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(Dix heures dix-neuf minutes)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre!
Mesdames, messieurs, la commission permanente de l'éducation
reprend ses travaux. Je vais d'abord faire l'appel des membres présents:
M. Ryan (Argenteuil), M. Champagne (Mille-Îles), Mme Dougherty
(Jacques-Cartier), M. Leduc (Fabre), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Payne
(Vachon), M. Charbonneau (Verchères).
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplaçants?
La Secrétaire: Aucun remplaçant.
Ordre des travaux
Le Président (M. Charbonneau): Aucun remplaçant.
Nous allons poursuivre l'étude des crédits du ministère de
l'Éducation. D'abord, quelques précisions quant à des
changements intervenus à l'horaire d'étude des programmes que
nous avions choisi hier. Ce matin, nous allons aborder l'étude des
programmes 6 et 9, c'est-à-dire Enseignement universitaire et Fonds pour
la formation de chercheurs et action concertée. Cet après-midi,
plutôt que d'étudier le programme 10, Organisation et
réglementation des professions, nous allons étudier le programme
7, que nous n'avons pas pu étudier hier soir, Formation des adultes.
Nous étudierons le programme 10 jeudi soir avec les programmes 8, 1 et 2
en mettant une priorité sur les programmes 8 et 10, c'est-à-dire
Enseignement privé et Organisation et réglementation des
professions. Nous avions déjà prévu siéger jeudi
soir pour l'étude des programmes 8, 1 et 2; nous ajouterions le
programme 10, Organisation et réglementation des professions, que nous
ne verrons pas cet après-midi. Nous mettrons en priorité les
programmes 8 et 10 et, pour ce qui est des programmes 1 et 2, on verra si on a
le temps. Jeudi matin, cela demeurerait tel que prévu,
c'est-à-dire les programmes 5 et 3, Enseignement collégial public
et Aide financière aux étudiants.
Cela dit, nous allons sans plus tarder aborder l'étude du
programme 6, Enseignement universitaire. M. le ministre, est-ce que vous avez
des remarques particulières?
Enseignement universitaire M. Yves
Bérubé
M. Bérubé: Des remarques particulières,
c'est un bien grand mot, d'autant plus qu'hier soir j'ai cru comprendre qu'on
aimerait que la partie gouvernementale restreigne au strict minimum ses
interventions de manière à permettre à l'Opposition de
poser toutes les questions. Étant acquis que ce qui les
intéresse, ce sont les questions et non les réponses, sans
doute...
Le Président (M. Charbonneau): N'ouvrez pas une
boîte de Pandore, M. le ministre.
M. Bérubé: Je soulignerais que, parmi les
éléments importants qui vont affecter le monde universitaire, il
y a une volonté très réelle de la part du gouvernement
d'accroître le volume de la recherche dans les universités en
favorisant la constitution d'une quarantaine d'équipes de chercheurs
dans nos universités. Ce qui est important, ce n'est pas, contrairement
à ce que la députée de Jacques-Cartier avait pris la peine
de souligner, hier, dans l'une de ses interventions, tellement le nombre de
chercheurs qui doivent faire partie de cette équipe, mais plutôt
le nombre d'équipes. En effet, nous n'avons pas voulu que, par un
processus de dilution que l'on a souvent eu tendance à observer dans le
processus d'allocation des fonds de recherche qui, au départ,
réussit à se concentrer sur un certain nombre de cibles assez
bien définies mais qui, subséquemment, par suite du processus
démocratique en vigueur pour la répartition des fonds, a tendance
à se diluer de telle sorte qu'à la fin on étend une mince
couche de beurre sur un très grand nombre de personnes et que l'impact
réel, en termes de développement de la recherche, est souvent
peut-être pas au niveau où on voudrait l'avoir, l'objectif
poursuivi par le gouvernement d'amener l'implantation d'une quarantaine
d'équipes est majeur en termes de nombre d'étudiants
gradués additionnels... C'est majeur également en termes
d'associés de recherche, de chercheurs postdoctoraux qui vont pouvoir
entrer à l'université.
Il ne s'agit pas non plus de prendre des équipes existantes et de
trouver là un nouveau moyen de financement. Absolument pas. En d'autres
termes, il faut que ce soit
de nouveaux chercheurs qui viennent à l'université. Il
s'agit d'une croissance réelle de l'activité de recherche et non
de la substitution.
Il n'est pas possible d'implanter cette quarantaine d'équipes de
recherche en l'espace d'une année. Nous calculons qu'il faudra au moins
trois ans, à un rythme de dix à quinze nouvelles équipes
par année, pour faire en sorte que d'ici à trois ans, nous ayons
effectivement presque doublé l'effort de formation au niveau du
doctorat, à titre d'exemple, si on devait mettre l'accent sur le niveau
du doctorat. Nous voulons être le plus souple possible dans
l'administration de ce fonds, de manière que les équipes
elles-mêmes puissent décider des priorités où elles
veulent orienter l'argent. En d'autres termes, s'agit-il d'offrir un peu plus
à des étudiants pour aller recruter la crème ou même
pouvoir faire venir des gens de l'extérieur? S'agit-il d'investir
davantage d'argent pour aller chercher un scientifique de renom qui peut aider
à constituer l'équipe? En d'autres termes, il faut laisser une
flexibilité à l'université pour décider comment
elle veut utiliser ses fonds.
Troisièmement, il faut également éviter un
problème que l'on a trop souvent connu, celui où un chercheur
engagé par un contrat de recherche pendant deux, trois, quatre ou cinq
ans ne peut jamais obtenir la stabilité d'emploi au sein de son
université dans la mesure où son poste est défrayé
à l'aide de budget de recherche non intégré au budget de
l'université. Notre intention est de faire en sorte qu'à la fin
de ce programme, les fonds ayant servi - pour l'instant, on pense surtout aux
associés de recherche, mais on pourrait même l'étendre aux
chercheurs postdoctoraux - à financer ces chercheurs soient
intégrés directement dans les budgets réguliers des
universités de manière qu'il y ait continuité. Je ne vous
cache pas, cependant - je n'ai pas vu cela dans les propositions de
règles qui m'ont été soumises jusqu'à maintenant et
je n'ai pas eu l'occasion non plus d'en parler à mon sous-ministre
responsable - que je ne détesterai pas que cette intégration au
budget de l'université soit conditionnelle à une certaine
performance de l'équipe, à un certain volume de publications
scientifiques dans des revues internationales, de telle sorte que
l'intégration ne soit pas automatique, mais basée sur une
performance.
Je pense qu'en recherche, il faut viser l'excellence et, si on est en
deçà de l'excellence, on doit disparaître. Je ne serais pas
fâché qu'on ait un critère de ce type-là, un
critère d'excellence pour nos équipes qu'on pourrait introduire
pour l'intégration, mais je pense que le principe de
l'intégration à l'intérieur du budget des
universités m'apparaît fondamental et m'apparaît
répondre, en fait, aux véritables objectifs de
développement de la recherche. Soulignons aussi en passant que
près de 22 000 000 $ seront consacrés au financement des
clientèles additionnelles associées au virage technologique,
c'est-à-dire un certain nombre de secteurs bien précis dans le
domaine des sciences, mais également au niveau secondaire et doctorat.
C'est l'ensemble, pour ainsi dire, des disciplines qui sont alors
touchées. Donc, un programme qui va nous permettre de favoriser le
développement des études de deuxième et troisième
cycles à l'université et faire en sorte que nos
universités puissent aspirer au statut d'excellence auquel elles ont
droit.
Parmi les derniers points que j'aimerais soulever, il y a tout le
problème du financement des clientèles à
l'université. Je ne verrais pas la remise en question, mais l'examen ou
le réexamen d'une politique gouvernementale passée où nous
avons voulu démocratiser l'accès à l'université en
introduisant des règles de financement qui ont eu comme
conséquence que beaucoup d'universités ont produit des programmes
courts de manière à faciliter l'accès pour un grand nombre
de nos concitoyens qui n'avaient peut-être pas été aussi
loin qu'ils auraient voulu à l'intérieur de leurs propres
études et qui voulaient acquérir une certaine connaissance
universitaire ou poursuivre un acquis universitaire incomplet.
Donc, cette politique de financement a fait en sorte que les
universités ont mis en place plusieurs de ces certificats ou programmes
courts. On a observé au Québec une augmentation assez
phénoménale d'étudiants inscrits à temps partiel
par opposition aux étudiants dits réguliers. Quand je dis
augmentation spectaculaire, c'est que, par comparaison avec la pratique dans
les autres provinces, on se rend compte que nous mettons davantage l'accent sur
ce type de clientèle. Ce que cela souligne, c'est l'extraordinaire
adaptabilité du monde universitaire aux règles
financières. Adaptabilité presque instantanée, de telle
sorte qu'il faut donc peser avec soin ces règles financières
sachant qu'elles vont induire presque automatiquement un comportement
approprié à la règle en question.
Ceci va donc nous amener à réexaminer, avec les
universités, nos règles de financement de manière à
corriger certaines lacunes que d'aucuns ont décriées, en ce sens
qu'on a indiqué que nos règles favorisant les programmes courts
au sein de l'université avaient tendance à défavoriser les
diplômes de base tels que le baccalauréat ou les études
supérieures. Donc, nous allons examiner avec les universités de
nouvelles règles de financement qui pourraient permettre, je ne dirais
pas de fermer l'université, puisque l'objectif de l'éducation
permanente est un objectif solidement inscrit dans notre
mentalité et il faut le promouvoir, mais il ne faut pas non plus
transformer l'université - c'est là le danger -en une
école essentiellement vouée à l'éducation des
adultes au point qu'elle en arrive même à négliger son
objectif premier qui est, finalement, l'objectif de formation de base dans un
certain nombre de disciplines et, également, l'objectif absolument
essentiel pour toute université de qualité, soit la recherche et
du développement.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député d'Argenteuil. (10 h 30)
M. Claude Ryan
M. Ryan: Je pense que le ministre, dans ses remarques, s'est
limité à des aspects plutôt particuliers. Il n'a pas
traité du problème de fond qui a été
créé par les politiques gouvernementales des dernières
années. Je pense qu'il est important qu'on commence la discussion sur le
bon pied en situant le problème dans sa perspective la plus large et la
plus complète possible.
Je voudrais, dans cette perspective, rappeler à l'attention du
ministre certains chiffres que j'évoquais hier. Quoique nous convenons
tous que la détérioration dans le financement des
universités a commencé à se produire vers 1979, elle a
continué depuis. Par conséquent, l'année 1979-1980 me
paraît une bonne base pour établir des comparaisons qui nous
informent sur la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. En
1979-1980, les subventions versées aux différents niveaux de
l'enseignement s'établissaient comme suit sur une base per capita:
primaire-secondaire publics: 2014 $ par élève; collégial
public: 4051 $. C'est extrait de chiffres que vous avez vous-mêmes
compilés l'an dernier à notre demande, vous vous en souvenez sans
doute. Universitaire: 5377 $. C'est une base d'étudiants
équivalente à temps complet. Privé: 1899 $ pour
1979-1980.
Maintenant, je transpose en 1984-1985 sur la base des
prévisions que vous fournissez dans le cahier explicatif. Je transpose
en dollars courants. Il n'est pas nécessaire de le faire ici. Je peux
peut-être le mentionner rapidement afin qu'il n'y ait pas de malentendu.
Cela donne 3280 $ pour le primaire-secondaire, 4977 $ pour le collégial
public, 6110 $ pour l'universitaire, 2397 $ pour le privé.
Si je transpose ces chiffres en dollars constants de 1979-1980, pour
tenir compte de la hausse des coûts qui est intervenue pour les
universités comme pour tous les autres secteurs de la
société pendant cette période, j'arrive aux constatations
suivantes: secondaire public, 108%. C'est dire que la subvention par
élève qu'on prévoit verser en 1984-1985 sera
équivalente à 108% par rapport à ce qu'elle était
en 1979-1980. Au collégial public, elle sera de 82%; à
l'universitaire, de 76%; au privé, de 84%. Je pense que ce sont des
chiffres réels, on peut peut-être trouver une virgule contestable
ici ou là. Dans l'ensemble, il serait difficile pour le gouvernement de
mettre ces chiffres en doute.
Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire une chose très
simple: d'un côté, le gouvernement a pratiqué une politique
d'accessibilité, ce qui était très bon
électoralement et politiquement. Le ministre s'est promené un peu
partout en disant: Accessibilité à l'enseignement universitaire,
allez-y! On est derrière vous. Le premier ministre avait dit cela un
jour: Allez-y les garsl On vous appuie.
En même temps qu'il pratiquait cette politique
d'accessibilité en matière de financement, il pratique une
politique malthusienne, une politique restrictive qui fait qu'on empile de plus
en plus des étudiants dans les universités. On n'a pas les moyens
correspondant pour garder la qualité des services et surtout pour
l'améliorer dans bien des domaines où c'est absolument
nécessaire.
Je pense que c'est une tendance qui a déjà engendré
des conséquences multiples. Vous en avez évoqué une
tantôt, M. le ministre, vous avez parlé de la prolifération
des clientèles nouvelles. C'est la course aux clientèles
nouvelles pour répondre aux critères artificiels de votre
gouvernement. Les universités essaient - certaines réussissent
mieux que d'autres - de multiplier les clientèles de manière que
l'accès aux subventions soit plus élevé. Le recteur de
l'Université de Montréal l'a dit en toutes lettres dans son
dernier message annuel. Il a dit: On va se lancer dans la course aux
clientèles, c'est ce qu'il faut faire pour être l'objet de mesures
de financement plus généreuses. Ce n'est pas une politique pour
le secteur des universités, je pense que c'est une politique
extrêmement dangereuse.
Vous avez également une détérioration de la
qualité du corps professoral. Je causais l'autre jour avec des
professeurs - je pense bien que je peux la nommer - de l'Université de
Montréal qui me disaient que dans certaines facultés ils n'ont
pas embauché de nouveaux professeurs depuis un an, deux ans et trois
ans. Il y a un vieillissement. On en a parlé pour d'autres secteurs.
Hier, ma collègue de Jacques-Cartier a soulevé le problème
- je pense que c'était dans la discussion générale que
nous avons eue -particulièrement sérieux du niveau universitaire.
Je pense que le ministre sait comme moi, parce qu'il a enseigné à
l'université pendant plusieurs années, que la
période de fécondité d'un professeur en
matière de recherches n'est pas d'une durée éternelle. Il
y a une période de productivité beaucoup plus forte et,
au-delà d'un certain seuil, la productivité diminue sensiblement.
L'essentiel de la créativité d'une personne a été
livrée sous forme de produits originaux et ensuite, il y a un travail de
continuation qui se fait, etc. Je pense qu'il y a là un
problème.
Les équipements souffrent énormément. Le ministre
va me dire: On a annoncé un programme de 15 000 000 $ pour deux ans. On
sait tout cela, M. le ministre, mais ce n'est pas avec cela qu'on va
régler le problème des retards qui ont été pris
depuis quelques années. Vous avez d'ailleurs dans vos dossiers des
lettres qui vous ont été adressées par les responsables
des facultés de génie vous disant la situation brutale dans
laquelle ils se trouvent placés. Au besoin, on vous donnera des
précisions là-dessus, plus tard, dans la discussion. Je pense que
le fait est établi au-delà de toute discussion, il y a une
détérioration considérable dans les équipements de
nos universités. Par conséquent, c'est bien beau de dire qu'on
pratique une politique d'accessibilité, mais si on n'est pas prêt
à assumer les conséquences qui découlent d'une telle
politique, il faudrait qu'on fut plus franc et qu'on reconnut franchement que
ce n'est pas cela qu'on fait.
Un autre point que je voudrais signaler, c'est la tendance que manifeste
le gouvernement à infléchir les priorités des
universités tout en continuant de tenir un langage qui prétend
respecter l'autonomie des institutions universitaires. Au cours de la
dernière année, on a eu plusieurs exemples. Le choix des
priorités pour le financement des nouvelles clientèles a
été fait d'une manière qui ne tient pas compte d'un grand
nombre de facteurs importants. Cela n'a jamais été discuté
véritablement. On s'est ramassé, une journée, avec un
montant qui a été prévu pour cela, c'est très bien.
Un exemple plus concret de ce genre de comportement: au mois de
décembre, le prédécesseur du ministre actuel, M. Laurin,
une bonne journée, nous a annoncé qu'on va avoir, je pense que
c'est 110 000 000 $ de plus pour les universités en 1984-1985. Il nous
annonce cela en décembre. On ne sait même pas ce que vont
être les crédits budgétaires pour l'année 1984-1985.
On ne sait même pas s'il va y avoir plus d'argent. Il nous dit: On va
mettre cela de plus. De plus que quoi? Sa spécialité, ce
n'était pas les chiffres. Il me semble que ce n'est pas une
manière sérieuse pour un gouvernement de procéder que de
dire: On va faire des injections additionnelles, sans qu'on sache ce que seront
les injections régulières de fonds.
Tout cela implique des choix que le gouvernement fait pour les
universités. Avec les choix que le gouvernement a faits, je prends
l'exemple que vous avez mentionné tantôt, M. le ministre, 40
équipes de chercheurs, cela a tout été
décidé, il n'y avait eu aucune consultation avec le Conseil des
universités. Je vous défie de me produire un document du Conseil
des universités qui donnerait son opinion avant la décision que
vous avez annoncée. Si vous avez eu des conversations privées
avec le président, c'est une autre affaire, ce n'est pas cela qui nous
intéresse. On veut savoir si le Conseil des universités
était amené à donner son opinion là-dessus de
même que les universités concernées. Ces gens l'ont dit en
toutes lettres qu'il n'avait pas été consulté. Pendant ce
temps, on oriente les universités vers d'autres priorités, alors
que cela n'a pas fait l'objet d'un débat véritable. C'est un
point qui est préoccupant aussi et sur lequel le gouvernement doit
être mis en garde.
Un troisième point que je voudrais souligner, c'est la formule de
financement. Cela fait des années qu'on en parle. Je reconnais qu'il
n'est pas facile de toucher à une formule de financement une fois
qu'elle est instituée. On a vu, hier, à propos des commissions
scolaires combien est complexe l'interaction de tous les facteurs qui entrent
dans l'établissement et le maintien ou le développement d'une
formule de financement. En ce qui touche le financement universitaire, la
formule dite historique donne lieu dans la pratique à de très
sérieuses inégalités d'une institution à l'autre.
Le ministre précédent de l'Éducation avait annoncé
que nous aurions une nouvelle formule de financement. Il avait, disait-il,
institué des travaux là-dessus. Mais, jusqu'à maintenant,
nous n'en avons rien vu. Et j'ai cru comprendre ces derniers temps que l'on
aurait déposé sur la table du ministre une étude sur
l'impact de la formule actuelle de financement dont nous n'avons point entendu
parler, dont nous aimerions beaucoup connaître le texte et au sujet de
laquelle nous aimerions également connaître l'opinion du ministre.
Mais s'il n'est pas prêt à nous donner le texte, son opinion, je
l'avertis à l'avance, ne nous intéresse aucunement.
De ce point de vue, je pense qu'il est très important qu'on
crée des conditions d'équité, d'égalité
véritable entre les institutions universitaires. Qu'on parte d'une base
qui soit vraiment reconnue comme juste et équitable par tout le monde.
S'il y a des problèmes particuliers de rattrapage qui se posent, qu'on
réserve un espace budgétaire spécial pour ces
problèmes, s'il y a lieu. Je pense que cela vient s'ajouter. On ne
commence pas par cela; on commence par une base objective et ensuite, on ajoute
des considérations particulières. Je serais bien
intéressé à connaître les intentions du ministre
là-dessus et l'échéancier qu'il s'est fixé, s'il en
a un.
En quatrième lieu, il faudrait parler des
stratégies de développement des universités. J'ai
été bien frappé ces derniers mois par une opinion que le
Conseil des universités a transmise au gouvernement. Ce avis remonte
à octobre 1983. Il portait sur les stratégies de
développement de nos universités. C'était un avis d'une
grande sévérité - le ministre est sans doute au courant -
bref, concis, mais qui disait énormément. J'ai été
étonné de constater que cette opinion du Conseil des
universités n'a soulevé de réactions à peu
près nulle part. De la part du gouvernement, on n'a jamais entendu
parler qu'il aurait lu ou qu'il aurait réagi à cela. Je serais
intéressé à connaître votre opinion à ce
sujet.
Dans cet avis, le conseil attirait l'attention du gouvernement sur les
inconvénients graves de la course aux clientèles, sur les
extensions de programmes qui sont souvent conçus pour des fins qui n'ont
d'universitaires que l'étiquette, sur la prolifération des
programmes courts, également, qui entraîne des
phénomènes de duplication et de dédoublement. Il parlait
également de certaines interventions à caractère politique
de certains de vos collègues, M. le ministre, qui se sont lancés
dans la publication d'une nouvelle concernant les développements dans le
monde universitaire pour lesquels ils n'avaient reçu aucun mandat, au
sujet desquels personne n'avait été consulté. Il faut
revaucher tout cela après coup; il faut remettre le train sur les rails.
