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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La commission
permanente de l'éducation se réunit à nouveau pour
entendre les organismes directement impliqués dans l'administration
scolaire qui veulent faire des représentations sur la qualité de
l'enseignement, la tâche et la sécurité d'emploi des
enseignants et enseignantes en regard de la situation actuelle au
Québec.
Les membres de cette commission sont: MM. Brouillet (Chauveau),
Champagne (Mille-Îles), Cusano (Viau), Mme Dougherty (Jacques-Cartier),
MM. Gauthier (Roberval), Hains (Saint-Henri), Laurin (Bourget), Leduc (Fabre),
LeMay (Gaspé), Payne (Vachon), Ryan (Argenteuil).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie),
Bérubé (Matane), Dauphin (Marquette), Doyon
(Louis-Hébert), Parizeau (L'Assomption), Mme Harel (Maisonneuve), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Brassard
(Lac-Saint-Jean), Rivest (Jean-Talon).
Le rapporteur est toujours M. Michel Leduc (Fabre). Est-ce qu'il y a des
changements à la liste que je possède?
M. Ryan: M. le Président, M. Daniel Johnson,
député de Vaudreuil-Soulanges, remplacera M. Claude Dauphin, s'il
vous plaît.
Le Président (M. Jolivet): Claude Dauphin. Pour la
matinée seulement ou pour l'ensemble de la journée?
M. Ryan: Inscrivez-le pour la journée.
Le Président (M. Jolivet): Pour la journée. Donc,
M. Dauphin est remplacé par M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges).
Questions en suspens
Au moment où nous nous sommes quittés hier soir, il y
avait deux sujets encore sur la table, avant de passer aux intervenants qui
doivent être ce matin, normalement jusqu'à 13 heures, la
Fédération nationale des enseignants et enseignantes du
Québec et, pour le reste de la journée, de 15 heures à 18
heures et de 20 heures à 24 heures, la Centrale de l'enseignement du
Québec. Quant aux documents que vous aviez demandés, ils vous ont
été communiqués ce matin, c'est-à-dire le
communiqué de presse concernant la Fédération des
commissions scolaires, ainsi qu'un tableau du ministère de
l'Éducation concernant les compressions administratives.
M. le leader du gouvernement, est-ce que vous avez quelque chose
à dire sur le sujet qui restait sur la table ou sur la question qui
était posée par le député d'Argenteuil concernant
le Conseil supérieur de l'éducation? Lequel des deux?
M. Bertrand: Non. Je voudrais seulement savoir si la nuit a
porté conseil au député d'Argenteuil relativement au sujet
qui était demeuré en suspens hier.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Est-ce que vous pourriez donner lecture du
télégramme que nous avions reçu de M. Benjamin? Cela nous
rafraîchirait la mémoire à tous.
Le Président (M. Jolivet): Certainement. "Le Conseil
supérieur de l'éducation regrette de ne pouvoir participer
à la commission parlementaire sur l'éducation. La raison en est
que les travaux de son comité chargé d'analyser l'impact des
décrets ne sont pas encore achevés et que, par conséquent,
le conseil n'est pas en mesure de faire connaître son avis sur les
questions étudiées par la commission parlementaire".
Le conseil ajoute qu'on lui avait adressé par
téléphone une invitation à se présenter devant la
commission parlementaire et ce, pour jeudi, 14 heures. Le conseil ignorait que
cette invitation était contraignante. Le président du conseil, M.
Claude Benjamin, au moment où le télégramme a
été envoyé, était retenu à Montréal
pour des funérailles. Mais, comme je le disais hier soir, il
était présent ici. Il se tient à la disposition de la
commission parlementaire si cette dernière estime qu'il doit, en vertu
des règlements de l'Assemblée nationale, se présenter
devant elle. C'était signé par le directeur
général, Fernand Toussaint. M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, j'apprécie le message que
nous a fait adresser hier le président du Conseil supérieur de
l'éducation.
Je comprends les circonstances dans lesquelles il a été
appelé à donner la réponse que nous savons. Je voudrais
dire que j'ai spécialement apprécié la deuxième
partie de sa réponse dans laquelle il dit que, malgré les
circonstances peu propices à une comparution immédiate de sa
part, il se tient à la disposition de la commission parlementaire si
cette dernière estime qu'il devrait se présenter devant elle en
vertu des règlements de l'Assemblée nationale.
Je n'irai pas aussi loin que cela, mais j'aurais deux ou trois remarques
à formuler à ce sujet. Tout d'abord, je voudrais rappeler que M.
Benjamin, le 16 février dernier, avait adressé au premier
ministre et au président de la Centrale de l'enseignement du
Québec une lettre dans laquelle on pouvait lire qu'il en était
venu à certaines conclusions au sujet de l'impact tant d'une
grève générale que d'une loi comme celle qui a
été adoptée depuis par l'Assemblée nationale. Il
aurait été très intéressant pour nous de savoir si
M. Benjamin a toujours la même opinion au sujet des conséquences
qu'il nous faisait entrevoir, dans l'une ou l'autre hypothèse.
Deuxièmement, il me semble un peu curieux que la commission du
Conseil supérieur de l'éducation n'entrevoie point de
compléter son travail au sujet des effets des décrets avant la
fin du mois de mars. Nous sommes dans un contexte assez particulier. Nous
vivons présentement une période de trêve. Nous ne savons
pas ce qui se produira le 14 mars, nous espérons tous qu'un
règlement négocié aura été trouvé
d'ici là. Mais, à supposer qu'un règlement
négocié n'aurait point été trouvé et que la
grève dût reprendre, ce que personne d'entre nous ne souhaite
évidemment, à ce moment, il serait peut-être un petit peu
curieux que le Conseil supérieur de l'éducation nous arrive avec
une opinion à la fin du mois de mars.
Je ne sais pas si la commission pourrait, au moins, demander à M.
Benjamin de faire tout ce qui est possible pour accélérer les
travaux de cette commission spéciale et voir à ce qu'il soit
à la disposition des parties et du public dans les plus brefs
délais. Je ne comprends vraiment pas pourquoi on devrait attendre
jusqu'à la fin du mois de mars. Je voudrais émettre une opinion
très ferme en ce sens. Je ne sais pas ce qu'en pense le leader du
gouvernement, mais il me semble que nous nous satisferions peut-être
à trop bon compte si nous disions seulement: C'est un gentilhomme, nous
l'apprécions pour passer ensuite à l'article suivant.
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, il y a un article dans notre
règlement qui prévoit qu'on peut effectivement contraindre une
personne à se présenter devant la commission parlementaire. La
règle veut qu'une personne soit invitée et qu'elle puisse,
à sa discrétion, évaluer si elle doit ou non se
présenter. C'est un choix, je pense, qui revient à un organisme
ou à une personne qui est invitée. Partant de là, une
commission parlementaire peut effectivement décider qu'elle souhaiterait
ou qu'elle voudrait émettre le voeu que cette personne,
représentant un organisme d'importance, comparaisse pour se faire
entendre. Dans ce contexte, comme leader parlementaire du gouvernement, je ne
peux que concourir à ce que dit le député d'Argenteuil.
Ceci étant dit, il est toujours malaisé et assez délicat
d'utiliser de façon abusive l'article qui nous permet de contraindre
quelqu'un à comparaître.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je pense qu'il n'était pas question dans ce que
j'ai dit de contraindre le président du Conseil supérieur de
l'éducation à venir témoigner, surtout étant
donné les circonstances qu'il a invoquées dans son message
d'hier. Le leader n'a pas répondu à ce que j'avais dit. Pour
prendre la question autrement, si le Conseil supérieur de
l'éducation pouvait accélérer le travail qu'il a entrepris
sur les répercussions du régime de décrets qui a
été imposé avec la loi 105 et confirmé par la loi
111, à ce moment-là, ne faudrait-il pas laisser ouverte la
possibilité qu'il vienne rencontrer la commission parlementaire
peut-être la semaine prochaine, si son travail n'est pas
complété?
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Dans la mesure où le président du
Conseil supérieur de l'éducation aurait le sentiment que de
telles études sont complétées et qu'il est donc en mesure
de fournir des informations intéressantes pour éclairer les
membres de la commission parlementaire, comme il est fort probable que nous
ayons à siéger lundi prochain, si jamais ce délai lui
suffisait, je ne pense pas que nous aurions des objections, au contraire,
puisqu'il était déjà invité à venir en
commission parlementaire. Alors, dans ce contexte, notre réponse serait
positive.
Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je voudrais vous demander si
vous pouvez vous enquérir du moment où nous allons entrer en
possession des documents dont il a été question hier soir et qui
doivent être déposés en commission aujourd'hui. Je les ai
décrits.
En fait, il s'agit du document sur les effectifs scolaires dans le
secteur privé de l'enseignement et également des documents qui,
selon le sous-ministre Girard, doivent nous venir du Conseil du trésor,
je pense, et qui porteront sur la contribution des enseignants à la
réduction des dépenses publiques, au chapitre des régimes
de retraite, de la récupération des trois premiers mois de
l'année et de la transformation des formules d'indexation.
Le Président (M. Jolivet): La responsable du
secrétariat des commissions, Mme Tanguay, va avoir l'ordre de
vérifier ces choses et, dans les plus brefs délais, on vous les
fera parvenir, dans la mesure où le secrétariat les aura.
Mme Harel: Je termine en notant également un
troisième document, à savoir les coûts du double
système d'enseignement -catholique et protestant - et les coûts
d'enseignement de la langue seconde en regard des dépenses par
étudiant consacrées, au Québec, à
l'éducation.
Le Président (M. Jolivet): Ce sera vérifié.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Avant que vous appeliez les groupes, M. le
Président, je veux réitérer ce que j'ai dit hier soir.
Nous projetons de prendre l'avant-midi et, s'il le fallait, même de
dépasser 13 heures et de nous rendre à 13 h 15 ou 13 h 30, pour
faire le tour des dossiers relatifs au secteur collégial. Nous comptons
commencer à 15 heures avec les représentants du secteur primaire
et secondaire. Donc, c'est simplement pour que nous puissions tenter d'en
arriver à nous discipliner au maximum et faire en sorte que nous
réussissions aujourd'hui à faire tout le travail que nous avons
à faire.
Auditions
Le Président (M. Jolivet): J'invite donc la
Fédération nationale des enseignants et enseignantes du
Québec, représentée par M. Claude Gauthier, d'abord,
à nous présenter les gens qui l'accompagnent et, dans la banque
de temps qui lui est accordée, à présenter son
mémoire. Ensuite, nous passerons aux questions que les gens de la table
ici voudront poser. Donc, je sais qu'il y a M. Donatien Corriveau. Je ne sais
pas lequel des deux prendra le premier la parole. M. Corriveau.
Fédération nationale des
enseignants et enseignantes
du Québec (CSN)
M. Corriveau (Donatien): M. le Président, permettez-moi,
avant de lire notre texte, de présenter les camarades qui
m'accompagnent. En commençant par la droite, le président de la
Fédération nationale des enseignants et enseignantes du
Québec, Claude Gauthier, Flavie Achard et Pierre Léonard.
À ma gauche, Nadine Pirotte et Pierre Gingras.
Je vais vous lire l'introduction et Claude Gauthier continuera ensuite
avec un exposé plus détaillé. Les camarades qui
l'accompagnent pourront répondre avec lui aux questions que les gens
voudront bien leur poser.
M. le Président, mesdames les députées, messieurs
les députés, nous nous retrouvons ici aujourd'hui à peu
près au terme d'une opération commencée il y a plus d'un
an et demi. Une opération savamment orchestrée par un
gouvernement qui avait remplacé par la propagande et la manipulation des
masses les mécanismes normaux d'ajustements sociaux.
C'était justement hier, le 2 mars, l'anniversaire de la
divulgation par un journal d'un plan québécois pour contrer la
crédibilité syndicale. Les mois précédents avaient
vu les principaux porte-parole de ce gouvernement s'adonner à une
entreprise, révoltante sous plusieurs aspects, qui a consisté
à tenter de dresser les uns contre les autres ceux et celles qui avaient
à payer un prix terrible pour la crise économique en étant
réduits au chômage ou encore à l'assistance sociale, et
ceux et celles qui, dans les secteurs public et parapublic, travaillent au
service de la population. Que ce soit dans la fonction publique, que ce soit
dans le réseau de la santé, que ce soit dans le réseau de
l'éducation, ce gouvernement aura réussi là où
d'autres forces avant lui avaient échoué.
Ce gouvernement aura brisé, on ne sait encore pour combien de
temps, le ressort qui fait que des hommes et des femmes par milliers mettent
leur coeur à l'ouvrage. Il aura éteint chez des milliers
l'étincelle qui donne le courage d'attaquer un dossier qui ne
plaît pas, d'aider l'étudiant qui a, plus que d'autres, besoin de
conseils, de soutenir le malade à la fin d'une journée
harassante.
Dans cette attaque directe, ce sont encore les femmes qui sont les
premières victimes. D'autres l'ont dit avant nous, c'est une
responsabilité que ce gouvernement devra porter dans l'histoire, celle
d'avoir au premier chef puissamment contribué à détruire
les fibres d'un peuple en sabrant, comme cela a été fait depuis
plus d'un an, au coeur même des mécanismes que, de peine et de
misère, nous avions collectivement mis au point.
Aujourd'hui, au moment où se tient cette commission
parlementaire, il est très tard: peut-être même est-il trop
tard pour que ce gouvernement se rende compte qu'en dépit de ses
ressentiments, qu'au-delà de ses
désirs les plus obscurs il ne pourra réussir à
imposer ses désirs, ses volontés, ses lois, malgré tous
les moyens qu'il a à sa disposition alors qu'il est aux commandes de
l'appareil de l'État.
Cela aussi, d'autres l'ont dit avant nous. C'est par dizaine; par
centaines qu'en privé ou encore publiquement les démocrates ont
condamné cette pente fatale sur laquelle nous ont entraînés
tous les gestes du gouvernement. Il avait pourtant été
prévenu du fait qu'en plaçant sa stratégie sur des rails
comme ceux de la loi 70, adoptée en juin dernier, il
déclencherait une série de mécanismes dont nous constatons
aujourd'hui les conséquences funestes pour les travailleuses et les
travailleurs, pour la population, pour la qualité des services qui lui
sont fournis, pour notre collectivité enfin. (10 h 30)
Le 11 juin dernier, la CEQ, la FTQ et la CSN affirmaient ce qui suit,
ici même, dans cette salle, en commission parlementaire: "Les acquis
démocratiques ne tiennent pas uniquement au parlementarisme, n'en
déplaise aux parlementaires. Les acquis démocratiques tiennent
aussi dans les règles non écrites qui permettent à la
justice et à l'équité de prendre forme. Parmi les
libertés fondamentales qui servent une plus grande justice sociale
apparaissent au tout premier rang les libertés d'association, de
réunion, de négociation et de grève. Le gouvernement du
Québec devrait en tenir compte. Il est significatif que tous les
États qui ont opprimé ont d'abord contraint, limité, puis
nié les libertés syndicales. Ceux et celles qui ont à
coeur la démocratie devraient comprendre qu'on ne mine pas sans risque
la crédibilité des seules institutions qui appartiennent en
propre aux travailleuses et aux travailleurs. Mais le gouvernement est
demeuré sourd à tous les appels à la négociation
comme s'il était arrivé à se convaincre que la reddition,
dorénavant, devait faire partie des pratiques syndicales."
Encore là, comme l'aurait dit un éditorialiste bien connu,
c'est un autre coup de poker qui a mal tourné. Car si la
négociation, les ajustements nécessaires, les compromis
honorables, les contrepropositions positives et formulées de bonne foi
font partie intégrante de la tradition syndicale, la reddition, elle,
n'en a jamais fait partie. Nous devons à celles et à ceux qui
nous ont précédés que cela ne commence pas maintenant.
L'adoption de la loi 70 conduisait le gouvernement à s'enferrer
encore davantage dans sa stratégie. Encore là, nous n'avons pas
été les seuls à le dire. Le 20 novembre, dans la Presse,
M. Michel Roy écrivait: "C'est la loi 70 qui constitue encore l'obstacle
majeur". Le 22 novembre, dans le Devoir, Mme Lise Bissonnette déclarait:
"que le gouvernement devrait renoncer à la loi 70, la retirer tout
simplement". Dans le Soleil du 24 novembre, Mme Anne-Marie Voisard
écrivait "II faut que le front commun obtienne du gouvernement qu'il
retire sa loi 70, une loi injuste qui ne s'attaque qu'à une seule
catégorie de travailleurs, ceux du secteur public". Le 26 novembre, dans
la page éditoriale de la Presse, Pierre Vadeboncoeur affirmait: "Le
gouvernement pourrait, devrait laisser tomber cette invention abstraite qu'est
la loi no 70. Cette loi ne saurait être acceptée. Elle porte en
elle le principe d'une logique fatale. C'est de cette logique qu'il faut
sortir".
La logique fatale dont parlait de manière quasi
prophétique Pierre
Vadeboncoeur il y a plus de trois mois, nous l'avons vue à
l'oeuvre par la suite. Le gouvernement avait inscrit sa stratégie dans
un engrenage infernal. Encore aujourd'hui, il refuse d'en sortir. Il est
très tard. Cet engrenage l'a conduit à l'adoption, à des
fins strictement partisanes d'État-employeur, de 50 000 à 80 000
pages de décrets qui vont déterminer les conditions de travail et
de vie d'au-delà de 300 000 personnes durant les trois prochaines
années.
Nous sommes alors collectivement entrés dans une ère que
le professeur Léon Dion a appelée "le gouvernement par
décrets". Encore là, c'est par dizaines, par centaines que les
démocrates québécois se sont inquiétés. Mais
l'adoption de ces tonnes de décrets était inscrite avec une
inquiétante clarté dans le cours des choses, comme l'était
elle aussi l'adoption de la loi 111. Car la logique froide, bureaucratique qui
a conduit à l'adoption de cette loi, la plus répressive de notre
histoire ouvrière, était tout entière contenue dans la
démarche qui avait conduit le gouvernement, deux mois auparavant,
à faire adopter la loi 105 et les milliers de pages de
décrets.
De la même manière, ces décrets étaient, eux
aussi, en germe dans la loi 70 du mois de juin 1982. Ils en étaient la
conséquence logique, la conséquence bureaucratique. Comme la loi
70 était elle aussi l'expression législative d'un gouvernement
qui, de toute façon, avait décidé de privilégier
l'affrontement plutôt que la négociation, l'écrasement
plutôt que les ajustements et qui, pour arriver à ses fins, n'a
pas hésité une seconde à dresser les uns contre les autres
ceux et celles qui travaillent et qui sont victimes de décisions
économiques où ils n'ont aucun mot à dire.
C'est un mensonge de dire qu'en fermant une école, en fermant un
hôpital, cela peut ouvrir une usine. Mais cela devient un crime contre
l'esprit de répéter sur tous les tons et à tout propos
qu'en fermant une école, un hôpital cela peut ouvrir une usine,
quand on sait, comme le sait le gouvernement, comme le savent les ministres,
que ce n'est pas comme cela que
les choses se passent.
Il est tard aujourd'hui, mais il n'est jamais trop tard pour
recréer l'espoir, ce à quoi le mouvement syndical s'est
constamment attaché. Malgré les torts irréparables que ce
gouvernement a pu faire à notre tissu social fragile et qui ne se
résorberont sans doute qu'après plusieurs années, une
porte est encore ouverte. C'est celle qui permet au gouvernement de
répudier cette loi honteuse et d'accepter de négocier, dès
aujourd'hui. Nous y sommes prêts. Nous sommes prêts à
accepter toute suggestion venant de cette commission parlementaire qui pourrait
redonner un sens à la libre négociation. Mon camarade, M. Claude
Gauthier, poursuivra l'exposé.
Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.
M. Gauthier (Claude): M. le Président, Mmes les
députées, MM. les députés, il existe 44
cégeps au Québec offrant de l'enseignement à près
de 130 000 étudiants et étudiantes réguliers. Environ 10
000 enseignants et enseignantes y oeuvrent. Les enseignants et les enseignantes
des cégeps sont un des groupes de travailleurs du secteur public
touchés par les décrets de la loi 105. Deux des 109
décrets leur sont destinés: l'un vise les neuf syndicats
d'enseignants et d'enseignantes affiliés à la CEQ, l'autre, les
41 syndicats affiliés à la Fédération nationale des
enseignants et enseignantes, affiliée à la CSN.
Pour situer le lecteur moins familier avec l'enseignement
collégial, rappelons quelques faits. La plupart des cégeps ont
été fondés de 1967 à 1972 à la suite des
recommandations du rapport Parent pour mettre fin à
l'éparpillement alors caractéristique de l'enseignement
postsecondaire. La création de cette structure visait à "assurer
au plus grand nombre possible d'étudiants qui en ont les aptitudes la
possibilité de poursuivre des études plus longues et de meilleure
qualité." La création des cégeps visait une
démocratisation de l'enseignement aussi bien du point de vue de
l'accessibilité aux études que du point de vue d'une
qualité de formation égale pour tous.
Quinze ans plus tard, l'évaluation de l'expérience
originale que constitue le niveau collégial québécois
reste positive. Qu'il suffise de citer les préliminaires des derniers
rapports gouvernementaux le concernant: "Dans l'examen critique des politiques
nationales d'éducation entrepris par l'Organisation de
coopération et de développement économique, on
reconnaît au Québec le mérite d'avoir accompli la
réalisation la plus importante dans l'enseignement postsecondaire par la
création des cégeps." M. Jacques-Yvan Morin, alors ministre de
l'Éducation, Dans les collèges du
Québec, nouvelle étape, disait ce qui suit: "Les experts
de l'OCDE estiment que les cégeps constituent en conséquence un
modèle éducatif et sociopolitique de la plus grande importance et
ce, à l'échelle internationale." Plus récemment, le
ministère de l'Éducation allait dans le même sens en
disant: "Les taux de satisfaction des usagers y sont remarquables et, dans bien
des secteurs économiques et industriels, on se réjouit de la
solide formation de la plupart des diplômés des
collèges."
Il n'est donc pas étonnant que le réseau collégial
soit, depuis sa fondation, en perpétuelle expansion. Ce qui, en
revanche, surprend beaucoup, c'est que la partie patronale, non contente de ne
pas accéder à des demandes fort raisonnables, nous impose un
décret qui, à toutes fins utiles, sape les bases mêmes de
notre pédagogie. Nous le démontrerons d'abord en exposant
brièvement l'essentiel de nos revendications. Viendra, en
deuxième lieu, une étude de l'influence des décrets,
d'abord, sur la pédagogie, ensuite sur l'organisation des
collèges. Enfin, nous établirons que les décrets mettent
en question les acquis des femmes enseignant dans les cégeps. Que
restera-t-il des cégeps si la loi 105 s'applique? Nous croyons que la
réponse deviendra évidente.
En ce qui concerne l'ensemble de la convention, notamment la
tâche, la sécurité d'emploi, les mécanismes de
participation, nos demandes étaient fort minces. Nous avions choisi de
faire porter nos efforts sur un type d'enseignement qui, tout en correspondant
à des besoins croissants, était demeuré le parent pauvre
du système d'éducation: l'enseignement aux adultes. Nous
croyions, et nous croyons toujours, que c'est en intégrant cet
enseignement à l'enseignement régulier que nous assurerons aux
adultes un enseignement de qualité qui réponde à leurs
beoins.
Actuellement, il existe, en ce qui concerne ce secteur de
l'enseignement, un fouillis administratif qui ne permet ni la planification, ni
l'adaptation de l'enseignement aux besoins de la clientèle adulte.
Conscient du problème, le gouvernement du Québec créait,
en 1980, la commission Jean dont le rapport a été remis le 25
février 1982; il venait d'une volonté du gouvernement
d'élaborer une politique d'ensemble en éducation des adultes. Or,
les conclusions du rapport sont demeurées lettre morte, parce qu'elles
dénonçaient l'improvisation et l'incohérence du
système. Pour ce qui est du Conseil des collèges, il affirme,
dans un avis donné en juin 1982: "Le volume de l'activité
à l'éducation des adultes est déjà
prédéterminé; les priorités et, par le fait
même, le poids associé à celles-ci servent plutôt
à répartir une enveloppe fixe et non à la
déterminer".
D'autre part, il paraît impossible aux
collèges, toujours selon le même texte, de prévoir
quoi que ce soit en cette matière. En effet, on trouve plus loin
l'affirmation suivante: "Quand on sait que le budget est révisé
à une date très tardive, toute planification des activités
que désire offrir un collège devient très
aléatoire."
En ce qui concerne les services offerts, ils se révèlent
inadéquats. "On demande aux collèges d'offrir à
l'éducation des adultes les mêmes services qu'à
l'enseignement régulier, alors qu'on ne leur donne même pas les
ressources nécessaires pour compenser les coûts d'une telle
mesure."
Or, si les services sont inadéquats, les besoins ont connu une
croissance très rapide au cours des dernières années. De
1976 à 1978, le nombre d'adultes à temps complet est passé
de 11 025 à 23 376 et, en 1980, il dépassait certainement 35 000.
Cela tient principalement à trois facteurs: 1. Cela vient d'abord des
besoins croissants en perfectionnement et recyclage pour trouver ou conserver
un emploi face aux modifications dans la structure de la main-d'oeuvre et aux
changements technologiques. 2. Cela provient ensuite de la volonté d'un
nombre croissant de femmes de revenir sur le marché du travail. 3.
À cela s'ajoute enfin la conjoncture économique elle-même,
en particulier le niveau très élevé du chômage, qui
ramène au cégep de jeunes adultes qui n'ont pu trouver un
emploi.
Ces facteurs, loin de perdre leur importance, devraient s'accentuer au
cours des années quatre-vingt et accroître les besoins des adultes
en éducation. Le vieillissement de la population accroîtrr.
considérablement la charge sociale de la population active au cours des
deux prochaines décennies. Il est fort possible que le Québec
connaisse une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée d'ici la fin des
années quatre-vingt. Et, pour y remédier, les gouvernements ont
envisagé le perfectionnement de la main-d'oeuvre existante pour assurer
l'innovation technologique (automatisation, télématique,
etc.).
Or, dans ce cas, l'éducation des adultes, en particulier de
niveaux secondaire et collégial, devra jouer un rôle
prépondérant. Le phénomène du vieillissement de la
population ajoute encore à l'importance de ce rôle. Toutes les
études le confirment et la commission Jean elle-même a
constaté que "les faits étoffent l'hypothèse d'une demande
accrue en éducation des adultes."
Les adultes protestent de plus en plus, à juste titre, contre la
mauvaise qualité de l'enseignement qui leur est offert. Ils se plaignent
d'obtenir moins de services que les étudiants et étudiantes du
secteur régulier: cafétéria, laboratoires,
bibliothèques, services audiovisuels sont souvent fermés en
soirée. Les services d'information et d'orientation sont
généralement insuffisants ou parfois même inexistants. Il
arrive même qu'ils doivent payer pour des services qu'ils ne
reçoivent pas. Les enseignants sont généralement
engagés à la dernière minute, de telle sorte qu'ils n'ont
souvent guère eu le temps de préparer leurs cours. La
sélection des chargés de cours est souvent déficiente.
N'étant pas soumise aux mêmes règles que l'enseignement
régulier, elle fait souvent place à des abus patronaux. (10 h
45)
Par ailleurs, les enseignants et enseignantes qui dispensent des cours
aux adultes et qui ne sont rémunérés que pour la
prestation de cours n'assurent une disponibilité aux étudiants et
étudiantes qu'à leurs propres frais. Le choix des cours offerts
aux adultes est limité. Les cours auxquels elles ou ils s'étaient
inscrits sont souvent annulés à la dernière minute. Les
cours manquent de coordination: les séquences habituelles d'un programme
souvent ne sont pas respectées.
Pouvons-nous rester indifférents devant la situation vécue
par les étudiantes et des étudiants de l'éducation des
adultes? C'est pour rendre compte de cette préoccupation que nous
revendiquions que les services de l'enseignement régulier servent aussi
aux adultes. Nous voulions que les enseignants et les enseignantes qui
s'occupent des adultes aient les mêmes conditions de travail que les
autres. Nous demandions que la planification pédagogique soit faite par
le département. Nous voulions, en somme, que les travailleurs et les
travailleuses aient accès à part entière à un
système que leurs impôts contribuent à financer. Nous
voulions que les édifices, le matériel didactique, le service
audiovisuel servent le plus longtemps et à plus de gens possible. Nous
voulions, enfin, favoriser la création d'emplois d'enseignants et
d'enseignantes plutôt que la prestation de cours en temps
supplémentaire.
Malheureusement, le gouvernement a refusé de voir que
l'intégration de l'éducation aux adultes était une voie
intéressante pour toutes les parties. Aux adultes, elle aurait offert
les meilleures garanties de qualité; aux enseignants et aux enseignantes
concernés, des conditions de travail honnêtes; au gouvernement, la
création de nouveaux emplois et la prévention d'un grand nombre
de mises en disponibilité.
Nous préconisions aussi l'instauration d'une véritable
politique de recyclage pour les enseignantes et les enseignants mis en
disponibilité. Nous voulions que, chaque année, 20% d'entre eux y
aient accès de manière à pouvoir enseigner, au retour,
dans des disciplines en expansion. Les coûts auraient été
minimes, puisque les
enseignantes et les enseignants en question reçoivent
déjà leur salaire. D'autre part, nous demandions qu'une
priorité soit accordée aux enseignantes qui sont
proportionnellement plus touchées par la mise en disponibilité
que leurs collègues masculins. Je veux souligner qu'on retrouve cette
disposition dans les décrets.
Enfin, si notre mécanisme de sécurité d'emploi est
relativement efficace pour les permanents, il ne vise cependant à peu
près pas les enseignantes et les enseignants qui ne possèdent pas
ce statut. Or, ils sont nombreux dans les cégeps. Il s'agit soit de
personnes engagées récemment pour occuper des charges à
temps complet, soit d'enseignantes et d'enseignants à temps partiel et
chargés de cours. Les disparités entre leurs droits et ceux des
autres sont le fruit du hasard et ne mettent pas en cause leurs qualifications.
C'est pourquoi il nous a semblé primordial de revendiquer pour eux
quelques mesures destinées à améliorer leur sort. Nous
réclamions, par exemple, le maintien de leur ancienneté, des
priorités pour les nouveaux postes et un droit de grief lors du
non-renouvellement de leur contrat. C'était un minimum que nous n'avons
pas eu le loisir de défendre.
Les demandes salariales des enseignantes et des enseignants de
cégeps, dans cette ronde de négociations, ont été
très modestes: l'indexation en montant fixe basée sur
l'indexation du salaire moyen pour la première année, ce qui
accordait moins en augmentation que la convention en cours, puis l'indexation
en pourcentage pour les deuxième et troisième années. Le
gouvernement imposait la loi 70 au mois de juin. Depuis, le gouvernement n'a
pas changé de position pour les enseignantes et les enseignants des
collèges sur les salaires, même si nous avions
déposé une contre-proposition syndicale de gels de salaires pour
un an ou plus. Le gouvernement n'a pas daigné répondre et a
manifestement refusé de négocier les salaires, un des aspects les
plus importants de toute convention.
En 1983 seulement, une enseignante ou un enseignant gagnera de 6,3%
à 9,4% de moins que son salaire de septembre 1982. Un quart des
enseignantes et des enseignants recevra en février 1985 un salaire
inférieur à celui qu'il recevait en septembre 1982. Avec le taux
d'inflation prévu pour les prochaines années par le "Conference
Board", le pouvoir d'achat des enseignantes et des enseignants sera
réduit, à la fin de 1985, de 10% à 20%, selon la
scolarité et l'expérience, sans compter le gel d'échelon
décrété pour l'année en cours. Rappelons que ce gel
d'échelon signifie que l'expérience acquise en 1983 ne pourra
jamais être comptabilisée aux fins de la détermination des
salaires.
Lors de l'adoption de loi 105, le ministre Bérubé
déclarait que, là où il n'y avait pas d'accord aux tables,
le gouvernement était parti du statu quo en n'y apportant "que les
modifications essentielles que le gouvernement avait décrites dans son
cadre général de règlement." Si c'est effectivement le
cas, on peut dire que les modifications essentielles étaient fort
nombreuses en ce qui concerne le personnel enseignant des cégeps. C'est
surtout l'ampleur des modifications normatives qui a déterminé
les votes de grève massifs de décembre dernier et le maintien de
ces mandats pendant plus de trois semaines et ce, malgré l'adoption
d'une loi aussi répressive que la loi 111. Le constat fut vite fait: il
s'agissait là de l'élimination brutale de ce qui a
été mis en place au cours des quinze dernières
années.
Notre intention dans la partie qui suit est de démontrer en quoi
ces décrets nient le court passé des cégeps et menacent
leur avenir. Pour l'ensemble du réseau collégial, ils signifient
deux choses: 1) La détérioration des conditions de travail des
enseignantes et des enseignants entraînera nécessairement une
détérioration de la qualité des enseignements
dispensés dans les cégeps. 2) Les modifications apportées
aux conventions collectives confirment, en les facilitant, les intentions du
MEQ en ce qui concerne l'organisation de l'enseignement collégial,
intentions qui remettent en cause les principes mêmes de la
création des cégeps.
Un des objectifs budgétaires du gouvernement dans la
présente négociation est de récupérer 110 000 000 $
dans les cégeps pour les trois prochaines années. C'est en
fonction de cet énoncé de principe qu'ont été
modifiés en profondeur deux des chapitres essentiels de notre convention
collective: la sécurité d'emploi et la tâche.
Nous avons précédemment dit qu'il y a, pour l'année
1982-1983, environ 10 600 enseignantes et enseignants dans les cégeps et
que le gouvernement a décrété une "augmentation de
productivité de 15%." Concrètement, cela signifie qu'il y aura
une diminution du nombre d'enseignants et enseignantes pour un même
nombre d'étudiants et étudiantes. Si on veut évaluer le
nombre d'emplois perdus, on peut, grossièrement, appliquer ce
pourcentage de 15% sur le nombre total d'enseignants et d'enseignantes dans le
réseau. On obtient alors un nombre de 1600 de ce qu'il faut appeler
"équivalents temps complet".
Le nombre de postes et de personnes touchés sera, cependant,
différent et beaucoup plus considérable. Ainsi, dans une
matière telle que la philosophie, où il y a 12 enseignantes et
enseignants, soit 10 temps complet permanents, un temps complet non permanent
et un temps partiel pour un tiers de charge, une diminution de 15%
équivaut à 1,8 et entraîne la mise à pied du temps
partiel et du temps complet non permanent,
de même que la mise en disponibilité du temps complet
permanent. Il y a donc trois personnes touchées dont deux n'ont pas la
sécurité d'emploi. C'est important, je pense, de faire la
distinction. Hier, on a mentionné que 700 personnes seraient
touchées. Alors, quand on regarde ces 700 personnes, c'est plus en
termes "d'équivalents temps complet", mais, dans la
réalité, c'est beaucoup plus de 700.
Il s'enseigne de 20 à 30 matières différentes dans
chacun des 54 campus et collèges et une enseignante ou un enseignant
n'en enseigne généralement qu'une. Comme il est vraisemblable que
le modèle invoqué plus haut se produira dans plus de la
moitié des matières enseignées, il est possible d'affirmer
que le nombre d'enseignantes et d'enseignants touchés se situera
facilement au-dessus de 2000 personnes. C'est même une estimation
prudente. Il peut suffire d'une diminution d'un quart "équivalent temps
complet" dans une matière pour entraîner une mise à pied ou
une mise en disponibilité.
Quel sera le sort de ces enseignantes et enseignants? La majorité
de ceux qui sont à temps partiel ou non permanents perdent
carrément leur emploi. Ceux qui seront réengagés le seront
à des conditions considérablement modifiées. Ainsi, les
enseignantes et enseignants à temps partiel devront travailler
proportionnellement plus que leurs collègues à temps complet pour
une même portion de salaire et leur ancienneté accumulée ne
comptera plus pour l'acquisition de la permanence. Soulignons que, dans les
réaménagements des décrets déposés le 10
février, on corrigeait cette situation, mais, à la suite de ce
qui avait été dit publiquement par M. le ministre Laurin, compte
tenu que ces aménagements au cadre de règlement ont
été rejetés, ce n'était plus sur la table. On a
donc construit notre mémoire en fonction de cela.
À cela s'ajoutent d'autres dispositions qui feront en sorte qu'on
pourra facilement enseigner plusieurs années dans les cégeps sans
jamais bénéficier de la moindre protection d'emploi ni, non plus,
de droit de grief contre son non-réengagement.
Mais qu'en est-il de cette sécurité d'emploi et de la
situation des enseignantes et des enseignants qui seront mis en
disponibilité? La principale modification à leur situation est
connue: Leur protection salariale est réduite: 80% la première
année et 50% la deuxième année. On est loin de la
sécurité d'emploi à toute épreuve qui est
censée compenser pour la réduction de notre pouvoir d'achat. Bien
sûr, nous avons souvent dit que les enseignantes et les enseignants mis
en disponibilité avaient effectivement des charges d'enseignement. On
peut donc penser que leur situation ne sera pas si mal après tout.
Rappelons d'abord que, compte tenu de la réduction qui crée ces
mises en disponibilité, il y aura évidemment moins de charges
disponibles. De plus, quand on y regarde de plus près, on constate que
les décrets créent une catégorie d'enseignantes et
d'enseignants bien particulière: des enseignantes et des enseignants
qui, pour obtenir un plein salaire, devront travailler plus que leurs
collègues; des enseignants et des enseignantes qui, d'une session
à l'autre, d'une année à l'autre, ne sauront pas dans quel
collège, voire dans quelle école secondaire, ils devront
enseigner et ce, tant et aussi longtemps qu'ils ne seront pas replacés
dans un poste.
Pour la totalité du personnel enseignant ainsi touché (de
10% à 20%), il s'agit d'une situation d'insécurité
permanente. Si on considère que cette insécurité
s'étendra aussi à ceux qui seront les prochains sur la liste
d'ancienneté, on peut dire que c'est à peu près le quart
du personnel enseignant qui travaillera désormais dans
l'insécurité.
De toute évidence, la diminution du nombre d'enseignantes et
d'enseignants pour un même nombre d'étudiants et
d'étudiantes a pour effet d'augmenter la tâche de ceux qui
restent. Dans son allocution, lors de la présentation des offres
gouvernementales le 24 septembre dernier, le ministre Camille Laurin a
lancé un appel à la conscience professionnelle des enseignantes
et des enseignants. On peut avoir la meilleure conscience professionnelle qui
soit, cela n'empêche toutefois pas de considérer les conditions
objectives dans lesquelles on travaille. Lorsque, pendant plusieurs
années, on a développé une pédagogie adaptée
à un certain nombre de cours à donner, de cours différents
à préparer et d'étudiantes et d'étudiants
différents à encadrer, on a généralement, si
justement on a une conscience professionnelle, développé une
pédagogie qui utilise pleinement le temps disponible.
En matière d'enseignement, le temps consacré à la
préparation des cours, à leur mise à jour dans les
matières où les connaissances et les techniques évoluent
rapidement, à l'encadrement étudiant, à la correction des
travaux, varie en fonction du soin qu'on veut ou qu'on peut y mettre. Il peut
varier aussi selon les méthodes qu'on utilise et, au niveau du
cégep, il était précisément recommandé
qu'elles soient variées.
Rappelons que, dans le rapport Parent, on préconisait qu'on
utilise autre chose que les cours magistraux. On préconisait "les
séminaires, les discussions de groupe, les travaux personnels, les
projets collectifs pour donner à tout l'enseignement un caractère
actif, dynamique dans lequel l'étudiant devra s'engager et s'exprimer."
De telles méthodes requièrent du temps de préparation et
d'encadrement en dehors des seules heures de cours et elles ne sont plus
efficaces, ni
même physiquement possibles, si le nombre de cours à donner
ou le nombre d'étudiantes et d'étudiants pour chacun des cours
est trop élevé.
Au niveau collégial plus particulièrement, le rôle
du professeur dans la construction de son cours, tant sur le plan du contenu
que sur le plan pédagogique, est déterminant. Les programmes
fixés par le ministère de l'Éducation pour le
collégial le montrent très bien. Contrairement à ceux du
secondaire et conformément au voeu du rapport Parent, ils sont
très larges et définissent des champs d'études à
l'intérieur desquels de nombreux aménagements sont possibles.
En pratique, un cours doit être bâti de A à Z par
l'enseignante et l'enseignant. Il détermine à partir des
thèmes et des objectifs définis par le ministère: une
structure de cours, des contenus particuliers, une démarche
semestrielle, le matériel pédagogique requis (livres,
laboratoires et ateliers). On peut souligner en passant que, dans le contexte
québécois, on a énormément de travail pour adapter
les livres qui nous viennent soit des autres provinces, soit des
États-Unis, soit de la France, à la réalité du
contexte québécois. Ajoutons également les modes
d'évaluation appropriés. Comme à l'université, le
professeur assure l'entière structuration de chaque cours qu'il est
appelé à donner.
Il est difficile de quantifier de façon uniforme les effets de
l'augmentation de la tâche décrétée par le
gouvernement. Cela variera selon les matières enseignées. Dans
certains cas, il s'agira surtout d'une augmentation du nombre d'heures de
cours, le nombre d'étudiants et d'étudiantes par groupe
étant peu élevé et ne pouvant augmenter au-delà de
certaines contraintes physiques (ateliers, laboratoires, exigences des milieux
de stage). Dans d'autres cas, cette augmentation du nombre d'heures de cours
sera moindre, mais l'augmentation du nombre d'étudiantes et
d'étudiants sera d'autant plus grande que le nombre de cours à
donner à chaque groupe est faible et que le nombre d'étudiantes
et d'étudiants par groupe est élevé. (11 heures)
Ainsi, on peut prévoir que c'est surtout le nombre d'heures de
cours qui augmentera dans les secteurs technique, biologique et physique, alors
que, dans les domaines de sciences humaines, il y a des cours obligatoires de
philosophie et de français. C'est surtout le grand nombre
d'étudiantes et d'étudiants différents qui rendra la
tâche plus lourde et diminuera les possibilités
pédagogiques. Dans ces matières, il ne sera pas rare - ce sera
même la règle - qu'une enseignante ou un enseignant ait à
s'occuper de 150 à 180 étudiantes et étudiants
différents à chaque session. L'augmentation de la tâche des
enseignantes et enseignants de cégeps entraînera
nécessairement une détérioration de l'enseignement au
collégial.
Dans le rapport Parent, on trace globalement le portrait de l'institut
idéal et on y indique à grands traits que, pour 1500
étudiantes et étudiants, les cours variés offerts à
ceux-ci sont assurés par plus d'une centaine de professeurs à
temps complet. C'est sans doute de là que vient cette fameuse norme 1-15
qui demeure toujours à la base de la détermination du nombre
d'enseignantes et d'enseignants dans les cégeps.
Nous ne ferons pas ici l'historique des divers accommodements qu'elle a
connus selon les conventions ou les décrets depuis 1968. Nous dirons
simplement que la version des décrets de 1983 est inférieure en
nombre global d'enseignantes et d'enseignants à celle du décret
de 1972.
Nous pouvons d'abord nous interroger sur la suffisance de cette norme.
Une lecture attentive du chapitre VI du tome II du rapport Parent nous
révèle un cégep différent de ce qui a effectivement
été mis en place. La formation professionnelle y était
beaucoup moins poussée. Moins de cours spécialisés et une
formation professionnelle de deux ans au lieu de trois ans. Or, ce sont les
cours de spécialité technique qui sont les plus coûteux au
point de vue du nombre d'enseignantes et d'enseignants, parce qu'il exige des
groupes d'étudiantes et d'étudiants plus réduits. Dans la
mesure où ce secteur se développe et attire une clientèle
de plus en plus nombreuse, l'insatisfaction des enseignantes et des enseignants
va croissant. Des pressions s'exercent à tous les niveaux pour que la
situation s'améliore.
C'est dans ce contexte que le gouvernement met sur pied, en 1974, la
Commission d'étude de la tâche des enseignants du
collégial. Le rapport CETEC constituera la toile de fond de la
négociation de 1976, négociation au cours de laquelle on
constatera qu'il y a déjà 240 enseignantes et enseignants de plus
qu'il aurait dû y en avoir dans le réseau collégial
d'alors. Quant à ces 240 enseignantes et enseignants, ce sont des luttes
qu'on avait menées localement, lors du décret de 1972 à
1976. La négociation de 1976 s'est conclue par l'addition de 400
professeurs la première année. Pour les deux années
suivantes, 100 professeurs par année.
Plusieurs directions locales avaient convenu du caractère
inacceptable de la situation entraînée par l'évolution des
programmes et des clientèles de leur collège. C'est en tenant
compte de tous ces éléments que fut négociée la
convention de 1976 qui améliorera, dans une proportion d'environ 15%, la
tâche des enseignantes et enseignants de cégep. Vouloir
aujourd'hui augmenter leur tâche de 15% et ramener le nombre
proportionnel d'enseignantes et
d'enseignants à ce qu'il était dans la convention de 1969,
c'est nier la nature même de l'évolution de l'enseignement
collégial au Québec.
Il se peut que les mécanismes complexes mis en place en 1976 ne
soient pas parfaits. À la table de négociation, nous avions
clairement indiqué que nous étions disposés à
réexaminer conjointement l'ensemble de ces mécanismes pendant les
trois prochaines années, si le gouvernement renonçait à
l'augmentation de la tâche déposée dans les offres
gouvernementales du 24 septembre. Cette proposition n'a guère eu plus
d'écho que celle du front commun quant à un éventuel gel
des salaires.
En ce qui regarde la répartition des enseignantes et enseignants
entre les collèges et les départements, dans le décret,
les mécanismes de distribution entre les collèges et les
départements du nombre d'enseignantes et d'enseignants sont disparus. De
tels mécanismes avaient été négociés en 1976
pour assurer à l'ensemble du personnel enseignant un partage
équitable des ressources et ce, en fonction de la tâche
réelle à accomplir. Leur disparition entraînera, lors de la
répartition des démarches, des pourparlers ou des conflits,
où chacun, collège ou département, voudra s'assurer de
recevoir sa juste part ou, encore, se cherchera toutes sortes de raisons pour
obtenir la meilleure part. Des règles de distribution devront donc
exister de toute façon. Les règles existantes n'étaient
pas parfaites, nous en convenons. Mais nous étions, rappelons-le,
disposés à les revoir au cours des trois prochaines
années.
Pour éviter les décisions caractérisées par
l'arbitraire et le favoritisme qui entraîneront un "débalancement"
de la qualité de l'enseignement entre les différents
collèges, pour éviter aussi les séances de lobbying, le
gaspillage d'énergie et les conflits qui surviendront
nécessairement chaque année lors du "partage du gâteau", il
est essentiel que les règles qui déterminent ce partage soient
clairement établies par la voie de la négociation. Nous
n'insisterons jamais assez sur l'importance de telles règles qui
assurent l'équité entre les collèges de toutes les
régions de façon à assurer une même qualité
d'enseignement dans tout le Québec.
En ce qui regarde le cadre horaire et l'éducation des adultes,
dans les conventions antérieures, cette période allait de 8
heures à 18 heures. Le décret élargit cette période
de 18 heures à 23 heures. Les raisons invoquées à la table
de négociation pour cette modification: meilleure utilisation des
locaux, plus grande souplesse pour les stages, possibilité d'utiliser
les enseignantes et enseignants en disponibilité de l'éducation
des adultes. Nous avons toujours revendiqué l'intégration de ce
secteur de l'enseignement et, dans ce sens, nous étions prêts
à accepter l'ouverture du cadre horaire de 8 heures à 23 heures.
Le décret gouvernemental ne va cependant pas dans ce sens. Au contraire,
il établit très clairement que les enseignantes et enseignants de
l'éducation des adultes sont des chargés de cours. Il
élimine aussi toutes les dispositions qui permettraient aux enseignantes
et enseignants réguliers de compléter leur charge à
l'éducation aux adultes pour conserver ou obtenir un emploi stable.
Telle que présentée, la modification du cadre horaire permet donc
de penser que certains enseignements réguliers seront
transférés le soir.
Quant aux enseignantes et enseignants mis en disponibilité, ils
étaient déjà tenus d'assumer jusqu'à un maximum de
six heures de cours à l'éducation des adultes.
L'expérience vécue ne peut cependant que nous inquiéter en
ce qui concerne cet autre aspect de la situation de ces enseignantes et
enseignants: les collèges ont considéré ces enseignements
comme s'ils avaient été donnés par des chargés de
cours, ce qui implique qu'en termes d'équivalence, au lieu de calculer
sur une base de temps partiel, on calcule sur la base d'un chargé de
cours. Or, cela prend 525 heures pour faire une charge à temps complet.
En d'autres termes, cela veut dire que l'enseignante ou l'enseignant mis en
disponibilité devra, ici encore, donner plus de cours que ses
collègues pour mériter un plein salaire. Il n'y a vraiment rien
là pour améliorer la qualité de l'enseignement aux
adultes.
En ce qui regarde la modification du fonctionnement
départemental, actuellement les principes de fonctionnement du
département inscrits dans la convention se caractérisent par la
collégialité et l'autonomie. Un certain nombre de fonctions du
département s'exercent "sous l'autorité du collège" et les
enseignantes et enseignants se considèrent collectivement responsables
de l'ensemble des activités du département. Les "responsables de
coordination départementale" sont des coordonnateurs et des porte-parole
élus annuellement par leurs collègues. L'acceptation, par les
parties, de ce fonctionnement, en 1976, reconnaissait une situation de fait
progressivement établie depuis la création des cégeps. Le
dynamisme de ce fonctionnement collectif des enseignantes et enseignants a
été un élément essentiel de la mise sur pied d'un
niveau d'enseignement nouveau au Québec.
Par décret. les collèges et le gouvernement veulent
renforcer la ligne d'autorité hiérarchique entre les directions
de collège et les enseignants et enseignantes en faisant des
coordonnateurs des "répondants" auprès des directions de
collège. On peut s'interroger longuement sur les objectifs de cette
modification. Quoi qu'il en soit, pour
les collèges qui voudront rendre effectif ce texte du
décret, les résultats sont prévisibles: tiraillements,
résistance passive, conflits. De quoi créer un climat
général qui aura pour effet de réduire la motivation des
enseignantes et des enseignants pour l'expérimentation et
l'amélioration de la qualité de l'enseignement. Nous avons
là une belle contradiction entre les déclarations d'un ministre
qui mise sur la conscience professionnelle des enseignantes et des enseignants
et le texte des décrets qui la nie.
Maintenant, M. le Président, si vous le permettez, j'aimerais que
Mme Achard, vice-présidente de la fédération puisse
poursuivre la lecture de notre mémoire.
Le Président (M. Jolivet): Parfait. Mme Achard, vous avez
la parole.
Mme Achard (Flavie): Lorsqu'on étudie les dispositions
décrétées par le gouvernement à la lumière
des changements annoncés dans les différents textes
gouvernementaux concernant l'enseignement collégial - citons: Les
collèges du Québec, en 1978, La formation professionnelle des
jeunes au Québec en 1980 et également la version de 1982, on
découvre encore davantage de raisons de s'inquiéter de l'avenir
des cégeps. On constate que la ponction budgétaire que le
gouvernement veut prélever dans le réseau collégial passe
non seulement par la détérioration des conditions de travail des
enseignantes et des enseignants mais aussi par l'appauvrissement de la
formation qu'on y dispense. On constate en outre que les deux sont
étroitement liés notamment pour ce qui est des dispositions
relatives à la sécurité d'emploi. Ces modifications
à l'organisation sont présentées comme mineures dans les
différents textes gouvernementaux. À l'examen, ces ajustements
révèlent cependant des choix et des orientations dont les
conséquences seront majeures.
Nous ne visons pas ici à traiter de tous les aspects des
changements envisagés mais à souligner certains d'entre eux. Nous
examinerons plus particulièrement ceux qui, à notre avis,
remettent en cause les raisons mêmes de la mise en commun dans une
structure unique de l'enseignement préuniversitaire et de l'enseignement
professionnel. Je voudrais donner un extrait du rapport Parent qui est assez
éloquent. Dans le rapport Parent on dit: "Notre société
manque de gens bien formés et compétents dans tous les secteurs
de la fonction publique, de l'industrie et du commerce. À tous ces
échelons, le besoin d'une meilleure culture et d'une formation
générale plus poussée se fait de plus en plus sentir en
même temps que le besoin d'une formation technique et profesionnelle
vraiment sérieuse.
La sociologie, l'économique, la langue maternelle, les
statistiques, les arts plastiques, la philosophie, l'histoire et la
géographie et autres disciplines ne peuvent pas, après le
secondaire, rester l'apanage exclusif des futurs universitaires. Des
techniciens de toutes sortes doivent se former dans ces disciplines et ce, au
même niveau d'études que les futurs médecins, avocats,
enseignants et chercheurs. C'est pour la préparation aux
carrières techniques et profesionnelles que s'impose avec le plus
d'urgence un enseignement public répondant aux aspirations des jeunes et
aux besoins de notre province." C'était en 1967.
Comme on le voit, la création des cégeps ne visait pas
qu'à rendre publics, c'est-à-dire accessible à tous, par
leur gratuité les différents enseignements post-secondaires qui
se donnaient alors au Québec. Elle visait aussi à
démocratiser un type de formation jusque là
réservée à une élite, c'est-à-dire les
futurs étudiants et étudiantes universitaires. Par les
modifications que le gouvernement s'apprête à faire dans les
programmes et les diplômes, c'est à cette démocratisation
que l'on s'attaque. Ce sont, entre autres, l'introduction des certificats
d'études collégiales pour les étudiantes et les
étudiants réguliers et la modification du régime
pédagogique en regard des cours complémentaires qui permettent
d'affirmer que les intentions citées précédemment seront
mises en veilleuse par ce qu'on appelle des ajustements.
Jusqu'à aujourd'hui le CEC a été
réservé aux étudiantes et étudiants inscrits
à l'éducation aux adultes. Il ne comporte pas de cours communs
obligatoires, ni de cours complémentaires. Le gouvernement propose de le
rendre accessible aux étudiantes et aux étudiants
réguliers. Afin de dorer la pilule à ceux qui ont à coeur
une formation plus globale pour tous, il propose d'y introduire quelques cours
communs. Cela n'en demeurera pas moins un niveau de formation
inférieur.
D'autre part, dans les programmes conduisant au diplôme
d'études collégiales, le régime pédagogique actuel
prévoit que les cours complémentaires au choix de
l'étudiante et de l'étudiant doivent être choisis en dehors
du champ de spécialisation afin de varier la formation ainsi que le
recommandait le rapport Parent. Avec les modifications annoncées, cette
obligation disparaît.
Pour justifier de telles modifications, les penseurs du ministère
de l'Éducation invoquent le caractère post-obligatoire de
l'enseignement collégial. Selon eux, on ne devrait pas contraindre par
programmes ou diplômes les étudiantes et les étudiants qui
ont dépassé l'âge de la fréquentation scolaire
obligatoire à suivre des cours dans des matières qu'ils ne jugent
pas eux-mêmes
utiles. C'est cité dans La formation professionnelle des jeunes:
propositions de relance et de renouveau, 1982 - Je dois dire qu'il manque une
page à notre texte, on s'en excuse - On est loin de la planification
scolaire qui devait correspondre à des objectifs de
société. De plus, on fait fi des nombreux témoignages
d'étudiantes et d'étudiants qui, après coup, reconnaissent
l'utilité de certains cours pour lesquels ils étaient peu
motivés au moment où ils les ont suivis. (10 h 15)
Cette volonté de réduire la formation professionnelle est
encore plus évidente pour un certain nombre de programmes que le
ministère de l'Éducation se propose de transférer au
secondaire en ajoutant à ce secteur une ou deux années
supplémentaires, selon le cas, qu'on appellera secondaire VI et
secondaire VII.
La chose est confirmée pour l'option secrétariat et des
intentions sérieuses sont annoncées à l'égard du
programme de techniques infirmières et de certains autres programmes de
cégep. Dans de tels cas, la formation générale et
complémentaire du secteur collégial n'est même plus
offerte. Il est particulièrement odieux de constater que les options
ainsi touchées sont précisément celles qui conduisent
à des ghettos d'emploi féminin.
D'autres aspects des changements envisagés, que nous
n'élaborerons pas ici, confirment cette tendance à la
différenciation plus marquée des enseignements
pré-universitaire, des enseignements professionnels et à la
réduction des services. Dans ce sens, on peut mentionner la
réduction du nombre de cours de sciences, les modifications au
programme-cadre de français, la régionalisation des options, la
création des centres spécialisés, la formation en
entreprise et même la fermeture de certains cégeps.
Les intentions du rapport Parent visaient, nous l'avons vu, à
démocratiser l'accessibilité au secteur collégial et
à des enseignements moins directement utilitaires. Elles reconnaissaient
la valeur formative de ces enseignements qui, progressivement - et cette
progression est loin d'être terminée à seize ans -
permettent à l'individu de mieux comprendre son environnement physique,
spirituel, social, économique, de mieux s'y situer et d'être mieux
à même de le maîtriser. Il donne aussi des habitudes de
travail plus variées qui rendront les futurs travailleurs et
travailleuses plus polyvalents, plus capables de se réorienter dans le
monde du travail, plus capables aussi d'intervenir dans leur milieu de travail.
En diminuant ces enseignements ou en les rendant facultatifs, ce sont ces
capacités qu'on diminue. On compend aisément que les
représentants du patronat soient favorables à ces mesures,
d'autant que les économies ainsi réalisées pourront servir
à subventionner leurs entreprises. Enfin, les réorientations
proposées constituent un recul par rapport à la volonté
exprimée dans les réformes des années soixante de
réduire, par une éducation plus large, les clivages culturels
liés à l'occupation et au revenu. On sait que la motivation
scolaire, autant en ce qui concerne le choix de carrière que la
motivation à une formation plus large, est directement reliée
à l'appartenance de classe. On doit donc conclure que ce sont les jeunes
des milieux les moins favorisés, c'est-à-dire ceux qui en
auraient le plus besoin, qui s'excluront ou qui seront exclus de la formation
que les cégeps voulaient démocratiser.
Par ses décrets, le gouvernement confirme ces orientations. D'une
part, il réduit le coût des enseignantes et des enseignants qui
seront mis en disponibilité par ces changements et d'autre part, il se
donne la possibilité de transférer les enseignantes et les
enseignants au secondaire si, bien sûr, le transfert des programmes
crée des postes pour eux et surtout elles, parce qu'on a dit que
c'étaient surtout des ghettos d'emploi féminin qui étaient
touchés. Cet éclairage étend donc
l'insécurité d'emploi à un nombre encore plus grand
d'enseignantes et d'enseignants et ce, plus spécialement parmi celles et
ceux qui dispensent des cours communs obligatoires: citons la langue
maternelle, la philosophie, l'éducation physique ou ceux qui enseignent
dans des programmes menacés d'être transférés au
secondaire.
Le livre blanc sur le réseau collégial paru en 1978
proposait de changer les rapports entre le ministère et les
collèges de même qu'entre les directions de collège et les
enseignantes et les enseignants. Dans ce sens, le gouvernement adoptait en juin
1979 la loi 25 qui, modifiant la Loi sur les collèges de 1967 donnait au
ministère un pouvoir accru de réglementation. Dans son projet de
règlement des études collégiales, le ministère
cherche à accroître le contrôle des directions de
collège sur l'enseignement. Les décrets, en modifiant le
fonctionnement départemental, viennent parachever cette entreprise de
centralisation de la gestion de l'enseignement collégial. Nous employons
sciemment le terme "gestion". C'est nettement le terme qui convient. On veut
gérer la pédagogie et ce, par l'expérimentation ou la mise
en oeuvre d'un ensemble de théories, de modèles ou de gestions ou
de techniques gestionnaires développées par des
spécialistes de l'administration scolaire ou autres.
Il se dépense beaucoup d'énergie, d'encre et de papier
chez nos technocrates et administrateurs pour mettre en oeuvre un modèle
de gestion basé sur l'analyse
institutionnelle et sur l'évaluation. La fédération
des cégeps vient justement de publier 870 pages sur le sujet et tout
cela représente beaucoup de sous également.
Pour les enseignantes et les enseignants, l'idée de gestion de la
pédagogie est en elle-même choquante. Pour eux,
l'expérimentation et l'évaluation se font quotidiennement, en
classe, avec les étudiantes et les étudiants et, collectivement,
en départements, avec des collègues qui enseignent une même
matière ou des matières semblables. C'est de cette façon
que se sont construits les cégeps. Bien sûr, il faut
dépasser ces niveaux. Les programmes et les ressources qu'il faut y
affecter ne peuvent être décidés à ce niveau. Les
enseignantes et les enseignants ont d'ailleurs beaucoup contribué
à la mise sur pied des programmes par le biais des coordinations
provinciales de matières et des commissions pédagogiques de
chaque collège. Ils ont aussi tenté de le faire par le biais
d'une représentation démocratique. Or, ce type d'intervention
collective semble bien peu compatible avec les modèles de gestion
développés en vases clos dans les salles de réunion du
ministère de l'Éducation et de la fédération des
cégeps.
Progressivement, les coordinations provinciales de matières
composées d'enseignantes et d'enseignants ont été mises en
veilleuse. À chaque négociation, on tente de retirer la
commission pédagogique du champ de la représentation collective,
principe reconnu dans la convention de 1976. Les dispositions du décret,
en regard du département, vont dans le même sens. On peut en dire
autant de celles qui restreignent les libérations syndicales. Parce
qu'ils veulent un fonctionnement collectif démocratique, les
enseignantes et les enseignants sont devenus des intervenants bien
gênants.
M. le Président, pour la suite, j'aimerais passer la parole
à Nadine Pirotte qui est responsable du dossier de la condition
féminine à notre comité de négociation.
Mme Pirotte (Nadine): M. Donatien Corriveau, tout à
l'heure, a dit que les femmes étaient les premières victimes des
décrets. On aimerait montrer maintenant comment, par le décret
des cégeps, le gouvernement attaque particulièrement les
femmes.
Bien que les femmes soient majoritaires dans l'ensemble du réseau
de l'éducation, les femmes ne représentent que 32% de l'ensemble
du personnel enseignant des cégeps. Ce pourcentage, même s'il est
faible, représente une amélioration qui résulte d'une
prise de conscience en milieu collégial de la sous-représentation
des femmes.
Il faut ajouter que, de ces 32%, près de 40% des enseignantes se
retrouvent dans des départements traditionnellement
réservés aux femmes comme: techniques infirmières,
techniques de secrétariat, techniques de garderie.
Sous-représentées en sciences pures, en philosophie, en sciences
sociales et même en français, bien qu'elles y soient majoritaires
à l'université comme étudiantes, elles sont
carrément absentes dans les secteurs traditionnellement
réservés aux hommes: génie civil, électronique,
architecture. Somme toute, nous reflétons parfaitement la division
sexuelle du travail dans notre société, division qui
entraîne la discrimination systématique des femmes.
Depuis plus d'un an, de nombreux débats se sont amorcés
sur la question de la faible représentation des femmes. Les
comités de condition féminine, très nombreux dans les
cégeps, se sont attaqués à ce problème et ont
sensibilisé tout le milieu collégial à l'importance de
transformer une éducation encore sexiste en une éducation
basée sur des modèles plus égalitaires.
Les femmes n'ont pas eu le même accès à
l'enseignement collégial que les hommes pour maintes raisons, à
la fois historiques et sociales: évolution des collèges
classiques et des écoles techniques, accès limité des
filles à l'éducation supérieure jusqu'au milieu des
années soixante, contraintes familiales, orientations professionnelles
sexistes.
C'est pourquoi les enseignantes et les enseignants des cégeps ont
formulé une revendication qui venait pallier la situation. Nous
demandions, dans notre projet de convention collective, un programme
d'accès à l'égalité dans l'ensemble du
résseau collégial, programme qui visait à atteindre, par
un mécanisme de priorité à l'embauche et par le recyclage,
une représentation égalitaire des femmes dans chacune des
disciplines.
