le cas de l'alliance à partir de nos documents. Je signale au préalable qu'hier soir, dans la région de Montréal entre autres, des enseignants, membres du Parti québécois, ont été convoqués par téléphone à une réunion, à l'école Victor-Doré, si je ne m'abuse, par le ministre Pierre-Marc Johnson...

Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas vous dicter ce que vous avez à dire, mais j'aimerais que vous acceptiez que la décision qui a été prise, c'est de présenter votre document.

M. Dubé: C'est cela, M. le Président. Comme il a été dit que nos membres n'étaient pas correctement informés, hier soir donc, avec un fonctionnaire du ministère, M. Pierre-Marc Johnson rencontrait une soixantaine de membres de l'alliance supposément membres aussi du Parti québécois. Après une heure et quart de présentation, un membre s'est présenté au micro et a signalé au ministre que tout ce qu'il venait de recevoir comme information dans cette rencontre privilégiée du Parti québécois, il l'avait déjà toute reçue de son syndicat. Vous pourrez vérifier auprès des personnes concernées, soit M. Georges-Noël Fortin ou encore M. le ministre Pierre-Marc

Johnson, que ce que je vous dis est exact, à savoir que nos membres étaient correctement informés et que les informations reçues hier soir durant une heure et quart étaient les mêmes que celles que nous leur avions fournies.

Permettez-moi maintenant de faire référence directement au document. Le document que vous avez devant vous traite, d'une part, de la question du préscolaire et du primaire. Hier soir, il était dit que nos membres n'étaient pas informés du fait que, le temps d'enseignement au primaire étant augmenté, les spécialistes réapparaissaient dans le décor. Mais revoyons le premier paragraphe de ce document où nous disons: "Premièrement, le décret augmente le temps d'enseignement hebdomadaire des enseignants du niveau préscolaire et l'application concrète de cette augmentation du temps d'enseignement implique que les titulaires devront assumer l'enseignement de la majorité, sinon de la totalité de ces matières qui, actuellement, sont enseignées par des spécialistes: éducation physique, musique, arts plastiques, anglais et langue seconde, et, conséquemment, amène la disparition de ces mêmes spécialistes au préscolaire et au primaire." Mais il y a un "ou" en lettres majuscules. "Ou, deuxièmement, à la suite de l'adoption du décret, le ministre de l'Éducation a laissé planer la possibilité d'augmenter le temps de présence en classe des élèves du préscolaire et du primaire. Ce temps de présence des élèves pourrait passer de 23 à 25 heures-semaine et une telle mesure, selon le ministre, assurerait, malgré l'augmentation du temps d'enseignement des enseignants, le maintien des spécialistes."

Donc, dans cette présentation, nous disions: Si le régime pédagogique demeure à 23 heures, les spécialistes disparaissent; si le régime pédagogique passe à 25 heures, évidemment, les spécialistes réapparaissent. Donc, c'est clairement écrit dans le document. Nos membres savent que dans la proposition du 10 février de réaménagement du décret, il serait possible de voir réapparaître des spécialistes, pour autant que le temps d'enseignement soit augmenté.

Permettez-moi de vous signaler, M. le Président, que cette proposition a été présentée à nos membres en assemblée générale. Nous étions à ce moment-là plus de 3400 et, au scrutin secret, cette dernière proposition a été rejetée à plus de 87% parce que les enseignants du primaire de l'alliance, tout comme ceux du secondaire, évidemment, n'arrivent pas à concevoir qu'un enfant de première année ait le même temps d'enseignement que celui de secondaire V.

Hier soir, certains de vos sous-ministres affirmaient que le temps d'enseignement au primaire avait déjà été de l'ordre de 1500 minutes. Ils affirmaient même qu'il avait déjà été de l'ordre de 1750 minutes. Je

rappelle très brièvement que, vers les années 1970, 1972, 1975 et 1976, le régime pédagogique commençait à 1250 minutes en première année pour passer à 1500 minutes en sixième année. Donc, cela faisait une moyenne d'environ 1300 minutes pour le primaire. Le gouvernement, pour des raisons d'autobus ou d'autres raisons de coordination, a décidé que le temps du primaire devenait uniforme pour la première et la sixième, c'est-à-dire que les gens en première année ont eu une augmentation du temps d'enseignement et que les gens en sixième année ont eu moins de temps d'enseignement. C'est la réalité. Jamais les élèves de première année, dans ces années, n'ont atteint un temps d'enseignement de 1500 minutes, c'est-à-dire 25 heures, comme c'est le cas actuellement au secondaire.

Deuxièmement, le même sous-ministre ajoutait hier soir que, au Québec, il y a déjà eu au secondaire de l'enseignement à 1750 minutes. Je me permets de vous rappeler qu'assez récemment, de 1970 à 1976 entre autres, le temps véritable d'enseignement au secondaire était de 1575 minutes. À la suite de l'entente provinciale de 1976, c'est le gouvernement qui a décrété que le régime pédagogique passait de 1575 minutes à 1500 minutes, parce qu'il disait que cela coûtait trop cher en professeurs. C'est donc le gouvernement qui a diminué le temps d'enseignement au secondaire en 1976 contre la volonté des enseignants.

Ces différents tableaux qui nous étaient présentés hier comme étant des vérités, à savoir que les enseignants de première année seraient capables de faire autant de temps d'enseignement que ceux du secondaire, ne prouvaient rien. Nous affirmons toujours, comme c'est le cas dans notre document, qu'à cause du temps que vous augmenteriez au primaire les jeunes devraient faire une certaine récupération sur les lieux de l'enseignement. Déjà, pour des jeunes en première et deuxième année, on est obligé de leur faire faire des petites siestes à l'intérieur des heures de cours pour qu'ils soient capables de finir correctement leur journée. Si vous augmentez le temps d'enseignement au primaire, nous soulignons que vous allez désabuser nos jeunes, provoquer des "dropouts" ou des inadaptés et que vous serez obligés d'utiliser des mesures de récupération pour ces jeunes. C'est la raison pour laquelle les enseignants ont refusé l'augmentation du temps d'enseignement au primaire.

Deuxième aspect, M. le Président. Dans notre document, on fait aussi référence au nombre de groupes qu'un enseignant du secondaire devrait rencontrer en vertu du décret. Je me permets de déposer un deuxième document auquel je fais référence à l'instant et qui est la simulation à laquelle faisait référence le président Bisaillon tantôt.

Oui, M. le Président, ce document-ci, signé par Mme Marguerite Chayer qui est directrice administrative régionale à la Commission des écoles catholiques de Montréal; c'est une des trois régions de la CECM. Cette simulation traite des 17 écoles secondaires de la région est de Montréal. À la CECM, on applique la simulation de cette région, mutatis mutandis aux deux autres régions.

Vérification faite auprès de la CECM, vous constaterez, M. le Président, que les directeurs administratifs de la CECM arrivent aux mêmes conclusions que nous, enseignants, arrivons dans la présentation que nous faisons aux parents en termes de nombre de groupes à rencontrer et en termes d'effets du décret sur la qualité de la vie dans les écoles. Si vous regardez à la page 5, vous constatez que, par rapport à la convention de 1979-1982, convention signée, avec le décret imposé, nous avons une diminution moyenne du nombre de professeurs de 20,8% à cause uniquement de l'augmentation de la tâche. Dans certaines écoles, la diminution du nombre de professeurs est de 25% ou de à 23%, et à d'autres endroits elle est de 18%, mais le nombre moyen est de 20,8%. Ce ne sont pas des propos, M. le Président, de présidents de syndicat. Ce sont des propos d'administrateurs qui ont essayé de faire l'application de ce qui est écrit dans les textes du décret. Ils arrivent aux mêmes conclusions que nous, partie syndicale.

À la page suivante, M. le Président, ce que vous constatez, c'est que les fonctionnaires de la CECM ont essayé de vérifier si, non pas au plan pédagogique, mais au plan organisationnel, il serait possible d'appliquer le décret. Ils constatent qu'avec toute la bonne volonté du monde, et malgré tout cela, il sera impossible d'appliquer le décret au plan organisationnel, sans se soucier de l'aspect pédagogique. Pour être capable de l'appliquer au plan organisationnel, il faudrait ajouter un minimum pour cette région-là de 42 professeurs, c'est-à-dire 25 professeurs à de l'enseignement et 17 professeurs à des tâches de chef de groupe ou d'encadrement. Malgré ce que la CECM ajouterait à ce que le décret prévoit déjà, nous voyons, à la page 7, quels sont les effets sur la tâche des enseignants, le nombre de périodes qu'auraient les enseignants: 31,8% des enseignants auraient dorénavant 25 périodes d'enseignement par semaine, 43% auraient 23,3 périodes d'enseignement par semaine, 6% auraient 21 périodes par semaine, et ainsi de suite.

On nous démontre donc par là que nous retournerions à l'époque difficile des années 1972, 1973 et 1974 où l'on faisait dans les écoles la bataille dite des 25 périodes, à savoir que nous avions à cette époque des

enseignants à 25 périodes d'enseignement et d'autres professeurs à 20 périodes d'enseignement. À chaque début d'année, on faisait une petite guerre à nos commissions scolaires, une "grèvette" d'une journée ou deux, pour faire disparaître les 25 périodes et faire en sorte que des enseignants à salaire égal aient une tâche semblable. On ne trouvait pas de raison pour qu'un enseignant, dans un cas, ait 25 périodes et un salaire donné et, dans l'autre, ait 20 périodes et le même salaire. Au plan pédagogique, ce qu'on constatait aussi, c'est que les enseignants qui avaient 25 périodes avaient un taux d'absence plus élevé que les enseignants qui avaient 20 périodes par semaine.

Donc, au plan pédagogique également, autre effet du décret, c'est que le décret, il faut le lire en parallèle avec les nouveaux régimes pédagogiques. Quand on lit cela en parallèle avec les nouveaux régimes pédagogiques, nous constatons que 33% des enseignants auront dorénavant 150 élèves par semaine quand, antérieurement, ces professeurs en avaient seulement 120; que 10% auront 180 élèves par semaine et que près de 40%, c'est-à-dire 39,8%, auront 210 élèves par semaine. Même la commission scolaire admet qu'il y aurait 3% des professeurs qui auraient 340 élèves par semaine et 13% qui en auraient 270 et plus.

On pense que, dans des conditions comme celles-là, le suivi pédagogique est impossible et on pense également que la relation de continuité et de connaissance entre professeurs et élèves est impossible. La CECM nous confirme, évidemment, que, le nombre étant si astronomique, la pédagogie s'en ressentirait. Dans ce document est aussi traité le nombre de matières enseignées par les professeurs. Nous trouverons dorénavant des enseignants qui enseigneraient trois périodes-semaine, quatre périodes-semaine, comme aussi certains d'entre eux qui enseigneraient une à deux périodes-semaine.

Allons voir la critique. À la page 8, la CECM dit que cela rendrait difficile, selon la taille de leur école, la gestion optimale des ressources. Aussi les principaux d'école ont-ils instinctivement réagi en diminuant radicalement les options quand ils ont fait les simulations. La conclusion, lors de la réunion qu'ils ont eue, est que, d'ici deux ans, la promotion par matière disparaîtrait. Cela veut dire que nous retournerions à l'époque, pas si lointaine, mais de vécu quasiment ancestrale, à savoir que, lorsqu'un élève échouerait dans une matière, il serait obligé de recommencer les autres matières dans lesquelles il a réussi. C'est ce que cela veut dire quand on n'est plus capable d'avoir la promotion par matière. Je pense que personne ne veut retourner à cela. C'est quand même ce qu'impose la nouvelle structure de la convention collective combinée au régime pédagogique.

Allons un peu plus loin. Il est même dit également, à la page 8, que, dorénavant, les écoles ne pourraient offrir que le profil rigide de cours basé sur un secteur d'enseignement général et le plus possible articulé sur des multiples de 28 et de 32 élèves. Cela veut donc dire que c'est l'impossibilité de maintenir, même en secondaire IV et V, de façon correcte les options du secteur professionnel, par exemple, ou d'autres types d'options.

Je vous signale également que, selon l'évaluation de la CECM - évidemment, s'ils avaient été des praticiens, ceux qui sont dans les classes et dans l'enseignement à tous les jours, ils auraient fait un jugement encore plus sévère - une directrice de région, ainsi que les principaux de cette région nous disent que, organisationnellement, et non pas au plan pédagogique, il y aurait sept écoles viables. On ne dit pas que cela serait très bon. On ne dit pas que cela serait bon. Ce serait viable. Au moins, elles vivraient. D'autres seraient viables, mais avec des incongruités. D'autres encore seraient non viables sans addition de personnel, ainsi qu'une école serait non viable, mais en plus non organisationnelle sans addition de personnel (21 h 45)

Vous allez voir la page 11 où les gens de la CECM nous disent: Croisons-nous les doigts dans le sens d'espérer que nous serons chanceux et, en même temps, que nous pourrons obtenir les ressources additionnelles que nous demandons au décret. Donc, si nous sommes chanceux et si nous obtenons les ressources additionnelles, il ne faut quand même pas oublier qu'il faudra dorénavant concilier les nouveaux régimes pédagogiques qui multiplient les options avec l'orientation des restrictions envisagées. Tantôt, ils disaient que les options disparaîtraient. Comment faire cela avec le nouveau régime pédagogique qui multiplie les options, de la volonté du ministre et des sous-ministres? En même temps, on parle des restrictions envisagées. Comment implanter également autant de nouveaux programmes en même temps que les professeurs ont une surcharge de travail, comment assurer aussi la même qualité d'enseignement tout en confiant plusieurs matières à un enseignant non préparé à les dispenser?

Permettez-moi de vous souligner que, dans le décret, vous maintenez les champs d'enseignement par spécialité au secondaire, par exemple. En même temps, hier soir, on entend un discours qui nous dit que les enseignants vont devenir généralistes. De deux choses l'une, M. le Président: ou bien on est spécialiste et apte à enseigner les matières et les champs demeurent, ou bien on devient tous des titulaires et des généralistes. Que viennent faire les champs,

à ce moment-là, pour déterminer les surplus? Il y a de l'incongruité là.

On parle aussi de personnaliser les services éducatifs aux élèves. Il faudrait être chanceux, M. le Président, pour être capable de continuer cette personnalisation. On parle de dégager également les enseignants qui assureront le rôle et les fonctions pédagogiques de chef de groupe et d'encadrement pédagogique; de concilier, dans certains cas, les compléments de tâches incompatibles avec la spécialisation acquise; de conserver le système de titulariat acquis dans certains endroits; d'assurer un minimum vital d'options, sans tomber dans le système de profil; d'assurer un système de promotion par matière. M. le Président, il y a deux pages de remarques de la CECM disant qu'il faudrait être chanceux pour arriver à appliquer ce décret-là.

Il me semble, personnellement, que cette commission et les députés de l'Assemblée nationale devraient conclure que ce n'est pas avec ce décret-là qu'on pourra maintenir la qualité de l'enseignement et faire en sorte que les enseignants puissent faire un travail productif.

Si le temps me le permettait, M. le Président, je pourrais continuer encore sur ces différentes remarques. Permettez-moi de signaler que sur la tâche de l'enseignant -parce que nos enseignants sont aussi affectés par la publicité gouvernementale - on veut laisser croire qu'un enseignant ne donne que des cours. Le président Bisaillon, cet après-midi, signalait ceci: Pour un ministre, le temps de travail est-il uniquement le temps de présence en commission parlementaire, le temps de présence en Chambre, ou son temps de préparation de dossiers et d'études, etc., compte-t-il dans sa charge? Il me semble que cela tombe sous le sens que tout compte dans la charge.

Un autre document que nous avons fait déposer fait référence à une étude que le gouvernement québécois a menée en 1975, la CETEES, et nous la reprenons brièvement ici. Qu'est-ce que le temps de travail d'un enseignant dans une semaine? Un enseignant au primaire, enseignant dans une voie hétérogène, dans une spécialité, fait 40,3 heures par semaine, heures ouvrables, c'est-à-dire qu'il a de l'enseignement, de la surveillance, de la surveillance de battement, de la préparation, de l'évaluation et de la correction, des réunions avec la direction et les autres catégories de personnel, de l'administration et de la mise à jour. Encore selon le même rapport gouvernemental de 1975 - ce n'est pas une étude syndicale, - et je vais parler encore ici du niveau secondaire - un enseignant au secondaire arrive à 42,3 heures-semaine, quand il a plus d'une spécialité. C'est le travail d'un enseignant au secondaire avec plus d'une matière. Un enseignant au primaire, maintenant, au premier cycle, qui a 24 élèves-semaine dans sa classe, on constate qu'il a 41,4 heures-semaine et ainsi de suite.

Nous constatons, M. le Président, que la tâche d'un enseignant, c'est au-delà de 40 heures par semaine, parce que la préparation, la correction, le suivi pédagogique, cela fait partie aussi de la tâche même d'un enseignant. Et nos enseignants sont blessés quand les parlementaires, quand ceux qui sont normalement là pour donner des services à la population, du même coup méprisent les enseignants en laissant croire que nous ne travaillons que quelque 16 ou 20 maigres heures-semaine.

D'autre part, M. le Président, tout en faisant référence à ce document, j'aimerais vous signaler que les enseignants québécois ont fait un choix antérieurement, et même un choix collectif avec le gouvernement. Vous avez vu cet après-midi, dans la présentation faite par la PAPT à l'intérieur de la délégation de la CEQ, qu'on signalait que le salaire dans les autres provinces canadiennes était généralement plus élevé que le salaire des enseignants québécois et particulièrement à Toronto, province avec laquelle on se compare habituellement. Le salaire d'un enseignant de Toronto est supérieur à celui d'un enseignant québécois, pour la présente année, de 1500 $ et habituellement le salaire d'un enseignant à Toronto est plus élevé que le nôtre. Ce montant d'argent, c'est parce que nous avions accepté de le sacrifier pour avoir une tâche différente. C'est un choix québécois. Les enseignants de Montréal comme ceux de la CEQ veulent maintenir ce type de choix-là.

Hier soir, le député signalait que, dans notre publicité aux parents et aux enseignants, par voie de conséquence, nous rappelions encore la question du nombre d'élèves par classe. Permettez-moi de lire le texte intégralement. On dit: "Et pourtant, nous ne demandions pas grand-chose. Nous avions accepté le gel de nos salaires pour une durée à négocier. Nous ne demandions que le maintien de la convention collective 1979-1982 pour la tâche". Entre parenthèses, nous spécifiions ce que veut dire la tâche: "charge de travail des enseignants, nombre d'élèves par groupe, rapport maître-élèves et spécialistes au primaire". Le député hier soir dans son intervention donnait l'impression que le désaccord était principalement sur la question du nombre d'élèves par classe. Je pense que la démonstration faite cet après-midi fait en sorte que, quant au nombre d'élèves par classe, dans certains cas, nous retrouvons ce qu'il y avait dans la convention collective antérieure, mais, dans d'autres cas, nous ne retrouvons pas dans le décret les garanties que nous avions dans la convention collective antérieure. Dans la présentation aux parents de la tâche des

enseignants, on demandait l'ensemble de la tâche, y compris le nombre d'élèves par classe. À ce que je sache, au moment où nous nous parlons, la revendication des enseignants pour le maintien du temps d'enseignement et de la tâche globale n'est pas réapparue. Aussi, le nombre de groupes à rencontrer, le rapport maître-élèves ne sont pas réapparus.

On faisait aussi référence dans ce document aux questions qui étaient posées aux parents. On nous a fait grief principalement de la question qui demandait: Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait qu'un enfant de première année ait le même temps d'enseignement qu'un enfant de secondaire V? Je comprends que le député n'aimait pas le choix de notre question. Tout autant que nous n'avions pas été consultés sur le choix de la question référendaire, je pense que nous avons aussi le droit de poser des questions de la façon dont nous l'entendons et tel que nous voulons les vérifier auprès des parents. C'est notre droit de savoir si les parents sont d'accord avec le fait suivant: Est-ce qu'il est normal qu'un enfant de première année ait le même temps d'enseignement qu'un enfant de secondaire V? Permettez-nous, M. le Président, d'avoir encore au moins le choix des questions lorsque nous consultons soit nos membres, soit les parents.

En terminant, je vous signale qu'avant-hier soir nous rencontrions 18 comités de parents de la partie ouest de Montréal, Côte-Saint-Paul, Saint-Henri, etc. Les comités de parents présents ont voté à l'unanimité d'acheminer un télégramme au gouvernement lui demandant que la loi 105 soit retirée, que la loi 111 soit retirée et que les négociations recommencent. C'est le souhait que nous faisons, nous, membres de l'alliance, membres de la CEQ, que maintenant de véritables négociations puissent commencer pour que nous puissions retrouver la qualité d'éducation que nous étions en train d'établir et de pratiquer au Québec depuis quelques années.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre des Finances.

Commentaires et questions des membres de la commission

M. Parizeau: M. le Président, je vous remercie de me donner la parole. Je vais intervenir surtout, pas exclusivement cependant, sur un certain nombre de considérations d'ordre budgétaire. Je comprends que mon collègue, le président du Conseil du trésor, aura un certain nombre de choses à dire quant aux salaires et, d'autre part, explicitera certains choix budgétaires. Je comprends enfin que le ministre de l'Éducation aura à examiner les présentations que nous avons entendues cet après-midi et ce soir dans le cadre plus large qui le concerne.

Je vais profiter du fait de l'historique que comporte le mémoire de la CEQ pour, justement, revenir avec eux sur cette année 1976, année bénie en quelque sorte pour la CEQ et à laquelle ils ont fait allusion pendant plusieurs heures. Nous nous acheminerons tranquillement jusqu'à 1983 et aux propositions de cet après-midi sur lesquelles j'aurai un certain nombre de choses à dire.

Effectivement, le règlement de 1976 entre le gouvernement et la CEQ a été, à tous égards, remarquable. Nous n'en avions jamais connu comme cela avant et on n'en verra sûrement plus jamais comme cela après. C'était avant une élection et disons que le gouvernement du temps a reflété ses préoccupations. On a alors injecté un peu plus de 6000 postes, comme le disait hier M. Girard. En fait, sauf erreur, c'était quelque chose comme 6600 postes, 9% de tous les effectifs à l'enseignement primaire et secondaire chez les enseignants, d'un coup, faisant en sorte que, même si les effectifs d'étudiants baissaient, en tout cas les effectifs de la CEQ seraient maintenus.

En 1976, le grand règlement. L'augmentation de salaire pour un an fut de 35%. J'admets que, dans les 35%, on incorporait 15% de forfaitaire, mais, quand même, pour un an, a-t-on jamais vu quelque chose d'aussi généreux? Encore une fois, on ne verra plus jamais des trucs pareils. On reconnaissait une formule d'enrichissement automatique: 2 1/2% d'enrichissement par année. C'était parfait. Que le Québécois moyen s'enrichisse ou pas, la clause d'enrichissement de la CEQ était assurée quoi qu'il arrive. Il pouvait y avoir une récession ou n'importe quoi, les 2 1/2% par année étaient assurés dans la convention.

Une formule d'indexation parfaite était assurée aussi contre le coût de la vie. C'est là que la pleine sécurité d'emploi est apparue. Chromée comme cela, une convention on n'en a jamais vu et nous avons hérité de cela en arrivant au pouvoir. Comme le disait très justement M. Charbonneau aujourd'hui, le Parti québécois a décidé qu'il fallait quand même ralentir l'expansion des dépenses dans l'éducation parce que, compte tenu de ce qu'il y avait dans cette convention et du rythme de progression des autres dépenses, il était évident que la caisse sauterait.

