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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Wednesday, April 11, 1984 - Vol. 27 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de l'Éducation


Journal des débats

 

(Dix heures dix-neuf minutes)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre!

Mesdames, messieurs, la commission permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je vais d'abord faire l'appel des membres présents: M. Ryan (Argenteuil), M. Champagne (Mille-Îles), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Leduc (Fabre), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Payne (Vachon), M. Charbonneau (Verchères).

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplaçants?

La Secrétaire: Aucun remplaçant.

Ordre des travaux

Le Président (M. Charbonneau): Aucun remplaçant. Nous allons poursuivre l'étude des crédits du ministère de l'Éducation. D'abord, quelques précisions quant à des changements intervenus à l'horaire d'étude des programmes que nous avions choisi hier. Ce matin, nous allons aborder l'étude des programmes 6 et 9, c'est-à-dire Enseignement universitaire et Fonds pour la formation de chercheurs et action concertée. Cet après-midi, plutôt que d'étudier le programme 10, Organisation et réglementation des professions, nous allons étudier le programme 7, que nous n'avons pas pu étudier hier soir, Formation des adultes. Nous étudierons le programme 10 jeudi soir avec les programmes 8, 1 et 2 en mettant une priorité sur les programmes 8 et 10, c'est-à-dire Enseignement privé et Organisation et réglementation des professions. Nous avions déjà prévu siéger jeudi soir pour l'étude des programmes 8, 1 et 2; nous ajouterions le programme 10, Organisation et réglementation des professions, que nous ne verrons pas cet après-midi. Nous mettrons en priorité les programmes 8 et 10 et, pour ce qui est des programmes 1 et 2, on verra si on a le temps. Jeudi matin, cela demeurerait tel que prévu, c'est-à-dire les programmes 5 et 3, Enseignement collégial public et Aide financière aux étudiants.

Cela dit, nous allons sans plus tarder aborder l'étude du programme 6, Enseignement universitaire. M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques particulières?

Enseignement universitaire M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Des remarques particulières, c'est un bien grand mot, d'autant plus qu'hier soir j'ai cru comprendre qu'on aimerait que la partie gouvernementale restreigne au strict minimum ses interventions de manière à permettre à l'Opposition de poser toutes les questions. Étant acquis que ce qui les intéresse, ce sont les questions et non les réponses, sans doute...

Le Président (M. Charbonneau): N'ouvrez pas une boîte de Pandore, M. le ministre.

M. Bérubé: Je soulignerais que, parmi les éléments importants qui vont affecter le monde universitaire, il y a une volonté très réelle de la part du gouvernement d'accroître le volume de la recherche dans les universités en favorisant la constitution d'une quarantaine d'équipes de chercheurs dans nos universités. Ce qui est important, ce n'est pas, contrairement à ce que la députée de Jacques-Cartier avait pris la peine de souligner, hier, dans l'une de ses interventions, tellement le nombre de chercheurs qui doivent faire partie de cette équipe, mais plutôt le nombre d'équipes. En effet, nous n'avons pas voulu que, par un processus de dilution que l'on a souvent eu tendance à observer dans le processus d'allocation des fonds de recherche qui, au départ, réussit à se concentrer sur un certain nombre de cibles assez bien définies mais qui, subséquemment, par suite du processus démocratique en vigueur pour la répartition des fonds, a tendance à se diluer de telle sorte qu'à la fin on étend une mince couche de beurre sur un très grand nombre de personnes et que l'impact réel, en termes de développement de la recherche, est souvent peut-être pas au niveau où on voudrait l'avoir, l'objectif poursuivi par le gouvernement d'amener l'implantation d'une quarantaine d'équipes est majeur en termes de nombre d'étudiants gradués additionnels... C'est majeur également en termes d'associés de recherche, de chercheurs postdoctoraux qui vont pouvoir entrer à l'université.

Il ne s'agit pas non plus de prendre des équipes existantes et de trouver là un nouveau moyen de financement. Absolument pas. En d'autres termes, il faut que ce soit

de nouveaux chercheurs qui viennent à l'université. Il s'agit d'une croissance réelle de l'activité de recherche et non de la substitution.

Il n'est pas possible d'implanter cette quarantaine d'équipes de recherche en l'espace d'une année. Nous calculons qu'il faudra au moins trois ans, à un rythme de dix à quinze nouvelles équipes par année, pour faire en sorte que d'ici à trois ans, nous ayons effectivement presque doublé l'effort de formation au niveau du doctorat, à titre d'exemple, si on devait mettre l'accent sur le niveau du doctorat. • Nous voulons être le plus souple possible dans l'administration de ce fonds, de manière que les équipes elles-mêmes puissent décider des priorités où elles veulent orienter l'argent. En d'autres termes, s'agit-il d'offrir un peu plus à des étudiants pour aller recruter la crème ou même pouvoir faire venir des gens de l'extérieur? S'agit-il d'investir davantage d'argent pour aller chercher un scientifique de renom qui peut aider à constituer l'équipe? En d'autres termes, il faut laisser une flexibilité à l'université pour décider comment elle veut utiliser ses fonds.

Troisièmement, il faut également éviter un problème que l'on a trop souvent connu, celui où un chercheur engagé par un contrat de recherche pendant deux, trois, quatre ou cinq ans ne peut jamais obtenir la stabilité d'emploi au sein de son université dans la mesure où son poste est défrayé à l'aide de budget de recherche non intégré au budget de l'université. Notre intention est de faire en sorte qu'à la fin de ce programme, les fonds ayant servi - pour l'instant, on pense surtout aux associés de recherche, mais on pourrait même l'étendre aux chercheurs postdoctoraux - à financer ces chercheurs soient intégrés directement dans les budgets réguliers des universités de manière qu'il y ait continuité. Je ne vous cache pas, cependant - je n'ai pas vu cela dans les propositions de règles qui m'ont été soumises jusqu'à maintenant et je n'ai pas eu l'occasion non plus d'en parler à mon sous-ministre responsable - que je ne détesterai pas que cette intégration au budget de l'université soit conditionnelle à une certaine performance de l'équipe, à un certain volume de publications scientifiques dans des revues internationales, de telle sorte que l'intégration ne soit pas automatique, mais basée sur une performance.

Je pense qu'en recherche, il faut viser l'excellence et, si on est en deçà de l'excellence, on doit disparaître. Je ne serais pas fâché qu'on ait un critère de ce type-là, un critère d'excellence pour nos équipes qu'on pourrait introduire pour l'intégration, mais je pense que le principe de l'intégration à l'intérieur du budget des universités m'apparaît fondamental et m'apparaît répondre, en fait, aux véritables objectifs de développement de la recherche. Soulignons aussi en passant que près de 22 000 000 $ seront consacrés au financement des clientèles additionnelles associées au virage technologique, c'est-à-dire un certain nombre de secteurs bien précis dans le domaine des sciences, mais également au niveau secondaire et doctorat. C'est l'ensemble, pour ainsi dire, des disciplines qui sont alors touchées. Donc, un programme qui va nous permettre de favoriser le développement des études de deuxième et troisième cycles à l'université et faire en sorte que nos universités puissent aspirer au statut d'excellence auquel elles ont droit.

Parmi les derniers points que j'aimerais soulever, il y a tout le problème du financement des clientèles à l'université. Je ne verrais pas la remise en question, mais l'examen ou le réexamen d'une politique gouvernementale passée où nous avons voulu démocratiser l'accès à l'université en introduisant des règles de financement qui ont eu comme conséquence que beaucoup d'universités ont produit des programmes courts de manière à faciliter l'accès pour un grand nombre de nos concitoyens qui n'avaient peut-être pas été aussi loin qu'ils auraient voulu à l'intérieur de leurs propres études et qui voulaient acquérir une certaine connaissance universitaire ou poursuivre un acquis universitaire incomplet.

Donc, cette politique de financement a fait en sorte que les universités ont mis en place plusieurs de ces certificats ou programmes courts. On a observé au Québec une augmentation assez phénoménale d'étudiants inscrits à temps partiel par opposition aux étudiants dits réguliers. Quand je dis augmentation spectaculaire, c'est que, par comparaison avec la pratique dans les autres provinces, on se rend compte que nous mettons davantage l'accent sur ce type de clientèle. Ce que cela souligne, c'est l'extraordinaire adaptabilité du monde universitaire aux règles financières. Adaptabilité presque instantanée, de telle sorte qu'il faut donc peser avec soin ces règles financières sachant qu'elles vont induire presque automatiquement un comportement approprié à la règle en question.

Ceci va donc nous amener à réexaminer, avec les universités, nos règles de financement de manière à corriger certaines lacunes que d'aucuns ont décriées, en ce sens qu'on a indiqué que nos règles favorisant les programmes courts au sein de l'université avaient tendance à défavoriser les diplômes de base tels que le baccalauréat ou les études supérieures. Donc, nous allons examiner avec les universités de nouvelles règles de financement qui pourraient permettre, je ne dirais pas de fermer l'université, puisque l'objectif de l'éducation

permanente est un objectif solidement inscrit dans notre mentalité et il faut le promouvoir, mais il ne faut pas non plus transformer l'université - c'est là le danger -en une école essentiellement vouée à l'éducation des adultes au point qu'elle en arrive même à négliger son objectif premier qui est, finalement, l'objectif de formation de base dans un certain nombre de disciplines et, également, l'objectif absolument essentiel pour toute université de qualité, soit la recherche et du développement.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil. (10 h 30)

M. Claude Ryan

M. Ryan: Je pense que le ministre, dans ses remarques, s'est limité à des aspects plutôt particuliers. Il n'a pas traité du problème de fond qui a été créé par les politiques gouvernementales des dernières années. Je pense qu'il est important qu'on commence la discussion sur le bon pied en situant le problème dans sa perspective la plus large et la plus complète possible.

Je voudrais, dans cette perspective, rappeler à l'attention du ministre certains chiffres que j'évoquais hier. Quoique nous convenons tous que la détérioration dans le financement des universités a commencé à se produire vers 1979, elle a continué depuis. Par conséquent, l'année 1979-1980 me paraît une bonne base pour établir des comparaisons qui nous informent sur la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. En 1979-1980, les subventions versées aux différents niveaux de l'enseignement s'établissaient comme suit sur une base per capita: primaire-secondaire publics: 2014 $ par élève; collégial public: 4051 $. C'est extrait de chiffres que vous avez vous-mêmes compilés l'an dernier à notre demande, vous vous en souvenez sans doute. Universitaire: 5377 $. C'est une base d'étudiants équivalente à temps complet. Privé: 1899 $ pour 1979-1980.

Maintenant, je transpose en 1984-1985 sur la base des prévisions que vous fournissez dans le cahier explicatif. Je transpose en dollars courants. Il n'est pas nécessaire de le faire ici. Je peux peut-être le mentionner rapidement afin qu'il n'y ait pas de malentendu. Cela donne 3280 $ pour le primaire-secondaire, 4977 $ pour le collégial public, 6110 $ pour l'universitaire, 2397 $ pour le privé.

Si je transpose ces chiffres en dollars constants de 1979-1980, pour tenir compte de la hausse des coûts qui est intervenue pour les universités comme pour tous les autres secteurs de la société pendant cette période, j'arrive aux constatations suivantes: secondaire public, 108%. C'est dire que la subvention par élève qu'on prévoit verser en 1984-1985 sera équivalente à 108% par rapport à ce qu'elle était en 1979-1980. Au collégial public, elle sera de 82%; à l'universitaire, de 76%; au privé, de 84%. Je pense que ce sont des chiffres réels, on peut peut-être trouver une virgule contestable ici ou là. Dans l'ensemble, il serait difficile pour le gouvernement de mettre ces chiffres en doute.

Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire une chose très simple: d'un côté, le gouvernement a pratiqué une politique d'accessibilité, ce qui était très bon électoralement et politiquement. Le ministre s'est promené un peu partout en disant: Accessibilité à l'enseignement universitaire, allez-y! On est derrière vous. Le premier ministre avait dit cela un jour: Allez-y les garsl On vous appuie.

En même temps qu'il pratiquait cette politique d'accessibilité en matière de financement, il pratique une politique malthusienne, une politique restrictive qui fait qu'on empile de plus en plus des étudiants dans les universités. On n'a pas les moyens correspondant pour garder la qualité des services et surtout pour l'améliorer dans bien des domaines où c'est absolument nécessaire.

Je pense que c'est une tendance qui a déjà engendré des conséquences multiples. Vous en avez évoqué une tantôt, M. le ministre, vous avez parlé de la prolifération des clientèles nouvelles. C'est la course aux clientèles nouvelles pour répondre aux critères artificiels de votre gouvernement. Les universités essaient - certaines réussissent mieux que d'autres - de multiplier les clientèles de manière que l'accès aux subventions soit plus élevé. Le recteur de l'Université de Montréal l'a dit en toutes lettres dans son dernier message annuel. Il a dit: On va se lancer dans la course aux clientèles, c'est ce qu'il faut faire pour être l'objet de mesures de financement plus généreuses. Ce n'est pas une politique pour le secteur des universités, je pense que c'est une politique extrêmement dangereuse.

Vous avez également une détérioration de la qualité du corps professoral. Je causais l'autre jour avec des professeurs - je pense bien que je peux la nommer - de l'Université de Montréal qui me disaient que dans certaines facultés ils n'ont pas embauché de nouveaux professeurs depuis un an, deux ans et trois ans. Il y a un vieillissement. On en a parlé pour d'autres secteurs. Hier, ma collègue de Jacques-Cartier a soulevé le problème - je pense que c'était dans la discussion générale que nous avons eue -particulièrement sérieux du niveau universitaire. Je pense que le ministre sait comme moi, parce qu'il a enseigné à l'université pendant plusieurs années, que la

période de fécondité d'un professeur en matière de recherches n'est pas d'une durée éternelle. Il y a une période de productivité beaucoup plus forte et, au-delà d'un certain seuil, la productivité diminue sensiblement. L'essentiel de la créativité d'une personne a été livrée sous forme de produits originaux et ensuite, il y a un travail de continuation qui se fait, etc. Je pense qu'il y a là un problème.

Les équipements souffrent énormément. Le ministre va me dire: On a annoncé un programme de 15 000 000 $ pour deux ans. On sait tout cela, M. le ministre, mais ce n'est pas avec cela qu'on va régler le problème des retards qui ont été pris depuis quelques années. Vous avez d'ailleurs dans vos dossiers des lettres qui vous ont été adressées par les responsables des facultés de génie vous disant la situation brutale dans laquelle ils se trouvent placés. Au besoin, on vous donnera des précisions là-dessus, plus tard, dans la discussion. Je pense que le fait est établi au-delà de toute discussion, il y a une détérioration considérable dans les équipements de nos universités. Par conséquent, c'est bien beau de dire qu'on pratique une politique d'accessibilité, mais si on n'est pas prêt à assumer les conséquences qui découlent d'une telle politique, il faudrait qu'on fut plus franc et qu'on reconnut franchement que ce n'est pas cela qu'on fait.

Un autre point que je voudrais signaler, c'est la tendance que manifeste le gouvernement à infléchir les priorités des universités tout en continuant de tenir un langage qui prétend respecter l'autonomie des institutions universitaires. Au cours de la dernière année, on a eu plusieurs exemples. Le choix des priorités pour le financement des nouvelles clientèles a été fait d'une manière qui ne tient pas compte d'un grand nombre de facteurs importants. Cela n'a jamais été discuté véritablement. On s'est ramassé, une journée, avec un montant qui a été prévu pour cela, c'est très bien. Un exemple plus concret de ce genre de comportement: au mois de décembre, le prédécesseur du ministre actuel, M. Laurin, une bonne journée, nous a annoncé qu'on va avoir, je pense que c'est 110 000 000 $ de plus pour les universités en 1984-1985. Il nous annonce cela en décembre. On ne sait même pas ce que vont être les crédits budgétaires pour l'année 1984-1985. On ne sait même pas s'il va y avoir plus d'argent. Il nous dit: On va mettre cela de plus. De plus que quoi? Sa spécialité, ce n'était pas les chiffres. Il me semble que ce n'est pas une manière sérieuse pour un gouvernement de procéder que de dire: On va faire des injections additionnelles, sans qu'on sache ce que seront les injections régulières de fonds.

Tout cela implique des choix que le gouvernement fait pour les universités. Avec les choix que le gouvernement a faits, je prends l'exemple que vous avez mentionné tantôt, M. le ministre, 40 équipes de chercheurs, cela a tout été décidé, il n'y avait eu aucune consultation avec le Conseil des universités. Je vous défie de me produire un document du Conseil des universités qui donnerait son opinion avant la décision que vous avez annoncée. Si vous avez eu des conversations privées avec le président, c'est une autre affaire, ce n'est pas cela qui nous intéresse. On veut savoir si le Conseil des universités était amené à donner son opinion là-dessus de même que les universités concernées. Ces gens l'ont dit en toutes lettres qu'il n'avait pas été consulté. Pendant ce temps, on oriente les universités vers d'autres priorités, alors que cela n'a pas fait l'objet d'un débat véritable. C'est un point qui est préoccupant aussi et sur lequel le gouvernement doit être mis en garde.

Un troisième point que je voudrais souligner, c'est la formule de financement. Cela fait des années qu'on en parle. Je reconnais qu'il n'est pas facile de toucher à une formule de financement une fois qu'elle est instituée. On a vu, hier, à propos des commissions scolaires combien est complexe l'interaction de tous les facteurs qui entrent dans l'établissement et le maintien ou le développement d'une formule de financement. En ce qui touche le financement universitaire, la formule dite historique donne lieu dans la pratique à de très sérieuses inégalités d'une institution à l'autre. Le ministre précédent de l'Éducation avait annoncé que nous aurions une nouvelle formule de financement. Il avait, disait-il, institué des travaux là-dessus. Mais, jusqu'à maintenant, nous n'en avons rien vu. Et j'ai cru comprendre ces derniers temps que l'on aurait déposé sur la table du ministre une étude sur l'impact de la formule actuelle de financement dont nous n'avons point entendu parler, dont nous aimerions beaucoup connaître le texte et au sujet de laquelle nous aimerions également connaître l'opinion du ministre. Mais s'il n'est pas prêt à nous donner le texte, son opinion, je l'avertis à l'avance, ne nous intéresse aucunement.

De ce point de vue, je pense qu'il est très important qu'on crée des conditions d'équité, d'égalité véritable entre les institutions universitaires. Qu'on parte d'une base qui soit vraiment reconnue comme juste et équitable par tout le monde. S'il y a des problèmes particuliers de rattrapage qui se posent, qu'on réserve un espace budgétaire spécial pour ces problèmes, s'il y a lieu. Je pense que cela vient s'ajouter. On ne commence pas par cela; on commence par une base objective et ensuite, on ajoute des considérations particulières. Je serais bien intéressé à connaître les intentions du ministre là-dessus et l'échéancier qu'il s'est fixé, s'il en a un.

En quatrième lieu, il faudrait parler des

stratégies de développement des universités. J'ai été bien frappé ces derniers mois par une opinion que le Conseil des universités a transmise au gouvernement. Ce avis remonte à octobre 1983. Il portait sur les stratégies de développement de nos universités. C'était un avis d'une grande sévérité - le ministre est sans doute au courant - bref, concis, mais qui disait énormément. J'ai été étonné de constater que cette opinion du Conseil des universités n'a soulevé de réactions à peu près nulle part. De la part du gouvernement, on n'a jamais entendu parler qu'il aurait lu ou qu'il aurait réagi à cela. Je serais intéressé à connaître votre opinion à ce sujet.

