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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Wednesday, February 1, 1984 - Vol. 27 N° 242

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 40 - Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public


Journal des débats

 

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames et messieurs, la commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. D'abord, le mandat de cette commission est d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Nous entendrons, d'abord, ce matin l'Association d'éducation préscolaire du Québec, ensuite le Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec. Cet après-midi, à compter de 15 heures, nous entendrons l'Association des centres d'accueil du Québec, ainsi que le Comité de la protection de la jeunesse. À compter de 19 h 30, nous entendrons l'Association des religieuses enseignantes du Québec et la Confédération des syndicats nationaux.

Les membres de cette commission parlementaire sont: MM. Brouillet (Chauveau), Champagne (Mille-Îles), Maltais (Saguenay), Mmes Harel (Maisonneuve), Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Hains (Saint-Henri), Laurin (Bourget), Leduc (Fabre), Gauthier (Roberval), Payne (Vachon), Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Charbonneau (Verchères), Dauphin (Marquette), Doyon (Louis-Hébert), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Paré (Shefford), Rochefort (Gouin) et Sirros (Laurier.

Sans plus tarder, donc, je vais demander aux représentantes et aux représentants de l'Association d'éducation préscolaire du Québec de bien vouloir s'identifier et ensuite nous livrer le contenu de leur mémoire en une vingtaine de minutes.

Association d'éducation préscolaire du Québec

Mme Gravel (Nicole): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous présenter l'exécutif de l'Association d'éducation préscolaire du Québec. De gauche à droite, il y a Carmen Bergeron, Myriam Potvin, Josette Gagnon, Cécile Parizeau, Nicole Gravel, Carole Gaudreau, Hermann Duchesne et Monique Marceau. Nous représentons un peu tous les coins de la province, car des gens qui viennent d'un peu partout composent notre conseil.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, depuis sa fondation en 1953, l'Association d'éducation préscolaire du Québec s'intéresse de très près à l'évolution du système scolaire québécois et prend une part active dans le mouvement visant à l'amélioration des services éducatifs offerts à la petite enfance.

On comprendra donc l'empressement de notre association à répondre à l'invitation du ministre de l'Éducation du Québec et à soumettre à la commission parlementaire de l'éducation ses réflexions sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Dans ce mémoire, nous nous attachons, tout d'abord, à préciser la nature et les orientations de notre association et à dégager les principes inducteurs de notre présente intervention par une analyse globale des forces et des faiblesses de la loi 40.

Ces discussions nous conduisent à formuler en conclusion un certain nombre de demandes explicites que nous jugeons essentielles pour assurer la qualité de l'éducation préscolaire. Enfin, nous proposons, en annexe, des reformulations d'articles précis de la loi.

Précisons dès maintenant que nos propos touchent spécifiquement aux aspects de la loi qui traitent de l'éducation préscolaire ou qui ont des répercussions à ce niveau.

Si vous avez en main notre mémoire, je tiens à vous rappeler que cela a été envoyé vers le mois d'octobre. Nous avons retravaillé un peu notre document dont le fond demeure le même; c'est surtout la forme qu'on a retravaillée un peu.

En réponse à la prolifération incontrôlée des classes de maternelle et au problème des improvisations plus ou moins heureuses dans les programmes et les méthodes éducatives utilisées dans plusieurs de ces classes, l'Association canadienne des jardinières d'enfants voyait le jour il y a maintenant 30 ans. Elle se donnait pour mission de promouvoir une éducation préscolaire de qualité et d'informer le public, les institutions scolaires et les instances gouvernementales de la pertinence et de l'importance de développer des services éducatifs et cohérents aux enfants d'âge préscolaire, de 0 à 6 ans.

Après 15 années de travail acharné de ses membres bénévoles, l'ACJE change de

nom pour devenir l'Association d'éducation préscolaire du Québec. Ce changement d'appellation, en 1968, se veut le reflet de l'évolution du climat socioculturel et politique québécois et des gains considérables enregistrés par l'association en ce qui concerne, entre autres, la reconnaissance de l'importance de l'éducation préscolaire intégrée au réseau public d'éducation. Ce changement n'implique, toutefois, pas de modifications dans les orientations de base de l'association qui continue toujours de défendre les droits du jeune enfant à des services éducatifs de qualité et qui répondent à ses besoins.

L'Association d'éducation préscolaire du Québec compte aujourd'hui plus de 800 membres composés de parents, d'enseignants et de professionnels représentatifs de toutes les régions du Québec. En mai 1983, notre association s'est élu un nouvel exécutif qui entend poursuivre l'oeuvre de ses prédécesseurs en maintenant et en développant un leadership positif dans le domaine de l'éducation préscolaire et des services à la petite enfance. Au cours des deux prochaines années, les priorités d'action de l'association se situent tout d'abord, dans la consolidation des acquis dans le domaine des services éducatifs à la petite enfance en général et au préscolaire en particulier; ensuite, dans le soutien et la stimulation de ses membres pour une plus grande prise en charge face aux changements et améliorations futurs de ces services tant à l'échelon local, c'est-à-dire une plus grande intégration du préscolaire à l'école, qu'à l'échelon provincial, soit une coordination des différentes mesures éducatives qui s'appliquent aux enfants du préscolaire; enfin, dans une ouverture plus grande aux parents et aux autres intervenants auprès de l'enfant. C'est dans ce contexte que nous livrons une analyse critique du projet de loi 40.

L'Association d'éducation préscolaire du Québec ne peut que souscrire à l'esprit de la loi dans la mesure où elle souhaite le développement d'une véritable démocratie de participation en fournissant des moyens concrets pour une plus grande prise en charge et une plus grande responsabilité des divers intervenants à tous les niveaux du système d'éducation. Cette volonté correspond aux préoccupations de l'association envers ses membres et envers l'éducation préscolaire. Aussi, la lecture du projet de loi 40 a-t-elle été, pour nous, l'occasion de nous réjouir, mais également de nous étonner, de nous questionner, de déplorer certaines omissions et imprécisions.

Sous l'angle particulier d'analyse qui est le nôtre, nous retrouvons trois points positifs du projet de loi 40 en regard de l'éducation préscolaire, soit la maternelle cinq ans obligatoire, la distinction entre les niveaux préscolaire et primaire et la participation des parents.

La maternelle cinq ans obligatoire. La loi indique que la fréquentation scolaire obligatoire débute à cinq ans. Si cette obligation ne fait que confirmer une situation de fait, puisque, déjà, tel qu'affirmé dans L'école québécoise: énoncé de politique et plan d'action, en 1978, le taux de fréquentation des classes maternelles publiques s'élevait à 97%, notre association considère que son insertion dans le texte de loi constitue une reconnaissance de la pertinence et de l'importance de l'éducation préscolaire pour laquelle elle a lutté sans relâche depuis sa fondation et souhaite même une fréquentation scolaire pour les maternelles cinq ans à temps plein.

Aux articles 1, 2 et 3 du projet de loi, une distinction claire est établie entre les services de formation et d'éveil dispensés au niveau préscolaire et les services d'enseignement dispensés au primaire et au secondaire. Encore une fois, notre association a lutté et lutte encore pour faire reconnaître la spécificité des services à offrir au préscolaire. Historiquement, le préscolaire s'est vu graduellement intégré au niveau primaire, tant sur le plan administratif que sur celui de la formation des maîtres et de l'animation pédagogique. Toutefois, malgré les avantages évidents d'une telle intégration, le préscolaire doit garder son identité propre pour favoriser un développement global et harmonieux de l'enfant. La distinction entre les services de formation et d'éveil dispensés au préscolaire et les services d'enseignement au primaire leur reconnaît une identité propre et des besoins spécifiques qui s'inscrivent dans le sens de nos revendications; pour le mieux-être de l'enfant.

Des dispositions sont prévues pour favoriser et généraliser l'implication des parents dans l'école. Notre association reconnaît que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants et, par conséquent, qu'il est de leur devoir de s'assurer qu'ils reçoivent les meilleurs services possible en s'impliquant directement et activement dans les prises de décision qui les concernent d'abord au niveau de la classe et au niveau de l'école.

C'est, d'ailleurs, pourquoi notre association recommandait, en 1980, dans sa politique de la petite enfance, d'apporter une aide aux éducatrices qui ont une maternelle-classe pour qu'elles puissent travailler davantage en collaboration avec le milieu familial. À la suite de la considération de ces points forts du projet de loi 40, nous sommes obligés d'en reconnaître également certaines faiblesses qui obscurcissent considérablement l'horizon.

Les points faibles de la loi 40 se rapportent de façon prédominante à l'absence d'une identification claire du niveau

préscolaire dans l'ensemble de la loi, à l'ignorance des besoins spécifiques relatifs au perfectionnement et à l'animation pédagogique auprès du personnel enseignant du préscolaire, à l'absence de référence aux services particuliers aux élèves en milieu économiquement faible, à l'inconsistance dans la présentation de l'évaluation qui ne tient pas compte de la réalité au préscolaire, à la présence facultative des enseignants au conseil d'école et au choix laissé aux parents entre les activités d'éveil aux dimensions religieuses et morales.

Après la lecture des quatre premiers articles de la loi où le niveau préscolaire se trouve clairement défini et distingué des niveaux primaire et secondaire, on est en droit de s'attendre en toute logique à ce que cette reconnaissance de la spécificité du niveau préscolaire se répercute à travers l'ensemble des articles de la loi par une identification claire de ce niveau et non seulement de façon sporadique sur quelques-uns d'entre eux. Or, tel n'est pas le cas. Entre autres, le titre de la loi et les articles 7, 12, 96, 98, 118, 119 et 308 omettent systématiquement la mention du niveau préscolaire. S'agit-il d'une omission délibérée ou d'un manque de cohérence chez les rédacteurs de la loi habitués à considérer le préscolaire comme faisant partie du niveau primaire? Nous croyons que cette dernière raison s'avère plus probable, comme le laisse voir l'inclusion des services de formation et d'éveil au préscolaire à l'intérieur des services d'enseignement au primaire, à l'article 99. (10 h 15)

Indépendamment des raisons sous-jacentes à ces omissions et inclusion inopportune, notre association considère qu'il s'agit d'une défectuosité logique grave qui demande à être corrigée dans les plus brefs délais. Si l'on reconnaît une identité propre aux services de formation et d'éveil au niveau préscolaire, il en va de même pour les besoins de formation, de perfectionnement et d'animation pédagogique auprès des éducatrices à ce niveau. Aussi, pour assurer et maintenir la qualité de l'éducation, il nous semble nécessaire d'inclure dans la loi des dispositions précises et spécifiques à ce sujet. C'est dans cette optique que, en 1980, notre association recommandait à l'unanimité d'affecter des ressources de soutien et d'animation auprès de toutes les personnes oeuvrant au préscolaire. L'école québécoise mentionne, à la page 125, que le ministère continuera d'assurer des ressources pour l'encadrement pédagogique des enseignants oeuvrant au préscolaire.

Absence de référence aux services éducatifs particuliers aux élèves de milieu économiquement faible. Contrairement au règlement concernant le régime pédagogique du primaire et l'éducation préscolaire, le projet de loi 40 ne fait pas mention des services éducatifs particuliers aux élèves de milieu économiquement faible. Après avoir encouragé de multiples expérimentations et interventions variées auprès de ces élèves et de leurs parents, cette volte-face non justifiée du ministère nous laisse dans un état de confusion extrême. Le ministère de l'Éducation serait-il devenu lui-même un milieu économiquement si faible qu'il ne peut plus pourvoir à ses obligations dans ce domaine?

L'Association d'éducation préscolaire du Québec est d'avis que les services offerts aux élèves et aux parents de ces milieux par le biais des maternelles quatre ans et autres modes d'intervention font partie intégrante du système scolaire québécois et, à ce titre, relèvent du ministère de l'Éducation et doivent être inclus dans la loi.

L'évaluation de l'élève telle que présentée dans le projet de loi aux articles 113 à 116 s'avère extrêmement difficile à interpréter en regard de l'éducation préscolaire. Ces articles ne tiennent aucunement compte de la réalité du préscolaire et, de ce fait, ouvrent la porte à l'arbitraire et aux abus à ce niveau.

On remarque, tout d'abord, que le projet de loi mentionne uniquement l'évaluation des apprentissages des élèves. Aurait-on oublié que le programme d'éducation préscolaire prescrit l'évaluation du développement global de l'enfant? L'école pourrait-elle obliger l'éducatrice à aller à l'encontre des prescriptions du programme et à évaluer des apprentissages spécifiques? Dans le même sens, la loi dit que l'école établit les normes et modalités d'évaluation. Le programme d'éducation préscolaire rejette explicitement le concept d'évaluation basé sur des normes puisque ce type d'évaluation contribue à une discrimination injuste des enfants de quatre et cinq ans. Encore une fois l'école pourrait-elle exiger l'étiquetage de enfants en fonction des normes arbitraires préétablies?

Dans un autre ordre d'idées, en considérant l'exigence de transmettre aux parents un rapport d'évaluation écrit cinq fois par année, on se demande avec inquiétude si l'auteur de ce projet de loi ignorerait à ce point la réalité quotidienne du préscolaire qu'il ne serait pas en mesure de distinguer les modalités propres à ce niveau. En effet, si l'on tient compte du processus d'évaluation formative dont chacune des étapes demande considérablement de temps avec des enfants de quatre et cinq ans, de l'objet de l'évaluation qui doit porter sur des objectifs de développement global, du nombre moyen de 40 enfants par classe, de la nécessité pour l'éducatrice de rencontrer les parents pour leur faire part de son évaluation et

entendre la leur, de la participation de plus en plus active des parents à la vie de la classe maternelle fournissant ainsi des occasions nombreuses d'échanges sur le développement de l'enfant, il apparaît inopportun d'exiger plus de deux rapports d'évaluation écrits par année au niveau préscolaire.

L'importance de constituer un conseil d'école n'est sans doute pas à démontrer, pas plus que l'importance primordiale du personnel enseignant dans le fonctionnement de la vie de l'école. Comment peut-on alors concevoir un conseil d'école qui ne comprendrait pas obligatoirement un nombre paritaire d'enseignants et de parents? Comment peut-on prétendre favoriser la concertation entre les divers intervenants du système éducatif si l'enseignant est absent? Il va sans dire que la présence facultative du personnel enseignant au conseil d'école telle qu'inscrite dans la loi nous amène à nous interroger sur les intentions du législateur.

Notre association est d'accord sur le principe du respect de la liberté de conscience et de religion. Elle s'oppose, cependant, aux moyens définis à l'article 17 donnant aux parents le choix entre des activités d'éveil à la dimension religieuse et d'éveil à la dimension morale au préscolaire. En effet, nous nous interrogeons sur la pertinence de donner ce choix aux parents, puisque l'éducatrice au préscolaire n'est pas tenue d'organiser et de faire vivre aux enfants ce genre d'activité ne faisant pas partie intégrante du programme.

Ainsi, notre association est d'avis que le meilleur moyen de respecter la liberté de conscience et de religion consiste pour l'éducatrice au préscolaire à demeurer neutre face à ces dimensions. De plus, tenant compte du peu de temps que l'enfant passe à la maternelle comparativement au temps qu'il passe à la maison et tenant compte surtout de son jeune âge, il nous semble que la responsabilité exclusive de l'éducation religieuse ou morale de l'enfant d'âge préscolaire incombe à ses parents.

L'identification de ces faiblesses nous oblige à conclure ce mémoire par la formulation de demandes explicites d'amélioration du projet de loi 40.

Dans la poursuite des principes fondamentaux énoncés auparavant et pour assurer une plus grande cohérence dans leur application au niveau de l'éducation préscolaire, nous attirons l'attention du législateur sur plusieurs imperfections de la loi qui peuvent porter préjudice aux générations futures du Québec et nous proposons les correctifs qui, à notre avis, s'avèrent essentiels.

Aussi, avec toute l'autorité que lui confère un leadership de 30 années dans le domaine de la promotion d'une éducation préscolaire de qualité et la voix de ses 800 membres actifs de toutes les régions du Québec, l'Association d'éducation préscolaire du Québec demande avec insistance que le niveau préscolaire soit clairement identifié comme tel dans l'ensemble de la loi; que le ministère assure des ressources qualifiées pour l'animation pédagogique auprès du personnel oeuvrant au préscolaire, afin de favoriser une plus grande qualité de l'éducation; que des services éducatifs particuliers aux élèves de milieu économiquement faible du niveau préscolaire 4 ans soient identifiés et généralisés; que la spécificité du processus d'évaluation au préscolaire soit reconnue et que le nombre de rapports d'évaluation écrits soit réduit de 5 à 2; qu'un membre du personnel enseignant soit obligatoirement présent au conseil d'école; que l'éveil aux dimensions religieuses ou morales au niveau préscolaire soit de la responsabilité exclusive des parents. Notre association n'ayant rien d'autre à gagner que la considération effective et le respect du droit du jeune enfant, nous sommes confiants que notre voix sera entendue.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Gravel. M. le ministre.

M. Laurin: Je profite de l'occasion pour remercier et féliciter l'Association d'éducation préscolaire du Québec pourle travail ardent qu'elle mène depuis 30 ans pour faire reconnaître à la petite enfance le droit à des services éducatifs de qualité et appropriés à ses besoins, en même temps que pour le mémoire qu'elle nous présente, aujourd'hui, qui reflète ce zèle et cette préoccupation. Nous avons besoin du stimulus que constitue, pour notre gouvernement, le travail d'une association telle que la vôtre. C'est sûrement grâce aux efforts incessants que vous menez depuis 30 ans que notre système scolaire s'est quand même de plus en plus éveillé à cette dimension particulièrement importante de l'éducation préscolaire et que nous en reconnaissons de plus en plus la spécificité.

Nous avons fait beaucoup de progrès, je crois, depuis une dizaine d'années. Vous l'avez, d'ailleurs, signalé: près de 95% des enfants fréquentent maintenant la maternelle. Nous avons reconnu la spécificité de cette étape particulière dans le développement de l'enfant. Nous lui avons consacré des moyens, mais, il reste qu'il y a encore plus de chemin à parcourir que celui que nous avons déjà fait et nous le reconnaissons avec vous.

Il nous reste à élaborer toute une politique de la petite enfance, où la dimension scolaire, d'ailleurs, ne constitue qu'un élément parmi d'autres, puisqu'il faut également prospecter, inventorier et explorer la dimension sociale, la dimension culturelle et la dimension économique. Depuis quelques années, nous travaillons à élaborer cette

politique de la petite enfance, d'ailleurs, avec l'aide des travaux importants que vous menez à cet égard. Je compte bien que, d'ici quelque temps, surtout si les ressources économiques que nous pouvons consacrer à l'éducation recommencent à augmenter, il nous sera possible, de continuer à avancer dans la direction que nous avons déjà prise, car, encore une fois, nous reconnaissons l'extrême importance de cette dimension du système éducatif. Il importe que notre société y consacre le temps, l'énergie et les ressources nécessaires.

Je comprends donc que vous éprouviez une satisfaction certaine devant ce projet de loi, dans la mesure où celui-ci reconnaît l'importance du niveau préscolaire, qu'il reconnaît la spécificité des services qui sont offerts à ce niveau, qu'il distingue plus clairement le niveau préscolaire du niveau primaire, qu'il consacre l'importance du niveau et, surtout, qu'il reconnaît davantage l'importance que jouent les parents dans la prise de décisions au niveau de l'école.

J'ai noté, en passant, que vous parlez, d'ailleurs, du zèle que mettent les parents à participer aux activités de l'école, particulièrement à ce niveau. Ceci se comprend puisque les enfants sont encore très jeunes. C'est leur premier départ de la famille. Le lien que les parents entretiennent avec les enfants est encore non seulement organique, mais très étroit à cette étape. On comprend que les parents non seulement participent davantage, mais sont très préoccupés de l'action que l'école peut avoir sur leurs enfants et très préoccupés aussi du rendement des diverses activités éducatives sur le développement de leur enfant.

Vous allez plus loin, cependant. Vous nous suggérez de reconnaître davantage les besoins spécifiques de ce niveau particulier. Vous nous recommandez de les reconnaître particulièrement au niveau du perfectionnement et au niveau de l'animation pédagogique. Ne vous semble-t-il pas, cependant, qu'il sera probablement plus facile de faire quelques pas en avant additionnels avec cette importance accrue que nous donnons à l'école et avec ce rôle important que nous voulons donner au conseil d'école puisque, parmi les fonctions du conseil d'école, il est bien dit dans le projet de loi qu'il aura à déterminer les besoins de perfectionnement de l'école?

Je pense qu'étant donné votre importance au niveau de l'école il sera plus facile pour le préscolaire de faire connaître ses besoins de perfectionnement, de les faire entériner par le conseil d'école et de faire en sorte que des recommandations très précises émanent du conseil d'école vers la commission scolaire qui aura à arbitrer les diverses demandes de perfectionnement qui émanent des écoles.

Il en sera de même, je crois, pour vos besoins en animation pédagogique. Il reste, cependant, que le gouvernement aussi aura un rôle à jouer. Comme il a commencé à le faire, d'ailleurs, et vous l'avez rappelé, il devra mettre des ressources additionnelles qui feront partie de l'enveloppe, qu'il donne aux commissions scolaires pour satisfaire ces besoins, ces demandes sur le plan du perfectionnement et de l'animation pédagogique.

Vous allez aussi plus loin en disant que l'évaluation des activités au préscolaire devrait, elle aussi, être spécifique. Je ne pense pas que ce soit la responsabilité d'un projet de loi d'aller jusque-là. Je pense que c'est dans la politique d'évaluation, que déjà le ministère a rendue publique il y a quelques mois, que nous devons faire droit à cette demande. Mais une fois que cette spécificité est reconnue, là encore, je crois qu'il reviendra aux instances concernées, c'est-à-dire l'école, à laquelle le projet de loi 40 assigne une responsabilité spécifique pour la première fois en matière d'évaluation, d'une part, et à la commission scolaire, d'autre part, qui, elle aussi, en vertu du projet de loi, possède une responsabilité spécifique sur le plan de l'évaluation, d'arrimer leurs efforts pour que cette évaluation devienne de plus en plus spécifique, c'est-à-dire de plus en plus adaptée aux besoins, d'abord, de l'enfant qui fréquente la maternelle et aussi aux recommandations que des spécialistes comme vous pourront faire valoir aussi bien auprès du conseil d'école qu'auprès de la commission scolaire.

Je pense donc que le projet de loi ne peut pas tout spécifier à cet égard, mais que le champ, l'espace, les moyens sont là pour permettre aux enseignantes et enseignants du préscolaire, ce qu'on appelait auparavant les jardinières d'enfants, de peser de tout leur poids dans l'orientation des écoles et dans l'amélioration de la qualité de la formation au niveau du préscolaire. (10 h 30)

Mes deux questions, au fond, peuvent se ramener à une seule. Vous vous réjouissez, au nom de la démocratie de participation, que les parents aient un rôle plus grand à jouer au sein de l'école. Vous dites, d'ailleurs, qu'ils participent déjà beaucoup. J'aimerais que vous nous disiez de quelle façon la présence des parents au conseil d'école peut aider à l'amélioration des activités éducatives au préscolaire et, deuxièmement, que vous nous parliez davantage de cette participation des enseignants ou enseignantes au sein du conseil d'école. Vous voudriez que cette participation soit obligatoire. Vous la considérez indispensable. Je suis absolument d'accord avec vous.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à quelques reprises, le gouvernement

peut bien souhaiter, désirer que les enseignants participent au conseil d'école, mais il faut être sûr que cette main tendue soit acceptée. Il faut que cette collaboration que nous souhaitons soit réellement accordée par les associations d'enseignants. Si nous n'avons pas ces garanties, si, même, on nous dit que cette participation est très aléatoire et improbable, qu'est-ce que vous nous suggérez à cet égard? Nous suggérez-vous d'y aller, quand même, au nom des principes que nous souhaitons? Nous recommandez-vous de nous engager et de faire en sorte que la participation des enseignants soit obligatoire au conseil d'école? Ce sont les deux questions que je voulais poser.

Le Président (M. Blouin): Mme Gravel.

Mme Gravel: En ce qui regarde la participation des parents au conseil d'école justement, il est peut-être important de préciser qu'au préscolaire, pour nous, la participation des parents est déjà chose faite. Déjà, depuis plusieurs années, les parents font partie intégrante de la classe, dans le sens qu'ils ont la possibilité de venir travailler avec nous en classe, de venir nous rencontrer régulièrement pour voir leur enfant à l'action.

Il y a même des projets - on pourrait en parler longuement - qui se sont faits un peu partout dans la province. Ce sont des expériences fort intéressantes. Il serait peut-être bon, à un moment donné, de pouvoir voir tout ce qui s'est fait. Il y a des endroits où les parents prennent même parfois part à des décisions. Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas une chose facile. Dès qu'on parle de prise de décisions, dès qu'on parle de conseil, tout de suite chacun devient sur ses gardes. On a toujours peur. Dans un organisme comme une école, où on veut le bien de l'enfant, surtout au préscolaire, où on veut assurer le développement de l'enfant, je pense que c'est très important qu'on travaille ensemble, qu'on soit à une même table, parce qu'on travaille auprès du même enfant. Je vois mal un conseil d'école fonctionnant sans les parents et l'école.

M. Laurin: Pour l'enseignant?

Mme Gravel: Étant dans un milieu scolaire, je ne pense pas que les enseignants soient si négatifs. Ce n'est pas facile parce qu'on n'est pas habitué. Si on remonte un peu dans l'histoire de l'école québécoise, il fut un temps où les parents n'avaient pas tellement de place. Depuis une dizaine d'années, on voit beaucoup plus les parents dans l'école. Je ne vous dis pas que c'est encore accepté par tous les enseignants. Ce n'est pas facile. Je pense que le directeur d'école et le personnel en place ont un rôle à jouer.

D'après mon expérience, ayant fait de l'animation pédagogique auprès de groupes d'éducateurs qui, au départ, étaient très rébarbatifs et ne voulaient rien savoir des parents dans la classe, je sais qu'après quelques rencontres, en se servant d'autres personnes qui fonctionnaient déjà avec les parents, en se servant d'expériences très positives, on s'est rendu compte que les professeurs avaient grandement besoin de soutien. Il faut savoir ce qu'on fait dans sa classe. Cela demande aussi une remise en question. Quand les parents sont dans l'école, je vous assure que l'on est régulièrement obligé de se remettre en question. Au départ, si je regarde un peu le milieu, surtout le milieu préscolaire, je pense que les enseignants sont en général très réceptifs.

M. Laurin: Selon votre expérience, si le projet de loi 40 était amendé dans le sens d'une participation obligatoire des enseignants au conseil d'école, d'après ce que vous connaissez du milieu, est-ce que les enseignants accepteraient cette participation obligatoire? Est-ce qu'ils accepteraient de siéger au conseil d'école?

Mme Gravel: C'est difficile de répondre au nom de tout le monde. Comme vous le voyez dans notre mémoire, je parle toujours au niveau du préscolaire surtout, c'est à ce niveau qu'on a mené une consultation. Les professeurs de la maternelle tenaient à avoir une place même au niveau du conseil.

M. Laurin: J'ai aussi noté avec intérêt vos remarques sur la dimension religieuse de la formation au niveau du préscolaire. Je sais que vous vous y opposez. Je le savais depuis déjà un certain temps puisque j'ai lu votre mémoire il y a déjà quelques mois. D'autres groupes, d'ailleurs, ont fait entendre le même son de cloche. Je ne sais pas si vous êtes au courant que j'ai manifesté, au nom du gouvernement, l'intention d'apporter un amendement à cet article 17 afin de soustraire l'éducation préscolaire à cette possibilité qui reste toujours pour le primaire d'intégrer la formation religieuse à l'enseignement. Je ne sais pas si vous étiez au courant.

Mme Gravel: Non.

M. Laurin: J'ai déjà annoncé l'intention du gouvernement de souscrire aux vues que vous soumettez dans votre mémoire et qui ont été reprises par d'autres groupes. Donc, à cet égard, je suis heureux de vous annoncer qu'on vous donnera satisfaction. J'en profite aussi pour répéter que toutes les autres recommandations que vous nous faites seront étudiées avec attention, car, pour

nous, elles sont précieuses venant de spécialistes du champ et surtout en raison de l'ardeur et du zèle que vous mettez à défendre les mêmes positions depuis maintenant bon nombre d'années. j'en profite, encore une fois, pour vous remercier de votre précieuse contribution.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Mme Gravel, mesdames et monsieur, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition. Vous portez à l'attention de la commission parlementaire permanente de l'éducation un aspect très important de notre système d'enseignement, c'est-à-dire toute la question des services éducatifs offerts à l'enfance dès le début de la période de scolarisation. Je crois pouvoir noter avec beaucoup de satisfaction que votre mémoire est précis; il s'attache à cette question, il la traite de manière fonctionnelle. Vous faites bon nombre de propositions qui sont simples, concrètes et qui permettraient d'améliorer sur bien des points le projet de loi dans le sens d'une reconnaissance encore plus explicite de la réalité de l'éducation préscolaire.

Sur le fond, nous sommes d'accord avec la position générale que vous exprimez et je pense qu'il devrait être possible, sur les articles que vous avez mentionnés, par exemple, les articles 8 à 12 qui définissent les services généraux que devra offrir le système d'enseignement, d'ajouter les précisions que vous mentionnez. Je vais prendre un exemple pour que cela soit bien compréhensible pour ceux qui peuvent nous écouter. L'article 8 du projet de loi se lit comme suit actuellement: "Les services éducatifs particuliers à l'élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage comprennent des services d'enseignement et des services complémentaires spécialisés." Si je comprends bien, vous diriez: des services de formation et d'éveil ou d'enseignement.

Il y a plusieurs articles que vous corrigez de cette façon. Pour nous, cela ne pose aucun problème. Je suis content que vous le fassiez, et non seulement pour l'éducation préscolaire. Vous dites, à un moment donné dans votre mémoire, de manière incidente ou marginale, qu'il ne faut pas confondre les apprentissages avec la formation. La formation est beaucoup plus large. C'est vrai au niveau de l'éducation préscolaire, mais cela l'est également aux autres niveaux. C'est un des aspects dans le projet de loi qui auraient peut-être intérêt à être réexaminés de façon que la dimension éducation et formation soit inscrite plus clairement au coeur du projet de loi. On a l'impression, en lisant cela, qu'on est en présence d'activités qu'on a découpées en 600 articles différents et qui peuvent toutes se soumettre à des instruments de mesure, de coordination ou de partage de pouvoirs. Je suis loin d'être sûr que ce soit aussi clair. Je suis content que votre mémoire ait souligné le mot formation qui doit être, à mon point de vue, l'élément moteur de tout le système d'enseignement.

Par conséquent, sur ces points-là, nous sommes très heureux des suggestions que vous faites. Lorsque arrivera le stade de l'étude en commission, si jamais le projet se rend jusque-là, nous serons heureux d'appuyer les recommandations que vous faites.

Je voudrais vous poser une question pour notre information. L'association que vous représentez regroupe-t-elle des enseignants ou des responsables d'éducation préscolaire oeuvrant dans le domaine public, surtout, ou dans le domaine public et dans le domaine privé?

Mme Gravel: Nous en avons de tous les milieux, mais ce sont surtout des enseignants dans le domaine public. Maintenant, nous couvrons les gens qui sont enseignants au préscolaire, c'est-à-dire ceux de la maternelle; nous avons également les gens qui travaillent dans les universités au niveau de la recherche. En fait, toute personne (des professionnels, des psychologues) intéressée à la cause du préscolaire peut faire partie de l'association et nous avons un peu de tous ces membres.

M. Ryan: Très bien. Vous soulevez un autre point.

Mme Gravel: Et les garderies. M. Ryan: Pardon?

Mme Gravel: J'oubliais les garderies. Nous avons des membres qui font également partie des garderies.

M. Ryan: Bon, bon, cela fait un secteur assez large.

Mme Gravel: Très large, oui, tout ce qui touche la petite enfance.

M. Ryan: C'est très intéressant. Encore une fois, en ce qui regarde la reconnaissance de l'identité propre du secteur de l'éducation préscolaire, en principe, cela va très bien. Vous faites une suggestion concernant les commissions scolaires selon laquelle on devrait faire aux commissions scolaires l'obligation d'avoir un responsable de soutien à l'éducation préscolaire, sujette à vérification quant aux possibilités financières. Je pense que cela va de soi, c'est un élément qui devrait figurer quelque part. La seule chose qui m'inquiète, c'est que, s'ils en mettent trop dans le projet de loi, il ne restera vraiment plus grand-chose à être

décidé par les commissions scolaires. Il y a tous les règlements derrière cela, en plus. C'est un sujet d'inquiétude, mais, en principe, cela va très bien. Je pense que, si on le fait pour d'autres secteurs, celui-là mérite d'être reconnu. En conséquence, cette reconnaissance doit entraîner certaines mesures.

Il y a un autre point que vous soulignez qui m'a vivement intéressé. J'ai l'impression qu'il y a un glissement qu'il faudra corriger dans la fourniture de services aux enfants venant de milieu économiquement défavorisé. Vous notez, avec raison, que, du régime pédagogique au projet de loi, il y a un glissement. Dans le régime pédagogique, il y a une disposition. Je vais la lire pour que ce soit bien clair pour tout le monde; c'est, d'ailleurs, repris pour chacun des niveaux d'enseignement. Je lis ce qui regarde l'enseignement préscolaire. On dit: "Pour les élèves de milieu économiquement faible, une intervention éducative appropriée doit être favorisée dans le but de personnaliser l'école, de l'adapter aux besoins et à la culture du milieu." Dans le projet de loi, c'est beaucoup plus vague.

J'ai remarqué une chose. Le ministre a rendu publique, il y a un certain temps, la nouvelle version que le régime pédagogique offrirait en tenant compte des changements apportés par la loi. Il a déposé cela, un jour; vous l'avez probablement vue vous aussi, c'est Le régime pédagogique, orientation des dispositions réglementaires découlant du projet de loi 40. À ma grande surprise, cette garantie, qui était comprise dans la version actuelle du régime pédagogique, n'est pas dans celui-ci. En tout cas, ce qu'on voit dans la loi n'est pas aussi précis que ce qu'il y avait dans le régime pédagogique et c'est ce qui a provoqué la remarque de l'Association d'éducation préscolaire.

Vous faites deux suggestions visant à renforcer la loi. Il y a deux articles que vous voudriez renforcer, je pense que c'est l'article 7 et l'article 112; je ne sais pas si ce sera suffisant. Je veux vous dire qu'on va regarder cela avec beaucoup d'attention. Ce sera l'objet de ma première question. J'aimerais savoir comment vous trouvez qu'il y a eu un glissement. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de voir ce projet de régime pédagogique adapté. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. (10 h 45)

Mme Gravel: Nous avons en main le document, actuellement. Nous n'avons pas eu le temps d'en faire l'analyse parce qu'on a été pris un peu par le mémoire qui nous préoccupait beaucoup. Je connais, quand même, le régime pédagogique antérieur. On est très intéressés, justement, à faire aussi l'analyse de ce document pour voir où est la place du préscolaire, si cela a été oublié. C'est assurément un problème, en tout cas depuis plusieurs années, au préscolaire. Et ce n'est pas d'hier quand même, on dit que ça fait trente ans. C'est pour ça qu'on défend encore notre position aujourd'hui où on veut être reconnus parce que partout on se cherche tout le temps, dans le fond. Est-ce pour le préscolaire? Parfois, on nous place avec l'élémentaire.

Entre autres, parlant de régime pédagogique, je pense qu'il y a, justement, des articles où on disait: L'enfant doit être présent cinq demi-journées de classe. Si on regarde les services qu'on donnait, par exemple, aux maternelles quatre ans et aux maternelles maison où l'enfant y était trois demi-journées, deux demi-journées, alors, en partant, déjà on allait à l'encontre du régime pédagogique. On s'est dit: Bon, encore une fois, on nous a peut-être oubliés. C'est pour cette raison qu'on en profite vraiment aujourd'hui pour venir redire toutes ces choses. Ce n'est pas d'hier et ça se maintient encore. On aura l'occasion, probablement, ensemble d'en faire l'analyse et de trouver, justement, où on a encore été oubliés. C'est ce qu'on demande aujourd'hui, d'ailleurs.

M. Ryan: Oui. Je porte ce document à votre attention. Vous allez constater qu'il n'est pas question beaucoup du caractère distinctif de l'éducation préscolaire là-dedans. Je pense qu'il y a même un danger de recul si le législateur ne porte pas une attention très soigneuse à ce que vous avez proposé ce matin.

Mme Gravel: Ce sont un peu les difficultés qu'on a dans nos commissions scolaires pour plusieurs enseignantes. Dans une école, par exemple, où il y a une quinzaine ou une trentaine de professeurs, souvent on se ramasse avec un professeur de maternelle. Pour la commission scolaire, c'est beaucoup plus facile. On regarde le règlement et on dit: Le professeur de maternelle, tu passes comme l'élémentaire. Cela nous cause de gros ennuis quand nous avons comme préoccupation l'enfant. Entre autres, l'entrée scolaire, par exemple. La présence de X jours d'école dans le régime pédagogique, je ne sais pas s'il y a eu des modifications à cela, mais, si on regarde le jeune enfant qui arrive pour la première fois à l'école, souvent il n'a pas eu de contacts avec de gros groupes. Il y avait, quand même, une certaine habitude dans le milieu où on faisait un genre d'entrée, par exemple, qui prenait trois ou quatre jours. On reçoit les enfants par petits groupes, accompagnés des parents au début, pour mieux connaître l'enfant, le sécuriser. Cela fait partie de notre quotidien. Mais, quand on nous arrive avec un règlement fait de cette façon où on dit X jours, la façon peut-être la plus facile souvent pour les commissions scolaires c'est

de dire: C'est écrit, donc on doit s'y soumettre. C'est pour ça qu'on revendique aujourd'hui.

M. Ryan: Je voudrais vous demander une petite explication. À l'article 97 du projet de loi, vous proposez l'addition d'un paragraphe. Ce n'est pas parce que je veux entrer dans les choses bien techniques, mais ça m'a étonné. Cet article-là dit: "Après consultation de l'élève, de ses parents et du personnel en cause et conformément aux critères de la commission scolaire, le directeur de l'école peut intégrer un élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage à une classe ordinaire lorsqu'une telle mesure est possible et propre à faciliter l'insertion sociale de l'élève." Là, vous dites qu'il faudrait ajouter ceci: Le directeur d'école s'assure que les services éducatifs particuliers à l'élève ou les services d'animation pédagogique auprès du personnel enseignant sont disponibles et appropriés. Pourriez-vous expliquer ça?

Mme Gravel: Souvent, dans le milieu, aussi, on a les enfants intégrés. À la maternelle, de toute façon, il n'y a pas de triage déjà fait; on prend tous les enfants qui se présentent, qui s'inscrivent. C'est sûr qu'à ce moment-là on demande que le personnel ait toute l'aide nécessaire. Quand on regarde l'âge, je pense que souvent, à quatre ou cinq ans, c'est beaucoup plus facile d'intervenir. Souvent, on investit beaucoup au niveau des enfants de l'élémentaire ou du secondaire et on oublie ce jeune enfant qui est la base, dans le fond, du système.

On demande, justement, d'ajouter cela, pour donner encore beaucoup plus d'importance au préscolaire et à l'intervention qu'on peut faire auprès du jeune enfant. On a besoin d'aide, une éducatrice qui est seule, qui rencontre 40 enfants par jour, à qui on demande plein de choses, qui est très présente - c'est une présence constante, dans le fond - a besoin de cette aide. Je pense qu'à certains endroits il y a une question financière, bien sûr, si je parle d'une commission scolaire où les gens sont tous éparpillés par petits villages, etc., mais il y aurait sûrement quelque chose à faire pour aider ces gens qui sont seuls dans leur coin et qui ont besoin d'aide. Je ne sais pas s'il y a d'autres membres qui veulent ajouter quelque chose.

Mme Gaudreau (Carole): Ce soutien est effectivement très important. L'enfant entre à l'école pour la première fois et très souvent, quand on travaille avec un enfant handicapé, peu importe le handicap, on travaille aussi en étroite collaboration avec le parent parce que c'est la première fois que cet enfant est dans un groupe. Le parent est aussi confronté à une autre réalité. Il a un cheminement à faire aussi. On a à travailler étroitement avec le parent et l'éducatrice a besoin d'appui. Il ne faut pas oublier que la majeure partie du temps elle a 20 enfants.

M. Ryan: Très bien. Il y a une suggestion qui m'a étonné à l'article 99. L'article se formule comme suit dans le projet de loi: "L'école est responsable de l'application des programmes d'activités de formation et d'éveil et des programmes d'études officiels." Dans d'autres articles, vous demandiez qu'on ajoute cet élément des activités de formation et d'éveil et là vous demandez qu'on l'enlève.

Mme Gaudreau: M. le Président, c'est que cette section s'intitule Services d'enseignement.

M. Ryan: Ah oui!

Mme Gaudreau: Au début, on a fait une distinction entre les services de formation et d'éveil et les services d'enseignement. On arrive ici et il y a une section sur les services d'enseignement et il n'y en a pas sur les services de formation et d'éveil. On n'est pas là du tout.

M. Ryan: Très bien. J'ai une question à propos du conseil d'école. Comme responsables de classes préscolaires, vous faites partie du personnel enseignant de l'école. Si j'ai bien compris, tantôt, vous avez dit que vous insistiez pour avoir un représentant de votre secteur au conseil d'école.

Mme Gravel: C'est-à-dire que notre position face à cela est qu'il y ait des enseignants au conseil d'école. Ce n'est peut-être pas nécessaire que cela figure dans la loi, mais, autant que possible, on aimerait qu'il y ait quelqu'un du préscolaire, parce que ce même débat qu'on vient faire ici, vous savez, on est obligés de le faire dans nos écoles aussi, parce que la plupart du temps, dans une commission scolaire ou une école, vous avez une éducatrice au préscolaire et quinze autres personnes. Bon, les matières, c'est beaucoup plus important. Je le sais. Parfois, il y a des réunions au niveau de l'école et on oblige les éducateurs du préscolaire à aller s'asseoir là pendant une heure, une heure et demie pour entendre parler de problèmes de l'élémentaire et la personne qui est toute seule, lorsqu'elle vient pour demander quelque chose, on va lui dire: Attends, on réglera cela après parce que tu es toute seule. Alors, c'est cela que l'éducatrice vit. C'est aussi pour cette raison qu'on demande de l'animation pédagogique, parce qu'au niveau d'une commission scolaire,

parfois, c'est difficile. Il y a beaucoup d'endroits où on n'a pas cette animation pédagogique. On compare aussi avec toute l'animation pédagogique qu'on donne au niveau des matières théoriques, entre autres, de l'élémentaire; chose qu'on n'a absolument pas au préscolaire.

M. Ryan: Mais il y a une chose que j'ai de la difficulté à voir. J'aimerais avoir des précisions de votre part. Je ne vois pas ce que le conseil d'école va faire pour vous aider tellement. Vous disiez tantôt que vous travailliez de très près avec les parents. Qu'il y ait un comité de parents qui travaille avec vous immédiatement et qu'il participe à certaines décisions, je le conçois très bien, mais là il est question d'un conseil pour toute l'école, qui aura la responsabilité de l'ensemble. Pensez-vous que cela va vous dispenser du besoin d'un mécanisme collégial propre pour votre secteur?

Mme Gravel: Non. Je pense que c'est, quand même, intéressant que le professeur d'éducation préscolaire s'implique. On ne peut le renfermer dans sa classe et lui dire: Toi, tu es à part et tu restes là. Le professeur d'éducation préscolaire fait, quand même, partie d'une école. Je trouve fort intéressant que la personne s'implique au niveau de son école. Il faut dire, pour les parents, que les enfants qui sont au préscolaire, l'année d'après, sont à l'élémentaire. Alors, je pense, au contraire, que cela peut être avantageux. Par exemple, s'il y a des discussions intéressantes d'ordre pédagogique, l'éducateur préscolaire pourra apporter ses connaissances et dire ce que les enfants vivent pour qu'il y ait peut-être - et c'est encore un de nos souhaits - plus de suite entre le préscolaire et l'élémentaire.

On parle d'activités d'éveil au niveau préscolaire. On parle d'activités d'apprentissage à l'élémentaire. Donc, ce serait peut-être bon qu'il y ait aussi au niveau de l'élémentaire de la formation. C'est peut-être pour assurer une meilleure continuité. Je pense qu'entre un enfant de cinq ans et un enfant de dix ans il y a une bonne différence, oui, mais la différence n'est quand même pas si grande. Ce sont les mêmes parents.

M. Ryan: J'ai une dernière question, qui va peut-être en entraîner une autre, parce que je veux que votre position soit bien claire. Concevez-vous une école où l'autorité ultime, c'est un conseil d'école formé en majorité de parents? Comment cela va-t-il se rattacher à la commission scolaire? Quel va être le rôle du directeur? Avez-vous pensé à tout cet enchaînement de fonctions?

Mme Gravel: Vous avez lu le mémoire, de toute façon. Nous ne voulions pas nous attaquer à la structure du projet de loi 40 mais nous avons tout de même une position -nous le glissons à un moment donné - car on veut qu'il y ait une majorité enseignants et parents.

M. Ryan: Pardon?

Mme Gravel: Qu'il y ait une majorité enseignants et parents.

M. Ryan: Une égalité.

Mme Gravel: Je veux dire une égalité enseignants et parents.

M. Ryan: S'il y a conflit entre les deux, qu'est-ce qu'on fait?

Mme Gravel: Nous discutons, il y a sûrement moyen de...

M. Ryan: Qui va décider?

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: C'est là le problème; je vous le pose. Je le pose surtout à l'intention du ministre. Il faut avoir une réponse à cette question, en fin de compte.

Mme Gravel: C'est difficile de répondre, je ne voudrais pas devenir la...

M. Ryan: Non, non. Je comprends très bien votre embarras.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Ryan: Cet embarras est créé par le projet de loi 40 et les amendements qu'a laissé entrevoir le ministre. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil.

M. le député de Vachon.

M. Payne: Vous avez souligné les points forts du projet de loi 40. Pour ma part, j'aimerais insister sur quelques points faibles que vous avez signalés. Il y en a un qui m'a frappé. J'ai fait des recherches tout à l'heure précisément concernant les services éducatifs aux élèves de milieu économiquement faible. C'était contenu dans l'ancien règlement de 1981, à l'article 13, où il est dit: Pour les élèves de milieu économiquement faible, une intervention éducative appropriée doit être favorisée dans le but de personnaliser l'école, de l'adapter aux besoins du milieu et à la culture du milieu." D'après ce que j'ai pu constater, dans le règlement déposé il y a quelques semaines concernant le régime pédagogique du primaire et du secondaire et l'éducation

préscolaire, ce n'est pas repris.

L'article 12 précisément, qui touchait les services éducatifs particuliers aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, a été repris au nouvel article 9 du régime pédagogique tel que déposé. Là on parle de l'élève en difficulté d'adaptation et d'apprentissage ou de milieu économiquement faible qui atteint l'âge de quatre ans, etc. C'est discuté plus explicitement à l'article 21, où on dit: Les activités de rééducation ou d'adaptation, déterminées pour l'élève de l'éducation préscolaire, du primaire et du secondaire en difficulté d'adaptation, peuvent s'inscrire à l'intérieur du temps minimum prévu aux articles 16, 17 et 18. L'article 12 est donc repris et reconduit dans le nouveau règlement, mais l'article 13 n'est pas repris. Par contre, même si j'admire la manière dont on a classé les services éducatifs dans le projet de loi - les articles 4, 5, 6, 7, 8 et 9 résument très bien au niveau des principes les services offerts - les services éducatifs pour les élèves de milieu économiquement faible ne sont pas repris, même dans le projet de loi 40. Je crois que cela est assez important.

Par contre, j'aimerais ajouter quelque chose sur les inquiétudes que vous avez soulevées, à savoir que les règles budgétaires demeurent. Justement, les règles budgétaires qui assurent à 100% les services éducatifs exigés par la loi et les règlements sont "complémentées" par les règlements concernant les allocations additionnelles ou les allocations supplémentaires. Traditionnellement, cela couvrait des domaines comme l'enseignement des langues d'origine, le développement pédagogique concernant les autochtones, les programmes spéciaux, les élèves qui sont capables d'un progrès rapide dans le système, aussi quelques programmes concernant la francisation. Il y a aussi les règles de péréquation qui concernent les milieux économiquement faibles. À ce que je sache tous ces programmes et les règles de péréquation ne sont pas enlevés. (11 heures)

La semaine dernière, on a rencontré le Conseil scolaire de l'île de Montréal. Ses membres ont noblement souligné les efforts très importants qu'ils ont faits à cet égard, mais peut-être n'ont-ils pas souligné suffisamment le fait que ces allocations supplémentaires viennent du ministère et non des commissions scolaires. Les commissions scolaires reçoivent leur budget annuel régulièrement et, en plus, par les règles du ministère concernant la péréquation, ils reçoivent le supplément.

On se souvient aussi que le ministre a déposé dernièrement un document concernant la péréquation des ressources. Il y avait précisément, dans l'article 7.5, une référence aux milieux économiquement faibles. Donc, je suis d'accord avec vous pour dire que cela manque. L'article 13 n'est pas repris dans le règlement, mais les règles de péréquation demeurent.

Avez-vous d'autres exemples de failles ou de lacunes de ce genre dans le projet de loi?

Le Président (M. Blouin): Mme Gravel.

Mme Gravel: Non, je... J'ai du mal à saisir toute la question. Il y a beaucoup de bruit.

M. Payne: II y a beaucoup de bruit. Mme Gravel: Oui.

M. Payne: Je vous demande s'il y a d'autres exemples de petites failles de ce genre. Je poserai une question complémentaire. Dans les commentaires du règlement de 1981, il est écrit: L'approche du ministère, en ce domaine, est évolutive et, expérimentale. Tout en suggérant lui-même des moyens d'action, le ministère encourage le milieu scolaire à créer, à améliorer, et à expérimenter des interventions variées. Celles-ci devraient contribuer à une prise en charge plus communautaire des enfants de milieu économiquement faible, de façon à leur assurer un développement le plus équilibré et le plus complet possible.

Pouvez-vous nous faire part de vos expériences selon les recommandations contenues dans ces commentaires?

Mme Gravel: Si l'on regarde les expériences, ce qu'ils proposaient, c'est que les commissions scolaires maintiennent des services pour les milieux économiquement faibles. Mais nous, quand on s'attarde uniquement au préscolaire, c'est encore une minorité dans une commission scolaire, mais c'est quand même toujours sous l'autorité du ministère.

Ayant moi-même travaillé comme agent de développement pédagogique au niveau des milieux économiquement faibles, je peux vous dire qu'à un moment donné, quand on est entré là, entre autres - je couvrais toute la région Saguenay-Lac-Saint-Jean - on nous disait: Cette année, c'est tel développement, l'an prochain, ce sera beaucoup plus généralisé. Peu à peu, on s'est vu diminuer. Le nombre même n'a pas augmenté. Les agents de développement sont tous disparus au niveau du ministère. Il n'y a donc pas de soutien au niveau des commissions scolaires.

C'est beau de dire aux commissions scolaires de s'organiser, mais je pense que cela prend quand même un certain soutien pour... Je ne suis pas bien comprise?

M. Payne: Non, non. C'est très bien. Mme Gravel: Cela va?

M. Payne: Oui. Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Vachon. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux souligner à notre collègue du comté de Vachon - d'ailleurs, ce n'est pas uniquement pour lui - qu'à plusieurs reprises, des témoins sont venus ici nous dire et nous faire sentir les effets des coupures budgétaires. Je pense que la suppression des ADP (les agents de développement pédagogique) est un bon exemple. Il ne faut pas s'imaginer qu'on coupe et que cela ne paraît nulle part.

Ceci dit, ce n'est pas l'objet de votre présence ici. Je ne reviendrai pas sur les recommandations que vous faites dans votre rapport parce que je pense que mon collègue d'Argenteuil les a à peu près toutes touchées. Compte tenu de votre expérience, j'aurais trois questions à vous poser. Premièrement, eu égard à l'âge d'admissibilité à l'école, on sait qu'il y a des gens qui sont tenants que l'âge d'admissibilité, en première année, soit reporté au 1er janvier plutôt qu'au 1er octobre, comme c'est le cas, actuellement, ce qui permettrait à des enfants de ne pas perdre une année complète, mais uniquement une demi-année. Je pense que c'est d'ailleurs ce qui se fait en Ontario; quant aux autres provinces, je l'ignore.

Compte tenu que tous les enfants devront maintenant passer par la maternelle, que de plus en plus d'enfants peuvent faire de la garderie ou de la prématernelle pour la moyenne des enfants - parce qu'il y a toujours des exceptions dans tous les enfants qu'on reçoit - croyez-vous qu'un enfant qui aurait cinq ans le 1er janvier pourrait par la suite entrer à l'école au mois de septembre sans diminuer ou avancer l'âge d'admissibilité à l'école, compte tenu de votre expérience au préscolaire?

Mme Gravel: Compte tenu d'expériences, justement... Il en a été question à un moment donné et je pense que l'association avait présenté à ce moment-là une forme de mémoire. On me le dira si je me trompe. La position est que, logiquement, si on regarde... Par exemple, dans mon école et dans mon milieu, je l'ai vécu effectivement parce que j'ai un fils qui est du mois de novembre. Il aurait été pris, je dis bien, pour entrer une année plus tôt à l'école. Tout est en fonction du taux d'attente. Le problème, au fond, se situe beaucoup plus dans le taux d'attente qu'on a des enfants au niveau de l'élémentaire. Il est difficile de dire qu'un enfant entre au mois de septembre parce que c'est vraiment, souvent, une question de jours. J'ai quand même remarqué par expérience que plusieurs enfants qui éprouvent des difficultés d'apprentissage... Encore là, je le mets entre guillemets, parce que c'est quoi une difficulté d'apprentissage? Cela dépend de ce qu'on attend de lui. Si on suit le rythme d'un enfant, on peut entrer n'importe quand à l'école et on va le suivre. Cela peut aller. Il faut surveiller quand même des critères bien déterminés à un âge donné où on vérifie les apprentissages de l'enfant.

Personnellement, ainsi que plusieurs autres, on n'était pas pour ce changement de date. Il y a plusieurs enfants qui sont plus jeunes et on peut faire tellement de choses avec un jeune enfant de cet âge. Vous l'avez mentionné vous-même, aujourd'hui, il y a d'autres endroits où l'enfant peut aller. Il y a des activités, des garderies et beaucoup d'expériences que l'enfant peut vivre. Par contre, actuellement, on a quand même un autre problème qui se pose dans une école. Je suis moi-même dans une école élémentaire. Vous avez certains enfants - là-dessus, je fais une réserve - pour qui il est difficile d'être catégorique en ce sens qu'il y a certains enfants, selon l'environnement culturel peut-être, qui seraient prêts, mais ce n'est pas une question d'âge, au fond. J'ai vu des enfants qui étaient nés le 15 septembre et qui fonctionnaient très très bien. J'en ai vu d'autres qui étaient peut-être du mois d'octobre, qui avaient six ans en commençant l'école et qui éprouvaient de gros problèmes. Je pense que ce n'est pas en changeant une date qu'on peut régler ce genre de problème. Je reviens encore à notre marotte: il faut travailler beaucoup avec le milieu et de là un peu la cohérence qu'on apporte quand on dit qu'il ne faut pas oublier les milieux économiquement faibles.

Je regarde quand même depuis une vingtaine d'années que j'oeuvre vraiment au préscolaire, on avait un certain temps. Il y a toute la conjoncture économique et il y a toute la société actuellement qui vit un changement. Il y a une répercussion sur nos jeunes également. Je me souviens, quand on a commencé avec les petits à la maternelle - on disait les petits parce qu'ils étaient vraiment des petits - il fallait leur montrer parce que les enfants étaient beaucoup plus dépendants et plus bébés qu'aujourd'hui. On se rendait compte qu'il y avait une moyenne d'enfants dont une minorité qu'on disait plus ou moins favorisée. Il y avait aussi une minorité d'enfants très favorisés ou qui avaient un développement peut-être supérieur à la moyenne.

Aujourd'hui, on constate dans nos écoles qu'il y a des enfants qui ont vraiment tout, qui sont vraiment favorisés et qui ont le maximum. C'est l'écart entre les deux qui cause un problème actuellement. De là le problème de certains enfants: est-ce qu'on les inscrit au mois de septembre ou au mois

de janvier? Je ne suis pas sûre qu'en changeant la date... Un enfant, par exemple, qui est du mois de novembre, qui aura cinq ans pour commencer, à moins de modifier ou d'aménager l'élémentaire I - je parle de la première ou de la deuxième année - en fonction de ce que l'enfant est capable de faire, mais ce n'est pas toujours ce qui se fait. On a de bons programmes, on a plein de choses qu'on donne actuellement, mais il n'est pas sûr que cela change le moteur au fond. On a encore cette forme d'attente. Même chez les parents, je pense qu'il y a encore un gros travail à faire là-dessus. Nous, à la maternelle, devons constamment -c'est toujours à recommencer, au fond -débattre que l'enfant peut arriver à apprendre en jouant, par exemple. Beaucoup de gens pensent que les enfants en maternelle jouent. On l'entend encore. Pourtant, beaucoup d'information est donnée à ce sujet-là, mais on l'entend régulièrement. Je réponds aux parents que cela veut dire que, si l'enfant qui joue...

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, mais quelle est la solution au problème -vous reconnaissez qu'il y en a un...

Mme Gravel: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...entre des enfants qui seraient prêts et d'autres qui ne le sont pas ou qui le seraient moins?

Mme Gravel: Je pense qu'il faudrait...

Le Président (M. Blouin): Mme Bergeron.

