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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Friday, February 3, 1984 - Vol. 27 N° 244

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 40 - Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Les membres de cette commission sont M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Maltais (Saguenay), M. Lachance (Bellechasse), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Le Blanc (Montmagny-L'Islet), M. Payne (Vachon) et M. Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau (Verchères), M. Dauphin (Marquette), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Lazure (Bertrand), Mme Harel (Maisonneuve), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Paré (Shefford), M. Rochefort (Gouin) et M. Maciocia (Viger).

Aujourd'hui, nous entendrons successivement les groupes suivants: la commission scolaire Jérôme-Le Royer; ensuite, les organismes provinciaux de promotion et de défense des droits et des intérêts des personnes handicapées regroupent l'Association du Québec pour les déficients mentaux, l'Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs, l'Association de paralysie cérébrale du Québec, l'Association canadienne de l'ataxie de Friedreich, l'Association québécoise pour enfants et adultes ayant des troubles d'apprentissage, la Société québécoise de l'autisme, l'Association québécoise des parents d'enfants handicapés visuels. Par la suite, nous entendrons l'Association féminine d'éducation et d'action sociale et, finalement, le comité de parents de la Commission des écoles catholiques de Québec.

Oui, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Oui. Sur une question de règlement, M. le Président. Est-ce que je pourrais demander l'assentiment de la commission pour faire une mise au point sur ma question d'hier soir?

Le Président (M. Blouin): On m'a signalé que vous désiriez faire une toute brève intervention avant que nous commencions nos travaux, avec le consentement des membres.

M. Hains: Quelques minutes seulement.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Allez-y, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Merci.

M. Ryan: Soyez sans inquiétude, il ne s'agit pas d'organismes qui auraient demandé à être entendus.

M. Hains: Non, non, non, non.

Le Président (M. Blouin): Cela me soulage, M. le député d'Argenteuil.

Mise au point M. Roma Hains

M. Hains: Hier soir, M. le Président, lors de la discussion sur le mémoire de là Commission des droits de la personne, j'ai présenté aux membres de cette commission le cas bien précis de mon ancienne école, Coeur-Immaculé-de-Marie.

Pour les besoins de la cause, je résume un peu la question. Il y a à peine cinq ans, à cette école, une dizaine d'enfants avaient demandé l'exemption des cours de religion. Ils devaient suivre des cours de morale et tout allait bien. Aujourd'hui - comme je le disais hier soir - supposons qu'il y ait une centaine d'enfants exemptés. Je reviens ce matin parce qu'après vérification il n'y a actuellement que cinq enfants exemptés du cours de religion.

Je posais la question suivante aux membres de la commission: Les parents de ces enfants exemptés pourraient-ils, au nom de l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, demander le retrait du statut confessionnel pour discrimination illicite envers les enfants? La réponse fut oui, de la part des commissaires de la charte.

Cette question et cette réponse m'ont tracassé véritablement toute une partie de la soirée. C'est pourquoi je voudrais, ce matin, faire une petite mise au point pour le bénéfice de nos parents et même, aussi, de la commission. Je vais être très court. Je suis quand même très heureux ce matin de

vanter les interventions de M. le ministre et de notre porte-parole sur ce sujet très délicat. Je voudrais rapidement, de mémoire, avec les quelques notes que j'ai prises sur les arguments relever certaines choses qui sont venues des intervenants.

Premièrement, les valeurs revendiquées par la confessionnalité sont en fait partagées par toute la société, dixit M. Laurin. Les dangers de la discrimination, tels qu'apportés par les commissaires de la Charte des droits et libertés de la personne - je cite M. Laurin - sont des réalités appréhendées plutôt que constatées. Les avis - ce sont toujours ceux de la Charte des droits et libertés de la personne - sont en contradiction actuellement avec ses avis précédents de 1979 sur la liberté de religion et sur son étude réalisée en 1980 sur la notion de discrimination (encore une parole de M. Laurin). "Le mémoire de la charte ignore totalement la constitution canadienne à l'article 93 sur la garantie des droits à la confessionnalité." (M. Ryan). La loi n'est qu'un reflet de l'expérience socio-historique du vécu scolaire tel qu'accepté et soutenu par le conseil de l'éducation et le rapport Parent (M. Ryan). Il ne faut pas faire de la politique en centrant un mémoire sur une question aussi délicate que la confessionnalité, surtout par un organisme public et qui est payé aux frais de la population (M. Ryan). Il ne faut pas se livrer seulement à la logique mathématique et desséchante sur une question d'une telle importance (encore M. Ryan).

Voilà, M. le Président, les arguments les plus valables pour rassurer les parents qui, hier soir, appelaient mon épouse à domicile parce qu'ils nourrissaient beaucoup d'inquiétude sur cette réponse.

Le Président (M. Blouin): Enfin, M. le député...

M. Hains: Je termine par un petit mot. Juste une petite conclusion. Vous allez l'aimer, celle-là, M. le Président. Quant à nous, du Parti libéral, qui ne partageons pas toujours les idées du parti ministériel, nous ne demandons pas au Parti québécois d'évacuer le Parlement. Nous ne menaçons pas, non plus, de former un pouvoir parallèle à Montréal. Nous avons vraiment ici, je crois, le gage et la preuve de la démocratie, le respect de la majorité, la lutte noble et loyale pour le respect de la liberté. J'espère que ce modèle de démocratie où on peut avoir des idées différentes pourrait être applicable dans nos écoles. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Henri.

Sans plus tarder, je demande maintenant aux représentantes et aux représentants de la commission scolaire Jérôme-Le Royer de nous livrer en une vingtaine de minutes le contenu de leur mémoire. Nous procéderons ensuite aux échanges entre nos invités et les membres de la commission.

Commission scolaire Jérôme-Le Royer

M. Gagliano (Alfonso): M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire, il me fait plaisir de vous présenter les membres de la délégation de la commission scolaire Jérôme-Le Royer: à ma droite, M. Maurice Poirier, directeur général, Mme Jeannette Masse, membre de l'exécutif, M. Dominic Perri, commissaire; à ma gauche, Mme Ghislaine Boisvert, présidente du comité exécutif, M. Joseph Morselli, délégué au conseil scolaire de l'île de Montréal, et M. André Gauthier, directeur général adjoint. J'aimerais souligner la présence d'autres gens de notre commission scolaire: notre vice-président, M. Gilles Dion, qui est derrière nous, les commissaires, Mme Josée Fillion, M. Guy Parent et M. Pierre Vidal, ainsi que notre secrétaire général, M. Jean Tondreau.

La commission scolaire Jérôme-Le Royer regroupe une clientèle de quelque 22 000 élèves. Ces élèves proviennent de milieux très caractérisés et différents à plus d'un point de vue, situés dans l'est de la ville de Montréal dans les centres urbains de Saint-Léonard, d'Anjou, de Montréal-Est et de Pointe-aux-Trembles. La population de la commission scolaire Jérôme-Le Royer représente une mosaïque ethnique, sociale, culturelle, économique et éducative fort diversifiée. Nous exerçons notre action dans une jeune société hétérogène, en pleine évolution, qui se métamorphose et dont les difficultés d'articulation et de vie dépassent celles de l'ordinaire.

La constitution de notre commission scolaire, dans sa forme présente, niveaux primaire et secondaire intégrés, ne date que de dix ans. Nos problèmes de fond sont ceux de tout organisme, de toute société dynamique qui se développe et qui progresse. Ces problèmes se réfèrent aux valeurs; ils touchent les ethnies; ils concernent les traditions et souvent débordent sur des certitudes et des comportements. Voilà autant d'aspects, M. le Président, qui génèrent tout naturellement, à l'occasion, des interrogations, des approches différentes, des difficultés de cheminement et d'adaptation. Plutôt que de s'en surprendre ou encore de s'en offusquer, nous préférons, quant à nous, considérer que ces difficultés portent en elles-mêmes les germes de richesse d'avenir insoupçonné dans lesquels se façonne une nouvelle société au Québec. Pour prendre un langage d'actualité, il importe plus de retenir les nombreux points de convergence qui marquent les divers partenaires de notre commission scolaire que ceux de divergence.

L'importance du projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire public et ses conséquences à long terme ont incité les membres du conseil des commissaires de Jérôme-Le Royer à former, par résolution, un comité d'étude en vue de présenter un mémoire à la commission parlementaire, mémoire qui a été entériné par douze membres du conseil des commissaires, avec une dissidence.

Il y a à peine quelques mois la commission scolaire Jérôme-Le Royer faisait parvenir au ministre de l'Éducation un document sur le livre blanc intitulé: "Considérations et réflexions de la commission scolaire Jérôme-Le Royer sur le livre blanc "L'école, une école communautaire et responsable" en regard d'une expérience vécue de décentralisation en vue de valoriser l'école." Ce document reflète un cheminement important d'une décentralisation vers les écoles, une opération qui a été réalisée par notre commission scolaire en collaboration avec toutes les instances éducatives: parents, enseignants, cadres, personnel professionnel et de soutien, associations, syndicat, dans le cadre du livre vert, de la loi 71 et de l'École québécoise. Nous joignons ce document à notre mémoire, compte tenu que les réflexions émises alors sont en mesure d'apporter aux membres de cette commission parlementaire un éclairage de fond intéressant sur les commentaires que nous apportons aujourd'hui dans l'examen du projet de loi ministériel.

L'étude que nous avons faite du projet de loi 40 s'est voulue une approche de la base concrète et réaliste. À partir d'un vécu quotidien et d'une expérience étroite avec l'école et ses agents, elle touche aux articles fondamentaux du projet de loi concernant les personnes et les structures. Les lignes de fond de nos commentaires rejoignent plusieurs objectifs majeurs du projet de loi dont l'accentuation et la définition des pouvoirs et responsabilités de l'école, une meilleure représentativité et une implication plus significative des parents, l'intégration généralisée des commissions scolaires locales et régionales, la possibilité de nouvelles divisions territoriales.

Les objectifs qui précèdent répondent à des attentes nombreuses et à une rationalisation nécessaire du système scolaire. Ils constituent autant d'éléments qui justifient une réforme. Cependant, nous croyons que cette réforme peut et doit se réaliser dans le cadre évolutif d'une véritable décentralisation, où le ministère de l'Éducation se fait moins encadrant et moins envahissant, où la commission scolaire se voit préciser ses droits, pouvoirs et obligations et où l'école se développe progressivement dans le sens d'une appropriation des décisions de régie interne et d'une prise en charge des pouvoirs spécifiques lui permettant de porter et d'administrer son projet éducatif.

L'institution scolaire que nous envisageons et recherchons tous est bien sûr une institution ouverte à des adaptations et à des concertations cohérentes dans ses activités et dans son organisation, responsable de ses orientations et de la qualité de ses services.

Nous craignons que le projet de loi 40, qui révise les structures et déplace certains centres décisionnels importants, ne s'avère une rupture trop radicale avec le passé. Nous préférons un cheminement qui évolue en optant pour une structure qui tienne compte du présent, de ce que nous sommes et de ceux que nous représentons.

Une proportion importante de notre texte consiste à baser la prochaine restructuration des commissions scolaires sur le statut confessionnel plutôt que sur le statut linguistique. Cette recommandation, si elle était retenue par la loi, deviendrait une sanction officielle de ce qui existe actuellement dans les faits et faciliterait la réalisation des autres aspects de cette réforme.

Les progrès à réaliser présentement, nous semble-t-il, se situent moins dans les structures que dans l'amélioration de la pédagogie, le perfectionnement de l'acte éducatif et la qualité des relations maître-élèves. C'est dans ce sens et vers ces objectifs, M. le Président, que veulent aller nos considérations et nos recommandations.

Au cours des cinq dernières années, la commission scolaire et les écoles, en plus des problèmes issus de la baisse des élèves, des surplus d'enseignants, des séquelles des négociations, des restrictions budgétaires, ont été presque constamment l'objet de remises en question: projets, documents, règlements, lois de nature éducative et de nature administrative se sont succédé à un rythme rapide. Il suffit de nommer le livre vert, L'école québécoise, la loi 71, sans oublier les régimes pédagogiques et les nouveaux programmes d'études qui sont dans la phase d'implantation pour se rendre compte d'une situation d'effervescence.

En considération de certains de ces changements encore inachevés et à la suite de l'étude que nous avons faite du projet de loi 40, nous sommes encore à nous interroger sur l'ampleur et la pertinence de cette réforme qui bouleverse quelques milliers de nos institutions au plan des structures. N'est-il pas encore temps de se demander où se trouve la limite psychologique de la capacité d'adaptation et de changement de ceux qui oeuvrent à la base?

Nous reconnaissons, par ailleurs, compte tenu de l'évolution de notre société et des aspects impératifs d'ordre organisationnel et économique, qu'il convient de réviser la carte des commissions scolaires, d'unifier les

niveaux d'enseignement et de mieux partager les pouvoirs et responsabilités des écoles et des commissions scolaires. Ce sont déjà là, croyons-nous, des programmes fort ambitieux qui, en plus de l'implantation des nouveaux programmes et des régimes pédagogiques, devraient suffire à occuper et à drainer toutes les énergies disponibles.

Étant donné que le projet de loi 40, en première lecture, constitue une étape importante dans le rouage légal, nous avons jugé essentiel, comme commission scolaire, de répondre à l'invitation ministérielle en participant à cette réflexion collective sur la réforme scolaire et en soumettant un ensemble de recommandations à partir d'un vécu éducatif et administratif. Nous croyons essentiel que le gouvernement révise entièrement certaines dispositions que contient le projet de loi en regard des écoles et des commissions scolaires.

Les recommandations fermes qui suivent sont développées dans le texte du mémoire déposé à cette commission. Elles découlent des réflexions émises précédemment et précisent nos attentes vis-à-vis de l'école, de la commission scolaire, du ministère, de la confessionnalité et des dispositions provisoires de la mise en oeuvre de la loi.

Nous recommandons, M. le Président, que les fonctions attribuées à l'école par le gouvernement et par les commissions scolaires soient exercées sous l'autorité du directeur d'école et d'un conseil d'école disposant de pouvoirs décisionnels; que le conseil d'école soit composé d'une majorité de parents élus par l'assemblée générale, d'au moins deux membres du personnel enseignant, d'un membre du personnel non enseignant, de deux élèves du second cycle de l'enseignement secondaire, du directeur d'école sans droit de vote sur les sujets où le conseil est décisionnel.

Que le conseil d'école dispose d'un pouvoir décisionnel dans les attributions relatives aux orientations éducatives de l'école, aux modalités organisationnelles de l'application du régime pédagogique, à la confessionnalité, à la réglementation et aux mesures concernant la régie interne.

Que le conseil d'école soit partie prenante à l'évaluation des apprentissages et à l'application des programmes, aux orientations et au suivi du budget, à la gestion du personnel, aux discussions se rapportant à l'aménagement, à l'entretien et à l'utilisation des locaux et qu'il dispose d'une possibilité de recommandation dans les décisions que doit prendre la direction de l'école sur ces questions. (10 h 30)

Que la remise en question du mandat du directeur d'école soit l'objet d'une évaluation de la commission scolaire en consultation avec les membres du conseil d'école.

Que soit établie une politique d'utilisation et de location des locaux au niveau de la commission scolaire, en étroite consultation avec toutes les écoles et en collaboration avec les municipalités, en vue de permettre ou d'organiser des services éducatifs, socioculturels et sportifs à la communauté.

Que les commissions scolaires aient la possibilité d'élargir éventuellement par délégation de pouvoirs les champs de responsabilité de certaines écoles qui disposeraient des expertises et des ressources internes nécessaires.

Nous recommandons pour la commission scolaire:

Que la carte scolaire soit révisée en vue de rationaliser le système scolaire et que le critère de base de la division territoriale des commissions scolaires soit de nature confessionnelle.

Que la délimitation des territoires sur l'île de Montréal pour la formation des commissions scolaires corresponde à un minimum de 25 000 à 30 000 élèves.

Que les niveaux primaire et secondaire soient intégrés dans toutes les commissions scolaires.

Que la loi précise que la compétence de la commission scolaire sur les écoles sous sa juridiction signifie, pour elle, l'exercice d'un rôle de planification, d'organisation, de direction, de coordination et d'évaluation dans le domaine des fonctions qui lui sont propres.

Que le conseil d'administration du projet de loi 40 soit substitué à un conseil scolaire comprenant de 15 à 20 membres. Les deux tiers des membres du conseil scolaire sont élus au suffrage universel et l'autre tiers par et parmi les présidents des conseils d'école avec représentation à part égale du primaire et du secondaire.

Que la commission scolaire dispose de tous les pouvoirs requis pour exercer un gouvernement local et constituer une entité éducative et politique ayant une souveraineté réelle dans les fonctions qu'elle doit remplir auprès des écoles et de la communauté.

Que toutes les interventions du ministre de l'Éducation par les directions régionales ou autres services ministériels se fassent directement auprès de la commission scolaire, laquelle doit garder par la loi la responsabilité pleine et entière de ses institutions ainsi que des biens et des ressources utilisés.

Que, dans un esprit de décentralisation, soit diminué le nombre de règlements qui encadrent les écoles et les commissions scolaires.

Qu'un organisme scolaire au niveau de l'île de Montréal ait les pouvoirs requis pour s'occuper de la dette obligataire, des emprunts à court et à long termes des commissions scolaires de l'île de Montréal et de

la taxation en vue de l'application d'un taux uniforme et d'une répartition per capita.

Une voix: C'est dur pour le journal des Débats!

M. Gagliano: Que les dispositions se rapportant aux élections (suffrage universel par quartier) soient fixées et déterminées dans la nouvelle loi et qu'elles ne soient pas, comme l'indique le projet de loi 40, une simple adaptation de la Loi électorale provinciale faite selon les besoins ou les circonstances par le Directeur général des élections.

Que les dispositions provisoires prévues pour mettre en place les nouvelles commissions scolaires permettent dans une plus large mesure aux milieux concernés d'intervenir dans le choix de ses représentants ou dans la consultation, et particulièrement dans le choix du président du comité de mise en oeuvre qui devrait être choisi parmi les membres du comité.

Pour la confessionnalité. Que la confessionnalité serve de critère de base à la restructuration des commissions scolaires.

Que les conditions et les modalités de la reconnaissance confessionnelle des écoles soient déterminées dans des règlements relevant des comités confessionnels et qu'ils soient soumis, s'il y a lieu, ultérieurement, au gouvernement.

Que la loi accorde aux écoles ayant la reconnaissance confessionnelle le droit d'avoir des enseignants possédant les qualifications requises et la compétence professionnelle nécessaire pour donner l'enseignement religieux.

Que les écoles ayant la reconnaissance confessionnelle qui obtiennent et demandent de ne plus être reconnues comme confessionnelles demeurent au plan de l'organisation et du fonctionnement sous la juridiction de leur commission scolaire confessionnelle, compte tenu de leur acte d'établissement initial.

Que soit établi au niveau de chaque commission scolaire un comité confessionnel ayant comme mission d'évaluer avec les principaux intervenants l'application des politiques et la réalisation des objectifs se rapportant à la confessionnalité.

Que la loi accorde aux comités confessionnels, catholique et protestant du Conseil supérieur de l'éducation tous les pouvoirs de réglementation requis pour remplir leurs obligations vis-à-vis de l'école confessionnelle, du projet éducatif chrétien, des critères d'une éducation chrétienne et de l'approbation des programmes et des guides méthodologiques.

Que le préambule de la loi créant le ministère de l'Éducation en 1964 soit inséré dans la nouvelle loi.

Pour l'ensemble du projet de loi, nous recommandons que les nombreuses opérations importantes prévues entre décembre 1984 et juillet 1985 pour le comité de mise en oeuvre et pour la nouvelle commission scolaire soient étalées sur une plus longue période de temps, particulièrement dans certaines commissions scolaires ayant des effectifs considérables.

Que les propositions du projet de loi concernant la révision de la carte scolaire, l'unification des niveaux d'enseignement, les nouveaux statuts confessionnels des commissions scolaires fassent l'objet de cette réforme et que les autres aspects du projet de loi se limitent aux adaptations nécessaires à sa réalisation.

Que soit faite, dans l'école où se joue l'avenir de l'enfant et où les motivations priment de beaucoup les soucis de restructuration, une révision du partage des pouvoirs dans l'esprit de la loi 71 plutôt que l'instauration de structures inédites et inconnues dont on ignore totalement l'effet sur la qualité de l'acte éducatif, des apprentissages de l'élève, du climat de l'école et des relations internes.

Que les fonctions attribuées aux commissions scolaires dans le projet de loi soient révisées et raffermies, particulièrement celles se rapportant aux responsabilités de nature pédagogique.

Que le gouvernement, compte tenu de nos positions relatives au conseil d'école et au conseil scolaire, circonscrive et révise entièrement certaines dispositions que contient le projet de loi 40 en regard des écoles et des commissions scolaires.

Que les membres de la commission parlementaire considèrent les périodes d'effervescence, d'instabilité et d'implantation qu'ont vécues et que vivent les écoles en regard de l'implantation des programmes et des nouveaux régimes pédagogiques; qu'ils s'interrogent, à savoir si la limite psychologique et la capacité d'adaptation au changement du personnel des écoles sont vraiment en mesure de permettre une implication positive dans un projet de loi controversé, projet qui affecte en profondeur les modalités d'intervention, les relations du travail et les approches éducatives.

En conclusion, M. le Président, les recommandations que nous avons exprimées en regard des fonctions de la commission scolaire et d'un meilleur partage des pouvoirs avec le ministère sont en concordance avec les résultats presque unanimes de la vaste consultation que le ministre lui-même a faite sur le livre vert. Historiquement, les commissions scolaires ont été des institutions identifiées à un gouvernement local responsable des services éducatifs devant la population. Nos interventions et nos demandes vont dans le même sens. Elles veulent assurer aux écoles et à une communauté bien définie l'occasion de mieux

se situer elles-mêmes, de mieux s'orienter en fonction de leurs propres aspirations et de leurs besoins.

Les recommandations que nous avons émises au sujet de l'école visent à une amélioration des services à l'élève, à une implication concrète de tous les agents de l'éducation, dont les parents, à des possibilités réelles d'autodétermination dans le projet éducatif. Elles accordent au conseil d'école, dans un souci d'évolution, les pouvoirs' qui lui reviennent et donnent au directeur d'école le rôle d'un professionnel responsable devant son employeur des fonctions qui lui sont déléguées.

Le projet de loi 40 est un document de révision de structures. Sans sous-estimer l'importance des structures, nous pensons que la base même des dynamismes demeure la motivation, le désir de mieux faire, le souci d'exceller. L'école où ces dynamismes et ces valeurs priment est l'école dont le premier souci est la qualité des apprentissages et de la vie, l'école qui centralise toutes ses activités sur les besoins particuliers d'épanouissement et d'enrichissement des élèves, l'école qui partage les préoccupations des parents vis-à-vis des exigences d'une éducation et d'un enseignement formateurs. Pour la réalisation de cette école, nous demandons que le gouvernement procède a des ajustements qui respectent le cheminement commun des personnes impliquées dans un processus d'évolution plutôt qu'à des changements en profondeur. C'est ainsi, croyons-nous, qu'il faut s'orienter et se prendre en main si nous voulons réaliser les objectifs recherchés dans l'école. Ces objectifs se font l'écho des profondes aspirations qui ont marqué la vaste consultation du livre vert, qui est à l'origine même de cette réforme.

Nous remercions bien sincèrement les membres de cette commission parlementaire pour l'attention qu'ils ont portée à la présentation de notre mémoire de même qu'à nos recommandations.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Gagliano. M. le ministre.

M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier et féliciter la commission scolaire Jérôme-Le Royer pour le soin et l'attention avec lesquels ils ont d'abord étudié le livre blanc, et ensuite préparé ce mémoire. C'est un effort de qualité auquel, je pense, il faut apporter toute la reconnaissance nécessaire de la part des membres de cette commission.

Il me fait plaisir de noter que la commission scolaire Jérôme-Le Royer favorise, elle aussi, l'intégration des deux niveaux d'enseignement. Je sais d'ailleurs que c'est déjà chose faite à la commission. On les comprend de vouloir généraliser et à étendre à l'échelle de la province une unification dont ils ont pu réaliser concrètement les avantages au niveau de leur commission scolaire, dans le sens de la continuité.

Je note avec encore plus de plaisir l'insistance avec laquelle la commission scolaire nous incite à accorder une importance extrême à l'école, au rôle que peuvent et doivent y jouer les parents et à l'élaboration d'un projet éducatif propre à chaque école. J'ai noté à cet égard, avec plaisir, que la commission scolaire Jérôme-Le Royer insiste pour que chaque école possède son conseil d'école, que ce conseil d'école possède des pouvoirs décisionnels dans les matières que la commission scolaire détermine dans son mémoire: attributions relatives aux orientations éducatives de l'école, aux modalités organisationnelles de l'application du régime pédagogique, à la confessionnalité, à la réglementation et aux mesures concernant la régie interne, à l'évaluation des apprentissages, à l'application des programmes, aux orientations et aux suivis du budget, à la gestion du personnel, aux discussions se rapportant à l'aménagement, à l'entretien et à l'utilisation des locaux.

Je note aussi que la commission scolaire Jérôme-Le Royer nous fait des suggestions sur la composition de ce conseil d'école qui serait, selon sa recommandation, composé d'une majorité de parents élus par l'assemblée générale, d'au moins deux membres du personnel enseignant, d'un membre du personnel non enseignant, de deux élèves du second cycle de l'enseignement secondaire et du directeur d'école, sans droit de vote. Je pense que c'est là une tendance qu'on voit de plus en plus que d'accorder à l'école, dans l'évolution qui se constate depuis quelques années, non seulement des moyens additionnels, mais des instruments qui correpondent à l'importance qu'elle doit occuper dans le système éducatif. (10 h 45)

À l'instar du comité de parents de la commission scolaire Jérôme-Le Royer, qui est venu nous rencontrer il n'y a pas longtemps, les commissaires marquent eux aussi leur préférence pour une commission scolaire confessionnelle. J'aurais peut-être une distinction à faire ici, cependant, à propos d'une des affirmations du mémoire. Je note, en effet, dans une de vos recommandations, que vous demandez que les conditions et les modalités de la reconnaissance confessionnelle des écoles soient déterminées dans des règlements relevant des comités confessionnels et qu'ils soient soumis, s'il y a lieu, ultérieurement au gouvernement. Pour bien s'entendre, je voudrais juste dire exactement ce que contient le projet de loi à cet égard.

Par exemple, l'article 474 prévoit qu'il reviendra aux comités confessionnels d'établir par règlement les critères pour la

reconnaissance d'une école. Ce règlement est mis en vigueur après approbation par le gouvernement. Ceci spécifie bien le rôle des comités, c'est-à-dire l'établissement des critères.

Par la suite, l'article 309, paragraphe 1, prévoit qu'il reviendra au ministre de faire un règlement sur le processus de la consultation des parents. Comme j'ai eu l'occasion déjà de le dire, cette formulation répond à une demande qui nous a été faite par le comité catholique. Il reviendra donc au ministre d'établir ce règlement. Cependant, il ne le fera qu'après consultation des comités confessionnels. Ceci n'enlève rien à votre recommandation et nous l'étudierons en conséquence. 0e voulais qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur ce que prévoit le projet de loi 40 à ce sujet.

Je reviens sur le fait que vous recommandiez le maintien des commissions scolaires confessionnelles. Cependant, vous n'écartez pas l'idée qu'une commission scolaire confessionnelle puisse régir des écoles non confessionnelles. C'est là-dessus que porterait ma première question. Sur quel fondement vous appuyez-vous pour réclamer qu'une commission scolaire confessionnelle puisse régir des écoles non confessionnelles?

M. Gagliano: M. le Président, pour répondre à la question du ministre, je pense qu'il est bien clair dans notre mémoire que nous optons pour une commission scolaire confessionnelle. Or, pour le respect d'une minorité, s'il y a dans notre commission scolaire confessionnelle une école que les parents, à la suite d'une consultation, ont décidé de ne pas être confessionnaliser, nous sommes prêts à administrer cette école et à respecter la volonté majoritaire des parents sur cette question de confessionnalité. Avec votre permission - j'ai oublié de le mentionner au début de ma présentation -nous avons préparé un mémoire en équipe et je demanderais à un de mes collègues de préciser tout cet aspect de la confessionnalité. Je demanderais à ma collègue Jeannette Masse d'expliciter.

Mme Masse (Jeannette): M. le Président, des spécialistes ont déjà présenté un mémoire sur le sujet épineux de la confessionnalité. Cependant, nous, de Jérôme-Le Royer, apportons ici notre vécu et c'est positivement que nous avons abordé l'étude du projet de loi 40. Cependant, nous ne pouvons pas passer sous silence la question de nos droits acquis depuis plus de deux siècles. Aussi loin que nous remontons dans l'histoire, dans le temps, le législateur a toujours senti le besoin de protéger des valeurs fondamentales. C'est ce que nous demandons aujourd'hui. Nous sommes allés plus loin, peut-être encore, nous demandons dans notre mémoire pour la commission scolaire le statut confessionnel. Que ce soit la grande charte de 1215, que ce soit l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, que ce soit la charte canadienne de 1970, que ce soit notre charte québécoise qui a vraiment une très grande valeur, qui vient tout juste d'être modifiée dans le but d'une plus grande protection, tout cela n'a vraiment de sens qu'à la condition - je dis bien qu'à la condition - que les articles n'en soient pas suspendus par un nonobstant quelconque à la moindre occasion et l'expérience nous démontre combien il est facile de le faire, malheureusement.

De plus, si nous nous reportons au chapitre IV de notre charte québécoise, Droits sociaux et économiques, nous avons pensé à la protection de l'individu, des parents et de leurs droits, à l'épanouissement des minorités, mais nulle part, d'une façon expresse, nous n'assurons la protection de la majorité contre la minorité. Aussi bizarre que cela paraisse, c'est la majorité qui a besoin de protection et je m'explique. Afin de mieux situer le problème, j'apporte l'exemple de situations qui se multiplient et que je qualifie de tragiques. Il y a quelques jours à peine, on nous amenait sur la place publique le problème d'agression de professeurs dans nos écoles secondaires, tant au niveau secondaire II, III et IV, situation qui se généralise rapidement dans nos écoles. Ce qui suit devrait nous préoccuper au plus haut point. Une direction d'école exposait le problème à un poste d'information et, à la suite de discussions, le journaliste demande à la direction de l'école concernée: Votre école regroupe combien d'élèves? La réponse fut: 1500. Le journaliste poursuit: Si vous aviez à retirer du groupe les éléments qui exigent, de par leur comportement des services spéciaux, combien de jeunes seraient alors touchés? Réponse: Environ 75 et l'école fonctionnerait normalement.

Il faut réagir: 1425 élèves - je dis bien 1425 élèves - privés d'un fonctionnement normal à cause de 75. Transposons ce même problème sur le plan confessionnel. Combien d'activités chrétiennes ont été suspendues, mises de côté, afin de ne pas froisser quelques susceptibilités? Un nombre restreint. On a suspendu ce que nous avions et même, à certains endroits, il n'y en a pratiquement plus, toujours pour la même raison, respect d'une minorité. Pourtant, chez nous à Jérôme-Le Royer, à peine un peu plus de 1% ont exigé l'exemption de l'instruction religieuse. Dans un sondage récent, au secondaire à Jérôme-Le Royer, plus de 85% ont exprimé le désir de conserver la confessionnalité. C'est pourquoi nous demandons fermement pour notre commission scolaire le statut confessionnel.

La commission scolaire est l'organisme qui doit représenter le vrai visage de la collectivité, de son milieu. Par la suite, elle

doit fournir des garanties de services à cette majorité confessionnelle. Pourquoi un statut confessionnel? C'est à cause du caractère juridique, légal, que ce statut confirme et cette demande est une suite logique aux exigences de notre milieu majoritairement confessionnel. De ce fait, nous ne brimons personne. Au contraire, nous ouvrons toutes grandes les portes aux dissidents, car nous disons et nous demandons que notre commission scolaire, comme le suggère l'article 30 du projet de loi 40, soit aussi publique et commune, à statut confessionnel. Publique, pour répondre à l'ensemble du milieu. On dit aussi commune. En tant qu'organisme gouvernemental, elle est au service d'un groupe de citoyens. Comme anciennement, quand on parlait de commune, ça signifiait le gouvernement municipal avec les citoyens qui se regroupaient au gouvernement municipal; aujourd'hui, si on dit une commission scolaire commune, c'est l'ensemble des citoyens qui se regroupent autour de notre commission scolaire. Alors, nous acceptons l'article 30, "publique", "commune", "statut confessionnel", parce que c'est vraiment la majorité, parce que c'est ressenti par nos gens, parce que c'est vécu.

De plus, M. le Président, nous acceptons le fait, comme le propose l'article 33 du même projet de loi 40, qu'à une école on applique un statut particulier où la non-confessionnalité recevrait tous les services qu'elle désire, tout en restant dépendante administrativement de la commission scolaire existante. De cette façon, c'est le respect intégral de notre collectivité, parce que nous parlons de Jérôme-Le Royer. Cependant, cette nouvelle structure permettrait, dans nos écoles majoritairement confessionnelles, d'avoir des projets éducatifs chrétiens, une véritable source de revalorisation où, collectivement, individuellement, nous nous attarderions à faire revivre des valeurs fondamentales et possiblement retrouverions-nous le véritable sens des valeurs souvent trop oubliées aujourd'hui, à cause du matérialisme toujours de plus en plus envahissant et devenu pratiquement le seul souci important.

Nous croyons, nous, de Jérôme-Le Royer, que, par la solution que nous proposons dans notre mémoire, il y aurait possibilité de faire mentir les mémoires qui prédisent des années de violence, de délinquance dans le système d'éducation pour les années à venir. Le véritable sens chrétien ne peut qu'aider à redresser cette situation, parce que, bien compris, c'est par des manifestations tangibles, des périodes de réflexion dirigée, des projets éducatifs choisis et de qualité que nous arriverons à ressaisir notre jeunesse qui a toujours besoin de dépassement. Notre jeunesse a le même fondement que nous avions, nous, il y a 10 ans, 15 ans, 20 ans ou 30 ans, le fondement est toujours le même. Les jeûnes ont besoin de dépassement, nos jeunes sont sincères, ils rejettent d'emblée la situation du "fais ce que je dis et non ce que je fais"; c'est une chose qu'ils n'acceptent pas et leurs réactions le démontrent. Ce qu'ils veulent, c'est qu'on soit sincère, que ce qu'on dit, on le fasse.

C'est une commission scolaire forte de ces pouvoirs qui pourra agir en ce sens. On ne donne pas ce que l'on n'a pas, M. le Président. Elle déléguera à ses écoles les pouvoirs qu'elle aura avec une possibilité de regard sur cette même délégation de pouvoirs.

C'est en ce sens que, par notre mémoire, si nous nous référons aux pages 23 et 24 du mémoire, vous retrouverez, dit dans d'autres mots, plus philosophiquement, ce que je viens d'énumérer.

C'est avec le souci constant de véritables services à notre communauté que nous avons préparé notre mémoire et nos recommandations s'adaptent vraiment à notre milieu. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Masse. M. le ministre.

M. Laurin: Je vous remercie, Mme Masse. Sur un autre point, le suffrage universel, je constate que vous n'acceptez pas la procédure prévue au projet de loi 40, mais que, par ailleurs, vous n'acceptez pas non plus le système actuel. Ce que vous nous recommandez, c'est un conseil des commissaires où les deux tiers des membres seraient élus au suffrage universel et l'autre tiers élu par les membres du conseil d'école. J'aimerais que vous nous expliquiez davantage ce qui vous a amenés à nous faire cette recommandation. (11 heures)

On dit, par exemple, dans certains groupes qu'il faudrait un conseil des commissaires composé moitié-moitié de parents élus par le conseil d'école et de commissaires élus au suffrage universel. D'autres groupes nous disent que tous les commissaires devraient être élus au suffrage universel et que le conseil des commissaires ne devrait compter aucun parent avec droit de vote. Vous nous arrivez avec une position intermédiaire et j'aimerais savoir sur quoi vous fonderiez la légitimité d'un conseil des commissaires dont le tiers représenterait les écoles et dont les deux tiers seraient élus directement par la population.

M. Gagliano: M. le Président, pour répondre à la question de M. le ministre, tout d'abord, j'aimerais parler un peu de l'histoire de Jérôme-Le Royer. Même avant la loi 71 qui permettait que deux délégués du comité de parents siègent au conseil des commissaires, nous, à Jérôme-Le Royer, nous

permettions déjà au président du comité de parents de pouvoir intervenir lors de nos réunions du conseil des commissaires sur toutes les questions à l'ordre du jour, parce que, nous, à Jérôme-Le Royer, c'est une tradition, nous avons toujours considéré les parents comme des partenaires. J'aime le souligner parce qu'hier, justement, à la suite de la présentation d'un mémoire par un groupe de parents, il y a eu des députés et des ministres qui ont parlé de frustration des parents vis-à-vis des commissaires. Chez nous, ce n'est pas le cas. Bien sûr, on a des différends, mais on a vraiment une relation parents-commission scolaire, parents- commissaires au point où, par exemple, la commission scolaire finance chaque année un colloque de parents. Nous avons voulu continuer dans cet esprit en invitant nos partenaires, les parents, mais nous avons quand même limité leur représentation à un tiers, parce que là aussi, souvent, on joue sur le mot "parents". C'est qui, les parents? Est-ce que moi qui ai déjà trois enfants à l'école, je ne suis plus parent parce que je suis devenu commissaire? Alors, on dit: On va permettre quand même un certain nombre. On a dit un tiers. C'est une proposition hypothétique - on a joué avec les mathématiques, si vous voulez - pour permettre cette continuation, à savoir qu'il y ait quand même des parents qui puissent siéger à ce conseil scolaire, mais, comme je l'ai dit tantôt, je vais demander à ma collègue, la présidente du comité exécutif, Mme Ghislaine Boisvert, de donner plus de détails sur ce sujet.

Mme Boisvert (Ghislaine): Sur ce sujet, nous permettons qu'il y ait un tiers des parents qui viennent des délégués de comités d'école, parce qu'il est important que ces parents réalisent ce que c'est que d'avoir un rôle de commissaire; actuellement, la loi leur donne un tas de pouvoirs. Ils ont les mêmes pouvoirs et les mêmes attributions que le commissaire sans en avoir la responsabilité. Cela va toujours bien, en arrière, de discuter quand on s'en lave les mains puisqu'on ne prend pas de responsabilité. Dans ce cas-là, les parents n'ont actuellement aucune responsabilité puisqu'ils ne votent pas. Donc, on tenait absolument à ce que ces parents aient la chance de voter, même s'ils sont choisis selon une certaine sélection plutôt que par une élection démocratique.

M. Laurin: Je vous remercie.

M. Gagliano: Si vous le permettez, M. le Président, j'ai un autre de mes collègues, M. Morselli, qui aimerait compléter un peu plus sur cette question. M. Morselli.

Le Président (M. Blouin): M. Morselli.

M. Morselli (Joseph): Très brièvement, pour répondre à la question très claire du ministre qui était: Qu'est-ce qui vous a portés vraiment à dire "un tiers, deux tiers"? Dans le projet de loi 40, tel qu'il est écrit aujourd'hui, il n'y a aucune garantie, en effet, qu'il y aura des parents qui siégeront à la commission scolaire. L'article dit qu'il y aura des élections dans les écoles, mais il n'est pas dit que ce seront des parents, les élus, qui, finalement, seront commissaires et la seule façon, en effet... Les parents perdront même le droit qu'ils ont aujourd'hui d'avoir deux représentants qui y sont assurés avec la loi 71. On a pensé modifier cet article de la loi en assurant vraiment aux parents une participation réelle.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais tout d'abord féliciter les commissaires de Jérôme-Le Royer de la Dauversière - je m'excuse d'employer le nom complet de cette grande figure de notre histoire dont vous portez le nom sous une forme abrégée - de la patience exemplaire dont vous avez donné le témoignage à la commission. Vous étiez ici hier, vous deviez nous rencontrer au cours de la journée d'hier. La longueur de certaines rencontres a fait reporter à aujourd'hui cette conversation que nous avons ensemble. Vous vous êtes pliés à cela volontiers et je vous en remercie.

Je voudrais signaler la présence à la table ce matin du député du comté de Viger, qui recouvre une grande partie du territoire desservi par la commission scolaire Jérôme-Le Royer, M. Maciocia, qui aura le plaisir de vous interroger tantôt d'ailleurs. Ceci étant dit, je voudrais ajouter une chose. J'ai procédé à la lecture des mémoires entre Noël et le jour de l'An. Il y en avait une quantité énorme, je voulais aborder des choses avec un peu de recul. De tous les mémoires qu'il m'a été donné de lire à l'époque, le vôtre est l'un de ceux qui m'ont le plus intéressé et je vais vous dire pourquoi. D'abord parce que c'est un mémoire où il n'y a aucune sorte de récrimination ou d'acrimonie. C'est un mémoire éminemment serein.

Deuxièmement, c'est un mémoire qui contient des critiques très importantes au sujet du projet de loi 40, il ne faut pas se le cacher, mais ces critiques sont formulées sur un ton éminemment civilisé. J'espère que le gouvernement saura les voir quand même, car des fois, quand on est trop poli, on a peur de ne pas se faire comprendre. Je pense que tout est écrit très clairement dans le mémoire. Surtout, on dirait que vous vous êtes mis à la place du législateur par moments et vous vous êtes demandés ce qu'il pourrait faire pour vraiment rendre service à

une certaine évolution qui est nécessaire sans qu'on fasse de chambardements, comme vous le disiez tantôt, M. le Président. J'ai été frappé par le caractère précis et fonctionnel des recommandations que vous faites et je veux vous en féliciter de manière toute spéciale.

Quand on parle de Montréal, évidemment on a coutume de parler de la Commission des écoles catholiques de Montréal et de la Commission des écoles protestantes du grand Montréal, mais il y a plusieurs autres commissions scolaires sur l'île de Montréal qui jouent un rôle très important, dont plusieurs avaient d'ailleurs demandé à être entendues par cette commission et dont je continue de souhaiter qu'elles seront entendues par cette commission. Je pense en particulier à la commission scolaire protestante du Lakeshore, à la commission scolaire de Sault-Saint-Louis, à la Commission des écoles catholiques de Verdun, à la commission scolaire Sainte-Croix, autant de commissions scolaires qui ont des choses intéressantes à dire, elles aussi; je souhaite encore une fois que le gouvernement accepte de les entendre comme il vous entend vous-mêmes.

En examinant votre mémoire, je pense qu'on constate que vous ne dites pas du tout la même chose que la Commission des écoles catholiques de Montréal. Vous avez un témoignage propre à apporter. La même chose est vraie des autres dont je viens de mentionner les noms.

Ceci étant dit, je voudrais retenir les principales critiques que vous adressez au projet de loi et si je vous interprète erronnément vous me corrigerez en toute liberté, j'espère. Nous autres, les hommes politiques, la polémique est notre pain et notre beurre. Par conséquent, on en donne et on en reçoit.

Ce que j'ai lu dans votre mémoire au sujet du projet de loi 40 c'est une triple critique. D'abord la struture proposée pour l'aménagement de la responsabilité dans l'école est une structure qui manque de réalisme, qui ne fait pas certaines distinctions très importantes et qui risquerait d'engendrer une confusion des rôles.

Deuxièmement, en ce qui touche la commission scolaire - je mets entre parenthèses toute la question de confessionnalité dont je dirai un petit mot un peu plus tard - il est évident que le projet de loi, selon ce que j'ai lu dans votre mémoire, ne définit pas de manière satisfaisante les pouvoirs, les attributions et les fonctions de la commission scolaire.

Vous dites aussi, à la fin de votre mémoire, que le projet de loi attribue au ministre des pouvoirs accrus et qu'il y aurait un danger d'accroissement de la centralisation de ce côté-là qu'on doit viser à enrayer pendant qu'il en est encore temps.

Ce sont les critiques principales que je vois; je pense qu'elles rejoignent bien d'autres opinions que nous avons entendues depuis un mois. J'espère que la convergence de ces critiques commence à se dessiner plus nettement dans l'esprit du gouvernement. De notre côté, cela fait longtemps que nous attirons l'attention de nos concitoyens sur des points comme ceux-là. J'espère que la manière sobre, positive et dépourvue de toute passion dont vous formulez vos critiques saura retenir l'attention du ministre et du gouvernement.

Au sujet de la confessionnalité, vous me rappelez un débat que nous avons eu hier encore. Nous l'avons eu à plusieurs reprises depuis deux semaines. Je rappelais moi-même à la Commission des droits de la personne, hier, que, s'il faut se soucier des droits que définit l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, il faut également se soucier des droits que définissent non seulement nos chartes canadiennes de droits, mais également des documents internationaux nombreux en ce qui touche le respect du droit des parents à choisir pour leurs enfants le genre d'éducation qui est conforme à leurs convictions. C'est pour cela qu'il y a un problème, c'est parce qu'il y a une rencontre de droits à effectuer. Si on prenait seulement un volet du problème, ce serait bien facile de régler la question. Or, il y a deux volets. Vous insistez sur le respect du droit des parents. C'est magnifique que vous le fassiez. C'est très important que cette voix soit entendue en commission parlementaire. Il s'agit de trouver les aménagements qui tiendront compte d'autres éléments de la réalité. On aura peut-être quelques questions à vous adresser à ce sujet tantôt, mais je veux vous assurer que les recommandations que vous faites ont été étudiées en ce qui touche cet aspect-là.

En ce qui touche d'autres aspects sur lesquels je voudrais plutôt vous interroger maintenant, il y a une question qui concerne l'école. Un des aspects qui m'ont le plus intéressé dans votre mémoire, c'est la distinction que vous faites entre les attributions qui pourraient être confiées au conseil d'école et les attributions qui devraient être confiées à la direction de l'école. Je crois qu'on pourrait perdre beaucoup de temps à discuter indéfiniment à savoir si le conseil d'école devrait avoir treize ou quinze membres, s'il devrait avoir six, quatre ou sept parents. Ce sont des questions, à mon point de vue, qui ne sont pas fondamentales, à condition qu'on sache exactement quelles sont les fonctions de chacun. C'est ce que je trouve extrêmement utile dans votre mémoire. Vous dites: II y a des questions qui regardent la vie éducative générale de l'école qui devraient plutôt relever du conseil d'école. Les questions d'ordre professionnel devraient plutôt être

réglées par la direction de l'école. J'aimerais que vous expliquiez un peu le genre d'attributions que vous voudriez confier au conseil d'école et le genre d'attributions que vous voudriez confier à la direction de l'école.

M. Gagliano: M. le Président, pour répondre à la question de M. Ryan, je dirai que nous avons analysé cet aspect et nous avons voulu bien spécifier dans nos recommandations les pouvoirs du directeur de l'école, le professionnel à qui on délègue des pouvoirs du directeur général de la commission scolaire, et nous avons demandé que le conseil d'école ait des pouvoirs spécifiques et décisionnels en ce qui concerne la vie de l'école et son projet éducatif. Je demanderai, avec votre permission, M. le Président, à ma collègue, Ghislaine Boisvert, d'approfondir ce sujet.

