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(Neuf heures cinquante et une minutes)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'éducation va commencer ses travaux,
en espérant que ce ne sera pas une tradition dans cette commission de
commencer en retard. Je n'apprécie pas tellement cela.
On fait l'appel des membres présents: M. Ryan (Argenteuil), M.
Laplante (Bourassa), M. Leduc (Fabre), M. Leduc (Saint-Laurent) et
moi-même (Verchères).
Nous en sommes rendus à l'étude du programme 5,
c'est-à-dire le programme d'enseignement collégial public. Un peu
plus tard dans la matinée, nous passerons à l'adoption, quand
quelques autres membres nous auront rejoints, du programme que nous avons
étudié hier soir: je pense que c'était le programme 7.
Malgré les retards à commencer les travaux, j'espère qu'on
pourra au moins terminer à l'heure qu'on avait prévue ce matin,
quitte à...
M. Bérubé: M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Oui, M. le ministre.
M. Bérubé: Quant au programme 7, quand
prévoyez-vous le soumettre au vote?
Le Président (M. Charbonneau):
Actuellement, il y a des membres qui ne sont pas arrivés. Je
préférerais attendre, pour faire l'appel, que les membres de
chaque côté soient là.
M. Bérubé: C'est seulement une question de
procédure de vote.
Le Président (M. Charbonneau): Oui. Je pense que la
discussion est terminée sur cette question.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Vous avez
parfaitement raison, M. le Président, la discussion est close.
M. Ryan: Pour le moment.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, au sujet du
programme 5, avez-vous des remarques préliminaires à faire?
M. Bérubé: J'ignore, M. le Président. Je
pourrais avoir des remarques préliminaires dans la mesure où,
tantôt le député d'Argenteuil nous admoneste parce que le
parti ministériel et l'exécutif prennent trop de temps de parole
tout en respectant les règles, tantôt, lorsque nous offrons de
nous abstenir d'intervenir, on nous met au défi d'intervenir. Il devient
assez difficile, à ce moment, d'avoir une opinion de quelque nature que
ce soit.
Le Président (M. Charbonneau): Je croyais que ce genre de
remarques avaient déjà été faites hier.
M. Bérubé: Oui, je sais, mais j'ignore cependant
quelle devrait être ma décision.
Le Président (M. Charbonneau): Comme votre décision
avait été, hier, de faire des remarques préliminaires et
que...
M. Bérubé: Disons que je ferai deux ou trois
remarques très préliminaires pour plutôt...
M. Ryan: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Avant qu'on commence, je voudrais émettre mon
opinion sur la procédure qu'on suit. Le gouvernement n'a pas de
permission à demander au député d'Argenteuil pour
décider s'il va expliquer sa politique au début des travaux
consacrés à tel ou tel programme. Il me semble que c'est
d'élémentaire courtoisie que le gouvernement établisse ses
positions dans des délais relativement brefs, à
l'intérieur de ceux qui sont permis par les règlements
d'ailleurs. Ce que nous avons demandé au ministre, hier, c'est
d'être un peu moins complaisant et plus concis dans les réponses
qu'il donne pour qu'il y ait plus de chance pour des échanges de points
de vue. Au début on tient beaucoup à ce que le gouvernement
énonce sa position. On énonce la nôtre le plus clairement
possible et après, l'échange s'engage, il me semble. On n'a
jamais fait de demande au gouvernement de ne pas faire de déclaration de
politique, au contraire.
Le Président (M. Charbonneau): Chacun ayant dit ce qu'il
avait à dire sur cette question, je vais maintenant céder la
parole au ministre en lui signalant qu'à cause des retards, il est 9 h
55, si on veut terminer à l'heure prévue, c'est-à-dire aux
alentours de midi, il serait peut-être utile, comme on a deux programmes
à étudier ce matin, que de part et d'autre, tant les membres de
la commission que le ministre, tout le monde essaie de résumer sa
pensée, d'être concis à la fois dans les questions et dans
les réponses, ce qui nous permettra de faire le tour des deux programmes
et de dire ce qu'on a à dire tout en étant conscient qu'on n'a
pas six heures devant nous.
Enseignement collégial public Exposés
généraux M. Yves Bérubé
M. Bérubé: M. le Président, dans ma
déclaration d'ouverture, j'ai choisi au départ de couvrir
l'ensemble des secteurs d'indiquer les grandes orientations gouvernementales
dans les différents programmes que nous étudions, pour ensuite
étudier programme par programme, l'idée étant que
subséquemment, évidemment, nous nous en tiendrons davantage aux
considérations budgétaires ou aux analyses plus fines ou plus
détaillées des programmes comme tels. Toutefois, puisque le
député d'Argenteuil aimerait que je détaille
immédiatement, je peux facilement, M. le Président, tenter d'une
part de faire un bilan de ce qui s'est produit en 1983-1984 et d'autre part
d'indiquer les grandes orientations que le gouvernement entend prendre.
Évidemment, le député va trouver une extraordinaire
similarité entre mes propos et les documents que nous avons fait
préparer à l'intention des membres de cette commission. En effet,
c'est une habitude qui m'apparaît fort louable au ministère de
l'Éducation de prendre un temps considérable à faire le
bilan de l'année qui vient de s'écouler et en même temps
d'indiquer les grandes orientations, de telle sorte que tous les membres de
cette commission aient l'opportunité de se familiariser avec les grandes
décisions gouvernementales et, à ce moment, cela donne davantage
de place à l'intervention directe des députés pour obtenir
un éclaircissement sur un point ou sur un autre. Donc, cela
m'apparaît une formule plus élégante. Toutefois, je peux
comprendre que certains députés n'aient pas pu lire les documents
qui leur ont été fournis une semaine à l'avance et que,
à ce moment, il est approprié de reprendre la présentation
que les gens, malheureusement, à cause d'une charge de travail trop
importante, n'ont pas pu effectivement consulter.
Donc, je n'ai aucune objection, M. le Président, à
reprendre les documents que le député d'Argenteuil doit sans
doute avoir sous les yeux et qui, je l'espère, l'ont déjà
satisfait, ou s'il ne l'ont pas satisfait, ont satisfait au moins ses adjoints
qui ont préparé ses questions.
M. le Président, si l'on devait décrire ce qui se passe
dans nos collèges, on le décrirait de la façon suivante:
II s'agit d'un réseau en pleine expansion. En effet, le taux de passage
- nous l'avons bien clairement illustré au cours de nos discussions - du
secondaire au collégial augmente de façon très
significative depuis 1976, signe que les politiques gouvernementales
d'accessibilité donnent les fruits escomptés. En effet, on ne
juge pas la qualité d'une politique à la sémantique
utilisée pour la défendre, on la juge aux fruits qu'elle porte,
et il faut généralement quelques années avant de pouvoir
évaluer les résultats des mesures prises. Or, les
résultats aujourd'hui sont probants. Nous constatons une augmentation
spectaculaire de la clientèle collégiale. Certes, cette
augmentation de la clientèle qui caractérise un accès plus
facile aux études collégiales s'explique, au cours des deux
dernières années, en partie par une situation économique
difficile qui a incité beaucoup de jeunes à poursuivre leurs
études. Soit dit en passant, si c'était la seule
conséquence de la crise économique que nous venons de traverser,
je dirais: Multiplions les crises économiques puisque l'éducation
demeure certainement l'atout le plus précieux pour assurer le
développement d'une société.
Donc, nous constatons depuis 1974 et 1975 qu'un pourcentage croissant de
nos étudiants ayant obtenu un certificat d'études secondaires
professionnelles décident de poursuivre des études
collégiales, c'est un phénomène nouveau, c'est un
phénomène intéressant et il faut l'encourager, je pense.
Et c'est ce que nous avons tenté de faire en implantant cinq programmes
de passage et cinq guides de passage qui incitent le passage des
étudiants du secondaire professionnel au niveau collégial, alors
que le secondaire professionnel avait tendance à être une voie un
peu terminale d'études. Également, soulignons plusieurs mesures
prises pour faciliter l'accès de handicapés sensoriels, et pour
ouvrir des dessertes, dans des régions éloignées, de
certains collèges. Soulignons des expériences faites
auprès des étudiants autochtones.
L'élément nouveau en 1984-1985, en ce que a trait à
l'accessibilité, sera sans doute cette reconnaissance des acquis, qui va
permettre à certains de nos concitoyens qui ont pris une
expérience de travail ou sinon de travail une expérience au sein
de la communauté, soit au sein des commissions
scolaires, des municipalités, des organismes
bénévoles. Ils ont donc pris une expérience qui souvent
vaut mille mots, sinon mille cours.
De fait, M. le Président, en mettant au point cette politique de
reconnaissance des acquis, nous allons permettre à un certain nombre de
nos concitoyens qui, sur une base un peu académique et théorique,
n'avaient pas les prérequis pour s'engager dans des études
collégiales, de pouvoir avoir accès en faisant reconnaître
des acquis.
Quant à l'amélioration des programmes existants, nous
avons eu l'occasion, je pense, de souligner l'effort qui a été
fait particulièrement au chapitre de l'introduction de nouveaux
programmes professionnels. Non seulement nous révisons le contenu des
programmes préuniversitaires de manière à mieux les
adapter aux besoins de nos universités. Non seulement nous
évaluons également les programmes professionnels existants mais,
surtout, nous cherchons un regroupement autour du tronc commun de ces
programmes professionnels et nous cherchons surtout à les
multiplier.
Ceci va donc permettre, effectivement, d'accroître on veut le
pourcentage d'étudiants inscrits dans nos options professionnelles par
rapport au pourcentage inscrit dans les options générales.
À l'heure actuelle, on pourrait dire que c'est partagé à
peu près moitié-moitié, bien que, lors du rapport Parent,
l'objectif qui avait été précisé était
plutôt de 60% au professionnel et 40% au général.
En 1983-1984, nous avons autorisé quatre programmes dans 26
collèges surtout en électronique, en technologie de
systèmes ordinés, en administration générale et
informatique. Nous avons treize programmes en expérimentation dans le
réseau de l'enseignement collégial. Je pourrais vous en donner la
liste. Nous avons trois nouveaux programmes en voie d'élaboration,
autour de l'entretien mécanique, de la robotique. Nous allons donc
accroître l'éventail des programmes professionnels qui vont
permettre à un plus grand nombre de nos concitoyens d'acquérir
une formation qualifiante plus complète et qui leur permet, à ce
moment-là, de s'adapter plus facilement au marché du travail.
Soit dit en passant, le ministère a également mis en place
un programme d'implantation de centres spécialisés. À cet
égard, je pense qu'il faudrait mettre en garde les intervenants dans le
monde collégial qui, pour certains, pourraient craindre que si à
l'intérieur d'un collège donné, on n'est pas reconnu comme
centre spécialisé que, ipso facto, on ne disposera pas des
compétences et des ressources nous permettant d'attirer des
élèves valables et que, par conséquent, ce collège
sera reconnu comme un collège de seconde zone. Ce n'est pas là le
but des centres spécialisés. Les centres
spécialisés viennent reconnaître une réalité
au sein d'un collège. C'est-à-dire que, lorsque, par suite de la
présence de professeurs, par suite de la proximité de certaines
industries, par suite de l'ouverture très grande sur certains milieux de
travail et aussi de l'ouverture du monde industriel ou du monde
économique, du monde social au collège existant, donc par suite
d'une intégration du collège au sein de la communauté, il
se produit fréquemment que le collège devienne un
véritable centre d'information en contact perpétuel, constant,
avec son milieu et qu'il devienne un intervenant de première classe dans
la vie sociale de la région.
Évidemment, ce n'est pas possible pour un collège de le
faire dans tous les domaines. On observe généralement une
certaine spécialisation du collège. Les centres
spécialisés viennent reconnaître cet état de fait.
Il ne faut donc pas s'imaginer qu'à partir de rien, on va demander de
faire reconnaître un centre spécialisé de manière
à pouvoir se spécialiser dans le domaine. Par exemple, des
autorités collégiales sont venues me demander à un moment
donné qu'on reconnaisse un centre spécialisé dans un
domaine car, disaient-elles, n'ayant pas les ressources, elles ne pouvaient
s'impliquer dans le domaine et elles voulaient obtenir un centre
spécialisé pour pouvoir s'impliquer dans le domaine. Eh bien!
c'est l'inverse, en termes d'approche, de la philosophie qui prévaut
concernant les centres spécialisés. Il faut donc voir le centre
spécialisé comme une reconnaissance d'un apport spécifique
du collège à son milieu qui vient améliorer la
qualité de cet apport, mais qui ne vient pas, fondamentalement, en
modifier la caractéristique.
Nous avons retenu six centres spécialisés depuis
maintenant une année dans le secteur des pêcheries, meubles et
bois ouvrés, dans le textile, les systèmes ordinés, la
technologique physique et la mode. On prévoit en reconnaître trois
autres au cours de l'année et, sans doute, trois autres dans les
années subséquentes. Il y a donc un petit nombre de centres
spécialisés et il ne faudrait pas que les autorités
collégiales voient dans ce centre spécialisé la clef de
tous les problèmes de développement.
Nous avons également commencé à financer des
activités de recherche au sein des collèges. En
général, c'est modeste; cela rejoint des enseignants en
disponibilité qui vont consacrer une année à des travaux
de recherche dans le cadre du programme ACSAIR. Nous donnons également
certaines subventions dans le domaine de l'innovation pédagogique pour
la production de matériel didactique, pour la tenue de colloques. En
d'autres termes, nous sommes au tout début d'une politique qui ferait en
sorte que nos
collèges participent au développement scientifique,
technologique, intellectuel de la société.
Il était peut-être normal qu'à l'origine, les
collèges se concentrent sur une vocation d'enseignement, une vocation
purement pédagogique, laissant à l'université le soin de
s'attaquer à l'accroissement des connaissances, à la poursuite de
travaux scientifiques. Sans doute, si nous voulons maintenir dans nos
collèges certains centres d'excellence, il faudra que certains de nos
collèges s'engagent dans des activités de recherche, recherche
plus régionalisée, mieux ancrée dans le milieu, recherche
moins fondamentale puisque les équipements seront sans doute plus
légers, que les équipements de recherche reposeront très
fréquemment sur l'équipement pédagogique disponible dans
le collège. Il faut s'attendre sans doute à une recherche bien
accrochée à l'environnement d'une région.
Néanmoins, il s'agira véritablement de recherche. C'est donc une
orientation que nous devons favoriser, que nous continuerons à
encourager cette année. Et il faut espérer qu'effectivement, avec
le temps, nous pourrons nous vanter d'avoir au Québec un certain nombre
de centres d'excellence dont on pourra mesurer l'excellence par certains
apports à l'activité sociale et économique du milieu
où ces collèges sont situés. Il s'agit donc de favoriser
l'insertion sociale du collège dans l'environnement.
Quant au problème plus spécifique des services offerts aux
étudiants, je pense que l'élément important aura
été la loi 32, qui favorise le syndicalisme étudiant,
laquelle a permis l'accréditation d'une trentaine d'associations, qui
les reconnaît comme les porte-parole des étudiants, qui garantit
aussi un processus démocratique en assurant que les associations en
question sont bel et bien représentatives et reposent sur un nombre
d'étudiants décidés à appuyer une telle association
dûment reconnue et mesurée. Donc, je dirais que, en termes de
services aux étudiants, c'est sans doute la loi 32 qui aura
été l'élément majeur de 1983.
Nous allons cependant, au cours de l'année, nous attaquer au
problème du décrochage des études collégiales avec
un objectif d'accroître finalement le taux de passage. Nous constatons
encore une fois qu'il y a trop d'étudiants qui s'inscrivent au
collège et ne terminent pas. Sans doute, y voyaient-ils dans certains
cas une solution de facilité et ils découvrent trop tard que, au
contraire, des études collégiales sont des études
astreignantes, exigeantes; beaucoup préfèrent, à ce
moment, les abandonner. Mais nous croyons que le taux d'abandon est trop
élevé. Il nous faudra bien identifier les causes de ces abandons
et faire en sorte que l'on puisse tenter de les corriger. Nous mettrons en
place un système informatisé d'information scolaire et
professionnelle de manière à améliorer l'orientation des
étudiants afin de faire en sorte que ceux-ci puissent, disons, minimiser
des erreurs dans les orientations de départ qui les amènent,
parfois, à poursuivre des études qui les dirigent vers un
cul-de-sac, qu'ils doivent reprendre dans le cadre d'une autre orientation.
Ohï Je pourrais parler, M. le Président, des investissements
importants consentis cette année dans le cadre de la Caisse
d'accroissement des compétences professionnelles où il nous faut
peut-être regretter que le caractère un peu
précipité de la mise en place de cette politique ait amené
les autorités gouvernementales fédérales à indiquer
que si les fonds n'étaient pas dépensés avant le 31 mars,
les sommes risquaient d'être perdues, avec comme conséquence qu'on
a dû pousser un bon nombre de collèges à faire des demandes
rapides, que le nombre de ces demandes n'a pas toujours été aussi
élevé qu'on l'aurait voulu, que l'on a dû favoriser
plusieurs gros projets ou quelques gros projets au détriment
peut-être d'une multiplicité de petits projets répartis
à la grandeur du territoire, ce qui nous aurait peut-être permis
de répondre un peu mieux à la demande. Il faut donc
reconnaître que ce programme a été précipité
pour des raisons budgétaires fédérales, à ce que
l'on me dit. Espérons que, pour la balance des sommes qui sont
disponibles dans le cadre du programme, nous pourrons faire une étude un
peu plus fine et peut-être favoriser une multiplication des projets
plutôt que quelques de réaliser gros projets trop localisés
à un endroit. En effet, il se produit parfois que, lorsqu'on injecte des
sommes trop considérables à un endroit, il y a une certaine
sous-utilisation des ressources, c'est-à-dire que si on laisse libre
cours à l'imagination, celle-ci risque d'être
débridée et il y a toujours danger que les moyens ne soient pas
tout à fait ajustés aux besoins. Là, je pense que c'est un
problème réel qu'on a vécu à certains endroits
mais, soit dit en passant, on ne pouvait quand même pas lever le nez sur
23 000 000 $ d'équipement dans nos collèges. Soulignons que nous
ajoutons également cette année -j'essaie de retrouver le chiffre
exact - des sommes importantes au chapitre de l'équipement dans les
collèges, c'est-à-dire 8 000 000 $ à une somme qui
était déjà de 8 000 000 $. On passe donc de 15 000 000 $
à 25 000 000 $... Je faisais erreur, ce n'était pas 8 000 000 $
plus 8 000 000 $, mais bien 16 000 000 $ plus 8 000 000 $ ou environ, que
j'aurais dû retenir. Nous injectons donc des sommes assez importantes qui
s'ajoutent aux sommes dans le cadre de la Caisse d'accroissement des
compétences professionnelles. Il faut voir une amélioration, une
modernisation très
rapide des équipements dans nos collèges, ce qui va nous
permettre de répondre aux besoins. (10 h 15)
Soulignons que le collège joue un rôle important au niveau
de l'éducation des adultes et que, évidemment, le rôle des
collèges devra s'intégrer à l'intérieur de cette
nouvelle politique de l'éducation des adultes, c'est-à-dire que
le collège devra travailler davantage de concert avec les commissions
scolaires et les commissions de formation professionnelle, pour assurer une
saine intégration des services mis à la disposition des adultes,
en évitant la duplication et en favorisant une certaine
spécialisation.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va, M. le
ministre?
M. Bérubé: Je croirais, M. le Président,
avoir fait un tour d'horizon assez complet sur ce qui va se passer au sein des
collèges. J'espère que cela aura permis à tous les membres
de cette commission de renouer contact avec les excellents documents qui
traitaient de ces différentes questions et que nous avions soumis
à l'attention de la commission avant les travaux.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.
Juste une parenthèse pour régler la question dont on a
parlé tantôt. Je vais passer à l'adoption du programme 7,
étant donné que tous les membres de la commission sont ici et que
nous avons quorum. Est-ce que le programme 7 est adopté?
Une voix: Sur division.
Le Président (M. Charbonneau): Sur division, bien entendu.
D'accord. M. le député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, nous avons déjà eu
l'occasion, au cours des mois qui ont précédé, de discuter
abondamment du travail qui se fait dans les collèges, en particulier
à l'occasion de la commission parlementaire sur le régime
collégial, commission, entre parenthèses, qui, loin d'entraver
l'action du gouvernement, a permis de l'orienter vers des fins plus compatibles
avec l'intérêt bien compris des collèges et la
qualité de l'éducation qui doit se dispenser à ce
niveau.
Comme on a déjà eu l'occasion de discuter de toute cette
partie du programme d'action du gouvernement, je n'ai pas l'intention d'y
revenir ce matin de façon détaillée. Le gouvernement,
à la suite de la commission parlementaire, a fait des corrections au
projet de règlement qu'il avait conçu. Plusieurs de ces
corrections ont été approuvées par nous et par un grand
nombre des milieux qui se consacrent ou s'intéressent à
l'enseignement collégial. D'autres points n'ont pas été
acceptés. Mais je pense que, de manière générale,
les travaux qu'avait tenus la commission parlementaire furent fort utiles. Je
dis ceci en faisant, évidemment, allusion à ce que nous avons
entendu hier soir, que je n'ai pas encore compris et, à plus forte
raison, accepté qu'après le calme qu'apporte
généralement la nuit...
Je me réjouis, comme nous l'avons fait l'an dernier d'ailleurs,
de l'augmentation des effectifs étudiants dans les collèges
publics du Québec. Je pense que ce phénomène encourageant
peut s'expliquer en partie par les conditions économiques difficiles qui
ont amené les jeunes à demeurer aux études plutôt
qu'à s'orienter tout de suite vers le travail qui n'était pas
disponible. Je serais d'accord sur ce point avec le ministre que, en longue
période, c'est probablement un mal pour un bien. Peut-être que les
facilités d'adaptation au marché de l'emploi pour ces personnes
qui ont continué des études à cause du contexte
économique seront agrandies à l'avenir. Je pense qu'il y a lieu
de s'en réjouir.
Je ne veux pas prolonger davantage les commentaires, vu le peu de temps
que nous avons pour ce chapitre de l'étude des crédits. Je vais
plutôt poser un certain nombre de questions. Je m'aperçois qu'il
est mieux de les poser une par une, car lorsqu'on en pose cinq en même
temps, le ministre prend tout le temps pour répondre à la
première, et les autres c'est comme si on ne les avait pas
posées. Alors, je vais les poser une par une, dans l'espoir que les
réponses seront brèves et qu'on pourra avoir une réponse
à chacune.
J'ai entendu dire de la part d'un collège - il ne s'agit pas
d'une observation générale, mais cela vient d'un collège
et je voudrais savoir si le gouvernement a des données additionnelles
à ce sujet - que l'augmentation des inscriptions s'accompagnerait d'un
taux plus élevé d'abandon des études. Je pense que le
collège qui a fourni des indications à ce sujet est le
Collège John-Abbott. Il est évidemment un peu tôt pour
tirer des conclusions générales, mais je voudrais savoir de la
part des représentants du ministère si c'est un
phénomène qu'on a observé de manière le moindrement
générale ou si c'est une observation particulière dont il
ne faut pas tirer trop de conclusions pour l'instant.
M. Bérubé: Des éléments de
réponse que l'on pourrait tenter de développer, je n'ai
malheureusement pas de chiffres pour 1984. On me dit qu'on aurait des chiffres
plus détaillés jusqu'en 1983, mais nous n'en
avons pas pour 1984 ou du moins, en d'autres termes, de l'année
qui s'écoule.
M. Ryan: Très bien. Comme ma demande de renseignements
portait sur l'année qui se termine, j'aimerais autant, si vous
recueillez des renseignements, que vous me les fassiez parvenir par
après. Ce n'est pas essentiel à la poursuite de la
conversation.
M. Bérubé: Je ne répondrais qu'en termes
généraux. Sur une cohorte de 100 jeunes, vous en avez 62,4 qui
terminent leur enseignement régulier, 7,9 qui le terminent dans le cadre
de l'éducation des adultes, pour un total de 70.
Au niveau collégial, toujours de cette cohorte de 100, vous en
avez 45,5, en 1981, qui s'inscrivaient aux études collégiales
mais 27% qui obtenaient leur diplôme. Donc votre question, en 1981,
aurait entraîné la réponse suivante: Sur une cohorte de
45,5 élèves s'inscrivant à temps plein au
collégial, on retrouvait à peu près 27
diplômés sur ces 46. Il s'agissait là des statistiques de
1981.
M. Ryan: Merci. Le gros sujet de discussion dans les
cégeps à l'heure actuelle c'est évidemment la perspective
des conséquences qu'entraînera l'application des décrets
pour la phase P-2, évidemment aussi la phase P-3. Il y a des
représentations qui ont été faites au gouvernement de la
part des syndicats qui représentent les enseignants, faisant valoir les
conséquences de l'augmentation de la charge qui est intervenue en
1983-1984.
J'apprends qu'un certain nombre de conseils d'administration de
cégeps auraient également adopté des résolutions
demandant au gouvernement de réexaminer cette question de l'application
de P-2 dans sa forme intégrale telle que définie par le
décret. Je sais que la Fédération des collèges a
adressé un message au gouvernement lui demandant de ne pas toucher
à cela pour des raisons qu'il faut cependant situer dans leur juste
contexte. La fédération dit: On nous a déjà
annoncé une compression additionnelle - je pense que c'est de 4 500 000
$ - et on ne voudrait pas être forcé de puiser à même
l'ensemble de l'enveloppe pour donner plus d'argent là alors qu'il y a
d'autres postes qui font à découvert ou qui ne sont pas l'objet
de toute l'attention nécessaire.
Je ne sais pas si le gouvernement a fait une étude ou a des
données à communiquer. On a les chiffres. Il n'y a pas de
problème là-dessus. Je pense que dans l'ensemble, pour la
dernière année, c'est à peu près 1200 enseignants
qui ont été mis en disponibilité au début de
l'année. Il y en aurait près de la moitié qui aurait
été repris à cause de l'augmentation des effectifs.
Sur les 600 qui restaient, disons -ce sont des chiffres en gros; je pense que
ce n'est pas loin de la réalité. Il y en a un bon nombre qui ont
été employés presque à temps complet à des
tâches d'enseignement, même si ce n'était pas à titre
d'enseignants réguliers de plein droit. De ce côté, par
conséquent, je ne voudrais pas qu'on m'inonde de chiffres; nous les
connaissons, nous sommes allés les chercher à la source. C'est
une donnée qui est acquise à la base.
Ce que je voudrais savoir c'est si le gouvernement a recueilli des
données sur les aspects suivants: D'abord sur l'impact du décret
sur les collèges suivant la taille variée de chacun? C'est
évident que dans un collège qui a une clientèle de 3000 ou
4000 étudiants l'impact n'est pas le même que dans un
collège qui a une clientèle plus réduite. Je ne sais pas
si vous avez des données indiquant l'impact différent des
décrets suivant la taille du collège. Je pense que dans le cas du
collège de La Pocatière, dont le conseil d'administration a
adopté une résolution invitant le gouvernement à
reconsidérer sa position, on fait valoir que l'impact des augmentations
de tâches est plus fortement ressenti dans une petite institution comme
la nôtre, comme en témoigne l'augmentation du nombre
d'élèves par professeur, l'augmentation du nombre de
préparations différentes, etc. Je voudrais savoir si vous avez
des données, si vous avez eu des représentations de la part des
collèges sur cet aspect précis.
Deuxièmement, suivant les disciplines et les départements,
est-ce que l'impact nécessairement varié a été
évalué par le gouvernement? Est-ce qu'on a des données sur
cela? Troisièmement, suivant la composition du personnel enseignant
selon les sexes, on m'affirme que l'impact de l'augmentation de la tâche
pour la période de trois ans couverte par les décrets sera
beaucoup plus considérable du côté des femmes que du
côté des hommes, que les mises en disponibilité affecteront
davantage cette partie du corps enseignant dans les cégeps. Je ne sais
pas si vous avez des données sur cela, j'aimerais cela le savoir.
Ensuite suivant l'âge du corps professoral, est-ce que vous avez fait des
projections établissant, si les décrets sont appliqués de
manière littérale, l'effet qui en résultera sur
l'âge moyen du corps professoral à travers l'ensemble des
cégeps? Finalement, l'impact des cégeps suivant la
hiérarchie des tâches à l'intérieur de ce que
j'appellerais la tâche de travail du professeur.
Un des premiers effets visibles du décret c'est l'accroissement
du nombre d'heures d'enseignement par semaine. C'est évident que, si
vous avez plus d'heures d'enseignement par semaine, vous devez consacrer plus
d'heures à la préparation des cours additionnels que vous serez
appelés à
donner. Cela veut dire qu'il y a d'autres tâches qui seront
traitées peut-être avec moins de considération ou
d'attention. Je vous dis des choses qu'on nous communique. Je pense que c'est
bon qu'elles trouvent leur écho sur le parquet de l'Assemblée
nationale. Il me semble que c'est la place pour les ventiler avec tout le sens
des responsabilités qui incombe dans cela. On nous dit par exemple que
l'attention aux élèves est diminuée d'autant. Je vous dis
des choses que j'ai entendues, qu'il y a des professeurs qui donnaient des
travaux personnels disons à toutes les semaines ou à toutes les
deux semaines. Ils vont les donner maintenant à toutes les trois
semaines ou à toutes les quatre semaines. On nous dit que les examens
seront moins détaillés qu'ils ne l'étaient, de
manière que l'enseignant en fin de compte soit capable de transiger avec
un nombre de copies ou de pages raisonnables compatibles avec la conception
qu'il se fait de sa tâche. Je ne sais pas ce que vous avez à dire
sur ces aspects. Ce sont des points qui m'apparaissent très importants
pour la qualité de l'enseignement dispensée dans les
collèges.
Je voudrais également que le ministre nous dise, quant à y
être, comment il a répondu jusqu'à ce jour aux demandes qui
lui ont été faites par les organismes concernés, en
particulier les syndicats d'enseignants, qui représentent les
cégeps? Comment a-t-il répondu aux demandes qui lui ont
été faites? Est-ce qu'il a eu des rencontres avec ces gens?
Est-ce qu'il a discuté de ces choses avec eux? Quelle est la politique
du gouvernement à ce sujet? (10 h 30)
M. Bérubé: Nous avons pris note des
différentes questions que vous avez posées et nous allons essayer
de voir si nous avons des réponses chiffrées aux questions
très détaillées que vous avez soumises.
Gel de la tâche des enseignants
La question de l'accroissement de la tâche. Il est
évidemment plus difficile d'établir des points de comparaison, de
référence dans le cas du système collégial
puisqu'il s'agit d'un système d'enseignement original, propre au
Québec, que l'on retrouve un peu partout aux États-Unis sous la
forme de "Junior College", mais avec des orientations nettement
différentes de celles que l'on retrouve au Québec. Par
conséquent, il est assez difficile de juger si notre système
collégial dispose de toutes les ressources dont il aurait besoin pour
donner un enseignement de qualité. C'est une question qui, à cet
égard, peut faire l'objet de longues polémiques sans qu'on puisse
trancher facilement.
À ce moment, il faut plutôt se référer au
nombre d'heures d'enseignement qu'un professeur peut avoir à donner,
à la nouvelle matière qu'il a à donner, au nombre
d'élèves en classe; il faut comparer aussi avec une assez longue
tradition qui a eu cours au sein de nos universités, au niveau des
premières années d'études universitaires. On fait appel
également à de grands groupes où on enseigne une
matière normalisée, standardisée, qui évolue
lentement, en ce sens que l'enseignement de la chimie de base n'a pas beaucoup
évolué au cours des dernières années. La recherche
de pointe n'a pas encore d'incidence très grande sur les principes
fondamentaux qui sous-tendent la chimie. Il n'y a pas encore de
révolution significative et on continue d'enseigner la chimie-physique
comme on l'enseignait il y a un certain nombre d'années, en ce sens que
les grandes lois de Le Chatelier ou autres sont restées tout à
fait d'actualité. Donc, se fondant sur le type d'enseignement qu'on
connaissait dans nos universités, on peut tirer la conclusion que la
charge d'enseignement dans nos collèges est loin d'être
prohibitive, elle est fort raisonnable.
Le gros de l'effort d'ailleurs a été demandé en
termes d'accroissement de la tâche, cette année; je pense qu'on
demande un accroissement de tâche de l'ordre de 7% à 8%, si je ne
m'abuse. Mais l'année prochaine, l'augmentation sera plutôt de
l'ordre de 3%. On me dit entre 3% et 4%. Un instant, s'il vous plaît!
3,4%. Donc, ce n'est pas une augmentation très significative, mais il
faut dire que, compte tenu de l'accroissement de la clientèle, cela va
nous permettre de faire face à l'accroissement de la clientèle
sans avoir, nécessairement, à engager de nouveaux professeurs.
Donc, nous allons, néanmoins, réduire nos coûts unitaires
de près de 3%.
Aussi, je n'ai pas tendance à voir des problèmes
d'organisation scolaire dans le système collégial comme j'aurais
tendance à prêter une oreille plus sympathique aux
problèmes du niveau secondaire où l'on vit -comme on l'a dit il y
a deux jours - des problèmes d'intégration, d'enfants en
difficulté, des problèmes de changement de régime
pédagogique, une organisation scolaire très
spécialisée qui serait, peut-être, bien adaptée
à l'enseignement universitaire à une condition, c'est qu'on
augmente de façon très significative, les ressouces au niveau
secondaire, ce qui nous mettrait dans une situation absolument unique au monde
et ce que nous n'avons pas les moyens de nous offrir. Donc, les
problèmes que vivent les réseaux primaire et secondaire sont
très différents des problèmes que vit le réseau
collégial; je dirais même que les problèmes du niveau
primaire sont très différents des problèmes du niveau
secondaire.
Dans les différents ouï-dire soulignés par le
député d'Argenteuil je n'ai pas de raison de voir pour l'instant
autre chose
vraiment que la réaction normale de tout employé de
refuser un accroissement de tâche et de s'engager dans l'activité
la plus publique possible pour tenter de gagner des fidèles à sa
cause et faire en sorte qu'il puisse obtenir gain de cause. C'est, je pense,
comme comportement, admirablement bien décrit dans le bouquin de M. de
Closets, intitulé Toujours plus, dans lequel il souligne que certaines
catégories de citoyens ont la chance de bénéficier de
tribunes.
Je ne prétends pas que le député d'Argenteuil
veuille se faire le porte-parole officiel, veuille se muter en tribune pour ces
groupes de pression car ses propos ont été fort
modérés. Il en a simplement fait état, comme les ayant
entendus et se demandant dans quelle mesure ils étaient vrais. J'aurais
tendance à lui dire ceci: Je pense qu'ils font partie des moyens de
pression couramment utilisés par tout groupe organisé de citoyens
qui veut améliorer son sort. Évidemment, il faut les regarder
dans le contexte d'un équilibre à établir entre les
différentes missions au sein d'une société.
Il est clair, en vertu de cette vieille loi des vases communicants,
qu'injecter plus de ressources au niveau collégial supposerait un
prélèvement ailleurs. Comme, en général, on trouve
relativement peu de volontaires pour s'offrir à subir des compressions
additionnelles, je comprends la Fédération des collèges
d'avoir compris que toute bonification des conditions de travail de ses
employés va se faire, dans le fond, à l'intérieur d'une
enveloppe globale, et il y a des chances pour que ce soit tantôt
l'éducation des adultes, tantôt les dépenses de
fonctionnement, tantôt la qualité générale de
l'enseignement à cause des moyens réduits, qui pourraient faire
les frais d'une oreille un peu trop sympathique et attentive aux groupes de
pression érigés dans le but unique, évidemment, de
défendre les intérêts d'un groupe. Donc, j'aurais
personnellement tendance à ne pas accorder trop d'importance à
certaines plaintes que nous avons entendues depuis quelque temps. Je n'y vois
pas une base aussi solide que celle que je pourrais voir, par exemple, au
niveau secondaire.
