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(Neuf heures quarante-six minutes)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous allons commencer la séance de la commission
parlementaire de l'éducation. D'abord, je vais faire l'appel des membres
présents: M. Ryan (Argenteuil), vice-président de la commission,
M. Champagne (Mille-Îles), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Laplante
(Bourassa), M. Leduc (Fabre) et M. Leduc (Saint-Laurent). Notre
secrétaire peut-elle nous indiquer s'il y a des remplacements? Je ne
crois pas.
La Secrétaire: Non.
Ordre des travaux
Le Président (M. Charbonneau): II n'y a donc pas de
remplacements. Je rappelle le mandat de la commission: il s'agit
d'étudier les crédits budgétaires du ministère de
l'Éducation. Je voudrais immédiatement indiquer à nos
invités quelques décisions que la commission a prises. D'abord,
au sujet de l'horaire de nos travaux, aujourd'hui, nous commençons
à 9 h 46 parce que la séance de travail de la commission s'est un
peu prolongée; cet après-midi, nous allons aborder la discussion
immédiatement après la période des questions et ce soir ce
sera à 20 heures. Demain matin, nous siégerons de 10 heures
à 12 h 30. Jeudi matin et vendredi matin, nous siégerons de 9 h
30 à 12 heures. Mercredi après-midi, nous siégerons
après la période des questions. Jeudi après-midi et jeudi
soir, nous siégerons à la fois après la période des
questions et en soirée, de 20 heures à 22 heures. Pardon? Cet
après-midi, bien sûr, nous siégeons.
Donc, si je récapitule, aujourd'hui de 9 h 50 à autour de
12 heures, 12 h 15; cet après-midi, après la période des
questions, jusqu'à 18 heures; ce soir, de 20 heures à 22 heures.
Demain, mercredi, de 10 heures à 12 h 30; par la suite, après la
période des questions jusqu'à 18 heures. Jeudi matin, à 9
h 30 jusqu'à 12 heures et après la période des questions
dans l'après-midi, jusqu'à 18 heures. Cette fois, ce sera la
commission mixte de l'éducation et des affaires sociales qui
étudiera le programme de l'aide sociale du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. L'étude des
crédits du ministère de l'Éducation sera donc suspendue
dans l'après-midi de jeudi et reprendra jeudi soir, de 20 heures
à 22 heures, pour se terminer, et, vendredi matin, la commission
étudiera deux programmes du ministère de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu. Cela va?
Quant aux programmes, je pense que nous avons communiqué aux
membres de la commission, ainsi qu'au ministre l'ordre de l'étude des
programmes que nous souhaitons prendre. Je le donne pour information.
Aujourd'hui, après les remarques d'ordre général des
membres de la commission et du ministre, nous étudierons les programme 4
et 7, c'est-à-dire l'enseignement primaire et secondaire public, ainsi
que la formation des adultes.
Demain matin, nous entreprendrons l'étude des programmes 6 et 9,
c'est-à-dire l'enseignement universitaire et le fonds pour la formation
de chercheurs et d'action concertée. Demain après-midi, nous
étudierons l'organisation et la réglementation des professions,
c'est-à-dire l'Office des professions.
Jeudi avant-midi, nous aborderons l'étude des programmes 5 et 3,
c'est-à-dire l'enseignement collégial public et l'aide
financière aux étudiants. Dans la soirée de jeudi, nous
aborderons l'étude des programmes 8, 1 et 2, c'est-à-dire
l'enseignement privé, l'administration et la consultation. M. le
Vice-Président.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais m'informer au sujet
de la publication des débats de la commission. Est-ce prévu dans
nos règlements que nos débats doivent être publiés
ou s'il faut faire une demande spéciale au président de
l'Assemblée nationale à cette fin?
Le Président (M. Charbonneau): Je crois que l'étude
des crédits, à moins qu'on ne m'indique le contraire, c'est
à la fois enregistré et publié dans le journal des
Débats.
Cela étant fait, au niveau du temps de parole, les membres de la
commission se sont entendus...
M. Bérubé: M. le Président, je m'excuse. Sur
une question de privilège, je ne peux pas dire que j'entends très
bien, particulièrement le député d'Argenteuil. C'est
peut-être une question de tonalité de voix ou d'ajustement de
microphone, mais j'ai un peu de difficulté à l'entendre ici.
Le Président (M. Charbonneau): II y a peut-être
possibilité de corriger cet inconvénient. J'espère que
vous m'entendez bien.
M. Bérubé: Dans votre cas, M. le Président,
je n'oserais faire aucun commentaire dérogatoire sur la portée de
votre voix.
M. Ryan: Le ministre n'a pas à s'inquiéter; les
deux premières minutes, je ne dis jamais rien.
Le Président (M. Charbonneau): Je rappelle aussi qu'au
niveau du temps de parole nous nous sommes entendus pour essayer de
répartir équitablement le temps de parole du côté
ministériel et du côté de l'Opposition.
Nous en sommes maintenant aux remarques d'ordre général.
D'abord, avant de céder la parole au ministre, au vice-président
qui est aussi le porte-parole de l'Opposition en matière
d'éducation et, par la suite, aux autres membres, je voudrais simplement
indiquer que nous abordons l'étude des crédits, une étude
importante puisque nous étudions à peu près le quart du
budget de l'État québécois. Lorsqu'on regarde les sujets
d'actualité qui concernent le mandat de la commission, qui pourront
être abordés d'une façon ou d'une autre lors de
l'étude des crédits, nous nous rendons compte que nous allons
aborder des questions qui sont importantes pour nos concitoyens et qui
impliquent des montants importants au niveau des fonds publics. En ce sens, les
travaux que nous allons faire sont, à mon avis et, je pense, de l'avis
unanime des membres de la commission, d'une importance indéniable.
J'espère que nous aurons l'occasion d'approfondir le maximum de sujets -
c'est le souhait que les membres de la commission ont formulé en
séance de travail - et que nous ne serons pas embêtés par
des questions de procédure. Je pense qu'il est de l'intérêt
et du désir de tous les membres de la commission que nous allions le
plus possible au fond des choses sur le maximum des questions.
Cela étant dit, je vais céder immédiatement la
parole au ministre de l'Éducation pour ses remarques d'ordre
général. M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Yves
Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Ainsi que
vous le soulignez, M. le Président, nous allons étudier le budget
d'un ministère qui requiert à lui seul effectivement le quart du
budget gouvernemental. Il est donc important en termes d'impact sur la
fiscalité qui prévaut au Québec, d'une part, par
l'importance des prélèvements qu'il impose. Il est
également extrêmement important quant à l'avenir de la
société qu'il permet de construire. C'est avec une certaine
fierté que je viens, à titre de nouveau ministre de
l'Éducation, défendre le budget d'un ministère qui,
à mes yeux, correspond au ministère qui a en main
véritablement l'avenir de notre société.
Je suis entouré en ce moment par mon sous-ministre M. Lucier et
M. Pronovost. Au fur et à mesure des travaux de notre commission, en ce
qui a trait aux nombreux intervenants qui m'entourent et que je ne saurais,
malheureusement, pas présenter tous par leur nom propre, nous aurons
l'occasion de faire les présentations qui s'imposent.
M. le Président, la crise économique que nous venons de
traverser aura eu pour effet positif de nous inviter à serrer les rangs.
Nous avons été rappelés à l'ordre et contraints de
faire des choix, à n'en pas douter. L'interdépendance des
facteurs de développement nous apparaît aujourd'hui avec une
nouvelle acuité. Au fil des années d'opulence, dans la
fébrilité de l'action, soutenue par des ressources apparemment
sans limites, nous avons eu tendance à opposer le culturel, le social et
l'économique. Devant les difficultés économiques
actuelles, la complémentarité des approches et la
solidarité des agents s'imposent avec une nécessité
accrue.
C'est finalement le type de société que nous voulons
bâtir qui est ici en cause. Voulons-nous une société riche,
mais sujette à la domination culturelle de quelques-uns et aux
inégalités sociales? Voulons-nous, au contraire, une
société égalitaire, mais qui serait ignorante ou pauvre?
Voulons-nous une société de gens cultivés, mais
socialement élitistes et tolérant l'inéquité? C'est
pourtant ce à quoi nous mèneraient des choix qui se fonderaient
sur des dichotomies comme celles que nous refusons ici où, consacrant
trop de ressources aux uns, nous devrions oublier les autres.
Nous disons que l'accès du plus grand nombre, jeunes ou adultes,
aux ressouces éducatives - le pari de la qualification -repose non
seulement sur les ressources humaines et matérielles consacrées
aux institutions d'enseignement, mais aussi sur la vitalité et la
qualité de la culture, sur une économie qui offre à chacun
l'espoir d'un avenir valorisant. À condition, bien sûr, que ces
divers aspects du développement soient pensés et poursuivis
à la manière d'un tout organique, alors l'éducation peut
prendre sa valeur centrale au sein de notre société. C'est dans
cette perspective que je présente la défense des crédits
du ministère de l'Éducation pour l'année 1984-1985.
Le Québec a profité des années d'abondance pour se
doter de leviers
indispensables à une présence dynamique au sein des
nations modernes. Il n'a pas fait les choses à moitié.
Inspiré par l'idéal démocratique, il a notamment mis en
place des systèmes d'éducation et de santé qui font
l'envie de plusieurs pays. Mais la crise économique mondiale a surpris
le Québec par sa soudaineté et son intensité. Elle a fait
ressortir le caractère éphémère et artificiel de la
croissance effrénée, tout en nous plaçant devant la
difficile obligation de tenir les engagements de nos
prédécesseurs. (10 heures)
Étouffé par les exigences croissantes du service de la
dette publique, le gouvernement ne disposait plus de la marge de manoeuvre
nécessaire à la relance économique. Comment
récupérer cette marge de manoeuvre sans augmenter le fardeau
déjà trop lourd des contribuables et sans mettre en péril
la survie des systèmes d'éducation et de santé, ainsi que
la qualité des services qui y sont dispensés? Voilà le
défi devant lequel nous nous trouvions. Nul ne devra minimiser l'effort
et le sens du dépassement peu ordinaire qui a été
demandé aux cadres et employés des secteurs public et parapublic.
Très peu de sociétés auront réussi à relever
le défi avec autant de succès que le Québec.
Mais les efforts soutenus de redressement budgétaire entrepris au
milieu de la dernière décennie ne pouvaient être
couronnés de succès sans une intervention énergique pour
modifier la dynamique de croissance explosive des dépenses en
éducation. La rupture de tendance ne pouvait se faire sans une
réorientation majeure de la politique salariale du gouvernement et sans
remettre en question la tendance systématique des rapports
maître-élèves à s'accroître au fil des
conventions collectives. Ainsi, le nombre d'élèves dont a charge
en moyenne l'enseignant québécois aura-t-il crû de 16,5
à 18,5 en cinq ans, mais encore faudra-t-il comparer ce nombre aux 21
élèves que l'on confie à l'enseignant de la province
voisine dont les ressources sont pourtant plus grandes encore.
Ces mesures nécessaires n'ont pas eu pour effet de compromettre
la mission essentielle du ministère et l'atteinte des grands objectifs
du système scolaire. Les ressources consacrées à
l'éducation de base demeurent largement suffisantes et l'effort du
Québec en ce domaine se compare avantageusement à celui qui est
consenti par tous nos voisins. De façon générale, les
employés qui relèvent de l'État peuvent aussi sans crainte
comparer leur rémunération à celle d'homologues
étrangers.
Les données objectives de comparaison, si elles permettent de
justifier les choix, n'entraînent pas d'elles-mêmes
l'adhésion immédiate de tous ceux qui ont été mis
à contribution. Chacun, au fil des bonnes années, avait
développé l'habitude de ressources additionnelles chaque fois
qu'un besoin nouveau apparaissait. Voilà qu'il faut maintenant
satisfaire de nouveaux besoins avec les mêmes ressources. Il faut
redéployer les ressources. C'est donc à un changement radical
d'attitudes que nous sommes tous conviés, à une libération
en chacun de nous des capacités d'ouverture et d'imagination. Il nous
faut développer assez d'ingéniosité pour accroître
notre productivité, pour inventer de nouvelles formes d'organisation
scolaire et assez de courage pour briser le carcan d'une spécialisation
qui limite nos possibilités de partage des tâches.
C'est aussi à la volonté de partage et au sentiment de
solidarité qu'invitent ces redressements budgétaires. Selon le
bon vieux principe des vases communicants, les déplacements de
ressources favoriseront l'accès d'autres groupes aux biens culturels et
économiques. D'autres développements qui étaient
empêchés ou retardés seront désormais possibles. Des
rattrapages devront se faire dans d'autres secteurs que l'éducation et
nos concitoyens laissés pour compte dans le système actuel
d'éducation devront faire l'objet de nos préoccupations.
C'est sans doute dans le secteur économique que les rattrapages
sont actuellement les plus nécessaires et les plus urgents. Nous ne
pouvons pas nous payer le luxe de laisser gaspiller nos ressources humaines. Il
faut offrir aux jeunes engagés dans le système scolaire une
perspective motivante de trouver un emploi lorsqu'ils arriveront sur le
marché du travail. Il faut aussi favoriser la réinsertion
professionnelle des adultes qui sont actuellement sans emploi. Grâce au
redressement de la situation financière, nous avons aujourd'hui la
capacité de consacrer des efforts substantiels à la
restructuration de notre économie et au soutien de l'emploi.
Il n'y a pas de dichotomie entre le développement de
l'éducation et celui de l'économie. Les deux univers sont
intimement liés, car, en fin de compte, c'est le développement du
potentiel humain qui constitue le plus puissant levier de la reprise
économique, de même qu'une économie saine et dynamique
confère une signification accrue aux efforts déployés par
les maîtres et les élèves.
La répartition des crédits du ministère de
l'Éducation pour l'année 1984-1985 procède de cette
volonté d'associer l'éducatif, l'économique et le social.
En apparence seulement, les crédits affectés à
l'éducation par le gouvernement du Québec diminuent de 3,7%, soit
de 240 000 000 $ par rapport à l'exercice précédent. Mais
cette diminution est due à la situation particulière de
l'enseignement primaire et secondaire où des dépenses ont
été acquittées par anticipation en 1983-1984. En
fait, les autres programmes connaissent une augmentation moyenne de 5%
en 1984-1985. La détermination marquée dans les redressements
précédents se maintient tout en laissant place à un
développement sélectif.
De manière générale, l'accent sera mis dans tous
les secteurs sur l'accroissement de la productivité. Je suis convaincu
qu'au Québec plus que partout ailleurs, et à ce moment-ci plus
qu'en tout autre temps, nous sommes condamnés à l'excellence. Les
rendez-vous de l'avenir nous pressent et il nous faut, sous peine
d'étiolement, pratiquer les vertus qui nous permettront de relever les
défis de la concurrence: effort, sens du devoir et originalité.
Ajoutons la lucidité qui permet d'évaluer la progression et le
courage pour accélérer le pas et corriger l'itinéraire.
L'évaluation est le seul moyen efficace d'éviter la
pérennité des disfonctions du système, de rétablir
les équilibres et de combler les lacunes.
Dans le réseau des universités, la croissance des
crédits, qui est de 2,5% par rapport à l'exercice
précédent, est reliée en grande partie au plan de relance
adopté l'automne dernier par le gouvernement. Ces crédits
couvriront en particulier une augmentation de clientèle dans les
disciplines identifiées comme prioritaires en regard du virage
technologique et permettront d'amorcer la mise en place d'une quarantaine
d'équipes de recherche dans les secteurs de pointe. L'aide à la
recherche et à la formation de chercheurs se traduit en outre par une
augmentation de 4,6% des crédits attribués au fonds FCAC. Cette
croissance s'explique par le fait que ce programme n'a subi aucune compression
après avoir bénéficié des indexations et d'une
subvention à la gestion.
Ajoutons que le cadre budgétaire du réseau universitaire
pour l'année 1984-1985 entend consolider la réforme de la formule
de financement engagée ces dernières années. Une
proposition sera soumise sous peu à la consultation du Conseil des
universités et des établissements universitaires. Le cadre de
financement est conçu de manière à permettre une plus
grande équité dans la répartition des subventions entre
les établissements et une plus grande flexibilité d'application
en rapport avec des objectifs prioritaires de développement du
réseau.
Pour l'essentiel, ces objectifs sont les suivants, tels qu'ils ont
été dégagés et affirmés au cours des trois
dernières années: dégager des ressources par une meilleure
utilisation des moyens existants, en visant une meilleure productivité
des ressources financières, matérielles et humaines, en
partageant les efforts de développement dans une perspective de
réseau; consolider les activités de premier cycle et, en
particulier, rationaliser le développement des programmes courts et
éliminer les dédoublements d'activités dans les
réseaux d'enseignement; stimuler les études à temps
complet, surtout les études de deuxième et troisième
cycles; améliorer la productivité des programmes des cycles
supérieurs; promouvoir le développement de la recherche et
renforcer la place de cette mission dans nos universités; promouvoir,
dans les secteurs porteurs d'avenir pour le développement
économique et technologique du Québec, la formation de la
main-d'oeuvre spécialisée, de chercheurs et de personnel
scientifique, de même que la création de centres d'excellence et
d'équipes de recherche.
Dans les collèges, on peut affirmer que, dans l'ensemble, le
nouveau règlement sur le régime pédagogique a
été accueilli avec beaucoup de satisfaction comme base de
référence mettant fin aux tergiversations et levant les
hypothèques des dernières années. Les énergies
ainsi libérées pourront être investies plus
résolument dans l'accomplissement de tâches plus prioritaires.
Parmi les priorités qui se traduisent par une augmentation de
crédits, il faut mentionner notamment la création de centres
spécialisés, l'ouverture de programmes professionnels dans des
secteurs de pointe et la modernisation des équipements. Ajoutons que la
croissance des clientèles constitue un autre facteur d'augmentation des
crédits.
Dans le discours qu'il prononçait en mai 1983 à l'occasion
de la défense des crédits du ministère de
l'Éducation, mon prédécesseur annonçait la
création des premiers centres spécialisés dans des
secteurs liés à des atouts régionaux ou nationaux
reconnus. Six de ces centres ont vu le jour en 1983-1984. Trois autres sont
prévus en 1984-1985. De plus, en vue d'assurer une meilleure
adéquation entre la formation professionnelle et l'emploi et en vue de
favoriser l'insertion des jeunes au marché du travail, le
ministère a autorisé des collèges à ouvrir des
enseignements professionnels. Vingt-six autorisations ont été
accordées en 1983-1984, surtout dans des secteurs de pointe comme
l'informatique, l'électronique appliquée aux systèmes, la
conception et la fabrication assistées par ordinateur. Une vingtaine
d'autres sont prévues en 1984-1985. Enfin, des crédits seront
alloués afin de permettre aux collèges de moderniser ou d'acheter
les équipements nécessaires à un enseignement
adéquat. Il convient de souligner, en passant, que le ministère
ne fait pas qu'autoriser de nouveaux enseignements; il veille également
à ce que les collèges procèdent à une
rationalisation de leurs programmes.
Les crédits affectés à l'éducation des
adultes s'accroissent de 20%. Cet accroissement accompagne la politique
d'ensemble qui vient d'être énoncée. Il demeure modeste si
l'on considère les immenses besoins mis en lumière par tous les
travaux qui ont préparé
cette politique. Mais les ressources sont limitées; tous les
rattrapages et tous les développements ne peuvent s'accomplir en
même temps. Le gouvernement a défini les orientations
nécessaires pour guider notamment tout le mouvement de reprise et de
progrès de l'éducation des adultes. Dans le sens de ces
orientations, il s'est fixé des cibles prioritaires. Le moment est venu
d'appliquer les ressources dont nous disposons à des actions
concrètes.
Les lignes directrices sont claires et largement inspiratrices pour
l'avenir: l'intégration du système scolaire et de toute l'action
gouvernementale en éducation des adultes à des perspectives
d'éducation permanente; la reconnaissance de la diversité des
lieux et des modes de formation en misant davantage sur l'entreprise comme
milieu de formation; l'accessibilité des ressources éducatives
et, particulièrement, du système public d'éducation; la
priorité de formations qualifiantes, c'est-à-dire de formations
qui entraînent une forme de reconnaissance professionnelle et sociale; le
respect de la spécificité de l'éducation des adultes et la
faveur accordée à l'approche de la formation sur mesure.
Les lieux où il faut prioritairement commencer et continuer
à présent de mettre en oeuvre ces orientations sont aussi
désignés clairement. Dans le système public
d'éducation, trois cibles sont découpées. La
première concerne l'accroissement de la capacité d'accueillir et
de soutenir des adultes, principalement de jeunes adultes, qui sont
désireux ou que l'on convaincrait de reprendre un cheminement scolaire
pouvant les conduire à l'obtention d'un diplôme d'études
secondaires ou collégiales.
La deuxième cible a trait à l'ouverture effective du
système scolaire à l'ensemble des groupes de population et de
leurs besoins de formation. L'accent est mis, à cet égard, sur le
rodage des structures et des pratiques susceptibles de garantir aux adultes une
réelle accessibilité: services d'accueil et de
référence pour personnaliser l'accès à
l'orientation, à l'information scolaire et professionnelle et à
l'évaluation officielle du dossier; reconnaissance des acquis de
formation, scolaires et "expérientiels", pour permettre l'accès
à des études, à un emploi, à un corps de
métier, à une promotion; formation à distance par une plus
grande utilisation du potentiel des médias de communication;
déduction fiscale de frais de garde des enfants et ajouts de place en
garderie pour favoriser l'accès des femmes aux services
éducatifs. L'intégration de l'éducation des adultes
à la mission de base des établissements scolaires s'accompagne
également de mesures visant à satisfaire les besoins
spécifiques des adultes. Ces mesures consistent dans le maintien des
services éducatifs des adultes, la légitimité
réaffirmée des formations sur mesure et des pratiques
pédagogiques diversifiées, et la promotion d'une formation
adaptée aux formateurs d'adultes. À l'intérieur du
ministère, chaque direction de réseau devient responsable de
l'éducation des adultes, mais on maintient des unités visibles et
repérables.
La troisième cible consiste en l'amélioration de
l'organisation des programmes de formation professionnelle dispensés
dans le système scolaire: des programmes et des équipements mis
à jour, des enseignants au fait de l'évolution technologique, une
carte des enseignements équilibrée et offrant un nombre suffisant
de places aux femmes comme aux hommes dans les secteurs d'avenir, des
mécanismes efficaces de concertation éducation - travail
constituent les conditions de base auxquelles il faut travailler.
Au chapitre de la concertation, le gouvernement a choisi de créer
des structures légères impliquant les principaux
ministères concernés. Il respecte ainsi les principes de
l'économie de moyens et de la multiplicité des lieux de
responsabilité. Par exemple, la concertation privilégiée
avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu s'inscrit dans une logique qui donne à ce dernier les moyens
correspondant à ses responsabilités de mettre en oeuvre une
politique de main-d'oeuvre souhaitée par tous.
Pour les activités d'éducation populaire, aussi bien
celles qui sont dispensées dans le secteur des établissements
publics que celles qui sont dispensées dans le secteur des associations
autonomes, quatre priorités ont été retenues:
l'alphabétisation, le soutien des projets communautaires des jeunes
adultes défavorisés, chômeurs ou inactifs, les programmes
destinés aux femmes désireuses de retourner aux études ou
d'accéder au marché du travail, l'insertion sociale des personnes
handicapées. Les choix ainsi arrêtés pour le
développement de l'éducation des adultes disposent à des
efforts concrètement appliqués pour l'exploitation de ressources
qui, en dépit de leur caractère trop modeste en regard de tous
les besoins, demeurent importantes. (10 h 15)
En mai prochain je tiendrai, avec mes collègues les plus
directement concernés, des séances de travail avec les principaux
groupes impliqués afin de discuter des modalités d'implantation
et d'affiner la précision des mécanismes à mettre en
place.
La contribution du secteur de l'éducation à la relance
économique s'exprimera aussi par l'amélioration de nos
dispositifs scolaires de formation professionnelle. D'abord formulées en
1982, des propositions de relance et de renouveau ont ensuite été
débattues dans deux vagues
successives de consultation auprès de tous les
intéressés responsables et agents des différents ordres
d'enseignement, ceux du secteur dit régulier et ceux du secteur de
l'éducation des adultes, partenaires du monde de l'éducation et
ceux du monde du travail, ministère de l'Éducation,
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
autres ministères selon les secteurs d'activité économique
intéressés, organismes et établissements d'enseignement,
associations professionnelles du personnel de l'enseignement, commissions de
formation professionnelle, corporations et ordres professionnels, entreprises
et organismes socio-économiques.
Ces consultations ont permis de valider les grandes visées de
départ. La formation professionnelle doit s'appuyer sur une formation de
base qui reconnaît la valeur culturelle et pédagogique de la
technique et de la technologie. Ceci implique, entre autres
conséquences, le développement de cours d'initiation à la
technologie à l'intérieur du curriculum de formation dite
générale. Le système scolaire doit donner au plus grand
nombre la possibilité d'acquérir une formation professionnelle de
qualité, c'est-à-dire une formation assez poussée pour
permettre l'ajustement aux changements technologiques, mais en même temps
assez large et polyvalente pour favoriser la mobilité, le recyclage et
le perfectionnement dans un contexte d'éducation permanente. Le
système scolaire de la formation professionnelle peut améliorer
et rationaliser son organisation, notamment par la concertation avec le monde
du travail et entre les divers ordres d'enseignement, par une meilleure
répartition territoriale des programmes et par une articulation plus
serrée des instances ministérielles qui partagent une
responsabilité dans cette formation.
Ces orientations touchent surtout l'école secondaire, car c'est
là que se jouent et se déterminent les sélections sociales
et culturelles les plus marquantes pour l'avenir. Les changements
nécessaires suivront le rythme d'implantation du nouveau régime
pédagogique de 1981, selon des étapes progressives qui pourront
s'étendre jusqu'en septembre 1988, compte tenu des modifications
nécessitées par la loi 40 pour que toutes les années du
secondaire aient été atteintes.
En vue de favoriser ce renouvellement de la formation professionnelle,
un plan de perfectionnement des maîtres de l'enseignement
général et professionnel sera établi en 1984-1985. D'autre
part, l'effort de modernisation des équipements, particulièrement
dans les domaines de formation plus touchés par les changements
technologiques, sera renouvelé en 1984-1985. Des crédits de 10
000 000 $ seront affectés au budget d'immobilisation des commissions
scolaires.
Les consensus étaient plus faciles lorsque nous étions
installés autour d'une table abondante. Le frugalité oblige
à choisir et le risque est grand de voir les intérêts de
groupes prendre le dessus. Pourtant, c'est à l'heure des menaces les
plus sérieuses à notre développement collectif qu'il
convient plus que jamais de serrer les rangs et de dépasser les
intérêts personnels. Il vaut alors mieux nous employer à
trouver les raisons d'être solidaires que celles de nous diviser.
Pour ma part, j'entends ne ménager aucun effort pour
établir les contacts nécessaires avec les groupes vraiment
désireux d'améliorer le climat pédagogique des
écoles. Au secondaire en particulier, je suis conscient qu'il y a des
ajustements à faire pour harmoniser dans un ensemble cohérent le
régime pédagogique, les règles budgétaires et les
mécanismes de partage des tâches. Un mouvement dans cette
direction a été fait auprès de la Centrale de
l'enseignement du Québec. Un comité mixte sur la tâche des
enseignants poursuit actuellement les travaux dont j'attends beaucoup d'effets
positifs. J'ai aussi bon espoir que les réflexions du Conseil
supérieur de l'éducation apporteront sur cette question des
éclairages révélateurs.
Ma volonté de dialogue et d'ouverture s'adresse également
aux groupes d'étudiants. Ce serait plutôt ironique que je demeure
sourd aux attentes de ceux vers qui, en définitive, toutes les autres
démarches ont été orientées. C'est pourquoi je
rencontrerai cette semaine des représentants des étudiants, dans
le cadre d'un effort sérieux d'identification des problèmes et
des moyens pour les résoudre.
L'année 1984-1985 sera aussi celle de l'adoption de la nouvelle
Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. Les réformes ne
sont réelles et durables que si elles rejoignent un certain consensus.
Le projet que je déposerai à l'Assemblée nationale
comportera les mêmes visées que le précédent: des
cellules plus humaines, plus responsables, plus communautaires,
c'est-à-dire une école plus autonome et des parents davantage
impliqués.
Pour que les objectifs deviennent plus souhaitables pour l'ensemble des
intéressés, le projet favorisera un cadre évolutif
ménageant des rythmes d'implantation et des plages
d'expérimentation respectueux des contraintes propres aux
collectivités locales. Là aussi, des contacts ont
été faits et des démarches entreprises afin de
dégager des consensus possibles. J'ai déjà affirmé
que, pour donner libre cours à la créativité, il fallait
refuser l'uniformité: les rigidités qui affectent toute
organisation sociale doivent, au Québec, demeurer toujours objet de
méfiance; il faut que l'imagination puisse s'exprimer librement, sans
contrainte. Je n'ai
pas changé d'idée depuis cette déclaration et
j'entends qu'elle me serve de guide dans la conduite du projet de loi
jusqu'à sa sanction législative.
Ce refus de l'uniformité et de la rigidité va s'exprimer
également dans la poursuite de l'examen critique de l'action propre au
ministère de l'Éducation dans l'ensemble du système
scolaire. En vue de la cure d'amaigrissement à laquelle il est astreint
depuis déjà quelques années, le ministère est
à réviser sa contribution spécifique dans
l'économie du système et entend manifester concrètement sa
volonté de se débureaucratiser et de se centrer sur sa mission
essentielle. C'est au niveau du système lui-même et non au niveau
et à la place des partenaires constitués qu'il doit exercer ses
responsabilités d'orientation, de développement, de confirmation,
de coordination et d'évaluation.
Il faudra du temps et de la persévérance pour modifier les
styles d'intervention, pour briser les réflexes de dépendance et
pour réfréner les appétits de pouvoir. La lenteur du
processus et les obstacles ne nous détourneront pas du but, car nous
avons la conviction que cette étape est nécessaire à
l'acquisition d'une plus grande maturité sociale.
Voilà donc les principaux engagements du ministère de
l'Éducation pour l'année 1984-1985. L'examen des crédits
que je dépose aujourd'hui révèle que les redressements
budgétaires se poursuivent sans menacer le succès de notre
mission éducative. Les défis sont de taille, mais j'ai confiance
qu'ils agiront comme stimulants auprès de tous ceux qui ont à
coeur l'épanouissement des personnes et le progrès du
Québec.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je voudrais tout d'abord, au
début de nos travaux, saluer le nouveau ministre de l'Éducation
qui est entré en fonction il y a quelques semaines et lui souhaiter de
nouveau bonne chance. Je voudrais le remercier de la collaboration qu'il m'a
apportée dans la préparation de nos travaux des prochains jours.
La semaine dernière, je lui ai adressé une liste assez abondante
de renseignements dont je pensais avoir besoin. Hier soir, à ma grande
surprise, vers 22 heures, un collaborateur du ministre est venu déposer
à mon bureau, une boîte de documents que je n'ai pas eu le temps
de lire au complet avant la séance de ce matin, mais qui nous seront
sans doute très utiles au cours des prochains jours.
Je rappelle, évidemment, au ministre qu'il a donné des
réponses à peu près à la moitié des demandes
que nous lui avions faites. Il y a certains documents qui ne demanderaient pas
beaucoup de travail si on voulait les mettre à notre disposition, parce
qu'il s'agit de documents qui sont là, mais que le gouvernement semble
vouloir considérer comme étant réservés à
son usage strictement privé. C'est une attitude que nous contestons
vivement, mais nous aurons l'occasion d'en reparler en cours de route. Pour
l'instant, je voulais souligner que le ministre a répondu avec
empressement à une très bonne partie des demandes que je lui
avais faites et je l'ai vivement apprécié.
Brièvement, je voudrais évoquer le souvenir du
prédécesseur du ministre, M. Laurin, avec qui nous avions eu le
plaisir l'an dernier de faire l'étude des crédits, avec qui il
nous a été donné à plusieurs reprises de
siéger en commission parlementaire au cours de la dernière
année. Nous avons critiqué plusieurs politiques de M. Laurin,
mais j'ai toujours estimé qu'il avait porté un
intérêt extrêmement vif à la cause de
l'éducation, qu'il s'était identifié en profondeur avec
l'idéal d'un développement culturel beaucoup plus substantiel
pour notre peuple du Québec. Je pense que, de ce point de vue, nous lui
devons une marque d'appréciation qu'il me fait plaisir d'exprimer ce
matin en mon nom et, je pense bien, aussi au nom de nos concitoyens.
L'étude des crédits nous fournit chaque année
l'occasion de commencer nos travaux par une sorte de tour d'horizon sur les
réalisations de la dernière année et les perspectives de
l'année qui commence. Le ministre vient de le faire dans des termes qui
restent, forcément, généraux vu les contraintes de temps
à l'intérieur desquelles nous devons désormais
évoluer. Je le suivrai et j'essaierai d'être bref aussi. Je vous
soumettrai un certain nombre de remarques groupées autour de trois
thèmes principaux: tout d'abord, les aspects positifs de la
dernière année; deuxièmement, les échecs et les
déceptions de la dernière année; troisièmement, les
priorités qui devraient être retenues par le gouvernement et tous
ceux qui se préoccupent du progrès de l'éducation au cours
de l'année à venir.
Nous avons l'habitude de souligner surtout les choses qui ne
fonctionnent pas dans l'action du gouvernement. Je pense que c'est normal de la
part de l'Opposition, c'est sa raison d'être en démocratie de
souligner les carences de l'action des autorités politiques. Mais, dans
une circonstance comme celle-ci, je pense qu'il est normal de souligner qu'il y
a, tout de même, un certain nombre de points dans le système
d'enseignement qui ont donné lieu à des motifs de satisfaction au
cours de la dernière année. J'en mentionne quelques-uns.
D'abord, je pense que l'événement dominant, c'est
l'arrêt dans la chute des
inscriptions aux niveaux primaire et secondaire. Depuis 1976-1977, nous
assistons à une véritable saignée des effectifs scolaires
au Québec: de 1 322 000 élèves que nous avions dans des
écoles primaires et secondaires en 1976-1977, le total était
tombé l'an dernier à 1 060 000, c'est-à-dire une chute de
plus de 260 000, ce qui est énorme. On constate que les pronostics du
ministère - avec toute la réserve qui doit accompagner l'accueil
de ces pronostics, car on sait que le ministère pèche par un
excès de conservatisme dans ces choses, surtout aux niveaux
collégial et universitaire, au niveau de l'enseignement privé
également - annoncent pour l'année 1984-1985 des effectifs
à peu près semblables à ceux de la dernière
année. Il y a une légère différence d'à peu
près 2000. Il y a lieu de s'en réjouir et j'espère qu'au
cours des années à venir nous assisterons à une
remontée de ce côté.
Je regrette, entre parenthèses, que, dans le cahier explicatif
des crédits que le ministère met à notre disposition, la
section qui était consacrée l'an dernier aux travaux de la
division des études démographiques ait été
plutôt amputée cette année. J'ose espérer que cette
section voudra nous fournir des données sur les prévisions
qu'elle a établies en vue des prochaines années en matière
de clientèle scolaire, surtout aux niveaux primaire et secondaire.
Nous remarquons qu'au niveau collégial il y a eu une progression
sensible. Je pense que les effectifs sont passés au cours de la
dernière année de 132 000 à 139 000, une augmentation de
7000 qui est bien supérieure aux prévisions qu'on nous avait
soumises l'an dernier. De même, au niveau universitaire, il y a eu une
augmentation de 143 000 à 146 000, toujours d'après les
prévisions. Je pense que cela sera plus élevé en pratique.
De toute manière, on constate qu'aux niveaux collégial et
universitaire il y a une progression remarquable des effectifs, ce qui nous
autorise à croire que l'objectif qui vise à faire du peuple du
Québec un peuple sans cesse plus instruit, plus qualifié
intellectuellement pour faire face aux défis non seulement
économiques, mais aussi sociaux, culturels, moraux, politiques qui
attendent la génération de demain, sera beaucoup mieux
préparé de ce côté. Il y a bien des lacunes qu'on
pourrait souligner évidemment, mais je pense que ces tendances de fond
valent d'être soulignées, surtout à une période
où on est enclin à mettre l'accent sur les choses qui marchent
moins bien.
L'année 1983-1984 s'est déroulée dans un climat de
tranquillité relative dont nous avons lieu de nous réjouir
après coup. Au début de mars l'an dernier, nous avions des
raisons très sérieuses de craindre que l'année ne soit
extrêmement agitée, extrêmement dominée par
l'insécurité et les tensions, mais on a réussi à
passer à travers l'année 1983- 1984 qui s'achève dans un
climat de tranquillité relative et je pense qu'il faut en
féliciter de manière particulière les enseignants et le
personnel professionnel de nos institutions d'enseignement qui, malgré
les conditions très dures dans lesquelles ils ont été
appelés à travailler, ont fourni un rendement qui, dans le
contexte, doit être considéré comme très
satisfaisant. (10 h 30)
Troisièmement, le travail de renouvellement des programmes, dont
nous parlons peu, dont nous espérons avoir la chance de parler davantage
au cours de la prochaine année, s'est poursuivi tant aux niveaux
primaire et secondaire qu'au niveau collégial. Je pense qu'on doit dire
que de manière générale les échéanciers sont
précis, sont assez largement respectés en ce qui concerne le
contenu des programmes, les guides pédagogiques. Il y a des lacunes dont
nous aurons l'occasion de parler quand nous traiterons des crédits de
l'enseignement primaire et secondaire de manière plus spéciale.
Mais je voudrais signaler, à ce stade-ci, que, de façon
générale, d'après les échos qui nous en parviennent
et l'examen fort partiel qu'il m'a été donné d'en faire
personnellement, la qualité des nouveaux programmes est en
général excellente. Et comme ces programmes ont été
préparés, en très grande partie, par des personnes qui
oeuvrent dans le secteur de l'enseignement, je pense qu'il faut leur rendre
l'hommage auquel ils ont droit.
Je voudrais signaler qu'au cours de la dernière année les
organismes consultatifs chargés par des dispositions législatives
de conseiller le gouvernement en matière d'éducation ont fourni
un apport substantiel à nos recherches et à nos débats. Je
voudrais souligner de manière toute particulière les nombreuses
interventions du Conseil supérieur de l'éducation qui s'est
signalé par la précision de ses interventions, par la
liberté avec laquelle il les a faites et par le souci qu'il a
constamment manifesté de maintenir et d'étendre le contact direct
avec la population et les milieux concernés. Moi, je ne suis pas
d'accord avec tous les avis que le Conseil supérieur de
l'éducation émet; il m'est arrivé même au cours de
l'année d'émettre des dissidences, mais j'estime la vigueur avec
laquelle le Conseil supérieur de l'éducation poursuit son
travail, et j'espère qu'on lui fournira, à l'avenir, les
conditions requises pour qu'il continue de le faire.
Je voudrais également signaler les études de haute
qualité du Conseil des universités, dont on parle peu et dont
nous aurons l'occasion de traiter quand nous parlerons des universités.
Mais je pense que le Conseil des universités a produit des études
d'excellente qualité qui, dans bien des cas, vont au fond des choses et
devraient éveiller l'attention, hélas: un peu somnolente,
du gouvernement dans ce domaine. Le Conseil des collèges a
produit une opinion, en particulier au cours de la dernière
année, sur le projet de régime des études
collégiales, qui a été vivement appréciée.
Il poursuit une consultation actuellement sur laquelle nous aurons l'occasion
de nous prononcer plus tard. Mais, de façon générale, je
voulais souligner cet apport important que fournissent les organismes
consultatifs créés par voie législative dans
l'élaboration des politiques éducatives
québécoises.
