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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous allons commencer la séance. Mme la secrétaire,
est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui. M. Laplante (Bourassa) est
remplacé par M. Boucher (Rivière-du-Loup). M. Payne (Vachon) est
remplacé par M. Brouillet (Chauveau).
Remarques générales M. Jean-Pierre
Charbonneau
Le Président (M. Charbonneau): Merci. Mesdames, messieurs,
bonjour. La commission parlementaire de l'éducation et de la
main-d'oeuvre entreprend l'exécution, aujourd'hui, de son premier mandat
d'initiative. Quand on connaît la règle parlementaire de la double
majorité et les difficultés de faire les consensus, compte tenu
des opinions et des intérêts des uns et des autres, ce n'est sans
doute pas sans signification que nous soyons réunis aujourd'hui pour
entreprendre l'étude de la question du financement de nos
universités. Cette question a fait l'objet d'interventions publiques
nombreuses depuis quelques années et, particulièrement, au cours
des derniers mois. Toutefois, il semble que ce soit la première fois que
ce sujet fasse l'objet d'une étude de cette nature en commission
parlementaire.
Pas besoin d'être très érudit pour comprendre
l'importance de ce dossier dans notre société. Les
universités sont depuis toujours au coeur des défis de
développement, de progrès et de civilisation. Il est donc normal
que l'on se préoccupe de leurs orientations et des moyens financiers
dont elles disposent pour remplir leur mission. Cela dit, il ne faudrait pas
penser que nous entreprenons aujourd'hui une enquête sans fin sur les
orientations et le financement de nos universités.
Je pense qu'il est bon qu'à ce moment-ci nous rappelions le
mandat de notre commission. Nous sommes réunis aujourd'hui pour
étudier les orientations et le cadre de financement du réseau
universitaire québécois pour l'année 1984-1985 et pour les
années à venir et pour examiner, dans cette étude, sans
exclure toute autre mesure et tout sujet pertinent, le niveau des subventions
d'universités et leur répartition entre les
établissements, les sources de revenus des universités autres que
les subventions gouvernementales, la participation du gouvernement
fédéral au financement des universités, le partage des
ressources à l'intérieur des universités. Ce qui a donc,
d'abord, en premier lieu provoqué notre intérêt, c'est le
cadre de financement longtemps réclamé, enfin
présenté puis mis en question et critiqué au cours des
dernières semaines. Ce cadre vaut pour l'année financière
en cours et les années qui viennent. Il soulève aussi des
questions connexes qu'il nous est apparu utile d'aborder en corrollaire. Afin
de bien comprendre la problématique du financement, de bien la situer et
d'évaluer au mérite les diverses réactions critiques
qu'elle a soulevées, nous avons choisi d'inviter d'abord à venir
nous rencontrer les autorités gouvernementales et, en premier lieu, le
ministre de l'Éducation et ses collègues, ainsi que les
porte-parole des organismes de représentation dits nationaux.
Parallèlement, nous avons adressé une invitation ouverte
à toutes les personnes et à tous les organismes
intéressés à nous soumettre par écrit, d'ici
à la fin du mois d'octobre, leurs opinions.
À ce stade-ci, nous ne pouvons pas dire qu'il sera
nécessaire de procéder à d'autres rencontres publiques ou
privées. Certains nous ont déjà fait savoir qu'ils
aimeraient bien être entendus. Pour le moment, il est trop tôt pour
répondre par l'affirmative, les paramètres de notre calendrier de
travail parlementaire de l'automne étant encore mal connus et mal
définis. Chose certaine, nous pouvons assurer tous ceux et celles qui
prendront la peine de nous écrire que nous prendrons connaissance avec
intérêt de leur point de vue.
Quant à la procédure que nous allons suivre cette semaine,
elle sera assez simple. Aujourd'hui, nous allons entendre le ministre de
l'Éducation et ses collègues; demain, nous entendrons la
Conférence des recteurs et des principaux des universités du
Québec; par la suite, la Fédération des associations de
professeurs des universités du Québec, ainsi que la
Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du
Québec et la Fédération des professeurs
d'universités du Québec qui viendront tous trois conjointement
présenter leur point de vue. Jeudi, nous recevrons le Regroupement des
associations étudiantes universitaires, l'Association nationale des
étudiants du
Québec et, finalement, le Conseil des universités.
Quant à l'ordre de fonctionnement, étant donné
qu'il s'agit d'une discussion sur des points de vue, il y aura, ce matin,
expression d'opinions de la part des membres de la commission qui voudront
prendre la parole et ensuite par notre invité principal, le ministre de
l'Éducation. Cet exposé sera suivi d'une période de
dialogue entre le ministre, ses collègues et les membres de la
commission. Le comité directeur a pensé que la meilleure formule
serait d'utiliser la traditionnelle règle de l'alternance et de vingt
minutes de droit de parole incluant les réponses de nos invités.
S'il y a lieu de modifier cette règle de fonctionnement en cours de
route, on verra à ce moment-là.
Convaincu que je puis compter sur votre collaboration pour la bonne
marche de nos travaux, cette semaine, je vais maintenant céder la parole
au député d'Argenteuil, vice-président et critique
officiel de l'Opposition en matière d'éducation. Auparavant, je
voudrais m'excuser, nous excuser finalement auprès de nos invités
du manque de place. Il semble qu'une autre commission parlementaire a eu la
préséance quant au salon rouge qui est plus spacieux. On n'a pas
jugé que notre commission valait la télédiffusion,
malheureusement. On va donc se contenter de cette salle-ci. On s'excuse des
inconvénients que cela peut occasionner aux personnes qui seront
obligées d'être debout de longs moments. On va faire le
nécessaire pour qu'il y ait, bien sûr, des chaises pour accommoder
les personnes.
M. le député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer
l'ouverture des travaux que la commission parlementaire de l'éducation
et de la main-d'oeuvre entend consacrer au sujet qui a été
inscrit à l'ordre du jour de cette série de séances,
c'est-à-dire les orientations et le cadre de financement des
universités du Québec pour l'année 1984-1985 et les
années à venir.
Il y a longtemps que nous voulions aborder en profondeur en commission
parlementaire le problème du financement des universités. Je
voudrais, au début de nos travaux, adresser des remerciements aux
députés des deux côtés de la Chambre pour l'esprit
de collaboration dans lequel a pu être prise la décision de
procéder à l'enquête que nous inaugurons aujourd'hui. Nous
avons instauré un nouveau mode de fonctionnement des commissions
parlementaires au printemps dernier. Ce mode de fonctionnement, sur papier, est
excellent, mais en pratique il est beaucoup plus difficile qu'on ne pourrait le
penser de prime abord. En particulier, pour qu'une commission parlementaire
puisse s'attribuer un mandat d'initiative, il faut le consentement d'une
majorité des députés des deux côtés de la
Chambre, ce qui n'est pas aussi facile à obtenir qu'on pourrait le
penser parce que nous avons fait des tentatives, de part et d'autre, pour
suggérer des sujets d'étude et cela n'a pas toujours retenu
l'attention de l'autre côté. Mais dans ce cas-ci il s'est
formé un consensus assez rapidement vers la fin de l'été
et ce consensus explique que nous nous retrouvions aujourd'hui dans un esprit
qui me paraît très constructif.
Je pense que, parmi les sujets que pourrait aborder l'Assemblée
nationale, il n'y en a pas beaucoup qui soient plus importants que celui de
l'avenir de nos universités. Les universités sont l'un des
éléments les plus importants de notre patrimoine public
québécois. Dans l'espace d'un quart de siècle, nous avons
franchi de ce point de vue des pas gigantesques. En 1960, les inscriptions
d'étudiants, équivalence à temps complet, dans nos
universités étaient d'à peu près 56 000. Cette
année, ce sera de l'ordre d'à peu près 147 000, ce qui
veut dire que cela a plus que doublé pendant cette période.
Aujourd'hui, c'est 4% du budget québécois qui est consacré
aux universités. Le montant total des subventions prévues pour la
présente année est de 895 000 000 $, ce qui veut dire 150 $ par
année par Québécois. Chaque Québécois
contribue 150 $ par année et si nous considérons qu'il y a
à peu près la moitié des Québécois qui font
partie de la main-d'oeuvre active, cela veut dire que chaque personne qui
travaille fournit en moyenne au moins 300 $ par année pour assurer le
fonctionnement de nos universités. Cela veut dire que le secteur
universitaire est un secteur dont la dimension publique est extrêmement
importante. Par conséquent, cela justifie les parlementaires de
s'intéresser à ce qu'il fonctionne bien et cela oblige aussi les
parlementaires à scruter attentivement le fonctionnement du
système de manière qu'il réponde aux attentes de la
communauté.
Il est inutile d'ajouter que pour l'avenir de notre collectivité,
les universités sont un facteur absolument essentiel. Pour notre
progrès intellectuel et scientifique, je pense que cela va de soi que
les universités sont l'un des lieux (pas le seul) principaux où
se travaillent le progrès, la diffusion et la connaissance.
Pour le progrès économique, la qualité des
connaissances que nous saurons appliquer à nos entreprises
économiques est un facteur majeur; je dirais même pour
l'équilibre général de notre société aux
points de vue social et politique. La qualité du travail qui s'accomplit
dans les universités est non moins essentielle. Par conséquent,
tous ceux d'entre nous qui veulent penser un peu à
long terme considéreront sans l'ombre d'un doute que le sujet que
nous abordons aujourd'hui est une priorité absolument majeure.
Une autre raison qui nous inspire une grande satisfaction à
l'occasion de cette commission est qu'il y a déjà plusieurs
années que les universités sont l'objet d'un traitement en
matière financière qui entraîne des conséquences
regrettables. Il y a longtemps que nous avons essayé de le porter
à l'attention du gouvernement. Pendant plusieurs années, la
réaction a été indifférente et, à force de
marteler le problème, nous en sommes venus aujourd'hui à
réaliser un consensus au moins quant à l'importance du sujet et
à la nécessité de s'y arrêter de manière
très attentive.
Les champs de discussion ouverts à la commission sont
pratiquement illimités, si je comprends bien. Lorsque le
député de Fabre a proposé un amendement l'autre jour
à une séance de travail de la commission voulant qu'on ajoute au
cadre du financement l'expression "les orientations", nous avons souscrit
volontiers à cet amendement, mais à ce moment-là je pense
que nous élargissions considérablement le champ d'exploration de
la commission. Nous sommes prêts à le faire, mais je pense qu'en
pratique nous aurons intérêt à concentrer davantage notre
attention sur les problèmes de financement qui sont à l'origine
des travaux de la commission.
Je voudrais dire que, de notre côté, tout en mettant
l'accent sur ces problèmes de financement qui sont plus urgents, mieux
circonscrits aujourd'hui, qui, par conséquent, peuvent se prêter
à des discussions plus pertinentes, nous n'avons aucune espèce
d'objection à élargir le champ des explorations. Je voudrais
signaler en particulier que les travaux de la commission devraient normalement
fournir l'occasion d'examiner les projets de développement qui peuvent
se poser à l'intérieur de chaque institution, les
problèmes particuliers auxquels ont pu faire face l'une ou l'autre des
institutions qui oeuvrent dans le champ universitaire. Cela viendra au cours
des jours ou des semaines qui suivront, comme l'a dit le président. Nous
ne savons pas exactement le cheminement qui sera suivi en dernière
analyse mais je peux vous dire que, du côté de l'Opposition, nous
voulons surtout que tous ceux qui ont quelque chose à dire de ce point
de vue aient la chance de le dire.
Je mentionnais plus tôt, M. le Président, que la raison
immédiate de la convocation de la commission parlementaire autour du
sujet que nous allons aborder, c'est les politiques asphyxiantes mises en
oeuvre par le gouvernement depuis cinq ou six ans, en particulier depuis
1978-1979. Je ne voudrais pas m'étendre très longuement
là-dessus, je voudrais simplement rappeler quelques faits. Le ministre
aura l'occasion, tantôt, de nous donner sa version des faits, que nous
pourrons évidemment contester par la suite. Je voudrais simplement
résumer les grandes lignes de ce qui s'est passé ces
dernières années, non pas au jugement de l'Opposition mais au
jugement du Conseil supérieur des universités, tel
qu'exprimé dans l'avis qu'il remettait au gouvernement il y a quelques
mois sur le cadre de financement 1984-1985.
D'abord, au cours des cinq dernières années, les coupures
budgétaires imposées aux universités
québécoises ont été plus sévères
qu'en Ontario et dans les autres provinces canadiennes. On sait que nous
engageons un débat extrêmement complexe à ce point de vue
là, mais nous avons eu l'occasion, de notre côté,
d'examiner ces données et nous souscrivons à l'opinion qui
était émise par le Conseil supérieur des
universités.
Deuxièmement, en dollars constants de 1978-1979, les subventions
par étudiant sont passées de 5128 $ en 1978-1979 à 3510 $
en 1984-1985. La subvention par étudiant ne vaut plus en 1984-1985 que
69% de ce qu'elle valait en 1978-1979. Tandis que la clientèle
étudiante passait de 117 000, en 1978-1979, à quelque 147 000
cette année, soit une augmentation de 26%, la part des subventions aux
universités dans le budget total du gouvernement passait de 4,6%, en
1978-1979, à 3,4% en 1984-1985. Dans le même ordre d'idées,
tandis que la part des dépenses gouvernementales dans le produit
intérieur brut du Québec passait de 23,9%, en 1978-1979, à
26,3% en 1984-1985, les subventions aux universités, par rapport au
produit intérieur brut du Québec, passaient de 1,1% à
0,84%.