Le problème des petits collèges, soulevé par le
député d'Argenteuil, m'apparaît plus réel. Le
ministère en tient compte dans la mesure où, par exemple, le
pourcentage d'augmentation de tâche pour les petits collèges doit
se situer cette année en moyenne à 3,1%, alors que pour les plus
grands collèges ou les autres, il se situe plutôt à 3,8%.
On n'a donc pas demandé le même effort aux petits et aux grands
collèges. Néanmoins, est-ce que ce pourcentage de 3,1% est
suffisamment faible pour leur permettre une adaptation au nouveau régime
de travail des employés? Évidemment, c'est plus difficile
à juger, car les collèges se sont aussi donné des
politiques pédagogiques... Oui?
M. Ryan: Est-ce que je pourrais faire une remarque à ce
moment-ci? On a à peu près une heure et quart pour discuter de
tout le problème des cégeps. Si la réponse prend vingt
minutes pour chaque question, cela veut dire qu'il va y avoir deux questions
qui seront posées, et on en a une dizaine à poser. Je
soulève cela à l'attention...
M. Bérubé: Une dizaine de questions? M. Ryan:
Oui.
M. Bérubé: Si vous avez une dizaine de questions,
tout ce que je peux vous dire, c'est: Essayez de répondre à votre
question.
M. Ryan: II y a deux de mes collègues qui en ont une
chacun. Alors, si les réponses pouvaient être brèves...
Dans ce cas-ci, j'ai cru comprendre que la réponse est non. Cela prend
deux minutes.
M. Bérubé: À la première partie,
c'est plutôt non.
M. Ryan: Tout le reste, on a entendu cela 150 fois.
M. Bérubé: Alors, à la première
partie de la question, c'est plutôt non.
M. Ryan: Oui.
M. Bérubé: À la deuxième, je vous dis
qu'il y a une différence entre les petits et les grands collèges.
Toutefois, ce que je vous dis aussi, c'est que certains collèges ont des
politiques pédagogiques. À titre d'exemple, on peut vouloir
maintenir au moins un enseignant à temps plein dans chaque champ
disciplinaire.
Évidemment, on veut aussi, dans certains cas, maintenir un
certain inventaire de programmes, le plus complet possible, de manière
à offrir, en région, un choix valable aux étudiants qui
voudraient s'inscrire au collège. Il est clair, à ce
moment-là, que certaines politiques propres au collège peuvent
être incompatibles avec une compression même de 3,1%. C'est une
question beaucoup plus délicate parce qu'il s'agit de l'interaction
entre une politique propre au collège et une politique applicable
à l'ensemble du Québec. Mais, de fait, nous allons regarder le
problème des petits collèges pour voir s'il n'est pas
nécessaire de prévoir des ajouts très spécifiques
pour essayer de régler des problèmes locaux.
Il faut quand même bien comprendre que le problème que
soulève le député d'Argenteuil est un problème
localisé, et c'est celui d'une interaction entre une
compression générale et une politique locale, qui peut
entraîner un besoin en ressources supérieur à ce qui serait
nécessaire si on modifiait la politique locale.
M. Ryan: Est-ce que le ministre pourrait répondre à
la question que j'ai posée? Est-ce qu'il a reçu des demandes de
rencontres de la part des fédérations syndicales
concernées? Quelle réponse a été
apportée?
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: Quelle réponse a été
apportée?
M. Bérubé: On va y voir. M. Ryan: Quand?
M. Bérubé: Je ne peux pas vous dire exactement,
dans mon agenda, quand cela est prévu; mais c'est prévu.
M. Ryan: Est-ce qu'une réponse leur a été
donnée selon laquelle ils se seraient vus, qu'ils se seraient
rencontrés? Est-ce qu'ils ont été informés de
cela?
M. Bérubé: Je ne peux pas vous dire s'il y a eu une
réponse. Je peux vous dire que, dans la préparation de mon
agenda, on a prévu un moment pour les rencontres. Et, à ce
moment-là, mes adjoints prennent les mesures nécessaires pour
entrer en contact avec les gens qui nous ont demandé des rencontres.
M. Ryan: Vous rappelez-vous à quand remontent les
communications demandant une rencontre?
M. Bérubé: Non.
M. Ryan: Vous ne vous rappelez pas cela. Ce n'est pas
important.
M. Bérubé: Là, si le député
d'Argenteuil veut commencer à soulever des querelles - car le
député d'Argenteuil passe son temps à dire que,
évidemment, le ministre a toujours des propos ad hominem... Le propos
qu'il vient de tenir, comme d'ailleurs une des premières interventions
qu'il a faites en début de commission, traitant certains de mes propos
de sots, ne sont pas de nature à créer de bonnes relations. Le
député d'Argenteuil devrait plus souvent se relire, M. le
Président, car il a un ton méprisant lorsqu'il s'adresse aux
gens, un ton condescendant, un ton moralisateur qui, d'ailleurs, est connu dans
tout le Québec. Il n'est pas en mesure de donner des leçons
à qui que ce soit.
M. Ryan: M. le Président, j'ai demandé au ministre
s'il se souvient de la date à laquelle ces fédérations ont
demandé une rencontre. Il ne se rappelle pas. Qu'il porte la
responsabilité de son ignorance du dossier. Je n'ai rien à voir
là-dedans. J'ai le droit d'avoir ces renseignements. Et s'il ne les a
pas, il pourrait les demander à ses collaborateurs; ils doivent avoir
cela dans leurs dossiers ici. Tout le reste n'a rien à voir avec la
discussion.
Autre point qui se rattache à ceci: le ministère a dit
qu'un de ses objectifs fondamentaux pour la prochaine année, c'est le
développement d'une politique d'évaluation institutionnelle. Je
pense que les collaborateurs du ministre reconnaîtront cet objectif, qui
nous a été présenté à plusieurs reprises.
Maintenant, je ne sais pas si le ministre est conscient que, pour avoir une
politique d'évaluation véritable dans un collège, il ne
suffit pas que le conseil d'administration se réunisse et qu'il dise:
Là, aujourd'hui, fiat lux, il va y avoir une politique
d'évaluation à partir de maintenant; c'est une orientation du
ministère. Cela ne change rien. Cela va prendre la participation
vraiment engagée de tous les éléments de l'institution, en
particulier des professeurs, c'est eux qui détiennent la clef de cela;
ce n'est pas le conseil d'administration, au point de vue de la
compétence. Et je pense bien que la maîtrise du savoir, au bout de
la ligne, est la clef d'un paquet de choses qu'on veut faire.
Maintenant, si le ministère n'a pas trouvé un
aménagement harmonieux des rapports au point de vue du contenu de la
tâche de travail, je pense bien que toute l'opération
d'évaluation va être un immense ballon qui ne produira aucun
résultat sérieux. Et j'ai causé avec des autorités
de plusieurs institutions collégiales, dans le but de m'enquérir
du progrès de l'opération évaluation. Et ce que je me suis
fait dire, c'est que tant que ces problèmes n'auront pas
été réglés de manière satisfaisante,
l'objectif évaluation ne progressera pas beaucoup. Est-ce que le
ministre voudrait faire des commentaires là-dessus?
M. Bérubé: Je n'aurais qu'un seul commentaire.
Avant l'augmentation de la tâche, également, les syndicats
d'enseignants se refusaient à toute politique d'évaluation.
Alors, il n'y a aucune différence entre la position tenue avant
l'augmentation de la tâche et la position tenue après
l'augmentation de la tâche. La seule chose qui a changé c'est le
prétexte. (10 h 45)
Grève en cours dans les collèges
M. Ryan: Très bien. Au point de vue de la grève qui
est en cours présentement dans
les institutions collégiales, est-ce que le ministre pourrait
nous dire où nous en sommes ce matin? Quelles sont les perspectives de
règlement de ce conflit? Est-ce que le ministère a défini
clairement sa position sur chacun des griefs formulés par les
étudiants ou les organismes qui affirment parler en leur nom?
M. Bérubé: On parle de neuf collèges, encore
ce matin, qui seraient en grève.
M. Ryan: Est-ce que des mesures ont été prises?
Est-ce que cette grève, au jugement du ministre - je l'entendais l'autre
jour, il devient spécialiste en moralité, de plus en plus, je
l'entendais dire que des gens qui veulent avoir...
M. Bérubé: Au contact trop fréquent avec le
député d'Argenteuil...
M. Ryan: ...que des gens qui veulent avoir...
M. Bérubé: ...célèbre professeur.
M. Ryan: ...le respect d'une autre langue, par exemple, ce sont
des gens immoraux, qu'ils se comportent d'une manière immorale.
M. Bérubé: Ce n'est pas cela que j'ai dit
d'ailleurs.
M. Ryan: Est-ce que le ministre considère que les
grèves qui ont eu lieu...
M. Bérubé: À nouveau le député
d'Argenteuil se complaît à déformer les propos des
autres.
M. Ryan: M. le ministre, M. le Président...
Le Président (M. Charbonneau): De part et d'autre qu'on
tente d'éviter ces attaques ou ces propos, parce que finalement on va
détériorer le climat de la commission et on va passer beaucoup de
temps sur ce genre d'interventions. On n'a pas beaucoup de temps
aujourd'hui.
M. Ryan: Ce que je veux demander au ministre c'est si le
ministère a décidé de prendre des mesures: d'abord quelle
est son appréciation au sujet de la légalité de cette
grève et quelle ligne de conduite a-t-il décidé de suivre,
troisièmement, quelle ligne de conduite va-t-il suivre avec les
organismes étudiants qu'il doit rencontrer aujourd'hui, si je ne me
trompe?
M. Bérubé: Pour la question de la
légalité, je pense que je laisserais à des juristes le
soin de l'évaluer. Il est clair que la présence en classe au
niveau collégial ne me paraît pas prévue dans une loi d'une
part, comme dans le cas des relations du travail ou du Code du travail,
codifiant l'exercice du droit de grève. Donc, j'ignore si on peut parler
d'un code d'étudiants prévoyant des débrayages
légaux ou non. Toutefois, il est clair qu'un geste pourrait être
considéré illégal lorsqu'il prive les autres
étudiants d'un droit à une éducation de qualité.
Cela c'est l'aspect légal le plus préoccupant. En effet, un tel
comportement peut amener les collèges à demander des injonctions
à l'encontre de certains barrages qui pourraient être
pratiqués à l'entrée des institutions de telle sorte que
tout étudiant, tout professeur, puisse avoir accès au
collège et recevoir ou donner les enseignements qui y sont prévus
par la loi. À mon avis, c'est davantage l'obstruction d'un
collège qui pourrait faire matière à un recours
légal. Il s'agit là de l'avis non pas d'un juriste, mais d'un
homme de sens commun.
Deuxième point, peut-être que le député
d'Argenteuil voudrait développer sa question, puisque je ne l'ai pas
à la mémoire.
M. Ryan: L'attitude du gouvernement sur chacun des trois points
soulevés par les gens qui sont en grève: Quelle est la politique
du gouvernement sur chacun de ces trois points?
M. Bérubé: Je pense que vous voulez parler des
trois sujets et non pas des trois points. La difficulté dans certains
cas c'est que nous avons reçu, par exemple, de la part de certaines
associations étudiantes, des analyses assez détaillées de
leur position lesquelles portent tantôt sur les prêts et bourses,
tantôt sur la loi 32, tantôt sur le régime d'études
collégiales, le règlement d'études collégiales,
mais les points soulevés sont très nombreux. Il me serait
très difficile de dire quelle est la position gouvernementale quant aux
trois points, puisqu'en général il s'agit non pas de trois
points, mais de trois sujets. Là, évidemment, c'est un peu plus
complexe. Il faudrait que vous soyez un peu plus précis concernant une
demande spécifique. Là, je pourrais réagir.
M. Ryan: Peut-être que le ministre aura l'occasion de se
renseigner sur les griefs des étudiants à l'occasion de la
rencontre qu'il aura avec eux. Mes questions sont terminées.
Impact de la loi 32
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, sur le
même sujet à la page 14 dans les crédits, vous avez
signalé tantôt que la loi 32 a permis l'accréditation de 30
associations étudiantes. Vous mentionnez -
c'est mentionné dans le texte - une étude de l'impact de
la loi 32 sur les relations entre les étudiants et les autorités
des collèges. Si on comprend bien, étant donné que c'est
à la partie bilan 1983-1984, cette étude aurait été
réalisée, serait-il possible d'avoir accès à cette
étude, d'une part? Si, effectivement, on a fait une analyse de l'impact
de la loi 32, peut-être le moment serait-il venu de connaître cette
analyse, étant donné qu'un des trois sujets de revendication ou
de débrayage dans un certain nombre de milieux est, effectivement, cette
loi que nous avons adoptée à l'Assemblée nationale il y a
environ dix mois maintenant?
M. Bérubé: La grande difficulté est que les
débrayages ont eu lieu dans des collèges soit affiliés
à l'ANEQ, soit favorables à l'ANEQ, premièrement.
Deuxièmement, ce qui est un peu ennuyeux dans l'opération c'est
que, au-delà des grandes oppositions de principe, au-delà des
dénonciations et au-delà des anathèmes, on manque parfois
d'une opposition un peu structurée. À titre d'exemple, beaucoup
de jeunes interviewés à la télévision ont dit: Nous
sommes contre le règlement des études collégiales, parce
que nous serons obligés de porter - et on parlait de jeunes
garçons - la chemise et la cravate. Et les jeunes filles devraient venir
en jupe et en robe.
Évidemment, si c'est ce que colporte l'ANEQ concernant le contenu
du régime des études collégiales, je comprends que l'on
fasse la grève. Mais, il n'y a aucun lien entre les rumeurs
colportées au sein des collèges et la réalité des
faits.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, la question
que je posais n'était pas en rapport avec le règlement des
études collégiales, mais en rapport avec la loi 32.
M. Bérubé: Oui, justement...
Le Président (M. Charbonneau): Je voulais parler,
d'ailleurs, du règlement des études collégiales.
M. Bérubé: ...nous avons le même
problème.
Le Président (M. Charbonneau): Si vous me permettez de
terminer, je connais, pour avoir rencontré des étudiants et pour
avoir un cégep en grève dans ma région et dont les
étudiants sont venus me voir à mon bureau la semaine
dernière, les revendications. Ce qui me préoccupe c'est ceci:
est-ce que, tant pour la loi 32 que pour le règlement des études
collégiales, le ministère de l'Éducation a fait des
efforts particuliers?
Il semble qu'il en aurait fait, si l'on regarde l'étude des
crédits ou le document qui nous signale que le ministère aurait
entrepris, sinon terminé, une étude sur l'impact de la loi 32. Si
une telle étude a été faite, peut-être serait-il
temps qu'elle soit connue pour que les étudiants qui prennent comme
prétexte la loi 32 pour débrayer sachent quelles sont les
conséquences effectives. Ce débrayage, en rapport avec la loi 32,
aurait pu être logique il y a dix mois, quand on a adopté la loi.
Mais, maintenant qu'elle est en application depuis dix mois, il serait
peut-être important de savoir ce qu'elle a donné et de les
renseigner, s'ils ne le sont pas, sur l'impact de cette loi.
M. Bérubé: Je faisais référence
tantôt au bilan. Le bilan n'est pas complété; il est en
cours. Il sera complété vers la fin de l'année. Donc, je
ne peux spécifiquement vous donner en ce moment qu'un premier
aperçu global des résultats obtenus avec la loi 32.
Dans le cas des oppositions à la loi 32, elles sont de deux
ordres: ceux qui ne veulent pas de loi 32 et ceux qui veulent une meilleure loi
32. Évidemment, dans ces conditions, c'est un peu délicat. Mais,
avant de me prononcer sur ce que devraient être les modifications
à la loi 32, je préférerais nrVasseoir avec les groupes
d'étudiants et c'est ce que vais faire aujourd'hui pour tenter de bien
saisir la problématique vécue dans les collèges et
universités en ce qui a trait aux associations d'étudiants, de
manière à pouvoir mieux saisir l'orientation que l'on veut
prendre.
Comme je vous le disais tantôt, j'ai reçu quelques
documents solidement étayés de la part de certaines associations
étudiantes qui nous ont permis à ce moment de procéder
à une analyse. J'ai donc pu prendre connaissance de certains points de
vue articulés. Mais, j'ai dû prendre connaissance
également, par le biais des médias, de d'autres points de vue
moins bien articulés. Là, si vous me demandez quelle est la
position du gouvernement face à cette espèce d'accumulation
d'arguments sur une quantité de sujets différents, c'est
difficile; et je pense qu'il est préférable d'attendre et de les
rencontrer cet après-midi.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, ce que je
posais comme question, si j'ai bien compris vos propos: l'étude dont on
parle, il n'y en a pas? Il y a une étude qui serait en cours...
M. Bérubé: ...en cours.
Le Président (M. Charbonneau): ...et dans ce cas on
n'aurait pas dû le mettre à l'étape du bilan mais à
l'étape des orientations pour 1984-1985.
M. Bérubé: Le bilan: on dit qu'on a entrepris en
1983 et 1984 d'établir un bilan. Alors, effectivement je vous dis qu'en
1983-1984 on a entrepris le bilan. Si vous me dites: Est-ce que le bilan est
prêt? La réponse c'est: Non.
Le Président (M. Charbonneau): Ce qui serait utile,
à la fois pour les membres de la commission et j'imagine pour l'ensemble
des membres de l'Assemblée nationale, c'est déjà d'avoir
un peu les éléments de l'analyse qui auraient pu être faite
par le service ou la direction au ministère de l'Éducation, qui
est un peu responsable de l'application de la loi 32. C'est évident
qu'il y a des analyses ou des critiques qui sont différentes à
l'égard de cette législation. Mais quand les
députés reçoivent des étudiants à leur
bureau de comté et qu'ils viennent manifester comme ils sont venus
devant mon bureau, la semaine dernière, j'aimerais bien être
capable de leur dire: Quand vous parlez de la loi 32, les craintes que vous
avez, elles ne sont pas justifiées pour X raisons; cela fait dix mois
que la loi est en application et, contrairement à ce que vous pouvez
prétendre dans tel ou tel cas, ce n'est pas comme cela que cela s'est
passé. Je ne suis pas équipé pour faire cela. J'imagine
que le ministère de l'Éducation, après dix mois, a
dû suivre un peu l'évolution de l'application de cette loi.
M. Bérubé: Mme Brodeur qui m'accompagne, est
responsable de l'étude en cours. Elle pourrait peut-être vous
donner l'état de leur analyse.
Le Président (M. Charbonneau): Merci.
Mme Brodeur (Nicole): Écoutez, on a déjà une
première ébauche de l'analyse sur la Loi de
l'accréditation et le financement des associations
d'élèves et d'étudiants pour le collégial, la loi
32. On pourrait vous la faire parvenir. D'autre part, je pense que les
communications entre les bureaux de comté et la direction
générale de l'enseignement collégial sont relativement
fluides. Vous pourriez toujours communiquer avec nous sur cela. Mais on va vous
envoyer ce rapport d'étape qui fait état des différents
problèmes.
Le Président (M. Charbonneau): Mais dans ce cas je pense
que les membres de la commission de l'éducation seraient
particulièrement intéressés à avoir ce bilan, d'une
part. D'autant plus que cela est d'actualité. Je veux bien croire que
c'est facile pour nos bureaux de comté d'entrer en communication avec le
ministère, mais la réalité c'est qu'on est en commission
parlementaire sur les crédits. On parle de la qualité des
services offerts aux étudiants. Le ministre lui-même, dans ses
propos préliminaires, a parlé de la loi 32. Cet après-midi
il rencontre les étudiants. Je pense que c'est maintenant qu'on voudrait
avoir le bilan pour pouvoir nous-mêmes donner des explications.
Mme Brodeur: Vous le retrouverez en début
d'après-midi. Je vais le faire imprimer tout de suite.
Règlement des études
collégiales
Le Président (M. Charbonneau): La deuxième question
que je voulais poser au ministre c'est au niveau du règlement des
études collégiales. Je pense que le ministre lui-même a
signalé des informations absolument farfelues qui circulent dans le
milieu étudiant. Nous en avons entendu, je pense, des membres de la
commission qui ont pu entrer en contact avec les étudiants. Est-ce que,
depuis que le règlement des études collégiales a
été adopté après la commission parlementaire du
mois de décembre, si je me rappelle bien, est-ce qu'il y a eu un effort
particulier d'information du ministère de l'Éducation à
l'endroit de l'ensemble des étudiants du Québec, d'une
façon personnalisée? Cela leur aurait permis et leur permettrait
de connaître le règlement d'études collégiales, ce
qu'il comprend effectivement et non pas ce qu'ils pensent comprendre, à
cause justement de toute une campagne souvent un peu paranoïaque
prêtant des intentions particulières à la fois au
gouvernement et aux membres de l'Assemblée nationale. On a eu une
commission parlementaire sur cela. Je pense que le ministre lui-même a
reconnu et a indiqué que le règlement qui a été
adopté est différent de celui qui a été soumis pour
discussion au mois de décembre. Est-ce que les étudiants ont
été informés par le ministère du contenu
réel de l'actuel règlement, celui qui est en vigueur?
Mme Brodeur: II y a une première chose, c'est que tous les
collèges - je pense que c'est un document par une dizaine ou une
quinzaine d'étudiants - tout le monde a reçu le projet de
règlement sous la forme d'un petit cahier. Ce n'était quand
même pas la version commentée, qui devrait sortir d'ici deux ou
trois semaines. Il y a eu des rencontres entre des associations
étudiantes; même cela a été des débats
contradictoires avec l'ANEQ et des représentants du ministère.
Ces rencontres n'ont pas été nombreuses. Il y en a eu
peut-être quatre ou au plus cinq. Par ailleurs il y a des directions de
services pédagogiques dans tous les collèges. Celles-ci
connaissaient fort bien les nouvelles orientations du règlement sur les
études pédagogiques. Il y a des collèges qui ont pris
l'initiative, dans leur journal local, d'indiquer la signification et la
portée
de chacun des articles du règlement. On n'a cependant pas eu le
battage d'une campagne massive d'information. Sans doute qu'on s'est trop
fié aux directions locales là-dessus. (11 heures)
Le Président (M. Charbonneau): Mais vous parlez d'une
campagne ou d'un dépliant d'informations commentées.
Mme Brodeur: Oui.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce qu'il va arriver
avant la fin de l'année scolaire?
Mme Brodeur: Oui. Il va sortir d'ici deux à trois
semaines.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce qu'il sera
accessible à l'ensemble des étudiants?
Mme Brodeur: Oui, il va être diffusé sous petit
format, mais il va être plus épais...
Le Président (M. Charbonneau): Et chaque étudiant
va en avoir une copie?
Mme Brodeur: Oui.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le
député de Saint-Laurent.
Conseils d'administration des collèges
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, je voudrais
soulever une question qui inquiète beaucoup de monde, qui
inquiète les gens qui ont oeuvré dans le domaine
collégial, qui inquiète également le conseil des
collèges: c'est la composition du conseil d'administration au niveau des
collèges.
Je lisais ici le rapport du conseil des collèges. Il y a ici un
article, un paragraphe concernant le rôle du conseil d'administration. On
dit: Le conseil d'administration est trop souvent inopérant quand il
s'agit d'exercer ses responsabilités en matière de planification,
d'orientations générales et de bilans périodiques
reliés aux buts et priorités de l'institution. La commission a
pris note que plusieurs conseils d'administration jouent un rôle peu
actif quand il s'agit des grandes politiques de l'établissement. Je
pense que c'est une déclaration très significative.
Si on regarde la composition du conseil d'administration d'un
collège, on constate que c'est un lieu où on vide les chicanes,
c'est un champ de bataille, c'est un endroit où on a des luttes de
pouvoir et, je dirais, depuis plusieurs années. À un moment
donné on avait une composition; on l'a changée il y a quelques
années. Je pense qu'il faut bien constater que c'est une question
d'addition. Il faut additionner les gens de l'intérieur versus ceux de
l'extérieur. Or, on constate que c'est le milieu, c'est
l'intérieur qui, en fait, a le contrôle, à toutes fins
utiles, de l'administration.
C'est d'autant plus paradoxal qu'au niveau scolaire - cela inclut le
secondaire -on veut absolument donner le pouvoir aux parents. C'est ce que j'ai
compris à la suite de la commission parlementaire sur le projet de loi
40.
Ici en fait, c'est quasiment du masochisme. On veut absolument que cela
ne fonctionne pas. On a des personnes dans le conseil d'administration qui sont
en conflit d'intérêts constant. Trois professeurs, un
professionnel, un soutien. Si on ajoute des professeurs qu'on va retrouver
parmi les parents, parce que c'est un truc pour avoir la majorité: on va
s'organiser, on va voir à ce que des professeurs soient nommés
comme parents et à ce moment, c'est indiscutable, que vous avez une
majorité très nette du milieu au conseil d'administration. En
fait, à toutes fins utiles, c'est le milieu qui contrôle le
conseil d'administration.
Je pense qu'il serait temps qu'on arrête, j'allais dire, cette
folie, ce fonctionnement. Il serait temps qu'on constate que cela ne peut
vraiment pas fonctionner et qu'on établisse un nouveau conseil
d'administration qui permettrait au milieu d'être
représenté, je pense, d'une façon majoritaire. On veut le
faire au niveau scolaire, au niveau primaire, secondaire. Le secondaire, c'est
immédiatement avant le collégial. En fait, on donne le
contrôle complet aux parents, que ce soit par les commissaires qu'on
connaissait avant la loi 40 ou peut-être ceux qu'on pourrait
connaître après la loi 40. Je voudrais savoir si le ministre
entend corriger cette incongruité qui persiste depuis beaucoup trop
longtemps à mon sens?
M. Bérubé: Alors, la question du
député de Saint-Laurent est intéressante. Elle
soulève également un certain nombre de questions, peut-être
incongrues aussi. Alors, si je comprends bien de votre expérience -car
vous avez présidé un conseil d'administration d'un
collège, qui a d'ailleurs été mon alma mater - le conseil
d'administration est un champ de bataille où se livrent toutes ces
grandes luttes de pouvoir pour tenter d'en saisir le contrôle, et les
grandes parties à l'origine de cette querelle pour tenter de prendre le
contrôle du collège sont les professeurs, les étudiants et
les parents. C'est ce que j'ai compris de votre intervention.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est clair, un conflit
d'intérêts.
M. Bérubé: C'est effectivement clair.
Évidemment, je n'oserais pas suggérer un
caucus au sein du Parti libéral pour se concerter sur la place
que les enseignants doivent occuper dans les institutions d'enseignement, car
le député d'Argenteuil, à de nombreuses reprises, a
souligné que, par exemple, à l'école, on devrait faire une
place beaucoup plus importante aux enseignants au conseil d'école.
J'aimerais plutôt demander au député de
Saint-Laurent si sa question vise à demander si on devrait
éliminer du conseil d'administration les professeurs, les
étudiants et les parents.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne crois pas que ce soit
nécessaire qu'on ait trois professeurs pour représenter les
professeurs. Qu'il y ait un professeur, je suis parfaitement d'accord.
M. Bérubé: Donc, il faudrait, si je comprends bien
la position du Parti libéral, réduire au strict minimum la
participation des professeurs au conseil d'administration du
collège.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je n'ai pas dit cela. Ils ont un
rôle à jouer.
M. Bérubé: Écoutez, si un n'est pas le
strict minimum, je ne suis pas capable de le couper en deux! Alors un, pour
moi, c'est le strict minimum.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je pense que oui; que les professeurs
soient représentés, je suis parfaitement d'accord.
M. Bérubé: Donc, on s'entend que le sens de la
question, c'est qu'on voudrait qu'on réduise au strict minimum le nombre
de professeurs; or, le strict minimum, selon l'intervention du
député de Saint-Laurent, bien, forcément, c'est un puisque
c'est difficile de tailler un enseignant en deux! Peut-être, dans le sens
de la longueur! Enfin, même spécialiste en compressions et en
coupures, j'aurais de la difficulté à réaliser une telle
opération. Alors, je vais m'en tenir, à ce moment-là,
à une représentation dite minimale d'un professeur au conseil
d'administration, de manière que le conseil d'administration ne puisse
pas être un foyer de lutte de pouvoir.
Alors, je comprends le sens de l'intervention. J'ai évidemment de
la difficulté à concilier le sens de l'intervention avec la lutte
menée par le Parti libéral pour intégrer des professeurs
aux conseils d'école, au niveau des polyvalentes et du secondaire; mais
disons qu'on n'en est peut-être pas à une incongruité
près, comme le disait le député de Saint-Laurent.
Alors, l'attitude prudente en la matière consisterait à
prendre note, je pense, de la position du Parti libéral, exprimée
par le député de Saint-Laurent, d'une part, et, d'autre part,
à attendre le rapport du conseil des collèges qui, comme on le
sait, effectue une consultation sur la question; il nous fera des
recommandations. Il existe effectivement des positions divergentes, que l'on
peut retrouver dans le public. L'une veut une sorte d'amélioration des
conseils d'administration existants; l'autre veut, au contraire, une
élimination beaucoup plus complète des intervenants en conflit
d'intérêts, comme l'a décrit le député de
Saint-Laurent, et favorise plutôt un conseil d'administration purement de
l'extérieur, avec une représentation je ne dirais pas symbolique,
mais minimale, de telle sorte qu'elle n'ait à peu près pas le
moyen d'influencer les décisions du conseil dans le sens d'une lutte de
pouvoir.
Je comprends en fait tout cela. Le député de
Saint-Laurent, je le remercie, puisque, ayant siégé depuis
longtemps à un conseil d'administration de collège, je
présume que sa position doit être assez représentative de
la pensée du parti sur la question.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela n'a pas répondu du tout
à ma question. Les élucubrations...
Le Président (M. Charbonneau): Je vous signale que, si
l'on veut avoir le temps de procéder à l'étude des
prêts et bourses, il nous reste vingt minutes. Je vais accorder
jusqu'à la demie pour terminer ce programme-là. Donc, il y aurait
le député de Vachon et, par la suite, la députée de
Jacques-Cartier et le député de Fabre. Si on pouvait faire en
sorte que ces trois interventions se fassent dans le délai avec les
réponses du ministre pour qu'on passe ensuite à l'étude
des prêts et bourses, étant bien conscients que, de toute
façon, on n'a pas le temps de faire en sorte que tout le monde ait 20
minutes pour chaque programme.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais seulement apporter une précision, si
vous me le permettez, à propos de ce que le ministre m'a imputé
concernant les débats sur la loi 40.
Le Président (M. Charbonneau): À la condition que
vous n'ouvriez pas une autre boîte de Pandorel
M. Ryan: Non, mais ce que je voudrais que le ministre comprenne,
c'est que...
M. Payne: Puisqu'il y a 20 minutes...
M. Ryan: Pardon?
M. Payne: Non, commencez.
M. Ryan: Non, ce n'est pas du tout ce qu'on a dit à la
commission parlementaire. Ce que nous avons dit à la commission
parlementaire, c'est qu'il faut une autorité à la tête de
l'école qui va être le directeur de l'école. C'est le
premier point de tout. On ne voulait pas qu'il soit une simple créature,
ce directeur, mais qu'il ait une autorité véritable.
Deuxièmement, on a dit que, dans les matières qui sont d'ordre
pédagogique, il faut absolument la participation des enseignants aux
décisions. Nous l'avons soutenu avec force.
M. Bérubé: J'en prends note.
M. Ryan: Cela vaut évidemment pour les autres niveaux
également.
Le Président (M. Charbonneau): Cette mise au point
étant faite, M. le député de Vachon.
Mises en disponibilité et recyclage
M. Payne: J'aurais un petit commentaire au sujet des conseils
d'administration. Selon mon expérience, les conseils d'administration ne
sont pas toujours un lieu de bataille et de lutte de pouvoir.
Au sujet des mises en disponibilité, je veux seulement faire un
survol d'un certain nombre des questions... Combien d'enseignants de
cégeps sont mis en disponibilité cette année?
M. Bérubé: À peu près 600.
M. Payne: À peu près 600? Avec 75% qui sont
déjà en cours de recyclage ou affectés ailleurs?
M. Bérubé: Oui, 400 qui, de toute façon, ont
une affectation pleine pour ainsi dire.
M. Payne: Et quelles sont les normes? Qui détermine le
sort de ces personnes mises en disponibilité?
Mme Fortin (Michèle): La convention collective.
M. Payne: Quels sont les membres qui demandent... Je ne parle pas
de la convention collective, mais des directives. Si je suis mis en
disponibilité aujourd'hui, est-ce que je peux faire
référence à un certain nombre de directives qui peuvent
déterminer mon sort?
M. Bérubé: On me dit que, outre les conventions
collectives, il faudrait répondre non à votre question.
M. Payne: II faut quoi? Je n'ai pas compris.
M. Bérubé: À part le contenu des conventions
collectives portant sur cet aspect particulier des mises en
disponibilité, il n'y aurait pas d'autres directives
gouvernementales.
M. Payne: II faut qu'il y ait un peu plus de directives. Si je
suis mis en disponibilité aujourd'hui, qui décidera de mon sort
comme enseignant? Si je veux me recycler, est-ce que je peux faire appel
à une certaine...
Mme Fortin: Oui, oui. Il y a des jurys. M.
Bérubé: Pardon?
Mme Fortin: Si vous le permettez, il y a des programmes
spécifiques, par exemple pour la recherche, où vous allez
présenter des projets sur concours. Pour le recyclage aussi, il y a des
comités paritaires ministère-syndicats pour évaluer des
dossiers en perfectionnement et en recyclage. Mais, ce ne sont pas des
directives.
M. Payne: Existe-t-il une certaine liberté de choix? Si,
par exemple, je veux suivre un cours à l'ENAP, si je veux postuler un
poste dans le secteur public, est-ce que ces normes sont connues par les
enseignants à ce moment-ci?
Mme Brodeur: Elles le sont. Il y a pour l'année prochaine
près d'une centaine de postes qui seront proposés pour du
recyclage. Le professeur mis en disponibilité qui demande de
bénéficier d'une année ou deux de recyclage se verra
imposer un certain nombre de contraintes quant à des secteurs où
il pourrait aller. Il est entendu, par exemple, que s'il s'agit d'un professeur
de techniques infirmières qui veut s'en aller en archéologie, il
y aura vraisemblablement des réticences du jury à le laisser
s'orienter vers ce secteur.
M. Payne: Ce sont des cours de recyclage, s'ils existent, comme
vous venez de le décrire. Est-ce que ces possibilités
d'inscription sont connues par les membres du corps enseignant...
Mme Brodeur: C'est écrit.... M. Payne: ...dans son
ensemble?
Mme Brodeur: Oui, c'est écrit dans la convention
collective. Deuxièmement, les professeurs sont invités
à... On leur fait
parvenir de la documentation. La dernière chose qu'il faudrait
dire là-dessus, c'est ce que ce jury qui distribue les postes
consacrés au recyclage est paritaire. Il y a à la fois des
représentants des syndicats et des représentants de ce qu'on
appelle les partenaires patronaux. (11 h 15)
M. Payne: Cela touche un autre problème. À
Montréal, hier soir, je discutais avec un certain nombre
d'administrateurs de cégeps et d'enseignants de tout le problème
de la communication et de la question de recyclage. Beaucoup d'enseignants et
d'administrateurs, d'ailleurs, ne sont pas suffisamment, à mes yeux,
à leurs yeux, au courant des possibilités de recyclage. On a
discuté si vous vous en souvenez, pendant la loi 101 l'année
dernière, de la nécessité pour le gouvernement de vraiment
publier les possibilités offertes.