Cinquièmement, l'éducation est de plus en plus un sujet de
première importance sur la place publique. La plupart du temps, les
journaux quotidiens consacrent chaque jour plusieurs articles aux questions de
l'éducation. C'est une chose qui m'a frappé au cours de la
dernière année. Je pense que l'éducation - c'est
peut-être parce que je lis un journal plus que d'autres - occupe une
place très importante dans la matière que présentent
chaque jour nos journaux quotidiens et aussi les médias
électroniques. Je pense que c'est excellent. Nous avons pu, au cours de
la dernière année, grâce à cette attention soutenue
que les médias portent à la question de l'éducation,
aborder en profondeur et de manière assez large des sujets aussi
importants que le rôle de l'école dans la communauté, le
rôle des parents dans l'école, la place des valeurs religieuses et
morales dans l'école, la place des commissions scolaires dans notre
système d'enseignement et combien d'autres sujets. La plupart du temps,
les débats se font à un niveau élevé et
généralement exempt de partisanerie. Je pense que l'exemple de la
commission parlementaire qui a siégé sur le projet de loi 40 au
cours de la dernière année est une bonne illustration de ceci.
Pendant six semaines, les parlementaires ont été à
l'écoute d'organismes en provenance de toutes les régions, de
tous les secteurs de la population et je pense que, de manière
très très générale, les échanges se sont
faits dans un climat exempt de partisanerie.
En terminant, je voudrais souligner à ce sujet la capacité
de réaction très élevée des milieux de
l'éducation. Je pense que ceux qui oeuvrent dans le secteur de
l'éducation ont un énorme avantage sur ceux qui oeuvrent dans la
plupart des autres secteurs. Ils transigent avec des acteurs qui ont une
capacité de réaction et un pouvoir d'attention soutenu beaucoup
plus élevés que la moyenne. Ceci permet une production de
documentation et une capacité de réaction critique beaucoup plus
fortes, dont nous avons du côté de l'Opposition beaucoup
profité au cours des derniers mois et auxquelles je souhaiterais que le
gouvernement apporte davantage d'attention en certaines circonstances.
Je voudrais maintenant souligner les principaux échecs et les
principales sources de déception que nous avons dû enregistrer au
cours de la dernière année. Le ministre y a fait allusion
tantôt. Je voudrais le souligner pour ma part également. Je pense
que la source d'inquiétude majeure en ce qui touche notre système
d'enseignement, c'est, évidemment, cette hantise des
débouchés qui occupe la réflexion à la fois des
étudiants, des éducateurs et des parents à longueur
d'année. On a de très bonnes choses dans notre système
d'enseignement, mais, comme l'a souligné le ministre tantôt, tant
que nous n'aurons pas trouvé le moyen de faire fonctionner
l'économie au niveau de rendement qu'exigent ces investissements faits
dans le secteur de l'éducation par les années qui courent, il y
aura un problème très sérieux auquel nous sommes loin
d'avoir trouvé toutes les solutions. Ils sont des milliers les jeunes
Québécois qui ont reçu une formation remarquable et qui
attendent chez eux des réponses aux innombrables démarches qu'ils
multiplient dans toutes les directions afin de trouver une occasion de mettre
leur formation et leurs talents au service de leurs concitoyens.
Deuxièmement, les décrets ont laissé des blessures
profondes et un goût de cendre dans les milieux de l'éducation.
Nous en avons eu la preuve. Le gouvernement était le seul à ne
point s'en être aperçu. Le gouvernement pensait que tout marchait
bien. Que de fois j'ai entendu le ministre de l'Éducation nous le dire
en pleine Chambre, jusqu'à ce que, enfin, on consente à demander
au Conseil supérieur de l'éducation de faire une enquête
spéciale à ce sujet. Si on a parcouru l'immense documentation qui
a été mise à la disposition du Conseil supérieur de
l'éducation, on doit constater qu'il y a des conséquences des
décrets qui sont extrêmement onéreuses non seulement pour
les enseignants, mais pour la qualité de l'éducation.
J'espère vivement que les entretiens qui se déroulent ces
jours-ci ne seront pas seulement de la frime, mais qu'ils conduiront à
des conclusions sérieuses. Si cela devait être uniquement un jeu
d'ombres, un jeu d'apparences et que cela ne dût conduire à aucune
conclusion pratique, je pense que ce serait ajouter de l'huile sur le feu.
M. le Président, je voudrais souligner que le gouvernement n'a
pas encore donné suite au voeu émis par l'Assemblée
nationale le 26 mai dernier, demandant que soit abrogée formellement et
officiellement l'odieuse loi 111 qui a mis le Québec au rang des pays
les moins avancés en matière de respect des libertés
fondamentales. On nous avait promis une action rapide à ce sujet. Le
gouvernement avait imposé un léger amendement. J'avais
présenté moi-même une motion dans laquelle j'insistais pour
que l'abrogation se fasse immédiatement. On a changé cela par un
amendement qui disait:
dans les meilleurs délais. On voit ce que cela veut dire "dans
les meilleurs délais" avec le gouvernement. La motion a
été adoptée le 26 mai dernier; nous sommes rendus au mois
d'avril et les meilleurs délais se prolongent indéfiniment. Cela
laisse une mauvaise trace.
En tout cas, sur tout ceci, l'effet des décrets, je ne voudrais
pas que le gouvernement et surtout le nouveau ministre de l'Éducation
nourrissent la moindre illusion: les blessures sont très profondes.
Elles ne sont aucunement cicatrisées pour l'heure et je pense qu'il
faudrait des gestes concrets pour que la bonne volonté du gouvernement
soit acceptée comme un facteur dans le débat qui doit se
poursuivre.
La politique de l'informatique du gouvernement est un échec assez
lamentable jusqu'à maintenant. On me dira qu'il y a des choses qui se
font. Fort heureusement, le gouvernement ne les a pas empêchées de
se faire. Dans la mesure où il ne les empêche pas de se faire,
cela a marché; mais dans la mesure où on a dépendu de la
politique du gouvernement pour fonctionner, c'est évident que les
échecs et les ratés sont énormes. Je n'insiste point
là-dessus, parce que nous avons eu, l'autre jour, un débat
prolongé à ce sujet et nous aurons l'occasion d'y revenir
à propos de chacun des secteurs.
La politique de l'éducation des adultes. Cette politique a
beaucoup trop tardé et a énormément déçu les
milieux de l'éducation des adultes au point qu'ils ont été
unanimes à réclamer la tenue d'une commission parlementaire pour
que cette politique du gouvernement soit examinée de manière
critique avant d'être mise en oeuvre. Or, j'ai écouté
attentivement ce que le ministre de l'Éducation a dit à ce sujet
tantôt et je n'ai trouvé aucun engagement à donner suite
à cette volonté exprimée par de très nombreux
organismes. Il nous a parlé d'une journée de concertation avec
les principaux agents, mais, dans une journée, on ne fait pas de
concertation, M. le Président. Il faut être sérieux. La
concertation est un processus long qui demande énormément
d'échanges. Seulement pour dresser une problématique qui soit
communément acceptable, cela prend beaucoup plus qu'une journée
et, ensuite, pour arriver à des orientations sur lesquelles on puisse
s'entendre, à plus forte raison cela demande un petit peu de temps.
J'espère que de ce côté on voudra donner suite à un
voeu qui a été formulé, je pense, de manière
très raisonnable.
Les rapports du gouvernement avec les commissions scolaires, en
général, n'ont pas été trop bons au cours de la
dernière année. Je pense qu'il y a eu des affrontements dont on
aurait pu nous faire l'économie. J'ose espérer qu'au cours de la
prochaine année on sera beaucoup mieux orienté de ce
côté.
La politique de financement des universités, j'aurai l'occasion
d'en parler, est une source de recul actuellement pour la qualité de
l'enseignement et de la recherche à l'université. Les documents
qui étayent cette affirmation sont abondants. Ceux du Conseil des
universités en particulier sont spécialement éloquents. Je
me dispense de précisions additionnelles vu les contraintes de temps
à l'intérieur desquelles nous fonctionnons.
La politique du gouvernement en matière d'enseignement
privé nous est annoncée depuis sept ans maintenant. Nous
l'attendons toujours. Nous n'avons eu aucune indication au cours de la
dernière année, seulement une couple d'impropères, de
lamentations du ministre de l'Éducation, votre
prédécesseur, M. le ministre, qui n'ont débouché
sur aucune mesure concrète. Par conséquent, nous ne sommes pas
plus avancés de ce côté que nous ne l'étions.
Le gouvernement a trop souvent ignoré, au cours de la
dernière année, les avis qui lui étaient
communiqués par des organismes officiellement et légalement
mandatés pour le conseiller. Que de fois le gouvernement n'a tenu aucun
compte des avis qui lui étaient donnés? Je trouve cela formidable
qu'on dépense des fonds publics pour faire fonctionner ces organismes,
pour leur demander de formuler des avis alors que, dans des questions
très importantes, on a littéralement ignoré les avis qui
étaient fournis par des organismes.
Je termine cette partie de mon exposé en soulignant - je lance
même un cri d'alarme, M. le Président - le recul inquiétant
de l'éducation dans la hiérarchie des priorités
gouvernementales. En vue de nos travaux, j'ai dressé mes calculs sur
l'évolution des dernières années. J'ai été
content de voir ces calculs confirmés par des données que nous
fournit le cahier de notes explicatives préparé en vue de nos
travaux. En 1976-1977, lorsque le présent gouvernement est arrivé
au pouvoir, l'éducation représentait 28,3% de l'ensemble des
dépenses gouvernementales. Ce total était monté à
28,9% en 1980-1981. Je pense qu'il est allé à 29% l'année
suivante, année des conventions collectives qui ont
précédé l'élection, pour qu'on n'oublie jamais
cette espèce de facilité dans laquelle a glissé à
ce moment le gouvernement pour des fins, évidemment,
électoralistes; référendum, élections. Il avait
bien de l'argent à ce moment. Ensuite, on est descendu à 26,1%
l'an dernier et, cette année, c'est 24,5%. Cela commence à
être une chute. Je pense que c'est extrêmement
inquiétant.
Tantôt, j'entendais le ministre nous dire: C'est explicable par la
chute des effectifs aux niveaux primaire et secondaire. Je pense qu'on pourra
lui faire la preuve au cours des prochains jours que là n'est pas la
principale, ni la seule explication. Il y a
d'autres explications qui témoignent d'un changement dans les
priorités du gouvernement, qui doit nous inquiéter
profondément et qui fera, je l'espère, l'objet d'un vigoureux
redressement dans les meilleurs délais. (10 h 45)
Je voudrais terminer en émettant le voeu qu'au cours de la
prochaine année un vigoureux redressement s'impose dans les
priorités du gouvernement. Il faut que l'éducation retrouve la
place qui lui revient dans les priorités du gouvernement, qu'elle cesse
d'être le bouc émissaire sur lequel on frappe chaque fois qu'on a
des excuses à fournir pour des erreurs qui ont pu être commises
à d'autres niveaux. Il faut qu'on cesse aussi de la subordonner de
manière étroite, comme on l'a trop souvent fait au cours de la
dernière année, à des impératifs économiques
à courte vue qui ne sont peut-être même pas
économiques au bon sens du terme sur une longue période.
Je pense qu'un effort de réflexion et de révision profonde
s'impose. Il faut que l'éducation - je l'affirme avec toute la force
dont je suis capable - soit respectée dans son objet propre. L'objet
propre de l'éducation n'est pas uniquement de fournir des travailleurs
pour tel ou tel corps de métier, pour telle ou telle industrie, pour tel
ou tel secteur de l'économie, mais de former des hommes et des femmes,
des citoyens complets qui seront, évidemment, capables de gagner leur
vie - c'est une première exigence - mais qui seront également
capables d'exercer avec maturité les responsabilités de la vie
adulte dans tous les secteurs de la vie individuelle et collective. J'ai
l'impression qu'un redressement important s'impose de ce côté
parce qu'un glissement de plus en plus perceptible s'est produit dans les
priorités gouvernementales. Je pense que ce glissement au niveau de la
pensée et de la philosophie explique le glissement qui se produit
maintenant de manière visible dans les chiffres et dans les budgets.
Deuxièmement, il faut absolument refaire un climat de confiance
et de dialogue dans le secteur de l'enseignement. Le ministre n'a pas eu
l'occasion de circuler encore beaucoup dans les cégeps, dans les
universités, dans les commissions scolaires, dans les écoles
primaires et secondaires. Je suis sûr que, si ses collaborateurs, au lieu
de l'emprisonner uniquement dans des devoirs bureaucratiques, lui laissent la
chance de sortir pour aller humer l'air véritable qui circule dans nos
écoles, dans nos collèges et dans nos universités, il
constatera qu'il y a un travail très exigeant à accomplir pour
restaurer dans ce secteur de notre société -secteur capital pour
notre avenir - le climat de confiance et de dialogue sans lequel l'oeuvre de
l'éducation est gravement compromise. Je pense que le premier geste
qu'il devra poser résidera dans les décisions qu'il sera
appelé à prendre au sujet de la deuxième et de la
troisième années des décrets. On attendra ses
décisions avec un immense intérêt.
Troisièmement, l'année 1984-1985 doit donner lieu à
un débat public sur plusieurs volets majeurs de la politique du
gouvernement qui n'ont donné lieu, jusqu'à maintenant, à
aucune discussion véritable. Je souligne d'une manière
particulière à cet égard l'éducation des adultes,
le financement des universités, la formation professionnelle à
tous les niveaux.
Je termine, M. le Président, en disant qu'il faut que le
gouvernement fasse connaître le plus tôt possible la politique
qu'il entend suivre à l'occasion de la prochaine ronde de
négociations pour l'année 1984-1985. L'année 1985 marquera
l'expiration des décrets imposés l'an dernier. Par
conséquent, il faut que nous sachions au cours de la prochaine
année 1984-1985 - et je dirais d'ici la fin de 1984 - où le
gouvernement entend se loger en matière de politique de
négociations. Allons-nous continuer à procéder par
décrets? Allons-nous revenir à des négociations
véritables? À ma connaissance, le ministre n'a fait aucune
allusion à cela. Des documents circulent déjà sous les
auspices du Conseil du trésor, des documents émanant du
ministère de l'Éducation et nous demanderons des explications au
cours des débats des prochains jours sur cette question vitale.
Voilà, M. le Président, comment m1
apparaît le tableau de l'éducation alors que nous entreprenons
l'étude des crédits du ministère pour l'année
1984-1985.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
Vice-Président. M. le député de Fabre.
M. Michel Leduc
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Avant de faire
quelques commentaires relatifs aux crédits qui sont devant nous,
relatifs aussi à ce qu'ont dit le ministre de l'Éducation et le
député d'Argenteuil, quelques mots pour dire que, la semaine
dernière, j'ai eu l'occasion d'assister à la Conférence
des ministres de l'Éducation des pays de langue française
à laquelle participe activement le Québec. Cette année,
cette conférence avait lieu à Kinshasa au Zaïre. C'est la
deuxième fois que j'ai l'occasion de représenter le Québec
à cette conférence. Si je le mentionne, c'est parce que j'ai
trouvé un vif plaisir à représenter le Québec, mais
aussi parce que j'ai pu constater, encore une fois, que le Québec
était vivement apprécié, que sa contribution à la
conférence des ministres est extrêmement importante. Cette
conférence,
qui regroupe 26 pays de langue française, majoritairement des
pays africains, permet au Québec nons seulement d'être
présent, mais d'entreprendre des projets extrêmement
intéressants et de faire profiter les divers pays de l'énorme
expérience qu'il a dans le monde de l'éducation.
Le Québec, on le voit, M. le Président, est reconnu
internationalement pour la qualité de son éducation, pour la
capacité de ses experts d'entreprendre des projets extrêmement
importants dans le tiers monde. Je pourrais donner de multiples exemples, mais
je n'en ai guère le temps. Je voulais signaler que, si ici, au
Québec, nous vivons présentement un certain climat de
morosité par rapport à l'éducation, je dois dire que, sur
la scène internationale, la réputation du Québec est
demeurée intacte et qu'on continue à faire appel à la
grande expérience que nous avons dans le monde de l'éducation
pour entreprendre des projets surtout à l'égard des pays en voie
de développement.
Cela m'a permis aussi de comparer ce que nous faisons ici avec ce qui se
fait en France et en Belgique, pays également membres de la
conférence. Je dois dire - je m'adresse un peu au député
d'Argenteuil -que la France et la Belgique présentement connaissent les
mêmes difficultés que nous connaissons ici au Québec et que
ces pays doivent également effectuer des compressions budgétaires
dans le domaine de l'éducation. Donc, on n'est pas les seuls à
devoir vivre un certain nombre de difficultés d'ordre budgétaire
et de l'ordre aussi du redéploiement des ressources.
M. le Président, je regrette que le député
d'Argenteuil n'ait pas signalé, dans les points positifs qui ont
été soulignés par le ministre de l'Éducation, cette
volonté de redéploiement des ressources. Il me semble qu'il
s'agit là d'une opération extrêmement importante qui
s'effectue en parallèle avec l'opération compressions
budgétaires qu'on a vécue. Nous admettons tous qu'il était
devenu impossible, pour nous, comme il est impossible dans d'autres pays
avancés également - je parlais de la France et la Belgique - de
soutenir le rythme de croissance des budgets que nous avons connus et que ces
pays ont connus également dans le passé. Il faut donc, M. le
Président, comme gouvernement responsable, procéder à des
rajustements qui sont douloureux et qui nous conduisent à des
compressions comme celles que nous avons connues et qui nous conduisent
également à fixer un certain nombre de priorités pour
mieux répondre aux besoins de la population et, en particulier, aux
besoins des jeunes.
Le redéploiement des ressources - je vais en parler
brièvement - touche, en particulier, les jeunes et vise à leur
trouver des débouchés. Je suis d'accord avec le
député d'Argenteuil: s'il y a un problème majeur qu'il
faut souligner non seulement dans notre système - il ne s'agit pas ici
du système d'éducation comme tel mais de notre système en
tant que société - c'est le problème des
débouchés pour nos jeunes finissants, qu'ils soient du niveau
secondaire, collégial ou universitaire.
Sur cette question du redéploiement des ressources, M. le
Président, il faut mentionner, en particulier dans le budget de
1984-1985, les efforts du ministère en matière de
développement. Je pense qu'il s'agit là d'un point
extrêmement positif. Je voudrais rappeler à la commission que, si
on peut se permettre un effort de redéploiement des ressources dans des
domaines qui jusqu'ici ont été négligés, c'est
parce qu'on a réussi l'opération compressions
budgétaires.
Mais permettez-moi de rappeler que des sommes importantes vont
être dirigées dans des domaines tels que l'insertion sociale et
professionnelle des jeunes. En 1983-1984, le système d'éducation
a permis à 4000 jeunes décrocheurs de réintégrer
notre système d'éducation. C'est une réussite, compte tenu
des moyens qui ont été mis à la disposition du
système d'éducation en 1983-1984. Pour 1984-1985, il faut
mentionner que l'objectif est de permettre à 9000 jeunes
étudiants de réintégrer notre système
d'éducation. Il s'agit, encore une fois, de jeunes parmi les plus
démunis de notre société et il faut féliciter le
ministère de l'Éducation à cet égard d'avoir mis
dans ses priorités l'insertion sociale et professionnelle des
jeunes.
Mentionnons également toute la réflexion et tous les
efforts faits pour améliorer notre système dans le domaine de la
formation professionnelle. Malheureusement, notre système vit encore
sous l'effet du décrochage au niveau secondaire, en ce sens qu'il y a
encore 30% de nos jeunes qui n'obtiennent pas leur diplôme de niveau
secondaire et ceci est relié, bien sûr, en grande partie à
la formation professionnelle qui, à mon sens, jusqu'à maintenant,
n'a pas satisfait les demandes et les besoins de ces jeunes. Donc, l'effort qui
est fait de ce côté est à souligner.
J'aurais plusieurs questions à poser dans le domaine de la
formation professionnelle. J'aurai l'occasion d'y revenir. Il faudrait, je
pense, qu'on nous présente un état de la situation, compte tenu
qu'il y a de nouveaux programmes qui vont être mis en place. Il y a tout
un changement de structures d'accueil pour les jeunes et je pense en
particulier aux jeunes qui sont en formation professionnelle courte.
Il y a également à souligner, toujours dans cet effort de
redéploiement en matière de développement pour 1984-1985,
les centres spécialisés au collégial. Là, on touche
aussi à cet effort pour trouver des débouchés aux
jeunes. Les centres spécialisés au collégial vont
permettre aux collèges de mieux jouer leur rôle dans le domaine de
l'insertion sociale et professionnelle de nos jeunes. Il est important que le
collège remplisse sa mission socioculturelle et, pour mieux le remplir,
il faut que les collèges soient mieux axés sur les besoins du
milieu. Or, les centres spécialisés vont
précisément permettre au collège de remplir cette vocation
en fonction de son milieu et de former aussi nos jeunes en fonction des
ressources industrielles du milieu. Encore une fois, il faut se
féliciter que cette direction soit prise.
Également, il y a tous les efforts qui sont faits afin que dans
le domaine universitaire en particulier nos jeunes se dirigent dans le sens des
priorités fixées par le virage technologique. Il me semble
extrêmement important que cela se fasse au niveau collégial et que
cela se fasse également au niveau universitaire. Cet effort, on va le
constater lorsqu'on arrivera, dans l'étude des crédits, au niveau
universitaire, mais on le constate déjà. Il y a des efforts
énormes qui sont faits pour assurer un financement adéquat aux
universités afin de permettre à nos jeunes de s'inscrire dans les
facultés, dans les domaines qui s'inscrivent dans les secteurs
identifiés par le virage technologique. Il y a, entre autres, et je le
mentionne rapidement, le soutien des équipes de recherche en milieu
universitaire, le financement des effectifs étudiants universitaires
dans les disciplines prioritaires. Il y a des montants importants qui sont
alloués à cette fin. (11 heures)
Finalement, je voudrais mentionner également l'aide
financière aux étudiants où l'on assiste à un
redéploiement des ressources, à un élargissement
intéressant de la clientèle qui pourra avoir accès
à l'aide financière aux étudiants. Nos décrocheurs,
encore une fois, qui sont parmi les plus démunis auront accès
dorénavant à l'aide financière. Il y a des modifications
importantes qui sont apportées à la méthode de calcul qui
vont favoriser le retour aux études des femmes au foyer. Il y a
également, bien sûr, il faut le mentionner, un accroissement
substantiel de l'aide aux étudiants: l'aide aux étudiants a fait
l'objet d'une croissance de l'ordre de 300% depuis 1976-1977.
Le député d'Argenteuil déplorait que
l'éducation ait perdu la place qu'elle occupait antérieurement
dans la liste des priorités du gouvernement. Bien sûr, on peut, de
façon un peu artificielle, mentionner la part du budget de
l'éducation par rapport au budget global. On constate qu'il y a
effectivement une diminution, mais cette diminution ne doit pas nous faire
perdre de vue un certain nombre de choses. Il y a des paiements
anticipés de l'ordre de 280 000 000 $ qui sont été faits
l'année précédente et qui font que le budget diminue. Il y
aussi une décroissance de la clientèle qui est assez importante
aux niveaux primaire et secondaire. Mais je voudrais mentionner au
député d'Argenteuil que, depuis 1976-1977, l'augmentation des
crédits au primaire et au secondaire a été de l'ordre de
122% malgré une diminution de la clientèle de l'ordre de
20,3%.
M. le Président, compte tenu des efforts énormes qui ont
été faits depuis 1976-77 au primaire et au secondaire
-l'augmentation des crédits est de l'ordre, je le répète,
de 122%; la diminution de la clientèle, de l'ordre de 20% - il est donc
normal qu'il y ait une certaine diminution des crédits affectés
au primaire et au secondaire. Il faut mentionner également que, depuis
l'adoption de la loi 57, il y eu un transfert d'impôt fiscal de 500 000
000 $ du ministère de l'Éducation vers les commissions scolaires,
ce qui a permis à nos commissions scolaires depuis 1980 d'augmenter
leurs ressources. Ce transfert du champ d'impôt fiscal a permis au
ministère d'injecter des sommes additionnelles de 500 000 000 $ aux
commissions scolaires. Ceci fait partie du 122% dont je parlais.
Il y a eu, M. le Président, des changements importants qui ont
été introduits dans notre système depuis 1976-1977,
c'est-à-dire depuis l'avènement du gouvernement du Parti
québécois et je pense que c'est un peu simpliste de parler de
recul de l'éducation dans la liste des priorités du gouvernement.
Je pense qu'on ne tient pas compte, quand on dit cela, des efforts de
redéploiement qui ont été faits vers des secteurs
importants: orientation de sommes vers l'éducation des adultes, vers
l'insertion sociale et professionnelle des jeunes, vers les secteurs
clés du virage technologique. Ces orientations n'auraient pas pu
être données sans les efforts de compressions et de
réorientation des sommes qui ont été effectuées en
particulier depuis 1981.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Fabre. Mme la députée de Jacques-Cartier,
je vous signale, compte tenu du temps qui reste, que je vais essayer - je pense
qu'on y est arrivé jusqu'à maintenant -de donner un temps de
parole équivalent aux membres de l'Opposition et aux
députés ministériels qui voudraient intervenir dans les
remarques d'ordre général.
M. Bérubé: M. le Président, j'aimerais me
familiariser avec les nouvelles règles des travaux en commission. Je
crois comprendre également que le ministre a un droit de parole
après chaque intervenant s'il le juge bon, si je ne m'abuse?
Le Président (M. Charbonneau): Oui, sauf pour la
période des remarques générales. Normalement, quand on va
passer à l'étude des programmes comme telle, vous avez raison.
Cependant, pour les remarques générales, si on veut permettre
à l'ensemble des membres de la commission de faire leurs remarques, si
on ne veut pas passer deux séances sur les remarques
générales, si on veut consacrer, par exemple, la séance de
ce matin aux remarques générales et être certain que cet
après-midi et ce soir on puisse consacrer les deux séances
à l'étude des deux programmes qu'on a prévu étudier
aujourd'hui, vous conviendrez avec moi que la formule qu'on a adoptée
jusqu'à maintenant est la bonne: vous avez eu un temps de parole
d'à peu près une demi-heure; le vice-président, qui est
aussi le critique officiel de l'Oppostion, a eu une demi-heure; les autres
membres de la commission vont avoir moins de temps chacun pour faire leurs
remarques d'ordre général. Par la suite, on pourra mettre fin
à la séance de ce matin et aborder...
M. Bérubé: Cependant, lorsque les exposés
des différents intervenants auront été
complétés, j'aimerais que l'on puisse me laisser quelques
instants pour, peut-être, ramasser certaines interventions et voir dans
quelle mesure on peut y apporter des nuances.
Le Président (M. Charbonneau): C'était mon
intention, parce que la tradition veut que, une fois les remarques
générales faites, le ministre reprenne un certain nombre de
commentaires qui ont été formulés. Il n'y aura pas de
problème.
M. Bérubé: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): C'est cela. Ce qu'on
essaie, c'est de concilier les nouvelles règles tout en respectant la
tradition.
Mme la députée de Jacques-Cartier.
M. Bérubé: Je pense qu'avec la nouvelle
règle, le porte-parole de l'Opposition, qui est également le
vice-président de cette commission, a quand même la
possibilité de souffler plus facilement dans l'oreille du
président que je ne l'ai à cette distance.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, je vais
essayer de faire en sorte que les soufflements s'équivalent
malgré les distances.
M. Bérubé: Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Charbonneau): Mme la
députée.
Mme Joan Dougnerty
Mme Dougherty: Je n'ai que quelques commentaires à faire
au début, parce que je préfère réserver mes
commentaires pour l'étude des programmes.
J'ai été un peu étonnée du beau discours du
ministre qui met tellement l'accent sur l'importance du développement de
nos ressources humaines pour améliorer et surtout pour assurer notre
succès économique à l'avenir. Il me semble qu'il y a un
gros écart entre le discours du ministre et la situation. J'aimerais
dire quelques mots sur la situation dans les universités. J'ai eu
l'occasion de faire un tour des universités et surtout de leurs
équipes de recherche pour être plus au courant de la situation
comme porte-parole de l'Opposition sur la science et la technologie. Partout
j'ai entendu la même histoire: les universités ne sont plus la
priorité du gouvernement; l'équipement est désuet; il n'y
a pas d'espace pour les étudiants dans les secteurs du virage
technologique; on fait toutes sortes de jeux avec l'argent; des promesses
d'argent sont faites pour les nouvelles clientèles; on retire d'une main
le budget des universités et on le donne comme de l'argent nouveau pour
des programmes envisagés par le gouvernement, et c'est toujours
inadéquat; les effectifs des enseignants vieillissent; l'impact de la
loi 15 sur les universités est considérable; les
bibliothèques se détériorent; toute l'infrastructure des
universités, qui est tellement importante, selon le gouvernement, se
détériore.
Il ne suffit pas de de crier, de pallier de grandes annonces de relance,
de créer 40 équipes de recherche. Ce n'est pas comme cela qu'on
va améliorer le pouvoir et les possibilités de nos
universités. Ls universités à qui j'ai parlé
n'étaient même pas consultées sur la création des 40
équipes de recherche. Pourquoi 40 équipes de recherche? Pourquoi
20 personnes par équipe? Pourquoi pas 2, 30, 100? On ne crée pas
des activités de recherche par des annonces comme cela.
Je crois qu'il est grand temps qu'on considère l'éducation
comme un investissement et non comme une dépense de notre
société. Si on parle uniquement du virage technologique dont le
ministre s'occupe tellement, les pays qui ont du succès en ce qui
concerne le virage technologique, comme le Japon, la Suède, l'Allemagne,
vous devriez voir les priorités qu'ils mettent sur l'éducation,
la proportion de leur budget global qu'ils y consacrent. Le budget
gouvernemental qu'ils consacrent à l'éducation est beaucoup plus
important que le pourcentage que nous y consacrons.
Je crois qu'on doit cesser de toujours se comparer à l'Ontario.
L'Ontario n'est pas nécessairement la meilleure comparaison. Il faut
décider de mettre davantage l'accent
sur le développement de nos ressources humaines puisqu'elles sont
stratégiques pour l'avenir. C'est notre capital humain qui est la
meilleure ressource que nous ayons.
L'autre aspect sur lequel j'aimerais faire quelques remarques: je crois
qu'une des attitudes qui caractérisent le gouvernement du Québec
et surtout le ministère de l'Éducation, c'est un manque de
confiance dans la base. On ne peut gérer l'éducation d'en haut.
Il faut avoir confiance dans les solutions, dans les capacités, dans les
qualités, dans l'imagination de la base. Je crois que ce gouvernement,
à plusieurs reprises, a démontré une méfiance, un
manque de confiance dans ceux qui oeuvrent à la base.
L'éducation, c'est fondamentalement une activité personnelle, une
activité de créativité, une activité
d'imagination.
Quand on dit constamment que la solution semble être d'augmenter
la productivité, de rationaliser les ressources, ce n'est pas aussi
simple que cela. Le coeur d'une bonne éducation, c'est la motivation: la
motivation des enseignants, la motivation des élèves. Il faut,
d'abord et avant tout, un climat de respect et de confiance. Il faut avoir un
climat de stabilité parce que sans ce climat on ne réussira
jamais à avoir une éducation de qualité. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier. M. le député de
Mille-Îles. (11 h 15)
M. Jean-Paul Champagne
M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président.
Nous sommes ici, les membres de la commission parlementaire, autour de cette
table, pour étudier un budget et, à travers ce budget, je pense
qu'il y a des enfants, des enseignants, des commissaires d'écoles, des
fonctionnaires. On ne devrait jamais oublier que c'est l'enfant qui, avant
tout, devrait être notre préoccupation fondamentale. Je pense,
hélas, qu'on est rendu dans un concept trop particulier. Il faudrait
avoir un concept plus global de l'enseignement, un concept basé sur
l'enfant, sur la pédagogie, plutôt qu'un concept - on est souvent
arrêté comme cela - déshumanisant basé sur
peut-être un budget, sur du minutage, sur des tâches. Je pense
qu'on oublie qu'à travers tout cela la principale préoccupation
est une préoccupation pédagogique basée sur l'enfant.
J'ai eu cette préoccupation comme enseignant du primaire et du
secondaire dans le passé. J'ai aussi cette préoccupation comme
ancien syndiqué de la CEQ. Je m'aperçois que, dans
l'évolution de notre système, nous sommes à le
déshumaniser. Nous sommes à établir un système
tatillon basé sur le non-respect des personnes qui doivent
peut-être donner l'éducation à nos enfants. Peut-être
qu'il y a eu des erreurs dans le passé; ce n'est pas d'hier, mais je
pense que cela revient. Je me souviens que, dans les années cinquante,
il y avait 1% de la population qui allait à l'université. On a
eu, dans les années soixante, la création du ministère de
l'Éducation, l'opération 55. On a eu de plus en plus l'effet de
la démocratisation de l'enseignement. On le voit par le taux
d'occupation de nos écoles, de nos universités, de nos
cégeps. On a vu, dans les années soixante-dix, de plus en plus
d'implication des parents. On voit que la population s'implique et
s'intéresse davantage. Les membres de la commission parlementaire l'ont
justement vu, durant les mois de janvier et février, par le nombre de
mémoires qui ont été déposés à cette
commission sur le projet de loi 40. On a vu depuis quelques années
l'implication aussi de la population lorsqu'on a déposé le livre
vert, le livre orange, le livre blanc. On voit qu'actuellement il y a un grand
intérêt.
Mais à travers tout cela on oublie peut-être l'enfant. On
oublie l'enseignant qui est un professionnel. Nos enseignants au Québec
sont très qualifiés. Ils sont généreux, mais
actuellement on sent qu'il y a un climat plutôt malsain parce qu'ils sont
trop encadrés par du tatillonnage. On ne les considère
peut-être pas comme des professionnels; on les considère
peut-être, hélas! comme des robots. Je suis content de voir que le
ministre a déjà rencontré il y a quelque temps les gens de
la CEQ. Il a eu des contacts d'ouverture. Je pense qu'il faut reprendre le
dialogue parce qu'on a peut-être trop centralisé le
système, on a trop uniformisé le système. Je dirais que
c'est depuis l'année 1968, lorsqu'on a eu la loi 25 où on a
uniformisé au niveau de toute la province à la fois la
tâche et les conditions de travail. Depuis ce temps-là, on sent
qu'il y a non pas un climat de générosité, non pas un
climat de confiance dans nos écoles, mais un climat plutôt
individualiste et négatif, un climat où le
désintéressement et la générosité sont
absents.
Je pense que, autour de cette table, on doit voir à ce que - je
parle bien principalement des niveaux primaire et secondaire - le climat avec
les enfants soit amélioré. Je serais attentif à ce que le
Conseil supérieur de l'éducation nous dira -si on l'invite ici
à la commission parlementaire - pour améliorer cette attitude. Je
me réjouis du discours du ministre qui nous annonce qu'aux niveaux
primaire et secondaire il y aura un accroissement de 5% du budget, que
l'éducation des adultes aura une augmentation de 20% et qu'au niveau
universitaire il y aura une augmentation de 2,6% comparativement à l'an
passé.
Je veux insister sur un point aussi,
c'est la réorientation de l'aide sociale. Ceux qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale et qui veulent s'intégrer
au système scolaire pourront bénéficier, à ce
moment, d'une aide additionnelle. Je pense que, comme réorientation, on
peut se réjouir. On a également une politique pour les
décrocheurs. Si on a une population instruite - cela a toujours
été une priorité gouvernementale et cela le demeure - elle
est prête aussi, si on lui fait confiance, à relever les
défis, parce qu'il y a des défis.
J'attends beaucoup des membres de la commission. J'attends beaucoup du
ministre qui a déjà commencé à faire des approches
avec le monde l'éducation. J'attends aussi beaucoup des commissaires
d'écoles, des enseignants, des enfants et des parents pour qu'on puisse
trouver ensemble les solutions de concertation pour assurer une meilleure
éducation à nos enfants et aussi un meilleur avenir aux
Québécois.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député. M. le député de Saint-Laurent.
M. Germain Leduc
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, je voudrais
toucher certains points. Au début, je pense que ce qui peut nous
frapper, ce qui a sans doute frappé particulièrement les
participants à cette commission, c'est l'argent qu'on affecte au
ministère de l'Éducation. En 1980-1981, on affectait 28,8%; en
1981-1982, 29%. Ensuite, cela diminue chaque année. En 1982-1983, 27,5%;
en 1983-1984, 26% et, en 1984-1985, 24,5%.
Le ministre nous a dit tantôt qu'il fallait peut-être faire
des sacrifices dans le domaine de l'éducation parce qu'il fallait
affecter certaines sommes à l'économie. Je veux bien qu'on se
préoccupe de l'économie, qu'on affecte des sommes un peu plus
importantes à l'économie. Par contre, quand on voit cet
écart de 5% dans le budget de l'Éducation, je pense que c'est
nettement trop. C'est l'écart qu'on constate entre 1981-1982 et
1984-1985. Qu'on nous parle de 1%, 2%, peut-être, d'ajustement, cela
pourrait être acceptable, mais une diminution de 5%, je pense que c'est
inacceptable.
D'ailleurs, il faut parler aux commissions scolaires, il faut parler
à ceux qui oeuvrent dans le monde de l'éducation pour
réaliser qu'on ne met pas à leur disposition les moyens pour
atteindre les objectifs qu'ils peuvent se fixer ou que le ministère veut
fixer à ses organismes. On a implanté un nouveau programme. Lui
a-t-on donné les moyens financiers pour son implantation? On a introduit
dans les écoles des nouveaux volumes; on n'a donné aucune somme
additionnelle à ces fins. Je pense que c'est se créer des
illusions, penser qu'on va faire quelque chose avec rien. On a introduit la
science informatique. A-t-on donné de l'argent aux commissions scolaires
pour réaliser ce progrès? Pas du tout. A-t-on affecté de
l'argent pour le logiciel, pour le didacticiel? Aucune somme.
Je pense qu'il faudrait comprendre qu'il y a une relation entre le
pourcentage d'argent qu'on affecte à l'éducation et les
résultats qu'on peut obtenir. Si on ne donne pas les moyens aux
organismes scolaires de réaliser les objectifs qu'on leur fixe, on se
berce d'illusions. Je pense que ce n'est pas sérieux et je ne crois pas
qu'on puisse accepter, comme on disait tantôt, une diminution de 5% dans
les crédits de l'éducation.
Je voudrais toucher également un autre point qui peut-être
fait problème dans le monde de l'éducation. On envoie chaque
année le projet de règles budgétaires aux commissions
scolaires. On leur envoie ce projet quelques mois seulement avant le
début de l'année scolaire qui vient. Alors, cela oblige les
commissions scolaires à prendre des décisions importantes qui
vont avoir des conséquences considérables dans un délai
très court. Il faudrait donc, à mon sens, que l'on fournisse
comme instrument de planification indispendable des paramètres de
financement triennaux. Je pense que cela serait un moyen d'aider les
commissions scolaires. Cela leur donnerait beaucoup plus de temps, à mon
sens, pour planifier le ou les programmes qu'ils auront à appliquer.
Quand on réduit les crédits à l'éducation de
5%, c'est sûr qu'on coupe le ratio, qu'on diminue le ratio
maître-élèves. Je ne sais pas si les fonctionnaires au
ministère ont réalisé qu'avec les nouvelles règles
cette année le rapport maître-élèves va
représenter un resserrement considérable par rapport à
celui appliqué en 1983-1984. Également, s'est-on posé la
question: Est-ce que cela aura un impact sur les nouveaux ratios pour les
classes d'accueil au primaire? Il y a eu des simulations qui ont
été faites et on en a conclu que, si on appliquait ces nouvelles
règles, cela ne permettrait pas de satisfaire aux obligations de
l'article 1 que vous connaissez. Également, quand on considère la
moyenne d'élèves par groupe, le ministère n'a pas retenu
les moyennes maximales du décret pour le calcul des nombres de groupes.
Ce sont des questions très pertinentes. Il faudrait peut-être y
apporter certaines solutions. Si, ensuite, on parle de moyens qu'on donne aux
commissions scolaires, aux organismes scolaires, on constate qu'on leur impose
davantage d'obligations et qu'on ne leur donne pas les moyens pour
répondre à ces obligations.