Je crois comprendre en particulier, en ce qui regarde les projets de
l'Université du Québec à la ville de Laval... Je ne sais
pas ce qui est arrivé là-dedans exactement, mais j'ai bien souri
récemment parce que le recteur de l'Université du Québec
s'est baladé avec ce projet-là. Il en a fait un de ses chevaux de
bataille. Il y a environ un mois, on a vu dans le journal une photographie du
recteur de l'UQAM - il y a un bureau de l'UQAM à la ville de Laval, il
n'était pas tellement impliqué dans l'autre projet
celui-là - annonçant un agrandissement du bureau de la ville de
Laval. Qu'est-ce que tout cela veut dire? Est-ce que le recteur au sommet
poursuit son projet à l'aide des contacts qu'il peut avoir au niveau du
gouvernement? Est-ce que l'Université du Québec à
Montréal poursuit son projet elle aussi?
Je ne le sais pas, mais je pense que cela a été un exemple
parfait de l'incohérence et de l'opportunisme dans lesquels on peut
verser en une matière aussi sérieuse. Il a d'ailleurs fallu
l'intervention de plusieurs porte-parole autorisés de la
communauté universitaire dans la région de Montréal pour
dire que la manière dont on voulait procéder n'avait pas de bon
sens. Nous sommes tous d'accord. Je pense en particulier à M. le
député de Mille-Iles qui me regarde d'un oeil
sévère et inquiet, je suis tout à fait sympathique... Il
me connaît, il connaît mes dispositions amicales à son
endroit et nous n'avons pas besoin de médiation ministérielle
pour nous comprendre, je vous assure.
M. Bérubé: Mais à voir la nature des travaux
où nous étions passifs, hier soir, lorsque nous examinions avec
beaucoup d'intérêt les divisions internes au sein de la
commission, je pense que nous aurions pu servir de médiateur alors. (10
h 45)
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, ne m'amenez
pas sur ce terrain.
M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, pour mon
information, je voudrais savoir combien de temps il reste au
député d'Argenteuil. Je pense que chacun a droit à 20
minutes et il a sûrement posé une dizaine de questions. Je
voudrais savoir s'il lui reste beaucoup de temps.
Le Président (M. Charbonneau): II lui reste encore un peu
de temps.
M. Champagne (Mille-Îles): Un peu de temps. D'accord.
M. Ryan: J'espère que vous allez compter que les 20
minutes auxquelles j'ai droit sont les miennes et non celles d'autres personnes
qui peuvent intervenir. J'apprécie énormément.
Je voudrais que le ministre nous éclaire sur le plan
d'investissements quinquennal qui nous est présenté dans le
cahier d'explications. Il y a un déplacement de date de 1982-1987
à 1983-1988. J'ai l'impression qu'avec le jeu d'années qu'on
fait, on va peut-être perdre 100 000 000 $ ou l'équivalent en
investissements qui, normalement, auraient été faits si on avait
suivi le premier échéancier. J'aimerais que vous nous donniez des
explications. Je voudrais vous signaler à ce sujet... C'est
peut-être un peu long, M. le député de Mille-Îles,
mais il y a bien des problèmes accumulés, écoutez bien
celui-ci. Le ministre est peut-être au courant que les projets
d'investissement des universités pour 1982-1983 n'ont pas encore fait
l'objet d'une décision du gouvernement, à plus forte raison ceux
de 1983-1984. On a l'air fin. On parle de 1983 à 1988. J'ai causé
récemment avec le recteur d'une université qui n'est pas de la
région de Montréal - parce qu'on varie les sources le plus
possible - qui m'a dit: en ce qui nous touche, on ne connaît pas encore
la décision gouvernementale concernant nos projets d'investissement pour
1982-1983. Je termine ici.
Il y a un autre sujet très important. Il y en a plusieurs autres
et, si on a le temps, on les soulèvera. Le gouvernement
fédéral a
annoncé une nouvelle politique en matière de financement
de l'enseignement postsecondaire qui voudrait instaurer pour la prochaine
période d'accords fiscaux qui va venir assez vite... J'ai pris
connaissance de certains documents là-dessus. Je n'ai pas eu le temps de
les étudier à fond. On n'a eu aucune réaction du
gouvernement là-dessus jusqu'à maintenant. J'aimerais que le
ministre nous dise s'il est au courant des nouvelles orientations que le
gouvernement fédéral propose en matière de financement
d'enseignement postsecondaire, si le gouvernement a étudié des
implications de ces orientations pour le financement des universités
québécoises et s'il a une position à défendre
à ce sujet.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
Financement des universités
M. Bérubé: M. le Président, oui, je pense
qu'on peut déborder si on veut répondre au député
d'Argenteuil et ouvrir la question globale du financement des
universités.
D'abord, je vous dirais, M. le Président, qu'il nous manque dans
notre tradition politique québécoise une tradition juive, c'est
celle du mur des lamentations. Il nous faudrait un long mur des lamentations au
Québec qui permettrait aux bénéficiaires de l'aide
sociale, aux étudiants, aux chômeurs, aux médecins, aux
universitaires, aux enseignants, à l'Opposition, de venir
régulièrement pleurer sur ce que la société ne fait
pas pour eux. Ce serait effectivement utile, ce serait une tradition nouvelle.
Cela permettrait un certain défoulement. Cela permettrait
peut-être de ne jamais avoir à répondre à certaines
questions fondamentales auxquelles on n'aime pas répondre parce qu'elles
sont douloureuses.
Le député d'Argenteuil nous a parlé de
l'évolution globale du budget et des universités en
démontrant qu'il n'a pas beaucoup augmenté au cours des
dernières années, qu'il a même augmenté
peut-être moins vite que l'inflation. On a réduit les ressources
disponibles aux universités. Je ne le cache pas. On le sait. Mais si
c'est à l'université que l'on retrouve les plus brillants
cerveaux de la société, j'ai de la difficulté à
comprendre que les plus brillants cerveaux de la société ne
puissent pas, eux aussi, trouver des moyens d'accroître la
productivité, ce qu'on demande à l'ensemble de la
société. Donc, je trouve normal que l'université puisse
effectivement avoir à se poser des questions quant au niveau de
ressources que l'on consacre, comme société, et quant à la
possibilité de faire plus avec les mêmes ressources. C'est une
question qu'on est en droit de se poser, elle est fondamentale. Un mur des
lamentations ne permet pas de régler cette question.
Il faut se poser la question: quelle est la tâche moyenne des
professeurs d'université au Québec? Il faut s'interroger sur des
pratiques courantes, ailleurs, pour voir si c'est possible de jouer
là-dessus. Il faut certainement s'interroger sur des pratiques
administratives, sur le gonflement des structures administratives qui peuvent
expliquer des difficultés de financement ailleurs. Je n'ai pas la
réponse, il faut qu'à l'intérieur de chaque
université, on se pose la question et qu'on cherche la réponse.
Dans la mesure où nous avons des organismes décentralisés,
ce n'est pas au gouvernement à aller dans chaque budget universitaire
identifier les postes qui sont en trop. Mais si, dans l'ensemble, le
ministère des Affaires sociales doit continuer à servir les
Québécois avec 9% de moins de ressources qu'il y a un certain
nombre d'années, eh bien, oui, ils doivent effectivement faire preuve
d'imagination, réallouer souvent les ressources disponibles de
façon différente. Je reconnais aussi qu'une telle adaptation
n'est pas instantanée, qu'elle demande souvent du temps, qu'elle peut
amener un organisme à effectuer des réductions de dépenses
dans des secteurs plus faciles à comprimer, mais qui ne correspondent
pas nécessairement à la priorité de l'université,
c'est-à-dire que c'est peut-être un secteur qu'on aurait
préféré épargner. Il est donc possible qu'on soit
aux prises dans nos universités avec des insuffisances de budgets
à certains endroits, parce que trop de sommes sont consacrées
ailleurs et qu'on n'arrive pas facilement à dégager des
ressources ici pour les attribuer là. Oui, c'est possible. Il est
possible que cela demande un certain nombre d'années pour effectuer le
rétablissement. Mais il y a une chose que je sais, cependant, c'est que
s'il n'y a pas la pression de l'insuffisance budgétaire, aucun effort ne
sera fait. Cela fait des années que l'on attend du Conseil des
universités un avis concernant la formation excessive de certificats au
Québec, sur le dédoublement des programmes, sur la pertinence de
l'implantation de l'Université du Québec à Laval. On sait
que ce n'est pas facile. J'ai participé comme professeur
d'université à une séance intéressante à
notre commission de la recherche...
M. Ryan: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Le ministre a-t-il affirmé que l'on avait
demandé une opinion au Conseil des universités sur le
développement de l'université Laval? Il dit que cela fait des
années qu'on a demandé une opinion?
M. Bérubé: Non, non, j'ai dit que cela fait des
années que... J'ai mentionné une série d'avis qui avaient
été demandés. Je faisais surtout allusion au
problème du surplus de formation de certificats souligné à
plusieurs reprises par le Conseil des universités et pour lequel le
ministère de l'Éducation aurait demandé au Conseil des
universités de lui fournir des recommandations plus précises sur
les moyens à prendre pour contrer ce problème souligné par
le Conseil des universités. Or, on me dit, au ministère, qu'on
n'a pas cet avis. Le problème du dédoublement des programmes est
très réel, il date de longtemps, mais pour lequel on n'a pas de
propositions très précises pour tenter de le corriger. J'allais
donner un exemple vécu à une commission de recherche dans une
université où j'ai passé un certain nombre
d'années. Il s'agissait d'identifier les priorités de recherche
à l'université et, à la fin, il y a eu autant de
priorités pour la faculté qu'il y avait de groupes de recherche,
parce que quand est venu le temps de faire les arbitrages, les arbitrages ne se
sont pas faits. C'est le problème que l'on vit dans toute
société démocratique. La seule pression pour forcer les
arbitrages, c'est souvent de sous-financer partiellement. Alors, les gens
impliqués doivent faire des choix qu'ils ne feraient pas en toute autre
circonstance. En d'autres termes, je comprends que le député
d'Argenteuil puisse observer un certain nombre de difficultés dans nos
universités, que je qualifierais de difficultés réelles,
mais aussi de difficultés d'adaptation. On a donné des chiffres,
tantôt, sur le coût équivalent par étudiant à
temps complet à l'université.
Je pense qu'il faut brosser un tableau le plus complet possible tout en
sachant que toute analyse quantitative est toujours sujette à des
hypothèses de départ, que ces hypothèses peuvent camoufler
une partie de la réalité et qu'il est toujours dangereux de
s'accrocher trop rigoureusement à un ou deux chiffres pour tenter de
tirer des conclusions générales.
Mais de telles analyses sont absolument fondamentales. Même dans
les sciences humaines, on a progressé beaucoup quand on a introduit les
techniques statistiques qui permettent de transformer des opinions en des
positions solidement appuyées sur une base scientifique. Donc, il n'est
pas mauvais de temps en temps, lorsqu'on est universitaire, de s'imposer
l'exercice rigoureux d'une comparaison chiffrée de manière
à pouvoir, à un moment donné, évaluer s'il n'y a
pas des gestes à poser.
Le comité tripartite ontarien fait des comparaisons sur le
coût des systèmes entre les universités du Québec et
les universités de l'Ontario, depuis des années. C'est la
cinquième année. Ce qui explique pourquoi souvent les chiffres
que nous publions sont légèrement différents d'autres
chiffres que nous citons, c'est que tantôt nous citons les études
ontariennes et tantôt nous citons nos propres études; elles ont
l'inconvénient de ne pas donner exactement les mêmes chiffres,
mais elles donnent exactement le même ordre de grandeur. Ce qui, soit dit
en passant, est généralement en recherche ce qui nous
préoccupe au premier degré. On peut toujours raffiner le
septième chiffre après le point, mais l'ordre de grandeur est
aussi important, compte tenu de l'imprécision relative de la
connaissance humaine.
Je suis bien obligé de constater, quand je regarde les
résultats de ce comité tripartite ontarien, que les subventions
et frais de scolarité par étudiant au Québec, en
1980-1981, étaient de 6899 $ et, en Ontario, de 5199 $; aujourd'hui, en
1984-1985, que ce même comité tripartite ontarien tirera la
conclusion qu'au Québec, subventions et frais de scolarité par
étudiant représentent, par équivalent à temps
complet, 7179 $ contre 6466 $, en Ontario, cela souligne que
l'écart...
M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais poser
seulement une question au ministre? Est-ce qu'il consentirait à ce que
je lui pose une question?
M. Bérubé: Oh! Je n'ai aucune objection.
Le Président (M. Charbonneau): Allez-y.
M. Ryan: Est-ce que ces chiffres tiennent compte des frais de
scolarité?
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: Pour quelle année?
M. Bérubé: Subventions et frais de
scolarité.
M. Ryan: Est-ce que vous mentionnez les dépenses ou les
revenus par étudiant?
M. Bérubé: Ce sont les subventions et frais de
scolarité divisés par étudiant à temps complet.
M. Ryan: Pour quelle année?
M. Bérubé: C'est-à-dire qu'on prend les
étudiants à temps partiel et qu'on les ramène sur la base
à temps complet.
M. Ryan: Pour quelle année? (11 heures)
M. Bérubé: Je parlais de l'année 1980-1981
et des chiffres projetés pour l'année 1984-1985.
Donc, reconnaissons que l'écart se gonfle, que l'Ontario, depuis
quelques années,
fait un effort pour tenter de rattraper le Québec. Le
Québec, lui, a fait un effort pour tenter de stopper la croissance
explosive. Reconnaissons que nous avons tous les deux agi de façon un
peu différente. Nous avons cherché à ralentir et l'Ontario
a cherché à nous rattraper. Nous avons forcément
demandé à l'appareil universitaire de regarder comment il
fonctionnait, de s'interroger sur ses méthodes de fonctionnement, sur la
productivité et de tenter de tirer des conclusions quant aux endroits
où il pourrait effectuer certaines réductions de coût. Je
ne prétends pas que c'est facile, je suis présentement au
ministère de l'Éducation et je dois vivre avec les compressions
de mon distingué collègue le président du Conseil du
trésor. J'ai même un dossier problématique que je vais
bientôt soumettre au Conseil des ministres, ce n'est pas facile.
Gérer est toujours plus difficile quand on est pris avec la
réalité quotidienne que de définir à partir d'un
équilibre budgétaire quelles seront les ressources qu'on y
consacrera.
Ce qu'il ne faut jamais oublier cependant, c'est que lorsqu'on consacre
plus de ressources que nos voisins, on est en droit de demander du
système qu'il s'assure qu'il a tout fait pour bien dépenser les
sommes en question, qu'il est productif au maximum toujours en tenant compte
que, malheureusement, on a des chômeurs, on a des étudiants - j'en
rencontre jeudi - qui ont des problèmes avec les prêts-bourses qui
ne sont pas assez généreux. On rencontre des chômeurs, on
rencontre nos médecins qui nous disent que nos services d'urgence sont
insuffisamment équipés, que la santé des citoyens est
menacée.
Je comprendrais, que nous sommes fautifs si le pourcentage du produit
intérieur brut consacré aux dépenses publiques
étaient nettement inférieur à ce qui se fait ailleurs dans
le monde; mais comme on est, en termes d'effort, au deuxième ou au
troisième rang dans le monde, ce n'est donc pas un problème de
ressources, c'est un problème d'utilisation des ressources. Une attitude
irresponsable qui viserait toujours à corriger les problèmes en
ajoutant des ressources et en dénonçant les déficits -
ça, c'est la logique de l'Opposition - je regrette, mais ça ne
fait pas progresser une société. Je préfère une
discours un peu plus exigeant, qui est facile à écouter, mais qui
a au moins l'avantage de l'honnêteté.
Le vieillissement du corps professoral est un problème
réel, c'est d'ailleurs une des raisons peut-être essentielles qui
nous a amenés à proposer ce programme de création de 40
nouvelles équipes de recherche. Je sais la tendance naturelle de tout
chercheur universitaire qui apprend la mise en place d'un nouveau programme: il
regarde comment il pourrait faire subventionner ses recherches actuelles
à l'aide du nouveau programme. Je sais également qu'une bonne
partie du travail en recherche consiste à préparer la demande de
l'année suivante. C'est le sort d'un chercheur universitaire et
ça ne changera pas, je l'espère; dans tous les cas, c'est une
incitation au dépassement.
Le programme de mise en place de 40 nouvelles équipes a donc un
avantage considérable, il s'agit de sang neuf, de gens qui pourront
assumer une certaine charge d'enseignement soulageant ainsi certains chercheurs
seniors qui pourront consacrer davantage de temps à la recherche et un
peu moins à l'enseignement; mais il est quand même important qu'un
chercheur à l'université fasse de l'enseignement. Il ne faut pas
dissocier recherche et enseignement à l'université. Il y a une
symbiose entre les deux qui enrichit les deux.
Donc, j'aurais tendance à dire: oui, il y a un problème de
vieillissement du corps professoral; mais dans la mesure où nous voulons
financer au coût marginal réel les clientèles
additionnelles, alors qu'à l'heure actuelle 90% de ces clientèles
additionnelles sont dans les secteurs prioritaires identifiés par le
gouvernement, ce qui veut dire que l'allocation budgétaire correspond
effectivement à l'augmentation de clientèle, cela va permettre
aux universités d'augmenter les ressources d'enseignement dans ces
secteurs. Si à cela s'ajoutent les 40 équipes universitaires, on
va donc augmenter de façon substantielle le nombre de jeunes
professeurs. Je pense même, personnellement, que le problème que
nous aurons en sera un de recrutement.
Le Président (M. Charbonneau): Voilà.
Maintenant...
M. Bérubé: Je pense, M. le Président, que
j'ai à peu près terminé concernant le problème des
lamentations de l'Opposition.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Oui, si personne n'a
demandé le droit de parole.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va.
M. Champagne (Mille-Îles): On a parlé de
l'Université du Québec à Laval. Je veux rassurer le
ministre en disant que dans cette institution qui viendra s'établir
à Laval, projet qui a reçu l'unanimité de
l'Assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec, il
n'y aura pas de dédoublement. Il y aura plutôt
complémentarité dans ce qui ira à l'Université du
Québec à Laval. Après une étude, c'est quand
même justifié dans le sens où les Basses-Laurentides, entre
autres de
Saint-Jérôme à Sainte-Thérèse - on
peut parler aussi dans l'Est ou dans l'Ouest - et Laval constituent un bassin
de 400 000 personnes. Il y a un grand intérêt à
établir cette université à Laval.
Dans mon comté de Mille-Îles qui est assez grand, je ne
vois pas pourquoi les gens de Saint-François, de
Sainte-Thérèse ou de Saint-Jérôme prendraient une
heure ou une heure et demie à tous les jours pour se rendre à
l'Université de Montréal ou à l'Université du
Québec au centre-ville de Montréal et n'auraient pas une
université sur place. C'est pourquoi cela se fait d'une façon
logique, d'une façon qui fait consensus pour le moment.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Bérubé: En réponse au
député de Mille-Îles, je voulais souligner le fait qu'une
demande avait été faite au Conseil des universités pour un
avis et que c'est celui-ci que nous attendions. Le député
d'Argenteuil avait souligné les problèmes de rationalisation que
refusait finalement le gouvernement dans le secteur universitaire. J'ai tenu
à lui souligner que dans un système décentralisé
comme celui que nous connaissons, le Conseil des universités joue un
rôle important. Il a à donner des avis concrets sur les
façons de corriger les problèmes qu'il a observés. Si on
prétend, comme le député d'Argenteuil, que l'extension de
l'Université du Québec sur le territoire de Laval, dans le
secteur de la biotechnologie, est contraire à une saine rationalisation
ou à un sain déploiement des ressources universitaires au
Québec, je pense qu'il faut que le Conseil des universités puisse
analyser...
M. Ryan: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Charbonneau):
Question de règlement, M. le ministre.
M. Bérubé: ...cette question-là et nous
fournir une opinion, mais on prendra en compte l'ensemble des
considérations.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, j'ai une
question de règlement.
M. Ryan: Le ministre m'impute des propos que je n'ai aucunement
tenus, des intentions que je ne nourris aucunement.
Le Président (M. Charbonneau): Je pense que le
règlement ne permet pas de prêter des propos, mais je suis un peu
mal placé pour savoir si c'était l'intention du ministre. De
toute façon, je prierais les membres de la commission de s'en tenir
à une argumentation sur le fond des questions.
Est-ce que vous avez terminé, M. le ministre?
M. Bérubé: Oui, M. le Président, je pense
que c'est complet. Il y a un autre point, mais j'attendrai sans doute une autre
intervention pour le passer.