Mme Brodeur: M. le député, on a fait imprimer des
pancartes qui sont larges comme cela et qu'on a distribuées en nombre
suffisant dans tous les collèges. Il y a de la documentation
écrite. D'autre part, je pense que les gens ont intérêt, de
part et d'autre, à lire leur convention collective. Si, cependant,
vous...
M. Payne: La convention collective n'entre pas dans les
détails.
Mme Brodeur: Non, mais il y a de la documentation qui a
été envoyée, des posters.
Mme Fortin: Et de la publicité visuelle a
été distribuée dans les collèges pour les
programmes de recyclage.
M. Payne: Avec le consentement du président, est-ce que je
pourrais demander que vous déposiez auprès de la commission cette
documentation, cela m'intéresse au plus haut point.
Le Président (M. Charbonneau): D'accord.
Mme Brodeur: Oui. Vous aurez cela cet après-midi.
M. Payne: Je vais être bref parce qu'il y en a d'autres qui
veulent prendre la parole aussi. Dites-moi si j'ai raison; le
député d'Argenteuil, ou peut-être le ministre de
l'Éducation, disait que ceux qui sont les plus durement frappés
par les mises en disponibilité, ce sont plutôt les femmes. Est-ce
que cela peut-être attribuable au surplus créé dans les
techniques infirmières? Donc, cela explique un peu ce qui arrive
à John-Abbott et à Vanier, dans le secteur anglophone.
Mme Fortin: Présentement, 55% des personnes mises en
disponibilité sont des femmes. Si on exclut le groupe des techniques
infirmières, le rapport est à peu près équivalent
entre les hommes et les femmes. Il y a eu davantage d'hommes mis en
disponibilité que de femmes l'an dernier.
M. Payne: Y a-t-il un programme-cadre pour les femmes?
Mme Fortin: II y a certaines dispositions dans la convention
collective qui tiennent compte de cela. Il y a un comité
d'égalité à l'emploi avec le syndicat où on a des
représentants qui discutent de programmes particuliers. Ils ont une
priorité dans le recyclage qui est déjà définie
dans la convention collective.
Mme Brodeur: Si je peux ajouter une petite chose, on me dit que
les personnes inscrites au programme de recyclage de l'année en cours,
1983-1984, sont majoritairement, sinon, entièrement des femmes.
M. Payne: Donc, elles ne sont pas plus pénalisées
en ce qui concerne le recyclage.
Mme Fortin: Elles sont favorisées dans la convention
collective.
Surplus budgétaires des cégeps
M. Payne: J'avais une question à poser au ministre. Quelle
est votre philosophie vis-à-vis des surplus budgétaires au sein
des cégeps? J'en connais plusieurs, malgré la crise, qui ont
réussi à enregistrer des surplus. Je vous fais part un peu de ma
préoccupation. Je me demande s'il y a une harmonisation des philosophies
entre le ministre des Affaires sociales et le ministre de l'Éducation
quant à une politique sur les surplus.
M. Bérubé: J'en choquerai peut-être certains
par la position que je défends, mais je pense que c'est plus correct de
donner mon point de vue. S'il y a des surplus et qu'ils sont la
conséquence d'une gestion rigoureuse des ressources disponibles, pour
permettre au collège de s'engager dans des activités qu'il estime
prioritaires et qui permettent de valoriser la qualité de
l'enseignement, qui permettent de valoriser la place du collège dans le
milieu parce que ces surplus ne s'évanouissent pas en fumée, ils
restent au collège, cela m'apparaît extrêmement et
éminemment désirable. Si je dois cependant porter un jugement
à savoir si ce surplus est la conséquence d'une saine gestion ou
la conséquence d'une réduction malhabile de certaines
dépenses essentielles, je crois à ce moment avoir à
m'engager dans un processus délicat sinon impossible à
réaliser. Je dois donc faire confiance aux administrations
locales quant aux choix qu'elles ont faits, ce qui les a amenées
à dégager des surplus, qui - je dois poser le principe -
résultent d'une bonne gestion qui n'a pas pénalisé les
intervenants. Il peut se produire qu'un état de surplus
généralisé nous amène à conclure que nous
surbudgétisons les dépenses courantes des collèges avec la
conséquence que, là où il y aurait lieu de resserrer les
règles budgétaires de manière à
récupérer ces sommes pour les consacrer à d'autres fins,
si l'on estime qu'elles ne seront pas les fins prévues par le
législateur, il faudrait à ce moment qu'il s'agisse d'une
situation généralisée de surplus, de surplus
uniformément importants qui nous amènerait à devoir poser
un geste plus politique de resserrement des crédits. Donc, d'une
façon générale, je pense que les surplus doivent rester
dans les institutions, lorsqu'ils ne correspondent pas à de la
surbudgétisation car c'est une incitation très réelle de
la part des administrations à bien administrer le réseau. Il est
quand même intéressant de voir que, dans le réseau des
affaires sociales où l'on a vécu quinze années je ne
dirais pas de "maladministration" mais certainement de déficits
systématiques l'ensemble du réseau des affaires sociales soit
aujourd'hui fondamentalement en l'équilibre. Je ne suis pas près
de penser que la nouvelle politique que nous mettons en place concernant la
réutilisation des surplus par les institutions du réseau n'est
pas étrangère, en partie dans tous les cas, aux résultats
qu'on obtient.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Vachon, est-ce que vous pouvez terminer parce que je voudrais ...
M. Payne: Dans trois minutes, dans deux minutes?
Le Président (M. Charbonneau): C'est parce que, dans la
mesure où je voudrais...
M. Bérubé: Je sais que cette position est en
désaccord avec celle que vous tenez.
M. Payne: Absolument pas.
M. Bérubé: Non? J'avais cru comprendre le
contraire.
M. Payne: Non, non, mais vous parlez comme un ministre de
l'Éducation plutôt qu'un président du Conseil du
trésor.
Je considère que, sans une philosophie réceptive, on n'a
aucune incitation à la bonne gestion. J'ai parlé à
plusieurs reprises à l'ex-ministre des Affaires sociales, mais, comme
député, j'aurais un simple commentaire à faire. Je pense
que l'Exécutif aurait tout intérêt à harmoniser une
politique pour l'ensemble des ministères qui touchent la population: le
ministère des Affaires sociales ne peut pas travailler avec une
philosophie qui est à l'encontre de la philosophie du ministère
de l'Éducation. Et si cela représente votre avis à vous,
cela me fait plaisir et j'aimerais bien le voir se traduire dans certaines
directives.
M. Bérubé: C'est fait. Maintenant, dans tous les
réseaux, à ma connaissance, les surplus restent dans les
réserves de l'institution.
M. Payne: Est-ce qu'on peut avoir une copie de cette
politique?
M. Bérubé: Aux affaires sociales?
M. Payne: Non, ici, au ministère de
l'Éducation.
M. Bérubé: Oui.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Vachon. Mme la députée de
Jacques-Cartier.
M. Bérubé: Je suis content de voir l'harmonie qui
règne entre l'Exécutif et la formation ministérielle.
Le Président (M. Charbonneau): Oui, mais là, c'est
Mme la députée de Jacques-Cartier.
Une voix: Si cela allait aussi bien au Québec, cela irait
bien.
Centres spécialisés
Mme Dougherty: Merci M. le Président. Mes questions
touchent les centres spécialisés. Chaque mois, on entend une
autre annonce, on va créer des centres spécialisés. Vous
avez créé dans les cégeps six centres cette année,
je crois, dans le plan de relance. Dans les déclarations du premier
ministre, on parle de six nouveaux centres spécialisés. On parle
aussi de six centres universitaires industriels de recherche qui vont
être financés, je crois, mais je ne suis pas certaine, par le
ministre de la Science et de la Technologie. Maintenant, on mentionne environ
dix autres centres, pas ici, mais dans les déclarations des ministres,
d'ici trois ans, ce sont des centres de diffusion des techniques de production
automatisée. Nous avons parlé hier de 40 équipes de
recherche dans les universités. Je me demande s'il est réaliste
d'établir tous ces centres aussi rapidement. Je me demande si on a
planifié soigneusement ces centres. Quels sont leur rôle et leur
mandat? Il semble que ce ne soit pas toujours clair. Je me demande aussi s'il y
a la main-d'oeuvre ou les ressources humaines suffisantes pour
les enseignants, d'abord, pour servir tous ces centres de recherche, ces
centres spécialisés.
J'ai aussi quelques questions précises. D'abord, où sont
les études sur lesquelles vous vous êtes basés pour
l'établissement de ces centres? Quels sont les critères et les
besoins que vous avez identifiés pour justifier la création de
tels centres? Est-ce que ce sont des besoins de main-d'oeuvre à court
terme, à long terme? Où sont les études à ce
sujet?
Deuxièmement, le financement. On a parlé tout à
l'heure des subventions fédérales à la caisse
d'accroissement des compétences professionnelles. J'aimerais savoir
exactement combien d'argent vous avez reçu du fédéral
à ce jour pour ces centres spécialisés et ce que vous
prévoyez recevoir pour l'année qui vient. Je ne vois pas les
chiffres attachés à ces centres dans cette documentation. Je
crois que le financement fédéral n'est pas renouvelable; ai-je
raison ou non? Comment allez-vous financer tous ces centres à l'avenir?
Pouvez-vous nous donner l'assurance qu'on aura la capacité de continuer
de financer ces centres? Je parle naturellement des centres qui sont
financés par le ministère de l'Éducation. Combien de
places d'étudiants avez-vous créées cette année
dans les six centres énumérés dans la documentation et
quelles sont vos prévisions en ce qui concerne les places
d'étudiants?
M. Bérubé: II y a une certaine confusion, je pense,
qui est fort explicable, étant donné le nombre d'intervenants et
le nombre d'annonces, on finit par ne plus trop savoir comment s'en sortir.
D'abord, le centre spécialisé ne constitue pas une nouvelle
activité, mais bien la consolidation d'une activité existante.
Par exemple, nous avons une demande pour un centre spécialisé
dans le secteur minier à Thetford-Mines, où le cégep
maintient avec les compagnies minières des programmes de recherche, des
programmes de formation; il y maintient depuis déjà un certain
nombre d'années des rapports étroits. La demande vise à
consolider un tel rapport par l'implantation d'un centre
spécialisé; c'est donc reconnaître au cégep de
Thetford-Mines une vocation particulière dans le domaine des mines et
faire en sorte qu'il y ait quelques ressources additionnelles, quelques
centaines de milliers de dollars pour engager du personnel additionnel qui
puisse étoffer le centre. On part donc de ressources existantes et il
n'y a pas de nouveaux étudiants dans ces centres, entendons-nous bien,
c'est simplement la consolidation de quelque chose qui existe et la
reconnaissance d'une réalité spécifique à un
collège. (11 h 30)
Lorsque l'on parle, par opposition, des caisses d'accroissement des
compétences professionnelles et des sommes qui ont été
versées, il s'agit là purement et simplement d'injecter des
sommes en équipements, c'est-à-dire que des collèges
donnent déjà des enseignements mais les enseignements sont
fournis sur des appareils, des équipements qui ne semblent pas à
la hauteur des besoins d'une technologie très moderne. Il s'agit
à ce moment-là d'injecter du nouveau matériel pour
permettre aux enseignants en place de donner un enseignement de meilleure
qualité. Donc, à nouveau, il n'y a pas vraiment de
problème de ressources.
Mme Dougherty: Quelle est la part du fédéral?
M. Bérubé: Je vais m'assurer quand même du
montant.
Mme Fortin: On a pour 34 000 000 $ de projets approuvés,
mais le financement dépensé en 1984-1985, l'année
budgétaire de vos crédits, est de 24 000 000 $, parce qu'il y a
des projets qui vont déborder sur 1985-1986. Selon les crédits
1984-1985, vous vous référez au livre des crédits à
23 000 000 $, mais la somme des projets approuvés est de 34 000 000 $
dans le réseau collégial.
M. Ryan: 34 000 000 $ à quelle date? Est-ce en date de
décembre, de janvier ou d'aujourd'hui?
Mme Fortin: De février 1984.
Mme Dougherty: 34 000 000 $ d'argent fédéral...
Mme Fortin: En date du mois de février.
Mme Dougherty: Oui. Est-ce que cela représente à
peu près la moitié de ce qui est disponible dans les subventions
fédérales?
Mme Fortin: Pour le Québec, vous voulez dire?
Mme Brodeur: Pour le Canada, le budget disponible était de
167 000 000 $, 147 000 000 $ étaient engagés au mois de
décembre. Les 147 000 000 $ ont été distribués
à travers les dix provinces.
Mme Dougherty: Combien d'argent y a-t-il de disponible...
Mme Fortin: Pour le Québec, on a 36 200 000 $.
Mme Dougherty: Est-ce partagé entre les différentes
provinces? Est-ce qu'il y avait un quota par province?
M. Bérubé: C'est 36 000 000 $ sur 147 000 000 $, ce
qui donne exactement
24,48% du budget, ce n'est pas loin de notre pourcentage de
population.
Mme Fortin: II y a 36% pour le Québec, dont 34% au niveau
collégial et 2% au niveau des commissions scolaires.
M. Bérubé: 36 000 000 $.
Mme Fortin: 36 000 000 $. C'est parce qu'il y en a dans les
commissions scolaires aussi. Le programme de la caisse n'est pas exclusif aux
collèges. Il faut faire attention, il y en a pour l'éducation des
adultes qui se donne dans les commissions scolaires aussi.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va?
Mme Dougherty: Vous n'avez pas mentionné les
études, M. le ministre, sur lesquelles tout le développement de
ces dizaines de centres de recherche...
M. Bérubé: Concernant les centres
spécialisés, les études ont été fournies au
Conseil des collèges. Elles sont disponibles, il me fera plaisir de vous
les fournir. Quant aux caisses d'accroissement des compétences je
reconnaîtrai avec vous la précipitation qui a prévalu
autour de ce programme qui a été annoncé avec des
contraintes de temps très courtes pour faire des propositions et je ne
vous cacherai pas que les études de besoins ne sont peut-être pas
très étoffées et qu'on est davantage parti des demandes
venant des collèges en présumant que s'ils faisaient les
demandes, les besoins devaient être identifiés.
On me dit qu'il y avait une liste de critères pour la
sélection des projets, mais cela ne repose pas sur des études a
priori des besoins auxquels répondait le programme
fédéral. Concernant les six centres spécialisés -
on est en dehors du programme des collèges cependant - mais
universités-industries, il s'agit, dans tous les cas, de projets qui
avaient été lancés par des universités de concert
avec des entreprises et que le gouvernement a décidé de financer.
Ce sont des projets très spécifiques d'organismes dûment
accrédités et reconnus qui montrent déjà qu'ils ont
une volonté de travailler en coopération. On présume
à ce moment-là qu'on répond à leurs besoins,
à leurs demandes et il n'y a pas trop d'inquiétude à y
avoir.
Quant aux 40 centres universitaires, le problème de la
disponibilité de ressources humaines, particulièrement au
chapitre des professeurs et des assistants postdoctoraux, pourrait certainement
être sérieux, je ne le nie pas. La décision repose sur une
analyse du FCAC ayant démontré que, si la recherche universitaire
au Québec était nettement en avance - il ne faudrait pas dire
nettement en avance - mais, disons, en avance sur ce qui prévalait
ailleurs au Canada, en termes d'importance des fonds qui y étaient
consacrés, par comparaison avec ce qui prévalait dans les autres
pays du monde, on devait bien reconnaître que nous étions en
arrière. Donc, il y avait un effort important à faire. Ne nous
faisons pas d'illusion; nous n'allons pas les rejoindre demain. Nous allons
passer en avant des autres provinces canadiennes; oui, très nettement,
mais on ne rejoindra pas encore un niveau que l'on pourrait même juger
satisfaisant à l'échelle mondiale. Donc, nous savons que les
problèmes de ressources sont réels. C'est clair.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que je pourrais vous
demander de conclure?
M. Bérubé: Toutefois, dans la mesure où on
se limite à 40 équipes, qu'on les étale sur trois ans
à dix ou douze ans par année, évidemment, on laisse au
milieu assez de temps pour pouvoir s'ajuster. On pense quand même que le
milieu est capable de répondre à ce besoin. Cela répond en
tout cas à une demande des universités. Cela répond
à un besoin identifié par le FCAC. Cela répond clairement
en tout cas à une orientation assez normale que prennent la plupart des
pays occidentaux.
Le Président (M. Charbonneau): Sur cette réponse,
M. le ministre, cela va mettre fin à l'étude du programme 5 sur
l'enseignement collégial. Est-ce que le programme 5 est
adopté?
M. Bérubé: Adopté.
Le Président (M. Charbonneau): Sur division? Adopté
sur division.
On m'a signalé que le ministre avait des engagements à
l'heure du dîner. Je pense qu'on pourrait maintenant aborder rapidement
le programme sur l'aide financière aux étudiants qui, je crois,
est le programme 3. Si je pouvais demander...
M. Bérubé: On me dit qu'il n'y a pas de
problème jusqu'à 12 h 15, 12 h 20.
Le Président (M. Charbonneau): C'est ce que j'avais cru
comprendre. Néanmoins, étant donné qu'il y a encore
plusieurs autres programmes que nous devrons étudier ce soir, notre
souhait, c'est qu'on puisse, avec de la bonne volonté de part et
d'autre, terminer l'étude du programme sur l'aide financière ce
matin. Si vous pouviez, M. le ministre, limiter vos remarques
préliminaires, cela permettrait d'engager immédiatement la
discussion sur ce programme et cela nous permettrait également de le
terminer et ne pas avoir à revenir ce soir sur le programme
de l'aide financière.
M. Bérubé: II n'y aura pas de remarques
préliminaires.
Aide financière aux étudiants
Le Président (M. Charbonneau): Je vous remercie de votre
collaboration. Je vais céder immédiatement la parole au
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président.
M. Bérubé: De quoi parle-t-on?
M. Dauphin: Du programme 3, l'aide financière aux
étudiants. Juste avant d'aborder la série de questions que nous
avons préparées relativement au programme 3, j'aimerais revenir
sur une question que j'ai posée il y a deux semaines - on ne s'attardera
pas là-dessus non plus relativement à la tournée
d'information que la Direction générale de l'aide
financière aux étudiants entreprenait dans les différentes
régions du Québec. J'avais demandé au ministre si, dans le
même cadre de la tournée régionale sur l'information sur
l'aide financière, il ne pouvait pas donner la même information au
personnel de comté des députés libéraux. Le
ministre avait pris avis de la question et avait répondu une semaine
plus tard en disant qu'on s'était pris trop tard.
J'aimerais faire remarquer au ministre qu'avec l'information que j'ai
eue, la tournée commençait le 28 mars 1984. J'avais écrit
au responsable de l'information le 15 mars 1984, soit deux semaines avant, et
j'avais communiqué également un mois et demi avant soit à
partir du 3 février, avec le responsable de l'information pour savoir si
les comtés libéraux allaient avoir la même information. On
m'avait répondu à ce moment que le chef de cabinet du ministre de
l'Éducation, soit le chef de cabinet de votre
prédécesseur, devait communiquer avec votre humble serviteur, ce
qu'il n'a jamais fait. Tout ce que j'ai à vous dire, en réplique
à la réponse que vous avez donnée à
l'Assemblée nationale, M. le ministre, c'est que, effectivement, je
pense que, deux mois avant, j'avais demande que les comtés
libéraux aient la même information, je ne dis pas quelques jours
avant, mais deux mois auparavant. J'aimerais seulement savoir si vous avez
toujours la même réponse, c'est-à-dire ce que vous nous
avez répondu à l'Assemblée nationale, qu'on s'était
pris trop tard. Deux mois avant, je considère que c'est un délai
quand même raisonnable pour que les fonctionnaires du ministère de
l'Éducation donnent la même information au personnel des
comtés libéraux qu'au personnel des comtés
péquistes. Je voudrais savoir si vous avez la même réponse,
sachant que c'est deux mois avant que j'avais demandé la même
chose.
M. Bérubé: Je n'ai aucun moyen de mettre en doute
votre parole et je dois par conséquent la respecter. Je n'ai pas de
raison de douter de votre bonne foi. Si vous me dites que le chef de cabinet
n'a pas retourné l'appel qu'il devait vous retourner et que, par
conséquent, il était erroné de dire que vous n'aviez pas
fait la demande suffisamment tôt, je m'en excuse, l'information que
j'avais n'était pas que vous aviez fait un appel, l'information
était qu'il y avait une lettre; j'ai vérifié la lettre et,
effectivement, la date d'arrivée de la lettre était
postérieure à l'établissement de tout le programme. Le
point que j'ai voulu soulever, car votre question a induit un journaliste en
erreur, pour ne pas le nommer, il s'agit du Journal de Québec, c'est
qu'elle a laissé entendre qu'il s'agissait d'une tournée
politique des fonctionnaires à l'intention des cabinets des
députés et ceci était carrément faux.
Je pense que ce n'était pas le sens de votre question. Elle a
été mal interprétée par le journaliste et c'est ce
que j'ai essayé surtout de rectifier dans ma réponse. Je serais
heureux, d'ailleurs, que ce soit clair au journal des Débats. Je serais
heureux que les gens puissent, je pense, corriger une mauvaise impression
qu'ils ont laissée. Je ne parle pas de vous, mais je parle plutôt
du journaliste en question. Je ne pense pas qu'il l'ait fait volontairement. Il
a mal interprété votre question. Entendons-nous sur une
série de mauvaises interprétations. C'est que les tournées
en question ne sont pas des tournées à l'intention des
députés ou des membres politiques qui leur sont attachés.
Absolument pas. Ce sont des tournées qui se font deux fois par
année et qui s'adressent aux institutions d'enseignement, à tous
ceux qui sont impliqués par le régime de prêts et bourses
et qui doivent fournir de l'information aux étudiants. On me dit qu'en
1983, pour la première fois, à la suite de l'avalanche de
demandes qui viennent des bureaux de députés pour des
renseignements concernant tel ou tel étudiant, on s'est dit dans le fond
que ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée que les
attachés politiques des députés puissent avoir ce
même genre de séances d'information de telle sorte que, lorsqu'un
de leurs concitoyens s'adresse à eux, ils puissent leur fournir
l'information correcte. Ne nous le cachons pas, c'est un des rôles
importants, le plus apolitique que je connaisse, que peut jouer un bureau de
député, soit celui de servir ses concitoyens de façon
quotidienne pour les aider à se débrouiller à
l'intérieur des dédales de l'administration gouvernementale et,
à mon avis, c'est une des tâches les plus
importantes du député, car elle permet au
député de vivre quotidiennement les problèmes concrets de
l'application de nos lois et règlements et de faire en sorte que nous en
puissions arriver à une contribution beaucoup plus valable comme
législateurs forts d'une expérience concrète dans nos
bureaux de comté.
À ce moment, cela m'apparaît essentiel que, pour tous ces
programmes gouvernementaux, tous les députés, de quelque parti
politique que ce soit, puissent avoir accès à ce type
d'information objective. Qu'on ne veuille pas mêler deux formations
politiques pour éviter qu'ils se crêpent le chignon, pour
éviter ces luttes de pouvoir dont nous parlait le député
de Saint-Laurent au sein des conseils d'administration des collèges et
pour éviter que l'on retrouve ce même genre de crêpage de
chignon puisque des fois il peut y avoir des points de vue politique dans le
sens que cela peut être normal qu'un député de l'Opposition
veuille avoir de l'information qui mettrait en relief les défaillances
du système, j'en suis c'est son rôle. (11 h 45)
Que, par contre - surtout si je veux une information objective - le
député du parti au pouvoir veuille avoir une information qui
mette en valeur la qualité du système -c'est également son
rôle, je pense qu'on ne peut pas le nier - c'est un peu normal que les
réunions ne se tiennent pas simultanément et qu'on ait
peut-être une réunion pour les députés de
l'Opposition et une réunion pour les députés au pouvoir.
Cela m'apparaît totalement justifiable.
Par conséquent, tout ce que je voulais souligner dans ma
réponse était que ces rencontres étaient tout à
fait normales, apolitiques. Qu'on puisse avoir des rencontres pour les
députés libéraux séparément des rencontres
des députés du Parti québécois, cela
m'apparaît souhaitable, compte tenu du point de vue différent des
deux partis. Je pense qu'il ne faudrait pas faire une foire d'empoigne de ces
réunions, sinon il faudrait les abandonner.
Le dernier point est pour vous dire que je regrette, si vous avez fait
un téléphone au cabinet du ministre, qu'on ne vous a pas
retourné l'appel et qu'il a fallu attendre votre lettre pour qu'on
réalise pleinement l'intérêt que vous aviez à
renouveler votre démarche. Ce que le ministère a tenté de
faire lorsqu'il a reçu votre lettre, étant donné que les
journées étaient organisées, c'est de faire en sorte qu'on
puisse au moins répéter les réunions qui avaient eu lieu
l'année dernière, en 1983, et qui avaient, semble-t-il,
été reçues avec satisfaction par le Parti libéral.
On n'en n'a pas ajouté, parce qu'il semblait difficile de le faire en
région. Je pense que, pour l'année prochaine, on prendra les
moyens pour que cela se déroule correctement.
Le Président (M. Charbonneau): Si vous voulez avoir le
temps d'aborder deux autres questions sur les prêts et bourses, il serait
peut-être mieux d'y penser maintenant.
Prêts et bourses
M. Dauphin: Nous avons jusqu'à 12 h 15. Ce que je voulais
dire en terminant, c'est que des fonctionnaires donnent de l'information sur la
bonification apportée à la Loi sur les prêts et bourses aux
étudiants, je ne vois pas ce qui enfreindrait le caractère
élémentaire de l'information si le personnel des
députés libéraux était invité en même
temps que le personnel des députés péquistes. On ne
passera pas trop de temps là-dessus.
L'an passé, on savait que les demandes de prêts et bourses
devaient parvenir au ministère de l'Éducation, à la
Direction générale de l'aide financière aux
étudiants, avant le 30 septembre de chaque année. L'an
passé, votre prédécesseur - selon moi, la décision
n'était pas nécessairement à l'encontre des
intérêts des étudiants - a devancé la date de
demande de prêts et bourses au 30 juin plutôt qu'au 30 septembre.
J'aimerais savoir si vous avez dressé un bilan du déroulement de
la distribution des prêts et que vous nous disiez si cette mesure a eu
les effets escomptés, à savoir que la majorité des
étudiants ayant sollicité une aide financière l'ont
obtenue au début de septembre. Étant donné qu'on a
devancé la date de la demande pour les prêts et bourses, est-ce
que cela a amélioré l'aide financière aux
étudiants?
M. Boudreau (Paul): Effectivement, nous avons fait une
étude comparative des trois dernières années, incluant
l'année 1983-1984, soit l'année pendant laquelle la date limite a
été avancée. Au niveau des demandes reçues, je vous
donnerai la comparaison entre 1982-1983 et 1983-1984. On est passé de
104 000 à 117 000 demandes. Je vais vous donner une date - il y a
plusieurs dates dans ce document-ci - soit le 19 décembre - on pourra
distribuer le tableau - dans les demandes calculées en 1982-1983, il y
en avait 84 600 et, en 1983-1984, il y en avait 112 300. Dans les certificats
émis...
Le Président (M. Charbonneau): Je m'excuse de vous
interrompre. Est-ce que vous pourriez vous identifier pour les fins du journal
des Débats? Je m'excuse si je ne l'ai pas fait au début.
M. Boudreau: Mon nom est Paul Boudreau. Je suis directeur
général de l'aide financière aux étudiants.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Boudreau.
M. Boudreau: Au niveau des certificats émis au 19
décembre, toujours, il y en avait 76 800 en 1982-1983 et 99 400 en
1983-1984. De même, pour les bourses calculées, il y en avait 57
300 en 1982-1983 et 72 900 en 1983-1984. Pour les bourses accordées, il
y en avait 32 250 en 1982-1983 et 51 700 $ en 1983-1984. Je peux vous donner
les comparaisons au 15 août et au 14 septembre si vous désirez,
donc presque au moment où l'on fait l'émission d'aide
financière au niveau des certificats de prêts. Au 15 août,
il y avait 10 188 certificats émis en 1982-1983 10 188 et, en 1983-1984,
67 912. Au 14 septembre, en 1982-1983, il y avait 22 350 certificats
émis et, en 1983-1984, il y en avait 82 345.
M. Bérubé: Une politique excellentel
M. Dauphin: Autrement dit, sur le fond de la question, c'est que,
commentant le fait d'avoir devancé la date de présentation des
demandes, le prédécesseur du ministre qui est ici avec nous
disait que, effectivement, la plupart des étudiants allaient pour
recevoir leur prêt, qui est toujours avant la bourse, pour le
début de l'année scolaire. Si j'ai bien compris, vous semblez me
dire qu'effectivement, au début de l'année scolaire...
M. Boudreau: Effectivement, c'est ce qui s'est produit.
M. Dauphin: ...les étudiants avaient leur prêt.
M. Boudreau: Je vous ai mentionnée le 15 août et le
14 septembre. C'est pas mal au début de l'année scolaire, aussi
bien au niveau collégial qu'au niveau universitaire.
M. Bérubé: On va observer une très nette
amélioration. Entendons-nous là-dessus, sans pour autant conclure
que c'est encore l'idéal.
M. Dauphin: D'accord. Ma deuxième question se rapporte
à un article que nous avons vu dans le Soleil du 19 novembre.
L'ex-ministre de l'Éducation, M. Laurin, s'était engagé
à accorder les nouvelles ressources financières aux
étudiants des deuxième et troisième cycles de certaines
facultés. Il annonçait l'augmentation du nombre de bourses pour
les étudiants en maîtrise, au doctorat et au postdoctorat, ceci
pour des études menées autant au Québec qu'à
l'étranger. J'aimerais savoir de vous, si c'est possible, où en
est rendu ce projet et, s'il y a lieu, quel budget sera attribué
à ces bourses et quand elles seront disponibles.
M. Bérubé: C'est intégré aux 40
équipes de recherche universitaire en ce sens que nous aurions pu avoir
un programme pour engager des professeurs additionnels. Nous aurions pu avoir
un programme pour financer des équipements, nous aurions pu avoir un
programme pour financer des bourses postdoctorales ou des bourses
d'étudiants gradués et dire pour ces cinq ou six programmes: Les
fonds sont disponibles, faites votre demande avec comme conséquence
cependant, qu'une équipe de recherche réussit à obtenir de
l'équipement, mais pas de postes d'associé de recherche, qu'une
autre réussit à obtenir des postes d'offres, mais pas
d'associé de recherche, qu'une autre a des associés de recherche
mais pas d'équipement, enfin vous voyez le genre. On pouvait partir dans
toutes les directions. Ce n'est pas ce que nous voulions. Ce que nous voulions,
c'était de constituer 40 foyers de recherche nouveaux dans nos
universités avec du personnel en plus, nouveau, évidemment
souvent raccroché à des équipes existantes. Il s'agit pour
une équipe d'une quinzaine de chercheurs de décider que cette
équipe va monter à 35 chercheurs. Les bourses dont on parle sont
versées à l'intérieur du budget de l'équipe. C'est
l'équipe qui fait la sélection de ces chercheurs, qui va par la
loi de l'offre et la demande, fait le tour des facultés, des services et
fait une offre en disant: je suis prêt à te donner X mille dollars
de plus si tu viens me voir. Ces bourses sont même additives,
c'est-à-dire qu'on peut recevoir, d'un côté, une bourse
FCAC d'excellence et recevoir une bourse additionnelle parce qu'une
équipe de recherche veut aller chercher cet étudiant
particulièrement bon. C'est l'idée et l'argent est là.
Mme Fortin: Elle n'est pas dans le programme des prêts et
bourses.
Une voix: Pardon?
Mme Fortin: Elle n'est pas dans le programme de...
M. Dauphin: Ce n'est pas dans le programme qu'on a
actuellement.
M. Bérubé: Mais dans un autre excellent programme,
dont je suis très fier.
Mme Fortin: C'est le no 6. M. Dauphin: Lequel?
M. Bérubé: Je sais que la députée de
Jacques-Cartier a certaines réserves, mais, quand même, je pense
qu'on est assez d'accord sur le fond.
Mme Dougherty: Je vais vous suivre soigneusement sur cette
question.
M. Bérubé: Oui, c'est cela. Elle trouve, en fait,
que nous allons trop vite, alors que généralement, l'Opposition
pense qu'on ne va pas assez vite, mais, enfin! c'est un problème
d'intégration du discours de l'Opposition...
Le Président (M. Charbonneau): Tout cela est très
amical, mais prend le temps de la commission.
Des voix: Ah! Ah!
Direction générale de l'aide
financière aux étudiants
M. Dauphin: Merci, M. le Président, de nous rappeler
à l'ordre. Mon autre question a rapport encore une fois à ce que
nous avons vu dans les journaux, c'est-à-dire qu'on a lu
récemment que la Direction générale de l'aide
financière aux étudiants et surtout le ministère de
l'Éducation avaient l'intention dorénavant de créer un
organisme autonome relativement à la demande de prêts et bourses.
Évidemment, j'aimerais demander au ministre de l'Éducation actuel
si, effectivement, le ministère a l'intention de créer un
organisme autonome qui verrait dorénavant à l'administration de
la Direction générale de l'aide financière aux
étudiants, parce qu'on a vu il y a environ un mois des manchettes dans
tous les médias d'information indiquant qu'effectivement le
ministère a l'intention de céder tout cela à un organisme
qui s'occuperait strictement de l'administration de l'aide financière
aux étudiants. Je voudrais savoir si c'est effectivement vrai, ce qu'on
a vu dans les journaux.
M. Bérubé: C'est une idée chère au
ministère de l'Éducation. Le ministre n'a pas beaucoup d'opinion
sur la question, sauf qu'en principe, cela me semble une idée
intéressante que d'impliquer les étudiants et plus
particulièrement de chercher à alléger le fardeau du
ministère de l'Éducation - qui, comme on le sait, est un
énorme organisme - en identifiant des fonctions qui pourraient
être réalisées de façon autonome et de faire en
sorte, à ce moment-là, que l'on garde au coeur du
ministère un rôle davantage de planification et
d'évaluation. Donc, cela m'apparaît une bonne idée a
priori, mais je n'ai pas beaucoup plus d'opinion que cela.
M. Dauphin: Autrement dit, c'est une bonne idée, mais il
n'y a aucune décision de prise à ce niveau.
M. Bérubé: Vous savez, après...
M. Dauphin: C'est de la philosophie, finalement.
M. Bérubé: Je comprends bien que, quand je suis
arrivé au ministère, on travaillait à la prise de
décision finale, mais même si je suis en poste depuis maintenant
un mois - je viens de fêter mon premier mois à la tête du
ministère - j'ai eu l'impression que cela avait duré deux heures,
compte tenu de la densité des rencontres, des activités et des
problèmes que l'on m'a soumis. Celui-là, je ne l'ai pas encore
abordé, mais cela va venir...
M. Dauphin: D'accord. J'aimerais tout...
M. Bérubé: ...si, évidemment, je n'ai pas
trop de problèmes avec les commissions parlementaires ici ou là,
évidemment, qui...
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, n'ouvrez
pas de porte.
M. Bérubé: Ah! Ah!
Le Président (M. Charbonneau): N'ouvrez pas de porte.