Un autre problème sur lequel les comités de femmes dans
les cégeps ont beaucoup travaillé est celui du harcèlement
sexuel. Les sondages nous indiquent, en effet, que les cégeps ne sont
pas des milieux exempts de harcèlement ni d'agressions sexuelles qui
peuvent aller jusqu'au viol.
Nous avions également une demande concernant les changements
technologiques. Ces changements sont introduits sans aucune consultation, sans
qu'il y ait formation des employés, sans considération des effets
sur la santé des travailleurs et des travailleuses. Or, dans
l'enseignement, les modifications de tâche ainsi que de contenu de cours
occasionnées par les changements technologiques apparaîtront
d'abord dans les disciplines où l'on retrouve surtout des femmes. Nous
demandions, en plus d'un droit de regard sur ces changements, des
possibilités réelles de recyclage dans les cas où des
fonctions ou du matériel sont introduits, modifiés ou
éliminés. On peut prendre, par exemple, l'impact de la
bureautique sur les techniques de secrétariat.
À la table centrale, notre demande sur les garderies consistait
en l'application du rapport du comité paritaire sur l'implantation des
garderies. Ce rapport résultait d'une entente intervenue en 1981 entre
les représentants du gouvernement et les syndicats à la suite de
notre dernière négociation. Il prévoyait la
création de 13 000 places dont 5000 places pour les enfants de
quartiers. L'entente spécifiait également que les employeurs
assumaient le loyer et l'entretien des locaux.
Au chapitre des congés de maternité, nous voulions
étendre les gains de 1979 à l'ensemble des travailleuses. C'est
pourquoi, afin d'assurer un congé de maternité de 20 semaines
pour toutes les enseignantes, qu'elles soient permanentes ou non, à
temps partiel ou à temps plein, nous demandions qu'il ne soit plus
nécessaire d'être éligible à
l'assurance-chômage pour avoir droit au congé de
maternité.
Qu'est-il arrivé de nos demandes? D'abord, nos demandes
concernant le harcèlement sexuel n'ont reçu aucune écoute
auprès du gouvernement, malgré leur peu d'incidence
monétaire. Notons également que la partie patronale n'a pas voulu
reconnaître que le harcèlement sexuel est un motif de
discrimination, alors que des amendements prévus à la charte des
droits et libertés vont dans ce sens. Nous n'avons même pas
réussi à présenter notre demande sur les changements
technologiques. Quant à l'accès à l'égalité,
le gouvernement a d'abord tenté de récupérer ce dossier en
remettant en cause le principe d'ancienneté. Il nous a finalement
déposé une clause d'accès à l'égalité
vidée de son sens. Pour ce qui est des garderies, il n'est question que
d'un nombre réduit de places, sans aucun frais assumé par
l'employeur. Finalement, les demandes concernant les congés de
maternité ont été balayées du revers de la
main.
Quelles seront les conséquences du décret dans les
cégeps sur les enseignantes? Par son décret, le gouvernement
remet en question les acquis des femmes depuis la création des
cégeps. En fait, c'est l'existence même des femmes comme
enseignantes qui est remise en question. Nous avons montré
précédemment que le décret attaque principalement la
tâche et la sécurité d'emploi. Or, les femmes subiront de
façon plus aiguë les effets de pertes d'emploi et de l'augmentation
de la tâche occasionnée par le décret.
Une simulation de la tâche faite dans quatorze cégeps de
différentes régions du Québec nous montre que les femmes
seront plus affectées que les hommes par le décret. En effet,
à peu près un femme sur deux sera touchée par le
décret. Certaines seront mises en disponibilité, d'autres
perdront carrément leur emploi. Nous avons déjà
montré aussi qu'un aspect particulièrement inquiétant du
décret était la condition faite aux enseignantes et aux
enseignants non permanents. Or, dans plusieurs cégeps, ce sont
principalement des femmes qui n'ont pas la sécurité d'emploi.
Avec le décret, ou bien ces femmes sont définitivement mises
à pied ou bien elles n'obtiennent qu'une tâche à temps
partiel et n'ont, pour ainsi dire, plus de chance d'accéder à la
permanence, ou bien elles seront sujettes au "bumping" provoqué par la
clause intra-sectorielle qui permet aux enseignants du secondaire de venir se
relocaliser au cégep.
Cette situation s'explique par le fait que les femmes ont
accumulé moins d'ancienneté que les hommes. Dernières
arrivées, elles seront les premières sorties. Si on ne
considère que les mises à pied directes, la proportion des femmes
au cégep passera rapidement de 32% à 29%. De plus, les nouvelles
conditions apportées par le décret aux enseignantes mises en
disponibilité viendront accentuer la disparition des femmes du
réseau collégial. Citons, par exemple, la réduction
salariale prévue pour les mises en disponibilité qui constitue
une invitation à quitter son emploi, de même que l'absence de
perspectives réelles de recyclage. Ajoutons à ces
éléments le tranfert de certaines options du collégial au
secondaire, comme le secrétariat ou les techniques infirmières.
Les femmes pourraient bien ne constituer que 15% du personnel enseignant, ces
15% de femmes qu'elles étaient au début de la création des
cégeps. (11 h 30)
L'augmentation de la tâche imposée par le décret
sera doublement difficile pour les femmes. La réalité sociale
n'ayant pas encore assez évolué, ce sont encore les femmes qui
assument les responsabilités parentales et les tâches
ménagères. La double journée de travail
réservée traditionnellement aux femmes sera accentuée par
le décret. Ouvrir le cadre horaire jusqu'à 23 heures, de
même qu'obliger les MED à compléter leur tâche
à l'éducation des adultes, cela pose de sérieux
problèmes quand on sait qu'il n'y a pas beaucoup de garderies qui sont
ouvertes le soir.
Le décret dans les cégeps n'aura pas seulement des
conséquences sur les enseignantes, mais également sur les
étudiantes et les étudiants. En effet, la disparition importante
de femmes risque de nous ramener à une pédagogie masculine qui a
toujours tenu les femmes à l'écart de la vie
collégiale.
Traditionnellement, les femmes avaient été exclues de
l'enseignement de l'histoire, de la philosophie, des sciences mais, depuis les
cinq dernières années, l'engagement de femmes dans ces
disciplines a constitué un
apport à l'enseignement. De plus, la création de cours sur
la condition féminine donnés par des femmes, tels des cours sur
la famille, la sexualité féminine, la littérature
féministe, l'autodéfense, a entraîné une
contribution originale qui est menacée par les décrets.
Dans les ghettos masculins, tels l'administration, les sciences pures,
l'électrotechnique, le génie civil, les effets du décret
se feront encore plus lourdement sentir. Bien que le nombre d'étudiantes
dans ces programmes augmente progressivement, il y a encore bien peu
d'enseignantes. La plupart d'entre elles seront mises à pied. Ainsi, les
étudiantes, encore victimes de discrimination sexuelle et souvent vues
comme des intruses dans ces disciplines masculines, perdront leurs
modèles féminins et la motivation à étudier dans
des domaines qui resteront la chasse gardée des hommes.
De plus, il nous semble important que les étudiantes et les
étudiants puissent entendre le point de vue des femmes au cours de leur
formation. Comment cela peut-il être possible si les femmes disparaissent
des cégeps ou restent cantonnées dans des secteurs
traditionnellement féminins?
Si l'on veut que la société change, que les rapports
hommes-femmes deviennent égalitaires, il faut que les étudiants
entendent parler de l'histoire des femmes, de leur vécu, ainsi que de
leurs luttes syndicales et politiques. Ainsi, les étudiants seront en
contact avec cette moitié du monde si souvent gardée dans le
silence et le mépris.
Nous avons déjà expliqué les effets
désastreux du décret en lien avec les réformes de
l'enseignement collégial. Nous voulons également démontrer
qu'ici encore les femmes seront particulièrement touchées. Citons
principalement les transferts d'options du collégial au secondaire
annoncés dans le document sur la Formation professionnelle des jeunes.
La première option touchée est celle des techniques de
secrétariat, une technique composée presque exclusivement de
femmes, tant du côté des enseignantes que de celui des
étudiantes. Il est question que les options à venir soient les
techniques infirmières et les techniques de garderie: encore des options
composées majoritairement de femmes. Il faut préciser que seuls
les cours strictement techniques seront transférés au secondaire
et non le programme en entier. Les effets d'appauvrissement de la formation
sont clairs. De professionnelles qu'elles étaient, les femmes passeront
à un état strict d'exécutantes. Est-ce là le type
de formation revalorisante et égalitaire que ce gouvernement veut mettre
de l'avant pour les femmes?
Les femmes, nous l'avons vu, sont les dernières arrivées
et les premières sorties; une fois mises à pied, de quel genre
d'emploi devront-elles se contenter? De postes à temps partiel,
d'emplois précaires et non syndiqués dans la plupart des cas. En
fait, les décrets et certains aspects de la contre-réforme auront
pour conséquence de faire disparaître les femmes qui avaient
réussi à se tailler une place au sein de l'enseignement
collégial depuis le milieu des années soixante-dix.
Pour la conclusion, je repasserai la parole à Claude
Gauthier.
M. Gauthier (Claude): Pour nous, l'obstacle majeur à un
règlement réside dans un cadre financier assez rigide auquel veut
nous astreindre le gouvernement. Cadre financier de 123 000 000 $ ramené
à 110 000 000 $ par les aménagements au cadre du règlement
relativement à la tâche et à la sécurité
d'emploi, auquel il manque toutefois les données sur la
récupération qu'entend faire le ministère de
l'Éducation face à l'acquisiton de la permanence et aux
modalités nouvelles d'engagement. À ce chiffre il faut ajouter la
récupération salariale prévue à la loi 70 qui fixe
pour le seul niveau collégial un objectif de 6 000 000 $ pour l'exercice
financier courant et 30 000 000 $ pour l'exercice suivant.
Il reste encore la récupération prévue à la
loi 70 qu'on peut évaluer à 30 000 000 $. Le gouvernement cherche
donc à prendre une récupération équivalente
à 20 000 $ dans la poche de chaque enseignante et enseignant pour les
trois années à venir.
L'importance de cette récupération fixée par le
Conseil du trésor s'accorde mal avec les objectifs que devrait
poursuivre le ministère de l'Éducation. Ces objectifs sont
à courte vue et sans égard aux conséquences
désastreuses qu'ils peuvent avoir sur les étudiantes et les
étudiants que nous avons la responsabilité de former. Le
gouvernement, même au nom de la situation économique qui
prévaut, n'a pas le droit de renflouer les coffres de l'État
à même les budgets qui lui sont, pour le moment, les plus
facilement accessibles. Par cette opération, le gouvernement impose une
taxe fort élevée aux enseignantes et enseignants sans garantir
par ailleurs la qualité même de l'éducation. C'est un peu
trop lourd tant pour le personnel enseignant que pour la société
québécoise. Ce choix est irresponsable.
Faut-il s'étonner que les enseignantes et enseignants de
cégep, comme ceux de l'élémentaire et du secondaire, se
soient retrouvés massivement dans la rue pour protester contre les choix
du gouvernement? Faut-il aussi s'étonner que cette protestation se soit
faite au risque même de la perte de leur emploi? En prenant un tel
risque, les enseignantes et les enseignants ont voulu témoigner de
l'importance qu'ils accordent à la qualité de l'enseignement et
alerter l'opinion publique sur la remise en cause de
notre système d'éducation.
Là où le gouvernement prétend que les enseignantes
et enseignants défendent leurs privilèges, nous affirmons que le
gouvernement trafique dans l'ombre, à même notre
négociation, des choix démocratiques importants: le droit
à la libre négociation, le droit à une éducation de
qualité.
Qu'on ne vienne pas prétendre que les enseignantes et enseignants
se refusent à consentir un effort particulier face à la situation
économique actuelle. L'effort exigé est, en fait, un sacrifice
aveugle. Les enseignantes et enseignants se refusent en effet à mettre
en péril les cégeps, oeuvre à laquelle ils ont largement
contribué. Ils s'opposent à ce que le ministère de
l'Éducation profite de la présente négociation pour mettre
en place ces prétendues réformes qui ont pour effet de remettre
en cause le dynamisme propre des cégeps et la qualité de
l'enseignement qu'ils dispensent. Ils refusent de souscrire à une
formation professionnelle des jeunes qui les priverait de leur droit à
la formation de base que mettait de l'avant le rapport Parent. C'est pourquoi
ils défendent avec acharnement le statu quo de leur convention
collective.
Faut-il encore rappeler que les cégeps, fondés il y a
à peine quinze ans, constituent une oeuvre originale de la
société québécoise? Faut-il également
souligner, compte tenu du contexte nord-américain dans lequel vit notre
société, du prix qu'il faut payer pour le maintien de notre
identité? Les enseignantes et enseignants de cégep le savent
bien, eux qui doivent travailler à toute l'organisation
matérielle des cours qu'ils dispensent: de la conception des cours
jusqu'à la correction des travaux qui y sont rattachés. Le niveau
collégial, parce qu'il est propre au Québec, exige du personnel
enseignant des efforts supplémentaires. On ne sait pas assez que ce sont
les enseignantes et enseignants qui, au niveau collégial, ont la
responsabilité des notes de cours, c'est-à-dire de la
construction même des manuels qu'ils utilisent. Ils sont fiers de cet
effort. Et c'est parce qu'ils sont fiers du travail qu'ils ont accompli
jusqu'à maintenant qu'ils défendent le statu quo de leur
convention collective, statu quo de la tâche et de la
sécurité d'emploi, garantie d'un enseignement de
qualité.
Pour eux, la reprise de la négociation doit passer par la remise
en cause du cadre financier du gouvernement. Ils croient qu'il est plus
important, pour la société québécoise, de
protéger la qualité de l'enseignement que de souscrire aux
objectifs à trop courte vue du Conseil du trésor. Et pour sauver
la qualité de l'enseignement au niveau collégial, ils sont
prêts à regarder les efforts qu'ils peuvent consentir.
À cette fin, ils envisagent la reprise de la négociation
à la lumière des efforts déjà consentis, de ceux
aussi qu'ils seraient prêts à consentir si le gouvernement ne
maintenait pas de façon aussi rigide le cadre financier qu'il s'est
fixé. Quant à eux la reprise de la négociation doit se
faire autour des objectifs qu'on doit poursuivre en matière
d'éducation. À cette fin, nous rappelons la volonté
réaffirmée des enseignantes et enseignants du collégial de
jouer leur rôle face à l'éducation des adultes, de
poursuivre leur travail dans les départements, de veiller à
l'équité dans la répartition des enseignantes et
enseignants entre les collèges de toutes les régions, de
façon à garantir une même qualité d'enseignement
partout au Québec.
De même, il nous paraît important de protéger la
difficile percée des femmes au collégial dans un réseau en
pleine expansion qui doit leur reconnaître le droit qu'elles ont
d'occuper des charges d'enseignement ou de poursuivre des études
post-secondaires.
Nous croyons que la reprise de la négociation doit toucher
à tous les aspects de la vie collégiale, y compris celui des
réformes qu'on voudrait nous imposer et qui ne sauraient avoir de sens
sans la contribution active des enseignantes et des enseignants du
collégial.
Il y a également un autre objectif qu'on poursuit lors de la
présente négociation. C'est le règlement du cas des 113
professeurs qui avaient été alloués, lors de la
négociation de la convention collective, sur des postes à
l'éducation des adultes. Ces 113 professeurs n'ont pu occuper ces postes
parce qu'à la suite de technicités, on leur refuse le droit
d'occuper ces postes. Je veux rappeler, à ce sujet, qu'on a fait des
ouvertures qui pourraient permettre de régler ce dossier. C'est sur eux
qu'on a compté pour l'édification des cégeps, c'est avec
eux qu'on doit poursuivre le travail à accomplir. Merci.
Le Président (M. Paré): Merci, mesdames et
messieurs. Tel qu'entendu et pour poursuivre dans le même domaine,
j'inviterais maintenant M. Yvon Charbonneau, président de la Centrale de
l'enseignement du Québec, ainsi que M. Guy Bellefeuille,
président de la Fédération des enseignants de
cégeps, à venir compléter sur le même sujet, avant
qu'on en arrive à la période des questions.
Le Président (M. Paré): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: À moins qu'il y ait maldonne, il est possible
que la Centrale de l'enseignement du Québec veuille se présenter
à ce moment-ci parce qu'il y a la Fédération des
enseignants du Québec qui appartient au secteur collégial, et
qu'on veuille donc faire entendre la CEQ dans ce
contexte très particulier, si je comprends bien?
Le Président (M. Paré): Vous avez bien compris et
c'est d'un commun accord des deux côtés. C'est
spécifiquement afin de poursuivre sur le même sujet.
M. Ryan: Si je comprends bien, les questions pourront s'adresser
à l'un ou à l'autre groupe quand viendra ce moment?
Le Président (M. Paré): Exactement, M. le
député d'Argenteuil. Tous ceux qui sont maintenant intervenus, en
plus des deux intervenants à venir, pourront répondre à
toutes les questions que les membres de la commission voudront bien poser par
la suite. La parole est présentement à M. Yvon Charbonneau,
président de la CEQ.
Centrale de l'enseignement du Québec
M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, mesdames et
messieurs les députés, membres de cette commission. Je voudrais
tout d'abord présenter les deux personnes qui sont à ma droite:
M. Guy Bellefeuille, président de notre Fédération des
enseignantes et enseignants de cégep; Mme Denise Blanchette, de la
même fédération.
En introduction à notre intervention, vous me permettrez
d'outrepasser ou de dépasser quelque peu l'objet officiel en titre de
cette commission ou du conflit qui a provoqué cette rencontre, pour
mieux situer ce qui, pour nous, en constitue les enjeux. Il nous semble, en
effet, que ceux-ci dépassent largement les conditions de travail d'un
groupe particulier d'employés. Soulignons, cependant, que cet aspect est
loin d'être négligeable puisque la détérioration
générale des conditions de travail des employés de
l'État aura des répercussions directes sur les conditions de
travail de l'ensemble des Québécoises et des
Québécois. Le patronat de la construction en fait
déjà foi. (11 h 45)
Mais ce n'est pas sur cet aspect du problème que nous voulons
insister ici, mais plutôt sur ce qui fait la raison d'être de notre
métier, c'est-à-dire la formation des jeunes et des adultes. En
effet, les décrets ne constituent dans les faits qu'une des mesures
inquiétantes prises par le gouvernement depuis 1978 et qui auront pour
effet, à plus ou moins long terme, de dégrader, à notre
avis, d'une manière assez systématique l'enseignement
collégial. Parmi ces mesures, rappelons la trame suivante: L'adoption
des lois 24 et 25 amendant la Loi des collèges, il y a quelques
années; les coupures budgétaires, notamment celles de 1981 et de
1982; la mise en tutelle de certaines coordinations provinciales de programmes
et matières; la création des comités école-travail;
la mise en place de mesures administratives d'évaluation des
enseignements; la mise en marche de mesures visant à transférer
certains programmes du collégial au secondaire, et, enfin, les
décrets.
Ces mesures ne peuvent pas avoir été improvisées.
Elles font partie d'un projet d'ensemble concernant l'avenir de l'enseignement
collégial et énoncé dans deux documents majeurs: Les
collèges du Québec, publié en 1978, et le livre blanc sur
la formation professionnelle, publié récemment. Bien que toute la
rhétorique de ces documents vise à en atténuer les aspects
inquiétants, elle ne suffit pas à en masquer les grandes
orientations qui peuvent se résumer comme suit, à notre point de
vue: premièrement, une réduction draconienne des coûts de
la formation collégiale; deuxièmement, un contrôle direct
accru de l'État sur l'enseignement; troisièmement,
l'asservissement de la formation professionnelle de manière de plus en
plus évidente aux besoins et directives de l'entreprise
privée.
La réalisation de ces objectifs, nous l'avons souligné par
l'énumération de mesures déjà adoptées, est
en partie amorcé, mais l'adoption des décrets viendra justement
permettre de dégeler au printemps bon nombre de projets qui ne pouvaient
pas être concrétisés jusqu'à maintenant, à
moins de sabrer à grands coups dans les conditions de travail et
d'apprentissage consignées dans les conventions de nos membres
maintenant échues.
Tout d'abord, sur la réduction des coûts.
Déjà, les budgets de 1981 et 1982 avaient sabré lourdement
dans les budgets de fonctionnement des collèges. Ainsi, alors que les
budgets globaux pour ces deux années augmentaient au rythme de
l'inflation à peu près, celui de l'éducation baissait en
chiffres absolus. À cause des conventions en vigueur,
l'enveloppe-enseignant", la rémunération des enseignants,
n'était pas touchée, mais il n'en fut pas de même - on n'en
parle pas assez souvent - pour celle du personnel non enseignant dont les
postes ont disparu par dizaines dans le réseau depuis 1981:
bibliothécaires, psychologues, conseillers pédagogiques,
appariteurs, secrétaires.
De la même façon, on a "rentabilisé"
l'équipement aux dépens de la qualité des services. Les
budgets alloués aux bibliothèques et à l'audiovisuel, aux
laboratoires, d'après nos informations, n'existent plus, à toutes
fins utiles, dans plusieurs cégeps. À titre d'exemple, dans un
collège important de Montréal, le budget alloué, en chimie
industrielle, pour le renouvellement du matériel de laboratoire est de
1% de sa valeur. Un pour cent de sa valeur, en termes de renouvellement, cela
ne
prendrait pas moins d'un siècle pour le renouveler à ce
rythme-là. Par ailleurs, le budget annuel alloué à
l'ameublement de l'administration est de 20% de sa valeur. L'ameublement de
l'administration: renouvelable en cinq ans!
Les étudiants défraient de leur poche ces coupures. Ils
doivent payer à la hausse notes de cours, résidence,
cafétéria, équipement sportif, etc. L'effet le plus grave
de ces coupures se manifeste donc dans l'accessibilité. Le
périodique de la Fédération des cégeps,
"CÉGE PROPOS", soulignait en septembre ce problème. Les
collèges, par le biais de ce qu'on appelle les autorisations de
clientèles émanant du ministère, par le biais des
règles budgétaires, de la limitation du nombre de places, sont
fortement incités au contingentement, à défaut de ne
pouvoir assumer ce déficit.
À cause, sans doute, des conditions d'emploi ou du haut taux de
chômage, les clientèles ont augmenté depuis deux ans de
façon notoire dans les cégeps, mais elles auraient
augmenté davantage si on avait tenu compte des besoins réels de
la population et n'eussent été les contingentements et les
contraintes exigés par les coupures.
On peut souligner - les comparaisons avec l'Ontario étant
à la mode - que la scolarisation au Québec au niveau
collégial laisse plus que largement à désirer. À
titre d'indication, en 1980, pour les jeunes de 18 ans d'âge - à
peu près l'âge moyen d'un cégépien - 42% des jeunes
de 18 ans d'âge au Québec fréquentaient l'école; 75%
des jeunes du même âge étaient dans un établissement
scolaire de même niveau en Ontario. Par le seul biais des coupures
déjà exercées, l'accessibilité à la
formation est lourdement hypothéquée. La formation
collégiale menant, d'une part, soit à un niveau d'occupation ou
de travail technique ou bien menant, d'autre part, à
l'université, cette hypothèque pèse lourd sur le
développement du Québec. Nous n'avons pas abordé ici les
effets combinés des décrets, de la régionalisation des
options, des coupures, des contraintes dans les prêts et bourses, du
resserrement des conditions d'admission, du transfert de certains programmes au
secondaire et des fermetures appréhendées d'établissements
à basse clientèle.
Parlons maintenant des contrôles de l'État. Concernant cet
objectif, plusieurs mesures ont déjà été
adoptées. Il ne reste pour ainsi dire qu'à mettre en application
les décrets et à adopter le projet de règlement des
études collégiales pour mettre en marche ce que nous
considérons être un processus bien huilé de contrôle
bureaucratique qui descendrait des officines du ministère jusqu'aux
salles de cours. Les lois 24 et 25 inauguraient cette mise en place en juin
1979. Il s'agissait d'enlever aux collèges une bonne marge de leur
autonomie, de créer le Conseil des collèges qui, avec sa
commission d'évaluation, devient le tampon entre le ministère et
les collèges et le juge de leur bon fonctionnement selon les
critères et directives du ministère. Cette commission, pour mener
à bien son mandat, exigeait des collèges qu'ils se donnent des
mécanismes d'évaluation. Cela est fait. Il ne reste plus
qu'à mettre en application ces mécanismes qui consistent à
donner aux administrateurs locaux, pour ainsi dire transformés en
commis, les pouvoirs d'intervenir dans les salles de cours. Le décret le
permet et nous pouvons y revenir, s'il y a des questions.
L'adoption du projet des régimes pédagogiques qu'on
prévoit pour juin, semble-t-il, fera aux administrations des
cégeps l'obligation de superviser les plans de travail des
départements, les plans de cours de chaque enseignant, les
critères, méthodes et instruments d'évaluation des
étudiants en conformité avec les plans-cadres du
ministère. En fait, il ne s'agit pas d'évaluer et de
contrôler pour améliorer tellement comme pour vérifier la
conformité entre ce qui se passe dans les cégeps et les cadres
prévus en haut lieu. Finies donc - selon le sentiment de nos membres qui
travaillent dans les cégeps - les possibilités
d'expérimentation ou d'innovation et nous tombons dans un régime
où l'uniformisation, la standardisation seront les critères de
base de l'enseignement dans l'ensemble des cégeps, selon un processus
typiquement hiérarchisé. Les enseignants et les enseignantes se
conçoivent, à ce moment-là, comme transformés en
exécutants, en haut-parleurs des directives venant d'en haut
plutôt qu'en véritables professionnels auxquels parfois on fait
appel dans certaines lettres envoyées par le ministre à nos
membres.
Parallèlement à cette mise en place, on remet de "l'ordre"
dans l'élaboration des programmes en éliminant toute
participation des enseignants. Encore un geste d'attention à
l'égard des professionnels de l'enseignement que nous sommes
censés être. En effet, d'une mise en tutelle à l'autre,
dans les coordinations de matières et programmes, français,
sciences, plusieurs programmes du professionnel, on met fin en douceur - plus
ou moins - à la consultation des enseignants dans la construction et
l'évolution des programmes. Le ministère impose aux enseignants
de disposer, selon les règles émises. Il nous reste à
imaginer les résultats de telles mesures. La qualité de
l'enseignement s'en portera-t-elle mieux du fait que le ministre de
l'Éducation sait ou croit savoir ce qui se passe quotidiennement dans
les salles de cours? La formation des jeunes n'a rien à voir,
semble-t-il, avec ce genre de mesure.
Au niveau de la formation professionnelle, nous abordons ici le
domaine,
pour ainsi dire, du secret d'État, dans le sens que ce tableau se
présente à nous comme un casse-tête auquel il manquerait
quelques pièces maîtresses. Il s'agit du dossier de la formation
professionnelle. Cependant, si le scénario que nous pouvons imaginer
pour les années futures reste encore vague, nous en possédons
quelques pièces suffisantes pour poser des questions. Passons-les en
revue. Premièrement La création d'un nouveau diplôme dit
certificat d'études collégiales, ou CEC, dont la
caractéristique consiste à permettre à l'étudiant
d'obtenir une compétence professionnelle en acquérant une
formation générale plus que précaire et une formation
professionnelle à rabais. La création aussi de centres
spécialisés, dit-on, qui devraient s'ajuster aux besoins de
l'industrie régionale aussi bien en ce qui a trait au programme
qu'à l'évaluation des étudiants, la formation des
enseignants ou certains programmes de recherche. À remarquer que les
programmes visés jusqu'à maintenant par les mesures de transfert
du collégial vers le secondaire touchent particulièrement des
étudiantes de collège. La régionalisation des options en
vue, en fonction, une fois de plus, des besoins du patronat régional,
sans tenir compte nécessairement des besoins à long terme de la
collectivité québécoise et des aspirations des
étudiantes et des étudiants. Des questions aussi qu'on peut poser
à propos de l'alternance études-travail. Certaines
expériences européennes en ce domaine qu'on nous a
rapportées d'Allemagne ou d'Autriche nous indiquent que ce mode de
formation revient, plus souvent qu'autrement, à moins qu'on soit
très sérieux dans les conditions de mise en oeuvre, à
donner à l'entreprise le contrôle quasi total de l'orientation et
de la formation des jeunes.
À la lumière de tous ces éléments, bien que
nous sachions mal comment ils seront agencés - enfin il y a un
débat en cours actuellement - nous craignons fort que les institutions
collégiales perdent finalement le contrôle de la formation
professionnelle des jeunes et des adultes qui s'inscrivent à ces
secteurs, mais nous craignons surtout que cette formation se retrouve
sévèrement déqualifiée, qu'elle perde peu à
peu son aspect tout de même polyvalent - la notion de base d'un
cégep - et qu'elle perde aussi ses assises scientifiques et humanistes
et ne soit orientée de plus en plus que vers un apprentissage utilitaire
à court terme.
Cette orientation vers la déqualification de la formation ne
semble pas être réservée qu'au secteur professionnel. Nous
assistons actuellement, sans être dans le coup par la consultation et
malgré certains mécanismes de coordination créés
à cet effet, à la refonte de tous les programmes du
général. Les résultats connus jusqu'à maintenant de
cette manoeuvre ne laissent pas de nous inquiéter, notamment en ce qui
touche le programme des sciences par exemple. La réduction dramatique de
la formation préalable au secondaire, la simplification à
l'extrême de l'approche pédagogique et des contenus nous font
craindre pour l'avenir de la formation et de la recherche scientifique au
Québec. Ne l'oublions pas: le programme des sciences s'adresse
uniquement à ceux qui se dirigent vers une carrière
scientifique.
En conclusion, les décrets, M. le ministre - vos porte-parole aux
diverses tables où nous sommes passés depuis six mois nous l'ont
répété - n'ont pas pour seul but de réduire les
dépenses de l'État. Je sais quel bruit on fait autour de toutes
les questions budgétaires, financières. Nous voulons tout de
même soulever ici l'attention du public sur le fait qu'il y a beaucoup
d'objectifs qui ne sont pas d'ordre pécuniaire qui sont visés et
atteints par les décrets et qui, à notre avis, ne sont pas des
objectifs de nature à améliorer la formation des jeunes de ce
secteur. On comprendrait mal certaines dispositions de ces décrets si on
pensait qu'il n'y a que des objectifs financiers derrière cela. En
instaurant de plus en plus d'arbitraire à tous les niveaux du processus
d'enseignement collégial, ces décrets permettent de bouleverser
peu à peu, mais de fond en comble, l'enseignement collégial en
répondant à notre avis à des besoins qui ne sont pas ceux
de la majorité. Quoi qu'on en dise, l'effet combiné des coupures,
des contrôles et de l'asservissement progressif mais accru à
l'entreprise ne peut avoir pour effet d'améliorer d'une manière
fondamentale et à moyen terme la qualité de la formation à
ce niveau.
M. Guy Bellefeuille, président de la Fédération des
enseignants de cégep, complétera cet exposé.
M. Bellefeuille (Guy): Sur toute la question du contenu de la
négociation, nous partageons, comme Fédération des
enseignants et enseignantes de cégep (CEQ), le discours que la FNEEQ
vous a livré tantôt. Aussi, ce n'est pas notre intention
maintenant de reprendre en détail les différents chapitres qui
font encore problème dans cette négociation. (12 heures)
Je voudrais cependant, si vous le permettez M. le Président,
relever quelques affirmations qui ont été faites ici hier. M.
Girard affirmait vouloir "désencarcaner" -selon son mot - le monde de
l'éducation par des conventions collectives qui prévoient les
moindres détails et qui réglementent les moindres aspects de la
vie pédagogique.
Nous pourrions en être, mais je vais aussi souligner, sur cette
question, que l'évolution des conventions collectives depuis une
quinzaine d'années a amené une
complexification des textes, certes, mais cela était dû, il
ne faut pas l'oublier, au fait que chaque fois qu'il y avait une absence dans
une convention collective de travail, la partie patronale en profitait pour
essayer d'utiliser au maximum ces trous - comme on les appelle - à ses
fins propres et parfois de façon outrancière et, la plupart du
temps, sans vouloir négocier, s'entendre avec les syndicats.
C'est ce qui amenait continuellement les syndicats à vouloir
boucher ces trous et ainsi à réduire la marge de manoeuvre de la
partie patronale, à limiter ainsi le droit de gérance qui, s'il
n'est pas vu - comme disait M. Girard - comme le mal absolu, est vu parfois
comme tel par les enseignants et les enseignantes. Que ce droit soit
exercé par d'anciens professeurs - comme le soulignait M. Girard - ne
change strictement rien à la situation. Regardons combien de professeurs
ou d'anciens professeurs, membres du Parti québécois, ont
voté pour les décrets, pour la loi 105, pour la loi 111, pour se
rendre compte qu'il n'y a pas de relation entre une fonction et une autre.
Sur la question des clientèles scolaires, M. Girard disait hier
que, pour l'année qui vient, les prévisions que nous avons sont
considérables. On le croit aussi. Cependant, quand on regarde
l'application que le ministère tente de faire actuellement du
décret pour l'année prochaine, on se rend compte qu'il utilise la
même clientèle que cette année. Nous craignons fort qu'avec
une telle perspective les problèmes qui tournent autour de la question
du financement, des prévisions d'engagement, des contingentements,
n'amènent de façon claire une limitation de
l'accessibilité à l'enseignement collégial. Il faut dire
que telle a toujours été la politique du ministère de
sous-évaluer les prévisions de clientèles pour ne pas
avoir à engager le nombre de professeurs nécessaires avant coup
et se donner une bonne marge de manoeuvre dans toute la question de la
répartition des enseignants et des enseignantes entre les
collèges et entre les disciplines.
Une autre chose que je voudrais relever, c'est quand M. Girard affirmait
que le ministère maintenait la libération d'un enseignant sur 20
afin d'assurer la coordination départementale. C'est vrai mais il faut
faire une nuance très importante. C'est que ce nombre de professeurs
sera désormais pris à l'intérieur du quantum
résultant de la norme 1 sur 15, alors qu'auparavant ces professeurs
étaient pris en dehors du quantum régulier. Si on tient compte de
ce nombre de professeurs, la norme 1 sur 15 n'est plus une norme 1 sur 15.
C'est une norme 1 sur 15,8 qui nous est offerte pour l'enseignement. Ce n'est
pas négligeable.
Une autre chose dont M. Girard parlait hier, autour de la question de la
disparition de la formule d'allocation que nous avions dans nos conventions
collectives. Il nous apparaissait important de maintenir cette formule de
répartition des conventions collectives antérieures parce qu'elle
avait plusieurs usages et comportait, pour les enseignantes et les enseignants,
des garanties multiples.
D'abord, elle garantissait que la répartition de l'allocation
entre les collèges du réseau tenait compte des
spécificités de chacun. Elle servait aussi, localement, pour la
répartition entre les disciplines et ce, avec un minimum
d'équité. De plus, on obligeait ainsi le collège à
procéder aux engagements nécessaires de l'ordre de 98% de ce que
c'était dans la dernière convention collective.
Rien dans le décret ne garantit que l'allocation ne diminuera pas
de plus de 14% à 15%, qui est la volonté du gouvernement. Mais ce
dont on peut être certain, c'est que le décret garantit une
diminution minimale de 15%. Il existe de grandes nuances entre allocation et
répartition et entre répartition et engagement; c'est ce qu'on
craint. De fait, pour les enseignantes et les enseignants, il ne reste qu'une
seule garantie dans le décret, c'est la charge individuelle maximale.
Cette "garantie" permet à l'employeur, si elle est utilisée au
maximum, de diminuer d'au moins, selon toutes les simulations que nous avons
faites, 25% l'allocation des disciplines.
Nous n'affirmons pas que chaque discipline subira des diminutions de cet
ordre. Cependant, il est possible que chacune subisse une diminution qui
variera entre 0% et 30%, dépendant du maquignonnage qui se fera
auprès des administrateurs ou des privilèges que certaines
administrations voudront donner. En bref, les syndicats n'ont plus aucun
contrôle sur la quantification de la charge de travail de leurs membres,
étant donné que les collèges pourront la répartir
selon des principes qui leur semblent bons et selon l'arbitraire le plus total.
C'est cela, le droit de gérance que nous refusons.
M. le Président, je vous livrerai aussi la conclusion de notre
mémoire qui, à cause d'un problème technique, ne peut vous
être déposé ce matin, mais qui sera sûrement
déposé cet après-midi. Je pense que tout le monde en
conviendra, les enseignantes et les enseignants de cégep ne sont pas
volontiers frondeurs. S'ils sont sortis en grève, malgré
l'interdiction qui leur en était faite par les lois 70 et 105, c'est
qu'ils avaient des raisons. S'ils ont fait fi des menaces brutales de la loi
111, c'est qu'ils estimaient que le bons sens, la légitimité et
le droit de la collectivité font partie de leur cause. Vous le savez
autant que nous, ils conviennent d'emblée que les temps ne sont pas aux
gains syndicaux, mais entre cela et les
contenus de vos décrets il y a un large espace pour les compromis
que nous avons offerts et que vous avez refusés
systématiquement.
Alors, ils s'interrogent et ils sont inquiets. Que recherche donc ce
gouvernement? Quels objectifs poursuit-il dans son entêtement?
Préserver la qualité de l'enseignement? Parce que vous aviez
encore l'audace, il y a peu de temps, de tenir ce discours! Faut-il en
souligner l'absurde? Préserve-t-on ou améliore-t-on la
qualité de l'enseignement en détériorant la charge des
enseignantes et des enseignants, en les obligeant à faire un choix entre
leurs nombreuses tâches et en surchargeant les classes?
Améliore-t-on la qualité de l'enseignement en bloquant tout
accès à la carrière d'enseignant aux jeunes professeurs,
en soumettant ceux en place à l'arbitraire et à
l'insécurité constante? Améliore-t-on la qualité de
l'enseignement en instaurant la bureaucratie, le contrôle et, parfois
même, nous irions jusqu'à dire la "flicaillerie" dans et autour
des salles de cours? En enlevant aux enseignantes et aux enseignants tout droit
de regard sur la pratique de leur métier? La réponse à
cette question va de soi. Selon nous, les sophismes ne convainquent personne,
même pas celui qui les fait.
Alors, nous réplique-t-on sur un autre mode, les temps sont au
partage et au rationnement. Vous devez aussi faire des sacrifices au profit des
chômeurs. Quelle blague, M. le ministrel Règle-t-on le
chômage dans le secteur privé en créant du chômage
dans le secteur public? Quelle différence y a-t-il entre un
chômeur issu du public et celui issu du privé? Mais ce n'est pas
tout, et vous le savez. Les salaires dans lesquels vous avez sabré,
c'est du pouvoir d'achat, ce sont des impôts qui ne sont pas
perçus. En quoi cela aide-t-il les chômeurs du secteur
privé? Et qu'en est-il du blocage des emplois dans le secteur public? M.
le ministre, vous avez, vous et vos collègues, une conception bizarre du
plein emploi, à moins que vous ne vouliez élargir la
solidarité chez les chômeurs.
Il vous reste encore un argument: le cadre financier, la cote de New
York, c'est l'argument massue. Admettons que, pour un moment, nous partagions
vos inquiétudes quant au déficit budgétaire. Mais en
sommes-nous responsables, en sommes-nous les seuls responsables?
Déjà, vous êtes venus chercher chez les seuls travailleurs
du secteur public, par les lois 68, 70 et 105, près de 3 000 000 000 $.
C'est une somme, vous en conviendrez! Par le décret, vous venez chercher
encore une centaine de millions, la différence, en dollars, entre votre
décret sur le normatif et nos acquis. Là ne peut se situer, dans
cette mince marge qui nous sépare, l'argument indéfectible
à votre entêtement. Ce serait vraiment trop bête. Il faut
chercher ailleurs et, ailleurs, il ne vous reste que des mauvaises raisons. Par
exemple, vouloir détruire la combativité syndicale dans le
secteur public, parce que, pour des raisons structurelles, historiques et
démographiques au Québec, ce secteur est, depuis dix ans, le fer
de lance de l'ensemble du syndicalisme. Par exemple, vouloir
détériorer les conditions de travail du secteur public, parce que
ces conditions servent d'étalon, d'exemple au secteur privé. Vous
le savez, toute baisse de salaire chez nous, toute augmentation de la
productivité entraîneront, en les multipliant, les mêmes
détériorations dans le secteur privé. Vous avez
écrit cela dans Le virage technologique, sous une rhétorique
moins brutale.
Reste aussi vouloir mettre un frein au développement du
système d'éducation au Québec. Cela aussi, vous l'avez
écrit, M. le ministre, dans Les collèges du Québec et dans
Bâtir le Québec, toujours sous la même rhétorique
enveloppante. Vouloir y mettre un frein pour placer l'argent des contribuables
ailleurs: dans la PME qui risque ou qui fait faillite, dans les multinationales
qui s'installent ailleurs, chez les petits financiers bien de chez nous, mais
parfois incompétents ou un peu véreux, dans les stades olympiques
ou dans Quebecair. Mais aussi vouloir mettre un frein à
l'éducation parce que la nouvelle organisation du travail, le virage
technologique, nécessitent peu de têtes penseuses, mais
plutôt des exécutants dociles et beaucoup de chômeurs.
Inutile de vous le souligner, M. le ministre, nous ne partageons par ces
raisons. Nous n'avons que la force du nombre et notre détermination pour
les combattre. Parce que nos acquis des dix dernières années
peuvent encore freiner vos projets, nous y tenons à ces acquis. Il n'y a
maintenant plus qu'un seule solution pour sortir du dilemme dans lequel nous
sommes placés, c'est de reprendre les négociations sur de
nouvelles bases. C'est ce que nous espérons.
Le Président (M. Paré): Messieurs, tel que cela a
été entendu précédemment, il sera possible à
tous les intervenants de la commission de poser des questions soit aux membres
de la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du
Québec ou à M. Charbonneau et à M. Bellefeuille qui
viennent de parler. Donc, la parole est maintenant à vous, M. le
ministre de l'Éducation.
M. Laurin: Le mémoire de la FNEEQ est abondant. C'est
surtout de celui-là que je parlerai, puisque la FEEC s'y rallie, selon
ce que vient de dire M. Bellefeuille. Donc, le mémoire de la FNEEQ est
abondant, touche plusieurs sujets, dont un certain nombre, sur
lesquels elle s'étend longuement, par ailleurs, qui
relèvent de la responsabilité propre du gouvernement et du
ministère de l'Éducation, par exemple, l'élaboration des
politiques, que ce soit la politique des collèges, que ce soit la
politique de la formation professionnelle, que ce soit ce qui doit en sortir,
c'est-à-dire le règlement pédagogique pour le
collégial, que ce soit aussi des décisions proprement
ministérielles comme les options professionnelles, leurs modifications
ou les changements qui s'imposent à cet égard. (12 h 15)
D'ailleurs, j'aimerais vous faire remarquer, au départ, que,
parmi ces grandes politiques, la politique de formation professionnelle est sur
la planche à dessin depuis maintenant quatre ou cinq ans. Elle a fait
l'objet d'abondantes consultations à deux reprises. Nous avons
modifié nos propositions pour les soumettre de nouveau à la
consultation. Cette politique de formation professionnelle a fait l'objet de
consultations au niveau des régions au cours de plusieurs mois et
où nous aurions aimé voir un plus grand nombre de groupes de
votre fédération y participer. Elle a fait l'objet d'audiences
nationales auxquelles vous brilliez par votre absence, pas plus tard qu'il y a
deux jours. Nous aurions bien aimé et nous aimerions bien encore, chaque
fois qu'il s'agit de l'élaboration d'une politique, entendre tous vos
points de vue; nous les sollicitons.
Il en va de même pour le projet de règlement
pédagogique. Une première version a été
lancée il y a près de trois ans. À la suite de la
consultation que nous avons menée, nous l'avons reprise; elle est
elle-même soumise à la consultation depuis maintenant près
de deux ans. Les décisions ne sont pas encore prises. Je n'ai pas encore
présenté de projet au Conseil des ministres.
Sur ces points, le ministère de l'Éducation revendique sa
responsabilité, le gouvernement revendique sa responsabilité
jusqu'à nouvel ordre. L'élaboration des politiques, les
orientations du système éducatif sont encore de la
responsabilité du gouvernement, bien qu'il soit séant, sain,
opportun de s'entourer de tous les éclairages venant de toutes les
couches ou secteurs de la société et en particulier de nos
partenaires de l'éducation.
Dans votre mémoire également, vous faites le procès
du gouvernement sur des décisions qui ne sont pas encore prises, par
exemple le transfert au secondaire d'un certain programme et le transfert
éventuel d'autres programmes comme les techniques infirmières ou
les techniques de garderie. Ces décisions-là sont loin
d'être prises en ce qui concerne, par exemple, commerce et
secrétariat. Tout ce que nous avons noté, ce sont les
observations qui nous viennent de toute part disant qu'il s'est
développé un dédoublement, un chevauchement entre les
programmes du secondaire en commerce secrétariat et les programmes du
collégial en techniques de secrétariat. Nous voulons, d'une part,
assurer la spécificité de niveau de chacun de ces enseignements,
mais en même temps assurer la continuité entre les programmes de
commerce secrétariat au niveau du secondaire et ceux qui doivent exister
au niveau du collégial. Au lieu de prendre une décision, nous
avons fait ce qui convenait, je pense, soit nous accorder du temps pour
étudier les critiques qui sont faites, voir si elles sont bien
fondées et essayer de prendre des solutions à la lumière
des deux principes que je viens de signaler.
Donc, sur les sujets sur lesquels vous vous êtes beaucoup
étendus, je pense que, d'une part, les décisions ne sont pas
prises; deuxièmement qu'elles seront prises en prenant en
considération tous les avis qui peuvent et doivent nous parvenir
à cet égard; ces décisions, bien sûr, seront prises
en fonction de ce qui paraît le plus opportun.
Je veux revenir à tous les autres sujets qui touchent proprement
la négociation et que contenait votre mémoire. Ce mémoire,
encore une fois, était abondant et touchait plusieurs sujets.
J'aurais une première question à vous poser. Comment se
fait-il que, depuis sept mois, il n'ait pas été possible d'en
discuter à la table de négociation, en vertu de l'exigence que
vous avez posée et dont vous faites état dans votre
mémoire, qu'il aurait fallu, pour que la discussion s'amorce, que le
gouvernement renonce, d'abord, à sa demande sur la tâche? Il me
semble que vous auriez pu poser cette exigence, faire cette demande. Nous
voudrions, bien sûr, parler de la tâche, mais, en attendant que
cette discussion évolue à la table centrale, par exemple, en ce
qui concerne l'aspect salarial et la sécurité d'emploi, donc, en
attendant qu'on puisse la reprendre plus tard, nous aurions pu négocier
tous les autres points dont vous avez fait état dans votre
mémoire. Pourquoi avons-nous perdu sept mois, avant de discuter en
négociation de tous les sujets dont vous parlez dans votre
mémoire?
Le Président (M. Paré): M. Gauthier.
M. Gauthier (Claude): Je reprends quelques éléments
de l'introduction à votre question. Je pense que vous comprendrez
l'absence de la FNEEQ à la dernière consultation concernant
l'enseignement professionnel, compte tenu des circonstances dans lesquelles on
se trouve. Il est assez difficile, en même temps qu'on subit une
répression terrible, d'être disposés à faire valoir
nos points de vue sur des dossiers aussi importants.
Nous sommes également conscients que le ministère de
l'Éducation a des rôles et
des responsabilités dans le sens de ce que vous avez dit. Mais,
comme intervenant important sur l'ensemble de la question, ce qu'on a voulu
faire à cette commission parlementaire, c'est rappeler les dangers
encourus à la suite des modifications proposées dans les
différents projets de règlement collégial qu'on a connus
et vous rappeler également les dangers qu'on voit dans les modifications
que vous voulez apporter dans le secteur de la formation professionnelle des
jeunes.
Quant aux décisions qui ne sont pas encore prises concernant le
transfert d'options, des enseignantes en techniques de secrétariat ont
eu l'occasion de rencontrer M. Lamontagne, qui est un des sous-ministres du
ministère de l'Éducation. Lors de cette rencontre, les intentions
du gouvernement ont été précisées en termes de
délai concernant l'option des techniques de secrétariat. Pour les
autres techniques, on a évoqué des possibilités. À
la suite de cette rencontre, on a vraiment eu l'impression que le transfert de
l'option des techniques de secrétariat au secondaire se ferait à
très court terme. Je suis heureux de vous entendre dire que ce ne sont
pas des décisions vraiment arrêtées parce qu'on aura des
représentations à vous faire sur le sujet. D'ailleurs, je pense
que les représentations que nous avons faites dans le mémoire en
font déjà état, mais, là-dessus, on pourrait vous
présenter des représentations encore plus
détaillées.
Maintenant, concernant la négociation, je la situerais en deux
temps. Dans un premier temps, lorsqu'on a abordé les dossiers qu'on a
qualifiés "de moindre importance", on avait des demandes sur l'ensemble
de ces dossiers. On a fait des concessions au cours de la négociation et
le gouvernement en a fait également. On n'a pas, pendant cette phase,
abordé la négociation sur ce qu'on a appelé "les gros
dossiers": tâche, sécurité d'emploi et
département.
On avait commencé, vers le 28 novembre, à discuter, avec
vos représentants à la table des négociations, du dossier
de l'éducation aux adultes en fonction du dossier de la tâche et
de la sécurité d'emploi. Lorsqu'on a voulu discuter du dossier de
la tâche, la réponse qu'on a eue de vos représentants est
la même qu'on a eue également à d'autres moments tout
récents lors de rencontres à la fois avec vous et avec M. Girard.
Il fallait, pour discuter, qu'on accepte une augmentation de la tâche,
qu'on s'inscrive dans le cadre budgétaire ou dans le cadre financier du
ministère de l'Éducation.
Il faut comprendre que la présente négociation s'est faite
constamment à partir de lois: la loi no 68, où on n'a eu aucune
occasion de négocier; la loi no 70 et, ensuite, les décrets.
Quand, effectivement, vous nous placez dans une situation de négociation
comme celle où vous nous avez placés, quand les enjeux - on vous
l'a rappelé ce matin - sont de la nature de ceux qu'on invoque, quand le
gouvernement reste figé dans son intention de récupérer
110 000 000 $, que la seule ouverture est sur l'étalement de cette
récupération qui va avoir, en bout de ligne, les mêmes
conséquences que si c'était en début, sauf, par exemple,
de reporter la coupure de postes d'une année, il est extrêmement
difficile de s'asseoir, il est extrêmement difficile également
d'aller chercher des mandats nous permettant de travailler sur ces
dossiers.
Personnellement, je veux réaffirmer qu'on a
démontré, pendant la première phase des
négociations, qu'il était possible de faire des compromis. On a
rappelé hier qu'on avait réussi à s'entendre sur à
peu près la moitié des clauses de la convention collective. Vos
représentants à la table de négociation nous ont fait part
qu'effectivement ils étaient d'accord avec le fait que nous avions fait
de nombreuses concessions. Mais quand on s'enferme, comme le ministère
de l'Éducation l'a fait, comment peut-on penser décemment que la
négociation reste possible?
Quand on regarde le dossier des tâches lui-même, si vous
demeurez sur vos objectifs de départ, qui ne tiennent pas compte des
effets concrets qu'ils auraient sur les collèges, comment peut-on penser
par la suite aller négocier sur la sécurité d'emploi? Pour
ce qui est de la sécurité d'emploi, il faut rappeler que dans les
cégeps il y a environ 350 professeurs qui sont mis en
disponibilité, que la très grande majorité -soit
près de 80% - ont une tâche à temps complet, qu'entre 15%
et 17% occupent leur tâche à des projets de recherche et
qu'environ 5% n'ont pas de tâche bien spécifique.
Pour nous, le problème de la sécurité d'emploi,
dans le contexte de notre vécu au niveau de la convention collective, ce
n'est pas un problème, dans le sens que les enseignants et les
enseignantes travaillent. On s'est dit disposés à regarder des
mesures de résorption et, entre autres, sans qu'on ait eu l'occasion
d'en discuter très longuement, on voulait regarder avec vos
représentants tout ce qui touche le recyclage. Il y a, dans le
décret, un certain nombre de postes qui sont prévus pour le
recyclage. On estime que cela est insuffisant. Il est clair qu'à partir
des positions rigides du ministère de l'Éducation il était
difficile d'aller plus loin dans ce dossier. En ce qui regarde le
département, c'est un sujet dont on a très longuement
débattu lors de la dernière ronde de négociations.
Rappelons qu'encore une fois vous nous avez dit que, sur ce dossier, vous
teniez à vos objectifs. On n'a pas senti, du côté du
ministère de l'Éducation, une
attitude favorable à la négociation.
Je me résume: sur ces trois dossiers, si effectivement on n'a pas
pu échanger, c'est que l'attitude du ministère de
l'Éducation a été de rester sur ses positions de
départ ou à peu près.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Laurin: En tout cas, nous aurions sûrement aimé,
au cours de ces sept mois, discuter et explorer toutes les questions que vous
avez soulevées dans votre mémoire et, en particulier, la question
du département puisqu'il y a, bien sûr, des objectifs, mais il y a
bien des modalités pour y atteindre. Cela aurait pu faire l'objet de
discussions entre nous. À propos du département, justement,
pourquoi vous opposeriez-vous à ce que le département au sein du
collège ait à peu près la même fonction, la
même responsabilité vis-à-vis de l'administration que le
département possède actuellement dans nos universités
à l'endroit des administrations universitaires? Qu'est-ce qui ferait
que, dans un collège, il faudrait qu'un département soit plus
indépendant, autonome, autogéré, même, que la
situation actuelle dans les universités?
Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.
M. Gauthier (Claude): Si on prend cet aspect, quand on parle des
départements autogérés et autonomes, il faudrait revoir la
convention collective de 1976 et celle de 1979 là-dessus. Une partie
importante des tâches que l'on fait se déroule sous la
responsabilité du collège. La convention intitule cette partie:
Les fonctions du département et En assemblée
départementale sous l'autorité du collège. Donc, les
fonctions importantes liées à la prestation de cours,
liées à l'enseignement se font sous l'autorité du
collège. (12 h 30)
II y a un autre aspect où on parle de l'assemblée
départementale. Il faudrait peut-être le voir un peu:
définir les règles de régie interne; on ne voit pas ce que
le collège viendrait faire là-dedans. Désigner les
professeurs appelés à siéger aux comités de
sélection; cela relève de l'assemblée
départementale. Assurer l'assistance professionnelle aux nouveaux
professeurs; là-dessus, c'est fort important que cela demeure au niveau
de l'assemblée départementale, parce que c'est une relation
d'aide. On souhaite que cela demeure une relation d'aide au niveau du
professeur, qu'on soit en mesure de travailler avec un professeur qui aurait
des difficultés, à partir des ressources qu'on a au niveau du
département. Faire au collège et à la CP des
recommandations susceptibles d'améliorer la qualité de
l'enseignement; là encore, il me semble que cela parle par
soi-même, c'est une fonction de l'assemblée départementale,
parce qu'on fait des recommandations au collège. Procéder
à l'analyse des besoins des ressources humaines et matérielles
des départements; on fait donc rapport au collège
là-dessus. Voir à désigner les professeurs appelés
à participer aux comités du ministère de
l'Éducation et en informer le collège; ce sont les
départements qui sont représentés. Et on pourrait
continuer assez longuement là-dessus.
Que remettez-vous vraiment en cause? C'est la responsabilité
collective de l'assemblée départementale sur ces points. C'est
aussi, finalement, la représentation des professeurs qu'on élit
pour faire la coordination départementale. Cette forme de fonctionnement
dans les départements a été une source de dynamisme. Cela
a été un élément important en termes d'innovation
pédagogique, en termes d'élaboration des contenus et en termes
d'élaboration des plans de cours. Prétendre qu'on ne fait pas de
rapport ou prétendre que, parce qu'on a un fonctionnement de cette
nature, les administrations de collège ne sont pas informées de
ce qui se passe dans les départements, c'est aller très loin. Il
y a des rapports constants qui sont faits. Notre travail s'inscrit dans le
contexte de la convention collective. Il y a des collaborations entre les
départements et les collèges. Il y a des collaborations
également dans ce domaine au niveau de la commission pédagogique.
Les directions de collège sont informées de tout ce qui se passe.
En ce qui regarde le fonctionnement des structures départementales au
niveau des universités, que je sache, les structures
départementales ne sont pas identiques à ce qui existe au
collège, mais elles ont des responsabilités particulières
et prennent en charge ces responsabilités particulières. Il
faudrait comparer les deux textes, mais il y a une partie importante des
responsabilités qui est laissée aux professeurs dans les
départements au niveau des universités.
M. Laurin: Sur un autre point, M. le Président, le nombre
des mises en disponibilité, il m'apparaît que les projections
catastrophiques que vous faites dans votre mémoire relèvent de la
plus haute conjecture et, surtout, elles ne me paraissent pas tenir compte - et
je pense que c'est délibéré de votre part - du cadre de
règlement que nous avons offert le 9 février en ce qui concerne
l'étalement de la tâche. Puis-je vous demander jusqu'à quel
point vous auriez été obligés de réviser les
chiffres que vous nous donnez aujourd'hui si vous aviez tenu compte, justement,
de l'étalement sur trois ans de ce que nous demandons au sujet de
l'augmentation de la tâche?
Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.
M. Gauthier (Claude): Effectivement, et je l'ai souligné,
dans le contexte de notre mémoire, compte tenu de ce que vous nous aviez
dit concernant l'aménagement au cadre de règlement, on n'a pas
tenu compte de cet aménagement puisque cela a été
rejeté par nos assemblées générales. À ce
moment-là, cela avait été clairement établi que ces
aménagements n'étaient plus sur la table. Quand vous avancez le
nombre de 700, c'est l'évaluation qu'on faisait. Vous avancez là
des équivalents de temps complet. Avec le décret - on a
donné quelques exemples dans le mémoire qu'on présente -
lorsqu'un enseignant ou une enseignante n'aura plus une tâche à
temps complet, celui-ci ou celle-ci sera mis en disponibilité. Je peux
partir de quelques exemples; on a extrapolé à partir de ces
exemples pour vous montrer que les chiffres qu'on met de l'avant ne sont pas
farfelus. À partir de six cégeps - là-dedans il y a des
cégeps de région et il y a des cégeps aussi dans les
grandes villes - on arrive à 196 mises en disponibilité sur une
possibilité de 1305 équivalents de temps complet. Donc, c'est
environ 15%. Si on extrapole et qu'on prend la même règle pour les
10 600 enseignants ou enseignantes de niveau collégial, on arrive au
chiffre de 1590. Il est clair que, quand on parle de ces mises en
disponibilité, on ne calcule pas les mises à pied des professeurs
à temps partiel et on ne calcule pas, non plus, les mises à pied
des professeurs non permanents.
Maintenant, ce que faisait le cadre de règlement, c'était
reprendre l'ensemble de la situation, mais en étalant dans le temps ces
mises à pied ou ces mises en disponibilité. En bout de ligne, en
1985, on aurait donc constaté le même effet, sauf que cela aurait
été moins brutal la première année si on le
compare, par exemple, à ce qui existe dans les décrets.
M. Laurin: Je prends note, M. Gauthier, que vous admettez
vous-même que votre mémoire réquisitoire d'aujourd'hui ne
tient pas compte de l'offre du 9 février dont j'ai pourtant dit à
plusieurs reprises depuis une semaine qu'elle est encore sur la table. Je
voudrais maintenant parler de la formule. Elle est abandonnée dans le
décret pour des raisons que nous avons pu vous expliquer.
Êtes-vous au courant qu'avec l'emploi de la formule telle qu'elle
existait dans la convention collective antérieure nous en arrivions
parfois à cette situation assez étrange où des
collèges avaient tellement de professeurs qu'ils ne savaient plus
à quoi les employer et qu'en conséquence ils ne les employaient
pas et que les salaires qui auraient dû être versés à
ces enseignants en vertu de la convention étaient redistribués
sous forme monétaire aux professeurs du cégep? Êtes-vous au
courant qu'il y avait une telle situation?
Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier. M. Laurin:
La trouvez-vous normale?
M. Gauthier (Claude): Effectivement, si on reprend ce dossier, on
va regarder un peu comment se fait la répartition de la tâche au
niveau local. Notre enlignement a toujours été d'engager et ce,
le plus rapidement possible, en mai, le nombre de professeurs correspondant
à l'allocation. Maintenant, en mai, il y a un flottement à cause
de la clientèle étudiante qui se confirme beaucoup plus tard.
Compte tenu du fait que, si les collèges avaient alloué plus de
professeurs que la formule leur en donnait, ce sont eux qui devaient assumer,
à même les autres budgets, les masses monétaires
correspondantes, les collèges attendent donc la confirmation du nombre
d'étudiants, au 20 septembre, avant de compléter l'engagement des
professeurs.
Dans les collèges locaux, on a toujours et ce, vers le mois
d'août, fait des efforts considérables pour forcer l'engagement.
Les administrations locales se gardent des coussins. Ces coussins ne sont pas
régis par la convention collective; ils le sont, mais dans une certaine
limite. Même si les syndicats locaux forçaient les collèges
ou les administrations locales à engager, effectivement celles-ci se
gardaient des marges de manoeuvre. Dans certains cas il y a des surplus de
masse monétaire. On pourrait faire le tour de l'ensemble des
collèges et constater que ces surplus de masse, au cours des
années, ont diminué considérablement. Également,
ces surplus de masse sont redistribués à l'ensemble des
enseignants et enseignantes selon des ententes à faire au niveau local,
parce qu'on présume que ce sont les enseignants et les enseignantes qui
ont assumé le fardeau de tâche correspondant au non-engagement de
profs correspondant à cet état de choses.
M. Laurin: Mais vous admettez quand même qu'en vertu de la
formule ces surplus de masse monétaire pour des professeurs qu'on
n'avait même pas besoin d'engager ont été
redistribués aux professeurs qui enseignaient dans le cégep.
Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.
M. Gauthier (Claude): Avec les surplus, on a toujours
forcé l'engagement. Quand on dit qu'on n'avait pas besoin d'engager,
c'est faux. On avait besoin de ces enseignants et enseignantes mais, pour les
raisons que je vous ai mentionnées, ce sont les administrations locales
qui se gardaient une marge de manoeuvre. Nous avons voulu, par
les surplus, forcer l'engagement. Ce que je prétends, c'est que
dans les décrets la même situation existera, mais où ira
l'argent? Dans les décrets - c'est aussi un danger de l'absence de
mécanismes de répartition -entre le collège et les
disciplines, on laisse place à toutes les marges de manoeuvre
nécessaires pour les administrations locales. Aucune garantie que les
profs nécessaires à une discipline seront alloués. Aucune
garantie qu'il n'y aura pas de distorsion dans ces allocations.
Quand on regarde les décrets, il n'y a même pas de garantie
formelle pour que les profs nécessaires à un collège
soient vraiment affectés à ce collège. Dans ce
sens-là, on répète que c'est une revendication fort
importante. On veut des mécanismes de répartition entre les
collèges et les disciplines pour qu'effectivement l'ensemble des
disciplines ait droit à tous les profs correspondant aux besoins de la
discipline. On ne veut pas laisser cela à l'arbitraire patronal au
niveau local parce qu'on sait ce que c'est, ayant déjà
vécu cela notamment lors des décrets. Je peux vous dire, entre
autres, que lors du décret de 1972 il y avait beaucoup moins de profs
qui étaient engagés et que les surplus de masse salariale
étaient beaucoup plus importants.
M. Laurin: II reste que dans les faits, dans les collèges
où la situation existe, les professeurs ont
bénéficié de ce surplus de masse monétaire
au-delà du salaire quand même assez généreux qui
leur est consenti.
J'aurais une question à adresser à M. Charbonneau.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
ministre.
M. Laurin: Oui?
Le Président (M. Jolivet): Sur la même question, je
pense que M. Bellefeuille aurait une intervention à faire.
