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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Tuesday, January 31, 1984 - Vol. 27 N° 241

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 40 - Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Blouin): La commission permanente de l'éducation reprend donc ses travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission qui est d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Les membres et les intervenants de cette commission sont: MM. Brouillet (Chauveau), Champagne (Mille-Îles), Cusano (Viau), Gauthier (Roberval), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Hains (Saint-Henri), Laurin (Bourget), Leduc (Fabre), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Payne (Vachon) et Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Charbonneau (Verchères), Maltais (Saguenay), Doyon (Louis-Hébert), Lachance (Bellechasse), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Paré (Shefford), Rochefort (Gouin) et Sirros (Laurier).

Nous entendrons, d'abord, ce matin, MM. Guy Giroux, Pierre Talbot et Robert Bilodeau, commissaires à la CECQ; ensuite, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Nous prévoyons également, à compter de 15 heures, entendre la commission scolaire des Laurentides, la commission scolaire des Mille-Îles; ce soir, à compter de 19 h 30, le Comité d'école de l'école Vaillancourt, ainsi que la Fédération des travailleurs du Québec.

Sur ce, j'invite sans plus tarder les représentants du premier groupe, c'est-à-dire MM. Giroux, Talbot et Bilodeau, d'abord, à nous présenter leur mémoire en une vingtaine de minutes, après s'être identifiés pour que nous puissions bien savoir lequel est lequel.

MM. Robert Bilodeau, Guy Giroux et Pierre Talbot

M. Bilodeau (Robert): Merci, M. le Président. Mon nom est Robert Bilodeau; je suis parent et commissaire à la Commission des écoles catholiques de Québec. M'accompagnent, à ma droite, M. Pierre Talbot, également parent et commissaire à la Commission des écoles catholiques de Québec et, à ma gauche, M. Guy Giroux, parent et commissaire à la Commission des écoles catholiques de Québec.

M. le Président, nous avons fait un effort de synthèse de notre mémoire; c'est pour cela qu'au fur et à mesure de la lecture j'indiquerai aux membres de la commission à quelle page correspond au mémoire qu'ils ont en main la lecture que je vais faire.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission parlementaire, notre mémoire n'est pas le fruit de compromis de tendances comme il peut s'en produire dans les prises de position de certaines associations. Il n'est pas rédigé de façon à sauvegarder ou à redorer notre image publique, ni à faire plaisir à notre clientèle ou à nos membres. Nous ne disposons ni de professionnels, ni d'études particulières, ni de membres sur tout le territoire du Québec pour faire une étude minutieuse de tous les aspects du projet de loi.

Page 2. Notre mémoire est le fruit de notre expérience de la chose scolaire, des rôles différents que nous avons été appelés à y jouer ces dernières années et de notre réflexion.

Nous sommes d'abord et avant tout trois parents d'enfants qui fréquentent des écoles publiques de la Commission des écoles catholiques de Québec. C'est en tant que parents que nous voulons nous impliquer. Nous avons donc tous les trois été membres de trois comités d'école différents à la CECQ. Notre expérience dans ces comités a été à la fois révélatrice, enrichissante et frustrante. Nous avons senti au sein du comité d'école des inquiétudes et des malaises de la part des autres intervenants dans l'école: les directions d'école, les professeurs et les professionnels non-enseignants étant habitués à travailler ensemble ne savaient pas quelle place donner aux parents. Des interrogations subsistaient et subsistent encore: quel est le statut des parents à l'école? Quel sera leur apport à la vie de tous les jours? Vont-ils s'arroger des prérogatives dévolues aux autres intervenants? Nous avons également vécu de bonnes expériences faites d'ajustement et de compréhension des rôles respectifs de chacun.

Page 3. Nous avons aussi constaté la petite place faite à l'école dans la structure scolaire par rapport à la commission scolaire et au ministère de l'Éducation. Notre vécu, à ce niveau, a surtout été marqué par l'autoritarisme et la centralisation de la prise de décision à la CECQ. Un d'entre nous, au moment où il était membre de son comité d'école, a vécu la malheureuse expérience de la fermeture de l'école primaire fréquentée par son fils. Malgré la

population scolaire justifiant le maintien de l'école, malgré la mobilisation massive des parents et des gens du milieu, malgré le recours aux tribunaux, ces démarches n'ont pas fait broncher une direction générale et un conseil des commissaires fermés et jaloux de leur prérogative de décideurs envers et contre tous. Ce parent, aujourd'hui commissaire, doit continuer à payer, quatre ans plus tard, les coûts de procédures judiciaires intentées à l'époque.

Un autre d'entre nous a également vécu, au sein de son comité d'école, un affrontement à la suite du dirigisme de la CECQ. Cette commission scolaire a décidé de murer la moitié des fenêtres de la façade sud de l'école fréquentée par ses deux enfants. Malgré l'opposition des parents, d'organismes et de personnes influentes du milieu, la direction générale et l'ensemble du conseil des commissaires, avec le pouvoir de décision dans leurs mains, sont restés sur leurs positions et les travaux ont été exécutés. Bien que la CECQ ait justifié cette décision par des économies d'énergie, elle n'a jamais fait de bilan énergétique ni produit de calcul d'économie d'énergie pouvant appuyer cette décision.

Page 4. Voulant pousser plus loin notre expérience de la chose scolaire et aussi refléter les préoccupations de nos milieux respectifs, et, prioritairement, celles des parents, nous sommes devenus commissaires à la CECQ. Un d'entre nous est commissaire depuis six ans, le deuxième, depuis deux ans et demi et le troisième, depuis juin dernier. Nous sommes, en tant que commissaires, témoins de situations où les écoles se voient refuser des requêtes légitimes parce que cela ne recontre pas les desseins de la direction générale et des commissaires qui ne veulent pas partager les responsabilités avec les écoles et tiennent mordicus à prendre toutes les décisions.

Un dernier élément de notre vécu transparaît dans notre mémoire. Deux d'entre nous représentent des quartiers se situant dans l'enclave constitutionnelle du territoire de la CECQ de 1867.

Page 5. Il semble que l'on avait oublié, avec le temps et l'évolution du monde de l'éducation, que la responsabilité directe et immédiate de la mission éducative revient de plein droit et en toute normalité à l'école. N'est-elle pas la seule entité en contact direct et constant avec les enfants?

L'école étant conçue pour les enfants, il devient évident que les parents, premiers responsables de leurs enfants, doivent y prendre une place importante. Les parents ont été introduits dans l'école par la porte arrière. Leur statut de partenaires de deuxième ordre a occasionné des frustrations et des tensions dans certaines écoles. Dans d'autres, heureusement, l'ouverture d'esprit des directions d'école aidant, il s'est établi une collégialité dynamique des différents intervenants. Il n'est que normal que le projet de loi consacre leur présence dans l'école et ne laisse pas à l'unique volonté des directions d'école et des commissions scolaires le soin de les faire participer. Ce que nous en savons démontre que, dans les milieux urbains surtout, les commissions scolaires ne veulent pas d'une présence active des parents. Ces derniers ont besoin du soutien de la loi pour prendre la place qui leur revient. (10 h 15)

Nous tenons à apporter notre point de vue sur le sujet litigieux et délicat de la taxe scolaire et du mode de composition du conseil des commissaires. Notre expérience et notre réflexion nous amènent à proposer une remise en question fondamentale à la fois de ce qui existe présentement, de ce que propose le projet de loi et même de ce que proposent certains intervenants du monde de l'éducation. Nous n'avons pas voulu censurer notre pensée et préconiser une approche complaisante qui ne ferait que modifier des avenues déjà explorées qui ne nous satisfont pas. C'est pourquoi nous voulons supprimer la taxe scolaire, ce qui nous permet de préconiser l'abolition du suffrage universel pour l'élection des commissaires pour le remplacer par un autre mode d'élection.

Un certain nombre de constatations nous amènent à cette proposition. La première constatation a trait à l'évolution de notre système scolaire au Québec. À la suite du rapport Parent, la réforme majeure qu'a connue le monde de l'éducation dans les années soixante a vu apparaître les collèges d'enseignement général et professionnel. Ce maillon important de notre système scolaire, symbole de la démocratisation et de l'accroissement de la scolarisation, on l'a pourtant soustrait à la taxation scolaire. De plus, ses dirigeants ne sont pas des personnes élues au suffrage universel. Toutefois, cette situation ne fait pas l'objet d'une réprobation généralisée.

L'adaptation de nos universités à notre société en changement a entraîné des modifications à la composition des conseils des universités. Là aussi, tout comme dans les cégeps, il est apparu essentiel de faire siéger les représentants de tous les intervenants à l'université. Il n'est pas apparu pertinent, par contre, de préconiser l'élection des membres au suffrage universel de la population, mais plutôt au suffrage des pairs de chaque catégorie d'intervenants. Il n'a jamais été question, non plus, d'instaurer une taxe scolaire foncière pour le financement des universités.

La participation de tous les agents au conseil des universités et des cégeps a inspiré, nous semble-t-il, la composition des conseils d'école. Nous ne comprenons pas

pourquoi cette notion dynamique d'implication des divers intervenants ne pourrait pas aussi s'appliquer dans la formation du conseil des commissions scolaires.

Page 9. Notre deuxième constatation se rapporte à la complexification et à la diversification de notre société. Auparavant, l'éducation était au coeur de la vie sociale. De nos jours, l'importance du domaine de l'enseignement est maintenant relativisée puisqu'il n'est qu'un système parmi d'autres de transmission de connaissances et de valeurs.

Les citoyens et les citoyennes se sentent concernés par les différents paliers de gouvernement que sont le municipal, le provincial ou le fédéral qui interviennent et prennent des décisions qui les touchent dans leur vie quotidienne de multiples façons. Il faut y trouver une situation qui favorise la discussion publique des politiques de ces gouvernements et la participation de la population au processus électoral.

Les contribuables sont pleinement conscients que ces gouvernements se financent par le versement d'impôts et de taxes de leur part. Cet intérêt accroît leur motivation à surveiller leurs représentants pour s'assurer de la bonne utilisation de leur argent.

Page 10. La population a aussi conscience que chacun de ces gouvernements possède à son niveau de juridiction le pouvoir d'établir des politiques et de modifier des situations dans notre société.

Ces trois éléments que nous venons brièvement de présenter et qui sont interreliés, on ne les retrouve pas d'une façon significative dans le domaine de l'éducation. À notre analyse, seules les personnes directement touchées par ce domaine démontrent un intérêt et une motivation à s'y intéresser. La taxe scolaire ne représente qu'un maximum de 6% du financement d'une partie de notre réseau d'enseignement. Ce n'est pas un attrait suffisant pour motiver les contribuables à surveiller les commissaires qui ont à gérer leur argent. De plus, la commission scolaire est perçue comme une administration ayant très peu de pouvoir de décision. En fait, le financement, l'établissement des politiques et les relations de travail se décident par le gouvernement du Québec.

Le désintérêt de la population, nous l'avons palpé, discuté et vécu dans notre expérience de commissaires. Tous les trois, nous avons derrière nous une campagne électorale pour nous faire élire au poste de commissaire et nous avons eu à combattre l'indifférence de la population. Dans notre porte-à-porte auprès des électeurs et des électrices, nous avons eu à expliquer et à justifier la pertinence de l'élection. Les personnes n'ayant pas d'enfant à l'école, qu'elles soient jeunes ou vieilles, ne se sentent aucunement concernées. Les propriétaires fonciers, bien que contribuables de la taxe scolaire, ne sont pas intéressés à savoir comment est utilisé leur argent; ils veulent plutôt que cette taxe soit abolie.

Page 11. Le projet de loi propose un certain nombre d'aménagements au processus électoral de manière à favoriser la participation. Quant à nous, nous sommes persuadés, à la lumière des constatations qui précèdent, que ceci ne modifiera pas d'une façon significative l'intérêt et la participation de la population à l'élection des commissaires. D'ailleurs, ce que nous connaissons des expériences entreprises par les commissions scolaires de l'île de Montréal pour stimuler l'enthousiasme des masses démontre que celles-ci sont restées quasi inertes.

Notre troisième constatation porte sur la taxe scolaire. Notre système de représentation des contribuables est la base de notre parlementarisme: "no taxation without representation". Dès qu'est perçue une contribution directe de la population, notre conception de la démocratie exige que les contribuables élisent des représentants pour voir à la bonne utilisation de ces fonds publics. C'est pourquoi, pour pouvoir proposer une formule qui ne contrevienne pas à ce principe, il faut abolir la taxe scolaire qui est un apport mineur au financement de l'enseignement primaire et secondaire public.

Page 11. La taxe scolaire ne sert au financement ni des universités et autres institutions supérieures d'enseignement, ni des cégeps, ni du réseau des institutions privées, sans oublier la formation professionnelle des adultes. La tendance manifestée ces dernières années de la restreindre nous paraît irréversible. À part quelques personnes et associations voulant revenir plus de 20 ans en arrière, la population en général accepterait mal l'accroissement de cette taxe. L'aboliton de cette séquelle du passé permettrait enfin de remettre en question le suffrage universel des commissaires d'écoles.

Page 12. Étant donné les constatations précédentes, vous comprendrez que nous ne nous sommes pas attardés à examiner toute la variété des formules souvent boiteuses et des impasses auxquelles conduit le maintien à tout prix du suffrage universel. De même, nous ne voulons pas nous limiter à une composition du conseil des commissaires qui ignore les différents secteurs du monde scolaire.

La commission scolaire prend des décisions qui ont des implications sur la mission éducative des écoles. Or, l'association des divers intervenants de l'école à ces décisions nous paraît indispensable. Notre proposition établit une cohérence, une logique, une continuité avec la composition du conseil d'école.

Nous proposons donc, page 13, que le

conseil des commissaires soit composé d'un parent représentant chacune des écoles sous la juridiction de la commission scolaire. L'élection de ce parent se ferait au suffrage universel des parents, ou de ceux et celles qui en tiennent lieu, qui ont un ou des enfants inscrits dans cette école. Les professeurs auraient droit à deux représentants désignés par leur association, le personnel non enseignant aurait droit à un représentant désigné par son association et le personnel de soutien aurait droit à un représentant désigné par son association.

Page 14. Nous n'avons pas inclus une représentation des élèves au conseil des commissaires. Nous souhaiterions, cependant, que la réglementation de la loi puisse prévoir une obligation pour une commission scolaire de consulter, sur des sujets touchant les élèves, une association étudiante représentative s'il en existe une.

Notre proposition amène la constitution d'un imposant conseil des commissaires. Nous croyons à sa pertinence et à sa viabilité si les législateurs apportent des modifications à la composition de son comité exécutif. Nous proposons donc que le comité exécutif soit formé des membres suivant du conseil: le président du conseil qui en serait le président; quatre membres du conseil exécutif si celui-ci est formé de moins de 20 membres, six membres du conseil si celui-ci est formé de 20 à 30 membres et 8 membres du conseil si celui-ci est formé de plus de 30 membres.

L'école, pivot du système scolaire. Cette revalorisation de l'école répond aux attentes et aux désirs des parents avec lesquels nous avons eu à travailler et à défendre leurs points de vue plus souvent qu'autrement bafoués au sein du conseil des commissaires de la CECQ. Nous sommes plus que favorables aux fins de rendre l'école responsable du choix des manuels scolaires. Cette responsabilité sera d'autant mieux assumée que le ministère de l'Éducation fournira des instruments et des guides qui permettront à l'école d'évaluer ces manuels.

Le projet éducatif est l'une des attributions de l'école qui renforcera son action et sa responsabilité face au rôle qu'elle doit jouer dans le processus des modes d'apprentissage et d'éducation de nos enfants. La diversité des milieux donnera à chacune des écoles une couleur locale qui amènera un haut degré d'appartenance des élèves, des éducateurs et des parents à leur école. Nous espérons donc que les commissions scolaires et le ministère de l'Éducation veillent à fournir l'expertise et le support nécessaires pour que tous les conseils d'école puissent mettre sur pied leur propre projet éducatif répondant le plus adéquatement possible à leurs besoins spécifiques. D'ailleurs, selon notre expérience, lorsqu'un comité d'école met sur pied un projet d'envergure, tels les projets d'aménagement des cours d'école à la CECQ, le comité d'école promoteur du projet a fourni à d'autres écoles l'expertise et l'aide nécessaires pour amorcer une démarche semblable.

Cet aspect des contacts et des communications dans le monde des écoles est un facteur important qui atténue les objections des détracteurs du projet éducatif qui, selon eux, va créer des disparités importantes d'une école à l'autre. Déjà, ces différenciations sont existantes dans la réalité des écoles. Faut-il, au nom de la normalisation et de l'uniformisation, éviter de doter nos écoles de projets éducatifs comme si le territoire québécois n'était pas une mosaïque riche de vécu social et culturel varié?

Par ailleurs, nous sommes enthousiastes à l'idée que le projet de loi reconnaisse la mission communautaire de l'école. Nombreuses ont été les demandes pour utiliser les locaux de nos écoles à des fins communautaires. Ces requêtes n'ont, malheureusement, pas eu une écoute attentive de la part de la direction et des commissaires de la CECQ. Par exemple, les parents de l'école primaire Anne-Hébert qui désiraient un local pour s'initier avec leurs enfants à l'utilisation de micro-ordinateurs, finalement, se sont vu imposer un loyer mensuel au même titre que tous les autres locataires de la CECQ pourtant étrangers à la chose scolaire.

De plus, à la suite de l'instauration du gardiennage électronique dans plusieurs de nos écoles, il est presque impossible d'obtenir l'autorisation d'utiliser les locaux d'une école de la CECQ à des fins communautaires. Combien d'événements sociaux et culturels pourraient se tenir dans nos écoles? Comme le stipule le projet de loi 40, laissons aux conseils d'école le soin de déterminer eux-mêmes la gamme des activités à caractère social qui pourraient s'y dérouler.

Nous désirons apporter à cette commission notre opinion sur le nouveau découpage du territoire de la CECQ que propose le projet de loi. Cette enclave destinée à éviter les embûches constitutionnelles n'a pas de sens. Une petite CECQ restreinte au territoire de 1867 aurait à administrer sept écoles. Nous devrions peut-être dire maintenant quatre écoles, puisque le président de la CECQ, M. Lucien Flamand, a annoncé, le 11 janvier dernier, à cette commission la fermeture de trois écoles secondaires, une décision - il faut le dire -qui n'a fait l'objet d'aucune consultation du comité de parents, ni des comités d'école concernés, ni d'aucune discussion et résolution du conseil des commissaires de la CECQ. Cette situation abracadabrante privera également la population de ce territoire et en tout premier lieu les enfants

de l'application de la réforme scolaire. C'est, du moins, l'interprétation que bien des milieux et nous-mêmes faisons, entre autres, de l'article 333 du projet de loi 40.

Page 21. Enfin, nous voulons porter à votre attention la situation particulière que vit le milieu scolaire de l'école primaire Saint-Jean-Baptiste, une des trois écoles primaires de la CECQ de 1867. Les élèves exemptés de l'enseignement religieux représentent actuellement 42% de la population scolaire, mais avec un pourcentage de 54% pour les niveaux du premier cycle. Certaines des craintes exprimées viennent de la situation constitutionnelle qui créerait une enclave à caractère religieux susceptible de bouleverser la vie sociale de l'école et du quartier. C'est pourquoi, afin de trouver des solutions à cette situation, nous proposons: 1) que le gouvernement du Québec entreprenne le plus tôt possible les démarches nécessaires afin de faire amender les articles de la Loi constitutionnelle canadienne qui garantissent la confessionnalité scolaire aux personnes domiciliées sur le territoire de la CECQ de 1867; 2) qu'en attendant une modification constitutionnelle le gouvernement du Québec s'assure que les personnes domiciliées sur le territoire de la CECQ de 1867 puissent bénéficier de l'application de la loi 40 lorsqu'elle sera en vigueur; 3) que le gouvernement du Québec permette à une commission scolaire autre que la CECQ d'établir des écoles sur le territoire de 1867, ceci pouvant contribuer à assurer l'application de la réforme scolaire à la population de ce territoire.

En terminant, nous voulons vous dire, membres de la commission, que nous souhaitons vivement aux parents du Québec la place qui leur revient à l'école et à la commission scolaire pour éviter que, dans l'avenir, des situations méprisantes et antidémocratiques comme celle que nous avons vécue ne se reproduisent. En effet, le président de la CECQ, lors de sa comparution devant cette commission, a menacé de traîner le gouvernement du Québec devant les tribunaux s'il y avait une modification du territoire actuel de la CECQ. Cette position est la position personnelle du président Flamand et non pas celle du conseil des commissaires puisque cet énoncé n'a fait l'objet ni de discussions, ni d'une résolution des commissaires de la CECQ. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bilodeau. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais, d'abord, féliciter et remercier les trois commissaires pour le mémoire qu'il nous ont présenté, que j'ai lu avec intérêt et qui origine de leur longue expérience en tant que membres de comités d'école et maintenant en tant que commissaires. Ils nous présentent des vues originales et même, parfois, radicales. Je me réfère ici, par exemple, à ce qu'ils préconisent: l'abolition de la taxe foncière pour fins de subvention des écoles, la représentation collégiale de tous les intervenants non seulement au palier de l'école, mais au palier de la commission scolaire. Ce sont là deux recommandations nouvelles qui méritent cependant d'être examinées. Je les remercie également de l'effort qu'ils ont fait, au-delà de leurs occupations actuelles, pour préparer ce mémoire.

Je voudrais vous poser une question qui touche l'école. Lors de la présentation de votre mémoire, vous avez souvent fait allusion à la position défendue ici par la CECQ. Lorsque la CECQ est venue présenter son mémoire, elle a dit qu'elle aussi était d'accord pour accorder plus d'importance à l'école, qu'il fallait la valoriser et même la rendre plus responsable. D'ailleurs, c'est assez typique de la présentation de plusieurs mémoires de commissions scolaires qui reconnaissent, maintenant en tout cas, l'importance plus grande qu'il faut accorder à l'école. Cela correspond à des pratiques de plus en plus fréquentes que nous constatons depuis deux ans. (10 h 30)

Certaines commissions scolaires nous disent qu'elles ont déjà commencé à effectuer une décentralisation pédagogique et administrative au niveau de l'école. Plusieurs vont plus loin et disent que les objectifs ou les priorités des commissions scolaires pour les années actuelles sont d'aider les écoles à se doter de projets éducatifs de qualité et à les soutenir dans cette direction. Cependant, la CECQ nous disait qu'il importe, quand même, de conserver à la commission scolaire une juridiction pleine et entière sur l'école à tous les points de vue, y compris sur le plan pédagogique, et que le maximum qui pouvait être envisagé, c'était d'inscrire dans la loi une délégation de responsabilités pédagogiques au niveau de l'école au fur et à mesure que lesdites commissions scolaires pouvaient considérer qu'elles étaient prêtes à assumer ces responsabilités.

Ma question est celle-ci: En tant que commissaires, croyez-vous que - en particulier, à l'école qui, comme vous le dites, est la seule entité en contact direct et constant avec les enfants - une simple délégation de responsabilités pourrait, en pratique, être satisfaisante, nous rapprocher et mieux permettre l'atteinte de l'objectif que doit viser la mission éducative au niveau de l'école?

M. Bilodeau: M. le ministre, je veux d'abord vous dire que, malgré les propos flatteurs qu'a pu exprimer le président de la CECQ concernant la place que cette com-

mission scolaire, à ce qu'il a dit, laisse aux parents, il y a un ex-comité d'école d'une école primaire de la CECQ qui est même venu témoigner à cette commission parlementaire pour dire aux membres de la commission que, même sur le choix du nom d'une école, malgré un processus hautement démocratique qu'ils avaient suivi, la CECQ a passé outre au voeu des parents et a décidé unilatéralement du nom de l'école.

D'autre part, notre expérience également au sein du conseil des commissaires nous montre que, du moins pour une commission scolaire comme la CECQ, cela prend obligatoirement des garanties légales pour que dans les faits cette commission scolaire et d'autres puissent déléguer des responsabilités à l'école. Nous ne croyons pas qu'on doive se fier uniquement à la bonne volonté des commissions scolaires et qu'elles-mêmes jugent quand les écoles seront prêtes. Ce seront elles à ce moment qui décideront quand les écoles seront prêtes à assumer des responsabilités et qui voudront bien leur en déléguer au compte-gouttes. Nous ne croyons pas que c'est de cette façon qu'on doive permettre aux parents et à l'école d'assumer plus de responsabilités, surtout au niveau pédagogique.

De nombreuses commissions scolaires sont venues dire à cette commission parlementaire que là effectivement où il y avait déjà délégation aux écoles - nous avons été surpris de constater qu'il y avait plusieurs commissions scolaires qui déléguaient des responsabilités aux écoles - il y avait une bonne entente entre les commissions scolaires et le réseau des écoles, et que ces commissions scolaires écoutaient les parents. Malheureusement, du côté de la CECQ, on ne peut pas en témoigner de la même façon. On pense que, pour certaines commissions scolaires et, en particulier pour la CECQ que nous connaissons davantage, cela prend des garanties légales inscrites dans la loi pour permettre à l'école de jouer vraiment son rôle et de remplir sa mission éducative.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bilodeau. Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de saluer les commissaires dissidents, j'imagine, de la CECQ puisque votre organisme s'est présenté et que vous jugez à propos, dans une présentation qui vous est plus personnelle, de faire valoir votre point de vue. Cela demande toujours un certain courage pour ce faire et je l'apprécie, même si je ne suis pas d'accord avec un grand nombre d'affirmations que vous faites dans votre mémoire, affirmations et même prises de position qui, pour répéter ce que le ministre disait, sont radicales à certains points de vue.

Ce qui m'inquiète surtout, ce sont certaines affirmations qui m'apparaissent assez gratuites. Je comprends que dans votre démarche comme parents à l'intérieur de vos comités d'école vous ayez subi des frustrations. Ensuite, vous vous êtes fait élire au niveau de la commission scolaire. J'ai l'impression que ces mêmes frustrations, mais peut-être un peu différemment, se sont fait sentir à ce niveau. Mais de là à en conclure que, comme votre mémoire semble l'indiquer, finalement, l'éducation aux niveaux élémentaire et secondaire - ce qu'on appelle le système scolaire en général - devrait être pratiquement et uniquement la chose des parents... J'en veux comme exemple la façon dont vous considérez le suffrage universel.

Je suis aussi un peu inquiète que vous preniez comme modèle les conseils d'administration des cégeps et des universités. Il y a une différence majeure au point de départ: l'enseignement au niveau du cégep et au niveau universitaire n'est pas obligatoire et est le choix des jeunes eux-mêmes dans la majorité des cas, alors qu'aux niveaux élémentaire et secondaire vous avez l'enseignement obligatoire. Aussi, le modède des conseils d'administration des cégeps et la façon dont ils ont fonctionné et dont ils fonctionnent, en dépit des efforts du gouvernement pour améliorer certaines choses, ne m'apparaît certainement pas un modèle souhaitable pour les niveaux élémentaire et secondaire.

Votre façon restrictive de voir le rôle de la communauté, pris dans son sens le plus large, eu égard à l'éducation m'inquiète. Que les parents soient immédiatement concernés par l'éducation - leur enfant est là et on veut tous, pour nos enfants, la meilleure chose possible, le meilleur système d'école possible - je pense qu'il y a là une motivation fondamentale qu'on retrouve à un degré moindre chez l'ensemble de nos citoyens. L'école et notre système scolaire souffriraient s'ils ne devaient être que la chose des parents parce qu'ils sont aussi passagers dans l'école. Une société doit permettre que chacun, selon ses aptitudes, selon ses intérêts, selon ses motivations, puisse s'intéresser à la chose scolaire. Je mets sciemment de côté le cégep et l'université, qui ne sont pas des modèles de démocratie, de toute façon. On pourrait revenir longtemps sur les universités, par exemple, qui ont la réputation d'être des tours fermées. Enfin, on connaît toutes les épithètes qu'on attribue aux universités qui sont aussi exagérées à bien des égards. Mais tenons-nous-en à l'éducation.

D'une part, vous vous dites très heureux de l'école communautaire ou de la notion d'école communautaire. Tout le monde partage ce point de vue. Mais cela me semble être un peu en contradiction avec la

façon dont vous envisagez le suffrage universel, votre façon de dire qu'il faut abolir la taxe scolaire, comme si tout ce qui concerne l'éducation n'était la chose que des gens directement impliqués dans l'école, au moment présent. Cela me semble un peu contradictoire parce que vous ne développerez pas l'école communautaire, sauf pour des locations de locaux auxquelles vous faites allusion, si vous ne permettez pas à la communauté ou à l'ensemble des citoyens qui le veulent de s'y impliquer. J'aimerais que vous essayiez de concilier cette joie que vous avez de voir l'école communautaire et, d'autre part, ce désir de fermer l'école à toute personne qui n'y est pas immédiatement impliquée.

M. Bilodeau: Vous avez soulevé plusieurs points, Mme la députée. Je vais commencer par le suffrage universel. Quand on a examiné le projet de loi et après avoir écouté les différentes propositions mises de l'avant, il y a quand même une chose qu'on constate. On l'a d'abord vécu en tant que commissaires quand nous avons fait du porte-à-porte et on ne peut que répéter ce qu'on a dit dans notre mémoire: Les gens qui n'ont pas d'enfants à l'école, les gens qui ne sont pas directement concernés par la chose scolaire se désintéressent des écoles. On peut grossir cette affirmation si on regarde les statistiques de la participation des électeurs et électrices aux élections scolaires. Malgré les efforts importants des commissions scolaires de l'île de Montréal depuis les deux dernières élections pour activer la participation, on est toujours à 12% des électeurs et des électrices. À notre avis, s'il y a un sondage significatif et révélateur de la situation dans laquelle se trouve le suffrage universel des commissions scolaires, c'est bien celui-là.

Or, nous disons: Que fait-on avec un moribond qui discrédite la notion même de représentant élu de la population, qui discrédite même cette notion que c'est la population qui élit ses représentants à un gouvernement, sans passer sous silence, évidemment, les commissaires qui sont élus par acclamation? À notre commission scolaire, madame, c'est 70% des commissaires qui siègent présentement qui n'ont pas été élus au suffrage universel. Pourrait-on imaginer une Assemblée nationale composée de 70% des députés élus par acclamation et les autres 30% élus par moins de 10% de la population? Ce serait discréditer l'Assemblée nationale, qui n'aurait aucune crédibilité. Nous, nous disons que les commissions scolaires n'ont aucune crédibilité aux yeux des électeurs et des électrices. Les résultats de la participation aux élections scolaires le démontrent amplement.

Ceci dit, nous avons donc essayé d'imaginer une autre modalité pour représenter la composition du conseil des commissaires. Là, évidemment, nous avons suivi la cohérence de l'école, du conseil d'école; nous avons décidé de suivre cette logique, d'intervenir aussi et de placer les mêmes intervenants au niveau du conseil des commissaires pour les mêmes motivations que l'on a développées.

Vous dites que la population est intéressée à la chose scolaire. On pourrait aussi dire, en débordant du cadre de l'éducation, que, s'il y a quelque chose qui devrait préoccuper l'ensemble de la population du Québec plus même que l'éducation, c'est bien la santé. S'il y a un niveau d'implication où on devrait demander l'opinion de la population, c'est bien sur la gouverne de nos hôpitaux. Pourtant, les administrateurs des hôpitaux ne sont pas élus au suffrage universel et ils administrent des budgets souvent beaucoup plus considérables que ceux des commissions scolaires. Là, tout le monde est concerné par la santé, jeunes ou vieux, absolument tout le monde, ce qui n'est pas le cas du domaine de l'éducation et les résultats des élections scolaires le montrent amplement.

Mme Lavoie-Roux: Je pense, M. Bilodeau, que vous faites la même démonstration que plusieurs ont faite ici, par exemple, que la participation à l'élection des commissaires d'écoles est extrêmement faible. Je suis d'accord avec vous là-dessus et les chiffres vous donnent raison. Mais, est-ce une raison pour dire: Laissons-les mourir, laissons mourir tranquillement la démocratie scolaire sous prétexte que, pour des raisons multiples que je ne pourrais énumérer, on n'a pas donné les mêmes ressources pour les élections scolaires qu'on a données pour les élections municipales?

Je vous donnerai simplement ces chiffres. Lors de la première élection scolaire au suffrage universel à Montréal en 1973 - la première élection scolaire, parce que c'était comme à Québec, il y avait des gens nommés - il y a eu une participation de 26% ou 27%. À ce moment, on a envoyé un rapport au gouvernement, qui était un gouvernement libéral à ce moment, pour dire: II y telle et telle disposition qui devraient être prises, etc., pour améliorer la participation. On était à 27%. Si je vous disais que la participation au suffrage universel de l'élection municipale de Montréal l'automne dernier a été inférieure à 50%. Pourtant, il y avait trois partis politiques bien organisés. Il y a une longue tradition d'élections municipales à Montréal avec des enjeux très importants. Pourtant, c'est la participation que vous avez eue. Il serait trop facile de dire: Là où la société ne participe pas, enlevons cela parce que c'est inutile, de toute façon. (10 h 45)

Mon point de vue, c'est qu'on devrait prendre les moyens et les mesures pour aider l'ensemble de la population à voir que l'éducation lui appartient. À un moment précis, c'est une chose appartenant plus directement aux parents mais, pour favoriser la marche de notre société, je pense que cela devrait être l'affaire du plus grand nombre de citoyens possible.

Comme je veux laisser du temps à mes collègues, j'aurais seulement une deuxième question, plutôt, deux questions. Premièrement, la façon dont vous mettez de côté complètement les étudiants ou les élèves - parce qu'on les appelle élèves au secondaire - dans la gestion de l'école en utilisant un tas d'arguments m'étonne beaucoup parce que, jusqu'à maintenant, je ne crois pas qu'on ait entendu qui que ce soit soutenir cela. Pourtant, on a eu des positions diamétralement opposées, selon les sujets, d'un organisme ou d'un autre. Vous êtes les premiers à nous dire de ne pas les mettre dans la chose scolaire tout simplement, c'est-à-dire dans l'organisation de l'école ou dans la gestion de l'école.

La deuxième question concerne la péréquation des ressources. Vous dites que les gens s'inquiètent inutilement en croyant que des disparités seraient créées entre les écoles alors que la réalité est, justement, qu'il y a des disparités entre les écoles. Évidemment, il y aura toujours la commission scolaire qui sera obligée de voir à une réallocation des ressources qui tienne compte des disparités. Mais il y a aussi des disparités au plan des ressources humaines. Je ne voudrais citer, par exemple, que le fait - je n'hésite pas à le dire en public parce que c'est une chose fort connue - que les directions d'école et un bon nombre d'enseignants sont bien davantage portés à enseigner dans les écoles de milieux plus favorisés que dans celles de milieux défavorisés. Le système de péréquation doit se faire à ce moment-là et il se fait présentement sur une grande échelle. C'est peut-être une chose à laquelle le ministre devrait réfléchir en ce qui touche le territoire de Montréal.

Je n'aime pas votre réponse disant: On a déjà nos diversités; qu'elles soient culturelles ou autres, au fond, on ne fera que reproduire la réalité. Je pense que c'est une réalité qui se fait au détriment de nombreux élèves qui, pour des raisons économiques, sociales ou autres, ont moins de chances au point de départ, en ont moins tout au long de leurs études et très souvent finissent plus tôt que les autres. Je trouve que c'est une façon un peu cavalière de résoudre ce problème d'une meilleure équité de ressources et d'une meilleure égalité des chances, si on peut dire, entre tous les étudiants qui fréquentent nos écoles au Québec. Donc, cela portait sur les étudiants et sur la nécessité d'une justice plus grande dans les écoles.

Le Président (M. Blouin): M. Bilodeau.

M. Bilodeau: Concernant votre première question, Mme la députée, je pense qu'il y a un malentendu. Dans notre mémoire, nous disons que nous voyons mal la participation ou la présence des étudiants non pas au conseil d'école, car nous sommes d'accord qu'ils soient représentés au conseil d'école, mais au conseil des commissaires, selon la modalité que nous proposons. Notre problème était de dire que, pour qu'il y ait des étudiants qui soient représentés au conseil des commissaires, il fallait qu'il y ait des associations représentatives qui les délèguent. Là, on s'est dit qu'il n'y en avait pas dans la plupart des cas.

Aussi, il y avait la question de la légalité qui nous posait un problème. On s'est dit: Est-ce que des gens de moins de 18 ans peuvent siéger à un conseil d'administration d'une corporation publique, ce qu'est un conseil des commissaires? C'est à cause de ces deux embûches qu'on ne voulait pas qu'ils siègent obligatoirement au conseil des commissaires. Au conseil d'école, nous sommes parfaitement d'accord pour que les étudiants y siègent.

Concernant votre deuxième question, je vais passer la parole, si vous le permettez, à M. Talbot.

Le Président (M. Blouin): M. Talbot.

M. Talbot (Pierre): Mme la députée, quant à la péréquation, présentement il existe une péréquation au palier des commissions scolaires où on distribue l'argent en fonction des différents programmes qui sont donnés par la commission scolaire, dans certains cas, selon le nombre d'élèves et, également, selon le nombre d'élèves qui nécessitent des services spécialisés. Présentement, ce type de péréquation est fait au niveau de la commission scolaire et il va également être fait si le projet de loi 40 est adopté.

Présentement, ce que les parents veulent dans leur école, c'est pouvoir orienter ces différents services. Dans certains cas - vous l'avez souligné - il est fort possible qu'on désire avoir un piano, qu'on désire mettre l'accent sur la musique. Présentement c'est impossible d'ouvrir l'école. C'est impossible que certains parents qui désirent donner des cours à leur enfant puissent le faire. Il y a même des personnes dans les milieux défavorisés qui contactent des milieux favorisés - il faut le voir dans notre commission scolaire, c'est un fait vécu - mais ces derniers ne peuvent pas donner ces services, pour toutes sortes de raisons: l'école, le samedi, est fermée, le dimanche

on ne peut pas s'en servir. Il a des organismes présentement qui seraient prêts, Mme la députée, à aller donner gratuitement des cours dans ces milieux. On a une série de ressources qui sont disponibles pour ces milieux, les parents en sont conscients. Malheureusement, ils se butent toujours à la commission scolaire qui ne veut pas les entendre, qui dit que cela va être trop dispendieux d'ouvrir l'école puisqu'il va falloir chauffer, engager un responsable, alors que, pour les parents, leur école, Mme la députée, c'est leur église. Ils ont beaucoup de respect pour leur école, c'est le milieu communautaire. Laissez l'école aux parents, vous allez en faire une école communautaire. Je me suis promené dans tout le Québec durant l'été, et les écoles c'est très rare qu'elles sont ouvertes dans les villes, mais, dans les villages et les campagnes, elles sont ouvertes durant tout l'été. C'est ce qu'on veut faire dans notre ville de Québec, Mme la députée.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais juste demander ceci à M. Talbot: Est-ce que la description que vous faites de la situation qui existe dans votre commission scolaire, vous la croyez généralisée? Sur l'île de Montréal ou, du moins, dans certaines commissions de l'île de Montréal, tout l'équipement scolaire et les écoles sont actifs en fin de semaine et le soir dans une proportion, selon les ressources qu'il y a à l'intérieur des écoles, très élevée. Est-ce que c'est une situation typique de la CECQ? Vous venez de me dire - je ne suis pas familière avec la situation en dehors des grands centres - que dans les villages les écoles sont ouvertes en fin de semaine.

M. Talbot: Durant l'été, oui, car j'ai eu l'occasion de le remarquer. Même dans certaines commissions scolaires en banlieue de Québec, les équipements, qu'on parle du gymnase, de la piscine, sont disponibles pour la population sur le plan communautaire. C'est typique à la ville de Québec, effectivement. Ce qui m'a ému et ce que j'ai trouvé impressionnant pour des commissaires qui avons à vivre - surtout des parents - cette situation, c'est de voir l'ouverture d'esprit de certaines commissions scolaires comme les commissions scolaires de Sherbrooke et de Morilac qui, elles, sans la nécessité du projet de loi 40, ont déjà délégué au comité d'école, ont ouvert leurs écoles à des projets éducatifs. Elles se sentent même malheureuses et peinées de venir ici nous dire qu'il y a certaines écoles qui n'ont pas présentement de projet éducatif. Je vous assure que vivre une telle situation à la commission scolaire de Québec, ce serait tout à fait heureux.

Mme Lavoie-Roux: Vous ne seriez pas ici ce matin.

M. Talbot: On ne serait pas ici, Mme la députée.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Merci, M. le Président. Bonjour. J'aimerais aller immédiatement à quelques aspects de votre mémoire. C'est un mémoire qui aborde certaines questions à la racine ce qui a fait dire à M. le ministre que certaines positions sont radicales, entre autres en ce qui concerne le fameux débat sur le suffrage universel. Au nom du principe "no taxation without representation", vous solutionnez le problème de façon radicale en nous disant: Supprimons la taxe, le principe n'aura plus à s'appliquer. On pourra ainsi abolir le suffrage universel. C'est une position qui sur certains points se défend. Maintenant, ce n'est pas demain la veille, comme on le dit souvent. Il ne faut pas s'attendre que, je crois, ce soient les solutions retenues dans le projet de loi.

Si nous partons du fait qu'il y aura encore une taxe scolaire, que le principe "no taxation without representation" devra s'appliquer, il devra donc y avoir un certain suffrage universel. Si on accepte ces données, j'aimerais savoir ce que vous pensez d'une formule que certains organismes tant francophones qu'anglophones ont proposée pour concilier le "no taxation without representation" avec une participation beaucoup plus active des parents, soit un conseil des commissaires composé pour moitié de personnes élues au suffrage universel et pour moitié de représentants de parents, de comités de parents ou d'école. Que pensez-vous de cette formule dans la mesure où il y aura encore une taxe et où il y aura encore suffrage universel?

M. Bilodeau: Effectivement, à plusieurs reprises nous avons entendu des organismes proposer une formule où la moitié des commissaires serait élue par la population et l'autre moitié désignée d'une façon ou de l'autre par les parents. Nous devons dire que cela nous pose des problèmes pratiques et des problèmes de démocratie. Lorsqu'on a prévu dans le projet de loi des aménagements pouvant faciliter et augmenter la participation des électeurs et des électrices, de la population, comme le suffrage en novembre et que tous les commissaires soient élus en même temps, c'était effectivement pour augmenter la participation des électeurs et des électrices.

Cependant, avec la proposition que certains organismes mettent de l'avant, on

pense que l'effet contraire se produira. En effet, si on prend l'exemple de la CECQ, il y a présentement 19 commissaires. Si on dit que la moitié sont élus au suffrage universel et que l'autre moitié est formée de représentants de parents, cela veut dire que vous venez de doubler le territoire que doit représenter chacun des commissaires. Or, on ne pense pas que cela ait comme résultat d'augmenter la participation des électeurs puisque vous doublez le territoire que le commissaire devra représenter. Dans le cas de la haute ville de Québec, on l'a évalué et cela signifierait que les quartiers des commissaires seraient plus considérables que les quartiers municipaux représentés par des conseillers. On met même de l'avant qu'il est possible que, dans certaines commissions scolaires, le quartier que le commissaire devra représenter sera quasiment l'équivalent de la grandeur d'un comté provincial. Est-ce que vous pensez que cela augmentera la participation des électeurs et des électrices? Il faudra toute une machine électorale pour convaincre des populations importantes de s'intéresser à la chose scolaire. Nous croyons qu'il faut penser sérieusement à cette possibilité parce que nous ne pensons pas que ceci augmentera la participation des électeurs et des électrices.

M. Brouillet: Une petite question: Pensez-vous que cela la fera diminuer?

M. Bilodeau: Si j'étais un peu malin, M. le député...

M. Brouillet: Si cela ne la fait pas diminuer, on ne perd rien au change. C'est une petite boutade.

M. Bilodeau: ...je dirais que, si les partis politiques provinciaux s'en occupent, oui, cela augmentera la participation des électeurs et des électrices. Présentement, les modalités que prévoit le projet de loi 40 ne nous incitent pas à croire que cela augmentera de façon significative la participation des électeurs et des électrices. Il faut se poser la question: À partir de quel pourcentage de participation populaire peut-on dire que le suffrage universel des commissaires a une signification? Est-ce que c'est 20%, 30%, 40% ou 50%? Nous ne pensons pas que ces aménagements-là vont permettre de doubler la participation à l'élection.

M. Brouillet: Un autre point que vous avez abordé vers la fin de votre mémoire concerne le statut particulier de la CECQ, étant donné l'article de la constitution. Vous avez fait appel au pluralisme de plus en plus marqué qu'il y a dans le centre-ville de Québec. Vous voyez une difficulté majeure d'une commission scolaire qui aurait encore un statut confessionnel et dont la charte exige que tous les commissaires soient catholiques. Vous voyez une difficulté particulière à ce moment au niveau de l'administration de l'ensemble des institutions où se retrouve une pluralité de confessions religieuses. (11 heures)

Vous proposez au ministère - je crois que c'est au troisième point, à la page 22 -en attendant que la constitution soit amendée, de permettre à une commission scolaire qui déborderait le territoire de la CECQ de 1867 d'ouvrir des écoles sur ce territoire. Et là, la loi 40 s'appliquerait pour ces écoles, c'est-à-dire qu'on laisserait aux parents des enfants qui fréquentent l'école le soin de décider du caractère confessionnel ou non confessionnel de l'école. Tandis que, si ce n'est pas le cas, toutes les écoles du territoire devront obligatoirement, de par la loi, avoir un statut confessionnel. C'est une suggestion que je vois. Je ne sais pas si c'est applicable juridiquement, mais, personnellement, je trouve que c'est une chose qui peut présenter un certain intérêt. On permettra finalement à des parents de décider, selon les termes de la loi, du caractère confessionnel. Car je vois une difficulté dans le système actuel. Si toutes les écoles doivent être confessionnelles et qu'il y a un tel pluralisme... On dit qu'il y a eu des demandes d'exemption pour certaines écoles, par exemple l'école Saint-Jean-Baptiste, 37% d'exemptions, l'école Saint-Sacrement, 22% et l'école Anne-Hébert, 31%. Cela manifeste un certain pluralisme. Je ne sais pas quelles sont vos réactions face à cela, mais c'est un point qui demande, je pense bien, à être considéré.

M. Bilodeau: M. le député, nous tenions pour acquis, en prenant en considération le projet de loi 40, que la Commission des écoles catholiques de Québec serait réduite à son territoire de 1867 et c'est à l'intérieur de ce territoire, justement, que se pose le problème. Vous avez fait allusion, effectivement, à l'école primaire Saint-Jean-Baptiste, qui est l'une des trois écoles primaires situées sur ce territoire de 1867 et qui serait donc protégée en vertu de la constitution canadienne. C'est justement dans cette école primaire que l'on retrouve le plus haut taux d'exemptés de toutes les écoles de la commission scolaire de Québec. On s'en va inévitablement dans cette école, à très court terme, vers une majorité d'enfants qui seront exemptés de l'enseignement religieux. J'ai vécu moi-même, M. le député, une expérience malheureuse: j'ai d'abord été refusé comme candidat commissaire à la Commission des écoles catholiques de Québec, il y a quatre ans, parce que je ne professais pas la religion catholique romaine. J'ai donc dû,

quatre ans plus tard, pour être candidat, dire, signer et jurer que je professais la religion catholique romaine. L'enclave de la CECQ continuera comme en 1867.

Si je veux être commissaire à la petite CECQ, je devrai encore jurer que je professe la religion catholique romaine, que la commission scolaire sera confessionnelle et que les écoles seront obligatoirement confessionnelles. Dans le cas de l'école primaire Saint-Jean-Baptiste, cela va poser un joli problème puisque les parents veulent une école qui ne sera pas confessionnelle, et si on ne leur permet pas, dans le cadre du projet de loi 40 lorsqu'il sera adopté, de choisir le statut confessionnel de leur école, et qu'à cause de la constitution canadienne ils sont obligés de rester dans une école catholique, ce qui va se passer, à notre avis, c'est que cela va vraiment perturber le milieu de l'école et le milieu du quartier, en général. Il va y avoir, au fond, une situation absolument invivable. La moitié des parents vont déserter l'école primaire Saint-Jean-Baptiste et seront obligés d'aller inscrire leurs enfants dans une autre école primaire d'un quartier voisin. Il y aura donc obligation de transport scolaire pour ces enfants du primaire. L'école Saint-Jean-Baptiste confessionnelle sera une école de moins de 100 élèves, à ce moment-là; et cela va poser d'autres problèmes d'organisation scolaire pour cette école qui voudrait demeurer confessionnelle. On s'en va vers un joli cul-de-sac. C'est pour cette raison qu'on propose dans notre mémoire, si jamais on est placé devant cette situation, que le gouvernement du Québec permette l'ouverture - cela pourrait même être dans le même local -d'une école primaire sur le territoire de 1867, mais qui serait administrée par une autre commission scolaire, qui serait une commission scolaire linguistique et non pas confessionnelle et qui, donc, pourrait permettre aux parents de choisir sur le territoire entre inscrire leurs enfants à une école confessionnelle garantie par la constitution canadienne ou inscrire leurs enfants dans une école primaire où ils pourront choisir le statut confessionnel de leur école et où ils pourront bénéficier intégralement de l'application de la loi 40.

M. Brouillet: Très bien, merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Chauveau. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Vous êtes trois commissaires faisant partie de la CECQ. Vous avez été élus au suffrage universel. Vous avez été membres de comités de parents; vous vivez des problèmes particuliers dans votre commission scolaire et, parce que la démocratie permet que la majorité l'emporte, vous vous trouvez ici aujourd'hui. J'ai lu attentivement votre mémoire et j'ai écouté, tout à l'heure, lorsque vous en avez fait la lecture. Dans votre énoncé, on retrouve beaucoup de frustrations personnelles en tant qu'individus sur le plan humain. Je pense aussi qu'il est important que ces frustrations soient dites quelque part, mais, à mon avis, il y a des tables démocratiques pour le faire. D'ailleurs, vous en avez fait la preuve lorsque vous vous êtes présentés et que vous vous êtes fait élire. Vous aviez compris à ce moment-là que le chemin de la démocratie, c'était le vote universel. Il est très sain que vous l'ayez fait ainsi.

Depuis le début des travaux de cette commission, nous avons entendu plusieurs groupes. Malheureusement, plusieurs groupes ne seront pas entendus; des groupes qui, eux aussi, sont dissidents. À partir du moment où on ne s'entend pas et où on vit des problèmes particuliers dans notre milieu, on se retrouve devant une commission parlementaire pour venir s'expliquer. Je pense que c'est là fausser le véritable sens de la démocratie. Il est tout à fait inacceptable que, parce qu'on a une chicane chez soi, on se ramasse à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire, pour venir expliquer les éléments de cette chicane. Je conçois très bien... M. le député de Vachon, on ne vous a pas encore interrompu, alors laissez parler le député de Saguenay.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: MM. les commissaires, lorsqu'on vit dans une saine démocratie, on doit être capable d'accepter de gagner, mais de perdre aussi. Depuis le début de cette commission, vous avez fait référence au comité d'école Le Tremplin, qui est également venu ici dire sa dissidence. J'imagine que beaucoup de gens, dans la province de Québec, sont dissidents. Malheureusement, le ministre ne les a pas tous invités. D'ailleurs, s'il les invitait tous, la commission se prolongerait fort longtemps. Lorsqu'on vit dans une communauté telle que celle de la CECQ et lorsqu'on représente des intérêts particuliers de parents, il est certain qu'on se bute à une machine qui, souvent, ne fait pas notre affaire. Cependant, dans le système démocratique actuel, lorsqu'on a suivi les voies normales et lorsqu'on a fait son possible pour faire passer son point de vue, on doit s'en tenir au signe de la majorité.

Ceci étant dit, j'ai relu attentivement votre mémoire, ce matin, et il y a un élément qui m'a frappé. Vous êtes des parents - vous l'avez dit au début - et vous avez travaillé dans des comités de parents; vous êtes des commissaires-parents, comme

vous le dites. Il y a deux éléments dans votre mémoire dont vous n'avez pas parlé beaucoup: celui de l'enfant dans l'école et celui de la place de l'enseignant dans l'école. Vous avez dit, dans votre mémoire, que tout devait se faire en coordination avec les enseignants. Malheureusement, les enseignants sont venus nous dire ici, par leurs porte-parole, qu'ils ne voulaient pas de ce système. Pourtant, on est en train de nous convaincre, à la lecture de certains mémoires, qu'il y a deux choses qui ne sont pas importantes dans l'école: l'enfant et l'enseignant. Lorsqu'on dit que l'enfant devrait être le pivot du système et non pas l'école, je pense que c'est d'abord et avant tout vers l'enfant que devrait être orientée l'école et vers l'enseignant aussi. Ce qui me surprend dans votre mémoire, c'est que l'enfant à l'intérieur de l'école, en dehors de sa vie communautaire, a une vie éducative très importante au niveau pédagogique, au niveau de l'encadrement en particulier. Je pense que c'est un devoir que chaque commissaire d'école doit avoir à coeur.

Vous avez eu des difficultés en tant que membres de comités de parents et en tant que commissaires. Cependant, lorsqu'on a l'occasion de venir en commission parlementaire, ici, on devrait, à titre d'élu du peuple, représentant les parents et les "non-parents" aussi, représentant ceux qui paient des taxes, avoir comme souci premier celui de l'enfant.

M. le Président, je n'ai pas de question. Merci.

Le Président (M. Blouin): Très bien, il n'y a pas de question. Est-ce qu'il y a des commentaires?

M. Bilodeau: Oui, M. le Président, si vous permettez.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. Bilodeau.

M. Bilodeau: Je vais d'abord céder la parole à M. Talbot et ensuite à M. Giroux pour quelques commentaires sur ce que vient de dire M. le député.

Le Président (M. Blouin): D'accord, M. Talbot.

M. Talbot: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer par la fin, parler des enseignants et des enfants. Ce soir, j'irai chercher le bulletin de mon fils à l'école Perrault. Je peux vous assurer que je vais avoir énormément de respect pour son tuteur, de compréhension et d'empathie. J'ai participé à un comité d'école où tout ce qu'on voulait savoir comme parents, aux comités d'école, c'était de connaître le vécu des enseignants et les enseignants nous donnaient le vécu de nos enfants. Je peux vous assurer que, lorsque vous avez un enfant, c'est viscéral. Vous êtes pris aux tripes. Pensez-vous que les parents vont amener à l'école la discorde? S'ils amènent à l'école la discorde, ils vont l'amener chez eux parce que l'enfant revient à la maison. Ils vont vivre avec leurs décisions comme ils vivent avec leur enfant 365 jours par année quand ce n'est pas une année bissextile. Au niveau de l'école, les enfants, les parents et les enseignants se comprennent. Je suis moi-même syndiqué et, lorsqu'on fait partie d'un syndicat et qu'on veut défendre des conditions de travail, il est évident qu'on tente de se servir de tous les moyens qui nous sont disponibles et qui nous semblent appropriés à ce moment. Les parents, lorsqu'ils vont conduire leur enfant le matin à l'école, ne veulent pas discuter avec l'enseignant pour lui dire quoi faire; au contraire. Ils vont là avec beaucoup de sympathie sachant très bien la soirée qu'ils ont passée avec leur enfant. Sur cela, je ne comprends pas l'idée que les gens se font en disant qu'il va y avoir conflit au niveau de l'école; je ne le crois pas. Le projet éducatif va être vécu par les parents et par les enseignants dans une bonne entente, je crois. Les premiers intéressés par le vécu scolaire de leur enfant, ce sont les parents, et ces parents voudraient qu'il soit harmonieux puisque c'est la même harmonie qui va arriver le soir avec le sac d'école à la maison.

Le Président (M. Blouin): Cela va.

M. Bilodeau: M. Giroux.

Le Président (M. Blouin): M. Giroux.

M. Giroux (Guy): On vient de parler de frustration et de chicane, c'est sûr que cela existe. Sans vous blesser, M. le Président, quand on regarde la Chambre des communes ou l'Assemblée nationale, le ton monte de temps en temps. C'est normal, en tant qu'élus, qu'à l'occasion le ton monte.

Justement, hier soir, on avait une réunion publique et, lorsqu'un commissaire nous dit qu'il n'est jamais invité par le comité d'école et qu'il n'y va pas non plus... Lorsqu'on n'est pas invité par le comité d'école - cela m'est arrivé depuis six ans -on prend les moyens pour se faire inviter et on y va. À un moment donné, il nous invite.

M. le député de Saguenay, vous dites que l'enfant et l'enseignant sont oubliés. Je ne le crois pas parce que l'ensemble de notre rapport accepte le projet de loi 40. Cela veut dire que nous voulons donner à l'école plus de pouvoirs et à ce moment les enseignants pourront jouer un rôle.

Il ne faudrait pas penser que nous sommes seulement commissaires à la CECQ.

Nous vivons comme d'autres. Nous parcourons à l'occasion la province. J'ai participé à quatre congrès de la Fédération des commissions scolaires. Nous avons des ateliers. J'ai participé à des journées d'études. Personnellement, nous pouvons avoir des amis ou des contacts avec des directeurs d'école ou des gens qui sont dans d'autres régionales. Il faut élargir un peu nos vues, comme un député qui représente une circonscription bien spécifique, mais cela n'empêche pas qu'à l'occasion vous êtes délégué, vous allez parcourir la province et vous tâtez le pouls. Nous pouvons avoir tâté le pouls nous aussi de bien d'autres façons. (11 h 15)

Est-ce que je pourrais me permettre, M. le Président, de glisser encore deux ou trois autres choses? Le projet de loi 40 doit donner une place importante aux professeurs et aux professionnels non enseignants, car le pédagogue est un serviteur de l'enfant habité par une grande mission, celle d'instruire, d'éduquer et de développer la personne. Le commissaire d'école devrait, à son tour, Être considéré comme le serviteur des serviteurs de l'enfant. Il est celui qui peut et qui doit aider le jardinier à cultiver. Je veux dire que le commissaire devrait automatiquement représenter une école. Avec le projet de loi 40, le commissaire d'école porterait beaucoup mieux son titre de commissaire d'école. Nous avons tous dépensé beaucoup d'énergie depuis quelque trois ans et nous nous devons tous d'aboutir à une certaine réforme scolaire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Giroux. M. le député de Vachon.

M. Payne: Dans votre mémoire, à la page 21, vous mentionnez le problème et le défi posé par une société pluraliste, à savoir que l'entrée au Québec de ce qui vient enrichir la culture québécoise, de ce qui vient d'autres pays, constitue un problème de pluralisme, particulièrement ceux qui viennent du Sud-Est asiatique et des pays d'Amérique latine. Vous mentionnez votre propre expérience de quelqu'un qui se présente à une commission scolaire et, face à cette situation, il devrait être assermenté par une espèce d'acte d'allégeance. C'est cela? J'aimerais que vous expliquiez cela davantage parce que, lorsque j'ai soulevé cette inquiétude, il y a une couple de semaines, devant la commission même, on a rigolé en disant, à toutes fins utiles, que ce genre d'intolérance n'existe pas ou n'existe plus. J'aimerais bien que vous nous fassiez part de votre expérience d'une manière plus explicite.