M. Dauphin: Le ministre semble avoir du plaisir à parler
de ces choses-là, mais j'aimerais tout simplement lui signaler qu'il y a
une quinzaine de cégeps qui ont débrayé. Il y a même
deux étudiants de la région de Sherbrooke qui font, je pense, une
grève de la faim depuis 20 ou 25 jours au niveau des prêts et
bourses, entre autres, sur les trois demandes qui étaient
formulées. J'aimerais tout simplement lui signaler que ce n'est pas un
sujet qu'on peut traiter à la légère, effectivement, s'il
y a une quinzaine de cégeps qui ont débrayé et s'il y a
même des étudiants qui, jusqu'à preuve du contraire,
étaient entre la vie et la mort dernièrement.
M. Bérubé: Hum! Hum! Hum!
M. Dauphin: J'aimerais rappeler au ministre que c'est un sujet
extrêmement important et qu'il devrait s'y attarder.
M. Bérubé: J'ai fait faire enquête. Je suis
la santé des grévistes de la faim de très près
auprès du directeur qui, lui, est en contact continu avec le
médecin et je tiens à rassurer le député: les deux
grévistes se portent, semble-t-il, fort bien.
M. Dauphin: Oui?
M. Bérubé: De l'avis de leur médecin, ils se
portent fort bien. Ils ont perdu, semble-t-il, relativement peu de poids. L'air
est bon!
Des voix: Ah! Ah!
M. Bérubé: II semblerait, au dire du directeur
général de l'institution, qu'il n'y a
pas vraiment lieu de se préoccuper de leur santé.
C'était une question qui m'inquiétait très
sérieusement. Je pense qu'il aurait été dommage qu'on
s'engage dans une grève de la faim qui mette en danger la santé
de jeunes pour une cause qui est, à mon avis, fort mal
étayée et qui ne justifie pas un geste aussi radical. Un peu
préoccupé, j'ai donc demandé que l'on suive de
façon assez constante l'état de santé des deux
grévistes de la faim et, fort heureusement, un médecin est
effectivement chargé de faire cette surveillance et fournit au directeur
général des rapports réguliers. On m'a donc transmis
verbalement non pas le contenu des rapports, mais semble-t-il, on fait la
pesée continue des étudiants pour s'assurer qu'ils ne perdent pas
trop de poids. (12 heures)
II n'y a pas à s'inquiéter. Comme je vous le dis, l'air
semble très riche, le maintien et la santé. Enfin, il semble que,
quoi qu'il arrive, la santé des deux étudiants en question ne
semble pas préoccupante pour le directeur général. C'est
ce que je peux dire. Mais je n'en dirais pas autant pour les études,
cependant.
M. Dauphin: Ce que je voulais dire par là, c'est que c'est
un sujet drôlement prioritaire pour les étudiants...
M. Bérubé: Pas drôle quand même...
M. Dauphin: ...au niveau de l'accessibilité à
l'aide financière et c'est la raison pour laquelle je vous signalais
cela.
M. Bérubé: Oui, oui.
M. Dauphin: C'est bien beau d'en rire, mais c'est un sujet
drôlement important pour ceux qui sont concernés.
M. Bérubé: Je ne ris pas du programme. Vous m'avez
posé une question, si je comprends bien, sur l'Office de l'aide
financière aux étudiants - c'est la seule question que vous
m'avez posée jusqu'ici - et je n'en ai pas ri. J'ai simplement
expliqué que cela me paraissait une bonne idée qui pouvait cadrer
avec un objectif de redistribution des fonctions du ministère de
manière à garder au centre des unités plus
légères de planification et d'évaluation. Cela me
paraissait une bonne idée, mais je n'appelle pas cela rigoler que de
trouver que quelque chose soit une bonne idée, d'autant plus que vous
semblez d'accord avec cette idée également.
Le Président (M. Charbonneau): On poursuit.
M. Bérubé: Vous m'avez même dit que
c'était une drôle de bonne idée.
M. Dauphin: Qui a dit cela?
Le Président (M. Charbonneau): Je voudrais vraiment vous
rappeler à l'ordre de part et d'autre. Sinon, vous épuisez le
temps...
M. Dauphin: ...à niaiser. D'accord. On sait que, dans les
règlements actuels, un étudiant qui bénéficie
effectivement de la Loi sur les prêts et bourses doit normalement
remettre son prêt six mois après la fin de ses études.
Depuis juin 1982, il y a plusieurs articles du règlement, soit les
articles 29.1 à 29.7, qui prévoient que l'emprunteur sans
ressources suffisantes pour rembourser la dette contractée peut disposer
d'un nouveau délai pouvant atteindre jusqu'à 18 mois. En
pratique, j'aimerais savoir du ministre si vous avez des chiffres
là-dessus. Combien y a-t-il d'étudiants qui peuvent se
prévaloir effectivement de ces articles?
Je voudrais aussi demander au ministre si le ministère a une
pratique dans le sens de savoir ce qui se produit ensuite. Pour les
étudiants en question qui ne peuvent rembourser leur prêt, par la
suite, est-ce que vous avez des moyens ou une procédure quelconque pour
récupérer ces sommes d'argent? J'aimerais connaître aussi
l'ordre de grandeur. Cela représente combien d'argent?
M. Bérubé: Je pourrai vous parler tantôt de
la mesure et de son impact. Il est intéressant. Globalement aussi, il y
a des éléments intéressants qu'il faut mentionner. Quant
au remboursement des prêts, on a tendance parfois à croire que ce
sont des prêts à fonds perdus alors que, de fait, les jeunes
remboursent les prêts. En fait, 90% des emprunteurs remboursent leur
dette directement à l'institution de crédit sans qu'il y ait
aucune intervention gouvernementale. Donc, 90% le font directement et on n'en
entend jamais parler. Effectivement, 10% des prêts font l'objet d'un
défaut de paiement. Dès qu'il y a contact du ministère
avec la personne concernée, 6% de ces 10% prennent immédiatement
entente avec leur institution prêteuse et poursuivent le remboursement.
Il reste donc 4% d'ex-étudiants qui ont des problèmes de
remboursement. Sur ces 4%, il y en a 2% qui, effectivement, prennent entente
avec le gouvernement et règlent leur remboursement. Donc, on a un
système, somme toute, dont on peut dire qu'il fonctionne tout à
fait correctement.
Maintenant, si vous voulez avoir l'impact de la mesure plus
particulière de la prolongation des 18 mois pour ceux qui
n'étaient pas en mesure de rembourser, donc une mesure encore plus
souple pour assurer leur remboursement, je pense que je peux vous fournir cela
techniquement.
Mme Fortin: II y a eu, en 1983-1984, 4591 demandes de
prolongation à la suite de cette mesure. Après examen des
dossiers, il y a eu 3500 demandes d'acceptées. Selon aussi les
données, depuis la mise en place de cette mesure on estime à plus
de 30% le nombre des bénéficiaires qui reprennent charge de leur
prêt avant même d'avoir atteint la limite maximale de dix-huit
mois. Donc, il y en a environ 4500 qui font des demandes, il y en a environ
3500 qui sont justifiés de faire la demande et, de ceux-là, il y
en a 30% qui ne vont pas au bout de la période et qui remettent avant la
fin des dix-huit-mois. Ce sont les données pour l'année
1983-1984. En 1982-1983, le taux était aux alentours de 2000 et il
était de 1000 en 1981-1982 pour les demandes acceptées à
la suite de cette mesure-là.
M. Dauphin: Si vous me permettez, M. le Président,
qu'est-ce qui se produit par la suite? Est-ce que la dette est éteinte
pour cet étudiant qui ne rembourse pas ou s'il y a un système de
lettres...
M. Boudreau: Au bout des dix-huit mois, si l'étudiant n'a
pas réussi à faire lui-même son remboursement de la dette,
le gouvernement rembourse la dette intégralement aux institutions de
crédit, tel que la loi le prévoit et, à ce moment, la
dette devient due au gouvernement. Quand un ex-étudiant ne travaille
pas, qu'il est en chômage, il y a suspension de la dette d'études.
Au bout d'un certain nombre d'années, il peut y avoir remise, il peut y
avoir radiation.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Marquette, avez-vous plusieurs autres questions?
M. Dauphin: Oui. En avez-vous vous aussi?
Le Président (M. Charbonneau): Non mais je sais que le
député de Fabre en avait une et, comme il ne nous reste pas
beaucoup de temps, peut-être qu'on pourrait lui permettre de poser une
petite question rapide et avoir une réponse rapide et...
M. Dauphin: Si j'ai bien compris, M. le Président, il nous
reste dix minutes.
Le Président (M. Charbonneau): ...vous auriez le reste du
temps à votre disposition.
M. Leduc (Fabre): Ma question sera courte, M. le
Président. D'abord, à la suite de quelques constatations au
chapitre des réalisations majeures en 1983-1984, réalisations qui
sont extrêmement intéressantes, je mentionne le fait que 46,3% des
étudiants inscrits à temps complet dans nos universités et
dans nos collèges ont obtenu des prêts. Quant aux bourses, il y a
une augmentation de 59 000 000 $ de l'aide totale sur l'année 1982-1983.
Cela m'apparaît une performance extrêmement intéressante. Je
note également le fait qu'on ait accordé à des
étudiants étrangers, venant de 36 pays, 113 bourses et je
mentionne aussi le fait que treize bourses aient été
attribuées à des étudiants élus et travaillant
comme permanents dans des associations étudiantes nationales où
leur association affiliée, ceci constituant une demande des associations
étudiantes à laquelle le ministère a pu donner suite cette
année. C'est un bilan extrêmement intéressant qui,
malheureusement, n'est pas assez connu. Il serait peut-être à
suggérer au ministère, étant donné que cela
concerne directement nos étudiants, que de tels bilans soient connus
pour mieux orienter les discussions qui ont lieu dans les collèges.
Chaque année, on assiste à des discussions extrêmement
intéressantes, fructueuses, qui ont lieu chez les étudiants.
Malheureusement, nos étudiants discutent souvent à partir de
données incomprises ou qu'ils n'ont tout simplement pas entre les mains
ou de cas marginaux parfois - comme vous dites, M. le député
-mais ce serait intéressant que les discussions qui se font se fassent
à partir de données qu'ils auraient. Donc, c'est une suggestion,
je suis sûr que l'Opposition serait d'accord pour que ces données
soient transmises systématiquement aux associations étudiantes et
pourquoi pas à tous nos étudiants des collèges et des
universités.
Cependant, il y a une mesure qui a été proposée
l'an passé - je m'en souviens - qui me semble partiellement retenue dans
les orientations 1984-1985. Il s'agit de l'implantation d'un régime de
prêts et bourses pour les étudiants à temps partiel de
niveau postsecondaire. Il est fait mention qu'on en proposerait l'implantation.
Qu'est-ce qu'on veut dire par proposer? Est-ce que cela peut signifier qu'au
cours de l'année 1984-1985, à même les fonds
accordés, on puisse voir la réalisation de cette mesure, soit
l'implantation d'un régime de prêts pour les étudiants qui
sont inscrits à temps partiel au niveau postsecondaire?
M. Bérubé: Je ne vous cache pas que mon
prédécesseur au ministère de l'Éducation, a soumis,
à cet effet, une proposition au gouvernement qui ne traversa
malheureusement pas le Conseil du trésor, les raisons qui ont
amené le Conseil du trésor à rejeter la proposition, c'est
la multiplication d'un très grand nombre de petits prêts avec
évidemment une inflation concomitante de l'appareil bureaucratique
administratif pour gérer un tel programme. Devant l'importance des frais
administratifs, face aux sommes en cause, il est apparu au
Conseil du trésor que, si valable qu'en ait été
l'intention, le prix à payer apparaissait trop élevé pour
le résultat final sur le terrain.
M. Leduc (Saint-Laurent): Quand vous parlez de proposition, cela
veut dire que vous revenez à la charge auprès du Conseil du
trésor?
M. Bérubé: Avec l'espoir qu'on trouve un
président du Conseil du trésor plus sensible et des
collègues plus...
Mme Fortin: Ou qu'on développe des modalités
administratives qui soient...
M. Bérubé: J'ai eu l'occasion récemment de
remarquer que le président du Conseil du trésor semblait trouver
les sujets de discours des plaidoyers qui ressemblaient à de vieux
disques de gramophone usés qui m'avaient largement servi pendant
quelques années. Vous savez que les présidents du Conseil du
trésor passent mais se ressemblent beaucoup.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Marquette.
M. Bérubé: Mais on a également
remarqué que mon discours avait changé considérablement et
que les ministres de l'Éducation passaient et se ressemblaient
également beaucoup. Je pense que cela est une des réalités
du pouvoir.
M. Ryan: On ne l'a pas remarqué beaucoup ici.
M. Bérubé: Disons que je ne m'attends pas que le
député d'Argenteuil soit sensible à des changements, tels
qu'ils se passent, compte tenu de la continuité de son discours et de
l'univocité de sa pensée.
Le Président (M. Charbonneau): Le temps filant, je vais
céder la parole au député de Marquette pour
peut-être aussi indiquer que je vais céder la présidence
pour les quelques instants qui restent au député d'Argenteuil, en
vous souhaitant bonne chance, M. le ministre, et en signalant que nous
prendrons le vote sur le programme, ce soir, en début de séance,
et en rappelant aussi dès maintenant que la séance de ce soir
aura lieu au salon rouge. Cet après-midi, la séance de la
commission a lieu ici, mais cela ne concerne pas les crédits du
ministère de l'Éducation, cela concerne les crédits du
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu.
M. le député de Marquette.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce qu'il vous en reste
beaucoup, M. le député?
M. Dauphin: J'en aurais au moins cinq ou six encore.
Le Président (M. Charbonneau): Cela dépend aussi
des disponibilités du ministre. Est-ce que cela vous coince
beaucoup?
M. Bérubé: Oui, oui. À quinze secondes la
question et huit secondes la réponse, on devrait passer à
travers.
Disparités régionales
M. Dauphin: D'accord. J'aimerais aborder un point relativement
aux disparités régionales. Le ministre a sûrement
reçu copie d'une résolution de la municipalité de
New-Richmond, dans le comté de Bonaventure. On y demande un rajustement
de la politique des prêts et bourses aux étudiants qui tiennent
compte des conditions auxquelles doivent faire face les étudiants et
parents en provenance des régions périphériques. Cette
demande vient du fait que, pour les étudiants de certaines villes du
Québec, il est impossible d'avoir accès à un cégep
dans la région immédiate de ces villes. L'exemple de
New-Richmond, c'est que le plus proche des cégeps est à 150
milles. Compte tenu que, dans l'actuel régime des prêts et
bourses, on demande une contribution des parents et des étudiants et que
l'étudiant désireux de poursuivre des études
postsecondaires n'a pas le choix, c'est-à-dire qu'il doit quitter la
résidence familiale pour aller étudier, qu'il lui en
coûtera un minimum de 4000 $ pour étudier à
l'extérieur, que le chômage touche durement les étudiants,
spécialement ceux des régions périphériques, ne
pourront donc pas fournir à cette contribution minimale exigée
d'eux. Pour toutes ces raisons, il nous paraît évident que ce sont
les gens à revenu moyen qui ne pourront trouver dans leur maigre
économie une somme suffisante pour couvrir leurs contributions ou celles
de leurs enfants. Beaucoup de jeunes qui ont envie de continuer à
étudier se voient donc dans l'obligation d'entrer sur le marché
du travail, faute de ne pouvoir aller au cégep par manque d'argent.
J'aimerais demander au ministre s'il a songé à modifier le
régime des prêts et bourses en fonction des conditions
particulières aux régions que doivent subir plusieurs
étudiants? (12 h 15)
M. Bérubé: Je pense que le problème
soulevé est approprié, le cadre me l'apparaît moins, en ce
sens que ce n'est pas un problème de politique régionale, mais un
problème de chômage chez les jeunes, en ce sens qu'un
étudiant qui vient d'une région éloignée voit ses
besoins ajustés pour tenir compte de ses dépenses réelles,
incluant le fait qu'il doive se déplacer et le fait qu'il doive se
loger. Donc, on en tient compte
dans l'évaluation de ses besoins. Une bourse pour un
étudiant éloigné aura donc tendance à être
supérieure à une bourse pour un étudiant résidant
dans la municipalité où il fait ses études, par exemple,
un citoyen de Québec qui fait ses études ici à
Québec. Donc, on en tient compte dans les paramètres et on me dit
que le Bureau de la statistique du Québec a fait une étude
récente des besoins identifiés pour ces différentes
clientèles et on peut arriver à la conclusion que les
barèmes utilisés par la Direction générale de
l'aide financière aux étudiants concordent avec les études
statistiques qui ont été conduites.
Donc, ce n'est pas vraiment un problème de région
où les besoins seraient mal identifiés ou
sous-évalués et où il faudrait un apport particulier. Le
problème est plutôt celui du chômage qui peut sévir
dans une région et qui fait qu'un jeune ne peut pas trouver d'emploi. On
dit qu'il y a à peu près 35% à 40% des jeunes qui ont pu
contribuer effectivement au financement de leurs études par un emploi
obtenu au cours de l'été. Le problème est beaucoup plus un
problème de manque d'emplois. Comme le ministère présume
que l'étudiant a un emploi, quand il n'a pas un emploi, on lui attribue
un revenu minimum équivalent à 40% du salaire minimum sur la
période considérée. Ce fait qu'il n'a pas eu un emploi et
qu'on lui attribue un revenu d'emploi partiel peut faire en sorte que,
effectivement, dans une région où le taux de chômage est
élevé et où l'étudiant choisit de revenir, à
ce moment-là il a peut-être moins de chance encore qu'un autre
étudiant de se trouver un emploi. Mais, soit dit en passant, c'est un
problème assez universel. Ce n'est pas un problème
régional, c'est un problème de chômage chez les jeunes qui,
évidemment, touche les étudiants. Nous allons aborder cette
question-là avec les étudiants cet après-midi, mais je
n'ai pas d'idée immédiate de solution, en tous les cas.
Les décrocheurs
M. Dauphin: M. le Président, si vous me permettez de
soulever un autre point, on se souvient que, lors d'un plan d'action du
gouvernement du Québec l'année dernière, il était
prévu, entre autres, un programme pour les décrocheurs,
c'est-à-dire que les décrocheurs qui recevaient
déjà le bien-être social et étaient
déjà inscrits à une école de décrocheurs
peuvent bénéficier d'un montant additionnel de 150 $ par mois.
J'ai remarqué dans les médias d'information, et après
avoir communiqué avec certains directeurs de ces écoles pour
décrocheurs, que le jeune qui décide de retourner aux
études, hormis le nouveau programme avec la réforme du
système d'aide sociale, et qui s'inscrit à une école de
décrocheurs, ne peut pas bénéficier des 150 $ par mois
actuellement. C'est-à-dire qu'il devait déjà
dépendre du bien-être social et être inscrit à cette
école de décrocheurs avant le 1er janvier 1984. J'aimerais vous
demander s'il n'y aurait pas lieu de modifier ce système, et est-ce
qu'un jeune qui décide de retourner aux études demain matin ne
pourrait pas bénéficier des 150 $ additionnels prévus et
annoncés en grande? Je ne sais pas si vous comprenez le sens de ma
question: un jeune qui décide de s'inscrire à une école de
décrocheurs ne peut pas avoir les 150 $ additionnels par mois ou 149 $
qu'il retire actuellement du bien-être social. C'est strictement
prévu pour ceux qui étaient déjà inscrits à
une école de décrocheurs avant le 1er janvier 1984. J'aimerais
avoir votre opinion: n'y aurait-il pas lieu de modifier ce programme pour que
les jeunes qui décident de s'inscrire à l'avenir puissent aussi
bénéficier de ce programme?
M. Bérubé: Ma réponse serait un non
qualifié dans le sens suivant: nous savions que nous mettrions en place
un nouveau programme qui n'était pas entièrement
arrêté quant à ses modalités d'application. Mais, en
même temps, nous avions des écoles de décrocheurs en
activité. On trouvait anormal d'avoir des écoles de
décrocheurs en place; on s'en vient avec un programme mais qu'on dise
aux jeunes qui sont déjà inscrits dans des écoles de
décrocheurs: Écoutez, attendez que le programme arrive. En
attendant, il n'y a pas d'argent pour vous. À ce moment, on se
plaçait dans une situation un peu ridicule. Écoutez, le
gouvernement reconnaît qu'il faut faire quelque chose pour les
décrocheurs, vous allez faire quelque chose. Nous sommes à
l'école pour décrocheurs et vous refusez de nous donner une
allocation quelconque.
Ce qu'on a donc choisi, sur une base tout à fait exceptionnelle,
c'est de ne pas appliquer les normes du programme que nous ne connaissions pas
mais de poser une seule norme. Si vous êtes déjà là,
comme on sait qu'on va donner 150 $, on va vous le donner. Si vous êtes
déjà là.
Il est possible que l'on confère à l'heure actuelle ces
150 $ à des jeunes qui, dans le cadre du nouveau programme, n'y auront
pas droit, mais c'est le choix que nous avons fait. Il est également
possible que des jeunes qui veulent entrer dans ces écoles et qui ne
cadrent pas avec les normes du nouveau programme ne puissent obtenir les 150 $.
C'est également évident, car le programme mis en place ne
s'applique qu'à une clientèle maximale de 9000 jeunes; il faut
qu'au minimum on ait quitté l'école depuis au moins un an, si je
ne m'abuse. Le minimum est d'un an, parce qu'on a eu des discussions à
savoir si c'était un an, dix-huit mois ou deux ans. Comme le programme
est
limité, plafonné quant à son nombre d'inscrits,
cela peut vouloir dire qu'en pratique seuls des jeunes ayant quitté
l'école depuis quatre, cinq ou six ans pourront en pratique avoir
accès à ce programme puisqu'on va accepter les inscriptions des
clientèles et qu'ensuite on va choisir celles qui ont quitté
l'école depuis le plus longtemps pour leur donner une priorité
d'accès.
Cela peut avoir comme conséquence qu'effectivement, devant une
avalanche de demandes, on accepte en pratique que des jeunes qui ont
quitté l'école depuis assez longtemps et non pas un an
seulement.
Le Président (M. Ryan): M. le ministre, est-ce qu'on
pourrait terminer ici? Encore une question et ensuite... Parce qu'il est
déjà 12 h 25.
M. Bérubé: Certainement.
Le Président (M. Ryan): Avez-vous encore une question, M.
le député de Marquette?
M. Dauphin: Oui, M. le Président.
M. Bérubé: Hélas! M. le
vice-président de la commission.
Le Président (M. Ryan): Je signale que... Non, cela ne me
fait rien. Cela m'est égal, mais nous n'avons pas le quorum. Je pense
que, par souci élémentaire de réalisme, il reste du
programme une question et une réponse en-dedans de... Si le ministre
pouvait s'en tenir aux huit secondes dont il a parlé, cela serait
formidable.
M. Bérubé: Pourvu que la question ne soit pas trop
complexe.
Le Président (M. Ryan): Évidemment. Le
député de Marquette en est conscient.
M. Dauphin: Je vais terminer là-dessus, M. le
Président. À la suite du mouvement de débrayage survenu
dans certains cégeps de la province, les étudiants demandaient et
demandent encore des modifications au programme d'aide financière aux
étudiants. M. Laurin, votre prédécesseur, adressait le 5
mars 1984 une lettre aux présidents des associations étudiantes
des collèges. On y vantait les mérites du régime des
prêts et bourses et l'on dressait une liste des principaux changements
apportés à ce régime au cours des dernières
années. Pour 1984-1985, on y retrouve deux modifications importantes
pour les étudiants et les conjoints. En deux volets: il y a modification
de la méthode de calcul de la contribution de la personne ayant charge
d'un foyer monoparental lorsque les enfants sont d'âge
préscolaire. Le ministre peut-il nous donner plus de détails
concernant cette première modification? Et je lui pose tout de suite ma
deuxième question. Il y a également abolition de la contribution
du conjoint dans le calcul du prêt tout en maintenant un seuil financier
d'admissibilité. Pouvez-vous maintenant nous renseigner davantage sur
cette dernière modification, autrement dit sur les deux modifications
apportées au régime de prêts et bourses?
M. Boudreau: Paul Boudreau, toujours, directeur général de
l'aide financière. Effectivement, il y a eu deux bonifications
apportées au régime en 1984-1985. La première c'est que,
pour les étudiants ou étudiantes qui sont de famille
monoparentale et qui ont des enfants d'âge préscolaire, on va
baser la contribution d'été sur les revenus réels
plutôt que sur des revenus escomptés de façon à
faire en sorte que ces étudiants ou étudiantes puissent, s'ils le
veulent, prendre soin de leurs enfants durant l'été. C'est une
demande qui a été adressée au ministère par un
comité qui a étudié pendant deux ans le régime de
l'aide financière et a suggéré certaines
bonifications.
L'autre, c'est de faire en sorte que tout comme pour les parents qui
n'ont pas à contribuer au niveau du prêt pour leurs enfants qui
sont dépendants d'eux; ainsi, le conjoint n'aura plus à
contribuer aux études de son conjoint étudiant au niveau du
prêt seulement, pour faire en sorte que ce soit un peu semblable à
ce qui se passe pour les parents et que le prêt soit émis plus
facilement dans ces cas. Nous en sommes...
Une voix: C'est accepté au bureau de la condition
féminine?
M. Boudreau: Oui, ce sont deux demandes qui ont été
entérinées par le bureau de la condition féminine au
ministère. Nous en sommes présentement à la modification
des programmes en conséquence pour que cela s'applique
immédiatement aux demandes qui ont déjà commencé
à entrer à la direction générale.
Le Président (M. Ryan): Merci. La commission ajourne ses
travaux sine die et les reprendra après que la Chambre aura
disposé des affaires courantes cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 26)
(Reprise de la séance à 20 h 15)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, mesdames
et messieurs. Nous allons reprendre l'étude des crédits du
ministère de l'Education. Je ne puis garantir à personne qu'ils
verront la dernière période de la partie
de hockey, mais, selon le chauffeur de taxi, c'était un à
un aux dernières nouvelles, si cela peut vous intéresser.
Écoutez, on pourrait régler un problème
immédiatement par un consentement unanime des membres de la commission
pour terminer l'étude des crédits ce soir. Comme il est 20 h 15,
cela nous mènerait à 23 h 15. C'est-à-dire qu'on a trois
heures et on aura complété l'étude des crédits du
ministère de l'Éducation. On a fait douze heures. En fait, on a
fait quoi? Il nous reste trois heures, on avait quinze heures trente. Avant
d'aborder l'étude du programme sur l'enseignement privé, je
voudrais demander aux membres de la commission si le programme 3 sur l'aide
financière aux étudiants est adopté.
Des voix: Adopté.
Enseignement privé
Le Président (M. Charbonneau): Sur division?
Adopté. Très bien. Nous allons passer maintenant à
l'étude du programme 8 sur l'enseignement privé. Est-ce que, M.
le ministre, vous avez des remarques préliminaires? Nous avons trois
heures et on a indiqué hier qu'on avait deux programmes en
priorité à étudier ce soir, c'est-à-dire le
programme 8 sur l'enseignement privé et le programme 10 sur les
corporations professionnelles. Je sais que les membres de l'Opposition, en
particulier le vice-président et sans doute le ministre, voudraient se
garder quelques moments vers la fin pour faire des remarques finales, une
espèce de conclusion. Si on pouvait garder une heure, une heure et quart
pour chacun des deux programmes prioritaires qui ont été
indiqués, pour qu'on en arrive à s'inscrire dans les
délais, cela demanderait un peu de discipline de part et d'autre et une
certaine retenue dans la longueur des interventions, autant pour les questions
que pour les réponses.
Ceci étant dit, M. le ministre de l'Éducation, est-ce que
vous auriez des remarques préliminaires à formuler?
Exposés généraux M. Yves
Bérubé
M. Bérubé: Non, M. le Président. On m'a bien
avisé que dans l'intervention de l'Opposition il y aurait sans doute une
protestation contre le fait que le gouvernement promet depuis sept ans une
politique de l'enseignement privé qui n'est toujours pas arrivée.
Tout ce que je peux faire, c'est louer le ciel pour qu'il n'y en ait pas, parce
cette année non plus il n'y aura pas de politique officielle de
l'enseignement privé. Je me contenterai de dire à ce sujet que
les budgets relatifs à l'enseignement privé, comme vous le savez,
sont calqués directement sur ceux de l'enseignement public, avec un
pourcentage qui n'est pas égal à 100% en ce qui a trait au
pourcentage des subventions.
Nous avons une certaine augmentation d'environ 4% des budgets à
adopter pour l'enseignement privé qui fait passer les crédits de
220 000 000 $ à 228 000 000 $.
Le Président (M. Charbonneau): Avant de céder la
parole au député d'Argenteuil, je veux simplement rappeler aux
collaborateurs du ministre que, lorsqu'ils prendront la parole, ils devront
s'identifier pour les fins du journal des Débats.
Ceci étant dit, M. le député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je pense que nous avons
établi clairement que, dans la plupart des secteurs de l'enseignement,
les politiques du gouvernement laissent gravement à désirer.
Qu'elles soient anciennes ou nouvelles, on y trouve des carences graves qui
illustrent le recul de l'éducation dans l'ensemble des dépenses
gouvernementales au cours des cinq dernières années.
Dans le cas de l'enseignement privé, le problème se pose
d'une manière qu'a évoquée en surface le ministre de
l'Éducation en nous prévenant que de nouveau, au cours de la
prochaine année, le gouvernement manquerait à la promesse qui
avait été faite à maintes reprises par ses
prédécesseurs, promesse qui engageait le gouvernement parce que
le premier ministre lui-même l'avait prise à son compte à
deux ou trois reprises. Quoi qu'il en soit, nous aurons l'occasion de revenir
là-dessus. L'étude des crédits nous fournit l'occasion de
faire le point sur un certain nombre de difficultés qui se posent dans
ce secteur-là. On va le faire à la lumière des faits et
des chiffres, comme d'habitude.
Le premier point que je voudrais souligner, c'est que le gouvernement
n'a pas de politique, comme vient de le dire le ministre tantôt. Le parti
qui est au pouvoir en a une qui est plutôt dénuée de
sympathie et de compréhension à l'endroit de l'enseignement
privé. La position du ministre s'explique peut-être par le fait
qu'à son congrès général, le Parti
québécois sera appelé à se prononcer sur une partie
de son programme qui traite de cette question. Comme on ne sait pas quelle sera
la décision du congrès, je comprends que le ministre
préfère probablement s'abstenir à ce stade-ci.
Dans les problèmes qui se posent de ce côté, on doit
mentionner d'abord l'insécurité du statut des institutions. Quand
on est régi par un gouvernement émanant d'un parti dont la
politique a visé longtemps l'extinction
pure et simple du secteur privé et vise maintenant son absorption
graduelle dans le secteur public, ce ne sont pas des conditions idéales
pour exercer cette fonction d'enseignement libre à l'intérieur
d'une société.
Au cours des dernières années, l'enseignement privé
a dû faire face aux problèmes suivants, entre autres. D'abord
quoique, au cours des deux ou trois dernières années,
l'augmentation accordée au secteur privé ait été
correspondante à ce qui se passait dans le secteur public, comme l'a dit
le ministre - je pense que c'est vrai également pour 1984-1985 - on ne
saurait oublier qu'en 1980-1981, il y eut un changement important à la
faveur de la loi 11, dont se souvient sans doute le ministre de
l'Éducation, qui nous avait été imposée à
l'occasion d'un budget qui nous avait été présenté
en juin. En raison de cette loi, les subventions auxquelles avaient droit les
institutions d'enseignement privé sous l'empire de la loi 56,
adoptée au temps du dernier gouvernement de l'Union Nationale, avaient
été réduites sensiblement. La part des institutions
privées dans l'ensemble des fonds publics consacrés à
l'éducation avait connu, en 1982-1983, une réduction qui n'a
jamais été comblée depuis et que d'ailleurs illustrent les
chiffres auxquels j'ai fait allusion à maintes reprises depuis le
début de nos travaux lorsque j'ai évoqué les subventions
par élève ou par étudiant versées aux
étudiants de chacun des grands secteurs de notre système
d'enseignement.
Les subventions au secteur privé - je vais donner seulement cette
statistique qui résume, je pense, toutes les autres - qui seront
versées en 1984-1985 équivaudront à à peu
près 86%, en dollars constants, de ce qu'elles étaient en
1979-1980. En 1979-1980, la subvention per capita était de 1899 $. Cette
année, elle sera de 2397 $. En dollars constants de 1979-1980, cela fait
1600 $, ce qui fait 86%. C'est moins grave que ce qui est arrivé dans le
secteur universitaire, ainsi que nous l'avons montré hier. C'est
à peu près équivalent à ce qui est arrivé
dans le secteur collégial public, mais c'est quand même une
réduction. Il faut bien se rappeler que pour ces gens-là comme
pour ceux du secteur public, les frais ont continué d'augmenter. Ils
n'ont pas été épargnés par l'inflation. Ils n'ont
pas été épargnés par la hausse
générale des coûts. Il y a un écart qui s'est
créé à la faveur de la loi de 1981, en particulier, qui
n'a pas été comblé de manière satisfaisante. Je
serais très intéressé à connaître la
politique du gouvernement à ce sujet et à savoir - il n'en est
pas question pour la prochaine année d'après les crédits
qu'on nous soumet - si, dans l'ordre des intentions, à tout le moins, on
envisage un jour de rétablir le niveau qui existait en 1979-1980 et qui
n'était pas la parité absolue. C'était un niveau
inférieur à celui du secondaire public ou du collégial
public, mais c'était un niveau dont l'écart par rapport à
celui du public était moins prononcé qu'il ne l'a
été sous les effets de la loi 11.
Autre point, le gouvernement a imposé peu de temps après
son arrivée au pouvoir -je pense que c'est en 1977 qu'il a fait cette
annonce - un moratoire sur la délivrance de permis à de nouvelles
institutions. C'est comme si le gouvernement s'était dit: On va laisser
en place celles qui sont là parce qu'on n'est pas capable de les
éliminer. On va les laisser mourir de leur belle mort tranquillement et
on va éviter qu'il n'y en ait d'autres qui prennent feu et lieu sur la
place publique. Avec le temps, on finira par régler le problème
par voie d'extinction. Il est arrivé au cours de la dernière
année un événement assez important qui n'a pas fait
l'objet de beaucoup d'attention, autant de la part des médias que du
personnel politique. C'est l'affaire du Mont-Bénilde. Vous savez, ce
projet d'institution privée à Sainte-Angèle-de-Laval,
juste en face de Trois-Rivières. C'est un projet d'institution qui avait
été conçu par un groupe d'éducateurs. Ces
éducateurs avaient demandé un permis au ministère de
l'Éducation en prétendant se conformer aux critères
définis par le ministère. Le permis leur fut refusé. Ils
en appelèrent aux tribunaux.
La Cour d'appel, dans un jugement très significatif qui a
été rendu en juillet 1983, a rendu une décision qui a
été une source d'étonnement pour beaucoup de monde. Elle a
conclu que si le gouvernement a une politique pour l'octroi de permis
d'enseignement, dans l'hypothèse où une institution
présente une demande de permis répondant aux critères
établis, le gouvernement est obligé de délivrer le permis.
Un ordre a été émis par ce jugement du tribunal au
gouvernement d'émettre un permis d'enseignement à cette
corporation privée qui demandait de créer une institution
d'enseignement appelée Mont-Bénilde.
Évidemment, le jugement n'obligeait pas le gouvernement à
verser des subventions à cette institution. La distinction a
été faite dans le jugement. C'était le principe de la
liberté d'enseignement qui était reconnu par le tribunal, le
principe de l'obligation du gouvernement d'appliquer les lois et les
règlements que lui-même a définis, de ne pas situer
au-dessus de ses propres lois et règlements.