Mme Boisvert: M. le Président, j'aimerais vous référer au mémoire de notre commission, à la page 10 et aux suivantes. J'aimerais, en même temps, faire une certaine rectification à M. le ministre. Quand, tantôt, il a parlé du pouvoir d'évaluation qu'on donnait à l'école, ce n'est pas le pouvoir d'évaluation qu'on donne à l'école; ce sont seulement les modalités de cette évaluation qu'on lui donne. Je pense que c'est important de faire cette rectification. (11 h 15)

À la page 10 et aux suivantes, on dit: "Conformément aux lois et règlements ministériels et aux politiques de la commission scolaire, le conseil d'école dispose d'un pouvoir décisionnel dans les attributions suivantes - j'aimerais vous les lire parce que ce sont des attributions très concrètes - qui consistent à établir un projet éducatif; à établir les modalités organisationnelles se rapportant à l'application du régime pédagogique; à appliquer les mesures se rapportant à la confessionnalité, l'enseignement religieux et l'animation pastorale; à établir le calendrier scolaire, compte tenu des normes fixées par la commission scolaire; à établir les règles de régie interne de l'école: les horaires, les règlements, les procédures, l'information, la documentation; à instituer une réglementation qui précise les droits et obligations des élèves dans le cadre de la vie institutionnelle; à susciter dans l'école des programmes d'animation étudiante et des projets d'activités étudiantes; à déterminer les modalités internes du contrôle des absences; à planifier les objets et modalités de consultation se rapportant aux divers comités de l'école; à déterminer les mesures ou règlements assurant la sécurité des élèves et autres usagers de l'école; à établir certaines formes de collaboration sociale et culturelle avec la communauté desservie; à faire des recommandations à la commission scolaire sur toute question propre à faciliter la réalisation du projet éducatif.

Dans les autres attributions qui lui sont dévolues, le rôle du conseil d'école n'est pas décisionnel. Ce rôle s'identifie cependant à un droit, à une obligation, à un pouvoir d'orientation et d'incitation qui, dans les faits, se traduisent pour le conseil d'école dans un rôle de grande influence. Cette influence s'exerce au conseil d'école par une participation active et par une implication régulière dans les diverses étapes du processus menant à la prise de décision par la direction de l'école dans les domaines qui visent l'application des divers programmes; l'implantation, l'enrichissement et l'adaptation des programmes; l'organisation, la coordination et l'évaluation du développement pédagogique; l'établissement et l'application des normes et modalités d'évaluation; la répartition du temps requis pour les services d'enseignement et les autres services éducatifs; la gestion du personnel conformément aux politiques générales de la commission scolaire; l'élaboration et la transmission à la commission scolaire du plan des effectifs exprimant les besoins de l'école pour chaque catégorie de personnel; la distribution des tâches et responsabilités du personnel rattaché à l'école; l'établissement des prévisions budgétaires, le suivi et le contrôle des budgets.

Le rôle des parents dans ces points est donc un rôle d'orientation vis-à-vis des prises de décision du directeur d'école. On a la planification de l'utilisation et de l'entretien des locaux; l'établissement et la transmission a la commission scolaire des besoins de transformation, d'aménagement, de réfection des locaux de l'école; l'application des clauses des diverses conventions et ententes se rapportant aux conditions et aux relations de travail du personnel.

Les attributions de l'école décrites dans les deux articles précédents font donc de l'école une entité institutionnelle possédant un statut bien défini. À cette fin, elle dispose d'attributions qui lui sont octroyées par la loi ou déléguées par la commission scolaire. Je pense que c'est un point très important. C'est une délégation de pouvoirs et non une appropriation de pouvoirs. L'école, par son conseil ou par son directeur, exerce ces attributions en toute autonomie et peut, à l'intérieur de ces attributions, prendre les initiatives voulues pour se particulariser et répondre à ses besoins particuliers. Ces rôles, ce sont pratiquement des rôles qu'on vit actuellement à Jérôme-Le Royer dans la décentralisation qu'on a faite.

En plus de cela, je pense que ces rôles, qui sont bien définis dans notre commission scolaire avec notre décentralisation, on peut les vivre actuellement à l'intérieur même des

lois actuelles, parce que ce sont des choses se rapportant principalement à la loi 71.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Ryan: Seulement pour terminer, les fonctions qui reviennent en propre à la direction de l'école sont naturellement exercées par le directeur. Voulez-vous préciser de qui doit relever le directeur? Comment concevez-vous son statut, son rôle, sa responsabilité?

M. Gagliano: Je pense que c'est écrit clairement quelque part dans notre mémoire que nous prévoyons que le directeur d'école relève du directeur général de la commission scolaire. Cette autorité est bien établie.

Si vous le permettez, Mme Boisvert va donner des détails là-dessus.

Mme Boisvert: Le directeur d'école relève du directeur général, parce que nous considérons que le rôle principal du directeur d'école n'est pas un rôle administratif. Je pense que le premier critère pour être directeur d'école, c'est d'être pédagogue. Son rôle pédagogique doit être de 80%. Son rôle administratif ne doit jamais prendre plus de 20% de place par rapport à son rôle de directeur d'école. Son rôle de directeur d'école en est un de conseiller et d'innovateur en éducation et de soutien vis-à-vis de ses enseignants.

M. Gagliano: M. le Président, avec votre permission, on a notre directeur général avec nous. Étant donné que le directeur d'école relève du directeur général, j'aimerais que lui aussi puisse dire deux mots sur le rôle du directeur d'école.

Le Président (M. Blouin): Certainement. M. Poirier.

M. Poirier (Maurice): M. le Président, avant de répondre plus spécifiquement à la question de M. Ryan, j'aimerais résumer d'une façon très brève les aspects dits professionnels qu'on confie au conseil d'école. Il a été dit dans cette commission parlementaire, il y a environ une semaine, par un membre de cette commission, que tout ce qui touche à l'environnement éducatif de l'enfant devrait normalement relever des parents, c'est-à-dire relever d'un pouvoir décisionnel du conseil d'école.

Par ailleurs, tout ce qui touche l'aspect strictement professionnel devrait, comme on vient de le mentionner, relever du directeur de l'école qui, lui-même, doit relever de la direction générale d'une commission scolaire. Pourquoi tenons-nous à ce lien hiérarchique entre le directeur général et la commission scolaire? D'une part, l'expertise professionnelle pour évaluer d'une façon correcte les actes professionnels posés par le directeur d'école, nous croyons encore que c'est la commission scolaire qui la possède. Nous croyons que le conseil d'école, à cause des attributions mêmes qu'on lui confie, n'a peut-être pas toute l'expertise - je dis bien toute - pour poser peut-être un jugement juste sur la qualité de l'acte professionnel du directeur de l'école.

Par contre - vous l'avez probablement remarqué - nous insistons pour que le conseil d'école participe à l'évaluation du directeur de l'école dans les rôles qui sont attribués au conseil d'école et que le conseil d'école peut déléguer au directeur d'école. Voilà, M. le Président, brièvement la réponse à votre question.

M. Ryan: Maintenant, est-ce que vous trouvez que le projet de loi définit la place de l'enseignant d'une manière convenable?

Le Président (M. Blouin): M. Gagliano.

M. Gagliano: Excusez-moi, à cause du bruit, on n'a pas saisi votre question.

M. Ryan: Pour l'enseignant, le projet de loi définit-il sa place et son rôle d'une manière satisfaisante, d'après vous?

M. Gagliano: Je vais encore demander au directeur général de vous répondre.

Le Président (M. Blouin): D'accord, M. Poirier.

M. Poirier: J'enseigne, moi aussi, M. le Président. Nous croyons que laisser tout à fait libre la participation des enseignants au conseil d'école, c'est faire une mince part à la participation des enseignants dans les actes qu'on vient d'identifier. C'est pour cela que nous préconisons, à l'instar de la loi 71, qu'il y ait une participation réelle et obligatoire des enseignants dans la gestion éducative de l'école.

M. Ryan: Maintenant, je voudrais... Excusez.

M. Gagliano: Mme Masse voudrait parler. Est-ce que vous le permettez?

Le Président (M. Blouin): Mme Masse.

Mme Masse: Lors de nos discussions -pour ajouter à ce que notre directeur général vient de dire - quand nous avons considéré le rôle important que doit jouer l'enseignant dans le comité, nous nous sommes dit que, d'abord, il met en application un projet. C'est lui qui est près des jeunes, c'est vraiment lui qui les amène à vivre un projet. Nous avons dit que nous étions même prêts à considérer, pour les enseignants qui

s'impliqueraient, une diminution de périodes si c'était nécessaire. Nous étions prêts à le considérer parce que nous jugeons la part qu'il peut apporter essentielle. Nous en avons vraiment besoin dans un milieu où on parle d'éducation où on parle de vie. On ne peut vraiment pas à ce moment-là jouer sur le mot "pouvoir" et le mettre de côté. Nous avons réellement besoin de sa participation.

Si nous donnons autant d'importance, du côté professionnel, à nos directions d'école, à notre direction générale, ce n'est pas que nous n'avons pas de considération pour les parents. On reconnaît que les parents sont prêts, mais si vraiment nous nous reportons à ce que désirent les parents, puisque c'est notre désir d'impliquer les parents, ce qu'ils veulent, c'est une école où ils pourront laisser leur enfant le matin en toute confiance. Les parents, en général, ne veulent pas venir dans le milieu et gérer l'école; ce n'est pas cela qu'ils désirent. Ils veulent mettre l'enfant dans un milieu auquel ils font confiance pour lui donner du solide. La direction générale, . avec le directeur d'école, peut établir des principes pédagogiques et une direction vraiment solide qui apporteront ce qu'il faut au milieu. Si c'est une minorité de parents qui désire s'impliquer, ils sont les bienvenus, mais est-ce vraiment l'ensemble? Je pense que non; c'est mal poser la question. Les parents disent: Donnez-nous de l'excellence, de la qualité; ils comprennent ce qu'on dit, mais ils ne sont pas prêts à venir s'impliquer et à tout gérer. La confiance règne chez eux, mais il faut donner de l'excellence, de la qualité. Je pense que la direction de l'école, en collaboration avec le directeur, peut très bien les apporter et, par le projet éducatif, les parents peuvent s'impliquer dans l'école et tout sera dans l'ordre. Merci, M. le Président.

M. Ryan: Juste avant de poser une dernière question, je voudrais ajouter une opinion, si vous me le permettez, M. le Président. On a beaucoup discuté ce sujet depuis le début de la commission. Quand il est question d'un conseil d'école directionnel au sens fort, comme le mentionne le projet de loi, nous avons objection non seulement au conseil d'école, mais aussi à un conseil d'école formé majoritairement de parents. Avec le partage de fonctions que vous proposez dans votre mémoire, cela change bien des choses et, personnellement, je n'aurais aucune objection à ce qu'ils soient à ce conseil d'école qui aurait comme responsabilité principale des décisions relatives à tout ce qui constitue l'environnement éducatif, comme vous l'avez dit tantôt. Je pense que cela change les perspectives. Cela apporte peut-être des éléments qui permettraient d'entrevoir des solutions satisfaisantes à des difficultés découlant du texte actuel du projet de loi. Je tenais à mentionner cela parce qu'il serait facile pour certains de dire que l'Opposition ne veut pas que les parents participent. C'est absolument faux; nous voulons qu'ils participent au niveau qui convient à leur compétence, à leur disponibilité et qu'ils respectent également la compétence propre des professionnels. Je voudrais vous dire que cette distinction que vous introduisez rejoint une distinction qui nous avait été proposée par les professeurs de la faculté d'éducation de l'Université McGill quand ils sont venus rencontrer la commission. Cela va dans le même sens que ce dont ils nous avaient parlé. Je trouve cela très intéressant.

Une dernière question, M. le Président, à propos de la commission scolaire. Vous dites - je vais résumer cela brièvement -que l'article 137 du projet de loi qui donne à la commission scolaire compétence sur les écoles est un article incomplet, insatisfaisant. Je ne veux pas vous tendre de piège et vous inviter à vous lancer dans une critique à fond de train du projet de loi -nous sommes capables de le faire - mais je voudrais que vous nous disiez comment vous voyez les fonctions et les pouvoirs de la commission scolaire pour que le système marche bien. À partir de la page 35 de votre mémoire, il y a des indications que j'ai trouvées très intéressantes. Je ne sais pas si vous pourriez nous résumer comment vous voyez ce rôle moteur de la commission scolaire dans le bon fonctionnement du système.

Le Président (M. Blouin): M. Gagliano.

M. Gagliano: Si vous me le permettez, je vais demander à mon collègue, M. Dominic Perri, d'expliciter la façon dont nous voyons les pouvoirs de la commission scolaire.

Le Président (M. Blouin): M. Perri.

M. Perri (Dominic): M. le Président, les responsabilités de la commission scolaire sont en relation avec les pouvoirs qui lui sont accordés. Nous croyons que c'est là un principe de base. Une fois que ce principe est défini et accepté, nous avons tenu à apporter des précisions, des modifications ou des ajouts à quelques-unes des fonctions de la commission scolaire, particulièrement celles qui ont un impact ou une relation avec les fonctions de l'école, la tâche du directeur de l'école et le rôle du conseil scolaire. (11 h 30)

Si vous me le permettez, je vais expliquer cette proposition en quatre chapitres; on va diviser la question en quatre, c'est-à-dire les services éducatifs, les

ressources humaines, les ressources matérielles et les ressources financières. Brièvement, pour les fonctions reliées aux services éducatifs, nous croyons que la commission scolaire doit disposer d'un service éducatif dont le personnel est en mesure de répondre aux exigences de sa mission éducative et pédagogique, culturelle et sociale. La commission scolaire a le droit, le pouvoir et l'obligation d'assurer l'excellence de l'enseignement et des services éducatifs qui sont donnés dans les écoles. Remarquez bien, on a dit: A le droit et le pouvoir. Deuxièmement, nous croyons que les services éducatifs des écoles sont faits en conformité avec le régime pédagogique. Aussi, les services éducatifs doivent-ils déterminer les politiques générales se rapportant aux normes d'évaluation des apprentissages des élèves. Elle veille à ce que les écoles évaluent les apprentissages des élèves et établit elle-même un plan d'évaluation des apprentissages des diverses matières. Elle assure aux écoles, à titre de soutien et d'apport, les services d'information, d'instrumentation, d'animation et de perfectionnement en vue de leur faciliter l'application, l'enrichissement, l'adaptation et l'implantation des programmes et de favoriser le développement des dynamismes internes.

Elle décide, après consultation du comité de gestion des écoles - et on tient beaucoup à cela - de l'implantation de nouvelles méthodes pédagogiques ayant un impact sur l'ensemble des écoles. Finalement, pour ce qui concerne les services éducatifs, ils élaborent, au besoin ou à la demande des écoles, certains programmes spéciaux. Ce sont là les fonctions des services éducatifs. Voyons maintenant brièvement les fonctions reliées aux ressources humaines. Nous croyons qu'à titre d'employeur de tout le personnel la commission scolaire définit la politique de gestion du personnel, détermine, en consultation avec les écoles, les règles générales se rapportant à l'affectation et à la distribution des tâches du personnel enseignant et non enseignant, établit, encore en consultation avec les écoles et les services, les programmes de perfectionnement, établit aussi une liste des candidats qui peuvent être choisis directeurs d'école ou directeurs adjoints.

Pour les ressources matérielles, au sujet de l'entretien des immeubles, le projet de loi dit que la commission scolaire peut prendre les mesures appropriées pour suppléer au défaut d'une école. De même, il est écrit que la commission scolaire peut déterminer des règles sur l'approvisionnement en biens et services, leur maintien et leur remplacement. Nous croyons que la responsabilité de la commission scolaire vis-à-vis des biens publics devrait se traduire par une obligation plutôt que par une possibilité.

Finalement, pour les ressources financières, nous croyons évidemment, comme cela a déjà été dit, que le directeur d'école est le responsable devant la commission scolaire du contrôle du budget. Le conseil d'école a un droit de regard dans le suivi régulier du budget, un rôle d'influence dans le choix des priorités. Voilà, brièvement, les fonctions de service de la commission scolaire.

Nous croyons aussi que la commission scolaire doit s'affirmer comme un gouvernement local. Donner plus de pouvoirs à une commission scolaire ne veut pas dire assujettir l'école. Au contraire, nous croyons que donner plus de pouvoirs à une commission scolaire, c'est avant tout décentraliser les pouvoirs de plus en plus vers les écoles. Voilà la réponse à la question.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Perri. Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Vachon.

M. Payne: Bonjour. J'ai aimé vos trois mémoires; j'ai aimé les lire et les étudier de près. Je voudrais revenir sur la question des pouvoirs décisionnels du conseil d'école parce que je ne voudrais pas que nous escamotions ce principe qui est débattu depuis le tout début. À la page 10 - juste pour être clair -c'est votre liste des responsabilités qui découleraient du mandat du conseil d'école, c'est bien ça?

Une voix: Oui.

M. Payne: D'accord. On s'entend sur le fait que vous accordez au conseil d'école un mandat non seulement décisionnel, mais très large touchant le projet éducatif: établir un projet éducatif; établir les modalités organisationnelles se rapportant à l'application du régime pédagogique; établir le calendrier scolaire, les règles de régie interne, la réglementation qui précise les droits et obligations des élèves dans le cadre de leur vie scolaire; susciter des programmes d'animation étudiante, etc. C'est très large.

J'ai deux questions à vous poser. D'abord, en quoi diffère le mandat que vous confiez au conseil d'école selon vos discussions et vos modèles du mandat confié au conseil d'école tel que préconisé dans le projet de loi 40?

M. Gagliano: M. le Président, avant de donner la parole à Mme Boisvert pour répondre à cette question, j'aimerais souligner que le conseil d'école a des pouvoirs décisionnels sur toute cette liste, mais il faut tenir compte du fait qu'on dit toujours: "Conformément aux lois et règlements ministériels et aux politiques de la commission scolaire, le conseil d'école

dispose d'un pouvoir décisionnel dans les attributions suivantes." C'est quand même important, toujours en suivant les règlements ministériels du ministère de l'Éducation et les politiques de la commission scolaire qui pourraient, à certains moments, avoir un cadre régional.

Je cède la parole à Mme Boisvert.

M. Payne: Je voudrais ajouter une question supplémentaire, parce que ça peut vous aider à répondre. J'avais la même interrogation à savoir comment ces responsabilités sont accordées au conseil d'école. Plus tôt, si j'ai bien compris, vous avez mentionné des pouvoirs délégués. De quelle manière préconisez-vous une délégation de pouvoirs?

Mme Boisvert: Pour répondre à votre première question, M. le Président, je pense que la différence essentielle réside dans la formation du conseil d'école. La formation du conseil d'école proposée par notre commission scolaire, c'est une majorité de parents élus, au moins deux membres du personnel enseignant - on ne dit pas "ils peuvent", on exige qu'il y ait au moins deux membres du personnel enseignant - un membre du personnel non enseignant, deux élèves du second cycle, si c'est au secondaire, et la direction de l'école.

M. Payne: J'aurais dû préciser dans mon préambule que je voulais faire abstraction de la composition du conseil d'école - si j'ai bien compris le mot "formation" - pour m'intéresser au mandat du conseil d'école.

Mme Boisvert: Le mandat découle de la formation du conseil d'école. À ce moment, on sait très bien qu'avec la formation de notre conseil d'école tous les intervenants du milieu vont avoir un mot à dire dans les responsabilités qu'ils vont avoir à assumer.

M. Payne: Je ne suis pas sûr que je sois d'accord. Si vous parlez d'une personne morale, on peut préconiser un mandat pour le conseil et discuter à un autre moment -quoique les deux soient intimement liés - des membres de ce conseil d'école. Pour le moment, je voudrais juste établir le principe. Si j'ai bien compris votre mémoire, vous voulez que ce conseil d'école, pour les fins de notre argumentation, peu importe sa composition, soit décisionnel, d'une part. D'autre part, j'aimerais bien savoir de quelle manière le mandat, de par sa composition, différerait du mandat préconisé par le projet de loi 40.

Mme Boisvert: J'aimerais faire compléter la réponse par M. Morselli.

M. Morselli: M. le Président, il n'y a pas une grande différence dans le mandat entre ce que nous préconisons et ce que préconise le projet de loi. On l'a déjà, en effet. Tout est déjà établi dans la loi 71. On a un mandat général et les pouvoirs qu'on a voulu donner au conseil d'orientation, mais on a aussi vécu l'expérience avec la loi 71. On peut envisager tous les mandats, le plus beau mandat du monde, mais si on n'a pas les personnes - et là, on parle de la formation du comité - on ne pourra jamais agir vraiment, si c'est axé sur le mandat tout seul. Le mandat, en effet, c'est le désir que les parents ont exprimé depuis plusieurs années d'avoir une influence décisionnelle sur ce qu'est la pédagogie à l'école et nous sommes tous prêts à le reconnaître, mais le problème qu'on a vécu jusqu'à maintenant, c'est que, sans les trois partenaires principaux dans l'école, qui seront toujours la direction, les enseignants et les élèves, ou, tous les élèves, les parents, on ne pourra, en effet, accomplir aucun mandat.

M. Payne: D'accord. Donc, le mandat que vous préconisez diffère très peu, d'après ce que vous avez dit, de celui préconisé par le projet de loi 40. La seule différence, à ce moment-là, doit être - c'est à la page 10, en haut: "Le conseil d'école dispose d'un pouvoir décisionnel." C'est la grande différence par rapport à la loi 71.

M. Morselli: Excusez-moi. Avant tout, il diffère très peu de ce qu'est la position pédagogique des parents à l'école. Il diffère naturellement de ce qu'est la position administrative des parent au conseil de l'école. On fait la différence entre notre position et le projet de loi 40. On parle strictement du champ pédagogique et le projet de loi 40 parle aussi du champ administratif. Il faut aussi réitérer que la loi 71 nous donnait déjà des pouvoirs décisionnels avec les comités d'orientation qui ont été implantés. Ils couvraient, en effet, un domaine presque absolu et décisionnel sur tous les sujets pédagogiques de l'école.

M. Payne: Pour revenir très brièvement sur ces questions des pouvoirs délégués, pourriez-vous préciser de quelle manière une école s'approprierait ces pouvoirs?

M. Gagliano: M. le Président, pour ce qui est d'ajouter d'autres raisons, je demanderais au directeur général, M. Poirier, de compléter notre exposé.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. Poirier.

M. Poirier: M. le Président, pour revenir à la question de M. le député, si on

reprend le chapitre III, à la section V, articles 90 et suivants, sur la question des fonctions dévolues à l'école...

M. Payne: Où est-ce que vous êtes là?

M. Poirier: Je suis dans le projet de loi 40, aux articles 90 et suivants. Pour répondre d'une façon très précise à votre question et ajouter à ce qui a été dit par les commissaires ici présents, je voudrais seulement souligner que, dans le projet de loi 40, les prérogatives dévolues au conseil d'école et au directeur d'école, il y en a qui sont précisées à l'article 86, mais, d'une façon générale, en ce qui concerne le conseil d'école, on ne distingue pas ce qui est strictement d'ordre professionnel de ce qui est de l'ordre de l'environnement éducatif. Ce que nous avons voulu faire, à partir même des articles qui sont là, c'est déterminer d'une façon plus précise que ne le fait le projet de loi ce qui devrait normalement revenir aux parents et ce qui devrait normalement revenir au directeur d'école. Pour revenir à votre question, c'est que...

M. Payne: Est-ce que je pourrais seulement préciser?

M. Poirier: Oui.

M. Payne: Je suis entièrement d'accord avec vous là-dessus.

M. Poirier: Bon! C'est tout simplement, un peu comme le disait M. Morselli, il y a un instant, une sorte de bonification du projet de loi. Je voudrais seulement ajouter, M. le Président, si vous me le permettez, que, pour nous, c'est peut-être un des points les plus originaux que nous apportons ici à cette commission et nous sommes très heureux de voir que vous y manifestez beaucoup d'intérêt. (11 h 45)

M. Payne: Et j'aurais une dernière petite question. Comment précisez-vous ça dans la loi? Une fois que la loi répondra à vos besoins, à vos demandes, que les pouvoirs seront mieux éclaircis et stipulés, est-ce que ces pouvoirs seront automatiques ou pris à la commission scolaire? Selon votre modèle, est-ce que vous les voyez dans la loi?

M. Poirier: Je vais continuer, M. le Président, si vous me le permettez. Nous désirons voir reproduits dans la loi certains des pouvoirs que nous avons énumérés, tant pour le conseil d'école que pour le directeur d'école. Mais nous disons quelque part aussi dans notre mémoire que rien n'empêchera une commission scolaire d'ajouter d'autres pouvoirs et de nouvelles délégations, compte tenu de l'évolution, du cheminement progressif de l'école. D'ailleurs, c'est comme ça que nous avons procédé à Jérome-Le Royer et nous avons depuis un an une délégation formelle de pouvoirs au directeur d'école qui ressemble beaucoup, coïncidence parfaite, à ce que le livre blanc et la loi 40 veulent donner à l'école.

M. Payne: J'ai bien compris. Puis-je poser une toute dernière question, parce que mon temps est écoulé? Touchant le mandat du directeur d'école, lorsque vous situez les responsabilités du directeur d'école, aux pages 16 et 17, vous faites une espèce de comparaison entre votre modèle et le projet de loi 40. Je peux dire qu'à première vue, et peut-être serez-vous d'accord avec moi, j'y vois très peu de différence. Vous apportez quelques nuances. Il y a pourtant une chose parmi d'autres qui me frappe tout de suite. Si, par exemple, une commission scolaire veut se départir des services d'un directeur d'école, vous ne mentionnez pas les modalités. Pouvez-vous expliquer cela?

M. Gagliano: M. le Président, dans notre mémoire, nous avons même fait un parallèle entre ce que la loi propose et ce que nous proposons. J'aimerais affirmer devant cette commission qu'il y a des différences assez flagrantes entre nous notre position et le projet de loi. Je ne veux, quand même, pas faire un débat là-dessus. Je veux seulement demander à Mme Boisvert de compléter notre pensée sur cette question du directeur d'école. Mme Boisvert, s'il vous plaît.

Le Président (M. Blouin): Mme Boisvert.

Mme Boisvert: Considérant que, dans notre commission scolaire, c'est le directeur général qui est le directeur immédiat du directeur d'école, j'aimerais que le directeur général complète.

M. Poirier: Juste pour attirer votre attention, M. le Président, à la page 16 plus précisément, pour répondre à la question du député, qui a demandé ce qu'il advient d'une commission scolaire qui veut se départir de son directeur d'école, nous disons très expressément - ce qui n'était pas prévu dans le projet de loi 40 - que la commission scolaire doit procéder à une évaluation du mandat du directeur d'école. C'est nouveau par rapport au projet de loi 40. Nous disons même que, si le conseil d'école n'est pas satisfait du rendement du directeur d'école, il peut demander une évaluation du mandat exercé par le directeur d'école et même donner son avis sur l'administration de l'école. C'est une distinction très importante par rapport au projet de loi. Le conseil d'école et la commission scolaire doivent évaluer le directeur d'école avant de

procéder à sa mutation, à son déplacement ou de prendre d'autres mesures.

M. Payne: Je vous remercie beaucoup pour votre contribution importante aux travaux de la commission.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Vachon. M. le député de Viger.

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Vous allez me permettre de féliciter les membres de la commission scolaire Jérôme-Le Royer pour l'excellence de leur mémoire. Je dois dire que je suis très fier parce que cette commission scolaire fait partie pour une bonne part du territoire de mon comté. Vous comprendrez avec quel enthousiasme et avec quelle joie je participe aujourd'hui à cette commission parlementaire. Selon les mots mêmes du ministre et de notre porte-parole à l'Éducation, M. Ryan, dois-je comprendre que cela a été un des mémoires les plus appréciés que celui de la commission scolaire? Alors, je félicite nos commissaires.

Vous comprendrez aussi qu'après le survol qui a été fait, pas tellement par le ministre, parce qu'il a été très sage, il a pris seulement quelques minutes pour répondre, probablement à cause de l'excellence du document, mais par M. Ryan sur le mémoire...

Le Président (M. Blouin): Le député d'Argenteuil et le ministre ont pris le même temps pour intervenir.

M. Maciocia: Les questions n'étaient probablement pas les mêmes. Ce n'est pas à cause du temps qu'ils ont pris pour parler du mémoire. Mais dois-je conclure que vraiment l'excellence du document a été reconnue par le côté ministériel et par l'Opposition?

M. le Président, j'avais quelques questions, mais je vais m'en tenir à deux ou trois, étant donné que les autres ont déjà été posées. Ma première est la suivante: Je vois dans votre mémoire que vous parlez d'un comité de parents. Vous insistez pour garder un comité de parents. Dans le projet de loi 40, ce comité de parents n'existe pas. Vous l'avez sans doute remarqué. J'aimerais savoir les raisons que vous avez pour garder un comité de parents à l'intérieur de la commission scolaire Jérôme-Le Royer.

M. Gagliano: M. le Président, avec votre permission, je voudrais demander à un de mes collègues commissaires, qui a été un ancien président du comité des parents de l'école Jérôme-Le Royer, M. Joseph Morselli, de répondre.

M. Morselli (Joseph): M. le Président, dans notre mémoire comme tel, on n'a pas tellement parlé du comité de parents. Ce sont plutôt nos parents, lorsqu'ils étaient devant vous hier, qui ont renoncé à leur intention de continuer à demander un comité de parents. Naturellement, les parents sont au courant qu'il y a un problème psychologique pour la nomination des commissaires, le jour où on aura un plus grand nombre de parents élus au poste de commissaire, comme on le propose nous-mêmes ici où on réserve un tiers des postes aux parents. Les parents ont toujours le souci du problème psychologique qui fait qu'une fois que quelqu'un est élu, même si c'est un parent, le jour suivant, il ne l'est plus. J'ai vécu cette situation moi-même il y a seulement six mois. Après avoir travaillé pendant dix ans à différents comités de parents, tout d'un coup, en étant élu, j'ai perdu mon titre de parent. Il faudrait vraiment songer à ce problème, parce que, je pense que, dans le projet de loi 40 ce qu'on propose, en effet, c'est d'avoir de petits commissaires au niveau de l'école, avec un conseil d'école, qui seront élus avec des pouvoirs décisionnels et on aura peut-être de grands commissaires au conseil de la commission scolaire.

M. Maciocia: M. le Président, si vous me le permettez, en regard des pouvoirs décisionnels qu'auront les parents dans le projet de loi 40, croyez-vous que la loi 71 est insuffisante par rapport aux besoins de l'école d'aujourd'hui? J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet, parce que je vois qu'il y a à l'intérieur du projet de loi des positions décisionnelles que les parents pourront prendre, mais je crois qu'il y en a aussi à l'intérieur de la loi 71. D'après vous, cette loi est-elle insuffisante par rapport aux besoins de l'école d'aujourd'hui?

M. Gagliano: M. le Président, toujours avec votre permission, je laisserai la parole à un parent qui a vécu cette situation jusqu'à il y a seulement six mois, M. Morselli.

M. Morselli: M. le Président, pour répondre à la question à savoir si la loi 71 est insuffisante, je dirai: Non, elle ne l'est pas, mais le manque d'application de cette loi qu'on vit aujourd'hui, voilà le problème. En effet, les membres de cette commission sont certainement au courant que le comité d'orientation qui devait être le pivot central de toute la loi 71 n'a jamais été mis à exécution parce qu'un des trois partenaires de l'école, pour quelque raison que ce soit, a toujours refusé d'y participer. Dans la loi 71, on avait bien prévu ce comité d'orientation avec des pouvoirs décisionnels, dans des champs bien précis, mais on n'est pas arrivé à convaincre les trois partenaires de participer. Qu'on l'appelle comité

d'orientation, qu'on l'appelle demain conseil d'école, on aura toujours le même résultat. En effet, on va manquer notre coup encore une fois de faire travailler les trois partenaires de l'école ensemble à un projet éducatif sain pour avoir vraiment une bonne éducation pour nos enfants.

M. Maciocia: II y a une autre question à laquelle j'aimerais que vous répondiez. Actuellement, je suis convaincu que ce n'est pas le cas, mais est-ce que, dans le projet de loi 40, d'après vous, il y a une garantie que nos enfants auront une meilleure éducation?

M. Gagliano: M. le Président, c'est une question sur laquelle, vraiment, je ne voudrais pas lancer un débat. Je pense que c'est un projet de loi qui touche - je l'ai bien dit dans ma présentation - les structures. D'après moi, la loi 40 n'améliorerait pas la qualité de l'enseignement, parce que c'est une loi qui touche plutôt les structures du système scolaire qu'on a au Québec. Autour de la table, j'ai vu beaucoup de signes des commissaires qui auraient peut-être des éléments de réponse. Si vous me le permettez, je ne sais pas si M. Morselli avait fait un signe pour répondre.

M. Morselli: Non.

M. Gagliano: Parfait. Mme Boisvert, vous m'avez fait un signe?

Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Gagliano: J'imagine que vous voulez une réponse très brève.

Le Président (M. Blouin): Oui, parce qu'il s'agit d'une question tellement vague.

M. Gagliano: Oui, c'est cela. Alors, Mme Boisvert...

Le Président (M. Blouin): Non pas vague, mais je veux dire tellement large, plutôt, que cela peut amener des réponses... On pourrait relire les mémoires Mme Boisvert.

M. Maciocia: Je dirai aussi, M. le Président, large et importante.

Le Président (M. Blouin): Large et importante, en effet. Mme Boisvert.

M. Gagliano: Deux petites réponses très courtes: une de Mme Boisvert et l'autre de Mme Masse, avec votre permission.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme Boisvert.

Mme Boisvert: Je pense qu'actuellement dans le projet de loi 40 on ne parle pas tellement du vécu de l'élève. On s'attaque davantage aux structures et celles-ci sont tellement loin de l'élève dans le projet de loi 40 que cela ne touchera en rien la qualité de l'éducation. Je pense que c'est primordial qu'on touche la qualité de l'éducation en premier plutôt que de s'attaquer aux structures. Chaque fois qu'on touche aux structures, on s'éloigne davantage de l'enfant et on ne peut faire l'évaluation qu'il serait nécessaire de faire au niveau de l'école.

Le Président (M. Blouin): Mme Masse.

Mme Masse: Je veux ajouter à ce que Mme Boisvert vient de dire que c'est toujours positivement que nous avons regardé le projet de loi 40; nous vous l'avons dit dès le début. Le travail a été fait en équipe et ce qu'il est possible d'apporter, nous l'avons mis sur papier. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Masse. M. le député de Viger.

M. Maciocia: M. le Président, j'avais une autre question à poser aux commissaires. Pouvez-vous me dire combien de commissaires élus à la commission scolaire Jérôme-Le Royer sont des parents actuellement?

M. Gagliano: Sans faire de statistiques, je pourrais vous...

M. Maciocia: Je voudrais continuer, parce que vous allez nous donner la même réponse. Je suis resté un peu étonné hier d'entendre le comité de parents dire, à un certain moment, que les gens qui étaient élus par le comité de parents représentaient un peu la qualité et que les gens élus au suffrage universel représentaient un peu la quantité. Comme sous-question, est-ce qu'il y en a qui étaient au comité de parents avant de devenir des commissaires élus au suffrage universel?

Le Président (M. Blouin): M. Gagliano. (12 heures)

M. Gagliano: M. le Président, je pourrais dire qu'actuellement, les treize commissaires élus au suffrage universel -parce que nous, les parents on les considère comme membres du conseil des commissaires - sont des parents, à l'exception de Mme Jeannette Masse. Au comité des parents, nous venons tous du comité d'école. Nous nous sommes impliqués comme parents au comité d'école, mais M. Perri est un enseignant, Mme Masse est enseignante. Avant d'être élu commissaire, j'ai été secrétaire du comité d'école de l'école de

mon enfant, puis vice-président, et après j'ai été élu commissaire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Gagliano. Merci, M. le député de Viger. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Mon intervention sera courte, mais je vais tout de même prendre le temps de remercier et de féliciter la commission scolaire Jérôme-Le Royer pour l'excellent travail qui a été fait; c'est une réflexion qui remonte au livre blanc et qui a été bien articulée, ceci en complémentarité avec les parents, les enseignants. Je suis un peu au courant de votre travail puisque j'ai eu l'occasion d'assister à une importante réunion des parents qui a eu lieu chez vous sur le livre blanc. J'ai constaté tout le travail de réflexion qui s'est fait.

Pour compléter les questions de mon collègue de Vachon, puisque beaucoup de points ont été éclaircis par rapport aux questions qu'il vous a posées, il y a un point qui demeure tout de même un peu obscur. C'est cette question de la relation du directeur d'école avec le conseil d'école ainsi qu'avec la commission scolaire. J'aimerais revenir un peu sur cette question parce que cela m'apparaît central.

Vous avez dit, pour commencer, que le mandat du directeur d'école touchait les questions administratives et qu'à cet égard il relevait du directeur général de la commission scolaire, que le mandat du conseil d'école touchait plus particulièrement le projet éducatif et les questions pédagogiques. Jusque-là, cela va et je pense qu'on peut établir une distinction entre les deux. Sauf qu'il peut arriver parfois que le directeur général puisse être en désaccord avec une décision prise par le conseil d'école dans le domaine pédagogique.

Je vais vous donner un exemple. Si le conseil d'école proposait d'enrichir les programmes d'études dans un sens ou dans l'autre ou d'y ajouter, comme c'est permis par le projet de loi, de préparer un cours ou un programme pour enrichir le vécu de l'école - on est dans le domaine pédagogique - si le directeur d'école était en désaccord et, sur ce point, avait l'approbation de son directeur général, donc de sa commission scolaire, qu'est-ce qui, selon vous, arriverait? Il me semble que cela mériterait d'être envisagé. En tout cas, c'est un problème qui peut se poser puisque je suis dans le domaine pédagogique, de l'élaboration de programmes de cours pour les enfants. Admettons que les enseignants au conseil d'école, que les parents sont d'accord, mais que le directeur, qui n'a pas le droit de vote, est en désaccord; à ce moment-là, si on s'entend sur le fait que le conseil d'école a des pouvoirs décisionnels dans le domaine pédagogique, qui finalement prendrait la décision, à votre avis, le conseil d'école ou la commission scolaire?

M. Gagliano: Dans ce cas-là, bien sûr, vous parlez d'un conflit. C'est vrai, j'en conviens, cela peut arriver. Disons que, lors de l'étude du comité, nous nous sommes même posé cette question. Ma collègue, Jeannette Masse, aimerait vous donner quelques commentaires là-dessus avec, bien sûr, toujours la permission du président de la commission.

Mme Masse: M. le Président, avant de donner la parole à notre spécialiste, j'aimerais seulement ajouter que nous avons bien mentionné le fait que le directeur d'école devrait s'occuper en grande partie de la chose pédagogique, et non pas d'administration, selon ce qui viendrait dans le projet de loi; c'est ce que nous demandons. En plus, nous avons considéré d'une façon tout à fait particulière qu'un directeur d'école, c'est un chef, un leader. Cela doit être normal dans l'école qu'il soit chef et leader et donne une direction dans son école. À ce moment-là, je pense que les problèmes pourraient être minimisés. Étant chef, donnant des directions pédagogiques, il peut très bien amener le comité de parents à ce qu'il veut, un peu toujours. Ensuite, par la communication avec le directeur général de la commission, je pense que les problèmes seraient aplanis en ce sens-là, les difficultés ne seraient pas extravagantes ou insolubles. Je pense que notre directeur général, avec la permission du président, peut compléter le débat que nous avons eu sur le sujet.

M. Gagliano: Si vous permettez, M. le Président...

M. Poirier: M. le Président...

M. Gagliano: La question qui a été posée est quand même celle de savoir qui doit vraiment prendre la décision. Bien sûr, dans un cas pareil, le directeur général sera impliqué et j'aimerais qu'il apporte des explications supplémentaires.

M. Poirier: M. le Président, je ne prétends pas apporter une solution définitive à votre question, qui est fort pertinente. Je donnerai cependant certaines indications. On dit, à la page 10, dans les pouvoirs délégués au conseil d'école, que le conseil d'école peut établir, en ayant décidé ainsi, des modalités organisationnelles se rapportant à l'application du régime pédagogique. Cela peut être, comme vous l'avez mentionné, pour enrichir un programme. Il reste qu'en haut de cette page 10, à l'article 2.2.3.7, on dit toujours que c'est conformément aux grands encadrements du ministère et de la

commission scolaire. Voilà une première balise. Le conseil d'école ne peut pas dépasser cette balise-là.

Il y a d'autres balises qu'on va retrouver dans toute la question de la gestion des personnels, par exemple dans l'application des conventions collectives, qui peuvent faire qu'à un moment donné l'application d'une modalité organisationnelle du régime pédagogique peut engendrer le besoin de deux, trois, quatre, cinq ou six enseignants supplémentaires. Il est évident qu'à ce moment-là la commission scolaire, telle qu'on la définit, va allumer un feu rouge et dire: Votre projet est extraordinaire, sauf que cela suscite telle dépense supplémentaire. Il y a un certain nombre de balises comme celle-là.

La troisième balise serait la suivante: on dit, d'une part, que le directeur d'école, qui relève du directeur général, rend compte de son mandat à la commission scolaire, au directeur général, dans les attributions qui le concernent. D'autre part, on fait aussi l'obligation au directeur d'école de rendre compte - l'expression exacte est de faire rapport - au conseil d'école sur toutes les activités sur lesquelles le conseil d'école a juridiction, de sorte qu'avec ces nuances, je pense qu'on peut résoudre la question que vous posez.

J'ajouterais cependant, en terminant, M. le Président, que l'effort que nous avons fait et que nous vous soumettons ne se prétend pas parfait. Je pense que la réflexion doit se continuer; nous avons fait un grand bout de chemin avec les gens qui sont ici pour essayer de cerner davantage ce qui était plus ou moins flou dans le projet de loi, mais nous convenons qu'il est encore perfectible.

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais saluer les représentants de la commission scolaire Jérôme-Le Royer. Je recommande aux ministériels d'étudier sérieusement le mémoire principal que vous avez préparé. Malheureusement, faute de temps, je crois que le résumé ne reflète pas pleinement vos recommandations, tandis que le mémoire principal révèle une analyse claire, équilibrée, très profonde et pleine de bon sens. Essentiellement, votre mémoire appuie une évolution cohérente qui respecte l'intégrité du système comme gouvernement régional au lieu du chambardement-choc proposé par le projet de loi 40.

J'ai deux questions. Je parle du mémoire principal. À la page 37, à la dernière recommandation, vous parlez des pouvoirs et des fonctions qui sont reliés aux services éducatifs, et vous envisagez la possibilité qu'une école demande à la commission scolaire d'exercer les pouvoirs de l'école d'une façon temporaire en matière de gestion des ressources humaines, matérielles ou financières. Est-ce que vous envisagez le fait qu'un bon nombre d'écoles vont demander à la commission scolaire de prendre en charge ces responsabilités d'une façon permanente et pas uniquement temporaire?

M. Gagliano: Pour répondre à la question de Mme la députée de Jacques-Cartier que j'ai eu l'occasion de rencontrer quand j'étais commissaire au niveau de différentes réunions provinciales, quand nous avons ajouté cette recommandation, c'était dans l'esprit qu'on a des écoles élémentaires, de petites écoles. Bien sûr, elles n'ont pas le personnel ni les moyens, comme au ministère, pour gérer les ressources humaines. C'est pour cela que nous voulons que soit inscrite la possibilité que, si des écoles veulent laisser la commission scolaire s'occuper de gestion des ressources humaines, matérielles et financières, elles puissent le faire. C'est dans ce sens, à cause des écoles. Quel nombre on aurait dans notre commission scolaire? C'est bien difficile de vous répondre. On a environ, si ma mémoire est bonne, 42 écoles. Donc, parmi ces 42 écoles, on a 5 polyvalentes, mais on a plusieurs écoles élémentaires. C'est toute une question qui pourrait être...

Avec la permission de M. le président de la commission, Mme Masse aimerait ajouter plus d'éclaircissement sur la question. Mme Masse.

Mme Masse: J'ai très peu à ajouter. Nous avons parlé de la possibilité pour l'école de donner une coloration locale. C'est pour cela que nous insistons beaucoup sur des pouvoirs élargis et non pas restreints pour la commission scolaire, un pouvoir de discrétion dans son administration, afin de donner des services de qualité et diversifiés aussi. Cela suppose qu'elle a des ressources humaines, donc, un nombre satisfaisant d'élèves et des ressources financières aussi. C'est pourquoi restreindre les pouvoirs d'une commission scolaire serait dommageable pour l'ensemble de ses écoles, parce qu'elles donnent une coloration. Ressources humaines, c'est très important. Plan de financement, c'est très important pour la commission scolaire. C'est une possibilité de répondre aux besoins des écoles si on leur en donne l'occasion.

M. Gagliano: Toujours avec votre permission, M. le Président, M. Perri aimerait compléter cette réponse.

Le Président (M. Blouin); M. Perri.

M. Perri: Seulement pour compléter. Est-ce que nous croyons qu'il y a plusieurs écoles qui vont demander l'aide de la commission scolaire? Tout cela est une question hypothétique, mais ce que nous croyons, c'est que les services éducatifs de la commission scolaire sont vraiment les moteurs de la commission scolaire. C'est le service le plus important. Comme on a dit, ce sont des déclencheurs. Alors, c'est la commission scolaire qui fournit tous les services demandés par les écoles. Comme vous voyez, c'est la commission scolaire qui est là, au service des écoles.

Mme Dougherty: Je n'ai pas compris. Étant donné vos réponses, je pense que, dans le projet de loi, il y a la possibilité que quelques écoles ne veuillent pas accepter un tel pouvoir délégué par la commission scolaire. Il y a possibilité qu'elles délèguent ces pouvoirs à la commission scolaire d'une façon temporaire. Est-ce ce que vous recommandez ici? C'est la même pensée qu'on retrouve dans le projet de loi.

M. Gagliano: Justement, c'est l'article 216 du projet de loi.

Mme Dougherty: D'accord. La deuxième question touche le Conseil scolaire de l'île de Montréal. Dans votre mémoire, à la page 46, vous avez proposé des pouvoirs, un Conseil scolaire de l'île de Montréal avec des pouvoirs, des emprunts à court terme et à long terme des commissions scolaires et le pouvoir de taxation uniforme sur l'île de Montréal, avec une répartition per capita dans les commissions scolaires. (12 h 15)

Je constate que vous n'envisagez pas le rôle de péréquation exercé par le Conseil scolaire de l'île de Montréal actuellement. Voudriez-vous en parler davantage? Je parle surtout des montants que le conseil scolaire de l'île retient - amassé par les taxes scolaires - afin d'égaliser les chances sur l'île. Avez-vous des commentaires? Pourquoi n'avez-vous pas inclus ce pouvoir?