En plus de tout cela il y avait, comme l'avait signalé M. Garneau à l'occasion de son dernier discours sur le budget, un premier trou dont on a établi, finalement, qu'il était de 485 000 000 $ et qui n'était prévu nulle part dans les équilibres du gouvernement. Cela a été suivi d'un deuxième trou, le mien, de 500 000 000 $ quelques années plus

tard, qui n'était prévu dans aucun équilibre. D'où ces trous venaient-ils? Ils venaient de ce qu'après avoir fait des négociations nationales la CEQ abordait ensuite les négociations locales et ce qu'ils n'avaient pas pu obtenir au national, ils l'obtenaient par le local. Évidemment, la commission scolaire qui signait une entente locale prévoyant plus de professeurs que ce qui était prévu par la convention nationale n'avait pas le premier sou pour la payer. Qu'est-ce qu'elle faisait? Elle allait à la banque et elle empruntait, sachant très bien qu'il y a beaucoup moins de banques que de commissions scolaires et que, quand le montant serait assez gros, les banques viendraient voir le ministre des Finances et diraient: Vous ne connaissiez pas la facture, n'est-ce-pas? Eh bien, la voilà! C'est comme cela que M. Garneau a eu un trou de 485 000 000 $. Soit dit en passant, c'était beaucoup d'argent 485 000 000 $ en 1976, beaucoup plus qu'aujourd'hui. Et puis, en 1980, j'ai appris, le 4 novembre, que moi aussi, j'héritais des 500 000 000 $. (21 heures)

Alors, on s'étonne que, depuis effectivement plusieurs années, le gouvernement de Québec a effectivement cherché par tous les moyens à faire en sorte que l'éducation ne coûte pas trop cher. C'est vrai, comme le dit la CEQ dans sa présentation, qu'afin de rembourser les arrérages laissés par le gouvernement libéral, à raison de 159 000 000 $ en 1977-1978, 130 000 000 $, etc., le gouvernement péquiste a sévèrement comprimé les crédits à l'éducation pendant les trois premières années de son premier mandat. Je comprends bien! Écoutez, les banques arrivaient avec les factures en disant: Personne n'a prévu des crédits pour cela. Soit dit en passant, l'Assemblée nationale n'a jamais voté ces trucs. Nous avons tous approuvé rétroactivement les factures que les banques nous envoyaient. Si on s'imagine un instant que le Parlement contrôle les crédits dans des cas comme cela, digitus inloculo. Les banques arrivaient avec les factures en disant: Payez.

Qu'est-ce qu'on a fait pendant ces premières années? Eh bien, on ne donnait pas la pleine indexation sur l'huile à chauffage, on ne compensait pas les autres dépenses. On ne pouvait pas faire autrement, ces conventions étaient signées. Alors, on a tout réduit. J'entendais ce matin des gens dans les collèges dire - je le comprends bien, M. Charbonneau, qui était leur porte-parole le disait - qu'ils n'ont plus d'argent pour les laboratoires. Bien oui, on a rasé dans tout. Il fallait payer les salaires des enseignants qui se trouvaient dans les rangs et qui ne devaient pas y être.

Ces trous, ce n'est pas de l'argent qu'on a envoyé en Suisse. Personne ne s'est sauvé avec la caisse. En fait, ce sont des enseignants qui ne devaient pas être là dans les conventions nationales et qui se sont retrouvés dans les rangs. Ils sont là, ces gens, maintenant. Ils ne devaient pas y être, mais, dans la mesure où une commission scolaire était forcée de signer... Parce qu'au fond elles étaient forcées de signer, vous pensez! Au niveau d'une convention locale, qu'est-ce que vous voulez qu'une commission scolaire locale fasse quand la pression devient trop forte? Accepter une grève? On a bien vu ce que c'était que ces grèves locales. Cela dure deux mois, trois mois. S'il n'y a pas trop de commissions scolaires locales qui sont en grève, le Parlement ne bouge pas. Alors, cela dure des mois.

Quand deux ou trois commissions scolaires locales ont signé des excédents de professeurs, pensez-vous que la quatrième au bout du rang est capable de refuser? On l'a vu dans la région de Québec il y a quelque temps, tout le monde avait signé, toutes les commissions scolaires; il y en avait une qui se braquait, qui disait: Je vais obéir à la convention nationale locale. On lui a tapé une grève tout de suite. Les pauvres, je les comprends, ils n'avaient aucun moyen de défense. Ils n'ont pas les moyens de fermer les écoles, eux.

Bien sûr, on est arrivé à des paradoxes extraordinaires. On parle de lois spéciales. On a voté des lois spéciales pas plus que les autres avant nous, mais on en a voté. Regardez cela, M. le Président, comme clause d'une loi spéciale. Article 11: "Les stipulations négociées et agréées à l'échelle locale ou régionale doivent être conformes aux stipulations déjà agréées à l'échelle nationale." On est obligé par une loi spéciale de dire dans une loi que, localement, on ne devait pas dépasser les normes d'embauche prévues par la convention nationale. Faut le faire! Pour ceux que cela intéresserait, c'est le projet de loi no 113, adopté le 24 novembre 1980. On imposait le retour au travail dans le cas d'un certain nombre de grèves locales dont on se souviendra, la grève locale célèbre des Vieilles Forges. Alors, retour au travail de tout le monde et interdiction aux commissions scolaires de payer plus, d'accorder plus de postes que ce que la convention nationale prévoyait.

On est rendu à adopter des lois spéciales pour imposer des conventions nationales signées. Fou comme cela, ce n'est pas possible! Et ajoutons à cela - parce qu'il y a des choses qu'il faut se dire de temps à autre - que les règles de fonctionnement de notre système scolaire, qu'on veut tellement relier à la qualité de l'enseignement comportaient et ont comporté pendant bien des années des primes financières à certains types d'enseignement plutôt qu'à d'autres. Vous en voulez un exemple qui va faire bondir? On m'accusera de tous les péchés d'Israël après avoir dit cela.

Prenons le cas des inadaptés. Quand on parle d'inadaptés et qu'on discute de cela le moindrement, celui qui, comme le ministre des Finances, veut refuser un peu d'argent là-dedans a l'air d'un bourreau d'enfant, d'un suceur du sang du peuple, de tout ce qu'on voudra. En 1978-1979, 18 commissions scolaires au Québec n'avaient aucun enfant inadapté, pas un; 35 en avaient de 1% à 5%; 138, de 5% à 10%; 51, de 10% à 15%; 4, de 15% à 20% et 2 au-delà de 20%, un enfant sur cinq inadapté. C'est extraordinaire sur le plan sociologique ou démographique. C'est prodigieux comme situation. Il est tout à fait étonnant de remarquer que, parmi celles qui avaient le plus d'enfants inadaptés, on retrouvait un bon nombre de commissions scolaires anglophones. Est-ce parce que la santé mentale chez les anglophones est moins bonne? Non, M. le Président, c'est parce qu'ils ont des meilleurs comptables.

Il était évident qu'à cause des primes qui sont données pour cela on peut embaucher d'autant plus d'enseignants, et Dieu sait s'il y a beaucoup d'enseignants qui sont préparés à ces tâches de l'enfance inadaptée. Donc, il y a des commissions scolaires et des syndicats qui ont compris que plus il y a d'enfants inadaptés, plus il y a de professeurs en poste. Alors, on est arrivé à des choses qui, à tous égards, sur le plan médical, sur le plan social, sont absolument aberrantes dans certaines commissions scolaires. J'ai cité 1978-1979 parce que cela me donnait une répartition que je viens d'indiquer. J'ai vu une commission scolaire compter 28% d'enfants inadaptés sur son territoire. Il faut le fairel

Quand on voit cela, on se doute bien qu'il y a quelque chose de bizarre dans la machine, qu'on pourrait peut-être redéfinir les choses un peu mieux. D'ailleurs, dans les normes du ministère de l'Éducation, cela a été refait, n'est-ce pas, pour éviter les conséquences des négociations locales. Pour éviter des choses comme celles que je viens d'expliquer, maintenant, on a fermé en un an les budgets des commissions scolaires; on a repris le contrôle sur leurs emprunts bancaires; on a refait certaines normes et, en particulier, on a un peu resserré les normes quant à l'enfance inadaptée. Un historien, dans 40 ans, qui examinera cela et qui n'aura pas compris tout ce dont nous discutons ce soir considérera que la santé physique et mentale des Québécois s'est améliorée en 1981 de façon foudroyante.

Des choses comme celles-là, il faut les dire. Même si cela choque, je vais ajouter quelque chose. Dans la ronde de négociations de 1979-1980, la CEQ m'a demandé, à un moment donné, un quota d'inadaptés à mettre dans la convention. J'ai lutté pendant une semaine contre cela en demandant, au cas où je ne pourrais pas me conformer au quota, si je pouvais en importer de l'Ontario.

Comme je n'en arrivais pas à bout, j'ai fait céder cette pression en menaçant d'aller dénoncer l'opération à la télévision.

Ne nous faisons aucune espèce d'illusion. Il y a des politiques d'embauche à maintenir, des politiques de personnel à tenir en place. Cela, il faut le dire. Il faut, à un certain moment, qu'on sorte de ce cadre touchant et charmant où on mélange constamment qualité de l'éducation et politique de personnel. Peut-être qu'il faut quelqu'un de bête et méchant comme un ministre des Finances - tous les ministres des Finances sont bêtes et méchants - pour le dire comme je le dis et comme je le pense, d'ailleurs.

C'est avec un système comme celui-là que nous en sommes arrivés à un fardeau de travail, à une tâche qui est à l'heure actuelle la plus faible au Canada, et de loin. C'est avec un système comme celui-là que nous avons maintenant un coût de 782 $ de plus par élève, par année, qu'en Ontario. Comme il y a au-delà de 1 000 000 d'élèves dans notre système, vous pouvez imaginer ce que cela veut dire sur le plan des impôts entre le Québec et l'Ontario, sur le plan des dépenses publiques. On me dira que, dans les 782 $, il y a le service de la dette, c'est vrai; qu'il y a des différences quant au transport scolaire, c'est vrai. Mais la majeure partie a trait à quoi? Elle a trait à la façon dont notre système est organisé, au fait que la tâche chez nous est faible, au fait qu'il y a plus d'enseignants par 100 000 élèves ou par 10 000 élèves, comme vous voudrez, au Québec que partout ailleurs. Pourquoi y a-t-il plus de professeurs par 1000 élèves ici qu'ailleurs? Eh bien, c'est pour les raisons que j'ai retracées.

Remarquez que, tant que l'économie ne va pas trop mal, cela se voit, mais pas trop. Il y a des ministres des Finances ou des ministres de l'Éducation qui sont pris avec un trou de 500 000 000 $ tous les quatre ou cinq ans, mais, enfin, ils passent à travers comme ils passent à travers bien des choses. Mais tant que l'économie est capable de porter cela, parce que l'économie est en expansion, on essaie de corriger. On a essayé de corriger en 1979-1980. Évidemment, la convention collective de 1980 n'était pas aussi généreuse que celle de 1976, c'est tout à fait clair. Cela n'a pas empêché une grève de onze jours, on s'en souvient. Mais oui, il y a eu une grève de onze jours. Elle était légale, celle-là, mais il y a eu une grève. Finalement, tout le monde voudrait dire que les règlements de 1980 ont été très chers -on le dit souvent ces temps-ci - mais ils étaient beaucoup moins généreux que ceux de 1976. Il y avait un élément de correction.

J'entendais cet après-midi, je pense, M. Bisaillon dire: En 1979-1980, la récession était commencée. Non, non. En 1979, on pouvait encore se faire un certain nombre

d'illusions quant à la possibilité d'en arriver à des conventions de plus en plus raisonnables à la fois sur le plan national et sur le plan local, parce que 1979 n'a pas été, finalement, une mauvaise année sur le plan économique. N'oubliez pas que ce sont les années où le rythme de croissance du Québec était supérieur à l'Ontario, où les exportations fonctionnaient assez bien. 1979 a été une année, somme toute, pas trop mal, la dernière qu'on ait connue.

Là, tout à coup, la récession commence. La fortune des Québécois, le revenu total des Québécois se met à baisser. Il se met à baisser et, en une année, il baisse de 6%. La production totale que nous pouvons tous nous partager baisse de 6%. Là, il y a des tolérances qui ne sont plus possibles. Il y a des changements graduels -qu'on préférait graduels - qui ne sont plus tenables. Il y a des virages qu'on peut prendre en dix ans autrement, mais qu'on ne peux plus faire en dix ans. Il faut y aller, effectivement, avec une certaine brutalité parce qu'on ne peut pas permettre que la masse salariale, gonflée par les raisons que j'ai indiquées et qui représente 52% du budget du gouvernement, puisse monter beaucoup plus rapidement non seulement que le revenu des gens dans le secteur privé, mais que ce que peut donner le revenu total des Québécois.

Si on ne surveille pas cela et qu'on ne prend pas le virage, que reste-t-il comme possibilités? On dit: Empruntez davantage. Oui, je veux bien, un peu, de temps à autre, mais tôt ou tard, cela donne quoi? Cela donne des augmentations d'impôt pour tout le monde. C'est dans ce sens qu'il a fallu prendre un virage depuis un an bien plus sec que celui qui avait déjà commencé à être pris en 1979-1980. Il a fallu serrer pas mal plus que, de toute façon, ce resserrement continuel, depuis 1976, dont le président Charbonneau parlait dans son mémoire.

Maintenant, on nous dit, dans les propositions de cet après-midi: Nous rendons, nous, CEQ, au gouvernement, 2 000 000' 000$ sur trois ans, à la condition que vous laissiez 120 000 000 $ par an de plus que votre cadre financier, dont 80 000 000 $ aux commissions scolaires. Présenté comme cela, comme d'habitude, on se dit: Est-ce qu'un gouvernement peut avoir l'âme assez basse pour refuser un "deal" pareil? Comme à chaque fois, à chaque négociation, quand tout ce qui sépare les parties est 1%, on dit: II n'y a que 1% entre les parties, pourquoi le gouvernement ne fait-il pas oeuvre de générosité et ne lâche-t-il pas 1%? Il ne lâche pas 1% parce que 1%, c'est 130 000 000 $, parce que les marges de manoeuvre dont on dispose à l'heure actuelle, ce n'est pas énormément d'argent, parce que tous les programmes de création d'emplois au complet, en 1982-1983, au Québec, ce sont 167 000 000 $. Pour l'ensemble des gens pour lesquels on ouvre des programmes de création d'emplois, ce sont 167 000 000 $. Quand on me dit: 120 000 000 $ par année, cela n'a l'air de rien, est-ce que quelqu'un peut avoir l'âme assez basse pour refuser un "deal" comme cela? Oui, moi... et d'autres.

Il faut bien se comprendre sur ce plan. Je pense que les gens de la CEQ qui sont ici ce soir connaissent assez les techniques de négociation et tous les textes depuis plusieurs années pour savoir que, quand ils rendent au gouvernement - comme ils l'ont fait si généreusement cet après-midi - les ajustements que nous avons faits aux régimes de retraite, ils ne me rendent rien du tout. Vous savez fort bien que c'est hors convention. Il y a des lettres d'intention attachées aux conventions quant aux régimes de retraite, il y a des comités qui ont été créés et le gouvernement a le droit - droit qui n'a pas, soit dit en passant, été contesté depuis la loi 68, cela fait quand même quelques mois - de faire hors convention les gestes qu'il a posés, comme d'autres gouvernements au Canada qui les ont posés quand ils étaient souvent des gouvernements de gauche. (21 h 15)

Je signale que l'histoire de la réduction de l'indexation, c'est la Saskatchewan qui l'a commencée avec un gouvernement NPD. Pourquoi? Parce qu'on ne peut plus se payer collectivement des régimes indexés de cette façon. Dans le secteur privé, il n'existe pas de formules d'indexation pareilles. On avait organisé des formules de régimes indexés comme il n'y en a pas, les meilleures possibles. On se rend compte que, collectivement, comme société, on ne peut pas se payer cela et par une loi on les change. En faisant voter une loi comme celle-là, nous ne violons pas les conventions collectives. Donc, ce que vous nous avez rendu jusqu'à concurrence de 1 100 000 000 $, M. Charbonneau, avant 18 heures, merci beaucoup, mais vous ne l'aviez pas entre les mains de toute façon.

Deuxièmement, vous nous avez rendu les opérations de récupération de salaires que nous sommes en train d'entreprendre depuis le 1er janvier. Vous noterez que beaucoup de groupes dans le secteur public, pas de gaieté de coeur bien sûr finalement, se sont rangés à cela. J'imagine vos enseignants: à l'heure actuelle, déjà leur feuille de paye est coupée en fonction de cela. C'est en route cela. Vous nous avez dit cet après-midi: On ne vous demandera pas de rembourser aux enseignants en avril et mai ce que vous êtes en train de leur enlever en février et mars. Oui, bah! je veux bien. Je prends note qu'il y a beaucoup de groupes dans le secteur public qui, à l'heure actuelle, sont exactement dans la même situation.

En fait, ce que vous nous avez demandé - c'était une demande, ce n'était pas une offre que vous nous avez faite -c'est de laisser 120 000 000 $ par année dans les cégeps et les commissions scolaires, c'est-à-dire exactement, sur trois ans, le montant de l'augmentation de la tâche. Ce que vous nous avez dit par votre proposition, c'est que, sur le plan de l'augmentation de la tâche, vous ne lâchez pas. Je vous comprends, mais vous connaissez la position du gouvernement à cet égard. Nous continuons de penser que la tâche doit être au Québec alignée sur ce qui se fait ailleurs.

Je terminerai essentiellement en vous posant une question: Pourquoi voulez-vous que la tâche au Québec soit inférieure à ce qu'elle est ailleurs? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole à M. Charbonneau, puisque, je crois, une question lui est posée, je dois simplement dire que M. le ministre a pris actuellement près de 23 minutes. Dépendamment de la longueur de la réponse, puisque c'est sur cette question-là que M. Charbonneau aura à répondre, comme prévu un temps équivalent sera accordé au député d'Argenteuil qui est le suivant sur la liste. Il faut dire que chaque député a un droit de question et réponse de 20 minutes, et qu'il peut intervenir comme il le veut quant au texte qu'il a à employer ou aux sujets qu'il a à aborder. La question qui est posée au président de la CEQ a trait à la dernière partie de l'intervention de M. le ministre des Finances. M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Oui, c'était une question précédée d'un préambule fort passionnant, assez long.

Le Président (M. Jolivet): Je vais vous interrompre, M. Charbonneau; comme je venais juste de le dire, M. le ministre a le droit de prendre ses 20 minutes comme il le désire. Ce que je vous demande, c'est d'intervenir sur la dernière partie, pour le moment.

M. Charbonneau (Yvon): Je suis en train d'apprécier, comme vous l'avez fait, la longueur du préambule. Il y avait tout un historique. On arrive à la fin avec une question comme cela. Je crois que c'est certainement de bonne guerre de la part de n'importe quel ministre des Finances, à un moment donné, premièrement, de partir du moment où lui est entré au pouvoir et de faire un peu le bilan ou le procès de l'administration antérieure. D'autres feront le sien plus tard comme c'est fait un peu maintenant.

Certains nous accusent d'avoir signé, en 1980, d'excellentes conventions parce que c'était à la veille du référendum, d'avoir obtenu des choses qu'on n'aurait pas obtenues si le référendum n'avait pas été imminent. En 1976, il y avait des élections qui s'en venaient. On est un peu mal pris avec ce genre de propos. Quand on signe, on se fait accuser de signer de bonnes conventions. Quand on recommande de les refuser, comme c'était le cas hier soir, on se fait dire qu'on fait des mauvaises recommandations. Quand on ne signe pas et que cela en vient aux décrets, c'est parce qu'on est entêté. Finalement, on a toujours tort. Il y a certainement quelque chose de temps en temps, une fois sur deux, surtout quand on signe, il me semble, qu'on ne devrait pas se faire reprocher.

On peut aussi rire ou faire rire à propos des politiques adoptées dans certaines commissions scolaires sur l'enfance inadaptée, tout en soulignant que, cela était du côté anglophone, etc. Je pense qu'on devrait souligner que dans certaines commissions scolaires, anglophones ou francophones, il y a des services qui se sont développés parce qu'elles s'étaient trouvées à avoir des équipes un peu plus ouvertes à ce genre de problème et moins à d'autres. Elles ont fait d'autres choix. Il faudrait voir l'ensemble d'une politique d'une commission scolaire à un moment donné et si celle-ci a développé un service, peut-être qu'elle n'en a pas développé un autre en même temps. Celle qui n'a pas développé de service à l'enfance inadaptée a peut-être développé un autre service. Il faudrait voir l'ensemble d'un portrait avant de faire de pareils bilans un peu trop rapidement.

Maintenant, pour ce qui est de se rapprocher de la question qui se pose en ce moment, je pense qu'on a souligné précédemment que, du côté financier et salarial, il y a un genre de choix qui s'est esquissé. En 1972, c'était un décret qui nous l'a imposé. En 1976 et en 1980, je veux bien que nous ayons été coupables de le signer ensemble, vous et nous. Il y a un choix qui s'est fait, et on l'a bien démontré cet après-midi, qui fait que, dans plusieurs autres provinces, la grande majorité d'entre elles, un enseignant atteint son salaire maximum en onze ans. Au Québec, on atteint notre salaire maximum en quinze ans. Si on pouvait instantanément vous faire un calcul -mais vous l'avez certainement déjà fait parce que vous savez combien vous gagnez avec ce système - de ce que cela vous coûterait en salaires au Québec, au taux actuel du décret, si l'ensemble des enseignants avait atteint le salaire maximum en onze ans, il y a peut-être passablement d'argent là-dedans. En tout cas, pour l'individu enseignant, lui, qui atteint son maximum en onze ans plutôt qu'en quinze ans, il y a un certain nombre d'années où il a plus que l'enseignant québécois.

Je ne veux pas faire une argumentation

d'ordre trop technique ici, mais je voudrais faire ressortir qu'il y a là de l'argent qu'on aurait pu vouloir obtenir sous forme de salaire. On n'a pas négocié dans ce sens au cours des années. C'est un choix qui s'est dessiné dans nos ententes, nos conventions, dans nos conflits, je veux bien, mais aussi dans nos solutions, de temps à autre. Il s'est fait un choix. Et là, vous me dites maintenant: En plus d'avoir consenti ce fait, tu vas prendre aussi une charge comme celle qu'on a, soi-disant ailleurs. Certainement qu'on peut discuter à savoir si la charge de travail, etc., a d'autant d'écart qu'on le dit.

Nous ne cachons pas, bien entendu, qu'il y a, au Québec, parce qu'on s'est orienté ainsi au cours des années, dans nos conventions collectives des charges de travail qui se comparent bien à celles d'autres régions avoisinantes. Nous ne le cachons pas. Mais je pense que cela doit se concevoir dans un ensemble. Vous venez, par tranches chercher un jour dans les régimes de retraite sous prétexte qu'il y avait là un problème pour le gouvernement et vous dites: Ce n'est pas dans les conventions. On dirait que tout est permis parce que ce n'est pas dans une convention, mais c'est quand même dans nos conditions de travail. Il y en a qui sont sous forme de conventions et d'autres sous forme de lois. Si ce n'est pas dans les conventions, donc on y va. Là, il n'y a rien. Ensuite, les salaires sont dans les conventions. Eh bien, là, ce n'étaient pas de bonnes conventions pour le gouvernement. Donc, on y va, encore là. Ensuite, après qu'on a vidé le chapitre des salaires, on passe au chapitre des conditions de travail et là, ce sont de trop bonnes conditions de travail, il faudra encore arranger cela. Je pense que c'est une stratégie qui consiste à vouloir se donner tout le temps raison, sur tous les chapitres, quelles que soient les conjonctures. Il me semble que vous devriez avoir une approche plus raisonnable de la question.

On vous l'a démontré cet après-midi et vous dites que vous ne l'aviez pas. Cela existait dans les conventions ou dans des lois, ces dispositions menant à ce genre de bénéfices pour les retraites, pour les salaires. Cela existait, la trame de fond était là. Vous dites que ce n'est pas là pour essayer d'amenuiser, quand même, la récupération. Mais, puisque vous y teniez tant, c'est donc que c'était là. Vous y avez tellement tenu que vous avez légiféré de manière spéciale et extraordinaire pour aller le chercher. Cela veut dire que c'était quelque part et certainement pas dans vos poches puisque vous avez légiféré pour venir le chercher dans les nôtres. Il faut clarifier cela, à un moment donné.

Il reste la question, aujourd'hui, des conditions de travail et il faudra encore donner un autre coup. Nous, on vous dit de regarder cela dans un ensemble sur plusieurs années, à travers des accords dont on a convenu. Regardons cela dans un ensemble où il y a, au plan des salaires, un effort consenti depuis des années et maintenant à la suite des décrets, des efforts accrus. Vous dites: "II n'y a rien là". Il me semble que c'est assez - permettez-moi l'expression -rapide comme jugement.