Le Président (M. Charbonneau):
D'accord. Mme la députée de Jacques-Cartier.
M. Bérubé: En réponse à la question
qui me sera posée, évidemment.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. D'abord j'aimerais
dire que j'appuie à 100% les commentaires de mon collègue le
député d'Argenteuil.
M. Bérubé: On n'en attendait pas moins.
Mme Dougherty: Je trouve dans les réponses du ministre une
attitude malheureuse et une mauvaise compréhension des faits et de la
situation.
Il semble que le ministre ignore complètement le fond du
problème qui a été soulevé par tous les
intervenants qui s'occupent des universités et surtout de la recherche
et l'importance de la recherche et de nos universités pour l'avenir du
Québec.
On parle souvent du virage technologique. Partout dans le monde on parle
de ce virage. Partout, il est maintenant reconnu que les universités
font et sont une ressource stratégique pour réussir dans ce
virage. Il ne s'agit pas uniquement d'imagination, il s'agit des
problèmes réels. Nulle part, ce problème est mieux
décrit que dans le rapport annuel que nous venons de recevoir du Conseil
des universités. Il commence comme suit: C'est un véritable cri
d'alarme que le Conseil des universités veut lancer à l'occasion
de ce rapport annuel. La situation des universités
québécoises est devenue si précaire que certains des
acquis les plus importants de la révolution tranquille et des
années qui ont suivi sont en train de fondre au soleil de
l'austérité, de l'opportunisme et du laisser-faire. Il ne sert
à rien de cacher la vérité. Les compressions
budgétaires des dernières années associées au
laxisme des politiques gouvernementales, à l'égoïsme des
groupes d'intérêts et aux compétitions stériles sont
en train de provoquer la désagrégation des équipes les
plus solides, de diminuer dangereusement les ressources disponibles et de
démoraliser les professeurs et les chercheurs les plus
sérieux.
Il ne faut pas ignorer une telle alarme, M. le ministre. Je pourrais
citer M. Hamel, le président de la CREPUQ - Conférence des
recteurs et des principaux des universités -
qui dit à peu près la même chose. Encore M. Cliche,
un homme très respecté dans cette province et partout au Canada,
dans un discours aux administrateurs de recherche universitaire du
Québec, le 10 novembre 1983, dit, en parlant des problèmes, des
difficultés que nous rencontrons dans les universités: La formule
de financement peu favorable au développement de deuxième et
troisième cycles, vieillissement du corps professoral,
vétusté des équipements scientifiques, faible taux de
diplômés au cycle supérieur, absence de modulation des
tâches, pénurie de chercheurs, etc. On ne peut pas ignorer cela,
M. le ministre, on ne peut pas résoudre ces problèmes avec un peu
d'imagination.
J'aimerais citer quelques exemples. D'abord, les 20 000 000 $ qu'on a
soustraits l'année passée des budgets des universités.
C'était fait contre toutes les avis que le gouvernement a reçus.
Avec ces 20 000 000 $, c'était évident, on a pris les 20 000 000
$ d'une main et on a redonné quelques millions pour de nouvelles
clientèles. On a promis, même dans la directive du gouvernement,
100% des coûts moyens. Effectivement, les universités ont
reçu 30%. J'aimerais vous demander ceci: Est-ce que le gouvernement a
l'intention d'ajouter à ce montant pour reconnaître le vrai
coût que les universités ont dépensé pour de
nouvelles clientèles? Je ne parle pas de l'année courante, de
l'année qui vient, je parle de réparations de dommages faits
l'année passée.
On n'a pas mentionné les bibliothèques. Dans un rapport du
Conseil des universités, on a tracé la
détérioration des bibliothèques dans les
universités. Les bibliothèques sont une partie très
importante de l'infrastructure. Ce qui se passe dans les universités, on
ajoute de nouveaux toits - on annonce de nouveaux programmes - mais on laisse
tomber les murs. (11 h 15)
J'aimerais soulever un autre aspect qui n'était pas
mentionné et qui est très important pour cette année et
pour l'avenir. Dans un avis du Conseil des universités, du 17 novembre
1983, on parle des prévisions de clientèles des
universités pour l'avenir. On présume qu'on va garder le statu
quo. Mais c'est complètement faux selon l'opinion du Conseil des
universités: les clientèles retenues par le ministère sont
erronées. Par exemple, on n'a pas tenu compte des clientèles des
cégeps qui augmentent chaque année. On n'a pas tenu compte des
besoins de recyclage qui vont augmenter à cause de la
nécessité de recycler et de reformer nos professionnels et nos
recherchistes qui travaillent en industrie. On a basé nos
prévisions sur les clientèles qui existent à temps
complet. C'est faux, M. le ministre, parce qu'on aura nécessairement de
plus en plus d'étudiants à temps partiel. Donc, cela fait partie
de l'image réelle qui doit être considérée dans vos
prévisions.
Il est impossible d'aborder tous les problèmes, mais je
suggère que votre ministère, si votre point de vue est repris
-j'espère que non - par ceux qui y travaillent... Si on ne
reconnaît pas l'importance et la réalité du problème
- ce n'est pas un problème illusoire - on ne réussira jamais ce
fameux virage technologique.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je ferai
quelques remarques. Je n'essaierai pas de contester les affirmations de la
députée de Jacques-Cartier concernant l'état
catastrophique des bibliothèques, ou encore, le problème des murs
qui s'effrondrent alors qu'on a construit de nouveaux plafonds. Il est possible
que ce soit le cas, mais, malheureusement, je suis mal équipé
pour contester les affirmations de la députée de Jacques-Cartier.
Je pense que si elle l'a fait, elle a pris des renseignements et je
présume que ses sources sont fiables.
Mais je voudrais ici effectuer une dernière comparaison qui va
certainement intéresser les membres de cette commission. En 1974-1975,
à l'apogée du régime Bourassa, préoccupé par
le développement de la recherche universitaire, le Québec
consacrait 1,02% de son produit intérieur brut à
l'université. L'Ontario, d'ailleurs, consacrait le même montant
d'après ce que j'ai pu voir: à peu près 1,02%
également, si je ne m'abuse; on pourra vérifier. En 1983-1984, je
constate que le Québec consacre 1,27% de son produit intérieur
brut à la formation universitaire. Donc, toutes proportions
gardées, nous avons accru l'effort: on est passé de 1,02%
à 1,27%. Si c'est mauvais aujourd'hui, c'était pitoyable sous
l'égide du chef que les libéraux se sont redonné. Si je
comprends bien, on a eu Vers demain et maintenant, on aura "Vers
l'arrière". Fondamentalement, c'est cela que les libéraux sont en
train de nous dire. Ils sont en train de nous dire que lorsqu'ils se sont
donné M. Bourassa comme chef, l'effort que la société
acceptait de consacrer à la formation universitaire était de 30%
inférieur à l'effort qu'on accepte de consacrer aujourd'hui. Si
c'est cela le nouveau chef, merci. J'aime autant garder celui qu'on a.
Première observation.
Deuxième observation, pendant le même laps de temps,
l'Ontario a décru la part de sa richesse consacrée à la
formation universitaire qui est passée de 1,2% à 0,87%. Pendant
que des voisins ont décru les ressources qu'ils consacraient à la
recherche, si on regarde de 1974 à nos jours, on
s'aperçoit que, dans notre cas, l'effort s'est accru; il n'a pas
diminué, il est supérieur à ce qu'il était sous
l'administration Bourassa. Je veux bien croire qu'entre-temps est survenu un
certain changement sociologique au Québec. Peut-être que sous
l'actuel gouvernement, un goût d'excellence a commencé à
vouloir envahir le Québec, qu'après avoir connu les noirceurs de
1970 à 1976, on s'est dit qu'on s'instruirait et que cela ne se
reproduirait plus jamais.
Je reconnais qu'aujourd'hui il y a un plus grand nombre de jeunes qui
décident de faire des études universitaires et que cela doit se
traduire - si on accepte ce principe et qu'on accepte l'ouverture de nos
universités - par une augmentation de l'effort que nous consentons. Ne
minimisons pas cet effort. Commençons par dire que l'effort que nous
consentons est supérieur à ce que les autres consentent.
Ajoutons, dans un deuxième souffle, qu'on devrait consentir un effort
additionnel, et j'en suis. J'aimerais bien qu'on commence par reconnaître
l'effort que nous consentons déjà. Avec le problème des
lamentations, on finit par oublier là où on en est.
Soulignons un problème que la députée de
Jacques-Cartier a rappelé et qui est réel puisqu'on l'entend
répéter souvent, celui de l'absence de priorités au sein
du secteur des universités; c'est une dispersion des besoins qui fait
qu'on gaspille les ressources. Elle a utilisé des mots assez durs
d'ailleurs en parlant d'une mauvaise utilisation des ressources. Dans le fonds
de développement pédagogique que le gouvernement avait mis en
place, il y avait un volet qui prévoyait un financement spécial
pour financer des rationalisations, des fermetures de programmes et permettre
la création de nouveaux. Le Conseil des universités n'a
reçu aucune demande de la part des universités à
l'intérieur de ce volet. Ce n'est pas prioritaire pour nos
universités d'identifier des programmes qu'on pourrait remettre en cause
et les remplacer par d'autres. Vous pourriez nous dire que l'État
devrait intervenir de force pour le faire. Je ne le pense pas.
Je pense que nos universités regroupent des citoyens à la
conscience sociale suffisamment large pour faire en sorte que lorsque les
ressources sont moins amples que précédemment, tout en restant
plus généreuses qu'ailleurs, nos universitaires vont d'abord se
poser la question: est-ce que nous utilisons de façon rationnelle les
ressources disponibles? Ils vont commencer par se poser cette
question-là. Lorsque l'exercice aura été fait et qu'on
aura vraiment procédé à une réallocation des
ressources pour les consacrer aux bibliothèques, si cela est le
problème central de l'université, ou aux murs, si c'est là
le problème des universités, je pense que, comme
société, on aura à se poser la question très
réelle, devant cette volonté que nous avons d'accroître le
niveau d'éducation de nos concitoyens, il doit nécessairement y
avoir des ressources rendues disponibles pour que nos universités
puissent les accueillir. Soulignons que, depuis trois ans, ce sont les
clientèles à temps complet qui croissent le plus rapidement.
J'avais un autre point, mais je ne le retrouve pas. Je le reprendrai plus
tard.
Enfin, la situation n'est sans doute pas idéale. Je ne
prétends pas que la crise économique a facilité la
tâche de l'ensemble des gens qui consacrent leur vie au service de leurs
concitoyens, elle l'a compliquée, c'est vrai. Mais gardons toujours
à l'esprit l'effort relatif que notre société consacre
à ces différentes missions par rapport à ce que toutes les
autres sociétés occidentales acceptent de consacrer.
Reconnaissons que dans le domaine de la recherche universitaire, le
Québec, parmi les provinces canadiennes, est celle qui consacre l'effort
le plus grand au développement de cette recherche universitaire à
l'heure actuelle. Reconnaissons également que, comme gouvernement, nous
avons décidé que s'il y avait un secteur prioritaire à
développer, ce devrait être celui-là, pour faire en sorte
que non seulement nous soyons bien placés dans l'ensemble canadien, mais
que nous soyons également à la fine pointe parmi les pays
occidentaux. Mais nous n'avons pas rejoint ce rang à l'heure actuelle.
Le sens de sommes nouvelles que nous dégageons cette année, c'est
exactement celui-là, cet accent mis sur une politique d'excellence de
recherche dans nos universités.
Le Président (M. Charbonneau): Mme la
députée.
Mme Dougherty: En ce qui concerne le niveau de recherche, les
comparaisons avec d'autres pays et d'autres provinces, j'aimerais reporter le
ministre à une étude faite par la FCAC sur les besoins de
financement de la recherche universitaire au Québec par M. Louis Dulude
et M. Claude Montmarquette de l'Université de Montréal.
Pourriez-vous nous éclairer là-dessus?
M. Bérubé: Vous allez tirer exactement cette
conclusion, c'est que dans le domaine de la recherche universitaire, le
Québec est à la fine pointe des provinces canadiennes, mais
comparé aux autres pays étrangers, nous avons un effort de
rattrapage réel à consentir. Vous allez tirer exactement la
conclusion.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Vachon.
M. Payne: J'ai essayé à quelques reprises de
dissiper un certain nombre de
malentendus et de distorsions propagés dans le milieu anglophone
touchant l'accès à nos universités pour les
étrangers. Les journaux ont fait grand état, à la
manière alarmiste qui les caractérise, d'une disparité qui
existe entre les frais de scolarité des étudiants
étrangers anglophones et francophones. On sait que les frais ont
été augmentés de 60% - je crois M. le ministre? - à
80%. On sait aussi qu'il existe un certain nombre d'ententes entre le
Québec et les pays francophones aussi bien qu'anglophones, que ce soit
avec la Californie, les États de la Nouvelle-Angleterre, ou le tiers
monde. Pouvez-vous brièvement confirmer qu'il n'y a pas de
disparité basée sur l'ethnie pour ceux qui viennent de
l'extérieur?
J'ajoute à cela deux postulats qui, j'imagine, sont
acceptés par le ministère à savoir qu'il y a des quotas en
fonction des places disponibles, cela est normal, deuxièmement, les
frais différents pour divers programmes d'études, c'est aussi
normal. Mais si jamais il y a le cas, tel qu'insinué par les journaux
anglophones, d'une disparité basée sur l'ethnie, c'est là
toute une autre question. Pourrais-je avoir vos commentaires là-dessus?
(11 h 30)
M. Bérubé: II serait préférable que
le Québec puisse inviter les étudiants de tous les pays du monde
à venir étudier gratuitement au Québec dans le cadre d'une
politique d'accueil et d'accessibilité très grande sur le monde.
Je pense que c'est désirable en soi. La présence
d'étudiants étrangers dans une université l'enrichit sur
le plan humain, sur le plan intellectuel et est un stimulant au
développement de l'université. D'ailleurs, la plupart des grandes
universités étrangères se donnent un quota d'admission
d'étudiants étrangers justement pour accentuer le
caractère multiplicateur de l'université dans son milieu, donc,
en étendant son rayonnement. C'est un objectif désirable en soi.
Mais la réalité des faits aussi doit nous amener à
constater que dans aucun... je ne devrais pas dire dans aucun pays du monde,
mais dans un bon nombre de pays au monde, lorsque l'on met en place des
politiques de gratuité à l'intention des citoyens, on ne vise pas
par ces politiques à établir la gratuité pour l'ensemble
des citoyens du monde qui voudraient profiter des établissements
scolaires du pays hôte.
C'est ce qui fait que la plupart des États américains qui
ont des universités d'État ont des frais de scolarité
différents suivant qu'il s'agit d'un étudiant de l'État ou
d'un étudiant qui vient de l'extérieur. C'est normal.
L'étudiant qui vient de l'extérieur ne paie pas de taxes dans
l'État. Ses parents ne paient pas de taxes. Par conséquent, il
s'agit là d'un service que l'on donne à un étranger. Le
droit à la gratuité scolaire ou à des coûts
considérablement réduits, c'est un droit qu'ont les contribuables
et non pas les étrangers.
Néanmoins, il a été dans notre tradition de
maintenir des frais de scolarité très bas y compris pour les
étrangers; en d'autres termes, de partir du principe que l'effort de
taxation que nos concitoyens devaient consentir pouvaient servir aussi bien
à nos jeunes Québécois qu'aux étrangers ayant
choisi de venir faire leurs études ici. Il est clair que lorsqu'on doit
vivre avec des ressources budgétaires plus resserrées,
peut-être une des premières choses qu'on va remettre en question
c'est cette générosité vis-à-vis des gens qui ne
sont pas contribuables québécois. C'est ce qui explique
effectivement pourquoi depuis quelques années nous avons eu tendance
à hausser nos frais de scolarité à l'intention des
étudiants étrangers rejoignant là des pratiques assez
largement répandues chez nous.
Nous voulons le faire au Canada, même vis-à-vis des autres
provinces. Mais avant de le faire, nous allons procéder à une
consultation auprès des ministres de l'Éducation des autres
provinces. L'idée étant que nos frais de scolarité au
Québec sont inférieurs à la moyenne des frais de
scolarité canadiens et que c'est un effort additionnel que nos
concitoyens ont voulu consentir en termes de mesure d'accessibilité. On
pourrait donc envisager de hausser les frais de scolarité à
l'intention des étudiants venant d'autres provinces au niveau moyen qui
existe dans l'ensemble du Canada. Nous voulons d'abord en discuter avec nos
homologues des autres provinces avant de le mettre en vigueur.
Évidemment une telle politique ne s'applique pas
rétroactivement c'est-à-dire que quelqu'un qui est
déjà inscrit à l'université ne voit pas ses frais
de scolarité hausser pour éviter que sur la base de frais de
scolarité en vigueur il ait pris une décision de venir
étudier au Québec et se retrouve obliger d'interrompre ses
études à cause d'une hausse des frais de scolarité. Cela
s'applique donc aux nouveaux venus et non pas à ceux qui sont
déjà en place.
Également, dans le cadre d'ententes de coopération avec
les pays étrangers, le tiers monde, beaucoup d'étudiants
étrangers viennent chez nous et ne sont pas astreints à ces frais
de scolarité plus élevés c'est-à-dire qu'il y a
près de 50% des étudiants étrangers qui viennent
étudier au Québec et qui ne sont pas soumis à ces frais de
scolarité, pourquoi? C'est qu'effectivement, dans le cadre de la
coopération internationale, nous offrons la possibilité à
des pays du tiers monde de nous envoyer de jeunes étudiants qui
autrement n'auraient pas pu suivre dans leur pays d'études
supérieures. Nous leur offrons de nous les envoyer au Québec.
Nous subventionnons la venue de ces étudiants. C'est un geste de
coopération internationale.
Dans ces conditions, on n'est pas intéressé à
hausser les frais de scolarité. Donc, on maintient les frais de
scolarité au niveau où ils sont.
Peut-être que le problème qui est soulevé par la
presse anglophone est davantage relié au fait que le Québec, dans
le passé et par les multiples ententes qu'il a négociées
avec des pays, a généralement négocié avec des pays
francophones. Cela donne comme conséquence, qu'il y a plus
d'étudiants venant de pays francophones pouvant étudier au
Québec à taux réduit, si on veut, qu'il y a
d'étudiants venant de pays anglophones ou encore de pays d'autres
langues. Ce n'est pas une discrimination volontaire vis-à-vis des gens
parlant une autre langue. C'est vrai, j'imagine, dans le cas des Espagnols.
C'est vrai dans le cas de tous les pays parlant une autre langue que le
français. C'est tout simplement la conséquence de ce que le
Québec a eu comme politique, dans le secteur international, de
rechercher des liens avec les autres pays francophones de manière
à sortir le Québec de son isolement relatif, puisque 6 000 000
d'habitants dans un continent anglo-saxon représentent une petite
proportion de la population. Il y a donc avantage à ce que nous
cherchions à établir des liens tant avec la France qu'avec la
Belgique et la Suisse, qui ne sont pas nécessairement des pays du tiers
monde, mais qui peuvent, dans le cadre de ces ententes,
bénéficier également d'un rabais de frais de
scolarité.
C'est peut-être en ce sens qu'on peut parler de discrimination,
mais elle n'est pas voulue au sens où on veut discriminer un
francophone, un anglophone, un Espagnol ou un Allemand. C'est tout simplement
que le Québec a établi davantage de liens avec les pays
francophones.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Vachon.
M. Payne: Je pense que, traditionnellement et même
maintenant, il y a encore environ 85% des étudiants qui sont dans des
universités anglophones. Je pense qu'il est dans votre propre
intérêt d'essayer de dissiper tout doute qui pourrait exister sur
ce sujet. Et il y en a. Je vous le dis. La discussion est constante dans le
milieu anglophone à savoir qu'il y existe une discrimination
institutionnelle. Votre sous-ministre adjoint pourrait peut-être vous
confirmer quelque chose à cet égard, car je pense qu'il a
déjà fait quelques déclarations dans les journaux pour
essayer de dissiper ce doute.
M. Bérubé: Peut-être que je négligeais
une information quand même essentielle aux fins de la bonne
compréhension de la question. Lors d'une discussion, le Conseil des
ministres a tenu à ajouter deux mandats au ministre de
l'Éducation. Je les ai présentement sous les yeux. Un des mandats
mentionne en particulier que le gouvernement montre sa disposition à
multiplier les ententes avec les pays non francophones -c'est bien
indiqué dans la décision - et, particulièrement
anglophones, en vue d'exempter certains étudiants de ces pays des
exigences de la politique relative au droit de scolarité des
étudiants étrangers.
