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(Dix heures trois minutes)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames et messieurs, bonjour et bon avant-midi. Nous allons commencer
la première activité publique de la nouvelle commission
parlementaire permanente de l'éducation et de la main-d'oeuvre. La
commission est réunie ce matin pour entendre l'interpellation du
député d'Argenteuil au ministre de l'Éducation sur le
sujet brûlant d'actualité: l'implantation de micro-ordinateurs
dans le système d'enseignement.
Les membres de la commission présents sont les suivants: MM. Ryan
(Argenteuil), vice-président de la commission, Champagne
(Mille-Îles), Leduc (Fabre), Leduc (Saint-Laurent). Je crois que c'est
tout. Je vais demander à la secrétaire de la commission de nous
faire part des remplacements temporaires pour la durée de
l'interpellation, s'il y en a.
La Secrétaire: II n'y a qu'un seul remplacement, M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce) remplace Mme Dougherty (Jacques-Cartier).
Le Président (M. Charbonneau): Merci, Me
Giguère.
Je vais vous lire les règles de procédure qui vont
régir l'interpellation et qui découlent des articles 287 à
295 de notre règlement. Le député qui a donné
l'avis d'interpellation intervient le premier pendant dix minutes. Le ministre
interpellé va intervenir ensuite pendant dix minutes. Il y a ensuite
alternance dans les interventions, c'est-à-dire un député
du ou des groupes de l'Opposition; par la suite, le ministre, un
député de la formation ministérielle; par la suite, un
député de l'Opposition, le ministre et ainsi de suite. Cet ordre
des interventions a été convenu cette semaine lors d'une
réunion des leaders des deux groupes parlementaires. Chaque intervenant
a droit à un temps de parole de cinq minutes, conformément
à l'article 293. Je pense qu'il est important que les membres de la
commission et le ministre notent que, si un intervenant utilise moins de cinq
minutes, le temps non utilisé est perdu et qu'on passe à un
député d'un autre groupe parlementaire.
Je vous signale que, selon le règlement, je pourrais, à
titre de président de ces nouvelles commissions parlementaires, moi
aussi intervenir pendant le débat, mais je pense que, pour les
premières fois que la commission va utiliser le nouveau
règlement, il est préférable que je m'abstienne
d'intervenir dans le débat. Donc, le débat se fera sans que le
président participe aux échanges. Par la suite, vingt minutes
avant la fin de la séance, j'accorderai un dernier temps de parole de
dix minutes au ministre de l'Éducation et ensuite le
député d'Argenteuil aura un droit de réplique de dix
minutes. Je mettrai fin aux travaux de la commission sans qu'il soit
nécessaire de faire motion à cet effet.
Lorsqu'une interpellation a lieu, je vous rappelle qu'il n'y a pas de
motion, ni de rapport, ni de vote et qu'on ne peut invoquer non plus le
défaut de quorum.
S'il n'y a pas de question sur les règles de procédure, je
vais immédiatement demander au député d'Argenteuil et
vice-président de la commission de prendre la parole et d'interpeller le
ministre.
Exposé du sujet M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, le dossier relatif à
l'approvisionnement des réseaux scolaires québécois en
matière de microordinateurs est l'un des plus tristes exemples de
l'incompétence et de la confusion dans lesquelles baigne l'action du
gouvernement. Cette histoire commence par un rêve. En décembre
1982, le ministre fraîchement nommé de la Science et de la
Technologie annonce l'implantation prochaine de 70 000 ordinateurs dans les
écoles du Québec. Trois mois plus tard, l'ancien ministre de
l'Éducation, que nul n'a jamais accusé de pécher par
excès de réalisme, ramène l'objectif à 42 000
appareils sur une période de cinq ans. Il fait alors connaître, en
mars 1983, une politique qui a été arrêtée -prend-il
soin de préciser - avec un appui substantiel de la base même du
système scolaire. Nous verrons tantôt que cet appui était
un autre rêve.
En juin 1983, le gouvernement fait connaître les conditions
auxquelles devront satisfaire les entreprises intéressées
à fournir des ordinateurs aux écoles et aux collèges. Pour
se qualifier, le gouvernement indique,
entre autres, qu'il faudra que les entreprises soient capables de
fournir un produit qui soit en conformité pleine et entière avec
les spécifications définies par le gouvernement. Ces
différentes conditions furent présentées aux firmes
intéressées en juin 1983. Elles s'attendaient à être
appelées à présenter des soumissions au cours de
l'été, mais tout l'automne s'écoula sans qu'elles ne
reçoivent aucune nouvelle du gouvernement. Soudain, à la fin de
novembre 1983, un télex envoyé un vendredi soir, après la
fermeture des bureaux, les pressait de soumettre des propositions en dedans
d'une semaine. Malgré ces conditions très défavorables,
plus d'une quinzaine d'entreprises s'exécutèrent. Elles
s'attendaient naturellement que leurs propositions soient examinées
sérieusement. Appelée à examiner d'urgence les
propositions, une équipe de fonctionnaires soumettait quelques jours
plus tard au gouvernement un rapport concluant que trois groupes:
Positron-Burroughs, Matrox-Olivetti et Comterm-Matra se conformaient
"entièrement" - le mot "entièrement " est entre guillemets, je le
tire du rapport des fonctionnaires - aux exigences émises dans le
télex du 25 novembre et dans les spécifications du
gouvernement.
La prochaine étape devait logiquement consister pour le
gouvernement à établir le contact avec les trois firmes
concernées afin de pousser les vérifications plus loin avec
chacune et de déterminer en fin de compte laquelle ou lesquelles
devraient être retenues. Le rapport des fonctionnaires reposait en effet
sur des données très sommaires qui n'avaient pu donner lieu
à aucune vérification systématique. Par conséquent,
il ne pouvait en aucune manière justifier un choix exclusif et
définitif. Mais, contrairement à toute raison, le premier
ministre annonçait à Paris le 6 décembre que le
gouvernement avait décidé de retenir la proposition du groupe
Comterm-Matra.
Pressé de questions, le gouvernement, au cours des semaines qui
suivirent, tenta de justifier son choix en soutenant qu'il avait choisi un
appareil qui répondait très bien à ses
spécifications, qu'il avait choisi un appareil comportant le prix le
plus avantageux - ce sont toutes des explications qui ont été
avancées à un moment ou à un autre par des porte-parole du
gouvernement - qu'il avait choisi la proposition offrant les meilleures
garanties de retombées économiques, qu'il avait choisi l'appareil
offrant les plus fortes garanties de contenu québécois, qu'il
avait voulu privilégier la filière technologique
française.
Quatre mois après cette décision, nous savons davantage
à quoi nous en tenir. Ce que le gouvernement a refusé d'expliquer
à l'époque, les faits ont permis de le connaître peu
à peu. Voici comment s'établit le bilan de l'action
gouvernementale dans le dossier des micro-ordinateurs.
La preuve est désormais faite que le choix de l'appareil Axel-20
était objectivement mauvais. Les rapports d'experts ont établi
que l'appareil ne répond pas aux spécifications définies
par le gouvernement en juin 1983. Ce modèle a été
carrément rejeté par les deux bancs d'essais qui en ont fait
l'examen. La preuve est en train de se faire qu'au moins un autre modèle
mis de l'avant par une firme concurrente et rejeté par le gouvernement
répondait beaucoup mieux aux spécifications gouvernementales. Le
prétention gouvernementale voulant que l'appareil Axel-20 ait
été offert à meilleur prix est également fausse.
Nous pouvons aujourd'hui affirmer qu'à spécifications
égales d'autres appareils qui répondaient beaucoup mieux aux
spécifications du gouvernement pouvaient être obtenus à
prix égal sinon meilleur, mais ces propositions ont été
laissées de côté sans examen et sans même qu'on
daigne adresser aux firmes intéressées un accusé de
réception.
Sur le plan du contenu québécois, la proposition
Comterm-Matra n'était en rien supérieure aux deux autres qui
furent laissées de côté. Quel que soit l'appareil retenu,
des éléments aussi essentiels que les circuits
intégrées, le boîtier, l'écran et les puces
viendront très généralement de l'extérieur. Quant
aux autres aspects, il n'y avait aucune différence importante entre les
trois propositions principales.
La même observation doit être formulée au sujet des
retombées économiques pour le Québec. À cet
égard, il n'y avait aucune raison pour le gouvernement de choisir
arbitrairement la proposition Comterm-Matra sur la seule foi des propositions
succinctes soumises par diverses firmes à la fin de novembre.
Quant à la pénétration des marchés
étrangers, les deux propositions laissées de côté
par le gouvernement offraient à bien des égards des
possibilités plus intéressantes ou, à tout le moins, aussi
intéressantes que celles de Comterm-Matra. Le groupe Comterm ne s'est vu
attribuer d'exclusivité par son partenaire français que pour le
marché canadien sur lequel, en dehors du Québec, ses chances de
pénétration restent fort minces, surtout étant
donné les événements des derniers mois. Les groupes
Matrox-Olivetti et Positron-Burroughs, en raison de leur association avec des
firmes multinationales solidement engagées dans le secteur
électronique, jouissaient de dispositions intéressantes dans
leurs ententes respectives avec leurs partenaires qui auraient à faire
des perspectives peut-être plus positives.
En ce qui touche la filière française, l'une des deux
propositions laissées de côté pouvait se qualifier en
raison de la présence importante du groupe Olivetti en France, des
intérêts substantiels que le gouvernement français
lui-même détient au sein de ce groupe et de la place non
négligeable qu'occupent déjà les appareils d'une firme
filiale d'Olivetti, la firme Logabax, dans les écoles françaises,
contrairement aux appareils Matra qui attendent encore à la porte de ces
écoles.
Par ailleurs, on s'étonne de constater que le ministre de la
Science et de la Technologie ainsi que le président de Comterm-Matra se
déclarent déjà publiquement disposés à
laisser tomber la filière française au profit d'un autre appareil
de conception purement nord-américaine, le modèle Hyperion. Les
propos de M. Gilbert Paquette à ce sujet se comprennent d'autant moins
qu'il y a peu de temps le ministre des Finances, M. Jacques Parizeau,
était dépêché en France par le gouvernement pour
tenter d'y sauver ce qui reste de la filière française dans ce
dossier.
Le ministre de l'Éducation soutient qu'un nouveau banc d'essai
aura lieu à la fin d'avril et qu'on saura alors à quoi s'en
tenir. Si le ministre a bien lu le rapport du banc d'essai des commissions
scolaires, il doit savoir que ce groupe d'experts a recommandé le rejet
pur et simple du modèle Axel-20 et qu'il exige que le gouvernement s'en
tienne à cette conclusion, et je cite un extrait de son rapport: "Tant
et aussi longtemps que nous n'aurons pas pu faire des tests avec un
modèle réel qui réponde à nos exigences. L'accent
doit être mis dans cette recommandation sur le mot "réel". Les
membres du banc d'essai veulent examiner un appareil réel, prêt
à servir, et non pas un modèle théorique ou un
modèle artificiellement corrigé pour des fins politiques dont il
resterait ensuite à vérifier le fonctionnement et les
qualités au plan pratique. Il ne semble pas que cette exigence puisse se
réaliser raisonnablement avant l'été prochain." (10 h
15)
Devant un dossier aussi accablant, la société
québécoise doit exiger des explications de la part du
gouvernement. Au ministre de l'Éducation qui est censé être
le principal responsable de ce dossier, je demande ceci: Comment peut-il
justifier pareil bafouillage de la part du gouvernement dont il faisait partie
et dont il fait toujours partie? Deuxièmement, qu'entend-il faire pour
remettre de l'ordre dans le dossier des micro-ordinateurs?
Troisièmement, quelle mesure entend-il prendre pour que les besoins des
institutions d'enseignement puissent être satisfaits à temps pour
les séances de la prochaine année scolaire, c'est-à-dire
d'ici l'été de la présente année? Ces questions
mettent en jeu la compétence et le sérieux du gouvernement, elles
touchent au plus haut point l'intérêt public et le ministre de
l'Éducation ne saurait les éluder.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Je vous remercie particulièrement
pour avoir respecté votre temps de parole. Je passe maintenant la parole
au ministre de l'Éducation et député de Matane.
Réponse du ministre M. Yves
Bérubé
M. Bérubé: M. le Président, ce qui est
intéressant dans l'intervention du député d'Argenteuil,
d'une part, c'est cette emphase sur la quincaillerie et l'absence totale de
préoccupation pour toutes les considérations pédagogiques
qui, de toute évidence, ne semblent pas être au coeur de la
réflexion du Parti libéral. Il va donc falloir mettre un peu
l'accent sur le pourquoi de l'utilisation des ordinateurs, pourquoi la
normalisation, pourquoi tel type d'appareils, ce qui ne semble pas
effectivement intéresser le député d'Argenteuil.
Évidemment, il faut quand même le dire, c'est vrai qu'on a
mis à mon avis beaucoup trop d'accent sur la quincaillerie au
Québec, s'imaginant qu'il suffirait de rentrer une série
d'appareils dans nos écoles pour que subitement, du jour au lendemain,
on devienne des experts de l'an 2000. Or, il n'en est rien. Cette folie
furieuse autour d'un dossier, fondamentalement un dossier éducatif, mais
qui peut évidemment se traiter dans un contexte de développement
économique et également dans un contexte de développement
de relations internationales, par exemple avec la France, c'est un dossier qui
est en soi complexe.
Il y a des fois où je me demande si c'est simplement parce qu'on
discuste avec un consortium franco-québécois et que, chez
certains de nos interlocuteurs, on sent toujours cette espèce de
mentalité antifrancophobe ou francophobe purement et simplement qui
résulte peut-être d'une sorte de frustration reliée
à l'isolement ou à l'abandon. Ou encore, est-ce que c'est une
espèce de bravade de petits gars qui veulent montrer qu'ils sont
effectivement meilleurs que les Français? Je l'ignore. En tout cas, cela
colore beaucoup de ces interventions politiques et, en même temps, cela
explique peut-être pourquoi la préoccupation éducative
autour de l'ordinateur n'est pas centrale dans les interventions politiques du
Parti libéral.
Premièrement, répondons à une première
question, soit l'importance de l'information dans nos écoles. Il faut
comprendre que l'informatique envahit très rapidement notre vie
quotidienne. De plus en plus, évidemment, les logiciels, la
programmation est plus raffinée et on a peut-être de moins en
moins à savoir comment fonctionne l'ordinateur. On n'a qu'à voir
nos enfants jouer dans les arcades, ces
jeux électroniques, pour bien se rendre compte qu'ils ne
connaissent pas un mot de l'électronique et, néanmoins, ils
jouent avec un appareil électronique de la même façon que
beaucoup de nos concitoyens conduisent une voiturs sans nécessairement
pouvoir la réparer lorsqu'elle fait défaut. C'est normal. On
n'est pas obligé de connaître les entrailles d'un ordinateur pour
pouvoir utiliser l'informatique.