Ici, je voudrais mentionner le financement requis pour l'application de
nouvelles lois, que l'on pense aux lois 65, 17
et 3. La loi 65, Loi sur l'accès aux documents des organismes
publics et sur la protection des renseignements personnels: on oblige les
commissions scolaires à assumer les frais qui découlent de cette
loi. Également, la Loi sur la santé et sécurité du
travail: on les oblige à se conformer aux exigences de cette loi, mais
aucun moyen. La Loi sur les archives, la loi 3: est-ce qu'on donne les moyens
aux organismes scolaires de se conformer et de répondre aux exigences de
la loi 3, Loi sur les archives? D'aucune façon. Ce qui se produit, c'est
que le ministère demande aux commissions scolaires de diminuer des
services pédagogiques. Alors, on diminue la qualité de la
pédagogie au niveau des commissions scolaires pour se conformer aux
obligations, aux exigences de ces nouvelles lois. C'est une situation, à
mon sens, absolument inacceptable. (11 h 30)
Autre chose. Plus tôt, le ministre a mentionné que les
crédits affectés à l'éducation par le gouvernement
du Québec diminuent de 3,7%, mais que c'était strictement en
apparence, parce que l'an passé on avait affecté un montant
additionnel important au niveau de l'enseignement primaire et secondaire. Il y
a peut-être une question qu'il faudrait se poser. Est-ce que les
commissions scolaires étaient informées de cela? En fait, c'est
une compression rétroactive d'un montant accordé a priori en
1983-1984. Il y aurait peut-être lieu de vérifier si, dans les
règles budgétaires de l'année 1983-1984, on a fait mention
de cet ajustement anticipé de 1984-1985. C'est une question, je pense,
qui est très pertinente et il faudrait peut-être lui apporter une
réponse. On dit: L'an passé, on a affecté de l'argent, on
ne l'affectera pas cette année. Est-ce qu'ils étaient conscients
que cet argent était pour 1984-1985? Je pense qu'il faudrait que le taux
d'indexation soit de 5% sans qu'il y ait imposition de compressions
rétroactives aux commissions scolaires.
Ce sont là quelques considérations que je voulais
apporter. J'en aurais peut-être d'autres, mais je passe la parole
à quelqu'un d'autre.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Saint-Laurent. M. le député de
Bourassa.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: M. le Président, ce ne sera pas long. Je veux
simplement féliciter le ministre pour le discours qu'il nous fait ce
matin. C'est un discours d'espoir tant au niveau de l'école secondaire
qu'au niveau de l'éducation des adultes. J'y vois beaucoup d'espoir par
les consultations qu'il a pu avoir faites dans le milieu. Les grandes lignes
directrices sont claires, à mon point de vue, sur l'avenir de tout le
secteur professionnel; il restera à rattacher les fils par des
consultations, afin de revaloriser, en somme, le secteur professionnel et de
lui faire prendre le vrai virage technologique.
Le député de Saint-Laurent, cela me fait un peu de peine
de l'entendre se pencher sur les difficultés des commissions scolaires.
Si l'on se reporte à 1976, jamais les commissions scolaires n'avaient
des surplus budgétaires. Elles étaient toujours en
déficit, si bien qu'en 1976 nous avons été obligés
d'absorber un trou de 500 000 000 $ dans l'administration des commissions
scolaires; mais personne ne dit que, depuis deux ans, les mêmes
commissions scolaires, par exemple l'an passé, ont eu des surplus
budgétaires de 140 000 000 $. Cette année, on nous dit que les
surplus budgétaires seront d'environ 150 000 000 $. Il me semble que ces
sommes auraient pu être adaptées à des programmes à
l'intérieur de chaque commission scolaire. Elles ont assez de latitude
aujourd'hui avec la décentralisation pour pouvoir, justement, donner des
services aux élèves avec cet argent. Mais non, certaines
commissions scolaires vont jusqu'à faire payer des feuilles à
photocopie à des élèves. C'est une vraie "maudite" honte,
M. le Président! Aussi, quand des commissions scolaires se permettent de
dépenser de 3 000 000 $ à 4 000 000 $ seulement en
publicité, pour publiciser une opinion qu'elles pouvaient avoir contre
un projet de loi, c'est encore de l'argent qui appartenait aux
élèves. Quand on veut avoir l'éducation à coeur...
Mme la députée de Jacques-Cartier faisait elle-même
état, à un moment donné, des difficultés des
commissions scolaires, du financement du virage technologique, de l'adaptation
de ces élèves à des nouveaux programmes. Bien, elles ont
l'argent, elles ont 150 000 000 $ en surplus budgétaire. J'aimerais que
le ministre nous parle un peu des surplus des commissions scolaires. J'aimerais
qu'il nous dise aussi comment ces surplus auraient pu être
utilisés pour servir la clientèle scolaire.
Sur ce, M. le Président, pour donner la chance à M. le
ministre de nous répondre avant le lunch, je lui cède la
parole.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre de
l'Éducation, il reste 25 minutes avant la suspension de midi. Je ne sais
pas combien de temps vous pouvez prendre.
M. Bérubé: II est en difficulté. Le
Président (M. Charbonneau): Pardon? M. Bérubé:
C'est là votre problème. Le Président (M.
Charbonneau): Non,
mais dans la mesure où vous prenez un peu moins de temps,
peut-être qu'on pourra permettre à M. Ryan de dire quelques mots
aussi. Je pense qu'on pourrait terminer vers midi et commencer, à la
séance de cet après-midi, le programme 4. Si on pouvait terminer
les remarques d'ordre général ce matin, on pourrait
immédiatement aborder l'étude des programmes cet
après-midi.
M. Yves Bérubé (réplique)
M. Bérubé: Merci, M. le Président. En fait,
je ne voudrais pas évacuer ici le débat où nous
étudierons un à un les programmes et où nous aurons
l'occasion de fouiller plus en profondeur. Je voudrais donc m'en tenir à
certaines considérations d'ordre général portant sur
l'ensemble du dossier.
En fait, ce qui frappe de prime abord à l'examen des
crédits, c'est essentiellement la croissance nulle du budget de
l'éducation. Cela doit ressortir de prime abord. Je mets en garde contre
une interprétation fautive: si on veut parler de décroissance, il
n'y a pas de décroissance. Nous avions un versement à faire pour
couvrir des arrérages des commissions scolaires pour 1984-1985. Au lieu
de le faire dans le budget de 1984-1985, nous l'avons fait en 1983-1984
grâce à des surplus qui s'étaient accumulés à
la suite d'une reprise économique supérieure à ce qui
avait été anticipé. Donc, ayant payé d'avance une
facture que, normalement, nous aurions dû avoir dans le budget de cette
année, évidemment les dépenses baissent d'autant cette
année. Mais, une fois cette correction faite pour environ 280 000 000 $,
il ressort que le budget global à l'éducation est stable. Ceci
entraîne nécessairement un débat autour de la croissance
insuffisante des dépenses à l'éducation par rapport aux
autres missions gouvernementales. Je pense que cela a fait l'objet d'un certain
nombre d'interventions de la part de l'Opposition.
Comme le disait le député de Bourassa, en dépit de
cette conjoncture économique très difficile, les commissions
scolaires avaient, néanmoins, réussi à se dégager
des surplus pouvant dépasser la centaine de millions de dollars. Le
député de Bourassa s'interroge sur l'utilisation par les
commissions scolaires de tels surplus dans une période où on
aurait à faire face à une pénurie de ressources. C'est une
question appropriée à laquelle je n'ai peut-être pas de
réponse; dans la mesure où la gestion est très
décentralisée, il n'est pas facile en ce moment de
déterminer exactement l'utilisation que l'on pourrait faire de tels
surplus, mais je pense que la question est pertinente.
Donc, on peut poser la question de l'importance relative de la mission
éducative et culturelle au sein du gouvernement. De fait, si on devait
regarder la croissance des budgets de 1981-1982 à 1984-1985, donc pour
une période assez longue, on observerait que la mission éducative
croît de 9% alors que la mission sociale croît de 33%, la mission
administrative de 33% et la mission économique de 39%. Attention, je
devrais être clair, c'est la répartition...
M. Ryan: Excusez-moi, M. le Président. Le ministre
pourrait-il répéter ces chiffres pour que je les aie
clairement?
M. Bérubé: Oui, exactement. C'est
préférable pour moi de bien clairement exprimer ce que veut dire
cette croissance. Si l'on regarde la croissance des dépenses de
1981-1982 à 1984-1985 et qu'on essaie de voir la répartition de
cette croissance entre les différentes missions, on constate que 39% de
cette croissance des dépenses gouvernementales sont allés
à la mission économique, que 33% sont allés à la
mission administrative, que 33% sont allés à la mission sociale
et qu'à peu près 9% sont allés à la mission
éducative et culturelle. Donc, à nouveau, on remarque un peu le
même phénomène.
M. Ryan: C'est encore une question de précision. Vous
dites que 33% de l'augmentation des dépenses gouvernementales sont
allés à l'administration. Vous arrivez au-dessus de 100%.
M. Bérubé: Non. Si vous additionnez 39% plus 9%
plus 33% et 33%, cela devrait vous donner 100% de l'augmentation.
M. Ryan: Mais 3 fois 33 cela fait 99, et vous avez un 6 à
ajouter puis un 9.
M. Bérubé: Je vais vous le calculer.
M. Ryan: On n'a pas de calculatrice, mais l'autre machine
marche.
M. Bérubé: 38, 9, 9, 2, j'ai un total de 100...
Vous avez raison, dans le total qui m'est donné ici, c'est la mission
économique qui doit être un peu trop forte. J'ai les chiffres
bruts, je peux vous les faire calculer, de telle sorte que nous aurons la
répartition en pourcentages plus précis.
Une voix: Je pense que tout le monde apprécierait que le
total donne 100!
Une voix: Ah oui!
M. Bérubé: On a fait le calcul rapidement à
partir des chiffres bruts. On peut le regarder par pourcentages. Nous l'aurons
tantôt. De toute façon, vous tirerez la même conclusion
générale avec un peu plus de précision sur un des chiffres
qui a été mal divisé.
Vous observerez donc à nouveau cette constante que les missions
sociale, administrative et économique ont crû plus rapidement que
la mission éducative. Je pense que c'est le constat que l'on peut tous
faire.
C'est lorsqu'on examine les causes de ces croissances qu'on trouve les
clés qui expliquent ces disparités de croissance. En effet, le
député d'Argenteuil, dans ses remarques, a mis l'accent - et il
avait raison - en tout premier lieu sur cette hantise que l'on retrouve chez
nos étudiants à l'heure actuelle qui ne se trouvent pas d'emploi
sur le marché du travail. Il a même souligné que nombre de
diplômés au Québec se retrouvent chez eux voués
à l'inactivité, faute de se trouver un travail correspondant
à leur formation. C'est là une réalité que nous
vivons tous et qui a amené le gouvernement à décider que
la priorité dans son allocation de dépenses irait vers la
solution de ce problème. On a donc décidé que, il est
vrai, l'éducation est importante, il est vrai que les autres missions
sont importantes, mais si, au bout, il n'y a pas les emplois requis pour mettre
en valeur ceux qui ont des talents que l'on a contribué à
développer, la société se retrouve dans une voie sans
issue. D'où l'importance que nous avons accordée à la
mission économique.
Lorsqu'on examine les deux autres missions, on comprend également
les raisons de leur croissance. La mission sociale croît très
rapidement pour une seule et unique raison: l'aide sociale. C'est dire que
l'impact de la crise sur l'économie québécoise a fait en
sorte que nous avons dû injecter des sommes massives au niveau de l'aide
à nos concitoyens victimes du chômage. Un budget qui
représentait, il y a cinq ans ou six ans, à peu près 500
000 000 $ en représente aujourd'hui 2 000 000 000 $. Donc, la
première raison, est à nouveau reliée à la crise:
la crise nous a forcés à accroître nos dépenses
dites sociales pour couvrir les augmentations de clientèle à
l'aide sociale.
Le service de la dette est la raison essentielle de l'augmentation des
dépenses administratives, car nous avons procédé à
des coupures sombres au niveau de toutes les dépenses d'administration
des ministères par une réduction effective du personnel. C'est,
en fait, le service de la dette qui explique l'essentiel de l'accroissement de
la mission administrative.
Donc, lorsqu'on reprend ces chiffres dans leur contexte, on constate
ceci: la crise économique nous a forcés à injecter
davantage de ressources pour venir en aide à ceux qui étaient les
victimes les plus durement touchées par la crise. Deuxièmement,
pous ne pas accroître l'impact sur nos concitoyens d'une augmentation
aussi dramatique des dépenses, on a dû accepter des
déficits plus élevés depuis 1980-1981, qui se traduisent
par un accroissement très important du service de la dette. L'on
comprendra aussi que plus le service de la dette croît en importance,
plus il exerce des pressions sur les autres dépenses et que, par
conséquent, l'accroissement du déficit ne saurait être la
réponse dans une sorte de fuite en avant pour tenter de maintenir des
services à coup de déficits additionnels. (11 h 45)
II fallait donc examiner à ce moment-là où faire
porter l'essentiel de l'effort. Lorsqu'on regarde où faire porter
l'effort, on s'aperçoit que les dépenses dans le secteur de
l'éducation ont dû être réduites d'à peu
près 9%, les dépenses dans le réseau des affaires sociales
d'à peu près 9% et les dépenses administratives
gouvernementales d'à peu près 15%, autres que le service de la
dette et l'aide sociale. Voilà exactement l'impact de la crise
économique qui a amené le gouvernement à ne pas surtaxer
une économie essoufflée, à ne pas hypothéquer
l'avenir par des déficits massifs qui auraient pu avoir comme
conséquence - par des services de la dette additionnels - de
réduire encore davantage notre capacité d'offrir des services,
mais à consacrer l'essentiel de son effort au chapitre du
développement économique et de la relance.
Aujourd'hui, il faut bien reconnaître que les pronostics pour 1984
sont que les investissements manufacturiers au Québec devraient
croître de 38%, alors qu'on prévoit une décroissance pour
l'ensemble du Canada. Effectivement, il faut bien reconnaître que les
priorités que nous avons établies ont comme conséquence
aujourd'hui qu'il y a 143 000 Québécois qui travaillent et qui ne
travaillaient pas il y a un an. En d'autres termes, l'effort consenti a permis
à un plus grand nombre de nos concitoyens d'échapper au
fléau du chômage et de pouvoir envisager de mettre en valeur les
ressources qu'ils développent grâce à un service
éducatif de qualité.
Ceci m'amène à traiter de l'importance des ressources.
Dans ce cahier que nous avons fait distribuer... Peut-être qu'on pourrait
regarder les chiffres. J'essaierai de concilier les chiffres. On a une colonne
qui vous a été distribuée dans une fiche.
M. Lucier (Pierre): M. le député d'Argenteuil avait
raison de constater que l'addition des chiffres donnés dépassait
100. C'est qu'il ne fallait pas additionner ces chiffres. Il s'agit, en fait,
du taux de variation des crédits alloués aux différentes
missions. Ce que M. Bérubé disait, c'est que entre 1981-1982 et
1984-1985 il y avait eu une augmentation des dépenses gouvernementales
à la mission économique de l'ordre de 38,9%, à la mission
éducative et culturelle de l'ordre 9,2%, au social de l'ordre de 33,1%
et à la mission
gouvernementale et administrative de l'ordre de 33%, pour un total,
paradoxalement, de 25% à peu près de croissance.
Le Président (M. Charbonneau): Je vous remercie de cette
précision.
M. Bérubé: II faut pondérer les pourcentages
par l'importance relative de la mission, de manière à retrouver
la croissance globale des dépenses gouvernementales. Je pense
qu'à ce moment-là les chiffres tiennent toujours. Il faut
simplement les pondérer de manière à les additionner.
Ceci m'amène à parler de l'importance relative des
ressources que nous consacrons à l'éducation. Dans une des fiches
ou dans le texte qui vous a été distribué dans le cahier
explicatif des crédits, on verra qu'en fait la clientèle... Page
28.
En fait, si on compare 1976-1977 avec 1983-1984 pour voir
l'évolution des ressources, on doit constater que le nombre de nos
élèves au primaire et au secondaire a décru de 19%. Nous
avons donc une diminution du nombre d'enfants à l'école.
On peut maintenant s'interroger sur ce qui s'est produit au sujet du
nombre d'enseignants dans nos classes. Nous constatons que le nombre
d'enseignants a décru de 14%, c'est-à-dire moins rapidement que
le nombre d'enfants. Nous avons donc, de 1976-1977 à 1983-1984,
augmenté le nombre d'enseignants pour s'occuper de nos enfants dans nos
classes et non pas l'inverse. Il est donc absolument capital de bien
relativiser la nature des débats auxquels on assiste dans la
société. Nous n'avons pas diminué le nombre d'enseignants
pour s'occuper de nos enfants; nous avons, toutes proportions gardées,
observé une diminution de 19% de nos enfants, de nos
élèves dans les écoles, alors que le nombre d'enseignants
a décru de 14%. C'est la première observation. Je pense qu'il est
capital de le faire.
Une deuxième observation qu'il est tout aussi capital de faire,
c'est de toujours regarder ce qui est consacré ailleurs pour des
missions semblables. Je ne veux pas me lancer dans une comparaison
Québec-Ontario ou Québec-Saskatchewan ou Québec-Alberta,
mais il est toujours approprié de se comparer avec d'autres
sociétés riches, disposant de moyens et qui consacrent à
l'éducation des sommes importantes qui leur permettent de se doter d'un
système également considéré de qualité. Il
faut bien reconnaître qu'il y a quelques années à peine,
pour l'éducation de nos enfants au primaire et au secondaire, il nous en
coûtait 800 000 000 $ de plus et qu'aujourd'hui il nous en coûte
à peu près 350 000 000 $ de plus pour des populations
étudiantes comparables. Il est vrai que, ramenées sur une base
per capita, aujourd'hui nos dépenses en éducation sont
très voisines des dépenses ontariennes. Nous dépensons
plus par enfant parce que nous avons moins d'enfants per capita, c'est
tout.
Donc, il demeure encore aujourd'hui qu'une fois qu'on a exclu les
dépenses de transport scolaire et de financement du service de la dette
- qu'on ne doit pas inclure dans la comparaison à cause des politiques
différentes poursuivies par les deux gouvernements au cours des vingt
dernières années - qui sont plus élevées au
Québec -mais c'est naturel qu'il en soit ainsi compte tenu des
décisions qui ont été prises - on doit encore constater
que nous consacrons plus de ressources à l'éducation que nos
voisins. C'est également une réalité.
D'ailleurs, cette réalité fait aussi en sorte que le
système d'éducation au Québec a eu tendance à
s'ouvrir auprès de nos concitoyens plutôt qu'à se fermer.
Ainsi, en 1976, c'est-à-dire à la fin de l'administration
libérale, à l'âge de seize ans, 78% de nos jeunes
étaient inscrits à l'école secondaire. Aujourd'hui, c'est
86%. Nous n'avons pas réduit la fréquentation scolaire, nous
l'avons accrue. Les gestes posés par ce gouvernement ont eu comme
conséquence d'accroître la participation de nos jeunes -prenons
l'âge de seize ans, qui est l'âge limite de fréquentation
scolaire obligatoire -d'amener une augmentation de la fréquentation de
78% à 86%.
Je regarde le collégial: alors qu'à la fin de
l'administration libérale précédente 22,5% de nos jeunes
de dix-sept ans fréquentaient le collège, aujourd'hui c'est 35%.
Le présent gouvernement a mis en place des politiques qui ont accru la
fréquentation scolaire et non l'inverse. À 18 ans, la
fréquentation au collège est passée de 26% à
33,6%.
À nouveau, la même observation au niveau universitaire
où la députée de Jacques-Cartier est intervenue pour
souligner l'insuffisance des ressources. Il n'y a jamais assez de ressources.
Il faut quand même dire que les subventions du Québec à nos
universités, lorsqu'on les ramène sur la base de richesse
comparable, représentent 1,1% du produit intérieur brut contre
0,7% chez notre voisin plus riche que nous et que, par étudiant à
temps complet, nous retrouvons des chiffres qui ont fait en sorte que, de
1980-1981 à aujourd'hui, si je ne m'abuse, le montant des subventions
est passé de 6899 $ à 7418 % au Québec, alors qu'en
Ontario il est passé de 5199 $ à 5963 $, croissance plus rapide
en Ontario, mais à partir d'une base inférieure.
M. Ryan: M. le ministre, voulez-vous répéter, s'il
vous plaît?
M. Bérubé: Les subventions par étudiant
à temps complet inscrit à l'université, au Québec,
passent à 6899 $ à 7418 $.
M. Ryan: Est-ce que vous pourriez nous dire où se trouvent
ces chiffres dans le cahier des explications budgétaires? Est-ce que
cela y est, dans le cahier?
M. Bérubé: Je ne pourrais pas vous dire si ces
chiffres sont dans le cahier.
M. Ryan: On a d'autres chiffres à ce sujet dans le
cahier.
M. Bérubé: Vous avez probablement non pas les
étudiants à temps complet, mais vous l'avez sans doute par
étudiant. Car nous avons au Québec une tendance beaucoup plus
importante à la fréquentation à temps partiel à
l'université que chez nos voisins, ce qui fait que, lorsque l'on fait la
moyenne pour l'ensemble des étudiants, on retrouve aujourd'hui des
coûts assez voisins entre notre système et celui de nos
voisins.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, je vous
inviterais à conclure.
M. Bérubé: Oui, je termine, M. le Président,
sur quelques remarques finales. En d'autres termes, ce que j'essaie de
souligner, ce n'est pas qu'il y a assez de ressources dans notre système
d'éducation, car je crois que nous devons en injecter davantage. Je
crois qu'au fur et à mesure que nous dégagerons des ressources
nous devrons les consacrer à l'éducation, car c'est un des
meilleurs investissements que l'on puisse envisager. Il ne faudra pas oublier,
cependant, que les jeunes terminant des études collégiales ou
universitaires ou secondaires devront aussi pouvoir se trouver un emploi. Il
faudra donc mettre un certain accent sur la création d'emplois pour ces
jeunes que nous formons. Il y a donc un équilibre à
établir entre l'investissement que nous faisons pour former nos
concitoyens et l'investissement que nous faisons pour permettre à nos
concitoyens de travailler. Il y a un équilibre à établir
entre les deux. On ne peut jamais discuter des dépenses dans un secteur
particulier sans les relativiser par rapport aux autres secteurs.
M. le Président, quelques remarques finales sur le climat qui
règne dans nos écoles à la suite des décrets qui
ont suivi la dernière ronde de négociations. Il ne faut pas se le
cacher, le député d'Argenteuil a eu raison de le souligner, la
blessure est profonde. Peut-être pas uniquement à cause du contenu
des décrets, mais peut-être tout simplement à cause d'un
processus qui a été aussi durement ressenti au niveau des jeunes
qui ont participé à la négociation du côté
gouvernemental; eux, non plus, n'ont pas aimé ce qui s'est passé
à la dernière ronde de négociations. Peut-être que
la réalité, c'est que nous avons été coincés
entre l'arbre et l'écorce; que l'enseignant a été
coincé entre un appareil un peu aveugle syndical et un appareil un peu
aveugle gouvernemental; qu'il a eu l'impression d'être le jouet de forces
qu'il ne contrôlait pas. C'est réel.
J'ai bien entendu le discours du député d'Argenteuil
concernant la loi 111. Mais tout récemment je lisais les rapports du
Bureau international du travail sur le déroulement de la dernière
ronde de négociations et l'évaluation que faisait le
ministère du Travail de ces jugements qui ont été
portés. Il faut quand même reconnaître que cet organisme
international chargé de la défense du syndicalisme dans le monde
n'a pas tiré les conclusions fort sévères que l'Opposition
a parfois tirées à l'égard du gouvernement; au contraire,
le Bureau international du travail a pris en compte les efforts très
réels de concertation au sommet de mars à Québec, les
efforts de négociation, et a dû conclure qu'alors que beaucoup de
gouvernements dans les autres provinces canadiennes et au niveau
fédéral n'ont pas respecté le processus normal de
négociation, le gouvernement du Québec a, lui, tenté de le
respecter et c'est devant la force des événements que le
gouvernement a dû trancher. (12 heures)
Je pense donc qu'il est important d'établir une certaine
relativité dans les jugements que l'on porte. Lorsqu'un organisme
international comme le Bureau international du travail, voué à la
défense du syndicalisme dans le monde, doit tirer des conclusions fort
différentes de celles que tirait le député d'Argenteuil et
que beaucoup de nos concitoyens au Québec ont tirées à
l'époque, peut-être doit-on ajouter une certaine
crédibilité à un organisme qui n'a pas le nez collé
sur les arbres, mais qui peut prendre une certaine distance et regarder
l'ensemble de la forêt. Peut-être que son jugement est plus
sûr.
Je souligne, concernant l'éducation des adultes, qu'il faut
écouter les organismes de revendication dans ce secteur, mais encore
faut-il aussi écouter ceux qui font de l'éducation des adultes,
encore faut-il écouter ceux qui ont des problèmes dans nos
entreprises avec le type de formation que l'on accorde à nos adultes et
les besoins qu'ils vivent, eux.
M. le Président, je pense que, oui, le budget de
l'éducation est marqué d'une croissance modeste. Je pense que la
crise que nous venons de traverser a mis à vif des sensibilités,
et qu'elle peut expliquer les mauvaises relations qui ont pu s'établir
dans un climat où les ressources étaient limitées et
où il a fallu faire des choix difficiles. Je le reconnais, M. le
Président, mais je reconnais également que les choix que nous
avons faits nous donnent aujourd'hui une croissance économique
supérieure à celle de
nos voisins et peuvent peut-être maintenant nous permettre de
parler d'espoir, ce qui n'aurait pas été possible sans un certain
nombre de mesures énergiques que nous avons su prendre au bon moment.
C'est cela gouverner, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. Je
vais accorder quelques minutes au député d'Argenteuil et, par la
suite, nous ajournerons sine die jusqu'à ce que la période des
questions soit terminée. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais, tout d'abord, souligner avec fermeté
que la réduction des ressources que l'État consacre au
développement de l'éducation au Québec est un fait
solidement établi et gravement préoccupant. Le ministre nous
disait plus tôt que le gouvernement continuait de pratiquer une politique
d'accessibilité aux niveaux collégial et universitaire. C'est
vrai, et la meilleure preuve en est dans le gel des frais de scolarité
qui se poursuit depuis environ quinze ans. Mais ce que le ministre a
oublié d'ajouter, c'est que le gouvernement, tout en pratiquant d'un
côté une politique d'accessibilité accrue, a refusé
de verser aux institutions qui accueillent les nouvelles clientèles des
ressources qui eussent simplement équivalu à l'augmentation des
coûts. Je vais vous donner des chiffres qui, de ce côté,
sont irréfutables.
Le montant des subventions per capita versées pour l'enseignement
primaire et secondaire de 1979-1980 à 1983-1984. En 1979-1980 elles
étaient de 2014 $ par tête; en dollars constants, tenant compte de
l'inflation, c'est passé à 2189 $ en 1984-1985, d'après
les prévisions que vous nous avez soumises. Par conséquent, il
n'y pas eu gros d'amélioration de ce côté. Là, on
parle de subventions per capita. Cela veut dire qu'on piétine sur place
depuis cinq ans. Dans le secteur collégial public, en dollars constants,
on est passé, M. le ministre, de 4051 $ par tête à 3322 $
pour l'année 1984-1985. Dans le secteur universitaire, écoutez
bien ceci: 5377 $ en 1979-1980 et, là, on va se réveiller en
1984-1985 avec 4078 $ en dollars constants per capita. Dans le secteur
privé, on est passé de 1899 $ per capita en 1979-1980 à
1600 $ per capita en dollars constants. Il y a eu inflation pendant ces cinq
années. Je n'ai pas le pourcentage exact, mais nous avons fait des
calculs et, si les experts du ministre veulent infirmer ces chiffres, ils
pourront le faire. Je pense que c'est une donnée de base dont
j'espère qu'on acceptera de tenir compte dans les débats qui vont
suivre et je ne veux pas m'étendre davantage sur ce point
particulier.
Il y a une chose dans les explications que le gouvernement a fournies
depuis quelques semaines, c'est-à-dire depuis le dernier budget
supplémentaire, qui m'a beaucoup préoccupé. J'attendais
qu'on ait l'examen des crédits pour en parler. Je fais simplement une
petite introduction à ce moment-ci. Le ministre nous dit: L'an dernier,
on est allé chercher 280 000 000 $ de trop par rapport aux
prévisions qu'on avait établies - vous nous donnerez les
précisions plus tard - somme qu'on a affectée pour verser des
paiements anticipés aux commissions scolaires sur des obligations que le
gouvernement aurait normalement dû combler au cours de la prochaine
année et des années suivantes. 280 000 000 $ de plus.
En plus, vous avez réduit les taxes dans ce budget
supplémentaire: vous avez réduit la taxe sur l'essence de 40%
à 30%. Or, vous avez réussi à trouver 280 000 000 $ pour
prendre de l'avance sur vos paiements. Je pense que toute entreprise qui prend
de l'avance sur ses paiements doit être félicitée, à
condition qu'elle ne le fasse pas sur le dos de ses employés.
Vous avez un problème. Vous venez de nous dire que vous avez
trouvé 280 000 000 $ en 1983-1984. Le coût de P2, vous-même,
dans vos documents, vous l'estimez à 35 000 000 $. Là, vous aurez
une décision à prendre. Je vous la laisse comme réflexion.
J'espère qu'elle sera positive et je vous rappelle qu'en acceptant
d'ouvrir des négociations avec la partie syndicale vous avez
contracté un engagement parce que, si c'était votre intention de
ne rien faire, il eût été infiniment mieux que vous disiez:
Pas de négociations. Maintenant que vous avez ouvert les
négociations, nous attendrons les résultats, à la
lumière de ces données que vous avez vous-même
confirmées, qui m'ont étonné à l'époque et
qui m'étonnent encore aujourd'hui. D'un côté, je serais
prêt à m'en féliciter, mais il faudrait que j'aie en retour
des garanties raisonnables quant au comportement humain du gouvernement dans
ses rapports avec ses travailleurs.
Une chose qu'on ne doit pas oublier, c'est que la grosse source des
sommes plus considérables que le gouvernement a pu mettre à la
disposition de ses politiques économiques, par exemple, est double. D'un
côté, le gouvernement est allé chercher encore plus
d'argent dans l'économie qu'avant. Le pourcentage du produit
intérieur brut qui est allé pour le secteur public
québécois a augmenté jusqu'à cette année.
Pour la prochaine année, je ne sais pas comment cela va se
présenter, il va diminuer un peu. Il diminue de la moitié d'un
point de pourcentage. C'est pas mal de ce côté-là; c'est un
redressement que je salue avec satisfaction. Mais, pendant que la part du
gouvernement passait de 23,9% en 1979-1980 à 26,8%, l'éducation
restait non seulement
stagnante, mais, dans les secteurs, vitaux pour l'avenir, de la
formation collégiale et universitaire, elle accusait une diminution
très réelle et très inquiétante. Je n'engage pas le
débat sur les politiques économiques. Nous le ferons à
l'occasion du discours sur le budget.
Les comparaisons Québec-Ontario, M. le ministre, j'ai souvent
signalé à votre prédécesseur qu'elles sont
extrêmement périlleuses. J'ai entendu évoquer des chiffres
globaux tantôt que je ne suis pas prêt à accepter tout de
go. Il va falloir les vérifier de très près. Je ne sais
pas ce que votre ministère a fait, mais l'an dernier on nous a dit: II y
a toutes sortes de recherches en marche. J'aimerais que vous nous
déposiez les résultats de ces recherches à l'occasion de
l'étude des crédits. On n'a rien eu depuis ce temps-là. On
a eu des affirmations générales globales à l'occasion des
débats sur la loi 85 et sur la loi 111, mais j'aimerais que vous nous
disiez où vous en êtes dans les études précises qui
nous permettraient de porter des jugements vraiment exacts là-dessus.
Vous savez comme moi que, simplement au point de vue du financement des
commissions scolaires, en Ontario la part qui vient de la taxe foncière
est beaucoup plus élevée qu'ici. C'est à peu près
la moitié du budget des commissions scolaires. C'est évident que
la part du budget du gouvernement ontarien qui va à l'éducation
est affectée en conséquence. Je n'infirme pas ce que vous avez
dit; je vous dis: II faudrait qu'on soit sûr qu'on parle exactement des
mêmes choses pour être en mesure de progresser dans la recherche de
solutions, dans un dialogue constructif.
À propos de la loi 111, j'étais content que vous
reconnaissiez - je l'ai apprécié depuis votre entrée en
fonction - le caractère profond de la blessure qui a été
créée par les événements de 1983 dans le secteur de
l'éducation. J'aurais pensé que vous seriez prêt
aujourd'hui, après ces longs mois d'attente, à confirmer
l'engagement du gouvernement d'abroger la loi 111 - pas dans les meilleurs
délais, parce que c'est une formule extrêmement remplie
d'embûches, c'est une formule trop gouvernementale pour que je lui fasse
confiance - mais maintenant. Vous n'avez pas été précis
à ce sujet. Vous nous avez cité l'Organisation internationale du
travail qui, seulement pour des fins de précision, n'est pas un
organisme voué à la défense des syndicats, mais
voué à la promotion de meilleures relations du travail entre le
patronat et les syndicats sur une base tripartite. Patrons, États,
employés sont là sur une base égale. Par
conséquent, ce n'est pas toujours le meilleur garant de tout.
Là-bas, on doit arriver à des compromis. De toute manière,
je suis très content que certains jugements aient pu vous donner bonne
conscience, mais cela ne change rien à l'opinion que j'ai
moi-même. J'ai lu souvent des rapports internationaux et je sais qu'ils
reposent souvent sur des renseignements qui avaient été fournis
par des fonctionnaires et des gens près des gouvernements. Les rapports
de l'OCDE en particulier brillent souvent par cette qualité.
M. Bérubé: Messieurs! Mesdames!
M. Ryan: Mais il faut bien qu'on les prenne quelque part. Ce que
je demande au gouvernement, c'est de reconnaître le caractère
excessif de cette loi - même s'il la jugeait nécessaire il y a un
an, elle ne l'est plus depuis longtemps - et de déposer à
l'Assemblée nationale sans délai un projet de loi de quelques
lignes pour en assurer l'abrogation. C'est tout pour l'instant. Pour le reste,
on aura l'occasion d'y revenir, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Je pense que la
séance de ce matin a ouvert bien des portes. J'ai l'impression qu'on va
avoir à la fois du pain sur la planche et beaucoup
d'intérêt dans les débats qui vont suivre dans les
prochains jours. La séance est ajournée sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 11)
(Reprise de la séance à 15 h 28)
Le Président (M. Charbonneau): La commission de
l'éducation reprend ses travaux afin d'étudier les crédits
budgétaires du ministère de l'Éducation. J'appelle le
programme 4, Enseignement primaire et secondaire public.
Pendant que le ministre s'installe, je voudrais proposer ceci aux
membres de la commission. Étant donné que nous avons deux
programmes à étudier aujourd'hui, selon l'entente que nous avons
prise ce matin, et que, dans l'enseignement primaire et secondaire il y a
l'aspect de la réinsertion sociale et professionnelle des jeunes, ainsi
que le plan d'action sur la formation professionnelle qui pourraient
s'apparenter au programme 7 qui porte sur la formation des adultes, je vous
suggérerais ceci. S'il n'y a pas d'objection, afin d'avoir plus de temps
à consacrer aux autres questions portant sur l'enseignement primaire et
secondaire, on pourrait étudier les autres sujets et réserver les
interventions sur la réinsertion sociale et professionnelle et la
formation professionnelle des jeunes pour ce soir, en même temps qu'on
étudiera le programme sur l'éducation des adultes, les deux ayant
un lien de parenté. On pourrait prendre les autres questions concernant
l'enseignement primaire et secondaire cet après-midi. Est-ce que cela
vous conviendrait?
M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, j'admets que la
question de la réinsertion sociale et professionnelle est un peu
spéciale, un peu particulière dans le système, mais la
formation professionnelle touche l'enseignement secondaire. Je
préférerais qu'on touche à cet aspect dans le programme 4,
compte tenu qu'il fait partie de l'enseignement secondaire.
Le Président (M. Charbonneau): Cela ne me dérange
pas du tout de le modifier. On n'est pas obligés de terminer...
M. Bérubé: M. le Président...
Le Président (M. Charbonneau): Pardon?
M. Bérubé: ...question de règlement. Si la
conversation que vous avez n'est pas confidentielle, nous aimerions y
participer.
Le Président (M. Charbonneau): Nous ne croyons pas qu'elle
soit confidentielle, M. le ministre. J'ai d'abord appelé les membres de
la commission et je vous ai fait signe. J'essaie actuellement d'organiser
l'ordre des travaux de cet après-midi. Pour votre information, je
proposais aux membres de la commission et à vous-même, d'ailleurs,
que dans le cadre de l'étude de cet après-midi, le programme 4
sur l'enseignement primaire et secondaire, nous réservions deux
questions importantes dont vous avez parlé ce matin et auxquelles
plusieurs membres de la commission, dont le député de Fabre, ont
fait allusion, soit le plan de réinsertion sociale et professionnelle et
la politique de formation professionnelle des jeunes, pour le début de
la soirée avec le programme 7, étant donné que ces
questions sont quelque peu apparentées. C'était là-dessus
que le député de Fabre réagissait à ce
moment-ci.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'aurais une suggestion à faire pour tenir compte
de la réaction du député de Fabre. Peut-être
pourriez-vous attendre que nous ayons discuté de la formation
professionnelle avant d'adopter le programme 4. Si cela venait au début
de la soirée, je pense que cela ne créerait pas de
problème; cela resterait dans le cadre que nous avons établi.
Le Président (M. Charbonneau): C'est une bonne suggestion.
Est-ce qu'elle agrée à tous les membres de la commission? Cela
va. Pour qu'on se comprenne bien, l'ensemble des questions concernant le
programme 4 pourrait être abordé cet après-midi. Nous
réserverions pour la soirée le plan de réinsertion sociale
et professionnelle et la formation professionnelle des jeunes, qui sont au
programme 4. Nous enchaînerions, par la suite, avec le programme 7, la
formation des adultes. Quand nous aurons terminé les deux questions
liées au programme 4, nous adopterions ce programme pour ensuite adopter
le programme 7.
M. le ministre de l'Éducation, avez-vous des commentaires
particuliers à formuler pour introduire l'étude du programme 4 ou
voulez-vous qu'on procède immédiatement à des
questions?
M. Bérubé: Je n'ai aucune objection, M. le
Président, à ce que vous procédiez.
Le Président (M. Charbonneau): Je pourrais peut-être
demander au vice-président, le député d'Argenteuil,
d'aborder l'étude du programme 4.
Enseignement primaire et secondaire public
M. Ryan: M. le Président, le 5 avril dernier, j'ai
adressé une lettre au ministre lui demandant un certain nombre de
renseignements ou documents qui pourraient nous être utiles pour
l'étude des crédits. Ainsi que je l'ai dit ce matin, le ministre
m'a répondu de manière expéditive, dans la soirée
d'hier, en m'adressant une liasse de documents très
intéressants.
Je voudrais simplement faire le point avec lui quant aux demandes
demeurées sans réponse en ce qui touche l'enseignement primaire
et secondaire et lui demander où il en est là-dessus, là
où il n'a pas répondu. C'est à la page 2 de la lettre que
j'avais adressée au ministre. Je vais essayer d'en trouver une copie
pour le président. Est-ce qu'on aurait une copie de cettre
lettre-là?
On demandait, d'abord, la liste des programmes d'études
terminés au primaire et au secondaire, avec l'échéancier
d'implantation prévu pour chaque programme. Nous avons écrit
à côté: À venir.
M. Bérubé: Je vais faire vérifier cela par
ceux qui ont préparé les réponses, afin de pouvoir vous
fournir tous les détails nécessaires.
M. Ryan: Très bien. Je veux souligner au passage, M. le
Président, pendant que le ministre consulte ses collaborateurs, que nous
avons toujours joui en ces choses d'une excellente collaboration de la part des
fonctionnaires du ministère. Je les en remercie de nouveau, comme je
l'ai fait dans le passé. Ce n'est pas du tout par esprit d'inquisition
que nous demandons ces choses, mais par souci de bien accomplir notre devoir.
Nous le comprenons tous.
Le deuxième sujet sur lequel nous n'avons pas reçu de
réponse: Liste des traductions disponibles au 31 mars 1984 et
des traductions en cours, pour chaque programme. Ajouter pour chaque
programme si le guide pédagogique est disponible et si un ou des manuels
étaient disponibles -évidemment, tout ceci en langue anglaise -au
31 mars 1984.