Nos membres "dont le sang coule actuellement dans le fleuve" à la suite des coupures - ne trouvent pas qu"'il n'y a rien là", eux. Aujourd'hui, ils nous ont donné le mandat de vous dire que, puisque vous y tenez tant à cet argent, on pourrait quand même s'arranger si vous laissiez ce qu'on appelle "notre dernier lopin de terre", nos conditions de travail comme elles sont. Il n'y a personne qui fait un hold-up de notre part, de ce côté-là, mais on voudrait que l'envahisseur qui est entré dans notre maison recule, au moins nous laisse une pièce de la maison, puisqu'il a si bien aménagé toutes les autres à son goût.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Argenteuil, vous aurez trente minutes à votre disposition.

M. Ryan: Je remercie M. le ministre des Finances de m'avoir donné autant de temps. Cela va me permettre de parler du mémoire qui nous a été présenté de manière peut-être un peu plus détaillée avant d'adresser quelques questions aux dirigeants de la CEQ et des autres syndicats qui sont représentés, en particulier la Provincial Association of Protestant Teachers et la Provincial Association of Catholic Teachers.

Je voudrais, tout d'abord, signaler que le mémoire dont on nous a donné lecture cet après-midi est un mémoire substantiel, très clairement ordonné, qui s'adresse immédiatement aux questions qui découlent du texte même du décret. Le mémoire nous propose une analyse qui traite du contenu du décret, chapitre par chapitre. Je crois qu'il y a des affirmations dans ce mémoire auxquelles il faut répondre de manière précise. Et cela, il me semble que ce sont les trois quarts du document qu'on nous a présenté cet après-midi.

On peut s'étonner que les centrales syndicales partent du texte des décrets, parce qu'il y a plusieurs décrets qui sont impliqués. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire lors des travaux de cette commission, la base légale sur laquelle nous discutons actuellement, ce sont les décrets. On pourra parler un peu plus tard du cadre de règlement du 9 février. Je pense que c'est un document à caractère public aussi, mais il n'a pas du tout la même valeur contraignante que les décrets qui sont la loi du Québec en matière de relations du travail dans le secteur de l'enseignement public depuis un certain soir de décembre 1982. Je

pense qu'il était très important que l'on fasse ressortir clairement les conséquences éventuelles des décrets.

Dans certains cas, certaines simulations forcent peut-être un peu la note. On prend les décrets dans leur sens littéral. On ne tient pas compte - on ne peut pas en tenir compte parce qu'on ne sait pas en quoi ils consisteront - des assouplissements susceptibles d'émaner éventuellement des règles budgétaires. Je crois que l'exercice est valable pour lui-même. La meilleure indication que nous en ayons eue jusqu'à maintenant, c'est qu'il y avait déjà plusieurs cas qui nous avaient été soumis d'écoles secondaires, à gauche et à droite, de commissions scolaires individuelles. (21 h 30)

Mais le travail que Mlle Marguerite Chayer, directrice administrative de l'une des grandes régions de la Commission des écoles catholiques de Montréal, la région de l'est, a fait et dont M. Rodrigue Dubé nous a résumé les grandes lignes tantôt est un travail qui n'émane pas de la partie syndicale. Par conséquent, les auteurs n'ont pas d'intérêt immédiat qu'on pourrait leur imputer d'une façon aussi évidente que s'il s'agissait d'un document émanant de source syndicale. Je crois que ce document parle assez fort. Il demanderait d'être étudié sérieusement. Nous n'avons pas le temps de le faire ce soir. Le document nous a été distribué tantôt et il comporte une trentaine de pages au moins, c'est très technique.

Il me semble que cela devrait être suffisant pour faire comprendre une fois pour toutes au gouvernement qu'il a mal agi en imposant des conventions collectives par décrets pour une durée de trois ans, en allant aussi cavalièrement jusque dans les moindres détails sans s'occuper de l'autre partie, de celle qui devra vivre avec ces textes-là pendant trois ans. Il me semble que la conclusion qu'il devrait en tirer s'impose d'elle-même. Il a fait une mauvaise action au mois de décembre dernier, en faisant adopter à la vapeur, à la faveur d'une motion d'urgence à l'Assemblée nationale, des documents comme ceux-là qui vont donner lieu, si on doit les appliquer intégralement, à d'infinies complications et, pouvons-nous dire maintenant, à une réduction certaine de la qualité de l'enseignement au Québec.

Le ministre des Finances s'est étendu longuement sur le passé. Je ne sais pas si c'est un signe des temps, mais je remarque que, depuis quelque temps, il excelle à raconter des souvenirs. Il les évoque, d'ailleurs, de manière extrêmement intéressante. Je pense qu'on doit lui rappeler certaines choses élémentaires qui se sont passées avant 1976. Je pense qu'il pourrait se dispenser d'en parler parce que les gouvernements qui ont fait les erreurs qu'il leur impute furent jugés pour ce qu'ils avaient fait; je pense que le dernier en date a été défait par l'électorat. Il a été renvoyé chez lui. Par conséquent, on peut bien s'accrocher à lui pour essayer d'excuser toutes sortes de choses, mais c'est fini, M. le ministre des Finances, depuis sept ans. Depuis 1976, c'est le gouvernement dont le ministre actuel des Finances a toujours fait partie, à ce titre d'ailleurs, qui a la gouverne des affaires au Québec. C'est donc lui qui doit porter la responsabilité de ce qui est arrivé.

J'entendais le ministre des Finances nous dire qu'il s'était rendu compte en 1980 du trou de 500 000 000 $. Quatre ans pour se rendre compte de ce trou-là, c'est beaucoup de temps. Pourtant, on sait qu'il est assez rapide mentalement, ce n'est pas là qu'est le problème. Dans votre discours sur le budget - j'aimerais que le ministre me corrige si je me trompe - qui a suivi la signature des conventions en 1980 - les conventions ont été signées en novembre 1979, si mes souvenirs sont bons, et vous nous aviez présenté un budget vers le mois d'avril qui a suivi - vous disiez dans quelques lignes magnifiques que vous aviez donné 1600 postes sans savoir ce que vous faisiez. Vous nous avez dit en toutes lettres que, si cela avait été à recommencer, vous ne l'auriez jamais fait. Cela représentait environ 50 000 000 $ d'un coup. On aura le temps de faire ce procès; ce soir, ce n'est pas l'occasion de le faire.

Je mentionne seulement ces brefs souvenirs pour dire que, tout en étant extrêmement intéressants, les souvenirs que raconte le ministre des Finances n'effacent, ni n'atténuent la responsabilité du gouvernement dont il fait partie en ce qui touche la situation des finances publiques au Québec. Le gouvernement est l'auteur de la crise dans laquelle le Québec s'est trouvé au plan des finances publiques depuis quelques mois. Il en est le grand artisan. On doit lui reprocher sévèrement de s'être réveillé trop tard, de l'avoir fait trop brutalement et de l'avoir trop fait sur le dos de quelques catégories particulières de citoyens dont font partie ceux qui nous rencontrent aujourd'hui.

L'essentiel de l'argument que nous sert le gouvernement a été résumé dans la question que le ministre des Finances a posée aux représentants de la CEQ. Il a dit - j'ai noté la question tantôt - Pourquoi voulez-vous que la tâche au Québec soit inférieure à ce qu'elle est ailleurs? C'est une manière simplifiée de poser le problème. Je pense que ce que le gouvernement veut dire - et ici, j'essaie de le résumer le plus loyalement possible - c'est qu'il s'est trouvé aux prises avec un fait à un moment donné; il a constaté, selon les sources documentaires dont il disposait, que le coût de l'éducation par enfant dans le système public québécois

- nous discutons ce soir du système public primaire et secondaire; je pense qu'il est peut-être mieux d'en rester à cela - était supérieur, je pense qu'en date de 1980, d'à peu près 650 $ à ce qu'il était en Ontario. Il nous dit: C'est un écart trop fort, nous ne pouvons pas nous payer cela. Vu que la production per capita au Québec est à peu près de 10% inférieure à ce qu'elle est en Ontario, nous ne pouvons pas accepter cela comme norme éternelle. Il faudra qu'un jour nous en arrivions à mieux équilibrer nos affaires et nous posons la question aux enseignants: Est-ce que vous ne trouvez pas que dans le secteur dont vous faites partie, il faudrait viser à des ajustements, comme d'ailleurs, j'espère, dans tous les autres secteurs de l'administration publique. C'est une question qui ne nous est aucunement indéfférente. Nous la comprenons, elle fait partie du défi auquel doit faire face le Québec d'aujourd'hui. Je voudrais assurer le ministre des Finances et ses collègues du gouvernement qui sont ici ce soir, que non seulement nous souscrivons aux inquiétudes qu'ils expriment, nous les avons formulées bien avant qu'ils ne se réveillent à la réalité dans laquelle ils avaient plongé le gouvernement et le Québec.

Je me souviens de périodes où ils se moquaient de nous quand nous leur posions les problèmes dans ces termes. Ils nous accusaient de vouloir ramener le Québec au Moyen-Âge. Je pense qu'on ne l'aurait pas ramené au Moyen-Âge, mais eux sont en train de le ramener, vous avez dit tantôt une quinzaine d'années en arrière, c'est déjà énorme. On leur a demandé un effort d'ajustement, mais je ne pense pas qu'on aurait été obligé d'aller aussi loin que cela.

Quoi qu'il en soit, je voudrais insister auprès du gouvernement pour que, lorsqu'il fait des comparaisons avec l'Ontario, il veille à se procurer des données plus complètes que celles qu'il nous sert depuis quelque temps. Je vous donne seulement un exemple. Il m'est arrivé tantôt de causer avec deux dirigeants d'importants syndicats d'enseignants ontariens qui sont ici à titre de spectateurs aujourd'hui. J'en ai profité pour m'informer auprès d'eux de la manière dont les choses marchent en Ontario. Je pense que cela aurait été très instructif si le gouvernement était allé se renseigner sur la manière dont le système de relations du travail fonctionne en Ontario dans le domaine de l'éducation. Ils auraient pu apprendre des choses très importantes. Ils auraient constaté en particulier que l'excessive centralisation de tout ce secteur au Québec, dont le ministre actuel des Finances est l'un des pères d'ailleurs, est un des grands facteurs qui ont contribué à l'augmentation spectaculaire des coûts. En Ontario, on a choisi une autre voie, une voie beaucoup plus décentralisée, une voie beaucoup plus raisonnable, à mon point de vue, et cela donne, dans l'ensemble, des résultats beaucoup plus intéressants.

Que de fois j'ai entendu les dénonciations du côté du gouvernement du système d'arbitrage. Ce n'est pas que je veuille le préconiser ce soir, mais chaque fois qu'on a le malheur de parler de médiation, c'est comme si on était des gros méchants qui voulaient mettre la main sur la caisse de l'État ou qui voulaient trouver quelqu'un qui leur dirait: Cela est terminé.

Je me suis informé auprès de ces gens sur la manière dont avaient marché les arbitrages en Ontario depuis une quinzaine d'années qu'ils ont leur système actuel. Dans l'ensemble, ils n'y recourent pas très souvent, mais quand ils y recourent, l'arbitrage donne des résultats qui sont extrêmement proches des moyennes qui sont généralement observées et cela n'a pas du tout engendré le genre de catastrophe qu'on nous laisse toujours entendre du côté du gouvernement.

De même, il y a une chose que je voudrais souligner. La négociation collective a progressé de manière beaucoup plus spectaculaire et radicale au Québec pendant un certain nombre d'années qu'en Ontario et elle a été amenée à concentrer l'attention des négociateurs plus vite sur des questions majeures, comme par exemple, la tâche d'enseignement. On me disait qu'en Ontario les syndicats s'orientent de plus en plus dans cette direction et à mesure que le système des relations du travail continuera de se développer en Ontario, je crois qu'on verra diminuer les écarts qui peuvent exister encore aujourd'hui. Il faut situer ces choses dans une perspective historique. Je vous reproche, messieurs du gouvernement, de prendre les moyennes abstraites, comme 17, 21, de sortir cela du contexte, comme vous l'avez fait continuellement ces derniers mois et d'essayer d'épouvanter le public avec cela et de faire de certains des profiteurs alors qu'en fait, il faut prendre le problème dans son contexte complet. Cela nous amène à des observations beaucoup plus nuancées.

Je voudrais corriger, encore une fois, une impression qui a été créée. Je voyais la manchette dans le journal Le Devoir ce matin - contre lequel vous savez que je n'ai rien, au contraire - on disait que "Cela coûte 752 $ de plus par enfant au Québec qu'en Ontario pour l'enseignement public." Tout de suite, vu qu'il s'agit de la commission parlementaire qui rencontrera la CEQ, le lecteur est porté à conclure: Les enseignants nous coûtent 752 $ de plus par enfant, cela n'a pas de bon sens. Mais quand on examine les statistiques, on sait très bien que, de ce montant de 752 $, il y en a plus de la moitié qui est attribuable à des postes qui n'ont absolument rien à voir avec les salaires des enseignants.

Encore là, si on regardait la partie salaire des enseignants et qu'on la situait dans son contexte, on ferait des découvertes. J'ai regardé des conventions collectives ontariennes - j'en ai fait venir un certain nombre - et j'ai constaté qu'il y a toutes sortes de primes là-dedans qu'on ne trouve pas dans nos conventions. Peut-être que l'échelle des salaires est à un certain niveau, mais il y a toutes sortes de primes pour toutes sortes de fonctions. Ces primes n'existent pas dans nos conventions. Cela n'enlève pas les chiffres globaux dont on a parlé. C'est vrai que, proportionnellement, nous avons plus d'enseignants au Québec par groupe d'étudiants ou, disons, d'enseignants par 1000 étudiants par exemple, qu'ils n'en ont en Ontario. Je crois que sur une période de quelques années, nous devons essayer de faire un certain redressement qui va nous permettre d'aligner davantage nos coûts sur une base compétitive par rapport aux autres.

Ce que je n'aime pas, c'est qu'à la faveur d'une crise extrêmement délicate comme celle que nous connaissons, on vienne faire de la rhétorique, on vienne nous faire des exposés avec beaucoup de pathos, quand on n'a pas à présenter en même temps, à l'appui de tout cela, des données rigoureusement analytiques et des données complètes qui permettraient de se faire un jugement sérieux et solide. Ce sont des considérations que je tiens absolument à soumettre.

J'avais bien des questions que j'aurais voulu adresser à la délégation qui est à la table des témoins. Je voudrais, avant de le faire, s'il me reste du temps et, s'il ne m'en reste pas je m'en dispenserai dans l'espoir qu'il y aura peut-être un petit peu plus de temps vers la fin de la soirée, je voudrais dire quelques mots de ce qui a été dit à la fin de son intervention par le président de la CEQ sur les deux propositions que le président de la CEQ a faites.

Avant de le faire, je pense qu'on va essayer de résumer un petit peu où on en était. M. le ministre des Finances disait tantôt: Le président de la CEQ nous dit que c'est très bien, que ce qu'ils ont perdu dans les régimes de retraite, il nous le donne. Il dit: Il ne pouvait pas nous l'enlever de toute manière, il nous le donne. Cela ne fait pas un gros changement. Il dit: Ce qu'on a enlevé pendant les trois premiers mois de 1983, ils nous le donnent; on l'avait de toute manière, la loi nous permettait de le leur enlever. Par conséquent, ils ne nous donnent rien. On pourrait bien continuer comme cela maintenant que vous avez le décret. Tout ce qu'ils vont concéder après cela, vous allez dire: De toute manière, cela ne veut rien dire, on l'avait déjà dans le décret. Vous n'avez qu'à passer une loi 112 la semaine prochaine et là, il ne restera plus rien nulle part. Je pense que c'est une manière de raisonner qui n'est pas digne de celui que j'ai entendu tantôt.

Je vais plutôt citer à ce sujet le ministre de l'Éducation. J'espère qu'il sera un petit peu plus loquace à mesure que la soirée progressera parce que je croyais qu'on discutait d'éducation et non pas... Je ne pensais pas que c'était un débat sur les finances publiques mais un débat sur l'éducation. Je vais citer ce qu'il nous disait à l'Assemblée nationale le 15 février 1983. Il nous disait: En fonction de la lecture que nous faisions de la crise économique, nous avions fait des offres qui comportaient même des augmentations de salaires. Mais les demandes qu'on nous opposaient faisaient apparaître une différence, dans le seul secteur de l'éducation, de plus de 2 500 000 000 $. Si je comprends bien, c'est seulement au chapitre des salaires, parce qu'après cela vous dites qu'ils vous demandaient encore un ajout de près de 400 000 000 $ au chapitre des clauses normatives.

Contentons-nous du montant de 2 500 000 000 $. Vous disiez, le 15 février, que c'était la situation l'automne dernier, je pense bien, n'est-ce-pas? L'automne dernier, disons au mois de septembre ou d'octobre. Depuis ce temps, l'écart a été réduit, d'après ce que nous disait le sous-ministre de l'Éducation hier, à à peu près 350 000 000 $. Je pense qu'on est rendu... On essayait d'identifier le montant. Je sais que c'est toujours problématique et dangereux mais c'est une approximation qui facilite au moins la discussion. On est rendu à 350 000 000 $. (21 h 45)

Prenons les chiffres "at face value" comme on dit, pour la valeur qu'ils ont à première vue, quitte à les analyser plus tard. Là, sont arrivés les 2 500 000 000 $ dont parlait le ministre de l'Éducation; ils ont été enlevés au complet, si je comprends bien, par le gouvernement. Ce montant a fondu et n'existe plus. Au moment où nous nous parlons, le président de la CEQ a dit tantôt qu'il n'avait pas de réclamations à présenter, cela il faut le dire. Qui a fait la concession? Je pense bien reconnaître que ce sont ceux dans la poche de qui l'argent a été pris. Je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est le gouvernement qui a fait des concessions de ce côté-là. D'ailleurs, si vous regardez les échelles de salaires qu'avait déposées le président du Conseil du trésor, avec le projet de loi no 70 en juin dernier, ces échelles-là sont restées telles quelles, si mes souvenirs sont bons. Ce qui veut dire qu'il n'y a pas eu de négociation du tout pendant tout l'automne. Il y a eu du tournage en rond, du patinage de fantaisie autour de la table de négociation. Je n'ai jamais vu une négociation sérieuse où tous les tableaux qui avaient été faits en commençant sont les

mêmes. On négocie justement pour qu'il y ait un peu, je vous l'ai déjà dit à plusieurs reprises, de mouvement là-dedans; il n'y en a eu aucunement.

Alors, ce montant a fondu. Vous l'avez fait miroiter aux yeux de la population et il a fondu. Mais ce n'est sûrement pas eux qui l'ont pris. Le gouvernement est resté ferme de ce côté-là. Disons qu'il peut se vanter d'être resté ferme. Si c'est cela qui l'intéresse, c'est très bien.

Nous arrivons à un montant de 350 000 000 $ avant le cadre de règlement du 9 février. Vous nous disiez hier qu'avec le cadre de règlement du 9 février, vous enleviez une autre somme d'à peu près 100 000 000 $, ce qui ramène l'écart à 250 000 000 $. Dans la perspective du gouvernement, je n'engage pas les syndicats à approuver en quelque manière que ce soit cet écart, mais j'essaie de comprendre. J'avais dit dès le discours que j'ai fait, au tout début des travaux de la commission, que notre objectif principal, à nous, serait d'essayer de cerner avec le plus de précision possible les enjeux du litige, les questions qui séparent les parties. Je me dis: On est rendu à 250 000 000 $. C'est un peu confirmé parce que nous avons entendu de la part du président de la CEQ cet après-midi, si on limite la discussion aux secteurs secondaire et primaire.

M. le Président, je vais vous dire ce que j'ai compris. J'écoutais attentivement ce qui a été dit cet après-midi, à la fois par la délégation des cégeps, qui s'est présentée devant nous avant celle de l'enseignement primaire et secondaire, par la délégation de la CEQ et de la PAPT et de la PACT. M. le ministre des Finances a pris la proposition à la lettre. Il a dit: Vous nous demandez 120 000 000 $ par année. Existe-t-il une âme qui soit assez basse pour dire non? Je me présente.

Le ministre des Finances est un homme beaucoup plus intelligent que cela, beaucoup plus fin et beaucoup plus accueillant dans ses bons moments. Je lui dis que j'ai compris dans ce qui a été dit que c'est une position de départ. Je ne veux pas me présenter comme votre interprète, je vous laisse cela. Je comprends que les gens disent: Nous, notre proposition de départ, on veut négocier en visant à protéger nos conditions de travail qui existaient. Je pense que j'ai entendu une expression à un moment donné: Nous voulons négocier en prenant pour base le maintien de nos conditions de travail. Je pense qu'il s'impose de vérifier ce que cela veut dire. Est-ce que cela veut dire qu'ils vont s'accrocher à tous les articles des anciennes conventions collectives qui sont de nature normative? Est-ce que cela veut dire - je prends des exemples bien simples - qu'on va avoir une opposition catégorique au concept de la présence de l'enseignant à l'école pendant 27 heures? Est-ce que cela veut dire qu'on va avoir à faire face à une opposition catégorique au concept de l'intégration de la tâche éducative, moyennant des garanties quant au fardeau d'enseignement qui pourrait être confié à chaque enseignant, par exemple. Je n'ai pas compris cela. Je pense qu'il y a une certaine marge que je voudrais indiquer au gouvernement, avant qu'il se raidisse trop dans les positions doctrinaires.

Vous n'avez pas idée, mes chers amis, combien c'est arrivé souvent que le gouvernement a fait des faux pas parce qu'il s'enfonçait dans des positions doctrinaires. Cela ne donne rien. Je dis que si on est en face d'un écart de cette nature pour les trois prochaines années dans tout l'enseignement primaire et secondaire, 250 000 000 $... Le ministre des Finances nous disait tantôt: 120 000 000 $ c'est 1% du budget. D'habitude il compte mieux que cela. C'est vrai qu'il a fait des grosses erreurs. Quand il y a trop de zéros des fois, il en oublie un. Mais 120 000 000 $ sur un budget de 23 000 000 000 $, si je compte bien, c'est la moitié de 1%. Quand on vient nous rabattre les oreilles en nous disant: Vous voulez qu'on vienne décider pour nous, les 52% du budget. Je vous dis que cela n'est pas vrai. On est dans un ordre de grandeur différent. Je ne veux pas en nier l'importance, pas du tout. Je veux vous faire comprendre la dimension exacte du problème auquel nous faisons face. Je me dis que c'est impossible conceptuellement et logiquement qu'un gouvernement soit si assuré de ses positions jusque dans les détails d'un texte qui comprend 186 pages, pour qu'il aille dire: Nous, sur toute la ligne, notre position est arrêtée, on a écouté les conseils de M. le sous-ministre no 1, de M. le sous-ministre no 2, de M. le sous-ministre no 3, de M. Smith, qui est allé faire un voyage - il n'est pas le seul à être allé en Ontario; on a bien des relations là-bas nous aussi - on a la vérité sur tout et on l'a définie dans les décrets. On fait de petites concessions dans le cadre de règlement - qui n'a même pas été négocié, à ma connaissance - et on vous dit que cela finit là.

Il me semble - le président me passe un message dont vous devinez la teneur; il me laisse encore cinq minutes, c'est très bien - qu'il y a quelque chose et c'est cela qu'il faut essayer de travailler. Je ne pense pas que ce soit la place ce soir pour engager des négociations. Je ne veux pas essayer d'utiliser la commission parlementaire en aucune manière pour la faire dévier là-dedans, cela serait une très grave erreur.

J'écoute ce qui a été dit et je me dis qu'il y a quelquefois des messages qui passent. J'ai cru que le ministre des Finances avait une attitude semblable cet après-midi quand il a adressé certaines questions aux représentants des enseignants

de cégeps. J'ai cru qu'il avait une attitude d'ouverture et, sur un point, appuyé d'ailleurs extérieurement par le président du Conseil du trésor, il a semblé dire: Oui, il y a un problème, il y aurait un redressement qu'on pourrait envisager. Il y en a peut-être un certain nombre d'autres. On commence par des petits et on peut en arriver à d'autres ensemble.