M. Bellefeuille: Je voudrais préciser, M. le ministre, que
je trouve bizarre votre affirmation puisque les conventions faisaient
obligation aux collèges d'engager 98% de l'allocation. Or, il est vrai
que certains collèges n'appliquaient pas la convention et ne
procédaient pas aux engagements, d'où un surplus de masse
monétaire. Mais s'il y avait un surplus de masse monétaire
à ce moment-là, on pourrait faire une espèce de
comparaison en disant que c'était comme si les enseignants et
enseignantes faisaient du temps supplémentaire parce que leur
tâche était plus élevée que celle prévue dans
les conventions collectives. Quand on dit qu'on a besoin de 100 personnes pour
faire la "job" et qu'on en met 90 pour la faire, ces gens-là font 110%
de la "job" et ils sont payés en conséquence. C'est cela qu'il
faut souligner, M. le ministre.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. (12 h 45)
M. Laurin: J'aurais une dernière question à
adresser à M. Charbonneau et à M. Bellefeuille qui nous disent
qu'avec l'augmentation de la tâche telle que prévue aux
décrets, avec l'augmentation de la norme 1 professeur par 15 et
peut-être même par 15,8, si on prend le coordonnateur
départemental au sein des effectifs enseignants existants, donc, avec
l'élévation de cette norme à quinze, nous allons
détériorer, d'une façon irrémédiable, la
qualité de l'enseignement dans les collèges. Comment, alors,
expliquer que la moyenne nationale d'étudiants par professeur dans les
collèges est de 17,7, c'est-à-dire deux points au moins,
peut-être trois, au-dessus de la norme prévue aux décrets?
Est-ce que M. Charbonneau pourrait me prouver qu'avec cette norme les
collèges canadiens ont vu une détérioration
considérable de la qualité de l'enseignement?
Le Président (M. Jolivet): M.
Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Pour ma part, je prenais certaines
données ou je faisais certaines hypothèses à partir d'une
augmentation qui surviendrait au Québec. D'après ma
compréhension de ce qui se passe actuellement dans les cégeps
concernant les rapports entre les professeurs et les étudiants, il y a
un besoin ou il y a une lacune qu'on entend souvent et qui provient soit des
enseignants, soit des étudiants ou de leurs associations. C'est une
lacune qu'il faut combler, je crois, et à laquelle il faut s'attarder.
C'est de s'arranger pour que, dans les cégeps, il y ait la
préservation, l'amélioration, dans certains cas, du temps ou des
facteurs assurant de meilleures relations entre enseignants et
étudiants. On pense que, dès qu'on fait face à une
augmentation des nombres ou des quotas, à ce moment-là, on ne
s'en va pas vers la solution de ce problème. C'est ainsi que j'ai
entendu le point de vue des enseignants et des étudiants et on essaie de
ramener cette préoccupation ici et de dire qu'on ne s'en va probablement
pas dans la direction de la solution de ce problème en augmentant les
quotas.
Le Président (M. Jolivet): Question? M. Laurin:
Cela va.
Le Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole au
député d'Argenteuil, on avait prévu dépasser 13
heures, mais, à la
suite d'une entente que j'aimerais faire confirmer, on terminerait quand
même nos travaux à 13 heures et M. le député
d'Argenteuil prendrait les 30 minutes qui lui sont allouées selon
l'entente, soit un temps équivalent à celui du ministre, pour
poser ses questions. Nous reviendrons à 14 h 30 pour disposer d'une
autre heure additionnelle avec les représentants des cégeps,
avant de passer à l'autre secteur élémentaire et
secondaire. Si vous êtes d'accord avec cette formule, nous agirons
ainsi.
Donc, il y a consentement. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Nous avons écouté avec beaucoup
d'intérêt les communications présentées par la
Fédération nationale des enseignants et enseignantes du
Québec et la CEQ qui a suivi. Je ne veux pas commenter tous ces
mémoires en détail, parce que cela nous prendrait beaucoup de
temps. On veut poser les questions les plus essentielles.
Je voudrais simplement rappeler un fait, dont j'ai eu connaissance ces
jours-ci, à l'attention du ministre et de ses collègues qui sont
ici. On me parlait du retour en classe qui s'est fait dans un cégep de
la région de Québec, la semaine dernière. Je ne sais pas
si le ministre est au courant du climat que crée toute la politique du
gouvernement. Les assemblées de professeurs, ce n'est presque pas
manoeuvrable, d'après ce qu'on m'a dit; c'est un climat
d'insécurité extrêmement poussé. Les gens commencent
même à se soupçonner les uns les autres: Toi, tu es de ce
côté-ci; toi, tu es de ce côté-là; toi, tu te
mets avec les autorités pour éviter d'être mis à la
porte éventuellement ou mis en disponibilité. Il y a toutes
sortes d'éléments qui entrent dans l'atmosphère et cela
devient extrêmement difficile d'envisager un travail d'éducation
sérieux dans ces conditions.
Je ne prétends pas qu'il y a seulement M. le ministre de
l'Éducation qui soit responsable de tout cela, mais il y a un climat qui
est mauvais actuellement, qui a été empoisonné par les
événements des dernières semaines. Si on devait continuer
dans la ligne autoritaire qui s'est manifestée depuis maintenant huit
mois en tout ce qui se rattache à la négociation collective, je
pense que ce serait très mauvais pour la qualité de
l'enseignement, indépendamment des enjeux objectifs dont nous allons
essayer de parler avec le plus d'impartialité possible.
Évidemment, on pourrait s'attarder longuement sur beaucoup de
considérations qui ont trait à la politique du gouvernement en
matière d'enseignement collégial. M. Charbonneau a soulevé
plusieurs éléments, au début de ses remarques
tantôt, qui m'ont beaucoup intéressé. Je ne pense pas,
malheureusement, que nous ayons le temps de faire un débat sur ces
points ce matin.
Vous l'avez présenté comme toile de fond, si je comprends
bien. C'est bon qu'on se fasse rappeler ces choses, mais le but de la
commission est d'en venir aux questions qui séparent le gouvernement et
les organismes syndicaux en relation avec les décrets qui portent le nom
faux - évidemment, c'est un nom usurpé - de conventions
collectives. On a mis cela dans la loi. C'est un mensonge
institutionnalisé, à mon point de vue.
Cela étant dit, je vais essayer d'éclaircir certains
points que vous avez apportés. Ma première question se rapportant
assez directement, par conséquent, aux négociations serait la
suivante. Vous avez dit tantôt, M. Gauthier, qu'il y avait trois sujets
majeurs de litige: la tâche, la sécurité d'emploi,
c'est-à-dire les mises en disponibilité...
M. Gauthier (Claude): Et le département.
M. Ryan: ...et le département. On pourrait peut-être
régler cela tout de suite. Ce n'est pas très compliqué, je
pense bien. C'est compliqué à régler, mais ce n'est pas
compliqué à identifier. Si je comprends bien, dans la convention
qui existait, il y avait un responsable de département qui était
élu par ses collègues en assemblée départementale
et qui exerçait la fonction de responsable, une fonction dont le contenu
est assez limité, je pense. C'est une fonction de coordination, si je
comprends bien. D'ailleurs, le titre est coordonnateur, je pense. Comme vous
l'avez dit tantôt, il soumet des rapports à la direction
générale du collège de temps à autre et, dans le
décret, cela est changé. Est-ce encore un coordonnateur ou un
responsable maintenant?
Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.
M. Gauthier (Claude): C'est plus un responsable. Il est quand
même élu par l'assemblée départementale, mais il
doit rendre des comptes au collège sur l'ensemble des fonctions du
département et il est perçu beaucoup plus comme un responsable
dans la ligne hiérarchique de l'administration envers lui.
M. Ryan: Trouvez-vous que cela va être plus difficile
à faire fonctionner?
M. Gauthier (Claude): Nos expériences passées -
parce qu'on a déjà eu à expérimenter ce type de
fonctionnement dans le passé - nous démontrent qu'effectivement
le fonctionnement est moins harmonieux et que toutes les tâches qu'on
réussit à faire en assemblée départementale se font
de façon différente.
M. Ryan: Quand cela a-t-il été mis
dans la convention, ce statut de coordonnateur? Y a-t-il eu des
changements lors de la dernière convention, en 1979?
M. Gauthier (Claude): Cela a été introduit dans les
conventions collectives en 1976 et c'était un des accrochages majeurs de
la convention collective de 1979. On en a longuement discuté avec les
représentants du ministère de l'Éducation et cela a
été réintroduit dans la convention collective.
M. Ryan: M. le ministre, le gouvernement n'aurait-il pas
forcé la main à la Fédération des cégeps,
à ce moment-là, pour que cela reste dans les conventions?
M. Gauthier (Claude): C'est fort possible. Je ne le sais pas. M.
le ministre pourrait mieux répondre.
M. Ryan: C'est le souvenir que je conserve, que le gouvernement
aurait forcé la main de la Fédération des cégeps
à ce moment-là et, aujourd'hui, il aurait changé
d'attitude pour des raisons qu'il évite d'exprimer. Oui?
Le Président (M. Jolivet): M.
Bellefeuille.
M. Bellefeuille: C'est exactement le cas, M. Ryan. Lors de la
dernière ronde de négociations, où cela a
été un des points qui ont achoppé jusqu'à
dernière minute, on a dû faire, selon le processus de la loi 55,
un arrêté en conseil au Conseil du trésor pour donner
l'autorisation au ministère de signer, sur la question du
département, une entente avec les fédérations
d'enseignants. C'est ainsi que la fédération patronale avait
été tassée et là, on avait l'impression que
c'était la fédération patronale qui avait tassé le
gouvernement.
M. Ryan: Le ministre est chanceux. Il n'était pas
là à ce moment-là. Le ministre des Finances s'en souvient
peut-être. C'est peut-être une partie des concessions abondantes
que vous avez faites en matière normative vers la fin et qui sont
racontées dans un certain volume.
M. Parizeau: C'est inscrit, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Comme les CT, les décisions du Conseil du
trésor à cet égard, en vertu de la loi 55, existent par
écrit, la chose la plus simple, je pense, c'est qu'on vérifie et
qu'on sorte le document. Ce sera facile à vérifier.
M. Ryan: Mais c'est...
M. Parizeau: Effectivement, il y en a une couple qui ont
été passés à travers une année et demie de
discussions pour régler des choses. Cela peut fort bien être le
cas.
M. Ryan: Cela n'a pas un intérêt immense, c'est
seulement pour essayer de comprendre la logique souvent tortueuse que suit le
gouvernement dans ses décisions suivant qu'il est avant un
référendum ou après.
M. Parizeau: Torturée ou évoluante.
M. Ryan: Évolutive, pour le moins. Juste un point de
clarification. Je pense que c'est le collègue de M. Charbonneau, M.
Bellefeuille, qui a dit tantôt qu'on avait un responsable de
département par 20 professeurs, qui était compté autrefois
en plus du nombre de professeurs qui est attribué à chaque
cégep et, en vertu du décret, ce serait compté parmi les
professeurs, ce qui ferait évidemment une diminution de je ne sais pas
de combien de professeurs en tout. Peut-être 500 ou 600 dans l'ensemble
du réseau des cégeps. Est-ce que c'est bien cela et est-ce que le
ministre accepte cette interprétation?
Le Président (M. Jolivet): M.
Bellefeuille.
M. Bellefeuille: C'est exact. C'est très clair, dans la
convention, que la norme 1/20 pour la coordination départementale est
encore là, mais elle est maintenant prise dans le quantum
général de la norme 1/15 alors qu'auparavant elle était
prise à l'extérieur. C'est un quantum additionnel à la
norme pour l'enseignement. C'est pour cela que, quand le gouvernement dit:
C'est la norme 1/15, nous disons: C'est la norme 1/15, c'est vrai, pour le
nombre d'enseignants dans le cégep, mais, pour l'enseignement proprement
dit, ce n'est plus 1/15. En faisant les calculs, cela donnerait
approximativement 1/15,8.
M. Ryan: II ne semble pas y avoir de contradiction de la part du
gouvernement. Par conséquent, je pense que c'est juste. Vous avez
parlé de l'augmentation de la tâche de l'enseignant. Vous dites,
à un moment donné, que l'augmentation moyenne de la tâche
sera de l'ordre de 15% à 20%. Dans le mémoire que vous avez
présenté, qui était très long, je n'ai pas
trouvé les précisions que je souhaitais avoir. Est-ce que vous
pourriez illustrer concrètement, en prenant, par exemple, le cas d'un
professeur d'histoire, le cas d'un professeur de sciences, le cas d'un
professeur de mathématiques, ce que les dispositions
décrétales entraîneraient
comme changements dans les conditions de travail de cet enseignant?
Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier, en disant que
c'est la dernière réponse pour le moment puisque nous suspendrons
les travaux dans quelques minutes. M. Gauthier.
M. Gauthier (Claude): Comme la réponse risque d'être
longue, on peut la reprendre en revenant du dîner.
Le Président (M. Jolivet): Parfait; donc, suspension
jusqu'à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise de la séance à 14 h 43)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission de l'éducation reprend ses travaux là
où elle les a laissés ce midi afin d'entendre les organismes
directement impliqués dans l'administration scolaire qui veulent faire
des représentations sur la qualité de l'enseignement, la
tâche et la sécurité d'emploi des enseignants et
enseignantes en regard de la situation actuelle au Québec.
Avant que débutent nos travaux, j'aimerais faire mention du
dépôt d'un document qui a été distribué aux
membres de la commission et qui provient d'un enseignant, M. Rosaire Thibault
de la commission scolaire de Chicoutimi.
Vous avez ensuite une lettre que je viens de recevoir et dont je fais
lecture et qui a trait à M. Claude Benjamin et qui se lit comme suit:
"Ayant entendu les commentaires du leader du gouvernement, M.
Jean-François Bertrand, et ceux du critique de l'Opposition, M. Claude
Ryan, ce matin, le 3 mars 1983, je me permets de vous réitérer
que je demeure à la disposition de la commission parlementaire de
l'éducation. Toutefois, je prie les membres de la commission d'accepter
que je ne comparaisse pas. La principale raison de cette demande, je le
soulignais hier, en est que le Conseil supérieur de l'éducation
n'est pas en mesure actuellement de faire connaître son avis sur les
conséquences des décrets qui régissent les conditions de
travail de ceux qui oeuvrent dans le secteur de l'éducation. "En outre,
il me faut faire savoir aux membres de la commission parlementaire que le
conseil ne sera pas en mesure de faire connaître son avis au tout
début de la semaine prochaine. Par ailleurs, un rapport sera
porté à la connaissance des membres du conseil lors de la
prochaine réunion des 10 et 11 mars prochains. Mais encore là, il
n'est pas assuré que le conseil adoptera un avis au cours de ladite
réunion. "J'ose espérer que les membres de la commission voudront
bien agréer ma requête. "Veuillez agréer, M. le
Président, l'expression de mes sentiments distingués."
C'est signé par M. Claude Benjamin et daté du 3 mars 1983.
Donc, je devais faire part à la commission de la lettre que j'ai
reçue pendant l'heure du dîner. M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Est-ce qu'on doit comprendre que le Conseil
supérieur de l'éducation se met en réserve de la
république?
Le Président (M. Jolivet): Tout ce que je peux vous dire
en vertu de cette lettre, car je dois faire rapport, c'est que vous l'avez bien
comprise, comme moi. En termes de ce qu'il demande, la commission est toujours
libre des décisions qu'elle peut prendre.
M. Ryan: Je voudrais simplement émettre le voeu, de
nouveau en conformité avec ce que j'ai dit ce matin, que la commission
garde cette idée-là ouverte, sans tirer de conclusion
définitive. Comme nous ne savons pas d'ailleurs quand nous terminerons
nos travaux, je pense qu'il faudrait garder ouverte l'idée de recevoir
le président du Conseil supérieur de l'éducation ou ceux
qui seront appelés à parler au nom du Conseil supérieur de
l'éducation, si jamais ils peuvent compléter leurs travaux
à temps, pour qu'ils puissent nous en faire part ici.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, M. le
député d'Argenteuil.
Même si nous commençons avec un quart d'heure de retard,
l'horaire est toujours tel que prévu. L'entente est en ce sens que le
député d'Argenteuil termine avec les 20 minutes qui lui
restaient. Tout en tenant compte aussi qu'il restera 40 minutes à
partager de façon équitable entre le côté gauche et
le côté droit de la présidence, à 20 minutes chacun,
utilisables selon la bonne entente de chacune des parties.
Pour le moment c'est le député d'Argenteuil qui a la
parole.
M. Ryan: Nous nous sommes laissés tantôt sur une
question que j'avais posée aux porte-parole des syndicats d'enseignants
de cégeps. Je leur demandais s'ils pouvaient nous apporter des
précisions les plus concrètes possible sur la signification
pratique de l'augmentation de la tâche qui est impliquée par une
mise en oeuvre des décrets éventuellement. J'avais demandé
qu'on prenne des exemples de professeurs dans une discipline ou dans l'autre,
et qu'on fasse voir concrètement ce que veut dire cette augmentation de
la tâche qui va de 15% à 20%.
Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.
M. Gauthier (Claude): Les protections individuelles peuvent
provoquer des augmentations de tâche allant jusqu'à 25% et on va
donner un exemple où cela peut aller à plus de 25%. Alors,
prenons par exemple quelqu'un qui enseigne en histoire - et ce qui est vrai
pour l'histoire, c'est aussi vrai pour la philosophie et le français.
Actuellement, la charge d'enseignement varie entre 12 ou 15 heures par semaine
pour des groupes de 30 à 35 étudiants ou étudiantes. Avec
le décret, la charge sera augmentée de 15 à 18 heures pour
des groupes de même type. Donc, dans certains cas il y a des
possibilités qu'un professeur ait à rencontrer jusqu'à 210
étudiants ou étudiantes par semaine.
Si on prenait l'exemple d'un professeur de biologie qui enseigne
actuellement 14 heures par semaine dans une session à des groupes de 40
étudiants et étudiantes, le décret peut faire en sorte que
cela aille jusqu'à 17 heures pour des groupes semblables. Si on prend
l'exemple des techniques infirmières, la moyenne actuelle... Oui?
M. Ryan: J'aimerais avoir une précision additionnelle.
Sous le régime conventuel que nous avons actuellement, 14 heures par
semaine pour des groupes de 40 étudiants, cela ferait 560
étudiants qu'il doit rencontrer dans sa semaine; est-ce bien cela?
M. Gauthier (Claude): Non, il y a là-dedans des cours
théoriques et des cours pratiques. Un professeur rencontrerait 80
étudiants par semaine.
M. Ryan: 80 étudiants par semaine?
M. Gauthier (Claude): 80 étudiants en cours
théorique et le même nombre en laboratoire.
M. Ryan: Très bien. Sous le régime du
décret, cela irait jusqu'à combien?
M. Gauthier (Claude): C'est le nombre d'heures qui augmenterait
jusqu'à 17. Au lieu de 80 étudiants, cela pourrait aller à
120 étudiants.
M. Ryan: Très bien.
M. Gauthier (Claude): Maintenant, si on regarde les techniques
infirmières, une option où il a des contraintes notamment quant
aux stages dans les hôpitaux, la moyenne actuelle est de 14 heures par
semaine, cela peut aller jusqu'à 20 heures par semaine. Je vais prendre
un autre exemple: électro, où la moyenne actuelle est de 14
périodes; cela peut aller jusqu'à 17 périodes.
Maintenant, je voudrais donner un complément d'information. Quand
on regarde l'ensemble de la question, cela impliquera donc
nécessairement moins de disponibilité pour les étudiants
et les étudiantes, forcément, ayant plus d'étudiants ou
d'étudiantes, cela impliquera plus de travaux. Compte tenu que cela a un
impact sur la correction, c'est possible que cela ait également un
impact sur le rythme des travaux. Dans des domaines où il y a des
stages, ça va avoir des incidences sur la supervision des stages.
Maintenant des éléments cachés de la tâche
d'un enseignant ou d'une enseignante. Je voudrais me servir d'un exemple
d'électro, et c'est vrai pour la majorité des enseignements au
professionnel. Des choses qui s'ajoutent à la tâche des
enseignants et des enseignantes comme par exemple l'information scolaire, la
promotion des programmes, la relation avec les entreprises et les organismes.
Il y a aussi des contacts avec les entreprises et les organismes pour le
placement des étudiants ou des étudiantes. Ce sont des
éléments cachés mais qui sont très présents
dans la tâche des enseignants et des enseignantes.
Je voudrais aussi donner comme exemple ce qui se passe au
département de l'électronique dans le collège où
j'enseigne. Il y a beaucoup de laboratoires, et compte tenu des objectifs qu'on
vise au plan de la formation, on a orienté chacun des laboratoires vers
de la conception, de la conception qui évolue au même rythme que
les étudiants et les étudiantes évoluent dans les cours.
Pour terminer le cours par un projet de fin d'études qui est axé
également sur la conception, il y a un certain nombre de professeurs
d'alloué pour ce projet de fin d'études et le département
a accepté de se surcharger pour donner une supervision plus directe aux
étudiants et aux étudiantes.
C'est clair qu'augmenter la tâche dans les proportions que je
mentionnais, ça va avoir des conséquences directes sur la
façon d'enseigner.
M. Ryan: Très bien. Je ne sais pas si cela serait possible
que vous prépariez tous les deux peut-être, un petit
supplément pour le mémoire sur ce sujet que vous nous avez remis
parce que là, toute la période qui me reste va passer
là-dessus. J'ai d'autres questions qui se rattachent peut-être
plus immédiatement au sujet que nous discutons. Ce n'est par manque
d'intérêt au contraire. Je pense que si l'on pouvait avoir des
précisions de cette nature ce serait bien précieux. Cela
étant dit, oui...
M. Bellefeuille: Je ne veux pas prendre des exemples comme
ça malgré qu'on en a des très précis par session.
Tout ce que je voulais souligner, c'est qu'actuellement, avec
le nombre d'enseignants équivalant en temps complet, 8724 par
exemple, qu'on prévoit actuellement pour 110 000 étudiants, 8724
enseignants à temps complet, dans le régime actuel, se seraient
occupés de 110 000 étudiants. Avec le décret, on leur
demande de s'occuper de 23 000 étudiants de plus. On demande aux
mêmes 8724 enseignants à temps complet, au lieu de s'occuper de
110 000 étudiants, on leur demande maintenant de s'occuper de 133 000
étudiants. Donc, 23 000 étudiants de plus pour le même
nombre d'enseignants. C'est seulement ce que je voulais ajouter. On pourra
aussi vous donner les simulations que nous avons.
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: J'ai une question, étant donné qu'on nous
a beaucoup parlé de cela depuis hier. On nous a remis une note provenant
du ministère de l'Éducation sur la charge d'enseignement au
Québec comparée à l'Ontario et avec l'ensemble du Canada,
et même avec certains États américains. Je retiens de ces
données qu'on nous a présentées seulement deux chiffres
sur lesquels je voudrais attirer votre attention. On nous dit que le rapport
élèves-professeur, pour les cégeps du Québec, en
1980-1981, était de 13,42, alors qu'à Toronto, dans la
région métropolitaine de Toronto, il aurait été de
17,24 et, pour l'ensemble de l'Ontario, de 17,09. À la fin, on tire une
conclusion qui est celle que la norme élèves-professeur, pour
l'ensemble des collèges du Québec, est inférieure de 25%
à celle de l'ensemble des collèges de l'Ontario.
Deux questions découlent de ceci: D'abord, est-ce que vous
reconnaissez la validité de ces affirmations? Deuxièmement, si
oui, qu'est-ce que vous en pensez au point de vue de la conclusion que
l'autorité politique doit en tirer de même que ceux qui sont
directement concernés par ces faits, y compris, évidemment, les
enseignants de cégeps?
Le Président (M. Jolivet): D'abord, M. Gauthier et,
ensuite, M. Bellefeuille.
M. Gauthier (Claude): Ce qu'on peut dire sur les comparaisons
avec l'Ontario, c'est que tout d'abord le système collégial comme
tel n'existe pas en Ontario. Dans le système collégial, il y a
près de 50% des étudiantes et étudiants qui se
préparent à aller à l'université et 50% qui se
préparent à exercer une profession dans l'industrie.
Quand on regarde les collèges de l'Ontario, ce qu'on appelle les
"CATS", il y a un grand nombre d'étudiantes et d'étudiants
à l'intérieur des "CATS"qui étudient au niveau des
métiers. Il y a aussi un grand nombre d'étudiantes et
d'étudiants qui suivent des cours de perfectionnement préalables
à la formation professionnelle. Ce serait, selon les statistiques, de
l'ordre de 50%. Il est évident que de donner des cours de métiers
ou de donner des cours de perfectionnement, ce n'est pas du tout le même
type d'enseignement qu'au niveau collégial. Rappelons qu'au niveau
collégial, on prépare à l'exercice d'une profession.
Maintenant, quand on regarde les normes, je pense qu'il faut
s'arrêter un peu sur le type de cours que l'on donne dans le
réseau collégial et s'interroger à savoir s'il y a une
équivalence avec les collèges américains. Par exemple, les
contraintes qui existent dans les techniques infirmières: pour les
stages, les étudiants et étudiantes sont limités à
six. Quand on regarde l'ensemble de l'enseignement professionnel où le
nombre d'étudiants et d'étudiantes dans les laboratoires varie
entre 15 et 22, il est intéressant de se poser la question pour voir si
d'autres types d'enseignement existent comme cela dans les "CATS".
Je voudrais ajouter aussi qu'au Québec, il y a beaucoup
d'enseignement exclu. Par exemple, l'école de pilotage à
Saint-Honoré, les contrôleurs aériens à Saint-Jean,
l'enseignement de la musique, le théâtre, l'assainissement de
l'eau, l'aérotechnique, l'imprimerie; ce sont tous des cours
professionnels très très lourds qui demandent un encadrement
assez important. Quand on compare, il faut faire attention aux comparaisons que
l'on fait.
Je voudrais en profiter pour dire que quand on a mentionné
à cette commission parlementaire que la moyenne était de 12,5
périodes, c'était avec les chiffres de 1980-1981. Que, par
rapport à 1980-1981, il y avait 2000 étudiants de moins qu'en
1978-1979 et on sait que, dans les années subséquentes, le nombre
d'étudiants a augmenté dans le réseau. (15 heures)
Le Président (M. Jolivet): Un instant. M. Bellefeuille a
quelque chose à ajouter.
M. Bellefeuille: Si vous le permettez, M. Ryan, je voudrais
seulement ajouter une chose. C'est comme si on comparait les "CATS" d'Ontario
avec la partie professionnelle de nos cégeps qui est beaucoup plus
lourde, tout le monde le sait, que la partie générale de nos
cégeps. Il n'y a aucune comparaison possible, de façon
générale, entre ces deux affaires-là.
M. Ryan: Est-ce que...
M. Bellefeuille: Deuxièmement, on a fait une
vérification des informations qui avaient été
données relativement aux
collèges de la Floride où la définition de
l'heure-contact est très, très large. Vous trouverez toutes ces
données dans le rapport de la CETEC de 1976, Commission d'enquête
sur la tâche des enseignants du collégial, où la
définition de l'heure-contact comprenait l'administration que les
enseignants devaient faire, l'orientation, la recherche, la supervision des
enseignements coopératifs, la planification des nouveaux cours, etc.
Tout cela était compris dans l'heure-contact. On ne compare pas vraiment
les mêmes choses avec ces chiffres-là. C'est impossible. Je
voudrais ajouter que ces données étaient connues en 1976 et en
1979 et elles n'ont pas été changées depuis ce temps.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais simplement signaler que j'ai rappelé,
hier, ces études qui avaient été faites en 1975. Il y en
avait une qui avait été faite pour le niveau collégial et
une autre pour le niveau primaire et secondaire qui comportait des
données pas mal plus nuancées que celles qu'on a entendu
évoquer jusqu'à maintenant. Je crois que si on voulait retourner
à ces études qui demeurent les meilleures qui aient
été faites, on pourrait partir de là pour les
améliorer mais cela serait mieux que les équations abstraites et
absolues qu'on nous a présentées jusqu'à maintenant.
Vous avez déposé les demandes syndicales - j'appelle cela
des "demandes" pour garder le langage conventionnel - en septembre 1982. Est-ce
exact? Vous demandiez un certain nombre d'améliorations dans les
conditions normatives - je fais abstraction des conditions salariales parce
qu'on n'a pas beaucoup de temps. En cours de route, quel a été le
cheminement de la partie syndicale relativement à ces demandes et
où en sommes-nous aujourd'hui? Je vais vous dire ce que je comprends. Je
crois comprendre que vous auriez dit: C'est très bien, on voulait des
améliorations; ils ne veulent pas en entendre parler; nous nous
contenterions du statu quo. J'ai vu l'expression statu quo à trois ou
quatre reprises dans le mémoire de la FNEQ ce matin. Pourriez-vous
m'expliquer le cheminement que vous avez suivi et où vous en êtes
exactement aujourd'hui? Pourquoi avez-vous recommandé le rejet du cadre
de règlement proposé par le gouvernement le 9 février?
Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.
M. Gauthier (Claude): Pour la première question, je
demanderais à M. Pierre Gingras, porte-parole à la table de
négociation, de répondre à M. Ryan.
M. Gingras (Pierre): On a expliqué un peu dans le
mémoire qu'en cours de route, il y avait certaines demandes au niveau de
l'éducation aux adultes. Il y avait aussi certaines corrections qu'on
voulait apporter au niveau de la tâche, certains NEG nombre
d'étudiants par groupe, si on veut, sur les dossiers non
monétaires, parce qu'il y a un certain nombre de paraphes, qui ont
été faits, qui ont été reproduits dans les
décrets. Il y a eu des aménagements de part et d'autre. On a
laissé tomber certaines demandes et les tables ont accepté
certaines de nos demandes, mais cela est sur le non monétaire. Cela fait
à peu près une trentaine d'articles qui ont été
paraphés, il en reste 20 qui ne sont pas paraphés et sur les 20,
à part 4 articles, cela tourne autour des gros points qu'on mentionne:
la tâche, la sécurité d'emploi, le département et
l'éducation aux adultes que j'ai mentionnée aussi.
Sur ces points, on a effectivement, en cours de route, laissé
tomber ces améliorations. On voyait certaines difficultés. On se
retrouve évidemment maintenant à défendre exactement la
convention qui a été échue le 31 décembre. Il n'y a
pas eu beaucoup de discussion effectivement sur la tâche et la
sécurité d'emploi. Sur la sécurité d'emploi, il
faut dire aussi que cela découle des augmentations de tâche et
c'est pour cela que - c'est toujours comme cela qu'on l'a expliqué -
s'il y a eu une détérioration sur la sécurité
d'emploi, c'était lié évidemment à la tâche.
Alors, pour répondre à votre question, on est au statu quo
maintenant. On a abandonné en cours de route l'ensemble des demandes
qu'on avait faites sur ces dossiers.
M. Ryan: Maintenant nous en sommes aujourd'hui, si je comprends
bien, à la situation suivante: d'un côté, le gouvernement
avait fait connaître son cadre de règlement le 9 février,
dont le ministre de l'Éducation nous a dit ce matin qu'il était
toujours sur la table; de l'autre côté, la FNEEQ et la CEQ nous
disent qu'elles veulent le statu quo. Est-ce que, de votre côté,
c'est le dernier mot, la position finale, irréductible ou s'il y a de la
matière à négociation entre la position que vous venez de
résumer et le décret qui a été
présenté par le gouvernement? Est-ce qu'il y a un espace pour de
la négociation quelconque ou s'il n'y en a pas?
Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier d'abord et M.
Bellefeuille ensuite.
M. Gauthier (Claude): D'abord, je profiterais de l'occasion pour
répondre à la deuxième question que vous avez posée
tout à l'heure: pourquoi très majoritairement les cadres de
règlement ont-ils été rejetés? Les
cadres de règlement ne faisaient qu'étaler dans le temps
l'ensemble des coupures comprises dans le décret du mois de
décembre. À la fin de la convention collective, on se retrouvait
donc avec l'ensemble des coupures et avec toutes les
détériorations et les conséquences que cela avait sur la
tâche,
Maintenant, pour répondre à votre deuxième
question, on l'a dit dans la conclusion, le gouvernement est resté sur
ses positions initiales, alors, il est sûr que cela a provoqué
à la fois sur l'ensemble du salarial et sur le normatif... Compte tenu
aussi de ce que le statu quo peut représenter pour les enseignants et
les enseignantes qu'on représente, le mandat de nos instances
actuellement c'est effectivement de négocier avec l'objectif d'avoir le
statu quo. Maintenant, nous sommes prêts à regarder des choses
autour du statu quo sur des points, mais il est évident que la
tâche représente un gros bloc.
Le Président (M. Jolivet): M.
Bellefeuille.
M. Bellefeuille: Je voudrais compléter rapidement en
disant ceci: Comme nous n'avions jamais vu la possibilité de voir
poindre à l'horizon un règlement, parce que le gouvernement
n'avait jamais modifié de façon substantielle ses positions, nos
membres nous ont dit, en assemblée générale, après
explication claire, dépôt des documents, du cadre de
règlement - qu'il n'est pas question d'accepter cela pour les raisons
que M. Gauthier a mentionnées. D'autre part, si vous me permettez
l'expression qui n'est pas très parlementaire, nous ne serions pas les
premiers à commencer le "strip-tease". En partant du fait qu'il n'y a
pas moyen d'envisager pour le moment d'autres pas, à cause de la
position très ferme du gouvernement sur l'ensemble de la question de la
récupération de la tâche, de la sécurité
d'emploi et du département, le fossé étant trop grand,
nous avions fait suffisamment de pas pour aboutir au statu quo... Même
si, en faisant d'autres pas, on ne pouvait pas espérer avoir de
règlement autrement que d'aller sur la position du gouvernement, nos
membres ont dit: II n'est pas question d'aller en bas du statu quo pour
l'instant.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, parmi certaines des
démonstrations qui nous ont été présentées
par la FNEEQ ce matin, j'aimerais en examiner une qui me paraît avoir,
à la fois sur le plan des faits et sur le plan de la réaction que
les syndiqués peuvent avoir à l'égard de ces faits, une
importance assez considérable. Il s'agit essentiellement des pages 15
à 17.
Ce qu'on essaie de démontrer dans ces pages, c'est que sur 10 600
enseignants, environ, les mesures d'augmentation de tâche ou
d'augmentation de productivité auraient un impact important sur la mise
en disponibilité en particulier, mais aussi sur d'autres ajustements
quant à la tâche, quant au travail de, dit-on en page 17,
au-dessus de 2000 personnes. Ce qu'on dit en page 17, c'est qu'il est possible
d'affirmer que le nombre d'enseignantes et d'enseignants touchés par ces
mesures d'augmentation de la tâche, de mise en disponibilité,
etc., se situera facilement au-dessus de 2000 personnes. C'est même une
estimation prudente. 2000 personnes sur 10 600, c'est évidemment
beaucoup. C'est un nombre considérable. Je reconnais qu'on peut
provoquer une incertitude importante chez bien des gens avec des chiffres
pareils. Sauf erreur, à la page 15, quand on commence la
démonstration, on dit: Concrètement cela -cette augmentation de
productivité de 15% -signifie qu'il y aura diminution du nombre
d'enseignantes et d'enseignants - là, il y a un petit bout de phrase
très important -"pour un même nombre d'étudiantes et
d'étudiants". Ce sont juste quelques mots, mais c'est fondamental.
Si je comprends bien la démonstration, les mises en
disponibilité telles qu'évaluées par la FNEEQ seraient de
l'ordre de 1500 à 1600. Attention! Toujours dans l'hypothèse
où le nombre d'étudiants ne change pas pour les trois prochaines
années. De notre côté, on arrive à peu près
à 1300. C'est le genre de différence qu'on peut examiner ou
discuter.
Si l'on suppose maintenant que le nombre d'étudiants change au
cours des trois prochaines années - et cela, ce n'est pas comme pour
l'enseignement primaire et secondaire, le nombre d'étudiants augmente
-et que, sur la base de ce qu'on constate depuis quelque temps, on ajoute
quelque chose qui semblerait raisonnable, disons 4000 étudiants de plus
par an, je pense que tout le monde conviendra que 4000 étudiants par an,
ce n'est pas une exagération, compte tenu de ce qu'on a vu depuis
quelque temps. Évidemment, cela change complètement les
perspectives. Les mises en disponibilité sont de plus de 1300, comme
diraient certains de nos calculs, 1500 ou 1600 diraient vos calculs, mais c'est
beaucoup moins que cela. Moi, j'arriverais à des choses comme ceci:
Mises en disponibilité pour l'année prochaine, 450 à peu
près; l'année suivante, 530; l'année suivante, 380. Cela
n'est pas du cumulatif, c'est le nombre à chacune de ces années.
Si c'est cela qui est susceptible de se produire, ce n'est pas très
différent de ce que nous avons connu depuis trois ans. En 1980-1981, il
y en avait 480; en 1981-1982, il y en
avait 460; en 1982-1983, il va y en avoir à peu 350. Donc, ce
qu'on envisagerait, dans la mesure où le nombre d'étudiants
augmente, comme c'est le cas, ce sont des mises en disponibilité pas
très différentes de celles qu'on connaît depuis trois
ans.
J'ajouterais en outre que, sur ces 300 à 400 mises en
disponibilité, nous savons tous qu'il y a actuellement, dans le
système des collèges, 175 professeurs de techniques
infirmières à peu près, et on sait très bien que
ces personnes sont mises en disponibilité et qu'elles vont rester en
disponibilité parce que l'enseignement infirmier a beaucoup moins
d'importance maintenant dans les collèges que c'était le cas
autrefois. Il y a beaucoup moins de demandes et il y a certains collèges
qui, devant le manque de demandes, ferment ces cours. Donc, nous avons
l'impression que, dans la mesure où le nombre d'étudiants
continue d'augmenter de façon à peu près raisonnable, les
mises en disponibilité ne sont pas du tout de l'ordre des chiffres qui
ont été mentionnés, que pour ce qui a trait aux mises en
disponibilité que l'on constate et qu'on peut envisager pour l'avenir,
presque la moitié, 40%, sont dans le cadre très spécifique
de l'enseignement des techniques infirmières, que c'est un
problème que tout le monde reconnaît et qu'il va quand même
falloir faire quelque chose avec ces enseignants de techniques
infirmières. Donc, le problème n'a pas du tout l'ampleur que
votre mémoire semblait révéler ce matin.
Non pas que je dise que votre mémoire n'est pas correct. Dans la
mesure où on retient votre hypothèse de départ, pour un
même nombre d'étudiants et d'étudiantes, vos chiffres se
comprennent, mais on sait très bien que ce n'est pas tout à fait
cela. On ne peut pas faire état de l'expansion du nombre
d'élèves à certains moments et, à d'autres moments,
pour des démonstrations comme celles-là, supposer qu'il est
constant. Il faut qu'on se branche.
Alors, j'aimerais seulement avoir quelques commentaires sur mes
réflexions à ce sujet.
Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier. (15 h 15)
M. Gauthier (Claude): M. Gingras répondra à cette
question. M. Gingras.
M. Gingras: J'aimerais bien situer, dans un premier temps, les
différences de chiffres que vous soulignez. Les chiffres dont vous
parlez nous ont été communiqués dans une rencontre
technique et la façon dont vous faites les calculs, c'est toujours en
équivalents à temps complet. C'est une première chose
importante.
Quand on soulève le chiffre de 2000 et qu'on dit que c'est un
chiffre prudent, ce sont des individus, non plus des équivalents
à temps complet. C'est à partir, effectivement, d'une simulation
qu'on a faite à travers tous les syndicats, à clientèle
constante, avec une augmentation de tâche de 15%. On leur a
demandé... Disons qu'ils répartissent les professeurs de la
même façon qu'ils les ont répartis cette année,
qu'est-ce que cela crée comme pertes d'emplois? Vous avez, dans ce
chiffre-là, des mises en disponibilité, donc des professeurs
à temps complet mis en disponibilité sur les 26 collèges,
et on peut faire une extrapolation des renseignements qu'on a actuellement,
cela donne 700 MED.
Je vais seulement vous donner un exemple. Si, dans un petit
collège où il y a 20 départements - parce que
l'enseignement collégial fonctionne toujours par discipline -vous
réduisez la tâche de 15% uniformément, dans chacune de ces
disciplines, vous aurez au moins un MED, en admettant que tout le monde est
permanent. Vous en aurez 20 en partant. Si vous avez, dans ces disciplines, des
gens qui sont non permanents et des gens à temps partiel, cela
multipliera, évidemment, le nombre de personnes touchées. C'est
là qu'on trouve le chiffre de 2000. D'ailleurs, on en arrive, sur les 26
collèges - si on extrapole - à environ 2500 personnes. Cela
comprend les personnes à temps partiel, qui perdront évidemment
leur emploi, les personnes non permanentes, qui le perdront aussi, et les mises
en disponibilité. Alors, ce n'est plus en termes d'équivalents
temps complet, c'est en termes de personnes touchées et c'est
l'équivalent, si on parle des MED, d'environ deux pour un, parce qu'il y
a toujours des fractions qui restent. Alors, il y a toujours une personne
à temps partiel ou une personne non permanente qui perdra son
emploi.
Vous avez évidemment raison de dire que, s'il y a augmentation de
la clientèle étudiante, cela épongera une partie des mises
en disponibilité; c'est vrai. Mais sur cet élément, dans
une première rencontre technique - c'était un modèle
théorique qui nous a été soumis - on nous disait: S'il y a
4000 étudiants de plus par année, cela réduira
évidemment les mises en disponibilité - j'ai à peu
près les mêmes chiffres que vous avez donnés tantôt -
sauf que, pas plus tard que mardi, on a eu une nouvelle rencontre technique et
on nous a dit qu'il n'y avait pas d'estimation de l'augmentation de la
clientèle, que les chiffres du ministère prévoient
à peu près la même clientèle que cette année,
133 000 étudiants. Les arguments qu'on nous a servis, c'est que, compte
tenu qu'il y a eu une grosse augmentation de la clientèle ces
dernières années, quand ces étudiants sortiront du
réseau collégial, les gens qu'on a rencontrés nous
disaient qu'ils ne pensaient pas qu'il y en aurait autant qui entreraient dans
le réseau. Donc, à toutes fins utiles, il y aurait plus une
stabilité qu'une augmentation de
4000 étudiants. Si, effectivement, il n'y a pas d'augmentation de
la clientèle, comme ce qui nous a été dit cette semaine,
ces chiffres resteront tels quels.
Le Président (M. Jolivet): M.
Bellefeuille.
M. Bellefeuille: Les chiffres que vous avez utilisés sont
les chiffres du cadre de règlement et non pas les chiffres du
décret.
M. Parizeau: Oui, c'est cela.
M. Bellefeuille: C'est cela. C'est aussi toute la
différence.
M. Parizeau: Non, pas à ce point. On va les reprendre, M.
le Président. J'aimerais revenir rapidement sur cette affaire, parce que
c'est fondamental. D'abord, la première intervention...
Une voix: De M. Gingras.
M. Parizeau: De M. Gingras. Dans le document de la FNEEQ, on nous
dit: II y aura 2000 personnes touchées. À la page
précédente - je ne reviens pas sur chacune des étapes de
la démonstration - on évalue à 1600 ce qu'il faut appeler
les "équivalents temps complet". On s'entend bien, les 1600, ce sont des
personnes à temps complet. S'il y a augmentation de la clientèle,
les équivalents temps complet ne sont pas au nombre de 1600, mais de
400. C'est très différent. 400 équivalents temps complet,
ce n'est pas plus que ce qu'on connaît depuis trois ans, en pratique,
à plus ou moins 50.
Donc, il devient fondamental de savoir si le nombre
d'élèves va continuer à augmenter ou pas. Je ne peux pas,
d'une part, me faire demander des augmentations de budget pour les
cégeps parce que les effectifs montent et, d'autre part, me faire dire:
II va y avoir des mises en disponibilité parce que le nombre
d'étudiants n'augmente pas. Il faut se brancher. C'est l'un ou c'est
l'autre. Cela ne peut pas être les deux. Compte tenu de ce qui s'est
passé depuis deux ou trois ans, on a plutôt l'impression que c'est
4% d'augmentation de la clientèle. On faisait d'ailleurs
déjà allusion, ce matin, au fait que les clientèles
étaient en hausse et continueraient d'être en hausse. Si elles le
sont, le problème que vous soulevez n'est plus là. C'est un
problème qui n'est pas de nature différente de ce qu'on
connaît depuis plusieurs années. Si les clientèles
plafonnent, là c'est autre chose.
Pour ce qui a trait au cadre de règlement par opposition au
décret, pour les mises en disponibilité à supposer que les
étudiants ne changent pas, que le nombre d'étudiants reste
constant - on s'entend bien là-dessus - les différences sont de
l'ordre de 422 la première année, 46 et puis 59 dans l'autre sens
la troisième. Il n'y a pas lieu de se battre les flancs entre les
deux.
Je reviens simplement à ce que je disais tout à l'heure.
Dans la mesure où le nombre d'étudiants de cégep continue
le moindrement à augmenter, le problème que vous mentionnez en
termes d'effectif qui serait touché par l'augmentation de
productivité et les compressions se ramènerait au fond à
ce que l'on connaît depuis trois ans et qui n'avait pas, à ma
connaissance, compte tenu du problème très spécifique des
infirmières, créé de problème majeur. Si cela avait
été le cas, j'imagine qu'on en aurait entendu parler.
Le Président (M. Jolivet): M.
Bellefeuille vous voulez ajouter quelque chose?
M. Bellefeuille: Oui, il y a juste une différence, un
oubli que vous faites, M. Parizeau, là-dedans. C'est que le
décret a modifié la formule de mise en disponibilité. Dans
le décret on prévoit faire la différence entre les
enseignants et les enseignants permanents à l'emploi du collège
et le nombre entier d'enseignants attribués à une discipline
donnée, les permanents puis ceux qu'on leur attribue, alors que la
convention collective prévoyait non pas les permanents mais ceux qui
étaient là occupant des postes, et ceux qu'on prévoyait.
Donc, il va y avoir nécessairement beaucoup plus de mises en
disponibilité puisque tous les non-permanents vont y passer,
première chose. C'est important parce que ça accroît le
nombre de mises en disponibilité.
Deuxième chose, c'est que cela se fait dans le temps. Puis il y a
toute la question d'autorisation de clientèle autour de cette question.
Comme je l'ai dit ce matin, concernant les autorisations de clientèle,
d'après les informations que nous a données le ministère,
l'année prochaine ça va être la même clientèle
que cette année. Donc, à partir de ce moment c'est clair qu'il va
y avoir plus de mises en disponibilité. Si, au moins, le
ministère prévoyait des hausses de clientèle, si au moins
on en prévoyait 4%, ce qui est un peu conservateur; si au moins on les
prévoyait, mais on ne les prévoit pas. C'est ça le
problème et c'est ça qui fait qu'on crée de plus en plus
de mises en disponibilité et qu'on va en créer de plus en plus.
Avec le décret il faudra que l'enseignant ait une charge tout à
fait complète, équivalant à 88 de charge individuelle
maximale pour obtenir son annulation de mise en disponibilité; 88 c'est
beaucoup d'heures, M. Parizeau.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Parizeau: J'ai un peu de difficulté, même en
fonction des conventions collectives antérieures, à comprendre
comment des non-permanents peuvent se retrouver en disponibilité. La
mise en disponibilité s'applique aux permanents. On ne peut pas faire
glisser de l'un à l'autre. Je m'adressais encore une fois à la
démonstration qu'on nous a présentée ce matin. Je ne
sortais pas de cette démonstration: quand on me dit 16 000
équivalents temps complet, je prends le chiffre pour ce qu'il veut
dire.
D'autre part, encore une fois, que le ministère, dans certaines
de ses discussions, fasse des hypothèses de plafonnement de
clientèle ou d'augmentation de clientèle, le problème
n'est pas là. Vous soutenez, comme nous le soutenons, que le nombre
d'étudiants au cégep augmente. Concernant cette augmentation des
clientèles, quand vous disiez 4% tout à l'heure, je reconnais que
sur la base de ce qui s'est passé depuis deux ans ça m'a l'air
très conservateur, effectivement. C'est pour cela que je
n'exubérais pas. En fait, je suis même en dessous de 4% parce que
je disais 4000 sur 132 000. Je me trouve à 3% d'augmentation de
clientèle et je trouve ça très conservateur. Mais cela va
se traduire par des augmentations de budget.
On peut faire toutes les hypothèses théoriques qu'on
voudra mais si on est certain, de votre côté comme de notre
côté, que le nombre d'étudiants va augmenter: a) ça
va se traduire par des budgets plus élevés, puis b) ça va
se traduire non pas par 1600 mises en disponibilité, mais par quelque
chose d'un ordre analogue à ce que l'on connaît depuis trois ans.
Je tenais simplement à ce que ce soit très clair entre nous parce
que certaines des hypothèses, comment dire, les plus dommageables pour
les enseignants qui apparaissaient dans le mémoire de ce matin, il faut
bien comprendre que c'est basé sur une hypothèse et une
hypothèse seulement. C'est que la clientèle plafonne dans les
cégeps.
Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier.
M. Gauthier (Claude): II y aura un complément de
réponse par M. Léonard.
Le Président (M. Jolivet): M. Léonard.
M. Léonard (Pierre): Je vais essayer de l'expliquer parce
que je pense que cet aspect de la question est important. Il faut bien
s'entendre sur ce que les mots veulent dire. Quand, dans le mémoire,
à partir des données de prévision de clientèle qui
nous ont été fournies récemment, nous faisions
l'hypothèse qu'il pouvait y avoir une augmentation de clientèle
prévisible pour l'an prochain et la deuxième année, on
nous a dit que les prévisions du ministère de l'Éducation
- et là, cela ne concorde pas avec ce que vous nous signalez - pour l'an
prochain, pour le réseau collégial, étaient d'environ 133
000 étudiants. Cette année, en 1982-1983, le nombre
d'étudiants vérifié est légèrement
au-delà de 132 000. Donc, il y a une variation d'un peu moins de 1000
étudiants.
M. Parizeau: On s'entend.
M. Léonard (Pierre): Donc, que l'on sache, les
prévisions officielles du ministère ne font pas état d'une
hausse de clientèle, pour l'an prochain à tout le moins.
Deuxièmement, quand on dit, dans le mémoire, qu'il y a une
différence d'environ 1600 professeurs équivalents temps complet,
il faut bien voir que les équivalents temps complet ne sont pas des
individus, comme le soulignait tantôt M. Pierre Gingras. Dans ce nombre,
ce ne sont pas tous des gens qui avaient leur permanence. Donc, cela ne
provoque pas 1600 mises en disponibilité. Parce que les mises en
disponibilité - c'est un fait - ne concernent que les gens qui ont
acquis leur permanence. Il est juste de dire que, depuis trois ans en moyenne,
le nombre de mises en disponibilité dans le réseau
collégial était autour de 375 à 400, plus ou moins, bon an
mal an. Effectivement, il pourrait arriver, si on avait une hausse de
clientèle d'environ 4%, avec les nouveaux mécanismes
d'acquisition de la permanence que le décret crée, qu'on ne se
retrouve encore qu'avec 375 ou 400 mises en disponibilité. Sauf que le
décret, pour ce qui est des enseignants de cégep - je pense que
c'est le seul dans ce sens - s'applique à partir du 1er
janvier précisément, pour un chapitre. Les autres dispositions
s'appliquent après le 1er avril. Je pense que ce n'est pas
innocent.
C'est précisément pour éviter qu'un grand nombre de
professeurs qui auraient du acquérir leur permanence au 1er avril 1983
ne l'acquièrent pas et qu'ils ne soient donc plus, par la suite,
considérés comme mis en disponibilité. Évidemment,
il y a un certain nombre de gens qui devaient avoir leur permanence au
1er avril et on change les règles du jeu. On dit, avant le
1er avril, qu'ils ne l'auront pas et, forcément, cela fera d'autant
moins de mises en disponibilité qu'on n'aura pas à comptabiliser
par la suite.
Il nous semble, si on n'avait pas changé les règles du jeu
de cette façon, que le nombre de mises en disponibilité, selon
les règles qui existaient dans la convention de 1979-1982, serait
beaucoup plus élevé que 375 à 400, malgré une
hausse de clientèle qui, que l'on sache en tout cas, n'est pas
prévue par le ministre.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, juste en concluant...
Le Président (M. Jolivet): Très bien.
M. Parizeau: ...l'aspect qui vient d'être soulevé
ici est intéressant. Est-ce que je pourrais demander si on a... C'est M.
Gingras?
Le Président (M. Jolivet): M. Léonard et M.
Gingras.
M. Parizeau: M. Léonard, est-ce qu'on a une note, une
approximation du nombre de gens qui auraient pu avoir leur permanence entre le
1er janvier et le 1er avril, ou le 31 avril?
M. Gingras: Nous avons une approximation. Nous aurons les
chiffres définitifs demain. Il y a un certain nombre de syndicats qui
nous ont déjà répondu. Pour la moitié des
syndicats, cela donne 202 permanences qui auraient du être acquises, dont
162 sur des postes et 40 sur des charges, parce qu'il y a un an de plus quand
on remplace. D'après nous, il faudrait multiplier à peu
près par 2 pour avoir un chiffre dans l'ensemble du réseau. Cela
se chiffrerait autour de 400 probablement.
M. Parizeau: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: Merci, M. le Président. M. Corriveau, vous
êtes un peu caché, là-bas. Bon! Je crois que votre court
mémoire de ce matin rejoint vraiment l'inquiétude
générale qui plane dans cette salle. On sait que l'enjeu de cette
commission est des plus importants pour toute la société
québécoise.
Hier, ce fut le discours de M. le ministre de l'Éducation, suivi
ensuite du discours parfaitement technique, mais vraiment éclairant, du
sous-ministre. Mais tout cela s'est fait, hier, dans une sorte d'euphorie, et
on semblait oublier presque le drame qui se joue ici et dont on espère
qu'il se dénouera comme il faut. On semblait tout oublier.
Aujourd'hui, M. Corriveau, un peu grâce à vous,
résonne à nouveau la cloche d'alarme. Dans votre intervention,
vous revenez sur l'urgence de la négociation. Vous
répétez, à maintes occasions, qu'il est tard. Cela
résonne un peu comme un tocsin qui nous dit que si la tornade ne
dévie pas, eh bien, la tempête va nous toucher gravement. (15 h
30)
Nous connaissons aussi actuellement la détermination du
gouvernement à maintenir son cadre financier, malgré qu'il vous
ait offert deux aménagements que vous trouvez légitime et bon de
refuser. Ce matin, dans le Devoir, pour aggraver un peu notre
inquiétude, le professeur Paul Bernard disait qu'il est vain
d'espérer de ramener le PQ à la raison. Et l'autre question que
tout le monde se pose quand même: Est-ce que les syndicats vont demeurer
irréductibles?
Mon rôle, évidemment, n'est pas de jeter de l'huile sur le
feu, au contraire. Notre râle ici en est un de médiation, sans en
être un, mais surtout un rôle de rapprochement et de reprise de la
négociation. L'affrontement demeure quand même et c'est un duel,
je crois, où les deux antagonistes pourront avoir des blessures
mortelles. Alors, je me demande à quoi bon jouer le vainqueur et le
vaincu et, pour moi, le grand héros de cette entreprise sera le plus
raisonnable et le plus respectueux de la paix sociale.
M. Gauthier - je m'adresse maintenant à vous - en peu de mots,
pourriez-vous nous donner vos exigences essentielles? Vous aussi, M. le
ministre, pourriez-vous nous donner les vôtres, pour que ce ne soit pas
dilué, comme on le fait depuis deux jours déjà, dans un
déluge de mots où on perd souvent les priorités et
où le public qui nous regarde et qui nous voit perd facilement le fil de
la discussion? Je crois que, devant cet étalement des exigences
réciproques, on pourrait peut-être mieux préparer les ponts
pour une entente qui demeure et qu'on espère toujours possible.
M. Gauthier (Claude): Je vais vous répondre
brièvement...
M. Hains: Voilà.
M. Gauthier (Claude): ...ce qu'on veut, c'est négocier sur
tous les aspects où on n'a pas réussi à négocier
jusqu'à maintenant.
M. Hains: II faudrait un peu plus de détails quand
même. Vous êtes vraiment trop bref.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Hains: Je crois que, dans votre conclusion, vous parliez de la
tâche. Est-ce que c'est cela? Ensuite, la sécurité et, la
fameuse question du département.
M. Gauthier (Claude): Effectivement, ce sont les trois gros
dossiers et quand je dis que nous, on est prêts à négocier,
on espère qu'on va se retrouver en négociation avec les
représentants du ministère et que, cette fois-ci, on ne se
retrouvera pas avec des positions rigides sur l'ensemble des trois
dossiers.
M. Hains: Est-ce que M. le ministre daignerait répondre
aussi?
M. Laurin: On aura l'occasion d'y revenir par la suite.
M. Hains: II a toujours l'art de s'esquiver facilement! Alors,
merci à vous deux.
Le Président (M. Desbiens): Alors, est-ce qu'il y a
d'autres questions?
M. Leduc (Fabre): Vous permettez? Vous êtes au courant de
l'entente qu'on a faite, M. le Président? Vingt minutes de chaque
côté?
Vous me signalez, M. le Président, qu'il ne reste plus de temps
pour notre côté?
Le Président (M. Jolivet):
Effectivement, l'entente disait vingt minutes.
M. Leduc (Fabre): Alors, je demande ceci: Compte tenu que les
députés n'ont pas pu poser de questions et que, de notre
côté, on aurait quatre ou cinq questions à poser, je ne
sais pas si l'Opposition aurait objection à une prolongation? On
pourrait clore la liste, mais permettre aux députés qui sont sur
la liste de poser leurs questions, des deux côtés.
Le Président (M. Jolivet): Avant de permettre cela,
cependant, je dois vous dire qu'il reste actuellement du temps à
l'Opposition et que Mme la députée de L'Acadie avait
demandé d'intervenir. Donc, jusqu'à 15 heures 45, le droit de
parole étant à l'Opposition selon l'entente, Mme la
députée de L'Acadie pourra utiliser ce temps-là. Quant
à la question qui est posée, à savoir si on dépasse
13 heures 45 pour se rendre à 16 heures, cela me prend un consentement
et on me dit non.
Mme la députée de L'Acadie, vous avez la parole.
Mme Lavoie-Roux: Je vais prendre trois minutes, M. le
Président.
Je voudrais revenir sur cette fameuse question du coordonnateur qu'on
appelle maintenant "responsable". Je dois vous dire que sur ce point
particulier je m'explique mal cette difficulté que vous avez à
accepter la demande qui vous est faite et que le coordonateur doive
répondre - je ne sais selon quelles modalités, vous pourriez
peut-être le préciser, je n'ai pas le décret devant moi -
à l'administration du collège de toutes les activités
à l'intérieur des départements. Cela m'apparaît
normal parce qu'on demande des comptes à l'administration d'un
collège et l'administration d'un collège doit aussi rendre des
comptes à la population. Je m'explique mal votre résistance de ce
côté-là.
Le Président (M. Jolivet): M. Gauthier ou Mme Achard.
Mme Achard: Je peux essayer de répondre. D'une part, on se
demande où est le problème parce que, depuis que les
collèges existent, le département fonctionne comme cela. C'est
cela qui a permis la construction des cégeps. C'est le travail
d'équipe à l'intérieur des départements, le fait
que tout le monde à l'assemblée départementale est sur le
même pied et qu'on mandate un représentant de l'assemblée
départementale pour acheminer nos positions. Ce qu'on nous demande ici,
c'est que ce mandataire devienne un patron, devienne notre contremaître.
C'est s'attaquer à notre fonctionnement d'équipe. Pour nous, il
s'agit d'une partie importante de notre tâche; c'est la partie
créatrice de notre tâche que de travailler en équipe et que
tout le monde soit sur le même pied. Je pense qu'on a fait nos preuves.
Regardez les cégeps. Regardez le fonctionnement des départements.
Je viens d'un collège qui est nouveau, le collège Montmorency, et
c'est incroyable la quantité de travail qu'on a fait comme équipe
en département. Si on avait un contremaître, cela ne serait pas du
tout le même climat de travail. Penser qu'ils ont une certaine autonomie
dans leur travail, c'est cela qui motive les professeurs. Si on veut nous
placer à un niveau d'exécutants, je pense que cela fera une
éducation tout à fait différente. Si on ne veut pas nous
considérer comme ayant pleinement la responsabilité de notre
travail, cela va changer. Je demande encore une fois où sont les
problèmes. Il n'y en a pas de problème. On donne nos cours. Le
ministère de l'Éducation dit dans tous ses rapports qu'il trouve
cela original et qu'on a des résultats intéressants au niveau des
cégeps. Où est le problème?
Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: II me semble qu'il ne devrait pas y avoir
là une difficulté absolument insurmontable. Dans le fond, quand
vous le présentez sous l'angle de celui qui, tout à coup,
deviendrait votre patron à l'intérieur de ce département,
vous pouvez avoir raison. Est-ce qu'il n'y a pas un moyen terme entre les deux?
Je crois comprendre de la partie patronale qu'à un moment donné
on veut savoir les objectifs du département, ce qui se passe à
l'intérieur du département. Est-ce qu'il y a moyen qu'au lieu de
l'appeler un nouveau patron qui serait là, dans les modalités,
tout en respectant... Il est vrai qu'il y a eu du travail en
collégialité intéressant qui s'est fait dans les
cégeps. Mais, d'un autre côté, si on se met du
côté de l'administration, on lui demande des comptes et ce n'est
pas simplement le ministère de l'Éducation - je sais que le
ministère de l'Éducation est bien centralisateur; je ne
veux pas faire de discours là-dessus, j'ai eu l'occasion de voter contre
la loi 25 - mais la population aussi qui demande des comptes et il faut
quelqu'un de responsable tout au long de ce cheminement. Je ne veux pas entrer
dans les détails, mais il me semble qu'il y aurait moyen d'arriver
à un moyen terme entre ce que je pense légitime dans la demande
de l'administration et, d'un autre côté, dans la conservation de
ce caractère collégial sans que tout à coup vous vous
opposiez à l'intérieur de votre département en termes de
patron-employés. C'est seulement une réflexion que je fais. Il me
semble qu'il y aurait moyen de trouver un point de négociation.
Le Président (M. Jolivet): Mme Achard.
Mme Achard: Dans la convention qui vient de se terminer, il y a
des éléments de rapport dans les dispositions du
département. L'assemblée départementale doit
présenter au collège un plan de travail et un rapport annuel.
Cela est fait en assemblée départementale. Maintenant, ce qu'on
veut, c'est que ce plan de travail et ce rapport ne soient plus la
propriété de l'assemblée départementale, mais que
ce soit le contremaître du département qui le fasse et qui
évalue ses employés. Je pense que la meilleure
démonstration de notre travail, c'est la qualité des gens qu'on
produit, qui sortent avec des DEC des collèges. On dit qu'ils ont une
bonne formation. Il me semble que c'est cela, la preuve du travail qu'on
fait.
Mme Lavoie-Roux: J'ai un deuxième point, M. le
Président. En fait, c'est une réflexion que je voudrais faire
peut-être pour remettre les choses dans une perspective un peu plus juste
que celle que le ministère de l'Éducation nous a
présentée hier, quand il faisait des comparaisons entre la
tâche des enseignants du Québec et celle de l'Ontario. Quant
à moi, je me contente de l'Ontario; pour le reste, cela commence
à être un peu loin. C'est vrai qu'il y a une différence de
tâche. Même en tenant compte de cet élément, elle
demeure peut-être encore trop grande, je ne le sais pas. Ce qu'il ne
faudrait pas oublier, c'est que les étudiants des collèges
communautaires, à moins qu'on ne me contredise, ont terminé une
13e année, en général, en Ontario. Ils font la 12e et la
13e année avant d'aller dans les collèges communautaires, alors
que nos étudiants de cégep ont terminé une 11e
année, ce qui fait une différence de deux ans.