Troisièmement, état de la situation des surplus
d'enseignants et impact des mesures de résorption du personnel en
disponibilité (coûts et personnel) au 31 mars 1984.
Quatrièmement, ajustement prévu pour les années
1984-1985 et 1985-1986 au cadre financier découlant du rapport
Désilets, ainsi qu'aux prévisions des mises en
disponibilité et mesures de résorption pour les deux mêmes
années.
Je m'apperçois que, dans la section sur l'enseignement primaire
et secondaire, la plupart de nos demandes n'ont pas reçu de
réponse pour l'instant.
Cinquièmement, implications financières prévisibles
de la demande de la CEQ et des autres syndicats d'enseignants voulant que les
conditions de travail, en particulier les conditions relatives à la
charge de travail, soient gelées pour P2 et P3.
Sixièmement, texte du projet de règles budgétaires
- cela a été reçu.
Septièmement, état des surplus et des déficits par
commission scolaire au 31 mars 1984. Ceci n'a pas été
reçu.
Je ne sais pas si le ministre a des commentaires à faire sur ces
points avant que nous passions à l'examen de sujets plus
précis.
M. Bérubé: Quant à l'élément
2, la liste des traductions disponibles, effectivement, j'ai pu, entre-temps,
obtenir une telle liste, que j'ai ici. Nous vous ferons faire les copies
appropriées de sorte que vous puissiez la consulter.
L'élément 3 vous est déjà fourni dans le
document principal portant sur le cahier explicatif des crédits. Vous y
trouverez donc la réponse.
L'élément 4, nous ne l'avions pas à portée
de la main puisque cela remonte déjà à plusieurs mois.
Nous ne l'avions pas à portée de la main.
Quant à l'élément 5, je préférerais,
si vous le voulez, que nous ayons une discussion en tête à
tête, qu'on se cantonne à une discussion privée dans la
mesure où, chaque fois qu'on a abordé des questions de
modification aux conditions de travail, de l'impact budgétaire de telle
ou telle hypothèse, il faut aller beaucoup plus loin que la simple
considération de un ou deux chiffres. En effet, il y a des interactions
entre des différents articles des conventions collectives qui peuvent
faire que le coût varie énormément suivant que l'on modifie
un, deux ou trois articles de manière à obtenir un effet moyen
moins important en termes de coût.
En général, c'est ce genre de discussion qu'on laisse au
niveau des tables mixtes de travail, mais, éventuellement, si on devait
convenir, au niveau de ces comités mixtes de travail, de la
nécessité de rouvrir des conventions collectives, il est bien
évident qu'il faudrait constituer une table proprement dite de
négociations. En général, on n'a pas l'habitude de
discuter sur la place publique de telles questions. Donc, pour
l'élément 5, il m'apparaît difficile d'en discuter en
commission parlementaire.
À l'élément 7, il est bien évident que
l'état des surplus au 31 mars 1984 n'est pas encore disponible. Les
états financiers des commissions scolaires ne seront disponibles que
beaucoup plus tard. On peut vous fournir les données pour 1982-1983 qui,
je pense, est la dernière année pour laquelle nous avons des
états vérifiés. Cela devrait répondre à
votre question.
M. Ryan: Au point 7, est-ce que vous pourriez avoir cela assez
rapidement parce que l'étude des crédits, c'est aujourd'hui, pour
les secteurs primaire et secondaire?
M. Bérubé: Oui, pour 1982-1983, nous pourrions vous
l'obtenir rapidement.
M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait indiquer en même temps quel
a été l'effet de la ponction de 40 000 000 $? Quelle a
été l'implication pour chaque commission scolaire qui avait un
surplus de cette ponction? Cela disposerait d'un problème que je me
posais, qu'on sache exactement ce qui en est.
M. Bérubé: On me dit que, cette information
étant connue, on pourrait vous faire un tableau, mais cela
n'était pas disponible hier, sur ce point spécifique. Alors, on
pourrait vous le faire préparer.
M. Ryan: C'est bien. Il y a seulement un point que je vous
souligne. On va le discuter de manière plus précise tantôt,
mais nous en sommes au stade des prolégomènes. Vous disiez,
à propos de la demande formulée au cinquième point: Nous
ne pouvons pas vous le donner pour toutes sortes de considérations. Je
constate que le cahier d'explications que vous nous avez soumis mentionne ceci.
Vous y affirmez que vous entendez récupérer 35 000 000 $ à
même l'augmentation de la tâche qui est prévue pour P2, dans
le cas des enseignants. C'est un chiffre que vous maintenez, par
conséquent.
M. Bérubé: Oui. Il s'agit là de l'effet
global de l'ensemble des clauses des conventions collectives, ce qui tient
compte, évidemment, des décisions prises concernant
l'augmentation du temps de présence des enfants au premier cycle du
cours primaire,
par exemple. Donc, il s'agit d'un chiffre qui tient compte de plusieurs
paramètres de détermination de la tâche. Le
problème, c'est la décomposition de ces paramètres, de
manière à les identifier. C'est cette partie-là que je ne
voudrais pas discuter sur la place publique.
Gel de la tâche des enseignants
M. Ryan: Puisque nous y sommes, c'est peut-être le sujet
qu'il faudrait aborder. Voulez-vous nous dire où vous en êtes dans
les négociations avec la CEQ, quant à la tâche des
enseignants, l'augmentation qui s'annonce à la lumière du
décret tel qu'il est actuellement? Est-ce que nous avons abordé
le fond du problème? Quelles sont les intentions du gouvernement
là-dessus? Il y a une autre question à laquelle vous pourriez
peut-être répondre en même temps: Est-ce une conversation
qui se déroule sous le mode de la négociation, ou sous un autre
mode que vous daigneriez préciser, puisque vous semblez affectionner les
conversations privées?
M. Bérubé: D'une part, il n'y a pas de
négociation au sens traditionnel du terme. Les conventions collectives
prévoient, à l'article 9.4, un mécanisme de
réouverture des conventions collectives, mais nous n'avons pas encore
enclenché ce mécanisme. En effet, la position que j'ai maintenue
auprès de la Centrale de l'enseignement du Québec et publiquement
est la suivante: le problème de la tâche des enseignants n'est pas
spécifiquement ou uniquement un problème de contenu des
conventions collectives.
À titre d'exemple, celui qui enseigne une matière
spécialisée une heure par semaine et qui doit remplir un horaire
de 20 ou 21 heures d'enseignement est forcé de rencontrer 20 ou 21
groupes de 30 ou 32 élèves. On peut voir immédiatement le
nombre d'étudiants qu'il doit rencontrer: c'est de l'ordre de 600. Sa
tâche, même si elle peut être considérée,
comme, en apparence, identique à celle d'un enseignant qui resterait
avec le même groupe pendant la même période de temps - en
enseignant, à ce moment-là, plusieurs matières -
lorsqu'elle est présentée en termes de nombre
d'élèves et de groupes rencontrés, est évidemment
très différente. Un enseignant pourra donc dire qu'il est
forcé de rencontrer 21 groupes de 32 élèves, alors que
l'autre dira: Moi, dans les mêmes conditions, je rencontre un groupe de
32 élèves pendant 21 heures. Pourtant, les deux ont la même
tâche d'enseignement.
L'organisation académique joue donc un rôle
extrêmement important dans ce que l'on appelle la tâche de
l'enseignant. Cela s'applique, par exemple, à l'aspect de la
spécialisation de l'enseignant qui l'amène à n'enseigner
qu'un nombre limité de matières à beaucoup
d'étudiants, mais cela s'applique également à
l'organisation des horaires où on peut concentrer la matière sur
une plus courte période de manière à diminuer le nombre de
groupes rencontrés. En d'autres termes, l'organisation scolaire peut
jouer un rôle important dans la tâche.
Parmi les autres facteurs qui influent sur la tâche, il y a
l'intégration de l'enfance en difficulté, laquelle peut ne pas se
faire, c'est-à-dire qu'on peut envisager la création, la
constitution de classes spéciales où on isole l'enfant ou, au
contraire, on peut favoriser son intégration dans une classe
régulière en dégageant les ressources équivalentes
de manière à diminuer le nombre d'élèves en classe
ou à ajouter des ressources spécialisées pour aider
l'enseignant. (15 h 45)
Il va de soi que l'approche suivie par une commission scolaire a une
incidence directe sur le type de travail que l'enseignant doit fournir. Je
pourrais continuer à ajouter, comme cela, un certain nombre d'autres
facteurs et, évidemment, nommer la tâche proprement dite,
c'est-à-dire le nombre d'heures en moyenne qu'un enseignant doit fournir
dans le cadre de son emploi.
La position que j'ai maintenue jusqu'à maintenant a toujours
été la suivante: examinons ce qui se passe en classe, les
problèmes que nous vivons et examinons dans quelle mesure nous pouvons
effectivement améliorer la qualité de l'enseignement,
améliorer le climat qui règne dans nos écoles en
favorisant un milieu plus humain. Si cela doit se traduire par certains
assouplissements au niveau des conditions de travail, je n'y suis pas
opposé, mais je n'ai pas posé comme principe que la solution
à tous nos problèmes était la réouverture des
conventions collectives et, par exemple, le gel. J'ai refusé de poser ce
principe.
En effet, il me semble que si un enseignant doit, par exemple, voir 300
élèves dans le cadre de ses fonctions et qu'à la suite des
décrets il doit en voir 315, certes, il y a augmentation de la
tâche, mais est-ce l'augmentation de 300 à 315 qui pose le
problème ou le point de départ, qui est de 300? Il est clair
qu'on pourrait opposer un moratoire et laisser cet enseignant rencontrer 300
élèves, mais tout en n'ayant rien changé au
problème de la tâche. Il m'apparaît donc que nous devrions
examiner de plus près le cloisonnement de notre enseignement, le
problème de nos grilles horaires et peut-être poser des gestes qui
auront un impact nettement plus grand sur l'allégement de la tâche
qu'un simple moratoire. C'est la position que j'ai maintenue depuis le
début.
J'ajouterai, compte tenu de mes remarques liminaires en début de
cette commission - il faut quand même le reconnaître - par rapport
à la décroissance de notre clientèle à
l'école et de la diminution concomitante du nombre de nos enseignants,
que la clientèle a décru plus rapidement que le nombre
d'enseignants. Il y a donc plus de ressources humaines pour faire le travail
dans nos écoles qu'il n'y en avait en 1976, et non pas l'inverse. Donc,
le problème de la tâche a des possibilités d'être
relié à des paramètres autres que celui de la simple
considération de la tâche au sens strict des conventions
collectives. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas voulu m'engager dans une
espèce de cul-de-sac qui consisterait à penser qu'il s'agit
simplement d'injecter des ressources additionnelles, alors qu'on peut faire la
démonstration hors de tout doute qu'il y a plus de ressources
aujourd'hui qu'il n'y en avait en 1976. Néammoins, les gens se plaignent
des conditions de travail; on en a donc fait la preuve.
J'ai fait la preuve, ce matin, que si on arrive à augmenter les
ressources disponibles en se retrouvant en même temps avec une
tâche plus lourde, c'est que le problème n'est peut-être pas
au niveau de l'injection des ressources, mais à d'autres niveaux. Si on
doit régler les problèmes, il faut les régler à ces
niveaux d'abord. Si cela doit impliquer une réouverture des conventions
collectives, soit, mais je ne pose pas le principe qu'en injectant des
ressources additionnelles on va régler le problème de base. Ce
n'est pas nécessairement vrai. C'est cela que j'ai essayé de
soulever.
M. Ryan: Je vous rappellerais simplement que, depuis 1976, il
s'est écoulé exactement huit ans, période pendant laquelle
il y a eu deux rondes de négociations collectives, lesquelles ont
entraîné des changements dans les conditions de travail qui
existaient en 1976. Cela a influé également sur le rapport
élèves-enseignants d'une manière qui, dans plusieurs cas,
ne peut être changée radicalement ou unilatéralement. Quand
vous faites ces comparaisons, je pense que vous êtes largement
responsable de la différence de 3% par des conventions que vous avez
signées vous-même et que vous n'avez peut-être pas toujours
respectées.
Je voudrais vous poser une couple de questions additionnelles à
ce sujet, M. le ministre. Vous savez comme moi qu'il y a une
échéance pour faire des ajustements en vue de la prochaine
année scolaire, échéance que les milieux avec lesquels
j'ai causé situent autour du 1er mai. Nous sommes au 10 avril.
Pensez-vous qu'il y ait des possibilités d'en arriver à une
conclusion dans un avenir rapproché? Deuxièmement, j'aimerais que
vous me disiez quel mandat au juste vous avez donné à vos gens
qui vous représentent au comité paritaire qui discute cela avec
les syndicats, d'après ce que j'ai compris. Troisièmement,
êtes-vous prêt à faire face à la possibilité
qu'il faille faire des ajustements dans votre cadre financier?
Quatrièmement, avez-vous reçu des représentations du
Conseil supérieur de l'éducation, jusqu'à maintenant,
à ce sujet? En attendez-vous bientôt?
M. Bérubé: Premièrement, je pense que nous
devons tout mettre en oeuvre pour être prêt pour le 1er mai,
à cause des échéances inévitables que doivent
respecter les commissions scolaires dans l'organisation scolaire de
l'année prochaine.
Concernant les mandats, ils sont de deux ordres. Dans un premier temps,
il s'agit d'identifier clairement les problèmes vécus, donc de
les systématiser, car il ne suffit pas d'arriver avec un cas
exceptionnel. On m'a soumis, par exemple, des cas de gestion aberrante de la
part d'une direction quelconque. Or, il est bien évident que, dans un
système très décentralisé, il y aura des cas de
gestion aberrante, mais on ne doit pas pour autant tirer la conclusion que
l'ensemble du système se comporte de la même façon. Il faut
savoir faire confiance aux institutions décentralisées qui sont
censées utiliser leur jugement dans l'application des conditions de
travail prévues dans les conventions collectives.
Donc, il ne s'agit pas de s'accrocher à quelques cas aberrants de
comportement local, mais d'identifier une problématique
générale, d'une part, et, autour de ces problèmes
généraux bien identifiés, d'identifier différentes
solutions possibles à partir desquelles nous pourrons engager la
discussion plus précisément sur les remèdes que nous
comptons apporter. Pour l'instant, le mandat est au niveau de l'identification
des problèmes et des solutions que les parties reconnaissent comme
plausibles.
M. Ryan: Vous n'avez pas répondu à deux parties de
ma question. D'abord, les implications financières. Si des solutions
plausibles et acceptables aux deux côtés se dessinaient,
êtes-vous prêt à envisager certaines conséquences
financières que cela pourrait entraîner? Deuxièmement, le
Conseil supérieur de l'éducation vous a-t-il fait signe?
Attendez-vous de ses nouvelles et attachez-vous de l'importance à cette
opinion?
M. Bérubé: Si le problème est réel,
fait l'objet d'un consensus entre les parties au comité mixte et fait
l'objet d'une recommandation qui amène certaines modifications au
contenu des décrets, cela implique des coûts, somme toute,
quand
même modestes, dans la mesure où il faut toujours retenir
le principe des vases communicants, et on peut toujours se fermer les yeux et
ne jamais se poser la question à savoir où retombera l'impact
d'un accroissement des dépenses à un endroit, mais il y a
toujours un endroit où l'impact se fait sentir.
En général, il est toujours plus facile pour l'Opposition
- cela, évidemment, je le reconnais comme une réalité - de
trouver qu'on n'investit pas suffisamment d'argent dans l'éducation, les
affaires sociales, l'université, l'indemnisation des victimes d'actes
criminels ou autres; enfin, je pourrais énumérer à peu
près tous les dossiers où nos honorables collègues ont
identifié, en commission parlementaire, des secteurs où ils
investiraient plus d'argent. Ce qui est généralement
intéressant dans tous ces débats, c'est qu'on souligne assez
rarement les domaines où, au contraire, il faudrait retirer de l'argent.
C'est assez rarissime qu'on ait de telles propositions. On veut presque tous
aller au ciel, mais fort peu de gens aiment penser à la mort qui doit
précéder, malheureusement, ce départ et ce voyage
bienheureux.
Hélas, je pense que, lorsqu'on est à la tête d'un
État, il faut dépasser ces considérations, peut-être
un peu partisanes et toujours se poser la question: Qui va payer? Il y a
toujours quelqu'un qui paie à la fin. Je pense que je garderai toujours
à l'esprit les paroles du député d'Argenteuil qui, au
cours de la dernière crise, à de nombreuses reprises, trouvait,
par exemple, que les compressions à l'éducation des adultes, au
niveau des professionnels non enseignants, semblaient plus fortes là
qu'ailleurs. Évidemment, cela se comprend; les conventions collectives
le permettaient. Le jour où les conventions collectives sont
modifiées de manière à répartir l'effort, il faut
s'interroger. Va-t-on redemander encore davantage à ceux qui ont
déjà payé durement la dernière crise? J'ai de la
difficulté à imaginer, personnellement, après avoir
travaillé au Conseil du trésor quelques années, qu'il y
ait encore beaucoup d'endroits au gouvernement où on puisse
réaliser une réduction des coûts qui ne se traduise pas, en
fin de piste, par des coupures de services auxquels tient la population.
Tout au long de ce débat que nous aurons au comité mixte,
j'aurai toujours à l'esprit que pour toute décision que je
prendrai favorisant un accroissement des coûts de l'éducation il y
aura quelqu'un qui paiera. Je garderai toujours cela à l'esprit.
M. Ryan: Juste une question pour que ce soit bien précis.
Est-ce que vous avez donné à vos représentants au
comité mixte un mandat comportant des restrictions précises
concernant la dimension financière des changements qui pourraient
s'imposer? Est-ce que vous leur avez donné une certaine permission
d'examiner cette dimension ou si vous leur avez dit qu'il ne faut pas de
modification?
M. Bérubé: Non, j'ai indiqué très
clairement aux représentants de la Centrale de l'enseignement du
Québec que nos représentants au comité mixte auraient le
mandat approprié pour régler les problèmes, quand on
s'entend sur la nature des problèmes.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que d'autres membres
de la commission auraient des questions à poser sur les décrets,
ou leur application et ses conséquences? Autrement, on passerait
à un autre sujet. Cela va. On va passer à un autre sujet. Est-ce
que quelqu'un veut aborder l'étude d'un autre sujet?
Mme Dougherty: M. le Président, j'ai des questions sur les
surplus d'enseignants, les personnes en disponibilité. Est-ce que cela
fait partie de...
Le Président (M. Charbonneau: Je pense qu'on pourrait
considérer que c'est assez...
Vieillissement du personnel enseignant
Mme Dougherty: Je voudrais aborder ces questions. Avec la baisse
de leur clientèle, les écoles ont subi un vieillissement de leurs
enseignants.
M. Bérubé: Comme nous tous, d'ailleurs.
Mme Dougherty: Cela touche toute la société, vous
avez raison. Cela touche la qualité de l'éducation, car on a de
moins en moins de jeunes enseignants et les jeunes sont menacés par ce
système de l'ancienneté qui détermine les personnes mises
en disponibilité et le non-rengagement. Avez-vous des chiffres qui
démontrent, premièrement, la moyenne d'âge des enseignants
dans nos écoles, et, deuxièmement, le nombre de nouveaux
enseignants qui entrent dans le système chaque année? (16
heures)
M. Bérubé: On me dit que la moyenne d'âge est
de 39 ans pour l'ensemble du Québec et de 42 ans à
Montréal. Je présume qu'elle augmente d'un an par année,
mais ce n'est pas une mauvaise blaque dans le sens où, comme il n'y a
pas beaucoup de recrutement de jeunes enseignants, comme vous l'avez
indiqué, forcément, l'âge moyen du système a
tendance à suivre l'âge des individus.
Mme Dougherty: N'avez-vous pas des chiffres qui démontrent
le cheminement du problème?
M. Bérubé: Non, je n'en ai pas sous la main. On
pourrait vous les obtenir, mais la conclusion que vous en tireriez serait celle
que je viens de tirer, c'est-à-dire que l'âge moyen est autour de
40 ans et il augmente, bon an mal an, d'un an par année ou à peu
près.
Mme Dougherty: Un élément de ce problème,
c'est de savoir si le nombre de diplômés des écoles de
formation de nouveaux enseignants diminue d'une façon importante. Est-ce
en proportion avec le nombre de diplômés qui trouvent des postes
dans le système scolaire? Je crois que c'est un problème
réel. Nous avons des chiffres ici concernant les surplus. J'ai
l'impression que, chaque année, il faut se rendre à un niveau
d'expérience plus élevé dans le système. Si, cette
année, ceux qui ont une expérience de quatorze ans dans une
commission scolaire sont menacés, l'an prochain, ceux qui auront une
expérience de quinze ans le seront. C'est difficile de l'expliquer en
français. Ceux qui sont vulnérables dans ce système de
déclaration des surplus sont-ils de plus en plus âgés?
C'est un élément qui touche la stabilité et le moral des
enseignants. On se sent de plus en plus vulnérable. J'ai l'impression
qu'on perd beaucoup de nos enseignants, et peut-être les plus
qualifiés, à cause de la menace dans ce système. Il y a
plusieurs éléments à ce problème. L'année
dernière, on a parlé de la possibilité d'implanter un
système d'année sabatique à coûts partagés
entre le système et les enseignants. A-t-on actuellement implanté
un tel système afin de créer un certain renouveau qui
améliorerait le problème du "teacher burnout", parce que les
baisses de clientèle, les coupures dans ce système rendent le
personnel de plus en plus vulnérable, dans un état
d'insécurité qui démoralise les gens. C'est à cette
gamme de problèmes que j'aimerais avoir des réponses.
M. Bérubé: Le problème soulevé par la
députée de Jacques-Cartier est loin d'être un faux
problème. Je me souviens, à un moment donné, d'un
débat sur la place publique où une déclaration
équivalente à celle de la députée de
Jacques-Cartier, concernant l'âge moyen des enseignants, avait
soulevé une tempête. C'est un problème que nous vivons dans
nos universités, mais, il faut bien le dire, c'est un problème
que nous vivons dans l'ensemble de la société aussi, dans la
mesuré où l'examen de nos pyramides d'âge au Québec
fait immédiatement ressortir un gonflement anormal, vers l'âge de
30 ans et une contraction extrêmement importante, jusqu'au bas âge,
de la population.
De fait, nous n'avons pas un taux de natalité qui nous permette
de maintenir une structure d'âge comme celle que nous connaissions alors
que la population du Québec était en pleine croissance. Soit dit
en passant, ce n'est pas un problème unique au Québec, c'est un
problème qui atteint toutes les sociétés occidentales et
qui peut avoir des impacts, en particulier au niveau des enseignants.
Est-il pire chez les travailleurs intellectuels qui sont en contact
continu avec des jeunes dans une milieu quand même stimulant, parce que
le monde de l'éducation est stimulant? Je rencontrais un groupe
d'enseignants de cégep hier après-midi. La réaction
unanime des gens présents, c'est qu'ils trouvaient qu'ils
exerçaient un métier extraordinaire. C'est vrai que
l'éduction est un beau métier.
Est-ce que ce problème du vieillissement du corps enseignant est
pire que le problème général du vieillissement de la
population? Je pense que la question doit être posée. Certains
prétendent qu'il est plus grave au niveau de l'université, car on
prétend que la production scientifique est généralement
plus prolifique à 30, 35 ou 40 ans et qu'elle décroît
subséquemment. À ce moment-là, un vieillissement trop
rapide du corps professoral peut avoir comme conséquence de tarir la
capacité scientifique ou la capacité innovatrice de
l'université, ce qui pourrait amener celle-ci à se cantonner
à certains sillons déjà tracés qui ont pu faire
l'excellence de l'université, à un certain moment, mais
l'empêcher de découvrir de nouvelles orientations.
Le problème est réel, indéniablement. C'est ce qui
nous a amenés à promouvoir un ensemble de mesures. Par exemple,
nous avons ouvert, au ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, près d'une centaine de postes à des enseignants
désireux de quitter le monde de l'enseignement et de s'impliquer dans le
domaine économique. Nous avons profité de la création de
ces maisons de l'industrie, un peu partout au Québec, de ces portes
uniques d'accès, pour offrir à ces enseignants une
possibilité de changer d'orientation.
Nous avons également favorisé tout un ensemble, toute une
gamme de mesures, dont le contrat de travail à temps partiel sans perte
de privilèges acquis, tels que l'ancienneté ou le régime
de retraite, ce qui permet à un enseignant de travailler à temps
partiel. C'est parfois désiré lorsque les deux travaillent au
sein d'un couple; à ce moment-là, on choisit un travail à
mi-temps pour profiter de la période où on s'occupe plus
activement de l'éducation des enfants pour se décharger un peu du
côté travail.
On a également mis en place le congé sabbatique à
traitement différé, où l'enseignant reçoit
l'équivalent de 80% de
son salaire pendant cinq ans. Par contre, une année sur cinq, il
peut vaquer à d'autres occupations que celle de l'enseignement
proprement dit. Il y en a une centaine qui ont choisi cette voie.
Nous avons introduit la préretraite - je ne devrais pas dire la
préretraite, car c'est la retraite anticipée - avec pleine
revalorisation de la rente de manière qu'il n'y ait pas
pénalisation pour celui qui choisit cette voie. C'est évidemment
un moyen extrêmement coûteux et, par conséquent,
limité. Soit dit en passant, les 40 000 000 $ dont parlait le
député d'Argenteuil, à propos de la compression
additionnelle dans les commissions scolaires, ont servi à financer cette
mesure. Elle permet donc, entre autres, de réduire de façon assez
significative le nombre d'enseignants en disponibilité.
C'est ce qui explique que, le 1er juin 1983, il y avait 7388 enseignants
en disponibilité, que ce nombre chutait, le 15 octobre, à 3846
et, au 20 mars dernier, il était de 2986. Si vous vous souvenez des
prévisions un peu alarmistes de 8000 mises en disponibilité
lancées un peu à tort et à travers il n'y a pas tellement
de mois, on se rend bien compte que le nombre s'est avéré
nettement inférieur à ce qui était anticipé. Si on
devait projeter pour l'année prochaine, sans introduire de mesure de
réduction de l'effectif en disponibilité, le nombre
s'accroîtrait d'à peu près 1300. Cependant, si on tient
compte de l'ensemble des mesures, soit la réaffectation à
l'intérieur de la commission scolaire, la préretraite, les primes
de séparation, la création de postes réguliers pour de la
suppléance, la retraite anticipée, enfin toutes les mesures dont
je vous parlais tantôt pour la résorption de l'effectif en
surplus, on pourrait imaginer que le nombre d'enseignants en
disponibilité serait nettement inférieur à ce qui pourrait
être anticipé, donc quelque part entre 3000 et 4000, sur environ
60 000 ou 70 000 enseignants au total, si je ne m'abuse.
Donc, cela touche à peu près 4% des enseignants. Alors,
parler d'une insécurité généralisée, lorsque
96% des enseignants ne sont pas menacés, cela m'apparaît un peu
abusif. Je ne dis pas qu'il faille minimiser le sentiment
d'insécurité que cela peut induire chez les jeunes enseignants,
cela est indéniable, même pour les enseignants qui ont une
ancienneté assez importante puisque, comme vous le dites, l'âge
moyen a tendance à augmenter. Il demeure quand même que, lorsque
l'on parle des mises en disponibilité, on parle de quelque chose qui
touche 3% à 5% des enseignants, et non pas 100%.
Mme Dougherty: Simplement une remarque en terminant, M. le
Président. Je sais très bien qu'il n'y a pas de solution facile
à ce problème. Mais cela reste un problème, qui ne va pas
disparaître, cela va continuer. Je suis convaincue que la qualité
de notre système dépendra de la qualité de nos ressources
humaines avant tout autre élément, toute autre condition. Je
crois qu'il est urgent de considérer la possibilité de changer
les règles du jeu pour favoriser le maintien de nos meilleures
ressources et je parle des ressources, humaines. Je crois que le gouvernement
doit aborder, en consultation et en concertation avec les commissions scolaires
et les syndicats, tout ce problème du vieillissement afin de trouver de
nouvelles règles du jeu pour maintenir les meilleures ressources
humaines que nous ayons et attirer les meilleurs enseignants qui sortent de nos
universités.
J'espère que, dans les discussions que vous aurez pour
préparer les prochaines négociations, cette question sera
abordée parce que, dans tout ce problème de l'ancienneté,
les anciennes règles du jeu ne sont pas nécessairement les
meilleures pour assurer une qualité de l'enseignement dans l'avenir.
M. Bérubé: Vous avez raison et c'est ce qui
explique pourquoi, lors de la dernière ronde, nous avons tenu à
introduire des paramètres de capacité alliés aux
paramètres d'ancienneté dans le processus de mise en
disponibilité.
Le Président (M. Charbonneau): Le député de
Fabre m'indiquait qu'il a quelques remarques à faire sur le même
sujet.
M. Leduc (Fabre): Oui, sur le même sujet, M. le
Président. M. le ministre a parlé des mesures de
résorption qui ont connu un succès certain, puisque l'effectif en
disponibilité a diminué de 59,5% grâce à
l'application d'au moins sept mesures. Je voudrais savoir si on a l'intention
de maintenir ces mesures dont on parle dans le programme 4. On en
énumère sept. Est-ce qu'on a l'intention de les maintenir comme
telles? Est-ce que ces mesures font également l'objet de discussions
avec la CEQ? (16 h 15)
Troisièmement, je note que le coût de la
sécurité d'emploi pour le personnel augmente malgré tout;
il y a une augmentation du coût de la sécurité d'emploi de
l'ordre de 9,5%. On passe de 119 000 000 $ à 120 000 000 $. Comment
expliquez-vous cette augmentation du coût de la sécurité
d'emploi? Est-ce que c'est parce qu'on paie à 100% durant la
deuxième année de la convention collective, les enseignants en
disponibilité? Qu'est-ce qui explique cette augmentation du coût
de la sécurité d'emploi?
M. Bérubé: J'aurais tendance à parler
d'une baisse puisqu'en 1983-1984, si je lis bien la colonne, je lirais
121 700 000 $ et, en 1984-1985, 120 200 000 $. C'est à la page 30 du
cahier que vous avez normalement sous les yeux. Donc, je parlais d'une
diminution, d'une part, en dollars courants et, compte tenu de l'inflation et
de l'indexation applicable aux salaires, j'aurais tendance à parler
d'une diminution encore plus importante.
M. Leduc (Fabre): Je me référais à la page
32, justification des écarts entre les années scolaires;
coût net prévu: augmentation du coût de la
sécurité d'emploi, 9 500 000 $. Compte tenu de l'inflation, cela
vous permet de dire qu'il n'y a pas d'augmentation. Vous vous
référez à des dollars courants. Ici, on parle de
l'augmentation du coût de la sécurité d'emploi.
M. Bérubé: Je vois. J'essaie de réconcilier
le tableau de la page 32 avec le tableau de la page...
M. Leduc (Fabre): Page 30.
M. Bérubé: Évidemment, à la page 30,
on n'aurait pas tendance à conclure de la même façon.
On me dit que, dans le cas de la sécurité d'emploi pour
les autres personnes, c'est incorporé dans la base. Lorsque je me
référais tantôt au coût de la sécurité
d'emploi, c'était pour les enseignants. Si on prenait le coût
global de la sécurité d'emploi, à la fois pour les
enseignants et pour les autres personnes, à ce moment-là, on
tirerait la conclusion qu'il y a un accroissement de 9,5%.
M. Leduc (Fabre): Est-ce qu'on paie les enseignants en
disponibilité à 100% dans le P2? Est-ce cela qui est prévu
maintenant?
M. Bérubé: Nous n'avons pas encore de chiffres
définitifs. Les projections que vous avez ici reposent sur une
substitution salariale de 100% la première année et de 80% pour
les deux années subséquentes.
Toutefois, l'annexe 9 de la convention collective prévoit ceci:
À la suite de la mise en application de mesures de résorption des
effectifs en disponibilité, lorsqu'on réduit le nombre des
enseignants en disponibilité en deçà des seuils prescrits
par les textes des conventions, il y a bonification du taux de
rémunération pour les autres enseignants restés en
disponibilité. En d'autres termes, on reporte sur les autres enseignants
les économies ainsi faites, ce qui nous amènerait à dire,
à l'heure actuelle, que nous devrions viser à entre 90 et 100,
mais nous ne pourrions pas vous donner un chiffre précis maintenant.
M. Leduc (Fabre): Est-ce qu'on a l'intention de maintenir
intégralement les mêmes mesures qui ont été
efficaces pour 1983-1984? Je ne suis pas sûr pour la retraite
anticipée. J'ai entendu dire qu'on ne maintiendrait pas le point 9.
M. Bérubé: Dans le cas de la retraite
anticipée, il n'est pas acquis que nous pourrons
bénéficier de crédits nous permettant de continuer la mise
en place de ce programme. Il faut dire que c'est l'élément du
programme le plus coûteux, puisqu'il s'agit évidemment d'anticiper
le paiement d'une rente et, en même temps, de se priver d'un revenu
résultant des cotisations pendant la période équivalente
de préretraite.
Il y a donc, d'un côté, une diminution des entrées
au fonds de retraite et un accroissement substantiel des
déboursés. L'effet combiné, évidemment, a comme
résultat que le coût de cette mesure est très
élevé. Nous aurions dégagé une enveloppe
fermée - qu'on me dit quasi épuisée - et, par
conséquent, il n'est pas du tout certain que nous puissons avoir les
crédits l'année prochaine.
M. Leduc (Fabre): De quel ordre était cette enveloppe? 15
000 000 $?
M. Bérubé: 15 000 000 $.
M. Leduc (Fabre): C'est une mesure fort intéressante, si
on veut renouveler le corps enseignant et donner l'occasion aux jeunes de
prendre leur place; là-dessus, je partage les préoccupations de
Mme la députée. Malheureusement, le corps enseignant vieillit,
mais il faut aussi penser à la jeune génération qui pousse
derrière et qui s'attend, évidemment, à trouver sa place
dans le milieu de l'enseignement.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous me le permettez, je voudrais
revenir sur la question soulevée pas ma collègue de
Jacques-Cartier concernant le vieillissement des enseignants. L'an
passé, nous avons adopté la loi 15. Ne croyez-vous pas que la loi
15 pourrait contribuer à la moyenne d'âge élevée des
enseignants, particulièrement au niveau des universités? Les
enseignants détenant une chaire à l'université ne
seraient-ils pas tentés de continuer à enseigner au-delà
de 65 ans? Cela pourrait avoir deux conséquences: empêcher la
relève par les jeunes et empêcher ou ne pas contribuer à
l'excellence de l'enseignement. Je pense bien qu'au-delà de 65 ans les
enseignants se sentent peut-être un peu fatigués et, ne
connaissant pas l'évaluation à ces niveaux, je
pense que c'est peut-être... En tout cas, à mon sens, cela
pourrait être un handicap au renouvellement des enseignants. Cela
pourrait nuire surtout au niveau des universités.
Je ne sais pas si, jusqu'à maintenant -on a pu constater ce qui
s'est passé - les enseignants se sont prévalus ou non de la loi
15. Je ne sais pas si vous avez des chiffres, mais je pense qu'il aurait
peut-être fallu que la loi 15 ne s'applique pas, enfin que les
enseignants, surtout au niveau universitaire, ne puissent pas se
prévaloir de la loi 15. Sans dire que ce soit catastrophique, c'est
certainement nuisible à l'excellence de l'enseignement qui peut
être dispensé au niveau universitaire, sans compter les
coûts additionnels, évidemment, que cela peut entraîner.
J'aimerais entendre vos commentaires.
M. Bérubé: Non, le travail étant fourni, il
n'y a pas de coûts encourus du fait que la personne ne prend pas sa
retraite, premièrement. Le problème que cela soulève, je
pense que vous y avez fait référence. Il est clair qu'une
personne ayant atteint l'âge de 65 ans qui choisit de ne pas prendre sa
retraite occupe un poste qu'elle ferme, évidemment, à un jeune
intervenant qui pourrait prendre sa place sur le marché du travail. Je
pense que c'est clair.
Deuxièmement - je n'ai pas de chiffres précis à la
mémoire et j'espère que vous ne m'en voudrez pas s'il pouvait y
avoir une certaine imprécision dans ma réponse - nous avons fait
compiler, d'un mois à l'autre, le pourcentage des gens ayant atteint
l'âge de la retraite au gouvernement, dans les réseaux et
choisissant de ne pas prendre leur retraite. Il est clair, cependant, que de
tels chiffres sont fallacieux dans la mesure où le régime vient
d'être mis en place. Cela veut dire que quelqu'un peut choisir de
prolonger de six mois son travail avant de prendre sa retraite, ou de prolonger
d'un an ou de deux ans. Éventuellement, nous découvrirons un
régime de croisière que nous n'avons pas encore atteint.
Donc, à l'heure actuelle, nous sommes en train de faire le plein
de gens qui choisissent de continuer à travailler. Je pense, si je ne
m'abuse, que le taux de rétention était de l'ordre de 30% dans
l'ensemble gouvernemental, c'est-à-dire ministères et
réseaux. Si je me souviens bien, il n'y aurait pas vraiment beaucoup
d'écart entre les secteurs, mais je ne pourrais dire quoi que ce soit de
la catégorie des enseignants; non plus que je ne pourrais traiter du
problème des professeurs à l'université.
Le Président (M. Charbonneau): Alors, ça va? Je
vais passer la parole au député d'Argenteuil. Juste avant,
j'aurais une petite question à poser au ministre sur le même
sujet. Est-ce qu'on a un état de la situation des étudiants qui
sont actuellement à l'université, dans différentes
facultés, et qui s'apprêtent ou qui étudient pour devenir
des enseignants? Compte tenu du faible taux des entrées ou du
recrutement des jeunes enseignants, il y en a combien qui sortent des
universités, ne se trouvent pas d'emploi et, finalement, attendent des
années et des années?
M. Bérubé: La question a été
posée tantôt par la députée de Jacques-Cartier et
nous cherchons la réponse à l'heure actuelle.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Bérubé: Nous les comptons un par un.
Le Président (M. Charbonneau): Nous n'en doutons
point.
Subventions de rattrapage aux commissions
scolaires
M. Ryan: M. le Président, je voudrais ouvrir un autre
chapitre de la discussion sur les relations financières du gouvernement
avec les commissions scolaires. Il y a une foule de points qui se situent
à l'intérieur de ce sujet. On pourrait peut-être en
disposer un par un. Tout d'abord, il y a les subventions de rattrapage qui ont
été versées en 1983-1984. Est-ce qu'on pourrait nous
indiquer exactement, pour les sommes dues, pour quelles années ces
subventions ont été affectées? En même temps,
où en est-on dans les paiements dus aux commissions scolaires pour les
années passées?
M. Rousseau (André): Nous pouvons faire un
dépôt de ce document qui précisera exactement...
M. Ryan: Je vous posais la question maintenant. Vous devez avoir
les renseignements parce qu'un dépôt dans deux heures, cela ne
donnera rien. On va avoir fini l'étude des crédits sur
l'enseignement primaire et secondaire.
M. Bérubé: Vous avez parlé des subventions
de rattrapage.
M. Ryan: Oui. Le mot n'est pas exact, ce sont des paiements
anticipés sur des subventions dont certaines parties, relatives à
des années passées, auraient dû être versées
en 1984-1985.
M. Bérubé: Ah! d'accord! Ce sont les subventions
pour combler les arrérages de versements des années
passées.
M. Ryan: Exactement, c'est cela.
M. Bérubé: Là, c'est beaucoup plus facile,
on peut vous fournir la réponse. Je sais exactement...
M. Ryan: J'étais sûr que vous l'aviez. Le total de
ces subventions qui ont été versées par anticipation,
c'est à peu près 280 000 000 $; est-ce ce que vous avez ce matin?
L'an dernier - je vous rappelle cela -on avait demandé des
précisions sur le montant qui restait. Il n'a pas été
possible de l'obtenir. On nous a dit que cela prendrait bien du temps. Ce n'est
jamais venu par la suite. (16 h 30)
M. Bérubé: Vous avez, à la page 33, le
chiffre exact - c'est-à-dire 281 000 000 $ -qui a été
versé en 1983-1984 par avance, mais qui normalement aurait dû
être versé en 1984-1985.
M. Ryan: Oui, mais je vous ai demandé...
M. Bérubé: Vous voulez l'obtenir par commission
scolaire.