Donc, de plus en plus, je pense que la sophistication des instruments,
associée à l'informatique, va faire en sorte que l'ordinateur
n'aura pas à être connu dans son fonctionnement. Mais c'est
néanmoins un instrument qui prépare à une certaine logique
et à une certaine rigueur. C'est un instrument qui peut accomplir des
tâches pédagogiques utiles, par exemple, poser des questions,
surveiller la réponse, la corriger, le cas échéant,
permettre des exercices en géométrie, en trigonométrie. On
voit là, par exemple, l'utilisation très intéressante d'un
langage informatique comme le logo, l'utilisation également de
l'ordinateur à des fins de développement mathématique,
pour améliorer les programmes. Également, l'ordinateur peut
servir à des jeux familiaux, mais à des jeux également
éducatifs.
Il faut donc se rendre compte que l'informatique va envahir notre vie de
tous les jours. Il faudra donc distinguer aussi trois objectifs que l'on peut
associer à la pénétration de l'informatique dans nos
écoles. D'une part, doit présider, je pense, l'idée de
démystifier un appareil qui, en soi, est mystérieux pour un grand
nombre de nos concitoyens, parce qu'il est nouveau et qu'on a tendance à
l'approcher avec crainte, ne réalisant pas, en fait, combien il est
simple - je dirais même simpliste - et assez facile d'accès.
Donc, il faut démystifier un appareil, mais il faut aussi pouvoir
l'utiliser pour résoudre des problèmes. Certains problèmes
mathématiques se résolvent plus facilement avec un ordinateur que
mathématiquement. Également, l'utilisation de fichiers de
classement peut se faire plus facilement avec un ordinateur que si on le fait
manuellement. On peut donc initier l'étudiant à la solution d'un
certain nombre de problèmes pratiques. On peut également utiliser
l'ordinateur à des fins pédagogiques, c'est-à-dire faire
répéter des leçons, vérifier des apprentissages
à l'aide de questionnaires et donc favoriser un autocontrôle de la
progression de l'étudiant dans ses cours.
Donc, il n'y a aucun doute, l'informatique va pénétrer
notre milieu scolaire, va pénétrer notre vie en
société, mais il ne faut pas non plus vouloir aller trop vite. En
fait, nous voulons nous donner de véritales régimes
pédagogiques nouveaux en lieu et place de ces anciens programmes-cadres
qui définissaient de façon un peu trop vague le contenu des
matières à enseigner. On s'est retrouvé au Québec
avec, très fréquemment, des enseignements très disparates
d'école en école, des problèmes de passage d'un enfant
d'une école à l'autre, des difficultés de production de
manuels, d'instruments pédagogiques; faute d'une certaine
uniformité désirable, nous avons, depuis maintenant 1980,
entrepris de mettre en place de nouveaux régimes pédagogiques.
Ceci suppose, à ce moment-là, puisqu'ils sont remarquablement
bien faits en termes d'objectifs, de préparation de guides, un certain
nombre d'instruments pédagogiques qui se font plus lentement ou qui se
préparent plus lentement. De fait, on doit admettre qu'il y a un certain
retard.
Donc, introduire un nouvel instrument pédagogique au milieu des
changements actuels peut représenter des problèmes additionnels.
Il y a donc lieu de ne pas exagérer la rapidité de la
pénétration d'un tel appareil, comme l'ordinateur, si, en
même temps, on n'a pas prévu des guides pédagogiques qui
puissent permettre à l'enseignant de les utiliser à
l'intérieur de leurs cours réguliers.
Donc, l'utilisation de l'ordinateur à des fins directement de
pédagogie va entrer au Québec, sans doute, plus lentement qu'on
ne le voudrait. Mais il demeure qu'il y a tout l'aspect de l'initiation
à l'informatique pour lequel nous avons une clientèle. Pour
l'année dernière, près de 18 000 étudiants se sont
inscrits à ces cours. Ce sont près de 150 écoles qui ont
donné cet enseignement. C'est un enseignement qui, je pense,
répond à un besoin immédiat, pour lequel on a une
clientèle définie et pour lequel on a besoin d'appareils.
Lorsqu'on dit qu'on a besoin d'appareils, on a besoin d'un appareil
standard. Voilà un aspect que n'a pas traité le
député d'Argenteuil. Peut-être parce qu'il ne
s'intéresse pas à cette question. Pourquoi dit-on un appareil
standard? C'est qu'il faut quand même constater qu'au Québec nous
entrons dans nos écoles des appareils de Radio-Shack, des Commodore, des
Apple, des IBM. Aucun de ces appareils ne peut communiquer l'un avec l'autre.
Il n'est pas possible, à l'heure actuelle, de préparer un
logiciel, un didacticiel, pour aider à l'enseignement d'une
matière, qui ira sur ces quatre appareils, avec comme conséquence
qu'il n'est pas possible, pour une entreprise spécialisée dans la
préparation d'instruments pédagogiques, de préparer un tel
instrument pédagogique puisqu'elle ne connaît pas l'instrument sur
lequel il sera utilisé. Cette absence de standardisation a donc comme
conséquence que la pénétration des instruments
pédagogiques se fera beaucoup plus lentement.
Le député d'Argenteuil ne se préoccupe pas de ce
problème de standardisation de la
recherche la plus rapide possible d'un appareil; ce qu'il voudrait,
c'est que l'on continue à s'éparpiller dans toutes les
directions, que nos écoles ne puissent se doter d'instruments
pédagogiques. Évidemment, à ce moment-là, il aurait
réussi à faire sa bataille politique, mais, pratiquement, c'est
l'enfant, c'est l'étudiant qui paierait le prix de sa bataille. Il faut
donc effectivement standardiser le type d'appareil.
Deuxièmement, il faut y aller assez rapidement. Le
député d'Argenteuil parlait de la précipitation du
gouvernement, mais il faut y aller quand même assez rapidement. Il y a un
an, il y avait quoi? 400 appareils au Québec. Cette année, il
doit y en avoir à peu près 5000; donc, en une année, il
s'en est acheté tout près de 4000. Nous prévoyons qu'au
moins pour septembre il nous en faudra encore de 3000 à 4000; en
d'autres termes, le nombre d'ordinateurs augmente très rapidement. Mais
il faut bien se rendre compte que nous sommes dans la situation très
simple où vous avez une école qui achète un tourne-disque
avec une vitesse de rotation de 33 tours, une autre en achète un avec
une vitesse de rotation de 45 tours, une autre avec une vitesse de rotation de
78 tours, et on se demande comment on va faire pour fournir un disque à
tout le monde. Ce n'est pas possible! Il faut standardiser et assez rapidement,
avant que notre parc d'ordinateurs soit complètement
désorganisé et impossible à structurer.
Donc, si on reprend les questions du député d'Argenteuil,
non, il n'y a pas cafouillage, il y a une volonté de standardiser, il y
a une volonté de permettre la pénétration de logiciels, ce
que le député d'Argenteuil n'a malheureusement pas compris. Je me
serais attendu d'ailleurs qu'il s'attarde davantage sur les
préoccupations pédagogiques; c'est quand même un domaine
où il faut lui reconnaître une certaine force, mais qu'il laisse
à d'autres la question de la quincaillerie, de l'électronique
qu'il connaît sans doute moins bien. Mais non, il a
préféré s'intéresser à la quincaillerie et
laisser la pédagogie de côté; je pense que c'est dommage
dans son interpellation.
Ce qui est important, c'est d'arriver à définir ce que
serait cet appareil. Donc, le ministère, en juin, a
déterminé ses caractéristiques. Il s'est interrogé.
Pourquoi y a-t-il eu un tel délai entre juin et novembre? C'est
très simple, la Fédération des commissions scolaires a
été consultée, elle a demandé plus de temps, ce que
nous avons accepté. L'industrie, par le Conseil de l'industrie
électronique du Québec, a également demandé un
moratoire - on s'en souviendra - a également demandé plus de
temps; il y a donc eu des délais. Voilà pour la première
question.
M. le Président, vous me faites signe.
Il n'y a pas de problème, j'aurai l'occasion, dans la suite de la
discussion, de répondre aux autres questions du député
d'Argenteuil. Je tenais quand même, au départ, à bien poser
le problème dans son cadre pédagogique plutôt que sous cet
angle de pure quincaillerie finalement un peu mesquin qui traduit une absence
de préoccupation vis-à-vis de l'enfant, vis-à-vis de
l'éducation.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre de
l'Éducation. Je cède de nouveau la parole au député
d'Argenteuil.
Argumentation M. Claude Ryan
M. Ryan: Dès le mois d'avril dernier, dans une
intervention détaillée que j'ai faite sur la question de
l'informatique à l'école, j'ai souligné avec force que le
gouvernement ne se préoccupait pas assez de la pédagogie et
beaucoup trop de la quincaillerie. Je lui ai demandé de réviser
ses priorités de manière que nous ne soyons pas aux prises avec
le genre de problèmes auxquels nous faisons face aujourd'hui.
Je ne pense pas que le ministre de l'Éducation fasse quelque
millage que ce soit en essayant de faire porter sur le dos de l'Opposition une
faute qui revient en tout premier lieu au gouvernement. Si le ministre veut
relire les textes nombreux que j'ai publiés sur le sujet depuis un an,
il se rendra compte - je comprends qu'il est nouveau comme ministre de
l'Éducation - qu'il y a bien des choses qui ont été dites
avant qu'il ne vienne les répéter ce matin pour la nième
fois, pour notre intérêt mutuel.
Si le gouvernement avait eu plus d'intérêt véritable
pour la question pédagogique, cela se serait reflété dans
les chiffres de ses prévisions budgétaires pour les cinq
prochaines années en matière de politique informatique. Le
ministre sait très bien que le gros du budget de 150 000 000 $ qui a
été prévu pour les cinq prochaines années
était affecté à la quincaillerie. Je pense que cela va en
chercher à peu près 140 000 000 $. Sur la pédagogie dont
vous parlez avec tant d'emphase ce matin, la recherche et
l'expérimentation, nous en sommes à cent pour cent. Savez-vous
combien vous avez prévu pour la présente année? À
peu près 175 000 $ sur un budget total d'une quinzaine de millions.
C'est tout ce que vous avez mis de côté.
Vous avez dit: On va s'occuper de la formation des maîtres, c'est
très important, mais, les commissions scolaires, arrangez-vous avec les
budgets que vous avez déjà. On n'a pas d'argent spécial
à mettre à votre disposition. 175 000 $ pour l'ensemble du
Québec, c'est parfaitement ridicule.
D'ailleurs, dans une note que vous m'avez communiquée hier qui
répondait très incomplètement aux renseignements et aux
demandes de documentation que je vous avais formulés, vous m'avez dit
vous-même: On n'a pas dépensé tout ce qui avait
été prévu pour la présente année au point de
vue quincaillerie. Il nous reste un surplus de 9 000 000 $ et on va essayer de
demander que ce soit transféré pour les fins de la formation de
l'année prochaine. Il me semble que cela aurait été plus
judicieux d'établir des priorités plus vraies dès le
début de l'exercice. Toutes les priorités qui ont
été établies ici témoignaient d'une obsession pour
la quincaillerie qui a été malheureusement typique de l'attitude
du gouvernement jusqu'à maintenant. (10 h 30)
Vous parlez de besoin d'un appareil standard comme si on ne
s'était pas préoccupé de cette question-là. C'est
l'enfance même de l'art, M. le ministre. C'est pour cela qu'il y a eu
toute la démarche engagée depuis un an. Nous n'avons pas
contesté la démarche elle-même. Nous savons très
bien qu'il faut en venir à une standardisation de notre
équipement et de notre fonctionnement dans le domaine de l'informatique
à l'école. C'est le postulat sur lequel nous discutons. Vous
pouvez bien prendre tout le temps que vous avez pour démontrer des
évidences, mais je voudrais vous dire qu'en ce qui me touche vous perdez
votre temps.
Ce qui nous préoccupe, c'est que cet équipement standard
dont nous avons besoin soit acquis dans des conditions de rationalité,
de sérieux, de compétence, d'honnêteté, de respect
des interlocuteurs que doit observer le gouvernement et qu'il se vante
d'observer dans d'autres domaines. Nous vous disons: Dans ce domaine-ci, ces
conditions n'ont pas été respectées. Si nous sommes
obligés d'attacher tant d'importance à cet aspect du
débat, c'est parce que le gouvernement a mal fait son devoir et j'ose
espérer, maintenant que vous avez le temps de vous en occuper un peu
plus immédiatement, que vous n'êtes pas là uniquement pour
ratifier des demandes qu'on vous fait, en fin de compte. J'ose espérer
que vous y verrez et que vous mettrez de l'ordre dans un dossier où il
n'y en a pas eu.
J'aimerais que vous nous disiez clairement pourquoi on a laissé
de côté d'autres propositions qui étaient également
très intéressantes et, à certains égards, plus
intéressantes que celles que vous avez retenues. Qu'est-ce qui vous a
pris, surtout s'il ne fallait pas verser dans la précipitation, d'aller
si vite et de marcher de manière aussi unilatérale, aussi
irrespectueuse des gens mêmes que vous aviez invités à vous
soumettre des propositions?
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: M. le Président je pense que la
meilleure façon de répondre à la question du
député d'Argenteuil, c'est de poser clairement le problème
tel que le gouvernement avait à le résoudre et, à ce
moment-là, de voir les choix qu'il a faits.
Donc, première démarche, concevoir ce que devrait
être l'appareil des cinq prochaines années au Québec pour
éviter que désormais chaque école parte dans une
direction. Non pas que ce ne soit pas louable que l'école
bénéficie de son autonomie, mais avec le problème qu'un
enfant qui est formé sur un ordinateur dans une école, lorsqu'il
transfère à une autre école qui n'a pas le même
ordinateur, a des problèmes et il n'y a pas d'uniformité, ce qui
est non désirable.
Donc, concevoir l'appareil. Il faut bien se dire, et on a
peut-être tendance à l'oublier, que, l'été dernier,
l'ordinateur d'IBM n'était pas sur le marché, le Mclntosh d'Apple
n'était pas sur le marché, l'OPC d'Olivetti, que
représente la compagnie Matrox, n'était pas sur le marché.
En d'autres termes, l'appareil idéal existait chez certains producteurs,
fabricants à la fine pointe de la technologie, mais dans l'ensemble on
peut dire qu'il n'existait pas sur le marché.
C'est à partir des principales caractéristiques des
meilleurs appareils sur le marché que le ministère, de concert
avec la Fédération des commissions scolaires, a
élaboré un devis. Quel serait cet ordinateur idéal? La
réponse est venue en juin avec un ensemble des spécifications
désirées pour l'appareil. Certes, à ce moment, aucune
compagnie ne pouvait prétendre satisfaire ces exigences. Mais les
compagnies pouvaient regarder ce qui était demandé et se poser la
question suivante: Sommes-nous en mesure de répondre à ces
exigences? Il y a donc eu une certaine maturation, l'industrie a demandé
un délai et, de fait, nous le lui avons accordé pour lui
permettre d'examiner si, effectivement, elle ne pourrait pas concevoir un tel
appareil pour notre marché en maximisant les retombées
économiques chez nous.