N'êtes-vous pas en accord avec moi pour dire qu'une des intentions exprimées dans le projet de loi et dans le livre blanc, c'est justement de permettre ce genre de pluralisme que vous soulignez dans votre mémoire? Vous êtes au courant, bien sûr, que la constitution protège la dissidence d'une manière technique, c'est-à-dire que vous pouvez, théoriquement, former une commission scolaire dissidente, même avec les frontières de 1867, selon la constitution canadienne. Cette disposition est d'ailleurs reconduite dans les articles 337, 338 et 339. Je reconnais que la procédure est très lourde. C'est plutôt, d'ailleurs, le projet de loi 40 qui va faciliter et assouplir les procédures nécessaires pour permettre à une école pluraliste de se former.

Voulez-vous nous expliquer plus en détail ce phénomène de pluralisme nécessaire dans les écoles et l'intérêt de ceux qui sont d'une foi autre que celle professée par la commission scolaire? Quels sont leurs intérêts dans le milieu de Québec, à l'heure actuelle?

M. Bilodeau: M. le député, d'abord, pour clarifier la situation, c'est que l'article 5 de la charte de la CECQ oblige un commissaire à professer sa foi en la religion catholique romaine. Lorsque vous déposez votre bulletin de candidature pour être candidat commissaire à la CECQ, vous devez signer une formule assermentée qui indique que vous êtes de religion catholique romaine. Si vous ne signez pas cela, si vous ne mentionnez pas que vous professez votre foi en la religion catholique romaine, vous êtes déclaré par le président des élections - cela m'est arrivé et c'est arrivé à au moins une dizaine d'autres contribuables comme moi -comme non apte, vous ne remplissez pas une condition indispensable pour être commissaire à le CECQ; deuxièmement, on a vécu, à l'école primaire Saint-Jean-Baptiste, parce que c'est une école de centre-ville qui est dans l'enclave constitutionnelle de 1867, une expérience à la fois déchirante et enrichissante. Déchirante parce qu'on a constaté la montée des enfants exemptés dans cette école primaire. En effet, si, présentement, il y en a 42%, cela n'a pas toujours été le cas. Lorsqu'on a commencé, en 1978-1979, c'était 14,3% et cela a augmenté depuis ce temps. À un moment donné, il y a eu une violente réaction de la part des parents dans l'école et je devrais dire aussi de la part du milieu de la communauté de la paroisse, de sorte que cette réaction violente a eu pour réaction systématique qu'on a battu aux élections de l'école tous les parents dont les enfants étaient exemptés de l'enseignement religieux; ils ont tous été évacués du comité d'école. On s'est donc retrouvé, il y a trois ans, (avec 25 parents qui composaient le comité d'école) de l'école Saint-Jean-Baptiste et ces 25 parents étaient tous parents d'enfants qui suivaient la catéchèse à l'école.

Vous comprenez que cela a créé à l'intérieur de l'école un malaise qui s'est

poursuivi au sein de la communauté puisqu'à ce moment il y a eu une élection scolaire et qu'il y a eu un candidat dont l'enfant ne professait pas la religion catholique romaine. Puis on a vu dans le quartier des religieuses faire du porte-à-porte pour dire aux contribuables: Eh! Ce candidat, son enfant n'est pas catholique, son enfant ne suit pas les cours de catéchèse. Je dois dire que ce candidat a évidemment été battu aux élections scolaires, sauf que, maintenant, la situation est complètement différente au sein même de l'école. Il y a eu un malaise et maintenant il y a une très bonne harmonie. Pourquoi? Parce que les parents se sont rendu compte que c'est bien beau de dire que cet enfant ne suit pas le cours d'enseignement religieux, mais les enfants continuent quand même à se fréquenter, ils jouent même ensemble, ils se tapochent, ils suivent les mêmes cours dans la même classe. Par conséquent, les parents se sont rendu compte que ce phénomène n'allait pas perturber l'ensemble de l'école à tous les niveaux.

Présentement, on peut dire sans se tromper qu'il y a une très bonne harmonie au sein des parents de l'école Saint-Jean-Baptiste, aussi bien exemptés que non exemptés, que les parents travaillent en collaboration à d'autres comités à l'intérieur de l'école et que, même au niveau du comité d'école maintenant, il y a à nouveau des parents dont les enfants sont exemptés qui y siègent.

Sauf qu'un des problèmes qui se posent, avec la constitution canadienne, c'est la communauté. Nous sommes persuadés que, si on laissait aux parents, et uniquement aux parents, le soin de choisir le statut confessionnel de l'école primaire Saint-Jean-Baptiste, il n'y aurait pas de problème. Mais, en vertu de la constitution canadienne, n'importe quel résident du territoire de 1867 pourrait contester devant les tribunaux si jamais les parents décidaient de rendre non confessionnelle l'école primaire Saint-Jean-Baptiste. C'est là qu'est notre problème. C'est le milieu et non pas les parents de l'école.

M. Payne: C'est vrai qu'il faut admettre que la constitution canadienne, qui date de plus d'un siècle, ne correspond pas à la réalité d'aujourd'hui et n'accorde aucune vraie garantie à la liberté de conscience. J'ai soulevé ces préoccupations pour la communauté juive de Montréal, en disant que, pour quelqu'un qui vient de la communauté musulmane ou hindoue, c'est la même chose un peu partout sur l'île de Montréal aussi bien qu'à Québec. C'est bien là la portée d'un élément essentiel du projet de loi 40. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Vachon. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Mesdames, messieurs, nous avons eu jusqu'ici les témoignages de la CECQ et de la CECM. Leur mémoire a été vraiment très sévère envers le projet de loi 40. Aujourd'hui, vous venez ici, à trois, protester contre l'attitude de votre propre commission. Nous respectons vos opinions personnelles, mais vous n'êtes pas un contre tous mais trois contre tous quand même. C'est le jeu de la démocratie.

Je vois, à la page 7, que vous préconisez cependant l'abolition du suffrage universel. Je n'y reviendrai pas, parce que vous en avez traité, mais j'insisterai un peu là-dessus. Ne voyez-vous pas quand même, dans cette attitude que vous avez, un peu de contradiction avec les lois démocratiques? Si vous n'êtes vraiment pas satisfaits de vos collègues, la voie naturelle n'est-elle pas de travailler à les faire déloger à la prochaine élection qu'il y aura dans les commissions scolaires? Vous dites que, dans votre porte-à-porte, vous avez remarqué que l'intérêt était nul pour les élections scolaires. Là, vous dites presque: Laissons mourir la démocratie - au lieu de la ranimer - en supprimant le suffrage universel. Vous nous dites aussi que les commissaires n'ont aucune crédibilité, vu le manque de participation de la population. Quant à moi, je trouve que vous parlez quand même avec beaucoup d'autorité.

Je reviens à la page 5 pour reprendre justement une de vos affirmations. Vous dites: "Ce que nous en savons démontre que, dans les milieux urbains surtout, les commissions scolaires ne veulent pas d'une présence active des parents." J'ai personnellement fait partie, comme directeur d'école, pendant plus de vingt ans, de la commission scolaire de Montréal. Il est vrai qu'on s'interroge peut-être encore sur les pouvoirs qu'on doit déléguer aux parents, mais je crois que votre affirmation sonne bien creux - excusez le mot, peut-être - dans le sens de profond et un peu faux, quand vous dites que leur présence est encore contestée présentement. Vous pensez aux parents. C'est votre droit. Vous en êtes vous-mêmes. Avez-vous pensé quand même au rôle des professeurs que le projet de loi semble presque totalement ignorer? Avez-vous pensé aussi aux directeurs d'école qui auront deux maîtres à qui plaire et à satisfaire, soit les commissions scolaires et les conseils d'école? Que pensez-vous, par exemple, d'un directeur d'école qui sera démis de ses fonctions par le conseil d'école et qu'on refilera à la commission scolaire pour lui trouver un nid à part, si on peut lui en trouver un?

Encore une dernière petite question. Croyez-vous vraiment qu'un consensus est nécessaire pour que cela fonctionne bien dans une école? D'après tous les témoignages que

nous avons entendus jusqu'ici, ce consensus n'existe pas. Comme pour la loi sur les pourboires, est-ce qu'on ne s'achemine pas vers de nouveaux déboires?

Le Président (M. Blouin): M. Bilodeau.

M. Bilodeau: M. le Président, plusieurs députés ont parlé du radicalisme de notre mémoire et je voudrais revenir là-dessus. Nous avons bien dit en commençant que nous n'avions pas de crédibilité à défendre, que nous n'avions pas de clientèle à satisfaire et, au fond, qu'on n'avait pas eu à faire des ajustements ou des compromis dans la rédaction de notre mémoire. Justement, parce qu'on se sentait libre de toutes ces intentions, nous pouvions donc aller au fond de notre pensée et mettre de l'avant une formule qui nous paraissait très intéressante. On la soumet à la commission parlementaire. Nous sommes heureux d'avoir été invités pour permettre, justement, la discussion sur une formule différente de celle que proposait le projet de loi 40.

Ce n'est pas uniquement parce qu'on avait des comptes personnels à régler qu'on est venu en commission parlementaire; on est venu faire un témoignage de gens qui avaient de l'expérience là-dessus quant aux écoles et quant à la commission scolaire et pour dire aussi que nous étions des commissaires d'école qui pensions que, non seulement les parents, mais l'entité qui s'appelle "école" devait retrouver une place prépondérante dans notre système d'éducation au Québec. C'est d'abord cela, je pense, qui est l'apport important de notre mémoire à la commission parlementaire.

En ce qui concerne les enseignants, nous croyons qu'il est inexact de penser que les enseignants n'ont pas une place importante dans l'école. Au contraire. Nous pensons que la quotidienneté de l'école repose sur leurs épaules avec la direction de l'école et que cela va se manifester chaque jour. Quant au conseil d'école qui aura à prendre des décisions, il ne faut pas s'imaginer qu'il va être placé dix pieds au-dessus de la tête des autres intervenants. Il ne faut pas penser qu'il va être complètement décroché des airs et qu'il va siéger loin de l'école. Bien au contraire. C'est une entité qui va être inscrite dans l'école, qui devra obligatoirement consulter. D'ailleurs, en vertu du projet de loi 40, le comité d'école, les comités pédagogiques des enseignants sur des points majeurs et les réunions du conseil d'école, ce sera public; les procès-verbaux, les ordres du jour circuleront abondamment dans l'école. On ne peut pas s'imaginer que, sur des décisions majeures, le conseil d'école va rapidement, à la sauvette, sans aucune discussion préalable avec les autres intervenants de l'école, prendre des décisions majeures qui vont affecter dès le lendemain matin le vécu de l'école. Je pense qu'il faut s'enlever cela de la tête. Le conseil d'école d'une école va être vraiment au coeur de l'école et tous les intervenants vont pouvoir y avoir leur place. (11 h 30)

D'ailleurs, concernant la position des enseignants, nous pensons qu'elle est loin d'être unanime car si, d'un côté, une organisation syndicale, qui se doit de protéger ses membres pour la sécurité d'emploi, pour les conditions de travail, qui est la CEQ, vient dire qu'elle ne veut pas du projet de loi 40, on a été agréablement surpris que le conseil pédagogique interdisciplinaire, qui regroupe les enseignants sur la base pédagogique, soit d'accord avec certains aspects importants du projet de loi et soit aussi d'accord que les parents aient une place importante dans l'école. Vous me permettrez de penser qu'on a au moins deux sons de cloche différents venant du même groupe de personnes, soit les enseignants, selon qu'on porte le chapeau syndical ou le chapeau pédagogique.

Concernant maintenant la place du directeur d'école, je vais passer la parole à mon collègue, M. Talbot.

Le Président (M. Blouin): M. Talbot.

M. Talbot: Cette question m'intéresse vivement parce que je l'ai entendue et je l'ai débattue à plusieurs reprises. Je peux vous dire que je suis engagé par la fonction publique québécoise, qui m'a choisi, m'a évalué et m'a rendu disponible à un ministère. Travaillant pour un ministère, je suis jugé au ministère où je travaille - un peu comme le directeur d'école le serait par son conseil d'école - et je relève de la fonction publique. Donc, il y a plusieurs milliers de travailleurs québécois qui ont deux "boss", à toutes fins utiles.

J'ai parlé avec différents directeurs d'école. Ils m'ont dit: J'aime mieux être jugé par huit, dix ou douze personnes que par une seule; présentement, c'est selon le voeu du directeur général ou de la directrice générale qu'un directeur d'école peut être envoyé dans une école ou dans une autre. Le conseil d'école aurait un mot à dire et je vois mal comment huit, dix ou douze personnes pourraient se tromper dans l'évaluation d'un directeur d'école. Certains directeurs d'école m'ont précisé que l'évaluation serait probablement plus juste que celle qui est faite présentement. Plusieurs m'ont dit qu'effectivement ils ne voient pas d'objection à être évalués par le conseil de l'école où ils travaillent.

Dans notre commission scolaire, dans certains cas, des directeurs d'école n'ont pas eu les mêmes vues que la direction générale. Je ne parle pas de la direction générale présente. Malheureusement, même si ces

directeurs d'école étaient appréciés par les parents de l'école, on les a limogés et placés dans d'autres écoles.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Oui, M. Giroux.

M. Giroux: M. le Président, si vous me le permettez. Le député de Saint-Henri dit qu'on laisse tomber tout bonnement la démocratie scolaire. Quand on est rendu que, sur 4 000 000 000 $ du budget de la province attribué à l'éducation, au primaire et au secondaire, on va chercher 181 000 000 $, cela veut dire 4,5%.

L'autre point, en 1983, le vote du Québec métropolitain était de 10% et, à la CECQ, le vote était de 7,6%. Je me dis qu'il n'y a rien là. On ne colle pas avec la population. Nous demandons d'abolir le suffrage universel, mais non les commissions scolaires et les commissaires comme tels. Ensuite, si on veut parler de démocratie, je crois que l'éducation relève des provinces et nous sommes en démocratie. Nous avons une élection générale à chaque période de quatre ou cinq ans. À ce moment-là, si on n'est pas satisfait de certaines lois, etc., on n'aura qu'à voter. Je ne vois pas l'utilité tellement d'un vote universel du côté des commissaires d'école. Je n'ai pas dit de l'enlever. On demande tout simplement de l'intégrer à l'école. Je crois que cela serait plus concret. C'est, en fait, une demi-démocratie avec le vote des parents.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. Giroux. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Vous comprendrez que je ne vous ferai pas grief d'être venu exposer votre point de vue à partir de la fonction que vous occupez comme commissaires-parents surtout, je crois, parce que je ne partage pas du tout cette idée qui consiste à dire: Vous êtes minoritaires, rongez votre frein jusqu'à la prochaine élection et essayez de devenir majoritaires. Ce sont les vieilles règles du jeu du pouvoir, c'est-à-dire du rapport de forces le plus fort l'emporte. À mon point de vue, vouloir appliquer ces règles du jeu du rapport de forces ou du pouvoir à l'école, c'est un non-sens. L'école c'est l'école de tout le monde. L'école devrait être beaucoup plus consensuelle que conflictuelle. Dans la mesure où l'on pense appliquer des règles qui prévalent à l'Assemblée nationale ou qui prévalent dans la société globale en termes de rapport de forces ou de rapport de pouvoirs par rapport au milieu de l'école ou au milieu scolaire, il me semble que c'est, au point de départ, aberrant.

J'ai deux questions. Une qui se rapporte à l'expérience - vous avez fort bien expliqué les particularités liées à l'école Saint-Jean-Baptiste - que vous avez eue, indépendamment des dispositions qui concernent la commission scolaire traditionnelle de Québec. Vous avez semblé nous dire qu'il faut presque passer par une période d'affrontement avant que l'harmonie puisse s'installer à l'école. Je me demandais, compte tenu des dispositions actuellement inscrites dans le projet de loi et qui permettent un processus d'acquisition d'un statut confessionnel qui pourrait voir la mobilisation de groupes qui chercheraient à obtenir un tel statut et qui tenteraient à introduire exclusivement les valeurs liées à une confessionnalité, si votre expérience vous permet de croire que tout cela conduit à des affrontements et que cela se soldera, au bout du compte, par des retrouvailles. Que vous en semble-t-il?

Une autre question. Je les pose immédiatement et ce sera terminé, M. le Président. L'autre aspect de la question que j'aimerais vous poser concerne le suffrage universel, à savoir qu'il nous faut une certaine acrobatie intellectuelle... Cela me crispe un peu qu'on utilise tant le principe "no taxation without representation". Ce qui me crispe, c'est que ce principe est issu d'un autre contexte, au moment où tout était lié à l'impôt foncier. On sait très bien que c'étaient les propriétaires fonciers qui participaient au grand débat démocratique et qui étaient habilités à voter. Souvent, lorsqu'on utilise "no taxation without representation", il y a le corollaire "no representation without taxation".

On sait très bien que, dans notre société, on a beaucoup évolué. Maintenant, tous les gens de 18 ans et plus sont habilités à voter, qu'ils soient en situation de payer des impôts à l'État ou non. Vous utilisez le même principe, mais à rebours, en disant: Abolissons les 6% qui sont laissés à l'initiative des commissions scolaires. De cette façon, vous enlevez le tapis sous les pieds de ce principe-là en éliminant ce principe qui fonde le suffrage universel. Je crois qu'on a tort d'un côté comme de l'autre; je ne pense pas que ce soit plus démocratique. Je crois qu'il y a des sociétés qui nous donnent toutes les garanties de démocratie - je pense à la France, mais il y en a bien d'autres - et qui n'ont pas introduit le suffrage universel au niveau de leurs institutions scolaires. Le suffrage universel au niveau des institutions scolaires n'est pas fondé exclusivement sur la garantie d'une société démocratique. Je crois que cela relève d'un passé. Voici la question que j'aimerais discuter avec vous. Sans vouloir utiliser des arguments qui n'en sont pas, à savoir que cela est démocratique - il y a des sociétés qui sont démocratiques et qui n'ont pas le suffrage universel - à savoir qu'avec ou sans ces 6% de taxation, il est

vraisemblable que la société québécoise veuille maintenir cette tradition - c'était souvent les seules institutions qu'elle contrôlait dans le passé, au moment où l'État québécois ne portait pas encore ce nom, alors que l'on parlait d'une grosse municipalité, les institutions scolaires étaient très souvent ce que le peuple a pu contrôler est-ce que ce n'est pas là qu'il faut rechercher cette volonté qui se manifeste de maintien du suffrage universel?

Le Président (M. Blouin): M. Bilodeau.

M. Bilodeau: Si vous me le permettez, je vais répondre rapidement à la première question de Mme la députée. Nous sommes d'accord avec le projet de loi 40 que le choix de la confessionnalité de l'école doit relever strictement des parents. L'expérience qu'on a vécue à Saint-Jean-Baptiste nous montre que, lorsqu'on fait intervenir des gens extérieurs à l'école pour choisir, c'est à ce moment-là que les groupes d'intérêt, que les groupes à l'aspect religieux qui n'ont aucun enfant à l'école, mais qui veulent faire valoir leur point de vue par le truchement de l'école, se mêlent de la situation. Donc, à notre avis, il faut laisser strictement aux parents, dans une école, le soin de définir le statut confessionnel de l'école puisque ce choix a des répercussions par la suite sur la vie de l'école. Or, ce sont les parents et les enfants qui vivent ces répercussions. Ce ne sont plus les gens du milieu qui ont pu voter, à un moment donné, et qui après s'en sont lavé les mains. Ils ne mettront plus les pieds dans l'école. C'est le milieu scolaire qui doit vivre avec ce choix.

L'expérience qu'on a vécue à Saint-Jean-Baptiste, je dois vous dire qu'elle n'a pas nécessairement été vécue de la même façon dans d'autres écoles. Je dois dire, d'ailleurs, qu'il n'est pas nécessaire de passer à tout prix par un affrontement entre les exemptés et les non-exemptés dans une école pour que les gens s'entendent. On a vécu cette expérience à Saint-Jean-Baptiste. Je connais d'autres écoles de la haute-ville de Québec où le taux d'exemptés commence à être important et le cheminement des parents n'amène, à l'heure actuelle, aucun affrontement. Cela s'est passé ainsi à Saint-Jean-Baptiste. On peut le regretter, mais ce qu'on en retire comme conclusion, c'est que, lorsque ce sont les parents dans l'école qui sont confrontés à cela, ils se rendent bien compte que cela ne peut pas perturber l'ensemble du fonctionnement de l'école, que ce sont leurs enfants qui en souffrent et que tout le monde est malheureux à cause de cela. Donc, si, à Saint-Jean-Baptiste, il y a eu une période d'affrontement, les gens le déplorent maintenant. C'est à espérer que cela ne se vive pas nécessairement de cette façon-là et je ne crois pas que cela se vit nécessairement de cette façon-là partout.

Quant à votre deuxième question, je vais passer la parole à M. Talbot.

M. Talbot: Mme la députée, je vais peut-être vous surprendre, mais la taxe foncière est une taxe injuste. Elle taxe davantage celui qui a une grosse famille. Elle taxe le cultivateur sur son coffre à outils. C'est une taxe qui fait vivre une grande partie de la population. Par exemple, la Davie Shipbuilding fait vivre la moitié de la ville de Lauzon par les travailleurs, et parce qu'elle doit occuper un grand espace, elle doit nécessairement payer énormément de taxes scolaires, alors qu'une entreprise multinationale qui n'a qu'un local de représentation des ventes et qui vient chercher des millions dans la collectivité ne va payer qu'une taxe en fonction de l'espace qu'elle occupe. Donc, la taxe scolaire, pour nous, basée sur la valeur foncière, c'est injuste. Éventuellement, je pense que le législateur, dans les années qui viendront, en étant utopique, va faire disparaître, à toutes fins utiles, la taxe foncière pour la baser sur les revenus. L'idée de posséder une maison n'est pas un signe de richesse aujourd'hui. Cela date, en tout cas, de l'ère moyenâgeuse où celui qui avait le plus gros château avait le plus d'argent. Donc, dans ce sens, on veut que, tout au moins pour le système scolaire, cette taxe disparaisse. De là à dire qu'un comité d'école ou qu'un autre organisme dise, par exemple, aux parents: Nous aimerions acheter un piano et nous aimerions donner tel service à la collectivité, voulez-vous participer au financement de ce projet? je dis oui, et je pense qu'effectivement la collectivité pourra aller chercher les sommes nécessaires lorsqu'elle aura fait comprendre son projet. C'est dans ce sens que je dis que, lorsque l'école va être ouverte par les parents, il va se créer une forme de dynamisme insoupçonné. Merci.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, Mme la députée de Maisonneuve. Sur ce, je remercie les trois commissaires de la Commission des écoles catholiques de Québec, MM. Giroux, Talbot et Bilodeau, de leur participation aux travaux de notre commission.

J'invite maintenant les représentants de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal à bien vouloir s'approcher de la table des invités afin de nous livrer d'abord, comme il se doit, en une vingtaine de minutes, le contenu de leur mémoire et ensuite nous procéderons aux échanges entre les membres de la commission parlementaire et nos invités. Évidemment, je vous demanderai d'abord de vous identifier et ensuite de procéder à la lecture de votre mémoire.

Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

M. Rhéaume (Gilles): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d'abord vous présenter les personnes qui m'accompagnent. D'abord, à mon extrême gauche, Mme Monique Tremblay du secrétariat de la société; M. Gérard Turcotte, secrétaire du conseil général et directeur des communications; M. Pierre Légaré, responsable du dossier de l'éducation à la société depuis de nombreuses années. (11 h 45)

Au tout début de notre présence à cette commission parlementaire, je voudrais un peu situer cette comparution, si on peut l'appeler ainsi. La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a été fondée en 1834. Nous célébrons donc cette année notre 150e anniversaire. Pas besoin de vous rappeler qu'en 150 ans la société a connu quatre régimes politiques, de l'Acte constitutionnel au Canada Bill. Notre société, dès sa fondation et dès sa charte d'incorporation en 1849, avait la diffusion de l'instruction publique parmi ses priorités les plus fondamentales.

Le lancement et le maintien d'institutions ou d'initiatives dans le domaine de l'éducation ont été pour nous une préoccupation qu'on peut qualifier de plus que séculaire. Effectivement, des cours publics au Monument national ont été à l'origine des Hautes Études commerciales, de l'École des Beaux-Arts, des écoles techniques d'arts et métiers. L'institut Duvernay a donné gratuitement, pendant plus de 50 ans, des cours de français fréquentés principalement par des Québécois et des Québécoises de nouvelle souche.

Rappelons seulement notre participation aux débats dans le domaine de l'éducation, depuis une vingtaine d'années. Ce n'est pas la première fois que nous venons dire ce que nous pensons sur cette question puisque, pour la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, la raison majeure de nos préoccupations a toujours été la question linguistique et la question de l'éducation qui sont intimement liées.

En 1962, devant la commission Parent, nous étions venus déposer un mémoire et demander que l'école publique soit l'école française et que des écoles bilingues soient destinées aux enfants dont la langue maternelle est l'anglais. En 1967, dans un mémoire sur le statut de la langue française au Québec présenté au premier ministre Johnson, nous avons recommandé l'école publique française pour tous. En 1969, devant la commission parlementaire chargée de recevoir les recommandations en marge du projet de loi 85, nous avions déclaré que le système public de la province devait être un système français dont dépendraient des classes ou écoles à l'adresse des anglophones.

En 1970, devant la commission parle- mentaire permanente de l'éducation relativement à la loi 62 et dans un mémoire à la commission Gendron, les prises de position de 1969 ont été réitérées, particulièrement en ce qui a trait au rejet de toute division scolaire selon la langue. En 1971, devant la commission parlementaire sur le projet de loi 28, nous nous sommes élevés contre toute reconnaissance juridique, même implicite, du bilinguisme officiel au Québec et de la parité de l'anglais et du français aussi bien en éducation que partout ailleurs. En 1973, dans son mémoire à la Commission des écoles catholiques de Montréal, elle rappelait que le secteur anglophone de la CECM n'a d'existence dans les faits que par la générosité, pour certains discutable, des administrateurs francophones.

En 1974, dans un mémoire en marge du projet de loi 22, nous affirmions que toute politique linguistique doit s'établir sur le principe que le Québec est un pays français et que telle politique doit tendre à favoriser l'accès généralisé à la langue du pays. En 1976, dans un mémoire au Conseil scolaire de l'île de Montréal, nous nous sommes opposés avec vigueur à la recommandation du comité de restructuration scolaire de créer quatre types de commissions scolaires sur la base, entre autres, du critère linguistique. En 1977, dans un mémoire au gouvernement en prévision de la Charte de la langue française, nous avons insisté pour que, dans toutes les écoles, l'enseignement soit dispensé en français, exception faite de la minorité anglophone pour laquelle l'enseignement en anglais pourrait être fait à certaines conditions prévues par la loi et dans des classes désignées par le ministre. Quelques mois plus tard, nous déposions un nouveau mémoire, cette fois devant la commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi 101, qui, en substance, réaffirmait les mêmes positions de principe dans le domaine de l'éducation.

En 1982, dans notre réaction au livre blanc, L'école québécoise: une école communautaire et responsable, nous exprimions notre appui de fond à l'idée de la création, sur l'ensemble du territoire, de commissions scolaires unifiées de même qu'à celle de prendre différentes mesures susceptibles de revaloriser l'école. Toutefois, nous inscrivions un vigoureux désaccord au projet de faire exception sur l'île de Montréal en instaurant juridiquement des commissions scolaires fondées sur une base linguistique. En 1983, dans notre plus récent mémoire, nous continuions de défendre énergiquement le fait français devant la commission parlementaire sur la Charte de la langue française et, concrètement, nous réclamions le maintien intégral des articles de la loi 101 sur la langue d'enseignement.

Il se dégage clairement, croyons-nous, de ces différentes prises de position que la

société ne pourrait accepter quelque réforme que ce soit en matière d'éducation, fût-ce même pour les meilleures raisons pédagogiques ou administratives, si telle réforme devait se faire au prix d'un recul de l'affirmation du droit de la majorité francophone du Québec à vivre en français dans son pays.

Nous tenons également, en début de présentation de notre mémoire, à rappeler notre accord de principe avec les principaux objectifs contenus dans le document: L'école québécoise: une école communautaire et responsable, présenté par le ministre de l'Éducation. Particulièrement, nous tenons à rappeler que nous sommes entièrement d'accord pour que l'école soit le pivot du système scolaire et qu'on redonne cette école à ses usagers et à ses agents. Nous croyons profondément que l'école doit être le pivot de l'ensemble du projet éducatif au Québec.

Nous étions en accord également avec le fait que la commission scolaire devienne, et j'emploie les termes du livre blanc: que la commission scolaire soit un lieu de mise en commun et de services aux écoles, une table régionale fonctionnant pour l'essentiel à la façon d'une coopérative de services. Nous étions entièrement en accord avec cette position.

Nous avons cependant une inquiétude profonde, un désaccord que nous venons exprimer, c'est quant à l'idée et au projet d'instaurer, de créer, d'ériger les commissions scolaires sur une base linguistique. Nous avons une argumentation sur ce sujet. Avant de prendre la parole, je demanderais à M. Pierre Légaré, responsable du dossier de l'éducation de la Société Saint-Jean-Baptise, de vous faire connaître notre argumentation quant à notre opposition à l'érection de commissions scolaires sur une base linguistique.

M. Légaré (Pierre): M. le Président, j'énumérerai sept points qui sont pour nous les arguments principaux qui militent en faveur des commissions scolaires unifiées.

D'abord, tel qu'il apparaissait au livre blanc sur la réforme scolaire... À la page 11, on disait ceci: "En obligeant l'ensemble des organismes publics, et donc les commissions scolaires, à fonctionner en français, en même temps qu'elle garantissait aux anglophones de souche québécoise le droit à l'enseignement en langue anglaise, la loi 101 allait accélérer l'intégration des institutions anglophones à la vie et au fonctionnement de la société québécoise francophone." La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal croit fermement que cette intégration ne serait assurée qu'au sein de commissions scolaires unifiées où Québécois et Québécoises de toutes origines, de toutes langues et de toutes convictions pourraient travailler ensemble à une même oeuvre d'éducation, alors que les commissions scolaires linguistiques encourageraient l'isolement des communautés linguistiques québécoises et décourageraient leséchanges entre ces mêmes communautés.

Au sujet de ces échanges qui seraient de beaucoup plus faciles dans des structures unifiées, permettez-moi de souligner un exemple extrêmement important, un exemple au niveau pédagogique: l'enseignement de la langue seconde. Nous sommes convaincus que la qualité de l'enseignement de la langue seconde serait considérablement mieux assurée à l'intérieur de commissions scolaires unifiées, et je m'explique. L'engagement et l'affectation de professeurs de langue seconde, dont la langue maternelle est précisément la langue seconde enseignée, ce qui est éminemment souhaitable d'après nous, seraient tellement plus faciles, plus propices, plus favorables dans une commission scolaire unifiée où l'on retrouverait un corps enseignant de langue française et un corps enseignant de langue anglaise.

De plus, que penser de ce qu'on appelle souvent, erronément, l'immersion en langue seconde et qui est plutôt de l'apprentissage intensif, puisque trop souvent cette pseudoimmersion ne se donne pas dans le milieu approprié?

Nous sommes d'avis que la véritable immersion, que nous jugeons des plus valables pour les élèves, ne serait vraiment possible et facile d'organisation que dans la commission scolaire unifiée où l'on retrouve des écoles, donc des milieux de langue française et de langue anglaise.

Pour revenir au livre blanc, celui-ci notait également, à la page 10: "...en dernière analyse, parler de restructuration scolaire, c'est parler de rapports des partenaires de l'éducation entre eux et de la manière d'exercer collectivement la mission éducative." La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal croit que Québécois et Québécoises, francophones comme anglophones, sont des partenaires à part entière et devraient exercer collectivement la mission éducative en un système unifié, dans tout le Québec.

Toujours dans le livre blanc, à la page 66, face au chevauchement confessionnel actuel, on parlait de cloisonnement financièrement et socialement trop coûteux et on précisait, à la page 29, que "la mise en commun de services administratifs réduirait les coûts." Comment le fait de substituer, non seulement sur l'île de Montréal, comme cela était d'abord prévu, mais sur l'ensemble du territoire du Québec, le chevauchement linguistique au chevauchement confessionnel ferait-il en sorte que cela ne serait pas tout aussi coûteux? Comment l'objectif deréduire les coûts serait-il mieux atteint? Songeons à la double administration de deux réseaux de commissions scolaires sur le même territoire,

à la répartition des édifices scolaires et des équipements ainsi qu'à leur entretien, au transport scolaire, notamment sur l'immense territoire que couvriraient certaines des treize commissions scolaires anglophones.

Ajoutons que les commissions scolaires unifiées seraient davantage un reflet de la société. Au niveau des autres milieux de vie, milieu de travail, milieu de loisir et autres milieux, les citoyens québécois et les citoyennes québécoises y travaillent ou y participent en parlant ou français ou anglais, mais on n'a pas pour autant deux administrations, une de langue française et une de langue anglaise. Pourquoi créerait-on ce précédent dans le domaine scolaire?

Le programme du parti au pouvoir -j'ai devant moi l'édition 1982 qui, si je ne m'abuse, est la plus récente - au chapitre de l'éducation, parle, à l'article 13 de la page 50, de remplacer les structures actuelles par une structure régionale neutre et pluraliste ayant juridiction directe sur toutes les écoles de niveaux élémentaire et secondaire situées sur son territoire.

L'article 15: "Créer, sous la juridiction du Conseil de développement scolaire de l'île de Montréal, quelques grandes commissions scolaires unifiées responsables pour leur territoire de l'organisation des divers enseignements confessionnels et non confessionnels de langue française et de langue anglaise." On pourrait (n'interrompre ici et dire que le programme d'un parti politique, c'est l'affaire des militants; bien sûr. Mais si nous nous croyons justifiés comme citoyens et comme organisme qui représente un groupe de citoyens... La première phrase de la présentation, signée par le président du parti et premier ministre, M. René Lévesque, se lit comme suit: "Le programme du Parti québécois n'est pas seulement celui d'une formation politique, mais aussi celui du gouvernement du Québec pour les prochaines années." Pour nous de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, c'était rassurant non seulement de retrouver ces articles, et ce, depuis au moins une bonne douzaine d'années, dans le programme du parti qui est au pouvoir depuis plus de six ans, mais également de voir affirmer que c'était le programme du gouvernement du Québec pour les années futures. (12 heures)

Vous comprendrez, M. le Président, notre surprise et notre déception de ne retrouver ni la lettre, ni l'esprit de ces articles dans le projet de loi 40.

J'ai devant moi le sondage qui a été réalisé dans tout le Québec en mars 1983 par SORECOM pour le compte du Conseil scolaire de l'île de Montréal et des deux fédérations: la Fédération des commissions scolaires catholiques et la Fédération des commissions scolaires protestantes. Il y a un tableau - le tableau 6 - de ce sondage qui est très révélateur. Lors de la conférence de presse qui a dévoilé les résultats de ce sondage, ces trois organismes, le conseil scolaire et les deux fédérations, ont bien pris soin d'ignorer ce tableau 6 et de ne pas en parler.

Commençons par dire quelle est la question qui était posée. La question posée était celle-ci: Si jamais vous aviez le choix entre les trois types suivants de commission scolaire, lequel seriez-vous le plus porté à choisir? On répondait ou bien celle basée sur la langue, celle basée sur la religion, ou celle basée sur la région, le territoire, c'est-à-dire unifiée. À l'exception des protestants - et c'est fort compréhensible - toutes les catégories de personnes interrogées, francophones, catholiques, protestants, parents, non-parents, privilégiaient pour le plus grand nombre la commission scolaire basée sur la région, c'est-à-dire unifiée. L'ensemble de l'échantillon privilégiait à 45% la commission scolaire basée sur la région, 34,7% celle basée sur la langue et 14,8% celle basée sur la religion. Bien plus, sur l'île de Montréal, où l'on retrouve la plus forte concentration d'anglophones et d'allophones, c'était une majorité absolue de 53,3% qui privilégiait la commission scolaire basée sur la région, c'est-à-dire unifiée.

Qu'on vienne nous dire ensuite que le consensus est fait autour de la division linguistique, permettez-nous d'en douter. Certes, certains grands ténors d'organismes, certains establishments se sont prononcés en faveur de la division linguistique; certains l'ont fait à leur corps défendant, parce qu'ils croyaient ou qu'on leur faisait croire que le consensus allait dans ce sens et qu'ils préféraient ne pas être à contre-courant; d'autres l'ont fait par intérêt politique, professionnel ou corporatif.

Quant à nous, à la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, nous préférons opter pour ce que nous croyons être le plus conforme à la réalité québécoise, le plus conforme à un climat d'ouverture et de dialogue, et qui, par surcroît, est préféré par une plus grande partie de la population.

M. Rhéaume: Comme M. Légaré vient de le dire, nous nous permettons de douter de ce consensus que nous appelons chez nous un pseudo-consensus. Nous ne nions cependant pas les raisons d'un changement en éducation et nous les avons résumées à la page 24 de notre mémoire. Essentiellement, les projets de restructuration des 20 dernières années visaient les buts suivants: ajuster le système scolaire aux objectifs de la société québécoise; sauvegarder le fait français par un système d'éducation approprié; régler le problème de l'organisation scolaire sur l'îlede Montréal; assouplir les contraintes du système liées à la religion de façon qu'il soit plus ouvert au pluralisme grandissant de

notre société; égaliser les chances en éducation par une meilleure répartition des ressources financières.

Pour atteindre ces objectifs, il ne nous semble pas nécessaire de créer des commissions scolaires linguistiques. Nous continuons de croire qu'ils seraient beaucoup mieux servis - ces objectifs - par la mise sur pied de commissions scolaires unifiées, uniques ou intégrées, selon les termes que l'on emploie. Toutefois, nous réclamons le maintien des commissions scolaires confessionnelles que nous jugeons moins menaçantes pour la survie du fait français.

La société ne saurait pour autant préconiser un statu quo de mauvais aloi. Plusieurs aspects demandent des correctifs et il est sans doute possible d'y procéder sans faire un recul historique important, sous prétexte que les résistances aux commissions scolaires unifiées sont trop grandes. Ainsi, la responsabilisation de l'école et des parents, susceptible de favoriser l'ajustement du système scolaire aux objectifs de la société québécoise, paraît souhaitable et réalisable à l'intérieur de commissions scolaires confessionnelles. De même, la subdivision de la CECM en plusieurs commissions scolaires est possible et contribuerait à la démarche déjà entreprise en vue d'améliorer la situation sur l'île de Montréal.

Quant à la sauvegarde du fait français, celle-ci doit passer, aux yeux de la Société Saint-Jean-Baptiste, ou bien par le maintien après correctifs du statu quo ou bien par la création de commissions scolaires unifiées, mais jamais! jamais! quant à nous, par la création de commissions scolaires linguistiques.

En conclusion, la société croit possible et souhaitable d'apporter des améliorations au système actuel sans créer le précédent québécois de commissions scolaires linguistiques contre lesquelles nous nous élevons avec véhémence. La société croit également que la venue de commissions scolaires unifiées est inéluctable, ne serait-ce que pour des raisons économiques liées de près au problème de la dénatalité, et qu'il serait inutilement onéreux de créer dans l'intervalle de nouvelles structures linguistiques alors que les structures confessionnelles actuelles peuvent être améliorées à un bien moindre coût, tant humain que financier.

Elle croit enfin que le pseudo-précédent créé par le Nouveau-Brunswick et discuté en Ontario, à savoir la mise sur pied dans ces provinces de conseils scolaires francophones, ne doit en aucune façon être retenu pour exercer des pressions sur le Québec où ce n'est pas la langue de la minorité qui est menacée, mais bien celle de la majorité.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Rhéaume. Merci, M. Légaré. M. le ministre.

M. Rhéaume: Je n'avais pas terminé, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. Rhéaume, je vous signale que vous avez déjà mis un peu plus de vingt minutes à présenter votre mémoire.

M. Rhéaume: D'accord.

Le Président (M. Blouin): Si vous aviez une brève conclusion, je pense que vous n'avez pas abusé jusqu'à maintenant, mais il faudrait vraiment que cela soit très bref.

M. Rhéaume: Je vais tenter, si on me le permet, d'être le plus bref possible. Brièvement, nous nous opposons à la création de commissions scolaires linguistiques. Nous croyons que les commissions scolaires unifiées sont une occasion unique pour les anglophones, les francophones, les allophones, les Québécois et les Québécoises de toute croyance, d'oeuvrer ensemble dans une même oeuvre d'éducation. Nous croyons que l'érection de commissions scolaires linguistiques est l'institutionnalisation de ghettos auxquels nous nous opposons. Nous croyons qu'il est grand temps que l'ensemble de la communauté québécoise travaille ensemble. Nous croyons dangereux la création de commissions scolaires linguistiques puisque, pour nous, c'est l'institutionnalisation du bilinguisme, d'une forme de bilinguisme à laquelle nous nous opposons. Nous souhaitons que l'éducation qui est au coeur de nos préoccupations et qui est au coeur des préoccupations de l'ensemble des députés, quels que soient les partis politiques... Je pense que le bilinguisme qui sera institutionnalisé par cette division linguistique pourrait être source de conflits, de tensions, d'isolement et d'absence de dialogue entre les communautés qui forment le Québec.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Rhéaume. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, c'est avec plaisir que je salue la délégation de la Société Saint-Jean-Baptiste et que je la remercie pour le mémoire vif et intéressant qu'elle vient de nous présenter.

Je note au départ avec plaisir les états de service remarquables de la société en matière d'éducation, d'instruction publique. Il me fait plaisir de rappeler qu'elle est à l'origine de plusieurs des institutions dont nous nous enorgueillissons maintenant en tant que société, l'École des Hautes Études commerciales, l'École des Beaux-Arts, les écoles techniques, les écoles d'arts et métiers et ceci, bien sûr, la justifie de nous présenter ses vues aujourd'hui en matière d'éducation.

Je note aussi au départ que la Société

Saint-Jean-Baptiste se dit d'emblée d'accord pour une plus grande responsabilisation de l'école et une plus grande responsabilisation des parents au sein de l'école. Elle veut, elle aussi, que l'école devienne le pivot, la pierre angulaire de notre système d'éducation. J'ai même noté qu'elle trouve, entre le livre blanc et le projet de loi 40, qu'il y a eu une atténuation des pouvoirs de l'école au profit de la commission scolaire et qu'elle le regrette. Nous regarderons donc avec attention tous les amendements qu'elle nous suggère à cet égard.

Je note aussi qu'elle est d'accord que, sur l'Ile de Montréal, on en arrive à une organisation qui fera en sorte que les commissions scolaires soient de taille plus égale, mais que ces commissions scolaires auront grand intérêt également à maintenir un organisme régional comme le système scolaire et les services qu'il a contribué à rendre et qu'il peut encore rendre dans l'avenir.

J'en arrive à l'objet central du mémoire, et cela est très compréhensible, la préférence de la Société Saint-Jean-Baptiste pour un certain type de structures scolaires. Si on l'écoute bien, je pense bien que c'est la commission scolaire unifiée qui est son objet de prédilection, conformément à ce que recommandait la commission Parent et conformément à ce qui est inscrit dans le programme du Parti québécois depuis plusieurs années. On peut cependant noter, spéculer en tout cas, que la commission Parent a fait cette recommandation à une époque où le statut du français au Québec donnait lieu à des interrogations, à des préoccupations, à des malaises et à des inquiétudes.

Le programme du Parti québécois a aussi été élaboré à peu près à cette époque où le statut du français au Québec faisait problème d'une façon aiguë. Il y a eu quand même des changements depuis cette époque et en particulier la loi 101 est venue changer la problématique d'une façon marquée puisque maintenant les nouveaux arrivants au Québec fréquentent les écoles françaises. D'autres évolutions ont aussi eu cours. Je pense que sur le plan culturel il faut noter cette conviction acquise avec de plus en plus d'acuité par la communauté anglophone que l'école joue un rôle important pour le maintien de son identité culturelle et pour le développement de ses aspirations collectives.

Il reste cependant que la Société Saint-Jean-Baptiste préférerait le système des commissions scolaires unifiées, ne serait-ce que pour la raison qu'elle nous donne, à un moment donné, c'est-à-dire que cette intégration à la majorité serait mieux assurée par des commissions scolaires unifiées. Une petite remarque en passant. À la CECM, nous avions une commission scolaire unifiée d'une certaine façon, mais cette commission scolaire unifiée, comme d'autres, possédait des secteurs anglophones. Je ne pense pas que les secteurs anglophones au sein de la CECM et des autres commissions scolaires de l'île aient amené une intégration tellement plus marquée de la communauté anglophone à la majorité.

Je voudrais aussi noter qu'avec le projet de loi 40, nous aurons des commissions scolaires plus unifiées que celles que nous avons actuellement, ne serait-ce que parce que, en plus de cette intégration des communautés linguistiques, catholique, protestante et autres qui se réclament de l'anglophonie, il y aura aussi une intégration de l'enseignement des deux niveaux primaire et élémentaire assurant ainsi une continuité plus grande entre ces niveaux d'enseignement. C'est quand même là une unification plus grande que celle que nous avons à l'heure actuelle. (12 h 15)

J'en arrive à votre argument principal. Vous êtes d'avis que la commission scolaire linguistique constituerait une menace pour la survie du fait français. Je pense qu'on peut souscrire au principe que vous énoncez avec force, celui de l'affirmation du droit de la majorité francophone du Québec à vivre en français dans son pays. Je pense qu'on peut être tout à fait d'accord avec ce principe, mais là où on voit peut-être moins la logique de la conclusion que vous en tirez, c'est quand vous dites que ce principe est incompatible avec la création de commissions scolaires linguistiques. La question que je voudrais vous poser est la suivante: En quoi la création de commissions scolaires linguistiques où, d'un côté, la majorité francophone contrôle et gère ses commissions scolaires et ses écoles et où, de l'autre, la communauté anglophone gère et contrôle ses commissions scolaires et ses écoles, constitue-t-elle un recul et surtout une menace à la survie du fait français? J'avoue que, malgré les sept arguments que vous nous avez apportés, je ne vois pas encore de lien direct et évident entre le principe et la conclusion que vous apportez. J'aimerais que vous vous expliquiez davantage sur ce point.

Le Président (M. Blouin): M. Rhéaume.

M. Rhéaume: D'abord, l'objectif fondamental de la loi 101 qui était la refrancisation du Québec dans tous ses secteurs est un objectif, comme tout le monde le sait, auquel nous adhérons complètement. Cet objectif n'est pas atteint. Je me permettrai, M. le ministre, de rappeler un de vos commentaires qui a paru dans la revue Actualité quelques mois avant que vous n'arriviez au ministère de l'Éducation. Vous disiez, au sujet de l'application, des conséquences et des

changements de la loi 101, qu'il faudrait 25 ans pour en voir les fruits. Nous croyons fermement et profondément que la question linguistique, que le fait français, que l'affirmation du fait français, que la refrancisation du Québec ne sont pas achevés, qu'ils ne sont pas terminés. Nous sommes dans un processus qui a été enclenché il y a plusieurs années, mais qui n'est pas terminé. Nous croyons encore, puisque nous avons tenté de le démontrer lors de notre comparution à la commission parlementaire sur la loi 101 précédant la loi 57, que ce n'est pas encore fait. La loi 101 reconnaissait le droit à la communauté anglophone - nous adhérons, nous l'avons dit en commission parlementaire, nous reconnaissons ce droit à la communauté anglophone - à l'enseignement dans sa langue. Nous croyons que l'intégration de l'ensemble des Québécois de quelque origine au fait français au Québec se ferait d'une façon beaucoup plus normale à l'intérieur de commissions scolaires unifiées, et que les commissions scolaires linguistiques faisant un ghetto - c'est ce que nous croyons profondément - cela n'aidera pas. Cela nuira à la survie du fait français et à l'évolution du fait français, parce que le Québec sera lui-même le jour où l'ensemble des communautés seront intégrées à cet objectif de francisation, dans la reconnaissance du droit de la minorité anglophone, tel qu'il est reconnu par la loi 101.

Nous pensons que la survie et l'évolution normale du Québec vers sa refrancisation se fera beaucoup mieux à l'intérieur de commissions scolaires unifiées qu'à l'intérieur de commissions scolaires linguistiques, où le dialogue ne se fera pas, où nous n'aurons pas l'occasion, anglophones ou francophones... D'ailleurs Alliance Québec a comme thème: "For a future, together", "Tous ensemble pour l'avenir". Nous croyons que la division linguistique va un peu, et même on ne peut pas soupçonner tout l'avenir... Je ne vous apprendrai rien en regardant la Belgique. Tout ce qui suivra, ce seront les commissions scolaires linguistiques et ensuite on va en arriver à d'autres étapes, à d'autres demandes et à d'autres revendications. Nous pourrions dès maintenant régler ce problème en étant tous ensemble. C'est dans ce sens-là que nous croyons que le fait de vivre à l'intérieur de commissions scolaires unifiées sera une assurance beaucoup plus grande d'atteindre les objectifs de la loi 101 et l'intégration de l'ensemble des communautés au fait français dans le respect de la minorité anglophone. Cela, nous tenons à le répéter. Il nous semble même curieux que ce soit la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, jusqu'à un certain point, qui s'oppose à l'érection de ghettos. Nous nous opposons avec le plus d'ardeur possible et le plus de conviction possible.

Nous croyons qu'il faut régler ce problème et que la commission scolaire unifiée est l'endroit idéal pour le faire. Quant à la commission scolaire linguistique, c'est la division, la séparation, l'isolement et l'entretien des solitudes, tandis qu'il est grand temps - et nous en savons quelque chose, la société travaille et milite surtout sur le territoire de Montréal - à Montréal, particulièrement, que nous nous réunissions tous ensemble. Il n'y a pas des villes françaises et de villes anglaises. Y aura-t-il des autobus francophones et des autobus anglophones sur un même territoire? Il me semble que la logique ne nous apparaît pas évidente dans cela. Pour atteindre l'objectif de la loi 101, la commission scolaire linguistique, quant à nous, met un frein à l'atteinte de cet objectif.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Rhéaume. Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de la Société Saint-Jean-Baptiste. Je dois les féliciter au moins pour leur persévérance, parce que, quand on fait l'historique de toutes vos présentations à la commission parlementaire de l'éducation ou à la commission parlementaire sur la langue, qui ne sont pas éloignées l'une de l'autre, je dois dire que vous avez certainement été tenaces.

Je ne veux pas revenir sur les remarques du ministre de l'Éducation en ce qui touche votre choix pour les commissions scolaires unifiées. Là aussi, il y a de la persévérance. M. Rhéaume a présenté M. Légaré comme étant le porte-parole en éducation ou le responsable du dossier de l'éducation à l'intérieur de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. J'ai déjà eu le plaisir de travailler avec M. Légaré dans le domaine scolaire unifiée et je dois vous dire qu'il était un tenant de la commission scolaire à ce moment-là et que c'est encore la position qu'il vient défendre aujourd'hui.

C'est assez ironique, M. le Président, de penser qu'à ce moment-là j'étais la seule pour la commission scolaire linguistique. Il s'en souviendra. Il semble que je progresse plus vite, mais seulement là-dessus, remarquez bien; non pas concernant toutes les modalités qui entourent cela.

Plus sérieusement, je voudrais vous poser la question suivante: Comment croyez-vous que la commission scolaire confessionnelle fournirait une meilleure garantie de communication entre les groupes linguistiques? Dans ce sens-là, je rejoins le ministre parce que c'est simplement au niveau des questions administratives que les groupes anglo-catholiques, à l'intérieur des commissions scolaires catholiques françaises,

ont surtout pratiqué la communication, par la force des choses. Pour le reste, M. Légaré s'en souviendra, c'était quand même assez fermé.

Dans mon esprit, une commission scolaire unifiée ne garantira pas davantage de communication. Je vois cela davantage comme un désir de contrôler les institutions anglophones que de promouvoir la communication, puisque l'histoire quand même assez importante à la CECM n'a pas démontré que c'est là que la communication a été la plus efficace. En fait, c'est davantage par la création du conseil scolaire de l'île qu'on a assisté à un rapprochement, d'abord, par la force des matières administratives et, éventuellement, un peu au plan pédagogique. Je pense que cela a été un outil même à l'intérieur de commissions scolaires différentes anglophones et francophones, lesquelles étaient bien séparées. Est-ce que ce n'est pas davantage, en somme, un désir de contrôler le système anglophone plutôt que de le laisser se développer selon ses propres aspirations, selon ses traits culturels? Est-ce que l'on est toujours prêt à plaider pour les francophones?

M. Légaré: M. le Président, remarquez que - j'ai vécu, M. le Président, avec Mme la députée de L'Acadie à la CECM - ma perception a été justement ce climat d'ouverture et d'échanges. Au niveau pédagogique, au niveau des fonctionnaires et au niveau des commissaires, il y avait des échanges valables et des échanges d'expériences. Bien sûr, le conseil scolaire -vous l'avez bien dit, Mme la députée de L'Acadie - a accéléré et a porté à un autre niveau cette concertation et cette collaboration entre les deux communautés. Nous pensons que c'est au niveau de la commission scolaire où plus quotidiennement les échanges d'expériences, la concertation se feraient. Bien sûr, demander le maintien des commissions scolaires confessionnelles ce n'est pas nécessairement, de gaieté de coeur que nous le faisons. Nous voyons dans l'institution de commissions scolaires linguistiques, justement, la fin de cette unification linguistique qui, à notre point de vue, a apporté des résultats très valables pour la communication entre les deux communautés.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais demander aussi - vous n'en traitez pas dans votre mémoire - si vous avez examiné la fonctionnalité, si je puis dire, des dispositions qui sont prévues pour la reconnaissance du statut confessionnel des écoles. Au plan pratique, comment voyez-vous que ceci puisse s'articuler sans créer trop de conflits à l'intérieur de l'école?

M. Légaré: Remarquez que, dans notre première prise de position sur le livre blanc, si je ne m'abuse, nous parlions de cela, évidemment. Nous étions d'accord avec le fait que les écoles puissent, de par la volonté majoritaire des parents, avoir un statut confessionnel. Nous étions également tout à fait d'accord avec le fait que l'exemption soit remplacée par l'option entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral. Nous pensons que c'est peut-être la façon la plus acceptable actuellement pour la population, même si nous pensons qu'éventuellement cette même population sera prête un jour à accepter la société pluraliste dans laquelle nous vivons en ayant des écoles pluralistes. De toute façon vous avez remarqué que nous nous sommes davantage penchés sur ce que M. le ministre a appelé notre sujet de prédilection: les structures des commissions scolaires.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. En conclusion, à la dernière page de votre mémoire, vous dites: II ne faudrait surtout pas s'inspirer ou se laisser influencer par le peudo-précédent, créé par le Nouveau-Brunswick et discuté en Ontario, à savoir la mise sur pied, dans ces provinces, de conseils scolaires francophones. Ce que je veux demander au représentant de la Société Saint-Jean-Baptiste, c'est: Est-ce qu'ils ne reconnaissent pas de valeur au fait que, pour la survivance d'une minorité, qu'elle soit anglophone au Québec ou qu'elle soit francophone à l'extérieur du Québec, la reconnaissance d'institutions d'éducation est particulièrement importante pour la survie de ces communautés? À moins que vous ne vouliez maintenant laisser pour compte les minorités francophones à l'extérieur du Québec. Mais je ne crois pas que cela soit dans la tradition de la Société Saint-Jean-Baptiste.

Le Président (M. Blouin): M. Rhéaume.

M. Rhéaume: D'abord, j'ai invité les membres de la commission que cela intéresse de façon particulière à se pencher sur l'oeuvre entière de Louis-Philippe À.udet, qui est un grand spécialiste de l'histoire de l'enseignement, de l'histoire de l'éducation, de l'histoire du Conseil de l'instruction publique, qui est une personnalité québécoise et qui a consacré toute sa vie et toutes ses énergies à se pencher sur ce qui s'est passé dans le monde de l'éducation, de 1608 à maintenant. (12 h 30)

En ce qui concerne les francophones hors Québec, je voudrais tout d'abord vous dire que nous avons eu dans le passé et que nous continuons à avoir - d'ailleurs, notre campagne actuelle, notre collecte de fonds pour aider nos compatriotes du Manitoba le

démontre - des rapports étroits, cordiaux, avec l'ensemble des minorités francophones hors Québec.

Il y a un principe sur lequel nous appuyons nos échanges. Pour nous, ce principe est très clair et il est accepté de part et d'autre: nous reconnaissons à chacune des communautés francophones, que ce soit au Québec ou dans chacune des provinces canadiennes, le droit et la légitimité de définir elle-même ses aspirations et ses revendications.

Nous croyons d'ailleurs - et pour nous, c'est bien important - qu'il n'y a aucune comparaison qui tienne ou qui résiste à l'analyse dans la pratique de l'enseignement et de l'éducation pour les minorités à l'intérieur du Canada, francophones ou anglophones. Pour nous, il n'y a aucune comparaison possible entre le statut éducationnel ou le statut dans le monde de l'instruction publique entre les minorités françaises hors Québec et la minorité anglophone du Québec. Si les minorités françaises hors Québec avaient eu l'expérience en éducation qu'a eue la minorité anglophone du Québec, la situation ne serait sûrement pas la même.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse d'interrompre M. le président. La question que je vous posais est précise. Je le sais, chaque fois que vous venez, vous nous le dites et c'est vrai qu'il n'y a pas de commune mesure entre les minorités francophones hors Québec et les minorités anglophones au Québec, mais le point précis que je veux faire valoir est celui-ci: ne croyez-vous pas que, pour une minorité, qu'elle soit anglophone ici ou francophone ailleurs, l'existence et l'administration d'institutions scolaires qui leur soient propres et leur soient laissées soient une bonne garantie et peut-être la seule et la meilleure garantie de cette survivance? C'est là ma question précise.

M. Rhéaume: À ce que je sache, tout le débat autour de l'article 93, lors de l'institution de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, a porté énormément sur ce point. Regardons ce qui se passe, dans chacune des provinces. Ici, nous n'avons pas d'exemple à donner, puisque nous avons donné l'exemple, nous sommes dans une institution grandement inspirée du régime britannique et je pense que vous en savez quelque chose, puisque nos institutions en sont profondément marquées. Il faut regarder la pratique et l'exercice parce que, dans le régime britannique, la pratique et l'exercice sont souvent garants de l'expérience. L'expérience québécoise de la minorité anglophone, c'est, je pense, que sa survie n'est menacée d'aucune façon et les garanties que leur donne la loi 101 quant au droit à l'enseignement sont pour nous des garanties suffisantes pour assurer l'évolution de la minorité anglophone.

Mme Lavoie-Roux: Ce que vous dites, c'est qu'à votre point de vue les garanties institutionnelles au plan scolaire ou l'administration ou la gérance de leurs propres institutions scolaires ne sont pas nécessaires aux anglophones au Québec?

M. Rhéaume: Quand on regarde ce qui était proposé dans le livre blanc en ce qui concerne le comité linguistique de la minorité, nous croyons que les commissions scolaires unifiées apporteraient les garanties que vous réclamez pour la minorité anglophone.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie.

M. Légaré: M. le Président, j'aimerais...

Le Président (M. Blouin): Oui, rapidement, M. Légaré.