Dans cet avis, le conseil attirait l'attention du gouvernement sur les inconvénients graves de la course aux clientèles, sur les extensions de programmes qui sont souvent conçus pour des fins qui n'ont d'universitaires que l'étiquette, sur la prolifération des programmes courts, également, qui entraîne des phénomènes de duplication et de dédoublement. Il parlait également de certaines interventions à caractère politique de certains de vos collègues, M. le ministre, qui se sont lancés dans la publication d'une nouvelle concernant les développements dans le monde universitaire pour lesquels ils n'avaient reçu aucun mandat, au sujet desquels personne n'avait été consulté. Il faut revaucher tout cela après coup; il faut remettre le train sur les rails. Je crois comprendre en particulier, en ce qui regarde les projets de l'Université du Québec à la ville de Laval... Je ne sais pas ce qui est arrivé là-dedans exactement, mais j'ai bien souri récemment parce que le recteur de l'Université du Québec s'est baladé avec ce projet-là. Il en a fait un de ses chevaux de bataille. Il y a environ un mois, on a vu dans le journal une photographie du recteur de l'UQAM - il y a un bureau de l'UQAM à la ville de Laval, il n'était pas tellement impliqué dans l'autre projet celui-là - annonçant un agrandissement du bureau de la ville de Laval. Qu'est-ce que tout cela veut dire? Est-ce que le recteur au sommet poursuit son projet à l'aide des contacts qu'il peut avoir au niveau du gouvernement? Est-ce que l'Université du Québec à Montréal poursuit son projet elle aussi?

Je ne le sais pas, mais je pense que cela a été un exemple parfait de l'incohérence et de l'opportunisme dans lesquels on peut verser en une matière aussi sérieuse. Il a d'ailleurs fallu l'intervention de plusieurs porte-parole autorisés de la communauté universitaire dans la région de Montréal pour dire que la manière dont on voulait procéder n'avait pas de bon sens. Nous sommes tous d'accord. Je pense en particulier à M. le député de Mille-Iles qui me regarde d'un oeil sévère et inquiet, je suis tout à fait sympathique... Il me connaît, il connaît mes dispositions amicales à son endroit et nous n'avons pas besoin de médiation ministérielle pour nous comprendre, je vous assure.

M. Bérubé: Mais à voir la nature des travaux où nous étions passifs, hier soir, lorsque nous examinions avec beaucoup d'intérêt les divisions internes au sein de la commission, je pense que nous aurions pu servir de médiateur alors. (10 h 45)

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, ne m'amenez pas sur ce terrain.

M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, pour mon information, je voudrais savoir combien de temps il reste au député d'Argenteuil. Je pense que chacun a droit à 20 minutes et il a sûrement posé une dizaine de questions. Je voudrais savoir s'il lui reste beaucoup de temps.

Le Président (M. Charbonneau): II lui reste encore un peu de temps.

M. Champagne (Mille-Îles): Un peu de temps. D'accord.

M. Ryan: J'espère que vous allez compter que les 20 minutes auxquelles j'ai droit sont les miennes et non celles d'autres personnes qui peuvent intervenir. J'apprécie énormément.

Je voudrais que le ministre nous éclaire sur le plan d'investissements quinquennal qui nous est présenté dans le cahier d'explications. Il y a un déplacement de date de 1982-1987 à 1983-1988. J'ai l'impression qu'avec le jeu d'années qu'on fait, on va peut-être perdre 100 000 000 $ ou l'équivalent en investissements qui, normalement, auraient été faits si on avait suivi le premier échéancier. J'aimerais que vous nous donniez des explications. Je voudrais vous signaler à ce sujet... C'est peut-être un peu long, M. le député de Mille-Îles, mais il y a bien des problèmes accumulés, écoutez bien celui-ci. Le ministre est peut-être au courant que les projets d'investissement des universités pour 1982-1983 n'ont pas encore fait l'objet d'une décision du gouvernement, à plus forte raison ceux de 1983-1984. On a l'air fin. On parle de 1983 à 1988. J'ai causé récemment avec le recteur d'une université qui n'est pas de la région de Montréal - parce qu'on varie les sources le plus possible - qui m'a dit: en ce qui nous touche, on ne connaît pas encore la décision gouvernementale concernant nos projets d'investissement pour 1982-1983. Je termine ici.

Il y a un autre sujet très important. Il y en a plusieurs autres et, si on a le temps, on les soulèvera. Le gouvernement fédéral a

annoncé une nouvelle politique en matière de financement de l'enseignement postsecondaire qui voudrait instaurer pour la prochaine période d'accords fiscaux qui va venir assez vite... J'ai pris connaissance de certains documents là-dessus. Je n'ai pas eu le temps de les étudier à fond. On n'a eu aucune réaction du gouvernement là-dessus jusqu'à maintenant. J'aimerais que le ministre nous dise s'il est au courant des nouvelles orientations que le gouvernement fédéral propose en matière de financement d'enseignement postsecondaire, si le gouvernement a étudié des implications de ces orientations pour le financement des universités québécoises et s'il a une position à défendre à ce sujet.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

Financement des universités

M. Bérubé: M. le Président, oui, je pense qu'on peut déborder si on veut répondre au député d'Argenteuil et ouvrir la question globale du financement des universités.

D'abord, je vous dirais, M. le Président, qu'il nous manque dans notre tradition politique québécoise une tradition juive, c'est celle du mur des lamentations. Il nous faudrait un long mur des lamentations au Québec qui permettrait aux bénéficiaires de l'aide sociale, aux étudiants, aux chômeurs, aux médecins, aux universitaires, aux enseignants, à l'Opposition, de venir régulièrement pleurer sur ce que la société ne fait pas pour eux. Ce serait effectivement utile, ce serait une tradition nouvelle. Cela permettrait un certain défoulement. Cela permettrait peut-être de ne jamais avoir à répondre à certaines questions fondamentales auxquelles on n'aime pas répondre parce qu'elles sont douloureuses.

Le député d'Argenteuil nous a parlé de l'évolution globale du budget et des universités en démontrant qu'il n'a pas beaucoup augmenté au cours des dernières années, qu'il a même augmenté peut-être moins vite que l'inflation. On a réduit les ressources disponibles aux universités. Je ne le cache pas. On le sait. Mais si c'est à l'université que l'on retrouve les plus brillants cerveaux de la société, j'ai de la difficulté à comprendre que les plus brillants cerveaux de la société ne puissent pas, eux aussi, trouver des moyens d'accroître la productivité, ce qu'on demande à l'ensemble de la société. Donc, je trouve normal que l'université puisse effectivement avoir à se poser des questions quant au niveau de ressources que l'on consacre, comme société, et quant à la possibilité de faire plus avec les mêmes ressources. C'est une question qu'on est en droit de se poser, elle est fondamentale. Un mur des lamentations ne permet pas de régler cette question.

Il faut se poser la question: quelle est la tâche moyenne des professeurs d'université au Québec? Il faut s'interroger sur des pratiques courantes, ailleurs, pour voir si c'est possible de jouer là-dessus. Il faut certainement s'interroger sur des pratiques administratives, sur le gonflement des structures administratives qui peuvent expliquer des difficultés de financement ailleurs. Je n'ai pas la réponse, il faut qu'à l'intérieur de chaque université, on se pose la question et qu'on cherche la réponse. Dans la mesure où nous avons des organismes décentralisés, ce n'est pas au gouvernement à aller dans chaque budget universitaire identifier les postes qui sont en trop. Mais si, dans l'ensemble, le ministère des Affaires sociales doit continuer à servir les Québécois avec 9% de moins de ressources qu'il y a un certain nombre d'années, eh bien, oui, ils doivent effectivement faire preuve d'imagination, réallouer souvent les ressources disponibles de façon différente. Je reconnais aussi qu'une telle adaptation n'est pas instantanée, qu'elle demande souvent du temps, qu'elle peut amener un organisme à effectuer des réductions de dépenses dans des secteurs plus faciles à comprimer, mais qui ne correspondent pas nécessairement à la priorité de l'université, c'est-à-dire que c'est peut-être un secteur qu'on aurait préféré épargner. Il est donc possible qu'on soit aux prises dans nos universités avec des insuffisances de budgets à certains endroits, parce que trop de sommes sont consacrées ailleurs et qu'on n'arrive pas facilement à dégager des ressources ici pour les attribuer là. Oui, c'est possible. Il est possible que cela demande un certain nombre d'années pour effectuer le rétablissement. Mais il y a une chose que je sais, cependant, c'est que s'il n'y a pas la pression de l'insuffisance budgétaire, aucun effort ne sera fait. Cela fait des années que l'on attend du Conseil des universités un avis concernant la formation excessive de certificats au Québec, sur le dédoublement des programmes, sur la pertinence de l'implantation de l'Université du Québec à Laval. On sait que ce n'est pas facile. J'ai participé comme professeur d'université à une séance intéressante à notre commission de la recherche...

M. Ryan: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Le ministre a-t-il affirmé que l'on avait demandé une opinion au Conseil des universités sur le développement de l'université Laval? Il dit que cela fait des années qu'on a demandé une opinion?

M. Bérubé: Non, non, j'ai dit que cela fait des années que... J'ai mentionné une série d'avis qui avaient été demandés. Je faisais surtout allusion au problème du surplus de formation de certificats souligné à plusieurs reprises par le Conseil des universités et pour lequel le ministère de l'Éducation aurait demandé au Conseil des universités de lui fournir des recommandations plus précises sur les moyens à prendre pour contrer ce problème souligné par le Conseil des universités. Or, on me dit, au ministère, qu'on n'a pas cet avis. Le problème du dédoublement des programmes est très réel, il date de longtemps, mais pour lequel on n'a pas de propositions très précises pour tenter de le corriger. J'allais donner un exemple vécu à une commission de recherche dans une université où j'ai passé un certain nombre d'années. Il s'agissait d'identifier les priorités de recherche à l'université et, à la fin, il y a eu autant de priorités pour la faculté qu'il y avait de groupes de recherche, parce que quand est venu le temps de faire les arbitrages, les arbitrages ne se sont pas faits. C'est le problème que l'on vit dans toute société démocratique. La seule pression pour forcer les arbitrages, c'est souvent de sous-financer partiellement. Alors, les gens impliqués doivent faire des choix qu'ils ne feraient pas en toute autre circonstance. En d'autres termes, je comprends que le député d'Argenteuil puisse observer un certain nombre de difficultés dans nos universités, que je qualifierais de difficultés réelles, mais aussi de difficultés d'adaptation. On a donné des chiffres, tantôt, sur le coût équivalent par étudiant à temps complet à l'université.

Je pense qu'il faut brosser un tableau le plus complet possible tout en sachant que toute analyse quantitative est toujours sujette à des hypothèses de départ, que ces hypothèses peuvent camoufler une partie de la réalité et qu'il est toujours dangereux de s'accrocher trop rigoureusement à un ou deux chiffres pour tenter de tirer des conclusions générales.

Mais de telles analyses sont absolument fondamentales. Même dans les sciences humaines, on a progressé beaucoup quand on a introduit les techniques statistiques qui permettent de transformer des opinions en des positions solidement appuyées sur une base scientifique. Donc, il n'est pas mauvais de temps en temps, lorsqu'on est universitaire, de s'imposer l'exercice rigoureux d'une comparaison chiffrée de manière à pouvoir, à un moment donné, évaluer s'il n'y a pas des gestes à poser.

Le comité tripartite ontarien fait des comparaisons sur le coût des systèmes entre les universités du Québec et les universités de l'Ontario, depuis des années. C'est la cinquième année. Ce qui explique pourquoi souvent les chiffres que nous publions sont légèrement différents d'autres chiffres que nous citons, c'est que tantôt nous citons les études ontariennes et tantôt nous citons nos propres études; elles ont l'inconvénient de ne pas donner exactement les mêmes chiffres, mais elles donnent exactement le même ordre de grandeur. Ce qui, soit dit en passant, est généralement en recherche ce qui nous préoccupe au premier degré. On peut toujours raffiner le septième chiffre après le point, mais l'ordre de grandeur est aussi important, compte tenu de l'imprécision relative de la connaissance humaine.

Je suis bien obligé de constater, quand je regarde les résultats de ce comité tripartite ontarien, que les subventions et frais de scolarité par étudiant au Québec, en 1980-1981, étaient de 6899 $ et, en Ontario, de 5199 $; aujourd'hui, en 1984-1985, que ce même comité tripartite ontarien tirera la conclusion qu'au Québec, subventions et frais de scolarité par étudiant représentent, par équivalent à temps complet, 7179 $ contre 6466 $, en Ontario, cela souligne que l'écart...

M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais poser seulement une question au ministre? Est-ce qu'il consentirait à ce que je lui pose une question?

M. Bérubé: Oh! Je n'ai aucune objection.

Le Président (M. Charbonneau): Allez-y.

M. Ryan: Est-ce que ces chiffres tiennent compte des frais de scolarité?

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Pour quelle année?

M. Bérubé: Subventions et frais de scolarité.

M. Ryan: Est-ce que vous mentionnez les dépenses ou les revenus par étudiant?

M. Bérubé: Ce sont les subventions et frais de scolarité divisés par étudiant à temps complet.

M. Ryan: Pour quelle année?

M. Bérubé: C'est-à-dire qu'on prend les étudiants à temps partiel et qu'on les ramène sur la base à temps complet.

M. Ryan: Pour quelle année? (11 heures)

M. Bérubé: Je parlais de l'année 1980-1981 et des chiffres projetés pour l'année 1984-1985.

Donc, reconnaissons que l'écart se gonfle, que l'Ontario, depuis quelques années,

fait un effort pour tenter de rattraper le Québec. Le Québec, lui, a fait un effort pour tenter de stopper la croissance explosive. Reconnaissons que nous avons tous les deux agi de façon un peu différente. Nous avons cherché à ralentir et l'Ontario a cherché à nous rattraper. Nous avons forcément demandé à l'appareil universitaire de regarder comment il fonctionnait, de s'interroger sur ses méthodes de fonctionnement, sur la productivité et de tenter de tirer des conclusions quant aux endroits où il pourrait effectuer certaines réductions de coût. Je ne prétends pas que c'est facile, je suis présentement au ministère de l'Éducation et je dois vivre avec les compressions de mon distingué collègue le président du Conseil du trésor. J'ai même un dossier problématique que je vais bientôt soumettre au Conseil des ministres, ce n'est pas facile. Gérer est toujours plus difficile quand on est pris avec la réalité quotidienne que de définir à partir d'un équilibre budgétaire quelles seront les ressources qu'on y consacrera.

Ce qu'il ne faut jamais oublier cependant, c'est que lorsqu'on consacre plus de ressources que nos voisins, on est en droit de demander du système qu'il s'assure qu'il a tout fait pour bien dépenser les sommes en question, qu'il est productif au maximum toujours en tenant compte que, malheureusement, on a des chômeurs, on a des étudiants - j'en rencontre jeudi - qui ont des problèmes avec les prêts-bourses qui ne sont pas assez généreux. On rencontre des chômeurs, on rencontre nos médecins qui nous disent que nos services d'urgence sont insuffisamment équipés, que la santé des citoyens est menacée.

Je comprendrais, que nous sommes fautifs si le pourcentage du produit intérieur brut consacré aux dépenses publiques étaient nettement inférieur à ce qui se fait ailleurs dans le monde; mais comme on est, en termes d'effort, au deuxième ou au troisième rang dans le monde, ce n'est donc pas un problème de ressources, c'est un problème d'utilisation des ressources. Une attitude irresponsable qui viserait toujours à corriger les problèmes en ajoutant des ressources et en dénonçant les déficits - ça, c'est la logique de l'Opposition - je regrette, mais ça ne fait pas progresser une société. Je préfère une discours un peu plus exigeant, qui est facile à écouter, mais qui a au moins l'avantage de l'honnêteté.

Le vieillissement du corps professoral est un problème réel, c'est d'ailleurs une des raisons peut-être essentielles qui nous a amenés à proposer ce programme de création de 40 nouvelles équipes de recherche. Je sais la tendance naturelle de tout chercheur universitaire qui apprend la mise en place d'un nouveau programme: il regarde comment il pourrait faire subventionner ses recherches actuelles à l'aide du nouveau programme. Je sais également qu'une bonne partie du travail en recherche consiste à préparer la demande de l'année suivante. C'est le sort d'un chercheur universitaire et ça ne changera pas, je l'espère; dans tous les cas, c'est une incitation au dépassement.

Le programme de mise en place de 40 nouvelles équipes a donc un avantage considérable, il s'agit de sang neuf, de gens qui pourront assumer une certaine charge d'enseignement soulageant ainsi certains chercheurs seniors qui pourront consacrer davantage de temps à la recherche et un peu moins à l'enseignement; mais il est quand même important qu'un chercheur à l'université fasse de l'enseignement. Il ne faut pas dissocier recherche et enseignement à l'université. Il y a une symbiose entre les deux qui enrichit les deux.

Donc, j'aurais tendance à dire: oui, il y a un problème de vieillissement du corps professoral; mais dans la mesure où nous voulons financer au coût marginal réel les clientèles additionnelles, alors qu'à l'heure actuelle 90% de ces clientèles additionnelles sont dans les secteurs prioritaires identifiés par le gouvernement, ce qui veut dire que l'allocation budgétaire correspond effectivement à l'augmentation de clientèle, cela va permettre aux universités d'augmenter les ressources d'enseignement dans ces secteurs. Si à cela s'ajoutent les 40 équipes universitaires, on va donc augmenter de façon substantielle le nombre de jeunes professeurs. Je pense même, personnellement, que le problème que nous aurons en sera un de recrutement.

Le Président (M. Charbonneau): Voilà. Maintenant...

M. Bérubé: Je pense, M. le Président, que j'ai à peu près terminé concernant le problème des lamentations de l'Opposition.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Oui, si personne n'a demandé le droit de parole.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va.

M. Champagne (Mille-Îles): On a parlé de l'Université du Québec à Laval. Je veux rassurer le ministre en disant que dans cette institution qui viendra s'établir à Laval, projet qui a reçu l'unanimité de l'Assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec, il n'y aura pas de dédoublement. Il y aura plutôt complémentarité dans ce qui ira à l'Université du Québec à Laval. Après une étude, c'est quand même justifié dans le sens où les Basses-Laurentides, entre autres de

Saint-Jérôme à Sainte-Thérèse - on peut parler aussi dans l'Est ou dans l'Ouest - et Laval constituent un bassin de 400 000 personnes. Il y a un grand intérêt à établir cette université à Laval.

Dans mon comté de Mille-Îles qui est assez grand, je ne vois pas pourquoi les gens de Saint-François, de Sainte-Thérèse ou de Saint-Jérôme prendraient une heure ou une heure et demie à tous les jours pour se rendre à l'Université de Montréal ou à l'Université du Québec au centre-ville de Montréal et n'auraient pas une université sur place. C'est pourquoi cela se fait d'une façon logique, d'une façon qui fait consensus pour le moment.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Bérubé: En réponse au député de Mille-Îles, je voulais souligner le fait qu'une demande avait été faite au Conseil des universités pour un avis et que c'est celui-ci que nous attendions. Le député d'Argenteuil avait souligné les problèmes de rationalisation que refusait finalement le gouvernement dans le secteur universitaire. J'ai tenu à lui souligner que dans un système décentralisé comme celui que nous connaissons, le Conseil des universités joue un rôle important. Il a à donner des avis concrets sur les façons de corriger les problèmes qu'il a observés. Si on prétend, comme le député d'Argenteuil, que l'extension de l'Université du Québec sur le territoire de Laval, dans le secteur de la biotechnologie, est contraire à une saine rationalisation ou à un sain déploiement des ressources universitaires au Québec, je pense qu'il faut que le Conseil des universités puisse analyser...

M. Ryan: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau):

Question de règlement, M. le ministre.

M. Bérubé: ...cette question-là et nous fournir une opinion, mais on prendra en compte l'ensemble des considérations.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, j'ai une question de règlement.

M. Ryan: Le ministre m'impute des propos que je n'ai aucunement tenus, des intentions que je ne nourris aucunement.

Le Président (M. Charbonneau): Je pense que le règlement ne permet pas de prêter des propos, mais je suis un peu mal placé pour savoir si c'était l'intention du ministre. De toute façon, je prierais les membres de la commission de s'en tenir à une argumentation sur le fond des questions.

Est-ce que vous avez terminé, M. le ministre?

M. Bérubé: Oui, M. le Président, je pense que c'est complet. Il y a un autre point, mais j'attendrai sans doute une autre intervention pour le passer.