Effectivement, lors de la discussion, on avait souligné le fait
que nous avions peu d'ententes avec les pays anglophones. Ce qui pouvait
représenter, au sens où vous l'avez dit tantôt, une
certaine forme de discrimination indirecte. Le Conseil des ministres a,
effectivement, mandaté le ministre de l'Éducation pour chercher
à régler, au moins en partie, ce problème.
M. Payne: D'ailleurs, au fond, c'est la question, parce que, dans
le passé, il n'y avait pas besoin d'entente. D'où vient la
nécessité maintenant d'avoir une table de concertation pour que
les universités anglophones puissent se prévaloir d'une ouverture
de la part du gouvernement.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de...
M. Laplante: M. le Président, j'aurais une courte question
additionnelle sur le même sujet.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député,
j'essaie de respecter le principe de l'alternance...
M. Laplante: Oui, mais comme c'est sur le même sujet.
Le Président (M. Charbonneau): II y avait le
député de Saint-Laurent aussi. À moins qu'il nous permette
qu'on pose une question additionnelle.
M. Leduc (Saint-Laurent): On y reviendra après.
Le Président (M. Charbonneau): J'essaie de respecter le
principe de l'alternance, sinon on n'en sortira pas. M. le député
de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord. Cela devrait être assez
bref, de toute façon. Tantôt, le ministre a parlé du mur
des lamentations. Je pense qu'il va falloir bâtir plusieurs murs des
lamentations. Peut-être qu'on pourrait arriver à une
économie d'échelle et qu'on pourrait noyer tous les
Québécois.
J'ai beaucoup de difficulté à concilier
ses remarques de tantôt. Il affirmait qu'il y avait des
compressions mais qu'elles étaient inférieures aux compressions
ou aux budgets ou aux montants qui étaient alloués aux
universités par les autres provinces. J'ai ici le rapport du Conseil des
universités pour l'année 1982-1983. Ce n'est certainement pas une
mauvaise année. C'était l'année où on
affectait...
M. Bérubé: Question de règlement, M. le
Président. Il faudrait quand même que le député de
Saint-Laurent me cite correctement. Je n'ai pas fait la comparaison avec les
autres provinces, mais avec une seule province, l'Ontario, notre voisin.
M. Ryan: D'accord mais, pour les autres, ce n'est pas le
même langage. La moyenne canadienne est différente.
M. Leduc (Saint-Laurent): Encore là, ils sont tout de
même au-dessus du Québec. Comme je le disais tantôt, si on
prend l'année 1982-1983, ce n'est certainement pas une mauvaise
année parce qu'on y a affecté 6336 $ alors qu'en 1983-1984 on
affecte 6023 $ et en 1984-1985, 6110 $. Même à l'époque,
lors du rapport de 1982-1983, le Conseil des universités notait, faut-il
le rappeler, que les dépenses par étudiant inscrit dans les
universités québécoises sont parmi les plus basses au
pays. La rapidité et l'importance des compressions budgétaires
imposées au réseau universitaire, beaucoup plus
élevées que dans les autres réseaux de l'éducation
ou que celles que s'est imposé le gouvernement lui-même, ont
engendré au sein des institutions d'enseignement supérieur des
problèmes d'une ampleur telle qu'on voit encore mal comment elles
réussiront à traverser la crise actuelle.
J'ai ici - vous avez dû sans doute le constater vous-même -
un indice d'évolution. On voit ici que le Québec est la province
qui affecte assurément le montant le moins important au niveau des
universités. On est dépassé par l'Ontario, on est
dépassé par toutes les autres provinces. D'ailleurs, on l'indique
ici: II suffit de mentionner qu'en Ontario, les frais de scolarité par
étudiant, temps complet, ont pratiquement doublé en 1976-1977 et
en 1983-1984, alors qu'au Québec, ils sont restés pratiquement au
même niveau durant la même période.
Quand le ministre affirme qu'il affecte ici un montant qui est au moins
aussi important que celui de l'Ontario, c'est induire la population en erreur,
car on affecte moins.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Bérubé: Je pense qu'on peut s'enfermer dans une
guerre de chiffres, comme le soulignait la Presse hier, sans avoir
éclairci le dossier. C'est ce que j'ai dit dans mes remarques initiales,
en réplique à l'intervention du député
d'Argenteuil: il ne faut pas s'accrocher de façon absolue à un
chiffre. Exemple: les frais de scolarité ou les coûts pour un
étudiant à temps partiel sont souvent moindres que pour un
étudiant à temps complet. Le type d'enseignement, où
parfois on fait moins appel à l'enseignement en laboratoire, peut
être un type d'enseignement plus léger, coûtant moins, ce
qui veut dire que si on fait des études de coût, il faudrait
regarder aussi quel genre d'enseignement est donné au bout, si on
voulait vraiment faire une analyse complète.
Il ne faut donc pas chercher, par ces chiffres, à vouloir
établir des distinctions fines entre notre système
d'éducation au Québec et le système d'éducation
ontarien. Tout au plus, cela peut nous permettre de poser une sorte de jugement
un peu global: compte tenu de notre richesse, est-ce que nous consacrons somme
toute l'équivalent de ce que consacrent les grands pays occidentaux?
C'est une question qu'on doit se poser. Si la réponse est oui, cela ne
veut pas dire pour autant que les sommes que nous consacrons sont suffisantes,
nous pourrions avoir un taux de fréquentation universitaire nettement
supérieur à celui des autres pays avec comme conséquence
que nos universités seraient sous-financées pour donner
l'enseignement qu'elles sont obligées de donner tout en
présentant, statistiquement parlant, un effort spectaculaire en termes
de ressources consacrées à l'enseignement. (11 h 45)
Donc, l'utilisation de ces chiffres doit se faire dans un contexte un
peu global. Je veux bien croire qu'il y a des problèmes dans nos
universités. Je veux bien croire que ce que nous avons expliqué
tantôt, c'est-à-dire le plafonnement du financement des
universités depuis quelques années, a forcé les
universités à des compressions. Qu'elles n'ont pas toujours pu
faire les réductions de leurs dépenses là où elles
auraient aimé les faire. Il y a des rigidités dans le
système, il y a des frictions. À cause de ces frictions,
certaines réductions de dépenses doivent s'étaler sur une
plus grande période et d'autres peuvent se faire instantanément.
Or, lorsque l'on est aux prises avec une réduction subite de budget, on
a tendance à toucher les secteurs où l'on peut agir
instantanément, d'où un sous-financement local. Cela veut dire
que, subséquemment, en appliquant des contraintes aux bons endroits, on
va dégager progressivement les ressources dans ces bons endroits et on
va les réinjecter là où on a dû faire des
compressions initiales trop importantes.
Donc, je suis prêt à reconnaître a priori, sans
même avoir été au fond du dossier parce que je n'ai pas
pu y aller,
qu'en toute probabilité, il y a des endroits dans les
universités où on manque de ressources. Je suis convaincu que
certaines universités écopent sans doute plus que d'autres et
qu'il nous faut repenser le mécanisme de financement. Mais tout ce que
je dis, et c'est la réponse que je donnerai au député de
Saint-Laurent, c'est ceci: Regardons l'effort global et comparons-le avec ce
que d'autres pays civilisés consentent. Et, si c'est raisonnable,
acceptons qu'on puisse avoir à s'imposer un certain effort
d'assainissement financier de telle sorte qu'on contribue également dans
le secteur universitaire au type de financement de relance qui permet
aujourd'hui de créer 143 000 emplois, ce qui nous donne cette
année, en 1984, 38% d'augmentation des investissements manufacturiers,
alors que cela va baisser de 3%, me dit-on, dans l'ensemble du Canada. En
d'autres termes, notre société profite de l'effort que l'ensemble
des citoyens ont accepté de consentir. Je reconnais cependant que cela
implique des sacrifices, c'est indéniable, je n'essaie pas de les
cacher.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bourassa.
M. Laplante: Lorsqu'un étudiant québécois va
en Ontario... J'ai eu à travailler un dossier pour un étudiant
qui demandait une bourse. Il allait en chiropratique, reconnue par une
université de l'Ontario, où on exige des frais de
scolarité de 20% de plus que s'il était Ontarien lui-même.
Supposons que l'inscription est de 5000 $, vu que c'est un étranger, on
demande 6000 $ de frais d'inscription. Est-ce une méthode
répandue vis-à-vis des étudiants qui s'en vont en
Ontario?
M. Bérubé: Je connais mal la pratique canadienne.
On me dit qu'à l'université, les frais de scolarité sont
de l'ordre de 1000 $ pour tous les Canadiens, peu importe leur origine, contre
à peu près 600 $ au Québec.
Mme Fortin (Michèle): En général, il n'y a
pas de distinction entre les candidats, mais cela peut exister dans des
écoles privées, dans des collèges particuliers ou dans le
cas des écoles de formation de chiropraticiens, par exemple.
Le Président (M. Charbonneau): Mme la sous-ministre,
est-ce que vous pourriez vous identifier pour les fins du journal des
Débats, s'il vous plaît?
Mme Fortin: Je suis Mme Michèle Fortin, je m'excuse.
Le Président (M. Charbonneau): Sous-ministre adjoint.
Mme Fortin: En général, il n'y a pas de distinction
dans les universités ontariennes entre les candidats ou les
étudiants en provenance du Canada, qu'ils viennent de la province de
l'Ontario ou des autres provinces. Il est possible cependant que dans certaines
écoles ou collèges privés, pour certains programmes, il y
ait des pratiques différentes. Le cas de la chiropractie est vraiment
spécial. C'est pour cela que dans le régime des prêts et
bourses, comme nous n'avons pas de programme en chiropractie au Québec,
on reconnaît que les gens puissent aller étudier cette discipline
ailleurs et recevoir des prêts et bourses du Québec. Je pense que
c'est un cas particulier pour l'Ontario.
M. Laplante: On demande 20% de plus, parce qu'ils ne demeurent
pas en Ontario. Combien a-t-on d'étudiants hors Québec
actuellement dans les universités étrangères?
Mme Fortin: Canadiens hors Québec?
M. Laplante: En dehors du Québec. On a un certain nombre
d'étudiants qu'on a identifiés en dehors du Québec.
Combien en acceptons-nous?
Mme Fortin: À peu près 11 000 étudiants.
M. Laplante: Qu'on accepte.
Mme Fortin: Québécois qui vont à
l'extérieur du Québec, il y a à peu près 7000
étudiants étrangers non Canadiens, et à peu près le
même nombre d'étudiants canadiens non Québécois dans
les universités du Québec.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Sur ce point précis - Mme la sous-ministre
pourrait vérifier - selon mes renseignements, il y a deux fois plus
d'étudiants québécois dans les universités
canadiennes en dehors du Québec que d'étudiants canadiens dans
les universités québécoises. Il y a bien des points qu'il
faut relever dans ce que nous avons entendu ce matin, même s'il y a
énormément de répétitions de la part du ministre.
Beaucoup plus de répétitions que de précisions,
d'ailleurs. Je voudrais relever un point qui me paraît tout à fait
capital. C'est bien important que le sens fondamental de notre discussion ne
soit pas perdu de vue et surtout pas noyé sous une pluie de mots. J'ai
entendu le ministre dire tantôt - il me corrigera si je l'ai mal compris
- qu'en 1976, la part de notre PIB qui allait à la formation
universitaire était d'à peu près 1%. Il a dit qu'en 1984
ou 1983, il serait
passé à 1,...? Est-ce qu'il pourrait nous donner des
chiffres?
M. Bérubé: Les dépenses totales de
fonctionnement des universités en pourcentage du produit
intérieur brut provincial de 1974-1975 à 1981-1982, les chiffres
que je vous ai donnés: en 1974-1975, c'était 1,02% Québec;
1,02% Ontario. En 1981-1982, j'avais 1,29% Québec et 0,87% Ontario. Pour
les années subséquentes, je vous ai plutôt donné
l'évolution, je n'ai pas utilisé ces chiffres dans ma
réponse...
M. Ryan: M. le Président... M. Bérubé:
...j'ai utilisé...
M. Ryan: Question de règlement. J'ai demandé les
chiffres au ministre, je n'ai pas demandé de leçon. J'ai
demandé les chiffres que vous avez donnés. C'était
beaucoup plus bref tantôt. Je veux seulement avoir les chiffres.
L'explication, je peux m'en passer.
M. Bérubé: Je ne donne aucune explication au
député d'Argenteuil, mais le député d'Argenteuil a
posé une question précise, il a droit à une réponse
précise.
M. Ryan: Autrement, je ne consens pas à la réponse,
c'est tout. C'est moi qui ai le droit de parole actuellement.
Le Président (M. Charbonneau): Ce que je voudrais signaler
au député d'Argenteuil et au ministre, c'est que pour une bonne
discussion, je permets qu'il y ait des échanges. Si cela devient trop
serré, je serai obligé de demander au député
d'Argenteuil de consacrer ses 20 minutes et, par la suite, de céder la
parole au ministre. Si de part et d'autre on peut s'entendre, je pense qu'il y
a moyen d'avoir des échanges qui vont faire en sorte que ce soit moins
procédurier. Je cède de nouveau la parole au député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Voici ce que je veux signaler sur ce point, qui est
capital. Les chiffres que j'ai, d'ailleurs, ne sont pas exactement ceux qu'a le
ministre. Ce que nous constatons, c'est qu'après 1976, il y a eu une
légère hausse dans la part du PIB qui est allée à
l'enseignement universitaire au cours des années 1979-1980. Même
1980-1981, c'était encore assez bon. Ensuite, cela a diminué.
Actuellement, c'est inférieur à ce que c'était. Je me
dispense des chiffres. Il ne faut pas qu'on engage une discussion inutile. Si
le ministre est d'accord là-dessus, c'est très bien. Il y a un
autre point qui n'est pas mentionné dans son argumentation et qui est
capital, c'est que le nombre d'étudiants que cela représentait,
le 1% en 1975-1976 était d'à peu près 55% du nombre
d'étudiants aujourd'hui dans les universités.
Compte tenu de ce facteur, la proportion du PIB qui devait aller aux
universités aurait dû augmenter en conséquence.
Peut-être pas de manière mathématique, mais au moins de
manière proportionnelle.
C'est là qu'on constate qu'il y a un décalage
extrêmement préoccupant. Je voudrais que cela ressorte clairement
de nos discussions, au-delà de toute considération partisane. Le
ministre peut me dire: II y avait de la rationalisation. Tous ces arguments, on
est prêt à les écouter. Ils peuvent avoir une certaine
valeur. Mais je pense qu'il est important qu'on s'entende sur un fait de base
en lui ajoutant celui que j'ai souligné tantôt, au tout
début, concernant le déclin des subventions per capita. Je pense
qu'il y a là deux ordres de facteur qui nous invitent à une
réflexion très sérieuse pour l'avenir immédiat.
C'est ce que je voudrais que le gouvernement retienne comme message. Le
ministre entre en fonction. Je pense qu'il est capable d'examiner cette
situation avec un regard frais et peut-être qu'on pourra avoir des
améliorations qui, à mon point de vue, sont
impérieuses.
Je mets le ministre en garde de nouveau - nous l'avons fait à
combien de reprises depuis un an - sur le danger des comparaisons entre le
Québec et l'Ontario et même entre le Québec et les autres
provinces. Si nous sommes assurés que nous comparons exactement les
mêmes objets, je n'ai aucune espèce d'objection à ces
comparaisons. Je pense, au contraire, qu'elles peuvent être stimulantes
et fort utiles. Mais, dans la mesure où on ne dispose pas des
mêmes instruments de comparaison, je pense qu'il est déloyal,
intellectuellement, de nous asséner des arguments qui procèdent
de généralisations dont nous ne sommes pas en mesure de
vérifier le bien-fondé, vu que le gouvernement se gargarise de
références à cet argument depuis un an et qu'il a produit
très peu de documents sérieux pour étayer ses positions.
Si le gouvernement veut nous livrer toute la documentation sur laquelle il
s'appuie, on la soumettra au processus d'analyse régulier. Ceux qui ont
quelque chose à dire là-dessus pourront le dire.
Je mentionnerai seulement quelques faits très brièvement.
Tout le monde sait que l'Ontario a fourni un gros effort en matière
d'investissements universitaires plusieurs années avant le
Québec. C'est normal qu'au cours des dernières années,
surtout qu'il avait commencé sa période de contractions
budgétaires plus tôt, il ait restreint beaucoup de ce
côté. Si on prend seulement les chiffres d'investissements
universitaires Québec-Ontario pour les deux ou trois dernières
années, c'est facile pour le ministre de dire que le Québec en
fait plus que l'Ontario. Il faut situer cela dans la courbe des... Surtout si
on parle d'investissements universitaires, je pense bien
qu'il faut prendre les 10 ou 20 dernières années pour
avoir une mesure concrète de la valeur des investissements dont on
dispose aujourd'hui. Il n'y a pas d'autre façon de juger d'une situation
comme celle-là. En tout cas, je mentionne cela pour ne pas qu'on parte
en peur avec ces comparaisons. Elles sont normales et légitimes à
condition qu'on ait, de part et d'autre, les instruments voulus pour pouvoir
les apprécier.
On a parlé du problème des étudiants de
l'extérieur du Québec. Nous, de l'Opposition, sommes en
désaccord avec le gouvernement sur cette question. J'ai eu l'occasion de
le dire publiquement. J'ai trouvé déplorable que la
décision ait été prise sans aucune consultation avec les
universités, sans aucune consultation avec le Conseil des
universités. Je ne prétends pas qu'elle aurait été
absolument indispensable dans ce cas, mais il n'y a pas eu de consultation avec
les universités. J'étais moi-même dans une de nos
institutions universitaires le jour où cette politique a
été annoncée. Je suis particulièrement bien
placé pour vous le dire, parce que j'ai eu l'occasion d'en causer avec
les autorités de l'institution en question qui est l'une des plus
durement affectées par les changements qui ont été
annoncés. Je pense que le gouvernement n'a pas tenu compte dans cette
politique de tous les facteurs dont il aurait dû tenir compte.
Tantôt, j'étais content de voir Mme Fortin corroborer les
chiffres que j'avançais. Je ne pense pas que les autres provinces
prendront des mesures de représailles contre le Québec.
J'espère qu'elles n'en prendront pas. Je pense que ce serait très
discutable si elles en prenaient. Mais je crois qu'il eût
été mieux qu'une consultation avec les autres provinces ait lieu
sur cette question avant que le Québec annonce unilatéralement sa
politique. Cela a provoqué un mécontentement
général qui n'est pas de nature à faciliter la
collaboration.
On a beaucoup parlé des deuxième et troisième
cycles, de la nécessité de promouvoir le développement
d'équipes de recherche productives. Le ministre sait sans doute que bon
nombre d'équipes de recherche au troisième cycle ont de la
difficulté à avoir tous les effectifs qu'il faut et la masse
critique d'effectifs nécessaires pour produire des choses de
qualité. Dans bien des cas, la composition de ces équipes fait
une place assez importante à des étudiants de l'étranger.
Je ne sais pas si on a tenu compte de tous ces facteurs quand on a pris la
décision qui a été prise. Mais, apparemment, on n'en a pas
tenu compte. Je trouve, en tout cas, que le rationnel derrière tout cela
laisse beaucoup à désirer pour les sommes quand même
très limitées qui sont impliquées.
Je remarque que le ministre n'a pas parlé de la formule de
financement. C'est très important. On ne s'étendra pas longuement
là-dessus ce matin, mais je tiendrais à savoir où on en
est rendu de ce côté, ce que le gouvernement envisage de faire
à court terme, la manière dont il entend procéder. Est-ce
qu'on peut envisager une nouvelle formule de financement pour la prochaine
année financière 1985-1986? (12 heures)
J'ai des questions à poser au ministre au sujet des projets
d'investissements du gouvernement. Les projets qu'on donne pour la
période 1983-1988 sont d'environ 329 000 000 $; c'est à la page
38 du programme 6. L'an dernier, on avait présenté des
projections pour la période 1982-1987; ces projections
représentaient un total de 368 000 000 $. Si on regarde les ajustements
qui sont faits avec le nouvel échéancier présenté
pour ces cinq années, étant donné que les décisions
n'ont pas encore été prises, on est en mesure de faire des
rapprochements, il resterait un total pour 1982-1987 de 274 000 000 $ au lieu
du montant qui avait été annoncé l'an dernier. Est-ce que
je lis les chiffres comme il faut ou bien s'il y a des explications? Est-ce que
cela veut dire qu'effectivement entre 1982 et 1987 il y a une diminution des
prévisions d'investissements qui avaient été inscrites au
cahier l'an dernier?
Vous voulez que je continue mes questions. J'apprécie votre
silence; je ne l'impute pas...
M. Bérubé: J'ai été rappelé
à l'ordre par le président, alors...
M. Ryan: Je l'apprécie. Il y a un petit malentendu de ma
part, je le corrige tout de suite. Il y a un document qui circule depuis
quelques mois, une étude qui a été faite sous votre
autorité du temps où vous étiez président du
Conseil du trésor sur les besoins d'espaces dans les universités.