M. Légaré: ...ajouter ceci. Nous pensons que, si les minorités francophones hors Québec avaient été traitées au niveau scolaire comme la minorité anglophone du Québec l'a été, il y a fort à parier que les francophones hors Québec n'auraient pas à demander et à revendiquer leurs propres commissions scolaires aujourd'hui.

Le Président (M. Blouin): D'accord.

Mme Lavoie-Roux: On est d'accord là-dessus, mais il reste que ce que vous reconnaissez dans les faits, c'est que si elles avaient eu les mêmes garanties au plan de l'éducation que celles de la minorité anglophone au Québec, les minorités francophones ne se buteraient pas à un mur et n'auraient pas à faire les efforts qu'elles font présentement pour leur survie parce que celle-ci aurait été probablement assurée par de bonnes institutions scolaires.

M. Rhéaume: Je vous rappellerai, madame, que ces garanties étaient dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, à l'article 93. Ce n'est pas qu'elles ne les avaient pas, c'est qu'elles ont été bafouées partout.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. On est d'accord.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, M. Rhéaume. Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le Président. C'est avec une certaine satisfaction et une grande joie que je vois les représentants de la Société Saint-Jean-Baptiste défendre encore la langue française comme elle l'a fait depuis 150 ans. Je veux vous souhaiter un heureux anniversaire, un heureux 150e anniversaire. J'aurais le goût de rappeler aux membres de la commission qu'en 1977 j'ai eu le bonheur de défendre, au nom de la Société Saint-Jean-Baptiste, le mémoire présenté à la commission parlementaire sur la loi 101. On s'aperçoit avec le recul que la loi 101 fait de plus en plus l'unanimité. On a vu à la dernière commission parlementaire sur la loi 57 que la loi 101, qui voit à la consécration de la langue française comme langue officielle et qui fait la sauvegarde et la promotion de la langue française, fait l'unanimité.

Je souligne aussi d'une façon particulière la présence de M. Gérard Turcotte, qui a été quand même le pilier, l'homme de la continuité à la société pendant 25 ans et j'ai appris avec regret qu'il quittait la société d'ici quelques jours. Merci pour le travail que vous avez fait.

M. le président de la Société Saint-Jean-Baptiste, vous dites, à la page 19 de votre mémoire: "Le gouvernement du Québec n'a-t-il pas oublié qu'il est reconnu que la minorité anglophone du Québec a toujours été la minorité la mieux traitée au Canada?" Dans la ligne de la tolérance et de la générosité, dans votre mémoire, vous parlez de commissions unifiées plutôt que de commissions scolaires linguistiques. Vous parlez aussi de reconnaissance d'un droit nouveau en reconnaissant les commissions scolaires linguistiques. Vous avez peur pour la survie du fait français, peut-être. Il y a certains dangers. Ma question, considérant l'esprit de tolérance et de générosité des Québécois, est à savoir s'il ne serait pas préférable, avec l'évolution qu'on connaît, s'il n'y a pas de danger - j'aimerais qu'on m'en donne - s'il ne serait pas normal qu'on reconnaisse les commissions scolaires linguistiques.

M. Rhéaume: Vous savez que nous sommes conscients que le Québec a été une société exemplaire dans le traitement de sa minorité. Je pense que cela est reconnu par des gens de toutes les tendances politiques. Le jour où l'ensemble des minorités francophones hors Québec auront reçu uneréponse positive et affirmative à leurs revendications, nous pourrons rediscuter de la question. Nous avons donné l'exemple pendant suffisamment longtemps. Il est temps qu'un coup de bonne volonté vienne de la majorité anglophone dans les autres provinces. Nous croyons que les situations ne sont pas les mêmes, que la nation française est une nation menacée. Je vous rappellerai que nous sommes 20 000 000 d'habitants en Amérique du Nord - on oublie souvent les 14 000 000 des États-Unis - et que les deux tiers des nôtres ne parlent plus leur langue. La langue et la culture qui sont menacées au Canada ne sont pas la langue anglaise mais bien la langue française. En fait de générosité et de tolérance, effectivement le Québec a été le fer de lance de la reconnaissance des droits. Nous croyons que la loi 101 est venue consacrer cette générosité en accordant le droit à l'enseignement en anglais pour les gens de la minorité anglophone.

M. Champagne (Mille-Îles): Je voyais ce matin dans le journal Le Devoir, à la page 16: Le français au Manitoba, le défilé d'opposants se poursuit. Ici, au Québec, je pense qu'on a une ouverture d'esprit: au lieu de rétrograder, au lieu d'enlever des choses, nous, les membres de la commission parlementaire, au sujet de la loi 40, essayons d'être les plus positifs possible et de faire preuve de tolérance et de générosité. On voit quand même ce qui se passe. J'aimerais peut-être avoir un commentaire là-dessus. M. Rhéaume, je sais que la Société Saint-Jean-Baptiste a toujours eu une préoccupation de la défense des minorités de langue française au Manitoba et dans les autres provinces et même en Amérique du Nord. Ne croyez-vous pas que, face à ce qui se passe à l'extérieur, l'on doive encore donner aussi la preuve de tolérance?

Le Président (M. Blouin): M. Rhéaume, si vous permettez™ M. le député de Mille-Îles, j'aimerais que vous puissiez, dans la mesure du possible, établir un lien avec projet de loi 40, puisque si...le

M. Champagne (Mille-Îles): La question est à savoir si, dans le projet de loi 40, ce n'est pas un signe de tolérance.

M. Rhéaume: Nous croyons, avec la loi 101 et particulièrement avec les modifications qui y ont été apportées, que nous sommes allés à la limite de la générosité et de la tolérance.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Champagne (Mille-Îles): Une autre question.

M. Légaré: Je pourrais ajouter quelque chose là-dessus. Bien sûr on parle de la défense de la langue française, évidemment la Société Saint-Jean-Baptiste a à coeur depuis de nombreuses années cette défense. Je pense qu'on l'a dit et qu'il est bon de répéter que c'est également dans un esprit d'ouverture et de dialogue que nous souhaitons des commissions scolaires unifiées.

M. le président général a fait allusion tantôt à la devise d'Alliance Québec, "For a future together", "Vers l'avenir ensemble". Si ces gens-là sont vraiment sincères, s'ils sont fidèles à leur devise, je pense qu'ils ne devraient pas s'opposer, bien au contraire, aux commissions scolaires unifiées. Ils devraient souhaiter, comme nous, que tous ensemble nous oeuvrions à l'avenir scolaire des jeunes Québécois et Québécoises.

M. Champagne (Mille-Îles): M. Légaré, vous avez été vous-même dans des comités de parents, vous avez été aussi membre de la CECM à titre de commissaire et aujourd'hui vous siégez au Conseil scolaire de l'île de Montréal. À la page 24 de votre mémoire, vous parlez essentiellement des projets de restructuration scolaire des deux dernières décennies qui visaient les buts suivants: 1. ajuster le système scolaire aux objectifs de la société québécoise; 2. sauvegarder le fait français par un système d'éducation approprié; 3. régler le problème de l'organisation scolaire de l'île de Montréal; 4. assouplir les contraintes du système liées à la religion de façon qu'il soit plus ouvert au pluralisme grandissant de notre société; 5. égaliser les chances en éducation par une meilleure répartition des ressources financières.

Je ne veux pas savoir si vous êtes dissident de la position des membres du Conseil scolaire de l'île de Montréal. Que pensez-vous, quand même, à la fois des objectifs qu'avait à réaliser le Conseil scolaire de l'île de Montréal et du fait qu'aujourd'hui les membres du Conseil scolaire de l'île de Montréal rejettent complètement le projet de loi 40? Ils demandent le retrait pur et simple du projet de loi 40. Comment vous situez-vous devant cela? Est-ce que vous êtes un dissident? Que pensez-vous de cette position face au résumé de la situation que vous faites à la page 24?

M. Légaré: M. le Président, je répondrai en tant qu'un des deux porte-parole de la Société Saint-Jean-Baptiste puisque c'est à ce titre que je suis ici. Si je devais répondre en tant que membre du conseil scolaire, bien sûr que je répondrais de la même façon, mais c'est en tant que porte-parole de la Société Saint-Jean-Baptiste que je suis ici aujourd'hui. J'aimerais dire, au nom de la Société Saint-Jean-Baptiste, que le fait que les porte-parole de la position majoritaire du Conseil scolaire de l'île de Montréal emploient, aussi bien dans leur mémoire que dans leur présentation qu'ils ont faite, ici en commission parlementaire, à notre avis des propos outranciers et partisans ne devrait pas nous faire perdre de vue l'utilité et la nécessité d'un organisme métropolitain dont les pouvoirs et les devoirs devraient être sensiblement les mêmes avec possiblement certaines améliorations, et ce, au nom de la justice distributive, au nom des buts que vous avez mentionnés, particulièrement pour les milieux socio-économiquement faibles, et au nom d'une nécessaire concertation entre les commissions scolaires et d'une nécessaire mise en commun de certains services dont les commissions scolaires ne pourraient pas se doter autrement.

M. Champagne (Mille-Îles): Une dernière question, M. le Président. Vous affirmez dans votre mémoire que le projet de loi ne mentionne pas que les commissions scolaires soient une coopérative de services. Pourtant on donne beaucoup de responsabilités aux commissions scolaires pour donner le plus possible de services, pour rendre à l'école essentiellement sa mission éducative et pédagogique. Je vais en citer quelques-uns entre autres. La commission scolaire assure le soutien à l'exercice des fonctions attribuées à l'école, service de soutien. L'article 204, la commission scolaire établit une politique d'organisation des services éducatifs aux élèves en difficulté. L"article 207, la commission scolaire veille entre autres à ce que les écoles évaluent les apprentissages des élèves. L'article 201, la commission scolaire peut signer des ententes avec d'autres commissions scolaires pour assurer à sa population des services auxquels elle a droit. L'article 202, la commission scolaire répartit les services éducatifs entre les écoles de son territoire. (12 h 45)

On voit que les commissions scolaires sont un genre de "coopérative de service." Ne pensez-vous pas que toutes ces mesures font la preuve que la commission scolaire demeure, qu'elle a son pouvoir de planification, de coordination, de contrôle? Elle enlève à l'école ses fonctions administratives pour qu'elle puisse se consacrer davantage à sa mission éducative et pédagogique.

M. Rhéaume: Pour vous répondre, j'ai pensé à une phrase de Talleyrand: Ce qui va sans le dire va mieux en le disant. Nous aurions apprécié que le projet de loi 40 reprenne le vocabulaire du livre blanc en ce qui concerne les coopératives de services puisque pour nous il illustre bien l'objectif auquel nous adhérons et qui est vraiment celui d'une coopérative de services. En ce sens, comme on doit donner à l'école tous les instruments pour qu'elle devienne et demeure le pivot de l'éducation; nous croyons que les commissions scolaires ne devraient être - ce n'est pas au sens péjoratif ou diminutif, mais c'est très valorisant - qu'une coopérative de services. Nous tenons à cette expression puisqu'elle représente une réalité à laquelle nous adhérons complètement.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mille-Iles. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les représentants de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal pour leur mémoire. Si je comprends bien, vous avez dit que le bilinguisme constitue une menace au fait français. Essentiellement, c'est votre position de base. Personnellement, je crois que l'unilinguisme constitue une pire menace. C'est pourquoi je partage, dans une certaine mesure, vos craintes en ce qui concerne les commissions scolaires linguistiques qui pourraient renforcer les deux solitudes linguistiques. C'est pourquoi, lors de tous ces débats sur la restructuration sur l'île de Montréal qui ont commencé en 1966, je n'ai jamais été en faveur des commissions scolaires linguistiques. Selon moi, c'était toujours un dilemme pour les anglophones parce qu'on est en faveur d'une certaine intégration, pas d'une assimilation. J'aimerais vous rappeler que le "future together" dont Alliance Québec parle envisage une intégration, pas l'assimilation de la minorité linguistique au Québec.

Étant donné votre position de base sur cette question du bilinguisme, ne croyez-vous pas que les commissions scolaires unifiées augmentent considérablement la nécessité du bilinguisme sur le plan individuel, ainsi que sur le plan institutionnel afin de servir d'une façon efficace les deux groupes linguistiques? C'est ma première question.

M. Rhéaume: D'abord, en ce qui concerne l'assimilation et l'intégration, je dois vous dire, madame, que nous sommes en complet accord avec ce que vous venez de dire. Nous avons trop vécu, comme communauté nationale, les difficultés de l'assimilation pour oser proposer aux anglophones ce que nous avons subi nous-mêmes un peu partout. Nous nous opposons avec véhémence à l'assimilation. D'ailleurs, comme la loi 101 qui parle d'intégration, nous voulons une intégration et nous connaissons le sens des mots. Je tiens à vous dire que nous abondons entièrement dans votre sens; nous respectons la communauté anglophone; nous respectons les droits que la loi 101 lui reconnaît et nous sommes en faveur d'une intégration. Nous nous opposons à l'assimilation. Nous tenons trop à notre langue et à notre culture. Ce n'est pas parce qu'elle est française, mais parce qu'une langue et une culture sont des choses importantes pour un peuple, c'est important pour une communauté. Et si c'est important pour nous, c'est important pour la communauté anglophone. Nous la respectons entièrement.

En ce qui concerne les commissions scolaires unifiées, avec le comité linguistique de la minorité tel qu'il était préconisé dans le livre blanc, nous ne croyons pas qu'il y aura là institutionnalisation du bilinguisme. Je tiens à préciser que nous ne sommes pas contre le bilinguisme en soi puisque la plupart d'entre nous, je pense, connaissent un peu, en tout cas, la langue anglaise. Nous sommes bilingues jusqu'à un certain point. Mais c'est le bilinguisme institutionnel qui nous inquiète. Il nous inquiète à cause de l'expérience, si on veut, parce que les faits sont éloquents. Quand je vous dis que les deux tiers des nôtres sont tout à fait assimilés - ils ne sont pas intégrés, ils sont assimilés - dans ce sens les commissions scolaires unifiées respectent les droits de la minorité linguistique. On est bien conscient que, dans certains secteurs, la minorité linguistique, c'est la minorité française. Je n'ai pas besoin de vous dire, vous connaissez mieux que moi la géographie de Montréal que, dans certains secteurs de la ville, c'est la communauté française qui est minoritaire. Cela vous montre à quel point nous croyons que ces comités linguistiques de la minorité sont garants de l'évolution et de la survie de la langue de cette minorité. Si nous les croyons bons pour nous, nous croyons qu'ils sont également bons pour la minorité anglophone. Nous sommes beaucoup plus inquiets des conséquences d'un bilinguisme institutionnalisé par les commissions scolaires linguistiques que d'un bilinguisme que l'on pourrait retrouver à l'intérieur de commissions scolaires unifiées au niveau des écoles, au niveau du comité linguistique de la minorité.

Mme Dougherty: Mais je crois que ce n'est pas logique de conclure que les commissions scolaires unifiées vont réduire le risque ou la menace, parce qu'il y aura une obligation de servir les élèves dans les deux langues. Donc, il faut créer des ressources au niveau de la commission scolaire, des ressources pédagogiques et des ressources professionnelles, dans les deux langues pour bien servir les écoles dans les deux langues.

M. Rhéaume: Je tiens seulement à répéter...

Mme Dougherty: Je vois mal pourquoi ce n'est pas une menace quand vous parlez de la menace du bilinguisme institutionnel.

M. Rhéaume: Parce que, pour nous, les commissions scolaires unifiées sont le meilleur véhicule de cette intégration que nous véhiculons et en laquelle nous croyons, tandis qu'avec les commissions scolaires linguistiques, il y a, quant à nous, un danger au niveau des ressources du bilinguisme

institutionnel. Je suis bien conscient qu'il y a deux points de vue et des opinions tout à fait différentes. J'essaie tout simplement d'illustrer le mieux possible nos convictions, mais je respecte entièrement les vôtres. Il est bien compréhensible que le point de vue est extrêmement différent. Je rappelle qu'il y a eu un consensus fort longtemps. D'ailleurs, j'ai fait beaucoup d'efforts ces jours derniers pour voir quand ce consensus a changé pour passer des commissions scolaires unifiées aux commissions scolaires linguistiques. Je vous avoue que je ne l'ai pas encore compris et que je ne l'ai pas encore réalisé.

Mme Dougherty: Croyez-vous que les valeurs culturelles des groupes anglophones -il y en a plusieurs - pourraient être garanties par des commissions scolaires unifiées? Une autre partie de cette question: Avez-vous examiné la situation en dehors de la ville de Montréal, dans les régions rurales, par exemple?

M. Rhéaume: Nous croyons que les valeurs culturelles seraient sauvegardées à l'intérieur des commissions scolaires unifiées et là, je reviens au livre blanc qui l'expliquait. D'ailleurs, beaucoup de nos arguments pour défendre les commissions scolaires unifiées, on les prend à l'intérieur du livre blanc, puisque le comité linguistique de la minorité avait d'énormes garanties au niveau, j'allais dire, du gardiennage des valeurs culturelles et linguistiques. Nous croyons profondément que les commissions scolaires unifiées seront les gardiennes de la valeur de la langue et de la culture de la minorité, quelle qu'elle soit.

Mme Dougherty: Avez-vous examiné la situation démographique, par exemple, en dehors de la ville de Montréal, où la densité de la population non francophone est très mince? Croyez-vous que sur le plan pratique on pourrait créer des commissions scolaires unifiées avec des écoles? Je ne parle pas uniquement de classes isolées. Y a-t-il assez de gens pour créer une école? Êtes-vous d'accord qu'il faut au moins une école d'enfants?

M. Rhéaume: S'il y a assez de gens pour créer une commission scolaire, il doit y en avoir assez pour créer une école.

Mme Dougherty: Une commission scolaire unifiée...

M. Rhéaume: Oui, mais il y aura des commissions scolaires linguistiques dans tout le territoire, selon le projet de loi 40. Certaines commissions scolaires auront un territoire énorme. On n'est pas entré dans ce détail. On pourrait parler des difficultés administratives et des difficultés de réunion. Je n'ai pas le plan devant moi des commissions scolaires linguistiques mais, si je ne m'abuse, il y en a qui sont sur des centaines de kilomètres. Il y aura d'énormes difficultés.

Mme Dougherty: Exactement; Pour avoir assez d'enfants pour donner des services de bonne qualité. Mais si on morcelle ces petits groupes de non-francophones et qu'on les divise entre toutes les commissions scolaires unifiées, on n'aura pas assez d'enfants pour leur donner un service de qualité. C'est pourquoi, lorsque le projet de loi a été déposé au début, ou le livre blanc, je ne suis pas certaine, les régions rurales se sont élevées pour protester contre le morcellement de leur territoire et la division entre les différentes commissions scolaires unifiées. Elles sont dans une position beaucoup plus grave que les enfants de l'île de Montréal.

M. Légaré: M. le Président, pour répondre à cette question, je citerai un exemple qui fait foi de la générosité et de la tolérance des Québécois face à ces minorités: l'existence, dans le système actuel - dans les commissions scolaires unifiées, cela pourrait exister également - à Saint-Télesphore, comté de Vaudreuil-Soulanges, du Soulanges Protestant School où, cette année, on retrouve dans toute l'école treize élèves et il y en avait huit l'an dernier. Alors, quand on dit au Québec: "Là où le nombre le justifie", c'est ce que cela veut dire. C'est la tradition de tolérance et de générosité des Québécois que nous verrions se perpétuer dans les commissions scolaires unifiées.

Mme Dougherty: Je n'ai qu'un commentaire. Je crois que les anglophones ne cherchent pas la générosité et la tolérance. J'entends cela partout. Je regrette, mais ce que l'on cherche pour tout le monde, c'est une éducation de qualité. On doit créer un système. Je crois qu'on doit avoir une certaine souplesse pour envisager la possibilité d'avoir des solutions différentes dans diverses régions, compte tenu des situations démographiques. Ce que je cherche comme anglophone, c'est une éducation de qualité pour tout le monde: les anglophones, les francophones, les Grecs, les Noirs, etc. Ce n'est pas uniquement une question de générosité.

M. Rhéaume: La générosité et la tolérance - j'allais dire platonique mais je ne voudrais pas être platonicien et tomber dans le monde des idées - c'est toujours relatif. La générosité est relative au comportement, il faut bien le dire, de la majorité anglophone dans les autres provinces. Quand on parle de générosité et de tolérance, c'est

presque un euphémisme, à comparer à ce qui s'est passé ailleurs. On parle d'écoles anglophones, on pourrait parler de cégeps anglophones et d'universités anglophones. Quand on regarde le nombre d'universités anglophones et d'universités francophones ici même, au Québec, et quand on parle d'universités francophones à l'extérieur du Québec, il faut regarder et chercher loin. Au niveau des écoles secondaires et des cégeps, on les cherche longtemps. Il y a, d'ailleurs, un rapport qui a été publié. Chez les francophones hors Québec, une majorité d'entre eux ont une fréquentation scolaire de huitième, neuvième ou dixième année, tandis que si on regarde le taux de scolarité des anglophones du Québec - là les sondages donnent vraiment des chiffres tout à fait objectifs et indiscutables - c'est extraordinaire de voir l'évolution, les droits et les privilèges. Le système scolaire sur lequel est basée toute l'éducation au Québec démontre que la minorité anglophone n'est menacée d'aucune façon et qu'elle a des institutions, à bien des égards, qui peuvent être citées en exemple non seulement au Canada, mais dans le monde entier.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Il est au-delà de 13 heures et trois autres membres de la commission m'ont demandé d'intervenir. S'il n'y a pas consentement pour que nous poursuivions nos travaux, je vais donc suspendre jusqu'à 15 heures. Quel est l'avis des membres de la commission?

M. Leduc (Fabre): M. le Président, de notre part, il y a consentement pour que nous terminions ce qui a été commencé cet avant-midi.

Le Président (M. Blouin): Très bien, M. le député de Fabre. Mme la députée de Jacques-Cartier me demande combien il reste de minutes pour eux. Il n'y a pas eu d'entente ce matin et, en principe, les trois députés pourraient prendre une période de 20 minutes chacun. J'ai cru comprendre, depuis le début, que chacun utiliserait environ une dizaine de minutes pour procéder à son intervention, ce qui nous mènerait à 13 h 30.

Une voix: 13 h 15.

Le Président (M. Blouin): Alors, il y aurait un intervenant de chaque côté? Cela irait?

Une voix: 13 h 10, cela irait.

Le Président (M. Blouin): Très bien, en cinq minutes chacun, si possible. D'abord, Mme la députée de Maisonneuve. Elle n'est pas là? Oui, elle est là. (13 heures)

Une voix: Elle n'est pas à son siège.

Mme Harel: Je passe la parole au député.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, c'est M. le député de Vachon qui conclura.

M. Payne: Aujourd'hui, nous abordons la question linguistique. D'ailleurs, je veux dire, en passant, que je peux vivre très facilement avec la notion de la générosité de l'État envers le milieu anglophone et des privilèges que nous vivons dans le Québec d'aujourd'hui comme dans celui d'hier.

 cet égard, je dirais que, si je suis convaincu qu'il existe aujourd'hui un certain équilibre linguistique, je suis bien d'accord avec la Société Saint-Jean-Baptiste que rien n'est garanti pour les Français de demain. Si ce n'était de la vigilance de la Société Saint-Jean-Baptiste et de tout l'État québécois à tout moment, nous ne pourrions jamais rien garantir au peuple québécois francophone de demain. Il me fait plaisir de m'associer à toute tentative à cet égard.

Vous souhaitez que la commission scolaire soit sur le modèle d'une coopérative de services. D'ailleurs, vous déplorez l'absence de la mention de cette notion de coopérative de services dans le projet de loi, malgré la présence de certains articles comme les articles 201, 202, 204, 206, et 207. On pourra discuter de cela à d'autres moments, ce n'est pas tellement cela, mon point. En plus, vous soulignez la nécessité ou le réalisme d'avoir des écoles anglaises au Québec, si je comprends bien. En conformité avec ces deux principes, les coopératives de services comme commissions scolaires, d'une part, et, d'autre part, les écoles anglaises, pourquoi à partir de ces deux principes n'acceptez-vous pas le rôle des commissions scolaires linguistiques qui, elles, peuvent, justement, accorder le soutien à l'exercice de ces fonctions qu'on préconise dans l'article 206, dans leur politique d'organisation des services éducatifs déterminée à l'article 204? Pourquoi n'êtes-vous pas prêts à accepter le rôle de coordination des commissions scolaires sur la base linguistique?

M. Rhéaume: Vous savez, c'est toujours le même argument, sauf que j'ai appris qu'il valait mieux se répéter que se contredire. Pour nous, l'objectif fondamental de la loi 101... Pour nous, la langue et l'éducation sont extrêmement liées; d'ailleurs, non seulement pour nous, mais l'unanimité se fait ici; c'est le consensus, un terme qu'on aime employer. Pour nous, l'intégration de l'ensemble des communautés culturelles à la majorité francophone n'est pas terminée, c'est un processus. Sur cela, nous sommes

d'accord avec la déclaration du ministre de l'Éducation actuel disant que cela prendrait 25 ans avant qu'on puisse voir l'application totale et concrète de la loi 101. Nous croyons que la commission scolaire unifiée est plus garante de cet objectif d'intégration des communautés, à telle enseigne, qu'on est surpris de voir que, jusqu'à un certain point - nous sommes non pas les seuls mais ce n'est pas tout le monde qui peut intervenir -c'est per se notum, comme on le disait dans certaines sommes au collège classique, cela saute aux yeux que l'objectif d'intégration que vise la loi 101 au niveau scolaire, son application concrète, c'est à l'intérieur de commissions scolaires unifiées. Nous sommes assurés et profondément convaincus que seules les commissions scolaires unifiées peuvent assurer ce dialogue permanent dont nous avons besoin au Québec.

On a parlé de générosité, cela peut plaire ou déplaire; on peut parler de tolérance. Mais parlons des faits; il y a la question de fait et la question d'opinion. Sur les faits, la communauté anglophone du Québec a pratiquement vécu une expérience qui lui a assuré l'évolution qu'elle connaît maintenant. Nous pensons qu'il est temps, maintenant que les ajustements sont faits, que la loi 101 est proclamée, qu'elle est en train de donner ses fruits et que les enjeux sont clairs, de se mettre tous ensemble pour travailler à une même oeuvre d'éducation. On ne comprend pas qu'on puisse revendiquer des ghettos. On ne le comprend pas. L'isolement, l'absence de dialogue, pour nous, ne règle aucun problème; cela les entretient, cela les amplifie et cela en crée de nouveaux.

Nous croyons que les commissions scolaires linguistiques, voulant régler un problème ou répondre à une aspiration, vont créer des problèmes plus grands que ceux que l'on peut même imaginer pour l'instant. De toute façon, nous sommes assurés que les commissions scolaires unifiées ne sont qu'une question de temps. Cela devra se faire tôt ou tard ne serait-ce qu'au niveau démographique. On a parlé de la dénatalité; cela va arriver. Nous reviendrons non pas pour dire qu'on avait raison, mais pour nous ajuster à la situation pour essayer de faire comprendre, encore une fois, pourquoi c'est la seule solution à l'intégration de toutes les communautés.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Rhéaume. Un bref commentaire, M. le député de Vachon.

M. Payne: Oui, très brièvement. Il ne faut pas oublier qu'il y a certaines responsabilités auxquelles devraient se conformer les commissions scolaires, peu importe leur langue. Le cas échéant, les commissions linguistiques anglophones devraient se conformer à la loi 101 en ce qui concerne les communications avec l'État et d'autres organismes. Je considère que, pour quelqu'un qui est anglophone unilingue, c'est vraiment se "ghettoïser", à moins qu'il ne puisse transiger dans la langue française au Québec dans les commissions scolaires.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Vachon. M. le député de Saint-Henri, en concluant.

M. Hains: M. le président, avec un certain sourire, j'ai lu dans votre introduction que vous basez votre préoccupation de la diffusion de l'instruction publique sur la Loi 12 Victoria. Je comprends que, pour vous, cela demeure un souci royal et primordial et je vous en félicite. C'est seulement pour s'amuser un peu.

M. Rhéaume: Je vous dirai, M. le député de Saint-Henri, que nous avons des origines géographiques similaires.

M. Hains: Très bien, c'était seulement pour s'amuser.

M. Rhéaume: Peut-être que nos racines monarchiques ne sont pas les mêmes.

Le Président (M. Blouin): Cela va, cela va, cela va.

M. Hains: Mon temps court, n'est-ce pas?

M. Réhaume: Oui, oui, d'accord.

M. Hains: Je poserais ma question à M. Légaré, s'il vous plaît. M. Légaré, je ne veux pas vous poser une question insidieuse mais à la page 17, vous basant sur le sondage de SORECOM, au tableau no 6, vous dites que, si vous prenez la question selon le territoire, c'est 45%. Cela va? De là, vous portez votre option sur une commission unifiée en faisant presque un synonyme de "selon le territoire" et "une commission unifiée". Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Légaré: Oui, oui.

M. Hains: Je vous pose une petite question. Serait-il possible que les gens qui ont été consultés n'aient pas compris que "commission scolaire selon le territoire" signifiait nécessairement "une commission scolaire unifiée"? Comme interprétation, on aurait pu penser qu'on voulait parler d'appartenance linguistique ou confessionnelle, mais selon de nouveaux territoires, etc. Le mot "unifiée" était-il dans le paysage de ce questionnaire, voulant parler de "selon le territoire"?

M. Légaré: M. le Président, quel que soit le terme employé, que vous disiez "division basée sur la région", que vous disiez "division basée sur le territoire", que vous disiez "commission scolaire unifiée", c'est blanc bonnet, bonnet blanc. Quand on veut faire la distinction entre les commissions scolaires basées sur la langue, sur la région ou sur la religion, je ne vois pas comment on ne pourrait pas interpréter "basées sur la région" comme étant des commissions scolaires unifiées, c'est-à-dire des commissions scolaires où, sur un même territoire, il n'y a qu'une seule administration qui gère toutes les écoles.

M. Hains: Je comprends très bien.

M. Légaré: Je ne vois absolument pas de confusion dans cela.

M. Hains: Je ne sais pas. Tout le monde n'est pas aussi brillant que nous le sommes, vous et moi, n'est-ce pas?

M. Légaré: Remarquez que je ne méprise pas à ce point ceux qui ont répondu au sondage.

M. Hains: Non, non, je ne les méprise pas du tout, moi non plus, M. Légaré. Cela n'aurait-il pas été plus simple de la part de ceux qui ont fait le sondage d'indiquer "selon la langue", "selon la religion" ou "commission unifiée" pour les deux? Vous ne trouvez pas que cela aurait, quand même, été plus précis.

M. Légaré: Alors, vous m'auriez peut-être demandé: Pensez-vous que les gens qui ont eu à répondre à ce sondage savent exactement ce que sont les commissions scolaires unifiées? On aurait tourné en rond, ce serait revenu au même.

M. Hains: Bien, il aurait fallu une explication. Je ne veux pas du tout minimiser votre...

M. Légaré: Non, non.

M. Hains: ...conception; je l'admire même dans un certain sens, parce que je trouve qu'elle a beaucoup de bon sens. Je voulais simplement demander si cela avait bien été compris. C'est plutôt un défaut peut-être chez ceux qui ont fait le sondage que l'idée de vouloir minimiser votre option pas du tout. Voilà ce que je veux dire.

M. Légaré: En tout cas, je vous dirai que ceux qui ont commandé le sondage, si vous jugez qu'il est alambiqué, étaient des adversaires du projet de loi 40.

M. Hains: Du tout. Vous semblez agressif.

M. Légaré: Non, non.

M. Hains: Je ne le suis pas du tout. Je veux simplement clarifier cette situation. Maintenant, comme vous êtes un peu agressif, je reviens à M. le président.

M. Légaré: Faites attention, il peut l'être plus que moi!

M. Hains: Cela ne me fait rien, parce que la question ne prête à aucun débat. C'est juste un petit commentaire que je vais vous demander pour finir. Vous dites ceci à la page 25: "La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal n'a d'autre choix que de réclamer le maintien des commissions scolaires confessionnelles, qu'elle juge moins menaçantes pour la survie du fait français." Est-ce que vous pourriez élaborer votre pensée là-dessus dans les deux ou trois petites minutes qu'il peut vous rester?

Le Président (M. Blouin): En fait, M. Rhéaume, c'est dans la minute qu'il vous reste.

M. Hains: Bien, c'est cela.

M. Rhéaume: Écoutez, je n'ai pas l'habitude de me citer, je trouve cela prétentieux, mais je pense que j'ai essayé de démontrer que les commissions scolaires linguistiques comportent des dangers au niveau de l'évolution normale de la communauté française et des objectifs de la loi 101, tandis que les commissions scolaires confessionnelles - je le dis à regret, nous semblent offrir plus de garanties pour aménager ce qui est contenu comme objectif au niveau du projet de loi 40. Nous préférons, à ce stade-ci, le statu quo aux commissions scolaires linguistiques qui seraient, pour nous, un précédent dangereux.

M. Hains: Alors, comme conclusion, vous préférez le statut actuel à la division linguistique.

M. Rhéaume: Nous préférons les commissions scolaires unifiées, faute de quoi...

M. Hains: D'accord.

M. Rhéaume: M. le Président, en terminant, cinq secondes, c'est le vingtième anniversaire de la création du ministère de l'Éducation en 1984. Nous tenons à souligner le travail de tous ceux et celles qui ont oeuvré dans le monde de l'éducation et rappeler que le Québec avait une loi scolaire en 1829...

Le Président (M. Blouin): Bon!

M. Rhéaume: ...cinq ans avant la France, dix ans avant l'Angleterre.

Le Président (M. Blouin): Au nom de tous les membres de cette commission parlementaire, je remercie les représentants et la représentante de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal de leur participation aux travaux de cette commission.

Nous entendrons, à compter de 15 heures, les représentants de la commission scolaire des Laurentides. Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 13)

(Reprise de la séance à 15 h 5)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît;

La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. En début de séance cet après-midi, nous accueillons la représentante et le représentant de la commission scolaire des Laurentides. Les membres de la commission, ainsi que nos invités me permettront de saluer tout particulièrement les représentants de cette commission scolaire qui regroupe les écoles que fréquentent nos trois enfants, deux au primaire et une au secondaire.

Sur ce, j'invite les représentants de la commission scolaire, d'abord, à s'identifier et, ensuite, à nous livrer le contenu de leur mémoire en une vingtaine de minutes.

Commission scolaire des Laurentides

Mme Bérubé (Denyse): Bon après-midi. Je suis Denyse Bérubé, présidente de la commission scolaire des Laurentides. À mes côtés, M. Bernard Myette, directeur général. Nous présenterons le mémoire conjointement.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et plutôt messieurs les membres de la commission, la présentation du mémoire de la commission scolaire des Laurentides en commission parlementaire vient clore une série de discussions qui ont été menées par le conseil des commissaires depuis le dépôt du livre blanc L'école: une école communautaire et responsable.

Des enjeux importants se situaient au sein de ce débat de fond. Le rôle de tous les partenaires oeuvrant dans le système d'éducation se voyait remis en question dans un but ultime: améliorer la qualité de l'éducation offerte aux enfants en vue de mieux développer leurs facultés physiques, intellectuelles et morales pour en faire des femmes et des hommes mieux préparés pour intervenir dans la société de demain.

Dans cette perspective, nous ne pouvons que déplorer le peu de place qui fut fait à l'enfant, la raison d'être du système, pour assister plutôt à un scénario où les luttes de pouvoirs, à tous les niveaux d'ailleurs, se sont avérées plus importantes que les démarches de concertation en vue d'arriver à développer un modèle viable. Nous espérons, cependant, qu'au-delà de ces considérations et en tenant compte des résultats des discussions de cette commission parlementaire il sera possible de trouver une solution acceptable.

L'école publique québécoise est à l'heure des grandes révisions. L'analyse des structures existantes fait partie de cette étude au même titre que d'autres sujets d'intérêt, telle la qualité de ses services éducatifs. Nous devons nous assurer que chacun des partenaires impliqués puisse jouer le rôle qui lui est dévolu en vue d'atteindre un objectif prioritaire: une éducation permettant aux jeunes d'assumer les responsabilités qui les attendent.

Le conseil des commissaires de la commission scolaire des Laurentides croit, pour sa part, qu'il doit travailler en ce sens et y mettre toutes ses énergies créatrices.

Préliminaire. Si l'on réfère au mémoire présenté par la commission scolaire des Laurentides en janvier 1983 sur le livre blanc L'école: une école communautaire et responsable et au projet de loi 40 sur l'enseignement primaire et secondaire public déposé en juin dernier par le ministre de l'Éducation aux fins de recevoir les réactions des divers intervenants du Québec, force est de conclure que le projet de loi répond positivement, dans plusieurs de ses aspects, à la plupart des préoccupations qui ont été soulevées par notre commission scolaire dans son mémoire. Sur un certain nombre d'autres points du projet, toutefois, la commission doit dire que le projet est loin de répondre à ses aspirations et à ses attentes.

Passons, en premier lieu, aux dispositions du projet sur lesquelles il y a convergence de vues au niveau de l'école. Le projet de loi fait de l'école une entité institutionnelle à laquelle on donne des pouvoirs accrus permettant de réaliser son projet éducatif et d'être davantage responsable de sa vie éducative et pédagogique et ce, sous la juridiction de la commission scolaire. Pour la commission scolaire des Laurentides, le projet répartit à l'école et à son conseil des pouvoirs déterminants aux plans éducatif et pédagogique et des pouvoirs suffisants au plan des ressources humaines, matérielles et financières, si l'on fait exception de certains points de divergences qui seront expliqués plus loin.

Le projet maintient le conseil d'école selon la formule de la représentation majoritaire des parents, de la présence du directeur d'école et celle, facultative, des

représentants des enseignants et de l'ensemble du personnel non enseignant, ainsi que celle des représentants des élèves du deuxième cycle du secondaire. Le projet va ainsi dans le sens souhaité par la commission.

Au niveau de la commission scolaire. Nous nous disons satisfaits du maintien du statut juridique de la commission scolaire comme instance politique intermédiaire entre le MEQ et les écoles, représentant la collectivité sur un territoire donné et exerçant des responsabilités réelles en matière éducative. Le mandat qui lui est donné dans le projet de loi lui permet de s'assurer du respect des lois, des règlements et des politiques par les instances sur lesquelles elle a juridiction.

Il faut reconnaître également les efforts faits dans le projet de loi pour maintenir le suffrage universel, améliorer sensiblement le processus électoral et, en même temps, favoriser la participation et l'expression de la démocratie. Même si elle n'est pas d'accord avec le critère de représentation du commissaire d'école retenu dans le projet - nous aurons l'occasion d'y revenir plus loin - la commission scolaire des Laurentides continue de croire à l'implication du commissaire au milieu-école et à la possibilité pour lui de faire partie d'office d'un conseil d'école selon une formule autre que celle retenue dans le projet de loi.

Au plan des pouvoirs répartis à la commission scolaire, il semble, en général, que la commission aura, sauf en certaines matières qui seront traitées plus loin, les pouvoirs suffisants, eu égard aux pouvoirs accrus consentis aux écoles, pour s'acquitter de ses devoirs et réaliser sa mission éducative.

En gestion financière, l'abandon de la proposition des deux enveloppes non transférables contenue dans le livre blanc et son remplacement dans le projet par le mode de financement par une seule enveloppe budgétaire répondent à une recommandation déjà faite par notre commission scolaire. Il en est de même sur le pouvoir de taxation qui y est maintenu, même si elle n'est pas d'accord sur la façon dont on prévoit procéder pour la perception.

La commission scolaire des Laurentides est favorable aux dispositions du projet de loi en ce qui concerne: l'intégration des commissions scolaires. Quant au découpage des territoires scolaires, la commission tient pour acquis l'engagement déjà pris par le ministre de l'Éducation de maintenir intact le territoire des commissions scolaires déjà intégrées - comme c'est le cas en ce qui concerne notre commission scolaire, dans le projet de territoire scolaire élaboré par la Direction générale des réseaux dans la version de mai 1983 - et souhaite retrouver la concrétisation de cet engagement dans le décret qui sera promulgué dans le cadre de l'article 133.

La commission scolaire des Laurentides endosse les dispositions du projet de loi quant à la déconfessionnalisation des commissions scolaires, à la possibilité pour un milieu-école d'être reconnu comme confessionnel et au remplacement du régime de l'exemption d'enseignement religieux par celui de l'option. D'ailleurs, déjà en septembre prochain les élèves de la commission scolaire des Laurentides auront effectivement à choisir entre l'enseignement moral et la catéchèse.

Le maintien du statut confessionnel pour certaines commissions scolaires décrites aux annexes À et B du projet de loi nous semble une solution qui tient compte des droits des minorités touchées et qui est de nature à éviter les interminables recours en justice s'il en avait été autrement.

Au niveau du ministère de l'Éducation. La commission scolaire est globalement en accord avec les dispositions du projet de loi en ce qui concerne les responsabilités dévolues au ministère de l'Éducation et au gouvernement, mais souhaiterait que les projets de règlement du gouvernement et du ministre, avant leur parution dans la Gazette officielle du Québec (article 310), fassent l'objet de consultations auprès des partenaires.

M. Myette va maintenant présenter les divergences.

M. Myette (Bernard): Au niveau des divergences, la commission scolaire des Laurentides vous fait part d'un certain nombre de points où elle exprime son désaccord et propose des amendements au projet de loi 40.

Le choix de l'école. Inscrire dans un projet de loi que "les parents de l'élève ou l'élève majeur ont le droit de choisir l'école qui correspond le mieux à leur préférence ou dont le projet éducatif correspond le plus à leurs valeurs" (article 18) et que "la commission scolaire inscrit les élèves dans les écoles en tenant compte du choix des parents de l'élève ou de l'élève majeur" peut sembler, à première vue noble et généreux, mais est-ce bien réaliste, surtout dans un territoire comme celui de la commission scolaire des Laurentides?

De plus, le fait d'assujettir ce droit aux critères que peut établir une commission scolaire sur la capacité d'accueil et sur les services dispensés par les écoles et le fait aussi que l'exercice de ce droit ne permette pas la gratuité du transport scolaire, si le choix de l'école a pour effet d'accroître les coûts de transport, ne viennent-ils pas limiter dramatiquement ce droit et ne pourraient-ils pas plutôt engendrer des désillusions chez nombre de parents et d'élèves qui auront tenté d'exercer ce droit?

II est à noter qu'actuellement à la commission scolaire des Laurentides, à la demande de parents et pour des raisons valables, il est possible de faire inscrire son enfant dans une autre école que l'école du secteur ou du sous-secteur de résidence des parents. À la commission scolaire des Laurentides, les trois secteurs sont Saint-Jovite, Sainte-Agathe et Mont-Rolland. Que vient donc ajouter le fait d'inscrire cette possibilité comme un droit des parents ou de l'élève majeur? (15 h 15)

Deuxième point de divergence et de très grande interrogation au niveau de la commission scolaire, le statut du directeur d'école. Compte tenu qu'un directeur d'école est un employé de la commission scolaire, nommé par elle sur recommandation d'un comité de sélection, la commission scolaire est d'avis que le directeur d'école devrait répondre de son administration à la commission scolaire et, plus particulièrement, au directeur général. Il nous apparaît en effet, que le fait pour le directeur d'école d'avoir à répondre de son administration au conseil d'école, d'une part, et d'avoir, selon l'article 88, à "exercer d'autres fonctions que lui confie la commission scolaire", son employeur, d'autre part, est de nature à engendrer des conflits et à mettre le directeur d'école dans une situation problématique. Ainsi, de quel mandat devrait-il s'acquitter, advenant le cas où il recevrait des mandats différents de son conseil d'école et de sa commission scolaire? Aurait-il le loisir de choisir lequel des deux mandats il devrait exécuter?

De plus, la commission scolaire croit que le mandat du directeur d'école devrait être réduit de cinq à trois ans. La commission scolaire estime également que, dans le cas de non-renouvellement et de résiliation du mandat du directeur d'école, le conseil d'école devrait, dans les deux cas, procéder par mode de recommandation à la commission scolaire qui, elle, serait appelée à décider. À l'article 86, au septième alinéa, il y aurait lieu que les pouvoirs délégués au directeur d'école par le conseil d'école le soient par écrit.

Calendrier scolaire. Eu égard aux dispositions de l'article 203 concernant la détermination du calendrier scolaire, la commission scolaire est d'avis que l'article 95 devrait être révisé. Le calendrier scolaire doit, selon elle, être établi par la commission, avec consultation préalable des diverses instances intéressées: écoles, syndicats, associations, parents. La commission scolaire serait, toutefois, consentante à ce que le conseil d'école puisse fixer les journées pédagogiques flottantes de l'école et ce, conformément au nombre établi par la commission scolaire. C'est là la seule marge de manoeuvre qu'il apparaît possible de laisser au conseil d'école en cette matière.

Évaluation des élèves. La commission scolaire est d'avis que, pour s'assurer que les élèves reçoivent les services auxquels ils ont droit et que les écoles fassent l'évaluation des apprentissages des élèves, une commission scolaire devrait pouvoir établir les normes et modalités d'évaluation des apprentissages. Dans ce sens, il y aurait lieu de modifier l'article 113.

La commission scolaire recommande également que la responsabilité d'une commission scolaire en matière d'évaluation des apprentissages des élèves ne se limite pas qu'à l'enseignement secondaire, comme le stipule l'article 207, mais qu'elle puisse aussi s'étendre à toutes les matières enseignées au primaire. La commission scolaire n'est donc pas d'accord sur l'intervention directe du ministre auprès des écoles, sur l'évaluation du régime pédagogique, des programmes d'études officiels et des manuels scolaires. Pourquoi ne pas passer par la commission scolaire qui, elle, s'assurerait de la collaboration de ses écoles pour telle évaluation faite par le ministre?

Perfectionnement. La commission scolaire se demande si le conseil d'école, même sur recommandation du directeur d'école, sera en mesure de déterminer les besoins de perfectionnement du personnel de l'école, car il entre dans cette question de perfectionnement, de mise à jour ou de recyclage des dimensions qui dépassent largement le cadre de l'école, par exemple, tout le perfectionnement en micro-informatique. La commission scolaire croit, de plus, qu'il est du devoir des directeurs d'école de participer à l'élaboration de plans de perfectionnement du personnel entrepris par la commission scolaire.

Usufruit des écoles. Pour la commission scolaire, la question de propriété des biens par la commission scolaire et de droit d'usufruit et de ce qui en découle par l'école constitue une pomme de discorde qui engendrera éventuellement des conflits dont le milieu scolaire pourrait se passer. La commission scolaire partage à 100% avec le gouvernement l'idée que les installations communautaires doivent servir à la communauté tant au niveau municipal qu'au niveau scolaire ou à tout autre niveau. Ce n'est, d'ailleurs, pas pour rien que la commission scolaire conclut depuis plusieurs années des ententes quant à l'utilisation d'installations et de services visant à répondre aux besoins de la population jeune et adulte en matière d'activités sociales, culturelles, sportives ou de loisirs. Aussi, la commission scolaire désire-t-elle que toute cette question soit revue de façon que soit affirmée la propriété de la commission scolaire sur les biens immeubles et que cette dernière puisse établir des politiques, des

règles et des procédures sur l'utilisation de ses immeubles, surtout quand ils sont utilisés par d'autres organismes que ses écoles - ceci ne devant en rien limiter l'usage des utilisations au profit de la communauté -mais plutôt dans un cadre où ne serait pas grevé outre mesure le budget d'entretien, de réparation et de remplacement à cause de bris et autres pertes. De plus, il apparaît essentiel que les revenus de location aillent à la commission scolaire de façon que toutes les écoles profitent de cette redistribution des revenus. Nous mettons ici en cause les articles 117, 123, 124, 130, 230, 231 et 242.

Je vais demander maintenant à la présidente de vous présenter les divergences au niveau de la commission.

Mme Bérubé: Le commissaire d'école. La commission scolaire des Laurentides se dit en profond désaccord avec le mode de représentativité retenu dans le projet de loi en ce qui concerne l'élection du commissaire d'une école. Elle se pose notamment les questions suivantes: Comment s'articulera concrètement le processus d'élection scolaire, notamment la confection de la liste des électeurs votant pour le commissaire de telle école? Comment les citoyens pourront-ils se retrouver dans les dédales du système proposé? Que devient le droit de suffrage universel avec le déséquilibre prévisible dans la représentativité de chaque école? Aura-ton droit à des "castes" de commissaires: commissaires d'une petite école, commissaires d'une moyenne ou d'une grosse école? Qu'adviendra-t-il de la vision objective, dégagée des intérêts particuliers ou des préoccupations d'une seule école, lorsque le conseil d'administration et les commissaires de chaque école qui le composent auront à débattre des problèmes administratifs? Y sera-t-on pour défendre son école, pour aller y chercher le plus gros "morceau" possible ou pour rechercher la solution la plus valable aux problèmes posés? Voilà autant de questions qui motivent la commission scolaire des Laurentides à demander que l'élection des commissaires d'écoles se fasse au suffrage universel - le vrai! - sur la base d'une représentation de territoire géographique, c'est-à-dire de quartier.

De plus, pour impliquer les commissaires du conseil d'administration au vécu des écoles, la commission scolaire des Laurentides demande que le projet de loi soit revu de façon que chaque commissaire élu soit membre d'office d'un conseil d'école, sans toutefois y avoir le droit de vote, selon une répartition à être déterminée par le conseil d'administration après chaque élection de commissaires. Là où le nombre de commissaires excède le nombre d'écoles, il y lieu que les commissaires excédauraitentaires soient affectés d'office au conseil d'écoles plus populeuses comme les polyvalentes.

Comité consultatif des services en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. La commission scolaire des Laurentides se prononce contre la création de ce comité qui alourdit le système, si l'on considère les instances déjà à consulter en matière de politique d'intégration pour les élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, c'est-à-dire les parents, les enseignants et les professionnels. Pourquoi alors créer un comité qui comprenne en plus des "représentants d'organismes qui ont de l'expérience dans la prestation de services"? De quels organismes veut-on parler?

Directeur général. Pour être en concordance avec ce qui a été affirmé plus haut, il y aurait lieu d'ajouter, à l'article 197, un alinéa pour stipuler que le directeur général assume la supervision et l'évaluation des directeurs d'école.

Confessionnalité. Si la commission scolaire des Laurentides adhère à la non-confessionnalité des commissions scolaires et au régime d'option entre l'enseignement de la religion ou celui de la morale, il lui apparaît indispensable que les droits du milieu quant au libre choix du statut confessionnel de son école soient garantis dans la loi. Voilà pourquoi la commission scolaire des Laurentides souhaite que soit enlevée, du premier paragraphe de l'article 309 la possibilité pour le ministre d'établir par règlement "les conditions et modalités de consultation des parents pour la demande de reconnaissance d'une école ou la demande de retrait de cette reconnaissance". Cette question nous apparaît aussi importante que le référendum prévu pour la taxe scolaire et décrit aux articles 273 à 291.

M. Myette, pour la perception de la taxe scolaire.

M. Myette: Quant à la perception de la taxe scolaire, nous disons au départ que la commission scolaire est plus particulièrement touchée puisqu'elle doit administrer au-delà de 50 000 comptes de taxes dans 42 municipalités différentes, deux territoires non organisés et quatre municipalités régionales de comté.

La commission scolaire des Laurentides remet en cause toute la question de la perception de la taxe scolaire par une municipalité ou une corporation municipale. Elle juge que le système qu'on veut implanter est trop compliqué et elle ne croit pas qu'il en vaille les coûts. Elle se pose, d'ailleurs, plusieurs questions sur cette section du projet de loi. Les quelque 42 municipalités ou corporations municipales du territoire de la commission scolaire des Laurentides seront-elles toutes en mesure d'effectuer la commande qui leur est passée au niveau de l'imposition, (article 260), de la

perception (articles 265, 266 et 267), du versement des montants perçus (articles 269 et 270) et du recouvrement des taxes scolaires dues (article 271)? Voudront-elles seulement la faire, cette perception, et à quels coûts?

Qu'adviendra-t-il des territoires non organisés qui n'ont pas de système de perception?

Comment se réalisera en pratique l'application de l'article 406 du projet de loi, lequel confie à la commission scolaire la responsabilité de déterminer parmi les propriétaires d'immeubles de son territoire ceux qui sont francophones et ceux qui sont anglophones? Qu'arrivera-t-il au propriétaire qui ne répondra pas ou à celui qui, pour possiblement épargner sur la taxe scolaire à payer, se déclarera de l'autre groupe linguistique que le sien?

Pourquoi, enfin, serait-ce la Commission municipale qui, conformément à l'article 268, fixerait les coûts de perception quand une municipalité et une commission scolaire ne s'entendent pas sur les coûts exigés pour effectuer la perception de la taxe scolaire?

Voilà pourquoi la commission scolaire en revient à la proposition qu'elle émettait dans son mémoire sur le livre blanc, à savoir "que la commission scolaire conserve la perception de la taxe scolaire, qu'elle en fixe le taux, qu'elle ait la possibilité de conclure des ententes, si elle le juge pertinent, quant à la perception de cette taxe.

Le vérificateur interne. La commission scolaire se demande où l'on veut en venir lorsqu'on stipule à l'article 245, deuxième aliéna, que "le ministre peut préciser le mandat du vérificateur externe (nommé par la commission scolaire) de façon générale ou particulière." La commission scolaire croit qu'il lui revient à elle et non au ministre d'ordonner au vérificateur externe de procéder à certaines vérifications particulières qu'elle jugerait opportunes. Voilà pourquoi elle voudrait que l'article soit révisé en conséquence.

Comité de mise en oeuvre. Advenant le cas où les territoires intégrés, selon l'engagement pris, seraient maintenus dans leur intégrité, la commission scolaire est d'avis que le président du comité local de mise en oeuvre décrit à l'article 368 devrait être nommé par les autres membres qui le composent. Advenant le cas où il n'y aurait pas d'entente entre les membres sur le choix d'un président après un délai raisonnable qu'on peut établir à quinze jours, le ministre pourrait alors être appelé à le nommer directement.

Sur la question de mise en oeuvre, la commission scolaire se demande s'il n'y aurait pas lieu de simplifier les choses dans le cas des commissions scolaires qui seront créées en vertu du décret prescrit à l'article 133, mais qui recouperont les mêmes territoires qu'auparavant, conservant les mêmes effectifs ou à peu de chose près, ainsi que le même personnel. En d'autres mots, pour les commissions scolaires déjà intégrées, est-il nécessaire de compliquer les choses à ce point dans la loi? Ne pourrait-on pas, tout simplement reconnaître que telle commission scolaire est maintenant devenue telle autre commission scolaire sans passer par tout ce dédale d'articles compliqués? Je laisse à Mme la présidente le soin de conclure.

Mme Bérubé: Se référant au contenu du livre blanc et au projet de loi 40, la commission scolaire des Laurentides est en mesure d'affirmer qu'en cours de route des modifications importantes ont été apportées visant à bonifier certaines orientations ou positions qui étaient inacceptables. Il en reste encore quelques-unes à faire pour améliorer le système d'éducation proposé. C'est dans ce but que la commission scolaire des Laurentides a préparé ce présent mémoire, espérant qu'il plaira au gouvernement et au ministre d'y donner suite.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Bérubé. Merci, M. Myette. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais saluer la commission scolaire des Laurentides, sa présidente, ainsi que son directeur général, que j'ai eu le plaisir de connaître alors qu'il était président de l'Association des cadres scolaires du Québec.

Je vois que la commission scolaire a étudié avec sérieux le projet de loi. Ce travail sérieux est parfaitement illustré par les propositions d'améliorations qu'elle nous fait. Je note que les convergences sont nombreuses et surtout qu'elles sont fondamentales, puisqu'elles visent les objectifs majeurs du projet de loi, par exemple, quant au rôle beaucoup plus important qu'il faut accorder à l'école et aux instances qui la composent, à la fonction nouvelle de l'école, aux pouvoirs des commissions scolaires, qui sont jugés suffisants, à l'intégration des deux niveaux d'enseignement, aux pouvoirs du ministère, qui sont jugés justifiés et suffisants et en accord avec les nouveaux aménagements confessionnels. Je pense que c'est là l'essentiel du projet de loi. Je note l'accord que la commission scolaire donne au projet à cet égard. (15 h 30)

Les divergences touchent certains points qui paraissent devoir être améliorés à la commission, aussi bien en ce qui concerne l'école que la commission scolaire. Évidemment, il sera difficile de les commenter tous dans le peu de temps mis à notre disposition. Je voudrais, quand même,

faire une petite remarque. Je pense que, dans ces cinq propositions d'amendements que vous nous faites en ce qui concerne l'école, vous nous recommandez de préciser, de clarifier afin de faire disparaître toute ambiguïté possible, toute éventualité possible de conflit. Cependant, vous ne me paraissez pas nier la place que doit avoir l'école dans les responsabilités dont parlent ces différents articles.

Je pense, par exemple, au calendrier scolaire. Vous voudriez peut-être donner un petit peu plus d'importance à la commission scolaire dans la fixation du calendrier scolaire. Cependant, dans le projet de loi, on dit déjà que c'est la commission scolaire qui devra établir les normes et les critères qui permettront aux écoles d'établir le calendrier scolaire. Ce que nous demandons à l'école, c'est une participation, une contribution qui, je crois, est importante, en ce sens que les suggestions ou les décisions de l'école sont basées sur les besoins particuliers des clientèles dont elles ont à connaître, mais, cependant, tout en se conformant aux normes et critères de confection du calendrier scolaire qui seront établis par la commission scolaire.

Vous demandez, de même que la commission scolaire établisse les normes et les modalités d'évaluation des apprentissages. Je pense qu'il y a là une fonction où l'école et la commission scolaire ont chacune un rôle à jouer. L'évaluation des apprentissages doit se faire par ceux qui sont en contact quotidien avec l'élève; cependant, il est nécessaire qu'il y ait une politique d'évaluation. Là aussi, il est nécessaire qu'il y ait des critères, des normes, et le projet de loi les prévoit, quand même, bien que d'une façon peut-être trop générale à l'article 216 quand on dit que la commission scolaire est chargée d'apporter du soutien aux écoles. Ce soutien doit prendre plusieurs formes. Il doit prendre la forme, par exemple, d'une aide de la commission scolaire en ce qui concerne l'implantation des nouveaux programmes, l'enrichissement des nouveaux programmes, l'adaptation du régime pédagogique, mais aussi une politique d'évaluation des normes et des critères d'évaluation qui inspireront les écoles dans le travail que celles-ci doivent faire, elles aussi, pour l'évaluation des apprentissages. Je pense que, lorsqu'on parle d'évaluation sommative, par exemple, d'évaluation formative, on dit, tout de suite, qu'il y a là une contribution essentielle de la part de l'enseignant.

Vous recommandez aussi un rôle plus spécifique, mieux formulé pour la commission scolaire, en ce qui concerne l'évaluation du régime pédagogique, des programmes et des manuels scolaires. Là aussi, nous avons, quand même, tenu compte de cette nécessité à l'article 214. Peut-être ne l'avons-nous pas fait d'une façon suffisamment précise. Là, vos suggestions vont, quand même, nous aider à le faire.