Enfin, de manière générale, le coût unitaire
par étudiant d'université est maintenant au Québec l'un
des plus bas du pays. Il est important de le signaler parce que, depuis des
mois, la thèse que l'on entend du côté du gouvernement est
exactement contraire. On nous dit que nos coûts sont les plus
élevés de tout le pays et que, par conséquent, il faut
serrer et serrer. Nous voulons bien qu'un effort de discipline soit
nécessaire. Nous voulons bien que les universités portent leur
part de cet effort de discipline parce qu'elles font partie du secteur public
et ne sauraient, par conséquent, échapper à l'effort de
discipline qui s'impose à toute notre collectivité pour qu'elle
soit davantage concurrentielle. Cependant, en nous appuyant, encore une fois,
sur des données présentées par le Conseil des
universités, nous constatons que le coût unitaire par
étudiant d'université est maintenant, au Québec, l'un des
plus bas du pays. En ce qui touche les revenus que les universités
obtiennent des subventions et des frais de scolarité, le Québec,
après avoir été
en avance jusqu'en 1980, n'a cessé depuis ce temps de perdre du
terrain. En 1983-1984, il se rangeait même derrière l'Ontario. (10
h 50)
Les conséquences de cette évolution des dernières
années ont été évoquées souvent. Elles ne
sont malheureusement pas encore assez familières. La principale, c'est
évidemment le vieillissement et le non-renouvellement du corps
professoral. Une deuxième conséquence non moins importante, c'est
l'augmentation du ratio professeur-étudiants. Je ne m'étends pas
sur chacun de ces points parce que nous aurons l'occasion...
Une voix: Est-ce qu'on enregistre?
M. Ryan: On enregistre, on continue. Je ne m'étends pas
sur chacun de ces points parce que nous aurons l'occasion d'y revenir au cours
des séances que tiendra la commission.
L'insuffisance des locaux et des équipements. À ce sujet,
M. le Président, j'émets le voeu que si la commission en
éprouve le besoin, le Bureau de direction de l'Assemblée
nationale consentira à ce que nous allions visiter sur les lieux
certaines institutions qui peuvent avoir à nous soumettre des
problèmes particulièrement aigus de ce côté.
Rétrécissement des options et des programmes, déficits
accumulés dans le cas de certaines institutions et finalement, une
érosion dangereuse du moral des responsables des institutions et des
membres du corps professoral et des autres personnels des universités.
C'est une constatation qu'il m'a été donné de faire
à maintes reprises au cours des derniers mois. Toutes ces politiques ont
eu un effet regrettable sur l'esprit dans lequel fonctionnent
présentement nos institutions universitaires. Cet esprit n'est
sûrement pas des plus propices dans les conditions actuelles à la
créativité que l'on est en droit d'attendre de ce milieu.
Le gouvernement a fait des efforts importants ces derniers mois pour
mettre au point des orientations qui permettraient d'envisager le financement
des universités avec plus de réalisme. On s'était rendu
compte que le mode de financement suivi depuis une quinzaine d'années
était dépassé à bien des égards, qu'il
donnait naissance à des inégalités qui
défavorisaient évidemment certaines institutions au profit
d'autres institutions. On a mis au point pour l'année 1984-1985 deux
documents extrêmement importants, un premier s'intitule "Étude
comparative des bases de financement des universités du Québec"
et contient des éléments d'une nouvelle méthode de
financement qui serait davantage fondée sur la réalité
diverse et multiforme des universités. Le deuxième s'intitule
"Cadre de financement du réseau universitaire pour l'année
1984-1985" qui propose d'abord, comme son titre l'indique, des orientations
pour l'année 1984-1985 mais qui contient également, du moins en
germe dans bien des cas, et d'autres fois de manière très
explicite, des orientations susceptibles d'engager l'avenir pour très
longtemps. C'est à l'occasion de la publication de ces documents - ils
n'ont pas été publiés ils ont été remis aux
institutions concernées en mai dernier, il a fallu que nous en
découvrions l'existence par la communication qui se fait entre les
institutions et les députés.
Finalement, au cours de l'été, nous avons pu prendre
connaissance de ces documents, nous avons constaté qu'ils devaient
donner lieu à un débat public approfondi. Je pense qu'un des
facteurs qui ont attiré notre attention, cela a été les
expressions d'opinions qu'on a entendues en provenance de plusieurs
institutions universelles. Je pense que c'est comme cela que l'attention des
parlementaires a été attirée sur les développements
très importants qui étaient en train de se produire. Plusieurs
institutions - que je ne nommerai point pour l'instant - ont fait des
représentations et nous nous sommes dit que nous avons le devoir de nous
pencher de très près sur les implications de ce document.
Pour l'instant, je voudrais résumer très brièvement
la position de départ de l'Opposition sur le sujet que nous abordons. Ce
sera très simple. Premièrement, il faut mettre fin au
régime de compressions souvent aveugles et extrêmement
coûteuses que le gouvernement impose depuis six ans aux
universités du Québec. Deuxièmement, il faut mettre au
point un nouveau mode de financement qui tiendra compte au maximum de toutes
les données de la réalité universitaire et qui comportera
le maximum d'objectivité et de stabilité pour l'avenir.
À cet égard, le projet de mode de financement que le
gouvernement a mis au point est un point de départ très valable.
Nous n'entendons pas minimiser l'importance et la qualité du travail
extraordinairement poussé qui a été accompli par le
ministre et ses collaborateurs de ce côté. Nous trouvons,
cependant, que la base de référence qui doit servir à un
nouveau mode de financement doit faire l'objet d'un large accord parmi tous les
milieux intéressés et que la base de référence qui
a été retenue pour la mise au point du mode de financement
contenu ou esquissé dans le cadre de financement 1984-1985 donne lieu
à beaucoup de contestations. Il faudra en faire une vérification
sérieuse. Et je crois qu'après les débats comme ceux que
favorisera la commission il devrait être possible pour le gouvernement
d'établir une base de référence qui soit davantage
satisfaisante pour tout le monde.
Dans le cadre de financement, surtout dans les passages qui sont
consacrés au nouveau mode de financement, il y a des
principes que j'appellerais nouveaux qui sont mis de l'avant par le
gouvernement, spécialement en ce qui concerne le financement du
développement universitaire, qui devront être examinés de
très près. Parce que j'ai l'impression que, sous prétexte
de rationalité et de discipline, on est en train d'introduire une
conception tout à fait inédite des rapports entre le gouvernement
et les universités. Je pense que ce sujet devra être approfondi et
tous les passages du document qui sont consacrés à cette question
doivent ouvrir la porte à un débat très large sur les
rapports entre le gouvernement et les universités dans l'avenir.
Nous sommes parfaitement ouverts à la recherche d'un nouveau mode
de financement. Nous trouvons encore une fois que des pas très
importants ont été accomplis et qu'avec des débats comme
ceux que nous aurons il devrait y avoir moyen, pour le gouvernement, de mettre
au point des conclusions qui pourront valoir pour plusieurs années
à venir.
Finalement, nous considérons qu'il faut apporter, dès
1984-1985, des correctifs au programme de financement qui a été
mis de l'avant par le gouvernement. Le programme de financement mis de l'avant
par le gouvernement a été soumis à l'avis du Conseil des
universités comme le veut la pratique. Le Conseil des universités
a émis des opinions assez exigeantes à ce sujet. Nous avons
également émis un certain nombre d'opinions que je voudrais
rappeler à ce moment-ci parce qu'il me semble que cela va
compléter la présentation de notre point de vue.
D'abord, nous trouvons que les mesures de redistribution que le
gouvernement veut mettre en oeuvre dès l'année 1984-1985 sur la
base du nouveau mode de financement devraient être suspendues tant que
l'examen de la commission parlementaire n'aura pas été
terminé et que celle-ci n'aura pas soumis ses recommandations. Ce
nouveau mode de distribution ou ce projet de redistribution d'une partie des
ressources suppose que la base de référence sur laquelle on
s'appuie soit juste. Or, nous constatons qu'elle est mise en question par
plusieurs. Il nous semble d'élémentaire logique qu'avant
d'appliquer cette base de référence on se soit assuré
qu'elle soit, sinon universellement acceptable - ce qui est très
difficile - du moins justifiable et défendable du point de vue de
l'esprit qui regarde ces choses avec le souci de l'objectivité. Comme
cet exercice n'a pas été fait jusqu'à maintenant, nous
trouvons qu'il serait d'élémentaire logique que le gouvernement
informe dès maintenant les institutions universitaires que cette partie
du cadre de financement 1984-1985 n'aura pas de suite tant que l'examen
envisagé par la commission n'aura pas eu lieu.
Deuxièmement, nous trouvons que l'enveloppe prévue pour le
financement des universités en 1984-1985 devrait être
augmentée conformément à l'avis qui a été
émis par le Conseil des universités et nous considérons,
en particulier, qu'une somme additionnelle de 5 000 000 $ devrait être
mise à la disposition des universités pour le financement des
clientèles additionnelles dans les disciplines non reliées au
virage technologique. On est en train d'opérer un clivage dans le
développement de nos universités qui va être
extrêmement nocif à court et à long terme. Il n'y a pas,
dans mon esprit à moi, de discipline de première zone, de
deuxième zone et de troisième zone. Il y a des disciplines qui
sont dignes de l'attention des universités ou qui ne le sont point,
mais, si elles sont dignes de l'attention des universités... Il me
semble que l'histoire est aussi importante que les champs les plus
avancés de la technologie. On peut trouver qu'on n'a pas de place pour
avoir 5000 étudiants en histoire dans les universités du
Québec. C'est très bien, mais je pense qu'une fois qu'on admet
que telle discipline a sa place dans le champ des disciplines universitaires,
agir comme s'il y avait des disciplines de première classe, de
deuxième classe et de troisième classe, c'est un principe
discriminatoire qui doit être sérieusement mis en question. Par
conséquent, nous souscrivons entièrement à l'avis du
Conseil des universités qui a demandé pour l'année
courante qu'une somme additionnelle de 5 000 000 $ soit libérée
pour le financement des clientèles additionnelles dans les secteurs non
reliés, au jugement du gouvernement, aux progrès
technologiques.
Nous demandons également qu'une somme additionnelle de 5 000 000
$ soit prévue pour le financement des frais accrus de location que
devront encourir les universités par suite du
rétrécissement des programmes d'investissement déjà
approuvés pour les années 1982-1987 et 1983-1988. J'émets
cette recommandation avec les réserves nécessaires. Je sais que
le gouvernement a mis au point depuis quelque temps un programme quinquennal
pour la période 1984-1989. Si mes renseignements sont exacts, ce
programme est à l'examen présentement au Conseil des
universités. Si, évidemment, on a procédé à
des changements dans les choses qui étaient de connaissance publique
jusqu'à la fin de l'été, nous serons très heureux
d'en prendre note et si ça devait changer cette recommandation-ci, nous
le comprendrons facilement.
Nous demandons également qu'une somme de 1 500 000 $ soit
libérée pour mettre en oeuvre dès cette année une
première étape du programme de maintien et de renouvellement du
corps professoral préconisé par le Conseil des universités
dans son avis sur le maintien et le renouvellement
du personnel scientifique, qui a été émis, si mes
souvenirs sont bons, en mai dernier.
Nous demandons que le gouvernement aborde avec beaucoup de prudence le
problème de l'augmentation des frais de scolarité exigés
des étudiants étrangers et des étudiants en provenance des
autres provinces canadiennes inscrits dans les universités du
Québec.
Nous demandons que le gouvernement répartisse en entier - ceci
pourrait sembler un peu technique mais c'est parce que je ne voudrais pas qu'on
pense que nous l'avons oublié - entre les universités, selon les
critères qui ont présidé au prélèvement
effectué à même l'enveloppe budgétaire de 1983-1984
à cette fin, la somme de 10 000 000 $ qui avait été mise
de côté en 1983-1984 pour l'implantation d'un nouveau mode de
financement universitaire.
Nous demandons finalement que le gouvernement ramène les budgets
d'investissements des universités au niveau qui avait été
approuvé par le ministère de l'Éducation dans ses projets
de plans quinquennaux de 1982-1987 et de 1983-1988.
Nous sommes très fiers du progrès général
qui a été accompli par le Québec dans le secteur
universitaire depuis 1960. Le Québec est entré de plain-pied dans
l'époque moderne en matière universitaire. Au cours des 25
dernières années, nous nous sommes dotés d'un
réseau d'institutions et de services universitaires qui nous permettent
de nous comparer avantageusement aux plus grandes provinces canadiennes. Sur
cette base, je crois qu'après la parenthèse malheureuse que nous
avons connue au cours des cinq ou six dernières années nous
devons envisager un nouveau départ. Un départ qui sera
fondé sur des bases plus solides, un peu plus généreuses
et aussi plus stables que ce régime de compressions souvent arbitraires
que nous avons connu au cours des dernières années.
Je veux assurer mes collègues et les représentants du
monde universitaire qui sont ici que le parti dont je fais partie, avec mes
collègues de l'Opposition, a toujours porté une grande attention
au développement de l'éducation et en particulier au
développement du monde universitaire. Tous les grands
développements qu'a connus le Québec en matière
d'éducation depuis le début du siècle ont
été fortement influencés par le Parti libéral du
Québec. Je veux vous assurer qu'en tout ce qui touche l'éducation
et en particulier le développement des universités nous entendons
continuer à oeuvrer pour que notre parti fournisse une contribution
positive et créatrice. Merci, M. le Président. (10 h 45)
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de Fabre et
adjoint parlementaire du ministre de l'Éducation.
M. Michel Leduc
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Si, de notre
côté, nous avons accepté d'aller en commission
parlementaire sur la question centrale du cadre de financement proposé,
c'est à cause de l'importance du sujet pour l'avenir du réseau
universitaire et de la société québécoise, compte
tenu des orientations que sous-tend le cadre de financement et compte tenu du
contexte d'austérité financière avec lequel doivent
composer les universités de même que les autres institutions
financées par le gouvernement depuis un certain nombre d'années.
Toutes ces questions reliées au cadre de financement et aux orientations
méritent donc, à notre point de vue, d'être scrutées
de près par la commission parlementaire.