Mme Bergeron (Carmen): Oui. On a demandé, lorsqu'on a présenté le mémoire sur la formation professionnelle des jeunes, l'automne dernier, qu'il y ait des entrées progressives - un enfant qui est selon son rythme, comme vous le demandez, ce n'est pas dû à l'âge ou ainsi de suite; c'est selon le rythme de l'enfant, selon qu'il est prêt à - qu'il y ait un aménagement au niveau du système scolaire pour que l'enfant soit capable, supposons, de faire son année scolaire. S'il est capable de s'en aller en première année plutôt que de le faire, selon ce que vous demandez, en janvier ou vice versa, changer la date d'entrée... On a demandé qu'en cours de route, si l'enfant est prêt à s'en aller en première année, s'il a le "readiness" nécessaire, qu'on soit prêt à le recevoir en première année. Il faudrait deux entrées progressives par année.

Mme Lavoie-Roux: Sauf que là, vous feriez deux entrées progressives.

Mme Bergeron: Deux entrées progressives.

Mme Lavoie-Roux: Je vois aussi la difficulté et la compétition dans le voisinage entre des enfants qui, eux, sont jugés aptes à entrer et ceux qui ne le sont pas. Par contre, je pense qu'il y a aussi des enfants qui - ce n'est pas une réflexion sur ce que vous faites bien ou mal, mais vraiment une réalité - après la garderie, une prématernelle, une maternelle ont hâte d'entrer à l'école, ils sont prêts à entrer à l'école et on les retient en arrière. Il faut quand même se rendre compte que c'est aussi une réalité.

Mme Gagnon (Josette): C'est quand même une minorité. De toute façon, si on a à généraliser, on s'assure moins d'effets négatifs à ce que l'enfant entre plus tard à l'école que plus jeune. Si on doit généraliser pour un âge...

Mme Lavoie-Roux: Oui, sur cela.

Mme Gagnon: ...au moins on peut s'assurer de cela.

Mme Lavoie-Roux: On parle beaucoup d'intégration d'enfants handicapés. Dans quelle mesure acceptez-vous des enfants handicapés dans vos maternelles? Quelle serait la nature des handicaps et quel serait le nombre d'enfants handicapés que vous pourriez avoir comme moyenne dans une maternelle?

Mme Gaudreau: Le nombre d'enfants que nous pouvons avoir, je ne le sais pas. En termes de handicap, j'en ai vu de déficient moyen à psychotique, à paralytique cérébral, d'à peu près tous les types de handicaps.

Mme Lavoie-Roux: Du moment qu'un enfant marche...

Mme Gaudreau: On accepte tous les enfants.

Mme Lavoie-Roux: ...il n'y a presque pas de... et même un enfant qui aurait plus de difficulté à marcher. En fait, il n'y a presque pas de handicaps qui empêchent l'enfant d'entrer dans une maternelle régulière d'une école publique. Est-ce que c'est cela que je dois comprendre?

Mme Gaudreau: Oui, c'est cela.

Mme Gravel: Au niveau de la maternelle, si on regarde ce qui se fait actuellement - je parle pour un gros milieu -presque tous les enfants peuvent y entrer. On ne fait pas cette séparation de l'enfant, à moins, bien sûr, d'un enfant qui vraiment ne peut pas se joindre à un groupe, s'il est un débile profond, s'il n'est pas propre ou quelque chose comme cela. En général, les

enfants sont intégrés. On n'a pas cette séparation. C'est rare, les milieux qui, actuellement, vont sortir des classes maternelles les enfants. Cela prend vraiment un handicap.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous allez garder un enfant, par exemple, qui souffre d'autisme?

Mme Gravel: C'est arrivé qu'on a vu dans les classes maternelles des enfants qui souffraient d'autisme pour autant que l'enfant peut s'intégrer au groupe. Si cela peut perturber le groupe...

Mme Lavoie-Roux: C'est quasiment opposé.

Mme Gravel: J'ai vu un enfant qui était justement atteint de ce trouble mais qui ne dérangeait quand même pas; en majorité, il suivait. Par exemple, si l'enfant frappe, s'il traumatise d'autres enfants, à ce moment-là on est obligé d'intervenir.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Vous avez fait allusion, à la page 14 de votre mémoire, justement en référence aux services dans les milieux économiquement faibles, des recherches à court terme que vous qualifiez de peu concluantes. Vous considérez que le ministère se serait mis à l'écoute de ces recherches à court terme. De quelle nature étaient-elles? Quelles en étaient les conclusions?

Vous disiez tantôt - je trouvais cela extrêmement intéressant - que les enfants qui arrivent maintenant - vous faisiez aussi allusion à l'expérience que vous avez accumulée depuis 20 ans - étaient moins bébés qu'auparavant. Peut-être sont-ils plus socialisés? Certains d'entre eux ont-ils déjà passé par la garderie ou tout simplement par une garde en milieu familial ou par un certain détachement de la mère ou du père, par une certaine distance si tant est que l'un ou les deux travaillent à l'extérieur. Je voulais savoir si vous maintenez des relations assez suivies avec les garderies en milieu scolaire. (11 h 15)

Vous utilisez le terme "maternelle" dans votre mémoire. Vous nous dites que la spécificité du préscolaire par rapport au primaire c'est le développement global et harmonieux de l'enfant mais c'est aussi la spécificité de la halte scolaire, de la garderie en milieu scolaire. J'imagine qu'il n'y a pas seulement des relations d'intégration entre le primaire et le préscolaire mais entre la garde en milieu scolaire et la maternelle. Il y a une spécificité mais il doit y avoir quand même une frontière assez ténue; cela doit être assez rapproché le type d'intervention qui peut se faire. De quoi s'agit-il exactement en ce qui concerne les études menées dans les milieux défavorisés? Quelle sorte de relations entretenez-vous avec ce qui tend à se développer beaucoup dans les écoles, la garde en milieu scolaire?

Mme Gaudreau: En ce qui concerne les études, il s'agit des études qui ont été faites à Montréal l'été dernier. La seule position -ce n'est pas une position, ce sont des réflexions qu'on a pu faire après la lecture de ces recherches...

Mme Harel: Que disaient ces recherches?

Mme Gaudreau: II y en avait certaines qui disaient qu'après avoir évalué les élèves qui avaient eu des interventions en milieu économiquement faible à la maternelle on évalue les rendements scolaires uniquement en quatrième et cinquième année, en français et en mathématiques, pour dire que les pourcentages ne sont peut-être pas tellement plus élevés. Est-ce que toutes les interventions qui ont été faites ont été significatives au niveau du préscolaire? C'était un élément qui était remis en question.

On pense que les recherches devraient aller beaucoup plus loin et sûrement avec des outils plus pertinents. Il y a sûrement autre chose à évaluer que strictement le rendement intellectuel, sans le mettre en relation avec un développement socio-affectif, quand on sait toute l'importance qu'un développement socio-affectif peut avoir sur le développement intellectuel. C'est plutôt dans ce sens-là qu'on s'est interrogé sur la pertinence d'utiliser ces résultats pour de futures interventions.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

Mme Parizeau (Céline): J'aimerais ajouter qu'au départ les interventions qui étaient faites dans les milieux économiquement faibles n'étaient pas pour prouver ce que Mme Gaudreau vient d'avancer, qu'en mathématiques et en français les enfants devaient réussir. On se demande donc pourquoi se baser sur ces recherches pour en arriver à réduire les services en milieu économiquement faible parce que cela n'était pas l'objectif au départ.

Mme Harel: La diminution à Montréal

s'est fait sentir de quelle manière? Il y a eu une diminution des classes quatre ans de prématernelle dans les milieux économiquement faibles?

Mme Parizeau: Dans les commissions scolaires de Laval, je ne sais pas comment s'est produite la réduction des services.

Mme Harel: Par exemple, là où il y a une concentration de parents sous-scolarisés, où il y a une concentration de parents qui n'ont comme langue d'usage que leur langue maternelle autre que le français ou l'anglais, habituellement il y avait des classes maternelles quatre ans. Est-ce que cela a été maintenu ou est-ce que, compte tenu des études dont vous mettez la pertinence en doute, il y a eu diminution?

Mme Parizeau: Ce que je peux répondre à cela c'est qu'à la commission scolaire où je suis - ce n'est pas la commission scolaire de Montréal - les services qu'on offrait il y a quelques années aux enfants de quatre ans dont les parents étaient de différentes ethnies sont complètement disparus. Maintenant, les enfants qui passaient par les classes d'accueil quatre ans et cinq ans sont dans les maternelles. On recommande, bien sûr, à la commission scolaire de donner un soutien linguistique à ces enfants-là mais le service qu'on peut leur donner est moins complet que ce qu'ils recevaient dans les classes d'accueil de quatre ans. On ne peut pas faire à la fois une maternelle d'accueil et une maternelle avec les objectifs de développement globaux qu'on poursuit. Les objectifs d'une classe d'accueil sont vraiment d'enseigner la langue aux enfants.

Mme Harel: Quelles sont vos relations avec l'office de garde? Plus concrètement, dans une école, un enfant passera à la maternelle environ deux heures, et plusieurs d'entre eux se retrouveront cinq ou six heures à la garderie de l'école. Est-ce qu'il y a des relations qui sont entretenues?

Mme Gravel: Oui, justement. L'an dernier, on a fait un congrès de la petite enfance dans la région du Saguenay et c'était un de nos objectifs à ce moment-là de déboucher un peu sur les garderies et d'inviter ces gens à s'asseoir à la même table que nous. De plus en plus, c'est peut-être même un souhait de l'association qu'on arrive à avoir un office de la petite enfance ou, au moins, qu'on essaie de réunir tous ces services auxquels on pourrait donner beaucoup plus de cohérence. On propose même, à un moment donné, la maternelle à temps plein; peut-être que ce serait une des solutions dans ce sens. Un enfant qui va à la maternelle le matin, dîne à la garderie de l'école le midi, s'en va à la garderie l'après- midi et, le soir, si la mère a des cours, l'enfant est encore gardé.

On se dit: Pourquoi ne pas réunir tout ce monde qui veut tellement le bien du jeune enfant et essayer de faire quelque chose ensemble en organisant un système où l'enfant sera en présence de moins d'intervenants? Cela peut devenir néfaste qu'un jeune enfant passe de trois à quatre personnes par jour. C'est une question de valeurs et ce serait important qu'on s'y arrête. Je me dis que c'est peut-être la demande clé, actuellement; on devrait pouvoir arriver à parler le même langage. Les garderies sont très ouvertes à cela, si on regarde les demandes qui nous sont faites au niveau de l'association, entre autres, auxquelles plusieurs personnes adhèrent. Les gens nous demandent de participer à nos colloques, les gens veulent vraiment se faire une place avec notre association; on trouve cela bénéfique.

Pour répondre sur le milieu, il est difficile de répondre au nom de toute la province. Je peux vous dire que, dans mon milieu, actuellement, il y a une relation qui est bien meilleure avec les garderies et il est intéressant de voir l'évolution qui s'est faite au niveau du préscolaire. On retrouve, au niveau des garderies, les difficultés qu'on a eues il y a quelques années; alors, on peut les aider dans ce sens à passer à travers. Je pense que tous ceux qui veulent le bien du jeune enfant peuvent se donner la main; avec le ministère, si on se donne tous la main, on pourra donner au jeune enfant tout ce dont il a besoin. Avec les parents aussi.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Cela va, Mme la députée de Maisonneuve? Merci. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Bonjour! Un de mes beaux souvenirs, dans ma carrière de directeur d'école, est justement celui de la présence de deux maternelles dans mon école et des visites que je faisais assez régulièrement pour les saluer. Je vous ai toujours admirés à cause de votre dévouement; j'admirais aussi beaucoup, comme vous en faisiez mention tout à l'heure, la participation des parents à ce niveau. J'ai beaucoup aimé votre mémoire, il est franc, il est discret, il est spontané, un peu comme les rires et les colères des enfants dont on dit parfois que la vérité sort de leur bouche.

En page 15, vous vous interrogez - et je reviens là-dessus parce que je crois que c'est très important - sur la présence facultative du personnel enseignant au conseil d'école et vous vous demandez si le ministre n'essaie pas de contourner subtilement le problème au lieu d'y apporter une solution. C'est clair que M. le ministre veut aller de l'avant avec son projet de loi, même si ce problème spécifique n'est pas réglé. À notre

grande stupeur, l'Association des principaux d'école du Québec s'est même presque opposée à cette participation des enseignants, ayant peur de sabotage et de confrontation.

Vous préconisez la présence obligatoire, donc, un peu la conscription. Ce n'est certainement pas la solution idéale, mais est-ce vraiment plus valable que l'absence totale des professeurs? Je vous torture un peu sur ce sujet, c'est vous qui l'avez soulevé. Je crois que c'est un point vraiment essentiel. On ne pourra jamais régler les problèmes actuels dans le cadre d'un projet de loi si les enseignants ne participent pas. Autrement, comme je le disais hier, on s'en va vers une nouvelle loi non pas sur les pourboires, mais sur les déboires.

Est-ce que, pour vous, un comité paritaire - on vous a posé la question tout à l'heure - serait vraiment plus profitable et plus valorisant? Est-ce que cela pourrait devenir une source de conflits et de confrontations? Je suis content de voir que M. le ministre, maintenant, s'interroge beaucoup sur ce sujet et s'inquiète avec raison. Pour nous, de ce côté-ci, c'est un point vraiment essentiel. Pour moi, qui ai vécu dans les écoles, je sais que, sans la participation des professeurs, un directeur a les deux bras coupés et un ministre aussi, c'est impossible d'aller plus loin. Pourriez-vous élaborer encore un peu votre pensée sur ce sujet?

Mme Gravel: Je vois mal le fonctionnement d'une école si les intervenants ne sont pas tous à la même table. Je ne peux pas ajouter autre chose. Il y aura sûrement un apprentissage à faire dans certains milieux, parce qu'on n'est pas habitué à ça. C'est un changement qui est assez important. C'est peut-être tout ce dynamisme qu'on retrouve chez les éducateurs du préscolaire, comme vous le disiez tout à l'heure, auprès de l'enfant... On a encore ça et on a le goût, au niveau préscolaire, de faire partie de ça.

M. Hains: Je vais laisser ce sujet, je ne vous en parle que pour insister davantage auprès du ministre...

Mme Gravel: Pour nous non plus ce n'était peut-être pas le point le plus important.

M. Hains: Non, certainement pas. Je vais vous parler d'un point qui va vous intéresser plus particulièrement: l'intégration des enfants de la maternelle à la première année. Pour moi, dans mon école, dans le temps, c'était toujours un point assez difficile, parce que c'est presque aussi difficile que le passage de l'élève de sixième année au cours secondaire. Est-ce que vous avez réalisé des progrès au point de vue de l'adaptation de l'enfant d'une maternelle qui passe en première année, des fois avec des professeurs qui sont vraiment très catégoriques pour qui ce n'est que les mathématiques ou le français qui aura prédominance? Avez-vous fait un peu de progrès dans cette adaptation?

Mme Gravel: II y a peut-être un peu de progrès, mais je ne suis pas prête à répondre que c'est réglé. Ce genre de difficulté est d'actualité. Chaque année, les parents manifestent beaucoup de craintes justement face à ce passage. C'est peut-être parce qu'au préscolaire, on a quand même beaucoup d'objectifs de développement, on travaille beaucoup au développement de l'enfant. Donc, on a une approche pédagogique beaucoup plus ouverte, dans le bon sens du mot, par laquelle on amène l'enfant à être autonome, à se prendre en main. Dès qu'on arrive à l'élémentaire, il y a dans certains milieux un certain progrès qui s'est fait. Si je regarde dans mon milieu, où la maternelle et la première année travaillent beaucoup en collaboration, chose qui était difficile, les professeurs de première année et de maternelle vont à des réunions pédagogiques ensemble, donc ils peuvent échanger des opinions; mais il y a encore beaucoup de travail à faire, surtout avec les nouveaux programmes. Cela a pu apporter aussi ce nouveau souffle pour autant qu'on respecte l'esprit qui se dégage de ces programmes, toute la philosophie qui s'y trouve. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire dans ce domaine.

Mme Gagnon: C'est une tout autre adaptation aussi. L'enfant recommence son adaptation à la vraie vie scolaire. En première année, quand on a parlé à un moment donné de l'entrée progressive à la maternelle, je crois fermement qu'il devrait aussi y en avoir une pour la première année. On rencontre des difficultés avec le régime pédagogique qui oblige les enfants à être à l'école 180 jours. Ce sont les problèmes que l'on rencontre à l'intérieur de nos commissions scolaires.

Pour les enfants qui sont à la maternelle et en première année, il serait important d'avoir un peu de souplesse à ce niveau-là. Comme le disait Nicole aussi tout à l'heure, étant donné les programmes qui changent au niveau de la première année, surtout pour le français et les mathématiques, ça permet d'avoir beaucoup plus d'échanges d'opinions entre les professeurs de première année et ceux de la maternelle, ce qui permet une meilleure continuité dans l'éducation de l'enfant.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, M. le député de Saint-Henri. M. le député de Vachon m'a indiqué qu'il désirait

compléter son intervention par un bref commentaire. M. le député de Vachon.

M. Payne: Oui, très brièvement, M. le Président. Tout à l'heure, je ne voulais pas chanter les louanges du ministère lorsqu'on parlait du programme concernant les enfants et les élèves des milieux défavorisés, mais les insinuations de la députée de L'Acadie m'incitent peut-être à suggérer juste deux chiffres. Elle serait sûrement intéressée de savoir qu'il n'y avait pas de coupures depuis le début du programme en 1980, mais il y a 5000 enfants de quatre ans dans les classes des milieux défavorisés et il y a 8000 parents d'enfants de quatre ans de ces milieux qui suivent un programme d'animation au sein des commissions scolaires. Je pense que c'est assez éloquent pour le débat.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de L'Acadie, rapidement pour ne pas en faire un long débat.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Je dois vous dire que ce dont madame nous faisait part, c'est qu'il y avait eu des coupures d'agents de développement pédagogique. Je n'ai nullement parlé des milieux défavorisés. En parlant des agents de développement pédagogique qui pouvaient servir de soutien et d'animateurs auprès des professeurs du préscolaire, elle disait que ces agents sont disparus à cause des coupures budgétaires, je le répète.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Sur ce, je remercie les représentantes et le représentant de l'Association d'éducation préscolaire du Québec au nom de tous les membres de la commission.

J'invite maintenant les représentants du Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec à bien vouloir s'approcher. Puisqu'ils mettront probablement quelques instants à s'installer, nous allons suspendre nos travaux pour quelques secondes.

(Suspension de la séance à 11 h 30)

(Reprise de la séance à 11 h 31)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît;

Maintenant que nos invités ont eu le temps de s'installer à la table des invités, je leur demanderai d'abord de s'identifier et, ensuite, comme c'est l'habitude, de nous livrer le contenu de leur présentation en une vingtaine de minutes pour que nous puissions par la suite procéder aux échanges entre nos invités et les membres de la commission.

Je demande maintenant au groupe précédent de bien vouloir procéder en silence afin que nous puissions entendre nos invités, le Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec.

RAEUQ

Mme Morency (Julie): Je vous remercie, M. le Président. Mesdames, messieurs, membres de la commission parlementaire, M. le ministre, M. le Président, mon nom est Julie Morency, secrétaire générale du Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec. J'aimerais vous présenter les collègues qui m'accompagnent: M. Michel Le Comte, secrétaire aux affaires externes du RAEUQ; Mme Carole Lavallée, étudiante à l'Université de Montréal en orthopédagogie; elle a travaillé avec nous au mémoire que nous vous présentons aujourd'hui, et Mme Ginette Sauvé, étudiante à la maîtrise, à l'Université de Montréal également, en psychologie scolaire.

Notre participation à cette commission parlementaire se veut une contribution aux débats entourant cette importante révision de notre système d'enseignement primaire et secondaire. Considérant les enjeux à la fois économiques, sociaux, politiques et, bien sûr, éducatifs d'une pareille réforme sur les conditions de vie et d'études de plus de 1 000 000 d'élèves au Québec, le RAEU tient à rappeler que toute réforme éducative, quelle qu'elle soit, perdra tout son sens et son acuité si elle n'est pas le fruit d'une démarche concertée de toutes les parties concernées.

Le livre blanc dont est issu ce projet de loi a eu beau faire couler beaucoup d'encre, on peut néanmoins dire de tout ce débat qu'il aura une fois de plus laissé pour compte les premiers intéressés, ceux et celles qui, dit-on, sont la raison d'être et l'ultime justification de l'école: nous parlons des élèves eux-mêmes. S'il n'y a pas d'élèves qui font entendre leur voix lors de cette commission, nous en serons tous perdants. C'est pourquoi le RAEU veut immédiatement signifier qu'il n'entend pas parler au nom de ces derniers. Il y a déjà beaucoup trop d'adultes qui le font.

Par ce mémoire, le RAEU espère, dans un premier temps, clarifier aux membres de la commission pourquoi un regroupement d'associations étudiantes universitaires accorde tant d'importance au projet de réforme de l'enseignement primaire et secondaire; puis, élaborer les grands principes sur lesquels il fonde son projet éducatif à l'université. Pour ce faire, on abordera trois thèmes centraux, soit la place de l'étudiant dans l'université, la place de l'université dans la communauté et vers un nouveau partenariat. Enfin, une fois ces grands

principes posés, on procédera à une lecture critique du projet de loi, ainsi que du livre blanc dont il est issu, tout en y spécifiant les amendements souhaités. Alors, c'est un mémoire conséquent.

Le Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec se veut une organisation qui assure la défense des droits et des intérêts des étudiants. Or, cette défense conduit parfois à dépasser les cadres universitaires. Notre mémoire se veut une preuve de ce dépassement. Institution apparemment repliée sur elle-même, l'université québécoise n'évolue pas en vase clos; au contraire, elle fait partie d'un système qui possède ses entrées et ses sorties et, surtout, son propre réseau d'influences. L'université dispense une éducation supérieure qui fait suite à un système scolaire primaire, secondaire et collégial. Le niveau collégial, par exemple, n'est pas sans subir une influence directe de la part du milieu universitaire. Par contre, les contacts entre le milieu universitaire et les niveaux secondaire et primaire sont très rares, sinon absents. Ces contacts puisent pourtant leur légitimité dans un souci de cohérence à l'intérieur du système global. Donc, on ne peut avoir une université ouverte accessible et démocratique si les niveaux qui la précèdent ne le sont pas.

Nous croyons, au RAEU, qu'il est inacceptable, M. le Président, qu'un système d'éducation qui coûte si cher aux contribuables québécois ne contribue à développer des citoyens plus responsables.

Le fonctionnement du système scolaire a été, trop longtemps, autoritaire et hiérarchisé; aujourd'hui, on considère que l'école québécoise est apte à prendre en charge ses orientations.

Toutefois, si les parents revendiquent une plus grande place dans le processus de décisions, c'est que la stratégie dans le système scolaire, caractérisée par des discours sectaires et corpartistes, est devenue socialement improductive et irresponsable. Elle fait toujours des perdants, en particulier les enfants et les jeunes.

Nous, étudiants du milieu universitaire qui revendiquons une plus grande responsabilisation à l'intérieur de l'université, ne croyons pas que celle-ci soit possible sans un apprentissage préalable de cette responsabilisation dès le primaire.

Nous, étudiants, qui revendiquons une université plus accessible, pensons qu'il faut éviter l'abandon de près de 50% des élèves avant la fin du secondaire pour rendre le système scolaire vraiment accessible à tous les niveaux.

Nous, étudiants, ne croyons pas à une université ouverte aux collectivités sans une école véritablement communautaire. Voilà pourquoi, en tant qu'étudiants universitaires et à la fois ex-élèves, futurs parents, futurs enseignants peut-être, nous adressons ce mémoire, car nous avons la ferme conviction qu'il est plus que temps d'enclencher les changements éducationnels qui prépareront l'avènement de citoyens actifs et responsables, ce qui, vous le savez, s'inscrit dans un long cheminement individuel et collectif.

Je cède la parole à mes collègues, qui vont vous proposer les ajustements qui s'imposent. M. Michel Le Comte.

M. Le Comte (Michel): M. le Président, membres de la commission parlementaire, M. le ministre. Avant d'analyser le projet de loi 40 et de vous proposer les solutions là où le RAEU manifeste ses divergences face au projet, il serait important, afin de comprendre le débat qu'on soulève, de parler du projet éducatif du RAEU.

Une série d'événements majeurs tel le colloque de la charte des droits des étudiants, organisé par le RAEU, en février 1980, les tables de concertation du ministre Laurin, en décembre 1980, le Sommet RAEU-FAPUQ, en mars 1982, et, l'an dernier, notre colloque sur la condition étudiante furent autant d'occasions, pour nous, d'enrichir notre réflexion sur ce qu'on pourrait appeler notre projet sur l'éducation.

Pour nous, il est important de vous présenter ce projet éducatif, brièvement tout de même, car, c'est à partir de cette position que nous avons élaborée que nous avons analysé le projet de loi.

On entend ici par projet éducatif, pour simplifier les choses et ne pas s'y perdre dans les définitions, la définition contenue dans le livre blanc.

Commençons par parler de la place de l'étudiant à l'université. Il faut bien l'avouer, de la petite école à la grande, notre contexte n'est peut-être pas si différent, car nous découvrons, en arrivant à l'université, une situation qui n'est pas très éloignée de celle que nous avons vécue tout au long de nos études: la place qu'on nous laisse occuper n'est pas grande et appelle, le plus souvent, des attitudes de soumission et de dépendance face aux professeurs et aux administrateurs. On voudrait nous voir passer en dérangeant le moins possible l'institution.

Afin que se transforme et s'améliore pareille situation au sein de l'université, le RAEU, poursuit certains objectifs tels la participation aux structures.

Cet aspect signifie pour le RAEU que les étudiantes et les étudiants ainsi que leurs associations doivent pouvoir occuper, au sein de l'université, la place qu'il leur revient en assumant les pouvoirs et les droits inhérents à ceux d'artisans de leur formation, d'usagers de services responsables et de citoyennes et citoyens à part entière. Prendre notre place veut dire, pour nous, pouvoir participer au processus d'élaboration et de réforme des

programmes, à la définition des méthodes et des règlements pédagogiques, à l'évaluation des enseignements ainsi qu'au processus d'embauche et de promotion des professeurs, sans compter la gestion des services aux étudiants. Cette participation n'a toutefois de réels intérêts pour le RAEU que pour autant qu'elle se situe dans le cadre d'une décentralisation de pouvoirs à l'intérieur des institutions vers les unités de base. Il nous faut ici souligner l'adoption récente de la loi 32. En tant que contenu minimal de reconnaissance, cette loi se révèle une garantie pour nos droits, un outil pour nos associations. Elle donne le droit à nos associations étudiantes d'exister légalement en ayant le pouvoir de représenter officiellement les étudiantes et les étudiants sur les structures de participation dans les établissements postsecondaires.

Cependant, force nous est de constater que de tels mécanismes sont loin de trouver leur pendant au niveau primaire et secondaire. Sans faire fi de contextes particuliers, le RAEU croit que ces principes doivent être appliqués et ce, quel que soit le niveau de formation en cours, car nous ne devons pas oublier que le rôle plus actif des étudiantes, ou étudiants, ou élèves, doit se prolonger en un processus même d'apprentissage qui, lui, doit mettre l'accent sur leur autonomie, leur créativité et leur initiative; sans quoi, aucune responsabilisation n'est possible. D'où l'importance de reconnaître et d'appliquer ces principes.

On voit aussi la place de l'institution scolaire.

Le Président (M. Blouin): Vous avez l'intention de procéder à une lecture complète, entière et littérale de votre mémoire.

M. Le Comte: Je vais abréger.

Le Président (M. Blouin): Mais, au rythme où vont les choses, je pense que nous ne pourrons arriver, en une vingtaine de minutes, à procéder à cette lecture puisque vous êtes rendu à la page 6 d'un mémoire qui en contient au-delà de 20. Comme déjà presque la moitié du temps dont vous pouvez disposer est écoulée, je vous demande de synthétiser certaines parties et d'en dégager les idées de force afin que nous puissions par la suite procéder le plus rapidement possible aux échanges entre vous-mêmes et les membres de la commission.

M. Le Comte: Effectivement, M. le Président, j'abrège la présentation de notre projet éducatif pour permettre les propositions d'amendements.

On parle de l'institution dans la communauté, de la place de l'université dans la communauté. Malgré la rareté actuelle des ressources, l'université québécoise des années quatre-vingt se voit confrontée à des défis et à des exigences nouvelles. La reconnaissance croissante par nombre d'intervenants d'une troisième mission éducative et culturelle, celle des services aux collectivités, en est l'exemple le plus manifeste.

Donc, au niveau du RAEU, pour pallier cette carence des services à la collectivité ou de l'ouverture de l'université à la collectivité, on a mis sur pied le centre étudiant de services communautaires.

M. le Président, jusqu'à maintenant j'ai présenté deux points fondamentaux: Le RAEU croit très importante, il en fait une priorité, la participation des étudiantes et étudiants aux structures décisionnelles des institutions scolaires. Deuxièmement, il y a une ouverture à la communauté, à la collectivité. Vous ne serez donc pas étonné de voir plus loin, lorsqu'on parlera d'une école communautaire, qu'on fera plus spécifiquement un arrêt sur les points dans le projet de loi 40 qui seront sur le rôle de l'école dans la communauté.

Notre troisième point est vers un nouveau "partenariat". Il est essentiel de dire - cela va probablement s'adresser surtout aux conseils d'école - qu'on pense que les différents intervenants dans la communauté qui sont concernés par l'école doivent siéger à ce conseil d'école que le projet de loi 40 nous propose. Dans une optique de concertation, nous pensons que ces différents intervenants doivent avoir un lieu de décision.

Comme vous me demandez d'abréger cette présentation, je vais sans plus tarder laisser la parole à ma collègue ici, à ma droite, qui va vous présenter une analyse du projet de loi 40 et du livre blanc, sur la lecture qu'on en a faite, avec la grille d'analyse que je viens vous présenter. Merci.

Mme Lavallée (Carole): II va de soi qu'on n'a pas l'expertise de tout le monde sur tous les sujets au niveau de la loi 40 et du livre blanc. Nous nous contenterons donc de toucher seulement aux sujets où on se sent un peu plus sûrs.

Notre analyse va surtout se situer au niveau de l'école sur trois points, comme Michel l'a dit avant, c'est-à-dire la place de l'élève dans l'école, l'école dans son milieu et la nécessité d'un nouveau partenariat. (11 h 45)

Je commence tout de suite avec la place de l'étudiant dans l'école. Dans le projet de loi, on parle de former un comité d'élèves. Ce comité d'élèves existe au secondaire seulement. Il est non obligatoire, c'est-à-dire qu'il dépend seulement de la volonté des étudiants, et surtout consultatif. Nous sommes a priori d'accord avec cet article qui donne aux élèves du secondaire le droit de s'associer pour se faire entendre. Mais

certaines modalités ne sont pas présentes dans la loi et, malheureusement, les étudiants du secondaire et du primaire ne peuvent se prévaloir de la loi 32. Comment seront-ils financés? Qui jugera de leur représentativité? Qui fixera les modalités de leur représentativité? Les élèves ou la direction? Qui obligera les autorités à reconnaître les modalités fixées par les élèves? Bref, il y a nombre d'ambiguïtés qui, si elles ne sont pas clarifiées adéquatement, peuvent mettre en danger l'existence même de ces comités d'élèves. Comme le disait la Commission des droits de la personne, "avoir des droits ne voudrait rien dire si le milieu dans lequel on vit n'offrait pas les conditions nécessaires à leur exercice".

Sur ce point précis nous concluons donc que le présent projet de loi ne va pas assez loin dans la reconnaissance d'associations d'élèves au secondaire et attirons votre attention sur la nécessité de préciser l'étendue des droits d'association des élèves.

Sur un deuxième point dans ce sous-point en ce qui touche la participation d'élèves au conseil d'école, nous remarquons avec joie qu'il s'agit d'une participation à part entière, donc avec droit de vote. Nous avons encore ici quelques questions comme pourquoi avoir limité cette action aux jeunes du deuxième cycle? Cela veut-il dire que les jeunes du premier cycle n'ont rien à dire et qu'ils sont incapables de comprendre ce qui se passe dans leur propre école? Pourtant, n'y a-t-il pas des jeunes qui, dès le premier cycle au secondaire, ont des choses à dire et savent comment les dire? Nous avons eu la preuve de cela fréquemment lors du Sommet québécois de la jeunesse.

Je passe dès maintenant au deuxième point, c'est-à-dire la place de l'école dans le milieu. Déjà, dans le livre blanc, on énonçait des principes d'ouverture de l'école sur son milieu. Ce principe se voulait l'assise du projet, "une option pour une école publique commune et communautaire". Les bonnes questions étaient posées. Nous croyons par contre que les bonnes réponses n'ont pas toutes été apportées. Ainsi, le projet de loi, contrairement au livre blanc, n'accorde plus un statut de corporation à l'école. Dépourvue de ce statut, l'école devient bien peu munie d'instruments pour répondre adéquatement aux véritables besoins de sa communauté. Toutefois et de façon contradictoire peut-être, le projet de loi n'est pas muet en ce qui concerne les services à la communauté. Mais ceci se résume souvent en des services de garde ou en des services éducatifs à la collectivité. Tous ces services sont très peu innovateurs. On n'y prévoit aucune implication dans le milieu de l'école prise comme globalité. On se sert de ses locaux, de ses budgets mais aucunement de son entité, de son personnel, de ses enfants dans la vie du milieu.

S'il est possible de mettre à profit le potentiel étudiant tout en permettant l'acquisition d'une formation... Je m'excuse. Je me suis trompée de page. Je suis désolée.

Si le rôle de l'élève au sein de l'école semble passablement laissé pour compte dans le projet de loi, comme je le disais précédemment, on semble également ignorer la part indispensable du milieu dans la vie de l'école. À cet égard, nous tenons à souligner que, si des parents siègent au conseil d'école, ils n'y sont guère pour représenter les agents du milieu socio-économique comme tel. Ils sont d'abord parents et usagers. Quant à nous du RAEU, nous pensons que les représentants du milieu devraient avoir leur place au sein de l'école car il faut bien voir que les représentants du milieu peuvent permettre un enrichissement indéniable des secteurs d'intérêts de l'école. À cet égard, nous tenons donc à confirmer que "mettre l'école sur la rue" constitue également une nouvelle façon de rendre l'école communautaire et responsable. Il ne s'agit pas que de rendre la structure communautaire, il faut faire entrer la communauté dans la classe. On ne pourra jamais rendre l'école communautaire et responsable sans que se transforme aussi sa pédagogie.

Ainsi, de véritables engagements communautaires ne se réduisent pas à des éléments structurels. Il faut encore y faire vivre quelque chose que ni l'école ni le milieu ne possèdent à eux seuls.

Enfin, le dernier chapitre, Un nouveau partenariat. Le pivot du présent projet de loi est sans nul doute cette nouvelle participation des parents à l'école. En effet, ceux-ci deviennent majoritaires au conseil d'école et sont le nouvel espoir de ce système. Leur présence est très importante car, trop longtemps, on les a relégués sur les banquettes arrière, mais nous nous interrogeons sur la pertinence de leur accorder un pouvoir majoritaire au sein du conseil d'école, car n'est-ce pas là libérer de toute responsabilité les autres partenaires du système éducatif? Il n'y a pas de partage des pouvoirs sans répartition des responsabilités, mais l'inverse est aussi vrai. Si nous désirons vivre dans une société où chacun respecte l'autre, nous devons procéder rapidement à une révision du partage du pouvoir et des responsabilités, sans donner à quiconque le monopole de la détention de ce pouvoir.

En éducation comme ailleurs, aucun partenaire n'est parfait. Donner le pouvoir aux administrateurs, c'est bien pour faire tourner une machine mais, à un moment donné, la machine tourne à vide. Si on donne le pouvoir aux enseignants, n'ont-ils pas tendance à se protéger comme travailleurs avant tout? Les parents sont très compétents pour ce qui est de diriger les écoles, mais sont-ils au courant de tous les outils

pédagogiques existants? Les élèves sont peut-être les premiers à vraiment vivre l'école, mais sont-ils assez organisés pour se faire entendre?

Une vraie réforme doit, selon nous, convier à l'émergence d'un nouveau partenariat, à un nouvel échange entre tous les partenaires du système scolaire, de la maternelle à l'université.

En conclusion, je dirai une phrase du livre blanc: "Pas de vraie démocratie sans véritable responsabilité, pas de vraie responsabilité sans vrai pouvoir." On doit se demander qui aura le vrai pouvoir à l'intérieur de ce nouveau système scolaire. Vouloir responsabiliser l'école par certains parents, est-ce que cela est possible, est-ce que cela est souhaitable, sans vraiment permettre aux autres partenaires de participer aux décisions dont les effets marqueront leur quotidien? Il faut donc penser à renouveler notre passé sur la manière de diriger notre système scolaire, mais il faut surtout éviter de faire les choses à moitié.

Je céderai la parole à l'autre collègue au bout de la table pour les amendements.

Le Président (M. Blouin): Je vous signale que vous avez déjà épuisé le temps que vous aviez à votre disposition. Je vous signale également que les membres ont pu consulter votre document depuis déjà maintenant au-delà de deux mois et qu'ils en ont pris connaissance. À moins que vous puissiez résumer en une ou deux minutes la dernière partie, je souhaiterais que nous procédions maintenant à l'échange.

Mme Morency: Je pense que c'est possible de le faire en quelques minutes, il y a également des ajouts qui vous ont été déposés par rapport au Conseil supérieur de l'éducation.

Le Président (M. Blouin): II suffit de nous en livrer les grandes lignes sans entrer dans les détails, sinon, nous devrons passer aux échanges.

Mme Sauvé (Ginette): J'aimerais soumettre à votre attention l'annexe 1, qui vient d'être déposée ce sont les recommandations que le Conseil supérieur de l'éducation faisait dans son avis "Vivre à l'école secondaire un printemps d'embâcle et d'espoir". Les recommandations dont le chiffre est encerclé sont celles que nous entérinons spécifiquement. Par ailleurs, il y a un autre ajout à faire, il s'agit de l'article 39, qui est assez spécial. Il faudrait donc lire dans nos amendements: "Dans le cas d'une école secondaire, un conseil comprend au plus 16 membres, et 14 membres dans le cas d'une école primaire." La répartition des membres pour l'école secondaire est la même, telle qu'elle est spécifiée là, tout en soulignant qu'au point 4, dans le cas de l'école secondaire, il est privilégié que les trois représentants étudiants puissent être du premier cycle, du deuxième cycle et possiblement du secteur professionnel - s'il y a lieu - de l'école. C'est ce que nous préconisons.

Dans le cas d'une école primaire, au point 4, cela devient un représentant des élèves. Ce représentant sera nommé par le conseil de l'école, ce représentant pourrait être un parent, un enseignant ou un membre du personnel non enseignant ou encore un membre d'un groupe socio-économique. D'accord? C'étaient tous les amendements. Il y aura moyen de commenter chacun d'eux.

Mme Morency: Je pourrais peut-être faire une conclusion rapide. En général, finalement, notre position par rapport au projet de loi 40, nous la qualifions comme un moyen, selon nous, pour sortir de l'impasse actuelle dans le secteur de l'éducation, par la création, en effet, d'un nouveau code d'éthique sociale qui sera basé sur une plus grande démocratisation des pouvoirs, et, également, sur la responsabilisation sociale de l'école et l'utilisation optimale des ressources disponibles dans la communauté. C'est très important pour nous. Il s'agit, selon nous, d'un premier pas dans la transformation des mentalités afin de mettre un terme aux attitudes corporatistes de ceux qui prétendent être les sauveurs de notre système scolaire.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier le Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec de s'intéresser à la place de l'étudiant, au rôle de l'étudiant au sein de l'école. Les étudiants sont maintenant représentés par leurs associations au niveau de l'université, au niveau du collège, mais ils ne le sont pas encore au niveau de l'école. Lorsque, lors de ma tournée, j'ai rencontré à plusieurs reprises des étudiants et des associations étudiantes en formation où à peine reconnues, ces étudiants l'ont déploré.

Je sais par ailleurs que les étudiants du secondaire sont en train de s'organiser, particulièrement au niveau des écoles secondaires et que certaines écoles possèdent maintenant leur conseil étudiant et que ces conseils étudiants qui existent essaient d'en créer d'autres au sein d'autres écoles. Ils espèrent avoir, d'ici un an, leur propre association québécoise d'étudiants du secondaire. Je pense que c'est un pas en avant extrêmement important. J'espère, personnellement, que cette association québécoise des étudiants du secondaire verra

le jour au cours de l'année 1984 et qu'elle pourra faire entendre sa voix motu proprio au nom de ses propres intérêts, le plus tôt possible, car cette voix est importante.

Au sein de cette commission, c'est la première fois que nous entendons la voix étudiante s'exprimer, avec les réserves que je viens de dire, mais il n'en reste pas moins que cette voix est majeure et qu'il importe de l'écouter avec attention. Comme nous le rappelle le regroupement au tout début de son mémoire, l'élève, l'enfant, constitue en effet la raison d'être même du système scolaire, son ultime justification. C'est à son service que doivent travailler tous les intervenants de l'école, parents, enseignants, personnel non enseignant, directeurs d'école. C'est à son service que doivent travailler toutes les commissions scolaires. C'est à son service que doit travailler également le ministère de l'Éducation, car le but de la mission éducative est précisément d'aider l'enfant, l'élève, à se développer d'une façon intégrale, optimale, dans toutes les dimensions de sa personnalité, c'est-à-dire intellectuelle, affective, ethnique, sociale, afin qu'il devienne non seulement un citoyen ou une citoyenne épanoui, mais capable de réussir son insertion sociale et professionnelle et d'apporter ainsi à la société la contribution unique que chacun doit apporter.

J'ai dit tout à l'heure que l'étudiant, l'élève, constituait lui aussi un intervenant dans la vie de l'école. C'est là en effet une dimension majeure que doit respecter le projet de loi, tout projet de loi sur l'éducation. En effet, l'être humain a une dimension particulière. Ce n'est pas un être instinctif, sujet à des conditionnements et à des déterminismes aveugles. C'est un être humain qui possède, en plus de tout ce qu'on a dit sur l'être humain, cette caractéristique fondamentale qui est l'autonomie, la créativité, la responsabilité et la liberté. On doit donc l'éduquer et non pas le dresser. (12 heures)

Cette éducation comporte le déploiement graduel de toutes ses qualités, de cette liberté et de cette créativité fondamentale. C'est la raison pour laquelle on peut dire que non seulement il est le véritable usager du système, mais que c'est un usager qui doit participer à sa propre formation. Je me suis expliqué à plusieurs reprises là-dessus et je voudrais le rappeler à cette occasion; il doit participer à sa formation dans toutes les dimensions de la mission éducative.

Cela veut dire, premièrement, qu'il a droit d'être consulté sur tout ce qui le concerne, sur tout ce qui concerne la tâche éducative, sur tout ce qui concerne son éducation, sa formation. Il a le droit d'être informé, il a le droit d'être consulté. Il a le droit à des services éducatifs de qualité, qu'il s'agisse de services d'enseignement proprement dits ou de services complémentaires, personnels ou collectifs. Il a le droit d'être consulté sur l'organisation de sa vie à l'école, toute composante qui lui aide justement à être partie prenante au processus de sa formation et qui lui permet de l'évaluer, qui lui permet d'en connaître le rendement à son niveau, qui lui permet de suggérer les correctifs qui s'imposent justement pour que ce système d'éducation, pour que cette activité éducative le serve le mieux possible. C'est là la première justification de la place importante qu'il faut accorder à l'élève au sein de l'école.

Une deuxième raison n'est pas moins importante, c'est que tout ce qui est donné à l'élève, tout ce que l'élève reçoit de l'école, il doit l'assimiler, il doit en faire une partie constituante de son être, il doit l'utiliser aux fins propres du développement de la personne humaine, de l'être humain dans le sens de sa structuration progressive comme être humain de plus en plus épanoui et dans le sens du développement de sa personne dans sa dimension essentielle, c'est-à-dire un être de liberté et un être de responsabilité. À cet égard, l'école, et surtout l'école primaire et secondaire, doit l'orienter le mieux possible dans la voie qui est la sienne, c'est-à-dire son développement en tant qu'être libre et responsable.

Le futur citoyen ne sera jamais un être créatif, libre et responsable s'il n'a pas fait l'apprentissage progressif, graduel, de sa liberté, de sa responsabilité au sein de l'école même primaire, mais surtout secondaire. On sait que la créativité, la liberté et la responsabilité ne s'apprivoisent que lentement; c'est là le propre de l'être humain. Il faut donc préparer pour l'élève les conditions d'apprentissage de cette liberté, les conditions d'exercice de cette liberté et de cette responsabilité. Ceci se fait, bien sûr, en l'associant à tout ce qui le concerne, mais également en lui donnant l'occasion, en lui donnant le droit de se développer au sein et par les activités éducatives, toutes les activités de l'école, de se préparer à un exercice de plus en plus responsable et complet de cette créativité et de cette liberté. C'est la raison pour laquelle il faut encore plus l'associer à toute la vie de l'école.

Il faut remarquer que jusqu'ici - et c'est un paradoxe désolant, pour ne pas dire scandaleux - nos lois sur l'instruction publique n'ont jamais fait référence à l'élève sinon d'une façon incidente au détour de certains articles. Jamais nos lois n'ont centré l'école sur l'élève, sur l'étudiant pour bien marquer que celui-ci constitue la raison d'être même de notre système éducatif. Depuis quelques années, ce paradoxe est mis en lumière et l'objet de commentaires et de recommandations de plus en plus vigoureux, et l'avis du Conseil supérieur de l'éducation que vous rappelez à notre attention est très

éloquent à ce sujet, de même que plusieurs autres rapports du Conseil supérieur de l'éducation sur la vie étudiante et ce que devrait comporter une véritable vie étudiante, à tous les niveaux du système, et toutes les obligations qu'elle entraîne de la part de tous les partenaires du système éducatif.

Le projet de loi 40 est l'occasion, pour nous, enfin, d'affirmer avec clarté, avec vigueur, cette place centrale de l'élève, de l'étudiant au sein du système éducatif. Pour la première fois, il y a un chapitre sur l'élève, sur les droits de l'élève et nous retrouvons d'ailleurs à d'autres chapitres l'affirmation de ces droits de l'élève à participer à son processus de formation, ces droits de l'élève à être associé à toute la vie éducative, à être associé aux décisions qui concernent la vie de l'école.

À cet égard, je suis tout à fait d'accord avec l'avis du Conseil supérieur de l'éducation qui s'intitule Vivre à l'école secondaire. Je voudrais en rappeler les recommandations principales que je reprends à mon compte: "Que les élèves, en plus d'être renseignés sur les objectifs d'apprentissage qui leur sont offerts pendant l'année, soient invités, au début de chaque année; à participer à la détermination des objectifs scolaires qu'ils poursuivront... "Que les écoles reconnaissent l'importance d'un conseil des élèves et qu'elles en facilitent l'organisation... "Que les écoles encouragent la participation d'un grand nombre d'élèves à des activités d'information et d'échanges en facilitant l'organisation et la mise en place d'activités telles que le journal étudiant, la radio étudiante, les forums publics... "Que le ministère et les commissions scolaires assurent la production et la diffusion de document du type "Jeunes, égaux en droits et responsables", guide d'interprétation de la Charte des droits et libertés de la personne... "Que le ministère établisse des mécanismes pour reconnaître, à même le régime de sanction des études, des crédits attestant la réussite des apprentissages réalisés par les élèves à la suite de leur participation à des activités scolaires", initiative qu'a déjà prise, d'ailleurs, le RAEU et qui poursuit son chemin à l'intérieur des communautés universitaires. Et, enfin, "Que les écoles encouragent la participation des élèves à des projets à vocation communautaire..."

Le projet de loi 40 veut aller dans ce sens-là. Il consacre un chapitre aux élèves et plusieurs autres articles. Il crée un conseil d'école où les étudiants seront partie prenante et constitueront les partenaires à part entière. Enfin, il crée un comité d'étudiants qui devra être consulté sur les diverses matières ou les divers éléments que je viens d'énumérer et, en particulier, sur les modalités d'application du régime pédagogique, sur l'orientation générale en vue de l'enrichissement des objectifs et des contenus notionnels indicatifs des programmes officiels et en vue de l'élaboration de programmes locaux sur les normes et modalités d'évaluation des apprentissages de l'élève, sur les critères pour le choix des méthodes pédagogiques, des manuels scolaires et du matériel didactique, sur le choix des activités parascolaires, des formes d'encadrement de l'élève, sur les règles de conduite et de discipline, sur les mesures de sécurité et sur l'évaluation des services, des programmes et des activités.

Je pense que c'est là une liste qui n'est peut-être pas exhaustive, mais qui recouvre du mieux que nous ayons pu le faire les objectifs que doit poursuivre l'école en ce qui concerne la participation pleine et entière de l'étudiant à la vie de l'école.

Allons-nous assez loin? Il est possible que cette première formulation soit insuffisante, soit déficiente à certains égards. On nous a signalé, par exemple, qu'il faudrait peut-être étendre aux deux cycles du secondaire cette participation de l'étudiant, de façon à responsabiliser davantage les élèves du premier cycle, selon des modalités qui resteraient à déterminer. On nous a même fait valoir qu'il importerait d'établir dès le primaire la participation de l'élève à la vie de l'école. Ce sont des considérations qui ont retenu notre attention.

Retiendront également notre attention les recommandations que vous nous faites pour augmenter la place accordée à l'élève et pour améliorer la qualité de sa participation à la vie de l'école, toujours dans ce même objectif qu'on doic assurer à l'élève une participation maximale à sa formation et deuxièmement, qu'on doit viser par l'exercice à la responsabilisation croissante de l'élève, à l'assomption de sa liberté en voie de construction et au développement de ses capacités créatrices. C'est dans ce sens-là que nous scruterons vos recommandations pour voir s'il n'est pas possible d'aménager autrement, avec d'autres modalités, la participation de l'étudiant à la vie de l'école.

J'aurais une question à vous poser à cet égard. Dans votre mémoire très intéressant, vous parlez aussi de cette autre dimension de l'école qui doit être de plus en plus communautaire, qui doit viser une intégration à la vie du milieu, à une sorte de fécondation réciproque du milieu et de l'école. Dans ce sens, vous nous suggérez, comme d'autres nous l'ont suggéré d'ailleurs, que l'école doit devenir un pôle de développement culturel et social, que l'école doit mettre à la disposition de la communauté non seulement ses ressources en

équipement, mais également ses ressources éducatives, ses ressources humaines, l'activité même des étudiants, des élèves, à la vie du milieu. Mais, pour cela, vous dites qu'il s'imposera non seulement que l'école se transforme et que nous assistions à un changement des mentalités, mais qu'en plus, il faudra viser des transformations au niveau de la pédagogie, l'école ne pouvant assumer pleinement ce rôle communautaire si la pédagogie n'est pas partie prenante à ce processus. Ce serait vraiment là le sens de ma question. C'est une question prospective. Vous semblez y avoir pensé puisque votre mémoire en fait état. Je voudrais vous demander d'expliciter davantage ce que vous entendez par une école communautaire et responsable qui serait tributaire pour sa réalisation d'une transformation de la pédagogie. En quel sens, selon vous, la pédagogie devrait-elle être transformée pour que cette école devienne de plus en plus communautaire et responsable? (12 h 15)

Mme Morency: Je voudrais tout d'abord faire des commentaires sur votre allocution, M. le ministre. Je partage avec vous vos préoccupations à l'égard des élèves. Trop souvent, les perdants à l'école, ce sont les élèves. On a un système scolaire, en ce moment, qui a tellement de rapports de forces que, trop souvent, on oublie l'élève en particulier. Une des façons, je crois, de sensibiliser les élèves, c'est de les faire participer aux institutions politiques de l'école. Vous avez parlé de droit de regard consultatif. On croit qu'ils doivent avoir une place décisionnelle au sein du conseil d'école. C'est là le principe de responsabilités que nous défendons. Nous voulons que les jeunes de la nouvelle génération soient des citoyens responsables et c'est dès l'école primaire et secondaire que nous devons les habituer à prendre des responsabilités.

À cet égard, nous croyons qu'on devrait créer le poste de protecteur de l'élève, qui exercerait ses pouvoirs et ses obligations sous l'autorité du Protecteur du citoyen. Nous croyons que le protecteur de l'élève pourrait davantage défendre les préoccupations de l'élève et ce, en particulier au niveau de l'élémentaire. Nous sommes conscients qu'à cet âge il est plus difficile tout de même de faire des choix. Ce sont ces gens qui seront capables de décider ce qui leur portera le plus préjudice.

Pour ce qui est de l'école communautaire, le principe que nous défendons à l'université c'est que nous disons qu'on doit avoir une pédagogie moins théorique, plus pratique, c'est-à-dire qui s'adapte, si l'on veut, aux besoins de la communauté. Les jeunes, dans le but de les impliquer dans leur communauté, les inviter également à s'organiser dans leur milieu, nous croyons qu'ils devraient davantage avoir de stimulations, d'initiatives pédagogiques. Et ce, toujours pour considérer la responsabilité de l'élève.

Nous parlons d'une école communautaire. Nous croyons aussi que l'école doit servir à tous les contribuables. Il y a énormément de dédoublements de services à l'intérieur des institutions. Nous croyons que ces ressources, à la fois humaines, à la fois techniques, peuvent servir à tous les citoyens du Québec.

Mme Sauvé: Quand on dit que l'école peut intégrer la communauté dans ses services éducatifs - ce qui est le sens de votre question - on fait référence, bien sûr, à des principes comme l'a dit Julie. C'est-à-dire que, si nous voulons que le projet local dont on parle tant ait un sens par rapport au projet national dont l'école a aussi le mandat, il faudra que ces deux éléments puissent s'imbriquer l'un dans l'autre. Selon nous, le projet local vient donner un sens et toute la pertinence au projet national. Plutôt que d'en faire quelque chose de complètement séparé, le fait d'intégrer les deux dans la démarche pédagogique vient permettre du moins de dissiper une ambiguïté. À l'heure actuelle, on semble parler d'un projet éducatif de l'école et elle devrait avoir en plus le projet éducatif national. Nous pensons qu'il faut qu'il y ait une couleur locale, un sens local, une pertinence au projet national de l'ensemble des écoles. Cela est au plan des principes.

Mais nous faisons également référence à des pratiques déjà courantes dans plusieurs écoles où on va utiliser, par exemple, les ressources éducatives du milieu, que ce soit un charpentier etc. Dans beaucoup d'écoles alternatives, il s'agit d'une pédagogie par projet dont on parle beaucoup, où on va partir d'une problématique du milieu pour faire faire des apprentissages qui font partie du projet éducatif national. Mais, pour qu'ils soient véritablement intégrés, il faut que ce soient des apprentissages significatifs et, pour qu'ils aient un sens, il faut qu'ils partent de la problématique du milieu. Nous nous inspirons à la fois de principes et de pratiques déjà courantes pour dire: Oui, c'est possible qu'il y ait un lien beaucoup plus étroit, dans la démarche éducative de l'école, entre sa communauté et elle-même.

M. Laurin: Merci. Oui.

M. Le Comte: Si vous me permettez, M. le ministre. Je vais essayer de répondre et de réagir à votre première question sur les élèves. Vous avez décrié un peu le conditionnement; nous pouvons conclure que vous n'êtes peut-être pas nécessairement béhavioriste. Comme vous avez décrié le déterminisme, nous pouvons peut-être en conclure que vous n'êtes pas nécessairement

psychodynamique. Par contre je vais peut-être employer l'école humaniste pour réagir à ce que vous avez dit en vous demandant: Est-ce que votre message était que vous n'êtes pas prêt à laisser des leviers décisionnels aux étudiants du secondaire, parce que vous me dites qu'ils ont le droit d'être consultés, d'être informés et votre allocution portait surtout sur le rôle consultatif?

Vous demandez: Est-ce que le gouvernement ne va pas assez loin? Le RAEU croit qu'effectivement les étudiants, les élèves du niveau secondaire, doivent détenir des leviers décisionnels précisément pour apprendre cette responsabilisation dans leur formation pour devenir des citoyennes et citoyens à part entière.

M. Laurin: Vous avez raison de dire que je ne suis pas béhavioriste. Après avoir étudié longuement ces théories, j'avoue que j'ai pris mes distances à leur égard. Je suis davantage psychodynamiste, parce que le déterminisme est plutôt le contraire du psychodynamisme. Beaucoup plus que cela, je suis plutôt partisan d'un humanisme qui vise le plein développement des personnes.

Si j'ai parlé davantage de l'aspect de la consultation, c'est que je suis fortement en faveur de ce comité d'étudiants ou d'élèves qui doit exister au niveau de l'école et qui doit exister, même si l'étudiant participe au niveau décisionnel, au niveau du conseil d'école. Je pense que la véritable vie étudiante se traduira par le biais de ce comité des élèves qui sera appelé à donner son avis sur la détermination des orientations et l'établissement du plan d'action du projet éducatif de l'école, qui sera chargé de promouvoir la participation des élèves aux activités de l'école, qui sera chargé de faire toute recommandation propre à assurer le meilleur fonctionnement possible de l'école.

Cela est parfaitement compatible avec cet autre rôle de l'étudiante ou de l'étudiant ou de l'élève qui sera partie prenante à part entière du conseil décisionnel de l'école où l'étudiant siégera selon les termes de l'article 39, où on dit que, dans le conseil d'école, il y aura au moins un élève élu par les élèves du second cycle de l'enseignement secondaire.

Il y a donc là deux rôles différents. Un rôle pour le comité des élèves, qui fonctionnera d'une façon constante, quotidienne peut-être, et aussi un rôle décisionnel avec les autres intervenants de l'école, avec les autres membres de l'équipe-école. Dieu sait que la voix de l'élève devra être entendue également à ce niveau pour la prise de décision.