Lorsqu'en novembre l'appel de soumission sommaire a été
fait, il n'a pas été fait sur des appareils physiques. Oui,
existait l'appareil Micom, par exemple, développé en Ontario qui
a coûté très cher et qui coûte encore très
cher, développé spécifiquement pour le marché
ontarien par le ministère ontarien de l'Éducation. Oui, existait
un appareil qui répondait sensiblement à nos besoins. Il existait
d'autres appareils sur le marché qui ne répondaient pas à
nos besoins. La compagnie
IBM n'avait pas encore mis au monde son ordinateur ni la
société Apple avec son nouveau Mclntosh.
C'est donc sur la base d'une proposition sur papier où
l'entreprise disait si, oui ou non, elle pourrait satisfaire à des
spécifications que le choix a été fait, d'une part, et
c'est normal puisque aucun de ces ordinateurs en général
n'existait. C'est donc sur la base d'une proposition sur papier et
également sur une proposition quant aux prix, quant aux
retombées, c'est sur cette base que le choix a été fait.
Il est toujours facile pour un concurrent après coup de dire: Je
pourrais vous livrer cet ordinateur à 12% moins cher que le prix
affiché; oui, parce que maintenant il connaît le prix de l'autre.
Mais quand il a fait sa soumission, je regrette, ce n'était pas le prix
qu'il avait affiché. Donc, c'est très facile, une fois que les
soumissions sont ouvertes, de dire: J'aurais pu soumissionner plus bas. Ah oui!
mais vous ne l'avez pas fait. Ce sont les règles du jeu.
Donc, lorsqu'on examine l'ordinateur avec lequel on faisait affaires, il
s'agissait d'ordinateur sur le papier, d'ordinateur pour lequel nous avions des
propositions de prix, des propositions de retombées et donc, sur la base
de ces propositions, on a choisi un consortium et un appareil. Mais il
était bien évident que c'est un choix d'entamer des
négociations préliminaires et non un choix définitif,
parce que, entre un ordinateur sur le papier et l'ordinateur réel sur le
banc d'essai, il y a un écart. Là où le
député d'Argenteuil induit en erreur - je ne sais pas si c'est
sciemment - lorsqu'il parle du banc d'essai concernant l'Axel-20, c'est qu'il
dit: Cet ordinateur ne répond pas aux besoins, aux
spécifications. Tout le monde le savait. La compagnie aussi le savait.
L'ordinateur dont elle parlait dans sa proposition n'était pas
l'ordinateur qu'elle avait en vente. Ce serait exactement comme dire qu'une
entreprise ne peut pas vous livrer aujourd'hui un appareil qui répond
à vos besoins sous prétexte qu'il y a cinq ans cette compagnie
faisait un autre appareil. C'est complètement irrationnel.
C'est bien évident que les ordinateurs de premières
séries qui ont été faits tant par Apple, par IBM et les
autres ne répondent pas aux besoins actuels, mais on ne doit pas tirer
la conclusion que ces compagnies qui ont fait un ordinateur il y a quelques
années ne peuvent pas en faire un aujourd'hui qui réponde aux
besoins. L'erreur vient de ce qu'on a pris au mot un banc d'essai sur un
appareil de série vendu présentement sur le marché, mais
qui ne répond pas à nos spécifications. Je vous dirais
même que cet ordinateur, qui est une véritable petite merveille,
le Mclntosh d'Appel, ne répond pas non plus à nos
spécifications. Il ne pourrait être choisi. Il n'a pas
d'écran en couleur, en particulier. La vérité, c'est que,
même dans des ordinateurs très à l'avant-garde aujourd'hui,
on ne répond pas nécessairement aux besoins dans le secteur de
l'éducation. Le choix s'est fait sur la base de devis
préparés conjointement avec les commissions scolaires, sur la
base de prix, sur la base de propositions de retombées pour choisir
celui avec lequel on négocierait l'appareil futur que l'on
retiendrait.
Il est bien évident que, si l'entreprise ne peut pas respecter
l'essentiel du devis qui définit bien nos besoins, à ce moment,
ce que cela veut dire, c'est que cette entreprise ne répond pas aux
exigences du processus de soumission et on devra, à ce moment,
procéder avec une autre entreprise.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député de Fabre.
M. Michel Leduc
M. Leduc (Fabre): Merci. Je me serais attendu que le
député d'Argenteuil situe un peu mieux le problème. Je
pense qu'il n'y est pas arrivé. Il a parlé de cafouillage dans le
dossier. On essaie exactement de comprendre ce qu'il entend par cafouillage. Si
je résume un peu ce que j'ai compris, c'est qu'il semble reprocher au
gouvernement d'avoir choisi la firme Comterm-Matra. Si j'ai bien compris, il
nous dit qu'il y avait d'autres firmes qui étaient fort
intéressantes. Le gouvernement s'est empressé de choisir la
proposition qui était faite par Comterm-Matra. Il s'agissait d'une
proposition sur papier, le ministre vient de le dire. Le député
d'Argenteuil a en main un document que j'ai également, qui s'appelle une
grille d'analyse, et on trouve une comparaison des différentes
compagnies qui ont fait des soumissions en décembre dernier.
Je regarde ce que Bytec-Comterm extraordinateur proposait et moi, en
tant que profane, je trouve cela extrêmement intéressant. Bien
sûr, il s'agit d'une proposition sur papier. Qu'est-ce que je vois? Je
vois que, pour commencer, Comterm-Matra, Bytec-Comterm, il s'agit d'une
compagnie québécoise. Cela me semble, au départ,
être extrêmement intéressant que la proposition vienne d'une
compagnie québécoise. Ceci, d'ailleurs, a été
souligné par un article écrit par le journaliste Alain Dubuc dans
lequel il dit: "Dès le départ, le gouvernement, à juste
titre, a voulu utiliser ces fonds comme levier pour maximiser les
retombées économiques et technologiques pour le Québec. On
a décidé d'accorder le contrat à une compagnie
québécoise qui pourrait garantir le contenu
québécois. L'appareil Comterm de Pointe-Claire
répondait..." etc.
Si je regarde la grille d'analyse, je
remarque que, du point de vue de la fabrication et du contenu
québécois, sur papier en tout cas, on dit que ce contenu ira
au-delà de 50%. Si je regarde la qualité et l'importance des
retombées économiques et technologiques, je constate qu'il y aura
105 emplois directement reliés au contrat de 10 000 ordinateurs; une
nouvelle usine de 100 000 pieds carrés représentant plusieurs
millions d'investissements au Québec; 30 nouveaux emplois; des
possibilités d'exportation ailleurs au Canada et aux États-Unis;
la possibilité d'un projet de fabrication micro-électronique; un
circuit hybride et un circuit monolithique dans la région de Sherbrooke.
C'est extrêmement intéressant.
Il s'agit, bien sûr, d'une proposition sur papier. Mais les autres
compagnies ont fait le même type de proposition. Le gouvernement a choisi
la proposition de Bytec-Comterm parce qu'elle lui semblait la plus
intéressante.
Je ne comprends pas le reproche que fait le député
d'Argenteuil, puisque cette proposition était parmi les meilleures qui
furent présentées. Par la suite, on a mis cet appareil au banc
d'essai. Là aussi, on a procédé tel que convenu. Et cela
s'est fait en collaboration avec les commissions scolaires. Il arrive souvent
que le député d'Argenteuil reproche au gouvernement de ne pas
collaborer avec les commissions scolaires. Or, cela s'est fait avec les
commissions scolaires. Alors, que reproche-t-il au gouvernement exactement? Il
y a eu analyse sérieuse d'un appareil qui va être utilisé
dans les écoles en fonction de critères déterminés
pour des fins pédagogiques. Est-ce que le gouvernement a
procédé ou non à l'analyse de cet appareil? Oui. Et il l'a
fait en collaboration avec ses partenaires. On s'est aperçu, finalement,
que l'appareil en question dont on avait la proposition sur papier ne
répondait pas tout à fait aux critères exigés. On a
fixé un nouvel échéancier pour permettre à cette
compagnie de satisfaire aux critères indispensables pour que l'appareil
réponde aux besoins de nos élèves. Il me semble que le
gouvernement et les commissions scolaires ont fait leur devoir. Je ne comprends
pas le problème soulevé par le député
d'Argenteuil.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Fabre. Je cède maintenant la parole au
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen; Merci, M. le Président. M. le
député de Fabre ne comprend pas le problème. Il n'a pas lu
les journaux depuis six ou huit mois. Tout le monde reproche au gouvernement de
ne pas avoir fait sa "job". L'idée de base est excellente. Comme le
ministre l'a dit, on cherche un ordinateur qui convient à tout le monde,
dont les logiciels sont disponibles partout, qui est fabriqué à
100% au Québec, qui est livré dans les délais
prévus, avec lequel on peut développer des liens avec la France.
On est d'accord avec tout cela. Le problème, c'est que vous ne l'avez
pas fait. Depuis, on va de contradiction en contradiction chez vos propres
ministres.
J'ai entendu le ministre ce matin dire: "II faut aller assez rapidement
dans cette affaire." Il l'a dit deux fois. J'ai ici un article de journal qui
date de seulement quelques semaines dans lequel on cite M.
Bérubé: "L'ordinateur à l'école, ce n'est pas une
urgence." C'est l'incohérence totale. J'ai un document ici fourni par M.
Biron, ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qui dit que le
choix de microordinateurs a été fait en faveur de Comterm tout
simplement parce que son offre était la meilleure. Il a refusé
toutefois de rendre publics les documents qui permettraient de vérifier
cette assertion. Une semaine plus tard, nous avons une évaluation faite
par la Fédération des commissions scolaires du Québec dans
laquelle elle dit que ce même ordinateur est rejeté comme produit
collectif pour le réseau des commissions scolaires et cela, tant et
aussi longtemps que ne seront pas faits les tests qui conviennent. Ce sont des
contradictions l'une après l'autre. (10 h 45)
Est-ce que vous pensez que M. Parizeau est allé en France parce
qu'il n'y avait pas de problème dans le dossier des ordinateurs? Voyons
donc! Je veux poser une question au ministre. Il me semble que le coeur du
problème se situe dans les décisions du gouvernement de traiter
l'achat de ces ordinateurs comme si c'était un achat de tracteurs ou de
chaises. Le ministre a dit à plusieurs reprises, même dans les
textes de ce matin que je peux lire ici, que c'est une industrie en pleine
évolution. Il y a des instruments disponibles aujourd'hui qui
n'étaient pas disponibles hier. Il a même dit et je le cite, que
"dans cinq ans, toute décision prise aujourd'hui semblera totalement
dépassée". Alors, on vit dans une situation où nous avons
une industrie en pleine évolution ou même en pleine
révolution.
À un moment donné, le ministre a le culot de dire que le
gouvernement du Québec peut définir - et je le cite -
l'ordinateur idéal pour les fins pédagogiques au Québec.
Un seul ordinateur idéal pour tout le réseau d'éducation
du Québec, de l'élémentaire à l'universitaire,
dit-il, un gouvernement de fonctionnaires peut aujourd'hui concevoir cet
ordinateur idéal en fonction de tout ce qui existe aujourd'hui. Ils
n'ont pas l'imagination pour savoir ce qu'il peut venir après et de
dire: Bon, dorénavant on va acheter
seulement ce mandat.
C'est pourquoi on s'est trouvé en difficulté parce que le
lendemain de cette déclaration on réalisait qu'il y avait
d'autres aspects, que c'était complètement changé. J'ai
cherché à comprendre comment il pouvait y avoir un peu de bon
sens dans cette contradiction et j'ai finalement trouvé quelque chose
dans un document remis aux journalistes, le 6 mars, par le ministre de la
Science et de la Technologie. Je pense que j'ai la clé de l'idée
du gouvernement si je comprends. Le ministre disait effectivement vous n'avez
pas acheté un ordinateur de Comterm-Matrox - et je le cite: "Le
gouvernement du Québec n'a pas choisi un appareil - cela contredit
à peu près tout ce que les autres ministres ont dit -mais un
consortium chargé de concevoir ou de modifier un appareil, de le
fabriquer et de le faire évaluer en fonction des besoins
pédagogiques propres au Québec."
Alors, si je comprends le sens de cette déclaration vous avez
effectivement décidé de nationaliser l'industrie d'ordinateurs
pédagogiques au Québec. Vous avez nommé un groupe
Comterm-Matrox pour devenir la direction générale de la
fabrication et de la conception des ordinateurs pour les fins de l'enseignement
au Québec. On va mettre toutes nos cartes dans leur capacité
d'évoluer, pendant des années, aussi vite que toutes les autres
personnes et compagnies en Amérique du Nord, en France et au Japon qui
sont dans cette industrie. Si c'est le cas il n'est pas question de poser des
questions au sujet de Matrox ou de Apple. Il n'est pas question d'un
équipement qu'on a acheté. On n'a pas acheté Axel, on n'a
pas acheté Hypérion. On a choisi un consortium chargé de
concevoir, de modifier, de fabriquer et de faire évoluer les ordinateurs
en fonction des besoins pédagogiques du Québec. Est-ce vrai, M.
le ministre? Maintenant les gens de Bytec-Comterm sont ceux qui, pour un avenir
indéfini, vont décider ce que nous allons avoir comme ordinateurs
dans tout le système pédagogique au Québec.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: M. le Président, il y a dans la
question du député de Notre-Dame-de-Grâce toujours cette
espèce de complexe d'infériorité rampant que l'on retrouve
dans les interventions souvent des députés du Parti
libéral, c'est-à-dire cette espèce de sentiment
d'infériorité que le Québec ne peut pas concevoir des
technologies de pointe, des technologies qui lui sont propres et qu'on devrait
être perpétuellement à la remorque des autres. Je pense que
je peux lui laisser ses opinions. Il ne s'en aperçoit pas mais dans
toutes ses interventions cela ressort tout le temps.
Lorsqu'on parle de concevoir un ordinateur idéal il faut toujours
le mettre en perspective. L'ordinateur idéal aujourd'hui veut simplement
dire celui qui est le mieux équipé et qui regroupe le plus
d'avantages de tous les ordinateurs sur le marché, donc qui combine un
ensemble de qualités que l'on retrouve chez plusieurs concurrents en un
seul appareil. C'est ce que l'on peut appeler un ordinateur un peu
idéal. Par exemple, un ordinateur où on aurait incorporé
les principales caractéristiques avantageuses d'ordinateur produit par
différentes compagnies industrielles. Carrément, je pense que le
député de Notre-Dame-de-Grâce n'a pas saisi l'importance de
la standardisation, donc de l'achat d'un ordinateur uniforme dans l'ensemble
des institutions du Québec, car il ne comprend pas l'importance de
logiciels dans la pédagogie.
En effet, un logiciel c'est comme un livre. Je pourrais écrire
des livres en russe et vouloir les passer dans mes écoles au
Québec et trouver peu de preneurs. Il faut que je les écrive dans
une langue que l'étudiant va comprendre. De la même façon,
si je dois préparer des logiciels qui vont servir à
l'enseignement, il faut que je les écrive dans une langue que
l'ordinateur va comprendre. Il faut donc que je choisisse l'ordinateur d'abord
pour savoir quelle langue je vais utiliser. Si j'ai trois ordinateurs
différents dans mes écoles, je devrai composer trois livres
différents de manière à pouvoir communiquer avec ces
appareils. C'est ce que nous cherchons à éviter. C'est simple et
limpide, il n'y a que le député de Notre-Dame-de-Grâce qui
va comprendre, mais c'est son problème.