Le Président (M. Charbonneau):

D'accord. Mme la députée de Jacques-Cartier.

M. Bérubé: En réponse à la question qui me sera posée, évidemment.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. D'abord j'aimerais dire que j'appuie à 100% les commentaires de mon collègue le député d'Argenteuil.

M. Bérubé: On n'en attendait pas moins.

Mme Dougherty: Je trouve dans les réponses du ministre une attitude malheureuse et une mauvaise compréhension des faits et de la situation.

Il semble que le ministre ignore complètement le fond du problème qui a été soulevé par tous les intervenants qui s'occupent des universités et surtout de la recherche et l'importance de la recherche et de nos universités pour l'avenir du Québec.

On parle souvent du virage technologique. Partout dans le monde on parle de ce virage. Partout, il est maintenant reconnu que les universités font et sont une ressource stratégique pour réussir dans ce virage. Il ne s'agit pas uniquement d'imagination, il s'agit des problèmes réels. Nulle part, ce problème est mieux décrit que dans le rapport annuel que nous venons de recevoir du Conseil des universités. Il commence comme suit: C'est un véritable cri d'alarme que le Conseil des universités veut lancer à l'occasion de ce rapport annuel. La situation des universités québécoises est devenue si précaire que certains des acquis les plus importants de la révolution tranquille et des années qui ont suivi sont en train de fondre au soleil de l'austérité, de l'opportunisme et du laisser-faire. Il ne sert à rien de cacher la vérité. Les compressions budgétaires des dernières années associées au laxisme des politiques gouvernementales, à l'égoïsme des groupes d'intérêts et aux compétitions stériles sont en train de provoquer la désagrégation des équipes les plus solides, de diminuer dangereusement les ressources disponibles et de démoraliser les professeurs et les chercheurs les plus sérieux.

Il ne faut pas ignorer une telle alarme, M. le ministre. Je pourrais citer M. Hamel, le président de la CREPUQ - Conférence des recteurs et des principaux des universités -

qui dit à peu près la même chose. Encore M. Cliche, un homme très respecté dans cette province et partout au Canada, dans un discours aux administrateurs de recherche universitaire du Québec, le 10 novembre 1983, dit, en parlant des problèmes, des difficultés que nous rencontrons dans les universités: La formule de financement peu favorable au développement de deuxième et troisième cycles, vieillissement du corps professoral, vétusté des équipements scientifiques, faible taux de diplômés au cycle supérieur, absence de modulation des tâches, pénurie de chercheurs, etc. On ne peut pas ignorer cela, M. le ministre, on ne peut pas résoudre ces problèmes avec un peu d'imagination.

J'aimerais citer quelques exemples. D'abord, les 20 000 000 $ qu'on a soustraits l'année passée des budgets des universités. C'était fait contre toutes les avis que le gouvernement a reçus. Avec ces 20 000 000 $, c'était évident, on a pris les 20 000 000 $ d'une main et on a redonné quelques millions pour de nouvelles clientèles. On a promis, même dans la directive du gouvernement, 100% des coûts moyens. Effectivement, les universités ont reçu 30%. J'aimerais vous demander ceci: Est-ce que le gouvernement a l'intention d'ajouter à ce montant pour reconnaître le vrai coût que les universités ont dépensé pour de nouvelles clientèles? Je ne parle pas de l'année courante, de l'année qui vient, je parle de réparations de dommages faits l'année passée.

On n'a pas mentionné les bibliothèques. Dans un rapport du Conseil des universités, on a tracé la détérioration des bibliothèques dans les universités. Les bibliothèques sont une partie très importante de l'infrastructure. Ce qui se passe dans les universités, on ajoute de nouveaux toits - on annonce de nouveaux programmes - mais on laisse tomber les murs. (11 h 15)

J'aimerais soulever un autre aspect qui n'était pas mentionné et qui est très important pour cette année et pour l'avenir. Dans un avis du Conseil des universités, du 17 novembre 1983, on parle des prévisions de clientèles des universités pour l'avenir. On présume qu'on va garder le statu quo. Mais c'est complètement faux selon l'opinion du Conseil des universités: les clientèles retenues par le ministère sont erronées. Par exemple, on n'a pas tenu compte des clientèles des cégeps qui augmentent chaque année. On n'a pas tenu compte des besoins de recyclage qui vont augmenter à cause de la nécessité de recycler et de reformer nos professionnels et nos recherchistes qui travaillent en industrie. On a basé nos prévisions sur les clientèles qui existent à temps complet. C'est faux, M. le ministre, parce qu'on aura nécessairement de plus en plus d'étudiants à temps partiel. Donc, cela fait partie de l'image réelle qui doit être considérée dans vos prévisions.

Il est impossible d'aborder tous les problèmes, mais je suggère que votre ministère, si votre point de vue est repris -j'espère que non - par ceux qui y travaillent... Si on ne reconnaît pas l'importance et la réalité du problème - ce n'est pas un problème illusoire - on ne réussira jamais ce fameux virage technologique.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, je ferai quelques remarques. Je n'essaierai pas de contester les affirmations de la députée de Jacques-Cartier concernant l'état catastrophique des bibliothèques, ou encore, le problème des murs qui s'effrondrent alors qu'on a construit de nouveaux plafonds. Il est possible que ce soit le cas, mais, malheureusement, je suis mal équipé pour contester les affirmations de la députée de Jacques-Cartier. Je pense que si elle l'a fait, elle a pris des renseignements et je présume que ses sources sont fiables.

Mais je voudrais ici effectuer une dernière comparaison qui va certainement intéresser les membres de cette commission. En 1974-1975, à l'apogée du régime Bourassa, préoccupé par le développement de la recherche universitaire, le Québec consacrait 1,02% de son produit intérieur brut à l'université. L'Ontario, d'ailleurs, consacrait le même montant d'après ce que j'ai pu voir: à peu près 1,02% également, si je ne m'abuse; on pourra vérifier. En 1983-1984, je constate que le Québec consacre 1,27% de son produit intérieur brut à la formation universitaire. Donc, toutes proportions gardées, nous avons accru l'effort: on est passé de 1,02% à 1,27%. Si c'est mauvais aujourd'hui, c'était pitoyable sous l'égide du chef que les libéraux se sont redonné. Si je comprends bien, on a eu Vers demain et maintenant, on aura "Vers l'arrière". Fondamentalement, c'est cela que les libéraux sont en train de nous dire. Ils sont en train de nous dire que lorsqu'ils se sont donné M. Bourassa comme chef, l'effort que la société acceptait de consacrer à la formation universitaire était de 30% inférieur à l'effort qu'on accepte de consacrer aujourd'hui. Si c'est cela le nouveau chef, merci. J'aime autant garder celui qu'on a. Première observation.

Deuxième observation, pendant le même laps de temps, l'Ontario a décru la part de sa richesse consacrée à la formation universitaire qui est passée de 1,2% à 0,87%. Pendant que des voisins ont décru les ressources qu'ils consacraient à la recherche, si on regarde de 1974 à nos jours, on

s'aperçoit que, dans notre cas, l'effort s'est accru; il n'a pas diminué, il est supérieur à ce qu'il était sous l'administration Bourassa. Je veux bien croire qu'entre-temps est survenu un certain changement sociologique au Québec. Peut-être que sous l'actuel gouvernement, un goût d'excellence a commencé à vouloir envahir le Québec, qu'après avoir connu les noirceurs de 1970 à 1976, on s'est dit qu'on s'instruirait et que cela ne se reproduirait plus jamais.

Je reconnais qu'aujourd'hui il y a un plus grand nombre de jeunes qui décident de faire des études universitaires et que cela doit se traduire - si on accepte ce principe et qu'on accepte l'ouverture de nos universités - par une augmentation de l'effort que nous consentons. Ne minimisons pas cet effort. Commençons par dire que l'effort que nous consentons est supérieur à ce que les autres consentent. Ajoutons, dans un deuxième souffle, qu'on devrait consentir un effort additionnel, et j'en suis. J'aimerais bien qu'on commence par reconnaître l'effort que nous consentons déjà. Avec le problème des lamentations, on finit par oublier là où on en est.

Soulignons un problème que la députée de Jacques-Cartier a rappelé et qui est réel puisqu'on l'entend répéter souvent, celui de l'absence de priorités au sein du secteur des universités; c'est une dispersion des besoins qui fait qu'on gaspille les ressources. Elle a utilisé des mots assez durs d'ailleurs en parlant d'une mauvaise utilisation des ressources. Dans le fonds de développement pédagogique que le gouvernement avait mis en place, il y avait un volet qui prévoyait un financement spécial pour financer des rationalisations, des fermetures de programmes et permettre la création de nouveaux. Le Conseil des universités n'a reçu aucune demande de la part des universités à l'intérieur de ce volet. Ce n'est pas prioritaire pour nos universités d'identifier des programmes qu'on pourrait remettre en cause et les remplacer par d'autres. Vous pourriez nous dire que l'État devrait intervenir de force pour le faire. Je ne le pense pas.

Je pense que nos universités regroupent des citoyens à la conscience sociale suffisamment large pour faire en sorte que lorsque les ressources sont moins amples que précédemment, tout en restant plus généreuses qu'ailleurs, nos universitaires vont d'abord se poser la question: est-ce que nous utilisons de façon rationnelle les ressources disponibles? Ils vont commencer par se poser cette question-là. Lorsque l'exercice aura été fait et qu'on aura vraiment procédé à une réallocation des ressources pour les consacrer aux bibliothèques, si cela est le problème central de l'université, ou aux murs, si c'est là le problème des universités, je pense que, comme société, on aura à se poser la question très réelle, devant cette volonté que nous avons d'accroître le niveau d'éducation de nos concitoyens, il doit nécessairement y avoir des ressources rendues disponibles pour que nos universités puissent les accueillir. Soulignons que, depuis trois ans, ce sont les clientèles à temps complet qui croissent le plus rapidement. J'avais un autre point, mais je ne le retrouve pas. Je le reprendrai plus tard.

Enfin, la situation n'est sans doute pas idéale. Je ne prétends pas que la crise économique a facilité la tâche de l'ensemble des gens qui consacrent leur vie au service de leurs concitoyens, elle l'a compliquée, c'est vrai. Mais gardons toujours à l'esprit l'effort relatif que notre société consacre à ces différentes missions par rapport à ce que toutes les autres sociétés occidentales acceptent de consacrer. Reconnaissons que dans le domaine de la recherche universitaire, le Québec, parmi les provinces canadiennes, est celle qui consacre l'effort le plus grand au développement de cette recherche universitaire à l'heure actuelle. Reconnaissons également que, comme gouvernement, nous avons décidé que s'il y avait un secteur prioritaire à développer, ce devrait être celui-là, pour faire en sorte que non seulement nous soyons bien placés dans l'ensemble canadien, mais que nous soyons également à la fine pointe parmi les pays occidentaux. Mais nous n'avons pas rejoint ce rang à l'heure actuelle. Le sens de sommes nouvelles que nous dégageons cette année, c'est exactement celui-là, cet accent mis sur une politique d'excellence de recherche dans nos universités.

Le Président (M. Charbonneau): Mme la députée.

Mme Dougherty: En ce qui concerne le niveau de recherche, les comparaisons avec d'autres pays et d'autres provinces, j'aimerais reporter le ministre à une étude faite par la FCAC sur les besoins de financement de la recherche universitaire au Québec par M. Louis Dulude et M. Claude Montmarquette de l'Université de Montréal. Pourriez-vous nous éclairer là-dessus?

M. Bérubé: Vous allez tirer exactement cette conclusion, c'est que dans le domaine de la recherche universitaire, le Québec est à la fine pointe des provinces canadiennes, mais comparé aux autres pays étrangers, nous avons un effort de rattrapage réel à consentir. Vous allez tirer exactement la conclusion.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Vachon.

M. Payne: J'ai essayé à quelques reprises de dissiper un certain nombre de

malentendus et de distorsions propagés dans le milieu anglophone touchant l'accès à nos universités pour les étrangers. Les journaux ont fait grand état, à la manière alarmiste qui les caractérise, d'une disparité qui existe entre les frais de scolarité des étudiants étrangers anglophones et francophones. On sait que les frais ont été augmentés de 60% - je crois M. le ministre? - à 80%. On sait aussi qu'il existe un certain nombre d'ententes entre le Québec et les pays francophones aussi bien qu'anglophones, que ce soit avec la Californie, les États de la Nouvelle-Angleterre, ou le tiers monde. Pouvez-vous brièvement confirmer qu'il n'y a pas de disparité basée sur l'ethnie pour ceux qui viennent de l'extérieur?

J'ajoute à cela deux postulats qui, j'imagine, sont acceptés par le ministère à savoir qu'il y a des quotas en fonction des places disponibles, cela est normal, deuxièmement, les frais différents pour divers programmes d'études, c'est aussi normal. Mais si jamais il y a le cas, tel qu'insinué par les journaux anglophones, d'une disparité basée sur l'ethnie, c'est là toute une autre question. Pourrais-je avoir vos commentaires là-dessus? (11 h 30)

M. Bérubé: II serait préférable que le Québec puisse inviter les étudiants de tous les pays du monde à venir étudier gratuitement au Québec dans le cadre d'une politique d'accueil et d'accessibilité très grande sur le monde. Je pense que c'est désirable en soi. La présence d'étudiants étrangers dans une université l'enrichit sur le plan humain, sur le plan intellectuel et est un stimulant au développement de l'université. D'ailleurs, la plupart des grandes universités étrangères se donnent un quota d'admission d'étudiants étrangers justement pour accentuer le caractère multiplicateur de l'université dans son milieu, donc, en étendant son rayonnement. C'est un objectif désirable en soi. Mais la réalité des faits aussi doit nous amener à constater que dans aucun... je ne devrais pas dire dans aucun pays du monde, mais dans un bon nombre de pays au monde, lorsque l'on met en place des politiques de gratuité à l'intention des citoyens, on ne vise pas par ces politiques à établir la gratuité pour l'ensemble des citoyens du monde qui voudraient profiter des établissements scolaires du pays hôte.

C'est ce qui fait que la plupart des États américains qui ont des universités d'État ont des frais de scolarité différents suivant qu'il s'agit d'un étudiant de l'État ou d'un étudiant qui vient de l'extérieur. C'est normal. L'étudiant qui vient de l'extérieur ne paie pas de taxes dans l'État. Ses parents ne paient pas de taxes. Par conséquent, il s'agit là d'un service que l'on donne à un étranger. Le droit à la gratuité scolaire ou à des coûts considérablement réduits, c'est un droit qu'ont les contribuables et non pas les étrangers.

Néanmoins, il a été dans notre tradition de maintenir des frais de scolarité très bas y compris pour les étrangers; en d'autres termes, de partir du principe que l'effort de taxation que nos concitoyens devaient consentir pouvaient servir aussi bien à nos jeunes Québécois qu'aux étrangers ayant choisi de venir faire leurs études ici. Il est clair que lorsqu'on doit vivre avec des ressources budgétaires plus resserrées, peut-être une des premières choses qu'on va remettre en question c'est cette générosité vis-à-vis des gens qui ne sont pas contribuables québécois. C'est ce qui explique effectivement pourquoi depuis quelques années nous avons eu tendance à hausser nos frais de scolarité à l'intention des étudiants étrangers rejoignant là des pratiques assez largement répandues chez nous.

Nous voulons le faire au Canada, même vis-à-vis des autres provinces. Mais avant de le faire, nous allons procéder à une consultation auprès des ministres de l'Éducation des autres provinces. L'idée étant que nos frais de scolarité au Québec sont inférieurs à la moyenne des frais de scolarité canadiens et que c'est un effort additionnel que nos concitoyens ont voulu consentir en termes de mesure d'accessibilité. On pourrait donc envisager de hausser les frais de scolarité à l'intention des étudiants venant d'autres provinces au niveau moyen qui existe dans l'ensemble du Canada. Nous voulons d'abord en discuter avec nos homologues des autres provinces avant de le mettre en vigueur.

Évidemment une telle politique ne s'applique pas rétroactivement c'est-à-dire que quelqu'un qui est déjà inscrit à l'université ne voit pas ses frais de scolarité hausser pour éviter que sur la base de frais de scolarité en vigueur il ait pris une décision de venir étudier au Québec et se retrouve obliger d'interrompre ses études à cause d'une hausse des frais de scolarité. Cela s'applique donc aux nouveaux venus et non pas à ceux qui sont déjà en place.

Également, dans le cadre d'ententes de coopération avec les pays étrangers, le tiers monde, beaucoup d'étudiants étrangers viennent chez nous et ne sont pas astreints à ces frais de scolarité plus élevés c'est-à-dire qu'il y a près de 50% des étudiants étrangers qui viennent étudier au Québec et qui ne sont pas soumis à ces frais de scolarité, pourquoi? C'est qu'effectivement, dans le cadre de la coopération internationale, nous offrons la possibilité à des pays du tiers monde de nous envoyer de jeunes étudiants qui autrement n'auraient pas pu suivre dans leur pays d'études supérieures. Nous leur offrons de nous les envoyer au Québec. Nous subventionnons la venue de ces étudiants. C'est un geste de coopération internationale.

Dans ces conditions, on n'est pas intéressé à hausser les frais de scolarité. Donc, on maintient les frais de scolarité au niveau où ils sont.

Peut-être que le problème qui est soulevé par la presse anglophone est davantage relié au fait que le Québec, dans le passé et par les multiples ententes qu'il a négociées avec des pays, a généralement négocié avec des pays francophones. Cela donne comme conséquence, qu'il y a plus d'étudiants venant de pays francophones pouvant étudier au Québec à taux réduit, si on veut, qu'il y a d'étudiants venant de pays anglophones ou encore de pays d'autres langues. Ce n'est pas une discrimination volontaire vis-à-vis des gens parlant une autre langue. C'est vrai, j'imagine, dans le cas des Espagnols. C'est vrai dans le cas de tous les pays parlant une autre langue que le français. C'est tout simplement la conséquence de ce que le Québec a eu comme politique, dans le secteur international, de rechercher des liens avec les autres pays francophones de manière à sortir le Québec de son isolement relatif, puisque 6 000 000 d'habitants dans un continent anglo-saxon représentent une petite proportion de la population. Il y a donc avantage à ce que nous cherchions à établir des liens tant avec la France qu'avec la Belgique et la Suisse, qui ne sont pas nécessairement des pays du tiers monde, mais qui peuvent, dans le cadre de ces ententes, bénéficier également d'un rabais de frais de scolarité.

C'est peut-être en ce sens qu'on peut parler de discrimination, mais elle n'est pas voulue au sens où on veut discriminer un francophone, un anglophone, un Espagnol ou un Allemand. C'est tout simplement que le Québec a établi davantage de liens avec les pays francophones.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Vachon.

M. Payne: Je pense que, traditionnellement et même maintenant, il y a encore environ 85% des étudiants qui sont dans des universités anglophones. Je pense qu'il est dans votre propre intérêt d'essayer de dissiper tout doute qui pourrait exister sur ce sujet. Et il y en a. Je vous le dis. La discussion est constante dans le milieu anglophone à savoir qu'il y existe une discrimination institutionnelle. Votre sous-ministre adjoint pourrait peut-être vous confirmer quelque chose à cet égard, car je pense qu'il a déjà fait quelques déclarations dans les journaux pour essayer de dissiper ce doute.

M. Bérubé: Peut-être que je négligeais une information quand même essentielle aux fins de la bonne compréhension de la question. Lors d'une discussion, le Conseil des ministres a tenu à ajouter deux mandats au ministre de l'Éducation. Je les ai présentement sous les yeux. Un des mandats mentionne en particulier que le gouvernement montre sa disposition à multiplier les ententes avec les pays non francophones -c'est bien indiqué dans la décision - et, particulièrement anglophones, en vue d'exempter certains étudiants de ces pays des exigences de la politique relative au droit de scolarité des étudiants étrangers.

Effectivement, lors de la discussion, on avait souligné le fait que nous avions peu d'ententes avec les pays anglophones. Ce qui pouvait représenter, au sens où vous l'avez dit tantôt, une certaine forme de discrimination indirecte. Le Conseil des ministres a, effectivement, mandaté le ministre de l'Éducation pour chercher à régler, au moins en partie, ce problème.