J'aurais une question à vous poser à cet égard. Ce sera ma dernière. On dit dans l'article 39 que les élèves participeront à ce conseil décisionnel s'ils le désirent. Croyez- vous que nous devrions garder cette disposition ou si, au contraire, nous devrions la remplacer par une disposition coercitive? En somme, est-ce qu'on devrait faire une obligation aux élèves d'une école de nommer un ou deux de leurs représentants pour participer d'une façon pleine et entière aux décisions de l'école?

Mme Morency: Je pense qu'il est clair qu'on ne peut obliger personne à participer en quelque lieu que ce soit. De toute façon, les premiers concernés pourront toujours le faire, ne serait-ce que ne pas se rendre à un organisme où ils ont une place. On a la preuve que certains groupes auraient pu avoir des sièges au conseil de l'école et ils ne s'en sont pas prévalu. On peut leur signifier qu'ils ont une place. C'est un peu comme si on doutait qu'ils ont une place. Il sera très clair que, s'il arrive quoi que ce soit ou si ce n'est pas le désir des étudiants, ils le feront valoir et, de toute façon, le conseil d'école aura toujours sa composition avec les autres membres. On pourrait obtenir la même réflexion pour beaucoup d'autres partenaires. Est-ce que les profs participeront ou si on peut dire "s'ils le désirent"?

Alors, affirmons un droit qu'on leur reconnaît et faisons-leur confiance pour l'exercer ou non.

M. Laurin: Parfait.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Mesdames et monsieur, il me fait plaisir de vous retrouver ici. On vous a rencontrés il y a quelques mois à la commission parlementaire qui étudiait le projet de loi 32. Vous revenez ce matin. Vous êtes des privilégiés parce qu'il y a d'autres organismes qui auraient voulu être entendus, mais ils n'ont pas été convoqués jusqu'à ce jour. Il y en a un en particulier qui regroupe des étudiants du secondaire, soit la Jeunesse étudiante chrétienne. Nous n'avons vu leur nom nulle part sur les listes de convocation du gouvernement, tandis que vous, qui oeuvrez plutôt au niveau universitaire, avez la chance d'être invités. On vous reçoit avec plaisir quand même, mais en exprimant le regret très ferme que la même invitation n'ait pas été adressée en même temps et dans les mêmes conditions au seul autre organisme étudiant qui avait manifesté le désir de se faire entendre.

Ceci n'enlève aucunement l'intérêt que nous avons à discuter avec vous parce que vous êtes des citoyens comme les autres. Vous êtes un groupe de citoyens, vous vous intéressez à ce problème et je vous en félicite. J'ai lu avec intérêt le mémoire que vous avez rédigé.

Je ne vous ferai pas une longue

allocution sur l'intérêt que nous portons à la participation des étudiants à l'entreprise de leur formation, parce que c'est une chose qui saute aux yeux, c'est une proposition qui est absolument évidente par elle-même. Comme on le disait autrefois, il s'agit d'en favoriser la réalisation dans les meilleures conditions possible. Il me semble que, si on peut descendre le plus tôt possible à ce niveau de discussion, on va peut-être avoir des chances de faire quelques progrès ensemble.

Je vous souligne une chose: parmi les amendements que vous proposez à la fin de votre mémoire, je me disais, après avoir lu votre mémoire, que le premier serait un amendement demandant que soit reconnu le droit à l'association. Je ne l'ai pas trouvé dans votre liste d'amendements. Est-ce que vous l'auriez oublié? Le ministre a parlé du chapitre du projet de loi qui porte sur l'élève. Il y a toutes sortes de droits qu'on définit pour l'élève dans ce chapitre et qui sont dans l'ensemble des droits que la plupart voudront convenir d'insérer dans un texte comme celui-là, mais il n'y a pas d'article qui porte sur le droit d'association, sur la liberté pour les étudiants de se réunir. Est-ce un amendement que vous auriez oublié? Vous allez m'expliquer cela.

Mme Sauvé: Je voudrais simplement vous rappeler que, dans le guide d'application de la charte des droits en milieu étudiant, ce sont là des droits qui sont exprimés de façon explicite: le droit d'association, le droit de bénéficier de périodes pour se réunir, etc. En faisant de ce guide un élément majeur d'application dans les écoles secondaires entre autres, il est bien entendu qu'on entérinait tous les droits qu'est censée reconnaître cette charte des droits en milieu scolaire. Ce sont tous des droits qui y sont reconnus et qui devraient être suivis. Par ailleurs, on a même pensé à instituer un protecteur de l'élève qui verrait à la réelle application de ce guide.

Bien sûr, il faut très souvent se référer au contenu de ce guide pour voir un peu toute la dynamique que nous voulons préconiser au niveau de la vie collective et individuelle dans les écoles secondaires.

M. Ryan: Là, vous m'étonnez un petit peu parce que, lorsqu'il s'est agi de regroupements d'étudiants aux niveaux collégial et universitaire, vous avez vous-mêmes insisté pour souligner qu'il était important que ce droit soit reconnu et encadré dans la loi précisément et même dans une loi spéciale. Ne trouvez-vous pas qu'au niveau secondaire il faudrait peut-être des dispositions plus précises que les seules dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne?

Mme Sauvé: Nous nous référons à ce guide spécialement fait pour le milieu scolaire.

M. Ryan: Mais il n'a pas la valeur d'une loi. C'est un instrument purement administratif.

Mme Sauvé: Ah! mais c'est cela. Nous désirons justement un amendement dans le sens que ce guide devienne un guide d'application officiel en milieu secondaire.

M. Ryan: Ne trouvez-vous pas qu'il serait mieux d'insérer dans la loi, étant donné qu'on est en train de refaire la Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public, quelques dispositions traitant de ce sujet avec plus de clarté?

Mme Sauvé: Si le guide d'application de la charte des droits en milieu scolaire ne pouvait être inclus dans la loi 40, je souscrirais à votre avis, oui. À ce moment-là, il faudrait reprendre l'ensemble des droits prévus dans ce guide et les définir les uns après les autres dans la loi 40. (12 h 30)

M. Ryan: Très bien. Il y a une chose qui m'a frappé. Je relisais le livre brun -c'est un document que vous mentionnez d'ailleurs dans votre mémoire - que vous connaissez bien. Il est intitulé: Élèves, étudiants, étudiantes, présence active et responsable. C'est un document du ministère de l'Éducation indiquant des orientations et voies d'action pour favoriser une présence active et responsable des étudiants dans l'école, dans l'entreprise de leur formation.

Dans une grande présentation qu'il faisait, le ministre écrivait cela. Peut-être qu'il avait compris bien des choses. Il ajoutait: Nous avons également compris qu'il ne peut y avoir de participation pleine et entière des divers agents de l'éducation à la réalisation d'objectifs communs sans une reconnaissance des structures de représentation qu'ils se donnent. Si cela est vrai pour les administrateurs et les enseignants, cela l'est également pour les élèves et les étudiants. C'était dans le texte d'introduction de cette brochure que le ministre avait signé de sa photographie où il exprimait toute son affectueuse sollicitude pour les étudiants et les autres agents de l'éducation.

Maintenant, je lis le projet de loi et je trouve que cela n'est pas vrai du tout. Je trouve que cette phrase qui était formulée par le ministre, on ne la retrouve pas dans le projet de loi. Je ne sais pas si c'est votre impression. Je regarde pour les enseignants, par exemple: le respect des structures de représentation qu'ils se sont données, on ne les retrouve pas du tout dans le projet de loi. Au contraire, on leur dit: Si vous le voulez, vous vous donnerez des représentants,

mais par un autre mécanisme que celui que vous vous êtes donné vous-mêmes. On va demander à M. le directeur de vous convoquer en réunion. Il va vous compter, il va prendre les présences et vous fera voter. Ne vous convoquez pas vous-mêmes par vos associations, cela pourrait être dangereux. C'est la même chose pour les étudiants, d'ailleurs. On va vous donner un petit comité consultatif d'élèves. Il n'est pas question du tout d'une association étudiante qui pourrait se charger de cette partie de l'oeuvre éducative. Comment réagissez-vous? Je trouve que vous êtes un petit peu accommodants à ce point de vue. Je n'ai pas trouvé dans votre mémoire les représentations vigoureuses qu'on est habitué d'entendre de la part d'organismes qui représentent les étudiants. Vous dites à un endroit que ce n'est pas satisfaisant, à la page 12. J'ai bien lu cela, vous savez. Je m'attendais à trouver une critique plus générale. Ce n'est pas vrai seulement pour les étudiants du secondaire, mais également pour les enseignants et les autres personnels. Est-ce que vous approuvez cette conception que véhicule le projet de loi 40?

Mme Sauvé: Je pense que, si on a tellement insisté sur la notion de l'émergence d'un nouveau partenariat, c'est parce qu'on en fait justement un point central de toute une nouvelle dynamique de concertation dans un milieu. Quand on disait en conclusion que d'une option dérangeante, nous sommes donc passés à une option inconséquente, que d'une option pour l'essentiel, nous sommes donc passés à une option de demi-mesure, c'est qu'il nous semblait, bien entendu, qu'au-delà de principes parfois très beaux, au niveau de la concrétisation de ces principes, des modalités d'application, on y voyait des incohérences, c'est certain. Je pense que ces mots-là n'étaient pas là que par hasard.

Je pense que toute cette conception de nouveau partenariat se voit aussi dans la composition du conseil d'école qu'on y trouve, c'est-à-dire qu'on ne veut pas de l'hégémonie d'un groupe ou d'un autre dans un milieu et pas plus celle des étudiants. Je pense que nous aussi on la vit à l'université, mais c'est plutôt de reconnaître chacun comme partenaire à part entière. Je pense que cela se voit très bien dans l'ensemble des amendements qu'on présente.

M. Ryan: Mais nous autres...

Mme Sauvé: On souscrit à votre réflexion critique sur l'inconséquence entre des principes émis et l'absence de modalités.

Mme Morency: II est évident que, si on veut, tel qu'il est également précisé dans le livre brun, que les élèves soient les premiers agents de leur développement et les premiers responsables de leur formation, il faudra leur donner des moyens de s'organiser au même titre que les enseignants sont bien organisés, les parents également. C'est dans le principe de responsabiliser l'élève. Il est bien évident qu'il va falloir prévoir des moyens. On prévoit entre autres le droit d'association des élèves au sein de l'école.

M. Ryan: Vous ne trouvez pas que, si justement le droit d'association au sein de l'école se développe, s'exerce de plus en plus, il va y avoir un danger de dédoublement avec le comité d'élèves qui est prévu dans le projet de loi. Comment voyez-vous l'agencement de ces structures?

Mme Lavallée: Pour nous, le comité d'élèves et l'association étudiante, c'est la même chose. Nous proposons quand même des amendements qui font que les modalités seront plus précises, que la reconnaissance de ces associations ne se fera pas uniquement par les administrateurs et les autorités de l'école. Pour nous, le comité d'élèves, qu'il s'appelle comité d'élèves, dans la loi, ou qu'il s'appelle association étudiante, c'est la même chose. On ne pense pas que cela sera deux choses différentes.

M. Ryan: Vous m'étonnez grandement. Dans le projet de loi, le comité d'élèves est un comité convoqué par le directeur. Il me semble que ce n'est pas comme cela qu'on forme une association d'étudiants.

Mme Sauvé: Je pense que, dans l'affirmation de son pouvoir de décision, dans une école, la participation a toujours deux dimensions. Elle a une dimension de concertation; je pense que c'est ce qui fait que des groupes différents, qui ont parfois des intérêts différents, des souches différentes, mais qui appartiennent au même milieu, se retrouvent au sein d'une même instance pour se concerter, mais chacun de ces groupes possède des pouvoirs propres à son groupe.

De cette même façon, on préconisait que les élèves aient des territoires sur lesquels ils auraient juridiction. C'est une complémentarité pour les élèves de deux axes fondamentaux de la participation et qui sont les mêmes pour tout autre groupe dans l'école. Il n'y aura pas nécessairement dédoublement parce que les professeurs se retrouvent en d'autres lieux pour faire valoir leurs droits, mais ils se retrouvent aussi au conseil pour faire valoir leurs points de vue dans l'élément de concertation.

M. Ryan: Vous nous servez de beaux mots sur le partage du pouvoir et sur les responsabilités. Nous sommes habitués à cela, nous avons entendu cela amplement. Ce qui

me préoccupe, c'est de savoir comment fonctionnera l'école. Il faut que cela fonctionne; ce n'est pas tout de faire des structures, de multiplier les comités, car on peut en ajouter des pages entières. Comment cela fonctionnera-t-il? Qui sera responsable? Où sera l'autorité? Vous dites qu'il faut partager le pouvoir, mais, en le morcelant, on risque parfois de le briser. Comment fonctionnera l'école? Est-ce qu'il faut un directeur, selon vous? Est-ce qu'il aura une autorité? Est-ce qu'il relèvera de quelqu'un? Est-ce que ce sera d'un comité comme celui que vous proposez ou de la commission scolaire? Comment voyez-vous cela? Parce que, là, qu'il y ait treize ou seize membres, c'est une question de tuyauterie dont je ne veux pas discuter. Je vous pose la question de fond; cela m'intéresse.

Dans d'autres secteurs de la société, si on forme des comités, on peut dire: trois représentants patronaux, trois représentants syndicaux et trois représentants du grand public. Cela peut fonctionner dans la mesure où ils n'ont pas trop de responsabilités à assumer quotidiennement, dans la mesure où on veut qu'ils fassent un travail de mise en commun d'opinions, de concertation et d'élaboration d'opinion à long terme. Ce n'est pas mauvais, mais, si on voulait faire fonctionner une entreprise ou une institution sur cette base-là, on n'irait pas bien loin. Je vous demande comment vous voyez cela pour l'école. Je trouve que votre comité est lourd et je ne voudrais pas être la personne chargée de faire fonctionner l'école.

Mme Sauvé: Je pense que, d'une part, on se rendra compte que, pour nous, pour que vraiment le mode de fonctionnement d'une école ou d'une instance, quelle qu'elle soit, ait un sens, c'est qu'il n'y a pas un groupe qui a le monopole des décisions. On aurait beau changer, tour à tour, celui à qui on va donner le monopole des décisions, on voit que, dans les écoles, on arrive à un cul-de-sac. De la même façon qu'on disait que ce n'est pas facile parce que, lorsqu'on multiplie les intervenants, on multiplie aussi les divergences. Je pense que, comme le ministre l'a dit, si la liberté ça s'apprivoise, l'exercice de la concertation aussi s'apprivoise. Si, à l'heure actuelle, dans une approche dualiste ou même corporative de plusieurs agents, on aboutit à un cul-de-sac, cela, d'après moi, ne peut pas être pire que présentement dans l'incompréhension que beaucoup de partenaires se donnent. Je pense que cela sera peut-être difficile au début; une communauté éducative, cela se façonne. C'est un beau mot, mais je pense que, si on ne commence pas sur une nouvelle base, il y aura de nombreuses commissions où l'exercice du pouvoir ne sera jamais parfait.

Le conseil qu'on préconise est lourd; je veux bien qu'on dise que, pour être efficace, il faut voir à une répartition qui ait un sens, mais je ne veux pas, par contre, qu'on dise, parce que cela sera trop lourd, d'enlever les élèves parce qu'ils sont peut-être de trop. Si c'est pour être difficile, c'est à tout le monde de chercher une solution et il ne faut pas négliger un groupe par rapport à un autre.

Mme Morency: Pour compléter, je trouve malheureux qu'on considère encore les usagers, par exemple, les parents, les élèves, comme des consommateurs passifs et impuissants. On parle de responsabiliser les parents et les élèves, mais je pense qu'il faut leur faire confiance. C'est sûr qu'au début il va falloir prévoir une période d'adaptation, mais c'est essentiel au conseil d'école. Je pense que ce sont davantage les usagers qui peuvent prendre conscience des problèmes qui se vivent à l'école. Ils sont beaucoup plus près des problèmes qu'à la fois le directeur et le commissaire.

Cette situation de résistance, nous la vivons également à l'université; on est toujours réticent à nous donner une place. On nous donne souvent une place qui va déranger le moins possible, mais il est grandement temps qu'on donne aujourd'hui la place aux usagers.

M. Ryan: Je vous écoute et je m'aperçois que vous ne répondez pas aux vraies questions que j'ai posées. Je reconnais que c'est difficile, mais je ne veux pas prolonger le débat parce que le temps achève et que j'ai une autre question à vous adresser. Vous pourrez compléter tantôt. Je vous le dis, la question de fond, c'est l'unité de ce système d'enseignement que nous avons au Québec, l'unité qui doit exister dans chaque institution pour qu'elle puisse fonctionner de manière efficace. La question n'est pas résolue dans le projet de loi et elle n'est pas résolue dans les explications que j'ai entendues ce matin. Je respecte votre opinion et, moi aussi, je veux que tous ces agents dont nous avons parlé aient des responsabilités, mais je ne veux pas qu'ils dirigent tous ensemble parce que ce sera la confusion. Je veux qu'on sache clairement la fonction et le rôle de chacun. Il me semble que... En tout cas, on va chercher encore, on va continuer d'explorer des opinions, mais votre opinion est apportée.

Le protecteur de l'élève dont vous parlez, je voudrais vous poser une question là-dessus, avant de terminer. Est-ce que ce sera un autre membre du personnel à temps complet ou si ce sera un enseignant qui peut le faire ou un représentant des parents ou un élève nommé par les autres? Qui sera-t-il? Est-ce que ce sera un autre salarié ou si c'est une personne qui va faire cela en plus de faire autre chose?

Mme Lavallée: II ne faut pas mélanger deux choses, c'est-à-dire le protecteur de l'élève et le représentant des élèves. Le protecteur de l'élève correspond au Protecteur du citoyen, il y en aura un pour la province. Ce sera un protecteur de l'élève pour la province, qui aura à faire respecter ce que nous jugeons comme la base des droits des élèves, c'est-à-dire la charte des droits en milieu scolaire.

Le représentant des élèves, ce sera un membre de plus au niveau des écoles primaires pour représenter les jeunes au conseil d'école. Je crois qu'il est illusoire de penser mettre un bout de chou de six, sept, huit et même neuf ans ou douze ans dans un conseil d'école, ce serait très paternaliste et tous les adultes autour de lui n'en feraient qu'une bouchée. Il faudrait, à ce moment-là, un adulte qui ne serait là que pour représenter l'opinion des élèves qu'il aura été cherché auparavant, c'est évident.

Mme Sauvé: Sur ce point, c'est déjà une pratique courante dans de nombreuses écoles dites alternatives, entre autres. Cette personne a un rôle, d'une certaine façon, d'animation auprès de la jeune population d'élèves pour aller chercher un peu leur point de vue. Lorsqu'elle arrive au conseil de l'école, elle a un statut d'adulte, donc, au même niveau que les autres, mais avec une préoccupation auprès des élèves. Je pense que ces écoles dressent un bilan fort heureux de cette expérience, présentement.

M. Ryan: Je voulais me renseigner surtout sur le concept de protecteur de l'élève. Ce sera une personne, un fonctionnaire au niveau provincial qui pourrait être attaché, par exemple, au bureau du Protecteur du citoyen.

Mme Lavallée: C'est cela.

M. Ryan: Très bien, j'ai compris. Je voudrais seulement faire une observation en conclusion. En discutant avec vous, j'en arrive à la conclusion qu'il est capital que le gouvernement et le législateur respectent les structures de représentation que se donnent les divers agents de l'éducation, autant les étudiants et les enseignants que les parents, et que c'est très dangereux de créer des structures parallèles de représentation uniformes par la loi, comme on veut le faire avec le projet de loi 40. Je trouve que la vraie concertation dont nous rêvons avec autant d'intensité que vous pourra se faire quand on aura commencé par respecter ce principe de base que le ministre avait énoncé dans le livre brun et qui est violé de manière flagrante dans le projet de loi 40.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de

Chauveau. (12 h 45)

M. Brouillet: Merci, M. le Président. Je salue avec plaisir les représentants des associations étudiantes. Je vais revenir sur un point, la question du droit d'association. Le député d'Argenteuil a laissé croire, il a émis l'opinion que le projet de loi ne garantissait pas un droit d'association aux étudiants du secondaire. Si je lis bien l'article 70, je crois que le droit de s'associer en formant un comité d'élèves est reconnu par la loi. Autrement dit, le directeur d'école convoque. Il n'a pas le droit de ne pas convoquer. Étant convoquée, l'assemblée d'étudiants a, par la loi, un droit reconnu de former ce comité, de décider de la composition du comité, de décider des membres qui agiront au comité et, par la loi, indépendamment de la volonté du directeur, il y a toute une série de pouvoirs reconnus à ce comité.

M. le député d'Argenteuil a laissé croire que du fait que le directeur a la responsabilité de provoquer cette première rencontre - cela en prend un qui, à un moment donné, prend la décision de dire: On va donner l'occasion aux gens de se rencontrer pour eux-mêmes décider de la formation du comité - l'existence du comité, les pouvoirs qu'exercerait le comité seraient laissés un peu à la volonté et à l'arbitraire du directeur. Ce n'est pas ça. Je crois que la loi reconnaît aux étudiants du secondaire un droit de s'associer, un droit de déterminer les règles de régie interne; ce sont eux qui vont décider comment ils fonctionneront entre eux, ce sont eux qui vont décider comment ils vont consulter l'ensemble de leurs membres pour donner des avis. C'est ça les règles de régie interne. Ils ont une autonomie de fonctionnement, ils ont ce pouvoir par la loi. Il ne faudrait pas trop laisser croire que la loi n'accorde rien aux étudiants et que tout est laissé à l'arbitraire du directeur d'école.

Cependant, vous avez apporté des réserves en comparant ce que la loi accorde, offre comme garanties aux étudiants du secondaire et la loi 32. Vous avez établi des comparaisons. Croyez-vous que ce serait important qu'on envisage à un moment donné que la loi 32 soit étendue dans son application au champ du secondaire, ou est-ce que vous verriez qu'on mette dans cette loi-là un peu plus de garanties quant aux moyens de fonctionnement? C'est un peu ça finalement. Il faut offrir plus de moyens à ces étudiants qui ont des pouvoirs, qui peuvent déterminer leurs règles de régie interne. Comment voyez-vous la solution? Est-ce que ce serait dans ce projet de loi 40 qu'il faudrait peut-être ajouter certaines choses, par exemple que l'institution aurait l'obligation de fournir à ce comité d'étudiants certains moyens pour bien

fonctionner? Est-ce que ce serait le problongement de la loi 32 ou autre chose? Comment voyez-vous la solution à ces réserves que vous avez apportées quant aux pouvoirs reconnus par le projet de loi 40 aux étudiants?

Mme Morency: Lorsqu'on parle notamment de droit d'association, il existe la charte des droits en ce moment, mais ce ne sont que des principes administratifs. Si on veut véritablement reconnaître ce droit, on doit l'inclure dans un cadre juridique. Cela peut se faire dans le projet de loi 40 ou dans un prolongement de la loi 32; mais ce qui est important, c'est d'inclure cela dans un cadre juridique. Dans ce sens, on y serait favorable au même titre qu'on l'a été au niveau des associations collégiales et universitaires. Alors, on pourrait inclure les mêmes droits et responsabilités au niveau secondaire.

M. Le Comte: II faudrait expliciter un peu plus ce qu'on a tenté de faire avec certains amendements qu'on vous a proposés sur les droits de ces comités d'élèves. Cela devrait s'étendre un peu plus qu'au fait de décider si on va boire du jus d'orange ou du jus de raisin au prochain "party". Alors, il faudrait peut-être donner un peu plus de pouvoirs à ce comité d'élèves. Ce qui pourrait être fait avec le commentaire qu'on vous apporte.

M. Brouillet: Mais quand on regarde les fonctions du comité d'élèves, c'est beaucoup plus que décider du jus d'orange, je pense bien. Il y a énormément de choses là-dedans. Si j'ai bien compris le sens de votre mémoire, quand vous faites allusion à cela, c'est beaucoup plus au niveau des moyens dont disposerait le comité pour pouvoir effectuer ses fonctions. Mais, au niveau des fonctions, il y a passablement de choses très importantes. Vous faites allusion surtout à des moyens: un local assuré, une aide, une personne-ressource assurée, un minimum de budget assuré. C'est beaucoup plus de l'ordre des moyens.

Mme Sauvé: Si vous lisez notre amendement à l'article 74, vous verrez qu'il est question d'une plus grande juridiction sur tout ce qui a trait - donc, un pouvoir décisionnel - à l'organisation et à l'orientation des services qu'il se donne, ainsi que sur l'établissement des priorités des activités parascolaires offertes par l'école. On parle de droits décisionnels à ce niveau parce qu'on pense que ce sont des dimensions de la vie de l'école qui les touchent de très près. On ne parle pas seulement de mécanismes et de moyens, on parle vraiment de pouvoirs décisionnels sur des questions qui...

M. Brouillet: Très bien, sur ce point. Nous abordons maintenant les pouvoirs comme tels. Le pouvoir décisionnel serait-il réservé au comité d'étudiants ou ne s'exercerait-il pas dans un esprit de partenariat au sein d'un comité d'école où il y aurait l'étudiant qui aurait un pouvoir décisionnel partagé avec les autres intervenants de l'école? Qu'exigez-vous et que demandez-vous finalement? Que suggérez-vous? Est-ce un pouvoir décisionnel uniquement au niveau du comité d'étudiants, au niveau du conseil d'école où participerait l'étudiant?

M. Le Comte: Entre autres, les pouvoirs du comité d'élèves qu'on veut voir attribués, c'est le droit de choisir les gens qui vont les représenter au conseil d'école.

M. Brouillet: Oui.

M. Le Comte: Le domaine de juridiction du conseil d'école peut être différent du domaine de juridiction du comité d'élèves. À ce niveau-là, il peut y avoir des niveaux décisionnels différents où les élèves seront représentés au comité d'élèves de façon unanime et au conseil d'école, de façon à avoir un partenariat.

M. Brouillet: Ne trouvez-vous pas que c'est très difficile dans la loi de prévoir les champs de juridiction dans une école où les étudiants seuls auraient un pouvoir décisionnel? Comme vous le dites, une sortie éducative ou certains services que les étudiants pourraient se donner à l'intérieur de l'école, c'est assez difficile de le prévoir dans la loi. Au niveau de l'école, le conseil d'école où siégera l'étudiant pourra, je crois, faire valoir certains champs possibles qui seraient laissés au conseil étudiant. Là, on pourrait vous déléguer, le conseil d'école où siège un étudiant, où il a le droit de vote, pourrait peut-être décider dans l'école des champs où le comité d'élèves pourrait devenir décisionnel. Mais prévoir dans une loi tous ces champs, cela présente des difficultés.

Mme Sauvé: Pour d'autres groupes, il y a déjà des champs de déterminés; par exemple, si l'on pense aux professeurs, il y a des questions qui font partie d'une convention collective, et je ne crois pas que le conseil pourra, sur certaines dimensions du moins, vouloir en tout temps remettre cela en question. De la même façon, il est à prévoir aussi que le conseil de l'école voudra déléguer certains de ses pouvoirs sur des points particuliers à un des sous-groupes du milieu qui aura le plus d'expertise. Nous pensons que, dès le départ, on peut déjà prévoir un certain terrain de juridiction des élèves de la même façon que les professeurs en ont par le biais de leurs conventions

collectives à l'heure actuelle, avant même le projet de loi. C'est la même chose pour d'autres groupes.

M. Brouillet: Je vous remercie bien de vos explications et de vos réponses.

Le Président (M. Blouin): Avant de conclure, Mme la députée de L'Acadie m'indique qu'elle a une brève intervention à faire. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Ce sera très court. Je n'ai pas saisi si le député de Chauveau a posé cette question. Vous parlez de pouvoirs décisionnels qui seraient accordés au comité d'élèves, aux représentants de la structure étudiante. Pouvez-vous me donner des exemples de pouvoirs décisionnels que vous voudriez avoir dans l'école? Le député vous a dit qu'il pourrait vous en être délégués, mais, pour d'autres catégories, il y a des pouvoirs décisionnels précis. Quels sont ceux que vous voulez avoir?

Mme Sauvé: II faut faire attention, nous ne parlons pas nécessairement au nom des élèves, mais de ce qui serait souhaitable que les élèves aient.

Mme Lavallée: II y a deux choses que nous avons nommées. Dans l'article 74, on parle d'un amendement qui a trait à l'organisation et à l'orientation des services qu'il se donne lui-même. Pour l'instant, dans le projet de loi, c'est consultatif. Le comité d'élèves serait consultatif sur les orientations et l'organisation de ses propres services. Nous croyons qu'ils sont quand même assez grands pour le faire eux-mêmes. Cela serait leur pouvoir de décision. Les priorités au niveau des activités parascolaires, dans le projet de loi, pour l'instant, les activités parascolaires ou les priorités... Les étudiants pourraient être consultés, mais cela demeure un droit consultatif. Nous disons que les étudiants sont capables de savoir ce qu'ils ont envie de faire après quatre heures. C'est à ces deux niveaux. C'est évident que cela pourrait être très large. Une activité parascolaire, cela peut être n'importe quoi, mais que les étudiants aient au moins ce droit que ce soient eux qui décident des priorités de leurs activités, et non le conseil d'école, le directeur ou qui que ce soit.

Voulez-vous des exemples précis d'activités parascolaires?

Mme Lavoie-Roux: Non, non, je suis assez familière avec cela. Ce seraient vous autres qui décideriez du choix des activités parascolaires?

Mme Lavallée: Des priorités, en tout cas, que les élèves se donneraient, oui.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Et l'autre exemple que vous nous avez donné, c'était quoi?

Mme Lavallée: L'organisation et l'orientation des services que les associations et les comités d'élèves se donneraient à eux-mêmes, du style des coopératives étudiantes, des journaux étudiants, d'un service de photocopie, d'un service de photographie, n'importe quoi. Cela peut être très large.

Mme Lavoie-Roux: Comme comité d'élèves.

Mme Lavallée: Comme comité d'élèves, oui.

Mme Lavoie-Roux: Cela me semble aller de soi. C'est votre régie interne, dans le fond.

Mme Lavallée: C'est plus que cela. La régie interne, c'est de décider qui sera président, qui parlera autour de qui. Ce sont vraiment des services que l'association étudiante, le comité d'élèves vont s'offrir à eux-mêmes, comme dans les universités; il y a des coopératives de livres, il y a des...

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais là vous entrez aussi dans les implications budgétaires.

Mme Lavallée: Oui.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentantes et le représentant du Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec d'avoir bien voulu participer aux travaux de notre commission parlementaire.

Sur ce, la commission élue permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise de la séance à 15 h 11)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît; La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Nous entendrons, cet après-midi, successivement l'Association des centres d'accueil du Québec et les représentants du Comité de la protection de la jeunesse.

Puisque les représentants de notre premier groupe invité ont déjà pris place à

la table des invités, je leur demande, d'abord, de bien vouloir s'identifier et, ensuite, de nous livrer, en une vingtaine de minutes, le contenu de leur mémoire.

Association des centres d'accueil du Québec

M. Oallaire (Marcellin): M. le Président, mesdames et messieurs les députés, mon nom est Marcellin Dallaire. Je suis président de l'Association des centres d'accueil du Québec. L'Association des centres d'accueil du Québec est un organisme privé qui regroupe l'ensemble des centres d'accueil publics du Québec. De ceux-ci, 260 offrent des services aux personnes âgées. Ils sont relativement peu touchés par le projet de loi à l'étude devant cette commission.

Par ailleurs, 100 des 135 autres centres d'accueil sont des centres d'accueil de réadaptation. Ces centres d'accueil sont très concernés par le projet de loi sur la réforme scolaire. En effet, 28 000 personnes, soit handicapées physiquement, soit handicapées mentalement, soit mères en difficulté d'adaptation, alcooliques ou toxicomanes ou soit, finalement, des handicapés sociaux délinquants ou en besoin de protection, et ce, à chaque année, reçoivent des services des différents centres d'accueil de réadaptation.

Parce que nous croyons qu'il était important que le message de ces personnes vous soit transmis par des gens impliqués dans le milieu, nous voulons que la présentation soit faite par un membre de nos conseils d'administration, une personne qui est donc sensibilisée aux problèmes et non seulement aux problèmes de gestion. J'ai donc le plaisir de vous présenter le présentateur du mémoire, Me Roger Pedneault, qui est membre du conseil d'administration du centre de réadaptation, l'Institut Dominique-Savio. M. Pedneault est au centre de la table. M. Pedneault est également connu des autorités du ministère pour son travail dans les négociations et il est membre de la firme Monette, Clerk et Associés.

À ma droite, j'ai le plaisir de vous présenter M. Maurice Chartrand, membre et président du conseil d'administration du Centre Marie-Vincent qui reçoit des jeunes filles et souvent même de très jeunes filles gravement perturbées. Il est bien connu aussi pour ses multiples activités dans le milieu de l'éducation. Il sera certainement en mesure de nous indiquer les aspects qui sont peut-être les plus problématiques dans le projet de loi.

À l'extrême gauche, M. Pierre Cloutier qui est directeur général de l'Association des centres d'accueil du Québec; à sa droite, M. Pierre Foucault qui est spécialiste du dossier et professionnel à l'Association des centres d'accueil du Québec et, à ma gauche, M. Jean-Marie Carette qui est directeur général de La Cité des prairies, centre pour jeunes contrevenants et membre du conseil d'administration de l'Association des centres d'accueil du Québec. M. Pedneault.

M. Pedneault (Roger): M. le Président, MM. et Mmes les députés, il a pu vous paraître surprenant qu'une association d'établissements de services sociaux et de santé se présente à la commission de l'éducation. À première vue, cela a pu vous paraître surprenant. Il est évident que notre but, en nous présentant devant vous, n'est pas de faire une critique ou une analyse de l'ensemble du projet de loi 40 sur l'éducation. Notre but est de vous soumettre d'une façon très particulière un problème spécifique concernant un groupe d'enfants confiés aux centres de réadaptation. M. le président vient de vous parler d'environ 28 000 enfants. On peut les définir très simplement, pour les fins de notre présentation, comme un groupe d'enfants trop perturbés pour que le réseau régulier puisse continuer à les assumer. Ce n'est pas une définition scientifique, mais simplement une description très simple à comprendre.

Ces enfants sont nécessairement marginaux et peu nombreux si on les situe par rapport à l'ensemble de l'immense population scolaire que veut couvrir le projet de loi. Cela ne veut pas dire qu'ils ne méritent pas votre attention. Je pense qu'ils méritent d'autant plus votre attention que, pour eux, le défi est encore plus grand. Il faut que vous vous assuriez qu'ils recevront, en termes d'éducation, un traitement équitable par rapport aux autres car, dans l'ensemble, ils sont les plus démunis de la clientèle scolaire.

D'autre part, ils sont largement touchés par le projet de loi. Nous sommes convaincus, à la lumière de l'expérience acquise par les centres de réadaptation, que ledit projet de loi doit être complété - c'est le sens de notre mémoire - pour cette population spécifique, un peu marginale et très spéciale qui est notre clientèle. On pense qu'on les a largement oubliés dans l'ensemble du projet de loi.

Il faudrait bien comprendre que nous n'entendons pas plaider leur marginalisation, pas plus que nous n'entendons aller contre les courants bien connus de normalisation qui sont prônés par les différents intervenants. Au contraire, le but essentiel du travail de réadaptation que font les centres de réadaptation est précisément d'éviter de retarder ou d'annuler cette réintégration, cette normalisation souhaitée par tous. Le client du centre de réadaptation est d'abord un enfant pour qui toute la mécanique des services habituels est épuisée. L'intervention spécifique et souvent très spécialisée du

centre de réadaptation est alors requise pour une période donnée afin de lui permettre un retour à la vie normale. C'est dans ce cadre très précis que se situe notre mémoire et c'est sur cet aspect très particulier que nous fondons le point de vue que nous allons vous exposer et selon lequel il nous semble évident que le projet devrait être complété.

L'esprit de l'association, en analysant le projet de loi dans son ensemble, est, évidemment, de privilégier le réseau régulier. Il ne faudrait pas prendre notre mémoire comme étant une tentative de ne pas utiliser le système scolaire régulier; il ne faudrait pas, non plus, y voir autre chose que cette demande d'obtenir pour les centres de réadaptation une responsabilité proportionnelle au mandat qu'on leur confie. Il faut aussi voir un souci de la part de l'association de donner ces services spécialisés au meilleur coût possible, d'éviter les chevauchements et les gaspillages d'énergie et de ressources humaines.

Il faut aussi voir un souci constant d'assurer pour ces enfants, cette clientèle très spéciale, une continuité dans les soins qui leur sont donnés. Les quelques réflexions qui vont suivre vont s'inscrire dans cette orientation générale.

Notre point de vue, si vous avez pris connaissance de notre mémoire, repose sur le constat suivant qui est un constat acquis par une longue expérience des centres de réadaptation. L'enfant sérieusement perturbé est confié au centre d'accueil parce qu'il s'est produit une brisure entre lui et sa famille, entre lui et l'école. La loi et le système social imposent au centre d'accueil la responsabilité de le réadapter, de prendre les moyens nécessaires pour le réinsérer dans la société normale.

Notre constat est le suivant. Pendant cette période spécifique, la priorité, c'est sa réadaptation et non son éducation. Je sais que des affirmations semblables peuvent susciter de longs débats et peuvent même faire froncer les sourcils; mais nous sommes convaincus de cette réalité indéniable: pendant la période que je viens de décrire, l'enfant en réadaptation a, d'abord, une priorité de réadaptation; l'éducation est parallèle ou viendra lorsqu'il pourra l'absorber, lorsqu'on aura réussi à lui donner des mécanismes de fonctionnement pour qu'il puisse en profiter.

C'est dire qu'au fond il est prioritaire que les moyens de réadaptation soient pris pour s'assurer qu'il puisse, le plus rapidement possible, profiter des ressources régulières de la société. C'est bien évident pour nous. Par exemple, prenons le projet de loi tel qu'il est formulé; il n'hésite pas à consacrer la priorité du traitement médical sur le programme éducatif. En aucune façon, le projet de loi n'hésite; c'est clair. C'est peut-être parce que c'est plus tangible pour tout le monde. Si un enfant est malade, si un enfant est en milieu hospitalier, on ne commencera pas par lui imposer les règles de l'école. On va commencer par lui imposer les règles de la médecine, les règles du médecin, les règles de l'hôpital; ensuite, en cours de route, on va lui donner...

Le Président (M. Blouin): Je présume que vous êtes en train de résumer votre mémoire.

M. Pedneault: C'est cela.

Le Président (M. Blouin): Je souhaiterais, si cela est possible, que vous puissiez nous dire, afin que nous ayons des points de repère, à quelle page vous vous référez de temps à autre, afin que les membres aient plus de facilité à suivre vos propos. Je vous rappelle que la règle veut que vous vous acquittiez de votre présentation en une vingtaine de minutes; il vous reste environ dix minutes.

M. Pedneault: Je vais accélérer, M. le Président. Je suis en train de vous résumer l'introduction et la conclusion du mémoire. Dans quelques secondes, j'entreprendrai les quelques recommandations.

C'est en vertu de ce constat fondamental que nous avons soumis les huit recommandations qui sont contenues dans le mémoire à partir de la page 20. Je les regrouperai, de toute façon, en trois chapitres et je ne passerai pas chacune de ces recommandations parce que quelques-unes sont complémentaires des autres.

La première recommandation que nous faisons, c'est qu'il nous semble que le projet de loi a oublié d'une façon complète, dans la notion de parents qui y est incluse, le centre d'accueil et de réadaptation qui, dans les faits, doit jouer, légalement ou non, un rôle de parent substitut auprès de la clientèle qui lui est confiée. Le centre d'accueil devient dans les faits le parent de la plupart de ces enfants qui lui sont confiés et, dans le projet de loi, on ne lui donne aucune possibilité d'être reconnu, à aucun niveau, à aucun endroit, comme un parent effectif. Je ne m'étendrai pas, je pense que cette notion est claire. Il peut y avoir des conséquences considérables à ce que ce véritable parent, dans les faits, ne puisse agir à aucun niveau de la structure de l'éducation parce qu'il n'est pas reconnu et parce que la définition ne le contient pas.

L'autre notion s'attache à la participation des parents. Pour aller au plus court, je me contenterais de vous citer un exemple. Le projet de loi est orienté vers la participation des parents. Nous ne portons pas de jugement sur ces aspects du projet de loi; nous les tenons pour acquis et nous supposons que, si on a à fonctionner, nous

les centres d'accueil, dans ce système-là, nous devrons vivre avec une réalité qui est la nôtre. Je vais vous donner l'exemple tout de suite. Dans un centre d'accueil typique -cela pourrait être facilement une règle générale - le nombre de familles complètes pour les enfants que nous avons sous notre garde est de 26%; les familles monoparentales, 35%; les familles d'accueil, 11% et les enfants en attente de famille d'accueil sont 28%. Un quart d'enfants ont une famille complète, et encore faudrait-il examiner cela, car, puisqu'ils sont en centre d'accueil, il y a eu une brisure entre leur famille et eux, de sorte que l'on doit même se demander si cette famille complète est apte à remplir ce rôle de participation qui est souhaité pour l'ensemble de la population scolaire.

La participation des parents est-elle vraiment réaliste dans un contexte comme celui-là au niveau d'un centre d'accueil? Est-ce que ces parents qui sont précisément au coeur de l'échec de l'enfant peuvent devenir, par une participation positive, les agents de la réadaptation de leur enfant? Peut-on demander à ces parents d'établir dans une école un programme adapté de services, par exemple, éducatifs, particuliers, spécialisés ou complémentaires, comme on les appelle? Peut-on penser qu'il est réaliste de laisser à la bonne volonté de ces parents le soin d'établir ces programmes? Peut-on laisser à la bonne volonté des autres parents, qui auront d'autres préoccupations, le soin de préparer les programmes d'éducation spécialisée et d'intégration des enfants handicapés mentaux ou physiques dans les écoles? Nous croyons, l'expérience étant là pour nous le confirmer, que c'est une utopie.

Je vais aller très rapidement. Je viens de résumer la première, la deuxième et la troisième recommandations. Les recommandations suivantes portent plutôt sur l'incompatibilité des structures que propose le projet de loi avec les structures nécessaires aux centres d'accueil et de réadaptation. Alors, si vous voulez vous reporter à la page 28 et aux quelques pages suivantes.

Ou bien le centre d'accueil et de réadaptation intègre sa clientèle scolaire à une école, ou bien il devient lui-même une école parce qu'il donne l'éducation à l'intérieur de ses murs. Dans un cas comme dans l'autre, il y a des incompatibilités de structures. Ne citons que le fait que le centre d'accueil est régional, la plupart du temps, pour un type de clientèle. Alors, comment peut-on supposer qu'il va devoir faire des contrats avec plusieurs écoles, parce que le centre régional a beaucoup de points de service qui vont impliquer plusieurs écoles sur le même territoire? Cela supposerait la négociation de contrats et de modalités différentes avec plusieurs écoles pour quelques enfants, finalement, en somme, une tâche administrative très lourde, une possibilité de différences considérables dans les conditions et les modalités imposées et ce, pour quelques élèves, finalement, une disproportion entre le nombre et la quantité de travail administratif qui serait demandé pour réaliser cela.

Si l'école est à l'intérieur des murs du centre d'accueil, cela devient, en somme, partiellement une école. Là, le projet de loi nous intrigue et nous inquiète. Qu'advient-il de cette école? Où est-elle définie? Où est-elle couverte? Quelles sont ses structures? Comme ce centre d'accueil et de réadaptation est déjà un établissement en vertu du chapitre 48, la Loi sur les services de santé et les services sociaux, il a déjà sa propre structure: un conseil d'administration démocratique, un comité de parents, un comité de bénéficiaires, etc. Va-t-on maintenant nous dire que cette école devient couverte par le projet de loi et qu'on va doubler les structures avec les mêmes parents et les mêmes administrateurs, qu'on va nommer un autre directeur général, etc? Il nous semble que cela devient un fouillis considérable. Ou bien on le définit comme une école à vocation régionale ou provinciale et là on tombe dans un autre fouillis administratif qu'il serait trop long de vous décrire et dont le mémoire fait état.

Notre suggestion fondamentale - je vais plus loin dans le mémoire après la page 33; je m'excuse de ne pas donner de références précises, M. le Président - l'idée de base de la troisième et de la huitième recommandations, aux pages 38 et suivantes du mémoire, c'est que nous préconisons, comme essentielle à la qualité et à la cohérence des soins de réadaptation que nous devons dispenser, l'idée d'unité de gestion. Si l'on veut éviter de modifier tout le projet de loi pour le compléter, comme on disait, en fonction d'une population qui est, somme toute, marginale, il faut changer un aspect fondamental du projet pour les enfants handicapés. Il faut changer la notion de fonctions d'écoles ou d'écoles pour le concept de "services": services d'enseignement spéciaux. Il faut que, pour ce qui s'adresse à la réadaptation, ce ne soit plus la notion d'école comme telle qui s'applique. Il faut que ce soit la notion de services, qui est plus souple et qui est plus adaptable à cette population dispersée sur l'ensemble du territoire et concentrée dans des centres d'accueil et de réadaptation. (15 h 30)

C'est pourquoi nous proposons dans notre mémoire la création d'un organisme. Nous l'avons appelé régie provinciale des services spéciaux. Ce n'est pas au nom ou à la chose que nous tenons en soi; c'est plutôt à l'idée bien précise qu'il faut un organisme capable d'assurer l'unité de gestion de toute

cette matière éducative qui se donne aux enfants des centres d'accueil et de réadaptation.

Une régie provinciale aurait d'abord l'avantage de concevoir des programmes de réadaptation. Il est, aussi important pensons-nous, de concevoir un bon programme de réadaptation que de concevoir un bon programme de mathématiques ou de français; c'est aussi difficile et peut-être même plus. Pourquoi laisserait-on à chaque comité d'école ou à chaque commission scolaire, ou à chaque conseil d'administration d'école le soin de concevoir un programme de réadaptation qu'il peut faire en plus, qu'il n'est même pas obligé de faire dans le projet de loi? Il "peut" l'établir, il n'y a pas d'obligation légale. Nous préconisons également, dans une de nos recommandations, d'établir une obligation légale de faire un programme de réadaptation et nous croyons qu'une régie provinciale doit le penser, le concevoir et aussi en surveiller l'application. Comme on a des organismes provinciaux pour s'assurer de la validité des diplômes, par exemple, pour que les examens soient convenables partout, pourquoi n'aurait-on pas un organisme provincial également qui s'assure que la clientèle des bénéficiaires dans les centres de réadaptation reçoit au minimum un traitement équitable, un programme adapté et un programme convenable?

Je termine. Quel que soit l'aboutissement de toute cette législation à la suite de ces consultations nombreuses que cette commission fait, quel que soit le modèle définitif qui sera adopté par le gouvernement, par le législateur, quelles que soient les modalités, les remarques que nous vous faisons sont pertinentes dans quelque système scolaire que ce soit.

Le problème que nous vous exposons existe actuellement, avec la loi actuelle. Il a été en partie réglé par des efforts constants, des pressions constantes sur les commissions scolaires. Il y a des acquis que risque de nous faire perdre une structure renouvelée. Quel coût et quel gaspillage d'énergie occasionnerait le fait de recommencer à zéro avec des milliers de nouvelles personnes à convaincre année après année. Pendant ce temps, les ressources investies sont considérables, le temps perdu est absolument irremplaçable et les coûts sont énormes en pertes de toutes sortes.

J'espère, messieurs et madame, que vous allez recevoir notre mémoire avec toute l'attention que nous croyons qu'il mérite, uniquement au nom de ces enfants que nous représentons.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Pedneault. Merci, M. Dallaire. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais remercier, au nom du ministre de l'Éducation, l'Association des centres d'accueil du Québec. Je voudrais vous présenter les excuses du ministre de l'Éducation qui est présentement au Conseil des ministres et vous donner l'assurance qu'il a lu votre mémoire et que tout ce qui sera dit ici en commission, l'échange qui aura lieu, sera porté à son attention. Je peux vous donner l'assurance que vous recevrez de sa part toute l'attention que mérite votre mémoire.

Je voudrais également vous remercier personnellement de votre mémoire. C'est un mémoire précis, complet, qui touche les sujets qui vous préoccupent au premier point. Vous êtes partenaires de l'éducation et c'est ainsi que vous vous êtes définis dans votre présentation. Vous êtes partenaires pour une catégorie d'enfants que vous avez bien décrits et qui constituent les enfants les plus démunis qui fréquentent nos écoles. On parle d'écoles spécialisées, d'écoles qui fonctionnent en jonction avec les spécialistes des centres d'accueil. J'aurai des questions à vous poser à ce sujet, mais il faut mentionner, en tout cas, l'excellent travail fait par les spécialistes que votre association regroupe à l'intérieur des centres d'accueil.

Je voudrais parler un peu des recommandations que vous faites dans votre mémoire, dans le but de compléter le projet de loi, de l'améliorer. Je vous remercie pour les suggestions que vous faites. Je pense qu'il y en a qui sont très pertinentes. Je voudrais mentionner la première recommandation. Elle a trait à une disposition de la loi qui permettrait de rendre possible aux centres d'accueil, par exemple, d'exercer le rôle qui est normalement dévolu aux parents, lorsqu'ils ne peuvent pas assumer ce rôle. À cet égard, je peux vous promettre un amendement. Cette assurance m'a été donnée par le ministre. Il y aura un amendement pour que, justement, les centres d'accueil puissent assumer ce rôle de substitut parental. L'amendement permettra également à un tuteur d'exercer ce rôle. Je pense qu'il faut également prévoir les cas où il y a un tuteur, lorsque les parents biologiques ne peuvent pas assumer, pour une raison ou pour une autre, leur rôle normal. Donc, sur cette première recommandation que vous faites, je pense qu'il n'y a aucune difficulté.

Je vais aborder une deuxième recommandation. Vous demandez que les articles pertinents du projet de loi soient modifiés de manière que la dispensation des services éducatifs particuliers offerts à l'élève en difficulté d'adaptation - il s'agit des articles 2 et 8 relève d'une planification globale et de décisions fondées sur une perception de l'ensemble de la problématique à cerner. Vous êtes sans doute

au courant que ce genre de planification globale est en train de se faire par les services du ministère des Affaires sociales et par ceux du ministère de l'Éducation. Donc, à cet égard, est-il nécessaire de modifier la loi en conséquence? Enfin, il y a des questions à poser. Vous pourrez peut-être, en réponse ou en réaction aux commentaires que je fais, me dire pourquoi il faut, selon vous, absolument modifier la loi dans les circonstances. Je vous donne l'assurance, encore une fois au nom du ministre, que cette planification globale se fait par les services du MAS et du MEQ.

Quant à la recommandation 3, vous demandez "que le projet de loi, en ce qui a trait aux services éducatifs complémentaires, soit restructuré de manière à parler non plus d'écoles et de fonctions d'écoles, mais de services d'enseignement spéciaux disponibles à une clientèle définie, en particulier lorsqu'il est question de services aux enfants en difficultés graves d'adaptation." N'est-ce pas - c'est une question que je formule - un retour avant 1973, c'est-à-dire à partir du moment où on a confié aux commissions scolaires et aux écoles un rôle important à jouer dans l'éducation et dans la réadaptation également?

Je pense qu'il est difficile de séparer, à l'intérieur des écoles, ce qui est un acte éducatif et un acte de rééducation. Je pense qu'à l'intérieur des écoles - j'aimerais que vous réagissiez à cet égard - il y a des professionnels qui font à la fois de l'éducation et de la réadaptation. Est-ce que la démonstration est faite à savoir que les services donnés à ces jeunes à l'intérieur d'écoles spécialisées sont inadéquats ou ne répondent pas à leurs véritables besoins?

Vous enchaînez de la proposition 3 à la proposition 8, dans votre présentation, en proposant l'instauration d'une régie provinciale des services éducatifs spéciaux mise sur pied sous la responsabilité du ministère de l'Éducation du Québec. Encore une fois, n'est-ce pas qu'actuellement il y a une coordination entre les écoles, les commissions scolaires et les centres d'accueil au niveau régional? Est-ce que c'est nécessaire de compléter cet ensemble par une régie provinciale? N'est-ce pas créer une nouvelle structure? Est-ce qu'une démonstration a été faite que la décentralisation à ce niveau n'est pas suffisante? Vous en parlez assez peu. Enfin, on peut se poser la question: Pourquoi une nouvelle structure?

Vous avez posé des questions à cet égard sur le rôle des écoles, des commissions scolaires. Vous avez rattaché cela au projet de loi 40 en posant des questions sur la participation des parents. La participation des parents est-elle réaliste? C'est une question que vous avez posée. À l'intérieur des conseils d'école prévus dans le projet de loi 40, il n'y a pas que des parents. Le projet de loi prévoit la participation de professionnels, d'enseignants et de parents. Vous allez peut-être dire: On prévoit aussi la présence majoritaire de parents. Je ne sais pas si c'est cela, car vous ne l'avez pas précisé. Je ne sais pas si c'est le fait d'une pleine majorité de parents au conseil d'école qui semble poser problème, ou si c'est le conseil d'école lui-même qui pose problème.

Encore une fois, le projet de loi 40 prévoit la participation de professionnels de l'enseignement et d'autres professionnels. Donc, est-ce qu'un dialogue ne pourrait pas s'instaurer entre parents? Je pense que vous êtes d'accord pour dire que les parents ont tout de même un rôle à jouer dans ce travail de réadaptation des jeunes. C'est vrai, vous avez soulevé une question importante, qu'il y a beaucoup d'enfants qui n'ont pas leurs parents biologiques, à tout le moins. Dans certains cas, il y a tout de même un tuteur qui peut jouer ce rôle. Dans d'autres cas, si on amende la loi en conséquence, le centre d'accueil pourrait déléguer une personne au besoin pour remplir ce rôle. Donc, je ne comprends pas trop cette question d'utopie. Ce n'est sûrement pas une utopie que les parents soient invités à participer. Vous pourriez peut-être préciser certaines choses à cet égard.

Je veux passer rapidement sur d'autres recommandations. Je pense à la recommandation 4 dont vous n'avez pas parlé. Je peux vous donner l'assurance que votre proposition 4 est bien reçue. Elle suggère une réécriture des articles 185 et 186 de façon que la fonction préventive soit précisée ou reformulée plus précisément de manière à tenir compte de la réalité des enfants les plus perturbés et des services qu'ils requièrent. En effet, les articles 185 et 186 seront réécrits en conséquence. (15 h 45)

L'article 199, qui est un article fondamental dans le projet de loi, dit: "La commission scolaire s'assure que la population de son territoire reçoit les services éducatifs auxquels elle a droit dans les écoles situées sur son territoire. "Elle doit admettre dans ses écoles tout enfant placé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse ou de la Loi sur les services de santé et les services sociaux." Nous recevons très bien votre recommandation en vue d'une réécriture de cet article. Je vous en donne une grosso modo qui pourrait être celle-ci, quitte à la perfectionner: La commission scolaire s'assure que la population de son territoire reçoit les services éducatifs auxquels elle a droit, sans mentionner nécessairement qu'il s'agit d'écoles situées sur son territoire. Je pense que cela couvre tous les types d'écoles. Il peut y avoir des écoles qui sont situées dans des centres d'accueil. C'est plus

général et cela couvre un champ beaucoup plus grand. Et je continue: Elle doit, de la même façon, assurer ces services à tout enfant placé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse ou de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, plutôt qu'elle "doit admettre dans ses écoles tout enfant placé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse."

Je pense - vous pourrez peut-être réagir - que cela répond à ce que vous demandez à cet égard. Ce que je lis comme recommandation, c'est que l'alinéa 2 de l'article 199 soit modifié ainsi: Elle doit dispenser les services éducatifs d'enseignement spécialisé requis à tout enfant référé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse ou de la Loi sur les jeunes contrevenants. On s'entend, la Loi sur les jeunes contrevenants n'est pas encore en vigueur.

Je termine là-dessus; mes collègues auront des questions à vous poser également. Encore une fois, je vous remercie très sincèrement de la qualité de votre mémoire. Peut-être quelques réactions, M. le Président, sur les commentaires que j'ai formulés au nom du ministre de l'Éducation.

Le Président (M. Blouin): M. Chartrand.

M. Chartrand (Maurice): Vous avez posé un tas de questions et il faudrait reprendre beaucoup de choses du mémoire et de ce qui sous-tend le mémoire pour répondre à vos interrogations. Je pense qu'on peut dire qu'on vous remercie de ce qui a déjà été accueilli. Quand on parle de l'irréalisme de la participation des parents, on ne parle pas des parents normaux, qui ont des enfants normaux. On ne discute pas a ce moment-ci de cela. Ce dont on discute, c'est de l'irréalisme de la participation des parents qui n'existent pas. Cela va de mal en pis. On a donné un exemple tout à l'heure; dans le centre où je travaille, celui que je préside, en 1977-1978, il y avait 47% des enfants qui venaient de familles complètes. Chaque année, cela a dépéri et c'est rendu à 26%. On ne peut même pas parler de familles d'accueil; en 1977-1978, il y avait 25% des enfants qui étaient dans des familles d'accueil et, maintenant, il y en a 11%. En 1977-1978, il n'y avait personne qui était en attente de famille d'accueil et maintenant il y en a 28% qui le sont. Cela commence à être grave, parce qu'il n'y a même pas de référence. L'internat, c'est parce qu'on ne sait pas où retourner les enfants, parce qu'ils n'ont pas de parents, ils n'ont pas de place ou de parents substituts ou subsidiaires, appelez-les comme vous voudrez. C'est cette participation des parents qui, pour nous, est irréaliste parce qu'ils n'existent pas ou qu'ils sont en voie de disparaître complètement, malheureusement, pour ce genre d'enfants. Encore une fois, nous ne parlons que des enfants que nous avons dans nos institutions et non pas des autres.