Cette étude concluait à la nécessité de
réduire sérieusement les espaces dont auraient besoin les
personnels universitaires pour s'acquitter de leurs fonctions. Je voudrais
savoir où on en est à propos de cette étude. Est-ce
qu'elle fait maintenant l'objet... Est-ce que les conclusions ont donné
lieu à des décisions, à des politiques gouvernementales
fermes pour l'avenir? Quel impact cela aura-t-il sur le quantum des sommes
disponibles à des fins d'investissements universitaires?
Ce sont quelques questions relatives au problème des
équipements universitaires qui m'apparaît capital. Le ministre qui
vous a précédé annonçait en décembre qu'une
somme de 15 000 000 $ serait libérée en 1984-1985 et en
1985-1986, répartie sur deux ans aux fins de renouvellement
d'équipements universitaires. Est-ce que le ministre est en mesure de me
dire les autres sommes qui
peuvent être consacrées au renouvellement des
équipements universitaires pendant cette période-là?
J'ai constaté également que le ministre n'a pas dit un mot
au sujet de la nouvelle politique fédérale en matière de
financement de l'enseignement postsecondaire. S'il pouvait dire quelques mots
là-dessus, nous dire où en est son gouvernement par rapport
à cette politique, je l'apprécierais beaucoup. S'il n'est pas en
mesure de nous le dire aujourd'hui, on trouvera l'occasion d'en parler une
autre fois. Je préférerais qu'il réponde aux questions
plus fonctionnelles que j'avais inscrites ici.
Il y a une dernière question que je veux lui poser. Il faut que
je la retrace. C'est à propos des équipes de recherche. Je
m'aperçois que le gouvernement, qui n'avait pas consulté avant de
prendre sa décision, est en train de procéder à des
consultations - le ministre nous a remis une note en réponse à
une demande de renseignement que je lui avais communiquée - dans toutes
les directions. Je voudrais savoir ce qui arrive au bout de cinq ans avec cela.
Je pense qu'il s'agit d'un programme échelonné sur cinq ans.
Est-ce qu'on dit aux universités: Vous entrez dans le rythme normal et
vous financez tout cela? Est-ce qu'on prévoit d'ores et
déjà qu'au-delà de cette période, la formule de
financement devra être ajustée pour tenir compte de tous les
développements et des besoins nouveaux? Est-ce qu'il y a des documents
qui peuvent l'établir clairement? Je comprends que pour cette
année-là, vous ne serez probablement plus là - au terme de
la période de cinq ans - mais j'aimerais quand même savoir si vous
avez bien pensé aux conséquences. Vous n'introduisez pas 40 corps
comme ceux-là dans des institutions sans que cela entraîne des
conséquences à mesure que l'intégration se fait dans la
vie régulière. Je voudrais savoir comment vous réagissez
à ce problème.
Un dernier point. Si vous pouviez commencer par celui-là, cela
nous débarrassera. Quant à la compression de 7 300 000 $ qui a
été arrêtée par le cabinet en même temps que
la décision concernant l'augmentation des frais de scolarité des
étudiants en provenance de l'extérieur du Québec, 7 300
000 $ dont 3 600 000 $ pour 1984-1985, c'est la première fois qu'on
entendait parler de cette nouvelle compression venant s'ajouter à celle
de 20 000 000 $ qui va valoir encore en 1984-1985. D'où vient-elle?
Est-ce que c'est seulement le produit de la hausse de revenus imputable aux
frais de scolarité accrus ou si c'est d'autre chose?
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Bérubé: Pour le dernier point que vous avez
soulevé, j'aurai une réponse plus précise. Je reprends,
à la suite les uns des autres, les différents points de votre
intervention. Lorsque vous soulignez qu'il faut tenir compte de l'accroissement
des clientèles quand on parle des ressources globales consacrées
à l'éducation postsecondaire, je suis entièrement d'accord
avec vous. D'ailleurs, c'était le sens de l'intervention que vous avez
qualifiée de trop longue, que j'avais faite précédemment,
alors que j'avais souligné qu'il faut prendre garde, lorsqu'on prend un
chiffre global, de bien vouloir en même temps qualifier le type de
réalités qu'il sous-tend. Mais vous avez parfaitement raison.
C'est la raison pour laquelle - ce que j'avais commencé à vous
dire tantôt - je vous donnais des dépenses totales de
fonctionnement en pourcentage du produit intérieur brut, mais à
partir de 1982-1983; je vous avais plutôt donné des chiffres
absolus de subventions et frais de scolarité par étudiant sur la
période de 1980-1981 jusqu'en 1984-1985, c'est-à-dire que
là, je tenais compte davantage, en y allant per capita, de l'effet de
clientèle. Je pense qu'on s'entend fondamentalement sur la
précaution qu'il faut utiliser lorsque l'on manipule ce type de
chiffres. Sur l'approche, en tous les cas, on est absolument d'accord.
J'ai, à de nombreuses reprises, eu l'occasion d'entendre vos
arguments concernant non pas l'invalidité des chiffres, mais la
possibilité que ces chiffres ne recouvrent pas des
réalités objectivement semblables. Dans une opération que
je qualifierais un peu d'écran de fumée, on essaie
généralement, lorsqu'on ne veut pas avoir à vivre avec une
certaine réalité chiffrée, d'émettre un certain
nombre de doutes sur la validité des chiffres. C'est ce que les
Américains appellent souvent "Do not bother me with facts". Je pense
que, de temps en temps, ce n'est pas mauvais aussi de prendre un certain nombre
de chiffres, même s'il faut les manipuler avec précaution, qui
nous ramènent un peu sur une base de réalités
comparables.
Ce qui m'amène à terminer en disant que le comité
tripartite de l'Ontario, qui en est à sa cinquième année
de comparaisons des systèmes universitaires, publie les résultats
de ces comparaisons. Ces chiffres ne sont certainement pas confidentiels. Au
gouvernement, on a fait surtout des études internes à partir de
données statistiques disponibles et, souvent, on a fait des voyages en
Ontario pour s'assurer qu'on décrit bien les mêmes
réalités et que l'on peut introduire des provisions de
corrections lorsque les réalités comparées ne sont pas
tout à fait les mêmes. Donc, ces chiffres-là sont, à
mon avis, facilement disponibles. Dans l'ensemble, si on parle de l'ordre de
grandeur, ils confirment le discours général,
mais sans vouloir aller dans le détail.
Sur les frais de scolarité applicables aux étudiants
canadiens, je dois dire que la décision du gouvernement est d'abord de
procéder à une discussion avec nos homologues des autres
provinces pour voir si on ne pourrait pas en arriver à élaborer
une politique universelle; elle n'entrera pas en vigueur tant que ces
discussions n'auront pas eu lieu. C'est un cas qui est un peu en contradiction
avec un point que vous avez soulevé tantôt.
M. Ryan: Est-ce que je pourrais vous poser une brève
question là-dessus M. le ministre et M. le Président, si M. le
ministre veut consentir?
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan; Dans votre décision, vous avez dit que vous
étiez prêt à négocier avec les autres provinces pour
les étudiants francophones et non pas pour les étudiants
canadiens en général. Est-ce qu'il y aurait eu un changement
survenu depuis le mois de février? Regardez votre décision de
février.
M. Bérubé: En fait, ce que le Conseil des ministres
a adopté, c'est d'entériner le principe de l'imposition aux
nouveaux étudiants, provenant du reste du Canada, le droit de
scolarité de 1000 $ par année scolaire à partir de la
session d'été 1985. Donc, pas cette année, mais dans deux
ans, ce qui nous laisse le temps de tenir les rencontres avec nos homologues
des autres provinces de manière à pouvoir convenir d'une
politique.
Quant à la formule de financement des universités, je
laisserai M. Lucier développer cette question plus particulière.
Je terminerai donc avec le dossier des immobilisations. Pratiquement parlant,
en 1984-1985, les parachèvements de travaux de construction entrepris
représentent 55 000 000 $, la construction à peu près 6
000 000 $ et les équipements scientifiques vont représenter des
investissements de l'ordre de 5 000 000 $ pour un total de 66 000 000 $.
Quant à l'interrogation que vous aviez à propos de
l'enveloppe des budgets d'immobilisation, il est exact de dire qu'il y a une
réduction des enveloppes disponibles aux fins de construction dans les
budgets du ministère de l'Éducation. En fait, le Conseil du
trésor a pris la décision qui a été
entérinée par le Conseil des ministres de mettre en place une
politique d'immobilisation qui repose sur certains paramètres
financiers. Ces paramètres financiers sont les suivants: L'objectif est
de faire en sorte que le service de dette sur les immobilisations existantes ne
s'accroisse pas plus rapidement que l'indice des prix à la consommation,
l'inflation. Donc, le nouveau service de dette ne devrait pas croître
plus vite que cet indice. À ce budget de base, qui reconduit maintenant
un peu automatiquement dans les budgets de tous les ministères,
s'ajoutent des budgets additionnels dans le cadre de l'exercice effectué
chaque année par le comité des priorités qui recommande au
Conseil des ministres un certain nombre de choix budgétaires portant sur
de nouvelles dépenses. Cette année, par exemple, nous avons
approuvé dans le cadre du plan de relance 170 000 000 $
d'immobilisations additionnelles au rythme normal prévu dans le budget
de base. Je pense que les équipements scientifiques doivent
effectivement être couverts par ce budget additionnel. Donc, il est exact
de dire que désormais le budget de base des immobilisations du
ministère fera en sorte que le service de la dette ne croîtra pas
plus vite que l'inflation, mais il faudra comme toujours ajouter au budget de
base les sommes que le gouvernement voudra consacrer annuellement en termes de
nouvelles priorités. Ce que vous avez comme chiffres à la page 38
sont les chiffres du budget de base avant toute autre décision du
gouvernement.
Besoins d'espaces: En fait, il y a eu incompréhension et,
d'ailleurs, c'est la raison pour laquelle la loi sur l'accès à
l'information prohibe spécifiquement la diffusion des analyses du
secrétariat du Conseil du trésor, de manière à
permettre un exercice absolument utile sur lequel je voudrais dire quelques
mots.
Un des derniers endroits au gouvernement où l'on peut obtenir une
opinion indépendante sur un projet d'un ministère donné,
c'est le Conseil du trésor. Il existe bien des comités
ministériels dont l'objectif est d'établir les grandes politiques
gouvernementales, mais ils ne sont pas dotés d'un secrétariat
leur permettant, en général, de faire des études
fouillées des dossiers qui sont soumis. Donc, on s'intéresse
davantage aux problèmes globaux des politiques et à
l'adéquation entre la mesure recommandée par un ministère
et les orientations générales du gouvernement. (12 h 15)
Le Conseil du trésor est celui qui fouille en détail. Or,
il est clair qu'aucun gouvernement ne pourrait tolérer que des
analyses... Parce que l'objectif de l'analyse est de critiquer. Il faut
comprendre que le secrétariat du Conseil du trésor a
précisément un rôle d'opposition. Il n'en a pas d'autre.
C'est un rôle d'opposition. Il doit donc chercher les failles. Dans
l'exercice de la recherche des failles, je ne vous cache pas que, très
fréquemment, on passe complètement à côté.
Mais c'est sans importance parce que ce n'est qu'une analyse qui est soumise en
plus de la proposition du
ministère. Les ministres qui siègent au Conseil du
trésor peuvent retenir ou non la proposition qu'ils ont sur la table,
à la lumière des éclairages qu'on leur fournit.
Dans ce cas particulier, je ne divulguerai pas de grands secrets sur le
déroulement de la séance du Conseil du trésor. L'analyse,
qui est aujourd'hui publique, indiquait que les études, ayant servi
à l'élaboration des normes antérieures, leur paraissaient
comme étant des études qui remontaient aux années soixante
ou soixante-cinq, c'est-à-dire les années d'abondance, et que,
par mesure de précaution, il serait peut-être approprié
dans ces années de pénurie de réduire
systématiquement les normes de 25%. Seulement par précaution,
disons.
Je dois vous avouer que nous n'avons pas partagé cette approche,
parce que je préfère encore m'appuyer sur de vieilles
études que sur l'absence totale d'étude. La réaction des
membres du Conseil du trésor a été de dire:
Peut-être que vous avez raison de trouver que les études sur
lesquelles on s'appuie sont vieilles mais, dans ce cas, faites-nous des
études objectives comparables des espaces requis dans le monde
universitaire que l'on est capable d'identifier. À partir de cela, on
pourra peut-être, si c'est nécessaire, remettre en cause les
normes actuelles.
Donc, on ne peut pas dire que les normes ont été remises
en cause par le Conseil du trésor dans le mesure où on a tout
simplement rejeté l'analyse à l'époque et convenu de
continuer d'appliquer les normes existantes jusqu'à ce qu'on ait des
études plus rigoureuses justifiant une modification.
Le Président (M. Charbonneau): II nous reste dix minutes.
Je voudrais permettre au député d'Argenteuil de poser une autre
question et au ministre, d'y répondre. Par la suite, nous
procéderons à l'adoption du programme. Nous n'aurons
malheureusement pas le temps, ce matin, de passer à l'étude du
programme 9; la meilleure chose serait peut-être de demander aux gens qui
accompagnent le ministre de rester à la disposition de la commission. On
ne peut leur préciser l'heure de l'étude ni dire si une
étude particulièrement détaillée aura lieu en
commission sur ce programme. Pour le moment, les membres de la commission ont
préféré prendre plus de temps à l'étude du
programme 6.
Je vais donc céder la parole au député
d'Argenteuil.
M. Bérubé: Nous sommes à votre service, M.
le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Pardon?
M. Bérubé: Nous sommes à votre service, M.
le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Nous n'en doutons point, M.
le ministre.
M. Ryan: M. le Président, au sujet de ce que vous venez de
dire, je pense que les responsables de la FCAC savent très bien quel
intérêt nous portons au travail de cet organisme. Étant
donné les changements législatifs qui sont survenus au cours de
la dernière année et le nouveau partage des
responsabilités qu'on a fait entre les commissions parlementaires, le
comité directeur pourrait-il examiner la possibilité d'une
séance spéciale à un moment donné de concert avec
la commission de l'économie et du travail qui est responsable de la
Science et de la Technologie. On pourrait peut-être, à cette
occasion, faire un examen plus approfondi. Je ne voudrais pas du tout qu'on
pense...
On a un programme chargé d'ici la fin des travaux et vaut mieux
être réaliste. J'ai l'impression qu'on n'aura pas beaucoup de
temps pour la FCAC; en toute franchise, mieux vaut se le dire, mais ce n'est
pas du tout un manque d'intérêt. C'est une occasion qu'on devrait
essayer de retrouver dans les meilleurs délais.
Le Président (M. Charbonneau): L'idée est de ne pas
l'escamoter non plus.
Le Conseil des universités
M. Ryan: Oui, c'est cela. On pourrait bien donner une apparence
d'intérêt pendant une demi-heure, mais cela ne donnera rien
à qui que ce soit.
Je reviens au sujet de fond que nous allions aborder. Il y a une
question que je n'ai pas soulevée et c'est simplement parce que le temps
ne l'avait pas permis, c'est la question du rôle du Conseil des
universités comme structure intermédiaire entre le gouvernement
et les institutions universitaires. Je pense que le ministre conviendra qu'il
est absolument nécessaire, étant donné la fonction tout
à fait unique que remplissent les universités dans la vie
collective, qu'il y ait entre elles et le pouvoir politique une structure
intermédiaire capable de tamiser les choses autant en ce qui regarde les
communications des universités vers le gouvernement que les
communications du gouvernement vers les universités, capable aussi de
fournir, sur des questions controversées comme plusieurs de celles que
nous avons abordées ce matin, un éclairage objectif, impartial
qui puisse aider les gens à se rallier autour d'une certaine perspective
consensuelle. Je ne pense pas qu'on ait beaucoup d'intérêt
à faire de la politique partisane avec les universités. S'il
y
a un domaine qu'on doit aborder avec plus de respect, c'est bien
celui-là.
Je voudrais, dans cette perspective, souligner de nouveau - je pense
l'avoir fait hier - la qualité impressionnante des travaux qui ont
été faits par le Conseil des universités jusqu'à
maintenant et souligner que le gouvernement a généralement suivi
les avis du conseil dans les questions très particulières qu'il
lui soumettait. Par exemple: l'introduction d'un nouveau cours ici, le
développement d'une nouvelle section là. Il a été
beaucoup moins positif dans ses réactions à l'endroit des grandes
orientations que lui proposait le Conseil des universités, en
particulier, en matière de financement universitaire.
Je voudrais attirer l'attention du ministre sur un travail très
important qu'a entrepris le conseil. Vous savez, tant qu'on ne va pas au fond
des choses... Le contenu du travail universitaire, le gouvernement est mal
placé pour l'examiner. J'entendais bien des choses qu'a dites le
ministre ce matin; moi aussi, j'ai des préjugés et je n'oserais
pas les ventiler publiquement avant de les avoir vérifiés
soigneusement. On en a à propos de toutes les grandes institutions qui
sont à notre service. Je pense qu'on vit de préjugés
à 50% si on veut se voir comme on est.
Cela dit, j'ai été extrêmement
intéressé d'apprendre que le Conseil des universités a
entrepris des études sur le contenu des programmes. On me dit que deux
études sont en cours, une sur le contenu des programmes dans les
écoles de génie et une autre sur le contenu des programmes dans
les écoles ou facultés d'éducation. On s'arrange pour
avoir des données en provenance de tout le reste du pays qui seront plus
complètes, je l'espère, que celles auxquelles on a fait allusion
jusqu'à maintenant. J'attends des résultats très
importants de ces études. Je voudrais que le ministre nous assure qu'il
sera disposé à fournir au Conseil des universités, des
ressources additionnelles nécessaires pour que ce travail
d'évaluation absolument indispensable à toute politique de
développement rationnel pour l'avenir puisse se faire dans les
meilleures conditions possible.
Si on devait nous dire, par exemple: Nos écoles de génie,
cela ne vaut pas cher à cause de telle... C'est bon qu'on le sache,
comme c'est là, on ne le sait pas et le monde universitaire doit se
rendre compte qu'il y a un problème d'imputabilité qui n'a pas
été réglé clairement à ce
niveau-là.
Quand le ministre dit: On ne peut pas mettre de l'argent, de l'argent et
de l'argent sans savoir où cela nous mène, je suis parfaitement
d'accord avec lui. Il n'y a pas de débat entre nous là-dessus. Le
problème, c'est de trouver comment peut être assurée cette
imputabilité. Le Conseil des universités a fait la preuve
jusqu'à maintenant d'un grand sérieux. Il a des ressources
modestes, ce n'est pas un organisme qui recherche la publicité, mais
j'ai été très heureux d'apprendre qu'il s'était
engagé dans cette voie, qu'il recevait la collaboration des institutions
impliquées, à des degrés divers, d'après ce que je
crois comprendre, parce qu'il y a des endroits où on est peut-être
plus susceptible qu'à d'autres. Il faut que les universités
comprennent aussi qu'elles ont un devoir de collaboration très active
à des travaux de ce genre et qu'il faudra être prêt à
en tirer des conclusions. Si on devait conclure, par exemple, qu'on a trop de
dispersion de ressources, qu'il faut un regroupement à certains
endroits, qu'on ne peut plus faire de développement dans telle direction
parce qu'on a notre quota en toute objectivité, je pense qu'il faudrait
être prêt à le faire. J'aimerais que le ministre nous donne
son opinion, surtout sur la fonction et la contribution du Conseil des
universités dans l'accomplissement de ce rôle très
important.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Bérubé: Je suis heureux des remarques du
député d'Argenteuil concernant l'importance du rôle du
Conseil des universités qui, comme on le sait, est constitué par
loi pour servir d'organisme consultatif au même chapitre que le Conseil
supérieur de l'éducation, à titre d'exemple, ou le Conseil
des collèges, qui doit conseiller le gouvernement dans
l'élaboration des politiques.
Je suis également heureux de l'intérêt que manifeste
le député d'Argenteuil pour ces deux études en cours par
le Conseil des universités, renfermant le contenu des programmes et la
formation des maîtres puisque, dans les deux cas, il s'agit de mandat
spécifique, venant directement de mon prédécesseur, M.