M. Payne: D'ailleurs, au fond, c'est la question, parce que, dans le passé, il n'y avait pas besoin d'entente. D'où vient la nécessité maintenant d'avoir une table de concertation pour que les universités anglophones puissent se prévaloir d'une ouverture de la part du gouvernement.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de...

M. Laplante: M. le Président, j'aurais une courte question additionnelle sur le même sujet.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député, j'essaie de respecter le principe de l'alternance...

M. Laplante: Oui, mais comme c'est sur le même sujet.

Le Président (M. Charbonneau): II y avait le député de Saint-Laurent aussi. À moins qu'il nous permette qu'on pose une question additionnelle.

M. Leduc (Saint-Laurent): On y reviendra après.

Le Président (M. Charbonneau): J'essaie de respecter le principe de l'alternance, sinon on n'en sortira pas. M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord. Cela devrait être assez bref, de toute façon. Tantôt, le ministre a parlé du mur des lamentations. Je pense qu'il va falloir bâtir plusieurs murs des lamentations. Peut-être qu'on pourrait arriver à une économie d'échelle et qu'on pourrait noyer tous les Québécois.

J'ai beaucoup de difficulté à concilier

ses remarques de tantôt. Il affirmait qu'il y avait des compressions mais qu'elles étaient inférieures aux compressions ou aux budgets ou aux montants qui étaient alloués aux universités par les autres provinces. J'ai ici le rapport du Conseil des universités pour l'année 1982-1983. Ce n'est certainement pas une mauvaise année. C'était l'année où on affectait...

M. Bérubé: Question de règlement, M. le Président. Il faudrait quand même que le député de Saint-Laurent me cite correctement. Je n'ai pas fait la comparaison avec les autres provinces, mais avec une seule province, l'Ontario, notre voisin.

M. Ryan: D'accord mais, pour les autres, ce n'est pas le même langage. La moyenne canadienne est différente.

M. Leduc (Saint-Laurent): Encore là, ils sont tout de même au-dessus du Québec. Comme je le disais tantôt, si on prend l'année 1982-1983, ce n'est certainement pas une mauvaise année parce qu'on y a affecté 6336 $ alors qu'en 1983-1984 on affecte 6023 $ et en 1984-1985, 6110 $. Même à l'époque, lors du rapport de 1982-1983, le Conseil des universités notait, faut-il le rappeler, que les dépenses par étudiant inscrit dans les universités québécoises sont parmi les plus basses au pays. La rapidité et l'importance des compressions budgétaires imposées au réseau universitaire, beaucoup plus élevées que dans les autres réseaux de l'éducation ou que celles que s'est imposé le gouvernement lui-même, ont engendré au sein des institutions d'enseignement supérieur des problèmes d'une ampleur telle qu'on voit encore mal comment elles réussiront à traverser la crise actuelle.

J'ai ici - vous avez dû sans doute le constater vous-même - un indice d'évolution. On voit ici que le Québec est la province qui affecte assurément le montant le moins important au niveau des universités. On est dépassé par l'Ontario, on est dépassé par toutes les autres provinces. D'ailleurs, on l'indique ici: II suffit de mentionner qu'en Ontario, les frais de scolarité par étudiant, temps complet, ont pratiquement doublé en 1976-1977 et en 1983-1984, alors qu'au Québec, ils sont restés pratiquement au même niveau durant la même période.

Quand le ministre affirme qu'il affecte ici un montant qui est au moins aussi important que celui de l'Ontario, c'est induire la population en erreur, car on affecte moins.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Bérubé: Je pense qu'on peut s'enfermer dans une guerre de chiffres, comme le soulignait la Presse hier, sans avoir éclairci le dossier. C'est ce que j'ai dit dans mes remarques initiales, en réplique à l'intervention du député d'Argenteuil: il ne faut pas s'accrocher de façon absolue à un chiffre. Exemple: les frais de scolarité ou les coûts pour un étudiant à temps partiel sont souvent moindres que pour un étudiant à temps complet. Le type d'enseignement, où parfois on fait moins appel à l'enseignement en laboratoire, peut être un type d'enseignement plus léger, coûtant moins, ce qui veut dire que si on fait des études de coût, il faudrait regarder aussi quel genre d'enseignement est donné au bout, si on voulait vraiment faire une analyse complète.

Il ne faut donc pas chercher, par ces chiffres, à vouloir établir des distinctions fines entre notre système d'éducation au Québec et le système d'éducation ontarien. Tout au plus, cela peut nous permettre de poser une sorte de jugement un peu global: compte tenu de notre richesse, est-ce que nous consacrons somme toute l'équivalent de ce que consacrent les grands pays occidentaux? C'est une question qu'on doit se poser. Si la réponse est oui, cela ne veut pas dire pour autant que les sommes que nous consacrons sont suffisantes, nous pourrions avoir un taux de fréquentation universitaire nettement supérieur à celui des autres pays avec comme conséquence que nos universités seraient sous-financées pour donner l'enseignement qu'elles sont obligées de donner tout en présentant, statistiquement parlant, un effort spectaculaire en termes de ressources consacrées à l'enseignement. (11 h 45)

Donc, l'utilisation de ces chiffres doit se faire dans un contexte un peu global. Je veux bien croire qu'il y a des problèmes dans nos universités. Je veux bien croire que ce que nous avons expliqué tantôt, c'est-à-dire le plafonnement du financement des universités depuis quelques années, a forcé les universités à des compressions. Qu'elles n'ont pas toujours pu faire les réductions de leurs dépenses là où elles auraient aimé les faire. Il y a des rigidités dans le système, il y a des frictions. À cause de ces frictions, certaines réductions de dépenses doivent s'étaler sur une plus grande période et d'autres peuvent se faire instantanément. Or, lorsque l'on est aux prises avec une réduction subite de budget, on a tendance à toucher les secteurs où l'on peut agir instantanément, d'où un sous-financement local. Cela veut dire que, subséquemment, en appliquant des contraintes aux bons endroits, on va dégager progressivement les ressources dans ces bons endroits et on va les réinjecter là où on a dû faire des compressions initiales trop importantes.

Donc, je suis prêt à reconnaître a priori, sans même avoir été au fond du dossier parce que je n'ai pas pu y aller,

qu'en toute probabilité, il y a des endroits dans les universités où on manque de ressources. Je suis convaincu que certaines universités écopent sans doute plus que d'autres et qu'il nous faut repenser le mécanisme de financement. Mais tout ce que je dis, et c'est la réponse que je donnerai au député de Saint-Laurent, c'est ceci: Regardons l'effort global et comparons-le avec ce que d'autres pays civilisés consentent. Et, si c'est raisonnable, acceptons qu'on puisse avoir à s'imposer un certain effort d'assainissement financier de telle sorte qu'on contribue également dans le secteur universitaire au type de financement de relance qui permet aujourd'hui de créer 143 000 emplois, ce qui nous donne cette année, en 1984, 38% d'augmentation des investissements manufacturiers, alors que cela va baisser de 3%, me dit-on, dans l'ensemble du Canada. En d'autres termes, notre société profite de l'effort que l'ensemble des citoyens ont accepté de consentir. Je reconnais cependant que cela implique des sacrifices, c'est indéniable, je n'essaie pas de les cacher.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Lorsqu'un étudiant québécois va en Ontario... J'ai eu à travailler un dossier pour un étudiant qui demandait une bourse. Il allait en chiropratique, reconnue par une université de l'Ontario, où on exige des frais de scolarité de 20% de plus que s'il était Ontarien lui-même. Supposons que l'inscription est de 5000 $, vu que c'est un étranger, on demande 6000 $ de frais d'inscription. Est-ce une méthode répandue vis-à-vis des étudiants qui s'en vont en Ontario?

M. Bérubé: Je connais mal la pratique canadienne. On me dit qu'à l'université, les frais de scolarité sont de l'ordre de 1000 $ pour tous les Canadiens, peu importe leur origine, contre à peu près 600 $ au Québec.

Mme Fortin (Michèle): En général, il n'y a pas de distinction entre les candidats, mais cela peut exister dans des écoles privées, dans des collèges particuliers ou dans le cas des écoles de formation de chiropraticiens, par exemple.

Le Président (M. Charbonneau): Mme la sous-ministre, est-ce que vous pourriez vous identifier pour les fins du journal des Débats, s'il vous plaît?

Mme Fortin: Je suis Mme Michèle Fortin, je m'excuse.

Le Président (M. Charbonneau): Sous-ministre adjoint.

Mme Fortin: En général, il n'y a pas de distinction dans les universités ontariennes entre les candidats ou les étudiants en provenance du Canada, qu'ils viennent de la province de l'Ontario ou des autres provinces. Il est possible cependant que dans certaines écoles ou collèges privés, pour certains programmes, il y ait des pratiques différentes. Le cas de la chiropractie est vraiment spécial. C'est pour cela que dans le régime des prêts et bourses, comme nous n'avons pas de programme en chiropractie au Québec, on reconnaît que les gens puissent aller étudier cette discipline ailleurs et recevoir des prêts et bourses du Québec. Je pense que c'est un cas particulier pour l'Ontario.

M. Laplante: On demande 20% de plus, parce qu'ils ne demeurent pas en Ontario. Combien a-t-on d'étudiants hors Québec actuellement dans les universités étrangères?

Mme Fortin: Canadiens hors Québec?

M. Laplante: En dehors du Québec. On a un certain nombre d'étudiants qu'on a identifiés en dehors du Québec. Combien en acceptons-nous?

Mme Fortin: À peu près 11 000 étudiants.

M. Laplante: Qu'on accepte.

Mme Fortin: Québécois qui vont à l'extérieur du Québec, il y a à peu près 7000 étudiants étrangers non Canadiens, et à peu près le même nombre d'étudiants canadiens non Québécois dans les universités du Québec.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Sur ce point précis - Mme la sous-ministre pourrait vérifier - selon mes renseignements, il y a deux fois plus d'étudiants québécois dans les universités canadiennes en dehors du Québec que d'étudiants canadiens dans les universités québécoises. Il y a bien des points qu'il faut relever dans ce que nous avons entendu ce matin, même s'il y a énormément de répétitions de la part du ministre. Beaucoup plus de répétitions que de précisions, d'ailleurs. Je voudrais relever un point qui me paraît tout à fait capital. C'est bien important que le sens fondamental de notre discussion ne soit pas perdu de vue et surtout pas noyé sous une pluie de mots. J'ai entendu le ministre dire tantôt - il me corrigera si je l'ai mal compris - qu'en 1976, la part de notre PIB qui allait à la formation universitaire était d'à peu près 1%. Il a dit qu'en 1984 ou 1983, il serait

passé à 1,...? Est-ce qu'il pourrait nous donner des chiffres?

M. Bérubé: Les dépenses totales de fonctionnement des universités en pourcentage du produit intérieur brut provincial de 1974-1975 à 1981-1982, les chiffres que je vous ai donnés: en 1974-1975, c'était 1,02% Québec; 1,02% Ontario. En 1981-1982, j'avais 1,29% Québec et 0,87% Ontario. Pour les années subséquentes, je vous ai plutôt donné l'évolution, je n'ai pas utilisé ces chiffres dans ma réponse...

M. Ryan: M. le Président... M. Bérubé: ...j'ai utilisé...

M. Ryan: Question de règlement. J'ai demandé les chiffres au ministre, je n'ai pas demandé de leçon. J'ai demandé les chiffres que vous avez donnés. C'était beaucoup plus bref tantôt. Je veux seulement avoir les chiffres. L'explication, je peux m'en passer.

M. Bérubé: Je ne donne aucune explication au député d'Argenteuil, mais le député d'Argenteuil a posé une question précise, il a droit à une réponse précise.

M. Ryan: Autrement, je ne consens pas à la réponse, c'est tout. C'est moi qui ai le droit de parole actuellement.

Le Président (M. Charbonneau): Ce que je voudrais signaler au député d'Argenteuil et au ministre, c'est que pour une bonne discussion, je permets qu'il y ait des échanges. Si cela devient trop serré, je serai obligé de demander au député d'Argenteuil de consacrer ses 20 minutes et, par la suite, de céder la parole au ministre. Si de part et d'autre on peut s'entendre, je pense qu'il y a moyen d'avoir des échanges qui vont faire en sorte que ce soit moins procédurier. Je cède de nouveau la parole au député d'Argenteuil.

M. Ryan: Voici ce que je veux signaler sur ce point, qui est capital. Les chiffres que j'ai, d'ailleurs, ne sont pas exactement ceux qu'a le ministre. Ce que nous constatons, c'est qu'après 1976, il y a eu une légère hausse dans la part du PIB qui est allée à l'enseignement universitaire au cours des années 1979-1980. Même 1980-1981, c'était encore assez bon. Ensuite, cela a diminué. Actuellement, c'est inférieur à ce que c'était. Je me dispense des chiffres. Il ne faut pas qu'on engage une discussion inutile. Si le ministre est d'accord là-dessus, c'est très bien. Il y a un autre point qui n'est pas mentionné dans son argumentation et qui est capital, c'est que le nombre d'étudiants que cela représentait, le 1% en 1975-1976 était d'à peu près 55% du nombre d'étudiants aujourd'hui dans les universités.

Compte tenu de ce facteur, la proportion du PIB qui devait aller aux universités aurait dû augmenter en conséquence. Peut-être pas de manière mathématique, mais au moins de manière proportionnelle.

C'est là qu'on constate qu'il y a un décalage extrêmement préoccupant. Je voudrais que cela ressorte clairement de nos discussions, au-delà de toute considération partisane. Le ministre peut me dire: II y avait de la rationalisation. Tous ces arguments, on est prêt à les écouter. Ils peuvent avoir une certaine valeur. Mais je pense qu'il est important qu'on s'entende sur un fait de base en lui ajoutant celui que j'ai souligné tantôt, au tout début, concernant le déclin des subventions per capita. Je pense qu'il y a là deux ordres de facteur qui nous invitent à une réflexion très sérieuse pour l'avenir immédiat. C'est ce que je voudrais que le gouvernement retienne comme message. Le ministre entre en fonction. Je pense qu'il est capable d'examiner cette situation avec un regard frais et peut-être qu'on pourra avoir des améliorations qui, à mon point de vue, sont impérieuses.

Je mets le ministre en garde de nouveau - nous l'avons fait à combien de reprises depuis un an - sur le danger des comparaisons entre le Québec et l'Ontario et même entre le Québec et les autres provinces. Si nous sommes assurés que nous comparons exactement les mêmes objets, je n'ai aucune espèce d'objection à ces comparaisons. Je pense, au contraire, qu'elles peuvent être stimulantes et fort utiles. Mais, dans la mesure où on ne dispose pas des mêmes instruments de comparaison, je pense qu'il est déloyal, intellectuellement, de nous asséner des arguments qui procèdent de généralisations dont nous ne sommes pas en mesure de vérifier le bien-fondé, vu que le gouvernement se gargarise de références à cet argument depuis un an et qu'il a produit très peu de documents sérieux pour étayer ses positions. Si le gouvernement veut nous livrer toute la documentation sur laquelle il s'appuie, on la soumettra au processus d'analyse régulier. Ceux qui ont quelque chose à dire là-dessus pourront le dire.

Je mentionnerai seulement quelques faits très brièvement. Tout le monde sait que l'Ontario a fourni un gros effort en matière d'investissements universitaires plusieurs années avant le Québec. C'est normal qu'au cours des dernières années, surtout qu'il avait commencé sa période de contractions budgétaires plus tôt, il ait restreint beaucoup de ce côté. Si on prend seulement les chiffres d'investissements universitaires Québec-Ontario pour les deux ou trois dernières années, c'est facile pour le ministre de dire que le Québec en fait plus que l'Ontario. Il faut situer cela dans la courbe des... Surtout si on parle d'investissements universitaires, je pense bien

qu'il faut prendre les 10 ou 20 dernières années pour avoir une mesure concrète de la valeur des investissements dont on dispose aujourd'hui. Il n'y a pas d'autre façon de juger d'une situation comme celle-là. En tout cas, je mentionne cela pour ne pas qu'on parte en peur avec ces comparaisons. Elles sont normales et légitimes à condition qu'on ait, de part et d'autre, les instruments voulus pour pouvoir les apprécier.

On a parlé du problème des étudiants de l'extérieur du Québec. Nous, de l'Opposition, sommes en désaccord avec le gouvernement sur cette question. J'ai eu l'occasion de le dire publiquement. J'ai trouvé déplorable que la décision ait été prise sans aucune consultation avec les universités, sans aucune consultation avec le Conseil des universités. Je ne prétends pas qu'elle aurait été absolument indispensable dans ce cas, mais il n'y a pas eu de consultation avec les universités. J'étais moi-même dans une de nos institutions universitaires le jour où cette politique a été annoncée. Je suis particulièrement bien placé pour vous le dire, parce que j'ai eu l'occasion d'en causer avec les autorités de l'institution en question qui est l'une des plus durement affectées par les changements qui ont été annoncés. Je pense que le gouvernement n'a pas tenu compte dans cette politique de tous les facteurs dont il aurait dû tenir compte.

Tantôt, j'étais content de voir Mme Fortin corroborer les chiffres que j'avançais. Je ne pense pas que les autres provinces prendront des mesures de représailles contre le Québec. J'espère qu'elles n'en prendront pas. Je pense que ce serait très discutable si elles en prenaient. Mais je crois qu'il eût été mieux qu'une consultation avec les autres provinces ait lieu sur cette question avant que le Québec annonce unilatéralement sa politique. Cela a provoqué un mécontentement général qui n'est pas de nature à faciliter la collaboration.

On a beaucoup parlé des deuxième et troisième cycles, de la nécessité de promouvoir le développement d'équipes de recherche productives. Le ministre sait sans doute que bon nombre d'équipes de recherche au troisième cycle ont de la difficulté à avoir tous les effectifs qu'il faut et la masse critique d'effectifs nécessaires pour produire des choses de qualité. Dans bien des cas, la composition de ces équipes fait une place assez importante à des étudiants de l'étranger. Je ne sais pas si on a tenu compte de tous ces facteurs quand on a pris la décision qui a été prise. Mais, apparemment, on n'en a pas tenu compte. Je trouve, en tout cas, que le rationnel derrière tout cela laisse beaucoup à désirer pour les sommes quand même très limitées qui sont impliquées.

Je remarque que le ministre n'a pas parlé de la formule de financement. C'est très important. On ne s'étendra pas longuement là-dessus ce matin, mais je tiendrais à savoir où on en est rendu de ce côté, ce que le gouvernement envisage de faire à court terme, la manière dont il entend procéder. Est-ce qu'on peut envisager une nouvelle formule de financement pour la prochaine année financière 1985-1986? (12 heures)

J'ai des questions à poser au ministre au sujet des projets d'investissements du gouvernement. Les projets qu'on donne pour la période 1983-1988 sont d'environ 329 000 000 $; c'est à la page 38 du programme 6. L'an dernier, on avait présenté des projections pour la période 1982-1987; ces projections représentaient un total de 368 000 000 $. Si on regarde les ajustements qui sont faits avec le nouvel échéancier présenté pour ces cinq années, étant donné que les décisions n'ont pas encore été prises, on est en mesure de faire des rapprochements, il resterait un total pour 1982-1987 de 274 000 000 $ au lieu du montant qui avait été annoncé l'an dernier. Est-ce que je lis les chiffres comme il faut ou bien s'il y a des explications? Est-ce que cela veut dire qu'effectivement entre 1982 et 1987 il y a une diminution des prévisions d'investissements qui avaient été inscrites au cahier l'an dernier?

Vous voulez que je continue mes questions. J'apprécie votre silence; je ne l'impute pas...