M. Ryan: Non, par commission scolaire, je ne suis pas
particulièrement intéressé; je veux savoir les
années que cela couvre.
M. Bérubé: Cela se rapporte à l'année
scolaire 1982-1983.
M. Ryan: Non, c'est bien avant cela. Est-ce que...
M. Bérubé: On ne peut pas décomposer
l'année spécifique. Tout ce qu'on peut vous dire, c'est que c'est
applicable à des arrérages encourus en 1979-1980, ou
années antérieures.
M. Ryan: Est-ce qu'on peut avoir la somme totale des
arrérages accumulés en date du 31 mars?
M. Bérubé: Du 31 mars 1984, après le
paiement anticipé?
M. Ryan: C'est cela. Évidemment, il faudrait avoir chacune
des années: 1980-1981, 1981-1982, 1982-1983.
M. Bérubé: II resterait 25 800 000 $ à
couvrir d'ici à 1987, donc un tout petit montant.
M. Ryan: Je ne comprends pas. Cela ne comprend pas les deux
tranches de 15% pour les deux prochaines années.
M. Bérubé: Non, il faut comprendre que...
M. Ryan: Alors, est-ce qu'il y aurait moyen...
M. Bérubé: II faut comprendre que nous avons choisi
de consolider l'ensemble des dettes accumulées des commissions scolaires
dans le réseau bancaire, de même que les dettes contractées
par le réseau des affaires sociales, en un seul montant dont on a
planifié le remboursement sur cinq ans. Nous avons
accéléré le remboursement des dettes du réseau des
commissions scolaires et, en devançant un paiement de 281 000 000 $
l'année dernière, je constate par les livres que j'ai ici qu'il
resterait, dans le réseau des commissions scolaires, 26 000 000 $
à donner pour éteindre cette dette.
M. Ryan: Est-ce qu'il y aurait moyen de nous remettre un rapport
écrit là-dessus, nous disant pour chaque année ce qu'on a
payé par anticipation en 1983-1984 et au 31 mars...
M. Bérubé: On ne peut pas. Tout ce qu'on peut
donner - ceci a été donné à l'Assemblée
nationale, d'après les états financiers des années
1979-1980 et antérieures - c'est l'état des déficits
accumulés du réseau des commissions scolaires.
Deuxièmement, on peut donner la cédule de remboursement de ces
arrérages sur un certain nombre d'années et indiquer quels sont
les paiements qui ont déjà été faits. Ce que je
vous dis, c'est que les paiements que nous faisons maintenant depuis trois ans,
si on ajoute le paiement de 280 000 000 $ fait l'année dernière,
cela a comme conséquence qu'il ne reste plus que 26 000 000 $ à
combler. On ne pourra pas dire, à l'intérieur de l'année
budgétaire 1982-1983 ou 1983-1984, spécifiquement si tel montant
a été attribué à l'année 1979 puisque
l'ensemble des dettes a été consolidé.
M. Ryan: Je ne comprends pas. Je vous le dis franchement: Plus
vous parlez, moins c'est clair. Je vais demander un chose; je vais demander
qu'on nous remette un rapport écrit à l'heure du souper sur
lequel on pourra revenir brièvement au début de la soirée,
parce que ce n'est pas clair pour moi. Les 25 000 000 $ qui resteraient...
M. Bérubé: ...à payer.
M. Ryan: ...les versements à payer sur des sommes dues par
le gouvernement pour les années antérieures, incluant 1983-1984,
cela m'apparaît...
M. Bérubé: Non, non, non, non.
M. Ryan: Incluant...
M. Bérubé: La question que vous avez posée,
M. le député d'Argenteuil, si je ne m'abuse, a été
la suivante: II existe au gouvernement une politique pour rembourser les
arrérages encourus par les commissions scolaires pour les années
scolaires antérieures à 1980-1981...
M. Ryan: Non, je m'excuse, on est aussi bien d'arrêter cela
tout de suite. Je sais cela, je sais ce que vous m'avez dit pour ce qui
concerne l'affectation du remboursement de 280 000 000 $, mais je vous ai dit
que j'aimerais avoir un tableau clair jusqu'au 31 mars 1984. Qu'est-ce que le
gouvernement doit aux commissions scolaires pour les années
passées, y compris évidemment l'année 1983-1984?
M. Bérubé: Ah! là, c'est une question
différente!
M. Ryan: Non, c'est ce que je vous ai demandé
tantôt. S'il y avait moyen d'avoir cela, cela compléterait le
tableau et cela éviterait qu'on se perde dans des dédales
infinis.
Cela étant dit, si vous permettez, M. le Président,
à moins que le ministre... Je n'ai plus de questions à poser. Par
conséquent, j'imagine que le ministre n'a plus de réponses s'il
n'y a pas de questions de posées. Peut-on avoir ce tableau?
M. Bérubé: Oui, il n'y a pas de problème. Il
s'agit donc d'incorporer les arrérages au financement des années
courantes. Comme on le sait, c'est financé par le gouvernement sur la
base de 70-15-15, c'est-à-dire...
M. Ryan: C'est cela.
M. Bérubé: ... 70% pour l'année en cours,
15% pour l'année précédente et 15% pour l'année
antérieure. Par conséquent, vous allez voir apparaître non
seulement le remboursement des arrérages, mais également les
remboursements étalés suivant la formule des 70-15-15 pour les
trois années subséquentes.
M. Ryan: Pour cette partie de la dette qui a été
remboursée, vous aviez fait un arrangement consolidé avec des
institutions financières en vertu duquel le remboursement devait
s'échelonner sur une période X. Je ne sais pas la longueur. C'est
peut-être...
M. Bérubé: Cinq ans au départ.
M. Ryan: Cinq ans au départ, n'est-ce pas? Voici ma
remarque. Lorsque vous nous avez présenté tout votre plan de
ponction des salaires chez les enseignants et les travailleurs du secteur de
l'éducation, vous nous avez dit: II y a une crise économique
terrible. C'était effrayant, le Québec allait s'écrouler
si ces méchants enseignants ne voulaient pas accepter d'être
tondus par le gouvernement. Vous nous avez dit: Si on leur demande ceci et
cela, c'est parce qu'on en a un besoin absolu. Il n'était même pas
possible de discuter à ce moment-là. Vous nous avez fait adopter
la loi 105 en l'espace d'une journée.
Dans les mois qui ont suivi, dans le même exercice financier, vous
avez trouvé le moyen de faire deux choses. Tout d'abord, vous avez
présenté un budget supplémentaire comportant une
réduction de taxes assez sensible, de l'ordre de 100 000 000 $ ou 125
000 000 $, si mes souvenirs sont bons. Deuxièmement, vous êtes
allés chercher un surplus de 280 000 000 $ que vous avez pu ajouter au
remboursement anticipé d'une dette dont vous ne nous aviez pas
parlé du tout lorsqu'on a discuté de ces urgences. On n'avait
jamais entendu parler de cela. La première fois que nous en avons
entendu parler, c'est lorsque le ministre des Finances a présenté
son budget supplémentaire. Était-ce cela, la crise?
M. Bérubé: J'ai une réponse.
Malheureusement, je pense que le député d'Argenteuil a suivi de
très près les débats qui relèvent de
l'éducation, mais qu'il a peut-être suivi de moins près le
discours sur le budget de l'année dernière qui expliquait
très clairement ce qui s'est produit. En effet, le problème vient
de ce que, dans ses négociations avec le gouvernement
fédéral, à de nombreuses reprises, le ministre des
Finances avait souligné que les techniques de dénombrement de la
population du Québec étaient faussées lors des
recensements de Statistique Canada par le fait que le nombre de locataires
étant plus élevé au Québec, ce dénombrement
des locataires étant généralement moins précis et
toujours par la négative, c'est-à-dire qu'il y a
sous-dénombrement, il y avait donc, dans les calculs de la population du
Québec, un sous-dénombrement systématique reconnu
d'ailleurs par Statistique Canada qui publie régulièrement des
mesures de sous-dénombrement résultant, par exemple, de
l'existence d'un pourcentage important de locataires dans son habitat.
À plusieurs reprises, il y a donc eu des discussions
fédérales-provinciales et, finalement, le ministre
fédéral des Finances s'est rendu au raisonnement puisqu'il
était en contradiction avec ses propres études venant de
Statistique Canada. Comme on le sait, les ajustements au chapitre des paiements
de péréquation ont comme caractéristique,
généralement, de s'étaler sur plus d'une année et,
de fait, on s'est retrouvé avec des
paiements de transfert ajustés à la hausse qui, cependant,
ne s'appliquent que pour les deux années. Ce sont des remboursements
pour des années passées. Évidemment, dans les perspectives
de revenus futurs, on a tenu compte des calculs exacts de la population, mais
dans la mesure où il y avait eu un manque à gagner, suivant les
règles de péréquation, le Québec avait droit
à une récupération sur les deux années
antérieures. On ne peut pas remonter plus loin dans le temps, mais on
pouvait remonter aux deux années précédentes.
Le fait de remonter à deux années en arrière, cela
a fait en sorte que le gouvernement fédéral a dû verser au
gouvernement du Québec un montant de transfert supérieur, mais
non récurrent, à ce qui avait été anticipé.
Jusqu'ici pas de problème. L'erreur la plus grave qu'un gouvernement
pourrait faire, ce serait de s'engager dans des dépenses
récurrentes sur la base d'un revenu exceptionnel. C'est ce que le
ministre des Finances avait expliqué très clairement; il avait
même dû, à un moment donné, je pense, faire un peu la
leçon au député de Vaudreuil-Soulanges qui voulait amener
le gouvernement à s'engager dans des dépenses récurrentes
sur la base d'un revenu exceptionnel. C'est le genre d'erreurs que tout
gestionnaire un peu rigoureux des finances publiques voudrait éviter et
je peux comprendre que le ministre des Finances soit peu sensible aux propos du
député d'Argenteuil qui reprend, à cet égard, les
sophismes du député de Vaudreuil-Soulanges.
En fait, ce que le député d'Argenteuil nous reproche,
c'est de ne pas nous engager dans des dépenses récurrentes sur la
base d'un revenu unique non récurrent d'une année. Ceci
m'apparaît erroné sur le plan des principes. Il était
à ce moment-là plus sage de profiter de l'occasion pour
rembourser des dettes passées, grâce à un revenu
exceptionnel s'appliquant à des années passées, et c'est
ce que nous avons fait.
M. Ryan: M. le Président, je réitère
l'opinion que j'ai exprimée voulant que ce soit une politique absolument
odieuse de la part du gouvernement de se comporter de cette manière
à l'endroit des salariés du secteur public. Je pense que nous
avons là la démonstration de cette espèce d'aveuglement
avec lequel nous avons procédé, l'an dernier, à cette
opération dont les conséquences pèsent encore si
lourdement sur tout le système d'enseignement.
Je veux dire au ministre, pour ce qui touche les subventions en
provenance du gouvernement fédéral, que cela fait quatre
années de suite que le ministre des Finances se trompe dans ses calculs.
On a fait l'addition de toutes les tragédies qui étaient
censées nous arriver, si nous avions suivi à la lettre les
discours sur le budget, et cela arrivait à au-delà d'un milliard
de dollars, des choses que nous n'aurions pas reçues depuis la
dernière élection et que nous avons reçues par une
espèce de concours de circonstances. Vous avez évoqué un
facteur; je me souviens très bien de cette situation
particulière. Il y a en eu d'autres également, mais on nous a
toujours prédit la catastrophe et, finalement, nous nous sommes
réveillés avec des arrangements bien plus satisfaisants que ce
qu'on avait laissé entrevoir.
Je ferme la parenthèse là-dessus, ce n'est pas la place
pour engager tout un débat sur ce sujet, mais je réitère
qu'au moment où le gouvernement est en train de négocier avec les
enseignants les réaménagements possibles dont le coût
serait immensément inférieur à ces surplus qu'il est
allé chercher l'an dernier, grâce à des
interprétations rétroactives, des arrangements
fédéraux-provinciaux en matière de finances, parler de
crise, de situation serrée, comme on l'a fait il y a à peu
près un an, c'est très très difficilement justifiable par
l'état des chiffres. J'aurais compris très bien que, sur une
somme comme celle-là, on en prenne une certaine partie pour corriger les
erreurs passées du gouvernement. Cela a pris du temps à mettre de
l'ordre dans ce fameux trou qui était autrefois de 500 000 000 $ et je
suis content de voir que nous progressons de ce côté-là.
(16 h 45)
Si on avait pris la moitié de la somme pour cette fin et l'autre
moitié pour procéder à un assouplissement des mesures
dictatoriales et hautement autoritaires, souvent non démontrées,
prises par le gouvernement quelques mois plus tôt, il me semble que cela
aurait été infiniment plus humain, plus juste. Je me rappelle les
débats interminables que nous avons eus avec le ministre, au temps
où il était président du Conseil du trésor, sur la
rémunération des enseignants aux adultes à temps partiel.
Il nous a fait des thèses absolument interminables, laissant entrevoir
qu'on ne savait pas compter. Ensuite, on a fait la preuve que ce que l'on
demandait, c'était de l'ordre de 3 000 000 $. Ce n'était pas
énorme pour être traité avec un peu plus
d'équité; c'était absolument impossible, il n'y avait
aucun moyen. Tout à coup, le magicien qui est aux finances nous a dit
une bonne journée: Nous avons trouvé 280 000 000 $ et nous avons
tout placé dans le remboursement anticipé de la dette. C'est
franchement une comédie au point de vue de la présentation des
finances publiques! C'est inadmissible, à mon point de vue.
Je termine là-dessus, mais j'ai une autre question, toujours dans
le domaine des rapports financiers du gouvernement avec les commissions
scolaires, les ajustements non récurrents. Je trouve, à la page
37 du cahier
des explications, qu'on prévoyait un montant de 40 000 000 $ pour
Tannée 1983-1984. Ceci consistait dans cette ponction qu'on a
exercée sur les surplus des commissions scolaires au 30 juin 1982 afin
d'aider à financer des mesures de mise en disponibilité ou de
retraite anticipée et les mesures de résorption.
Je vois dans le cahier 1984-1985, à la page 30, que pour
l'année 1983-1984 il s'agirait d'un montant de 70 500 000 $ et qu'on
prévoit, pour l'année 1984-1985, un montant de 32 800 000 $.
Est-ce que je me trompe dans ma lecture ou s'il y a des interprétations
à donner là-dessus? Est-ce qu'on est allé chercher 70 000
000 $ au lieu de 40 000 000 $ chez les commissions scolaires?
Deuxièmement, est-ce qu'on s'apprête à aller chercher
encore 33 000 000 $ en 1984-1985? Où trouve-t-on les explications
à cela dans le cahier?
M. Bérubé: Effectivement, cela donne 40 000 000 $
plus 30 000 000 $. Les 40 000 000 $ de compression additionnels dans les
budgets des commissions scolaires découlent, à l'origine, d'une
indication par la fédération des commissions scolaires que le
gouvernement devait être plus généreux en ce qui a trait
aux mesures de sécurité d'emploi et du constat par le
gouvernement que les commissions scolaires avaient les ressources pour soutenir
leur discours puisqu'elles disposaient de surplus et qu'on devait
présumer que, si elles nous demandaient d'être plus
généreux, c'était avec leur argent. Par conséquent,
on a jugé bon d'aller chercher 40 000 000 $ additionnels dans ces
surplus, de manière à financer ces mesures de résorption
de l'effectif en disponibilité. C'est là l'étape
première des 40 000 000 $.
Les 30 000 000 $ additionnels que vous avez inscrits ici pour donner un
total de 70 000 000 $, cela vient de ce que nous avons constaté que nous
financions en trop les commissions scolaires au chapitre des congés
monnayables. En effet, dans la mesure où les enseignants en
disponibilité peuvent faire de la suppléance, même si tous
les enseignants prenaient tous leurs congés de maladie, le nombre
d'enseignants en disponibilité pour faire de la suppléance est
tel que l'on pouvait pour ainsi dire, à peu de frais, effectuer toute la
suppléance requise. Ceci avait donc comme conséquence que
l'économie faite au chapitre de la "non-monnayabilité" des
congés de maladie restait dans les enveloppes des commissions scolaires
sous forme d'un coussin possible. Au moment où nous cherchions par tous
les moyens à réduire nos coûts, ayant identifié ce
montant additionnel, nous avons cru bon de le prélever.
M. Ryan: Très bien. Au cours de l'année 1984-1985,
ce serait la source de la somme de 32 000 000 $ que vous prévoyez.
M. Bérubé: C'est cela. En 1984-1985, c'est le
même montant de trop-perçu dans le budget des commissions
scolaires qui est prélevé.
Règles budgétaires
M. Ryan: Maintenant, cela nous amène - veuillez
m'interrompre, M. le Président, si mon temps est écoulé -
à la question des règles budgétaires. Vous avez
envoyé un document aux commissions scolaires au début de la
présente année, en janvier 1984. Les commissions scolaires,
autant certaines commissions individuelles que la Fédération des
commissions scolaires catholiques, en particulier... Je ne sais pas si
l'association des commissions scolaires protestantes vous a écrit
également, mais la Fédération des commissions scolaires
catholiques vous a adressé, en date du 8 mars, une communication dans
laquelle elle vous faisait de nombreuses représentations au sujet des
mesures qui tendent à restreindre encore davantage les horizons des
commissions scolaires en matière financière et administrative.
J'aurais aimé savoir de vous, en partant des recommandations qui vous
ont été soumises, si vous entendez donner suite à ces
recommandations ou si vous avez décidé d'appliquer
littéralement les règles budgétaires comme vous les aviez
conçues et où vous en êtes.
On peut commencer par la première, si vous voulez; je ne sais pas
si tout est décidé, s'il y aura des modifications
là-dessus. Vous pouvez nous le dire brièvement, mais il y a de
nombreuses demandes qui vous ont été soumises par les commissions
scolaires. Ce ne serait pas très long de les repasser pour qu'on sache
s'il y a des chances d'amélioration ou si tout est pris dans le
ciment.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, n'ayant pas
examiné en détail chacune des demandes des commissions scolaires,
tout ce que je me contenterai de dire, c'est qu'elles ont été,
effectivement, analysées une à une. Il n'y a évidemment
pas place pour une augmentation globale du niveau des ressources, mais
certainement pour une multitude de réaménagements qui sont
soulignés ici et là dans les demandes des commissions scolaires
et auxquelles on peut faire raison.
M. Ryan: Je vais prendre quelques exemples, si vous me le
permettez. Elles vous disent: On voudrait que vous assuriez les ressources
nécessaires pour payer les
manuels scolaires promis aux élèves du Québec. On a
de nouveaux programmes en quantité, les manuels se font attendre quelque
peu, mais il va y en avoir. Une des représentations que nous avons
entendues à maintes reprises, c'est qu'on n'avait pas donné aux
commissions scolaires les ressources budgétaires nécessaires pour
répondre vraiment aux besoins de ce côté-là. On a
donné une allocation spéciale, l'an dernier; je pense que
c'était de l'ordre de 15 000 000 $, si mes souvenirs sont bons. Mais
quels sont vos projets de ce côté?
C'est écrit, à part cela, dans le régime
pédagogique, que pour chaque programme il faut un manuel. Je pense que
quelqu'un d'entre vous a dit, récemment, qu'on allait maintenir cette
règle. Mais ces manuels sont mis dans les mains des élèves
gratuitement. Si vous ne donnez pas d'allocation aux commissions scolaires
correspondant aux coûts encourus, cela veut dire, encore là, que
vous les obligez à rogner sur d'autres dépenses qui sont souvent
absolument inévitables. Alors, quelle est votre politique sur ce point,
les manuels scolaires, par exemple?
Je vous donne un autre point, la sécurité d'emploi. Vous
leur avez transféré une grosse partie du coût des mesures
de résorption qui ont été nécessitées par
les décrets et par l'acceptation des rapports de conciliation. Est-ce
que vous entendez continuer dans cette voie-là, à les gruger,
à les rogner de plus en plus, ou si vous entendez écouter les
représentations qui vous sont faites à ce sujet?
Il y a un autre point que je vous souligne, les mesures...
M. Bérubé: M. le Président...
M. Ryan: ...d'indexation pour les augmentations de
clientèle. Si vous me le permettez, je vais vous donner juste un
troisième exemple. L'indexation pour les augmentations de
clientèle commençait à 2%, si mes souvenirs sont bons. On
porte cela, cette année, à 3,5%. Il y a des
représentations qui vous ont été faites par la commission
scolaire de Saint-Eustache à ce sujet. Est-ce que vous allez en tenir
compte? C'est évident que, si l'on porte cela à 3,5% une
commission scolaire qui est en bas de ce niveau n'aura pas l'indexation qu'il
faut pour certains postes de dépenses. Est-ce que je pourrais avoir des
précisions sur ces points-là?
Il y a bien d'autres facteurs. Vous avez reçu des
représentations très détaillées, extrêmement
sérieuses à part cela. On aimerait savoir quelle est votre
politique; il me semble que c'est le moment pour le dire et on n'aura pas
beaucoup de temps pour le savoir.
M. Bérubé: De toute façon, les règles
définitives de financement des commissions scolaires ne sont pas
envoyées avant la fin d'avril. Nous sommes également à
examiner tout le problème de la tâche d'enseignement; nous ne
sommes donc pas prêts à donner une position finale concernant les
règles de financement puisqu'un bon nombre de paramètres n'ont
pas encore été déterminés. Tout ce que nous pouvons
dire, c'est que nous prenons note des interventions, d'une part, et, d'autre
part, nous indiquons très clairement que l'enveloppe globale est fixe.
Elle peut être réaménagée, mais elle est fixe.
M. Ryan: J'aimerais demander au ministre si les
représentations de la commission scolaire de Saint-Eustache, en
particulier - représentations très précises portant sur
des points clairement identifiés -sont exactes ou si elles
procèdent d'une fausse interprétation des faits.
M. Bérubé: M. le Président, tout ce que je
pourrais vous dire en ce qui concerne la commission scolaire de Saint-Eustache,
c'est que c'est sans doute une commission scolaire de grande importance, mais
le ministère a fait porter son analyse non pas sur les
considérations seules de la commission scolaire de Saint-Eustache, mais
sur un regroupement de consultations menées auprès de l'ensemble
des commissions scolaires, ce qui nous amène à dégager
éventuellement des idées maîtresses de force dans les
représentations des commissions scolaires.
Concernant la date de présentation du budget, je pourrais vous
faire la synthèse des principaux sujets traités par les
commissions scolaires et, dans certains cas, les commentaires du
ministère concernant l'attitude qu'il compte prendre. J'en ai des pages
et des pages. Je pense qu'il est extrêmement difficile d'entrer dans une
analyse très détaillée de toutes les règles de
financement des commissions scolaires, en connaissant la complexité,
mais si le député d'Argenteuil veut soulever un point particulier
on pourra essayer d'y répondre.
M. Ryan: Volontiers! Je peux vous donner deux ou trois exemples,
si vous me le permettez, M. le Président.
On vous dit qu'il nous paraît inacceptable que les règles
budgétaires n'assurent pas le plein financement de plusieurs mesures
provenant du ministère de l'Éducation et dont il impose
l'application aux commissions scolaires. Cela ne regarde pas seulement
celle-ci, la commission scolaire dont je parle. Je la prends à titre
d'exemple et ce n'est pas du tout parce qu'elle aurait un problème
spécial au sujet duquel je viendrais implorer votre bienveillance; ce
n'est pas cela du tout, ce
sont des problèmes d'intérêt général.
Pour n'en mentionner que quelques-uns, elle cite l'exemption de l'enseignement
religieux, l'enseignement à domicile, les cours spéciaux, les
mesures d'accueil, etc.
M. Bérubé: Si on veut décomposer la question
du député d'Argenteuil en des éléments auxquels on
peut apporter une réponse, il a, dans les exemples soulevés,
souligné des problèmes tantôt de personnel et tantôt
possiblement d'autres coûts de fonctionnement, autres que de
personnel.
Dans le cas du personnel, s'appliquent les compressions prévues
au titre de l'augmentation de la tâche et les taux d'augmentation des
salaires prévus dans les conventions collectives. Ces dépenses
sont donc entièrement financées; il n'y a pas de sous-financement
à ce chapitre, au chapitre du personnel, ce qui représente 80%
à 85% des coûts des commissions scolaires.
Au chapitre des autres coûts, il y a une indexation des
dépenses d'énergie et une compression dans la croissance des
autres dépenses qui est effectivement appliquée, comme on a
d'ailleurs appliqué à l'ensemble des dépenses
gouvernementales un certain pourcentage de compression dans le but d'inciter
à un accroissement de la productivité. (17 heures)
M. Ryan: M. le Président, une remarque et j'aurai
terminé sur ce sujet. Voici ce que je trouve bizarre. D'un
côté, je pense que nous sommes d'accord pour considérer que
l'augmentation de la clientèle est un objectif très louable pour
notre système d'enseignement, à tous les niveaux. Nous voulons
que le plus de personnes possible entrent dans le système
d'enseignement. Or, lorsqu'il y a une augmentation de la clientèle, vous
dites: On va augmenter les ressources seulement dans une proportion
limitée. Aux commissions scolaires, vous dites, comme je le mentionnais
tantôt: Si vous avez une augmentation inférieure à 3,5%,
vous n'aurez pas le même genre d'aide financière. Quant aux
universités et aux collèges, on en reparlera, c'est le même
principe qui s'applique. Ne trouvez-vous pas que, lorsqu'il y a une
augmentation de la clientèle, vous devriez au moins augmenter les
subventions en conséquence?
M. Bérubé: Aux niveaux primaire, secondaire et
collégial, il y a un ajustement automatique, eu égard aux
contraintes de réduction des coûts que peuvent représenter
les modifications aux conditions de travail devant prévaloir
l'année prochaine.
M. Ryan: Je vais vous lire ce qu'il y a dans la lettre que cette
commission scolaire vous a adressée: "L'allocation prévue pour
les commissions scolaires en croissance rapide et soutenue serait
réservée aux commissions scolaires dont le taux moyen de
croissance est égal ou supérieur à 3,5% au lieu de 2%.
Cela nous apparaît une mesure d'évitement pour le ministère
de l'Éducation qui semble ainsi vouloir se dérober à son
obligation de subvenir raisonnablement aux besoins de ses commissions
scolaires".
M. Laplante: J'aurais un commentaire à ce sujet, M. le
Président.
Le Président (M. Charbonneau): Oui, allez-y.
M. Laplante: II y a une variante entre la baisse de
clientèle et l'augmentation. On a dit 14% ce matin sur une baisse de 20%
du budget.
Le Président (M. Charbonneau): Pendant que le ministre
consulte ses sous-ministres, j'aimerais signaler aux membres de la commission
qu'il nous reste moins d'une heure pour l'étude du programme 4. Nous
avons déjà consacré beaucoup de temps à ces
questions fort importantes, mais qui appellent beaucoup de conciliabules,
semble-t-il.
M. Rousseau: Si vous me le permettez, dans la question
posée concernant le financement qui correspondrait au coût
réel, il y a une question de fond qu'il faut d'abord regarder. Depuis
1979-1980, depuis la conférence Québec-commissions scolaires, il
a été convenu, avec l'accord des commissions scolaires, que le
ministère de l'Éducation cesserait de financer après avoir
reçu les factures des commissions scolaires, mais prévoirait une
enveloppe globale fermée pour les commissions scolaires, avec des
sous-enveloppes transférables. Ceci veut dire que la commission scolaire
de Saint-Eustache, comme les autres commissions scolaires, reçoit une
envelopppe qui correspond à un coût historique ajusté, en
tenant compte des caractéristiques spéciales de cette commission
scolaire, si celle-ci, comme d'autres, avait des classes d'accueil, des
exemptions de l'enseignement religieux ou de très petites écoles
où il fallait ajouter du personnel supplémentaire. Mais à
partir du moment où la photographie a été prise en
1979-1980, photographie qui a été reprise en 1981-1982, la
commission scolaire reçoit cette enveloppe qui correspond à ses
données historiques. C'est transférable. Voilà qui
répond à la question relative à l'exemption de
l'enseignement religieux, à la classe d'accueil et autres.
Concernant le financement qui tient compte de la croissance de la
clientèle, comme il a été indiqué tantôt,
lorsque le nombre d'élèves augmente, le nombre d'enseignants doit
nécessairement et
obligatoirement augmenter. Il s'agit donc d'une enveloppe tout à
fait ouverte et l'équation est parfaite. C'est à partir de la
clientèle étudiante au 30 septembre que se fixe le nombre
d'enseignants.
Pour ce qui concerne les autres personnes et les autres coûts, il
va de soi qu'il n'y a pas un lien direct entre la croissance de la population
scolaire et les coûts d'énergie, des directeurs d'école,
des secrétaires, des professionnels de l'enseignement, des conseillers
pédagogiques ou autres. Qu'il y ait 100 élèves de plus ou
de moins, le directeur d'école coûte la même chose, la
secrétaire aussi, de même que le chauffage, l'entretien et autres.
Ceci veut dire que bon an, mal an, la règle qui a permis aux commissions
scolaires - il faut le dire, finalement - de faire même des surplus
indique, à l'article 2 qui couvre le personnel autre que les enseignants
et à l'article 3 qui couvre les autres coûts, chauffage,
entretien, etc., que le financement tient compte de 50% de la croissance de la
population scolaire.
Cependant, lors de la consultation, des commissions scolaires ont
indiqué que cette règle pouvait être injuste pour cette
commission scolaire parce que la croissance était vraiment très
accélérée. Dans ces cas-là, lorsque la croissance
est très accélérée, lorsque le financement de 50%
pour le personnel autre et les coûts autres est insuffisant, il y a une
allocation supplémentaire. C'est une allocation supplémentaire
qui s'applique donc dans le cas d'une croissance très
accélérée de la population. Pour les autres, la
règle des 50% semble avoir été satisfaisante, quand on
regarde l'état de santé financière des commissions
scolaires.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le sous-ministre.
Je voudrais aborder maintenant un autre sujet qui concerne le programme 4,
juste au niveau de l'alternance.
Sur le même sujet, monsieur...
M. Leduc (Saint-Laurent): Si je comprends bien, quand on regarde
l'article 3, vous avez parlé de l'historique tantôt, mais je ne
pense pas qu'on puisse parler d'historique quand on parle d'autres coûts.
Si je comprends bien, le pourcentage d'augmentation serait de 1,9%.
Une voix: Cela dépend de l'historique.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est cela? Comment concilier 1,9% avec
le taux d'indexation que nous allons connaître cette année, en
1984-1985, de 5%? Je veux bien que l'on me dise qu'il y a peut-être
d'autres facteurs, mais si on parle d'acheter de l'huile ou d'autres
dépenses, d'autres coûts, puisqu'on ne parle pas d'enseignants, je
pense bien qu'il faut chauffer les établissements scolaires, alors je ne
vois pas du tout comment ces commissions scolaires pourront fonctionner,
arriver à boucler, avec une augmentation de 1,9% alors que l'on
prévoit une indexation de 5%. De plus, on ne paie pas les manuels
scolaires, ni non plus le matériel didactique. Je me demande, grand
Dieu, quelle sorte de miracle les commissions scolaires vont être
obligées de faire pour arriver. Moi, je pense que c'est absolument
inacceptable d'accorder une augmentation de 1,9% quand l'indexation est de 5%.
Je ne sais pas, là.
M. Bérubé: Si vous regardez l'évolution des
autres coûts, que vous pouvez consulter à la page 30, vous verrez
que les autres coûts, en 1983-1984, étaient de 300 800 000 $ pour
passer à 312 700 000 $, c'est-à-dire une augmentation de l'ordre
de 4%.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord, mais, évidemment, je
pense que l'on doit y inclure les fameux montants payés par
anticipation.
M. Bérubé: Non, c'est complètement à
l'extérieur de cela. Vous avez donc une augmentation de 3,9%. Si, de
plus, vous tenez compte du fait qu'il y a une réduction de la
clientèle globale, légère, mais néammoins
réelle, vous retrouvez des taux de croissance compatibles avec ce qui se
passe dans le système. Il y a une certaine compression aussi.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais vous ne pensez pas qu'il faudrait
au moins aller jusqu'à l'indexation de 5% qui est prévue pour
l'année 1984-1985?
M. Bérubé: D'abord, il n'y a pas de
prévision de 5% d'inflation pour l'énergie, à l'heure
actuelle, au Canada. Par conséquent, si on devait donner 5%
d'augmentation, comme vous le suggérez, on couvrirait plus que les
dépenses réelles encourues et on ferait porter le poids de cette
erreur de prévision sur d'autres secteurs. Soulignons, en passant, que
60% de cette enveloppe est consacrée à l'énergie et on
prévoit une indexation, cette année, de 2% pour les
dépenses énergétiques. Par conséquent, il vous
reste une marge de manoeuvre pour les autres dépenses.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que ça
va?
M. Bérubé: Évidemment, je suis
désolé que l'inflation ne soit pas plus élevée que
cela, mais...
Le Président (M. Charbonneau): Sur le même sujet, M.
le député.
M. Laplante: Non, sur un autre sujet. Vu qu'on a fini
l'élémentaire et le secondaire, on peut en prendre un autre.
Avez-vous l'intention de construire plusieurs écoles durant la prochaine
année, comme à Mascouche et aux endroits où il y a...
M. Bérubé: Vous voulez savoir dans quels
comtés?
M. Laplante: Non, pas nécessairement. Si vous le savez,
tant mieux!
M. Bérubé: Oui, on a cela quelque part. On a
quelque chose sur le nombre d'écoles. Un instant, je vais essayer de
vous...
M. Laplante: Elles ont de la misère à arranger
leurs horaires, il y a trop d'enfants.
M. Bérubé: Je vais essayer de vous trouver la liste
des écoles que j'ai vue quelque part en feuilletant ce volumineux
dossier.
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. Charbonneau): Oui.
M. Ryan: ...je ne sais pas si cela peut être utile au
ministre, mais dans les renseignements qu'il m'a fait tenir il y a un document
intitulé: Plan d'investissements 1981-1984, projets approuvés et
projets à l'étude au 1er avril 1984.
Le Président (M. Charbonneau): On pourrait peut-être
demander un dépôt de documents.
M. Ryan: Oui, je le mets à votre disposition, c'est
public. J'ai fait mon devoir. Il ne se le rappelle même pas.
M. Bérubé: Je ne sais pas si l'école de
Mascouche y est incorporée, mais je n'ai pas l'impression qu'elle y est
pour l'instant. Je continue ma fouille. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il
s'agit d'un budget de 6 000 000 000 $ et que, par conséquent...
M. Laplante: ...vous êtes là-dedans, monsieur.
M. Bérubé: Je suis incapable de vous trouver cette
fiche...
M. Laplante: Dans l'investissement.
M. Bérubé: ...que j'avais demandé que l'on
me prépare et qui portait sur les projets de construction. Dans les
projets approuvés, je regarde à Mascouche. Non, le projet de
Mascouche est toujours sous étude. Il n'y a pas de
décision de prise.
M. Laplante: Combien d'argent y a-t-il, cette année, en
investissement? Qu'est-ce que vous avez dans vos projets? (17 h 15)
M. Bérubé: Le budget global est de 260 000 000 $,
mais il faut faire le partage. J'ai 220 000 000 $, à la page 36, au plan
des équipements globaux. Alors, vous avez, en 1984-1985, des
déboursés en parachèvement, vous avez l'entretien des
équipements actuels, un programme d'investissements pour
améliorer l'équipement dans nos commissions scolaires en ce qui a
trait à la formation professionnelle des jeunes. Si le projet de
Mascouche devait être approuvé au Conseil du trésor, il
serait incorporé dans la section Ajout d'espace.
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. Charbonneau): Une question additionnelle
sur le même sujet...
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Charbonneau): ...pour des cas de
comté.
M. Bérubé: Est-ce que vous avez une école
également, M. le député d'Argenteuil?
M. Ryan: Le ministre a-t-il été saisi d'un
problème urgent d'agrandissement et de modernisation qui se pose aux
deux écoles qui sont à Grenville? On a besoin d'un gymnase et de
la modernisation des locaux qui ont été trouvés
désuets par la direction régionale du ministère,
d'ailleurs. Est-ce que ce projet...
M. Bérubé: Grenville.
M. Ryan: Ce n'est pas rendu jusque chez vous?
M. Bérubé: Non. Dans les projets qui sont
présentement à l'étude, je n'ai pas Grenville. Quelle
commission scolaire?
M. Ryan: La commission scolaire du Long Sault.
M. Bérubé: Non. M. Ryan: D'accord.
Matériel didactique
Le Président (M. Charbonneau): Je voudrais, M. le
ministre, ouvrir un autre chapitre de la discussion, mettant fin ici,
maintenant, au règlement des cas de comté et suggérant aux
autres membres de la
commission qui auraient des cas particuliers de profiter de la
présence des fonctionnaires pour les vérifier.
Je voudrais plutôt aborder, M. le ministre, la question des outils
pédagogiques dans le document que vous nous avez fait parvenir
concernant l'évolution du cadre pédagogique. À deux
endroits, on y fait un aveu important et, compte tenu des remarques qui nous
sont faites par les enseignants qu'on a l'occasion de rencontrer tant au niveau
primaire qu'au niveau secondaire, il semble se poser un problème
important au niveau du rythme de livraison et de production du matériel
pédagogique, en particulier des manuels scolaires. Est-ce qu'il serait
possible de connaître un peu l'état de la situation? Il semble que
vous en soyez conscient puisque vous en parlez vous-même dans le cahier
de l'étude des crédits du ministère. Ce qu'il serait
intéressant de connaître, ce sont les intentions du
ministère à l'égard de ce problème particulier,
celui des manuels qui ne sont pas disponibles actuellement et qui sont en
retard dans la production, dans la livraison.
On a parlé tantôt des règles budgétaires et
des surplus dans les commissions scolaires. Je pense que le
député d'Argenteuil a ouvert une porte également, en
posant certaines questions de nature financière quant à la
problématique de la livraison, en temps nécessaire, des manuels
scolaires. Ce que j'aimerais connaître, d'abord, face à ce
problème que vous avez identifié comme étant important
-puisqu'à deux endroits, en pages 9 et 11, vous en parlez - c'est ce que
le ministère de l'Éducation entend faire pour
accélérer le règlement de cette situation.
M. Bérubé: Lorsque l'on parle de la
disponibilité du matériel didactique, il faut toujours distinguer
entre cette disponibilité sur le marché et l'achat, par la
commission scolaire, des manuels en question. Il peut arriver qu'une commission
scolaire, pour toutes sortes de raisons, n'ait pas fait l'acquisition de
certains manuels et, par conséquent, ne puisse les mettre à la
disposition des enseignants pour faciliter l'encadrement de l'enseignement.
Là, c'est un problème local.
Évidemment, on pourra toujours se renvoyer la balle en disant que
l'allocation pour autres coûts est insuffisante pour couvrir de tels
coûts; cela est possible. Il faut dire aussi, en contrepartie, qu'on
pourra invoquer l'existence de taxes locales pour financer de tels achats et
l'existence de surplus budgétaires accumulés dans les commissions
scolaires pour permettre, également, de tels achats. Donc, on pourra
plaider la réelle disponibilité de fonds. Certes, si on veut tous
les acheter ensemble, la même année, il pourrait y avoir des
problèmes.
Distinguons, pour la commission scolaire, le problème de sa
capacité financière à se procurer tous les manuels au
moment voulu. Distinguons donc ce problème, ce cas de figure particulier
d'un autre qui, lui, serait la disponibilité théorique. Or,
lorsque l'on examine l'essentiel des nouveaux programmes,
particulièrement au primaire, il nous faut bien constater qu'en
général, dans la bonne majorité des cas, le
matériel didactique a déjà été
approuvé. Il existe. J'ai sous les yeux, par exemple, anglais, langue
seconde, où, effectivement, nous avons des manuels qui ont
été approuvés; en mathématiques, pour le programme
de juillet, nous avons une liste de manuels didactiques approuvés; en
sciences humaines, c'est la même chose. Je continue, en français,
langue maternelle, nous avons également des manuels didactiques. Nous
avons toute une liste de manuels et je peux continuer. En fait, si je fais le
tour des programmes, je dois constater que, dans la très grande
majorité des nouveaux programmes, nous avons des manuels
disponibles.