Je dirais la même chose de toutes les suggestions que vous nous faites en ce qui concerne l'utilisation des immeubles de l'école par le conseil d'école. Ce que nous avons voulu signifier par là, c'est que l'école, du fait qu'elle est placée au sein de la communauté, du fait qu'elle doit avoir plus d'autonomie qu'auparavant, doit avoir une plus grande latitude que celle qu'elle avait, jusqu'ici, pour l'utilisation de ces immeubles et pour la conclusion de transactions avec son milieu pour la location éventuelle de ces immeubles. Mais ce n'est, quand même, pas une latitude absolue, car, dans d'autres articles, nous disons que la commission scolaire doit s'assurer que l'école fait bon usage de l'école, qu'elle voit au bon état des fournitures et des biens qui lui sont confiés. Nous disons aussi qu'elle n'a de latitude pour la signature d'ententes que lorsque ces ententes ne dépassent pas un an. D'ailleurs, d'autres remarques nous ont été faites par d'autres groupes, qui nous amèneront probablement à être plus précis encore en ce qui concerne la conclusion de ces ententes.

Tout ceci pour dire que vos suggestions d'amendements sont prises en bonne considération et que nous essaierons sûrement d'être encore plus clairs, plus précis, dans la répartition de ces tâches ou fonctions en préservant, cependant, la responsabilité qui paraît la plus apte à être exercée par chacun des niveaux.

J'ai eu un peu de difficulté à comprendre votre suggestion, cependant, en ce qui concerne l'abolition du comité consultatif de la commission scolaire pour les enfants en difficulté d'apprentissage. Je sais que, jusqu'ici, les commissions scolaires ont eu la responsabilité d'établir cette politique, mais je ne vois pas en quoi cela pourrait nuire que d'établir un comité qui pourrait aider les commissions scolaires à établir une politique d'adaptation en utilisant les lumières, les éclairages, l'expérience de certains groupes ou de certains personnels qui ont une tradition ou soit un savoir qui pourrait sûrement aider la commission scolaire à cet égard.

Quand vous dites que cela alourdirait, est-ce que vous ne scotomisez pas un peu l'objection que l'on pourrait faire qu'il est intéressant et utile pour une commission scolaire de profiter de l'éclairage, de l'expérience, du savoir que le comité consultatif pourrait lui apporter? Ce serait là ma première question.

Le Président (M. Blouin): Mme Bérubé.

Mme Bérubé: Effectivement, de la

manière dont on a lu cet article de la loi, on comprenait qu'il y avait une collaboration suivie dans l'application de la politique d'intégration des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Or, il appert que le mécanisme de cette politique d'intégration est déjà suffisamment complexe à la commission scolaire, c'est-à-dire que les parents sont impliqués dans l'approche qui est développée avec les enfants. Les enfants eux-mêmes sont impliqués dans la réintégration. Les enseignants qui travaillent avec ces enfants sont également impliqués et les spécialistes, c'est-à-dire les psychologues, les orthopédagogues sont aussi consultés. Notre position va dans le sens que le comité était suffisamment complet pour ne pas, en plus, venir mettre une autre structure qu'il serait obligatoire de consulter avant de réintégrer un enfant dans son milieu normal. C'est pourquoi on s'est dit que le réseau de la commission scolaire offrait, quand même, suffisamment de support pour analyser le cas de ces enfants pour ne pas, en plus, impliquer un autre secteur qui serait extérieur à la commission. D'ailleurs, on pose la question: Quels seraient ces organismes qui pourraient nous aider à faire cette politique d'évaluation?

M. Laurin: Cela n'existe pas partout dans les autres commissions scolaires. On pourrait penser qu'il y aurait peut-être avantage à ce que toutes les commissions scolaires procèdent selon votre exemple et à l'exemple de quelques autres commissions scolaires. En ce sens, l'article de loi pourrait les orienter dans la bonne direction.

Mme Bérubé: D'accord. Peut-être que M. Myette pourrait compléter.

Le Président (M. Blouin): M. Myette.

M. Myette: En fait, à la commission scolaire des Laurentides, on peut dire qu'au primaire plus de 70% des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage sont déjà intégrés selon une politique qui a été adoptée par le conseil des commissaires il y a maintenant quatre ans. C'est un plan étalé sur trois années en identifiant des écoles cibles, pilotes dans un secteur auquel se greffaient les autres écoles et où les professionnels des services personnels à l'élève, les enseignants et les parents font partie, à l'intérieur de l'école, d'un comité d'évaluation et de décision quant à l'intégration ou non d'un élève.

On peut dire que c'est une réussite à la commission scolaire. Vous savez, M. le ministre, qu'il y a quatre ans, quand on parlait d'un tel phénomène, nous avions, en plus, à être confrontés à tout le mouvement syndical qui était peu réceptif à cette politique. Face à ces résultats, nous nous posons la question sur cet aspect spécifique de la loi. Quand vous dites que d'autres organismes pourraient être impliqués dans ce comité, nous ne voyons pas quels pourraient être ces autres organismes. Nous croyons, avec notre expérience, que rien n'est mieux que quand le milieu se prend en main, c'est-à-dire les enseignants, les professionnels des services personnels aux élèves, les parents et les directions d'école, pour juger de la pertinence ou pas de l'intégration d'un élève.

M. Laurin: J'aurais une deuxième question en ce qui concerne le perfectionnement et une troisième en ce qui concerne l'aménagement de la confessionnalité. Je comprends très bien votre argument quand vous dites que les besoins de perfectionnement doivent être évalués à une échelle régionale. N'est-il pas vrai, quand même, de dire que l'école a aussi un rôle à jouer à cet égard, ne serait-ce qu'au plan de la détermination de ses besoins, même si la décision est prise à un autre niveau - et elle le sera - aussi bien en vertu des conventions collectives qu'en vertu des dispositions de la loi sur les budgets? Ne croyez-vous pas que l'école a un rôle important, utile, à jouer dans la détermination de ses besoins de perfectionnement dont elle devrait quand même faire part à la commission scolaire?

Deuxièmement, sur le plan de l'aménagement de la confessionnalité, vous êtes d'accord avec l'esprit et même la lettre de ces aménagements, mais vous vous opposez à ce que le gouvernement établisse les règles et les mécanismes de consultation au sens du paragraphe 1 de l'article 309. Je n'ai pas compris exactement les raisons pour lesquelles vous vous opposiez à ce que le gouvernement établisse les règles, les mécanismes de cette consultation, d'une part. Une fois que je les aurai compris, j'aimerais bien savoir ce que vous proposez, surtout quand vous dites que le milieu doit avoir un rôle important à jouer à cet égard.

Mme Bérubé: La deuxième question était à propos de la confessionnalité. Je m'excuse, j'en ai perdu un petit bout. Effectivement, lorsqu'on a fait l'analyse du projet de loi 40, il n'y avait rien qui était inscrit dans la loi. Il nous apparaissait important que le milieu puisse voir venir un peu d'avance ces mécanismes de consultation qu'il aurait à mettre en place au niveau de la précision de la confessionnalité ou de la non-confessionnalité d'une école. Depuis, il y a eu effectivement dépôt d'une réglementation qui nous apparaît intéressante dans l'ensemble. Je pense que cela règle un peu le problème qu'on avait rencontré au niveau de la loi.

Concernant votre première question sur le perfectionnement, M. Myette va y

répondre.

M. Myette: Sur le perfectionnement des personnels, il est clair pour la commission scolaire que l'école a un rôle prépondérant à jouer dans le perfectionnement des personnels. Ce que nous remettons en question, c'est que, de la lecture que nous faisons de la loi, il nous apparaît que les seuls maîtres d'oeuvre ou les seuls ayant leur mot à dire dans le perfectionnement des enseignants sont le directeur d'école et le comité d'école. Force nous est de reconnaître qu'on ne peut isoler à des unités écoles toute la question du perfectionnement et qu'il doit y avoir une concertation au niveau d'un territoire donné, soit une commission scolaire.

Je prends pour exemple tout le plan de perfectionnement de la micro-informatique, dossier actuellement très populaire. Ce que nous avons fait au niveau de la commission scolaire, c'est qu'il y a eu une ébauche de plan travaillée par les services éducatifs, qui a été déposée à la table de gestion des directeurs d'école, qui a été discutée, ballottée, améliorée dont est sorti un plan final qui a été déposé à l'ensemble du personnel enseignant et des autres personnels. C'est dans ce sens que nous concevons le perfectionnement, c'est-à-dire un rôle prépondérant de l'école, mais dans un contexte de territoire, surtout au niveau des Laurentides où, quand même, nous avons un territoire qui s'étend sur 90 milles de longueur. Si on veut une cohésion du territoire, on ne peut faire autrement que de s'entendre au niveau d'une commission scolaire.

La lecture que nous faisons du projet de loi 40, c'est qu'on ne retrouve pas dans les pouvoirs de la commission scolaire un seul article concernant le perfectionnement. C'est dans ce sens qu'on vous fait cette remarque. On dit qu'il est important que la commission scolaire et les écoles sur le territoire se concertent concernant le perfectionnement. (15 h 45)

Quant à la confessionnalité, pour compléter ce que Mme la présidente a dit, c'est sur les conditions de l'exercice du droit déterminées par le ministre qu'on s'interroge. Au début, c'était à la fois sur l'application, mais le projet de réglementation qui a été déposé répondait en grande partie à nos interrogations. Toutefois, nous ne comprenons pas pourquoi le ministre devrait statuer sur les conditions d'exercice de ce droit. L'expérience que nous avons chez nous... Nous avons consulté tous les intervenants, d'octobre à décembre, sur la possibilité de mettre en application, dès cette année, ce choix entre l'enseignement moral et religieux. Effectivement, unanimement, les intervenants ont été d'accord et les modalités pour l'appliquer, que ce soit la procédure, le type de formules, ont été établies par l'ensemble des intervenants. C'est dans ce sens qu'on se posait la question: Pourquoi le ministre devrait-il intervenir dans les milieux pour l'exercice de ce droit?

M. Laurin: Je vous remercie pour ces précisions. Je voudrais faire une dernière remarque sur la question du vérificateur externe. Je pense que vous êtes au courant que j'ai annoncé qu'un amendement serait apporté aux articles en question. Je l'ai annoncé dès le premier jour de la commission parlementaire. Je vous en signifie tout de suite l'objet: d'abord, c'est une pratique que le ministre exerce ce pouvoir avec l'accord des commissions scolaires. Ce que nous voulons préciser, c'est qu'il reviendra au ministre d'établir les champs de vérification, les objets de vérification, mais ce sont les commissions scolaires qui préciseront, pour chaque vérificateur, les mandats particuliers de leur vérificateur. Ce serait le sens de l'amendement que nous apporterions.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de la commission scolaire des Laurentides pour leur mémoire. Je concours aux remarques du ministre selon lesquelles vous soulevez des points très précis qui, souvent, n'ont pas été soulevés. Je pense -on ne sait pas quel sort sera réservé au projet de loi 40 - que, dans l'éventualité où le projet de loi 40 ou un autre serait adopté, vos remarques pourraient servir à améliorer le projet de loi.

J'aimerais que vous me parliez un peu de la double responsabilité du directeur d'école: d'une part, vis-à-vis de la commission scolaire et, d'autre part, vis-à-vis du comité de parents. Si je comprends bien, votre suggestion est dans le sens que le directeur ne relève que de la commission scolaire. Est-ce que je vous interprète bien quant à la nécessité de rendre des comptes?

Mme Bérubé: L'employeur, selon la loi, est la commission scolaire. On veut donc que le directeur d'école relève du directeur général pour avoir cette relation d'employeur-employé dans le cas du directeur d'école.

Mme Lavoie-Roux: En principe, je suis d'accord, mais il reste que le projet de loi, à l'article 86, donne aux directeurs d'école des obligations, particulièrement au deuxième alinéa où il est écrit: "veiller à l'exécution des décisions du conseil d'école...". Vous

dites que cela implique qu'il réponde au conseil d'école de sa gestion. Est-ce que vous suggérez que cette obligation disparaisse du projet de loi? Comment articuleriez-vous cela avec son fonctionnement à l'intérieur du conseil d'école?

Mme Bérubé: Si vous le permettez, je vais demander à M. Myette de répondre.

M. Myette: En fait, pour répondre à votre question, Mme la députée, il faut revenir à notre vision de l'organisation d'un conseil d'administration. Nous demandons le maintien du suffrage universel par quartier, mais avec une nuance par rapport à ce qui existe, c'est-à-dire qu'à la première réunion du conseil des commissaires, ceux-ci se répartissent obligatoirement les responsabilités en tant que membres des conseils d'école de la commission scolaire. Dans ce sens, le répondant au conseil des commissaires du fonctionnement des écoles devient ce commissaire sans droit de vote, qui doit obligatoirement, à chaque session du conseil des commissaires, faire rapport sur le fonctionnement de l'école, sur ses problèmes - pas uniquement sur ses problèmes; on a toujours tendance à parler des problèmes -ou sur son vécu positif, enfin, sur tout le vécu d'une école. Dans ce sens, le conseil des commissaires est informé du cheminement de chaque conseil d'école, de ses réalisations, de ses difficultés, etc., et le directeur d'école nous apparaît dans la loi actuelle dans une situation du genre hybride: l'aigle à deux têtes des dynasties d'Europe, en 1900, où, finalement, il relève à la fois d'un conseil d'école et d'un conseil des commissaires. Nous ne pouvons pas concevoir qu'un directeur d'école puisse relever de deux patrons et nous disons que le directeur d'école, étant l'employé de la commission scolaire, doit relever de la commission scolaire, et son travail, par le fait même, est évalué par le conseil d'école, mais un rapport est fait au conseil par le commissaire présent d'office à chaque conseil d'école. Nous ne pouvons pas voir comment un directeur d'école, s'il est un employé de la commission scolaire, puisse avoir des mandats qui relèvent d'un conseil d'école.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Il reste qu'à l'article 86, il doit voir à l'exécution des décisions du conseil d'école...

M. Myette: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...et, à ce moment-là, les décisions du conseil d'école pourraient être en opposition face à d'autres mandats, comme vous le mentionnez vous-mêmes, qui proviennent de la commission scolaire. C'est ce que vous dites dans votre mémoire.

M. Myette: Oui.

Mme Bérubé: C'est vrai.

Mme Lavoie-Roux: Que proposez-vous pour résoudre cela? Même s'il y a un commissaire présent qui vient vous dire: À l'école X, les choses vont bien ou les choses vont moins bien; il y a telle réalisation ou il n'y en a pas, je ne vois pas... 0e pense que vous identifiez bien le problème, mais je ne comprends pas exactement quelle solution vous proposez.

M. Myette: En fait, la solution qu'on propose, c'est que le directeur d'école relève de la commission scolaire et que, si le conseil d'école est insatisfait de la gérance de ce directeur, il ait à suivre ce qu'on appelle une filière ordinaire, c'est-à-dire qu'il fait rapport au représentant du conseil des commissaires qui est membre d'office, sans droit de vote, de ce comité d'école et il appartient au conseil des commissaires de décider de la qualité de la gestion de ce directeur d'école.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il pourrait encore recevoir des mandats qui s'opposent l'un à l'autre.

M. Myette: II pourrait y en avoir si les corrections qu'on demande dans la loi ne sont pas apportées. Par exemple, au niveau du régime pédagogique...

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est celui-là que...

M. Myette: ...il ne nous apparaît pas conflictuel, parce que la loi parle de responsabilités d'application du régime pédagogique. L'école ne décide pas du régime pédagogique. En tout cas, la lecture qu'on fait, c'est qu'il y a un cadre général fixé par le gouvernement par le truchement de son ministère de l'Éducation. La commission scolaire l'articule sur son territoire en tenant compte des particularités du milieu et, si on lit bien l'article de la loi, "l'école est responsable de l'application du régime pédagogique". Appliquer, ce n'est pas redéfinir les objectifs. C'est vraiment l'appliquer dans le cadre des décisions qui découlent du ministère ou de la commission scolaire.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Une autre question sur la confessionnalité. J'aimerais que vous disiez d'abord combien il y a d'étudiants ou d'élèves à votre commission scolaire.

Mme Bérubé: Environ 7500.

Mme Lavoie-Roux: 7500. Avez-vous

uniquement des écoles francophones ou si vous avez des écoles anglo-catholiques, ou si vous n'avez pas du tout d'écoles anglophones?

Mme Bérubé: Non, non.

Mme Lavoie-Roux: Non. Pour vous, le problème de la division linguistique, du point de vue du rapatriement de la population, cela ne vous touche pas.

Mme Bérubé: Cela ne se pose pas. La commission scolaire est déjà intégrée. Elle est francophone.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Le processus d'intégration des commissions scolaires était déjà en marche jusqu'au moment où le gouvernement actuel a mis un moratoire pour en arrêter l'application, il y a quelques années. On fait état de cela comme étant une chose nouvelle, mais ce processus était déjà enclenché depuis plusieurs années.

M. Myette: Mme la députée, à ce sujet, la commission scolaire des Laurentides est intégrée depuis 1972, soit depuis la loi 27, par désir des gens du milieu. Donc, ce n'est pas une question nouvelle, c'est vraiment un vécu de plus de dix ans à la commission scolaire.

Quant au secteur anglophone, chez nous, il y a deux commissions scolaires anglophones. Il y a la Laurentian School Board et la Laurentian School Trustees où les ententes sont très bonnes et où, conformément aux lois, il y a des échanges qui atteignent, au niveau de la commission scolaire, un transfert d'environ 150 étudiants à ces deux commissions scolaires.

Mme Lavoie-Roux: Alors, vos étudiants catholiques font partie de la commission scolaire protestante.

M. Myette: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: En fait, les deux fonctionnent déjà dans une division confessionnelle, mais aussi linguistique.

M. Myette: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Au sujet de la détermination du statut confessionnel de l'école, le ministre a fait allusion tout à l'heure au fait que les règles de consultation ne relèvent pas du ministère de l'Éducation, mais peut-être de la commission scolaire. Avez-vous déjà fait l'expérience, dans votre commission scolaire, d'une école qui a demandé un changement de statut et où la démarche est venue des parents?

Mme Bérubé: Non.

Mme Lavoie-Roux: Dans votre commission scolaire, parce qu'il y a deux possibilités à entrevoir dans la loi... Dans le moment, est-ce que toutes vos écoles ont un statut confessionnel catholique?

Mme Bérubé: Oui.

Mme Lavoie-Roux: La loi prévoit, si je ne m'abuse, que si après trois ans les parents n'ont pas fait une démarche pour garder leur statut confessionnel l'école va devenir non confessionnelle.

Mme Bérubé: Oui, c'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Je me demandais si, dans les régions où les écoles sont très distancées, où la mentalité est peut-être-Dans un certain nombre de vos écoles, on ne remettra même pas en question la confessionnalité de l'école, alors que dans d'autres il pourrait y avoir des démarches pour le faire. Jugeriez-vous comme moins perturbateur pour l'école - quitte à dire aux parents qu'il y a cette possibilité de changer de statut confessionnel - qu'au lieu de procéder comme la loi le prévoit, c'est-à-dire que, si l'école ne demande pas de garder son statut, elle devient non confessionnelle, on procède à l'inverse? On pourrait dire: Si l'école, qui a déjà un statut confessionnel catholique, ne demande pas de changer d'ici trois ans, bien qu'on doive lui faire part que cela demeure une possibilité pour elle, elle reste catholique. Ne serait-ce pas mieux que de procéder par tout ce système de votation qui, qu'on le veuille ou non, va créer des tensions et des tiraillements à l'intérieur des écoles? Quel est votre point de vue à ce sujet?

M. Myette: En fait, c'est dans le domaine des hypothèses. Cela m'est difficile de répondre de façon très précise, mais je pourrais peut-être l'amorcer à partir du vécu de cette année. Comme je vous le disais, le conseil des commissaires a décidé de rendre accessible le choix à l'option dès cette année, après une vaste consultation où, de façon unanime, tout le milieu était d'accord. Là où les problèmes semblent surgir, ce n'est pas sur le statut confessionnel de l'école mais c'est sur la position de l'Assemblée des évêques. L'Assemblée des évêques semble dire: Si vous faites le choix de l'enseignement moral, cela vous enlève la possibilité de recevoir les sacrements. C'est là-dessus que les parents, dans notre milieu, semblent le plus réticents. Ils disent: On peut très bien être non confessionnel à l'école, mais, dans une démarche personnelle et individuelle avec les autorités religieuses, faire la démarche de recevoir les sacrements. Ceci nous semble problématique. Dans le milieu, c'est plutôt la difficulté qui

semble être soulevée par l'Assemblée des évêques qui dit: Si vous ne prenez pas l'enseignement religieux catholique, il faut que vous compreniez que vous ne pouvez plus vous inscrire dans une démarche de sacramentalisation au niveau de la paroisse. C'est ce qui nous semble problématique. Je ne pourrais pas aller plus loin parce que nous amorçons ce dossier dans notre milieu. Dans les premières réactions que nous avons eues, ce qui freine plus les gens dans le choix de la morale ou de la religion à l'école, c'est beaucoup plus ce frein que met l'Assemblée des évêques par rapport à la sacramentalisation. (16 heures)

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que c'est au niveau élémentaire surtout qu'elle met ce frein ou...

M. Myette: Oui, au niveau de l'élémentaire parce qu'en fait, le sacrement de pénitence...

Mme Lavoie-Roux: ...la communion, etc.

M. Myette: ...la communion, etc. se situent au niveau du primaire.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Vous avez fait vous n'avez peut-être pas dit le mot "sondage", je ne veux pas vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites - une large consultation...

M. Myette: ...consultation.

Mme Lavoie-Roux: ...c'est le terme que vous avez utilisé. Quelle est la proportion -je comprends que ce sera une estimation parce que vous ne l'avez pas terminée - du nombre de parents qui demanderaient parlons uniquement de l'élémentaire; ce sont deux choses différentes, le secondaire et l'élémentaire - et seraient disposés ou désireraient demander l'option morale plutôt que l'option religieuse?

M. Myette: Pour vous répondre sur cela, je dois me baser sur le vécu de nos directeurs d'école qui sont impliqués directement dans les milieux. En ce qui concerne le territoire, il y a une nette différence en fonction de l'éloignement de la région de Montréal, en ce sens que les réactions de la partie plus au nord du territoire sont fort différentes de celles de la partie plus au sud qui se situe près de Montréal. Si on regarde le vécu des dernières années sans le choix de l'option à partir de l'exemption, la concentration la plus forte était dans le secteur sud, c'est-à-dire dans le secteur Mont-Rolland, Sainte-Adèle qui est plus proche de Montréal.

Dans un premier temps, les directeurs d'école évaluaient, dans le sud, que c'était peut-être la moitié de la population qui irait carrément dans le choix de l'enseignement moral à l'élémentaire.

À la dernière rencontre que nous avons eue, rencontre où nous avons validé avec nos directeurs d'école une petite brochure d'information générale que nous avons acheminé à chaque parent et où nous avons voulu faire le point de façon la plus précise possible sur la distinction entre les deux et les conséquences, nous avons été obligés d'inclure dans cela la position des évêques. Là, les directeurs d'école nous disent: Cela -on en avait discuté dans les écoles - peut bloquer ce choix de façon assez dramatique. Comme je vous le disais, il y a une nuance entre choisir à l'école l'enseignement moral et faire abstraction de toute la sacramentalisation dans la paroisse. Je ne peux pas aller plus loin. Je vous dis que c'est une problématique qu'on vit actuellement et il me fera plaisir, si cela vous intéresse, de vous en donner les résultats à la suite de l'inscription et de l'admission, pour voir quelles ont été les conséquences face à ces positions et à l'information qu'on a véhiculée.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Oui, madame.

Mme Bérubé: Je voudrais simplement compléter. Vous nous demandez un peu de voir à quel rythme les élèves sont inscrits au cours de morale comparativement au cours de catéchèse. Il y a eu une progression avec les années en fonction de l'amélioration de la qualité de ce service. Il est évident qu'au début, quand il n'y avait qu'un enfant par classe, cela était extrêmement difficile d'organiser, de structurer des groupes par âge. À ce moment, les enfants étant plus marginalisés, les parents hésitaient un peu à les impliquer au niveau de cette démarche. Je dois dire que, dans les écoles, en règle générale, ce n'est pas une progression extraordinaire, mais il y a tout de même une certaine progression dans l'intérêt pour le cours de morale.

Mme Lavoie-Roux: À l'élémentaire, combien y a-t-il d'enfants qui demandent l'exemption?

Mme Bérubé: C'est ce que je ne peux malheureusement pas vous dire. 480.

Mme Lavoie-Roux: 480 sur environ 5000.

Mme Bérubé: 3500.

Mme Lavoie-Roux: 3500. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme

la députée de L'Acadie. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Mme Bérubé et M. Myette, votre mémoire a été rédigé avec le plus grand soin. Nous voyons bien là qu'il y a une expérience dans le milieu qui est riche et que vous avez essayé de faire part à cette commission de de certains problèmes d'ordre pratique dans l'application de la loi 40 tout en vous disant en accord ou en désaccord avec un certain nombre de principes.

À cet égard, mes questions seront de deux ordres. La première: vous vous dites en désaccord avec le mode d'élection prévu pour les commissaires dans le projet de loi 40. Il y a eu depuis le début des travaux de cette commission des personnes qui ont fait des propositions concernant une formule mixte qui respecterait le contribuable et le parent dont les enfants sont usagers de l'école. Je voudrais savoir si vous êtes en total désaccord avec cette formule qui a été avancée ici, en commission parlementaire. Y voyez-vous là une solution qui pourrait être intéressante, un heureux compromis? J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus. Je laisse la réponse à l'un ou l'autre des deux, celui qui désirera répondre.

Mme Bérubé: Au niveau du comité de parents dans notre commission scolaire, la proposition qui a été proposée par la Fédération des comités de parents a été endossée. Nous, de notre côté, avons analysé cette situation et on s'est identifié comme étant en désaccord avec une formule où, finalement, on aurait deux types de commissaires, c'est-à-dire des commissaires soi-disant parents et d'autres types de commissaires. Cela a déjà été dit dans d'autres témoignages. Il reste que l'ensemble des commissaires, 70%, peut-être plus, sont déjà parents et, par conséquent, il nous semble un peu dangereux d'avoir deux types de commissaires autour d'une même table qui, éventuellement, pourraient faire deux clans ou avoir deux approches différentes. Aujourd'hui, les gens qui s'impliquent comme commissaires au niveau des commissions scolaires ont, en général, de très bonnes bases dans les écoles, de par leurs enfants; ils ont souvent été membres de comités d'école. Il m'apparaît un peu dépassé d'aborder le problème en termes de parents et de commissaires qui viendraient d'un autre milieu.

Nous penchons plutôt pour la formule du commissaire élu au suffrage universel, mais avec une forte implication au niveau de l'école. Cette implication permettra aux commissaires de sentir un peu plus le vécu de l'école, de voir l'application des décisions qui auront été prises au niveau du cadre administratif de la commission scolaire. On pense aussi que c'est une formule de valorisation du rôle du commissaire d'école qui est souvent méconnu dans son milieu. La façon de rencontrer ses électeurs est très difficile à cerner. On pense que le milieu de l'école est effectivement le milieu où se passe le vécu, où se passent les politiques qui ont été adoptées par la commission scolaire. Par conséquent, on considère qu'il est très important que le commissaire soit impliqué à ce niveau et qu'il agisse un peu comme porte-parole de la commission scolaire auprès des parents et des autres intervenants du comité d'école et, en même temps, qu'il rapporte l'information à la table du conseil d'administration de la commission scolaire concernant le milieu dans lequel il est plus particulièrement impliqué.

M. Gauthier: D'accord, merci. Ma prochaine question s'adresserait probablement davantage à M. Myette. Cela concerne le perfectionnement. On en a fait état tout à l'heure. Vous avez expliqué, avec beaucoup d'à-propos d'ailleurs, que vous aviez des priorités au niveau de tout le territoire pour le perfectionnement. Or, c'est peut-être un système qui a déjà fait ses preuves, je pense bien, et qui existe chez vous. Mainenant, existe-t-il aussi des commissions scolaires où les budgets de perfectionnement sont déjà, à toutes fins utiles, complètement décentralisés dans les écoles? La commission scolaire peut, soit par les directeurs d'école ou par d'autres intervenants, demander que des points particuliers du perfectionnement des maîtres soient pris en considération.

Si je reviens à la nature même des budgets de perfectionnement, qui sont des outils mis à la dispositions des enseignants pour se donner une formation ou une expertise qu'ils n'ont peut-être pas à un certain moment donné face à un changement de programmes, n'est-il pas plus logique, même si le système centralisé peut fort bien faire l'affaire dans certains cas, de penser, vu que l'essentiel des besoins vient d'abord des enseignants, que tous ces budgets de perfectionnement devraient être absolument décentralisés au niveau de chacune des institutions? Est-ce que cela exclut - en tout cas, à mon sens, cela ne l'exclurait pas - le fait qu'une commission scolaire puisse faire des représentations pour suggérer ou offrir des choses aux équipes-écoles qui n'auraient peut-être pas nécessairement identifié prioritairement certains besoins de perfectionnement? J'aimerais que vous donniez quelques explications là-dessus.

M. Myette: Dans un premier temps, quand vous faites appel au budget de perfectionnement, je ne sais pas si vous faites référence aux 141 $ par enseignant dans la convention collective. Si tel était le cas, je vous dis qu'au niveau de notre

commission scolaire, c'est une infime partie parce que ce montant ne répond plus aux besoins. La commission scolaire investit beaucoup plus que cela dans le perfectionnement. Ce sont donc des sommes plus élevées qui sont investies au niveau de la commission scolaire.

Dans un deuxième temps, il y a une réalité à la commission scolaire des Laurentides, qui est celle de beaucoup de commissions scolaires au Québec, où nous avons, en termes d'entité institutionnelle, 20 écoles au niveau du territoire, mais des écoles qui ne regroupent, pour l'ensemble au primaire, que de huit à quinze enseignants.

Quand vous dites qu'une école va être responsable, qu'on va décentraliser des budgets, c'est là une infime partie au niveau d'une école comparativement à la polyvalente, entre autres, sur notre territoire qui regroupe six, sept, huit écoles primaires. Cette école-là aurait donc des sommes d'argent beaucoup plus élevée que celles d'une école primaire.

Prenons l'exemple du perfectionnement de la micro-informatique. Installer des microordinateurs. Je vous donne l'exemple de ce qui se fait aux Laurentides. On a mis à la disposition des écoles des micro-ordinateurs, les cassettes du programme Octo-puce et, durant l'heure du lunch, après la classe et pendant les fins de semaines, les enseignants et le personnel peuvent se rendre à l'école visionner une cassette, travailler sur l'ordinateur et se perfectionner de plus en plus pour ensuite aborder la deuxième phase qui est un certificat ou encore un programme de 45 heures ou un de 90 heures.

Pour mettre en place un tel programme de perfectionnement, vous ne pouvez pas le faire par petites unités administratives. Cela doit être planifié sur un ensemble de territoires, mais cela ne veut pas dire que c'est la commission qui décide tout et qui dit aux écoles quoi faire. C'est fait en concertation avec les écoles et on essaie de répondre à l'ensemble des besoins.

Je suis convaincu, par la connaissance que j'ai de la province, que cette réalité que je vous apporte est celle de plus d'une commission scolaire qui possède de petites unités administratives en tant qu'école et qui n'aurait pas les moyens d'articuler un programme aussi vaste de perfectionnement.

Par contre, il y a dans des domaines, par exemple, sur l'application des régimes pédagogiques, des programmes de perfectionnement qui sont très particuliers à une école qui dit: En français, premier cycle au primaire, j'aurais besoin de perfectionnement, de mise à jour, que les conseillers pédagogiques viennent une couple de soirées ou prennent une journée pédagogique. Cela existe et ne nie pas cette réalité. Par rapport à la loi 40, on ne conteste pas son contenu. On pense qu'il n'y a pas de rôle donné à la commission scolaire en matière de perfectionnement. Nous considérons qu'il est important que la commission scolaire ait un rôle dans ce domaine.

M. Gauthier: D'accord. Il y a aussi une chose qui est restée en plan, à moins que l'attention ne m'ait fait défaut.

Quand on a parlé du directeur d'école et de sa double appartenance, il y a une chose qui me suggère une question. Vous dites: Le mandat du directeur d'école devrait être de trois ans plutôt que de cinq ans, comme prévu. Est-ce qu'il y a des raisons particulières à cela? Quel avantage y voyez-vous? C'est strictement à titre d'information.

Mme Bérubé: La position qui a été discutée autour de ce point est le fait que le mandat est renouvelable. Cela impliquait donc qu'un directeur d'école qui verrait son mandat renouvelé aurait un séjour dans une école de l'ordre de dix ans. Nous nous sommes dit qu'effectivement, si le mandat était renouvelé, cela nous apparaissait beaucoup plus intéressant que finalement un directeur séjourne pendant une période de six ans dans une école et qu'à ce moment il aurait eu l'occasion de faire l'ensemble du travail pour lequel il avait été nommé. Un mandat de dix ans nous est apparu assez long. D'ailleurs, c'est une position que nous avons adoptée quand on a engagé notre nouveau directeur général, à savoir qu'on lui a effectivement fait signer un contrat de trois ans en se disant que, s'il était renouvelé, c'était une période plus intéressante peut-être que dix ans. C'est la raison pour laquelle nous avons écrit cela. (16 h 15)

M. Gauthier: D'accord. Strictement d'ordre pratique, vous avez mentionné au tout début, concernant la perception de la taxe scolaire, votre objection au fait que ce soit le système des municipalités qui puisse percevoir cette taxe. J'avais l'impression -peut-être à tort - que pour plusieurs commissions scolaires il s'agissait là d'une solution drôlement intéressante qui évitait de garder souvent artificiellement un service ou un demi-service ou un service et demi, selon le nombre de personnes qu'on y trouve, la perception des taxes alors que, effectivement, il y a déjà dans toutes les municipalités une structure pour procéder à ce travail. Est-ce que vos objections à ce sujet - c'est très pratique comme question -sont très importantes ou si c'est simplement un souhait que vous formulez ou une inquiétude que vous exprimez à ce propos?

M. Myette: Non. C'est même majeur pour la commission scolaire. Cette position de la commission scolaire s'explique peut-être, si je fais abstraction du territoire de

l'île de Montréal, par le fait que la commission scolaire des Laurentides est une des commissions scolaires où le nombre de comptes de taxes est le plus élevé - cela dépasse les 50 000 comptes de taxes par année - et où la situation est complexe puisqu'elle recoupe 42 municipalités et deux territoires non organisés. Lors de l'étude de la loi 57 sur la fiscalité, où il y avait une possibilité d'entente avec les municipalités ou les MRC, nous avons fait des approches et il en est résulté que le coût de perception faisait plus que de doubler si on faisait des ententes avec l'ensemble des municipalités par rapport au propre système de gestion informatisé que nous avons à la commission scolaire.

C'est une objection majeure que la commission scolaire émet. Ce serait un coût exorbitant pour la commission scolaire, si la loi 40 devait être adoptée telle quelle, parce qu'elle se retrouverait à la merci de la négociation avec 42 municipalités. La loi dit qu'à défaut d'entente c'est la corporation municipale qui décide des coûts. Alors on se pose encore plus la question. Pourquoi la corporation municipale viendrait-elle décider des coûts que la commission scolaire va payer? C'est vraiment une objection majeure de la commission scolaire parce que cela se traduirait par une augmentation très substantielle des coûts de perception.

Nous sommes conscients que, dans d'autres milieux, c'est beaucoup plus facile, mais nous considérons, avec la loi 57, qu'on a fait vraiment le tour de cette question et qu'on n'a pas besoin de légiférer davantage dans ce domaine. Ceux pour qui c'était avantageux l'ont fait et ceux pour qui cela ne l'était pas ne l'ont pas fait.

M. Gauthier: Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Roberval. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Permettez-moi de saluer Mme la présidente et M. Myette, le directeur général. Au début de votre mémoire, dans le préambule, vous nous dites une chose que peu de gens nous ont dite ici. Vous déplorez le peu de place qui a été fait à l'enfant dans tout ce débat. Je pense que c'est tout à votre honneur comme commission scolaire et comme personnes engagées. Cela démontre aussi le souci premier de l'existence d'une commission scolaire, d'abord l'enfant. En dehors de tous les mécanismes de discussion des pouvoirs à gauche et à droite, on doit se rappeler que, si une commission scolaire existe, c'est parce que les enfants existent. Il me fait plaisir de vous souligner que vous êtes les premiers qui vous souciez de notre bien que sont nos enfants.

À partir de ce point-là, vous avez aussi parlé des régimes pédagogiques actuels qui devront continuer, à un moment donné, parce qu'ils sont sur une période de X années. Si on examine la façon dont les régimes pédagogiques sont implantés dans nos écoles, que reste-t-il véritablement, en dehors de la couleur locale, au projet éducatif, d'après vous? En ce sens, qu'est-ce qui reste au projet éducatif si les régimes pédagogiques proviennent du ministère et qu'on doit les appliquer? Qu'est-ce qui reste, finalement, au projet éducatif, en dehors des régimes pédagogiques? Est-ce que c'est la couleur locale, culturelle; qu'est-ce que c'est?

M. Myette: II me fait plaisir, M. le député, que vous me posiez cette question. Je dois vous dire que, à la commission scolaire, nous ne voyons pas - nous avons écouté plusieurs autres intervenants - le projet de loi de façon aussi dramatique que d'autres ont pu le laisser entendre. Nous concevons - je fais, le temps d'un éclair, un historique - que, de 1970 à 1980, le ministère de l'Éducation soit allé vers des programmes-cadres en laissant beaucoup d'autonomie à la commission scolaire pour qu'elle développe ce qu'on appelait les programmes institutionnels. À partir du livre vert et de la grande consultation mise en place, on a dit: Si on veut arriver à ce que chaque petit Québécois ait sa chance et ait un minimum de services éducatifs de qualité, l'État doit mettre en place des programmes beaucoup plus formels. À la suite de cela a été mis en place la vaste réforme des régimes pédagogiques. La commission scolaire, contrairement à d'autres intervenants, est peut-être d'accord avec cette démarche parce qu'elle reconnaît à l'État le devoir d'établir des programmes plus serrés en matière de développement des apprentissages et des habiletés des élèves, tant au niveau primaire que secondaire.

Maintenant, vous demandez où est la couleur locale là-dedans. Je vous dis que l'école n'est pas que des apprentissages de lecture ou d'acquisition de données mathématiques, physiques, chimiques, etc. C'est aussi toute l'éducation. Les régimes pédagogiques laissent à la commission scolaire, dans notre lecture et à l'école, toute une marge de manoeuvre pour permettre, dans une école, un environnement éducatif qui corresponde aux valeurs du milieu. Il est évident que les programmes dits pédagogiques d'apprentissage sont plus cadrés, l'évaluation des apprentissages, dans une politique gouvernementale, est plus cadrée qu'auparavant. On conçoit que cela est normal et c'est le devoir de l'État d'établir cela.

L'éducation n'est pas que cela, c'est l'apprentissage à être citoyen, la façon de se comporter en public, avec des amis, ce sont

les relations qu'on doit entretenir avec les divers organismes, c'est la façon de vivre des activités, de s'adonner à des loisirs, la façon d'aborder des valeurs culturelles. Dans notre vision, nous croyons que l'école a toute la latitude dans son projet éducatif pour définir ces choses. Ce que le ministère a établi... C'est sûr qu'il y a des grandes lignes, mais là où il a été plus précis, c'est dans les programmes d'apprentissage. Si on conçoit le projet éducatif comme n'étant pas que l'instruction, mais plutôt l'éducation dans sa définition la plus globale possible, nous concevons qu'une commission scolaire et une école ont toute la marge de manoeuvre pour se donner ces valeurs.

Qu'une école, parce que le milieu est plus traditionnel, ait un régime disciplinaire, une façon de vivre plus coercitive, comme on l'a peut-être connu il y a 25 ans, par rapport à une autre école, où le milieu est beaucoup plus libéral et où l'élève fait l'apprentissage de la discipline non pas par des règlements, mais par la compréhension, etc - c'est à titre d'exemple que je vous donne cela - l'école et la commission scolaire peuvent le faire. Ce que nous disons, c'est que la commission scolaire peut donner un cadre général. Et nous allons plus loin. C'est pourquoi nous disons que nous sommes d'accord avec le projet de loi 40 dans son esprit. Nous concevons qu'il appartient à l'école avec ses intervenants de définir le cadre de ce qu'on appelle l'environnement éducatif.

M. Maltais: À la page 2 de votre mémoire, la commission scolaire des Laurentides se dit satisfaite du maintien du statut juridique de la commission scolaire. Est-ce que vous rejetez le style de commission scolaire prévue dans le projet de loi 40, qui sera plutôt une coopérative de services, comme le ministre nous le répète? Est-ce que vous adhérez plutôt à un statut juridique avec des pouvoirs qu'à une coopérative de services pour desservir les écoles? Est-ce que, selon vous, le pouvoir décisionnel devrait appartenir d'abord à la commission scolaire, décentralisé vers l'école, ou si, dans les prémisses que vous énonciez tout à l'heure, d'accord avec le projet de loi 40... Est-ce que, pour vous, c'est important que la commission scolaire soit l'autorité ou si elle devrait être un organisme pour dispenser uniquement des services?

M. Myette: Sur ce sujet, je pense que le mémoire est clair: nous concevons que la commission scolaire doit être l'autorité puisqu'elle représente un territoire et que les écoles doivent oeuvrer sous la compétence de la commission scolaire. C'est ce que nous lisons dans le projet de loi à quelques nuances près, et nous les avons soulevées, comme l'évaluation des élèves, le calendrier scolaire. Dans les autres domaines, notre lecture dit que l'école a des pouvoirs déterminants, mais qu'ils sont sous la responsabilité de la commission scolaire. D'ailleurs, à l'article - je ne me souviens plus du numéro - on dit bien que l'école exerce ses pouvoirs...

Une voix: Article 90.

M. Myette: À l'article 90, on dit bien: dans les domaines de compétence attribués aux commissions scolaires, l'école exerce ses fonctions dans le cadre défini par la commission scolaire dont elle relève. On considère que l'école exerce ses compétences dans le cadre des compétences de la commission scolaire. Remarquez bien qu'on peut faire erreur; c'est ce qu'on comprend. La conclusion qu'on en tire - tout en respectant les autres opinions qui ont été émises ici -ce n'est pas une invention nouvelle; c'est la loi 71. Si les conseils d'orientation avaient fonctionné dans l'ensemble des écoles, la majorité des pouvoirs décrits dans le projet de loi 40 auraient été exercés par ces conseils d'orientation. Que ce soit en matière pédagogique, en matière financière, en matière de ressources humaines, il y a très peu de différences dans les pouvoirs décrits dans le projet de loi 40 par rapport aux pouvoirs qui étaient donnés aux conseils d'orientation. Ce qu'on a décrié, c'est la non-participation des enseignants qui a fait que les conseils d'orientation ne fonctionnent pas. On se dit qu'on va maintenant pouvoir, au niveau de l'école, donner cette possibilité de bâtir un projet éducatif correspondant aux valeurs du milieu.

M. Maltais: D'accord, M. Myette, mais les enseignants sont venus nous dire que cela n'était pas mieux que la loi 71. On n'a pas de garanties que ces gens-là vont embarquer. Pourquoi donc le projet de loi 40? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saguenay. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous dites que vous êtes d'accord avec la répartition des pouvoirs entre la commission scolaire et les écoles, que vous êtes d'accord avec l'esprit du projet de loi 40. Vous êtes d'accord avec le fait que la commission scolaire a des pouvoirs suffisants. Vous ne faites pas état, cependant, du conseil d'école comme tel. Or, à la commission, on a eu beaucoup d'opinions sur la composition du conseil d'école. Certaines suggestions nous sont faites pour que le conseil d'école soit paritaire, c'est-à-dire moitié parents, moitié enseignants et professionnels. D'autres suggestions veulent que le conseil d'école

exclue les enseignants. Je pense à l'Association des directeurs d'école. Est-ce que vous avez une opinion sur la composition même du conseil d'école? (16 h 30)

Mme Bérubé: À la page 2 de notre mémoire, au niveau de l'école, au troisième paragraphe, on endosse la formule de la loi. Le seul amendement qu'on propose est au niveau de la présence du commissaire et on ne veut pas qu'il ait droit de vote. C'est la seule correction que nous apportons à l'intérieur de notre mémoire. On ne veut pas qu'il ait droit de vote parce qu'on ne veut pas que le commissaire puisse intervenir à deux paliers décisionnels. Si le commissaire, au niveau du comité d'école, oriente la décision ou prend position et que le sujet est amené au niveau de la commission scolaire, automatiquement, le commissaire d'école qui a voté au niveau du conseil d'école sera lié par la décision qu'il aura prise au niveau du milieu. C'est la seule recommandation que nous faisons et nous pensons que c'est assez important parce qu'il pourrait y avoir effectivement des conflits de choix ou de décisions d'un niveau par rapport à un autre; à la commission scolaire, on va avoir une vision de l'ensemble de la situation, alors qu'au niveau de l'école, on va avoir une vision du cas particulier. Donc, c'est le seul changement que l'on propose et le comité, pour nous, est constitué d'une façon qui devrait bien fonctionner.

On a parlé de la présence des enseignants. Les enseignants avaient refusé ou, du moins, ils n'étaient pas tellement en accord avec cette proposition. On pense qu'effectivement ils ont quand même un rôle à jouer qui est très important à ce niveau. Ils ont également un rôle à jouer au niveau du comité pédagogique où, là encore, ils pourront faire des recommandations à l'ensemble du conseil d'école. Donc, la voix des enseignants a quand même des mécanismes pour être entendue et leur participation au niveau du conseil d'école devrait faire en sorte que l'ensemble des partenaires au niveau de l'école puissent effectivement établir un dialogue.

M. Leduc (Fabre): Est-ce important pour vous que les parents soient majoritaires au conseil d'école? Voyez-vous cela comme un élément important?

M. Myette: En fait, si vous posez la question, M. le député, aussi directement que cela, nous pensons que oui, et en tenant pour acquis qu'il ne faut pas oublier que déjà, dans beaucoup de conseils d'école, nous avons des enseignants-parents qui sont présents. Si je fais le bilan des comités d'école au sein de la commission scolaire, ils sont très rares les comités d'école où il n'y a pas déjà des enseignants qui, en tant que parents, sont membres d'un comité d'école. Nous pensons que, lorsqu'on parle de vécu pédagogique, lorsqu'on parle de valeurs, il n'est pas nécessaire d'être dans une situation qui pourrait virer à l'affrontement, d'être paritaire moitié-moitié pour décider. S'il y a un représentant ou des représentants des enseignants - parce que la formule qui est prévue dans la loi permet, au primaire, d'aller jusqu'à deux enseignants et peut-être trois et la même chose au secondaire, selon qu'il y ait un élève ou non - nous pensons que les enseignants, au sein de leur commission pédagogique, peuvent bâtir des documents suffisamment étoffés pour que leur représentant au niveau du comité d'école puisse faire valoir la vision du personnel enseignant et permettre aux parents d'adopter les résolutions ou les recommandations qu'ils jugent appropriées.

M. Leduc (Fabre): Une dernière question, M. le Président. Sur la vocation communautaire de l'école et les pouvoirs qui lui sont accordés dans le projet de loi, qu'en pensez-vous? Êtes-vous d'accord avec cette formule?

M. Myette: Sur cet aspect, nous sommes parfaitement d'accord. Nous sommes, par contre, conscients que cela ne se fera pas demain matin. Nous concevons que cet aspect de l'école communautaire et responsable dans la communauté, dans ce qu'on appelle l'ensemble du projet éducatif, est plutôt dans sa phase finale de réalisation et qu'on doit au départ réaliser tout l'aspect de l'instruction, l'aspect de l'éducation, l'aspect du reflet de l'école en tant que véritable véhicule des valeurs du milieu et, par la suite, cette vocation communautaire. Nous sommes parfaitement d'accord. C'est d'ailleurs l'objectif du conseil des commissaires de la commission scolaire cette année, celui de faire en sorte que les écoles fassent vraiment partie de la communauté et c'est dans ce sens que les démarches ont été amorcées avec plus d'une municipalité pour que les équipements et les ressources humaines et matérielles des organismes dans le milieu soient vraiment la propriété de l'ensemble des citoyens qui contribuent à tout le fardeau financier de l'éducation au Québec.

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais vous remercier de votre mémoire. Je n'ai qu'une question, mais je crois que c'est un sujet très important. Il s'agit des pouvoirs de la commission scolaire. À la

page 3, vous avez dit: "II semble qu'en général la commission aura, sauf en certaines matières qui seront traitées plus loin - et vous parlez, j'imagine, du perfectionnement des enseignants et de l'évaluation des élèves des pouvoirs suffisants, eu égard aux pouvoirs accrus consentis aux écoles, pour s'acquitter de ses devoirs et réaliser sa mission éducative."

Si on examine le projet de loi, on constate que les commissions scolaires auront très peu de pouvoirs pédagogiques. Il n'y a aucune mention, par exemple, du leadership pédagogique, ni des ressources pour assurer ce leadership. Je crois que c'est une des grandes faiblesses du projet de loi 40. On se demande d'où viendront ces ressources professionnelles, les ressources qui vont donner cette dimension de leadership pédagogique. La seule réponse que je pourrais offrir, c'est qu'elles viendront des bureaux régionaux.

J'aimerais vous demander si vous avez examiné cette question. À part les cas spécifiques, vous avez mentionné que le perfectionnement des maîtres et l'évaluation des élèves doivent être des pouvoirs retenus par les commissions scolaires. Est-ce un problème qui vous inquiète comme représentants d'une commission scolaire?

M. Myette: Nous ne partageons pas cette opinion. D'ailleurs, nous le disons dans notre mémoire, la commission scolaire a des pouvoirs diminués. Je lis l'article 199, qui dit: "La commission scolaire s'assure que la population de son territoire reçoit les services éducatifs auxquels elle a droit dans les écoles situées sur son territoire." Cela m'apparaît être un pouvoir très clair. C'est la commission scolaire qui a la responsabilité des services éducatifs sur son territoire. L'article 206 dit: "La commission scolaire assure le soutien à l'organisation pédagogique des écoles." Cela m'apparaît être un pouvoir très clair en matière de pédagogie. On dit, à l'article 209: "La commission scolaire établit les critères pour l'inscription des élèves dans les écoles afin de tenir compte de la capacité d'accueil des écoles, des services éducatifs qui y sont offerts et de l'organisation du transport des élèves." Cela m'apparaît être un autre pouvoir. Je pourrais continuer ainsi.

Il nous apparaît, à la lecture qu'on a faite, que la commission scolaire a un rôle important à jouer en matière pédagogique sur son territoire. Elle ne voit plus au détail; elle voit à l'ensemble, à l'organisation de services éducatifs de qualité, elle s'assure que l'école aura un projet éducatif correspondant au cadre général du ministère et de la commission scolaire en matière de régime éducatif et elle assume des obligations. Vous connaissez la loi, je ne lirai pas tous ses articles. Il appartient à la com- mission scolaire de s'assurer qu'en matière pédagogique telle et telle chose sont faites.

Ce qui nous semble une faiblesse, nous l'avons souligné. Nous calculons qu'il est important d'évaluer les apprentissages, tant au niveau primaire qu'au niveau secondaire. D'ailleurs, le comité de parents de la commission scolaire des Laurentides a souligné son intérêt et a fait une demande formelle pour que la commission scolaire ait un rôle à jouer dans l'évaluation des apprentissages au niveau primaire. En d'autres mots, les sujets où il nous apparaît y avoir une faiblesse quant à la présence de la commission scolaire, nous les avons soulignés à d'autres niveaux. Nous faisons cette lecture de la loi. Je sais qu'elle n'est pas partagée par tout le monde. Je me fie à ce qui est écrit là.

L'article 199 m'apparaît très clair. C'est la commission scolaire qui s'assure que la population de son territoire reçoit les services éducatifs auxquels elle a droit dans les écoles. Si vous regardez l'article 90 -parce qu'il faut toujours lire les articles en parallèle - on dit: "Dans les domaines de compétence que le chapitre IV attribue aux commissions scolaires, l'école exerce ses fonctions dans le cadre défini par la commission scolaire dont elle relève." Si la commission scolaire s'assure de services éducatifs de qualité, qu'elle a la responsabilité de cela et que l'école exerce en matière pédagogigue des responsabilités dans le cadre du chapitre IV donc, de l'article 199, on dit: Les écoles doivent travailler au niveau des territoires avec la commission scolaire.

Mme Dougherty: Selon votre lecture du projet, la commission scolaire aura assez de pouvoirs, d'autorité et de ressources pour élaborer de nouveaux programmes, adapter les programmes qui existent aux enfants de certains milieux, à certains élèves individuels, peut-être, pour voir à l'enrichissement des programmes, aider les enseignants dans chaque école à enrichir les programmes, pour l'amélioration des programmes de langue seconde, par exemple. Il y aura des conseillers pédagogiques sur tel et tel sujet. Vous n'y voyez pas de problèmes?

M. Myette: Mme la députée, c'est-à-dire qu'il y a une petite nuance. Dans l'enrichissement des programmes, la loi est très claire et elle dit: Dorénavant, c'est l'école. Nous, nous sommes d'accord. D'autres peuvent être en désaccord. Nous sommes d'accord parce que l'enrichissement des programmes, nous calculons que cela fait partie vraiment de la couleur locale et que cela relève plus de l'école que de la commission scolaire.

Quant aux autres domaines, par la lecture que nous faisons quand nous disons que la commission scolaire affecte les

clientèles et répartit les clientèles en fonction des services éducatifs offerts dans chacune de ces écoles, nous concevons -peut-être que nous faisons une mauvaise lecture - que la commission scolaire a les pouvoirs nécessaires pour s'assurer de la qualité et de la quantité des services éducatifs sur son territoire. Nous disons, parce que nous lisons ainsi que l'école fait l'enrichissement des programmes, fait l'application des régimes pédagogiques, fait l'application des services - dans les services complémentaires, ce n'est pas nous, elle l'a déjà la responsabilité des services complémentaires - nous disons que cela va de soi parce que c'est cela, administrer une école au niveau d'un milieu.

Mme Dougherty: D'accord, merci.

Le Président (M. Blouin): D'accord, merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Je vous remercie d'apporter, on pourrait dire, une bouffée d'air pur des Laurentides.

J'ai bien aimé vos mises au point et vos demandes au sujet du statut des directeurs d'école. Aussi, j'ai été très heureux de voir que vous mentionnez un grand oublié, je crois, dans le projet de loi, l'enfant lui-même. Mais, à ma grande surprise aussi, cependant, je n'ai rien vu sur le rôle de l'enseignant dans votre mémoire, comme d'ailleurs dans le projet de loi où l'on en parle plutôt d'une façon fugace et très disséminée. C'est tellement vrai que, tout à l'heure, par curiosité, je regardais la table des matières du projet de loi aux pages 116 et 117 et que, nulle part, je n'y ai vu le mot "enseignant". Simplement, à la section IV, on dit "Personnel de l'école, Dispositions générales" et on saute tout de suite au directeur d'école.

Pourtant, je me permets de lire un simple passage d'un livre ici qu'on appelle Bâtir ou détruire le Québec où on dit ceci: D'ailleurs, l'une des premières conditions de la réforme qui s'impose maintenant est de reprendre conscience du fait - je dis bien du fait et non du principe - que c'est l'enseignant dans sa classe qui demeure le premier agent de l'éducation dans l'école québécoise de 1983.

Je vous demande bien simplement ce que vous pensez alors du rôle du professeur dans le projet de loi 40, de sa participation au conseil d'école, par exemple, de sa valorisation comme premier agent, vraiment, de l'éducation, de sa visibilité dans le programme, dans le projet de loi, de son rayonnement et de son efficacité. Je dis cela en gros. Qu'est-ce que vous pensez du rôle du professeur dans le projet de loi?

Mme Bérubé: On ne peut même pas se poser la question à savoir s'il a un rôle ou pas. Il a un rôle fondamental, c'est le grand orienteur, c'est le praticien qui va appliquer l'ensemble des politiques développées au niveau du ministère, au niveau de la commission scolaire et au niveau de l'école. (16 h 45)

Comme on l'a expliqué tout à l'heure, l'enseignant a quand même un rôle très important au niveau du conseil d'école, dans la mesure où il fera partie intégrante des décisions qui seront prises par le conseil, ce qui n'était pas le cas avant. Il était consulté au même titre que d'autres intervenants, mais ce n'était pas à un niveau décisionnel; or, il le sera. D'autre part, les comités consultatifs, donc, le comité pédagogique, pourront également apporter toute l'influence que le monde de l'enseignant peut apporter au niveau de l'école. Je me dis que, effectivement, il n'est peut-être pas dans la table des matières, pas plus que les cadres de la commission scolaire. On n'en fait pas état particulièrement. Or, on leur reconnaît une série de responsabilités au niveau des différentes décisions. Je pense que l'enseignant a quand même un rôle extrêmement important à jouer au niveau du projet éducatif. C'est également le deuxième pôle d'application de toutes ces interventions. Même si les parents font un projet éducatif, si le milieu des enseignants n'y participe pas, cela n'aura pas la couleur du milieu, cela n'aura que la couleur des parents et les enseignants ne voudront pas nécessairement l'appliquer. Toute la démarche qui se fait autour du projet éducatif, c'est effectivement de réunir, un peu comme cela a déjà été mentionné au niveau d'un comité d'école chez nous, d'essayer de réunir ces deux solitudes qui n'ont jamais été assises autour d'une même table. Je pense que le conseil d'école va permettre cela, à moins que les enseignants ne le refusent, mais j'ai confiance qu'ils voudront s'impliquer, sûrement.

M. Hains: S'ils refusaient, pensez-vous que ce serait vraiment déplorable pour l'école? Croyez-vous que cela peut arriver? Nous avons entendu ici la CEQ qui n'y est pas allée par quatre chemins pour dire que, s'il n'y avait pas telle et telle condition, elle laissait un peu planer la menace que cela serait encore la même chose, ce serait l'absence des professeurs et des instituteurs au conseil d'école.

Mme Bérubé: Là-dessus, on peut peut-être voir une différence entre le point de vue d'un syndicat et celui d'un enseignant pédagogue dans son milieu. On pourra peut-être voir une différence des deux points de vue.

M. Hains: Vous me dites, au fond, vous répétez les mêmes principes que ceux que je viens de mentionner, que c'est un élément essentiel à la formation et tout cela. Je me fais simplement l'écho de plusieurs mémoires qu'on a entendus jusqu'ici et qui déplorent un peu ce manque de visibilité de l'enseignant dans le projet de loi.

Une autre petite remarque peut-être... Oui, excusez.

M. Myette: Ce que je voudrais ajouter, M. le député, c'est que nous partageons pleinement votre vision des choses, à savoir que l'enseignant est un élément capital dans l'élaboration d'un projet éducatif, dans le véhicule des valeurs au niveau de l'école. Nous disons que les enseignants, en général, sont la première cellule d'encadrement des enfants dans une école primaire et secondaire. Nous espérons que ce que nous vivons - je ne veux pas faire de distinction entre primaire et secondaire - au primaire, c'est-à-dire cette participation des enseignants et enseignantes à la chose de l'école qui déborde le strict cadre de la préparation des cours et de la diffusion des cours, mais vraiment un vécu avec le milieu, nous pourrons, dans un bref délai, vivre la même chose au niveau de nos polyvalentes et assurer ainsi ce lien que j'appelle fondamental entre les parents et les enseignants, parce que ce sont les deux corps adultes, la famille et l'école, par ses enseignants, qui vont assurer à l'enfant cette instruction et cette éducation qui en feront les citoyens responsables de demain.