M. Bérubé: J'ai été rappelé à l'ordre par le président, alors...

M. Ryan: Je l'apprécie. Il y a un petit malentendu de ma part, je le corrige tout de suite. Il y a un document qui circule depuis quelques mois, une étude qui a été faite sous votre autorité du temps où vous étiez président du Conseil du trésor sur les besoins d'espaces dans les universités. Cette étude concluait à la nécessité de réduire sérieusement les espaces dont auraient besoin les personnels universitaires pour s'acquitter de leurs fonctions. Je voudrais savoir où on en est à propos de cette étude. Est-ce qu'elle fait maintenant l'objet... Est-ce que les conclusions ont donné lieu à des décisions, à des politiques gouvernementales fermes pour l'avenir? Quel impact cela aura-t-il sur le quantum des sommes disponibles à des fins d'investissements universitaires?

Ce sont quelques questions relatives au problème des équipements universitaires qui m'apparaît capital. Le ministre qui vous a précédé annonçait en décembre qu'une somme de 15 000 000 $ serait libérée en 1984-1985 et en 1985-1986, répartie sur deux ans aux fins de renouvellement d'équipements universitaires. Est-ce que le ministre est en mesure de me dire les autres sommes qui

peuvent être consacrées au renouvellement des équipements universitaires pendant cette période-là?

J'ai constaté également que le ministre n'a pas dit un mot au sujet de la nouvelle politique fédérale en matière de financement de l'enseignement postsecondaire. S'il pouvait dire quelques mots là-dessus, nous dire où en est son gouvernement par rapport à cette politique, je l'apprécierais beaucoup. S'il n'est pas en mesure de nous le dire aujourd'hui, on trouvera l'occasion d'en parler une autre fois. Je préférerais qu'il réponde aux questions plus fonctionnelles que j'avais inscrites ici.

Il y a une dernière question que je veux lui poser. Il faut que je la retrace. C'est à propos des équipes de recherche. Je m'aperçois que le gouvernement, qui n'avait pas consulté avant de prendre sa décision, est en train de procéder à des consultations - le ministre nous a remis une note en réponse à une demande de renseignement que je lui avais communiquée - dans toutes les directions. Je voudrais savoir ce qui arrive au bout de cinq ans avec cela. Je pense qu'il s'agit d'un programme échelonné sur cinq ans. Est-ce qu'on dit aux universités: Vous entrez dans le rythme normal et vous financez tout cela? Est-ce qu'on prévoit d'ores et déjà qu'au-delà de cette période, la formule de financement devra être ajustée pour tenir compte de tous les développements et des besoins nouveaux? Est-ce qu'il y a des documents qui peuvent l'établir clairement? Je comprends que pour cette année-là, vous ne serez probablement plus là - au terme de la période de cinq ans - mais j'aimerais quand même savoir si vous avez bien pensé aux conséquences. Vous n'introduisez pas 40 corps comme ceux-là dans des institutions sans que cela entraîne des conséquences à mesure que l'intégration se fait dans la vie régulière. Je voudrais savoir comment vous réagissez à ce problème.

Un dernier point. Si vous pouviez commencer par celui-là, cela nous débarrassera. Quant à la compression de 7 300 000 $ qui a été arrêtée par le cabinet en même temps que la décision concernant l'augmentation des frais de scolarité des étudiants en provenance de l'extérieur du Québec, 7 300 000 $ dont 3 600 000 $ pour 1984-1985, c'est la première fois qu'on entendait parler de cette nouvelle compression venant s'ajouter à celle de 20 000 000 $ qui va valoir encore en 1984-1985. D'où vient-elle? Est-ce que c'est seulement le produit de la hausse de revenus imputable aux frais de scolarité accrus ou si c'est d'autre chose?

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Bérubé: Pour le dernier point que vous avez soulevé, j'aurai une réponse plus précise. Je reprends, à la suite les uns des autres, les différents points de votre intervention. Lorsque vous soulignez qu'il faut tenir compte de l'accroissement des clientèles quand on parle des ressources globales consacrées à l'éducation postsecondaire, je suis entièrement d'accord avec vous. D'ailleurs, c'était le sens de l'intervention que vous avez qualifiée de trop longue, que j'avais faite précédemment, alors que j'avais souligné qu'il faut prendre garde, lorsqu'on prend un chiffre global, de bien vouloir en même temps qualifier le type de réalités qu'il sous-tend. Mais vous avez parfaitement raison. C'est la raison pour laquelle - ce que j'avais commencé à vous dire tantôt - je vous donnais des dépenses totales de fonctionnement en pourcentage du produit intérieur brut, mais à partir de 1982-1983; je vous avais plutôt donné des chiffres absolus de subventions et frais de scolarité par étudiant sur la période de 1980-1981 jusqu'en 1984-1985, c'est-à-dire que là, je tenais compte davantage, en y allant per capita, de l'effet de clientèle. Je pense qu'on s'entend fondamentalement sur la précaution qu'il faut utiliser lorsque l'on manipule ce type de chiffres. Sur l'approche, en tous les cas, on est absolument d'accord.

J'ai, à de nombreuses reprises, eu l'occasion d'entendre vos arguments concernant non pas l'invalidité des chiffres, mais la possibilité que ces chiffres ne recouvrent pas des réalités objectivement semblables. Dans une opération que je qualifierais un peu d'écran de fumée, on essaie généralement, lorsqu'on ne veut pas avoir à vivre avec une certaine réalité chiffrée, d'émettre un certain nombre de doutes sur la validité des chiffres. C'est ce que les Américains appellent souvent "Do not bother me with facts". Je pense que, de temps en temps, ce n'est pas mauvais aussi de prendre un certain nombre de chiffres, même s'il faut les manipuler avec précaution, qui nous ramènent un peu sur une base de réalités comparables.

Ce qui m'amène à terminer en disant que le comité tripartite de l'Ontario, qui en est à sa cinquième année de comparaisons des systèmes universitaires, publie les résultats de ces comparaisons. Ces chiffres ne sont certainement pas confidentiels. Au gouvernement, on a fait surtout des études internes à partir de données statistiques disponibles et, souvent, on a fait des voyages en Ontario pour s'assurer qu'on décrit bien les mêmes réalités et que l'on peut introduire des provisions de corrections lorsque les réalités comparées ne sont pas tout à fait les mêmes. Donc, ces chiffres-là sont, à mon avis, facilement disponibles. Dans l'ensemble, si on parle de l'ordre de grandeur, ils confirment le discours général,

mais sans vouloir aller dans le détail.

Sur les frais de scolarité applicables aux étudiants canadiens, je dois dire que la décision du gouvernement est d'abord de procéder à une discussion avec nos homologues des autres provinces pour voir si on ne pourrait pas en arriver à élaborer une politique universelle; elle n'entrera pas en vigueur tant que ces discussions n'auront pas eu lieu. C'est un cas qui est un peu en contradiction avec un point que vous avez soulevé tantôt.

M. Ryan: Est-ce que je pourrais vous poser une brève question là-dessus M. le ministre et M. le Président, si M. le ministre veut consentir?

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan; Dans votre décision, vous avez dit que vous étiez prêt à négocier avec les autres provinces pour les étudiants francophones et non pas pour les étudiants canadiens en général. Est-ce qu'il y aurait eu un changement survenu depuis le mois de février? Regardez votre décision de février.

M. Bérubé: En fait, ce que le Conseil des ministres a adopté, c'est d'entériner le principe de l'imposition aux nouveaux étudiants, provenant du reste du Canada, le droit de scolarité de 1000 $ par année scolaire à partir de la session d'été 1985. Donc, pas cette année, mais dans deux ans, ce qui nous laisse le temps de tenir les rencontres avec nos homologues des autres provinces de manière à pouvoir convenir d'une politique.

Quant à la formule de financement des universités, je laisserai M. Lucier développer cette question plus particulière. Je terminerai donc avec le dossier des immobilisations. Pratiquement parlant, en 1984-1985, les parachèvements de travaux de construction entrepris représentent 55 000 000 $, la construction à peu près 6 000 000 $ et les équipements scientifiques vont représenter des investissements de l'ordre de 5 000 000 $ pour un total de 66 000 000 $.

Quant à l'interrogation que vous aviez à propos de l'enveloppe des budgets d'immobilisation, il est exact de dire qu'il y a une réduction des enveloppes disponibles aux fins de construction dans les budgets du ministère de l'Éducation. En fait, le Conseil du trésor a pris la décision qui a été entérinée par le Conseil des ministres de mettre en place une politique d'immobilisation qui repose sur certains paramètres financiers. Ces paramètres financiers sont les suivants: L'objectif est de faire en sorte que le service de dette sur les immobilisations existantes ne s'accroisse pas plus rapidement que l'indice des prix à la consommation, l'inflation. Donc, le nouveau service de dette ne devrait pas croître plus vite que cet indice. À ce budget de base, qui reconduit maintenant un peu automatiquement dans les budgets de tous les ministères, s'ajoutent des budgets additionnels dans le cadre de l'exercice effectué chaque année par le comité des priorités qui recommande au Conseil des ministres un certain nombre de choix budgétaires portant sur de nouvelles dépenses. Cette année, par exemple, nous avons approuvé dans le cadre du plan de relance 170 000 000 $ d'immobilisations additionnelles au rythme normal prévu dans le budget de base. Je pense que les équipements scientifiques doivent effectivement être couverts par ce budget additionnel. Donc, il est exact de dire que désormais le budget de base des immobilisations du ministère fera en sorte que le service de la dette ne croîtra pas plus vite que l'inflation, mais il faudra comme toujours ajouter au budget de base les sommes que le gouvernement voudra consacrer annuellement en termes de nouvelles priorités. Ce que vous avez comme chiffres à la page 38 sont les chiffres du budget de base avant toute autre décision du gouvernement.

Besoins d'espaces: En fait, il y a eu incompréhension et, d'ailleurs, c'est la raison pour laquelle la loi sur l'accès à l'information prohibe spécifiquement la diffusion des analyses du secrétariat du Conseil du trésor, de manière à permettre un exercice absolument utile sur lequel je voudrais dire quelques mots.

Un des derniers endroits au gouvernement où l'on peut obtenir une opinion indépendante sur un projet d'un ministère donné, c'est le Conseil du trésor. Il existe bien des comités ministériels dont l'objectif est d'établir les grandes politiques gouvernementales, mais ils ne sont pas dotés d'un secrétariat leur permettant, en général, de faire des études fouillées des dossiers qui sont soumis. Donc, on s'intéresse davantage aux problèmes globaux des politiques et à l'adéquation entre la mesure recommandée par un ministère et les orientations générales du gouvernement. (12 h 15)

Le Conseil du trésor est celui qui fouille en détail. Or, il est clair qu'aucun gouvernement ne pourrait tolérer que des analyses... Parce que l'objectif de l'analyse est de critiquer. Il faut comprendre que le secrétariat du Conseil du trésor a précisément un rôle d'opposition. Il n'en a pas d'autre. C'est un rôle d'opposition. Il doit donc chercher les failles. Dans l'exercice de la recherche des failles, je ne vous cache pas que, très fréquemment, on passe complètement à côté. Mais c'est sans importance parce que ce n'est qu'une analyse qui est soumise en plus de la proposition du

ministère. Les ministres qui siègent au Conseil du trésor peuvent retenir ou non la proposition qu'ils ont sur la table, à la lumière des éclairages qu'on leur fournit.

Dans ce cas particulier, je ne divulguerai pas de grands secrets sur le déroulement de la séance du Conseil du trésor. L'analyse, qui est aujourd'hui publique, indiquait que les études, ayant servi à l'élaboration des normes antérieures, leur paraissaient comme étant des études qui remontaient aux années soixante ou soixante-cinq, c'est-à-dire les années d'abondance, et que, par mesure de précaution, il serait peut-être approprié dans ces années de pénurie de réduire systématiquement les normes de 25%. Seulement par précaution, disons.

Je dois vous avouer que nous n'avons pas partagé cette approche, parce que je préfère encore m'appuyer sur de vieilles études que sur l'absence totale d'étude. La réaction des membres du Conseil du trésor a été de dire: Peut-être que vous avez raison de trouver que les études sur lesquelles on s'appuie sont vieilles mais, dans ce cas, faites-nous des études objectives comparables des espaces requis dans le monde universitaire que l'on est capable d'identifier. À partir de cela, on pourra peut-être, si c'est nécessaire, remettre en cause les normes actuelles.

Donc, on ne peut pas dire que les normes ont été remises en cause par le Conseil du trésor dans le mesure où on a tout simplement rejeté l'analyse à l'époque et convenu de continuer d'appliquer les normes existantes jusqu'à ce qu'on ait des études plus rigoureuses justifiant une modification.

Le Président (M. Charbonneau): II nous reste dix minutes. Je voudrais permettre au député d'Argenteuil de poser une autre question et au ministre, d'y répondre. Par la suite, nous procéderons à l'adoption du programme. Nous n'aurons malheureusement pas le temps, ce matin, de passer à l'étude du programme 9; la meilleure chose serait peut-être de demander aux gens qui accompagnent le ministre de rester à la disposition de la commission. On ne peut leur préciser l'heure de l'étude ni dire si une étude particulièrement détaillée aura lieu en commission sur ce programme. Pour le moment, les membres de la commission ont préféré prendre plus de temps à l'étude du programme 6.

Je vais donc céder la parole au député d'Argenteuil.

M. Bérubé: Nous sommes à votre service, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Pardon?

M. Bérubé: Nous sommes à votre service, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Nous n'en doutons point, M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, au sujet de ce que vous venez de dire, je pense que les responsables de la FCAC savent très bien quel intérêt nous portons au travail de cet organisme. Étant donné les changements législatifs qui sont survenus au cours de la dernière année et le nouveau partage des responsabilités qu'on a fait entre les commissions parlementaires, le comité directeur pourrait-il examiner la possibilité d'une séance spéciale à un moment donné de concert avec la commission de l'économie et du travail qui est responsable de la Science et de la Technologie. On pourrait peut-être, à cette occasion, faire un examen plus approfondi. Je ne voudrais pas du tout qu'on pense...

On a un programme chargé d'ici la fin des travaux et vaut mieux être réaliste. J'ai l'impression qu'on n'aura pas beaucoup de temps pour la FCAC; en toute franchise, mieux vaut se le dire, mais ce n'est pas du tout un manque d'intérêt. C'est une occasion qu'on devrait essayer de retrouver dans les meilleurs délais.

Le Président (M. Charbonneau): L'idée est de ne pas l'escamoter non plus.

Le Conseil des universités

M. Ryan: Oui, c'est cela. On pourrait bien donner une apparence d'intérêt pendant une demi-heure, mais cela ne donnera rien à qui que ce soit.

Je reviens au sujet de fond que nous allions aborder. Il y a une question que je n'ai pas soulevée et c'est simplement parce que le temps ne l'avait pas permis, c'est la question du rôle du Conseil des universités comme structure intermédiaire entre le gouvernement et les institutions universitaires. Je pense que le ministre conviendra qu'il est absolument nécessaire, étant donné la fonction tout à fait unique que remplissent les universités dans la vie collective, qu'il y ait entre elles et le pouvoir politique une structure intermédiaire capable de tamiser les choses autant en ce qui regarde les communications des universités vers le gouvernement que les communications du gouvernement vers les universités, capable aussi de fournir, sur des questions controversées comme plusieurs de celles que nous avons abordées ce matin, un éclairage objectif, impartial qui puisse aider les gens à se rallier autour d'une certaine perspective consensuelle. Je ne pense pas qu'on ait beaucoup d'intérêt à faire de la politique partisane avec les universités. S'il y

a un domaine qu'on doit aborder avec plus de respect, c'est bien celui-là.

Je voudrais, dans cette perspective, souligner de nouveau - je pense l'avoir fait hier - la qualité impressionnante des travaux qui ont été faits par le Conseil des universités jusqu'à maintenant et souligner que le gouvernement a généralement suivi les avis du conseil dans les questions très particulières qu'il lui soumettait. Par exemple: l'introduction d'un nouveau cours ici, le développement d'une nouvelle section là. Il a été beaucoup moins positif dans ses réactions à l'endroit des grandes orientations que lui proposait le Conseil des universités, en particulier, en matière de financement universitaire.

Je voudrais attirer l'attention du ministre sur un travail très important qu'a entrepris le conseil. Vous savez, tant qu'on ne va pas au fond des choses... Le contenu du travail universitaire, le gouvernement est mal placé pour l'examiner. J'entendais bien des choses qu'a dites le ministre ce matin; moi aussi, j'ai des préjugés et je n'oserais pas les ventiler publiquement avant de les avoir vérifiés soigneusement. On en a à propos de toutes les grandes institutions qui sont à notre service. Je pense qu'on vit de préjugés à 50% si on veut se voir comme on est.

Cela dit, j'ai été extrêmement intéressé d'apprendre que le Conseil des universités a entrepris des études sur le contenu des programmes. On me dit que deux études sont en cours, une sur le contenu des programmes dans les écoles de génie et une autre sur le contenu des programmes dans les écoles ou facultés d'éducation. On s'arrange pour avoir des données en provenance de tout le reste du pays qui seront plus complètes, je l'espère, que celles auxquelles on a fait allusion jusqu'à maintenant. J'attends des résultats très importants de ces études. Je voudrais que le ministre nous assure qu'il sera disposé à fournir au Conseil des universités, des ressources additionnelles nécessaires pour que ce travail d'évaluation absolument indispensable à toute politique de développement rationnel pour l'avenir puisse se faire dans les meilleures conditions possible.

Si on devait nous dire, par exemple: Nos écoles de génie, cela ne vaut pas cher à cause de telle... C'est bon qu'on le sache, comme c'est là, on ne le sait pas et le monde universitaire doit se rendre compte qu'il y a un problème d'imputabilité qui n'a pas été réglé clairement à ce niveau-là.

Quand le ministre dit: On ne peut pas mettre de l'argent, de l'argent et de l'argent sans savoir où cela nous mène, je suis parfaitement d'accord avec lui. Il n'y a pas de débat entre nous là-dessus. Le problème, c'est de trouver comment peut être assurée cette imputabilité. Le Conseil des universités a fait la preuve jusqu'à maintenant d'un grand sérieux. Il a des ressources modestes, ce n'est pas un organisme qui recherche la publicité, mais j'ai été très heureux d'apprendre qu'il s'était engagé dans cette voie, qu'il recevait la collaboration des institutions impliquées, à des degrés divers, d'après ce que je crois comprendre, parce qu'il y a des endroits où on est peut-être plus susceptible qu'à d'autres. Il faut que les universités comprennent aussi qu'elles ont un devoir de collaboration très active à des travaux de ce genre et qu'il faudra être prêt à en tirer des conclusions. Si on devait conclure, par exemple, qu'on a trop de dispersion de ressources, qu'il faut un regroupement à certains endroits, qu'on ne peut plus faire de développement dans telle direction parce qu'on a notre quota en toute objectivité, je pense qu'il faudrait être prêt à le faire. J'aimerais que le ministre nous donne son opinion, surtout sur la fonction et la contribution du Conseil des universités dans l'accomplissement de ce rôle très important.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Bérubé: Je suis heureux des remarques du député d'Argenteuil concernant l'importance du rôle du Conseil des universités qui, comme on le sait, est constitué par loi pour servir d'organisme consultatif au même chapitre que le Conseil supérieur de l'éducation, à titre d'exemple, ou le Conseil des collèges, qui doit conseiller le gouvernement dans l'élaboration des politiques.

Je suis également heureux de l'intérêt que manifeste le député d'Argenteuil pour ces deux études en cours par le Conseil des universités, renfermant le contenu des programmes et la formation des maîtres puisque, dans les deux cas, il s'agit de mandat spécifique, venant directement de mon prédécesseur, M. Laurin, qui, se préoccupant de ces questions, a très spécifiquement demandé au Conseil des universités d'y consacrer des ressources de telle sorte qu'on puisse améliorer la situation si c'est possible. Ne préjugeons pas des conclusions du Conseil des universités. Sans préjuger des conclusions du Conseil des universités, il y a un fonds prévu pour pouvoir donner suite soit en investissement ou en fonctionnement aux recommandations du Conseil des universités. Je peux rassurer le député d'Argenteuil que non seulement ces mandats viennent du gouvernement au départ, comme demande très spécifique et qui manifeste bien notre intérêt pour la question, mais que de plus, nous avons prévu des enveloppes budgétaires pour pouvoir donner rapidement suite aux recommandations qui pourraient nous être faites. Je ne vous cache

pas également que le ministère comporte de plus en plus d'intérêt à toute la fonction évaluation au ministère en ce sens qu'on a peut-être eu tendance, dans le passé, à vouloir faire beaucoup de contrôles a priori, contrôles parfois tatillons, contrôle réglementaire, contrôle administratif qui risquent de tarir l'imagination des gens qui ont les responsabilités et devraient être laissés largement libres d'assurer leur développement.