Mais, d'autre part, une fois que vous délivrez un permis, si
l'institution fournit un service de grande qualité et que vous lui
refusez des subventions, à ce moment-là, vous la traitez
injustement, inégalement par rapport à d'autres. Le seul argument
que le gouvernement pourrait invoquer pour n'en point donner, ce serait
l'argument dit
historique selon lequel il dirait: On verse des subventions aux
institutions qui avaient des permis jusqu'à telle date et, après
telle date, on n'en verse pas. Ce qui serait une autre politique malthusienne,
entre nous, venant s'ajouter aux nombreuses autres dont nous avons parlé
depuis trois jours.
J'aimerais savoir tantôt, quand le ministre fera ses commentaires,
si la politique du moratoire dure toujours, si elle s'applique toujours
à la manière d'une règle d'airain, silencieuse mais
très efficace. Qu'est-ce qui est arrivé dans le dossier du Mont-
Bénilde? Est-ce que le ministère s'est penché sur le
dossier depuis l'arrêt de la Cour d'appel? Est-ce que des recommandations
ont été faites au ministère par la commission consultative
de l'enseignement privé? Est-ce que l'on compte délivrer un
permis à cette société de citoyens et de citoyennes qui
ont demandé l'autorisation d'exploiter une institution privée
d'enseignement? (20 h 30)
Je voudrais que le ministre fasse également le point sur les
dossiers qui sont en attente. Je crois comprendre qu'il y a un certain nombre
d'institutions qui sont reconnues actuellement au niveau qui les autorise
à recevoir une subvention équivalant à 60% du coût
d'un élève dans le secteur public. Un certain nombre de ces
institutions voudraient passer dans la catégorie d'intérêt
public qui est subventionnée à 80% au lieu de 60%. J'ai
été saisi d'un certain nombre de cas, de demandes qui ont
été soumises au ministère. Je pense qu'on se doit de nous
dire où on en est à ce sujet et si des décisions seront
prises avant longtemps.
J'informe également le ministre, au cas où il n'en aurait
pas été saisi, du fait que de nombreux groupes de citoyens
aimeraient créer des institutions privées et qu'ils n'osent pas
le faire parce qu'ils savent que la politique du gouvernement est
extrêmement restrictive à cet égard, mais la volonté
n'en existe pas moins. Si la politique du gouvernement était clairement
définie, s'il disait qu'il n'y aura pas de subvention à
l'enseignement privé - c'est la politique du gouvernement de l'Ontario,
il n'y a pas du tout de subvention à l'enseignement privé en
Ontario - cela réglerait le problème.
Vous ne pouvez pas avoir une politique et ne pas en avoir en même
temps. Si on en a une qui reconnaît l'enseignement privé, il faut
qu'on traite tout le monde sur un pied d'égalité et qu'on accepte
une certaine mobilité. Justement parce qu'il s'agit du secteur
privé, on ne peut pas rigidifier et cristalliser tout cela dans des
catégories définies pour toujours. Je pense qu'il est bien
important que le gouvernement rende des comptes à la population sur
cette question qui est intimement reliée à certaines valeurs qui
sont très importantes pour des milliers de nos concitoyens.
On m'informe également que les institutions privées
n'auraient pas accès à bon nombre de programmes qui ont
été accrédités par le gouvernement et qui ont
été instaurés dans bien des institutions du secteur
public. Je vous donne des exemples de ce côté-ci: le cours
d'économie familiale. Ce n'est pas tout de dire qu'on va avoir un cours
d'économie familiale au secondaire, comme le veut le nouveau
régime pédagogique. Si vous avez un cours d'économie
familiale, il va falloir des cuisinières pour montrer aux
élèves comment faire la cuisine, il va falloir des moulins
à coudre pour leur montrer comment faire la couture; cela prend de
l'équipement, cela ne se fait pas avec de pures explications verbales et
des dessins au tableau. De ce côté, on leur dit: Vous n'y avez pas
accès.
Au point de vue des cours d'initiation à la technologie, on leur
dit: Pour acheter des ordinateurs, vous répondrez au critère de
la valeur locative. Ils ne sont pas autorisés à toucher des
subventions d'équipement comme le sont les institutions du secteur
public. On leur dit, d'un côté, que c'est très important,
le cours d'initiation à la technologie; de l'autre côté, on
leur dit: Adhérez à un régime qui va vous prendre des
années à financer l'acquisition de ces appareils.
On m'informe que pour l'éducation des adultes, surtout dans la
section formation professionnelle, c'est la même chose. Il y a un certain
nombre d'institutions privées, pas tellement nombreuses, qui donnent des
cours de formation professionnelle d'excellente qualité et qui
pourraient donner des cours aux adultes également dans des conditions
très intéressantes. On leur dit: Ce n'est pas pour vous, "do not
touch", ne touchez pas à cela, c'est réservé strictement
à l'enseignement public.
On me dit qu'il en va de même pour les cours d'été.
Autrefois, les institutions privées étaient autorisées
à donner des cours d'été qui permettaient à des
élèves de faire du rattrapage, de cheminer plus rapidement vers
l'accomplissement de leur itinéraire académique. Depuis quelques
années, cependant, cela leur est interdit également.
Je pense que ce sont des points qu'on ne soulève pas souvent mais
ils sont là quand même, ils font partie du paysage et il me semble
que c'est notre devoir, comme législateurs, d'exiger que le gouvernement
s'explique à ce sujet.
J'ai déjà parlé, l'an dernier, de la Commission
consultative de l'enseignement privé qui est chargée de
conseiller le gouvernement sur les choses qui ont trait à l'enseignement
privé. J'avais signalé alors que, dans la loi, il est clairement
écrit que la commission est formée de personnes nommées
à partir de listes fournies par les
gens du secteur concerné. Je n'ai pas le texte exact de la loi
ici, mais ce concept-là est dans la loi. On m'assure, du
côté des institutions d'enseignement privé, qu'au cours des
deux dernières années toutes les nominations qui ont
été faites n'ont jamais tenu compte des suggestions faites par
les grandes associations qui représentent les institutions du secteur
privé.
On dit: Oui, mais il y a Mme Unetelle qui est professeur dans tel
collège. Elle a été choisie directement par le
gouvernement sans être recommandée par aucune des associations qui
représentent les institutions. Ces institutions ne se sentent pas
représentées comme elles souhaiteraient l'être au sein de
la commission. J'aimerais savoir si le gouvernement est prêt à
revoir tout son processus de nomination en se conformant davantage à
l'esprit et à la lettre de la loi.
On dit dans la loi, justement à propos de la commission
consultative, que les membres - neuf membres - sont nommés par le
gouvernement sur la recommandation du ministre. Au moins six de ces membres
sont nommés après consultation des groupes les plus
représentatifs des dirigeants, des enseignants et des parents
d'élèves de l'enseignement privé. Je pense qu'il y a des
correctifs qui s'imposent de ce côté-ci.
Je comprends, M. le Président, qu'au cours de la dernière
année le gouvernement a donné suite à un engagement qu'il
avait pris l'an dernier à la commission parlementaire. Le gouvernement
s'était engagé à ouvrir des conversations avec les
institutions du secteur privé afin de chercher avec elles les moyens
d'améliorer les rapports entre les deux, de trouver des solutions
à certains problèmes. J'ai pris des renseignements à
propos de ce sujet-ci, comme à propos de tous les autres, avant d'en
parler et on me dit que les conversations se sont bien déroulées,
qu'elles ont donné lieu à des conclusions de portée
très limitée, mais qui sont quand même d'un
caractère positif. J'en suis très heureux et je le constate avec
beaucoup de plaisir.
Par exemple, les chèques de subvention, cela traînait. L'an
dernier, le ministre devait annoncer le barème qui servirait à
fixer les subventions. D'après la loi, il devait annoncer cela avant le
31 mai, si mes souvenirs sont bons. On était gêné de
l'interroger, parce qu'on était rendu au mois de septembre ou au mois
d'octobre et on n'avait rien encore. Après nous avoir dit qu'il ne
l'avait pas, on ne pouvait pas lui envoyer la Sûreté du
Québec; on n'a aucune autorité sur elle pour forcer le
gouvernement à appliquer les lois. C'est arrivé très
souvent qu'on constate qu'une loi n'était pas appliquée et, une
fois que le gars nous a dit qu'elle n'était pas appliquée, on
espère qu'il va l'appliquer. Apparemment, il y a des
améliorations qui vont être apportées; tant mieux! Mais les
problèmes de fond que j'ai soulevés ne sont pas, d'après
mes renseignements, en voie de règlement. Je pense que la situation est
peut-être moins tendue qu'elle ne l'a déjà
été, et je m'en réjouis, mais je veux signaler qu'il y a
des problèmes de fond qui continuent d'exister.
J'en soulève un dernier avant de terminer: un groupe
d'institutions très particulières qui s'occupent de fournir des
services éducatifs aux enfants qui ont des difficultés
spéciales d'apprentissage et d'adaptation au niveau primaire. Ce sont
des petites institutions qui jouent un rôle admirable dans notre
communauté et qui ne pourrait pas être joué dans les
mêmes conditions par les institutions du secteur public. Ces institutions
bénéficient de certaines subventions - je pense qu'il y en a huit
ou dix qui sont reconnues par le gouvernement - mais ces subventions ont fait
l'objet d'un gel, d'une espèce de moratoire, il y a déjà
quelques années, et ces institutions sont obligées de fonctionner
dans des conditions qui ne leur donnent pas la mobilité dont elles
auraient besoin. Par exemple, une institution compte parfois dix, douze ou
quinze élèves, mais seulement un changement de deux, trois ou
quatre élèves peut, évidemment, signifier un changement
considérable dans les contraintes auxquelles elle doit obéir
pendant une année.
Or, le régime subventionnaire sous lequel ces institutions
fonctionnent ne leur donne pas la latitude dont elles ont besoin. J'ai
moi-même été témoin d'un cas, cette année,
que j'ai soumis à l'attention de votre prédécesseur, M. le
ministre, qui l'avait accueilli d'ailleurs avec beaucoup de sympathie, mais
pour conclure qu'il ne pouvait rien faire dans les circonstances. On a
été obligé de référer le cas au
ministère des Affaires sociales qui a décidé de faire un
bout de chemin jusqu'à l'été en attendant qu'on puisse
avoir une solution plus durable du côté du ministère de
l'Éducation. Surtout dans le cas de ces institutions qui rendent un
service très appréciable à une catégorie
d'élèves qui en ont un besoin tout à fait spécial,
il serait bon que la politique du gouvernement fut plus libérale. Je
pense que c'est le plus beau mot qu'on puisse employer pour définir ce
qu'on souhaite à cet égard. Une politique plus libérale
serait la bienvenue.
Je tiens à préciser, en conclusion plus
générale - je m'excuse parce que cela fait deux fois que je
conclus - que la politique du Parti libéral en matière
d'enseignement privé n'en est pas une de porte ouverte absolue, qui
consisterait à dire: On va tout mettre sur un pied
d'égalité et on va tout envoyer au simple rapport des forces. La
politique du Parti libéral met la priorité sur l'enseignement
public. Elle insiste sur le fait
que l'enseignement public doit être l'objet de l'attention
prioritaire des pouvoirs publics. Elle dit que, ce premier principe
étant établi, il faut reconnaître la liberté de
l'enseignement privé d'exister, de se développer et de jouir
d'une assistance raisonnable de l'État.
Ce qui est arrivé ces dernières années avec les
mesures malthusiennes du gouvernement, c'est que les frais de scolarité
ont augmenté considérablement dans l'enseignement privé.
Aujourd'hui, cela coûte plus cher pour envoyer un enfant à une
école secondaire privée que pour l'envoyer à
l'université. Il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans,
il y a quelque chose qui est un peu débalancé. Cela contribue
à accréditer la légende voulant que l'enseignement
privé soit surtout réservé aux enfants de la classe
bourgeoise, alors que ce n'est pas le fait dans la pratique. Les enquêtes
ont établi abondamment que les institutions d'enseignement privé
reçoivent, dans la très grande majorité des cas, des
enfants qui viennent des classes moyennes et surtout de la petite classe
moyenne de la population. Il y a des foyers qui attachent une importance
spéciale à cette forme d'enseignement pour leurs enfants. On peut
penser politiquement ce qu'on veut de ces foyers, on peut trouver qu'ils sont
dans l'erreur mais je pense que, si la politique du gouvernement consiste
à reconnaître qu'il y a un droit de ce côté, il faut
qu'on ait certains moyens appropriés et qu'on ait un climat de
clarté, de transparence dans lequel on puisse évoluer.
Ce sont les problèmes que je voulais soumettre à votre
attention au début de cet échange qui sera, malheureusement, trop
bref. Je n'aurais pas voulu que les travaux de la commission parlementaire sur
les crédits du ministère se fassent sans qu'on ait trouvé
au moins une brève période pour évoquer ce problème
et souligner le service très important que les institutions
d'enseignement privé rendent à la population du Québec
à tous les niveaux, avec leur effectif d'environ 90 000, 95 000.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le ministre.
M. Yves Bérubé (réplique)
M. Bérubé: D'une part, je tenais à entendre
les propos du député d'Argenteuil avant de véritablement
intervenir sur ce sujet. Je sais que c'est un sujet qu'il connaît bien.
Il pouvait donc nous orienter vers des pistes où la discussion pourrait
être plus fructueuse. Je profiterai quand même de son intervention
pour énoncer au moins deux principes qui risquent de sous-tendre, au
cours de la prochaine année, l'attitude que je prendrai vis-à-vis
du secteur privé. Je ne vous cache pas qu'il ne s'agit pas là
d'une position finale et irrévocable en ce sens que je la qualifierais
plutôt de préjugé initial d'un ministre qui occupe un
nouveau poste et qui, avant d'avoir approfondi une question, reste avec des
impressions résultant de ses lectures, des échanges qu'il a pu
avoir. Le fait de détenir un poste comme celui de ministre de
l'Éducation, d'être amené à rencontrer les
intervenants et à échanger, cela peut faire en sorte que ma
position évolue dans les semaines qui viennent et je n'en serais pas
autrement surpris. Donc, on voudra bien prendre mes propos comme étant
fort liminaires.
D'autre part, il faut se dire que l'existence d'un système
privé, en parallèle avec le système public, introduit un
mécanisme de concurrence qui ne peut être que
bénéfique pour quelque système que ce soit. Je pense que,
dans la mesure où des citoyens peuvent se voir offrir un certain choix
et envoyer leurs enfants à l'école privée, ce choix qui
est laissé aux parents permet, finalement, de jauger la performance du
système public. Lorsque ces transferts sont trop importants -
malheureusement, je pense qu'ils l'ont été dans le passé -
cela peut dénoter un climat de frustration social, un climat de
relations du travail transposé dans un système scolaire, ce qui
fait que les parents préfèrent envoyer leurs enfants dans un
système plus stable. (20 h 45)
Les nombreuses rondes de négociations qui ont conduit à
des grèves dans le secteur de l'éducation au cours des 20
dernières années ont certainement contribué, en bonne
part, à inciter des parents à envoyer leurs enfants dans des
écoles où le climat était plus stable. À cet
égard, je pense que l'absence d'un système privé en
concurrence avec le système public aurait pu faire en sorte qu'on aurait
pu abuser davantage du système. Je pense que le système
privé est une garantie de recherche d'excellence, qu'il peut
prémunir le secteur public d'une certaine tentation au laxisme et faire
en sorte qu'on cherche à maintenir un secteur privé de
qualité.
Je pense que cela a pu justifier l'émergence d'un certain nombre
d'écoles-ressources dans beaucoup de commissions scolaires du
Québec dans le but de faire des expériences, d'effectuer des
recherches pédagogiques. Je pense que le secteur privé a eu un
impact sur la clientèle du secteur public - impact négatif,
j'entends, puisque les écoles du secteur public ont vu leur
clientèle diminuer souvent au profit du secteur privé -et que les
commissaires et les enseignants ont commencé à se
préoccuper de leur école, du maintien de l'école de
quartier menacée, du maintien de leur emploi menacé. Même
si on a la sécurité d'emploi, on n'aime pas tellement ce genre de
situation, on
préférerait occuper un poste régulier. À ce
moment-là, il faut s'interroger quant à la qualité du
service qu'on dispense aux enfants. Quand la qualité est trop basse, les
parents préfèrent envoyer leurs enfants ailleurs.
Il y a aussi - ne nous le cachons pas -dans certains cas un certain
snobisme. On a fait ses études dans un collège privé ou
une école privée et on juge de bon ton d'envoyer ses enfants
à l'école privée. La réalité semble
cependant être que finalement, à l'heure actuelle, les deux
systèmes performent relativement bien. Lorsqu'on regarde les
résultats des enfants aux examens du ministère ou les concours
comme Génies en herbe, on doit constater que les performances sont
passablement voisines. Peut-être que l'existence d'une certaine
concurrence a fait en sorte que le secteur privé a dû maintenir un
standard de qualité et l'existence de deux systèmes en
parallèle, à mon avis, est heureux et ne peut qu'entraîner
de bons résultats. Cela est la première partie de mon
intervention.
La deuxième partie de mon intervention porte sur les
problèmes particuliers que nous vivons au Québec comme dans toute
autre société occidentale. Le ministre des Affaires sociales a
déposé une étude sur l'évolution
démographique au Québec et a souligné la diminution
importante du taux des naissances au Québec. On imagine un peu l'impact
que ceci peut avoir sur notre système d'éducation. J'ai sous les
yeux l'évolution des clientèles dans notre secteur public et je
constate que, de 961 000 enfants dans nos écoles, le nombre est
passé à 940 000 en 1981-1982. En 1982-1983, il était de
931 000 et en 1983-1984, de 923 000. En d'autres termes, le total des enfants
inscrits dans nos écoles a décru systématiquement d'une
année à l'autre.
On imagine assez bien l'impact que cela peut avoir. D'une part, nous
nous retrouvons avec des équipements payés chèrement par
la société qui sont sous-utilisés et qu'on doit
éventuellement fermer. On a même des quartiers complets qui
risquent de se voir privés de l'école de quartier parce qu'il n'y
a pas assez d'enfants pour aller à l'école. On sait aussi
à quel point, particulièrement pour les jeunes enfants,
l'école de quartier a de l'importance car elle maintient un milieu
social, un milieu où est éduqué l'enfant. Cela est en
même temps le milieu de jeux et le milieu familial. Elle maintient une
certaine cohésion de la société et réduit, je
pense, le choc du passage de la tendre enfance libre, autour de la maison,
à la vie de quartier où il faut commencer à s'astreindre
à une certaine discipline, celle de l'école.
Donc, l'école de quartier constitue, je pense, un milieu
sécurisant et favorable à la formation de nos enfants. Or, il est
clair qu'avec la diminution des clientèles, forcément, cette
école de quartier est souvent menacée. On a vu des luttes
féroces de parents pour protéger la dernière école
de quartier et on a vu le ministre de l'Éducation, il y a quelques
années, mettre en place une politique pour sauvegarder la
dernière école de quartier, au grand soulagement des parents.
Il y a donc un problème d'équipement, un problème
de milieu de vie; il y a aussi un problème d'insécurité
pour nos enseignants. Nous avons vu aussi, par exemple, notre clientèle
décroître de presque 19%. Je ne me souviens pas de la
période qui était considérée, mais j'avais
donné des exemples où la clientèle décroissait de
19%, ce qui avait entraîné évidemment une
décroissance du nombre d'enseignants. Je pense que c'est depuis 1976
jusqu'en 1983-1984, si je ne m'abuse. La clientèle ayant baissé
de 19%, le nombre d'enseignants avait décru, lui, de 14%, moins vite que
le nombre d'enfants. En d'autres termes, depuis 1976, nous avons
augmenté le nombre d'enseignants dans nos écoles pour s'occuper
de nos enfants, non pas en nombre absolu, mais en nombre relatif,
c'est-à-dire par rapport au nombre d'enfants dans les écoles; il
y a effectivement plus d'enseignants pour s'en occuper. Mais même s'il y
a plus d'enfants, il y a quand même moins d'enseignants pour s'en
occuper, c'est-à-dire 14% de moins. On devine ce que cela veut dire en
termes de vieillissement du corps professoral. La députée de
Jacques-Cartier l'a souligné, le député d'Argenteuil
aussi. On devine également ce que cela peut impliquer comme
insécurité pour l'enseignant qui est mis en disponibilité.
C'est souvent le sujet de débats autour des conditions de travail des
enseignants; c'est au coeur de la préoccupation. En bonne partie,
lorsqu'on parle de ne pas accroître la tâche des enseignants, il
faut se dire qu'il y a une préoccupation de la part des syndicats de ne
pas accroître le nombre d'enseignants en disponibilité. C'est
souvent là un des moteurs - je ne dirais pas principaux - importants des
revendications des syndicats contre une augmentation de la tâche.
Donc, il faut bien reconnaître que, dans notre secteur public,
nous sommes en période de décroissance des clientèles avec
un impact douloureux sur le corps enseignant, un facteur déstabilisant
sur le climat de nos écoles, un problème d'équipement
également et un problème de milieu de vie au niveau de
l'école de quartier.
Il faut donc comprendre que le ministre de l'Éducation,
dès 1977, préoccupé par cette question, ait
décidé de concevoir une politique de l'enseignement privé.
Je pense que c'était là une bonne intention. On ne peut pas le
lui reprocher. C'était oublier, cependant, les passions que toute remise
en question du système privé peut provoquer car, d'un
côté, comme je l'ai expliqué,
l'école privée joue un rôle essentiel au sein de
notre communauté. D'autre part, la croissance du secteur privé
peut rendre encore plus dramatique le maintien d'un système public de
qualité car, alors que je vous parle de la décroissance de la
clientèle en 1980, 1981, 1982 et 1983, j'ai les chiffres pour la
clientèle dans le secteur privé. En 1980-1981, on retrouve 88 124
enfants; en 1981-1982, ce chiffre monte à 89 257; en 1982-1983 à
90 710 et en 1983-1984, à 94 438. Donc, au moment où notre
secteur public est en décroissance, avec les trois problèmes
sociaux que je viens de vous décrire, le secteur privé, lui, est
en pleine croissance - enfin, disons en croissance - et elle ne peut se faire
qu'aux dépens du secteur public, c'est-à-dire en affaiblissant
encore davantage le secteur public. Je peux donc comprendre deux écoles
s'opposant de façon presque irréconciliable. D'un
côté, on défend le droit à ce système
concurrentiel mais, d'autre part, on défend ce droit fondamental
à un système public de qualité qui n'est pas menacé
trop durement par un effondrement de ses clientèles.
Face à ce dilemme cornélien, quasi insoluble, je peux
comprendre que l'absence de politique ait été sage. C'est
peut-être le sens de mon intervention liminaire où j'ai dit: Dieu
soit loué! Nous n'aurons pas de politique encore cette année.
Peut-être vaut-il mieux ne pas se trancher cette question. On avait, je
pense - j'ai cru le comprendre -tenté de trancher dans la question en
imposant un moratoire à l'émission de permis d'école. Un
jugement de cour est intervenu, comme l'a souligné le
député d'Argenteuil, qui a conclu qu'un tel refus
d'émettre un permis lorsqu'une institution répond aux
critères, si critères il y a, d'ailleurs, n'apparaît pas
légal, que le pouvoir du ministre ne peut pas porter sur
l'émission ou non d'un permis, mais uniquement sur l'émission ou
non d'un statut d'admissibilité aux subventions.
De fait, depuis un an maintenant, le ministère a mis un terme
à son moratoire. Il a émis trois permis, à ma
connaissance, à des écoles. Je pense qu'on pourra tantôt
fouiller les questions du député d'Argenteuil plus en profondeur.
Le ministère a donc recommencé à émettre des
permis, mais je ne vous cache pas que, quant à émettre des
statuts d'admissibilité à des subventions, ma position serait
peut-être plus réservée dans un contexte de
décroissance de la clientèle. Si nous étions en pleine
croissance de la clientèle et qu'il s'agissait de maintenir un secteur
privé dynamique à côté d'un secteur public
dynamique, je pense que je serais sensible à l'argument. Je ne dis pas
que le Conseil des ministres l'accepterait. Je ne dis pas que le parti
l'accepterait. Je ne dis pas que je ne serais pas prêt, d'ailleurs,
à me rallier à toute position qui serait différente de la
mienne, mais je vous dis qu'en vertu du principe que la concurrence entre deux
systèmes peut être saine pour les deux systèmes j'aurais
tendance à être sympathique à des émissions de
statut maintenant un équilibre entre le secteur privé et le
secteur public.
Or, dans une conjoncture de décroissance de la clientèle,
j'ai plutôt tendance à dire que, si nous favorisons le
développement du secteur privé et que cela ne peut se faire qu'au
détriment d'un secteur public qui est lui-même en perte de
vitesse, nous affaiblissons ce qui m'apparaît le fondement de toute
société démocratique, c'est-à-dire un secteur
public accessible à tous, un secteur public de qualité, un
secteur public ouvert, en expansion, un secteur public qui fait la force d'une
société démocratique parce qu'elle assure que tous les
citoyens puissent envoyer leurs enfants dans un milieu homogène qui fera
en sorte que l'on bâtira une société plutôt que de
bâtir des classes.
Le danger de tout système d'écoles privées, c'est
évidemment l'introduction d'un régime de classes où des
gens se croient supérieurs parce qu'ils ont été instruits
dans une école privée, une école de haut calibre, une
école de haut statut. Évidemment, chaque fois que l'on recherche
l'excellence, il y a le danger de l'élitisme et il y a le danger des
classes. Donc, lorsque l'on prend tout en considération, j'aurais
tendance à dire: Notre société, avec une certaine sagesse,
a maintenu un système privé en équilibre avec le
système public. Je n'aurais pas tendance à vouloir modifier
l'équilibre et, lorsqu'il y a régression des clientèles du
secteur public, je n'aurais pas tendance à accroître l'importance
du secteur privé.
Maintenant, je voudrais peut-être demander à des gens qui
m'accompagnent -ils pourront peut-être se présenter - de
répondre aux questions plus spécifiques quant au
Mont-Bénilde, par exemple, invoquée par le député
d'Argenteuil, et à quelques autres questions que le député
d'Argenteuil a voulu introduire de façon plus spécifique,
montrant par là qu'il maîtrise fort bien le dossier dans ses
moindres détails.
Affaire du Mont-Bénilde
M. Olivier (Denis): Mon nom est Denis Olivier. Je suis directeur
général de la Direction de l'enseignement privé. Dans le
cas du Mont-Bénilde, le 14 juillet dernier, la Cour d'appel a pris une
décision et, dans le jugement, on précise bien que la
décision prise a la portée d'un jugement déclaratoire au
sens où elle ne peut plus être effective au moment où elle
est arrivée parce que les faits sont survenus il y a très
longtemps. Le motif invoqué pour cette décision, c'est le manque
de clarté d'un des articles de la Loi sur l'enseignement privé -
l'article 23 - et
pour éclairer davantage cet article, les juges ont fait
référence au préambule des lois sur l'éducation.
C'est à la lumière de ce préambule qu'ils ont
déclaré ce que le député d'Argenteuil citait
précisément tantôt, à savoir que le pouvoir du
ministre, lorsque vient le moment d'émettre un statut non
subventionné, est un pouvoir lié. (21 heures)
Je répète cela parce que, dans le cas précis du
Mont-Bénilde, la portée immédiate du jugement
n'était pas de conférer un permis au Mont-Bénilde. Le
député demandait tantôt si le dossier du
Mont-Bénilde avait été étudié.
Effectivement, il l'a été parce que le Mont-Bénilde a
présenté une nouvelle demande. Or, la demande qu'il a
logée n'est pas une demande de permis, mais de statut
subventionné, soit RFS ou DIP. Alors, l'étude du dossier du
Mont-Bénilde est en cours actuellement.
Le député d'Argenteuil demandait si la commission
consultative était intervenue dans le dossier. Effectivement, la
commission consultative s'est rendue, a entendu les promoteurs du
Mont-Bénilde et a fait, au ministre de l'Éducation, une
recommandation qu'il prendra en considération. Les études du
ministère sont terminées ou presque. Devant les recommandations
qui lui parviendront, le ministre de l'Éducation prendra la
décision par rapport à la demande précise du
Mont-Bénilde cette année, à l'effet de recevoir un statut
subventionné.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va?
M. Olivier: Oui, pour le Mont-Bénilde, cela va bien. Pour
la question du moratoire qui était reliée à cela, il y a
plusieurs années déjà que le moratoire a été
levé. Il n'y a pratiquement jamais eu de moratoire, d'ailleurs, pour ce
qui est des statuts non subventionnés. À longueur d'année,
il y a toujours eu des permis qui ont été émis et des
statuts non subventionnés et cela, depuis plusieurs années.
Grâce aux liquidités budgétaires, le ministre
précédent a émis des statuts subventionnés.
M. Ryan: Est-ce qu'il y a d'autres recommandations qui ont
été faites par la Commission consultative de l'enseignement
privé? Il y a d'autres demandes auxquelles j'ai fait allusion
tantôt pour des changements de statut.
M. Olivier: Sans pouvoir me référer à des
demandes précises, il est exact que de nombreux établissements,
justement grâce au fait qu'il n'y a plus de moratoire sur les statuts
subventionnés, ont demandé des améliorations du statut RFS
vers un statut DIP.
Cette année, si on faisait la somme de l'ensemble des demandes
faites, cela peut équivaloir à un montant de l'ordre de 2 600 000
$. De ce nombre, il y a de ces changements pour un statut
amélioré de RFS à DIP. Les recommandations de la
commission consultative varient selon les cas. Il y a des cas où la
commission consultative est favorable à ces améliorations;
d'autres où elle ne l'est pas. Encore une fois, dans chacun des cas
comme dans celui que je citais du Mont-Bénilde, nous faisons, de notre
côté, nos recommandations au ministre et en présence des
deux recommandations qui tantôt sont identiques, tantôt sont
différentes, le ministre de l'Éducation prend et prendra ses
décisions.
M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait demander au ministre, quand une
institution fait une demande qui donne lieu à une recommandation puis
à une décision, s'il voudrait au moins communiquer à
l'institution concernée la réponse avec les explications et avec
la documentation pertinente. On m'informe que, dans bien des cas, on
reçoit une lettre qui dit non. La réponse est négative et
cela finit là. Il me semble qu'ils auraient au moins le droit de
connaître les véritables raisons, de connaître la
recommandation qui a été présentée par la
commission consultative et les motifs à l'appui à la fois de la
recommandation et de la décision ministérielle?
M. Bérubé: On me dit que c'est toujours fait. Votre
information est dans le sens que cela n'est pas fait?
M. Ryan: Oui.
M. Bérubé: II y a peut-être eu quelques
cas.
M. Ryan: Mes renseignements proviennent de très bonnes
sources et sont très récents.
M. Bérubé: Ah! Jamais je ne mets en doute les
sources du député d'Argenteuil!
M. Ryan: On peut les vérifier.
M. Bérubé: Voyonsl Pour ne pas encourir ses
foudres.
M. Ryan: On fait tout le travail nécessaire pour avoir les
bons renseignements. C'est bien, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président.
M. Ryan: Je souligne qu'il y a d'autres
points qui n'ont pas donné lieu à des réponses.
Le Président (M. Charbonneau): Ah!
M. Ryan: Parce qu'on est ici et qu'on pose des questions. Je
crois qu'il y a un climat de bonne volonté, ce soir, que
j'apprécie. Si on pouvait donner des réponses concises au moins
sur les autres points que j'ai soulevés, comme l'accès à
différents programmes. Je pense qu'on aurait droit à une
réponse là-dessus.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre ou l'un de
vos collaborateurs.
M. Bérubé: La question était tellement
technique, ma nouveauté dans le domaine m'empêche vraiment de
pouvoir y répondre, à moins que du côté...
Établissements privés et
établissements publics
M. Olivier: La question du député d'Argenteuil,
formulée en termes d'accès à des programmes,
reflétait sans doute aussi une autre réalité qui est la
suivante: les établissements privés sont tenus, au même
titre que les écoles publiques, de dispenser des programmes qui sont
devenus obligatoires, que ce soit le programme d'initiation à la
technologie ou un autre. Notre position là-dessus est simple; on se
demandait: Est-ce qu'on aide les établissements privés pour
répondre aux invitations qui sont faites aux établissements
privés comme aux établissements publics ou pour que les
établissements privés puissent remplir les obligations qui leur
sont faites à eux?
Au chapitre des budgets de fonctionnement, des crédits,
rigoureusement comparables à ceux qui sont versés aux
écoles publiques, sont consentis dans la même proportion que
l'ensemble des crédits prévus par la loi aux
établissements privés et ils sont incorporés dans cette
portion de subvention qui s'appelle les montants de base.
Il reste une interrogation, une difficulté à laquelle nous
travaillons conjointement dans un contexte de concertation qui a cours entre
les associations d'établissements privés et nous: c'est de
trouver le moyen d'aider les établissements privés au budget
d'immobilisation. L'exemple que citait le député d'Argenteuil
tantôt pour les micro-ordinateurs en est un. La seule entrée
possible qu'a le ministre de l'Éducation, dans le cadre de la loi
actuelle sur l'enseignement privé pour fournir des subventions, c'est
par le biais de ce qu'on appelle la valeur locative. C'est cette entité
par laquelle, précisément, la subvention versée correspond
à la qualité des équipements qui sont mis à la
disposition des élèves. Or, cette valeur locative remonte dans le
temps; elle a été bâtie en 197.1 et nous sommes
précisément à voir quelles seraient les nouvelles
entrées; par exemple, les micro-ordinateurs ou tel équipement
requis pour l'initiation à la technologie qu'il faudrait ajouter
à ce formulaire. Les travaux vont bon train et nous espérons
faire des recommandations fermes au ministre de l'Éducation avant
longtemps.
M. Ryan: Auriez-vous un mot à dire sur les institutions
primaires, pour les enfants qui ont des difficultés d'apprentissage et
d'adaptation?
M. Olivier: Oui. J'ai été un peu
étonné tantôt, j'ai eu du mal à rejoindre, dans vos
propos, la perception que j'ai de ces établissements dans leur ensemble,
à tout le moins, parce que le point de vue d'ensemble, le point de vue
officiel de ces établissements va dans le sens de dire: Ne touchez donc
pas au mode actuel de subventions que nous avons. Effectivement, le Dr Laurin,
au cours des trois dernières années, est intervenu
personnellement, notamment, à la suite de la commission parlementaire
qui a donné lieu à la loi 11, et le Conseil du trésor
avait aimablement accueilli les demandes du Dr Laurin dans ce sens. Les
conditions sont exactes.
Là où le député d'Argenteuil a
souligné un problème réel, auquel nous avons
travaillé - il l'a souligné aussi - en particulier, ce sont
presque des initiatives d'avant-garde, de pointe dans ce secteur. Nous avons du
mal à essayer de leur donner droit de cité à
l'intérieur des cadres réglementaires et juridiques que nous
avons. De fait, il faut procéder comme nous l'avons fait dans
l'immédiat, en collaboration avec le ministère des Affaires
sociales. Quant à moi - et c'est ce que nous essayons de faire le mieux
possible - je pense qu'on doit essayer d'amener ces promoteurs à lier
davantage leurs interventions à la structure d'ensemble de
l'éducation au Québec. On pense, par exemple, que le cadre que la
loi 40 va créer va pouvoir permettre à ces établissements
beaucoup plus de marge de manoeuvre, plus d'autonomie. Ils pourront aussi, de
ce fait, être assurés de meilleurs subsides pour continuer leur
travail.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. En entendant les
propos du député d'Argenteuil je me suis senti piqué parce
qu'il a attaqué, jusqu'à un certain point, la politique du Parti
québécois concernant l'enseignement privé. Je voudrais
rappeler au député d'Argenteuil, premièrement, que le
Parti québécois a une politique établie qui est
effectivement discutée d'un congrès à l'autre, qui est en
évolution.