En ce qui concerne la notion de services plutôt que celle d'école, quand vous dites que les services actuels des commissions scolaires doivent s'occuper et s'occupent d'éducation - ils s'occupent plus d'enseignement, en ce qui me concerne, que d'éducation, mais c'est une remarque personnelle - de rééducation et de réadaptation, encore là, si les enfants sont là, c'est parce qu'on s'occupe de rééducation et de réadaptation en matière légère. On vous a dit, au début du mémoire, que les enfants qu'on a, c'est parce qu'ils sont sortis de l'école; donc, l'école ne s'en occupe pas, ils ne sont pas là. Elle ne les rééduque pas, ils ne sont pas là; ils ont été confiés à la cour, ils ont été confiés à d'autres organismes et ils ne sont pas à l'école. Donc, l'école ne leur rend pas, à eux, des services de rééducation et de réadaptation.

Encore, je peux dire qu'il y a bien des commissions scolaires, dans bien des milieux et dans bien des régions de la province de Québec, qui ne s'occupent ni de rééducation ni de réadaptation. J'ai travaillé à peu près trente ans dans le mouvement scolaire, à tous les niveaux: élémentaire, secondaire, cégep, université, éducation des adultes, et j'en passe.

Mme Lavoie-Roux: Et préscolaire.

M. Chartrand: Et préscolaire. La preuve que ces services ne répondent pas toujours aux besoins, c'est qu'on a des enfants, on en a quand même 28 000. S'ils y répondaient, tant mieux; on ne les cherche pas, les enfants, ils nous sont référés. On ne cherche pas à les garder non plus, les enfants; on les retourne le plus vite possible dans le circuit régulier, dans les institutions régulières. Le séjour moyen chez nous est de deux ans, pour les enfants que nous recevons, qui ont de six à douze ans. En moyenne, c'est deux ans; il y en a qui restent un an, il y en a qui ne restent que quelques mois. L'idée est qu'aussitôt qu'on a rétabli un certain équilibre chez un enfant, on le retourne dans les institutions normales. Aussitôt que les enfants peuvent suivre des cours dits normaux, on les garde en séjour, parce qu'ils n'ont pas de place où aller et parce qu'on leur fournit du support pour toutes sortes de choses, tant psychologique que social et autre, mais ils suivent des cours dans les écoles, quand ils peuvent en suivre.

Ce que nous voulons dire, c'est qu'un enfant qui a une "maladie", entre guillemets, psychologique ou autre, c'est aussi un enfant malade comme celui qui s'est cassé une jambe, qui doit être opéré pour je ne sais trop quoi ou qui a un petit problème de

coeur, etc. La fonction première chez nous est de les réadapter; ce n'est pas de les éduquer, fonction secondaire, parce que cela fait partie de la réadaptation. Tout d'abord, on doit aller au plus pressé; ce n'est peut-être pas le temps de leur montrer les équations à quatre inconnues ou des choses comme cela. Aussitôt que possible, on veut les réintégrer dans le réseau scolaire et c'est important. Cela répond peut-être à quelques questions.

Ce que je veux dire d'abord, c'est que ce n'est pas égal partout, les systèmes de rééducation et de réadaptation; ça ne s'occupe que de choses légères. Nous autres, on a des cas qui ne sont pas légers.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Chartrand: II y en a peut-être d'autres qui veulent parler. Je m'excuse.

M. Leduc (Fabre): Vos remarques étaient fort intéressantes et votre expérience vient nous éclairer à cet égard. Je vous remercie.

M. Chartrand: Si vous le permettez, quand vous avez un conseil scolaire, peu importe comment vous l'appelez, j'oublie le nom...

M. Leduc (Fabre): Le conseil d'école.

M. Chartrand: ...le conseil d'école, avec des parents et des éducateurs et tout ce que vous voulez, il y a une chose qu'on ne peut pas oublier: les gens sont d'abord intéressés à leurs problèmes à eux. Les problèmes des autres, qui sont troublants, qui dérangent, etc., on a tendance à ne pas vouloir s'en occuper. Assistez à des assemblées. En tout cas, moi, quand j'assistais à des assemblées de parents, à ma commission scolaire, si quelqu'un était un peu dérangeant, on demandait: Qu'allez-vous faire pour nous débarrasser de celui-là qui est turbulent dans la classe de ma fille ou de mon fils? Des gens qui ne se comportent pas comme les autres, ça dérange. Ça dérange tout le temps, ça dérange visiblement quand ce sont des handicapés et même quand ce sont des Néo-Canadiens. Regardez le problème d'intégration scolaire que vivent les Néo-Canadiens à la Commission scolaire de Montréal. Ça dérange. Il y a des problèmes parce qu'il y en a qui dérangent. Ils dérangent encore bien plus quand ils sont handicapés, etc.

M. Leduc (Fabre): Vous ne répondez tout de même pas de façon très précise à une question.

M. Chartrand: Ce n'est pas moi, le législateur.

M. Leduc (Fabre): Non, mais vous dites que les parents pensent d'abord à leurs enfants. En gros, c'est ça, donc, ils n'ont pas une préoccupation... Évidemment, vous faites référence aux parents de la clientèle dont on parle, d'une clientèle particulière.

M. Chartrand: Non, non, je parle des autres parents, des parents normaux. Les parents normaux, quand ils auront dans leur école des enfants qui perturbent, qui dérangent...

M. Leduc (Fabre): D'accord.

M. Chartrand: ...vont d'abord vouloir s'occuper de leurs enfants, à eux, et se débarrasser - j'emploie le mot, même si c'est dur - de la pomme pourrie qui est dans le baril.

M. Leduc (Fabre): Juste une remarque à cet égard. En somme, vous portez un jugement...

M. Chartrand: Oui, je porte un jugement.

M. Leduc (Fabre): ...mais ce n'est pas nécessairement comme ça que ça se passe, non plus.

M. Chartrand: Ça se passe comme ça, je regrette.

M. Leduc (Fabre): Oui? Dans les écoles où vous avez eu l'occasion de faire l'expérience?

M. Chartrand: Dans beaucoup d'écoles.

M. Foucault (Pierre): Si je peux me permettre, M. le Président...

Le Président (M. Blouin): M. Foucault.

M. Foucault: ...l'expérience des dernières années, au niveau de l'intégration des services scolaires en centre d'accueil -ce qui est l'inverse; à partir du moment où les enfants restent en centre d'accueil, il faut leur offrir des services scolaires implique, à un moment donné, aussi que, lorsque ces enfants en sont capables, ils retournent dans l'école régulière. J'ai travaillé davantage dans ce domaine-là à titre de conseiller à l'association et ce que je peux vous dire, c'est ce que nos centres d'accueil nous rapportent qu'il faut mettre d'énergie pour convaincre 1. les commissions scolaires ou les commissaires d'écoles, 2. les directeurs d'école et 3. les professeurs. On ne parle pas encore des parents. Prenons un exemple simple et relativement facile: un enfant aveugle que vous voulez intégrer dans une classe; il faut, à un moment donné, que

le professeur accepte que l'Optacon va marcher et qu'il va continuellement y avoir une dactylo dans sa classe. Ça ne s'accepte pas comme ça, mais il ne dérange pas tellement, cet enfant-là.

Quand il y en a un qui commence à l'engueuler, à l'envoyer promener, à lui dire d'aller se faire voir, quand ce n'est pas autre chose, parce qu'il y a des choses qui ne se disent pas ici, c'est beaucoup plus complexe de faire accepter l'enfant par le professeur et c'est beaucoup plus facile pour le professeur et pour l'école de dire: Aie, dehors! Là, on va demander à des parents, dans toutes les écoles du Québec, d'être capables d'accepter qu'un enfant vienne perturber la classe et ils prendront soin de cet enfant-là. Je pense qu'il y a là une dimension qui ne tient pas compte de la réalité des parents.

Je suis un peu sensibilisé à cette question-là et je ne vous cache pas que, lorsqu'il y a un problème à l'école, ma première réaction, c'est: Out! Je vais commencer par prendre soin de mon fils, je vais régler mes bébites et qu'il règle les siennes. Ensuite, on verra ce qu'on peut faire. Pourtant, j'ai l'impression d'être sensibilisé à la question. De façon générale, je pense qu'on demande beaucoup à l'ensemble des parents du Québec, dans chaque école, d'assumer la responsabilité des enfants en difficulté. Je regrette, mais...

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci M. le député de Fabre.

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Oui, M. le Président. C'est un peu regrettable que le ministre ne soit pas ici pour engager le dialogue avec les représentants de l'Association des centres d'accueil du Québec parce que le problème dont l'association nous saisit, cet après-midi, est l'un des plus difficiles auxquels doit faire face notre société. Le ministre a de bonnes raisons, il doit siéger au Conseil des ministres, mais je me demande s'il n'aurait pas été préférable qu'on retarde notre séance d'une heure pour que le dialogue puisse se continuer dans des conditions normales et qu'on puisse avoir accès, tout de suite, à cet échange de vues avec le responsable du projet de loi, projet dont certaines parties, d'ailleurs, ne semblent être comprises que de l'auteur.

Il me fait plaisir de rencontrer les représentants de l'Association des centres d'accueil, surtout dans la personne de son président. Il l'a rappelé lui-même, c'est un vétéran d'à peu près toutes les formes d'éducation au Québec. Je l'ai rencontré sur bien des terrains, au cours des années. Son collaborateur et le président aussi sont des hommes bien connus dans le milieu québécois pour leur dévouement à toutes sortes de causes. Celle-ci est, en même temps, une des plus difficiles et l'une de celles qui nous obligent le plus à nous interroger sur la manière dont notre société fonctionne et de la qualité de la solution qu'on va apporter à ces problèmes que vous nous signalez, va dépendre en grande mesure la qualité du fonctionnement de notre société en général. (16 heures)

Avant d'entrer dans les détails de vos propositions, je voudrais vous poser une première question. Vous avez mentionné au début de votre mémoire qu'actuellement l'enseignement est dispensé aux jeunes dans les centres d'accueil, en vertu d'une collaboration du ministère des Affaires sociales et du ministère de l'Éducation. J'aimerais que vous nous donniez les grandes lignes de cette entente qui permet d'assurer le développement des enfants qui sont sous votre responsabilité et que vous nous disiez aussi les points faibles qu'il y a dans cette entente, les changements que le projet de loi apporte, s'il y a lieu, pour qu'on sache exactement d'où on part. Peut-être qu'en même temps vous pourriez nous dire... Par exemple, vous avez donné des renseignements très intéressants tantôt, M. Chartrand, sur ce qu'on appelle - un terme malheureux, mais faute de mieux - la clientèle des centres d'accueil. Vous avez dit que la durée moyenne de séjour est de deux ans et que la moyenne d'âge de ceux qui sont dans les centres d'accueil va de six à douze ans...

M. Chartrand: Dans le mien.

M. Ryan: Dans le vôtre? Excusez-moi, dans le vôtre.

M. Chartrand: Parce qu'il y a des centres d'accueil qui admettent des clients -pour reprendre votre mot - jusqu'à 21 ans.

M. Ryan: Cela va jusqu'à 18 ans. Je voulais vous poser la question: Est-ce qu'il y a des statistiques disponibles sur le degré de retard subi dans le développement intellectuel à cause de ces circonstances sociales, économiques ou familiales exceptionnelles dans lesquelles ces enfants ont pu être obligés de vivre? Je pense que cela éclairerait beaucoup le débat si vous pouviez nous fournir certaines données à ce sujet. En même temps, vous allez parler ensuite du régime de collaboration qui existe présentement.

M. Foucault: Je peux essayer de donner une réponse un peu générale, quitte à ce que M. Carette, qui dirige quand même un centre d'accueil très spécifique, puisse compléter au besoin avec des exemples qui permettront d'illustrer le propos. Il y a près d'une dizaine

d'années maintenant que la collaboration entre ce qu'on appelle communément MAS-MEQ, à la suite du rapport COPEX, s'est installée au Québec où on a jugé pertinent -et les centres d'accueil sont les premiers à reconnaître qu'il y a là un fondement dans la réalité - que l'éducation soit offerte aux enfants en centre d'accueil dans toute la mesure du possible par des personnes compétentes qui possèdent les caractéristiques requises du ministère de l'Éducation pour offrir des services éducatifs de qualité aux enfants qui doivent être retirés de leur milieu et placés en centre d'accueil. C'est la base du rationnel, à savoir que, si on ne leur offre pas ces services-là dans le cadre même qui est celui des écoles régulières, on a beaucoup plus de difficultés éventuellement à les réintégrer dans le milieu régulier de l'école où ils vont retrouver des professeurs qui vont leur donner des cours à partir des programmes du ministère de l'Éducation.

Cela a aussi le grand avantage que, dans la mesure où l'enfant est capable de suivre le programme régulier à l'intérieur du centre d'accueil, il peut aussi disposer des diplômes donnés par le ministère de l'Education et, donc, se retrouver dans la société avec un acquis. Il n'est pas complètement mis en marge de la société, parce qu'il doit faire appel aux services du centre de réadaptation. C'est le rationnel de base, mais c'est seulement une partie du rationnel. L'autre partie du rationnel était à l'inverse: Lorsque, pour une raison ou pour une autre, un enfant commence à éprouver des difficultés d'adaptation dans le milieu scolaire, il devrait aussi bénéficier dans le milieu scolaire d'un certain nombre de services offerts par des personnes tout aussi compétentes et tout aussi capables de le prendre en charge rapidement, de lui offrir rapidement les moyens de prévenir l'aggravation de ses difficultés et, conséquemment, d'être en mesure d'arrêter la dégradation de sa situation avant qu'on soit obligé de le retirer du milieu scolaire pour faire appel, soit au centre d'accueil, soit à d'autres ressources.

Le problème est que MAS-MEQ a fonctionné dans un sens; il y a eu intégration des professeurs dans les centres d'accueil, mais l'intégration des services de réadaptation ou des services sociaux qui seraient pertinents à l'école ne s'est pas faite sur la même base, au sens où on a tenté... Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu d'effort louable de fait. Et, dans de nombreuses commissions scolaires, cela a donné de remarquables résultats au sens où on a fait des efforts louables pour venir en aide aux enfants qui ont des difficultés relativement importantes d'adaptation, mais quand on se retrouve en face de problèmes plus graves, on ne dispose pas au niveau des écoles - et c'est normal, il ne faut pas se faire d'illusions, ce n'est pas le rôle d'un pédagogue - des ressources pour être capables d'aider les enfants qui ont des difficultés plus graves d'adaptation. Ce que nous proposons dans le mémoire - c'est un peu la question à laquelle faisait allusion M. Leduc, tantôt - c'est de prévoir au niveau de l'ensemble du Québec un organisme ou une structure quelconque, appelons-la comme on voudra, qui aurait pour mandat d'assurer un programme-cadre de planification ou d'organisation de ce type de services qui pourrait être donné tantôt par un professeur à partir du moment où il est capable de le faire mais occasionnellement par des personnes qui relèvent davantage du milieu social et dont c'est la compétence de prendre charge des enfants ou des cas beaucoup plus lourds. En d'autres mots ce qu'on propose c'est de mettre en place un organisme dont le mandat serait essentiellement d'assurer des services de qualité au plan social à l'intérieur des écoles et aussi à l'intérieur des centres de réadaptation dans la perspective d'une réciproque de ce qu'a été l'intégration des services scolaires en centre d'accueil.

Peut-être que M. Jean-Marie Carette veut compléter en ce sens. Si on prend l'exemple d'un centre d'accueil sécuritaire où le retard moyen de scolarisation est de trois ans, vous allez voir que cela peut prendre des formes très concrètes à un moment donné.

M. Carette (Jean-Marie): Pour continuer dans son exemple, le centre d'accueil de type sécuritaire qui reçoit un enfant le reçoit après qu'il y a eu une brisure totale avec la famille. Il y a eu une brisure avec l'école, il y a eu une brisure avec tous les mécanismes sociaux d'aide. Il n'y a donc plus personne qui le prend en charge. C'est dans ce cadre qu'il est confié au centre d'accueil. Le centre d'accueil est mandaté par la loi de bâtir et coordonner un plan d'intervention. Il a la responsabilité de prendre en charge cet enfant, non seulement de changer chez lui des comportements, des façons de faire mais de l'outiller le plus possible pour qu'il ait les outils d'apprentissage requis. Il est aussi responsable de favoriser son retour dans les plus brefs délais dans les structures sociales normales. C'est le mandat du centre d'accueil.

Pour répondre à ces trois volets, il faut des programmes très particuliers parce que chacun des centres d'accueil a un contexte bien particulier, a des problématiques très particulières auxquelles il faut répondre. C'est pour cela que la régie en question pourrait, à ce moment, travailler à spécifier chacun des programmes pour les rendre les plus adaptés possible aux mandats premiers de chacun des établissements.

M. Ryan: II y a une chose que j'ai plus de mal à comprendre, c'est le rôle que cette régie jouerait par rapport à ce que la commission scolaire est supposée faire. Les services spéciaux que la commission scolaire doit offrir, ce ne sont pas seulement des services pour votre clientèle à vous, ce sont des services pour un très grand nombre d'enfants qui n'iront peut-être jamais dans vos centres d'accueil s'ils reçoivent des services appropriés dans les commissions scolaires. La régie, est-ce que ce serait surtout - appelons-la régie faute d'un autre terme, cela pourrait être un service particulier du ministère aussi, j'imagine -pour l'orientation et la direction des services offerts dans vos établissements? Si cela va plus loin, là il y a un problème. Je me demande comment vous allez faire cela pour les commissions scolaires. C'est une des fonctions de la commission scolaire, vous le dites vous-mêmes, vous proposez un amendement à l'article 199 qui va dans ce sens. Il me semble que si c'est une de ses fonctions il faut qu'elle en assure la direction aussi. Il pourrait y avoir des normes qui soient définies à l'échelle de tout le Québec, mais je ne vois pas une autre régie, en plus du ministère, venant se superposer aux commissions scolaires. J'ai de la misère à voir cela.

M. Foucault: Je crois qu'il est possible de comprendre que ce soit difficile à voir. Par ailleurs, avec l'expérience que nous avons, nous envisageons que le projet de loi se transforme un jour en loi et que nous nous retrouvions avec environ 160 commissions scolaires. Ce que nous sommes en train de demander c'est qu'il y ait dans chacun de ces groupes les personnes compétentes pour planifier des programmes, déterminer les conditions dans lesquelles ils doivent être donnés, préciser quels sont les critères qui caractérisent les enfants qui requièrent ce genre d'interventions. C'est beaucoup demander à chacune des commissions scolaires de disposer du personnel compétent capable de faire cela partout. Le sens d'unifier au niveau d'une régie la planification ou la conceptualisation de ce type de programme, c'est d'aller chercher des personnes qui sont capables de le faire mais de limiter les chances qu'on n'ait pas les disponibilités en termes de personnes capables de préparer ce genre de programme à chacun des niveaux où ils doivent être dispensés. Le rationnel est le même qu'au niveau du programme de français. Le ministère de l'Education ne laisse pas à chacune des commissions scolaires le soin de planifier le programme de français. Il établit un programme-cadre à l'intérieur duquel la commission scolaire assure la dispensation des services, mais la planification et la conception de ce qui doit être donné, ce n'est pas la commission scolaire qui le fait. On dit que c'est au moins aussi difficile de prévoir de bons programmes de prévention au niveau des écoles et de bons programmes de réadaptation d'enfants en difficulté que de réparer un programme de français. C'est là le sens de l'intervention.

M. Ryan: Ne suffirait-il pas d'une direction spéciale au ministère de l'Éducation pour voir à cette partie? Je conviens très bien, pour la conception générale, des programmes d'orientation pédagogique de fond et des lignes communes dans tout le Québec pour assurer l'égalité de chances pour tous les jeunes qui ont des problèmes comme ceux-là. Mais, dès qu'on arrive au stade de l'action concrète, j'essaie de voir comment une régie viendrait se situer dans le paysage. J'ai de la misère à voir cela.

Pourriez-vous dire un peu plus précisément ce que vous entendez pas régie? Ce qu'on entend habituellement par régie, c'est un organisme assez indépendant du ministre. Il y en a quelques-unes qui sont des annexes du ministre aujourd'hui, pas dans l'éducation mais dans d'autres secteurs. D'ordinaire, ce n'est pas ce qu'on entend par une régie, c'est un organisme assez indépendant. Il me semble que c'est inconcevable dans ce cas-ci.

M. Foucault: Je pense qu'on ne tient pas à tout prix au terme. C'est là le premier point qu'on a d'ailleurs déjà indiqué au niveau du mémoire.

Par ailleurs, il est certain que compte tenu de notre optique, le groupe, l'organisme, la régie - appelons-le comme on voudra à ce stade-ci - qui aurait pour mandat de planifier ces programmes devrait être un organisme qui fait appel à des ressources qui ne sont pas nécessairement uniquement celles de l'Éducation. En ce sens, on a parlé du mot "régie" parce que précisément il implique un certain à-côté par rapport aux structures régulières du ministère. C'est bien sûr qu'il va falloir faire appel à des ressources du ministère des Affaires sociales, qu'il va falloir établir une coordination très précise entre des personnes capables de planifier le service dans ce sens. Quant à la forme exacte, on ne s'est arrêté à aucune en particulier.

M. Pedneault: Le mot "régie" prête à confusion, M. le député. Je pense qu'on parle d'une structure spécifique d'organisation des services éducatifs complémentaires. C'est là la description de la chose. Le nom.

M. Ryan: Très bien.

M. Chartrand: II y a aussi un autre problème. Le mot "régie" a été retenu à défaut d'un meilleur. C'est le problème du

fait que l'école, au mieux, assure des services à des enfants qui la fréquentent 12% du temps d'une année. Les enfants qui nous sont confiés le sont - quelques-uns du moins - pendant 100% du temps d'une année. Tant et aussi longtemps qu'on ne fera pas une certaine distinction, je n'emploie pas le mot "régie"; le mot "régie" a été un peu élaboré dans ce sens... Quant aux services, les enfants sont là lorsqu'il y a des journées pédagogiques, durant les vacances d'été, durant les fins de semaines. Pendant les vacances d'été, pendant les journées pédagogiques, pendant la fin de semaine de Pâques, etc., on ne retourne pas les enfants qui n'ont pas de parents de même que ceux qui sont en milieu sécuritaire. Il faut assurer des services. Cela veut dire qu'à un moment donné il ne faut pas se faire "bumper" des gens qui sont en surplus de personnel et qui sont régis par une convention collective qui dit qu'il faut enseigner seulement tant de minutes par semaine. Cela veut dire bien des choses. C'est une fonction totale que la réadaptation. Je ne suis pas le spécialiste dans ces choses, mais c'est aussi un problème.

M. Ryan: J'imagine que vous n'allez pas jusqu'à laisser entendre que ce serait peut-être préférable que les centres d'accueil relèvent en gros du ministère de l'Éducation plutôt que du ministère des Affaires sociales.

M. Chartrand: Non. Ce n'est pas là le problème. Le problème, c'est qu'il y a une fonction sociale et une fonction d'éducation; il y a une partie des services qui peut être rendue par les centres d'accueil et d'autres par l'école, avec résidence dans les centres d'accueil et fréquentation des écoles, etc. C'est un mélange finalement. C'est pourquoi on appelle cela des services et non pas des écoles. (16 h 15)

M. Ryan: Très bien. Cela va très bien. Il y a une chose qui m'a intéressé dans votre mémoire. Vous dites à un moment donné que la loi reconnaît la possibilité pour le ministre de créer des écoles nationales ou régionales. Vous soulevez certaines inquiétudes à ce sujet. Vous vous dites: S'il fallait aller trop loin dans cette voie, jusqu'où serions-nous conduits? Pourriez-vous expliquer les inquiétudes dont vous faites part à ce sujet?

M. Chartrand: Je vais commencer par une réponse, parce que je l'ai sur le coeur. On peut créer des écoles nationales de musique, par exemple. Il y a toujours des élèves qui sont bons en musique et on va les envoyer dans telle école. Cela existe d'ailleurs. D'autres sont bons en ballet. Cela existe aussi. Mais des écoles nationales ou régionales... On a déjà des écoles régionales et nationales. Je m'arrête, mais je voulais quand même faire cette remarque.

M. Carette: Je pense qu'il faut absolument éviter le piège de créer des écoles dans les centres d'accueil. Si on admet que le centre d'accueil est responsable d'un plan global d'intervention, cela ne veut pas dire qu'il faut dénier l'apport important des services pédagogiques dans un centre d'accueil, mais il faut éviter de tomber dans le piège de créer des écoles, ce qui créerait une double structure qui fausserait tous les mécanismes et qui causerait un charivari épouvantable dans les établissements.

Il faut absolument que les services pédagogiques et les intervenants qui offrent les services pédagogiques se concertent avec le personnel éducatif ou rééducatif pour offrir à l'enfant dont on est responsable une réponse très articulée en fonction d'un plan de traitement et non recréer des zones de guerre de pouvoirs.

M. Ryan: Je ne comprends pas très bien. Vous parlez en termes un petit peu voilés pour quelqu'un qui est en dehors du réseau. Je voudrais que vous me disiez clairement en quoi la création d'écoles à vocation régionale ou nationale viendrait perturber la fonction que vous devez accomplir, peut-être avec des exemples au besoin.

M. Pedneault: L'inquiétude que nous avons...

M. Ryan: Avec des exemples. J'ai l'impression que... Pardon?

M. Pedneault: Excusez-moi! L'inquiétude que nous avons exprimée est simplement que nous trouvons cette définition - nous ne la critiquons pas - dans le projet de loi. Effectivement, elle semblerait pouvoir s'adapter à un centre d'accueil régional, si on y voit la possibilité de définir le centre d'accueil régional comme une de ces écoles qu'on veut. C'est dans ce sens que nous avons mentionné ce point.

M. Ryan: Très bien. Vous ne voulez pas être assimilés à une école, finalement, parce que votre fonction est beaucoup plus large que cela.

M. Pedneault: Non, non. On ne le désire pas du tout.

M. Ryan: Très bien.

M. Pedneault: On ne voudrait pas que la définition qu'en donne le projet de loi soit adaptable ou soit utilisable pour un centre d'accueil.

M. Foucault: La difficulté vient, M. Ryan - c'est là où vous sentez l'ambiguïté, je pense, et non à tort - du fait que ce n'est probablement pas la pensée du législateur, je crois, mais il y a certainement des gens dans le réseau qui ont tendance à l'interpréter comme cela et qui y voient la possibilité de faire des centres d'accueil des écoles. En ce sens, on pense que ce serait au plus grand détriment des enfants. On souhaiterait que le projet de loi soit plus restrictif dans sa formulation.

M. Ryan: Seulement une dernière question. Vous trouvez, d'après ce que je crois comprendre, que la loi ne crée pas d'obligations assez exigeantes pour les commissions scolaires en matière de fourniture de services éducatifs aux enfants dont vous vous préoccupez. À certains endroits, il semble qu'on en dise assez. À d'autres endroits, on verse dans des expressions plutôt du genre facultatif. Elle peut faire ceci ou elle peut faire cela. Vous trouvez que cela devrait aller plus loin que cela, que cela devrait comporter des obligations plus fortes, si je comprends bien.

M. Pedneault: On veut assurer qu'on va dispenser à l'enfant handicapé le même service ou l'équivalent. Il faut dire "doit l'assurer" et non pas "peut l'assurer".

M. Ryan: Est-ce que votre observation va dans le sens que, dans un grand nombre de cas les commissions scolaires n'ont pas toujours cette politique de services à l'enfance en difficulté qui serait nécessaire pour qu'elles s'acquittent de leurs obligations?

M. Pedneault: L'expérience constante des dernières années dans le contexte actuel démontre que c'est laissé à la bonne volonté, à la compréhension, à l'ouverture d'esprit soit des directeurs d'école, soit des commissaires et que, effectivement, les niveaux de compréhension et d'intégration ont été très différents selon les endroits, selon la bonne volonté, selon les efforts considérables qui y ont été mis. Cela a réussi merveilleusement dans certains endroits après quelques années et cela ne réussit pas du tout dans d'autres. Je pense que ce serait le même problème multiplié par un nombre de problèmes encore plus grands, c'est-à-dire par un nombre encore beaucoup plus considérable d'intervenants.

M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Blouin): Merci. Oui, M. Dallaire.

M. Dallaire: Peut-être que cela n'ajoute pas beaucoup, mais il y a un élément que je voudrais mentionner. Nous avons la conviction que les enfants qui nous ont été confiés, qu'ils soient handicapés mentaux, physiques ou sociaux, quelle que soit leur forme de handicap, nous sommes obligés d'assumer une cohérence d'intervention et de développement. C'est un peu l'essence de notre même proposition. Pour assurer cette cohérence par le mandat que nous avons reçu, on voudrait être capable d'encadrer les différents services ou de voir comment sont encadrés les différents services. C'est notre préoccupation constante parce que nous en avons le mandat. Je pense que la statistique que M. Chartrand nous mentionnait tout à l'heure - 12% du temps est à l'école et l'autre partie doit être assumée par le centre d'accueil - est par elle-même significative en termes de participation, voire même de leadership, à l'encadrement de la démarche. C'est cela qui est notre préoccupation constante dans le projet de loi.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. L'éclaircissement que j'aurais aimé avoir portait sur la question des écoles régionales ou nationales. Le député d'Argenteuil a déjà clarifié passablement cette question. Maintenant, je voudrais qu'on me reprécise exactement la nature de vos préoccupations. J'avais compris à la présentation de votre mémoire que vous affirmiez que le projet de loi 40 créerait, dans les cas où il y a des écoles qui sont intégrées en centres d'accueil, une structure qui n'aurait pas de sens, parce qu'il y aurait, si j'ai bien compris, une duplication du conseil d'administration du centre d'accueil par une espèce de conseil d'école ou de comité d'école qui viendrait doubler.

À la suite des questions du député d'Argenteuil, vous avez laissé savoir qu'effectivement la notion d'école régionale ou nationale, peu importe comment on l'appelle, si la réglementation qui s'y attache était précisée, il se pourrait, si j'ai bien compris, que cette notion puisse satisfaire ou, en tout cas, éviter le problème dont vous faites mention. C'était une mise en garde et non une condamnation comme telle?

M. Pedneault: Exactement. C'est tout simplement qu'on ne voudrait pas que, dans l'interprétation qu'on pourra en faire, on puisse dire que le centre de réadaptation correspond à cette définition et qu'en conséquence on vienne le définir comme une école au sens de la loi et qu'on lui impose une double structure qui serait le fouillis administratif le plus complet.

M. Gauthier: À toutes fins utiles...

M. Pedneault: On ne pense pas que ce soit l'intention du projet de loi, mais on ne veut pas que la possibilité d'interprétation demeure. On aimerait que ce soit évité.

M. Gauthier: À toutes fins utiles, si la réglementation précisait un cadre de fonctionnement particulier pour ces écoles sans toucher, sans essayer de transformer vos centres d'accueil en institutions scolaires...

M. Pedneault: C'est une simple précision pour éviter des interprétations abusives.

M. Gauthier: D'accord, c'est une mise en garde que vous faites à la commission.

M. Pedneault: C'est cela.

M. Gauthier: Une dernière question d'information. La grosseur moyenne - je ne sais pas qui peut répondre, peut-être le président de l'association ou le directeur général - des centres d'accueil que vous regroupez - il y en a probablement de très gros et de très petits - c'est quoi?

M. Chartrand: La grosseur moyenne ne signifierait rien. La moyenne ne veut rien dire. Il y en a de petits avec une centaine de clients ou d'enfants. Il y en a de plus gros. En plus, ce n'est pas de même nature. Un petit centre pour petites filles de 6 à 12 ans n'a pas le même poids, le même impact et tout ce que vous voulez qu'un centre sécuritaire. Il y a peut-être des statisques sur la grosseur moyenne.

M. Gauthier: De façon générale, simplement à titre d'information, cela peut aller de 100 places-enfants à 200 ou 300 places-enfants?

M. Pedneault: De 60 lits à 250 lits.

M. Chartrand: II faudrait dire que cela se définit par les lits. De 60 à 250 lits.

M. Gauthier: D'accord. Dites-moi, est-ce que tous ces organismes sont autonomes et se donnent les services dont ils ont besoin à l'intérieur de la boîte, peu importe leur grosseur? Est-ce que c'est bien comme cela que vous fonctionnez?

M. Foucault: Non, manifestement, on ne peut pas faire cela parce que les coûts seraient astronomiques. Il est entendu que, dans la mesure où le centre peut le faire, il va assurer la coordination de services qu'il va, autant que possible, aller chercher dans le milieu naturel de l'enfant. Dans la mesure où sa clientèle l'exige, il va être obligé de dispenser lui-même un certain nombre de services plus spécifiques aux besoins de sa clientèle. La caractéristique de tous ces établissements, c'est d'assurer une coordination des services requis par l'enfant, pour le retourner le plus vite possible dans son milieu habituel.

Dans certains cas - je pense à certains centres - ne serait-ce que parce que le tribunal l'ordonne, on va être obligé de développer beaucoup plus de services parce qu'on n'a pas la possibilité de les laisser sortir; la cour exige qu'ils soient gardés. Dans d'autres cas on mettra la quasi-totalité des services en externat parce qu'il est possible, compte tenu des besoins de l'enfant, de lui assurer les services dont il a besoin sans pour autant prendre charge de son hébergement. Cela varie beaucoup selon les besoins de la clientèle. Ce qui est caractéristique, c'est que l'enfant n'est pas capable de se prévaloir des services du milieu régulier.

M. Gauthier: D'accord. Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Roberval. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les représentants des centres d'accueil pour leur mémoire et surtout pour avoir soulevé plusieurs problèmes qui ne l'avaient pas été par d'autres groupes que nous avons entendus à la commission. Les problèmes que vous avez soulevés illustrent pour moi une faiblesse fondamentale dans le projet de loi et c'est l'impact du morcellement des centres décisionnels, surtout pour les enfants ayant des difficultés. Je ne parle pas uniquement des enfants ayant des difficultés graves comme ceux dont vous parlez, je vois aussi dans le projet de loi un risque pour tout enfant qui a des difficultés et qui a besoin des services spéciaux.

Ma première question touche votre demande et votre recommandation pour une certaine unité de gestion. J'aimerais vous demander s'il est possible d'établir l'unité de gestion que vous recherchez pour certains enfants en gardant en même temps le morcellement de gestion pour l'enfant régulier. Est-ce possible? Autrement dit, est-ce que les recommandations que vous avez faites rendront le projet de loi satisfaisant en ce qui concerne les enfants dont vous vous occupez?

M. Pedneault: Je crois que je ne peux pas donner une réponse autre que celle-ci à votre question, Mme la députée: Les observations que nous avons faites dans le mémoire concernent spécifiquement la clientèle dont les centres de réadaptation sont chargés. Elles concernent cette clientèle plus lourde, plus handicapée que l'ensemble

des enfants qui ont des problèmes comme ceux que vous mentionnez. Il est évident qu'il est simple d'observer que certaines remarques sont très applicables à l'ensemble des enfants qui ont des problèmes scolaires. Le problème de régie, entre guillemets, la suggestion d'une régie qui concevrait et imposerait par la loi des programmes, serait certainement très utile également à l'ensemble de la population qui a des problèmes scolaires de fonctionnement. Cela nous semble évident.

Je pense qu'il serait hors de notre mandat de nous prononcer sur l'ensemble de la question que vous venez de nous poser, à savoir si ce principe que nous appliquons pour l'enfance dont nous avons la charge serait bon pour tous les enfants. Je me sentirais hors du mandat qui nous est confié de me prononcer là-dessus.

Mme Dougherty: J'aimerais savoir si cette unité de gestion que vous recommandez pourrait être établie même si on garde la décentralisation d'autres décisions pour des enfants réguliers. Est-ce que vous considérez qu'il est possible de défrayer une telle duplication de gestion?

M. Foucault: La difficulté vient, madame, de ce que cela ne prévoit pas, au niveau de la structure qui est mise en place, la coordination harmonieuse de ce qu'on va tenter de faire auprès de l'enfant. Cela laisse le soin aux personnes qui sont là de s'entendre sur leur bonne volonté et, dans certains cas, la coordination se fait très bien et la gestion est assurable de façon relativement harmonieuse. Cela demande de l'énergie et, administrativement, cela prend du temps; mais cela peut se faire. (16 h 30)

Le gros problème est que, la journée où, pour une raison ou pour une autre - et cela arrive - le directeur de l'école ou du centre d'accueil change et que les personnalités sont moins facilement mises en relation, la structure est remise en question parce que cela dépend non pas de l'organisation des services, cela dépend des personnes qui sont là. Ce qu'on veut éviter, c'est que la gestion des services aux enfants en difficulté dépende du bon vouloir qu'on veut bien présupposer chez tout le monde, ce qui, malheureusement, n'est pas toujours le cas. Il faut que ce soit lié à l'organisation des services. En ce sens, on a l'impression que quand un mandat est confié à un établissement...

Pourquoi - c'est pareil chez nous comme pour l'ensemble - quand on confie un enfant à l'hôpital, on ne se pose pas de question pour savoir qui va le prendre en charge? On a l'impression que parce que l'enfant a une difficulté qui n'est pas visible, parce qu'on ne peut pas la toucher, parce que ce n'est pas une jambe cassée, il n'y a pas de problème et on n'a pas besoin des mêmes mécanismes pour lui venir en aide. C'est un peu une illusion. Un enfant qui est en difficulté grave parce que ses parents viennent de se battre et qu'ils se sont séparés, il a besoin d'être pris en charge par quelqu'un qui connaît cela, qui est en mesure de l'aider et qui sera en mesure d'évaluer quand il pourra reprendre le rythme régulier, au même titre qu'un enfant malade, alors que le médecin va évaluer quand il pourra reprendre le rythme régulier. Je ne vois pas pourquoi cela ne s'appliquerait pas de la même manière. En ce sens, on dit que, quand l'enfant est pris en charge au niveau d'un service, il doit l'être par celui qui a la responsabilité de lui assurer le service prioritaire qui doit lui être donné. C'est tout.

Mme Dougherty: Oui, je comprends. Une autre question, l'impact du projet de loi sur une foule d'autres enfants qui ont des difficultés moindres. Est-ce que vous auriez des commentaires sur la gestion des services pour tous ces enfants? C'est un sujet qui n'a pas été soulevé par d'autres groupes et, comme je suis impliquée depuis longtemps dans les problèmes d'enfants en difficulté d'apprentissage, je me demande sérieusement si le projet de loi est une réponse adéquate aux besoins de ces enfants. Par exemple, je me demande si les services spéciaux, les services psychologiques, les services sociaux des enseignants spécialisés qui enseignent aux enfants en difficulté d'apprentissage, si tous ces services ne sont pas menacés, dans une certaine mesure, par cette décentralisation des décisions.

Avez-vous des commentaires là-dessus? Les principes que vous avez énoncés, il me semble, ne s'appliquent pas, d'une façon assez aiguë, peut-être, mais le même genre d'impact pourrait être le résultat de l'implantation du projet de loi.

M. Chartrand: Madame, ce n'est pas dans notre mandat de nous prononcer sur les enfants qui ne nous sont pas confiés. On apprend, même quand on n'est pas dans la politique, à ne pas se mettre les pieds dans les plates-bandes des autres. Je pense quand même que oui c'est vrai, c'est vrai que les services qu'on appelait avant "de l'enfance exceptionnelle", et toutes ces affaires d'école, seront menacés d'une certaine façon par, d'une part, la centralisation et, d'autre part, la décentralisation des administrations scolaires.

Vous comprendrez très bien que, si vous avez un pouvoir décisionnel au niveau de chaque école, il y a des écoles qui, pendant dix ans, n'auront absolument pas besoin de ces services. Ils vont s'organiser comme cela. Tout à coup, des problèmes surviendront dans

cette école; alors personne n'aura l'expertise, ni même la volonté d'organiser cela. D'une certaine façon, oui, je pense que la majorité toujours - parce qu'on vit dans une majorité où les gens s'occupent d'abord d'eux, c'est connu, voudra toujours qu'on consente la majorité des efforts, des effectifs et des ressources, y compris même des locaux, d'une certaine façon, à la majorité. Les autres prendront le reste, surtout s'ils sont peu nombreux. De plus, il va falloir regrouper de nouveau des services par des ententes entre écoles au niveau d'une commission scolaire. Si cette commission scolaire est relativement dense, il y aura peut-être moyen d'avoir des services au niveau de cette région, mais ailleurs, oui, les services sont menacés s'il n'y a pas quelque chose quelque part dans la gestion scolaire, dans la programmation scolaire, même dans la volonté du ministère, de dire que c'est autre chose que de dire: Vous devez recevoir tous les enfants qui vous sont confiés. C'est autre chose de dire: On va s'en occuper.

Mme Dougherty: Une dernière question. À votre avis, est-ce que le projet risque de renverser le projet que nous avons fait dans nos écoles afin d'intégrer des enfants avec difficulté d'apprentissage? Autrement dit, est-ce que le projet risque de marginaliser de plus en plus les enfants en difficulté à cause de toute la force des choses établies par le projet de loi?

M. Foucault: Pour ce qui est de nos enfants, ceux avec lesquels nous travaillons dans les centres de réadaptation, on croit pouvoir affirmer sans trop de difficulté que oui, ça va handicaper sérieusement les possibilités de réintégration...

Mme Dougherty: Selon vous, il y aura une tendance de rejeter ces enfants?

M. Foucault: Oui. Comme le projet est formulé actuellement, il devrait être certainement complété et articulé de façon beaucoup plus stricte, si on veut s'assurer que ces enfants-là vont recevoir adéquatement les services dont ils ont besoin. Pour ce qui est des autres, est-ce que ça va avoir pour effet d'augmenter le nombre d'enfants en difficulté, parce qu'on va avoir tendance à s'en occuper moins? C'est préjuger de la façon dont ça va être... C'est sûr que les intentions qui sont énoncées dans le projet sont bonnes et on le dit, on est d'accord avec l'intention énoncée. On souhaiterait que l'articulation des moyens mis en place soit plus ferme de telle sorte qu'on puisse garantir que les services vont être offerts.

Ce qui nous apparaît évident, c'est que cette articulation des services doit se faire avec les compétences actuellement disponibles au niveau social pour être en mesure d'offrir aux enfants dans l'école, au plus tôt, les meilleurs services, pour éviter qu'on amène ces enfants-là à quitter le réseau régulier. Cela suppose l'encadrement de l'activité de certains professeurs qui ont des difficultés avec tel type d'enfants; cela suppose le support qu'on va être amené à leur accorder, parce qu'ils sont habitués de travailler au tableau et voilà qu'il y a un enfant sourd dans leur classe, alors il faut qu'ils parlent continuellement face à l'enfant pour que celui-ci voit le mouvement des lèvres. Les professeurs ont besoin d'être aidés pour supporter l'enfant pendant une année et ne pas le rejeter.

Ce genre de travail peut être fait tantôt par des gens de l'école, tantôt pour des professionnels du social. C'est toute la réciproque du MAS et du MEQ que les centres d'accueil disent: II est temps qu'on la mette en place, qu'on fasse en sorte que l'école puisse bénéficier de l'ensemble des services qui sont déjà disponibles par ailleurs pour les plus perturbés du réseau. Mais globalement, pour nos enfants, oui, on pense que cela créerait des difficultés importantes. On craint que ce soit la même chose pour les autres même si...

Mme Dougherty: Merci.

M. Pedneault: Pour compléter notre expertise, si vous permettez, le mandat de notre association ne nous permet pas de nous prononcer sur la valeur positive ou négative de la participation générale prônée dans le projet de loi. On pense que cette participation n'est pas réaliste pour la qualité des bénéficiaires dont nous avons la charge. Si on se prononçait sur le reste de la valeur de cette participation et sur ses effets pour les autres clientèles, on dépasserait notre mandat. Autrement dit, on ne parlerait qu'à titre personnel finalement.

Le Président (M. Payne): Merci, M. Pedneault. J'invite le député de Chauveau à prendre la parole.

M. Brouillet: Vu les quelques minutes qui restent, je vais essayer de faire cela brièvement. J'aimerais bien cerner la nature du problème que vous exposez là où il se situe vraiment. Vous venez de répondre à la question que vous croyez que le projet de loi risque d'apporter moins de services à vos enfants des centres d'accueil que par rapport à la situation actuelle. Est-ce que vous comparez par rapport à la situation actuelle le système actuel, au est-ce par rapport...

M. Pedneault: On compare avec un système actuel, bien sûr, jusqu'à un certain point, à partir de l'expérience actuelle. On connaît la difficulté de compter sur la bonne

volonté d'un certain nombre d'intervenants qui sont déjà spécialisés.

M. Brouillet: Le projet de loi, d'après vous, permettrait de faire obstacle davantage aux services qu'on veut rendre, par le fait de la participation.

M. Foucault: Ce qu'on est plus disposé à dire, je pense, c'est que, quant à faire une réforme de cette importance, on souhaiterait que le projet de loi ne laisse pas loisible comme il l'a fait, mais consacre l'obligation de rendre les services. Quant à y être, si on veut pour faire la réforme, faisons-là donc comme il faut, non seulement au niveau des services d'enseignement, mais aussi au niveau des services éducatifs.

M. Brouillet: Je pense que c'est une précision importante. Le projet de loi ne vient pas empirer une situation, mais vous jugez qu'elle n'améliore pas suffisamment la situation.

M. Foucault: Oui.

M. Brouillet: Ah bon! Là, je pense que c'est assez important de saisir cela.

M. Foucault: Par ailleurs, ne l'améliorant pas, on dit bien que c'est un risque pour nos enfants d'avoir des situations plus lourdes sur les bras. On ne se prononce pas sur les autres.

M. Brouillet: Finalement, votre crainte est que le projet de loi laisse à différents paliers la décision d'offrir certains services, de déterminer la nature des services qu'on va offrir dans le milieu au niveau de l'école, au niveau des parents et au niveau des commissaires. Vous craignez que, plus on ira je dirais vers la base de services directs, plus les décisions écarteront cette clientèle qui n'est peut-être pas la bienvenue.

M. Chartrand: Pas nécessairement, M. le député. Le problème est entre autres le suivant. C'est que si vous mettez le pouvoir de décision dans les écoles, vous multipliez quand même les intervenants. Si, par exemple, dans un centre, vous avez des enfants de trois commissions scolaires, vous travaillez avec ces trois commissions scolaires, mais si, dans ces commissions scolaires, vous avez toujours les mêmes enfants, mais répartis dans les mêmes territoires des commissions scolaires, redéfinies comme vous voulez, traitant du primaire et du secondaire, les pouvoirs de décision seront dans les 23 écoles sur ces mêmes territoires et là, vous allez devoir régler un certain nombre de choses avec les 23 conseils scolaires.

M. Brouillet: Mais je ne crois pas que le projet de loi laisse aux écoles de décider des services aux enfants en difficulté d'apprentissage. Le projet de loi laisse cela à la commission scolaire. Les ententes devront continuer à se négocier entre les commissions scolaires et les centres d'accueil quant aux services à offrir à votre clientèle, enfin, aux enfants dont vous avez la responsabilité.

M. Chartrand: Vous avez dit vous-même: Je ne crois pas. On voudrait que cela soit clair.

M. Brouillet: Enfin, d'après moi, c'est clair, mais je respecte toujours l'interprétation des autres. Je remets en doute mon interprétation en disant: Je veux retourner voir. C'est beaucoup plus cela. D'après moi, à la première lecture, c'était très clair, mais quand des gens comme vous viennent dire qu'on n'a pas compris cela comme cela, vous pourrez admettre que c'est un doute qui surgit en moi à ce moment-là.

M. Chartrand: Non, mais, pensez, par exemple...

M. Brouillet: Je voudrais poursuivre un peu. Je comprends votre idée. Donc, pour moi, c'est la commission scolaire qui va déterminer et l'école ne sera pas libre de dire: Non, non, on refuse ce genre de service. La commission scolaire, c'est elle qui va inscrire et distribuer les enfants entre les écoles. Si elle a négocié une entente avec vous et s'il y a dix, quinze ou vingt enfants qui ont besoin de services, à ce moment-là, la commission scolaire devra les répartir dans les écoles et les écoles ne pourront pas dire: Non, on ne les accepte pas. De plus, je pense que vous poussez plus loin. Vous vous méfiez même des commissions scolaires. Cela, je l'ai entendu tantôt.

M. Chartrand: De certaines commissions scolaires.

M. Brouillet: De certaines, étant donné qu'il y en a certaines, vous voudriez que la loi impose même aux commissions scolaires d'offrir des services.

M. Chartrand: On impose ces services.

M. Brouillet: D'où l'idée de la régie. Si on poursuit votre raisonnement, c'est cela finalement. Vous vous méfiez même des commissions scolaires. C'est peut-être moins dangereux que de laisser cela aux écoles, étant donné que c'est sur une base plus régionale, mais il reste encore un danger. Vous voudriez que le projet de loi crée une régie laquelle imposerait un ensemble de services et de programmes qu'elle serait obligée de dispenser dans son territoire par

le biais des écoles.

Le Président (M. Payne): M. Chartrand. (16 h 45)

M. Foucault: M. Brouillet, le ministère de l'Éducation le fait déjà pour les programmes de français, les programmes de mathématiques. Pourquoi est-ce qu'on ne le ferait pas aussi pour les programmes éducatifs spéciaux pour les enfants en difficulté?

M. Brouillet: À ce moment, ce n'est peut-être pas nécessaire de créer une régie. Il faudrait que le ministère se donne cette mission ou ce mandat.

M. Foucault: Le mot régie, on ne veut...

M. Chartrand: Encore une fois, on n'est pas accroché au mot régie. J'ai juste souligné un problème en ce qui concerne le mot régie. Si c'était une régie, il y aurait une entité administrative qui pourrait s'occuper des enfants à 100% du temps et non à 12% du temps. À ce moment, on pourrait scinder le personnel et dire - je donne un exemple d'une difficulté - le "bumping" que vous connaissez - je n'invente pas le mot - il ne faudrait pas tout de même que pour rendre ces services ce soit le gars qui enseignait les mathématiques et qui fait du temps supplémentaire ou bien quelqu'un qui finisse par aboutir dans cela. Il faut qu'il y ait un certain nombre de règles administratives pour que l'objectif soit atteint. Je comprends que c'est difficile, nous comprenons tout le monde que c'est difficile. C'est pour cela que nous hésitons à nous en tenir au mot régie.

Le Président (M. Payne): M. Foucault, vous avez un complément de réponse?

M. Foucault: S'il vous plaît! Vous parliez tantôt du rôle de l'école pour dispenser des services. L'article 96, si je ne me trompe pas, dit que l'école et que les fonctions de l'école sont assumées par le conseil d'école; c'est prévu aussi dans le projet de loi. L'école répartit le temps requis pour les services de l'enseignement et les autres services éducatifs en s'assurant de l'atteinte des objectifs obligatoires et de l'acquisition des contenus obligatoires prévus dans les programmes d'études officiels. Ce sont les services de l'enseignement, c'est prévu par le MEQ et c'est très bien que ce soit comme cela, mais les programmes éducatifs ne sont pas prévus comme étant obligatoires. On peut, on peut, on peut... Cela nous achale un peu. Si vous poursuivez: Après consultation de l'élève, de ses parents et du personnel, l'école peut intégrer un enfant dans ces classes régulières. On est au niveau du "peut" encore. C'est ce genre de... On ne dit pas que le projet de loi rejette l'enfant, ce n'est pas cela qu'il fait du tout. Il affirme au contraire qu'il veut s'en occuper, mais on souhaiterait qu'il le fasse avec des moyens plus clairs, moins ambigus dans ce sens.

M. Brouillet: Très bien, cela précise.

Le Président (M. Payne): Merci, M. Foucault. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants du côté de l'Opposition? J'avais la députée de L'Acadie, qui n'est pas ici.

M. Ryan: Malheureusement, Mme Lavoie-Roux m'a prié de l'excuser parce qu'elle devait se rendre à une rencontre très pressée. Elle pensait pouvoir revenir à temps, mais elle n'est pas rentrée. Elle va revenir d'une minute à l'autre, mais elle m'a dit de ne pas retarder le travail de la commission à cause de cela. Elle aurait voulu que je la remplace pour ses questions, mais je n'ose pas vous le demander.

Le Président (M. Payne): Sur cela, s'il n'y a pas d'autres intervenants, j'aimerais remercier l'Association des centres d'accueil du Québec au nom de la commission. Merci beaucoup.

M. Pedneault: Je remercie également la commission de nous avoir écoutés et de son intérêt.

Le Président (M. Blouin): Alors, j'invite maintenant - s'il vous plaît, mesdames et messieurs! - les représentants, du Comité de la protection de la jeunesse, à bien vouloir s'approcher de la table des invités. Je signale qu'à la suite d'une demande qui nous a été adressée par le Comité de la protection de la jeunesse et qui a été accueillie par les deux formations politiques nous accepterons que puissent intervenir brièvement les membres de l'Association des centres de services sociaux du Québec afin de soulever quelques brèves questions spécifiques au cours de cette intervention. Puisque les représentants du Comité de la protection de la jeunesse ont pu maintenant prendre place à la table des invités, je les invite donc d'abord à s'identifier et ensuite à nous livrer en une vingtaine de minutes le contenu du mémoire du Comité de la protection de la jeunesse. Ensuite, nous écouterons les quelques remarques que nous livreront les représentants de l'Association des centres de services sociaux du Québec.

Comité de la protection de la jeunesse et Association des CSSQ

M. Tellier (Jacques): M. le Président,

madame, messieurs, si vous me permettez, je vais d'abord présenter l'organisme et, à l'intérieur de la présentation de l'organisme, je vous présenterai les personnes qui sont ici présentes à cette table.

Le Comité de la protection de la jeunesse est un organisme public qui a été créé en 1974 par la loi concernant la protection des enfants soumis à des mauvais traitements physiques. Son mandat a été considérablement élargi en 1977 par la Loi sur la protection de la jeunesse, l'actuelle loi 24.

Le comité est composé de deux catégories de personnes, des membres qui jouent le rôle des commissaires dans les commissions et des employés permanents. Vous avez à la table ici, cet après-midi, des représentants des deux catégories de personnes.

Je vous présente d'abord, à ma gauche, M. Alcide Huard qui est de Causapscal, directeur des programmes au CLSC de La Vallée. Je pense qu'il est pertinent que j'ajoute ces choses-ci. Il a été enseignant pendant cinq ans, dont trois ans au secondaire et il est actuellement coordonnateur de la table de concertation d'aide à la jeunesse en difficulté à Matapédia.

À ma droite, Mme Lise Pineault, qui est aussi membre du comité - ce sont les deux commissaires présents ici - qui est de Chicoutimi. Elle est professeure à la commission scolaire de Chicoutimi depuis huit ans; elle a enseigné à tous les niveaux du secondaire et, au primaire, en déficience légère et en réadaptation.

À mon extrême droite, M. Yvon Pinard qui est permanent au comité et qui est directeur des bureaux de l'Est du Québec. Le comité compte onze bureaux et M. Pinard est le directeur des bureaux de l'Est du Québec. M. Pinard a été enseignant à la commission scolaire de Québec durant quatorze ans, il a été directeur d'une école d'enfance inadaptée durant six ans et il a été directeur d'un centre d'accueil.

Immédiatement à ma droite, Me Jean-François Boulais, qui est conseiller juridique au comité.

Je précise - vous le savez probablement déjà - que le mandat du comité concerne d'une manière particulière et immédiate -j'allais dire presque exclusive - les enfants et les adolescents en difficulté, c'est-à-dire ceux qu'on appelle les enfants en besoin de protection, les enfants abandonnés, les enfants maltraités, les enfants exploités et ceux qui ont commis des délits.

Le rôle du comité est d'assurer une vigilance - on a dit du comité que c'était une sorte d'ombudsman pour ces catégories d'enfants et d'adolescents - en ce qui concerne l'accessibilité de ces enfants à des services et en ce qui concerne aussi le respect de leurs droits, les droits qui leur sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse.

En plus, le comité a des responsabilités en ce qui concerne la prévention. Il a aussi la responsabilité de poursuivre des études en tout ce qui concerne les problèmes de la jeunesse et de faire des recommandations au ministre des Affaires sociales et au ministre de la Justice, dit l'actuelle Loi sur la protection de la jeunesse. Dans les amendements qui ont été déposés il n'y a pas longtemps, on ajoute qu'il a aussi la responsabilité de faire des recommandations au ministre de l'Éducation.

Je vais essayer de vous résumer le mémoire que nous vous présentons d'une manière rapide. Je vous dis tout de suite que ce n'est pas une remise en question du projet de loi. Nous avons dégagé certains éléments qu'il nous apparaissait particulièrement pertinent de considérer. La présentation de ce mémoire est surtout l'occasion de vous soumettre un certain nombre de préoccupations que nous portons.

Le mémoire comporte deux parties de longueur fort différente, comme vous avez pu le constater, une partie qui concerne des problèmes d'ordre général et la deuxième partie qui touche à certains problèmes particuliers dont l'un vient d'être traité avec beaucoup plus de développement par l'Association des centres d'accueil du Québec.

Dans la première partie, je souligne d'abord comme point de départ de nos considérations qu'à la lumière de notre expérience de travail auprès des enfants et des adolescents en difficulté nous avons la prétention de croire que nous avons porté un certain regard sur les besoins de l'ensemble des enfants. Surtout quand on les considère non plus seulement comme des consommateurs de cours mais comme des personnes.

Le premier point de la première partie touche les services d'enseignement au secondaire. L'article 91 du projet de loi définit bien ou dit bien - je pense que c'est formel - la mission principale de l'école, qui est l'éducation de ses élèves. Nous nous sommes posé la question: Est-ce que les différentes politiques de services, qu'on retrouve ensuite dans d'autres dispositions de la loi, traduisent bien cette mission de l'école qui est définie à l'article 91?