Vous nous posez la question et je vous la retournerais: Devons-nous, dans une loi, définir le rôle des enseignants, comme, dans une loi sur l'organisation de la justice, doit-on définir le rôle des juges? Je vous retourne la question. Je sais qu'elle a été posée souventefois, mais cela ne veut pas dire, parce qu'on n'en parle pas là, qu'on dit que le rôle des enseignants n'est pas important.

M. Hains: Non, évidemment pas. Comme je vous le dis, je me fais l'écho des professeurs. Je suis un ancien directeur et un ancien professeur, et j'ai souvent l'occasion de parler avec eux. Ils déplorent vraiment très fortement ce manque de transparence à propos de leur mission dans l'école. Évidemment, ce n'est peut-être pas nécessaire de cataloguer toutes leurs obligations, mais cela aurait été vraiment leur faire part de notre respect pour leur professionnalisme que de les mentionner et, pourquoi pas, de cataloguer tous les pouvoirs et les obligations qu'ils peuvent avoir eux aussi dans une école. En tout cas, je caresse avec vous l'espoir que tout va s'arranger pour le mieux et que les parents vont faire bonne équipe avec les professeurs pour le plus grand bien de nos enfants. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Saint-Henri. Sur ce, au nom de tous les membres de la commission, je remercie Mme Bérubé et M. Myette de leur intéressante intervention au cours de nos débats.

J'invite maintenant les représentants de la commission scolaire des Mille-Îles à bien vouloir s'approcher de la table des invités. Pendant qu'ils s'installeront, nous pourrons suspendre nos travaux pour tout au plus une minute.

(Suspension de la séance à 16 h 51)

(Reprise de la séance à 16 h 52)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît! Les représentants de la commission scolaire des Mille-Îles ont eu le temps de prendre place à la table des invités. Je les invite donc à s'identifier d'abord et, ensuite, à nous livrer le contenu de leur mémoire en une vingtaine de minutes.

Commission scolaire des Mille-Îles

M. Miller (Norman): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Norman Miller. Je suis le président de la commission scolaire des Mille-Îles. Je suis accompagné, à ma gauche, par M. Claude Potvin, qui est le directeur général de la commission scolaire des Mille-Îles. Il y a aussi quatorze commissaires de la commission scolaire des Mille-Îles qui m'accompagnent et qui ont pris place dans la salle derrière moi.

Avant de commencer l'exposé de notre mémoire, je désire céder la parole au directeur général qui vous fera, à vol d'oiseau, l'historique de ce qu'est la commission scolaire des Mille-Îles. M. Potvin.

M. Potvin (Claude): Pour le bénéfice des membres de la commission parlementaire, je voudrais simplement rappeler que la commission scolaire des Mille-Îles est une commission scolaire intégrée et ce, depuis 1972, qu'elle dispense l'enseignement primaire et secondaire à une clientèle francophone et anglophone. Pour la clientèle anglophone, il y a une particularité: nous n'offrons l'enseignement secondaire qu'aux élèves du premier cycle. Nos élèves du second cycle anglophones fréquentent par entente la commission scolaire Laurenval pour certains et, pour d'autres, la commission scolaire Chomedey de Laval. Contrairement à nos prédécesseurs, nous sommes privilégiés dans le sens que c'est un territoire concentré d'est en ouest d'au plus quinze kilomètres et nord-sud de onze kilomètres.

Géographiquement parlant, nous couvrons plus d'une municipalité. D'abord, à Laval, il y a quelques quartiers de l'île Jésus qui font partie de la commission scolaire des Mille-Îles, à savoir Fabreville, Sainte-Rose, Auteuil et Vimont. Par ailleurs, nous allons également chercher de la clientèle sur ce qu'on appelle la rive nord, de l'autre côté de la rivière des Mille-Îles. Là, on s'adresse à des élèves des municipalités suivantes: Rosemère, Lorraine, Bois-des-Filion et Saint-Louis-de-Terrebonne est.

Notre commission scolaire ayant quelques 17 000 élèves, il y a donc 19 quartiers électoraux. Nos précédesseurs disaient qu'ils envoyaient quelques 50 000 comptes de taxe. Nous rejoignons 32 000 foyers. Il y a 35 écoles sur le territoire de notre commission scolaire dont la clientèle se répartit de la façon suivante: 1590 élèves qui sont du niveau préscolaire - on remarque qu'au cours des prochaines années cette clientère aura tendance à augmenter - 9073 élèves qui sont de niveau primaire, alors que 7054 élèves sont de niveau secondaire, pour un total de 17 717 élèves.

Afin d'offrir des services de qualité à l'ensemble de ces élèves, nous avons 934 postes d'enseignants. Bien sûr, cela peut supposer au-delà de 980 enseignants, puisqu'on en a qui travaillent à temps partiel. Comme personnel de soutien administratif et technique, quelque 445 employés pour un total de 1379 employés réguliers à la commission scolaire des Mille-Îles.

M. Miller: M. le Président, de toute évidence, la commission scolaire des Mille-Îles tient à sauvegarder des principes fondamentaux dans l'essence même d'une loi qui vise une éventuelle restructuration scolaire. Qu'il suffise de mentionner que la loi devra garantir que la commission scolaire demeurera un gouvernement local répondant de son administration à l'ensemble de la population; que la loi devra définir très clairement l'étendue des pouvoirs réels et distincts consentis à chacune des instances; que la loi devra dissiper toute ambiguïté quant à la juridiction de la commission scolaire sur chacune de ses écoles; que la loi devra répondre aux aspirations de la commission scolaire en tant qu'entité responsable de l'éducation sur son territoire juridictionnel; que la loi devra garantir que la commission scolaire pourra continuer à assumer pleinement ses devoirs et responsabilités en matière de réforme pédagogique; que la loi devra garantir, sinon consolider, les acquis des lois 30 et 71 relativement à la participation des parents.

C'est pourquoi la commission scolaire des Mille-Îles croit qu'elle se doit de réagir à ce projet de réforme scolaire, ne serait-ce que parce qu'elle s'est toujours impliquée dans le processus d'évolution et de développement de l'éducation dans la province de Québec. Nous nous attarderons, entre autres, aux chapitres traitant de la gestion des activités éducatives, de la gestion des ressources humaines, de la gestion des ressources matérielles, de la gestion des ressources financières et, finalement, du mode d'élection des commissaires d'écoles.

À notre avis, M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, le projet de loi 40 propose une décentralisation vers l'école de plusieurs attributions dévolues actuellement à la commission scolaire. Il précise les rôles de l'école à l'égard de la communauté, il augmente la marge de manoeuvre de l'école en rendant le conseil d'école décisionnel sur plusieurs aspects de l'organisation scolaire.

La commission scolaire des Milles-Îles a été et est toujours pour une autonomie toujours plus grande des milieux-écoles. Cependant, même si ce projet de loi nous laisse entrevoir une libéralisation du système scolaire, il faut se garder de conclure hâtivement car certains articles qui affirment des droits nouveaux pour l'école sont très souvent tempérés, sinon carrément niés, par d'autres articles. À titre d'exemple, permettez-nous de souligner le premier alinéa de l'article 18 qui est restreint par le deuxième alinéa de ce même article, de même que par l'article 209 du projet de loi 40.

De plus, ce qui est affirmé à l'article 28 crée une ambiguïté gênante lorsque comparé au texte de l'article 137. Pour la commission scolaire des Mille-Îles, il pourrait même y avoir danger que la situation de la responsabilisation de l'école devienne plus légaliste que participative dans le vécu quotidien, surtout si la loi génère des ambiguïtés qui risquent d'amener les partenaires éducatifs devant les tribunaux plutôt qu'autour d'une table de concertation.

Cependant, puisque le gouvernement semble déterminé à aller de l'avant avec sa législation, il est du devoir de la commission scolaire des Mille-Îles d'indiquer à M. le ministre les principaux changements qu'elle juge nécessaires afin de rendre sa loi la plus acceptable possible dans les circonstances.

La gestion des activités éducatives. L'action éducative de l'enseignement primaire et secondaire public comprend l'ensemble des services éducatifs clairement exprimés dans les règlements concernant les régimes pédagogiques du préscolaire, du primaire et du secondaire. Il nous apparaît que le contenu du projet de loi 40 sur le sujet est acceptable, mais la dimension opérationnelle, soit la gestion, de ces activités éducatives nous apparaît ambiguë â cause de l'insuffisance des moyens que la loi met à la

disposition de la commission scolaire pour lui permettre d'exercer son rôle, ainsi qu'en témoignent les premiers alinéas des articles 99 et 199. (17 heures)

Mais là ne s'arrête pas l'ambiguïté dans le vécu quotidien de la gestion des activités éducatives. En examinant, l'un à la suite des autres, les articles 94 et 207 du projet de loi, de même que les articles 7 et 22 des règlements concernant respectivement les régimes pédagogiques du préscolaire, du primaire et du secondaire, comment la commission scolaire va-t-elle exercer son devoir de surveillance et de contrôle?

La section V du chapitre IV dénote une tentative très timide de situer la commission scolaire entre l'école et le ministère en matière de gestion des activités éducatives. Et si la loi lui accorde des pouvoirs réels, elle est très avare quant aux moyens qu'elle lui donne pour les exercer.

C'est pourquoi, tout en se disant d'accord avec la répartition des pouvoirs entre l'école et la commission scolaire que la loi établit en regard de la gestion des activités éducatives, la commission scolaire des Mille-Îles réclame du ministre de l'Éducation qu'il amende son projet de loi afin d'accorder aux commissions scolaires des moyens d'intervention efficaces pour leur permettre de jouer adéquatement leur rôle de supervision et, éventuellement, de contrôle.

La gestion des ressources humaines. Dans ce domaine, il nous semble y avoir une ambiguïté ou, tout au moins, un réel problème de gestion entre l'article 120 et l'article 219. La commission scolaire des Mille-Îles est d'accord avec le fait que chaque école élabore son plan d'effectifs. Toutefois, afin d'éviter les problèmes qu'elle anticipe, la commission scolaire des Mille-Îles recommande au ministre de préciser que ce plan d'effectifs doit s'élaborer à l'intérieur des paramètres budgétaires déterminés par le commission scolaire. Pour être cohérente avec cette recommandation, la commission scolaire recommande également au ministre de biffer le deuxième paragraphe de l'article 119.

Examinons donc maintenant les dispositions relatives à l'engagement, la résiliation du mandat et le congédiement du directeur d'école. Là encore, il existe une ambiguïté à dissiper entre le pouvoir de recommandation du conseil d'école, qui est presque un pouvoir de décision, et les devoirs et responsabilités de la commission scolaire. Comment une commission scolaire peut-elle être contrainte d'engager une personne ayant fait l'objet d'une recommandation - je vous réfère à l'article 221, deuxième alinéa -alors qu'elle n'est pas tenue d'engager une personne qui ne lui convient pas? Je vous réfère alors à l'article 224. Qui aura le dernier mot: le conseil d'école, selon l'article 82, ou le conseil d'administration de la commission scolaire, selon l'article 219 du projet de loi 40?

Quant à la résiliation du mandat accordé au directeur d'école, nous observons, à la lecture de l'article 83, que le conseil d'école semble détenir le pouvoir décisionnel du non-renouvellement du mandat. Cependant, l'article 84 transforme ce pouvoir décisionnel en un pouvoir de recommandation à la commission scolaire. N'est-il pas réaliste d'affirmer que cette innovation consistant à effectuer une gestion de personnel de cadre par une autorité bicéphale (soit le conseil d'école à l'engagement et la commission scolaire au congédiement) ne peut que conduire à des situations de surplus de personnel qu'il serait presque impossible de réaffecter et ce, en référence à l'article 84 du projet de loi 40?

Nous observons également qu'en cas de résiliation ou de non-renouvellement du mandat d'un directeur d'école il revient à la commission scolaire de trouver une affectation nouvelle à l'individu concerné. Dans une telle situation, quel sera le rôle du commissaire d'école et du directeur général de la commission scolaire? Vous trouverez la réponse dans notre tableau; elle est au centre en noir entre les deux lignes bleues. Qui va soutenir les coûts financiers d'une telle situation? Est-ce réel de dire que le conseil d'école prend des décisions et que le conseil d'administration de la commission scolaire doit prendre les responsabilités et en subir les conséquences?

Finalement, le projet de loi nous oblige à concilier le contenu du dernier alinéa de l'article 86 avec celui de l'article 219. N'est-il pas quelque peu incohérent que le directeur d'école rende compte de son administration au conseil d'école alors que son employeur est la commission scolaire?

Compte tenu des remarques précédentes, la commission scolaire des Mille-Îles vous recommande, M. le ministre, de modifier l'article 86 de façon à rétablir un lien hiérarchique entre le directeur d'école et le directeur général de la commission scolaire. Cependant, un certain nombre de commissaires ayant exprimé une dissidence à ce sujet, nous vous référons à l'annexe À que nous avons jointe à notre mémoire comme position minoritaire.

Gestion des ressources matérielles. Dans ce domaine, à la suite d'une idée généreuse contenue dans le projet de loi 40, l'école hérite de la responsabilité des biens mis à sa disposition par la commission scolaire et en détermine l'utilisation. Cependant, la commission scolaire garde la responsabilité de l'administration des biens dont elle est propriétaire.

Nonobstant l'importance qu'on veut bien accorder à cette situation, il n'en demeure

pas moins que les seuls vrais pouvoirs remis à l'école ne doivent s'exercer que dans les limites permises par la commission scolaire, telles que précisées, aux articles 124, 125 et 126 du projet de loi 40.

Sauf pour un article, le contenu du projet de loi 40 n'apportera aucune modification majeure à notre vécu quotidien dans ce domaine à la commission scolaire des Mille-Iles. En effet, l'article 124 vient, à notre avis, introduire, d'une part, plus de lourdeur administrative au niveau des écoles et, d'autre part, la possibilité d'attitudes fort différentes et possiblement inéquitables d'une école à l'autre face aux besoins des milieux en regard de l'accès aux locaux.

De plus, la commission scolaire des Mille-Îles s'interroge sur la cohérence qu'il y a entre, d'une part, le contenu de l'article 124 et, d'autre part, la politique du loisir du gouvernement du Québec qui fait de la municipalité le maître d'oeuvre en cette matière. Comment concilier les deux politiques gouvernementales concernant l'accès de la population aux locaux? Le législateur est-il conscient de la réticence de certaines écoles face à cette responsabilité supplémentaire?

En conséquence, la commission scolaire des Mille-Îles vous recommande, M. le ministre, d'amender l'article 124 en biffant les mots "si l'entente est faite pour plus d'un an". Ici encore, une position minoritaire a été exprimée à ce sujet par certains membres de notre conseil des commissaires et nous avons joint cette position minoritaire en annexe B du présent mémoire.

Au plan de la gestion des ressources financières, les dispositions relatives à la confection du budget de l'école constituent, aux yeux de la commission scolaire des Mille-Iles, le summum de l'illusion. En effet, ce qui est stipulé à l'article 127 et à l'article 129 est annihilé par les articles 236, 238 et 239.

Conformément aux positions de la commission scolaire des Mille-Iles relativement au partage des pouvoirs et responsabilités entre l'école et la commission scolaire, la commission scolaire des Mille-Iles vous recommande, M. le ministre: le de préciser que l'article 239 est préalable à tous les autres en matière de confection du budget des écoles; 2e d'amender les articles 129 et 236 afin d'accorder aux écoles la même autonomie en matière de confection du budget que celle qu'il accorde aux commissions scolaires.

La commission scolaire des Mille-Iles s'est toujours souciée d'éliminer les écarts lors de l'allocation des ressources financières dans ses écoles. Il est louable que le projet de loi ait prévu des mécanismes permettant d'ajouter des ressources financières au budget de fonctionnement de celles-ci, mais il devrait le faire dans un souci d'équité.

Toutefois, la possibilité pour une commission scolaire de faire respecter l'équité entre toutes les écoles nous apparaît quelque peu cachée dans les dernières lignes de l'article 130. La commission scolaire des Mille-Îles vous recommande donc d'établir clairement que la commission scolaire peut utiliser les revenus provenant de la taxation, entre autres, pour rétablir l'équité entre ses écoles.

Un excès de centralisation en matière de gestion des ressources financières est perçu au chapitre V du projet de loi 40, chapitre traitant du ministre de l'Éducation. À titre d'exemple, citons les articles 300, 301, 302 et 306 du projet de loi 40. Comment concilier cette centralisation financière entre les mains du ministre de l'Éducation du Québec, alors que l'objectif du projet de loi 40 est de faire de l'école le pivot du système éducatif du Québec?

Compte tenu du fait qu'au niveau des ressources financières à peu près tout relève de la réglementation ministérielle la commission scolaire des Mille-Îles recommande au ministre de l'Éducation de revoir les articles 300 à 309 afin de déléguer davantage de responsabilités administratives aux commissions scolaires.

L'élection du commissaire d'école. Rattacher un commissaire à une école en particulier escamote les principes les plus élémentaires de démocratie participative. Il ne faut pas oublier que le rôle du conseil d'administration de la commission scolaire est de veiller à distribuer équitablement les ressources dont elle dispose.

Le commissaire élu doit-il représenter les citoyens de son unité de soutien ou encore la majorité des parents de l'école qu'il représente? Ce commissaire sera-t-il le représentant d'une école ou le représentant d'un quartier? Aura-t-il les pouvoirs d'émettre son opinion personnelle ou ne sera-t-il que la courroie de transmission des volontés du conseil d'école? Quelle sera sa position sur un sujet intéressant le bien-être général de la population du territoire, s'il sait pertinemment que les membres de son conseil d'école s'y opposent? Et s'il choisit de n'être que la courroie de transmission, ne risquons-nous pas une paralysie totale du conseil d'administration de la commission scolaire, chacune de ses constituantes n'agissant que pour l'intérêt de son propre conseil d'école? Dans notre langage quotidien, nous appelons cela notre esprit de clocher.

Afin d'enrayer ces difficultés, la commission scolaire des Mille-Îles vous recommande, M. le ministre, premièrement, de maintenir le principe d'un commissaire élu au suffrage universel pour un quartier donné et délégué directement à la commission scolaire; deuxièmement, de proposer des modalités permettant ou favorisant les

communications entre le commissaire et les conseils d'école; troisièmement, d'assurer une représentation significative des parents au conseil d'administration.

En conclusion, M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, la commission scolaire des Mille-Îles est prête à poursuivre son implication afin d'améliorer la qualité du système éducatif au Québec, mais elle doute sérieusement que le projet de loi 40, dans sa version actuelle, vienne apporter les solutions aux problèmes énoncés dans le livre blanc. La commission scolaire des Mille-Îles croit plutôt que le ministre de l'Éducation aurait tout intérêt à consolider la réforme pédagogique entreprise, gage d'une plus grande qualité des services éducatifs, avant de s'engager dans une restructuration qui, a priori, n'offre aucune garantie quant aux retombées positives auprès des élèves de la province de Québec.

La commission scolaire des Mille-Îles souscrit à l'objectif d'une plus grande participation des parents, mais elle ne peut accepter que le ministre leur promette des pouvoirs illusoires qui dégénéreront en luttes continuelles et contribueront à politiser davantage notre milieu-école.

La commission scolaire des Mille-Îles souscrit à une réelle décentralisation des pouvoirs et de la gestion du ministère de l'Éducation du Québec vers les commissions scolaires et de celles-ci vers les écoles, mais la commission scolaire des Mille-Îles se rend compte que, par ce projet de loi, le ministère de l'Éducation ne fait que donner l'illusion d'une décentralisation vers les commissions scolaires et donne l'impression de décentraliser vers les écoles, mais, en fait, tient bien ferme à toutes les règles du jeu.

Il est, par conséquent, impératif, M. le ministre, pour la commission scolaire des Mille-Îles, que vous dissipiez franchement toutes les ambiguïtés que renferme votre projet de loi dans le sens des principes que nous avons émis tout au long de notre mémoire.

Dans un contexte économique extrêmement difficile, la commission scolaire des Mille-Îles souscrit à des programmes ou à des réformes que propose le gouvernement du Québec afin de diminuer le fardeau fiscal de ses contribuables. La commission scolaire des Mille-Îles ne peut tolérer qu'une réforme scolaire d'une telle envergure soit proposée sans que l'ensemble des Québécois soit au courant des coûts réels à court, moyen et long terme.

La commission scolaire des Mille-Îles souscrit à l'intégration des commissions scolaires dans tout le Québec, mais ne peut admettre que son territoire juridictionnel soit diminué unilatéralement alors que, dès 1972, elle a fait l'effort d'intégrer ses constituantes.

La commission scolaire des Mille-Îles souscrit à des changements qui amélioreront l'acte éducatif, mais ne peut souscrire au projet de loi 40 actuel puisqu'il n'offre pas les garanties d'une amélioration certaine.

La commission scolaire des Mille-Îles souscrit, bien sûr, au suffrage universel, mais ne peut admettre le tiraillement qui animera le commissaire élu détenant un mandat de l'électorat, siégeant à un conseil d'administration tout en étant également délégué d'un conseil d'école.

L'administrateur élu doit détenir un mandat clair et le projet de loi le place dans une position inconfortable. (17 h 15)

La commission scolaire des Mille-Îles souscrit aux éléments suivants de l'actuel projet de loi 40: le la proposition de commissions scolaires unifiées sur une base linguistique; 2e le régime d'option entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral; 3e l'abandon de l'idée de corporation-école.

M. le Président, Mesdames et Messieurs les membres de la commission parlementaire, ces divers points d'accord avec la loi ne doivent pas vous faire oublier les recommandations que nous avons faites tout au long de ce mémoire. Des amendements sont possibles alors.

M. le Président, si vous me permettez une légère parenthèse relativement au redécoupage du territoire, M. Potvin va vous exposer la situation en deux minutes.

Le Président (M. Blouin): M. Miller, vous avez déjà consacré au-delà de 20 minutes à votre présentation. Nous avions tous bien compris l'esprit de la procédure que nous devons suivre assez rigoureusement. S'il s'agit d'un autre volet qui entamera une partie du temps qui vous est réservé, ce sera difficile de pouvoir procéder à cette présentation. Je vous demanderais plutôt, en une ou deux minutes, d'en résumer les grandes lignes et, ensuite, nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission.

M. Miller: C'est ce que nous ferons, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Miller: M. Potvin.

M. Potvin: Le volet qui est inhérent au projet de loi 40 et qui touche particulièrement la commission scolaire des Mille-Îles, c'est le redécoupage du territoire. Comme je l'ai exposé au tout début, notre commission se situe à la fois sur le territoire de la ville de Laval et sur celui de quelques municipalités au nord. J'aimerais faire part aux membres de la commission parlementaire du contenu de la résolution no 110 que le

conseil des commissaires a adoptée récemment. Brièvement, il est dit ceci: "Attendu que le projet du ministère quant au découpage du territoire des commissions scolaires de l'île de Montréal... Il est prévu là que des commissions scolaires de 30 000 élèves et plus pourront exister; attendu que la commission scolaire des Mille-Îles a une infrastructure requise pour accueillir au-delà de 25 000 élèves; attendu que le nombre d'élèves sur le territoire de Laval ne semble pas justifier la création de trois commissions scolaires; attendu la démarcation que représente l'autoroute 440 - pour ceux qui sont familiers avec l'île Jésus, l'autoroute 440 divise l'île en deux parties, de l'est à l'ouest, donc une partie au nord et une partie au sud - attendu que l'article 189 du projet de loi 40 implique qu'il est possible que le territoire d'une commission scolaire touche ou englobe le territoire de plus d'une MRC; attendu la volonté clairement exprimée par les milieux de Vimont, un des quartiers de Laval, de maintenir leur appartenance à la commission scolaire des Mille-Îles; attendu que la commission scolaire des Mille-Îles considère important de respecter la volonté des milieux - on sait que les divers milieux de la rive nord, particulièrement Rosemère, Lorraine, Bois-des-Filion et Saint-Louis-de-Terrebonne se sont exprimés tour à tour -attendu l'absence de consensus des milieux de la rive nord quant à leur appartenance à une commission scolaire, il a donc été proposé et résolu à l'unanimité que les attendus dont j'ai fait part fassent partie de la résolution, que le territoire de Laval soit divisé en deux commissions scolaires et que l'autoroute 440 et ses prolongements soient la démarcation entre les deux territoires juridictionnels; que le voeu des milieux de la rive nord quant à leur appartenance à une commission scolaire soit respecté lors de la détermination définitive du territoire de la commission scolaire.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Miller: Nous vous remercions, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Miller. Merci, M. Potvin. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord saluer le président de la commission scolaire, les quatorze commissaires qui l'accompagnent, ainsi que le directeur général et les remercier de l'intérêt qu'ils portent aux travaux de la commission. Je veux aussi les féliciter pour l'étude attentive qu'ils ont faite du projet de loi.

Je note avec plaisir les convergences qui existent entre leurs positions et celles du projet de loi: par exemple, la revalorisation ou la valorisation plus grande de l'école, la décentralisation vers l'école, l'autonomie plus grande de l'école, l'intégration des deux niveaux d'enseignement, primaire et secondaire, les commissions scolaires linguistiques et l'aménagement confessionnel qui tienne davantage compte de la diversité et du pluralisme croissant de notre société.

Je voudrais leur dire, en passant, que, pour le territoire, nous avons encore quelques mois pour procéder aux consultations nécessaires. Je veux vous assurer que nous sommes prêts à étudier avec attention la recommandation que vous nous soumettez cet après-midi et qu'on procédera à des rencontres et à des échanges, parce que la solution que nous visons se veut la plus rationnelle et la plus efficace possible.

Votre objection est beaucoup plus de l'ordre des moyens que de l'ordre de la répartition des pouvoirs puisque vous avouez, au début de votre mémoire, que vous êtes d'accord avec la répartition des pouvoirs entre commissions scolaires et écoles. C'est bien de cela, je pense, qu'il convient de parler.

Disons, en passant, que les pouvoirs qui sont accordés aux parents dans le conseil d'école, même si vous les qualifiez d'illusoires, ont paru, à certains en tout cas, assez importants pour justifier une opposition farouche aux pouvoirs qui sont accordés aux parents. Pour ma part, je ne pense pas qu'ils soient illusoires, je ne pense pas, non plus, qu'ils soient impérialistes au point qu'ils menacent les positions retranchées qu'occupent certains autres intervenants du système scolaire.

Une remarque générale. Vous dites que les droits accordés à l'école sont niés par d'autres articles qui accordent des droits à la commmission scolaire. Je ne sais pas si c'est le mot qui convient. Je pense que c'est plutôt le mot fonctions ou responsabilités qu'il faudrait utiliser. Dans notre système éducatif, il y a divers paliers: le palier gouvernemental, le palier de la commission scolaire, le palier de l'école. Il est tout à fait normal qu'à l'intérieur de ce système éducatif la même grande responsabilité, qui est la mission d'éduquer nos enfants le mieux possible, soit partagée selon les niveaux: au gouvernement, les grandes orientations; aux commissions scolaires, coordination, planification, et aux écoles, l'application des régimes pédagogiques.

Plutôt que de parler d'opposition de responsabilités ou de droits, il faudrait parler d'articulation légitime de fonctions, de responsabilités correspondant chacune au rôle que chacun est le mieux et le plus capable d'exercer et qui convient le plus à la place qui est la sienne dans le système. En ce sens, nous avons tenté dans le projet de loi d'articuler ces fonctions, ces responsabilités de la façon la plus cohérente, la plus

légitime possible. Comme j'ai eu souvent l'occasion de le dire, je ne pense pas que notre formulation soit un chef-d'oeuvre, bien sûr, mais je pense, cependant, que pour l'essentiel elle respecte les fonctions et responsabilités de chacun des niveaux.

Il reste à parler de la question des moyens que vous avez soulevée. Vous avez entendu, tout à l'heure, une autre commission scolaire s'exprimer sur le même sujet. Je pense qu'il était intéressant que nous entendions à la commission cette opinion, mais que vous aussi, vous l'entendiez. Au fond, je voudrais vous poser une question analogue à celle que nous posions à ceux qui vous ont précédés: Étant donné que vous demandez que la loi soit amendée afin d'accorder aux commissions scolaires des moyens d'intervention efficaces pour leur permettre de jouer adéquatement leur rôle de supervision, étant donné aussi les réponses qu'avaient accordées vos prédécesseurs quant à ces modalités d'intervention efficace - par exemple, l'article 90 qui touche l'école, l'article 137, celui que vous avez souligné, l'article 199, l'article 216, qui montrent d'une façon assez claire, en tout cas, selon ce qui a été dit, la responsabilité propre de la commission scolaire articulée à celle qui est confiée à l'école dans le premier chapitre - cet arrimage ou ces moyens d'intervention vous apparaissent-ils efficaces pour régler le problème que vous avez soulevé? Sinon, quels sont les amendements que vous suggéreriez? Vous nous avez dit que vous n'étiez pas d'accord sur la formulation du projet de loi. Pourriez-vous aller plus loin et nous signaler les amendements qui, d'une façon plus précise, pourraient répondre à vos attentes?

M. Miller: M. le Président, à mon avis, le seul fait que la commission scolaire des Mille-Îles ait de certains articles de la loi une interprétation qui diffère de la vôtre, M. le ministre, et de celle de l'intervenant qui nous a précédés, soit la commission scolaire des Laurentides, montre qu'il y a ambiguïté. Ce que nous vous demandons, M. le ministre, c'est de veiller à déterminer cela de façon précise pour éviter toute ambiguïté. Vous nous demandez aujourd'hui de faire un travail assez ardu dans le temps qui nous est alloué. Toutefois, nous croyons que vous-même, ainsi que votre personnel êtes en mesure de procéder aux amendements et aux corrections qui s'imposent. Nous nous sommes exprimés au strict plan du principe actuellement et nous croyons qu'il y a possibilité d'amélioration à ce niveau.

M. Laurin: Je voulais vous signaler, par exemple, qu'au niveau de la répartition des responsabilités quant aux ressources humaines en ce qui concerne les plans d'effectifs l'article 120 dit qu'il appartient à l'école de déterminer ses besoins. En vertu d'un autre article, il appartient à l'école de déterminer ses prévisions budgétaires. Quand nous reprenons les mêmes sujets en traitant de la commission scolaire, il me semble qu'il est très clair que c'est à la commission scolaire d'arbitrer les prévisions budgétaires qui viennent des écoles et de prendre la décision finale à cet égard. Cela ne vous semble-t-il pas assez clair? En quel sens voudriez-vous que ce soit plus clair encore?

M. Potvin: M. le Président, la clarté de ces articles ne pose aucun doute. Tantôt, après avoir répondu à cette première question, j'aimerais plutôt revenir sur les moyens qui nous semblent ne pas être tellement apparents dans le projet de loi. Sur les articles dont fait mention le ministre actuellement, ce que nous disons, ce n'est pas tellement que ce n'est pas clair; on dit qu'on risque de créer des frustrations dans les milieux parce qu'il est clair et évident que la somme des plans d'effectifs que soumettront les écoles à la commission scolaire ne pourra être satisfaite par celle-ci.

De ce fait, on dit: Pourquoi créer l'illusion à l'école de pouvoir déterminer son plan d'effectifs quand, en fin de compte, la commission scolaire n'aura pas les moyens financiers de répondre à ces demandes? Là-dessus, on dit: Ce n'est pas tellement que ce n'est pas clair; on dit que cela peut être frustrant pour le milieu-école.

Là où ce n'est pas clair, c'est au niveau des moyens et, plus particulièrement, lorsqu'on parle de la gestion en matière éducative, de la supervision de l'enseignement. Il est clairement dit dans votre projet de loi, M. le ministre, qu'il appartient à l'école d'appliquer les régimes pédagogiques, et on en convient. C'est là que se passe l'action, à l'école. Et il appartient à l'équipe-école de voir à l'application des régimes pédagogiques.

Par ailleurs, vous dites un peu plus loin, dans les attributions dévolues à la commission scolaire, que la commission scolaire doit veiller à ce que les écoles évaluent, que la commission scolaire doit veiller à ce que la population ait les services éducatifs requis. Ce ne sont peut-être pas les termes exacts, c'est seulement pour aller un peu plus vite. À ce moment, on se pose la question: Comment fait-on pour veiller à cela si, finalement, l'application appartient à l'école et surtout si la direction de l'école doit répondre de son administration à une autre instance qu'à celle qui s'appelle commission scolaire? Pour nous, c'était ambigu. Pour nous, cela ne donnait pas à la commission scolaire les moyens qu'elle devait avoir pour assumer pleinement le rôle que vous lui définissez dans votre projet de loi.

M. Laurin: On dit bien, à l'article 217, si on le lit bien, que c'est la responsabilité de la commission scolaire de voir à ce que les écoles appliquent les lois, les règlements du gouvernement, du ministre, de la commission scolaire. Il me semble que c'est très clair comme mission de la commission scolaire, à tous les plans. (17 h 30)

M. Miller: On ne nie pas cela, M. le ministre. Tout ce qu'on dit, c'est que - vous nous le dites vous-même et vous semblez d'accord un peu avec nous par l'attitude physique que vous adoptez; je vous réfère à cet effet à l'article de tout à l'heure sur le plan des effectifs - ce serait si simple de le mentionner dans la loi, que le plan d'effectifs devrait être établi selon les coordonnées de la commission scolaire. C'est à ce stade que notre intervention se fait. Au lieu de laisser l'impression à chacune des écoles qu'elle peut requérir 22 professeurs, un orthopédagogue, cinq journées-psychologue par semaine, un professionnel non enseignant pour l'orientation, etc., quand on sait pertinemment - vous le savez vous aussi, M. le ministre - que nous n'avons pas les moyens de nous payer de tels services actuellement. Il faut avoir une justice que je qualifie de "justice distributive". Il faut essayer de répartir à chacun le maximum de services avec le minimum de coûts.

M. Laurin: Mais ne croyez-vous pas, M. Miller, quand on dit à l'article 120 que "ce plan exprime les besoins de l'école", que les membres du conseil d'école seront assez réalistes pour savoir, comme tout le monde qui fait des demandes, que leurs besoins ne seront pas tous satisfaits en raison des contingences ou des contraintes financières que connaît le système éducatif?

M. Miller: J'en conviens, M. le ministre. C'est une vieille habitude de notre population d'en demander peut-être un petit peu plus pour en avoir un petit peu moins, mais il serait peut-être temps de lui dire qu'il ne faudrait peut-être pas en demander trop pour en avoir un petit peu moins, et qu'on va essayer d'en répartir un peu à tout le monde. C'est à ce niveau-là que l'on trouve que le principe véhiculé par la loi est un peu créateur de tensions (inutiles).

M. Laurin: De toute façon, par le projet de loi, il est très clair que c'est la commission scolaire qui a le pouvoir d'établir les règles et les modalités de répartition des ressources financières entre les écoles et d'approuver les budgets, en tenant compte bien sûr, le plus possible des demandes ou des prévisions qui lui viendront des écoles.

M. Miller: Mais, M. le ministre, ce n'est pas nouveau, non plus.

M. Laurin: Non.

M. Miller: C'est ce qu'on vit au jour le jour.

M. Laurin: Entre commissions scolaires et gouvernement, oui, effectivement.

M. Miller: Effectivement.

M. Laurin: Mais je pense qu'il y aura le même réalisme au niveau des écoles qu'il y a au niveau des commissions scolaires.

M. Miller: Je l'espère.

M. Potvin: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Oui, M. Potvin.

M. Potvin: ...si vous me permettez de revenir sur l'article 217, puisque le ministre lui-même l'a soulevé, à notre avis, l'article 217 est un peu la peine capitale. C'est la mise en tutelle. Entre cela et d'autres moyens qui pourraient s'appliquer, il me semble qu'il y a une marge.

M. Laurin: Après que tous les mécanismes prévus à l'article 217 ont été mis en oeuvre - il y en a plusieurs - lorsque, devant une incompétence ou une négligence ou une mauvaise volonté, l'article 217 dit qu'il faut en arriver à la mise en tutelle, je pense que nous obéissons à la règle usuelle dans nos sociétés. Est-ce que vous vous opposez à cette règle ou en auriez-vous une autre à proposer en dernier ressort, j'entends bien?

M. Miller: On ne s'oppose pas comme tel à une telle règle, M. le ministre. Toutefois, on espère ne jamais avoir à l'utiliser.

M. Laurin: De même que le ministre espère toujours ne jamais avoir à utiliser l'article de la Loi sur l'instruction publique qui l'amène à mettre en tutelle une commission scolaire. Cela n'arrive pas souvent, non plus.

M. Miller: Je l'espère, encore une fois.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier et féliciter les représentants de la commission scolaire des Mille-Iles pour leur mémoire qui s'est attardé à des points très précis afin de mettre en lumière des problèmes de situations conflictuelles, par exemple, qui

pourraient survenir à la suite de l'incohérence de certains articles. À l'égard de plusieurs points, je pense que vous l'avez bien fait.

Avant de passer à des questions plus précises, je voudrais reprendre le commentaire du ministre quand il dit qu'il y a des points de convergence et des points de divergence. À la lecture que je fais de votre mémoire, les points de convergence sont plutôt rares. J'ai plutôt l'impression d'une commission scolaire qui dit: S'il fallait que cette loi passe, essayons qu'elle soit la moins mauvaise possible.

À partir de cela, vous faites certaines recommandations. Pour ne pas interpréter votre mémoire, je vais en lire un passage, plus précisément le premier paragraphe de la conclusion: "La commission scolaire des Mille-Îles est prête à poursuivre son implication afin d'améliorer la qualité du système éducatif au Québec, mais elle doute sérieusement que le projet de loi 40 dans sa version actuelle vienne apporter des solutions aux problèmes énoncés dans le livre blanc. La commission scolaire des Mille-Îles croit plutôt que le ministre de l'Éducation aurait tout intérêt à consolider la réforme pédagogique entreprise, gage d'une plus grande qualité des services éducatifs, avant de s'engager dans une restructuration qui, a priori, n'offre aucune garantie quant aux retombées positives auprès des élèves du Québec."

Ce n'est pas mon interprétation de votre mémoire; c'est ce que vous dites. Cela me semble signifier que vous avez des réserves très sérieuses vis-à-vis du projet de loi. Évidemment, le ministre a développé une habitude ou une attitude - c'est de bonne guerre - de toujours interpréter comme un support même ce qui n'en est pas un.

Sur ce point précis que vous apportez, sans faire une longue lecture, je regardais l'Argus, qui est le résumé des articles politiques qu'on nous distribue chaque jour. Il se trouve peu de journées où on ne retrouve pas, dans la grande presse, des articles, justement, où on se pose de sérieuses questions quant au projet de restructuration du ministre. On se demande si c'est vraiment là les priorités en éducation. Sans avoir tout lu, j'en ai vu deux, aujourd'hui, et je vais vous les lire. Il y en a un qui est un témoignage de l'ex-ministre Louis O'Neil, qui est un ancien collègue du ministre de l'Éducation, et je le cite: "La loi 40 de Laurin, quelle sorte de réforme ça va faire sans les enseignants, les commissions scolaires et même les parents qui ne veulent pas des pouvoirs qu'on veut leur donner? Qu'est-ce que c'est que ce besoin de réformer, de faire du bien? Tout est axé sur les structures, dit-il encore, alors que nous avons des problèmes de français, de pédagogie, de professeurs, etc." Je pense qu'il se pose la même question que vous.

Un peu plus loin, l'éditorialiste Roger Bellefeuille sous le titre: L'école des exclus, dit, en parlant des décrocheurs - et je ne lis qu'un paragraphe, mais vous pouvez lire tout l'article du Soleil du mardi 31 janvier -"Pour l'heure, le Québec n'a aucunement besoin de grandes réformes structurelles et de nouveaux partages de pouvoirs entre les divers agents de l'éducation. Les énergies et les talents doivent être utilisés à d'autres sauces. La société a beaucoup investi déjà dans la formation de son personnel enseignant et dans la mise en place d'infrastructures scolaires. Ce qui importe avant tout, c'est l'émergence d'une véritable mobilisation de ces mêmes ressources afin de mieux adapter et utiliser le patrimoine en fonction des réels besoins d'aujourd'hui." Il a écrit ces commentaires à la suite de la déclaration du ministre de l'Éducation qui disait: "Je me donne six ans pour régler le problème des décrocheurs."

M. le Président, quand j'ai vu cela, je me suis dit: C'est incroyable. Cela fait huit ans qu'il est au pouvoir, cela fait huit ans qu'on lui en parle et il se donne six ans pour régler le problème des décrocheurs, tout à coup, en pleine commission parlementaire sur un projet de loi qui vise à chambarder le domaine de l'éducation. On a observé, depuis quelque temps, à toutes les semaines, que le ministre nous annonce, tout à coup, qu'il a mis sur pied un comité spécial qui va étudier les problèmes des milieux défavorisés, un comité spécial qui va étudier les problèmes de l'intégration des immigrants. Maintenant, il se donne six ans pour régler le problème des décrocheurs. Est-ce que le ministre tente de faire, auprès de l'opinion publique, deux opérations parallèles? En même temps qu'il demande à la population de s'embarquer dans une opération énorme de brassage de structures, de remaniement de territoires, de réaffectation de personnel, à côté, il se donne des airs de grand pédagogue en présentant un projet spécial pour les décrocheurs, un projet spécial pour les immigrants en difficulté d'intégration. M. le Président, je pense que la vérité, c'est que le ministre devrait probablement, comme les gens le lui demandent en très grand nombre, retirer son projet de loi ou le repartir sur un fondement beaucoup plus solide, en embrassant moins de dimensions à la fois qui vont perturber le système scolaire pour plusieurs années à venir.

Ceci étant dit, ce qui m'apparaît le point le plus intéressant dans les remarques que vous avez faites - évidemment, vous n'avez pas touché à tous les points - c'est justement de mettre en lumière toutes les situations conflictuelles qui vont naître de ce projet de loi, s'il est appliqué tel quel. Vous avez parlé tout à l'heure avec le ministre de la question des effectifs. On

pourrait parler également du budget. On se souvient de la procession des commissions scolaires pour aller faire accepter leur budget par le ministère de l'Éducation. Maintenant, on demandera à X écoles de faire ce même processus devant la commission scolaire qui, elle, n'aura pas plus de moyens qu'avant pour satisfaire les demandes budgétaires des écoles à qui on a fait miroiter que, désormais, elles établiraient leur budget en fonction de leurs besoins. Je pense que vous avez relevé un grand nombre de ces choses.

Ce qui est inquiétant dans le projet de loi du ministre, ce sont, justement, ces situations de conflit qu'il va créer; il en créera aussi sur le plan de la confessionnalité. Je vous remercie de nous avoir indiqué d'une façon précise, du moins dans certains domaines, ces situations qui n'amélioreront pas le système d'éducation, mais qui en feront un endroit de tensions encore plus grandes que celles qu'on a connues. Si on superpose à celles qui seront créées par le projet de loi celles qui sont déjà existantes et la recherche constante d'un consensus à l'intérieur des écoles, à l'intérieur des commissions scolaires, à l'intérieur des communautés, à l'intérieur des municipalités pour s'entendre sur certains objectifs et la façon d'y arriver, on peut se demander à quoi va aboutir toute cette opération si on doit procéder tel que le ministre le laisse entendre par le projet de loi 40.

Aux articles 300 et 309 - c'est la seule question que je vous poserai parce qu'elle m'apparaît importante - vous demandez une délégation de pouvoirs plus grande aux commissions scolaires. Quelles sont les pouvoirs que vous voudriez voir augmenter pour les commissions scolaires?

Le Président (M. Blouin): M. Potvin.

M. Potvin: Mme la députée, ce qui est demandé dans le mémoire, ce n'est pas tellement une plus grande délégation de pouvoirs vers les commissions scolaires. Le gouvernement veut, par son projet de loi 40, faire de l'école le pivot et décentraliser des pouvoirs vers les commissions scolaires ou vers les écoles. On dit que le projet de loi ne change en rien ce que le ministre a déjà comme pouvoirs. On ne dit pas qu'il s'arroge de nouveaux pouvoirs, mais ces pouvoirs, il les avait avant. S'il veut vraiment décentraliser vers les écoles et les commissions scolaires, il y a peut-être un effort, à ce moment-là, de décentraliser vers les commissions scolaires et de ne pas maintenir les pouvoirs qu'il a. On ne dit pas qu'il en a de nouveaux ou qu'il s'arroge des pouvoirs, sauf qu'il les a et qu'il les maintient.

Mme Lavoie-Roux: Oui. En fait, l'endroit précis où je vous référais, c'était à la page 15 où vous dites: "La commission scolaire des Mille-Iles recommande au ministre de revoir les articles 300 à 309 afin de déléguer davantage de responsabilités administratives aux commissions scolaires." Je pense que vous avez raison de dire - en tout cas, c'est le discours que le ministre a tenu - qu'il ne s'arroge pas davantage de pouvoirs mais que, par contre, il ne décentralise aucun de ceux qu'il a présentement, sauf qu'il met dans le projet de loi beaucoup de pouvoirs qu'il s'arrogeait à partir de règlements, de directives, etc. Maintenant, ils sont inscrits dans le projet de loi 40. Mais, en vertu des articles 300 à 309, vous demandez une révision générale, j'imagine, pour voir ce qui pourrait être délégué aux commissions scolaires et qui leur permettrait peut-être de déléguer d'une façon plus claire aux écoles. Qu'est-ce que c'est, l'objectif que vous poursuivez? (17 h 45)

M. Potvin: Effectivement, la commission scolaire n'a pas fait l'exercice d'imagination pour voir quels sont les pouvoirs que le ministre pourrait déléguer par l'adoption du projet de loi 40 ou d'un autre. On dit simplement au ministre de l'Éducation: Vous avez actuellement des pouvoirs. Vous voulez - je le répète -décentraliser. Vous voulez faire de l'école le pivot. Les pouvoirs que vous avez, vous pourriez peut-être jeter du lest et en laisser aux commissions scolaires qui, elles, vont faire les exercices d'imagination qu'il faut pour déléguer et déconcentrer. Là-dessus, on a des exemples bien précis qui sont signalés dans le mémoire qu'on vous a présenté, au niveau, par exemple, de la décentralisation des budgets de fonctionnement et d'immobilisation. L'école a le pouvoir de décider ce qu'elle veut faire avec les budgets qui sont déconcentrés. Elle a le pouvoir de décision, tant au niveau du fonctionnement que de l'immobilisation. C'est quelque chose que les commissions scolaires sont capables de faire à l'intérieur des limites des pouvoirs qu'elles ont. Je pense que la commission scolaire n'a pas voulu dire au ministre quels sont les pouvoirs qu'elle pourrait déléguer.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie d'avoir signalé cela. Je pense que c'est à l'article - j'oublie lequel - où vous faites état de la possibilité d'inéquité qui pourrait surgir entre les écoles si on leur laisse l'usufruit. Cela a été soulevé par la commission scolaire qui vous a précédés. Cela a été soulevé par plusieurs commissions scolaires que si les fruits de la location d'écoles restent aux écoles, compte tenu du fait que les équipements ne sont pas les mêmes, que la situation géographique d'une école peut influencer les revenus qu'elle obtiendrait de

la location d'école. Le ministre n'a jamais réagi à cela. J'espère qu'il en a pris bonne note, parce que c'est venu de différents milieux, non seulement de ceux que le ministre juge être les opposants à son projet de loi. Je vous remercie beaucoup.

M. Miller: Seulement à ce niveau, Mme la députée de L'Acadie, il peut arriver des décalages importants entre chacune des écoles. Par exemple, dans une grande polyvalente regroupant 2000 enfants, il est très clair que les locaux, vu la grandeur, sont mis à la disposition du public d'une façon plus grande que dans une petite école primaire où il y a peut-être une quinzaine de classes. À ce moment-là, nous croyons, à la commission scolaire des Mille-Îles, qu'il y a une inéquité flagrante relativement aux revenus qui peuvent être tirés de ces équipements.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie.

M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. D'abord, il me fait plaisir de saluer les représentants de la commission scolaire des Mille-Îles qui dessert une bonne partie du territoire du comté de Fabre. Il me fait plaisir également de souligner que j'ai deux enfants qui fréquentent une des écoles de la commission scolaire. Je veux féliciter la commission scolaire de la qualité de son mémoire et aussi de nous avoir fait part de la position d'un certain nombre de commissaires dissidents.

Avant de poser quelques questions aux représentants de la commission scolaire, j'ai quelques remarques à faire sur le fond de votre mémoire. Cela rejoint jusqu'à un certain point ce que disait Mme la députée de L'Acadie. Cela me semble important, parce que ce qui me frappe dans votre mémoire, c'est que vous insistez beaucoup sur la confusion et sur l'ambiguïté de certains articles. Sur le fond, votre position rejoint en gros celle de la Fédération des commissions scolaires. Si vous n'êtes pas d'accord, vous pourrez le dire tout à l'heure, mais il me semble que vous rejoignez, en gros, la position de la Fédération des commissions scolaires, avec certaines nuances que je mentionnerai. Mais vous faites peu de cas, à mon sens, de l'implication du milieu-école. Vous ne parlez pas du projet éducatif, de son impact sur le vécu de l'école. Vous parlez peu d'éducation, finalement.

Vous réduisez la réforme, tout comme l'Opposition le fait, à une réforme de structures. Alors, à quoi cela sert-il de faire une réforme de structures alors que dans le milieu, au niveau des parents et des enseignants, on réclame une amélioration du vécu, des conditions d'exercice de la pédagogie? Pourtant, dans notre idée, il n'y a pas contradiction. Les deux se rejoignent. Si on veut décentraliser au niveau de l'école, c'est précisément pour mieux rejoindre le milieu et permettre au milieu de se prendre en main. Si on veut que nos écoles soient de meilleure qualité et que l'école elle-même réponde davantage aux besoins des enfants, il me semble qu'il est important que le milieu, c'est-à-dire les parents, les enseignants et les professionnels, agisse et ait un certain nombre de pouvoirs de décision au niveau de l'école. Donc, c'est beaucoup plus qu'une réforme de structures; c'est une réforme qui rejoint la réforme pédagogique elle-même. Vous ne faites absolument aucun cas de cet esprit qui anime le projet de loi 40, tout comme l'Opposition, d'ailleurs. C'est une lacune de votre mémoire que je me permets de souligner, même si je trouve une articulation et des remarques fort intéressantes sur la manière d'améliorer le projet de loi.

J'arrive à ma première question. Je vois une contradiction dans ce que vous réclamez comme commission scolaire. Vous réclamez une décentralisation du ministère vers les commissions scolaires parce que vous vous jugez suffisamment responsables pour occuper ces champs de pouvoirs que vous n'avez pas présentement. Pourtant, vous refusez que le milieu occupe un certain nombre de champs de pouvoirs. Vous refusez que le milieu se responsabilise, au fond. Là, il me semble qu'il y a une contradiction. Comment expliquez-vous cela: d'une part, vous voulez plus de pouvoirs, mais, d'autre part, vous refusez que le milieu exerce plus de pouvoirs? Encore une fois, il me semble que ce pouvoir que nous voulons que le milieu ait, c'est pour améliorer son projet éducatif. C'est dans ce but qu'on véhicule ce qui est dans le projet de loi 40. Comment expliquez-vous cette contradiction?

M. Miller: M. le Président, avec votre permission, M. Potvin va répondre.

M. Potvin: M. le Président, nous n'avons pas tout à fait la même lecture, M. le député de Fabre et nous, du mémoire que nous avons présenté cet après-midi. Dans un premier temps, je tiens à vous dire qu'il a été clairement dit dans le mémoire que la commission scolaire était pour une plus grande décentralisation vers l'école. J'ai donné un ou deux exemples tantôt, on pourrait en donner davantage. Ce qui est également dit dans le mémoire déposé cet après-midi, c'est qu'il n'est pas nécessaire pour le gouvernement de légiférer afin que le milieu se prenne en main. Je vais parler pour le milieu que je connais le mieux, c'est-à-dire la commission scolaire des Mille-Îles. Il y a énormément de milieux-écoles, et ce depuis fort longtemps, qui ont pris les

moyens pour se prendre en main. Par exemple, pour toute la notion de projets éducatifs, il n'est pas nécessaire qu'il y ait une loi pour dire que les écoles doivent être en projets éducatifs. Qu'on pense à certaines écoles qui, il y a déjà quatre, cinq ou six ans, ont utilisé l'instrumentation du vécu scolaire pour connaître l'expression des besoins à la fois des étudiants du secondaire et des parents, ce qu'ils voudraient avoir dans leurs écoles demain. C'est une instrumentation qui montre que les milieux-écoles voulaient se prendre en main et répondre aux aspirations du milieu. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait une loi.

M. Leduc (Fabre): Je m'excuse, M. Potvin. Je comprends que vous proposez dans le mémoire qu'on revienne à la loi 71, c'est-à-dire aux conseils d'orientation. C'est cela? Vous proposez qu'on applique, qu'on revienne ou qu'on trouve les mécanismes pour que le conseil d'orientation existe au niveau de l'école. C'est cela?

M. Potvin: Nous disons que, dans les lois 30 et 71, il y a la substance nécessaire afin que les milieux-écoles se prennent en main.

M. Leduc (Fabre): Est-ce que vous voyez des améliorations qu'on pourrait apporter aux conseils d'orientation tel que prévus dans la loi 71? Est-ce qu'il y a des choses qu'on pourrait ajouter?

M. Potvin: Cela rejoint un peu la question que vous avez posée à nos prédécesseurs tantôt quant à la participation des parents et à la parité entre les enseignants et les parents au conseil d'école. Notre avis - cela aussi est dit dans le mémoire - c'est qu'on craint par cela de politiser chacun des milieux. Ce serait une lutte de pouvoirs entre, d'une part, les parents et, d'autre part, les enseignants. Faites le calcul suivant. Il est dit dans le projet de loi que le conseil d'école doit être formé d'au plus quatorze personnes, d'accord? On va procéder par soustraction. On enlève le directeur d'école qui, d'office, en fait partie, un représentant des professionnels non-enseignants qui, également, en fait partie et, au niveau secondaire, un étudiant, ce qui nous laisse avec dix ou onze membres. Si on veut la parité, ce sera donc cinq ou six parents et cinq ou six enseignants. On aura la parité. Vous savez fort bien comme moi que, dans l'ensemble du territoire de la province de Québec, il y a énormément d'écoles de moins de 100 élèves, des écoles de 150, des écoles où il y a six, sept ou huit professeurs. Vous pensez qu'il y aura cinq ou six des sept ou huit professeurs de cette école qui feront partie du conseil d'école ou du conseil d'administration de l'école. On ne pense pas qu'on ait un si fort pourcentage dans la participation des enseignants. C'est une tout autre histoire lorsque vous entrez dans une polyvalente où il y a 85 ou 90 enseignants. Mais dans les écoles primaires, qui sont la majorité de vos écoles au Québec, ce sont des situations qu'on retrouvera.

M. Leduc (Fabre): Vous êtes en train de me dire que le conseil d'orientation ne pourrait pas fonctionner, non plus.

M. Miller: Ce qu'on est en train de vous dire, M. le député de Fabre, avec votre permission, M. le Président, c'est que, actuellement, dans les termes mêmes utilisés par les membres de la commission et par les intervenants, on voit tout de suite que le débat se politise, à notre avis, dangereusement là-dessus. On parle de parité, on parle de majorité, on parle de lutte de pouvoirs. Nous croyons, nous de la commission scolaire des Mille-Îles, qu'il est dommage que nous en soyons rendus à parler en ces termes de l'éducation de nos enfants. Il faudrait, de part et d'autre, autant de la part des intervenants que du gouvernement et de l'Opposition, qu'il y ait un peu une attitude nouvelle à ce niveau et que les gens qui sont directement touchés par la composition du conseil d'école puissent en discuter à tête reposée et en mettant un peu de côté le pouvoir qui nous anime tous peut-être un peu.

M. Leduc (Fabre): Oui, mais, juste en terminant, M. le Président, j'aimerais quand même savoir si la commission scolaire des Mille-Îles serait d'accord pour que l'école exerce un certain nombre de pouvoirs décisionnels, peu importent les modalités, on trouvera, comme vous le dites. Parce qu'effectivement on peut avoir des discussions sur la composition du conseil d'école ou du conseil d'orientation, on peut discuter des modalités, mais, sur le fond de la question, seriez-vous d'accord, comme les parents d'ailleurs de votre commission scolaire le réclament et la Fédération des comités de parents aussi - vous semblez dire que le milieu est satisfait, mais le milieu, c'est quand même, en grande partie, les parents qui sont les premiers responsables de l'éducation des enfants, il y a, tout de même, une contradiction entre votre position et celle des comités de parents dont le comité de parents des Mille-Îles - pour que le milieu exerce un certain nombre de pouvoirs décisionnels au niveau d'un conseil d'école dont les modalités seraient à trouver?

M. Potvin: M. le Président, il est évident que la commission scolaire des Mille-Iles est d'accord pour que les milieux-écoles

exercent certains pouvoirs décisionnels. C'est dans le vécu actuel de la commission scolaire des Mille-Îles que le milieu-école se prend en charge pour décider de ce qu'il va faire avec le budget qui lui est alloué, tant au niveau des immobilisations qu'au niveau du budget de fonctionnement. (18 heures)

Un exemple assez simple: on laisse aux écoles la décision de déneiger ou non les cours d'école. Cela peut sembler anodin, sauf que cela représente un budget assez important à la commission scolaire des Mille-Îles. On dit: Si le milieu-école ne veut pas qu'on déblaie sa cour d'école, les montants qu'on aurait normalement investis dans ce déblaiement de neige, on les remet tout simplement à l'école. C'est donc un pouvoir décisionnel. L'école aura à vivre avec le pied, les deux pieds ou les trois pieds de neige dans sa cour. Finalement, c'est un exemple simple. Il y a une multitude d'exemples qui pourraient démontrer aux membres de la commission parlementaire qu'on est d'accord avec un certain pouvoir décisionnel de l'école.

M. Miller: M. le député de Fabre, nous sommes d'accord avec ce pouvoir décisionnel. Non seulement l'avons-nous dit, mais nous l'avons aussi écrit. En plus de l'écrire, nous le donnons aux écoles actuellement. Nous ne sommes pas allés jusqu'à dire que le milieu est satisfait. Évidemment, vous comprenez comme moi que les parents sont avides de services et que nous sommes avides de leur en donner. Malheureusement, comme vous au niveau dans la province, nous, au niveau de la commission scolaire, nous avons des limites budgétaires et, l'argent étant le nerf de la guerre, nous avons quelques difficultés à satisfaire tous les besoins actuellement.

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre. Nous avons excédé quelque peu la limite de 18 heures. Il y a deux autres intervenants et, s'il n'y a pas d'objection, nous pourrions poursuivre pendant quelques minutes au-delà de 18 heures.

Mme Lavoie-Roux: Pour quelques minutes, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Pour quelques minutes. Qu'entendons-nous par "quelques minutes"? Une quinzaine de minutes au maximum.