Il y a des membres qui partagent cette politique, il y en a d'autres qui
ne la partagent pas, mais au moins il y a une politique. Sur la politique du
Parti libéral, il nous a dit: Ce n'est pas la politique de la porte
ouverte; nous donnons priorité au secteur public. On est heureux
d'entendre que le Parti libéral donne la priorité au secteur
public. C'est une grande annonce de la part du Parti libéral. Cela nous
console, mais...
Une voix: C'est ça que vous avez dit.
M. Leduc (Fabre): Oui, mais la liberté est reconnue, si
j'ai bien compris, totalement au secteur privé. Si ce n'est pas la
politique de la porte ouverte, je me demande ce que c'est. Je voudrais rappeler
au député d'Argenteuil qu'il s'agit d'une discussion de
société. Le Parti québécois n'est pas le seul
parti, le seul organisme à discuter de cette question, qui est
importante, lors de ses congrès. Je voudrais lui rappeler la position de
la Centrale de l'enseignement du Québec qui n'est pas tout à fait
celle du Parti libéral du Québec.
La question que je me pose quand on parle de saine concurrence du
secteur privé par rapport au secteur public, c'est de savoir si le
secteur public est véritablement capable de soutenir la concurrence avec
le secteur privé. Je pense qu'on est en droit, compte tenu des fonds
publics qui sont accordés au secteur privé - il s'agit des fonds
de la population qui, majoritairement, envoie ses enfants à
l'école publique - de se poser un certain nombre de questions quant
à la démocratie qui existe au sein du secteur privé.
Est-ce un système démocratique? Jusqu'à quel point est-il
démocratique? Le système public, il ne faut jamais l'oublier, est
totalement démocratique. Il doit accepter tous les enfants de quelque
segment de la population que ce soit.
Je ne connais pas beaucoup d'écoles privées qui enseignent
le professionnel court, qui incluent des enfants du professionnel court. Donc,
on est en droit de se poser des questions à savoir si le secteur public
est véritablement en concurrence avec le secteur privé.
Par exemple, quand on parle de la démocratie du secteur
privé, on est en droit de se poser des questions par rapport à
l'exercice d'une certaine démocratie dans le secteur privé.
Quelle est la ou les politiques d'admission dans le secteur privé?
Est-ce que la population connaît la ou les politiques d'admission? Quels
sont les critères de sélection des enfants que les parents
voudraient inscrire au secteur privé? Sont-ils connus publiquement?
Il me semble que ce sont des éléments extrêmement
importants dont il faut tenir compte quand on parle du débat qui
concerne le secteur privé au Québec. Tout n'est pas clair, il me
semble. Remarquez que, dans mes propos, je n'ai jamais dit que j'étais
contre l'existence d'un secteur privé. Je dis cependant que la
population est en droit de connaître un peu plus ce qui se passe dans le
secteur privé; elle est en droit d'exiger que la transparence
règne aussi dans le système privé, qu'on connaisse, qu'on
sache ce qui se passe. À cet égard, l'État, je pense, a un
certain nombre de droits. Ce serait souhaitable qu'à un moment
donné, dans une éventuelle politique, l'État pose ses
exigences par rapport aux politiques d'admission, par exemple, à
l'école privée. (21 h 15)
Je ne sais pas si on est en mesure de répondre à la
question que je vais poser, mais est-ce qu'on possède, au
ministère, une comparaison des résultats scolaires du secteur
privé et du secteur public? Est-ce que cela existe? Est-ce qu'on a
déjà fait des études dans ce sens-là? Si oui,
est-ce qu'on est en mesure de déposer un certain rapport pour
l'information des membres de la commission?
M. Bérubé: Hélas, nous n'avons pas
d'étude comparative systématique que je puisse vous remettre.
C'est ce qu'on me confirme. Donc, je ne pourrai pas répondre
affirmativement à votre demande, non pas qu'elle ne mériterait
pas d'être faite, mais les fois où cela a été
examiné, on n'a pas vu vraiment de variation significative. Cela a
déjà été mesuré, mais on n'a pas, en ce
moment, d'étude récente.
Vous avez soulevé une question qui est intéressante et qui
est un point trop souvent oublié par les défenseurs du
système de l'école privée. C'est celle de
l'accessibilité. Il est clair que, dans une démocratie, lorsque
les contribuables versent des subventions à partir de leurs taxes, ils
imposent en même temps un certain nombre de contraintes. Ces contraintes
sont plus ou moins importantes, selon que la subvention couvre un pourcentage
plus ou moins important des dépenses de l'organisme subventionné.
Lorsque l'on subventionne à 25% une entreprise privée, en
général, on pose relativement peu de questions, si ce n'est le
nombre d'emplois créés ou une garantie de certains
investissements. En fait, on laisse à l'entreprise une autonomie assez
grande. Si on subventionne un niveau nettement plus élevé,
fréquemment, on aura tendance à dire: II va falloir qu'une
société d'État prenne du capital-actions, qu'on ait un mot
à dire dans la gestion. En d'autres termes, il est normal que plus
l'État verse un niveau élevé de subvention dans le total
des dépenses d'un organisme quelconque, plus il cherche à
s'immiscer.
J'aurais tendance à dire au député d'Argenteuil
que, moins les subventions gouvernementales au secteur privé seront
importantes, plus le secteur privé sera privé. Plus on voudra des
taux de subvention élevés, moins le secteur privé sera
privé. La liberté dont il jouit devra être assujettie,
comme vous l'avez très bien expliqué, à une rigueur plus
grande quant à l'admissibilité. Le secteur privé
accepte-t-il, de la même façon, les clientèles nous
provenant, par exemple, de l'enfance en difficulté d'adaptation? Le
secteur privé accepte-t-il les clientèles qui ont des
difficultés d'apprentissage plus grandes? Le secteur privé
accepte-t-il des clientèles qui ont des problèmes d'insertion
sociale? Eh bien, poser la question, c'est presque y répondre. Certaines
écoles le font; d'autres ne le font pas. Comme vous l'avez très
bien souligné, fort peu d'écoles privées fournissent ou
offrent le professionnel court. Oui, parce que cette clientèle est plus
difficile et elle ne rehausse pas le prestige de l'institution.
J'ai tendance, tout comme vous, à dire que la réponse
à cela, c'est dans un taux de subvention qui n'est pas de 100%. Si on
veut jouir de son autonomie, soit l'autonomie de l'entreprise privée, il
ne faut pas demander de se faire financer trop par les fonds publics, parce
qu'à ce moment-là on perd son autonomie. Je pense que le
député de notre formation a eu parfaitement raison. Je m'excuse
de dire "de notre formation", parce que j'ai malheureusement oublié le
nom de votre comté.
Des voix: Fabre.
M. Bérubé: Fabre. Je m'excuse.
M. Leduc (Fabre): C'est loin de Matane.
M. Bérubé: C'est cela.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Leduc (Fabre): Dans Laval.
M. Bérubé: J'ai plus de facilité à
retenir Leduc, étant donné que j'ai été
élevé sur la rue Leduc, à Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est un privilège que vous avez
eu.
M. Bérubé: C'est cela. Malheureusement, depuis
l'élection du nouveau député...
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela vous a marqué.
M. Bérubé: ...je m'empresse d'oublier mes
origines.
M. le député de Fabre, je partage en bonne part votre
point de vue. Je pense toujours que le secteur privé constitue un
ferment dans notre système qui introduit une saine concurrence
désirable en soi. Par conséquent, il n'y a pas lieu de mettre en
place une politique, je pense, visant à fermer les écoles
privées.
D'autre part, devant le ralentissement dans la croissance de nos
clientèles au secteur public, il n'y a pas lieu non plus de favoriser
une expansion du secteur privé et, tertio, je pense également
qu'il n'y a pas lieu de chercher à hausser les taux de subvention dans
le secteur privé dans la mesure où, si celui-ci veut continuer
à bénéficier d'une certaine marge d'autonomie, il y a lieu
qu'il bénéficie d'un niveau de subvention
légèrement inférieur de telle sorte qu'il puisse plaider
la participation des parents au financement de l'école pour obtenir une
plus grande marge d'autonomie.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. Une petite
remarque qui m'a été demandée par le vice-président
et, par la suite, je passe la parole au député de Saint-Laurent
en signalant à tous - et M. le député de Mille-Îles
- qu'à 21 h 30 je serai contraint de passer à un autre programme
si on veut suivre l'échéancier qu'on s'est fixé en
début de soirée, si on veut adopter le programme et passer par la
suite au programme des corporations professionnelles et terminer l'étude
rapidement, de part et d'autre.
M. Ryan: Je voudrais simplement porter à l'attention du
député de Fabre que, les choses que j'ai dites à propos de
l'enseignement privé ce soir, il pourra les trouver en toutes lettres
dans le livre rouge du Parti libéral du Québec qui avait
été préparé en 1981. Je voudrais lui rappeler
également que je les ai dites en toutes lettres lors des travaux de la
commission parlementaire de l'éducation, à l'occasion de
l'étude des crédits, l'an dernier. Par conséquent, je n'ai
pas émis de grandes nouvelles ce soir. J'ai simplement signalé
une certaine continuité.
M. Leduc (Fabre): Une question au député
d'Argenteuil: Est-ce que le livre rouge est toujours d'actualité? Est-ce
le livre officiel du Parti libéral?
M. Ryan: Oui, jusqu'à ce que le Parti libéral ait
adopté un autre programme, c'est son programme. Vous seriez
étonné de constater combien les députés et les
autres dirigeants du parti y font souvent référence.
Le Président (M. Charbonneau): Ceci étant dit,
chacun a eu l'occasion de dire son mot. M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'essaierai d'être très
court. J'estime qu'on doit maintenir le système d'enseignement
privé pour deux raisons. D'abord, on l'a mentionné, cela permet
l'excellence, cela permet l'émulation. Je serais peut-être un peu
inquiet de la qualité de l'enseignement qui serait donné dans le
secteur public si ce n'était du secteur privé. Je pense que c'est
une garantie d'excellence de l'enseignement qui peut se donner dans le secteur
privé. Également, nous avons une expression très nette de
la population à savoir que cette population veut l'enseignement
privé, veut maintenir l'enseignement privé. Je pense que c'est
une volonté qui a depuis toujours été exprimée
très clairement. Il faut dire que l'enseignement privé chez nous,
ici, a une tradition. On a connu les collèges classiques qui relevaient
strictement du secteur privé.
Je pense que ce serait une perte. Ce serait renier un peu notre
héritage que de balancer l'enseignement privé. L'enseignement
privé a fait ses preuves. Il y a certaines carences. Il y a certains
agacements. J'ai certains agacements face au secteur privé. Ils
n'assument pas tout à fait les mêmes responsabilités. Je
suis d'accord avec le député de Fabre, avec le ministre, qu'ils
n'assument pas tout à fait les mêmes responsabilités que le
secteur public. C'est évident qu'ils ont le droit de faire un choix. Ils
prennent ce droit de faire une certaine sélection, de faire un choix et,
également, il y a certaines institutions qui se permettent -renvoyer
n'est peut-être pas trop fort - de susciter ou enfin d'inciter les
parents à retirer leurs enfants des maisons d'enseignement privé
lorsque l'enfant ne fonctionne pas au même rythme que les autres. Cela
m'agace un peu. Également, je rejoins là le ministre. Je pense
qu'à ce moment-là, on doit de toute nécessité
maintenir l'enseignement privé mais on doit faire payer les parents qui
veulent que leurs enfants reçoivent cet enseignement privé, qui
sont prêts à payer pour cet enseignement privé. Ils ont
à assumer un fardeau plus lourd, et moi je suis d'accord.
Il faut peut-être également maintenir un certain niveau de
subventions qui soit raisonnable. Il ne faut pas oublier que, dans leur fardeau
plus lourd, ils ont également à assumer le coût de
l'enseignement public. Ils paient les taxes scolaires que les
municipalités leur imposent. Ils assument un fardeau qui est nettement
plus lourd que ceux qui envoient leurs enfants dans le secteur public. Ils sont
prêts à assumer ce fardeau et je suis d'accord qu'ils
l'assument.
Ma question serait en rapport avec la politique du PQ. Tantôt, le
député de Fabre a demandé si le livre rouge tenait
toujours. Je vous demande si le programme du Parti québécois
tient toujours. Vous me permettrez de citer l'article 20c: "En
démocratisant le système scolaire et en réduisant les
inégalités sociales..." Pour ce faire paragraphe 3 -
"réduire progressivement les subventions de l'État aux
écoles privées non intégrées sur une période
de cinq ans." Quand commencent les cinq ans? Est-ce que c'est fini? À
quelle année se réfère-t-on? Est-ce que "progressivement"
veut dire jusqu'à zéro? Qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que
le ministre est d'accord? Est-ce que le ministre est d'accord pour maintenir le
secteur privé strictement parce qu'il n'a pas les moyens de l'abolir? Il
faut reconnaître que le secteur privé coûte meilleur
marché à l'État que le secteur public. Ce sont mes deux
questions.
M. Bérubé: Ce n'est pas une question de moyens. Il
faudrait d'abord s'interroger sur l'économie d'échelle qu'on
pourrait obtenir en abolissant le secteur privé et en l'intégrant
au secteur public. Il y aurait une économie d'échelle importante.
Nous avons énormément d'édifices qui sont
sous-utilisés. Ce n'est donc pas une question de comptabilité
économique qui est en cause mais beaucoup plus le respect d'une certaine
tradition qui veut qu'au Québec nous ayons un système
privé et un système public. Les deux coexistent. Pourquoi des
sociétés n'auraient-elles pas un ensemble d'institutions
distinctes qui les démarquent des sociétés voisines, qui
les enrichissent par la diversité? La vérité n'existe pas
dans l'absolu. Elle existe peut-être dans l'absolu, mais sur la terre
elle n'existe certainement pas de façon absolue; on n'en retrouve que
des facettes. Peut-être que, par la multiplication des facettes, on se
rapproche finalement d'une Vérité. Je pense qu'il n'y a pas
d'autres raisons que le respect d'une certaine diversité qui est
peut-être désirable en soi.
Quant au programme du Parti québécois, personnellement
j'ai participé au congrès de comté qui devait introduire
la première résolution concernant l'enseignement privé;
j'y étais opposé. Je n'ai pas remporté le vote
démocratique qui s'est tenu. Dans la logique, nous avons plutôt
choisi, mon épouse et moi, de nous impliquer dans le secteur public. Mon
épouse a été commissaire d'école pendant plusieurs
années et même présidents de commission scolaire. Nous
avons joué le jeu du secteur public et nous sommes extrêmement
heureux de la qualité de l'éducation qui se donne dans le secteur
public. Nous ne regrettons rien. (21 h 30)
Au départ, le parti était peut-être - et avec raison
- inquiet de voir la décroissance des clientèles scolaires qui
affectait le secteur public et s'inquiétait que l'on amplifie le
problème par une expansion ou par un maintien de l'école
privée qui aurait drainé une clientèle additionnelle dans
la mesure où... Je ne vous cache pas que les
chiffres que je vous ai donnés tantôt sont réels -
c'est cela la vérité - mais quand même pas terriblement
significatifs. Ce n'est pas sur environ 920 000... Par exemple, de 1982-1983
à 1983-1984, vous avez une décroissance d'environ 7000 à
8000 enfants. Lorsque je regarde le secteur privé, il y a eu une
croissance de 4000. On peut dire que la moitié de la décroissance
du secteur public pourrait s'expliquer ou s'annuler par une stabilisation des
clientèles au secteur privé. Donc, le problème est
réel. Il ne faut pas l'exagérer. On n'enlève pas 25 000
nouveaux élèves du secteur public à chaque année,
c'est évident. Mais il reste que lorsque les écoles
françaises perdent 8000 élèves et qu'on constate que le
secteur privé en a gagné 4000, on dit: 50% du problème
vient du secteur privé. On est donc justifié de s'en
inquiéter.
Je pense qu'il faut voir dans le programme du Parti
québécois à l'époque la conséquence de cette
préoccupation que le député de Saint-Laurent n'a pas. Cela
est malheureux et montre quand même le caractère un peu incomplet
de sa pensée. Je ne pense pas qu'il veuille un affaiblissement du
secteur public. Je ne pense pas qu'il veuille que le secteur public, aux prises
avec des décroissances de clientèles, en vienne à
sacrifier certains nombres de qualités essentielles que j'ai
soulignées au début de mon intervention. Donc, sa position a
tendance à ne pas tenir compte de l'impact de la croissance du secteur
privé sur le secteur public. On voit qu'il n'a pas tout à fait
poussé sa réflexion, mais s'il le fait, je pense qu'il va
rejoindre d'assez près ma position.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. Je
vais permettre une brève question au député de
Mille-Îles et une brève réponse au ministre pour qu'on
puisse passer à l'autre programme. Je vous signale que les articles du
règlement me contraindront, à 23 h 15, à mettre fin
à l'étude des crédits du ministère de
l'Éducation. C'est pour cela que, de part et d'autre, je vais être
obligé, à partir de maintenant, d'être un peu plus strict.
M. le député de Mille-Îles, une brève question.
M. Champagne (Mille-Îles): Oui. Voici, M. le
Président. C'est beaucoup plus un commentaire qu'une question. Plusieurs
ont eu la chance d'expliciter le sujet. J'ai moi-même été
professeur dans une institution privée, dans une institution publique
aussi, étudiant dans le secteur privé et étudiant dans le
secteur public. Ici, comme membre de la commission parlementaire, on ne doit
pas privilégier un système ou l'autre. Je suis content de voir
qu'autour de la table il y a presque unanimité à mettre en
priorité le système public.
J'entendais le député d'Argenteuil qui disait que les
législateurs ont une responsabilité qui est de privilégier
avant tout le secteur public. Je pense que, contrairement au
député de Saint-Laurent qui disait que la population veut le
secteur privé, la population veut l'excellence dans le secteur public et
dans le secteur privé, l'excellence de l'éducation dans
l'ensemble du Québec. C'est cela qui est notre défi autour de
cette table, faire en sorte que le secteur public puisse répondre aux
attentes de la population et que le secteur privé soit de plus en plus
complémentaire du secteur public.
On exige beaucoup du secteur public, on exige tout du secteur public
parce qu'il est obligé d'accepter toutes les clientèles. C'est
pour cela qu'il est démocratique. Le secteur public doit accepter les
enfants en difficulté d'apprentissage, les enfants qui sont dans le
professionnel court, dans le professionnel long. C'est pour cela que, comme
législateurs, on doit donner au secteur public les moyens, les
ressources humaines et financières pour relever ce défi. Le
défi est là. Souvent, hélas! on est très critique
et très exigeant envers le secteur public. L'excellence, c'est pour le
secteur public et le secteur privé.
J'entendais le député d'Argenteuil, au point de
départ, qui parlait d'insécurité des institutions. Je dis
que ce sont les commissions scolaires. Il y a certaines commissions scolaires
et certaines écoles publiques qui sont très insécures.
Dans les écoles privées, on refuse des gens. Il y a tellement de
clientèle qu'on refuse des gens et, à l'inverse du secteur
public, on manque d'étudiants et on ferme les écoles. Il est
question aussi qu'on ferme peut-être même des commissions
scolaires. Je vois ici devant moi l'ancien président de la commission
scolaire de Sainte-Croix qui a eu à faire face aussi à des
problèmes d'une dernière école à Outremont,
l'école Paul-Gérin-Lajoie. Autour de cette institution, il y
avait sept ou huit écoles privées et on a été
obligé presque d'adopter une loi pour dire: C'est la dernière
école du quartier, la dernière polyvalente, on va tout faire pour
la garder. Le député d'Argenteuil a eu le privilège
d'envoyer ses enfants à cette école, parce qu'on l'a
gardée. Il y a eu un choix à faire. Dans une commission scolaire
de Mille-Îles, la commission scolaire des Écores, dans le
comté de Mille-Îles, cela va devenir dramatique dans quelque
temps. On va avoir une grosse polyvalente en trop et, autour du comté de
Mille-Îles, il y a cinq institutions privées. Je pense que nous,
comme législateurs, sans vouloir enlever des ressources au secteur
privé, on doit aider le plus possible le secteur auquel on demande le
plus d'efforts et lui donner des ressources humaines et des ressources
financières.
En tout cas, je suis bien content des échanges qu'on a eus ce
soir et d'entendre surtout le député d'Argenteuil qui, au nom du
Parti libéral, n'est pas pour la politique de la porte ouverte. Il l'a
dit très clairement ce soir. Je pense que l'insécurité est
beaucoup plus dans le secteur public - je le répète - parce qu'il
y a une dénatalité et une surcroissance de la clientèle du
secteur privé. Il ne s'agit pas de faire de la concurrence entre les
secteurs. Je pense que comme membres de la commission parlementaire de
l'éducation, on doit faire en sorte de donner la priorité, comme
le disait le député d'Argenteuil, au secteur public et aussi
offrir certains éléments de ressources financières au
secteur privé.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Mille-Îles. Le programme 8 sur l'enseignement
privé est-il adopté?
M. Ryan: Sur division.
Le Président (M. Charbonneau): Adopté sur division,
évidemment, dira le vice-président de la commission.
Nous allons passer maintenant au programme 10 sur les corporations
professionnelles. Nous allons commencer immédiatement. Le ministre
a-t-il des remarques particulières à faire sur ce programme?
M. Bérubé: M. le Président, ne serait-il pas
approprié d'approuver les programmes 1 et 2 qui sont des programmes de
gestion administrative littéralement calqués sur les
différents programmes que nous avons approuvés jusqu'à
maintenant et qui, normalement, ne devraient pas susciter de discussion?
Le Président (M. Charbonneau): Oui. Nous comptions le
faire, M. le ministre, à la fin de la période prévue. Ne
vous inquiétez pas, nous procéderons à leur adoption.
M. Bérubé: Vous me voyez ravi de cette intention
ferme manifestée par la présidence.
Organisation et réglementation des
professions
Le Président (M. Charbonneau): Merci. Avez-vous
l'intention de prendre quelques minutes pour des remarques préliminaires
sur le programme 10?
M. Bérubé: Oh, non!
Le Président (M. Charbonneau):
D'accord. Je demanderais à mon collègue, le
député de Saint-Laurent, qui a, semble-t-il, une intervention
à faire, de prendre ma place en rappelant aux nouveaux collaborateurs du
ministre qui s'apprêtent à s'installer à la table en sa
compagnie de s'identifier pour les fins du journal des Débats s'ils sont
appelés à intervenir durant l'échange. M. le
député de Saint-Laurent.
Exposés généraux M. Germain
Leduc
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, je voudrais
d'abord remercier tous ceux qui ont oeuvré dans le domaine des
corporations professionnelles durant l'année 1983-1984. En premier lieu,
bien sûr, le président de l'office, M. Desgagnés, et son
équipe; M. Fréchette, du Conseil interprofessionnel, tous les
membres des 39 corporations professionnelles qui y ont oeuvré durant
l'année et, bien sûr, Me Duchesne, un de mes confrères
notaires, qui est conseiller spécial du ministre responsable de
l'application des lois sur les corporations professionnelles. Je mentionnerai
le rôle important que tous ces intervenants ont à jouer dans la
protection du public. Il faut concevoir qu'au Québec nous avons 170 000
professionnels. C'est beaucoup de monde. Cela représente plusieurs
corporations professionnelles. Ce sont des gens qui ont un rôle important
à jouer dans la société. Qui n'a pas à retenir les
services d'un professionnel, médecin, dentiste, avocat, notaire,
pratiquement quotidiennement?
Nous avons connu et nous connaissons encore, dans le monde des
corporations professionnelles, des conflits, des problèmes, surtout
entre ces professionnels, entre les membres de certaines corporations
professionnelles qui peuvent avoir des activités dans des champs qui
sont plus ou moins rapprochés. Nous avons un contentieux au niveau des
trois corporations comptables, les CA, les CGA et les RIA. Cela ne semble pas
vouloir se régler.
Également, le gouvernement va adopter trois règlements
pour résoudre certains problèmes qui existaient entre les
optométristes et les opticiens. Il semble qu'ils ont encore maintenant
des récriminations, particulièrement les optométristes
face aux avantages qui ont été octroyés aux opticiens.
Également, nous connaissons un problème qui est majeur
entre les ingénieurs et les diplômés de l'école de
technologie supérieure. On pourrait enfin mentionner le contentieux qui
existe entre les dentistes et les hygiénistes dentaires.
Je l'ai mentionné l'an passé et je voudrais le
répéter, je pense que les solutions devraient provenir des
corporations professionnelles. Le ministre doit peut-être avoir une
certaine retenue quant à l'imposition de décrets pour
résoudre les problèmes qui existent entre ces
corporations. Il y a une chose qu'il faut bien réaliser. C'est
que si le gouvernement impose des règlements à ces corporations
professionnelles, ce sont ces mêmes corporations qui devront faire
appliquer ou appliquer des règlements avec lesquels elles ne seront pas
d'accord. Cela pourrait, je pense, être assez paradoxal.
Il y a autre chose. C'est que les professionnels dans la
société québécoise jouissent de grands avantages.
Je pense qu'ils ont également des responsabilités concomitantes.
Ils devraient, dans leurs litiges, dans leur contentieux, consentir à
certaines concessions plutôt que de se voir imposer des décrets
par le gouvernement.
Le premier dossier auquel je vais vous référer est le
dossier des corporations comptables, les CA, les CGA et les RIA. L'an
passé, il y a eu une dernière tentative pour rapprocher ces trois
corporations et en arriver à une solution. C'était la solution
d'une seule corporation avec deux champs d'exercice, deux secteurs ou deux
sections. Le secteur ou le champ d'exercice de la vérification ou de la
comptabilité publique et le champ d'exercice de la gestion.
C'étaient à peu près les règles prévues
à l'hypothèse 6 et maintenant je pense qu'on en est rendu
à l'hypothèse 8. Les hypothèses 6 et 8, je pense, ont
été refusées par les CA.
Je demanderais au ministre ce qu'il pense de ce problème, de ce
contentieux qui existe depuis au-delà de dix ans. Est-ce qu'il y aurait
lieu de tenter de mettre fin à ce contentieux? Comment? Est-ce qu'il a
une solution qui pourrait résoudre ce problème ou ce contentieux?
(21 h 45)
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Bon. J'ai, comme tous les
députés, été soumis au lobby des CA, des RIA, des
CGA qui, à tour de rôle, sont venus plaider. J'ai
déjà d'ailleurs été mêlé au dossier de
l'École de technologie supérieure et de l'Ordre des
ingénieurs. Je ne vous cache pas que j'ai parfois l'impression que
certaines de nos corporations sont non seulement vouées à la
défense de la sécurité et de l'intérêt
public, mais aussi vouées un peu à la défense de leur
intérêt personnel et que la recherche de compromis, comme vous
l'avez si bien dit, M. le député de Saint-Laurent, n'est pas
toujours au coeur de leurs préoccupations. C'est un peu dommage.
J'ai effectivement pris connaissance de cette proposition d'une
corporation unique, avec deux champs de pratique, l'un portant sur la
comptabilité de gestion et l'autre sur la vérification, faisant
en sorte que, par exemple, le CA appartient aux deux champs alors que le RIA
n'exerce que dans le cadre du premier champ. De prime abord, a priori, sans
avoir fouillé la question, cela me paraît une solution logique,
raisonnable, qui évite de multiplier ad infinitum les corporations
professionnelles indépendantes autonomes et de scléroser
l'organisation sociale en des multiplicités de petits groupes de
pression et d'intérêt qui finissent par oublier
l'intérêt de l'ensemble de la société pour se
préoccuper davantage de leur intérêt individuel. Cela me
semble effectivement une bonne proposition.
De même, dans le cas de l'Ordre des ingénieurs, il y avait
eu une entente. Le bureau de l'ordre avait accepté une corporation mixte
permettant aux diplômés de l'École de technologie
supérieure de pratiquer sous le titre de diplômés de
l'école pour les distinguer des ingénieurs. Je veux bien croire
qu'il faut que le public soit protégé, bien que, soit dit en
passant, je peux comprendre qu'il est important qu'un métallurgiste qui
se spécialise dans les alliages utilisés dans l'aviation voie sa
formation contrôlée par un ordre professionnel, car une erreur de
sa part peut entraîner la mort de citoyens. Je peux comprendre la
même chose pour un ingénieur civil. Mais dans le cas de ma propre
formation, qui est dans le domaine de la métallurgie chimique, j'ai plus
de difficulté à comprendre car c'est l'entreprise qui m'engage.
Il faut décider si la notion d'ordre vise surtout à
protéger l'intérêt économique des citoyens,
c'est-à-dire contrôler la qualité, un peu comme le ferait
l'Office de la protection des consommateurs, ou si, au contraire, l'ordre
professionnel vise purement et simplement à défendre
l'intérêt public.
Dans la mesure où, à l'intérieur de l'Ordre des
ingénieurs, nous avons énormément de professions de
génie - je pense au génie géologique, qu'on a de la
difficulté à distinguer du géologue, je pense au
génie physique, qu'on a parfois de la difficulté à
distinguer du physicien ou de l'ingénieur électronicien - on se
rend bien compte que même à l'intérieur du génie on
accepte des nuances. Tous les diplômes de génie n'ont pas le
même impact sur la santé et la sécurité des
citoyens. Il y a donc une espèce de fixation au sein de nos corporations
qui les rend beaucoup trop soucieuses, à mon avis, de la défense
de l'intérêt économique de leurs membres et peut-être
pas assez de l'intérêt de la société.
J'ai compris, par votre intervention, que vous plaidez pour que les
corporations posent les gestes appropriés afin que ces problèmes
se règlent, et vous avez raison. Je partage entièrement votre
point de vue. Vous avez également émis l'idée que le
gouvernement devrait éviter de procéder par décret; je
partage entièrement votre point de vue. Si les gens ne sont pas
raisonnables, il
faut que l'État aussi prenne ses responsabilités, car
n'oublions pas que la population, le consommateur est souvent silencieux parce
qu'il ne dispose pas d'instruments de pression pour faire valoir ses
intérêts alors que certaines corporations - je pense aux notaires,
aux avocats, je n'ai rien spécifiquement contre les notaires, aux
ingénieurs, à ces grandes corporations traditionnelles -
malheureusement, il faut se le dire, ont des moyens plus puissants pour
mobiliser l'opinion publique. La vérité, aujourd'hui, il arrive
bien souvent qu'elle n'a pas grand-chose à voir avec la
vérité objective. Elle n'a à voir qu'avec la
répétition d'une même chose pendant assez longtemps
jusqu'à ce que ceci devienne une vérité acquise.
Nos corporations disposent donc de moyens pour influencer l'opinion
publique, pour faire valoir leur point de vue jusqu'à ce que,
éventuellement, ce qu'elles énoncent devienne une
vérité, je dirais ex cathedra, parce que
répétée suffisamment. C'est à ce moment-là
que l'État a à intervenir. L'État peut donc avoir, face
à l'intérêt public, à décréter, parce
que les intérêts corporatistes deviennent trop forts et ne se
préoccupent pas suffisamment à ce moment-là de
l'intérêt de la majorité.
Je partage votre point de vue. Oui, il faut effectivement promouvoir des
consensus au sein des corporations. Les problèmes doivent - "doivent"
souligné trois fois - se régler au sein des corporations.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous pensez qu'il serait
temps d'imposer un règlement aux trois corporations professionnelles?
Est-ce qu'on pourrait espérer que vous allez régler cela assez
vite de façon à ce que cela soit réglé avant qu'on
arrive au pouvoir?
M. Bérubé: Écoutez! j'entendais beaucoup de
députés libéraux se péter les bretelles en
1979-1980 et pleurer des larmes amères en 1981. M. le
député de Saint-Laurent, pétez-vous pas les bretelles trop
vite.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne les
ingénieurs versus l'ETS - les diplômés de l'École de
technologie supérieure - est-ce que vous avez une proposition? D'abord,
est-ce que vous êtes d'accord avec le décret intervenu en juin
1981 qui décidait que ces diplômés détenaient une
formation universitaire en ingénierie et que cette formation donnait
ouverture à un permis qui devait être émis par la
Corporation professionnelle des ingénieurs du Québec? Est-ce que
vous êtes d'accord avec cette prémisse-là?
M. Bérubé: D'une part, il est clair que le
décret n'a pas résisté en cour. Les avis que l'on me donne
sont qu'il serait possible de rédiger un décret qui
résisterait à toute critique de la part de la cour dans la mesure
où les raisons qui ont amené son rejet sont des raisons plus
circonstancielles que fondamentales. Il serait donc possible, effectivement, de
revenir à un décret.
Je vous dirais que personnellement je pense qu'on devrait plutôt
favoriser cette corporation mixte qui avait été acceptée
par le bureau de l'Ordre des ingénieurs et qui était
acceptée un peu à contrecoeur par les gens de l'École de
technologie supérieure, mais qui, finalement, avait fait l'objet d'un
consensus. Une espèce de lobby, à mon avis un peu
d'arrière-garde, de certains ingénieurs au sein de l'ordre a fait
en sorte que le bureau a dû renverser sa décision. Cela
m'apparaît dommage et m'apparaît traduire justement ce genre de
défaut dont je parlais tantôt et dont des corporations
professionnelles doivent se méfier.
Si une corporation professionnelle entend défendre
l'intérêt public, elle doit toujours garder l'intérêt
public à l'esprit et pas toujours le sien propre.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela voudrait donc dire que dans les
deux cas, les corporations professionnelles comptables et le problème
entre les ingénieurs et les diplômés de l'ETS seraient
réglés dans l'année qui s'en vient.
M. Bérubé: Oh non! Vous savez, pour moi, je vous
dirai qu'on réglera les problèmes quand on estimera qu'il est
temps de les régler. Pour l'instant, j'arrive au ministère, on a
beaucoup de questions urgentes à régler que j'essaie de
régler en ce moment. Vous savez, m'engager sur des délais
précis, ce n'est pas mon genre. Quand je sentirai que c'est mûr,
je vous le dirai.
La cause Zaor
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais maintenant parler de la
cause Zaor. L'an passé, j'avais évoqué cette cause qui
était relative à un problème entre l'avocat Zaor, qui
avait été destitué comme avocat, et les personnes
lésées à la suite d'une défalcation de Zaor. C'est,
bien sûr, relié à l'article 89 du Code des professions. On
mentionne, à l'article 89, que les corporations professionnelles doivent
constituer un fonds d'indemnisation, de façon à rembourser les
sommes d'argent ou autres valeurs utilisées par un professionnel - donc,
on suppose à la suite d'un dol, d'une défalcation - à
d'autres fins que celles pour lesquelles elles lui avaient été
remises dans l'exercice de sa
profession, et qu'elles doivent en fixer par règlement les
règles d'administration.
Je pose la question: Est-ce qu'il est logique, est-ce que c'est normal,
si les corporations professionnelles doivent protéger le public,
qu'à l'occasion d'une défalcation, d'un dol, un client puisse
perdre des sommes d'argent? Dans le cas de Zaor, ce sont des sommes très
importantes à la suite de l'appropriation par l'avocat de
l'indemnité qui avait été payée à la suite
d'un accident, je pense. Est-ce qu'il est normal qu'on indemnise, d'une
façon partielle, les victimes du dol ou de la défalcation?
Évidemment, cela s'applique plus particulièrement à trois
corporations: les notaires, les avocats et les comptables. Pour ma part, vu ma
formation de notaire, je pense qu'il est absolument inadmissible qu'on
n'indemnise pas d'une façon totale les victimes de ces dols, de ces
défalcations. Je pense que si les corporations professionnelles imposent
maintenant l'obligation pour les professionnels de détenir une
assurance-responsabilité, autrement dit une assurance qui va les
protéger, à mon sens elles devraient être responsables - je
ne sais pas si c'est possible par le moyen d'une assurance - de toute
défalcation ou de tout dol fait par un professionnel.