Pour nous, cependant, une question fort importante se profile dans toute
cette discussion: qui doit être le maître d'oeuvre de la
coordination et de la planification, c'est-à-dire des orientations en
matière de développement universitaire? Il ne fait pas de doute,
quant à nous, que ce doit être le Québec en liaison avec
les universités, bien sûr, et non le gouvernement
fédéral qui, avec la loi C-12, vise une planification centrale
qui fait de plus en plus d'adeptes au Canada anglais, sans compter la perte
d'une subvention évaluée globalement à 400 000 000 $ pour
les universités canadiennes, à cause d'une limitation des
transferts de paiement aux provinces à 6% et à 5% inscrits dans
la même loi.
Comment réagissent les universités
québécoises face à l'empiétement du gouvernement
fédéral dans un domaine de juridiction provinciale? Doit-on
partager l'opinion de l'éditorialiste qui émettait le commentaire
suivant à propos de nos universitaires: "II est assez étonnant de
les voir se rebeller contre la moindre intervention de l'État
québécois et regarder tranquillement s'avancer le train autrement
plus puissant qui vient d'Ottawa". Si tel est le cas, il y a lieu de
s'inquiéter et la présente commission devrait nous permettre d'y
voir clair. Nous sommes, par ailleurs, conscients que l'enseignement
universitaire doit faire face à des défis nouveaux,
provoqués par l'augmentation continue des clientèles et par le
développement des nouvelles technologies. Le défi consiste
à maintenir l'accessibilité et la qualité des services
avec un nombre accru d'étudiants et des moyens restreints par rapport au
passé.
Nous souhaitons donc que cette commission puisse apporter sa
contribution de façon à mieux départager les enjeux et les
responsabilités de chacun des intervenants et que nous puissions
déboucher sur des recommandations au gouvernement qui seront de l'ordre
des moyens appropriés pour que
nos universités demeurent des outils essentiels de la promotion
de notre société et pour que soient réunies les conditions
permettant à l'enseignement supérieur de faire face aux
problèmes actuels. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Fabre. Nous allons maintenant céder la parole
à notre invité, le ministre de l'Éducation. M. le
ministre.
Exposé du ministre M. Yves
Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Effectivement, lorsque nous avons...
Le Président (M. Charbonneau): Je m'excuse, M. le
ministre. Est-ce qu'il vous serait possible, pour les fins du journal des
Débats, de présenter les gens qui vous accompagnent?
M. Bérubé: Oui.
Le Président (M. Charbonneau): On me signale que... En
fait, cela concerne surtout ceux qui, éventuellement, pourraient
être appelés à intervenir à vos
côtés.
M. Bérubé: M. le Président, je suis
accompagné de la sous-ministre aux réseaux universitaire et
collégial, Mme Michèle Fortin, de M. Michel Robillard qui
s'occupe de financement au niveau du réseau universitaire, et de M.
Martin Desmeules. Cet après-midi, mon collègue, le ministre
Jacques Parizeau, viendra en commission parlementaire pour traiter plus
précisément d'une des questions qui étaient inscrites
à l'agenda, soit la participation fédérale au financement
des universités. Par conséquent, j'aurais tendance, pour les
questions qui s'adresseraient à ce point particulier, à demander
qu'on les reporte à cet après-midi dans la mesure du possible, de
manière qu'il puisse participer à la discussion. Ce serait, du
moins pour l'instant, l'ensemble des gens qui m'accompagneraient.
Le Président (M. Charbonneau): Pour les fins
d'organisation des travaux, M. le ministre, est-ce que vous vous êtes
entendu avec votre collègue des Finances sur un moment particulier
où il serait ici?
M. Bérubé: À 16 h 30 cet
après-midi.
Le Président (M. Charbonneau): Il serait disponible
à partir de 16 h 30.
M. Bérubé: C'est cela.
Le Président (M. Charbonneau):
D'accord. Merci.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Vous avez
bien fait, tant vous que le porte-parole de l'Opposition en matière
d'éducation, de souligner l'accord total de tous les intervenants pour
organiser une telle commission parlementaire. Il ne fait aucun doute dans mon
esprit que les discussions que nous allons avoir nous permettront
peut-être de mieux saisir la nature de l'effort qui a été
demandé au réseau universitaire au cours des dernières
années et nous permettront plus particulièrement de voir quels
sont les choix qui s'offrent à nous comme société, le but
de cette commission étant d'éclairer, dans le fond, le processus
politique de prise de décisions tant au niveau de l'approbation des
budgets qu'au niveau de la confection des budgets par l'exécutif.
Je tenais à souligner mon appui le plus total lorsque vous m'avez
fait part de ce désir de la commission de se pencher sur la question du
financement universitaire. Je crois effectivement que le temps était
mûr pour entreprendre une discussion publique sur la base d'une
information dont nous disposons maintenant et qui nous permet, je pense, de
mieux saisir les enjeux et de mieux voir quels sont les choix qui s'offrent
à nous.
J'ai préparé à l'intention de la commission un
premier exposé qui, je pense, d'une part, évitera - c'est une des
grandes habiletés du député d'Argenteuil - qu'on me
prête des propos légèrement assaisonnés de
manière à mieux les pourfendre ultérieurement. Pour lui
éviter de s'adonner trop facilement à cet exercice, j'ai
pensé que je prendrais le temps de bien définir ma position, car
effectivement, comme ministre de l'Éducation, je n'ai pas eu l'occasion
au cours des derniers mois, depuis ma nomination, de faire quelque commentaire
que ce soit concernant le niveau de financement des universités, son
adéquation ou, plus encore, devrais-je parler des choix que nous devons
faire face au réseau universitaire et à son financement. Par
conséquent, c'est aujourd'hui véritablement ma première
intervention sur le sujet et les propos que je tiendrai le député
d'Argenteuil pourra me les attribuer en bonne et due forme.
Au printemps dernier, le ministère de l'Éducation
soumettait à la consultation des universités un projet de cadre
de financement pour l'année 1984-1985. En juin, je transmettais ce
document pour avis au Conseil des universités, en même temps que
des représentants du ministère rencontraient chacune des
universités pour recueillir leurs commentaires sur ces propositions.
L'intérêt et les débats suscités par ce document, de
même que des inquiétudes relatives à la situation
financière des universités ont suscité la tenue de cette
commission
parlementaire.
Mon exposé portera donc sur l'ensemble de la question du
financement des universités. J'y aborderai tout d'abord la question du
niveau des ressources consacrées aux universités pour traiter
ensuite plus spécifiquement du cadre de financement et de ses
orientations. J'exposerai enfin à la commission quels sont les choix qui
se présentent à nous aujourd'hui, en espérant que les
débats des prochains jours sauront nous éclairer.
Parlons d'abord des ressources consacrées aux universités
pour aborder, en tout premier lieu, la situation économique
québécoise. En fait, dès la fin des années
soixante-dix et au début des années quatre-vingt,
l'économie du Québec, comme l'ensemble des économies
environnantes, a dû faire face à des changements importants.
Ainsi, le taux de croissance du produit intérieur brut, qui avait
été en moyenne de 4,2% avant 1975, est tombé à 2,7%
entre 1975 et 1980 alors qu'au même moment les taux
d'intérêt et le chômage atteignaient des niveaux sans
précédent.
Cette crise économique qui a touché l'ensemble des pays
occidentaux a eu pour conséquence directe une
détérioration rapide des équilibres budgétaires de
tous ces gouvernements occidentaux. Au Québec... Je vais être
obligé de prendre un Contac... As-tu une pastille?
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Bérubé: Je traîne malheureusement une
mauvaise grippe, M. le Président, et je pensais m'en être
débarrassé. Mais, hélas! Contac C n'a pas
triomphé.
Le Président (M. Charbonneau): Nous constatons, M. le
ministre, que votre éloignement nous évitera de la "contacter"
à notre tour.
M. Bérubé: Je crains d'ailleurs que ce soit un
contact avec le président du Conseil du trésor, qui était
aux prises avec une terrible grippe cette semaine, qui a essaimé dans ma
direction, M. le Président.
Cette crise économique a touché l'ensemble des pays
occidentaux. Elle a eu pour conséquence directe une
détérioration très rapide des équilibres
budgétaires de tous le gouvernements. Au Québec, la croissance
moins rapide de la richesse collective, la diminution des rentrées
fiscales qui était consécutive à l'accroissement du
chômage, la croissance des taux d'intérêt rendant le
coût du financement excessif et, finalement, l'augmentation des
coûts des programmes sociaux ont exercé une pression sans
précédent sur les finances de l'État, limitant ainsi la
marge de manoeuvre nécessaire pour répondre aux nouveaux besoins
sociaux suscités par la crise: soutien aux entreprises, création
d'emplois.
Durant la même période, le gouvernement
fédéral venait accentuer cette pression en faisant porter par les
provinces une partie de ses propres efforts de réduction des
dépenses par une diminution des paiements de transfert. Dans le seul
secteur de l'enseignement secondaire, entre 1976 et 1983, le taux de
participation du gouvernement fédéral dans le cadre du
financement des programmes établis passait de 22,1% à 19,2% des
dépenses, privant ainsi l'ensemble du Québec d'une somme
d'environ 63 000 000 $ pour les universités uniquement. Cela
m'apparaît un point important, comme nous le verrons plus loin.
Cette situation de restrictions budgétaires a donc conduit le
gouvernement, dès la fin des années soixante-dix, à une
révision globale de ses différents programmes économiques
et sociaux. Les universités ne pouvaient pas, évidemment,
être soustraites à cet examen.
Examinons la situation des universités à la fin des
années soixante-dix. Comme il n'existe pas d'absolu en termes de niveau
de financement de programmes éducatifs ou sociaux, la comparaison avec
des systèmes voisins relativement semblables permet d'évaluer
avec plus de justesse notre position relative et les tendances qui s'y
dessinent. C'est pourquoi, même si l'on a parfois critiqué la
comparaison de notre système avec celui de l'Ontario, cette
méthode m'apparaît encore pertinente pour nous permettre de poser
un diagnostic sur la situation d'alors et sur celle d'aujourd'hui. Alors qu'en
1972, pour l'ensemble des indicateurs connus, le Québec était en
retard sur l'Ontario quant aux ressources qu'il consacrait aux
universités, il la dépassait ou l'égalait pour tous les
mêmes indicateurs en 1980. En effet, au cours de cette année de
référence, la part du PIB que le Québec consacrait aux
universités était supérieure de 43% à celle de
l'Ontario. Les dépenses par habitant étaient de 19% plus
élevées au Québec. Les subventions par étudiant,
additionnées des frais de scolarité, étaient alors de
près de 700 $ plus élevées au Québec, et ceci en
tenant compte des différences structurelles propres à chacun des
systèmes et sans tenir compte du niveau relativement moins
élevé de la richesse au Québec, soit dit en passant.
Si un tel niveau de ressources s'était accompagné d'un
pareil niveau de performance, d'un niveau d'excellence sans égal,
peut-être aurait-on été alors tenté de le justifier
et de le préserver. Toutefois, un examen plus attentif de la situation
d'alors, tout en mettant en relief des signes de développement
importants, laissait entrevoir un certain nombre de carences. Même si la
plus courte tradition de certaines de nos
universités québécoises peut en partie expliquer et
excuser ces retards, il n'en demeure pas moins que notre système
universitaire présentait alors des signes de faiblesse importants. Tout
d'abord, sur le plan de l'accès à l'université des moins
de 30 ans, le Québec avait un taux d'accès inférieur de 9%
à celui de l'Ontario pour l'ensemble des étudiants et de 20%
inférieur pour les étudiants inscrits à temps complet.
Également, la proportion des étudiants à temps partiel
dont le nombre s'est accru rapidement durant les années soixante-dix
atteignait 30% des étudiants équivalance temps complet au
Québec contre environ 20% en Ontario. Aux deuxième et
troisième cycles, si la proportion des inscrits était
sensiblement la même, c'est au niveau de la diplomation que le retard au
Québec était le plus évident puisque le même nombre
d'inscrits produisait 30% moins de diplômés. À la
maîtrise en particulier, en 1975, on devait compter 3,2 étudiants
inscrits pour former un diplômé alors que l'Ontario n'en comptait
que 1,8. Cette faiblesse dans la productivité du système
expliquait à elle seule 80% de l'écart en faveur de l'Ontario au
chapitre du nombre de maîtrises décernées. (Il heures)
Sur le plan de la recherche, enfin, le Québec recevait des
organismes subventionnaires fédéraux des montants
inférieurs à son poids relatif au Canada, sa performance
étant plus faible dans tous les secteurs sauf celui des sciences de la
santé.
La conclusion de cet examen amenait donc le gouvernement à
conclure que des gestes importants devaient être posés pour
réduire les coûts de l'enseignement universitaire, nettement plus
élevés qu'ailleurs, tout en incitant les universités
à améliorer leur performance. C'est pourquoi le gouvernement
décida alors de poursuivre concurremment un double objectif:
réduire les coûts unitaires de l'enseignement universitaire;
maintenir une politique d'accessibilité à l'université par
une politique de partage de l'effort de l'accueil des clientèles
additionnelles par l'ensemble des universités.
Parlons maintenant des compressions budgétaires. Le
ministère évalue à 230 500 000 $ le total des compressions
imposées au réseau universitaire depuis 1978-1979, ce montant
excluant les compressions salariales découlant de l'application de la
loi 70. Ces compressions ne sont toutefois pas de nature identique et peuvent
être ventilées en trois catégories distinctes. Tout
d'abord, une somme de 117 000 000 $ résulte de la volonté
gouvernementale de réduire les coûts. Je dirais le
célèbre Conseil du trésor. Elle s'est exprimée
à la fois par des compressions explicites de l'ordre de 67 000 000 $ et
par une sous-indexation des dépenses d'environ 50 000 000 $. De cette
somme, environ 55 000 000 $ - je devrais dire 63 000 000 $ à la suite
d'un ajustement par le ministère des Finances environ 63 000 000 $
permirent de compenser le manque à gagner résultant des coupures
dans les paiements de transfert du gouvernement fédéral. Disons
donc que les compressions ont profité à parts égales
essentiellement au gouvernement du Québec et au gouvernement
fédéral: 117 000 000 $ partagés en 60 000 000 $-60 000 000
$.