M. Gagliano: Tout d'abord, disons que, dans notre proposition, nous recommandons qu'il y ait un organisme scolaire à l'île de Montréal, afin qu'il s'occupe de la dette obligataire, des emprunts à court et long termes, ce que nous trouvons bénéfique pour les commissions scolaires de l'île.

Dans le champ de taxation, bien sûr, avec la loi 57, les pouvoirs du conseil scolaire de l'île en matière de taxation sont minimes et nous recommandons un taux de taxe uniforme sur l'île et une répartition per capita dans les commissions scolaires.

Pour la question de la péréquation - je sais qu'on pourrait en débattre très longuement - je demanderais à notre directeur général adjoint, qui est responsable des services financiers, de compléter vraiment toute la question de la péréquation étant donné qu'il vit tous les jours avec ces problèmes.

Le Président (M. Blouin): M. Gauthier.

M. Gauthier (André): M. le Président, essentiellement, le montant que le conseil de l'île récupère en tant que taxe hors normes est d'au-delà de 40 000 000 $. De cette somme, il en redistribue 80%, c'est-à-dire environ 37% sur une base per capita. En fait, quand on parle de péréquation, au niveau du conseil de l'île, c'est peut-être essentiellement au niveau des milieux défavorisés où, de par la loi, le conseil a déjà des pouvoirs spécifiques, ce qui lui permet de réserver certaines sommes qui sont par la suite réparties entre les commissions scolaires.

Toute cette notion de péréquation nous apparaît quand même minime dans ce sens. C'est-à-dire qu'évidemment, actuellement, les montants pour les milieux défavorisés sont répartis sur des rapports statistiques d'il y a quelques années. Je pense aussi que, sur ce point, il y aurait avantage à ce que les commissions scolaires de l'île puissent donner leur avis sur l'ensemble des montants de la taxe hors normes. J'inclus le montant qui actuellement est attribué pour les milieux défavorisés. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Mme Dougherty: Voudriez-vous me répéter la dernière partie de votre réponse? Qu'est-ce que vous recommandez exactement? Que la taxe hors normes...

M. Gauthier (André): Que la taxe hors normes soit distribuée, dans un premier temps, en totalité sous forme de per capita et que, dans un deuxième temps, si les commissions scolaires de l'île jugeaient bon de se donner des services particuliers du type des milieux défavorisés, entre autres, certaines sommes soient réservées. Au niveau du conseil scolaire de l'île, effectivement, les huit commissions scolaires de l'île pourraient puiser à même la taxe hors normes un certain montant qui pourrait être réparti ensuite sous une forme quelconque à être déterminée.

Mme Dougherty: Alors, au lieu d'inscrire ce pouvoir dans la loi, vous préférez que la possibilité soit là pour les commissions scolaires de prendre une décision conjointe de le faire?

M. Gauthier (André): Justement.

Mme Dougherty: Cette notion pourrait amener à d'autres initiatives conjointes qui

touchent d'autres activités pour le bénéfice de l'ensemble de l'île...

M. Gauthier (André): Exactement.

Mme Dougherty: ...mais sans inscrire une telle disposition dans la loi. Donc, il y aurait une espèce de porte ouverte pour des initiatives conjointes.

M. Gauthier (André): Exactement. En fait - sans me répéter - le montant de la taxe hors normes est d'abord réparti per capita et, par la suite, si l'ensemble des commissions scolaires jugent opportun de réserver certaines sommes sous forme de péréquation ou autrement pour quelque projet que ce soit, c'est l'ensemble des commissions scolaires qui le décident à une table de concertation qui serait au niveau du conseil de l'île.

Mme Dougherty: Je crois que c'est une idée intéressante. Le seul problème, c'est que, s'il y a une commission scolaire qui n'est pas d'accord, que faudra-t-il faire? Il faut avoir un vote unanime. Si le pouvoir n'est pas inscrit dans la loi, c'est très difficile quelquefois d'avoir un vote unanime. Il y a toujours un dissident qui ne veut pas collaborer.

M. Gauthier (André): Évidemment, cette possibilité va demeurer, sauf qu'avec la proposition du projet de loi - qu'on entérine, évidemment - avec des commissions scolaires ayant un nombre d'élèves quand même semblable, je pense qu'en termes d'équité de répartition, on pourrait y arriver, sinon avec une majorité, peut-être avec les deux tiers des commissions scolaires. Ce sont des modalités, en fin de compte. Au niveau de notre mémoire, on n'a pas discuté de façon aussi élaborée, mais cela pourrait être une formule qui pourrait, dans un deuxième temps, être analysée.

Mme Dougherty: Très bien. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Au nom de tous les membres ds la commission, je remercie les représentants de la commission scolaire Jérôme-Le Royer de leur participation aux travaux de notre commission.

J'invite maintenant les représentantes et les représentants de sept groupes distincts que nous allons maintenant recevoir, que je me permets d'identifier à nouveau. Il s'agit de l'Association du Québec pour les déficients mentaux, l'Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs, l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc., l'Association canadienne de l'ataxie de Friedreich, l'Association québécoise pour enfants et adultes ayant des troubles d'apprentissage, la Société québécoise de l'autisme et l'Association québécoise des parents d'enfants handicapés visuels. Chacun de ces groupes procédera à une présentation d'une dizaine de minutes relative à la situation particulière des personnes qu'il représente. Par la suite, nous procéderons aux échanges entre les membres de la commission et nos invités et il est évident que chaque organisme pourra requérir le soutien de toute personne qui l'accompagne pour répondre aux interrogations soulevées par les membres de la commission. Afin de permettre à ces représentants de bien vouloir s'installer, nous allons maintenant demander à nos invités précédents de bien vouloir leur permettre de procéder.

Nous allons commencer avec le représentant de l'Association du Québec pour les déficients mentaux, M. Allen Henley, que j'invite maintenant à procéder à la présentation de son mémoire.

Organismes provinciaux de

promotion et de défense des

droits et intérêts des

personnes handicapées

M. Henley (Allen): M. le Président, mesdames et messieurs, membres de la commission, permettez-moi tout d'abord de vous présenter mes collègues ici présents: Mme Monique Robitaille-Rousseau, parent d'un enfant vivant avec un handicap intellectuel, vice-présidente de l'Association du Québec pour les déficients mentaux, présidente aussi de l'association locale ici à Québec; Mme Louise Doré, membre du comité exécutif de l'Association du Québec pour les déficients mentaux, qui travaille avec des personnes adultes, handicapées intellectuellement; Mme Barbara Robinson, parent et membre; M. Yves Genest, permanent à l'Association du Québec pour les déficients mentaux; mon nom est Allen Henley, je suis parent d'une fille avec handicap intellectuel et physique et je suis président de l'AQDM.

Les organismes provinciaux de promotion des droits et des intérêts des personnes vivant avec un handicap se sont concertés après avoir produit leur mémoire. Nous avons pu constater ensemble que nous avons beaucoup de points en commun et les quelques différences que nous avons sont le résultat d'une problématique et d'une clientèle propres à chaque organisme.

Ceci dit, M. le Président, avec votre permission, nous aurions aimé que chacune des organisations présente un sommaire de son mémoire d'environ dix minutes et réponde ensuite aux questions des membres de la commission durant une vingtaine de minutes, pour ensuite céder la place à

l'organisme suivant.

Nous aurions tous souhaité que chaque organisme puisse avoir 60 minutes à sa disposition, mais nous sommes conscients que vous avez reçu beaucoup de demandes et que vous saurez considérer quand même à leur juste valeur nos demandes concernant le projet de loi 40.

M. le Président, en ce qui a trait à notre présentation, je débuterai en informant les membres de cette commission de ce qu'est l'Association du Québec pour les déficients mentaux. Fondée par la volonté d'associations oeuvrant au niveau d'une ou de plusieurs localités, l'Association du Québec pour les déficients mentaux a pris naissance en 1951. Sa mission principale est essentiellement la promotion et la défense des intérêts des personnes vivant avec une déficience intellectuelle. Son action se situe sur deux paliers, soit au niveau local comme support aux associations membres et au niveau provincial comme représentant auprès des divers ministères et organismes publics et privés.

Il existe présentement au Québec quelque 200 000 personnes handicapées à cause d'une déficience intellectuelle, dont près de 60 000 sont d'âge scolaire entre 4 et 21 ans. La déficience intellectuelle chez ces élèves se manifestera principalement par une certaine lenteur d'apprentissage qui amènera avec l'âge un retard dans leur propre développement, rendant ainsi de plus en plus difficile l'adaptation aux diverses attentes et exigences du milieu ou de la société.

Pour nous, après son milieu familial, l'école constitue pour l'élève déficient intellectuellement le milieu le plus propice et le plus significatif pour son développement et sa socialisation. Nous voulons donc concentrer nos efforts sur l'école comme lieu d'apprentissage, en ayant comme toile de fond l'élève handicapé intellectuellement fréquentant son école de quartier et le rôle des parents comme premiers responsables et intervenants auprès de leur enfant.

À cet égard nos attentes comme parents d'enfants ayant une déficience mentale, sont les suivantes:

Premièrement, nous voulons que nos enfants puissent être considérés comme citoyens à part égale;

Deuxièmement, nous voulons qu'ils puissent vivre le plus normalement possible selon leur âge, au sein de la communauté qu'ils habitent;

Troisièmement, nous voulons que nos enfants soient intégrés à l'école du quartier et y reçoivent des services éducatifs appropriés;

Quatrièmement, nous voulons participer activement à toute décision touchant à la fois les services éducatifs offerts et les modalités de dispensation de ces services.

(12 h 30)

Cinquièmement, nous voulons que les droits de nos enfants prévalent sur toute considération d'ordre administratif ou syndical.

Sixièmement, nous voulons que l'intégration de nos enfants en classe régulière ne soit plus un privilège accordé selon le bon vouloir de la commission scolaire, de la direction de l'école ou du professeur.

Septièmement, nous voulons que l'on inverse l'application pratique du modèle en cascade; c'est-à-dire que nous voulons que tous les enfants d'âge scolaire soient d'abord inscrits en classe régulière, qu'ils deviennent des élèves de cette classe et que le droit de recevoir des services éducatifs soit respecté dans ce milieu.

Le projet de loi 40 sur l'enseignement primaire et secondaire public reçoit l'appui de l'association, par ses comités régionaux et son conseil d'administration, quant à ses orientations fondamentales. Certains éléments de ce projet de loi ont été acceptés par un grand nombre de parents. Qu'il suffise de mentionner la reconnaissance d'une présomption de compétence à l'égard des parents et des élèves, l'implication des parents et de l'élève au niveau de la gestion du régime pédagogique et l'autonomie accrue de l'école.

Nous souscrivons sans hésiter, en principe, à ces trois éléments pour autant que les moyens dont ils disposeront leur permettront d'être de réels agents de changement. Les modifications aux règles du jeu que cette réforme nécessite, tant au niveau administratif qu'organisationnel, ont fait l'objet de plusieurs interventions à cette commission. Elle devra permettre au gouvernement d'y apporter les modifications qu'il jugera utiles.

Certains éléments du projet de loi nous paraissent imprécis. Je n'en noterai que deux qui nous ont semblé plus importants. Premièrement, les pouvoirs dévolus à chaque palier. Il nous semble y avoir, dans le projet de loi, une confusion au niveau des pouvoirs administratifs de chacun, ce qui ne nous permet pas toujours de comprendre clairement qui fait quoi.

Deuxièmement, les droits de l'élève. Il nous semble que ses droits sont restreints par les pouvoirs dévolus à chaque niveau de décision. Ces imprécisions sont peut-être l'effet d'une rationnelle qui nous est inconnue. Si nous l'interprétons ainsi, c'est attribuable à l'expérience vécue au cours des années.

Au niveau des faiblesses, nous constatons que nulle part la prématernelle pour les enfants de quatre ans, principalement pour nos enfants, n'a été retenue comme un droit. Pourtant, vous en connaissez l'importance.

Une autre faiblesse de ce projet de loi consiste à ce que le fardeau de la preuve, lors du renvoi d'un élève, ne soit pas la responsabilité de la commission scolaire. Pourtant, la Fédération des commissions scolaires, lors du Sommet socio-économique, s'était engagée en ce sens.

Nous avons écouté avec intérêt, hier soir, les modifications aux articles 14, 97 et 204 que M. le ministre se propose d'apporter au projet de loi 40. Les services particuliers et complémentaires seront, dans un certain sens, maintenus. Il serait souhaitable que des normes sur la qualité minimale de ces services soient établies afin de pallier les variations d'interprétation des besoins de ces services dans les différentes commissions scolaires, afin de s'assurer d'un accès maximal à ces services. Notre conception de l'intégration n'est pas une modalité, mais un principe fondamental qui va plus dans le sens du développement de l'enfant.

Pour ces raisons, M. le Président, nous aimerions que certaines modifications soient apportées au projet de loi, afin que l'on assure de façon univoque à tout élève déficient mentalement le droit à l'enseignement primaire et secondaire public, incluant les services supplémentaires nécessaires à l'exercice de ce droit, le droit de recevoir ces services d'enseignement de façon intégrée, soit dans une classe ordinaire de l'école du quartier, et le droit de recevoir des services additionnels, complémentaires et particuliers qui soient préalablement planifiés et coordonnés.

Nous aimerions finalement que les règlements de la loi prescrivent certaines orientations et normes d'organisation des services à l'élève en difficulté d'adaptation et d'apprentissage afin d'assurer à tous ces élèves des services adéquats dans chaque école et commission scolaire du Québec.

M. le Président, l'AQDM, par la voix de ses représentants, vous remercie de l'attention que vous nous avez portée. Nous sommes confiants que vous n'hésiterez pas à accorder à nos enfants ces demandes. Les quelque 60 000 élèves handicapés intellectuellement et leurs parents sont à l'écoute des réponses que vous nous donnerez.

M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Henley. J'invite maintenant Mme Hélène Laurin, qui est représentante de l'Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs, à bien vouloir nous livrer la présentation.

Mme Laurin (Hélène): M. le Président, je suis présentement présidente de l'Association québécoise pour enfants avec problèmes auditifs. L'AQEPA, depuis sa fondation en 1969, à travers ses différentes communications au ministère de l'Éducation et aux autres instances, a fait connaître son point de vue en matière de scolarisation des jeunes déficients auditifs.

C'est pourquoi, aujourd'hui, nous nous attardons uniquement aux articles du projet de loi qui concernent plus spécifiquement la problématique qui nous intéresse. Nos recommandations sont le résultat de nombreuses consultations de chacune des instances de notre association pour qui le leitmotiv est demeuré le même, soit, premièrement, le droit qu'ont tous les enfants handicapés à cause d'une déficience auditive de recevoir des services éducatifs de qualité favorisant leur intégration sociale, et, deuxièmement, le droit qu'ont tous les parents de ceux-ci, en leur qualité de premiers intervenants, de participer directement à toute prise de décision concernant leur enfant.

Notre association se réjouit donc de lire en première page du projet de loi 40 que celui-ci reconnaît à l'enfant son droit à des services éducatifs gratuits contribuant à sa formation et favorisant son insertion sociale, et ce, dans le respect de ses droits individuels.

Nous ne pouvons être en désaccord avec de tels principes, mais nous voulons quand même manifester certaines craintes quant aux modalités de reconnaissance et d'application de ces droits qui, pour nous, doivent concerner également les enfants handicapés à cause d'une déficience auditive. Trop peu de garanties nous sont données en ce sens.

D'autre part, nous croyons en la capacité qu'ont les parents de s'impliquer dans les politiques qui concernent l'éducation de leur enfant, mais nous sommes aussi conscients de certaines limites qui ne nous permettent pas d'être toujours présents dans toutes les structures de l'appareil scolaire. C'est pourquoi il nous apparaît essentiel que les parents participent à part entière à l'élaboration des grandes lignes directrices qu'établissent les commissions scolaires en ce qui concerne l'intégration des enfants handicapés.

Le projet de loi utilise à plusieurs reprises dans sa terminologie la dénomination d'élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage pour qui des services particuliers ou des services de soutien pédagogique doivent être dispensés. Au fait, que veut dire explicitement cette dénomination et surtout quelle clientèle englobe-t-elle? Notre crainte à ce chapitre serait que cette dénomination généralise trop les services particuliers à être dispensés à ces nombreuses clientèles et passe à côté des spécificités de chacune d'elles. Il serait donc important que le projet de loi ou encore sa réglementation soit davantage claire en cette matière.

Au chapitre sur les élèves, l'article 14 reconnaît le droit à l'éducation préscolaire pour l'enfant de cinq ans et plus. Or, dans votre livre blanc, vous reconnaissiez ce droit dès l'âge de quatre ans pour ces enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Aussi, nous recommandons que l'éducation préscolaire soit accessible dans le milieu le plus normal possible pour les enfants en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage âgés de quatre ans. Ici, nous ne voulons pas créer de ghetto pour ces enfants de quatre ans, mais bien les intégrer le plus tôt possible dans leur milieu naturel en leur offrant des services éducatifs en milieu de garderie ou autrement.

Considérant que le projet de loi, à l'article 18, donne le droit aux parents ou à l'élève majeur de choisir l'école qui correspond le mieux à leur préférence ou dont le projet éducatif correspond le plus à leurs valeurs, le transport scolaire devient donc un moyen indispensable pour l'exercice de ces droits.

En ce sens, nous recommandons que des services gratuits de transport soient assurés aux enfants handicapés dont les parents ont choisi une école en particulier en se guidant sur le critère que cette école leur semble la plus apte à assurer le développement optimal et l'intégration harmonieuse de l'enfant ou du déficient auditif.

Étant donné l'assurance qui a été donnée hier qu'un assistant du Protecteur du citoyen s'occuperait uniquement de la question scolaire, nous considérons que c'est une chose acquise et nous ne reviendrons pas sur ce sujet.

Quant à la représentation des droits de l'enfant handicapé au sein de l'école, nous avons plusieurs points à soulever. Ramenant à nouveau le droit que nous reconnaissons aux parents de représenter leur enfant auprès des conseils d'école, nous recommandons que l'article 33 soit modifié afin de considérer ce qui suit: Que, dans les écoles dites spéciales conçues pour répondre aux besoins spécifiques d'élèves handicapés, on retrouve, de la même façon que dans les écoles régulières, des conseils d'école où les parents seront majoritairement représentés et que ces parents soient élus de la même façon que pour les autres conseils d'école et non nommés par le ministre, et que, pour actualiser cedit conseil, les parents venant des régions éloignées bénéficient d'une aide financière permettant leur participation au sein des conseils d'école.

Toujours dans cette même foulée, nous recommandons que, dans les écoles régulières à vocation locale et régionale, l'on retrouve au sein des conseils d'école une représentation équitable des parents des enfants handicapés et/ou des élèves handicapés eux-mêmes.

Les articles 64, 67 et 70 font état de la responsabilité du directeur d'école de convoquer en assemblée les parents, le personnel enseignant et les étudiants afin de maximiser la participation des personnes sourdes à ces assemblées. Nous recommandons...

Le Président (M. Blouin): Nous allons suspendre la séance pour quelques secondes. Vous pouvez poursuivre, j'espère que cela ne se reproduira pas. Nous allons tenter de faire cesser ces bruits, cela ne sera pas très long. Nous allons suspendre les travaux pour quelques secondes. Allez-y.

Mme Laurin: ...que le directeur d'école s'assure que l'on accorde au collège électoral les moyens permettant la pleine participation des personnes sourdes, par exemple, en leur accordant des services d'interprétation, comme il y en a à la télévision aujourd'hui, ou autres moyens. De plus, parmi les différents sujets sur lesquels ces comités peuvent être consultés, il nous apparaît essentiel que soient retenus comme sujet de consultation les modalités d'intégration en milieu scolaire des enfants en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage.

Tel que décrit aux articles 76 et 77, afin de dispenser des services de qualité, il nous apparaît essentiel de recommander que des services éducatifs de qualité soient appuyés par une formation appropriée des enseignants avant leur entrée en fonction, de même qu'en cours d'emploi et qu'en plus on leur accorde un support pédagogique adéquat.

La description de tâche du directeur d'école, telle que décrite à l'article 86, et son pouvoir d'intégrer un élève en difficulté d'adaptation et d'apprentissage décrit à l'article 86 ne nous laissent pas suffisamment de garanties pour que les élèves déficients auditifs reçoivent tous les services adéquats nécessités par leur handicap, tels que soutien pédagogique, orthophonie, audiologie et services d'interprétation, et que tous les éléments prévus par le plan d'intervention de l'élève handicapé seront mis en place.

Nous recommandons que soit ajouté à l'article 86 une huitième tâche au mandat du directeur d'école: assurer les services adéquats aux élèves handicapés auditifs comme à l'ensemble des élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage et que celui-ci - tel que vous l'avez annoncé hier - se porte responsable de la mise en place de tous les éléments prévus dans le plan d'intervention. (12 h 45)

Article 112. On parle de consulter les parents et le personnel en cause avant de dispenser à l'élève des services particuliers. Étant donné que nous avons de la suite dans les idées, nous recommandons que cet article soit modifié de façon à prescrire à l'école le devoir d'impliquer les parents, le personnel

concerné et l'élève dans toute prise de décision concernant ce dernier.

Passons maintenant au rôle des commissions scolaires face à la clientèle qui nous préoccupe. On y parle d'un comité de services aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. C'est bien, mais pour nous ce comité ne doit pas être que consultatif mais bien responsable. Nous recommandons donc que soit constitué dans chaque commission scolaire un comité responsable des services aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. Ce comité doit être composé majoritairement de parents d'élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage élus par eux ou, à défaut, nommés par la commission scolaire après avoir consulté des organismes de promotion représentant le ou les types de clientèles concernées, de membres de la direction et du personnel concerné et d'experts en la matière, incluant des élèves handicapés du secondaire ou des adultes handicapés qui ont été dans le passé aux prises avec des difficultés d'intégration scolaire.

Que ce comité ait pour fonctions d'élaborer et de voir à l'application des normes d'organisation des services à l'élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage qui favorisent l'intégration scolaire de cet élève; de participer avec la commission scolaire à l'affectation des ressources financières pour les services à l'élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage; de déléguer un représentant au conseil d'administration de la commission scolaire; de déléguer un représentant au comité consultatif du transport des élèves.

De plus, le collège électoral voué à élire les commissaires d'école semble exclure les parents dont l'enfant fréquente une école à vocation régionale ou suprarégionale. Ainsi, nous recommandons, si toutefois cette modalité d'élection est maintenue, que tous les parents d'enfants handicapés qui fréquentent une école à vocation régionale fassent partie du collège électoral au même titre que les autres citoyens de ce territoire et que les parents d'enfants fréquentant les écoles à vocation suprarégionale forment un collège électoral pour élire un commissaire les représentant.

Nous avons des réserves concernant le libellé de l'article 201 qui dit qu'une commission scolaire "peut" conclure une entente pour la scolarisation de la population de son territoire. Nous pensons plutôt qu'une commission scolaire doit conclure des ententes pour des services qu'elle n'offre pas parce qu'elle est responsable des élèves de son territoire. Ainsi, nous faisons les deux recommandations suivantes: que le libellé de l'article 201 soit modifié comme suit: "Une commission scolaire doit conclure avec une autre commission scolaire, un organisme ou une personne, une entente pour la scolarisation de la population de son territoire ou pour d'autres fins scolaires", et que soient spécifiés, dans la réglementation qui suivra l'adoption de la loi, le quand et le comment une commission scolaire doit faire une entente de services.

De plus, même si nous avons eu l'assurance que l'article 204 sera modifié, nous réitérons notre demande que la commission scolaire ait le devoir d'établir des critères sur l'organisation des services et ce, sur recommandation du comité responsable.

Transport des élèves. Vu que le transport d'élèves, afin d'être efficace et satisfaisant, doit tenir compte de nombreux facteurs spécifiques à la clientèle transportée et vu que la commission scolaire, en tant que responsable des élèves de son territoire, connaît déjà tous les facteurs spécifiques à sa clientèle, nous recommandons que le premier alinéa de l'article 249 se lise comme suit: "La commission scolaire, en tant que responsable des élèves, doit organiser le transport des élèves de son territoire et doit également établir une politique à cette fin."

Au niveau provincial, nous considérons importante une coordination dans le développement pédagogique concernant plus particulièrement la clientèle en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. En ce qui concerne l'adaptation des moyens d'atteindre les objectifs des différents programmes répondant aux besoins de la clientèle déficiente auditive, quelle que soit la répartition des responsabilités, il importe que le ministère de l'Éducation assure une coordination. Ceci afin, premièrement, d'unir les efforts des différentes écoles qui s'en occupent; deuxièmement, de permettre aux élèves le passage harmonieux d'une école à une autre; troisièmement, d'éviter les dédoublements d'efforts dans le développement d'outils pédagogiques et autres; quatrièmement, de permettre que les écoles qui reçoivent ces clientèles puissent bénéficier du matériel pédagogique produit dans une autre école ou ailleurs. Nous recommandons que le ministère de l'Éducation assure une coordination du développement pédagogique concernant les besoins de la clientèle déficiente auditive.

En guise de conclusion, nous aimerions sensibiliser davantage le ministère de l'Éducation sur un aspect qui a semblé échapper au projet de loi et qui concerne les inégalités d'accès aux services à être offerts à la clientèle scolaire déficiente auditive habitant les régions périphériques du Québec.

Pour illustrer cette réalité, nous citons le cas de la Gaspésie, par exemple, où il n'existe pas de service d'orthophonie dispensé en milieu scolaire. Pourtant, l'orthophonie demeure indispensable pour l'acquisition et le développement de la parole et du langage chez l'enfant atteint d'une perte d'audition.

Si le ministère de l'Éducation et l'appareil scolaire au complet ne mettent pas tout en oeuvre pour aplanir le plus rapidement possible les inégalités d'accès aux services causées par l'éloignement géographique et pour assurer dans chacune des régions des services éducatifs de qualité, toute réforme scolaire demeurera en bonne partie théorique pour une part importante de la population québécoise concernée.

Ainsi faisons-nous la recommandation suivante: Que le ministère de l'Éducation travaille avec diligence à effacer les inégalités d'accès aux services éducatifs qui s'adressent à l'élève et que l'élève soit éduqué le plus près possible de son milieu familial. L'AQEPA travaille depuis plusieurs années à l'amélioration des services aux étudiants déficients auditifs et souvent, même, de concert avec le ministère de l'Éducation. Il y a des progrès de faits, il en reste encore à faire. Nous ne voulons pas que le présent projet de loi vienne bouleverser et même annuler ce qui a été gagné jusqu'à maintenant. Nous demeurons inquiets des conséquences de l'application de cette loi. La question des minorités sera-t-elle repoussée au dernier rang des préoccupations de l'éducation après le grand ménage? Le présent projet de loi ne nous rassure pas tellement sur ce point, quoiqu'il faille ajouter enfin que, après les promesses d'hier, il y a peut-être un pas de fait.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Laurin. J'invite maintenant M. Daniel La Roche, qui est représentant de l'Association de paralysie cérébrale du Québec, à nous livrer le contenu de son mémoire.

M. La Roche: Je vous remercie, M. le Président, madame et messieurs les membres de la commission.

J'aimerais tout d'abord excuser l'absence de Me Jean Pelletier, président du conseil d'administration de l'association, qui était avec nous hier et qui, compte tenu du réaménagement de notre audition, a dû quitter pour ses obligations professionnelles.

J'aimerais également vous présenter le rédacteur du mémoire qui a été déposé devant la commission, M. Jean-Pierre Bouchard, qui est assis derrière moi et qui est agent de promotion, au chapitre de Montréal, de notre organisme.

Initialement, nous étions désireux d'échanger avec vous le plus possible sur le projet de loi qui nous occupe et nous n'avions pas l'intention et n'avons toujours pas l'intention de reprendre l'ensemble des réflexions et commentaires contenus dans le mémoire que nous vous adressions en décembre dernier.

Comme vous avez pu le constater en le lisant, notre mémoire se voulait moins une analyse commentée article par article du projet de loi qu'un questionnaire suscité par les nouvelles structures qui définiraient notre système d'éducation primaire et secondaire québécois.

L'Association de paralysie cérébrale du Québec, créée en 1949 pour répondre à certains besoins et être le porte-parole de nos membres, parents et personnes ayant la paralysie cérébrale, se veut de plus en plus être un chien de garde de la qualité des services offerts à ses membres. En ce sens, les questions qui surgissent devant un projet de loi comme celui-ci sont bien plus des questions d'assurance de recevoir du gouvernement les engagements clairs de conserver les acquis, souvent durement gagnés, et de développer de la façon la plus appropriée un projet éducatif qui tienne compte, à part entière - j'ajouterais même à part égale -des personnes handicapées ayant la paralysie cérébrale.

Est-il nécessaire de redire ici nos inquiétudes et nos craintes face à l'éventuelle adoption du projet de loi dans sa formulation actuelle et même aménagée? Car, malgré les aménagements annoncés hier soir, à la suite de la comparution de l'Office des personnes handicapées du Québec, le projet de loi 40 n'offre toujours pas aux personnes vivant avec la paralysie cérébrale, à notre avis, les réelles garanties d'accès aux services éducatifs essentiels à leur besoin de développement personnel et social, non plus qu'il ne leur offre de meilleures perspectives d'intégration par rapport à celles qu'elles ont connues jusqu'ici et qui sont bien pauvres.

Nous sommes conscients des difficultés spécifiques et particulières que peuvent poser des structures telles que les écoles, les commissions scolaires et même le ministère de l'Éducation quant à l'organisation, la planification et la dispensation de services éducatifs à l'intention des clientèles scolaires que nous voulons représenter devant vous. C'est, pensons-nous, précisément à cause de cette conscience que nous croyons avoir que nous avons posé les questions qui forment la trame de fond de notre position face au projet de loi 40.

S'il nous fallait résumer en quelques phrases notre position, M. le Président, nous devrions la situer, à la lecture de la réforme que le gouvernement envisage par le présent projet de loi, dans les termes suivants: Si le but de la réforme est d'assurer à tous les enfants une meilleure qualité de services éducatifs répondant à leur potentiel et à leurs besoins, nous ne trouvons pas, dans le projet de loi 40, les éléments nécessaires et fondamentaux pour répondre aux besoins éducatifs d'enfants, d'élèves adolescents et d'adultes vivant avec des déficiences ou des incapacités permanentes aux plans physique et mental. Si, d'autre part, le but visé par ce même projet de loi est bien de redonner

l'école au milieu et aux parents qui le forment, nous ne trouvons pas non plus dans la loi les dispositions susceptibles de garantir que les parents d'enfants handicapés, ni ces enfants, pourront véritablement assumer la responsabilité d'un projet éducatif à leur mesure ou répondant à l'ensemble de leurs besoins propres.

Dans les deux hypothèses, le projet de loi actuel, malgré les aménagements, ne marque donc, à nos yeux, ni un progrès ni même une amélioration possible par rapport aux services éducatifs actuels que nous recevons en tout et parfois - il faut bien le dire - en partie. Notre position, si ferme et si exigeante puisse-t-elle vous apparaître, demeure, quant à nous, la seule qui nous soit permise dans les circonstances, la seule qui traduise, selon nous, les besoins éducatifs de ceux et celles que nous représentons et la seule aussi qui pourrait offrir les garanties nécessaires et essentielles à la satisfaction de ces mêmes besoins.

Nous sommes, d'autre part, d'autant plus à l'aise de soutenir la position que nous avons prise face au projet de loi 40 qu'elle rejoint - on l'a vu hier et ce matin - un certain consensus parmi les principaux organismes qui parlent au nom des élèves et des usagers des services éducatifs vivant avec un handicap. Ce consensus, d'ailleurs, ne devrait nullement vous surprendre. Il était connu de vous en partie depuis à tout le moins deux ans, à la suite des travaux qui ont marqué la tenue du Sommet socio-économique sur les personnes handicapées, sommet auquel le ministre de l'Éducation a participé et lors duquel il avait pris un certain nombre d'engagements relativement précis. Nous regrettons d'ailleurs que le temps d'écoute dont nous disposons ne nous permette pas de rappeler ces engagements devant cette commission.

Ce même consensus aurait dû, d'autre part, transparaître dès la rédaction du projet de loi qui nous est présentée, dans la mesure où, depuis la publication, lundi dernier, de la politique d'ensemble par notre premier ministre lui-même, il s'y retrouve en quelque sorte consacré dans un nombre important de recommandations portant sur le système éducatif.

Le projet de loi, réaménagé par les dernières interventions du ministre, nous ramène au statu quo, car il ne règle en rien la question de l'intégration scolaire qui n'a pas, n'est pas et ne sera pas réglée par le présent projet de loi. Pour nous, le projet de loi 40 n'offre donc rien de plus que l'actuelle loi sur l'éducation. (13 heures)

Aujourd'hui donc, M. le Président, et face au projet de loi que ce gouvernement nous soumet, nous ne nous sentons pas vraiment à part égale, sans discrimination ni privilège. Nous avons même l'impression que le projet de loi 40 a un peu trop oublié de considérer les spécificités propres dont doit tenir compte un système éducatif qui se veut public et commun, et qui veut également permettre la prise en charge concrète et responsable de la part des premiers concernés par les finalités de l'école, à savoir les parents et les élèves, et, dans le cas qui nous occupe, les parents et les élèves handicapés ayant la paralysie cérébrale. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. La Roche.

Comme il est 13 heures, nous allons maintenant suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise de la séance à 14 h 45)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'éducation reprend donc ses travaux. C'est maintenant Mme Danielle La Roche, de l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc., qui nous livre... Pardon?

Une voix: C'est M. La Roche.

M. La Roche: J'ai déjà parlé, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): C'est M. La Roche. Je m'excuse. Il s'agissait de M. Daniel La Roche. C'est lui qui a présenté le mémoire de l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc., avant que nous suspendions nos travaux.

Maintenant, c'est Mme Francine Saint-Jean.

Mme Saint-Jean (Francine): Bonjour, tout le monde. Je voudrais vous présenter la personne qui m'a aidée; c'est Huguette Singler, mais elle n'est pas encore là.

Je viens tout simplement ici vous demander et exiger une chose. Je me suis fiée sur les autres organismes pour vous présenter les "fignolements" des besoins de notre cause.

Je suis venue ici, aujourd'hui, exiger que l'instruction pour tous les enfants ataxiques dans les écoles publiques en classes régulières soit une réalité de tous les jours et non plus seulement un voeu pieux pour l'avenir.

Mais qu'est-ce que l'ataxie? L'ataxie est une maladie héréditaire, récessive et évolutive qui conduit à la chaise roulante et qui amène, entre autres, des problèmes de réflexes physiques et de coordination. Mais l'ataxie n'atteint jamais le cerveau! C'est

vrai. L'enfant ataxique est donc intelligent. Dès la petite enfance, il se trouve cependant confronté à des phénomènes physiques étranges pour lui. Par exemple, les verres de lait semblent lui échapper des mains tout seuls ou bien le plancher lui "fait des jambettes". Il se trouve par terre souvent sans même comprendre ce qui se passe. Plus tard, à l'adolescence, l'ataxique sera souvent confondu avec une personne ivre. L'enfant ataxique ressent ses problèmes physiques, mais c'est souvent difficile pour lui à expliquer.

Ai-je besoin d'ajouter que les enfants ataxiques ont des besoins spécifiques et qu'il faut en tenir compte pour l'intégration en classe régulière? Je parle, évidemment, d'un plan de développement personnalisé, pas tout à fait celui que vous entendez, parce qu'il ne faut pas oublier le côté psychologique et moral, en plus de tout ce que vous avez entendu d'autre. Par contre, une minorité d'enfants ataxiques, une infime minorité, ne pourra pas s'intégrer dans une classe régulière. Il faudra, dès lors, prévoir une alternative comme des cours à domicile ou dans une école spécialisée.

Si vous avez écouté et compris ce que je viens de vous expliquer, vous devriez maintenant être en mesure de dépister l'ataxie chez un enfant à la vue. Croyez-moi, ce dépistage est aussi possible dans les écoles maternelles et primaires. Ainsi, l'on peut, dès lors, prévoir un plan de développement personnalisé, mais, comme je l'ai dit, avec des choses très spécifiques, et éviter bien des souffrances inutiles à cet enfant ataxique quand le moment sera venu d'y avoir recours. Vous, du ministère de l'Éducation, vous devez agir!

J'aimerais ajouter que, si la personne enseignante ne peut pas s'apercevoir que quelqu'un est ataxique, il serait peut-être possible d'avoir une consultation avec une personne adulte ataxique qui a déjà vécu ces problèmes-là. Peut-être qu'elle pourrait aider à sensibiliser le groupe de parents ou de la commission scolaire ou n'importe qui qui est en mesure de travailler.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Saint-Jean.

Nous entendrons maintenant Mme Thérèse Costopoulos, qui est représentante de l'Association québécoise pour enfants et adultes ayant des troubles d'apprentissage.

Mme Costopoulos (Thérèse): Merci, M. le Président. Je dois d'abord regretter l'absence de mon président et vous offrir ses excuses. Il était, de fait, ici hier, mais il a dû nous quitter pour vaquer à ses obligations professionnelles.

Vous avez en main notre réaction. Je n'ai pas l'intention de vous lire ce texte. J'aurais plutôt le goût de vous exposer un peu le substratum, de vous dire le pourquoi des demandes qu'on a faites dans le texte, de vous dire aussi pourquoi, malgré notre bonheur d'apprendre les changements au libellé des articles 14, 97 et 204, nous nous posons encore des questions. Quelle limitation ou quelle porte de sortie peut offrir l'expression "mesures déterminées par la commission scolaire" dans l'article 14?

En effet, les personnes ayant des troubles d'apprentissage ne vivent pas un problème comme celui que je vis avec mes lunettes. Leurs difficultés, le plus souvent, ne se décèlent pas à première vue. Nous avons souventefois eu connaissance de parents qui se sont vu nier la nécessité de services précoces à leur enfant parce que le problème n'était pas suffisamment éclatant. Quelque temps après, la bombe éclatait. Nous avons vu combien de jeunes devoir expliquer à des adultes, voire même à leurs éducateurs, qu'ils n'étaient pas bouchés, mais qu'ils avaient un trouble d'apprentissage. Bon nombre de nos décrocheurs ont des troubles d'apprentissage.

L'on sait maintenant que le non-traitement et le traitement non idoine au moment propice suscitent la plupart du temps des complications sur le plan de la personnalité. On ne peut vivre constamment avec un sentiment d'échec. Certains se réfugient dans des troubles émotifs très graves et nécessitent des traitements.

Vous êtes probablement au fait d'un récent article, paru dans la revue Liaison de décembre 1983, sur la situation des troubles d'apprentissage dans les pénitenciers du Canada. Les chiffres nous paraissent aberrants. J'aimerais les vérifier avant de vous les soumettre comme des vérités absolues. On y mentionne qu'actuellement 50% à 80% des jeunes amenés devant la cour présenteraient également des troubles d'apprentissage. Chez les jeunes incarcérés qui présentent des troubles d'apprentissage, on noterait des chances de récidive allant jusqu'à 80%. C'est tout cela qui nous fait dire que cela vaut la peine d'investir chez nos jeunes pour éviter des dépenses encore plus grandes plus tard quand ils seront adultes. Ce sera alors une clientèle qui coûtera très cher.

Pour l'article 204, nous avons été, évidemment, très heureux de voir que la responsabilité est dévolue à une entité précise. Mais nous nous demandons ce que signifie le terme "normes". S'il signifie l'établissement de services, si vraiment c'est le cas, ce que nous souhaitons, évidemment, nous voudrions que ce soit inscrit plus clairement dans la loi.

À l'article 97, le directeur d'école a le devoir d'établir un plan d'intervention, cela, après consultation de l'enfant, de ses parents et des spécialistes, ce qui est essentiel pour nous. Nous sommes très heureux que ce soit

quelqu'un de précis qui ait ce rôle à jouer, cette responsabilité et que la consultation soit reconnue. Mais l'acceptation et la demande de révision de ce plan, qui va la faire? Les parents d'enfants ayant des troubles d'apprentissage ne recherchent pas nécessairement le pouvoir dans l'école, mais ils sont conscients de leur responsabilité et ils veulent assumer cette responsabilité. Ils ont comme responsabilité de base de voir à l'évolution et au développement optimal de leur enfant. Il est important qu'ils puissent accepter ou refuser un plan d'intervention et demander qu'on repense ce plan s'ils croient qu'un autre devrait être mis en place.

Un parent me disait, justement, ce matin, qu'après cinq ans on a enfin suggéré le plan que, eux, comme parents, préconisaient. Maintenant, ce n'est plus la faute des parents dans ce cas précis. Il est évident que, si des parents agissent de façon irresponsable, voire nuisible face à leur enfant, d'autres mécanismes, comme la loi 24, peuvent aider à préserver le droit de ces enfants.

À l'article 26, nous sommes très heureux également qu'un adjoint au Protecteur du citoyen soit "rejoignable" dans chacune des régions. Mais le libellé de cet article nous inquiète toujours car on y dit: si quelqu'un se sent lésé "dans l'exercice d'une fonction administrative". Est-ce que c'est un terme restreignant?

Ce qui nous préoccupe au plus haut point, c'est la compétence des intervenants, leur formation avant et pendant leur travail, de même que l'efficacité du système pour que nos jeunes réalisent au maximum leurs possibilités dans un cadre d'intégration véritable. Nous vous interrogeons sur la multiplicité des comités, la composition du conseil d'école, la représentativité des parents de jeunes en difficulté et l'assurance qu'ils soient écoutés, de même que sur les imprécisions encore grandes sur les rôles des différentes instances.

Nous souhaitons la présence des professeurs aux instances décisionnelles. Ils sont, avec l'enfant, deux pôles fort importants de la vie de l'école.

En conclusion, il nous faut une loi qui permette à tous de se centrer sur l'enfant et qui permette à chacun des jeunes de se former en vue d'accéder à une vie autonome. Il nous faut une loi qui permette aux parents et aux jeunes eux-mêmes d'exercer leurs responsabilités dans la réalité. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Costopoulos. Maintenant, Mme Aline Locas nous présentera le mémoire de la Société québécoise de l'autisme. Mme Locas.

Mme Locas (Aline): Merci, M. le Président. Permettez-moi, d'abord, de vous présenter les deux personnes qui m'assistent aujourd'hui et qui sont assises derrière moi. Il s'agit de Dominique Égré, membre de la société, et de Louise Linschoten, directrice générale de la société.

Nous voudrions, tout d'abord, vous rappeler brièvement qui sont ces enfants et ces adultes autistiques que nous représentons aujourd'hui. L'autisme est un phénomène assez peu répandu, au point que la plupart des pédiatres ont peine à le reconnaître lorsqu'il survient. On compte environ 600 à 800 cas d'enfants souffrant d'autisme pur au Québec, bien qu'on puisse raisonnablement prétendre en trouver à peu près 9000 qui en souffrent à divers degrés. Cette maladie dont le syndrome a été décrit par Léo Kanner, pédopsychiatre américain, en 1943, se manifeste surtout par d'importantes difficultés de communication et de socialisation.

Notre société s'attache à promouvoir le droit de ces enfants et à rechercher des solutions à ce grave handicap, même s'il affecte une minorité parmi la minorité des enfants handicapés.

À titre de parents d'enfants autistiques, nous avons, d'emblée, souscrit à l'objectif des services éducatifs qu'énoncent les notes explicatives du projet de loi, où l'on reconnaît à chaque enfant le droit à des services éducatifs qui favorisent, entre autres, son insertion sociale, la jouissance de ce droit étant assurée par un système public et gratuit d'éducation, dans le respect des droits individuels et collectifs. (15 heures)

Cependant, l'orientation de la réforme et les moyens que vous préconisez ne garantissent, à notre avis, en aucune façon, l'atteinte de cet objectif pour nos enfants. C'est ce que nous nous attacherons à vous démontrer en vous décrivant, en premier lieu, les nombreux risques que comporte le concept même de l'école commune pour l'exercice du droit à l'éducation des enfants handicapés. Nous voudrions également vous exprimer nos inquiétudes sur les moyens qui concrétisent cette idée de l'école commune, soit principalement les conseils d'école et les projets éducatifs. Enfin, nous montrerons que le projet de loi 40 laisse beaucoup trop d'échappatoires au ministère de l'Éducation, aux commissions scolaires et aux écoles en ce qui a trait à leurs rôles et responsabilités dans l'éducation des enfants handicapés.

L'école et l'éducation n'ont pas pour unique objectif de renforcer l'exclusivisme de la spécificité culturelle. Ils doivent surtout contribuer à nous élever au-dessus de tous ces particularismes qui, comme en témoigne notre histoire pas si lointaine, deviennent par trop étouffants. Il leur incombe de faire ressortir les richesses et la diversité de l'humanité par opposition à l'hermétisme du voisinage et de la parenté.

À cet égard, les articles 30 et 31 qui

proclament que l'école "peut intégrer dans son projet éducatif les valeurs de la communauté à laquelle elle dispense ses services", ainsi que "les croyances et les valeurs religieuses d'une confession particulière" soulèvent, chez nous, un sentiment de malaise. Nous craignons que cette idée de communauté serve de paravent à la défense de valeurs chargées d'intolérance ou, à tout le moins, d'esprit de clocher et nous nous étonnons de l'équivoque que le projet de loi laisse planer touchant la place qui reviendra aux minorités de tous ordres, et non seulement idéologiques au sein de l'école nouvelle.

Plus spécifiquement, l'inquiétude que suscite chez nous le projet éducatif que pourraient proposer les conseils d'école concerne l'acceptation de tout enfant qui ne cadrerait pas avec l'idée de l'école qu'auraient mise de l'avant les parents du milieu. Déjà, l'expérience vécue au niveau de certaines écoles confirme nos craintes quant à l'intégration des enfants handicapés. Il arrive, en effet, que certains parents refusent que leurs enfants côtoient, ne serait-ce qu'à l'heure du dîner, de tels enfants. Pouvons-nous alors espérer un état d'esprit différent, si ces mêmes parents siègent au conseil de leur école?

Par ailleurs, notre expérience de parents actifs au sein d'organismes bénévoles et de comités d'école nous laisse appréhender de nombreux problèmes et difficultés qui ne manqueront pas de surgir dans le fonctionnement des conseils d'école. Les responsabilités relativement étendues de ces conseils et leur caractère décisionnel exigeront une grande disponibilité et une somme d'énergie qu'il nous apparaît difficile de garantir au sein de chaque école. Surtout, nous voulons souligner qu'il est irréaliste d'exiger ce même effort de la part des parents d'enfants autistiques déjà surchargés par l'attention constante qu'ils réclament. Pourtant, la protection du droit de ces enfants à des services éducatifs adéquats, compte tenu du concept même de l'école commune, demandera une présence assidue au conseil d'école et une vigilance soutenue qu'il nous apparaît impossible de maintenir au fil des années et dans chaque école.

À tout le moins, il nous apparaît essentiel que le projet de loi garantisse que certaines valeurs auxquelles doit répondre l'école soient inscrites d'office dans les projets éducatifs et parmi celles-ci le respect des droits des enfants handicapés à des services d'éducation assurant leur intégration optimale à l'école régulière.