En ce qui concerne le préscolaire et le primaire, il nous semble qu'il n'y a pas de problème. En ce qui concerne le secondaire, qui est l'étape importante où l'adolescent devient particulièrement conscient de son identité et fait des choix personnels et sociaux, il nous semble qu'il y aurait des précisions à apporter en ce qui concerne le secondaire, relativement aux services d'enseignement. Il nous semble, à la page 4 de notre mémoire, que le projet de loi devrait

affirmer d'une manière plus explicite un principe qui permettrait ensuite de servir de soutien à un certain nombre d'activités pédagogiques qui favoriseraient non seulement l'acquisition de connaissances mais aussi de développement d'attitudes. Cela nous paraît important que ce soit souligné.

En somme, l'éducation - c'est la mission de l'école - est autre chose et davantage que l'acquisition de connaissances. C'est aussi le développement d'attitudes, le développement du sens de la responsabilité, de la conscience sociale, etc. Il nous paraît qu'au niveau secondaire, à l'âge de l'adolescence, il est important qu'il y ait une affirmation au niveau même des principes. C'est l'article 3 de la loi, paragraphe 2. Il nous paraît qu'il y aurait avantage que ce principe soit bien affirmé de telle façon qu'il puisse servir de support à un certain nombre d'activités pédagogiques à l'école qui seraient orientées dans ce sens. Notre expérience de tous les jours nous fait prendre conscience que, s'il n'y a pas, de ce point de vue, à l'école un programme sérieux favorisant le développement d'attitudes, on peut reproduire indéfiniment de génération en génération des situations personnelles et familiales marquées par la violence.

Notre première recommandation, à la suitede ces considérations, se trouve à la page 5. Qu'on modifie l'article 3, paragraphe 2, du projet de loi et qu'on l'explicite de la façon suivante: "Les services d'enseignement comprennent l'ensemble des cours obligatoires et des cours à option qui ont pour but, au secondaire, de poursuivre le développement harmonieux des ressources de la personnalité de l'élève et de faciliter son orientation personnelle et sociale en vue de le préparer à poursuivre ses études ou à entrer sur le marché du travail" - ce qui est déjà explicité - mais en plus nous croyons qu'il y aurait lieu d'affirmer comme principe "en vue également de le rendre apte à assumer de façon créatrice ses responsabilités sociales actuelles et futures". En somme, ce serait le point de départ d'une vision de l'enseignement au secondaire qui n'est pas seulement une acquisition de connaissances mais qui pourrait favoriser aussi le développement d'attitudes. (17 heures)

Le deuxième point de ces considérations générales, qui sont la première partie de notre mémoire, se retrouve à la page 6. Nous nous sommes arrêtés à considérer les services éducatifs complémentaires qui sont prévus à l'article 4 de la loi, notamment ces énoncés de politique qui ont trait à la solution des difficultés que doit surmonter l'élève et au fait qu'on doit assurer sa sécurité morale et physique. Ce qui implique une contribution de personnes qui viennent d'établissements qui relèvent du réseau des services de santé et des services sociaux.

Nous n'avons pas l'intention de revenir sur la nécessité d'une coordination entre les services éducatifs et ses services complémentaires. Nous voulons nous arrêter à souligner l'importance de la complémentarité - et les mécanismes pour y arriver - entre l'école et le DPJ, le directeur de la protection de la jeunesse, qui est le personnage central de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Il est clair - je pense que tout le monde est d'accord - que les problèmes que vivent les jeunes qui sont sous la Loi sur la protection de la jeunesse - les autres aussi -dans leur famille apportent des répercussions à l'école qui est leur milieu d'appartenance tout de suite après la famille. D'où la nécessité de coordonner les services éducatifs et les services sociaux. Nous vous référons -nous vous rappelons des choses que vous connaissez - à un avis du Conseil supérieur de l'éducation en mai 1982 qui soulignait l'étroite collaboration qui doit exister entre les milieux scolaires et le DPJ - le directeur de la protection de la jeunesse - qui déplorait un certain nombre de failles actuelles et qui faisait état de la complexité de la situation. Il se reportait - pour qu'on trouve les mécanismes pertinents à cette collaboration - à la commission parlementaire spéciale sur la protection de la jeunesse. Cette commission parlementaire, en novembre 1982, dans son rapport, fait état des mêmes enjeux, soit la nécessité de la collaboration.

D'une manière particulière, nous nous arrêtons à un problème particulier qui est le problème de l'absentéisme scolaire. Sur cette question, la commission parlementaire spéciale recommande - vous avez la recommandation ici à la page 7 - que le ministère de l'Éducation, dans le cadre de la réforme scolaire, prenne les moyens nécessaires pour que les jeunes qui ne fréquentent pas l'école, en sont suspendus et expulsés, continuent à recevoir des services appropriés et qu'à cette fin, la non-fréquentation scolaire ne puisse servir de motifs de compromission à la sécurité ou au développement d'un jeune.

On ne précisait pas les mécanismes de collaboration. La commission se limitait à faire confiance à l'école. Le projet de loi 40, que nous examinons aujourd'hui, contient deux articles là-dessus. Les articles 199 et 211 auxquels nous nous sommes arrêtés. L'article 199 nous dit que la commission scolaire doit s'assurer que la population de son territoire reçoit les services éducatifs auxquels elle a droit dans les écoles situées sur son territoire. L'article 211 dit que la commission scolaire peut inscrire un élève dans une autre école que celle où il est déjà inscrit, l'expulser de toutes les écoles de son territoire et le confier au directeur de la protection de la jeunesse. Donc, problème de

collaboration entre le scolaire et le DPJ en ce qui concerne cet exemple que nous vous soumettons: la non-fréquentation scolaire.

Deux questions se posent à partir des deux articles du projet de loi tels que formulés. Premièrement, on dit: La commission scolaire peut confier au directeur de la protection de la jeunesse l'enfant qui ne fréquente pas l'école, qui en a été expulsé, etc. Nous soulignons que le terme "confier" peut être ambigu. Est-ce qu'il s'agit de le confier pour que le directeur le prenne en charge et que l'enfant tombe automatiquement sous la Loi sur la protection de la jeunesse ou s'il ne s'agit pas plutôt de le signaler au directeur de la protection de la jeunesse qui verra quelles mesures doivent être prises? C'est une question de détail.

Question plus importante. Le directeur de la protection de la jeunesse, en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, doit voir à ce que cet enfant reçoive des services d'éducation. S'il a été expulsé de toutes les écoles du territoire d'une commission scolaire, nous nous demandons comment le directeur de la protection de la jeunesse va pouvoir lui assurer les services auxquels il a droit dans le domaine de l'éducation. Je vous laisse la question.

Nous avons tenté une petite analyse de la situation et vous l'avez à la page 9. Quand on considère l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, le rapport de la commission parlementaire spéciale sur la protection de la jeunesse et le projet de loi, nous en arrivons à ceci: il y a un consensus, c'est évident, sur la nécessité d'une complémentarité efficace entre les services de l'éducation et les services de protection; il y a une divergence de fond quant à l'opportunité ou non d'un recours au DPJ - il y a le terme "confier" il s'agirait peut-être de voir de quoi il s'agit - les mécanismes pour assurer cette complémentarité que tout le monde désire sont laissés à l'initiative de chacun. On se demande alors qui va ramasser la balle.

Nous nous demandons s'il n'y aurait pas lieu de faire un pas de plus et d'examiner deux avenues de solution qui sont possibles nous semble-t-il, pour le législateur: une première, qui n'est peut-être pas la plus complète, mais qui est très simple, concerne le comité consultatif pour les élèves en difficulté, ce comité consultatif dont il est question aux articles 185 et 186. Nous recommandons qu'on examine cette avenue de solution; il s'agirait de revoir la composition de ce comité consultatif des services aux élèves en difficulté pour y adjoindre comme membre d'office le directeur de la protection de la jeunesse. On modifie donc l'article 185 en ajoutant comme membre d'office de ce comité consultatif des services aux élèves en difficulté le directeur de la protection de la jeunesse. En second lieu, c'est qu'on modifie l'article 186 en y ajoutant deux paragraphes qui donneraient à ce comité des fonctions qui seraient pertinentes en ce qui concerne ces difficultés particulières, notamment l'absentéisme scolaire. Vous avez, à la page 11 de notre mémoire, les deux paragraphes que, dans cette hypothèse, nous nous proposerions d'ajouter. Ce comité consultatif aurait pour fonctions, en plus de celles déjà indiquées dans le projet de loi, de donner son avis à la commission scolaire dans les cas d'absences répétées ou d'expulsion d'élèves; d'élaborer des normes d'organisation assurant la complémentarité entre les services éducatifs et les services sociaux et de santé rendus en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse. C'est une première avenue.

La deuxième avenue, qui est beaucoup plus difficile, mais qui nous apparaît peut-être plus exhaustive, c'est de réviser en profondeur la portée légale du concept du projet éducatif. Dans le livre blanc, le projet éducatif a une place centrale; quand on regarde le projet de loi, on est étonné par son allure un peu floue. Je vous réfère à l'article 91: "Les parents, le personnel et les élèves peuvent, de concert... de temps à autre..." Cela nous apparaît un peu flou. C'est peut-être une volonté délibérée pour ne rien alourdir; c'est possible. En fait, cela marque la volonté qu'on a de responsabiliser le milieu à l'égard de ces questions. Je vous souligne que nous croyons qu'il y aurait avantage à ce qu'il y ait des paramètres qui soient indiqués en ce qui concerne le projet éducatif. Je vous réfère donc au texte que nous avons à la page 13.

Nous y disons: Par rapport à la problématique qui nous occupe, il nous semble qu'il y a là une déficience grave à ne pas avoir de paramètres plus précis pour l'établissement d'un programme éducatif. Si, en effet, on peut s'attendre que la majorité fasse pression pour que soient définies très tôt des activités d'éveil à la dimension religieuse et des activités d'éveil à la dimension morale, il n'en va pas de même à l'égard des questions associées à la protection de la jeunesse, surtout si elles ont trait au comportement difficile et tapageur d'enfants et d'adolescents soumis à des conditions familiales particulièrement inadéquates. Face à ces comportements difficiles qui recoupent en partie ce que la Loi sur la protection de la jeunesse appelle des troubles de comportement sérieux, le réseau scolaire a plutôt tendance à transférer les problèmes à d'autres instances. En l'absence de dispositions législatives précises, il faut donc plutôt s'attendre que le projet éducatif de l'école ne cherche même pas à répondre adéquatement aux phénomènes collectifs ainsi qu'aux conduites individuelles associées à la violence sur les personnes et

les biens, à la prostitution, à la drogue et à la consommation d'alcool, etc. En somme, c'est un phénomène que vous connaissez. À peu près toute société, je pense, a tendance à rejeter les minorités marginales et surtout celles qui sont dérangeantes. Il nous semble alors que c'est probablement de la responsabilité d'un gouvernement de rappeler certaines choses et la loi peut jouer dans ce domaine un certain rôle de rappel de certaines valeurs.

En conséquence, nous recommandons -et c'est une recommandation qui n'est pas à la page 14 - d'ajouter, avant celle qui est dans notre mémoire à la page 14, une recommandation qui se lirait comme ceci: Que, dans le cadre de son projet éducatif, l'école doive prendre - on oblige l'école -annuellement des mesures éducatives qui tiennent compte prioritairement de l'aide à offrir aux jeunes en difficulté et ce, en concertation avec les ressources sociosanitaires et sociocommunautaires de son territoire. Évidemment, il faudrait, dans cette hypothèse, revoir l'article 91, les articles 66, 69 et 72, comme nous l'avons indiqué à la page 14.

Le Président (M. Blouin): M. Tellier...

M. Tellier: Oui.

Le Président (M. Blouin): ...d'abord, j'observe que vous avez une deuxième partie qui est relativement brève, mais que je vous demanderais de la résumer en quelques phrases, puisque nous devons entendre aussi, pendant quelques minutes, les responsables de l'Association des centres de services sociaux. Pour que les membres de la commission puissent être davantage au fait de ce que vous voulez dire, pourriez-vous répéter la recommandation que vous venez de formuler, s'il vous plaît?

M. Tellier: Oui, je répète la recommandation et je terminerai la deuxième partie en deux mots. La recommandation devrait être située à la page 14 parce que c'est une conclusion de la page 13. La recommandation est celle-ci: Que, dans le cadre de son projet éducatif, l'école doive prendre annuellement des "mesures éducatives" - entre guillemets, si vous voulez, quitte à l'expliciter - qui tiennent compte prioritairement de l'aide à offrir aux jeunes en difficulté et ce, en concertation avec les ressources sociosanitaires et sociocommunautaires de son territoire. C'est une indication pour compléter, c'est un des éléments du projet éducatif.

Je vous laisse lire ce qui concerne les centres d'accueil; il en a été question longuement. Je voudrais juste dire un mot pour terminer en ce qui concerne les punitions corporelles à l'école. C'est une question qui a été posée, nous avons été consultés à certains moments là-dessus. Je précise tout de suite qu'il s'agit de l'usage de la force physique, non pas pour contraindre un enfant qui est dans une situation incontrôlable, etc., mais de l'usage de la force physique comme mesure punitive. La question nous a été posée, on a été consulté là-dessus.

Nous croyons que cela devrait être régi par une loi et non seulement par une réglementation ou une directive. Nous ne croyons pas que l'article 93 soit suffisamment explicite là-dessus. Nous recommandons - et nous avons l'impression d'obtenir l'assentiment de l'ensemble de la population - que l'usage des punitions corporelles soit exclu, malgré, bien sûr, ce que dit le droit pénal et notre droit civil sur le droit de correction modérée, etc., de tous ceux qui ont l'autorité parentale. Je termine ici.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Tellier. M. Métivier.

M. Métivier (Jean): M. le Président, Mme et MM. les députés, je vais tout d'abord nous présenter rapidement. Je représente l'Association des centres de services sociaux du Québec à l'intérieur desquels sont situés les directeurs de la protection de la jeunesse. J'ai avec moi M. Maurice Boisvert, psycho-éducateur de formation, qui est directeur de la protection de la jeunesse du centre de services sociaux du centre du Québec. À ma droite, M. Alfred Couture, travailleur social professionnel et directeur de la protection de la jeunesse du centre de services sociaux de Québec. Mon nom est Jean Métivier, je suis coordonnateur de la protection de la jeunesse à l'Association des centres de services sociaux et je suis psychologue de formation. (17 h 15)

Notre intention, aujourd'hui, n'est pas de présenter l'ensemble du mémoire de l'Association des centres de services sociaux qui invite le législateur à une certaine prudence dans cette réforme, afin de ne pas évacuer les acquis de la dernière décennie pour les jeunes les plus démunis et pour ne pas accentuer certaines inégalités. Nous désirons surtout vous présenter et discuter avec vous quelques recommandations concernant avant tout les jeunes en difficulté. Ce qui nous légitime à l'intérieur de cette intervention, c'est que, brièvement, les directeurs de la protection de la jeunesse, par leur mandat, ont à prendre en charge tous les cas où le système familial et où le système scolaire ne suffisent plus à assumer la sécurité ou le développement de certains jeunes ou leur contrôle à l'intérieur de leurs "agirs" délictueux. Donc, à travers quelques dizaines de milliers de cas par

année, il nous est possible d'évaluer et d'identifier surtout des indices importants de quelques-unes des défaillances de notre système social.

Je vous réfère immédiatement à la troisième partie de notre mémoire, qui est à la page 12, où on veut vous entretenir de deux clientèles en difficulté, c'est-à-dire la clientèle des jeunes qui ne fréquentent pas l'école ou qui s'en absentent fréquemment et la clientèle des jeunes qu'on a à expulser et qui sont fréquemment, dans le contexte de la Loi sur la protection de la jeunesse, des jeunes présentant des troubles graves du comportement.

Concernant la fréquentation scolaire, dans un premier temps, les articles 22 et 23 du projet de loi 40 traitent de la fréquentation scolaire. Essentiellement, à ce chapitre, le projet de loi n'apporte rien de nouveau. Le seul changement qu'il apporte est qu'il élimine le contrôleur des présences, ce qui, à notre avis, accentue le vide que crée l'essentiel du problème en regard de la maîtrise de l'absentéisme.

Le projet de loi inscrit le processus de maîtrise de l'absentéisme à travers une approche principalement légaliste. Il nous apparaît que la prise en charge de cette problématique se trouve trop enfermée dans l'enchaînement faute-sanction autant pour l'enfant que pour les parents. Pour l'enfant qui fuit l'école, son comportement est généralement un signe de son incapacité à y trouver son compte. L'absentéisme est le symptôme d'un problème qui trouve son origine dans d'autres éléments de la vie de l'enfant. C'est par ce biais qu'il faut aborder ce problème. Ce n'est pas une approche légaliste qui convient à la situation, mais une approche d'aide globale impliquant l'élève, les parents et l'école.

L'enfant, surtout au niveau secondaire, s'absente de façon plus ou moins régulière, de façon de plus en plus fréquente jusqu'à ce que le problème éclate dans une ampleur jusque là insoupçonnée. L'école doit se doter d'un mécanisme qui détermine les responsabilités de chacun face à cette problématique pour en faire d'abord le dépistage et pour enclencher ensuite l'action de surveillance et de prise en charge. Ce dispositif d'alerte et de suivi doit être rapide et immédiat. Il doit par ailleurs s'articuler dans une succession d'actions allant du dépistage à l'intervention par l'école, au signalement au directeur de la protection de la jeunesse et, à la limite peut-être dans certains cas, à l'action devant les tribunaux. Le processus d'aide, à notre avis, doit être le premier cran de la démarche auprès de l'enfant et de ses parents. Il n'évacue pas pour autant les autres dimensions. Il se situe dans un continuum allant des mesures d'aide aux mesures de sanction et de contrainte.

Dans le cadre de ce processus, pour les cas présentant des résistances marquées à toute forme d'intervention ouverte et persistant dans des comportements de fuite de l'école, ils pourraient être référés à un comité d'orientation qui s'assurerait que l'école a mis en oeuvre tous les moyens pour venir en aide à l'enfant et qui, le cas échéant, déciderait des mesures à prendre à l'intérieur d'un plan de service. On reviendra rapidement tout à l'heure à cette dimension-là. Enfin, le problème qu'on aborde ici est basé sur des faits réels. J'avais personnellement l'occasion la semaine dernière de participer à une discussion de cas pour une jeune fille d'une douzaine d'années, en centre d'accueil, qui a vécu toutes sortes de problèmes et dont un des problèmes est l'absentéisme scolaire. La mesure qui a été appliquée par l'école a été trois journées de suspension. C'est un cas qui illustre le fait qu'à un moment donné on est dépourvu quand certains problèmes éclatent et qu'on ne prend pas nécessairement les moyens les plus appropriés.

L'autre catégorie d'enfants qu'on touche, ce sont les enfants présentant des troubles graves du comportement et qui peuvent être l'objet d'une expulsion. L'article 211 du projet de loi stipule qu'un élève peut être changé d'école ou expulsé pour un motif juste et raisonnable. La disposition est péremptoire, le pouvoir de la commission scolaire est strict; il est possiblement tempéré par la condition qu'il doit exister un motif juste et raisonnable, mais la condition juste et raisonnable est celle que détermine la commission scolaire. Cette disposition risque de bien servir l'école. Il lui est possible de se débarrasser d'un élément perturbant et de le confier au DPJ, comme on le dit à cet article.

Cet aspect du projet de loi nous apparaît totalement inacceptable. L'article 211 rend trop facile à l'école l'usage d'une telle mesure; la latitude de l'école est ici totalement ouverte et il lui est loisible de se débarrasser des cas qui gênent pour les sortir du cadre scolaire et les remettre à la charge du système social. Avant d'être l'objet de pénalités dont les effets peuvent être contraires au résultat poursuivi, il conviendrait que les comportements de l'enfant, ceux de son milieu de vie familiale et ceux du milieu scolaire soient analysés. Dans cette perspective, nous proposons d'intégrer la prise en charge de cette problématique dans le même cadre que celui dont nous venons de parler en rapport avec la fréquentation scolaire. Les écoles devraient se doter d'une politique de suspension et de relocalisation et, dans les cas où l'approche d'aide pourrait s'avérer sans résultat, ils seraient, comme pour les cas d'absentéisme grave, référés au comité d'orientation dont nous avons parlé tout à l'heure.

L'autre partie de notre intervention porte sur les structures qui pourraient être mises en place au niveau de l'école de façon à tenter de récupérer les cas d'absentéisme et les cas de trouble grave du comportement. Je résume très rapidement ici les idées, étant donné que le temps court rapidement. Nous rejoignons l'essentiel de la recommandation faite par le Comité de la protection de la jeunesse tout à l'heure quant à la nécessité d'enrichir les fonctions du comité consultatif pour les élèves en difficulté d'apprentissage et d'adaptation à l'école.

Nous avons recommandé qu'il y ait deux comités: un comité consultatif qui serait davantage centré sur les clientèles, les problématiques, les programmes, l'élaboration de politiques pour faire face aux cas d'absentéisme scolaire et aux cas de troubles graves du comportement. D'autre part, nous avons proposé un comité d'orientation qui serait davantage un comité d'experts qui traiterait cas par cas ces jeunes que l'école n'arrive plus à assumer d'une façon adéquate. En fait, ce sont là deux fonctions qui peuvent se trouver, à notre avis, soit dans deux comités différents ou à l'intérieur du même. Je ne pense pas que ce soit là l'essentiel. L'important, c'est que les fonctions soient bien circonscrites. Il est important que, d'une part, les commissions scolaires aient des politiques très claires par rapport à ces cas et, d'autre part, il est important qu'à un endroit donné du système scolaire il y ait un mécanisme de filtrage très serré - c'est ce que nous appelons le comité d'orientation - où on retrouvera un représentant du directeur de la protection de la jeunesse.

Ce comité aurait une sorte de double rôle: un premier rôle qui consiste à bien évaluer si l'école a fait tout ce qui était possible pour réussir à assumer correctement un jeune présentant des problèmes graves d'absentéisme ou des troubles du comportement. S'il s'avère impossible pour l'école d'assumer un cas, à ce moment-là, de concert avec le représentant du directeur de la protection de la jeunesse et peut-être d'autres représentants du réseau des affaires sociales, on étudierait très bien tous ensemble quelles sont les autres possibilités qui s'offrent à cet enfant et une décision serait prise à ce moment de le référer au directeur de la protection de la jeunesse ou ailleurs pour qu'il soit assumé correctement.

Au fond, ce qu'on veut prévenir là, c'est qu'un enfant ne se retrouve, pendant parfois trois mois, six mois, un an ou deux ans, entre deux chaises, ni dans le système scolaire et ni dans le système des affaires sociales. J'arrête là.

Le Président (M. Blouin): Merci, MM. Métivier et Tellier. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Au nom du ministre de l'Éducation, je veux remercier les représentants du Comité de la protection de la jeunesse et les représentants de l'Association des centres de services sociaux du Québec. Je veux également vous transmettre les excuses du ministre qui est absent cet après-midi pour une raison très simple, c'est qu'il devait absolument être au Conseil des ministres. Soyez assurés - et vous en avez l'assurance de sa part - que ce qui est dit ici lui sera transmis, que les recommandations que vous faites lui seront transmises intégralement et ayez également l'assurance qu'il a eu l'occasion de prendre connaissance de vos mémoires.

Si vous me permettez, je voudrais faire un certain nombre de commentaires relativement aux recommandations que vous avez faites. Pour commencer, le mémoire du Comité de la protection de la jeunesse. Encore une fois, vous l'avez dit vous-mêmes, vos deux mémoires se ressemblent beaucoup. Vous traitez des mêmes questions, il s'agit des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Ce que je dis à propos du mémoire du Comité de la protection de la jeunesse concerne également le mémoire de l'Association des centres de services sociaux. Mais plus particulièrement, le mémoire du Comité de la protection de la jeunesse comporte deux volets complémentaires. Dans un premier temps, vous dites et avec raison que l'école doit se soucier de tous les aspects de la croissance des jeunes; à cet égard, vous énoncez un certain nombre de propositions sur lesquelles je reviendrai. Dans un deuxième temps, vous dites que l'école doit apporter sa contribution directe face aux problèmes sérieux qu'affrontent certains jeunes. Quant au second volet, qui fait l'objet d'une élaboration plus grande de votre part, vous exprimez une certaine - le mot n'est pas trop exagéré - exaspération devant l'absence de coordination entre les deux réseaux de services. L'expérience que vous avez acquise dans ce milieu - nous vous remercions de nous la transmettre - vous enseigne qu'il est devenu urgent d'insérer dans les lois scolaires ces préoccupations de coordination.

Je reviens de façon un peu plus précise sur les recommandations particulières que vous faites. Pour commencer, à l'article 3, il est dit: "Les services d'enseignement comprennent l'ensemble des cours obligatoires ou des cours à option qui ont pour but: ..."Votre préoccupation touche en particulier le secondaire. Les précisions que vous demandez vont dans le sens de ce que nous souhaitons. Vous nous sensibilisez à des aspects qui nous paraissent peut-être trop évidents. À cet égard, les précisions que vous demandez apportent un éclairage fort intéressant et mettent en lumière la

nécessité de certaines préoccupations qui ne sont peut-être pas suffisamment mises en évidence dans le projet de loi.

Quant à l'article 185, vous demandez d'ajouter que le directeur de la protection de la jeunesse de la région soit membre d'office du comité proposé à l'article 185. Il n'y a pas d'objection de principe. Il serait même souhaitable que le DPJ soit membre de ce comité. À cet égard, au deuxième aliéna, il est dit: "Ce comité est composé de représentants des parents de ces élèves, du personnel en cause et des organismes qui ont une expérience..." Encore une fois, le mot "organismes", dans notre esprit, pouvait signifier également la présence du DPJ. Faut-il le préciser au point de rendre sa présence obligatoire? C'est une question que je vous pose et à laquelle vous pourrez répondre. Est-ce faisable? Compte tenu du grand nombre de commissions scolaires sur un territoire, compte tenu des exigences d'un tel comité et de tels comités, parce qu'il y en aurait plusieurs, est-ce que le DPJ pourrait se le permettre? A-t-il le temps? Est-ce que cela est possible pour lui de suivre de très près... Est-ce qu'il y a moyen de trouver un mécanisme qui permettrait par contre au DPJ d'exercer une certaine influence à l'intérieur de ces comités? Sur l'intention, il y a accord. (17 h 30)

À l'article 186, vous proposez l'addition de deux paragraphes. À ce sujet, en tout cas personnellement, j'accueille très bien l'ajout de ces deux paragraphes que vous proposez. Encore une fois, c'est dans le but de sensibiliser les agents du milieu, commission scolaire et école, aux problèmes qu'affrontent certains jeunes. Encore une fois, ce n'est peut-être pas suffisamment visible dans le projet de loi et, personnellement, je trouve votre suggestion excellente. Certainement que le ministre va y accorder une attention spéciale.

Dans une autre proposition, qui est plus délicate cette fois-ci, quand vous proposez que le projet éducatif comporte obligatoirement un élément consacré à la coordination des services éducatifs et des services de protection de la jeunesse, on pourrait peut-être en discuter, mais doit-on, de façon obligatoire, introduire cela dans le projet éducatif alors que l'objectif du projet éducatif est de laisser le milieu le définir? Il y aurait là une sorte d'exception que vous voudriez qu'on introduise à l'intérieur du projet de loi concernant le projet éducatif.

Cela m'apparaît poser une question fort délicate. Est-ce que le fait d'ajouter à l'article 186 ce que vous demandez, le fait de sensibiliser le milieu, les conseils d'école, les commissions scolaires, ne serait pas suffisant - il y a peut-être d'autres façons aussi de sensibiliser - pour qu'on ait précisément cette préoccupation dont vous parlez dans le projet éducatif sans rendre cela contraignant, ce qui pourrait heurter le milieu?

Par contre, quand vous proposez que les articles 66, 69 et 72 soient modifiés, cela ne présente aucun problème et cela rejoint encore une fois les préoccupations que vous mentionniez à l'article 186. Donc, que les articles 66, 69 et 72, où il est prévu la formation de comités: comités de parents, comités au niveau des professeurs, au niveau des étudiants, soient modifiés afin de prévoir que ces comités d'école puissent donner leur avis sur les normes et les modalités touchant la complémentarité des deux réseaux de services, je pense qu'à ce moment cela sensibilise effectivement ces comités aux troubles, aux difficultés que rencontrent certains élèves et cela m'apparaît une excellente suggestion.

Quant à votre autre proposition, le fait de consacrer dans la loi le principe que la commission scolaire a une obligation concernant la scolarisation des enfants placés en centre d'accueil, vous dites qu'il faut prévoir dans la loi un mécanisme qui assure l'examen permanent de la situation de ces enfants. Je pense que cela ne poserait aucune difficulté de modifier en conséquence les articles 185 et 186 là-dessus. Il faut aller plus loin en créant un comité consultatif. Faut-il créer un autre comité consultatif? Est-ce nécessaire? Est-ce que les comités déjà prévus à l'article 185... On peut former un sous-comité, mais comment doit-on nécessairement, dans la loi, prévoir la formation d'un nouveau comité?

Quant à l'article 93, vous demandez une plus grande précision. Effectivement, l'article est vague et général; il remet cette décision au local. Demander une précision m'apparaît fort intéressant comme proposition.

Par rapport aux remarques de l'Association des centres de services sociaux du Québec - je vais aller un peu plus vite parce que je pense que mes remarques touchent également l'Association des centres de services sociaux du Québec - vous parlez d'approche trop légaliste, entre autres, de l'article 22, et vous souhaitez qu'il y ait dans la loi des mécanismes de telle sorte que les écoles se dotent de politiques plus précises pour venir en aide à ces élèves. J'ai déjà fait des remarques au Comité de la protection de la jeunesse à cet égard. Il existe actuellement un programme, et cela me permet de le dire, puisque vous ne le mentionnez pas du tout. Quand vous avez parlé de la nécessité de faire du dépistage, de la prévention, il existe un programme concernant les décrocheurs. On sait que ces jeunes, s'ils s'absentent, c'est parce qu'ils décrochent. Donc, dans l'ensemble de ces décrocheurs, existe cette clientèle. Je ne dis pas que tous les décrocheurs rejoignent la

clientèle dont vous parlez, mais il y en a un bon nombre qui font partie de ces décrocheurs. Des programmes spécifiques sont mis en place. Ils sont discutés à la commission scolaire et ils sont discutés avec les parents.

Je voudrais avoir votre avis sur ces programmes pour décrocheurs. Est-ce que vous êtes au courant? Est-ce que vous avez un mot à dire? J'ai assisté, en fin de semaine dernière, à un colloque dans la région de Laval où il y avait des professionnels. Il y avait même un juge du Tribunal de la protection de la jeunesse qui était là et qui a donné son avis. Il y a donc des mécanismes de concertation qui commencent à voir le jour dans la foulée des politiques qui sont mises en place pour venir en aide aux décrocheurs. J'aimerais avoir votre avis sur ce qui se fait dans ce domaine.

Finalement, une seule question. Vous ne traitez pas de cet aspect dans vos mémoires, mais croyez-vous que la mise en place de conseils d'école décisionnels avec la participation de parents, de professionnels et d'enseignants peut aider à résoudre les problèmes que vous 'soulevez? Par exemple, est-ce que le fait qu'on se rapproche du milieu, qu'on décentralise des instances qui sont présentement au niveau de la commission scolaire vers les écoles peut faciliter la prise en charge de ce type de problèmes que vous soulevez?

Encore une fois, merci, et j'attends quelques réactions de votre part. Mes collègues auront aussi des questions à vous poser.

Le Président (M. Blouin): M. Tellier.

M. Tellier: J'apporte un petit amendement à la recommandation que nous faisions concernant la présence du DPJ au comité consultatif. Il s'agit du DPJ ou de son délégué. Quant à la personne physique du DPJ, j'ai l'impression qu'ils ont beau être des DPJ extraordinaires, ils sont limités. Il s'agit donc de la présence du DPJ ou de son délégué. Cela nous paraît important, parce que cela lui donne une prise directe sur les situations qu'il aura ensuite à régler. Cela évite aussi la bureaucratie et une foule de choses. Il est déjà en contact direct avec les situations qui vont être portées à son attention et qu'il a la responsabilité d'assumer.

Deuxièmement, si vous permettez, en ce qui concerne une recommandation que je n'avais pas donnée verbalement, mais qui est dans notre texte à la page 16, lorsque nous suggérions en plus la création d'un comité consultatif concernant la scolarisation des enfants en centre d'accueil, si vous voulez la biffer, car c'est un texte qui a été fait il y a déjà un certain temps. À la révision, nous nous apercevons que ce rôle pourrait fort bien être joué par les comités déjà en place. D'ailleurs, c'est un principe que nous avons voulu respecter d'une manière générale dans nos recommandations. Au lieu de créer d'autres mécanismes, quitte à ajouter des pouvoirs ou des responsabilités aux mécanismes déjà en place, il s'agit d'utiliser le plus possible les mécanismes qui sont déjà en place.

En ce qui concerne le projet éducatif, nous sommes très conscients de l'ampleur de ce projet. On touche un point. Je reviens, mais je ne veux pas répéter. Vous dites: Ne vaut-il pas mieux laisser le milieu le définir lui-même? Nous, nous disons: Est-ce qu'un milieu - je répète un peu ce que je disais -n'a pas tendance à marginaliser ceux qui le sont déjà, surtout quand ils sont fatigants? N'est-ce pas le rôle d'un gouvernement d'assurer certaines balises, certains paramètres, de rappeler certaines valeurs, car est-ce que toute loi n'a pas une certaine valeur éducative? Je reconnais cependant que c'est une chose difficile.

M. Huard (Alcide): Là-dessus, j'ajouterais que les enfants en difficulté ne sont pas seulement les enfants qui sont couverts par la loi 24 dans les cas de protection ou dans les cas de délinquance. Vous êtes sans doute informés d'un très grand nombre de problèmes que des jeunes vivent du primaire au secondaire et qui échappent à ces réseaux. Il me paraît absolument essentiel que le cadre général du projet éducatif autorise largement le conseil d'école à "prioriser" l'aide, dans son projet, d'une façon ou d'une autre en termes de projet éducatif, aux enfants qui vivent ces difficultés. Je parlerais des problèmes de santé mentale, etc. Cela m'apparaît essentiel. Le risque - si on ne le fait pas ou si on ne le précise pas - selon les volontés locales, les leaderships locaux, c'est que le problème peut ne pas être géré à l'intérieur du projet éducatif. Il n'y a pas une attirance naturelle à l'ensemble des intervenants socio-éducatifs du Québec d'intervenir en termes de projet éducatif pour aider ces jeunes. La tendance est de les référer au système social et alors il est déjà trop tard. La détérioration est déjà trop avancée. C'est ce qu'on croit.

Le Président (M. Blouin): Cela va. M. Métivier ou M. Boisvert.

M. Boisvert (Maurice): Je voudrais répondre en ce qui concerne la présence du directeur dans les comités consultatifs. On doit dire qu'en ce qui concerne le centre du Québec, entre autres, l'expérience est déjà en marche. Il y a un protocole d'entente entre les commissions scolaires et le directeur voulant qu'il y ait dans chaque

commission scolaire des comités consultatifs qui rejoignent sensiblement l'esprit des recommandations qui sont faites par nous et par le Comité de la protection de la jeunesse. Ce que je veux dire, c'est que cela se fait, mais c'est quand même fragile. Ce serait important qu'au niveau législatif, on vienne appuyer cette demande. Bien entendu que c'est le délégué du directeur dont il est question à chaque fois que nous parlons du directeur.

Le Président (M. Blouin): Cela va, merci. Vous avez un commentaire, M. Métivier.

M. Métivier: Je voudrais revenir sur la confusion qui a été créée par une proposition d'un ou de deux comités. En fait, quand on a lu le projet de loi, ce qu'on y comprend, c'est que c'est un comité consultatif. La composition en est déterminée entièrement par la commission scolaire. Je pense qu'il y a là deux volets qu'on a essayé de récupérer dans nos propositions. Voici ce qu'on dit: D'accord, bravo pour l'aspect consultatif. Il est aussi important qu'à un moment donné il y ait - par rapport à des cas particuliers -des décisions qui se prennent. C'est là qu'on a proposé un comité d'orientation qui pourrait être une sorte de sous-comité du comité consultatif ou je ne sais quoi. Ce que cela prend à ce moment, ce sont des individus, des experts, des personnes qui vivent avec les jeunes, qui connaissent directement leurs problèmes, qui vont être capables d'évaluer la situation particulière et de proposer les mesures adéquates. Il est très important, ce genre de structure.

Je vous signale, à ce titre, que notre recommandation s'inspire de l'expérience du Massachusetts. Depuis plusieurs années - au moins six ou sept ans - cet État a lancé une nouvelle loi - le bill 544, je le donne vraiment sous réserve - dont l'idée est absolument simple, intéressante et efficace. Il n'y a aucun jeune qui sort de l'école sans avoir passé à travers ce mécanisme de filtrage qui se compose du jeune, des parents, des autorités du milieu scolaire et d'un responsable des services sociaux. L'objectif poursuivi, c'est qu'il ne faut jamais qu'un jeune tombe entre deux chaises. Si cela devient clair, comme c'est clair pour un certain nombre de cas, que ce jeune ne peut plus être assumé à l'école, qu'on le dise clairement, qu'on dise pourquoi et qu'à ce moment-là on l'oriente directement vers le genre de services qui vont convenir à sa situation. Je ne sais pas si je fais bien saisir la différence entre ce qui est consultatif et ce qui serait un comité qui irait assez loin sur les cas.

Quand on dit un représentant du directeur de la protection de la jeunesse, cela devient le directeur de la protection de la jeunesse lui-même ou quelqu'un nommé pour le représenter. Cela nous apparaît aussi très important; si on veut que des réseaux qui sont très importants dans la vie des jeunes comme le réseau de l'éducation et le réseau des affaires sociales se rejoignent, c'est à travers des personnes que cela se fait. Cela ne doit pas être laissé à l'initiative de tous et de chacun; c'est en faisant en sorte que certaines personnes se retrouvent nécessairement en présence qu'on commence à franchir des pas importants. (17 h 45)

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre.

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je salue les dirigeants des deux organismes qui sont à la table, le Comité de la protection de la jeunesse et l'Association des centres de services sociaux du Québec. Les représentations que vous nous faites vont dans le sens de celles que nous avons entendues plus tôt cet après-midi. Elles attirent notre attention surtout sur le problème des jeunes qui présentent des difficultés particulières à l'intérieur de notre système d'enseignement. Je pense que c'est un sujet des plus graves, des plus actuels aussi. Comme on nous l'a signalé, l'incidence de ces problèmes a crû considérablement ces dernières années non seulement en quantité, mais aussi en gravité. Cela veut dire qu'au cours des prochaines années ceux qui ont la responsabilité des institutions de formation devront porter des responsabilités solidement définies et encadrées par la loi si nous voulons faire face aux problèmes.

Vous avez formulé un certain nombre d'observations et de recommandations qui sont sûrement très intéressantes. Je voudrais souligner une chose pour qu'il n'y ait pas de malentendu; vos recommandations portent sur des aspects très précis, très importants, mais en même temps très limités du projet de loi et il ne faudrait pas considérer, parce qu'on accueille telle ou telle recommandation, qu'on est solidaire du fond du projet de loi. Je pense que toutes les améliorations que vous demandez pourraient être obtenues sans qu'on soit embarqué dans cet immense édifice que nous propose le gouvernement avec le projet de loi 40.

D'ailleurs, l'Association des centres de services sociaux nous a donné une indication de son attitude au début de son mémoire. Je pense que les deux réserves formulées sont capitales. Si on pense aux problèmes des jeunes d'aujourd'hui et qu'on se demande ce que le chambardement de structures apportera comme remède aux problèmes qu'on observe, on a raison de se poser des

grosses questions. De même, si on pense à l'égalité des chances qui a été l'objectif dominant des réformes faites au cours des 20 dernières années, il est évident que le projet de loi soulève plus d'inquiétudes qu'il n'apporte d'assurances. Si on allait à fond de train dans la ligne d'atomisation qui est proposée par le projet de loi 40, il y aurait de forts risques qu'au bout du compte, ces désirs particuliers de tel ou tel secteur de la société qui sont évoqués dans l'un des deux mémoires que vous venez de nous résumer ne finissent par entraîner des glissements qui seraient suivis d'inégalités plus prononcées dans certains cas. Ce sont des aspects auxquels nous devons penser beaucoup, sur lesquels nous continuerons, pour notre part, d'attirer l'attention du gouvernement.

J'en viens maintenant aux sujets plus immédiats que vous avez soulevés, qui me paraissent très intéressants. Il y en a un premier que je voudrais souligner, c'est l'insistance qu'on a mise, tout au cours de l'après-midi, à souligner que certains services pour l'enfance ou la jeunesse en difficulté devront être assurés de manière beaucoup plus ferme que ne le fait le projet de loi. Je pense que c'est le Comité de la protection de la jeunesse qui nous souligne les problèmes découlant de l'article 14. À l'article 14 - je ne dis pas cela pour vous impressionner, mais pour que ceux qui nous écoutent puissent nous suivre plus facilement - il est écrit que "toute personne âgée de cinq ans et plus a droit à l'éducation préscolaire, à des services de formation et d'éveil et, au primaire et au secondaire, à des services d'enseignement. Elle peut aussi recevoir d'autres services éducatifs dans la mesure prévue par la présente loi."

Le mot "peut" vous inquiète à juste titre. Elle "peut;" donc, elle pourrait bien ne pas en recevoir. Ce que vous voulez, c'est qu'on écrive qu'elle doit ou qu'elle a droit à des services éducatifs dans la mesure qu'indiquent ses besoins, si je comprends bien. Je pense que c'est ce qui constituerait une loi vraiment vigoureuse de ce côté. Cela, vous le soulignez avec raison.

Je ne sais pas si c'est vous autres ou l'autre groupe, mais, à l'article 97, on a un problème de même nature qui se pose. On parle de l'application du régime pédagogique. On dit que le directeur de l'école, après consultation de l'élève, des parents, du personnel en cause, conformément aux critères de la commission scolaire, "peut" intégrer un élève en difficulté d'adaptation à une classe ordinaire. Encore là, je pense que c'est son devoir de le faire; s'il n'est pas capable de l'intégrer, il doit le signaler - on en parlera tantôt - aux autorités compétentes. Il faut que cet enfant soit intégré; ce n'est pas une question facultative pour qui que ce soit et vous le soulignez avec raison. Je pense que c'est très important.

Je mentionne un autre exemple; je pense que c'est l'article 204 qui traite des fonctions de la commission scolaire et non pas des pouvoirs, parce que c'est la question la plus obscurément traitée dans tout le projet de loi, les pouvoirs de la commission scolaire; on parle de ses fonctions d'une manière descriptive. À l'article 204, on dit: "La commission scolaire peut établir, sur recommandation du comité consultatif des services aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, des critères sur l'organisation des services à ces élèves qui favorise leur intégration dans les classes ordinaires".

Encore ici, si la commission scolaire signifie quelque chose, il faut qu'elle ait l'obligation de le faire. Ce ne peut être simplement une question laissée à la discrétion de messieurs ou de mesdames les commissaires. C'est évident, quand on est commissaire et qu'on a l'obligation de présenter un bilan à la fin de l'année ou un budget au début de l'année qui soit équilibré, on sera tenté de mettre l'accent sur les services que requièrent les enfants ordinaires, les enfants moyens qui représentent la grande majorité des enfants. Il faut qu'il y ait des termes beaucoup plus énergiques dans la loi.

Le groupe qui vous a précédés, l'Association des centres d'accueil, nous a dit qu'un problème semblable se pose à propos de l'article 199 qui définit les responsabilités générales de la commission scolaire. Cela fait quatre exemples, messieurs du gouvernement, quatre exemples où le mot "peut" devrait être remplacé très avantageusement par le mot "doit". On vous le souligne avec beaucoup de considération. Il me semble que ce n'est pas pour rien qu'on a employé le mot "peut" si souvent; il semblait manquer à tout le moins une conviction quant à l'importance de faire quelque chose de plus vigoureux en 1984.

Cela vient s'inscrire dans une politique de glissement qui nous a été signalée à maintes reprises par plusieurs organismes depuis le début des audiences et qui était connue, d'ailleurs, bien avant ces audiences, une politique d'intégration massive qui a entraîné des pertes considérables de possibilité ou de potentiel d'avenir. Au nom de mesures budgétaires, au nom de toutes sortes de choses, on a bousillé ce secteur extrêmement important de l'éducation et je pense que les représentations que nous entendons aujourd'hui devraient être pour le gouvernement une invitation très sérieuse à un vigoureux redressement.

Ceci étant dit, je souligne d'autres aspects dans vos observations qui m'ont personnellement beaucoup intéressé. Vous parlez de la punition corporelle. Le député de Fabre a glissé là-dessus un petit peu vite

tantôt. Je ne sais pas, c'est peut-être parce qu'il n'a pas très bien saisi la portée de ce qui avait été dit. Vous voudriez que ce soit clairement indiqué dans la loi que la punition corporelle est interdite. Le Parti libéral vous seconde entièrement. C'est une mesure profondément libérale que vous proposez. Je pense que ce serait bon, surtout dans cette période de conservatisme souvent effréné où l'on revient à des vieux concepts qu'on croyait dépassés pour toujours. Je pense que ce n'est pas mauvais que ce soit établi clairement dans la loi que celui qui veut faire l'éducation en recourant à la "strap" ou à la matraque doit changer de domaine. Dans d'autres domaines, il va trouver des gens qui sont capables de lui donner l'équivalent et il va peut-être rester tranquille. Je pense qu'on n'a pas besoin de ça dans l'éducation en 1984 et je suis très heureux que vous le disiez; c'est la première fois que ce point-là est souligné. Vous l'avez souligné à propos de l'article 93, je crois, du projet de loi. "L'école adopte les règles pour la conduite et la discipline de l'élève". Justement, quelques "guidelines" fournies par le législateur ne seront pas inutiles ici. C'en est une, en tout cas, que je suis très heureux de trouver là. Je sais que ça ne se pratique pas beaucoup aujourd'hui. Ce n'est pas parce qu'on ferait face à un fléau, mais je pense que ça n'a jamais été indiqué clairement par le législateur et il est temps que ça se fasse. C'est très bon.

J'ai bien apprécié vos observations à propos de l'absentéisme et de l'expulsion. Moi-même, à une première lecture - je vais être bien franc avec vous - les dispositions du projet de loi ne m'avaient pas frappé particulièrement, parce que je ne suis pas dans ce domaine-là. J'ai fait face à des phénomènes d'absentéisme avec mes propres enfants. On les a réglés en mettant un petit peu de temps, mais je ne m'étais pas posé le problème, pour être franc. Je pense que les observations que vous faites sont très justes et encore davantage la solution qui est proposée, soit d'avoir au comité consultatif auprès de la commission scolaire des représentants des institutions qui dispensent des services plus spécialisés là-dedans, des représentants des éducateurs spécialisés dans ces questions. C'est un premier point très important. On pourra recommander ainsi à la commission scolaire des politiques appropriées en matière de relocalisation d'enfants, en matière de traitement de cas particulièrement difficiles. J'apprécie beaucoup que vous vouliez exclure le concept d'expulsion. C'est un autre très bon point qu'il n'en soit plus question dans un système d'enseignement d'esprit libéral. Je le dis sans connotation partisane, au sens le plus grand du terme, et je suis sûr que le député de Chauveau veut être de cette famille-là, lui aussi.

M. Brouillet: Dans un sens non partisan. M. Ryan: Bien oui, c'est entendu.

Le Président (M. Blouin): II s'agit d'un sens très large.

M. Ryan: Que vous vouliez que le concept d'expulsion ne figure pas dans une loi comme celle-ci, c'est tout à votre honneur. Une société ne doit pas en arriver à la conclusion qu'il faut expulser un de ses membres. Il faut l'intégrer, lui faciliter l'insertion par tous les moyens; il faut avoir différents étages d'intervention, si c'est nécessaire. Le concept que vous préconisez, c'est la première fois qu'il est présenté devant la commission et, à mon point de vue, il est très sain. Nous allons le défendre. J'espère que, du côté du gouvernement, on fera la même chose.

Le mécanisme que vous proposez pour traiter de ces cas, le comité d'orientation, c'est excellent. Le comité consultatif, on sait ce qui en arrive des fois. Il faut un mécanisme fonctionnel. Il faut un mécanisme qui ne soit pas purement dans la ligne administrative ordinaire. Qu'il y ait certains éléments de la procédure de recours, de la procédure d'examen impartial du cas et qu'il y ait un comité de cette nature qui puisse fonctionner dans une commission scolaire pour appuyer l'action des autorités et la guider parfois, donner un sentiment de sécurité aux parents et aux enfants concernés, je pense que c'est excellent. Je vous le dis, je suis d'accord là-dessus sans aucune espèce de réticence.

Je vais vous poser une question. L'Association des centres de services sociaux dit... Peut-être, juste avant de toucher ce point-là, M. le Président, je m'aperçois qu'il est 17 h 59...

Le Président (M. Blouin): Exactement!

M. Ryan: Je peux contineur jusqu'à 18 heures, mais je pense qu'on n'aura pas fini à 18 heures. Vous aimeriez peut-être mieux qu'on suspende à ce point-ci pour reprendre les questions ce soir.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, si vous avez un bref commentaire avant d'aborder vos échanges, nous pourrions dès ce soir aborder les échanges.

M. Ryan: Oui. Je voulais vous prévenir. J'aimerais que vous nous donniez des explications. Vous dites: "Est-ce la fin du régime d'ententes qui a existé entre le ministère des Affaires sociales et le ministère de l'Éducation pour le traitement des problèmes de l'enfance qui relèvent des institutions d'accueil?" J'aimerais que vous nous donniez vos réactions sur l'agencement

que laisse entrevoir le projet de loi concernant les responsabilités des deux ministères. Comment voyez-vous cette collaboration entre les deux ministères et les politiques de l'avenir de ce côté?

Le Président (M. Blouin): Comme il est presque 18 heures, je demande donc à nos invités du Comité de la protection de la jeunesse, ainsi que de l'Association des centres de services sociaux du Québec de bien vouloir se joindre à nous à nouveau à 20 heures.

M. le député de Mille-Iles.

M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, est-ce qu'il y aurait un consensus pour dire qu'on pourrait peut-être continuer pendant 15 ou 20 minutes?

Le Président (M. Blouin): J'ai compris qu'il n'y en avait pas, M. le député de Mille-Iles.

M. Ryan: II n'y a pas de consensus.

Le Président (M. Blouin): S'il n'y a pas de consentement, je demande donc...

M. Ryan: Nous avons d'autres obligations immédiatement.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Je demande aux membres de la commission, cependant, d'être présents dès 20 heures ce soir, car nous avons une soirée bien remplie en perspective.

Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension des travaux à 17 h 59)

(Reprise de la séance à 20 h 7)

Le Président (M. Blouin): Lorsque nous nous sommes quittés, nous avions entrepris des échanges entre les membres de la commission, les représentants du Comité de la protection de la jeunesse et aussi les représentants de l'Association des centres de services sociaux du Québec. La parole était à M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je terminais en posant une question que je vais répéter: Je voulais savoir ce que vous pensez du régime de collaboration qui existe actuellement entre le ministère des Affaires sociales et le ministère de l'Éducation en tout ce qui regarde les services éducatifs fournis aux jeunes dont on a la responsabilité du côté des institutions sociales. Deuxièmement, est-ce qu'il y a des améliorations qui doivent être envisagées et quelles orientations préconisez-vous de ce point de vue là?

Le Président (M. Blouin): M. Tellier.

M. Tellier: Le point de vue où nous sommes ne nous permet pas d'expérimenter le fonctionnement exactement comme les gens de l'association qui nous ont précédés cet après-midi, du moins, en ce qui concerne les jeunes qui sont impliqués dans les centres d'accueil, etc.

C'est peut-être une répétition, mais j'y reviens quand même. Ce que nous souhaiterions, c'est que les services d'éducation soient autant concernés par les jeunes qui sont en difficulté, notamment les jeunes qui sont dans les centres d'accueil, que par tous les autres. C'est particulièrement à l'égard de ceux-là que, sans entrer dans les problèmes de structures, on avait souligné l'importance que les commissions scolaires assument la responsabilité de tous les services des jeunes qui sont sur leur territoire, y compris les jeunes qui tombent sous l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse et qui sont en institution ou en famille d'accueil. C'est bien partiel, mais il y a probablement de mes collègues qui peuvent ajouter à ce début de réponse.

M. Huard: Est-ce que vous voulez savoir si nous sommes favorables au maintien des ententes de services? Est-ce que vous pourriez nous indiquer à quoi vous faites référence dans la loi par rapport à cela? Moi, personnellement, je n'ai pas lu au complet le projet de loi. L'article 219, pourra peut-être nous amener un éclairage qui, à mon avis, n'est pas suffisant.

M. Ryan: Cet après-midi, l'Association des centres d'accueil est venue nous dire que le projet de loi est extrêmement flou du point de vue des garanties qu'il conviendrait d'avoir de ce côté, garanties que les responsables du système d'enseignement vont vraiment fournir les services nécessaires. Ils ont dit: Cela prendrait une superautorité; ils ont même parlé d'une régie pour l'assurer et cette régie serait, d'après ce que j'ai compris, logée du côté du ministère de l'Éducation. Je voulais savoir comment vous voyez tout l'avenir des services éducatifs dans ce secteur. Je ne peux pas faire allusion à un passage particulier du projet de loi - j'en ai mentionné quelques-uns plus tôt -parce qu'il n'y en a aucun qui traite de cela de manière vraiment précise.

M. Huard: Je suis plutôt d'avis que le ministère de l'Éducation devrait peut-être assurer l'élaboration de programmes-cadres généraux pour supporter l'intervention auprès des enfants qui vivent des difficultés majeures, tout comme on le fait, par exemple, dans le cadre du régime pédagogique pour d'autres types de besoins,

en acquisition de connaissances. Quant à moi, en tout cas, je pense qu'on devrait se limiter à cela.

Ceci dit, une question se pose à l'article 219. Je voudrais avoir un éclairage, si c'est possible. On dit que "chaque commission scolaire est l'employeur du personnel affecté à son fonctionnement et à celui des écoles". Qu'est-ce que cela signifie dans la lettre? Est-ce que cela a une application par rapport aux ententes de services actuelles? Pour nous, ce n'est pas clair.

M. Ryan: Ce n'est pas clair pour nous, non plus. Une dernière question très brève. Il y a des travailleurs sociaux qui sont fournis aux écoles; je pense que ce sont les centres de services sociaux qui les fournissent. J'ai cru voir dans votre mémoire une remarque à ce sujet. Il est question que cela soit transféré aux CLSC. Comment voyez-vous cette affaire? Est-ce un système qui fonctionne bien actuellement?

M. Huard: Est-ce que vous posez la question aux CSS?

M. Ryan: Oui.

M. Métivier: En fait, dans notre mémoire, l'observation qu'on soulève, c'est que, d'un côté, le projet de loi 40 donne une place, un statut, aux services sociaux au niveau des principes. Par contre, au niveau de l'application pratique, on se retrouve un petit peu dans le vide. Enfin, c'est l'un des points qui a été soulevé à l'intérieur du mémoire de l'Association des centres de services sociaux. Les centres de services sociaux ont dit: On s'inquiète du fait qu'on ne se réfère pas explicitement, dans le projet de loi, aux ententes qui se sont élaborées progressivement, depuis cinq à dix ans, entre le milieu scolaire et le réseau social. On dit qu'il serait peut-être important d'en tenir compte et de le faire très explicitement.

Le genre de question à laquelle cela nous amène après, c'est qu'on peut parfois avoir l'impression que le milieu scolaire se constitue, à travers cette législation, comme un réseau un peu isolé de l'ensemble des autres réseaux, à l'intérieur duquel il y aurait peut-être tous les services requis. Cela vient un peu remettre en cause, quand même, cette forme de collaboration qui a commencé à s'instaurer entre le réseau social, le réseau de l'éducation et le réseau de la justice.

Quand vous parlez de perspectives d'avenir, si je peux me permettre un peu une idée ici, une opinion, c'est qu'il serait très important de faire en sorte que les deux réseaux - et cela dans la plus complète mutualité - s'interpénètrent de plus en plus. On a eu, surtout depuis six, sept ou huit ans, une sorte de pénétration du réseau des affaires sociales par le réseau de l'éducation en tout cas, au niveau des centres d'accueil. On a eu un peu une interpénétration - enfin, il y a quand même des acquis solides - de la part du réseau social à travers les CSS dans le milieu scolaire. On se dit qu'il faudrait peut-être pousser plus loin cette interpénétration et cette collaboration. (20 h 15)

À cet effet, je vous signalerais, tout simplement, une expérience pilote qui, toujours à mon avis, a été fort intéressante: celle de l'école Émile-Nelligan, dans la région de Montréal. C'est un milieu où le niveau d'inadaptation, de décrochage, de problèmes de toutes sortes était absolument extraordinaire et, même si cette école est fermée à l'heure actuelle, le projet a quand même fait ses preuves. C'est une école qui a pu évoluer d'une façon rapide sur quelques années pour reprendre en charge sa clientèle grâce à une collaboration très intensive de la part des jeunes eux-mêmes, des parents, de travailleurs du milieu, de policiers, de travailleurs sociaux, d'éducateurs de centres d'accueil qui étaient plus habitués à intervenir auprès de gens présentant des troubles de comportement.