Sans vouloir jouer à la mère, ni au père, quand on
a des enfants de 17 et 18 ans et des enfants de 19 et 20 ans, si on se
réfère à l'écart de deux ans, cela fait une
différence. Du point de vue de l'encadrement, il est peut-être
souhaitable qu'on n'arrive pas à une tâche, une norme ou un ratio
qui soit exactement le même parce qu'à 16-17 ans ou 17-18 ans,
c'est encore un âge où les jeunes se cherchent. Ils n'ont pas fait
un choix de carrière aussi définitif, je pense, à cet
âge que ceux qui s'en vont dans les collèges communautaires
où, finalement, on arrive à une formation professionnelle
vraiment beaucoup plus terminale. Il faudrait faire exception,
évidemment, pour les gens de la formation professionnelle. J'aimerais
vous poser une question précise: Compte tenu de ce que je viens de dire,
quel est le travail d'encadrement que vous faites auprès des
étudiants au niveau du cégep?
Le Président (M. Jolivet): Mme Achard.
Mme Achard: II est assez varié; cela dépend aussi
des demandes expresses des étudiants. Il y a le travail classique que
tout le monde connaît: corriger les travaux qu'on leur donne. La
qualité de ce qu'on donne comme enseignement peut dépendre, en
partie, de la quantité de travaux qu'on peut donner à nos
étudiants. J'enseigne en sciences et, actuellement, on donne un
laboratoire par semaine à chacun des étudiants et on demande un
rapport de laboratoire par semaine. Cela fait pas mal de corrections. Comme on
le disait tout à l'heure, actuellement, on a 80 étudiants
à rencontrer par semaine; alors, cela nous fait 80 rapports de
laboratoire, en plus de la préparation des cours, en plus des recherches
qu'on doit faire parce que c'est nous qui composons nos notes de cours et ce
qu'on donne. Si on augmente notre tâche, cela veut dire qu'on demandera
moins de travaux aux étudiants. C'est sûr que l'étudiant
sera peut-être content à court terme, mais, quant à la
formation qu'il reçoit, ce sera différent. C'est très long
de corriger des rapports de laboratoire. Cela est un aspect.
Il y a l'aspect rencontre avec les étudiants. Quand on donne un
travail de recherche, on doit les diriger, leur donner des suggestions sur la
façon de rédiger le travail, leur donner les sources où
ils doivent chercher et toutes ces choses. Cela est un autre aspect.
Il y a l'aspect de simplement répondre à des questions
après le cours. Après chaque cours - quand on dit qu'on donne,
mettons, douze heures de cours - il y a toujours des étudiants qui
restent et qui nous posent des questions sur les différents travaux
qu'ils ont à faire et sur des points de non-compréhension. C'est
cet ensemble. Dernièrement, l'âge des étudiants qui
arrivent au cégep est moins élevé à cause de la
suppression d'une année au secteur élémentaire, je pense.
On remarque, depuis une couple d'années, beaucoup plus de demandes de la
part des étudiants. Ils sont plus jeunes, ils sont moins
sûrs d'eux et il faut être plus près d'eux depuis une
couple d'années.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, merci. Il ne reste
presque plus de temps pour poser d'autres questions. Il y a des gens qui se
posent la question à savoir d'où venait ce document; c'est de la
CEQ, je pense, que vient ce document, du mémoire de la CEQ.
Compte tenu des circonstances, je remercie les gens qui sont venus
témoigner au nom des cégeps. Je vais suspendre cinq minutes
simplement pour permettre aux gens de la CEQ, du secteur
élémentaire et secondaire, de s'installer.
(Suspension de la séance à 15 h 45)
(Reprise de la séance à 15 h 52)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît;
Je demanderais à tout le monde de revenir à son
siège pour que l'on puisse reprendre nos travaux. Je demanderais
à M. Charbonneau de présenter les membres qui l'accompagnent et
de commencer à utiliser son droit de parole.
À l'ordre, s'il vous plaît! Un instant. M. le
député de Vachon veut me poser une question de règlement.
M. le député de Vachon, vous avez la parole.
M. Payne: Je pense qu'il y en a plusieurs qui voulaient
intervenir. En ce qui me concerne, je voulais le faire au sujet des
collèges. Voulez-vous répéter l'entente pour la fin de la
journée, s'il vous plaît?
Le Président (M. Jolivet): Oui. M. le député
de Vachon, est-ce que vous parlez de l'entente à partir de maintenant ou
de ce qui est passé depuis ce matin?
M. Payne: Ce que je veux dire, c'est que ce serait
intéressant d'avoir un autre moment où on pourrait intervenir, au
moins pour des commentaires généraux.
Le Président (M. Jolivet): Pour le moment, tout ce que je
peux vous dire, c'est qu'à partir de maintenant la CEQ présente
son mémoire. Quand elle aura terminé, chacun pourra poser les
questions qu'il désire jusqu'à 18 heures et nous reprenons
à 20 heures jusqu'à 24 heures. S'il restait du temps pour des
commentaires généraux à la fin - puisque avant 24 heures
il y aurait du temps - vous aurez la possibilité de faire des
commentaires généraux si vous le désirez.
M. Payne: Donc, pour le moment, on se limite à la CEQ,
primaire, secondaire.
Le Président (M. Jolivet): Actuellement, c'est primaire,
secondaire. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais vous soumettre une demande au sujet de la
journée de demain. Un organisme, l'Institut canadien d'éducation
des adultes, voudrait être entendu au cours de la journée de
demain spécialement - vous le devinez par son nom et sa mission - au
sujet de la dimension éducation des adultes des problèmes que
nous discutons à la commission. C'est une dimension qui est capitale sur
laquelle nous n'avons pas eu la chance d'échanger beaucoup
jusqu'à maintenant.
Je crois comprendre que l'Institut canadien d'éducation des
adultes se serait fait dire qu'il ne pouvait pas être reçu, qu'on
l'invitait à communiquer un mémoire écrit. Je voudrais
demander avec insistance que le nom de l'Institut canadien d'éducation
des adultes soit ajouté à la liste des organismes qui sont
invités à se faire entendre demain.
Comme vous le savez, l'Institut canadien d'éducation des adultes
est un organisme qui regroupe à peu près tout ce que nous
comptons d'organismes, privés ou. bénévoles,
engagés dans l'éducation populaire. Il a fait beaucoup de travaux
dans le sens de la promotion de l'éducation des adultes et je pense que
cela compléterait très bien la liste d'organismes que nous avons
déjà, si la commission consentait à ajouter le nom de cet
institut à la liste de ceux qui seront entendus demain.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Laurin: Je prends note de la demande du député
d'Argenteuil et, comme le leader parlementaire n'est pas ici, je peux l'assurer
que nous allons discuter de cette demande au cours de l'après-midi.
Comme cela a été fait, hier, nous pourrons donner une
réponse au début de la soirée.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, avant... M. Ryan: Si
vous le permettez...
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: ...c'est sur le même sujet et c'est très
bref. Je voudrais simplement demander au ministre de l'Éducation de
faire diligence, si possible, parce que, si l'institut devait être
invité à se présenter demain, i! serait assez bon qu'il
puisse le savoir dès cet après-midi.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: On a fait allusion ce matin à une
décision du Conseil du trésor au sujet du mandat des
collèges à l'occasion de la ronde de négociations de
1979-1980. J'ai fait venir la décision et je la dépose. C'est la
décision 125865 du 22 avril 1980.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Donc, les
dépôts seront faits.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Autre point, M. le Président. On a
distribué, ce matin, une note au sujet de certains
éléments qui différencient les coûts
d'administration au ministère de l'Éducation du Québec et
au ministère de l'Éducation de l'Ontario. Les informations que
contenait cette note sont extrêmement squelettiques et je demande que le
ministère de l'Éducation nous fournisse, à ce sujet, une
note plus complète que celle distribuée ce matin. Qu'on nous
donne, en somme, les chiffres comparatifs sur les frais d'administration du
ministère de l'Éducation du Québec et de celui de
l'Ontario, en tenant compte, évidemment, de l'autre ministère
chargé des universités et de la technologie en Ontario. Je crois
que la note qu'on a reçue ce matin ne nous éclaire pas
conformément aux attentes qu'on avait fait naître hier soir.
Le Président (M. Jolivet): Tout ce que je peux vous dire,
M. le député, c'est que le message doit être compris
à ma droite et on devra faire les efforts nécessaires pour
répondre à vos questions. Merci.
M. Charbonneau.
La négociation
M. Charbonneau (Yvon): Oui, M. le Président. Tout d'abord,
je veux vous présenter les gens qui sont avec moi à cette table
et qui participeront aux débats ou, en partie, à l'exposé
et qui présenteront le point de vue de notre organisme.
À ma gauche, Mme Alice Tremblay, première
vice-présidente du bureau national de la centrale; M. Gilles Lavoie,
coordonnateur des négociations, M. Pierre Beaune, économiste;
à ma droite, M. Robert Bisaillon, président de la Commission des
enseignants et enseignantes de commissions scolaires, M. Robert Dobie,
secrétaire général de la Provincial Association of
Catholic Teachers; M. Harvey Weiner, président de l'Association
provinciale des enseignants protestants; agiront aussi à titre de
ressources techniques, M. Alan Lombard et M. Denis Leclerc.
M. le Président, mesdames, messieurs, députés et
membres de cette commission, au moment où s'ouvre cette séance de
travail, il est 16 heures. C'est l'heure traditionnelle de la fin des classes
et du retour à la maison. Je profiterai certainement de cette occasion
pour souhaiter la bienvenue avec nous, à l'occasion de ce débat,
au plus grand nombre d'étudiants possible de fin de secondaire, de
collégial en particulier, ainsi qu'à leurs parents. Ou bien que
les parents suggèrent à leurs enfants d'ouvrir la
télévision et d'écouter l'émission ou que les
enfants suggèrent à leurs parents que cela peut être
intéressant, vu qu'on va discuter de l'école publique au
Québec.
Je voudrais aussi profiter de cette occasion pour féliciter tous
les jeunes Québécois et Québécoises qui ont
représenté l'ensemble de la jeunesse québécoise aux
Jeux du Canada qui viennent de se terminer à Chicoutimi et qui ont bien
figuré. Je pense que nous avons bien raison d'être fiers de leur
rendement. Derrière le rendement de ces jeunes, il y a certainement
aussi le travail dans l'ombre de milliers de personnes bénévoles
et aussi d'éducateurs que je veux saluer à cette occasion.
La CEQ accepte de prendre part à cette commission parlementaire
parce que nous croyons que l'impasse actuelle a déjà trop
duré. Même si nous n'avons rien négligé, quant
à nous, du côté de l'information au public ou à nos
membres, il se peut que les présents débats concourent à
éclairer certains aspects de ce conflit dans lequel nous sommes
plongés bien malgré nous. Le large appui que notre cause a
reçu dans plusieurs milieux, ainsi que l'immense réprobation que
s'est attirée le gouvernement à la suite de l'adoption des
décrets et de la loi 111 démontrent je crois, que ce qu'on
appelle l'opinion publique est loin d'être insensible à nos
objectifs de maintien d'un enseignement public de qualité et de
préservation de nos droits démocratiques.
Nous faisons face actuellement à un gouvernement qui a fait le
choix suivant: "couper jusqu'à ce que cela crie", comme l'a dit un
important ministre, puis faire taire ceux qui crient, comme l'ont dit tous les
autres ministres, et recommencer ainsi. Nous faisons face à un
gouvernement qui s'attaque non seulement aux droits syndicaux, non seulement au
droit à des services publics de qualité, au droit à
l'éducation, mais qui a fait le choix de gérer - c'est une
immense responsabilité qu'un gouvernement prend à ce
moment-là - la décroissance de façon non pas humaine, mais
autoritaire et ce, au mépris de nos acquis collectifs et sociaux les
plus précieux et de nos équilibres démocratiques devenus -
il faut l'admettre -pas mal précaires.
En tant qu'organisation syndicale représentative d'un large
secteur des services publics, éducation, professionnels de la fonction
publique - à l'occasion de cette
ronde de négociations, nous représentions environ 95 000
salariés - la CEQ s'est inscrite depuis juin dernier non pas dans une
ligne d'affrontement ou de confrontation, mais dans un processus
d'échanges, de négociation visant au renouvellement des
conventions collectives de ses membres et ce, avant la fin de 1982 si cela
eût été possible. Mais c'est à coups de lois
spéciales qu'on nous a répondu dès le mois de juin. Les
dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs que nous regroupons
n'ont toujours pas compris qu'on veuille à tout prix faire d'eux des
boucs émissaires d'une crise qu'ils n'ont ni provoquée ni
alimentée.
De compromis en compromis, nous en sommes arrivés à
proposer le gel de nos salaires. Ce qui implique, puisqu'on ne peut pas geler
le coût de la vie, ni demander au gouvernement de geler le coût de
la vie, l'acceptation d'un appauvrissement relatif pouvant aller jusqu'à
15% pendant la durée de la convention. Nous en sommes arrivés
aussi - quelle audace! - à demander le maintien des conditions de
travail que nous avions auparavant. Nous voulons bien qu'en certains milieux on
nous taxe de radicaux, mais la réalité est que nous sommes
plutôt des radicaux du statu quo, donc des radicaux bien modestes, M. le
Président. La réalité, c'est que nos membres sont
allés en grève non pas pour avoir toujours plus et plus, comme
certains un peu retardés disent encore de nous, mais pour éviter
de perdre absolument tout ce que nous avions acquis et signé depuis une
quinzaine d'années.
Quelle que soit l'issue de ce conflit, nous aurons au moins la
satisfaction d'avoir forcé un large débat à propos de la
qualité et du niveau des services publics au Québec et en
particulier en regard de l'éducation. Pourquoi faut-il donc qu'il y ait
conflit pour que certains débats d'intérêt permanent en
arrivent à prendre place? Nous laissons à d'autres le soin de
répondre à cette question, mais nous souhaitons vivement, dans
l'intérêt du million et plus de jeunes que nos membres doivent
côtoyer chaque jour, qu'une plus large couche de la population
s'intéresse de façon active et continue à
l'éducation. Cela nous éviterait peut-être d'être
plongés périodiquement, malheureusement, dans le quasi-chaos
social et scolaire qu'occasionnent des politiques à courte vue, sans
rapport avec les besoins réels du développement de la jeunesse
dans cette société. On n'a qu'à penser au tournage en
rond, par exemple, qui caractérise tout le dossier de l'éducation
des adultes au Québec pour se rendre compte de ce que se permettent des
gouvernements que n'aiguillonne pas systématiquement une opinion
publique en éveil. Cette commission parlementaire, on me permettra de le
souligner, illustre bien jusqu'à quel point les représentants
gouvernementaux sont à la fois juge et partie puisqu'on retrouve, parmi
les députés ministériels, le ministre de
l'Éducation, le ministre des Finances et le ministre président du
Conseil du trésor qui ont la main haute sur la conduite de cette
négociation. Donc, on les retrouve parmi les membres de la commission
parlementaire plutôt que comme témoins convoqués à
cette commission à côté de nous comme partie au
conflit.
De toute façon, ceci étant bien précisé,
pour les fins de cette commission parlementaire, nous rappellerons, d'abord,
les efforts déjà imposés depuis six ans, à coups de
compressions budgétaires, au secteur de l'éducation.
Deuxièmement, nous allons resituer le contexte et l'aboutissement
à ce jour de cette ronde de soi-disant négociations. Nous aurions
bien aimé que ce soit des négociations, quant à nous. Nous
démontrerons aussi certains effets des décrets sur les conditions
de vie et de travail des travailleuses, des femmes, parmi nos membres et dans
la société. Nous démontrerons avec insistance les effets
des décrets sur le vécu scolaire de l'ensemble de nos membres et
de l'ensemble de ceux et celles avec qui nos membres doivent travailler chaque
jour, les élèves, ce dont traiteront en particulier les
représentants de la Commission des enseignants de commissions
scolaires.
Si le temps nous le permet, par la suite, nous pourrons
éventuellement revenir avec une couple de propositions ou de
suggestions.
Pour ce qui est de ce que l'on appelle ici les efforts
déjà imposés, déjà consentis par le secteur
de l'éducation depuis quelques années, je voudrais souligner ici
que d'éminents porte-parole gouvernementaux tentent d'expliquer leur
position restrictive envers les services publics, celle qu'ils prennent,
l'année dernière et cette année, en invoquant la crise qui
nous traverse depuis une couple d'années. Nous avons bien vu tout le
battage qu'il y avait à ce propos à l'occasion du Sommet de
Québec. La crise est arrivée ou elle est sur le point d'arriver.
C'était plutôt un malaise à l'occasion du Sommet de
Québec, nous disait-on en haut lieu, mais la crise s'en venait. Elle est
arrivée au mois de septembre.
On explique ces politiques draconiennes en invoquant la crise. Mais je
crois que c'est avoir la mémoire un peu courte. Dès la
présentation de son premier budget, le 29 mars 1977, ce gouvernement, le
gouvernement d'alors conduit par les mêmes personnes qu'aujourd'hui,
annonçait - je rappelle le titre de certains de leurs communiqués
- "Mission éducative et culturelle: un sérieux coup de frein
à la croissance des dépenses d'éducation". Ou encore:
"C'est au domaine de l'éducation proprement dite que le coup de barre
est sérieux: la croissance des crédits, disait-on,
est ramenée de 32% à 9%". De fait, c'est à 4,3%
qu'on ramena le taux d'augmentation des crédits alloués à
l'enseignement primaire et secondaire public, 4,3% dès 1977-1978, alors
que l'inflation était de l'ordre de 10%. Donc, dès cette
année-là, on demandait à l'enseignement secondaire et
primaire public de s'arranger avec 6% de moins que la hausse du coût de
la vie. La politique de médecine de guerre appliquée au secteur
de l'éducation est donc née avant la crise, enfin la
dernière dont on parle. Elle remonte au moins, en ce qui concerne ce
gouvernement, à son premier budget il y a six ans.
Afin de rembourser les arrérages laissés par le
gouvernement antérieur à raison de 159 000 000 $ en 1977-1978,
130 000 000 $ en 1978-1979 et 72 000 000 $ en 1979-1980, le gouvernement
péquiste a sévèrement comprimé les crédits
à l'éducation pendant les trois premières années de
son premier mandat.
Lors du budget de 1980-1981, il annonçait les coupures suivantes.
"Quant aux 300 000 000 $ d'arrérages, le budget de l'éducation
primaire et secondaire du ministère de l'Éducation va les assumer
grâce à des coupures annuelles qui ont déjà
été fixées pour les trois années à venir, en
1980-1981, 30 000 000 $; en 1981-1982, 50 000 000 $; l'année suivante,
53 000 000 $". Mais la réalité devait s'avérer beaucoup
plus contraignante. Les nouvelles règles budgétaires
émises pour les commissions scolaires en juin 1980, de même que
les effets de la loi spéciale no 113 -une parmi la série des neuf
lois adoptées par ce gouvernement - à l'automne 1980, à
l'occasion de deux conflits locaux, portaient les coupures à environ 100
000 000 $ en 1980-1981, selon une estimation du partenaire du gouvernement, la
Fédération des commissions scolaires. En 1981-1982, les coupures
pour l'enseignement primaire et secondaire s'élèvent à au
moins 180 000 000 $.
Les crédits déposés le 23 mars 1982 ont fait
état de coupures à l'éducation de 38 000 000 $ de plus.
À notre avis, c'est un chiffre mystificateur en ce sens qu'en
réalité, le gouvernement a projeté une augmentation des
crédits à l'enseignement primaire et secondaire de 3,6%
seulement, prétextant surtout une baisse de clientèle.
L'enveloppe budgétaire pour les personnels autres qu'enseignants. On va
parler, naturellement, durant cette commission parlementaire surtout du sort
fait aux enseignants, puisqu'il y a encore un conflit de ce
côté-là, mais il y a aussi des situations non
réglées pour ce qui est des autres catégories de
personnels qui sont, dans les écoles et dans les collèges, les
professionnels, le personnel de soutien, le personnel technique, le personnel
d'entretien. L'enveloppe budgétaire, pour ces personnels, a
été réduite de 2% à 5%. C'était la partie la
plus facilement compressible, étant donné la nature des
conventions collectives dans ces secteurs.
À cet égard, les propos d'un sous-ministre, tels que
rapportés dans le journal Les affaires en avril 1982, sont fort
explicites: "D'autre part, nous avons coupé dans les réseaux
là où les conventions collectives étaient les plus
souples. Par exemple, au primaire et au secondaire, nous avons demandé
aux commissions scolaires de réduire le nombre de professionnels et
d'employés de soutien."
Plus récemment, dans la synthèse des opérations
financières du troisième trimestre de l'année 1982-1983
qui vient d'être publiée et qui se rend jusqu'au 4 février,
le gouvernement prévoit une croissance du budget du ministère de
l'Éducation, cette année, d'environ 2,9% au total. Quand on
considère ce que le gouvernement ou ce que le ministère de
l'Éducation doit prévoir dans certains autres secteurs que
l'enseignement public, primaire et secondaire, c'est de décroissance
accélérée qu'il s'agit pour ce secteur de l'enseignement
public, primaire et secondaire.
Je voudrais, en contrepartie de ce tableau des coupures et des efforts
imposés au secteur de l'éducation depuis six ou sept ans par ce
gouvernement, faire ressortir le caractère positif de l'action
syndicale, ainsi que le caractère positif de certaines dispositions de
nos conventions collectives. En certains milieux, la crise servant de
prétexte à bien des discours, je crois qu'on y va un peu trop
largement à propos du caractère radical des syndicats. On parle
de gens récalcitrants ou mal accommodants, de gens qui ne comprennent
jamais rien, etc.
On doit souligner que, justement en période de crise, l'action du
mouvement syndical, l'action d'une organisation syndicale, prend encore plus
d'importance en ce sens qu'elle amène dans cette société,
je dirais, des feux jaunes ou des feux rouges. Elle amène des signaux
d'alarme à la dégradation de certaines situations. Sans cette
intervention du mouvement syndical, de certaines organisations, donc, sans
l'intervention des travailleurs organisés, jusqu'où cela irait-il
du côté des attaques aux droits et du côté de la
dégradation des conditions de travail et des conditions des services
publics? On peut au moins soulever la question et reconnaître qu'il y a
là une contribution sociale positive de la part du mouvement syndical,
même si cela prend parfois des allures, des extérieurs
d'affrontement ou de confrontation. L'origine et l'aboutissement de cette
action sont une contribution pour préserver certains acquis, certains
droits dans une société qui se prétend devoir être
démocratique. (16 h 15)
La contre-réforme - c'est comme cela que nous décrivons
l'ensemble des mesures prises par ce gouvernement en éducation
-entreprise depuis quelques années met en danger les acquis que nous
avions accumulés en ce qui concerne le développement ou les
possibilités de développement éducatif. Nous avons
publié quantité de textes là-dessus et je crois que ce
n'est pas nécessairement le lieu où faire état de tout ce
que nous avons publié. Même si le ministre a fait son tour de
piste hier, je crois que, quant à nous, nous allons nous concentrer sur
la recherche de moyens pouvant nous amener à résoudre, si c'est
encore possible, la situation, à dénouer le conflit. Mais, pour
chaque document rappelé ou évoqué hier par le ministre de
l'Éducation, pour chaque opération soi-disant de consultation, on
pourra ici, en ce débat ou à une autre occasion où on
pourra parler d'éducation, même s'il n'y a pas toujours un conflit
autour pour nous y pousser - je souhaite que cela soit possible à un
moment donné - faire état des analyses que nous pouvons faire de
ces soi-disant consultations largement bidon. Et, aussi, on pourra sortir des
documents du ministère de l'Éducation montrant justement, dans
des synthèses de ces consultations, que la population a largement
rejeté, en 1977 et en 1978, les idées et les suggestions mises de
l'avant par le livre vert dont on parlait hier avec tant d'abondance. Voici des
idées justement rejetées à l'occasion des consultations -
c'est dans les rapports-synthèses publiés par le ministère
de l'Éducation même - "l'école-pivot", la
"corporation-école" et des choses du genre sur lesquelles on a voulu
baser le projet de restructuration scolaire; idées rejetées en
consultation, mais tout de même reproduites dans des livres blancs et des
projets de politiques. On pourrait sortir beaucoup de choses de ce
côté-là. On va passer pardessus pour le moment, mais, s'il
y a des questions, nous sommes particulièrement bien
équipés de ce côté.
Il nous apparaît donc que la convention collective est le seul
frein sérieux aux politiques de coupures dans le personnel et dans les
services publics et d'éducation en particulier. En ce sens, l'action
syndicale, qui est positive sur le fond, aura contribué à faire
en sorte que la population puisse encore disposer aujourd'hui de services
qu'autrement elle aurait pu perdre plus tôt ou qu'elle risque encore de
perdre si jamais les décrets devaient devenir une réalité
immuable. Les centrales syndicales ne sont pas les seules à
dénoncer les coupures effectuées par l'État ou ses
partenaires. Il y a tout un concert d'opinions. Nous avons reçu des
centaines de lettres, des témoignages de diverses organisations, de
regroupements d'assistés sociaux, de chômeurs, de comités
d'école, de comités de parents, d'associations étudiantes.
Beaucoup de groupes nous ont dit à quel point ils étaient
préoccupés de la situation faite aux services publics et à
l'éducation à travers les décrets. C'est un ensemble
d'opinions provenant d'un vaste éventail de catégories sociales
qui ne sont pas en opposition sur ces questions, comme on le laisse croire dans
certains discours officiels où il paraît que les chômeurs ou
les assistés sociaux aimeraient bien que les travailleurs des services
publics perdent quelques plumes. Non, les gens, quand ils s'expriment à
travers leurs organisations, ne disent pas cela. Ils disent, au contraire: La
lutte que vous menez dans le secteur public, elle va servir tout le monde si
vous réussissez à conserver un minimum de qualité,
même à travers la crise. Et, justement parce qu'il y a crise, nous
disent-ils, c'est important que vous teniez encore un peu plus, malgré
les coups durs qu'on vous assène. Nous sentons que nous avons les
mêmes objectifs de fond, nous ne sommes pas divisés, malgré
les discours dont on nous arrose abondamment.
Je crois qu'il est important de souligner cela ici. C'est un indice
sérieux de l'attitude qu'adopterait la population si on lui
présentait, avec transparence et méthodiquement, les effets des
politiques du gouvernement dans le domaine de l'éducation. Ces
témoignages que nous avons ici indiquent déjà l'immense
appui que soulèvent les objectifs que nous mettons de l'avant. Ils
indiquent aussi la réprobation que s'attirerait le gouvernement par ses
politiques, si elles étaient bien connues à la base par les
citoyens de façon détaillée, et non pas seulement par des
consultations à huis clos ou sélectives comme ce qu'on a
déjà vu, par exemple, sur la restructuration scolaire.
Pour la partie suivante de l'exposé, Mme Alice Tremblay
enchaînera.
Le Président (M. Jolivet): Mme
Tremblay.
Mme Tremblay (Alice): Permettez-moi de vous faire connaître
les faits tels qu'ils se sont présentés au cours de la
présente ronde de négociations. Pour rendre la
réalité scolaire la plus conforme possible à ses cadres
budgétaires, le gouvernement a fait le choix de la confrontation et de
l'affrontement avec celles et ceux qui travaillent dans les services publics
et, notamment, dans l'éducation. Il a fait le choix d'imposer sa
politique de coupure de services éducatifs par une série
d'interventions soigneusement planifiées depuis bientôt deux
ans.
D'abord, à l'automne 1981 et au début 1982, des
ministériels lancent une vaste opération de propagande et de
dénigrement des employés du secteur public. Haro sur ces
privilégiés qui jouissent d'une relative
sécurité d'emploi en cette période de chômage
importants Le patronat, les médias et une certaine élite s'en
mêlent. Peu importe la valeur scientifique des comparaisons
privé-public, le mythe est créé.
La tenue du Sommet de Québec en avril 1982 est un moment
privilégié de ce processus. Nous sommes allés
effectivement dans ce processus. Devant traiter de la crise économique
dans son ensemble, ce forum est devenu pour le gouvernement l'occasion de
procéder à une mise en scène à grand
déploiement concernant ses problèmes budgétaires. La
cible? Évidemment, encore une fois les services publics. Aucune
considération de la part du gouvernement pour nos propositions à
caractère économique, social ou éducatif.
L'opération "bulldozage" est enclenchée. Le 15 avril, le
gouvernement déposait aux centrales dans le secteur public une
proposition de réouverture de la convention collective, demandant la
renonciation à un montant de 521 000 000 $ dû pour la
période du 1er juillet au 31 décembre 1982, sans compter
l'annonce d'une importante récupération au plan des
régimes de retraite. En cas de refus, la menace était là -
c'était effectivement la contrepartie -une coupure de plus 17 000 postes
et un gel complet des salaires pour 1983. En réponse à cela, les
centrales syndicales, vers le 6 mai, font état des propositions
suivantes, et c'est très important. Nous offrons notre entière
disponibilité à négocier à compter du début
de juin 1982 le renouvellement complet des conventions collectives. Nous sommes
ouverts à accepter une nouvelle convention collective avant même
la date d'échéance prévue des conventions collectives en
vigueur.
Le gouvernement refuse cette approche et fait adopter en juin trois lois
spéciales: d'abord, la loi 68 qui modifie unilatéralement nos
régimes de retraite; ensuite, la loi 70 qui nous impose des coupures au
niveau des salaires et un recul très important et, finalement, la loi
72, la Loi sur les services essentiels, qui vise à
rétrécir le corridor d'exercice du droit de grève.
Accompagnant ces lois, il dépose en même temps un budget qui est
un véritable recul social et qui fige une fois pour toutes la ronde de
négociations qu'il entend entreprendre avec ses syndiqués.
Le 24 septembre, il devient évident, lors du dépôt
des demandes patronales - on est habitué d'entendre les demandes
syndicales, mais c'étaient effectivement des demandes patronales - que
le gouvernement veut tout le morceau en même temps, le salarial et les
conditions de travail. Du côté syndical, une demande salariale
équivalant à 3% d'augmentation en 1983 se transforme très
rapidement, dès la mi-novembre, en une proposition de gel des salaires
pour un an pendant que les demandes normatives se ramènent tout
près du statu quo.
Pour le gouvernement, la réponse: "II n'y a rien là". Le
temps des décrets est arrivé. Après avoir rompu la
négociation, il fait adopter à la vapeur la loi 105 et des
dizaines de milliers de pages de décrets que pas un seul
député n'avait eu le temps de parcourir. C'est 109 décrets
qui sont imposés.
Ensuite, c'est le pari du président du Conseil du trésor:
"Ah! Le mécontentement se résorbera. Les employés
oublieront tout. Les syndicats manqueront de souffle." Déclaration
tirée du Soleil du 7 décembre 1982. Nos membres avaient pourtant
rejeté à 96% le cadre de règlement proposé par le
gouvernement le 29 novembre et nous avaient donné un mandat de
grève à 74%. Pour le premier ministre, l'échec des
négociations est le fait d'un "establishment syndical dangereusement
coupé de la réalité". Advenant du "brasse-canayen" en
janvier, il se dit prêt à adopter des mesures "très,
très raides". C'est tiré du Devoir du 21 décembre 1982.
C'est toutefois avec ces mêmes directions syndicales que le premier
ministre tentera du 17 au 21 janvier de convenir de certains adoucissements
à apporter à ces décrets. En vain.
La mobilisation syndicale tourne à la grève. Malgré
l'inflation verbale du premier ministre contre notre soi-disant "radicalisme
dévoyé", nos membres rejettent le réaménagement du
cadre de règlement proposé par le ministre de l'Éducation
et ce, à 87%, tout comme ils voteront pour la poursuite de la
grève, malgré la loi 111, à 64% et accepteront la
trêve le 20 février à 85%. La preuve est maintenant faite
que cette mobilisation contre les décrets et contre la loi 111 est
l'affaire de l'ensemble de nos membres, tant ils se sentent attaqués,
violentés et méprisés par cette cascade de mesures
autoritaires qui s'abattent sur eux. Ce sentiment existe, il est très
profond: trêve, grève ou rien du tout!
Les présentes négociations sont un échec
gouvernemental sur toute la ligne. On ne fera pas le bilan des autres groupes
du front commun. On rappellera, cependant, qu'aucun groupe n'a signé les
décrets, ni accepté cette situation de négation brutale du
droit à la libre négociation. Pour ce qui est de la CEQ, aucun
des onze groupes de salariés qu'elle représente à huit
tables de négociations différentes n'a pu conclure une convention
collective. Avant la présente ronde, tous ces groupes en étaient
venus à une entente signée. Nous signons donc des conventions
collectives à la CEQ.
Cette fois, malgré le fait que certaines unités,
cependant, ont accepté d'entériner des aménagements
partiels aux décrets de la loi 105, tous les décrets sont
demeurés et tous les groupes concernés ont enregistré des
reculs importants et n'ont pu préserver certains acquis essentiels dans
leurs conditions de travail. J'en rappellerai
quelques-uns. C'est ainsi que, pour le personnel de soutien des
commissions scolaires et des cégeps, aucun règlement
entièrement satisfaisant sur la sécurité d'emploi, sur la
protection des emplois et sur les horaires de travail n'a pu être obtenu;
pour les professionnels du réseau scolaire, trois dossiers majeurs ne
sont pas encore réglés: celui de la sécurité
d'emploi, de l'horaire de travail et de la classe 1; pour les professionnels de
cégeps, la négociation n'a pas permis d'assurer, au minimum, la
protection des emplois encore existants, de même que l'utilisation des
professionnels mis en disponibilité n'a pas, non plus, été
réglée, ces derniers risquant d'être encore, pour au moins
trois ans, oubliés et sans affectation; pour les personnels du secteur
des affaires sociales, parce que nous en avons également chez nous, ils
étaient en face d'un cadre de règlement négocié par
d'autres et qu'ils avaient rejeté à l'unanimité.
Présentement, aucune solution appropriée n'a encore
été déterminée pour régler les
problèmes particuliers des centres d'accueil spécialisés
dans lesquels ils oeuvrent, même si certains pourparlers se poursuivent:
pour les professionnels du gouvernement enfin, ils sont en train de refaire
pour une troisième fois -ils sont bien patients - un exercice autour des
cinq grandes questions suivantes: la situation des occasionnels, la
classification et les catégories discriminatoires pour les femmes, la
sécurité d'emploi et, enfin, deux questions qui sont communes
à tous les professionnels: l'horaire de travail et la classe I. (16 h
30)
Force nous est de constater que, même en ce qui concerne des
groupes à moindre incidence budgétaire, le gouvernement n'a pas
su tempérer ses volontés de récupération et s'est
privé lui-même d'un règlement négocié et
accepté par ses salariés. Mais le problème demeure entier.
C'est le droit à la libre négociation qui a été
nié au cours de cette ronde. Ce gouvernement avait décidé
froidement d'imposer ses vues sans négocier avec quiconque, sans
écouter qui que ce soit.
M. Charbonneau (Yvon): Donc, comme on l'a vu jusqu'à
maintenant, six ans de mise à contribution parfois assez brutale, sous
le couvert de compressions, de coupures, de réductions
budgétaires imposées au secteur de l'éducation, deux ans
d'une démarche autoritaire bien planifiée, il faut le dire, mais
autoritaire tout de même et, l'aboutissement de cela: il n'y a pas moyen
de régler. Et on dit: Est-ce que vous pouvez faire un effort?
Pouvez-vous nous faire une autre proposition? Après avoir subi le ravage
de l'envahisseur dans à peu près toutes les pièces de
notre maison, il nous dit: Avez-vous encore une couple de meubles à nous
offrir? Ils nous demandent une contreproposition.
Nous devons regarder avec encore plus de soin les effets des
décrets sur certaines catégories de personnes qui sont
visées par ces documents, ces édits gouvernementaux. En
particulier - je crois - que la période de l'année s'y
prête aussi - il faut souligner que les décrets imposent des
reculs à l'ensemble des travailleurs, mais de manière
particulière aux travailleuses qui sont dans nos rangs en tant que
syndiquées du secteur public ou qui sont membres de syndicats dans le
secteur privé ou qui sont au travail ou sans travail un peu partout dans
le Québec.
À l'instar des comités de condition féminine de nos
syndicats et à l'instar aussi du Conseil du statut de la femme, la CEQ
tient à dénoncer la situation désastreuse provoquée
par les décrets au chapitre des droits des femmes, en tant que
syndiquées dans leur accès à l'égalité et
à l'indépendance économique et aussi en tant
qu'utilisatrices des services publics, qui seront affectées, elles
aussi, par les nombreuses coupures dans les services disponibles à la
population. Ce désastre, souligne le Conseil du statut de la femme, n'a
fait que s'amplifier depuis l'adoption de la loi 111 qui nie avec force le
processus de négociation et qui s'attaque au principe même des
conventions collectives.
Décréter, c'est une manière subtile, mais
probablement pas mal efficace de handicaper la syndicalisation dans une
société, puisque les décrets provenant du gouvernement
essaient de faire la preuve qu'il n'y a plus de champs de manoeuvre, qu'il n'y
a plus d'aires d'intervention, de possibilités d'intervention efficace
pour les syndicats. À ce moment, cela ne peut avoir comme incidence que
de décourager ou de démotiver ceux qui sont déjà
syndiqués à utiliser à fond leur syndicat ou de
démotiver aussi des personnes qui pourraient, à un moment
donné, se syndiquer, mais qui se le refuseront finalement.
Décréter, dans les conditions où cela se passe au
Québec aussi, c'est certainement fournir un modèle aux
entreprises et à un certain patronat qui cherchent à justifier
des mesures arbitraires qu'ils prennent actuellement ou qu'ils sont à
préparer pour les prochaines semaines.
Vu sous l'angle des travailleuses, ce processus intervenu dans le
secteur public, les décrets, conduit tout droit à une
détérioration des conditions de travail pour les autres
travailleuses du Québec. Même la ministre
déléguée à la Condition féminine, Mme
Marois, a dû "reconnaître que les récentes décisions
gouvernementales touchent durement les travailleuses des secteurs public et
parapublic." La Presse du 25 février. La ministre aura beau, au plan du
discours, demander aux femmes de "se serrer les coudes", comme elle le dit, par
la loi 70,
par les décrets et par la loi 111, en réalité ce
qu'on demande aux femmes, c'est de se serrer encore davantage la ceinture.
Nul discours sur la crise ne nous fera souscrire au maintien de
certaines formes de discrimination ou de disparités s'exerçant au
détriment de certaines fonctions occupées majoritairement par des
femmes, ni à certaines disparités dans l'octroi des congés
de maternité et des congés parentaux à travers les
diverses conventions collectives.
Nous ne souscrirons pas non plus, même s'il y a crise, à
l'atteinte à la sécurité d'emploi proportionnellement plus
poussée en ce qui a trait aux travailleuses. Par exemple, les mises en
disponibilité dans les cégeps feraient passer le pourcentage des
enseignantes travaillant à ce niveau de 35% qu'elles sont actuellement
à 17%. On pourrait parler de plusieurs autres problèmes qui
menacent plus gravement les femmes, étant donné la position
qu'elles occupent, position souvent précaire, sur le marché du
travail.
Il y a aussi les décrets et la méthode forte
gouvernementale, et les faux discours aussi sur l'ordre ou l'anarchie provenant
du Conseil des ministres. On arrache une page complète du Code du
travail et on dit: Nous sommes du côté de l'ordre et vous
êtes du côté de l'anarchie. Si, nous, nous prenions le Code
du travail et que nous avions un petit accroc sur une disposition du Code du
travail, on est des anarchistes, mais si eux enlèvent une page
complète, ils sont du côté de l'ordre. De faux discours, je
crois. Cela ne fait que camoufler, ici comme ailleurs, les véritables
enjeux de cette crise, tant pour les femmes que pour l'ensemble de la
société. En s'attaquant donc au processus de la
négociation et au processus de la syndicalisation dans le secteur
public, ce sont toutes les femmes, croyons-nous, travailleuses ou non, que le
gouvernement atteint au détriment de ses devoirs
élémentaires de justice. La justice a ses droits de cité
même en temps de crise, croyons-nous.
Le reste de l'exposé sera fait par mon collègue, Robert
Bisaillon.
M. Bisaillon (Robert): Comme vous le voyez, les enseignants et
les enseignantes du Québec sont en colère. Moi, j'aurais
aimé vous la transmettre directement, parce que je partage cette
colère, dans cette salle. Si c'était possible de vous la
transmettre de façon concentrée, je vous assure qu'on
réglerait au moins des problèmes d'aération.
On parlera des motifs de la colère. Ce n'est pas pour rien que
les enseignantes et les enseignants du Québec, qui sont des gens d'un
certain âge, au moins quand on parle de l'âge moyen, comme en a
déjà témoigné le ministre de l'Éducation,
ont joint le geste à la parole depuis quelques mois, et
particulièrement ces dernières semaines. Les enseignantes et les
enseignants du Québec sont principalement en colère parce qu'au
niveau même de ce qu'ils vivent dans leur école, dans leur
commission scolaire, les décrets ont désorganisé le
vécu qu'ils avaient construit, par la négociation entre autres,
depuis un certain nombre d'années, vécu qui fonctionnait bien de
leur point de vue.
Ils sont aussi en colère parce qu'on s'obstine à continuer
à désorganiser ce qu'on avait déjà réussi
à désorganiser largement dans les secteurs des conventions
collectives où les protections étaient moins adéquates -je
fais référence, entre autres, à l'éducation des
adultes - mais surtout parce que les enseignantes et les enseignants, qui
affirment sans honte qu'ils ont contribué bien davantage à
l'édification du système public d'éducation au
Québec que tous les ministres qui se sont succédé, ont
l'impression qu'on veut désorganiser l'école au complet,
l'exercice de leur métier et, ce faisant, défaire la motivation
qui est le coeur de l'exercice de ce métier. Quand vous enlevez le
moteur, vous avez beau donner des coups de pieds de plus en plus forts sur la
bagnole, vous savez ce que cela produit comme effet.
Ces affirmations que le ministre nous a déjà
demandé de démontrer quant aux effets des décrets sur le
vécu dans les écoles et sur la qualité de l'enseignement,
nous allons les démontrer en puisant dans le décret des exemples
probants et faciles à comprendre, parce qu'il faut se mettre de
l'intérieur d'une école et, si possible, de l'intérieur
d'une classe pour comprendre ce que vous faites à l'éducation. Je
vais vous demander la permission de vous accompagner dans cette visite.
À cette fin, nous allons, pour chacun des exemples, faire ressortir les
différences qui existent entre le décret et la convention
signée, il y a à peine trois ans, par ce même gouvernement,
c'est-à-dire à une époque où la crise et l'Ontario
existaient déjà.
Auparavant, très brièvement, mon collègue, le
président de l'Association provinciale des enseignants protestants,
aimerait soulever le voile sur un aspect -cela ne durera pas longtemps -
salarial qu'on ignore souvent, un peu trop facilement croyons-nous, ce qui
explique, même si nos revendications salariales ne sont pas au premier
plan, lorsqu'on fait des comparaisons par la suite, que certains sont bien
heureux qu'on ait fait cet oubli. Je laisse la parole à Harvey
Weiner.
Association provinciale des enseignants
protestants
M. Weiner (Harvey): Pour ceux qui aiment parler de l'aspect
salarial, nous tenons à rappeler que les enseignants du Québec
ont toujours accordé une grande importance, une importance
prépondérante à
la négociation de leurs tâches et de leur
sécurité d'emploi. C'était un choix fait par nos
enseignants. En 1976, les chiffres indiquaient que nous, les enseignants, avant
la convention collective de 1976, étions les plus bas payés au
Canada. En faisant ce choix, il s'est développé un écart
significatif entre notre structure salariale et celle des autres provinces,
particulièrement en regard du nombre d'échelons à franchir
pour atteindre le salaire maximal. C'est un fait. On pourra constater, dans les
tableaux qui ont été distribués auparavant, que dans
plusieurs régions canadiennes il faut onze ans pour atteindre le salaire
maximal, alors qu'au Québec notre échelle comporte quinze
échelons et il faut désormais, depuis la loi 70, seize
années pour y parvenir. C'est la seule province au Canada où
seize vaut quinze.
Les équivalences salariales se fondent sur les normes courantes
d'admission et d'obtention de grade dans les universités du pays. Je
vais utiliser comme exemple la catégorie 16, c'est une catégorie
typique de baccalauréat au niveau inférieur exigeant au moins
seize années de scolarité. Il peut y avoir un ou deux cas
où les équivalences salariales employées aux fins du
bulletin ne correspondent pas exactement à celles reconnues par une
faculté d'éducation ou une organisation d'enseignants
particulière dans l'évaluation du candidat venant d'une province
voisine précise. Toutefois, ce sont les équivalences qu'il semble
le plus logique d'utiliser pour effectuer des comparaisons de salaires dans
toutes les provinces. Je veux dire qu'en Ontario, ce sont les enseignants
eux-mêmes qui évaluent les qualifications pour fins de
classification. Les négociations ne sont pas encore terminées
dans plusieurs villes et provinces utilisées dans ce
résumé, alors l'écart est plus grand que ce qui est
indiqué. Dans ces cas, nous avons fourni les salaires de l'entente
expirée. Je vais donner quelques corrections et
éclaircissements.
Premièrement, pour le Québec, c'est le décret,
c'est-à-dire l'article 6506, l'échelle qui commencerait en avril
et qui se termine le 31 décembre 1983 - Correction au mot
"Nouveau-Brunswich", c'est un "k" au lieu d'un "h" - Peel, Toronto et York sont
trois commissions scolaires secondaires de l'agglomération de Toronto en
Ontario. À Winnipeg, c'est une échelle qui a expiré le 31
décembre 1982, c'est en négociation actuellement. À
Terre-Neuve, c'est expiré depuis le 31 août 1982, c'est en
négociation. À Vancouver, Edmonton et Calgary, c'est
expiré depuis le 31 décembre 1982 et à ma connaissance...
(16 h 45)
M. Ryan: Voulez-vous répéter, s'il vous
plaît.
M. Weiner: Winnipeg, 31 décembre 1982; Terre-Neuve, 31
août 1982; Edmonton, Vancouver et Calgary, 31 décembre 1982. Ces
cinq dernières sont actuellement en négociation et à ma
connaissance elles négocient des salaires à la hausse, pas
à la baisse.
Si on prend les colonnes 11 années d'expérience, ça
veut dire que dans toutes les provinces à l'exception du Québec,
Edmonton et Calgary, c'est-à-dire en Alberta, le maximum est atteint
à la onzième année d'expérience. Cela veut dire que
l'enseignant à Saskatchewan bénéficie du salaire de 36 354
$ avec seize ans de scolarité, de onze années d'expérience
jusqu'à quinze ans d'expérience. C'est une échelle
de...
Au Québec, ça prend quatre années de plus pour
avoir un salaire de 31 384 $.
À Edmonton et Calgary, le maximum est atteint au douzième
échelon. On peut prendre la carte pour 17 ans de scolarité, parce
que je ne veux pas dire ici que les qualifications des 16 et 17, c'est une
équivalence exacte. Je veux dire que même si on prend 17 ans de
scolarité et des professeurs de Québec qui peut-être
enseigneront à Vancouver ou Edmonton, avec les problèmes de
disponibilité l'année prochaine, même les professeurs qui
sont déclassifiés ou qui auront leur qualification
évaluée à la baisse, c'est-à-dire à 16 ans
de scolarité, dans quatre cas sur onze auront plus d'argent après
16 ans dans les autres provinces, dans les autres villes utilisées comme
exemple qu'au Québec.
Moi, je ne suis pas qualifié pour évaluer, par exemple, le
taux d'imposition comparé en Ontario et au Québec, Je pense qu'il
y en a d'autres autour de la table qui sont plus qualifiés que moi,
mais, à ma connaissance, il y a quelque chose là aussi. Par
exemple, entre l'Ontario et le Québec, à ma connaissance, il y a
un écart qui nous défavorise aussi. J'arrête là;
plus tard je serai prêt à répondre aux questions.
La négociation (suite)
M. Bisaillon (Robert): Nous voulions vous indiquer en passant que
nous avions aussi des problèmes structurels qui résultaient,
cependant, de choix que nous avions faits. Vous comprendrez pourquoi, quant au
reste, lorsqu'on dit que depuis des années on a choisi la tâche et
la sécurité d'emploi ce n'est pas pour rien qu'aujourd'hui on est
en colère lorsqu'on veut nous l'enlever.
Si vous permettez, en repassant à grands traits les principaux
éléments de la convention collective et du décret,
j'aimerais quand même vous signaler que ce soir, avec votre permission,
nous aimerions faire droit à une correction par rapport à des
chiffres qui ont été avancés hier soir ici, du
côté
ministériel, qui nous apparaissent mettre sérieusement en
doute la crédibilité de ceux qui les ont avancés et,
finalement, des conclusions qui sont sous-tendues par ces
chiffres-là.
Nous aimerions aussi, ce soir, faire la démonstration par une
simulation très précise dans une grosse commission scolaire - on
pourrait en faire dans des petites aussi - des effets du décret. Je
pense que vous permettrez, comme un de nos affiliés a été,
hier, cité en cette commission à partir d'un document qui a
été lu à l'envers que le président de cet
affilié le lise à l'endroit. Cela permettra devant le public et
devant les membres de la commission de vous faire une idée, après
les deux lectures, quant à l'orthodoxie de l'information syndicale. Je
pense que vous nous devez cela.
Je voudrais vous parler de l'affectation, de la mutation et de la
distribution des tâches, parce que c'est le tissu des relations du
travail entre un employeur et ses salariés. Ces matières ont
été négociées localement, employeur, commission
scolaire versus syndicat depuis les deux dernières rondes de
négociations. Donc, depuis 1976, ces sujets faisaient l'objet de
discussions approfondies, d'ententes, de signatures, de mises en application,
de réaménagements entre les parties locales, selon leurs
besoins.
Ce qu'il faut rappeler, parce que, dans la démonstration qui a
été faite hier ou qu'on a tenté de faire, on se gardait
bien de souligner cet aspect. À ce jour, le vécu propre de chacun
des milieux a souffert en de très rares exceptions de griefs pour
renforcer l'application. C'est quand même curieux qu'un système
qui fonctionnait relativement bien, puisque quand cela va mal on engorge le
rôle d'arbitrage, on veuille le défaire aujourd'hui. Nous tenons
à souligner que ces ententes, convenues localement, portaient à
la fois sur la répartition des enseignantes et des enseignants dans les
écoles et, une fois dans les écoles, sur la répartition du
travail à effectuer entre les enseignantes et les enseignants. Ces
négociations, conduites localement, ont mené les employeurs et
les salariés à définir conjointement le critère de
la capacité de différentes façons, bien sûr, mais
à le définir par négociation en fonction de leurs besoins
- ce qui n'est pas nécessairement un crime, lorsqu'on sait que la
Gaspésie ne ressemble pas particulièrement au West Island - et
à assurer aux enseignantes et aux enseignants une sécurité
dans l'emploi qui était fondée sur des règles communes,
non arbitraires et à la détermination desquelles tout le monde
avait contribué.
Le décret du 11 décembre 1982 a ramené l'ensemble
de ces matières au niveau national. Comment? D'abord en y introduisant,
bien sûr, une définition du critère de la capacité
et les droits de gérance à leur état pur. C'est un retour
au décret de 1972. Il est à peu près normal qu'un
décret ressemble à un autre décret. Mais ce n'est pas ce
que je veux souligner. C'est le saut dans le temps qu'on fait, en 1972. Cela a
concrétisé une rupture profonde avec le vécu des sept
dernières années.
Pourtant, dès le 11 mai 1982, nous avions déposé
une revendication sur le partage des matières. Dès la
première séance, sans discussion, ce fut une fin de non-recevoir.
Mesdames, messieurs, ce n'est plus une négociation. Premier
décret, la négociation locale est disparue. Coucou! Puis, le 23
novembre 1982, nous avons proposé la reconduction intégrale des
ententes locales de 1979-1982, puisque, de l'avis du ministre -cela a
été abondamment répété hier, avec des
chiffres un peu faux cependant, mais cela a été
répété hier - de l'avis de tout le monde du
côté gouvernemental, vous savez, la négociation locale a
conduit à des grèves et des grèves et des grèves.
Huit grèves en tout, dont deux ont affecté un territoire complet.
C'était un compromis, cette reconduction intégrale des ententes
locales. Le gouvernement a refusé ce compromis sur les six
matières les plus importantes et, hier, on a fait évidemment
l'énumération des matières très importantes qu'on
laisse maintenant au palier local. Pourquoi? Il semblerait que le vécu,
dorénavant, au Québec, doit être centralisé.
Les conséquences. C'est le tissu des relations du travail dans
une commission scolaire qui est maintenant détruit. Et, il faut le dire,
les enseignantes et les enseignants se retrouvent maintenant à la merci
des administrations de chacune des écoles et de la commission scolaire.
Non pas, comme cela a été souligné hier, parce que tel
administrateur est un méchant par rapport à un autre, mais bien
parce que, en l'absence de normes convenues localement, c'est forcément
un décret local qui s'applique aussi.
Nous croyons toujours qu'il y a une voie facile de règlement sur
ces sujets: le retour à la négociation locale et la reconduction
des règles actuelles d'affectation, de mutation et de distribution des
tâches. Est-ce exagéré de demander le statu quo quand on
fonctionne bien?
Quant à l'éducation des adultes, on le sait - cela a
été d'ailleurs grandement apprécié par le
président du Conseil du trésor - la convention collective
1979-1982 comportait très peu de protection relativement aux
enseignantes et enseignants de l'éducation des adultes. En fait, on y
trouvait à peu près les mêmes garanties que celles que le
décret impose maintenant à tous les autres secteurs. Cette
absence de garanties a permis au gouvernement d'en faire sa cible de
prédilection pour effectuer des coupures, comme en témoigne
l'extrait
que vous voyez, tiré du dossier de l'ICAA et qui vient d'une
table de concertation des responsables de l'éducation aux adultes au
Québec.
Les données recueillies par cette table montrent, pour l'automne
1981 seulement, et comparativement à l'année
précédente, une baisse de 49% des étudiants adultes, de
46% des activités de formation et de 54% du nombre de classes mises sur
pied. C'était une charcuterie. Pourquoi? De l'avis même des
porte-parole gouvernementaux, c'est parce qu'il y avait de mauvaises
conventions collectives, des conventions collectives insatisfaisantes. Et on
nous dira après qu'il n'y a pas de lien entre la qualité et les
conventions.
Le décret. À partir de ce constat ainsi que des travaux
réalisés sous l'autorité de la commission Jean, nous
revendiquions, nous revendiquons toujours, un statut décent pour les
enseignants et enseignantes à taux horaire, puisqu'il s'agit
essentiellement de ce genre d'enseignants à l'éducation des
adultes qui y tiraient leur revenu principal. L'offre patronale du 24 septembre
qui s'est matérialisée dans le décret n'a fait que
détériorer la tâche de l'enseignant et de l'enseignante aux
adultes sous contrat à temps plein en l'augmentant, tout en
reconnaissant - et je veux vous souligner la différence entre un
décret et une convention - quatre éléments tout en
reconnaissant (1er élément) la possibilité de créer
(2e élément) un maximum de 70 contrats - vous savez que cela veut
dire entre 1 et 70 - pour des taux horaires qui répondraient à
des critères (troisième élément) qui seront
ultérieurement définis par un comité paritaire, mais
à la condition (quatrième élément) que celui-ci
s'entende sur les critères. Tout cela dans une annexe, évidemment
non arbitrable.
Vous avez un exemple de l'utilité d'un décret. Quand il
s'agit de créer des trous plutôt que de poser des chevilles, on
n'a pas besoin d'une convention collective. De plus, les nouveaux
mécanismes de relocalisation des enseignants et enseignantes de
l'enseignement régulier en disponibilité, ajoutés à
la disparition de toute étanchéité entre les deux
secteurs, font en sorte qu'à très court terme, les taux horaires
que nous voulions protéger seront à toutes fins utiles
éliminés de l'enseignement. Eux qui constituent, selon la
commission Jean, 98% des enseignantes et enseignants aux adultes,
ceux-là même qui gagnent leur vie depuis très longtemps,
seront évacués du système.
Les conséquences. Le gouvernement aurait pu profiter de la
présente négociation pour commencer, amorcer la mise en oeuvre
des recommandations de la commission qu'il avait lui-même
créée. Je vous rappelle l'une des recommandations de cette
commission: "que l'État garantisse la formation des éducateurs
d'adultes et leur assure des conditions de travail équivalant à
celles des autres catégories d'éducateurs". Je rappellerai que
dans le Devoir du 25 février, la présidente de la commission qui
portait son nom, Mme Jean, "célébrait", entre guillemets bien
sûr, l'anniversaire du dépôt de son rapport et concluait ce
rappel en disant: "S'il y a un secteur ou l'on se doit de sortir de la torpeur
budgétaire qui nous a envahis, c'est bien celui de l'éducation
des adultes." Nous ne disons rien d'autre.
Quant à la mécanique de la sécurité
d'emploi, qu'on a décriée hier et sur laquelle on a porté
des jugements qui confinaient au ridicule, j'aimerais rappeler comment
était constituée cette mécanique très importante
dans la convention collective, toujours signée il y a trois ans entre
nous. La convention 1979-1982 établissait des règles pour
déterminer: 1° le nombre d'enseignants et d'enseignantes requis pour
l'année scolaire suivante; 2° la déclaration des surplus.
Ainsi, le calcul du nombre d'enseignants et enseignantes se faisait sur la base
de la clientèle étudiante prévue au 30 septembre suivant,
en respectant les ratios maître-élèves. Et, si dans un
champ d'enseignement donné, le nombre d'enseignantes et enseignants en
place était supérieur au nombre prévu, les enseignantes et
enseignants les moins anciens étaient déclarés en
excédent d'effectifs.
Hier, on s'est permis de dire, ici: "Vous savez, l'ancienne
mécanique faisait en sorte" selon l'avis d'un sous-ministre "qu'un tiers
des enseignants était en ballotage" et, selon l'avis de l'autre
sous-ministre, "30%", à chaque année. Je peux vous dire pourquoi.
Au départ, on mettait un tiers des enseignants en surplus sur la base
d'une prévision alors que trois ou quatre mois plus tard, on devait
bien, sur la base de la réalité au 30 septembre, rappeler ces
enseignants parce qu'on les avait mis en surplus en nombre beaucoup trop
élevé. Voilà le genre de ballottage qui s'est produit,
mais, faut-il le dire, qui dépendait de l'utilisation que les
commissions scolaires faisaient de la mécanique convenue en convention
collective. (17 heures)
Le décret abolit les ratios, bien sûr. Il chambarde
complètement toute la sécurité d'emploi qui avait
été développée au cours des dernières
années. Ainsi, maintenant, la détermination des surplus se fera
par école, sur la base d'une estimation de la clientèle, comme
avant, et par discipline dont le contenu ou la configuration, cette fois-ci,
sera déterminée par la commission scolaire. Une discipline, c'est
une matière.
Le décret vient généraliser le "bumping", et nous
vous en ferons la démonstration ce soir, comme mécanique
d'affectation. Imaginez, cette année, au moment où on parle de la
stabilité du
personnel dans les écoles comme objectif, on sort tout
près de 4000 enseignants au secondaire, dès cette année,
par école, par discipline, selon une configuration faite par le
principal. Vous imaginez-vous l'effet de "bumping" que cela va faire? C'est
cela le décret. Évidemment, à la fin du processus, ceux
qui n'auront pas réussi à supplanter une enseignante ou un autre
enseignant ou à combler un poste vacant seront non
réengagés ou mis en disponibilité. Les
conséquences: l'abolition des ratios conduira à supprimer 1200
postes d'enseignants et d'enseignantes.
Toute la détermination et la mécanique seront sous le
contrôle exclusif des commissions scolaires et des directeurs
d'écoles. Comme le critère capacité devient
déterminant et que l'ancienneté lui est subordonnée, les
directions auront la marge de manoeuvre nécessaire pour déplacer
n'importe quel enseignant ou enseignante. Cela me rappelle certaines
années où des directrices d'écoles se disaient entre
elles: Une telle, je l'avais l'an passé, c'est à ton tour cette
année de l'avoir, en parlant des enseignantes. On va revenir à ce
système-là, directement ou indirectement, il suffit d'être
patient et de planifier. D'où le climat de méfiance et
d'insécurité dans les écoles puisqu'un nombre
considérable d'enseignants ne sauront pas si cela se fera directement ou
indirectement; autrement dit, ils ne verront pas venir.
Mon collègue, M. Dobie, secrétaire général
de la PACT, association des enseignants anglo-catholiques, va vous lire la
partie sur le nombre d'enseignants et d'enseignantes en
disponibilité.
M. Dobie (Robert): C'était beau de voir deux ex-principaux
rire à l'affectation. Je pense qu'ils ont eu l'expérience. En ce
qui concerne le nombre d'enseignants et enseignantes en disponibilité,
si la présente convention continuait de s'appliquer, le
phénomène des disponibilités s'estomperait d'ici trois
ans. Toutes les prévisions démontrent que la clientèle
étudiante est en croissance au préscolaire et au primaire, tandis
qu'au secondaire, la baisse de clientèle achève. Actuellement, il
reste environ 2300 enseignants disponibles, dans l'ensemble du réseau
primaire et secondaire, utilisés en grande partie à la
suppléance. Les mises en disponibilité seraient beaucoup moins
spectaculaires qu'au cours des années précédentes. Les
enseignantes et enseignants en disponibilité seraient rappelés
rapidement pour combler de nouveaux besoins, particulièrement au
primaire.
Dans le décret, sans compter la baisse d'effectif à cause
de la baisse de la clientèle scolaire, le décret vient accentuer
le phénomène des surplus en ajoutant au nombre actuel 1200
enseignants en disponibilité au secondaire, à cause de
l'abolition des ratios, et un nombre de 3700 au secondaire, à cause de
l'augmentation de la tâche, seulement pour l'année 1983-1984. En
conséquence, comment peut-on parler de maintien de la qualité de
l'éducation en retranchant 5000 enseignants et enseignantes du
réseau?
M. Bisaillon (Robert): Hier, nous avons eu droit à un
discours écolo-pédagogique en début de session, qui nous
amenait presque à conclure que l'école si idyllique qu'on
pourrait créer avec 5000 enseignants de moins deviendrait sûrement
merveilleuse avec 10 000 de moins, extraordinaire avec 15 000 de moins.
Je voudrais vous parler aussi de l'utilisation des enseignantes et
enseignants en disponibilité. Vous savez, dans le milieu scolaire, un
des motifs de la colère des enseignants remonte à la campagne qui
a été menée systématiquement,
délibérément sur le dos de ce personnel et sous des
étiquettes dont la responsabilité revient aux ministériels
qui laissaient entendre que ces enseignants étaient grassement
payés à ne rien faire. Pour vérifier les
épinglettes qu'on avait mises, ensuite, on a fait des études qui
ont contredit les images qu'on avait voulu créer, mais le mal
était fait. La convention 1979-1982 prévoyait que les
enseignantes et les enseignants en disponibilité étaient
utilisés à des fonctions à caractère temporaire
normalement dévolues à une ou un enseignant. Le contenu de cette
fonction était convenu entre le syndicat et la commission. On va mettre
de côté les résultats de nos enquêtes de même
que ceux de l'étude de l'ENAP. Celle-ci, non pas commandée par
nous, révèle que les enseignantes et enseignants en
disponibilité étaient utilisés dans une très grande
proportion, et ce à des tâches de suppléance, de
remplacement, d'encadrement, de récupération, de projets
pédagogiques, d'implantation de nouveaux programmes, et je pourrais vous
déposer une pile haute comme cela d'ententes locales qui ont
spécifié ces choses.