Toutefois, cela pourrait représenter un refus d'assumer ses responsabilités si une telle politique de décentralisation n'était pas assujettie à une autre politique qui doit en être une d'évaluation. En d'autres termes, on doit laisser les gens libres de prendre leurs décisions. On doit évaluer la performance de nos systèmes. Je pense que cela est le fondement d'une saine démocratie. C'est le sens de l'orientation que nous allons prendre certainement au ministère de l'Éducation dans les années qui viennent.

Le Président (M. Charbonneau): Sur ces propos, M. le ministre, je vais demander aux membres de la commission si le programme 6 est adopté?

M. Ryan: Sur division.

Le Président (M. Charbonneau): Adopté sur division. Je vais suspendre les travaux...

M. Bérubé: Nous sommes encore divisés.

Le Président (M. Charbonneau): ...sine die et nous reprendrons cet après-midi avec l'étude du programme 7, Formation des adultes.

(Suspension de la séanbe à 12 h 27)

(Reprise de la séance à 16 h 55)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! Nous allons reprendre les travaux de la commission parlementaire de l'éducation. Nous sommes rendus à l'étude des crédits du programme 7, si je ne m'abuse, Formation des adultes.

M. Ryan: C'est un très bon sujet.

Formation des adultes

Le Président (M. Charbonneau): Étant donné les remarques du vice-président de la commission parlementaire, je vais lui céder immédiatement la parole, à moins que le ministre ait des remarques préliminaires à formuler au départ.

M. Bérubé: Non, je n'ai pas de remarques préliminaires.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je remarque que l'éducation des adultes n'intéresse pas trop notre ministre de l'Éducation.

M. Bérubé: Question de privilège, M. le Président.

M. Ryan: On va lui fournir certains sujets de réflexion. Les questions de privilège, M. le Président, vous le savez très bien, n'existent point.

M. Bérubé: Le député d'Argenteuil me prête des intentions malicieuses et une négligence que je n'ai absolument pas, M. le Président.

M. Ryan: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Je voudrais...

M. Bérubé: Au contraire, c'est une bonne intention qui m'animait au moment où j'ai décidé de ne pas me prévaloir de mon temps de parole. Le député d'Argenteuil a signalé qu'à cause de la durée de nos interventions, souvent les députés de l'Opposition n'avaient pas tout le temps de parole auquel ils avaient droit. C'est uniquement dans cet esprit que j'ai pris la décision mentale de me retenir quelque peu. Si le député d'Argenteuil insiste, il va me faire plaisir de prendre 20 minutes d'introduction liminaire mais je pense qu'il serait préférable de lui laisser son droit de parole.

M. Ryan: Je ne détesterais pas savoir ce que le ministre a à dire sur l'éducation des adultes, au début, justement.

M. Bérubé: Vous allez le savoir.

M. Ryan: Cela m'intéresserait beaucoup. Il me semble que c'est la coutume, dans nos commissions parlementaires, quand un aborde un grand programme, que le ministre communique les grandes intentions, les grandes orientations du gouvernement. Puisque le ministre nous lance le défi, nous lui retournons le défi volontiers. Ce n'est pas faute de matière, vous le verrez tantôt.

Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien la balle est renvoyée dans le camp du ministre. Est-ce que le ministre la renvoie ici ou s'il la garde?

M. Bérubé: Certainement, je la garde, merci.

Le Président (M. Charbonneau): Je précise qu'il est 17 heures et que...

M. Bérubé: M. le Président, on observera cette année un changement assez radical en ce qui a trait à l'éducation des adultes puisque c'est le secteur où les crédits augmentent le plus rapidement. On n'aura pas de difficulté à s'en rendre compte en regardant les chiffres. Cette augmentation substantielle de plus de 35 000 000 $ a déjà été annoncée par le ministre de l'Éducation et elle fait suite à l'annonce du plan de relance du gouvernement.

Il y a donc un effort important puisque l'on double littéralement les sommes que le gouvernement du Québec va financer à même ses propres revenus de taxation dans le cadre de l'éducation des adultes. Évidemment, cela s'ajoute à tous les autres investissements que nous faisons au niveau de la formation professionnelle, de l'insertion sociale des jeunes, que nous avons eu l'occasion de discuter d'abondance hier à la suite, d'ailleurs, d'une de vos questions, M. le Président, on s'en souviendra.

Donc, première observation: II y a une injection importante de ressources au niveau de l'éducation des adultes. Avant de développer l'utilisation de ces sommes, il faudrait cependant prendre quelques minutes pour les consacrer au changement de philosophie et d'approche qui va sous-tendre l'action gouvernementale dans le secteur de l'éducation des adultes au cours des prochaines années. (17 heures)

On se souviendra que le gouvernement avait demandé à la commission Jean de réfléchir à la problématique de l'éducation des adultes au Québec et de soumettre au gouvernement un ensemble de recommandations.

Toutes ces recommandations n'ont pas été retenues par le gouvernement mais le gouvernement devait adopter une politique de l'éducation des adultes marquée au coin d'un changement assez radical dans l'approche. Un des problèmes vécus par ceux qui font de l'éducation des adultes sur le terrain, donc bien concrète, a souvent été que les besoins qui sont ceux de l'ensemble de la société, des entreprises, par exemple, ne sont pas toujours ou ne concordent pas toujours avec les moyens que nous mettons à la disposition des organismes de formation des adultes.

Peut-être est-ce dû au fait qu'à partir du moment où on laisse à celui qui détient la ressource le soin de déterminer à quel genre de besoins il va répondre, il se produit le problème suivant: Que celui qui dispense l'enseignement aura peut-être tendance à ce moment à ajuster les cours qu'il veut donner aux ressources dont il dispose et non pas nécessairement aux besoins de la clientèle qui s'est adressée à lui. Effectivement, on a reproché une certaine inadéquation entre les enseignements à l'éducation des adultes et les besoins réels rencontrés sur le terrain.

Comment corriger cette situation? En mettant plus d'accent sur la satisfaction des besoins tout en maintenant, au niveau du ministère de l'Éducation, cette vocation de formation permanente vers laquelle, de plus en plus, le ministère s'engage. La solution a donc consisté à confier au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, par le biais de ses centres de formation professionnelle, le soin d'établir le contact avec le milieu économique de manière à identifier quels sont les besoins: besoins en main-d'oeuvre, en spécialisations de toutes sortes.

Également, le même ministère sera chargé, cette fois conjointement avec les autres intervenants, de procéder à l'accueil des clientèles, à l'analyse de leurs besoins propres et à la confection d'un plan de formation qui incorpore de la formation générale mais également de la formation plus professionnelle et spécialisée.

Le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu devient alors un client auprès des différentes institutions d'enseignement du Québec, qu'il s'agisse de cégeps ou de commissions scolaires, pour obtenir les prestations de services sous forme de cours, d'enseignements de toutes sortes. Lorsque, dans une région donnée, il se produit qu'on ne peut offrir un enseignement professionnel d'un type particulier mais que les entreprises pourraient offrir l'équivalent, à ce moment on peut également concevoir les stages en entreprises, lesquels stages sont évidemment encadrés par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

On voit donc que désormais les besoins seront évalués au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui devient une plaque tournante où s'adressent, en définitive, tous ceux qui n'ont pas d'emploi, qui sont sans ressources financières et qui ont besoin d'aide de l'État. Ce ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a donc pour tâche de concevoir des plans individuels de formation ou de remise au travail et, si nécessaire, même, d'aide sociale pour ceux qui ne peuvent s'insérer immédiatement dans le marché du travail.

Mais l'objectif premier, désormais, du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu ne sera plus de cantonner les gens dans le cul-de-sac qu'a été l'aide sociale pour les aptes au travail. Au contraire, le véritable rôle maintenant du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu sera de chercher de façon très active à réinsérer tous ceux qui se retrouvent à l'aide sociale ou qui se retrouvent sans emploi à la suite d'une mauvaise formation dans le marché du

travail en prévoyant pour eux une formation additionnelle.

Nous avons donc décidé, d'une part, de confier aux institutions actuelles qui font de l'éducation des adultes, c'est-à-dire nos collèges, nos commissions scolaires, le soin d'assurer la formation de base, et même professionnelle dans le cas des enseignements spécialisés. Donc, dans la mesure où nous procéderions par le biais de nos institutions traditionnelles, nous n'avons pas retenu l'idée d'une loi-cadre qui aurait régi d'une façon différente l'éducation des adultes, préférant considérer le mandat de nos institutions actuelles comme étant un mandat global qui va de l'éducation initiale de base à cette éducation permanente continue à laquelle il faut déjà s'habituer et qui doit nécessairement faire partie du mandat de base de formation. D'autant plus que ces institutions disposant déjà souvent des équipements qui leur permettent de dispenser un enseignement fondamental, il était à ce moment-là un peu dangereux ou risqué de tenter de bâtir en parallèle un autre système d'éducation des adultes.

On a donc choisi de tabler sur les ressources existantes et d'ajouter une dimension, qui était déjà inscrite dans les mandats de ces institutions, mais de lui donner plus de force, d'une part, et, d'autre part, de nous assurer que l'encadrement des clientèles soit fait par un ministère dont la vocation essentielle serait celle du recyclage, celle de la formation de la main-d'oeuvre, donc, celle de l'encadrement de nos concitoyens qui ont de la difficulté à s'insérer dans le marché du travail.

Dans le cadre de cette nouveau structure organisationnelle, qui n'est pas en place puisque la nouvelle politique gouvernementale est toute récente, nous allons, en un premier temps, tenir au mois de mai des tables - en fait, trois tables - de concertation avec une table centrale où nous allons examiner, avec les principaux intervenants du monde de l'Éducation des adultes, les problèmes opérationnels que représente l'application d'une telle politique et des mesures de mitigation, si cela s'avère nécessaire. Nous allons donc chercher ensemble à définir les meilleures modalités d'application de cette nouvelle politique.

Nous mettrons cette année, dans le cadre de cette nouvelle politique de formation des adultes, à leur disposition des crédits importants. Par exemple, au niveau du recyclage et du perfectionnement dans les métiers d'importance nationale où, aux sommes déjà dépensées par le gouvernement fédéral, nous ajoutons des crédits de presque 10 500 000 $ cette année.

Nous nous préoccupons également du problème de la transition au travail des femmes qui veulent retourner sur le marché du travail après une absence prolongée et qui ont besoin d'un encadrement plus suivi, plus serré. Des sommes sont prévues pour l'année scolaire, qui représentent à peu près 500 000 $.

Nous allons nous intéresser à ces secteurs économiques en perte de vitesse où nous savons, d'ores et déjà, que ces travailleurs risquent, à plus ou moins long terme, de perdre leur emploi et pour qui il faut, dès maintenant, préparer la transition en les formant pour des entreprises de demain. Nous y consacrerons à peu près 2 000 000 $.

Dans le but de mieux encadrer la formation en entreprise, donc, l'engagement de conseillers pour assurer l'encadrement, le ministère de la Main-d'Oeuvre va se voir attribuer une somme d'à peu près 500 000 $. Nous aurons des programmes de perfectionnement à l'intention des gestionnaires des petites et moyennes entreprises, auxquels nous consacrons également en crédits à peu près 500 000 $.

Au ministère de l'Éducation proprement dit, on consacrera à peu près 7 000 000 $ pour améliorer l'accès à la formation de base car il n'est pas question, dans nos intentions, de réduire l'importance de la formation de base dans l'éducation des adultes. Au contraire; nous ajoutons donc des sommes fort importantes de l'ordre de 7 000 000 $ pour l'année scolaire, qui vont permettre un meilleur accès à la formation de base en ajoutant des ressources pour permettre d'accueillir des clientèles additionnelles de l'ordre d'à peu près 2000 personnes à temps plein et d'à peu près 31 000 personnes en formation à temps partiel.

Des sommes un peu moins importantes qui représentent quand même 1 000 000 $ pour l'année scolaire, iront au niveau des cégeps pour atteindre essentiellement le même objectif. Nous allons consolider le programme d'insertion sociale et professionnelle des jeunes, dont on parlait hier, en injectant des sommes pour permettre de rejoindre les clientèles de 450 $. Nous avons défini le budget hier. Nous aurons des cours particuliers à l'intention des clientèles analphabètes ou handicapées, qui représentent des sommes d'à peu près 1 100 000 $. Également, nous doublons le budget des organismes volontaires d'éducation populaire. Ce qui veut dire qu'il y a des sommes, en année scolaire, de près de 2 000 000 $ additionnels qui seront injectées. C'est pour les cours réguliers, en fait, de culture populaire. Ces organismes financent déjà des programmes à l'intention des analphabètes et des handicapés; à l'intérieur de ces programmes, nous ajouterons également une somme additionnelle d'environ 1 500 000 $. Nous avons des sommes importantes pour l'accueil et l'orientation des clientèles qui vont désormais s'adresser à un bureau central

où toutes les ressources seront identifiées et centralisées, de telle sorte que l'on puisse offrir la gamme des services d'accueil et d'orientation de ces clientèles.

Également, aspect important de notre politique, vous n'êtes pas sans savoir que le nouveau règlement des études collégiales a introduit le concept de la reconnaissance des acquis, ce qui permettra à quelqu'un de faire reconnaître une expérience équivalente lorsqu'il s'agit de s'inscrire, par exemple, en formation au niveau collégial. Le développement de ces instruments de reconnaissance des acquis va occasionner des dépenses additionnelles d'environ 300 000 $. En d'autres termes, voilà un programme d'un peu plus de 35 000 000 $ qui s'ajoutent aux sommes dont nous avons parlé hier lorsque nous avons discuté de l'insertion professionnelle des jeunes et qui seront engagés et dépensés dans le cadre de cette nouvelle politique de l'éducation des adultes et de formation professionnelle où nous allons mettre l'accent sur une meilleure adéquation entre les besoins ressentis par la clientèle et les services que nous allons offrir à cette clientèle, ce qui n'était peut-être pas le cas antérieurement.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je remercie M. le ministre de l'Éducation de cette introduction qu'il a fournie à notre discussion. Il y a beaucoup à discuter sur la politique de l'éducation des adultes du gouvernement. L'éducation des adultes est un des secteurs qui ont été le plus gravement affectés par les politiques malthusiennes du gouvernement en matière d'éducation. Nous avons vu que d'autres secteurs ont eu beaucoup à souffrir. L'éducation des adultes est un de ceux qui ont été le plus affectés. Deux traits ont caractérisé l'attitude du gouvernement dans ce secteur depuis cinq ou six ans. Premièrement, l'attentisme au niveau des politiques. Deuxièmement, les reculs au niveau des mesures concrètes. Il a fallu cinq ans pour enfin connaître, à la fin de février, la politique du gouvernement en matière d'éducation des adultes. Tout cela s'est traduit par un long processus: commission d'enquête qui a duré deux ans; remise d'un rapport d'enquête volumineux sur lequel le gouvernement a soi-disant réfléchi pendant deux ans. Il a fallu tout ce temps pour qu'on connaisse le document dont nous parlerons tantôt.

Pendant ce temps, l'éducation des adultes a connu des retards, voire des reculs très sérieux. Pour éviter toute discussion interminable à ce sujet, je voudrais citer trois témoignages qui font assez autorité, je pense, aux yeux de ceux qui sont le moindrement familiers avec le monde de l'éducation des adultes pour qu'on évite d'en discuter interminablement. La commission Jean elle-même, vers la fin de son rapport, avait cru nécessaire d'insérer un chapitre dans lequel elle déplorait les effets extrêmement coûteux des compressions budgétaires imposées par le gouvernement dans ce secteur - comme dans les autres - à compter de 1981. Le Conseil supérieur de l'éducation a cru devoir faire une intervention sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir tantôt. (17 h 15)

Je pense que c'est bon d'en citer un bref extrait parce que c'est quand même le Conseil supérieur de l'éducation, organisme qui est chargé de conseiller officiellement le gouvernement. Je pense que cela comprend aussi l'Opposition. L'Opposition accueille les représentations du Conseil supérieur de l'éducation avec au moins autant sinon plus d'intérêt que le gouvernement. Dans l'opinion que le Conseil supérieur de l'éducation remettait au gouvernement en décembre dernier, je crois... Nous allons la retracer, c'est une affaire d'une minute, il n'y a pas de problème... Juste une seconde, M. le Président. Vous remarquerez que c'est peut-être la première fois qu'un silence intervient du côté de l'Opposition. Ce n'est pas meilleur quand c'est du côté de l'Opposition cependant.... En tout cas j'affirme de mon siège que dans cet avis qu'il a remis au gouvernement en décembre dernier, le Conseil supérieur de l'éducation déplorait vivement les reculs causés par des politiques malthusiennes du gouvernement au plan budgétaire.

L'Institut canadien d'éducation des adultes, c'est l'organisme qui regroupe à peu près toutes les forces engagées dans le secteur de l'éducation des adultes au Canada. C'est pour cela qu'il s'appelle "canadien" mais, évidemment, comme il est de langue française, son activité est principalement centrée au Québec et regroupe les services d'éducation des adultes des commissions scolaires, des collèges, des universités, des organismes populaires, des organismes bénévoles de toutes sortes. Je pense que le caractère représentatif de l'Institut canadien d'éducation des adultes est bien admis par le gouvernement lui-même qui, d'ailleurs, depuis de nombreuses années, lui verse une subvention pour ses fins de fonctionnement. Donc, l'Institut canadien d'éducation des adultes, appuyé par ce qu'on appelle la Coalition nationale des organismes d'éducation des adultes, a maintes fois déploré avec beaucoup de vigueur les reculs causés par la politique du gouvernement.

Depuis le 28 février, nous avons enfin une politique mais celle-ci a suscité, dans la plupart des milieux qui se consacrent à l'éducation des adultes, de graves réserves. Avant le début des travaux de la commission

parlementaire sur les crédits du ministère de l'Éducation, j'ai fait une halte, lundi dernier, à la Maison de l'éducation des adultes de la Commission scolaire régionale de Chambly où j'avais été invité, en compagnie d'autres personnes, à participer à une table ronde sur le projet de politique gouvernementale.

À la réunion que nous avons tenue, il y avait à peu près 250 étudiants adultes et professeurs engagés dans ce secteur. Il manquait un représentant du gouvernement, malheureusement. On a tout fait pour obtenir un représentant mais cela n'a pas été possible. J'aurais aimé que le ministre fût là avec nous pour entendre les réactions qui se sont exprimées bien spontanément, et je l'assure que nous n'étions pas en présence d'un auditoire subversif ou mal intentionné. C'était un auditoire composé de personnes qui ont de graves problèmes à résoudre dans leur cheminement personnel et d'autres personnes qui essaient de les assister dans ce cheminement.

Les critiques qu'on a pu entendre au sujet de la politique d'éducation des adultes du gouvernement... Je fais évidemment abstraction de celles que j'ai formulées moi-même parce que j'avais peut-être, comme on dit en bon anglais, "an axe to grind". Je ne pense pas que c'était le cas mais on pourrait toujours me l'imputer avec une certaine vraisemblance, étant donné le rôle que je joue dans notre système parlementaire. En général - je pense que c'est bon que le ministre le sache de quelqu'un qui est quand même un témoin assez proche de ces choses-là - la réaction est très réservée.