Laurin, qui, se préoccupant de ces questions, a très
spécifiquement demandé au Conseil des universités d'y
consacrer des ressources de telle sorte qu'on puisse améliorer la
situation si c'est possible. Ne préjugeons pas des conclusions du
Conseil des universités. Sans préjuger des conclusions du Conseil
des universités, il y a un fonds prévu pour pouvoir donner suite
soit en investissement ou en fonctionnement aux recommandations du Conseil des
universités. Je peux rassurer le député d'Argenteuil que
non seulement ces mandats viennent du gouvernement au départ, comme
demande très spécifique et qui manifeste bien notre
intérêt pour la question, mais que de plus, nous avons
prévu des enveloppes budgétaires pour pouvoir donner rapidement
suite aux recommandations qui pourraient nous être faites. Je ne vous
cache
pas également que le ministère comporte de plus en plus
d'intérêt à toute la fonction évaluation au
ministère en ce sens qu'on a peut-être eu tendance, dans le
passé, à vouloir faire beaucoup de contrôles a priori,
contrôles parfois tatillons, contrôle réglementaire,
contrôle administratif qui risquent de tarir l'imagination des gens qui
ont les responsabilités et devraient être laissés largement
libres d'assurer leur développement.
Toutefois, cela pourrait représenter un refus d'assumer ses
responsabilités si une telle politique de décentralisation
n'était pas assujettie à une autre politique qui doit en
être une d'évaluation. En d'autres termes, on doit laisser les
gens libres de prendre leurs décisions. On doit évaluer la
performance de nos systèmes. Je pense que cela est le fondement d'une
saine démocratie. C'est le sens de l'orientation que nous allons prendre
certainement au ministère de l'Éducation dans les années
qui viennent.
Le Président (M. Charbonneau): Sur ces propos, M. le
ministre, je vais demander aux membres de la commission si le programme 6 est
adopté?
M. Ryan: Sur division.
Le Président (M. Charbonneau): Adopté sur division.
Je vais suspendre les travaux...
M. Bérubé: Nous sommes encore divisés.
Le Président (M. Charbonneau): ...sine die et nous
reprendrons cet après-midi avec l'étude du programme 7, Formation
des adultes.
(Suspension de la séanbe à 12 h 27)
(Reprise de la séance à 16 h 55)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! Nous
allons reprendre les travaux de la commission parlementaire de
l'éducation. Nous sommes rendus à l'étude des
crédits du programme 7, si je ne m'abuse, Formation des adultes.
M. Ryan: C'est un très bon sujet.
Formation des adultes
Le Président (M. Charbonneau): Étant donné
les remarques du vice-président de la commission parlementaire, je vais
lui céder immédiatement la parole, à moins que le ministre
ait des remarques préliminaires à formuler au départ.
M. Bérubé: Non, je n'ai pas de remarques
préliminaires.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je remarque que
l'éducation des adultes n'intéresse pas trop notre ministre de
l'Éducation.
M. Bérubé: Question de privilège, M. le
Président.
M. Ryan: On va lui fournir certains sujets de réflexion.
Les questions de privilège, M. le Président, vous le savez
très bien, n'existent point.
M. Bérubé: Le député d'Argenteuil me
prête des intentions malicieuses et une négligence que je n'ai
absolument pas, M. le Président.
M. Ryan: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Charbonneau): Je voudrais...
M. Bérubé: Au contraire, c'est une bonne intention
qui m'animait au moment où j'ai décidé de ne pas me
prévaloir de mon temps de parole. Le député d'Argenteuil a
signalé qu'à cause de la durée de nos interventions,
souvent les députés de l'Opposition n'avaient pas tout le temps
de parole auquel ils avaient droit. C'est uniquement dans cet esprit que j'ai
pris la décision mentale de me retenir quelque peu. Si le
député d'Argenteuil insiste, il va me faire plaisir de prendre 20
minutes d'introduction liminaire mais je pense qu'il serait
préférable de lui laisser son droit de parole.
M. Ryan: Je ne détesterais pas savoir ce que le ministre a
à dire sur l'éducation des adultes, au début,
justement.
M. Bérubé: Vous allez le savoir.
M. Ryan: Cela m'intéresserait beaucoup. Il me semble que
c'est la coutume, dans nos commissions parlementaires, quand un aborde un grand
programme, que le ministre communique les grandes intentions, les grandes
orientations du gouvernement. Puisque le ministre nous lance le défi,
nous lui retournons le défi volontiers. Ce n'est pas faute de
matière, vous le verrez tantôt.
Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien la
balle est renvoyée dans le camp du ministre. Est-ce que le ministre la
renvoie ici ou s'il la garde?
M. Bérubé: Certainement, je la garde, merci.
Le Président (M. Charbonneau): Je précise qu'il est
17 heures et que...
M. Bérubé: M. le Président, on observera
cette année un changement assez radical en ce qui a trait à
l'éducation des adultes puisque c'est le secteur où les
crédits augmentent le plus rapidement. On n'aura pas de
difficulté à s'en rendre compte en regardant les chiffres. Cette
augmentation substantielle de plus de 35 000 000 $ a déjà
été annoncée par le ministre de l'Éducation et elle
fait suite à l'annonce du plan de relance du gouvernement.
Il y a donc un effort important puisque l'on double littéralement
les sommes que le gouvernement du Québec va financer à même
ses propres revenus de taxation dans le cadre de l'éducation des
adultes. Évidemment, cela s'ajoute à tous les autres
investissements que nous faisons au niveau de la formation professionnelle, de
l'insertion sociale des jeunes, que nous avons eu l'occasion de discuter
d'abondance hier à la suite, d'ailleurs, d'une de vos questions, M. le
Président, on s'en souviendra.
Donc, première observation: II y a une injection importante de
ressources au niveau de l'éducation des adultes. Avant de
développer l'utilisation de ces sommes, il faudrait cependant prendre
quelques minutes pour les consacrer au changement de philosophie et d'approche
qui va sous-tendre l'action gouvernementale dans le secteur de
l'éducation des adultes au cours des prochaines années. (17
heures)
On se souviendra que le gouvernement avait demandé à la
commission Jean de réfléchir à la problématique de
l'éducation des adultes au Québec et de soumettre au gouvernement
un ensemble de recommandations.
Toutes ces recommandations n'ont pas été retenues par le
gouvernement mais le gouvernement devait adopter une politique de
l'éducation des adultes marquée au coin d'un changement assez
radical dans l'approche. Un des problèmes vécus par ceux qui font
de l'éducation des adultes sur le terrain, donc bien concrète, a
souvent été que les besoins qui sont ceux de l'ensemble de la
société, des entreprises, par exemple, ne sont pas toujours ou ne
concordent pas toujours avec les moyens que nous mettons à la
disposition des organismes de formation des adultes.
Peut-être est-ce dû au fait qu'à partir du moment
où on laisse à celui qui détient la ressource le soin de
déterminer à quel genre de besoins il va répondre, il se
produit le problème suivant: Que celui qui dispense l'enseignement aura
peut-être tendance à ce moment à ajuster les cours qu'il
veut donner aux ressources dont il dispose et non pas nécessairement aux
besoins de la clientèle qui s'est adressée à lui.
Effectivement, on a reproché une certaine inadéquation entre les
enseignements à l'éducation des adultes et les besoins
réels rencontrés sur le terrain.
Comment corriger cette situation? En mettant plus d'accent sur la
satisfaction des besoins tout en maintenant, au niveau du ministère de
l'Éducation, cette vocation de formation permanente vers laquelle, de
plus en plus, le ministère s'engage. La solution a donc consisté
à confier au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, par le biais de ses centres de formation
professionnelle, le soin d'établir le contact avec le milieu
économique de manière à identifier quels sont les besoins:
besoins en main-d'oeuvre, en spécialisations de toutes sortes.
Également, le même ministère sera chargé,
cette fois conjointement avec les autres intervenants, de procéder
à l'accueil des clientèles, à l'analyse de leurs besoins
propres et à la confection d'un plan de formation qui incorpore de la
formation générale mais également de la formation plus
professionnelle et spécialisée.
Le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu devient alors un client auprès des différentes
institutions d'enseignement du Québec, qu'il s'agisse de cégeps
ou de commissions scolaires, pour obtenir les prestations de services sous
forme de cours, d'enseignements de toutes sortes. Lorsque, dans une
région donnée, il se produit qu'on ne peut offrir un enseignement
professionnel d'un type particulier mais que les entreprises pourraient offrir
l'équivalent, à ce moment on peut également concevoir les
stages en entreprises, lesquels stages sont évidemment encadrés
par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu.
On voit donc que désormais les besoins seront
évalués au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu qui devient une plaque tournante où
s'adressent, en définitive, tous ceux qui n'ont pas d'emploi, qui sont
sans ressources financières et qui ont besoin d'aide de l'État.
Ce ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu a donc pour tâche de concevoir des plans individuels de formation
ou de remise au travail et, si nécessaire, même, d'aide sociale
pour ceux qui ne peuvent s'insérer immédiatement dans le
marché du travail.
Mais l'objectif premier, désormais, du ministère de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu ne sera plus de
cantonner les gens dans le cul-de-sac qu'a été l'aide sociale
pour les aptes au travail. Au contraire, le véritable rôle
maintenant du ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu sera de chercher de façon très
active à réinsérer tous ceux qui se retrouvent à
l'aide sociale ou qui se retrouvent sans emploi à la suite d'une
mauvaise formation dans le marché du
travail en prévoyant pour eux une formation additionnelle.
Nous avons donc décidé, d'une part, de confier aux
institutions actuelles qui font de l'éducation des adultes,
c'est-à-dire nos collèges, nos commissions scolaires, le soin
d'assurer la formation de base, et même professionnelle dans le cas des
enseignements spécialisés. Donc, dans la mesure où nous
procéderions par le biais de nos institutions traditionnelles, nous
n'avons pas retenu l'idée d'une loi-cadre qui aurait régi d'une
façon différente l'éducation des adultes,
préférant considérer le mandat de nos institutions
actuelles comme étant un mandat global qui va de l'éducation
initiale de base à cette éducation permanente continue à
laquelle il faut déjà s'habituer et qui doit
nécessairement faire partie du mandat de base de formation. D'autant
plus que ces institutions disposant déjà souvent des
équipements qui leur permettent de dispenser un enseignement
fondamental, il était à ce moment-là un peu dangereux ou
risqué de tenter de bâtir en parallèle un autre
système d'éducation des adultes.
On a donc choisi de tabler sur les ressources existantes et d'ajouter
une dimension, qui était déjà inscrite dans les mandats de
ces institutions, mais de lui donner plus de force, d'une part, et, d'autre
part, de nous assurer que l'encadrement des clientèles soit fait par un
ministère dont la vocation essentielle serait celle du recyclage, celle
de la formation de la main-d'oeuvre, donc, celle de l'encadrement de nos
concitoyens qui ont de la difficulté à s'insérer dans le
marché du travail.
Dans le cadre de cette nouveau structure organisationnelle, qui n'est
pas en place puisque la nouvelle politique gouvernementale est toute
récente, nous allons, en un premier temps, tenir au mois de mai des
tables - en fait, trois tables - de concertation avec une table centrale
où nous allons examiner, avec les principaux intervenants du monde de
l'Éducation des adultes, les problèmes opérationnels que
représente l'application d'une telle politique et des mesures de
mitigation, si cela s'avère nécessaire. Nous allons donc chercher
ensemble à définir les meilleures modalités d'application
de cette nouvelle politique.
Nous mettrons cette année, dans le cadre de cette nouvelle
politique de formation des adultes, à leur disposition des
crédits importants. Par exemple, au niveau du recyclage et du
perfectionnement dans les métiers d'importance nationale où, aux
sommes déjà dépensées par le gouvernement
fédéral, nous ajoutons des crédits de presque 10 500 000 $
cette année.
Nous nous préoccupons également du problème de la
transition au travail des femmes qui veulent retourner sur le marché du
travail après une absence prolongée et qui ont besoin d'un
encadrement plus suivi, plus serré. Des sommes sont prévues pour
l'année scolaire, qui représentent à peu près 500
000 $.
Nous allons nous intéresser à ces secteurs
économiques en perte de vitesse où nous savons, d'ores et
déjà, que ces travailleurs risquent, à plus ou moins long
terme, de perdre leur emploi et pour qui il faut, dès maintenant,
préparer la transition en les formant pour des entreprises de demain.
Nous y consacrerons à peu près 2 000 000 $.
Dans le but de mieux encadrer la formation en entreprise, donc,
l'engagement de conseillers pour assurer l'encadrement, le ministère de
la Main-d'Oeuvre va se voir attribuer une somme d'à peu près 500
000 $. Nous aurons des programmes de perfectionnement à l'intention des
gestionnaires des petites et moyennes entreprises, auxquels nous consacrons
également en crédits à peu près 500 000 $.
Au ministère de l'Éducation proprement dit, on consacrera
à peu près 7 000 000 $ pour améliorer l'accès
à la formation de base car il n'est pas question, dans nos intentions,
de réduire l'importance de la formation de base dans l'éducation
des adultes. Au contraire; nous ajoutons donc des sommes fort importantes de
l'ordre de 7 000 000 $ pour l'année scolaire, qui vont permettre un
meilleur accès à la formation de base en ajoutant des ressources
pour permettre d'accueillir des clientèles additionnelles de l'ordre
d'à peu près 2000 personnes à temps plein et d'à
peu près 31 000 personnes en formation à temps partiel.
Des sommes un peu moins importantes qui représentent quand
même 1 000 000 $ pour l'année scolaire, iront au niveau des
cégeps pour atteindre essentiellement le même objectif. Nous
allons consolider le programme d'insertion sociale et professionnelle des
jeunes, dont on parlait hier, en injectant des sommes pour permettre de
rejoindre les clientèles de 450 $. Nous avons défini le budget
hier. Nous aurons des cours particuliers à l'intention des
clientèles analphabètes ou handicapées, qui
représentent des sommes d'à peu près 1 100 000 $.
Également, nous doublons le budget des organismes volontaires
d'éducation populaire. Ce qui veut dire qu'il y a des sommes, en
année scolaire, de près de 2 000 000 $ additionnels qui seront
injectées. C'est pour les cours réguliers, en fait, de culture
populaire. Ces organismes financent déjà des programmes à
l'intention des analphabètes et des handicapés; à
l'intérieur de ces programmes, nous ajouterons également une
somme additionnelle d'environ 1 500 000 $. Nous avons des sommes importantes
pour l'accueil et l'orientation des clientèles qui vont désormais
s'adresser à un bureau central
où toutes les ressources seront identifiées et
centralisées, de telle sorte que l'on puisse offrir la gamme des
services d'accueil et d'orientation de ces clientèles.
Également, aspect important de notre politique, vous n'êtes
pas sans savoir que le nouveau règlement des études
collégiales a introduit le concept de la reconnaissance des acquis, ce
qui permettra à quelqu'un de faire reconnaître une
expérience équivalente lorsqu'il s'agit de s'inscrire, par
exemple, en formation au niveau collégial. Le développement de
ces instruments de reconnaissance des acquis va occasionner des dépenses
additionnelles d'environ 300 000 $. En d'autres termes, voilà un
programme d'un peu plus de 35 000 000 $ qui s'ajoutent aux sommes dont nous
avons parlé hier lorsque nous avons discuté de l'insertion
professionnelle des jeunes et qui seront engagés et
dépensés dans le cadre de cette nouvelle politique de
l'éducation des adultes et de formation professionnelle où nous
allons mettre l'accent sur une meilleure adéquation entre les besoins
ressentis par la clientèle et les services que nous allons offrir
à cette clientèle, ce qui n'était peut-être pas le
cas antérieurement.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je remercie M. le ministre de l'Éducation de
cette introduction qu'il a fournie à notre discussion. Il y a beaucoup
à discuter sur la politique de l'éducation des adultes du
gouvernement. L'éducation des adultes est un des secteurs qui ont
été le plus gravement affectés par les politiques
malthusiennes du gouvernement en matière d'éducation. Nous avons
vu que d'autres secteurs ont eu beaucoup à souffrir. L'éducation
des adultes est un de ceux qui ont été le plus affectés.
Deux traits ont caractérisé l'attitude du gouvernement dans ce
secteur depuis cinq ou six ans. Premièrement, l'attentisme au niveau des
politiques. Deuxièmement, les reculs au niveau des mesures
concrètes. Il a fallu cinq ans pour enfin connaître, à la
fin de février, la politique du gouvernement en matière
d'éducation des adultes. Tout cela s'est traduit par un long processus:
commission d'enquête qui a duré deux ans; remise d'un rapport
d'enquête volumineux sur lequel le gouvernement a soi-disant
réfléchi pendant deux ans. Il a fallu tout ce temps pour qu'on
connaisse le document dont nous parlerons tantôt.
Pendant ce temps, l'éducation des adultes a connu des retards,
voire des reculs très sérieux. Pour éviter toute
discussion interminable à ce sujet, je voudrais citer trois
témoignages qui font assez autorité, je pense, aux yeux de ceux
qui sont le moindrement familiers avec le monde de l'éducation des
adultes pour qu'on évite d'en discuter interminablement. La commission
Jean elle-même, vers la fin de son rapport, avait cru nécessaire
d'insérer un chapitre dans lequel elle déplorait les effets
extrêmement coûteux des compressions budgétaires
imposées par le gouvernement dans ce secteur - comme dans les autres -
à compter de 1981. Le Conseil supérieur de l'éducation a
cru devoir faire une intervention sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir
tantôt. (17 h 15)
Je pense que c'est bon d'en citer un bref extrait parce que c'est quand
même le Conseil supérieur de l'éducation, organisme qui est
chargé de conseiller officiellement le gouvernement. Je pense que cela
comprend aussi l'Opposition. L'Opposition accueille les représentations
du Conseil supérieur de l'éducation avec au moins autant sinon
plus d'intérêt que le gouvernement. Dans l'opinion que le Conseil
supérieur de l'éducation remettait au gouvernement en
décembre dernier, je crois... Nous allons la retracer, c'est une affaire
d'une minute, il n'y a pas de problème... Juste une seconde, M. le
Président. Vous remarquerez que c'est peut-être la première
fois qu'un silence intervient du côté de l'Opposition. Ce n'est
pas meilleur quand c'est du côté de l'Opposition cependant.... En
tout cas j'affirme de mon siège que dans cet avis qu'il a remis au
gouvernement en décembre dernier, le Conseil supérieur de
l'éducation déplorait vivement les reculs causés par des
politiques malthusiennes du gouvernement au plan budgétaire.
L'Institut canadien d'éducation des adultes, c'est l'organisme
qui regroupe à peu près toutes les forces engagées dans le
secteur de l'éducation des adultes au Canada. C'est pour cela qu'il
s'appelle "canadien" mais, évidemment, comme il est de langue
française, son activité est principalement centrée au
Québec et regroupe les services d'éducation des adultes des
commissions scolaires, des collèges, des universités, des
organismes populaires, des organismes bénévoles de toutes sortes.
Je pense que le caractère représentatif de l'Institut canadien
d'éducation des adultes est bien admis par le gouvernement
lui-même qui, d'ailleurs, depuis de nombreuses années, lui verse
une subvention pour ses fins de fonctionnement. Donc, l'Institut canadien
d'éducation des adultes, appuyé par ce qu'on appelle la Coalition
nationale des organismes d'éducation des adultes, a maintes fois
déploré avec beaucoup de vigueur les reculs causés par la
politique du gouvernement.
Depuis le 28 février, nous avons enfin une politique mais
celle-ci a suscité, dans la plupart des milieux qui se consacrent
à l'éducation des adultes, de graves réserves. Avant le
début des travaux de la commission
parlementaire sur les crédits du ministère de
l'Éducation, j'ai fait une halte, lundi dernier, à la Maison de
l'éducation des adultes de la Commission scolaire régionale de
Chambly où j'avais été invité, en compagnie
d'autres personnes, à participer à une table ronde sur le projet
de politique gouvernementale.
À la réunion que nous avons tenue, il y avait à peu
près 250 étudiants adultes et professeurs engagés dans ce
secteur. Il manquait un représentant du gouvernement, malheureusement.
On a tout fait pour obtenir un représentant mais cela n'a pas
été possible. J'aurais aimé que le ministre fût
là avec nous pour entendre les réactions qui se sont
exprimées bien spontanément, et je l'assure que nous
n'étions pas en présence d'un auditoire subversif ou mal
intentionné. C'était un auditoire composé de personnes qui
ont de graves problèmes à résoudre dans leur cheminement
personnel et d'autres personnes qui essaient de les assister dans ce
cheminement.
Les critiques qu'on a pu entendre au sujet de la politique
d'éducation des adultes du gouvernement... Je fais évidemment
abstraction de celles que j'ai formulées moi-même parce que
j'avais peut-être, comme on dit en bon anglais, "an axe to grind". Je ne
pense pas que c'était le cas mais on pourrait toujours me l'imputer avec
une certaine vraisemblance, étant donné le rôle que je joue
dans notre système parlementaire. En général - je pense
que c'est bon que le ministre le sache de quelqu'un qui est quand même un
témoin assez proche de ces choses-là - la réaction est
très réservée.