Dans notre dépôt du 20 septembre, nous étions
disposés, et nous l'avions signifié, à élargir
l'utilisation des enseignantes et enseignants en disponibilité par des
prêts de services volontaires à des commissions scolaires qui se
situent dans un rayon de 50 kilomètres. Il n'était pas question
de rémunération puisque les enseignantes et enseignants
recevaient le même salaire que les enseignants et enseignantes du secteur
régulier. Avec le décret, l'enseignante ou l'enseignant en
disponibilité recevra maintenant 80% de son traitement pour la
première année de mise en disponibilité et 50% pour les
années subséquentes.
Le réaménagement du 9 février propose
80% pour la première et la deuxième année du
décret et 80% et 50% pour la troisième année. La
tâche de l'enseignante ou de l'enseignant est proportionnelle à
son traitement. Autrement dit, une ou un enseignant qui reçoit 50% du
salaire se verra confier 50% d'une tâche. Ceci implique que les
commissions auront tendance à répartir les tâches
évidemment en fonction du niveau de rémunération de chacun
des disponibles.
Enfin, l'enseignante ou l'enseignant en disponibilité peut
être utilisé - cela a déjà commencé -
à toutes les sauces sans égard à la fonction
générale, sans égard aux fonctions qui avaient
été déterminées localement et, faut-il le dire,
sans égard à la capacité pourtant si chère
lorsqu'un enseignant se retrouve devant une classe. Hier, nous avons entendu un
discours sur la capacité qui était absolument merveilleux en
relation avec la qualité de l'enseignement. On disait: "Un enseignant
dans une classe qui n'y est pas selon sa capacité, c'est criminel pour
les enfants." On peut employer le terme, cela a des effets dévastateurs.
Or, quand un enseignant est en disponibilité, est-ce que je peux vous
dire qu'il peut tout faire, n'importe où, n'importe quand?
Il y a des conséquences à ce genre de traitement.
Après avoir multiplié le nombre de disponibles, on les transforme
maintenant en sous-catégories d'enseignantes et d'enseignants qui seront
payés à 80% et 50% du salaire de leurs collègues de la
même commission scolaire. Avec une fraction de salaire et une
détérioration des conditions de travail, c'est une incitation
à évacuer le réseau, c'est une mise à pied massive,
déguisée, et le mot est modeste. Hier, nous parlions de
sécurité d'emploi comme il n'y en a nulle part ailleurs,
étanche, garantie. Je vous rappellerai que pour un enseignant ou une
enseignante qui a une moyenne de seize ans de scolarité et quinze ans
d'expérience, tomber au bout de deux ans à 50% du salaire, c'est
lui dire: Débarrasse du réseau, cela presse! On crée une
situation d'injustice aussi par rapport aux autres personnels de
l'éducation: directeurs, professionnels, employés de soutien et
par rapport à l'ensemble des secteurs public ou parapublic où les
personnels en disponbilité sont par ailleurs payés à 100%.
Quelle est la justification de l'écart? Nous considérons que
c'est une honte.
Il y avait aussi dans la convention collective un ordre de rappel. Je
passe rapidement, mais vous verrez que dans l'ordre de rappel des enseignants
on a modifié délibérément la séquence de
façon, d'une part, à éliminer les non permanents, mais de
façon, d'autre part, à faire passer avant les enseignants en
disponibilité d'autres personnels de la commission scolaire.
Je voudrais aussi vous parler de la tâche: la
désorganisation de l'école qui fait le plus mal. Vous savez que
les enseignants et les enseignantes, depuis un certain nombre d'années,
ont expérimenté, très souvent à leur corps
défendant parce qu'ils n'y avaient pas participé, ont
innové, ont créé, mais ont surtout implanté, permis
la réforme pédagogique très souvent élaborée
par d'autres. C'est eux et elles qui l'ont vécue. On a reçu des
lettres du ministre, il n'y a pas si longtemps, qui nous félicitait,
disant que c'était là la caractéristique même du
professionnel, de la professionnelle. C'était un an avant le
décret. C'était sous l'empire de la convention signée qui
reconnaissait à l'enseignant et à l'enseignante une certaine
autorité, autonomie ou marge de manoeuvre. Ainsi, dans la convention
collective, on reconnaissait que les guides pédagogiques et instruments
de mesure autres que les examens de fin d'année étaient fournis
à titre indicatif seulement. Les enseignantes et enseignants
étaient consultés collectivement avant l'implantation des
nouvelles méthodes pédagogiques et sur les bulletins
scolaires.
À ce qui était déjà acquis - ce pourquoi
d'ailleurs on était félicité - on a demandé
légitimement que soit précisée la marge de manoeuvre aussi
dans la préparation des cours et des démarches
pédagogiques et dans l'utilisation du matériel didactique.
Le décret non seulement ignore-t-il ces nouvelles revendications
mais il efface tous les acquis de la convention précédente.
Dorénavant, les enseignantes et enseignants ne verront leur tâche
définie - et allez voir ce bout du décret par rapport au bout de
la convention collective, c'est le chapitre 8 -qu'en fonction de l'application
des règlements du ministre. Les professionnels maintenant deviennent des
exécutants. Il y a un principal d'école au Québec, c'est
le ministre de l'Éducation et il y a une seule façon de savoir
comment travailler, c'est par des règlements. En un an, on pense qu'on a
diminué beaucoup dans l'estime du ministre.
Dans la tâche, il y a aussi les règles de formation de
groupes d'élèves. On a fait des gorges chaudes ici aussi, hier,
sur les maxima. La convention prévoyait des moyennes et des maxima
d'élèves par groupe, les raisons permettant exceptionnellement le
dépassement des maxima et des modalités de compensation en temps
ou en argent dans le cas de dépassement.
Le décret maintient les moyennes, c'est vrai, et les maxima
d'élèves par groupe de même que les raisons de
dépassement des maxima. Toutefois, parce qu'il y a toujours un toutefois
dans un décret, il rend les moyennes inapplicables pour toutes les
catégories d'élèves pour lesquelles il y a moins de dix
groupes à la commission scolaire, c'est-à-dire dans la plupart
des programmes de formation professionnelle et les classes spéciales
d'enfants en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage, parce qu'une catégorie à
la commission scolaire qui a dix groupes ou plus d'élèves exclut
ces clientèles. Donc, les moyennes protégeant le nombre
d'élèves par groupe pour toutes ces catégories sont
inapplicables. De plus le décret, évidemment, élimine le
choix d'une compensation en temps dans le cas des dépassements des
maxima d'élèves par groupe et ajoute des conditions à
l'application de la compensation monétaire. Quelles sont les
conséquences? Cela a une certaine importance de regarder cela parce que
dans les conséquences, on peut vérifier le sort qui est fait aux
conditions d'apprentissage des élèves.
C'est sûr qu'en minimisant les obligations qui découlent
des dépassements des maxima d'élèves par groupe, le
décret ouvre plus grande la porte à l'existence de tels
dépassements. Cela va de soi, cela se passe toujours comme cela.
Auparavant, les dépassements de tels maxima ne se justifiaient que par
des contraintes locales dans l'organisation des groupes. On disait: D'accord,
on peut dépasser les maxima par groupe s'il manque de locaux, selon la
situation géographique.
Dorénavant, cette mesure étant combinée avec une
réduction du nombre d'enseignantes et d'enseignants dû à la
disparition du rapport maître-élèves, il y aura un
intérêt économique - on n'est plus sur le terrain du
pédagogique - mais il y aura un intérêt économique
certain à augmenter au-delà des maxima le nombre
d'élèves par groupe. On va dire pourquoi: Parce que, lorsqu'on
élimine la compensation en temps, cela enlève une contrainte
d'organisation qui incitait à respecter ces maxima. Parce que, dans les
conventions collectives, en plus d'être un contrat, des fois cela aide
quand il y a comme une sanction, une compensation qui oblige au respect des
dispositions.
Évidemment, si on élimine la compensation, cela
enlève toute une contrainte à ce niveau. Les restrictions
à la compensation monétaire aussi rendront les
dépassements plus économiques qu'ils ne l'étaient parce
que cela coûtera toujours moins cher de surcharger les groupes que
d'engager de nouvelles et nouveaux enseignants ou de rappeler des enseignants
ou enseignantes en disponibilité. Faites le calcul. C'est très
économique et c'est permis maintenant par le décret. (17 h
15)
Sur la charge d'enseignement. On va sûrement y revenir ce soir au
niveau des questions, j'imagine. Un petit rappel. Ce qui se passait dans la
charge d'enseignement au préscolaire et au primaire, c'était une
charge d'enseignement global de 22 heures par semaine, un temps maximal de 21
heures par semaine au primaire et un temps moyen d'enseignement de 20 heures
par semaine au primaire, un temps suffisant pour assurer la surveillance, la
récupération, les activités étudiantes, des
possibilités d'entente locale pour tenir compte des contraintes locales
dans l'organisation de la surveillance et du travail des spécialistes -
parce qu'un spécialiste, cela ne travaille pas de la même
façon à Montréal qu'en Abitibi; que voulez-vous, il y a
des distances, alors, tu ne peux pas régler cela nationalement, il faut
que tu t'entendes localement - et un rapport maître-élèves
particulier pour les écoles où il y a moins de 250
élèves afin de garantir le maintien de la quantité et de
la qualité des services d'enseignement. Il se trouve que la plupart des
écoles primaires au Québec sont des écoles dites cas
spéciaux de 250 élèves et moins, pour lesquelles on avait
prévu dans la convention un rapport maître-élèves
particulier.
Le décret et le réaménagement proposé par le
ministre, le 9 février, imposent une tâche éducative
globale qui comprend les mêmes composantes que dans la convention
collective, sauf que la tâche éducative est accrue de deux heures
par semaine au plus tard en 1985-1986 - c'est l'effet du
réaménagement - et le temps moyen d'enseignement est
augmenté aussi de deux heures par semaine. Le temps maximal
d'enseignement, lui, disparaît. Cela veut dire quoi? Cela veut dire
évidemment qu'il y a une récupération complète des
droits de gérance quant à l'imposition des tâches de
surveillance, de récupération et d'activités
étudiantes. Aussi, le rapport maître-élèves
particulier aux écoles cas spéciaux, les écoles de
campagne qu'on appelle, dans les documents ministériels, de quartier,
disparaît et, bien sûr, avec lui la garantie qu'il comportait.
Il faut rappeler aussi que le régime pédagogique a
été modifié. Les programmes existants ont
été renouvelés, mais les manuels et les instruments
didactiques appropriés ne sont pas tous disponibles. De nouveaux
programmes ont été ajoutés, notamment, en art, en
activités manuelles et en formation personnelle et sociale. Le ministre
Laurin a annoncé une commission parlementaire pour étudier le
pour et le contre de l'augmentation du temps prescrit pour les
élèves de 23 à 25 heures par semaine. Il annonce toutefois
du même souffle que la décision est prise et qu'elle est
irrévocable.
Regardons les conséquences de cette augmentation de la charge.
D'abord, pour l'ensemble des enseignantes et des enseignants, il faut rappeler
que les modifications au régime pédagogique en cours de
convention collective ont déjà alourdi la tâche des
enseignantes et des enseignants en termes d'implantation de nouveaux
programmes, de renouvellement des
préparations, de conception et de fabrication des moyens
didactiques, surtout lorsque les manuels promis ne sont pas fournis,
d'exigences nouvelles et accrues en matière d'évaluation. Parce
que, en fin de compte, tant qu'un manuel promis n'est pas fourni mais que le
programme est là, c'est l'enseignant qui, à la page, à la
pièce, à la journée, à la semaine, construit le
manuel. Il faut bien qu'il travaille en classe avec quelque chose.
La récupération des droits de gérance sur tous les
aspects de la tâche est un mépris pour leur conscience
professionnelle et ne comporte aucune économie. Les enseignantes et
enseignants considèrent qu'à cet égard, c'est une attaque
purement gratuite, inutile et anti-pédagogique, antimotivation.
L'augmentation du temps d'enseignement et l'ajout d'un nouveau programme
viennent alourdir considérablement les tâches de
préparation d'enseignement et de corrections parce que, contrairement
à l'annonce publicitaire, une enseignante et un enseignant, cela
travaille en dehors de la classe comme, j'imagine, un député et
un ministre, cela travaille en dehors de la Chambre. Je dis "j'imagine" parce
que je vous laisse le bénéfice du doute, sauf que le principal
d'école, lui, il peut vérifier quotidiennement, de façon
hebdomadaire, ce que font une enseignante et un enseignant en dehors du temps
qu'ils passent en présence des élèves.
Il est assez ironique de constater que l'on substitue à une
charge d'enseignement négociée, qui faisait une juste place aux
aspects plus éducatifs de la fonction d'enseignante et d'enseignant, une
tâche éducative imposée par décret qui amplifie les
exigences de l'enseignement au point de compromettre gravement la fonction plus
éducative. Or, les données dont on dispose, à connotation
pédagogique, pour quantifier la tâche d'un enseignant sont
contenues dans une étude du ministère qui s'appelait la CETEES,
commission d'étude qui date de 1975-1976, qui établissait
à ce moment-là, avant la nouvelle invasion de programmes,
à 40 heures-semaine en moyenne - cela dépendait des
spécialistes, des titulaires - la charge de travail d'un enseignant de
façon hebdomadaire.
Quand on a tourné la page de publicité et qu'on s'en va
dans une école et qu'on regarde ce que fait une enseignante ou un
enseignant et qu'on lui dit: Tu n'es pas assez productive, qu'est-ce que vous
voulez qu'elle comprenne? Tu n'es pas assez efficace? Qu'est-ce que vous voulez
qu'on ajoute? Les enseignantes n'ont jamais compris cela, parce qu'elles savent
le nombre d'heures qu'elles font quand vous, vous prétendez qu'en dehors
des classes, il n'y a rien là à ajouter des minutes par jour et
des heures par semaine. Pour les spécialistes du primaire et du
préscolaire, non seulement les effets qu'on vient de décrire vont
être subis, mais encore ils vont augmenter en vertu de l'augmentation du
temps d'enseignement, du nombre de groupes à rencontrer, du nombre
d'élèves à évaluer et, pour plusieurs, des temps de
déplacement entre les écoles. Pour illustrer cet effet, je vous
cite la situation la pire et la situation la meilleure. Vous ferez une moyenne
de ce qui attend les spécialistes. Prenons la situation d'un
spécialiste de musique qui rencontrait déjà une
quarantaine de groupes à raison de 30 minutes-semaine, le pire
découpage, soit environ 1000 élèves. Il pourra,
dorénavant, rencontrer jusqu'à 46 ou 48 groupes pour un total de
1150 à 1200 élèves. J'avoue qu'on exagère en
prenant la pire des situations, mais je peux vous dire qu'elle existe.
Le spécialiste d'éducation physique, qui rencontrait
déjà 19 ou 20 groupes à raison de 60 minutes par semaine
par groupe, la meilleure situation pour un spécialiste comme
découpage, soit entre 475 et 525 élèves, verra
dorénavant 23 ou 24 groupes pour un total de 575 à 625
élèves. Hier soir, ici, j'ai entendu parler de la philosophie du
contact personnel, j'espère qu'on pourra en reparler ce soir.
Quant à la garantie de services pour les petites écoles,
les écoles cas spéciaux, la majorité des écoles
primaires au Québec, si comme l'analyse des règles
budgétaires 1983-1984 nous le révèle, le ministère
n'entend pas réduire dans l'immédiat le niveau de services dans
les écoles cas spéciaux, nous comprenons mal le refus du
gouvernement de maintenir dans la convention les rapports
maître-élèves garantissant de tels services. Car, pour
nous, des règles budgétaires, cela peut changer en dehors de
notre contrôle. Imaginez-vous, même des conventions signées
changent en dehors de notre contrôle, mais on préfère les
garanties dans la convention plutôt que dans les règles
budgétaires.
Quant à l'augmentation du temps prescrit pour les
élèves de 23 à 25 heures par semaine, le ministre
remanifeste un mépris exceptionnel pour tous les intervenants et
particulièrement, il faut le dire, pour les parents, les enseignantes et
enseignants en les invitant à se prononcer sur le fond qui est
pédagogique de la question, alors que sa décision est
déjà prise et soi-disant irrévocable. Il faudra qu'on en
reparle. Nous nous sentons pris dans un piège, parce que le
décret pur, qui maintenait à 1380 minutes le régime
pédagogique, mais qui augmentait la charge d'enseignement, faisait
disparaître 2800 spécialistes. Le cadre de
réaménagement qui, lui, intègre la dimension de
l'augmentation du régime pédagogique protège le nombre de
spécialistes, mais vous voyez ce qu'il faut acheter, sans faire un
débat pédagogique sur la question du régime
pédagogique, pour
maintenir le nombre de spécialistes? C'est dans ce piège
qu'on est amené à parler du régime pédagogique au
primaire.
Au secondaire, la convention comportait, dans la même proportion
des 40 heures-semaine, une charge d'enseignement globale de 22 périodes
de 50 minutes ou 18,3 heures-semaine, un temps maximal d'enseignement
présence élève pour leçons de 20 périodes de
50 minutes ou 16,6 heures par semaine, une période de temps variable
pour chaque enseignante et enseignant permettant d'assurer les surveillances,
l'encadrement des élèves, la récupération et les
activités étudiantes et, évidemment, un rapport
maître-élèves accordant le nombre d'enseignantes et
enseignants suffisant pour maintenir les options, le respect des moyennes
d'élèves par groupe et la solution des problèmes
d'organisation scolaire. En cours de convention, le nouveau régime
pédagogique avait déjà renouvelé les programmes
existants et introduit les modifications dans la grille-matières et la
grille-horaire de façon à déjà augmenter le nombre
de groupes d'élèves à rencontrer pour un grand nombre
d'enseignantes et d'enseignants. C'était déjà une
tâche augmentée par la modification du régime
pédagogique sous la convention 1979-1982.
Le décret impose une tâche éducative globale de 21
heures par semaine et un temps moyen d'enseignement de 23 périodes de 50
minutes par semaine et il élimine le rapport
maître-élèves. Quant à la proposition du ministre du
9 février, faut-il dire qu'elle ne permet que d'étaler le
désastre sur trois ans.
Les conséquences. Ce sont les conséquences qui sont
importantes en termes pédagogiques. Une augmentation évidente du
nombre d'élèves par groupe à cause de l'élimination
du ratio. Une augmentation du temps d'enseignement, bien sûr, mais
surtout du nombre de groupes à rencontrer, du nombre de programmes
à enseigner, du nombre d'élèves à évaluer et
du temps de correction.
Nous sommes assez loin de la pédagogie de l'accompagnant d'hier
soir. Donc, évidemment, ça tombe sous le sens d'une diminution du
temps disponible pour le contact individuel avec les élèves pour
l'encadrement, la récupération et les activités.
La majorité - c'est ça les effets du décret - des
enseignantes et enseignants consacrera tout son temps à l'enseignement
et avec moins d'efficacité bien sûr. Une minorité
d'enseignantes et d'enseignants devront assumer toutes les autres fonctions en
plus de leur enseignement et ils seront très peu nombreux pour un nombre
d'élèves qui, lui, tend à se stabiliser. Ce soir, nous
déposerons une simulation assez précise à cet effet que
vous pourrez examiner.
Sur la formation professionnelle, en milieu de convention, le
gouvernement a mis au point une politique de formation professionnelle qui ne
nous révèle, pour l'instant, que les grandes orientations de la
réforme à venir. Sauf que ça laisse entrevoir une
réduction substantielle ou la disparition des programmes courts de
formation professionnelle avec la mise en surplus de nombreuses et nombreux
enseignants, et ça nous informe du report probable de la formation
professionnelle à la fin du cours secondaire.
Le décret, il élimine les rapports
maître-élèves et le ratio qui rendait possible
l'organisation de la formation professionnelle; ça rend inapplicable -
évidemment, on en a parlé tantôt, - dans la grande
majorité des cas, les moyennes d'élèves par groupe, mais
ça reste muet - j'avais posé la question le 28 novembre à
une table de négociation -sur tous les ajustements d'affectation de
tâche et de sécurité d'emploi qui seront exigés par
la modification de la politique de formation professionnelle. Il m'avait
été confirmé, à ce moment, que, sur une
période de deux ans, il y aurait à chaque année 1600
enseignants qui seraient en surplus de discipline parce que la discipline
était reportée d'une année.
Les conséquences. Évidemment, on va augmenter le nombre
d'élèves par groupe à cause de la disparition des ratios
et parce qu'on n'aura pas à appliquer les moyennes
d'élèves par groupe. Puisque, au professionnel, c'est assez rare
une commission scolaire qui, dans une catégorie, dans une option, a dix
groupes ou plus, on va bien sûr réduire l'éventail des
options disponibles à cause de la disparition des ratios et de
l'augmentation du temps d'enseignement.
Vous vous imaginez la difficulté accrue de l'enseignement
pratique et la moins grande sécurité dans les ateliers à
cause de l'augmentation du nombre d'élèves par groupe. Il y a
déjà, dans des ateliers, quinze élèves pour cinq,
six appareils, machines; donc, imaginez ce qui va se produire. Bien sûr,
la mise en disponibilité et le non-engagement d'un grand nombre
d'enseignantes et d'enseignants spécialisés et
expérimentés.
Il faut souligner ici que les enseignantes et enseignants de ce secteur
qui seront mis en disponibilité vont être beaucoup plus difficiles
à relocaliser et à utiliser autrement à cause de leur
spécialisation particulière. Celles et ceux qui quitteront
l'enseignement seront difficiles à remplacer par des gens de formation
équivalente. J'aimerais avoir des réponse là-dessus.
Il ne faudra pas s'étonner d'une augmentation plus grande
d'élèves décrocheurs surtout au professionnel où
les élèves décrochent souvent en fonction de la
qualité du service qu'ils reçoivent ou ne reçoivent
pas. Dans l'éventualité d'un report de la formation
professionnelle longue en secondaire V et VI, c'est plus de 2000 enseignants et
enseignantes qui seront soumis durant deux ans à l'arbitraire le plus
complet quant au maintien de leur emploi et de leurs revenus, quant à
leur lieu d'affectation et à leurs tâches. (17 h 30)
Rappelez-vous ce que je vous ai dit de la mécanique du
décret. Le principal va déterminer les postes et, par discipline,
il va dire, l'an prochain, tu es en surplus, tu es en surplus, tu es en
surplus. Si, dans des matières du cours professionnel, on reporte
l'option d'un an, automatiquement ces enseignants, pendant un an ou deux, vont
se retrouver en surplus, évidemment! Ce ne sont pas là,
pensons-nous, des conditions propres à assurer un bon climat de travail
à un enseignant de qualité dans ce secteur.
Quant au service à l'enfance en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage, on a fait un bout hier, en commission parlementaire, tellement
que les garanties qu'on nous offre, même dans le cadre de
règlement, lorsqu'on regarde les clauses qui les accompagnent, sont des
ballons vides. On rappelait qu'on avait certaines dispositions qui
étaient déjà faibles. On a noté d'ailleurs qu'on a
pu comprimer dans ce secteur parce que les conventions collectives
étaient fragiles. Mais il y avait quand même dans ces dispositions
des rapports maître-élèves qui garantissaient le nombre
d'enseignantes et d'enseignants pour les classes spéciales et les
services de dénombrement flottant, vous savez, cet enseignement
correctif individualisé par des enseignantes et enseignants
spécialisés. De plus, il y avait une négociation locale
possible sur la distribution de ces enseignantes et enseignants, en plus
d'imposer le respect des moyennes d'élèves par groupe.
Enfin, on amorçait timidement, modestement, mais quand
même, une consultation des enseignantes et enseignants quant à
l'identification des élèves en difficulté et à la
politique d'adaptation scolaire et d'intégration dans chacune des
commissions scolaires. Vous comprenez bien que nous avions demandé,
à la suite du vécu, des protections accrues.
Le décret ne maintient que le principe de la consultation des
enseignants sur la politique d'intégration de la commission scolaire et
indique une intention sans fournir de garantie de donner certains services aux
élèves intégrés. Vous irez voir la clause du
décret 8902. Lisez cela, c'est un chef-d'oeuvre de décret, de
garanties qui n'en sont pas. J'aimerais vous lire très
brièvement, parce que c'est contenu dans une petite page, la politique
d'intégration d'une grosse commission scolaire. Il y a cinq points. Cela
vaut la peine parce que ce qu'on garantit dans la convention, c'est qu'avant
d'intégrer, une commission scolaire devra avoir une politique et
consulter le syndicat sur cette politique.
Principes. Evidemment, c'est une politique. Premier principe: Pour les
élèves en difficulté, la commission scolaire en question
entend favoriser l'accessibilité à une éducation de
qualité dans le cadre le plus normal possible, c'est-à-dire
l'école secondaire. J'imagine que le syndicat va dire oui.
Deuxième principe: L'école secondaire devra tenter de
répondre aux besoins de tous les élèves de son territoire.
En consultations, j'imagine que le syndicat va dire oui.
Troisième principe: L'école secondaire précisera et
implantera son propre modèle d'intégration des
élèves en difficulté. Nous n'avons rien, et vous le savez,
contre les affaires locales. J'imagine que le syndicat dira oui aussi.
Quatrième principe: L'école secondaire qui accueillera les
élèves en difficulté disposera des ressources humaines et
du matériel nécessaire pour dispenser des services
éducatifs de qualité. Ah! là, il y a un petit
problème. Il y a une intention, un principe auquel on devra dire oui.
Mais comme on n'est pas consulté sur les modalités, vous
comprendrez bien qu'on n'en saura pas plus après qu'avant.
Cinquième et dernier principe: Le maintien d'écoles
spécialisées ne se justifiera à l'avenir que par
l'impossibilité physique d'accueillir à l'école
régulière certains élèves en difficulté.
Voilà la politique d'une grosse commission scolaire. C'est en vertu de
ce genre de chose que le ministère prétend qu'il y a des
garanties additionnelles dans les écoles.
Nous savons, les parents de ces enfants savent, les enfants qui ont des
difficultés d'adaptation et d'apprentissage savent aussi, de même
que leurs copains et copines des classes dans lesquelles ils ont
été intégrés comment s'est faite
l'intégration. On pense aujourd'hui au moins qu'il ne faudrait pas dire
dans la convention collective qu'on donne des garanties quand tout le monde qui
vit dans ce milieu sait pertinemment l'espèce de ravage qui s'est
produit, planifié justement parce que les conventions étaient
plus faibles.
Vous voyez donc les stipulations que nous demandons pour que ce soit
vraiment des garanties dont on dispose dans les conventions collectives. Vous
voyez aussi quelques simulations de commissions scolaires - ce n'est pas fait
par des enseignants - à la page 34. Cela vous dit les décrets
appliqués, les règles budgétaires appliquées avec
les décrets. Donc, toute la quincaillerie ministérielle mise en
place. Vous voyez, école par école, les effets que ces
décrets
produiront sur la qualité de l'enseignement, l'augmentation de la
charge. Cela tend, dans tous les cas, à dire que sous un concept de
tâche éducative globale, ce qui va remplacer le minutage, ce qui
va remplacer le modèle prétendument industrialisé que les
conventions collectives avaient imposé, cela dit essentiellement ceci:
une fois le discours transcrit sous forme de décret, les enseignants
enseigneront plus qu'avant et disposeront évidemment de moins de temps
et de moins de disponibilité pour faire tout ce qui ferait qu'une
tâche éducative globale, ce n'est pas seulement de
l'enseignement.
Ce genre de simulation, ce genre de propos, peut-on vous signaler que de
plus en plus de parents, de comités de parents, de principaux
d'écoles, de cadres scolaires, l'ont déjà relevé?
Et si vous descendez à l'échelon où se vivent les
apprentissages, à l'échelon où travaillent les agents
d'éducation, si vous descendez à cet échelon, vous pouvez
seulement à ce moment-là comprendre ce que sont les effets d'un
décret comme celui que vous avez mis sur la table pour la qualité
de l'enseignement. Mais, encore faudrait-il le faire.
De nos observations sur le contenu, nous tirons les conclusions
suivantes, Nous affirmons que le décret constitue un instrument de
désorganisation de l'école, notamment à cause des
stipulations qu'il comporte en matière de tâche et de
sécurité d'emploi. Nous disons qu'il ne fait que continuer le
travail de désorganisation déjà amorcé à
cause de l'insuffisance de stipulation de nos anciennes conventions en
matière d'éducation des adultes et d'enfance en difficulté
d'adaptation. Nous disons qu'il s'attaque au vécu local en
désorganisant tout ce qui avait été convenu localement et
qui faisait que, dans un milieu, on se reconnaissait en matière de
relations du travail. Il constitue enfin une désorganisation du
syndicalisme et des négociations elles-mêmes en refusant de
reconnaître l'organisation syndicale des enseignantes et des enseignants
comme un interlocuteur représentatif des enseignants et en refusant
systématiquement, et depuis le début, de négocier
véritablement. Même le mot négocier est devenu un
problème à circonscrire. Et pourtant, faut-il le rappeler, parce
qu'il y a beaucoup de façons de faire l'historique - vous en avez
entendu un hier soir - nous négocions depuis seize ans sur le plan
national et nous avons réussi à signer une entente trois fois sur
quatre. Cela ne ressemble pas à ce que j'ai entendu ici, hier.
Nous croyons, et notre présence ici en témoigne, qu'il est
encore possible d'en arriver à une entente avant le 14 mars,
malgré tous les obstacles à la libre négociation que le
gouvernement a dressés sur notre route. Je ne répète pas
tous ces obstacles, vous les connaissez plus que nous puisque vous les avez
votés. Malgré tous ces obstacles, et considérant que
l'objectif principal de l'école publique au Québec, c'est que
tous les enfants aient accès à la même éducation,
considérant que le décret compromet, détruit
considérablement cet objectif, nous osons encore espérer, sur le
plan de la pédagogie et du vécu des écoles et non pas sur
le plan des discours, aussi beaux soient-ils, nous osons encore espérer
que la présente commission parlementaire réussira à
convaincre le gouvernement qu'il faut trouver rapidement une solution au
conflit, mais une solution qui passe par où les problèmes ont
été posés. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci beaucoup.
M. Charbonneau (Yvon): Je voudrais, M. le Président, en
conclusion de ces exposés, faire part de deux propositions. Nous avons
le droit - et je crois que nous sommes ici pour souligner ce qui ne nous
plaît pas dans les décrets - d'expliquer notre point de vue sur
les lois qui contraignent ou qui empêchent la négociation. Nous
sommes ici aussi pour essayer de trouver une voie, des avenues, des
perspectives qui pourraient comporter un élément de solution ou
un élément d'espoir dans ce conflit. Vous avez reçu, je
crois, un document plus bref, un deuxième document... il s'en vient.
Malgré toute l'information que nous avons faite sur les enjeux de cette
négociation, nous voudrions attirer votre attention sur ce que nous
considérons être notre dernier lopin de terre: nos conditions de
travail. Il subsiste encore en certains milieux de la confusion quant aux
priorités que nous aurions recherchées au cours de cette
négociation, une certaine confusion quant aux priorités, aux
préoccupations que nous voulons maintenir à ce stade-ci de la
négociation.
À ce propos, nous voulons faire remarquer une fois de plus que
cette négociation n'a rien eu du caractère d'échange de
bonne foi qui doit, en principe, caractériser le processus dit de libre
négociation. Il s'est agi - beaucoup d'autres l'ont dit aussi et c'est
notre point de vue -d'abord et avant tout d'une invasion unilatérale de
la part du gouvernement dans l'ensemble de nos conditions de travail et de
salaire. Je voudrais, à cet égard, essayer de rendre concret ce
genre d'invasion que nous avons subie. Utilisant ce qui souvent est
considéré comme un symbole de la justice, une balance avec deux
plateaux, nous allons essayer de montrer ici comment les affaires se sont
passées et comment aussi on pourrait détendre la situation de
cette commission parlementaire mais plus sérieusement la situation de ce
conflit.
D'abord, nous avons un certain nombre
de conditions de travail qui s'appellent nos régimes de retraite,
nos salaires, nos conditions normatives de travail. C'est ce que nous avons
actuellement. Le gouvernement, en adoptant la loi 68 en juin dernier, s'est
attaqué à l'ensemble de nos régime de retraite: le
régime de retraite des enseignants, pour une somme de 100 000 000 $; le
régime de retraite des fonctionnaires, pour une somme de 38 000 000 $;
le RREGOP, pour 243 000 000 $. L'attaque a porté sur deux fronts: soit
des augmentations de cotisation soit des diminutions de
bénéfices.
J'ai ici ce qu'on pourrait appeler avec un peu d'humour -
j'espère qu'on acceptera -un "Bérubik". Le "Bérubik" no
68, disons. Il y a 1 000 000 000 $ de récupération de
régime de retraite en trois ans; 381 000 000 $ répétitif,
etc. Première récupération.
Non content de cela mais quand même encouragé par ce
premier exploit, le gouvernement adopte ensuite la loi 70 quelque peu
corrigée ou revue par la loi 105. Ici, j'ai ce qu'on pourrait appeler le
"Bérubik 70-105": de nouveau 1 000 000 000 $ de
récupération en trois ans. Cela se décompose comme suit:
perte de l'ajustement dû au 31 décembre, tel que mentionné
à nos conventions collectives: 85 000 000 $, 145 000 000 $ de
récupération en ce qui concerne nos membres seulement pour la
période de trois mois, dite de la piscine: janvier, février,
mars; 150 000 000 $ pour le reste de l'année 1983; perte
d'échelons: 90 000 000 $; en 1984: 200 000 000 $ en 1985: 200 000 000 $.
Nous avons aussi l'estimation pour l'ensemble des professionnels des
réseaux gouvernementaux: 185 000 000 $. Cela dépasse un peu 1 000
000 000 $, mais soyons bon prince tout comme pour le "Bérubik 68",
disons que le 70-105 vaut aussi 1 000 000 000 $. C'était à nous
et maintenant c'est passé du côté du plateau de la balance
qui serait, si vous voulez, dans les avoirs ou dans les revenus du
gouvernement. (17 h 45)
C'est déjà important 2 000 000 000 $ de
récupération. Non content de cela, le gouvernement, à
l'occasion des décrets, a voulu aller un peu plus loin et imposer une
autre récupération, sur le plan du normatif, de nos conditions de
travail. Celui-là est un "mini-Bérubik", seulement 500 000 000 $,
disons, pour être précis, 475 000 000 $. Cela est pour ce qui est
de la charge de travail, la sécurité d'emploi, ce qu'on appelle
le normatif et 475 000 000 $ couvrent le coût, ou c'est
l'équivalent de la compression imposée par le gouvernement sur
trois ans pour ce qui des enseignants de commissions scolaires et de
cégeps.
Il est à noter qu'à ce niveau, celui du
"mini-Bérubik" ici, 500 000 000 $, ce qu'il y a là-dedans, ce
sont des services à la population étudiante, jeune ou adulte;
c'est aussi des restrictions, des contraintes apportées à nos
conditions de travail et d'emploi. Ce petit cube se traduit, dans la vie
concrète, par une augmentation du nombre d'élèves dans
certains groupes, une augmentation de la charge de travail ou du nombre de
groupes à rencontrer pour nos membres, cela se traduit aussi par une
diminution des possibilités d'encadrement et cela se traduit aussi par
une diminution de la rémunération pour les personnes qui seraient
éventuellement mises en disponibilité.
Il est vrai qu'à l'occasion du 9 février, le gouvernement
a semblé disposé à faire un effort important
d'après ce qu'il a dit: 110 000 000 $ qu'il serait d'accord maintenant
à ne plus récupérer. Ce n'est pas de l'argent neuf qu'il
met, mais c'est de l'argent qu'il ne prendrait pas là où il
était avant, 110 000 000 $, un très gros effort. Je le mets ici.
Cela n'apporte pas un règlement, ni d'après ma balance ni
d'après l'opinion de nos membres. 2 365 000 000 $, c'est beaucoup trop
gros, ce qui reste là et 110 000 000 $. Bien. Cherchons mieux. Ces 110
000 000 $ étaient une petite amélioration de 14 000 000 $ pour ce
qui est des cégeps et à peu près 97 000 000 $ pour les
commissions scolaires.
Ce que nous sommes prêts à dire aujourd'hui,
officiellement, et c'est ce qui ressort du contexte d'ensemble où en est
rendu cette soi-disant ronde de négociations, c'est que nous sommes
prêts - et on comprendra que ce n'est pas de gaieté de coeur, mais
en sachant quand même le faire avec un peu d'humour - à clore,
à fermer l'ensemble des dossiers régime de retraite et salaires,
ce qui permet au gouvernement, comme on l'a vu, une récupération
d'environ 2 000 000 000 $ sur trois ans, pourvu - il y aurait une petite
condition - que le gouvernement consente à laisser dans le
système un montant de l'ordre de 120 000 000 $ par année dont 80
000 000 $ par année pour ce qui est des commissions scolaires et le
reste pour ce qui est des cégeps.
Remarquons que cela n'est pas de l'argent neuf, ce n'est pas un
déboursé qui est demandé au gouvernement; c'est tout
simplement de ne pas prendre ce qui était là. Nous pourrons,
moyennant ce geste, en arriver à recommander un règlement
à nos membres - et là, cela pourrait faire bouger le plateau un
peu - moyennant ce geste de la part du gouvernement, nous pourrions aussi
préserver le niveau actuel des services éducatifs en
qualité et en quantité et assurer un emploi utile avec pleine
rémunération à toutes celles et ceux qui y travaillent
actuellement. Comme cela n'est pas encore tout à fait
réalisé, je replace le "mini-Bérubik",
là où il est, espérant qu'il tombe sur le bon
plateau à un moment donné.
Que personne donc, après cette proposition que nous faisons, ne
vienne plus prétendre que notre préoccupation, à ce
stade-ci, est d'ordre salarial ou lourdement monétaire. Que personne ne
vienne plus soutenir non plus que la CEQ ou ses membres n'ont pas vu qu'il y
avait une crise, n'ont pas fait leur effort en cette période difficile,
dit-on, pour les finances gouvernementales. Que l'on cesse aussi ces appels
à notre égard que je qualifie d'insistants et de
démagogiques en réalité, ces appels pour que nous
présentions une contre-proposition sérieuse et chiffrée,
comme on dit en certains milieux, dans les circonstances où les
décrets nous ont à peu près tout enlevé. La seule
proposition que nous ayons à faire maintenant, mais c'est une
proposition très positive dans les circonstances où on partait de
rien, c'est qu'après avoir dégradé nos régimes de
retraite et après avoir diminué nos salaires de 10% à 15%
pour les prochaines années avec effet à la baisse pour le reste
de la carrière de nos membres, on nous remette notre dernier lopin de
terre, soit nos conditions de travail et d'emploi.
Nous avons une deuxième proposition à faire. Le contexte
qui a abouti à cette période de trêve est bien connu. Les
moyens utilisés jusqu'à maintenant par les parties n'ont pas
conduit à l'élaboration d'une hypothèse de recommandation
qui nous soit acceptable. S'ajoutant à la loi 105 et au décret,
la loi 111 est venue obstruer encore davantage les avenues permettant des
discussions un tant soit peu fructueuses.
Faut-il encore souligner que la suspension de notre action de
grève, bien entendu, n'a rien suspendu de l'existence ou des effets des
décrets ou des menaces qui sont incorporées à la loi 111?
Quelques heures avant l'adoption, en troisième lecture, de la loi 111 il
y a quelques jours, la CEQ a fait savoir au chef du gouvernement son intention
de recommander le retour au travail en échange d'une commission
parlementaire et d'une médiation de courte durée, ainsi que le
proposait le président du Conseil supérieur de
l'éducation, le 16 février.
Malheureusement, le gouvernement s'est acharné à faire
adopter et sanctionner -mais la sanction s'est faite très vite - la loi
111 sans considérer notre proposition ni celle du président du
Conseil supérieur de l'éducation. Pourtant, cette suggestion de
médiation avait été endossée par un fort grand
nombre de personnes et d'organismes soucieux de rechercher les conditions
pouvant favoriser un règlement négocié de ce conflit:
associations d'étudiants, groupes de parents, comités
d'écoles et associations volontaires. Malgré tout, et pour des
raisons que nous estimons frivoles, quant à nous, la médiation ne
pouvant être assimilée à de l'arbitrage, ainsi que l'ont
fait certains représentants gouvernementaux, cette demande de
médiation a été rejetée par le premier ministre au
risque de nous priver, les uns et les autres, d'un moyen qui aurait pu se
révéler utile.
Dans un contexte de relations du travail normales, nous continuerions
d'insister pour une négociation en face à face avec la partie
patronale, laquelle n'est pas composée que du gouvernement. Mais nous ne
sommes pas dans un contexte normal et le temps presse. C'est pourquoi - c'est
notre demande à la commission parlementaire - nous demandons de
recommander la reprise de la négociation en présence d'un tiers
observateur agréé par les parties et habilité à
considérer les problèmes en question, tant sous l'angle de
l'éducation que des relations du travail. Ce tiers intervenant devrait
avoir la possibilité d'interroger les parties et de leur faire des
suggestions en cours d'observation. À la fin de son travail ou en cours
de route, s'il le juge approprié, l'observateur pourra faire état
publiquement de ses observations ou suggestions, concourant ainsi à
informer l'opinion publique de l'évolution des positions des parties en
présence.
Nous estimons que cette formule pourrait répondre à une
grande attente dans la population. À notre avis, le gouvernement, qui a
déjà tout décidé et tout
décrété, serait bien mal placé pour soutenir qu'il
encourrait des risques inacceptables face à une partie syndicale dont le
seul atout est d'entrer bientôt dans sa troisième semaine de
trêve.
Voilà, M. le Président, deux propositions. Si elles
étaient le moindrement considérées par la commission
parlementaire et si on pouvait leur donner suite dans les jours qui viennent,
je crois qu'il pourrait y avoir là quelque espoir pour la population
étudiante, pour les parents et pour tous ceux et celles
qu'intéresse l'avenir de l'éducation et de l'enseignement public
au Québec. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Compte tenu du temps...
À l'ordre! À l'ordre! Je comprends très bien les
sentiments qui peuvent animer les personnes, mais je demanderais simplement de
respecter ce qui est la convenance vis-à-vis de la commission
parlementaire, c'est-à-dire de permettre simplement aux intervenants de
se manifester. Quant à l'autre partie, cependant, je suspends les
travaux jusqu'à 20 heures et la parole sera au ministre des
Finances.
(Suspension de la séance à 17 h 56)
(Reprise de la séance à 20 h 13)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de l'éducation continue ses travaux tel que
prévu concernant l'audition des organismes directement impliqués
dans l'administration scolaire qui veulent faire des représentations sur
la qualité de l'enseignement, la tâche et la
sécurité d'emploi des enseignants et enseignantes en regard de la
situation actuelle au Québec. M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): Au moment où vous avez
procédé...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
vous avez la parole.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): Au moment où vous avez
procédé à l'ajournement de la séance de cet
après-midi, vous avez indiqué que, dès le retour, le
ministre des Finances aurait la parole. J'ai voulu intervenir pour vous
indiquer- qu'il me semblait qu'il y avait une étape préalable
avant de passer à la période des questions, mais
déjà l'assemblée était levée.
Le président de la Commission de l'enseignement primaire et
secondaire, dans la présentation qu'il a faite à la commission
parlementaire, avait indiqué qu'il aurait souhaité qu'il puisse y
avoir une mise au point de faite par un des présidents des syndicats
affiliés à la CEQ et il me semblait qu'il avait
précisé que ça devait être fait au début de
la soirée.
Le Président (M. Jolivet): J'ai vérifié
auprès du président, parce qu'à un moment donné
j'ai été remplacé par un autre président sur cette
question. Je me souviens que lorsque je suis revenu, M. Bisaillon a fait
mention, le président de la CECS, qu'il avait des simulations à
déposer. J'ai revérifié, sauf que je n'ai devant moi aucun
moyen de faire d'autres vérifications que celle-là. Le
président qui m'avait remplacé a compris à peu près
la même chose, qu'il y avait dépôt d'une simulation.
À la fin du discours du président de la CEQ, j'ai annoncé
le droit de parole du ministre des Finances et tout le monde ici autour de
cette table... du moins, j'avais vérifié auprès de M. le
député d'Argenteuil s'il voulait intervenir et à quel
moment, puisqu'à ce moment on se préparait à commencer les
interventions avant la déclaration finale du président de la CEQ.
C'était vers 17 h 40 environ. Ce que je peux vous dire, c'est que nous
avions compris à la présidence, du moins quand j'étais
là et après vérification auprès de l'autre
président, qu'il y aurait dépôt et qu'on l'utiliserait dans
la discussion, lors des questions, pour faire des mises au point si on le
jugeait important.
Je dois vous dire que le mandat - et là, je vais essayer de bien
clarifier ce que prévoit le règlement sur cette question
-était d'entendre les organismes directement impliqués dans
l'administration, etc., selon le mandat que vous connaissez. L'organisme qui a
été invité par le leader a été la CEQ ainsi
que les organismes que le député d'Argenteuil a mentionnés
hier, la PAPT et la PACT, dans le contexte du groupe que la CEQ
représentait.
Dans ce contexte, j'ai donc dit que le ministre des Finances avait le
droit de parole à la reprise des travaux ce soir et qu'en même
temps il n'y avait aucune objection à ce qu'il y ait
dépôt.
Quant à moi, au moment où j'ai eu à présider
hier, il avait été question justement d'autres organismes qui
voulaient venir présenter des documents. La décision prise a
été de les déposer pour en faire une distribution à
tout le monde. M. le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): M. le Président,
peut-être me suis-je mal exprimé. Peut-être que je me suis
fait mal comprendre. Il est évident, quant aux membres de la commission,
que l'organisme devant nous est la CEQ. Sauf que pendant la
présentation, il ne nous appartient pas de décider qui, de la
CEQ, va parler. Le président de la Commission de l'enseignement primaire
et secondaire, au moment où il a fait son intervention, a
souligné deux choses. Premièrement, il s'est
référé à une déclaration qui aurait
été faite hier soir. Il a dit: Là-dessus, on aura une
rectification à faire ainsi qu'un dépôt de documents pour
faire une mise au point. Je me souviens textuellement de ses paroles à
propos d'une explication qui aurait été donnée à
l'envers, qu'on essaierait de refaire à l'endroit. Il a indiqué
que cette présentation serait faite par un des présidents d'un
des syndicats de la CEQ. Il a dit, dans un deuxième temps, qu'il
déposera des documents sur la simulation.
M. le Président, je ne veux pas faire un débat de
procédure. Je veux simplement souligner que si on avait bien compris que
cela n'aurait pas été possible à la reprise des travaux
à 20 heures, on aurait pu demander de prolonger de cinq minutes,
à 18 heures, afin de permettre à la CEQ de terminer sa
déposition devant nous, avant d'entreprendre la période des
questions. Peut-être pourrions-nous simplement nous entendre ensemble
pour permettre la fin de la déposition, environ cinq minutes. Ensuite,
nous pourrions procéder à la période des questions.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, à moins que vous ne soyez
prêt a rendre une réponse positive sur la requête qui vient
de vous être présentée, je voudrais vous dire qu'il me
semble tout à fait logique de l'appuyer. Je veux vous demander de
fournir l'occasion à cette délégation de compléter
sa présentation. Je pense aussi qu'il serait dans l'ordre que cela soit
fait assez brièvement, si cela peut être bref, parce qu'il y a
quand même toute une période que nous voulons réserver pour
les interventions des députés des deux côtés de la
salle. Par conséquent, j'appuierais cette requête dans l'espoir
que tout cela se fera rapidement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, tout à l'heure, avant
que l'on ajourne, lorsqu'on a entendu le président de la Centrale de
l'enseignement du Québec, il s'agissait de la conclusion de
l'exposé qui a duré deux bonnes heures. Et je vous suggère
tout simplement que, s'il y a des documents à distribuer aux membres de
cette commission, ces documents soient déposés comme cela est
déjà arrivé depuis hier, depuis le début de nos
travaux. Il y a des documents qui ont été déposés.
S'il y a des documents nouveaux à distribuer aux membres de cette
commission, que la CEQ nous les distribue tout simplement et les
dépose.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, c'est
simplement pour ajouter ma mémoire des faits à celle du
député de Sainte-Marie et du député d'Argenteuil.
Quoi qu'en dise le député de Lac-Saint-Jean, qui est
téléguidé par le leader parlementaire, il n'est pas
simplement question de dépôt de documents de la part de la CEQ; il
est manifestement question, à l'occasion de la présentation de la
CEQ et de d'autres intervenants, de conclure cette présentation qui a
été annoncée par le président d'une
fédération qui appartient à la CEQ. C'est ce que j'ai
compris nettement, mot à mot, de la part de celui qui avait la parole
à ce moment-là. Et on a tous compris de qui il s'agissait et on a
même annoncé le sujet de l'intervention avant qu'on se lance dans
les répliques du gouvernement, les contre-répliques et tout ce
que vous voulez.
Le Président (M. Jolivet): Y a-t-il d'autres intervenants
sur la question? M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, le jeu de la balance devait
se faire avant 18 heures.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): Non, vous ne comprenez pas...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Y a-t-il
d'autres intervenants? Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je veux simplement appuyer le
député de Vaudreuil-Soulanges parce que sa mémoire est
fidèle et c'est exactement la façon dont les faits ont
été présentés au moment où M. Bisaillon
parlait. Alors...
Le Président (M. Jolivet): Je voudrais, avant de prendre
la décision, demander si jamais il y avait une acceptation de la part de
la présidence - peut-être que M. Charbonneau pourrait
répondre à cette question - combien de temps durerait la
présentation? Le député de Sainte-Marie a dit cinq minutes
environ. Il y aurait le dépôt du document.
M. Bisaillon (Robert): Je peux répondre?
Le Président (M. Jolivet): M. Bisaillon, oui.
M. Bisaillon (Robert): Quand j'ai dit à la fois sur ce que
je considérais comme un privilège, même si je ne suis pas
admis à ce genre de question ici, cela est court. Mais j'ai aussi
indiqué très honnêtement, au tout début de ma
présentation, qu'il y avait un complément essentiel pour
comprendre les répercussions de la démonstration des effets du
décret qui était une simulation. J'espère que vous rendrez
justice au dossier pour permettre que cela soit fait avec le temps que cela
prend pour le faire. Il s'agit d'une très grosse région. Je pense
que cela éclairerait tout le monde. On n'abusera pas. Même si on a
pris deux heures, c'était une journée pour nous et on pense qu'on
pourrait faire ce petit bout-là.
Le Président (M. Jolivet): M.
Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Je voudrais souligner que selon les
arrangements qui ont été faits, à ma connaissance, pour
l'organisation du temps de cette commission parlementaire, hier, c'était
le moment où différents porte-parole du gouvernement ont eu tout
le loisir de s'expliquer. Ils ont tout repris en soirée, sans
interruption de la partie syndicale, à loisir, pendant de nombreuses
heures, ce qu'ils avaient dit durant l'après-midi. Je crois qu'on
devrait faire droit à une modeste demande de quelques minutes en
complément, puisque des représentants du gouvernement
s'apprêtent à intervenir. Hier soir, il n'y a eu aucune
intervention syndicale pendant les exposés du
gouvernement. Il me semble qu'un minimum de "fair play" britannique
à tout le moins devrait certainement faire droit à une telle
demande.
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement,
j'ai cru comprendre que vous vouliez intervenir.
M. Bertrand: Je veux bien croire que, cet après-midi, on a
annoncé qu'on avait un document à déposer en
réponse à des questions qui avaient été
posées hier soir par certains députés ou un
député en commission parlementaire. C'est le document sur la
simulation? Non. Si ma mémoire est bonne, j'étais ici lorsque M.
Bisaillon a terminé son témoignage par un document qu'il a lu et
expliqué devant la commission parlementaire. Il s'est tourné vers
le président de la CEQ pour indiquer qu'il y avait des
éléments de proposition, de suggestion qui étaient faits
devant la commission parlementaire, ce que le président de la CEQ a
fait.
Dans ce contexte-là, les membres de la commission,
considérant qu'il y va de l'intérêt du débat que
nous avons sur toute cette question de profiter du maximum de temps - il est 20
h 25, nous savons que nous allons terminer à minuit - et qu'il y a
intérêt à ce que les parlementaires puissent s'exprimer sur
ce qui a été dit par le cartel des groupes représentant
les enseignants et enseignantes des secteurs primaire et secondaire, qui est le
maximum de temps, je crois comprendre que dans l'esprit des
représentants du mouvement syndical, il s'agirait d'un
dépôt d'un document d'un des groupes qui est associé
très intimement au cartel, et de brèves explications qui
accompagneraient le dépôt de ce document. Sinon, il s'agit de
savoir exactement comment on veut mener les travaux au sein de cette commission
parlementaire. Il me semble que les parlementaires sont aussi des gens qui,
à l'occasion de la présence des partenaires syndicaux, sont en
droit de non seulement leur poser des questions mais aussi de réagir aux
interventions qui ont été faites devant la commission
jusqu'à maintenant. Je pense qu'il y a là une question
d'organisation du travail qui m'apparaît tout à fait normale.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais insister de nouveau auprès de vous
avec toute la fermeté dont je suis capable pour que le complément
d'intervention qu'on veut faire soit autorisé, même
sollicité ne serait-ce que par simple courtoisie. Ces gens sont venus
nous exposer leur point de vue. Le mandat même de la commission, quand
cela fait l'affaire des gens du gouvernement, de nous rappeler que c'est
d'entendre les points de vue des gens qui sont immédiatement
concernés, ils nous le rappellent volontiers. Il me semble qu'on devrait
faire cela. On devrait oublier pour quelques minutes si telle ou telle heure
est plus propice à la télévision ou à l'impact de
ceci ou de cela. Je pense que le gouvernement est beaucoup plus familier que
nous avec ces choses. Nous sommes plus intéressés à
entendre ce que ces messieurs ont à dire et après cela, le
gouvernement sera mieux placé pour répondre quand il aura eu la
présentation complète. Je voudrais suggérer, vu que le
temps passe, que ce soit plutôt bref pour que la période qui est
réservée aux députés, qui sont quand même
l'élément central de cette commission, puisse leur être
conservée. Cela me fera rien de continuer demain toute la matinée
avec la CEQ, cela m'intéresserait. Mais on a un grand nombre d'autres
organismes à entendre. Si on veut que le travail se fasse au complet, je
pense que nous sommes tous conscients du devoir que nous avons
d'expédier raisonnablement les choses. Dans cet esprit, je demande
qu'ils soient entendus dans ce complément de présentation et
qu'après cela on marche.
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Je pense que les propos qui terminaient
l'intervention du député d'Argenteuil rejoignent nos intentions:
c'est de faire en sorte que les choses puissent se faire de façon
responsable et respectable. Dans ce contexte, dans la mesure où
évidemment, comme le disait le député d'Argenteuil, les
parlementaires peuvent disposer du maximum de temps tout en sachant fort bien,
par ailleurs, que nous avons repoussé à demain des groupes qui
devaient venir nous rencontrer, hier, et que demain, il y a déjà
un engorgement substantiel - j'en ai discuté avec le
député d'Argenteuil à l'heure du souper ce soir - de telle
sorte que nous devrons probablement siéger lundi pour faire en sorte que
dans toute la mesure du possible, si on veut bien comprendre
l'intérêt des parlementaires de discuter avec les
représentants du monde syndical, tout cela puisse se faire dans des
délais relativement rapides.
Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue Dubé,
représentant de l'alliance de Montréal. Pouvez-vous... de la CEQ,
excusez-moi. C'est M. Bisaillon qui va le faire?
M. Bisaillon (Robert): Oui. Cela va être frugal, mais
substantiel. Pour cette démonstration, M. Dubé me remplacera, le
président de l'alliance.
Une voix: ...
Le Président (M. Jolivet): Je jugerai.
M. Dubé (Rodrigue): Je vous remercie, M. le
Président, d'avoir accepté...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse... M.
Dubé.
Alliance des professeurs de Montréal
M. Dubé: Merci, M. le Président, d'avoir
accepté que je puisse compléter la présentation de la CEQ,
parce que nous sommes membres à part entière de la CEQ, et nous
en sommes fiers. Le président Bisaillon de la CECS avait annoncé
qu'à ce moment-ci, d'une part, nous traiterions de la question
soulevée par le député de Chauveau hier soir et que,
d'autre part, nous déposerions une simulation concernant l'application
des décrets dans une des régions de la CECM.
Permettez-moi donc, M. le Président, de faire
référence au texte intégral que nous avons
déposé dimanche dernier en assemblée
générale des membres de l'alliance, lequel texte, sous une
présentation différente mais avec le même contenu, sera
déposé aux parents lors des réunions qui se tiendront la
semaine prochaine, lequel document a aussi été
déposé soit hier soir, soit ce soir à des groupes
exécutifs de parents.
Permettez-moi de vous souligner que le député signalait
hier soir que les membres étaient très mal informés. Il
citait, entre autres, le cas de l'alliance à partir de nos documents. Je
signale au préalable qu'hier soir, dans la région de
Montréal entre autres, des enseignants, membres du Parti
québécois, ont été convoqués par
téléphone à une réunion, à l'école
Victor-Doré, si je ne m'abuse, par le ministre Pierre-Marc
Johnson...
Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas vous dicter
ce que vous avez à dire, mais j'aimerais que vous acceptiez que la
décision qui a été prise, c'est de présenter votre
document.
M. Dubé: C'est cela, M. le Président. Comme il a
été dit que nos membres n'étaient pas correctement
informés, hier soir donc, avec un fonctionnaire du ministère, M.
Pierre-Marc Johnson rencontrait une soixantaine de membres de l'alliance
supposément membres aussi du Parti québécois. Après
une heure et quart de présentation, un membre s'est
présenté au micro et a signalé au ministre que tout ce
qu'il venait de recevoir comme information dans cette rencontre
privilégiée du Parti québécois, il l'avait
déjà toute reçue de son syndicat. Vous pourrez
vérifier auprès des personnes concernées, soit M.
Georges-Noël Fortin ou encore M. le ministre Pierre-Marc
Johnson, que ce que je vous dis est exact, à savoir que nos
membres étaient correctement informés et que les informations
reçues hier soir durant une heure et quart étaient les
mêmes que celles que nous leur avions fournies.
Permettez-moi maintenant de faire référence directement au
document. Le document que vous avez devant vous traite, d'une part, de la
question du préscolaire et du primaire. Hier soir, il était dit
que nos membres n'étaient pas informés du fait que, le temps
d'enseignement au primaire étant augmenté, les
spécialistes réapparaissaient dans le décor. Mais revoyons
le premier paragraphe de ce document où nous disons:
"Premièrement, le décret augmente le temps d'enseignement
hebdomadaire des enseignants du niveau préscolaire et l'application
concrète de cette augmentation du temps d'enseignement implique que les
titulaires devront assumer l'enseignement de la majorité, sinon de la
totalité de ces matières qui, actuellement, sont
enseignées par des spécialistes: éducation physique,
musique, arts plastiques, anglais et langue seconde, et, conséquemment,
amène la disparition de ces mêmes spécialistes au
préscolaire et au primaire." Mais il y a un "ou" en lettres majuscules.
"Ou, deuxièmement, à la suite de l'adoption du décret, le
ministre de l'Éducation a laissé planer la possibilité
d'augmenter le temps de présence en classe des élèves du
préscolaire et du primaire. Ce temps de présence des
élèves pourrait passer de 23 à 25 heures-semaine et une
telle mesure, selon le ministre, assurerait, malgré l'augmentation du
temps d'enseignement des enseignants, le maintien des spécialistes."
Donc, dans cette présentation, nous disions: Si le régime
pédagogique demeure à 23 heures, les spécialistes
disparaissent; si le régime pédagogique passe à 25 heures,
évidemment, les spécialistes réapparaissent. Donc, c'est
clairement écrit dans le document. Nos membres savent que dans la
proposition du 10 février de réaménagement du
décret, il serait possible de voir réapparaître des
spécialistes, pour autant que le temps d'enseignement soit
augmenté.
Permettez-moi de vous signaler, M. le Président, que cette
proposition a été présentée à nos membres en
assemblée générale. Nous étions à ce
moment-là plus de 3400 et, au scrutin secret, cette dernière
proposition a été rejetée à plus de 87% parce que
les enseignants du primaire de l'alliance, tout comme ceux du secondaire,
évidemment, n'arrivent pas à concevoir qu'un enfant de
première année ait le même temps d'enseignement que celui
de secondaire V.
Hier soir, certains de vos sous-ministres affirmaient que le temps
d'enseignement au primaire avait déjà été de
l'ordre de 1500 minutes. Ils affirmaient même qu'il avait
déjà été de l'ordre de 1750 minutes. Je
rappelle très brièvement que, vers les années 1970,
1972, 1975 et 1976, le régime pédagogique commençait
à 1250 minutes en première année pour passer à 1500
minutes en sixième année. Donc, cela faisait une moyenne
d'environ 1300 minutes pour le primaire. Le gouvernement, pour des raisons
d'autobus ou d'autres raisons de coordination, a décidé que le
temps du primaire devenait uniforme pour la première et la
sixième, c'est-à-dire que les gens en première
année ont eu une augmentation du temps d'enseignement et que les gens en
sixième année ont eu moins de temps d'enseignement. C'est la
réalité. Jamais les élèves de première
année, dans ces années, n'ont atteint un temps d'enseignement de
1500 minutes, c'est-à-dire 25 heures, comme c'est le cas actuellement au
secondaire.
Deuxièmement, le même sous-ministre ajoutait hier soir que,
au Québec, il y a déjà eu au secondaire de l'enseignement
à 1750 minutes. Je me permets de vous rappeler qu'assez
récemment, de 1970 à 1976 entre autres, le temps véritable
d'enseignement au secondaire était de 1575 minutes. À la suite de
l'entente provinciale de 1976, c'est le gouvernement qui a
décrété que le régime pédagogique passait de
1575 minutes à 1500 minutes, parce qu'il disait que cela coûtait
trop cher en professeurs. C'est donc le gouvernement qui a diminué le
temps d'enseignement au secondaire en 1976 contre la volonté des
enseignants.
Ces différents tableaux qui nous étaient
présentés hier comme étant des vérités,
à savoir que les enseignants de première année seraient
capables de faire autant de temps d'enseignement que ceux du secondaire, ne
prouvaient rien. Nous affirmons toujours, comme c'est le cas dans notre
document, qu'à cause du temps que vous augmenteriez au primaire les
jeunes devraient faire une certaine récupération sur les lieux de
l'enseignement. Déjà, pour des jeunes en première et
deuxième année, on est obligé de leur faire faire des
petites siestes à l'intérieur des heures de cours pour qu'ils
soient capables de finir correctement leur journée. Si vous augmentez le
temps d'enseignement au primaire, nous soulignons que vous allez
désabuser nos jeunes, provoquer des "dropouts" ou des inadaptés
et que vous serez obligés d'utiliser des mesures de
récupération pour ces jeunes. C'est la raison pour laquelle les
enseignants ont refusé l'augmentation du temps d'enseignement au
primaire.
Deuxième aspect, M. le Président. Dans notre document, on
fait aussi référence au nombre de groupes qu'un enseignant du
secondaire devrait rencontrer en vertu du décret. Je me permets de
déposer un deuxième document auquel je fais
référence à l'instant et qui est la simulation à
laquelle faisait référence le président Bisaillon
tantôt.
Oui, M. le Président, ce document-ci, signé par Mme
Marguerite Chayer qui est directrice administrative régionale à
la Commission des écoles catholiques de Montréal; c'est une des
trois régions de la CECM. Cette simulation traite des 17 écoles
secondaires de la région est de Montréal. À la CECM, on
applique la simulation de cette région, mutatis mutandis aux deux autres
régions.
Vérification faite auprès de la CECM, vous constaterez, M.
le Président, que les directeurs administratifs de la CECM arrivent aux
mêmes conclusions que nous, enseignants, arrivons dans la
présentation que nous faisons aux parents en termes de nombre de groupes
à rencontrer et en termes d'effets du décret sur la
qualité de la vie dans les écoles. Si vous regardez à la
page 5, vous constatez que, par rapport à la convention de 1979-1982,
convention signée, avec le décret imposé, nous avons une
diminution moyenne du nombre de professeurs de 20,8% à cause uniquement
de l'augmentation de la tâche. Dans certaines écoles, la
diminution du nombre de professeurs est de 25% ou de à 23%, et à
d'autres endroits elle est de 18%, mais le nombre moyen est de 20,8%. Ce ne
sont pas des propos, M. le Président, de présidents de syndicat.