Deuxièmement, une somme de 98 500 000 $ résulte de
l'application d'une politique d'accès à l'université qui a
été maintenue tout en étant autofinancée en
très grande partie par les universités elles-mêmes. Les
principaux bénéficiaires de cette politique furent donc les
quelque 38 500 étudiants additionnels qui se sont vu ouvrir les portes
de l'université malgré une situation de restriction
budgétaire importante.
Enfin, une somme de 15 000 000 $ provient du manque à gagner que
les universités ont dû assumer comme conséquence du gel des
frais de scolarité pour étudiants québécois et
canadiens. Cette fois, ce sont les familles des étudiants qui ne sont
pas bénéficiaires du régime d'aide financière qui
ont profité le plus de cette mesure.
En d'autres termes, M. le Président, ceux qui ont profité
des compressions budgétaires, ce sont pour 98 000 000 $ les nouvelles
clientèles qui ont eu accès à l'université et qui
autrement n'y auraient pas eu accès, ce sont les deux gouvernements
d'Ottawa et de Québec qui, tous les deux, ont
récupéré une somme à peu près
équivalente de 60 000 000 $ et, enfin, ce sont les étudiants ou
leurs familles qui ont récupéré quelque 15 000 000 $.
Voilà qui a profité des compressions budgétaires. Il est
parfois important, lorsqu'on parle du patient, de s'interroger également
sur ceux qui ont profité finalement des décisions qui ont
été prises.
Comparativement au secteur de la santé, auquel certains
intervenants se sont plu à comparer les compressions du secteur de
l'enseignement postsecondaire, voici quelle est la situation par rapport
à la part relative du PIB. Ces données excluent les services de
la dette et la contribution du gouvernement à l'aide sociale.
On constatera qu'en 1982-1983, la santé représentait 4,01%
du PIB contre 3,6% en 1984-1985. Du côté universitaire,
c'était de 1,2% en 1982-1983 pour baisser à 1,1% en 1984-1985. Il
y a donc eu décroissance dans les deux cas: d'à peu près
3,2% dans un cas et de 3,4%, dans l'autre. Ces résultats permettent de
constater que la politique gouvernementale est, à peu de chose
près, équivalente dans les deux missions.
Cette conclusion ne saurait, d'ailleurs, surprendre puisqu'elle vaut
essentiellement
pour toutes les missions de l'État. Je pense qu'une fois pour
toutes il faudrait démystifier cet argument que tous peuvent nous
servir, dans quelque domaine qu'ils soient au Québec. Il faudrait, une
fois pour toutes, qu'on comprenne pourquoi. Elle résulte essentiellement
de deux causes: les services de la dette et l'aide aux victimes du
chômage. Les deux récessions de 1974 et de 1981 ont
déséquilibré les finances publiques d'à peu
près tous les États occidentaux. Des déficits accrus ont
engendré des dépenses additionnelles en service de la dette,
lesquelles ont comprimé les autres dépenses. En fait,
disons-le-nous, nos sociétés consacrent de plus en plus de leurs
revenus courants à défrayer des services passés,
réduisant d'autant les moyens pour faire face aux besoins courants.
Ainsi, en dépit d'une croissance continue de l'importance des
dépenses publiques dans le produit intérieur brut, l'importance
des missions traditionnelles de l'État doit décroître.
Ce qui importe donc, c'est d'examiner l'évolution relative de ces
diverses missions. En d'autres termes, tous les ministères peuvent
invoquer que leur budget connaît une part décroissante du budget
de l'État parce que tout le monde veut oublier ce que coûte la
croissance de l'aide sociale et du service de la dette. Si on prend en compte
ces deux facteurs, tous se retrouvent sur un pied d'égalité et
constatent essentiellement que leur position n'a pas varié. Ainsi, si
l'on ajoute les subventions gouvernementales au chapitre de la recherche, les
ressources dont dispose le réseau universitaire par rapport au PIB ont
moins diminué. En fait, nous n'avons pas voulu réduire l'effort
de recherche au Québec et, comme les subventions n'ont donc pas connu
cette décroissance, nous constatons que la part du PIB consacrée
à l'enseignement universitaire et à la recherche, cette fois-ci,
décroît de 3,2% au lieu de 3,4%.
Ce n'est pas tout. Si on tient compte aussi des bourses octroyées
aux étudiants, le traitement gouvernemental est de loin plus favorable
à l'égard du système universitaire car nous avons
accueilli ses clientèles additionnelles en leur garantissant une aide
financière qui n'a subi aucune compression. Ceci porte, à ce
moment, la part du PIB consacrée à l'enseignement universitaire,
à la recherche et aux prêts-bourses de 1,4%, en 1982-1983,
à 1,34% en 1984-1985, c'est-à-dire une décroissance de
1,8%. En d'autres termes, contrairement à ce qui peut être
affirmé trop rapidement, l'ensemble des dépenses touchant
l'éducation universitaire a décru moins rapidement que pour les
autres missions gouvernementales.
Il est donc erroné de prétendre que le réseau
universitaire a fait seul les frais de la crise économique. Au
contraire, on pourrait prétendre que l'éducation universitaire a
globalement moins écopé que d'autres secteurs sans pour autant
affirmer que les universités ont été
épargnées. En effet, durant les sept dernières
années, le gouvernement a imposé aux universités un triple
défi: tout d'abord, réduire considérablement leurs
dépenses et maintenir une situation financière saine;
deuxièmement, continuer d'accueillir de nouveaux étudiants de
façon à combler l'écart qui nous séparait de nos
voisins en matière de taux d'accès; troisièmement,
concentrer leurs efforts vers le développement des études
à temps complet des secteurs lourds, des études avancées
et de la recherche.
Après sept années d'austérité, deux
questions se posent aujourd'hui: Où en sommes-nous? De là,
où allons-nous?
Parlons maintenant de la situation des universités aujourd'hui.
Au strict plan financier, d'abord, tel qu'on peut l'observer dans les
états financiers, l'ensemble des universités du Québec
qui, en 1977-1978, montrait un surplus accumulé d'à peu
près 19 000 000 $ fait face, aujourd'hui, à un déficit
accumulé de 3 500 000 $. Quatre universités montrent un
déficit budgétaire, alors que les cinq autres montrent un
surplus. Sur une enveloppe de près de 1 000 000 000 $, cette situation
globale n'est pas catastrophique. Il faut apprécier ici toute la rigueur
des administrateurs d'universités qui ont su maintenir de hauts
standards de gestion dans un contexte budgétaire délicat.
Quelques universités, il faut le reconnaître, connaissent des
situations plus difficiles que les autres, mais sur un plan d'ensemble
l'équilibre budgétaire n'a pas été rompu.
Quelles ont été, par ailleurs, les conséquences
d'une telle austérité sur la situation des universités
quant aux ressources à consacrer à l'enseignement et à la
recherche? Par rapport à la province de l'Ontario, laquelle a
constitué un premier point de référence dans notre
diagnostic, où en sommes-nous rendus?
Malgré les compressions dont on vient de faire état, il
faut noter immédiatement que la part de sa richesse collective que le
Québec consacrait à ses universités n'a pas diminué
entre 1972-1973 et 1984-1985, deux périodes aux couleurs politiques
différentes. Elle s'est plutôt accrue, passant de 1,18% à
1,32% alors qu'elle décroissait de 1,38% à 1% en Ontario.
L'écart entre le Québec et l'Ontario est donc passé de
moins 14% à plus 25% pour le Québec.
On trouvera, M. le Président, un tableau traitant des revenus de
fonctionnement en pourcentage du PIB. Nous avons utilisé l'ensemble des
revenus de fonctionnement aux fins de comparaison, car ne tenir compte que des
revenus de subventions a l'inconvénient de fausser la comparaison avec
l'Ontario où les frais de
scolarité sont nettement plus élevés et ne
décrit pas véritablement, à ce moment-là, les
ressources dont disposent nos universités, ce qui explique très
fréquemment un ensemble de chiffres non conciliables. Nous avons
tenté, dans une fiche à la disposition des membres de cette
commission, de concilier à peu près tous les paramètres
que l'on pourrait vouloir utiliser pour décrire une seule et même
situation, M. le Président. Vous y verrez, à ce moment-là,
l'importance des revenus de fonctionnement en pourcentage du PIB, montrant que
le Québec consacre une part beaucoup plus importante de sa richesse au
fonctionnement de ses universités.
Cet effort additionnel n'a pas compensé toutefois le coût
réel de la croissance de la population étudiante. En effet, c'est
lorsqu'on mesure l'évolution des coûts par étudiant, ces
derniers comprenant la somme des subventions de fonctionnement et des frais de
scolarité, que l'on peut le mieux comprendre l'impact des restrictions
budgétaires sur les ressources allouées aux universités.
Alors que ces coûts, en 1980-1981, étaient supérieurs de
12% à ceux de l'Ontario, ils sont maintenant inférieurs de 5%.
C'est ce que le tableau décrit. Ensuite, il montre qu'en 1984-1985 les
subventions au Québec par étudiant, incluant les frais de
scolarité, représentent 7130 $ alors qu'en Ontario ils
représentent 7510 $. Ces chiffres illustrent mieux que tout autre
commentaire comment par l'accroissement de la productivité et la
diminution des coûts on a pu faire place aux nouveaux étudiants
arrivant en masse des collèges et aux adultes désireux de
poursuivre des études universitaires.
L'examen de l'évolution des diverses catégories de
dépenses des universités du Québec et de l'Ontario permet
de mieux comprendre les stratégies de réduction de
dépenses des universités. Les universités ont d'abord
réduit les dépenses non salariales qui dès 1981 sont
comparables à celles de l'Ontario. À compter de 1980, on observe
une réduction des dépenses salariales des personnels non
enseignants, les premiers touchés. En 1981, les salaires des enseignants
sont touchés et même les avantages sociaux. En 1982, toutefois,
les salaires des enseignants demeuraient de 10% plus élevés au
Québec et les coûts des avantages sociaux dépassaient de
50% ceux payés en Ontario, dans une situation de difficultés
financières, il va sans dire.
Concurremment à ces réductions de dépenses,
l'accueil de nouveaux étudiants sans ajout de ressources additionnelles
a aussi eu un impact sur les charges de travail des enseignants. Si on se
limite à un indice grossier, soit celui du rapport
étudiants-professeur régulier, on note une augmentation
d'étudiants par professeur de l'ordre d'environ 20%, ce ratio passant de
15 pour un, en 1976-1977, à 18,1 pour un, en 1982-1983. Ce ratio est
maintenant inférieur de 4% à celui qui est observé en
Ontario. Cette infériorité est cependant largement
compensée par un ratio d'étudiants par chargé de cours de
32% plus élevé au Québec qu'en Ontario. (11 h 15)
En bref, devant la croissance des coûts et la rareté des
ressources, les universités ont augmenté leur ratio
étudiants-professeur régulier soit en diminuant les choix de
cours, soit en augmentant la taille des groupes.
Ces quelques exemples illustrent bien, je crois, l'effort
d'amélioration de la productivité que se sont imposé les
universités. Des résultats analogues pourraient sans doute
être obtenus si l'on examinait de la même façon diverses
autres composantes de la réalité universitaire.
Si les universités n'avaient réalisé que les
efforts décrits plus haut, elles devraient être
félicitées pour leur bonne gestion dans un contexte
budgétaire difficile. Là, toutefois, où elles
méritent encore davantage notre considération est que, ce
faisant, elles ont continué à améliorer la performance du
système et à combler certaines des défaillances
notées à la fin des années 1970.
Sur le plan de l'accès aux études universitaires pour les
moins de 30 ans, si l'on tient compte de l'accès par la voie de la
fréquentation à temps partiel, le Québec a rattrapé
son voisin. En 1981, l'accès à l'université pour les
francophones de moins de 30 ans atteignait 23,5%, pour une moyenne
québécoise de 23,8%. C'est dire à quel point le rattrapage
s'est fait rapidement. Quant à l'accès des femmes, à
24,3%, il dépasse aujourd'hui celui des hommes à 23,3%.
Globalement, nous pouvons donc nous féliciter de ce que la
période d'austérité ne semble pas avoir ralenti la
volonté d'ajustement de notre réseau universitaire aux besoins
des Québécois, bien au contraire.
Une analyse plus raffinée nous amènerait certes à
noter un retard encore perceptible dans la fréquentation à temps
complet chez les francophones. Toutefois, cette situation devrait
progressivement se corriger. On observe, en effet, depuis 1981, une croissance
plus rapide des étudiants à temps complet que des
étudiants à temps partiel et ceci est vrai pour chacune des
années. De plus, les nouveaux étudiants s'orientent davantage
vers des programmes de baccalauréat, de maîtrise et de doctorat.
Ils se concentrent successivement dans quelques secteurs disciplinaires:
l'administration ou les sciences appliquées et enfin, à l'automne
1983, les sciences pures.
De la même façon, durant toute cette période, les
taux de diplomation se sont accrus plus vite qu'en Ontario. Au premier
cycle, les taux de diplomation soutiennent maintenant la comparaison
avec ceux de l'Ontario. Aux deuxième et troisième cycles,
toutefois, la situation n'a guère évolué et l'écart
demeure encore trop important, de 30%. Cette situation a, d'ailleurs,
été fort bien documentée par le Conseil des
universités.
De fait, il faut admettre que l'encadrement au niveau du premier cycle a
connu de remarquables progrès et le taux de succès, mesuré
par le nombre d'étudiants à s'inscrire aux études pour
réussir à former un diplômé, s'avère
maintenant supérieur à celui de nos voisins par près de
10%. Toutefois, cette performance n'est pas maintenue au niveau de la
maîtrise avec un taux de succès de 44% inférieur à
celui de notre voisin, l'Ontario. Il y aurait certes lieu d'examiner d'un peu
plus près les causes d'un tel écart.