Je me dis: Si les enseignants acceptent la recherche d'ajustements capables de donner une position plus concurrentielle, dans le bon sens du terme, pas dans le sens de la subordination servile à l'entreprise privée, mais dans le sens d'une position vigoureuse de la société québécoise par rapport à ses voisines d'Amérique du Nord. Si la CEQ est prête à effectuer une recherche en partageant cette préoccupation, il me semble qu'il y a des possibilités considérables que vous trouviez des points de rapprochement qui pourraient aller dans le sens de certains éléments qui étaient contenus dans le cadre de règlement proposé le 9 février, peut-être aussi ailleurs que là, parce que cela, c'est un document, c'est une étape, c'est l'étape no 9. Il y aura peut-être une étape no 10, c'est la commission parlementaire, peut-être une étape no 11 la semaine prochaine, etc.

Je complète en disant que la deuxième proposition qui demande que les négociations reprennent en présence d'une personne qui puisse observer des choses, écouter, faire des observations au besoin, ne présente aucune espèce de difficulté aux yeux de l'Opposition. Vous savez que nous avons dit souvent que c'est une chose que le gouvernement aurait dû accepter bien avant aujourd'hui. Nous pensons que c'est encore possible et désirable. Il ne s'agit pas du tout d'aller chercher une espèce de faux manitou qui vienne dire: C'est cela l'affaire, c'est cela et pas autre chose. Je pense bien qu'il faut que le gouvernement fasse confiance aux citoyens, qu'il fasse confiance à ses députés et à ceux de l'Opposition pour dire que si une espèce de faux manitou vient prétendre tout régler cela en deux temps trois mouvements, cela ne tient pas debout. Le gouvernement n'est pas tout seul là-dedans. Pourvu qu'il agisse avec limpidité et transparence, je pense qu'il peut passer à travers cette étape de manière convenable. Il est trop tôt pour tirer des conclusions, mais je crois avoir saisi un message de cette nature dans les propos qui ont été tenus. Cela va bien par-delà la lettre des propositions qui ont été formulées cet après-midi et c'est dans cet esprit que je veux les accueillir.

J'aurais seulement une question. Si on n'a pas le temps, M. le Président, je comprendrai très bien. J'aurais aimé que les représentants des centrales syndicales nous disent pourquoi ils ont rejeté le cadre de règlement du 9 février, s'ils trouvaient des éléments valables dans ce cadre ou s'ils n'en trouvaient pas du tout, pourquoi ils l'ont rejeté et en quoi iis considéraient que le cadre de règlement apportait peut-être des améliorations par rapport à ce qui avait été défini précédemment, c'est-à-dire dans le cadre de règlement antérieur du 21 janvier et, surtout, évidemment, dans les décrets.

Le Président (M. Jolivet): M. Bisaillon, en tenant compte qu'il reste trois minutes...

M. Bisaillon (Robert): Trois minutes?

Le Président (M. Jolivet): ...au droit de parole du député d'Argenteuil. Cependant, si jamais vous preniez un peu plus de temps, je me verrais dans l'obligation d'en accorder davantage, en équivalence, à celui de ma droite. M. Bisaillon.

M. Bisaillon (Robert): Vous permettez que je vous pose une question? Je ne suis pas familier...

Le Président (M. Jolivet): ...

M. Bisaillon (Robert): ...avec vos habitudes, mais hier soir il y avait des ressources qui se faisaient poser des questions et elles répondaient pas mal plus que pendant trois minutes.

Le Président (M. Jolivet): Ce que j'ai toujours fait, c'est tenir compte du temps. Je pourrais vous donner les fiches de temps au niveau de chacune des interventions et, en vertu du règlement, c'est 20 minutes par parti, questions et réponses. Quand je parle des deux représentants qui sont l'un à ma gauche et l'autre à ma droite, j'accorde le temps équivalent, mais ensuite tous les autres ont été en valeur de 20 minutes. M. Bisaillon.

M. Bisaillon (Robert): En tout cas tout le monde va comprendre pourquoi vous allez être obligé de m'arrêter, je...

M. Ryan: Là-dessus, je pense que mes collègues vont être d'accord avec moi, s'il a besoin d'une dizaine de minutes pour répondre à cela sur l'ensemble du temps que vous nous accordez d'ici minuit on vous le paiera.

Le Président (M. Jolivet): Je ne comprends pas ce que vous me dites, je n'ai rien à me faire payer. J'ai simplement à faire en sorte de rendre justice aux deux côtés de la table. M. Bisaillon.

M. Bisaillon (Robert): Je me sens obligé de faire un petit retour à l'intervention de M. Parizeau pour répondre à la question du député d'Argenteuil. J'ai reçu ça comme un

"splash" dans la vitrine, si vous permettez l'expression. Le ministre des Finances est venu arroser, mais une fois que les gouttes descendent, la vitrine n'est pas plus propre. J'aurais aimé qu'il reste pour l'essuyage.

Je voudrais, sous quatre dimensions, entrer de plain-pied dans les comparaisons qui sont faites de demi-faussetés. Il m'apparaît important de comprendre la réponse qu'on va donner à la question qu'il a posée, puis à celle du député d'Argenteuil.

Lorsqu'il nous demande comment il se fait qu'on ne comprend pas qu'il faille rendre notre tâche équivalente à celle des autres, j'aimerais mettre en doute sérieusement les assises de comparaison qui sont employées depuis hier, sous quatre dimensions. Je voudrais vous dire entre autres que, ce soir, j'ai entendu de la part du gouvernement le troisième "kit" de chiffres différents à propos des effectifs enseignants au Québec. Il est tout à fait normal que selon que c'est l'un ou l'autre qui coupe, si sa base de référence n'est pas la même, on va couper plus ou moins.

Mais auparavant, je voudrais vous citer l'auteur de l'étude sur laquelle on se base, au gouvernement, pour parler du comparatif quant aux coûts Ontario-Québec. M. Marius Demers disait justement dans son étude qu'en raison des différences structurelles entre les niveaux d'enseignement québécois et ontarien et des données disponibles pour chacun, il est très difficile de produire des comparaisons valables par niveau. Il s'est essayé quand même. Mais il a dit cela en préalable, c'est un avertissement de chercheur. Il ajoute à la page 26 de son dossier: II aurait été souhaitable d'avoir une plus grande désagrégation des dépenses, mais en raison des différences structurelles dans les systèmes d'éducation et des différences dans la comptabilisation des dépenses aux états financiers, il devient impossible d'obtenir des comparaisons valables entre certaines catégories de dépenses. Mais il s'est essayé quand même.

On doit souligner que quand un chercheur met de tels avertissements préalables à la recherche qu'il fait, ce n'est pas la compétence du chercheur qu'on met en doute, c'est l'utilisation, à certains égards, parfaitement démagogiques de ce document. Je pense que ça prend un peu de rigueur si l'on veut essuyer la vitrine.

Au Québec, on a fait le choix d'avoir la même norme partout dans l'enseignement. Que ce soit à Blanc-Sablon, à Hull, à Joliette ou à Rivière-du-Loup, on a une norme qui est la même pour tout le monde. C'est un choix d'égalité, avec lequel on est d'accord. C'est un choix de société qui est important et dont il faut reconnaître aujourd'hui le coût. Et, quand on le compare, il faut le comparer à des choses comparables. Ce qui est une norme au

Québec, qui est la même pour tout le monde, peut-on la comparer avec une moyenne abstraite en Ontario, comme le député d'Argenteuil l'a très bien expliqué, où les conditions d'enseignement varient d'une entité administrative à l'autre.

À titre d'illustration de la complexité de la réalité scolaire ontarienne, ce qu'on peut vous signaler, c'est que la rémunération des enseignants du secondaire de Toronto, pourtant la grande métropole, se classe au 35e rang des 78 conseils scolaires impliqués dans la négociation avec cette catégorie d'enseignants. La moyenne ontarienne, ça comprend le meilleur, ça comprend le pire et ça masque des inégalités démocratiques; tandis que la norme québécoise s'applique à tous les ensembles du Québec. Je pense que déjà là, ça devrait introduire un peu de rigueur dans les comparaisons.

Mais je voudrais revenir aussi sur une autre dimension qui me paraît importante parce qu'hier on a...

Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas être désagréable mais la question, j'essaie de la voir. Je sais que vous avez droit à votre argumentation, je vous ai dit que vous avez peu de temps à votre disposition, mais que j'étais prêt à considérer le temps équivalent pour l'autre côté à ma droite. Cependant, la question que j'ai cru comprendre de la part du député d'Argenteuil, j'aimerais bien que vous y répondiez le plus vite possible. (22 heures)

M. Ryan: M. le Président, me permettez-vous une remarque?

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je vous ai dit tantôt, M. le Président, que dans le bilan du temps que vous établirez d'ici minuit, s'il y a quelques minutes de plus qui sont employées par le président de la Commission des enseignantes et enseignants des commissions scolaires pour répondre à la question que je lui ai posée, nous ferions le sacrifice de ces minutes dans la partie du temps qui nous est accordé.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Bisaillon.

M. Bisaillon (Robert): C'est moi qui vous remercie. Je vous disais donc qu'hier on a entendu des chiffres, cités par un sous-ministre en particulier, sur les effectifs au Québec et la comparaison diminution de clientèle étudiante par rapport à l'effectif enseignant qui faisaient dire - et cela a d'ailleurs été publié à pleine page dans les journaux - sur une période de dix ans, que pour une diminution de la clientèle étudiante de 29%, nous avions au Québec une

diminution de l'effectif enseignant de 2,9%. Pourtant, les sources mêmes du MEQ, année par année, contiennent des chiffres pour les effectifs enseignants qui diffèrent de ceux qui ont été abordés par le sous-ministre hier. Même tantôt, M. le ministre des Finances a encore donné des chiffres différents des deux autres séries de chiffres données hier.

Est-il possible qu'on dise au moins au gouvernement quels sont les vrais chiffres du ministère de l'Éducation? J'aimerais demander à M. Alan Lombard - cela sera très court - qu'il dise sur quoi se sont basés les gens pour faire des comparaisons. On verra quelle crédibilité on peut accorder finalement à ces chiffres, qui ne viennent pas de nous, mais à partir desquels on décide de couper tant ou tant d'effectifs.

Le Président (M. Jolivet): M. Lombard.

M. Lombard (Alan): Je prendrai seulement deux minutes, M. le Président. Je vais citer seulement deux chiffres au départ. M. Parizeau a parlé d'une augmentation d'effectifs, après l'entente de 1976, de l'ordre de 6600. Hier soir, on a entendu le chiffre de 4600. Pourtant, dans le document déposé, que je qualifierai de "document A", on trouve un chiffre de 3678 et, l'année suivante, une chute de 1605. Dans les statistiques du MEQ, dont nous avons copie ici, on trouve une augmentation, pour l'année 1977 par rapport à l'année 1976, de 3043 et, l'année d'après, une chute de 1182. Ce n'est qu'un petit exemple. On peut parler de toutes sortes de chiffres, de toutes sortes de distorsions entre les chiffres déposés hier soir, les chiffres publiés dans les documents du MEQ, les chiffres qu'on nous fournit au cours d'une discussion à une table de négociation - je peux en témoigner - ou encore ici.

Le Président (M. Jolivet): M. Bisaillon.

M. Bisaillon (Robert): De la même façon, selon qu'on prenne comme point de référence A et B, les années 1970-1971 par rapport à 1980-1981 ou les années 1971-1972 par rapport à 1981-1982, on arrive à des différences de 2,9% ou de 9,1%. Je veux seulement signaler que sur ce terrain, sans vouloir faire la comptabilité du système d'éducation parce que j'aimerais quand même que cela porte sur le fond, cela commence à être gênant de voir sur quoi repose comme assise l'argumentation du gouvernement, lorsqu'il décide de mettre tant ou tant d'enseignants en disponibilité. Pour nous, c'est du monde qu'on met en disponibilité, ce ne sont pas seulement des chiffres qu'on aligne.

Troisièmement, hier soir, on a - et cela a fait les manchettes d'un journal du matin, c'est la responsabilité du journal en question - fait des gorges chaudes autour de la différence de 652 $ entre le Québec et l'Ontario. On a décomposé, hier, pour l'année 1979-1980, en masse salariale 335 $, transport scolaire 90 $ et service de la dette 183 $. En passant, je signale que cela donne 602 $ et non pas 652 $. Il y manque un petit bout. Il serait intéressant de l'avoir. Est-ce que je peux vous faire remarquer que les 335 $ incluent les enseignants en disponibilité? Or, savez-vous que si on maintenait le nombre d'effectifs actuels, dans trois ans, il n'y aurait plus d'enseignants en disponibilité? Donc, si vous projetez les 335 $ dans trois ans, ce ne sera plus 335 $. Entre-temps, le gouvernement n'aura pas non plus à former des enseignants pour les années 1985, 1986, 1987, à cause du bassin des enseignants disponibles, qui sont par ailleurs les plus jeunes. Quel montant, l'aurons-nous un jour, dans cette différence représente le coût de l'administration scolaire? Je pense que ce sont des questions qu'on a le droit de poser. Cependant, on a dit que c'était l'année la moins pire, qu'on était maintenant rendu, en 1980-1981, à une différence de 782 $. J'ai cru bien comprendre, hier, qu'on avait dit que la masse salariale, à l'intérieur de cette différence, représentait 354 $. Est-ce que je peux vous souligner que de 335 $ à 354 $ il n'y a rien là? Mais de 608 $ à 782 $, il y a quelque chose là qui n'a rien à voir avec la masse salariale. Je suis bien prêt à faire des comparaisons pour répondre aux questions, mais j'aimerais aussi qu'on me donne toutes les données.

Je voudrais terminer en vous disant qu'il faut regarder les deux questions qui nous sont posées dans la perspective des années 1985 à 1990 et de la sortie de crise qu'auront à subir les jeunes, au Québec. Si, parce qu'il y a une crise économique et, a fortiori, parce qu'il y a une crise budgétaire, on détermine que, pour les dix prochaines années, l'éducation est un luxe qu'il faut couper, je veux juste souligner qu'il y a des gens qui vont en subir les conséquences: ce sont les jeunes. Ce sont eux qui vont avoir à prendre la relève après, mais regardons dans quel état.

Personnellement, je pense qu'il faut regarder tout le contexte de ce genre de discussions. Si on se met sur le terrain de la négociation, on est prêt à l'avoir, mais on ne veut pas - et on l'a toujours dit - se faire répondre sur le fond du dossier par des considérations mathématiques qui reposent sur des chiffres qui ne sont même pas exacts, si on consulte les données du ministère.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): M. le

Président, je voudrais d'abord donner mon appréciation...

M. Ryan: ...

Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais en aucune façon qu'on allonge le temps, M. le député d'Argenteuil. Vous avez d'autres intervenants qui pourraient faire les correctifs qui s'imposent.

M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): M. le Président, je voudrais donner mon appréciation du mémoire qui a été déposé devant les membres de la commission parlementaire par les représentants de la CEQ. Cela m'amènera, par la suite, à parler d'un problème qui a été un peu mis en lumière hier, à tort ou à raison. Il s'agira, pour l'ensemble des membres de la commission parlementaire et pour la population qui nous regarde, de l'apprécier: c'est celui de la qualité de l'information. Le document qui est devant nous, M. le Président, a au moins le grand avantage de se référer à des textes plutôt qu'à des appréciations vagues ou à des slogans qui pourraient, bien sûr, retenir l'attention, mais qui pourraient aussi risquer de nous éloigner de la vérité.

Pour chacun des points, la CEQ a eu le même traitement, c'est-à-dire qu'elle a pris ce qui a valeur de loi actuellement, ce qui a valeur de convention collective actuellement, ce que le Parlement a voté dernièrement, c'est-à-dire le contenu des décrets de la loi no 105. La CEQ nous a présenté dans son mémoire ce qui existe actuellement dans la convention collective de 1979-1982 et, comme elle défend le statu quo, donc, ce qu'elle désirerait qu'on continue à appliquer.

M. le Président, est-ce que je peux la régler une fois pour toutes, cette question-là, avec le whip? Chaque fois que j'interviens, le whip vous éperonne pour savoir si j'ai vraiment le droit de parler dans ce Parlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie, vous avez la parole.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): C'est tannant, M. le Président, chaque fois que je parle, le whip intervient.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, vous avez la parole.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): Chaque fois que je parle...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, vous avez la parole.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): ...c'est de la mesquinerie.

Le Président (M. Jolivet): Gardez-la, M. le député.

M. Brassard: Ce n'est pas de la mesquinerie, M. le Président. C'est tout simplement parce que je vous demandais si le principe de l'alternance s'appliquait en commission parlementaire.

Le Président (M. Jolivet): Ce que j'ai répondu, c'est qu'il y avait un premier tour de table et, après, l'alternance. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): M. le Président, sur cette question de règlement que vient de soulever...

M. Brassard: Si l'alternance s'applique, il y a deux députés de l'Opposition qui prennent la parole successivement.

Le Président (M. Jolivet): M. le whip, s'il vous plaît!

M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): M. le Président, je pense qu'il est temps qu'on la règle, et c'est une question de règlement, dans le fond, qu'a soulevée le whip. Je vais répondre à cette question de règlement, si vous me le permettez, M. le Président, ce qui ne sera pas compris dans le temps de mon intervention.

Il est vrai que notre procédure prenait une alternance et que l'alternance a toujours été interprétée par la présidence dans le sens du pour et du contre: un pour, un contre; donc, un ministériel et un de l'Opposition. Il est vrai aussi, M. le Président, que, depuis un certain temps, je suis de l'Opposition.

Par ailleurs, nous sommes en commission parlementaire qui entend des témoins. Est-ce qu'il s'agit de savoir si nous sommes pour ou contre les témoins? Est-ce qu'écouter des témoins ou entendre des représentations, cela veut dire qu'on est pour ou contre le gouvernement, selon que les témoins sont du côté du gouvernement ou contre le gouvernement? Il me semble que, dans le cas de la commission parlementaire qui nous préoccupe, le genre d'alternance dont parle le whip ne s'applique pas. Il ne s'agit pas, pour l'instant, d'être pour ou contre quelqu'un ou pour ou contre un projet qui serait devant nous. Il s'agit d'écouter des témoins et de réagir à ces témoignages. C'est dans ce sens-là que je trouve que les interventions du whip sont non seulement agaçantes, harassantes, harcelantes, mais déplacées.

Je reprends mon intervention.

M. Brassard: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le whip.

M. Brassard: ...sur la question de règlement. Vous avez soulevé une question de règlement, M. le député de Sainte-Marie. L'alternance dont il est question ne s'applique pas au fond des questions ou des sujets qui sont discutés. L'alternance va d'un député ou un ministre appartenant au parti ministériel à un député appartenant à l'Opposition. C'est le député d'Argenteuil qui avait la parole tout à l'heure. Vous l'avez accordée, M. le Président, au député de Sainte-Marie. Cela veut dire qu'il y a deux députés de l'Opposition qui parlent successivement. C'est tout ce que je voulais dire.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): Tout à l'heure, on lui demandera de vérifier les décisions rendues par la présidence sur le sens du mot alternance, selon ce que je viens d'exprimer devant la commission parlementaire.

Je reprends donc mon intervention pour indiquer que le mémoire de la CEQ nous présente, d'une part, ce qui fait la loi actuellement, c'est-à-dire ce qui est contenu dans la loi 105 et, d'autre part, la convention de 1979-1982. À partir des textes mêmes, donc du contenu factuel, sans aucune interprétation de ce qu'il y a entre 1979-1982 et le décret, la CEQ essaie de nous démontrer les conséquences de l'application du décret par rapport à l'application du statu quo, c'est-à-dire de la convention de 1979-1982, non seulement dans ce que cela représente en termes de conditions de travail pour les enseignants, mais aussi en termes d'application et de qualité de l'enseignement dans nos écoles.

Je pense que c'est l'avantage de ce document-là pour nous parlementaires, si nous voulons aller un peu plus loin que le simple débat de savoir, si oui ou non, nous allons gagner, parce que nous avons déjà décidé. Dans ce sens-là, M. le Président, je pense que, par rapport à ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, c'est peut-être le mémoire qui est le plus précieux. Il y a, à l'intérieur de ce mémoire-là, des simulations de l'application du décret quant au nombre de périodes d'enseignement, au nombre d'élèves et au genre d'encadrement que cela permettrait si on appliquait le décret. Je pense qu'il sera plus intéressant de questionner la Fédération des commissions scolaires sur ces simulations. Je m'abstiendrai donc de commenter et de poser des questions sur les simulations qui ont été déposées pour la simple raison que ces simulations viennent des partenaires du gouvernement, des représentants de commissions scolaires. Je pense que c'est à eux qu'on pourra demander de nous réexpliquer ce qui était contenu dans ces simulations. Ce sont donc des documents qui sont à l'intérieur du document de la CEQ, mais qui émanent, dans le fond, des partenaires gouvernementaux. C'est donc à ceux-là qu'on pourra poser ces questions.

Le ministre des Finances a dit qu'il était, comme tous les ministres des Finances, bête et méchant. On peut convenir que le ministre des Finances est bête et méchant, mais on aura au moins le souci d'ajouter qu'on ne peut pas le taxer de malhonnêteté et qu'on ne peut pas non plus le taxer de mesquinerie. J'ai vu sa réaction à un des commentaires qui ont été apportés cet après-midi par un des représentants des cégeps lorsqu'il expliquait que, dans le décret des cégeps - le seul endroit où on retrouve ce genre de clause, c'est dans le décret des cégeps - la période est repoussée, autrement dit le droit à l'acquisition de la permanence est avancé de trois mois. J'ai vu le ministre des Finances poser la question immédiatement: Combien de personnes cela représenterait-il? On nous a répondu: Environ 400. Donc, 200 pour la moitié des syndicats et, en faisant une projection, on peut penser que cela représente 400 enseignants au cégep, selon ce qu'ils nous ont dit, mais c'est une approximation. (22 h 15)

On a mis dans le décret une clause -juste là - pour soustraire environ 400 enseignants à une permanence qu'ils auraient eue normalement, si on leur avait appliqué la même échéance qu'à tous les autres. Est-ce que ce n'est pas là une procédure mesquine? J'ai vu la réaction du ministre des Finances et j'ai compris qu'il ne voulait pas se plier à ce genre de procédé. La proposition qui a été mise devant nous par la CEQ nous permettrait peut-être d'aller au-delà de ce qu'il y a dans le décret et de sortir ces petites mesquineries qu'on retrouve dans le décret, tout en analysant de surcroît la position qui nous a été présentée sur le statu quo des conditions de travail par les professeurs.

Hier soir - cela m'amènera à poser trois questions par la suite aux représentants de la CEQ - il y a eu la présentation du cadre de règlement. Si je le dis, c'est que je me suis engagé à le faire aujourd'hui en commission parlementaire auprès de citoyens qui m'en ont parlé et qui ont réagi sur cette intervention d'hier soir. On a présenté, hier soir, le fait qu'à l'élémentaire il n'y aurait aucune mise en disponibilité et que, de surcroît, on ajouterait à l'élémentaire 600 enseignants spécialistes. Cela a été présenté par les sous-ministres qui sont venus témoigner devant la commission, mais c'était déjà inclus dans l'intervention du ministre qui avait déclaré, qu'il était prêt dans le fond, finalement, à appliquer le cadre de

règlement du 9 février. De là à penser pour le public qui écoutait qu'ils avaient été trompés dans l'information qu'ils avaient reçue, il n'y avait là qu'un pont et, effectivement, ils l'ont franchi. Il y a des enseignants qui se sont dits hier soir en écoutant: On ne nous avait pas dit cela comme cela. On ne nous avait pas présenté cela comme quelque chose de sûr. Il y a du public qui a dit: On a vu des annonces dans les journaux qui nous disaient qu'ils étaient pour couper les spécialistes à l'élémentaire. Donc la CEQ nous a trompés.