Ce sont des propos d'administrateurs qui ont essayé de faire
l'application de ce qui est écrit dans les textes du décret. Ils
arrivent aux mêmes conclusions que nous, partie syndicale.
À la page suivante, M. le Président, ce que vous
constatez, c'est que les fonctionnaires de la CECM ont essayé de
vérifier si, non pas au plan pédagogique, mais au plan
organisationnel, il serait possible d'appliquer le décret. Ils
constatent qu'avec toute la bonne volonté du monde, et malgré
tout cela, il sera impossible d'appliquer le décret au plan
organisationnel, sans se soucier de l'aspect pédagogique. Pour
être capable de l'appliquer au plan organisationnel, il faudrait ajouter
un minimum pour cette région-là de 42 professeurs,
c'est-à-dire 25 professeurs à de l'enseignement et 17 professeurs
à des tâches de chef de groupe ou d'encadrement. Malgré ce
que la CECM ajouterait à ce que le décret prévoit
déjà, nous voyons, à la page 7, quels sont les effets sur
la tâche des enseignants, le nombre de périodes qu'auraient les
enseignants: 31,8% des enseignants auraient dorénavant 25
périodes d'enseignement par semaine, 43% auraient 23,3 périodes
d'enseignement par semaine, 6% auraient 21 périodes par semaine, et
ainsi de suite.
On nous démontre donc par là que nous retournerions
à l'époque difficile des années 1972, 1973 et 1974
où l'on faisait dans les écoles la bataille dite des 25
périodes, à savoir que nous avions à cette époque
des
enseignants à 25 périodes d'enseignement et d'autres
professeurs à 20 périodes d'enseignement. À chaque
début d'année, on faisait une petite guerre à nos
commissions scolaires, une "grèvette" d'une journée ou deux, pour
faire disparaître les 25 périodes et faire en sorte que des
enseignants à salaire égal aient une tâche semblable. On ne
trouvait pas de raison pour qu'un enseignant, dans un cas, ait 25
périodes et un salaire donné et, dans l'autre, ait 20
périodes et le même salaire. Au plan pédagogique, ce qu'on
constatait aussi, c'est que les enseignants qui avaient 25 périodes
avaient un taux d'absence plus élevé que les enseignants qui
avaient 20 périodes par semaine.
Donc, au plan pédagogique également, autre effet du
décret, c'est que le décret, il faut le lire en parallèle
avec les nouveaux régimes pédagogiques. Quand on lit cela en
parallèle avec les nouveaux régimes pédagogiques, nous
constatons que 33% des enseignants auront dorénavant 150
élèves par semaine quand, antérieurement, ces professeurs
en avaient seulement 120; que 10% auront 180 élèves par semaine
et que près de 40%, c'est-à-dire 39,8%, auront 210
élèves par semaine. Même la commission scolaire admet qu'il
y aurait 3% des professeurs qui auraient 340 élèves par semaine
et 13% qui en auraient 270 et plus.
On pense que, dans des conditions comme celles-là, le suivi
pédagogique est impossible et on pense également que la relation
de continuité et de connaissance entre professeurs et
élèves est impossible. La CECM nous confirme, évidemment,
que, le nombre étant si astronomique, la pédagogie s'en
ressentirait. Dans ce document est aussi traité le nombre de
matières enseignées par les professeurs. Nous trouverons
dorénavant des enseignants qui enseigneraient trois
périodes-semaine, quatre périodes-semaine, comme aussi certains
d'entre eux qui enseigneraient une à deux périodes-semaine.
Allons voir la critique. À la page 8, la CECM dit que cela
rendrait difficile, selon la taille de leur école, la gestion optimale
des ressources. Aussi les principaux d'école ont-ils instinctivement
réagi en diminuant radicalement les options quand ils ont fait les
simulations. La conclusion, lors de la réunion qu'ils ont eue, est que,
d'ici deux ans, la promotion par matière disparaîtrait. Cela veut
dire que nous retournerions à l'époque, pas si lointaine, mais de
vécu quasiment ancestrale, à savoir que, lorsqu'un
élève échouerait dans une matière, il serait
obligé de recommencer les autres matières dans lesquelles il a
réussi. C'est ce que cela veut dire quand on n'est plus capable d'avoir
la promotion par matière. Je pense que personne ne veut retourner
à cela. C'est quand même ce qu'impose la nouvelle structure de la
convention collective combinée au régime pédagogique.
Allons un peu plus loin. Il est même dit également,
à la page 8, que, dorénavant, les écoles ne pourraient
offrir que le profil rigide de cours basé sur un secteur d'enseignement
général et le plus possible articulé sur des multiples de
28 et de 32 élèves. Cela veut donc dire que c'est
l'impossibilité de maintenir, même en secondaire IV et V, de
façon correcte les options du secteur professionnel, par exemple, ou
d'autres types d'options.
Je vous signale également que, selon l'évaluation de la
CECM - évidemment, s'ils avaient été des praticiens, ceux
qui sont dans les classes et dans l'enseignement à tous les jours, ils
auraient fait un jugement encore plus sévère - une directrice de
région, ainsi que les principaux de cette région nous disent que,
organisationnellement, et non pas au plan pédagogique, il y aurait sept
écoles viables. On ne dit pas que cela serait très bon. On ne dit
pas que cela serait bon. Ce serait viable. Au moins, elles vivraient. D'autres
seraient viables, mais avec des incongruités. D'autres encore seraient
non viables sans addition de personnel, ainsi qu'une école serait non
viable, mais en plus non organisationnelle sans addition de personnel (21 h
45)
Vous allez voir la page 11 où les gens de la CECM nous disent:
Croisons-nous les doigts dans le sens d'espérer que nous serons chanceux
et, en même temps, que nous pourrons obtenir les ressources
additionnelles que nous demandons au décret. Donc, si nous sommes
chanceux et si nous obtenons les ressources additionnelles, il ne faut quand
même pas oublier qu'il faudra dorénavant concilier les nouveaux
régimes pédagogiques qui multiplient les options avec
l'orientation des restrictions envisagées. Tantôt, ils disaient
que les options disparaîtraient. Comment faire cela avec le nouveau
régime pédagogique qui multiplie les options, de la
volonté du ministre et des sous-ministres? En même temps, on parle
des restrictions envisagées. Comment implanter également autant
de nouveaux programmes en même temps que les professeurs ont une
surcharge de travail, comment assurer aussi la même qualité
d'enseignement tout en confiant plusieurs matières à un
enseignant non préparé à les dispenser?
Permettez-moi de vous souligner que, dans le décret, vous
maintenez les champs d'enseignement par spécialité au secondaire,
par exemple. En même temps, hier soir, on entend un discours qui nous dit
que les enseignants vont devenir généralistes. De deux choses
l'une, M. le Président: ou bien on est spécialiste et apte
à enseigner les matières et les champs demeurent, ou bien on
devient tous des titulaires et des généralistes. Que viennent
faire les champs,
à ce moment-là, pour déterminer les surplus? Il y a
de l'incongruité là.
On parle aussi de personnaliser les services éducatifs aux
élèves. Il faudrait être chanceux, M. le Président,
pour être capable de continuer cette personnalisation. On parle de
dégager également les enseignants qui assureront le rôle et
les fonctions pédagogiques de chef de groupe et d'encadrement
pédagogique; de concilier, dans certains cas, les compléments de
tâches incompatibles avec la spécialisation acquise; de conserver
le système de titulariat acquis dans certains endroits; d'assurer un
minimum vital d'options, sans tomber dans le système de profil;
d'assurer un système de promotion par matière. M. le
Président, il y a deux pages de remarques de la CECM disant qu'il
faudrait être chanceux pour arriver à appliquer ce
décret-là.
Il me semble, personnellement, que cette commission et les
députés de l'Assemblée nationale devraient conclure que ce
n'est pas avec ce décret-là qu'on pourra maintenir la
qualité de l'enseignement et faire en sorte que les enseignants puissent
faire un travail productif.
Si le temps me le permettait, M. le Président, je pourrais
continuer encore sur ces différentes remarques. Permettez-moi de
signaler que sur la tâche de l'enseignant -parce que nos enseignants sont
aussi affectés par la publicité gouvernementale - on veut laisser
croire qu'un enseignant ne donne que des cours. Le président Bisaillon,
cet après-midi, signalait ceci: Pour un ministre, le temps de travail
est-il uniquement le temps de présence en commission parlementaire, le
temps de présence en Chambre, ou son temps de préparation de
dossiers et d'études, etc., compte-t-il dans sa charge? Il me semble que
cela tombe sous le sens que tout compte dans la charge.
Un autre document que nous avons fait déposer fait
référence à une étude que le gouvernement
québécois a menée en 1975, la CETEES, et nous la reprenons
brièvement ici. Qu'est-ce que le temps de travail d'un enseignant dans
une semaine? Un enseignant au primaire, enseignant dans une voie
hétérogène, dans une spécialité, fait 40,3
heures par semaine, heures ouvrables, c'est-à-dire qu'il a de
l'enseignement, de la surveillance, de la surveillance de battement, de la
préparation, de l'évaluation et de la correction, des
réunions avec la direction et les autres catégories de personnel,
de l'administration et de la mise à jour. Encore selon le même
rapport gouvernemental de 1975 - ce n'est pas une étude syndicale, - et
je vais parler encore ici du niveau secondaire - un enseignant au secondaire
arrive à 42,3 heures-semaine, quand il a plus d'une
spécialité. C'est le travail d'un enseignant au secondaire avec
plus d'une matière. Un enseignant au primaire, maintenant, au premier
cycle, qui a 24 élèves-semaine dans sa classe, on constate qu'il
a 41,4 heures-semaine et ainsi de suite.
Nous constatons, M. le Président, que la tâche d'un
enseignant, c'est au-delà de 40 heures par semaine, parce que la
préparation, la correction, le suivi pédagogique, cela fait
partie aussi de la tâche même d'un enseignant. Et nos enseignants
sont blessés quand les parlementaires, quand ceux qui sont normalement
là pour donner des services à la population, du même coup
méprisent les enseignants en laissant croire que nous ne travaillons que
quelque 16 ou 20 maigres heures-semaine.
D'autre part, M. le Président, tout en faisant
référence à ce document, j'aimerais vous signaler que les
enseignants québécois ont fait un choix antérieurement, et
même un choix collectif avec le gouvernement. Vous avez vu cet
après-midi, dans la présentation faite par la PAPT à
l'intérieur de la délégation de la CEQ, qu'on signalait
que le salaire dans les autres provinces canadiennes était
généralement plus élevé que le salaire des
enseignants québécois et particulièrement à
Toronto, province avec laquelle on se compare habituellement. Le salaire d'un
enseignant de Toronto est supérieur à celui d'un enseignant
québécois, pour la présente année, de 1500 $ et
habituellement le salaire d'un enseignant à Toronto est plus
élevé que le nôtre. Ce montant d'argent, c'est parce que
nous avions accepté de le sacrifier pour avoir une tâche
différente. C'est un choix québécois. Les enseignants de
Montréal comme ceux de la CEQ veulent maintenir ce type de
choix-là.
Hier soir, le député signalait que, dans notre
publicité aux parents et aux enseignants, par voie de
conséquence, nous rappelions encore la question du nombre
d'élèves par classe. Permettez-moi de lire le texte
intégralement. On dit: "Et pourtant, nous ne demandions pas grand-chose.
Nous avions accepté le gel de nos salaires pour une durée
à négocier. Nous ne demandions que le maintien de la convention
collective 1979-1982 pour la tâche". Entre parenthèses, nous
spécifiions ce que veut dire la tâche: "charge de travail des
enseignants, nombre d'élèves par groupe, rapport
maître-élèves et spécialistes au primaire". Le
député hier soir dans son intervention donnait l'impression que
le désaccord était principalement sur la question du nombre
d'élèves par classe. Je pense que la démonstration faite
cet après-midi fait en sorte que, quant au nombre d'élèves
par classe, dans certains cas, nous retrouvons ce qu'il y avait dans la
convention collective antérieure, mais, dans d'autres cas, nous ne
retrouvons pas dans le décret les garanties que nous avions dans la
convention collective antérieure. Dans la présentation aux
parents de la tâche des
enseignants, on demandait l'ensemble de la tâche, y compris le
nombre d'élèves par classe. À ce que je sache, au moment
où nous nous parlons, la revendication des enseignants pour le maintien
du temps d'enseignement et de la tâche globale n'est pas
réapparue. Aussi, le nombre de groupes à rencontrer, le rapport
maître-élèves ne sont pas réapparus.
On faisait aussi référence dans ce document aux questions
qui étaient posées aux parents. On nous a fait grief
principalement de la question qui demandait: Est-ce que vous êtes
d'accord avec le fait qu'un enfant de première année ait le
même temps d'enseignement qu'un enfant de secondaire V? Je comprends que
le député n'aimait pas le choix de notre question. Tout autant
que nous n'avions pas été consultés sur le choix de la
question référendaire, je pense que nous avons aussi le droit de
poser des questions de la façon dont nous l'entendons et tel que nous
voulons les vérifier auprès des parents. C'est notre droit de
savoir si les parents sont d'accord avec le fait suivant: Est-ce qu'il est
normal qu'un enfant de première année ait le même temps
d'enseignement qu'un enfant de secondaire V? Permettez-nous, M. le
Président, d'avoir encore au moins le choix des questions lorsque nous
consultons soit nos membres, soit les parents.
En terminant, je vous signale qu'avant-hier soir nous rencontrions 18
comités de parents de la partie ouest de Montréal,
Côte-Saint-Paul, Saint-Henri, etc. Les comités de parents
présents ont voté à l'unanimité d'acheminer un
télégramme au gouvernement lui demandant que la loi 105 soit
retirée, que la loi 111 soit retirée et que les
négociations recommencent. C'est le souhait que nous faisons, nous,
membres de l'alliance, membres de la CEQ, que maintenant de véritables
négociations puissent commencer pour que nous puissions retrouver la
qualité d'éducation que nous étions en train
d'établir et de pratiquer au Québec depuis quelques
années.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre des
Finances.
Commentaires et questions des membres de la
commission
M. Parizeau: M. le Président, je vous remercie de me
donner la parole. Je vais intervenir surtout, pas exclusivement cependant, sur
un certain nombre de considérations d'ordre budgétaire. Je
comprends que mon collègue, le président du Conseil du
trésor, aura un certain nombre de choses à dire quant aux
salaires et, d'autre part, explicitera certains choix budgétaires. Je
comprends enfin que le ministre de l'Éducation aura à examiner
les présentations que nous avons entendues cet après-midi et ce
soir dans le cadre plus large qui le concerne.
Je vais profiter du fait de l'historique que comporte le mémoire
de la CEQ pour, justement, revenir avec eux sur cette année 1976,
année bénie en quelque sorte pour la CEQ et à laquelle ils
ont fait allusion pendant plusieurs heures. Nous nous acheminerons
tranquillement jusqu'à 1983 et aux propositions de cet après-midi
sur lesquelles j'aurai un certain nombre de choses à dire.
Effectivement, le règlement de 1976 entre le gouvernement et la
CEQ a été, à tous égards, remarquable. Nous n'en
avions jamais connu comme cela avant et on n'en verra sûrement plus
jamais comme cela après. C'était avant une élection et
disons que le gouvernement du temps a reflété ses
préoccupations. On a alors injecté un peu plus de 6000 postes,
comme le disait hier M. Girard. En fait, sauf erreur, c'était quelque
chose comme 6600 postes, 9% de tous les effectifs à l'enseignement
primaire et secondaire chez les enseignants, d'un coup, faisant en sorte que,
même si les effectifs d'étudiants baissaient, en tout cas les
effectifs de la CEQ seraient maintenus.
En 1976, le grand règlement. L'augmentation de salaire pour un an
fut de 35%. J'admets que, dans les 35%, on incorporait 15% de forfaitaire,
mais, quand même, pour un an, a-t-on jamais vu quelque chose d'aussi
généreux? Encore une fois, on ne verra plus jamais des trucs
pareils. On reconnaissait une formule d'enrichissement automatique: 2 1/2%
d'enrichissement par année. C'était parfait. Que le
Québécois moyen s'enrichisse ou pas, la clause d'enrichissement
de la CEQ était assurée quoi qu'il arrive. Il pouvait y avoir une
récession ou n'importe quoi, les 2 1/2% par année étaient
assurés dans la convention.
Une formule d'indexation parfaite était assurée aussi
contre le coût de la vie. C'est là que la pleine
sécurité d'emploi est apparue. Chromée comme cela, une
convention on n'en a jamais vu et nous avons hérité de cela en
arrivant au pouvoir. Comme le disait très justement M. Charbonneau
aujourd'hui, le Parti québécois a décidé qu'il
fallait quand même ralentir l'expansion des dépenses dans
l'éducation parce que, compte tenu de ce qu'il y avait dans cette
convention et du rythme de progression des autres dépenses, il
était évident que la caisse sauterait.
En plus de tout cela il y avait, comme l'avait signalé M. Garneau
à l'occasion de son dernier discours sur le budget, un premier trou dont
on a établi, finalement, qu'il était de 485 000 000 $ et qui
n'était prévu nulle part dans les équilibres du
gouvernement. Cela a été suivi d'un deuxième trou, le
mien, de 500 000 000 $ quelques années plus
tard, qui n'était prévu dans aucun équilibre.
D'où ces trous venaient-ils? Ils venaient de ce qu'après avoir
fait des négociations nationales la CEQ abordait ensuite les
négociations locales et ce qu'ils n'avaient pas pu obtenir au national,
ils l'obtenaient par le local. Évidemment, la commission scolaire qui
signait une entente locale prévoyant plus de professeurs que ce qui
était prévu par la convention nationale n'avait pas le premier
sou pour la payer. Qu'est-ce qu'elle faisait? Elle allait à la banque et
elle empruntait, sachant très bien qu'il y a beaucoup moins de banques
que de commissions scolaires et que, quand le montant serait assez gros, les
banques viendraient voir le ministre des Finances et diraient: Vous ne
connaissiez pas la facture, n'est-ce-pas? Eh bien, la voilà! C'est comme
cela que M. Garneau a eu un trou de 485 000 000 $. Soit dit en passant,
c'était beaucoup d'argent 485 000 000 $ en 1976, beaucoup plus
qu'aujourd'hui. Et puis, en 1980, j'ai appris, le 4 novembre, que moi aussi,
j'héritais des 500 000 000 $. (21 heures)
Alors, on s'étonne que, depuis effectivement plusieurs
années, le gouvernement de Québec a effectivement cherché
par tous les moyens à faire en sorte que l'éducation ne
coûte pas trop cher. C'est vrai, comme le dit la CEQ dans sa
présentation, qu'afin de rembourser les arrérages laissés
par le gouvernement libéral, à raison de 159 000 000 $ en
1977-1978, 130 000 000 $, etc., le gouvernement péquiste a
sévèrement comprimé les crédits à
l'éducation pendant les trois premières années de son
premier mandat. Je comprends bien! Écoutez, les banques arrivaient avec
les factures en disant: Personne n'a prévu des crédits pour cela.
Soit dit en passant, l'Assemblée nationale n'a jamais voté ces
trucs. Nous avons tous approuvé rétroactivement les factures que
les banques nous envoyaient. Si on s'imagine un instant que le Parlement
contrôle les crédits dans des cas comme cela, digitus inloculo.
Les banques arrivaient avec les factures en disant: Payez.
Qu'est-ce qu'on a fait pendant ces premières années? Eh
bien, on ne donnait pas la pleine indexation sur l'huile à chauffage, on
ne compensait pas les autres dépenses. On ne pouvait pas faire
autrement, ces conventions étaient signées. Alors, on a tout
réduit. J'entendais ce matin des gens dans les collèges dire - je
le comprends bien, M. Charbonneau, qui était leur porte-parole le disait
- qu'ils n'ont plus d'argent pour les laboratoires. Bien oui, on a rasé
dans tout. Il fallait payer les salaires des enseignants qui se trouvaient dans
les rangs et qui ne devaient pas y être.
Ces trous, ce n'est pas de l'argent qu'on a envoyé en Suisse.
Personne ne s'est sauvé avec la caisse. En fait, ce sont des enseignants
qui ne devaient pas être là dans les conventions nationales et qui
se sont retrouvés dans les rangs. Ils sont là, ces gens,
maintenant. Ils ne devaient pas y être, mais, dans la mesure où
une commission scolaire était forcée de signer... Parce qu'au
fond elles étaient forcées de signer, vous pensez! Au niveau
d'une convention locale, qu'est-ce que vous voulez qu'une commission scolaire
locale fasse quand la pression devient trop forte? Accepter une grève?
On a bien vu ce que c'était que ces grèves locales. Cela dure
deux mois, trois mois. S'il n'y a pas trop de commissions scolaires locales qui
sont en grève, le Parlement ne bouge pas. Alors, cela dure des mois.
Quand deux ou trois commissions scolaires locales ont signé des
excédents de professeurs, pensez-vous que la quatrième au bout du
rang est capable de refuser? On l'a vu dans la région de Québec
il y a quelque temps, tout le monde avait signé, toutes les commissions
scolaires; il y en avait une qui se braquait, qui disait: Je vais obéir
à la convention nationale locale. On lui a tapé une grève
tout de suite. Les pauvres, je les comprends, ils n'avaient aucun moyen de
défense. Ils n'ont pas les moyens de fermer les écoles, eux.
Bien sûr, on est arrivé à des paradoxes
extraordinaires. On parle de lois spéciales. On a voté des lois
spéciales pas plus que les autres avant nous, mais on en a voté.
Regardez cela, M. le Président, comme clause d'une loi spéciale.
Article 11: "Les stipulations négociées et agréées
à l'échelle locale ou régionale doivent être
conformes aux stipulations déjà agréées à
l'échelle nationale." On est obligé par une loi spéciale
de dire dans une loi que, localement, on ne devait pas dépasser les
normes d'embauche prévues par la convention nationale. Faut le faire!
Pour ceux que cela intéresserait, c'est le projet de loi no 113,
adopté le 24 novembre 1980. On imposait le retour au travail dans le cas
d'un certain nombre de grèves locales dont on se souviendra, la
grève locale célèbre des Vieilles Forges. Alors, retour au
travail de tout le monde et interdiction aux commissions scolaires de payer
plus, d'accorder plus de postes que ce que la convention nationale
prévoyait.
On est rendu à adopter des lois spéciales pour imposer des
conventions nationales signées. Fou comme cela, ce n'est pas possible!
Et ajoutons à cela - parce qu'il y a des choses qu'il faut se dire de
temps à autre - que les règles de fonctionnement de notre
système scolaire, qu'on veut tellement relier à la qualité
de l'enseignement comportaient et ont comporté pendant bien des
années des primes financières à certains types
d'enseignement plutôt qu'à d'autres. Vous en voulez un exemple qui
va faire bondir? On m'accusera de tous les péchés d'Israël
après avoir dit cela.
Prenons le cas des inadaptés. Quand on parle d'inadaptés
et qu'on discute de cela le moindrement, celui qui, comme le ministre des
Finances, veut refuser un peu d'argent là-dedans a l'air d'un bourreau
d'enfant, d'un suceur du sang du peuple, de tout ce qu'on voudra. En 1978-1979,
18 commissions scolaires au Québec n'avaient aucun enfant
inadapté, pas un; 35 en avaient de 1% à 5%; 138, de 5% à
10%; 51, de 10% à 15%; 4, de 15% à 20% et 2 au-delà de
20%, un enfant sur cinq inadapté. C'est extraordinaire sur le plan
sociologique ou démographique. C'est prodigieux comme situation. Il est
tout à fait étonnant de remarquer que, parmi celles qui avaient
le plus d'enfants inadaptés, on retrouvait un bon nombre de commissions
scolaires anglophones. Est-ce parce que la santé mentale chez les
anglophones est moins bonne? Non, M. le Président, c'est parce qu'ils
ont des meilleurs comptables.
Il était évident qu'à cause des primes qui sont
données pour cela on peut embaucher d'autant plus d'enseignants, et Dieu
sait s'il y a beaucoup d'enseignants qui sont préparés à
ces tâches de l'enfance inadaptée. Donc, il y a des commissions
scolaires et des syndicats qui ont compris que plus il y a d'enfants
inadaptés, plus il y a de professeurs en poste. Alors, on est
arrivé à des choses qui, à tous égards, sur le plan
médical, sur le plan social, sont absolument aberrantes dans certaines
commissions scolaires. J'ai cité 1978-1979 parce que cela me donnait une
répartition que je viens d'indiquer. J'ai vu une commission scolaire
compter 28% d'enfants inadaptés sur son territoire. Il faut le
fairel
Quand on voit cela, on se doute bien qu'il y a quelque chose de bizarre
dans la machine, qu'on pourrait peut-être redéfinir les choses un
peu mieux. D'ailleurs, dans les normes du ministère de
l'Éducation, cela a été refait, n'est-ce pas, pour
éviter les conséquences des négociations locales. Pour
éviter des choses comme celles que je viens d'expliquer, maintenant, on
a fermé en un an les budgets des commissions scolaires; on a repris le
contrôle sur leurs emprunts bancaires; on a refait certaines normes et,
en particulier, on a un peu resserré les normes quant à l'enfance
inadaptée. Un historien, dans 40 ans, qui examinera cela et qui n'aura
pas compris tout ce dont nous discutons ce soir considérera que la
santé physique et mentale des Québécois s'est
améliorée en 1981 de façon foudroyante.
Des choses comme celles-là, il faut les dire. Même si cela
choque, je vais ajouter quelque chose. Dans la ronde de négociations de
1979-1980, la CEQ m'a demandé, à un moment donné, un quota
d'inadaptés à mettre dans la convention. J'ai lutté
pendant une semaine contre cela en demandant, au cas où je ne pourrais
pas me conformer au quota, si je pouvais en importer de l'Ontario.
Comme je n'en arrivais pas à bout, j'ai fait céder cette
pression en menaçant d'aller dénoncer l'opération à
la télévision.
Ne nous faisons aucune espèce d'illusion. Il y a des politiques
d'embauche à maintenir, des politiques de personnel à tenir en
place. Cela, il faut le dire. Il faut, à un certain moment, qu'on sorte
de ce cadre touchant et charmant où on mélange constamment
qualité de l'éducation et politique de personnel. Peut-être
qu'il faut quelqu'un de bête et méchant comme un ministre des
Finances - tous les ministres des Finances sont bêtes et méchants
- pour le dire comme je le dis et comme je le pense, d'ailleurs.
C'est avec un système comme celui-là que nous en sommes
arrivés à un fardeau de travail, à une tâche qui est
à l'heure actuelle la plus faible au Canada, et de loin. C'est avec un
système comme celui-là que nous avons maintenant un coût de
782 $ de plus par élève, par année, qu'en Ontario. Comme
il y a au-delà de 1 000 000 d'élèves dans notre
système, vous pouvez imaginer ce que cela veut dire sur le plan des
impôts entre le Québec et l'Ontario, sur le plan des
dépenses publiques. On me dira que, dans les 782 $, il y a le service de
la dette, c'est vrai; qu'il y a des différences quant au transport
scolaire, c'est vrai. Mais la majeure partie a trait à quoi? Elle a
trait à la façon dont notre système est organisé,
au fait que la tâche chez nous est faible, au fait qu'il y a plus
d'enseignants par 100 000 élèves ou par 10 000
élèves, comme vous voudrez, au Québec que partout
ailleurs. Pourquoi y a-t-il plus de professeurs par 1000 élèves
ici qu'ailleurs? Eh bien, c'est pour les raisons que j'ai retracées.
Remarquez que, tant que l'économie ne va pas trop mal, cela se
voit, mais pas trop. Il y a des ministres des Finances ou des ministres de
l'Éducation qui sont pris avec un trou de 500 000 000 $ tous les quatre
ou cinq ans, mais, enfin, ils passent à travers comme ils passent
à travers bien des choses. Mais tant que l'économie est capable
de porter cela, parce que l'économie est en expansion, on essaie de
corriger. On a essayé de corriger en 1979-1980. Évidemment, la
convention collective de 1980 n'était pas aussi généreuse
que celle de 1976, c'est tout à fait clair. Cela n'a pas
empêché une grève de onze jours, on s'en souvient. Mais
oui, il y a eu une grève de onze jours. Elle était légale,
celle-là, mais il y a eu une grève. Finalement, tout le monde
voudrait dire que les règlements de 1980 ont été
très chers -on le dit souvent ces temps-ci - mais ils étaient
beaucoup moins généreux que ceux de 1976. Il y avait un
élément de correction.
J'entendais cet après-midi, je pense, M. Bisaillon dire: En
1979-1980, la récession était commencée. Non, non. En
1979, on pouvait encore se faire un certain nombre
d'illusions quant à la possibilité d'en arriver à
des conventions de plus en plus raisonnables à la fois sur le plan
national et sur le plan local, parce que 1979 n'a pas été,
finalement, une mauvaise année sur le plan économique. N'oubliez
pas que ce sont les années où le rythme de croissance du
Québec était supérieur à l'Ontario, où les
exportations fonctionnaient assez bien. 1979 a été une
année, somme toute, pas trop mal, la dernière qu'on ait
connue.
Là, tout à coup, la récession commence. La fortune
des Québécois, le revenu total des Québécois se met
à baisser. Il se met à baisser et, en une année, il baisse
de 6%. La production totale que nous pouvons tous nous partager baisse de 6%.
Là, il y a des tolérances qui ne sont plus possibles. Il y a des
changements graduels -qu'on préférait graduels - qui ne sont plus
tenables. Il y a des virages qu'on peut prendre en dix ans autrement, mais
qu'on ne peux plus faire en dix ans. Il faut y aller, effectivement, avec une
certaine brutalité parce qu'on ne peut pas permettre que la masse
salariale, gonflée par les raisons que j'ai indiquées et qui
représente 52% du budget du gouvernement, puisse monter beaucoup plus
rapidement non seulement que le revenu des gens dans le secteur privé,
mais que ce que peut donner le revenu total des Québécois.
Si on ne surveille pas cela et qu'on ne prend pas le virage, que
reste-t-il comme possibilités? On dit: Empruntez davantage. Oui, je veux
bien, un peu, de temps à autre, mais tôt ou tard, cela donne quoi?
Cela donne des augmentations d'impôt pour tout le monde. C'est dans ce
sens qu'il a fallu prendre un virage depuis un an bien plus sec que celui qui
avait déjà commencé à être pris en 1979-1980.
Il a fallu serrer pas mal plus que, de toute façon, ce resserrement
continuel, depuis 1976, dont le président Charbonneau parlait dans son
mémoire.
Maintenant, on nous dit, dans les propositions de cet après-midi:
Nous rendons, nous, CEQ, au gouvernement, 2 000 000' 000$ sur trois ans,
à la condition que vous laissiez 120 000 000 $ par an de plus que votre
cadre financier, dont 80 000 000 $ aux commissions scolaires.
Présenté comme cela, comme d'habitude, on se dit: Est-ce qu'un
gouvernement peut avoir l'âme assez basse pour refuser un "deal" pareil?
Comme à chaque fois, à chaque négociation, quand tout ce
qui sépare les parties est 1%, on dit: II n'y a que 1% entre les
parties, pourquoi le gouvernement ne fait-il pas oeuvre de
générosité et ne lâche-t-il pas 1%? Il ne
lâche pas 1% parce que 1%, c'est 130 000 000 $, parce que les marges de
manoeuvre dont on dispose à l'heure actuelle, ce n'est pas
énormément d'argent, parce que tous les programmes de
création d'emplois au complet, en 1982-1983, au Québec, ce sont
167 000 000 $. Pour l'ensemble des gens pour lesquels on ouvre des programmes
de création d'emplois, ce sont 167 000 000 $. Quand on me dit: 120 000
000 $ par année, cela n'a l'air de rien, est-ce que quelqu'un peut avoir
l'âme assez basse pour refuser un "deal" comme cela? Oui, moi... et
d'autres.
Il faut bien se comprendre sur ce plan. Je pense que les gens de la CEQ
qui sont ici ce soir connaissent assez les techniques de négociation et
tous les textes depuis plusieurs années pour savoir que, quand ils
rendent au gouvernement - comme ils l'ont fait si généreusement
cet après-midi - les ajustements que nous avons faits aux régimes
de retraite, ils ne me rendent rien du tout. Vous savez fort bien que c'est
hors convention. Il y a des lettres d'intention attachées aux
conventions quant aux régimes de retraite, il y a des comités qui
ont été créés et le gouvernement a le droit - droit
qui n'a pas, soit dit en passant, été contesté depuis la
loi 68, cela fait quand même quelques mois - de faire hors convention les
gestes qu'il a posés, comme d'autres gouvernements au Canada qui les ont
posés quand ils étaient souvent des gouvernements de gauche. (21
h 15)
Je signale que l'histoire de la réduction de l'indexation, c'est
la Saskatchewan qui l'a commencée avec un gouvernement NPD. Pourquoi?
Parce qu'on ne peut plus se payer collectivement des régimes
indexés de cette façon. Dans le secteur privé, il n'existe
pas de formules d'indexation pareilles. On avait organisé des formules
de régimes indexés comme il n'y en a pas, les meilleures
possibles. On se rend compte que, collectivement, comme société,
on ne peut pas se payer cela et par une loi on les change. En faisant voter une
loi comme celle-là, nous ne violons pas les conventions collectives.
Donc, ce que vous nous avez rendu jusqu'à concurrence de 1 100 000 000
$, M. Charbonneau, avant 18 heures, merci beaucoup, mais vous ne l'aviez pas
entre les mains de toute façon.
Deuxièmement, vous nous avez rendu les opérations de
récupération de salaires que nous sommes en train d'entreprendre
depuis le 1er janvier. Vous noterez que beaucoup de groupes dans le secteur
public, pas de gaieté de coeur bien sûr finalement, se sont
rangés à cela. J'imagine vos enseignants: à l'heure
actuelle, déjà leur feuille de paye est coupée en fonction
de cela. C'est en route cela. Vous nous avez dit cet après-midi: On ne
vous demandera pas de rembourser aux enseignants en avril et mai ce que vous
êtes en train de leur enlever en février et mars. Oui, bah! je
veux bien. Je prends note qu'il y a beaucoup de groupes dans le secteur public
qui, à l'heure actuelle, sont exactement dans la même
situation.
En fait, ce que vous nous avez demandé - c'était une
demande, ce n'était pas une offre que vous nous avez faite -c'est de
laisser 120 000 000 $ par année dans les cégeps et les
commissions scolaires, c'est-à-dire exactement, sur trois ans, le
montant de l'augmentation de la tâche. Ce que vous nous avez dit par
votre proposition, c'est que, sur le plan de l'augmentation de la tâche,
vous ne lâchez pas. Je vous comprends, mais vous connaissez la position
du gouvernement à cet égard. Nous continuons de penser que la
tâche doit être au Québec alignée sur ce qui se fait
ailleurs.
Je terminerai essentiellement en vous posant une question: Pourquoi
voulez-vous que la tâche au Québec soit inférieure à
ce qu'elle est ailleurs? Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole
à M. Charbonneau, puisque, je crois, une question lui est posée,
je dois simplement dire que M. le ministre a pris actuellement près de
23 minutes. Dépendamment de la longueur de la réponse, puisque
c'est sur cette question-là que M. Charbonneau aura à
répondre, comme prévu un temps équivalent sera
accordé au député d'Argenteuil qui est le suivant sur la
liste. Il faut dire que chaque député a un droit de question et
réponse de 20 minutes, et qu'il peut intervenir comme il le veut quant
au texte qu'il a à employer ou aux sujets qu'il a à aborder. La
question qui est posée au président de la CEQ a trait à la
dernière partie de l'intervention de M. le ministre des Finances. M.
Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Oui, c'était une question
précédée d'un préambule fort passionnant, assez
long.
Le Président (M. Jolivet): Je vais vous interrompre, M.
Charbonneau; comme je venais juste de le dire, M. le ministre a le droit de
prendre ses 20 minutes comme il le désire. Ce que je vous demande, c'est
d'intervenir sur la dernière partie, pour le moment.
M. Charbonneau (Yvon): Je suis en train d'apprécier, comme
vous l'avez fait, la longueur du préambule. Il y avait tout un
historique. On arrive à la fin avec une question comme cela. Je crois
que c'est certainement de bonne guerre de la part de n'importe quel ministre
des Finances, à un moment donné, premièrement, de partir
du moment où lui est entré au pouvoir et de faire un peu le bilan
ou le procès de l'administration antérieure. D'autres feront le
sien plus tard comme c'est fait un peu maintenant.
Certains nous accusent d'avoir signé, en 1980, d'excellentes
conventions parce que c'était à la veille du
référendum, d'avoir obtenu des choses qu'on n'aurait pas obtenues
si le référendum n'avait pas été imminent. En 1976,
il y avait des élections qui s'en venaient. On est un peu mal pris avec
ce genre de propos. Quand on signe, on se fait accuser de signer de bonnes
conventions. Quand on recommande de les refuser, comme c'était le cas
hier soir, on se fait dire qu'on fait des mauvaises recommandations. Quand on
ne signe pas et que cela en vient aux décrets, c'est parce qu'on est
entêté. Finalement, on a toujours tort. Il y a certainement
quelque chose de temps en temps, une fois sur deux, surtout quand on signe, il
me semble, qu'on ne devrait pas se faire reprocher.
On peut aussi rire ou faire rire à propos des politiques
adoptées dans certaines commissions scolaires sur l'enfance
inadaptée, tout en soulignant que, cela était du
côté anglophone, etc. Je pense qu'on devrait souligner que dans
certaines commissions scolaires, anglophones ou francophones, il y a des
services qui se sont développés parce qu'elles s'étaient
trouvées à avoir des équipes un peu plus ouvertes à
ce genre de problème et moins à d'autres. Elles ont fait d'autres
choix. Il faudrait voir l'ensemble d'une politique d'une commission scolaire
à un moment donné et si celle-ci a développé un
service, peut-être qu'elle n'en a pas développé un autre en
même temps. Celle qui n'a pas développé de service à
l'enfance inadaptée a peut-être développé un autre
service. Il faudrait voir l'ensemble d'un portrait avant de faire de pareils
bilans un peu trop rapidement.
Maintenant, pour ce qui est de se rapprocher de la question qui se pose
en ce moment, je pense qu'on a souligné précédemment que,
du côté financier et salarial, il y a un genre de choix qui s'est
esquissé. En 1972, c'était un décret qui nous l'a
imposé. En 1976 et en 1980, je veux bien que nous ayons
été coupables de le signer ensemble, vous et nous. Il y a un
choix qui s'est fait, et on l'a bien démontré cet
après-midi, qui fait que, dans plusieurs autres provinces, la grande
majorité d'entre elles, un enseignant atteint son salaire maximum en
onze ans. Au Québec, on atteint notre salaire maximum en quinze ans. Si
on pouvait instantanément vous faire un calcul -mais vous l'avez
certainement déjà fait parce que vous savez combien vous gagnez
avec ce système - de ce que cela vous coûterait en salaires au
Québec, au taux actuel du décret, si l'ensemble des enseignants
avait atteint le salaire maximum en onze ans, il y a peut-être
passablement d'argent là-dedans. En tout cas, pour l'individu
enseignant, lui, qui atteint son maximum en onze ans plutôt qu'en quinze
ans, il y a un certain nombre d'années où il a plus que
l'enseignant québécois.
Je ne veux pas faire une argumentation
d'ordre trop technique ici, mais je voudrais faire ressortir qu'il y a
là de l'argent qu'on aurait pu vouloir obtenir sous forme de salaire. On
n'a pas négocié dans ce sens au cours des années. C'est un
choix qui s'est dessiné dans nos ententes, nos conventions, dans nos
conflits, je veux bien, mais aussi dans nos solutions, de temps à autre.
Il s'est fait un choix. Et là, vous me dites maintenant: En plus d'avoir
consenti ce fait, tu vas prendre aussi une charge comme celle qu'on a,
soi-disant ailleurs. Certainement qu'on peut discuter à savoir si la
charge de travail, etc., a d'autant d'écart qu'on le dit.
Nous ne cachons pas, bien entendu, qu'il y a, au Québec, parce
qu'on s'est orienté ainsi au cours des années, dans nos
conventions collectives des charges de travail qui se comparent bien à
celles d'autres régions avoisinantes. Nous ne le cachons pas. Mais je
pense que cela doit se concevoir dans un ensemble. Vous venez, par tranches
chercher un jour dans les régimes de retraite sous prétexte qu'il
y avait là un problème pour le gouvernement et vous dites: Ce
n'est pas dans les conventions. On dirait que tout est permis parce que ce
n'est pas dans une convention, mais c'est quand même dans nos conditions
de travail. Il y en a qui sont sous forme de conventions et d'autres sous forme
de lois. Si ce n'est pas dans les conventions, donc on y va. Là, il n'y
a rien. Ensuite, les salaires sont dans les conventions. Eh bien, là, ce
n'étaient pas de bonnes conventions pour le gouvernement. Donc, on y va,
encore là. Ensuite, après qu'on a vidé le chapitre des
salaires, on passe au chapitre des conditions de travail et là, ce sont
de trop bonnes conditions de travail, il faudra encore arranger cela. Je pense
que c'est une stratégie qui consiste à vouloir se donner tout le
temps raison, sur tous les chapitres, quelles que soient les conjonctures. Il
me semble que vous devriez avoir une approche plus raisonnable de la
question.
On vous l'a démontré cet après-midi et vous dites
que vous ne l'aviez pas. Cela existait dans les conventions ou dans des lois,
ces dispositions menant à ce genre de bénéfices pour les
retraites, pour les salaires. Cela existait, la trame de fond était
là. Vous dites que ce n'est pas là pour essayer d'amenuiser,
quand même, la récupération. Mais, puisque vous y teniez
tant, c'est donc que c'était là. Vous y avez tellement tenu que
vous avez légiféré de manière spéciale et
extraordinaire pour aller le chercher. Cela veut dire que c'était
quelque part et certainement pas dans vos poches puisque vous avez
légiféré pour venir le chercher dans les nôtres. Il
faut clarifier cela, à un moment donné.
Il reste la question, aujourd'hui, des conditions de travail et il
faudra encore donner un autre coup. Nous, on vous dit de regarder cela dans un
ensemble sur plusieurs années, à travers des accords dont on a
convenu. Regardons cela dans un ensemble où il y a, au plan des
salaires, un effort consenti depuis des années et maintenant à la
suite des décrets, des efforts accrus. Vous dites: "II n'y a rien
là". Il me semble que c'est assez - permettez-moi l'expression -rapide
comme jugement.
Nos membres "dont le sang coule actuellement dans le fleuve" à la
suite des coupures - ne trouvent pas qu"'il n'y a rien là", eux.
Aujourd'hui, ils nous ont donné le mandat de vous dire que, puisque vous
y tenez tant à cet argent, on pourrait quand même s'arranger si
vous laissiez ce qu'on appelle "notre dernier lopin de terre", nos conditions
de travail comme elles sont. Il n'y a personne qui fait un hold-up de notre
part, de ce côté-là, mais on voudrait que l'envahisseur qui
est entré dans notre maison recule, au moins nous laisse une
pièce de la maison, puisqu'il a si bien aménagé toutes les
autres à son goût.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil, vous aurez trente minutes à votre disposition.
M. Ryan: Je remercie M. le ministre des Finances de m'avoir
donné autant de temps. Cela va me permettre de parler du mémoire
qui nous a été présenté de manière
peut-être un peu plus détaillée avant d'adresser quelques
questions aux dirigeants de la CEQ et des autres syndicats qui sont
représentés, en particulier la Provincial Association of
Protestant Teachers et la Provincial Association of Catholic Teachers.
Je voudrais, tout d'abord, signaler que le mémoire dont on nous a
donné lecture cet après-midi est un mémoire substantiel,
très clairement ordonné, qui s'adresse immédiatement aux
questions qui découlent du texte même du décret. Le
mémoire nous propose une analyse qui traite du contenu du décret,
chapitre par chapitre. Je crois qu'il y a des affirmations dans ce
mémoire auxquelles il faut répondre de manière
précise. Et cela, il me semble que ce sont les trois quarts du document
qu'on nous a présenté cet après-midi.
On peut s'étonner que les centrales syndicales partent du texte
des décrets, parce qu'il y a plusieurs décrets qui sont
impliqués. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire lors des travaux de
cette commission, la base légale sur laquelle nous discutons
actuellement, ce sont les décrets. On pourra parler un peu plus tard du
cadre de règlement du 9 février. Je pense que c'est un document
à caractère public aussi, mais il n'a pas du tout la même
valeur contraignante que les décrets qui sont la loi du Québec en
matière de relations du travail dans le secteur de l'enseignement public
depuis un certain soir de décembre 1982. Je
pense qu'il était très important que l'on fasse ressortir
clairement les conséquences éventuelles des décrets.
Dans certains cas, certaines simulations forcent peut-être un peu
la note. On prend les décrets dans leur sens littéral. On ne
tient pas compte - on ne peut pas en tenir compte parce qu'on ne sait pas en
quoi ils consisteront - des assouplissements susceptibles d'émaner
éventuellement des règles budgétaires. Je crois que
l'exercice est valable pour lui-même. La meilleure indication que nous en
ayons eue jusqu'à maintenant, c'est qu'il y avait déjà
plusieurs cas qui nous avaient été soumis d'écoles
secondaires, à gauche et à droite, de commissions scolaires
individuelles. (21 h 30)
Mais le travail que Mlle Marguerite Chayer, directrice administrative de
l'une des grandes régions de la Commission des écoles catholiques
de Montréal, la région de l'est, a fait et dont M. Rodrigue
Dubé nous a résumé les grandes lignes tantôt est un
travail qui n'émane pas de la partie syndicale. Par conséquent,
les auteurs n'ont pas d'intérêt immédiat qu'on pourrait
leur imputer d'une façon aussi évidente que s'il s'agissait d'un
document émanant de source syndicale. Je crois que ce document parle
assez fort. Il demanderait d'être étudié
sérieusement. Nous n'avons pas le temps de le faire ce soir. Le document
nous a été distribué tantôt et il comporte une
trentaine de pages au moins, c'est très technique.
Il me semble que cela devrait être suffisant pour faire comprendre
une fois pour toutes au gouvernement qu'il a mal agi en imposant des
conventions collectives par décrets pour une durée de trois ans,
en allant aussi cavalièrement jusque dans les moindres détails
sans s'occuper de l'autre partie, de celle qui devra vivre avec ces
textes-là pendant trois ans. Il me semble que la conclusion qu'il
devrait en tirer s'impose d'elle-même. Il a fait une mauvaise action au
mois de décembre dernier, en faisant adopter à la vapeur,
à la faveur d'une motion d'urgence à l'Assemblée
nationale, des documents comme ceux-là qui vont donner lieu, si on doit
les appliquer intégralement, à d'infinies complications et,
pouvons-nous dire maintenant, à une réduction certaine de la
qualité de l'enseignement au Québec.
Le ministre des Finances s'est étendu longuement sur le
passé. Je ne sais pas si c'est un signe des temps, mais je remarque que,
depuis quelque temps, il excelle à raconter des souvenirs. Il les
évoque, d'ailleurs, de manière extrêmement
intéressante. Je pense qu'on doit lui rappeler certaines choses
élémentaires qui se sont passées avant 1976. Je pense
qu'il pourrait se dispenser d'en parler parce que les gouvernements qui ont
fait les erreurs qu'il leur impute furent jugés pour ce qu'ils avaient
fait; je pense que le dernier en date a été défait par
l'électorat. Il a été renvoyé chez lui. Par
conséquent, on peut bien s'accrocher à lui pour essayer d'excuser
toutes sortes de choses, mais c'est fini, M. le ministre des Finances, depuis
sept ans. Depuis 1976, c'est le gouvernement dont le ministre actuel des
Finances a toujours fait partie, à ce titre d'ailleurs, qui a la
gouverne des affaires au Québec. C'est donc lui qui doit porter la
responsabilité de ce qui est arrivé.
J'entendais le ministre des Finances nous dire qu'il s'était
rendu compte en 1980 du trou de 500 000 000 $. Quatre ans pour se rendre compte
de ce trou-là, c'est beaucoup de temps. Pourtant, on sait qu'il est
assez rapide mentalement, ce n'est pas là qu'est le problème.
Dans votre discours sur le budget - j'aimerais que le ministre me corrige si je
me trompe - qui a suivi la signature des conventions en 1980 - les conventions
ont été signées en novembre 1979, si mes souvenirs sont
bons, et vous nous aviez présenté un budget vers le mois d'avril
qui a suivi - vous disiez dans quelques lignes magnifiques que vous aviez
donné 1600 postes sans savoir ce que vous faisiez. Vous nous avez dit en
toutes lettres que, si cela avait été à recommencer, vous
ne l'auriez jamais fait. Cela représentait environ 50 000 000 $ d'un
coup. On aura le temps de faire ce procès; ce soir, ce n'est pas
l'occasion de le faire.
Je mentionne seulement ces brefs souvenirs pour dire que, tout en
étant extrêmement intéressants, les souvenirs que raconte
le ministre des Finances n'effacent, ni n'atténuent la
responsabilité du gouvernement dont il fait partie en ce qui touche la
situation des finances publiques au Québec. Le gouvernement est l'auteur
de la crise dans laquelle le Québec s'est trouvé au plan des
finances publiques depuis quelques mois. Il en est le grand artisan. On doit
lui reprocher sévèrement de s'être réveillé
trop tard, de l'avoir fait trop brutalement et de l'avoir trop fait sur le dos
de quelques catégories particulières de citoyens dont font partie
ceux qui nous rencontrent aujourd'hui.
L'essentiel de l'argument que nous sert le gouvernement a
été résumé dans la question que le ministre des
Finances a posée aux représentants de la CEQ. Il a dit - j'ai
noté la question tantôt - Pourquoi voulez-vous que la tâche
au Québec soit inférieure à ce qu'elle est ailleurs? C'est
une manière simplifiée de poser le problème. Je pense que
ce que le gouvernement veut dire - et ici, j'essaie de le résumer le
plus loyalement possible - c'est qu'il s'est trouvé aux prises avec un
fait à un moment donné; il a constaté, selon les sources
documentaires dont il disposait, que le coût de l'éducation par
enfant dans le système public québécois
- nous discutons ce soir du système public primaire et
secondaire; je pense qu'il est peut-être mieux d'en rester à cela
- était supérieur, je pense qu'en date de 1980, d'à peu
près 650 $ à ce qu'il était en Ontario. Il nous dit: C'est
un écart trop fort, nous ne pouvons pas nous payer cela. Vu que la
production per capita au Québec est à peu près de 10%
inférieure à ce qu'elle est en Ontario, nous ne pouvons pas
accepter cela comme norme éternelle. Il faudra qu'un jour nous en
arrivions à mieux équilibrer nos affaires et nous posons la
question aux enseignants: Est-ce que vous ne trouvez pas que dans le secteur
dont vous faites partie, il faudrait viser à des ajustements, comme
d'ailleurs, j'espère, dans tous les autres secteurs de l'administration
publique. C'est une question qui ne nous est aucunement
indéfférente. Nous la comprenons, elle fait partie du défi
auquel doit faire face le Québec d'aujourd'hui. Je voudrais assurer le
ministre des Finances et ses collègues du gouvernement qui sont ici ce
soir, que non seulement nous souscrivons aux inquiétudes qu'ils
expriment, nous les avons formulées bien avant qu'ils ne se
réveillent à la réalité dans laquelle ils avaient
plongé le gouvernement et le Québec.
Je me souviens de périodes où ils se moquaient de nous
quand nous leur posions les problèmes dans ces termes. Ils nous
accusaient de vouloir ramener le Québec au Moyen-Âge. Je pense
qu'on ne l'aurait pas ramené au Moyen-Âge, mais eux sont en train
de le ramener, vous avez dit tantôt une quinzaine d'années en
arrière, c'est déjà énorme. On leur a
demandé un effort d'ajustement, mais je ne pense pas qu'on aurait
été obligé d'aller aussi loin que cela.
Quoi qu'il en soit, je voudrais insister auprès du gouvernement
pour que, lorsqu'il fait des comparaisons avec l'Ontario, il veille à se
procurer des données plus complètes que celles qu'il nous sert
depuis quelque temps. Je vous donne seulement un exemple. Il m'est
arrivé tantôt de causer avec deux dirigeants d'importants
syndicats d'enseignants ontariens qui sont ici à titre de spectateurs
aujourd'hui. J'en ai profité pour m'informer auprès d'eux de la
manière dont les choses marchent en Ontario. Je pense que cela aurait
été très instructif si le gouvernement était
allé se renseigner sur la manière dont le système de
relations du travail fonctionne en Ontario dans le domaine de
l'éducation. Ils auraient pu apprendre des choses très
importantes. Ils auraient constaté en particulier que l'excessive
centralisation de tout ce secteur au Québec, dont le ministre actuel des
Finances est l'un des pères d'ailleurs, est un des grands facteurs qui
ont contribué à l'augmentation spectaculaire des coûts. En
Ontario, on a choisi une autre voie, une voie beaucoup plus
décentralisée, une voie beaucoup plus raisonnable, à mon
point de vue, et cela donne, dans l'ensemble, des résultats beaucoup
plus intéressants.
Que de fois j'ai entendu les dénonciations du côté
du gouvernement du système d'arbitrage. Ce n'est pas que je veuille le
préconiser ce soir, mais chaque fois qu'on a le malheur de parler de
médiation, c'est comme si on était des gros méchants qui
voulaient mettre la main sur la caisse de l'État ou qui voulaient
trouver quelqu'un qui leur dirait: Cela est terminé.
Je me suis informé auprès de ces gens sur la
manière dont avaient marché les arbitrages en Ontario depuis une
quinzaine d'années qu'ils ont leur système actuel. Dans
l'ensemble, ils n'y recourent pas très souvent, mais quand ils y
recourent, l'arbitrage donne des résultats qui sont extrêmement
proches des moyennes qui sont généralement observées et
cela n'a pas du tout engendré le genre de catastrophe qu'on nous laisse
toujours entendre du côté du gouvernement.
De même, il y a une chose que je voudrais souligner. La
négociation collective a progressé de manière beaucoup
plus spectaculaire et radicale au Québec pendant un certain nombre
d'années qu'en Ontario et elle a été amenée
à concentrer l'attention des négociateurs plus vite sur des
questions majeures, comme par exemple, la tâche d'enseignement. On me
disait qu'en Ontario les syndicats s'orientent de plus en plus dans cette
direction et à mesure que le système des relations du travail
continuera de se développer en Ontario, je crois qu'on verra diminuer
les écarts qui peuvent exister encore aujourd'hui. Il faut situer ces
choses dans une perspective historique. Je vous reproche, messieurs du
gouvernement, de prendre les moyennes abstraites, comme 17, 21, de sortir cela
du contexte, comme vous l'avez fait continuellement ces derniers mois et
d'essayer d'épouvanter le public avec cela et de faire de certains des
profiteurs alors qu'en fait, il faut prendre le problème dans son
contexte complet. Cela nous amène à des observations beaucoup
plus nuancées.
Je voudrais corriger, encore une fois, une impression qui a
été créée. Je voyais la manchette dans le journal
Le Devoir ce matin - contre lequel vous savez que je n'ai rien, au contraire -
on disait que "Cela coûte 752 $ de plus par enfant au Québec qu'en
Ontario pour l'enseignement public." Tout de suite, vu qu'il s'agit de la
commission parlementaire qui rencontrera la CEQ, le lecteur est porté
à conclure: Les enseignants nous coûtent 752 $ de plus par enfant,
cela n'a pas de bon sens. Mais quand on examine les statistiques, on sait
très bien que, de ce montant de 752 $, il y en a plus de la
moitié qui est attribuable à des postes qui n'ont absolument rien
à voir avec les salaires des enseignants.
Encore là, si on regardait la partie salaire des enseignants et
qu'on la situait dans son contexte, on ferait des découvertes. J'ai
regardé des conventions collectives ontariennes - j'en ai fait venir un
certain nombre - et j'ai constaté qu'il y a toutes sortes de primes
là-dedans qu'on ne trouve pas dans nos conventions. Peut-être que
l'échelle des salaires est à un certain niveau, mais il y a
toutes sortes de primes pour toutes sortes de fonctions. Ces primes n'existent
pas dans nos conventions. Cela n'enlève pas les chiffres globaux dont on
a parlé. C'est vrai que, proportionnellement, nous avons plus
d'enseignants au Québec par groupe d'étudiants ou, disons,
d'enseignants par 1000 étudiants par exemple, qu'ils n'en ont en
Ontario. Je crois que sur une période de quelques années, nous
devons essayer de faire un certain redressement qui va nous permettre d'aligner
davantage nos coûts sur une base compétitive par rapport aux
autres.
Ce que je n'aime pas, c'est qu'à la faveur d'une crise
extrêmement délicate comme celle que nous connaissons, on vienne
faire de la rhétorique, on vienne nous faire des exposés avec
beaucoup de pathos, quand on n'a pas à présenter en même
temps, à l'appui de tout cela, des données rigoureusement
analytiques et des données complètes qui permettraient de se
faire un jugement sérieux et solide. Ce sont des considérations
que je tiens absolument à soumettre.
J'avais bien des questions que j'aurais voulu adresser à la
délégation qui est à la table des témoins. Je
voudrais, avant de le faire, s'il me reste du temps et, s'il ne m'en reste pas
je m'en dispenserai dans l'espoir qu'il y aura peut-être un petit peu
plus de temps vers la fin de la soirée, je voudrais dire quelques mots
de ce qui a été dit à la fin de son intervention par le
président de la CEQ sur les deux propositions que le président de
la CEQ a faites.
Avant de le faire, je pense qu'on va essayer de résumer un petit
peu où on en était. M. le ministre des Finances disait
tantôt: Le président de la CEQ nous dit que c'est très
bien, que ce qu'ils ont perdu dans les régimes de retraite, il nous le
donne. Il dit: Il ne pouvait pas nous l'enlever de toute manière, il
nous le donne. Cela ne fait pas un gros changement. Il dit: Ce qu'on a
enlevé pendant les trois premiers mois de 1983, ils nous le donnent; on
l'avait de toute manière, la loi nous permettait de le leur enlever. Par
conséquent, ils ne nous donnent rien. On pourrait bien continuer comme
cela maintenant que vous avez le décret. Tout ce qu'ils vont
concéder après cela, vous allez dire: De toute manière,
cela ne veut rien dire, on l'avait déjà dans le décret.
Vous n'avez qu'à passer une loi 112 la semaine prochaine et là,
il ne restera plus rien nulle part. Je pense que c'est une manière de
raisonner qui n'est pas digne de celui que j'ai entendu tantôt.
Je vais plutôt citer à ce sujet le ministre de
l'Éducation. J'espère qu'il sera un petit peu plus loquace
à mesure que la soirée progressera parce que je croyais qu'on
discutait d'éducation et non pas... Je ne pensais pas que c'était
un débat sur les finances publiques mais un débat sur
l'éducation. Je vais citer ce qu'il nous disait à
l'Assemblée nationale le 15 février 1983. Il nous disait: En
fonction de la lecture que nous faisions de la crise économique, nous
avions fait des offres qui comportaient même des augmentations de
salaires. Mais les demandes qu'on nous opposaient faisaient apparaître
une différence, dans le seul secteur de l'éducation, de plus de 2
500 000 000 $. Si je comprends bien, c'est seulement au chapitre des salaires,
parce qu'après cela vous dites qu'ils vous demandaient encore un ajout
de près de 400 000 000 $ au chapitre des clauses normatives.
Contentons-nous du montant de 2 500 000 000 $. Vous disiez, le 15
février, que c'était la situation l'automne dernier, je pense
bien, n'est-ce-pas? L'automne dernier, disons au mois de septembre ou
d'octobre. Depuis ce temps, l'écart a été réduit,
d'après ce que nous disait le sous-ministre de l'Éducation hier,
à à peu près 350 000 000 $. Je pense qu'on est rendu... On
essayait d'identifier le montant. Je sais que c'est toujours
problématique et dangereux mais c'est une approximation qui facilite au
moins la discussion. On est rendu à 350 000 000 $. (21 h 45)
Prenons les chiffres "at face value" comme on dit, pour la valeur qu'ils
ont à première vue, quitte à les analyser plus tard.
Là, sont arrivés les 2 500 000 000 $ dont parlait le ministre de
l'Éducation; ils ont été enlevés au complet, si je
comprends bien, par le gouvernement. Ce montant a fondu et n'existe plus. Au
moment où nous nous parlons, le président de la CEQ a dit
tantôt qu'il n'avait pas de réclamations à
présenter, cela il faut le dire. Qui a fait la concession? Je pense bien
reconnaître que ce sont ceux dans la poche de qui l'argent a
été pris. Je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est le
gouvernement qui a fait des concessions de ce côté-là.
D'ailleurs, si vous regardez les échelles de salaires qu'avait
déposées le président du Conseil du trésor, avec le
projet de loi no 70 en juin dernier, ces échelles-là sont
restées telles quelles, si mes souvenirs sont bons. Ce qui veut dire
qu'il n'y a pas eu de négociation du tout pendant tout l'automne. Il y a
eu du tournage en rond, du patinage de fantaisie autour de la table de
négociation. Je n'ai jamais vu une négociation sérieuse
où tous les tableaux qui avaient été faits en
commençant sont les
mêmes. On négocie justement pour qu'il y ait un peu, je
vous l'ai déjà dit à plusieurs reprises, de mouvement
là-dedans; il n'y en a eu aucunement.
Alors, ce montant a fondu. Vous l'avez fait miroiter aux yeux de la
population et il a fondu. Mais ce n'est sûrement pas eux qui l'ont pris.
Le gouvernement est resté ferme de ce côté-là.
Disons qu'il peut se vanter d'être resté ferme. Si c'est cela qui
l'intéresse, c'est très bien.
Nous arrivons à un montant de 350 000 000 $ avant le cadre de
règlement du 9 février. Vous nous disiez hier qu'avec le cadre de
règlement du 9 février, vous enleviez une autre somme d'à
peu près 100 000 000 $, ce qui ramène l'écart à 250
000 000 $. Dans la perspective du gouvernement, je n'engage pas les syndicats
à approuver en quelque manière que ce soit cet écart, mais
j'essaie de comprendre. J'avais dit dès le discours que j'ai fait, au
tout début des travaux de la commission, que notre objectif principal,
à nous, serait d'essayer de cerner avec le plus de précision
possible les enjeux du litige, les questions qui séparent les parties.
Je me dis: On est rendu à 250 000 000 $. C'est un peu confirmé
parce que nous avons entendu de la part du président de la CEQ cet
après-midi, si on limite la discussion aux secteurs secondaire et
primaire.
M. le Président, je vais vous dire ce que j'ai compris.
J'écoutais attentivement ce qui a été dit cet
après-midi, à la fois par la délégation des
cégeps, qui s'est présentée devant nous avant celle de
l'enseignement primaire et secondaire, par la délégation de la
CEQ et de la PAPT et de la PACT. M. le ministre des Finances a pris la
proposition à la lettre. Il a dit: Vous nous demandez 120 000 000 $ par
année. Existe-t-il une âme qui soit assez basse pour dire non? Je
me présente.
Le ministre des Finances est un homme beaucoup plus intelligent que
cela, beaucoup plus fin et beaucoup plus accueillant dans ses bons moments. Je
lui dis que j'ai compris dans ce qui a été dit que c'est une
position de départ. Je ne veux pas me présenter comme votre
interprète, je vous laisse cela. Je comprends que les gens disent: Nous,
notre proposition de départ, on veut négocier en visant à
protéger nos conditions de travail qui existaient. Je pense que j'ai
entendu une expression à un moment donné: Nous voulons
négocier en prenant pour base le maintien de nos conditions de travail.