Je voudrais que le ministre me donne son opinion. Est-ce qu'il serait
d'accord qu'on modifie l'article 89 pour que, lorsque des professionnels
s'approprieront des sommes qui appartiennent à des clients et qu'ils
deviennent insolvables ou sont destitués de leurs fonctions, les
personnes, les clients qui subissent ce dommage soient indemnisés en
totalité et non pas selon les règles établies par les
corporations professionnelles, c'est-à-dire d'une façon
partielle, avec un maximum de 100 000 $ par professionnel et 50 000 $, je
pense, par acte?
M. Desgagnés (André): André
Desgagnés, président de l'office.
Le Président (M. Charbonneau): M.
Desgagnés. (22 heures)
M. Desgagnés: M. le député, la question que
vous posez est, en somme, la question qui est devant le tribunal
présentement dans l'affaire Zaor et soulevée par plusieurs
clients de l'avocat Zaor. Nous sommes intervenus dans chaque instance,
forcément dans certains cas puisqu'on nous met en cause et, dans
d'autres cas, parce que nous avons demandé, par intervention, le droit
de plaider. Ce que nous soutenons, c'est devant la cour et c'est
précisément la thèse opposée. Nous soutenons que,
dans l'état actuel de la législation, en tout cas, il est du
ressort des corporations professionnelles et, en particulier en vertu de la Loi
sur le Barreau, du ressort du barreau de fixer une limite à
l'indemnité à verser aux clients lésés par
l'incurie d'un avocat - ou d'un professionnel - puisqu'il s'agit d'un avocat
ici. La raison en est que d'abord la loi autorise la corporation à
limiter le montant de l'indemnité à verser à des clients
lésés. D'autre part, rationnellement aussi, il nous semble qu'il
serait exagéré de verser une indemnité totale et
complète aux personnes lésées si on pense seulement
à la possibilité que les dommages soient incommensurables
souvent, ne serait-ce que lorsqu'il s'agit de plusieurs milliers ou millions de
dollars. Cela peut aller jusqu'à des millions de dollars. Cela pourrait
être très lourd pour une corporation professionnelle de porter
l'obligation d'indemniser au complet. Les compagnies d'assurances
elles-mêmes limitent, la plupart du temps, leur obligation de
réparer à un certain chiffre des dommages subis, n'est-ce pas?
Pour les mêmes raisons, on estime que les corporations professionnelles
seraient assujetties à une obligation trop lourde.
Maintenant, ce sera décidé par les tribunaux. L'affaire
est devant le tribunal. On espère obtenir le jugement avant la fin de
1984. C'est ce que les cours nous ont dit. C'est notre position pour
l'instant.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne vous le cache pas, cela
m'inquiète. Je ne vois pas qu'on puisse prétendre protéger
le public. Si on n'indemnise pas d'une façon totale les clients qui
subissent un préjudice à la suite d'une défalcation,
est-ce que le client va être obligé de vérifier si le
professionnel est honnête, s'il est solvable, s'il ne défalquera
pas, s'il ne commettra pas de dol? Je pense qu'on devrait, à mon sens,
modifier l'article 89 de sorte que la corporation professionnelle soit
entièrement responsable de ce dol. Si on a des responsabilités,
si on a des avantages professionnels, je pense qu'on doit avoir des
obligations. Il est absolument inacceptable qu'on n'assure pas la protection.
Sans cela, c'est de la foutaise. Je me demande ce que vous faites, vous autres,
à l'Office des professions si ce problème n'est pas
réglé. On va parler de n'importe quoi. On va parler de
protection. Ce sont des mots. Cela ne veut rien dire si ces gens ne sont pas
indemnisés d'une façon totale. On est 3000 notaires. Il y a,
actuellement, tout près de 10 000 ou 11 000 avocats. Les comptables, je
pense que c'est tout près de 12 000, 10 000. Je pense qu'il est
très facile que ces professionnels se cotisent et indemnisent d'une
façon totale les victimes de ces vols, parce que c'est du vol. Si on
permet à ces professionnels de détenir des sommes en
fidéicommis je pense qu'ils devraient - bien sûr qu'ils sont
responsables - que la corporation professionnelle, dis-je, devrait être
responsable de la spoliation envers ces clients.
Qu'on attende le résultat du procès, je
ne vous cache pas que cela ne changera pas grand-chose à ce que
je pense. Cela ne changera pas grand-chose que le tribunal sanctionne et qu'il
décide que la corporation professionnelle dans ce cas doit indemniser de
façon plus ou moins complète, à 50%, à 70% ou
à 100%. Je pense qu'il faudrait plutôt que l'article 89 soit
modifié et qu'on établisse très clairement la
responsabilité totale. Là on pourra parler de protection du
public. Sans cela, ce sont des mots. Je pense qu'il faudrait peut-être
résoudre ce problème plutôt que de dire qu'il faut aller un
peu plus loin dans la publicité et dans certains domaines. On devrait
d'abord régler ce problème.
M. Desgagnés: M. le député, permettez-moi
d'ajouter qu'on peut se placer sur deux plans pour cette question-ci. Dans
l'affaire Zaor, la question qui se pose est une question de
légalité. Est-ce que présentement le règlement du
barreau est légal? C'est la question qui se pose dans l'affaire Zaor.
Nous prétendons que le règlement du barreau est légal, le
règlement qui a limité l'indemnité à verser aux
victimes de Zaor. Vous vous placez sur un autre terrain et on peut le faire de
façon très légitime. Vous vous demandez si la loi est bien
fondée, si la légalité du règlement est reconnue.
On peut poser le problème de la loi. Est-ce que la loi est bien
fondée en permettant aux corporations de limiter ainsi
l'indemnité à verser aux victimes des professionnels?
Vous avez une opinion. Je vous ai émis une première
opinion. Il n'est pas interdit qu'on fasse l'étude de cette loi.
Auparavant, il faudrait connaître la portée de la loi. Si par
hasard la loi est déjà celle que vous souhaitez, il ne sert
à rien de vous présenter une modification à cette loi. Si
par hasard c'est le contraire qui est décidé par la cour, si la
cour estime que la loi permet de limiter l'indemnité, il y aura lieu de
faire l'étude que vous souhaitez.
M. Leduc (Saint-Laurent): La problématique est assez
facile. Est-ce que le ministre aurait une opinion là-dessus?
M. Bérubé: Fort peu pour l'instant. Est-ce que ma
réponse a été suffisamment brève pour le
député d'Argenteuil?
M. Ryan: Je n'ai rien à dire; c'est bref, c'est
parfait.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais étudier maintenant
le dossier des optométristes et des opticiens d'ordonnance. On sait
qu'en juin 1982, il y avait eu un décret du gouvernement qui
libéralisait la publicité par les opticiens d'ordonnance, qui
obligeait les optométristes à remettre aux clients, sans
réquisition aucune, la prescription ou ordonnance et, enfin, qui
permettait la pratique conjointe dans un même bureau des
optométristes et des opticiens d'ordonnance.
On sait que ces règlements sont contestés. Je pense qu'ils
sont devant la cour actuellement. Les optométristes contestent la
légalité de ces trois règlements. Je voudrais savoir si,
pour le ministre, le dossier est fermé et s'il n'est pas question de le
rouvrir.
M. Bérubé: Dieu soit loué, vous me dites
qu'il est en cour; il est donc sub judice. Jamais je n'oserais commenter ce qui
est présentement devant les tribunaux. Cela pourrait m'amener à
influencer un jugement qui devrait, en vertu de la séparation des
pouvoirs, être absolument autonome de l'exécutif.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'avez pas de position
précise.
M. Bérubé: Pour tenter d'influencer la cour.
M. Leduc (Saint-Laurent): Non, pas du tout mais sur le
problème soulevé par les optométristes.
M. Desgagnés: Un des règlements que vous avez
évoqués et dont on peut parler sans encourir la
réprobation des juges, puisqu'il n'est pas soumis au contentieux, c'est
le règlement sur la publicité. Ce règlement-là est
en cours d'étude; il a été publié une
première fois dans la Gazette officielle et nous recevons pour l'instant
des commentaires. Lorsque les commentaires auront été
analysés, nous ferons une recommandation au ministre. Cela ne concerne
que le règlement sur la publicité. Vous savez que les
optométristes s'opposent à la publicité du type de celle
que font les opticiens. Le règlement que nous avons publié
soulève des commentaires. Aussitôt qu'ils seront analysés,
comme je le disais tout à l'heure, nous soumettrons nos recommandations
au ministre.
Quant aux autres règlements, ils font partie du contentieux. Il
est délicat pour nous d'en parler. Cependant, je peux vous dire que les
corporations se parlent; tout en sachant qu'ils sont devant la cour, elles se
rencontrent et nous tiennent informés de l'évolution du dossier
qui chemine péniblement.
M. Leduc (Saint-Laurent): II n'y a donc pas de décision
rendue par la cour?
M. Desgagnés: C'est prévu pour 1984 aussi. Si les
délais judiciaires ne sont pas prolongés indûment, le sort
de ce contentieux sera connu en 1984.
M. Bérubé: Je dois dire qu'il est dommage que le
député de Saint-Laurent ait choisi ce domaine particulier. S'il
avait posé sa question sur l'acupuncture et sur la liste des
médicaments vétérinaires, j'étais beaucoup mieux
préparé.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ah! Je m'en viens. Alors, pas de
réponse. Je vais toucher maintenant aux conditions
supplémentaires. On sait qu'actuellement nous avons un régime de
conditions supplémentaires lorsqu'on veut accéder à la
pratique, au diplôme permettant l'exercice d'une profession. On sait
également que l'Office des professions s'est prononcé contre ces
conditions supplémentaires, préférant plutôt s'en
remettre aux institutions d'enseignement pour le contrôle de la
compétence et du niveau de formation de ses membres. Le conseil
interprofessionnel, de son côté, a une opinion différente.
Je voudrais savoir ce qu'en pense le ministre.
M. Bérubé: Nous allons l'examiner en profondeur,
d'ailleurs, avec toute la célérité que cela impose dans un
dossier d'une aussi grande importance. Nous aurons certainement l'occasion
d'émettre une opinion ferme sur la question.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que cela veut dire...
M. Bérubé: Oui, d'ailleurs, le 23 avril, on va me
soumettre un rapport complet, détaillé, analytique et
fouillé qui permettra sans doute d'éclairer votre lanterne et
celle de tous les membres de l'Assemblée nationale.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, vous allez recevoir un avis de
l'Office des professions. Ah! Je connais l'avis... Non, on ne le connaît
pas?
M. Desgagnés: Je m'excuse, M. le député.
Vous connaissez un avis de l'office sur la question, mais depuis il y a eu des
audiences publiques commandées par le ministre...
M. Bérubé: Ah! Vous avez oublié cela.
M. Desgagnés: Ces audiences publiques ont donné
lieu à l'expression d'opinions de la part de beaucoup de personnes, y
compris, évidemment, les membres des corporations professionnelles. Cela
a fait l'objet d'analyses sérieuses et aussi de recherche sur ce qui se
passe dans les pays voisins sur toute cette question. Nous avons mis au point
un avis amendé. Il est sous presse. Le ministre doit recevoir cet avis
le 23 avril, si les délais de l'imprimeur ne nous jouent pas de tour. Je
dois vous dire que c'est un avis amendé par rapport au premier avis que
vous évoquiez tantôt.
M. Bérubé: Ah! Si je comprends bien, il y a une
faille dans votre connaissance universelle.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je serais tenté de vous dire ce
que j'en pense. Je crois qu'il est absolument...
M. Bérubé: ...nonobstant le fait que je ne
connaisse pas..
M. Leduc (Saint-Laurent): ...nonobstant, oui... Je pense qu'il
est absolument normal que les corporations professionnelles, qui ont un
rôle majeur à jouer, soit de protéger le public, puissent
vérifier la compétence et le niveau de formation de leurs
membres. Si elles ont un rôle à jouer, je pense qu'elles
devraient, à mon sens, avoir ce droit de vérifier
également le contenu des études. On attend donc l'avis, l'opinion
qui sera donnée par l'Office des professions.
Je vais parler un peu du titre réservé. On en parle tous
les ans. La question est: Le mécanisme du titre réservé
est-il suffisant pour protéger le public? En fait, l'exercice exclusif
ne protégerait-il pas mieux le public? C'est ma question.
M. Bérubé: C'est une question profonde. (22 h
15)
M. Desgagnés: La question du titre réservé
est aussi une question discutée à l'intérieur du
système professionnel. Nous avons tenu non pas des audiences sur cette
question, mais un colloque. Nous avons aussi fait des recherches et nous serons
en mesure de produire un avis au ministre sur cette question. Je dois vous dire
que, substantiellement, nous allons proposer non pas que le mécanisme du
titre réservé soit mis au rancart, mais qu'il soit
renforcé parce qu'il doit être maintenu dans certains cas. Ce
n'est pas le champ exclusif qui est une réponse à certaines
demandes d'organisations professionnelles. Le titre réservé a
encore sa place, mais à condition, cependant, qu'on l'assortisse de
certaines modalités qui lui permettent de jouer un rôle plus
efficace, par exemple, en informant le public sur l'appartenance des membres
à la corporation dont il s'agit, souvent par des mesures aussi peu
coûteuses que celle-là, et nous allons proposer une série
de mesures qui sont de nature à réconforter le titre
réservé, mais non pas à le remplacer ou à le mettre
au rancart.
M. Leduc (Saint-Laurent): En fait, la question est la suivante:
Le public peut-il avoir une information suffisante pour faire un choix?
M. Desgagnés: Oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Le public peut-il discerner le
charlatan du professionnel? Je suis bien d'accord qu'on permette la
concurrence, mais cela dépend à quel prix. Je me demande si on ne
pourrait pas relier à ce problème le cas d'une clinique de
jeûne. On a connu dernièrement un cas assez pathétique
où le coroner a établi qu'il y avait incompétence totale
des gens qui dirigeaient cette clinique de jeûne. Ma question est la
suivante: L'Office des professions devrait-il intervenir dans des cas
semblables à celui qu'on a connu récemment?
M. Desgagnés: Quand vous soulevez cette question, vous
prenez un exemple qui n'est soumis à la juridiction d'aucune corporation
professionnelle puisque les cliniques de jeûne ne font partie ni d'un
champ exclusif ni d'un titre réservé.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais vous savez que dans ce cas, la
clinique était dirigée par des professionnels.
M. Desgagnés: Oui, mais il n'est pas interdit qu'un
professionnel puisse avoir des activités connexes. Il s'agit en
l'espèce de chiropraticiens qui, en outre d'exercer leur profession,
exerçaient aussi dans le secteur des cliniques de jeûne. Dans
cette mesure, la corporation professionnelle a-t-elle un contrôle? Ce
n'est pas prévu par le système professionnel présentement.
Les activités connexes ne sont pas soumises au contrôle de la
corporation. C'est vrai dans beaucoup de professions.
M. Leduc (Saint-Laurent): À votre sens, ce n'était
pas dans l'exercice de leur profession?
M. Desgagnés: La clinique de jeûne n'est pas un acte
compris dans le champ de la chiropraxie. C'est une activité connexe,
comme on l'appelle dans notre jargon, et, dans cette mesure, elle n'est pas
soumise aux contrôles professionnels ou au contrôle de la
corporation.
M. Leduc (Saint-Laurent): Qui va empêcher qu'il y ait
d'autres décès dans des cas semblables? Avez-vous une
solution?
M. Desgagnés: C'est d'autres lois, comme la Loi sur la
protection du consommateur. La meilleure garantie - c'est pourquoi ce n'est pas
sans lien avec le grand dossier de la publicité - c'est l'information du
public. Moins on aura une approche paternaliste vis-à-vis ce genre de
choses, plus le public sera informé, plus il sera en mesure d'être
éclairé, en mesure de faire de bons choix lorsqu'il se
présentera à la porte d'un professionnel. C'est notre philosophie
présentement. Nous pensons que la publicité, au sens de
l'information du public, est la meilleure garantie dans une
société libre...
M. Leduc (Saint-Laurent): Au prix de décès?
M. Desgagnés: ...pour le grand public plutôt que des
contrôles de type professionnel souvent. Cela a beaucoup plus
d'efficacité, parce que c'est l'individu lui-même qui se
protège et non pas la société qui le protège contre
lui-même. Dans une société libre, je pense qu'il faut
privilégier ce genre d'intervention plutôt qu'une intervention
paternaliste comme les champs exclusifs, les titres réservés et
même un système professionnel.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ne pensez-vous pas que, si on avait le
champ exclusif, des cas aussi pathétiques ne se reproduiraient
peut-être pas? Là, il y a une personne qui est morte et cette
personne était sous la responsabilité ou sous les soins de
professionnels. Je me demande si l'Office des professions ne devrait pas
intervenir. Est-ce que vous proposez d'intervenir dans ce cas-là?
M. Desgagnés: Non, on...
M. Leduc (Saint-Laurent): Encore là, je me pose des
questions sur le rôle de l'Office des professions.
M. Desgagnés: Oui, mais... D'abord, même si
c'étaient des activités contrôlées par une
corporation professionnelle, ce ne serait pas l'Office des professions qui
aurait à intervenir. Ce serait la corporation qui regroupe les membres
de ce secteur. Mais dans ce secteur précisément, puisque vous
évoquez le cas des cliniques de jeûne, ce n'est pas une
activité contrôlée par une corporation professionnelle.
Cela peut être une activité connexe à l'exercice de
certaines professions, mais ce n'est pas une activité
contrôlée. La question qui se pose alors est de savoir si cette
activité ne devrait pas être incorporée à un champ
d'exercice professionnel. On pourrait poser la même question pour
plusieurs autres activités connexes. C'est la même question.
M. Leduc (Saint-Laurent): En plus, vous êtes contre les
champs d'exercice exclusifs. Cela veut donc dire, à ce moment-là,
que cela pourrait se répéter. Cela veut dire que des
professionnels peuvent, avec leur titre réservé, poser à
peu près n'importe quel acte.
M. Desgagnés: Entendons-nous bien. Je ne dis pas que nous
sommes contre les
champs d'exercice exclusifs. Nous sommes contre la philosophie qui
voudrait que les champs exclusifs soient la panacée ou le seul moyen de
protéger le public. Je ne pense pas que cela soit notre approche
à l'office. Ce n'est pas non plus l'approche du législateur en
1973. Cela n'a jamais été son approche depuis ce temps non plus,
le champ exclusif étant réduit à sa plus simple expression
et étant réservé dans des cas bien spécifiques et
bien particuliers. Les critères sont déterminés au code.
Pour qu'une corporation se voie reconnaître un champ exclusif, il faut
qu'elle réponde à tous les critères
énumérés au code. C'est le législateur de 1973 qui
a parlé ainsi. Ce n'est pas nous. Quant au champ exclusif, à
vouloir corporatiser la société, on irait loin. À chaque
fois qu'il y aurait une menace quelque part, une mortalité dans un coin
du Québec, il faudrait penser à une corporation professionnelle.
Ce serait excessif à la fin.
Même dans les cas de champs exclusifs, il faudrait savoir aussi
qu'il y a des situations aussi déplorables qui se produisent. Il y a
même des cas qui font présentement la manchette. Pensez aux
infirmières. Pensez aux médecins dans le procès de
Sherbrooke et dans le procès de Toronto. Ce n'est pas la
panacée.
M. Leduc (Saint-Laurent): Dans ces cas, ce sont des actes
contrôlés.
M. Desgagnés: Oui, précisément.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, on sait qui est coupable, tandis
qu'ici on ne sait pas trop qui devrait protéger ces gens qui vont dans
ces cliniques de jeûne.
M. Desgagnés: II y a une clientèle pour cela. Il y
a un taux de mortalité pour ce genre d'activité. Cela ne veut pas
dire qu'il faille l'accepter, mais vouloir tout contrôler et soumettre
l'exercice de ces activités à des contrôles du type de
celui qu'exercent les corporations à champ exclusif - d'abord, il n'est
pas certain que ce soit un bon contrôle - est peut-être excessif
aussi parce que ces activités sont exercées souvent sans
danger.
Exercice de l'art dentaire
M. Leduc (Saint-Laurent): Je parlerais maintenant du dossier sur
les actes dentaires. On sait que les dentistes contestent le droit à des
personnes autres qu'eux-mêmes de poser, souvent à certaines
conditions, des actes constituant l'exercice de l'art dentaire. C'est ce qu'on
peut appeler, je pense, les actes délégués.
M. Bérubé: M. le Président, je demanderais
une directive. Je voudrais savoir si le minutage du temps...
M. Leduc (Saint-Laurent): Ah! Avec les réponses que j'ai,
cela peut aller très vite.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, cela va
bien là, laissons donc porter.
M. Bérubé: Enfin, c'est une façon de
parler.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je comprends que cela
n'intéresse pas tellement le ministre qui a beaucoup d'autres chats
à fouetter, mais...
M. Bérubé: Oui, cela m'intéresse
beaucoup.
M. Leduc (Saint-Laurent): ...cela concerne 170 000 professionnels
et la protection du public en général. Je pense que c'est
important.
M. Bérubé: C'est cela. Cela m'intéresse
beaucoup. Toutefois, il me semble que, lorsque la question a eu une
réponse, on pourrait peut-être éviter d'expliciter pendant
des heures. Il y a une expression que...
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, il reste
à peu près quinze minutes à l'étude de ce
programme.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous me le permettez, j'aimerais
vous demander si vous avez une réponse à me donner pour les
dentistes.
M. Bérubé: II y a une expression anglaise que Mme
la députée de Jacques-Cartier doit certainement connaître:
"No use flogging a dead dog." Il n'y a pas moyen, ce n'est pas
nécessaire d'exagérer.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je n'ai pas posé de question du
tout sur...
Une voix: You do not flog a dead dog, you flog a dead horsel
M. Leduc (Saint-Laurent): Je n'ai pas posé de question
encore sur les dentistes, c'est la première question. Vous
n'étiez pas à l'arrière, vous étiez là, M.
le ministre, et vous auriez dû saisir tout de suite.
M. Bérubé: Oui, j'ai saisi dès le
départ.
Le Président (M. Charbonneau): Bon, d'accord. M. le
député de Saint-Laurent, pourriez-vous poser votre question?
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela peut ne pas vous intéresser
particulièrement. Peut-
être que M. Desgagnés est plus intéressé.
Peut-être pourriez-vous me répondre, M. Desgagnés.
M. Desgagnés: Sur la question...
M. Leduc (Saint-Laurent): Je pense que c'est en cours
également, pour l'information du ministre.
M. Desgagnés: Vous parlez du dossier des
hygiénistes dentaires et des dentistes?
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, où en est le dossier?
M. Desgagnés: C'est toujours en cours, comme pour le
dossier sur les lunettes dont on parlait tout à l'heure. Les
corporations en cause se parlent présentement et je dois vous dire que
les résultats, d'après les rapports que nous avons, pourraient
être satisfaisants dans un avenir très prochain. Les deux
corporations se sont rencontrées et je pense qu'elles ont trouvé
un terrain d'entente, ce qui serait de nature à liquider le contentieux
dont je ne peux pas parler, évidemment, puisque c'est sub judice.
M. Leduc (Saint-Laurent): Aviez-vous émis un avis sur ce
dossier?
M. Desgagnés: Bien oui, nous avions recommandé les
règlements dont il s'agit, qui ont fait l'objet de décrets.
M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne maintenant la
formation en sciences infirmières, si je comprends bien, il y a eu un
avis de l'office à savoir qu'on doit maintenir la formation en nursing
au niveau secondaire, n'est-ce pas?
M. Desgagnés: Pardon, au niveau collégial.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord, au niveau
collégial.
M. Desgagnés: Les infirmières demandaient que leur
diplôme soit de niveau universitaire à l'avenir; nous avons
suggéré qu'il soit maintenu au niveau collégial, de
même que le Conseil des universités, d'ailleurs.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais vous êtes d'accord avec le
bac qui serait donné par l'université au premier cycle. Vous
seriez d'accord sur cette formation, qu'on maintienne les deux formations, en
fait.
M. Desgagnés: Oui, oui. Il y a déjà une
formation qui est donnée au niveau universitaire, mais ce n'est pas le
diplôme qui donne accès au permis nécessairement; le
diplôme qui donne accès au permis, c'est le diplôme
collégial, le DEC en nursing.
M. Leduc (Saint-Laurent): Au sujet de la formation, vous
êtes d'accord pour le minimum, pour qu'on maintienne la formation en
nursing au niveau collégial.
M. Desgagnés: Au niveau collégial, oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes d'accord avec cela?
M. Desgagnés: Oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'était la teneur de votre avis,
n'est-ce pas?
M. Desgagnés: C'est le sens de notre avis et c'est aussi
le sens de l'avis du Conseil des universités sur le même
sujet.
Publicité pour les corporations
professionnelles
M. Leduc (Saint-Laurent): On pourrait peut-être toucher un
peu le problème de la publicité, on en a fait état
tantôt. Est-ce qu'il y a eu des développements dans l'opinion de
l'Office des professions en ce qui concerne l'information? On sait
qu'actuellement la seule information qui est permise aux corporations
professionnelles, c'est la publicité informatique. On sait
également que l'Office des professions voudrait qu'on élargisse
un peu cette publicité et qu'on aille plutôt vers une
publicité promotionnelle. Est-ce que vous êtes fixé sur ce
sujet? Est-ce qu'il y a eu...
M. Desgagnés: Me permettez-vous de corriger un peu la
problématique, M. le député? Ce n'est pas
précisément comme cela que se présente le problème.
Présentement, en vertu du code, on peut dire que toute publicité
dans les corporations professionnelles, chez les professionnels, est interdite,
sauf exception. C'est le régime actuel. Les règlements des
corporations ne font donc que permettre une certaine publicité; donc, le
régime de publicité actuel est très restrictif à
l'intérieur du système professionnel.
Ce que nous suggérons, c'est que le principe soit
différent; que la publicité, au sens du code toujours, soit
permise et qu'elle soit interdite par exception. C'est donc dire que
l'ouverture soit le principe et que la fermeture soit l'exception. Cela ne veut
pas dire qu'on prend partie nécessairement pour la publicité dite
promotionnelle, comme vous l'avez évoqué tantôt. Dans tous
les cas, nous pensons que la publicité sera informative, qu'elle ne
devra pas être agressive, qu'elle ne devra pas être de type
commercial, mais elle pourra porter sur des objets tels que les
services professionnels, la spécialité et même les
prix dans certains cas, mais elle pourra aussi se faire via les médias
écrits, télévisés ou radiophoniques. Elle pourra
prendre aussi des moyens sophistiqués nouveaux comme, par exemple, les
affiches éclairées, etc. Ce que nous n'avons jamais
préconisé, c'est que la publicité soit subjective et de la
nature de celle qu'on a connue dans certains États américains.
Nous n'avons jamais préconisé cela et, au surplus, nous avons
préconisé un régime de publicité adapté
à chacune des corporations professionnelles. (22 h 30)
Nous pensons que ce n'est pas le code qui va fixer le régime de
publicité pour chacune des professions. Cela fera l'objet d'un
règlement dans chacune des professions, de sorte qu'on aura un
régime de publicité qui sera adapté à chacune des
professions et conforme aux exigences et à la nature des services dont
il s'agit. Voilà la véritable problématique
présentement?
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous vous proposez d'amender
ces règles, ces normes établies...
M. Desgagnés: II ne nous incombe pas d'amender, il nous
incombe de faire des recommandations au gouvernement. Dans la mesure où
il s'agit de modifier le code nous allons proposer qu'on le modifie pour
changer le principe et, ensuite, nous allons faire en sorte que les
corporations professionnelles modifient leur règlement en
conséquence.
M. Leduc (Saint-Laurent): On arrive maintenant au dossier des
acupuncteurs. Cela n'a pas l'air d'intéresser le ministre. Le ministre
peut-il nous dire s'il y a une solution en vue concernant le dossier des
acupuncteurs, de sorte que l'exercice de l'acupuncture puisse enfin, dans un
avenir prévisible, être contrôlé au Québec? Il
faut bien mentionner que la situation dure depuis 1976.
M. Bérubé: II s'agit, certes, d'une question d'une
rare acuité. Je ne voudrais pas m'asseoir sur la question, mais je suis
sûr que le président de l'office pourrait compléter la
réponse.
M. Desgagnés: Lorsque nous nous sommes rencontrés
l'an dernier, il y avait trois problèmes qui subsistaient dans ce
dossier: le problème de la formation des acupuncteurs; le
problème de la référence médicale et le
problème de la définition de l'acupuncture. Ces trois
problèmes ont trouvé leur solution au cours de l'année.
Nous nous sommes entendus sur la définition de l'acupuncture. Nous nous
sommes entendus avec les intervenants sur la formation à prévoir
pour les acupuncteurs à venir. Nous avons pris position, à
l'office, sur la question de la référence médicale. Pour
l'instant, le règlement est en voie de rédaction et, au cours du
mois de mai, le ministre recevra une proposition d'approbation du
règlement qui reproduira substantiellement les solutions aux trois
problèmes que je viens d'énoncer.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord. Quant au dossier des
professionnels à l'emploi du gouvernement fédéral, on sait
qu'à la suite de la décision rendue par la Cour
fédérale dans la cause de Lefebvre, on soulevait la question de
la juridiction du Québec sur les professionnels exerçant au
Québec pour le compte du fédéral. Je voudrais savoir s'il
y a eu des développements ou s'il y en aura.
M. Desgagnés: II y a... Vous permettez, M. le
ministre?
M. Bérubé: Oh, certainement!
M. Desgagnés: II y a un nouveau développement.
Depuis ce temps un médecin vétérinaire à l'emploi
du gouvernement fédéral a refusé de payer sa cotisation et
exerce pourtant la médecine vétérinaire au Québec.
Il a été poursuivi par la Corporation des médecins
vétérinaires pour exercice illégal de la médecine
vétérinaire au Québec. Vous voyez que le problème
se pose de savoir si un employé fédéral peut exercer la
médecine vétérinaire au Québec sans être
membre de la corporation. Il y a là encore un contentieux, nous sommes
intervenus au dossier. La cause doit être entendue au cours de cette
année. Nous plaidons dans ce dossier que l'employé
fédéral ne peut exercer une profession au Québec, en
particulier la médecine vétérinaire, sans être
membre, sans obtenir un permis de la corporation. Nous attendons les
résultats au cours de l'année qui vient.
M. Leduc (Saint-Laurent): Au cours de cette année?
M. Desgagnés: Oui.
Les sages-femmes
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord. Le dossier sur les
sages-femmes. Si je suis bien informé, on a formé un
comité interministériel qui étudie la question. Est-ce
cela?
M. Desgagnés: C'est exact, M. le député.
C'est un comité qui a été formé par le
ministère de l'Éducation, auquel nous avons participé
à titre d'observateurs. Ce comité a fait rapport il y a quelques
mois au ministre de l'Éducation, cette fois, et le sous-ministre de
l'Éducation nous a demandé de réagir à ce rapport.
En même temps,
l'Association des sages-femmes a adressé à l'office une
demande de reconnaissance à titre de corporation professionnelle, de
sorte que nous sommes saisis du dossier par deux voies: la voie du rapport du
comité et celle de la demande de l'Association des sages-femmes. Nous
sommes en train d'analyser ce dossier. Nous pensons pouvoir donner une
réponse au cours de l'année concernant ce dossier très
chaud des sages-femmes.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'avez pas encore d'opinion.
M. Desgagnés: Pardon?
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le ministre a une opinion
sur les sages-femmes?
M. Bérubé: Oui, nous allons entreprendre une
étude multidisciplinaire sur l'interaction entre l'acupuncture et le
métier de sage-femme pour voir si, effectivement, il n'y aurait pas lieu
de demander à l'Office des professions de voir à la fusion de ces
deux corporations. Mais je suis convaincu que le député de
Saint-Laurent a déjà une opinion toute trouvée
là-dessus; il pourrait peut-être nous la faire
connaître.
M. Leduc (Saint-Laurent): Qu'en pensent les médecins?
Est-ce que vous avez sollicité l'opinion de la Corporation des
médecins?
M. Desgagnés: Non, pas encore, pour ce qui nous
concerne.
M. Leduc (Saint-Laurent): Pas encore. Pensez-vous qu'ils vont
être d'accord?
Une voix: Non.
M. Desgagnés: Cela dépend de ce qu'on peut leur
proposer. Pour l'instant, le problème se pose. Ils ne peuvent pas ne pas
être d'accord pour considérer le problème.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ne pensez-vous pas, pour ce qui
concerne la protection du public, que c'est revenir un peu en arrière?
Ne se donne-t-on pas les meilleurs moyens en maintenant cela, dans le sens que
les actes seraient encore posés par des médecins? N'est-ce pas
encore la meilleure protection qu'on puisse obtenir pour les femmes qui doivent
accoucher?
M. Desgagnés: Pour l'instant, je me contenterai de prendre
acte de l'observation du député, puisque nous commençons
l'étude. Nous avons été saisis du rapport du comité
du ministère de l'Éducation en janvier dernier et de la demande
de l'Association des sages-femmes quelques mois plus tard, de sorte que nous ne
sommes vraiment pas en mesure, pour l'instant, de formuler quelque opinion que
ce soit sur ce dossier.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le ministre est d'accord
pour dire qu'il y a assez de corporations professionnelles ou s'il est d'accord
qu'on en crée d'autres? Vous savez que plusieurs organismes
sollicitent...
M. Bérubé: Je pense qu'on devrait commencer
à en réduire le nombre. J'ai compris, par le nombre de questions
que le député de Saint-Laurent a posées, qu'il y a une
multiplicité de corporations, d'ordres de toutes sortes. À mon
point de vue, les sociétés qui ont tendance à vouloir
catégoriser trop finement les groupes se retrouvent avec une structure
rigidifiée qui ne permet pas l'évolution normale. Je pense que le
temps est venu de penser à fondre certaines corporations. J'ai
indiqué d'ailleurs, dans le cas de l'Ordre des ingénieurs, que je
voyais bien une corporation mixte. Tantôt, on a discuté du
problème des CA et des CGA; je partage à nouveau ce point de vue.
Je pense qu'effectivement il y avantage à rechercher un certain
regroupement des corporations plutôt que de chercher à les
multiplier.
Le Président (M. Charbonneau): Une dernière
brève question.
Tests linguistiques
M. Leduc (Saint-Laurent): Je pourrais parler du dossier des tests
linguistiques. On a adopté la loi 57, mais je pense que le dossier est
encore d'actualité. Concernant le dossier des tests linguistiques, je
voudrais simplement savoir du ministre s'il est d'accord pour abolir les tests
destinés aux aspirants de la pratique professionnelle qui
détiennent un diplôme d'une institution d'enseignement de niveau
secondaire du Québec, qu'elle soit francophone ou anglophone, ainsi
qu'à ceux qui détiennent un diplôme décerné
par une institution francophone du Québec de niveau collégial ou
de niveau universitaire. Je voudrais également savoir si le ministre
trouve logique d'imposer aux corporations professionnelles le fardeau
d'administrer, si c'était le cas, les tests linguistiques lorsque
requis. Est-ce que vous pensez que cela devrait relever des corporations
professionnelles?
M. Bérubé: Je partage entièrement l'opinion
de mon collègue responsable de la loi 101, le ministre des
Communautés culturelles. Je dois dire que son opinion est certainement
fondée, rigoureuse et je n'ai aucune difficulté à m'y
rallier.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'avez pas d'opinion quant
à ceux qui détiennent un
diplôme d'une institution francophone du Québec de niveau
collégial ou universitaire. Vous n'avez pas d'opinion
là-dessus.