Donc, ce que l'on recherche, c'est l'appareil le plus performant et
standardisé, de telle sorte que l'on puisse mettre l'accent là
où je vais le mettre maintenant pour la deuxième partie de mon
intervention.
Il faut effectivement parler maintenant de pédagogie.
Tantôt, le député d'Argenteuil a voulu commencer à
ouvrir davantage en citant des propos antérieurs. Je pense qu'ils
auraient eu leur place dans son intervention liminaire plutôt que de
mettre l'accent sur la mécanique, mais, enfin. Le choix qu'il a fait
n'était pas celui-là, mais il a raison d'insister sur la
formation des maîtres. Je pense que le député d'Argenteuil
ne sait pas, par exemple, qu'il y a maintenant près de 10 000
enseignants qui ont reçu une formation de base en informatique au
Québec, qu'il y en a 4000 à l'heure où je vous parle en
formation universitaire en informatique de manière à pouvoir
introduire l'informatique dans leur enseignement.
Le député d'Argenteuil oublie qu'il existe dans nos
conventions collectives des provisions pour les enveloppes de
perfectionnement des maîtres qui servent à cette fin.'
Donc, dans les calculs d'argent que nous consacrons à la formation des
maîtres il oublie d'en tenir compte. Cette année c'est près
de 4 000 000 $ que nous allons mettre en préparation de logiciels et de
formation. Mais, attention, il y a deux questions auxquelles il a oublié
de répondre dans son intervention. Il nous pose la première
question: Vous mettez trop peu dans les logiciels, vous devriez mettre plus
d'argent dans les logiciels. Qu'attendez-vous? Je lui réponds: Oui, je
veux bien. Pour quelle machine? Je vais investir des millions de dollars pour
écrire des livres en quelle langue? Pour les utiliser dans quel
appareil? Si je ne sais pas, ce serait un très mauvais investissement
que de s'engager dans la préparation de logiciels pour un appareil que
je ne connaîtrais pas, donc avec le risque qu'il soit inutilisé.
Et il nous reprocherait ce gaspillage de fonds publics et il aurait raison.
C'est néanmoins ce qu'il propose. Donc, mettre plus d'argent dans les
logiciels? Oui, mais pour quel appareil?
Deuxièmement, nous devrions consacrer plus de ressources à
la formation des maîtres? Oui, mais lorsque le maître retourne en
classe, avec quel appareil travaille-t-il? Y a-t-il des appareils dans sa
classe? Va-t-il utiliser les logiciels qu'il a peut-être conçus
dans ses travaux sur un ordinateur quelconque et lequel? Voilà les
questions auxquelles le député d'Argenteuil omet de
répondre et voilà les questions auxquelles le gouvernement, lui,
doit répondre, parce que le gouvernement ne peut se contenter d'une
simple attitude critique, négative, qui ne permet pas à la
société de progresser. C'est d'ailleurs pour cela que le Parti
libéral est dans l'Opposition. Ils sont nettement meilleurs pour
énoncer toutes sortes de propositions critiques qui ne font guère
avancer les dossiers. C'est un problème bien simple qu'il nous faut
résoudre: Quelle machine répondrait le mieux à nos
besoins?
Le Président (M. Charbonneau): On va devoir en rester
à cette question. Je pense que vous aurez l'occasion de reprendre...
M. Bérubé: M. le Président, nous sommes en
train de trouver cette machine.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
des Mille-Îles.
M. Jean-Paul Champagne
M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président. Je pense
que nous sommes réunis ce matin pour savoir, en fin de compte, quel
serait le meilleur instrument, le meilleur ordinateur pour qu'enfin nos
étudiants puissent apprendre le plus adéquatement possible. Je
pense qu'il faut avoir une préoccupation avant tout pédagogique.
La pédagogie, c'est important pour les enseignants et aussi pour les
étudiants. Est-ce que l'instrument dont il est question, dont on va
faire le choix, va faire en sorte que l'apprentissage dans chacune des
écoles, dans chacune des classes au Québec, sera le meilleur pour
pouvoir absorber des connaissances, pour pouvoir comprendre des
connaissances?
Une autre préoccupation pédagogique aussi: Est-ce que le
choix de cet ordinateur va faire en sorte que les étudiants, à
leur sortie de l'école, auront aussi les connaissances
nécessaires pour s'adapter à d'autres types d'informatique,
à d'autres types d'ordinateurs?
Au moment où on se parle, je pense que c'est assez
inquiétant, si on parle de quincaillerie. Il semble y avoir une sorte
d'anarchie dans les commissions scolaires. J'ai ici un tableau qui illustre un
relevé d'information sur l'utilisation des micro-ordinateurs en
pédagogie dans les écoles du Québec. Il y a quatorze
appareils différents qui sont utilisés dans des commissions
scolaires. J'en prends quelques-uns pour vous donner des exemples: Le Apple.
Sur 4702 appareils en fonctionnement actuellement au Québec, il y en a
1228 qui sont de la compagnie Apple, pour un pourcentage de 26%. Vous avez
Atari 400 et 800. Il y a l'emploi d'appareils pour un pourcentage de 1%. Pour
Axel-20, il y a un pourcentage de 3,3. Le Commodore Vic et 64: il y a 24% des
appareils utilisés dans les écoles du Québec au moment
où on se parle. IBM, c'est 16,5%. Vous avez Texas Instruments ici, le
numéro 99a: il y a 3,9% d'appareils dans nos institutions et, au moment
où on se parle, on sait que Texas Instruments se retire du
marché; il est presque face à la faillite. On ne sait pas comment
ces écoles vont faire aussi pour renouveler leur stock ou perfectionner
leurs appareils s'ils se retirent du marché. C'est une
préoccupation.
On s'aperçoit que dans le Québec, dans les commissions
scolaires, c'est un petit peu à la va-comme-je-te-pousse, selon
l'inspiration du moment, selon qu'une commission scolaire puisse analyser que
peut-être ce serait un instrument plutôt que tel autre. Je pense
que, comme gouvernement, nous avons le devoir de dire non à cette
anarchie et de prendre position.
Je suis un petit peu navré de voir que la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec, l'automne dernier, prendre l'attitude de dire: II s'agit de ne
pas acheter un seul type d'appareil mais de laisser les fabricants en
concurrence. Allons-y à la va-comme-je-te-pousse. Je suis surpris
d'entendre le député de Notre-Dame-de-Grâce ce matin venir
en contradiction avec la position de la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec. Je pense
que nous avons le devoir de suggérer très fortement, sinon
d'imposer un appareil qui va rejoindre notre préoccupation
pédagogique, soit l'enseignement. (11 heures)
Si on prend quand même la comparaison, je serais alarmé si
dans certaines écoles, on prenait un tourne-disques 33 tours, comme on
en donnait un exemple tout à l'heure, qu'une autre commission scolaire,
choisirait un 45 tours, tandis qu'une troisième opterait pour un 78
tours. Le producteur de disques se disait en fin de compte: qu'est-ce que je
vais faire avec tout cela?
Je pense que cela demeure de l'anarchie. Si on regarde dans un contexte
de déplacement d'étudiants, de déplacement de professeurs,
nous avons, je pense, devant nous la bonne attitude, à savoir,
après consultation et étude des spécifications les plus
universelles possible de nos écoles, nous avons le devoir d'exposer ou
de suggérer un ordinateur et c'est celui qui est sur la table.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Mille-Îles. M. le député de
Saint-Laurent.
M. Germain Leduc
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, j'entendais
plus tôt le ministre dire qu'il n'y a pas eu de cafouillage dans ce
dossier. Il a absolument raison. Cela a été du "cacafouillage".
Or, il est certainement le seul à penser de cette façon. J'ai
fait venir toutes les coupures de journaux qui parlaient de ce problème
et il y en avait environ deux pouces d'épais. J'ai trouvé, au
plus, dix articles qui ne condamnaient pas la position du gouvernement dans ce
domaine.
Je pense que la première question, et peut-être la seule
qu'on devrait se poser ce matin, c'est: est-ce qu'on veut répondre aux
besoins des usagers? Est-ce notre préoccupation primordiale? Je dis que
notre préoccupation est sûrement primordiale et notre seule
préoccupation devrait être de répondre aux besoins des
usagers.
J'écoutais plus tôt le député de
Mille-Îles dire qu'effectivement il fallait se préoccuper des
usagers et des besoins des usagers. J'ai nettement l'impression que dans ce
dossier tout le monde s'en est mêlé, surtout les ministères
à caractère économique. On s'est beaucoup plus
préoccupé, je pense, du développement économique,
du développement technologique dans cela que du besoin des enfants, des
étudiants. On a peut-être voulu également faire plaisir aux
Français. Je n'ai absolument rien contre la France. Je veux bien, si
c'est possible, qu'on fasse des ententes et qu'on ait un certain contenu
français, mais je pense que cela fut peut-être la
préoccupation première du gouvernement. On a d'abord voulu faire
plaisir aux Français, ensuite on a voulu peut-être
également qu'il y ait un contenu québécois. Il aurait
possiblement fallu qu'on se préoccupe d'abord d'avoir un contenu
québécois et ensuite considérer la participation de la
France.
On a dit plus tôt, et je voudrais relever cela, que l'Axel-20,
génération 1, ce n'était pas cet appareil qu'on devait
acheter. Bien je m'excuse! C'est cet appareil que vous deviez acheter. Oui, oui
c'est trop facile de dire, par la suite bien écoutez, non c'est la
génération 2 qu'on devait acheter. Non, c'était l'appareil
et même il a passé au banc d'essai. Vous avez fait des tests.
C'est trop facile aujourd'hui de venir nous dire, bien écoutez, ce
n'était pas la machine qu'on voulait acheter. C'est bien évident
qu'on s'aperçoit aujourd'hui que ce n'était pas l'appareil qui
répondait aux besoins. Il faut lire et j'ai ici un article qui dit: En
premier lieu, on découvre que la machine choisie, l'Axel-20, ne convient
pas très bien aux usagers - c'est un expert, M. Yves Leclerc, que je
cite - et aurait besoin d'être sérieusement révisée
- on parle toujours de l'Axel-20 - pour répondre aux
spécifications du ministre de l'Éducation."
La seule chose étonnante dans cela, c'est qu'on ne s'en soit pas
rendu compte plus tôt. C'est très évident qu'on ne s'est
pas préoccupé du tout des besoins des écoles dans cette
matière. Je suis inquiet. Je pense qu'il faudrait soulever cette
question: c'est que j'ai l'impression qu'on s'en va vers un autre Quebecair,
Sodispro, Asbestos. On est en train de gaspiller l'argent des
Québécois. On a dit qu'on devrait répondre aux besoins des
écoles mais est-ce qu'on ne devrait pas également essayer d'avoir
la meilleure machine au meilleur coût possible? Voilà la
première question. Cela, je pense qu'on ne s'en est pas
préoccupé, on s'en est foutu complètement. Aujourd'hui on
regarde sur le marché, on a une Mclntosh Apple pour laquelle on parle
d'un coût de 1300 $. Apparemment, c'est une merveille. Elle aurait une
génération en avant sur l'Axel-20. Puis on parle d'un coût
d'environ 150 000 000 $, comme si c'était à peu près comme
LG 2, l'électricité. Il s'agit simplement d'un contrat; je dis
oui, 150 000 000 $ qu'on pourrait peut-être ramener à 75 000 000
$. Mais savez-vous qu'on consacre environ 6 000 000 000 $ au ministère
de l'Éducation? On doit en acheter drôlement des
équipements au Québec et cela doit dépasser les 75 000 000
$. Je pense qu'on devrait se diriger plutôt vers le logiciel, le
didacticiel. Si j'ai bien compris, on pense affecter environ 600 000 000 $.
Alors, la quincaillerie, le "hardware", je ne sais pas si on devrait s'en
préoccuper tant que cela.
On a dit qu'il fallait avoir un modèle
unique. Encore là, j'ai certaines restrictions. Je me demande si
nos étudiants lorsqu'ils vont sortir de nos écoles, de nos
institutions d'enseignement s'ils vont tous travailler sur la même
machine. C'est peut-être une question qu'on devrait se poser. Il faudait
peut-être qu'on prépare ces étudiants, pour qu'ils aient le
meilleur "background" possible, à travailler sur différentes
machines.
Quand le ministre a dit tantôt qu'il faudrait peut-être
avoir un modèle unique parce qu'on ne pourra pas avoir le logiciel, le
fameux disque, il faut voir la compétition qui existe dans ce domaine.
Je vous garantis qu'il y a une évolution énorme qui se fait et
d'une façon rapide. Je pense qu'il pourrait sûrement
répondre à nos besoins. D'ailleurs, il faut voir le nombre
d'entreprises qui sont intéressées à nous desservir.
Il y a une chose que je voudrais savoir. Pourquoi ne laisserait-on pas
jouer le rôle -simplement on a parlé beaucoup et le gouvernement
en a parlé - à l'entreprise privée. Pourquoi ne
laisserait-on pas jouer le jeu de l'offre et de la demande là-dedans?
Qu'on s'assure qu'il y ait un contenu québécois, je veux bien. Je
ne veux pas que ce soit à n'importe quel prix et je ne veux pas
m'embarquer dans d'autres Quebecair, Sodispro, Asbestos et également
SIDBEC. Je pense que ce sont des questions à se poser. Est-ce qu'on ne
devrait pas jouer le jeu de l'appel d'offres? Ensuite, on les étudie et
qu'on demande qu'elles soient compatibles, c'est évident.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Saint-Laurent. Vous avez presque tenté la
présidence en parlant de SIDBEC. Comme j'ai dit que je n'interviendrais
pas dans le cours du débat, je vais m'abstenir de relever vos
commentaires et laisser la parole au ministre de l'Éducation.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je pense
que l'intervention extrêmement intéressante du
député de Mille-Îles est éclairante. Il va falloir
la répéter et il n'y a qu'une seule façon c'est
répéter, répéter et répéter et
à la longue, l'Opposition va finir par comprendre. Pourquoi ne pas se
retrouver avec sept ou huit machines différentes dans nos écoles?
C'est très simple. Lorsqu'un enseignant développe un programme...
Imaginons un enseignant de mathématique qui enseigne des fonctions
mathématiques en secondaire V, s'intéresse à
l'informatique et conçoit un petit programme où on pourra tracer
les fonctions mathématiques sur l'écran pour donner une vision
plus concrète de l'expression mathématique et des
résultats qu'elle donne lorsqu'on introduit les variables dedans. Il a
conçu un programme utile sur le plan pédagogique. S'il a
travaillé avec une machine qui utilise un logiciel pour le graphisme
avec un positionnement dans la mémoire différent d'une autre
machine, il y a des chances qu'on ne puisse pas prendre son programme et
l'utiliser dans une autre école sur un appareil différent. Donc,
il est seul avec son logiciel à pouvoir l'utiliser.