Nous ne voudrions pas laisser ici l'impression de vouloir minimiser l'importance de l'intervention des parents dans l'éducation de leurs enfants. Aussi, nous accueillons favorablement les articles 185 et 186 relatifs à la constitution et aux fonctions du comité consultatif des services aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage dont les responsabilités pourraient même être étendues.

Par contre, nous trouvons que les articles 97 et 112, qui traitent de l'intégration des élèves en difficulté dans des classes ordinaires et de la fourniture des services particuliers, laissent beaucoup de latitude à l'école et à son directeur et peu de place aux parents, qui ne sont consultés que parmi d'autres intervenants. Au contraire, ne devrait-on pas réserver à ces parents un droit privilégié d'intervention dans ce qui constitue en quelque sorte le projet éducatif de leur propre enfant?

Nous avons les mêmes réserves en ce qui concerne les écoles dites à vocation régionale ou nationale dont le mode d'administration est choisi par le ministre de l'Éducation selon l'article 33 du projet de loi. Or, de deux choses l'une: ou bien, comme le propose l'économie générale du projet de loi pour l'ensemble du réseau scolaire, l'administration des écoles régionales ou nationales fait aussi appel aux parents car on ne saurait vraiment être en mesure de dire qu'ils sont inaptes à diriger des écoles, ou bien, si on s'en tient aux dispositions prévues par l'article, le ministre se trouve ni plus ni moins à infirmer le rôle prépondérant qu'il était prêt à accorder aux parents.

Enfin, la lecture du projet de loi 40 ne nous permet pas de savoir clairement à qui sera dévolue la responsabilité de concevoir, d'organiser et de dispenser des services éducatifs aux enfants handicapés, d'autant plus que le projet de loi omet d'inclure dans ses articles des orientations sur les services éducatifs aux enfants handicapés, bien que celles-ci suscitent maintenant un large consensus. En effet, tantôt "l'école est responsable de l'adaptation et de l'application des programmes de services éducatifs particuliers qu'elle dispense", tantôt la commission scolaire, à l'aide d'un comité consultatif, élabore "des normes d'organisation des services à l'élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage qui favorisent l'intégration scolaire de cet élève" et "s'assure que la population de son territoire reçoit les services éducatifs auxquels elle a droit". Cette latitude que laisse le projet de loi aux divers intervenants du système scolaire et la dilution de leurs responsabilités rendent illusoire l'exercice du droit à l'éducation des enfants handicapés. De prime abord, la seule issue possible pour un tel enfant qui pourrait être lésé dans ses droits sera de recourir au Protecteur du citoyen ou, comme vous l'avez annoncé hier, à son adjoint, car pourra-t-on accuser une école donnée ou même une commission scolaire de ne pas être en mesure d'offrir des services particuliers?

Vous comprendrez nos appréhensions quand nous constatons que, même avec l'article 480 de l'actuelle Loi sur l'instruction publique qui affirme l'obligation de la commission scolaire de dispenser des services éducatifs aux enfants handicapés, les parents des enfants autistiques doivent encore négocier avec insistance toute nouvelle demande de services et se voient même opposer des refus dans certains cas.

Le nombre des enfants en difficulté et la place que la société semble maintenant convenir de leur accorder justifieraient qu'un chapitre d'une loi sur l'enseignement public soit exclusivement consacré aux services éducatifs aux enfants handicapés. Un tel chapitre pourrait consigner les orientations qui ont suscité un degré élevé de consensus, à la suite de l'effort soutenu de réflexion sur les services à offrir aux personnes handicapées qu'on retrouve dans différents documents gouvernementaux. En précisant dans la loi ces orientations, en attribuant à l'école, à la commission scolaire et au ministère de l'Éducation des responsabilités cohérentes avec ces orientations, nous pourrions alors réellement affirmer l'existence d'un droit à des services éducatifs de qualité pour les enfants handicapés.

Sans entrer dans le détail de ces orientations qui sont clairement énoncées, pour la plupart, dans le livre orange sur l'école québécoise, nous voudrions, au moins, rappeler ici l'objectif de base qui consiste à favoriser l'intégration des enfants en difficulté dans un milieu le plus normal possible, c'est-à-dire dans des classes régulières ou, lorsque c'est impossible, dans un contexte qui s'en rapproche le plus. Cet objectif guidait le système en cascade décrit dans le rapport COPEX. Il constitue, à notre avis, pour nos enfants autistiques, handicapés à divers degrés, la voie la plus sûre d'accès à l'éducation.

Au niveau de l'organisation des services aux enfants handicapés, cet objectif de normalisation maximale implique que le ministère n'établisse des écoles nationales que lorsque des services très spécialisés le justifient; que la commission scolaire ait l'obligation d'organiser des services aux enfants handicapés sur son territoire et les pouvoirs d'en assurer l'application dans les écoles et que chaque école doive inclure dans son projet éducatif l'objectif de l'intégration optimale des enfants handicapés et, enfin, que le directeur d'école, de par son mandat, assure l'intégration de ces enfants handicapés.

En conclusion, M. le Président, le projet de loi 40 constitue pour la Société québécoise de l'autisme un recul par rapport à l'organisation actuelle des services aux enfants handicapés et aux lois qui les régissent, déjà jugées insuffisantes. Nos objections concernent le principe même du projet de loi qui pourrait provoquer la remise en question permanente du droit à l'éducation pour la minorité que constituent les enfants autistiques, ainsi que l'absence d'orientations qui auraient pu garantir la présence de services de qualité pour les enfants handicapés. Ces objections sont suffisamment fondamentales pour que nous estimions justifié de demander le réexamen complet de tous les articles du projet de loi qui touchent au conseil d'école, au projet éducatif et aux services particuliers.

Le slogan de notre société est: Oui, tu es capable. En effet, nos enfants sont capables et nous vous demandons de mettre en place les structures nécessaires pour qu'il n'y ait plus d'enfants McMillan, Zéron, Rancourt et Doal sans services éducatifs qui leur permettent d'évoluer positivement dans la société. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Locas.

Mme Yseult Raby nous présentera maintenant le contenu du mémoire de l'Association québécoise des parents d'enfants handicapés visuels.

Mme Raby (Yseult): M. le Président, M. le ministre, madame, messieurs, je suis moi-même parent d'enfants handicapés visuels. Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour représenter l'Association québécoise des parents d'enfants handicapés visuels. Mme Rachel Bélisle, secrétaire générale de l'association, m'accompagne, mais, à cause de contraintes de dernière heure, je vous présenterai seule notre réflexion. Tel qu'entendu, nous serons à votre disposition, Mme Bélisle et moi-même, pour la période des questions.

L'Association québécoise des parents d'enfants handicapés visuels, l'AQPEHV, est la cadette des associations provinciales ici représentées. Eondée par des parents de différentes régions du Québec quelques mois à peine avant le début de l'Année internationale des personnes handicapées, en 1981, notre association regroupe maintenant près de 175 familles dont un ou des enfants vivent avec un handicap visuel. Les membres actifs de l'association sont tous parents et nous sommes assistés dans nos actions par trois permanentes à temps partiel.

La question des services éducatifs nous préoccupe au plus haut point et, tant bien que mal, avec souvent les moyens du bord, nous sommes intervenus régulièrement auprès des établissements scolaires, des organisations syndicales, des députés, des commissions scolaires et du ministère de l'Éducation pour que nos enfants puissent recevoir des services éducatifs gratuits, adaptés, qui favorisent véritablement leur insertion sociale et leur autonomie. Je ne vous cacherai rien en vous disant que, dans la majorité des cas,

les discussions constructives qui favorisent l'innovation sont rares. Encore plus rares sont les solutions pour résoudre les problèmes que nous exposons, et ces problèmes sont très nombreux. C'est pour cela que nous avons accueilli avec enthousiasme l'idée d'une réforme scolaire. À noter que, pour nous, parents d'élèves vivant avec un handicap de la vue et possiblement avec d'autres handicaps, ce n'est pas de restructuration scolaire que nous parlons, mais de structuration des services que reçoivent ou devraient recevoir nos enfants.

Comme d'autres, nous nous sommes demandé où le ministre était allé permettez-moi l'expression, M. le ministre -pêcher l'idée exposée dans le livre blanc, à la page 15, que les conditions d'égalité et d'accessibilité étaient, aujourd'hui, établies pour tous et toutes. Nous n'avons sûrement pas la même conception d'égalité et d'accessibilité, M. le ministre. Sans doute à cause de ces conceptions différentes et d'un manque de précision dans le projet de loi sur les rôles, pouvoirs et responsabilités des agents concernés par l'éducation des jeunes handicapés, c'est-à-dire tout le monde, partout au Québec, il nous a été impossible de produire un mémoire qui réagisse aux propositions des articles de loi. Les silences du projet de loi sur les conditions à mettre en place pour favoriser le développement des potentialités de nos jeunes étaient trop lourds à combler.

Il est important de dire que ce n'est que la pointe de l'iceberg qui apparaît dans le mémoire de l'Association québécoise des parents d'enfants handicapés visuels. En cette commission parlementaire, nous vous présentons un résumé de nos principales demandes. Ces demandes concernent la garantie d'existence des écoles suprarégionales pour les élèves handicapés visuels, la garantie des services itinérants de qualité et l'instauration d'une structure provinciale pour les services éducatifs aux élèves handicapés visuels. De plus, nous désirons discuter avec vous de l'importance de la participation active des parents d'élèves handicapés visuels aux prises de décisions qui concernent l'éducation de leur enfant, que cet enfant fréquente une école régulière, une classe spéciale dans une école régulière ou une école spéciale. (15 h 15)

D'autre part, comme les autres organismes qui nous ont précédés, nous demandons que la loi garantisse le respect du droit des élèves handicapés, de tous les élèves handicapés sans exception, de quatre ans à vingt et un ans, à recevoir des services éducatifs de qualité. Nous demandons que la loi assure à la nation québécoise des écoles qui préparent ces jeunes citoyens et citoyennes à vivre dans une société qui s'enrichit de la diversité des expériences et de la diversité des habiletés physiques, intellectuelles et autres. Nous demandons que la loi expose sans équivoque les droits des personnes inscrites à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, donc des élèves handicapés, afin que les groupes aux points de vue considérés souvent minoritaires voient leur spécificité respectée.

Peut-être faut-il rappeler ici que la vue est le sens le plus utilisé dans notre société. En moyenne, les gens utilisent leur vue pour aller chercher 80% des informations qui leurs sont nécessaires pour accomplir leurs rôles sociaux. L'impossibilité ou la limitation pour l'enfant d'aller chercher les informations utiles à son développement, de la même façon que le font les enfants voyants, a toutes sortes de conséquences sur sa vie.

Dans cet esprit, l'AQPEHV a déjà demandé, à plusieurs reprises, qu'on donne une garantie d'existence aux écoles suprarégionales pour élèves handicapés visuels avec mandat officiel et connu. L'article 33, tel que formulé, est loin d'offrir les garanties que nous attendions de la loi pour les services aux élèves handicapés visuels et aux élèves multihandicapés avec handicap visuel.

D'abord, pour mieux comprendre notre position sur les écoles spéciales, il faut dire que les écoles régulières sont actuellement incapables d'intégrer les élèves complètement aveugles et les élèves multihandicapés avec un handicap visuel. De plus, nous n'avons pas envie que nos enfants, en cette période de compressions budgétaires, fassent les frais d'expérimentations peu soutenues et mal dirigées.

Aussi, la façon d'appréhender la réalité élément par élément est fondamentale et constitue l'élément de base, ce spécifique de la pédagogie adaptée aux élèves handicapés.

Eh bien, cette pédagogie adaptée est loin d'être développée au Québec et les écoles spéciales n'ont actuellement pas suffisamment de garanties quant à leur survie pour innover dans ce domaine.

En plus d'une approche pédagogique dont la base n'est pas les référents visuels, rappelons que les enfants vivant avec un handicap visuel sévère nécessitent des apprentissages de base particuliers et importants tels l'utilisation du braille, de la dactylo et d'autres aides techniques et électroniques intégrées dans les matières scolaires régulières.

Depuis déjà longtemps, nous demandons au ministère de l'Éducation de garantir l'existence des écoles spéciales pour les élèves handicapés visuels. Nous croyions que la loi 40 nous donnerait satisfaction, mais l'article 33 est vague et n'offre aucune garantie. Notre mémoire énumère un certain nombre d'éléments que nous souhaitons retrouver dans un mandat officiel et

explicite.

Pour nous, il n'est pas question que l'école spéciale soit un ghetto ni un lieu où l'enseignement est de qualité inférieure. Comme pour les autres écoles, nous souhaitons que l'école spéciale soit ouverte sur le milieu et qu'on donne aux parents les moyens de participer à la vie scolaire. De la même façon qu'on parle d'intégration sociale des personnes handicapées, les écoles ou ces personnes handicapées reçoivent un enseignement adapté doivent être intégrées dans les structures régulières.

Pour les élèves handicapés visuels, nous demandons donc des écoles spéciales, mais il ne faudrait pas croire que nous ne favorisons pas leur intégration dans les écoles régulières. Au contraire! Cette intégration au régulier est possible pour autant qu'elle est supportée.

Actuellement, il y a insuffisance de spécialistes et de services itinérants. Dans la majorité des commissions scolaires où les services existent, ceux-ci se préoccupent trop peu de pédagogie adaptée. Tant et aussi longtemps que l'élève handicapé visuel et particulièrement celle ou celui qui a un handicap visuel sévère, d'autres handicaps ou des difficultés d'apprentissage, n'a pas l'assurance de son droit à ces services adaptés, il est évident qu'elle ou qu'il sera refusé à l'école régulière ou, encore, comme c'est le cas de plusieurs enfants, que la commission scolaire le garde sur son territoire en le classant dans un groupe d'élèves en difficulté d'adaptation où ses besoins spécifiques qui sont liés à son handicap ne sont pas reconnus.

Ici, nous voulons souligner que dans bien des cas, l'utilisation de la terminologie "enfance en difficulté" pour désigner les enfants handicapés visuels ne correpond pas à la réalité des élèves, mais bien plus à celle du milieu qui les reçoit. C'est, d'ailleurs, pour assurer aux élèves handicapés visuels des services éducatifs réellement adaptés que nous demandons que par le projet de loi 40 on cesse d'inclure ces élèves handicapés dans la catégorie "en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage" et qu'on les considère comme un groupe distinct. L'intégration, ce n'est tout de même pas le regroupement de tous les enfants ou de tous les organismes qui échappent à la norme sociale!

Pour que la qualité des services aux élèves handicapés visuels ne soit plus à ia merci des bonnes volontés des commissions scolaires ou des ambitions individuelles, nous demandons aussi que le projet de loi 40 instaure une structure provinciale autonome avec pouvoir décisionnel, qui possède une banque d'information sur l'élève handicapé visuel et ses spécificités, qui brise l'isolement des spécialistes, qui coordonne la recherche et qui oblige la circulation du matériel adapté.

De plus, parlons de ce qui est moins spécifique et qui préoccupe actuellement toute la société québécoise: la participation des parents à l'école. À l'AQPEHV, ce sont les parents qui sont décideurs. Nous assumons bon nombre de représentations et de revendications auprès de ministères et d'établissements. Parents, nos interventions réfèrent à notre vécu, à celui de nos enfants et nous n'avons jamais cherché à nous improviser professionnels. Nous n'acceptons pas, non plus, le rejet de nos interventions parce qu'elles ne correspondent pas aux grilles de compréhension des technocrates, des administrateurs et des intervenants. Notre expérience nous persuade que les parents ne doivent pas être tenus à l'écart de la vie scolaire. L'éducation est un tout et la division entre la famille et l'école ne sert pas nos enfants. Pour les enfants handicapés visuels, la famille, l'école, les établissements d'adaptation-réadaptation doivent se concerter. Les structures doivent favoriser cette concertation et on doit permettre aux parents, par des moyens concrets, de jouer adéquatement leur rôle. La participation active des parents à la vie de l'école doit donc être assortie de mesures en éducation des adultes et de ressources financières.

Les besoins de changements dans le système public scolaire actuel, les membres de l'AQPEHV, les ressentent autant que quiconque. Pourtant, ils et elles croient qu'il est préférable que se vive graduellement une transformation de structures. Sans doute, une attitude de gens qui ont appris à ne plus compter sur l'idéal et le rêve, mais sur ce que la réalité offre comme forces et limites, les membres de l'association demandent qu'on tienne compte des capacités de changement des différents agents impliqués. L'association refuse qu'on conserve le statu quo, tout comme elle considère que le projet de loi 40, tel qu'écrit actuellement, n'offre aucune garantie valable à ses membres et aux enfants handicapés visuels.

Nous souhaitons que tout soit fait pour qu'apparaisse dans les écoles québécoises un climat réel de collaboration et de concertation entre les enseignants, le personnel non enseignant, la direction, les parents et les élèves pour le bien-être des jeunes Québécois et Québécoises, de tous et toutes, qu'ils ou elles répondent ou ne répondent pas à la norme et à la tradition sociale. Faire réellement place aux minorités dans l'école québécoise, c'est leur assurer que leurs spécificités seront respectées, reconnues comme pouvant contribuer à l'enrichissement de la société québécoise. Faire réellement place aux minorités, c'est leur offrir des garanties explicites dans la loi et cesser de les faire passer par la porte d'en arrière des règlements, des directives, des annexes dont personne ne discute publiquement, dont aucun média ne parle.

Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Raby. M. le ministre.

M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier, M. le Président, chacune et chacun des représentants des sept associations présents, actuellement, à la table de la commission pour la qualité de leurs mémoires, que nous avons déjà reçus il y a un bon nombre de mois, en octobre pour la plupart, et aussi pour la qualité de leur présentation verbale.

Après le sommet socio-économique sur la personne handicapée, la présentation du projet de loi 40 a constitué, je crois, un autre temps fort pour les diverses associations de personnes handicapées. Je pense que ce fut, pour chacune d'entre elles, une occasion nouvelle de faire le point de leurs insatisfactions par rapport à la situation actuelle, de leurs aspirations, des lacunes qui existent actuellement dans notre système éducatif et des recommandations qu'elles sont en droit de faire au gouvernement. Je pense que leurs mémoires reflètent assez bien ce bilan qu'elles ont pu tracer.

Je me réjouis, pour ma part, non seulement de l'existence de ces associations mais de la création de plusieurs associations nouvelles. Je pense qu'elles témoignent, d'une part, de la préoccupation naturelle des handicapés et de leurs parents non seulement pour leurs conditions, mais pour leurs aspirations normales de développement optimal et intégral; d'autre part, je crois qu'elles reflètent également une prise de conscience graduellement accrue de notre société à l'égard de sa responsabilité face à ces clientèles particulières de nos services scolaires ou de nos services sociaux, ainsi qu'à l'endroit des droits que possèdent les handicapés au plein épanouissement de leur personne.

Dans leurs mémoires, nous voyons des convergences. Toutes les associations reviennent, sans toujours s'être concertées, sur des points communs. L'Office des personnes handicapées, hier, d'ailleurs, nous les rappelait, mais, à son tour, chacune des associations les rappelle également dans son mémoire et nous les a rappelés encore cet après-midi: préoccupation commune sur l'accessibilité aux services scolaires, sur les droits aux services d'enseignement, mais aussi à tous les services d'éducation complémentaires, personnels, collectifs; préoccupation commune également quant à la qualité de services adéquats individualisés, pour chacune des personnes handicapées; préoccupation commune quant à l'élaboration, par les instances intermédiaires que constituent les commissions scolaires et l'instance nationale que constitue le ministère, de politiques, de normes qui sauront reconnaître ces droits, mais également l'exercice de ces droits et l'application de ces mesures; préoccupation commune, enfin, en ce qui concerne la représentation ou des personnes handicapées elles-mêmes ou de leurs parents à toutes les instances où doivent se prendre les décisions appropriées quant à la fourniture de services, que ce soit au niveau de l'école, au niveau de la commission scolaire et même au niveau national. (15 h 30)

Au-delà de ces préoccupations communes, chaque association reprend sa spécificité et nous fait des recommandations plus particulières liées à la nature plus spéciale du handicap, de la déficience dont elle a à s'occuper, ou liées d'une façon plus particulière à la promotion des intérêts des personnes qui présentent la même déficience ou le même handicap.

Je peux vous assurer que nous accorderons la même attention aux préoccupations communes dont vous nous avez fait part qu'aux recommandations spécifiques. Évidemment, dans le peu de temps que nous avons à notre disposition, nous ne saurions faire droit à toute et chacune d'entre elles. Nous les avons, cependant, sérieusement étudiées, analysées. Nous les trouvons d'une très grande richesse; elles sont très concrètes, pratiques et nous verrons à en tirer toutes les conclusions qui s'imposent.

Je suis bien d'accord que l'accessibilité aux services scolaires n'est pas encore aussi grande que vous le souhaiteriez et que nous le souhaitons nous-mêmes. En ce sens, nous partageons entièrement, au ministère de l'Éducation, le sens qui se cache sous le titre de la politique d'ensemble qui a été rendue publique il y a quelques jours, "À part... égale". Nous savons que, trop souvent encore, malheureusement, ces clientèles constituent des clientèles à part, mais nous partageons, quand même, avec vous l'ambition que ces clientèles trouvent enfin, dans le milieu scolaire comme dans les autres secteurs, une part égale à celle de tous les autres citoyens. Nous entendons bien continuer d'y travailler.

Ceci ne doit quand même pas nous cacher le fait que nous avons connu de très grands progrès au cours des dix dernières années, que ce soit sur le plan de l'élaboration des politiques, que ce soit sur la dispensation des services ou de la spécialisation de ces services, que ce soit sur le plan de l'élaboration de modèles de services - je ne parle pas seulement du modèle en cascade qui en comprend plusieurs autres, mais également de tous les raffinements plus spécifiques que nous sommes en train de connaître sur le plan de la pédagogie - que ce soit sur le plan des ressources que nous y consacrons, que ce soit

sur le plan de la formation des maîtres en adaptation scolaire, que ce soit, enfin, sur les modèles d'organisation.

Beaucoup a été fait, mais je suis, quand même, d'accord avec vous qu'il reste encore beaucoup à faire. Il y faudra plus que des lois, plus que des règlements. Il faudra aussi ce changement de mentalité, déjà constatable dans notre société, mais auquel il importera d'apporter, encore une fois, de grandes améliorations au cours des années qui viennent.

Il reste, cependant, qu'on ne doit pas, non plus, minimiser l'importance des lois non seulement parce qu'elles sont susceptibles d'apporter des changements dans la fourniture et la dispensation des services, mais également parce qu'elles ont une valeur pédagogique en soi et qu'à cet égard elles peuvent contribuer d'une façon importante à faire évoluer les mentalités, particulièrement celles des intervenants scolaires au sein de l'école et des commissions scolaires. C'est la raison pour laquelle nous accordons une très grande attention à la rédaction de ce projet de loi. Nous voulons non seulement qu'il atteigne les objectifs que nous lui avons assignés en ce qui concerne particulièrement les personnes handicapées, mais aussi qu'il constitue un stimulus, un aiguillon, un facteur de changement, d'évolution des mentalités au sein de toutes les instances du système scolaire. C'est dans ce sens et avec cet esprit que nous entendons étudier toutes vos recommandations.

J'ai déjà annoncé hier un certain nombre d'amendements que nous entendons apporter au projet de loi. Je ne veux pas les répéter parce que toutes vos interventions m'ont bien montré que vous les aviez bien entendus et que déjà vous en avez tiré les conséquences appropriées. Je voudrais, quand même, revenir sur l'importance de la modification que nous entendons apporter à l'article 14. Nous l'avons clarifié, nous avons fait disparaître les doutes ou ambiguïtés que sa formulation pouvait inspirer à vos associations et à d'autres. Une fois clarifié, je crois que cet article revêt une très grande importance et apporte une réponse à plusieurs des représentations que je viens d'entendre. Cet article 14 amendé garantit à toute personne handicapée le droit non plus seulement à des services d'enseignement, mais aussi à tous les services complémentaires particuliers dont la personne handicapée pourra avoir besoin, que ce soit pour sa scolarisation, à quelque niveau de handicap qu'elle se trouve, que ce soit par rapport à son intégration dans des classes régulières, à sa préparation immédiate ou lointaine à une insertion sociale et professionnelle réussie.

Je pense aussi que cet article 14 garantit les droits assortis des articles 97 et 204, qui font maintenant un devoir aux directeurs d'école autant qu'aux commissions scolaires de procéder soit à l'élaboration de politiques et de normes, soit à l'intégration de l'élève dans des classes selon les besoins particuliers de la personne handicapée dans le cadre le plus normal possible. Il apporte également une réponse à d'autres représentations que vous nous avez faites sur les plans de services individuels en tenant compte, évidemment, comme je le disais hier soir, qu'il appartient aux commissions scolaires et aux écoles de procéder à ces intégrations selon les circonstances particulières que l'on peut rencontrer dans plusieurs cas.

Je pense aussi que la somme de ces trois articles apporte une réponse à une autre des représentations ou demandes que vous nous faites en ce qui concerne l'obligation pour la commission scolaire - je retrouve cela dans le mémoire de l'AQEPA -de conclure des ententes avec une autre commission scolaire lorsqu'elle s'estime incapable de fournir des services adaptés à la nature du handicap que présente la personne handicapée.

En effet, en vertu de l'article 14, c'est désormais un droit strict pour chaque personne handicapée de recevoir à l'école les services que requiert son état. Si l'école ou la commission scolaire n'est pas capable de le dispenser, comme le droit est inscrit dans l'article, il reviendra à la commission scolaire de prendre les mesures pour que la personne handicapée qui relève de cette commission scolaire puisse trouver ailleurs le service qu'elle ne peut lui dispenser. Encore une fois, si vous trouvez que ce n'est pas suffisant, nous verrons si nous ne pouvons pas aller plus loin et mettre dans le projet de loi une formule additionnelle en vertu de laquelle la commission scolaire serait obligée, dans ce cas, de conclure une entente avec une autre commission scolaire pour que ce droit puisse être exercé.

Je voudrais faire, en ce qui concerne le Protecteur du citoyen, une remarque qui s'ajoute à celle que je faisais hier soir. Hier soir, je disais que le Protecteur du citoyen sera assisté, dans chacune des régions du Québec, d'une personne dont la seule mission sera de voir à garantir les droits des élèves et, évidemment, des élèves handicapés. Je l'ai dit selon une certaine formulation qui n'est pas celle du projet de loi. Dans notre esprit, bien que différentes, les deux formules étaient équivalentes, mais il est bien clair qu'il est possible d'apporter une amélioration à la formulation de cet article de façon qu'elle réponde très clairement à notre philosophie et à notre volonté de faire en sorte que les droits des élèves et particulièrement des personnes handicapées soient garantis dans chacun des articles de la loi où ils peuvent se retrouver, non seulement dans le chapitre qui concerne les

élèves, mais dans tous les autres chapitres. Il est bien clair que l'esprit du projet de loi, c'est celui-là. Nous verrons à ce que la formulation réponde d'une façon adéquate à la volonté du législateur, à la volonté du gouvernement.

J'aurais des questions à adresser à chacune des associations présentes à la table. D'ailleurs, elles ne me sont pas inconnues puisque j'ai eu le plaisir de les rencontrer, parfois assez souvent, à l'occasion de colloques ou de congrès annuels. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec elles, à ces occasions, de l'un ou l'autre des points soulevés dans vos mémoires. J'aurais donc des questions à adresser à toutes et chacune de ces associations, mais ne le ferai pas; je sais que mes collègues de la commission vont s'en charger, d'ailleurs.

Cependant, pour lancer la discussion, je voudrais, quand même, poser une question à l'AQEPA. L'AQEPA s'intéresse, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, aux écoles nationales et régionales. Il y aurait beaucoup à dire à cet égard et je pense que mon collègue responsable de ce secteur vous fera part de son point de vue. Mais je voudrais vous parler de la représentation que vous estimeriez souhaitable. Vous réclamez, par exemple, que les parents des enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage aient accès directement au conseil d'administration de la commission scolaire pour pouvoir influencer les décisions de celle-ci. Je pense que c'est à la page 14 du mémoire de l'AQEPA.

Comme vous le savez, selon le projet de loi 40, ce conseil est actuellement formé d'élus. Sur la base de ce principe, ne trouvez-vous pas que les parents ont déjà toute la latitude voulue pour faire entendre leur voix au niveau de la commission scolaire puisque, dans le présent projet de loi, il faut que les candidats fassent signer leur formule par cinq parents de l'école? C'est ce qui constitue la base du scrutin. Première question. (15 h 45)

L'autre question est plus importante. Vous demandez, en somme, dans votre question que ces parents soient élus par les conseils d'école. Ils ne seraient donc pas élus par la population. Ne craignez-vous pas les objections de ceux qui pourraient dire que, n'étant pas élus par la population, ils n'ont pas cette qualité selon laquelle on ne peut faire prendre de décision que par les élus du peuple? Qu'auriez-vous à répondre à cette objection qu'on pourrait vous faire?

Le Président (M. Le Blanc): La parole est à Mme Laurin.

Mme Laurin: Dans un premier temps, je crois que la raison pour laquelle on l'a mis comme cela, c'est que nous représentons des minorités et que nous croyons qu'il peut être dangereux, étant minoritaires dans plusieurs conseils d'école, de ne pas réussir à se faire élire. Il faut se rendre compte que, si la majorité d'un conseil d'école est composée de parents d'enfants normaux, peut-être que la voix d'un ou deux enfants handicapés n'arrivera pas à passer. C'est pour suppléer à cela que nous considérons qu'il serait important qu'il y ait un comité qui fasse valoir les droits des enfants handicapés.

Quand vous dites qu'ils ne seraient pas élus par la population, ce ne serait pas la population en général, mais la population des gens concernés par la problématique, encore là, parce que nous sommes une minorité et que c'est important que ces droits-là soient entendus. Notre idée de ce comité part du comité linguistique dont on parlait dans le livre blanc qui pouvait être reconnu de cette façon-là.

M. Laurin: Je vous remercie.

Le Président (M. Le Blanc): La parole est maintenant à M. le député d'Argenteuil. Mme Locas a une réponse complémentaire à apporter à la question.

Mme Locas: J'aurais une question à poser au ministre de l'Éducation. Vous nous disiez, au début de votre intervention, que nous devons compter sur le changement des mentalités, changement que vous constatez déjà. Je voudrais me référer ici à l'intervention d'une représentante de la commission scolaire Jérôme-Le Royer, que vous entendiez ce matin et qui vous disait que la majorité doit être protégée contre les dissidents que constituent les minorités dans une communauté. Je pense à l'enfant autistique et je suis certaine que c'est un dissident dans la communauté. Supposons qu'une commission scolaire, ou même une école par son conseil scolaire, devrait faire un choix. Je vais prendre un exemple très simple pour clarifier la situation: disons que nous avons un enfant autistique intégré dans une école régulière, dans une classe ou quelque chose comme cela, qui aurait partiellement besoin, quelques heures par jour, d'un ratio 1-1, mais que, pour répondre au projet éducatif que l'école s'est donné, les parents aient à choisir entre cet éducateur à cause des restrictions budgétaires ou un enseignant spécialisé en musique, je doute fort que l'enfant autistique ait beaucoup de poids dans la balance.

Aussi, les amendements que vous avez apportés n'ont pas nécessairement touché au projet éducatif et à la place qui reviendrait à la minorité que constituent les enfants handicapés dans la communauté. M. le ministre, pourriez-vous me donner votre point de vue sur le fonctionnement des conseils d'école et l'élaboration des projets éducatifs

à cet égard?

M. Laurin: Je pense qu'il importe d'effectuer une distinction importante entre projet éducatif et droits garantis par un article de la loi. Le droit qui est garanti par un article de la loi, s'il est inscrit, c'est parce qu'il a une valeur particulière. C'est un droit qui ne peut être nié par aucun autre article de la loi et qui ne peut être nié, non plus, par aucun projet éducatif, quel qu'il soit. Un projet éducatif, c'est bien différent; c'est une sorte de plan d'action qui est élaboré conjointement par tous les intervenants de l'école. Tout plan d'action ainsi élaboré et réalisé ne saurait, en aucune façon, porter ombrage à un droit garanti par un article de la loi. C'est la différence très importante qu'il importe d'apporter. Donc, un droit inscrit dans la loi constitue en soi une protection absolue pour l'exercice de ce droit.

Encore une fois, je crois que j'ai un peu contrevenu aux habitudes de la commission parlementaire parce que...

Le Président (M. Blouin): M. Bouchard.

M. Bouchard (Jean-Pierre): Je sais que c'est compliqué d'aménager, en matière de droits, le respect des droits de groupes minoritaires. Quand j'ai lu le projet Laurin, il m'est arrivé de me demander dans quelle mesure, au moment de sa rédaction, on avait envisagé l'aménagement pour permettre l'exercice des droits des groupes minoritaires.

J'ai relu, dernièrement, en venant à Québec, un autre document sur un autre sujet, mais qui est relié à ce problème; ce sont les commentaires de la Commission des droits de la personne sur le projet de réglementation des programmes d'accès à l'égalité. Cela m'a fait émettre l'hypothèse qu'il faut prévoir le système d'éducation comme un système dans lequel on ne peut pas isoler les problèmes ou les régler à la pièce sans, au fond, bouleverser un peu la dynamique du système. Dans ce sens-là, je pense qu'il y avait une ambiguïté dans tous les discours qu'on a entendus depuis hier à ce sujet, à partir du moment où la Commission des droits de la personne a comparu jusqu'à la présentation de l'Office des personnes handicapées, concernant le terme '"intégration". Je pense qu'il fallait quand même en arriver à faire la distinction entre l'intégration concrète d'un élève par des mesures spécifiques et l'intégration, dans le projet éducatif, des clientèles handicapées. Pour moi, ce sont deux choses distinctes, mais reliées.

À ce sujet, je souhaiterais avoir des précisions du ministre pour comprendre au juste ce qu'il entend par "intégration". Quand on relit le communiqué remis hier, c'est-à-dire les notes relatives au mémoire de l'Office des personnes handicapées, on lit, à la page 4, que "l'intégration est une modalité d'organisation des services éducatifs qui doit être appliquée en tenant compte de la situation personnelle de chaque personne handicapée." Je regrette qu'on en reste à ce niveau-là. Je pense que l'intégration, c'est plus qu'une modalité. Je pense que ce doit plutôt être une finalité de tout projet éducatif si on veut vraiment que se réalisent, un jour, les objectifs de "À part... égale", qui semblent avoir fait l'objet d'un consensus, ces dernières années.

À ce sujet, je sais qu'il peut être embêtant, pour un gouvernement - vous l'avez très bien expliqué hier - de sembler contraindre un peu les groupes face à des valeurs comme celles qui, au fond, sont sous-jacentes à la notion d'intégration. Mais je pense que, de toute façon, depuis la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, le chapitre 7 des Lois de 1978, le gouvernement a déjà reconnu la nécessité d'adopter des lois qui forcent un peu le jeu. J'espère que le gouvernement, dans une même cohérence, continuera de reconnaître cette nécessité d'être parfois spécifique même dans une loi comme celle qui porte sur le système éducatif qui est, au fond, pour tout le monde, la porte d'entrée à l'intégration de tous les citoyens dans la société.

M. Laurin: J'aurais quelques remarques...

Le Président (M. Blouin): Oui, madame.

Mme Raby: M. le Président, j'aimerais peut-être apporter une réflexion sur le niveau du progrès enregistré au niveau de la formation des maîtres. Cela regarde les maîtres en ce sens que chez nous, dans nos écoles spéciales pour handicapés visuels, chaque année, certes les maîtres qui enseignent ont reçu cette formation à l'adaptation scolaire qui est, toutefois, très générale et qui n'est pas nécessairement liée à la spécificité du handicap visuel. C'est donc dire que les maîtres arrivent souvent avec leur formation spécialisée, mais doivent, permettez-moi encore une fois l'expression, apprendre sur le tas au contact avec les enfants, découvrir les spécificités et les particularités de chacun et faire beaucoup d'adaptation d'enseignement, selon les besoins.

Or, présentement, dans nos écoles spéciales, on vit chaque année, vers mars et avril, une espèce de problématique qui se reflète chez les parents, chez les professeurs eux-mêmes, puisqu'ils sont au coeur de l'acte pédagogique. On vit cela à la direction de l'école aussi, puisque le professeur qui, souvent, s'était amené en septembre et qui a été pris un peu au dépourvu par la

particularité du handicap, mais qui, tout de même, s'est retourné de bord et a dit: Bon, je me mets à travailler, et qui a même travaillé à comprendre l'enfant, à adapter du matériel, qui y a mis beaucoup de coeur, ce professeur sait qu'en avril il sera remis sur la liste des personnes en disponibilité. Nous avons même perdu à cause de cela des professeurs qui avaient fait énormément dans nos écoles. Cela entraîne beaucoup d'insécurité.

Puis, on parle bien du projet éducatif. Évidemment, ce projet éducatif se met sur pied en collaboration avec toutes les parties concernées. On a parfois un ou deux enseignants. On part du besoin des enfants pour faire le projet éducatif; on se retrouve toujours à repartir pas à zéro, mais presque, dès l'année suivante. Les professeurs arrivent et ils ne savent pas le braille dans une école pour handicapés visuels. Ce sont des cas très concrets qu'on vit. Je voudrais donc vous apporter cette dimension au niveau de la problématique des maîtres. Nous aurions de très bonnes ressources, mais, malheureusement, elles viennent et elles partent et, pendant ce temps-là, ce sont nos enfants qui sont pénalisés, car il faut trois ou quatre mois pour venir à bout de repartir.

Le Président (M. Blouin): Les commentaires de M. le ministre semblent provoquer quelques réactions. Alors, nous allons entendre successivement les réactions et, ensuite, M. le ministre pourra y répondre.

M. Henley.

M. Henley: Est-ce que je pourrais demander à Mme Doré, de l'AQDM, de faire une intervention?

Mme Doré (Louise): M. le ministre, vous parlez de l'aspect pédagogique d'une loi. Vous dites: II ne faut pas minimiser cet aspect comme possibilité de changement des mentalités. C'est un peu à ce sujet que je voudrais intervenir dans le sens que, pour parler d'intégration, vous savez que nous, à l'AQDM, ce qu'on prône, c'est l'intégration, mais pas comme une mesure illusoire ou idéaliste qu'on a un peu retenue hier à la suite de la comparution de la Commission des droits de la personne. Pour nous, c'est possible, l'intégration. Comprenez donc! C'est possible, de façon incarnée, de façon très claire, l'intégration d'une classe avec des services. C'est clair et c'est possible. Ce n'est pas un rêve en couleur et ce n'est pas quelque chose qui, en tout cas, à notre humble avis, coûte si cher que cela dans le sens qu'il y a déjà plein d'argent de dépensé là. Tout ce qu'on dit, c'est qu'il faut réorganiser tout cela et le mettre à la bonne place.

Quand le ministère et le gouvernement en général, et je pense probablement, la société québécoise parlent d'intégration sociale des personnes handicapées, quand on fait des politiques d'ensemble et qu'on dit que, pour l'avenir, c'est dans ce sens-là qu'on va travailler, je dis: Pourquoi ne pas commencer tout de suite? Pourquoi pas? On a maintenant sur la table un projet de loi qu'on peut rédiger dans le sens de nos volontés collectives futures. Pourquoi ne pas déjà le faire? Va-t-il falloir attendre encore six ou dix ans qu'on réamende un projet de loi ou qu'on le reformule? On est là et on dit: C'est peut-être, effectivement, un nouveau projet de société qu'on veut là. Mais n'est-ce pas cela, l'éducation? N'est-ce pas cela, ouvrir la collectivité à des fonctionnements? On dit que l'intégration est possible pour les enfants handicapés. (16 heures)

On parle plus particulièrement des enfants handicapés mentaux. On ne dit pas seulement les enfants handicapés mentaux légers; on dit les handicapés qui sont plus que cela aussi, parce qu'on y croit. Et on dit que cela va dans le sens de leurs intérêts, parce que ne pas les placer en école régulière et en classe régulière, c'est les priver d'un lieu d'apprentissage d'intégration. Si on ne le fait pas au moment de l'école et pendant les quinze ans où ils vont être à l'école, il va falloir le faire à l'âge adulte; il va falloir assurer plein d'autres services de familles d'accueil et ainsi de suite, ce qu'on pourrait éviter en mettant l'argent à la bonne place.

Cela nous semble assez clair que, pour l'enfant handicapé, l'intégration est souhaitable et dans son intérêt. Je vous dirais aussi que je pense que c'est dans l'intérêt des enfants non handicapés. Qu'on ne vienne pas me dire que c'est une perte de temps pour des enfants non handicapés d'intégrer, dans leur classe, des enfants qui ont des difficultés. Même au plan intellectuel - au plan humain, je pense que c'est clair pour tout le monde - essayer de trouver des solutions pour intégrer des enfants qui ont des difficultés, essayer de trouver des manières pour parler avec des enfants qui n'ont pas de langage et pour qui il faut inventer des signes, ne me dites pas qu'il n'y a pas là un défi pour l'intelligence. Nous y croyons, voyez-vous, et de façon concrète.

Nous avons rencontré, cette semaine, à l'association, les représentants d'une commission scolaire ontarienne, la commission scolaire catholique de Hamilton; nous avons rencontré le directeur général de cette commission scolaire, des directeurs d'école et des enseignants. À cette commission scolaire, on pratique l'intégration complète de tous les enfants. Ils partent du principe que l'école est là pour les enfants et que les parents qui arrivent avec des enfants, on leur dit: Bien oui, on va accepter l'enfant, et on verra ce qu'on peut faire.

C'est ce que nous disons. Quand on dit que, pour nous, le système en cascade ne répond pas, cela s'appuie sur le réel; cela ne marche pas, cette histoire-là; les enfants n'apprennent pas dans des classes spéciales. Et, dans les faits, c'est cela qui arrive. Les enfants ne se promènent pas de haut en bas de la chute. On voudrait qu'ils se promènent, qu'ils flottent comme des poissons ou comme les saumons qui remontent les rivières, mais ce n'est pas le cas. Et quand ils sont au bas de la chute, ils restent là.

Intégrons les enfants et faisons des concertations. Ce que vous proposez, M. le ministre, une table de concertation des intervenants avec un plan d'intervention, nous sommes d'accord avec cela. Et on dit: Impliquons tout le monde et creusons-nous la tête, Seigneur. Je ne peux pas croire qu'il n'y a pas assez d'intelligence et de personnes compétentes dans une école, dans une commission scolaire, dans une paroisse pour trouver des façons d'intégrer quatre ou cinq enfants dans une école. Parce que, ce qu'il faut faire, c'est de replacer des proportions.

Par exemple, nous parlons des enfants déficients mentaux. Cela représente environ 60 000 enfants, apparemment, d'âge scolaire au Québec. Mais sur une population donnée, il y a 3% de la population qui est reconnue déficiente mentale. Cela fait trois sur cent. Mais des 3%, il y a 88% de déficients légers. Léger, laissez-moi dire que c'est léger. Non, mais ce n'est pas si loin que cela du normal. Pourquoi faut-il se mettre à faire... Quand on parle de nécessité de services adaptés et tout cela, nous y croyons. Mais on dit que, pour la majorité des enfants déficients, ce n'est peut-être pas si nécessaire que cela. Peut-être que ce qui est nécessaire, c'est un ajustement et une adaptation de ce qu'on offre déjà. Je pense qu'il est temps qu'on reconnaisse la compétence des personnes qui sont en place et des ressources. Je pense qu'il est temps qu'on dise aux enseignants du Québec: Écoutez, vous n'êtes pas si niaiseux que cela. Vous êtes capables d'enseigner. Écoutez, il y a quinze ans, j'enseignais dans une école régulière, dans une classe régulière; j'avais, dans ma classe, des enfants déficients légers. Je ne vous dis pas que j'ai réussi à faire grand-chose avec ces enfants-là, je n'avais aucun soutien. Donc, je faisais ce que je pouvais, qui n'était pas grand-chose. Ce que je peux vous dire, c'est que ces enfants-là n'avaient pas de problème de comportement. Déjà, pas le simple fait de se retrouver avec les autres enfants, ces enfants-là fonctionnaient comme tout le monde; sauf que, effectivement, en lecture, en calcul et tout cela, ils avaient plus de misère. Mais il n'y avait pas d'orthopédagogue, dans le temps, il n'y avait personne et on se débrouillait comme on pouvait. S'ils avaient donc ces services-là! Et, dans le temps, je vous dirais qu'on disait aux plus forts: Bien, pourquoi n'aidez-vous pas? Ce serait brimer l'enfant que de demander au plus fort d'aider le plus faible? Je ne comprends rien là-dedans. Il me semble que c'est, au contraire, stimulant pour les enfants d'aider les autres. Et quand j'ai fait cela avec les enfants qui n'avaient pas de difficulté, il n'y a jamais un enfant qui a dit: On va perdre notre temps. Au contraire, ils étaient contents de le faire. Je dis qu'il est temps de réhumaniser tout cela. Je dis qu'il est temps qu'on prenne confiance en nous-mêmes et dans toutes les ressources qu'on a déjà. Je dis que l'argent qu'on l'utilise à de bonnes fins et à la bonne place. Bon, je pense que j'ai assez parlé. Je pense que vous avez compris.

Le Président (M. Blouin): Mme Laurin. S'il vous plaît! Je signale à nos invités que, malheureusement, nos règlements interdisent de manifester son approbation ou sa désapprobation à l'égard de toute opinion émise. Mme Laurin.

Mme Laurin: D'abord, comme Mme Raby le disait, au niveau de la formation des maîtres, la problématique pour l'enfant handicapé auditif est la même; les maîtres arrivent non formés ou plus ou moins formés. Mon autre question serait au niveau de l'article 14. Ce qui a été amendé ou ajouté est très bien, mais nous, au niveau de l'association, on demandait, pour les enfants de quatre ans, qu'ils aient droit à des services éducatifs. On aimerait bien savoir ce que serait la réponse là-dessus, parce que, pour un enfant qui a des problèmes de communication, l'éducation précoce est très importante.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Mme Saint-Jean.

Mme Saint-Jean: Ce que je voudrais faire, c'est une mise au point pour que vous puissiez comprendre et agir de la façon que tout le monde demande. Je voudrais qu'il soit bien clair dans vos têtes - comme dans la mienne d'ailleurs - qu'une personne handicapée, un enfant actuellement, sera l'adulte de demain. Un adulte a des responsabilités et, peu importe le handicap, tout le monde doit être en mesure de prendre sa vie en main et de fonctionner. Cela peut être autant une personne handicapée qui soit ministre; je ne veux pas vous insulter, mais Lincoln était handicapé et il était le président des États-Unis, tout comme d'autres.

Actuellement, le système scolaire est, après la famille, la base. L'éducation et l'instruction débutent à la petite école. C'est la base pour pouvoir fonctionner dans l'avenir. J'ai vu beaucoup de personnes handicapées, des petits enfants qui ont peut-

être douze ou treize ans, qui ont quitté l'école. Pourquoi? Parce qu'ils avaient trop de problèmes de fonctionnement et qu'ils se sont découragés. Ces enfants ne pourront jamais avoir tout à fait la même maturité qu'une personne adulte normale. Quand je dis normal, j'entends autant un handicapé physique, mental, n'importe qui, qu'une personne qui n'a absolument rien comme handicap. C'est la personne qui va pouvoir fonctionner.