M. Bérubé: Non, je n'ai pas d'opinion
là-dessus. Je me rallie à l'opinion de mon collègue.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ne pensez-vous pas que c'est une chose
importante? Ne pensez-vous pas que ces diplômés devraient avoir
une connaissance suffisante de la langue française pour pouvoir
être dispensés des tests linguistiques?
M. Bérubé: Je pense qu'il n'y a pas de
problème. Si vous êtes intéressé à avoir une
opinion là-dessus, vous pourriez poser la question à notre
collègue des Communautés culturelles, responsable de la loi 101.
Je ne suis pas responsable de l'application de la loi 101.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela concerne les professionnels. Vous
comprendrez pourquoi je pose la question.
Le Président (M. Charbonneau): Sur ce, je vais mettre fin
à la discussion sur le programme 10 et demander s'il est
adopté.
Des voix: Adopté.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est un peu comme à la
période des questions. Est-ce que je vais avoir les réponses
à une autre séance?
Le Président (M. Charbonneau): Prochaine séance ou
séance subséquente.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Charbonneau): Adopté.
M. Ryan: Sur division profonde.
Le Président (M. Charbonneau): Sur division. On remercie
le président de l'Office des professions, ainsi que ses collaborateurs
d'avoir bien voulu participer à l'étude des crédits de la
commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre. Il nous
reste trois programmes à adopter avant de passer aux remarques finales
du ministre et du vice-président de la commission. Le programme
concernant l'administration est-il adopté?
M. Ryan: Sur division.
Le Président (M. Charbonneau): Sur division. Le programme
2 sur la consultation est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Charbonneau): Adopté. Le programme
9 sur le fonds pour la Formation de chercheurs et d'action concertée
est-il adopté? Sur division?
M. Ryan: Je ne sais pas ce que vous en faites, mais j'avais cru
comprendre qu'une suggestion devait être faite au ministre pour que le
programme concernant la FCAC soit étudié peut-être à
la commission de l'économie et du travail.
Le Président (M. Charbonneau): La seule chose dont nous
sommes convenus avec la députée de Jacques-Cartier, afin
d'éviter d'éventuels problèmes qui pourraient survenir la
semaine prochaine et qui seraient indépendants de la volonté des
uns et des autres, c'est que nous adoptions ce soir le programme, mais que la
semaine prochaine, néanmoins, le ministre de l'Éducation se rende
disponible à l'autre commission parlementaire pour entreprendre une
discussion avec, entre autres, la députée de Jacques-Cartier sur
cette question. Cela va?
M. Ryan: Adopté.
Le Président (M. Charbonneau): Adopté. Mme la
députée.
Mme Dougherty: On doit adopter le programme sur division ce soir,
mais on adopte la suggestion. J'y suis personnellement favorable, mais...
Le Président (M. Charbonneau): Adopté sur division.
Il nous reste exactement une demi-heure. Je veux vous faire part d'une
espèce d'entente intervenue. Je vais d'abord céder la parole au
ministre de l'Éducation pour dix minutes pour ses remarques finales. Je
céderai, par la suite, la parole pour quinze minutes au
député d'Argenteuil, vice-président de la commission, et
je donnerai un droit de réplique de cinq minutes au ministre. Cela
terminera les travaux de la commission parlementaire pour les crédits.
(22 h 45)
II nous restera, demain matin, à nous réunir pour
étudier les programmes 9 et 10 du ministère de la Main-d'Oeuvre,
à la salle 81. Avant de céder la parole au ministre, je voudrais
permettre la distribution de certains documents dont on avait parlé plus
tôt dans la journée, c'est-à-dire le document sur le
recyclage des professeurs, le document sur le régime budgétaire
et financier des collèges et aussi le document sur les centres
spécialisés.
Cela étant fait, M. le ministre de l'Éducation.
Conclusion M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Nous
venons d'approuver les crédits d'un ministère qui, à lui
seul, contrôle le quart des dépenses gouvernementales. 6 000 000
000 $, c'est considérable.
Certains pourront dire d'ailleurs que c'est sans doute l'investissement
le plus considérable que le gouvernement consent. De toutes les missions
dont il a charge, qu'il s'agisse d'une mission sociale, d'une mission
culturelle, d'une mission économique ou administrative, on peut dire que
l'investissement le plus important que notre société consent au
Québec, c'est l'investissement dans le potentiel que constitue notre
jeunesse et notre société en général, nos
ressources humaines.
Nous pourrons dire également que ce budget connaît une
croissance modeste qui est caractérisée par une recherche de
meilleure productivité. En effet, il ne faut pas cacher que notre
société consacre au moins 7% du produit intérieur brut
à l'éducation. C'est la province au Canada qui consacre le plus
d'argent et le Canada est le pays, de tous les pays occidentaux, qui consacre
la plus grande part de son produit intérieur brut à
l'éducation. En d'autres termes, au-delà des critiques concernant
la croissance plus lente des dernières années, au-delà de
certaines complaintes que j'ai parfois qualifiées de lamentations selon
lesquelles la qualité du système est mise en cause, il convient
de garder à l'esprit qu'au-delà de tout cet effort de
rationalisation des dépenses de l'éducation, notre
société continue à détenir le championnat au monde
pour l'importance des ressources qu'elle consacre à l'éducation.
Voilà une réalité qu'il ne faut jamais oublier et qui
permet, je pense, de relativiser certaines protestations que l'on peut parfois
entendre et qui, je pense, ne tiennent pas véritablement compte de
l'importance de l'effort que notre société consent.
Il ne faut pas inférer non plus une croissance plus modeste de ce
secteur; il ne faut pas inférer une baisse de qualité
concomitante. En effet, nous connaissons l'économie, cette loi
fondamentale des rendements décroissants. Les premiers dollars investis
dans une activité produisent souvent des résultats
appréciables. Toutefois, au fur et à mesure que l'on accumule les
sommes investies, l'on constate que le rendement de cet investissement a
tendance à décroître. Par exemple, nous savons maintenant,
dans le domaine de la santé, que nous pouvons continuer à
injecter massivement des sommes dans le curatif; la santé de nos
concitoyens ne semble pas s'en améliorer pour autant. Nous continuons
à mourir au même rythme, après les mêmes maladies,
sauf que les gens étaient plus nombreux à tenter de nous sauver,
mais on n'a pas changé fondamentalement le sort inévitable qui
attend l'homme. Par contre, on doit bien constater que les investissements que
nous savons faire dans le préventif ont, au contraire, un impact
considérable en termes d'amélioration de la qualité de vie
de nos concitoyens. On sait, aujourd'hui, qu'il est préférable
d'investir dans la prévention de la carie dentaire plutôt que
d'investir directement dans les soins dentaires; que l'impact est beaucoup plus
rapide, beaucoup plus immédiat et, en même temps, beaucoup plus
social.
Il en va de même dans le secteur de l'éducation où,
compte tenu des sommes considérables que nous injectons, il n'est pas
évident que les injections additionnelles de crédits ne se
traduisent pas - je parle d'injections additionnelles de crédits dans
des activités classiques, conventionnelles - par une faible augmentation
dans la qualité ou la quantité des services offerts. À ce
moment, il est normal que nous pensions à un redéploiement. Il
est normal que nous examinions quels sont les secteurs que nous laissons de
côté, que nous ne couvrons pas, quels sont les groupes de notre
société qui sont laissés pour compte, pour voir dans
quelle mesure nous ne devons pas redéployer nos ressources pour nous
occuper de ces groupes de concitoyens qui sont oubliés.
Nous observons, aujourd'hui, les résultats des efforts des
dernières années. Nos clientèles sont maintenant en
reprise partout, même à l'élémentaire où, du
moins, nous avons enrayé l'effondrement. Il y a reprise ou augmentation
spectaculaire au collégial et même à l'université,
où on constate une tendance de plus en plus forte à poursuivre
les études du secondaire au collégial et à
l'université.
Nous avons amélioré de façon substantielle les taux
de passage qui sont nettement plus élevés qu'à la fin de
l'administration libérale précédente. Nous avons
amélioré les taux de persistance qui sont nettement plus
élevés que ce qui prévalait sous l'administration
précédente. C'est le résultat qui compte. Le
résultat, c'est que plus de nos concitoyens font des études, plus
de nos concitoyens obtiennent leur diplôme, plus de nos concitoyens
reçoivent l'instruction à laquelle ils ont droit.
Le jugement que nous devons porter est donc le suivant: Nous consacrons
plus de ressources que tous nos voisins et nous sommes également en
train d'obtenir des résultats meilleurs que nos voisins, des
progressions spectaculaires dans le taux de fréquentation et dans le
taux de succès des études. Voilà, je pense, des
résultats significatifs qui sont tout à l'honneur d'un
ministère souvent décrié, parce que gros, parce que
puissant, parce que finalement au coeur, nécessairement, de tous les
conflits car dès qu'une faction, dès qu'un mouvement, dès
qu'un groupe veut modifier la société dans le sens où il
l'entend et qu'il veut le faire de façon permanente, il voudra toujours
influencer le creuset où se forme la société de
demain.
Par conséquent, le ministère de l'Éducation sera
toujours au centre des passions, au centre des guerres qui ne sont pas
nécessairement des guerres d'intérêt, mais qui
représentent parfois des visions différentes de la
société. Il est normal que le ministère de
l'Éducation soit au centre des polémiques. Peut-être a-t-il
été trop au centre des polémiques au cours des
dernières années et qu'il convient à l'ensemble de ce
système de souffler un peu, mais il ne faudra pas pour autant que
l'éducation au Québec stagne. Il est donc essentiel qu'ayant
conquis parmi les plus hauts sommets, en termes de succès du
développement de notre système d'éducation, nous
cherchions désormais non pas à faire du "more of the same", mais
à réorienter progressivement notre système
d'éducation vers de nouveaux besoins. Quels sont ces nouveaux
besoins?
Le Président (M. Charbonneau): Si vous voulez bien, M. le
ministre, conclure cette partie de votre intervention.
M. Bérubé: Cinq minutes, M. le Président.
J'ai ma montre devant moi et j'ai commencé à 22 h 55.
Le Président (M. Charbonneau): J'en ai une devant moi
aussi, M. le ministre. De toute façon, vous aurez un droit de
réplique.
M. Bérubé: Je termine, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): D'accord.
M. Bérubé: Donc, nous devons mettre
désormais l'accent sur l'éducation permanente. Nous avons eu un
débat ici en commission. J'ai dit qu'il fallait remplacer une
philosophie de droits par une philosophie de besoins, que le temps était
venu d'être concret, de s'interroger sur les besoins réels que
requiert notre société en termes de formation permanente.
L'année prochaine, nous rejoindrons 140 000 concitoyens de plus, par
rapport à l'année dernière, pour leur offrir les services
qu'ils attendent. Nous devons porter un jugement là-dessus.
Également, nous devons mettre l'accent sur la formation
professionnelle en équipant massivement nos cégeps, en instituant
des centres spécialisés, en créant des nouveaux
programmes: près de 26, l'année dernière, et des nouveaux
cette année. En d'autres termes, nous devons mettre l'accent sur la
formation d'une nouvelle génération de Québécois
prêts à relever ce type de défi qu'implique une
économie en mutation, une économie en devenir, une
économie riche fondamentalement par son capital humain. Cela supposera
également, à la base, que nous ayons un système
d'éducation fondé sur l'excellence, sur la recherche, sur le
développement, sur l'innovation. C'est ce qui explique pourquoi nous
doublons les fonds qui sont actuellement versés à la recherche
universitaire par le fonds de recherche, la FCAC, en injectant quarante
équipes dans nos universités qui pourront s'intégrer dans
les équipes existantes et qui pourront presque doubler le nombre de
diplômés en doctorat que nous formerons.
Nous avons donc choisi la voie de l'excellence. Nous avons choisi la
voie de la formation professionnelle. Nous avons choisi la voie de la formation
permanente. Nous avons continué à progresser et nous pouvons le
faire parce que nous savons mieux utiliser nos ressources. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je pense que deux constatations
majeures se dégagent de l'examen que nous avons fait depuis trois jours.
Je pense que nous avons établi avec force preuves à l'appui le
recul que le secteur de l'éducation a subi au plan financier au cours
des dernières années, en conséquence des politiques
imposées par le gouvernement au nom de la crise économique.
Nous avons pris l'argument du gouvernement à sa face même,
au début. Or, lorsque nous avons découvert, cette année,
que le gouvernement avait trouvé le moyen de consacrer 465 000 000 $
à des paiements anticipés d'obligations qui, normalement,
auraient dû être échelonnés sur les années
suivantes, on est obligé de mettre en doute très
sérieusement les diagnostics à l'aide desquels le gouvernement
veut tenter de justifier ses politiques.
Le fait brutal du recul de l'éducation au plan financier est
incontestable et mathématiquement établi. J'ose espérer
qu'un redressement se produira de ce côté dans les meilleurs
délais. Je doute cependant que le gouvernement soit capable, vu les
efforts inouïs que le ministre consacre encore jusqu'à ce moment-ci
à essayer de les justifier, de justifier les politiques des deux
dernières années.
Ce recul au plan financier s'accompagne d'un recul dans la
qualité de l'éducation et dans l'idée même de
l'éducation. C'est ce qui me frappe le plus
en écoutant les propos que celui qui est maintenant chargé
de l'Éducation a tenus depuis trois jours. L'idée même de
l'éducation est sérieusement mise en péril. À
l'aide de comparaisons douteuses, on a souvent formulé des jugements
profondément injustes, en particulier, à l'endroit des
enseignants.
J'entendais le ministre faire des comparaisons internationales
tantôt; je refuse de le suivre sur ce terrain parce qu'il a
invoqué l'argument de la comparaison avec l'Ontario depuis deux ans.
Jamais on n'a pu nous faire la démonstration solide du bien-fondé
de ces propos. Il y a une chose qu'on doit aussi rappeler, c'est que le
gouvernement de l'Ontario, depuis quelques années, ne s'est pas
signalé par son progressisme excessif en matière
d'éducation. S'il y a un modèle à suivre dans l'ensemble
canadien pour les trois dernières années, ce n'est probablement
pas celui-là. On l'invoque quand cela fait l'affaire; on serait mieux de
tenir compte d'un ensemble plus large.
De ce côté-ci, c'est un débat qui continue. Je crois
qu'en rétrécissant le débat à des comparaisons
comme celle-là, on est conduit à formuler ce genre de jugement
qui va laisser des traces pour une génération dans la conscience
de ceux qui en ont été les victimes. (23 heures)
À l'aide de critères simplistes et de concepts
étroits, on a sabré sans scrupule, d'une manière
arbitraire et autoritaire, dans des réalités qui se prêtent
mal à des découpages arithmétiques. Au nom de la
productivité, interprétée trop souvent d'une
manière aussi simpliste qu'on le fait dans d'autres secteurs de
l'économie, on a procédé à des conclusions
imposées de manière autoritaire. L'examen des conséquences
de ces décisions oblige à remettre en question bien des postulats
qui les ont inspirées.
Troisième constatation générale que je formule, et
j'ose espérer que le ministre aura l'occasion de penser de nouveau aux
concepts qu'il a exprimés... Il en a rappelé un tantôt. Il
a dit: Chez nous, la philosophie des besoins va prendre le dessus sur la
philosophie des droits. Je trouve cela extrêmement grave parce que
l'idée libérale de la société est qu'on fonde la
société sur le droit, qu'on fonde les lois sur le droit, sur les
droits des gens. L'objectif même du processus politique est
d'élargir la zone des droits continuellement. Cela n'est pas
figé. Quand le ministre nous reproche de vouloir construire des
édifices abstraits, je pense qu'il est dans les patates. Il n'a pas
suivi le cheminement que tant de serviteurs de l'éducation ont suivi au
cours des années. S'il est un secteur où on a justement
travaillé au jour le jour, sans bâtir de grands plans
d'ensemble... Le gouvernement faisait les grands plans d'ensemble avec ses
technocrates, pas les véritables artisans de l'éducation. Ce sont
eux qui héritent des conséquences quand les plans sont mal
faits.
Nous ne sommes pas arrivés avec de grands plans architectoniques,
pas du tout. On dit des choses simples, des choses qui sont de sagesse de plus
en plus commune. Comme je le disais l'autre jour, je crois qu'on doit d'abord
avoir une philosophie des droits sur la base de laquelle on va ensuite
percevoir une hiérarchie des besoins. On ne pose pas les deux comme
cela. Je pense que le danger de ceci - c'est d'ailleurs un courant très
largement répandu en Amérique du Nord et même dans les pays
qui gravitent autour de l'OCDE - est que la justice sociale devient de plus en
plus sélective. Il y en a qui soutiennent - parfois quand
j'écoute le ministre, je ne suis pas loin de penser qu'il serait de
cette école - que les programmes sociaux doivent être de plus en
plus sélectifs. Il y a une certaine base d'universalité qu'il
faut garder et il faut la protéger comme la prunelle de nos yeux.
Je ne veux pas prendre les déclarations du ministre à la
lettre mais quand il nous dit que le droit à l'éducation de base,
à l'heure actuelle, au Québec, et le droit à la
santé sont des droits qu'on peut commencer à reconnaître,
je pense qu'on a commencé bien avant que le ministre ne vienne au monde
comme ministre. Le droit à la santé est reconnu depuis environ
douze ans au Québec; on ne commence pas à le reconnaître,
c'est déjà reconnu. J'espère qu'on ne reculera pas. Je
pense qu'il n'y a pas d'intention de recul manifestée par le
gouvernement, je m'en félicite. Dans le domaine de l'éducation
c'est la même chose. On a fait des progrès énormes. On veut
en faire d'autres dans le secteur de l'éducation des adultes et on se
fait répondre qu'une politique ponctuelle va être beaucoup
mieux.
Je refuse qu'on fasse reculer cette idée de justice sociale en
éducation au profit de l'accent qui sera mis sur les besoins ponctuels,
définis par Dieu le père qui siège à Québec.
Ce n'est pas ma conception des choses. Dans l'immédiat, des
problèmes très sérieux se posent dans les secteurs
primaire et secondaire. Surtout au niveau secondaire, on voit venir avec
beaucoup d'appréhension la deuxième année des
décrets. Il y a un délai que le ministre connaît comme moi,
une échéance qui arrivera aux environs du 1er mai si on veut que
des redressements se fassent. Les mesures doivent être prises avant le
1er mai et j'invite le ministre à nous présenter, dans les
meilleurs délais, les ajustements qui permettront d'envisager la
prochaine année scolaire avec plus de sérénité
qu'il n'est permis de le faire actuellement.
Il a été très peu question du projet de loi 40.
Nous n'avons pas ouvert le feu sur
cette question parce que nous voulons donner la chance du coureur au
ministre. Il a dit qu'il ferait des ajustements, qu'il était en train
d'étudier tout ce qui s'était dit à la commission
parlementaire. J'espère que ce n'est pas à cette commission
parlementaire que le ministre faisait allusion quand il a tenu des propos qui
m'ont scandalisé. Si c'est à propos de celle-là, je pense
que lui-même tirera du profit des ajustements qu'il sera appelé
à apporter au projet de loi 40.
Je suis obligé de faire brièvement allusion à la
politique d'informatique du gouvernement. On n'a pas retenu l'attention
démesurément là-dessus, mais je suis convaincu qu'à
mesure que les événements vont se développer, ils
donneront raison aux critiques de l'Opposition. La politique du gouvernement en
matière de choix d'équipement est une politique pourrie, une
politique absolument irrationnelle qu'on est rendu à justifier par un
argument absolument extrinsèque à tout ce qui avait
été présenté à ceux qui ont pris au
sérieux la parole du gouvernement au temps où on préparait
des propositions ou des soumissions. En matière de pédagogie de
logiciel et de didactitiel on en est encore à balbutier les
débuts d'une politique. J'espère que le ministre aura le temps
très prochainement de prendre connaissance du plan quinquennal qui avait
été préparé l'an dernier et d'y apporter les
retouches qui s'imposent afin qu'un meilleur équilibre entre la
pédagogie et la quincaillerie soit assuré.
Dans le secteur universitaire, nous avons souligné les
problèmes très sérieux que pose l'exiguïté des
ressources face à la politique d'accessibilité que le
gouvernement continue à pratiquer et sur laquelle nous sommes d'accord.
Une politique d'accessibilité postule que des ressources correspondantes
seront mises à la disposition des institutions responsables. De ce
côté-là, il y a un décalage qui justifie des
inquiétudes. De plus, nous voyons s'introduire de nouveau, après
des années de recherche de normes plus objectives, des interventions,
des décisions arbitraires ou unilatérales de la part du
gouvernement. Je souhaite vivement qu'on reprenne la recherche d'une politique
de financement davantage statutaire des institutions universitaires.
Dans le secteur collégial les décrets, quoi qu'en pense le
ministre, ont entraîné des conséquences très
sérieuses pour la qualité de l'éducation. Je pense qu'il
n'y aura peut-être pas lieu de prendre exactement les mêmes mesures
qu'au niveau secondaire, mais je demande au ministre d'écouter les
représentations qu'on voudrait lui faire là-dessus et de faire
faire des études dans des institutions particulières. Si les
études démontrent que tout ce que nous croyons constater est
faux... C'est lui qui assume la responsabilité des décisions mais
j'ai entendu trop de récits d'expériences vécues pour
être complètement satisfait des perspectives qui s'annoncent pour
la deuxième et la troisième années des décrets. Je
le souligne à l'attention du ministre avec toute la bonne foi dont je
peux être capable.
Dans le domaine de l'éducation des adultes, la politique du
gouvernement soulève des objections fondamentales de la part de
ceux-là mêmes qui ont consacré leur vie à ce secteur
d'activité et qui sont, par conséquent, les personnes les plus
autorisées à en parler en connaissance de cause. Ces personnes et
ces organismes avaient demandé d'être entendus à la
commission parlementaire. J'apprenais, ce soir, que le ministre a
convoqué officiellement une rencontre de concertation nationale pour le
10 mai prochain. II est évident qu'une rencontre de concertation d'une
journée ne saurait tenir lieu de l'expérience d'une commission
parlementaire qui avait été demandée. Je demande de
nouveau au ministre de reconsidérer la position catégorique qu'il
a exprimée à ce sujet à l'issue de l'une des
séances d'hier.
Dans le secteur privé, je note avec plaisir un assouplissement
des rapports entre le ministère de l'Éducation et les
institutions privées. Je note également une souplesse un peu plus
accusée dans les propos que le nouveau ministre de l'Éducation a
tenus ce soir à ce sujet. Je ne saurais souscrire à tout ce qu'il
a dit là-dessus mais j'ai remarqué un effort de
compréhension et d'accueil que je signale avec satisfaction. Il reste,
évidemment, à connaître les résultats de ce climat
amélioré qu'on croit discerner dans le secteur de l'enseignement
privé, et ceux-ci ne sont pas encore sur la table. Je crois, cependant,
que si le climat continue à s'améliorer, le gouvernement, de
concert avec les institutions concernées, devrait être capable de
trouver les mesures qui donneront satisfaction à tout le monde tout en
maintenant - comme nous semblions d'accord pour le souligner plus tôt -
la nécessaire priorité qui doit être conservée
à l'endroit du secteur public de l'enseignement.
Je termine, M. le Président, en rappelant le rôle
très important que la commission parlementaire de l'éducation et
de la main-d'oeuvre est appelée à jouer dans la
préparation et la critiques de l'éducation, surtout en ce qui
concerne la réforme parlementaire que nous avons entreprise ensemble.
Déjà, au cours de la dernière année... Je rappelle
ceci à l'attention du ministre pour l'assurer que si nous faisons des
critiques, c'est parce que nous sommes obligés de les faire; c'est notre
rôle, et je pense qu'il doit constater que nous exprimons nos convictions
à ce moment-là et que nous n'avons pas seulement des objections
pour le plaisir d'apporter des difficultés et de faire du cliquetis.
Cela nous intéresse peu. Je me
souviens avoir convenu personnellement avec son
prédécesseur que jamais nous ne ferions d'attaques personnelles,
que jamais nous ne nous imputerions de motifs réciproquement. Nous avons
tenu parole pendant une quinzaine de mois. Cela a été une
expérience très heureuse. C'est pour cela que, lorsque le
ministre a démissionné, même si je n'étais pas
d'accord avec plusieurs de ses politiques, j'ai souligné notre esprit de
dialogue civil, les conversations civilisées qu'il a toujours su
maintenir à cette commission parlementaire, dont il a d'ailleurs
facilité les travaux à plusieurs reprises. À l'issue de
chacune des expériences que nous avons eues depuis un an, il a toujours
convenu lui-même que cela avait été très profitable,
que cela avait contribué à l'éclairer.
J'ose penser que lorsque vous avez dit, M. le ministre, que, trop
souvent, l'Opposition s'était servie des commissions parlementaires pour
paralyser l'action du gouvernement, vous ne visiez pas la commission
parlementaire de l'éducation, surtout au cours des derniers quinze mois.
Si c'est ce que vous visiez, je vous préviens que nous devrons vous
combattre avec toute la vigueur dont nous sommes capables, et il en reste
encore beaucoup du côté de l'Opposition et de ses
représentants à cette table. Mais si vous avez voulu faire
allusion à d'autres commissions, en particulier, si vous parliez des
commissions qui ont empêché des projets de loi d'être
adoptés, c'est une tout autre chose. Cela fait partie du
mécanisme législatif et n'a aucun rapport avec le genre de
travail qu'une commission parlementaire peut faire en dehors du salon bleu. Si
vous vouliez parler d'une autre commission qui a duré longtemps au cours
de l'année autour d'un problème particulier, c'est un cas
très isolé, mais, ici, la commission a travaillé dans un
tout autre esprit, et je crois qu'elle pourrait vous rendre de grands services,
même pour la dernière analyse de votre politique de
l'éducation des adultes.
Je termine sur cette note en vous assurant, M. le Président, que,
du côté de l'Opposition, nous entendons maintenir cet esprit de
critiques viriles mais constructives et d'un dialogue civil dans nos travaux,
autant avec le ministre qu'avec nos collègues du gouvernement et des
invités de l'extérieur que nous serons toujours heureux
d'accueillir.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Quelques remarques finales de la part du
ministre. M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, j'ai surtout
noté avec plaisir la volonté qui, je pense, était
sincère de la part du député d'Argenteuil de faire de
la commission de l'éducation une commission
désintéressée, objective, constructive qui permettra
d'améliorer et de bonifier des politques gouvernementales ou des projets
de loi. J'ai participé à une commission parlementaire lors de la
dernière ronde de négociation qui avait porté en
particulier sur la tâche des enseignants, et je ne cache pas
qu'effectivement les travaux s'étaient bien déroulés.
Le député d'Argenteuil voudrait que l'on établisse
un climat de bonnes relations, amicales, sans attaques personnelles, ad
hominem. Je partage également cet avis. Je dois lui dire cependant que
j'ai parfois trouvé mon ex-collègue ministre de
l'Éducation très patient. Le député d'Argenteuil ne
le réalise pas toujours, mais les termes qu'il emploie sont parfois
injurieux, parfois très durs. Peut-être qu'il ne s'en rend pas
compte, mais, lorsque l'on traite quelqu'un de simpliste, d'étroit, de
sans scrupule et d'arbitraire, il est difficile de parler d'un langage
susceptible de conduire à l'établissement d'une bonne relation.
Je sais que mon collègue, le Dr Laurin, avait sans doute, par son
habitude de psychiatre, la capacité d'absorber sans ne rien dire, en
fumant intérieurement et en se défoulant lorsqu'il sortait de la
commission, mais il trouvait parfois difficile le ton du député
d'Argenteuil qui, je sais, n'est jamais peut-être empreint de
méchanceté, mais peut-être qu'il se laisse aller, à
un moment donné, dans la flamme de son argumentation, à des
propos... J'ai malheureusement tendance à être un peu soupe au
lait et, par conséquent, de réagir un peu plus vivement. Cela a
parfois comme conséquence de provoquer des échanges vifs.
J'essaierai d'être le plus souple possible, d'effacer certains mots de
vocabulaire, de manière que les travaux en commission se
déroulent dans un climat que le député d'Argenteuil veut
constructif et veut surtout voué à l'intérêt du
développement de l'éducation au Québec. (23 h 15)
Là-dessus, je reconnais entièrement, d'une part, le
travail considérable qu'il fait pour arriver en commission bien
documenté, bien préparé, avec des opinions solidement
étayées sur la base de renseignements qu'il a pris. Je ne cache
pas que sa réputation est faite en tant que législateur non
seulement habile, mais profondément dévoué à la
cause du Québec. Je n'ai donc aucune crainte quant à l'avenir des
travaux que nous pourrons faire au cours des prochaines années dans le
domaine de l'éducation.
Inutile de dire, cependant, que je comprends qu'il doive accomplir son
rôle d'opposant et, évidemment, qu'il devra critiquer les
politiques gouvernementales. Je pense que cela est de mise. Inutile de dire
que, quant aux remarques qu'il a énoncées, je ne partage pas un
grand nombre d'entre elles. Lorsqu'il parle de recul au plan
financier, je pense que le député d'Argenteuil fait une
adéquation beaucoup trop étroite entre le dollar et la
qualité d'un système. Cela est malheureusement dommageable au
sens où on finit par réduire la qualité d'un
système uniquement à une question de gros sous. Je pense que
c'est dangereux.
Quand il parle de recul dans la qualité de l'éducation au
Québec, je crois que son jugement est profondément injuste. Je
pense que les comparaisons globales que nous faisons, sont plus fidèles.
Nous avons reconnu un climat d'insatisfaction et d'insécurité
à l'intérieur de nos écoles. J'ai pris la peine de
souligner que c'était peut-être la conséquence d'erreurs
qui ont été commises par des dirigeants syndicaux comme par des
dirigeants gouvernementaux. Oui, je suis prêt à assumer une part
de la responsabilité. Je pense également que les employés
du secteur public ont été coincés entre des machines
lourdes, aveugles; qu'ils se sont sentis, finalement, un peu victimes
d'événements sur lesquels ils n'avaient aucun contrôle,
mais sur lesquels ils pensaient avoir le contrôle. Cela peut expliquer
une bonne partie du malaise qui subsiste.
Je pense qu'il n'y a qu'une seule façon de corriger ce type de
malaise, c'est de développer un nouveau style de relations plus
étroites. Nous essayons présentement, avec la Centrale de
l'enseignement du Québec, d'établir ce type de relations. Nous
croyons que les problèmes que l'on vit dans l'école sont des
problèmes fondamentaux de tâche et non pas d'augmentation de la
tâche. L'augmentation de la tâche complique évidemment le
problème, mais l'organisation de la tâche actuelle, notre
façon de gérer le système scolaire, est beaucoup plus
à l'origine des problèmes que nous vivons que l'accroissement de
la tâche proprement dit.
Aussi, devons-nous mettre l'accent d'abord sur les facteurs qui font que
la tâche actuelle est trop lourde à porter, de telle sorte que
l'on puisse éventuellement s'attendre à un accroissement normal
de la productivité qui nous permette effectivement de donner plus avec
des ressources qui pourront être, je ne dirai pas moindres, mais
dégagées, afin de faire face à de nouveaux besoins.
Je pense que notre société évolue, les besoins
évoluent et nous devons dégager des ressources pour faire face
à ces besoins. Cela suppose que l'on demande à ceux qui sont
engagés dans des activités plus conventionnelles de
réexaminer le niveau de ces activités et de voir dans quelle
mesure on ne peut pas, finalement, être un peu plus efficient dans la
production de services.
M. le Président, je pense donc qu'il est possible, avec les
ressources dont nous disposons, de bâtir un service éducatif de
qualité et nous allons tous ensemble chercher à le bâtir.
Je suis convaincu qu'avec la collaboration du député
d'Argenteuil, de mes collègues du parti ministériel et du parti
de l'Opposition, nous n'aurons aucune difficulté, au cours de
l'année qui vient, à régler un certain nombre de
problèmes que traverse notre système d'éducation.
J'insisterai cependant sur un dernier point. Peut-être que le
temps n'est pas aux grandes, grandes, grandes réformes, peut-être
que le temps est à une certaine intériorisation de notre
système, y mettre un peu plus d'âme, y mettre un peu plus d'amour,
fondamentalement, c'est-à-dire rétablir des contacts humains plus
étroits à l'intérieur de notre système.
Peut-être que le temps n'est pas venu, à l'heure actuelle, pour
les grands mouvements et c'est peut-être la raison pour laquelle je ne
suis pas tellement prêt à m'engager dans une vaste réforme
au chapitre de l'éducation des adultes. J'aimerais qu'on fasse quelque
chose de bien dans le domaine de l'éducation des adultes, quelque chose
qui réponde véritablement aux besoins. Si nous réussissons
cela, à ce moment-là, peut-être pourra-t-on commencer
à envisager des grandes réformes fondamentales.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. Je
voudrais dire en terminant, à titre de président de cette
nouvelle commission parlementaire, que je retiens des propos qui ont
été exprimés de part et d'autre, en conclusion, des
expressions d'opinion sur l'importance qu'on voudra et qu'on veut voir donner
à cette commission parlementaire. J'espère qu'en cours de route
nous n'oublierons pas ces propos et que nous permettrons à cette
commission d'avoir les coudées franches pour effectivement jouer le
rôle qu'on veut qu'elle joue, parce qu'elle peut jouer un rôle
important. Il ne s'agit pas, pour les membres de la commission, de penser
qu'ils auront à jouer le rôle du ministère de
l'Éducation mais ayant eu l'occasion de discuter avec mes
collègues des deux côtés de la table, j'ai la conviction
profonde que tous les membres de la commission ont un désir profond
d'apporter une contribution à la fois positive et significative au
système d'instruction et d'éducation dans notre
société. J'espère que, dans quelques mois, nous pourrons
faire un bilan positif de la contribution que les membres de la commission
parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre auront
apporté à ce système d'éducation.
Sur ce, étant donné que nous avons adopté
l'ensemble des crédits budgétaires du ministère de
l'Éducation pour l'exercice financier 1984-1985, j'ajourne les travaux
de la commission à demain matin, 9 h 30, pour l'étude de deux
programmes du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Je vous remercie de la collaboration que
vous nous avez accordée et que vous m'avez accordée, en
particulier, malgré les escarmouches inévitables dans notre
système parlementaire, je pense que nous avons réussi à
remplir notre mandat adéquatement.
M. Ryan: M. le Président, me permettrez-vous, avant
d'ajourner, de présumer le consensus des membres de la commission pour
vous exprimer notre appréciation pour la façon dont vous avez
dirigé les travaux de la commission et pour remercier les collaborateurs
du ministre de leur disponibilité et de l'empressement avec lequel ils
nous ont fourni les renseignements et la grande abondance d'informations qui
nous proviennent de ce ministère pour l'étude des crédits.
Je ne fais pas de comparaison avec d'autres, mais je peux vous dire qu'à
ce point de vue vous auriez peut-être le championnat.
Je voudrais en même temps remercier mes collègues du
côté de l'Opposition et du côté du gouvernement. Je
pense que les rapports sont empreints de cordialité, malgré
certaines divergences. Je soulignerais la collaboration très
précieuse qui nous est apportée par l'unique recherchiste que
nous avons du côté de l'Opposition, M. André Fortier, qui
fait un travail formidable pour suivre toute cette armée de
collaborateurs dont dispose le ministre.
Le Président (M. Charbonneau): Je m'en voudrais dans ce
cas-là, M. le vice-président, de ne pas aussi souligner l'aide
précieuse de notre secrétaire, Me Lucie Giguère, ainsi que
de notre documentaliste. Sur ce, à demain matin, 9 h 30, et bonne
nuit.
(Fin de la séance à 23 h 23)