En tout cas, il me semble que l'on peut s'inspirer d'une expérience comme cela, et je sais qu'il y en a d'autres, pour essayer de projeter ce que pourrait être cette collaboration des Affaires sociales et de l'Éducation dans l'avenir.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Mille-Iles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir de saluer les représentants du Comité de la protection de la jeunesse, ainsi que les représentants de l'Association des centres de services sociaux. Votre mémoire fait des recommandations très particulières. Entre autres, vous soulignez qu'on devrait favoriser l'intégration des services publics pour en faire un soutien pédagogique aussi aux services que vous pouvez donner; Je pense que votre objectif est très noble et je sais que tout le monde sera d'accord autour de cette table afin de développer le plus d'attitudes possible et de faire en sorte que, quand même, l'étudiant ou l'enfant se prenne de plus en plus en main. Je pense que, lorsque vous parlez de services d'éducation doublés de complémentarité par les services de protection, tout le monde appuie un tel objectif.

Je suis d'accord aussi avec les amendements que vous proposez à l'article 185. Il faudrait peut-être d'abord expliquer l'article 185, qui parle des commissions scolaires et d'un rôle régional pour celles-ci.

Vous dites qu'on devrait ajouter: Le directeur de la protection de la jeunesse de la région est membre d'office du comité. "Est constitué dans chacune des commissions scolaires un comité consultatif des services aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage." Je pense bien que, de ce côté-ci, nous sommes d'accord au point de vue régional et je dis bien régional. Je ne pense pas que, dans votre esprit, vous vouliez que le directeur de la protection de la jeunesse de chacune des régions soit aussi présent au comité de chacune des écoles. Je pense que cela deviendrait lourd, parce qu'il y en a beaucoup qui frapperaient à chacune des écoles.

Il y a aussi que vos deux recommandations, d'ajouter à l'article 186 deux paragraphes - je pense qu'ils sont de mise et je les lis: 3 de donner son avis à la commission scolaire dans des cas d'absences répétées ou d'expulsion d'élèves; 4° d'élaborer des normes d'organisation assurant la complémentarité entre les services éducatifs et les services sociaux et de santé rendus en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse. Je pense que ces recommandations sont acceptables et je pense bien que le ministre est ouvert à ces propositions d'amélioration.

Maintenant, en page 14, lorsque vous dites: "Le comité recommande de réviser le projet de loi 40 de telle sorte que le projet éducatif de chaque école comporte obligatoirement un élément consacré à la coordination des services éducatifs aux services de protection de la jeunesse", c'est peut-être là que je suis plus réticent. C'est bien sûr qu'il faut qu'il y ait une coordination régionale qui va avoir une influence très locale dans tous les projets éducatifs de chacune des écoles. C'est qu'il faudrait aussi ajouter à tous ces services de protection de la jeunesse les services de santé, les services de prévention sous toutes ses formes; il faudrait peut-être aussi parler de l'appui des forces policières dans certains cas, en particulier, quand même. Je pense que cela deviendrait lourd. Je suis peut-être moins attiré par l'élément de projet éducatif qui ferait en sorte que vous seriez intégrés comme tels à chacune des écoles. C'est cela, ma réticence. C'est bien sûr que, pour des cas ponctuels, pour des écoles peut-être très spécifiques, je serais d'accord pour que vous apportiez votre collaboration de complémentarité. Ensuite, vous parlez de l'article 93: "L'école adopte les règles pour la conduite et la discipline de l'élève." Je me souviens des propos du député d'Argenteuil qui disait, tout à l'heure: Pourquoi ne pas parler de punitions corporelles? C'est bien sûr qu'on parlait de libéralisme, tout en ayant peut-être un esprit indépendant, M. le député d'Argenteuil. Peut-être qu'on devrait en parler, mais moi, je ne suis pas trop d'accord pour intégrer dans un projet de loi qu'il ne devrait y avoir aucune punition corporelle. Je pense que cela entrerait trop dans les détails. Si on parle d'un projet éducatif en soi, je pense que tout le monde est en faveur du principe qu'il n'y ait pas de punitions corporelles. Il y a une chose, cependant: dans le projet éducatif, lorsqu'on parle d'une école responsable et communautaire, c'est sûr qu'il y a des parents qui peuvent, avec les étudiants, avec les professeurs, avec les directeurs et les commissaires responsables, avoir une école plus permissive ou une école peut-être plus autoritaire, avec plus d'encadrement.

La première question que je vous pose, c'est: Lorsque vous parlez de punition corporelle à l'école, est-ce dans une optique d'approche préventive? Est-ce que vous avez des informations, à cause des fonctions que vous exercez, qui nous convaincraient ou qui vous convainquent que le législateur devrait corriger une situation qui serait inacceptable aujourd'hui dans notre société, à savoir peut-être les punitions corporelles?

Le Président (M. Blouin): M. Tellier.

M. Tellier: Seulement sur la dernière question.

M. Champagne (Mille-Îles): Si vous voulez faire des commentaires sur ce que j'ai dit...

M. Tellier: Si vous le permettez, en ce qui concerne le projet éducatif, notre première référence était au document intitulé L'école québécoise: une école communautaire et responsable, où le concept d'un projet éducatif avait une place centrale. Nous nous attendions que, dans le projet de loi, il y ait - je répète un peu ce que j'ai dit cet après-midi - un certain nombre de paramètres pour aider à baliser, si vous voulez, la définition ou l'établissement de ce projet éducatif. On constate que, dans le projet de loi tel qu'il est, c'est vraiment laissé à la responsabilité du milieu d'établir lui-même son projet éducatif. Là, on a certaines inquiétudes parce qu'on se dit: Autant le milieu va réagir concernant certaines dimensions de la réalité qui préoccupent les parents, les jeunes, etc., comme la dimension religieuse, morale, autant nous nous inquiétons de l'absence de réactions du milieu en ce qui concerne les enfants en difficulté et tout ce qui est lié à la protection de la jeunesse. D'où, ayant toujours comme première inspiration le document du ministère sur l'école, nous nous disions qu'il y aurait peut-être avantage -c'est dans ce sens que nous faisons cette recommandation - à avoir des balises qui pourraient indiquer des paramètres dans le projet éducatif concernant les problèmes de

protection de la jeunesse.

En ce qui concerne les punitions corporelles, je vais laisser mon collègue y répondre. Je ne veux pas répéter ce que j'ai dit cet après-midi.

M. Boulais (Jean-François): Bien sûr, cela peut paraître assez limité comme portée, mais il nous semble que le temps est peut-être venu, au Québec, de formaliser un peu cette question. Pour répondre à votre question, bien évidemment, les punitions corporelles ne sont pas chose courante dans nos écoles. Il reste, cependant, que c'est une tentation qui est, je pense, toujours présente et, lorsque nous avons été consultés, c'était au sujet de l'établissement d'un règlement, dans une commission scolaire prévoyant les modalités d'application de la punition corporelle.

Le Comité de la protection de la jeunesse, je pense, a dans son mandat de tenter d'éviter que des causes, des situations de violence se manifestent. La punition corporelle en soi n'est pas, comme telle, une manifestation de violence, encore que, si elle est légitimée par un règlement dans une commission scolaire, par exemple, je pense qu'on n'aura pas pris tous les moyens pour tenter d'éduquer le milieu à utiliser d'autres moyens que la méthode physique pour éduquer les enfants. Il y a des pays qui ont prohibé complètement, y compris du côté des parents, l'usage de la force physique pour corriger un enfant. Je pense à l'exemple de la Suède, qui est universellement connu maintenant, qui a probablement fait l'objet aussi de critiques dans certains milieux. On ne parle pas encore de l'ensemble de la société; on pense au milieu scolaire, et je pense que, même si le geste n'est pas énorme en soi, il a une signification. Interdire que, dans une école, un professeur, un enseignant utilise la méthode physique pour corriger un enfant, c'est un signe d'évolution de notre société.

Peut-être qu'il y a 20 ans jamais un législateur québécois n'aurait pensé à indiquer cela dans une loi. J'étais à l'école à peu près à cette époque-là et je sais que c'était chose courante. Il est certain que nous avons connu une évolution depuis et je pense qu'un mouvement législatif dans ce sens-là confirmerait ce que l'immense majorité des citoyens croit actuellement, et que peut-être une minorité de citoyens ne croit pas. Les forces latentes dans notre société, compte tenu de l'époque où nous vivons, nous amèneront peut-être, à un moment donné, à remettre en cause cette espèce de consensus. Agissons pendant qu'il est temps, agissons pendant qu'une majorité de citoyens québécois est de cet avis, plutôt que de nous retrouver, dans dix ou cinq ans, avec un débat public sur la question. Nous ne voudrions pas être obligés de faire le débat dans cinq ans en disant: Écoutez, nous avons reculé par rapport à la situation. Faisons-le pendant que c'est le temps.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Champagne (Mille-Îles): Bien, enfin, on voit qu'il y a des pays qui ont adopté cette position. Mais vous dites, quand même, que certains règlements des commissions scolaires préviennent ces choses-là. Sans peut-être le mettre dans le projet de loi, il y a, quand même, des règlements qui soutiennent cette chose-là dans chacune des commissions scolaires ou dans des commissions scolaires. C'est cela que vous avez dit tout à l'heure, non?

M. Boulais: C'est que nous avions été consultés au sujet d'un projet de règlement dans une...

M. Champagne (Mille-Îles): D'un projet de loi?

M. Boulais: ...commission scolaire, qui...

M. Champagne (Mille-Îles): Un projet de règlement.

M. Boulais: ...allait légaliser, qui allait...

Une voix: Ils ne voulaient pas l'enlever, mais le mettre.

M. Boulais: ...justifier et permettre cela.

M. Champagne (Mille-Îles): Ah oui?

M. Boulais: On n'a pas besoin de vous dire que nous nous sommes opposés avec la dernière rigueur à ce projet-là. Nous avons avisé la commission scolaire que nous n'accepterions pas qu'un projet de règlement aille codifier, légaliser ou justifier l'utilisation d'une méthode physique. Mais il reste que c'est un mouvement qui est susceptible de resurgir à toute époque.

Le Président (M. Blouin): M. Tellier, oui. -

M. Tellier: D'ailleurs, un règlement comme celui-là, s'il avait été adopté, aurait probablement, je pense, rassembler autour de lui, un certain nombre de parents. Dans les situations d'enfants maltraités qui sont portées à notre connaissance, il y en a un bon nombre qui sont des enfants maltraités dans leur famille, mais par des mesures corporelles excessives, je dirais, dans le domaine de l'éducation. C'est ce que les parents nous disent: Bien, cela fait partie des choses: Qui aime bien châtie bienl II y a

des parents - et ce n'est pas si rare qu'on le pense - appartenant à des types de culture, peut-être, auxquels on est moins habitués, mais pour qui la correction physique, la fessée et tout le reste, cela fait partie des moyens normaux d'éducation. Or, ces parents, s'ils ont à dire leur mot pour une réglementation vis-à-vis de l'école, comme les professeurs deviennent, d'une certaine façon, ceux qui prolongent l'autorité parentale, il n'est pas sûr qu'ils ne seraient pas en faveur de la correction corporelle.

M. Champagne (Mille-Îles): C'est qu'il y a toutes sortes de moyens, peut-être, pour une école de voir à ce qu'il y ait un certain encadrement, une certaine discipline. C'est bien sûr qu'on est contre la violence; on est très sensible à l'absentéisme, comme vous, d'ailleurs, vous l'êtes. Avant le souper, on avait parlé de l'expulsion. Est-ce que vous feriez comme le député d'Argenteuil qui disait: Le principe de l'expulsion, il faudrait absolument qu'il soit radié à un moment donné? (20 h 30)

Sur l'expulsion, je voudrais connaître votre opinion. C'est bien sûr qu'on peut expulser - je n'aime pas le terme "expulser" - on peut mettre un étudiant en dehors d'un cadre ou d'une classe, peut-être le mettre, comme on le disait autrefois, dans le corridor. Peut-être que tout le monde ici, autour de la table, a déjà connu cette espèce de châtiment d'être expulsé d'une classe. On peut être expulsé d'un cours, on peut être expulsé d'une école. Maintenant, je ne sais pas ce que voulait dire l'expulsion; c'est sûr qu'il ne faudrait peut-être pas "expulser" quelqu'un d'une commission scolaire. Il faudrait que la société ait les moyens de "récupérer", entre guillemets, cet étudiant qui a des problèmes sociaux de comportement pour l'encadrer dans un système.

Je voudrais néanmoins savoir quelles seraient vos opinions au sujet de l'expulsion d'une classe, d'une école ou d'une commission scolaire. Souvent, dans le secteur privé, on expulse quelqu'un peut-être trop facilement, mais, à la commission scolaire, on le garde. J'aimerais savoir votre opinion là-dessus, s'il vous plaîtl

M. Huartfc On voudrait que le projet de loi consacre en quelque sorte la responsabilité de l'école face aux enfants en difficulté, de façon que l'expulsion soit un concept qui soit rayé du fonctionnement ou de la gestion d'une école en quelque sorte. C'est sûr que certains enfants sont perturbants. Quand on insiste sur la nécessité de mettre en priorité l'aide aux enfants en difficulté dans le projet éducatif, c'est que, précisément, il faudrait que, pour les enfants qui ont des problèmes d'adaptation aux normes scolaires ou des troubles de comportement liés à des facteurs autres que les normes scolaires, l'école développe, avec les ressources communautaires et les ressources institutionnelles de ce milieu, un projet qui permette de les aider plutôt que de les expulser. C'est, je crois, le coeur même de la fonction éducative de l'école.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup pour vos réponses à mes questions.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mille-Iles. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les trois groupes qui sont venus cet après-midi nous sensibiliser aux problèmes des enfants en difficulté, qu'ils soient mésadaptés socio-affectifs ou qu'ils soient pour une raison ou une autre, des problèmes d'apprentissage.

J'espère que vous avez convaincu mon collègue de Mille-Iles, un ancien professeur, qu'on peut sans doute aujourd'hui, comme on l'aurait probablement pu il y a déjà plusieurs années et peut-être même toujours, mais, enfin, les choses évoluent, se passer de châtiments corporels dans les écoles. Dans le fond, quand on a recours, même comme parents, à un châtiment corporel - je ne sais pas si cela a déjà été votre cas, moi, il m'est déjà arrivé d'envoyer peut-être une giffle de trop - c'est ordinairement parce qu'on n'a plus la maîtrise de ses propres moyens; je ne vois pas comment cela peut aider les enfants, de toute façon.

Ceci étant dit, j'apprécie beaucoup les recommandations que vous faites touchant la fréquentation scolaire, l'absentéisme et la nécessité pour l'école ou la commission scolaire d'établir une politique touchant les problèmes de fréquentation scolaire. Comme le ministre n'était pas ici avant le souper, lui qui s'intéresse beaucoup au problème des décrocheurs, du moins depuis quelques jours...

Des voix: Ah! Ah! Ah! Regardez-moi celai Ce n'est pas bien! Depuis toujours!

Une voix: Voulez-vous répéter?

Mme Lavoie-Roux: ...si quelqu'un pouvait en faire l'étude, je pense qu'un gros pourcentage des décrocheurs, ce sont des enfants qui, à un moment ou un autre, se sont absentés de l'école petit à petit, puis cela a été un absentéisme prolongé. Finalement, parce qu'il n'y avait pas, à l'intérieur de l'école ou même de la commission scolaire des services appropriés, ils sont devenus des "dropouts", parce qu'ils ont été laissés pour compte. Souvent pour l'école, comme c'était un enfant qui perturbait les autres, ou un enfant qui

présentait des problèmes, c'était plus facile de l'oublier dans la brume. Il était parti et, finalement, c'était l'abandon de l'école. Mais s'il avait été pris au moment immédiat où il commençait à s'absenter de l'école pour une journée ici et là, et si on avait eu les services appropriés, je pense qu'on ne le retrouverait pas, en fin de compte, dans des situations extrêmement difficiles. Je pense que c'est aussi ce que vous voulez dire ici.

Pour les cas d'expulsion, je pense également qu'il faudrait une politique générale à l'intérieur des commissions scolaires. L'expérience que j'ai faite, c'est qu'on n'expulsait pas d'enfants, mais on s'est aperçu que c'étaient les écoles qui expulsaient les enfants directement, sans qu'on le sache. Je pense que ces choses se sont corrigées au fur et à mesure que les gens en ont pris conscience. Dans ce sens, je ne peux que souscrire à vos recommandations, celles même du comité d'orientation qui aurait des responsabilités très précises et qui ne serait pas, comme le comité de consultation, uniquement consulté.

Je voudrais également vous remercier, ainsi que le groupe précédent, pour les remarques que vous avez faites eu égard aux enfants qui ont des troubles d'apprentissage. Il faut bien réaliser que les termes "peut donner des services" et "sans obligation des commissions scolaires" ne suffisent pas. Je pense même que, dans la Loi sur la protection de la jeunesse, à l'heure actuelle, il y a une disposition dans laquelle on dit: L'école doit donner à tous les enfants, enfin voir à leur développement au plan des services éducatifs. Je ne sais pas si vous le dites ou si quelqu'un d'autre le dit, mais c'est un recul qu'on retrouve dans le projet de loi 40 par rapport à ce qui existe dans la Loi sur la protection de la jeunesse. On l'a vu ce matin vis-à-vis des milieux défavorisés; cela devient encore un "peut", alors que les règlements antérieurs disaient qu'on devait fournir des services. On peut se demander, car c'est assez incompréhensible, pourquoi on a pris ce recul. Je suis sûre que cela n'a pas échappé à l'attention des gens qui ont écrit le projet de loi. J'espère que ce n'est pas pour des raisons budgétaires qu'on se serait dit: Comme cela coûte trop cher, on va mettre "peut" au lieu de "doit". On sait déjà que, même avec des obligations de le faire, tout le monde ne s'acquitte pas de ses obligations à l'heure actuelle. Je prétends qu'il ne faut certainement pas reculer, au moins dans la loi.

Je voudrais vous poser une question se référant à la page 5, du mémoire de l'Association des centres de services sociaux, mais, avant de vous la poser, il y en a une autre qui nous préoccupe ici, de ce côté de la table, depuis le début. Évidemment, du côté du gouvernement, on le ressent peut-être autant sans l'exprimer autant; je vais lui donner le bénéfice du doute. Notre préoccupation porte donc sur ce qu'on appelle un peu l'atomisation du système scolaire à partir des pouvoirs, quand même, importants qui sont donnés au niveau de l'école eu égard aux enfants en difficulté d'apprentissage, aux enfants mésadaptés ou autres. Nous craignons que, finalement, ce soient eux qui perdent dans le nouveau système, dans le sens que l'école peut, avec les meilleures intentions du monde, développer, pour une catégorie d'enfants qui seront peut-être dans un milieu favorisé, moyennement favorisé et même moins favorisé, un projet éducatif qui objectivement, en dehors de toute autre contrainte, apparaît très bon, mais qui laisserait pour compte des enfants qui sont un peu plus marginalisés par rapport à la majorité des enfants de l'école. C'est pour cela qu'on dit: D'accord, on peut accorder aux parents certains pouvoirs de décision, mais pas au point où, même eu égard à l'élaboration du projet éducatif, on arrive à un point tel qu'une partie des enfants et même une minorité, dans le cas dont je parle, puissent être un peu laissés pour compte et que, finalement, les parents aient peu de recours. Est-ce que cela vous semble une inquiétude dans le projet de loi actuel ou est-ce, de notre part, une appréhension qui n'est peut-être pas justifiée? Vous avez beaucoup d'expérience dans les milieux défavorisés, parce que les enfants dont vous vous occupez viennent souvent de ces milieux défavorisés ou ce sont des enfants perturbés qui peuvent venir des milieux économiques plus forts, plus à l'aise.

M. Tellier: Pour ce qui nous concerne, c'est le sens de notre recommandation pour le projet éducatif. C'est ce que j'ai lu un peu rapidement, parce que ce n'est pas dans le mémoire écrit que vous avez. C'est une recommandation que nous avons ajoutée à la page 14. C'est cela. Je me permets de la répéter, si vous voulez, madame. Nous recommandions, au début de la page 14, que, dans le cadre de son projet éducatif - ce n'est pas dans le texte, mais c'est une recommandation qui nous apparaît rejoindre exactement ce que vous venez de dire -l'école doit prendre annuellement des mesures - entre parenthèses, éducatives, cela pourrait comprendre beaucoup de choses qu'il faudrait expliciter - qui tiennent compte, prioritairement, de l'aide à offrir aux jeunes en difficulté et ce, en concertation avec les ressources sociosanitaires et socio-communautaires de son territoire. Nous doutons que, spontanément, on pense à ces jeunes et à ce type de problèmes. Nous nous disons que ce sont des minorités marginales, dérangeantes. On est porté à passer cela à d'autres instances. Alors, on dit: Est-ce que, dans le projet éducatif, il ne faudrait pas,

obligatoirement, - c'est à partir d'une des balises, d'un des paramètres que nous suggérions - qu'il y ait annuellement des mesures prises par l'école, mesures qui tiennent compte prioritairement de l'aide à offrir aux jeunes en difficulté et cela en concertation avec les autres ressources du milieu qui sont orientées vers ces problématiques, à savoir les ressources sociosanitaires et sociocommunautaires?

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous croyez que la commission scolaire, eu égard, par exemple, même à cette obligation qui serait faite à l'école dans son projet éducatif de tenir compte des enfants qui présentent des difficultés particulières, a un droit de regard pour s'assurer que l'école assume cette responsabilité et remplit vraiment cette obligation?

M. Huard: Tout dépend du sens que vous donnez au droit de regard. Je pense que la commission scolaire doit exercer une fonction de support et de conseil au milieu scolaire c'est-à-dire pas seulement aux gens qui sont à l'intérieur de l'école, mais aussi à tous ceux qui sont dans le rayonnement communautaire de l'école, pour amener ce milieu à formuler un projet éducatif qui devrait tenir compte prioritairement, dans l'école et avec le milieu, de l'aide à apporter aux enfants en difficulté. Quant à moi, je ne considère pas seulement les enfants qui sont signalés dans le cadre de la loi 24, mais tous les enfants qui souffrent de toxicomanie, de problèmes mentaux, etc. On peut en mettre un paquet. Cela ne constitue pas une marginalité à l'école. Je pense que vous avez des statistiques sur les décrocheurs potentiels et les décrocheurs réels. Cela commence à devenir moins marginal qu'on ne le croyait au départ. C'est une manifestation d'une espèce de maladie sociale, d'un virus social. Je ne veux pas entrer dans le problème des structures de décision de l'un par rapport à l'autre. Je pense qu'en termes de fonctions il appartient à l'école de définir son projet éducatif avec son milieu et que, dans ce cadre-là, l'équipe technique des commissions scolaires peut conseiller au mieux quant à l'élaboration du projet éducatif.

Le Président (M. Blouin): M. Couture et Mme Pineault.

Mme Pineault (Lise): Chaque école, à ce moment-là, n'a pas que des interventions au niveau curatif, mais aussi au niveau préventif. C'est important de souligner que chaque milieu a ses particularités. Il y a des attentes qui sont différentes d'une école à l'autre. Pour avoir travaillé dans plusieurs écoles, je m'en suis rendu compte à plusieurs niveaux.

Ce qui est important, c'est d'assurer à chaque enfant qui est un client potentiel, un décrocheur potentiel, peu importe son niveau social... À un moment donné, d'une école à l'autre, il peut surgir une construction, des habitations à logements qui modifient le processus dans une école. C'est sûr que la commission scolaire a un rôle à jouer. Il y a vraiment des particularités au niveau des différents cycles du primaire et du secondaire que chaque école doit assumer selon son contexte bien particulier.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. Couture. (20 h 45)

M. Couture (Alfred): Je voudrais revenir au début de votre question et me référer un peu aux expériences que nous vivons actuellement au niveau de la complémentarité qui peut exister entre le ministère des Affaires sociales, par le biais des centres de services sociaux, et les commissions scolaires.

Actuellement, lorsque nous avons à développer des programmes spécifiques - je vais parler, par exemple, de la région de Québec - ce sont des ententes qui sont établies de façon conjointe entre le centre de services sociaux et chacune des commissions scolaires. On essaie d'identifier les clientèles qui sont le plus en difficulté, les clientèles prioritaires. D'une façon conjointe, on s'entend sur ces clientèles prioritaires et on répartit les effectifs en conséquence, de sorte qu'il y a un travail de complémentarité qui se fait dans l'évaluation des besoins, dans la répartition des ressources et, par la suite, nous faisons également des bilans conjoints.

On parle beaucoup de structures, à certains moments. Mais mon inquiétude lorsqu'on parle des enfants en difficulté, c'est toujours de constater qu'il y a un manque assez effarant de services. II y a des écoles complètes qui ne sont pas desservies pour accompagner les jeunes qui présentent des difficultés.

Cet après-midi, on vous a parlé de la complémentarité qui devait exister avec les centres d'accueil. Dans la région, on m'a fait part que, à un moment donné, lorsqu'on va prendre un jeune qui va entrer dans un centre d'accueil, qu'on va vouloir l'intégrer dans le milieu scolaire, cela suppose des difficultés. Et le jeune ne bénéficie pas nécessairement de l'accompagnement requis. En tout cas, il y a des éléments qui m'apparaissent majeurs au niveau des projets de services à définir pour aider les jeunes.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question; on me dit qu'il nous reste cinq minutes et cela comprend vos réponses. À la page 5, vous exprimez une inquiétude - et je ne vais citer qu'un paragraphe, vous avez lu

les premiers, vous les avez écrits: L'effet du projet de loi sera-t-il de nous ramener dix ans en arrière dans une situation de disparité considérable? Il y a cette question-là. Deuxièmement, on sait que les ressources sont limitées et, comme vous le disiez vous-mêmes, compte tenu d'écoles cibles ou de projets cibles que vous vous fixez conjointement, la commission scolaire et le CSS, vous pouvez utiliser ou, en tout cas, vous tentez d'utiliser au maximum les ressources que vous avez pour qu'elles portent le plus possible. Cela veut dire, quand même, qu'il faut que vous puissiez agir au niveau d'un certain nombre d'écoles, c'est-à-dire que la commission scolaire regroupe un nombre suffisant d'écoles. À ce moment-là, l'école peut demander des services, mais vous ne pouvez pas nécessairement répondre à tous les services.

Dans le contexte d'une nouvelle distribution des services sociaux scolaires qui, au lieu de relever des CSS, relèveraient, selon la proposition du ministre des Affaires sociales, des CLSC, quels sont les inconvénients? Alors, il y a deux questions. La première, qu'est-ce que vous voulez dire par ceci? Et, la deuxième, quel va être l'effet de dilution possible de la loi et aussi de la nouvelle distribution des services sociaux scolaires qui est entrevue par le ministère des Affaires sociales?

Le Président (M. Blouin): Alors, une réponse succincte puisque, dans trois minutes, nous devrons passer la parole à un autre intervenant.

M. Tellier: C'est une réponse qui s'adresse à l'Association des centres de services sociaux.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Tellier: Une question, plutôt.

Le Président (M. Blouin): Alors, M. Métivier.

M. Métivier: Cela nous met très mal à l'aise d'avoir à répondre à une question comme celle-là.

Mme Lavoie-Roux: Si cela vous met trop mal à l'aise de répondre, ne vous sentez pas obligé de le faire.

M. Métivier: D'accord. C'est qu'on a, d'un côté, exprimé à travers notre mémoire l'essentiel des inquiétudes qu'on a; d'autre part, quand on venait ici pour la rencontre avec la commission parlementaire aujourd'hui, on le faisait vraiment dans le but de développer tout le volet de la protection, chose qu'on était très heureux de faire conjointement avec le Comité de la protection de la jeunesse. Ma crainte, ce serait qu'en embarquant sur le partage des responsabilités entre CSS et CLSC, on déborde...

Mme Lavoie-Roux: D'accord, oubliez cela, répondez à ma première question.

M. Métivier: D'accord, vous comprenez.

Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas vous embarrasser. Répondez à la première, c'est vraiment cela qui me préoccupe; s'il y a une diminution...

M. Métivier: D'accord.

Mme Lavoie-Roux: ...de services parce qu'il y a 30 écoles dans une commission scolaire et que chacune requiert pour ses besoins des services sociaux, vous ne serez plus dans une position d'en donner à 30 écoles parce que déjà, dans le moment, compte tenu de vos ressources...

M. Métivier: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: ...vous devez...

M. Métivier: En fait, les inquiétudes qui sont soulevées, un peu comme je le signalais tout à l'heure, sont beaucoup reliées à une sorte de silence du projet de loi sur ce qui s'est vécu en termes de concertation au niveau de la distribution des services sociaux à l'intérieur du réseau scolaire depuis une dizaine d'années. On se demande ce qu'il en est, on ne le sait pas trop. C'est la première chose. Après, on s'inquiète un peu plus en se disant: Si toute l'organisation de ces services est laissée au niveau de chacune des écoles comme telle, comment tout cela va-t-il se coordonner concrètement? On pense que le problème, que ce soit avec les CLSC ou les CSS, c'est la même chose. Comment le projet scolaire va-t-il intégrer, à l'intérieur même de son projet éducatif, les services sociaux? C'est vraiment une question qu'on soulève et vous n'avez peut-être pas les personnes à l'heure actuelle, ici, qui pourraient aller très loin sur ce chapitre, on a d'autres personnes.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le ministre.

M. Laurin: Je voudrais, d'abord, saluer le Comité de la protection de la jeunesse, son président, M. Tellier, et toute la délégation qui l'accompagne. Je voudrais aussi, évidemment, m'excuser pour vous avoir faussé compagnie cet après-midi, retenu par des obligations impérieuses à un autre endroit. J'aurais énormément aimé entendre,

bien que j'aie lu votre mémoire, vos représentations orales, ainsi que les échanges qui ont suivi.

Longtemps, alors que je travaillais dans le réseau des affaires sociales, j'ai moi-même constitué une personne-ressource pour le monde scolaire et j'ai donc eu une expérience de première main de certains des problèmes vécus à cet égard. Je continue à m'intéresser très vivement aux relations non seulement entre les deux ministères, mais entre les deux réseaux, étant convaincu plus que jamais qu'ils doivent s'appuyer réciproquement, qu'ils doivent articuler leurs actions pour le plus grand bien-être et le plus grand développement de ces populations scolaires qui ont besoin des ressources spécialisées du réseau des affaires sociales.

Je n'ai pu écouter que la dernière partie de la discussion et elle m'a vivement intéressé. Je suis bien d'accord avec ceux qui sont intervenus pour dire qu'il faut procurer au milieu scolaire les ressources du réseau des affaires sociales toutes les fois que cela est nécessaire, aussi souvent que cela est nécessaire, avec toute l'expertise qui peut leur être assurée de cette façon, mais je ne pense pas que cela résolve tous les problèmes. Il faut également, comme M. Tellier le soulignait dans sa réponse, que l'école elle-même devienne consciente, je dirais, d'une façon suraiguë, de cette population particulière dont on peut craindre qu'elle ne s'accroisse avec les bouleversements socio-économiques que nous connaissons et avec l'aggravation des crises psychoaffectives qu'ils entraînent au niveau des familles et qui se répercutent au niveau du vécu des étudiants, au niveau de leur comportement, au niveau de leurs apprentissages.

J'espère beaucoup qu'avec le projet de loi 40 les intervenants de l'équipe-école se sensibilisent d'une façon toujours plus grande à ces problèmes, car, vous l'avez dit vous-mêmes, il s'agit non seulement de réparer les pots cassés, une fois qu'ils sont cassés, mais de prévenir, d'identifier les décrocheurs potentiels et de leur venir en aide au moment où il est encore possible de corriger des trajectoires, de combler des lacunes, des insuffisances. Je compte beaucoup sur les intervenants de l'équipe-école pour pouvoir le faire.

Le phénomène des décrocheurs est peut-être inévitable, mais je pense qu'il faudrait le limiter dans toute la mesure du possible. C'est justement parce que ce phénomène a pris de plus grandes proportions qu'il importait, je crois, que l'État aussi prenne sa part des responsabilités et l'assume par tous les moyens possibles. Je pense que le ministère de l'Éducation le fait de plus en plus depuis quelques années en multipliant les études, en multipliant les recherches, en multipliant les colloques, les séances d'information. Ce n'est donc pas d'aujourd'hui que le ministère de l'Éducation s'intéresse au phénomène des décrocheurs et qu'il en parle. En tout cas, en ce qui me concerne, depuis mon accession au ministère, cela a été une préoccupation extrêmement aiguë qui confinait parfois au scandale.

Ma conviction, en effet, est que, lorsque il y a des décrocheurs à l'école, au-delà de toutes les explications économiques, scientifiques que l'on peut donner, c'est la responsabilité de l'école. C'est à elle de se questionner, c'est à elle de s'examiner, d'inventorier son action passée et c'est à elle de mettre en place, au premier chef, les moyens qui s'imposent pour que de telles erreurs ne se répètent plus ou que de telles lacunes soient comblées. C'est en ce sens que sa responsabilité est importante au premier chef, avant même celle de la commission scolaire ou avant celle du ministère de l'Éducation.

En tout cas, en raison du plan d'action que nous avons lancé en mars dernier, avec toutes les ressources que nous avons mises à la disposition des commissions scolaires et des écoles, je suis heureux de constater qu'au moment où on se parle il y a 222 projets, dans nos écoles du Québec, qui sont destinés soit à identifier les décrocheurs potentiels, soit à mettre en place de meilleurs instruments diagnostiques et correctifs s'adressant à toutes les dimensions du problème. Ces 222 projets rejoignent près de 40 000 élèves dans 82 commissions scolaires du Québec et ont, quand même, permis de ramener à l'école près de 3500 décrocheurs, dont 2200 étaient bénéficiaires de l'aide sociale. Mais je sais qu'il va falloir continuer cette marche et je ne serai satisfait que lorsque ce phénomène des élèves en difficulté fera partie, comme vous l'avez suggéré, de tous les projets éducatifs des écoles du Québec. Je pense que ça devrait être - surtout au moment où on se parle - partie intégrante de tous les projets éducatifs des diverses écoles du Québec, car aucune société ne peut se permettre ce gaspillage, cette hémorragie, cette déperdition de forces vives et ne peut se priver de l'apport de citoyens qui seraient autrement formés et épanouis dans toutes les directions.

En ce sens, je prends à mon compte la majeure partie des recommandations que j'ai lues dans votre mémoire et je peux vous assurer à l'avance que je lirai les échanges que vous avez eus avec les membres de la commission. Dans toute la mesure du possible, nous ferons en sorte que le projet de loi 40 amendé reflète ces préoccupations, mette en place les moyens propres à assurer cette collaboration effective entre les deux réseaux et vise à éviter les embûches ou les difficultés que vous nous avez signalées.

J'en profite pour vous remercier de

votre très importante contribution.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Je me fais le porte-parole des autres membres de la commission aussi pour remercier la représentante et les représentants du Comité de la protection de la jeunesse, ainsi que ceux de l'Association des centres de services sociaux du Québec de leur importante intervention dans le cadre de nos travaux.

Sur ce, j'invite maintenant les représentantes de l'Association des religieuses enseignantes du Québec à bien vouloir se joindre à nous et à se rendre à la table de nos invités pour que nous procédions, d'abord, à l'audition de leur mémoire et, ensuite, aux échanges entre les membres de la commission et nos invitées de l'Association des religieuses enseignantes du Québec. (21 heures)

J'ai également noté que le mémoire que nous a présenté l'Association des religieuses enseignantes du Québec était assez volumineux. Je présume qu'elles ont songé à certains allégements qui nous permettront de procéder à cette présentation en une vingtaine de minutes. Sur ce, je les invite à s'identifier et, ensuite, à procéder à cette présentation.

Association des religieuses enseignantes du Québec

Mme Lebel (Nellie): M. le Président, M. le ministre, Mesdames et Messieurs de la commission parlementaire, les membres du conseil d'administration de l'Association des religieuses enseignantes du Québec qui présenteront le mémoire sont: En commençant par l'extrême droite, Rose Bédard, enseignante au secondaire, conseillère et représentante de la région de Québec; Huguette Laroche, enseignante au secondaire, conseillère et représentante de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean; en commençant par l'extrême gauche, Madeleine Laroche, secrétaire générale de l'association; Jeannine Gignac, conseillère, professeur à l'Université de Sherbrooke, représentante de la région de Sherbrooke; Madeleine Savard, conseillère en éducation, représentante de la région de Montréal; et moi-même, Nellie Lebel, vice-présidente de l'association, représentante de la région Bas-du-Fleuve-Gaspésie.

Nous avons un peu raccourci la présentation du mémoire. L'Association des religieuses enseignantes du Québec, l'AREQ, incorporée depuis 25 ans, comprend environ 5000 membres qui sont réparties dans toutes les régions du Québec et occupent encore, à tous les niveaux de l'enseignement public, un éventail très large de fonctions et de postes.

Nous tenons à dire que les membres de l'association sont avant tout membres des communautés religieuses de femmes, fondées au pays pour la plupart, qui ont été présentes dans toute l'histoire de l'éducation au Québec depuis les débuts, avec Marguerite Bourgeoys, jusqu'à nos jours. Elles se croient bien placées pour intervenir à ce moment où la réforme annoncée dans le domaine de l'éducation risque de faire naître des conflits qui feront oublier le premier sujet de nos préoccupations d'éducatrices, l'enfant, le jeune.

Déjà, à l'occasion de la vaste consultation sur le livre vert du ministère de l'Education, en 1978, l'AREQ a tenu des réunions d'information, de consultation et préparé un instrument de synthèse et de réaction qui a été tiré à plusieurs milliers d'exemplaires pour servir aux comités de parents, aux conseils d'école et aux groupes d'enseignants. Et à cette occasion, l'AREQ a présenté des mémoires lors de la tournée de consultation du ministre de l'Education.

Lors de la présentation du livre blanc, Une école communautaire et responsable, l'AREQ a de nouveau informé et consulté ses membres. Certaines des modifications au livre blanc contenues dans le projet de loi 40 répondent déjà à des demandes exprimées par ses membres. Et nous notons, en particulier, deux modifications: la disparition du statut de corporation pour chaque école et le maintien des commissions scolaires en position d'autorité et de responsabilité. Cependant, même si des orientations du projet de loi 40 nous semblent positives, en particulier l'importance nouvelle donnée à l'école, certains points fondamentaux nous inquiètent encore. Nous les avons regroupés sous quatre titres: 1) les responsabilités des enseignants et des enseignantes dans l'école; 2) la direction de l'école; 3) la commission scolaire; 4) la confessionnalité dans le système scolaire.

Les recommandations que nous faisons nous semblent propres à permettre un climat scolaire plus favorable à l'éducation totale des élèves et à tempérer un virage qui nous apparaît trop radical et trop rapide. Soeur Huguette Laroche fera maintenant la présentation des deux premières parties.

Mme Laroche (Huguette): Notre association a voulu arrêter la première partie de son analyse sur le peu de responsabilités confiées aux enseignants par le projet de loi 40. En traitant des fonctions attribuées aux enseignants par le projet de loi, nous ne voulons pas éliminer ou nier les droits des parents dans l'éducation de leurs enfants, mais nous voulons un meilleur équilibre dans la distribution des responsabilités afin d'assurer l'efficacité du conseil d'école. Nous voulons que soit reconnue la compétence pédagogique des enseignants dans leur domaine propre et nous voulons qu'un rôle plus décisionnel dans l'organisation

pédagogique de l'école leur soit conféré.

Le projet de loi 40 veut redonner l'école aux usagers et accroître considérablement les pouvoirs des parents, mais, ce faisant, il réduit au minimum le rôle et les responsabilités des enseignants. Leur présence au sein du conseil d'école n'est que possible, si leurs pairs le désirent, dit l'article 39. Il en est de même pour le comité pédagogique. Ce comité, qui doit étudier les sujets directement reliés à la pédagogie, peut ne pas exister. L'avis ou l'apport des enseignants est considéré comme assez négligeable pour que l'école puisse facilement s'en passer. Bien plus, si ce comité existe, ses opinions ont le même poids que celles des comités de parents et d'élèves et cela, même dans les domaines de sa compétence. La comparaison des articles 65, 68 et 71 sur la fonction de ces comités nous démontre un peu le ridicule de la situation. Quelle reconnaissance des compétences! Ne serait-il pas normal que les enseignants se voient assigner une place importante au conseil d'école où se décideront les orientations de l'école, les moyens d'appliquer le régime pédagogique et de pourvoir aux services d'enseignement? Leur expérience ne peut que seconder le rôle confié aux parents et assurer le rendement du conseil.

Depuis plusieurs années, les contributions pédagogiques des enseignants et enseignantes sont nombreuses dans les domaines de l'élaboration des programmes, de la préparation du matériel didactique et des examens. Ces responsabilités sont assumées dans un esprit professionnel par les enseignants, soit à temps plein, soit en surplus de leur tâche d'enseignement et souvent gratuitement. Cette collaboration est reconnue au niveau du ministère et des commissions scolaires. Pourquoi l'apport professionnel des enseignants est-il si négligeable ou si peu accepté au niveau des écoles? Nous croyons qu'il est souhaitable de confier une plus grande responsabilité au comité pédagogique dans tous les sujets pédagogiques énoncés à l'article 69. Il est temps, pensons-nous, que s'instaurent au plan des écoles des relations de coresponsabilité plus structurées et plus décisionnelles entre les dirigeants et les enseignants.

Certains autres articles du projet de loi restreignent de façon indue les droits civils des enseignants et des autres personnels des commissions scolaires. Ainsi, l'article 50 refuse à un enseignant délégué au conseil d'école le droit d'en être élu président. Nous croyons qu'il faut laisser au conseil la liberté de choisir son président.

L'article 145 enlève à tout le personnel des commissions scolaires le droit d'être élu commissaire pour une école, de quelque territoire que ce soit. Le libellé de cet article doit être modifié de façon que l'interdiction ne s'applique qu'à la commission où cette personne est employée.

En conséquence, nous recommandons qu'une représentation plus équitable des enseignants soit prévue au conseil d'école.

Deuxièmement, nous recommandons que le comité pédagogique soit responsable dans les domaines pédagogiques énumérés à l'article 69; que le conseil d'école exerce sa responsabilité dans ces matières en jugeant de la cohérence des recommandations du comité pédagogique avec le projet éducatif et le budget de l'école.

Nous recommandons aussi que les enseignants délégués au conseil de l'école et/ou au comité pédagogique soient libérés d'une partie de leur tâche éducative afin de pouvoir seconder efficacement le conseil.

Nous recommandons que les articles 50 et 145 soient modifiés de façon à éliminer la discrimination à l'égard des enseignants et du personnel des commissions scolaires.

Le conseil d'école. Le rôle attribué au conseil d'école, donc aux parents, selon la formation que lui veut le projet de loi, constitue l'une des innovations les plus importantes du projet de loi 40. Nous croyons que les nombreux pouvoirs attribués officiellement au conseil d'école ne peuvent être raisonnablement exercés par des personnes dont l'emploi principal n'est pas la gestion de l'école. Compétence et temps sont nécessaires pour remplir efficacement ces fonctions. Les parents peuvent-ils avoir une compétence suffisante dans tous les domaines que leur confie la loi?

Nous proposons une autre répartition des fonctions du conseil d'école, si le projet de loi doit finalement être adopté. Dans notre perspective, le rôle du conseil porterait sur trois points: le projet éducatif, le statut confessionnel, les services à offrir à la communauté. Ces trois éléments deviendraient, pour le conseil d'école, des critères de décision face aux recommandations provenant des différents comités. Toujours d'après notre vision des choses, les responsabilités pédagogiques seraient confiées au comité pédagogique. Formé de professionnels enseignants et non enseignants, ce comité deviendrait pour les parents une source d'information directement reliée aux problèmes de leurs enfants, à leurs difficultés d'apprentissage et d'adaptation. Ce comité serait, nous semble-t-il, bien placé pour faire au conseil d'école des recommandations qui tiendraient compte du rôle de l'école comme prolongement de la famille, mais qui tiendraient compte aussi de son rôle spécifique dans la société. Les responsabilités administratives et financières, ainsi que la gestion du personnel, seraient confiées au directeur de l'école qui, de toute façon, les assumera entièrement dans les faits. Voici donc nos recommandations à ces sujets.

Nous recommandons que les responsabilités et les fonctions du conseil d'école, tel que nous l'avons modifié, soient mieux axées sur le projet éducatif de l'école, le statut en regard de la confessionnalité et les services à fournir à la communauté.

Nous recommandons que le conseil d'école reçoive les recommandations du directeur de l'école sur le budget et le plan d'effectifs, ainsi que les recommandations du comité pédagogique sur les responsabilités pédagogiques, afin de pouvoir vérifier leur cohérence avec le projet éducatif.

Nous recommandons que le comité pédagogique, présidé par le directeur de l'école ou l'un de ses adjoints, assume les responsabilités pédagogiques de l'école et en rende compte au conseil d'école et à la commission scolaire.

Le directeur d'école...

Le Président (M. Rlouin): Je suis bien la présentation du mémoire que vous êtes en train de faire, mais, au rythme où nous procédons maintenant, je crois que nous ne pourrons vraiment pas arriver dans les délais qui nous sont impartis. Je vous suggère, si possible, d'en résumer certaines parties afin que nous puissions ensuite procéder aux échanges. Je vous dis cela en toute déférence à l'égard aussi de l'autre groupe qui a été convoqué et que nous devons également entendre ce soir. D'accord?

Mme Laroche (Huguette): La situation du directeur d'école telle que décrite dans le projet de loi 40 nous apparaît inconfortable et des plus complexes.

Le partage des responsabilités entre le directeur et le conseil d'école reste ambigu. Les nombreuses responsabilités que le projet de loi attribue au conseil d'école, comme l'administration scolaire, la préparation des plans d'effectifs et le reste, seront, dans les faits, proposées par le directeur à son conseil. Il est de toute évidence que le directeur demeurera le seul maître à bord, et pourtant les professionnels de l'école, les enseignants et les non-enseignants, ont la compétence pour remplir ces responsabilités avec lui.

Que le projet de loi mette en lumière les responsabilités concrètes qu'il veut confier au directeur d'école. Qu'il précise que le conseil n'a qu'un droit de regard dans tous ces domaines, si telle est l'intention du projet de loi. (21 h 15)

Nous recommandons donc que le rôle du directeur de l'école soit présenté de façon plus réaliste et plus précise et qu'en conséquence les responsabilités du conseil d'école apparaissent clairement comme celles d'un conseil d'administration qui juge, en dernier ressort, des propositions et des plans préparés par le directeur et le personnel de l'école à la lumière de ses responsabilités propres.

Nous recommandons que le directeur de l'école soit responsable de prévoir les ressources humaines et financières nécessaires à l'exercice des responsabilités qu'il exerce en fait.

Nous recommandons que le directeur de l'école assure les relations régulières de l'école avec la commission scolaire et son personnel.

Mme Lebel: Soeur Madeleine Savard présentera la partie traitant de la commission scolaire.

Mme Savard (Madeleine): En ce qui concerne ce chapitre, nous nous sommes arrêtées d'abord à la constitution de nouvelles commissions scolaires. Les articles 134 et 135 du projet de loi 40 laissent présager de profondes modifications à la carte des commissions scolaires, modifications qui entraîneront des perturbations considérables dans l'administration et le personnel des commissions scolaires, notamment dans les grands centres. De peur que ces changements de nature plus politique et administrative que pédagogique nuisent à la qualité de l'éducation qui nous tient à coeur, nous souhaitons que les modifications entrevues soient réduites au minimum de façon à ne pas détourner les commissions scolaires des responsabilités pédagogiques et éducatives qui leur incombent.

Quant au statut et à la responsabilité des nouvelles commissions scolaires, le projet de loi laisse dans l'obscurité plusieurs points importants, croyons-nous. Les nouvelles commissions scolaires seront-elles intégrées, c'est-à-dire auront-elles à la fois la responsabilité de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire dans leur territoire? Pour nous, c'est une modification qui nous apparaît désirable et réaliste. Dans l'article 133, les nouvelles commissions scolaires seront linguistiques. Mais doivent-elles nécessairement être toutes non confessionnelles? Ainsi, là où la très grande majorité des écoles auront demandé d'être reconnues comme catholiques après consultation des parents, ne serait-il pas normal de maintenir le statut confessionnel de la commission scolaire si elle le désire?

Il nous apparaît évident que rien ne s'oppose à ce qu'une commission scolaire soit à la fois linguistique et confessionnelle. D'autre part, sur le territoire des commissions scolaires confessionnelles en vertu de la constitution, est-il prévu de permettre à des écoles déclarées non confessionnelles, à la suite de la consultation des parents, de se regrouper pour former une commission scolaire non confessionnelle? C'est une solution qu'il faudrait enfin envisager, nous

semble-t-il. Quant au rôle et à la représentativité du commissaire d'école, l'article 138 laisse entendre que le commissaire d'école siège au conseil d'administration de la commission scolaire.

Par ailleurs, l'article 39 mentionne la présence de ce même commissaire au sein du conseil d'école de quartier. Cette implication du commissaire à deux paliers d'autorité nous apparaît de nature à engendrer des conflits d'intérêts et des interférences dans la ligne d'autorité. D'une part, au niveau de la commission scolaire, le commissaire est appelé à exercer un rôle collégial. D'autre part, l'intérêt qu'il est susceptible de porter normalement à l'école du quartier risque de faire passer au second plan la responsabilité d'ensemble qui lui incombe en tant qu'administrateur de la commission scolaire. C'est pourquoi nous croyons que la présence du commissaire de quartier comme membre à part entière du conseil d'école risque de brouiller les lignes normales de relations et d'autorité entre la commission scolaire et l'école.

Je résume les recommandations. Nous recommandons que les modifications apportées au territoire des commissions scolaires soient réduites au minimum. Cela vaut particulièrement pour les commissions des écoles catholiques de Montréal et de Québec.

Deuxièmement, nous recommandons que les commissions scolaires soient à l'avenir responsables à la fois de l'enseignement primaire et secondaire, donc qu'elles soient intégrées.

Troisièmement, nous recommandons que, là où les écoles sont par choix en grande majorité catholiques, les commissions scolaires soient libres de conserver leur statut confessionnel.

Quatrièmement, nous recommandons que, sur le territoire des commissions scolaires confessionnelles en vertu de la constitution, on permette à des écoles déclarées non confessionnelles, à la suite d'une consultation des parents, de se regrouper pour former une commission scolaire non confessionnelle.

Cinquièmement, nous recommandons que les commissaires d'école ne siègent pas au conseil d'école de leur quartier, à cause du risque de conflit d'intérêts et d'interférence dans les lignes d'autorité.

Enfin, nous recommandons que les lignes d'autorité soient clairement établies entre le directeur d'école et le directeur général de la commission scolaire, entre le président du conseil d'école et le président du conseil d'administration de la commission scolaire. Cela complète les recommandations de la section précédente.

Mme Lebel: À la confessionnalité, en prenant immédiatement les recommandations qui sont assez complètes, nous recommandons que le droit des parents à choisir pour leurs enfants l'école qu'ils jugent conforme à leurs convictions religieuses demeure premier, par rapport à tout critère établi par les commissions scolaires, et que l'article 18 soit modifié en conséquence.

Nous recommandons que, en ce qui regarde le projet éducatif, l'enseignement religieux et les services de pastorale, le ministère vérifie que les droits accordés par le projet de loi 40 dans les écoles communes régies par des commissions scolaires linguistiques ne puissent être contestés au nom de la charte des droits. Autrement, le projet de loi 40 devrait être sérieusement remanié.

Nous recommandons que le mode de consultation des parents, pour la reconnaissance du statut confessionnel de l'école, assure le respect des droits des groupes culturels et religieux, en milieu hétérogène comme en milieu homogène, et que ce mode de consultation reçoive l'approbation du comité catholique.

Nous recommandons que les conditions de qualification exigées pour qu'un enseignant soit affecté à l'enseignement religieux dépassent les critères d'ordre académique et visent à rejoindre la compétence et l'engagement personnel adéquat pour cet enseignement.

Nous recommandons que les membres du personnel enseignant du secondaire et de l'élémentaire qui accepteront de donner l'enseignement religieux et qui auraient besoin d'un recyclage puissent obtenir une libération à cette fin.

Nous recommandons que le droit de choisir entre l'enseignement religieux catholique et l'enseignement moral soit offert aux parents trois fois pendant la vie scolaire de leur enfant: au début de chacun des cycles du primaire et au début du premier cycle du secondaire, le jeune lui-même étant jugé apte à choisir au second cycle du secondaire.

Nous recommandons qu'un personnel qualifié, avec mandat de l'évêque, soit en charge des services d'animation pastorale; qu'on lui accorde dans le plan d'effectifs l'importance qui lui est nécessaire pour accomplir sa tâche; que le financement public de ces services soit adéquat, tant au primaire qu'au secondaire.

Nous recommandons que le responsable du soutien aux écoles catholiques et aux services connexes soit un cadre à temps plein, sans autre fonction; qu'il ait également un mandat à l'égard des écoles pluralistes; qu'on lui adjoigne le personnel nécessaire à l'exercice de ce poste administratif sur qui reposera toute la dimension confessionnelle des écoles de son territoire.

Enfin, nous recommandons que les structures du système scolaire assurent aux

écoles confessionnelles et pluralistes les services nécessaires: au ministère, un sous-ministre de foi catholique et un service de l'enseignement catholique; au Conseil supérieur, un comité catholique et, dans les commissions scolaires, le personnel d'encadrement pédagogique nécessaire.

Je me permets une courte conclusion. Voilà l'essentiel de notre réflexion autour du projet de loi 40. Si nous souhaitons, avant tout, l'amélioration de la qualité de l'éducation dans nos écoles, nous craignons qu'un bouleversement général des structures n'entrave la réforme pédagogique à peine amorcée. L'implantation de nouveaux programmes, le matériel didactique non encore produit, les modes d'évaluation, la formation adéquate du personnel enseignant, l'entrée de l'ordinateur à l'école, toute cette évolution réclame, à notre avis, une certaine stabilité dans les structures de base ou, du moins, des étapes dans leur transformation et, surtout, l'implication du personnel enseignant.

Nous jugeons cette loi inopportune et nous demandons qu'elle ne soit pas présentée à l'Assemblée nationale sans de profondes modifications. Nous vous remercions.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, mesdames. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, à titre d'ex-élève des soeurs de Jésus-Marie et des soeurs du Sacré-Coeur, et j'en garde un excellent souvenir, mais aussi à titre de ministre de l'Éducation bien conscient de la contribution extrêmement importante que les communautés religieuses enseignantes ont faite au fil des siècles au développement du Québec, il me fait plaisir de saluer l'Association des religieuses enseignantes du Québec. Votre mémoire est abondant, nous n'aurons sûrement pas le temps de le commenter au complet, mais je veux vous assurer à l'avance que nous avons étudié et étudierons encore avec attention non seulement vos recommandations, mais également vos préoccupations, vos questions et vos interrogations.

Étant donné le peu de temps que nous avons à notre disposition, je voudrais passer tout de suite aux questions. Vous parlez d'abord, dans votre mémoire, de la situation que le projet de loi fait aux enseignants et enseignantes pour déplorer le peu d'importance que le projet de loi semble leur accorder. Je voudrais dire au départ que, dans la Loi sur l'instruction publique actuelle, il n'y a pas de place pour les enseignants, Us ne sont pas mentionnés ou presque. Ils ne le sont qu'à l'occasion de certification, de classification, d'incompétence, de renvoi et ainsi de suite. Donc, notre loi actuelle est extrêmement déficiente à cet égard. Je pense que le projet de loi 40, si on réunit tous les articles qui traitent de l'enseignant, est beaucoup plus généreux à ce sujet et reconnaît bien davantage leur place et leur importance au sein de l'école.

Mais je comprends que vous puissiez penser que cette place et ce rôle ne sont pas encore assez importants en raison de l'éminente contribution qu'ils ont toujours donnée à la vie de l'école, que ce soit par leurs actions au sein de la classe, qui en fait des piliers indispensables de l'éducation; que ce soit aussi en raison de leur travaux de recherche; que ce soit en raison des initiatives qu'ils prennent. C'est une préoccupation que je comprends parfaitement. Je pense que, si vous avez suivi les travaux de la commission parlementaire, vous m'avez entendu dire, à quelques reprises, que j'aurais souhaité que la loi leur fasse encore une place plus grande, mais qu'il me fallait tenir compte de certains éléments, de certaines dimensions de la réalité telle que nous la vivons.

Par exemple, vous avez sûrement dû entendre certains des représentants syndicaux qui se sont présentés à cette commission nous dire: Nous ne voulons pas que le législateur s'occupe de nous. Nous ne voulons pas que la loi parle des enseignants; ni pour parler de leurs droits, ni pour parler de leurs devoirs, ni pour parler de leurs obligations, ni pour parler de leurs activités. Un autre représentant disait tout simplement: Que le législateur nous laisse la paix. D'ailleurs, dans le passé, une loi antérieure qui avait fait une place importante aux enseignants a été paralysée dans son fonctionnement du fait que des représentants syndicaux ont donné le mot d'ordre à leurs membres de ne pas siéger au conseil d'orientation, mot d'ordre qui a été suivi. (21 h 30)

La question que je vous pose est donc la suivante: Malgré tous les souhaits que le législateur pourrait formuler pour marquer dans un projet de loi l'importance de l'enseignant, son rôle, ses responsabilités, doit-on aller jusqu'à rendre obligatoire la participation de l'enseignant au comité pédagogique et au conseil d'école? Doit-on prendre le risque de rendre cette participation obligatoire, surtout dans l'éventualité où la représentation des enseignants serait paritaire au sein du conseil d'école et risquerait, si le conseil d'école est boycotté, de paralyser l'activité du conseil d'école?

Mme Lebel: Je vais laisser répondre soeur Huguette Laroche à cette question qui relève de sa compétence.