Si vous le preniez en termes de rentabilité, actuellement, cela coûte peut-être des sous, les aménagements, pour ne pas dire des piastres, mais, plus tard, quand la personne va être capable de fonctionner au même titre que tout le monde, cela va être un rouage dans la vie quotidienne. Chaque rouage a un salaire, mais, en fonction du salaire, il y a le rendement. Valeur égale, salaire égal. Moi, je ne marche pas, mais je donne d'autres rendements.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Saint-Jean. M. le ministre.

M. Laurin: Oui, quelques brefs commentaires, M. le Président. Il est bien sûr que nous tenterons de faire du projet de loi l'instrument le meilleur qui soit pour l'atteinte des objectifs que nous partageons, et c'est d'ailleurs le but d'une commission parlementaire d'enrichir la pensée du législateur à cet égard.

Quelques mots sur l'intégration. S'il y a eu un glissement sémantique dans le communiqué, ceci ne voulait pas dire que l'intégration ne constituait pour nous qu'une modalité. Selon le sens qu'on prête à ce mot, on peut même dire que l'intégration, dans un certain sens, c'est l'objectif, la norme que nous poursuivons.

D'ailleurs, quand nous avons rendu publique notre politique sur l'enfance en difficulté d'adaptation et l'apprentissage, on l'a bien dit: Le but négatif, c'était de mettre fin à la marginalisation de la personne handicapée, à la ségrégation de la personne handicapée; c'était de la réinsérer dans le cours normal des activités nécessaires pour le développement de la personne et, ensuite, son insertion sociale et professionnelle. En ce sens-là, il n'y a aucun doute que le mot "intégration" revêt un sens très général et devient même un objectif. Mais, quand on regarde un autre mot, un autre sens du mot "intégration", il peut prendre le sens de l'intégration d'un élève à une classe régulière. Je pense qu'on ne niera pas le fait que ce n'est pas le seul moyen que l'on doive employer.

Par exemple, quand il s'agit d'élèves avec des handicaps très lourds, surtout en tout début de période scolaire, et qu'on se trouve en face d'un handicap extrêmement sérieux, je ne pense pas qu'il soit possible d'intégrer un élève à une classe à ce moment. Il faut passer par d'autres étapes et parfois ces étapes peuvent se prolonger.

Je pense, par exemple, à certains élèves affectés de handicaps auditifs ou visuels très marqués. S'il a été nécessaire de créer même des écoles spéciales suprarégionales pour ces élèves, je pense que c'est parce que cela correspondait à des nécessités. Même, le but de ces écoles spéciales est de faire faire suffisamment de progrès à l'enfant pour que, dès que c'est possible - et le plus tôt sera le mieux - on puisse les intégrer à des classes régulières, mais d'une façon qui leur permette quand même de profiter de l'enseignement régulier.

À ce moment, je rejoins ce que la représentante de l'association de la déficience mentale disait: C'est bien sûr qu'à ce moment on devrait encourager les élèves plus forts, les autres élèves de la classe, à participer à l'éducation, au développement de l'enfant handicapé; de même, les enseignants devraient y participer à fond, même avec l'assistance des autres spécialistes dont nous pouvons maintenant disposer, orthopédagogues ou éducateurs spécialisés. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je reconnais avec vous l'importance des plans d'intervention individualisés. Il y a beaucoup de modalités. Ce n'est que dans ce sens que j'employais le mot "intégration".

Par ailleurs, je répète la distinction entre un droit garanti par un article de loi et un projet éducatif. Un projet éducatif, c'est d'abord un plan d'action élaboré par tous les intervenants de l'école qui conduit, par exemple, à l'établissement annuel ou bisannuel de priorités. Je suis bien d'accord avec vous que cela devrait être une priorité constante, répétée d'année en année, que celle de l'intégration, entendue au sens où on vient de le dire, l'intégration des personnes handicapées de même que l'intégration des personnes mésadaptées aussi ou de décrocheurs potentiels. Je pense que cela devrait faire partie, d'une façon permanente, du projet éducatif d'une école.

Je pense que cela sera d'autant plus possible d'établir une priorité à cet égard qu'il y a quand même dans un projet de loi des articles qui garantissent le droit à ces personnes d'avoir des services adaptés à leur condition et que ces services doivent être dispensés dans le cadre le plus normal possible. C'est dans ce sens que je vois l'arrimage entre les droits garantis dans le projet de loi et le projet éducatif.

Enfin, un dernier mot sur la formation des maîtres. Je suis bien d'accord pour dire que la formation initiale en adaptation scolaire et même la formation spécialisée en adaptation scolaire ne sont pas suffisantes pour atteindre les objectifs que nous nous fixons parce que la science évolue et je sais aussi, par expérience, que les équipes de

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professeurs spécialisés, avec l'esprit d'innovation qui les caractérise, le zèle qu'ils ont pour améliorer leur didactique, leur méthode d'enseigner, ne cessent de se rencontrer et de mettre leurs expériences en commun. Il ne faut sûrement pas séparer cette formation des maîtres, initiale, générale ou spécialisée, du perfectionnement qui continue d'être une obligation constante pour ces spécialistes enseignants comme elle l'est, d'ailleurs, pour tous les professionnels.

D'ailleurs, dans les plans d'amélioration que nous sommes en train de mettre au point sur la formation des maîtres, en adaptation scolaire comme dans les autres disciplines, nous accordons une très grande importance à ces sessions de perfectionnement, soit qu'elles se déroulent dans des institutions universitaires, soit qu'elles ont lieu à l'occasion de journées pédagogiques ou à l'occasion de colloques ou de rencontres spécialisées. Je pense que la problématique de la formation des maîtres doit comprendre tous ces éléments. (16 h 15)

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, c'est avec beaucoup de profit que nous avons écouté les remarques qui nous ont été présentées par les porte-parole des associations qu'il a malheureusement fallu regrouper en une seule table, étant donné les contraintes de temps dans lesquelles nous évoluons. Je voudrais nommer les associations pour que tout le monde puisse nous suivre, surtout ceux qui nous écoutent, parce qu'il y en a peut-être qui n'étaient pas là plus tôt. Il y a l'Association du Québec pour les déficients mentaux, l'Association québécoise pour enfants et adultes ayant des troubles d'apprentissage, l'Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs, l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc., l'Association canadienne de l'ataxie de Friedreich, la Société québécoise de l'autisme et l'Association québécoise des parents d'enfants handicapés visuels.

Vous nous rappelez, seulement par le nom et les objectifs de vos associations respectives, une des plus graves responsabilités de la société québécoise, en particulier de celui qui l'incarne, c'est-à-dire l'État québécois. Si l'État québécois a des responsabilités envers tous les membres de notre société, il en a de manière toute spéciale envers ceux que leur condition a placés dans une situation beaucoup plus difficile sous l'angle de l'égalité normale des chances. Et je pense que vous pouvez compter, de la part des parlementaires de ce côté-ci de la table, sur une sympathie profonde envers les revendications que vous venez d'énoncer. Je le dis d'autant plus sûrement que ma collègue qui prendra la parole tantôt, la députée de Jacques-Cartier, a fait partie, il y a déjà plusieurs années, du comité qui a rédigé le rapport COPEX et que, chaque fois que nous parlons des problèmes d'éducation dans notre formation politique, elle ne manque jamais de rappeler à notre attention les problèmes de l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage et de l'enfance handicapée. Elle le fait avec une persistance exemplaire et une sincérité remarquable. On a pu s'en rendre compte hier et on pourra le constater encore plus tard.

Vous avez souligné justement - je ne me souviens pas lequel des mémoires l'a signalé, mais c'était tellement clair que je pense bien que cela représentait un sentiment général chez vous - qu'on peut bien se gargariser quand on tient un langage général sur les progrès que le Québec a faits dans la voie de l'égalité des chances en matière d'éducation, mais celui qui oserait parler d'une égalité achevée des chances dans les secteurs que vous représentez serait un être coupé de la réalité. C'est évident que nous sommes bien en deçà des normes, même minimales, que nous devrions viser dans plusieurs secteurs. Je me souviens qu'il est arrivé souvent en commission parlementaire, au cours de la dernière année, que des groupes viennent nous rappeler même certains retards et certains mouvements mal conçus ou préparés d'une manière très peu judicieuse - une intégration sauvage auxquels on s'est livré sous prétexte de réaliser des économies, mais sans y mettre les conditions de soutien et d'appui qui auraient permis de faire en sorte qu'une véritable intégration soit possible. Qu'on se fasse rappeler cela à la commission parlementaire au moment où on essaie de refaire la loi sur l'enseignement public dans le domaine primaire et secondaire, je pense que c'est très salutaire. Vous pouvez être sûrs que les observations qui ont été faites seront consignées avec beaucoup d'attention et qu'on les ressortira de nos dossiers lorsque viendra le moment d'examiner le projet de loi article par article. Ce n'est pas le moment à ce stade-ci de s'arrêter à chaque article d'une manière détaillée, mais il y a une foule de suggestions dans vos mémoires que nous examinerons soigneusement.

J'ai été frappé par cette remarque qui revient de manière très générale et qu'il est très facile d'étayer, d'ailleurs. Le ministre a essayé depuis hier de "revaucher" un peu de terrain, mais, comme vous le disiez, plusieurs d'entre vous, le projet de loi 40, qui était censé être le fruit d'années de mûrissement et de préparation, représente un recul par rapport à ce que nous avions déjà.

Je regardais à nouveau, en vous écoutant, les articles de la loi actuelle de l'instruction publique qui traitent de l'enfance en difficulté d'adaptation et

d'apprentissage. On a, dans cette loi, des articles qui sont plus énergiques que ce qu'on trouve dans le projet de loi 40. C'est étonnant parce qu'on est censé faire mieux, quand on prétend refaire la loi au complet, et on se trouve en présence de dispositions qui sont moins contraignantes que celles qu'on trouve dans la loi actuelle. Dieu sait si les dispositions qu'on trouve dans la loi actuelle n'ont pas produit les fruits espérés au moment où elles furent insérées dans la loi. On verra, au cours de la discussion, pourquoi cela s'est produit ainsi.

Déjà, on a essayé de corriger l'impression très juste que vous avez exprimée devant le texte actuel du projet de loi. Il faut que le ministre accepte qu'on juge le projet comme il l'a présenté. Il peut bien nous dire aujourd'hui qu'il a de la bonne volonté et qu'il mettra "doit" où il y avait "peut", mais le ministre doit porter l'odieux du jugement très sévère qui est exprimé sur le projet de loi comme il l'a soumis à la discussion publique. Le fait qu'on ait soumis à la discussion publique un projet aussi imparfait, aussi insuffisant dans un domaine aussi vital traduit - je ne sais pas si c'est une précipitation ou une espèce de volonté de recul, je n'ose le supposer - quelque chose qui n'a pas bien fonctionné dans l'examen de ces problèmes-là. Cela m'étonne énormément parce que je pensais que c'était un secteur - je ne suis pas le plus familier des observateurs dans ce secteur, parce que je suis revenu aux questions d'éducation depuis à peine une année - où on avait des vues plus énergiques. Vous pouvez être sûrs que nous allons veiller à ce qu'il n'y ait pas de recul.

Vous avez exprimé un certain nombre de revendications que je vais essayer de résumer pour m'assurer que je les ai bien comprises; si j'ai oublié ou déformé certains éléments, vous me les rappellerez en toute liberté. Vous voulez d'abord que soit garanti le droit des enfants handicapés à recevoir des services éducatifs de qualité, entre 4 et 21 ans en particulier. Le ministre nous a dit là-dessus que l'article 14, qui est un article clé, serait réécrit de manière à y insérer ce qui y faisait gravement défaut. Nous attendrons d'avoir les textes et, si vous avez des textes à proposer en plus de ce qui a déjà été exprimé dans vos mémoires, nous les étudierons avec attention. Au besoin, nous ferons des textes de notre côté pour faire en sorte que cet article charnière du projet de loi contienne ce qu'il doit contenir.

Vous énonciez aussi le principe suivant: Que l'intégration soit considérée comme un droit et que les services de soutien qui doivent faciliter une intégration réussie soient également considérés comme un droit. Je pense que c'est excellent; il faudra voir à ce que non seulement l'article 14, mais d'autres articles qui traitent de la fourniture de services, autant des services d'enseignement que des services particuliers ou complémentaires, traduisent cet objectif. Je pense que nous sommes prêts à souscrire à cet objectif sans aucune réticence, tout en étant bien conscients des difficultés d'application qui vont évidemment surgir.

J'ai remarqué une chose. Vous demandez que soient clairement établies les obligations de chaque palier d'intervention: l'école, la commission scolaire, le ministère de l'Éducation. En ce qui touche l'école, je pense que l'article 97 est un article charnière parce que le directeur a une responsabilité majeure. On disait: Il peut. On a l'assurance que cela sera une obligation et non pas simplement une des possibilités d'intervention du directeur d'école; il aura l'obligation de faire en sorte que l'enfant handicapé soit intégré. Je pense que ce sera une amélioration sensible.

Nous n'avons cessé de signaler, depuis le début des travaux de la commission parlementaire, qu'il faut absolument que la commission scolaire ait des pouvoirs, des responsabilités claires dans bien des domaines, y compris dans celui-ci. Il ne faut pas être grand clerc pour savoir que, si on voulait régler tout ce problème dans chaque école, on en manquerait des grands bouts. C'est évident qu'il y a toute une panoplie de services qui doivent être conçus et procurés à une échelle plus large que celle de la seule école individuelle. C'est pour cela qu'il faut que la commission scolaire ait les pouvoirs nécessaires pour le faire et qu'elle ait aussi l'obligation d'agir dans ce domaine, un peu comme le dit la loi actuelle, mais en intégrant cela dans l'économie du projet de loi qu'on veut faire adopter.

Il y a une chose que vous avez soulignée qui est intéressante. Les gens demandaient: Est-ce qu'il décentralise avec ce projet de loi? Est-ce qu'il déleste le ministre de certaines responsabilités? À peu près tout le monde, sauf les députés du côté gouvernemental, est venu nous dire qu'on augmentait les pouvoirs du ministre au lieu de les diminuer. On a trouvé un domaine, M. le ministre, aujourd'hui, où on diminue vos responsabilités dans le projet de loi. C'est celui des enfants handicapés, des enfants en difficulté d'apprentissage. Dans la loi actuelle, il est clairement prévu, à l'article 481, que le gouvernement peut, par règlement, déterminer la nature des services éducatifs spéciaux visés à l'article 480. Ce sont les services destinés aux enfants incapables, en raison de déficience physique ou mentale, de profiter de l'enseignement donné dans les classes aux cours réguliers. S'il avait dit: Il aura le pouvoir de faire des règlements, à l'article 308, concernant les services à offrir à l'enfance en difficulté d'apprentissage ou d'adaptation, on n'aurait aucune objection. Cela n'y est pas dans les

pouvoirs du ministre, dans les pouvoirs qui sont énumérés à l'article 308. Est-ce que cela y est?

M. Laurin: Non, cela n'y est pas. M. Lazure: Mais cela va y être.

M. Ryan: Très bien. Le désir de centralisation les a tellement pénétrés qu'il était prêt à se délester de responsabilités qu'il ne saurait loger ailleurs que chez lui, chez le ministre. En tout cas, je suis content, parce qu'on vient de me souffler qu'on va intégrer cela. Cela m'a renversé et c'est très intéressant qu'un des mémoires l'ait rappelé tantôt.

Le ministre a dit justement - je pense que c'est ce matin ou hier - que le gouvernement agit déjà par l'intermédiaire des règles budgétaires. C'est évident que le gouvernement a une action déjà très sensible sur les services qui sont fournis à l'enfance en difficulté d'apprentissage, mais je crois que ce qui est demandé dans plusieurs de vos mémoires, c'est qu'il fournisse des indications claires quant à ce qui est attendu des commissions scolaires et des écoles là-dedans. Il n'y aura pas de difficulté de notre part, parce que c'est un secteur où il faut absolument l'intervention de l'autorité centrale. On nous l'a dît, l'Association des centres d'accueil nous l'a dit l'autre jour, pour les enfants qui ont des problèmes sociaux ou des problèmes de comportement social, il faut absolument que l'autorité commune édicte des normes et trace des programmes et des lignes d'action.

Il faut bien comprendre que les commissaires dans une commission particulière et, à plus forte raison, le conseil d'école, vont être portés à s'occuper des enfants ordinaires et ils ont déjà leur voyage. Il ne faut pas leur imputer de mauvaise volonté. On trouve déjà qu'on en a assez avec les problèmes de nos enfants respectifs. Il faut absolument que l'autorité plus forte du gouvernement vienne rappeler continuellement à ceux qui prétendent offrir des services sur une base d'égalité et aussi de qualité leurs responsabilités spéciales à l'endroit des enfants handicapés. Encore, de ce côté-ci, il me semble, avec vous autres, à fond, je réalise cependant une difficulté qu'a soulignée le ministre, pas parce que je veux l'absoudre à l'avance; pas du tout. C'est évident qu'on ne peut pas tout mettre dans les lois. On pourra bien écrire des chartes; on en écrit beaucoup. Parfois, je relis la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et je me dis: Je ne voudrais pas que le gouvernement engage 1000 enquêteurs pour aller voir tous les endroits où elle est violée chaque jour, parce que cela deviendrait une société invivable. S'il fallait avoir toutes les polices que pourrait suggérer chacun de ces droits qui sont inscrits dans la charte, ce serait très dangereux. C'est bon à titre indicatif, à titre d'instrument de redressement quand une situation devient absolument intolérable, mais je pense qu'on doit compter sur l'opinion publique pour maintenir des normes élevées de services là-dedans, autant que sur des mots comme "doit" ou des expressions contraignantes dans les lois, quoique celles-ci, encore une fois, soient nécessaire. (16 h 30)

C'est sûr que la vraie mesure de l'intérêt du gouvernement pour ce problème, ce ne sera pas de savoir s'il va mettre le mot "doit" à la place du mot "peut". D'après ce que l'on peut comprendre, cela va être dans les programmes qu'il va mettre sur pied. Est-ce qu'il est prêt à consacrer plus d'argent? Est-ce qu'il est prêt à mobiliser plus de ressources? Est-ce qu'il est prêt à pourvoir les organismes de ressources de meilleure qualité? Est-ce qu'il est prêt à voir à ce que le Québec, dans ce domaine-là, soit vraiment à la fine pointe de ce qui est offert de mieux en Amérique du Nord? Je pense que cela va être le vrai test. Et je voudrais le signaler. On attend toujours les politiques du gouvernement dans ce domaine-là, les véritables politiques; pas simplement des énoncés d'intention, les véritables politiques accompagnées des moyens et des instruments d'action que cela nécessite.

Cela est la manière générale dont on voit... Je vais m'abstenir de vous poser des questions parce que le ministre en a posé quelques-unes et ma collègue de Jacques-Cartier va en poser également. Sur le fond, j'ai déjà les principales réponses aux questions que j'avais à poser. Je pourrais vous tenir pendant une heure avec des questions; ce n'est pas du tout par manque d'intérêt, mais c'est parce que je veux que ma collègue de Jacques-Cartier et les autres députés du côté gouvernemental disposent d'une période raisonnable pour poser leurs questions.

Encore une fois, je voudrais conclure en vous disant que mon plus vif désir, comme porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation, sera d'avoir, au cours des prochaines semaines, des rencontres individuelles avec chacune de vos associations, avec ceux de mes collègues qui pourront être intéressés, afin qu'on puisse examiner les problèmes de chaque groupe en particulier, d'une façon spéciale. Il m'est arrivé, ces temps derniers - je vais me permettre de rappeler cela à l'intention de la personne qui représente la société québécoise pour enfants autistiques - de prendre contact avec une école fondée par une personne enseignant à l'Université McGill, une école pour enfants souffrant d'autisme, une école privée créée dans des conditions admirables de service, de

détachement et de zèle pour l'avancement autant de la science que de la condition de ces enfants. J'ai porté le problème à l'attention du ministre, à maintes reprises, depuis six mois. Le ministre m'assure que ses services sont en contact avec l'institution en question. Et je voudrais lui dire que, si une réponse positive peut être apportée dans les plus brefs délais, ce sera une première indication concrète pour moi que les belles paroles gouvernementales ont un sens également. Parce que c'est là une initiative qui est non seulement dans la ligne de vos préoccupations, je pense bien, mais qui est à la fine pointe de l'exploration même scientifique qui doit aussi être une dimension importante. On n'a pas beaucoup parlé de cela, mais c'est ce qui m'a frappé là-dedans, c'est la combinaison d'expérimentation scientifique en même temps que le service très concret rendu à des familles qui sont drôlement en situation où elles ont besoin d'aide.

Encore une fois, j'espère qu'on aura l'occasion de pousser ce dialogue-là plus loin. Je ne veux pas abuser du temps de la commission parlementaire. Je vous remercie surtout d'avoir consenti à nous rencontrer sous la forme consolidée qui, malheureusement, vous a empêchés de vous exprimer pleinement, mais qui est seulement une introduction et non pas un point final.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et responsable de l'Office des personnes handicapées.

M. Lazure: M. le Président, je veux d'abord rendre hommage aux sept associations et à leurs porte-parole. Je veux aussi les identifier à tour de rôle parce que ces associations nationales ou provinciales, si l'on veut, il faut bien se rendre compte qu'elles parlent au nom de plusieurs douzaines d'associations locales, régionales. Ces sept associations, que nous avons devant nous, sont éminemment représentatives. Elles représentent, encore une fois, la presque totalité des 500 associations locales ou régionales de personnes handicapées qu'on retrouve au Québec. L'Association du Québec pour les déficients mentaux, l'Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs, l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc., l'Association canadienne de l'ataxie de Friedreich, l'Association québécoise pour enfants et adultes ayant des troubles d'apprentissage, la Société québécoise de l'autisme et, finalement, l'Association québécoise des parents d'enfants handicapés visuels.

Je dois dire tout de suite, au départ, que je me sens très fier d'avoir fait partie de plusieurs des associations représentées ici aujourd'hui, notamment l'Association du Québec pour les déficients mentaux, où j'ai oeuvré bénévolement pendant plusieurs années. Je dois dire que les présentations faites par M. Henley et par Mme Doré étaient du meilleur cru de ce militantisme qui a toujours caractérisé l'Association du Québec pour les déficients mentaux. On a tous sans doute eu beaucoup de contentement - en tout cas, j'en ai eu beaucoup, je parle pour moi - à écouter Mme Doré tout à l'heure. J'endosse à 100% tout ce que Mme Doré nous a dit tantôt.

Il est bien évident que ce thème général de l'intégration ou de la normalisation doit continuer d'être le fondement de toutes nos actions. Elle nous en a parlé avec beaucoup d'éloquence. Contrairement à ce que peut penser le député d'Argenteuil, je pense qu'il faut revenir aux propos de Mme Doré et se rappeler que, la plupart du temps, cela n'est pas une question de gros sous, c'est une question de mieux utiliser les sous qui sont déjà en circulation. C'est aussi une autre question et là, je rejoins le député d'Argenteuil et comme lui, j'intercède auprès de mon collègue et je suis sûr que nous aurons les résultats escomptés.

Je pense donc que l'autorité centrale, pour reprendre l'expression du député d'Argenteuil, dans un domaine comme celui-ci, l'autorité centrale, c'est-à-dire le gouvernement du Québec, le ministère de l'Éducation, doit, sans d'aucune façon brimer les droits de la majorité, comme nous l'avons fait pour la loi 9, la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en 1978, dans ce cas-ci, assumer aussi une plus grande part d'autorité centrale. Cela peut être de façon transitoire, cela peut être pour une période de cinq ou dix ans. Si on avait le monde idéal qu'on souhaite tous, il ne serait pas nécessaire que le ministère de l'Éducation assume plus d'autorité centralement. On pourrait s'en remettre aux commissions scolaires, on pourrait s'en remettre aux écoles, mais nous connaissons le retard que nous constatons dans notre société, ce n'est pas la faute des enseignants ou des commissions scolaires plus que de nous autres, c'est notre faute à nous tous.

Dans mes remarques générales - et tantôt je vais avoir des remarques particulières pour chacun des mémoires présentés par les sept associations - M. le Président, je souhaite aussi que ce soit en ajoutant dans la loi le pouvoir de se donner un règlement spécial qui va régir - et cela a été demandé dans certains des mémoires -cet exercice du droit qu'aura chaque enfant handicapé d'obtenir des services appropriés à son état; encore une fois, cette responsabilité, nous devons l'assumer collectivement.

Autant le plaidoyer pour l'intégration

de Mme Doré tantôt est exemplaire et convaincant, autant des plaidoyers que d'autres Mmes Doré, il y a 25 ans, pouvaient prononcer publiquement allaient dans le sens contraire. J'ai participé, et même le ministre de l'Éducation, de façon peut-être moins directe que je l'ai fait, parce que je m'occupais plus particulièrement d'enfants dans mon ancien métier de psychiatre, j'ai participé, dis-je, au sein de l'AQDM à des campagnes pour la création d'écoles spéciales, de classes spéciales. Alors, il faut tenir compte de l'évolution de la société. C'est évident que nous ne pouvons pas blâmer les enseignants ni les commissions scolaires ni le ministère de l'Éducation, mais je pense que, pour quelques années encore, étant donné que c'est un revirement important, il faut que le ministère de l'Éducation assume un leadership extrêmement vigoureux. C'est encourageant de voir que l'Opposition semble tout à fait d'accord pour que le gouvernement aille dans cette direction.

Deuxième et dernière remarque générale, plusieurs mémoires nous ont dit aujourd'hui que, sur certains points, le projet de loi 40 est un recul. J'entendais tantôt le député d'Argenteuil qui disait: Oui, cela semble avoir été un recul. Là, il y a des décisions que le ministre a annoncées hier qui vont corriger certaines choses. Je veux essayer de démontrer que, même en dehors des amendements que le ministre a rendus publics aujourd'hui et qui répondent aux voeux de plusieurs mémoires, il y a des articles actuels dans le projet de loi 40 qui nous font faire des pas en avant au lieu de nous faire reculer.

Par exemple, en ce qui concerne les droits aux services éducatifs, la loi actuelle dit, à l'article 189, que la commission scolaire est obligée d'assurer l'instruction des élèves sur son territoire. Mais aucun article dans cette loi actuelle ne définit les services éducatifs ou les droits des élèves à de tels services, alors que, dans l'article 199 du projet actuel, on en fait obligation à la commission scolaire, mais, ce qui est intéressant, c'est que le chapitre I du projet définit les services éducatifs. C'est nouveau. Ce n'est pas un recul, c'est nouveau. On définit les services éducatifs. On parle de formation et d'éveil, enseignement, services complémentaires, services particuliers.

Le ministre s'est montré réceptif à la possibilité que, lorsque la commission scolaire ne peut exercer son devoir de fournir le service dans son propre territoire, le texte de loi dise non pas "peut" mais "doit", "...dans de tels cas, lorsqu'elle ne peut l'assurer sur son territoire, doit conclure une entente avec une autre commission scolaire." Si effectivement le texte, là aussi, est raffermi, je pense que c'est un progrès encore plus considérable.

Un deuxième exemple, non pas de recul mais de progrès, en ce qui concerne l'intégration. La loi actuelle ne fait aucune obligation aux commissions scolaires d'établir des normes d'organisation des services éducatifs aux personnes handicapées alors que l'article 204 du projet actuel, tel qu'amendé, fait obligation à la commission d'établir des normes d'organisation des services éducatifs pour les enfants handicapés ou pour ceux qui souffrent de difficulté d'apprentissage, toujours dans le but de favoriser l'intégration scolaire.

Troisième exemple: le plan d'intervention. La loi actuelle sur l'instruction publique ne contient aucun article obligeant la commission scolaire ou l'école à établir un plan d'intervention propre à chaque élève handicapé - fouillez toute la loi actuelle et vous ne trouverez rien - alors que le projet de loi, à l'article 97, tel qu'amendé aujourd'hui par le ministre, fait obligation aux directeurs d'école d'établir un plan d'intervention adapté à chaque élève handicapé ou en difficulté d'apprentissage, toujours pour favoriser son intégration dans une classe ordinaire ou une activité ordinaire à chaque fois que cette intégration est jugée possible et propre à faciliter son insertion sociale.

Encore une couple d'exemples, la participation des élèves ou des parents. La loi actuelle ne contient aucune disposition assurant le droit des élèves ou de leurs parents à participer à la définition des normes d'organisation des services éducatifs aux élèves handicapés, alors que les articles 185, 186 et 97 assurent le droit des élèves, de leurs parents et des organismes spécialisés de participer: 1. À l'élaboration des normes d'organisation des services éducatifs aux élèves handicapés; 2. À l'établissement d'un plan d'intervention adapté à chaque élève; 3. À l'affectation des ressources financières allouées pour de tels services. (16 h 45)

Finalement, un cinquième exemple: le droit de recours qu'on réclame tous depuis quelque temps: le protecteur de l'élève. La loi actuelle ne contient aucune disposition à cet effet. Le projet de loi, surtout avec la clarification qui a été exposée par le ministre aujourd'hui, va dorénavant assurer chaque région du Québec de la présence d'un Protecteur du citoyen pour les élèves. Je pense qu'avec tous les nouveaux droits et tous les nouveaux "doit" plutôt que les "peut" qui vont apparaître dans ce projet de loi, accompagnés de la présence régionale d'un ombudsman de l'élève-citoyen, toujours avec l'appui des 500 associations qui sont représentées ici, nous avons à ce moment-là des garanties assez sérieuses quant au respect de l'implantation de ce projet de loi.

Quelques remarques particulières, en commençant par l'Association du Québec

pour les déficients mentaux. J'ai noté une demande dans le sens que les services éducatifs soient améliorés, non seulement pour ce qu'on considère comme le primaire et le secondaire habituels quant aux âges des enfants, mais aussi jusqu'à 21 ans. Je pense que c'est particulièrement pertinent chez les jeunes handicapés mentaux. Comme on le sait tous, le rythme d'apprentissage scolaire est plus lent. L'apprentissage scolaire doit être accompagné très souvent de l'adolescence jusqu'à 21 ans. La loi 9 assurant l'exercice des droits des personnes handicapées oblige maintenant les commissions scolaires à fournir des services jusqu'à 21 ans, mais il ne faut pas se cacher, M. le ministre, chers collègues, que, dans bien des cas, les services éducatifs entre 16 et 21 ans, que ce soit pour le jeune déficient mental ou d'autres jeunes personnes handicapées, sont loin d'être aussi développés qu'on le souhaiterait et notamment pour le jeune adolescent présentant une déficience mentale.

J'ai bien aimé aussi les remarques de Mme Doré vis-à-vis de cette espèce de mythe dont on est responsable, dans notre société nord-américaine en particulier, qui veut que toute action éducative valable auprès du jeune déficient mental doit être exercée par un spécialiste. C'est raccroché à l'autre mythe qui veut que tout programme valable d'éducation adaptée, appropriée doit coûter très cher. Les deux vont ensemble. C'est bien évident que, si vous prenez constamment la béquille du spécialiste, cette béquille-là va vous coûter très cher. Je partage entièrement les vues de la porte-parole de l'Association du Québec pour les déficients mentaux, à savoir que, dans la plupart des cas, l'enseignant général, au fur et à mesure que sa formation sera mieux éclairée du point de vue des problèmes du jeune déficient mental ou du jeune ayant un handicap visuel, peu importe le type de handicap, au fur et à mesure qu'on améliorera sa formation générale, je pense que, dans bien des cas, on pourra augmenter l'intégration. Il y a eu certains progrès au point de vue de l'intégration. Hier soir, j'avais l'occasion de citer le pourcentage des élèves au primaire et au secondaire qui sont maintenant intégrés. Au moment du sommet - donc, il y a à peine deux ans - 47% des jeunes au Québec, au niveau du primaire et au niveau du secondaire, étaient intégrés dans des classes régulières. Aujourd'hui, c'est-à-dire deux ans plus tard, c'est 55%. Cela continue d'augmenter, mais cela devrait aller plus vite. Je pense qu'il faut toujours revenir à ces 3%, à cette proportion.

Une dernière remarque sur l'intervention de Mme Doré. Cela rejoint tellement tout le discours que plusieurs d'entre nous qui croyons à l'intégration tenons depuis plusieurs années. Il y a beaucoup de modèles un peu partout, même au Québec, où dans une classe de 25 élèves on peut intégrer, si on y va par petites doses, un, deux, trois élèves souffrant de déficience mentale, présentant une déficience mentale ou d'autres handicaps. L'Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs a parlé notamment de cette possibilité pour une commission scolaire de conclure une entente avec une autre commission scolaire. C'est un des groupes qui demandaient qu'on resserre le texte et je pense que vous avez satisfaction de ce point de vue. J'avais une question à poser; une fois que j'aurai terminé mes remarques -j'achève - peut-être que Mme Laurin ou d'autres pourront réagir à quelques questions que je vais intercaler dans mes remarques.

J'ai cru comprendre que l'Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs avait des réticences vis-à-vis de ce que nous appelons l'école nationale. Est-ce que vous laissez entendre que vous préférez la multiplication d'écoles régionales ou suprarégionales?

L'Association de paralysie cérébrale du Québec a touché brièvement au domaine de l'éducation aux adultes. C'est vrai que le projet de loi est plus ou moins silencieux à cet égard. Je pense que cela a été voulu, dans la mesure où la politique gouvernementale est à peine terminée quant à l'éducation pour les adultes. Si je peux me permettre une suggestion aux porte-parole de l'Association de paralysie cérébrale du Québec, je crois comprendre que, la semaine prochaine, l'Institut canadien d'éducation des adultes doit venir à la commission parlementaire. Il serait peut-être opportun que votre association ait des contacts, si ce n'est pas déjà fait - ou d'autres associations parmi les sept qui sont ici aujourd'hui - pour qj'on puisse faire le lien avec l'Institut canadien d'éducation des adultes pour s'assurer que celui-ci tiendra compte dans ses revendications des adultes présentant certains handicaps.

Au nom de l'Association canadienne de l'ataxie de Friedreich, Mme Saint-Jean nous présente une suggestion intéressante, assez originale. Elle dit: Dans le cas de tout jeune qui présente ce handicap, pourquoi le monde scolaire ne recourrait-il pas à des adultes qui ont vécu ces années avec le même handicap? Cela peut ouvrir une avenue fort intéressante, non seulement pour ce type de handicap, mais pour bien d'autres handicaps. Je pense que le message devrait être retenu par le ministre de l'Éducation, ses collègues, les commissions scolaires, pour qu'on saisisse cette offre de bénévolat qui viendrait donner un coup de main fort précieux au personnel enseignant.

Mme Costopoulos qui nous a parlé au nom de l'Association québécoise pour enfants et adultes ayant des troubles d'apprentissage

- je salue au passage une ex-collègue de Sainte-Justine - nous a parlé du droit des élèves qu'on appelle, dans le monde de l'éducation, élèves ayant des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage aux services éducatifs gratuits jusqu'à l'âge de 21 ans.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je ne veux pas interrompre le ministre, mais je veux signaler qu'il y a déjà une bonne vingtaine de minutes qu'il parle. Je ne sais pas s'il entend parler encore bien longtemps, mais je veux lui rappeler qu'il y a encore beaucoup de travail à faire à la commission.

M. Lazure: Cela fait exactement 20 minutes. Je conclus dans deux minutes, M. le Président. Je veux simplement suggérer à Mme Costopoulos et à son groupe de faire le lien avec l'Office des personnes handicapées parce que, dans certains cas de jeunes qui ont des troubles d'apprentissage, il est clair que la définition contenue dans la loi pour les personnes handicapées peut s'appliquer à ces élèves.

M. le Président, la Société québécoise de l'autisme nous a présenté des recommandations très spécifiques et a insisté sur l'aspect de la protection du citoyen-élève. Je pense que nous devons saluer sa contribution.

Finalement, l'Association québécoise des parents d'enfants handicapés visuels a traité des difficultés un peu particulières qu'on peut retrouver, si j'ai bien compris, dans les écoles suprarégionales ou nationales spécialisées pour les enfants ayant des troubles visuels. Là encore, je pense qu'il va falloir - c'est ma dernière remarque - qu'on revienne à l'article 33 du projet de loi pour rassurer votre association, Mme Raby. Il n'est pas exact de dire que c'est trop vague. L'article 33 est très clair. Le ministre, lorsqu'il va établir une école à vocation régionale ou nationale, va indiquer non seulement le nom, l'adresse et le statut linguistique, mais aussi le mode d'administration - c'est important - les services qu'elle va offrir. À ce moment-là, il est bien évident que, si on suit le modèle de l'école pour l'ensemble de la population enfantine, dans le cas d'une école spécialisée pour des enfants ayant des troubles visuels, si les parents le désirent, ce sont eux qui, majoritairement, pour ne pas dire unanimement, vont prendre le pouvoir, le contrôle de ce conseil d'école, dans le cas d'une école superspécialisée.

M. le Président, en concluant, je répète le souhait que je faisais hier - et je reprends la remarque d'un des porte-parole des sept groupes - que mon collègue, le ministre de l'Éducation, utilise au maximum les recommandations qui nous sont faites dans les sept mémoires qui, au fond, rejoignent les recommandations que nous trouvons dans le document qui a été préparé à la fois par l'Office des personnes handicapées et par l'ensemble des associations des personnes handicapées du Québec. Merci aux associations.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.

Je dois, cependant, signaler à nos invités que je devrai tenir compte également de l'intervention qu'a faite M. le député d'Argenteuil, qui est fort juste d'ailleurs, et vous demander, si vous avez des remarques à ajouter aux propos qu'a tenus le ministre, de nous les présenter le plus brièvement possible.

Mme Costopoulos.

Mme Costopoulos: Je m'excuse, il y a longtemps que j'ai parlé. Cela fait longtemps que je vous écoute. Cela fait deux fois, M. Lazure, que vous nous servez les 47% à 55% d'intégration. Nous avons malheureusement vu, dans plusieurs commissions scolaires, de l'intégration nouvelle faite depuis deux ans, mais, trop souvent, au détriment des services. Dans une commission scolaire de la rive nord, quinze postes d'orthopédagogues ont été coupés. Évidemment, tous les élèves qu'ils desservaient ont été intégrés.

Le Président (M. Blouin): Mme Laurin.

Mme Laurin: Au sujet des écoles nationales, M. Lazure, vous avez très bien compris. Déjà avec des écoles suprarégionales la distance que l'enfant a à parcourir est énorme. Donc, si on revient à une école nationale, cela devient encore pire que ce qu'on a présentement. À ce sujet, j'aimerais ramener le fait qu'on tient très fort à ce que ce soit des conseils d'école au même titre que dans les écoles, car je pense que, pour nos enfants, c'est aussi important que pour d'autres.

Je demanderais peut-être à l'AQPEHV, à Mme Raby, si elle n'a pas des choses à ajouter, parce que je pense que la problématique à ce niveau-là est la même pour elle que pour nous.

Le Président (M. Blouin): Mme Raby.

Mme Raby: Permettez-moi, vu que ma secrétaire générale a de fréquents contacts, un peu partout dans la province, avec des parents d'enfants, de lui demander de venir compléter ou apporter des précisions concernant l'école suprarégionale pour nos enfants handicapés visuels.

Le Président (M. Blouin): Je souhaite, cependant, ne pas trop déplaire à votre

secrétaire générale...

Mme Raby: Nous le ferons rapidement.

Le Président (M. Blouin): ...en lui signalant qu'il faut faire vite maintenant.

Mme Bélisle (Rachel): II y a une chose que je trouve importante à dire à M. Lazure. Hier, il a été question de pensionnats. On s'est consulté entre organismes et, à notre connaissance, il n'existe pas de pensionnats. Il y a beaucoup de préjugés qui courent les corridors sur les écoles spéciales. On a l'impression, dans les propos de M. Lazure, en parlant de l'AQDM, que les écoles spéciales c'est un retour de 25 ans en arrière. On fait des généralisations. Je pense à nos organismes. Il y a quelque chose qu'il faut vraiment apprendre; c'est de ne rien généraliser. Je pense que, concernant les écoles spéciales pour les enfants handicapés visuels, si le Québec se dotait de deux écoles suprarégionales ou avec des nuances pour le primaire et le secondaire, si le Québec se dotait de réelles écoles spéciales, il serait à l'avant-garde; il ne serait pas 25 ans en arrière. Par rapport au conseil d'école et à l'école nationale, les parents de l'association ont la même position que l'AQEPA. Il n'est pas non plus question d'avoir une seule école pour les élèves handicapés visuels. (17 heures)

Le Président (M. Blouin): Cela va.

Mme Bélisle: Alors, comme c'est bref, cela va se limiter à cela.

Le Président (M. Blouin): Très bien, merci. Merci, M. le ministre. Avant de passer la parole à Mme la députée de Jacques-Cartier, M. le député d'Argenteuil m'a dit qu'il avait un bref commentaire additionnel.

M. Ryan: C'est une observation que j'ai oublié de vous transmettre, tout à l'heure, de la part de Mme Thérèse Lavoie-Roux, députée de L'Acadie, qui est aussi chargée du problème des personnes handicapées au sein de notre groupe parlementaire.

Mme Lavoie-Roux était avec nous depuis le début des travaux de la commission, mais elle a dû rentrer à Montréal hier parce qu'elle avait des devoirs pressants auxquels elle devait vaquer dans son comté, aujourd'hui. Elle m'a prié de l'excuser auprès de vous et de vous assurer de son vif intérêt pour les problèmes des secteurs que vous représentez. Je passe la parole à Mme la députée de Jacques-Cartier.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais saluer votre présence aujourd'hui. Je suis très heureuse, car vous êtes venus nous présenter des mémoires d'une très grande qualité et de bon sens. Vous avez souligné l'urgence de vos demandes. Je vous félicite d'avoir décidé de vous regrouper afin d'augmenter l'impact de votre message et de souligner votre unité face aux principes qui soutiennent vos revendications, même si les besoins des enfants que vous représentez sont très diversifiés.

Les besoins des enfants en difficulté me préoccupent depuis longtemps. Mon expérience avec l'Association québécoise pour enfants et adultes ayant des troubles d'apprentissage m'a enrichie sur le plan personnel et m'a amenée à une meilleure compréhension des besoins de tous les enfants, réguliers et spéciaux. J'y ai appris deux choses qui sont fondamentales pour moi. D'abord, j'ai appris que les principes qui sont à la base d'une bonne éducation sont les mêmes pour tout le monde. Je parle du principe de la reconnaissance et du respect de la dignité de la personne. Deuxièmement, j'ai appris, lors de ces contacts - mon travail avec des parents ayant des enfants avec des difficultés d'apprentissage - qu'il est grand temps qu'on révise, qu'on repense nos priorités sociales car, si une bonne éducation coûte cher, le coût de l'échec, ceux qui sont mal servis dans notre système d'éducation, sur le plan social, sur le plan humain, sur le plan financier pour l'État, est dix fois plus élevé que le coût d'une bonne éducation.

J'ai eu l'honneur de participer, il y a maintenant dix ans, à la préparation d'un rapport, le rapport COPEX; nous l'avons présenté en 1976 au gouvernement. On a étudié pendant trois ans - je crois que nous avons eu 300 réunions, quelque chose d'aussi extraordinaire - pour produire quelques recommandations que je trouve encore très fondamentales et qui sont encore urgentes, parce que, dans une grande mesure, le gouvernement n'a pas répondu adéquatement à ces résolutions.

En 1976, nous avons proposé - et je lis la recommandation 20 de notre rapport -"que le ministre de l'Éducation, suite à l'adoption d'une politique officielle d'intégration des enfants en difficulté, élabore un plan et des stratégies réalistes visant le plus possible à l'insertion de l'enfant en difficulté dans la classe régulière et dans l'école régulière, en vue de contribuer à son développement optimal et à son intégration sociale; que ce plan soit appliqué de façon graduelle et s'accompagne d'une évaluation continue."

Recommandation 27. "Que l'entente collective entre instituteurs et commission scolaire tienne compte des besoins généraux et spécifiques des enfants en difficulté

d'adaptation et d'apprentissage; que cette entente permette l'engagement d'un personnel diversifié d'éducation, de rééducation, de réadaptation et qu'elle en précise les fonctions; qu'elle favorise l'organisation d'une gamme variée d'interventions s'insérant dans une politique d'intégration graduelle, partielle ou totale, à l'école, etc."

Plus loin: "Que le ministre de l'Éducation adopte une politique officielle et un programme provincial de formation des maîtres oeuvrant auprès de l'enfance en difficulté, etc." "Des programmes de formation obligatoire de premier cycle qui rendent tout enseignant apte à prévenir, à dépister et à corriger les difficultés mineures d'adaptation et d'apprentissage."

Plus loin, on parle du financement des services: "Que les dispositions et les règles budgétaires du secteur public assurent en faveur des enfants en difficulté d'adaptatation et d'apprentissage un accès équitable aux ressources générales mises à la disposition de la commission scolaire et qu'elles donnent droit à un budget protégé -très important - pour des mesures spéciales destinées à répondre exclusivement aux besoins de ces enfants.

Alors, qu'est-ce que le gouvernement a fait? Il a adopté la politique d'intégration, mais, en même temps, le gouvernement a coupé successivement, année après année, le budget des commissions scolaires. Le résultat, bien documenté, se retrouve dans un document préparé par la Centrale de l'enseignement du Québec, publié en 1981. À la page 44, la centrale dit: Le MEQ propose de démarginaliser les enfants en difficulté en les intégrant dans des classes régulières. Il nous faut bien constater que, sous le discours humaniste, se cache un objectif d'économie. On fait l'intégration pour économiser et ce, aux dépens des étudiants et des travailleurs de l'enseignement.

Le processus d'intégration, tel que défini par le MEQ, s'accélère. Ainsi, on constate, en 1980-1981, une diminution de la clientèle identifiée comme éprouvant des difficultés. Une diminution de 50% supérieure à la baisse de la clientèle du secteur régulier se poursuivrait également, en 1981-1982.

Si on déclare moins d'enfants en difficulté, ce n'est pas que moins d'enfants éprouvent des difficultés à l'école. C'est que cette politique permet de diminuer les effectifs enseignants. En plus de la réduction des services fournis par le personnel enseignant, on note une diminution importante des services d'évaluation, de rééducation, la perte de psychologues, la perte d'orthophonistes la perte d'orthopédagogues, etc. Bref, l'intégration se poursuit partout où elle permet des économies, surtout sur le nombre d'enseignants et de professionnels.

Je n'ai pas le temps de lire davantage. À cette époque, j'étais présidente d'une commission scolaire a Montréal et je sais que ce n'est pas le gouvernement qui a émis des règlements qui disent de couper dans le personnel des psychologues, le personnel spécialisé, mais comme c'était la seule marge de manoeuvre dont disposent les commissions scolaires, ce sont ces ressources dont on a tellement besoin pour appuyer cette politique d'intégration qu'on a coupées. C'est là le problème. Il faut une reconnaissance, sur le plan financier, de tous ces besoins pour appuyer une saine et bonne éducation pour des enfants qui ont des besoins spéciaux.