Les principaux sujets de critique qui découlent de la politique
énoncée à la fin de février sont, à mon
point de vue, les suivants. Tout d'abord, le ministre l'a rappelé
lui-même dans ses remarques liminaires, il n'y a aucun engagement du
gouvernement à donner à l'éducation des adultes la
loi-cadre que réclamait avec force la commission Jean et que
souhaitaient à peu près tous les artisans de l'éducation
des adultes dans notre milieu. Une loi-cadre, ce n'est pas seulement un caprice
de circonstance ou l'auditoire qui aurait été gâté
par le traitement particulier dont il aurait pu être l'objet, c'est
l'expression d'une volonté de voir les droits des adultes à
l'éducation et à la culture reconnus dans les lois de notre
société québécoise.
Je rappelle au ministre, pour qu'il n'oublie pas que dans le projet de
loi 40 on consacrait les treize premiers articles du projet à
définir les droits des citoyens du Québec en matière
d'éducation. On avait complètement oublié d'inclure
l'éducation des adultes dans cette énumération de
droits.
Je pense que cela traduit assez bien le climat général
dans lequel baigne le ministère de l'Éducation à cet
égard. J'espère qu'on fera les corrections voulues.
Tout ce qu'on trouvait dans le projet de loi c'était un article
plus loin disant que l'école pourrait dispenser certains services
d'éducation aux adultes définis par des commissions
scolaires.
Dans son rapport, la commission Jean énumère
peut-être une cinquantaine de droits qui doivent être reconnus aux
adultes. À ce moment, ce n'est pas une question de bon vouloir de la
part du gouvernement ou de la société. Nous sommes rendus
à un stade où on peut et où on doit vraiment parler de
droits de l'adulte à l'éducation.
De ce point de vue, je pense que le gouvernement fait faux bond à
tous ceux qui ont travaillé la question depuis cinq ans. Il choisit son
orientation, préfère s'en aller vers des mesures ponctuelles, des
priorités choisies à la pièce au gré de sa
perception des événements et des bersoins. C'est sa
responsabilité. Je la lui laisse mais, personnellement, j'appuie
absolument, très fortement cet objectif d'une loi-cadre pour
l'éducation des adultes et j'espère que le Québec en aura
une le plus tôt possible.
Corollairement à ceci, le gouvernement refuse de
reconnaître une autre proposition majeure du rapport Jean, celle de
l'accès universel et gratuit des adultes à une formation de base
devant comporter treize années de formation. Le principe de ceci est
assez simple. La Commission Jean s'est fondée sur ce qui se pratique
à l'endroit des clientèles régulières. On a
maintenant la gratuité pour la clientèle régulière
des établissements publics aux niveaux primaire, secondaire et
collégial. La commission Jean disait: II faudrait transposer ce principe
à la population adulte.
Je signale à l'attention du ministre que sous le gouvernement
actuel les coûts que doit encourir un adulte pour suivre des cours de
perfectionnement au niveau secondaire ont augmenté. Ils n'ont pas
diminué. Le ministre sait sans doute, comme moi, que pour chaque
période de quinze heures de cours un adulte doit payer des frais
d'inscription de 10 $. S'il suit six cours différents d'une durée
de quinze heures, il faudra qu'il paie 90 $. Dans le domaine de la formation
professionnelle, à bien des endroits, c'est encore plus
élevé.
C'est là un objectif au sujet duquel je n'improvise point ce que
je vous dis et que nous avions défini il y a déjà 20 ans
dans le rapport d'un comité d'étude que j'avais eu l'honneur de
présider en vertu d'un mandat que nous avions reçu du
gouvernement. C'était un objectif qui avait été
proposé dès ce moment. On s'aperçoit que, 20 ans
après, tout ce que le gouvernement trouve à dire là-dessus
c'est ceci, et je cite l'énoncé de politique à la page
33... C'est un peu ce que je disais pour la formation universitaire ce matin.
Quand il s'agit de proclamer l'idéal de l'accessibilité, il n'est
point de limite que connaisse l'éloquence des porte-
parole du gouvernement, mais quand il s'agit de la traduire dans des
politiques vraiment efficaces, on constate souvent des écarts
déplorables. À ce point de vue-ci, on a parlé
d'accessibilité puis on ajoute ceci: "Cette accessibilité
"systémique" ne résout pas d'elle-même l'accès
effectif et ne comporte pas nécessairement l'accès gratuit de
l'un ou l'autre groupe de population aux services éducatifs. Une
collectivité et un État peuvent en effet décider de
moduler leur aide financière et privilégier l'accès d'un
groupe plutôt que d'un autre à la lumière des circonstances
et en fonction de certains critères librement choisis. Il reviendra
ainsi au gouvernement d'établir périodiquement les
priorités d'offres de services et de répartir les ressources
disponibles, etc."
Tout ceci pourrait se justifier à condition que l'on s'entende
sur le plancher. Je pense bien que le gouvernement voudra au moins convenir
qu'il y a un certain plancher de services en éducation des adultes qui
devrait répondre à l'idéal de l'accessibilité
comportant l'universalité et la gratuité. Ce n'est défini
nulle part dans la politique du gouvernement. C'est pour cela que les reculs
qu'on a enregistrés ces dernières années risqueraient de
continuer.
Troisièmement, il y a des objectifs valables dans la politique du
gouvernement. Je vais en mentionner deux en particulier mais qui sont
formulés dans des termes trop vagues. On ne sait pas exactement à
quoi cela va nous conduire. Le ministre a mentionné tantôt la
reconnaissance des acquis académiques et "expérienciels";
c'était déjà une recommandation du comité
d'étude qui a fait rapport, il y a vingt ans, pour la commission Parent
et le gouvernement. Ce n'est pas avec ce qu'on trouve dans le document du
gouvernement qu'on va régler ce problème, il va falloir des
mesures beaucoup plus énergiques, beaucoup plus substantielles que
celles qu'on nous annonce.
Il est compliqué de mettre sur pied un système de
reconnaissance des acquis à l'échelle de tout le Québec.
Il ne faut pas qu'on commence un système au cégep
Édouard-Montpetit, un système au cégep de La
Pocatière, un système à la Commission scolaire
régionale de l'Estrie, il faut qu'on ait vraiment un noyau commun, un
noyau qui sera le même dans tout le Québec, c'est l'un des
objectifs de notre système d'enseignement. Je ne vois pas les garanties
dans le programme qu'on nous présente qui puissent nous permettre
d'entrevoir qu'on va vraiment avancer là-dessus. Les sommes qu'on
libère à cette fin sont vraiment inférieures, très
inférieures aux besoins prévus; je pense qu'on ajoute une somme
de 200 000 $ à ce qu'on pouvait déjà avoir. M. le
ministre, c'est franchement insuffisant, il va falloir mettre des gens au
travail de manière permanente.
Vous savez peut-être comme moi ce que cela a
nécessité d'efforts et de coûts, l'établissement
d'un système commun de reconnaissance des acquis dans le cas des
enseignants, à la suite du conflit qui a marqué non pas la
dernière ronde des négociations, mais la deuxième avant
cela. Il a fallu que l'on crée un comité paritaire qui a
fonctionné pendant des années et qui arrive seulement au bout de
sa tâche après avoir compté sur l'engagement permanent de
professionnels du domaine.
La création de centres régionaux d'accueil et de
référence, c'est demandé depuis longtemps. Nous
étions très heureux que le gouvernement retienne l'idée,
mais je pense que les budgets prévus à cette fin ne seront pas
suffisants pour répondre aux demandes. Vous parlez de créer un
service régional qui va répondre à toutes sortes de
demandes. D'abord, la demande va augmenter considérablement si les gens
savent que vous avez un service comme celui-là à la disposition
de la population. Il ne s'agit pas simplement d'avoir un comptoir comme on en a
dans les bureaux de tourisme et qu'on dise: On va vous donner des brochures. Si
vous voulez aller à l'Université de Sherbrooke, il y a telle
brochure; si vous voulez aller à la commission scolaire
régionale, il y a telle brochure et à la commission de formation
professionnelle, telle brochure. Il va falloir des conseillers, des gens pour
étudier le cheminement des étudiants en puissance et leur fournir
des conseils quant à l'orientation qu'ils devraient suivre.
Franchement, on a l'impression que cela a été
garroché dans l'énoncé de politique, que ce n'est vraiment
pas une chose qui est articulée au point qu'on pourrait en pressentir le
cheminement concret au cours de la prochaine année. Dans
l'énoncé de politique du gouvernement, il y a ce que
j'appellerais des priorités déformantes; il y en a plusieurs. Je
recommande à l'attention du ministre, à ce point de vue, la
lecture d'un journal qui vient de paraître sous la responsabilité
de l'Institut canadien d'éducation des adultes, c'est un bulletin
spécial qui est daté de mars 1984 et qui comporte une analyse
critique des principales priorités définies par le gouvernement.
Je vous en donne quelques exemples.
Vous dites que vous allez faire un effort spécial du
côté de la lutte contre l'analphabétisme, la formation des
personnes analphabètes qu'on estime être à un niveau
d'au-delà de 300 000 au Québec actuellement. Vous prévoyez
deux montants là-dessus, un montant de 2 000 000 $ et un montant de 1
500 000 $ qui seront fournis en subventions spéciales aux organismes
bénévoles engagés là-dedans.
M. le ministre, vendredi dernier, je suis allé rencontrer des
groupes qui se consacrent à l'éducation des analphabètes.
Je voulais en
avoir le coeur net, je voulais savoir exactement comment se
présente ce problème qui est un peu éloigné de mes
activités quotidiennes. J'ai été renversé de
constater qu'ils ne voient pas du tout ce qu'ils vont pouvoir faire avec les
mesures que vous annoncez. La commission Jean et l'Institut de
l'éducation des adultes avaient recommandé qu'on mette sur pied
une campagne de cinq ans, une véritable campagne, un programme pour
venir à bout de ce problème, que notre société le
dépasse pour que, ensuite, on puisse s'occuper de cette formation de
base au-delà de l'alphabétisation fondamentale.
Mais ce n'est pas avec le genre de mesures que vous préconisez
qu'on va avoir une action suivie et continue. Il y a un grand danger, comme
cela a été le cas de tant de programmes gouvernementaux ces
dernières années, autant au niveau provincial qu'au niveau
fédéral, que ce soient des fonds qui sont lancés comme
cela, "down the drain", comme on dit, qui s'en vont en perte d'énergie
au bout de la ligne, qui ont un rendement bien inférieur à ce
qu'on aurait été en droit d'en attendre. (17 h 30)
Vous dites que vous allez mettre la priorité sur les 15 à
34 ans, c'est très arbitraire. Je comprends que cela s'ajuste
peut-être avec vos programmes d'aide sociale, avec l'entente que vous
avez avec le gouvernement fédéral. Je ne suis pas au courant de
toutes les implications de ceci. Je vous dis une chose: il me semble que c'est
très injuste, que c'est absolument contraire à la philosophie de
la commission Jean que de définir une chose comme celle-là. Si
vous aviez défini les objectifs de base au niveau des droits dont je
parlais tantôt et qu'ensuite vous eussiez dit: On va avoir des
priorités, on va avoir des programmes d'action affirmative mettant plus
l'accent ici, mettant plus l'accent là, mais le fond n'est pas
là, on est obligé de juger plus sévèrement les
priorités que vous définissez et là, parce qu'une personne
va être rendue à 35, 36 ans, disons que cela va être une
femme qui veut revenir sur le marché du travail, elle n'aura pas la
même chance qu'une personne qui est âgée de 15 à 30
ans. C'est absolument injustifiable, dans la pensée de
l'éducation des adultes comme on a essayé de le concevoir.
On souligne dans ce journal-ci un autre point. Il n'est absolument pas
question des anglophones et des immigrants. Vous allez me dire: Cela va
s'appliquer à tout le monde indistinctement. Avec le gouvernement
actuel, on n'est pas trop sûr, parce que, quand on regarde le genre
d'équipement que vous avez au ministère pour vous occuper des
anglophones, on n'a pas les garanties qu'il faudrait. On ne s'est pas
occupé de cet aspect. Pour le congé-éducation, vous mettez
l'accent sur la formation professionnelle à juste titre. Si on parlait
de manière plus satisfaisante des autres aspects de la formation, je
n'aurais pas d'objection. Pour avoir un programme de formation professionnelle
sérieux, il faut que vous acceptiez cette idée du
congé-éducation. La commission Jean l'a dit. C'est un
élément clé. Il y a une étude qui a
été faite par le gouvernement fédéral
récemment. C'est malheureux, c'est le gouvernement fédéral
qui nous sort une étude là-dessus. Le gouvernement actuel n'en
dit pas un mot dans l'énoncé de ses politiques. La commission
Jean dit que c'était fondamental. Vous autres: On top of that. Vous
êtes au-dessus de tout cela.
Cela explique que, quand il est question des entreprises, vous ne leur
demandez à peu près rien. Vous allez essayer de gagner leurs
faveurs en disant: On va se rapprocher d'elles. On va leur offrir des
subventions. C'est un autre élément de la politique que
préconisait la commission Jean. On va demander aux entreprises de
prendre leurs responsabilités là-dedans. Les moyens que
préconisait la commission Jean à cette fin sont des moyens
hautement discutables, qui soulevaient des difficultés sérieuses,
mais qui auraient dû au moins faire l'objet d'un examen et d'une
réponse de la part du gouvernement. On n'a jamais eu de réponse
à cela de la part du gouvernement. Le gouvernement ne s'est jamais
prononcé sauf qu'une fois, le ministre des Finances a dit: Je n'aime pas
trop cette idée-là. Ce n'est pas bon pour l'entreprise.
Moi-même, j'avais émis une opinion plutôt négative
peu de temps après l'émission du rapport de la commission Jean.
Après l'avoir étudié de plus près, j'arrivais
à une opinion plus nuancée. Je me disais: Cela vaut la peine
d'être examiné de plus près. On n'a rien de cela dans
l'énoncé de ses politiques que nous a livré le
gouvernement.
Aucun statut pour les étudiants adultes. On dit dans le rapport
Jean: Un élément essentiel d'une politique, c'est que les adultes
et les organismes qui les représentent aient une participation, aient
voix au chapitre dans la définition des politiques, dans l'application
des politiques aussi. À tout cela, on dit: Ils seront consultés
au niveau régional comme nos directions régionales, au niveau
provincial ou national, si vous préférez. Aucune structure
consultative, aucune structure de participation n'est prévue pour les
adultes.
Je termine, M. le Président, si vous me permettez. J'ai un
chapitre très important que je veux ajouter et je vais ensuite vous
adresser une série de questions. Les organisations d'éducation
populaire, les organisations volontaires vous ont écrit et n'ont pas eu
de réponse à ma connaissance. Ils ont écrit au ministre
des Finances pour
lui dire qu'ils ne sont pas satisfaits de ce qui est
présenté ici. Cela a l'air beau sur papier. J'entendais le
ministre tantôt jouer avec des chiffres. Cela a l'air beau sur
papier.
Avec ce qui est proposé là, on n'est à peu
près pas plus avancé qu'on ne l'était il y a quatre ans.
Vous savez comme moi qu'au cours des trois dernières années on
avait imposé un moratoire qui a fait que des organismes sont disparus et
que d'autres qui étaient nés n'ont pas eu la chance d'avoir
accès aux subventions du gouvernement parce qu'on réservait tout
cela à ceux qui étaient déjà sur les listes avant.
C'est évident, dans le secteur des organismes bénévoles,
si vous mettez une limite comme cela, il en tombe au champ d'honneur chaque
année et, comme les nouveaux n'avaient pas la chance de les remplacer,
on a pris du retard. Avec ce que vous apportez, on va revaucher le retard qu'on
a pris, mais on ne sera pas tellement plus avancé qu'on ne
l'était il y a quatre ans. Sur les critères objectifs qui
devraient présider à l'octroi des subventions, à la
participation des milieux, à l'application de ces politiques, on n'a
absolument aucune garantie.
Les changements structurels que vous proposez - je vais vous adresser
quelques questions là-dessus tantôt - m'inquiètent
beaucoup. Je pense que cela a été fait sans discussion. C'est mis
en oeuvre dès maintenant, de manière subreptice. Je pense que ce
n'est pas une bonne façon de procéder pour instaurer une
véritable politique d'éducation des adultes. Maintenant, je me
permets de vous adresser quelques questions qui sont d'intérêt
plus immédiat. Premièrement, on vous a demandé de partout,
M. le ministre, la convocation d'une commission parlementaire sur la politique
du gouvernement en matière d'éducation des adultes. Vous m'avez
dit, il y a quelques semaines: Laissez-moi quelque temps pour y
réfléchir. Je pense que vous avez eu le temps depuis de prendre
possession davantage de votre nouveau domaine. J'aimerais beaucoup - j'ai
remarqué que vous avez soigneusement évité ce sujet depuis
le début de l'étude des crédits du ministère de
l'Éducation - que vous nous donniez une réponse claire,
évidemment une réponse positive, parce que cela me semble un
élément essentiel à ce moment-ci d'une réflexion
vraiment commune qu'une table objective puisse être offerte aux
intéressés pour exprimer leurs opinions.
Deuxièmement, j'aimerais que vous nous éclairiez sur le
processus de transfert qui est en marche du ministère de
l'Éducation au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Est-ce que j'exagère, M. le ministre,
en pensant que si la politique énoncée dans le document se
réalise, ce sont à peu près les trois quarts du budget de
la
Direction de l'éducation des adultes qui s'en vont à un
autre ministère? Je comprends qu'avec ce qui restera, vous ne voyiez pas
la nécessité de maintenir une véritable Direction
générale de l'éducation des adultes. Vous aurez un
chapeau. Pour éviter les critiques, cela paraît bien, un chapeau!
Mais il n'y aura plus de direction fonctionnelle de l'éducation des
adultes. Tout cela va être noyé dans les réseaux. C'est un
point dont on avait discuté il y a 20 ans et sur lequel l'option avait
été très nette dans l'autre sens après étude
du dossier. Je comprends que les choses ont pu évoluer. Vous pourrez
nous donner des réponses là-dessus.
Sur le congé-éducation, pourquoi n'en dites-vous pas un
mot dans l'énoncé de politique du gouvernement? Il y a un
problème particulier qui m'a été présenté et
je veux vous le soumettre. Vous savez que, dans nos commissions scolaires, on a
des conseillers de formation en industrie. Ce n'est pas énorme, il y en
a peut-être une cinquantaine au Québec, mais ce sont des personnes
qui font un travail très valable. Les industries s'adressent au
ministère fédéral de l'Emploi et de l'Immigration, parfois
au ministère québécois de la Main-d'Oeuvre. Ils disent:
Nous, on voudrait avoir un programme pour nos travailleurs. On les
réfère à ces conseillers de formation en industrie qui
examinent la composition de la main-d'oeuvre visée, les besoins de
l'entreprise; ils font des propositions de programmes, ils valident ces
programmes en consultation avec les services pédagogiques de la
commission scolaire; ils en suivent le déroulement; ils en assurent la
qualité; ils voient à l'évaluation des résultats au
bout de la ligne. Tout ce qu'on apprend, c'est que ces gens-là...
D'abord, les commissions scolaires viennent d'être informées qu'il
n'y aura plus de budget pour cela, que l'allocation de base prévue
à ce chapitre n'existera plus à compter du mois de juillet. Ils
se font dire déjà dans leurs commissions scolaires:
Prépare-toi à t'orienter ailleurs, parce qu'il n'y aura plus de
place pour cela. Est-ce qu'on a réfléchi à toutes les
conséquences? C'est bien facile de dire qu'on transfère cela de
l'autre côté. Mais est-ce qu'on a réfléchi à
toutes les conséquences pédagogiques d'un tel geste? C'est
seulement un exemple. Il y a beaucoup d'autres implications. Ce sont des
questions pour lesquelles je pense qu'il est très important qu'on
obtienne des réponses.
Je termine en parlant du soutien financier aux adultes. Quand vous avez
lancé la politique - les fonctionnaires qui sont ici vont se le rappeler
et M. Beaudoin, en particulier - vous avez émis une série de
fiches techniques qui accompagnaient les documents gouvernementaux. On disait
là-dedans... Je l'ai ici. C'était classé
"Déjà remis", "Inclus", "À venir". Il y en avait une
qui s'intitulait "Aide financière aux étudiants adultes".
Je regarde à "Déjà remis", il n'y a rien; à
"Inclus", il n'y a rien; à "À venir", il n'y a rien. Je ne sais
pas s'il y en a une qui a été préparée depuis ce
temps. J'aimerais bien la connaître.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
Une voix: Je ne sais pas si on va avoir le temps.
M. Ryan: Je m'excuse, M. le Président, mais l'importance
du sujet et le peu de temps que nous avons...
Le Président (M. Charbonneau): D'ailleurs, on verra
à 18 heures, peut-être qu'il y aurait lieu de... Étant
donné qu'on a commencé un peu plus tard... Je ne sais pas sile ministre serait disponible? Non?