De la même façon, si au ministère de
l'Éducation on conçoit, pour aider à l'apprentissage du
français au niveau de secondaire III, un didacticiel qui serait
disponible dans toutes les écoles du Québec, qu'on
découvre qu'il n'y a pas une école qui a le même ordinateur
il ne pourra donc pas utiliser le logiciel. On ne développera pas le
logiciel; c'est-à-dire que tout l'aspect pédagogique de
l'utilisation de l'informatique ne pourra être développé.
La seule chose qu'on pourra faire sur l'appareil, c'est l'apprentissage d'un
langage. C'est la solution de problème. Oui, on peut faire cela sur
à peu près n'importe quelle machine. D'ailleurs, il est de peu
d'importance qu'on soit formé sur un appareil et devoir travailler plus
tard avec un autre appareil car les langages sont fondamentalement les
mêmes et nous exigeons dans les spécifications que l'appareil que
nous achèterons soit compatible avec la plupart des grands langages
utilisés en Amérique du Nord, de telle sorte que
l'étudiant pourra passer un jour sur un autre appareil sans
difficulté et il se familiarisera très rapidement. Le
problème n'est donc pas pour l'étudiant de se familiariser avec
un appareil. Le problème n'est pas du tout là. Le
député de Saint-Laurent est passé à
côté de la question.
Le problème, c'est que lorsqu'on a mis au point un petit
programme sur une disquette et qu'on veut l'utiliser dans des écoles du
Québec, il faut que tout le monde soit équipé avec un
appareil qui permette d'utiliser cette disquette et qu'on ne soit pas
obligé de la traduire dans N formats différents, parce qu'il y a
N ordinateurs différents. Il est là le problème. Donc,
nous cherchons des spécifications standards de manière à
nous assurer que désormais, lorsque l'on développera des
instruments pédagogiques, toutes les écoles y aient accès.
On ne peut donc pas accepter qu'il y ait tantôt du Apple, tantôt du
IBM qui sont deux ordinateurs non compatibles. Si on permet aux commissions
scolaires d'acheter ces deux ordinateurs en concurrence, comme le dirait le
député de Saint-Laurent, nous allons morceler le système
d'éducation et nous ne serons pas en mesure, effectivement, de doter nos
étudiants d'instruments pédagogiques. C'est cela, l'objectif. Je
ne peux pas comprendre pourquoi le Parti libéral ne comprend pas que
l'objectif est de donner des instruments d'enseignement à nos enfants et
que ces instruments d'enseignement doivent être le plus universels
possible. C'est
ce qu'il ne comprend pas. Il voudrait qu'on écrive des livres en
russe, en italien et en espagnol et qu'on donne cela à des enfants
Québécois francophones ou anglophones qui ne comprennent pas la
langue. C'est malheureux. On ne peut pas faire cela. Donc, premier
problème, une certaine uniformité.
Deuxième problème. Le député de
Saint-Laurent laisse entendre qu'on choisit la machine qui coûte le plus
cher. Il a des chiffres, pourquoi ne les cite-t-il pas? Non. Les prix
soumissionnés et proposés par les entreprises indiquaient pour le
Comterm-Matra, par exemple, 2850 $ à comparer à 2995 $ pour
Matrox. C'est le chiffre utilisé par la firme. Ce ne sont pas des
chiffres inventés. La firme a mis cela dans sa soumission. Je regrette,
mais Comterm-Matra était le meilleur marché. Il devrait les lire,
ces chiffres. On les lui a donnés, mais il ne les consulte pas.
Dernier point, qu'arrive-t-il si l'étudiant, après avoir
toujours travaillé sur la même machine, se retrouve dans une
entreprise avec une autre machine? C'est évident qu'effectivement, dans
l'industrie, on aura des appareils IBM, Apple, Bytec. On aura toutes sortes
d'appareils, mais de fait, il n'y a pas de problème. Ils utilisent tous
fondamentalement le même langage et par conséquent, une fois la
formation acquise, la logique apprise, à ce moment-là, on peut
l'exercer sur à peu près n'importe quel type d'instrument.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député de Fabre.
M. Michel Leduc
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je pense que le
député de Saint-Laurent a posé une excellente question.
Veut-on répondre aux besoins des usagers, en premier lieu? Bien
sûr! La réponse est oui. On veut répondre aux besoins des
usagers avant tout en priorité et si ce n'était pas le cas, on
n'aurait pas soumis l'Axel-20 au banc d'essai avec les commissions scolaires.
Cela s'est fait conjointement, encore une fois. Donc, il y a un processus
extrêmement sérieux qui a été entrepris pour
vérifier si l'appareil répondait aux besoins des usagers. On a
répondu non dans un premier temps et on a demandé à la
compagnie de se soumettre aux spécifications exigées. Donc, il y
a une volonté très nette de répondre aux besoins des
usagers. Je pense que le député de Notre-Dame-de-Grâce a
posé, finalement, le véritable problème de l'Opposition.
C'est la question de l'appareil standardisé. Je ne sais pas si
l'Opposition préfère la tour de Babel informatique, que chaque
commission scolaire développe ses appareils ou fasse l'achat d'appareils
qui ne répondraient pas à des spécifications ou à
une standardisation.
Je pense qu'il est là, le véritable problème.
Je voudrais rappeler le cas de l'Ontario. Cela peut peut-être nous
servir, en tout cas, de point de référence, parce que l'Ontario a
connu de grandes difficultés. Il s'agit d'un domaine extrêmement
complexe et extrêmement mouvant. Ce n'est pas facile de s'y retrouver et
si le Québec connaît un certain nombre de difficultés pour
arriver justement à choisir le meilleur appareil possible, on
connaît les mêmes problèmes ailleurs. (11 h 15)
En 1981, le ministère de l'Éducation et le
ministère de l'Industrie de l'Ontario publiaient un plan de
développement sur l'utilisation de l'ordinateur à l'école.
On voulait alors venir en aide à l'industrie électronique
ontarienne. Donc, il y avait une volonté de venir en aide à
l'industrie ontarienne. Cela ne se produit pas seulement au Québec. Cela
se fait du côté de l'Ontario. Selon ce plan, le gouvernement
ontarien financerait jusqu'à 80% de l'achat des micro-ordinateurs pour
les institutions scolaires.
De plus, et c'est important, le gouvernement voulait susciter la
création d'un rnicro-ordinateur éducatif canadien. Donc,
là aussi, on préférait un appareil standardisé pour
l'Ontario. Il faut dire que c'était la première fois qu'on
assistait à une pareille intervention de l'État en Ontario. On a
donc établi les spécifications d'un appareil qu'on a
surnommé "le castor bionique". Il en est résulté que ce
qui devait être un rnicro-ordinateur bon marché s'est
transformé, en avril 1982, en un mini-ordinateur au coût de 10 000
$ environ. Aucun prototype de cet appareil n'a été
fabriqué.
Là aussi, on connaît d'énormes difficultés
malgré toute la bonne volonté du gouvernement de vouloir venir en
aide à l'industrie ontarienne, malgré sa bonne volonté
d'en arriver à un appareil standardisé et répondant aux
besoins des étudiants en Ontario. Devant ces résultats, les
industriels ont hésité à investir dans le projet. Deux ans
plus tard, le castor bionique n'a toujours pas vu le jour. Deux ans plus tard,
M. le Président. Le développement de l'utilisation de
l'ordinateur à l'école s'est fait, mais au profit de Commodore et
d'Apple plutôt qu'au profit de l'industrie ontarienne.
Là aussi, on connaît des difficultés. Je pourrais
rappeler les difficultés qu'a connues également l'Alberta.
Là aussi, il a fallu se tourner vers des appareils étrangers.
Qu'au Québec, on veuille d'une part chercher le meilleur appareil pour
répondre aux besoins des usagers, c'est très clair mais, d'autre
part, qu'on veuille également tenter de favoriser une compagnie
québécoise, et donner la chance de développer cet appareil
au Québec, je pense que c'est tout à fait normal.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Sur deux sujets, M. le Président.
Premièrement, le ministre a fait grand état de cette question de
logiciels. Je sais qu'il est un amateur des mini-ordinateurs. Il pense qu'il
peut donner des leçons à tout le monde. Moi aussi, j'ai un petit
ordinateur dans mon bureau. Je vous montre un logiciel. Ce sont des petits
disques dans un manuel. C'est ce dont on parle quand on parle des logiciels. Ce
n'est pas plus compliqué que cela. J'en ai d'autres ici pour des fins
différentes.
Il est certain qu'un élément de la problématique
est de trouver des équipements qui soient compatibles avec un type de
logiciel. C'est un peu, comme on l'a mentionné, de faire fonctionner vos
disques de musique sur les 33 tours plutôt que sur les 45 tours. Il y a
quand même plusieurs façons de régler ce problème.
Je vais vous en donner seulement une. C'est de décider que les
équipements dans les écoles doivent être compatibles avec
le système qu'on appelle aujourd'hui le système IBM. Dans ce
cas-là, vous pouvez préparer vos programmes sur la base des
logiciels du système IBM. On peut aussi les acheter de la France parce
qu'il y a plusieurs logiciels disponibles là-bas et compatibles avec le
système IBM.
Nous avons un choix de dizaines d'équipements. Personnellement,
l'équipement que j'ai dans mon bureau n'est pas un appareil IBM, mais il
est compatible avec tous les logiciels de IBM. Le Hyperion, fabriqué par
Bytec-Comterm, est compatible avec tous les logiciels de IBM. On peut en
ajouter qui sont conçus par l'entreprise privée
québécoise, pour des fins pédagogiques, par le
ministère québécois de l'Éducation, par d'autres
ministères et par n'importe qui. Il n'est pas nécessaire de dire
que, parce qu'il y a des 33 tours, des 45 tours et des 78 tours qui ont
été inventés par les autres, il faut que nous fabriquions
des 25,2 tours pour que ce produit soit uniquement québécois.
C'est complètement farfelu.
Je pense que le ministre pourrait maintenant arrêter de nous faire
des petites leçons de pédagogie. Il y a beaucoup de gens ici au
Québec qui le comprennent beaucoup mieux que lui.
En terminant, je veux lui poser une deuxième question parce que
je trouve que, dans un sens, c'est la clé du problème. Je reviens
à cette déclaration du ministre de la Science et de la
Technologie dans laquelle il a dit - j'aimerais que le ministre me dise
aujourd'hui s'il est solidaire de cette déclaration du ministre Paquette
- ce qui suit: En faisant le choix de Bytec-Comterm, le gouvernement du
Québec n'a pas choisi un appareil, mais un consortium chargé de
concevoir, modifier, fabriquer et faire évoluer en fonction des besoins
pédagogiques du Québec.
Si c'est le choix qu'on a fait, je trouve que la façon de choisir
un consortium chargé de faire évoluer les besoins
pédagogiques du Québec - cela a été fait en
fonction d'une demande du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme,
si je ne m'abuse, qui a suggéré de choisir un ordinateur pouvant
satisfaire les besoins en microordinateurs du réseau scolaire
québécois pour les 18 prochains mois - est un non-sens, une
absurdité et c'est faire preuve d'une stupidité
évidente.
Si je comprends bien, le gouvernement a choisi un consortium pour faire
évoluer nos besoins en matière d'ordinateurs dans les
écoles du Québec à l'avenir, sur la base d'une demande de
soumissions pour du "hardware", des ordinateurs pour les prochains 18 mois. Je
pose la question au ministre: Est-il solidaire avec la déclaration du 6
mars du ministre Paquette quant à la vraie nature du choix qui a
été fait?
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le ministre de
l'Éducation.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Premièrement, concernant l'ordinateur qui a été choisi, le
député de Notre-Dame-de-Grâce a raison de dire qu'il faut
régler le problème en exigeant la compatibilité IBM; ce
peut être une exigence, ce qui élimine à ce
moment-là, évidemment, des firmes comme Commodore, comme Apple et
cela réduit le marché des ordinateurs possibles à un petit
nombre de compagnies. Il pourrait choisir cette voie, c'est possible.
Soulignons cependant qu'en juin dernier IBM n'avait pas encore
d'ordinateur personnel sur le marché; on prévoyait sa venue
sur le marché. D'ailleurs, beaucoup ont été
déçus lorsque finalement l'ordinateur personnel de IBM a
été connu, lorsque l'on a constaté qu'il n'incorporait que
relativement peu de technologie originale, qu'il s'agissait tout simplement
d'assemblage de composantes standardisées et que l'ensemble était
fort peu novateur. Mais on pourrait effectivement choisir cette voie, c'est une
voie.
La voie qui a été choisie a été, au
contraire, par le biais d'un ensemble de spécifications, de rechercher
un ordinateur qui répond essentiellement à cette
compatibilité, mais qui, en même temps, a des
caractéristiques assez uniformes. La compatibilité dite IBM n'est
jamais à 100%; on peut avoir des compatibilités à 80%,
à 90%, à 60%, on n'a jamais une compatibilité
complète. Donc, c'est plus simple de choisir carrément une
technologie, un appareil.
Le choix qui a été fait a été celui d'un
appareil répondant à un ensemble de spécifications.
Même la compagnie Comterm-Matra, dans sa proposition, explique que
l'appareil qu'elle produit déjà, l'Axel-20, elle le
présente comme répondant à la plupart des critères
de la configuration désirée, à la plupart des
critères. Mais même la compagnie reconnaît que la
configuration finale de l'Axel-20 va devoir faire l'objet de
développement et indique que son service de recherche et de
développement est à travailler activement à des
modifications qui vont faire que l'appareil Axel-20 modifié
répondra aux spécifications qui sont demandées et
exigées par le ministère et les commissions scolaires.
Donc, l'Axel-20, en partant, est connu comme un ordinateur de
première génération qu'il faudra améliorer. Ce sur
quoi on s'est basé, c'est non pas sur un ordinateur physique, mais sur
un ordinateur sur le papier. Comme d'ailleurs, dans le cas de IBM qui
n'était pas à ce moment-là sur le marché,
c'était également un ordinateur sur le papier, comme d'ailleurs
la plupart des ordinateurs qui nous étaient proposés. Il
s'agissait d'ordinateurs théoriques.
Quant à la deuxième question qu'il me pose concernant
l'affirmation du ministre de la Science et de la Technologie, je dois vous dire
que je ne partage pas l'opinion du ministre de la Science et de la Technologie.
Je crois qu'elle est incorrecte quant au fond, dans la mesure où ce qui
a été demandé a été une soumission par des
firmes pour un produit identifié. Ce que nous examinons, c'est
exactement l'Axel-20 modifié ou encore le PC, je ne sais trop lequel,
d'Olivetti. Il y a un numéro, une identification, un appareil et la
demande de soumission porte sur un appareil et sur un consortium et on ne peut
pas dissocier l'un de l'autre. Là-dessus, je ne partage pas l'opinion du
ministre de la Science et de la Technologie.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre de
l'Éducation. M. le député de Mille-Îles.
M. Jean-Paul Champagne
M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président.
Dans toute cette discussion, c'est sûr, pédagogie oui; produit
québécois, je pense qu'il faut y tendre aussi. Un produit
à caractère qui s'allie peut-être à la technique
américaine et à la francophonie aussi, je dis oui à tout
cela.