La situation ne s'est pas améliorée. J'ai lu, dans Le Soleil du jeudi 2 février, hier: "II n'y a pas un seul éducateur - il y a ici des commentaires inspirés par les recherches du Conseil supérieur de l'éducation au niveau secondaire - qui oserait s'insurger contre la politique ministérielle d'intégration des jeunes en difficulté... On veut bien que ces enfants soient rapatriés dans les classes régulières. Mais quel soutien donne-t-on aux enseignants pour les aider? Et quels services offre-t-on à cette clientèle? Une éducatrice qualifie de frauduleuse l'intégration telle qu'elle se pratique actuellement. Les enfants sont laissés à eux-mêmes, faute de spécialistes. Les coupures budgétaires ont frappé particulièrement le personnel non enseignant." Alors, la même situation continue.

Mme Doré a dit quelque chose de très important. Elle a dit: II ne s'agit pas de gros sous, mais il faut mettre vos sous au bon endroit. Le ministre Lazure a oublié la deuxième partie de ce message. C'est vrai. Je crois fermement qu'il y a assez d'argent, mais il faut mettre cet argent dans l'éducation. On n'a pas assez d'argent pour l'éducation préscolaire, pour les garderies, pour les spécialistes, pour former nos enseignants, pour le dépistage, pour les psychologues. On n'a pas assez d'argent pour cela, mais on en a assez pour construire des centres d'accueil pour les jeunes délinquants qui coûtent dix fois, vingt fois plus cher par jour. C'est là le problème. Ce sont les priorités de notre société. (17 h 15)

Ce projet de loi 40 est étonnant; vous l'avez d'ailleurs souligné dans vos mémoires. Parce que ce projet de loi n'assure, en aucun sens, une bonne éducation, surtout pour nos enfants en difficulté. Le ministre a parlé de l'article 14. Non, M. le ministre, ce n'est pas satisfaisant, parce qu'on pourrait parler d'un droit, mais chaque loi doit avoir des obligations correspondantes. Les obligations ne sont pas dans cette loi, voilà le problème. J'appuie les remarques du député d'Argenteuil. Il est grand temps que le gouvernement repense en profondeur toutes ses politiques, dont la Loi sur l'instruction

publique, pour manifester un engagement ferme d'assurer une éducation de qualité, dispensée avec continuité et de façon personnalisée pour tous nos enfants. Je n'ai que...

Le Président (M. Blouin): En quatre minutes, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Quatre minutes?

Le Président (M. Blouin): Quatre minutes.

Mme Dougherty: Est-ce que vous recevez - et je parle à tout le monde - des subventions du gouvernement pour le travail de vos organismes? Est-ce qu'on pourrait faire un petit sondage?

Mme Raby: Nous recevons une subvention annuelle de l'Office des personnes handicapées...

Mme Dougherty: Je ne pourrai pas...

Mme Raby: Pour ce qui est de notre organisme, nous fonctionnons avec une subvention annuelle de l'Office des personnes handicapées.

Mme Locas: Même chose pour la Société québécoise de l'autisme.

Mme Costopoulos: Nous avons une petite subvention du ministère des Affaires sociales, entre autres; pas d'autres subventions ministérielles.

Le Président (M. Blouin): Mme Saint-Jean.

Mme Saint-Jean: Je le crois. Je ne m'occupe pas des finances. Je sais qu'il y a des projets PILE, mais, à part cela, je ne suis pas au courant de quoi que ce soit.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Saint-Jean. On me dit que vous en recevez.

M. Bouchard: Nous n'avons pas de subvention statutaire, mais nous essayons d'exploiter la gamme des programmes qui peuvent exister tant au fédéral qu'au provincial pour mettre en place des services palliatifs, notamment au niveau de la stimulation précoce, du transport médical pour pallier l'absence de ressources existantes. Si cela peut répondre à votre question.

Le Président (M. Blouin): Mme Laurin.

Mme Laurin: Oui, nous recevons une subvention du gouvernement.

Le Président (M. Blouin): Ça va. M.

Henley.

M. Henley: Environ 20% de notre budget annuel vient de L'OPHQ.

Le Président (M. Blouin): Environ 20%, très bien. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Est-ce que j'ai le temps de poser une petite question?

Le Président (M. Blouin): Deux minutes.

Mme Dougherty: J'avais l'intention de vous poser une question, surtout à vous de l'AQEPA, qui avez critiqué très sévèrement le projet de loi, parce que, en donnant le pouvoir à tout monde, personne n'est responsable. Vous avez soulevé plusieurs questions - ma question s'adresse à tout le monde - mais je n'ai pas vu dans votre mémoire de suggestions concrètes pour améliorer la loi surtout au niveau de l'école pour assurer les services dont vous avez besoin.

Le Président (M. Blouin): Très rapidement, Mme Saint-Jean.

Mme Saint-Jean: J'ai vécu moi-même des problèmes; j'ai étudié pendant 25 ans. Je me suis débrouillée un peu toute seule. Je me suis aperçue que certains professeurs, même la plupart, manquent de dynamisme et d'imagination. Si, moi, j'ai pu fonctionner dans mes études, comme plusieurs, c'est parce que j'avais des professeurs qui avaient l'esprit un peu plus ouvert, qui comprenaient et qui trouvaient des moyens. Ils nous posaient des questions et je leur demandais des choses, et cela ne coûtait pas de sous supplémentaires au gouvernement. Il faut quelqu'un qui a peut-être plus de créativité. Actuellement, il se donne des cours de créativité ou de communication, qui ne sont pas de l'enseignement. Il y aurait peut-être moyen d'insérer la communication possible. Je me souviens, je demandais à M. Laurin, lors d'une conférence de presse en 1980, de former le personnel en général, soit celui qui a des rapports avec les personnes handicapées, les médecins, les infirmières, les architectes, les professeurs. Il avait donné un quatrième mandat au sous-ministre de l'Éducation, qui était derrière moi, de s'occuper de cela. Je n'ai jamais eu de réponse à mes lettres.

La solution que je vois, cela s'est fait... J'ai commencé l'école en 1956 et j'ai terminé en 1983. S'il y a eu des gens auparavant, s'il y en a qui vivent encore actuellement, pourquoi n'y en aurait-il pas d'autres? Pourquoi n'y aurait-il pas moyen de faire un dépistage? Le personnel enseignant,

ceux qui n'ont pas assez d'imagination, peut-être qu'il y aurait moyen de créer avec les parents, avec certains professeurs, avec les commissions scolaires, des consultations et des discussions avec des questions pertinentes et en intégrant la personne elle-même. Moi-même, lorsque j'avais six ans, je me rendais compte que je n'étais pas normale. Je ne pouvais pas le dire, mais je savais que j'avais un problème. C'est le cas de beaucoup d'enfants, même de ceux qui ont de la misère à parler, ils ne peuvent pas le dire.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Saint-Jean. M. Bouchard.

M. Bouchard: Pour répondre à votre question, vu d'abord que le projet de loi qu'on a reçu était plutôt silencieux quant aux services éducatifs et aux buts qu'il voulait viser dans le cadre de la réforme proposée, vu aussi qu'on veut quand même respecter le mot "partage" qui semble être voulu de la plus grande partie de la population quant aux pouvoirs aux commissions scolaires, il nous est très difficile, je pense, de dire ou d'essayer de voir quelle forme de responsabilité et à qui on pourrait ajouter des responsabilités pour des mandats qui ne sont pas explicités dans le projet de loi.

Dans ce sens-là, vous pouvez comprendre qu'on ne pouvait pas réclamer des responsabilités pour des mandats qu'on ne semblait pas vouloir confier au système d'éducation.

Le Président (M. Blouin): Mme

Robitaille-Rousseau.

Mme Robitaille-Rousseau (Monique): M. le Président, je voudrais réagir à l'énoncé de Mme la députée quand elle disait qu'on réclamait - elle parlait du rapport COPEX, je pense - des spécialistes et tout cela. Je pense que nous en tant que parents de déficients mentaux, on ne nie pas le besoin de spécialistes, mais on a dû se rendre compte au cours des années qu'on est resté tellement accroché aux spécialistes qu'on en est venu à définir nos enfants comme ne pouvant fonctionner qu'avec des spécialistes. Je pense qu'il y a de l'évolution qui est en train de se faire. Malheureusement, on se rend compte que c'est peut-être plus vrai au niveau d'autres ministères qu'au niveau du ministère de l'Éducation, dans le sens qu'aujourd'hui on nous dit que notre enfant doit vivre en société, qu'on doit le préparer pour cela, qu'on doit lui réclamer sa place. Quand j'arrive au niveau de l'école, je me rends compte qu'on fait face à un milieu où on est axé sur la performance. À partir des spécialistes, je pense qu'on étiquette de plus en plus d'enfants. Pour les autres, cette semaine, on nous disait dans les journaux qu'on va en faire des délinquants, en plus des décrocheurs. Nous devons constater aujourd'hui que les spécialistes ont servi dans plusieurs cas à isoler nos enfants de la société. Je veux dire qu'on fait constamment la somme des différences pour isoler quelqu'un. Quand l'enfant revient chez nous, c'est beau la cage dorée, le milieu protégé, mais, quand il revient à la maison, c'est dans la société qu'il faut qu'il fonctionne, il doit vivre à côté des autres. Malheureusement, les autres ne le connaissent pas. L'école, c'est le premier niveau actuellement où on apprend aux enfants que nos différences font qu'on ne peut pas vivre ensemble, qu'il n'y a pas de prise de conscience intéressante à faire dans cela. Nos enfants, quand ils reviennent à la maison, ne sont pas en mesure actuellement de fonctionner dans la société justement à cause des milieux différents où on les fait vivre. Il y a toute une évolution que nous demandons. J'ai entendu à plusieurs reprises, ici même, cet après-midi, une expression qui me frappe beaucoup comme parent, quand on parle de changement de mentalité. Maintes fois on entend définir la personne handicapée comme étant une personne qui souffre. Nos enfants ne souffrent pas. Ils ne sont pas malades, ils sont différents tout simplement. Nos enfants souvent sont peut-être les personnes les plus heureuses qu'on peut trouver parce qu'ils ne se font de problèmes là où il n'y en a pas.

Le Président (M. Blouin): II faut conclure Mme Rousseau, s'il vous plaît.

Mme Robitaille-Rousseau: Face au monde de spécialistes qu'on a créé et quant à une réallocation des ressources, la question que je me pose comme parent est: Est-ce que je vais continuer constamment, en termes d'intégration scolaire, à dépendre de la bonne volonté d'une personne d'une année à l'autre sans savoir ce que je peux avoir comme garantie pour mon enfant? Je suis un parent qui travaille en vue de l'intégration scolaire depuis quelques années. Je vois des situations aussi où un parent se fait dire le midi que son enfant intégré en maternelle vient de terminer le matin. Ce sont des situations réelles qu'on vit comme parent. On se pose beaucoup de questions par rapport à l'avenir. Des belles politiques sur les tablettes du gouvernement, il y en a plein, mais ce qu'on vit dans la réalité, c'est autre chose.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme Robitaille-Rousseau. Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Malheureusement, nous devons maintenant...

Mme Raby: ...très rapide.

Le Président (M. Blouin): Allez-y très rapidement, Mme Raby.

Mme Raby: Très rapidement. Quant aux propositions concrètes pour améliorer le projet de loi, je crois que chacun de nos organismes, à un moment ou à un autre, a acheminé auprès du ministère de l'Éducation des documents, des textes dans lesquels on fait part de notre clientèle, ce qu'elle est, des besoins qu'elle a de et ce qu'on attend comme services. Il serait peut-être bon de retourner, M. le ministre, à ces documents.

Le Président (M. Blouin): D'accord; merci, Mme Raby.

Sur ce, je remercie nos invités. Ce n'est pas terminé, M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: M. le Président, je vais essayer d'être bref. Avant de poser quelques questions rapidement à Mme Laurin, je voudrais d'abord vous dire que je déplore les propos un peu démagogiques de la députée de Jacques-Cartier qui a facilement blâmé le gouvernement concernant les coupures qui auraient pu être effectuées au détriment de certaines personnes. C'est un peu facile quand on sait - les états financiers vérifiés sont là pour le prouver - qu'il y a eu, au niveau des commissions scolaires, l'an dernier, quelque 150 000 000 $ de surplus. Les commissaires d'école ont des responsabilités en ce qui concerne les choix qu'ils doivent établir. S'ils ont décidé d'accumuler des surplus plutôt que d'avoir des personnels additionnels, cela ne dépend pas du gouvernement.

Cela étant dit, M. le Président, je voudrais me référer au mémoire de l'Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs, à laquelle appartient Mme Laurin, à la page 11. Vous indiquez que vous souhaitez une participation majoritaire des parents au sein du conseil d'école, selon l'article 39. Vous dites qu'afin de favoriser cette participation vous recommandez qu'il y ait une aide financière qui soit fournie aux parents. À quoi pensez-vous exactement lorsque vous parlez d'aide financière? Est-ce c'est en termes de frais de déplacement?

Mme Laurin: C'est justement parce que là on parle d'écoles spéciales. Dans les écoles suprarégionales qu'on demande, c'est évident que les parents ne restent pas près de l'école. Si on veut permettre la participation de ces parents, il faut qu'au niveau des frais de déplacement on puisse leur accorder une aide. Pour eux, c'est un surplus, c'est un surcroît, ils sont obligés de payer en plus, parce que leur enfant est handicapé, pour avoir droit aux mêmes choses que les autres parents. (17 h 30)

M. Lachance: Est-ce que vous iriez jusqu'à demander qu'une telle disposition soit contenue dans la loi ou bien si vous avez fait une demande qui pourrait être inscrite dans les règles budgétaires?

Mme Laurin: Cela pourrait être dans les règlements de la loi ou dans les règles budgétaires, pour autant que sera accordé quelque part.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Lachance: D'accord. À la page 14, un peu plus loin, vous parlez des services éducatifs...

Le Président (M. Blouin): Un tout petit moment, Mme Raby avait un mot à ajouter.

Mme Raby: J'aurais une particularité à ajouter relativement au paiement des frais pour les parents. Ce serait déjà très bon, mais dois-je vous dire que, même cette année, on a des enfants qui ont à se déplacer pour venir à l'école suprarégionale et, comme Mme Champigny-Robillard l'a souligné hier soir, je pense qu'on ne retourne pas chez soi seulement deux fois par année. Pour défrayer le transport, on est présentement à la merci du bon vouloir et, souvent, finalement, c'est le parent, qui a déjà pris ses responsabilités... Être parent, c'est déjà difficile; être parent d'un enfant handicapé, je pense que cela ajoute à la complexité. Remarquez qu'on a beaucoup de bonheur à travers cela. Nos enfants nous apportent beaucoup de joies, mais, en plus, il faut payer pour les envoyer à l'école quand ils ont six, sept et huit ans. Alors, est-ce que c'est la gratuité?

M. Lachance: D'accord. À la page 14 de votre mémoire, vous soulevez un point dont il a été question tantôt et Mme Raby y a fait allusion aussi dans son intervention. Vous parlez d'une formation appropriée pour les enseignants avant leur entrée en fonction. C'est un point fondamental que vous soulevez là et j'aimerais savoir de votre part si ce problème que vous énoncez ou cette recommandation 9 que vous avez dans votre mémoire découle d'un vécu, d'une expérience vécue où vous avez constaté des lacunes à ce niveau.

Mme Laurin: Je pourrais vous donner un exemple très précis: Un professeur s'en va dans une école spécialisée où l'on utilise le langage gestuel pour un enfant handicapé; il peut être transféré d'une école où il ne l'a jamais utilisé ou, encore plus, d'une école où il était en oralisme, où on lui défendait d'utiliser les gestes codés, disons. À ce moment-là, il va être transféré, du jour au lendemain, à l'école où l'on utilise toujours

la communication totale, sans avoir aucun enseignement entre les deux. On va lui enseigner "sur le tas" par après, mais il va arriver pour enseigner dans sa classe le matin même sans avoir la communication totale; donc, c'est assez difficile à ce moment qu'il puisse donner des services adéquats à nos enfants.

M. Lachance: Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Bellechasse. Sur ce, maintenant, je... Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'aurais une petite remarque à l'intention de Mme Raby. Vous avez dit tantôt qu'il vous arrive assez souvent d'adresser des communications au gouvernement, en particulier au ministre de l'Éducation. Si vous voulez avoir une réponse plus rapide, envoyez-les à l'Opposition en même temps.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Mme Raby: Très bien, M. Ryan, j'en prends bonne note. Cela ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd, excusez mon pléonasme.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président (M. Blouin): Sur ce, je remercie toutes nos invitées et tous nos invités de leur très importante participation aux travaux de cette commission parlementaire, et j'invite maintenant l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, c'est-à-dire l'AFEAS, et ses représentantes à bien vouloir s'avancer à la table de nos invités. Pendant qu'elles s'avancent, pour leur permettre de le faire, nous allons suspendre nos travaux pour une ou deux minutes tout au plus.

(Suspension de la séance à 17 h 33)

(Reprise de la séance à 17 h 40)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre!

La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Nous allons maintenant entendre les représentantes... Il y a encore des discussions qui nous empêchent de procéder. S'il vous plaît! Nous allons demander aux représentantes de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, l'AFEAS, c'est le sigle que tout le monde connaît, de bien vouloir s'identifier et de nous livrer le contenu de leur mémoire.

AFEAS

Mme Paquette (Lise): M. le Président, M. le ministre - il n'est pas là - mesdames et messieurs les membres de la commission, permettez-moi de vous présenter mes compagnes. À ma droite, Mme Luce Ranger-Poisson, vice-présidente provinciale et responsable du comité d'étude sur la restructuration scolaire; à ma gauche, Mme Claire Levasseur-Côté, également membre du comité et commissaire de la commission scolaire de Varennes à la régionale de Chambly.

L'Association féminine d'éducation et d'action sociale, l'AFEAS, comme son nom l'indique, est un organisme essentiellement composé de femmes. Il regroupe quelque 35 000 membres actifs répartis au sein de 600 cercles locaux, dans treize régions du Québec. Par l'éducation et la formation, l'AFEAS conscientise ses membres, les éveille à leurs responsabilités et les incite à réaliser des pressions sociales et politiques en vue de l'amélioration des conditions de vie et de travail des femmes et du mieux-être de la société.

L'éducation étant au coeur même des préoccupations de l'AFEAS, il va de soi que le système d'enseignement qui prévaut au Québec constitue pour nos membres un sujet privilégié. Il nous semble pertinent de rappeler ici le rôle d'éducatrices que remplissent les membres de l'AFEAS comme mères de famille et citoyennes. En effet, 91% des membres ont un ou plusieurs enfants; 58,2% des membres sont âgés de 25 à 50 ans et c'est certes dans ces groupes d'âges que se situe la phase la plus active de l'éducation des enfants; 11,4% des membres militent dans des organismes centrés sur l'éducation (commissions scolaires, comités d'école, etc.) ou sur l'encadrement des jeunes; parmi les 41,4% des membres de l'AFEAS qui travaillent hors du foyer, on compte 15,5% d'enseignantes.

Comme je viens d'en faire état, notre intérêt pour le monde de l'éducation trouve ses racines dans la nature même de notre organisme. Il était donc logique que peu après la parution du livre blanc sur la réforme scolaire, L'école québécoise: une école communautaire et responsable, l'AFEAS mette sur pied un comité muni du mandat suivant: étudier les propositions de l'avant-projet de loi et les réactions des divers organismes rattachés au monde de l'éducation; élaborer un ensemble de propositions qui tiennent compte des recommandations venues des cercles et de nos treize régions.

En avril 1983, le comité déposait son rapport qui fut soumis à l'assemblée générale des membres les 15, 16 et 17 août 1983, à Sherbrooke. Les recommandations dont il est fait état dans le présent mémoire constituent donc la position ferme de l'AFEAS telle qu'adoptée par l'assemblée des membres. Même si, pour respecter notre processus de prise de décision, ce mémoire a été préparé

avant le dépôt du projet de loi 40, ce fait n'infirme en rien la valeur de nos recommandations qui, il importe de le souligner, se situent surtout au niveau des principes. Nous n'avons pas la prétention de nous croire des spécialistes du monde scolaire; notre position découle du vécu quotidien de nos membres comme parents et contribuables, des valeurs et des principes qui les animent et de la sagesse populaire. Ces diverses recommandations ont été regroupées sous quatre thèmes, dont il sera traité séparément: la confessionnalité, les commissions scolaires et le mode d'élection, l'école, le partage des pouvoirs et les conventions collectives.

Je laisse à Mme Ranger-Poisson le soin de présenter nos recommandations.

Mme Ranger-Poisson (Luce): Comme Mme Paquette vient d'en faire état, les recommandations de l'AFEAS se situent au niveau des principes. Elle a déjà mentionné que l'AFEAS n'a strictement pas la prétention d'être un intervenant direct du monde scolaire, mais, parce que les membres de l'AFEAS sont des parents, elles sont, par leurs enfants, des usagers de ce même monde.

Au plan de la confessionnalité, il importe de rappeler que l'AFEAS est un mouvement social d'inspiration chrétienne qui préconise depuis sa fondation le statut confessionnel dans les écoles du Québec. Ce choix a été maintes fois réaffirmé au cours des années et, en 1981, les membres réunis en congrès d'orientation demandaient de nouveau le maintien du système québécois d'écoles confessionnelles.

Par ailleurs, si elle veut accomplir avec respect et efficacité la mission qui est sienne, l'école doit être le creuset où se retrouvent les valeurs du milieu qu'elle sert. Faire abstraction des valeurs de la foi dans le projet de vie d'une école serait, à notre sens, une aberration. Pour l'AFEAS, la confessionnalité constitue la meilleure garantie pour assurer la présence chrétienne dans le projet éducatif d'une école.

Par ailleurs, il importe également de respecter l'évolution que peut connaître un milieu donné, qu'il s'agisse d'un village ou d'un quartier urbain; les nouveaux apports de populations, les mutations dans les valeurs et les croyances peuvent parfois créer un contexte nouveau. L'école doit être en mesure de s'adapter à ces changements et c'est pourquoi il est important de prévoir, dans la Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public, un mécanisme permettant la révision du statut confessionnel.

Nous ne croyons pas, toutefois, qu'il faille nécessairement procéder à une telle révision à date fixe. Ce serait, dans bien des cas - je pense, en particulier, aux milieux ruraux où le changement est beaucoup moins rapide dans certains cas - une procédure inutile et coûteuse. À cette fin, l'AFEAS recommande donc que le statut confessionnel soit reconnu à l'école tout en prévoyant un mécanisme de révision pour ce statut lorsqu'au moins un tiers des parents ayant des enfants à l'école le demandent. Toutefois, une telle consultation ne pourrait être renouvelée avant l'expiration d'un délai de cinq ans.

Ce principe étant réaffirmé, force nous est de constater que la société québécoise ne constitue plus un bloc aussi monolithique qu'autrefois au plan des croyances religieuses. Si, dans de nombreuses régions du Québec, l'immense majorité des parents se réclame encore de la foi catholique ou protestante, la réalité se révèle tout autre dans certains secteurs, en particulier dans les grands centres urbains. Le respect de la liberté religieuse de ses citoyens doit être le propre de toute société civilisée. S'il importe de respecter le choix de la majorité, les minorités ne doivent, en aucune façon, être lésées dans leurs convictions et leurs valeurs.

Le système d'exemption qui prévaut à l'heure actuelle comporte de nombreux désavantages. Il tend, en particulier, à marginaliser ceux qui s'en prévalent et peut constituer, dans certains cas, un facteur inhibant: les parents hésitent fréquemment à placer leurs enfants dans un groupe à part. C'est pourquoi l'AFEAS préconise que le système d'exemption soit aboli pour faire place à l'option entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral.

Nous sommes conscientes également, si vous me permettez de m'écarter du texte, qu'un décret rend maintenant opérationnelle, ou la rendra sous peu, cette recommandation de l'AFEAS. On aurait pu choisir de s'en réjouir parce qu'il va dans le sens de notre recommandation. Permettez-nous, toutefois, M. le Président, d'exprimer une certaine inquiétude de voir qu'un décret précède la loi: cela nous inquiète un tout petit peu.

Pour concrétiser le caractère confessionnel d'une école, il ne suffit pas d'en établir le principe; c'est dans le vécu quotidien d'une institution d'enseignement, dans l'ensemble de son projet éducatif, que la présence chrétienne doit se manifester. Les élèves, les parents, le personnel doivent pouvoir trouver à l'école les ressources aidantes pour alimenter et soutenir leur choix religieux. Le service d'animation pastorale constitue l'une de ces ressources privilégiées. Il permet, en outre, de faire le lien entre la communauté chrétienne et l'école. Bref, pour nous, ce service est essentiel. Nous recommandons que le service d'animation pastorale soit maintenu dans les écoles.

Le deuxième pôle vers lequel l'AFEAS s'est penchée, ce sont les commissions scolaires et le mode d'élection. D'emblée,

une constatation s'impose. Tout en reconnaissant qu'il importe de revaloriser le rôle de l'école, les membres de l'AFEAS ne remettent aucunement en question la survie des commissions scolaires et du suffrage universel dans l'élection des commissaires. Certes, des réaménagements sont souhaitables dans le fonctionnement des commissions scolaires, mais elles doivent être maintenues parce qu'elles constituent, "malgré tous leurs défauts, le dernier bastion, avec les municipalités, du pouvoir local."

Si les parents d'élèves sont, de toute évidence, parmi les premiers touchés par la chose scolaire, il n'en reste pas moins que c'est la totalité des contribuables qui supportent de ses deniers le système d'enseignement. Cette majorité doit conserver son droit de regard. C'est là un principe fondamental d'une démocratie réelle.

Pour un organisme qui, comme l'AFEAS, est voué à l'amélioration des conditions de vie et de travail des femmes, un autre argument milite en faveur du maintien des commissions scolaires. Ce palier politique constitue présentement celui où les femmes sont les plus présentes et où elles exercent le pouvoir le plus réel. Par tradition, on a voulu attribuer aux femmes le rôle de premières éducatrices des enfants et de grandes responsables de leur bien-être. Il n'est donc que justice qu'elles puissent également exercer ce rôle au niveau des prises de décisions et du pouvoir.

Même si, en principe, le projet de loi 40 conserve le suffrage universel dans l'élection des commissaires, le mode d'élection qui y est proposé nous semble très complexe et peu incitatif à la participation populaire. Malheureusement, la vie scolaire, au cours des récentes années, a maintes fois été marquée par des affrontements entre les parents et les commissaires d'écoles. Les premiers éprouvent une frustration réelle et bien fondée devant le peu de prérogatives qui leur sont réservées dans la grande machine de l'enseignement. Ils sont, pourtant, les grands responsables de ceux qui constituent la seule raison d'être réelle de l'école, les enfants. Par ailleurs, les commissions scolaires voient leurs pouvoirs constamment érodés et menacés à la fois par un ministère de l'Éducation, omniprésent et omnipuissant, et par des groupes de parents dont l'insatisfaction va grandissant.

De ces affrontements découle, hélas! un climat peu propice à la collaboration. Pour éviter ces luttes, l'AFEAS préconise plutôt une assemblée de commissaires formée à la fois de représentants des parents élus dans les conseils d'école, d'une part, et de commissaires élus au suffrage universel, d'autre part. En tenant compte que les commissaires élus sont souvent des parents et que, par ailleurs, les parents sont aussi des contribuables, nous croyons que ces conseils de commissaires mixtes pourraient, sans aucun doute, constituer un nouveau lieu d'entente et de collaboration.

Le projet de loi 40 reconduit également une injustice flagrante: les candidats aux élections scolaires ne jouissent d'aucun budget électoral, contrairement aux autres paliers politiques. La loi sur l'enseignement public devrait s'assurer de corriger cette lacune qui, à notre avis, défavorise les moins bien nantis et rappelons-nous qu'en général les femmes, si on fait une lecture féministe de cette question, sont dans la société, bien souvent, de moins bien nanties.

Le projet de loi 40 soulève également pour nous un autre point de désaccord. Nous sommes défavorables à la tenue des élections scolaires le même dimanche de novembre que les élections municipales. Il s'agit de deux paliers politiques distincts et des élections se tenant concurremment ne peuvent qu'appauvrir la participation populaire aux deux paliers. Nous recommandons donc que les commissions scolaires soient maintenues en tant qu'organismes intermédiaires ayant des pouvoirs politiques locaux tels que la taxation et un système électoral; qu'on maintienne le suffrage universel dans les commissions scolaires; que le conseil des commissaires soit composé majoritairement de représentants de parents déjà élus dans les conseils d'école ou les conseils d'orientation (les conseils d'orientation devant eux-mêmes être composés majoritairement de parents); que l'autre partie des commissaires soit élus au suffrage universel pour l'ensemble du territoire de la commission scolaire; que tous les commissaires soient élus pour un maximum de deux mandats consécutifs de trois ans; que tous les commissaires élus au suffrage universel le soient en même temps un dimanche d'octobre et qu'on prévoie un système de financement pour les candidates et candidats au prorata du nombre d'électeurs.

Passons maintenant à la place de l'école. Dans le débat qu'a soulevé la question scolaire, au cours des dernières anr.ées, il est un point sur lequel la grande majorité des intervenants est à l'unisson: le rôle de l'école s'est édulcoré et exige une revalorisation profonde et immédiate. Si l'on remonte à un passé qui, au plan de l'histoire, est encore très proche, l'école de village ou de quartier constituait un véritable pivot de l'éducation. L'intervention gouvernementale était à peu près inexistante et le rôle des commissions scolaires, très discret.

L'évolution de la société québécoise, le besoin d'uniformiser les programmes, la nécessité de créer une véritable égalité des chances pour l'ensemble de la population, quelle que soit sa localisation géographique, la syndicalisation nécessaire des travailleurs de l'enseignement et bien d'autres facteurs encore ont amené une mainmise sans cesse

croissante de l'État sur la chose scolaire. Chemin faisant, l'école a perdu bon nombre de ses prérogatives et se retrouve avec un rôle amoindri.

S'il est généralement reconnu que l'État doit, entre autres choses, intervenir pour assurer la qualité de l'enseignement sur l'ensemble de son territoire, que les commissions scolaires doivent, pour leur part, garantir cette même équité, en plus d'assurer une gestion adéquate des ressources, il reste quand même vrai que l'école doit, de toute nécessité, recouvrer une certaine liberté de manoeuvre dans l'aménagement de son projet éducatif. Il est évident que certaines contraintes administratives doivent demeurer, mais il est essentiel que l'école puisse jouer un rôle actif dans l'application de son régime pédagogique et qu'elle reflète véritablement les valeurs du milieu.

Pour ce faire, l'AFEAS préconise qu'on effectue un nouveau partage des rôles et des responsabilités, tout en accordant plus de pouvoirs aux écoles sous la responsabilité de la commission scolaire; que chaque directeur relève de la commission scolaire de sa région et y réponde de sa gestion; que chaque conseil d'orientation d'école soit formé d'une partie majoritaire de parents, du directeur, d'un représentant élu du personnel (professeurs, personnel non enseignant et de soutien) et, au secondaire, d'un représentant des étudiants; que chaque conseil d'école ait les pouvoirs décisionnels pour élaborer et réaliser le projet éducatif; qu'on prévoie un budget de fonctionnement pour les conseils d'orientation.

La dernière proposition de ce bloc peut sembler ne pas se raccrocher au reste en ce qu'elle touche l'enfance en difficulté d'apprentissage. Nos membres ont, toutefois, tenu à réitérer un principe qu'ils ont maintes fois soulevé, au cours des dernières années, une espèce de souci qu'on voulait réitérer au moment où se décide le sort des écoles québécoises. On demande que soit favorisée une meilleure intégration des élèves en difficulté d'apprentissage en donnant les ressources nécessaires aux professeurs réguliers sous la forme de professeurs spécialisés ou de travailleurs sociaux, selon les besoins. Encore là, je répète que nous ne sommes pas des spécialistes; nous n'avons peut-être pas de solutions à proposer, mais nous demandons au gouvernement de se préoccuper de cette question vitale pour un grand nombre d'enfants.

Le dernier chapitre traite du partage des pouvoirs et des conventions collectives. Ces deux questions sont complexes, il faut en convenir. Nous l'avons dit plus haut, les membres de l'AFEAS n'ont pas la prétention de poser à l'expert. Ces deux prémisses étant posées, certaines constatations demeurent.

Il faut convenir qu'au cours de la dernière décennie particulièrement la vie scolaire au Québec a été marquée de nombreuses luttes et d'innombrables conflits: mésententes entre les commissions scolaires et le ministère de l'Éducation, grèves et conflits de travail de tout ordre, insatisfaction des parents face à la place négligeable qu'ils occupent dans l'éducation scolaire de leurs enfants, etc., la liste pourrait s'allonger ad nauseam.

Par ailleurs, dans l'organisation de la vie de l'école, les parents ont, maintes fois, fait face à des conventions collectives tellement rigides qu'elles condamnent d'avance toute initiative ou tout projet sortant des normes établies et qu'elles minent dangereusement le climat de l'école. On comprend facilement le sentiment de frustration, puis de découragement qui s'ensuit. Après quelques tentatives infructueuses, la majorité des parents a envie de décrocher. (18 heures)

Les deux dernières propositions de l'AFEAS peuvent sembler des voeux pieux. Nous tenons toutefois à souligner qu'elles reflètent le sentiment de lassitude, d'inquiétude voire même d'agacement qu'éprouvent nos membres. C'est pourquoi nous recommandons que le ministre de l'Éducation et ses partenaires se concertent en vue d'atteindre enfin un nouveau partage des pouvoirs et que les conventions collectives soient assouplies et qu'elles soient respectueuses du projet éducatif.

C'était la teneur de notre mémoire; je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Merci bien, mesdames. Nous allons céder la parole au ministre.

M. Laurin: Je salue, d'abord, avec plaisir à cette commission l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, un organisme éminemment dynamique, qui compte de nombreux membres dans toutes les régions du Québec, qui a pris l'habitude de se prononcer sur tous les enjeux majeurs de la vie collective au Québec et dont, à ma grande satisfaction, les recommandations sont souvent entérinées par les ministères concernés et par le gouvernement.

Le mémoire qu'elle nous présente aujourd'hui, comme tous ceux qu'elle nous présente habituellement, est marqué au coin de la sagesse, de la sérénité et du sens pratique. Même s'il portait sur le livre blanc plutôt que sur le projet de loi 40, il reste que le projet de loi 40 épouse pour l'essentiel le livre blanc. Les énoncés du mémoire sur les grands principes du projet de loi demeurent aussi valables. J'ai noté avec plaisir ce que vous dites sur la confessionnalité, sur l'importance qu'il y a à garder dans les aménagements confessionnels

nouveaux que prévoit le projet de loi ce qu'a de meilleur notre tradition, tout en reconnaissant, cependant, qu'il faut tenir compte de cette évolution du Québec et en particulier qu'il faut respecter la liberté de conscience et les valeurs des minorités. Vous le traduisez dans cette recommandation que vous nous faites de remplacer le régime d'exemption par le régime d'option.

J'ai noté aussi avec beaucoup de satisfaction vos réflexions sur l'état de l'évolution de l'école, une école qui devient de plus en plus absente de notre système alors même que c'est à l'école que se font les apprentissages, que se déroulent les activités éducatives. Je suis bien d'accord avec vous pour dire qu'il importe de revaloriser l'école, qu'il importe de traduire cette revalorisation par des aménagements structurels adéquats, qu'il faut permettre a un conseil d'école d'avoir des pouvoirs décisionnels, particulièrement en ce qui concerne l'élaboration et la réalisation d'un projet éducatif.

Je note aussi avec satisfaction l'importance que vous apportez au rôle des parents. Il se trouve, justement, que les parents femmes sont très nombreux dans notre société et je suis bien d'accord avec vous lorsque vous dites que les parents, à titre de premiers éducateurs de leurs enfants, doivent être davantage partie prenante à la mission éducative de l'école. Vousnous suggérez, à cet égard, des directions très précises.

Je constate que le système électoral que nous avons prévu pour les commissions scolaires ne vous enchante guère; vous le trouvez trop complexe. Cependant, vous nous faites une proposition alternative. À partir de votre postulat que les parents éprouvent une frustration réelle et bien fondée devant le peu de prérogatives qui leur sont réservées dans la grande machine de l'enseignement, tout en répétant, cependant, votre adhésion au principe du suffrage universel, vous notez que les parents doivent demeurer les grands responsables de la seule raison d'être de l'école et de la commission scolaire, c'est-à-dire les enfants. C'est en tentant de concilier ces deux principes ou ces deux paramètres que vous préconisez la constitution d'une assemblée de commissaires qui serait formée à la fois de représentants des parents élus dans les conseils d'école, d'une part - vous dites même qu'ils devraient être majoritaires - et, d'autre part, de commissaires élus au suffrage universel.

C'est là une recommandation qui nous a été faite par un bon nombre d'organismes à cette commission, dont la Fédération des comités de parents, un certain nombre de commissions scolaires et la faculté des sciences de l'éducation de l'Université McGill. C'est une suggestion qui mérite une considération très attentive. Mais il y a, quand même, des objections qui ont été soulevées contre cette proposition, au nom de la démocratie de représentation, par exemple, au nom du principe britannique d'origine, mais assumé par plusieurs sociétés du "no taxation without representation".

Par ailleurs, ceux qui sont venus soutenir cette thèse, ici, devant la commission, nous ont dit que l'école n'avait pas qu'une responsabilité à l'égard des élèves qui y étudient, mais également à l'égard de la société; d'où leur conviction qu'un mode d'élection qui assurerait aux parents, membres de comités d'école, une représentation à titre de commissaires pouvait revendiquer une certaine légitimité.

Je vous résume bien imparfaitement le débat. Je pense qu'il correspond en gros aux opinions que nous avons entendues. Sur ce point, je voudrais vous demander votre avis. Étant donné que vous nous faites cette recommandation, comment pourriez-vous la justifier sur le plan de la légitimité, sur le plan d'une certaine façon de concevoir la démocratie auquel par opposition à ceux qui prétendent que le seul type de démocratie on doive se référer à cet égard est la stricte démocratie formelle, logique et historique de représentation que nous avons connue jusqu'ici et qui a mené au suffrage universel, tel que nous le connaissons actuellement dans les commissions scolaires?

Mme Paquette: Si vous le permettez, M. le Président, je vais laisser Mme Ranger-Poisson répondre à cette question.

Mme Ranger-Poisson: Je vais répéter que nous ne sommes pas des légistes. Notre approche est pragmatique, elle part de notre expérience. Il m'apparaît que l'école a un double rôle, que l'ensemble des contribuables est préoccupé, d'abord, par la gestion des ressources financières, aussi par le côté communautaire que peut parfois revêtir l'école en termes de lieu de recontre, de lieu où on se voit. Mais, par ailleurs, la mission principale de l'école, c'est vraiment de répondre aux besoins des enfants et que là les parents deviennent les premiers mandataires. Il nous apparaît aussi que l'élection aux conseils d'école se fait selon les formes d'une certaine démocratie, encore que c'est une démocratie peut-être bien imparfaite. Pour avoir été moi-même membre d'un comité d'école et, par la suite, avoir été également commissaire d'écoles, je suis consciente que, dans certains cas, il y a un appui massif des parents à leur comité d'école et que, dans d'autres cas, il y a une indifférence massive. Mais il m'apparaît qu'avec l'évolution des mentalités on arrivera sans doute à ce que les parents puissent élire un conseil d'école qui représente leurs valeurs, leurs besoins. C'est une forme de démocratie, mais, par ailleurs, il importe de

sauvegarder la démocratie de l'ensemble de la population et cette partie sera assumée par l'élection de commissaires au suffrage universel.

J'aimerais, toutefois, faire remarquer à M. le ministre, si M. le Président me le permet, que l'hypothèse que nous soulevons à l'article 2.3, c'est, justement, une hypothèse qui n'est pas exclusive, dans le sens où, au moment où nous avons étudié le projet de loi et le projet de restructuration tout d'abord, nous étions conscientes que tout cela évoluerait en cours de route et que des hypothèses tout aussi valables pourraient venir rejoindre notre souhait de rallier à la fois le désir légitime des parents et le besoin de sauvegarder la démocratie collective.

M. Laurin: Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Mme la présidente, mesdames, il nous est très agréable de vous rencontrer et de discuter avec vous du projet de loi 40 qui est un sujet de préoccupation majeure pour tous les citoyens du Québec à l'heure actuelle, en particulier pour ceux et celles qui ont la charge d'une famille ou qui sont aux études, ou qui sont engagés dans le secteur de l'éducation d'une manière ou de l'autre à titre de travailleurs, d'administrateurs ou de professionnels. Je suis content que l'AFEAS ait jugé opportun de se pencher sur ce projet de loi et de nous soumettre ses observations. Vous avez une longue expérience. J'ai eu affaire à vous il y a de très nombreuses années, lorsque j'étais actif dans les associations volontaires de toutes sortes. Je suis maintenant actif dans une association où on est plus captif, un parti politique, et parfois je vous envie, parce que vous n'êtes pas obligées de tenir compte de toutes les contraintes dont doit tenir compte un parti politique pour exprimer ses opinions. Vous avez une marge considérable, dont vous usez, d'ailleurs, libéralement depuis quelques années. Je vous en félicite.

Votre mémoire contient 18 recommandations. Il y en a une quinzaine au sujet desquelles, de notre côté, nous sommes d'accord très facilement. Par conséquent, je vais me dispenser de commenter celles-là longuement, parce que je ne voudrais pas avoir l'air de nous féliciter d'avoir trouvé des convergences aussi heureuses de la part d'un groupe aussi respectable que le vôtre. Mais je vous le dis quand même avec plaisir et, si je ne m'attarde pas à toutes ces résolutions, ce n'est pas parce qu'elles me laissent indifférent, mais c'est par une espèce de modestie que vous comprendrez de notre côté.

Je voudrais m'attarder aux quelques recommandations qui posent des problèmes ou qui améliorent la situation qui découlerait de l'adoption littérale du projet de loi 40. En ce qui touche le statut confessionnel des écoles, par exemple, je vous félicite de l'importance que vous attachez à cette question. Je pense qu'en cela vous êtes représentatives d'une forte majorité de nos concitoyens. Je peux vous assurer que, pour ma part, j'entends veiller très soigneusement à ce que cet aspect du projet de loi soit rodé avec le plus de précision possible, de manière à garantir le plus efficacement possible nos droits légitimes en matière religieuse et morale.

Nous autres, nous trouvons que c'est essentiel que les parents soient appelés à exprimer leur opinion sur le statut de l'école, mais que cette question ne peut pas se décider uniquement au niveau de l'école; il faudra une intervention de la commission scolaire également. Spécialement dans les grands centres urbains où il y a de très nombreuses écoles mises à la disposition des citoyens, en particulier des jeunes, il pourra arriver qu'on ait de la place pour un certain nombre d'écoles catholiques, pour un certain nombre d'écoles qui ne le seraient pas, si tel était le voeu de la population. (18 h 15)

II faudrait éviter que des enfants ne soient comme captifs dans une école où un vote aurait pu être pris contrairement à la volonté de leurs parents à eux. Si on laisse une certaine marge d'intervention à la commission scolaire dans ces choses, il y aura peut-être un élément de souplesse qui fera qu'on évitera de créer des espèces de murailles ou des clôtures là où il ne serait pas justifié d'en avoir.

Vous introduisez un élément important de votre côté quand vous dites: II ne faudrait pas que le statut de l'école soit remis en question continuellement ou de manière anarchique; par exemple, vous demandez qu'il soit remis en question moyennant des conditions sérieuses. Je pense que vous avez raison. C'est une sorte de police d'assurance contre l'agitation perpétuelle qui pourrait se produire autour de ces questions et, de notre côté, c'est le genre de considération qu'on accueille avec beaucoup d'intérêt. Nous voulons que ces choses soient traitées avec sérieux, avec toute la gravité que justifie la nature des questions qui sont en cause. Je vous remercie de cette suggestion qui me paraît un pas intéressant dans la recherche d'une stabilité plus grande à cet égard.

En ce qui touche la composition des commissions scolaires, le rôle de l'école et la manière dont s'exercerait la responsabilité du directeur, la responsabilité du conseil d'orientation - on peut l'appeler conseil d'orientation ou conseil d'école, je pense que cela ne change rien - ce que vous dites,

moi, je comprends que cela veut dire que le conseil d'orientation, lui, son souci principal, c'est le projet éducatif, avec les moyens nécessaires pour le mettre en oeuvre. Toutes les questions proprement professionnelles, j'imagine que vous concevez que cela relève du directeur et du personnel enseignant, lesquels fonctionnent sous la responsabilité et l'autorité de la commission scolaire. Je pense que c'est très clair dans votre mémoire. Cela rejoint un thème que nous avons défendu continuellement depuis le début des travaux de la commission et je crois que c'est une contribution très utile au maintien d'une indispensable unité dans le système d'enseignement public du Québec.

Un point sur lequel des questions se posent à mon esprit. J'ai dit qu'il y avait trois recommandations. En fait, il n'y en a pas trois, il y en a seulement deux. Ce sont 2.3 et 2.4. Sur la composition du conseil des commissaires, inutile de vous dire que nous n'aimons pas ici l'appellation dans le projet de loi, le conseil d'administration de la commission scolaire. Ce n'est pas un conseil d'administration qu'on élit, c'est un conseil des commissaires. C'est une sorte de conseil des gens qui vont être appelés à diriger le système d'éducation sur leur territoire. Ce n'est pas seulement un conseil d'administration. Par conséquent, je m'excuse auprès des rédacteurs du projet de loi, mais on veut avoir quelque chose qui va sentir moins les compagnies ou le régime corporatif que cela, quelque chose qui va sentir un peu plus la vraie démocratie qui prend sa racine dans le suffrage populaire. De ce côté, votre expression me convient parfaitement parce que c'est celle qui est reçue; très bonne expression. Je ne vois pas pourquoi on la changerait, à part cela.

Maintenant, au sujet de la composition du conseil des commissaires, là vous nous posez un problème; je vous en fais part en toute simplicité, en toute candeur. Ce qu'il y a eu d'essentiel dans le système scolaire québécois, ce furent des conseils de commissaires qui étaient élus par leurs concitoyens au suffrage universel, démocratique. Il y a quelques années, on a fait une brèche là-dedans. On a introduit à la commission scolaire deux représentants des parents, là où la commission scolaire fonctionne aux deux niveaux, un du primaire, un du secondaire, sans cependant leur donner droit de vote. Cela a été très heureux. Ces parents ont apporté une contribution qui allait bien au-delà de leur importance numérique au sein de la commission scolaire.