Aujourd'hui, on a eu - et je pense qu'on doit avoir l'honnêteté de reconnaître au moins cela - un certain nombre de mises au point à ce sujet. D'abord, il faudrait qu'on se rappelle qu'après le cadre de règlement du 9 février il y a eu une déclaration du ministre de l'Éducation, en Chambre, donc devant le Parlement, au moment de son discours de deuxième lecture sur la loi 111, où il a clairement exprimé que, comme le cadre de règlement avait été rejeté, il n'existait plus. C'était au moment du vote de la loi 111. Tant et aussi longtemps que le gouvernement dit: Voici un cadre de règlement; si vous ne l'acceptez pas, il n'existe plus, à partir de ce moment, cela ne doit pas faire partie de l'information qu'on véhicule.

J'ai donc demandé ce matin à la CEQ de me remettre - et j'aurais pu le faire faire par le service de recherche de l'Assemblée nationale - l'ensemble des messages publicitaires qui ont été publiés dans les journaux depuis le début par la CEQ. Je les ai ici; je pourrais les fournir à tous les parlementaires qui le désireront. On voit qu'effectivement dans les messages publicitaires, à deux endroits, il est question et il est dit que les spécialistes à l'élémentaire disparaîtront. Ces messages sont passés un, le 7 février et l'autre, le 9 février, donc avant le dépôt du cadre de règlement. Il y a un autre message publicitaire - et c'est le seul autre endroit dans tous les messages publicitaires où il en est question - qui est du 11 février, donc après le dépôt du cadre de règlement. Le message du 11 février dit: "La CEQ propose qu'on maintienne au primaire (...) et qu'on maintienne les spécialistes à l'élémentaire." Mais il n'est pas dit: "On nous les enlèvera." C'est dit: La CEQ propose qu'on maintienne cela. Cela est le 11 février, mais par la suite, il n'en est plus jamais question, sauf qu'hier on a eu maintenant la, garantie que c'était toujours présent.

Cela me ramène au document de l'Alliance de professeurs de Montréal qui a été cité par un député hier, mais partiellement, puisqu'il a donné seulement la première partie où on disait: Si c'est le décret qui s'applique, il n'y a pas de spécialistes à l'élémentaire. C'est clairement expliqué de quelle façon et pourquoi il y aurait une diminution d'enseignants à l'élémentaire. Mais on donne l'autre option: par ailleurs, si le cadre de règlement revient, voici ce que cela va donner. De l'autre côté, il y a l'évaluation et l'interprétation, ce que, je pense, n'importe quelle organisation a le droit, de faire.

Mettre en doute le genre d'information qui a été faite, c'est être malhonnête et c'est vouloir faire une diversion par rapport aux objectifs qu'on poursuit. Je pense qu'on se devait de faire cette rectification.

Par ailleurs, je veux souligner une chose. Quand on parle de la qualité de l'information, il faut toujours regarder ce qui est donné comme information plutôt que ce qui est reçu. Si je dis une phrase à 10 000 personnes, il est fort possible qu'il y en ait peut-être une dizaine ou une quinzaine qui ne comprendront pas ce que j'ai dit et qui répéteront l'information que j'ai donnée de façon différente. Mais je ne suis pas responsable de la mauvaise interprétation ou de l'application qui est faite d'une information qui a été mal comprise.

De la même façon, les députés ne sont sûrement pas responsables de l'information qu'ils peuvent donner, par exemple, sur tous les décrets qu'ils ont votés au moment où ils ont voté la loi 105. Je suis convaincu que tous les députés de l'Assemblée nationale, après avoir voté la loi 105, étaient tous capables, le lendemain matin, de se présenter devant n'importe quelle assemblée et d'informer tous les citoyens de l'ensemble du contenu de tous les décrets qu'allègrement nous avions votés la veille. Il me semble que, comme parlementaires, lorsqu'on se permet de voter 80 000 pages sans les lire, on devrait au moins éviter de reprocher à quelqu'un de ne pas avoir mis la virgule à la bonne place ou encore d'avoir dépassé d'une journée un message publicitaire et surtout éviter de souligner le fait que le message publicitaire avait changé de forme et d'allure.

Un autre type d'information qui a été véhiculé, y compris à l'Assemblée nationale, c'est que, depuis qu'il y avait des négociations dans les secteurs public et parapublic, jamais on n'avait été capable de s'entendre, toujours cela avait débloqué sur des affrontements. Or, aujourd'hui dans le mémoire de la CEQ, je trouve la phrase: là, cela m'a forcé à y repenser; j'ai effectivement fait le tour et c'est exactement cela - Sur cinq négociations, trois signatures. Donc, deux endroits où, effectivement, il y a des décrets, mais trois endroits où on signe des conventions collectives. Le ministre des Finances, tout bête et méchant qu'il soit - mais on sait qu'il se laisse emporter aussi par sa faconde et la façon agréable qu'il a de raconter les choses - nous a dit à un moment donné:

Quand on négociait localement, les grèves chez les enseignants duraient deux ou trois mois et, quand on négociait localement en plus, ces pauvres petites commissions scolaires avaient les mains liées, se sentaient brimées. J'espère qu'on posera la question à la Fédération des commissions scolaires. Je trouve que c'est un drôle de jugement qui a été porté sur elles.

Je voudrais terminer en vous signalant, cependant, que ce n'est pas vrai qu'il y a eu des grèves de deux ou trois mois. La plus longue chez les enseignants, à ma connaissance, a été de cinq semaines. C'était à l'Alliance des professeurs de Montréal. Il me semble que cela a été la plus longue. Je tiens aussi à dire au ministre des Finances que, lorsqu'il y a eu des conflits locaux qui ont duré un certain temps, le Parlement est intervenu. C'étaient les Vieilles-Forges, il n'y a pas longtemps. Il y a eu une loi spéciale du Parlement pour une grève locale.

Je termine avec trois questions aux représentants de la CEQ. Première question -je pense que le président Bisaillon a essayé un peu d'y répondre tantôt - je voudrais avoir plus de précisions et savoir jusqu'à quel point la CEQ avait des données sur les 335 $ qu'on peut imputer aux enseignants quant aux coûts additionnels. Je voudrais savoir aussi quels étaient les pourcentages au niveau de la CEQ dans son ensemble. Il y a eu des assemblées où les enseignants ont voté sur le contenu du cadre de règlement. On dit dans votre mémoire que cela a été refusé à 87%. J'aimerais savoir quel était le pourcentage de présence des enseignants à ces assemblées par rapport à l'ensemble des membres. Dernière question... S'il vous plaît, répondez à ces deux questions et je vous poserai la dernière tout de suite après, s'il reste du temps.

Le Président (M. Jolivet): M. Bisaillon ou M. Charbonneau? M. Bisaillon.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): Je viens de finir, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): C'est l'autre M. Bisaillon

M. Bisaillon (Robert): Les données sur les 335 $, je suis obligé de vous dire qu'on ne les a pas, comme j'imagine vous ne les avez pas, vous, non plus. On aimerait cela les avoir, à la condition que les données soient les mêmes dans les différents documents.

Le Président (M. Jolivet): Sur l'autre partie de question, je pense.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): M. le Président, je crois....

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): Merci. J'ai trouvé la troisième question que j'avais à poser. Dans votre mémoire, vous indiquez qu'à un moment donné vous avez proposé un élargissement de la sécurité d'emploi; j'ai compris que vous étiez prêts à étendre le territoire où cela devait se situer. Je sais qu'en 1972 il y avait une clause qui s'appliquait à la sécurité d'emploi, qui était une clause intersectorielle, c'est-à-dire où le personnel de la fonction publique et parapublique qui était mis en disponsibilité pouvait être utilisé de façon intersectorielle, c'est-à-dire, par exemple, ou bien dans la fonction publique, ou bien dans le secteur des affaires sociales. Cette clause n'existe plus. Je voudrais savoir à quel moment elle est disparue et pourquoi elle est disparue, parce que, l'élargissement, cela fait partie aussi de l'utilisation des ressources humaines, et pour un gouvernement, il y a beaucoup de fonds à aller chercher juste par l'utilisation totale des ressources humaines. Avez-vous déjà envisagé l'élargissement intersectoriel quant au personnel mis en disponibilité?

Le Président (M. Jolivet): M. Bisaillon.

M. Bisaillon (Robert): Sur l'élargissement intersectoriel, faut-il rappeler que, dans la mesure où on coupe dans tous les secteurs, c'est assez difficile, quand on est en disponibilité, d'aller chercher un poste qui n'existe plus ailleurs. Sauf que ce avec quoi on est d'accord comme ouverture, ce sont des prêts de services qui permettent le lien d'emploi avec la commission scolaire dans un certain rayon si, effectivement, il y a un poste vacant qui ne peut pas être comblé à l'intérieur de ce secteur-là.

M. Bisaillon (Sainte-Marie): J'ai compris que le prêt de services dans votre mémoire s'appliquait uniquement aux commissions scolaires. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Bisaillon (Robert): Oui, sauf que, durant l'application de la présente convention collective - je suis un peu nostalgique - celle de 1979-1982, il y a eu des prêts de services dans différents ministères. Cela a occasionné certains problèmes dans la mesure où les droits n'étaient pas prévus dans les conventions collectives. C'est le problème qu'on a avec toutes les mesures dites de résorption qui, en elles-mêmes, permettaient à des gens d'aller occuper des fonctions dans d'autres secteurs, sauf qu'on ne donne aucune garantie quant aux droits des gens en vertu de leur propre convention collective. C'est pour cela qu'on a toujours dit qu'au-delà d'une liste de mesures, à laquelle, d'ailleurs, on pourrait en ajouter dix ou douze, ce qui

est important, c'est la protection des droits des individus lorsqu'ils vont occuper un poste ailleurs. Là-dessus, on a une énumération seulement.

Le Président (M. Jolivet): M.

Charbonneau, pour la dernière partie.

M. Charbonneau (Yvon): Pour ce qui est de la question de la participation à certains votes, si j'ai bien compris, le 11 février, nous avons organisé un scrutin parmi nos membres sur ce qu'on appelle le réaménagement du cadre de règlement. C'est un vote qui s'est pris dans les syndicats de la CEQ et aussi chez les protestants et les anglo-catholiques. Le potentiel de la participation était de 67 950 et 42 530 personnes ont participé au vote, ce qui donne un pourcentage de 63% de participation. Au niveau du résultat, 87% des personnes qui ont participé au vote se sont prononcées contre le réaménagement en question.

Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour informer la commission de la participation au vote concernant la poursuite de la grève malgré la loi 111. Le 16 février, 47 463 personnes ont participé au vote sur un potentiel, cette fois-là, de 66 433, ce qui fait une participation de 71%, et 64,5% de ceux qui ont participé au vote ont exprimé leur intention de poursuivre la grève malgré la loi 111. Sur ces deux votes, avec participation dans un cas à 63% et dans l'autre à 73%, j'ai entendu certaines personnes, telles que le chef du gouvernement, dire que la participation n'était pas forte dans nos assemblées, que ce n'était pas suffisant. Je vais vous donner un troisième exemple: le 20 février, quand nous avons pris un vote sur la trêve, il y a 28 000 personnes sur 56 000 qui se sont présentées dans les salles, ce qui fait un pourcentage de participation de 51%. La trêve a été acceptée à 85%. Je n'ai entendu aucun commentaire de la part du premier ministre sur le niveau de participation à ce vote. Alors, selon que le résultat plaît ou déplaît à la partie gouvernementale, il s'arroge la possibilité de faire des commentaires sur le niveau de participation. Or, nous avons eu d'excellents niveaux de participation sur les votes les plus cruciaux. (22 h 30)

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre délégué à la Réforme administrative et président du Conseil du trésor.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je ne contesterai pas la légitimité et la validité des mandats que le président de la CEQ a pu obtenir de ses membres, mais j'essaierai d'ouvrir un certain horizon parce que, depuis deux jours, nous discutons souvent de clauses très techniques dans le domaine de l'éducation où peut-être seuls des spécialistes peuvent s'y retrouver. Beaucoup de nos concitoyens doivent parfois s'interroger, justement, sur un système d'éducation fait pour des enfants et que, finalement, relativement peu de gens arrivent à comprendre et à maîtriser.

Je pense que, à plusieurs reprises, on a invoqué la question du cadre financier qui bloquait un règlement. Je dois dire que ce cadre financier est autre chose qu'une arithmétique de chiffres, ce sont également des réalités humaines. J'aimerais peut-être ouvrir le débat à ce niveau, parce qu'il m'apparaît aussi fondamental.

Ce qui m'a frappé dans cette ronde de négociations - si on veut l'appeler ainsi -c'est qu'il n'a été à peu près pas possible de discuter de faits, de réalités, de changements de mentalités qui étaient peut-être nécessaires à cause d'une crise réelle qui nous touchait. On n'a pas pu aborder cette question. Lorsqu'on se pique d'effectuer une étude de salaires pour essayer de mesurer quel niveau de rémunération nous offrons à nos employés comparé avec ce qui peut s'offrir ailleurs de comparable, immédiatement on est taxé de mépris, que cela équivaut à accuser les employés du secteur public d'exploitation. Ou encore, s'il s'agit de comparer des tâches, alors là, de nouveau, évidemment, première accusation: on accuse les employés du secteur public de ne pas travailler. La simple volonté de connaître la réalité, ce que cela coûte à nos concitoyens est automatiquement taxée d'une façon ou de l'autre. On trouve le moyen d'y ajouter à peu près n'importe quel qualificatif et, à un moment donné, il n'y a plus aucun lien entre ce qui a été dit publiquement et ce qui est repris dans une propagande, normale sans doute, dans une ronde de négociations.

Ce qu'on vit dans notre société, j'ai peut-être eu la chance de le vivre il y a une semaine quand j'ai eu le plaisir de recevoir une délégation d'enseignants de la CEQ, chaleureuse, un peu bruyante disons, mais correcte, qui s'est retrouvée dans mon bureau en compagnie, hélas! d'une soixantaine de travailleurs en chômage dont l'usine est fermée et qui venaient demander une subvention spéciale du gouvernement pour la rouvrir. Parce que, quand cela fait un an et demi, il n'y a plus de chômage, il n'y a que l'aide sociale; quand vous avez une "débardeuse", des camions sur lesquels vous avez des paiements, c'est votre gagne-pain qui est menacé. On a eu droit à une confrontation intéressante de ce qu'est la crise au Québec. Je dois vous avouer qu'il y a des gens qui étaient dans mon bureau qui trouvaient que les 30 minutes d'enseignement de plus par jour... Il y a quelque chose qui ne passait pas, ils ne comprenaient pas. Eux, c'était leur gagne-pain, c'était leur famille. Il y a eu quelques échanges intéressants.

Quand on nous parle d'un cadre financier qui bloque un règlement, qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire 100 000 travailleurs, cette année, qui se retrouvent à l'aide sociale. C'est cela, un cadre financier; ce n'est pas autre chose. Cela veut dire que l'aide sociale, en trois ans, nous coûte 600 000 000 $ de plus. C'est cela, un cadre financier; ce n'est pas autre chose. Ce sont des travailleurs et des travailleuses qui ont épuisé leur assurance-chômage et qui n'ont pas d'autre ressource que l'aide sociale pour survivre et permettre à leur famille de survivre. On ne l'a jamais abordé sous cet angle. Ce sont aussi des jeunes sans travail qui retournent à l'école. On nous a souligné à quel point la clientèle croissait à l'école et les étudiants demandent des bourses. Quand on parle d'un cadre financier, ce sont les jeunes, mais ce sont aussi 88 000 000 $ de plus en trois ans pour le programme de prêts et bourses. C'est cela, un cadre financier. C'est un ensemble de chiffres qui cache une réalité. Cette réalité, on l'oublie. On ne se rend pas compte que gouverner, c'est décider où l'on va mettre l'argent qui est disponible, rien d'autre. Cette question de fonds n'a jamais été abordée.

La société québécoise est une société qui paye déjà plus d'impôt qu'ailleurs. Nous sommes une province à l'intérieur d'un système économique où le capital est mobile, où les entreprises sont mobiles, où les cadres sont mobiles. Vous ne pouvez pas avoir une différence de taxation à ce point élevée qu'éventuellement les gens doivent quitter. On le sait à quel point les gens peuvent être mobiles. D'ailleurs, on vient d'avoir des chiffres de Statistique Canada cette semaine, nous parlant du départ des anglophones, à titre d'exemple. On sait ce que veut dire une mobilité.

C'est donc une société qui paye trop d'impôt, mais aussi, quand une crise économique comme celle-ci nous frappe, ça veut dire aussi des gens qui ne paient plus d'impôt, ça veut dire un déficit plus élevé pour maintenir les services existants. Un déficit plus élevé, ça veut dire, par exemple, en trois ans, un service de la dette qui augmente de 1 300 000 000 $; pour ça, on n'a rien eu à faire. Il ne s'agit pas du développement de nouvelles activités, non, pas du tout. Il s'agit, tout simplement, de la facture qu'envoie la société québécoise lors d'une crise économique. Quand on aborde ce sujet, on s'empresse de changer de propos parce que ça fatigue. Derrière un cadre financier qui bloque un règlement, il y a du monde mal pris; il faudrait peut-être se le rappeler, parce que les choix que l'on fait vont avoir un impact sur des gens à côté.

C'est faux de penser qu'en ajoutant 120 000 000 $ à une place on ne devra pas les prendre ailleurs. Il y aura nécessairement un impact ailleurs. Cet après-midi, avec son jeu de blocs, le président de la CEQ a voulu exprimer ce qu'il allait perdre. C'est vrai que nous demandons beaucoup aux employés de l'État, on ne pourra jamais le cacher. Mais la vraie question qu'il faut aussi poser, comme elle est réelle: Est-ce que la société québécoise demande plus à ses employés que ce qu'elle est obligée d'encaisser elle-même? C'est une bonne question à poser. Elle est pertinente aussi. La réponse à cette question est peut-être la clef du conflit qui nous oppose.

On nous a parlé du régime de retraite à l'intérieur duquel on a sabré et qui nous a permis d'aller chercher 1 000 000 000 $ dans les coffres des membres de la CEQ. En dépit de cette coupure sombre dont on a parlé, on s'imaginerait que le coût des régimes de retraite a dû baisser. Mais non. L'année dernière, en dépit de la loi 68, il y a eu accroissement de 8,5% des coûts. Vous allez me dire: Parce que la politique ne s'est pas appliquée sur toute l'année. Cette année, dans la préparation du budget, le coût des régimes de retraite va augmenter de 14%. Il n'y a pas de diminution du coût. J'admets que ça n'augmentera pas au rythme de 24% et de 27%. Mais si l'on n'a pas les moyens de les payer les 27%: Cela aussi, c'est une réalité. Peut-être qu'on devrait se poser la question.

C'est vrai que ce que nous demandons aux employés de l'État est important. Ce qui leur reste n'est pas, non plus, négligeable. On parlait d'une perte de 1 000 000 000 $ de salaires. On est tous obnubilés par la loi 70 qui a appliqué une récupération de 20% pendant trois mois sur les salaires des employés du secteur public. Soulignons en passant, d'ailleurs, que, pour les plus petits salariés, ça n'a pas été le cas.

Une autre réalité aussi - ce n'est pas déformer les chiffres - consiste à regarder quel était le salaire gagné par les employés du secteur public pendant toute l'année qui a précédé le 30 juin 1982. Pendant toute une année, ils ont eu le même salaire. Si je regarde quel est le salaire moyen, le revenu moyen qu'ils gagneront du 30 juin 1982 au 30 juin 1983, après être passés par les lois 70, 105, et autres, est-ce qu'il y a une baisse? Ah, non! Il y a 6% de coûts salariaux supplémentaires. Les employés du secteur public vont coûter plus cher à la collectivité que ce qu'ils coûtaient l'année dernière, en dépit de toutes les lois 70 qu'on voudra invoquer.

Évidemment, je comprends que, par rapport à ce que l'on attendait, il y a une baisse. Bien oui! Mais, par rapport à nos expectatives à tous, il a fallu reculer. Ce n'est pas différent pour eux que pour le reste de la société. C'est une question qu'il faut se poser. On ne se la pose pas assez. On oublie ce qu'on a exigé de nos cadres qui, eux, sont complètement gelés. Il y a

même des cadres à l'éducation qui se plaignent de baisser de salaire. Réellement: Ils sont probablement les seuls au Québec. Je pense qu'il ne faudrait pas oublier une chose, quand on parle de cette augmentation réelle de 6%, car l'augmentation du coût de la masse salariale est de 6%. Eh bien, par rapport à une inflation de 9%, c'est vrai que c'est moins que l'inflation. Je ne le nie pas. Mais je tiens compte aussi qu'en 1980-1981 il y avait 12,5% d'augmentation et qu'en 1981-1982 il y avait 16,8% d'augmentation. Je tiens compte aussi que les employés du secteur public étaient mieux rémunérés que ceux du secteur privé à tâche comparable. Je tiens compte de cela aussi en prenant la décision.

On a eu une longue discussion sur les salaires. La CEQ nous a distribué un tableau sur les salaires. Malheureusement, nous n'avions pas de dates comme telles et de méthode de comparaison. Alors, j'ai fait distribuer un autre tableau qui va vous donner sensiblement la même conclusion. De fait, le sous-ministre du ministère de l'Éducation, hier, a bien souligné que toutes les études que nous avions indiquaient qu'en ce moment sans doute, si on prenait une catégorie bien payée, soit la catégorie supérieure, comme échelle salariale, avec 16 ou 17 années de scolarité, effectivement, oui, il y avait à peu près une différence de 1000 $, 1500 $, entre les enseignants du Québec et ceux de l'Ontario, que ceux de l'Ontario étaient mieux payés. On n'a pas nié cela. On l'a dit.

Tantôt, on a tenté de détruire la crédibilité d'une étude parce que l'auteur avait eu l'honnêteté de dire que, faire une étude par niveaux était difficile. C'est la raison pour laquelle l'auteur n'a pas distingué entre l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire. On sait à quel point ces deux niveaux sont reliés entre eux et qu'il est très difficile de les séparer. Il l'a dit. M. Bisaillon a utilisé cet argument pour tenter de jeter le discrédit sur l'étude de manière à ne pas avoir à vivre avec une réalité. Il aurait pu être plus utile de s'asseoir ' et de regarder les chiffres ensemble, de faire la réflexion. Si les chiffres avaient été non fondés, on l'aurait su. Non! On a préféré se braquer, ne pas vouloir prendre de chance que l'étude aille contre ses intérêts et, par conséquent, on préfère aujourd'hui, alors que cette étude est publique depuis longtemps, tenter de la discréditer.

La réalité de cette étude nous dit qu'il y a effectivement un écart. Sur 652 $, il y a 335 $ associés au salaire des enseignants. On a invoqué tantôt que le sous-ministre du ministère de l'Éducation n'avait pas, dans les totaux qu'il avait donnés, permis de comptabiliser le total de 652 $. C'est vrai. Il a donné les principaux postes. Il n'a pas donné les autres postes. Mais, comme l'étude est publique, vous l'avez. Vous avez les principaux postes. Vous savez très bien que le total donne bien 652 $, sauf que, par vos petites phrases tendant à discréditer une étude, vous jetez le doute dans l'esprit des gens. Et vous vous posez la question: Pourquoi cela monte à 782 $?

Essentiellement à cause du coût de la sécurité d'emploi nettement plus élevé en 1980-1981 et que l'on comptabilise séparément des salaires des enseignants. C'est ce qui explique en bonne partie la croissance des coûts.

Eh bien, si les salaire des enseignants au Québec sont inférieurs à ceux de l'Ontario et qu'on trouve que la masse salariale par enfant à l'école nous coûte 400 $ plus cher ou 350 $ plus cher, il doit bien y avoir une raison. Si les salaires sont inférieurs et que la masse salariale coûte plus cher, c'est sans doute qu'on a plus d'enseignants pour faire le même travail et que le problème de comparaison entre notre système d'éducation et celui de l'Ontario est essentiellement un problème de tâche. Lorsque le président de la CEQ nous dit, bien généreusement: Oubliez cet écart qui existe entre le système ontarien et le système québécois, mettez les petits 475 000 000 $ dans la balance, essentiellement, ce qu'il nous dit, c'est: Maintenez un système d'éducation qui, toute comparaison faite, est plus coûteux qu'un système comparable en Ontario pour éduquer les jeunes Ontariens. C'est vrai qu'on demande un effort aux enseignants, mais les enseignants ne sont pas plus mal traités. (22 h 45)

J'ai un tableau que je voulais laisser également à l'intention de cette commission - j'ai dû le perdre quelque part, le voilà -un tableau où j'ai fait l'historique des compressions sur 1981, 1982 et 1983 pour bien montrer que tout le monde au Québec avait fait un effort dans tous les secteurs. Dans le réseau des affaires sociales, c'est vrai que ce que nous exigeons en 1983-1984 est beaucoup plus faible, autour de 0,5% de compression du budget - c'est peu, ce sera encore moins dans les années futures - pour un total d'à peu près 8%.