On discute ici à l'Assemblée nationale
d'électronique, d'ordinateurs. C'est un monde qui évolue
tellement vite. Au moment où on se parle, on peut peut-être avoir
une option pour un ordinateur et déjà, dans certaines officines,
on pense à la création d'autres choses et c'est
déjà dépassé.
Un de mes amis est allé à une exposition l'automne
dernier, à Dallas au Texas, où tous les grands fabricants du
monde étaient là. Une observation se faisait: tous les produits
américains concurrentiels, c'est-à-dire que des compagnies comme
Commodore, Apple, IBM, TRS, Texas Instruments ont tous leurs accessoires
particuliers, leurs logiciels particuliers, ce qui fera en sorte
qu'éventuellement beaucoup de compagnies feront faillite même aux
États-Unis et même de grands empires, même des
multinationales. On l'a vu aussi pour la compagnie Osborne qui vient de
déclarer faillite. Texas Instruments, qui passait pour la compagnie la
plus dynamique, se retire du marché et, éventuellement, d'autres
tomberont.
J'ai acheté un ordinateur pour mon fils et je viens d'apprendre
que la compagnie est en difficultés financières. Je ne sais pas
comment je vais compléter cet ordinateur. Il faut savoir aussi que la
technologie japonaise viendra sur le marché nord-américain dans
quelques années. Or, toutes les compagnies d'ordinateurs japonais ont
les mêmes logiciels qui peuvent s'intégrer à toutes les
fonctions de chacun de ces appareils. C'est l'homogénéité
qui fera la force du marché japonais qui viendra éventuellement
en Amérique. Nous ferons face à cette technologie qui fera qu'il
y aura peut-être beaucoup plus d'uniformité, beaucoup plus de
complémentarité.
Je crois aussi que les commissions scolaires doivent aller dans cette
voie de l'uniformité, mais il ne faut pas non plus attendre trop de
l'extérieur. Il faut penser à nous au Québec. Si on peut
doubler une technologie française accompagnée d'une production
québécoise qui crée de l'emploi au Québec, qui fait
en sorte qu'il y a de l'exportation, j'en suis. Mais encore faut-il, à
travers tout ce grand débat, qu'on ait une préoccupation
pédagogique autour de cette table. On est membres de la commission de
l'éducation, mais, si on peut à travers tout cela donner à
nos étudiants, à la fin du cégep, à la fin du
secondaire, après les études universitaires, la chance d'explorer
une technologie sur le sol québécois, de faire en sorte qu'il y
ait une production québécoise, j'en suis. (11 h 30)
II y a déjà sur la table une proposition de construction.
Le consortium va faire en sorte qu'il y aura construction ici au Québec,
cela amènera la création de 105 emplois, il y aura de 30%
à 40% des coûts d'approvisionnement de cet appareil Comterm-Matra
qui se feront ici, dans une proportion de 30% à 40% de contenu
québécois. Je pense que le Québec est capable aussi, avec
les 38 pays francophones
qu'il y a à travers le monde, les 250 000 000 de francophones, on
peut aussi, avec la technologie française, combiner le tout et
être des exportateurs de logiciels, être des exportateurs
d'ordinateurs. Je pense que le Québec a innové dans bien des
domaines, comme Hydro-Québec International; il y a une expertise au
point de vue de l'électricité qu'on recherche à travers le
monde. On vient voir au Québec ce qui se fait parce qu'on a eu des
Québécois qui ont été ingénieux. On a ici
des firmes-conseils qui sont très avant-gardistes et la demande se fait
énormément par les autres pays. On a aussi beaucoup
d'échanges de professeurs à travers le monde, que ce soit au
Maroc, à la Côte-d'Ivoire et au Zaïre; il y a un
marché assez important et même très important.
C'est sûr que, dans le choix qu'on aura a faire, il y a un certain
risque, je l'avoue. Est-ce que IBM sera en vie dans trois ans? Je ne le sais
pas. Est-ce que Apple le sera? On ne le sait pas. Mais il y a une chose, par
exemple, je vous avertis, messieurs, que la technologie japonaise n'est pas
arrivée ici en Amérique, elle viendra. C'est pour cela que, dans
tout cela, il ne faut pas trop se fier exclusivement aux étrangers, mais
il faut, d'une certaine façon, tout en étant prudent, se prendre
en main et montrer qu'on est également capable de réaliser des
choses tout en ayant en soi un objectif pédagogique et aussi un objectif
de création d'emplois, de contenu québécois. On a
montré dans le passé qu'on était capable de le faire et je
pense qu'on est capable de le montrer dans l'avenir.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Mille-Îles. M. le député de
Saint-Laurent.
M. Germain Leduc
M. Leduc (Saint-Laurent): Je me demande si le gouvernement ne
s'est pas mis le bras dans le tordeur et que tout va y passer. J'ose
espérer que le nouveau ministre de l'Éducation sera plus sage et
peut-être qu'il pourrait - d'ailleurs, il l'a mentionné -revenir
sur ce qui a été fait jusqu'à ce jour par le
gouvernement.
J'aurais des questions très spécifiques à lui
poser. Étant donné que chaque modification à l'Axel-20
demande l'approbation de Matra qui appartient au gouvernement français,
il faudra, à mon sens, pour obtenir des modifications, obtenir la
permission, le consentement du gouvernement français. Je comprends que
le gouvernement français est peut-être très efficace, mais
est-ce que vous ne pensez pas que cela pourrait être un processus
drôlement et extrêmement lourd et lent, chaque fois qu'il faudra
obtenir le consentement du gouvernement français?
Deuxième question: Quel engagement a contracté
jusqu'à maintenant le gouvernement dans la filière des
ordinateurs, d'abord avec Comterm et ensuite avec le gouvernement
français? Qu'arrivera-t-il si, le 30 avril, l'Axel-20 ne
répond toujours pas aux exigences du réseau scolaire?
Troisième question: Est-ce qu'il y a des engagements pour les 40
000 autres ordinateurs qu'on devra se procurer d'ici cinq ans? Au cas où
l'Axel-20, génération 2, répondrait aux normes
établies, est-on assuré qu'on aura le logiciel à la date
prévue pour l'implantation de ces ordinateurs dans nos écoles? Si
j'ai bien compris, les entreprises qui fournissent le logiciel ont
mentionné qu'il fallait absolument qu'elles connaissent la machine et
que la machine existe, non pas seulement une machine sur papier.
Une question qui est peut-être plus générale: Est-ce
qu'il est logique et acceptable pour vous, M. le ministre, que l'on s'embarque
dans un contrat de cinq ans dans un domaine aussi changeant que l'informatique
et les ordinateurs? Dans ce domaine - comme je le mentionnais tantôt -une
génération, c'est environ six mois. Étant donné
qu'à mon sens on s'apprête à dilapider les deniers publics,
pourquoi ne tiendrait-on pas une commission parlementaire vu que c'est un
domaine aussi technique et ne pourrait-on pas recevoir les expertises
nécessaires pour prendre une décision? Vous avez dit qu'il n'y
avait pas d'urgence, je suis parfaitement d'accord. De la façon dont
vous êtes partis, c'est sûr qu'il n'y a pas d'urgence. On s'en va
vers une catastrophe. Je pense qu'il faudrait qu'il y ait une commission
parlementaire, qu'on écoute les gens qui ont quelque chose à
dire, qu'on écoute, bien sûr, les intervenants: les commissions
scolaires, les cégeps, également les universités, mais
qu'on écoute surtout les experts, ceux qui ont un mot à dire dans
l'expertise.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va, M. le
député?
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Merci. Tout d'abord, le
député de Saint-Laurent nous parle de la lourdeur de
l'approbation du gouvernement français. J'ai l'impression qu'il ne
connaît pas le fonctionnement des sociétés d'État
françaises. Elles sont administrées par des conseils
d'administration autonomes. Comme notre Société
générale de financement, comme nos autres sociétés,
elles se développent avec leur propre personnel et,
évidemment, elles jouissent d'une autonomie complète.
Également, j'ai l'impression que le député de
Saint-Laurent, qui est là à se péter les bretelles en
s'imaginant que lui connaît ça les ordinateurs, il ne sait pas que
la compagnie Matra, c'est également elle qui fabrique les Exocet. C'est
un des missiles les plus célèbres dans le monde. C'est une des
sociétés les plus avancées dans le domaine de la recherche
sur les matériaux composés. C'est une des sociétés
à la fine pointe de la technologie. Vous savez, la compagnie Matra n'a
pas de leçon à recevoir dans les domaines de la haute
technologie. Elle est très concurrentielle avec beaucoup
d'entreprises.
Le député de Saint-Laurent n'a pas besoin de
s'inquiéter, même si Canadair est dans son comté. Avec
Canadair, on vole avec des Challenger, c'est-à-dire qu'on essaie de
voler avec des Challenger et on a beaucoup de difficulté. C'est la
technologie du gouvernement fédéral. S'il veut parler de la
mauvaise gestion des compagnies aéronautiques dans le monde, il faudrait
qu'il parle de la mauvaise gestion d'une compagnie aéronautique dans son
comté gérée par le gouvernement fédéral. Il
pourrait donner des leçons aux autres, effectivement des leçons
de mauvaise gestion. Vous savez, essayer de donner des leçons à
la société Matra, je pense que c'est un peu gênant parce
que ces gens sont reconnus comme étant à la fine pointe de la
technologie dans leur domaine. Je ne prétends pas que, dans le domaine
des micro-ordinateurs personnels, ils aient eu à consacrer beaucoup
d'énergie. Non, effectivement, cela n'a jamais été au
centre de leurs préoccupations. Toutefois, le gouvernement
français a aussi décidé d'introduire des ordinateurs dans
les écoles. Il veut que la société Matra occupe une partie
du marché français. Donc, il veut qu'il y ait au moins un
intérêt de la part de ces sociétés.
Comme cette société a déjà une très
grande expertise dans le domaine de la micro-informatique, il faut vous dire
qu'il n'y a pas beaucoup de secrets. D'ailleurs, cela a été la
réaction d'absolument tous les commentateurs lorsqu'ils ont vu
l'ordinateur PC d'IBM. Ils l'ont démonté. Ils ont examiné
comment il était construit. C'est un mécano de pièces
composées qui existe déjà couramment sur le marché.
Il n'y a pas vraiment d'innovation technologique très spectaculaire. Ce
n'est pas le cas du Apple Mclntosh où là on a, disons, du
développement technologique plus fin. Il faut quand même se dire
qu'il n'y a rien de bien sorcier dans la conception d'un ordinateur. Je n'ai
pas trop de problèmes. Matra n'est pas gérée comme
Canadair, si cela peut rassurer le député de Saint-Laurent. On va
le rassurer parce que, effectivement, il espère que son avion vole, mais
il doit se poser des questions de temps en temps.
Si, le 30 avril, l'appareil ne répond pas, je pense que nous
sommes liés par le processus dans lequel nous nous sommes
engagés, c'est-à-dire que nous avons demandé des
soumissions. Nous devons examiner les résultats du produit soumis
à quelque trois mois après la présentation des soumissions
par le fabricant, le produit définitif et il faut examiner si ce produit
répond aux spécifications. S'il ne répond pas aux
spécifications, à ce moment, on peut soit regarder à
l'intérieur des propositions qui étaient faites ou soit
carrément mettre un terme au processus lui-même et
reprocéder différemment dans le cas d'une autre opération,
mais dans la mesure où, entre-temps, un bon nombre d'entreprises ont mis
sur le marché des ordinateurs qui répondent aux
spécifications parce qu'à ce moment, évidemment, on a un
choix qui fait en sorte qu'on pourra s'assurer qu'il y aura des ordinateurs
dans les écoles rapidement.
On pourra s'attaquer à une solution temporaire, comme d'ailleurs
le gouvernement ontarien a dû faire pendant deux ans. Nous aurions a le
Taire pendant quelques mois et à procéder, par exemple, à
une nouvelle analyse du problème pour voir comment on pourrait
peut-être concilier les objectifs de façon différente. Il
n'y a pas de problème. Il n'y a pas de péril dans la demeure. Il
y a beaucoup d'ordinateurs qui pourraient répondre à nos besoins
et on pourrait peut-être quand même introduire un peu plus de
rationalisation dans un procédé qui est un peu anarchique en ce
qui a trait à l'achat d'ordinateurs par les commissions scolaires
à l'heure actuelle. On nous dit que la machine doit être connue
autrement que sur le papier. Là-dessus, le député de
Saint-Laurent a parfaitement raison. La proposition qui était
demandée aux entreprises reposait sur un ordinateur un peu
théorique. Mais il est clair que nous ne recherchons pas - et ce n'est
pas possible, d'ailleurs - une conformité absolue. Nous recherchons,
dans le fond, un appareil qui répond essentiellement aux devis, qui
répond essentiellement aux caractéristiques des appareils que
l'on peut retrouver couramment sur le marché. Donc, il y aura un
jugement porté sur l'appareil qui nous sera soumis, sauf qu'il faut que
ce soit un appareil physique réel. Et, à partir de cela,
évidemment, s'il est choisi, nous pourrons dire quel appareil nous
utilisons dans nos écoles et donc indiquer aux entreprises fabriquant
les logiciels, à celles qui veulent en concevoir, quel type d'appareil
elles auront à fabriquer. C'est extrêmement important -
là-dessus, le député de Saint-Laurent a raison - d'avoir
un appareil concret car il faut développer un logiciel sur un appareil.
Il faut s'asseoir devant cet appareil, parce qu'il a toujours des
caractéristiques physiques qui lui sont propres et, par
conséquent, cela entraîne nécessairement des contraintes,
souvent dans la confection même de l'appareil.
C'est d'ailleurs pour cela qu'il est un peu en contradiction avec le
député de Notre-Dame-de-Grâce qui, tantôt,
présentait le problème comme étant résolu,
c'est-à-dire qu'il suffit d'aller chercher une compatibilité IBM,
de manière à pouvoir faire n'importe quoi et avoir toujours un
logiciel qui ira dans tous les appareils, pourvu qu'ils aient cette
caractéristique de compatibilité.
Par contre, le député de Saint-Laurent a fouillé un
peu plus le problème et il arrive à la conclusion qu'au
contraire, il faut avoir un appareil bien spécifique pour pouvoir faire
des logiciels. Ce serait bon qu'il y ait un caucus du Parti libéral pour
que ses membres s'entendent, à savoir s'il est nécessaire d'avoir
un appareil physique ou non. Ce serait intéressant. Mais enfin, on va
leur laisser faire leur caucus; ils semblent avoir de la difficulté
à s'entendre.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre...
M. Bérubé: Quant à la commission
parlementaire, M. le Président, quand ils auront tenu leur caucus et
qu'ils auront compris un peu le problème, peut-être
qu'effectivement on pourra leur donner l'occasion de venir faire de la
démagogie. Enfin, cela ne m'apparaît pas tellement important. Je
leur suggérerais de retourner faire leur analyse, d'étudier leurs
leçons, de faire leurs devoirs et, peut-être, comme le
député de Notre-Dame-de-Grâce le fait présentement -
et c'est une sage pratique -de s'acheter un rnicro-ordinateur, de s'initier
à l'informatique, de découvrir ce qu'est un didacticiel, un
logiciel. Quand ils auront amélioré leur compréhension des
problèmes, on pourra peut-être envisager la tenue de commissions
parlementaires et on aura des débats intéressants. Mais pour
l'instant, à en juger par le genre d'interventions faites ce matin, ce
serait vraiment faire perdre le temps de l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député de Fabre.