Mme Lavoie-Roux: Jusqu'à 18 h 10, à peu près.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Cela va. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Messieurs, vous avez vraiment soulevé mille questions, mille objections, et même vous avez proposé presque mille solutions dans votre beau mémoire qui nous vient de la commission scolaire des Mille-Îles. Contrairement aux petites chansons qu'on entend parfois quand cela vient des îles, vous nous proposez un exposé vraiment clair et lucide. Je vous félicite vraiment pour votre beau et bon mémoire, agrémenté, d'ailleurs, de magnifiques graphiques. Malgré que le ministre ne voie, dans vos objections, que des problèmes de moyens, j'y vois - je pense bien avec vous aussi - des oppositions de fond sur de nombreux articles. Dans le livre Bâtir ou détruire le Québec, auquel je référais précédemment avec le groupe qui vous a précédés, je lis ceci: "Notre avenir est lié au présent de l'école. Assumer ce présent, c'est avoir le courage d'une réforme de l'école qui soit aussi profonde que la crise des valeurs qui la perturbe actuellement. Changeons nos valeurs plutôt que nos structures."

Je vous pose quelques questions. Croyez-vous que cette restructuration scolaire du projet de loi 40 va vraiment réformer nos écoles et ramener les vraies valeurs qui ont fait, jusqu'ici, la fierté et l'orgueil de notre système scolaire? Croyez-vous aussi qu'elle va ramener la paix et la joie au travail, assurant, par exemple, le bonheur des enfants et leur succès, la concorde entre les parents et les professeurs, ainsi que la sérénité entre le ministre et les commissions scolaires? Je crois que votre réponse est contenue dans votre conclusion où vous dites à la page 18: "La commission scolaire des Mille-Îles croit plutôt que le ministre de l'Éducation aurait tout intérêt à consolider la réforme pédagogique entreprise avant de s'engager dans une restructuration."

Si vous voulez commenter ce que je viens de dire, c'est à votre guise, mais voici ma question: Qu'est-ce que vous entendez -je le sais un peu, mais c'est pour être plus objectif dans votre réponse - par "consolider la réforme pédagogique déjà entreprise"?

M. Miller: Quant à la consolidation, M. Potvin va vous répondre. Toutefois, j'ai une petite remarque à faire à la suite de vos commentaires. Vous comprendrez, M. le député, que le projet de loi 40 n'est pas la solution à tous les maux, en particulier dans sa version actuelle. Toutefois, et c'est une boutade, avec les amendements que la commission scolaire des Mille-Îles propose, peut-être serait-il la solution à tous les maux.

Le Président (M. Blouin): M. Potvin.

M. Potvin: M. le Président, je parle pour la commission scolaire des Mille-Îles. J'ai été, auparavant, directeur des services

éducatifs et j'ai rencontré assez de représentants d'autres commissions scolaires pour vous dire que les commissions scolaires du Québec, en général, ont été de fidèles collaboratrices du ministère en matière d'implantation des programmes et des politiques nationales dans le cadre de la réforme pédagogique du ministre de l'Éducation. Il est clair que cette réforme n'est pas acquise dans l'ensemble de nos écoles, pour l'ensemble de nos enseignants. Il y a encore beaucoup de mise à jour, de recyclage, d'information à donner pour qu'elle soit acquise et vécue.

On s'est fait dire, lorsque les règlements concernant le régime pédagogique furent promulgués, qu'on ne s'attendait pas que ces règlements soient appliqués de façon parfaite dès la première année. Avec les années, on pourrait en bonifier l'application, c'est clair et on en convient. Puisqu'on en convient, il faudrait maintenant laisser aux écoles, aux enseignants qui ont été impliqués dès le départ dans la réforme pédagogique, le temps de reprendre leur souffle, de reprendre le dessus et d'appliquer ce qui est proposé dans les règlements concernant le régime pédagogique. Là-dessus, on dit: Laissons-nous le temps de compléter cela avant de nous embarquer dans une restructuration.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Potvin.

M. Hains: M. le Président, juste pour dire que, moi aussi, je connais bien M. le ministre. Il est souvent immuable dans ses décisions. J'espère, avec vous, qu'il saura prendre en considération tous les amendements que vous avez apportés.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Henri. En quelques minutes, M. le député de Mille-Îles; en fait, en cinq minutes.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le Président. Une première remarque: II n'y a rien en commun entre le territoire du comté de Mille-Îles et la commission scolaire des Mille-Îles. Tous les deux sont sur le territoire de Laval. Je représente surtout les écoles de la commission scolaire Les Écores et le réseau scolaire Chomedey.

J'ai été un peu surpris en lisant votre mémoire. La commission scolaire des Mille-Îles a toujours été une commission scolaire avant-gardiste et très dynamique. Vous avez innové dans l'enseignement intensif des langues et vous avez connu beaucoup de succès. Je sais que, sur votre territoire, il y a beaucoup d'écoles qui ont des projets éducatifs assez audacieux et que vous les aidez financièrement. Vous reconnaissez la responsabilité de l'école; vous lui donnez des responsabilités, mais, d'autre part, vous ne voulez pas que le projet de loi 40 lui donne ces responsabilités. J'aimerais savoir s'il y a une contradiction; vous avez le désir, dans la pratique, de donner des responsabilités, mais vous ne voulez pas que la loi les donne. C'est ma première question, une deuxième suivra.

Le Président (M. Blouin): M. Potvin.

M. Potvin: On a dit qu'il n'est pas nécessaire de légiférer pour donner ces responsabilités au milieu-école. Vous avez apporté des exemples, inutile d'en rappeler d'autres. Dans un cadre autre que celui d'une loi, l'école peut se prendre en main.

M. Champagne (Mille-Îles): Si le ministre disait que ce sont des voeux pieux qu'à un moment donné on va suggérer de donner plus de responsabilités aux parents, on sait que dans la pratique cela n'atteindra peut-être pas les objectifs. C'est pour cela que les 40 000 parents qui sont représentés par la fédération des comités d'école nous ont dit qu'ils étaient d'accord et de leur donner les moyens.

Le deuxième élément est un peu plus délicat. Vous avez parlé de découpage du territoire de la ville de Laval. C'est très délicat. La commission scolaire des Mille-Îles se réfère à ce qui se passe sur le territoire de l'île de Montréal; la CECM sera découpée, d'accord, mais il y aura des populations de 30 000 étudiants et plus. Saviez-vous, M. Miller, que plus de 70% des commissions scolaires ont 5000 étudiants ou moins? Je pense que, dans ces commissions scolaires, on assure une qualité de services, une qualité d'enseignement.

Vous avez fait référence tout à l'heure au quartier Vimont. Les gens de Vimont ont dit qu'ils voulaient rester rattachés à la commission scolaire des Mille-Îles, mais ils n'ont pas demandé d'engloutir la commission scolaire Les Écores. Je pense que Les Écores peut donner encore un très bon service avec 5000 ou 6000 étudiants. La volonté du milieu - vous avez parlé de Vimont tout à l'heure -des gens des Écores, c'est de garder la commission scolaire telle qu'ils la connaissent actuellement.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Champagne (Mille-Îles): C'était un commentaire que je voulais faire.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Je vous remercie, M. le député de Mille-Îles. Sur ce, je remercie M. Miller et M. Potvin de leurs intéressants propos et de leur participation aux travaux de notre commission et ce, au nom de tous les membres de notre commission parlementaire. Nous

suspendons donc nos travaux jusqu'à ce soir... Nous avions l'habitude de nous réunir à 19 h 30. Est-ce que ce sera encore le cas?

Mme Lavoie-Roux: 18 heures, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): II est 18 heures.

Mme Lavoie-Roux: 20 heures, 20 heures'.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, ce sera à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 11)

(Reprise de la séance à 20 h 8)

Le Président (M. Blouin): La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux. Ce soir, nous entendrons successivement les représentants du Comité d'école de l'école Vaillancourt et ceux de la Fédération des travailleurs du Québec.

Sans plus tarder, j'invite les porte-parole du Comité d'école de l'école Vaillancourt à bien vouloir s'identifier et ensuite à nous livrer, en une vingtaine de minutes, le contenu de leur mémoire. Nous procéderons par la suite aux échanges d'opinions entre les membres de la commission et nos invités.

Comité d'école de l'école Vaillancourt

Mme Bouchard (Marie): Marie Bouchard, déléguée au comité de parents du comité Vaillancourt de Laval.

Mme Cloutier (Jocelyne): Jocelyne Cloutier, directrice de l'école.

M. Côté (Pierre): Pierre Côté, comité d'école, président de la garderie.

Mme Bouchard: M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs membres de la commission parlementaire, notre analyse du projet de loi a porté surtout sur la définition de l'école et des services éducatifs, de ses fonctions, du cadre d'opération que lui assigne la nouvelle loi au sein des commissions scolaires.

Aussi, nous n'avons pas retenu comme objets d'étude de notre comité les aspects de restructuration et d'intégration de même que le découpage géographique, linguistique ou autres. Cependant, tout ce qui contribuerait à un allégement des structures et à une rationalisation des services au plan national recevrait notre soutien et notre assentiment.

Dans un premier temps, nous préciserons notre position face à l'ensemble du projet de loi et exprimerons des demandes d'amélioration sur deux aspects qui nous apparaissent fondamentaux. La deuxième partie de notre mémoire propose des corrections plus mineures sur lesquelles nous n'insisterons pas puisque vous avez le texte écrit en main.

Le projet de loi dans sa globalité: Le projet de loi 40, dans son ensemble, rejoint plusieurs de nos préoccupations: volonté de décentralisation vers l'école, affirmation de la place des parents au sein de celle-ci. On ne l'a pas écrit, mais il est très clair qu'au sein du comité d'école la collaboration entre parents, enseignants et direction nous apparaît fondamentale et indispensable aussi à l'effort de rapprocher les entités intermédiaires de l'école. Quand on parle des intermédiaires, on pense surtout aux commissaires.

En ce qui nous concerne, l'orientation du projet de loi nous apparaît satisfaisante. Cependant, deux perspectives particulières nous inquiètent. La première a trait à la définition donnée aux services éducatifs d'une école et aux objectifs de l'éducation.

Pourquoi sommes-nous inquiets de la terminologie "services éducatifs"? Nous sommes allés voir au dictionnaire pour savoir ce que signifiait "éducation" et on a pris le dictionnaire que tout le monde connaît, le plus simple, le Petit Robert. On définit "éducation" comme la "mise en oeuvre des moyens propres à assurer la formation et le développement d'un être humain; ces moyens eux-mêmes." Alors, on ne comprend pas comment on a réussi à travestir, de notre point de vue, un terme de telle sorte que "services éducatifs" désignerait désormais, au primaire et au secondaire, services d'enseignement. Cela nous apparaît une régression importante par rapport au fait et à la façon de désigner l'éducation actuellement. Est-ce que ce glissement est volontaire? Nous comprenons mal pourquoi, par exemple, les services de formation seraient nécessaires en maternelle et ne le seraient pas au primaire et au secondaire.

Ici, je voudrais simplement rappeler l'intervention de la commission scolaire des Laurentides, cet après-midi, qui a insisté pour dire que l'école n'était pas d'abord un lieu d'instruction ou, en tout cas, surtout pas seulement un lieu d'instruction, mais un lieu d'éducation. Pour nous, parents, la formation que recevra notre enfant au niveau de sa personnalité globale est au moins aussi importante que l'enseignement qu'il reçoit. Il ne s'agit pas seulement, à notre avis, d'enseigner, mais de former les jeunes, de concourir au développement global et harmonieux de leur personnalité et ce, à tous les niveaux scolaires.

On nous dira que, dans le projet de loi, à l'article 1, on prévoit aussi des services complémentaires et des services particuliers,

mais nous trouvons très dangereux que l'éducation se résume à quelques services comme la vie étudiante en dehors de la classe; auquel cas, qu'est-ce que deviennent nos écoles?

Pour nous, favoriser le développement intégral de l'enfant d'une façon globale et harmonieuse signifie que l'école se préoccupera non seulement de la croissance de l'enfant au plan intellectuel, comme c'est affirmé, entre autres, à l'article 3, mais aussi dans les domaines psychomoteur, affectif, moral et religieux. De notre point de vue, c'est le sens même de l'institution école; sinon, il n'est pas certain qu'on enverrait nos enfants dans les écoles.

Aussi, le savoir-vivre est pour nos enfants aussi important, par exemple, que la connaissance des planètes du sytème solaire. Il est probable que le premier savoir lui servira beaucoup plus souvent tout au cours de sa vie. Un enfant a tout aussi besoin d'apprendre à gérer sa santé, à tenir compte de ce qu'il ressent et à l'exprimer de façon acceptable socialement, à interagir de façon positive avec d'autres êtres humains, qu'à savoir qu'il existe cinq continents dans le monde et de multiples nations. Savoir qu'il existe bien des gens différents, c'est une chose; apprendre à avoir de la tolérance avec des gens qui sont différents, non seulement de la tolérance, mais reconnaître que la différence est un enrichissement, cela peut être drôlement différent.

Aussi, nous proposons qu'à l'article 1 on ajoute le terme: "formation" au primaire et au secondaire. Ce qui deviendrait: "Les services éducatifs comprennent, à l'éducation préscolaire, des services de formation et d'éveil et, au primaire et au secondaire, des services de formation et d'enseignement." Je vais donner un tout petit exemple qui a d'ailleurs été soulevé au comité d'école. Si, par exemple, l'enseignant dans une classe a indiqué ce qu'était une pomme, ce qu'il y a dans une pomme et que c'est bon pour la santé, il a enseigné. Après cela, peut-il oublier, dans tout le reste de la vie scolaire, par exemple, que les enfants apportent des chips? Peut-on permettre n'importe quoi, au fond? Est-ce qu'une fois qu'on a dit que la pomme était bonne pour la santé, c'est suffisant puisqu'on l'a enseigné? Alors, on dit non. Nos attentes vont bien au-delà de cela.

À l'article 3, on demande que cela devienne: "Les services de formation et d'enseignement au primaire et au secondaire ont pour but de développer harmonieusement les ressources de la personnalité de l'élève. Ils comprennent l'ensemble des activités obligatoires et à option qui permettraient, au primaire, de favoriser les apprentissages fondamentaux nécessaires encore au développement global de l'élève, notamment - non seulement au plan intellectuel, comme proposé à l'article 3 - au plan physique, intellectuel, affectif, moral et religieux, à l'intégration de son expérience et à son insertion sociale."

Tous les autres articles qui suivent, 14, 28, 96 et 292, représentent tout simplement des aspects de concordance, où on ajoute "formation" avec enseignement, car, à partir de maintenant, de notre point de vue, quand on parle de services éducatifs, on devrait parler autant de la formation que de l'enseignement. Pour nous, cette définition est capitale dans le projet de loi.

Cela nous amène au deuxième aspect qui nous a intéressés au niveau du projet de loi, le paragraphe 1.2: Aménagement pour rendre l'école responsable face à la communauté qu'elle dessert. Même si nous devons reconnaître que le projet de loi fait un pas en avant en regard de ce qui existe actuellement, il nous semble qu'il est plutôt timide - en tout cas trop timide - dans les pouvoirs qu'il donne au milieu local. Nous regrettons, mais nous ne considérons pas la commission scolaire comme un pouvoir local. Quand on regarde une commission scolaire comme celle de Montréal et qu'on parle d'un pouvoir local, j'ai de drôles de doutes sur ce que peut signifier "un pouvoir local". Pour nous, le pouvoir local est un quartier, un milieu d'une entité donnée qui a des ressemblances suffisamment grandes pour pouvoir se retrouver.

Ainsi, on ne peut concevoir comment l'école peut, être autonome dans son développement et, en même temps, être soumise aux décisions et normes d'une commission scolaire, particulièrement au niveau pédagogique - on retrouve certains des éléments dans le projet de loi - mais, notamment, au niveau budgétaire, au niveau de l'affectation des ressources humaines.

Si l'école doit être communautaire, il faudrait lui donner les ressources pour le devenir et il faudrait, en tout cas, à notre avis, commencer par affirmer les pouvoirs de celle-ci plutôt que de faire connaître ses limites. L'article 90 parle des limites des pouvoirs de l'école. C'est le premier article qui touche à l'école. Cela nous pose un problème.

Nous accepterions que l'article 90 soit déplacé vers la fin, juste avant la commission scolaire, et qu'il dise que l'école exerce ses fonctions dans le cadre des politiques établies par la commission scolaire. Nous reconnaissons la nécessité d'une coordination et d'un minimum de politiques plus globales. Cela nous apparaît important et même souhaitable. Cela peut même être un besoin et nous aider. Mais il faudrait clairement limiter ces pouvoirs. Par exemple, à l'article 202, en ce qui a trait à la répartition des services éducatifs, on souhaiterait que soit précisé dans le projet de loi - cela nous apparaît important - que la commission scolaire répartit les services

éducatifs, mais en tenant compte des projets éducatifs locaux. Sinon, on va les répartir comme avant et qu'est-ce qui aura changé?

Au niveau du calendrier scolaire, d'accord, la commission scolaire fixe la détermination du calendrier scolaire s'il y a des contraintes et que le transport oblige de le faire, mais, s'il n'y a pas de contraintes de ce genre, pourquoi l'école ne déterminerait-elle pas son propre calendrier?

À notre avis, les articles 204, 205 et 207 devraient faire partie de la définition des pouvoirs de l'école: par exemple, l'information à la population de son quartier, l'évaluation des apprentissages. Nous comprenons que les commissions scolaires demandent l'évaluation des apprentissages. On sait très bien que l'évaluation conditionne ce qui va se faire dans les écoles, et vous le savez très bien. Si on remet l'évaluation à la commission scolaire, alors remettons-lui tous les pouvoirs.

De la même façon, au niveau de l'organisation des services aux enfants en difficulté, qui connaît ces enfants en difficulté? Ce sont les enseignants, la directrice d'une école et les parents d'une école, les gens d'un milieu donné. Ce sont eux qui connaissent les besoins de ces enfants et qui peuvent aller chercher et demander les ressources en fonction de ces besoins.

De notre point de vue, l'article 199 devrait être un des articles fondamentaux, c'est-à-dire que la commission scolaire a comme fonction primordiale et première d'assurer le soutien à l'organisation pédagogique des écoles. C'est ce qu'affirmait, d'ailleurs, la commission scolaire des Laurentides en disant: On est là uniquement pour les enfants et on doit être au service des enfants. Les personnes intermédiaires qui interprètent les besoins des enfants sont les gens au niveau d'un quartier, les enseignants, la direction et les parents d'un quartier.

À l'article 209, je voudrais simplement préciser que la commission scolaire établit les critères, les politiques, un certain nombre de critères de rationalisation. Cela nous apparaît important qu'il y ait cette coordination. Mais, au-delà de cela, l'application et la façon de gérer l'organisation et d'en décider, c'est à l'intérieur de l'école que cela se fait.

L'article 212, c'est dans le même esprit. Je ne ferai pas de commentaire.

L'article qui nous paraît parmi les plus fondamentaux est l'article 236. Il y a eu d'ailleurs une intervention de Mme Thérèse Lavoie-Roux que j'ai beaucoup appréciée cet après-midi. Elle disait que, s'il y avait approbation des budgets par la commission scolaire, il pouvait y avoir un danger important de conflit entre les écoles et la commission scolaire. On pense effectivement que cela pourrait beaucoup provoquer cela et que c'est parfaitement inutile. Si l'école a un budget qui lui est attribué, pourquoi ne serait-elle pas capable de répartir ce budget? Qu'il y ait un contrôle si c'est indispensable ou si c'est nécessaire et que ce contrôle ou une vérification soit effectuée par la commission scolaire de façon que chacune des entités ne dépasse pas ce qui lui est alloué, parfait! Cela va de soi qu'il faut des mécanismes de contrôle. Mais, au-delà de ceux-ci, pourquoi demanderait-on une approbation?

Voici un petit exemple là-dessus. Une personne de notre quartier qui était, il y a trois ou quatre ans, présidente du comité d'école est actuellement commissaire. En quoi cette personne est-elle plus compétente maintenant pour prendre des décisions simplement parce qu'elle a été élue commissaire? Nous pensons que, quand cette personne était présidente du comité d'école, elle était aussi compétente que maintenant. Est-ce que, du seul fait d'être élu commissaire, on deviendrait soudainement compétent?

Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon, je m'excuse, mais vous avez déjà...

Mme Bouchard: ...dépassé...

Le Président (M. Blouin): Vous n'avez pas encore dépassé. Il vous reste encore quelques minutes et vous avez présenté à peine la moitié de votre mémoire. Je vous demande donc de résumer ce qui suit pour que nous puissions ensuite passer aux échanges entre les membres de la commission et les représentants de votre groupe.

Mme Bouchard: D'accord. Je vous ferai remarquer, M. le Président, qu'on a presque terminé puisque la section II, à la page suivante, traite de corrections mineures...

Le Président (M. Blouin): Ah! Très bien! alors, allez-y.

Mme Bouchard: ...sur lesquelles nous n'interviendrons pas.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, allez-y.

Mme Bouchard: Nous demandons, à l'article 236 que la commission scolaire vérifie si les prévisions budgétaires de l'école respectent le budget et que son rôle n'aille pas plus loin que cela.

À l'article 131, évidemment, enlever le terme "approuvé", de façon à dire: Le budget de l'école constitue des crédits distincts et les dépenses pour cette école sont imputées à ces crédits. L'école aura la responsabilité

de préparer, de gérer son budget et de faire rapport à la commission scolaire. Les prévisions des écoles, évidemment, doivent maintenir l'équilibre entre les dépenses et les ressources financières allouées à l'école. Reliée à cet aspect du budget est la demande de ressources humaines pour laquelle, à notre avis, il devrait y avoir le respect le plus total, compte tenu du projet éducatif de l'école et, bien sûr, des ressources de la commission scolaire. On en est conscient.

Voilà pour les aspects essentiels de nos discussions, les autres aspects étant complémentaires et beaucoup moins importants dans le débat de ce soir.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Gagnon.

Mme Bouchard: Bouchard.

Le Président (M. Blouin): Pardon? Mme Bouchard, je m'excuse. M. le ministre.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier le comité d'école de l'école Vaillancourt pour son intéressante et utile contribution à nos travaux. Nous sommes sûrement d'accord avec vous pour dire que l'éducation comprend beaucoup plus de choses que les services d'enseignement. Elle comprend tout ce qui concourt à la formation sur tous les plans, dans toutes les dimensions du développement de la personnalité. Je n'en veux d'ailleurs pour preuve que cette définition que nous donnons de l'école, à l'article 28, quand nous disons que l'école est un établissement d'enseignement qui est destiné à assurer l'éducation des élèves dans le cadre de son projet éducatif et qui exerce ses activités avec la collaboration des parents, du personnel de l'école et des élèves. C'est peut-être en vertu de vieilles habitudes législatives que nous avons l'habitude de définir des services, mais nous réfléchirons quand même à la possibilité que vous nous offrez d'être encore plus clair, plus explicite et d'ajouter le mot formation, lorsqu'il est utile ou nécessaire pour la compréhension de l'objet du projet de loi, même au chapitre I.

En fait, le projet de loi vise à favoriser, par tous les moyens, une meilleure qualité de l'enseignement, en favorisant l'émergence et la réalisation de projets éducatifs propres à chaque école, projets éducatifs qui visent à inciter le personnel de l'école, les intervenants de l'équipe-école à mettre ensemble leurs compétences, leurs responsabilités, leur savoir pour identifier les priorités de l'école, les besoins de l'école, les besoins des enfants, des élèves, justement dans toutes les dimensions de leur personnalité, et pour permettre à ces intervenants de l'équipe-école d'utiliser à cet égard le régime pédagogique, les programmes, mais aussi les ressources de tout le personnel, toutes les activités qui sont prévues à l'école ainsi que tous les moments que l'enfant passe à l'école. Nous croyons qu'en facilitant l'émergence et la réalisation de ces projets éducatifs, nous allons non seulement donner une saveur locale au projet éducatif, mais surtout permettre aux enfants de recevoir de l'école ce qu'ils doivent y recevoir d'une façon prioritaire en fonction des lacunes, par exemple, qui ont pu être constatées et surtout en fonction des objectifs d'une formation totale. (20 h 30)

C'est là un but majeur du projet de loi et ce serait d'ailleurs là la première question que j'aurais à vous poser: Vous, membres du comité d'école, êtes-vous d'avis que ce que contient à cet égard le projet de loi pour faciliter l'émergence et la réalisation du projet éducatif est non seulement justifié, mais impératif pour inciter, permettre et favoriser la mise en place et la réalisation de projets éducatifs dans chacune des écoles du Québec? Voilà ma première question. Croyez-vous qu'il faille aller jusqu'où va le projet de loi pour permettre et favoriser l'émergence et la réalisation de projets éducatifs? Incidemment, j'aimerais bien savoir quel est le projet éducatif que vous vous êtes donné à votre école et comment vous entendriez utiliser ce que prévoit le projet de loi pour l'identification de vos priorités et leur réalisation.

Ma deuxième question est un peu connexe à la précédente, en même temps qu'elle en découle: Comme vous le constatez, on prévoit la constitution d'un conseil d'école qui réunit les divers intervenants de l'école. Parmi ces intervenants, il y a les parents qui, jusqu'ici, n'avaient qu'un rôle consultatif et qui, désormais, auront un rôle décisionnel. Croyez-vous utile, important ou essentiel que le projet de loi prévoie ainsi cette participation des parents? Selon vous, les parents peuvent-ils apporter une contribution essentielle à l'identification des priorités du projet éducatif et à la réalisation de ces priorités? En conséquence, voyez-vous leur contribution essentielle? Deuxièmement, pensez-vous qu'ils ont le temps, l'énergie, la capacité et la compétence pour le faire? Croyez-vous qu'ils peuvent le faire dans un esprit de concertation avec les autres agents ou les autres intervenants de l'école? Croyez-vous absolument inévitable ou fatal que cela ne puisse mener qu'à des confrontations, des conflits et des politisations au niveau de l'école et en particulier du conseil d'école?

Le Président (M. Blouin): Mme

Bouchard.

Mme Bouchard: M. le Président, je ne sais pas si je pourrai répondre, je vais essayer en tout cas. C'est presque un discours qu'il me faudrait faire pour couvrir l'ensemble. Je vais essayer très rapidement. Justifier ce projet de loi c'est sûrement impératif et, au moins, ce qu'il y a là-dedans, qui, d'après nous autres, n'est pas assez par rapport à nos besoins, c'est déjà un pas dans le sens de ce que nous faisons, dans le sens aussi de ce que notre commission scolaire fait, qu'elle vous a d'ailleurs présenté, mais il faut aller plus loin en avant. Donc il est impératif de justifier.

Notre projet éducatif. Ici, il faudrait presque faire une petite histoire mais il y a trois ans on s'était réuni, un groupe d'enseignants, de parents et la direction, pour essayer d'établir ce que serait le projet éducatif de nos écoles. On a essayé de voir un peu et d'entendre les parents, les enseignants et finalement on s'est dit: Plutôt que d'essayer de définir à partir de ce que nous voudrions comme projet éducatif dans nos écoles, si on essayait d'épouser le mouvement des parents, des enseignants et des enfants dans nos écoles et qu'en épousant ce mouvement et en le soutenant se dessine un projet. C'est là-dedans qu'on est. Il n'est pas encore dessiné, pas aussi beau que dans plein de beaux projets d'école. On n'a pas de beaux projets écrits encore, mais plein de choses se font. Il y a des enseignants et des parents qui travaillent ensemble sur ce qu'ils voudraient voir comme travail à domicile. Il y a des enseignants qui ont une tendance plus progressiste et il y en a d'autres qui sont un petit peu plus lents dans le sens de certaines orientations que plusieurs d'entre nous voudraient privilégier.

On s'est dit que, de la même façon que le gouvernement tentait actuellement de différencier vers les écoles, si on n'avait pas le même effort de différenciation vers les enfants, vers les classes et vers les enseignants dans les classes, ce serait tout à fait absurde. C'est plus dans un climat de soutien à l'expression des différences et à l'acceptation de ces différences.

Comme parent, est-ce que je crois la contribution essentielle? Si je n'y croyais pas je ne serais pas ici aujourd'hui et je ne serais surtout pas ici comme parent parce que j'aurais pu utiliser d'autres tribunes et d'autres possibilités. Si j'y suis comme parent c'est que ça m'apparaît fondamental, c'est aussi que j'ai vu d'assez près des écoles qui ont tenté d'innover sans l'accord des parents. J'ai vu personnellement - et je pense que ceux qui m'entourent pourraient vous en dire autant - que quand un parent est en désaccord avec ce qui se passe à l'école, le désaccord va vite vers l'agressivité. Et, quand un parent est en désaccord et agressif, ça va vite vers un enfant désinvolte et révolté dans une classe, de sorte que, s'il n'y a pas entente et concertation possibles entre les parents et les enseignants dans un milieu, disons-nous tout de suite qu'on défait les uns et les autres ce que nous faisons chacun de son côté.

Jocelyne aurait quelque chose à dire là-dessus.

Mme Cloutier: Je voudrais revenir à votre première question, M. le ministre. Je trouve rassurant que vous parliez du projet éducatif en ces termes, c'est-à-dire dans le sens que chaque projet soit le résultat d'une démarche et d'un besoin d'un milieu particulier. Or, dans la mesure où on accepte la différence et, par conséquent, la diversité des projets, je pense qu'il est facile de comprendre qu'il faut accepter en même temps le principe que, les besoins étant différents, les ressources devront être affectées en fonction des besoins. C'est la raison pour laquelle, je pense, il faudrait, dans le projet de loi, assurer les milieux qu'ils auront les pouvoirs nécessaires pour prendre les décisions pertinentes au projet qui aura été élaboré dans le milieu.

Je donnerai comme exemple la question de l'intégration des enfants en difficulté d'adaptation. Il se peut que dans un milieu -vous avez parlé de priorité tantôt - ce soit une priorité l'an prochain. Dans cette hypothèse, on peut penser que les enseignants auront besoin d'appui, d'aide; et une école pourrait, s'étant donné cette priorité, renoncer à certains autres projets qu'elle ne jugerait pas essentiels pour privilégier une telle démarche. Or, il n'est pas certain que dans l'école voisine on aurait choisi de faire la même expérience au même moment. C'est la raison pour laquelle l'école a besoin de pouvoir gérer, selon ses besoins, les ressources ou le budget qui lui seraient alloués.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mmes Cloutier et Bouchard. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier de leur mémoire les parents de l'école Vaillancourt, laquelle est située dans la région de Laval, si je ne m'abuse.

Mme Bouchard: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: J'ai quelques questions précises à vous poser, mais ce qui me frappe dans votre mémoire, c'est évidemment le désir que vous avez que l'école ait le plus de pouvoirs possible, c'est-à-dire qu'on lui donne la plus grande latitude possible pour répondre aux besoins locaux et réaliser son projet éducatif. Je pense qu'en

soi c'est un désir légitime.

Mais ce qui m'inquiète un peu... j'ai l'impression que, finalement, vous regrettez peut-être le fait que le projet de loi ne retienne pas la corporation légale qui avait été retenue - est-ce que je me trompe? -ou, enfin, présentée dans l'école communautaire, dans le livre blanc sur l'école communautaire et responsable. Autant je trouve que, d'une part, comme je le disais, vous exprimez des désirs qui peuvent être légitimes pour une école, autant j'ai l'impression que vous vous détachez d'un milieu un peu plus large, évidemment dans le sens d'un territoire plus grand, où il n'y a pas uniquement votre école, mais d'autres écoles ayant des besoins différents, une clientèle différente, dans des milieux plus ou moins favorisés que le vôtre, je l'ignore. Cela, du point de vue d'une responsabilité envers une société un peu plus large. Je ne parle pas de la grande société du Québec, mais même d'une société à l'échelle d'une région ou à l'échelle d'une ville assez importante, cela m'inquiète. Pourquoi je vous dis cela? Parce que vous dites, à l'article 202 en page 4: "La commission scolaire répartit les services éducatifs dans les écoles de son territoire conformément aux besoins et aux demandes exprimés par les écoles en tenant compte des projets éducatifs locaux." Finalement, vous ne laissez pas beaucoup de marge pour cette redistribution dont plusieurs ont parlé, ici, comme d'une nécessité au plan social. Alors, j'aimerais avoir votre réaction à ce sujet. Je peux comprendre le projet que vous voulez, mais il me semble un peu détaché de la réalité un peu plus grande de la région ou du milieu plus large où votre école est située et où elle n'est pas la seule.

Mme Bouchard: J'apprécie personnellement beaucoup cette remarque. Je pense que les membres de notre comité d'école l'apprécieraient énormément. La dernière discussion de fond a posé le problème de l'inégalité des chances au niveau de la société québécoise et de l'inégalité des chances dans notre quartier, et on a pris conscience qu'il y avait cinq familles dont les enfants ne mangeaient pas tous les jours. Le problème que vous posez m'apparaît fondamental.

À notre avis, il n'est pas question d'aller chercher pour nous seuls ce qui pourrait être distribué de façon plus équitable. Il est apparu clair, lorsqu'on a discuté de ce projet, qu'on accepterait même une enveloppe réduite pour notre école, mais qui nous appartienne, la commission scolaire ayant une enveloppe qui pourrait s'appeler "Enveloppe pour projets spéciaux ou besoins spéciaux". Si cela devait réduire notre enveloppe, je suis persuadée que notre école n'hésiterait pas à le faire pour que d'autres milieux, qui ont moins de chance que nous, aient droit... Bien sûr, mais on ne se leurre pas non plus là-dessus. L'école ne corrigera pas, à elle seule, les inégalités sociales. On est prêt à y contribuer, même si on sait que le coeur du problème n'est pas là, mais on peut y travailler et je pense que votre souci est le nôtre. En voulant avoir plus d'autonomie, cela ne doit jamais, de notre point de vue, être au détriment des autres. Ce n'est pas dans cet esprit que cela s'est fait. C'est uniquement à l'intérieur de ce qui pourrait nous concerner, tout en respectant ces besoins spécifiques, et cela nous apparaît possible.

Mme Lavoie-Roux: Je ne mets pas du tout en doute votre souci et votre sincérité que votre école ou votre comité d'école ait eu à l'égard de ce problème quand vous dites: On serait même prêt, dans une perspective de redistribution, de sacrifier une partie de notre budget au bénéfice d'une autre école ou d'un autre milieu qui en aurait davantage besoin. Mais il faut bien se dire que vous êtes un comité d'école durant les années 1984, 1985 et 1986. Un autre comité d'école vous succède et une autre école, à côté, de la même commission scolaire, ne pense peut-être pas de la même façon. (20 h 45)

À mon point de vue, si le projet de loi prévoyait des choses aussi précises que celles que vous demandez ou que vous décrivez, le danger serait grand que les écoles n'aient pas toutes le même souci que vous avez et qu'on se retrouve devant une situation injuste. Il ne faut pas oublier - on l'a même vécu jusqu'à maintenant, peu importent les responsabilités qui étaient données aux comités d'école même à l'intérieur d'une commission scolaire - comment les écoles peuvent être en concurrence les unes avec les autres. Elles font quand même des représentations budgétaires et il est difficile, même au niveau d'une commission scolaire, de faire une péréquation un tant soit peu redistributrice des ressources.

Mme Bouchard: C'est simplement pour dire que, de notre point de vue, cela devrait être prévu. Il est possible de le prévoir, tout en respectant l'autorité locale au sein de la même commission scolaire. Je sais bien que, si l'on demande, chaque fois, à chacun des comités d'école de sacrifier tant de leur budget, cela ne se fera pas ou ce sera difficile à faire. Mais s'il est prévu qu'il y a un budget de tant pour chacune des écoles que chacune gère, quitte au besoin, si cette enveloppe devait diminuer, à ce qu'il y ait une enveloppe relativement - peu importe, je ne connais pas l'ordre de grandeur des montants, je n'ai pas travaillé assez longtemps au sein des commissions scolaires pour le savoir - équitable en marge de cela,

pour permettre des projets spéciaux dans des milieux qui ont davantage besoin. Cela devrait être davantage prévu, je suis d'accord avec vous, mais cela n'empêche absolument en rien que chaque école soit autonome au niveau de la gestion de son budget; c'est tout simplement dans la façon de prévoir les répartitions que le gouvernement peut établir des critères différents.

Mme Lavoie-Roux: C'est en tenant compte des projets éducatifs locaux... Vous demandez, dans le fond, un budget global que vous pourriez administrer vous-même à partir de normes établies soit au niveau du ministère ou de la commission scolaire, mais que vous pourriez l'administrer.

En page 10 - je ne veux pas trop prendre le temps de mes collègues - vous demandez - que les articles 316, 317, 318 et 319 soient biffés. Ces articles ont trait à la révocation ou à la suspension du permis d'enseignant. Un peu avant, dans votre mémoire, vous parlez aussi du pouvoir qui devrait être donné à la commission scolaire de résilier en n'importe quel temps j'imagine avec des raisons qui seraient valables - le contrat ou l'engagement du directeur d'école. Ce n'est pas ce que vous avez dit?

Mme Bouchard: Pas à n'importe quel temps, le conseil devant faire la preuve de l'incapacité du directeur...

Mme Lavoie-Roux: Oui, oui, mais vous pourriez... Le contrat est prévu pour trois ans; entre-temps, vous pourriez résilier pour cause de...

Mme Bouchard: ...d'incapacité, mais en en faisant la preuve.

Mme Lavoie-Roux: ...en faisant la preuve.

Mme Bouchard: Nous demandons d'ajouter cela.

Mme Lavoie-Roux: II reste que, dans ces deux cas, tant dans le cas de la révocation des permis pour les enseignants que dans le cas de la résiliation du contrat du directeur d'école, il me semble que vous demandez beaucoup de pouvoirs pour le comité d'école. Il semble bien que cela relèverait uniquement de votre décision que la suspension ou la révocation d'un permis d'enseignant, alors que vous savez fort bien, parce que vous avez des enfants à l'école, que vous êtes des parents. À l'intérieur d'une école, il y a aussi des conflits d'intérêts, non pas dans un sens pécuniaire, mais dans le sens de sa propre implication à l'endroit de ses enfants, à l'endroit du professeur qu'on juge bon ou moins bon pour ses enfants. Souvent, on a vu des cas quelquefois justifiés, d'autres fois, qui l'étaient moins, de parents qui demandaient non pas le renvoi d'un professeur, mais son tranfert dans une autre école, etc. Ce sont des pouvoirs, à moins qu'ils ne soient un peu mieux balisés, qui me semblent très grands pour un comité d'école et qui, dans le fond, ne seraient pas à l'avantage du fonctionnement du conseil d'école.

Le Président (M. Blouin): Mme Bouchard.

Mme Bouchard: En réponse à votre question, peut-être qu'on n'a pas bien exprimé ce qu'on voulait dire mais, à l'article 315, on laisse la possibilité au ministre de suspendre et ce n'est pas à nous à toucher à cela. Cela ne nous paraît pas être de nos fonctions. Ce qu'on refuse, c'est que n'importe quel parent, à propos de tout et de rien, aille se plaindre au ministre. De notre point de vue, c'est précisément dans le souci d'équité que vous formulez que nous demandons que cela n'existe pas, c'est-à-dire qu'on ne puisse pas aller se plaindre n'importe quand d'un enseignant qui est un professionnel. Nous ne voulons pas que, pour toutes sortes de raisons, parce que ses valeurs sont différentes des nôtres, on aille se plaindre au ministre. Cela nous apparaît tout à fait inadmissible.

Si un parent est en désaccord, il peut venir au comité d'école maintenant. Enfin! il y aura une autorité identifiée parce que, jusqu'à maintenant, on nous dit: Ah'. Cela dépend de la commission scolaire, cela dépend du ministère, cela dépend du directeur, cela dépend du syndicat. Cela dépend toujours de quelqu'un qu'on n'arrive jamais à voir. Là, on saura qui on pourra voir, les gens membres d'un conseil d'école, et on pourra leur dire: II y a un problème là. Puis, ils pourront en discuter. Cela nous apparaît beaucoup plus normal comme démarche. On n'aurait absolument aucune objection si, après discussion si, après essai d'un règlement au niveau local avec la direction ou avec le conseil d'école - d'abord avec l'enseignant, ensuite avec la direction et éventuellement avec le conseil d'école - il fallait aller vers le ministre, en tout cas, je ne pense pas qu'on aurait objection. Mais, on prévoit comme cela de façon relativement simple que toute personne intéressée peut porter plainte au ministre contre un enseignant. En tout cas, cela nous apparaît discriminatoire contre des professionnels avec lesquels on a le goût de travailler, qui sont nos collaborateurs, qui ne sont pas des gens contre qui on veut travailler, qui sont ceux qui aiment, comme nous, nos enfants, qui sont les seules personnes sur qui on puisse s'appuyer. Alors, on pense qu'il peut y avoir

discrimination de certains parents et exagération si on donne possibilité de plainte n'importe quand, n'importe comment. C'est dans le même sens que vous le demandez.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse. Vous avez raison. Je n'avais pas vu que l'article 315 n'était pas biffé. Mais dans le cas où des parents porteraient plainte au comité d'école, si on est d'accord avec ce ou ces parents et que vous demandiez... Ce n'est pas nécessairement une suspension ou une révocation de permis. Cela peut être simplement un transfert parce que vous jugez que l'enseignant ne s'adapte pas au projet éducatif, etc. À ce moment, vous feriez vos représentations à la commission scolaire.

Mme Bouchard: C'est cela. Mais l'expérience aussi nous le dit et on peut espérer que cela pourrait se passer, dans bon nombre d'écoles, comme cela: Lorsqu'il y a un parent qui est en désaccord, il y en a parfois un à côté qui est d'accord. On espère qu'enfin les enseignants vont cesser d'être les boucs émissaires de parents en désaccord entre eux. Actuellement, que se passe-t-il dans notre système scolaire? Très souvent, les enseignants sont devant des demandes contradictoires. Ils ont beau essayer de gérer cela - c'est vrai aussi pour la direction de l'école - ils le gèrent de leur mieux mais comment peut-on gérer dans une même classe une demande pour un enseignement très humaniste ou humaniste sociocentriste et en même temps une autre pour un enseignement très systématique? Cela ne se gère pas. Ce n'est pas possible. On ne gère pas des contradictions en même temps. L'enseignant fait de son mieux. Le parent X est insatisfait et le parent Y est insatisfait. Résultat: Tout le monde est insatisfait de l'école publique et un certain nombre retire leurs enfants et les envoie ailleurs.

De notre point de vue, ce qui se passe actuellement... Quand on parle de conflit, cela me donne peut-être l'occasion d'en dire un mot. De mon point de vue, les conflits latents - c'est là le mien et c'était très partagé au comité d'école - sont beaucoup plus graves. Les conflits latents, non dits, où le parent à la maison dit: II ne se foute rien à cette école, il ne s'enseigne rien, on ne sait pas ce qu'ils font, qu'est-ce que nos enfants apprennent? Ces conflits sont beaucoup plus importants que ne pourrait l'être n'importe quel des conflits ouverts qui pourraient exister dans une école et, jusqu'à preuve du contraire, les médecins n'hésitent pas à opérer lorsqu'il faut extraire un corps qui est vraiment malade à l'intérieur d'un organisme. Pourquoi aurait-on tant peur lorsque c'est nécessaire de faire une opération?

Mme Cloutier: En parlant de conflit, je voudrais revenir aussi sur la deuxième question du ministre concernant l'intervention des parents ou leur participation à l'école. Selon l'expérience que j'ai de cette vie commune, depuis 18 ans que je suis à la même école, cette année, nous avons 21 parents, c'est-à-dire le maximum de parents au comité d'école, et deux parents suivent régulièrement les réunions parce que, malheureusement, ils auraient souhaité être membres du comité d'école, mais il y a une limite quant au nombre.

Donc, la disponibilité des parents ne fait aucun doute, à mon avis, selon les expériences que j'ai vécues. Quant à leur capacité de s'entendre, il me semble que si on est assis autour de la même table, qu'on a défini ensemble des projets, il est sûrement possible qu'il y ait à certains moments divergence d'opinions, mais je pense que la situation en soi favorisant le dialogue nous permet d'espérer qu'il y aura possibilité de trouver des consensus.

Actuellement, lorsque les décisions qui font l'objet d'un certain mécontentement sont prises à l'extérieur - en général, avec de bonnes raisons, parce qu'elles ont été prises pour un ensemble d'écoles - si elles ne conviennent pas à un milieu, il est difficile pour les gens de s'exprimer puisqu'il faudrait aller à un autre palier. L'avantage de la structure qui est proposée permet aux parents d'être fréquemment en contact, d'être très près des gens qui prendraient les décisions, donc, de favoriser le dialogue, et on peut espérer que dans ces conditions il y ait plus de chance que les conflits soient réglés.

Mme Lavoie-Roux: Merci bien.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci M. le Président. Permettez-moi d'abord de saluer les représentants de l'école Vaillancourt qui est située dans le comté de Fabre et qui est une école reconnue pour son dynamisme relié précisément à la participation du milieu, à la participation des parents.

À cet égard, j'aurais une seule question, M. le Président. Dans certains milieux, on critique cette formule de participation directe, la reliant à l'échec, selon le point de vue, mais, en tout cas, au prétendu échec ou au véritable échec que connaît cette formule dans les cégeps, les CLSC, les hôpitaux. On prétend également que cette formule favorise finalement une minorité de parents actifs ou plus instruits et que la formule va défavoriser les milieux où les parents sont moins instruits.

Je vais vous lire un extrait d'un article de Mme Lysiane Gagnon qui s'intitule: "Les

conscrits de la participation". Ce sont les parents, bien sûr, qu'elle vise. Seulement quelques lignes qui résument son article: L'infime minorité de parents déjà active dans des comités d'école se réjouira de cet accroissement de pouvoirs, mais, pour la majorité des parents que la loi obligera à participer sans qu'ils l'aient jamais ni souhaité ni demandé, cela équivaudra à une sorte de conscription. J'aimerais avoir votre opinion sur cette critique qu'on a entendue à plusieurs reprises également en commission.

Le Président (M. Blouin): Mme Bouchard, oui.

Mme Bouchard: Merci, M. le Président. Je vous avoue que j'ai lu ses articles avec beaucoup de révolte. Pour moi, c'est le mépris du peuple québécois et particulièrement des ouvriers québécois. C'est mépriser les gens de nos milieux que de dire qu'ils ne sont pas capables, qu'ils ne veulent pas, parce qu'on sait que cela n'est pas vrai pour peu qu'on leur ouvre les portes. Bien sûr, quand les portes sont fermées, il est difficile d'entrer.

Il est vrai que c'est une minorité de parents qui, dans ce projet de loi encore, sans doute, gérera l'école, mais est-ce que c'est une minorité plus ou moins importante que si ce sont seulement les commissaires qui gèrent? Bon. C'est donc un pas en avant. Ce n'est pas encore le grand pas et probablement qu'on n'est pas encore prêt à le faire dans l'ensemble des milieux, ce grand pas. Mais de là à penser que, demain matin ou demain soir, tous les parents devront venir à une réunion de notre école et qu'ils vont devoir venir toutes les semaines pour se prononcer, je trouve que c'est une farce monumentale. Qu'il y ait un comité d'école qui veuille aller sonder ce que pense son monde, ce que pensent les parents, ce qu'on fait régulièrement, nous avons l'impression que deux bonnes assemblées, exactement ce qu'on a chaque année, suffisent pour aller sonder, pour percevoir ce que ressentent nos gens en regard des grandes politiques et des grandes orientations de l'école. Au-delà de cela, on va continuer comme on le fait maintenant à gérer en collaboration avec l'école; la seule différence c'est qu'on sera décisionnel. La "réunionite" et toute la grande peur que tout le monde soit obligé de venir demain matin, particulièrement que les femmes soient lésées là-dedans... Figurez-vous que les femmes sont parfois très heureuses de laisser les enfants au foyer et de pouvoir s'occuper d'autres choses que de changer des couches. (21 heures)

Mme Cloutier: Je voudrais ajouter qu'il y a différentes formes de participation. On peut demander aux parents d'assister à une réunion. On peut utiliser le sondage. Je donnerai un exemple. Il y a trois ans, j'ai fait un sondage auprès des parents. Ce sondage contenait six pages de questions, une page d'explications. Il s'adressait au père et à la mère, aux deux parents. Or, 71% des parents de l'école y ont répondu. C'était une autre façon d'aller chercher la participation des parents et de connaître leur opinion et leurs choix. Je conviens qu'il ne faudrait pas abuser des sondages, mais il faudrait peut-être trouver d'autres moyens originaux de les faire participer. On a une preuve que lorsqu'on sait tenir compte de leur disponibilité, du type de disponibilité qu'ils ont, il y a différents moyens qu'on peut utiliser.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: J'ai été agréablement surpris de votre intervention qui fait la distinction entre l'instruction et l'éducation. Je me dis comme vous, à quoi bon former des experts en micro-ordinateurs, si on ne peut pas former les esprits et les coeurs de nos enfants? À quoi bon restructurer des cadres du système scolaire si nous oublions, comme vous le dites vous-mêmes, les valeurs psychomotrices, affectives, morales et religieuses? Je vous lance des fleurs, Mme Bouchard, ainsi qu'à votre compagne et compagnon sur ce sujet. Vous comprenez fort bien que seule la concertation parents-professeurs pourra apporter une excellente éducation à nos enfants. Votre noble souci devrait animer tous les agents formateurs de notre jeunesse.

Après ces fleurs, je vous pose une question. J'ai une crainte cependant et je vous demanderais de la dissiper si c'est possible. Est-ce que ce partage des responsabilités pour satisfaire tous les intervenants, parents, enseignants, directeurs et ministère, est possible avec le projet de loi 40 actuellement?

Le Président (M. Blouin): Mme

Bouchard.

Mme Bouchard: Le projet de loi pourrait aller plus loin. La seule réponse que je peux vous donner est déjà donnée: c'est un pas en avant, c'est un pas dans le sens où nous voulons aller; c'est un pas qui ne va pas assez loin, selon nous, mais quand on regarde l'ensemble des intervenants, on est obligé de comprendre qu'il va peut-être assez loin. Au fur et à mesure, si on accepte de s'en aller dans ce sens-là, il nous apparaît qu'on a plus de chance de réussir à donner à l'enfant - j'allais dire une éducation d'une plus grande qualité, mais je crains toujours ces mots - une éducation qui se rapproche sans doute davantage des attentes et des

besoins des parents. J'ai le goût d'ajouter quelque chose parce que cela m'apparaît important. Je pense justement au journaliste qui disait: Ce n'est pas vrai que la famille et l'école doivent fusionner. Je pense effectivement que ce n'est pas vrai, que ce sont deux entités distinctes et qu'elles doivent demeurer distinctes, mais elles sont complémentaires. Si on ne regarde pas nos complémentarités et nos différences... Je pourrais parler du couple. Quand une femme veut avoir l'égalité avec l'homme, elle ne veut pas être identique. Les parents réclament un certain nombre de pouvoirs, parce qu'ils ont une responsabilité partagée avec l'Etat, partagée avec les enseignants, l'État représentant d'une certaine façon le mouvement éducatif dessiné au niveau de l'ensemble. Responsabilité partagée veut dire pouvoirs partagés, veut dire concertation au risque de défaire ce qu'on fait les uns les autres. Et je donne un tout petit exemple dans une de nos classes, et vous le comprendrez très vite. L'enfant arrive chez lui en disant: Aïe, je me suis amusé. J'ai fait du théâtre de marionnettes aujourd'hui. Je suis assez content! Et le parent dit: Tu as encore perdu ton temps toute la journée. Qu'est-ce qui se passe? Tout ce que vient de découvrir l'enfant sur le plan créateur, sur le plan... Si on veut continuer à défaire continuellement ce que l'autre fait, on peut continuer comme cela se passe actuellement, chacun de son côté voulant baratter son petit beurre, mais peut-être bien que, si on faisait chacun sa part, le beurre serait à la fois meilleur et il y en aurait pour plus de monde.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Bouchard. Merci, M. le député de Saint-Henri. M. le député de Mille-Iles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le Président. Je vais saluer les représentants de l'école Vaillancourt, de Laval. Une courte question: Dans votre mémoire, il est question de la formation du conseil d'école. Peut-on comprendre que vous êtes d'accord avec la composition du conseil d'école, tel que formulé par le projet de loi? J'ai été surpris de voir en annexe la liste des membres du comité d'école Vaillancourt. Vous êtes environ 25 personnes, un responsable des professeurs, une directrice, mais comment voyez-vous cela, avec l'expérience que vous avez, la répartition du conseil d'école idéal? Iriez-vous jusqu'à dire que les professeurs devraient être majoritaires, ou les parents, etc.? Je veux avoir votre opinion sur la constitution d'un comité d'école idéal, selon vous.

Le Président (M. Blouin): Mme

Bouchard.

Mme Bouchard: II y a une remarque que je voudrais faire, une remarque presque préalable. Il y a un enseignant au comité d'école, mais, à chacun des sous-comités, nous retrouvons deux, trois ou quatre enseignants. Si on mettait en globalité combien d'enseignants participent aux comités globaux de l'école, on en aurait pas loin d'une douzaine. Possiblement qu'il n'y a pas loin d'une douzaine d'enseignants qui participent à la réalité de l'organisation ou de l'administration de l'école, à part leur tâche propre. Si vous me demandez mon avis personnel - et là je ne répondrai pas au niveau du comité d'école, on n'a pas discuté à fond cette question et il faut dire qu'on était peut-être partagé là-dessus - c'est que cela devrait être un pouvoir paritaire pour qu'il y ait la plus grande concertation et la plus grande collaboration possible, et j'y crois. Je sais aussi que d'aucuns craignent -et c'est partagé à ce niveau-là - de sorte que je ne pense pas qu'on puisse donner un avis actuellement au ministre ou aux membres de cette commission sur ce sujet.

Le Président (M. Blouin): D'accord, merci. Merci, M. le député de Mille-Iles. Cela va? M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Je vais continuer la question du député de Mille-Îles et je vais m'adresser à Mme Cloutier. Vous voyez cela comment, le conseil d'école? Voyez-vous les enseignants majoritaires? Les voyez-vous en partie là? Vous les voyez comment?

Mme Cloutier: Je pense qu'il y a différentes façons de voir que chacun puisse participer aux décisions. C'est ce qui m'apparaît important. On pourrait le faire en mettant un comité paritaire, on pourrait aussi le faire en donnant aux enseignants le pouvoir décisionnel sur des questions qui sont d'ordre professionnel comme celle, par exemple, du choix des manuels scolaires.

M. Maltais: Mme Cloutier, je m'excuse, je voudrais savoir comment vous le voyez. Est-ce que vous voyez des enseignants au comité d'école, paritaire ou non? Est-ce que vous en voyez?

Mme Cloutier: Je vois au moins un enseignant, comme c'est proposé.

M. Maltais: Un enseignant.

Mme Cloutier: C'est-à-dire que je ne vois pas d'objection à ce qu'il y ait des enseignants au comité d'école. Je pense que, indépendamment des personnes, si l'on regarde la structure...

M. Maltais: Mme Cloutier, est-ce que

vous êtes d'accord avec ce que la Fédération des directeurs d'école a déclaré ici?

Mme Cloutier: Je pense que la fédération voit davantage les enseignants...

M. Maltais: N'en recommande pas du tout, si j'ai bien compris.

Mme Cloutier: Non, non. La fédération voit davantage les pouvoirs, les décisions touchant la question des enseignants remis aux enseignants eux-mêmes. C'est le point de vue d'un certain nombre de mes collègues aussi. Les décisions touchant par exemple des questions comme je l'ai mentionné tantôt, d'ordre pédagogique, les parents reconnaissent en majorité la légitimité de les remettre entre les mains des enseignants. Je pense que sur de telles questions les enseignants sont intéressés à décider des outils avec lesquels ils travailleront.

En ce qui concerne l'orientation générale de l'école, je pense qu'il y a des enseignants qui y sont intéressés et d'autres qui n'y sont pas. En principe, on n'a pas...

M. Maltais: Mme Cloutier, est-ce que vous voyez une situation de conflit dans le fait que de vos employés deviennent vos patrons?

Mme Cloutier: Je pense qu'une situation où les enseignants seraient paritaires risque d'être une situation qui crée des conflits, et du fait que les enseignants...

M. Maltais: Merci.

Mme Cloutier: ...seraient mandatés pour jouer un rôle qui n'irait peut-être pas dans le sens des objectifs de l'organisation, mais plutôt dans le sens des objectifs que poursuivent les enseignants comme groupe.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Cloutier, merci, M. le député de Saguenay. Sur ce je remercie M. Côté, Mme Bouchard et Mme Cloutier de leur participation aux travaux de cette commission au nom de tous les membres de la commission.

J'invite maintenant les représentants de la Fédération des travailleurs du Québec à bien vouloir s'approcher de la table des invités afin de nous livrer d'abord le contenu de leur mémoire en une vingtaine de minutes. Après avoir pris connaissance globalement du document qui nous a été remis par la Fédération des travailleurs du Québec, je constate qu'une lecture systématique de ce document ne pourrait pas se faire bien en deçà d'une heure. Donc, j'invite les membres, je fais appel à leur esprit de synthèse pour réduire à une vingtaine de minutes la présentation pour que nous ayons le maximum de temps ensuite pour procéder aux échanges entre les membres de la commission et nos invités.

Maintenant que les représentants de la FTQ sont installés à la table des invités, je les invite d'abord à s'identifier et ensuite à nous livrer le contenu de leur présentation.

FTQ

M. Daoust (Fernand): Vous m'avez invité à présenter les gens qui m'accompagnent. Je vais commencer par Mona Josée Gagnon qui est à ma droite, du service de recherche de la FTQ; Fernand Boudreault, secrétaire-trésorier de l'Association internationale des débardeurs et vice-président de la FTQ; Allan Robindaine de l'Union des employés de service, permanent syndical; à ma gauche Claude Morisseault, le directeur québécois du Syndicat canadien de la fonction publique et vice-président de la FTQ; Claude Ducharme, le directeur québécois des Travailleurs unis de l'automobile et vice-président de la FTQ; André Valiquette, permanent syndical au Syndicat canadien de la fonction publique, et Jacques Sztuke, du Syndicat des employés professionnels et de bureau. (21 h 15)

Je vais tenter de résumer succinctement ce mémoire que nous vous avons soumis. C'est à un double titre que nous nous présentons devant vous, d'abord à titre d'usagers et d'usagères, car la FTQ représente 400 000 travailleurs sur le territoire québécois et une bonne partie de ceux-ci sont des parents et ont des élèves tant au primaire qu'au secondaire. C'est aussi à titre de représentante des employés syndiqués que nous retrouvons dans le réseau scolaire; chez nous, nous représentons surtout des employés de soutien.

Il est à propos de vous rappeler que la FTQ a toujours eu à coeur la qualité et l'accessibilité de notre système public d'éducation. Depuis de nombreuses années, nous sommes intervenus régulièrement dans tous les débats concernant l'école en mettant l'accent sur le rôle à notre avis central de l'école dans la démocratisation et la lutte aux inégalités dans notre société. C'est donc à partir de ces grands principes que nous avons considéré le projet de loi 40. Nous nous sommes beaucoup plus intéressés à la philosophie politique qui se dégage de ce projet de loi qu'à ses aspects très complexes et mécaniques.