Si j'examine ce qui a été demandé à l'éducation, je me rends compte que, si je ne devais pas appliquer de compressions en 1983-1984, si je devais dire oui à la demande de la CEQ, l'effort de compression serait essentiellement de 3,7%, alors qu'on a demandé 8% dans le réseau des affaires sociales - les 8% ont été livrés - que dans les ministères, les compressions ont atteint 12,5% depuis trois ans et qu'elles vont continuer. C'est la seule solution à un problème où les revenus de nos concitoyens ne leur permettent pas de supporter des hausses d'impôt.

Sans ces compressions qui ont représenté 1 500 000 000 $ au cours des deux dernières années, auxquels on ajoute 500 000 000 $ en salaires avec la loi no 70 et autres, auxquels on ajoute les augmentations d'impôt de 1 000 000 000 $ n'avaient pas été faites, le déficit du Québec serait à 6 000 000 000 $. C'est cela, la réalité. Et dois-je vous souligner que le service de la dette, en trois ans, a augmenté de presque 1 300 000 000 $ et que reporter à plus tard la nécessité absolue de ramener les dépenses en ligne, c'est tout simplement encaisser un déficit additionnel qui se traduit par un service de la dette additionnel qui exerce encore plus de pressions sur l'ensemble des dépenses et qui oblige encore à plus de compressions.

Nous avons des priorités comme société. Je vais vous en citer quelques-unes. On citait récemment dans les journaux: Remarquable performance de création d'emplois dans le secteur agricole qui est un des seuls secteurs à bien traverser la crise actuellement. C'est vrai. Il y a un ensemble de politiques qui ont fait en sorte qu'on a accru l'autosuffisance dans le domaine alimentaire au Québec pour atteindre 60%. Il faut aller à 70% maintenant. Il faut injecter de l'argent là-dedans. On sait aussi que l'activité minière, qui contribue en très bonne partie à notre niveau de vie grâce à l'exportation de métaux raffinés, ne découvre pas de gisements au rythme où elle exploite les gisements actuels. Par conséquent, nous nous dirigeons rapidement vers l'extinction de cette industrie. Lorsque cette industrie sera disparue, il n'y aura pas cette ressource pour assurer le type de salaire ou le type de conditions de travail qu'on voudrait avoir dans le secteur public. Il y a de l'argent à mettre dans le domaine de l'exploration.

Je pourrais vous parler de la modernisation de notre industrie. Tantôt, on parlait d'un coût de 750 $ de plus par étudiant au Québec. Pour 1 000 000 d'enfants, cela fait 750 000 000 $. 750 000 000 $ c'est 75 centres industriels comme le Centre de recherche industrielle du Québec. Si nous avions ces 75 centres de recherche depuis 10 ans, aurait-on le même indice de chômage actuellement? Est-ce qu'on aurait la même situation économique? Voilà des choix politiques que nous avons à prendre. II y a aussi un effort majeur à entreprendre pour les jeunes. C'est réel. Des programmes de soutien d'emploi, des programmes de retour à l'école, il y a de l'argent à mettre là. Toute la marge de manoeuvre que je viens de vous décrire, c'est ce que nous demande la CEQ. 120 000 000 $ par année, c'est cela la marge de manoeuvre. Essentiellement, ce qu'on nous dit c'est: Donnez-le-nous, ils n'en ont pas besoin. C'est cela qu'on a de la difficulté à accepter.

Ce soir, vous nous dites: Nous acceptons votre politique salariale. Après quatre lois, comme le dit le député d'Argenteuil, 68, 70, 105 et 111. C'est après dix mois de débats douloureux. Ce matin, on nous a expliqué pourquoi depuis sept mois on n'avait pas pu négocier en nous disant que, dans les conditions, ils ne pouvaient pas aller chercher de mandat. On n'a pas pu réfléchir aux questions de qualité d'éducation auxquelles on aurait peut-être dû penser et desquelles on aurait peut-être dû discuter pendant ces sept mois. Aujourd'hui, on nous propose de reprendre la négociation. Je n'ai pas d'objection. Au contraire. Je regarde le passé et, à plusieurs reprises - peut-être parce qu'on se sent un peu mal à l'aise - on a tenu à insister sur le fait qu'on avait signé des conventions. Oui, c'est vrai, on a signé des conventions. En 1968, il y a eu trois semaines de grève. Il y a eu une loi. Au printemps 1971, il y a une grève illégale qui a été réglée trois ans plus tard. En 1971, il y a la loi 46, il y a la loi 19, il y a la loi 53 et un décret. Je pourrais également parler de la négociation de 1966, de la négociation de 1975, et de 1971 où, chaque fois, il y a une grève de dix jours, douze jours, grève rotative, une qui a durée 11 jours, en 1979. Il n'y a pas une négociation qui a été possible avec la CEQ sans trouver le moyen d'imposer aux enfants du Québec une grève d'une semaine, deux semaines, trois semaines, chaque fois, quel que soit le gouvernement, quel que soit le parti politique. La question que je vous poserais, ce serait uniquement celle-là: est-ce qu'il est possible, dans l'avenir, de changer quelque chose à cela?

Le Président (M. Jolivet): M.

Charbonneau, en tenant compte que j'applique les dix minutes additionnelles.

M. Charbonneau (Yvon): Je crois que le ministre, président du Conseil du trésor, vient de donner en condensé une idée de sa performance depuis quelques mois, un peu plus d'un an en fait, que dure l'ensemble de ces débats. Est-ce qu'il est possible de changer quelque chose à cela? Et là, on joue dans les dates: 1971, il y avait une négociation qui s'est terminée à la fin de 1972; c'était le conflit de la classification. Si vous voulez qu'on en parle, on en parlera. Ce n'est pas une ronde de négociations du tout, c'est une manoeuvre de déclassification des enseignants qui a eu lieu à ce moment, contre laquelle il y a eu une résistance qui s'est organisée. Ce n'est pas une ronde de négociations, c'est une attaque qu'il y a eu de la part de ceux qui étaient à la gouverne et puis qui consistait à baisser les enseignants dans leur classification établie selon leur scolarité, en vue d'établir un autre

système. Cela a causé des problèmes. C'est tout simplement un acte de résistance de la part d'un groupe d'enseignants qui se sentaient lésés, mais qui l'étaient aussi face à des mesures qui surgissaient tout à coup comme cela entre deux négociations justement. On pourrait continuer à rectifier comme cela la lecture de l'histoire que fait rapidement ici le ministre. Grève de 1968... Remontez en 1950, cela en fera encore plus. Qu'est-ce que c'est cette histoire?

Changer de mentalité - on me pose cette question - est-ce qu'il sera possible d'évoluer et de trouver autre chose? J'entendais ce ministre et un autre ministre dire: Avec la CEQ, on ne peut jamais rien régler. Quand on leur en donne un petit peu, cela ne va pas et quand on leur en enlève, ils ne sont pas d'accord non plus. Mais qu'est-ce qui se passe cette fois? Si on veut parler des affaires pour le vrai, on parlera de cette fois-ci et cette fois-ci, cela s'adonne qu'on leur en enlève beaucoup, qu'on leur en demande beaucoup. Est-ce qu'il faudrait être d'accord cette fois-ci sans discuter? Est-ce qu'il faudrait être d'accord sur absolument tout ce qui est demandé? Une fois qu'on est d'accord sur les plus gros morceaux, comme je l'ai démontré à l'aide des "Bérubik", cet après-midi, est-ce qu'il faut être d'accord sur les moindres détails des volontés gouvernementales-patronales, sur les moindres détails? Même quand cela ne coûte rien? On est en mesure de faire la démonstration qu'une foule de droits qui sont récupérés où il n'y a même pas d'argent là-dedans. Est-ce qu'il faut être d'accord avec tout cela aussi?

On pense que c'est un peu déraisonnable de vouloir absolument toujours avoir raison sur tout. Je me rappelle ici un jugement que portait un éditorialiste du Devoir, le 26 novembre dernier, et je cite: "En demandant tout, tout de suite, le gouvernement se place évidemment dans la logique de l'imposition finale du décret." 2 décembre, même éditorialiste: "Le gouvernement se trouve donc enfermé dans sa stratégie. Il peut s'empresser de promulguer un décret - c'était après la rupture des négociations de la part du gouvernement - mais il aura de la difficulté à expliquer l'urgence. Le courage semble se confondre avec l'appétit à Québec." On pourrait trouver beaucoup de témoignages d'analystes de l'extérieur du mouvement syndical qui ont un peu le même sentiment que nous. On dit: Pouvons-nous changer de mentalité? Une mentalité comme celle que révèle l'intervention que nous avons entendue et qui consiste à chercher à opposer les catégories dans la société?

J'ai reçu dans mon bureau des chômeurs et des enseignants et il y a eu une discussion entre eux. Quelle était la conclusion de la discussion? J'aimerais bien cela le savoir. Quelle est la conclusion des regroupements de chômeurs quand ils regardent ce qui se passe aujourd'hui dans la lutte que nous menons? Je peux vous en donner une idée. Je peux vous donner une idée aussi de ce que pensent les regroupements d'assistés sociaux, justement, de la lutte que nous menons actuellement. Le 25 janvier, le front commun des assistés sociaux donne une conférence de presse. Selon lui, la devise du PQ, c'est: "Diviser pour mieux régner, pour mieux couper." "Les assistés sociaux refusent d'être utilisés pour justifier les coupures dans le secteur public et parapublic. Le front commun des assistés sociaux du Québec trouve important de rappeler à la population que le gouvernement se sert aussi des assistés sociaux pour renflouer ses coffres." J'ai une analyse de deux pages ici qui conclut en disant que "la lutte qui est menée actuellement dans le secteur public, c'est une lutte qui est indispensable pour eux qui sont des assistés sociaux."

J'ai un témoignage ici qui arrive du regroupement des chômeuses et chômeurs du Québec. En date du 16 janvier, ils ont adopté une résolution: "Le regroupement des chômeuses et chômeurs affirme son appui à la présente lutte de la CEQ. Cet appui se base sur notre droit à une éducation gratuite et de qualité, droit de plus en plus bafoué par les coupures du gouvernement, alors que la conjoncture économique commande un plus grand accès à l'éducation, entre autres, pour faciliter le recyclage des sans-emploi. Par ses luttes passées - je continue le message -la CEQ a démontré sa préoccupation d'améliorer les services éducatifs dans leur qualité, dans leur démocratisation et dans leur contenu. "Cet appui veut aussi souligner la nécessité pour les syndiqués du secteur public de récupérer leur droit de négocier des conditions de travail respectables et de maintenir les emplois, condition indispensable à l'accès à un enseignement de qualité. Notre appui se fonde aussi et surtout sur notre conscience que la crise actuelle ne doit pas se régler sur le dos des travailleuses et des travailleurs syndiqués, qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé, et que c'est uniquement par la solidarité entre les travailleuses et les travailleurs, syndiqués ou non, avec ou sans emploi, que nos solutions communes finiront un jour par être réalisées."

Cela, ce sont des organisations qui représentent les gens que vous avez rencontrés dans votre bureau. Elles les représentent et, quand ils se parlent au sein des organisations qui les concernent, chômeurs, assistés sociaux, c'est à ce genre de conclusions qu'ils arrivent.

Je pourrais vous citer aussi un message qui nous arrive, en date du 26 janvier, du

Conseil du sommet populaire de Montréal, qui regroupe 62 organisations populaires dont le but est de défendre les conditions de vie et les droits populaires, et qui disent leur appui à la lutte qui est menée actuellement par le front commun, à l'époque, du secteur public et qui disent aussi leur dénonciation de certaines mesures gouvernementales et des tentatives d'exploiter et de diviser les catégories sociales. (23 heures)

Je pense que ce sont des organisations responsables composées de citoyens et de citoyennes respectables, qui arrivent à d'autres conclusions, qui ont une autre mentalité que celle du ministre, des gens qui ont droit à leur point de vue aussi. Je crois que changer de mentalité, cela ne veut surtout pas dire adopter la mentalité que nous suggérerait le ministre ou le président du Conseil du trésor, qui consiste à diviser, à opposer, à antagoniser les rapports sociaux. Je pourrais citer encore d'autres textes. On a parlé de l'Ontario. Il y a plusieurs volets à l'intervention du ministre.

Je reçois une lettre - on parle souvent des enseignants en Ontario - des employés de la fonction publique de l'Ontario qui regroupe des enseignants en partie dans les collèges communautaires ontariens. Ils nous écrivent ici une lettre datée du 14 février: "Les enseignants des collèges communautaires ontariens, membres de notre syndicat, viennent de se voir imposer des augmentations maximales permises en vertu du programme de contrôle ontarien soit - ce n'est pas une piscine - 9% pour la période du 1er septembre 1982 au 31 août 1983, et 5% pour l'année suivante, sans amélioration des clauses normatives". Ils continuent en disant: "Ce règlement imposé, même s'il est inadéquat aux yeux de nos membres, semble généreux en comparaison des coupures auxquelles vos membres sont astreints".

Si on veut faire des comparaisons, on peut regarder les situations réelles. Quand on veut être positif, non pas seulement opposer les catégories, il faut regarder du côté des groupes qui établissent des liens entre eux dans une société. C'est de ce côté qu'il faut regarder, non pas les intérêts immédiats et jouer là-dessus, diviser la population. On peut peut-être gouverner avec cela, mais on ne dirige pas une société vers un horizon plus positif, un horizon de développement.

J'ai reçu d'autres lettres, M. le Président, et je terminerai là-dessous sans vous les lire, en rappelant leurs auteurs, cependant: Comité d'école des Compagnons de Cartier; Comité d'école Élizabeth-Turgeon, Saint-Pie-X, Rimouski; des gens, des citoyens qui demandent aux parties au conflit de retourner à la négociation et qui soulignent les problèmes majeurs que vont causer les décrets s'ils doivent être maintenus. La Commission scolaire régionale

Saint-François nous dit: Médiation, c'est cela qu'il nous faudrait. Nous pensons que si on veut parler de changement de mentalité, il faut regarder aussi l'ensemble des suggestions qui nous viennent de diverses catégories de citoyens et de citoyennes dans diverses organisations. Pas seulement regarder sa mentalité à soi et dire aux autres: Changez et devenez comme moi. Cela n'arrange absolument rien.

La mentalité dans le Québec a diverses formulations selon les organisations qui représentent le monde et, à mon avis, il y a beaucoup de positif qui nous arrive dans ces suggestions. Je n'ai pas encore entendu un ministre s'intéresser à ce genre de suggestion positive qui nous est fournie par de larges secteurs de la population.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci. Depuis le début des tractations ou de l'absence de négociation plutôt entre le gouvernement et les employés du secteur public ou parapublic, j'avais, par aveuglement ou naïveté, pensé qu'il s'agissait essentiellement d'un problème de relations du travail et que dans les relations du travail il n'y a généralement pas place pour la brutalité. On a entendu encore une fois ce soir des discours d'une certaine brutalité de la part du gouvernement qui s'ajoutent à la brutalité des lois exceptionnelles qui se sont succédé depuis le mois de juin dernier, qui ont donné lieu à de la brutalité ici aussi à l'endroit de nos institutions parlementaires. Je m'en voudrais de ne pas signaler qu'à mon sens c'était brutaliser cette commission et la tradition des débats qui doivent ordinairement avoir lieu ici, que de constater qu'un grand commis de l'État, sous-ministre de son état - n'en déplaise au ministre de l'Éducation - tenait un discours politique au point qu'on peut excuser les citoyens de s'être demandé de quel comté le porte-parole ministériel Girard pouvait bien être le député.

J'ajouterais, en l'occurrence, qu'on pourrait surtout les excuser d'avoir pensé qu'il s'agissait d'un ministre dans la mesure où c'est un silence assourdissant qu'on a entendu de la plupart des députés d'arrière-ban du côté ministériel durant tout le débat. J'entends le leader parlementaire ici, justement. Je m'en voudrais également de ne pas signaler son intervention à l'Assemblée nationale lorsqu'il requérait la suspension des règles au moyen d'une motion d'urgence, invoquant au soutien de ses arguments des lettres qu'il aurait reçues de ses électeurs réclamant une action de la part du gouvernement, des lettres d'électeurs signées nommément par des gens qui se disaient malades, dont les enfants auraient pu

recevoir l'aide sociale et qui, en conséquence, réclamaient une action de la part du gouvernement. C'est le genre de discours de division auquel on a eu droit.

Le ministre des Finances - comme c'est quand même, je pense, son habitude - a fait la preuve, tout en nous montrant avec beaucoup de panache ses dons de raconteur, que la société doit, à un moment donné, prendre un virage, ne serait-ce que pour des raisons budgétaires et financières. Cependant, il est manifeste que la vitesse du virage qu'on est en train d'imposer au char de l'État ou de toute façon aux employés de l'État est telle qu'il y a des choses qui vont voler par les fenêtres. On a cité comme début de ce virage déjà dans les discours du ministre des Finances les années 1979-1980. On a eu droit à plusieurs discours sur le budget successifs, à la suite de la convention de 1979, des discours triomphalistes de la part du ministre des Finances indiquant que, finalement, nous avions au Québec un gouvernement qui remettait de l'ordre dans le système de rémunération des employés du secteur public.

On a souligné, par ailleurs, que l'année 1979-1980 n'était pas une année de crise comme l'auraient laissé soupçonner les intervenants témoignant à la commission et on a également souligné, de la part du gouvernement, que l'Ontario existait aussi. Il me semble qu'on aurait pu aller plus loin et faire remarquer que l'Ontario avait commencé véritablement un virage des finances publiques quelque temps avant 1979-1980, ce qui permet maintenant à la province voisine d'affronter avec moins de difficultés que les Québécois la crise économique que nous connaissons. Il suffit de regarder la succession des budgets de la province voisine depuis cinq ans pour voir combien ils sont en contraste avec les résultats qui ont été largement documentés -toutes sortes de sources y concordent quant à l'évolution des finances publiques au Québec depuis quelques années.

Nous ne reviendrons pas là-dessus et on comprend que le gouvernement ne soit pas revenu là-dessus pour conclure son discours par la voix du ministre des Finances un peu plus tôt ce soir, par la question à l'endroit des travailleurs de l'enseignement:

Représentants de la CEQ, pourquoi voulez-vous donc une tâche plus légère qu'ailleurs, alors que tout le propos, essentiellement, qui précédait cette question, renforcé d'ailleurs par ce que le président du Conseil du trésor vient de dire, et plutôt que d'amener une question afin de savoir pourquoi vous ne voulez pas épouser une part de responsabilité pour la crise financière et budgétaire que nous traversons, parce qu'elle existe... Elle est réelle. Les tableaux que j'ai évoqués, les discours qu'on a tous entendus le démontrent, mais il me semble qu'il faut surtout se pencher vers l'avenir et voir si l'évolution des finances publiques, telle qu'on peut la connaître aujourd'hui de la part du gouvernement, laisse place à un discours qui est moins brutal, à une attitude qui manifeste quand même un minimum d'ouverture si on veut rétablir un climat dans un conflit qui est essentiellement un conflit humain de relations du travail.

Malheureusement, tout ce que nous avons pour l'avenir, ce sont des projections mécaniques. Si on remonte au discours sur le budget du mois de mai dernier et aux discussions qui ont eu lieu en commission parlementaire dans les journées et les semaines qui ont suivi, on pouvait découvrir qu'à la suite du sommet d'avril et à l'annonce, dans le fond, les lois 70 et 105, etc., s'en venaient, d'une façon ou d'une autre - à l'époque la vie était rose - que l'évolution des finances publiques permettait, pour les années se terminant au milieu de 1985, de conclure que le déficit du gouvernement du Québec était manifestement à la baisse et que les besoins financiers nets, les perspectives d'emprunt étaient beaucoup plus attrayantes dans la mesure où ils étaient moindres qu'autrefois. Sur une trame qui, toujours à la lumière des discours gouvernementaux, pouvait permettre le pire pessimisme, dans la mesure où l'économie du Québec avait cassé, à l'automne 1981, supposément - les chiffres l'ont confirmé depuis - alors que la situation économique du Québec se détériorait beaucoup plus vite que celle du reste du Canada. Il fallait donc faire quelque chose. Le quelque chose que le gouvernement avait retenu, devant lequel nous nous trouvons aujourd'hui, permettait à l'époque, le 25 mai et dans les semaines qui suivaient, lors de discussions toujours avec le ministre des Finances, de conclure que la vie était belle, que l'avenir était rose.

Le 9 décembre, survient le débat sur les décrets à l'occasion desquels nous découvrons tout à coup l'apocalypse pour 1984-1985, si rien n'est fait, parce que les revenus, en plus, même si le Québec a déjà connu le pire de la crise économique, sont à la baisse, selon le ministre des Finances qui ne se préoccupe pas d'expliquer - c'est un autre débat - la raison pour laquelle l'assiette fiscale du Québec est disparue, la raison pour laquelle l'effort fiscal des Québécois doit augmenter si les revenus de l'État doivent augmenter. On a donc des projections, toujours sur la foi des mêmes offres aux secteurs public et parapublic, mais tenant compte de nouvelles perspectives, sept mois après le 25 mai, qui laissent constater une apocalypse imminente.

Comment peut-on véritablement croire qu'en sept mois, les perspectives financières et fiscales du gouvernement du Québec soient devenues aussi extraordinaires qu'on ne sait même plus, à 2 000 000 000 $ près, ce

qui nous guette dans deux ou trois ans, au point de vue des équilibres budgétaires du gouvernement du Québec?

Il me semble que souligner, à la source même des documents donnés par le gouvernement, cet écart considérable dans des projections qui, traditionnellement, du moins depuis cinq ou six ans, n'ont pas été toutes fidèles à la réalité - comment ne pas conclure que les montants en jeu aujourd'hui, que l'ordre de grandeur de la loi 105 ou des discussions du 9 février, dans le fond, est relativement insignifiant, compte tenu du problème de fond des finances publiques que le ministre des Finances lui-même nous a exposé? - il me semble que souligner cela à la face de la population, c'est remettre véritablement sur la table des perspectives beaucoup plus optimistes. Il me semble que cela permet de constater qu'il y a de la place, sans chambarder tout le régime des relations du travail, dans le sens de la qualité des rapports qui existent entre le gouvernement et ses employés, pour de la manoeuvre, sur une période de temps quelconque, dans le sens où notre société doit évoluer pour s'ajuster à des véritables cassures qui remontent à une dizaine d'années au point de vue économique, dans la mesure où notre société doit faire ses ajustements et donc prendre des virages. Il y a une vitesse idéale, une vitesse optimale pour prendre ce virage comme société afin de minimiser les soubresauts, de minimiser les dérapages surtout en dehors de la voie.