Mme Laroche (Huguette): Nous savons qu'au niveau de la loi 71, la proposition sur le conseil d'orientation, elle a été boycottée

par les enseignants, comme vous l'avez bien dit. Mais nous, en tant que représentantes des enseignants et enseignantes religieuses, nous savons que l'idéal, c'est une grande collaboration entre les différents partenaires de l'éducation. Nous souhaitons - c'est pour ça que nous l'avons recommandé - qu'au niveau du conseil d'école il y ait des enseignants; nous y croyons. Mais, d'autre part, nous savons que certains dangers se profilent dans cette loi. Nous savons reconnaître que, si on institutionnalise un palier de décision entre la commission et le directeur par le moyen du conseil d'école, c'est déjà créer des conditions disparates dans toute la province. Les négociations seront très difficiles, et nous savons que beaucoup de disparités sont quand même disparues à cause des négociations qui ont eu lieu au cours des années.

Donc, nous, enseignants, nous aurons à choisir entre perdre beaucoup de pouvoir de négociation - ce qui est normal et il nous faut y penser - et le conseil d'école. Mais nous continuons de penser que les enseignants doivent être au conseil d'école, mais doivent être plus particulièrement au comité pédagogique. C'est là leur rôle, et nous croyons qu'ils doivent être au comité pédagogique, parce que c'est leur compétence et c'est de là qu'ils apporteront au conseil d'école le plus grand apport professionnel.

Nous avons aussi à penser que, plus on créera d'écoles indépendantes les unes des autres par des conseils d'école de qualité différente, de compétence différente, de clairvoyance différente, plus on émiettera le système scolaire dans le Québec, système qu'on essaie quand même de construire depuis les années soixante. Faut-il chambarder en profondeur à tous les 20 ans?

M. Laurin: Mon autre question porterait sur le conseil d'école. Si je vous comprends bien, vous voudriez limiter les pouvoirs ou fonctions du conseil d'école d'une façon substantielle, par rapport à ce que prévoit le projet de loi. En somme, vous voudriez limiter son pouvoir à l'élaboration ou à l'exécution d'un projet éducatif, à la demande ou à la réalisation d'un statut confessionnel et à la dispensation de services à la communauté. L'argument que vous invoquez, c'est celui de la compétence, c'est celui de la disponibilité. En vous entendant, j'ai eu l'impression que vous vous référiez surtout à la présence des parents, surtout du fait que le projet de loi prévoit une présence majoritaire des parents.

Je voudrais vous poser une question à ce sujet; d'ailleurs votre mémoire y fait allusion. Le conseil d'école n'est pas seul, pas plus que le conseil des commissaires n'est seul. Il s'acquittera de ses responsabilités en s'appuyant sur l'expertise du personnel professionnel de l'école, qu'il s'agisse des enseignants, des professionnels non enseignants ou du directeur de l'école. À ce titre, j'aimerais vous poser une question. Ne croyez-vous pas que des parents qui pourraient siéger au conseil d'école et qui seraient accompagnés, à votre suggestion même, de représentants d'enseignants, de professionnels non enseignants, n'auraient pas la compétence ni le temps pour prendre des décisions, pour ce qui concerne aussi bien le budget que les responsabilités pédagogiques, à l'égal de commissaires qui, eux aussi, sont obligés de s'appuyer sur des recommandations, des études qui leur viennent soit du directeur général, soit des cadres de la commission? À mon avis, il est difficile de séparer projet éducatif et, par exemple, régime pédagogique, programme de l'école, service complémentaire et particulier, puisqu'on sait très bien qu'à l'intérieur du projet éducatif certains éléments sont incontestablement et essentiellement ceux-là mêmes que touche le régime pédagogique ou les programmes de l'école ou les services de l'école. Ce serait là ma deuxième question.

Mme Lebel: Je vais tenter un début de réponse. Nous ne voulons pas dire que les parents ne seraient pas capables d'acquérir de la compétence, de se rendre disponibles, mais le rôle que nous leur voyons au niveau du conseil d'école n'est pas celui d'une administration immédiate. Nous croyons que les responsabilités pédagogiques données au conseil d'école sont tellement importantes que cela prend du monde à temps plein. Les enseignants sont là, le directeur d'école est là et que de réunions sont tenues, toutes les semaines, et par le directeur d'école et du côté des enseignants.

Le projet de loi ne parle que d'une réunion, à peu près, par mois, si j'ai bien lu. Il me semble qu'il y a un décalage entre l'importance de ce qu'ils auraient à faire et le temps qu'on pourrait leur demander. Nous voyons des parents presque à temps plein à l'école, avec des bureaux, pour remplir des mandats qui sont donnés au conseil d'école. Nous ne croyons pas qu'ils veuillent prendre toute cette place.

Nous croyons, d'un autre côté, que les enseignants, surtout au plan pédagogique, sont prêts à remplir le rôle pédagogique donné au conseil d'école; c'est leur spécialisation. Ce sont des professionnels de l'enseignement, ce sont les personnes qui vivent au jour le jour avec les jeunes, ce sont les artisans de l'éducation, de tout ce qui se passe à l'école. Alors, nous croyons qu'ils sont les mieux préparés pour jouer ce rôle pédagogique. Les parents ne sont pas exclus. Au contraire, ils doivent être là pour une concertation, pour une information, pour des avis; leur rôle sera précieux, mais pas autant que le projet de loi le veut. Nous ne

pensons pas qu'ils doivent prendre toute cette place.

M. Laurin: Les commissaires ne se réunissent pas plus souvent que le conseil d'école et, pourtant, ils prennent des décisions d'ordre pédagogique, administratif, budgétaire, financier pour un très grand nombre d'écoles. Or, ils le font justement en s'appuyant sur l'expertise, sur les recommandations qui leur viennent de spécialistes qui travaillent pour eux. En quoi ceci est-il différent d'un conseil d'école où les parents sont là, bien sûr, mais en plus, contrairement à ce qui se passe pour le conseil des commissaires, accompagnés d'enseignants qui y siègent eux aussi à titre décisionnel, de professionnels non enseignants qui y siègent eux aussi à titre décisionnel et qui, comme pour les commissaires, peuvent s'appuyer sur les recommandations du comité pédagogique, peuvent s'appuyer sur l'expertise du directeur d'école, peuvent s'appuyer sur l'expertise des professionnels non enseignants? Alors, en quoi leur situation diffère-t-elle et en quoi ne seraient-ils pas capables, pour une école et uniquement pour des responsabilités pédagogiques limitées, de trouver le temps? N'aurait-il pas la compétence, en tant que conseil, de prendre des décisions d'ordre pédagogique pour l'école?

Mme Laroche (Huguette): Vous dites que les commissaires prennent les décisions sur les recommandations du directeur général. . Cela est vrai, nous le savons, mais les recommandations sont quand même d'ordre plus général. Ce sont des politiques d'ensemble. Nous ne disons pas que les parents ne sont pas compétents. Nous disons qu'ils ont la compétence spécialement pour le statut confessionnel, pour le budget de l'école, des responsabilités qu'on a voulu leur conférer.

Mme Lebel: D'après nous, le conseil d'école a un rôle plus pédagogique que la commission scolaire. Dans l'immédiat - je prends l'article 69 - en ce qui concerne les modalités d'application du régime pédagogique, l'orientation en vue de l'enrichissement des objectifs et des contenus indicatifs, ce qui est dit pour le comité pédagogique est d'ordre pédagogique. C'est ce même ordre pédagogique que nous retrouvons donné au conseil d'école: l'orientation des services complémentaires; les normes et conditions d'évaluation des apprentissages de l'élève; les critères pour le choix des méthodes pédagogiques, des manuels scolaires, du matériel didactique; les règles pour la conduite et la discipline de l'élève; le besoin de perfectionnement; le choix des activités parascolaires. C'est tout l'immédiat de la vie de chaque jour et de l'ensemble des programmes qui semble donné au conseil d'école et qui dépasse, je pense, ce que nous demandons au commissaire d'école.

M. Laurin: Ce sont tous là des sujets sur lesquels le comité pédagogique où sont regroupés les enseignants a à se prononcer, qu'il a étudiés, sur lesquels il a à faire des recommandations et c'est sur ce travail déjà considérablement achevé qui arrive au conseil d'école que le conseil d'école a à se prononcer, encore une fois, pas seulement par les parents qui sont là, mais aussi par des enseignants et des professionnels non enseignants. Donc, là aussi le travail a été amplement et profondément préparé par un comité pédagogique où siègent d'une façon prépondérante les enseignants. En plus, il y a l'expertise du directeur d'école sur laquelle le conseil d'école peut toujours compter pour des responsabilités qui sont quand même limitées puisque d'autres articles du projet de loi prévoient un rôle pédagogique également pour la commission scolaire. Par exemple, il y a l'article 199, tous les articles qui concèdent à la commission scolaire le pouvoir d'établir des grandes politiques ou des grandes normes qui vont justement aider le conseil d'école à se situer à l'intérieur d'un cadre limité, mais à exercer des responsabilités qui, comme vous venez si bien de le dire, sont liées au vécu même des élèves, aux apprentissages mêmes que les élèves font dans les écoles.

Quand vous dites ailleurs dans votre mémoire que vous vous réjouissez de l'importance plus grande attribuée à l'école, je pense que cette importance se traduit précisément par le rôle et les fonctions qu'un conseil d'école, où siègent des enseignants, qui prend des décisions qui s'appuient sur les recommandations du comité pédagogique, peut apporter comme améliorations à la qualité des services d'enseignement et à la qualité des services éducatifs. (21 h 45)

Mme Laroche (Huguette): Mais on pourrait ajouter que les décisions du conseil d'école vont être prises sur recommandation du comité pédagogique, à la condition que le comité pédagogique existe. Ce qu'il y avait de différent dans les commissions scolaires, quand les recommandations arrivaient aux commissions scolaires, c'étaient des comités paritaires qui avaient apporté des suggestions. Donc, les commissaires étaient à même de juger que, déjà, la décision s'était prise au niveau des patrons comme au niveau des enseignants, donc, jugée avec plus de sévérité, si vous voulez, des deux côtés. Là, les décisions vont parvenir du comité pédagogique, s'il existe. Or, dans votre loi, il n'existe pas nécessairement, dans la loi que nous avons sous les yeux.

M. Laurin: La première question que je vous ai posée, c'est: Est-ce que vous nous recommandez de rendre ce comité pédagogique obligatoire? C'est une question que je suis prêt à considérer parce que je considère essentielle l'existence de ce comité pédagogique au sein de l'école. Si vous nous recommandez, comme d'autres groupes, qu'il soit obligatoire, nous devrions nous poser sérieusement la question puisque cela nous semble le bon sens même, l'évidence même que chaque école possède son comité pédagogique. S'il existe, le conseil d'école aura cette expertise, cet appui, cet éclairage, ce savoir sur lequel il pourra s'appuyer pour prendre ses responsabilités en matière pédagogique.

Mme Laroche (Huguette): Nous croyons qu'il doit exister puisque nous le recommandons. Nous recommandons que le comité pédagogique soit responsable des domaines pédagogiques énumérés à l'article 69. Nous le recommandons et nous croyons que le conseil d'école ne sera pas compétent dès la première année. Donc, il y aura certaines années de perturbation puisqu'il devra se rendre compétent petit à petit. Nous ne considérons pas que le conseil d'école, surtout prioritairement formé de parents, soit actuellement compétent, même secondé. Il a des compétences spéciales qu'il faut lui reconnaître. Quand il aura les recommandations du comité pédagogique, il n'aura qu'un droit de regard. En tout cas, selon ce que nous pensons, si les recommandations du comité pédagogique sont conformes au statut de l'école, sont conformes au budget, sont conformes au projet éducatif, à ce moment, les décisions du comité pédagogique auront force de...

M. Laurin: Comme vous oeuvrez également dans le secteur privé, est-ce que vous pourriez nous éclairer à cet égard et nous dire si, dans les écoles privées, il y a partout des comités pédagogiques et si le rôle des comités pédagogiques dans les écoles privées est à peu près celui que vous nous recommandez pour l'école publique? Troisièmement, est-ce que les conseils d'administration des écoles privées s'appuient, pour les décisions qu'ils prennent en matière pédagogique, comme en toute autre matière, d'ailleurs, puisqu'ils sont autonomes, s'appuient d'une façon fondamentale sur les recommandations de leur comité pédagogique?

Mme Lebel: Nous savons qu'il y a beaucoup de variété du côté des écoles privées. Nous n'avons pas étudié spécifiquement cette question, cette façon de procéder. Peut-être que soeur Rose Bédard peut répondre un peu en ce qui concerne les écoles privées.

Mme Bédard (Rose): Je peux vous dire qu'il existe des comités pédagogiques dans les écoles privées, que les professeurs ont un rôle important à jouer et que leurs interventions sont importantes, sont pesantes. Nous sentons là que nous avons notre place. Je pense que c'est important de se sentir important quelque part.

M. Laurin: Parfait.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt et de profit les observations que vous avez soumises à la commission parlementaire autour du projet de loi 40. J'ai été frappé, pour ma part, de l'ampleur du champ qu'embrasse votre mémoire. Comme d'autres, je m'attendais un peu que vous vous attardiez surtout sur le cinquième thème, celui de la confessionnalité, et je constate avec plaisir que vous avez abordé le problème dans une dimension beaucoup plus large, un peu comme l'avaient fait l'autre jour les frères des Écoles chrétiennes quand ils sont venus nous voir. Je m'en réjouis beaucoup parce que je constate, en examinant votre mémoire, que vous avez beaucoup à apporter sur l'ensemble des problèmes que soulève le projet de loi 40. Il y a une chose qu'on peut dire à votre crédit, je pense, sans que cela soulève de discussions: on ne peut pas vous faire trop de reproches au point de vue de la recherche de pouvoirs. Les remarques que vous faites sont inspirées par le souci du bien de l'éducation. Je ne pense pas qu'elles soient inspirées d'abord par le souci de préserver ceci ou cela. Vous avez étudié le projet de loi dans une perspective qui me paraît très objective et je veux, pour ma part, vous en exprimer mon appréciation.

Je voudrais maintenant en venir aux thèmes que vous soulevez. Je ne pourrai pas aborder les cinq thèmes. Je vais en aborder quelques-uns. Au sujet du rôle des enseignants, je crois que vous avez bien fait de mettre cela en premier dans votre liste de sujets d'inquiétude, comme vous l'avez dit, parce que c'est vrai qu'il y a des carences radicales dans le projet de loi 40 qui devront être corrigées si jamais il doit voir le jour à l'état de loi. J'entendais le ministre rappeler tantôt la rencontre que nous avons eue avec la Centrale de l'enseignement du Québec à ce sujet. Il mentionnait, si je l'ai bien compris, que les dirigeants de cette centrale avaient dit qu'ils ne veulent pas que le projet de loi parle d'eux, pour autant qu'on laisse toutes les choses comme elles sont là, etc. Ce n'est pas ce que j'ai compris et j'ai pris soin, pendant que M. Laurin parlait tantôt, de relire certains passages du mémoire de la

Centrale de l'enseignement du Québec.

Il y a une chose qu'ils ont dite au ministre. C'est difficile à comprendre parce que c'est bien simple. C'est fondamental. Ils ont dit: On veut d'abord que notre autonomie professionnelle soit respectée et garantie, et ils ont mentionné un certain nombre de choses. Par exemple, pour le travailleur ou la travailleuse dans l'enseignement, le mode d'intervention, le choix des documents complémentaires, des guides pédagogiques et de l'instrumentation, les modes de communication avec les parents, la préparation et la présentation des cours devraient être de la responsabilité première de la personne concernée. Je crois comprendre, si je sais lire encore, que, s'il était question de garantir cela dans la loi, ils n'auraient sûrement pas d'objections. Au contraire. Ils ont trouvé que ce n'était pas nettement garanti dans le projet de loi et ils s'en sont ouverts ici. Ils disent ensuite: "D'autres éléments comme le choix des méthodes, l'utilisation de certaines journées pédagogiques, le moment et le contenu de rencontres avec un groupe de parents d'un niveau pourraient être de la responsabilité collective des travailleurs et des travailleuses de l'enseignement ou, encore, décidés conjointement avec la direction de l'école."

Là, ils ajoutent ceci qui me paraît capital: "C'est par voie de négociation que cette autonomie individuelle et collective devrait être précisée, de même que les lieux de son exercice." Ce qu'ils sont venus nous dire, c'est qu'ils ne veulent pas d'un modèle uniforme partout dans le Québec. J'entendais le ministre sauter sur votre suggestion d'un comité pédagogique dont je vais parler tantôt. Il a dit: Aimeriez-vous qu'on mette cela obligatoire? Quand il nous demande s'il y a lieu de créer une nouvelle obligation, je vous invite à vous méfier. Il y a déjà beaucoup d'obligations qui ont été créées au cours des dernières années par Dieu qui règne à Québec. On voudrait alléger ce fardeau et non pas l'augmenter encore. Quand on met une obligation dans une loi, qu'on dise ce qu'on voudra, c'est une autre source d'alourdissement de tout le processus.

Je pense qu'il y a beaucoup de marge qui a été laissée par la Centrale de l'enseignement du Québec l'autre jour pour la négociation d'aménagements de collaboration, de structures de concertation au niveau de l'école, mais essentiellement, ce qu'on nous a dit, c'est qu'on ne veut pas qu'un modèle unique soit dicté à partir d'en haut pour tout l'ensemble du Québec. Il suffit, d'ailleurs, de se rappeler les différences fondamentales qui existent entre l'école primaire et l'école secondaire pour se rendre compte qu'on ne peut pas avoir exactement les mêmes structures aux deux niveaux.

Cela étant dit, j'ai été bien intéressé par les distinctions que vous faites entre le conseil d'école et le comité pédagogique. Il me semble qu'il y a des avenues intéressantes à explorer de ce côté-là. Je pense que vous voulez surtout centrer le conseil d'école sur trois objets de préoccupations principales: le projet éducatif, si je comprends bien, les questions relatives à la confessionnalité - entendue évidemment dans un sens très large - et ensuite le service à la collectivité. Vous voulez le concentrer surtout sur l'aspect pédagogique, qu'il y ait un conseil d'école qui puisse exercer un droit de regard sur tout cela sans s'arroger un droit d'initiative qui créerait un conflit direct avec le comité pédagogique. Je pense que tout cela est prévu dans votre projet. Je ne serais pas prêt à le traduire dans un texte législatif demain matin. Je crois qu'il y a des pistes qui sont ouvertes par vos réflexions, qui sont très intéressantes. Elles me rappellent ce que nous avaient dit les représentants des enseignants, l'autre jour; ils ont dit: On veut qu'une collaboration s'institue, mais sur la base du respect de la fonction et du rôle propre de chaque agent de l'éducation dans l'école. On ne veut pas qu'on s'imagine qu'à créer une petite structure, on va donner tant de membres à l'un et tant de membres à l'autre, on va régler le problème. C'est beaucoup plus compliqué que cela dans la réalité.

Je trouve cela intéressant. Je vais vous poser deux ou trois questions qui nous font déboucher aussi sur le rôle de la commission scolaire. Vous dites: Le conseil d'école aurait une fonction, par conséquent, prioritairement pédagogique, centrée sur trois champs principaux; il va peut-être y en avoir quatre, éventuellement, ce n'est pas cela la question. Le reste de la vie de l'école, la direction courante de l'école, toute la partie administrative, de qui va-t-elle relever, d'après vous?

Mme Lebel: À la page 8 de notre mémoire, nous avions tenté de faire une répartition des pouvoirs. Je pense que c'est là, finalement, que nous nous exprimons sur ce sujet. Il nous semble essentiel de distinguer entre les responsabilités touchant le projet éducatif de l'école, qui est une affaire de concertation entre les parents, le personnel de l'école, même les élèves, et les responsabilités pédagogiques qui sont relatives au service d'enseignement, à l'évaluation, aux services complémentaires et qui seraient, comme nous l'avons dit tout à l'heure, confiées au comité pédagogique, puis soumises au conseil d'école.

Nous distinguons également des responsabilités administratives et financières qui seraient confiées au directeur de l'école, supervisées par le conseil d'école pour s'assurer qu'elles ne contreviennent pas au projet éducatif afin qu'il y ait cohérence et,

par la suite, revues par la commission scolaire. C'est son rôle.

La responsabilité de déterminer le statut confessionnel de l'école, davantage confiée au comité de parents...

M. Ryan: Très bien.

Mme Lebel: Je continue? Non?

M. Ryan: C'est parce que je voulais revenir avec l'autre aspect. Ma question portait plutôt sur l'autre aspect, mais, si vous voulez terminer cela, soyez bien à l'aise.

Mme Lebel: Oui. Et, finalement, la responsabilité de déterminer les services à offrir à cette communauté, alors responsabilité conjointe par le conseil et le directeur de l'école, avec l'approbation de la commission scolaire. Je crois que c'est...

M. Ryan: Vous faites bien de souligner les distinctions qui sont faites à la page 8. C'est sûrement l'une des pages les plus importantes de votre mémoire. C'est dommage qu'on n'ait pas le temps de la relire tranquillement et de vous demander beaucoup d'explications. Mais je pense que c'est un exemple de l'effort de réflexion impartiale et réceptive que vous avez faite. D'ailleurs, je vous en félicite encore.

Mais je vais revenir avec une sous-question. Les questions administratives et financières seraient confiées au directeur de l'école. Voici ce que je veux savoir. Là-dessus, votre mémoire est moins clair, à mon point de vue. Il y a deux points sur lesquels votre mémoire me semble avoir besoin de précisions: le statut du directeur de l'école, ensuite on va parler des responsabilités de la commission scolaire.

Quant au statut du directeur de l'école, dans le projet de loi, tous ceux qui nous en ont parlé l'ont trouvé extrêmement flottant et ambigu, vous aussi d'ailleurs. D'après vous, de qui relève-t-il, le directeur de l'école? Vous avez des recommandations plus loin, vous en parlez je pense à la page 18; vous parlez de son rattachement au directeur général de la commission scolaire. Comment le voyez-vous, le directeur de l'école? Est-ce que c'est un employé de la commission scolaire ou du conseil d'école? Qui va décider de son engagement? À qui doit-il rendre des comptes? De qui relève-t-il, finalement? Il ne peut pas relever de trois ou quatre autorités en même temps, j'imagine.

Mme Lebel: Huguette. (22 heures)

Mme Laroche (Huguette): Je crois que le projet de loi le fait relever de plusieurs autorités. Il est engagé par la commission scolaire, il est proposé par le comité d'école, c'est-à-dire un comité formé en grande partie par les membres du conseil d'école, il exécute ce que le conseil d'école va lui demander et il rend compte de son administration financière à la commission scolaire. Comme nous l'avons dit, tout paraît ambigu. On donne au directeur des pouvoirs sans les inscrire dans le projet de loi. Il proposera tout au conseil d'école. J'ai dit quelque part qu'il sera le maître d'oeuvre de beaucoup de choses et je continue de le penser. Même avec un comité pédagogique, il continuera d'être le maître d'oeuvre de tout. Sera-t-il un pantin aux mains des conseils d'école ou le tireur de cordes de certains autres pantins? Son rôle est très ambigu. Peut-être qu'au niveau des commissions scolaires on a autre chose à ajouter, je ne le sais pas.

Mme Savard: Je voudrais simplement attirer l'attention sur une des recommandations, au chapitre de la commission scolaire. C'était une recommandation qui complétait celles du chapitre précédent, à savoir que nous demandons que les lignes d'autorité soient clairement établies entre le directeur d'école et le directeur général de la commission scolaire. Il me semble que ce qui est exposé est très ambigu dans le projet de loi. Comment le justifier? Je pense qu'il faudrait vraiment qu'il soit établi, et d'une façon très claire, particulièrement au niveau pédagogique. Nous pensons que le directeur d'école est en relation directe avec le directeur général de la commission scolaire.

M. Ryan: Qui doit être dans un rapport d'autorité normale avec le directeur... Il ne faut pas avoir peur du mot "autorité", parce qu'il en faut une quelque part pour que cela marche. Ce n'est pas vous qui avez peur de cela? Nous essayons de mettre les choses le plus clairement possible pour qu'on sache où l'on s'en va là-dedans. Je suis content de la précision que vous m'apportez, elle répond à la question que je me posais à ce sujet.

En ce qui regarde le rôle des commissions scolaires, vous semblez satisfaites de ce qu'il y a dans le projet de loi. Savez-vous que la Fédération des commissions scolaires catholiques, l'Association des directeurs généraux de commissions scolaires, l'Association des cadres scolaires et la Centrale de l'enseignement du Québec sont venues ici et que ces organismes nous ont tous dit que ce n'est pas satisfaisant, que la commission scolaire, surtout au point de vue des pouvoirs et des responsabilités en matière pédagogique, est gravement émasculée par le projet de loi?

Je signale que votre mémoire date du mois de novembre dernier, que plusieurs

discussions ont été faites depuis et que beaucoup de précisions ont été apportées par divers intervenants. Aujourd'hui, écririez-vous avec autant de tranquillité d'esprit que vos inquiétudes sont disparues à ce sujet? J'ai été frappé, au début de votre mémoire, de lire cette phrase; vous dites: On avait des inquiétudes au sujet des responsabilités des commissions scolaires. Il semble que cela soit correct maintenant. Est-ce vraiment votre sentiment?

Mme Savard: C'est loin d'être clair et je pense que cela mériterait encore beaucoup de réflexion de notre part. Cependant, nous avons exprimé notre inquiétude quant aux modifications que laisse prévoir le texte de la loi relativement aux structures des commissions scolaires. Nous pensons qu'il serait prématuré de changer ce qu'il y a actuellement, tenant compte de l'action, des développements, des projets pédagogiques qui sont commencés à ce niveau dans notre système d'éducation. Nous croyons vraiment que, pour que des services professionnels soient efficaces, il faut un personnel suffisamment nombreux pour constituer une "masse critique" valable. Alors, nous croyons vraiment que ce qu'il y a, en tout cas comme nous le vivons actuellement, devrait continuer tant qu'on n'aura pas de meilleure formule.

Mme Gignac (Jeannine): II est mentionné aussi dans les recommandations: "nous recommandons que les commissions scolaires soient à l'avenir"... Alors nous faisons une proposition quant à l'avenir des commissions scolaires: que les commissions scolaires soient à l'avenir responsables à la fois de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire. Nous proposons aussi l'intégration. Je pense que c'est un point important que nous tenions à soulever.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les personnes qui viennent de présenter un mémoire aussi complet. Il est certain qu'à la lecture de toutes ces pages, où les recommandations succèdent aux analyses, c'est assez facile de retrouver l'essentiel de la pensée de l'association que vous représentez.

Il y a, cependant, un problème que je n'ai pas réussi à éclaircir à la lecture de votre document et il se présente de façon assez globale. Tout à l'heure, le ministre de l'Éducation a fait référence à certaines institutions d'ordre privé, que certaines communautés religieuses administrent avec grand succès d'ailleurs, qui donnent des résultats fort intéressants. Ce sont des institutions dirigées par des conseils d'administration très proches des usagers, qui font appel plus souvent qu'autrement à la participation des parents, qui ont un directeur d'école avec énormément de responsabilités, qui s'enorgueillissent d'offrir un projet éducatif bien clair, bien précis aux parents qui choisissent cette institution, qui recherchent une performance sur le plan pédagogique et sur le plan de l'éducation dans son ensemble, qui recherchent une certaine performance parfois même en concurrence, d'une certaine façon, avec d'autres institutions privées ou publiques. Ce sont des institutions qui fonctionnent avec un budget relativement modeste, puisqu'on nous dit assez souvent que les ressources allouées ne sont pas tout à fait équivalentes à celles allouées dans le secteur public et sont donc, parfois, insuffisantes. Donc, ce sont des institutions qui s'administrent bien, avec un personnel relativement réduit.

Nous avons, d'autre part, dans notre système, une école publique désertée, d'une certaine façon, par une partie de la population. Il y a des réclamations assez fortes à ce niveau. Une école publique est administrée par des commissaires d'école qui sont plus loin - souvent, dans des commissions scolaires plus importantes, en tout cas - peut-être des préoccupations des usagers ou des parents des élèves qui la fréquentent. Ce sont des écoles qui ont tendance, dans certains cas, à avoir un projet éducatif davantage de commission scolaire que d'école.

Voilà que le ministre de l'Éducation essaie, par un projet de loi, à mon point de vue, de rapprocher d'une certaine façon ou d'utiliser les forces qu'on peut avoir dans certaines institutions privées pour les appliquer à l'école publique. En somme, c'est en faire une école de dimension plus réduite, plus proche des usagers, avec un projet éducatif propre, avec ses ressources et la collaboration de chacun des intervenants: enseignants, professionnels, directeurs, parents ou autres.

À mon étonnement, à la fin de votre mémoire, vous soulevez beaucoup d'interrogations face au projet de loi. Vous recommandez d'y aller avec la plus grande prudence, sinon de le retirer ou de le modifier substantiellement. J'aimerais savoir - sans entrer dans les détails, dans ce qu'on pourrait appeler la tuyauterie - à partir de quoi on peut demander au ministre de retirer ou de modifier substantiellement un projet de loi dont l'objet principal, je pense, est d'utiliser, de rapprocher sensiblement une école publique qu'on critique très souvent, parfois à raison, parfois à tort, de la rapprocher d'un système qui semble avoir une dimension plus humaine et plus normale, un système dans lequel vous oeuvrez, d'ailleurs, dans bien des cas.

J'aimerais que quelqu'un - je ne sais pas qui désire répondre à la question -m'explique ce dilemme ou cette prise de position qui m'apparaît aller à l'encontre d'une philosophie que, finalement, vous pratiquez régulièrement, quotidiennement.

Mme Lebel: Je vais tenter de vous donner une réponse. Nous sommes heureuses que vous fassiez allusion à l'enseignement privé - que nous n'avons pas étudié, comme nous l'avons dit - dont vous avez vanté les mérites. Vous avez fait état aussi de certaines difficultés budgétaires à cet égard, que vous mettez en parallèle avec l'école publique, semblant dire que le projet de loi 40 voudrait faire de l'école publique un genre, non pas d'enseignement privé, mais prendre modèle sur l'enseignement privé.

Je ne crois pas qu'on puisse dire que, dans nos recommandations, nous avions en tête de toujours penser à l'enseignement privé; comme nous l'avons dit tout à l'heure, nous n'avons pas voulu étudier le problème de l'enseignement privé.

Vous nous demandez pourquoi nous ne serions pas heureuses d'un projet de loi qui voudrait, comme à l'école privée, rendre l'école plus humaine. Certains principes du projet de loi 40 nous semblent très bons et je pense que ce n'est pas au niveau des principes que nos interrogations se tiennent, mais au niveau des aménagements; c'est au niveau du comment, c'est au niveau de ce que nous avons actuellement et ce vers quoi nous voulons tendre, c'est au niveau de la rapidité. Nous croyons que des améliorations non seulement peuvent, mais doivent être apportées à l'école. Il faut avancer, il faut tenir compte du contexte social. Par exemple, pour tout ce qui concerne la confessionnalité, nous devons tenir compte du contexte québécois actuel. Mais nos interrogations nous font dire que c'est peut-être un peu rapide. Nous aurions aimé avoir des études plus complètes en ce qui regarde la confessionnalité et le projet éducatif dans un milieu hétérogène par exemple. Nous aurions peut-être aimé voir des expériences pilotes afin de nous assurer que ce qui est proposé puisse tranquillement se mettre en marche et sans trop de heurts, sans trop briser.

Notre position est peut-être celle d'une prudence et non pas celle d'un arrêt, mais c'est plutôt au plan de la prudence, de la progression, mais par étape. C'est dans ce sens.

Le Président (M. Blouin): II y a certaines de vos consoeurs qui désirent réagir.

Mme Lebel: Oui.

Le Président (M. Blouin): Mme Laroche et Mme Gignac.

Mme Laroche (Madeleine): La question que pose le député de Roberval me paraît fort intéressante en nous révélant un aspect de la motivation du ministre de l'Éducation.

Si vous me permettez, M. le ministre, à deux reprises, vous nous avez demandé: Est-ce qu'il va falloir revenir à la présence obligatoire des enseignants? Nous sommes des religieuses enseignantes et, parfois, nous nous taxons d'être des professionnelles, mais je me dis: Ce n'est pas tellement sur l'obligation, je pense que le mot n'a même pas été prononcé dans la préparation du mémoire. C'est en tant que personnes professionnelles compétentes à participation volontaire et question de nombre dans le comité pédagogique. Dans les institutions privées, ce que je connais, c'est que le comité pédagogique est constitué d'enseignantes et ses recommandations au conseil d'administration sont tenues pour importantes parce qu'on sait que ce sont les gens du milieu qui se sentent responsables.

Si je reviens à la comparaison que vous avez établie entre institutions privées et institutions publiques, il y a des valeurs de l'institution privée que nous retrouvons plus difficilement. D'abord, il y a une question de nombre, c'est plus petit, c'est plus humain et il y a des valeurs de contacts avec la personne qui font plaisir aux parents et qui permettent d'exercer une oeuvre d'éducation dans l'école privée. Cela est reconnu par les parents. Même si le comité pédagogique a beaucoup d'importance, nous tenons compte également de la demande des parents. Par exemple, quand il y a remise des bulletins et qu'on fait demander les parents, il y a contact entre eux et explications. Il me semble qu'on ne doit pas laisser tout cet aspect très humain et qui est encore reconnu dans notre milieu aujourd'hui. (22 h 15)

Le Président (M. Blouin): Mme Gignac.

Mme Gignac: Dans le projet de loi 40, il y a plusieurs objectifs valables qui peuvent être réalisés de façon progressive en dehors de la loi 40. Vous pouvez facilement, je pense, demander l'intégration des commissions scolaires sans la loi 40.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Alors, Mme Laroche.

Mme Laroche (Huguette): Je voudrais ajouter, pour répondre à votre question, que même si vous relevez certains modes de fonctionnement de l'enseignement privé, nous ne pouvons pas penser que l'enseignement public, même sur les mêmes modes, donnera les mêmes résultats. Nous sommes dans une école publique où tous les enfants doivent

être à l'école jusqu'à l'âge de 18 ans, 16 ans. À l'école publique, nous assumons aussi tout le secteur professionnel que le secteur de l'enseignement privé n'assume pas; donc, les coûts ne pourront pas se limiter dans des budgets modestes, car vous savez tout l'équipement que demandent les cours professionnels.

De plus, il faut bien dire aussi que les normes d'acceptation dans les écoles privées sont aussi plus sévères de même que les normes de promotion sont plus sévères que dans les écoles publiques. Nous avons tous les enfants dans les écoles publiques; donc, même avec des normes semblables à celles qui existent déjà dans le secteur privé, il ne faut pas s'attendre que l'école publique donne les mêmes résultats: budget modeste, conseil d'administration fort intéressé, recherche de performance. La performance qu'on peut demander à l'école publique, c'est de passer avec 50 et l'étudiant se contente de passer avec 51.

M. Gauthier: De fait, ce que je disais, ce n'est pas qu'on veuille absolument modeler l'école publique sur l'école privée, je disais qu'on essayait de rechercher des éléments positifs dans le fonctionnement de l'une et de l'autre et, partant de là, de bâtir au Québec un système d'éducation qui lui soit propre. Je ne pense pas que le but de quiconque ici soit nécessairement d'essayer de faire des écoles privées avec chacune des écoles publiques du Québec, parce que l'école publique a aussi ses forces et ses valeurs.

Mais il y a une réponse qui m'a intéressé particulièrement tout à l'heure. D'abord, on a dit que le principe général, finalement, on s'y associait et que c'était plutôt une démarche de prudence, de petits pas plutôt qu'autre chose. Ce n'est donc pas, si je comprends bien, une objection fondamentale comme telle, c'est beaucoup plus une certaine pondération que vous demandez au ministre dans l'instauration de sa loi 40.

Vous avez également mentionné, si je vous cite correctement, que l'école privée était plus petite, plus humaine. Est-ce que vous retrouvez dans le projet de loi 40 des éléments qui ont tendance à rapetisser l'ampleur de l'administration? Il me semble, en tout cas, qu'il est tout plein d'articles concernant cet aspect. Le fait d'y associer les parents - on a parlé également de l'implication des parents comme étant une chose fort importante - prend une signification toute particulière dans le projet de loi 40. Outre certaines modalités qui peuvent sembler trop rapides, et peut-être à bon droit d'ailleurs, sur tous ces aspects de l'implication plus grande des parents, de diminuer la taille de l'administration, de rendre plus humains les rapports entre les différents intervenants dans l'école, j'ai l'impression, à moins que je ne me trompe -et j'aimerais que vous me corrigiez si c'était le cas - que vous adhérez à ces principes ou aux articles qui peuvent promouvoir ces objectifs.

Mme Savard: II a beaucoup été question, au cours de cette discussion, des divers agents de l'éducation entre autres, les parents. Nous sommes bien d'accord que les parents contribuent vraiment au projet éducatif de l'école et qu'ils aient vraiment leur place dans l'école, mais vous remarquerez que les recommandations que nous avançons se situent surtout en termes d'équilibre à partir de la contribution de chacun de ces intervenants à l'éducation à l'école. Ceci est très important et c'est pourquoi nous trouvons que, dans ce projet de loi, le rôle de l'enseignant est minimisé. Par contre, on trouve que les parents prennent peut-être une part trop grande, alors que les personnes vraiment habilitées à l'école, ce sont les enseignants. Ce n'est pas parce que nous méprisons le rôle des parents. Loin de là. Quand nous parlons aussi du comité pédagogique, quand on veut qu'il soit formé exclusivement du directeur d'école et des enseignants, nous ne perdons pas de vue le fait que ces enseignants sont aussi en grande partie des parents et qu'ils ont quelque chose, justement, à faire valoir à ce sujet.

M. Gauthier: Permettez-moi une dernière question. Vous dites que le projet de loi ne fait pas - en tout cas, en apparence, ce qu'on peut en comprendre - une place suffisamment grande aux enseignants, mais que je sache, dans le système actuel - on en faisait état tout à l'heure - les structures de consultation sont prévues dans la convention collective des enseignants, mais il n'y a pas d'enseignants qui siègent là où se prennent les décisions, c'est-à-dire au conseil des commissaires. Comme on sait que le conseil de l'école aura des pouvoirs importants et prépondérants - on a même parlé d'un directeur qui en aurait peut-être trop à faire à certains moments, c'est donc dire qu'on reconnaît que le conseil de l'école aura beaucoup de pouvoirs - la participation des enseignants, qui n'est pas arrêtée et sur laquelle le ministre a discuté longuement avec la CEQ, à ce conseil serait donc, à mon point de vue, par rapport au statu quo, un pas important pour responsabiliser et pour donner aux enseignants l'importance qui leur revient. Ne croyez-vous pas que le projet de loi 40 serait préférable à cet égard, parce qu'il donne aux enseignants cette importance par rapport au statu quo?

Mme Laroche (Huguette): Donner de l'importance aux enseignants... L'enseignant avait déjà une importance, très minime, mais

il y avait déjà des comités paritaires auxquels il siégeait et c'est lui qui faisait ses recommandations. Les comités paritaires disparaissent avec le projet de loi 40, si j'ai bien compris.

M. Gauthier: Ce qui est dans les conventions collectives demeure, que je sache.

Mme Laroche (Huguette): Oui.

M. Gauthier: Le projet de loi 40 ne touche pas aux conventions collectives et les comités auxquels vous faites allusion sont inclus dans les conventions collectives. Donc, ils demeurent là, mais on ajoute une dimension légale à la participation des enseignants et à la prise de décision, ce qui n'existe pas à l'heure actuelle.

Le Président (M. Blouin): Y a-t-il des commentaires?

Mme Lebel: Oui. Je voudrais peut-être faire un commentaire un peu général par rapport à ce que vous avez dit tout à l'heure. Je pense toujours à l'école privée et à l'école publique. Ce serait un commentaire général. Ce qui fait peut-être le succès de l'éducation complète qu'on veut donner à nos élèves, c'est, je pense, tout un climat et ce climat semble plus facile dans une école privée ou dans une école relativement petite. À l'école primaire, il y a peut-être un climat plus facile encore, mais quand un enseignant est heureux dans sa tâche, parce qu'il a la possibilité de l'être, parce que sa tâche lui laisse la possibilité de souffler, parce qu'il peut, avec ses nombreux étudiants, établir des relations humaines, parce qu'il lui reste un peu de temps pour les voir, pour travailler avec eux d'une façon plus personnelle, je pense que là où l'enseignant est heureux, d'une certaine façon, l'éducation de l'élève est plus assurée. C'est peut-être l'avantage que l'école privée peut avoir dans un sens, à savoir de rapprocher davantage les enseignants des élèves.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le député de Roberval. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Révérendes soeurs, j'endosse votre mémoire avec beaucoup de conviction. Il est modéré, franc et très substantiel. C'est pourquoi je n'ai vraiment pas de questions à vous poser. Je vais vous citer juste quelques petits textes que j'ai recueillis ici et là et je vais vous demander votre opinion là-dessus face au projet de loi 40. Est-ce que ça va? Si vous ne voulez pas me faire de commentaires, vous serez libres parce que je crois qu'il y en a quelques-uns qui vont être assez difficiles, mais ce ne sont pas des pièges que je vous tends du tout.

Le premier petit texte est vraiment cinglant et je vous le livre dans toute sa crudité. Il est du chanoine Achille Larouche, qui est vice-président du Ralliement provincial des parents du Québec. Il ne se gêne pas pour dire que le projet de loi 40 est identique au projet de loi Savary du gouvernement français. Voici: Le vice-président du ralliement, le chanoine Achille Larouche, explique que la différence entre ici et là-bas c'est que là-bas, on a jeté les masques et que là-bas les catholiques français sont vraiment conscients d'être victimes d'une imposture, tandis qu'ici les yeux ne s'ouvrent pas encore à la réalité et que personne n'a le courage de décortiquer l'emballage de la loi 40. C'est fort. Est-ce que vous voulez commenter?

Le Président (M. Blouin): Si vous avez d'autres phrases chocs, M. le député de Saint-Henri, vous pourriez peut-être les lire tout d'un trait.

M. Hains: J'en ai plusieurs autres, mais je demande aux religieuses si elles veulent commenter. C'est leur droit.

Le Président (M. Blouin): Bon, s'il y a des commentaires. Est-ce que le chanoine vous inspire?

Une voix: Je n'ai pas de commentaires. Le Président (M. Blouin): Non?

M. Hains: Mais c'est de la semence quand même que je jette en bonne terre. Mon deuxième petit texte est de Michel Poitras, qui est responsable de l'éducation de la foi au primaire, à l'évêché de Québec. Je pense que là vous allez pouvoir me répondre, mais je comprenais votre attitude tout à l'heure. Voici ce qu'il dit: "L'enseignement moral est un choix qui implique que l'enfant n'a plus accès aux sacrements de la même façon que les enfants qui suivront un enseignement religieux catholique.

L'enseignement religieux prépare l'enfant à recevoir les sacrements de l'Église. C'est un programme qui est et qui sera toujours approuvé par le comité catholique. Ce n'est pas la même chose pour la morale. On imagine déjà que des parents vont être désagréablement surpris d'apprendre, d'ici quelques années, que leur enfant, en fait de morale, n'a pas le droit aux sacrements comme les autres. En tout cas, le parent aura à assumer la responsabilité de son choix." Il dit en terminant: "Cet avertissement devrait faire réfléchir des parents avant d'engager leurs enfants - il y en a qui vont prendre ça pour des menaces,

pas moi - parce que ce n'est pas pour rire enfin que les sacrements nous sont donnés." Est-ce que vous voulez commenter?

Mme Lebel: Peut-être pas un long commentaire, mais une précision. Le dernier document de l'Assemblée des évêques du Québec, en remettant l'éducation de la foi davantage aux parents et à la communauté paroissiale, peut un petit peu modérer cette opinion ou faire qu'elle ne soit pas tout à fait exacte.

M. Hains: Non, non, c'est bien. Les religieuses sont ici, ce sont des professionnelles de la foi autant que de l'enseignement, et c'est pour ça que je leur demande leur opinion.

Le Président (M. Blouin): Est-ce que c'est tout, M. le député de Saint-Henri?

M. Hains: Non, non.

Le Président (M. Blouin): Alors, poursuivez.

M. Hains: Voici un troisième petit texte; c'est un mémoire, un petit extrait du mémoire de l'Association des parents de Saint-Henri, mon comté. Comme elle n'a pas été invitée à venir, je vais lire juste un petit passage. Voici ce qu'elle dit: "Que l'on maintienne au Québec un système scolaire juridiquement reconnu comme catholique tout en prévoyant l'ouverture d'autres types d'écoles chaque fois qu'une majorité de parents réclament dans un milieu de telles écoles. "Deuxièmement, que l'on maintienne la Commission des écoles catholiques de Montréal telle que nous la connaissons aujourd'hui, c'est-à-dire confessionnelle, couvrant encore le même territoire, avec des commissaires élus au suffrage universel. (22 h 30) "Troisièmement, que la loi définisse clairement des mécanismes de protection qu'elle compte mettre en place pour venir en aide aux milieux scolaires défavorisés. En conséquence - c'est très court, comme vous voyez, et je ne sais pas si vous allez vouloir ajouter votre signature au bas de cette pétition - dans l'éventualité où les recommandations ci-dessus ne seraient pas retenues, nous demandons le rejet du projet de loi 40."

Ce sont mes parents de Saint-Henri qui proposaient cela pour la commission parlementaire.

Mme Gignac: Je ferai remarquer que quelques-unes de nos recommandations correspondent à cet énoncé que vous venez de nous présenter.

M. Hains: Je pense que oui parce que je les ai retrouvées pas mal tout au long. Vous avez parlé de la commission scolaire de Montréal, que vous n'aimeriez pas voir démembrée et aussi même de garder le statut confessionnel pour celles qui auraient une majorité catholique, etc. Je pense que vous seriez prêtes à signer. J'irai vous voir tout à l'heure.

Mme Gignac: Parfait.

M. Hains: Mon dernier petit mot, cela n'a pas été trop long, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Cela va.

M. Hains: Celui-là, d'après moi c'est formidable, je l'ai recueilli dans le discours du président des États-Unis...

Le Président (M. Blouin): M. Reagan? Le président actuel.

M. Hains: Exactement. M. Ronald Reagan. C'est vraiment renversant de voir un des plus puissants leaders du monde actuel dire les quelques petits extraits que je voudrais vous lire. Voici ce qu'il dit et c'est entre guillemets ici pour montrer que ce sont des citations. Il dit: "J'aimerais donner plus de liberté aux États fédérés - écoutez bien cela - et réintroduire la prière à l'école." On est loin de là nous autres. Deuxièmement, il dit encore un peu plus loin: "Nous allons essayer de travailler pour maintenir la paix dans un monde plus calme et voir si nous pouvons trouver une place pour Dieu dans nos écoles". Comme un bon prédicateur, je vous laisse réfléchir entre chaque petite phrase. Troisième petite phrase, il dit ceci: "II est important de saisir l'avenir pour que chaque enfant de cette république bien aimée puisse faire des rêves héroïques". La dernière et c'est une des plus belles, j'espère qu'on pourra dire la même chose un jour du Québec, et j'espère qu'on peut le dire d'ailleurs: "L'Amérique - disons le Québec, si vous voulez, pour rendre cela plus près de nous - est trop grande pour de petits rêves". Si vous voulez commenter, cela va me faire plaisir.

Le Président (M. Blouin): Si vous avez des commentaires sur les messages à la nation du député de Saint-Henri, je vous invite à nous les communiquer.

Mme Lebel: Rapidement, je reprends le mot "rêve" pour dire que le projet éducatif tel que présenté par différents textes du comité catholique ou d'autres textes que nous retrouvons ailleurs n'est pas un rêve ni une velléité, mais véritablement sera un projet, c'est-à-dire une marche en avant avec beaucoup de difficultés, peut-être, mais

quelque chose à réaliser.

M. Hains: Je termine juste sur ce petit mot pour reprendre encore cette même parole. Je sais que le Québec est trop grand pour nous pour briser mes rêves qui semblent être les vôtres. Merci.

Le Président (M. Blouin): Sur ces belles paroles d'amitié, je cède maintenant la parole à Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci. Je ne suis pas certaine de pouvoir continuer dans la même veine que mon bon collègue de Saint-Henri, qui est toujours un peu poète.

M. Hains: Réaliste aussi.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais d'abord remercier l'Association des religieuses enseignantes du Québec pour son mémoire. J'ai vraiment été frappée de l'effort que vous avez mis dans ce mémoire pour présenter des solutions, ou des propositions, peut-être pas nécessairement des solutions, mais des propositions très concrètes qui collent à la réalité et, pour utiliser le terme très à la mode, au vécu. On sent que vous avez vraiment vécu à l'intérieur des écoles, à l'intérieur du système d'éducation depuis longtemps. L'effort que vous avez fait en venant ici ce soir, c'est d'essayer, je pense, de continuer d'apporter une contribution à une échelle plus grande au niveau du Québec, à l'évolution du système d'éducation. Et je vous en sais gré parce que, comme le disait mon collègue d'Argenteuil, on ne peut pas vous accuser d'être en conflit d'intérêts ou de protéger des intérêts. Je pense que votre démarche est conforme à l'engagement que vous avez toujours eu d'éduquer, depuis des siècles maintenant, les enfants du Québec.

Dans votre conclusion, vous avez fait une remarque et vous l'avez peut-être un peu nuancée par la suite en parlant plutôt de projets expérimentaux avant de se lancer dans la grande aventure. Selon le dernier message que vous avez donné, il vous semblait inopportun, à ce moment-ci, d'entreprendre un bouleversement aussi grand que celui que prévoit le projet de loi 40, alors que bien d'autres projets sont en marche, comme la mise en place des programmes du nouveau régime pédagogique. On parle des ordinateurs dans l'école, sans compter tous les problèmes pédagogiques et sociaux auxquels l'école fait déjà face présentement et qui requièrent des solutions.

J'aimerais vous demander - c'est un peu une parenthèse, mais cela me semble quand même important - s'il y a beaucoup de vos membres qui fonctionnent ou qui travaillent dans le secteur public.

Mme Lebel: Madeleine, notre secrétaire générale.

Mme Laroche (Madeleine): Les deux tiers.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Et je suis très heureuse de cela parce que je pense que cela n'a pas été fait du tout consciemment de la part du ministre ou du député de Roberval. Mais je pense qu'on a tenté de faire dévier la discussion sur votre implication dans le secteur privé alors que, ce que vous êtes venues faire ici ce soir, c'est de tenter d'apporter une contribution au secteur public de l'enseignement, dans lequel les deux tiers de vos membres travaillent. Si, par ricochet, cela peut profiter ou bénéficier au secteur privé, tant mieux. Mais je pense que votre première préoccupation ici, ce soir, a été de participer au grand débat sur l'école publique.

Un autre point qui m'a frappée dans votre mémoire, c'est la réceptivité que vous montrez du côté de la confessionnalité et de la pluralité, du pluralisme dans notre société. Je dois dire que j'ai aimé la réflexion de votre présidente, Mme Lebel, à la suite de la deuxième citation de mon collègue. Cela témoigne également que, même si c'est vrai que traditionnellement vous avez été celles -vous continuez de l'être aussi - qui transmettiez les valeurs religieuses de confession catholique, vous avez aussi évolué avec notre société, vous réalisez maintenant que la société est beaucoup plus diverse, même à l'intérieur de ce qu'on appelle les francophones de vieille souche, si bien qu'il y a des ajustement qui s'imposent.

Vos recommandations, en ce qui touche la partie de la confessionnalité, indiquent bien que vous voulez faire de la place à tout le monde dans le système scolaire et que votre problème, c'est vraiment de savoir comment on peut faire de la place à tout le monde, respecter tout le monde sans entrer en contradiction avec les propositions contenues dans le projet de loi 40.

Ma première question touche votre deuxième recommandation. Vous demandez -ce sera plutôt un commentaire, ma question viendra par la suite - que le ministère vérifie que les droits accordés par le projet de loi 40 dans les écoles communes, régies par des commissions scolaires linguistiques, ne puissent pas être contestés au nom de la charte des droits. Je pense que vous manifestez là une inquiétude. Une fois qu'une école sera reconnue comme confessionnelle, avec son projet éducatif chrétien ou confessionnel catholique, compte tenu qu'il y aura d'autres enfants d'autres confessions, ou enfin dont les parents ne désirent pas un enseignement religieux, ces derniers pourront-ils venir, par le truchement de la charte des droits, contester même le statut confessionnel qui aura été reconnu par une

majorité de parents? Je dois vous dire que cette réflexion est fort pertinente et elle a été soulevée par un grand nombre d'organismes assez disparates les uns par rapport aux autres, c'est-à-dire qui n'ont pas nécessairement la même philosophie, et je pense que cela demeure une réalité.

Au plan plus concret, croyez-vous possible, dans une grande ville comme Montréal, où vous retrouvez le plus de pluralisme religieux, de réaliser, du point de vue d'abord de la qualification des professeurs et du point du vue d'un projet confessionnel catholique... Est-ce réalisable, compte tenu de la grande diversité qui s'y trouve, tant au plan des professeurs, de l'engagement des professeurs au plan religieux, que de la diversité des élèves et des parents qui fréquentent une école?

Mme Lebel: Nous voulons espérer que le projet éducatif et que le respect de chacun soient réalisables. Je ne sais pas où nous irions si tous les parents de la province n'avaient pas la certitude qu'ils sont respectés, chacun selon son option confessionnelle. Même chose de la part des enfants. Je ne voudrais pas entrer dans les problèmes de l'île de Montréal, peut-être que Madeleine Savard qui est de Montréal connaît davantage le milieu, mais il y a là un défi de taille et nous en sommes conscients. Nous voulons espérer qu'il soit réalisable. Je ne sais pas si vous avez des questions plus précises, mais au plan de l'organisation, il faudra sûrement y réfléchir longuement, s'asseoir et voir.

Mme Lavoie-Roux: On a eu ici des représentants d'associations ou d'organismes -on en a eu du côté anglo-catholique, de d'autres organismes à caractère plus confessionnel - qui sont venus nous donner une définition de l'école confessionelle avec un projet éducatif catholique qui allait bien au-delà de l'enseignement religieux ou de la préparation aux sacrements, mais qui devait aussi impliquer tout le vécu de l'école. Quelle est votre conception de l'école catholique confessionnelle? Quelles sont les limites que vous lui donnez pour, dans un milieu diversifié, tenir compte du pluralisme?

Mme Lebel: Notre position sur l'école catholique s'inspire beaucoup du regard sur les mots qui servent à dire l'éducation chrétienne, c'est-à-dire publiés par le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation. Nous trouvons que la définition qu'il donne de l'école catholique et ses trois lignes de force vont sans doute arriver à respecter tout le monde, puisque l'école catholique doit être une école respectueuse des droits de tout le monde. Bien sûr que, comme école catholique, elle place au coeur de son projet une référence explicite à la foi chrétienne et elle veut en inspirer toute son action éducative et culturelle, créant ainsi un climat.

En même temps, elle veut être un milieu où, dans la liberté, les jeunes puissent progresser sur le plan culturel et sur le plan de leur foi. C'est une école où la découverte du monde s'effectue dans un constant dialogue avec la foi qui l'éclairé et la promeut, et je dirai aussi dans un dialogue avec les autres confessions. L'école catholique, pour moi, n'est pas un ghetto, mais une école ouverte.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, à ce moment, il vous apparaît possible, parce qu'on a eu, comme je vous l'ai dit, des définitions ou des perceptions qui couvrent un éventail allant d'un extrême un peu à l'autre - et je ne dis pas le mot "extrême" dans un sens péjoratif - est-ce que, par exemple, pour vous dans une école avec un projet, une école confessionnelle catholique pourrait admettre qu'il y ait des professeurs à l'intérieur de son école qui, s'ils respectent les opinions de tout le monde, comme vous le demandez à ceux de foi catholique, ne soient pas des catholiques, qu'ils soient d'une autre foi. Est-ce que vous pourriez accepter ça à l'intérieur de l'école catholique? (22 h 45)

Mme Lebel: Personnellement, cela me semble possible. C'est tout le projet de l'école qui va le dire, parce que si des élèves d'une autre confessionnalité demandent à être admis à cette école catholique - le projet éducatif devra être préparé, mais connu - je ne vois pas pourquoi...

Mme Lavoie-Roux: Mais, du côté des enseignants, vous n'exigeriez pas nécessairement que tous les gens soient de foi catholique. Je pense que madame veut répondre aussi.

Mme Laroche (Madeleine): Nous pensons qu'il est possible d'admettre des professeurs de foi chrétienne certainement, pas nécessairement de foi catholique, mais pas chargés de l'enseignement religieux, cependant.

Mme Lavoie-Roux: Oui, évidemment.

Mme Laroche (Madeleine): D'une autre discipline.

Mme Lavoie-Roux: D'une autre discipline; cela ne vous semble pas incompatible avec le caractère du projet éducatif.

Mme Laroche (Madeleine): À Montréal, j'imagine qu'il faut un certain oecuménisme. En tout cas, il n'y a pas d'obstacle comme tel au point de départ.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Une dernière question, parce que le temps passe.

Mme Laroche, au tout début, quand le ministre vous a posé la question de rendre obligatoire la participation des professeurs au conseil d'école à savoir s'ils y consentiraient ou non, dans votre réponse, j'ai cru comprendre que vous disiez: Je peux comprendre les hésitations des professeurs parce que, par ce mécanisme, notre pouvoir syndical va possiblement être moindre qu'il ne l'était. Est-ce que j'ai mal compris ou si je dois comprendre que, si le projet de loi 40 poursuit sa marche en avant, il y aurait une diminution du pouvoir syndical à l'intérieur des écoles et des commissions scolaires? Est-ce que c'est votre perception des choses.

Mme Laroche (Huguette): Tout d'abord, quand nous regardons comme il le faut le projet de loi, il y a déjà des choses qui sont sujettes à la négociation et qui sont déjà déterminées dans la loi. Déjà là, c'est sûr que le pouvoir syndical perd des plumes. Déjà, le projet de loi enlève des possibilités - je ne les ai pas à la mémoire actuellement - de négociation qui existaient. Mais je pense que je n'ai pas tout à fait saisi votre question fondamentale.