Nous aborderons successivement les questions suivantes: la participation et le pouvoir dans l'école, notre conception de l'école démocratique et jouant un rôle dans la démocratisation face à certains aspects du projet de loi 40. Nous parlerons de quelques enjeux, eu égard à la démocratisation toujours mise en cause par la restructuration des commissions scolaires. Nous aborderons

certaines de nos inquiétudes par rapport à l'éducation des adultes, l'oubliée du projet de loi. Nous nous interrogerons ensuite sur les droits syndicaux des employés actuels des commissions scolaires et nous terminerons par une très brève conclusion.

Le pouvoir dans l'école. Nous voulons commencer par vous dire très clairement que nous sommes pour une plus grande participation des parents usagers dans l'école. Nous sommes pour cette participation de la même façon que nous favorisons, par principe et par idéologie, un meilleur contrôle des populations sur les institutions publiques quelles qu'elles soient, un meilleur partage du pouvoir dans notre société. C'est, pour nous, quelque chose de fondamental et nous trouvons malheureux que, parce que plusieurs jugent que la formule proposée par le projet de loi n'est pas acceptable, cet enjeu absolument fondamental soit plus ou moins relégué aux oubliettes, dans l'esprit de certaines personnes.

Qui plus est, en ce qui concerne l'école en particulier, il semble clair que la formule actuelle de participation ne fonctionne pas. Qu'il s'agisse de résultats d'enquêtes ou de leur représentation officielle, c'est clair que les parents militants, les membres des comités d'école, sont insatisfaits. Nous croyons que c'est à partir de la perception et du désenchantement de ces parents militants qu'il faut évaluer la formule actuelle de participation dans l'école. Donc, nous sommes d'accord avec le ministre pour dire: Oui, ça doit changer. Mais nous ne le suivons pas jusqu'au bout, car nous avons d'importantes réserves sur la formule spécifique proposée. Nous allons étudier un à un les points de cette formule scientifique.

Les enseignants. Le projet de loi constitue, selon nous, une provocation à l'égard des enseignants. On leur offre une présence minuscule aux conseils d'école et, encore, on dit presque que leur présence est facultative. Cela vient après le livre blanc, où il était question de revaloriser l'enseignant. Nous croyons que le ministre et les parents n'ont pas le choix. Les enseignants et leur structure syndicale doivent faire partie de la réforme; il n'y aura pas de réforme sans eux et sans elle. Si le projet de loi 40 devait être adopté tel quel, ce seraient les parents qui, dans chaque école, seraient obligés de ramasser les pots cassés. Nous souhaitons et demandons instamment au ministre de négocier quelque chose d'acceptable avec les enseignants. La qualité de l'enseignement, c'est à eux qu'on la doit en grande partie et il nous faut le reconnaître.

Les citoyens. Là encore, on constate un recul par rapport au livre blanc. Les citoyens n'ont plus de place au conseil d'école. Chez nous, à la FTQ, ce n'est pas d'hier que nous insistons sur le côté public de l'école. Le mot "public", d'après le Petit Robert - je cite la définition - signifie: Ce qui concerne le peuple pris dans son ensemble; qui appartient à la collectivité sociale, politique et en émane. Public veut dire pour nous que l'école, pas plus que les hôpitaux ou le réseau routier, n'appartient à ses seuls usagers directs et indirects. L'école appartient à l'ensemble de la société. L'aménagement des pouvoirs à l'intérieur de l'école doit refléter ce phénomène. Disons qu'à l'heure actuelle l'école fonctionne sur un mode autoritaire, mais qu'elle n'est pas reconnue comme un lieu de pouvoir. Le pouvoir est à la commission scolaire. Si on veut reconnaître l'école comme un lieu de pouvoir, mais qu'on laisse en chemin cet aspect important, le côté public, c'est, selon nous, une forme de recul.

Enfin, tout cela évoque un concept important, celui de l'école communautaire. Comme centrale syndicale, c'est une question qui nous préoccupe énormément. Nous sommes intervenus sur ces questions à d'autres niveaux, les universités, notamment, où nous avons toujours insisté sur la fonction de services à la collectivité. La FTQ, dans le passé, a réussi à signer quelques protocoles d'entente avec, entre autres, l'Université du Québec à Montréal, afin que ce service à la collectivité puisse se concrétiser dans des services, dans des gestes, dans des instruments, dans des outils qui sont mis à notre disposition. Nous craignons que la réforme proposée ne soit le signe d'une espèce de repli de l'école, alors que nous souhaitions une ouverture sur les organisations du quartier ou de la paroisse. Pour nous, l'école a une vocation communautaire et il faut l'inscrire quelque part.

Les élèves. Pour ce qui est des élèves, nous pensons que si le projet de loi 40 veut s'inscrire dans une réflexion sur la démocratie à l'école, ils sont les premiers concernés. Nous croyons qu'il faut viser une plus grande responsabilisation et autonomie des enfants et des adolescents. Minimalement, cela veut dire que le projet de loi n'a pas à spécifier que seuls les élèves du second cycle du secondaire seront dignes de siéger au conseil d'école. Les associations d'élèves doivent être maîtresses de leur nomination. C'est une très vieille revendication syndicale qui devrait, il nous semble, s'appliquer aussi aux adolescents.

Pour ce qui est des élèves du primaire, nous ne faisons pas de proposition d'amendement formelle. Nous regrettons qu'ils soient éliminés d'office et nous sommes conscients en même temps des problèmes que des réunions en soirée peuvent poser. Disons que nous nous posons des questions et que nous pensons qu'il faudrait entendre la parole des enfants directement et que cela peut remettre en cause bien des

fonctionnements dans l'école. De façon générale, nous croyons qu'il faudrait que nous soyons tous plus à l'écoute des jeunes. Il faut leur donner plus de moyens de se faire entendre. En somme, pour nous, le conseil d'école, pour être équilibré et refléter ce qu'est l'école, aurait, grosso modo, la composition suivante: pour la moitié, ceux et celles qui font fonctionner l'école et à qui elle est destinée, c'est-à-dire les personnes, à tous les niveaux, dont les enseignants, les personnes de soutien, évidemment, et les élèves; pour l'autre moitié, les usagers indirects, c'est-à-dire les parents et les citoyens, avec une majorité très importante du côté des parents.

Le défi de la participation. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, la participation n'est pas seulement un principe, c'est surtout une pratique. Ce que nous voulons dire par là, c'est qu'il y a des inégalités d'accès à la participation qu'il faut considérer d'une part et que, d'autre part, la participation, cela ne marche pas tout seul.

Nous voulons dissiper une équivoque, s'il y en a une. Nous ne sommes pas de ceux qui pensent que les parents, les élèves, les citoyens, les employés de soutien, bref l'ensemble des non-professionnels, des non-spécialistes dans l'école, ne peuvent pas participer valablement. Cela a beaucoup été dit, dans beaucoup de milieux. Nous mettons cela en rapport avec les patrons, nous faisons des analogies, qui disent assez souvent que les travailleurs n'ont pas à se mêler d'organisation du travail. Nous pensons plutôt ici à la très intéressante enquête du Conseil supérieur de l'éducation sur les comités d'école. Un aspect qui ressortait très fort, mais dont, sauf erreur, il n'a pas beaucoup été question dans le présent débat, c'est l'influence des facteurs de la scolarité et du revenu dans le désir de participation des parents. Il faut aussi mentionner que le sexe a de l'importance. En gros, selon nous, plus on est riche, plus on est instruit et, encore plus, si l'on est un homme, plus on veut participer, plus on se sent capable et, probablement, plus on se fait respecter. C'est là quelque chose d'important qui milite, selon nous, pour un soutien à la participation parentale, tout particulièrement un soutien orienté vers l'aplanissement de ces inégalités.

Un deuxième axe de réflexion en ce qui concerne la participation, c'est qu'il importera plus que jamais, avec l'existence de conseils d'école décisionnels, de voir au bon fonctionnement des instances démocratiques consultatives: comités d'école, assemblées générales de parents, associations d'élèves et le reste. 11 ne faut pas diminuer le nombre de personnes impliquées dans l'école à la faveur de cette réforme. Il faut préserver le dynamisme et le rôle des structures consultatives.

Une école démocratique. Sous ce thème, nous avons regroupé dans notre mémoire des réflexions sur trois sujets: la décentralisation des pouvoirs, le caractère commun de l'école et la confessionnalité. Comme nous l'avons souligné, nos réflexions trouvent leur sens dans notre conviction que l'école est un acquis des classes populaires et doit toujours être dédiée à une mission de démocratisation sociale.

La décentralisation. Notre première inquiétude concerne la décentralisation des pouvoirs vers l'école. Nous ne sommes pas contre tout réaménagement, loin de là, mais nous avons l'impression que le projet de loi 40 va trop loin. Notre inquiétude s'alimente notamment à certains passages du livre blanc qui a précédé le projet de loi et dont nous retenons que, pour le ministre, les problèmes d'inégalité, d'accessibilité et de péréquation ont été réglés par le grand vent de la réforme des années soixante et que maintenant, il faut ouvrir un autre chapitre, celui de la responsabilisation de l'école.

À la FTQ, on veut bien responsabiliser l'école, mais nous sommes convaincus qu'on n'a jamais fini de combattre l'accessibilité et les inégalités sociales. C'est une mission permanente de l'école. Il y a peu de temps, nous étions ici pour parler de francisation des milieux de travail et nous avions un peu la même optique. Il y a des défis que, par définition, on n'a jamais fini de relever. La lutte aux inégalités, selon nous, suppose l'existence ou la survie d'organismes au-dessus des écoles qui auront pour mission d'aplanir les inégalités, de donner plus aux milieux qui ont moins, somme toute, l'école a une mission de péréquation. C'est pour cela que, quand nous voyons en plus que, par le projet de loi 40, les écoles pourraient s'amasser un pécule, louer leur équipement et leurs locaux dans une logique de rentabilité, on se dit qu'on risque de revenir au vieux système: des écoles de riches et des écoles de pauvres, des commissions scolaires de riches et des commissions scolaires de pauvres. En plus, on s'inquiète pour les droits fondamentaux, comme la gratuité scolaire, les garderies en milieu scolaire et le reste.

Nous demandons donc au ministre de revoir le projet de réforme en s'assurant que la mission de péréquation du réseau scolaire pourra être maintenue.

Une école commune. Pour nous, une école commune, c'est l'école de quartier, du village ou de territoires, au secondaire, où toutes les catégories de clientèle sont à l'aise. Une école commune intègre dans son projet éducatif la réalité sociologique dans laquelle elle baigne, mais chez elle, tous ont les mêmes droits, prérogatives et privilèges. Or, le projet de loi 40 invite les écoles à se personnaliser et, par conséquent, offre le choix de l'école. En pratique, le choix de

l'école, cela ne veut pas dire grand-chose en milieu rural, au niveau primaire, sauf dans les milieux favorisés peut-être, et dans tous les cas, être obligé de fréquenter une école éloignée est une pénalisation; cela crée des classes de citoyens. (21 h 30)

À la FTQ, nous sommes contre le libre choix parce que nous sommes contre le libre rejet. Nous ne voulons pas que des catégories plus actives se façonnent une école qui leur plaira à elles, mais qui rejettera objectivement les autres. Nous ne voulons pas que, dans des quartiers hétérogènes, comme il y en a à Montréal, il y ait l'école des petits bourgeois d'un côté et l'école des moins instruits de l'autre. Nous sommes contre les inégalités et, à cause de cela, nous voulons une école vraiment commune.

La confessionnalité. C'est dans cette optique qu'on aborde la question de la confessionnalité scolaire. Nous ne sommes pas opposés à la présence de la religion et de l'animation pastorale à l'école, dans la mesure où il existera une véritable option. Là où cela ne va pas, c'est dans l'insertion de la confessionnalité dans le projet éducatif même, dans l'existence juridique de l'école. Cela aussi ouvre la porte à des exclusives, des intolérances et des inégalités. C'est contre l'idée que nous avons d'une école commune et nous ne pouvons pas ne pas penser aux guerres de tranchées qui s'annoncent dans les écoles sur la question du statut confessionnel. Nous pensons aux nouveaux Québécois qui, dans certaines écoles de Montréal, sont majoritaires. Selon nous, il faudrait donc déconfessionnaliser l'école au niveau de son statut et de son projet éducatif.

Les commissions scolaires démocratiques. Des propos déjà tenus résulte que nous trouvons que les commissions scolaires doivent détenir des pouvoirs et champs de responsabilités significatifs. Nous ne reprendrons pas cela ici.

Sur la question du critère linguistique pour le redécoupage des commissions scolaires, c'est la formule qui s'impose en raison d'un consensus assez général. Nous favorisions auparavant les commissions scolaires unifiées à Montréal et nous nous inclinons devant les consensus qui se font au sein de la société québécoise. Nous nous interrogeons cependant sur la pertinence de généraliser la commission scolaire linguistique partout, d'en faire, somme toute, un droit fondamental pour la minorité anglophone.

La solution proposée par le livre blanc à cet égard nous semblait raisonnable et notre inquiétude est que des commissions minuscules par la population et énormes par le territoire ne puissent donner les services de qualité auxquels la population aurait droit.

Dans notre mémoire, nous formulons aussi une inquiétude par rapport au démantèlement de la CECM. Nous trouvons que le ministre n'a pas donné de garanties quant à la continuité des services très spécialisés et très compétents qu'avait développés cette commission scolaire dans des domaines comme l'éducation des adultes et les milieux défavorisés.

Enfin, et c'est un point majeur, nous continuons à soutenir la formule du suffrage universel dans des territoires regroupant plusieurs écoles; en fait, de vraies circonscriptions électorales pour l'élection des commissaires d'école, au nom du caractère public du réseau scolaire. Nous sommes conscients du problème que pose la désaffection populaire aux élections.

Nous proposons à nouveau deux solutions: la démocratisation du financement électoral et l'officialisation de l'importance des élections scolaires par une loi qui obligerait les employeurs à accorder un congé, comme cela se fait aux niveaux provincial et fédéral.

L'éducation des adultes. Voilà un sujet qui n'est qu'effleuré dans le projet de loi 40. Nous le déplorons, nous réclamons des amendements et il va sans dire que nous sommes inquiets. Dans l'attente d'une loi spécifique au sujet de l'éducation des adultes, nous recommandons d'inclure dans le projet de loi la reconnaissance de l'éducation des adultes comme un droit et, corrollairement, comme une mission de l'école; la reconnaissance du principe de la gratuité, particulièrement pour ce qui est de l'alphabétisation et de la formation de base; la reconnaissance de la nécessité de services spécifiques aux adultes. Nous estimons qu'il faut prévoir un ou des lieux de participation pour les étudiants adultes. Cela pourrait être une association consultative, corrollaire des associations d'élèves et de parents. En plus, on peut penser au conseil d'école par la participation des citoyens.

Dans la suite de nos revendications, nous voudrions qu'il soit bien établi que la formation acquise hors école est tout aussi valable lorsqu'elle est équivalente. L'article 208 peut répondre à cette préoccupation. Enfin, s'assurer que les services aux adultes sont dispensés par des institutions publiques. À ce sujet, l'article 201 nous inquiète. Nous souhaitons pouvoir intervenir de nouveau lorsque le gouvernement fera connaître sa politique sur le sujet. Dans l'intervalle, nous pressons le ministre de modifier le projet de loi pour y faire une place aux adultes.

Sur les droits syndicaux, cela ne sera pas très long. La restructuration scolaire proposée par le projet de loi 40 engendre de l'incertitude et de l'insécurité parmi le personnel de soutien que nous représentons. Pour plusieurs, l'opération décret commencée lors de la dernière ronde de négociations se poursuit. Le projet de loi entraîne des modifications aux conditions de travail, crée

de nouveaux droits de gérance et ignore à toutes fins utiles les associations de salariés qui représentent le personnel de soutien. Les mécanismes d'implantation des nouvelles structures sabrent dans les droits syndicaux et mettent de côté les droits acquis du personnel de soutien. Il n'est prévu aucune véritable négociation avec les syndicats, comme s'il valait mieux ignorer les problèmes que de tenter de les résoudre. En cas de mésentente, nous croyons que les mécanismes usuels du Code du travail devraient s'appliquer.

Qui serait l'interlocuteur valable des salariés et de leurs associations face à la répartition proposée des pouvoirs entre la commission scolaire et les écoles? C'est la commission scolaire qui demeure l'employeur, mais c'est le directeur d'école qui assure la gestion du personnel, et ce dernier demeure soumis au conseil d'école dont il doit veiller à exécuter les décisions. Dans un tel contexte, les conditions de travail négociées autrefois seront très difficiles à faire respecter, d'autant plus que le projet donne de nouveaux droits à l'employeur.

À titre d'exemple, le projet de loi permet différentes formes de sous-traitance. Nous sommes catégoriquement opposés à la sous-traitance parce qu'elle entraîne l'insécurité d'emploi et des conditions de travail minimales pour ceux qui doivent la subir.

De même, on se demande pourquoi le projet de loi intervient dans le perfectionnement du personnel de soutien. Nos conventions collectives prévoient des comités paritaires. Nous ne comprenons pas pourquoi le conseil d'école ou encore moins le comité pédagogique de l'école aurait à déterminer les besoins de perfectionnement du personnel de soutien.

En ce qui concerne l'article 223 du projet de loi, on comprendrait le législateur d'abolir les dispositions désuètes visant à prévenir la contagion de la tuberculose, mais on s'explique mal que le projet de loi prolonge ces dispositions touchant la tuberculose à toutes formes de maladies. Il s'agit là de la création d'un droit de gérance exorbitant d'autant plus qu'en d'autre temps on parle beaucoup de réadaptation et de réinsertion sociale des malades, blessés et handicapés.

Plusieurs de nos membres, faisant partie du personnel de soutien, occupent des fonctions pédagogiques ou éducatives. Ils devraient être clairement exclus des modalités prévues aux articles 224 et suivants du projet de loi, afin de ne pas créer deux régimes distincts de conditions de travail.

Les mécanismes d'implantation des nouvelles commissions scolaires mettent de côté un principe important du Code du travail qui se lit comme suit: "Tout salarié a droit d'appartenir à une association de salariés de son choix..." Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le cas de plusieurs syndicats regroupant les concierges. Il faut se demander si l'article 412 du projet de loi ne désavantage pas les syndicats qui ne représentent que des sous-catégories de salariés.

L'exclusion automatique de la personne agissant comme secrétaire du directeur général ou du directeur du personnel va également à l'encontre du principe énoncé dans l'alinéa précédent, d'autant plus que ces personnes sont actuellement syndiquées dans plusieurs commissions scolaires.

Les comités de mise en oeuvre devraient utiliser prioritairement le personnel des commissions scolaires et les conventions collectives devraient continuer de s'appliquer à tout le personnel qui y travaille.

Le projet de loi devrait prévoir le maintien des droits individuels et collectifs sans égard à la convention collective qui devient applicable. L'association de salariés détenant plus d'un certificat d'accréditation et ayant conclu plus d'une convention collective devrait pouvoir choisir la convention collective qu'elle désire voir appliquer. Au minimum, une telle réforme devrait inclure les dispositions visant à maintenir le niveau d'emploi et à empêcher la déclassification du personnel et la déqualification des emplois pour un certain nombre d'années.

En conclusion, l'ensemble des commentaires qui précèdent, que vous retrouvez dans le mémoire, que nous les ayons exprimés sous forme de remarques générales ou sous forme de revendications spécifiques d'amendements, entraîne que la FTQ n'est pas en mesure de donner son appui au projet de loi 40 tel qu'il est présenté. C'est clairement d'amendements substantiels que le projet de loi de réforme a besoin pour qu'il nous devienne acceptable. Même s'il y a déjà longtemps que ce projet de réforme est dans l'air, nous demandons au ministre de prendre le temps requis pour améliorer son projet de loi et profiter de façon optimale des nombreuses représentations qui ont été faites lors des audiences de cette commission parlementaire.

La FTQ estime que le projet de loi 40 revêt une importance capitale pour notre devenir collectif et tout doit être mis en oeuvre pour que s'instaure enfin dans nos écoles un climat de collaboration et de respect mutuel.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Daoust. M. le ministre.

M. Laurin: J'ai d'abord grand plaisir, M. le Président, à saluer l'importante délégation de la FTQ, aussi bien celle qui est assise à la table que celle qui n'a pu trouver place à

la table. Je la remercie et je la félicite pour l'importante contribution qu'elle fait à nos travaux. Je n'ai qu'un seul regret, c'est celui que le mémoire ne nous a été communiqué que ce matin car la lecture cursive que j'en ai faite m'en a fait voir toute la richesse, aussi bien sur le plan des principes de la philosophie qui sous-tend les positions de la FTQ que sur le plan des propositions concrètes qu'elle nous fait, non pas sur un seul sujet, mais sur la plupart des sujets importants que vise le projet de loi.

Ceci veut dire évidemment que nous lirons ce mémoire à tête reposée et que nous serons mieux en mesure d'en tirer la substantifique moelle en vue d'atteindre l'objectif que vous mentionniez à la fin de votre mémoire et que je partage, c'est-à-dire de conférer à ce très important projet de loi toute la solidité dont il a besoin pour satisfaire les objectifs de notre société.

Évidemment, je ne pourrai pas relever tous les sujets que vous avez touchés. Je ne voudrais en toucher que quelques-uns, laissant aux autres membres de la commission le soin d'aborder les autres. J'ai bien aimé ce que vous avez dit sur la participation, une participation que vous estimez essentielle, mais que vous craignez de voir se dégrader si elle n'est pas bien assise et si elle n'est pas encadrée et stimulée. J'ai apprécié particulièrement le plaidoyer que vous faites à l'endroit de la participation des parents au sein de l'école. Vous rappelez à juste titre la consultation qui avait suivi la présentation du livre vert de mon prédécesseur et l'enquête du Conseil supérieur de l'éducation, consultation et enquête qui démontraient d'une façon très nette que les parents ne voulaient pas devenir les patrons de l'école, mais qu'ils avaient, dans leur très grande majorité, des représentations très précises; par exemple, 92% des parents voulaient avoir le droit de choisir le genre d'éducation scolaire de leurs enfants, 83% réclamaient celui de définir les grandes orientations de l'école et 79% réclamaient le droit d'être partenaires à part entière pour ce qui concerne les questions pédagogiques.

Le but que vise le projet de loi - j'y reviendrai tout à l'heure - ce n'est pas de faire des parents les patrons de l'école, mais bien d'en faire des partenaires au sein d'une équipe-école où tous les intervenants auront leur rôle à jouer à partir de leurs expériences, de leurs droits, de leur savoir, de leur compétence. (21 h 45)

Je partage aussi entièrement vos vues en ce qui concerne la démocratisation de notre système scolaire. Il est vrai que nous avons fait de grands pas depuis 1960, mais je n'ai jamais prétendu qu'il fallait arrêter notre marche. Il y a encore beaucoup de progrès à accomplir, ne serait-ce qu'en raison de notre incapacité de maintenir à l'école tous les élèves qui y vont, ne serait-ce qu'en raison des taux de passage du secondaire au collégial qui sont encore trop faibles, ne serait-ce aussi qu'en raison des obstacles ou des contraintes que posent l'accès aux écoles et à des études de qualité les contraintes économiques, les contraintes sociales et même les contraintes sexistes que nous connaissons encore. Donc, il n'est pas question pour nous d'arrêter cet effort de démocratisation.

Je vous suis moins cependant quand vous dites que nous semblons avoir renoncé à la mission de péréquation du réseau scolaire qui a été la nôtre jusqu'ici. J'ai eu l'occasion de déposer à cette commission un document qui montre, au contraire, que, depuis trois ans, nous continuons de faire des progrès en ce sens, surtout depuis que, dans nos nouvelles règles budgétaires, dans les allocations que nous versons aux commissions scolaires, nous tenons maintenant compte -et d'une façon fine - de la situation particulière de chacune des commissions scolaires du Québec, du profil de la clientèle qu'elles desservent, des poches de pauvreté qui peuvent se situer dans ces territoires; autant de facteurs dont justement nous tenons compte aussi bien dans les règles budgétaires que dans les allocations que nous versons. Nous en tenons compte dans les enveloppes de base, mais nous en tenons compte en plus dans les allocations spécifiques que nous versons aux commissions scolaires, soit pour répondre aux besoins de clientèles spéciales, celle des milieux défavorisés, celle des enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, soit pour combler d'autres besoins spéciaux ou particuliers qui nous sont signalés par certaines commissions scolaires ou par l'ensemble des commissions scolaires. Nous avons même adopté depuis quelques années une politique de péréquation qui tient compte du rendement variable de la taxe foncière au niveau de toutes les commissions scolaires du Québec, qui tient compte, par nos mécanismes de normalisation qui impliquent des déboursés parfois très importants, du rendement, justement, très inégal de ces taxes foncières selon les territoires du Québec. Je me ferai un plaisir de vous faire parvenir ces documents qui vous montreront que le souci que nous avons de lutter contre les inégalités sociales est toujours aussi grand qu'il l'a été.

Je suis aussi d'accord avec vous lorsque vous dites que l'école doit s'ouvrir le plus largement possible sur le milieu. Je sais que la FTQ a beaucoup contribué à cette prise de conscience au niveau des universités et au niveau des collèges, mais je conçois qu'il faille maintenant faire la même chose au niveau des écoles. Nous n'avons en aucune façon renoncé au principe que nous avions énoncé dans le livre blanc à cet égard. Nous

voulons plus que jamais que les écoles puissent maintenant faire bénéficier le quartier ou le milieu où elles sont enracinées de toutes les ressources de l'école, que ces ressources soient humaines, scientifiques, matérielles, financières, que ce soit sur le plan de l'équipement culturel ou sportif, ou que ce soit sur le plan des ressources humaines que contient l'école. Je pense que, si les articles de loi sont appliqués dans le bon esprit, nous aboutirons à ce résultat, même si nous savons qu'il y a un rythme d'évolution qu'il faudra respecter; mais je crois quand même que l'objectif est clair et que les écoles se mettront en marche pour l'atteindre.

Je voudrais aussi dire quelques mots sur un des oublis que nous avons faits et pour lequel vous vous inquiétez: les adultes. Ce n'est qu'un oubli apparent parce que le projet de loi a été élaboré à une époque où nous travaillions à l'élaboration d'une politique sur l'éducation des adultes. Nos lois sont très insuffisantes actuellement. En fait, la pratique dépasse nos pratiques législatives. Dans le champ de l'éducation des adultes, nous posons maintenant des gestes que nos lois ne nous permettent pas de poser. Nous le faisons quand même en ouvrant, par exemple, nos écoles secondaires et nos collèges à des clientèles adultes de plus en plus nombreuses alors que les lois ne nous y autorisent pas.

Avant d'amender la Loi sur l'instruction publique, il fallait quand même que nous sachions davantage où nous allions, comme vous le savez, je l'ai annoncé à cette commission, nous sommes à la toute veille de mettre au point notre politique d'éducation des adultes et, dès que cela serait fait, il nous fera plaisir d'amender le projet de loi 40 en conséquence afin d'atteindre les divers objectifs que vous avez mentionnés. D'abord, le droit à l'éducation, le droit à une éducation de base. Deuxièmement, la gratuité des services éducatifs. Troisièmement, la spécificité des méthodes d'organisation pédagogique. Quatrièmement, une participation des adultes à la vie des écoles où ils auront à étudier. Et, cinquièmement - ce qui est extrêmement important - la reconnaissance des acquis dont les adultes pourront témoigner lorsqu'ils voudrait s'inscrire dans le réseau scolaire.

J'annonce en vrac les directions que prendront ces amendements, mais il était impossible d'y procéder avant que le gouvernement ait adopté une politique.

Je voudrais aussi revenir sur ce que vous avez dit - qui m'a paru très sévère - sur les droits des syndicats. J'ai été étonné d'entendre et de lire vos propos à cet égard. Je me les explique peut-être en pensant que vous n'avez pas entendu les amendements ou les assurances que j'ai données à d'autres groupes syndicaux qui sont venus à cette commission et qui auraient pu apaiser vos inquiétudes et vous amener à formuler autrement vos remarques à cet égard.

J'ai annoncé dès le début des travaux de la commission, que nous amenderions l'article 353 en disant que nous procéderions, en ce qui concerne les modalités de transfert et d'intégration des personnels d'une commission scolaire ancienne à une commission scolaire nouvelle, par voie d'ententes, par voie de négociations et que ces négociations seraient menées lors de rencontres conjointes que mes officiers auraient avec tous les syndicats concernés. D'ailleurs, ces échanges ont déjà commencé et je sais que les syndicats de la FTQ ont rencontré mes officiers sept ou huit fois et que nous devons les rencontrer encore trois ou quatre fois, au cours des quinze prochains jours. De toute façon, je voulais vous répéter que la discussion de ces modalités de transfert et d'intégration se fera selon les pratiques reconnues, c'est-à-dire par voie de négociations selon des mécanismes que vous connaissez, que nous connaissons et que nous reconnaissons, et qui devraient aboutir à des ententes.

Par ailleurs, j'en profite pour vous remercier d'avoir participé aux échanges que nous avons déjà eus et pour vous inviter à participer aux autres, car j'espère bien que nous pourrons en arriver à une entente.

J'ai noté aussi d'autres remarques, d'autres points plus précis, dont le suivant. Vous croyez difficile de respecter les conventions collectives étant donné que l'école serait désormais dirigée par un conseil d'école et que le directeur d'école assumerait la gestion du personnel de l'école. Je dois vous dire que le projet de loi n'a, en aucune façon, pour effet d'empêcher la convention collective de s'appliquer. Tout ce que nous cherchons dans le projet de loi, c'est de préciser les responsabilités des intervenants au niveau de l'école, mais ces intervenants au niveau de l'école assumeront leurs responsabilités dans le respect le plus strict des conventions collectives en vigueur, que ce soit sur le point que vous avez soulevé ou sur quelque autre que ce soit. Par exemple, cela vaut pour la sous-traitance. Vous craignez que la restructuration puisse engendrer la multiplication de la sous-traitance pour des services qui seraient normalement dispensés par des employés de soutien. Tel n'est pas l'objectif du projet de loi. Cependant, si le recours à la sous-traitance pouvait, à l'avenir, s'avérer opportun, les employeurs actuels et futurs devront respecter en tout point les conventions collectives avant de recourir à la sous-traitance, puisque toutes les conventions collectives prévoient des règles pour tout employeur qui veut recourir à la sous-traitance. La convention collective devrait être respectée en tout point à cet égard.

Je dirais la même chose pour vos remarques au sujet du perfectionnement du personnel de soutien. Comme vous l'avez noté, les conventions collectives prévoient actuellement des comités paritaires et ces derniers continueront d'exister, continueront de fonctionner. Ce n'est pas du tout dans l'intention du projet de loi 40 de jeter au panier des morceaux de convention collective. Au lendemain de la restructuration, les conventions collectives vont continuer d'exister, que ce soit au sujet du perfectionnement ou d'autre chose.

Vous nous parlez aussi d'une autre de vos inquiétudes. Vous prétendez que le projet de loi va à l'encontre du droit de tout salarié d'appartenir à l'association de son choix. Je pense que vous visez ici les secrétaires du directeur général ou du directeur du personnel. Votre analyse à cet égard - je l'ai déjà, d'ailleurs, signalé à quelques-uns de vos confrères - nous apparaît non seulement intéressante, mais pertinente. Nous croyons, en effet, que le législateur devrait laisser les commissaires du travail déterminer qui doit être inclus ou exclu de l'unité accréditée conformément au Code du travail; donc, il y aura un amendement dans le projet de loi à cet égard.

Dans une recommandation plus importante, vous nous proposez que le syndicat nouvellement accrédité sur un territoire puisse choisir la convention collective qui sera applicable au salarié de ce territoire, si celui-ci détient plus d'une accréditation et plus d'une convention collective. Vous en profitez pour dire aussi que vous proposez le maintien des droits individuels et collectifs des salariés. Ce que j'ai à dire à ce sujet, c'est ceci. Concernant la détermination de la convention collective applicable, nous sommes prêts à reconnaître que diverses situations peuvent exister. C'est d'ailleurs pourquoi, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous entendons procéder par entente, par négociation, par échange, afin que nous puissions identifier ces situations diverses et dans l'espoir que l'entente nous permette de préciser les modalités de transfert et d'intégration dans ces situations diverses ou variables que vous nous ferez connaître.

Quant au maintien des droits des salariés, là aussi je répète que la restructuration scolaire ne vise en aucune façon à retirer des droits aux salariés des commissions scolaires. Quant aux modalités, nous pourrons les discuter dans le cadre de l'entente dont j'ai parlé à quelques reprises. (22 heures)

Nous voulons donc - ceci résume mon propos - vous faire part des garanties en termes de transfert à une nouvelle commission scolaire et d'intégration que nous voulons assurer aux organismes syndicaux. On peut facilement les résumer. Premièrement, tous les salariés seront transférés aux commissions scolaires nouvelles en conservant les droits et les privilèges contenus dans leur convention collective. Toutefois, cette garantie ne s'appliquerait pas au salarié qui occupe un emploi temporaire.

Deuxième garantie, les employés de soutien, travaillant dans une ou des écoles situées sur le territoire d'une nouvelle commission scolaire, seront intégrés à leur ancien poste en conservant leur classe d'emploi, leur nombre d'heures et leur taux de traitement. Les employés de soutien, qui travaillent dans les centres administratifs et dans des écoles situées sur le territoire de plus d'une nouvelle commission scolaire, seront intégrés, pour leur part, dans leur classe d'emploi à un poste comportant le même nombre d'heures et le même taux de traitement en fonction du choix qu'ils expriment, en fonction de leur ancienneté et en fonction de leurs qualifications.

Troisièmement, lors de son transfert ou de son intégration, aucun salarié ne se verra déplacé à plus de 50 kilomètres de son lieu de travail ou de son domicile, conformément aux dispositions de la convention collective actuelle.

Quatrièmement, durant l'année scolaire 1985-1986, aucune mise en disponibilité ni aucune mise à pied d'un employé régulier ne pourra être effectuée au cours de cette période. Somme toute, environ 66% des employés de soutien conserveront leur poste dans la même école. Quant aux employés des centres administratifs, ils se verront attribuer un poste de leur classe d'emploi comportant les mêmes heures, au même lieu de travail ou dans un lieu différent, sans toutefois jamais dépasser un rayon de 50 kilomètres.

Nous vous avons remis ou nous vous remettrons ces garanties lors des échanges dont je parlais tout à l'heure. J'espère que ces échanges vont se continuer jusqu'à la conclusion d'une entente appropriée.

Un dernier point sur lequel je voudrais revenir, c'est la représentation des enseignants au conseil d'école. Vous demandez une représentation plus importante au nom d'un principe qui se lit ainsi: Toute réforme est impossible sans la collaboration d'une majorité d'enseignants et d'enseignantes. Nous sommes tout à fait d'accord avec ce principe. L'enseignant est le maître dans sa classe; il est le maître d'un savoir qu'il dispense à ses élèves; il a des lumières sur la relation éducative qu'il doit instaurer entre lui-même et ses élèves; il joue donc un rôle primordial non seulement dans la vie pédagogique, mais dans la vie en entier de l'école. Nous voulons donc cette participation. Nous voulons donc cette contribution absolument essentielle de l'enseignant à la vie de l'école et, en particulier, au projet éducatif.

Mais, si nous sommes d'accord pour dire qu'une réforme est impossible sans la collaboration d'une majorité d'enseignants, que devons-nous faire quand cette collaboration nous est refusée? Vous dites que le ministère et les enseignants ne peuvent plus discuter ensemble. Non, je ne le crois pas. Nous sommes ouverts à toute discussion. Mais même si nous discutons, si la conclusion est toujours la même, à savoir que la Centrale de l'enseignement, la structure syndicale, refuse sa collaboration, refuse d'être représentée aux conseils d'école, comme cela a été le cas avec la loi 71 pour les conseils d'orientation, que devons-nous faire?

Faut-il sacrifier l'existence même d'un conseil d'école pour ne pas courir le risque d'une paralysie ou d'un non-fonctionnement qui suivrait nécessairement le mot d'ordre, s'il est suivi, de non-participation de la structure syndicale? Ou, au contraire, faut-il courir le risque de conserver le conseil d'école et d'assurer une représentation paritaire aux enseignants, en comptant que, même si un mot d'ordre est donné, il ne sera peut-être pas suivi et que le conseil d'école pourra quand même fonctionner? Voilà le dilemme où nous nous trouvons à l'heure actuelle. Ce n'est donc pas un refus, c'est simplement une évaluation des risques que comporterait l'acceptation du principe que vous énoncez et que nous partageons.

Ma question serait donc: Pouvez-vous nous suggérer d'autres modalités ou mécanismes que ceux que nous prévoyons dans le projet de loi pour assurer cette collaboration, cette participation des enseignants à la responsabilisation de l'école, à la mise en place d'une équipe-école chargée de l'identification, de la mise en place et de la réalisation d'un projet éducatif propre à chaque école?

Le Président (M. Blouin): M. Daoust.

M. Daoust: Je dois vous dire que vos propos à l'égard de tout le problème des relations de travail qui découle des différentes dispositions de votre projet de loi nous rassurent. Dans la mesure où vous privilégiez les ententes, les échanges, la négociation, nous vous suivons et nous vous accompagnons sur ce terrain. Vous l'avez mentionné déjà depuis quelques mois, des rencontres se font, des hypothèses s'étudient, des pistes de solutions s'annoncent. C'est notre souhait, somme toute, qu'on manifeste la plus grande ouverture d'esprit afin que ce problème puisse trouver des solutions par la négociation. Cela va dans le sens de nos revendications. Je vous le rappelle: Vos propos là-dessus nous rassurent à ce moment-ci.

La question que vous me posez au sujet de la participation des enseignants, c'est une question un peu - je ne dirai pas piégée -délicate à aborder, quant à nous. Ceci étant dit, je dois vous dire que le projet de loi, tel qu'il a été déposé, ne faisait pas, selon nous, la place que vous avez mentionnée et que vous souhaitez aux enseignants au sein du conseil d'école, puisqu'à l'article 39 il est mentionné, au point 3, que ce conseil serait composé de quatorze membres au plus et que, parmi ceux-ci, on retrouverait "au moins un membre du personnel enseignant de l'école élu par ses pairs, si ceux-ci le désirent." C'est peut-être de l'histoire passée, et tant mieux. Dans la mesure où les enseignants verront qu'ils ont un rôle à jouer, qu'ils seront invités formellement, dans la même mesure, notre souhait serait qu'ils participent. Nous manifesterions une très grande inquiétude et un très grand désappointement si les enseignants refusaient une main qui leur est tendue. Nous ne cessons de le répéter, nous l'avons dit dans ce mémoire, nous l'avons dit préalablement: Les enseignants ontune place, je ne dirai pas complète et totale à occuper dans ces structures, mais une place qui leur revient à cause du rôle central qu'ils sont appelés à jouer.

Encore une fois, dans la mesure où on leur aménage les espaces voulus, les droits qui sont les leurs, qu'on n'ignore pas leur structure syndicale, puisque c'est leur choix de se regrouper à l'intérieur d'une structure syndicale; dans la mesure où ils sont conviés à tous les niveaux de leur structure; aussi bien au niveau national qu'au niveau des différentes commissions scolaires et des conseils d'école, à jouer un rôle; dans la mesure où ce sera bien précis ou bien précisé, je vous le répète, quant à nous, nous serions vivement désappointés qu'ils n'assument pas ce type de responsabilités.

Ce n'est, évidemment, pas l'endroit pour faire le procès des relations de travail et des immenses difficultés qu'a pu connaître le milieu québécois au cours des dernières négociations qui se sont échelonnées sur de multiples années, mais il y a des cicatrices qui demeurent sans aucun doute et qui peuvent expliquer les comportements. Encore une fois, il y a des ouvertures d'esprit qui sont essentielles, des attitudes qui doivent être modifiées substantiellement et fondamentalement afin que ceux-ci se sentent à l'aise dans les propositions qu'on leur soumet.

Quant à nous, parents, enseignants, citoyens, élèves constituent cette communauté tellement essentielle, tellement indispensable pour le bon fonctionnement de toutes les structures scolaires que si un groupe refuse une participation, ce serait au détriment de l'ensemble de la société québécoise. Encore une fois, nous appellerions de tous nos voeux la participation des enseignants dans des structures réaménagées

et modifiées qui leur feront la place qui leur revient à cause de l'importance qu'ils assument dans le milieu scolaire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Daoust. Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de la FTQ pour leur mémoire et surtout pour leur tentative de sensibiliser le ministre à certains problèmes réels. Il me fait particulièrement plaisir de saluer la présence du secrétaire général. J'ai l'impression qu'on retourne en arrière. On discutait de restructuration autour d'une autre table, il y a peut-être déjà beaucoup d'années, mais cela ne me paraît pas si loin.

Je dois vous dire que, sur un grand nombre de points, nous partageons votre point de vue. À la page 14 vous écrivez: "C'est avec inquiétude que nous voyons le gouvernement s'engager dans la voie de ce qui nous apparaît une fermeture de l'école au milieu, sous couvert d'une ouverture de l'école aux parents." C'est une inquiétude que nous avons et je pense que le gouvernement, pour faire accepter le projet de loi 40, a parié sur le principe de la participation des parents qui est bon en soi. Je pense qu'il a évolué depuis plusieurs années et il y a encore place pour l'évolution.

Je suis personnellement un peu inquiète de certains mémoires que nous avons eus où, de bonne foi, les parents sollicitent encore de plus en plus de pouvoirs et semblent sans vouloir faire de l'école un milieu assez fermé. On semble avoir oublié, et dans le projet de loi et aussi dans les débats, le véritable concept de l'école communautaire. On semble la réduire à une école qui mettra, en dehors des heures de classe, ses équipements à la disposition de la communauté ou du milieu environnant. Fort bien, mais je pense que le concept de l'école communautaire dépasse de beaucoup l'utilisation maximale des locaux physiques d'une école en dehors des heures de classe. C'est ce que vous dites dans votre mémoire, au fond. Je pense qu'il est important de le souligner. (22 h 15)

Depuis le début, mes collègues et moi-même, je pense que ce n'est pas une idée opportuniste que nous tentons de faire valoir; c'est véritablement une inquiétude qui, pour plusieurs de mes collègues, remonte à assez longtemps, particulièrement ceux qui ont été impliqués activement dans le milieu scolaire. C'est le danger - vous le soulignez très bien - d'oublier, par une réduction trop grande des pouvoirs des commissions scolaires, la possibilité de péréquation des ressources non seulement au plan financier, mais au plan humain. Cette péréquation, je la trouve presque plus importante au plan humain, au plan des ressources enseignantes, des ressources des directions d'école. Alors que souvent certains ou un grand nombre, par inclination, ne vont pas dans les milieux défavorisés, heureusement, par la possibilité de relocaliser les enseignants sur une plus grande échelle, on permet une péréquation des ressources humaines qui nous semble absolument importante pour les milieux les plus défavorisés.

Évidemment, vous touchez au suffrage universel. Inutile de vous dire que, de ce côté-ci de la table, nous croyons véritablement au maintien du suffrage universel tel qu'il existe. Vous soulignez fort bien la nécessité de la revalorisation du processus électoral qui, depuis quelques années, loin d'être valorisé, a été probablement dévalorisé parce qu'on s'acheminait vers un suffrage universel qui, même s'il a été amélioré par rapport au livre blanc, reste encore boiteux avec deux catégories de commissaires dont certains élus par un demi-suffrage universel et d'autres par un autre type de suffrage universel. Je pense que ceci est important si on veut maintenir ce palier intermédiaire entre le ministère de l'Éducation et les écoles.

Je ne reviendrai pas sur la question du pouvoir syndical ou sur la nécessité de protéger les droits déjà acquis par les travailleurs dans quelque catégorie qu'ils se retrouvent. Je pense que le ministre y a touché largement. Il semble qu'il y ait des pourparlers. Je me suis demandé si, dans le projet de décentralisation très accentué vers l'école et aussi dans le découpage de commissions scolaires - si on prend par exemple la CECM - c'est aussi votre perception à savoir s'il n'y a pas une tentative du côté du gouvernement de réduire le pouvoir syndical, qu'il soit chez les enseignants ou ailleurs. Jusqu'à maintenant, quand le ministre parle de la réduction des territoires sur l'île de Montréal, je n'ai pas encore trouvé de raison très valable, sauf qu'il faut faire un meilleur équilibre. Je dois dire que, là-dessus, il y a probablement des réajustements à faire, mais au point où il veut les faire, on se demande si ce n'est vraiment pas le pouvoir syndical qu'on veut réduire dans le système scolaire. J'aimerais vous demander si vous avez un peu cette perception.

M. Daoust: Je vais prendre les points les uns après les autres. Notre conception de l'école vous est connue. On la retrouve dans le mémoire. Je voudrais, cependant, insister sur le fait que, pour nous, l'école est la propriété collective de l'ensemble des citoyens du Québec, que l'école a une fonction éducative, sans aucun doute, mais qu'elle doit être au service du milieu. C'est pour cette raison que dans les conseils

d'école, bien que nous reconnaissions l'importance des parents et des enseignants qui doivent s'y retrouver afin de faire un équilibre sur le plan des échanges et de la représentativité, nous souhaitons aussi que le milieu s'y retrouve par la présence de citoyens dont les modalités d'élection pourraient, sans aucun doute, être explicitées en d'autres lieux.

Par la présence de ces derniers, nous pensons que le milieu pourrait un peu mieux s'exprimer à l'égard des finalités de l'école. La fonction éducative - je le répète - est son rôle premier. Mais l'école, qui est au service de l'ensemble des citoyens, doit s'ouvrir à ceux-ci par une présence et, au-delà de la présence, par un tas de gestes concrets. Il est inconcevable que nos écoles soient fermées, dans la plupart des cas, au milieu. Il y a un tas d'associations de toutes sortes, groupes populaires, associations volontaires de toute nature et de toute tendance, qui ont besoin de l'école dans leur fonctionnement, qui ont besoin de l'école comme lieu physique, qui ont besoin de l'école pour des cours qui s'adressent aux adultes, qui ont besoin de l'école pour encadrer leur programme d'action. C'est pour cela qu'on insiste beaucoup sur la présence de citoyens au sein du conseil d'école; c'est la charnière entre le milieu et ceux qui font fonctionner l'école et ceux qui y participent comme élèves, comme enseignants ou comme personnel.

À l'égard de la présence des parents, très rapidement dans mes remarques préalables j'ai mentionné qu'en certains milieux on fait des gorges chaudes sur la capacité réelle des parents de participer adéquatement. Ce n'est pas notre point de vue; c'est même tout à fait contradictoire avec nos prises de position qui vous sont connues. On fait des analogies et des rapprochements entre le point de vue qui s'exprime assez souvent au sein de l'entreprise où des employeurs refusent systématiquement la collaboration des travailleurs dans les grands projets de l'entreprise. Heureusement, il y a un déblocage qui est très lent mais qui s'annonce au sein de la plupart des sociétés industrielles, qui veut que de plus en plus les travailleurs, les artisans, ceux qui oeuvrent, ceux qui donnent les services soient de plus en plus appelés à collaborer dans le fonctionnement de l'entreprise, dans ses finalités et dans sa critique aussi.

On fait des analogies entre le rôle des parents. On explicite beaucoup dans notre mémoire qu'il va falloir stimuler leur participation, faire en sorte qu'ils soient compétents; et pour être compétents, il faut être informé et formé. Il faudra que les pouvoirs publics leur donnent les moyens de leur participation. Ce n'est pas par une espèce d'effet magique que ces derniers deviendront subitement compétents dans un tas de problèmes aussi complexes que ceux qu'on aborde devant votre commission. Il y a des moyens qui vous sont connus et qui nous sont connus mais qui tournent autour de fonds qui devront être dégagés afin que ces gens-là puissent être adéquatement formés pour assumer pleinement un rôle démocratique.

Il faudra aussi, à notre sens, que les parents et ceux qui participeront au fonctionnement des conseils d'école puissent de temps à autre, sans être assujettis à des règles de confidentialité, retourner dans leur milieu respectif pour vérifier la qualité de leur mandat, mesurer la qualité démocratique de ce qu'ils disent, de ce qu'ils font, de ce qu'ils décident au sein de ces conseils.

Dans notre mémoire, on insiste beaucoup pour éviter que cela ne devienne une espèce de cénacle technocratique. On a mentionné que, de plus en plus, il y a une tendance qui s'amorce, à savoir que les gens plus instruits, plus riches, surtout les hommes, vont pouvoir participer, à moins qu'on ne prenne les moyens pour redresser cette situation, avec plus d'importance que l'ensemble de la population. Je pense que ce serait une lacune très grave de ne pas se rendre compte qu'il faudra trouver les moyens pour éviter cette tendance qui s'amorce ou qui s'annonce.

À l'égard du suffrage universel, nous rappelons, à la page 28 de notre mémoire, que nous ne voulons, d'aucune façon, atténuer l'impact ou, comme on le mentionne, les dégâts du suffrage universel par l'ajout de commissaires à statut spécial. Cela nous semble aberrant au point de vue démocratique. C'est déresponsabiliser le citoyen électeur de ne pas lui donner la plénitude des pouvoirs des délégations qu'on retrouverait au sein des commissions scolaires en y ajoutant toutes sortes d'éléments artificiels munis de toutes sortes de compétences et de toutes sortes de représentativités. L'école, les gouvernements municipaux, le gouvernement du Québec, les structures démocratiques doivent être assujettis à des règles et nous ne voyons pas qu'on puisse les diluer en ajoutant, au sein des commissions scolaires, des personnes autres que celles qui seraient choisies par le suffrage universel. Pour nous, c'est fondamental.

Encore faudra-t-il - et on l'a mentionné dans notre mémoire - que tout le processus électoral soit vidé des faiblesses que certains d'entre nous ont pu connaître dans le passé, où des groupes structurés dans notre société, quels qu'ils soient parmi les gens les plus prestigieux de notre milieu, ont fait peser leur poids politique pour faire en sorte que des regroupements non rattachés à des machines politiques n'aient pas voix au chapitre au moment des élections scolaires.

Peut-être faudra-t-il penser à des formes de financement. Peut-être faudra-t-il traduire et transposer dans le domaine de l'élection aux commissions scolaires d'autres critères, d'autres modalités ou d'autres techniques que nous retrouvons à d'autres niveaux électoraux au sein de notre société. Cela nous semble fondamental qu'on tienne compte de ce point de vue.

Donc, munir les parents, les enseignants inévitablement - ils ont leurs structures syndicales, sans aucun doute peuvent-ils y avoir recours - et tous ceux qu'on retrouve au conseil d'école de tous les outils indispensables pour qu'ils puissent assumer leur rôle et, à l'égard des commissions scolaires, faire en sorte que le jeu démocratique ne soit pas faussé comme on l'a vu dans le passé.

À l'égard de votre dernière question, c'est un peu plus compliqué.

Mme Lavoie-Roux: C'est un peu plus délicat.

M. Daoust: Elle s'adresserait beaucoup plus au ministre lui-même qu'à nous, à ce moment-ci. Je pense qu'il me serait difficile de la commenter.

Mme Lavoie-Roux: Bon! D'accord. Une question très précise: Quand vous parlez du libre choix de l'école, vous y voyez un élément possible de discrimination ou de perpétuation, si je puis dire, d'inégalités sociales. Est-ce que je me trompe si j'interprète votre mémoire comme voulant dire que ceci pourrait être un prétexte à une école donnée pour refuser, à partir de certains critères, des élèves qu'on jugerait moins aptes ou moins capables? Est-ce ainsi que je dois l'interpréter? (22 h 30)

M. Daoust: Je ne sais pas si cela peut aller jusque-là. Notre inquiétude, c'est qu'il se crée des espèces de ghettos ou des espèces de regroupements qui, par leur définition même, seraient discriminatoires à l'égard de ceux qui ne partageraient pas tel ou tel point de vue ou telle ou telle orientation. Cela nous semble un projet quelque peu utopique. Au-delà de l'utopie, ce n'est pas mauvais de se plonger dans des projections de ce type. Je pense que ce n'est pas malsain, non plus, au point de vue philosophique. Quand on retombe un peu sur le plan concret, on souhaite des écoles qui seront à l'image de la population d'un quartier donné, où tous et toutes pourront recevoir un enseignement de même qualité. En fait, pour être bien francs, on est profondément inquiets de ce libre choix. On trouve qu'il contient, dans son essence, des aspects discriminatoires. On se retrouverait beaucoup plus à l'aise dans des écoles qui reconnaîtraient de façon systématique la pluralité des orientations religieuses et des idées, qui ne seraient pas des écoles de riches et des écoles de pauvres, qui ne seraient pas des écoles où on retrouve des concentrations de telle ou telle minorité ethnique, ce qui serait nettement au désavantage du processus d'intégration que doit connaître l'école dans notre milieu.

Enfin, on souhaiterait que les gens se retrouvent dans le quartier, qu'ils soient propriétaires de leur école. Je pense bien que je n'ai pas à répéter ce que j'ai dit, on souhaiterait mais qu'ils se retrouvent sur un pied d'égalité et que l'on ne constitue pas, ici et là, toutes sortes de petits lieux, d'endroits de rencontre où des gens qui pensent à peu près les mêmes choses, qui ont à peu près les mêmes orientations, assez souvent les mêmes portefeuilles, se donnent les mêmes projets de société par l'école. On trouverait ça dangereux sur le plan de la lutte aux inégalités sociales, entre autres.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Daoust. Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de saluer, de même que mes collègues, les représentants de la FTQ. Après tout ce qui a été dit, tous les commentaires qu'on a faits, les questions qu'on a posées sur votre mémoire, je vais essayer de me glisser, de me faufiler entre tout cela pour, quand même, trouver quelques questions qui pourraient faire avancer le débat.

J'aimerais revenir au conseil d'école. Vous avez manifesté certaines réticences quant à sa composition telle qu'elle est proposée dans le projet de loi. Vous suggérez un rééquilibre, un réaménagement. Je ne m'attarderai pas beaucoup sur cela, parce que vous l'avez abordé tantôt et que certaines questions ont été posées là-dessus.

J'aimerais simplement revenir à une question peut-être plus fondamentale en ce qui concerne le conseil d'école. Je crois que c'est important. Je pense bien que la question que je vais vous poser est implicite un peu à vos propos, mais ce serait peut-être bon que vous l'explicitiez au profit de nos auditeurs et des membres de la commission. Vous avez insisté beaucoup sur l'importance de la participation des agents qui se retrouvent à l'école: parents, enseignants, professionnels non-enseignants, étudiants et direction d'école. Si j'interprète bien vos propos, vous êtes pour cet aspect très important' du projet de loi 40 qui, à mon sens, est un des éléments substantiels, qu'il y ait, au niveau de l'école, par le biais d'un conseil d'école, un pouvoir décisionnel reconnu par la loi quant à certaines questions très spécifiques à la vie

pédagogique de l'école. Je crois que vous adoptez cet élément important du projet de loi.

M. Daoust: II n'y a pas d'ambiguïté, nous sommes carrément de cet avis. Nous estimons qu'il s'agit là d'un aspect démocratique à retenir. Lieu de collégialité, lieu où les gens s'affrontent inévitablement -nous vivons dans une société conflictuelle -lieu où il se fait des consensus, lieu d'équilibre, de prise en charge. Enfin, on ne peut pas ne pas être farouchement en faveur de cela et il faut saluer le projet de loi dans cette partie-là, quant à ses fins, quant à son objectif fondamental, nous en sommes. C'est une question d'équilibre encore une fois, de meilleure représentativité de certains groupes.

M. Brouillet: Par mes questions, j'essaie de déterminer un peu la substantialité des amendements que vous aimeriez voir dans le projet pour être d'accord avec lui. Je pensais que c'était un point substantiel et vous êtes d'accord avec cela. Donc, ce n'est pas là que vous appelez un amendement. Je suis à la recherche de la substantialité que vous aimeriez voir changer. Je pense qu'on va y venir bientôt.

Pour ce qui est, justement, du conseil d'école, le projet de loi reconnaît la présence d'un citoyen au conseil d'école par le biais du commissaire élu. C'est au niveau de la proportion, je pense bien, entre les différents intervenants. C'est sur ce point-là, surtout, que vous aimeriez un meilleur équilibre, parce que les différentes composantes que vous voudriez voir apparaître au conseil d'école, le projet de loi les spécifie: commissaire élu par l'ensemble des citoyens au suffrage universel, représentation de parents, les enseignants, le personnel non enseignant et aussi les étudiants au secondaire. Ce serait au niveau de la proportion; autrement dit, la majorité des parents serait un point que vous n'accepteriez pas.

Si nous abordons maintenant le conseil des commissaires, votre point fondamental, c'est qu'il n'y ait pas d'autres commissaires que ceux élus au suffrage universel par les citoyens électeurs contribuables. J'ai un peu de difficulté à épouser la défense que vous faites de ce principe. Je vous suis très bien. Je pense que cela se défend très bien qu'étant donné le caractère public de l'école il est important que l'ensemble des citoyens se préoccupent de leur école sur leur territoire. Une façon de les amener à s'en occuper, c'est de leur permettre et de les inciter par toutes sortes de moyens à élire les responsables de ces écoles à la commission scolaire. Très bien. Mais quand vous dites: Pour protéger ce principe, il ne faut qu'aucune autre personne n'y parvienne par d'autres voies parce que cela viendrait enfreindre la démocratie, là, vraiment, je pense que vous tirez un peu fort les conclusions de votre prémisse. Je trouve très important que s'élabore un projet éducatif, que s'élaborent des besoins ou qu'existent des intérêts spécifiques à l'école locale, et, par ailleurs, il y ait la commission scolaire où on doit prendre en considération un intérêt un peu plus général, une collectivité plus vaste et que ce soit le lieu de l'arbitrage des intérêts particuliers. Cela en prend un; on le reconnaît et c'est très bien. Mais je crois que c'est important qu'il y ait, à un moment donné, un pont bien organisé, je dirais quasiment institutionnalisé, qui s'établisse entre l'école où s'élaborent les besoins propres à un milieu, où s'expriment les intérêts spécifiques d'un milieu donné, et le lieu où vont s'arbitrer ces intérêts au nom d'un intérêt général, un certain pont institutionnalisé pour que les décisions qui se prendront à la commission scolaire puissent être prises à partir d'une connaissance exacte des besoins particuliers.

Il y a plusieurs groupes, d'ailleurs, qui sont venus le dire et des gens qui tenaient beaucoup à la démocratie et qui tenaient au suffrage universel au nom de la démocratie, qui acceptaient la formule et qui l'ont même proposée. Ce sont eux qui ont proposé une formule d'un conseil de commissaires où siégeraient, pour la moitié, des commissaires élus au suffrage universel et, pour l'autre moitié, des commissaires élus par les comités d'école. Alors, je ne vois pas très bien où se trouve votre point fondamental là-dedans. Est-ce dans le maintien du suffrage universel ou si c'est dans l'exclusion de toute autre personne qui ne viendrait pas d'un suffrage universel? Quel est votre point fondamental?

Le Président (M. Blouin): M. Daoust.

M. Daoust: Vous retrouvez notre orientation aux pages 26, 27 et 28 et je vais lire la dernière partie, quitte à la commenter quelque peu: "II va sans dire que nous n'approuvons pas, non plus, la formule spécifique proposée par le projet eu égard à l'élection des commissaires sur la base de l'école; la décentralisation du pouvoir au profit des écoles peut entraîner une défense des intérêts immédiats pouvant aller contre les objectifs plus larges de démocratie sociale et il est donc de toute première importance que les commissions scolaires demeurent les lieux où s'opéreront les nécessaires arbitrages."