Parlons maintenant du choix de l'État en matière de
financement des universités. Nous venons de voir comment, depuis
quelques années, le réseau universitaire a pu réduire ses
coûts unitaires de trois façons différentes, soit par une
réduction de la croissance des subventions gouvernementales, par un gel
des frais de scolarité et l'ouverture à des clientèles
additionnelles. Cela aura permis au réseau universitaire d'atteindre un
des niveaux de coût unitaire les plus faibles au Canada, sans pour autant
nuire à la capacité du réseau d'accueillir et de former
une fraction plus grande de la population québécoise. La question
importante qui se pose à nous, aujourd'hui, est celle-ci: Peut-on
continuer à poursuivre ces trois objectifs simultanément?
On ne trouvera pas de réponse évidente à cette
question, nonobstant les clameurs de tous ceux qui prétendent que la
qualité de l'université ne doit pas faire l'objet d'une vulgaire
tractation budgétaire, mais qui du même souffle ramènent
systématiquement l'avenir de l'université à une question
d'argent. Peut-on bâtir un réseau universitaire de qualité
avec le niveau actuel de ressources? Certains répondront par
l'affirmative, en citant des exemples de succès ailleurs en dépit
de moyens inférieurs. D'autres souligneront que les moyens influencent
directement l'atteinte des objectifs et citeront les exemples mondiaux
d'excellence assise sur un niveau de ressources nettement supérieur.
Mais, même si l'on reconnaît que les universités ont
atteint un niveau de dépenses par étudiant qu'il serait difficile
de réduire encore davantage, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas, de la
part des établissements, des choix à repenser et des
réajustements à effectuer. Les compressions des dernières
années n'ont peut-être pas toutes porté aux endroits les
plus opportuns et certaines pratiques mises en vigueur au moment où les
ressources étaient plus abondantes pourraient encore être
révisées. Le Conseil des universités en a pointé
quelques-unes au fil de ses avis. Pour ma part, je vois quatre domaines
prioritaires où les universités devraient concentrer leurs
efforts pour améliorer encore leur performance de manière
à reprendre l'initiative du développement.
D'abord, chaque université devrait s'astreindre à revoir
ses programmes, à les modifier en fonction des nouveaux besoins sociaux,
à en rationaliser l'offre et à en améliorer les
méthodes pédagogiques. L'université ne devrait pas
hésiter au cours de cette opération à fermer ceux de ses
programmes qui constituent des dédoublements inutiles ou à
s'associer avec d'autres universités de façon à constituer
des pôles d'excellence. Le second volet du fonds de développement
pédagogique prévoit que des sommes peuvent être
affectées pour faciliter de telles opérations. Les
universités l'ont peu utilisé jusqu'à présent. Je
les incite à le faire davantage. Pour sa part, le ministère verra
à ce qu'aucune université ne soit pénalisée des
résultats d'une telle opération.
Le second élément qui me paraît primordial concerne
la nécessité pour chaque université de se doter d'un plan
de développement de la recherche. J'endosse totalement sur ce point les
recommandations du Conseil des universités. Le ministère, pour sa
part, s'appuiera fortement sur les résultats de ces choix
institutionnels, tout comme sur les avis du conseil, quand il s'agira
d'encourager ou de supporter des développements majeurs dans ce
domaine.
Sans porter de jugement sur ce qui se fait actuellement, je ne peux
qu'inciter les universités à apporter encore plus de soin et
d'attention à la gestion de leurs ressources humaines. Certes, on voudra
renouveler le corps professoral actuel en mettant vite un terme à
l'incapacité dans laquelle elles se sont retrouvées à
recruter de nouveaux professeurs. Mais, dans son avis sur le vieillissement du
corps professoral, tout comme dans celui sur la recherche universitaire, le
conseil formule des recommandations très pertinentes à
l'intention des universités, lesquelles n'impliquent pas toutes
l'injection de fonds additionnels.
Par exemple, le conseil rappelait aux universités qu'une
rationalisation de leurs activités d'enseignement, l'épuration
des banques de cours et une meilleure répartition des tâches des
professeurs pourraient engendrer une réduction des chargés de
cours et donc des économies substantielles de l'ordre de 5 000 000 $,
permettant l'embauche de 800 jeunes professeurs, améliorant d'autant la
qualité de l'encadrement des étudiants et le potentiel
scientifique de l'université.
De même, les universités peuvent pratiquer, nonobstant la
loi 15, des politiques incitatives de mises à la retraite,
accroître les échanges de personnel scientifique avec
l'entreprise, se donner des stratégies institutionnelles pour
accroître la participation de leurs chercheurs aux programmes de
subvention des grands conseils de recherche et mettre en oeuvre de
véritables politiques d'évaluation des activités de
recherche des professeurs. Ce sont là autant de mesures
suggérées par le Conseil des universités pour
accroître le volume du personnel scientifique des universités et
la productivité de leurs activités académiques.
Les universités sont-elles prêtes à s'engager dans
cette voie? Je souhaite personnellement que les universités,
entièrement responsables de leur gestion en ce domaine, accordent la
plus grande attention à ces suggestions du Conseil des
universités. J'incite aussi les associations de professeurs à
s'associer à cette préoccupation d'excellence plutôt que de
consacrer trop de préoccupation à la seule amélioration de
conditions de travail, sans égard à une exigence d'excellence qui
est indissociable de la liberté académique.
En dernier lieu, je voudrais souligner l'importance primordiale pour le
Québec que les universités développent entre elles et avec
leurs autres partenaires dans le domaine de l'enseignement et de la recherche
des méthodes de coopération et de collaboration plus
étroites. Nous ne pouvons pas au Québec nous permettre le moindre
gaspillage de nos ressources les plus précieuses si nous voulons
maintenir la présence active des Québécois dans le monde
par la voie de l'excellence.
Néanmoins, tous reconnaîtront que, si l'excellence ne
saurait se réduire à la seule présence de moyens, on ne
peut ignorer la corrélation inévitable qui doit exister entre
l'entrée et la sortie d'un système. Excusez mes
références à ma formation d'ingénieur en
contrôle automatique. Une réduction du niveau de financement des
clientèles universitaires peut menacer la qualité du
système. La prudence apparaît plus que jamais de mise au moment
où les critères globaux de comparaison indiquent un niveau
inférieur de financement de nos universités -j'entends par
étudiant. Seule une analyse sophistiquée justifierait de pousser
davantage l'effort de rationalisation. Ainsi que l'affirmait le Conseil des
universités, le niveau actuel de financement des clientèles
existantes ne pourrait justifier davantage de compressions.
Parlons maintenant des priorités de financement. Dans ce
contexte, où l'État ne dispose pas de tous les revenus dont il
prétend avoir besoin, se pose la question aiguë des
priorités. Ainsi, face aux besoins du réseau universitaire, on
voudra distinguer quatre priorités de financement: stabiliser le
financement de l'infrastructure universitaire existante en mettant un terme aux
compressions; on voudra financer à leur coût réel les
nouvelles clientèles; on voudra maintenir le gel des frais de
scolarité; on voudra dégager de nouveaux budgets pour favoriser
une politique d'excellence. Suivant notre capacité de payer, nous serons
conduits à sérier ou non ces priorités. Prenons toutefois
garde à la tentation d'irresponsabilité qui consisterait à
refuser d'analyser les choix pour reporter sur autrui les conséquences
de notre propre incurie. Cette tentation de la facilité explique
pourquoi nous trouvons toujours moyen, tout à la fois, de
dénoncer les taxes qui sont contraires à l'économie, de
dénoncer un déficit contraire à l'intérêt des
générations montantes et, évidemment, de dénoncer
des dépenses sans cesse insuffisantes dans quelque secteur que l'on
considère.
Si l'arbitrage entre les secteurs relève du gouvernement et du
Parlement tout entier, la commission de l'éducation et de la
main-d'oeuvre ne peut abdiquer ses responsabilités face aux
priorités que la situation d'ensemble peut nous conduire à
établir. Les choix que nous aurons à faire devraient donc reposer
sur une analyse lucide de cette réalité. Ainsi, le moratoire
appliqué à l'augmentation des frais de scolarité nous
oblige à réexaminer cette question d'égalité des
chances face à l'université.
Ainsi, on voudra sûrement éviter de pénaliser les
étudiants provenant des milieux moins favorisés et
améliorer en conséquence le régime de prêts et
bourses. D'autre part, on voudra approfondir l'étude du professeur
Clément Lemelin pour le compte du Conseil des universités. Si,
nous, dit-il, "les étudiants universitaires constituent
déjà, par leur origine sociale, un groupe de jeunes
privilégiés" et si les statistiques de chômage,
confirmées d'ailleurs par le mémoire de la FAPUQ à cette
commission ne mentent pas en révélant que le diplômé
universitaire se tire mieux d'affaire lorsqu'il entre sur le marché du
travail, alors, il pourrait y avoir lieu de s'interroger sur la pertinence des
politiques actuelles de gel des frais de scolarité. Si l'insuffisance de
ressources menace la qualité de notre système, y a-t-il lieu
d'exiger davange d'impôts des classes moyennes pour favoriser une classe
de citoyens plus en mesure de vouloir défrayer le coût de la
qualité, conservant à l'esprit que l'avantage dont profitent les
étudiants québécois par rapport à leurs voisins
signifie un manque à gagner de quelque 95 000 000 $ pour les
universités. Il faudra se rappeler que la contribution des
étudiants au financement des universités a décru de 16,4%
à 6,4% des dépenses en l'espace de dix ans.
En considérant le financement des
clientèles additionnelles et l'ouverture très grande de
l'université, on voudra peut-être qualifier le concept
d'accessibilité. Ainsi, l'existence de taux d'accès à
temps partiel qui représente plus du double de ceux de nos voisins
doit-il être maintenu quand l'accès à la formation de base
s'avère inadéquat. À cet égard, l'enquête du
Conseil des universités menée en 1981 et portant sur l'origine
socio-économique de l'étudiant à temps partiel peut-elle
nous aider à nous forger une idée? Tous les étudiants
à temps partiel doivent-ils bénéficier de la même
facilité d'accès ou, du moins, des mêmes frais de
scolarité compte tenu de l'importance de la clientèle tirant
profit sur le plan professionnel de ce perfectionnement continu? Enfin, on
voudra se préoccuper de la venue massive de finissants de
collèges sur le marché du travail et de la forte
probabilité de leur inscription à l'université en nombre
record.
On conviendra qu'il est peut-être plus facile de poser ces
questions que d'y apporter une réponse. En fait, si nous disposons de
toutes les ressources nécessaires, il n'y a pas d'urgence à
établir de priorité. Tous ces objectifs apparaîtront
louables en soi et à moins de les opposer à d'autres objectifs
irréconciliables, on ne pourra que désirer les atteindre tous.
C'est dans l'hypothèse d'une insuffisance de moyens que des choix
délicats s'imposent à nous. La commission de l'éducation
et de la main-d'oeuvre doit pouvoir débattre de ces questions et
faciliter ainsi la prise de décisions.
La difficulté de répondre à ces interrogations nous
amènera davantage encore sur le nécessaire effort de
rationalisation de l'action des universités. Dans la mesure où
demeurent de nombreux exemples de dédoublement, où la concurrence
parfois effrénée menace notre capacité à
répondre aux véritables besoins, il faut insister auprès
des universités pour que celles-ci développent l'essentielle
coordination sans laquelle persistera l'inévitable sous-utilisation de
nos ressources. À cet égard, on pourra se demander si
l'État ne doit pas maintenir, par ses règles budgétaires,
une certaine pression sur les universités de manière que
transparaisse un véritable avantage à procéder à de
telles remises en question. (11 h 30)
Parlons maintenant du cadre de financement. Un cadre de financement doit
traduire sur le plan budgétaire les multiples choix politiques auxquels
donne lieu l'exercice d'établissement des priorités. D'ailleurs,
la proposition d'un tel cadre a fait l'objet de demandes maintes fois
répétées à la fois des universités et du
Conseil des universités. Le budget de 1984-1985 n'apportera cependant
pas réponse à toutes les interrogations. Ainsi, des compressions
de 22 000 000 $ serviront à financer l'ensemble des priorités de
développement du gouvernement québécois ainsi qu'à
compenser pour la croissance exponentielle des coûts de certains
programmes, comme nous en avons discuté précédemment. De
même, se poursuivront la politique de gel des frais de scolarité
et le financement, par prélèvement sur l'ensemble des budgets
universitaires, de certaines clientèles additionnelles.
Par contre, le gouvernement a retenu dans ses priorités de
développement la création de nouvelles équipes de
recherche dans les secteurs de pointe, ainsi que le financement des
études avancées et celui des clientèles reliées au
virage technologique, soit 90% des clientèles additionnelles
observées dans les universités. Malgré cet effort, le
Conseil des universités souligne une insuffisance de financement
d'environ 11 500 000 $ à trois chapitres: autres clientèles
additionnelles, renouvellement du corps professoral et location d'espaces, tout
en réitérant ses commentaires précédents concernant
l'incapacité du réseau à subir des compressions
additionnelles.
Examinons d'abord les principales orientations de ce cadre de
financement. Cette année, le ministère de l'Éducation a
tenu à faire connaître clairement ses orientations en
matière d'enseignement et de recherche universitaire et les
règles budgétaires qu'il propose pour les soutenir. De l'avis
même du conseil, le cadre proposé aujourd'hui répond en
substance à ce qu'il avait lui-même recommandé en 1982. Ce
cadre de financement propose d'abord à la communauté
universitaire cinq grands objectifs qui devraient guider de manière
prioritaire le financement des universités au cours des prochaines
années. Je me permets de les rappeler ici, d'autant plus qu'ils
recueillent un large consensus auprès du conseil et des
universités dans leur ensemble.