Je pense qu'il s'impose de vérifier ce que cela veut dire. Est-ce que
cela veut dire qu'ils vont s'accrocher à tous les articles des anciennes
conventions collectives qui sont de nature normative? Est-ce que cela veut dire
- je prends des exemples bien simples - qu'on va avoir une opposition
catégorique au concept de la présence de l'enseignant à
l'école pendant 27 heures? Est-ce que cela veut dire qu'on va avoir
à faire face à une opposition catégorique au concept de
l'intégration de la tâche éducative, moyennant des
garanties quant au fardeau d'enseignement qui pourrait être confié
à chaque enseignant, par exemple. Je n'ai pas compris cela. Je pense
qu'il y a une certaine marge que je voudrais indiquer au gouvernement, avant
qu'il se raidisse trop dans les positions doctrinaires.
Vous n'avez pas idée, mes chers amis, combien c'est arrivé
souvent que le gouvernement a fait des faux pas parce qu'il s'enfonçait
dans des positions doctrinaires. Cela ne donne rien. Je dis que si on est en
face d'un écart de cette nature pour les trois prochaines années
dans tout l'enseignement primaire et secondaire, 250 000 000 $... Le ministre
des Finances nous disait tantôt: 120 000 000 $ c'est 1% du budget.
D'habitude il compte mieux que cela. C'est vrai qu'il a fait des grosses
erreurs. Quand il y a trop de zéros des fois, il en oublie un. Mais 120
000 000 $ sur un budget de 23 000 000 000 $, si je compte bien, c'est la
moitié de 1%. Quand on vient nous rabattre les oreilles en nous disant:
Vous voulez qu'on vienne décider pour nous, les 52% du budget. Je vous
dis que cela n'est pas vrai. On est dans un ordre de grandeur différent.
Je ne veux pas en nier l'importance, pas du tout. Je veux vous faire comprendre
la dimension exacte du problème auquel nous faisons face. Je me dis que
c'est impossible conceptuellement et logiquement qu'un gouvernement soit si
assuré de ses positions jusque dans les détails d'un texte qui
comprend 186 pages, pour qu'il aille dire: Nous, sur toute la ligne, notre
position est arrêtée, on a écouté les conseils de M.
le sous-ministre no 1, de M. le sous-ministre no 2, de M. le sous-ministre no
3, de M. Smith, qui est allé faire un voyage - il n'est pas le seul
à être allé en Ontario; on a bien des relations
là-bas nous aussi - on a la vérité sur tout et on l'a
définie dans les décrets. On fait de petites concessions dans le
cadre de règlement - qui n'a même pas été
négocié, à ma connaissance - et on vous dit que cela finit
là.
Il me semble - le président me passe un message dont vous devinez
la teneur; il me laisse encore cinq minutes, c'est très bien - qu'il y a
quelque chose et c'est cela qu'il faut essayer de travailler. Je ne pense pas
que ce soit la place ce soir pour engager des négociations. Je ne veux
pas essayer d'utiliser la commission parlementaire en aucune manière
pour la faire dévier là-dedans, cela serait une très grave
erreur.
J'écoute ce qui a été dit et je me dis qu'il y a
quelquefois des messages qui passent. J'ai cru que le ministre des Finances
avait une attitude semblable cet après-midi quand il a adressé
certaines questions aux représentants des enseignants
de cégeps. J'ai cru qu'il avait une attitude d'ouverture et, sur
un point, appuyé d'ailleurs extérieurement par le
président du Conseil du trésor, il a semblé dire: Oui, il
y a un problème, il y aurait un redressement qu'on pourrait envisager.
Il y en a peut-être un certain nombre d'autres. On commence par des
petits et on peut en arriver à d'autres ensemble.
Je me dis: Si les enseignants acceptent la recherche d'ajustements
capables de donner une position plus concurrentielle, dans le bon sens du
terme, pas dans le sens de la subordination servile à l'entreprise
privée, mais dans le sens d'une position vigoureuse de la
société québécoise par rapport à ses
voisines d'Amérique du Nord. Si la CEQ est prête à
effectuer une recherche en partageant cette préoccupation, il me semble
qu'il y a des possibilités considérables que vous trouviez des
points de rapprochement qui pourraient aller dans le sens de certains
éléments qui étaient contenus dans le cadre de
règlement proposé le 9 février, peut-être aussi
ailleurs que là, parce que cela, c'est un document, c'est une
étape, c'est l'étape no 9. Il y aura peut-être une
étape no 10, c'est la commission parlementaire, peut-être une
étape no 11 la semaine prochaine, etc.
Je complète en disant que la deuxième proposition qui
demande que les négociations reprennent en présence d'une
personne qui puisse observer des choses, écouter, faire des observations
au besoin, ne présente aucune espèce de difficulté aux
yeux de l'Opposition. Vous savez que nous avons dit souvent que c'est une chose
que le gouvernement aurait dû accepter bien avant aujourd'hui. Nous
pensons que c'est encore possible et désirable. Il ne s'agit pas du tout
d'aller chercher une espèce de faux manitou qui vienne dire: C'est cela
l'affaire, c'est cela et pas autre chose. Je pense bien qu'il faut que le
gouvernement fasse confiance aux citoyens, qu'il fasse confiance à ses
députés et à ceux de l'Opposition pour dire que si une
espèce de faux manitou vient prétendre tout régler cela en
deux temps trois mouvements, cela ne tient pas debout. Le gouvernement n'est
pas tout seul là-dedans. Pourvu qu'il agisse avec limpidité et
transparence, je pense qu'il peut passer à travers cette étape de
manière convenable. Il est trop tôt pour tirer des conclusions,
mais je crois avoir saisi un message de cette nature dans les propos qui ont
été tenus. Cela va bien par-delà la lettre des
propositions qui ont été formulées cet après-midi
et c'est dans cet esprit que je veux les accueillir.
J'aurais seulement une question. Si on n'a pas le temps, M. le
Président, je comprendrai très bien. J'aurais aimé que les
représentants des centrales syndicales nous disent pourquoi ils ont
rejeté le cadre de règlement du 9 février, s'ils
trouvaient des éléments valables dans ce cadre ou s'ils n'en
trouvaient pas du tout, pourquoi ils l'ont rejeté et en quoi iis
considéraient que le cadre de règlement apportait peut-être
des améliorations par rapport à ce qui avait été
défini précédemment, c'est-à-dire dans le cadre de
règlement antérieur du 21 janvier et, surtout, évidemment,
dans les décrets.
Le Président (M. Jolivet): M. Bisaillon, en tenant compte
qu'il reste trois minutes...
M. Bisaillon (Robert): Trois minutes?
Le Président (M. Jolivet): ...au droit de parole du
député d'Argenteuil. Cependant, si jamais vous preniez un peu
plus de temps, je me verrais dans l'obligation d'en accorder davantage, en
équivalence, à celui de ma droite. M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Robert): Vous permettez que je vous pose une
question? Je ne suis pas familier...
Le Président (M. Jolivet): ...
M. Bisaillon (Robert): ...avec vos habitudes, mais hier soir il y
avait des ressources qui se faisaient poser des questions et elles
répondaient pas mal plus que pendant trois minutes.
Le Président (M. Jolivet): Ce que j'ai toujours fait,
c'est tenir compte du temps. Je pourrais vous donner les fiches de temps au
niveau de chacune des interventions et, en vertu du règlement, c'est 20
minutes par parti, questions et réponses. Quand je parle des deux
représentants qui sont l'un à ma gauche et l'autre à ma
droite, j'accorde le temps équivalent, mais ensuite tous les autres ont
été en valeur de 20 minutes. M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Robert): En tout cas tout le monde va comprendre
pourquoi vous allez être obligé de m'arrêter, je...
M. Ryan: Là-dessus, je pense que mes collègues vont
être d'accord avec moi, s'il a besoin d'une dizaine de minutes pour
répondre à cela sur l'ensemble du temps que vous nous accordez
d'ici minuit on vous le paiera.
Le Président (M. Jolivet): Je ne comprends pas ce que vous
me dites, je n'ai rien à me faire payer. J'ai simplement à faire
en sorte de rendre justice aux deux côtés de la table. M.
Bisaillon.
M. Bisaillon (Robert): Je me sens obligé de faire un petit
retour à l'intervention de M. Parizeau pour répondre à la
question du député d'Argenteuil. J'ai reçu ça comme
un
"splash" dans la vitrine, si vous permettez l'expression. Le ministre
des Finances est venu arroser, mais une fois que les gouttes descendent, la
vitrine n'est pas plus propre. J'aurais aimé qu'il reste pour
l'essuyage.
Je voudrais, sous quatre dimensions, entrer de plain-pied dans les
comparaisons qui sont faites de demi-faussetés. Il m'apparaît
important de comprendre la réponse qu'on va donner à la question
qu'il a posée, puis à celle du député
d'Argenteuil.
Lorsqu'il nous demande comment il se fait qu'on ne comprend pas qu'il
faille rendre notre tâche équivalente à celle des autres,
j'aimerais mettre en doute sérieusement les assises de comparaison qui
sont employées depuis hier, sous quatre dimensions. Je voudrais vous
dire entre autres que, ce soir, j'ai entendu de la part du gouvernement le
troisième "kit" de chiffres différents à propos des
effectifs enseignants au Québec. Il est tout à fait normal que
selon que c'est l'un ou l'autre qui coupe, si sa base de
référence n'est pas la même, on va couper plus ou
moins.
Mais auparavant, je voudrais vous citer l'auteur de l'étude sur
laquelle on se base, au gouvernement, pour parler du comparatif quant aux
coûts Ontario-Québec. M. Marius Demers disait justement dans son
étude qu'en raison des différences structurelles entre les
niveaux d'enseignement québécois et ontarien et des
données disponibles pour chacun, il est très difficile de
produire des comparaisons valables par niveau. Il s'est essayé quand
même. Mais il a dit cela en préalable, c'est un avertissement de
chercheur. Il ajoute à la page 26 de son dossier: II aurait
été souhaitable d'avoir une plus grande
désagrégation des dépenses, mais en raison des
différences structurelles dans les systèmes d'éducation et
des différences dans la comptabilisation des dépenses aux
états financiers, il devient impossible d'obtenir des comparaisons
valables entre certaines catégories de dépenses. Mais il s'est
essayé quand même.
On doit souligner que quand un chercheur met de tels avertissements
préalables à la recherche qu'il fait, ce n'est pas la
compétence du chercheur qu'on met en doute, c'est l'utilisation,
à certains égards, parfaitement démagogiques de ce
document. Je pense que ça prend un peu de rigueur si l'on veut essuyer
la vitrine.
Au Québec, on a fait le choix d'avoir la même norme partout
dans l'enseignement. Que ce soit à Blanc-Sablon, à Hull, à
Joliette ou à Rivière-du-Loup, on a une norme qui est la
même pour tout le monde. C'est un choix d'égalité, avec
lequel on est d'accord. C'est un choix de société qui est
important et dont il faut reconnaître aujourd'hui le coût. Et,
quand on le compare, il faut le comparer à des choses comparables. Ce
qui est une norme au
Québec, qui est la même pour tout le monde, peut-on la
comparer avec une moyenne abstraite en Ontario, comme le député
d'Argenteuil l'a très bien expliqué, où les conditions
d'enseignement varient d'une entité administrative à l'autre.
À titre d'illustration de la complexité de la
réalité scolaire ontarienne, ce qu'on peut vous signaler, c'est
que la rémunération des enseignants du secondaire de Toronto,
pourtant la grande métropole, se classe au 35e rang des 78 conseils
scolaires impliqués dans la négociation avec cette
catégorie d'enseignants. La moyenne ontarienne, ça comprend le
meilleur, ça comprend le pire et ça masque des
inégalités démocratiques; tandis que la norme
québécoise s'applique à tous les ensembles du
Québec. Je pense que déjà là, ça devrait
introduire un peu de rigueur dans les comparaisons.
Mais je voudrais revenir aussi sur une autre dimension qui me
paraît importante parce qu'hier on a...
Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas être
désagréable mais la question, j'essaie de la voir. Je sais que
vous avez droit à votre argumentation, je vous ai dit que vous avez peu
de temps à votre disposition, mais que j'étais prêt
à considérer le temps équivalent pour l'autre
côté à ma droite. Cependant, la question que j'ai cru
comprendre de la part du député d'Argenteuil, j'aimerais bien que
vous y répondiez le plus vite possible. (22 heures)
M. Ryan: M. le Président, me permettez-vous une
remarque?
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je vous ai dit tantôt, M. le Président, que
dans le bilan du temps que vous établirez d'ici minuit, s'il y a
quelques minutes de plus qui sont employées par le président de
la Commission des enseignantes et enseignants des commissions scolaires pour
répondre à la question que je lui ai posée, nous ferions
le sacrifice de ces minutes dans la partie du temps qui nous est
accordé.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Robert): C'est moi qui vous remercie. Je vous
disais donc qu'hier on a entendu des chiffres, cités par un
sous-ministre en particulier, sur les effectifs au Québec et la
comparaison diminution de clientèle étudiante par rapport
à l'effectif enseignant qui faisaient dire - et cela a d'ailleurs
été publié à pleine page dans les journaux - sur
une période de dix ans, que pour une diminution de la clientèle
étudiante de 29%, nous avions au Québec une
diminution de l'effectif enseignant de 2,9%. Pourtant, les sources
mêmes du MEQ, année par année, contiennent des chiffres
pour les effectifs enseignants qui diffèrent de ceux qui ont
été abordés par le sous-ministre hier. Même
tantôt, M. le ministre des Finances a encore donné des chiffres
différents des deux autres séries de chiffres données
hier.
Est-il possible qu'on dise au moins au gouvernement quels sont les vrais
chiffres du ministère de l'Éducation? J'aimerais demander
à M. Alan Lombard - cela sera très court - qu'il dise sur quoi se
sont basés les gens pour faire des comparaisons. On verra quelle
crédibilité on peut accorder finalement à ces chiffres,
qui ne viennent pas de nous, mais à partir desquels on décide de
couper tant ou tant d'effectifs.
Le Président (M. Jolivet): M. Lombard.
M. Lombard (Alan): Je prendrai seulement deux minutes, M. le
Président. Je vais citer seulement deux chiffres au départ. M.
Parizeau a parlé d'une augmentation d'effectifs, après l'entente
de 1976, de l'ordre de 6600. Hier soir, on a entendu le chiffre de 4600.
Pourtant, dans le document déposé, que je qualifierai de
"document A", on trouve un chiffre de 3678 et, l'année suivante, une
chute de 1605. Dans les statistiques du MEQ, dont nous avons copie ici, on
trouve une augmentation, pour l'année 1977 par rapport à
l'année 1976, de 3043 et, l'année d'après, une chute de
1182. Ce n'est qu'un petit exemple. On peut parler de toutes sortes de
chiffres, de toutes sortes de distorsions entre les chiffres
déposés hier soir, les chiffres publiés dans les documents
du MEQ, les chiffres qu'on nous fournit au cours d'une discussion à une
table de négociation - je peux en témoigner - ou encore ici.
Le Président (M. Jolivet): M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Robert): De la même façon, selon qu'on
prenne comme point de référence A et B, les années
1970-1971 par rapport à 1980-1981 ou les années 1971-1972 par
rapport à 1981-1982, on arrive à des différences de 2,9%
ou de 9,1%. Je veux seulement signaler que sur ce terrain, sans vouloir faire
la comptabilité du système d'éducation parce que
j'aimerais quand même que cela porte sur le fond, cela commence à
être gênant de voir sur quoi repose comme assise l'argumentation du
gouvernement, lorsqu'il décide de mettre tant ou tant d'enseignants en
disponibilité. Pour nous, c'est du monde qu'on met en
disponibilité, ce ne sont pas seulement des chiffres qu'on aligne.
Troisièmement, hier soir, on a - et cela a fait les manchettes
d'un journal du matin, c'est la responsabilité du journal en question -
fait des gorges chaudes autour de la différence de 652 $ entre le
Québec et l'Ontario. On a décomposé, hier, pour
l'année 1979-1980, en masse salariale 335 $, transport scolaire 90 $ et
service de la dette 183 $. En passant, je signale que cela donne 602 $ et non
pas 652 $. Il y manque un petit bout. Il serait intéressant de l'avoir.
Est-ce que je peux vous faire remarquer que les 335 $ incluent les enseignants
en disponibilité? Or, savez-vous que si on maintenait le nombre
d'effectifs actuels, dans trois ans, il n'y aurait plus d'enseignants en
disponibilité? Donc, si vous projetez les 335 $ dans trois ans, ce ne
sera plus 335 $. Entre-temps, le gouvernement n'aura pas non plus à
former des enseignants pour les années 1985, 1986, 1987, à cause
du bassin des enseignants disponibles, qui sont par ailleurs les plus jeunes.
Quel montant, l'aurons-nous un jour, dans cette différence
représente le coût de l'administration scolaire? Je pense que ce
sont des questions qu'on a le droit de poser. Cependant, on a dit que
c'était l'année la moins pire, qu'on était maintenant
rendu, en 1980-1981, à une différence de 782 $. J'ai cru bien
comprendre, hier, qu'on avait dit que la masse salariale, à
l'intérieur de cette différence, représentait 354 $.
Est-ce que je peux vous souligner que de 335 $ à 354 $ il n'y a rien
là? Mais de 608 $ à 782 $, il y a quelque chose là qui n'a
rien à voir avec la masse salariale. Je suis bien prêt à
faire des comparaisons pour répondre aux questions, mais j'aimerais
aussi qu'on me donne toutes les données.
Je voudrais terminer en vous disant qu'il faut regarder les deux
questions qui nous sont posées dans la perspective des années
1985 à 1990 et de la sortie de crise qu'auront à subir les
jeunes, au Québec. Si, parce qu'il y a une crise économique et, a
fortiori, parce qu'il y a une crise budgétaire, on détermine que,
pour les dix prochaines années, l'éducation est un luxe qu'il
faut couper, je veux juste souligner qu'il y a des gens qui vont en subir les
conséquences: ce sont les jeunes. Ce sont eux qui vont avoir à
prendre la relève après, mais regardons dans quel
état.
Personnellement, je pense qu'il faut regarder tout le contexte de ce
genre de discussions. Si on se met sur le terrain de la négociation, on
est prêt à l'avoir, mais on ne veut pas - et on l'a toujours dit -
se faire répondre sur le fond du dossier par des considérations
mathématiques qui reposent sur des chiffres qui ne sont même pas
exacts, si on consulte les données du ministère.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): M. le
Président, je voudrais d'abord donner mon
appréciation...
M. Ryan: ...
Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais en aucune
façon qu'on allonge le temps, M. le député d'Argenteuil.
Vous avez d'autres intervenants qui pourraient faire les correctifs qui
s'imposent.
M. le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): M. le Président, je voudrais
donner mon appréciation du mémoire qui a été
déposé devant les membres de la commission parlementaire par les
représentants de la CEQ. Cela m'amènera, par la suite, à
parler d'un problème qui a été un peu mis en
lumière hier, à tort ou à raison. Il s'agira, pour
l'ensemble des membres de la commission parlementaire et pour la population qui
nous regarde, de l'apprécier: c'est celui de la qualité de
l'information. Le document qui est devant nous, M. le Président, a au
moins le grand avantage de se référer à des textes
plutôt qu'à des appréciations vagues ou à des
slogans qui pourraient, bien sûr, retenir l'attention, mais qui
pourraient aussi risquer de nous éloigner de la
vérité.
Pour chacun des points, la CEQ a eu le même traitement,
c'est-à-dire qu'elle a pris ce qui a valeur de loi actuellement, ce qui
a valeur de convention collective actuellement, ce que le Parlement a
voté dernièrement, c'est-à-dire le contenu des
décrets de la loi no 105. La CEQ nous a présenté dans son
mémoire ce qui existe actuellement dans la convention collective de
1979-1982 et, comme elle défend le statu quo, donc, ce qu'elle
désirerait qu'on continue à appliquer.
M. le Président, est-ce que je peux la régler une fois
pour toutes, cette question-là, avec le whip? Chaque fois que
j'interviens, le whip vous éperonne pour savoir si j'ai vraiment le
droit de parler dans ce Parlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Sainte-Marie, vous avez la parole.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): C'est tannant, M. le
Président, chaque fois que je parle, le whip intervient.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
vous avez la parole.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): Chaque fois que je parle...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
vous avez la parole.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): ...c'est de la mesquinerie.
Le Président (M. Jolivet): Gardez-la, M. le
député.
M. Brassard: Ce n'est pas de la mesquinerie, M. le
Président. C'est tout simplement parce que je vous demandais si le
principe de l'alternance s'appliquait en commission parlementaire.
Le Président (M. Jolivet): Ce que j'ai répondu,
c'est qu'il y avait un premier tour de table et, après, l'alternance. M.
le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): M. le Président, sur cette
question de règlement que vient de soulever...
M. Brassard: Si l'alternance s'applique, il y a deux
députés de l'Opposition qui prennent la parole
successivement.
Le Président (M. Jolivet): M. le whip, s'il vous
plaît!
M. le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): M. le Président, je pense
qu'il est temps qu'on la règle, et c'est une question de
règlement, dans le fond, qu'a soulevée le whip. Je vais
répondre à cette question de règlement, si vous me le
permettez, M. le Président, ce qui ne sera pas compris dans le temps de
mon intervention.
Il est vrai que notre procédure prenait une alternance et que
l'alternance a toujours été interprétée par la
présidence dans le sens du pour et du contre: un pour, un contre; donc,
un ministériel et un de l'Opposition. Il est vrai aussi, M. le
Président, que, depuis un certain temps, je suis de l'Opposition.
Par ailleurs, nous sommes en commission parlementaire qui entend des
témoins. Est-ce qu'il s'agit de savoir si nous sommes pour ou contre les
témoins? Est-ce qu'écouter des témoins ou entendre des
représentations, cela veut dire qu'on est pour ou contre le
gouvernement, selon que les témoins sont du côté du
gouvernement ou contre le gouvernement? Il me semble que, dans le cas de la
commission parlementaire qui nous préoccupe, le genre d'alternance dont
parle le whip ne s'applique pas. Il ne s'agit pas, pour l'instant, d'être
pour ou contre quelqu'un ou pour ou contre un projet qui serait devant nous. Il
s'agit d'écouter des témoins et de réagir à ces
témoignages. C'est dans ce sens-là que je trouve que les
interventions du whip sont non seulement agaçantes, harassantes,
harcelantes, mais déplacées.
Je reprends mon intervention.
M. Brassard: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le whip.
M. Brassard: ...sur la question de règlement. Vous avez
soulevé une question de règlement, M. le député de
Sainte-Marie. L'alternance dont il est question ne s'applique pas au fond des
questions ou des sujets qui sont discutés. L'alternance va d'un
député ou un ministre appartenant au parti ministériel
à un député appartenant à l'Opposition. C'est le
député d'Argenteuil qui avait la parole tout à l'heure.
Vous l'avez accordée, M. le Président, au député de
Sainte-Marie. Cela veut dire qu'il y a deux députés de
l'Opposition qui parlent successivement. C'est tout ce que je voulais dire.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): Tout à l'heure, on lui
demandera de vérifier les décisions rendues par la
présidence sur le sens du mot alternance, selon ce que je viens
d'exprimer devant la commission parlementaire.
Je reprends donc mon intervention pour indiquer que le mémoire de
la CEQ nous présente, d'une part, ce qui fait la loi actuellement,
c'est-à-dire ce qui est contenu dans la loi 105 et, d'autre part, la
convention de 1979-1982. À partir des textes mêmes, donc du
contenu factuel, sans aucune interprétation de ce qu'il y a entre
1979-1982 et le décret, la CEQ essaie de nous démontrer les
conséquences de l'application du décret par rapport à
l'application du statu quo, c'est-à-dire de la convention de 1979-1982,
non seulement dans ce que cela représente en termes de conditions de
travail pour les enseignants, mais aussi en termes d'application et de
qualité de l'enseignement dans nos écoles.
Je pense que c'est l'avantage de ce document-là pour nous
parlementaires, si nous voulons aller un peu plus loin que le simple
débat de savoir, si oui ou non, nous allons gagner, parce que nous avons
déjà décidé. Dans ce sens-là, M. le
Président, je pense que, par rapport à ce qu'on a entendu
jusqu'à maintenant, c'est peut-être le mémoire qui est le
plus précieux. Il y a, à l'intérieur de ce
mémoire-là, des simulations de l'application du décret
quant au nombre de périodes d'enseignement, au nombre
d'élèves et au genre d'encadrement que cela permettrait si on
appliquait le décret. Je pense qu'il sera plus intéressant de
questionner la Fédération des commissions scolaires sur ces
simulations. Je m'abstiendrai donc de commenter et de poser des questions sur
les simulations qui ont été déposées pour la simple
raison que ces simulations viennent des partenaires du gouvernement, des
représentants de commissions scolaires. Je pense que c'est à eux
qu'on pourra demander de nous réexpliquer ce qui était contenu
dans ces simulations. Ce sont donc des documents qui sont à
l'intérieur du document de la CEQ, mais qui émanent, dans le
fond, des partenaires gouvernementaux. C'est donc à ceux-là qu'on
pourra poser ces questions.
Le ministre des Finances a dit qu'il était, comme tous les
ministres des Finances, bête et méchant. On peut convenir que le
ministre des Finances est bête et méchant, mais on aura au moins
le souci d'ajouter qu'on ne peut pas le taxer de malhonnêteté et
qu'on ne peut pas non plus le taxer de mesquinerie. J'ai vu sa réaction
à un des commentaires qui ont été apportés cet
après-midi par un des représentants des cégeps lorsqu'il
expliquait que, dans le décret des cégeps - le seul endroit
où on retrouve ce genre de clause, c'est dans le décret des
cégeps - la période est repoussée, autrement dit le droit
à l'acquisition de la permanence est avancé de trois mois. J'ai
vu le ministre des Finances poser la question immédiatement: Combien de
personnes cela représenterait-il? On nous a répondu: Environ 400.
Donc, 200 pour la moitié des syndicats et, en faisant une projection, on
peut penser que cela représente 400 enseignants au cégep, selon
ce qu'ils nous ont dit, mais c'est une approximation. (22 h 15)
On a mis dans le décret une clause -juste là - pour
soustraire environ 400 enseignants à une permanence qu'ils auraient eue
normalement, si on leur avait appliqué la même
échéance qu'à tous les autres. Est-ce que ce n'est pas
là une procédure mesquine? J'ai vu la réaction du ministre
des Finances et j'ai compris qu'il ne voulait pas se plier à ce genre de
procédé. La proposition qui a été mise devant nous
par la CEQ nous permettrait peut-être d'aller au-delà de ce qu'il
y a dans le décret et de sortir ces petites mesquineries qu'on retrouve
dans le décret, tout en analysant de surcroît la position qui nous
a été présentée sur le statu quo des conditions de
travail par les professeurs.
Hier soir - cela m'amènera à poser trois questions par la
suite aux représentants de la CEQ - il y a eu la présentation du
cadre de règlement. Si je le dis, c'est que je me suis engagé
à le faire aujourd'hui en commission parlementaire auprès de
citoyens qui m'en ont parlé et qui ont réagi sur cette
intervention d'hier soir. On a présenté, hier soir, le fait
qu'à l'élémentaire il n'y aurait aucune mise en
disponibilité et que, de surcroît, on ajouterait à
l'élémentaire 600 enseignants spécialistes. Cela a
été présenté par les sous-ministres qui sont venus
témoigner devant la commission, mais c'était déjà
inclus dans l'intervention du ministre qui avait déclaré, qu'il
était prêt dans le fond, finalement, à appliquer le cadre
de
règlement du 9 février. De là à penser pour
le public qui écoutait qu'ils avaient été trompés
dans l'information qu'ils avaient reçue, il n'y avait là qu'un
pont et, effectivement, ils l'ont franchi. Il y a des enseignants qui se sont
dits hier soir en écoutant: On ne nous avait pas dit cela comme cela. On
ne nous avait pas présenté cela comme quelque chose de sûr.
Il y a du public qui a dit: On a vu des annonces dans les journaux qui nous
disaient qu'ils étaient pour couper les spécialistes à
l'élémentaire. Donc la CEQ nous a trompés.
Aujourd'hui, on a eu - et je pense qu'on doit avoir
l'honnêteté de reconnaître au moins cela - un certain nombre
de mises au point à ce sujet. D'abord, il faudrait qu'on se rappelle
qu'après le cadre de règlement du 9 février il y a eu une
déclaration du ministre de l'Éducation, en Chambre, donc devant
le Parlement, au moment de son discours de deuxième lecture sur la loi
111, où il a clairement exprimé que, comme le cadre de
règlement avait été rejeté, il n'existait plus.
C'était au moment du vote de la loi 111. Tant et aussi longtemps que le
gouvernement dit: Voici un cadre de règlement; si vous ne l'acceptez
pas, il n'existe plus, à partir de ce moment, cela ne doit pas faire
partie de l'information qu'on véhicule.
J'ai donc demandé ce matin à la CEQ de me remettre - et
j'aurais pu le faire faire par le service de recherche de l'Assemblée
nationale - l'ensemble des messages publicitaires qui ont été
publiés dans les journaux depuis le début par la CEQ. Je les ai
ici; je pourrais les fournir à tous les parlementaires qui le
désireront. On voit qu'effectivement dans les messages publicitaires,
à deux endroits, il est question et il est dit que les
spécialistes à l'élémentaire disparaîtront.
Ces messages sont passés un, le 7 février et l'autre, le 9
février, donc avant le dépôt du cadre de règlement.
Il y a un autre message publicitaire - et c'est le seul autre endroit dans tous
les messages publicitaires où il en est question - qui est du 11
février, donc après le dépôt du cadre de
règlement. Le message du 11 février dit: "La CEQ propose qu'on
maintienne au primaire (...) et qu'on maintienne les spécialistes
à l'élémentaire." Mais il n'est pas dit: "On nous les
enlèvera." C'est dit: La CEQ propose qu'on maintienne cela. Cela est le
11 février, mais par la suite, il n'en est plus jamais question, sauf
qu'hier on a eu maintenant la, garantie que c'était toujours
présent.
Cela me ramène au document de l'Alliance de professeurs de
Montréal qui a été cité par un député
hier, mais partiellement, puisqu'il a donné seulement la première
partie où on disait: Si c'est le décret qui s'applique, il n'y a
pas de spécialistes à l'élémentaire. C'est
clairement expliqué de quelle façon et pourquoi il y aurait une
diminution d'enseignants à l'élémentaire. Mais on donne
l'autre option: par ailleurs, si le cadre de règlement revient, voici ce
que cela va donner. De l'autre côté, il y a l'évaluation et
l'interprétation, ce que, je pense, n'importe quelle organisation a le
droit, de faire.
Mettre en doute le genre d'information qui a été faite,
c'est être malhonnête et c'est vouloir faire une diversion par
rapport aux objectifs qu'on poursuit. Je pense qu'on se devait de faire cette
rectification.
Par ailleurs, je veux souligner une chose. Quand on parle de la
qualité de l'information, il faut toujours regarder ce qui est
donné comme information plutôt que ce qui est reçu. Si je
dis une phrase à 10 000 personnes, il est fort possible qu'il y en ait
peut-être une dizaine ou une quinzaine qui ne comprendront pas ce que
j'ai dit et qui répéteront l'information que j'ai donnée
de façon différente. Mais je ne suis pas responsable de la
mauvaise interprétation ou de l'application qui est faite d'une
information qui a été mal comprise.
De la même façon, les députés ne sont
sûrement pas responsables de l'information qu'ils peuvent donner, par
exemple, sur tous les décrets qu'ils ont votés au moment
où ils ont voté la loi 105. Je suis convaincu que tous les
députés de l'Assemblée nationale, après avoir
voté la loi 105, étaient tous capables, le lendemain matin, de se
présenter devant n'importe quelle assemblée et d'informer tous
les citoyens de l'ensemble du contenu de tous les décrets
qu'allègrement nous avions votés la veille. Il me semble que,
comme parlementaires, lorsqu'on se permet de voter 80 000 pages sans les lire,
on devrait au moins éviter de reprocher à quelqu'un de ne pas
avoir mis la virgule à la bonne place ou encore d'avoir
dépassé d'une journée un message publicitaire et surtout
éviter de souligner le fait que le message publicitaire avait
changé de forme et d'allure.
Un autre type d'information qui a été
véhiculé, y compris à l'Assemblée nationale, c'est
que, depuis qu'il y avait des négociations dans les secteurs public et
parapublic, jamais on n'avait été capable de s'entendre, toujours
cela avait débloqué sur des affrontements. Or, aujourd'hui dans
le mémoire de la CEQ, je trouve la phrase: là, cela m'a
forcé à y repenser; j'ai effectivement fait le tour et c'est
exactement cela - Sur cinq négociations, trois signatures. Donc, deux
endroits où, effectivement, il y a des décrets, mais trois
endroits où on signe des conventions collectives. Le ministre des
Finances, tout bête et méchant qu'il soit - mais on sait qu'il se
laisse emporter aussi par sa faconde et la façon agréable qu'il a
de raconter les choses - nous a dit à un moment donné:
Quand on négociait localement, les grèves chez les
enseignants duraient deux ou trois mois et, quand on négociait
localement en plus, ces pauvres petites commissions scolaires avaient les mains
liées, se sentaient brimées. J'espère qu'on posera la
question à la Fédération des commissions scolaires. Je
trouve que c'est un drôle de jugement qui a été
porté sur elles.
Je voudrais terminer en vous signalant, cependant, que ce n'est pas vrai
qu'il y a eu des grèves de deux ou trois mois. La plus longue chez les
enseignants, à ma connaissance, a été de cinq semaines.
C'était à l'Alliance des professeurs de Montréal. Il me
semble que cela a été la plus longue. Je tiens aussi à
dire au ministre des Finances que, lorsqu'il y a eu des conflits locaux qui ont
duré un certain temps, le Parlement est intervenu. C'étaient les
Vieilles-Forges, il n'y a pas longtemps. Il y a eu une loi spéciale du
Parlement pour une grève locale.
Je termine avec trois questions aux représentants de la CEQ.
Première question -je pense que le président Bisaillon a
essayé un peu d'y répondre tantôt - je voudrais avoir plus
de précisions et savoir jusqu'à quel point la CEQ avait des
données sur les 335 $ qu'on peut imputer aux enseignants quant aux
coûts additionnels. Je voudrais savoir aussi quels étaient les
pourcentages au niveau de la CEQ dans son ensemble. Il y a eu des
assemblées où les enseignants ont voté sur le contenu du
cadre de règlement. On dit dans votre mémoire que cela a
été refusé à 87%. J'aimerais savoir quel
était le pourcentage de présence des enseignants à ces
assemblées par rapport à l'ensemble des membres. Dernière
question... S'il vous plaît, répondez à ces deux questions
et je vous poserai la dernière tout de suite après, s'il reste du
temps.
Le Président (M. Jolivet): M. Bisaillon ou M. Charbonneau?
M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): Je viens de finir, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): C'est l'autre M. Bisaillon
M. Bisaillon (Robert): Les données sur les 335 $, je suis
obligé de vous dire qu'on ne les a pas, comme j'imagine vous ne les avez
pas, vous, non plus. On aimerait cela les avoir, à la condition que les
données soient les mêmes dans les différents documents.
Le Président (M. Jolivet): Sur l'autre partie de question,
je pense.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): M. le Président, je
crois....
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): Merci. J'ai trouvé la
troisième question que j'avais à poser. Dans votre
mémoire, vous indiquez qu'à un moment donné vous avez
proposé un élargissement de la sécurité d'emploi;
j'ai compris que vous étiez prêts à étendre le
territoire où cela devait se situer. Je sais qu'en 1972 il y avait une
clause qui s'appliquait à la sécurité d'emploi, qui
était une clause intersectorielle, c'est-à-dire où le
personnel de la fonction publique et parapublique qui était mis en
disponsibilité pouvait être utilisé de façon
intersectorielle, c'est-à-dire, par exemple, ou bien dans la fonction
publique, ou bien dans le secteur des affaires sociales. Cette clause n'existe
plus. Je voudrais savoir à quel moment elle est disparue et pourquoi
elle est disparue, parce que, l'élargissement, cela fait partie aussi de
l'utilisation des ressources humaines, et pour un gouvernement, il y a beaucoup
de fonds à aller chercher juste par l'utilisation totale des ressources
humaines. Avez-vous déjà envisagé l'élargissement
intersectoriel quant au personnel mis en disponibilité?
Le Président (M. Jolivet): M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Robert): Sur l'élargissement intersectoriel,
faut-il rappeler que, dans la mesure où on coupe dans tous les secteurs,
c'est assez difficile, quand on est en disponibilité, d'aller chercher
un poste qui n'existe plus ailleurs. Sauf que ce avec quoi on est d'accord
comme ouverture, ce sont des prêts de services qui permettent le lien
d'emploi avec la commission scolaire dans un certain rayon si, effectivement,
il y a un poste vacant qui ne peut pas être comblé à
l'intérieur de ce secteur-là.
M. Bisaillon (Sainte-Marie): J'ai compris que le prêt de
services dans votre mémoire s'appliquait uniquement aux commissions
scolaires. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Bisaillon (Robert): Oui, sauf que, durant l'application de la
présente convention collective - je suis un peu nostalgique - celle de
1979-1982, il y a eu des prêts de services dans différents
ministères. Cela a occasionné certains problèmes dans la
mesure où les droits n'étaient pas prévus dans les
conventions collectives. C'est le problème qu'on a avec toutes les
mesures dites de résorption qui, en elles-mêmes, permettaient
à des gens d'aller occuper des fonctions dans d'autres secteurs, sauf
qu'on ne donne aucune garantie quant aux droits des gens en vertu de leur
propre convention collective. C'est pour cela qu'on a toujours dit
qu'au-delà d'une liste de mesures, à laquelle, d'ailleurs, on
pourrait en ajouter dix ou douze, ce qui
est important, c'est la protection des droits des individus lorsqu'ils
vont occuper un poste ailleurs. Là-dessus, on a une
énumération seulement.
Le Président (M. Jolivet): M.
Charbonneau, pour la dernière partie.
M. Charbonneau (Yvon): Pour ce qui est de la question de la
participation à certains votes, si j'ai bien compris, le 11
février, nous avons organisé un scrutin parmi nos membres sur ce
qu'on appelle le réaménagement du cadre de règlement.
C'est un vote qui s'est pris dans les syndicats de la CEQ et aussi chez les
protestants et les anglo-catholiques. Le potentiel de la participation
était de 67 950 et 42 530 personnes ont participé au vote, ce qui
donne un pourcentage de 63% de participation. Au niveau du résultat, 87%
des personnes qui ont participé au vote se sont prononcées contre
le réaménagement en question.
Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour informer la commission de
la participation au vote concernant la poursuite de la grève
malgré la loi 111. Le 16 février, 47 463 personnes ont
participé au vote sur un potentiel, cette fois-là, de 66 433, ce
qui fait une participation de 71%, et 64,5% de ceux qui ont participé au
vote ont exprimé leur intention de poursuivre la grève
malgré la loi 111. Sur ces deux votes, avec participation dans un cas
à 63% et dans l'autre à 73%, j'ai entendu certaines personnes,
telles que le chef du gouvernement, dire que la participation n'était
pas forte dans nos assemblées, que ce n'était pas suffisant. Je
vais vous donner un troisième exemple: le 20 février, quand nous
avons pris un vote sur la trêve, il y a 28 000 personnes sur 56 000 qui
se sont présentées dans les salles, ce qui fait un pourcentage de
participation de 51%. La trêve a été acceptée
à 85%. Je n'ai entendu aucun commentaire de la part du premier ministre
sur le niveau de participation à ce vote. Alors, selon que le
résultat plaît ou déplaît à la partie
gouvernementale, il s'arroge la possibilité de faire des commentaires
sur le niveau de participation. Or, nous avons eu d'excellents niveaux de
participation sur les votes les plus cruciaux. (22 h 30)
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre
délégué à la Réforme administrative et
président du Conseil du trésor.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je ne
contesterai pas la légitimité et la validité des mandats
que le président de la CEQ a pu obtenir de ses membres, mais j'essaierai
d'ouvrir un certain horizon parce que, depuis deux jours, nous discutons
souvent de clauses très techniques dans le domaine de l'éducation
où peut-être seuls des spécialistes peuvent s'y retrouver.
Beaucoup de nos concitoyens doivent parfois s'interroger, justement, sur un
système d'éducation fait pour des enfants et que, finalement,
relativement peu de gens arrivent à comprendre et à
maîtriser.
Je pense que, à plusieurs reprises, on a invoqué la
question du cadre financier qui bloquait un règlement. Je dois dire que
ce cadre financier est autre chose qu'une arithmétique de chiffres, ce
sont également des réalités humaines. J'aimerais
peut-être ouvrir le débat à ce niveau, parce qu'il
m'apparaît aussi fondamental.
Ce qui m'a frappé dans cette ronde de négociations - si on
veut l'appeler ainsi -c'est qu'il n'a été à peu
près pas possible de discuter de faits, de réalités, de
changements de mentalités qui étaient peut-être
nécessaires à cause d'une crise réelle qui nous touchait.
On n'a pas pu aborder cette question. Lorsqu'on se pique d'effectuer une
étude de salaires pour essayer de mesurer quel niveau de
rémunération nous offrons à nos employés
comparé avec ce qui peut s'offrir ailleurs de comparable,
immédiatement on est taxé de mépris, que cela
équivaut à accuser les employés du secteur public
d'exploitation. Ou encore, s'il s'agit de comparer des tâches, alors
là, de nouveau, évidemment, première accusation: on accuse
les employés du secteur public de ne pas travailler. La simple
volonté de connaître la réalité, ce que cela
coûte à nos concitoyens est automatiquement taxée d'une
façon ou de l'autre. On trouve le moyen d'y ajouter à peu
près n'importe quel qualificatif et, à un moment donné, il
n'y a plus aucun lien entre ce qui a été dit publiquement et ce
qui est repris dans une propagande, normale sans doute, dans une ronde de
négociations.
Ce qu'on vit dans notre société, j'ai peut-être eu
la chance de le vivre il y a une semaine quand j'ai eu le plaisir de recevoir
une délégation d'enseignants de la CEQ, chaleureuse, un peu
bruyante disons, mais correcte, qui s'est retrouvée dans mon bureau en
compagnie, hélas! d'une soixantaine de travailleurs en chômage
dont l'usine est fermée et qui venaient demander une subvention
spéciale du gouvernement pour la rouvrir. Parce que, quand cela fait un
an et demi, il n'y a plus de chômage, il n'y a que l'aide sociale; quand
vous avez une "débardeuse", des camions sur lesquels vous avez des
paiements, c'est votre gagne-pain qui est menacé. On a eu droit à
une confrontation intéressante de ce qu'est la crise au Québec.
Je dois vous avouer qu'il y a des gens qui étaient dans mon bureau qui
trouvaient que les 30 minutes d'enseignement de plus par jour... Il y a quelque
chose qui ne passait pas, ils ne comprenaient pas. Eux, c'était leur
gagne-pain, c'était leur famille. Il y a eu quelques échanges
intéressants.
Quand on nous parle d'un cadre financier qui bloque un règlement,
qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire 100 000 travailleurs, cette
année, qui se retrouvent à l'aide sociale. C'est cela, un cadre
financier; ce n'est pas autre chose. Cela veut dire que l'aide sociale, en
trois ans, nous coûte 600 000 000 $ de plus. C'est cela, un cadre
financier; ce n'est pas autre chose. Ce sont des travailleurs et des
travailleuses qui ont épuisé leur assurance-chômage et qui
n'ont pas d'autre ressource que l'aide sociale pour survivre et permettre
à leur famille de survivre. On ne l'a jamais abordé sous cet
angle. Ce sont aussi des jeunes sans travail qui retournent à
l'école. On nous a souligné à quel point la
clientèle croissait à l'école et les étudiants
demandent des bourses. Quand on parle d'un cadre financier, ce sont les jeunes,
mais ce sont aussi 88 000 000 $ de plus en trois ans pour le programme de
prêts et bourses. C'est cela, un cadre financier. C'est un ensemble de
chiffres qui cache une réalité. Cette réalité, on
l'oublie. On ne se rend pas compte que gouverner, c'est décider
où l'on va mettre l'argent qui est disponible, rien d'autre. Cette
question de fonds n'a jamais été abordée.
La société québécoise est une
société qui paye déjà plus d'impôt
qu'ailleurs. Nous sommes une province à l'intérieur d'un
système économique où le capital est mobile, où les
entreprises sont mobiles, où les cadres sont mobiles. Vous ne pouvez pas
avoir une différence de taxation à ce point élevée
qu'éventuellement les gens doivent quitter. On le sait à quel
point les gens peuvent être mobiles. D'ailleurs, on vient d'avoir des
chiffres de Statistique Canada cette semaine, nous parlant du départ des
anglophones, à titre d'exemple. On sait ce que veut dire une
mobilité.
C'est donc une société qui paye trop d'impôt, mais
aussi, quand une crise économique comme celle-ci nous frappe, ça
veut dire aussi des gens qui ne paient plus d'impôt, ça veut dire
un déficit plus élevé pour maintenir les services
existants. Un déficit plus élevé, ça veut dire, par
exemple, en trois ans, un service de la dette qui augmente de 1 300 000 000 $;
pour ça, on n'a rien eu à faire. Il ne s'agit pas du
développement de nouvelles activités, non, pas du tout. Il
s'agit, tout simplement, de la facture qu'envoie la société
québécoise lors d'une crise économique. Quand on aborde ce
sujet, on s'empresse de changer de propos parce que ça fatigue.
Derrière un cadre financier qui bloque un règlement, il y a du
monde mal pris; il faudrait peut-être se le rappeler, parce que les choix
que l'on fait vont avoir un impact sur des gens à côté.
C'est faux de penser qu'en ajoutant 120 000 000 $ à une place on
ne devra pas les prendre ailleurs. Il y aura nécessairement un impact
ailleurs. Cet après-midi, avec son jeu de blocs, le président de
la CEQ a voulu exprimer ce qu'il allait perdre. C'est vrai que nous demandons
beaucoup aux employés de l'État, on ne pourra jamais le cacher.
Mais la vraie question qu'il faut aussi poser, comme elle est réelle:
Est-ce que la société québécoise demande plus
à ses employés que ce qu'elle est obligée d'encaisser
elle-même? C'est une bonne question à poser. Elle est pertinente
aussi. La réponse à cette question est peut-être la clef du
conflit qui nous oppose.
On nous a parlé du régime de retraite à
l'intérieur duquel on a sabré et qui nous a permis d'aller
chercher 1 000 000 000 $ dans les coffres des membres de la CEQ. En
dépit de cette coupure sombre dont on a parlé, on s'imaginerait
que le coût des régimes de retraite a dû baisser. Mais non.
L'année dernière, en dépit de la loi 68, il y a eu
accroissement de 8,5% des coûts. Vous allez me dire: Parce que la
politique ne s'est pas appliquée sur toute l'année. Cette
année, dans la préparation du budget, le coût des
régimes de retraite va augmenter de 14%. Il n'y a pas de diminution du
coût. J'admets que ça n'augmentera pas au rythme de 24% et de 27%.
Mais si l'on n'a pas les moyens de les payer les 27%: Cela aussi, c'est une
réalité. Peut-être qu'on devrait se poser la question.
C'est vrai que ce que nous demandons aux employés de
l'État est important. Ce qui leur reste n'est pas, non plus,
négligeable. On parlait d'une perte de 1 000 000 000 $ de salaires. On
est tous obnubilés par la loi 70 qui a appliqué une
récupération de 20% pendant trois mois sur les salaires des
employés du secteur public. Soulignons en passant, d'ailleurs, que, pour
les plus petits salariés, ça n'a pas été le
cas.
Une autre réalité aussi - ce n'est pas déformer les
chiffres - consiste à regarder quel était le salaire gagné
par les employés du secteur public pendant toute l'année qui a
précédé le 30 juin 1982. Pendant toute une année,
ils ont eu le même salaire. Si je regarde quel est le salaire moyen, le
revenu moyen qu'ils gagneront du 30 juin 1982 au 30 juin 1983, après
être passés par les lois 70, 105, et autres, est-ce qu'il y a une
baisse? Ah, non! Il y a 6% de coûts salariaux supplémentaires. Les
employés du secteur public vont coûter plus cher à la
collectivité que ce qu'ils coûtaient l'année
dernière, en dépit de toutes les lois 70 qu'on voudra
invoquer.
Évidemment, je comprends que, par rapport à ce que l'on
attendait, il y a une baisse. Bien oui! Mais, par rapport à nos
expectatives à tous, il a fallu reculer. Ce n'est pas différent
pour eux que pour le reste de la société. C'est une question
qu'il faut se poser. On ne se la pose pas assez. On oublie ce qu'on a
exigé de nos cadres qui, eux, sont complètement gelés. Il
y a
même des cadres à l'éducation qui se plaignent de
baisser de salaire. Réellement: Ils sont probablement les seuls au
Québec. Je pense qu'il ne faudrait pas oublier une chose, quand on parle
de cette augmentation réelle de 6%, car l'augmentation du coût de
la masse salariale est de 6%. Eh bien, par rapport à une inflation de
9%, c'est vrai que c'est moins que l'inflation. Je ne le nie pas. Mais je tiens
compte aussi qu'en 1980-1981 il y avait 12,5% d'augmentation et qu'en 1981-1982
il y avait 16,8% d'augmentation. Je tiens compte aussi que les employés
du secteur public étaient mieux rémunérés que ceux
du secteur privé à tâche comparable. Je tiens compte de
cela aussi en prenant la décision.
On a eu une longue discussion sur les salaires. La CEQ nous a
distribué un tableau sur les salaires. Malheureusement, nous n'avions
pas de dates comme telles et de méthode de comparaison. Alors, j'ai fait
distribuer un autre tableau qui va vous donner sensiblement la même
conclusion. De fait, le sous-ministre du ministère de
l'Éducation, hier, a bien souligné que toutes les études
que nous avions indiquaient qu'en ce moment sans doute, si on prenait une
catégorie bien payée, soit la catégorie supérieure,
comme échelle salariale, avec 16 ou 17 années de
scolarité, effectivement, oui, il y avait à peu près une
différence de 1000 $, 1500 $, entre les enseignants du Québec et
ceux de l'Ontario, que ceux de l'Ontario étaient mieux payés. On
n'a pas nié cela. On l'a dit.
Tantôt, on a tenté de détruire la
crédibilité d'une étude parce que l'auteur avait eu
l'honnêteté de dire que, faire une étude par niveaux
était difficile. C'est la raison pour laquelle l'auteur n'a pas
distingué entre l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire. On
sait à quel point ces deux niveaux sont reliés entre eux et qu'il
est très difficile de les séparer. Il l'a dit. M. Bisaillon a
utilisé cet argument pour tenter de jeter le discrédit sur
l'étude de manière à ne pas avoir à vivre avec une
réalité. Il aurait pu être plus utile de s'asseoir ' et de
regarder les chiffres ensemble, de faire la réflexion. Si les chiffres
avaient été non fondés, on l'aurait su. Non! On a
préféré se braquer, ne pas vouloir prendre de chance que
l'étude aille contre ses intérêts et, par
conséquent, on préfère aujourd'hui, alors que cette
étude est publique depuis longtemps, tenter de la
discréditer.
La réalité de cette étude nous dit qu'il y a
effectivement un écart. Sur 652 $, il y a 335 $ associés au
salaire des enseignants. On a invoqué tantôt que le sous-ministre
du ministère de l'Éducation n'avait pas, dans les totaux qu'il
avait donnés, permis de comptabiliser le total de 652 $. C'est vrai. Il
a donné les principaux postes. Il n'a pas donné les autres
postes. Mais, comme l'étude est publique, vous l'avez. Vous avez les
principaux postes. Vous savez très bien que le total donne bien 652 $,
sauf que, par vos petites phrases tendant à discréditer une
étude, vous jetez le doute dans l'esprit des gens. Et vous vous posez la
question: Pourquoi cela monte à 782 $?
Essentiellement à cause du coût de la
sécurité d'emploi nettement plus élevé en 1980-1981
et que l'on comptabilise séparément des salaires des enseignants.
C'est ce qui explique en bonne partie la croissance des coûts.
Eh bien, si les salaire des enseignants au Québec sont
inférieurs à ceux de l'Ontario et qu'on trouve que la masse
salariale par enfant à l'école nous coûte 400 $ plus cher
ou 350 $ plus cher, il doit bien y avoir une raison. Si les salaires sont
inférieurs et que la masse salariale coûte plus cher, c'est sans
doute qu'on a plus d'enseignants pour faire le même travail et que le
problème de comparaison entre notre système d'éducation et
celui de l'Ontario est essentiellement un problème de tâche.
Lorsque le président de la CEQ nous dit, bien
généreusement: Oubliez cet écart qui existe entre le
système ontarien et le système québécois, mettez
les petits 475 000 000 $ dans la balance, essentiellement, ce qu'il nous dit,
c'est: Maintenez un système d'éducation qui, toute comparaison
faite, est plus coûteux qu'un système comparable en Ontario pour
éduquer les jeunes Ontariens. C'est vrai qu'on demande un effort aux
enseignants, mais les enseignants ne sont pas plus mal traités. (22 h
45)
J'ai un tableau que je voulais laisser également à
l'intention de cette commission - j'ai dû le perdre quelque part, le
voilà -un tableau où j'ai fait l'historique des compressions sur
1981, 1982 et 1983 pour bien montrer que tout le monde au Québec avait
fait un effort dans tous les secteurs. Dans le réseau des affaires
sociales, c'est vrai que ce que nous exigeons en 1983-1984 est beaucoup plus
faible, autour de 0,5% de compression du budget - c'est peu, ce sera encore
moins dans les années futures - pour un total d'à peu près
8%.
Si j'examine ce qui a été demandé à
l'éducation, je me rends compte que, si je ne devais pas appliquer de
compressions en 1983-1984, si je devais dire oui à la demande de la CEQ,
l'effort de compression serait essentiellement de 3,7%, alors qu'on a
demandé 8% dans le réseau des affaires sociales - les 8% ont
été livrés - que dans les ministères, les
compressions ont atteint 12,5% depuis trois ans et qu'elles vont continuer.
C'est la seule solution à un problème où les revenus de
nos concitoyens ne leur permettent pas de supporter des hausses
d'impôt.
Sans ces compressions qui ont représenté 1 500 000 000 $
au cours des deux dernières années, auxquels on ajoute 500 000
000 $ en salaires avec la loi no 70 et autres, auxquels on ajoute les
augmentations d'impôt de 1 000 000 000 $ n'avaient pas été
faites, le déficit du Québec serait à 6 000 000 000 $.
C'est cela, la réalité. Et dois-je vous souligner que le service
de la dette, en trois ans, a augmenté de presque 1 300 000 000 $ et que
reporter à plus tard la nécessité absolue de ramener les
dépenses en ligne, c'est tout simplement encaisser un déficit
additionnel qui se traduit par un service de la dette additionnel qui exerce
encore plus de pressions sur l'ensemble des dépenses et qui oblige
encore à plus de compressions.
Nous avons des priorités comme société. Je vais
vous en citer quelques-unes. On citait récemment dans les journaux:
Remarquable performance de création d'emplois dans le secteur agricole
qui est un des seuls secteurs à bien traverser la crise actuellement.
C'est vrai. Il y a un ensemble de politiques qui ont fait en sorte qu'on a
accru l'autosuffisance dans le domaine alimentaire au Québec pour
atteindre 60%. Il faut aller à 70% maintenant. Il faut injecter de
l'argent là-dedans. On sait aussi que l'activité minière,
qui contribue en très bonne partie à notre niveau de vie
grâce à l'exportation de métaux raffinés, ne
découvre pas de gisements au rythme où elle exploite les
gisements actuels. Par conséquent, nous nous dirigeons rapidement vers
l'extinction de cette industrie. Lorsque cette industrie sera disparue, il n'y
aura pas cette ressource pour assurer le type de salaire ou le type de
conditions de travail qu'on voudrait avoir dans le secteur public. Il y a de
l'argent à mettre dans le domaine de l'exploration.
Je pourrais vous parler de la modernisation de notre industrie.
Tantôt, on parlait d'un coût de 750 $ de plus par étudiant
au Québec. Pour 1 000 000 d'enfants, cela fait 750 000 000 $. 750 000
000 $ c'est 75 centres industriels comme le Centre de recherche industrielle du
Québec. Si nous avions ces 75 centres de recherche depuis 10 ans,
aurait-on le même indice de chômage actuellement? Est-ce qu'on
aurait la même situation économique? Voilà des choix
politiques que nous avons à prendre. II y a aussi un effort majeur
à entreprendre pour les jeunes. C'est réel. Des programmes de
soutien d'emploi, des programmes de retour à l'école, il y a de
l'argent à mettre là. Toute la marge de manoeuvre que je viens de
vous décrire, c'est ce que nous demande la CEQ. 120 000 000 $ par
année, c'est cela la marge de manoeuvre. Essentiellement, ce qu'on nous
dit c'est: Donnez-le-nous, ils n'en ont pas besoin. C'est cela qu'on a de la
difficulté à accepter.
Ce soir, vous nous dites: Nous acceptons votre politique salariale.
Après quatre lois, comme le dit le député d'Argenteuil,
68, 70, 105 et 111. C'est après dix mois de débats douloureux. Ce
matin, on nous a expliqué pourquoi depuis sept mois on n'avait pas pu
négocier en nous disant que, dans les conditions, ils ne pouvaient pas
aller chercher de mandat. On n'a pas pu réfléchir aux questions
de qualité d'éducation auxquelles on aurait peut-être
dû penser et desquelles on aurait peut-être dû discuter
pendant ces sept mois. Aujourd'hui, on nous propose de reprendre la
négociation. Je n'ai pas d'objection. Au contraire. Je regarde le
passé et, à plusieurs reprises - peut-être parce qu'on se
sent un peu mal à l'aise - on a tenu à insister sur le fait qu'on
avait signé des conventions. Oui, c'est vrai, on a signé des
conventions. En 1968, il y a eu trois semaines de grève. Il y a eu une
loi. Au printemps 1971, il y a une grève illégale qui a
été réglée trois ans plus tard. En 1971, il y a la
loi 46, il y a la loi 19, il y a la loi 53 et un décret. Je pourrais
également parler de la négociation de 1966, de la
négociation de 1975, et de 1971 où, chaque fois, il y a une
grève de dix jours, douze jours, grève rotative, une qui a
durée 11 jours, en 1979. Il n'y a pas une négociation qui a
été possible avec la CEQ sans trouver le moyen d'imposer aux
enfants du Québec une grève d'une semaine, deux semaines, trois
semaines, chaque fois, quel que soit le gouvernement, quel que soit le parti
politique. La question que je vous poserais, ce serait uniquement
celle-là: est-ce qu'il est possible, dans l'avenir, de changer quelque
chose à cela?
Le Président (M. Jolivet): M.
Charbonneau, en tenant compte que j'applique les dix minutes
additionnelles.
M. Charbonneau (Yvon): Je crois que le ministre, président
du Conseil du trésor, vient de donner en condensé une idée
de sa performance depuis quelques mois, un peu plus d'un an en fait, que dure
l'ensemble de ces débats. Est-ce qu'il est possible de changer quelque
chose à cela? Et là, on joue dans les dates: 1971, il y avait une
négociation qui s'est terminée à la fin de 1972;
c'était le conflit de la classification. Si vous voulez qu'on en parle,
on en parlera. Ce n'est pas une ronde de négociations du tout, c'est une
manoeuvre de déclassification des enseignants qui a eu lieu à ce
moment, contre laquelle il y a eu une résistance qui s'est
organisée. Ce n'est pas une ronde de négociations, c'est une
attaque qu'il y a eu de la part de ceux qui étaient à la gouverne
et puis qui consistait à baisser les enseignants dans leur
classification établie selon leur scolarité, en vue
d'établir un autre
système. Cela a causé des problèmes. C'est tout
simplement un acte de résistance de la part d'un groupe d'enseignants
qui se sentaient lésés, mais qui l'étaient aussi face
à des mesures qui surgissaient tout à coup comme cela entre deux
négociations justement. On pourrait continuer à rectifier comme
cela la lecture de l'histoire que fait rapidement ici le ministre. Grève
de 1968... Remontez en 1950, cela en fera encore plus. Qu'est-ce que c'est
cette histoire?
Changer de mentalité - on me pose cette question - est-ce qu'il
sera possible d'évoluer et de trouver autre chose? J'entendais ce
ministre et un autre ministre dire: Avec la CEQ, on ne peut jamais rien
régler. Quand on leur en donne un petit peu, cela ne va pas et quand on
leur en enlève, ils ne sont pas d'accord non plus. Mais qu'est-ce qui se
passe cette fois? Si on veut parler des affaires pour le vrai, on parlera de
cette fois-ci et cette fois-ci, cela s'adonne qu'on leur en enlève
beaucoup, qu'on leur en demande beaucoup. Est-ce qu'il faudrait être
d'accord cette fois-ci sans discuter? Est-ce qu'il faudrait être d'accord
sur absolument tout ce qui est demandé? Une fois qu'on est d'accord sur
les plus gros morceaux, comme je l'ai démontré à l'aide
des "Bérubik", cet après-midi, est-ce qu'il faut être
d'accord sur les moindres détails des volontés
gouvernementales-patronales, sur les moindres détails? Même quand
cela ne coûte rien? On est en mesure de faire la démonstration
qu'une foule de droits qui sont récupérés où il n'y
a même pas d'argent là-dedans. Est-ce qu'il faut être
d'accord avec tout cela aussi?
On pense que c'est un peu déraisonnable de vouloir absolument
toujours avoir raison sur tout. Je me rappelle ici un jugement que portait un
éditorialiste du Devoir, le 26 novembre dernier, et je cite: "En
demandant tout, tout de suite, le gouvernement se place évidemment dans
la logique de l'imposition finale du décret." 2 décembre,
même éditorialiste: "Le gouvernement se trouve donc enfermé
dans sa stratégie. Il peut s'empresser de promulguer un décret -
c'était après la rupture des négociations de la part du
gouvernement - mais il aura de la difficulté à expliquer
l'urgence. Le courage semble se confondre avec l'appétit à
Québec." On pourrait trouver beaucoup de témoignages d'analystes
de l'extérieur du mouvement syndical qui ont un peu le même
sentiment que nous. On dit: Pouvons-nous changer de mentalité? Une
mentalité comme celle que révèle l'intervention que nous
avons entendue et qui consiste à chercher à opposer les
catégories dans la société?
J'ai reçu dans mon bureau des chômeurs et des enseignants
et il y a eu une discussion entre eux. Quelle était la conclusion de la
discussion? J'aimerais bien cela le savoir. Quelle est la conclusion des
regroupements de chômeurs quand ils regardent ce qui se passe aujourd'hui
dans la lutte que nous menons? Je peux vous en donner une idée. Je peux
vous donner une idée aussi de ce que pensent les regroupements
d'assistés sociaux, justement, de la lutte que nous menons actuellement.
Le 25 janvier, le front commun des assistés sociaux donne une
conférence de presse. Selon lui, la devise du PQ, c'est: "Diviser pour
mieux régner, pour mieux couper." "Les assistés sociaux refusent
d'être utilisés pour justifier les coupures dans le secteur public
et parapublic. Le front commun des assistés sociaux du Québec
trouve important de rappeler à la population que le gouvernement se sert
aussi des assistés sociaux pour renflouer ses coffres." J'ai une analyse
de deux pages ici qui conclut en disant que "la lutte qui est menée
actuellement dans le secteur public, c'est une lutte qui est indispensable pour
eux qui sont des assistés sociaux."