On estime qu'il est plus que normal, cela va de soi, qu'en un lieu quelconque, puisqu'il y a des pouvoirs qui vont inévitablement s'affronter, il y ait des arbitrages et des médiations qui puissent s'opérer. Je ne veux pas, non plus, faire des analogies un peu faciles, mais c'est le rôle

de l'Assemblée nationale et du gouvernement d'assumer cette fonction d'arbitrage, de médiation, d'orientation et tout ce qui peut en découler. On estime qu'au sein des commissions scolaires cela devrait être la même chose, que les gens qui sont là le soient à part entière et non pas qu'il y ait deux types de commissaires; qu'ils détiennent les pouvoirs d'un électorat bien identifié, qu'on connaisse les enjeux de la revalorisation du fonctionnement des élections scolaires, que je ne veux pas répéter, sauf peut-être un petit mot.

Quelque part dans la loi, je ne sais plus à quel article, il est mentionné, que les élections se feraient le dimanche. Là-dessus, on a des vues qu'on voudrait vous exprimer fort rapidement. Les élections provinciales et fédérales se font sur semaine. Les employeurs aux élections provinciales et fédérales permettent à leurs salariés de se libérer de leur travail pendant quelques heures pour aller voter. On estime que les élections scolaires devraient suivre substantiellement le même type de modèle afin de faire en sorte que l'ensemble de la population et les salariés, puisqu'ils sont les plus nombreux, puissent accomplir leurs devoirs électoraux sans qu'il leur en coûte et qu'on ne fasse pas nécessairement des élections le dimanche, avec toutes les conséquences que cela peut comporter.

Ceci étant dit, on souhaiterait donc qu'il y ait une très grande unité - une unité, point; c'est complet une unité - de la part de ceux qu'on retrouve au sein des commissions scolaires, qu'il n'y ait pas deux types de commissaires, mais un seul type. On estime que la population en général va faire la part des choses. Il s'agira, là aussi, de stimuler la participation par toutes sortes de moyens, comme ceux qu'on a pu décrire un peu succinctement, pour que les gens puissent assumer leur rôle au moment des élections scolaires.

Pour nous, je le répète, c'est peut-être un peu brutal comme déclaration, mais cela nous semble impensable que, démocratiquement, il y ait deux ou trois types de personnes qui soient appelées à assumer des fonctions décisionnelles à l'intérieur d'une structure démocratique. On ne voit pas pourquoi il y aurait une différence parce qu'on est à l'école, différence qu'on ne retrouve ni au niveau municipal, ni au niveau de la société complète sur le plan politique au Québec, par exemple.

M. Brouillet: Alors, je crois que vous concevez une façon de vivre la démocratie par le biais d'un processus électoral. La présence de délégués de parents au niveau de la commission scolaire, actuellement, nous savons que cela existe, il y en a deux qui sont acceptés. De l'avis de plusieurs, la présence de parents qui ont des enfants dans les écoles à la commission scolaire est un apport important pour éclairer ceux qui ont à prendre des déciaions. Les inconvénients que vous y voyez, à mon point de vue, ne font pas le poids aux avantages qu'il pourrait y avoir à la présence d'un certain nombre -je ne dis pas nécessairement d'une façon paritaire - de parents délégués par les comités d'école qui siégeraient au sein de la commission scolaire. Vous semblez trouver fondamental qu'il n'y ait personne d'autre qui parvienne au conseil des commissaires, autrement que par la voie du suffrage universel. C'est fondamental pour vous?

M. Daoust: Pour nous, c'est fondamental. Je n'ai pas à vous rappeler que, dans bien des cas, les citoyens et les citoyennes qui se font élire sont des parents ou des gens qui ont été parents ou qui le seront éventuellement.

M. Brouillet: Les parents désignés par les comités d'école sont au fait de telle école en particulier, dont ils connaissent les besoins, les aspirations, et qui, au sein de la commission scolaire où doivent se prendre des décisions ou des arbitrages, font connaître les intérêts ou les besoins particuliers de leur école. Ce n'est pas seulement le fait qu'ils soient parents d'enfants, mais c'est le fait que ce sont des parents qui viennent d'une école, qui siègent au comité d'école de cette école et qui connaissent les besoins de cette école. (22h 45)

Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, M. le député de Chauveau. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Bonsoir, messieurs et Mme la recherchiste. Il me fait plaisir de vous saluer. M. Daoust, j'ai reconnu en vous l'ancien commissaire de la CECM. Je suis content de votre intervention sur le rôle obscur de l'enseignant dans le projet de loi. Vous dites même que c'est une provocation des professeurs, vu leur présence jugée assez facultative au conseil d'école. Je suis content de vous l'entendre dire, parce que M. le ministre a là-dessus l'entendement assez dur. Il essaie toujours de minimiser nos interventions sur ce sujet. Je n'irai pas plus loin, vous en avez déjà parlé. C'est un bon signe, ce soir, parce que M. le ministre commence à s'interroger. Il vous a même demandé un nouveau mécanisme pour arriver à ses fins. C'est un bon signe.

Deuxièmement, vous avez aussi vécu d'heureuses initiatives à la CECM. Comme vous le savez, je suis un ancien directeur d'école. De votre temps, nous avons vécu l'insertion des parents dans l'organisation scolaire. Ensemble, nous avons observé leur montée en importance, en compétence et en

implication aussi. Avec votre expérience, pourriez-vous nous dire si vraiment les parents ont été et sont encore vraiment acceptés à la CECM et aux autres commissions scolaires en général? D'après vous, jusqu'où devraient aller les droits des parents? Vous parlez, à la page 15, de maintenir le dynamisme des structures traditionnelles. Seriez-vous d'avis qu'on leur donne le pouvoir décisionnel ou qu'on les maintienne plutôt dans leur pouvoir de consultation?

M. Daoust: Notre intervention en est une de reconnaissance du rôle fondamental que doivent jouer les parents dans l'école, évidemment au sein du conseil d'école. Nous n'avons aucun doute sur leur compétence. Nous ne manifesterons aucune méprise à ce sujet. Le rôle qu'ils jouent dans leur milieu, l'intérêt qu'ils manifestent à l'égard des enfants qui sont les leurs et qu'on retrouve dans nos écoles justifient, à notre sens, leur présence et justifient qu'ils ne s'occupent pas exclusivement de broutilles et de détails, comme cela a pu être le cas dans le passé, mais qu'ils aient des fonctions décisionnelles et qu'ils jouent un véritable rôle dans l'orientation de l'école sur tous les plans.

Il n'est pas facile pour moi de faire des commentaires sur ce qu'ont pu être les comités d'école à la CECM et sur le rôle des parents dans les structures scolaires du Québec. Je pense qu'il y a abondamment de documents là-dessus qui ont formulé des critiques à l'égard du peu de pouvoirs qu'ils avaient. Nous sommes d'accord avec la plupart de ces critiques. Mais, enfin, notre position fondamentale en est une de confiance, d'acceptation et nous sommes d'accord avec le rôle qu'on veut leur faire jouer, mais pas à ce point qu'il devienne prédominant, non plus. Je répéterai qu'il s'agit d'un équilibre à trouver. La solution que nous proposons, il n'y a pas de modalités fort précises quant au nombre, mais un équilibre qui fera en sorte qu'il n'y ait pas de la part d'un groupe vis-à-vis d'un autre une surreprésentation, mais qu'il y ait une représentation adéquate de tous les artisans, de tous ceux qui s'intéressent à l'école.

M. Hains: Merci. Une autre petite question très courte. Le premier ministre, M. René Lévesque, et tous ses ministres dans le domaine financier ont décidé de faire de Montréal le fer de lance de la reprise économique et même d'y investir des millions de dollars. Deuxièmement, le ministre Richard, des Affaires culturelles, a décidé aussi, dans son programme la renaissance culturelle, de faire de Montréal le coeur et le moteur des institutions et des manifestations dans les arts et les sciences.

Je crois que ces politiques ont été très bien accueillies en général malgré des petites pointes d'envie bien normales des autres partenaires municipaux. Mais, franchement, quelle n'est pas notre stupéfaction - la mienne en tout cas, et ma crainte - de voir notre ministre de l'Éducation se dissocier de cette politique gouvernementale et vouloir démanteler à Montréal trois de nos plus belles institutions qui font l'honneur et la fierté de Montréal, de la province, du pays et, je dirais même, outre-mer! Je vous ai nommé, vous l'avez certainement deviné, la Commission des écoles catholiques de Montréal, le Protestant School Board et le Conseil scolaire de l'île de Montréal.

M. Daoust, vous avez des spécialistes en dynamitage à la FTQ. Pourriez-vous nous trouver des experts pour désamorcer cette bombe qui menace de faire sauter ces trois grosses institutions qui font vraiment l'honneur et la réputation de Montréal? Qu'en pensez-vous?

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Non, non. Je voudrais bien une réponse.

Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Hains: Évidemment, ce que j'ai dit est imagé, mais je voudrais bien savoir ce que vous en pensez et ce qu'il y aurait à faire.

Le Président (M. Blouin): À faire?

M. Hains: Si c'est possible, très brièvement, car M. le Président commence à compter le temps, et avec raison, parce que le temps avance.

M. Daoust: Écoutez, les commissions scolaires qui sont à l'image des citoyens par leur taille ne peuvent pas être pour nous l'objet de récriminations. Les immenses commissions scolaires, qui sont devenues à peu près anonymes dans certains cas, qui sont loin des réalités, qui se technocratisent dans leur fonctionnement, ne peuvent pas recueillir chez nous des appuis. Ce n'est pas le fait de garder telle ou telle structure dans sa composition actuelle qui est un gage de succès, non plus. Je pense qu'il faut être ouvert à ces possibilités qu'il y ait plus de commissions scolaires, qu'à la CECM il y ait un "démembrement", ce mot étant dit entre guillemets. On ne peut pas s'y opposer dans la mesure où les gens vont se retrouver. Ce n'est pas facile de se retrouver dans cette boîte que vous connaissez et qui s'appelle la CECM; c'est un géant, dans le fond. Qu'on veuille rapprocher des commissions scolaires des citoyens, des enseignants, des élèves, des parents, que cette commission scolaire colle à une réalité qui est la nôtre à Montréal, je

ne vois pas en quoi on pourrait, quant à nous, s'y opposer. Les experts en dynamitage que nous avons chez nous, qui sont des travailleurs syndiqués et qui font un travail syndiqué, comme vous le savez sans aucun doute, ne seraient pas d'une très grande utilité pour faire bouger qui que ce soit dans ce domaine.

Le Président (M. Blouin): Merci. Merci, M. le député de Saint-Henri. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Vous avez tellement insisté sur cet aspect, vous l'avez présenté comme étant fondamental; vous avez dit à plusieurs reprises que ce serait impensable que, sur le plan du suffrage universel, l'ensemble des commissaires siégeant à la commission scolaire ne soit pas issu des mêmes modalités de nomination dans le cadre d'une élection au suffrage universel. Vous allez me permettre d'y revenir pour deux raisons. Vous savez que, depuis 1979, il y a des commissaires parents qui siègent maintenant à la direction des commissions scolaires. Alors, il y a les commissaires élus selon le mode qu'on connaît.

Avec raison, vous faites appel à une espèce de revitalisation qui nous viendrait d'une réforme du mode d'élection et des modes de financement. J'abonde dans votre sens. La publicité qui a été faite, par exemple, dans le métro ou dans les médias, lors de la dernière élection, malgré qu'elle était abondante et coûteuse, n'a pas eu comme résultat de déclencher chez nos concitoyens, les Montréalais, en particulier, le goût de participer aux élections. À quatorze heures, j'étais la neuvième, je pense, à inscrire mon vote dans le bureau de scrutin où un peu plus de 300 personnes étaient inscrites.

Je veux savoir de vous ceci. Vous avez dit: Les citoyens peuvent être élus comme parents. Là-dessus, vous avez raison, parce qu'il y a présentement, je pense, 70% ou plus de commissaires qui sont également parents d'enfants inscrits dans des écoles pour l'ensemble du territoire québécois. Ne concevez-vous pas qu'on puisse porter plusieurs casquettes, suivant la fonction qu'on occupe, mais si on n'est pas élu comme tel ou nommé ou, tout simplement, si on ne siège pas à ce titre-là, on n'a pas à assumer l'ensemble des attributions qui sont les nôtres? En d'autres termes, par exemple ce n'est pas parce qu'il y a des enseignants au sein de la députation péquiste ou libérale que, pour autant, le point de vue des enseignants est représenté. Vous le savez très bien, parce que la plupart d'entre vous portent plusieurs casquettes, je pense. Vous assumez plusieurs fonctions dans la société et, pourtant, vous avez la capacité de les distinguer. Un autre exemple: un enseignant syndiqué peut très bien, à un autre niveau, être élu président ou présidente de sa garderie et devenir employeur. On peut, comme cela, dans la société occuper plusieurs fonctions concurremment, au même moment.

Donc, je reviens avec ma question: Parce que certains commissaires ou même la majorité d'entre eux peuvent être parents, est-ce que vous assumez le fait qu'ils représentent le point de vue des parents? Vous savez que la Centrale de l'enseignement du Québec elle-même a recommandé dans son mémoire l'équivalent d'une commission scolaire composé, pour moitié de représentants choisis par et parmi les parents et, pour l'autre moitié, de commissaires élus pleinement au suffrage universel. Donc, ce n'est pas si aberrant, ce n'est pas si impensable que cela. Sur le strict plan de la démocratie, on voit de nombreux conseils d'administration qui sont à la fois composés de représentants du personnel, de représentants socio-économiques. On pourrait ajouter certainement des personnes qui seraient élues éventuellement, qui pourraient être élues pleinement au suffrage universel. Finalement, ne pensez-vous pas qu'on finit toujours par avoir la fonction de ses attributions?

M. Daoust: C'est le rôle qu'on voit, évidemment, à la commission scolaire qui nous fait opter pour cette orientation. Tout le problème des inégalités sociales, des partages, des arbitrages qui devront se faire entre de multiples pouvoirs, nous convainc qu'il ne faut pas doubler la représentation, mais qu'il doit y avoir des unités de représentation comme telles. Un endroit où c'est démocratique, c'est le suffrage universel: tous peuvent se faire élire dans la mesure où ils ont les critères qui permettent leur éligibilité. Mais il ne faut pas qu'il y ait deux types de commissaires. Cela dévalorise, à notre sens, dans une certaine mesure, sans, non plus, aller trop loin, la qualité des débats. Les gens, au sein d'une commission scolaire, vont dire: La voix des parents va s'exprimer par tant de représentants habilités à le faire et la voix des citoyens va s'exprimer par ceux qui sont élus et qui émanent du suffrage universel. Cela crée des confusions, je pense, dans la population et ce n'est pas susceptible de provoquer des consensus, je ne dirais pas faciles - ce n'est jamais facile dans certains milieux - aussi valables au point de vue démocratique. (23 heures)

II est entendu qu'on peut porter de multiples chapeaux, mais quand on détient une légitimité qui nous est donnée par le suffrage universel on la détient et on est comptable de ses faits et gestes devant ceux

qui nous ont portés à tel ou tel poste. Cela provoquerait, je pense, au sein de la société, dans des commissions scolaires qui ne seraient pas trop immenses - je reviens un peu à ce que vous disiez - un intérêt beaucoup plus marqué d'avoir ce type de composition que celui qui est suggéré dans le projet de loi.

Mme Harel: M. le Président, seulement une dernière question, parce que cela me semble, comme à vous aussi, assez fondamental. Quand on fait référence à la démocratie, au processus électoral, je vous pose à nouveau la question: Est-ce que, dans un domaine aussi central que l'école, la démocratie, c'est finalement de laisser le rapport de forces du processus électoral jouer dans le sens où on s'incline devant les gagnants et où on conçoit, à ce moment-là, que ceux qui ont perdu doivent ronger leur frein et revenir ultérieurement? Dans ce sens, je me demande si c'est approprié pour l'école, parce que, en attendant, votre enfant est à l'école. En d'autres termes, vous pouvez avoir sur le plan électoral un théâtre de luttes qui sont légitimes, mais vous pouvez avoir... Par exemple, ici, à votre place, la semaine dernière, il y a un mouvement scolaire confessionnel qui, d'entrée de jeu, est venu dire qu'il était d'abord organisateur d'élections scolaires. C'était là sa définition première. Être organisateur d'élections scolaires, est-ce salutaire d'une certaine façon pour l'ensemble du processus d'apprentissage, si vous voulez, qui fait que votre enfant est là pour un certain temps seulement? En tant que parents, il est possible que vous soyez prêts à vous entendre avec n'importe qui. Il n'y a pas d'adversaire. Lorsque vous êtes les parents d'un enfant, c'est l'école de votre enfant qui vous intéresse. Il n'y a pas là d'adversaire d'une autre formation politique. Ce n'est pas aussi conflictuel, dans le sens où il n'y a pas des libéraux ou des péquistes; ce sont des parents d'un enfant qui porte un prénom avec lequel le vôtre joue. N'est-il pas nécessaire, en démocratie, d'introduire ce processus consensuel de manière à ne pas laisser le rapport conflictuel qui est le rapport de forces électoral jouer au détriment, justement, de la nécessaire "consensualité" qui doit se dégager pour l'école?

M. Daoust: Au sein du conseil scolaire, évidemment, par la définition ou la description des groupes qui y seront, il y a déjà des balises parents-enseignants-citoyens-élèves, les uns détenant des pouvoirs qui émanent d'organismes, comme cela peut être le cas d'enseignants, enfin quelles que soient les modalités, les autres ayant été choisis par une forme de suffrage universel, tous ayant été choisis par une forme de suffrage universel, en tout cas, entendons-nous là-dessus. C'est au niveau de l'école.

Au niveau de la commission scolaire, si je me laisse entraîner dans votre analyse, il faudrait quasiment dire: Ceux qui seront là par le suffrage universel n'auraient peut-être pas la même légitimité. C'est cela qui nous inquiète, ces espèces de qualités différentes selon qu'on vienne du milieu des parents ou selon qu'on ait été élus par l'ensemble des citoyens. Comme on estime qu'il va y avoir un tel bouillonnement au sein du conseil d'école, on est d'accord avec cette structure, elle est saine, démocratique, etc., il n'y a pas de difficulté. Quant à nous, il y a une adhésion. Ce bouillonnement qui se fera dans 30 ou 40 écoles par commission scolaire doit-il se refléter nécessairement à la commission scolaire? Nous pensons qu'il va se refléter inévitablement, mais par l'ensemble des commissaires élus qui, eux, le seront par la voie du suffrage universel. Encore une fois, les conseils d'école pourront être fort actifs au moment des élections des citoyens qui vont se présenter à la commission scolaire. En fait, il y a toutes sortes de groupes qui vont se constituer.

Mme Harel: Justement, est-ce que le fondement de toute cette réflexion, c'est de savoir - permettez-moi, c'est une mauvaise expression - quel label on porte quand on s'occupe de l'ensemble de la chose scolaire? Je vous dirai qu'en termes pratiques, pour vous donner un exemple, je peux ne pas être la députée de Maisonneuve, mais la maman de Catherine. Chacun d'entre nous peut se retrouver comme cela à porter une attribution qui est différente et c'est plus à ce titre qu'on peut, ou plus au titre justement de citoyens, comme vous l'exprimiez si bien... Je suis entièrement d'accord avec la définition que vous nous avez lue de l'école publique, c'est-à-dire l'ensemble de la chose du peuple. Je crois que c'est extrêmement important qu'il y ait aussi une présence qui émane du suffrage universel. Je crois qu'il est important aussi qu'elle puisse être tempérée par, justement, la maman ou le papa des élèves qui sont à telle et telle école.

M. Daoust: Oui, mais, écoutez, on ne peut pas dépouiller une personne de ce qu'elle est. La maman de Catherine, on la connaît. Qu'est-ce que vous voulez? Si vous êtes à un conseil d'école ou à une commission scolaire, vous ne serez pas que la mère de Catherine, vous serez ce que vous êtes et il est fort normal qu'il en soit ainsi. Le cadre supérieur d'une entreprise au sein d'un conseil scolaire n'aura pas tout à fait les mêmes réactions que le dynamiteur que voulait nous décrire le député à l'égard d'un tas de problèmes que notre société vit et connaît. Vous savez, on est ce qu'on est, au

fond, avec toutes les qualités et tous les défauts. Je ne vous l'apprendrai pas. On ne se dégage pas du milieu qui est le nôtre, de nos orientations, en fin de compte, et c'est cela la démocratie. Vous savez, dire à quelqu'un, parce qu'il émane d'un conseil d'école, qu'il va représenter les parents, peut-être, mais, encore une fois, c'est la double identité des gens qu'on va retrouver au sein des commissions scolaires qui nous inquiète.

Le type de démocratie qu'on vit à l'école, on estime qu'il devrait être identique à celui qu'on souhaite vivre à d'autres niveaux politiques et, au-delà de tout cela, il y a toujours le ministre et le ministère de l'Éducation.

Le Président (M. Blouin): Rapidement, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Écoutez, je voulais juste vous dire: Et s'il y avait double légitimité? Mais c'est un débat qu'on poursuivra.

Le Président (M. Blouin): D'accord, merci. En conclusion, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Conclusion?

Le Président (M. Blouin): Conclusion de cette journée.

M. Ryan: Pas nécessairement. Je ne sais pas si ma collègue de Jacques-Cartier veut parler ensuite. Je pense que chacun a son droit. À moins que vous n'ayez des décisions à nous communiquer là-dessus.

Le Président (M. Blouin): J'ignorais que la députée de Jacques-Cartier... Non. Est-ce que vous avez des directives à demander, M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Non, je n'en ai surtout pas.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Vous avez la parole.

M. Ryan: Je veux exercer mon droit d'interroger les dirigeants de la Fédération des travailleurs du Québec dans l'esprit le plus constructif possible, M. le Président, soyez sans inquiétude. J'ai lu le mémoire avec attention. Sur le sujet qu'on vient de discuter, je suis parfaitement d'accord avec la Fédération des travailleurs du Québec sur le grand danger que présente l'idée d'une division de la légitimité. Si les commissions scolaires n'étaient pas fondées sur le suffrage universel... On peut envisager n'importe quoi. Un cégep, par exemple, c'est une institution qui est une créature du gouvernement en vertu d'une loi qui permet de le faire et, ensuite, d'une incorporation spéciale. Il n'y a personne qui est élu au suffrage universel dans le cégep. Tous les gens qui sont là le sont par mode d'autorité déléguée. Qu'on en ait un certain nombre de telle catégorie et un certain nombre d'une autre catégorie, cela va très bien, mais, si on devait en avoir la moitié élue au suffrage universel et l'autre moitié par des canaux spéciaux, limités par des segments plus limités de la population, je pense que là, il y aurait une contradiction fondamentale et, quand on introduit la contradiction, c'est qu'on remet en question l'institution même qui s'appelle la commission scolaire. C'est ce que nous soutenons de ce côté-ci depuis le début du débat. On peut bien la remettre en question, mais qu'on la remette en question totalement, on verra vraiment où on veut nous conduire. Nous, nous voulons garder un organisme de gouvernement démocratique des affaires scolaires au niveau régional. Nous disons que, s'il est au suffrage universel, qu'il le soit. Et s'il n'y avait pas de possibilité, pour les parents, de représentations privilégiées par ce mécanisme, la thèse gouvernementale vaudrait quelque chose, mais c'est tout le contraire qui est la réalité.

L'expérience enseigne que, depuis quelques années, depuis que l'expérience des comités d'école est en marche, de plus en plus, les commissaires sont des personnes qui ont servi d'abord au niveau du comité d'école ou du comité de parents. Ils arrivent ensuite à la responsabilité plus large qui est celle de la gestion générale du réseau d'enseignement sur leur territoire. C'est normal, mais ils ne sont pas sortis de la cuisse de Jupiter et ils ne sont pas venus d'une officine quelconque de petits bourgeois d'un coin du territoire. Ce sont des gens, en grande majorité, aujourd'hui, qui sont issus de cette source. Et cela me semble bien plus sain qu'ils soient venus de cette source sans contrainte spéciale, sans encadrement particulier comme celui que propose le projet de loi, que s'ils étaient venus par cette voie. Parce qu'à ce moment, au lieu d'augmenter, comme on le voudrait, l'influence des parents, peut-être qu'on la réduirait à ces représentants professionnels.

Je pense qu'il y avait une certaine logique dans l'idée de la loi 71 qui disait: On va avoir deux parents à la commission scolaire, si c'est une commission scolaire intégrée: un du secondaire, un du primaire mais qui n'auront pas droit de vote. Parce qu'à ce moment, dans bien des cas, ils ont exercé une très grande influence, ils ont été très appréciés au plan pédagogique, mais ils n'avaient pas à se compromettre avec toutes les décisions administratives qui étaient prises, les questions d'engagement de personnel, les questions de nominations, les questions d'octroi de contrat et tout; cela leur donnait une position qui leur permettait

de mieux défendre les droits des parents. Dès fois, cela va bien et on dit: Maintenant, il faut qu'ils votent. Mais il faut regarder la noblesse de l'autre rôle qui était là, de l'autre fonction qui était là avant de la renvoyer du revers de la main.

En tout cas, de ce côté, depuis le début du débat, nous n'avons pas hésité à soutenir le principe qu'il doit y avoir une sorte de commissaire d'école élu au suffrage universel, mais sans porter obstacle à toutes sortes de modalités pour la participation des parents. Maintenant, c'est un premier point, je veux que ce soit bien clair, Mme Lavoie-Roux l'a dit tantôt et je pense que c'est une conviction unanime de notre côté.

Cela dit, je voudrais faire quelques autres observations à propos de votre mémoire pour vous poser une couple de questions. Je trouve que votre mémoire est généreux, mais un peu flottant par rapport aux questions qui nous intéressent. Quant à nous, c'est la quatrième semaine que nous entreprenons à siéger et il y a un certain nombre de questions qui se sont dégagées avec plus de clarté à mesure que nous avançons. Je reviens à l'une d'elles. La question fondamentale est celle des pouvoirs et des attributions des commissions scolaires. Si vraiment on doit avoir un système d'enseignement qui repose sur un organisme élu au suffrage universel, qui a la responsabilité du système sur un territoire donné, il faut que les attributions et les pouvoirs de ce groupe de citoyens, qui sont mandatés démocratiquement pour agir au nom de leurs concitoyens, soient clairement établis. Dans votre mémoire, tout ce que je trouve là-dessus, c'est un passage plutôt vague au bas de la page 24. Vous écrivez: "Les pages qui précèdent indiquent que nous favorisons le maintien de commissions scolaires détenant suffisamment de pouvoirs et de prérogatives pour que soit assurée et perpétuée, avec toutes les énergies et ressources nécessaires, la mission de démocratisation et de péréquation sociale qui revient, selon notre centrale, au réseau scolaire..." Maintenant, j'ai été étonné de ne pas trouver dans votre mémoire une analyse du projet de loi de ce point de vue.

Il y a un grand nombre d'organismes qui sont venus nous voir ici et qui nous ont dit: La commission scolaire qui va découler du projet de loi 40, c'est une commission scolaire décharnée, une commission scolaire réduite à l'impuissance, une commission scolaire dépouillée d'attributions qui sont essentielles à l'accomplissement de sa mission. Est-ce que je pourrais avoir votre réaction sur ce point particulier? Est-ce que vous trouvez que le projet de loi 40 est satisfaisant à ce point de vue? Y aurait-il certaines améliorations que vous voudriez proposer pour qu'il soit plus vigoureux? (23 h 15)

Le Président (M. Bluuin): M. Daoust.

M. Daoust: Je pense que nous pouvons dire que nous ne retrouvons pas dans le projet, jusqu'à correction s'il y a lieu, des garanties suffisantes qui permettraient ce rôle de péréquation sociale et de lutte aux inégalités que nous estimons fondamental et qui doit être assumé par les commissions scolaires. Il y a une inquiétude qui s'est manifestée à l'étude du projet de loi. C'est pour cela que, tout au long du mémoire, nous avons insisté assez abondamment sur le rôle du système scolaire dans ce type d'objectif et qu'il faudrait des lieux qui soient clairement définis et précisés afin que cette mission du système scolaire dans son ensemble ne soit pas oubliée ni laissée pour compte.

Je vous avouerai qu'il y a des inquiétudes, quant à nous. Notre lecture du projet de loi nous a laissés un peu sur notre appétit. Nous avons dit quelque part dans le mémoire qu'on affirme les principes; quant aux modalités, nous souhaitons que le ministre s'assure que cette fonction ne sera diluée d'aucune façon. Elle nous semble fondamentale sans aucun doute. Le système scolaire, qui est l'un des outils de lutte contre les inégalités - ce n'est pas le seul outil, sans aucun doute - ne doit pas être agencé de façon telle que cet objectif soit plus ou moins laissé de côté.

On ne dit pas qu'il est laissé de côté, mais il y a des inquiétudes que nous ne parvenons pas facilement à préciser à ce moment-ci. Un peu comme nous l'avons dit à l'égard d'un organisme planificateur qui pourrait s'apparenter au Conseil scolaire de l'île de Montréal où, là aussi, nous faisons état de certaines de nos inquiétudes, toujours dans le sens des remarques que j'ai faites il y a quelques instants.

M. Ryan: Je voudrais vous poser une autre question sur ce sujet. J'ai bien noté votre formule habile vers la fin; vous avez des inquiétudes que vous ne parvenez pas, à l'heure actuelle, à formuler avec suffisamment de précisions, mais j'espère que vous pourrez nous envoyer une annexe. Il serait utile d'avoir un complément à cette partie de votre mémoire qui, pour nous, est capitale.

Dans la même veine, je voudrais vous poser une autre question, parce que je voudrais avoir un peu plus de précisions. Il a été question du conseil d'école; je ne veux pas entrer dans la tuyauterie, je pense qu'on pourrait en discuter indéfiniment. Ce que je voudrais porter à votre attention cependant, c'est qu'avant de nous arriver avec un madrier comme celui-là le ministre aurait dû au moins avoir le bon sens de consulter les organismes intéressés, en particulier les organismes qui représentent les enseignants. Il y a bien des difficultés devant lesquelles

nous sommes placés qui auraient peut-être pu être aplanies. Je comprends qu'on avait toutes sortes d'autres conflits, il y a à peine quelques mois, qui rendaient les contacts très difficiles sur d'autres sujets, mais là, on est à pied d'oeuvre sur toute cette question, la définition de la place de chaque élément dans cette école de demain qu'on nous propose; on est devant un madrier qui ne résiste pas à l'examen.

Il n'y a à peu près personne qui vient soutenir que cela a du bon sens comme c'est là. Quand on demande à ces gens ce qu'ils ont à formuler comme suggestion de remplacement, les gens disent comme vous dites: On ne le sait pas trop; on va regarder cela; il faudrait faire attention; on souhaite que les enseignants acceptent. On ne peut pas faire une loi dans un tel esprit; ce n'est pas facile.

Je voudrais vous faire part de l'état d'esprit des gens. Je rentre d'un séjour de trois jours dans mon comté où j'ai eu toutes sortes de réactions de gens de tous les milieux. C'est une réaction que j'appellerais de "puzzlement"; les gens sont perplexes, ils ne savent pas où on s'en va avec cette affaire. C'est pour cela qu'on essaie de s'éclairer en causant avec vous autres.

Je vais vous poser une question précise. Le directeur d'école, c'est un élément capital; c'est un peu comme dans n'importe quel établissement, il faut un directeur qui ait un statut clair, un statut précis. Dans un cégep, le directeur est engagé par le conseil d'administration du cégep et il répond au conseil d'administration du cégep. Dans une commission scolaire - c'est un domaine que vous connaissez, parce que vous avez été commissaire vous-même, M. Daoust, pendant plusieurs années - le directeur est nommé par la commission scolaire et il répond à la commission scolaire suivant la Loi actuelle sur l'instruction publique, par l'entremise du directeur général de la commission scolaire. Voudriez-vous que ce lien soit rompu, comme le propose le projet de loi et comme le désire la Fédération québécoise des directeurs d'école, ou qu'il soit maintenu? En pensant à l'aspect de la péréquation - parce que c'est évident que la répartition du talent et des ressources humaines, comme le disait la députée de L'Acadie tantôt, est un élément capital - en pensant aussi à l'unité du système. Je vous pose la question parce que c'est un des points charnières sur lesquels il y a beaucoup de difficultés autour du projet de loi.

M. Daoust: Encore une fois, vous entrez dans des modalités qu'on a examinées, mais à l'égard desquelles on n'a pas pu dégager une opinion structurée à ce moment-ci. On a bien vu que le directeur d'école pourra, au bout d'une période de cinq ans, sur décision majoritaire du conseil scolaire, non pas être démis de ses fonctions, mais être l'objet d'un vote de non-acceptation pour la poursuite de son mandat. On s'interroge là-dessus; les opinions ne sont pas contradictoires, mais s'affrontent à l'intérieur de notre centrale. Qu'un conseil d'école puisse porter un jugement sur un directeur d'école, ça peut se défendre; ce dernier, sachant les sanctions qu'il pourra peut-être subir éventuellement, aura peut-être une attitude un peu moins technocratique, un peu moins autoritaire -dans le bon sens du mot, si vous voulez -peut-être une attitude un peu plus démocratique. Cela se défend que le milieu, le conseil d'école puisse éventuellement dire à son directeur: Vous ne correspondez plus aux aspirations, à l'idée qu'on se fait d'un directeur d'école.

L'autre thèse est qu'un directeur d'école pourrait être complaisant, politiser quelque peu sa fonction, être à l'écoute de tous en même temps et donner des coups de chapeau à gauche et à droite. C'est un aspect sur lequel, encore une fois, on n'a pas pu dégager une opinion très limpide, si je peux employer cette expression. C'est un pari d'envergure, sans aucun doute, que ce dernier soit obligé de se renouveler dans ses idées pour correspondre à la réalité qui est la sienne. La plupart d'entre nous ont à la mémoire certains directeurs et directrices d'école qui étaient nettement dépassés par les événements et qui étaient un empêchement à un épanouissement des enfants fréquentant l'école. Dans certains cas, ils étaient même complètement, mais complètement décrochés de la réalité. Encore une fois, c'est sans aucun doute un point central, mais on ne peut pas trancher au couteau. Il y a peut-être une expérience à vivre. On ne serait pas formellement opposé à ces articles du projet de loi à ce moment-ci. Peut-être qu'avec le temps - cinq ans, c'est cinq ans - et avec l'expérience on verra ce que cela peut donner. Mais certains soutiennent que c'est un facteur de démocratisation. J'essaie de vous donner un peu les deux tendances pour vous dire à quel point c'est complexe dans notre esprit.

M. Ryan: Oui, j'essaie de comprendre. M. Daoust: Nous aussi.

M. Ryan: II y a là un problème de fond. On peut bien essayer d'avoir le meilleur des deux mondes, mais, à un moment donné, il faut faire des choix clairs. Je pense que le mouvement syndical a toujours été réputé comme n'ayant pas peur de proposer des choix clairs aux autorités publiques. Ici, je reviens à mon exemple du directeur d'école. D'après le projet de loi, il est l'employé de la commission scolaire, mais, quand on lit le projet de loi, on s'aperçoit que la commission scolaire n'aura

pas d'autorité sur lui. L'autorité va être donnée à un conseil d'école dont on ne sait pas comment il sera composé. Personne ne s'entend là-dessus. Je me dis: Si la commission scolaire est l'organisme démocratiquement mandaté par la population, il me semble franchement que c'est à elle de le nommer et d'exercer une certaine autorité sur lui dans l'exercice de ses fonctions et, à un moment donné, de l'affecter ailleurs si cela ne marche pas. Que le conseil d'école émette son opinion, que le conseil d'école doive même donner son assentiment pour certaines décisions qui seront précisées dans la loi, je n'aurais pas d'objection, mais je veux savoir où ce personnage va loger, parce que, si on n'est pas capable de dire clairement où va loger le personnage clé de l'école, de qui il va relever et comment il va fonctionner, tout l'édifice est un château de cartes.

M. Daoust: J'accepterais l'invitation que vous nous avez faite un peu plus tôt de vous faire connaître une opinion - j'allais dire plus représentative - qui aurait fait l'objet d'une réflexion plus poussée là-dessus qu'à ce moment-ci.

M. Ryan: C'est cela. Très bien. Je l'apprécie et je vous suggérerais peut-être, à ce sujet, de lire non seulement le mémoire présenté ici par la Centrale de l'enseignement du Québec, mais également le compte rendu de l'échange de vues très long que la commission a eu avec la délégation qui représentait la Centrale de l'enseignement du Québec, parce que, indépendamment des opinions qu'on peut avoir sur certaines opinions politiques de cette centrale ou d'autres, d'ailleurs - sans allusion particulière - je pense que, là-dessus, la Centrale de l'enseignement du Québec est quand même l'organisme le plus autorisé à parler au nom de ces enseignants dont nous convenons tous qu'ils ont un rôle central à jouer dans l'école, quelle que soit la structure définitive qu'on prévoira. Là-dessus, ils ont été extrêmement réservés. Ils n'ont pas... Ils ne consentent même pas à ce qu'on inscrive dans la loi une formule précise, mais, sur la question du lien de l'école avec la commission scolaire, ils ont été très explicites. Ils préfèrent nettement que le directeur de l'école relève de la commission scolaire dans l'exercice courant de ses attributions, sujet, évidemment, à celles de ses fonctions qui seront définies par la loi comme relevant d'un conseil d'école, par exemple, etc. Je suis content de ce que vous dites et je ne veux pas pousser davantage la discussion sur ce point.

Il y a deux autres aspects que je voulais soulever. Il y a l'aspect de l'éducation des adultes que vous avez soulevé avec énormément de pertinence. Je pense que les remarques que vous formulez là-dessus sont très judicieuses. J'ai écouté les explications qu'a données le ministre tantôt. Il m'apparaîtrait assez curieux, au moment où on prétend refaire la loi-cadre de l'enseignement public au Québec aux niveaux primaire et secondaire, que la réalité de l'éducation des adultes ne soit pas un des éléments essentiels dans cette loi. Le ministre nous a dit tantôt que sa politique s'en vient. Tant mieux. Cela fait longtemps qu'on l'attend, mais il semble qu'il faut qu'on trouve le moyen d'insérer dans la loi les éléments essentiels de la politique d'éducation des adultes du gouvernement. Par exemple, qu'il ne soit pas question d'éducation des adultes dans les articles 1 à 13, qui définissent les fonctions du système d'enseignement, cela fait très bizarre. J'étais très heureux de vous voir insister sur le principe de la gratuité dans l'éducation des adultes, au moins pour les niveaux primaire et secondaire. Je pense que c'est un acquis qu'on a établi il y a de cela une vingtaine d'années et qu'on a perdu en grande partie, au cours des cinq dernières années, avec l'augmentation des frais d'inscription pour certains cours, surtout dans le domaine de la formation professionnelle, comme vous le savez, et la suppression de bien d'autres cours de formation populaire, de culture populaire qui, autrefois, étaient accessibles à des conditions équivalentes à la gratuité. Je suis content que vous l'ayez soulevé. Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser sur les six propositions que vous faites là-dessus. Je suis d'accord de la première à la dernière et je souhaite vivement qu'on trouve le moyen d'intégrer tous ces éléments dans le projet de loi, si jamais il doit connaître une forme plus parfaite. (23 h 30)

À ce sujet, quand vous parlez de reconnaître la nécessité des services spécifiques et distincts destinés aux adultes, est-ce que vous dites que ceci inclut les éléments suivants: vous avez des services d'orientation et de consultation, une facilité d'accès aux services de bibliothèque, etc.? Au point de vue administratif, est-ce que vous vous êtes posé des questions à ce sujet?

Je vais vous poser une autre question. Vous avez dit tantôt, à propos de la Commission des écoles catholiques de Montréal et de la Commission des écoles protestantes du grand Montréal, que vous seriez plutôt sympathiques au projet du gouvernement de ramener ces commissions scolaires à la taille des commissions scolaires moyennes qui existeront dans le Québec. Ce qu'on envisage comme taille moyenne des commissions scolaires pour la région de Montréal, c'est de 18 000 à 21 000 élèves environ, primaire et secondaire. L'autre jour, en rencontrant les représentants de la commission scolaire régionale de Chambly, qui compte une

population de 21 000 élèves, uniquement au secondaire, ils nous ont dit: On a absolument besoin d'une taille comme celle que nous avons pour être en mesure d'offrir des services vraiment compétents concernant l'éducation des adultes en particulier. Est-ce que vous vous êtes interrogés sur la répercussion que pourra avoir le démembrement de ces deux grandes commissions scolaires de Montréal sur la qualité des services d'éducation des adultes qui ont pu être offerts et peut-être sur la qualité d'autres services spécialisés comme les services à l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage?

Une voix: Oui.

M. Ryan: Si on vous faisait la démonstration - certains pensent l'avoir déjà faite devant la commission, mais cela reste ouvert à la discussion - qu'une certaine taille doit être maintenue dans le milieu métropolitain, à cause de la nature spéciale, la configuration culturelle, sociale, économique tout à fait spéciale, le milieu métropolitain, est-ce que ce serait le genre d'argument qui pourrait vous amener à réviser votre position qui n'est d'ailleurs pas énoncée d'une manière trop explicite dans votre mémoire? Nous craignons pour la diminution de la qualité des services dans ces domaines, qui font partie d'un système d'enseignement moderne, s'il y a trop de réduction à des tailles trop moyennes.

M. Daoust: Évidemment, nous ne pouvons énoncer de chiffres qui nous permettraient de dire: Voici la taille idéale d'une commission scolaire. Par ailleurs, nous avons quelque peu commenté, à la page 26, le sujet que vous avez abordé. Je vais le lire rapidement, quitte à le commenter: "Nous craignons que le projet de loi 40 ne nous annonce le retour des inégalités économiques entre commissions scolaires, s'il n'y a pas un organisme central responsable de procéder à une répartition plus juste des ressources. De plus, sans vouloir absolument préserver le territoire actuel de la CECM, nous considérons que le ministre n'a pas offert de garantie visant à assurer le maintien ou la préservation de certains acquis pour lesquels la population a payé et dont elle est en droit de continuer à jouir. Nous pensons notamment à l'expertise de la CECM dans l'enseignement en milieu défavorisé, l'éducation des adultes, l'abandon scolaire ou les toxicomanies, etc., en bref, ce genre de dossiers qui ont précisément beaucoup à voir avec cette mission de péréquation sociale."

À l'égard de vos remarques au sujet de l'éducation des adultes, quant à nous, nous les partageons. D'ailleurs, vous l'avez mentionné vous-même, vous avez indiqué de façon précise que vous n'étiez pas en désaccord avec l'orientation que vous retrouviez dans ce mémoire au sujet de l'éducation des adultes. Chez nous, c'est une très grande préoccupation et un très grand malaise que nous avons voulu exprimer à l'égard des articles du projet de loi au sujet de l'éducation des adultes. Je ne veux pas reprendre ce qu'on a déjà dit et ce que vous avez mentionné. Je pense qu'on est tout à fait sur la même longueur d'onde. Il tarde de savoir exactement quelle orientation ou quel accueil on fera au rapport de la commission Jean. Nous, dans une société qui connaît les mutations que l'on sait, inouïes sur tous les plans, dans une société où le taux d'analphabétisme est fort élevé - on parle de 200 000 à 600 000 personnes au Québec, selon la définition qu'on donne des analphabètes - quant aux droits que doivent avoir ces gens qui ont payé le système scolaire depuis toujours et qui sont sous-scolarisés, quant à tous ces phénomènes, on se dit que la dimension de l'éducation des adultes n'a pas recueilli dans le projet de loi l'attention qu'elle méritait.

De façon un peu plus précise, c'est entendu que des services d'éducation des adultes, il en existe. On ne voit pas une atomisation de ceux-ci et un éclatement des interventions dans le domaine de l'éducation des adultes dans une société comme la nôtre où les gens sont mobiles, où les problèmes d'emplois et de recyclage, de réadaptation sont fréquents, où on dit de plus en plus qu'un travailleur devra changer cinq ou six fois d'emploi; on parle d'éducation permanente de plus en plus. C'est entendu qu'il faudra des lieux où il y aura une concertation, où il y aura des grandes politiques. Ce n'est pas au niveau de l'école, sans aucun doute, quoiqu'il doive y avoir une préoccupation à ce niveau, c'est tellement évident. C'est de façon beaucoup plus centralisée que nous voyons les pouvoirs dans le domaine des politiques à instaurer à l'égard de l'éducation des adultes, des niveaux beaucoup plus centralisés que ceux qu'on ne voit pas. Il y a chez nous là-dessus, encore une fois, dans le projet de loi, une insatisfaction ou un mécontentement - il faut employer le mot, il ne faut pas avoir peur des mots - à ce sujet-là.

M. Ryan: Je suis bien content de ces remarques que vous faites. En causant avec des responsables scolaires à Montréal, dans plusieurs commissions scolaires, ce que j'ai cru comprendre, c'est ceci: C'est qu'en divisant les commissions scolaires, comme le propose le projet de loi, on pourrait réussir à offrir à la clientèle moyenne, à l'enfant moyen qu'on trouve un peu partout des services de qualité convenable un peu partout, mais, dans les milieux qui ne sont pas comme la moyenne, qui sont particulièrement handicapés par des

difficultés économiques, par un contexte géographique et culturel plus difficile, cela ne serait pas possible. Là, cela prend une mise en commun des ressources à une échelle plus large pour être capable d'innover, pour être capable de faire des expériences, pour être capable d'affecter une partie plus grande des ressources. C'est cela l'enjeu de tout le problème du découpage territorial à Montréal. Je suis content de...

Tantôt, dans vos remarques, j'avais pensé que vous alliez un peu plus dans le sens du découpage proposé par le gouvernement. Là, dans votre réponse, vous nous avez ramené au texte de votre mémoire qui exprime suffisamment d'inquiétude pour le moment à mon point de vue. Si jamais il y avait un complément de réponse là-dessus, je pense que ce serait extrêmement intéressant aussi. Je l'apprécie.

Voulez-vous me permettre seulement une petite question à propos du conseil d'école? J'avais oublié de la poser tantôt. C'est une précision que j'aimerais avoir. Vous avez dit que vous êtes favorable au conseil d'école. Nous ne savons pas, encore une fois, comment il pourrait être constitue exactement, mais disons que nous sommes favorables à cela. Le conseil d'école, le voyez-vous comme un organisme indépendant de la commission scolaire ou qui va exercer ses fonctions sous l'autorité et la responsabilité générale de la commission scolaire?

M. Daoust: On ne le voit pas indépendant de la commission scolaire. Il y a des aller et retour inévitables, indispensables. Il ne peut pas exister en vase clos. Il y a des liens de toutes sortes qui devront s'établir entre ce conseil et la commission scolaire. Non, ce n'est pas une entité à ce point autonome qu'elle puisse faire fi des grands projets qui y sont véhiculés et qui doivent être véhiculés à un niveau plus élevé, celui de la commission scolaire.

M. Ryan: Je prends un exemple concret. Je ne cherche pas à faire des difficultés artificielles. On va prendre l'implantation des programmes qui découlent du régime pédagogique. La commission scolaire peut avoir une politique d'implantation de ces programmes. Il pourrait arriver, comme c'est écrit dans le projet de loi, que le conseil d'école décide que l'application du régime pédagogique va se faire comme ceci et comme cela. Il n'y a rien dans le projet de loi qui prévoie qu'il devrait le faire en conformité avec les orientations et peut-être les échéanciers définis par la commission scolaire. En cas de conflit, sur une question comme celle-là, est-ce que vous trouvez que la commission scolaire devrait avoir une certaine autorité où que chaque conseil d'école pourrait fonctionner à sa guise?

M. Daoust: Vous êtes dans des modalités qui sont assez complexes, pour vous dire le fond de notre pensée. Il y a des arbitrages qui devront se faire. Ce n'est pas un conseil d'école non plus à ce point dépouillé de pouvoir, d'autorité et de rôle que, somme toute, il ne sera que l'estampille de la commission scolaire. Il faut qu'il y ait une espèce d'équilibre des pouvoirs, une espèce de va-et-vient sur le plan des idées et des orientations. Qui va trancher? On l'a dit dans notre mémoire à l'égard de certains grands problèmes. C'est la commission scolaire qui est là pour faire les arbitrages et les médiations qui s'imposent.

M. Ryan: Dans le projet de loi, vous ne rencontrez nulle part le mot "direction" à propos de la commission scolaire, le mot "contrôle", par exemple. Ce sont toutes des expressions flottantes: soutien, coordination, aide; il n'y a jamais rien de clair. J'aimerais que vous examiniez cela de plus près; vous avez dit tantôt que vous étiez pour le faire. Nous, c'est une de nos sources d'inquiétude.

M. le Président, je pense que j'ai écoulé le temps dont je pouvais disposer.

Le Président (M. Blouin): Et bien davantage, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Mais c'était pour l'utilité commune.

Le Président (M. Blouin): Mais j'en suis conscient. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président.

Souvent le député d'Argenteuil parle d'inquiétude. Je deviens de plus en plus inquiet face à son obsession de légitimité égale aussi suffrage universel uniquement. Je ne sais pas si, éventuellement, le député d'Argenteuil venait en ligne d'autorité, il ne retirerait pas la loi 30 et non la loi 71, comme vous avez dit tout à l'heure. La loi 30 donne le pouvoir aux parents de siéger aux commissions scolaires. On parle de statu quo dans votre formation politique et actuellement la loi 30 fait en sorte qu'il y ait deux parents qui siègent au niveau de la commission scolaire, le projet de loi 30 leur donne le droit de vote, mais les parents ont refusé leur droit de vote considérant que, automatiquement, ils seraient minoritaires. Imaginez-vous deux parents qui arrivent au niveau d'une commission scolaire, qui ont à voter sur une question; c'est sûr qu'ils seraient toujours renversés.

Cela m'inquiète toujours cette légitimité, ce suffrage universel et la loi 30 qui s'exerce actuellement. Parmi tous ceux qui sont passés ici, personne n'a demandé de

retirer la loi 30, parce que les parents sont là pour représenter les parents qui viennent des comités d'école.

Je ne pense pas que le député d'Argenteuil s'inquiète du fait que le Conseil de l'île de Montréal n'a pas été élu au suffrage universel. Nous avons des éléments socio-économiques qui ont été nommés. Vous avez aussi des éléments politiques, socio-économiques et vous avez toutes sortes de représentations, il n'y a personne qui va parler de l'illégitimité du Conseil de l'île de Montréal.

De plus en plus, dans notre société, on donne un droit aux usagers et je pense que c'est une évolution démocratique. On le voit dans beaucoup d'associations. J'ai même fait partie d'un conseil d'administration où on a accepté la cooptation, à savoir que, dans un conseil d'administration de quatorze personnes, il y avait douze personnes élues et on allait chercher d'autres personnes à notre choix.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mille-Îles, si vous le permettez, j'aimerais vous ramener à une réalité qui, de plus en plus, s'approche de nous, c'est-à-dire qu'à minuit, nous devrons ajourner nos travaux. Il y a deux membres, c'est-à-dire vous et Mme la députée de Jacques-Cartier, qui ont demandé d'intervenir en conclusion. Si nous pouvions, en toute bonne collaboration, diviser ce temps également en deux parties, il me semble que...

M. Champagne (Mille-Îles): Je vais faire un effort, M. le Président, mais le député d'Argenteuil a été tellement volubile ce soir après une journée de repos ou d'absence à notre commission parlementaire, qu'il avait beaucoup de choses à dire. C'est pour cela, dans ce flot, qu'on est porté également à résumer un peu moins. (23 h 45)

M. le secrétaire général de la FTQ, vous avez un autre principe qui dit: "No taxation without representation." Aux niveaux secondaire et primaire, le budget est de 4 000 000 000 $ pour l'éducation; le pouvoir de taxation des élus au suffrage universel auquel vous faites toujours référence est simplement de 4%, à savoir 181 000 000 $ sur un budget de 4 000 000 000 $. Vous voyez à la fois une évolution dans le sens de la démocratie, il y en a qui sont venus le dire ici, et à la fois une évolution dans le sens d'une moins grande responsabilité des élus à la base. Est-ce qu'on devrait se rallier à l'idée du député d'Argenteuil qui dit: légitimité, suffrage universel, point à la ligne? Ou devrait-on faire en sorte de regarder l'évolution et le sens des responsabilités aujourd'hui des 181 000 000 $ sur 4 000 000 000 $? Ne devrions-nous pas aller dans un sens plus évolutif que le sens stationnaire?

Le Président (M. Blouin): M. Daoust.

M. Daoust: Non, vos remarques ne nous convainquent pas qu'il faille changer notre orientation de fond à l'égard du suffrage universel. En gros - je ne veux pas répéter ce que j'ai mentionné - on ne veut pas déresponsabiliser les gens qui seront élus à ce niveau et éviter des espèces de conflits sur la légitimité. Il y a tant de centaines de millions de dollars... On peut faire la même chose à l'égard de nombreux niveaux politiques; à ce compte-là, il faudrait peut-être supprimer le suffrage universel. Non, non, je ne dis pas à tous les niveaux, mais à des niveaux inférieurs en se disant, somme toute, que c'est toujours l'État qui devrait être omniprésent partout. Je ne veux pas pousser cette argumentation, parce qu'on n'y croit pas.

On se dit que, pour faire en sorte que les gens se sentent dans le coup, il faut leur donner les pouvoirs et les accueillir selon des normes et des règles comme celles qu'on a pu décrire dans notre document.

M. Champagne (Mille-Îles): D'accord. Une dernière observation pour ne pas mettre de la confusion autour de cet élément de suffrage universel. Il faut dire que la loi 40, à l'article 138, prévoit que "la commission scolaire est administrée par un conseil d'administration composé du commissaire de chaque école". Ensuite, à l'article 140: "À le droit de vote à cette élection, toute personne qui, à la date du scrutin, a la qualité d'électeur au sens de l'article 2."

C'est quand même une modalité du suffrage universel, mais c'est rattaché beaucoup plus à l'institution qu'à la grande immensité du territoire. Est-ce que, si on est rattaché simplement à une institution, ce n'est pas démocratique et ce n'est pas le suffrage universel qui entre à l'état pur? C'est la question qu'on peut se poser.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci M. le député de Mille-Îles. Mme la députée de Jacques-Cartier...

Mme Dougherty: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): ...qui conclura cette fois.

Mme Dougherty: Pardon?

Le Président (M. Blouin): Qui conclura.

Mme Dougherty: Merci. J'ai beaucoup apprécié votre analyse de la notion de la démocratie scolaire. Selon votre analyse, si j'ai bien compris, il faut un pouvoir politique qui relève de l'ensemble de la communauté,

qui est responsable, imputable à la communauté pour la qualité de l'éducation pour l'ensemble des élèves de la région. Dans cette analyse, vous avez soulevé l'idée importante de l'égalité des chances, le principe aussi de l'école commune qui ne marginalise personne et la nécessité ou l'importance d'un palier décisionnel politique qui puisse agir comme contrepoids efficace à la centralisation. À cet égard, je crois que vous avez fait deux remarques que je trouve très pertinentes.

D'abord, vous avez soulevé le risque qu'en cherchant à responsabiliser l'école, on risque de déresponsabiliser la communauté. À la page 11, vous avez dit: "...nous comprenons que certains voient dans le projet de réforme une menace de centralisation puisqu'il n'est pas évident que le pouvoir parental pourrait devenir un contre-pouvoir efficace."

Je crois que la question qui se pose ici est une question qui touche au fond du projet de loi 40. Est-ce que la qualité de l'éducation est mieux servie par une multiplicité de centres décisionnels ou est-elle mieux servie par une instance décisionnelle politique régionale? En d'autres mots, est-ce que les conditions qui favorisent la démocratie, selon votre analyse de la démocratie scolaire, coïncident avec les conditions qui favorisent la qualité de l'éducation? La démocratie est-elle la meilleure sauvegarde de la qualité de l'éducation? Pour moi, c'est une question primordiale qui est à la base de la discussion ici. Est-ce que vous avez une réponse?

Le Président (M. Blouin): M. Daoust.

M. Daoust: Au tout début de vos remarques, vous avez fait état de notre déclaration à la page 11 où il est question de contre-pouvoir efficace. Il faut rappeler que cette conclusion s'inscrit dans un paragraphe qui porte pour titre: Le défi de la participation. Sans répéter ce que j'ai mentionné trop longuement, je voudrais rappeler qu'il va falloir doter les gens qui sont appelés à participer de tous les outils et de tous les moyens voulus pour que la démocratie puisse se vivre adéquatement. Il n'y a pas de démocratie sans information et sans formation. C'est l'essence même de la démocratie dans nos sociétés modernes.

Les gens dépourvus sur ce plan sont de bien piètres participants à toutes les structures dans lesquelles ils sont conviés à jouer un rôle. En gros, démocratisation et finalité de l'école, pour nous, sont presque synonymes. On n'a pas peur de la démocratie dans la mesure où cela ne devient pas du bavardage et que cela ne devient pas des lieux tellement émiettés et fragmentés qu'on assiste, comme on l'a dit à quelques endroits dans notre document, à une espèce d'atomisation des responsabilités. C'est quoi l'équilibre normal? Bon conseil d'école muni, nanti de pouvoirs, d'un rôle, d'une fonction; on est complètement d'accord. C'est un défi pour la société. Là-dessus, on ne le conteste pas, c'est révolutionnaire, à notre sens. En tout cas, c'est extrêmement novateur au sein de la société québécoise, cet appel à la participation. Ce rôle qu'on veut faire jouer aux acteurs principaux, compte tenu des modalités qu'on pourrait apporter au projet de loi, cela pourrait avoir des effets d'entraînement dans d'autres milieux et on n'est pas indifférent à cela. Nous qui sommes en milieu de travail, nous savons fort bien qu'il y a des débats - je l'ai mentionné un peu - au sein de toutes les sociétés industrielles à l'égard de la place des travailleurs dans l'entreprise. On ne peut pas s'opposer à ce que les gens les plus près de l'école, les parents, les enseignants, les citoyens se rapprochent de ce lieu de pouvoir et puissent l'animer, puissent l'orienter.

On n'est pas non plus indifférent à la nécessité d'une centralisation d'un tas de rôles et d'un tas de fonctions, compte tenu du principe de fond qu'on n'a pas cessé de mentionner, la lutte aux inégalités sociales, à la démocratisation du système d'enseignement. C'est une lutte incessante qui va demander de tous les acteurs une présence continue. Il y a des pouvoirs qui ne se cèdent pas. Il y a des pouvoirs qui s'acceptent, qui se prennent. C'est pour cela qu'on est d'accord, encore une fois, avec le conseil scolaire et les structures qui sont suggérées, qui vont permettre, normalement, à la suite des amendements qui pourront y être apportés, une espèce d'équilibre souhaitable. On ne fait pas d'opposition entre démocratie et efficacité du système scolaire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Daoust. Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie la représentante et les représentants de la Fédération des travailleurs du Québec de leur participation aux travaux de notre commission. Sur ce, la commission élue permanente de l'éducation ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 57)

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