Aujourd'hui, on peut discuter: Est-ce qu'ils devraient avoir le droit de vote? Est-ce qu'ils devraient être trois ou quatre, au lieu de deux? Ce sont des choses discutables, à mon point de vue, parce qu'une fois que vous en avez admis deux cela prendrait un raisonnement joliment serré pour dire qu'il ne pourrait pas y en avoir trois. Par conséquent, il y a de la marge à discuter ici. Aujourd'hui, les associations qui s'occupent des enfants handicapés nous ont dit qu'elles tiendraient bien gros à ce qu'il y eût un commissaire pour représenter ce secteur de la population, les enfants handicapés et leurs parents. C'est une idée très noble, à laquelle il faut réfléchir. On ne peut pas l'envoyer promener du revers de la main comme cela.

Là où vous m'inquiétez un peu plus, c'est quand vous dites qu'il devrait y avoir une majorité de membres du conseil des commissaires qui émanerait plutôt des comités de parents ou des comités d'école que du suffrage universel. À ce moment-là, cela devient plutôt chambranlant, à mon point de vue. J'ai bien noté, Mme Poisson que vous avez dit: C'est une hypothèse qui n'est pas exclusive; il pourrait arriver que des hypothèses tout aussi valables puissent répondre à nos voeux. J'ai bien apprécié cette explication que vous avez donnée à M. le ministre de l'Éducation tantôt.

Je voudrais vous demander si c'est une chose qui répugnerait à vos convictions de maintenir le principe qu'une solide majorité de commissaires devraient être élus au suffrage universel, quitte à ménager une place pour les parents, mais qui devrait rester subordonnée au principe de la représentation au suffrage universel. Le suffrage universel n'est pas seulement une forme extérieure.

J'entendais le ministre tantôt là-dessus et je suis en désaccord avec lui. Ce n'est pas seulement un symbole, une affaire extérieure. C'est vrai qu'il y a d'autres formes de démocratie qui sont possibles. Une fois qu'on choisit le suffrage universel, on ne peut pas le diluer facilement avec d'autres choses.

Dans les cégeps, on n'a pas de suffrage universel, mais de la démocratie du genre de celle que vous proposez: l'assemblée des parents qui choisit un certain nombre de membres, l'assemblée des élèves, l'assemblée des professeurs, l'assemblée de ceci, des cadres intermédiaires. C'est une forme de démocratie. C'est de la démocratie déléguée, comme on l'appelle. Ce sont tous des organismes qui participent de l'autorité de Dieu le Père qui est à Québec. Mais là l'autorité loge dans la commission scolaire en raison du suffrage universel. Je me dis: Si on réduit ces gens à une portion minoritaire, il me semble qu'on abolit le principe. Je voudrais avoir votre réaction là-dessus pour savoir s'il y a une marge de discussion avec vous.

Mme Ranger-Poisson: D'accord. À ce stade-ci, je ne peux pas dire si cela entrerait en conflit avec nos convictions. Je dois vous avouer que l'AFEAS est

extrêmement respectueuse de sa base. Quand on se prononce, finalement, ou quand on adopte une résolution, il nous faut a priori l'assentiment de l'assemblée générale de nos membres. Dans ce cas-ci c'est l'hypothèse et la majorité est là. Je me sentirais extrêmement hors cadre ou hors contexte si j'allais affirmer que nos membres choisiraient une autre hypothèse; j'entends choisiraient que les parents soient minoritaires. Ils nous ont demandé qu'ils soient majoritaires, et je pense qu'il faut pour l'instant nous en tenir à la position de nos membres.

Mme Paquette: M. le Président, si vous me le permettez, ce qui ressort de la volonté des membres de l'AFEAS dans cette proposition, tout comme dans la composition du conseil d'école, c'est vraiment le droit à une participation au pouvoir. Comme le disait dans une intervention précédente Mme Poisson, c'est sûr que, si d'autres hypothèses pouvaient être apportées à l'assemblée générale et soumises à nos membres, elles pourraient peut-être s'y rallier. Mais il faudrait qu'elles soient très claires et nettes, les parents aient du pouvoir. Quand nos membres s'expriment en disant qu'ils veulent que les parents soient majoritaires, c'est ce qui ressort. Il pourrait y avoir d'autres positions, mais actuellement c'est celle-là. C'est peut-être la façon d'exprimer la place que les femmes voudraient prendre ou voudraient que les parents prennent au niveau du pouvoir scolaire.

M. Ryan: Je vais vous poser une dernière question sur le même sujet. Les parents sont regroupés dans des comités d'école, lesquels sont ensuite regroupés dans un comité de parents auprès de la commission scolaire, lequel comité de parents envoie deux représentants à la commission scolaire s'il s'agit d'une commission scolaire où on a intégré le primaire et le secondaire. Ils sont indépendants pour parler. Les commissaires vont prendre des décisions. Ils sont indépendants. Ils n'ont pas été associés au processus de désignation des commissaires autrement qu'à titre d'électeurs. Si vous avez réuni vos gens pour choisir des commissaires, une majorité, à ce moment-là vous allez être mal placé pour agir comme organisme qui exprime des opinions indépendantes parce que vous allez être responsable de ce qui se passe de l'autre côté. On pourra vous dire, comme on le dit aux citoyens: Vous les avez élus et, si vous n'êtes pas contents, vous vous débarrasserez d'eux la prochaine fois. Est-ce que vous vous rendez compte que vous compromettez la fonction consultative qui incombe actuellement aux comités d'école et aux comités de parents en préconisant ce que vous préconisez ici?

Mme Levasseur-Côté (Claire): Une fois précisé que cela n'est pas fermé, qu'il y a de l'ouverture, la facette supplémentaire que j'y vois, c'est que, pour les utilisateurs d'une école, il n'est pas facile d'identifier qui représente quoi et quelle catégorie d'enfants on représente. J'ai beau être commissaire d'écoles, j'ai des préoccupations personnelles qui me suivent, j'ai des préoccupations de parent; cela a été exprimé abondamment.

L'autre aspect qui entre en ligne de compte ici, c'est que les gens se véhiculent dans ces fonctions avec des formations personnelles, une culture et tout un bagage qui font qu'ils ne sont pas exclusivement des parents, qu'ils ne sont pas exclusivement des femmes ou des parents de handicapés. Je vois mal les étiquettes très limitatives qu'on voudrait faire porter dans la composition d'un conseil d'école. Elles sont présentes; les gens sont réunis par un enjeu politique, c'est un lieu politique, mais ce n'est pas hermétique.

M. Ryan: Ce que j'ai de la peine à comprendre, c'est que vous vous réunissez une journée pour élire des commissaires et, le lendemain, vous vous réunissez pour exercer une fonction consultative officielle.

Mme Levasseur-CÔté: Vous parlez uniquement au niveau des femmes, parce qu'on est un organisme féminin, ou si vous parlez des commissaires en général?

M. Ryan: Des organismes de parents. Vous autres, vous exercez votre rôle à 100%; je n'ai aucune critique. Que vous ayez l'opinion que vous voulez, vous exercez votre liberté d'organisme libre et je n'ai aucune espèce de critique là-dessus. Au contraire, je vous félicite d'avoir des opinions différentes des miennes. Cela peut être bon pour la démocratie.

Mme Paquette: Cela peut aussi alimenter notre réflexion.

Mme Ranger-Poisson: Pour clore sur ce point précis, le principe que nous voulions surtout sauvegarder, c'est le pouvoir des parents, le pouvoir que nos membres qui sont des parents ont voulu exercer, dans bien des cas, et qui leur a échappé bien souvent. Ce que nous voulons, c'est trouver une formule qui concilie les aspirations des parents, mais qui préserve le suffrage universel ou le droit de rogard de la collectivité.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil.

M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Bonsoir, mesdames. Je vous félicite non pas exclusivement pour votre mémoire, mais aussi pour votre

implication dans toutes les choses qui concernent notre société, les sujets d'importance. Vous avez contribué, par votre implication, à susciter dans notre société une réflexion profonde sur ce sujet d'importance qu'est l'éducation. Vous représentez 35 000 membres; je suis assuré, connaissant un peu la vitalité de vos associations dans les différentes localités, qu'un grand nombre a participé à la réflexion sur le livre blanc qui est maintenant traduit dans le projet de loi 40.

Vous avez contribué à cette réflexion qui a embrassé à peu près tous les secteurs de notre société. À mon sens, c'est très précieux et très heureux pour l'avenir de notre système d'éducation et aussi du type de démocratie qu'on veut essayer d'instaurer dans notre société, soit une démocratie qui ne s'en remet pas exclusivement à ce principe du suffrage universel, ni au principe qui dit que c'est, finalement, l'aspect financier qui est le fondement du droit d'exercice de la démocratie. Pour défendre le suffrage universel, on fait souvent appel au principe "no taxation without representation", comme s'il n'y avait que la capacité de payer qui donnait le droit aux gens de participer activement à la démocratie. Il y a bien d'autres valeurs, dans la société, que la valeur "monétaire", qui justifient une participation active à la prise de décisions. (18 h 30)

Je crois que la qualité de l'éducation dans les écoles ne doit pas être ramenée exclusivement à la dimension financière, mais beaucoup plus à une dimension d'ordre qualitatif; les parents, comme premiers responsables de l'éducation, même si, à ce titre, ils ne sont pas contribuables, ont un mot à dire, ils doivent participer à la démocratie scolaire. La démocratie scolaire a d'autres fondements que simplement le fait de payer des taxes. Je crois que c'est un peu dans ce sens-là que M. le ministre a parlé d'une démocratie un peu formelle. Si on réduit la démocratie à des éléments quantitatifs, effectivement, on peut qualifier cela de formel, mais le contenu de la vie, c'est beaucoup plus fait de qualité, de valeurs qui doivent contribuer à épanouir la personne humaine, la liberté de l'homme, et tous ceux qui sont responsables à cet égard ont droit de dire leur mot et de participer à la décision.

C'est là que je comprends votre préoccupation de donner aux parents, responsables en tout premier lieu de l'éducation de leurs enfants, un pouvoir dans la chose scolaire. Vous avez poussé votre préoccupation jusqu'à revendiquer, pas uniquement au conseil d'orientation, ce qu'on appelle maintenant le conseil d'école, la majorité des parents, mais vous avez poussé cette exigence jusqu'au niveau du conseil des commissaires. J'aurais peut-être également, comme le député d'Argenteuil, certaines réticences à accorder une majorité de parents au niveau du conseil des commissaires. Au niveau de l'école... Dans la mesure où aussi - c'est évident - cette démocratie, je dirais, quantitative, cette démocratie, si vous voulez, se fonde sur la capacité de payer des gens, ou le fait que les gens paient pour un service, si on tient aussi à cela, je crois qu'on peut dire qu'au niveau de la commission scolaire, étant donné que là on administre des ressources, on doit bien gérer les ressources que l'ensemble des contribuables ont aidé à mettre sur pied et que la population, en tant que contribuable, peut avoir un droit de regard majoritaire sur la façon dont on gère les ressources. Sur ce principe-là, il faut peut-être protéger une majorité de commissaires élus au suffrage universel, mais, dans la mesure où le projet de loi redonne à l'école des pouvoirs en ce qui concerne la qualité de la vie éducative, la qualité du projet pédagogique, à ce moment-là, les parents pourraient jouer un rôle de décision, être majoritaires au niveau du conseil en collaboration avec tous les partenaires de l'école: les professeurs, les enseignants, les professionnels non enseignants, le directeur et les étudiants aussi à certains niveaux. Alors, là, je pense qu'on pourrait arriver à concilier votre préoccupation et c'est de la démocratie qui se vivrait à l'école, même si on n'a pas le suffrage universel de l'ensemble des contribuables.

Ceci dit, j'aimerais revenir sur quelques points particuliers. En ce qui concerne la confessionnalité, vous proposez des choses très intéressantes dans votre mémoire. Je ne reviendrai pas sur ce point, M. le ministre en a parlé tantôt, mais il y a un aspect qui m'a frappé un peu, c'est que vous ne faites pas allusion au statut de la commission scolaire quant à la confessionnalité. Vous ne dites pas que la commission scolaire devrait être organisée sur une base linguistique plutôt que confessionnelle.

Est-ce qu'il en a été question lors de vos consultations? Seriez-vous d'accord avec ce que le projet de loi propose, c'est-à-dire que, au niveau de la commission scolaire ce soit le critère linguistique qui joue et que le statut confessionnel soit réservé plutôt au niveau de l'école, à la suite d'un désir majoritaire des parents?

Mme Ranger-Poisson: En fait, je pense que c'est là l'opinion de nos membres. Ce qui est important, c'est de préserver le caractère confessionnel de l'école, de s'assurer que l'enseignement religieux et, au-delà de l'enseignement religieux, qu'un projet éducatif chrétien soit possible dans une école donnée, selon le choix des parents. Le statut

de la commission scolaire, à notre sens, n'a pas besoin d'être confessionnel.

M. Brouillet: Très bien, merci. Il y a un autre point qui porte sur la question du directeur de l'école. Quel serait son statut dans l'école? À la page 10, sous la recommandation 3.2, après avoir recommandé qu'il y ait des pouvoirs décisionnels au niveau de l'école et que les parents, au niveau du conseil d'école, puissent avoir un rôle majoritaire, vous dites, dans votre autre recommandation, "que chaque directeur relève de la commission scolaire de sa région et y réponde de sa gestion". Si on le comprend dans le sens que c'est la commission scolaire qui demeure l'employeur du directeur d'école, il doit donc relever de la commission scolaire quant à son engagement et, éventuellement, quant à son renvoi ou à la révocation de son mandat.

Toutefois, vous ne parlez pas du rôle que pourrait jouer ou des rapports qui pourraient ou devraient exister entre le directeur d'école et le conseil d'école. J'établirais un peu l'état de la question de la façon suivante: Étant donné que le conseil d'école aura des pouvoirs décisionnels et que - cela va de soi - le directeur d'école devra, dans la gestion de l'école, tenir compte et voir à l'application des décisions prises par le conseil d'école, sur les matières qui relèvent du conseil d'école, ne verriez-vous pas que le directeur d'école serait comptable de son administration dans ce champ au conseil d'école? Pour peut-être d'autres aspects de l'application de sa tâche qui seraient sous l'autorité directe, les matières qui relèveraient de la juridiction de la commission scolaire, il serait alors comptable de son administration à la commission scolaire. À ce moment, est-ce que vous seriez prêt à nuancer ou à préciser davantage les rapports du directeur d'école avec le conseil d'école et la commission scolaire?

Mme Ranger-Poisson: Il nous apparaît très clair, dans notre esprit - ce n'est peut-être pas aussi clair que cela pour ceux qui nous lisent - lorsqu'on demande un nouveau partage des pouvoirs, que les commissions scolaires seront alors amenées à déléguer certains pouvoirs vers les écoles. À ce moment, il nous apparaît évident que les commissions scolaires, étant des organismes très structurés, délégueront de la même façon ou présenteront à un directeur d'école un mandat qui puisse lui permettre de répondre aux pouvoirs délégués à l'école. Cela fera partie, pour certaines tâches... C'est évident que le directeur d'école devra répondre au conseil d'école selon les pouvoirs qui auront été délégués, mais, pour la gestion, que la ligne d'autorité, au fond, au plan de l'embauche, du renvoi et des conditions de travail dépende de la commis- sion scolaire.

Mme Paquette: Vous permettez que je rajoute ceci: Lorsqu'on parle de nouveaux partages des rôles et des responsabilités, c'est, comme on l'a déjà dit, beaucoup plus une question de principe parce qu'on n'a pas le temps ni les énergies humaines et financières pour aller au fond de toutes les questions; vous l'avez dit vous-même. On participe et on travaille à plusieurs gros dossiers qu'on ne peut pas tous fouiller à fond. Sauf que c'est un principe qui nous apparaît important et qui pourrait aussi amener diverses hypothèses et aussi des essais. C'est pour cela qu'on s'est limité à préciser certaines lignes, certains principes, mais, au niveau des modalités, c'est à voir, il pourrait y avoir de la souplesse dans cela, c'est bien sûr.

M. Brouillet: Très bien, je vous remercie, mesdames.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Chauveau. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'aimerais vous remercier de votre mémoire. J'ai lu, à la dernière page, votre bibliographie. C'est évident que vous avez lu beaucoup d'autres mémoires présentés par les groupes importants que nous avons entendus. C'est aussi évident que vous avez fait votre devoir.

Le député de Chauveau vient de soulever un principe. Ce n'est pas la première fois que le côté ministériel utilise le principe de "no taxation without representation". Je crois que c'est un abus de ce principe de l'utiliser pour justifier le suffrage universel, parce que ce n'est pas la seule raison, ce n'est pas du tout la raison qui justifie le suffrage universel. Si c'était la raison, la justification pour le suffrage universel, le gouvernement pourrait éliminer le droit de la taxe foncière et le gouvernement pourrait dire: Alors, maintenant, il n'y a pas de taxe locale, on pourrait éliminer le suffrage universel. C'est là le danger. J'ai vu ces argumentations dans d'autres documents du ministre depuis longtemps.

Ce principe, on en a tellement abusé qu'il y a un groupe - et je ne me souviens pas de quel groupe - qui a suggéré que le pourcentage des membres élus de la commission scolaire doit refléter le pourcentage de taxes perçues au moyen de la taxe foncière. Donc, à 6%, l'argumentation était qu'on doit appliquer le principe du suffrage universel à 6% des membres du conseil de direction de la commission scolaire. La raison, l'importance du suffrage universel repose sur un autre principe. C'est que les écoles publiques n'appartiennent pas à un certain

groupe de parents qui changent tous les ans, l'école publique appartient à la communauté. C'est là la justification pour le suffrage universel ou, comme on dit dans le jargon courant, la collectivité. C'est la collectivité, c'est la communauté qui doit être représentée, parce que c'est à elle de se préoccuper des écoles publiques.

Maintenant, j'ai une courte question. À la page 8, vous avez fait deux recommandations en ce qui concerne les élections pour les commissaires de la commission scolaire. Vous avez suggéré qu'il faut subventionner les candidats dans une certaine mesure, et j'aimerais avoir une idée du montant que vous envisagez et qui doit payer. Est-ce que c'est le gouvernement, les commissions scolaires? Voici l'autre partie de la question. J'aimerais que vous expliquiez pourquoi vous dites: Nous sommes entièrement défavorables à la tenue des élections scolaires le même dimanche de novembre que les élections municipales. Il s'agit de deux paliers politiques distincts et des élections se tenant concurremment ne peuvent qu'appauvrir la participation populaire. Il y a d'autres groupes qui croient qu'une telle coïncidence des deux élections en même temps puisse renforcer la participation. (18 h 45)

Mme Paquette: À cette question, c'est que, lorsque nous avons préparé ce mémoire, le texte original que nous avions en main parlait de suffrage universel le premier dimanche de novembre, en même temps que les élections municipales, mais ce n'était pas clair, cela nous apparaissait ne pas être nécessairement au même endroit. Plus tard, quand il y a eu d'autres informations, il a été dit que cela pouvait être au même endroit, avec une toute autre organisation d'élection; on s'est dit que cela pourrait augmenter, au contraire de ce qu'on affirme ici, la participation aux élections. Mais comme les positions étaient déjà prises, pour être respectueuses de la base, faute d'information, c'est la position qui a été prise. Mais à la lumière des informations que nous avons eues plus tard, il ne serait pas impensable de le faire en même temps que les élections municipales, pour autant que c'est le même déplacement, que ce ne soit pas dans des endroits tout à fait différents. Ce serait à repenser, mais je pense que, là-dessus, il n'y aurait pas de problème.

Pour l'autre question, Mme Poisson.

Mme Ranger-Poisson: Pour le financement des candidats en particulier -dans notre esprit, des candidates - on se dit que ce système de financement existe au niveau des municipalités ou des villes de 20 000 habitants et plus, si ma connaissance de la loi municipale est exacte. Le palier scolaire est le seul où on ne contribue pas, d'une certaine façon. Quant au montant, cela pourrait être un certain montant versé au prorata du nombre d'électeurs. Cette contribution permettrait très certainement de favoriser la participation de candidats valables et surtout de candidates valables. On a fait une lecture féministe du projet de loi et on se rend compte que, dans bien des cas, beaucoup de femmes vont renoncer à leur participation à une élection parce qu'elles n'ont pas les sous nécessaires; elles hésitent à demander à leur conjoint, quand elles en ont un, une contribution de cet ordre.

Mme Dougherty: II y a beaucoup d'hommes peut-être...

Mme Ranger-Poisson: Pardon?

Mme Dougherty: II y a beaucoup d'hommes aussi...

Mme Ranger-Poisson: Et beaucoup d'hommes moins bien nantis...

Mme Dougherty: ...qui sont dans la même situation.

Mme Ranger-Poisson: ...qui sont exactement dans la même situation et on favorise, au fond, la participation des mieux nantis au détriment de ceux qui sont moins favorisés économiquement. Particulièrement dans les quartiers populaires, dans les quartiers défavorisés, il y a là un véritable problème; il y a des gens extrêmement bien intentionnés, des gens qui auraient une contribution certaine à apporter au monde scolaire et qui ne peuvent pas faire face à une campagne, si petite soit-elle. Parce que c'est évident, pour avoir participé moi-même à une élection scolaire, que ce ne sont pas des frais très élevés, mais il reste que, pour certaines personnes, 200 $ ou 300 $, ce sont des frais trop élevés. Alors, dans ce sens-là, à la fois pour favoriser les femmes et également les autres candidats dont les moyens financiers sont plus restreints, il nous apparaissait que c'était simplement juste, puisque cela se fait au niveau des autres paliers politiques.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme...

Mme Paquette: Si vous permettez, M. le Président, Mme Côté voudrait ajouter quelque chose.

Le Président (M. Blouin): Oui. Mme Côté.

Mme Levasseur-Côté: Ce qui se produit en milieu scolaire, tout le monde le sait, les

candidats ne sont pas nombreux. La période où ils peuvent parler de leur programme est très courte. Alors, le fait de financer aiderait certainement à hausser le niveau de participation, à amener un plus grand nombre de candidatures. Ce financement, on sait ce que les autres paliers en font, permet l'impression de documents - il est peu commun, dans le monde scolaire, que les candidats se donnent la peine de faire cette démarche - permet aussi toutes les procédures de visite ou de déplacement, tout type d'information qui rejoint l'électeur possible, ce qui ne se passe pas ou presque, à l'heure actuelle.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Alors, sur ce, je remercie les représentantes de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, d'avoir bien voulu participer aux travaux de notre commission parlementaire.

J'invite maintenant les représentants du Comité de parents de la Commission des écoles catholiques de Québec à bien vouloir prendre place à la table. Pendant qu'ils s'approchent, nous allons suspendre nos travaux pour une ou deux minutes, tout au plus.

(Suspension de la séance à 18 h 50)

(Reprise de la séance à 18 h 51)

Le Président (M. Blouin): La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Nos invités ont eu le temps requis pour s'installer à la table des invités. Je vais leur demander - notre procédure est bien connue - de bien vouloir s'identifier et, ensuite, de nous livrer le contenu de leur mémoire en une vingtaine de minutes.

Comité de parents de la CECQ

M. Nadreau (Jean-Paul): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, je tiens à présenter Hélène Bonnelli-Bérubé, notre vice-présidente, qui fera la lecture du mémoire tantôt, et Henri Lafrance, responsable du comité ad hoc, qui a organisé l'étude du livre blanc depuis maintenant un an et demi. Je suis Jean-Paul Nadreau, président du Comité de parents de la CECQ. Je vais laisser Hélène Bonnelli-Bérubé vous présenter le document.

Mme Bonnelli-Bérubé (Hélène): Mesdames et messieurs de la commission. Le Comité de parents de l'actuelle Commission des écoles catholiques de Québec aimerait, au nom des parents des quelque 15 000 élèves de la CECQ, vous présenter son point de vue sur le projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire public, le projet de loi 40.

Le 19 octobre 1983, les représentants des 35 comités d'école du Comité de parents de la CECQ ont entériné unanimement le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui. Ce mémoire est le fruit d'un travail d'un an et demi de réflexions menées par les membres du comité de parents, de nos comités d'école et d'un comité ad hoc, tant sur le livre blanc L'école québécoise que sur le projet de loi 40. Notre intervention portera sur les thèmes suivants: une appréciation générale du projet de loi, l'élection des commissaires, la confessionnalité, la maternelle cinq ans, le projet éducatif, les comités de mise en oeuvre, le nouveau territoire de la CECQ et les conclusions.

Premièrement, le projet de loi 40, une appréciation générale. Nous estimons que le projet de loi constitue généralement un pas dans la bonne direction, c'est-à-dire celle de donner aux parents, les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants, la place qui leur revient dans le système scolaire. Nous sommes heureux de constater que s'ouvre peut-être pour nous une ère où nous sommes appelés à faire autre chose que d'être admis, à la discrétion de la direction de l'école ou, parfois, de la commission scolaire, à une certaine consultation sur des sujets décidés par d'autres.

Les parents n'ont jamais demandé d'être les seuls à décider. Ils conçoivent fort bien que tous les agents de l'éducation aient leur mot à dire. Ils veulent simplement être considérés dans le vécu de tous les jours comme un de ces agents. C'est ce que le projet de loi leur permet d'espérer. En conséquence, donc, les parents voient d'un bon oeil l'intention générale qui y est exprimée.

Il n'y a pas que la place qu'ils occuperont dans la nouvelle structure scolaire qui intéresse les parents. Ils ont maintes fois, par le passé, dénoncé le fait que les décisions concernant l'école étaient toutes prises, en réalité, à un autre niveau, soit à la commission scolaire, soit au ministère.

Les parents ne peuvent donc qu'applaudir aux énoncés du projet de loi qui fait de l'école le centre, le pivot du système scolaire. Le projet de loi semble lui donner l'essentiel, soit les pouvoirs nécessaires pour élaborer, mettre en oeuvre et évaluer son projet éducatif et pour donner certains autres services à la communauté. C'est ce que les parents ont toujours demandé. Ceci étant dit, nous croyons que l'école ne devrait pas être submergée d'obligations légales et administratives qui pourraient la détourner de sa fonction première qui est de donner des services éducatifs de la meilleure qualité possible.

En fait, notre position globale sur la philosophie générale du projet de loi est

celle-ci: que le législateur ne fasse plus de concessions qui viseraient soit à diminuer la place des parents dans le système scolaire, soit à minimiser l'importance de l'école comme centre de décision, et que les autres agents du monde de l'éducation, les enseignants, les directeurs et les commissions scolaires, admettent que l'éducation n'est pas un domaine qui leur est réservé, qu'ils acceptent, avec esprit d'équipe, que les parents doivent occuper une place très importante à tous les niveaux du système scolaire.

Nous savons que ce dernier point ne peut pas se régler par législation seulement et que les mentalités devront changer. Nous voulons simplement profiter de l'occasion qui nous est donnée pour dire que, si nous sommes disposés à collaborer avec les autres responsables de l'éducation de nos enfants, nous n'entendons plus nous contenter d'un rôle secondaire. Cette attitude nous semble légitime. Il vous reste à vous, législateurs, à assurer un cadre législatif qui nous donne cette possibilité et à vous, autres agents de l'éducation, à comprendre et à accepter ces aspirations. Quant à nous, parents, nous vous assurons de notre plus entière collaboration.

Le point 2, l'élection des commissaires. Le mode d'élection des commissaires est un des points de la réforme qui a soulevé le plus de passion. On aurait cru, à entendre certains, que c'était là la seule fonction importante de tout le système scolaire. Les commissaires actuels en particulier étaient les plus véhéments, défendant avec bruit et à coups de millions le statu quo. Certains d'entre eux nous ont d'ailleurs fortement surpris. On n'aurait jamais cru, à les voir agir, ou plutôt ne pas agir, au conseil des commissaires, qu'ils pouvaient être aussi énergiques. Finalement, le projet de loi devrait, à cet égard, les satisfaire.

Quant à nous, nous aurions préféré, au premier abord, que seuls les parents d'enfants fréquentant une école de la commission scolaire puissent devenir commissaires. Nous nous disions que c'était là la seule façon d'assurer que des personnes ayant un certain intérêt pour la chose scolaire se retrouvent en majorité au conseil des commissaires. Il faut en effet savoir - et nous aurions des exemples précis à vous soumettre - que plusieurs des commissaires actuels ne pourraient que fort difficilement démontrer leur intérêt pour le domaine de l'éducation. Malgré ce qui précède, nous nous prononçons maintenant en faveur de ce que propose le projet de loi 40 sur ce sujet, soit le suffrage universel.

Nous appuyons cette proposition pour trois raisons. D'abord, elle a le grand mérite de ne nier aucun des droits fondamentaux de la personne. Deuxièmement, elle obéit au grand principe que l'on nous aurait bien sorti tôt ou tard que, quand on paie pour un service, on a droit de regard, exprimé en anglais - même chez nous - par la phrase bien connue: "No taxation without representation." Or, tout le monde paie pour les services d'éducation, tout le monde a donc le droit de se présenter aux élections, du moins si on se fie au raisonnement que suggère la maxime à laquelle nous venons de faire référence. La troisième raison qui nous amène à donner notre accord est le fait que le commissaire sera élu pour une école et qu'il siégera au conseil de l'école. Nous estimons qu'il s'agit là du seul moyen efficace d'assurer que le commissaire élu s'occupera effectivement des affaires pour lesquelles il a été élu. Il sera, en effet, continuellement en contact avec l'école, à qui il devra sa première loyauté. De plus, les autres membres du conseil d'école, dont les parents, seront alors en mesure d'évaluer son intérêt réel pour le mandat qu'il a sollicité. Il leur appartiendra alors de prendre les moyens pour ne pas réélire aux élections suivantes le commissaire qui ne satisferait pas à leurs attentes. (19 heures)

En résumé, nous appuyons le projet de loi 40 sous cet aspect, à la condition expresse que le commissaire représente une école et siège au conseil d'école.

La confessionnalité. Nous appuyons les principes du nouvel aménagement de la confessionnalité scolaire énoncés dans le projet de loi 40. Nous pensons particulièrement au caractère non confessionnel des commissions scolaires, à l'option entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral, au caractère public et commun de l'école, au droit de l'école d'intégrer dans son projet éducatif les valeurs de la communauté à laquelle elle dispense des services. Nous accueillons favorablement l'ensemble des articles 17, 18, 25, 30, 31 et 32, traitant des droits de religion et de conscience à l'école.

Par contre, le projet de loi aurait besoin d'être bonifié à d'autres égards. Certains articles nous rendent quelque peu mal à l'aise, en particulier les article 103 et 220, en ce qu'ils donnent plus de droits aux catholiques et aux protestants qu'aux autres groupes religieux. Nous n'avons pas d'objection à ce que les parents catholiques et protestants aient des droits garantis par la loi. Toutefois, ces mêmes droits devraient être étendus aux autres groupes religieux lorsqu'ils sont suffisamment nombreux dans leur milieu, école ou commission scolaire. Le respect et l'ouverture d'esprit que le Québec a toujours manifestés envers sa minorité protestante doivent maintenant s'étendre aux autres confessions, la société québécoise devenant de plus en plus pluraliste.

Pour ce qui est des autres aspects de la confessionnalité scolaire, nous vous référons aux recommandations et au

document adoptés à l'assemblée générale du Comité de parents de la CECQ le 19 janvier 1983 et que nous annexons au présent mémoire. Nous ne vous ferons pas la lecture de cette annexe; nous espérons que vous en avez déjà pris connaissance.

La maternelle cinq ans. Le projet de loi contient une surprise, au moins, qui allait, semble-t-il, passer inaperçue. Il ramène de six à cinq ans l'âge de fréquentation obligatoire de l'école. Il prévoit, bien sûr, que la commission scolaire peut, à la demande des parents, dispenser un enfant de cinq ans de cette obligation. Cependant, nous ne sommes pas sûrs que cette nouvelle obligation soit vraiment justifiée.

Nous remarquons aussi que l'on a passé sous silence les requêtes déjà formulées sur la date de naissance exigée pour l'inscription d'un enfant en première année. Nous nous demandons donc si le législateur n'aurait pas pu profiter de l'actuel débat sur le projet de loi 40 pour écouter ceux qui ont des revendications à faire sur ce sujet.

Le projet éducatif. Le projet éducatif est la pierre angulaire de toute la vie d'une école. C'est, comme le décrivait L'école québécoise, une démarche dynamique par laquelle une école, grâce à la volonté concertée des parents, des enseignants, des élèves et de la direction, entreprend la mise en oeuvre d'un plan général d'action. Or, les pouvoirs conférés au conseil d'école, comme la constitution même de ce conseil, nous semblent permettre cette démarche dynamique vers la mise en oeuvre d'un plan général d'action. Il est de la plus grande importance que vous n'acceptiez pas de modifications au projet de loi qui seraient de nature à mettre en péril les chances de réalisation du projet éducatif. Nous savons fort bien que la présente commission parlementaire, comme toute commission parlementaire, risque fort d'amener des changements au projet de loi. Si, toutefois, elle devait avoir comme résultat la négation par une trop grande dilution des pouvoirs du conseil d'école ou, par sa disposition, du projet éducatif, la réforme perdrait tout son sens. En conséquence, nous vous demandons de voir dans quelle mesure chaque changement que vous pourriez croire nécessaire ou intéressant pourrait affecter le projet éducatif.

Les comités de mise en oeuvre. C'est le sixième point. Les pouvoirs accordés aux comités de mise en oeuvre sont énormes, justement parce qu'ils sont chargés de poser les assises d'une nouvelle structure. Le projet de loi prévoit une représentation proportionnelle des parents et des commissaires à ces comités. Nous sommes convaincus que cette commission entendra tôt ou tard des représentations qui auraient pour effet, si elles sont suivies, de diminuer l'importance numérique de la représentation des parents à ces comités. Nous croyons que toute modification ayant de tels effets devrait être refusée. Ce serait bien mal commencer une restructuration donnant plus de pouvoirs aux parents que de diminuer leur importance dès les premiers pas dans cette nouvelle structure.

Notre septième point, le nouveau territoire de la CECQ. Le projet de loi 40 prévoit que, pour des motifs constitutionnels, l'actuelle CECQ verra son territoire réduit à ce qu'il était en 1867. Il en sera de même pour les commissions scolaires catholiques et protestantes de Montréal. La conséquence pratique et fâcheuse de cette situation sera qu'il n'y aura pas de réforme pour ces trois commissions scolaires qui verront leurs chartes respectives maintenues.

Sur les anciens territoires de Québec et de Montréal, la Loi sur l'instruction publique continuera de s'appliquer. Les élèves et les parents ne pourront donc pas se prévaloir de la Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. Les parents ne pourront pas choisir le statut confessionnel de leur école. De plus, n'importe quel résident pourrait exiger devant les tribunaux que toute école relevant de ces trois commissions scolaires ait un projet éducatif intégralement confessionnel, même lorsque cela est illogique ou invivable.

Pensons à la situation de l'école primaire Saint-Jean-Baptiste de Québec, dont 50% des élèves sont exemptés de l'enseignement religieux. Pensons aux écoles secondaires professionnelles de l'ancien Québec (métiers de l'automobile et de la coiffure, entre autres) dont le type d'enseignement se prête mal à un projet éducatif confessionnel.

Finalement, le caractère non confessionnel des commissions scolaires fait l'objet d'un large consensus au Québec. Même la Fédération des commissions scolaires catholiques et la Commission des écoles catholiques de Québec se sont déclarées favorables à ce principe. Ce qui est bon pour l'ensemble du Québec devrait l'être pour les anciens territoires de Québec et de Montréal.

En conséquence, nous recommandons ce qui suit: 1° Que le gouvernement du Québec engage immédiatement, avec ses partenaires provinciaux et fédéral, les négociations nécessaires pour que des amendements soient apportés à la constitution canadienne afin de permettre aux résidents des anciens territoires de Québec et de Montréal de profiter de la restructuration scolaire; 2° Que dès la mise en vigueur de la Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public, l'administration des écoles secondaires situées sur les anciens territoires de Québec et de Montréal soit confiée à la commission

scolaire linguistique voisine, les écoles secondaires n'étant pas touchées par la disposition de la Loi constitutionnelle de 1867; 3° Qu'en attendant une modification constitutionnelle, on trouve un moyen de soustraire les élèves de niveau primaire, résidant sur ces territoires, à l'administration des commissions scolaires confessionnelles lorsque c'est le désir des parents; 4° Que dès la mise en oeuvre de la loi 40, toutes les dispositions des chapitres III et IV, sections I à V, s'appliquent à l'intérieur des trois commissions scolaires confessionnelles, sauf celles touchant spécifiquement à la confessionnalité nécessitant des amendements constitutionnels pour avoir force de loi.

En conclusion, le Comité de parents de la Commission des écoles catholiques de Québec est, sauf pour les remarques qui précèdent, satisfait du projet de loi 40. Il croit qu'il s'agit d'une réforme importante et intéressante et demande au législateur de ne pas prêter une oreille trop sympathique à tous les prophètes de malheur qui viendront tenter de le convaincre que l'adoption d'un tel projet de loi emportera nécessairement la déchéance du système scolaire.

Nous rappelons aux autres partenaires du système scolaire qu'il y a déjà près de 20 ans que les grandes orientations du projet de loi 40 sont réclamées par la population. Dès 1966, la commission Parent recommandait au gouvernement la formation de commissions scolaires régionales non confessionnelles, l'intégration du primaire et du secondaire, le libre choix entre un enseignement confessionnel et non confessionnel, la formation - et c'est souligné dans notre texte - de comités scolaires décisionnels composés majoritairement de parents au niveau de l'école, l'élection par les parents des membres de la commission scolaire, etc. À ce moment-là, le directeur du Devoir applaudissait la sagesse de la commission Parent. C'est tiré du Devoir du 14 mai 1966. Nous avons connu par la suite le livre orange, le livre vert et le livre blanc qui allaient tous dans le même sens.

Le comité de parents demande aussi aux autres intervenants de se rappeler que le temps des luttes de pouvoirs et de sauvegarde des pouvoirs et du prestige doit se terminer. L'intérêt premier, le seul d'ailleurs, est d'assurer à nos enfants la meilleure éducation, la meilleure formation possible, tout le reste est secondaire. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Merci, Madame. J'inviterais M. le ministre à prendre la parole.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier et féliciter le Comité de parents de la Commission des écoles catholiques de Québec pour le travail intense qu'il a mis à l'étude aussi bien du libre blanc que du projet de loi et, ensuite, pour le mémoire qu'il nous présente ce soir, mémoire clair, vigoureux, bien senti. J'ai bien noté que le comité de parents espérait depuis longtemps un projet de loi de ce genre qui pouvait satisfaire à des aspirations et à des attentes dont il est conscient et qu'il exprime depuis longtemps.

Le comité de parents applaudit au rôle décisionnel important que le projet de loi accorde à l'école et, à l'intérieur du comité d'école, au rôle décisionnel qui est maintenant imparti aux parents. J'ai noté avec plaisir, cependant, que cela ne veut pas dire pour le comité de parents qu'il croit que les parents seront les seuls à décider. Ce qu'il espère, comme nous d'ailleurs, c'est une sorte de gestion participative, collégiale, où tous les intervenants de l'école, dont les parents à titre de premiers éducateurs de l'enfant, participent, à partir de leur savoir, de leurs droits, de leurs compétences, en vue d'atteindre l'objectif de l'école, la mission éducative de l'école, qui est l'amélioration de la qualité de l'éducation et le développement intégral, optimal des enfants. C'est bien comme cela aussi que nous l'entendons.

Le comité de parents ne veut pas non plus submerger l'école de tâches administratives. C'est la raison pour laquelle, je crois, il est d'accord avec le fait que la commission scolaire continuera de demeurer une instance extrêmement importante dans notre système éducatif. Je suis aussi d'accord avec le comité d'école quand il dit qu'il n'est pas suffisant d'inscrire de nouvelles dispositions dans une loi, mais qu'il faudra aussi, grâce à la loi et à une évolution des idées qui devra se continuer, aboutir à un changement de mentalité où chacun des intervenants de l'école aura à comprendre le rôle, les compétences et les aptitudes de chacun. J'appelle, moi aussi, ce changement de mentalité qui est, de toute façon, absolument nécessaire à la concertation, qui est indispensable pour l'atteinte des objectifs.

Le comité de parents est également d'accord avec le système électoral choisi, d'accord avec les aménagements confessionnels prévus au projet de loi. Il nous recommande, cependant, d'accorder à toutes les autres minorités religieuses le traitement que le projet de loi accorde à la minorité protestante. Je pense que le projet de loi va assez loin dans ce sens, directement, quand il prévoit qu'un enseignement religieux confessionnel différent pourra être donné à l'école, une fois respectées les exigences du régime pédagogique et la répartition des matières qui y sont prévues. Je crois que le projet de loi le prévoit également, par les articles 31 et 32, quand il dit que le projet éducatif pourra intégrer les valeurs et les

croyances de la communauté et les valeurs et les croyances de certains groupes religieux. Il peut s'avérer précisément que, dans certaines écoles, le nombre de ressortissants d'autres confessions religieuses soit quand même assez important pour que cette coloration se manifeste au plan du projet éducatif. (19 h 15)

Le comité note, pour la première fois -effectivement cela n'avait pas été noté -que l'éducation obligatoire commencera maintenant à cinq ans. Le comité se demande cependant si c'est tout à fait justifié. Je pourrais répondre à cela que, dans la pratique actuellement, près de 98% de nos enfants de cinq ans fréquentent la maternelle. Je pense bien qu'il n'y a pas un grand risque à inscrire ce droit-là dans le projet de loi 40. Vous faites aussi une autre remarque sur la possibilité de modifier les dates de naissance: peut-être ne pas s'en tenir au 1er octobre, comme c'est le cas actuellement. Comme vous le savez, le fait de retarder jusqu'en décembre les dates d'inscription entraîne des coûts importants, surtout s'ils sont assumés d'une façon rapide. Je pense qu'il faut quand même tenir compte, avant d'établir de nouvelles règles, de la capacité de payer de notre collectivité. Je pourrais même vous dire qu'il y a un accord de principe sur ces matières, mais le seul obstacle qu'il reste, c'est l'obstacle financier; nous sommes d'ailleurs en train de l'évaluer.

Vous êtes d'accord avec tout ce que dit le projet de loi sur le projet éducatif, sur le comité de mise en oeuvre. Cependant, Sur le territoire, vous nous faites une suggestion que nous avions déjà envisagée, celle de retirer la permission aux enclaves que nécessite le nouvel aménagement linguistique, de retirer le droit à cette commission scolaire, qui obéira à l'actuelle Loi sur l'instruction publique, de régir les écoles secondaires. Sur le plan constitutionnel, il est possible que vous ayez raison, mais il nous a semblé, au nom même de l'intégration des niveaux d'enseignement que prévoit le projet de loi 40, qu'il serait difficilement justifiable de séparer ces deux types d'enseignement.

Quant aux autres suggestions que vous nous faites, je n'ai pas besoin de vous dire qu'elles font l'objet de notre considération. Comme il s'agit de matières délicates et complexes pour ne pas dire explosives, nous demandons encore un certain temps pour les considérer. Je veux quand même vous assurer de l'attention que nous y portons.

Ceci étant dit, M. le Président, je ne vois pas d'autres questions que je pourrais poser à la commission, sauf que je serais reconnaissant envers les membres de la délégation s'ils nous faisaient part de leurs commentaires sur mes commentaires.

Le Président (M. Blouin): Mme Bérubé.

Mme Bonnelli-Bérubé: J'aimerais intervenir sur deux points, soit la maternelle cinq ans et la question de l'âge d'entrée à l'école. J'admettrai avec vous que la pratique fait que 90% et plus de nos enfants de cinq ans sont, en ce moment...

M. Laurin: Je pense que j'ai dit 98%.

Mme Bonnelli-Bérubé: C'est cela; 90% et plus sont inscrits à la maternelle à cinq ans. Ce qui nous chicote dans cela, c'est qu'on enlève aux parents la liberté qu'ils ont encore, en ce moment, du choix de ne pas les envoyer à l'école à cinq ans. Quand on dit que cela ne nous semble pas justifié, effectivement, cela ne nous semble pas justifié. Il y en a 98% qui y vont. Parfait. Il y en a 2% qui n'y vont pas et les parents ont encore le droit de ne pas les envoyer. Pour nous, il nous apparaît important de laisser ce droit aux 2%. Cela n'a jamais causé de problème jusqu'à maintenant. Cela va coûter moins cher qu'il y en ait encore 2% qui n'y aillent pas. On ne voudrait pas ouvrir une polémique sur toutes les raisons qui pourraient nous amener à dire ce qui doit être bon pour l'enfant âgé de cinq ans et quels sont ses besoins. Il me semble que, effectivement, il y a une chose qu'on peut dire, c'est que le projet de loi vise d'une certain façon, c'est un de ses objectifs, je pense, à donner aux parents plus de pouvoirs et un des pouvoirs, en ce moment, c'est d'avoir leurs enfants et de s'occuper de leurs enfants à la maison, de zéro à cinq ans. Ils peuvent prendre tous les moyens. Vous allez me dire: II y en a qui les envoient à la garderie. Qu'est-ce que cela change?

C'est leur affaire, à notre avis, mais c'est encore un droit et une possibilité que nous avons de les garder de zéro à cinq ans et de leur donner ce que nous pouvons leur donner dans les années les plus importantes. Je pense que vous n'êtes pas sans savoir que le degré de socialisation d'un enfant à l'âge de cinq ans est très limité. Pour nous autres, il nous apparaît peut-être dangereux d'obliger tout le monde à avoir cette socialisation massive.

Pour ce qui est de la date, je tiens juste à préciser que nous n'avons justement pas parlé de date. Nous vous avons offert tout simplement la possibilité ou nous avons posé la question à savoir comment il se fait qu'on n'ait pas tenu compte ou comment il se fait qu'on n'ait pas profité de l'occasion pour écouter ceux qui avaient des revendications à faire. On savait que vous nous apporteriez probablement l'histoire des coûts et on se dit: La restructuration, lorsqu'on la mettra sur pied, coûtera des sous aussi. Ce n'est pas quelques sous de plus ou quelques sous de moins qui pourraient

faire la différence, quand c'est le temps d'écouter des parents, parce que ce sont des parents qui revendiquent cela ou qui ont des revendications à faire sur ce sujet. C'est tout, M. le ministre.