Il s'agit donc, en priorité, de stimuler les études
à temps complet et surtout les études des deuxième et
troisième cycles; d'améliorer la productivité des
programmes des cycles supérieurs; de promouvoir le développement
de la recherche et de renforcer la place de cette mission à
l'université; de consolider les activités de premier cycle et en
particulier de rationaliser le développement des programmes courts et
d'éliminer les dédoublements d'activités avec les autres
ordres d'enseignement; de promouvoir, dans les secteurs porteurs d'avenir pour
le développement économique et technologique du Québec, la
formation de la main-d'oeuvre spécialisée, de chercheurs et de
personnel scientifique et la création de centres d'excellence et
d'équipes de recherche; d'assurer l'accès à la formation
universitaire et de favoriser des développements sélectifs
de programmes d'enseignement et de recherche.
Certains ont pu voir dans cet énoncé un rejet des
objectifs antérieurs, en particulier en ce qui concerne l'ouverture aux
clientèles adultes et le développement de l'éducation
permanente. Loin d'en rejeter la pertinence, le ministère estime que,
sur ce point, les universités ont réalisé des performances
remarquables, au point que le Québec est à l'avant-garde de la
plupart des pays développés à cet égard. Par
ailleurs, c'est au niveau des études à temps complet et des
études avancées, de la diplomation aux cycles supérieurs
et de la recherche que notre retard par rapport aux sociétés
voisines est le plus important, avec les conséquences que ceci
entraîne pour le développement futur de notre économie et
de notre société. Dans un contexte de ressources limitées,
c'est donc là que le gouvernement encourage les universités
à faire porter leur effort.
Le recteur de l'Université de Montréal, M. Paul Lacoste,
dans une lettre récente qu'il m'adressait en même temps qu'elle
était publiée dans les journaux, accusait le gouvernement de
"dirigisme" à cet égard. Le critique de l'Opposition en
matière d'éducation répétait ces propos, ajoutant
même que "les nouveaux principes énoncés par le
gouvernement risquent de mettre en danger la liberté de recherche et
d'enseignement". Il y a dans ces propos une exagération dont il faut
regretter le caractère quelque peu démagogique. Je le fais avec
d'autant plus d'aise que, dans son dernier avis sur le cadre de financement, le
Conseil des universités reconnaît que "la nouvelle conception du
financement s'exercera dans le respect de la nature décentralisée
d'un système universitaire en assurant aux établissements une
grande autonomie de gestion." C'est l'harmonie totale qui règne entre le
ministère et le Conseil des universités.
Dans les faits, que propose le cadre de financement pour assurer un
développement des universités qui tienne compte à la fois
des caractéristiques intrinsèques des établissements et
des besoins de la société? Il propose le maintien d'une enveloppe
de base indexée pour chaque établissement selon des
paramètres identiques à ceux qui sont appliqués aux autres
réseaux scolaires. Il propose un financement du développement
dissocié de la base historique et tenant davantage compte des
coûts réels en matière de discipline et de cycles
d'études. Ceci répond à la critique maintes fois
répétée qu'un financement moyen favorisait la course aux
clientèles peu coûteuses au détriment du
développement des secteurs et des cycles plus coûteux, mais alors
sous-financés. Il propose, finalement, le développement de
règles favorisant aux universités la réalisation des
objectifs jugés prioritaires pour les années futures, que nous
allons maintenant examiner.
Ces règles sont de deux types. La première vise le
financement au coût réel des clientèles des secteurs
prioritaires, c'est-à-dire de ceux où le Québec accuse
présentement un certain retard. Ainsi, le ministère de
l'Éducation financera ces nouveaux étudiants à leur
coût marginal réel, soit 70% du coût moyen, alors que les
clientèles des autres secteurs seront financées à un taux
de 50%.
Notons que ces secteurs couvrent l'éventail très large des
sciences de l'administration, des sciences pures et appliquées pour tous
les cycles, et des étudiants inscrits aux cycles supérieurs dans
le secteur des sciences humaines et le droit. Ces choix reflètent, de
plus, l'orientation naturelle de notre population étudiante puisque 90%
de la croissance au cours des dernières années se situe dans ces
secteurs. Non seulement le financement complet des clientèles
additionnelles couvre-t-il la majeure partie des nouvelles clientèles,
ce qui réduit d'autant le caractère directif de cette
règle, mais, de plus, ces modalités de financement ne sont
qu'indicatives en ce sens qu'une fois les sommes accordées
l'université est libre de les redistribuer là où bon lui
semble. Le ministère n'impose ici aucune restriction aux
universités sur l'utilisation de ces sommes à l'intérieur
de l'établissement et n'assortit cette allocation d'aucun
contrôle, ni a priori ni a posteriori.
En 1984-1985, une somme de 36 000 000 $ servira au financement des
clientèles additionnelles dont 22 400 000 $ proviendront d'argent frais.
L'écart entre un financement à 50% et celui à 70%, qui
caractérise, disons-le bien, ce côté directif du budget,
représente tout au plus 8 000 000 $, soit environ 1% du budget, M. le
Président.
Pour supporter, enfin, de façon plus particulière le
développement des actions prioritaires, le ministère dispose de
deux programmes spécifiques: le Fonds de développement
pédagogique qui vise à assurer le développement des
nouveaux programmes, tout en garantissant aux universités un pouvoir
entier d'initiative en ce domaine. Le Conseil des universités a la
responsabilité d'évaluer la qualité et la pertinence des
nouveaux programmes. Nous avons également le programme d'actions
structurantes créé en 1984 pour une période limitée
dans le temps et qui vise, par un effort majeur et concerté, à
combler l'écart que le Québec accuse en matière de
développement de la recherche dans les secteurs liés au virage
technologique. Ces secteurs, encore une fois, couvrent un large éventail
de disciplines. Ces deux programmes représentent, en 1984-1985, 0,5% de
l'enveloppe des subventions aux universités. En 1985-1986, ce montant
ne
devrait pas dépasser 1%.
On a parlé, dans les milieux universitaires, de risque de
survirage technologique. J'aimerais rassurer ici les interlocuteurs inquiets
à ce chapitre. Tel que je l'ai maintes fois répété
et affirmé, il s'agit là d'une priorité qui est bien
définie dans le temps, à laquelle universités et
entreprises sont conviées à participer afin de donner au
Québec ce démarrage initial essentiel pour placer le
Québec dans le peloton de tête des sociétés qui
comptent assurer leur avenir collectif par la recherche scientifique et le
développement technologique. Le caractère large des secteurs
choisis, le caractère non contraignant de l'allocation des sommes
allouées au financement des clientèles et l'effort ponctuel et
limité du programme d'actions structurantes m'apparaissent fournir des
garanties bien suffisantes au risque de "survirage technologique" - entre
guillemets -dont on veut bien faire état dans certains milieux.
J'aimerais surtout signaler à ceux qui ont la critique facile
quand il s'agit de taxer le budget universitaire de "dirigiste" que le budget
sur lequel les universités ont la plus complète autonomie
représente 98,5% du budget des universités. Quant au
caractère directif du cadre de financement, il touche en 1984-1985
environ 1,5% du budget, M. le Président. On voudra admettre que le
gouvernement n'a guère abusé de son pouvoir de directive.
Cet exemple ne peut pourtant clore le débat à lui seul,
puisque le pouvoir de l'État n'a pas à porter uniquement sur
l'orientation des clientèles universitaires. La seule règle
budgétaire du financement des clientèles additionnelles par
prélèvement budgétaire uniforme a, par exemple,
forcé toutes les universités à accueillir de nouveaux
étudiants alors que seules quelques universités supportaient
l'effort d'accueil des clientèles supplémentaires entre 1978 et
1981. Voilà qui constitue un financement sélectif, lequel a
conduit à une amélioration notable de la fréquentation
universitaire par les francophones et les femmes, M. le Président - et
non pas les jeunes - cela allait de soi. J'écris mal. Va-t-on s'en
plaindre?
Certes, les universités argueront enfin que leur autonomie et
surtout leur pouvoir d'initiative a été réduit du fait
même de la diminution de leurs ressources globales. Il est inutile de
nier que, dans un contexte de restrictions budgétaires, l'exercice du
pouvoir d'initiative en matière de développement peut être
plus difficile et plus délicat à exercer. On pourra m'en
reparler. En cela, les universités ne sont pas différentes des
autres établissements ou même du gouvernement. Toutefois, à
constater le foisonnement de projets de développement de programmes - 45
nouveaux programmes susceptibles d'être soumis au fonds de
développement pédagogique cette année -l'émergence
de facultés et même d'établissements qui apparaissent
présentement de toute part, il ne m'apparaît pas que ce soit
là le principal problème qui menace les universités
à brève échéance.
Parlons maintenant du niveau de l'enveloppe 1984-1985. Ainsi que je le
soulignais dans mes remarques préliminaires, le budget universitaire de
cette année n'apporte pas de réponse à toutes les
interrogations. Ainsi, il continue d'exiger des universités une
réduction de leurs coûts unitaires bien qu'il réduise de
beaucoup le fardeau que constitue l'accueil de nouveaux étudiants. Ce
budget continue de privilégier l'accessibilité par opposition
à l'amélioration du financement par l'étudiant. Par
contre, dans son avis, le Conseil des universités recommande d'injecter
des sommes additionnelles de manière à prévenir une
détérioration plus grande du financement des coûts
unitaires.
Malheureusement, il ne m'apparaît pas possible de donner suite,
dès cette année, à son avis portant sur le niveau de
l'enveloppe. Tout d'abord, parce que les enveloppes budgétaires ont
déjà fait depuis longtemps l'objet de répartition.
Ensuite, parce que l'ajout de sommes nouvelles à l'enseignement
universitaire implique soit une hausse des taxes ou du déficit; soit une
réduction additionnelle des dépenses dans un autre secteur
d'activité; bref, il s'agit d'une recommandation dont les
conséquences politiques échappent à l'analyse du conseil.
Une telle décision ne peut relever du Conseil des universités, ni
même du ministère de l'Éducation. C'est au Conseil des
ministres qu'il appartient de faire les choix cruciaux qui s'imposent entre les
programmes d'emploi pour les jeunes, le développement des entreprises,
le développement des soins aux personnes âgées ou le
financement plus généreux des universités.
Cela ne veut pas dire, bien entendu, que les avis ne serviront pas
à éclairer le gouvernement lors de la préparation du
prochain budget. Leur impact sera d'autant plus grand qu'ils sont bien
documentés et reflètent une bonne connaissance des
universités et de leur fonctionnement. Je vous avoue que ce sont des
avis que je lis moi-même avec beaucoup d'attention et beaucoup de
plaisir, M. le Président, à cause de leur rigueur.
Les diagnostics posés par le Conseil des universités et
par le ministère sur la situation financière des
universités coïncident grandement. Les ressources allouées
aux universités du Québec ont présentement atteint un
niveau par étudiant parmi les plus bas au Canada et une diminution
encore plus grande des coûts unitaires pourrait mettre en péril la
qualité des activités et l'amélioration
des performances qu'il nous reste encore à réaliser.
Aussi, attendrons-nous de la part du Conseil des universités des
avis portant autant sur l'utilisation des sommes additionnelles que pourrait
approuver le gouvernement à l'intention des universités que sur
les remises en question de politiques existantes advenant une insuffisance de
ressources. Je soulignerais, d'ailleurs, ce dernier aspect de la phrase, M. le
Président.
Il est cependant un aspect du cadre de financement qui a suscité
plus de débats et de controverses et sur lequel nous devons nous ranger
à l'avis du Conseil des universités. Il s'agit de l'étude
des bases de financement des établissements. Rappelons d'abord qu'une
telle étude cherchait à répondre aux demandes maintes fois
répétées de la commission Angers, du Conseil des
universités et des universités elles-mêmes concernant une
révision de la formule historique de financement. (11 h 45)
L'étude effectuée par le ministère vise
essentiellement, à partir de paramètres communs reflétant
de la façon la plus adéquate possible les coûts
réels assumés par les universités dans leurs
différentes fonctions - c'est presque du Proust. Bon! Là,
vraiment, je vais le lire - à fixer une base de dépenses
normalisées à partir de laquelle sera comparé le niveau de
ressources dont jouit effectivement chaque établissement. Mon directeur
de thèse n'aurait pas apprécié.
Une voix: C'est vous, l'auteur!
M. Bérubé: J'ai gardé ce vilain
défaut, effectivement, et mon directeur de thèse, un
Américain, ne me permettait jamais d'avoir plus de dix mots dans une
phrase, ce qui a modifié beaucoup ma façon d'écrire, mais
je vois que le naturel revient au galop de temps en temps.
Le Président (M. Charbonneau): C'est ce que les
rédacteurs en chef des journaux disent aussi à leurs
journalistes, M. le ministre.
M. Bérubé: Enfin, disons que la phrase est longue.
J'espère qu'elle est claire.
La publication des résultats d'une telle étude ne pouvait
manquer de susciter des débats animés et de nombreuses critiques
au sein de la communauté universitaire. C'est normal et ne
m'inquiète pas outre mesure. Il était important qu'une telle
étude se fasse et elle doit continuellement être revue et
améliorée à la suite du débat qu'elle suscite chez
des intervenants. Cette étude, faut-il le rappeler, est une étude
descriptive et non une étude normative. C'est ainsi qu'elle mesure ce
que les universités dépensent réellement dans un secteur
et non ce qu'elles devraient dépenser. Elle reproduit l'ensemble des
choix effectués par les universités elles-mêmes. Elle
prédit ce que l'université devrait dépenser, toutes les
conditions étant identiques d'une université à l'autre. Ce
faisant, même en tenant compte de certains cas particuliers, elle
n'embrasse pas l'ensemble des situations diversifiées et des
résultantes historiques propres à chaque
établissement.
Les critiques énoncées jusqu'ici portent principalement
sur la fiabilité de la base de données utilisées, le choix
et la mesure des paramètres et l'utilisation proposée des
résultats dans la modulation de l'effort de compression.
Concernant la base de données, nous reconnaissons que
l'étude est perfectible. Elle sera d'ailleurs d'autant plus près
de la vérité que les universités transmettront au
ministère des données fiables et comparables sur des objets
identiques. Concernant le choix et la mesure des paramètres, les
critiques sont précises et nombreuses. Les solutions proposées
empruntent toutefois des avenues diamétralement opposées, chacun
ayant naturellement tendance à privilégier des solutions qui
désavantagent le moins possible l'établissement dont il a la
charge.