Les principaux sujets de critique qui découlent de la politique énoncée à la fin de février sont, à mon point de vue, les suivants. Tout d'abord, le ministre l'a rappelé lui-même dans ses remarques liminaires, il n'y a aucun engagement du gouvernement à donner à l'éducation des adultes la loi-cadre que réclamait avec force la commission Jean et que souhaitaient à peu près tous les artisans de l'éducation des adultes dans notre milieu. Une loi-cadre, ce n'est pas seulement un caprice de circonstance ou l'auditoire qui aurait été gâté par le traitement particulier dont il aurait pu être l'objet, c'est l'expression d'une volonté de voir les droits des adultes à l'éducation et à la culture reconnus dans les lois de notre société québécoise.

Je rappelle au ministre, pour qu'il n'oublie pas que dans le projet de loi 40 on consacrait les treize premiers articles du projet à définir les droits des citoyens du Québec en matière d'éducation. On avait complètement oublié d'inclure l'éducation des adultes dans cette énumération de droits.

Je pense que cela traduit assez bien le climat général dans lequel baigne le ministère de l'Éducation à cet égard. J'espère qu'on fera les corrections voulues.

Tout ce qu'on trouvait dans le projet de loi c'était un article plus loin disant que l'école pourrait dispenser certains services d'éducation aux adultes définis par des commissions scolaires.

Dans son rapport, la commission Jean énumère peut-être une cinquantaine de droits qui doivent être reconnus aux adultes. À ce moment, ce n'est pas une question de bon vouloir de la part du gouvernement ou de la société. Nous sommes rendus à un stade où on peut et où on doit vraiment parler de droits de l'adulte à l'éducation.

De ce point de vue, je pense que le gouvernement fait faux bond à tous ceux qui ont travaillé la question depuis cinq ans. Il choisit son orientation, préfère s'en aller vers des mesures ponctuelles, des priorités choisies à la pièce au gré de sa perception des événements et des bersoins. C'est sa responsabilité. Je la lui laisse mais, personnellement, j'appuie absolument, très fortement cet objectif d'une loi-cadre pour l'éducation des adultes et j'espère que le Québec en aura une le plus tôt possible.

Corollairement à ceci, le gouvernement refuse de reconnaître une autre proposition majeure du rapport Jean, celle de l'accès universel et gratuit des adultes à une formation de base devant comporter treize années de formation. Le principe de ceci est assez simple. La Commission Jean s'est fondée sur ce qui se pratique à l'endroit des clientèles régulières. On a maintenant la gratuité pour la clientèle régulière des établissements publics aux niveaux primaire, secondaire et collégial. La commission Jean disait: II faudrait transposer ce principe à la population adulte.

Je signale à l'attention du ministre que sous le gouvernement actuel les coûts que doit encourir un adulte pour suivre des cours de perfectionnement au niveau secondaire ont augmenté. Ils n'ont pas diminué. Le ministre sait sans doute, comme moi, que pour chaque période de quinze heures de cours un adulte doit payer des frais d'inscription de 10 $. S'il suit six cours différents d'une durée de quinze heures, il faudra qu'il paie 90 $. Dans le domaine de la formation professionnelle, à bien des endroits, c'est encore plus élevé.

C'est là un objectif au sujet duquel je n'improvise point ce que je vous dis et que nous avions défini il y a déjà 20 ans dans le rapport d'un comité d'étude que j'avais eu l'honneur de présider en vertu d'un mandat que nous avions reçu du gouvernement. C'était un objectif qui avait été proposé dès ce moment. On s'aperçoit que, 20 ans après, tout ce que le gouvernement trouve à dire là-dessus c'est ceci, et je cite l'énoncé de politique à la page 33... C'est un peu ce que je disais pour la formation universitaire ce matin. Quand il s'agit de proclamer l'idéal de l'accessibilité, il n'est point de limite que connaisse l'éloquence des porte-

parole du gouvernement, mais quand il s'agit de la traduire dans des politiques vraiment efficaces, on constate souvent des écarts déplorables. À ce point de vue-ci, on a parlé d'accessibilité puis on ajoute ceci: "Cette accessibilité "systémique" ne résout pas d'elle-même l'accès effectif et ne comporte pas nécessairement l'accès gratuit de l'un ou l'autre groupe de population aux services éducatifs. Une collectivité et un État peuvent en effet décider de moduler leur aide financière et privilégier l'accès d'un groupe plutôt que d'un autre à la lumière des circonstances et en fonction de certains critères librement choisis. Il reviendra ainsi au gouvernement d'établir périodiquement les priorités d'offres de services et de répartir les ressources disponibles, etc."

Tout ceci pourrait se justifier à condition que l'on s'entende sur le plancher. Je pense bien que le gouvernement voudra au moins convenir qu'il y a un certain plancher de services en éducation des adultes qui devrait répondre à l'idéal de l'accessibilité comportant l'universalité et la gratuité. Ce n'est défini nulle part dans la politique du gouvernement. C'est pour cela que les reculs qu'on a enregistrés ces dernières années risqueraient de continuer.

Troisièmement, il y a des objectifs valables dans la politique du gouvernement. Je vais en mentionner deux en particulier mais qui sont formulés dans des termes trop vagues. On ne sait pas exactement à quoi cela va nous conduire. Le ministre a mentionné tantôt la reconnaissance des acquis académiques et "expérienciels"; c'était déjà une recommandation du comité d'étude qui a fait rapport, il y a vingt ans, pour la commission Parent et le gouvernement. Ce n'est pas avec ce qu'on trouve dans le document du gouvernement qu'on va régler ce problème, il va falloir des mesures beaucoup plus énergiques, beaucoup plus substantielles que celles qu'on nous annonce.

Il est compliqué de mettre sur pied un système de reconnaissance des acquis à l'échelle de tout le Québec. Il ne faut pas qu'on commence un système au cégep Édouard-Montpetit, un système au cégep de La Pocatière, un système à la Commission scolaire régionale de l'Estrie, il faut qu'on ait vraiment un noyau commun, un noyau qui sera le même dans tout le Québec, c'est l'un des objectifs de notre système d'enseignement. Je ne vois pas les garanties dans le programme qu'on nous présente qui puissent nous permettre d'entrevoir qu'on va vraiment avancer là-dessus. Les sommes qu'on libère à cette fin sont vraiment inférieures, très inférieures aux besoins prévus; je pense qu'on ajoute une somme de 200 000 $ à ce qu'on pouvait déjà avoir. M. le ministre, c'est franchement insuffisant, il va falloir mettre des gens au travail de manière permanente.

Vous savez peut-être comme moi ce que cela a nécessité d'efforts et de coûts, l'établissement d'un système commun de reconnaissance des acquis dans le cas des enseignants, à la suite du conflit qui a marqué non pas la dernière ronde des négociations, mais la deuxième avant cela. Il a fallu que l'on crée un comité paritaire qui a fonctionné pendant des années et qui arrive seulement au bout de sa tâche après avoir compté sur l'engagement permanent de professionnels du domaine.

La création de centres régionaux d'accueil et de référence, c'est demandé depuis longtemps. Nous étions très heureux que le gouvernement retienne l'idée, mais je pense que les budgets prévus à cette fin ne seront pas suffisants pour répondre aux demandes. Vous parlez de créer un service régional qui va répondre à toutes sortes de demandes. D'abord, la demande va augmenter considérablement si les gens savent que vous avez un service comme celui-là à la disposition de la population. Il ne s'agit pas simplement d'avoir un comptoir comme on en a dans les bureaux de tourisme et qu'on dise: On va vous donner des brochures. Si vous voulez aller à l'Université de Sherbrooke, il y a telle brochure; si vous voulez aller à la commission scolaire régionale, il y a telle brochure et à la commission de formation professionnelle, telle brochure. Il va falloir des conseillers, des gens pour étudier le cheminement des étudiants en puissance et leur fournir des conseils quant à l'orientation qu'ils devraient suivre.

Franchement, on a l'impression que cela a été garroché dans l'énoncé de politique, que ce n'est vraiment pas une chose qui est articulée au point qu'on pourrait en pressentir le cheminement concret au cours de la prochaine année. Dans l'énoncé de politique du gouvernement, il y a ce que j'appellerais des priorités déformantes; il y en a plusieurs. Je recommande à l'attention du ministre, à ce point de vue, la lecture d'un journal qui vient de paraître sous la responsabilité de l'Institut canadien d'éducation des adultes, c'est un bulletin spécial qui est daté de mars 1984 et qui comporte une analyse critique des principales priorités définies par le gouvernement. Je vous en donne quelques exemples.

Vous dites que vous allez faire un effort spécial du côté de la lutte contre l'analphabétisme, la formation des personnes analphabètes qu'on estime être à un niveau d'au-delà de 300 000 au Québec actuellement. Vous prévoyez deux montants là-dessus, un montant de 2 000 000 $ et un montant de 1 500 000 $ qui seront fournis en subventions spéciales aux organismes bénévoles engagés là-dedans.

M. le ministre, vendredi dernier, je suis allé rencontrer des groupes qui se consacrent à l'éducation des analphabètes. Je voulais en

avoir le coeur net, je voulais savoir exactement comment se présente ce problème qui est un peu éloigné de mes activités quotidiennes. J'ai été renversé de constater qu'ils ne voient pas du tout ce qu'ils vont pouvoir faire avec les mesures que vous annoncez. La commission Jean et l'Institut de l'éducation des adultes avaient recommandé qu'on mette sur pied une campagne de cinq ans, une véritable campagne, un programme pour venir à bout de ce problème, que notre société le dépasse pour que, ensuite, on puisse s'occuper de cette formation de base au-delà de l'alphabétisation fondamentale.

Mais ce n'est pas avec le genre de mesures que vous préconisez qu'on va avoir une action suivie et continue. Il y a un grand danger, comme cela a été le cas de tant de programmes gouvernementaux ces dernières années, autant au niveau provincial qu'au niveau fédéral, que ce soient des fonds qui sont lancés comme cela, "down the drain", comme on dit, qui s'en vont en perte d'énergie au bout de la ligne, qui ont un rendement bien inférieur à ce qu'on aurait été en droit d'en attendre. (17 h 30)

Vous dites que vous allez mettre la priorité sur les 15 à 34 ans, c'est très arbitraire. Je comprends que cela s'ajuste peut-être avec vos programmes d'aide sociale, avec l'entente que vous avez avec le gouvernement fédéral. Je ne suis pas au courant de toutes les implications de ceci. Je vous dis une chose: il me semble que c'est très injuste, que c'est absolument contraire à la philosophie de la commission Jean que de définir une chose comme celle-là. Si vous aviez défini les objectifs de base au niveau des droits dont je parlais tantôt et qu'ensuite vous eussiez dit: On va avoir des priorités, on va avoir des programmes d'action affirmative mettant plus l'accent ici, mettant plus l'accent là, mais le fond n'est pas là, on est obligé de juger plus sévèrement les priorités que vous définissez et là, parce qu'une personne va être rendue à 35, 36 ans, disons que cela va être une femme qui veut revenir sur le marché du travail, elle n'aura pas la même chance qu'une personne qui est âgée de 15 à 30 ans. C'est absolument injustifiable, dans la pensée de l'éducation des adultes comme on a essayé de le concevoir.

On souligne dans ce journal-ci un autre point. Il n'est absolument pas question des anglophones et des immigrants. Vous allez me dire: Cela va s'appliquer à tout le monde indistinctement. Avec le gouvernement actuel, on n'est pas trop sûr, parce que, quand on regarde le genre d'équipement que vous avez au ministère pour vous occuper des anglophones, on n'a pas les garanties qu'il faudrait. On ne s'est pas occupé de cet aspect. Pour le congé-éducation, vous mettez l'accent sur la formation professionnelle à juste titre. Si on parlait de manière plus satisfaisante des autres aspects de la formation, je n'aurais pas d'objection. Pour avoir un programme de formation professionnelle sérieux, il faut que vous acceptiez cette idée du congé-éducation. La commission Jean l'a dit. C'est un élément clé. Il y a une étude qui a été faite par le gouvernement fédéral récemment. C'est malheureux, c'est le gouvernement fédéral qui nous sort une étude là-dessus. Le gouvernement actuel n'en dit pas un mot dans l'énoncé de ses politiques. La commission Jean dit que c'était fondamental. Vous autres: On top of that. Vous êtes au-dessus de tout cela.

Cela explique que, quand il est question des entreprises, vous ne leur demandez à peu près rien. Vous allez essayer de gagner leurs faveurs en disant: On va se rapprocher d'elles. On va leur offrir des subventions. C'est un autre élément de la politique que préconisait la commission Jean. On va demander aux entreprises de prendre leurs responsabilités là-dedans. Les moyens que préconisait la commission Jean à cette fin sont des moyens hautement discutables, qui soulevaient des difficultés sérieuses, mais qui auraient dû au moins faire l'objet d'un examen et d'une réponse de la part du gouvernement. On n'a jamais eu de réponse à cela de la part du gouvernement. Le gouvernement ne s'est jamais prononcé sauf qu'une fois, le ministre des Finances a dit: Je n'aime pas trop cette idée-là. Ce n'est pas bon pour l'entreprise. Moi-même, j'avais émis une opinion plutôt négative peu de temps après l'émission du rapport de la commission Jean. Après l'avoir étudié de plus près, j'arrivais à une opinion plus nuancée. Je me disais: Cela vaut la peine d'être examiné de plus près. On n'a rien de cela dans l'énoncé de ses politiques que nous a livré le gouvernement.

Aucun statut pour les étudiants adultes. On dit dans le rapport Jean: Un élément essentiel d'une politique, c'est que les adultes et les organismes qui les représentent aient une participation, aient voix au chapitre dans la définition des politiques, dans l'application des politiques aussi. À tout cela, on dit: Ils seront consultés au niveau régional comme nos directions régionales, au niveau provincial ou national, si vous préférez. Aucune structure consultative, aucune structure de participation n'est prévue pour les adultes.

Je termine, M. le Président, si vous me permettez. J'ai un chapitre très important que je veux ajouter et je vais ensuite vous adresser une série de questions. Les organisations d'éducation populaire, les organisations volontaires vous ont écrit et n'ont pas eu de réponse à ma connaissance. Ils ont écrit au ministre des Finances pour

lui dire qu'ils ne sont pas satisfaits de ce qui est présenté ici. Cela a l'air beau sur papier. J'entendais le ministre tantôt jouer avec des chiffres. Cela a l'air beau sur papier.

Avec ce qui est proposé là, on n'est à peu près pas plus avancé qu'on ne l'était il y a quatre ans. Vous savez comme moi qu'au cours des trois dernières années on avait imposé un moratoire qui a fait que des organismes sont disparus et que d'autres qui étaient nés n'ont pas eu la chance d'avoir accès aux subventions du gouvernement parce qu'on réservait tout cela à ceux qui étaient déjà sur les listes avant. C'est évident, dans le secteur des organismes bénévoles, si vous mettez une limite comme cela, il en tombe au champ d'honneur chaque année et, comme les nouveaux n'avaient pas la chance de les remplacer, on a pris du retard. Avec ce que vous apportez, on va revaucher le retard qu'on a pris, mais on ne sera pas tellement plus avancé qu'on ne l'était il y a quatre ans. Sur les critères objectifs qui devraient présider à l'octroi des subventions, à la participation des milieux, à l'application de ces politiques, on n'a absolument aucune garantie.

Les changements structurels que vous proposez - je vais vous adresser quelques questions là-dessus tantôt - m'inquiètent beaucoup. Je pense que cela a été fait sans discussion. C'est mis en oeuvre dès maintenant, de manière subreptice. Je pense que ce n'est pas une bonne façon de procéder pour instaurer une véritable politique d'éducation des adultes. Maintenant, je me permets de vous adresser quelques questions qui sont d'intérêt plus immédiat. Premièrement, on vous a demandé de partout, M. le ministre, la convocation d'une commission parlementaire sur la politique du gouvernement en matière d'éducation des adultes. Vous m'avez dit, il y a quelques semaines: Laissez-moi quelque temps pour y réfléchir. Je pense que vous avez eu le temps depuis de prendre possession davantage de votre nouveau domaine. J'aimerais beaucoup - j'ai remarqué que vous avez soigneusement évité ce sujet depuis le début de l'étude des crédits du ministère de l'Éducation - que vous nous donniez une réponse claire, évidemment une réponse positive, parce que cela me semble un élément essentiel à ce moment-ci d'une réflexion vraiment commune qu'une table objective puisse être offerte aux intéressés pour exprimer leurs opinions.

Deuxièmement, j'aimerais que vous nous éclairiez sur le processus de transfert qui est en marche du ministère de l'Éducation au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Est-ce que j'exagère, M. le ministre, en pensant que si la politique énoncée dans le document se réalise, ce sont à peu près les trois quarts du budget de la

Direction de l'éducation des adultes qui s'en vont à un autre ministère? Je comprends qu'avec ce qui restera, vous ne voyiez pas la nécessité de maintenir une véritable Direction générale de l'éducation des adultes. Vous aurez un chapeau. Pour éviter les critiques, cela paraît bien, un chapeau! Mais il n'y aura plus de direction fonctionnelle de l'éducation des adultes. Tout cela va être noyé dans les réseaux. C'est un point dont on avait discuté il y a 20 ans et sur lequel l'option avait été très nette dans l'autre sens après étude du dossier. Je comprends que les choses ont pu évoluer. Vous pourrez nous donner des réponses là-dessus.

Sur le congé-éducation, pourquoi n'en dites-vous pas un mot dans l'énoncé de politique du gouvernement? Il y a un problème particulier qui m'a été présenté et je veux vous le soumettre. Vous savez que, dans nos commissions scolaires, on a des conseillers de formation en industrie. Ce n'est pas énorme, il y en a peut-être une cinquantaine au Québec, mais ce sont des personnes qui font un travail très valable. Les industries s'adressent au ministère fédéral de l'Emploi et de l'Immigration, parfois au ministère québécois de la Main-d'Oeuvre. Ils disent: Nous, on voudrait avoir un programme pour nos travailleurs. On les réfère à ces conseillers de formation en industrie qui examinent la composition de la main-d'oeuvre visée, les besoins de l'entreprise; ils font des propositions de programmes, ils valident ces programmes en consultation avec les services pédagogiques de la commission scolaire; ils en suivent le déroulement; ils en assurent la qualité; ils voient à l'évaluation des résultats au bout de la ligne. Tout ce qu'on apprend, c'est que ces gens-là... D'abord, les commissions scolaires viennent d'être informées qu'il n'y aura plus de budget pour cela, que l'allocation de base prévue à ce chapitre n'existera plus à compter du mois de juillet. Ils se font dire déjà dans leurs commissions scolaires: Prépare-toi à t'orienter ailleurs, parce qu'il n'y aura plus de place pour cela. Est-ce qu'on a réfléchi à toutes les conséquences? C'est bien facile de dire qu'on transfère cela de l'autre côté. Mais est-ce qu'on a réfléchi à toutes les conséquences pédagogiques d'un tel geste? C'est seulement un exemple. Il y a beaucoup d'autres implications. Ce sont des questions pour lesquelles je pense qu'il est très important qu'on obtienne des réponses.

Je termine en parlant du soutien financier aux adultes. Quand vous avez lancé la politique - les fonctionnaires qui sont ici vont se le rappeler et M. Beaudoin, en particulier - vous avez émis une série de fiches techniques qui accompagnaient les documents gouvernementaux. On disait là-dedans... Je l'ai ici. C'était classé "Déjà remis", "Inclus", "À venir". Il y en avait une

qui s'intitulait "Aide financière aux étudiants adultes". Je regarde à "Déjà remis", il n'y a rien; à "Inclus", il n'y a rien; à "À venir", il n'y a rien. Je ne sais pas s'il y en a une qui a été préparée depuis ce temps. J'aimerais bien la connaître.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

Une voix: Je ne sais pas si on va avoir le temps.

M. Ryan: Je m'excuse, M. le Président, mais l'importance du sujet et le peu de temps que nous avons...

Le Président (M. Charbonneau): D'ailleurs, on verra à 18 heures, peut-être qu'il y aurait lieu de... Étant donné qu'on a commencé un peu plus tard... Je ne sais pas sile ministre serait disponible? Non?