J'ai un témoignage ici qui arrive du regroupement des
chômeuses et chômeurs du Québec. En date du 16 janvier, ils
ont adopté une résolution: "Le regroupement des chômeuses
et chômeurs affirme son appui à la présente lutte de la
CEQ. Cet appui se base sur notre droit à une éducation gratuite
et de qualité, droit de plus en plus bafoué par les coupures du
gouvernement, alors que la conjoncture économique commande un plus grand
accès à l'éducation, entre autres, pour faciliter le
recyclage des sans-emploi. Par ses luttes passées - je continue le
message -la CEQ a démontré sa préoccupation
d'améliorer les services éducatifs dans leur qualité, dans
leur démocratisation et dans leur contenu. "Cet appui veut aussi
souligner la nécessité pour les syndiqués du secteur
public de récupérer leur droit de négocier des conditions
de travail respectables et de maintenir les emplois, condition indispensable
à l'accès à un enseignement de qualité. Notre appui
se fonde aussi et surtout sur notre conscience que la crise actuelle ne doit
pas se régler sur le dos des travailleuses et des travailleurs
syndiqués, qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé,
et que c'est uniquement par la solidarité entre les travailleuses et les
travailleurs, syndiqués ou non, avec ou sans emploi, que nos solutions
communes finiront un jour par être réalisées."
Cela, ce sont des organisations qui représentent les gens que
vous avez rencontrés dans votre bureau. Elles les représentent
et, quand ils se parlent au sein des organisations qui les concernent,
chômeurs, assistés sociaux, c'est à ce genre de conclusions
qu'ils arrivent.
Je pourrais vous citer aussi un message qui nous arrive, en date du 26
janvier, du
Conseil du sommet populaire de Montréal, qui regroupe 62
organisations populaires dont le but est de défendre les conditions de
vie et les droits populaires, et qui disent leur appui à la lutte qui
est menée actuellement par le front commun, à l'époque, du
secteur public et qui disent aussi leur dénonciation de certaines
mesures gouvernementales et des tentatives d'exploiter et de diviser les
catégories sociales. (23 heures)
Je pense que ce sont des organisations responsables composées de
citoyens et de citoyennes respectables, qui arrivent à d'autres
conclusions, qui ont une autre mentalité que celle du ministre, des gens
qui ont droit à leur point de vue aussi. Je crois que changer de
mentalité, cela ne veut surtout pas dire adopter la mentalité que
nous suggérerait le ministre ou le président du Conseil du
trésor, qui consiste à diviser, à opposer, à
antagoniser les rapports sociaux. Je pourrais citer encore d'autres textes. On
a parlé de l'Ontario. Il y a plusieurs volets à l'intervention du
ministre.
Je reçois une lettre - on parle souvent des enseignants en
Ontario - des employés de la fonction publique de l'Ontario qui regroupe
des enseignants en partie dans les collèges communautaires ontariens.
Ils nous écrivent ici une lettre datée du 14 février: "Les
enseignants des collèges communautaires ontariens, membres de notre
syndicat, viennent de se voir imposer des augmentations maximales permises en
vertu du programme de contrôle ontarien soit - ce n'est pas une piscine -
9% pour la période du 1er septembre 1982 au 31 août 1983, et 5%
pour l'année suivante, sans amélioration des clauses normatives".
Ils continuent en disant: "Ce règlement imposé, même s'il
est inadéquat aux yeux de nos membres, semble généreux en
comparaison des coupures auxquelles vos membres sont astreints".
Si on veut faire des comparaisons, on peut regarder les situations
réelles. Quand on veut être positif, non pas seulement opposer les
catégories, il faut regarder du côté des groupes qui
établissent des liens entre eux dans une société. C'est de
ce côté qu'il faut regarder, non pas les intérêts
immédiats et jouer là-dessus, diviser la population. On peut
peut-être gouverner avec cela, mais on ne dirige pas une
société vers un horizon plus positif, un horizon de
développement.
J'ai reçu d'autres lettres, M. le Président, et je
terminerai là-dessous sans vous les lire, en rappelant leurs auteurs,
cependant: Comité d'école des Compagnons de Cartier;
Comité d'école Élizabeth-Turgeon, Saint-Pie-X, Rimouski;
des gens, des citoyens qui demandent aux parties au conflit de retourner
à la négociation et qui soulignent les problèmes majeurs
que vont causer les décrets s'ils doivent être maintenus. La
Commission scolaire régionale
Saint-François nous dit: Médiation, c'est cela qu'il nous
faudrait. Nous pensons que si on veut parler de changement de mentalité,
il faut regarder aussi l'ensemble des suggestions qui nous viennent de diverses
catégories de citoyens et de citoyennes dans diverses organisations. Pas
seulement regarder sa mentalité à soi et dire aux autres: Changez
et devenez comme moi. Cela n'arrange absolument rien.
La mentalité dans le Québec a diverses formulations selon
les organisations qui représentent le monde et, à mon avis, il y
a beaucoup de positif qui nous arrive dans ces suggestions. Je n'ai pas encore
entendu un ministre s'intéresser à ce genre de suggestion
positive qui nous est fournie par de larges secteurs de la population.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci. Depuis le début
des tractations ou de l'absence de négociation plutôt entre le
gouvernement et les employés du secteur public ou parapublic, j'avais,
par aveuglement ou naïveté, pensé qu'il s'agissait
essentiellement d'un problème de relations du travail et que dans les
relations du travail il n'y a généralement pas place pour la
brutalité. On a entendu encore une fois ce soir des discours d'une
certaine brutalité de la part du gouvernement qui s'ajoutent à la
brutalité des lois exceptionnelles qui se sont succédé
depuis le mois de juin dernier, qui ont donné lieu à de la
brutalité ici aussi à l'endroit de nos institutions
parlementaires. Je m'en voudrais de ne pas signaler qu'à mon sens
c'était brutaliser cette commission et la tradition des débats
qui doivent ordinairement avoir lieu ici, que de constater qu'un grand commis
de l'État, sous-ministre de son état - n'en déplaise au
ministre de l'Éducation - tenait un discours politique au point qu'on
peut excuser les citoyens de s'être demandé de quel comté
le porte-parole ministériel Girard pouvait bien être le
député.
J'ajouterais, en l'occurrence, qu'on pourrait surtout les excuser
d'avoir pensé qu'il s'agissait d'un ministre dans la mesure où
c'est un silence assourdissant qu'on a entendu de la plupart des
députés d'arrière-ban du côté
ministériel durant tout le débat. J'entends le leader
parlementaire ici, justement. Je m'en voudrais également de ne pas
signaler son intervention à l'Assemblée nationale lorsqu'il
requérait la suspension des règles au moyen d'une motion
d'urgence, invoquant au soutien de ses arguments des lettres qu'il aurait
reçues de ses électeurs réclamant une action de la part du
gouvernement, des lettres d'électeurs signées nommément
par des gens qui se disaient malades, dont les enfants auraient pu
recevoir l'aide sociale et qui, en conséquence,
réclamaient une action de la part du gouvernement. C'est le genre de
discours de division auquel on a eu droit.
Le ministre des Finances - comme c'est quand même, je pense, son
habitude - a fait la preuve, tout en nous montrant avec beaucoup de panache ses
dons de raconteur, que la société doit, à un moment
donné, prendre un virage, ne serait-ce que pour des raisons
budgétaires et financières. Cependant, il est manifeste que la
vitesse du virage qu'on est en train d'imposer au char de l'État ou de
toute façon aux employés de l'État est telle qu'il y a des
choses qui vont voler par les fenêtres. On a cité comme
début de ce virage déjà dans les discours du ministre des
Finances les années 1979-1980. On a eu droit à plusieurs discours
sur le budget successifs, à la suite de la convention de 1979, des
discours triomphalistes de la part du ministre des Finances indiquant que,
finalement, nous avions au Québec un gouvernement qui remettait de
l'ordre dans le système de rémunération des
employés du secteur public.
On a souligné, par ailleurs, que l'année 1979-1980
n'était pas une année de crise comme l'auraient laissé
soupçonner les intervenants témoignant à la commission et
on a également souligné, de la part du gouvernement, que
l'Ontario existait aussi. Il me semble qu'on aurait pu aller plus loin et faire
remarquer que l'Ontario avait commencé véritablement un virage
des finances publiques quelque temps avant 1979-1980, ce qui permet maintenant
à la province voisine d'affronter avec moins de difficultés que
les Québécois la crise économique que nous connaissons. Il
suffit de regarder la succession des budgets de la province voisine depuis cinq
ans pour voir combien ils sont en contraste avec les résultats qui ont
été largement documentés -toutes sortes de sources y
concordent quant à l'évolution des finances publiques au
Québec depuis quelques années.
Nous ne reviendrons pas là-dessus et on comprend que le
gouvernement ne soit pas revenu là-dessus pour conclure son discours par
la voix du ministre des Finances un peu plus tôt ce soir, par la question
à l'endroit des travailleurs de l'enseignement:
Représentants de la CEQ, pourquoi voulez-vous donc une
tâche plus légère qu'ailleurs, alors que tout le propos,
essentiellement, qui précédait cette question, renforcé
d'ailleurs par ce que le président du Conseil du trésor vient de
dire, et plutôt que d'amener une question afin de savoir pourquoi vous ne
voulez pas épouser une part de responsabilité pour la crise
financière et budgétaire que nous traversons, parce qu'elle
existe... Elle est réelle. Les tableaux que j'ai évoqués,
les discours qu'on a tous entendus le démontrent, mais il me semble
qu'il faut surtout se pencher vers l'avenir et voir si l'évolution des
finances publiques, telle qu'on peut la connaître aujourd'hui de la part
du gouvernement, laisse place à un discours qui est moins brutal,
à une attitude qui manifeste quand même un minimum d'ouverture si
on veut rétablir un climat dans un conflit qui est essentiellement un
conflit humain de relations du travail.
Malheureusement, tout ce que nous avons pour l'avenir, ce sont des
projections mécaniques. Si on remonte au discours sur le budget du mois
de mai dernier et aux discussions qui ont eu lieu en commission parlementaire
dans les journées et les semaines qui ont suivi, on pouvait
découvrir qu'à la suite du sommet d'avril et à l'annonce,
dans le fond, les lois 70 et 105, etc., s'en venaient, d'une façon ou
d'une autre - à l'époque la vie était rose - que
l'évolution des finances publiques permettait, pour les années se
terminant au milieu de 1985, de conclure que le déficit du gouvernement
du Québec était manifestement à la baisse et que les
besoins financiers nets, les perspectives d'emprunt étaient beaucoup
plus attrayantes dans la mesure où ils étaient moindres
qu'autrefois. Sur une trame qui, toujours à la lumière des
discours gouvernementaux, pouvait permettre le pire pessimisme, dans la mesure
où l'économie du Québec avait cassé, à
l'automne 1981, supposément - les chiffres l'ont confirmé depuis
- alors que la situation économique du Québec se
détériorait beaucoup plus vite que celle du reste du Canada. Il
fallait donc faire quelque chose. Le quelque chose que le gouvernement avait
retenu, devant lequel nous nous trouvons aujourd'hui, permettait à
l'époque, le 25 mai et dans les semaines qui suivaient, lors de
discussions toujours avec le ministre des Finances, de conclure que la vie
était belle, que l'avenir était rose.
Le 9 décembre, survient le débat sur les décrets
à l'occasion desquels nous découvrons tout à coup
l'apocalypse pour 1984-1985, si rien n'est fait, parce que les revenus, en
plus, même si le Québec a déjà connu le pire de la
crise économique, sont à la baisse, selon le ministre des
Finances qui ne se préoccupe pas d'expliquer - c'est un autre
débat - la raison pour laquelle l'assiette fiscale du Québec est
disparue, la raison pour laquelle l'effort fiscal des Québécois
doit augmenter si les revenus de l'État doivent augmenter. On a donc des
projections, toujours sur la foi des mêmes offres aux secteurs public et
parapublic, mais tenant compte de nouvelles perspectives, sept mois
après le 25 mai, qui laissent constater une apocalypse imminente.
Comment peut-on véritablement croire qu'en sept mois, les
perspectives financières et fiscales du gouvernement du Québec
soient devenues aussi extraordinaires qu'on ne sait même plus, à 2
000 000 000 $ près, ce
qui nous guette dans deux ou trois ans, au point de vue des
équilibres budgétaires du gouvernement du Québec?
Il me semble que souligner, à la source même des documents
donnés par le gouvernement, cet écart considérable dans
des projections qui, traditionnellement, du moins depuis cinq ou six ans, n'ont
pas été toutes fidèles à la réalité -
comment ne pas conclure que les montants en jeu aujourd'hui, que l'ordre de
grandeur de la loi 105 ou des discussions du 9 février, dans le fond,
est relativement insignifiant, compte tenu du problème de fond des
finances publiques que le ministre des Finances lui-même nous a
exposé? - il me semble que souligner cela à la face de la
population, c'est remettre véritablement sur la table des perspectives
beaucoup plus optimistes. Il me semble que cela permet de constater qu'il y a
de la place, sans chambarder tout le régime des relations du travail,
dans le sens de la qualité des rapports qui existent entre le
gouvernement et ses employés, pour de la manoeuvre, sur une
période de temps quelconque, dans le sens où notre
société doit évoluer pour s'ajuster à des
véritables cassures qui remontent à une dizaine d'années
au point de vue économique, dans la mesure où notre
société doit faire ses ajustements et donc prendre des virages.
Il y a une vitesse idéale, une vitesse optimale pour prendre ce virage
comme société afin de minimiser les soubresauts, de minimiser les
dérapages surtout en dehors de la voie.
Il me semble que le gouvernement persiste à faire prendre aux
Québécois un virage à une vitesse qui est
équivalente ou à peu près de celle avec laquelle le trait
d'union arrive et ressort entre souveraineté et association, ou se
déplace à la même vitesse que la droite et la gauche au
sein du gouvernement. Il me semble, dans ce sens, s'il y a des perspectives
simplement financières d'un certain optimisme à moyen ou à
long terme - ce qui préoccupe rarement le gouvernement, autant que j'aie
pu en juger depuis deux ans ici - qui existent du côté du
gouvernement du Québec et de ses moyens, aussi limités
fussent-ils, qu'il est légitime de demander - c'est la question que
j'adresse aux représentants qui sont à la table - si on ne peut
pas savoir, des représentants du secteur de l'enseignement, à
quelle vitesse et surtout à quel moment ils comptent, eux aussi, amorcer
avec les Québécois un virage qu'ils savent, eux, aussi devoir
emprunter. (23 h 15)
Le Président (M. Jolivet): M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Je crois que l'analyse du
député de Vaudreuil-Soulanges comporte beaucoup de
réalisme. À quelle vitesse, dans quelle mesure et à quel
moment? Pour le moment, je pense qu'on ne peut pas se tromper
énormément à partir de considérations sur la loi 68
et sur les lois 70 et 105. Même si cela peut avoir l'air de redire ou de
revenir toujours aux mêmes réalités de base, je pense qu'il
y a un corridor qui s'est dessiné depuis maintenant huit ou neuf mois et
c'est ce corridor que nous devons visiter et revisiter dans ces débats
puisque nous sommes au terme, peut-être, de ce cheminement. Ce corridor a
été ponctué par la loi 68 sur les régimes de
retraite, la loi 70. Justement ici, j'étais en train de voir quel effort
a été demandé cette année, pour une année,
parce que là, on a parlé de trois ans tout à l'heure pour
la durée du décret, mais dans l'état actuel du dossier,
pour ce que nous pouvons savoir des effets de la loi 70, on me dira que la loi
105 a légèrement corrigé, pour certaines catégories
de salariés, la loi 70, mais pour les catégories que nous
représentons, ça ne vaut même pas la peine de parler de
corrections, il n'y a à peu près rien en termes de rajustement
d'apporté par la loi 105 sur la loi 70.
Les dépenses salariales du gouvernement auraient
été réduites de l'ordre de 406 000 000 $ en ce qui
concerne les catégories que nous représentons, enseignants et
professionnels.
Pour ce qui est de l'économie, chapitre des régimes de
retraite, on peut certainement parler de 141 000 000 $. Je pourrais continuer
à regarder certaines autres formes d'économie qui sont
introduites par les décrets et essayer de les chiffrer, mais je pense
qu'avec la démonstration que j'ai faite avant le souper, avant
l'interruption, on peut déjà souligner que le virage est
largement amorcé pour ce qui est de nos membres, pour ce qui est de
notre organisation.
Le point qui résiste, le point qui reste, c'est le dernier 1%,
comme disait tout à l'heure le ministre des Finances. Il faudrait virer
à 100% avec le gouvernement pour éviter la loi 111, pour
éviter des décrets, pour éviter tout ce qui nous est
tombé dessus. Il nous a dit tout à l'heure: II reste 1% ou 0,5%,
il faudrait prendre celui-là aussi.
C'est là le problème. S'ils ont réussi à
nous entraîner dans un virage à 99,5% de leur objectif, est-ce
qu'il faudrait absolument qu'ils viennent chercher le 0,5% qui reste pour que
nous soyons de bons citoyens et de bons syndiqués comme ils nous aiment?
Ils nous ont déjà reproché tout à l'heure d'avoir
signé des conventions en certaines circonstances. Cette fois-ci, je
crois que ce sont nos membres qui ne respecteraient pas leur organisation s'ils
allaient encore aussi loin que le gouvernement nous le demande.
Je crois qu'il y a des éléments profonds de réponse
derrière cela. Un cheminement
s'est fait, une prise de conscience, un syndicat, un groupe comme le
nôtre fait partie d'une société et doit certainement en
épouser certaines contraintes, mais de là à adopter
sur-le-champ et à 100% la thèse du gouvernement, on pense qu'il
devrait normalement y avoir une petite marge de manoeuvre.
L'examen des déficits projetés et des déficits
réellement encourus des cinq ou six derniers budgets ou exercices
financiers nous montre qu'il y a toujours un décalage de 5%, 10%,
parfois plus et parfois moins entre ce qui est prévu au niveau d'un
déficit et ce qui est réalisé. Comment peut-on être
à ce point sûr au niveau du gouvernement, des finances publiques,
que 80 000 000 $ deviennent l'objectif à tout prix à obtenir et
que par la magie de ces 80 000 000 $ pour un an, 240 000 000 $ pour trois ans,
les finances publiques du Québec se mettraient à fonctionner
beaucoup mieux?
Déjà, c'est le président du Conseil du
trésor qui en faisait la preuve tout à l'heure en additionnant
des milliards, il dit: Par les récupérations que nous avons
faites, nous avons réussi à éviter que le déficit
soit de 6 000 000 000 $ mais plutôt de 3 000 000 000 $, où il se
situerait, en principe, actuellement. Donc, il dit: Là, nous avons une
ponction de 3 000 000 000 $. Il y aurait un problème parce qu'il reste
80 000 000 $ à aller chercher. On pense que ce n'est pas très
raisonnable et que, pour peu qu'il y ait une marge de manoeuvre, une
possibilité de négociation, il me semble que ce ne sont pas les
80 000 000 $ qui restent qui vont mettre le Québec en faillite, si on a
déjà un déficit là où il se situe et si on a
déjà consenti - c'est ma réponse à votre question -
une démarche de l'ordre de 3 000 000 000 $.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Laurin: M. le Président, comme M. le président
Charbonneau, je souhaite également la bienvenue aux élèves
qui ont retrouvé leurs classes après les trois semaines d'absence
forcée à cause de la grève des enseignants. Mais je
souhaite également qu'ils y restent maintenant jusqu'à la fin de
l'année et que leurs professeurs ne les abandonnent pas une autre
fois.
Nous avons entendu, cet après-midi, un plaidoyer vigoureux,
ferme, mais, malheureusement, toujours identique à lui-même, d'une
année à l'autre, depuis quinze ans. En effet, la CEQ a toujours
témoigné d'une opposition constante et soutenue à toutes
les politiques et orientations du ministère de l'Éducation.
À la dernière négociation, on attaquait le livre orange.
Maintenant, on attaque le régime pédagogique qui en
découle. On attaque la politique de la formation professionnelle qui
n'est pas encore adoptée et dont on prévoit tout de suite, d'une
façon tout à fait gratuite, d'ailleurs, qu'elle aura des effets
catastrophiques sur la tâche des enseignants.
La CEQ, pas pour la première fois, s'en donne à coeur joie
sur les compressions effectuées depuis deux ans, oubliant de dire
qu'elles étaient nécessaires à cause d'une crise qui n'est
pas seulement budgétaire, qui n'est pas seulement financière,
mais qui est aussi économique, quand on constate que les revenus
baissent d'une façon considérable à cause du
chômage, à cause des faillites, et du fait que certaines
dépenses augmentent d'une façon considérable. L'assistance
sociale dont parlait mon collègue, 600 000 000 $ de plus; les
prêts et bourses, presque 90 000 000 $ en trois ans; l'inflation qui
frappe les gouvernements comme tout le monde; le service de la dette qui a
connu une augmentation de 1 000 000 000 $. Donc, elle s'en donne à coeur
joie sur les compressions pourtant nécessaires à cause de la
crise et qui ont dû, justement, porter sur les services éducatifs,
parce que 88% du budget du primaire et secondaire sont affectés, en
raison même de la convention, au paiement des salariés du primaire
et du secondaire.
La CEQ ne change pas d'attitude. Pour elle, aujourd'hui comme hier, la
qualité de l'éducation passe toujours par l'augmentation des
postes. Qu'il s'agisse de la diminution du ratio professeur-étudiants,
déjà le plus bas de toutes les provinces canadiennes, qu'il
s'agisse de la diminution de tous les maximums, maximum par groupe, maximum du
temps d'enseignement, tout cela se traduisant par une diminution
inévitable de la tâche. C'est ce qui explique d'ailleurs, M. le
député d'Argenteuil, l'immense écart qui existait entre
les demandes de la CEQ, le 20 septembre, et les attitudes, les positions du
gouvernement. Car si on faisait l'addition de toutes ces augmentations, non
seulement sur le plan salarial pur, indexation des salaires, non seulement
l'augmentation de la tâche, mais la diminution des ratios, la diminution
de tous les maximums, on aboutissait à des sommes astronomiques
justement parce que, pour la CEQ, tout devient une question d'argent. On oublie
toujours, par ailleurs, la diminution des clientèles. Il est vrai que la
clientèle a diminué de 30% au cours des dix dernières
années. On oublie l'écart qui s'est creusé entre la
diminution des clientèles et le nombre de professeurs qui, lui, n'a
diminué que d'à peu près 3%. On oublie la richesse
relative du Québec et de l'Ontario, le Québec, où le
produit intérieur brut est inférieur à 10% de celui de
l'Ontario, où les revenus des salaires sont inférieurs à
20% à ceux de l'Ontario, alors que le budget de l'éducation du
Québec est plus élevé relativement et de beaucoup qu'en
Ontario.
Donc, tout passe par l'argent. C'est d'ailleurs pour cette raison que
j'ai demandé moi-même au ministère des Finances et à
mon collègue du trésor de commencer à apporter la
réponse du gouvernement puisque c'est d'abord une question d'argent.
Évidemment, pour moi, la question de l'éducation n'est pas
d'abord une question d'argent, mais je suis obligé de reconnaître,
cependant, que le raisonnement de la CEQ qui dit que la convention est le seul
frein qui existe aux coupures, constitue le pire des sophismes parce que, si on
avait accepté au gouvernement toutes les demandes syndicales, celles qui
ont trait aux enseignants, aux professionnels non enseignants, au soutien, j'en
arrive à la conclusion certaine, irrémédiable que non
seulement il aurait fallu continuer les compressions dans les 12%
consacrés aux services éducatifs, mais il aurait fallu supprimer
tous ces services éducatifs et tous ces programmes. Heureusement, c'est
au gouvernement encore qu'il appartient d'identifier les besoins de la
société, aussi bien dans le domaine de la santé que dans
le domaine de l'éducation, que dans le domaine économique et il
lui appartient de décider quels sont les services qu'il faut accorder
à la population dans tous ces secteurs.
J'aurais besoin probablement de quatre ou cinq heures pour
répondre aux mémoires que j'ai entendus, mais je ne voudrais en
relever que quelques points. On parle de recul pour les travailleuses
enseignantes et pourtant 95% des enseignants au préscolaire sont des
femmes. 90% des enseignants au primaire sont des femmes. C'est
précisément dans ce secteur qu'il n'y aura pas de mises en
disponibilité et qu'il y aura même un ajout. Quand on sait que les
effectifs totaux de la CEQ comptent 60% de femmes, on peut donc dire qu'au
secondaire, actuellement, il y a plus d'hommes que de femmes. Comme c'est le
secondaire qui sera le plus affecté par les mises en
disponibilité, on peut dire que les hommes seront davantage
touchés que les femmes par les mises en disponibilité. On dit
à la CEQ que le décret va désorganiser l'école que
les enseignants ont bâtie. C'est une demi-vérité car le
grand bond en avant qui a été fait en éducation a
été fait par les gouvernements qui se sont succédé
au Québec depuis une quinzaine d'années. Ce sont eux qui ont
institué la commission Parent. Ce sont eux qui ont pris la
décision de faire les lois qui convenaient, d'affecter les budgets, les
milliards de dollars qu'il a fallu pour construire nos écoles,
bâtir notre système.
Les gouvernements ont sûrement eu un grand pouvoir sur le
progrès que nous avons connu. Bien sûr, les enseignants ont
été les principaux artisans de la réalisation de ces
politiques et c'est tout à fait normal, puisque les enseignants sont la
pierre d'angle même du système. Mais, il reste que c'est là
leur vocation, leur métier, leur profession première. Il ne
faudrait quand même pas oublier la part aussi qu'ont prise à ces
réalisations tous nos partenaires de l'éducation, que ce soient
les directeurs d'écoles, les directeurs généraux, les
commissions scolaires et le reste. De plus, il ne s'agit pas de
désorganisation. Il s'agit, malgré les difficultés
actuelles, de poursuivre notre quête d'excellence même si les
ressources augmentent moins rapidement. (23 h 30)
Je voudrais quand même rappeler à M. le président
Charbonneau que le budget de l'éducation en 1982-1983 était de
plus de 6 000 000 000 $, représentait 30% ou presque du budget du
Québec. J'imagine qu'avec 30% du budget du Québec, on peut quand
même penser qu'il y a des services dans les écoles, dans les
collèges et dans les universités. Je dirais même qu'une
partie de ce pourcentage du budget du Québec accordée à
l'éducation dépasse en importance la proportion que l'on peut
rencontrer dans les autres provinces du Canada.
On a parlé aussi d'affectations et de mutations. Malgré ce
qu'a dit M. Bisaillon, le ballottage existe, et nous le savons. On nous l'a dit
et on l'a vérifié. Les déplacements inappropriés,
où des professeurs formés dans une discipline sont obligés
d'enseigner dans une autre, existent et ils sont nombreux. Les causes, on peut
discuter là-dessus. Est-ce, par exemple, parce que les commissions
scolaires qui avaient passé des arrangements en vertu des
négociations locales avec les syndicats n'ont pu respecter ces
conventions ou si ces conventions étaient trouées? De toute
façon, nous savons que le critère de capacité qui existait
dans certaines conventions locales a été ignoré par
plusieurs d'entre elles et il n'est pas vrai, comme vous l'avez dit, que le
statu quo fonctionne bien. D'ailleurs, dans les nouveaux décrets, nous
ne livrerons pas les enseignants à l'arbitraire complet des directeurs
d'école ou des commissions scolaires, en la matière, puisque le
critère de la capacité aura désormais une base objective
qui réduira, sinon éliminera la plupart de ces
possibilités d'arbitraire que vous avez soulevées.
Vous avez parlé aussi des négociations locales. Je pense
que l'exposé de mon collègue a montré à quels
inconvénients les négociations locales pouvaient conduire. Il y a
eu douze grèves lors de la dernière ronde de négociations,
et non pas huit; par unité syndicale, peut-être huit, mais quand
on compte le nombre de commissions scolaires qui ont été
affectées, le nombre est beaucoup plus élevé que huit.
Donc, de nombreuses grèves et de très longs délais de
règlement. Ces négociations locales, comme on l'a dit,
constituaient souvent une occasion d'aller rechercher ce qu'on n'avait pu
obtenir
lors de la convention nationale; et la loi 113 en est un bel
exemple.
Quant à la consultation, il n'est pas vrai qu'elle
disparaît, puisque toutes les clauses de l'ancienne convention à
cet égard ont été reconduites. Je dirais même que la
plupart des pouvoirs qui avaient été accordés aux
syndicats locaux en vertu des anciennes conventions ont été
conservés puisque, à part l'affectation et la mutation, qui
deviennent une matière nationale, toutes les autres clauses ont
été reconduites.
Un petit mot sur l'éducation des adultes. Il est vrai que la
tâche passe de 720 à 840 minutes, mais cela équivaut quand
même à 21 heures par semaine, ce qui constitue à peu
près la tâche d'un enseignement régulier. Par ailleurs,
n'est-il pas normal, pour essayer de satisfaire les besoins de
l'éducation des adultes, de faire appel en priorité aux mises en
disponibilité, et particulièrement à ceux dont la
tâche de suppléance ou autre n'est pas complète? Je pense
que de cette façon, nous en arriverons à une diminution du
coût du système qui, justement, permettra d'éviter des
compressions additionnelles et qui nous permettra aussi de reprendre le
développement dans ce secteur comme dans d'autres.
Un petit mot également sur la disponibilité de 27 heures
à l'école. On en a dit beaucoup de mal dans votre mémoire,
disant qu'au fond on n'aiderait en aucune façon, de cette
manière, à l'encadrement, à la récupération
et à toutes les activitées prévues, A, B, C et D, mais je
voudrais quand même vous rappeler que la tâche, même si elle
est augmentée, laisse quand même un écart de six heures au
secondaire entre les 19.3 heures consacrées à l'enseignement et
les 27 heures de présence désormais effectives auprès des
élèves. C'est beaucoup plus que ce qui est accordé
actuellement pour les activités B, C et D, c'est-à-dire les
activités consacrées à la récupération,
à l'encadrement, à la surveillance, ou à l'animation.
Je suis bien d'accord avec vous que la tâche d'un enseignant ne
peut se limiter à 27 heures, mais je pense que vous n'avez pas tellement
intérêt à rappeler ici - je le dis également
à M. Dubé - le rapport qui date de 1975 et sur lequel vous avez
basé vos affirmations, puisqu'à l'époque, on le sait, la
tâche était plus lourde et les assises scientifiques de ce
rapport, par ailleurs, laissent beaucoup à désirer.
Vous avez beaucoup fait état aussi, de même que vous en
faites état dans vos simulations, de l'augmentation du nombre
d'élèves que l'enseignant aurait à voir, du nombre de
groupes dont il aura à s'occuper. Nous sommes convaincus que cette
augmentation ne sera pas aussi marquée. Il ne s'agit, en effet, que
d'une augmentation de deux heures à la tâche identique à
celle qui existe dans les autres provinces. On l'a dit et on le
répète, le nouveau régime pédagogique peut
favoriser une diminution, au lieu d'une augmentation, pour toutes sortes de
raisons: d'abord, parce que la formation générale prendra une
année de plus, les options sont reportées, la polyvalence est
encouragée, les régimes pédagogiques laissent une large
place à l'adaptation locale, et particulièrement à
l'adaptation des grilles-horaires et des grilles-matières, sans oublier
la proposition du 9 février qui étale sur trois ans
l'augmentation de la tâche.
Quant à l'abolition des ratios, j'en ai dit un mot tout à
l'heure, mais je voudrais quand même aussi signaler qu'il n'y a aucun
autre corps d'emploi à l'école qui n'a pareil ratio ou qui a
même un ratio - un point, c'est tout - ou qui n'a son équivalent,
c'est-à-dire un plancher d'emploi.
Quant aux ordres de rappel, vous vous indignez du fait qu'on donnerait
maintenant la préséance aux mis en disponibilité
plutôt qu'aux non-permanents, comme c'était le cas dans l'ancienne
convention collective. Je pense qu'il est tout à fait normal de donner
une préséance dans les ordres de rappel aux mis en
disponibilité sur les non-permanents, car dans le passé, combien
de fois ne nous sommes-nous pas rendu compte qu'en procédant selon la
convention collective antérieure, on créait des surplus
artificiels et coûteux, alors que nous avions des mis en
disponibilité dont la tâche était loin de correspondre
à 100%.
Il faut aussi se rappeler, nous l'avons dit et
répété, que si les mis en disponibilité travaillent
plus que 80%, comme cela est parfaitement possible avec les aménagements
que nous proposons, ils seront payés en conséquence, surtout si
vous acceptez de participer aux travaux du comité national qui pourrait
permettre une meilleure relocalisation et qui nous permettrait même, si
cela réussit, de payer les mis en disponibilité à
100%.
M. Dubé, pour sa part, nous a apporté, comme le
député de Louis-Hébert hier, une simulation de ce que
pourrait donner l'application des décrets. Ces simulations se
multiplient ces temps-ci. Nous en avons fait nous-mêmes, nous en avons
beaucoup qui nous viennent de commissions scolaires. Il faudra les
étudier, comme disait le député d'Argenteuil. Je pense
qu'il faudra les étudier en fonction des bases sur lesquelles elles ont
été établies. Par exemple, ont-elles été
établies en fonction de règles budgétaires qui sont
actuellement soumises à la consultation et qui ne constituent qu'un
projet et qui seront changées? Sont-elles faites en fonction de la
proposition du 9 février qui prévoit un étalement?
Sont-elles faites à partir du maximum de tâches possible pour un
enseignant, sans tenir
compte de la pratique qui veut que justement, les commissions scolaires,
en début de période, font des demandes excessives, très
prudentes ou conservatrices, et par la suite, à la lumière de
l'évolution, minimisent ou nuancent leurs demandes? C'est donc à
partir de ces paramètres qu'il faudra analyser toutes les simulations
qui nous sont faites, y compris celle-ci, dont j'ai l'impression que,
justement, elle a été établie à partir d'une
directive, ou d'une indication qui voulait qu'on procède à la
répartition des enseignants à partir d'un maximum
d'élèves par classe et d'un maximum de moyenne
d'enseignement.
Quant aux propositions que vous nous avez faites, je le
répète, vous ne nous en avez fait aucune formellement à la
table depuis sept mois alors que nous avons, de notre côté, fait
des offres d'aménagement.
Ce soir, c'est la première fois que, d'une façon formelle,
je vous ai entendus renoncer, par exemple, à vos demandes salariales ou
à vos demandes sur le plan de la pension et c'est la première
fois que nous avons une demande formelle financière, qui se chiffre
à 360 000 000 $ par année. Quant à votre autre demande,
celle d'un observateur, elle n'est pas nouvelle, elle est dans l'air depuis une
semaine. J'ai accepté de la considérer. Évidemment nous
avons pensé qu'une commission parlementaire était utile,
nécessaire, pour le moment, mais cette demande n'a pas été
écartée. Elle fera l'objet de nos considérations,
probablement dans les jours qui viennent. Il est certain que, si nous avons
accepté, il y a déjà une semaine, d'envisager cette
hypothèse ou cette possibilité, elle n'est sûrement pas
écartée pour l'avenir, soit dans la forme que vous l'avez
présentée ou soit dans une forme nouvelle qui pourrait être
aménagée différemment.
J'aurais eu beaucoup de questions à vous poser, mais, comme on
m'avertit que j'ai déjà dépassé mon temps, je
laisserai à mes collègues le soin de vous poser les questions que
j'aurais aimé vous poser.
Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci. Je ne sais pas s'il voulait
réagir...
Le Président (M. Jolivet): ...le temps étant
écoulé, le député a le droit de l'utiliser comme il
veut.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci, M. le Président. Il y a
une rectification qui s'impose, je pense, quand le ministre affirme que pour la
CEQ tout est une question d'argent. D'après le ministre, ce qui
deviendrait des prétentions à la qualité de
l'éducation, il n'y a pas de fondement à cette
préoccupation de la part de la CEQ. J'ai déjà eu à
croiser le fer avec des gens qui sont dans l'audience ce soir. Je pense qu'il
serait peut-être plus honnête, même si, des fois et
peut-être souvent, la CEQ a pu être extravagante dans ses demandes,
de reconnaître - cela est important, et je pense que le ministre
acceptera probablement ceci - que la CEQ, dans ses luttes, a fait progresser
l'éducation au Québec et de beaucoup.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil, vous n'avez, aux termes de notre règlement, comme vous le
savez, aucunement le droit de demander à d'autres personnes que celles
autour de la table de réagir. Ne m'en demandez pas plus. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il y a souvent des
exagérations verbales d'un côté comme de l'autre et je
pense qu'il faut les remettre dans leur contexte réel.
Le ministre de l'Éducation dit: Vous contestez toujours tout,
vous contestez le régime pédagogique. Je voudrais, sur ce point
particulier, en venir à des questions précises. Reliée au
nouveau régime pédagogique, il y a la question du recyclage ou du
perfectionnement des maîtres. Hier soir, le sous-ministre de
l'Éducation nous a fait ou a tenté de faire la
démonstration qu'on peut maintenant enseigner un peu de tout ou on
devient polyvalent, une formule ou un qualificatif que le ministre a repris ce
soir.
J'aimerais qu'on me dise, que cela vienne du ministre ou de la CEQ,
où nous en sommes rendus dans ce perfectionnement des maîtres qui
permettrait le titulariat ou qui permettrait cette polyvalence d'une
matière à l'autre, particulièrement au deuxième
cycle du secondaire.
Je vais tout de suite vous poser mes questions étant donné
le temps qui est restreint. La deuxième question est celle-ci: On a
beaucoup parlé de l'enfance en difficulté d'apprentissage. J'ai
écouté probablement pour la troisième fois... Je suis
convaincue que le ministre des Finances a également du souci pour
l'enfance en difficulté d'apprentissage mais il trouve que c'est une
bonne histoire et chaque fois il ajoute un petit fion. Cette fois-ci
c'était la bonne comptabilité des anglophones. La prochaine fois,
je ne sais pas ce que ce sera. Tout cela dit et particulièrement quand
il dit que si un sociologue, dans 40 ans, fait une étude sur le
Québec, il va trouver que notre santé mentale s'est beaucoup
améliorée de 1970 à 1980.
(23 h 45)
Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que le Québec - on me
contredira si j'ai tort -avait énormément de retard dans le
domaine de l'aide à l'enfance en difficulté d'apprentissage.
À la fin des années cinquante, il n'existait, à la CECM,
qu'une classe spéciale pour déficients légers. C'est tout
ce qu'il y avait sur le territoire de la CECM, à ce moment-là.
Inutile de parler de ce qui existait dans le reste de la province. Il y avait
quelques maisons spécialisées. Je me rappelle qu'en Estrie,
à Sherbrooke, il y avait une institution. Il y en avait ici et
là. Mais dans le système scolaire, c'était à peu
près inexistant. Même aujourd'hui - c'est peut-être
involontairement - on veut créer l'impression que, dans le domaine de
l'enfance en difficulté d'apprentissage, on a atteint le luxe et que,
maintenant, on y met de l'ordre.
Je suis prête à admettre qu'il y a eu des abus dans le
classement des enfants, peut-être pas volontairement, mais
peut-être par manque de ressources. Il faut penser que, parfois, les
enfants étaient mis dans des classes d'enfants en difficulté
d'apprentissage et qu'ils y restaient parce qu'on n'avait pas les ressources
nécessaires pour réévaluer ces enfants, etc. Enfin, je ne
veux pas faire une grande digression là-dessus, mais cela demeure un
problème important. C'est non seulement la préoccupation des
enseignants, mais surtout la préoccupation des parents qui ont des
enfants avec des troubles d'apprentissage. Quand on dit des troubles
d'apprentissage, c'est un terme très léger. Il y a des enfants
qui ont des troubles d'apprentissage très graves, qui sont des
handicapés multiples, etc. Les parents de ces enfants se posent de
sérieuses questions sur les points qui ont été
soulevés par les enseignants dans ce domaine.
Comme questions concrètes à ce sujet, j'aimerais que vous
m'expliquiez ce que vous affirmez à la page 32 de votre mémoire.
J'ai examiné le décret et j'ai examiné la convention,
c'est-à-dire l'ancienne convention et le décret actuel. Dans l'un
- si je prends un groupe au hasard, les enfants aveugles ou les enfants sourds
- on dit que la moyenne ne doit pas excéder le nombre de cinq. À
la fin, il y a une disposition où on peut ajouter deux enfants. Dans le
décret actuel, on parle toujours de cette moyenne de cinq, mais d'un
maximum de sept, si ma mémoire est bonne. J'ai de la difficulté
à saisir la différence. Sur quoi se basent vos
appréhensions, à savoir qu'il y aura un plus grand nombre
d'enfants en difficulté d'apprentissage, si on s'en tient, pour le
moment, aux classes spéciales? Je ne parle pas de l'intégration
des enfants parce qu'on aborde un autre problème. C'est ma
deuxième question.
Ma troisième question concerne l'encadrement. Hier, on nous a dit
- je pense qu'on l'a oublié - que le ministère de
l'Éducation devait déposer des modèles de simulation.
À ma connaissance, on ne les a pas eus, mais c'est peut-être,
comme je vous le dis, parce qu'on a tout simplement oublié. Il reste
qu'on nous a présenté, ce soir, ces simulations de la part de la
Commission des écoles catholiques de Montréal. Il y a celles qui
sont incluses dans votre mémoire, qui viennent surtout des commissions
scolaires de la région de Québec. J'en ai eu d'autres de la
région de Sherbrooke. Enfin, cela semble venir de partout et on semble
avoir la même préoccupation: d'abord, du grand nombre
d'élèves que les professeurs pourront rencontrer dans bon nombre
de cas, particulièrement dans toutes les matières autres que le
français et les mathématiques. Ceci va diminuer les
possibilités de contacts personnels avec les étudiants et,
également, l'encadrement possible, compte tenu de la tâche, de la
répartition et des simulations qui ont été obtenues. Je
l'ai eu de directeurs d'école, que le ministre identifierait
difficilement à la CEQ, qui se sont fort inquiétés de
cette question de l'encadrement.
Ma question précise est la suivante. Vous mettez de l'avant votre
inquiétude au sujet de la qualité de l'enseignement, la
qualité de l'éducation plutôt, enfin, les deux se
recoupant, et, d'un autre côté, le gouvernement prétend que
la tâche est beaucoup moindre ici, qu'il faut augmenter la tâche et
il tient beaucoup à augmenter la tâche, soi-disant pour assurer
une meilleure rentabilité de l'éducation. Je pose ma question au
ministre ou aux représentants de la CEQ. Est-ce que ce serait impensable
que cette augmentation de tâche demeure possible - que ce soit une heure
ou deux heures - mais qu'au lieu d'être utilisée pour une plus
grande tâche d'enseignement, elle puisse être utilisée pour
une meilleure tâche ou un meilleur service d'encadrement auprès
des étudiants. Il ne faut pas se leurrer, hier soir, le ministre de
l'Éducation nous a dit triomphalement: C'est vrai qu'on a fait des
progrès énormes du point de vue de la scolarisation au
Québec. Là il faisait la comparaison entre les statistiques de
1971 et les statistiques de 1981. Il a eu soin de dire que nos grands
succès, par exemple, au niveau universitaire, se situaient surtout dans
le domaine des étudiants à temps partiel.
Ce matin on a entendu d'autres chiffres où on nous a dit que les
jeunes de 18 ans étaient encore dans les institutions scolaires dans une
proportion - vous me corrigerez -de quelque 40%, 42%, 46% alors qu'en Ontario,
ils sont dans les institutions scolaires dans une proportion de 75%, ce qui
indique qu'on a des problèmes au secondaire. On a des problèmes
de décrochage, on a des problèmes d'encadrement
d'étudiants, on a des problèmes de motivation des
étudiants et c'est pour cela que je vous pose cette
question: Est-ce qu'il est possible d'envisager que la tâche
puisse être augmentée, mais au lieu d'être utilisée
dans le sens de l'application du régime pédagogique pour lequel
je ne crois pas qu'on ait encore les outils et qu'on soit mûr, pour un
meilleur encadrement des étudiants et, partant, une meilleure
qualité de l'éducation.
Le Président (M. Jolivet): M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Robert): II suffirait de retrouver le contexte de
négociation pour déterminer si l'objectif de la qualité de
l'éducation qu'on poursuit à cet égard devrait
s'accommoder davantage de plus d'encadrement ou de moins d'enseignants. Les
approches sont très différentes. Je vous dis que dans un contexte
de négociation, ce sont des choses qui peuvent être regardables.
Sur la question de l'enfance inadaptée, le problème ce n'est pas
que les maxima ou que les moyennes ont changé, c'est que, maintenant,
pour que cela s'applique, cela prend dix groupes à la commission et je
ne connais pas beaucoup de commissions scolaires qui ont dix groupes dans
chaque catégorie.
Mme Lavoie-Roux: S'il n'y a pas dix groupes à la
commission, qu'est-ce qui s'applique?
M. Bisaillon (Robert): Le maximum seulement.
Mme Lavoie-Roux: Le maximum tout le temps.
M. Bisaillon (Robert): Et cela a un effet.
Mme Lavoie-Roux: Et cela est nouveau.
M. Bisaillon (Robert): Oui, exactement. Sur le perfectionnement
des maîtres, il y a une politique en consultation depuis un certain
nombre d'années, n'est-ce pas? On n'a pas été
consultés là-dessus. Je ne sais pas où cela en est rendu,
mais je peux vous dire que lorsqu'on parle d'évolution technologique, on
aimerait bien cela savoir ce que cela veut dire en termes de perfectionnement
des maîtres. Je dois vous dire aussi que le gros problème que j'ai
ce soir, ce n'est pas avec vos questions parce que je me rends compte que vous
avez lu le document, mais c'est de constater que le ministre de
l'Éducation fait des critiques concernant un document qu'il n'a pas lu,
qu'il va falloir qu'il se fasse relire. Le problème... On n'est pas ici
comme des patients qui se font psychanaliser pour savoir si l'argent est la
première des valeurs. L'ensemble des enseignants que je
représente ici ce soir, c'est des gens en santé, parti-
culièrement cette année.
Il me semble que dire des choses comme le ballottage, les
déplacements inappropriés des enseignants qui enseignent dans
d'autres disciplines ce n'est pas correct alors qu'hier soir, le modèle
qu'on proposait c'était le titulariat, c'est-à-dire d'enseigner
dans plusieurs disciplines. Il va falloir qu'il y ait du monde qui se branche
quelque part. 12 grèves sur 264 commissions scolaires, c'est 0,5%. On
n'a jamais dit, nous autres, que la consultation disparaissait. Ce n'est nulle
part dans le mémoire. On n'a jamais parlé de la
disponibilité de 27 heures. Je ne sais pas où vous avez pris
cela. Le rapport CETEES dit: Quelles que soient les assises scientifiques, cela
n'a jamais été remplacé par un autre rapport avec des
assises plus scientifiques. Si les simulations ne sont pas valables, faites par
des incompétents, je devrai vous souligner que ces incompétents,
ce ne sont pas des enseignants, mais ce sont les administrations scolaires qui,
habituellement, organisent les écoles et c'est très
inquiétant pour l'an prochain.
Quant aux femmes, c'est sûr que, dans le secteur
préscolaire et primaire, il n'y aura pas de recul d'effectifs, ce serait
honteux. Ce sont des secteurs qui sont en augmentation de clientèle.
S'il fallait en plus... Je pense qu'on a fait un effort qui nous avait
été demandé par le ministre pour faire une
démonstration concernant la viabilité des décrets. On fait
cet effort et on se fait répondre sur trois ou quatre affaires dont on
n'a même pas parlé dans notre mémoire. Qu'est-ce qu'on
aurait dit si on en avait parlé? Ce n'est pas correct. Et où on
en a parlé, on déforme visiblement le sens qu'on y a
donné. C'est ce qui rend difficile la négociation. On se fait
fermer des portes, non pas sur le contenu, parce que si on avait une
véritable discussion sur le contenu pour régler des
problèmes plutôt que d'accoler des étiquettes, on pourrait
peut-être avancer, mais on se fait fermer des portes sur la
possibilité de...
On n'a fait aucune proposition à la table depuis sept mois? Je
regrette! On a fait des propositions que vous n'avez pas
considérées comme des propositions. C'est différent. Mais
on a fait des propositions. Je vous ai parlé tantôt de la
négociation locale. Vous pouvez bien qualifier une proposition
d'aberrante, "nonotte", stupide, mais vous ne pouvez pas dire que ce n'est pas
une proposition. On en fait et puis-je vous rappeler que tous les secteurs de
la convention où il n'y avait pas de veto quant à la
négociation, on les a signés à l'automne, après
négociation, parce que dans le décret, il y a des affaires qui
ont de l'allure. Ce sont les bouts qu'on a négociés et dont on a
convenu, parce qu'il n'y avait pas de veto sur la négociation a
priori.
Quand on se fait garrocher par la tête
des cadres de règlement qui sont toujours à prendre ou
à laisser, la dernière parole, mais que le cadre qui survient
après le décret est quand même une affirmation que le
décret n'avait pas d'allure, je pense qu'on est autorisé à
vous dire aujourd'hui que, sur le terrain de la négociation, si on
enlève les barrières absolues d'un côté et de
l'autre, il y aura deux personnes qui négocieront ou deux entités
qui négocieront. J'ai constaté une règle très
simple de la négociation à cette ronde-ci, que je connaissais. On
dit que l'évidence n'a pas besoin d'être démontrée,
mais parfois, cela aide quand elle est vécue. Cela prend deux personnes
pour négocier. Au nom des gens que je représente, je vous
demanderais au moins de lire les mémoires qu'on dépose en leur
nom. Cela aiderait.
Le Président (M. Jolivet): M.
Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): J'aurais une autre remarque à faire
en complément. Le ministre de l'Éducation a dit tout à
l'heure: J'ai entendu que vous avez fait, pour la première fois, une
concession. Quelle a été son appréciation de notre
concession? Puisqu'il l'entendait pour la première fois, il aurait
été intéressant d'écouter un commentaire à
propos d'une telle concession. On a parlé de milliards, mais si on
regarde cela pour les individus enseignants, en moyenne, le revenu des
enseignants et des enseignantes serait réduit de 1542 $ pendant les
trois premiers mois de 1983 et de 1593 $ pour le reste de l'année, soit
une perte moyenne de 3135 $ en 1983. On peut parler de milliards, mais on peut
regarder cela du côté des individus: 3000 $ en moyenne. S'il
s'agissait d'un enseignant qui a 19 ans de scolarité, ce serait 6600 $.
Pouvoir d'achat: diminution de 10%. On met cela sur la table. Cela revient
à dire: II n'y a rien là, encore une fois. Quand on ne le met
pas, on passe pour des durs à cuire et quand on fait le geste, il n'y a
encore rien là. Je pense qu'il y a franchement un problème
d'empathie de votre part à notre égard qui est en train de
tourner, nous semble-t-il, comme une réaction d'antipathie de votre part
à notre égard. Il y a comme un problème là.
J'essaie de prendre des termes pour me faire comprendre, n'ayant pas
réussi, jusqu'à maintenant, avec des termes ordinaires.
Vous dites qu'on n'a pas fait de propositions aux tables de
négociation. Vous nous invitez à vous rencontrer, vous, le
ministre de l'Éducation. La table de négociation comprend les
représentants du ministre et les représentants de la
Fédération des commissions scolaires. J'invite les membres de la
commission des deux côtés à interroger demain les
représentants de la fédération pour voir s'ils
étaient là aux rencontres qu'on a eues avec le ministre. On a
consenti à ces rencontres, mais ce n'était pas là la table
de négociation. Il n'y avait que la moitié de la partie patronale
qui était là. Il dit qu'on ne vous avait pas fait de
propositions. Commençons donc par avoir des mécanismes de
négociation tels que légalement constitués. Vous savez que
nous n'aimons pas les choses illégales...
Des voix: Ah! Ah!
M. Charbonneau (Yvon): ...des choses qui ne sont pas
prévues dans la loi. Par contre, on sait les assumer aussi au besoin. Il
me semble que M. le ministre de l'Éducation devrait essayer, comme le
disait tout à l'heure le président du Conseil du trésor,
de changer de mentalité, d'avoir une mentalité plus positive et
plus ouverte à la discussion et voir que quand on fait des propositions
qui sont des sacrifices importants, des milliers de dollars, et qu'on dit: Le
dernier demi pour cent, est-ce que cela ne vous ferait rien, s'il vous
plaît, de le laisser là? d'essayer d'avoir une réaction
plus positive et peut-être qu'on pourra progresser vers un
règlement. (minuit)
On a fait des propositions cet après-midi. Vous avez beau les
qualifier à votre manière, mais je pense qu'il y a des gens qui
ont compris le mouvement qui s'est fait à travers tout cela.
Quant à la deuxième proposition, vous avez dit que vous
étiez en train de la considérer, celle de reprendre les
rencontres dans un contexte pouvant permettre des échanges qui n'ont pas
été possibles jusqu'à maintenant avec la présence
d'un tiers observateur, mais actif jusqu'à un certain point, pas
simplement un témoin muet, mais quelqu'un qui puisse encourager et aider
aux échanges. Je pense que c'est une proposition qui mérite
d'être examinée par l'ensemble de la commission. Nous la
refaisons. Nous insistons là-dessus, car nous sommes très
conscients qu'en la faisant, nous courons des risques, mais, en même
temps, cela correspond à une attente très profonde dans de larges
secteurs de la population pour que cela débloque, pour que cela renoue
dans un contexte qui puisse nous mener à un règlement d'ici aux
prochains jours.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Avant de conclure, je
dois vous dire que la journée de demain - on est presque demain - le
vendredi 4 mars, il y aura sept organismes, la Coalition étudiante pour
la défense des droits des usagers de l'éducation; la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec; la Fédération québécoise des
directeurs d'école; l'Association des directeurs généraux
des commissions scolaires; l'Association des cadres scolaires du Québec;
la Fédération des
Cégeps, la Fédération des comités de parents
de la province de Québec et neuf autres organismes seront entendus
lundi.
Question de règlement de la part du député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, avant que vous ne
leviez la séance ce matin, je tiens à protester avec
véhémence contre le sort qui est fait ici en cette commission aux
députés ministériels, c'est-à-dire, pour être
plus précis, aux députés ministériels qui ne sont
pas ministres.
Je considère que c'est une injustice qu'on fait à notre
endroit. Il y a plusieurs heures que je vous ai fait savoir que je
désirais intervenir. Cela n'a pas été possible. Plusieurs
de mes collègues souhaitaient aussi intervenir. Le député
de Vachon vous a fait savoir durant la journée qu'il aurait
souhaité intervenir sur la question des - cégeps. Cela ne lui a
pas été possible.
Il est beaucoup question en cette maison de réforme
parlementaire. Je pense que c'est de la poudre aux yeux, vu le traitement qu'on
nous a fait ici aujourd'hui. Je crois que parler de réforme
parlementaire, alors qu'on nous inflige ce traitement, c'est jeter de la poudre
aux yeux. Il me paraît clair qu'on n'y croit pas, à la
réforme parlementaire. Par exemple, constituer une commission qu'on
appelle parlementaire, alors qu'en réalité elle est
gouvernementale...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Deux-Montagnes, juste un instant, s'il vous plaît!
M. de Bellefeuille: Je n'ai pas le droit de présenter ma
question de règlement?
Mme Lavoie-Roux: ...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, en aucune
façon, Mme la députée de L'Acadie. Je voulais simplement
avoir aussi mon droit de privilège comme président.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): C'est aussi important.
Simplement, M. le député, je voulais vous demander d'en arriver
à votre question de règlement, parce que je ne voyais rien
d'autre à vous dire qu'il était minuit. Mon devoir m'imposait
comme président de clore les débats, puisque j'avais
vérifié de chaque côté si on m'accordait une
prolongation du temps pour permettre d'autres interventions. Je ne l'ai pas et
l'habitude veut que le président, à ce niveau, déclare la
séance terminée, mais vous soulevez une question de
règlement. Si votre question de règlement est dans le sens de
prolonger le temps, j'aimerais que vous y veniez le plus vite possible pour que
je puisse traiter le cas comme il faut.
M. de Bellefeuille: II me fera plaisir, M. le Président,
de vous informer que le but de ma question de règlement n'est pas de
demander une prolongation parce que je considère que, passé
minuit, notre efficacité diminue considérablement. Ce contre quoi
je proteste, c'est déjà fait. Durant toute cette journée,
mes collègues ministériels et moi-même n'avons pu
intervenir. Je fais cette protestation avec véhémence.
J'emploierai à l'avenir d'autres moyens pour réussir à
percer cette barrière qui fait que, par exemple, aujourd'hui, il y avait
du côté ministériel trois ministres, alors que normalement
il n'y en a qu'un. Quand il y a trois ministres, il est bien évident que
du côté ministériel, il n'y aura pas un
député qui interviendra. Or, une commission parlementaire, c'est
qui? Est-ce les gens qui sont là? Est-ce que ce sont les gens qui sont
dans leur salon, devant leur télévision?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
vous comprends...
M. de Bellefeuille: Non, la commission...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Deux-Montagnes...
M. de Bellefeuille: ...c'est nous, les députés.
Le Président (M. Jolivet): ... je m'excuse...
M. de Bellefeuille: Les députés membres du
Parlement et...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Deux-Montagnes, je m'excuse.
M. de Bellefeuille: ...en leur qualité de
parlementaires...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Deux-Montagnes, je m'excuse.
M. de Bellefeuille: Bon, c'est cela! Nommez-moi, c'est cela, je
connais le règlement.
Le Président (M. Jolivet): Non, monsieur, je ne peux pas
vous appeler autrement...
M. de Bellefeuille: Non, j'ai dit ce que j'avais à dire,
M. le Président, bonsoir.
Le Président (M. Jolivet): Merci. À l'ordrel Ce que
je voulais vous dire comme président, cependant, au niveau des
règlements de l'Assemblée nationale, je n'ai pas à
interpréter ce soir les règlements imposés par le
règlement actuel. Je vous dis simplement que vous avez d'autres moyens
à votre disposition et vous en avez fait mention. En conséquence,
tout ce que je voulais dire, c'est que je dois clore les débats. La
façon normale de clore les débats, c'est de demander au
représentant de l'Opposition de donner un mot au sujet des gens qui sont
venus, la même chose pour le ministre et je conclurai ensuite. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je remercie les porte-parole de
la Centrale de l'enseignement du Québec, de la Quebec Association of
Protestant Teachers, de la Quebec Association of Catholic Teachers.
Une voix: Provincial.
M. Ryan: Provincial. You are provincial anyway.
Une voix: ...Association provinciale.
M. Ryan: Les remercier de leur présence parmi nous
aujourd'hui. Je pense que nous avons pu avoir une amorce d'échanges qui
pourrait être le début d'autre chose. Je souhaite que ce soit
seulement un début. Je regrette profondément que le dossier
central qu'on a présenté à la commission parlementaire,
c'est-à-dire celui des répercussions des décrets sur la
qualité de l'enseignement, n'ait pu faire l'objet d'aucune discussion
valable avec la partie gouvernementale. Je pense qu'on l'aura remarqué
à l'évidence. J'ai remarqué une chose, cependant. Le
ministre de l'Éducation, dans ses remarques finales, n'a rien
rejeté. Il a pris note des trois points qu'il a signalés, il n'a
rien rejeté, à moins que je l'aie mal compris. Je le prierais
avec beaucoup d'insistance d'examiner les implications positives de ces
déclarations qui ont été faites par les porte-parole des
centrales syndicales et d'en tirer peut-être des réflexions un peu
plus constructives que celles qu'on a entendues ce soir, surtout de la part de
ses collègues et dans la première partie de son allocution.
Je remercie ceux qui sont venus et je rappelle, encore une fois, que
demain on a une grosse journée et qu'on attend les autres organismes
avec autant d'intérêt.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je veux, de mon
côté, également remercier les syndicats d'enseignants et
d'enseignantes des collèges, des écoles primaires et secondaires
qui se sont présentés devant nous aujourd'hui. Je pense que les
mémoires qu'ils nous ont présentés, étaient
remarquables par leur structure, leur contenu. J'ai dit qu'ils constituaient
des plaidoyers fermes mais c'est justement un hommage à la
qualité de ce plaidoyer. Malgré ce qu'on a pu dire, j'y ai
prêté une grande attention, je les relirai aussi et je les
approfondirai avec attention, soyez-en sûrs.
Il est vrai, comme l'a fait remarquer le député
d'Argenteuil, que j'ai été sensible à l'implication
positive des propositions qui nous ont été faites et que nous les
considérerons également. Moi aussi, je me réjouis des
échanges que nous avons eus. Je souhaiterais qu'ils se poursuivent
après la commission parlementaire et j'espère que ces pourparlers
nous conduiront à ce règlement négocié que je
continue d'espérer.
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, simplement pour
l'organisation de nos travaux. D'abord, je me réjouis de savoir,
malgré le fait que je sois très conscient que bien des
députés auraient voulu s'exprimer et que nous devions mettre fin
aux travaux relativement à l'audition des représentants du
mouvement syndical du niveau primaire, secondaire et collégial, que nous
avons pris un engagement, hier, et nous l'avons respecté. C'était
de consacrer une journée entière aux représentants du
milieu syndical. Nous avons respecté cet engagement et je crois
qu'à ce niveau, la commission parlementaire a bien fait son travail.
Il y a par contre des groupes qui avaient été
invités, hier, qui n'ont pas pu se faire entendre, qui se feront
entendre ou demain ou lundi et j'espère - là-dessus, je prends
bonne note de ce qu'a dit le député d'Argenteuil - que demain,
considérant que nous avons tout de même passé deux bonnes
journées de travail avec deux groupes importants dans le cadre de ces
discussions concernant les conditions de travail dans le milieu de
l'enseignement et de la qualité de l'éducation, nous pourrons,
demain et lundi, entendre les groupes, au nombre de seize, qui sont encore
inscrits sur notre liste d'invités et qui méritent, à mon
avis, d'être entendus. Peut-être faudrait-il, M. le
Président, que, demain, tout en étant très respectueux des
groupes qui se présentent devant nous et respectueux du processus
démocratique, nous adoptions ce que je pourrais appeler une forme de
discipline et d'organisation du travail afin que nous puissions entendre tous
ces groupes demain et lundi?
Le Président (M. Jolivet): Vous savez très bien
que, dans l'organisation des travaux, on essaie normalement de se limiter
aux ententes du début. Comme c'était la journée de
ces deux groupes, les cégeps et l'élémentaire et
secondaire, la journée leur étant consacrée, on a
essayé d'employer le temps maximal. On verra, demain matin, si vous avez
des propositions quant à la durée du temps à employer.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Juste une remarque à propos de ce que vient de
dire le leader du gouvernement. D'abord, je voudrais le remercier de la
collaboration qu'il a apportée à l'Opposition depuis le
début des travaux de la commission. Je pense qu'il n'y a pas eu de
conflits d'importance qui n'aient pas été résolus
lorsqu'ils ont semblé se manifester. Dans le choix des groupes qui sont
venus ici, il n'y a aucun sujet de litige qui soit demeuré. Pour demain,
je vous préviens d'une petite difficulté possible.
J'ai remarqué que vous aviez tracé une liste de sept
organismes qui seront appelés à se présenter et une liste
de sept ou huit pour lundi. Je remarque que, dans la journée de demain,
il n'y a pas un groupe de langue anglaise. Dans l'ensemble des groupes, il y en
avait plusieurs. Je crois comprendre qu'ils auraient manifesté le
désir de témoigner l'un à la suite de l'autre ou assez
proches les uns des autres, en bloc même. Je le comprends très
bien. Si c'est le désir qu'ils ont manifesté, cela ne crée
aucune espèce de problème de notre côté. Tous les
groupes qui sont inscrits sur la liste pour demain sont des groupes qui valent
d'être entendus et nous les entendrons volontiers.
Je souscris à ce que vous avez dit quant à la
nécessité d'une discipline peut-être un peu plus
serrée à compter de maintenant et nous serons à votre
disposition pour discuter de modalités qui pourraient être
envisagées de ce côté-là.
Le Président (M. Jolivet): Quant à moi, comme
président, j'ai pris bonne note de vos bonnes intentions pour demain ou
ce matin même.
Nos travaux sont ajournés à ce matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 0 h 13)