Nous reconnaissons qu'il y a place à amélioration dans ce
domaine et que la recherche d'un plus grand consensus est désirable. Le
ministère s'y emploiera au cours de la prochaine année. C'est
pourquoi, étant donné les circonstances et la
nécessité que le débat se poursuive davantage autour de
cette question, j'ai décidé de donner suite à la
recommandation du Conseil des universités de ne pas procéder
à l'ajustement des bases de financement des universités dans les
règles budgétaires de l'année 1984-1985.
M. le Président, la présente analyse nous aura permis
d'apprécier l'effort bien réel consacré par les
universités pour réduire les coûts unitaires trop
élevés, tout en améliorant leur performance en termes
d'accessibilité et de succès dans les études. Demeurent
certaines ombres au chapitre du taux de succès observé au niveau
des études avancées, de l'insuffisance de la recherche et
à celui du dédoublement et de la multiplication des programmes au
détriment d'un objectif d'excellence, sans parler d'une certaine
faiblesse observée au niveau des études de premier cycle
effectuées à temps complet.
La diminution très rapide du coût des études par
étudiant laisse croire que, désormais, la seule
amélioration de la performance académique ne saurait suffire pour
corriger ces faiblesses résiduelles. Le temps est venu de se demander si
nous pourrons continuer à poursuivre à la fois des objectifs de
rationalisation budgétaire, d'accessibilité et de
gratuité. La réponse à
cette question dépendra, bien sûr, de la croissance
économique et des moyens dont nous disposerons. Une croissance
insuffisante nous forcerait à des choix difficiles.
En tant que membres de la commission parlementaire de
l'éducation, il vous est impossible de proposer au gouvernement des
choix budgétaires qui impliqueraient une remise en question des
équilibres financiers du gouvernement, lesquels relèvent de la
commission des finances - il sera intéressant, d'ailleurs, d'entendre
les critiques de l'Opposition en ce qui a trait à l'équilibre
global - ou encore une remise en question des compressions affectant d'autres
missions, lesquelles sont soumises à l'examen d'autres commissions. Il
serait, par contre, important que vous examiniez les enjeux et les
conséquences de l'adoption de l'un ou l'autre des choix qui s'offrent
à nous et que vous fassiez au ministère de l'Éducation des
recommandations à cet effet. À moins que la commission ne se
prononce sur les priorités d'actions relevant spécifiquement de
son mandat, il lui serait bien futile de prétendre se prononcer sur les
équilibres budgétaires reposant sur des considérations
combien plus larges et plus difficiles à arbitrer.
Je terminerai en rappelant que notre société devait faire
le choix, il y a vingt ans, de miser sur une éducation de masse,
appuyé sur un effort sans précédent qui fait que, selon
les derniers chiffres de l'OCDE, le Québec consacrait 8,1% de son PIB
à l'éducation, plus que le Canada en moyenne à 6,2% ou que
son plus proche concurrent, la Belgique, à 7,6%. Une population plus
jeune, une richesse inférieure expliquent cet effort exceptionnel. Nous
devons apprécier cette largeur de vue de la génération
précédente. Nos pères et mères auront voulu que
nous puissions démarrer dans la vie mieux armés pour affronter la
concurrence. Aujourd'hui, nous devons rendre des comptes. Le résultat
n'est pas mauvais, loin de là, mais il faut faire mieux. L'acceptation
du défi de la connaissance et de l'honnêteté intellectuelle
peut nous aider à progresser. Les travaux de cette commission devraient
se dérouler à cette enseigne, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, étant donné que le
ministre nous a présenté un exposé abondant dont nous
n'avons pas eu l'occasion de prendre connaissance auparavant, il serait
peut-être bon que nous consentions à une suspension de cinq
à dix minutes pour que, de part et d'autre, on ait le temps
d'échanger quelques réactions et de préparer des questions
à l'intention du ministre.
Le Président (M. Charbonneau):
Écoutez, il est presque 11 h 50. Je vous propose de suspendre nos
travaux jusqu'à midi et de les reprendre de midi jusqu'à 13
heures. Par la suite, on verra pour l'après-midi. Cela va. Nous
suspendons pour dix minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 52)
(Reprise de la séance à 12 h 3)
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que M. le ministre
pourrait reprendre sa place, s'il vous plaît?
Discussion générale
M. le ministre, nous allons reprendre. Étant donné que,
d'une façon non équivoque et, à au moins deux occasions
dans votre présentation, vous avez interpellé les membres de la
commission et que, d'une certaine façon, sans nous avoir
complètement renvoyé la balle, vous nous avez mis devant ce que
vous avez qualifié de nos responsabilités - vous avez, notamment,
insisté sur cette question à la fin de votre intervention -
à titre de président de la commission, je voudrais bien
être capable de prendre mes responsabilités, mais encore
faudrait-il que j'aie un certain nombre d'informations
préliminaires.
La première chose que j'aimerais bien connaître: il semble
important, tant pour les choix qui seront faits de la part du gouvernement que
pour les propositions qui seront faites par les membres de la commission, que
nous puissions entrevoir quels seront les moyens financiers prévisibles
dont, comme société ou comme État, nous pourrons disposer
au cours des années qui viennent. Il semble bien, si je vous ai bien
compris, qu'en ce qui concerne l'année financière en cours,
1984-1985, il ne soit pas possible d'injecter des fonds additionnels et qu'il
n'y ait donc pas de ressources additionnelles qui pourraient être
affectées aux dépenses universitaires. Est-ce que ce qui peut
être prévisible à court terme, ou à moyen terme, va
nous obliger à un même genre d'exercice pour les années
à venir? En d'autres termes, est-ce qu'actuellement, compte tenu de la
situation économique et financière du Québec et de
l'État québécois, on peut penser que, pour les
années financières à venir dans l'immédiat, celles
qui sont concernées à la fois par le mandat de la commission et
par le cadre de financement que vous avez déposé, on va se
retrouver un peu devant le même genre de situation où il ne sera
pas possible d'augmenter considérablement ou d'une façon
substantielle l'enveloppe budgétaire? En d'autres termes, est-ce qu'on
devra se rabattre sur les choix ou les priorités dont vous nous avez
parlé? C'est ma première question.
M. Bérubé: Loin de moi ce calice, M. le
Président, que vous semblez suggérer.
Le Président (M. Charbonneau): II faut d'abord savoir de
quel calice on parle.
M. Bérubé: M. le Président, d'abord, il est
bien difficile de prédire quelles seront les croissances
économiques que nous connaîtrons dans les années à
venir. Avant le premier choc pétrolier, c'est-à-dire des
années cinquante à 1974 ou 1975, nous avons connu au
Québec des croissances, en termes réels, qui avoisinaient 6%. On
a même vu des taux de croissance annuels de l'ordre de 9% à 10%,
ce qui est absolument incroyable, puisque dire que notre richesse
s'accroît de 10% en une seule année, cela suppose une augmentation
de productivité phénoménale. Le premier choc
pétrolier a produit une ponction sur nos économies en drainant
une part beaucoup plus importante de notre richesse vers les pays producteurs
de pétrole; 1979 a vu un autre choc pétrolier que l'on a
cherché à corriger par une politique de restriction des taux
d'intérêt de manière à prévenir les
flambées inflationnistes que l'on avait observées
précédemment. On a fort bien réussi et on a tué le
patient puisqu'on s'est retrouvé avec un million de chômeurs en
Amérique du Nord.
Certes, ce que nous connaîtrons dans l'avenir ne sera pas aussi
dramatique que ce que nous venons de vivre. Toutefois, on n'a qu'à
regarder la croissance que nous venons d'observer. Généralement,
une reprise, après une aussi dure crise, est souvent spectaculaire. Nous
avons connu un taux de croissance de l'ordre d'un peu plus de 4%. Les
organismes de prévisions économiques en général
vont vous parler de prévisions qui varient entre 2% et 4%. Nous
retrouvons donc des niveaux de croissance qui ressemblent à ce que nous
connaissons depuis 1975, donc, un rythme de croissance plus lent. Ceci ne
semble pas caractériser le Québec en particulier, mais bien
l'ensemble des économies occidentales.
Donc, nous ne connaîtrons pas de croissance - prévisible en
tout cas - très spectaculaire. Reconnaissons aussi que tous les
gouvernements occidentaux sont aux prises avec des déficits
considérables qui sont la cause de nos problèmes, aussi bizarre
que cela soit. En général, lorsqu'on a insuffisamment de
ressources pour financer des dépenses, on pousse sur le déficit
avec, comme conséquence, que le service de la dette s'accroît et,
l'année suivante, on se retrouve avec encore moins de
disponibilités pour faire face aux dépenses courantes à
cause de la pression qu'exerce le service de la dette. Or, nous avons un
service de la dette au Québec qui est en croissance parce que le niveau
actuel des déficits est supérieur au niveau historique
passé, si on veut, de nos déficits avec, comme
conséquence, que le service de la dette prend une part grandissante dans
nos finances publiques. C'est cette croissance du service de la dette qui fait
en sorte que nous n'avons pas, sur le plan budgétaire, les ressources
nécessaires pour faire face à toutes les demandes de financement.
C'est la principale raison.
La deuxième raison est associée au coût des mesures
sociales, de l'aide sociale où on a observé des croissances
absolument extraordinaires de clientèles. Nous avons observé, par
exemple, des croissances de clientèles qui ont atteint jusqu'à
25% en une année pour les aptes au travail - on a une année
à 26% et une année à 24%, je crois -deux années de
suite. Il n'y a pas eu de résorption parce que cette année la
croissance des clientèles aptes au travail continue. Évidemment,
elle croît moins vite, de l'ordre de 1% ou 1,5%, mais il n'y a pas de
réduction de ces clientèles. En d'autres termes, lorsqu'on entre
à l'aide sociale, on y reste.
La combinaison de ces deux facteurs fait en sorte qu'il reste moins de
ressources pour faire face aux autres missions de l'État. Il n'y a pas
beaucoup de solutions pour s'en sortir. Il y a une augmentation des
impôts de façon dramatique, ce qui se traduit par un
ralentissement économique, ou il y a des compressions
budgétaires, ce que tous les intervenants vont déplorer.
Donc, ce n'est pas seulement un problème de croissance
économique; c'est un problème structurel relié à la
configuration des dépenses publiques où le service de la dette
représente un pourcentage trop important de nos dépenses et
croissant.
Pour les années qui viennent, je pense qu'on pourra laisser le
ministre des Finances nous parler des prévisions budgétaires,
mais il faudra garder à l'esprit que nous aurions dû normalement
nous imposer beaucoup plus de compressions budgétaires que nous n'avons
eu à le faire à la suite de la réduction des paiements de
péréquation, les transferts fédéraux. En effet, on
sait que la population du Québec habite à loyer en proportion
plus importante que la population canadienne avec comme conséquence que
les recensements ont tendance à sous-dénombrer la population
puisqu'en général les locataires sont moins présents chez
eux lorsque passe le recenseur. Statistique Canada connaît bien ce
phénomène puisqu'ils font des études très
systématiques et précises de sous-dénombrement. Toutefois,
le ministère fédéral des Finances n'avait jamais voulu
utiliser cette correction de Statistique Canada pour ajuster les paiements de
transfert au Québec en tenant compte de sa population réelle qui
est plus importante que ce qui était prévu dans les chiffres du
ministère fédéral des Finances.
On sait, cependant, que nous avons eu gain de cause et que, pendant deux
années, nous avons obtenu des paiements rétroactifs, ponctuels,
non renouvelables, non récurrents, qui nous ont évidemment permis
durant la crise de devoir comprimer encore moins les dépenses que
nécessaire. Toutefois, la situation sera bien tout autre l'an prochain.
À ce moment-là, je pense, pour presque le quart des revenus du
gouvernement du Québec, on observera une diminution réelle de
près de 11%, c'est-à-dire une diminution en dollars courants, en
termes réels, sans doute supérieure, peut-être de l'ordre
de 14% ou 15%.
Donc, on ne peut pas prévoir l'année prochaine de marge de
manoeuvre très significative et on ne peut pas, non plus, anticiper,
pour l'instant en tout cas, des croissances économiques de l'ordre de
6%, 7% et 8% comme nous en avons connu avant 1975. Finalement, nous restons aux
prises avec un problème structurel de service de la dette qui va
croissant et qui tend à comprimer les autres dépenses. Ces trois
paramètres devraient nous dire qu'à court terme on ne verra pas
d'amélioration significative des situations budgétaires des
différents États occidentaux et ceci inclut le Québec.
Le Président (M. Charbonneau): Cela veut dire, d'une
certaine façon, qu'on ne peut pas anticiper, à moins que des
arguments suffisamment percutants ne vous soient présentés, un
changement dans le pourcentage des dépenses ou des fonds publics
alloués aux universités par rapport aux autres dépenses
publiques. Faisant cette hypothèse, cela élimine un certain
nombre des priorités que vous avez indiquées dans votre texte
à la page 20. Compte tenu de cette réalité, d'une part,
et, d'autre part, de l'affirmation que vous faites en disant que les ressources
allouées aux universités du Québec ont présentement
atteint un niveau par étudiant parmi les plus bas au Canada et qu'une
diminution encore plus grande des coûts unitaires pourrait mettre en
péril la qualité des activités et l'amélioration
des performances qu'il nous reste encore à réaliser, cela nous
amène à quels choix?