M. Michel Leduc
M. Leduc (Fabre); Merci, M. le Président. Effectivement,
c'est un peu l'impression qu'on a. L'Opposition n'a pas réussi à
définir avec suffisamment de cohérence le pourquoi du
débat de ce matin. Les problèmes posés par l'Opposition
sont extrêmement ambigus. Je retiens simplement la proposition du
député de Saint-Laurent d'acheter un Mclntosh alors que le
député de Notre-Dame-de-Grâce, lui, prétend qu'on
devrait acheter des appareils IBM, quand on sait qu'il n'y a pas de
compatibilité entre les deux. Ce sont seulement quelques exemples qui
démontrent la difficulté qu'a l'Opposition de s'entendre dans ce
dossier qui est - on s'entend là-dessus - extrêmement
complexe.
On a vu que le Québec n'est pas le seul à connaître
un certain nombre de difficultés avant d'en arriver à choisir cet
appareil qui répondra aux besoins des usagers. Je me demande encore
pourquoi l'Opposition n'est pas d'accord avec l'achat d'un appareil
standardisé. Quels sont les avantages que l'Opposition voit dans l'achat
d'une diversité d'appareils d'une commission scolaire à l'autre?
Cela est une question qu'on renvoie à l'Opposition puisque tout ce que
j'ai compris du débat jusqu'à maintenant, c'est que l'Opposition
reproche au gouvernement de se diriger vers un appareil standardisé. Il
faudrait qu'on nous indique les avantages d'avoir une multitude d'appareils
dans nos écoles. Ce que je comprends, M. le Président, c'est que
le gouvernement a manifesté la volonté de procéder
rapidement, compte tenu des besoins de nos étudiants dans les
écoles, mais quand même de façon prudente, compte tenu de
la complexité du dossier et compte tenu aussi de la
nécessité d'en arriver à choisir le meilleur appareil
possible. (11 h 45)
Je comprends que le gouvernement a choisi un appareil sur papier, que
cet appareil a été passé à un banc d'essai, qu'on
attend une deuxième version de l'appareil et que, encore une fois, cette
deuxième version sera passée au banc d'essai et on
vérifiera réellement si cet appareil répond aux
spécifications désirées par les commissions scolaires et
par le ministère de l'Éducation. Cela me semble être
suffisant comme garantie. Si l'appareil ne répond pas, on changera de
direction. Mais oui, c'est cela M. le député. Je veux dire agir
avec prudence. Si on avait agi de façon imprudente, on aurait choisi
tout de suite l'Axel-20 sans le passer au banc d'essai. Mais il y a à la
fois la nécessité d'agir le plus rapidement possible. Il faut
également - et je retiens ceci - faire bénéficier le
Québec des avantages d'un achat regroupé, des avantages que
représente également, du point de vue du développement de
l'industrie du logiciel, le choix d'un appareil standardisé. Compte tenu
de ces besoins qu'a le Québec, qu'ont les écoliers du
Québec également, nos étudiants dans les écoles, le
Québec actuellement procède à la fois avec diligence,
à la fois avec prudence et à la fois avec compétence afin
d'en arriver à choisir cet appareil dont on a besoin.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Fabre. M. le député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je remercie le ministre de
l'Éducation d'avoir reconnu franchement que son collègue, le
ministre de la Science et de la Technologie, a parlé à travers
son chapeau. Je pense qu'il pourrait dire la même chose de son
prédécesseur lorsque celui-ci m'écrivait, en
décembre dernier, que le gouvernement était parfaitement
assuré que le modèle Axel-20 répondait à toutes les
spécifications définies par le gouvernement. On pourrait
continuer, je pense qu'on en trouverait d'autres, mais, étant
donné qu'il nous reste peu de temps dans ce débat,
malheureusement limité, je voudrais adresser au ministre un certain
nombre de questions en terminant pour qu'il essaie de préciser des
points qui sont restés obscurs.
Tout d'abord, ces jours derniers, je lui adressais une lettre dans
laquelle je lui demandais de me fournir un certain nombre de documents dont
nous avons absolument besoin pour nous former une idée complète
sur le dossier, en particulier le texte des propositions qui ont
été soumises en novembre dernier par les firmes
intéressées à approvisionner nos institutions
d'enseignement en micro-ordinateurs, le texte du rapport soumis au gouvernement
par le groupe de fonctionnaires chargé d'étudier ces
propositions, le texte des arrêtés en conseil, des
décisions ministérielles concernant les micro-ordinateurs, la
correspondance échangée par le gouvernement avec la firme
Comterm-Matra, les autres firmes intéressées à pourvoir le
réseau scolaire, la Fédération des commissions scolaires,
la Fédération des cégeps, le gouvernement de France, etc.
Tout ce que j'ai reçu en guise de réponse, cela a
été un document qui avait déjà été
déposé à l'Assemblée nationale en décembre
dernier, que j'avais parfaitement lu et étudié et auquel j'aurai
d'ailleurs l'occasion de faire allusion d'ici la fin du présent
débat. Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de rendre publiques les
pièces essentielles à l'intelligence de ce dossier?
Deuxièmement, quand le gouvernement a choisi la firme
Comterm-Matra au début de décembre, avait-il l'assurance,
contrairement aux fonctionnaires qui avaient étudié le dossier,
que cette firme était à ce moment-là effectivement
contrôlée par des intérêts
québécois?
Troisièmement, le gouvernement, par le truchement de la Caisse de
dépôt et placement du Québec, est-il impliqué dans
le capital-actions de la firme Comterm-Matra? Si oui, dans quelle proportion et
depuis quand?
Quatrièmement, pourquoi le gouvernement a-t-il refusé,
surtout étant donné le caractère imprécis des
propositions reçues auxquelles faisait allusion le ministre
tantôt, de converser avec les deux autres firmes, dont ses propres
conseillers professionnels lui disaient qu'elles offraient des propositions
intéressantes? Pourquoi est-il allé mettre tous ses oeufs dans le
même panier si vite avant même de s'être assuré qu'il
y aurait peut-être un choix ou une décision plus judicieuse? Le
ministre est-il au courant que, selon une étude faite ces temps derniers
par la Commission des écoles catholiques de Montréal, l'appareil
PC-1050 de Matrox-Olivetti - je devrais dire d'Olivetti parce qu'il n'est pas
fabriqué ici pour l'instant, pour des raisons évidentes
-répond beaucoup mieux aux spécifications du gouvernement que
l'appareil qui a été retenu par le gouvernement au mois de
décembre dernier? Si Comterm-Matra est un consortium où la part
de Comterm est majoritaire, où Comterm est la partenaire principale,
comment expliquer que ce soit le ministre des Finances du gouvernement, et non
pas le président de Comterm-Matra, qui a été obligé
d'aller en France il y a quelque temps pour négocier avec Matra? Cette
firme servirait-elle simplement de couverture à des plans du
gouvernement? Comment fonctionnez-vous? Quelle est la hiérarchie des
responsabilités que vous établissez? D'ailleurs, au sein de votre
propre gouvernement, il y a quatre ou cinq ministres qui parlent de la question
des ordinateurs. Lequel est responsable? Pourriez-vous nous dire quelles sont
les responsabilités propres de chacun et lequel devons-nous croire quand
ils tiennent des propos contradictoires?
Je termine là-dessus parce que je pense que mon temps est
terminé. Nous ferons le reste dans la dernière
période.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, nous en
arrivons à la période de répliques. Vous avez donc un
temps de parole de dix minutes et, par la suite, le député
d'Argenteuil pourra conclure pendant dix minutes également.
Conclusions M. Yves Bérubé
M. Bérubé: M. le Président, le
député d'Argenteuil aurait dû venir seul, parce qu'ils nous
ont donné un triste spectacle de cafouillage
généralisé à trois. Ce sont vraiment les trois
mousquetaires, mais incapables de travailler ensemble. C'est un peu
gênant de la part du député d'Argenteuil de vouloir
dénoncer l'incohérence des déclarations de
différents membres du gouvernement en pleine commission où on a
eu droit à un spectacle absolument amusant d'incohérence. Par
exemple, le député de Notre-Dame-de-Grâce veut une machine
compatible avec IBM, en général, deux ou
trois modèles différents de compagnies différentes,
mais compatibles avec IBM, supposant évidemment que cette
compatibilité existe à 100%. Le député de
Saint-Laurent, au contraire, veut un appareil bien précis pour s'assurer
que les logiciels puissent fonctionner sans difficulté, ayant
été conçus et utilisés antérieurement
toujours sur la même machine physique. Ils ne se sont pas parlé.
Il y en a un qui affirme qu'il faut standardiser, c'est le député
d'Argenteuil; l'autre dit: Non, laissez faire la concurrence, de telle sorte
qu'on ait plusieurs machines sur le marché. Alors là, vous voyez
que, comme cohérence, c'est parfait. Au moins, peut-être qu'au
gouvernement, à des semaines d'intervalle, on a des déclarations
qui peuvent être interprétées différemment. À
l'intérieur de l'Opposition, on a un avantage. C'est qu'ils peuvent
faire des déclarations, à deux heures d'intervalle, totalement
contradictoires et cela ne les gêne pas. Puis là, ils
dénoncent l'incohérence.
Je pense que le député d'Argenteuil aurait dû venir
tout seul. Au moins, il aurait cohérent avec lui-même et on
n'aurait pas donné ce triste spectacle d'une Opposition
désorganisée. C'est là ma première remarque.
Une voix: Elle n'est pas très forte.
M. Bérubé: Non, mais elle l'est assez parce que
quiconque lira le journal des Débats verra la contradiction interne
totale dans vos propos.
Deuxièmement, le député d'Argenteuil nous fait une
proposition qui m'apparaît très dangereuse. Il dit: Pourquoi
n'avez-vous pas négocié directement avec les trois de front?
C'est là une pratique commerciale qui n'est à peu près
jamais retenue au gouvernement. À peu près jamais, car elle
permet à ce moment au gouvernement ou à l'acheteur de jouer l'un
contre l'autre, donc de négocier continuellement.
C'est pour cela que, très fréquemment - c'est un
problème que j'ai souvent eu au Conseil du trésor: le
problème des soumissions publiques - on demande des soumissions, on
obtient cinq ou six soumissionnaires et on prend le plus bas. Après
cela, souvent l'administration - pas souvent, mais cela arrive - dit: Oui,
c'est le plus bas, mais on a jasé avec le deuxième et il nous dit
qu'il serait capable de faire mieux, et effectivement on pense qu'il serait
capable de faire mieux. Puis on venait au Conseil du trésor pour aller
en dérogation. C'était systématique: c'était non
quand cela venait au Conseil du trésor. On a dit non. On va respecter un
processus. Ces gens connaissaient les règles du jeu, ils ont couru leur
risque, ils n'ont pas obtenu le contrat. Il ne s'agit pas de "fafiner"
après pour chercher à contourner la règle.
C'est exactement ce que le député d'Argenteuil nous
propose: l'ériger en système, c'est-à-dire qu'on commence
par vous demander des propositions fermes et après on commence à
jouer les uns contre les autres, les fabricants. Ah non! C'est
malhonnête. On ne doit pas faire cela.
Je pense que le député d'Argenteuil a un sens de
l'intégrité qui ferait, j'en suis convaincu, que, s'il
était un jour au Conseil du trésor, il s'opposerait à une
telle pratique. Il dirait: Que chacun prenne sa chance, fasse une proposition
et que le meilleur gagne. C'est effectivement ce qui s'est produit,
c'est-à-dire que celui qui a fait la proposition la meilleure l'a
emporté.
Vous allez me dire: Qu'arrive-t-il si, entre l'ordinateur sur le
papier... Parce que le député d'Argenteuil nous cite l'ordinateur
d'Olivetti. Il n'existe pas; c'est un prototype. Eh oui! Alors que l'Axel
existe commercialement. Non pas le modèle final qu'ils nous ont
proposé, mais la base existe. Donc, ce que nous disons, c'est qu'une
proposition a été demandée, nous avons comparé les
propositions sur la table et nous avons supposé que le PC-1050
d'Olivetti répondrait aux spécifications, à l'essai. Nous
avons supposé cela. Nous avons supposé que l'IBM PC Junior lui
aussi répondrait et que, lorsqu'il serait mis sur le marché, il
répondrait à nos spécifications. Nous avons supposé
que, lorsque l'Axel modifié nous serait soumis, il répondrait aux
spécifications. Nous avons supposé que les différents
fabricants qui nous faisaient des propositions, lorsqu'ils nous
présenteraient l'appareil tel que promis, celui-ci répondrait
à nos attentes et, le 30 avril ou d'ici à la mi-mai, nous aurons
un prototype et nous l'examinerons. Si vous me posez la question:
Qu'arrive-t-il s'il ne répond pas aux spécifications? bien, je
regrette, à ce moment, ils n'ont pas le contrat. Il faut donc regarder
jusqu'à quel point le produit soumis répond aux attentes
très clairement signifiées par le gouvernement et les commissions
scolaires. Et c'est sur la base d'une analyse de ce produit que nous pourrons
dire, à ce moment, si effectivement le produit est acceptable.
Donc, il faut respecter un certain nombre de règles du jeu,
respecter vraiment une saine concurrence entre les fabricants qui avaient leur
choix, leur chance et qui ont proposé un produit. On n'a pas raison de
présumer qu'ils ne seront pas capables de satisfaire les exigences quand
ils affirment qu'ils y répondraient et, à ce moment, respectant
ce sain processus de soumission publique, nous avons choisi celui qui
répondait le mieux à nos préoccupations. C'est à
celui-là que nous avons dit: Bien, maintenant, il vaut la peine,
effectivement que vous travailliez votre prototype, que vous nous arriviez avec
une machine qui réponde à nos besoins et sur laquelle nous
pourrons axer, à ce moment, le développement de
l'informatique au Québec.
Il y a un point sur lequel je veux insister en terminant. Dans la mesure
où le Québec est de tradition francophone, il faut comprendre que
nous sommes une petite société de 6 000 000 et, pour fabriquer
des didacticiels, des logiciels, nous ne disposons pas du marché qui,
effectivement, nous permettrait de bâtir une industrie rentable. Mais,
par contre, nous sommes à la porte de l'Amérique. Nous avons
accès à des technologies. Nous avons accès à des
circuits d'information que nous pourrions utiliser pour pénétrer
les marchés de Suisse, de Belgique, de France, les marchés
africains. En d'autres termes, le Québec est admirablement bien
placé, à la frontière de deux civilisations.
Sans doute que, si le Québec voulait envahir le marché
américain avec un produit de masse, il affronterait un certain nombre
d'obstacles. Peut-être réussirions-nous, peut-être que non,
étant désavantagés au départ. Mais, de concert avec
une société française, pénétrer un
marché francophone, là nous bénéficions d'un
avantage remarquable, d'autant plus remarquable que notre accès à
des technologies américaines nous permet d'établir des ponts
intéressants pour les acheteurs éventuels.