M. Bérubé: Ce qui me frappe dans l'intervention du
député d'Argenteuil, c'est une certaine tendance à se
laisser manipuler par les groupes de pression. On a parfois l'impression,
lorsqu'il parle, d'entendre plutôt le porte-parole ou le
répétiteur méthodique des différents groupes qui
sont venus lui prêcher la bonne parole et lui préparer son
discours pour la commission parlementaire. Je pense que si on devait porter un
jugement global sur la politique qui a été déposée
par le gouvernement, je ne prétendrai pas que cette politique est
complète, qu'elle couvre tous les aspects, mais il y a quand même
une philosophie derrière cela qui m'apparaît plus valable que
celle que défend le député d'Argenteuil. L'approche du
député d'Argenteuil est une vision très
cartésienne, un peu jésuitique, abstraite, très
coupée de la réalité, c'est une philosophie de droit
théorique par opposition à une philosophie de besoin,
d'identification de la problématique vécue par les gens, des
ressources disponibles sur le terrain et une philosophie qui viserait à
obtenir la meilleure adéquation entre le besoin de l'adulte et les
ressources d'enseignement que nous pouvons mettre à sa disposition.
Le député d'Argenteuil s'imagine qu'en ayant posé
des droits, on aura réglé les problèmes, mais non. Il est
relativement facile - surtout qu'avec les années on a pu dégager
les ressources nécessaires pour couvrir soigneusement un champ
donné - de déterminer des droits de base, des droits
fondamentaux. Je pense que le droit à l'éducation de base
à l'heure actuelle au Québec, le droit à la santé
sont des droits que l'on peut commencer à reconnaître. Toutefois,
dès que l'on veut les décrire dans une loi, le problème se
retrouve dans l'application quotidienne. Que veut dire tel droit de
façon plus précise? Quelles sont les implications de ce droit?
Souvent, les conséquences de ces droits théoriques,
hypothétiques, qui sont le résultat de bonnes intentions, mais
surtout d'une vision très abstraite de la réalité humaine,
font en sorte qu'on se retrouve dans un carcan administratif avec des
ressources monopolisées là où elles ne devraient pas
l'être, mais que le droit théorique force à monopoliser
alors que, pendant ce temps, des besoins criants, des injustices à
dénoncer sont maintenues simplement parce que les droits ne
prévoyaient pas le cas de ces gens.
Je pense que la philosophie qui sous-tend la politique de
l'éducation des adultes est, au contraire, une philosophie de besoin.
À partir de l'expérience de ceux qui font de l'éducation
des adultes - je ne parle pas de ceux qui parlent de l'éducation des
adultes, je parle de ceux qui font de l'éducation des adultes - on a
fini avec les années par identifier un certain nombre de
problèmes. Le problème de l'inadéquation entre le service
offert et le besoin était un véritable problème qu'il
fallait rencontrer et corriger.
Nous n'avons pas choisi l'approche de la loi-cadre en pensant qu'ayant
adopté une loi on aurait automatiquement réglé les
problème; à nouveau, c'est une vision un peu fictive, un peu
abstraite, qui est peut-être le fait d'un analyste qui se complaît
dans les architectures théoriques de la société, mais qui
font en pratique, ces architectures, que des besoins fondamentaux ne sont pas
satisfaits.
Donc, on n'a pas cherché à s'enfarger dans une
définition de ce que seraient les droits des adultes à
l'éducation permanente car, dès que l'on veut tenter de
définir quels pourraient être ces droits, on se heurte
immédiatement à la capacité de la société
à les satisfaire. On peut reconnaître des droits à des
citoyens lorsque les moyens sont disponibles et que l'on sait que l'exercice de
ce droit peut se faire dans un cadre de ressources que la société
peut effectivement dégager, mais, lorsque l'on parle d'un droit
théorique nouveau, il faut toujours se préoccuper aussi de ce que
la société a les moyens de s'offrir. On ne peut opposer un droit
théorique à la capacité de la société de le
satisfaire car, alors, c'est la société qui éclate, et
c'est cela, le danger de la vision abstraite du député
d'Argenteuil. (17 h 45)
Donc, nous n'avons pas retenu l'idée d'une loi-cadre. Nous avons
également tenu à ce que l'énorme bassin de ressources qui
existe présentement au sein de nos institutions se réoriente,
voie davantage sa mission comme une mission de formation permanente, formation
de base initiale durant le jeune âge, mais formation continue,
renouvelée que vont nécessairement demander les changements
rapides que connaissent nos sociétés.
Nous n'avons pas choisi non plus un office central pour
l'éducation des adultes, un autre ministère qui aurait eu, lui
aussi, juridiction sur les institutions et qui aurait contribué à
créer un nouveau quantum de réglementation, un nouveau cadre
administratif, un nouveau cadre de gestion et qui aurait fait, encore une fois,
qu'au lieu d'essayer de résoudre des problèmes sur le terrain,
par exemple au lieu d'aider des organismes volontaires d'éducation
populaire à monter des enseignements extraordinairement valables, comme
l'a souligné le député d'Argenteuil, on consacrerait les
sommes à une superbe structure bureaucratique et administrative et on y
enverrait les fonds. C'est d'ailleurs l'approche qu'a suivie l'administration
libérale de 1970 à 1976, gonflement effréné des
effectifs administratifs, plus de 80 000 personnes dans l'ensemble des
réseaux pour ladite période.
Donc, nous n'avons pas choisi l'approche bureaucratique, l'approche
théorique, abstraite, un peu déshumanisée, nous avons
plutôt choisi la voie de l'identification d'un certain nombre de
problèmes concrets, d'une modification des mandats, des vocations des
ministères existants, de manière qu'ils s'ajustent plus
facilement aux besoins qui étaient exprimés. C'est ce qui fait
que nous confions par exemple au ministère de la Main-d'Oeuvre un
rôle capital, qu'il ne jouait pas antérieurement et le
ministère de la Main-d'Oeuvre peut désormais intégrer un
ensemble de composantes qui vont de la recherche de l'emploi à la
formation à l'emploi, à l'aide financière, aux contacts et
aux relations avec l'entreprise pour définir les besoins et les moyens
pratiques et concrets pour former les jeunes.
L'approche académique du député d'Argenteuil,
beaucoup de pays la rejettent. Par exemple, on notera qu'en France on met de
plus en plus l'accent sur la formation en entreprise et qu'il y a près
de 250 000 jeunes qui sont en formation pratique maintenant dans l'entreprise.
L'Autriche a suivi également cette voie-là. On n'a pas choisi une
approche purement académique de formation théorique
éthérée à l'intention des adultes, coupée
des besoins réels du milieu qui nous entoure. Non, ce n'est pas
l'approche qu'on a choisie, on a choisi une formation très pratique dans
les entreprises, en reconnaissant qu'un des milieux peut-être les plus...
Je ne dirais pas uniquement ce milieu qui puisse faciliter le
développement de l'intelligence mais il faut quand même
reconnaître que le milieu de l'entreprise est souvent un milieu
très stimulant, sur le plan intellectuel, qui fait en sorte que beaucoup
de nos concitoyens qui n'ont pas l'esprit fait pour l'école
conventionnelle dont le Québec s'est doté, trouvent dans
l'entreprise les facteurs de motivation et d'intérêt qui leur
permettent de découvrir l'importance de la formation de base que doit
conférer l'école.
L'approche que nous avons suivie est une approche beaucoup plus
pragmatique, beaucoup moins bureaucratique que celle que proposerait le
député d'Argenteuil. Nous avons préféré
tabler sur les ressources existantes, sur un redéploiement de leurs
préoccupations, nous avons préféré dégager
bien concrètement des ressources pour du travail sur le terrain pour
obtenir des résultats bien concrets.
Je terminerai en tentant d'ajouter une touche un peu plus colorée
à la description fort sombre que s'est permise le député
d'Argenteuil. Il est vrai que l'éducation des adultes a peut-être
été plus touchée que d'autres secteurs de
l'éducation. Mais le député d'Argenteuil va comprendre,
lui qui se fait souvent un ardent défenseur des corpo-ratismes, qui fixe
la société dans des rigidités qui ne permettent pas ou
permettent plus difficilement son adaptation, il va comprendre qu'à
force de défendre des corporatismes et des rigidités du
système en favorisant des approches bureaucratiques, finalement, souvent
ceux qui écopent sont ceux qui s'occupaient à l'intérieur
d'un ensemble de ressources légères, mobiles, flexibles et
agissant directement sur le terrain. C'est beaucoup plus facile d'effectuer des
compressions budgétaires à l'éducation des adultes que de
le faire à l'intérieur de l'ensemble de l'appareil régi
par une Loi sur l'éducation, avec un ministère de
l'Éducation, avec une solide structure bureaucratique, avec
également des conventions collectives d'une très grande rigueur,
de telle sorte que les capacités d'adaptation du système soient
moindres, prouvant même que le député d'Argenteuil soit
conscient qu'il ne pourra pas à la fois rechercher un appareil lourd,
administra-tivement je dirais sclérosé, comme tout appareil
administratif, et en même temps s'étonner que les services rendus
sur le terrain soient peut-être de moindre qualité.
Il est normal que, dans toute organisation sociale, il faille un
appareil administratif, mais l'appareil administratif est voué
fondamentalement à la défense d'une réglementation, il
s'assure que l'on dépense selon les normes, il s'assure qu'il n'y a pas
d'abus et l'Opposition est fréquemment là pour s'assurer
qu'effectivement le moindre abus sera pourchassé impitoyablement avec la
conséquence que l'on observe une multiplication de la
réglementation, une multiplication des contrôles administratifs
qui fait que, très fréquemment, au bout, les citoyens se
plaignent de la qualité des services qui sont dispensés.
C'est inévitable. Dans tout appareil administratif, on doit vivre
avec ses défauts. Ce qui m'étonne, c'est que le
député d'Argenteuil veuille pour l'éducation des
adultes ce même type de structures alors qu'il nous semble, au
contraire, qu'il faudrait peut-être privilégier des structures
plus légères, des structures existantes, tenter de
réorienter les vocations de certaines de nos organisations - je pense au
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
-de manière à effectivement combler un besoin immédiat sur
le terrain.
Il est donc vrai que l'éducation des adultes a souffert davantage
des compressions budgétaires que le reste de l'activité
gouvernementale, mieux protégée par le carcan bureaucratique
qu'un État finit par bâtir avec les années. C'est vrai,
mais il demeure quand même que, si je regarde de 1981, à 1982,
à 1983, à 1984, les clientèles, les individus qui ont
été rejoints - le député d'Argenteuil peut
consulter le tableau qui lui a été remis - il va voir que s'il
est vrai qu'en formation socioculturelle on rejoignait, par exemple, 151 000
personnes en 1981-1982 et que cela a baissé à 138 000 en
1982-1983, c'est remonté à 148 000 en 1983-1984 et on
prévoit 189 000 en 1984-1985.
Si on regarde les chiffres pour la formation socio-économique,
c'est vrai qu'elle a plafonné de 83 000 à 88 000, de 1981
à 1982, mais elle va grimper à 136 000. Si le
député regardait toutes les clientèles, en formation
socio-économique au niveau des cégeps, il verrait les mêmes
tendances; s'il regardait l'ensemble des clientèles rejointes, il
verrait que s'il est vrai qu'en 1981-1982 nous avons rejoint 317 000 personnes,
qu'en 1982-1983 nous avons rejoint 318 000 personnes et qu'il y a donc eu
plafonnement clientèles rejointes. En 1983-1984, on passera à 339
000 et en 1984-1985 à 479 000. Voilà qui parle beaucoup plus que
les échafaudages théoriques du député d'Argenteuil,
voilà des chiffres qui indiquent que, concrètement, sur le
terrain, nous allons donner un meilleur service aux adultes, nous allons donner
un service plus adapté à leurs besoins et nous allons, en
pratique, faire de l'éducation des adultes plutôt que parler de
l'éducation des adultes. Ce qui m'amène à mentionner que,
dans le cas de la commission parlementaire, je ne suis pas très
favorable personnellement à la tenue d'une commission parlementaire.
C'est un des artifices utilisés par l'Opposition pour empêcher le
fonctionnement de l'État, puisqu'on prend les moyens nécessaires
pour que le ministre soit collé avec des questions oiseuses pendant des
mois sans qu'il y ait aucun progrès de la discussion tout simplement
pour l'empêcher de procéder souvent à des réflexions
et à des prises de décisions qui sont importantes sur le
terrain.
L'Opposition a abusé des commissions parlementaires trop longues
qui ont eu comme conséquence non seulement de bloquer le processus
parlementaire très fréquemment, et nous l'avons vu dans plusieurs
cas au cours des dernières années, mais, en plus de cela, ont
souvent comme objectif d'empêcher l'appareil de l'État de
fonctionner. Nous avons eu une commission sur l'éducation des adultes et
nous avons eu un long débat public. À mon avis, le temps est venu
de mettre en application un certain nombre de mesures. Le temps est venu de
faire en sorte qu'au lieu de 339 000 personnes rejointes, on en rejoigne l'an
prochain 479 000 personnes. Cela prend du temps-ministre pour prendre les
décisions. Cela prend du temps-ministre pour procéder aux
arbitrages délicats, comme l'a souligné le député
d'Argenteuil. Personnellement, je pense que, si on devait consacrer du temps,
on devrait le consacrer aux adultes et pas nécessairement à de
longs palabres pour remettre en question des sujets qui ont été
débattus longtemps au Québec et qui maintenant demandent des
actions.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. Il
est 18 h 58, je pense que vous avez pris à peu près 20 minutes
pour répondre au député d'Argenteuil. Il me signalait
qu'il avait encore quelques minutes d'intervention. Est-ce que vous êtes
disponible pour encore cinq minutes?
M. Bérubé: Oui.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Laplante: J'ai rendez-vous moi-même dans cinq minutes,
à 18 h 5. Pour autant que c'est fini à 18 h 5, cela ira.
M. Ryan: J'ai assez de sept, huit minutes. Je viens d'entendre au
sujet de l'éducation des adultes l'exposé le plus lamentable
qu'il m'ait été donné d'entendre depuis de nombreuses
années. Le ministre m'a accusé d'être accompagné de
certaines personnes qui soutiennent les mêmes opinions que j'ai
défendues devant cette commission et de certains organismes. J'en suis
fier. J'ai au moins l'honneur d'être en compagnie de gens qui savent de
quoi ils parlent quand ils parlent d'éducation des adultes parce qu'ils
y ont engagé leur vie. Moi-même, comme personne qui ai
travaillé dans ce secteur pendant de nombreuses années, je ne
saurais accepter le genre de qualificatif que le ministre a employé
à mon endroit. Il me vient des qualificatifs à son endroit en
l'écoutant, mais je me retiendrai de les employer parce que je veux que
le débat reste au niveau des besoins fondamentaux auxquels nous
cherchons des solutions.
Je pense que le ministre aurait avantage à prendre une autre
optique s'il veut vraiment jouer un rôle intéressant dans le
domaine de l'éducation parce que s'il veut nous réduire au genre
d'horizon
technocratique que j'ai entendu évoquer, aujourd'hui, je pense
que cela va clocher à bien des endroits. Le ministre nous dit que sa
philosophie n'est pas une philosophie de droits, mais une philosophie de
besoins. Je regrette infiniment, mais les droits ne sont pas une chose
théorique, les droits ne sont pas une chose abstraite, ils ne sont pas
une chose spéculative. Les droits sont des réalités
éminemment concrètes et qui définissent les besoins
d'ailleurs. Il y a un lien vital entre les deux. Je n'en reviens pas de ces
énoncés. Je comprends que ce n'est peut-être pas la
spécialité du ministre que les énoncés
philosophiques, il s'est spécialisé dans d'autres choses ces
dernières années, dans les coupures et les mesures
draconiennes.
Franchement, les droits, c'est la base même d'une
société démocratique, M. le ministre, et l'objet
même de l'action politique, c'est d'élargir le champ des droits
continuellement. Les propos que vous avez tenus au sujet de l'éducation
des adultes nous ramènent à peu près 25 ans en
arrière. J'ose espérer que ceux qui vous conseillent auront le
temps de vous parler plus longuement au cours des prochains jours avant qu'on
continue de s'enfoncer dans ce genre de philosophie qui, personnellement,
m'attriste énormément. (18 heures)
Je pensais qu'on était entré dans un tout autre univers et
je n'étais pas le seul; encore une fois, presque tout le monde qui
connaît quelque chose en éducation pensait comme cela. M. le
Président, je remarque une autre chose. Le ministre nous a servi un
délayage verbal pendant 20 minutes. Je ne le regrette pas.
Ç'aurait pu être 25 ou 30 minutes, cela ne m'aurait rien fait. Il
a répondu à une des questions que j'avais posées. Il a
laissé les autres complètement de côté. On aura
l'occasion d'y revenir; il est trop tard maintenant, mais je veux lui dire que
le rejet de la commission parlementaire qu'il vient de formuler ce soir m'a
profondément scandalisé, d'abord par son contenu objectif et,
deuxièmement, par les motifs apportés à l'appui de la
décision du ministre, car venir dire que les commissions parlementaires
ont empêché le gouvernement de fonctionner me semble une
déclaration digne d'un apprenti didacteur et que je réprouve
profondément. J'ai participé à des commissions
parlementaires sur le conflit des relations du travail dans le secteur de
l'éducation qui ont apporté d'excellents résultats, qui
ont aidé votre gouvernement à sortir...
M. Bérubé: Brève. M. Ryan: Pardon? M.
Bérubé: Brève.
M. Ryan: Oui...
M. Bérubé: Elle fut brève. Le
problème des commissions parlementaires a été leur
longueur excessive.
M. Ryan: Oui. M. le Président, j'admets volontiers
l'interruption, parce qu'elle ouvrira peut-être une porte. On est
prêt à convenir avec le ministre que cela pourrait être une
commission parlementaire qui durerait une semaine au maximum. Je pense que,
dans trois ou quatre jours, vous feriez le tour du sujet, M. le ministre,
surtout avec le genre d'esprit qu'on essaie de mettre dans la commission de
l'éducation. On pourrait très bien s'entendre sur une commission
qui ne s'éterniserait pas. Moi non plus, je n'en veux pas. On a
été pris, la dernière fois, avec une commission
parlementaire qui a duré six semaines. Ce n'est pas par la faute de
l'Opposition, mais la faute du gouvernement, qui avait conçu un projet
qui n'avait pas de bon sens. Je pense que vous devez reconnaître, dans ce
cas, que la commission parlementaire vous a rendu un fier service, parce
qu'elle vous permettra de ramener ce projet sur terre, du moins je
l'espère.
Dans le secteur de l'éducation, je ne pense pas que l'affirmation
que vous avez faite pourrait être soutenue de manière
sérieuse. Je vous invite encore une fois, en faisant cette ouverture,
mes collègues de la commission de notre côté, s'il s'agit
de délimiter la durée de cette commission de manière que
ce ne soit pas un abus du pouvoir d'écouter des législateurs, je
pense que c'est une chose parfaitement négociable et très
rapidement soluble.
Je ne voudrais pas que cette revendication à peu près
unanime qui a émané des milieux de l'éducation des adultes
soit écartée prestement par le genre d'attitude dont j'ai entendu
l'expression tantôt, à mon grand désappointement. Je sais
qu'à un moment donné il peut arriver des moments où on
s'emporte. Je ne veux pas prendre cela comme une chose définitive.
Encore une fois, je dis au ministre, dans l'esprit le plus constructif dont je
sois capable, qu'il y a moyen de s'entendre là-dessus et que je ne
voudrais pas que ce soit une réponse définitive. Si on avait
cela, on peut discuter de tout le reste dans un cadre un peu plus
convenable.
Je pense que vous conviendrez d'une chose avant que je termine. Le cadre
dans lequel on fait l'examen des crédits, j'accepte qu'en vertu d'une
tradition parlementaire de vieille date, il faille une limite temporelle
précise et rigide pour que le gouvernement puisse fonctionner.
Justement, dans l'examen des crédits, c'est bon qu'il y ait une limite;
peut-être pourrait-elle être un peu moins astreignante. Mais, c'est
bon, parce qu'il ne faut pas que le gouvernement soit empêché
de fonctionner. Il faut qu'il ait les crédits dont il a besoin
pour fonctionner, mais il me semble qu'à d'autres niveaux un rôle
très utile peut et doit être joué par les parlementaires et
c'est l'aspiration de tous les parlementaires, autant du côté
ministériel que du côté de l'Opposition, de le faire. C'est
pour cela que je vous invite à reconsidérer cette conclusion que
vous avez donnée tantôt et je pense que vous en êtes
capable.
Le Président (M. Charbonneau): Sur ces propos, je vais
ajourner les travaux de la commission à demain matin à 9 h 30,
plutôt que 10 heures comme ce matin. J'espère qu'on va commencer
à l'heure, parce que nous avons une grosse journée demain. Je
vous remercie de l'attention que vous avez apportée aux travaux.
(Fin de la séance à 18 h 4)