Mme Lavoie-Roux: Non, je voulais vous demander si vous croyez que ce qui vous est donné présentement au niveau des conventions, le pouvoir syndical à l'intérieur de la structure scolaire, irait en diminuant si le projet de loi 40 était adopté tel quel.

Mme Laroche (Huguette): D'après moi, il est évident qu'il est entravé de beaucoup. Beaucoup d'articles décident déjà ce qu'une prochaine négociation pourrait donner.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Dernière question. Une autre remarque que vous avez faite portait sur l'émiettement de notre système scolaire. Est-ce que, d'après l'expérience que vous avez eue, le fait d'individualiser bien davantage chacune des écoles, de leur donner chacune des pouvoirs assez importants, peut avoir comme effet de créer des disparités dans la qualité des écoles ou des services qu'on peut offrir aux enfants dans le système public?

Mme Lebel: Je crois que c'est une conclusion assez logique à cette multiplicité de conseils d'école trop fortement décisionnels.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. Au nom de tous les membres de la commission... Il y a une autre intervenante, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier l'Association des religieuses enseignantes du Québec de son excellent mémoire. J'ai beaucoup apprécié la division des responsabilités que vous avez établie entre le conseil d'école et le personnel professionnel de l'école. Il me semble que, dans une grande mesure, vous avez établi, au niveau de l'école, les mêmes distinctions de fonctions qui existent actuellement au niveau de la commission scolaire; la distinction entre la fonction des commissaires et l'administration de la commission scolaire.

Par exemple, au niveau de la commission scolaire, actuellement, les commissaires n'exercent pas encore le rôle qui est défini dans l'article 105, celui de choisir les manuels scolaires, ce qui est proposé par le projet de loi comme fonction de l'école, surtout les parents. Il est écrit, à l'article 113: "L'école établit les normes et modalités de l'évaluation des apprentissages de l'élève." Dans les commissions scolaires actuelles, les commissaires et les membres du conseil de direction de la commission scolaire n'ont pas ce rôle; c'est un rôle professionnel. Je crois que ces mêmes distinctions de rôles existent entre le conseil de direction et l'administration dans n'importe quel établissement ou n'importe quelle entreprise dans d'autres secteurs de la société.

Je crois qu'un des problèmes majeurs avec le projet de loi 40, c'est que le projet confond le rôle du représentant de la communauté comme "policy maker" et les fonctions professionnelles d'administrer l'établissement, dans le cadre et selon les politiques établies par les représentants de la communauté. Seriez-vous d'accord avec une telle analyse et est-ce que j'ai bien compris la philosophie de base que vous avez utilisée, qui inspire la distinction que vous avez établie entre le rôle des parents, le rôle du comité d'école et le rôle professionnel?

Mme Laroche (Huguette): Je crois que c'est exactement la philosophie qui sous-tendait notre subdivision, à donner au comité pédagogique son rôle professionnel, d'exercer son jugement sur la pédagogie de l'école et le rôle administratif d'un conseil d'école, de juger selon le budget, selon la structure même de l'école, le projet éducatif, qui est de sa responsabilité. Il nous semblait de par là qu'on redonnait les responsabilités à ceux qui les possédaient selon leurs compétences.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci Mme la députée de Jacques-Cartier. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentantes

de l'Association des religieuses enseignantes du Québec d'avoir bien voulu participer aux travaux de notre commission parlementaire.

Sur ce, j'invite maintenant les représentants de la Confédération des syndicats nationaux à bien vouloir s'approcher et s'installer à la table de nos invités pour que nous procédions, dès à présent, à...

M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait obtenir une suspension de cinq minutes, M. le Président? Nous siégeons depuis 20 heures et si nous voulons faire justice à ceux qui s'en viennent, je pense qu'un répit de cinq minutes favoriserait un travail plus efficace.

Le Président (M. Blouin): Nous pourrions donc très bien suspendre nos travaux pour quelques minutes.

M. Ryan: Merci. (Suspension de la séance à 22 h 54)

(Reprise de la séance à 22 h 59)

Le Président (M. Blouin): La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. J'inviterais les représentantes et les représentants de la Confédération des syndicats nationaux à bien vouloir d'abord s'identifier et ensuite...

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais soulever une question de règlement.

Le Président (M. Blouin): Question de règlement.

M. Ryan: Oui. Il est 23 heures. En vertu de notre règlement, nous sommes censés siéger jusqu'à minuit. Normalement, nous devrions ajourner la séance jusqu'à demain à ce moment. Il n'est pas question de brusquer la délégation qui est ici, mais je voudrais poser une question. Si c'est le désir de la délégation qui est ici que nous allions au-delà de minuit pour finir la rencontre dans une seule fois aujourd'hui, nous sommes prêts à consentir à une prolongation au-delà de minuit. Mais si elle nous disait qu'elle est prête à revenir demain matin, j'aimerais mieux que nous suivions notre règlement et que nous terminions à minuit. Je pense que cela permettrait un échange plus fructueux. Je vous formule notre position dans les termes où nous l'avons conçue et j'aimerais bien que la délégation de la CSN nous dise ce qu'elle en pense pour que nous puissions déterminer notre attitude en conséquence.

Évidemment, il y a le point de vue du gouvernement également là-dedans.

Le Président (M. Blouin): Évidemment. Est-ce qu'il y a d'autres membres qui désirent intervenir? M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, quant à nous, nous sommes prêts à poursuivre après minuit. Je crois qu'une fois que le mémoire est commencé, c'est plus intéressant de poursuivre. Si l'Opposition est d'accord, s'il y a consentement des deux côtés, quant à nous, nous sommes prêts à poursuivre après minuit et je pense que le besoin s'en fera sûrement sentir, puisqu'il reste seulement une heure. Alors, aucun problème de notre côté.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais préciser bien clairement le sens de l'intervention que j'ai faite. S'il s'agissait d'une entente avec le gouvernement purement et simplement, il n'y en aurait point, nous ajournerions à minuit. Mais si la CSN nous dit qu'elle préfère que nous allions au-delà de minuit, nous sommes prêts à le faire pour nous rendre utiles à la délégation qui est ici et qui a été retardée par une rencontre qui a été un peu plus longue que les rencontres précédentes. C'est dans ce sens que nous avons fait notre suggestion et non pas dans le sens de faire un arrangement avec le gouvernement, pour des raisons que vous connaissez d'ailleurs et que vous déclareriez antiréglementaires, si j'allais vous les rappeler.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député d'Argenteuil, je crois donc comprendre que nous allons procéder au début, à tout le moins, puisque c'est ce que j'ai cru comprendre aussi de l'intervention du député de Fabre. Nous allons entamer nos échanges avec la Confédération des syndicats nationaux. Ce que vous désiriez savoir pour pouvoir mieux vous situer en termes de consentement, c'est si la CSN désire que nous poursuivions ce soir afin que nous terminions les échanges entre les membres de la commission et nos invités ou si elle préfère que nous suspendions à minuit et que nous revenions demain matin pour poursuivre, je présume. Je ne peux pas présumer pour le moment de l'horaire des travaux de demain, mais je présume que ce pourrait être effectivement demain matin.

CSN

M. Auger (Christophe): Si vous voulez mon avis sur cette question au nom de notre

délégation, nous serions disposés à être disponibles demain matin pour faire la présentation de l'ensemble de notre mémoire. Si nous devons commencer ce soir, nous le ferons, et nous serions d'accord pour poursuivre demain matin la fin de notre mémoire et pour les questions et échanges que nous aurons avec les membres de la commission.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Je vous invite donc à procéder à la présentation de votre mémoire et ensuite nous entamerons les échanges avec les membres de la commission.

M. Auger: J'aimerais préalablement vous présenter la délégation qui m'accompagne pour présenter notre position sur le projet de loi 40. À ma droite, Denis Beauchemin, secrétaire du secteur scolaire affilié à la Fédération des employés de services publics, CSN, et Ginette Guérin, présidente du secteur scolaire. À ma gauche, Monique Richard, conseillère syndicale auprès de la Fédération des employés de services publics, responsable en particulier du secteur scolaire, CSN, Victor Delamarre, vice-président de la Fédération des employés de services publics, et Michel Latour, vice-président du secteur scolaire CSN, affilié à la FESP, CSN.

J'ai préparé - il n'y en a pas de copie pour les membres de la commission - un résumé de notre mémoire qui devrait cadrer effectivement autour des vingt minutes. Je vais vous en faire lecture.

Nous voulons signaler au départ que toute réforme dans l'éducation doit tenir compte des objectifs fondamentaux suivants: poursuite de la démocratisation de l'enseignement, égalité des chances pour toutes et pour tous. Pour nous, les progrès réalisés depuis la réforme de l'éducation doivent être poursuivis et la Confédération des syndicats nationaux réaffirme ses principes et nous tenons à souligner particulièrement que le principe de la gratuité scolaire...

M. Ryan: Serait-il possible de demander à la délégation de la CSN si des copies du résumé dont on a commencé à donner lecture pourraient être disponibles pour les membres de la commission?

Le Président (M. Blouin): Disposez-vous d'un certain nombre de copies?

M. Auger: Non.

Le Président (M. Blouin): Non? D'accord.

M. Auger: Je n'ai pas de copies.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Auger: Ce sont pour la plupart des extraits du mémoire. Je pourrai...

Le Président (M. Blouin): Identifier les pages.

M. Auger: ...identifier les pages, parce que je les ai regroupées de façon un peu différente pour avoir une présentation qui tienne compte de cet abrégé...

Le Président (M. Blouin): D'accord.

Merci.

M. Auger: ...malheureusement, et j'ai dû le faire à la dernière minute.

Je disais donc que nous tenons à souligner que le principe de la gratuité scolaire pour tous et pour toutes n'est pas repris dans le cadre de ce projet de loi. Nous soutenons même qu'il devrait être rendu dans une phase d'application avancée et généralisée.

Une autre remarque à titre d'introduction, que vous retrouverez au bas de la page 3 de notre mémoire: La CSN ne peut que souligner son étonnement devant le nombre de projets de loi, règlements et commissions d'étude qui touchent diverses réformes de l'éducation. Le projet de loi 40 est un de ces éléments. Devant cette cascade de réformes envisagées, nous aurions souhaité qu'un débat public soit tenu sur l'ensemble de ces mesures, y compris les intentions du gouvernement en regard de l'enseignement privé.

La première question que nous voulons souligner, c'est qu'à notre avis il n'y a pas, d'après la lecture que nous avons faite de ce projet de loi, de réelle décentralisation. La lecture du projet de loi nous indique que l'école sera consultée sur divers sujets. De réelle décentralisation de pouvoirs vers l'école, nous n'en voyons point. Dans ces matières, il importe avant tout de constater que les moyens financiers, les ressources humaines et matérielles sont les éléments centraux pouvant permettre un pouvoir réel. Un gouvernement sans moyen n'est pas un gouvernement. Une politique sans moyen pour l'appliquer n'est qu'un voeu pieux. S'il semble évident que l'école sera davantage responsabilisée et que les collectivités locales auront une certaine prise sur certains éléments du projet éducatif, leurs pouvoirs, cependant, restent mineurs. Elles auront beaucoup plus de tâches d'application et de gestion à l'intérieur de cadres définis que de pouvoirs de décision. Il est d'ailleurs étonnant de constater que les conseils d'école auront des responsabilités administratives que personne n'a revendiquées. Vise-t-on à noyer la responsabilité pédagogique? Nous sommes en

droit de nous interroger, d'autant plus que les responsabilités de l'école ont un lien étroit avec celles des commissions scolaires et que l'opération ressemble bien plus à une déconcentration des problèmes qu'à une réelle décentralisation. Même en admettant, comme le prétend le ministère de l'Éducation, qu'il y a une décentralisation des pouvoirs, il faut bien voir qu'il s'agit de responsabiliser l'école aux dépens d'un gouvernement régional et non aux dépens du pouvoir central. Bref, même si le discours du ministre porte sur la décentralisation de pouvoirs au niveau de l'école, il nous apparaît que le projet de loi effectue une déconcentration de l'administration et de la gestion, et la CSN croit qu'une décentralisation ne peut s'effectuer que vers le palier régional des commissions scolaires, compte tenu de l'objectif de démocratisation de l'enseignement et de l'égalité des chances pour tous et toutes. Pour nous, l'école doit avoir uniquement une responsabilité pédagogique.

Le deuxième bloc que nous voulons aborder, c'est le rapport école-famille, école-société et le rôle des parents. Quant au rôle des parents et au prérequis du ministre, à savoir que l'école soit le prolongement de la famille, nous considérons qu'au primaire le lien entre la famille et l'école - donc, entre les parents, les enseignantes et les enseignants - doit être effectivement étroit. Au niveau secondaire, cependant, nous ne croyons pas que ce lien soit aussi important. Nous sommes d'avis que le processus de prise en charge par les élèves eux-mêmes atténue le rôle des parents.

D'autre part, c'est une chose que de reconnaître l'intérêt des parents envers leurs enfants et leur implication dans un conseil d'école, mais une toute autre chose que de considérer que l'école primaire et secondaire doit être le prolongement de la famille et qu'en conséquence les parents, majoritairement, déterminent les orientations du projet éducatif. Nous sommes d'accord pour que les parents aient un rôle à jouer dans l'école. Nous demandons que les responsabilités qui relèvent de l'école soient uniquement pédagogiques, afin d'éviter que l'école ne devienne un lieu où l'on doive gérer des coupures de services, des fermetures d'écoles, des problèmes qu'on peut avoir de la difficulté à régler ailleurs. Pour réaliser ce rôle de travail pédagogique, nous pensons que ce n'est pas une instance de pouvoirs, nécessairement, qui doit se présenter, mais de discussions et d'échanges sur la pédagogie. Nous demandons, par conséquent, que le projet de loi 40 amendé permette à l'ensemble des intervenants en éducation, particulièrement les personnels, d'être actifs. C'est pourquoi on voudrait que le projet de loi permette aux enseignantes et aux enseignants de même qu'au personnel de soutien et aux professionnels - je souligne le personnel de soutien parce qu'ils sont souvent négligés dans l'ensemble de ces réformes; ils ont un rôle actif à jouer à l'intérieur des écoles - d'être partie prenante aux décisions à caractère pédagogique, au sein du comité pédagogique de l'école, en matière d'adaptation de programmes, de choix de méthodes pédagogiques, de choix de manuels et du matériel didactique et de l'évaluation des apprentissages des élèves. En cas de divergence de la part des autorités de l'école, que la décision appartienne ou au conseil ou au directeur d'école, selon qu'il s'agit de politiques ou d'administration courante.

Concernant les commissions scolaires, à la page 9 du mémoire, on a peu développé cette partie. Je dirais qu'on a eu de la difficulté à saisir ce devant quoi on se retrouvait effectivement. Les pouvoirs des commissions scolaires seront limités par les pouvoirs du ministère de l'Éducation. Ainsi, les articles 301 et 302 accordent un pouvoir discrétionnaire au ministre en ce qui concerne l'attribution des ressources financières. Ces articles très larges permettent notamment au ministre de donner des subventions non prévues dans les règles d'attribution des ressources. Le ministre peut aussi disposer d'un immeuble excédentaire d'une commission scolaire sans pour autant dédommager celle-ci. Ce qui étonne surtout dans le projet de loi, c'est l'absence de nouveaux pouvoirs au niveau régional. S'il y a absence de nouveaux pouvoirs, c'est tout simplement parce que le ministère n'en concède aucun.

Dans le livre blanc, on peut lire: "La conjoncture économique actuelle oblige l'État à resserrer ses mécanismes centraux de contrôle financier et administratif et à intervenir plus directement dans la gestion des fonds publics." Le projet de loi répond à cet impératif en donnant d'immenses pouvoirs réglementaires au MEQ qui établira des règles d'attribution des ressources financières. Ce probable resserrement au niveau de l'allocation des ressources aura des effets sur l'école qui risque, dans de telles conditions, d'être forcée de gérer des patates chaudes du style coupures de personnel et de services, fermetures, etc.

Un autre bloc qui nous paraît important, c'est la question de l'élection des commissaires et le lieu où, la finalité, jusqu'à un certain point, de l'école, les grandes politiques doivent se déterminer. L'école, en étant publique et commune, répond aux besoins de l'ensemble de la société, donc à l'ensemble des institutions; elle doit donc trouver un lieu ou des lieux politiques pour définir les orientations de la société face à l'école. À cet égard, nous croyons que l'État et les commissions scolaires sont les lieux appropriés, selon leur mission respective, et

les représentants de ces corps politiques doivent être élus sur des bases démocratiques.

L'élection des commissaires. Notre première constatation est que l'élection des commissaires sur la base des écoles plutôt que sur la base du territoire des commissions scolaires affaiblit politiquement la commission scolaire.

Autre constatation. Nous croyons que le fait d'élire des commissaires sur une base d'école les conduira à s'occuper surtout de leurs intérêts spécifiques, ce qui rendra plus difficile, sinon impossible, l'entente entre eux de sorte que l'arbitrage se fera par le ministre en utilisant, entre autres, ses directions régionales; donc, cela viserait à accroître les pouvoirs du ministère sur les régions. En effet, les commissaires, recevant leur mandat de leur conseil d'école, on voit mal comment ils pourraient tenir compte des besoins des autres écoles plus défavorisées.

À Montréal, à titre d'exemple, puisque c'est surtout là - non seulement là, mais peut-être avec un peu plus d'acuité - que le problème de l'inégalité des ressources entre les écoles est évident, comment le commissaire d'école d'un quartier fortuné pourrait-il s'entendre avec celui d'un quartier défavorisé faisant partie de la même commission scolaire? Si celui du quartier défavorisé réclame plus de ressources humaines ou financières, qu'est-ce qui incitera les autres commissaires à trahir le mandat du conseil d'école d'où ils proviennent? N'en reviendra-t-on pas à accentuer les inégalités sociales? Quels intérêts uniraient entre eux les commissaires? À quelles conditions un conseil d'administration d'une commission scolaire accepterait-il pour le bien d'une école précise d'augmenter la taxation payée par tous? Est-ce que les commissaires, lors de l'établissement annuel des règles et des modalités de répartition des ressources financières entre les écoles, n'auront pas tendance à se servir selon les ressources venant du quartier où se situe l'école? Dans un tel cas, l'école de quartier riche aurait plus de ressources que celle du quartier pauvre; n'en revient-on pas à privatiser ou à recréer des distinctions importantes entre les écoles et, donc, limiter l'accès à l'éducation pour les enfants?

Il nous semble que le mode de délégation au niveau de la commission scolaire fera en sorte que chaque élu se comportera strictement en fonction de son école et que la péréquation entre écoles deviendra impossible. Dans un tel cas, l'arbitrage devra se faire au MEQ, ce qui, à notre avis, accentuera la centralisation. (23 h 15)

À cela, il faut ajouter que les revenus de l'école ne seront pas pris en considération lors de la répartition des ressources. Quelles sont les écoles qui profiteront de cette mesure? Les écoles riches munies de locaux et de services accessibles, ou les écoles pauvres incapables de louer leurs modestes locaux.

Lorsque nous parlons d'égalité des ressources de l'école, nous ne pouvons que nous inquiéter de la disparition du Conseil scolaire de l'île de Montréal et plus particulièrement de ses fonctions de péréquation sur toute l'île entre les commissions scolaires. En effet, la capacité de payer varie beaucoup sur l'île de Montréal. Nous considérons comme un acquis important le fait de redistribuer les montants d'argent entre les commissions scolaires en tenant compte des efforts fiscaux comparables et des services pédagogiques équivalents.

On parle de centralisation et déconcentralisation, plutôt que de décentralisation en page 12 du mémoire. Je tiens à vous le lire parce que, pour nous, c'est un peu notre lecture qu'on fait du projet de loi 40. C'est un peu le fond de ça qu'on n'a peut-être pas pu illustrer avec suffisamment de pertinence et de détails, compte tenu de l'ampleur de ce projet de loi. C'est un peu le sentiment qu'on a eu en lisant ce projet de loi. Il nous semble que la réforme scolaire du ministre Laurin aura pour effet de renforcer les pouvoirs du ministère, d'affaiblir les commissions scolaires et de donner quelques pouvoirs, surtout consultatifs à l'école. Il s'agit donc beaucoup plus d'une opération de centralisation que de décentralisation réelle. Parler de décentralisation pour un organisme impliquerait que ses représentants sont élus sur une base représentative, qu'ils ont le pouvoir de taxer et qu'ils puissent l'exercer pleinement et ont une autonomie de gestion.

On constate que ni la commission scolaire et encore moins l'école ne répondent à la structure proposée à l'ensemble de ces critères. La CSN souligne que ce langage et les artifices de la décentralisation ne sont pas particuliers au projet de loi 40. Dans son livre blanc sur la réforme du transport en commun sur l'île de Montréal, "Le transport en commun, un choix régional", le ministre Clair tenait ce langage. L'effet réel de la réforme proposée était plutôt une centralisation aux mains de technocrates régionaux. Lors de l'adoption de la Loi sur le zonage agricole, on remettait tous les pouvoirs à la Commission provinciale de zonage agricole non élue. Lors de l'adoption de la loi 57 visant à favoriser l'autonomie de financement des municipalités, l'effet était d'enlever des moyens à une instance décentralisée, les commissions scolaires. Cette loi a donc, à notre avis, un caractère centralisateur.

Autre bloc que l'on tient à toucher: l'éducation des adultes, page 13 du mémoire.

On considère que le gouvernement devrait donner des suites au rapport de la CEFA, en faisant connaître ses intentions sur l'éducation des adultes par le dépôt d'un projet de loi spécifique où l'on reconnaîtrait les droits à l'éducation des adultes.

J'ai vu aujourd'hui dans les journaux que, effectivement, la politique d'éducation des adultes allait être rendue publique bientôt, du moins je l'espère. On s'est quand même joint à l'ICEA pour proposer que: toute politique d'éducation des adultes devrait reconnaître l'éducation des adultes comme un droit, au même titre que l'enseignement préscolaire, primaire ou secondaire, dans le chapitre 1 de la loi; le projet de loi devrait reconnaître cette mission comme étant spécifique et différente de l'éducation des jeunes; le projet de loi 40 doit établir plus clairement que ce sont les commissions scolaires qui sont responsables de cette mission; le projet de loi 40 doit préciser que cette mission sera assumée par une structure spécifique au sein des commissions scolaires; le projet de loi devra être amendé pour permettre de mieux responsabiliser la collectivité adulte, pour lui permettre d'être représentée aux instances responsables de cette mission spécifique du réseau scolaire que constitue l'éducation des adultes; enfin, le projet de loi 40 devrait être débarrassé de ses clauses ambiguës, touchant ou effleurant l'éducation des adultes jusqu'à ce que les intentions du gouvernement soient claires à ce sujet.

On dit qu'il faut qu'il y ait des principes généraux reconnus dans ce projet de loi sur l'éducation des adultes. Quant aux modalités, on sera à même de statuer à partir du moment où on connaîtra cette politique d'éducation des adultes.

Les pages 13 et 14 font mention de la déconfessionnalisation. La CSN est favorable à la déconfessionnalisation des commissions scolaires.

Au niveau de l'école, nous sommes également favorables à une école publique et commune ouverte à tous. Selon nous, l'école n'aurait pas de statut confessionnel, mais cependant elle offrirait, selon les besoins de la clientèle scolaire, des services soit de morale ou de religion. L'accent, selon nous, doit être mis sur des services confessionnels, peu importe la religion, et non sur le statut.

Ainsi nous ne serions plus dans une situation où les parents représentant une majorité plus ou moins grande de parents d'usagers imposeraient à une minorité une école confessionnelle avec les problèmes de non-respect des minorités et de non-application des droits individuels prévus à la Charte des droits et libertés de la personne.

La démocratie scolaire, tout particulièrement à Montréal, s'est incarnée dans des mouvements confessionnels qui ont pu exercer le pouvoir même si la participation aux élections plafonnait aux alentours de 15%. Le projet de loi tel que rédigé fera en sorte que ces mouvements ou d'autres auront toujours la possibilité de s'emparer des écoles. Il y a là un danger que certaines écoles soient aux prises avec le noyautage et le fanatisme idéologique, de quelque ordre qu'il soit. Afin d'éviter que la démocratie s'exerce strictement à travers l'ornière polarisante de la confessionnalité, il nous apparaît important que les services confessionnels soient offerts, non seulement aux catholiques et aux protestants, mais à l'ensemble de ceux qui désirent recevoir un enseignement religieux autre. Il nous apparaît aussi important que l'enseignement moral soit maintenu.

Nous nous sommes demandé si l'école ne devait pas se limiter à donner des cours de morale à tous ses usagers, et si les cours de religion ne pourraient pas être pris en charge à l'extérieur de l'école par les diverses communautés religieuses.

Nous croyons cette position cohérente, mais dans le contexte historique québécois où l'école a depuis presque toujours assumé cette fonction, nous sommes d'accord pour que l'État assume les frais de cet enseignement pour autant qu'on ne discrimine pas les minorités.

Sur les commissions scolaires linguistiques, la CSN appuie cette proposition à savoir que les nouvelles commissions scolaires aient un statut linguistique. D'ailleurs, on dit que les structures protestantes actuelles sont en fait des structures linguistiques.

La CSN appuie également la fusion des commissions scolaires régionales et locales en une seule commission scolaire touchant à la fois le primaire et le secondaire, dans la mesure où la dimension d'une nouvelle commission scolaire permet de maintenir la qualité et la quantité de services à l'élève, particulièrement dans les secteurs des difficultés d'apprentissage du professionnel et de l'éducation des adultes.

Cela nous semble souhaitable. Cette intégration rend plus facile la transition de l'élève au primaire et au secondaire. Cette intégration est d'ailleurs dans la logique législative des réformes déjà entreprises qui visent une meilleure répartition des ressources.

Le dernier bloc, sur les personnels, pages 19 et suivantes. La restructuration scolaire implique une réorganisation des services. Elle a donc des répercussions énormes sur le personnel puisque l'employeur change: taille de commission scolaire, organigramme, directions. La restructuration signifiera souvent des changements de lieu de travail et de fonctions à l'intérieur des divers services. De plus, tous ces changements

impliqueront un réaménagement des structures syndicales actuelles.

Étant donné les nouvelles structures juridiques des commissions scolaires à compter du 1er juillet 1985, toutes les commissions scolaires nous semblent visées par une réorganisation des services, même si le territoire était peu changé.

Il résulte donc de ces constatations que, à compter de la période de mise en oeuvre et certainement pendant les mois suivant le 1er juillet 1985, les conditions de travail du personnel des commissions scolaires seront perturbées, ce qui entraîne une crainte et un sentiment légitime d'insécurité parmi le personnel de soutien syndiqué que nous représentons. Nous représentons environ 10 000 membres à l'intérieur des personnels de soutien administratif et manuel dans les commissions scolaires.

Comment va s'exercer la mise en place des nouvelles commissions scolaires en ce qui concerne le personnel? À l'article 353, on indique que "le ministre peut, après consultation des associations représentatives en cause, déterminer les normes de transfert et d'intégration."

À ce sujet, nous croyons que les normes de transfert et d'intégration doivent contenir certaines garanties pour le personnel en place dans les commissions scolaires: que le personnel ainsi que les associations syndicales soient informés et consultés sur la réorganisation des services élaborés par les comités de mise en oeuvre et sur les plans d'effectifs; que toute information pertinente reliée au nouveau découpage des commissions scolaires soit communiquée aux associations syndicales locales et nationales; dans le cas où une commission scolaire restructurée n'est pas visée par une modification de son territoire géographique, que le personnel ne soit pas visé par la restructuration et que les droits issus de sa convention soient maintenus.

Dans les commissions scolaires où il y a modification de territoire: que les personnels de soutien travaillant dans les écoles ou polyvalentes soient maintenus à leur poste; que tout membre du personnel oeuvrant dans un centre administratif choisisse et puisse occuper par ancienneté un poste de sa classe d'emploi au sein du nouveau territoire. De plus, si sa commission scolaire d'origine est répartie sur plusieurs nouveaux territoires, qu'il ait le choix, en fonction de son ancienneté, de la commission où il désire travailler à compter du 1er juillet 1985.

Nous croyons que la restructuration scolaire ne doit pas être une nouvelle occasion pour réduire les effectifs. Dans ce sens, il doit être clairement indiqué que le nombre d'employés "en surplus" ne doit pas être augmenté à compter du 30 juin 1984, soit l'année précédant la restructuration et ce, conformément aux dispositions de nos conventions collectives, pour une durée minimale de cinq années.

De plus, il doit être clairement établi que la restructuration n'engendrera pas la multiplication de la sous-traitance pour les services normalement et actuellement exécutés par du personnel de soutien.

Le projet de loi 40 prévoit, à l'article 421, que le transfert d'un salarié n'entraîne pas une rupture de son lien d'emploi" et spécifie quelques droits qui sont transférés: logement, banque de congés de maladie monnayables.

À l'article 420, on précise que la seule convention applicable au 1er juillet 1985 est celle de l'association qui a obtenu la représentation pour les employés de cette commission, les autres conventions devenant caduques. Rien dans ce texte ne garantit le cumul des droits et leur passage d'un employeur à l'autre, y compris le règlement des griefs logés chez l'ancien employeur. Par conséquent, nous croyons qu'il doit être explicitement convenu que, lors de son intégration dans sa nouvelle commission scolaire, tout employé transporte avec lui ses droits tels que l'ancienneté, la permanence, la protection salariale, s'il y a lieu, les années d'expérience et ainsi de suite, donc sans limitation de ses droits.

Par ailleurs, les employés de soutien de certaines commissions scolaires bénéficient de conditions particulières. Ainsi, les employés de soutien à la CECM ont des dispositions particulières relatives au temps supplémentaire, au mouvement de personnel, aux affectations temporaires, au régime local d'assurance-vie et ainsi de suite. Ces conditions particulières de travail doivent être garanties dans la loi à ces employés. De plus, les employés de la CECM et de la CECQ ont un régime de fonds de retraite différent du régime général, le RREGOP. Il doit être clairement indiqué dans la loi que ce régime particulier de fonds de retraite est garanti auxdits employés.

Finalement, si le projet de loi est adopté tel que régidé actuellement, nous croyons que les normes de transfert et d'intégration du personnel des commissions scolaires existantes et du Conseil scolaire de l'île de Montréal doivent être convenues entre les intervenants provinciaux ainsi que tout sujet y afférent. Cette entente devrait aussi prévoir des mécanismes de recours pour un employé qui se croirait lésé par l'application des mécanismes de transfert. Pour la CSN, le projet de loi 40 ne doit pas être l'occasion, encore une fois, d'effectuer de nouvelles coupures de personnel et de services à la population ou encore de modifier, par la bande, certaines conditions de travail. Nous espérons que l'intention du ministre sera claire quant à ces aspects.

II nous semble important aussi de souligner que le projet de loi ne doit pas retirer du champ négociable certaines conditions: mutations, promotions et ainsi de suite. Par ailleurs, nous nous inquiétons de la teneur de certains articles du projet de loi qui pourraient permettre la discrimination. Ainsi, l'article 224 ouvre la porte à la discrimination à l'embauche. Ainsi, le ministre accorde des pouvoirs quant à la révocation et à la suspension du permis d'enseigner alors que l'enseignant est employé par la commission scolaire. Aucun article ne spécifie qu'un membre du personnel enseignant ou non enseignant a le droit, pour motif de liberté de conscience, de ne pas se conformer aux politiques émises concernant la coloration religieuse du projet éducatif local dans les activités autres que l'enseignement religieux. Selon nous, on ne peut forcer un enseignant, une enseignante ou un membre du personnel non enseignant à livrer un contenu religieux. L'article 79 devrait, par ailleurs, prévoir que l'enseignant ou l'enseignante ne peut se voir imposer une mesure discriminatoire parce qu'il ou qu'elle a exercé ce droit.

Concernant la représentation syndicale, la restructuration syndicale implique des modifications profondes des structures syndicales qui provoqueraient, à coup sûr, tension et instabilité. J'ouvre une parenthèse, ici, concernant particulièrement l'article 412, quant à son interprétation. L'interprétation que nous avons pu en faire lors d'échanges, de négociations depuis octobre dernier, c'était que le pouvoir de demander une accréditation syndicale ne peut exister qu'en regard de la catégorie ou sous-catégorie pour laquelle l'association syndicale détenait déjà l'accréditation dans la commission existante et ce, à l'égard du nouveau territoire des commissions scolaires restructurées. Nous aimerions avoir confirmation de l'interprétation de cet article-là, parce que d'autres interprétations circulent également quant à l'élargissement qu'on pourrait y donner. Cela aurait une coloration très différente sur l'ensemble des modalités, qui sont en négociation depuis quelques mois déjà, pour l'intégration et le transfert éventuel de personnel dans les nouveaux territoires des commissions scolaires. (23 h 30)

Le Président (M. Blouin): En concluant, s'il vous plaît!

M. Augers Oui, je termine, il me reste quelques petits paragraphes.

Le projet de loi 40 subdivise les personnes en catégories et sous-catégories et détermine à l'avance quelle est l'unité syndicale appropriée dans une nouvelle commission scolaire. Il est vrai qu'en général les accréditations regroupent ou bien l'ensemble du personnel de soutien ou encore le personnel technique et administratif dans une unité et le personnel de soutien manuel dans une autre unité.

Cependant, le projet de loi ne tient pas compte et interdit d'autres regroupements. À titre d'exemple, dans plusieurs commissions scolaires, les concierges ont une accréditation distincte du reste du personnel de soutien manuel.

À d'autres endroits, ce sont les magasiniers qui font partie du personnel de soutien manuel, alors que, dans le plan de classification, ces emplois se retrouvent dans la nomenclature des emplois techniques et administratifs.

Autre exemple. Des chauffeurs sont syndiqués avec le personnel technique et administratif, alors que, dans le plan de classification, on les retrouve dans la nomenclature des emplois manuels.

Nous croyons que si le personnel le désire, ces regroupements, qui correspondent mieux à leur réalité et à leur affinité, devraient être maintenus.

Selon nous, l'article 415, qui détermine d'avance les libellés d'accréditation exclusifs est contraire à la liberté d'organisation syndicale. Cet article devrait donc être modifié pour permettre le maintien d'unités syndicales spécifiques.

D'autre part, ce même article 415 exclut automatiquement des unités syndicales les secrétaires du directeur général ou du directeur du personnel. Ceci doit être aussi retiré du projet de loi, car c'est contraire à la liberté de se syndiquer et contraire au Code du travail, étant donné que cela exclut des personnes qui sont considérées actuellement, reconnues comme telles, comme des salariés au sens Code du travail.

En tant que représentants syndicaux, nous demandons que nous soit transmise, tant sur le plan local que national, toute information pertinente concernant la représentation syndicale, les nouveaux découpages des territoires, le nom des autres associations impliquées, etc.

Enfin, les délais impartis au projet de loi 40, concernant l'article 413, nous semblent impossibles.

En effet, comment pouvons-nous déposer une requête en accréditation entre le 1er et le 31 mars 1985, alors que le plan de transfert (article 356) indiquant à quelle nouvelle commission scolaire travaillera un employé, est officialisé, au plus tard, le 31 mars 1985. Ce sont les seuls employés apparaissant à ce plan qui peuvent participer au scrutin secret pour la représentation syndicale (article 417).

En d'autres termes, on déposera une requête en accréditation pour couvrir le personnel d'une commission scolaire avant même de savoir qui est visé pour cette requête.

De plus, dans le cadre du projet de loi,

ce choix syndical implique éventuellement une nouvelle convention collective et aussi une nouvelle représentation pour négocier la prochaine convention (le dépôt des demandes syndicales doit être effectué au plus tard le 1er juin 1985, article 111.8 du Code du travail). Par conséquent, les délais de l'article 413 doivent être modifiés.

En conclusion, deux choses: on pense, encore une fois, qu'on doit pouvoir profiter de ce projet de loi pour discuter un peu plus largement et non pas s'en tenir au strict contenu du projet de loi et certains principes que nous croyons importants de débattre.

D'autre part, on pense également qu'il y a, dans sa forme actuelle, des problèmes majeurs au projet de loi 40. Ce que l'on dit, c'est qu'on a formulé - je ne vous en fais pas lecture, vous l'avez dans le projet -plusieurs amendements. On pense qu'ils doivent être pris en considération pour faire en sorte que ce projet de loi soit maintenu ou modifié pour pouvoir être soumis à la législature. Sinon, on pense qu'il devrait être retiré.

Je dirais également, qu'à suivre les débats des disponibilités qu'on a pu avoir, il semble que, effectivement, un certain nombre d'amendements sont déjà en vue. On n'en connaît pas la teneur, mais on voudrait indiquer, immédiatement, au gouvernement que, si des amendements majeurs sont apparus à la suite de débats, ici en commission parlementaire ou à d'autres rencontres, et que les participants qui se sont présentés, ici en commission parlementaire, n'ont pu les débattre parce qu'ils ne les connaissaient pas, on demande ou on invite le gouvernement - si ce projet de loi est prêt à être présenté avec de tels amendements - de tenir une autre commission parlementaire pour entendre les parties, car cela pourrait -je ne dis pas que cela donnera lieu à un nouveau projet de loi - modifier profondément l'actuel projet de loi dans certains articles.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Auger. M. le ministre.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier la CSN pour le mémoire extrêmement intéressant qu'elle nous a présenté. Je note d'abord qu'elle est d'accord sur un certain nombre de changements majeurs qu'apporte le projet de loi comme, la déconfessionnalisation des commissions scolaires, le nouveau statut linguistique des commissions scolaires, l'intégration primaire et secondaire, c'est-à-dire des deux niveaux d'enseignement. Certains des aménagements prévus pour ce que la CSN appelle les services confessionnels sur la constitution d'un conseil d'école au sein de chaque école chargé de responsabilités pédagogiques. Je pense bien que la version amendée du projet de loi répondra aussi à un bon nombre de questions, de préoccupations que le mémoire de la CSN contient et permettra aussi d'apporter des réponses aux interrogations ou aux préoccupations dont elle nous a fait part.

Étant donné que la CSN regroupe la majorité des employés de soutien de nos écoles et de nos centres administratifs, j'aimerais tout de suite commenter le mémoire de la CSN sur les droits syndicaux en les reprenant un par un, en partant du mémoire.

Premièrement, la détermination des normes de transfert et d'intégration. La CSN considère que de telles normes doivent être convenues entre les intervenants provinciaux et qu'une telle entente devrait prévoir des mécanismes de recours pour l'employé qui se croit lésé par l'application des mécanismes de transfert. Je dis, à cet égard, que le gouvernement a entrepris des échanges, comme on vient de le signaler, depuis déjà quelques mois avec les associations syndicales en vue de convenir avec celles-ci des normes de transfert et d'intégration des salariés. En plus du processus d'échange déjà engagé dans le sens de la proposition de la CSN, nous avons annoncé, au début de la commission parlementaire, que l'article 353 serait amendé pour prévoir formellement de telles négociations. Sur les recours des salariés lors du transfert et de l'intégration, les représentants du gouvernement ont annoncé qu'ils étaient d'accord sur le principe. Il reste donc aux parties à déterminer les modalités d'exercice de tels recours.

Deuxièmement, concernant les garanties relatives aux salariés, la CSN exige que certaines garanties soient introduites dans les normes de transfert et d'intégration du personnel. Les garanties exigées par la CSN sont les suivantes, il y en a huit: 1. que le personnel et les associations syndicales soient informés et consultés à l'occasion de l'élaboration de la liste des écoles et des plans d'effectifs; 2. que toute l'information pertinente reliée aux nouveaux territoires des nouvelles commissions soit communiquée aux associations syndicales locales et nationales; 3. que les droits des salariés soient maintenus aux endroits où il n'y a pas de modification de territoire - ce sont des cas où les commissions scolaires dispensent actuellement l'enseignement primaire et secondaire; 4. que, dans les commissions scolaires où il y a modification de territoire, les employés de soutien qui travaillent dans les écoles soient maintenus à leur poste, que les employés des centres administratifs choisissent un poste de leur classe d'emploi, en fonction de leur ancienneté; 5. qu'il n'y ait aucune réduction d'effectifs pour une durée minimale de cinq

ans; 6. qu'il n'y ait pas d'augmentation de la sous-traitance pour les services normalement exécutés par le personnel de soutien; 7. qu'à l'occasion de leur transfert à leur nouvelle commission scolaire, les salariés transportent leurs droits, tels l'ancienneté, la permanence, les années d'expérience et le reste; 8. que les griefs logés auprès de l'ancien employeur demeurent valides.

Ce que j'ai à dire sur ce point est comme suit: le mémoire contient les garanties que je viens de lire et ces garanties ont d'ailleurs déjà été exprimées par le représentant de la CSN lors des pourparlers entrepris pour déterminer les règles de transfert et d'intégration du personnel. Elles devraient donc faire l'objet d'ententes à ce niveau. Cependant, il sera opportun de rappeler les garanties offertes par le gouvernement au mois de décembre dernier en ce qui concerne le transfert et l'intégration des employés aux commissions scolaires nouvelles.

Les principales garanties en termes de transfert à une nouvelle commission scolaire et d'intégration dans un poste sont les suivantes: 1. tous les salariés seront transférés aux commissions scolaires nouvelles en conservant les droits et privilèges contenus à leur convention collective; toutefois, cette garantie ne s'applique pas aux salariés qui occupent un emploi temporaire; 2. les employés de soutien travaillant dans une ou des écoles situées sur le territoire d'une nouvelle commission scolaire sont intégrés à leur ancien poste en conservant leur classe d'emploi, leur nombre d'heures et leur taux de traitement; les employés de soutien qui travaillent dans les centres administratifs et dans des écoles situées sur le territoire de plus d'une nouvelle commission scolaire sont intégrés dans leur classe d'emploi, à un poste comportant le même nombre d'heures et le même taux de traitement, en fonction du choix qu'ils expriment, de leur ancienneté et de leurs qualifications; 3. lors de son transfert ou de son intégration, aucun salarié ne se verra déplacé à plus de 50 kilomètres de son lieu de travail ou de son domicile, conformément aux dispositions de la convention collective actuelle; 4. durant l'année scolaire 1985-1986, aucune mise en disponibilité ni aucune mise à pied d'un employé régulier ne pourrait être effectuée au cours de cette période. Somme toute, environ 66% des employés de soutien conserveront leur poste dans la même école. Quant aux employés des centres administratifs, ils se verront attribuer un poste de leur classe d'emploi comportant les mêmes heures au même lieu de travail ou dans un lieu différent, sans toutefois jamais dépasser un rayon de 50 kilomètres.

Quant à la consultation sur les plans d'effectifs, à l'information pertinente à transmettre et à la validité des griefs, elle nous apparaît opportune et nous sommes disposés à faire en sorte que les discussions entreprises puissent y donner suite.

Troisièmement, les conditions particulières. En effet, les 2800 employés de soutien de la CECM bénéficient, actuellement, de conditions particulières. Ces conditions particulières sont généralement établies par entente mais, dans certains cas, elles découlent de lois antérieures. C'est le cas du régime supplémentaire de retraite et du régime particulier d'assurance-vie de la CECM. La CSN propose que ces conditions particulières soient garanties dans la loi. Ce que j'ai à dire à ce sujet peut se résumer comme suit: Les représentants du gouvernement ont déjà transmis, lors des échanges avec la CSN, notre politique de garantir aux employés le maintien des conditions particulières contenues à ces ententes. Les modalités d'application à cet effet seraient l'objet d'ententes dans le cadre des règles de transfert et d'intégration.

D'autre part, comme l'indique le mémoire de la CSN, il nous apparaît opportun de garantir dans la loi le maintien des conditions particulières déjà établies dans les lois antérieures pour certains employés de la CECM. De telles garanties s'étendraient également aux salariés des autres commissions scolaires qui bénéficient de conditions semblables.

Quatrièmement, la sous-traitance. La CSN exige qu'il soit établi clairement que la restructuration n'engendrera pas la multiplication de la sous-traitance pour les services normalement dispensés par ses employés de soutien. Mes commentaires: L'objectif de la restructuration scolaire n'est pas d'accentuer la dispensation des services avec des sous-traitants. Cependant, s'il y avait recours à la sous-traitance, les employeurs actuels et futurs devront appliquer les conventions collectives avant d'y recourir puisqu'elles prévoient des règles à respecter, notamment celle de l'interdiction de mise à pied.

Cinquièmement, la représentation syndicale. La CSN touche ici à deux problèmes: premièrement les libellés prédéterminés et les exclusions; deuxièmement, l'époque de la requête en accréditation.

Sur les libellés prédéterminés et les exclusions. La CSN critique les libellés prédéterminés d'accréditation prévus au projet de loi et principalement le fait que la catégorie des employés de soutien ne peut être divisée qu'en deux sous-ensembles fixes,

soit les employés manuels et les employés de bureau, c'est-à-dire emplois techniques et administratifs. La CSN demande que l'article 415 soit modifié afin de permettre des unités syndicales spécifiques. De plus, la CSN demande que soit retirée du projet de loi l'exclusion des secrétaires du directeur général ou du directeur du personnel étant donné que, actuellement, ces employés sont considérés comme des salariés au sens du Code du travail.

Mes commentaires concernant les libellés prédéterminés: Disons d'abord qu'il est d'usage que les commissaires au travail accordent les accréditations sur la base de chacune des catégories de personnel, à savoir, enseignants, professionnels et soutien, y compris pour ce dernier groupe deux sous-catégories distinctes, soit les employés manuels et administratifs.

La CSN reconnaît d'ailleurs dans son mémoire que, en général, le personnel de bureau se retrouve dans une unité et le personnel de soutien manuel dans une autre unité ou encore que tous sont réunis dans une seule unité. Cette façon de faire respecte la pratique actuelle et, de plus, elle permet - et c'est là son but premier - la réorganisation syndicale dans un délai propre à ce qu'au 1er juillet 1985, les salariés connaissent quel syndicat les représente et quelle convention leur est applicable. Ceci n'aurait pas été possible étant donné les délais que cela implique si nous avions retenu la possibilité énoncée par la CSN d'avoir diverses unités d'accréditation à l'intérieur de la catégorie de personnel de soutien. (23 h 45)

Concernant les exclusions, maintenant. Sur l'exclusion de certaines personnes de l'unité d'accréditation, l'analyse de la CSN nous apparaît intéressante et nous sommes prêts à reconnaître qu'il s'agit là d'une critique pertinente. Le législateur devrait donc laisser les commissaires du travail déterminer qui doit être inclus ou exclu de l'unité accréditée, conformément au Code du travail.

Mes commentaires maintenant concernant l'époque de la requête en accréditation. La CSN critique le fait que l'époque pour déposer une requête en accréditation se situe entre le 1er et le 31 mars 1985, alors que l'avis confirmant au salarié sa nouvelle commission scolaire sera donné, au plus tard, le 31 mars 1985. La CSN demande de modifier le délai afin que l'avis de transfert précède la date pour déposer la requête en accréditation.

Mes commentaires: il nous apparaît en effet pertinent que le syndicat connaisse l'employeur où seront transférés les salariés qu'il représente avant de déposer sa requête en accréditation. Nous pouvons donc indiquer immédiatement notre intention d'ajuster les dispositions du projet de loi, de manière que l'époque pour déposer la requête en accréditation se situe après l'avis de transfert. C'est donc notre intention de négocier les modalités de transfert et d'intégration, de continuer nos échanges -nous en avons déjà tenus huit jusqu'à maintenant et nous avons l'intention d'en tenir plusieurs autres dans les 15 ou 21 jours qui viennent - et je pense que nous aurons l'occasion aussi bien de discuter de ce que je viens de dire que de tous les autres problèmes qui seraient soulevés. L'objectif que nous visons, c'est d'en venir à une entente négociée sur tous les points qui ont été soulevés et sur les autres qui pourraient être soulevés.

J'aimerais, à cet égard, connaître la réaction des représentants de la CSN.

Le Président (M. Blouin): M. Auger.

M. Auger: Je vais donner quelques réactions sur certains points qui ne m'apparaissent pas encore suffisamment clairs. D'autres pourront poursuivre, ayant travaillé très spécifiquement sur ce dossier.

Tout d'abord, sur la question de la reconnaissance de catégories d'accréditation particulières. Nous ne demandons pas au législateur ou au Commissaire du travail d'inventer de nouvelles catégories, de créer de nouvelles catégories là où il n'y en a pas. On dit qu'une réalité syndicale existe et qu'elle est souvent ancrée dans une tradition assez importante pour certains syndicats. Elle existe et elle fait en sorte que certaines sous-catégories de personnels tels, pour vous donner un exemple, les concierges qui sont séparés du personnel manuel et administratif dans plusieurs commissions scolaires... On veut qu'ils puissent demeurer dans cette accréditation et non pas être fondus automatiquement. On veut que, dans une intégration, une modification de territoire, les territoires qui seront touchés puissent conserver ces unités. Cela nous apparaît important. Si elles ne sont pas conservées, cela produit effectivement davantage de bouleversements, alors qu'on peut reconnaître au moins que, déjà, cette intégration de personnel, malgré toutes les précautions qu'on voudra prendre, va déjà produire en elle-même un certain nombre de tensions chez ces travailleuses et travailleurs et, également, dans la mise en place ou la remise en place de l'organisation du travail dans ces nouveaux territoires de la commission scolaire.

Je ferais la même remarque sur l'exclusion, quand vous dites que vous considéreriez aller du côté du Commissaire du travail pour trancher cette question. Ce que l'on vous souligne, c'est que la question a déjà été tranchée par les commissaires du travail puisqu'ils ou elles sont, très

majoritairement, sinon unanimement, reconnus comme étant membres d'accréditations syndicales.

Donc, repartir le processus serait en quelque sorte demander au législateur de reconsidérer une décision qu'il a déjà prise. Si c'est déjà fait, respectons cela, puisque la restructuration ne veut pas - et je pense qu'on reconnaît cela de part et d'autre -perturber ce qui existe en termes de reconnaissance syndicale, en termes de reconnaissance des accréditations. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on n'a pas besoin de le soumettre. La restructuration vit avec les faits qui existent concernant les accréditations syndicales.

C'étaient les deux commentaires. Un autre commentaire plus général concerne tout l'aspect des négociations. Ce qu'on souhaite effectivement, c'est que ces rencontres se poursuivent. Je dirais même qu'on aurait apprécié, particulièrement ces dernières semaines, qu'on puisse pousser plus rapidement afin d'être amenés ici, en commission parlementaire, et d'ajuster davantage des points qui bloquaient au niveau de l'interprétation de certains articles du projet de loi. Je soulignais en particulier l'article 353. Ce qui nous apparaît fondamental, c'est que, tel que rédigé, on croyait lire à cet article 353 qu'il y avait vraiment, d'abord et avant tout et vraiment fondamentalement sans équivoque, sans voie de sortie prématurée pour l'une ou l'autre des parties, recherche d'une entente par une négociation libre. On veut que ce soit ça prioritairement et uniquement qui reste là. Cela nous apparaît fondamental, car on connaît trop les tensions qui existent à l'intérieur de cette restructuration. Pour des motifs très divergents, ne serait-ce que cette intégration de territoire, elle pourrait bloquer sur tout autre motif que des motifs d'intégration de personnel. Nous ne voulons pas nous retrouver avec cela. C'est pour cela qu'il faut que la négociation se joue sur les vrais objectifs d'intégration de personnel, pas sur d'autres éléments dont nous ne voulons pas, comme personnel, porter la responsabilité.

Je ne sais pas si Monique ou Ginette veulent faire d'autres commentaires en réaction à vos engagements.

Mme Guérin (Ginette): Si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Certainement.

Mme Guérin: Quant à la dernière remarque du ministre de l'Éducation concernant son objectif qui est d'en arriver à une entente négociée, je dois vous dire que, pour le personnel de soutien que nous représentons ici, c'est assez heureux d'entendre cela. Cela va faire changement avec les dernières périodes dites de négociations qui se sont terminées par un décret. Nous osons espérer qu'effectivement il y aura une entente négociée sur les mécanismes d'intégration du personnel de soutien. Pour nous, les mécanismes d'intégration sont tout à fait reliés intimement à tout le chapitre du projet de loi qui traite de la représentation syndicale. J'aimerais avoir une réponse précise du ministre de l'Éducation sur son interprétation de l'article 412, tel que libellé dans le projet de loi 40.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Guérin.

M. Laurin: Je voudrais vous dire à cet égard que je partage l'opinion de M. Auger sur le caractère fondamental de ce libellé de l'article 353 en vertu duquel ce que nous visons, c'est une entente négociée. J'accueille aussi avec intérêt les trois commentaires qui ont suivi. Je les communiquerai sûrement à mes officiers. Comme on sait qu'il y a d'autres rencontres de prévues - je pense qu'on en prévoit quatre au cours des quinze prochains jours -je pense que sur cette base nous pourrons continuer la discussion, les échanges, sur chacun des articles qui peuvent encore faire problème. J'espère - en tout cas, je suis optimiste à cet égard - que nous pourrons rapprocher nos points de vue et parvenir à cette entente qui est notre objectif.

Juste avant que nous ajournions les travaux de notre commission, je voudrais également ajouter un commentaire sur l'éducation des adultes. Il est vrai que le gouvernement fera connaître sa politique au cours du mois de février. Après que cette politique sera connue, il deviendra possible d'effectuer au projet de loi 40 des amendements que nous ne pouvions pas effectuer avant que le gouvernement n'ait pris sa décision. Mais je peux vous assurer à l'avance que ces amendements iront dans le sens de ce que vous avez souhaité dans votre mémoire, c'est-à-dire la reconnaissance de la spécificité de l'éducation des adultes par rapport à l'éducation des jeunes, spécificité étendue aux services et aux droits que possèdent les adultes à l'accessibilité aux études et à la représentation. Évidemment, ce sont des objectifs que nous partageons et il me fera plaisir d'apporter, à cette occasion, des amendements qui reconnaîtront le rôle extrêmement important que doit jouer l'éducation des adultes dans la mission éducative que doit se donner une société.

J'ai le temps aussi de poser une dernière petite question. Je vois que, dans votre mémoire, vous reconnaissez la possibilité de créer dans chaque école un conseil d'école chargé de la responsabilité pédagogique. Dans votre mémoire, vous dites

que le conseil d'école devrait être uniquement chargé de la responsabilité pédagogique et non pas d'autres responsabilités. Je pense qu'on peut s'entendre sur le fait que le conseil d'école aura pour mission principale fondamentale de s'occuper justement de la responsabilité pédagogique, mais ne croyez-vous pas que, pour que précisément le conseil d'école puisse le faire, on puisse mettre à sa disposition des moyens, des instruments qui lui permettront d'assumer ses responsabilités. Parmi ces moyens, je pense qu'il y en a certains que prévoit le projet de loi et qui me paraissent absolument essentiels. Par exemple, la nécessité de préparer des prévisions budgétaires qui seront soumises aux commissions scolaires, qui pourront être modifiées par la commission scolaire, mais qui, une fois approuvées, devront comporter la dispensation d'un budget à l'école que le conseil d'école devra administrer?

M. Auger: Un commentaire. La recommandation no 9 que nous formulons dans notre mémoire à la page 16 dit que le projet de loi permet aux enseignantes et enseignants, de même qu'à l'ensemble des professionnels non-enseignants et au personnel de soutien, d'être partie prenante aux décisions à caractère pédagogique, au sein du comité pédagogique de l'école, en matière d'adaptation de programmes, de choix de méthodes pédagogiques, etc.

Dans un deuxième temps, ce que l'on mentionne, c'est qu'en ces matières, en cas de divergence de la part des autorités de l'école, la décision appartient au conseil d'école ou au directeur d'école. J'ai entendu tout à l'heure le débat qui s'est fait sur et autour de cette question. J'ai trouvé cela intéressant, parce que, lorsqu'on a regardé cette question, à la lumière, entre autres, de notre expérience qui est celle des cégeps et d'un certain nombre d'autres expériences qu'on a pu vivre, ce qui nous paraissait fondamental, c'est effectivement qu'au niveau de comités pédagogiques - d'ailleurs, cela s'appelle des commissions pédagogiques -il y ait une première réflexion fondamentale qui repose effectivement non pas sur un commun accord des parties, mais sur la qualité professionnelle, la compétence professionnelle et l'attention professionnelle de l'ensemble des composantes d'une commission scolaire, d'une école, d'un cégep. Pour nous, la possibilité est d'abord et avant tout le point de démarrage.

M. Laurin: Tout à fait.

M. Auger: Lorsqu'on arrive du côté de la fonction du conseil d'école, à partir du moment où il y a eu cette recherche, dans le cadre des politiques qui sont reconnues à l'école, le reste, selon nous, peut très bien se retrouver à un autre palier, au palier régional particulièrement. On n'a pas saisi l'importance, par exemple, pour l'école de préparer, comme vous le dites, l'ensemble de sa proposition budgétaire. Bien que l'ensemble de ces discussions vont fournir des ressources à la commission scolaire, mais on trouve que l'essentiel n'est pas là. Insister pour que cela repose sur l'école, nous n'en sommes pas convaincus du tout dans l'analyse qu'on peut faire actuellement du fonctionnement de l'école.

L'autre problème, lié à notre perception générale du projet de loi, c'est remettre entre les mains de parties presque atomisées, dans certains cas, des responsabilités qui, comme on le sait, ne pourront être exercées aussi facilement, non pas parce qu'on n'a pas confiance aux gens qui travaillent là, les personnels ou autres, mais cette atomisation ne nous paraît pas souhaitable pour ce type d'action. On préfère que l'action se fasse au niveau régional en laissant les pouvoirs réels, toute les questions pédagogiques, l'administration d'un projet éducatif, au niveau de l'école.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Auger. Il est minuit, et je dois vous inviter à revenir vous joindre à nous demain matin.

La commission élue permanente de l'éducation ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à minuit)

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