Donc, miser sur une coopération avec la France, c'est miser sur
un marché qui est original, qui nous est propre et nous avons une chance
de réussir, alors que miser sur le marché nord-américain
pour un produit de masse présente évidemment des obstacles qui ne
sont pas insurmontables, mais qui sont évidemment plus grands. Donc,
viser un objectif de coopération avec la France est désirable
à cause du caractère francophone des 6 000 000 de
Québécois et du grand nombre de nos enfants qui vont dans nos
écoles. Également viser à ce qu'il y ait un maximum de
retombées, que, par exemple, l'appareil puisse être
fabriqué au Québec, de telle sorte qu'en ayant accès
directement à un appareil fabriqué chez nous nous, en suivions
l'évolution technologique et que toute notre industrie du logiciel soit
accrochée à un produit qui se vend un peu partout dans les pays
francophones, ceci peut permettre à notre industrie du logiciel de
s'ouvrir des marchés qui, autrement, seraient beaucoup trop
limités. Concevoir un logiciel pour 6 000 000 d'habitants, c'est une
chose, mais le concevoir pour 100 000 000 d'habitants, c'est beaucoup mieux.
Donc, une entreprise au Québec qui voudrait concevoir un logiciel
français sur un appareil qui également répond aux normes
françaises a un énorme avantage, c'est qu'il nous permet d'ouvrir
le marché. (12 heures)
Donc, rechecher des retombées industrielles au Québec,
rechercher une coopération avec la France est désirable en soi.
Cependant, la première préoccupation que nous devrons toujours
avoir devra être une préoccupation pédagogique,
c'est-à-dire qu'il nous faudra nous assurer que cet appareil soit
suffisamment standardisé pour que, lorsque nous développons un
instrument pédagogique, il puisse servir dans toutes les écoles
du Québec en même temps, et non pas, comme cela arrive parfois
à quelqu'un qui s'est acheté un X-20. Il décide de changer
son appareil pour un Commodore-64 et découvre que tous les programmes
qu'il avait de peine et de misère réussi à rédiger
ne font plus sur son Commodore-64, parce que la mémoire-écran
n'est pas située au même endroit, parce qu'il n'y a pas le
même nombre de colonnes sur l'écran. Donc, il y a des
problèmes techniques.
En d'autres termes, il nous faut effectivement standardiser.
Là-dessus, l'Opposition aurait avantage à se concerter et
à comprendre l'importance d'un standard qui permette la
pénétration de didacticiels dans l'ensemble de nos écoles.
Il faut standardiser et également il nous faut quand même aller
assez rapidement. Non pas qu'il faille inonder nos écoles de 40 000 ou
50 000 ordinateurs demain, la semaine prochaine. Non. Nous ne serions pas
prêts à les utiliser correctement, mais, comme il y a des
ordinateurs qui entrent dans nos écoles sur une base continue, assez
rapide, il nous faut nous assurer que ces ordinateurs qui entrent auront au
moins un certain nombre de traits communs. Je ne voudrais pas que,
l'année prochaine, on ait 10 000 ordinateurs différents dans nos
écoles et que le ministère, pressé de toutes parts pour
qu'il encourage la fabrication de logiciels pour aider nos enseignants dans ces
écoles qui ont des ordinateurs, soit obligé de déclarer
forfait et que, faute d'une standardisation appropriée, nous ne soyons
pas capables de produire un instrument pédagogique uniforme et
utilisable partout, parce qu'il n'y en a pas un qui est équipé
avec la même machine qui reçoit ce type de programmes en
question.
Donc, les jolies petites disquettes du député de
Notre-Dame-de-Grâce devraient pouvoir entrer dans chacun des petits
lecteurs de disquette de nos ordinateurs de nos différentes
écoles, de telle sorte que, s'il a conçu quelque chose d'utile en
termes pédagogiques, ce qu'il a conçu soit utilisable par tous.
L'objectif que nous devons poursuivre est un objectif de standardisation rapide
afin que nous puissions le plus rapidement possible mettre à la
disposition de nos écoles des instruments pédagogiques auxquels
nous pourrons consacrer notre énergie. Par conséquent, mettre
trop l'accent sur la quincaillerie, comme le fait le Parti libéral,
c'est s'engager dans un faux débat. Malheureusement, c'est le
piège que n'a pas su éviter l'Opposition et c'est
regrettable.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, le ministre de
l'Éducation vient de faire la preuve une fois de plus qu'il est un
magnifique joueur de quatre coins intellectuels. Quand on lui dit que le
gouvernement ne s'est pas assez occupé de la pédagogie, il nous
dit qu'il faut un appareil pour que le reste fonctionne. Quand on lui dit que
l'appareil choisi n'est pas bon, il dit qu'il faut s'occuper de la
pédagogie. Il est bien facile d'avoir raison en jouant aux quatre coins,
en se sauvant d'un coin à l'autre, mais cela ne fait pas avancer le
débat du tout.
Je remarque que les questions que j'avais adressées au ministre
sont restées sans réponse. Je lui avais adressé une
dizaine de questions au cours de l'intervention précédente que
j'ai faite. Il n'y a point répondu. J'espère qu'il trouvera le
moyen de le faire au cours des prochains jours. Peut-être qu'il trouvait
qu'il avait des choses plus essentielles à son point de vue à
dire à la fin. Je ne veux pas lui en faire de grief. Mais je constate
bien simplement qu'il n'a pas répondu à nos questions.
Afin qu'il n'y ait pas de malentendu, je voudrais clarifier certaines
choses. Du côté de l'Opposition, les trois porte-parole qui ont
été entendus ce matin sont favorables à une mesure
élevée d'uniformisation et de standardisation pour que nous ayons
un réseau d'équipement dans tout notre système scolaire,
qu'il puisse répondre à des fonctions communes et en assurer
l'exécution dans les meilleures conditions possible.
Nous vous disons, M. le ministre, que la première condition
devrait être la compatibilité avec les normes IBM. C'est la
première et la principale et c'est celle-là que vous n'avez
même pas considérée quand vous avez pris votre
décision. Vous avez choisi, parmi d'autres appareils qui vous offraient
cette garantie de porte d'entrée, un appareil qui ne l'avait pas. C'est
votre responsabilité. C'est la marque de l'incompétence de ceux
qui ont pris la décision.
Vous parlez des logiciels et des didacticiels. J'espère que vous
ne voulez pas proposer qu'on va fabriquer au Québec un modèle
seulement pour nous, de la tribu ici, et qu'on aura nos petits logiciels et nos
petits didacticiels à nous, qui vont entrer dans cet appareil et pas
dans d'autres. Vous savez très bien, comme moi, que la banque disponible
des logiciels et des didacticiels va être beaucoup plus importante au
plan international que ce que nous pourrons produire avec nos seules ressources
au Québec. Il faut que nous ayons un appareil qui soit capable
d'incorporer les logiciels et les didacticiels en provenance d'autres sources.
Il y en a déjà de très grandes quantités. Ce que
nous vous disons, c'est que, parmi les appareils que vous avez laissés
de côté, il y en avait au moins un qui répondait d'ores et
déjà à cette exigence, comme la preuve en a
été faite par l'expertise qui vient d'être faite à
la Commission des écoles catholiques de Montréal.
Le grand reproche que je vous adresse est, quand vous avez pris votre
décision en décembre dernier, sur la foi non pas de soumissions,
contrairement aux termes que vous avez employés, mais de propositions
très générales, qu'au lieu de faire votre choix tout de
suite, vous auriez dû aller rencontrer ces gens. Je suis parfaitement
d'accord avec vous: une fois qu'on a reçu des soumissions, on ne les
tripote pas. Mais quand ce sont des propositions générales comme
celles que vous aviez demandées, on demande des précisions, on
rencontre les gens pour leur demander d'en arriver au stade d'une soumission au
besoin ou encore de fournir des renseignements qui permettront de faire un
choix. J'aurais compris, dans ce cas-ci, que vous mainteniez votre
décision de ne point aller en soumission formelle, si vous aviez eu de
bonnes raisons, mais vous avez fait votre choix alors que vous ne saviez
même pas ce qu'il y avait dans les propositions, et je vous en donne un
exemple.
Vous dites qu'il y a une compagnie qui a changé son prix pour
arriver avec l'autre; c'est faux. Ce qu'elle vous dit, la compagnie, c'est que,
dans l'appareil que vous avez retenu, il y avait un lecteur de disque - vous
savez ce que c'est, je n'ai pas besoin de vous donner d'explication - alors
que, dans l'autre, qui demandait quelques centaines de dollars de plus, il y en
avait deux. Si vous mettez cela sur une même base, le prix de celui que
vous avez laissé de côté était plus avantageux.
Vous pourriez me dire qu'il y avait autre chose. C'est entendu, mais je
vous souligne que, seulement sur la foi de ce qu'on avait, il était
impossible pour le gouvernement de prendre une décision exclusive,
définitive qui serait annoncée à Paris par le premier
ministre du Québec sans autre considération pour les autres. Sur
ce point, je pense que vous n'avez pas du tout répondu aux critiques qui
se sont élevées non seulement de la part de l'Opposition, mais de
la part de tous les milieux concernés, sauf ceux qui sont
immédiatement avantagés par votre décision des derniers
mois.
Le comportement du gouvernement dans ce dossier a été
confus et contradictoire depuis le début. Vous essayez de mettre un peu
de cohérence là-dedans, nous l'apprécions, mais, quand
vous aurez commencé à répondre véritablement
aux
questions que nous vous posons, nous serons intéressés
à vous suivre dans votre démarche. La démarche a
été improvisée, marquée d'incompétence,
injuste envers les entreprises intéressées qui méritaient
d'être traitées avec plus de dignité et de
considération.
Je voudrais aussi ajouter que nous sommes tout à fait favorables
au projet d'une industrie québécoise de l'électronique.
J'ai moi-même pris le soin d'aller visiter chacune des trois entreprises
qui avaient été retenues par votre groupe de fonctionnaires, par
vos conseillers. Je suis allé visiter Comterm-Matra, je suis allé
visiter Matrox, je suis allé visiter également Positron et j'ai
trouvé que ces trois entreprises "all and all", comme on dit, toutes
choses considérées, sont des entreprises à peu près
de même taille, à peu près de même envergure. Chacune
a des choses très intéressantes à offrir au point de vue
technologique. Il faut cesser de se péter les bretelles, comme on dit,
et de penser que le Québec va pouvoir se donner une industrie qui va
rivaliser avec l'industrie internationale. Si on veut survivre à
côté d'IBM, il faut trouver le moyen de produire quelque chose qui
aura une originalité et qui donnera peut-être un avantage au point
de vue du prix.
Les deux autres maisons que vous avez laissées de
côté, j'ai des nouvelles pour vous, avaient des choses très
intéressantes à offrir au gouvernement du Québec et on les
a traitées d'une manière cavalière, ce qui est absolument
irresponsable et impardonnable. Je ne fais pas de plaidoyer pour l'une ou
l'autre, je demande simplement qu'on les traite avec justice,
équité et en pensant au bien général des citoyens
du Québec.
Attitude méprisante envers les fonctionnaires. Il y en a qui vous
entourent actuellement qui avaient l'air gêné en d'autres
circonstances, quand des nouvelles ont été communiquées et
qu'ils n'avaient pas le mandat de les communiquer, s'ils les savaient
eux-même à ce moment-là.
Envers vos partenaires des réseaux éducatifs, une attitude
incompréhensible et inadmissible. Vous dites que cela s'est fait en
collaboration avec eux alors qu'ils sont venus vous dire en pleine face que ce
n'est pas vrai. Je préfère dans ce temps-là prendre la
version des victimes que celle de celui qui a fait ces
excès-là.
Attitude cachottière envers l'opinion publique. Il n'y a pas
moyen d'avoir les pièces de base. Je vous ai demandé l'automne
dernier, à l'Assemblée nationale, de nous donner au moins le
texte des propositions qui ont été soumises. Je vais vous dire
une chose ce matin. Il y a quelqu'un de la firme qui a été
choisie qui m'a dit: On va vous passer ce texte-là, si vous voulez. J'ai
dit: Je n'en veux pas privément. Si le gouvernement trouve que je ne
mérite pas de l'avoir, comme député de l'Assemblée
nationale, je n'ai pas besoin de cela pour mon information privée.
Pourquoi avez-vous caché ce document-là? Les autres firmes ont
rendu leurs propositions publiques et celui-là est resté
caché dans vos tiroirs, M. le ministre.
Vous parliez tantôt de pénétration des
marchés étrangers. Savez-vous que tout ce que la firme
Comterm-Matra a eu de Matra, c'est une licence exclusive pour le marché
canadien? C'est tout ce qu'on a eu. Comment cela se fait-il? Il y a d'autres
firmes qui avaient beaucoup plus que cela à vous proposer, mais vous
n'en avez pas tenu compte, la décision était prise d'avance.
Vous avez suivi une démarche axée sur de fausses
priorités. C'était écrit dans mes notes avant que vous ne
parliez, au début de votre intervention préliminaire ce matin.
Pendant tout le débat, par la faute du gouvernement qui déviait
vers la question des équipements matériels, on perdait de vue les
enjeux autrement plus vitaux que constituent la formation des enseignants en
vue de l'informatique, la mise au point d'une véritable politique en
matière de production de logiciels et de l'application de l'ordinateur
à tout le champ de la pédagogie. Nous avons hâte qu'une
fois corrigées vos erreurs en matière d'équipement, nous
puissions entreprendre un débat sérieux et prolongé sur
ces aspects beaucoup plus importants.
Je pense que votre politique a été également
coûteuse pour le système scolaire du Québec qui prend des
retards à cause de vous autres et pour l'ensemble du Québec qui
présente une drôle de figure aux yeux de milliers de
décideurs économiques qui sont attirés par le
Québec, mais qui voudraient bien avoir l'assurance qu'ils seront
traités d'une manière responsable, surtout par les
autorités publiques.
Nous considérons que, dans ce dossier, le gouvernement a agi de
manière erratique, de manière cachottière, de
manière arbitraire et j'ose espérer que le ministre profitera du
fait qu'il est nouveau dans ses responsabilités actuelles pour corriger
le parcours dans les plus brefs délais et remettre le gouvernement, le
ministère de l'Éducation et le système d'enseignement sur
la voie d'une politique qui sera vraiment conforme à nos meilleurs
intérêts.
Des voix: Très bien!
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député d'Argenteuil. En terminant, je voudrais remercier
l'ensemble des participants à ce débat qui, je pense, est digne
de l'Assemblée nationale. Je veux vous remercier entre autres pour la
collaboration que vous m'avez apportée. Je n'ai eu à intervenir
d'aucune façon. Je pense que cela a été un débat
élevé.
Il me reste à ajourner les travaux sine
die en vous rappelant qu'on aura sans doute prochainement l'occasion de
se revoir - une bonne partie d'entre nous - pour l'étude des
crédits du ministère de l'Éducation et ceux du
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu.
D'ici là, bonne journée et merci.
(Fin de la séance à 12 h 13)