Je constate cependant, en français, langue maternelle, secondaire
II, qu'il n'y a pas encore de matériel disponible actuellement. Il y a
donc un certain nombre de cours, comme l'enseignement moral, premier cycle,
où nous n'avons pas de matériel disponible actuellement. En
latin, nous n'avons pas de matériel disponible. Par contre, en histoire
générale, il n'y a pas vraiment de problème. En secondaire
III, français, programme qui devrait entrer en vigueur en juillet 1984,
nous n'avons pas encore de matériel disponible. En parcourant cela
très vite, j'aurais l'impression que, peut-être, 80% ou 90% des
programmes ont déjà des guides pédagogiques
complétés depuis assez longtemps, en général.
D'autre part, ils peuvent bénéficier d'un matériel
didactique approuvé par le ministère qui existe donc sous forme
de manuels imprimés chez les éditeurs québécois ou
d'ailleurs.
Le Président (M. Charbonneau): Mais quand vous donnez ces
pourcentages, vous parlez surtout du primaire ou du secondaire?
M. Bérubé: Je fais le tour, primaire et secondaire.
Donc, dans l'ensemble, on pourrait dire que le matériel
pédagogique devrait être disponible en ce moment, si je regarde
les différents programmes. Effectivement, il semble que, dans
l'ensemble, ce pourrait être jugé satisfaisant. Mais, comme je
vous le soulignais - je prenais le cas du français, langue maternelle -
en secondaire II et III, effectivement, il manque du matériel. Je pense
au latin où il n'y a pas de matériel encore. Il y a donc encore
quelques matières où, de fait, le matériel didactique n'a
pas encore été
approuvé par le ministère et, par conséquent,
manquerait aux enseignants. Dans ces cas-là, c'est clair, il faudra
prendre un certain nombre de mesures et c'est ce que nous examinons
présentement à la table mixte avec les enseignants et les
commissions scolaires pour identifier plus clairement les secteurs.
Si je me résume, dans la majeure partie des programmes
gouvernementaux, les guides existent et le matériel didactique a
été approuvé. Cela ne veut pas dire, pour autant, que les
commissions scolaires se sont procuré le matériel. À titre
d'exemple, j'ai une grille que nous avons fait faire pour les différents
cours du primaire et du secondaire avec, pour chaque région
administrative du Québec, l'expression, de la capacité de
l'ensemble des commissions scolaires du territoire, à implanter de tels
programmes à l'heure actuelle. Je dois constater, malheureusement, que
ma région n'est pas au premier rang, mais dans la région 01 les
commissions scolaires estiment à 94,6% qu'elles peuvent, à
l'heure actuelle, implanter les nouveaux programmes. Elles en ont les moyens.
Il en va de même dans la région 08. J'ignore de quelle
région il s'agit, mais le taux augmente à 97,5%. Par contre, dans
une région comme Montréal, le taux baisse à 68%. Le
problème de la capacité d'une commission scolaire à
implanter un nouveau programme semble donc varier d'une région à
l'autre. Deuxièmement, dans certains programmes particuliers, il faut
reconnaître qu'il n'y a pas, à l'heure actuelle, de
matériel didactique approuvé. Il y a donc deux problèmes
combinés, mais il faut vraiment faire le partage des causes lorsqu'on
analyse la question du matériel didactique.
Le Président (M. Charbonneau): Mais serait-il possible, si
on voulait bien répondre aux interrogations des enseignants qui viennent
nous voir, d'avoir une liste, à la fois pour le primaire et pour le
secondaire, des programmes où on a le matériel et de ceux
où on n'en a pas, où le matériel pourrait être
disponible prochainement, d'une part? Deuxièmement, serait-il possible
d'avoir la liste des commissions scolaires ou des régions où se
présentent des problèmes particuliers?
Si on vous comprend bien, compte tenu de ce qui est également dit
dans le document sur les crédits que vous nous avez
présenté, le principal problème réside dans la
volonté des commissions scolaires de procéder rapidement à
l'achat des manuels avec les fonds dont elles disposent. Si on dit, par
ailleurs - on en a parlé ce matin ou tantôt - que les commissions
scolaires disposent de 150 000 000 $ de surplus et si vous nous dites qu'il y a
des problèmes, surtout au niveau de la volonté des commissions
scolaires de faire l'acquisition plutôt que la production
pédagogique, il y a un problème particulier qui...
M. Bérubé: Non, je ne parlerais pas d'une
volonté des commissions scolaires, parce que ce serait porter un
jugement de valeur qui ne serait pas soutenu par la moindre analyse rigoureuse
de ma part. Donc, on ne peut pas parler d'un manque de volonté de la
part des commissions scolaires. Je préférerais laisser à
d'autres toute interprétation de ce type.
Je me contenterai de souligner que la disponibilité des manuels
scolaires dans une école précise est fonction de deux facteurs.
L'approbation par le ministère d'un manuel à imprimer chez un
éditeur qui peut le distribuer dans l'ensemble du territoire
québécois en volume suffisant, voilà le premier
problème. Le deuxième problème, c'est la
disponibilité de fonds au moment précis de la mise en place du
programme au sein de la commission scolaire pour financer de tels achats.
À titre d'exemple, les programmes actuels n'entreront
véritablement en vigueur qu'en 1986. Évidemment, pour
éviter que tous les programmes n'entrent en vigueur en 1986, on a
proposé un étalement. Il est toujours possible, pour une
commission scolaire, d'aviser le ministère qu'elle ne peut pas
répondre à l'objectif prévu pour un programme donné
en septembre 1984, pour des raisons justifiées. À ce moment, elle
ne fait que nous en aviser; cela règle le problème. En d'autres
termes, il n'y pas d'obligation légale, à ma connaissance,
à ce qu'une commission scolaire mette en vigueur, en ce moment, un
nouveau programme.
Il faut donc que la commission scolaire planifie l'étalement de
ses achats de manuels de manière que, au fur et à mesure qu'elle
obtient le manuel nécessaire, elle mette le programme en place. Si elle
a besoin de délais additionnels, elle peut, évidemment, en aviser
le ministère.
Donc, le problème est double. On doit reconnaître que, pour
les programmes prévus en septembre 1984, j'ai l'impression que les
manuels didactiques ont été approuvés à environ
90%. Entre l'approbation par le ministère et leur disponibilité
chez l'éditeur, qui doit en imprimer un nombre suffisamment grand, qui
doit donc s'assurer auprès des commissions scolaires que celles-ci ont
bel et bien l'intention de passer des commandes, et également entre la
possibilité pour une commission scolaire de dégager le budget
juste au moment précis où elle doit faire l'achat, si la
commission scolaire a retardé quant à l'implantation d'autres
programmes et se retrouve avec trop de programmes à mettre en place
durant la même année, évidemment, elle se retrouve avec des
achats de manuels trop élevés.
Il faut bien comprendre que nous avons
un système très décentralisé où un
grand nombre d'intervenants, forts de leur autonomie, entendent bien prendre
des décisions au fur et à mesure de leurs capacités. Il
faut choisir: ou nous choisissons un système d'éducation
très centralisé et, à ce moment-là, tout
dépendra du gouvernement à Québec, ou, au contraire, on
accepte un système plus décentralisé. (17 h 30)
Des problèmes tels que la disponibilité du matériel
pédagogique deviennent, à ce moment-là, une
responsabilité conjointe tantôt du gouvernement, par sa lenteur
à donner certaines approbations et à être responsable de
l'absence de matériel, tantôt ici, quand il s'agit des commissions
scolaires, lorsque celles-ci retardent les décisions d'achat et font en
sorte que leurs enseignants n'ont pas le matériel nécessaire.
C'est un problème plus complexe.
Il va me faire plaisir de vous remettre la liste du matériel
didactique qui est disponible pour les programmes que l'on prévoyait
implanter en septembre 1984 dans la cédule d'implantation des nouveaux
programmes. Vous pourrez voir que dans l'ensemble les manuels existent. J'ai
même fait ajouter à cette liste, dans certains cas, du
matériel didactique approuvé avant 1983-1984 qui demeure
utilisable. En d'autres termes, le programme n'a pas été
suffisamment modifié pour justifier la création d'un manuel
complètement nouveau. Vous allez donc trouver, également, une
troisième colonne vous donnant ce type de matériel qui
était disponible antérieurement et qui peut toujours faire
l'affaire. Vous allez trouver une grille additionnelle qui présente les
résultats d'une enquête auprès des différentes
commissions scolaires et qui porte plus spécifiquement sur leur
capacité à mettre en vigueur les programmes prévus en
septembre 1984.
Le Président (M. Charbonneau): Une dernière
question sur cet aspect des manuels scolaires. Est-ce qu'il est dans votre
intention de voir, avec les commissions scolaires concernées, la
possibilité d'accélérer là où c'est possible
pour que lorsqu'il y a des manuels déjà approuvés, par
exemple au mois de septembre quand les nouveaux programmes rentreront en
application, on ait les manuels? C'est la base, finalement. On se fait dire,
à chaque fois qu'on rencontre des enseignants, qu'un des
problèmes, c'est souvent qu'il n'y a pas de manuel disponible. Si on
nous dit que les manuels sont là, il y aurait peut-être une
opération particulière à amener.
M. Bérubé: La Fédération des
commissions scolaires siège au comité mixte sur la tâche,
également, à ma connaissance, elle va présenter un
mémoire devant le Conseil supérieur de l'éducation. J'ose
présumer que ses membres sont très sensibilisés, eux
aussi, à ce problème, puisqu'ils le vivent quotidiennement dans
leurs écoles. Je dois donc conclure qu'ils cherchent à
opérationnaliser le plus rapidement possible l'implantation des nouveaux
régimes. Est-ce possible de le faire partout au même rythme?
Est-ce qu'on doit rajouter un peu d'étalement dans certains cas? C'est
le genre de question qu'il va falloir examiner de concert avec les commissions
scolaires et les enseignants qui vivent ces problèmes
quotidiennement.
Le Président (M. Charbonneau): Une autre question en
corollaire. Il y a des outils pédagogiques, mais il y a la
capacité des enseignants et des éducateurs de les utiliser.
Est-ce qu'il serait possible de nous identifier quels sont les mesures ou les
efforts qui sont pris, actuellement, au niveau de la formation des
maîtres ou du recyclage des enseignants? Il y a ces outils
pédagogiques qui sont les manuels, il y a les nouveaux outils
pédagogiques qui sont les machines informatiques, les micro-ordinateurs.
Est-ce qu'il y a des efforts particuliers, en termes de recyclage et de
formation des maîtres qui sont faits? C'est là aussi un des
problèmes qu'on nous signale.
M. Bérubé: Je pense que le sous-ministre, M.
Rousseau, responsable du primaire et du secondaire pourrait, mieux que tout
autre, vous brosser un tableau des moyens mis en place pour assurer un
perfectionnement des maîtres.
M. Rousseau: Donc, au point de départ il a
été convenu, lors de la tournée qui a été
faite avec le livre vert en 1977, que les enseignants devaient disposer de
guides pédagogiques de manière à pouvoir assurer le plus
possible leur propre autoperfectionnement. C'est pour cela que pour chaque
programme d'études il y a un guide pédagogique qui propose toutes
sortes d'avenues. Ces guides pédagogiques sont préparés
par les enseignants qui ont déjà expérimenté ces
projets de programmes et qui proposent, à toutes fins utiles, une forme
d'autoperfectionnement pour l'enseignant.
Deuxièmement, les commissions scolaires, à même leur
budget de perfectionnement, utilisent abondamment les journées
pédagogiques pour assurer une implantation de ces programmes
d'études.
Troisièmement, le ministère de l'Éducation
prévoit dans ses budgets un montant de 2 000 000 $ de soutien
pédagogique qui, en général, est plutôt
utilisé par les directions régionales, par un mode que l'on
appelle coopérative avec les commissions scolaires et ce sont les
enseignants ou les conseillers pédagogiques
des commissions scolaires qui organisent ou qui offrent des sessions aux
enseignants avec ces budgets. La règle de l'art que nous tenons à
respecter, c'est qu'il n'y ait pas de programme qui devrait s'implanter s'il ne
s'est pas écoulé une année entre le moment où le
programme et le guide pédagogique sont parus et le moment où la
commission scolaire décide d'implanter le programme. Il y a des cas
où il faudra mettre plus de temps, il y en a d'autres où cela
peut se faire plus rapidement.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce possible
d'identifier, car nous sommes aux crédits, les sommes globales que le
ministère de l'Éducation consacre au perfectionnement des
maîtres ou au recyclage des enseignants?
M. Rousseau: Dans les budgets de perfectionnement pour ces
fins-là, si je prends le perfectionnement relié à la
micro-informatique pour 1984-85, il y a un montant de 1 200 000 $ qui est
prévu en allocations supplémentaires. Ce montant découlant
maintenant des conventions collectives pour les enseignants de 141 $ par
enseignant, ce qui totalise un montant de 8 300 000 $ utilisé par les
commissions scolaires.
Il y a également le perfectionnement des maîtres de
l'enseignement professsionnel qui est de l'ordre de 200 000 $ qui sert à
la mise à jour pour répondre à des programmes
particuliers. Il y a également des perfectionnements organisés
pour les animateurs de pastorale, pour les enseignants catholiques et
protestants, pour les fins d'implantation de programmes de l'ordre de 180 000
$. En ce qui concerne les cadres et les professionnels, ainsi que les
enseignants qui sont dans des régions éloignées, le budget
de perfectionnement est de l'ordre 1 600 000 $, à part les 2 000 000 $
mentionnés plus tôt lequel sert dans des formules
coopératives à assurer l'implantation des programmes, toujours
comme source de perfectionnement des enseignants.
Le Président (M. Charbonneau): Cela ne comprend pas les
montants payés pour les enseignants qui sont à
l'université.
M. Rousseau: Cela ne comprend pas la formation universitaire.
Non, c'est certain. Cela est uniquement à partir de nos programmes 2 et
4, des montants qui sont alloués aux commissions scolaires pour fins de
perfectionnement. Mais si les universités -c'est leur rôle - dans
le cadre des facultés de sciences de l'éducation ou dans le cadre
des facultés de l'éducation permanente ou autres, offrent des
services de perfectionnement, elles sont financées à même
leur propre enveloppe. Elles peuvent exiger un montant par crédit et ces
montants-là sont donc défrayés par les commissions
scolaires.
M. Bérubé: J'aimerais, M. le Président, en
même temps déposer à cette commission, même si
j'ignore les règles... peut-on déposer des documents?
Le Président (M. Charbonneau): Oui, avec mon consentement
vous pouvez le faire, paraît-il.
M. Bérubé: J'aimerais déposer le document
demandé concernant la disponibilité de matériel
pédagogique et la capacité pour les commissions scolaires, en
septembre 1984, d'implanter ces nouveaux programmes.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.
M. le député d'Argenteuil.
Enseignement des sciences
M. Ryan: En page 10 du cahier explicatif, on indique, entre
autres, que les programmes de mathématiques et de sciences, pour
secondaire IV et V, ne seront implantés qu'en 1988. Cela marque des
retards par rapport à l'échéancier que vous aviez transmis
l'an dernier.
Je me souviens que, l'an dernier, on avait dit que, pour les programmes
de sciences et de mathématiques, il y avait un problème
d'arrimage qui se posait avec le collégial. Je voudrais savoir comment
vous expliquez le retard qui est arrivé. Est-ce que vous ne trouvez pas
qu'il faudrait mettre un peu plus d'urgence dans ces disciplines qui sont si
importantes pour le virage technologique? Parce que le virage technologique, ce
n'est pas seulement des appareils, comme aime à nous le dire le
ministre; c'est le développement scientifique qui pourra, dans tous les
champs de connaissances, faire usage des meilleurs instruments disponibles.
Je continue dans la même veine. J'ai deux ou trois questions
précises là-dessus. Pourrait-on nous indiquer également la
nature des travaux qui peuvent être en cours en vue de résoudre la
difficulté? J'aimerais qu'on me précise également si le
programme de physique 1 et 2, qui devait être appliqué
obligatoirement en juillet 1985, doit toujours l'être à cette
date, parce qu'il n'en est pas question dans la liste qu'on trouve dans le
cahier explicatif.
Je voudrais également avoir des précisions sur le cours de
chimie dont j'apprends qu'il aurait subi de nombreux retards et qu'une nouvelle
équipe aurait été formée pour compléter la
rédaction. Où en est-on par rapport à ce projet de cours?
Ensuite, j'aurais une autre question: l'échéancier concernant
l'informatique.
M. Rousseau: À l'égard de l'enseignement des
sciences, vous vous souvenez sûrement, lors de la dernière
défense des crédits, que le ministre de l'Éducation avait
indiqué une certaine inquiétude concernant l'état d'un
certain nombre de programmes. Il y a eu énormément de
réflexion et de critique à l'égard du régime
pédagogique considérant que le temps consacré à
l'enseignement des sciences semblait être moins important au
Québec que dans les autres provinces canadiennes. Il y a donc eu une
proposition de modification au régime pédagogique et un avis a
été demandé au Conseil supérieur de
l'éducation. Cette modification entraînerait donc
nécessairement au programme d'étude, en physique, en chimie et en
sciences, un cours de sciences générales regroupant la physique
et la chimie en secondaire IV et offrant des cours à option en
secondaire V. Il y a donc une révision des programmes actuels par une
croissance du temps consacré à l'enseignement de cette
matière et également par une continuité qui puisse
permettre, selon l'expression qu'on utilise, un meilleur arrimage avec
l'enseignement collégial.
Maintenant, pour l'implantation en 1988, puisque les programmes sont en
train d'être réalisés, s'ils sont terminés l'an
prochain -ce qui nous mène en 1985 - les commissions scolaires pourront
les appliquer immédiatement. Comme je l'ai indiqué tantôt,
notre règle de l'art est qu'on n'impose pas mais, avant d'imposer
l'implantation d'un programme, on exige que le maître puisse avoir en
main le programme et le guide pédagogique également. Mais une
commission scolaire voulait accélérer le processus
d'implantation, comme plusieurs l'ont fait dans des matières pour
lesquelles le guide pédagogique n'était absolument pas
complété, elles pourront toujours le faire. En termes
d'obligation, il a été convenu qu'on respecterait les enseignants
de manière à pouvoir leur fournir l'ensemble de la documentation
avant de créer l'obligation.
M. Bérubé: J'ajouterais une considération
politique autour de la question du député d'Argenteuil, dans sa
demande pour accélérer l'implantation de nouveaux programmes.
J'ai cru déceler une demande fréquente, entendue de part et
d'autre, pour l'implantation plus rapide d'un programme, que ce soit
l'économie familiale, l'initiation à la technologie, l'initiation
à l'informatique. Les pressions sont perpétuelles pour qu'on
implante de nouveaux programmes et surtout vite.
Ce que nous discutons justement, présentement, à notre
comité mixte sur la tâche, c'est ce problème de trop, trop
vite. En fait, chaque recommandation part d'un bon naturel. Le
député d'Argenteuil n'a pas fait cette suggestion sans y avoir
pensé à l'avance. Je pense qu'il est préoccupé par
la formation scientifique au niveau secondaire et aimerait que l'on atteigne un
haut niveau le plus rapidement possible. C'est toujours à partir de ces
bonnes intentions que l'on se retrouve généralement avec un
problème opérationnel d'un grand nombre de programmes à
mettre en place trop vite.
M. Ryan: Je crois que le ministre fait erreur: il m'impute des
suggestions que je n'ai jamais faites. J'ai posé des questions
précises auxquelles j'ai reçu des réponses qui m'ont
satisfait. Je n'ai pas parlé de cours d'économie familiale,
d'introduction à la science informatique. Je vais vous en parler
à propos de l'enseignement privé parce que, là, il y a
quelque chose.
Vous donnez des avantages aux institutions du secteur public que vous
refusez très souvent aux institutions du secteur privé, en
particulier dans trois disciplines qui sont exactement celles que vous avez
nommées. On aura l'occasion d'y revenir un peu plus tard, mais je n'ai
exprimé aucune espèce d'opinion en rapport au cheminement de ces
trois disciplines dans le secteur public dont nous discutons maintenant.
Les questions que j'ai posées portaient sur la physique, les
sciences, les mathématiques, la chimie, etc. On aura l'occasion d'en
reparler, M. le ministre. C'est un malentendu mineur, celui-là, à
comparer avec d'autres.
Dans la même veine, on peut rattacher à ce qu'a
soulevé le président de la commission tantôt, toute la
question des programmes; évidemment la politique informatique du
gouvernement. Je ne veux pas l'aborder sous des aspects plus politiques qui
sont présentement l'objet d'échanges de vues à
l'Assemblée nationale proprement dite. Ce qui m'intéresse de
connaître ici aujourd'hui, c'est le cheminement de
l'échéancier qu'on nous avait soumis l'an dernier. L'an dernier -
les collaborateurs du ministre s'en souviendront - nous avions insisté
pour obtenir un échéancier précis, c'est-à-dire une
explication détaillée sur le plan quinquennal, qui avait
été rendu public par le prédécesseur du ministre
actuel, en mars 1983; il l'avait complété par d'autres
interventions au cours des mois qui suivirent. (17 h 45)
On nous avait remis ce plan l'an dernier vers la fin de l'étude
des crédits. Nous n'avons pas eu le temps de l'examiner
sérieusement, à ce moment-là, parce que nous étions
contraints par les limites de temps que vous connaissez. Mais, nous avons eu le
temps de l'examiner, au cours de la dernière année. Je pense que
le ministre a eu le temps d'en prendre connaissance depuis qu'il est
responsable du dossier de
l'éducation. J'avais l'occasion de lui demander certaines
précisions dans une lettre que je lui ai adressée il y a quelque
temps. À cette lettre, il m'a répondu en me fournissant certaines
informations qui étaient tirées, évidemment, du cahier des
crédits, le livre bleu, pour l'année 1984-1985. Je lui laisserai
l'occasion de fournir ces explications, tantôt.
Mais je constatais dans sa réponse que sur les sommes qui avaient
été prévues pour une politique informatique, en 1983-1984,
il était resté un surplus de 9 231 000 000 $. Le ministre
ajoutait, à la fin de sa note, l'observation suivante: Une demande au
Conseil du trésor est actuellement en cours pour autoriser le report du
solde 1983-1984 à l'exercice financier 1984-1985, qui pourrait
être utilisé pour la formation des maîtres du réseau
primaire et secondaire pour le programme d'initiation à la science
informatique au niveau secondaire, évidemment.
Tout d'abord, je voudrais rappeler au ministre ce que j'ai eu l'occasion
d'exprimer déjà, mais je pense que c'est important de le redire
ici. Dans l'équilibre de l'affectation des ressources, pour la
première année et pour les années subséquentes, je
trouvais que les sommes réservées pour les fins proprement
pédagogiques, à commencer par la formation des maîtres, en
incluant aussi le développement de logiciels et de didacticiels, la
recherche, la production d'instruments qui puissent favoriser le
développement de la science informatique et de la formation
informatique, je trouvais que le programme qu'on nous avait
présenté, dis-je, était très sensiblement
débalancé en faveur de la quincaillerie.
Alors, je voudrais demander au ministre si des ajustements sont en train
d'être apportés à ce programme quinquennal qui nous avait
été soumis l'an dernier et de nous préciser dans quel
sens.
M. Bérubé: II n'y a pas encore de décision
ministérielle définitive quant à la
pénétration de l'informatique dans notre réseau, dans la
mesure où l'on m'a soumis un document de travail qui est un projet de
nouvelle programmation en informatique, il y a quelques jours. Malheureusement
- c'est un document qui a été préparé en mars de
cette année - je n'ai pas eu le temps d'y consacrer toute l'attention
qu'il mérite. Et on ne peut donc pas parler, à l'heure actuelle,
d'une décision à tout le moins ministérielle en ce qui a
trait à l'échéancier de pénétration de
l'informatique dans le milieu scolaire, particulièrement en ce qui a
trait à l'aspect pédagogique de l'utilisation de l'informatique
dans le cadre des programmes existants. Ce qui m'apparaît cependant plus
clair à l'heure actuelle, c'est le problème de l'initiation aux
sciences informatiques, de l'identification des clientèles susceptibles
de prendre un tel cours et des besoins du réseau pour assumer un tel
enseignement. Je pense que, à cet égard, le ministère a
certes une vue plus claire et plus facilement définissable, puisque la
clientèle est bien connue, le cours également est bien connu
ainsi que les besoins.
Si vous voulez, on peut développer cette question, la partie
pédagogique de l'informatique en milieu scolaire. Vous noterez que, dans
le budget de cette année, on prévoit des sommes de l'ordre
d'à peu près 3 500 000 $ pour la formation pédagogique et
plus particulièrement, la création de logiciels. Vous noterez
également qu'il y a tout près de 4000 enseignants qui suivent,
cette année, des cours d'introduction à l'informatique, qu'il y a
tout près de 10 000 enseignants au Québec qui ont suivi des cours
d'initiation à la science informatique. Donc, il y a un
intérêt très réel de la part des enseignants pour
une telle science, mais je ne pourrais pas élaborer beaucoup plus,
puisque nous sommes dans un secteur en plein développement,
où
Il est encore difficile de définir avec précision quels
devraient être les objectifs quantitatifs de pénétration
dans les différents programmes d'enseignement, puisqu'il y a là
une question d'adéquation entre les didacticiels et les régimes
pédagogiques eux-mêmes. Deuxièmement, il y a un
problème de formation de l'enseignant à l'utilisation de ces
didacticiels dans le cadre des cours réguliers. Finalement, il y a le
problème de la disponibilité du matériel et du didacticiel
directement dans les classes. Ce problème-là, je compte m'y
consacrer, mais j'avouerai en toute franchise que je ne l'ai pas fait
encore.
Mais si vous voulez que l'on discute des vues du ministère
à ce jour, je n'ai absolument aucune objection à ce que M.
Pronovost puisse élaborer sur ce qui s'est fait au ministère en
ce qui a trait à la pénétration de l'informatique dans le
milieu scolaire.
M. Ryan: Regardez, je pourrais peut-être vous
adresser une couple de questions supplémentaires, et puis il pourra
prendre le tout en même temps, car nous approchons 18 heures.
Vous avez fait mention, justement dans vos remarques d'un montant de 3
500 000 $ qui est inscrit dans les prévisions budgétaires.
Pardon?
M. Bérubé: II est inscrit quelque part.
M. Ryan: Oui, à la page 13, programme 4, M. le ministre.
Je trouve, à la page 35 du même programme 4, mention d'un montant
de 2 400 000 $ qui sera injecté, selon la
terminologie barbare du ministère, au budget de fonctionnement
à titre complémentaire au plan d'acquisition de matériel
micro-informatique. Évidemment, lorsqu'il est question d'acquisition de
matériel, cela nous fait frissonner un peu, étant donné
les expériences vers lesquelles le gouvernement nous a
entraînés. Je voudrais savoir si ces deux montants sont distincts
ou si le 2 400 000 $ est partie du 3 500 000 $. Je vous signale que, dans les
explications, j'ai fait un recensement de tous les endroits où il est
question de politique informatique, nous avons peut-être une quinzaine
d'endroits différents; ce n'est pas facile de se retrouver dans ce
jargon. Je ne sais pas s'il y aurait possibilité que, l'an prochain, le
cahier explicatif soit accompagné d'un index onomastique afin que nous
puissions retrouver tous les passages relatifs à un sujet. Parce que
c'est une tâche qui est pratiquement impossible pour des
députés, à moins qu'ils n'aient une volonté
terrible d'embarrasser le ministre, ce qui n'est pas notre cas.
Je remarque, par exemple, certains montants. Le premier, je croyais
comprendre qu'il était pour des fins pédagogiques, 3 500 000 $;
le deuxième, 2 400 000 $; je crois qu'il est pour l'acquisition de
matériel micro-informatique. Ma question est la suivante: Est-ce que
cela vient s'ajouter aux sommes qui étaient déjà dans le
plan quinquennal qui nous a été soumis l'an dernier pour des fins
pédagogiques? On prévoyait déjà une somme
d'à peu près 5 000 000 $ pour des fins pédagogiques.
Est-ce que cela vient s'ajouter, est-ce que c'est 3 500 000 $ plus 2 400 000 $
ou si cela fait partie de cela?
Deuxièmement, est-ce que les calculs, plus exactement les
projections qui avaient été établies pour des
dépenses aux fins d'acquisition d'équipement, de l'ordre de 34
000 000 $ pour la prochaine année, le sont indépendamment de ce
qui s'est produit en 1983-1984?
M. Bérubé: D'abord, quand je parle de 3 500 000 $
ou de 3 800 000 $, le montant exact, j'incorpore l'informatique au niveau
secondaire et au niveau collégial, alors que le montant que vous avez, 2
400 000 $, correspond au montant qui ira au niveau secondaire et porte plus
spécifiquement sur l'aspect pédagogique, recherches,
préparation de didacticiels et de logiciels.
M. Ryan: J'écoute mais je ne comprends pas.
M. Bérubé: Parfois, il y a la fatigue qui ralentit
effectivement les cellules grises.
M. Ryan: Non mais c'est parce que vous parlez d'un montant de 3
800 000 $ que nous ne trouvons nulle part. Je parle d'un montant de 3 500 000 $
que je trouve à la page 13.
M. Bérubé: À la page 13.
M. Ryan: Oui. Programme 4. Et un autre montant de 2 400 000 $ que
je trouve à la page 35. Ce sont ces montants que je voudrais voir
expliquer et non des montants qui sortent de nulle part.
M. Bérubé: C'est le même montant
exprimé tantôt en années scolaires, tantôt en
crédits.
M. Ryan: Le même montant que quoi, M. le ministre?
M. Bérubé: Pour la partie pédagogique de
l'informatique aux niveaux primaire et secondaire.
M. Ryan: Mais ma question était: est-ce que ce montant
s'inscrit dans ce qui était déjà dans le plan quinquennal
ou s'il vient s'ajouter?
M. Bérubé: Là, j'ai de la difficulté
puisqu'il faudrait que je sache à quel document vous faites
référence lorsque vous parlez du plan quinquennal qui vous a
été fourni l'année dernière. Je
préférerais que M. Pronovost réponde.
M. Ryan: Je comprends qu'on ne vous l'ait pas fourni, parce que
cela fait longtemps qu'il semble dépassé.
M. Pronovost (Jean): Le plan quinquennal représente des
prévisions qu'on avait faites l'an dernier. Le montant qu'on vient de
citer représente l'investissement que le gouvernement fait pour
l'année 1984-1985.
M. Ryan: Alors, cela va être moins...
M. Pronovost: II doit donc être compris comme faisant
partie intégrante du plan quinquennal.
M. Ryan: Alors, cela va être moins que ce qui était
prévu au plan quinquennal?
M. Pronovost: Les prévisions qu'on a faites sont sujettes
à révision.
M. Ryan: Somme évolution vers la pédagogie!
M. Pronovost: On a fait une consultation parmi les commissions
scolaires.
M. Ryan: Je suggère à M. le ministre de regarder
cela de près, parce qu'il m'a fait des leçons l'autre jour me
reprochant de me désintéresser de la pédagogie.
M. Bérubé: C'était, d'ailleurs, assez
évident.
M. Ryan: Je m'aperçois qu'en 1984-1985 il y a moins
d'argent prévu que ce qui avait été inscrit dans le plan
quinquennal l'an dernier.
M. Bérubé: Je pense que...
M. Ryan: Je ne sais pas si vous pourrez regarder cela, mais si
vous n'avez pas vu le plan quinquennal, j'aime autant qu'on n'en discute
pas.
M. Bérubé: Si je devais exprimer une opinion
concernant la pénétration de l'informatique à des fins
pédagogiques, c'en serait une de prudence. Dans la mesure où il
s'agit d'instruments nouveaux, je pense que nous devrons mesurer très
soigneusement le rythme d'implantation, de telle sorte qu'ils correspondent
véritablement à un investissement utile et non à un
gaspillage de fonds publics.
Dans la mesure où le plan quinquennal initial représentait
une première projection, je pense que le député
d'Argenteuil ne devrait pas se surprendre que nous procédions à
une réévaluation de ce plan quinquennal. Que les chiffres, une
fois réévalués, ne concordent pas nécessairement
à l'estimation initiale, il n'y a là rien de mystérieux.
Je dirais même que c'est le résultat d'une saine sagesse qui fait
que plus on approfondit une question, plus on peut assurer que les objectifs
que l'on se définit ont des chances d'être atteints.
Le Président (M. Charbonneau): Sur cette réponse,
se termine la séance de cet après-midi. Je vous rappelle que ce
soir nous allons continuer l'étude du programme 4, mais
particulièrement sous l'axe du plan d'insertion sociale et
professionnel, du plan d'action et aussi sur la politique de formation
professionnelle des jeunes. Par la suite, nous entamerons l'étude du
programme 7, c'est-à-dire l'éducation des adultes.
Je suspends les travaux jusqu'à 20 heures, ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise de la séance à 20 h 15)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît! Mesdames et messieurs, si vous voulez prendre place, nous allons
reprendre nos travaux. M. le député d'Argenteuil voudrait revenir
sur une question qui avait été abordée
précédemment et pour laquelle nous avons obtenu des
compléments d'information du ministère de l'Éducation. M.
le député d'Argenteuil, M. le ministre. Cela va à l'autre
bout de la table.
M. Bérubé: Oui, M. le Président, je
m'excuse, je suis désolé.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
Subventions de rattrapage aux commissions scolaires
(suite)
M. Ryan: En réponse à une demande que j'avais faite
avant l'ajournement pour le lunch, les collaborateurs du ministre m'ont remis
tantôt un document qui s'intitule État des subventions dues aux
commissions scolaires au 31 mars 1984. Je dois dire qu'à première
vue les données contenues dans ce document répondent aux
questions que j'avais posées. Je voulais connaître de
manière claire la situation comme elle se présentait au 31 mars
1984 et la question a été bien comprise. Je remercie les
fonctionnaires qui m'ont fourni ces données. Maintenant, je voudrais
cependant ajouter un commentaire qui me paraît extrêmement
important et qui se dégage des données qu'on nous a
présentées. Nous avons fonctionné, dans le débat de
cet après-midi, en partant de l'hypothèse que le gouvernement
aurait remboursé sur les paiements qui étaient dus aux
commissions scolaires les 281 000 000 $ en 1983-1984. Or, quand je fais
l'addition des sommes qui sont contenues dans le rapport qu'on vient de
déposer, le vrai total, c'est 465 000 000 $ dont d'après ce que
je peux comprendre, un premier montant de 184 400 000 $ aurait consisté
en des remboursements d'emprunts anticipés qui auraient
été faits à même le fonds de suppléance du
ministère des Finances et un autre groupe de paiements anticipés
d'une valeur de 281 000 000 $ faits à même les fonds du
ministère de l'Éducation, ce qui fait en tout 465 000 000 $ de
paiements anticipés de dettes qu'on a financées à
même toutes les mesures qui ont été imposées
d'autorité juste à la veille de l'année 1983-1984. Je
pense que c'est la première fois que nous prenons connaissance de ces
chiffres. Ils nous ont toujours été pudiquement voilés par
le gouvernement jusqu'à maintenant et je pense qu'ils renforcent
considérablement la thèse que nous avons défendue cet
après-midi.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, est-ce que
vous avez un commentaire?
M. Ryan: Est-ce que vous en avez additionné deux fois
trop?
Une voix: Non, non.
M. Ryan: Est-ce correct?
M. Bérubé: De mémoire, je dois reconstituer
les faits. Là, vous essayez de faire la discussion complète sur
tous les versements anticipés. Le ministre des Finances avait
annoncé, lorsqu'il a déposé son budget l'année
dernière - du moins, son budget supplémentaire - pour près
de 450 000 000 $ de versements anticipés. Cela a été
annoncé officiellement par le ministre des Finances. Il me faudrait, si
on voulait vérifier exactement le montant, recourir au budget
supplémentaire déposé par le ministre des Finances
à l'automne. Seul ce budget supplémentaire nous permettrait,
effectivement, d'évaluer le montant total. À ma connaissance, de
. mémoire, c'était de l'ordre d'environ 450 000 000 $, si je ne
me trompe pas.
M. Ryan: Et...
M. Bérubé: Alors, si je comprends bien, ces 450 000
000 $ annoncés par le ministre des Finances, on peut les
décomposer en plusieurs types de dépenses anticipées. Si
je comprends bien le tableau qui nous a été remis, il y aurait
184 000 000 $ de remboursement d'emprunts anticipés et 281 000 000 $,
pour un total de 465 000 000 $. C'est probablement le montant qu'a
annoncé le ministre des Finances à l'automne. Cela me semble de
l'ordre de grandeur dont il parlait.
M. Ryan: Dans le cahier explicatif, on ne trouvait pas toutes ces
données. Il a fallu les solliciter avec insistance.
M. Bérubé: II n'y a rien de confidentiel. Le
ministre des Finances en a parlé très clairement dans la
présentation de ses crédits. Je dois dire que j'ai même
fait état, puisque c'est moi-même qui ai déposé les
crédits, du montant très précis de l'anticipation des
dépenses que nous faisions. D'ailleurs, ce montant de 400 000 000 $
à 500 000 000 $ avait fait l'objet d'un débat à
l'Assemblée nationale entre le député de
Vaudreuil-Soulanges et le ministre des Finances. Il n'y avait absolument rien
de caché. Il a toujours été là; il a toujours
été connu. Il n'a pas changé, c'est le même.
M. Ryan: En tout cas, le gouvernement a fait...
M. Bérubé: Nous le voyons à rebours. Ce que
nous avons vu à l'automne, nous l'avons vu en termes de décision
d'engager les dépenses pour l'année suivante. Cette année,
nous le revoyons à rebours, en ce sens que nous voyons baisser nos
dépenses, compte tenu du paiement anticipé. Nous voyons la
même chose deux fois.
M. Ryan: M. le Président, cet après- midi, au cours
de la discussion que nous avons eue, le ministre semblait ignorer
complètement la deuxième partie que nous mettons clairement au
jour ce soir. Je réaffirme ce que je disais: C'est une opération
considérablement lourde et abusive de la part du gouvernement d'avoir
financé un remboursement accéléré de sa dette
accumulée et le paiement de certains versements qui n'étaient pas
dus aussi tôt en recourant à des mesures aussi autoritaires que
celles qui ont été prises pour en arriver à ces fins. Cela
prouve au moins une chose, c'est que l'argument qu'invoquait le ministre
tantôt, c'est-à-dire le surplus imprévu au chapitre des
versements fédéraux, ne servait à payer que la
moitié de cela. L'autre moitié est venue de la poche des
travailleurs du secteur public.
M. Bérubé: Mais non. M. Ryan: Voyons donc!
M. Bérubé: M. le Président, le
député d'Argenteuil est tout mêlé dans ses papiers,
que voulez-vous que je fasse! Le ministre des Finances a très
clairement, de la façon la plus limpide, indiqué l'automne
dernier lorsqu'il a présenté son budget supplémentaire,
qu'à la suite de versements imprévus, rétroactifs pour les
deux années précédentes en provenance du gouvernement
fédéral, lesquels versements viennent en bonne partie d'une
réévaluation de la population réelle du Québec, il
avait le choix entre réduire son déficit pour l'année
courante ou réduire ses dépenses de l'année suivante. Dans
la mesure où son programme d'emprunt était essentiellement
complété et qu'il n'y avait alors aucun intérêt
à chercher à réduire son déficit, puisque son
programme d'emprunt était largement complété, il a choisi
de réduire ses dépenses de l'année suivante. Dans les
crédits, j'ai déposé au fonds de suppléance un
montant - de mémoire - de l'ordre de 450 000 000 $ qui devait servir
à anticiper des factures de toutes sortes, de préférence
des factures attribuables au service de la dette.
Cela était clair et limpide. Nous l'avons, de plus,
expliqué, cela ne pouvait pas être plus clair. Je ne peux pas
comprendre comment le député d'Argenteuil peut s'enfoncer dans
une espèce de logique où il déforme
systématiquement et méthodiquement les faits, les chiffres et les
concepts, de manière à pouvoir s'autojustifier l'opinion
préconçue qu'il a décidé d'avoir. La
réalité, c'est que nous n'avons pas voulu, comme gouvernement,
nous engager dans des dépenses récurrentes sur la base d'un
revenu non récurrent. Par conséquent, le ministre des Finances
n'a pas voulu s'engager dans une augmentation du niveau des dépenses
récurrentes qui aurait fait que l'année
suivante, sans ce revenu exceptionnel, nous aurions dû,
néanmoins, faire face à cette dépense. C'est l'absence de
compréhension du député d'Argenteuil en ce qui a trait
à la notion de dépenses récurrentes qui fait qu'il
s'induit lui-même en erreur. Il "s'autopeluredebananise"
essentiellement.