M. Lafrance (Henri): J'aurais quelque chose à ajouter au sujet des remarques de M. le ministre sur la confessionnalité. Je fais référence à l'avis du Conseil supérieur de l'éducation au ministère de l'Éducation, pour que M. Laurin comprenne bien ce qu'on voulait dire dans notre mémoire. Je cite: "Les droits accordés par la loi ne sont pas les mêmes pour tous. Les droits des catholiques sont davantage appuyés que ceux des autres. Les protestants partagent avec les catholiques la possibilité d'avoir des écoles reconnues comme catholiques ou protestantes. La confessionnalité et les aménagements relatifs aux droits sont inégalement répartis dans le système d'éducation. En conséquence devraient être rayées du projet de loi les mesures restrictives et discriminatoires à l'égard de l'enseignement religieux autre que catholique ou protestant. Une fois admis au choix de l'élève par le conseil d'école, l'enseignement religieux n'aurait pas à être rémunéré par le groupe religieux concerné, comme le prévoit l'article 103 du projet de loi. Un tel enseignement serait inscrit à l'horaire comme tout autre enseignement répondant aux exigences du régime pédagogique. "Les articles 111 et 110 devraient être amendés de manière à faire place non seulement à une animation pastorale pour catholiques ou à une animation religieuse pour protestants, mais aussi à une animation convenant à tout groupe religieux avec lequel un conseil d'école aura convenu d'une entente qui permette d'assurer un tel enseignement. Une animation comportant des activités en concordance avec les programmes d'études officiels en enseignement moral doit être inscrite dans la loi au même titre que l'animation pastorale et l'animation religieuse. Le prolongement de l'enseignement moral dans de telles activités est indispensable pour assurer l'atteinte des objectifs de la formation morale que le législateur entend donner à tous les citoyens. La commission scolaire doit engager un responsable qui assure le soutien aux écoles catholiques dans son territoire; ce responsable doit avoir un mandat de l'évêque du diocèse où est situé le siège social de la commission scolaire." C'est l'article 220 tel qu'il est actuellement. "Ce poste protégé de responsable, de soutien doit être situé par rapport à la responsabilité générale de la commission scolaire qui doit assurer le soutien à l'organisation pédagogique des écoles. Si un tel poste s'avère important pour l'enseignement religieux catholique et l'animation pastorale dispensés aux élèves inscrits comme catholiques dans les écoles du territoire de la commission scolaire, un poste équivalent l'est tout autant pour soutenir l'enseignement moral et tout enseignement religieux admis dans l'école ainsi que les activités d'animation reliées à ces enseignements. "En conséquence, le législateur doit amender l'article 220 du projet de loi de telle sorte qu'il ne s'applique pas à une Église en particulier. Ainsi, il faudrait faire en sorte que toute commission scolaire puisse engager de tels responsables du soutien à l'enseignement religieux après entente avec les Églises ou groupes concernés."

Nous partageons ce point de vue avec le Conseil supérieur de l'éducation.

M. Nadreau: J'aimerais intervenir sur ce qui m'est apparu un moment comme un lapsus du ministre. Je ne sais pas si c'est un lapsus volontaire.

M. Laurin: Un lapsus, c'est toujours involontaire.

M. Nadreau: Oui, mais de la part d'un ministre, pas toujours.

M. Laurin: On appelle ça autrement alors.

M. Nadreau: Je fais référence au moment où vous avez dit que nous appuyons une commission scolaire avec un pouvoir - je ne sais pas quel mot vous avez employé -intensif. Une commission scolaire qui aurait un pouvoir intensif, important. Je voudrais là-dessus dire que ce qu'on a fait ressortir dans le mémoire reprend essentiellement ce qui était dans le livre blanc et la phrase-type du livre blanc qui disait que l'école était le pivot. Nous gardons à l'esprit que ce qui devrait prévaloir dans tout amendement qui devrait se faire, c'est que l'école reste le pivot du système scolaire et que, si une commission scolaire a une raison d'être toute évidente, elle ne doit pas pour autant prendre plus d'importance qu'elle ne devrait et, en ceci, être juste un organe de transition ou une dispensatrice de services telle qu'elle a été présentée à un certain moment.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Mme Bérubé, M. Nadreau, M. Lafrance, il me fait plaisir de vous rencontrer en votre qualité de porte-parole du Comité de parents de la Commission des écoles catholiques de Québec. Nous avons déjà eu l'occasion de rencontrer les commissaires de la Commission des écoles catholiques de Québec et aussi certains

membres de cette commission, qui n'étaient pas du groupe majoritaire, qui ont eu la chance d'être invités par le gouvernement, même si des commissions scolaires entières ailleurs n'ont pas été invitées.

Je laisse à l'opinion publique le soin de juger de toutes ces choses. Mais vous autres, vous êtes là aussi et on vous reçoit avec plaisir.

J'ai écouté la lecture de votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Vous touchez certains aspects du projet de loi. Ce que j'ai un peu regretté, c'est que vous ne vous prononciez pas beaucoup sur les articulations majeures du projet de loi, les structures qu'on propose pour la vie de l'école, pour les relations entre l'école et la commission scolaire, le lien entre les commissions scolaires et le gouvernement; c'est l'ossature d'un système d'enseignement et je crois constater qu'il n'en est pas question beaucoup dans votre mémoire. Il y a d'autres aspects un peu plus particuliers qui sont touchés. Je respecte le choix que vous avez fait. Je note surtout que ce choix remonte au mois d'octobre. Je comprends très bien les circonstances dans lesquelles on a pu écrire le mémoire, il y a trois mois. Si vous aviez à l'écrire aujourd'hui à la lumière de tout ce qui a été discuté à la commission depuis un mois, je suis sûr qu'il y a d'autres aspects qui seraient touchés et peut-être même certains sujets seraient-ils abordés de manière quelque peu différente.

J'en prends pour exemple les considérations qui traitent du mode de choix des commissaires d'école. Vous approuvez fortement le mode de choix des commissaires d'école qui est proposé dans le projet de loi 40, c'est-à-dire l'élection d'un commissaire par école, lequel ira représenter son école à la commission scolaire. (19 h 30)

À peu près tout ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant à la commission parlementaire plaide contre ce mode de désignation des commissaires d'école. Il y en a qui sont défavorables parce qu'ils ont la conviction que cela entraînerait une représentation inégale à la commission scolaire. Il y a des écoles qui ont 300 élèves, d'autres qui en ont 2000 ou 3000. Il y en a qui sont défavorables à cette idée, parce qu'ils sont convaincus que celui qui aurait été élu pour représenter une école serait peut-être trop dominé par les préoccupations relatives à cette école et aurait plus de difficulté à voir le bien général. On en avait une exemple ce matin, d'ailleurs, lorsque la commission scolaire Jérôme-Le Royer est venue témoigner devant la commission. Mme la députée de Jacques-Cartier a demandé à cette commission scolaire quelle était sont attitude vis-à-vis de l'avenir du Conseil scolaire de l'île de Montréal. C'est un organisme qui réunit des représentants des commissions scolaires à des fins de taxation commune et de péréquation, de redistribution des montants qui sont perçus à même la taxe scolaire ou à même les subventions gouvernementales. Il y a une partie de la répartition qui se fait en tenant compte des facteurs socio-économiques. Ces gens ne parlaient pas de cette fonction dans leur mémoire. À la question qui leur était posée par Mme Dougherty, ils ont répondu: On voudrait que ce soit un organisme où tous les présidents seraient présents. S'ils peuvent s'entendre sur une fonction de péréquation, très bien; sinon, on répartira l'argent sur une base per capita, sans plus. Il y avait seulement le critère per capita qui figurait dans leur position. L'autre, ils le laissaient à la volonté unanime. Tout le monde, je pense, a été unanime à conclure que cela ne peut pas fonctionner comme cela. Il faut une règle de décision claire et cela ne peut pas reposer uniquement sur l'adhésion de huit, dix ou quinze représentants d'entités très particularisées. En tout cas, jusqu'à maintenant, je n'ai pas entendu de défense vraiment convaincue, à plus forte raison convaincante, de ce mode de choix des commissaires d'écoles; vous êtes les premiers sur la liste dont je me souvienne.

Il semble qu'on s'en aille plutôt vers une formule mixte. Nous autres, nous défendons le suffrage universel - ce sera, d'ailleurs, l'objet de la question que je vous poserai tantôt - parce que nous trouvons que c'est, d'abord, un mode plus traditionnel dans le bon sens du terme. Notre système scolaire a reposé là-dessus depuis un siècle. Nous attendons encore la démonstration du mal-fondé de ce mode de désignation des membres des commissions scolaires. On a entendu bien des récriminations. Vous autres, vous pouvez avoir des problèmes avec vos commissaires d'écoles, mais ce que nous avons dit à ceux qui nous parlaient en ces termes, c'est que rien ne les empêche de les déloger à la prochaine élection, de les remplacer par des personnes qui ont des vues plus ouvertes, si vous pensez que cela doit être le cas, etc. En tout cas, il n'y a absolument rien dans notre système qui empêche d'avoir les représentants qu'on veut à la commission scolaire, et c'est la même règle pour tous.

Le danger dans le mode mixte qu'on envisage, c'est qu'on confonde les lignes, qu'on confonde les niveaux et qu'on n'ait pas les mêmes niveaux, les mêmes degrés de légitimité chez ceux qui seront élus. Le gouvernement a failli décider de jeter pardessus bord le système de scrutin universel. C'est cela qui était proposé dans le livre blanc. Il a été obligé d'en revenir, parce qu'il y a une opinion publique aussi et il y a des gens qui ont des convictions dans le sens contraire. Là, il cherche une espèce de

formule mixte.

Nous autres, nous trouvons que le suffrage universel, c'est ce qu'il y a de mieux et on ne voudrait pas qu'il soit délayé trop. Qu'il y ait quelques représentants des parents ou de groupes très spéciaux de parents, comme ceux des enfants handicapés, nous le comprenons. En tout cas, c'est là que le débat me semble être rendu. Même le ministre, dans ses interventions, a rarement défendu le système d'élection qu'il propose dans son projet de loi. Il semble lui-même être rendu à un autre stade. C'est bon que vous le défendiez, vous autres. C'est une intervention au dossier. Peut-être qu'on pourra citer cela contre vous dans quinze ans, comme vous le faites avec mes articles à propos desquels, d'ailleurs, je ne me souviens pas que le rapport Parent ait recommandé tout ce que vous dites dans votre mémoire. On va le vérifier ensemble, mais je serais très étonné qu'il ait proposé tout ce que vous dites dans votre mémoire. Mais c'est une autre question. Je ne vous en veux pas du tout, cela fait partie du jeu. Vous savez, ce n'est rien; l'injustice que vous commettez à mon endroit est très mineure par rapport à toutes celles que le gouvernement a commises depuis cinq ans, et j'y ai survécu, non pas dans la fonction que j'occupais, mais dans... Cela est complètement à l'encontre du règlement.

Le Président (M. Blouin): Je vous remercie de vous rappeler vous-même à l'ordre, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: C'est la fin de la journée. Nous nous amusons. Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Je l'apprécie hautement.

M. Ryan: Sur le fond du projet de loi, vous dites au gouvernement, vous autres: II ne faut pas que vous lâchiez. C'est très important, on veut que vous gardiez l'essentiel du projet de loi, et méfiez-vous surtout des prophètes de malheur. Il y en a beaucoup de prophètes de malheur. Je vais vous en énumérer quelques-uns. Il y a la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec. Cela ne vous surprendra pas trop. C'est un organisme qui représente, quand même, au-delà de 3000 personnes élues au suffrage démocratique par leurs concitoyens dans tous les territoires scolaires du Québec. Jusqu'à preuve du contraire, ce sont des gens aussi respectables que vous et moi. Il y a la Centrale de l'enseignement du Québec. Il y a l'Association provinciale des enseignants protestants du Québec, l'Association provinciale des enseignants catholiques de langue anglaise. Il y a la faculté de l'éducation de l'Université McGill qui, dans l'ensemble, n'aime pas l'équilibre des responsabilités ou le partage des responsabilités qu'on trouve dans le projet de loi. Il y a l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires. Il y a l'Association des cadres scolaires du Québec, la Confédération des syndicats nationaux et la Fédération des travailleurs du Québec qui ont toutes des objections fondamentales. Cela va poser un problème pour le gouvernement. Il est bon que vous veniez lui donner un petit appui. Il en a besoin. On l'apprécie beaucoup, mais c'est pour vous montrer qu'il y a, quand même, un éventail d'opinions dans ce débat qui ne seront pas faciles à démêler si on veut avoir une loi qui soit juste, réaliste et quelque peu conforme aux attentes de la population.

De l'autre côté, il y a deux organismes principaux. Il y a la Fédération des comités de parents de la paroisse de Québec qui a une opinion dans le même sens général que la vôtre et il y a, deuxièmement, la Fédération québécoise des directeurs d'école avec, dans ces cas-là, des dissidences, évidemment, mais dans l'ensemble, on doit accepter que ces deux organismes représentent leurs membres d'une manière générale. C'est le portrait, en gros, des organismes qui ont une dimension provinciale ou nationale, comme on veut l'appeler. Cela étant dit, il est bon qu'on ait d'autres opinions et vous ne venez pas ici en prétendant que vous parlez au nom de tout le monde. On l'apprécie beaucoup. Vous parlez au nom de vos membres. C'est très bien.

Il y a deux questions que je voudrais vous poser. Cela va être très bref. D'abord, pourquoi êtes-vous contre le suffrage universel? J'aimerais que vous me disiez pourquoi vous trouvez que ce n'est pas une bonne manière d'élire au suffrage universel classique sur la base d'un territoire géographique. Pourquoi ne voulez-vous plus de cela?

M. Nadreau: M. le Président, je comprends mal la question, parce que nous avons assez bien dit au paragraphe 2 que nous acceptions, réflexion faite, le choix et l'élection des commissaires, justement, au suffrage universel. Je ne comprends pas très bien votre question, en ce sens.

M. Ryan: Non, ma question, c'est le suffrage universel sur la base du territoire géographique.

M. Nadreau: Ah! D'accord. C'est tout à fait différent.

M. Ryan: Le suffrage universel, c'est cela, selon la pratique que nous en avons. D'accord?

M. Nadreau: Je vais commencer à répondre et je passerai la parole, de toute façon, à mes collègues pour compléter. Premièrement, chaque groupe qui vient témoigner ici analyse le projet en fonction de son vécu et il est très clair que le vécu que nous avons est d'abord un vécu de ville, c'est-à-dire que nous sommes dans un tissu urbain qui fait que la CECQ est très bien délimitée par des paroisses qui ont chacune une école. Donc, géographiquement, cela se fait très facilement d'avoir un commissaire par école. Cela ne choque personne et cela se sent très bien, dans le tissu urbain dans lequel nous vivons, d'avoir un commissaire par école.

Deuxième chose je pense aussi que nous avons le vécu, qui est la CECQ en tant que telle, c'est-à-dire les commissaires que nous avons actuellement "au pouvoir", entre guillemets. Il ne faut pas se leurrer et, sans vouloir être méchant ou quoi que ce soit, il est très clair qu'autour de la table du conseil des commissaires actuel il y a un certain nombre de gens qui sont extrêmement loin de la chose scolaire. Notre objectif principal, on l'a dit, peut prendre n'importe quelle forme à partir du moment où l'idée est que les décisions soient prises par des gens qui sont proches de la chose scolaire. Une des garanties que l'on peut avoir, c'est qu'un parent, de par son essence, est proche de la chose scolaire. Je suis prêt à admettre qu'un enseignant est aussi proche de la chose scolaire. Ce n'est pas du tout ce à quoi je veux m'opposer. Ce que je veux dire, c'est qu'actuellement, tel que la structure est, il y a des gens qui sont très loin des choses sur lesquelles ils décident. L'objet d'une réforme, c'est, justement, d'améliorer la situation. Une des meilleures choses à faire, ce serait de redonner les décisions au niveau de l'école à des gens qui savent de quoi ils parlent.

M. Ryan: Dans la majorité des commissions scolaires du Québec aujourd'hui, les commissaires sont des personnes qui ont servi antérieurement comme membres de comités d'école ou comme membres de comités de parents, qu'on ne peut pas, par conséquent, accuser d'ignorance ou d'indifférence à l'endroit de la chose scolaire, qui ont déjà fait la preuve de leur intérêt pour les affaires scolaires. Dans bien des cas, on a des expériences de secteurs de la population qui n'étaient pas contents de leurs commissaires, des parents, par exemple, et qui ont dit: On va s'organiser et on va les remplacer par la voie du suffrage universel. Ma question, c'est: Qu'est-ce qui vous empêche, même comme parents, de procéder comme cela pour avoir des commissaires qui seront plus proches des problèmes véritables? Est-ce qu'il y a un obstacle structurel? Est-ce qu'il y a quelque chose d'insurmontable qui exigerait qu'on vous donne un canal privilégié?

Mme Bonnelli-Bérubé: C'est à partir de mon vécu dans un quartier de la ville et après avoir observé comment les gens fonctionnent que je vais vous répondre à cette question et vous dire comment cela m'apparaît difficile d'y aller d'une autre façon. Les parents qui ont des enfants dans une école de quartier sont, la plupart du temps, intéressés pour un certain nombre d'années à ce qui se passe à l'école parce que leur propre enfant y est. Ces parents vont concentrer leurs efforts, leur disponibilité et leurs énergies à venir mettre du temps à l'école. Il y en a d'autres qui vont les consacrer à l'équipe de hockey, ou à l'équipe de baseball, ou au comité de loisirs du coin. Mais les parents qui sont intéressés à la chose scolaire viennent, d'abord et avant tout, à l'école. Parce que longtemps la structure de la commission scolaire telle qu'on la vit était quelque chose de complètement à part, quelque chose où les parents n'ont pas d'affaires, quelque chose où les parents ne sont pas écoutés, quelque chose où les parents ne sont même pas reçus, quelque chose où on se fait dire que, finalement, on serait bien mieux de rester dans nos cuisines, il y a des parents qui disent: On n'y va plus, à la commission scolaire. Il y a eu un éloignement de ces parents de la commission scolaire. On retrouve ces mêmes parents qui viennent revendiquer au niveau de notre école.

Je ne dis pas que cela s'applique à l'ensemble de la population du Québec, mais je dis que, dans des milieux urbains comme les nôtres et avec une vieille commission scolaire comme la nôtre, c'est le cas de le dire, c'est le genre de problèmes qu'on vit. Nous pensons que c'est à peu près le seul moyen qu'on a d'avoir des gens qui vont venir voter pour des personnes qui vont être intéressées à aller travailler pour l'école.

Je ne dis pas que c'est tout le monde parce que j'ai effectivement un excellent commissaire de quartier avec qui je travaille régulièrement au niveau de mon école; je travaille régulièrement avec elle, elle a des enfants à l'école où j'ai les miens et où je suis présidente du comité d'école. Mais je peux les compter sur mes doigts, les commissaires en ce moment qui sont proches de l'école. Les autres sont là pour le "standing", les autres sont là parce que cela fait encore bien d'être commissaires d'écoles. Les autres sont là parce que c'est plaisant: il y a un paquet de gens qui nous appuient, mais un paquet de gens qui ne savent même pas ce qu'est un régime pédagogique, qui ne savent même pas de quoi on parle quand on parle de projet éducatif, qui ne savent même pas de quoi on parle quand on parle des nouveaux programmes de français.

M. Lafrance: Sur le fond de la question, M. Ryan, j'aurais quelque chose à ajouter. Il y a quelques années, dans mon quartier, on a eu une élection scolaire. Le thème électoral, imaginez-vous donc, c'était l'érection d'un HLM pour vieillards dans la cour de notre école. Ce qui est arrivé, à cause de la structure électorale dans laquelle on était pris, c'est que la majorité des parents intéressés à cette école n'avait pas le droit de vote. Pourquoi? Parce qu'ils n'étaient pas résidents du quartier électoral. Ils avaient le droit de vote dans d'autres quartiers électoraux qui n'étaient pas en élection. (19 h 45)

II nous apparaît difficile, voire impossible de mobiliser les parents, les premiers intéressés à la chose scolaire, sur la base des quartiers actuels qui sont abstraits, qui n'ont rien à voir avec la chose scolaire. On a des quartiers à Québec où il n'y a même aucune école. Imaginez le commissaire qui représente ses électeurs, mais qui n'a aucune école dans son quartier. Il y a un certain quartier où le commissaire en question a deux écoles anglophones; 80% des parents de ces écoles ne sont même pas résidents non seulement du quartier électoral en question, mais de la commission scolaire. Évidemment, le commissaire en question est très peu intéressé aux deux écoles anglophones, il n'y a aucun électeur.

Je dirais même plus, les personnes qui sont le mieux desservies à la CECQ sont les non-résidents. C'est symptomatique de la fausseté du système électoral scolaire qu'on soit plus préoccupé par la clientèle anglophone et ce, non pas parce que ce sont des électeurs, car 80% ne sont pas des résidents du quartier et n'ont aucun poids politique. Mais, ils ont un autre poids: le fait qu'il existe une grosse concurrence de la part de la commission scolaire anglo-protestante, la Greater Québec. À ce moment-là, la bureaucratie de la commission scolaire s'occupe beaucoup de ces non-électeurs, de ces non-résidents, parce qu'il y a une concurrence. Notre suggestion n'est pas de multiplier les commissions scolaires pour qu'il y ait de la concurrence, parce que cela engendrerait des coûts énormes; la concurrence fonctionne plus, du moins à Québec, que la démocratie.

Mme Bonnelli-Bérubé: Est-ce que je peux rajouter quelque chose, un autre exemple? Pour des raisons que je suis incapable de rendre bien claires dans votre esprit, il nous a été facile de remplir nos salles d'école pour parler de la fermeture d'écoles, pour parler de l'aménagement de la cour de l'école, pour parler de la non-érection d'un HLM pour personnes âgées dans une cour d'école. On a réuni ces gens dans nos écoles. Quand tout cela s'est discuté à la commission scolaire, on n'en a eu ni deux ni trois qui sont venus. Pourquoi? Parce qu'ils ne sont pas intéressés? Non, ils sont très intéressés, mais aller discuter à la commission scolaire, cela ne marche pas. C'est cela qu'on conteste. En tout cas, on essaie de trouver, ce n'est pas compliqué, un truc pour être capables de parler. On propose à tout moment des tables de concertation, des comités conjoints, des comités de tout ce que vous voulez; on ne s'écoute pas, on ne s'entend pas, on n'est pas du même côté.

M. Ryan: Je voudrais juste faire une observation, en terminant. Je ne veux pas prolonger davantage, parce que nous avons fait une très longue semaine et il y en a encore une longue à envisager la semaine prochaine. Les raisons que vous apportez ne me convainquent aucunement. Je trouve que vous m'apportez de très bons thèmes pour une élection scolaire. Si vous voulez qu'on parle d'autre chose que de la construction d'un HLM dans la cour d'une école, justement, si des candidats vont à l'élection scolaire avec d'autres thèmes que ceux-là, qui posent les vrais problèmes dont certains ont été mentionnés à titre d'exemple dans la discussion, je pense que cela peut changer le ton des élections scolaires et je vous dis que cela est arrivé dans bien des endroits.

Si vous n'êtes pas capables de mobiliser assez d'électeurs pour aller voter aux élections scolaires, alors qu'il suffit souvent de 10% ou 15% des voteurs inscrits sur les listes pour être élu, il y a un problème avec votre pouvoir de mobilisation également. Votre force mobilisatrice n'est peut-être pas aussi grande que le laisseraient croire vos affirmations. En tout cas, j'ai écouté cela et je suis loin d'être convaincu.

On entend le même grief à propos des autorités municipales. Je suis député d'une circonscription rurale. Que de fois les gens me disent: L'administration de cette municipalité ne vaut rien; il n'y a rien à faire avec elle. On ne change pas le système. Je leur dis: Organisez-vous. Ils me répondent: Oui, mais on est incapable de le battre, celui-là. Ils vont attendre la fois suivante et il va falloir qu'ils se préparent de longue main. C'est le système. Il ne peut pas y en avoir deux en même temps, en tout cas, c'est une chose sûre.

On a discuté aimablement. J'apprécie beaucoup les explications que vous apportez. On va y penser, mais, pour l'instant, je repars pour mon comté en n'étant pas convaincu de votre formule.

Mme Bonnelli-Bérubé: Cela ne me surprend pas.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de

Chauveau.

M. Brouillet: Bonsoir, madame et messieurs Je suis très convaincu de votre conviction dans l'importance d'un rôle beaucoup plus présent, actif et décisionnel des parents dans l'école. Je crois qu'il faut bien prendre en considération qu'on peut très bien avoir déjà été près de l'école et se retrouver commissaire après un certain temps. Il y a certainement des intérêts, je dirais, généraux de la chose éducative ou des aspects généraux, mais il y a aussi du quotidien. Il y a des gens qui ont déjà eu des enfants à l'école, même s'ils n'en ont plus, qui sont commissaires, c'est vrai. On s'intéresse à la chose scolaire quand nos enfants sont encore à telle école, pas à l'école en général. Ce n'est pas parce que mon enfant serait dans une école à 100 lieues ou à 100 milles que je vais être très intéressé par ce qui se passe dans l'école qui est tout près de chez moi, alors que je n'y ai pas d'enfant. Il y a, je pense, dans la vie de l'école des choses très particulières, près du vécu quotidien qui évolue, qui se transforme, qui n'est pas la même chose cette année, l'an prochain, cette session-ci ou l'autre, qui n'est pas la même chose d'un lieu à l'autre, d'une école à l'autre ou d'un temps à l'autre.

À mon sens, c'est cela qui manque. Un commissaire qui n'est pas près de l'école n'est pas sensible à cela, même s'il a eu déjà des enfants qui sont allés à l'école - on a quasiment tous des enfants qui sont allés à l'école - même s'il a déjà fait partie d'un comité de parents il y a cinq ou dix ans. Ce n'est pas sur ces questions-là, je pense, des questions très générales - l'éducation, tout le monde se préoccupe de cela, en gros - mais, sur des questions du vécu quotidien, qu'il est important, pour des parents qui ont des enfants dans telle école, d'avoir un mot à dire sur ce qui se passe dans telle école, pas dans les écoles en général. C'est un peu, je crois, ce point que vous voulez exprimer et nous faire ressentir. Je crois que ce point-là est très important.

Le projet de loi semble répondre à cette préoccupation, semble donner aux parents des pouvoirs sur des aspects du vécu quotidien de l'école, un certain nombre de pouvoirs décisionnels. C'est sur ces aspects que vous aimeriez aussi être entendus à la commission scolaire quand, sur certains aspects, la commission scolaire aura à prendre des décisions qui auront des incidences sur le vécu de l'école, sur le projet éducatif. C'est dans ce sens que j'ai compris la condition que vous avez ajoutée au suffrage universel. Vous vous êtes, disons, ralliés au suffrage universel avec fermeté à une condition, que le commissaire représente une école et siège au conseil de l'école.

Ce qui est important, ce n'est peut- être pas de s'arrêter sur la teneur même de cette condition, mais sur la raison, la préoccupation qui vous amène à cela. Il se peut que nous puissions satisfaire à cette préoccupation par un autre mécanisme. Je crois que la grande préoccupation est qu'il y ait un arrimage entre les commissaires et le vécu de l'école, que le commissaire puisse être au fait du vécu quotidien, particulier, de telle et telle école dans telle et telle commission scolaire. Il faut qu'il y ait un lien, un raccordement qui se fasse. Vous dites que, pour que cela se fasse, si le commissaire est à l'école et qu'il participe au conseil d'école, il va savoir ce qui se passe.

Il y a d'autres formules qui ont été avancées qui disaient: Plutôt que de ramener un commissaire dans l'école, on va ramener un groupe de parents qui sont, au fait, à la commission scolaire. Ce serait une présence significative des parents délégués par les conseils d'école à la commission scolaire qui vont pouvoir participer à la discussion et faire valoir les intérêts de chacune des écoles et les problèmes vécus dans chacune des écoles. Je pense que ce qui est important, c'est de voir que la préoccupation qui vous amène à poser cette condition-là, c'est que les commissaires sachent ce qui se passe dans le vécu quotidien pas de l'école en général, mais de telle ou telle école qui existe sur leur territoire. Les formules à prendre? C'est une formule dans le projet de loi 40: que le commissaire soit élu sur une base d'école plutôt que sur une base territoriale et qu'il doive siéger. Je voulais signaler cela, car il est important de faire ressortir la préoccupation qui vous amène à cette position. Voulez-vous réagir?

M. Nadreau: C'est juste pour dire que c'est tout à fait bien compris de votre part. J'y ajouterai une petite chose: on aimerait que le commissaire, ou celui qui est rattaché à l'école, ait une manière de rendre des comptes à quelqu'un, c'est-à-dire que le problème de tout élu, que ce soit au niveau d'une Assemblée nationale ou au niveau d'une commission scolaire, c'est d'être proche des gens qui l'ont élu et que ces gens-là puissent avoir un suivi de ce que fait cette personne. Je pense que le fait d'être rattaché à une école permet aux gens qui l'ont élu de suivre ce que fait cette personne et de l'alimenter au fur et à mesure de son mandat, toujours dans le sens positif. Quand je dis "alimenter", ce n'est pas pour lui taper dessus, c'est pour être capable de dire: "Écoutez, on aurait besoin de telle affaire. C'est dans ce sens-là qu'il faudrait plutôt aller. C'est ce que je voulais ajouter.

M. Brouillet: Vous avez été précédés, à cette commission, par les commissaires de la Commission des écoles catholiques de

Québec. Les représentants ont laissé entendre que les deux représentants de parents, à la commission scolaire, auraient été d'accord et solidaires de la position de la CECQ. D'après ce que j'entends de votre part comme représentants des parents, je me pose la question: Est-ce que, selon vous - vous devez connaître les parents qui vous représentent à la commission scolaire - ces parents-là endossent la position de la commission scolaire?

M. Lafrance: Là-dessus, je tiens à souligner que M. Flamand, le président de la commission scolaire - je ne sais pas si le mot est parlementaire - a, pour le moins trompé la commission parlementaire, car, jamais, les représentants des parents, au conseil des commissaires, n'ont eu le mandat de se solidariser avec le mémoire de la commission scolaire et ils ne l'ont jamais fait. M. Flamand a, pour le moins, trompé ia commission.

M. Brouillet: II y a un point qui me chicote un peu concernant un dossier délicat: le territoire de la CECQ en tenant compte de l'article 93 de la constitution. Vous dites, dans votre mémoire - je crois que je l'ai entendu dire aussi par les représentants de la commission scolaire dans leur mémoire - que de même que la Fédération des commissions scolaires catholique, la Commission des écoles catholiques de Québec s'est déclarée favorable au principe du critère linguistique des commissions scolaires. (20 heures)

Par ailleurs, le président a dit que la CECQ serait prête à aller devant les tribunaux pour faire valoir l'article 93 en vue de protéger l'intégrité de son territoire. J'ai un peu de difficulté à comprendre, à moins de faire de l'interprétation, ce que je me suis permis de faire. Il y a le fait de se déclarer d'accord avec le critère linguistique et le fait de s'appuyer sur un article qui assure la confessionnalité, selon l'interprétation qu'on en donne, pour protéger l'intégrité du territoire. Finalement, la façon dont je vois cela est celle-ci: la raison pour laquelle on va avoir recours à l'article 93, est-ce d'abord pour sauver la confessionnalité ou est-ce pour sauver le territoire? C'est assez ambigu comme position de la part de la CECQ. À ce moment-là, je lui dirais: La meilleure façon de protéger l'intégrité du territoire serait peut-être de renoncer à tout prix aux recours aux tribunaux pour faire appliquer l'article 93; probablement que ce serait la meilleure façon d'assurer l'intégrité du territoire à ce moment-là. Je ne sais pas ce que vous pensez de cette position.

M. Lafrance: Le conseil des commissaires de la CECQ s'est prononcé, par une résolution, très clairement pour le principe de la commission scolaire non confessionnelle. Il ne s'est pas prononcé pour le critère linguistique. L'interprétation de sa résolution pourrait être que la CECQ préfère une commission scolaire unifiée anglo-française. Si M. Flamand avait été un administrateur logique avec les orientations du conseil des commissaires, il aurait offert sa collaboration au ministre de l'Éducation pour supprimer les obstacles de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique à la déconfessionnalisation des l'ensemble de la CECQ.

Notre comité de parents a une position très claire sur la question de l'enclave constitutionnelle. C'est un pis-aller qui doit être de courte durée. Le plus court sera le mieux. Toute la population de Québec et de Vanier doit pouvoir jouir de toutes les dispositions de la loi 40, lorsqu'elle sera adoptée, ou, sinon, le plus tôt possible.

M. Brouillet: Très bien sur cette question. On va passer à un autre point, à mon dernier point. Vous avez, à la page 8, fait des remarques très justes, je crois, au sujet du projet éducatif. Vous avez dit que c'était la pierre angulaire de la réforme et qu'il devrait devenir la pierre angulaire aussi de la vie dans le système. S'il n'y a pas de projet éducatif, le système est là pour rien. Je crois que tout le système est là pour pouvoir permettre qu'il y ait des projets éducatifs. Cela devient vraiment la pierre angulaire. Vous avez insisté aussi sur l'importance de certaines conditions pour pouvoir réaliser ce projet éducatif. Au nom des parents que vous représentez, vous mettez la commission en garde contre certaines modifications au projet de loi, certains amendements qui pourraient nuire, empêcher ou mettre en péril la réalisation du projet éducatif. Vous reconnaissez aussi que, parmi ces conditions, un certain nombre de pouvoirs doivent être accordés à l'école. Vous avez dit aussi qu'il ne faut pas, cependant, mettre trop de pouvoirs non nécessaires relativement au projet éducatif. Vous avez vu la liste des pouvoirs que le projet de loi accorde à l'école. La question que je vous poserais est celle-ci: Croyez-vous que les pouvoirs qui sont là sont suffisants pour assurer le contrôle et la pleine réalisation du projet éducatif au niveau de l'école ou croyez-vous qu'il y a des pouvoirs non essentiels là-dedans qu'on serait peut-être mieux de supprimer aussi?

Mme Bonnelli-Bérubé: Effectivement, nous trouvons que le projet de loi nous donne assez de pouvoirs. Je veux dire qu'on pourrait toujours en accepter plus ou qu'on pourrait toujours en rayer. Il y en a toujours qui diront qu'on en a trop et il y en toujours qui diront qu'on n'en a pas assez, mais, en tout cas, on en a un minimun et on en a

plus que ce qu'on a actuellement, c'est-à-dire qu'actuellement on n'en a pas. C'est très difficile effectivement, pour un comité d'école, d'essayer de mettre en place un projet éducatif au niveau de son école. Vous allez dire: Comment se fait-il que c'est un comité d'école qui met en place un comité éducatif au niveau de son école? Parce que ce sont les parents qui sont présents dans une école. Ce sont souvent les parents qui sont les initiateurs de ces projets. En ce moment, on a les bâtons dans les roues un peu partout. On se tourne d'un côté, c'est le technique, de l'autre côté, c'est le financier et, d'un autre côté, c'est la convention. Il y a un paquet d'affaires qui nous mettent des bâtons dans les roues et qui nous empêchent d'aller de l'avant.

Ce que nous disons dans notre mémoire, c'est qu'il nous semble bien, au premier abord, que ce que le projet de loi nous propose nous donne assez de latitude pour aller de l'avant, en tout cas, faire des pas en avant dans le sens de prendre vraiment en main ce projet éducatif et de le mettre en place.

La mise en garde qu'on y faisait, c'est que, quand on a étudié - je vais être très franche avec vous, je vais vous dire comment ces histoires-là sont sorties - le livre blanc à sa sortie, on s'est dit: Oh, qu'on a de belles affaires! Oh, que c'est intéressant! II était écrit partout: II y aura un règlement sur ceci, il y aura un règlement sur cela. Quand on dit quelque part: II ne faudrait pas submerger l'école d'obligations légales et administratives, c'est qu'on ne voudrait pas qu'il y ait des parenthèses, dans tous les pouvoirs qui nous sont donnés, qui fassent référence à des choses que, finalement, on ne peut pas faire ou à 50 000 000 d'affaires qu'il faut faire avant de faire cette chose-là qu'on peut faire. C'est aussi simple que ça. Les obligations légales ou administratives, c'est ce que ça veut dire: envoyer 50 papiers pour, finalement, n'avoir qu'un papier. Il me semble que ce serait plus simple d'en envoyer deux et d'avoir ce qu'on veut. C'est ça.

M. Brouillet: C'est très bien. En fait, pas une surcharge inutile. Ce que vous voulez vraiment, c'est l'essentiel, mais pas plus pour assurer vraiment un projet éducatif efficace et fécond. Vous voulez avoir tous les moyens de le réaliser, mais sans mettre de surcharge inutile.

Mme Bonnelli-Bérubé: J'ajoute quelque chose et je passe la parole à Jean-Paul. Oui, c'est ça qu'on veut, l'essentiel. Je rajoute que nous voulons le faire en concertation avec les autres agents de l'éducation. J'ai écouté à la télévision - parce que j'ai le câble - quelques personnes qui sont venues présenter des mémoires, qui ont dit que les parents étaient incompétents pour faire ce genre de travail. Je trouve malheureux que des gens aient dit ça. Je pense que les parents - en tout cas, il y en a - sont tout aussi compétents que d'autres agents de l'éducation pour travailler à la mise en place de projets éducatifs intéressants dans nos écoles, pour arriver à prendre des décisions qui vont donner à nos enfants des services de qualité. Des incompétents, il y en aura partout. Alors, qu'on ne vienne pas me dire qu'entre autres chez les parents il y en a plus qu'ailleurs.

M. Brouillet: Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

M. Nadreau: Je voulais intervenir sur les limites administratives dont on parlait, très rapidement, pour dire qu'il est très facile au législateur de dire que tel pouvoir est conféré à quelqu'un dans les limites de... Cela va très vite, on se retrouve toujours avec la borne à droite et la borne à gauche et les deux bornes se rétrécissent tellement qu'on n'a plus de latitude. Quand on dit qu'il peut y avoir des retombées sur le projet éducatif, c'est dans ce sens-là. On veut bien du pouvoir, on veut bien l'exercer, mais qu'on n'ait pas les mains liées pour l'exercer. En gros, c'est ça, je n'en dirai pas plus.

M. Brouillet: Je suis très heureux aussi de la dernière réflexion que fait madame concernant votre grand souci d'une collaboration avec tous les agents de l'école. Vous êtes conscients, je pense bien, à partir de votre expérience et de celle de tous les parents aussi, que cette oeuvre se fait en collaboration entre tous les agents. C'est tellement naturel que c'est ce qui nous garantit et nous rassure quant à la suite du projet de loi. Il faut avoir des enfants aux écoles, il faut avoir enseigné soi-même pour constater que le professeur ressent dans sa classe la nécessité d'une collaboration des parents. C'est viscéral chez le professeur, et, vice versa, je crois que, pour les parents, c'est la même chose. C'est naturel et ça va de soi que les parents sentent qu'ils ne peuvent rien faire s'il n'y a pas, non plus, l'apport précieux des éducateurs dans l'école et des enseignants en regard de l'éducation des enfants.

C'est tellement complémentaire, la contribution des deux. Pour qu'il y ait du succès dans l'éducation, dans la classe, dans l'école avec les enseignants, il faut que cette oeuvre d'éducation se fasse à la maison. Sans ça, il n'y aura pas de succès. Et, vice versa, c'est la même chose: le travail d'éducation à la maison, si on veut qu'il ait du succès, il faut qu'il ait un prolongement dans tout le vécu de l'école. C'est tellement complémentaire que c'est sur

cela que je fonde ma confiance dans la possibilité d'un fonctionnement harmonieux: la concertation, la complémentarité du rôle et des fonctions de tous les agents de l'éducation au sein de l'école. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Chauveau.

Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Comme il est très tard, je prendrai seulement quelques minutes. J'aimerais vous remercier de votre mémoire et je le trouve très intéressant. Il y a quelques points qui n'ont pas été soulevés par d'autres groupes. À la page 10, par exemple, vous parlez de la disposition dans le projet de loi qui prévoit que la CECQ et les deux autres commissions scolaires préconstitutionnelles à Montréal seront réduites aux territoires qui existaient en 1867. Est-ce que vous avez examiné ce que cela veut dire en réalité? Je ne connais pas le territoire de cette époque pour Québec, mais à Montréal le territoire était très petit; donc, il reste très peu d'écoles dans ce territoire. Le projet de loi va éliminer ces commissions scolaires sauf pour un tout petit territoire. Quelle est la portée de cette recommandation pour le Québec?

M. Lafrance: À Montréal, cela veut dire entre...

Mme Dougherty: Pour ici, à Québec même.

M. Lafrance: Pour Québec, cela veut dire environ 1000 élèves pour cette petite commission scolaire qui resteraient. C'est très petit et effectivement on fonctionne avec les gens du centre-ville. On aimerait garder avec nous la population du centre-ville. Mais on se rend compte que l'article 93 fait des obstacles à la décon-fessionnalisation complète au niveau de la commission scolaire. On espère que cet obstacle va disparaître le plus rapidement possible. Malgré le fait qu'il reste 1000 élèves, c'est tout de même plus que dans de nombreuses commissions scolaires, peut-être une dizaine, qui vont rester pas plus grosses que cela dans l'ensemble du Québec, sûrement pas sur l'île de Montréal où la population scolaire atteint jusqu'à 35 000 élèves à Pointe-aux-Trembles.

Mme Dougherty: Je doute que ce soit une recommandation réaliste. Les raisons pour lesquelles le gouvernement a proposé ces territoires sont claires, mais pour maintenir une qualité de l'éducation adéquate, ce n'est pas réaliste.

Deuxièmement, vous avez fait des commentaires dans votre annexe, à votre troisième recommandation, c'est mentionné dans le texte de votre mémoire aussi. Vous avez suggéré quelque chose d'intéressant. Ce n'est pas la première fois que j'entends une suggestion comme cela. Vous avez recommandé que l'actuel comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation soit élargi pour devenir le comité multicon-fessionnel du conseil supérieur. C'est intéressant qu'une recommandation comme cela vienne de parents d'une commission scolaire catholique. Je suis curieuse de savoir si vous avez reçu des représentations à cet égard. Votre territoire n'est pas très hétérogène, même en ce qui concerne les protestants, n'est-ce pas? D'où vient cette recommandation?

Mme Bonnelli-Bérubé: C'est une question d'ouverture d'esprit.

Mme Dougherty: Une question de?

Mme Bonnelli-Bérubé: C'est une question d'ouverture aux autres.

Mme Dougherty: Très bien, j'apprécie n'importe quelle recommandation qui nous démontre une ouverture d'esprit. (20 h 15)

M. Lafrance: C'est une question d'ouverture d'esprit, mais c'est également une question d'ouverture au pluralisme parce qu'on est une commission scolaire située dans un centre-ville et, la population devient de plus en plus pluraliste même si ce n'est pas majoritaire. La majorité est encore catholique comme autrefois, sauf qu'on a d'importantes minorités, par exemple, tous les arrivants du Sud-Est asiatique qui s'intègrent dans notre commission scolaire. Je crois qu'il est temps que le Québec s'ouvre à ces différentes minorités. Le Québec, de par sa tradition, comme on le soulignait dans le mémoire, a toujours été très ouvert face à la minorité protestante. Or, maintenant, la minorité protestante n'est pas plus nombreuse ou est à peu près aussi nombreuse que l'ensemble des autres minorités. C'est un peu un non-sens aujourd'hui - ce ne l'était pas dans le passé - que la minorité protestante ait un comité spécial que n'ont pas les autres minorités. Ce serait juste et ce serait s'adapter au Québec moderne. Dans le passé, cela se justifiait, mais plus maintenant.

Mme Dougherty: Très bien. Dernière question. À la page 6, sur la confessionnalité, vous avez dit au premier paragraphe: "Nous accueillons favorablement l'ensemble des articles 17, 18, 25, 30, 31 et 32 traitant des droits de religion et de conscience à l'école." Dans votre annexe, il semble que votre opinion a évolué un peu. L'annexe est très récente, n'est-ce pas?

M. Lafrance: Non, l'annexe est plus vieille.

Mme Dougherty: D'accord, elle est antérieure.

M. Lafrance: Si vous voyez, l'annexe est du 19 janvier 1983. La page 6 est un peu une synthèse. On n'a pas voulu reprendre tous les points qui avaient été étudiés dans les annexes d'une façon plus systématique. Le comité de parents a étudié toute la question de la confessionnalité d'une façon poussée et systématique pour faire un consensus à travers les opinions qui, de prime abord, étaient peut-être divergentes. On fait consensus sur l'annexe qui vous est présentée. La page 6 est un peu une synthèse très brève de cela, avec une remarque particulière que j'ai soulignée tantôt à M. le ministre.

Mme Dougherty: C'est particulièrement un choix quand vous parlez du statut confessionnel. Vous avez posé une question très intéressante, je crois, à la page 7, deuxième paragraphe: "Dans ce contexte, qu'est-ce que le statut juridique viendra ajouter de plus? Serait-ce une protection contre la tiédeur religieuse d'une majorité de parents?" Est-ce que vous avez changé d'avis, puisque dans votre mémoire vous appuyez l'idée que les parents pourraient choisir un statut confessionnel reconnu officiellement?

M. Lafrance: Dans notre mémoire comme tel, on ne parle pas de l'article 33, si vous l'avez remarqué. Le statut confessionnel est traité dans le projet de loi à l'article 33. Même dans l'annexe, on n'a pas complètement rejeté le statut confessionnel. On veut que ce soit pour une brève période, c'est-à-dire une question de deux ou trois ans, si vous voyez nos recommandations.

Mme Bonnelli-Bérubé: Si vous regardez à la page 7, un peu plus bas, on disait que, malgré les opinions qu'on formulait, on ne pouvait pas ignorer les préférences de la population, finalement. L'annexe que vous avez là est le fruit de toute une réflexion qu'on a eue. C'étaient les questions qu'on se posait en se demandant si effectivement un statut juridique vient ajouter quelque chose à cela. On a dit: II y a encore une forte majorité de la population qui tient à ce qu'il y ait un statut confessionnel. Il y a d'autres gens, par contre, qui sont mobilisés dans certains quartiers, qui tiennent à avoir un statut non confessionnel. C'est dans ce sens-là qu'on accepte, finalement, le fait que, pour certaines écoles, les parents puissent effectivement demander un statut particulier s'ils en désirent un. Ce n'est pas un changement d'idée. Cela va toujours dans la ligne de notre ouverture.

M. Lafrance: C'est un compromis un peu aussi face à des opinions divergentes au sein de notre comité de parents, sauf qu'on y a mis une réserve: qu'il soit de courte durée, parce que la population change et évolue assez rapidement. Il y a dix ans, personne n'était exempté dans nos écoles, alors que, dans certaines écoles, on est sur le point de dépasser le cap du 50%. La situation évoluant, on ne veut pas d'un statut juridique confessionnel permanent. Même si on s'est fait dire dans nos assemblées générales par certains de nos membres: C'est quoi, cette bibite-là, même si, pour certaines personnes, cela ne veut rien dire et n'ajoute rien, on veut que ce statut juridique soit de courte durée, qu'il puisse être renouvelé au bout de deux ou trois ans et non pas rivé dans le ciment durant cinq ans ou plus.

Mme Dougherty: Merci pour cette clarification.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les responsables du Comité de parents de la Commission des écoles catholiques de Québec. Ce fut, de toute évidence, une semaine bien remplie puisque nous avons siégé pendant au-delà de 35 heures en quatre jours. Un temps d'arrêt sera donc, je crois, pour nous tous, salutaire et, probablement aussi, pour ceux et celles qui suivent nos travaux assidûment. Ainsi, la commission élue permanente de l'éducation ajourne ses travaux jusqu'au mardi 7 février 1984, 10 heures.

(Fin de la séance à 20 h 22)

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