Il me semble que le gouvernement persiste à faire prendre aux Québécois un virage à une vitesse qui est équivalente ou à peu près de celle avec laquelle le trait d'union arrive et ressort entre souveraineté et association, ou se déplace à la même vitesse que la droite et la gauche au sein du gouvernement. Il me semble, dans ce sens, s'il y a des perspectives simplement financières d'un certain optimisme à moyen ou à long terme - ce qui préoccupe rarement le gouvernement, autant que j'aie pu en juger depuis deux ans ici - qui existent du côté du gouvernement du Québec et de ses moyens, aussi limités fussent-ils, qu'il est légitime de demander - c'est la question que j'adresse aux représentants qui sont à la table - si on ne peut pas savoir, des représentants du secteur de l'enseignement, à quelle vitesse et surtout à quel moment ils comptent, eux aussi, amorcer avec les Québécois un virage qu'ils savent, eux, aussi devoir emprunter. (23 h 15)

Le Président (M. Jolivet): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Je crois que l'analyse du député de Vaudreuil-Soulanges comporte beaucoup de réalisme. À quelle vitesse, dans quelle mesure et à quel moment? Pour le moment, je pense qu'on ne peut pas se tromper énormément à partir de considérations sur la loi 68 et sur les lois 70 et 105. Même si cela peut avoir l'air de redire ou de revenir toujours aux mêmes réalités de base, je pense qu'il y a un corridor qui s'est dessiné depuis maintenant huit ou neuf mois et c'est ce corridor que nous devons visiter et revisiter dans ces débats puisque nous sommes au terme, peut-être, de ce cheminement. Ce corridor a été ponctué par la loi 68 sur les régimes de retraite, la loi 70. Justement ici, j'étais en train de voir quel effort a été demandé cette année, pour une année, parce que là, on a parlé de trois ans tout à l'heure pour la durée du décret, mais dans l'état actuel du dossier, pour ce que nous pouvons savoir des effets de la loi 70, on me dira que la loi 105 a légèrement corrigé, pour certaines catégories de salariés, la loi 70, mais pour les catégories que nous représentons, ça ne vaut même pas la peine de parler de corrections, il n'y a à peu près rien en termes de rajustement d'apporté par la loi 105 sur la loi 70.

Les dépenses salariales du gouvernement auraient été réduites de l'ordre de 406 000 000 $ en ce qui concerne les catégories que nous représentons, enseignants et professionnels.

Pour ce qui est de l'économie, chapitre des régimes de retraite, on peut certainement parler de 141 000 000 $. Je pourrais continuer à regarder certaines autres formes d'économie qui sont introduites par les décrets et essayer de les chiffrer, mais je pense qu'avec la démonstration que j'ai faite avant le souper, avant l'interruption, on peut déjà souligner que le virage est largement amorcé pour ce qui est de nos membres, pour ce qui est de notre organisation.

Le point qui résiste, le point qui reste, c'est le dernier 1%, comme disait tout à l'heure le ministre des Finances. Il faudrait virer à 100% avec le gouvernement pour éviter la loi 111, pour éviter des décrets, pour éviter tout ce qui nous est tombé dessus. Il nous a dit tout à l'heure: II reste 1% ou 0,5%, il faudrait prendre celui-là aussi.

C'est là le problème. S'ils ont réussi à nous entraîner dans un virage à 99,5% de leur objectif, est-ce qu'il faudrait absolument qu'ils viennent chercher le 0,5% qui reste pour que nous soyons de bons citoyens et de bons syndiqués comme ils nous aiment? Ils nous ont déjà reproché tout à l'heure d'avoir signé des conventions en certaines circonstances. Cette fois-ci, je crois que ce sont nos membres qui ne respecteraient pas leur organisation s'ils allaient encore aussi loin que le gouvernement nous le demande.

Je crois qu'il y a des éléments profonds de réponse derrière cela. Un cheminement

s'est fait, une prise de conscience, un syndicat, un groupe comme le nôtre fait partie d'une société et doit certainement en épouser certaines contraintes, mais de là à adopter sur-le-champ et à 100% la thèse du gouvernement, on pense qu'il devrait normalement y avoir une petite marge de manoeuvre.

L'examen des déficits projetés et des déficits réellement encourus des cinq ou six derniers budgets ou exercices financiers nous montre qu'il y a toujours un décalage de 5%, 10%, parfois plus et parfois moins entre ce qui est prévu au niveau d'un déficit et ce qui est réalisé. Comment peut-on être à ce point sûr au niveau du gouvernement, des finances publiques, que 80 000 000 $ deviennent l'objectif à tout prix à obtenir et que par la magie de ces 80 000 000 $ pour un an, 240 000 000 $ pour trois ans, les finances publiques du Québec se mettraient à fonctionner beaucoup mieux?

Déjà, c'est le président du Conseil du trésor qui en faisait la preuve tout à l'heure en additionnant des milliards, il dit: Par les récupérations que nous avons faites, nous avons réussi à éviter que le déficit soit de 6 000 000 000 $ mais plutôt de 3 000 000 000 $, où il se situerait, en principe, actuellement. Donc, il dit: Là, nous avons une ponction de 3 000 000 000 $. Il y aurait un problème parce qu'il reste 80 000 000 $ à aller chercher. On pense que ce n'est pas très raisonnable et que, pour peu qu'il y ait une marge de manoeuvre, une possibilité de négociation, il me semble que ce ne sont pas les 80 000 000 $ qui restent qui vont mettre le Québec en faillite, si on a déjà un déficit là où il se situe et si on a déjà consenti - c'est ma réponse à votre question - une démarche de l'ordre de 3 000 000 000 $.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: M. le Président, comme M. le président Charbonneau, je souhaite également la bienvenue aux élèves qui ont retrouvé leurs classes après les trois semaines d'absence forcée à cause de la grève des enseignants. Mais je souhaite également qu'ils y restent maintenant jusqu'à la fin de l'année et que leurs professeurs ne les abandonnent pas une autre fois.

Nous avons entendu, cet après-midi, un plaidoyer vigoureux, ferme, mais, malheureusement, toujours identique à lui-même, d'une année à l'autre, depuis quinze ans. En effet, la CEQ a toujours témoigné d'une opposition constante et soutenue à toutes les politiques et orientations du ministère de l'Éducation. À la dernière négociation, on attaquait le livre orange. Maintenant, on attaque le régime pédagogique qui en découle. On attaque la politique de la formation professionnelle qui n'est pas encore adoptée et dont on prévoit tout de suite, d'une façon tout à fait gratuite, d'ailleurs, qu'elle aura des effets catastrophiques sur la tâche des enseignants.

La CEQ, pas pour la première fois, s'en donne à coeur joie sur les compressions effectuées depuis deux ans, oubliant de dire qu'elles étaient nécessaires à cause d'une crise qui n'est pas seulement budgétaire, qui n'est pas seulement financière, mais qui est aussi économique, quand on constate que les revenus baissent d'une façon considérable à cause du chômage, à cause des faillites, et du fait que certaines dépenses augmentent d'une façon considérable. L'assistance sociale dont parlait mon collègue, 600 000 000 $ de plus; les prêts et bourses, presque 90 000 000 $ en trois ans; l'inflation qui frappe les gouvernements comme tout le monde; le service de la dette qui a connu une augmentation de 1 000 000 000 $. Donc, elle s'en donne à coeur joie sur les compressions pourtant nécessaires à cause de la crise et qui ont dû, justement, porter sur les services éducatifs, parce que 88% du budget du primaire et secondaire sont affectés, en raison même de la convention, au paiement des salariés du primaire et du secondaire.

La CEQ ne change pas d'attitude. Pour elle, aujourd'hui comme hier, la qualité de l'éducation passe toujours par l'augmentation des postes. Qu'il s'agisse de la diminution du ratio professeur-étudiants, déjà le plus bas de toutes les provinces canadiennes, qu'il s'agisse de la diminution de tous les maximums, maximum par groupe, maximum du temps d'enseignement, tout cela se traduisant par une diminution inévitable de la tâche. C'est ce qui explique d'ailleurs, M. le député d'Argenteuil, l'immense écart qui existait entre les demandes de la CEQ, le 20 septembre, et les attitudes, les positions du gouvernement. Car si on faisait l'addition de toutes ces augmentations, non seulement sur le plan salarial pur, indexation des salaires, non seulement l'augmentation de la tâche, mais la diminution des ratios, la diminution de tous les maximums, on aboutissait à des sommes astronomiques justement parce que, pour la CEQ, tout devient une question d'argent. On oublie toujours, par ailleurs, la diminution des clientèles. Il est vrai que la clientèle a diminué de 30% au cours des dix dernières années. On oublie l'écart qui s'est creusé entre la diminution des clientèles et le nombre de professeurs qui, lui, n'a diminué que d'à peu près 3%. On oublie la richesse relative du Québec et de l'Ontario, le Québec, où le produit intérieur brut est inférieur à 10% de celui de l'Ontario, où les revenus des salaires sont inférieurs à 20% à ceux de l'Ontario, alors que le budget de l'éducation du Québec est plus élevé relativement et de beaucoup qu'en Ontario.

Donc, tout passe par l'argent. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai demandé moi-même au ministère des Finances et à mon collègue du trésor de commencer à apporter la réponse du gouvernement puisque c'est d'abord une question d'argent.

Évidemment, pour moi, la question de l'éducation n'est pas d'abord une question d'argent, mais je suis obligé de reconnaître, cependant, que le raisonnement de la CEQ qui dit que la convention est le seul frein qui existe aux coupures, constitue le pire des sophismes parce que, si on avait accepté au gouvernement toutes les demandes syndicales, celles qui ont trait aux enseignants, aux professionnels non enseignants, au soutien, j'en arrive à la conclusion certaine, irrémédiable que non seulement il aurait fallu continuer les compressions dans les 12% consacrés aux services éducatifs, mais il aurait fallu supprimer tous ces services éducatifs et tous ces programmes. Heureusement, c'est au gouvernement encore qu'il appartient d'identifier les besoins de la société, aussi bien dans le domaine de la santé que dans le domaine de l'éducation, que dans le domaine économique et il lui appartient de décider quels sont les services qu'il faut accorder à la population dans tous ces secteurs.

J'aurais besoin probablement de quatre ou cinq heures pour répondre aux mémoires que j'ai entendus, mais je ne voudrais en relever que quelques points. On parle de recul pour les travailleuses enseignantes et pourtant 95% des enseignants au préscolaire sont des femmes. 90% des enseignants au primaire sont des femmes. C'est précisément dans ce secteur qu'il n'y aura pas de mises en disponibilité et qu'il y aura même un ajout. Quand on sait que les effectifs totaux de la CEQ comptent 60% de femmes, on peut donc dire qu'au secondaire, actuellement, il y a plus d'hommes que de femmes. Comme c'est le secondaire qui sera le plus affecté par les mises en disponibilité, on peut dire que les hommes seront davantage touchés que les femmes par les mises en disponibilité. On dit à la CEQ que le décret va désorganiser l'école que les enseignants ont bâtie. C'est une demi-vérité car le grand bond en avant qui a été fait en éducation a été fait par les gouvernements qui se sont succédé au Québec depuis une quinzaine d'années. Ce sont eux qui ont institué la commission Parent. Ce sont eux qui ont pris la décision de faire les lois qui convenaient, d'affecter les budgets, les milliards de dollars qu'il a fallu pour construire nos écoles, bâtir notre système.

Les gouvernements ont sûrement eu un grand pouvoir sur le progrès que nous avons connu. Bien sûr, les enseignants ont été les principaux artisans de la réalisation de ces politiques et c'est tout à fait normal, puisque les enseignants sont la pierre d'angle même du système. Mais, il reste que c'est là leur vocation, leur métier, leur profession première. Il ne faudrait quand même pas oublier la part aussi qu'ont prise à ces réalisations tous nos partenaires de l'éducation, que ce soient les directeurs d'écoles, les directeurs généraux, les commissions scolaires et le reste. De plus, il ne s'agit pas de désorganisation. Il s'agit, malgré les difficultés actuelles, de poursuivre notre quête d'excellence même si les ressources augmentent moins rapidement. (23 h 30)

Je voudrais quand même rappeler à M. le président Charbonneau que le budget de l'éducation en 1982-1983 était de plus de 6 000 000 000 $, représentait 30% ou presque du budget du Québec. J'imagine qu'avec 30% du budget du Québec, on peut quand même penser qu'il y a des services dans les écoles, dans les collèges et dans les universités. Je dirais même qu'une partie de ce pourcentage du budget du Québec accordée à l'éducation dépasse en importance la proportion que l'on peut rencontrer dans les autres provinces du Canada.

On a parlé aussi d'affectations et de mutations. Malgré ce qu'a dit M. Bisaillon, le ballottage existe, et nous le savons. On nous l'a dit et on l'a vérifié. Les déplacements inappropriés, où des professeurs formés dans une discipline sont obligés d'enseigner dans une autre, existent et ils sont nombreux. Les causes, on peut discuter là-dessus. Est-ce, par exemple, parce que les commissions scolaires qui avaient passé des arrangements en vertu des négociations locales avec les syndicats n'ont pu respecter ces conventions ou si ces conventions étaient trouées? De toute façon, nous savons que le critère de capacité qui existait dans certaines conventions locales a été ignoré par plusieurs d'entre elles et il n'est pas vrai, comme vous l'avez dit, que le statu quo fonctionne bien. D'ailleurs, dans les nouveaux décrets, nous ne livrerons pas les enseignants à l'arbitraire complet des directeurs d'école ou des commissions scolaires, en la matière, puisque le critère de la capacité aura désormais une base objective qui réduira, sinon éliminera la plupart de ces possibilités d'arbitraire que vous avez soulevées.

Vous avez parlé aussi des négociations locales. Je pense que l'exposé de mon collègue a montré à quels inconvénients les négociations locales pouvaient conduire. Il y a eu douze grèves lors de la dernière ronde de négociations, et non pas huit; par unité syndicale, peut-être huit, mais quand on compte le nombre de commissions scolaires qui ont été affectées, le nombre est beaucoup plus élevé que huit. Donc, de nombreuses grèves et de très longs délais de règlement. Ces négociations locales, comme on l'a dit, constituaient souvent une occasion d'aller rechercher ce qu'on n'avait pu obtenir

lors de la convention nationale; et la loi 113 en est un bel exemple.

Quant à la consultation, il n'est pas vrai qu'elle disparaît, puisque toutes les clauses de l'ancienne convention à cet égard ont été reconduites. Je dirais même que la plupart des pouvoirs qui avaient été accordés aux syndicats locaux en vertu des anciennes conventions ont été conservés puisque, à part l'affectation et la mutation, qui deviennent une matière nationale, toutes les autres clauses ont été reconduites.

Un petit mot sur l'éducation des adultes. Il est vrai que la tâche passe de 720 à 840 minutes, mais cela équivaut quand même à 21 heures par semaine, ce qui constitue à peu près la tâche d'un enseignement régulier. Par ailleurs, n'est-il pas normal, pour essayer de satisfaire les besoins de l'éducation des adultes, de faire appel en priorité aux mises en disponibilité, et particulièrement à ceux dont la tâche de suppléance ou autre n'est pas complète? Je pense que de cette façon, nous en arriverons à une diminution du coût du système qui, justement, permettra d'éviter des compressions additionnelles et qui nous permettra aussi de reprendre le développement dans ce secteur comme dans d'autres.

Un petit mot également sur la disponibilité de 27 heures à l'école. On en a dit beaucoup de mal dans votre mémoire, disant qu'au fond on n'aiderait en aucune façon, de cette manière, à l'encadrement, à la récupération et à toutes les activitées prévues, A, B, C et D, mais je voudrais quand même vous rappeler que la tâche, même si elle est augmentée, laisse quand même un écart de six heures au secondaire entre les 19.3 heures consacrées à l'enseignement et les 27 heures de présence désormais effectives auprès des élèves. C'est beaucoup plus que ce qui est accordé actuellement pour les activités B, C et D, c'est-à-dire les activités consacrées à la récupération, à l'encadrement, à la surveillance, ou à l'animation.

Je suis bien d'accord avec vous que la tâche d'un enseignant ne peut se limiter à 27 heures, mais je pense que vous n'avez pas tellement intérêt à rappeler ici - je le dis également à M. Dubé - le rapport qui date de 1975 et sur lequel vous avez basé vos affirmations, puisqu'à l'époque, on le sait, la tâche était plus lourde et les assises scientifiques de ce rapport, par ailleurs, laissent beaucoup à désirer.

Vous avez beaucoup fait état aussi, de même que vous en faites état dans vos simulations, de l'augmentation du nombre d'élèves que l'enseignant aurait à voir, du nombre de groupes dont il aura à s'occuper. Nous sommes convaincus que cette augmentation ne sera pas aussi marquée. Il ne s'agit, en effet, que d'une augmentation de deux heures à la tâche identique à celle qui existe dans les autres provinces. On l'a dit et on le répète, le nouveau régime pédagogique peut favoriser une diminution, au lieu d'une augmentation, pour toutes sortes de raisons: d'abord, parce que la formation générale prendra une année de plus, les options sont reportées, la polyvalence est encouragée, les régimes pédagogiques laissent une large place à l'adaptation locale, et particulièrement à l'adaptation des grilles-horaires et des grilles-matières, sans oublier la proposition du 9 février qui étale sur trois ans l'augmentation de la tâche.

Quant à l'abolition des ratios, j'en ai dit un mot tout à l'heure, mais je voudrais quand même aussi signaler qu'il n'y a aucun autre corps d'emploi à l'école qui n'a pareil ratio ou qui a même un ratio - un point, c'est tout - ou qui n'a son équivalent, c'est-à-dire un plancher d'emploi.

Quant aux ordres de rappel, vous vous indignez du fait qu'on donnerait maintenant la préséance aux mis en disponibilité plutôt qu'aux non-permanents, comme c'était le cas dans l'ancienne convention collective. Je pense qu'il est tout à fait normal de donner une préséance dans les ordres de rappel aux mis en disponibilité sur les non-permanents, car dans le passé, combien de fois ne nous sommes-nous pas rendu compte qu'en procédant selon la convention collective antérieure, on créait des surplus artificiels et coûteux, alors que nous avions des mis en disponibilité dont la tâche était loin de correspondre à 100%.

Il faut aussi se rappeler, nous l'avons dit et répété, que si les mis en disponibilité travaillent plus que 80%, comme cela est parfaitement possible avec les aménagements que nous proposons, ils seront payés en conséquence, surtout si vous acceptez de participer aux travaux du comité national qui pourrait permettre une meilleure relocalisation et qui nous permettrait même, si cela réussit, de payer les mis en disponibilité à 100%.

M. Dubé, pour sa part, nous a apporté, comme le député de Louis-Hébert hier, une simulation de ce que pourrait donner l'application des décrets. Ces simulations se multiplient ces temps-ci. Nous en avons fait nous-mêmes, nous en avons beaucoup qui nous viennent de commissions scolaires. Il faudra les étudier, comme disait le député d'Argenteuil. Je pense qu'il faudra les étudier en fonction des bases sur lesquelles elles ont été établies. Par exemple, ont-elles été établies en fonction de règles budgétaires qui sont actuellement soumises à la consultation et qui ne constituent qu'un projet et qui seront changées? Sont-elles faites en fonction de la proposition du 9 février qui prévoit un étalement? Sont-elles faites à partir du maximum de tâches possible pour un enseignant, sans tenir

compte de la pratique qui veut que justement, les commissions scolaires, en début de période, font des demandes excessives, très prudentes ou conservatrices, et par la suite, à la lumière de l'évolution, minimisent ou nuancent leurs demandes? C'est donc à partir de ces paramètres qu'il faudra analyser toutes les simulations qui nous sont faites, y compris celle-ci, dont j'ai l'impression que, justement, elle a été établie à partir d'une directive, ou d'une indication qui voulait qu'on procède à la répartition des enseignants à partir d'un maximum d'élèves par classe et d'un maximum de moyenne d'enseignement.

Quant aux propositions que vous nous avez faites, je le répète, vous ne nous en avez fait aucune formellement à la table depuis sept mois alors que nous avons, de notre côté, fait des offres d'aménagement.

Ce soir, c'est la première fois que, d'une façon formelle, je vous ai entendus renoncer, par exemple, à vos demandes salariales ou à vos demandes sur le plan de la pension et c'est la première fois que nous avons une demande formelle financière, qui se chiffre à 360 000 000 $ par année. Quant à votre autre demande, celle d'un observateur, elle n'est pas nouvelle, elle est dans l'air depuis une semaine. J'ai accepté de la considérer. Évidemment nous avons pensé qu'une commission parlementaire était utile, nécessaire, pour le moment, mais cette demande n'a pas été écartée. Elle fera l'objet de nos considérations, probablement dans les jours qui viennent. Il est certain que, si nous avons accepté, il y a déjà une semaine, d'envisager cette hypothèse ou cette possibilité, elle n'est sûrement pas écartée pour l'avenir, soit dans la forme que vous l'avez présentée ou soit dans une forme nouvelle qui pourrait être aménagée différemment.

J'aurais eu beaucoup de questions à vous poser, mais, comme on m'avertit que j'ai déjà dépassé mon temps, je laisserai à mes collègues le soin de vous poser les questions que j'aurais aimé vous poser.

Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci. Je ne sais pas s'il voulait réagir...

Le Président (M. Jolivet): ...le temps étant écoulé, le député a le droit de l'utiliser comme il veut.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci, M. le Président. Il y a une rectification qui s'impose, je pense, quand le ministre affirme que pour la CEQ tout est une question d'argent. D'après le ministre, ce qui deviendrait des prétentions à la qualité de l'éducation, il n'y a pas de fondement à cette préoccupation de la part de la CEQ. J'ai déjà eu à croiser le fer avec des gens qui sont dans l'audience ce soir. Je pense qu'il serait peut-être plus honnête, même si, des fois et peut-être souvent, la CEQ a pu être extravagante dans ses demandes, de reconnaître - cela est important, et je pense que le ministre acceptera probablement ceci - que la CEQ, dans ses luttes, a fait progresser l'éducation au Québec et de beaucoup.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Argenteuil, vous n'avez, aux termes de notre règlement, comme vous le savez, aucunement le droit de demander à d'autres personnes que celles autour de la table de réagir. Ne m'en demandez pas plus. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il y a souvent des exagérations verbales d'un côté comme de l'autre et je pense qu'il faut les remettre dans leur contexte réel.

Le ministre de l'Éducation dit: Vous contestez toujours tout, vous contestez le régime pédagogique. Je voudrais, sur ce point particulier, en venir à des questions précises. Reliée au nouveau régime pédagogique, il y a la question du recyclage ou du perfectionnement des maîtres. Hier soir, le sous-ministre de l'Éducation nous a fait ou a tenté de faire la démonstration qu'on peut maintenant enseigner un peu de tout ou on devient polyvalent, une formule ou un qualificatif que le ministre a repris ce soir.

J'aimerais qu'on me dise, que cela vienne du ministre ou de la CEQ, où nous en sommes rendus dans ce perfectionnement des maîtres qui permettrait le titulariat ou qui permettrait cette polyvalence d'une matière à l'autre, particulièrement au deuxième cycle du secondaire.

Je vais tout de suite vous poser mes questions étant donné le temps qui est restreint. La deuxième question est celle-ci: On a beaucoup parlé de l'enfance en difficulté d'apprentissage. J'ai écouté probablement pour la troisième fois... Je suis convaincue que le ministre des Finances a également du souci pour l'enfance en difficulté d'apprentissage mais il trouve que c'est une bonne histoire et chaque fois il ajoute un petit fion. Cette fois-ci c'était la bonne comptabilité des anglophones. La prochaine fois, je ne sais pas ce que ce sera. Tout cela dit et particulièrement quand il dit que si un sociologue, dans 40 ans, fait une étude sur le Québec, il va trouver que notre santé mentale s'est beaucoup améliorée de 1970 à 1980.

(23 h 45)

Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que le Québec - on me contredira si j'ai tort -avait énormément de retard dans le domaine de l'aide à l'enfance en difficulté d'apprentissage. À la fin des années cinquante, il n'existait, à la CECM, qu'une classe spéciale pour déficients légers. C'est tout ce qu'il y avait sur le territoire de la CECM, à ce moment-là. Inutile de parler de ce qui existait dans le reste de la province. Il y avait quelques maisons spécialisées. Je me rappelle qu'en Estrie, à Sherbrooke, il y avait une institution. Il y en avait ici et là. Mais dans le système scolaire, c'était à peu près inexistant. Même aujourd'hui - c'est peut-être involontairement - on veut créer l'impression que, dans le domaine de l'enfance en difficulté d'apprentissage, on a atteint le luxe et que, maintenant, on y met de l'ordre.