M. Ryan: Avez-vous terminé?
Le Président (M. Charbonneau): Avez-vous
terminé?
M. Bérubé: Oui, M. le Président, j'ai
essentiellement terminé.
M. Ryan: M. le Président...
M. Bérubé: Le député d'Argenteuil,
ouvrant tout grand le piège comptable qu'il a choisi lui-même de
définir, tombe directement dedans. Le raisonnement que le gouvernement a
fait est simple. Il ne s'agit pas d'accroître aujourd'hui un rythme de
dépenses récurrent qui se reproduira l'année suivante,
avec l'indexation en plus, en cherchant à le financer avec un revenu non
récurrent. Ce serait comme quelqu'un qui déciderait d'augmenter
son rythme de vie de 20 000 $ sous prétexte qu'il a gagné une
fois à la Loto-Québec ce même montant. C'est parfait un an,
mais cela pose des problèmes l'année suivante. C'est ce que le
député d'Argenteuil n'a pas l'air de comprendre.
M. Ryan: M. le Président, avec le genre d'explications que
le ministre essaie laborieusement de fournir depuis le début de la
journée, il pourrait se passer de faire des leçons aux autres. On
l'a vu assez souvent perdre du temps à consulter, parce qu'il ne savait
pas quoi dire. Il pourrait au moins écouter avec un peu de respect ce
qu'on lui dit. Nous autres, on discute de chiffres. On ne s'embarque pas dans
des procès de compétence et ces choses-là. Mais je vous
dis une chose: Le montant que nous avons ici en remboursements anticipés
de dettes dans le domaine scolaire est de 465 000 000 $ pour la dernière
année. C'est incontestable. Vous avez remboursé ce montant
pendant qu'en même temps vous faisiez une ponction d'au-delà de
500 000 000 $ sur les salariés du secteur public par des mesures
autoritaires que nous avons dénoncées à maintes reprises
du côté de l'Opposition. Cela fait penser à un
propriétaire d'entreprise qui dirait: Mon affaire est en train de faire
faillite, il faut absolument que je vous coupe les salaires, cela n'a pas de
bon sens. Et à la fin de l'exercice il dit: Savez-vous, il est
arrivé certaines choses et tout cela, j'ai remboursé les trois
quarts de ma dette et je vous remercie. Je n'étais pas pour rien faire
d'autre. On continue comme avant. C'est l'impression qu'on a quand on voit ces
chiffres. Je pense que vous devez être sensible à cet argument. Si
j'avais fait cela comme directeur d'une entreprise pendant quinze ans, j'aurais
encouru de très sévères représailles de la part de
mes employés syndiqués. Ce sont des choses qu'on n'était
pas autorisé à faire.
J'ajoute ceci: On me signale que, dans le supplément qui est
parvenu d'Ottawa pour le dernier exercice, nous avons établi lors des
débats qui ont eu lieu à ce sujet que la plus grande partie,
contrairement à ce qu'affirme le ministre, est récurrente. Le
gouvernement ne veut pas l'admettre. Ce sera comme toutes les choses qu'il a
dites à ce sujet au cours des quatre dernières années,
auxquelles il ne faut pas prêter foi parce qu'elles se sont
avérées fausses et partiales.
M. Bérubé: M. le Président, je suis au
courant des projections de revenus de transfert pour l'année prochaine
et, malheureusement, c'est l'assertion du député d'Argenteuil qui
est fausse. Il aura l'occasion de s'en apercevoir quand viendra le temps.
Deuxièmement, le député d'Argenteuil devrait, je
pense, respecter jusqu'à un certain point une expertise qui existe au
niveau des finances publiques. On ne peut pas reprocher au député
d'Argenteuil de ne pas être nécessairement un spécialiste
en finances publiques. Il a, par mégarde, omis de réaliser que
cet apport additionnel identifié par le ministre des Finances a
été fait à l'automne de l'année dernière;
donc, il ne s'appliquait pas à l'exercice budgétaire de
1982-1983, mais bien à l'exercice budgétaire de 1983-1984 et
l'opération de resserrement budgétaire, au cas où le
député d'Argenteuil ne le saurait pas, s'est faite en 1982-1983,
c'est-à-dire durant la période de récession
économique que nous avons connue et qui a commencé à peu
près à l'automne 1981 pour se prolonger pendant environ dix-huit
mois. Donc, malheureusement, le député d'Argenteuil est mal
informé à l'heure actuelle quant aux dates où les
différents événements se sont produits. (20 h 30)
Insertion sociale et professionnelle des
jeunes
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. Nous
allons maintenant, conformément à ce qu'on avait
décidé plus tôt, aborder deux autres questions qui
concernent le programme 4, soit le plan d'insertion sociale et professionnelle
des jeunes et, par la suite, le plan d'action ou la politique de formation
professionnelle des jeunes.
Je voudrais seulement poser quelques questions, d'abord, sur le plan de
l'insertion
sociale. Le député de Fabre a des questions à poser
sur la politique de formation professionnelle des jeunes. Étant
donné qu'il est maintenant 20 h 30 et que l'on doit terminer à 22
heures, je suggérerais, si on pouvait prendre une demi-heure pour ces
deux questions qui sont dans le programme 4, que l'on puisse se réserver
une heure pour le programme 7 sur l'éducation des adultes.
Pour ma part, mes questions seront assez brèves, M. le ministre.
En mars dernier, il y a un an maintenant, le premier ministre annonçait
un plan d'action pour les jeunes dont un volet particulier de mesures dans le
domaine de l'éducation, qui visaient la prévention du
décrocheur scolaire et des mesures qui visaient à favoriser le
retour aux études d'un certain nombre de jeunes qui avaient
décroché au niveau secondaire en particulier, mais
également au niveau collégial. Vous faites état, dans le
bilan 1983-1984 et dans les orientations pour l'année 1984-1985, d'un
certain certain nombre de chiffres. On en retrouve aussi un peu plus loin dans
le cahier en particulier, pour l'année 1984-1985, un montant additionnel
de 3 500 000 $ qui permettrait au ministère de rejoindre une
clientèle beaucoup plus grande et de rattacher à l'école
plus de 9000 autres décrocheurs.
J'aimerais savoir, en comparaison avec l'année 1983-1984 et les
efforts financiers qui sont faits en 1984-1985, quels sont exactement les
montants d'argent qui seront affectés à ces mesures
également, quel est le niveau de collaboration que le ministère a
obtenu de la part des commissions scolaires. Il semble qu'il serait utile de
savoir si les subventions qui étaient accordées aux commissions
scolaires ont reçu un accueil plus ou moins enthousiaste ou très
enthousiaste de la part des commissions scolaires. Est-ce que les sommes
d'argent qui avaient été initialement prévues en mars 1983
ont été suffisantes et ont permis le financement de l'ensemble
des projets soumis par les commissions scolaires?
Il serait peut-être utile également de faire le lien par
rapport aux ajouts dont vous parlez et aux annonces qui ont été
faites au mois d'octobre, je crois, par le premier ministre qui, semble-t-il,
visaient à bonifier les mesures annoncées au mois de mars
1983.
M. Bérubé: Je pense qu'il faut distinguer assez
clairement les mesures qui ont été annoncées par le
premier ministre et qui portent sur l'insertion sociale et professionnelle des
jeunes et le programme de modification du régime d'aide sociale. Ce sont
deux programmes distincts. Dans un cas, il s'agit des jeunes inscrits à
l'aide sociale, qui n'ont, malheureusement, pas terminé leurs
études secondaires, qui choisissent de retourner aux études
secondaires et qui, par le passé, perdaient automatiquement leurs
prestations d'aide sociale sans être admissibles au régime de
prêts et bourses qui ne s'applique pas au niveau secondaire; ils verront
maintenir leur admissibilité à l'aide sociale.
Nous avons fait plus que maintenir leur admissibilité à
l'aide sociale; nous avons bonifié l'aide sociale comme nous l'avons
fait dans le cas d'une insertion en milieu de travail par un apprentissage en
usine, comme, d'ailleurs, nous la maintenons dans le cas de l'insertion dans du
travail communautaire mis en place par une municipalité ou par un
organisme sans but lucratif. Il y a donc cette volonté gouvernementale
de faire en sorte que l'aide sociale cesse de s'identifier à ce ghetto,
à ce piège dont on ne peut sortir, parce qu'il encourage à
l'inaction et "désincite" tout effort de réinsertion en milieu de
travail, en milieu d'activité ou en milieu éducatif.
C'est le volet annoncé par le gouvernement dans le cadre du plan
de relance et qui porte sur une modification de la philosophie qui sous-tendait
nos programmes d'aide sociale, particulièrement pour les jeunes. Nous
espérons qu'après cette première expérimentation
avec un bassin important, qui rejoint presque 150 000
bénéficiaires d'aide sociale, nous pourrons étendre ce
type d'approche à l'ensemble de la clientèle, car elle nous
paraît fondamentalement saine.
Dans la mesure où nous avons jugé que, parmi les
activités valables que l'on pouvait offrir à un jeune, il y avait
cette insertion sociale, le ministère de l'Éducation s'est vu
mandaté pour mettre en place un ensemble de moyens d'accueil qui fassent
en sorte que non seulement on puisse accueillir ces jeunes qui ont
décroché, mais également éviter le
décrochage. Cela se traduit, d'abord, par des services d'orientation,
d'information, c'est-à-dire essentiellement des ressources humaines
additionnelles, de la documentation, de l'information qui permet d'offrir un
meilleur accueil aux jeunes qui s'adressent à une commission scolaire.
L'année dernière, ce budget était d'à peu
près 400 000 $.
On a prévu également des ressources additionnelles
à l'intention de ces décrocheurs potentiels que l'on pourrait
identifier dans les écoles. C'est-à-dire que ce sont des jeunes
dont les résultats scolaires sont plutôt décourageants,
dont l'absentéisme à l'école est mauvais présage
d'une fin rapide des études. Donc, il s'agit de mettre en place des
techniques de prévention par tests, questionnaires, en offrant un
meilleur encadrement à l'intérieur de la commission scolaire, en
prenant en charge plus directement les élèves qui ont
été identifiés par le personnel de l'école. Il
s'agit donc de ressources humaines que l'on insère à
l'intérieur des commissions scolaires et qui prennent en charge ces
jeunes dont on craint
qu'ils abandonnent l'école.
On a pu ainsi rejoindre à peu près 42 000 jeunes en
1983-1984. En 1984-1985, on pourra accroître l'importance de cette
activité et rejoindre tout près de 60 000 jeunes dans nos
écoles secondaires. Le budget de 1983-1984 était de 1 250 000
$.
De plus, nous avons...
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que vous pouvez
répéter le dernier chiffre concernant le budget, M. le
ministre?
M. Bérubé: Oui. Le budget de 1983-1984 était
de 1 250 000 $. De plus, ayant identifié ces décrocheurs qui ont
effectivement quitté l'école et non pas les décrocheurs
potentiels, on a conçu, à l'intérieur des commissions
scolaires, un certain nombre de cours adaptés pour ces jeunes - il y en
a eu 3700 en 1983-1984 et 1200 adultes également pour la même
période - où on a imaginé des cours mieux adaptés
au type de formation que réclament ces jeunes. Par exemple, hier, je
rencontrais un groupe d'étudiants décrocheurs qui se sont
inscrits au cégep dans le cadre d'un cours d'initiation aux techniques
d'économie d'énergie, qui va leur permettre d'obtenir une
attestation d'études collégiales et de se réinsérer
plus facilement sur le marché du travail, eux qui avaient connu des
périodes assez longues soit de chômage ou d'aide sociale. Le
budget en 1983-1984 a été de 1 800 000 $ en excluant,
évidemment, toute aide sociale ou l'aide financière aux
étudiants.
Nous avons également investi des sommes importantes pour
accélérer le développement de l'enseignement
professionnel. En fait, en 1983-1984 nous avons injecté près de
10 000 000 $ en équipement. Cela nous a permis de rejoindre 139
écoles dans le cas d'option en commerce, 23 écoles dans le cas
d'option en électromécanique, 70 écoles dans le cas
d'option en mécanique industrielle et 124 écoles dans le cas de
cours de formation en équipement motorisé, machinerie fixe. Donc,
nous reconduisons ce budget en 1984-1985 de 10 000 000 $ pour continuer
à moderniser les équipements qui sont disponibles dans nos
écoles pour la formation professionnelle. Mentionnons les programmes de
perfectionnement des intervenants pour un budget d'à peu près 1
000 000 $. En 1984-1985, nous prévoyons ajouter, au budget global de 4
500 000 $ de l'année dernière, au niveau secondaire environ 1 800
000 $ et, également, au niveau de l'éducation des adultes, un
autre montant d'à peu près 1 700 000 $. Voilà, en gros,
les principales mesures concrètes que nous avons mises en place à
l'intention des décrocheurs en 1983-1984.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que vous pouvez nous
dire si on a retrouvé des mesures comme celles-là dans chacune
des commissions scolaires? Est-ce que chacune des commissions scolaires du
Québec a répondu favorablement à l'invitation du
ministère de mettre en place soit des mécanismes de
prévention du décrochage ou des mesures spéciales pour
favoriser le retour aux études de jeunes qui avaient
décroché?
M. Bérubé: En termes de statistique, aux niveaux
primaire et secondaire, comme je vous le disais tantôt, nous avons
rejoint 42 000 étudiants dans 318 écoles touchant 82 commissions
scolaires. C'est donc significatif sur un total de 110 commissions scolaires,
au niveau secondaire. On peut parler d'une pénétration assez
intéressante du programme, d'une participation très réelle
de l'ensemble des commissions scolaires en fait, au Québec.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. Je vais passer la
parole au député de Fabre qui voulait enchaîner sur la
formation professionnelle des jeunes.
M. Ryan: Sur l'insertion sociale et professionnelle, j'aurais une
question, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil sur le même sujet qu'on vient d'aborder.
M. Ryan: Quand le ministre de l'Éducation avait
annoncé le plan d'insertion sociale et professionnelle pour un montant
de 27 000 000 $ pour l'année 1983-1984, il avait
énuméré toute une série de postes qui devaient
donner lieu à des dépenses de la part du gouvernement. Est-ce que
le ministre et ses collaborateurs pourraient nous ventiler, pour chacun de ces
postes, les sommes qui ont été effectivement
dépensées en 1983-1984? Parce que nous cherchons dans le cahier
d'explications, nous trouvons seulement une partie de la réponse et il y
a beaucoup d'éléments qui n'y sont point.
M. Bérubé: On me dit que le budget de 27 000 000 $
impliquait 8 350 000 $ en crédits additionnels nouveaux qui ont
été répartis de la façon suivante: service
d'accueil et d'orientation, 420 000 $, ce que j'avais mentionné;
maintien à l'école des décrocheurs potentiels 980 000 $;
retour à l'école des décrocheurs identifiés, 742
000 $ et l'entraînement des intervenants, 1 000 000 $. Il s'agissait
là des dépenses au niveau des secteurs primaire et secondaire.
Quant à l'enseignement collégial, l'ouverture d'options
professionnelles collégiales a entraîné des coûts,
des dépenses de 2 788 000 $ ou, du moins, des intentions de
dépenses,
puisqu'il s'agit de crédits. La création de sous-centres
d'enseignement collégial, 457 000 $. L'enseignement aux adultes a
signifié, au niveau de la création de groupes d'étudiants
adultes, des dépenses de 1 873 000 $. Quant aux cours par
correspondance, ils ont entraîné des coûts d'environ 90 000
$. Voilà donc en gros le décompte de ces 8 350 000 $
additionnels. Le reste des crédits constituait, à ce que je
comprends, essentiellement, une reconduction d'activités existant
antérieurement. Il s'agissait là vraiment des nouvelles
activités.
M. Ryan: On cherchait à trouver l'explication d'un montant
de 24 000 000 $ qui nous avait été annoncé par le ministre
l'an dernier, qui est inscrit aux crédits de l'année 1983-1984.
Est-ce que le ministre pourrait nous faire donner, au cours de la
soirée, un rapport écrit pour qu'on puisse vraiment essayer de
faire les liens? Parce que c'est impossible de comprendre seulement avec les
explications parcellaires qu'on nous donne. Est-ce qu'on pourrait avoir une
ventilation de ces dépenses? (20 h 45)
M. Bérubé: Je vais essayer d'obtenir un
décompte du reste, c'est-à-dire des 19 000 000 $ que je n'ai pas
en ce moment.
M. Ryan: Quand vous parlez de 8 000 000 $ supplémentaires,
j'ai du mal à comprendre, parce que je crois me souvenir qu'il y avait
27 000 000 $ inscrits dans les crédits de l'année 1983-1984. Si
vous parlez d'un supplément de 8 000 000 $, cela fait 35 000 000 $; cela
aggrave le problème.
Une voix: Cela bonifie la mesure.
M. Ryan: Oui, oui, si on peut en rendre compte au complet.
D'accord.
M. Bérubé: Alors, on va le décomposer, parce
qu'il y a eu 10 000 000 $ d'équipement que j'ai mentionné
tantôt. On va essayer de vous le décomposer au complet.
M. Ryan: Les 10 000 000 $ d'équipement, ne vous en
inquiétez pas. Cela, on le sait. C'est déjà dans le cahier
d'explications; il n'y a pas de problème dans mon esprit
là-dessus.
M. Bérubé: Alors, si je comprends bien, nous avons
identifié à peu près 18 000 000 $ ou 19 000 000 $ des 27
000 000 $ et il manque encore 8 000 000 $ à l'appel. Nous allons essayer
de les identifier.
M. Ryan: Vous avez dit qu'il y a 8 000 000 $
supplémentaires.
Une voix: Qui seraient, M. le ministre...
M. Bérubé: Non. Dans les 27 000 000 $, il y a 3 500
000 $ d'activités nouvelles. C'est ce que j'ai identifié. J'ai
identifié des activités proprement nouvelles. Dans le cas des
immobilisations, on ne peut pas vraiment parler d'activités
nouvelles.
Le Président (M. Charbonneau): Ce qui pourrait être
utile dans le même document, ce serait qu'on indique à quel
endroit - on parle ici de 3 500 000 $ additionnels prévus pour 1984-1985
- se greffent ces 3 500 000 $ par rapport à ce qui s'est
dépensé en 1983-1984.
M. Bérubé: Nous avons planifié une table de
concertation en mai avec les intervenants. Il faut dire que le comité
des priorités a alloué l'équivalent de 35 000 000 $ pour
divers programmes d'éducation des adultes et de formation
professionnelle. Beaucoup de ces crédits auront à être
transférés au ministère de la Main-d'Oeuvre pour la mise
en place de stages de formation pratique et, par conséquent, les
crédits en question n'ont pas été subdivisés
encore. Donc, je ne peux pas vous donner de façon précise,
à l'heure actuelle, comment seront partagés ces 35 000 000 $ de
crédits additionnels, si ce n'est sur la base d'une proposition
générale rendue publique par le ministre, mais qui fait encore
l'objet de négociations, de tractations entre les différents
ministères concernés.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, à
moins que je ne me trompe, j'ai l'impression qu'on ne parle pas de la
même chose actuellement. Il y a trois questions: le plan d'action de
l'insertion sociale et professionnelle, la politique de formation
professionnelle des jeunes et la politique d'éducation des adultes. Ce
dont vous venez de parler, je pense que c'est de l'éducation des
adultes.
M. Bérubé: Oui, mais dans le programme
d'éducation des adultes où nous avons injecté 35 000 000
$, il y a énormément de fonds qui vont aller, par exemple, au
recyclage des gens oeuvrant dans des métiers en perte de vitesse ou
à la réinsertion des femmes sur le marché du travail, ou
encore à la formation professionnelle dans des secteurs de haute
technologie en grande demande au Québec présentement. Donc, il y
a également, à l'intérieur de ces 35 000 000 $, des
éléments importants de formation professionnelle. J'ai de la
difficulté à faire la distinction entre les trois sujets que vous
venez de mentionner.
Le Président (M. Charbonneau): Pas moi.
M. Bérubé: Je vous ai parlé du programme
d'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Mais lorsqu'on parle de
formation professionnelle, on est bien obligé de parler de formation
professionnelle autant des jeunes que des adultes. Et les 3 500 000 $ dont je
vous parlais tantôt, je les ai décomposés en un montant
pour les jeunes et un montant pour les adultes.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, quand le ministre va faire ses
calculs, il faudrait lui rappeler que, dans le cahier d'explications, on dit
que le ministère de l'Éducation aurait dépensé 15
000 000 $ en 1983-1984 et non pas 27 000 000 $ ou 35 000 000 $, disons 27 000
000 $, le montant de 35 000 000 $ est éliminé. C'est juste un
rappel que je lui fais, parce que c'est dans le cahier ici.
Maintenant, la question qui me préoccupe, à la page 5 du
programme 4... Ce n'est pas là-dessus que je voulais attirer l'attention
du ministre. C'est pour la réponse écrite qu'il a promis
d'essayer de nous donner d'ici la fin de la soirée.
M. Bérubé: Cela ne sera pas écrit; cela sera
verbal. J'ai demandé aux adjoints ici d'essayer, à partir des
données financières du ministère, de reconstituer
exactement l'utilisation des sommes.
M. Ryan: M. le Président, autre question. Je voudrais
savoir exactement quel est l'arrimage à la fois budgétaire et
fonctionnel entre le projet qu'on nous décrit dans le cahier
d'explications du ministère de l'Éducation où on nous dit
qu'on entend consacrer une somme additionnelle de 3 500 000 $ pour rejoindre
une clientèle plus grande et, notamment, rattacher à
l'école plus de 9000 autres décrocheurs et celui que la ministre
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu prévoyait
il y a quelque temps. Elle annonçait également un programme de
rattrapage scolaire avec un budget de 15 800 000 $ pour deux ans, dont 11 800
000 $ pour l'année 1984-1985. Pouvez-vous me dire comment l'arrimage se
fait entre ces deux projets, au point de vue budgétaire et au point de
vue opérationnel?
M. Bérubé: Du point de vue opérationnel,
l'objectif de la politique d'éducation des adultes vise à confier
au ministère de la Main-d'Oeuvre, de concert avec le ministère de
l'Éducation et les centres de formation professionnelle, le soin
d'accueillir les jeunes, les adultes ayant des besoins de formation. Il revient
également au ministère de la Main-d'Oeuvre d'identifier les
besoins de l'entreprise en main-d'oeuvre spécialisée.
Troisièmement, il revient aux centres de formation professionnelle de
commander de façon privilégiée au ministère de
l'Éducation les types d'enseignement qui correspondent aux besoins
identifiés au sein de leur clientèle.
Lorsque le ministère de l'Éducation ne peut pas satisfaire
aux besoins, soit par le biais de la formation générale ou par le
biais d'une formation spécialisée en institution scolaire de type
commission scolaire ou collégiale, le ministère de la
Main-d'Oeuvre peut faire appel à des entreprises pour la mise au point
de stages de formation en entreprise, encadrés par des professionnels
dans le domaine, recrutés par le ministère de la
Main-d'Oeuvre.
Lorsque nous parlons des 9000 jeunes assistés sociaux à
qui nous offrons la possibilité de terminer leurs études
secondaires dans des écoles de décrocheurs, nous parlons toujours
du même programme, le ministère de la Main-d'Oeuvre assurant la
prestation d'aide sociale bonifiée à cette clientèle, le
ministère de l'Éducation prenant la responsabilité
d'offrir les services éducatifs.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Fabre.
M. Ryan: Juste une dernière question. Il est question de
9000 décrocheurs additionnels dans le cahier explicatif du
ministère de l'Éducation; il est question de 9000
décrocheurs dans le déclaration de Mme la ministre de la
Main-d'Oeuvre, est-ce qu'il s'agit des mêmes 9000?
M. Bérubé: On me dit qu'on prévoit, avec les
ressources additionnelles déjà injectées dans les
commissions scolaires, pouvoir maintenir en gros le même effort que
l'année dernière en termes d'encadrement aux décrocheurs
potentiels, de même qu'un meilleur accueil aux décrocheurs qui
reviennent à l'école. On avait rejoint, l'année
dernière, 3700 décrocheurs, comme je l'avais dit, 46 000
décrocheurs potentiels et 1200 adultes. On prévoit que, avec les
mêmes ressources, on pourra accueillir ces 9000
bénéficiaires de l'aide sociale qui retournent à
l'école secondaire. Il est bien évident, cependant, que 9000
étudiants de plus à l'école secondaire impliquent des
ressources additionnelles dans les écoles en termes de services
éducatifs, de professeurs et autres coûts qui s'ajoutent aux
crédits réguliers, mais qui sont intégrés dans les
enveloppes de base, qui ne sont donc pas identifiés de façon
sélective.
J'ai obtenu le tableau de l'ensemble des dépenses des 27 000 000
$, tel qu'il avait
été préparé en date du 15 février
1983 dans le cadre du plan d'action. En fait, il y a une série
d'activités représentant des coûts bruts, des mesures
d'autofinancement par le ministère de certains de ces coûts et des
coûts additionnels couverts directement par l'ajout de fonds par le
comité des priorités. C'est ce qui explique pourquoi,
globalement, on identifiait 27 000 000 $ d'activités additionnelles, que
les crédits additionnels nouveaux ont été de 8 350 000 $
et que les autres dépenses ont été financées par le
ministère, par un redéploiement de ses priorités vers ce
secteur.
M. Ryan: L'argent frais qui a été mis
là-dessus en sus de ce qui avait été inscrit au budget,
c'est 8 000 000 $. On a fait de la publicité pour 27 000 000 $ pendant
trois ou quatre mois.
M. Bérubé: De la même façon - c'est un
concept nouveau qu'il faudra répéter jusqu'à ce que ces
concepts finissent par pénétrer - nous nous sommes engagés
dans une opération récurrente, depuis plusieurs années,
qui consiste, chaque année, à remettre en cause un certain nombre
d'activités gouvernementales et à dégager ainsi des
ressources pour les injecter là où les besoins se font sentir.
Or, le député d'Argenteuil ne pourra pas,
systématiquement, dénoncer le pourcentage de plus en plus
élevé que représentent les dépenses publiques dans
le produit intérieur brut du Québec, en disant qu'il n'est pas
normal que l'on accroisse l'importance des dépenses publiques
globalement dans l'économie québécoise pour, après
cela, nous reprocher de dégager des sommes à l'intérieur
des sommes déjà consenties par nos concitoyens pour identifier un
certain nombre de priorités. Donc, il est clair que, si nous voulons
maintenir le pourcentage de nos dépenses publiques dans le produit
intérieur brut québécois, il faudra nécessairement
procéder, en bonne partie, par l'autofinancement des nouvelles
activités identifiées comme prioritaires par le gouvernement.
C'est une conséquence inévitable, un corollaire absolu du premier
énoncé du député d'Argenteuil. Le problème,
c'est qu'il faut avoir un peu de suite dans les idées.
M. Ryan: On a vu cela depuis le début d'après les
explications que vous donnez sur ce point.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Fabre, sur la question de la formation professionnelle des jeunes.
Formation professionnelle des jeunes
M. Leduc (Fabre): Dans le cahier des crédits que nous
avons, il faut constater qu'il n'y a aucune mention de l'enseignement
professionnel, de la réforme dont on parle depuis deux ans
déjà. On sait qu'il y a eu -je crois que c'est l'an passé
- des colloques régionaux qui ont conduit à un colloque national,
qui ont conduit à un certain nombre de prises de position venant de la
base, qui venaient des secteurs de l'enseignement et des secteurs du monde du
travail: syndicats, patrons, et autres. Il y a donc eu un travail de
concertation très intéressant qui a été fait dans
les différents milieux, à partir d'un document,
intéressant également, qui a été
préparé par le ministère de l'Éducation. (21
heures)
Où en sommes-nous, M. le ministre, dans cette réforme
qu'on nous annonce? Quel est l'état de la situation de cette
réforme? Quel est l'échéancier pour l'implantation de
cette réforme de l'enseignement professionnel au secondaire qui
toucherait l'enseignement professionnel long et l'enseignement professionnel
court?
M. Bérubé: M. le Président, si vous le
permettez, je pense que le sous-ministre de l'Éducation, M. Lucier,
pourra plus facilement répondre à cette question puisqu'il a
été très intimement impliqué dans ces rencontres
dont on a fait état.
Le Président (M. Charbonneau): M.
Lucier.
M. Lucier: M. le Président, un mot très bref sur la
démarche même. Ensuite, je vous indiquerai les quatre grands
volets de ce plan et où on en est dans chacun des volets. Cette
démarche a commencé en mai 1982 avec la parution de ce que le
ministère avait appelé les propositions de relance et de
renouveau, qui ont été soumises à une consultation
à l'automne 1982 et à l'hiver 1983. On a publié aussi une
sorte de synthèse de la consultation. C'est disponible, si les membres
de la commission souhaitent la consulter.
À l'automne 1983, il y a eu une deuxième vague de
consultation, cette fois sur un certain nombre de dossiers spécifiques
où cela allait plus loin en termes de propositions concrètes.
Cela concernait essentiellement les relations éducation-travail, des
propositions sur des mécanismes de la carte des enseignements
professionnels et des propositions sur des mécanismes de révision
et d'évaluation des programmes de formation professionnelle. Il avait
toujours été prévu qu'au printemps ou à
l'été 1984 l'ensemble des actions serait étalé noir
sur blanc et reproposé au milieu.
L'espèce de présupposé administratif et politique
de ces propositions de relance et de renouveau voulait que l'ensemble de ces
propositions trouverait corps à l'intérieur des
règlements actuels, au moins pour ce qui concerne le
primaire-secondaire. Donc, il ne s'agissait d'aucun redéploiement
nouveau qui aurait nécessité de nouvelles réglementations
ou de nouvelles dispositions législatives. Il s'agissait de jouer
pleinement les règles du jeu et l'esprit du régime
pédagogique du secondaire.
Il y avait dans le cas du collégial -mais cela nous fait sortir
du programme 4 -certaines implications réglementaires concernant, en
particulier, le certificat d'études collégiales et on sait quelle
a été la réponse réglementaire, au fond. Le
régime d'études collégiales n'a pas retenu la proposition.
Dans le cas du secondaire, donc, il s'agissait très explicitement de se
situer à l'intérieur des règles du jeu du régime
pédagogique actuel, donc, n'annonçant aucune nouvelle disposition
réglementaire.
Ceci étant dit sur la démarche, on peut dire que
l'ensemble de ces propositions, de ces propos aussi, des discussions qui ont eu
cours dans les colloques régionaux et au colloque national, peut
graviter autour de quatre pôles majeurs. Il y a, d'une part, ce qu'on
pourrait appeler les objectifs de système en formation professionnelle.
Il y a, deuxièmement, les contenus ou les objectifs de formation
professionnelle. Il y a, troisièmement, l'organisation scolaire au
secondaire, pour ce qui est des cheminements de formation professionnelle, et
il y a, quatrièmement, les dispositions d'ensemble concernant
l'organisation de la formation professionnelle dans notre système. Je
les prends un à un, en essayant de rappeler brièvement où
nous en sommes.
Quant aux objectifs de système, les propositions de relance et de
renouveau de mai 1982 n'ont fait que dire en plus clair ce qui n'était
même pas sous-jacent, mais déjà dessiné par le
nouveau régime pédagogique du secondaire. Il y avait, entre
autres, cette affirmation fondamentale, à savoir que toute formation
professionnelle doit nous renvoyer, comme une espèce de préalable
nécessaire, à une formation de base solide et accessible au plus
grand nombre. Il fallait éviter, surtout au niveau secondaire, des
formations pointues ou des cheminements cul-de-sac et il y avait avantage
à s'assurer d'une formation de base la plus solide, la plus riche
possible et la plus accessible à tous, de manière à y
greffer des spécialisations professionnelles.
Il y avait cette autre affirmation dans le sens que la formation de
base, que la formation générale devrait impliquer une dimension
technique et technologique. C'est dans cette perspective qu'on peut dire, quand
on regarde où on en est là-dessus, me semble-t-il - et c'est ma
compréhension des choses - que l'application progressive du
régime pédagogique du secondaire, avec ce qu'il comporte de
nouveaux programmes, avec une nouvelle grille des matières plus
équilibrée, plus riche, proposée à tout le monde,
amène l'introduction d'un diplôme d'études secondaires
unique. Au fond, c'est ce qui est prévu dans le nouveau régime
pédagogique, même s'il n'y a pas encore d'étudiants qui
l'ont expérimenté, puisque nous en sommes à l'an 3, mais
ces dispositions sont dans le régime pédagogique. Elles
prévoient, par exemple, que la formation professionnelle sera, d'une
manière générale, offerte plutôt au terme des
études secondaires, mais elle pourra aussi commencer avant. Le
même régime pédagogique prévoit aussi un programme
d'éducation à la technologie comme activité obligatoire de
formation générale. Nous avons un cours d'initiation à la
technologie, au secondaire III, et il y a une douzaine de commissions scolaires
qui, l'année dernière, cette année et l'an prochain, vont
continuer d'expérimenter des programmes possibles d'éducation
à la technologie.
Voilà où nous en sommes en ce qui a trait au premier volet
concernant la place de la formation professionnelle dans l'ensemble des
objectifs de l'école secondaire. C'est, en fait, l'application du
régime pédagogique. Là-dessus, nous pouvons dire que nous
en sommes à l'an 3 et que les objectifs que les propositions de relance
de 1982 mettaient de l'avant sont, en fait, mis en oeuvre au fur et à
mesure que le régime pédagogique du secondaire prend corps dans
le réseau.
Le deuxième pôle concerne les contenus ou les objectifs de
formation professionnelle comme tels. Là encore, je vous
réfère au processus de révision des programmes en cours.
Il y a actuellement une bonne quarantaine de programmes de formation
professionnelle qui ont été révisés et dont les
textes sont disponibles depuis juin 1983; le reste suit. Donc, ce qui a
été fait pour l'ensemble des programmes de formation dite
générale est entamé, plus qu'entamé, est
commencé dans le cas des programmes de formation professionnelle. Dans
chacun des cas, il s'agit de vérifier l'à-propos des contenus de
formation, de s'ajuster aux changements technologiques, d'élargir un
certain nombre de programmes qui étaient peut-être trop pointus.
Ce sont des activités de renouvellement qui, accompagnées d'une
injection - pour prendre un mot dont on a rigolé cet après-midi -
de ressources du côté des équipements de formation
professionnelle, sont de nature à contribuer à une mise à
jour générale des objectifs de formation professionnelle. Donc,
nous sommes, quant au contenu de la formation au niveau secondaire, dans un
processus de renouvellement analogue à ce qui été fait
pour les programmes de formation générale.
Le troisième pôle est ce que nous pourrions appeler
l'organisation scolaire, si vous voulez, ou l'organisation des cheminements de
formation scolaire
professionnelle à l'intérieur de l'organisation de
l'école secondaire. Ici aussi, je dirais que les propositions de relance
de 1982, comme elles épousaient strictement les prescriptions du nouveau
régime pédagogique, sont en train d'être mises en oeuvre au
rythme même de l'implantation du régime pédagogique. Ce
qu'il faut comprendre, c'est essentiellement ceci. La modification des
grilles-horaires fait que, progressivement, au fur et à mesure que nous
avançons dans l'implantation, les plages-horaires ou les créneaux
ou les moments disponibles pour la formation professionnelle sont
réduits progressivement d'une année à l'autre, un peu
à la manière d'un tube de pâte dentifrice, si vous me
permettez l'expression. Donc, si on fait l'hypothèse qu'un programme de
formation professionnelle au secondaire comporte, de manière
générale, 36 crédits, il est évident qu'il ne sera
plus possible de faire les 36 crédits dans les créneaux
prévus par le nouveau régime pédagogique et on insistera
donc forcément sur un report non pas nécessairement total, mais
progressif d'une partie de la formation professionnelle au secondaire,
après la cinquième année.
Comme chacun le sait, le nouveau régime pédagogique
prévoit qu'une formation professionnelle au secondaire donne droit
à un diplôme d'études professionnelles spécifique,
qui n'est plus à confondre avec le diplôme d'études
secondaires. Cela n'est pas nouveau; c'était dans le régime
pédagogique de 1981.
Dans le cas du quatrième pôle dont je vous parlais, ce
qu'on pourrait appeler les dispositifs d'ensemble de l'organisation cette fois,
il ne s'agit pas de cheminement scolaire ni d'objectifs de formation concernent
plutôt les modes d'organisation de la formation professionnelle et, je
dirais, par-delà les programmes de formation ou les ordres
d'enseignement. Cela comportait quoi? Je vous donne des exemples très
précis: des modalités renouvelées de concertation
éducation-travail. Cela n'a pas besoin de base réglementaire
comme telle. Il est prévu, il a été annoncé qu'il y
aurait des tables de concertation au plan national et au plan régional.
Ces tables sont en discussion actuellement et regroupent l'ensemble des
partenaires. Dans certains cas, à des rythmes plus ou moins rapides, on
pourrait assister à des émergences, à des naissances
très prochaines. Donc, les tractations sont avancées.
Voilà un premier exemple de dispositif.
Un deuxième exemple de dispositif, de structure ou de
système, c'est celui de la carte nationale de répartition des
programmes d'enseignement professionnel. Il n'y a pas de carte qui a
été édictée; il y a un processus pour en faire une
qui a été proposé. Cela aussi est soumis actuellement
à des discussions serrées et concrètes, principalement en
région, quant à la manière d'utiliser ce mécanisme
pour améliorer le contenu de notre carte et aussi sa capacité de
se renouveler.
Un autre exemple: les processus d'évaluation des programmes, qui
concernent beaucoup les unités administratives à
l'intérieur du ministère, mais aussi les partenaires des
réseaux. Là aussi, les mécanismes sont prêts
à être mis en place. Dans le cas de la concertation avec le
ministère de la Main-d'Oeuvre, il est évident que la politique
d'éducation permanente, dont nous allons forcément parler tout
à l'heure dans le cadre du programme 7, a réaffirmé les
bases de cette concertation. Là aussi, les tractations sont
avancées et nous sommes à la toute veille de pouvoir mettre en
place les mécanismes prévus.
Même chose du côté de l'information scolaire et
professionnelle. Le ministère est engagé dans un programme
accéléré d'informatisation des contenus d'information
scolaire et professionnelle. Cela était souhaité par les milieux
de formation professionnelle, de formation générale et c'est en
cours avec, principalement, les ressources que nous avons pu trouver dans les
réseaux scolaires. Au ministère même, il était aussi
prévu un certain ménage, si je peux dire, ou, enfin, des efforts
de concertation pour dépasser la compartimentation des ordres
d'enseignement. Nous avons, au ministère, une coordination de la
formation professionnelle, phénomène nouveau qui permet de
discuter de ces choses et en réaliser.
Voilà où on en est essentiellement, selon ces quatre
pôles. C'est d'inégale importance et cela se situe
différemment dans l'ensemble du processus mais, quand on parle de
politique de formation professionnelle au secondaire, en un sens, ce n'est que
cela, mais c'est tout cela.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Lucier.
M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Une demande de précision. Est-ce qu'on
peut dire que, pour l'été 1984, on connaîtra avec
suffisamment de détails l'échéancier d'implantation? Vous
avez beaucoup parlé du professionnel long et assez peu du professionnel
court. On sait que le secteur qui a le plus besoin de revalorisation
actuellement, c'est le professionnel court qui est considéré
comme la voie de garage. Je ne serais pas étonné que, parmi les
30% de jeunes qui n'atteignent pas le secondaire, la majorité se
retrouve au professionnel court. C'est donc ce secteur qui a besoin
d'être revalorisé et vous en avez assez peu parlé. Est-ce
qu'on peut avoir bon espoir qu'à l'été 1984, puisque je
pense qu'à ce moment les consultations seront pas
mal terminées sur le plan de l'action et qu'il y aura plus de
précisions, le secteur de l'éducation saura où il s'en va
quant à la réforme, en particulier, du professionnel court?