M. Bérubé: Ce qui me frappe dans l'intervention du député d'Argenteuil, c'est une certaine tendance à se laisser manipuler par les groupes de pression. On a parfois l'impression, lorsqu'il parle, d'entendre plutôt le porte-parole ou le répétiteur méthodique des différents groupes qui sont venus lui prêcher la bonne parole et lui préparer son discours pour la commission parlementaire. Je pense que si on devait porter un jugement global sur la politique qui a été déposée par le gouvernement, je ne prétendrai pas que cette politique est complète, qu'elle couvre tous les aspects, mais il y a quand même une philosophie derrière cela qui m'apparaît plus valable que celle que défend le député d'Argenteuil. L'approche du député d'Argenteuil est une vision très cartésienne, un peu jésuitique, abstraite, très coupée de la réalité, c'est une philosophie de droit théorique par opposition à une philosophie de besoin, d'identification de la problématique vécue par les gens, des ressources disponibles sur le terrain et une philosophie qui viserait à obtenir la meilleure adéquation entre le besoin de l'adulte et les ressources d'enseignement que nous pouvons mettre à sa disposition.

Le député d'Argenteuil s'imagine qu'en ayant posé des droits, on aura réglé les problèmes, mais non. Il est relativement facile - surtout qu'avec les années on a pu dégager les ressources nécessaires pour couvrir soigneusement un champ donné - de déterminer des droits de base, des droits fondamentaux. Je pense que le droit à l'éducation de base à l'heure actuelle au Québec, le droit à la santé sont des droits que l'on peut commencer à reconnaître. Toutefois, dès que l'on veut les décrire dans une loi, le problème se retrouve dans l'application quotidienne. Que veut dire tel droit de façon plus précise? Quelles sont les implications de ce droit? Souvent, les conséquences de ces droits théoriques, hypothétiques, qui sont le résultat de bonnes intentions, mais surtout d'une vision très abstraite de la réalité humaine, font en sorte qu'on se retrouve dans un carcan administratif avec des ressources monopolisées là où elles ne devraient pas l'être, mais que le droit théorique force à monopoliser alors que, pendant ce temps, des besoins criants, des injustices à dénoncer sont maintenues simplement parce que les droits ne prévoyaient pas le cas de ces gens.

Je pense que la philosophie qui sous-tend la politique de l'éducation des adultes est, au contraire, une philosophie de besoin. À partir de l'expérience de ceux qui font de l'éducation des adultes - je ne parle pas de ceux qui parlent de l'éducation des adultes, je parle de ceux qui font de l'éducation des adultes - on a fini avec les années par identifier un certain nombre de problèmes. Le problème de l'inadéquation entre le service offert et le besoin était un véritable problème qu'il fallait rencontrer et corriger.

Nous n'avons pas choisi l'approche de la loi-cadre en pensant qu'ayant adopté une loi on aurait automatiquement réglé les problème; à nouveau, c'est une vision un peu fictive, un peu abstraite, qui est peut-être le fait d'un analyste qui se complaît dans les architectures théoriques de la société, mais qui font en pratique, ces architectures, que des besoins fondamentaux ne sont pas satisfaits.

Donc, on n'a pas cherché à s'enfarger dans une définition de ce que seraient les droits des adultes à l'éducation permanente car, dès que l'on veut tenter de définir quels pourraient être ces droits, on se heurte immédiatement à la capacité de la société à les satisfaire. On peut reconnaître des droits à des citoyens lorsque les moyens sont disponibles et que l'on sait que l'exercice de ce droit peut se faire dans un cadre de ressources que la société peut effectivement dégager, mais, lorsque l'on parle d'un droit théorique nouveau, il faut toujours se préoccuper aussi de ce que la société a les moyens de s'offrir. On ne peut opposer un droit théorique à la capacité de la société de le satisfaire car, alors, c'est la société qui éclate, et c'est cela, le danger de la vision abstraite du député d'Argenteuil. (17 h 45)

Donc, nous n'avons pas retenu l'idée d'une loi-cadre. Nous avons également tenu à ce que l'énorme bassin de ressources qui existe présentement au sein de nos institutions se réoriente, voie davantage sa mission comme une mission de formation permanente, formation de base initiale durant le jeune âge, mais formation continue, renouvelée que vont nécessairement demander les changements rapides que connaissent nos sociétés.

Nous n'avons pas choisi non plus un office central pour l'éducation des adultes, un autre ministère qui aurait eu, lui aussi, juridiction sur les institutions et qui aurait contribué à créer un nouveau quantum de réglementation, un nouveau cadre administratif, un nouveau cadre de gestion et qui aurait fait, encore une fois, qu'au lieu d'essayer de résoudre des problèmes sur le terrain, par exemple au lieu d'aider des organismes volontaires d'éducation populaire à monter des enseignements extraordinairement valables, comme l'a souligné le député d'Argenteuil, on consacrerait les sommes à une superbe structure bureaucratique et administrative et on y enverrait les fonds. C'est d'ailleurs l'approche qu'a suivie l'administration libérale de 1970 à 1976, gonflement effréné des effectifs administratifs, plus de 80 000 personnes dans l'ensemble des réseaux pour ladite période.

Donc, nous n'avons pas choisi l'approche bureaucratique, l'approche théorique, abstraite, un peu déshumanisée, nous avons plutôt choisi la voie de l'identification d'un certain nombre de problèmes concrets, d'une modification des mandats, des vocations des ministères existants, de manière qu'ils s'ajustent plus facilement aux besoins qui étaient exprimés. C'est ce qui fait que nous confions par exemple au ministère de la Main-d'Oeuvre un rôle capital, qu'il ne jouait pas antérieurement et le ministère de la Main-d'Oeuvre peut désormais intégrer un ensemble de composantes qui vont de la recherche de l'emploi à la formation à l'emploi, à l'aide financière, aux contacts et aux relations avec l'entreprise pour définir les besoins et les moyens pratiques et concrets pour former les jeunes.

L'approche académique du député d'Argenteuil, beaucoup de pays la rejettent. Par exemple, on notera qu'en France on met de plus en plus l'accent sur la formation en entreprise et qu'il y a près de 250 000 jeunes qui sont en formation pratique maintenant dans l'entreprise. L'Autriche a suivi également cette voie-là. On n'a pas choisi une approche purement académique de formation théorique éthérée à l'intention des adultes, coupée des besoins réels du milieu qui nous entoure. Non, ce n'est pas l'approche qu'on a choisie, on a choisi une formation très pratique dans les entreprises, en reconnaissant qu'un des milieux peut-être les plus... Je ne dirais pas uniquement ce milieu qui puisse faciliter le développement de l'intelligence mais il faut quand même reconnaître que le milieu de l'entreprise est souvent un milieu très stimulant, sur le plan intellectuel, qui fait en sorte que beaucoup de nos concitoyens qui n'ont pas l'esprit fait pour l'école conventionnelle dont le Québec s'est doté, trouvent dans l'entreprise les facteurs de motivation et d'intérêt qui leur permettent de découvrir l'importance de la formation de base que doit conférer l'école.

L'approche que nous avons suivie est une approche beaucoup plus pragmatique, beaucoup moins bureaucratique que celle que proposerait le député d'Argenteuil. Nous avons préféré tabler sur les ressources existantes, sur un redéploiement de leurs préoccupations, nous avons préféré dégager bien concrètement des ressources pour du travail sur le terrain pour obtenir des résultats bien concrets.

Je terminerai en tentant d'ajouter une touche un peu plus colorée à la description fort sombre que s'est permise le député d'Argenteuil. Il est vrai que l'éducation des adultes a peut-être été plus touchée que d'autres secteurs de l'éducation. Mais le député d'Argenteuil va comprendre, lui qui se fait souvent un ardent défenseur des corpo-ratismes, qui fixe la société dans des rigidités qui ne permettent pas ou permettent plus difficilement son adaptation, il va comprendre qu'à force de défendre des corporatismes et des rigidités du système en favorisant des approches bureaucratiques, finalement, souvent ceux qui écopent sont ceux qui s'occupaient à l'intérieur d'un ensemble de ressources légères, mobiles, flexibles et agissant directement sur le terrain. C'est beaucoup plus facile d'effectuer des compressions budgétaires à l'éducation des adultes que de le faire à l'intérieur de l'ensemble de l'appareil régi par une Loi sur l'éducation, avec un ministère de l'Éducation, avec une solide structure bureaucratique, avec également des conventions collectives d'une très grande rigueur, de telle sorte que les capacités d'adaptation du système soient moindres, prouvant même que le député d'Argenteuil soit conscient qu'il ne pourra pas à la fois rechercher un appareil lourd, administra-tivement je dirais sclérosé, comme tout appareil administratif, et en même temps s'étonner que les services rendus sur le terrain soient peut-être de moindre qualité.

Il est normal que, dans toute organisation sociale, il faille un appareil administratif, mais l'appareil administratif est voué fondamentalement à la défense d'une réglementation, il s'assure que l'on dépense selon les normes, il s'assure qu'il n'y a pas d'abus et l'Opposition est fréquemment là pour s'assurer qu'effectivement le moindre abus sera pourchassé impitoyablement avec la conséquence que l'on observe une multiplication de la réglementation, une multiplication des contrôles administratifs qui fait que, très fréquemment, au bout, les citoyens se plaignent de la qualité des services qui sont dispensés.

C'est inévitable. Dans tout appareil administratif, on doit vivre avec ses défauts. Ce qui m'étonne, c'est que le député d'Argenteuil veuille pour l'éducation des

adultes ce même type de structures alors qu'il nous semble, au contraire, qu'il faudrait peut-être privilégier des structures plus légères, des structures existantes, tenter de réorienter les vocations de certaines de nos organisations - je pense au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu -de manière à effectivement combler un besoin immédiat sur le terrain.

Il est donc vrai que l'éducation des adultes a souffert davantage des compressions budgétaires que le reste de l'activité gouvernementale, mieux protégée par le carcan bureaucratique qu'un État finit par bâtir avec les années. C'est vrai, mais il demeure quand même que, si je regarde de 1981, à 1982, à 1983, à 1984, les clientèles, les individus qui ont été rejoints - le député d'Argenteuil peut consulter le tableau qui lui a été remis - il va voir que s'il est vrai qu'en formation socioculturelle on rejoignait, par exemple, 151 000 personnes en 1981-1982 et que cela a baissé à 138 000 en 1982-1983, c'est remonté à 148 000 en 1983-1984 et on prévoit 189 000 en 1984-1985.

Si on regarde les chiffres pour la formation socio-économique, c'est vrai qu'elle a plafonné de 83 000 à 88 000, de 1981 à 1982, mais elle va grimper à 136 000. Si le député regardait toutes les clientèles, en formation socio-économique au niveau des cégeps, il verrait les mêmes tendances; s'il regardait l'ensemble des clientèles rejointes, il verrait que s'il est vrai qu'en 1981-1982 nous avons rejoint 317 000 personnes, qu'en 1982-1983 nous avons rejoint 318 000 personnes et qu'il y a donc eu plafonnement clientèles rejointes. En 1983-1984, on passera à 339 000 et en 1984-1985 à 479 000. Voilà qui parle beaucoup plus que les échafaudages théoriques du député d'Argenteuil, voilà des chiffres qui indiquent que, concrètement, sur le terrain, nous allons donner un meilleur service aux adultes, nous allons donner un service plus adapté à leurs besoins et nous allons, en pratique, faire de l'éducation des adultes plutôt que parler de l'éducation des adultes. Ce qui m'amène à mentionner que, dans le cas de la commission parlementaire, je ne suis pas très favorable personnellement à la tenue d'une commission parlementaire. C'est un des artifices utilisés par l'Opposition pour empêcher le fonctionnement de l'État, puisqu'on prend les moyens nécessaires pour que le ministre soit collé avec des questions oiseuses pendant des mois sans qu'il y ait aucun progrès de la discussion tout simplement pour l'empêcher de procéder souvent à des réflexions et à des prises de décisions qui sont importantes sur le terrain.

L'Opposition a abusé des commissions parlementaires trop longues qui ont eu comme conséquence non seulement de bloquer le processus parlementaire très fréquemment, et nous l'avons vu dans plusieurs cas au cours des dernières années, mais, en plus de cela, ont souvent comme objectif d'empêcher l'appareil de l'État de fonctionner. Nous avons eu une commission sur l'éducation des adultes et nous avons eu un long débat public. À mon avis, le temps est venu de mettre en application un certain nombre de mesures. Le temps est venu de faire en sorte qu'au lieu de 339 000 personnes rejointes, on en rejoigne l'an prochain 479 000 personnes. Cela prend du temps-ministre pour prendre les décisions. Cela prend du temps-ministre pour procéder aux arbitrages délicats, comme l'a souligné le député d'Argenteuil. Personnellement, je pense que, si on devait consacrer du temps, on devrait le consacrer aux adultes et pas nécessairement à de longs palabres pour remettre en question des sujets qui ont été débattus longtemps au Québec et qui maintenant demandent des actions.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. Il est 18 h 58, je pense que vous avez pris à peu près 20 minutes pour répondre au député d'Argenteuil. Il me signalait qu'il avait encore quelques minutes d'intervention. Est-ce que vous êtes disponible pour encore cinq minutes?

M. Bérubé: Oui.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député d'Argenteuil.

M. Laplante: J'ai rendez-vous moi-même dans cinq minutes, à 18 h 5. Pour autant que c'est fini à 18 h 5, cela ira.

M. Ryan: J'ai assez de sept, huit minutes. Je viens d'entendre au sujet de l'éducation des adultes l'exposé le plus lamentable qu'il m'ait été donné d'entendre depuis de nombreuses années. Le ministre m'a accusé d'être accompagné de certaines personnes qui soutiennent les mêmes opinions que j'ai défendues devant cette commission et de certains organismes. J'en suis fier. J'ai au moins l'honneur d'être en compagnie de gens qui savent de quoi ils parlent quand ils parlent d'éducation des adultes parce qu'ils y ont engagé leur vie. Moi-même, comme personne qui ai travaillé dans ce secteur pendant de nombreuses années, je ne saurais accepter le genre de qualificatif que le ministre a employé à mon endroit. Il me vient des qualificatifs à son endroit en l'écoutant, mais je me retiendrai de les employer parce que je veux que le débat reste au niveau des besoins fondamentaux auxquels nous cherchons des solutions.

Je pense que le ministre aurait avantage à prendre une autre optique s'il veut vraiment jouer un rôle intéressant dans le domaine de l'éducation parce que s'il veut nous réduire au genre d'horizon

technocratique que j'ai entendu évoquer, aujourd'hui, je pense que cela va clocher à bien des endroits. Le ministre nous dit que sa philosophie n'est pas une philosophie de droits, mais une philosophie de besoins. Je regrette infiniment, mais les droits ne sont pas une chose théorique, les droits ne sont pas une chose abstraite, ils ne sont pas une chose spéculative. Les droits sont des réalités éminemment concrètes et qui définissent les besoins d'ailleurs. Il y a un lien vital entre les deux. Je n'en reviens pas de ces énoncés. Je comprends que ce n'est peut-être pas la spécialité du ministre que les énoncés philosophiques, il s'est spécialisé dans d'autres choses ces dernières années, dans les coupures et les mesures draconiennes.

Franchement, les droits, c'est la base même d'une société démocratique, M. le ministre, et l'objet même de l'action politique, c'est d'élargir le champ des droits continuellement. Les propos que vous avez tenus au sujet de l'éducation des adultes nous ramènent à peu près 25 ans en arrière. J'ose espérer que ceux qui vous conseillent auront le temps de vous parler plus longuement au cours des prochains jours avant qu'on continue de s'enfoncer dans ce genre de philosophie qui, personnellement, m'attriste énormément. (18 heures)

Je pensais qu'on était entré dans un tout autre univers et je n'étais pas le seul; encore une fois, presque tout le monde qui connaît quelque chose en éducation pensait comme cela. M. le Président, je remarque une autre chose. Le ministre nous a servi un délayage verbal pendant 20 minutes. Je ne le regrette pas. Ç'aurait pu être 25 ou 30 minutes, cela ne m'aurait rien fait. Il a répondu à une des questions que j'avais posées. Il a laissé les autres complètement de côté. On aura l'occasion d'y revenir; il est trop tard maintenant, mais je veux lui dire que le rejet de la commission parlementaire qu'il vient de formuler ce soir m'a profondément scandalisé, d'abord par son contenu objectif et, deuxièmement, par les motifs apportés à l'appui de la décision du ministre, car venir dire que les commissions parlementaires ont empêché le gouvernement de fonctionner me semble une déclaration digne d'un apprenti didacteur et que je réprouve profondément. J'ai participé à des commissions parlementaires sur le conflit des relations du travail dans le secteur de l'éducation qui ont apporté d'excellents résultats, qui ont aidé votre gouvernement à sortir...

M. Bérubé: Brève. M. Ryan: Pardon? M. Bérubé: Brève.

M. Ryan: Oui...

M. Bérubé: Elle fut brève. Le problème des commissions parlementaires a été leur longueur excessive.

M. Ryan: Oui. M. le Président, j'admets volontiers l'interruption, parce qu'elle ouvrira peut-être une porte. On est prêt à convenir avec le ministre que cela pourrait être une commission parlementaire qui durerait une semaine au maximum. Je pense que, dans trois ou quatre jours, vous feriez le tour du sujet, M. le ministre, surtout avec le genre d'esprit qu'on essaie de mettre dans la commission de l'éducation. On pourrait très bien s'entendre sur une commission qui ne s'éterniserait pas. Moi non plus, je n'en veux pas. On a été pris, la dernière fois, avec une commission parlementaire qui a duré six semaines. Ce n'est pas par la faute de l'Opposition, mais la faute du gouvernement, qui avait conçu un projet qui n'avait pas de bon sens. Je pense que vous devez reconnaître, dans ce cas, que la commission parlementaire vous a rendu un fier service, parce qu'elle vous permettra de ramener ce projet sur terre, du moins je l'espère.

Dans le secteur de l'éducation, je ne pense pas que l'affirmation que vous avez faite pourrait être soutenue de manière sérieuse. Je vous invite encore une fois, en faisant cette ouverture, mes collègues de la commission de notre côté, s'il s'agit de délimiter la durée de cette commission de manière que ce ne soit pas un abus du pouvoir d'écouter des législateurs, je pense que c'est une chose parfaitement négociable et très rapidement soluble.

Je ne voudrais pas que cette revendication à peu près unanime qui a émané des milieux de l'éducation des adultes soit écartée prestement par le genre d'attitude dont j'ai entendu l'expression tantôt, à mon grand désappointement. Je sais qu'à un moment donné il peut arriver des moments où on s'emporte. Je ne veux pas prendre cela comme une chose définitive. Encore une fois, je dis au ministre, dans l'esprit le plus constructif dont je sois capable, qu'il y a moyen de s'entendre là-dessus et que je ne voudrais pas que ce soit une réponse définitive. Si on avait cela, on peut discuter de tout le reste dans un cadre un peu plus convenable.

Je pense que vous conviendrez d'une chose avant que je termine. Le cadre dans lequel on fait l'examen des crédits, j'accepte qu'en vertu d'une tradition parlementaire de vieille date, il faille une limite temporelle précise et rigide pour que le gouvernement puisse fonctionner. Justement, dans l'examen des crédits, c'est bon qu'il y ait une limite; peut-être pourrait-elle être un peu moins astreignante. Mais, c'est bon, parce qu'il ne faut pas que le gouvernement soit empêché

de fonctionner. Il faut qu'il ait les crédits dont il a besoin pour fonctionner, mais il me semble qu'à d'autres niveaux un rôle très utile peut et doit être joué par les parlementaires et c'est l'aspiration de tous les parlementaires, autant du côté ministériel que du côté de l'Opposition, de le faire. C'est pour cela que je vous invite à reconsidérer cette conclusion que vous avez donnée tantôt et je pense que vous en êtes capable.

Le Président (M. Charbonneau): Sur ces propos, je vais ajourner les travaux de la commission à demain matin à 9 h 30, plutôt que 10 heures comme ce matin. J'espère qu'on va commencer à l'heure, parce que nous avons une grosse journée demain. Je vous remercie de l'attention que vous avez apportée aux travaux.

(Fin de la séance à 18 h 4)

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