Je suis prête à admettre qu'il y a eu des abus dans le classement des enfants, peut-être pas volontairement, mais peut-être par manque de ressources. Il faut penser que, parfois, les enfants étaient mis dans des classes d'enfants en difficulté d'apprentissage et qu'ils y restaient parce qu'on n'avait pas les ressources nécessaires pour réévaluer ces enfants, etc. Enfin, je ne veux pas faire une grande digression là-dessus, mais cela demeure un problème important. C'est non seulement la préoccupation des enseignants, mais surtout la préoccupation des parents qui ont des enfants avec des troubles d'apprentissage. Quand on dit des troubles d'apprentissage, c'est un terme très léger. Il y a des enfants qui ont des troubles d'apprentissage très graves, qui sont des handicapés multiples, etc. Les parents de ces enfants se posent de sérieuses questions sur les points qui ont été soulevés par les enseignants dans ce domaine.

Comme questions concrètes à ce sujet, j'aimerais que vous m'expliquiez ce que vous affirmez à la page 32 de votre mémoire. J'ai examiné le décret et j'ai examiné la convention, c'est-à-dire l'ancienne convention et le décret actuel. Dans l'un - si je prends un groupe au hasard, les enfants aveugles ou les enfants sourds - on dit que la moyenne ne doit pas excéder le nombre de cinq. À la fin, il y a une disposition où on peut ajouter deux enfants. Dans le décret actuel, on parle toujours de cette moyenne de cinq, mais d'un maximum de sept, si ma mémoire est bonne. J'ai de la difficulté à saisir la différence. Sur quoi se basent vos appréhensions, à savoir qu'il y aura un plus grand nombre d'enfants en difficulté d'apprentissage, si on s'en tient, pour le moment, aux classes spéciales? Je ne parle pas de l'intégration des enfants parce qu'on aborde un autre problème. C'est ma deuxième question.

Ma troisième question concerne l'encadrement. Hier, on nous a dit - je pense qu'on l'a oublié - que le ministère de l'Éducation devait déposer des modèles de simulation. À ma connaissance, on ne les a pas eus, mais c'est peut-être, comme je vous le dis, parce qu'on a tout simplement oublié. Il reste qu'on nous a présenté, ce soir, ces simulations de la part de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Il y a celles qui sont incluses dans votre mémoire, qui viennent surtout des commissions scolaires de la région de Québec. J'en ai eu d'autres de la région de Sherbrooke. Enfin, cela semble venir de partout et on semble avoir la même préoccupation: d'abord, du grand nombre d'élèves que les professeurs pourront rencontrer dans bon nombre de cas, particulièrement dans toutes les matières autres que le français et les mathématiques. Ceci va diminuer les possibilités de contacts personnels avec les étudiants et, également, l'encadrement possible, compte tenu de la tâche, de la répartition et des simulations qui ont été obtenues. Je l'ai eu de directeurs d'école, que le ministre identifierait difficilement à la CEQ, qui se sont fort inquiétés de cette question de l'encadrement.

Ma question précise est la suivante. Vous mettez de l'avant votre inquiétude au sujet de la qualité de l'enseignement, la qualité de l'éducation plutôt, enfin, les deux se recoupant, et, d'un autre côté, le gouvernement prétend que la tâche est beaucoup moindre ici, qu'il faut augmenter la tâche et il tient beaucoup à augmenter la tâche, soi-disant pour assurer une meilleure rentabilité de l'éducation. Je pose ma question au ministre ou aux représentants de la CEQ. Est-ce que ce serait impensable que cette augmentation de tâche demeure possible - que ce soit une heure ou deux heures - mais qu'au lieu d'être utilisée pour une plus grande tâche d'enseignement, elle puisse être utilisée pour une meilleure tâche ou un meilleur service d'encadrement auprès des étudiants. Il ne faut pas se leurrer, hier soir, le ministre de l'Éducation nous a dit triomphalement: C'est vrai qu'on a fait des progrès énormes du point de vue de la scolarisation au Québec. Là il faisait la comparaison entre les statistiques de 1971 et les statistiques de 1981. Il a eu soin de dire que nos grands succès, par exemple, au niveau universitaire, se situaient surtout dans le domaine des étudiants à temps partiel.

Ce matin on a entendu d'autres chiffres où on nous a dit que les jeunes de 18 ans étaient encore dans les institutions scolaires dans une proportion - vous me corrigerez -de quelque 40%, 42%, 46% alors qu'en Ontario, ils sont dans les institutions scolaires dans une proportion de 75%, ce qui indique qu'on a des problèmes au secondaire. On a des problèmes de décrochage, on a des problèmes d'encadrement d'étudiants, on a des problèmes de motivation des étudiants et c'est pour cela que je vous pose cette

question: Est-ce qu'il est possible d'envisager que la tâche puisse être augmentée, mais au lieu d'être utilisée dans le sens de l'application du régime pédagogique pour lequel je ne crois pas qu'on ait encore les outils et qu'on soit mûr, pour un meilleur encadrement des étudiants et, partant, une meilleure qualité de l'éducation.

Le Président (M. Jolivet): M. Bisaillon.

M. Bisaillon (Robert): II suffirait de retrouver le contexte de négociation pour déterminer si l'objectif de la qualité de l'éducation qu'on poursuit à cet égard devrait s'accommoder davantage de plus d'encadrement ou de moins d'enseignants. Les approches sont très différentes. Je vous dis que dans un contexte de négociation, ce sont des choses qui peuvent être regardables. Sur la question de l'enfance inadaptée, le problème ce n'est pas que les maxima ou que les moyennes ont changé, c'est que, maintenant, pour que cela s'applique, cela prend dix groupes à la commission et je ne connais pas beaucoup de commissions scolaires qui ont dix groupes dans chaque catégorie.

Mme Lavoie-Roux: S'il n'y a pas dix groupes à la commission, qu'est-ce qui s'applique?

M. Bisaillon (Robert): Le maximum seulement.

Mme Lavoie-Roux: Le maximum tout le temps.

M. Bisaillon (Robert): Et cela a un effet.

Mme Lavoie-Roux: Et cela est nouveau.

M. Bisaillon (Robert): Oui, exactement. Sur le perfectionnement des maîtres, il y a une politique en consultation depuis un certain nombre d'années, n'est-ce pas? On n'a pas été consultés là-dessus. Je ne sais pas où cela en est rendu, mais je peux vous dire que lorsqu'on parle d'évolution technologique, on aimerait bien cela savoir ce que cela veut dire en termes de perfectionnement des maîtres. Je dois vous dire aussi que le gros problème que j'ai ce soir, ce n'est pas avec vos questions parce que je me rends compte que vous avez lu le document, mais c'est de constater que le ministre de l'Éducation fait des critiques concernant un document qu'il n'a pas lu, qu'il va falloir qu'il se fasse relire. Le problème... On n'est pas ici comme des patients qui se font psychanaliser pour savoir si l'argent est la première des valeurs. L'ensemble des enseignants que je représente ici ce soir, c'est des gens en santé, parti- culièrement cette année.

Il me semble que dire des choses comme le ballottage, les déplacements inappropriés des enseignants qui enseignent dans d'autres disciplines ce n'est pas correct alors qu'hier soir, le modèle qu'on proposait c'était le titulariat, c'est-à-dire d'enseigner dans plusieurs disciplines. Il va falloir qu'il y ait du monde qui se branche quelque part. 12 grèves sur 264 commissions scolaires, c'est 0,5%. On n'a jamais dit, nous autres, que la consultation disparaissait. Ce n'est nulle part dans le mémoire. On n'a jamais parlé de la disponibilité de 27 heures. Je ne sais pas où vous avez pris cela. Le rapport CETEES dit: Quelles que soient les assises scientifiques, cela n'a jamais été remplacé par un autre rapport avec des assises plus scientifiques. Si les simulations ne sont pas valables, faites par des incompétents, je devrai vous souligner que ces incompétents, ce ne sont pas des enseignants, mais ce sont les administrations scolaires qui, habituellement, organisent les écoles et c'est très inquiétant pour l'an prochain.

Quant aux femmes, c'est sûr que, dans le secteur préscolaire et primaire, il n'y aura pas de recul d'effectifs, ce serait honteux. Ce sont des secteurs qui sont en augmentation de clientèle. S'il fallait en plus... Je pense qu'on a fait un effort qui nous avait été demandé par le ministre pour faire une démonstration concernant la viabilité des décrets. On fait cet effort et on se fait répondre sur trois ou quatre affaires dont on n'a même pas parlé dans notre mémoire. Qu'est-ce qu'on aurait dit si on en avait parlé? Ce n'est pas correct. Et où on en a parlé, on déforme visiblement le sens qu'on y a donné. C'est ce qui rend difficile la négociation. On se fait fermer des portes, non pas sur le contenu, parce que si on avait une véritable discussion sur le contenu pour régler des problèmes plutôt que d'accoler des étiquettes, on pourrait peut-être avancer, mais on se fait fermer des portes sur la possibilité de...

On n'a fait aucune proposition à la table depuis sept mois? Je regrette! On a fait des propositions que vous n'avez pas considérées comme des propositions. C'est différent. Mais on a fait des propositions. Je vous ai parlé tantôt de la négociation locale. Vous pouvez bien qualifier une proposition d'aberrante, "nonotte", stupide, mais vous ne pouvez pas dire que ce n'est pas une proposition. On en fait et puis-je vous rappeler que tous les secteurs de la convention où il n'y avait pas de veto quant à la négociation, on les a signés à l'automne, après négociation, parce que dans le décret, il y a des affaires qui ont de l'allure. Ce sont les bouts qu'on a négociés et dont on a convenu, parce qu'il n'y avait pas de veto sur la négociation a priori.

Quand on se fait garrocher par la tête

des cadres de règlement qui sont toujours à prendre ou à laisser, la dernière parole, mais que le cadre qui survient après le décret est quand même une affirmation que le décret n'avait pas d'allure, je pense qu'on est autorisé à vous dire aujourd'hui que, sur le terrain de la négociation, si on enlève les barrières absolues d'un côté et de l'autre, il y aura deux personnes qui négocieront ou deux entités qui négocieront. J'ai constaté une règle très simple de la négociation à cette ronde-ci, que je connaissais. On dit que l'évidence n'a pas besoin d'être démontrée, mais parfois, cela aide quand elle est vécue. Cela prend deux personnes pour négocier. Au nom des gens que je représente, je vous demanderais au moins de lire les mémoires qu'on dépose en leur nom. Cela aiderait.

Le Président (M. Jolivet): M.

Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): J'aurais une autre remarque à faire en complément. Le ministre de l'Éducation a dit tout à l'heure: J'ai entendu que vous avez fait, pour la première fois, une concession. Quelle a été son appréciation de notre concession? Puisqu'il l'entendait pour la première fois, il aurait été intéressant d'écouter un commentaire à propos d'une telle concession. On a parlé de milliards, mais si on regarde cela pour les individus enseignants, en moyenne, le revenu des enseignants et des enseignantes serait réduit de 1542 $ pendant les trois premiers mois de 1983 et de 1593 $ pour le reste de l'année, soit une perte moyenne de 3135 $ en 1983. On peut parler de milliards, mais on peut regarder cela du côté des individus: 3000 $ en moyenne. S'il s'agissait d'un enseignant qui a 19 ans de scolarité, ce serait 6600 $. Pouvoir d'achat: diminution de 10%. On met cela sur la table. Cela revient à dire: II n'y a rien là, encore une fois. Quand on ne le met pas, on passe pour des durs à cuire et quand on fait le geste, il n'y a encore rien là. Je pense qu'il y a franchement un problème d'empathie de votre part à notre égard qui est en train de tourner, nous semble-t-il, comme une réaction d'antipathie de votre part à notre égard. Il y a comme un problème là. J'essaie de prendre des termes pour me faire comprendre, n'ayant pas réussi, jusqu'à maintenant, avec des termes ordinaires.

Vous dites qu'on n'a pas fait de propositions aux tables de négociation. Vous nous invitez à vous rencontrer, vous, le ministre de l'Éducation. La table de négociation comprend les représentants du ministre et les représentants de la Fédération des commissions scolaires. J'invite les membres de la commission des deux côtés à interroger demain les représentants de la fédération pour voir s'ils étaient là aux rencontres qu'on a eues avec le ministre. On a consenti à ces rencontres, mais ce n'était pas là la table de négociation. Il n'y avait que la moitié de la partie patronale qui était là. Il dit qu'on ne vous avait pas fait de propositions. Commençons donc par avoir des mécanismes de négociation tels que légalement constitués. Vous savez que nous n'aimons pas les choses illégales...

Des voix: Ah! Ah!

M. Charbonneau (Yvon): ...des choses qui ne sont pas prévues dans la loi. Par contre, on sait les assumer aussi au besoin. Il me semble que M. le ministre de l'Éducation devrait essayer, comme le disait tout à l'heure le président du Conseil du trésor, de changer de mentalité, d'avoir une mentalité plus positive et plus ouverte à la discussion et voir que quand on fait des propositions qui sont des sacrifices importants, des milliers de dollars, et qu'on dit: Le dernier demi pour cent, est-ce que cela ne vous ferait rien, s'il vous plaît, de le laisser là? d'essayer d'avoir une réaction plus positive et peut-être qu'on pourra progresser vers un règlement. (minuit)

On a fait des propositions cet après-midi. Vous avez beau les qualifier à votre manière, mais je pense qu'il y a des gens qui ont compris le mouvement qui s'est fait à travers tout cela.

Quant à la deuxième proposition, vous avez dit que vous étiez en train de la considérer, celle de reprendre les rencontres dans un contexte pouvant permettre des échanges qui n'ont pas été possibles jusqu'à maintenant avec la présence d'un tiers observateur, mais actif jusqu'à un certain point, pas simplement un témoin muet, mais quelqu'un qui puisse encourager et aider aux échanges. Je pense que c'est une proposition qui mérite d'être examinée par l'ensemble de la commission. Nous la refaisons. Nous insistons là-dessus, car nous sommes très conscients qu'en la faisant, nous courons des risques, mais, en même temps, cela correspond à une attente très profonde dans de larges secteurs de la population pour que cela débloque, pour que cela renoue dans un contexte qui puisse nous mener à un règlement d'ici aux prochains jours.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Avant de conclure, je dois vous dire que la journée de demain - on est presque demain - le vendredi 4 mars, il y aura sept organismes, la Coalition étudiante pour la défense des droits des usagers de l'éducation; la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec; la Fédération québécoise des directeurs d'école; l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires; l'Association des cadres scolaires du Québec; la Fédération des

Cégeps, la Fédération des comités de parents de la province de Québec et neuf autres organismes seront entendus lundi.

Question de règlement de la part du député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, avant que vous ne leviez la séance ce matin, je tiens à protester avec véhémence contre le sort qui est fait ici en cette commission aux députés ministériels, c'est-à-dire, pour être plus précis, aux députés ministériels qui ne sont pas ministres.

Je considère que c'est une injustice qu'on fait à notre endroit. Il y a plusieurs heures que je vous ai fait savoir que je désirais intervenir. Cela n'a pas été possible. Plusieurs de mes collègues souhaitaient aussi intervenir. Le député de Vachon vous a fait savoir durant la journée qu'il aurait souhaité intervenir sur la question des - cégeps. Cela ne lui a pas été possible.

Il est beaucoup question en cette maison de réforme parlementaire. Je pense que c'est de la poudre aux yeux, vu le traitement qu'on nous a fait ici aujourd'hui. Je crois que parler de réforme parlementaire, alors qu'on nous inflige ce traitement, c'est jeter de la poudre aux yeux. Il me paraît clair qu'on n'y croit pas, à la réforme parlementaire. Par exemple, constituer une commission qu'on appelle parlementaire, alors qu'en réalité elle est gouvernementale...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes, juste un instant, s'il vous plaît!

M. de Bellefeuille: Je n'ai pas le droit de présenter ma question de règlement?

Mme Lavoie-Roux: ...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, en aucune façon, Mme la députée de L'Acadie. Je voulais simplement avoir aussi mon droit de privilège comme président.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): C'est aussi important. Simplement, M. le député, je voulais vous demander d'en arriver à votre question de règlement, parce que je ne voyais rien d'autre à vous dire qu'il était minuit. Mon devoir m'imposait comme président de clore les débats, puisque j'avais vérifié de chaque côté si on m'accordait une prolongation du temps pour permettre d'autres interventions. Je ne l'ai pas et l'habitude veut que le président, à ce niveau, déclare la séance terminée, mais vous soulevez une question de règlement. Si votre question de règlement est dans le sens de prolonger le temps, j'aimerais que vous y veniez le plus vite possible pour que je puisse traiter le cas comme il faut.

M. de Bellefeuille: II me fera plaisir, M. le Président, de vous informer que le but de ma question de règlement n'est pas de demander une prolongation parce que je considère que, passé minuit, notre efficacité diminue considérablement. Ce contre quoi je proteste, c'est déjà fait. Durant toute cette journée, mes collègues ministériels et moi-même n'avons pu intervenir. Je fais cette protestation avec véhémence. J'emploierai à l'avenir d'autres moyens pour réussir à percer cette barrière qui fait que, par exemple, aujourd'hui, il y avait du côté ministériel trois ministres, alors que normalement il n'y en a qu'un. Quand il y a trois ministres, il est bien évident que du côté ministériel, il n'y aura pas un député qui interviendra. Or, une commission parlementaire, c'est qui? Est-ce les gens qui sont là? Est-ce que ce sont les gens qui sont dans leur salon, devant leur télévision?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je vous comprends...

M. de Bellefeuille: Non, la commission...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes...

M. de Bellefeuille: ...c'est nous, les députés.

Le Président (M. Jolivet): ... je m'excuse...

M. de Bellefeuille: Les députés membres du Parlement et...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes, je m'excuse.

M. de Bellefeuille: ...en leur qualité de parlementaires...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes, je m'excuse.

M. de Bellefeuille: Bon, c'est cela! Nommez-moi, c'est cela, je connais le règlement.

Le Président (M. Jolivet): Non, monsieur, je ne peux pas vous appeler autrement...

M. de Bellefeuille: Non, j'ai dit ce que j'avais à dire, M. le Président, bonsoir.

Le Président (M. Jolivet): Merci. À l'ordrel Ce que je voulais vous dire comme président, cependant, au niveau des

règlements de l'Assemblée nationale, je n'ai pas à interpréter ce soir les règlements imposés par le règlement actuel. Je vous dis simplement que vous avez d'autres moyens à votre disposition et vous en avez fait mention. En conséquence, tout ce que je voulais dire, c'est que je dois clore les débats. La façon normale de clore les débats, c'est de demander au représentant de l'Opposition de donner un mot au sujet des gens qui sont venus, la même chose pour le ministre et je conclurai ensuite. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je remercie les porte-parole de la Centrale de l'enseignement du Québec, de la Quebec Association of Protestant Teachers, de la Quebec Association of Catholic Teachers.

Une voix: Provincial.

M. Ryan: Provincial. You are provincial anyway.

Une voix: ...Association provinciale.

M. Ryan: Les remercier de leur présence parmi nous aujourd'hui. Je pense que nous avons pu avoir une amorce d'échanges qui pourrait être le début d'autre chose. Je souhaite que ce soit seulement un début. Je regrette profondément que le dossier central qu'on a présenté à la commission parlementaire, c'est-à-dire celui des répercussions des décrets sur la qualité de l'enseignement, n'ait pu faire l'objet d'aucune discussion valable avec la partie gouvernementale. Je pense qu'on l'aura remarqué à l'évidence. J'ai remarqué une chose, cependant. Le ministre de l'Éducation, dans ses remarques finales, n'a rien rejeté. Il a pris note des trois points qu'il a signalés, il n'a rien rejeté, à moins que je l'aie mal compris. Je le prierais avec beaucoup d'insistance d'examiner les implications positives de ces déclarations qui ont été faites par les porte-parole des centrales syndicales et d'en tirer peut-être des réflexions un peu plus constructives que celles qu'on a entendues ce soir, surtout de la part de ses collègues et dans la première partie de son allocution.

Je remercie ceux qui sont venus et je rappelle, encore une fois, que demain on a une grosse journée et qu'on attend les autres organismes avec autant d'intérêt.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je veux, de mon côté, également remercier les syndicats d'enseignants et d'enseignantes des collèges, des écoles primaires et secondaires qui se sont présentés devant nous aujourd'hui. Je pense que les mémoires qu'ils nous ont présentés, étaient remarquables par leur structure, leur contenu. J'ai dit qu'ils constituaient des plaidoyers fermes mais c'est justement un hommage à la qualité de ce plaidoyer. Malgré ce qu'on a pu dire, j'y ai prêté une grande attention, je les relirai aussi et je les approfondirai avec attention, soyez-en sûrs.

Il est vrai, comme l'a fait remarquer le député d'Argenteuil, que j'ai été sensible à l'implication positive des propositions qui nous ont été faites et que nous les considérerons également. Moi aussi, je me réjouis des échanges que nous avons eus. Je souhaiterais qu'ils se poursuivent après la commission parlementaire et j'espère que ces pourparlers nous conduiront à ce règlement négocié que je continue d'espérer.

Le Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, simplement pour l'organisation de nos travaux. D'abord, je me réjouis de savoir, malgré le fait que je sois très conscient que bien des députés auraient voulu s'exprimer et que nous devions mettre fin aux travaux relativement à l'audition des représentants du mouvement syndical du niveau primaire, secondaire et collégial, que nous avons pris un engagement, hier, et nous l'avons respecté. C'était de consacrer une journée entière aux représentants du milieu syndical. Nous avons respecté cet engagement et je crois qu'à ce niveau, la commission parlementaire a bien fait son travail.

Il y a par contre des groupes qui avaient été invités, hier, qui n'ont pas pu se faire entendre, qui se feront entendre ou demain ou lundi et j'espère - là-dessus, je prends bonne note de ce qu'a dit le député d'Argenteuil - que demain, considérant que nous avons tout de même passé deux bonnes journées de travail avec deux groupes importants dans le cadre de ces discussions concernant les conditions de travail dans le milieu de l'enseignement et de la qualité de l'éducation, nous pourrons, demain et lundi, entendre les groupes, au nombre de seize, qui sont encore inscrits sur notre liste d'invités et qui méritent, à mon avis, d'être entendus. Peut-être faudrait-il, M. le Président, que, demain, tout en étant très respectueux des groupes qui se présentent devant nous et respectueux du processus démocratique, nous adoptions ce que je pourrais appeler une forme de discipline et d'organisation du travail afin que nous puissions entendre tous ces groupes demain et lundi?

Le Président (M. Jolivet): Vous savez très bien que, dans l'organisation des travaux, on essaie normalement de se limiter

aux ententes du début. Comme c'était la journée de ces deux groupes, les cégeps et l'élémentaire et secondaire, la journée leur étant consacrée, on a essayé d'employer le temps maximal. On verra, demain matin, si vous avez des propositions quant à la durée du temps à employer.

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Juste une remarque à propos de ce que vient de dire le leader du gouvernement. D'abord, je voudrais le remercier de la collaboration qu'il a apportée à l'Opposition depuis le début des travaux de la commission. Je pense qu'il n'y a pas eu de conflits d'importance qui n'aient pas été résolus lorsqu'ils ont semblé se manifester. Dans le choix des groupes qui sont venus ici, il n'y a aucun sujet de litige qui soit demeuré. Pour demain, je vous préviens d'une petite difficulté possible.

J'ai remarqué que vous aviez tracé une liste de sept organismes qui seront appelés à se présenter et une liste de sept ou huit pour lundi. Je remarque que, dans la journée de demain, il n'y a pas un groupe de langue anglaise. Dans l'ensemble des groupes, il y en avait plusieurs. Je crois comprendre qu'ils auraient manifesté le désir de témoigner l'un à la suite de l'autre ou assez proches les uns des autres, en bloc même. Je le comprends très bien. Si c'est le désir qu'ils ont manifesté, cela ne crée aucune espèce de problème de notre côté. Tous les groupes qui sont inscrits sur la liste pour demain sont des groupes qui valent d'être entendus et nous les entendrons volontiers.

Je souscris à ce que vous avez dit quant à la nécessité d'une discipline peut-être un peu plus serrée à compter de maintenant et nous serons à votre disposition pour discuter de modalités qui pourraient être envisagées de ce côté-là.

Le Président (M. Jolivet): Quant à moi, comme président, j'ai pris bonne note de vos bonnes intentions pour demain ou ce matin même.

Nos travaux sont ajournés à ce matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 13)

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