M. Lucier: À propos du professionnel court, je me
permettrai de vous rappeler en trois mots les propositions de mai 1982. Il
était évident que tout le monde souhaitait un renouveau du
côté du professionnel court; personne n'osait parler d'une
suppression, parce qu'on n'aurait pas supprimé les besoins ou les
enfants impliqués dans ce processus, mais chacun sentait bien qu'on ne
pouvait pas continuer dans des processus cul-de-sac, dans des processus
"pseudo-professionna-lisants", finalement, qui ne donnaient pas de
compétence réelle sur le marché. (21 h 15)
Ce qui a été proposé, ce n'est pas tellement de
viser à une suppression du professionnel court comme milieu
spécifique d'encadrement pédagogique permettant à des
jeunes qui sont un peu plus en difficulté de cheminer correctement dans
des objectifs de formation de base. C'est moins cela qu'un effort pour faire
persévérer les jeunes de manière profitable plus longtemps
et, pour cela, ne pas les enferrer dans des filières de formation
pointues, cul-de-sac, mais plutôt leur proposer ce que nous avons
appelé, dans un jargon qui n'a pas fait long feu au sens strict du
terme, des cheminements de formation de base plus diversifiés, plus
conformes à leurs besoins, utilisant, entre autres, des activités
d'ordre manuel ou technique. Le but n'était pas d'amener à une
"diplomation" de professionnel court, mais d'aller le plus loin possible dans
l'atteinte des objectifs de l'école secondaire et de ne pas appeler
"professionnel" ce qui est, en fait, un cheminement de formation de base. Il
s'est fait une forme de consensus autour de cela. Il reste - et c'est en cours
- à identifier les modalités de cheminement qui pourraient
correspondre à un véritable renouveau. Je dois dire qu'il y a sur
la table un certain nombre d'hypothèses qui nous viennent, en fait, des
milieux scolaires. Le ministère sera bientôt prêt à
les rendre publiques.
Le point le plus délicat de l'ensemble de ce dossier - dans le
contexte où nous parlons - c'est la manière de réaliser
ces transformations prévues par le régime pédagogique sans
amener de rupture de continuité ou sans ajouter de problèmes
concernant la tâche des enseignants, par exemple. Il y aurait des
manières abruptes et sauvages d'effectuer ce processus de tube de
dentifrice qui pourraient amener des ruptures et, donc, créer des mises
en disponibilité qui ne sont pas nécessairement souhaitables et
qui ne sont pas nécessaires, non plus. C'est, d'ailleurs, pour cela
qu'il y a là un terrain de discussion. Au comité mixte et aussi
dans les réseaux et au ministère, c'est une préoccupation
majeure d'effectuer cette transformation prévue par le régime
pédagogique en utilisant au maximum l'ensemble des ressources et sans
risquer des ruptures qui auraient des apparences de sauvagerie ou
d'inutilité, finalement.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Mme la
députée de Jacques-Cartier, sur le même sujet.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Le Conseil
supérieur de l'éducation a fait des recommandations très
pertinentes en ce qui concerne les politiques du gouvernement vis-à-vis
de l'enseignement professionnel chez les jeunes. J'aimerais lire quelques
recommandations qui ont été faites dans son rapport du 21 avril
1983. J'aimerais savoir où vous en êtes dans votre
considération de ces recommandations.
D'abord, j'ai ici le résumé du communiqué de presse
du Conseil supérieur de l'éducation: Le conseil porte une
attention particulière aux jeunes qui auraient besoin d'une formation
professionnelle qui soit différente de celle conçue pour
l'ensemble de la communauté scolaire, afin d'éviter des
échecs irrémédiables pouvant même conduire à
l'abandon des études. C'est pourquoi le conseil préconise qu'en
troisième et quatrième secondaire ces élèves
bénéficient à parts égales d'une formation de base
dans les matières principales, selon des approches pédagogiques
adaptées à leurs besoins et à leur motivation.
Il recommande que tous les élèves qui ont terminé
avec succès la période d'études consacrée à
leur formation professionnelle à l'école secondaire puissent
bénéficier d'une période d'apprentissage en milieu de
travail non obligatoire d'une durée variant de douze à dix-huit
mois. Il recommande que la formation professionnelle au niveau d'enseignement
secondaire soit dispensée au cours de la onzième année
d'études - au lieu d'une douzième année
suggérée par le régime pédagogique.
Il recommande la formation continue des enseignants,
particulièrement par des stages en entreprise, la révision de
certains programmes dans une corrélation rigoureuse avec les analyses
des fonctions de travail, etc. Je crois que ces recommandations sont
très pertinentes aux problèmes actuels. Où en
êtes-vous dans votre considération de ces recommandations?
M. Lucier: Cet avis du Conseil supérieur de
l'éducation avait reçu du ministre une très longue
réponse...
M. Bérubé: Autres temps, autres moeurs.
M. Lucier: ...que je n'ai pas sous les yeux, mais que je
possède assez en mémoire. Elle faisait part au Conseil
supérieur de l'éducation de la profonde convergence de vues, je
dirais, sur un bon nombre de questions. Il y avait dans le rapport du Conseil
supérieur de l'éducation, si ma mémoire est bonne, quelque
chose comme huit ou neuf propositions. Je crois que, sur six ou sept ou
peut-être presque la totalité, il y avait l'expression d'une
convergence de vues fondamentale.
Si je puis me permettre de reprendre les exemples que vous donnez, vous
citez quatre de ces propositions, la première concernant la
possibilité, en troisième et quatrième année du
secondaire, de cheminer dans les matières obligatoires selon des
modèles pédagogiques diversifiés. Cela traduit presque
littéralement, je dirais, les propositions ministérielles,
notamment dans ce qu'on a appelé, comme je vous le disais tantôt,
les cheminements particuliers de formation de base dont c'est essentiellement
l'esprit. Plutôt que d'engouffrer les jeunes dans des formations
pseudo-professionnelles cul-de-sac, il vaut mieux les inciter à
persévérer dans les matières jugées de base, mais
par des approches pédagogiques suffisamment diversifiées pour les
rejoindre dans leurs préoccupations et dans leur type
d'apprentissage.
Voici un exemple de proposition qu'il reprenait presque
littéralement et, si ma mémoire est bonne, le ministre avait
signalé sa convergence de vues là-dessus. Il y a la proposition
de la formation professionnelle en onzième année, ce qui veut
dire le secondaire V. Si ma mémoire est bonne, le ministre avait
rappelé au conseil que pas plus les propositions que le régime
pédagogique, d'ailleurs, ne statuaient que, dorénavant, toute
formation professionnelle ne viendrait obligatoirement pour tout le monde
qu'après le secondaire V. La formulation même du régime
pédagogique, à savoir que c'est normalement après le
secondaire V avec possibilité de commencer avant, identifiait clairement
la cinquième année, donc, la onzième année, le
secondaire V comme un moment possible de début de formation
professionnelle. Je dirais que les propositions de mai 1982 allaient même
plus loin, puisqu'elles disaient que cela pourrait même commencer en
quatrième année. Ce que le régime pédagogique a
cerné comme cheminement dit intégré, où on
poursuivrait à la fois des objectifs de formation professionnelle et des
objectifs de formation de base, rejoint très substantiellement la
proposition du conseil.
La question des stages. Si je me rappelle bien, la réponse
ministérielle avait consisté à dire que, finalement, il y
avait possibilité de rejoindre la vision du conseil et qu'on comptait y
accéder par le biais de stages en fin de formation ou de stages en
alternance dans certains profils de formation professionnelle. Mais on n'avait
pas retenu la proposition spécifique du conseil d'avoir, pour tous ceux
qui termineraient leur formation professionnelle, un stage de 12 à 18
mois parce qu'on ne voyait pas bien comment on pourrait l'organiser, dans le
système d'entreprise que nous avons. Je dirais, pour compléter,
que des événements nouveaux sont arrivés depuis. Le plan
de relance, avec ce qu'il comporte de formation ou d'apprentissage en
entreprise, est venu prendre le relais de cela, mais pour ceux qui ne sont pas
dans le système scolaire. Donc, il y avait là aussi une sorte de
convergence de vues, mais une divergence sur les moyens à prendre.
Quant à la formation des enseignants en entreprise, je crois me
souvenir aussi que le ministre avait rappelé un certain nombre de
programmes de perfectionnement qui, justement, font que des enseignants de
formation professionnelle vont en entreprise. Je ne sais pas si cela
rejoignait, quantitativement, tous les souhaits du Conseil supérieur de
l'éducation, mais le ministre n'avait aucune difficulté à
retrouver dans les recommandations du conseil l'esprit de ses propres
propositions ministérielles.
Mme Dougherty: Mais est-ce que cela veut dire que vous allez
changer le régime pédagogique et les règlements en
conséquence pour reconnaître la validité de ces
recommandations?
M. Lucier: II n'y avait pas de nécessité, à
notre connaissance...
Mme Dougherty: La formation professionnelle au secondaire VI?
M. Lucier: C'est dans le régime pédagogique
actuel.
Mme Dougherty: Oui, mais...
M. Lucier: C'est dans le nouveau régime
pédagogique.
Mme Dougherty: Oui, c'est dans le régime
pédagogique, mais tous les "décrocheurs" potentiels auront
déjà...
Une voix: Décroché.
Mme Dougherty: ...décroché.
M. Lucier: Mais, précisément, ce que je...
Mme Dougherty: Mais il faudra changer
le régime pédagogique pour s'accommoder aux
recommandations.
M. Lucier: Ma compréhension, c'est qu'on n'a pas besoin de
changer le régime pédagogique pour accommoder les
clientèles diverses, puisque le régime pédagogique parle
de spécialités professionnelles normalement suivies après
le secondaire V. On prévoit spéciquement qu'il puisse s'inscrire
dans les créneaux de cours optionnels du secondaire V et il n'y a rien
qui interdise de penser qu'il puisse s'inscrire dans les créneaux
optionnels du secondaire IV. Alors, je ne vois pas à ce moment-ci - en
tout cas, techniquement - la nécessité de modifier le
régime pédagogique pour permettre ce genre d'accommodement. Cela
a été la compréhension, me semble-t-il, de la plupart des
milieux qui ont travaillé sur les propositions de mai 1982.
Mme Dougherty: Je l'espère. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bourassa, en vous demandant une brève intervention et une
réponse brève, si on veut avoir le temps d'aborder la question de
l'éducation des adultes.
M. Laplante: Dans l'exploration que font les jeunes des
métiers professionnels, avez-vous commencé à vouloir
changer l'orientation de cette exploration? Au lieu de les diriger vers des
métiers qui ne sont plus en demande, qui sont désuets, avez-vous
commencé à vouloir prendre un virage technologique pour leur
faire voir les nouveaux métiers?
M. Lucier: Si vous faites allusion aux activités
d'information scolaire et professionnelle, je peux vous dire que dans...
M. Laplante: II y a toujours des stages d'exploration avant qu'un
jeune puisse se consacrer... Dès le secondaire III...
M. Lucier: Oui.
M. Laplante: Au secondaire V, il aboutit au professionnel long,
s'il s'en va là - au secondaire IV et V.
M. Lucier: Les dispositions du nouveau régime
pédagogique prévoient, au secondaire III, une initiation à
la technologie qui est, quand on en regarde le programme, plus large, plus
exploratoire, plus générale aussi que ne pouvaient l'être
les programmes d'exploration technique. Je crois qu'on peut dire qu'ils ont
été conçus et qu'ils sont en rajeunissement dans une
perspective d'ouverture aux technologies de demain et aux
réalités d'aujourd'hui et de demain.
M. Laplante: Ce qui me préoccupe le plus, c'est qu'on veut
conserver dans les polyvalentes, actuellement, les métiers de
ferblanterie, de menuiserie, de tuyauterie, quand on sait que le marché
en est saturé. Il y a tout le virage de machinerie nouvelle dans la
mécanique d'ajustage. On est encore pris avec nos vieilles machines; les
jeunes apprennent sur ces machines et, quand ils arrivent dans l'industrie, ce
n'est plus cela du tout. Je suis pour l'exploration, pour qu'on montre des
choses nouvelles aux jeunes. Quels sont les efforts du ministère pour
décourager les commissions scolaires à favoriser des
métiers désuets par rapport aux métiers plus modernes,
plus compatibles avec le marché du travail?
M. Lucier: Je reviendrais à ce que je vous disais
tantôt. Je pense qu'il faut se référer aux activités
d'information scolaire et professionnelle. Je crois qu'avec les milieux
scolaires on a adopté une attitude plus agressive concernant une
information plus vigoureuse sur les voies qui ne mènent à rien ou
sur les voies qui mènent à des débouchés difficiles
et sur celles qui sont ouvertes sur l'avenir. Quant au contenu, la
révision actuelle des programmes de formation tente
précisément de rajeunir et d'évacuer tout ce qui
apparaît comme désuet. Maintenant, cela laisse intact...
M. Laplante: Vous parlez précisément de
l'orientation...
M. Lucier: Oui et du contenu des programmes. (21 h 30)
M. Laplante: Je suis d'accord avec vous. Quelle est
l'information? Je pense qu'on ne peut pas se taxer d'avoir un système
d'éducation comportant suffisamment d'orienteurs pour nos écoles
secondaires. Il ne faut pas se le cacher, cela a toujours été le
malaise. Du temps où j'étais commissaire à la CECM, s'il y
avait un orienteur pour 2500 élèves, ce n'était que du
"punchage" qui se faisait sur des cartes passées dans un ordinateur et
c'est encore pareil. On se battra tous ensemble pour tenter d'améliorer
cette affaire-là. Je veux savoir si la commission scolaire a les outils,
après avoir donné l'information à ces jeunes et leur avoir
conseillé de se diriger dans tel ou tel endroit, pour respecter le choix
de l'élève et lui dire s'il est préparé pour cela.
C'est beau de donner de l'information, mais si on n'a pas les outils...
M. Lucier: Ce que nous disions tantôt, concernant le plan
d'insertion sociale et professionnelle des jeunes avec le développement
des options professionnelles dites d'avenir, constitue l'outil majeur pour
livrer la marchandise, quand on indique à des élèves
qu'ils feraient bien de choisir des
secteurs d'avenir. C'est pour cela que tout ce qui est fait au niveau
des équipements, des contenus de programmes, d'une information scolaire
professionnelle agressive, bien au-delà de l'orienteur - cela va
jusqu'à l'information publique - tout cela ensemble constitue des
mesures qui sont de nature à rendre possible la réalisation des
choix qu'on pourrait inciter les étudiants à prendre plutôt
que d'autres.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Saint-Laurent.
Politique d'aliénation des immeubles
M. Leduc (Saint-Laurent): Je serai bref. Je regardais ce qui a
trait à la politique d'aliénation des immeubles. On indique ici
que la fin recherchée est de permettre l'acquisition de ces immeubles
par certains organismes pour une somme nominale. Chez nous, on a eu une chicane
assez célèbre, récemment. On disposait d'une école
désaffectée depuis un bon moment et j'ai l'impression que la
commission scolaire a tenté d'avoir le meilleur prix possible. Cela a
créé des chicanes entre les différents organismes qui
désiraient acheter l'école. Est-ce que c'est cela, la politique
du gouvernement? Est-ce de permettre de vendre l'immeuble, de disposer de
l'immeuble au meilleur prix possible, alors qu'on mentionne dans le cahier que
ce n'est pas cette fin qu'on recherche? Je veux savoir si c'est permis, si on
doit permettre la surenchère et aux organismes de se battre au niveau de
la communauté. En fait, chez nous, c'est ce qui s'est produit et le plus
fort enchérisseur, en l'occurrence la ville, l'a eu au détriment
d'une coopérative.
M. Bérubé: On me dit, que la ville de Saint-Laurent
étant sur le territoire du Conseil scolaire de l'île de
Montréal, la politique gouvernementale n'est pas respectée par le
Conseil scolaire de l'île de Montréal. Je vois la
députée de Jacques-Cartier hocher la tête avec un air
entendu; si je ne me trompe pas, elle est familière avec le
problème, selon le sourire élargi sur son visage. Je dois donc
tirer la conclusion qu'il n'y aurait peut-être pas eu de chicane si la
politique gouvernementale avait été respectée.
Peut-être, je l'ignore. En fait, je ne connais pas le tempérament
des concitoyens de Saint-Laurent, mais mes souvenirs de jeunesse...
M. Leduc (Fabre): Est-ce qu'il y a deux politiques à ce
moment-là?
M. Bérubé: Non, il y a la politique gouvernementale
en vertu de laquelle nous vendons pour une somme nominale aux
municipalités ou autres organismes gouvernementaux financés par
les fonds publics. Lorsqu'il n'est pas possible d'aliéner de cette
façon les immeubles ou les biens meubles excédentaires, on
procède par vente à la valeur marchande, c'est-à-dire,
selon la définition même de la valeur marchande, au plus
offrant.
M. Leduc (Fabre): II faudrait peut-être qu'il y ait une
politique et qu'elle soit uniforme. Si c'est bon pour le reste de la province,
cela devrait sûrement l'être pour l'île de
Montréal.
M. Bérubé: Vous avez parfaitement raison. Il serait
bon d'avoir une conversation avec M. Mongeau, du Conseil scolaire de
l'île de Montréal.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous devez avoir une conversation avec
Mongeau.
M. Bérubé: J'aurai sans doute l'occasion d'avoir
une conversation avec lui. Je lui ferai part de vos préoccupations,
à savoir que la politique poursuivie par le Conseil scolaire de
l'île de Montréal semblerait inadmissible, d'après
vous.
M. Leduc (Saint-Laurent): Non pas mes préoccupations, mais
celles des citoyens du Québec et particulièrement, en
l'occurrence, celles de Saint-Laurent.
M. Bérubé: Je me joindrai à vous, comme
ex-citoyen de Saint-Laurent; j'ajouterai mes reproches aux vôtres.
Le Président (M. Charbonneau): Des avis d'intention. Cela
met fin à l'étude du programme 4. Est-ce que le programme 4 est
adopté?
M. Ryan: Adopté, M. le Président. Avant que vous
demandiez le vote, j'aurais une précision à faire.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: C'est une double précision. Tout d'abord, il a
été question, ce matin, du rapport de l'Organisation
internationale du travail concernant les lois d'exception adoptées par
l'Assemblée nationale, sa majorité gouvernementale, il y a un an
et quelques mois. Le ministre a laissé entendre que l'Organisation
internationale du travail aurait publié un rapport qui était
plutôt favorable au gouvernement. J'ai pris soin de me procurer ce
document. Je voudrais en résumer les conclusions pour que seule la
vérité nous commande dans ces choses. Il y a trois conclusions et
elles sont très brèves.
Le comité qui a examiné l'affaire a entendu les deux
points de vue. Je dois
souligner, ayant fait la lecture de ce qui est donné, qu'il a
écouté ces deux points de vue objectivement et il résume
la thèse de chaque partie de manière impartiale. Il tire les
conclusions suivantes. Le comité note que le gouvernement du
Québec s'est efforcé de négocier avec les syndicats des
secteurs public et parapublic et a abouti, pour un nombre considérable
d'entre eux, y compris certains syndicats plaignants, à la conclusion
d'une convention collective ou d'une entente modifiant les décrets
réglementant les conditions de travail dans ces secteurs.
Il note, néanmoins, avec préoccupation que les lois 70 et
105 ont imposé d'importantes diminutions de salaire à certains
salariés, parfois de l'ordre de 18%, en proclamant la
supériorité des impératifs de la politique
financière du gouvernement sur les conventions collectives. Le
comité estime que l'imposition de telles restrictions par la loi 105
pendant une période de trois ans est trop longue.
Au sujet de la loi 111, le comité considère que les
déductions de salaire pour les jours de grève ne soulèvent
pas d'objections du point de vue des principes de la liberté syndicale,
mais il n'en est pas de même des restrictions d'exercice normal du droit
syndical des enseignants contenues dans la loi: menace de licenciement, piquet
de grève, perte d'années d'ancienneté pour fait de
grève, amendes, etc., allégués par les plaignants.
En ce qui concerne la loi 111, le comité rappelle que les
travailleurs de l'enseignement devraient bénéficier du droit de
grève du fait qu'ils ne travaillent pas dans un service essentiel au
sens strict du terme. En conséquence, le comité prie le
gouvernement de prendre des mesures afin de ne pas maintenir la suspension du
droit de grève et les autres restrictions aux droits syndicaux
imposées jusqu'en 1985 aux travailleurs de l'enseignement.
Cela va beaucoup plus dans le sens du voeu de l'Assemblée
nationale qui a demandé au gouvernement d'abroger la loi 111 dans les
meilleurs délais. Je ne vois pas en quoi ceci constitue une
bénédiction de la voie suivie par le gouvernement.
M. Bérubé: Je pense qu'il faut lire l'ensemble du
document, ce que le député d'Argenteuil a certainement fait et,
deuxièmement, connaître les us et coutumes du Bureau international
du travail. Par exemple, dans le cas d'autres provinces canadiennes qui ont
rouvert les conventions collectives en cours d'exercice, le Bureau
international du travail a mis ces gouvernements sous surveillance alors que,
dans le cas du gouvernement du Québec, il a simplement exprimé
une opinion concernant les événements qui se sont produits, mais
a jugé qu'il ne devait pas aller au-delà de cela. Il ne soumet
donc pas le gouvernement du Québec à la surveillance. Il fait
donc simplement une objurgation ou une recommandation aux parties et s'en tient
là.
Il faut connaître les règles du Bureau international du
travail pour donner le véritable sens aux recommandations que vous avez
là. De toute façon, à la lecture des recommandations, on
voit quand même l'attitude du Bureau international du travail qui,
évidemment, n'est pas là pour dire qu'il est souhaitable que les
gouvernements aient à intervenir pour décréter les
conditions de travail, mais le Bureau international du travail a, parmi ses
règles, la prise en considération de l'intérêt
national qui peut amener le gouvernement à intervenir d'office dans les
conditions de travail des employés du secteur public. Cela fait partie
des règles communément admises par le Bureau international du
travail. C'est d'ailleurs ce à quoi ils font allusion dans leur
conclusion.
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: ...après tout ce verbiage, le gouvernement
doit-il, oui ou non, abroger la loi 111?
M. Bérubé: Le problème de l'abrogation de la
loi 111 découle purement et simplement des poursuites entreprises en
vertu de cette loi. Son abrogation pourrait causer des problèmes
juridiques fort complexes et le ministère de la Justice n'est pas
favorable en ce moment, en tout cas, à l'abrogation de la loi 111 bien
que, sous toutes les autres considérations, le gouvernement soit
favorable à son abrogation.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. Donc, je repose la
question: Le programme 4 est-il adopté?
M. Ryan: Sur division.
Le Président (M. Charbonneau): Adopté sur division.
Nous allons passer à l'étude du programme 7 sur
l'éducation des adultes. Je vous signale que le temps file à vive
allure. Je vais maintenant donner la parole au député
d'Argenteuil. M. le député.
Partage du temps
M. Ryan: M. le Président, avant d'aller plus loin, il ne
serait peut-être pas mauvais, à la lumière de l'entente que
nous avions faite au début des travaux de la commission, que vous nous
donniez un bilan de la manière dont le temps a été
utilisé jusqu'à maintenant par le ministre et le
côté
gouvernemental et par l'Opposition, afin que nous ayons peut-être
une indication quant à la voie à suivre dans la nouvelle partie
de nos travaux que nous entreprenons maintenant.
M. Bérubé: M. le Président, je ne voudrais
pas contredire le vice-président de cette commission, mais j'aimerais
m'enquérir s'il existe des règles de partage du temps et si mon
droit de parole comme ministre de l'Éducation peut être
limité par des règles internes de la commission.
Le Président (M. Charbonneau): Non, mais les membres de la
commission s'étaient entendus sur le partage le plus équitable
possible du temps entre le côté ministériel et
l'Opposition, suivant en cela la tradition qui veut qu'à l'étude
des crédits les députés de l'Opposition aient une occasion
particulière de questionner le gouvernement, par ses
représentants, sur les orientations et les politiques adoptées.
Dans ce sens, les membres de la commission avaient convenu que les
interventions du ministre se situeraient à l'intérieur d'une
espèce de banque ministérielle. Jusqu'à maintenant, les
réponses données surtout par le ministre et ses collaborateurs
ont fait en sorte que cette entente ne s'est pas avérée, dans les
faits, un partage moitié-moitié du temps de parole utilisé
depuis le début de la commission. Si bien que ce matin, pour
répondre à la question du député d'Argenteuil, le
parti ministériel, incluant le ministre, a utilisé...
M. Bérubé: M. le Président, c'est contraire
à l'esprit de ces commissions. Je comprends bien que, dans l'esprit du
nouveau règlement de nos commissions parlementaires, nous sommes
invités à répondre aux questions, mais vous ne pouvez pas
comptabiliser nos interventions à l'intérieur des interventions
du parti ministériel, en vertu de cette indépendance du
législatif face à l'exécutif.
Le Président (M. Charbonneau): Oui, mais il y a
également une tradition, M. le ministre, qui a été
invoquée à la commission de l'Assemblée nationale et qui a
fait l'objet de discussions, notamment avec les leaders des deux formations
politiques, voulant qu'on balise aussi le nouveau règlement par le
respect d'une certaine tradition.
M. Laplante: M. le Président, ce matin, je pense
que...
M. Ryan: Pourrais-je avoir la réponse à la question
qui a été posée au président? Il était en
train de nous donner les chiffres. On pourrait au moins écouter les
chiffres.
M. Laplante: Au départ, je crois que quelque chose n'est
pas exact.
Le Président (M. Charbonneau): Si vous voulez me laisser
compléter, M. le député de Bourassa. Ce matin, le ministre
a utilisé 54 minutes; pour l'ensemble des membres du côté
ministériel, incluant le ministre, c'est une heure et vingt-deux
minutes. Si vous faites la différence entre une heure et vingt-deux et
54 minutes, vous verrez ce que les députés ministériels
ont utilisé. Du côté de l'Opposition, on a utilisé
51 minutes cet après-midi; du côté ministériel,
incluant les réponses du ministre, on a utilisé 92 minutes. Ce
soir, le parti ministériel, incluant les réponses du ministre et
de ses conseillers ou de ses collaborateurs, a utilisé une
période de deux heures et 34 minutes. Cela ne se peut pas. (21 h 45)
M. Ryan: Cela nous avance bien!
Le Président (M. Charbonneau): On me signale que c'est le
cumulatif pour l'ensemble du programme 4, donc, pour cet après-midi et
ce soir; le parti ministériel, incluant les interventions du ministre et
de ses collaborateurs, a utilisé deux heures et 34 minutes; le parti
libéral a utilisé 1 heure et 14 minutes.
M. Bérubé: M. le Président, si nous devons
tenir une telle comptabilité, j'aimerais que vous fassiez la
comptabilité de la durée des interventions des témoins
gouvernementaux, en réponse aux questions qui nous sont soumises, et de
celle des interventions du parti ministériel, d'une part, et du parti de
l'Opposition, d'autre part. De la sorte, nous aurons un véritable
partage du temps en trois parties, car il serait, je pense, injuste de
comptabiliser les réponses que nous donnons à l'Opposition
à l'intérieur des interventions du parti ministériel.
Le Président (M. Charbonneau): Bien sûr, si tout le
monde veut remettre en question les discussions qu'on a eues en séance
de travail, je veux bien, mais je pense qu'il y a eu une entente, qu'on n'a pas
respectée de toute façon, et il est évident que
c'était une entente de départ pour nous permettre de
fonctionner.
M. Laplante: M. le Président, une petite mise au point. Ce
matin, il a été décidé que, lorsque le ministre
parlait, le temps des réponses était déduit à celui
qui répondait.
Le Président (M. Charbonneau): Cela n'a pas
été décidé ici.
Une voix: II n'y a pas concordance avec les autres.
M. Laplante: Au départ, je m'y oppose. C'est
là-dessus que j'ai dit que...
Le Président (M. Charbonneau): Ce matin, nous avons pris
la peine de faire une séance de travail pour régler ces
questions. J'espère que nous ne passerons pas le reste de la
séance d'aujourd'hui et une partie de la séance de demain
à soulever des questions de procédure. M. le député
de Fabre.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, nous avons convenu, en
effet, de répartir le temps également entre l'Opposition et le
côté ministériel, mais on n'a pas discuté en
détail la façon dont on répartirait le temps de
réponse du ministre. Or, il est évident pour nous que, lorsque le
ministre répond à une question de l'Opposition, cette
réponse ne peut pas en toute logique être comptabilisée
dans le temps des députés ministériels. Cela va à
l'encontre de la logique même. Cependant, si le ministre répond
à une question du côté ministériel, bien sûr,
cette réponse est comptabilisée du côté
ministériel. Cela nous semblait aller de soi.
Le Président (M. Charbonneau): Mais il y a peut-être
des choses qui...
M. Leduc (Fabre): Tenant compte de ces facteurs qui nous
semblaient évidents, nous étions d'accord pour répartir le
temps également. Or, il est évident que, si le ministre
répond à une question de l'Opposition, cela ne peut pas compter
sur notre temps.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je pense que le député de
Fabre n'était pas ici ce matin, car ce n'est pas du tout ce qu'on a dit,
mais pas du tout. Quand le ministre dit qu'il faudrait diviser cela en trois,
s'il ne répond pas, c'est parce qu'il ne peut répondre et qu'il a
besoin des fonctionnaires pour répondre. Je comprends cela et ils
répondent donc pour lui. Cela me semble assez
élémentaire.
Le Président (M. Charbonneau):
Messieurs et madame, ce qui me semble clair, à la lumière
de vos interventions, c'est qu'il y a peut-être des gens, de part et
d'autre, qui ont pris des choses pour acquis. Peut-être y avait-il des
précisions qui n'étaient pas claires dans l'esprit des uns et des
autres quant au déroulement de nos travaux pour l'étude des
crédits. Cela ne me fait absolument rien d'utiliser le reste de la
séance d'aujourd'hui pour clarifier des questions, mais c'est du temps
de moins pour étudier les crédits.
J'ai essayé, dans cette répartition du temps, de permettre
à tous les membres de la commission qui voulaient poser des questions de
le faire tout en respectant la réalité qui veut qu'à
l'étude des crédits, le ministre soit en première ligne
et, naturellement, ait la plus grosse période de temps. C'est un peu
normal, on est là pour l'interroger sur ses politiques.
Par ailleurs, mon intention était aussi de respecter la tradition
qui veut que cette période serve à l'Opposition pour questionner
adéquatement le gouvernement et, donc, les ministres sur leurs
politiques. C'est un peu à la suite de la séance de la commission
de l'Assemblée nationale de la semaine dernière que je tentais de
faire mon travail, sans nécessairement utiliser des règles trop
strictes. Jusqu'à maintenant, je pense que ça allait assez
bien.
M. Laplante: Jusqu'à présent, M. le
Président, cela a très bien fonctionné. Les
députés ont des droits, ce sont des élus qui sont autour
de la table et on n'a fait aucune différence entre l'Opposition et le
gouvernement. On s'est dit: Nous sommes députés, il y a des
comptes à rendre dans l'étude d'un budget comme celui-là
et nous ne sommes pas ici pour suivre le ministre, contrairement à ce
que l'Opposition peut penser. Vous connaissez notre rôle, nous avons pris
connaissance du budget en même temps que tout le monde. Comme
député, je ne veux pas qu'on brime mes droits de
représentant de la population, qu'on limite mon droit de poser des
questions au ministre présent.
Ce n'est pas pour rien qu'il est considéré comme
témoin dans la nouvelle organisation des séances, il n'a
même pas le droit de parler comme il le désire, il ne doit
répondre qu'à des questions de fonctionnement. Il n'a même
pas ce droit actuellement, il n'est là que comme témoin. Je veux
bien me servir de mon droit, mais je ne veux pas en abuser, car je crois que
l'Opposition a un grand rôle à jouer ici, dans l'étude des
crédits, et je la respecte. Même si elle prend 60% du temps, cela
ne fait rien, mais si j'ai besoin de trois minutes pour poser des questions,
j'aimerais bien pouvoir les utiliser. C'est dans ce sens qu'on pourrait
fonctionner à l'amiable.
Le Président (M. Charbonneau): La meilleure chose que je
pourrais vous suggérer à tous, ce serait que dorénavant,
comme cela s'est fait ce matin, on comptabilise clairement le temps afin de
savoir le temps que le ministre et ses collaborateurs prennent et le temps que
les députés ministériels et ceux de l'Opposition
utilisent. Je tenterai aussi de respecter la tradition qui veut que
l'Opposition ait suffisamment de temps pour questionner comme il se doit le
ministre et ses collaborateurs, tout en permettant à tous les membres de
la commission d'intervenir.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, il y a une chose qui est claire.
D'abord, la proposition qui a été faite par vous ce matin avait
une signification précise. Il y en a qui ne l'ont peut-être pas
comprise, mais elle était très précise. Je peux en
témoigner parce qu'elle a été préparée au
comité directeur de la commission. Nous sommes parfaitement d'accord sur
la signification qu'il convient de lui donner, nous y étions tous les
deux, le président et moi-même, ainsi que la
secrétaire.
On peut la contester par après si on veut, on peut la remettre en
question, on peut dire qu'on ne l'accepte plus, c'est une autre affaire. Je
pense qu'il n'y a pas de doute quant à la nature de la proposition qui
avait été faite. Je ne sais pas si cette chose-là a
été vérifiée auprès du ministre avant qu'il
ne vienne, si on s'est assuré de son consentement également. Je
ne me souviens pas de ce qui s'est passé exactement au début de
sa participation à nos travaux ce matin, mais il y avait une entente
claire de ce côté-là. C'était une expérience
qu'on faisait.
M. Laplante: Cela a été enregistré.
J'aimerais beaucoup voir l'enregistrement et vous verrez...
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bourassa, je vais vous le rappeler très clairement et vous verrez que
cela correspond au journal des Débats.
M. Laplante: Je l'ai cherché. Vous verrez que je
m'opposais à ces choses-là, que je voulais avoir de
l'équité.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bourassa, je voudrais simplement rappeler clairement ici, comme le
député d'Argenteuil le signale, que cette entente ne nous
convient plus. Nous la reformulerons dans des termes qui satisferont l'ensemble
des membres de la commission. Ce qui était clair dans mon esprit, ce
matin, dans la proposition que le comité directeur avait faite,
c'était qu'il y avait un partage équitable du temps. Je n'avais
pas eu de directive particulière du bureau des leaders ou du bureau des
whips. Le partage équitable du temps était celui-ci: les
interventions du ministre étaient comprises dans le temps
ministériel et, s'il y avait des députés
indépendants qui intervenaient, le temps était compris dans le
temps de l'Opposition.
Il semble que cette façon de fonctionner n'ait pas plu à
tout le monde ailleurs, dans d'autres commissions. Maintenant, ce soir, on
semble vouloir interpréter que le temps du ministre se divise en deux
types d'interventions: quand il répond à un député
ministériel, c'est compris dans le temps des députés
ministériels et, quand il répond à un député
de l'Opposition, c'est compris dans le temps des députés de
l'Opposition. Il est possible de fonctionner de cette façon, sauf que je
vous signale que ce n'était pas le sens de la proposition de ce matin et
personne n'a signalé le problème particulier de deux types de
réponses de la part du ministre, c'est-à-dire des réponses
à des députés ministériels et des réponses
à des députés de l'Opposition.
Si on veut maintenant faire ces distinctions, je pense qu'il est
possible de le faire, mais qu'on ne confonde pas la proposition de ce matin
avec des fonctionnements qui peuvent être modifiés.
M. Bérubé: M. le Président, je soumettrais
humblement à votre considération que je n'ai pas vraiment
d'objection à ce que l'on me soumette fort longuement aux supplices de
la question. J'ai quelques réticences, cependant, à ce que l'on
minute la longueur de mes réponses.
Essentiellement, il me semble qu'en partageant le temps en trois, on
pourra peut-être, à un moment donné, observer que nous
prenons trop de temps à répondre aux questions et, à ce
moment, cela me fera plaisir d'essayer de restreindre la longueur de mes
réponses si celle-ci fait obstacle. Je plaiderais en faveur de la
réforme parlementaire qui, de façon fort symbolique, nous a
situés à l'extrémité de cette table de travail pour
bien établir une démarcation entre l'exécutif et le
législatif et faire en sorte que le ministre soit appelé à
répondre de son administration auprès des membres de l'ensemble
de la commission.
À cet égard, je pense qu'on devrait peut-être
essayer quand même de respecter l'esprit de cette réforme et faire
en sorte qu'on minute le temps de la partie gouvernementale de façon
séparée, de telle sorte que l'on puisse porter un jugement sur la
longueur des réponses. Si on pense qu'effectivement elles sont trop
longues, il me fera plaisir d'essayer de les restreindre. Je pourrais essayer
également de minuter soigneusement la longueur de mes réponses de
telle sorte que je réponde très brièvement quand
l'Opposition m'interroge et très longuement quand le parti au pouvoir
m'interroge, de manière à mieux équilibrer le temps si
cela est important. Enfin, je vois difficilement comment on pourrait faire
autrement.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je vous soumets qu'il y avait une entente et qu'elle
avait été acceptée par tout le monde ce matin. Je
trouverais extrêmement regrettable qu'elle soit brisée en cours de
route. C'est une expérience qui est faite et qui n'engage pas l'avenir,
qui
engage cette partie-ci des travaux de l'Assemblée nationale qui
va durer trois jours. Maintenant, il me semble que la meilleure manière
de venir à bout du problème, ce serait, pour le ministre et ses
collaborateurs, de donner des réponses concises aux questions de
manière qu'il y ait un peu plus de participation possible. Je pense que
nous avons fait la preuve mathématique de ce que donnent des
réponses abusivement longues et, avec un peu de collaboration et de
bonne volonté de ce côté, si le parti ministériel
dit qu'il ne veut plus d'entente comme celle-là, ils nous le dira
à nous et on l'enregistrera, car on n'a pas de contrôle sur eux.
Je trouverais extrêmement malheureux, parce qu'on s'aperçoit que
cela a donné ce résultat, qu'on dise: Cela ne marche plus, la
patente.
Qu'on attende que les travaux de la commission soient finis et, s'il y a
un mouvement de retenue de la part de chacun... Je pense que la preuve est
faite que nous n'avons point abusé du temps de parole qui nous est
imparti. Si le ministre veut collaborer avec les députés qui sont
membres de la commission, ainsi que ses collaborateurs, pour donner des
réponses plus brèves, je pense qu'on pourrait arriver et
continuer nos travaux. Mais, là, nous avons un problème que nous
allons discuter ensemble parce qu'on a pris un sujet très important qui
était inscrit au programme de la journée. Nous avions
établi notre programme de telle manière qu'on procédait
tranche par tranche, afin de ne pas laisser de côté des tranches
importantes. Là, il y en a une tranche. On ne sait pas où on va
la situer. Déjà, on a un problème majeur qui se pose
à cause de cela.
Le Président (M. Charbonneau): Écoutez, il est 22
heures. Je vous propose que demain matin, plutôt que de prendre encore
une autre demi-heure du temps de la commission pour régler cette
question, si les membres de la commission étaient d'accord, nous nous
réunissions en séance de travail quinze minutes avant le
début de la séance publique pour régler ces
problèmes de fonctionnement. Je trouve qu'après les dix minutes
qu'on vient de prendre sur l'étude des crédits, si on poursuit ce
débat demain matin sur le temps de l'étude des crédits,
tout le monde va être perdant. À moins qu'il n'y ait des
objections, j'ajournerais les travaux à demain matin et je convoquerais
une séance de travail des membres de la commission à 9 h 40.
Une voix: D'accord.
M. Laplante: Je regrette, M. le Président, mais je ne
serai pas présent pour cette séance. Je vais faire mon possible
pour être ici à 10 heures à cause d'autres réunions.
Je vous en avais averti ce matin. Tout de même, ce que je peux vous
exprimer tout de suite, c'est que je ne démordrai pas, à ce
stade-ci, pour qu'il y ait un temps équitable réparti entre les
deux formations.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député,
nous avons enregistré votre position tantôt et je pense que les
députés ministériels qui seront à la séance
de travail pourront faire valoir ce point de vue.
M. Laplante: Je demande le consensus.
Le Président (M. Charbonneau): Les travaux sont
ajournés à demain matin, 10 heures pour la séance
publique, et je vous attends à 9 h 40 pour la séance de
travail.
(Fin de la séance à 22 heures)