M. Bérubé: M. le Président, votre
première question portait sur l'équilibre général
des finances publiques dans les années qui viennent et tel a
été le sens de ma réponse. Toutefois, ma réponse
n'a absolument pas porté sur les choix que pourrait faire le
gouvernement de toute marge de manoeuvre dont il disposera, car mon argument
est allé dans le sens d'une faible marge de manoeuvre. Le gouvernement,
cependant, comme vous le savez, depuis plusieurs années maintenant,
pratique une politique de réallocation budgétaire qui consiste
à réévaluer constamment ses priorités, à
réduire ses dépenses dans les secteurs moins prioritaires et
à déplacer des sommes vers des secteurs jugés plus
prioritaires. (12 h 15)
Cet exercice auquel nous procédons à chaque
préparation de budget est un exercice extrêmement délicat,
je dirais même douloureux, mais auquel nous devons procéder si
nous voulons que notre société continue à faire face aux
besoins les plus pressants. Par conséquent, on ne peut pas tirer de
conclusions quant aux décisions que pourrait recommander le Conseil des
ministres à l'Assemblée nationale. Je dois, d'ailleurs, souligner
que, comme membres de l'Assemblée nationale, nous avons tous voté
le budget gouvernemental et les crédits des différents
ministères et, en particulier, des dépenses à l'intention
des universités ont été votées par le Parlement en
1984-1985.
Tantôt, vous me posiez la question: Est-ce qu'on peut s'attendre
à des crédits additionnels? Je pense que, comme parlementaires,
nous n'avons de crédits que ceux que vous avez votés. Il faudrait
revenir au Parlement, à moins de procéder autrement par le biais
d'allocations hors période de session. Mais il demeure que l'enveloppe
du fonds de suppléance qui permet de faire face à des situations
d'urgence est une enveloppe très petite pour l'ensemble des budgets
gouvernementaux.
Donc, lorsqu'on parle de 1984-1985, on parle d'une décision qui a
été prise par l'Assemblée nationale concernant les
crédits alloués à chaque poste. Concernant les
crédits qui seraient votés l'année prochaine par le
Parlement et qui feront l'objet d'une recommandation du Conseil des ministres
et du dépôt de projets de loi, évidemment cela fera partie
de l'exercice d'établissement des priorités. Ce que j'ai,
cependant, tenu à souligner, c'est que ce qui va à une place ne
va pas ailleurs. En d'autres termes, c'est un processus d'allocation, de
sélection de priorités et, alors qu'on s'attend à ce que
le gouvernement établisse des priorités entre les
différents ministères, il serait intéressant que la
commission parlementaire puisse établir des priorités à
l'intérieur de l'éducation. Il est toujours plus
intéressant d'établir les priorités par rapport aux autres
que l'on ne connaît pas. J'ai toujours fourni cet argument auquel je n'ai
jamais eu de réponse. Quand on ne connaît pas la situation dans
les hôpitaux, on trouve toujours que notre situation est dramatique.
Cependant, quand on vit dans un hôpital, c'est l'inverse. Le
problème là-dedans, ce sont des arbitrages très
délicats entre les différents services publics que nous offrons
à notre population. Or, il m'apparaît évident que, si on
prétend que le gouvernement doit établir des priorités
justement parce que les
ressources sont limitées, combien plus une commission
parlementaire doit-elle établir des priorités à
l'intérieur même de son champ de juridiction qui est le secteur de
l'éducation.
Le Président (M. Charbonneau):
D'accord. Mais si on tient pour acquis l'hypothèse qu'il n'y ait
pas de dégagement de nouveaux budgets, dans la mesure où vous
nous renvoyez vous-même à nos responsabilités et que vous
indiquez un certain nombre de priorités à partir desquelles nous
devrons aussi éventuellement nous prononcer, il est évident que,
par exemple, si on veut discuter du maintien du gel des frais de
scolarité ou du financement à leur coût réel des
nouvelles clientèles, on doit partir d'une hypothèse qui
peut-être ferait en sorte qu'on ne dégagerait pas des sommes
très substantielles. Auquel cas on en arrive finalement, entre autres,
è deux choix si j'ai bien compris votre présentation: ou on
maintient le gel des frais de scolarité et on continue d'imposer d'une
certaine façon aux universités la possibilité d'ajouter
des nouvelles clientèles, mais en les finançant elles-mêmes
ou, encore, est-ce qu'on va continuer d'obliger les universités à
financer les clientèles nouvelles autrement?
M. Bérubé: Non.
Le Président (M. Charbonneau): Ou encore est-ce qu'on va
aborder le problème -je pense qu'on le sait très bien -
délicat des frais de scolarité et du maintien des frais de
scolarité au niveau où ils sont actuellement?
M. Bérubé: Non. Je pense que vous limitez le
débat, malheureusement, à deux seuls aspects de mon
exposé. Il faut étendre le débat. Par exemple, on
soulignera que nous avons limité l'accès à la
propriété par les universités et on retrouve aujourd'hui
un manque d'espace, particulièrement un recours à de la location
de façon très importante. Voilà un type de compression
budgétaire que l'on peut discuter, que l'on peut vouloir échanger
pour autre chose.
Alors, le travail de la commission parlementaire, si je comprends bien,
c'est d'entendre tous les intervenants pour essayer d'identifier ce qui
apparaît plus important, un peu moins important, encore moins important
et d'établir une liste décroissante de priorités où
la commission parlementaire estime que l'effort doit porter. C'est après
avoir écouté les intervenants que vous pouvez porter un jugement.
Il ne faudrait pas limiter vos choix à deux seulement parce qu'à
ce moment vous vous retrouveriez dans une espèce...
Le Président (M. Charbonneau): Mon intervention, M. le
ministre, ne visait pas à limiter les choix, mais à faire en
sorte que, dans les quatre priorités dont vous avez parlé, soit
stabiliser le financement de l'infrastructure universitaire existante en
mettant un terme aux compressions, financer à leur coût
réel les nouvelles clientèles, maintenir le gel des frais de
scolarité ou dégager de nouveaux budgets pour favoriser une
politique d'excellence, dans la mesure où certaines de ces avenues
seraient bloquées... Je ne dis pas que cela va être le cas; vous
avez vous-même indiqué que la décision gouvernementale pour
les années à venir, au niveau de l'enveloppe, n'était pas
prise, mais c'est évident que si nous, éventuellement, devons
envisager ou évaluer d'autres possibilités que celles-là,
on doit aussi se demander quelle serait, par exemple, la conséquence
pour les universités. Est-ce qu'on devrait continuer de les obliger,
d'une certaine façon, à financer elles-mêmes, à
partir de leurs budgets, des enveloppes qui leur sont données, les
clientèles nouvelles, ou si on ne sera plus capable de faire cela?
M. Bérubé: Je pense que vous posez maintenant la
bonne question, à laquelle je n'ai pas de réponse, mais à
laquelle je peux essayer de répondre. Par exemple, on pourrait choisir
dans les priorités que la quatrième est essentielle:
développer des équipes de recherche dans nos universités.
On pourrait décider qu'on doit faire cela rapidement, développer
l'excellence et que, pour ce faire, on doit l'autofinancer en obligeant les
universités à faire de la rationalisation, en comprimant les
budgets. À ce moment, en sériant le quatrième objectif
comme étant l'objectif prioritaire et en sériant le
deuxième comme étant le deuxième objectif, on vient
d'indiquer au gouvernement, s'il n'a pas les ressources, comment il doit
procéder. Alors, l'exercice que vous devez faire ne doit pas tenir
compte du niveau de ressources disponibles. C'est un exercice qui doit
être fait en l'absence même de l'évocation des ressources
qui seront disponibles, car, dès que l'on commence à
évoquer des ressources, automatiquement les gens décident qu'il
n'y a plus de priorités à avoir dans aucun système. Cela
s'appelle la fuite en avant.
Le Président (M. Charbonneau): C'est peut-être un
peu pour cela que j'ai exclu l'hypothèse qu'il y aurait des nouvelles
ressources. J'ai essayé de voir avec vous les possibilités qu'il
y en ait de nouvelles au cours des prochaines années.
M. Bérubé: On ne peut pas répondre à
votre question. On peut dire que, globalement, les budgets de tous les
États occidentaux bénéficieront d'une faible marge de
manoeuvre. Il y aura une marge de manoeuvre parce qu'il y a croissance
économique, mais elle sera faible.
Deuxièmement, on peut présumer que le gouvernement doit
procéder, lui aussi, à l'exercice, c'est-à-dire
vérifier quelles sont ses activités jugées moins
prioritaires et injecter les ressources qu'il dégage pour des
activités plus prioritaires. Le gouvernement doit aussi s'imposer cet
exercice, impliquant cette fois l'ensemble des émissions
gouvernementales.
L'exercice que le ministère de l'Éducation, lui, doit
s'imposer, c'est à l'intérieur de son budget de
l'éducation, comment établit-il, par exemple, les enveloppes pour
le primaire-secondaire, le collégial, l'éducation permanente,
l'université? Voilà des choix budgétaires. L'importance
relative de ces diverses missions relève du ministère de
l'Éducation. À l'intérieur d'un budget comme celui des
universités dont nous discutons aujourd'hui, nous devons
également nous interroger sur l'importance relative des
différents gestes que nous pourrions être amenés à
poser. Nous devons, à ce moment-là, chercher à les
sérier.
Certes, si l'année prochaine, on devait m'annoncer qu'il y a 100
000 000 $ de plus pour les universités, je présume que cet
exercice serait un peu futile, puisque, chaque fois qu'un gouvernement a eu
amplement de ressources nécessaires, il a pris bien soin de ne pas
établir de priorités. C'est ce qu'on a connu à
l'époque, par exemple, du gouvernement précédent. En
effet, ce n'est pas nécessaire d'établir de priorités,
puisqu'on a simplement à dépenser des ressources continuelles.
Alors, on choisit entre de nouvelles dépenses que, de toute
façon, on n'encourait pas antérieurement. C'est un peu une
souque-à-la-corde pour décider qui aura la plus grosse part du
gâteau. Mais lorsque nous entrons dans une période, sur le plan
économique, qui nous oblige continuellement à des
réévaluations pour dégager des ressources
nécessaires, à ce moment-là, il faut absolument
procéder à une analyse des choix qui s'offrent à nous.
Je vais prendre seulement un exemple. Quelqu'un dans la salle me disait
tantôt qu'il présidait un CRSSS et qu'il était un peu
coincé parce qu'il voyait la situation des deux côtés.
Prenons un foyer pour personnes âgées où, graduellement, la
clientèle s'est alourdie, où il n'y a plus de cas légers
A-1, A-2, autonomes, et où ce sont tous des A-3, A-4 cloués au
lit. Imaginez que, dans ce foyer - ce n'est pas un foyer hypothétique
-vous deviez lever des personnes âgées à 4 heures du matin
pour leur donner leur bain, pour procéder à leur toilette de
manière à ce qu'à 8 h 30 elles puissent déjeuner.
Vous allez me dire: C'est un peu long, les lever à 4 heures pour les
faire déjeuner à 8 h 30. Oui, mais compte tenu du personnel
présent dans un foyer pour personnes âgées, la seule
façon de faire le tour de tous les patients, c'est de les lever à
4 heures, de leur faire leur toilette et de leur dire: Recouchez-vous
jusqu'à 8 h 30. Quand vous êtes aux prises avec un problème
de ce type et que vous avez un problème d'université, vous
êtes obligé de sérier.
Cet exercice, aucune société n'aime le faire. Chaque
groupe d'individus dans son corporatisme naturel va chercher à
défendre ses intérêts. Il faut être capable d'avoir
la lucidité pour examiner soigneusement là où nous sommes
et essayer d'établir l'importance relative des gestes que nous devons
poser. Ce n'est qu'à cette seule condition qu'une société
mérite son autonomie. Une société incapable de faire de
telles évaluations est une société qui, naturellement,
s'en va vers la dépendance.
Le Président (M. Charbonneau): J'aurais d'autres
questions, M. le ministre, mais je vais m'imposer à moi-même la
règle que j'ai demandé à mes autres collègues de
suivre. Je cède la parole au député d'Argenteuil.
Peut-être que j'y reviendrai tantôt.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais, tout d'abord,
remercier le ministre de l'exposé qu'il a présenté ce
matin, un exposé très substantiel qui fait le tour des principaux
problèmes que nous voulons examiner à la commission. C'est une
entrée en matière qui est excellente, qui pose beaucoup de
problèmes, évidemment, sur lesquels nous aurons l'occasion de
revenir au cours des jours qui vont venir.
Pour l'instant, je voudrais faire quelques observations liminaires avant
de poser des questions au ministre. Il est bien important, pour commencer,
qu'on s'entende sur la dimension exacte de l'effort que le Québec
consacre aux universités. Il y a des passages dans l'exposé du
ministre, en première partie, qui traitent de cette question. J'ai
déjà signalé au ministre - je dois le faire de nouveau ce
matin l'extrême prudence avec laquelle nous devons procéder dans
ces comparaisons, en particulier avec l'Ontario et le reste du pays.
Au cours des audiences de la commission, nous serons saisis des
résultats des travaux qui ont été faits par d'autres
instances que le gouvernement à ce sujet, qui nous inviteront aussi
à beaucoup de discernement. Avant de prendre pour de l'argent comptant
ce qui nous a été dit ce matin, il serait bon de faire une couple
de rappels opportuns. Dans le cadre de financement 1984-1985, à la page
11, on présentait des données sur l'effort du Québec
comparé à celui de l'Ontario, laissant entendre qu'au cours de
sept années, de 1974 à 1981-1982, l'effort du Québec par
rapport au PIB aura augmenté de 25,78%, alors que
celui de l'Ontario aurait connu un recul de 14,75%. Le Conseil des
universités dont le ministre s'est réclamé tantôt
quand cela faisait son affaire - j'étais bien content de l'entendre
prendre les passages de certains avis du Conseil des universités qui
étaient favorables au gouvernement, mais il a soigneusement fait le
silence sur d'autres -dans l'avis qu'il remettait au gouvernement sur le cadre
de financement pour l'année 1984-1985, présente des
données aux pages 12, 13, 15, 17, etc., dont je voudrais simplement
extraire un exemple. Il nous dit: Les subventions du gouvernement aux
universités ont évolué au cours des six dernières
années de la manière suivante: en 1978-1979, elles
représentaient 1,10% du produit intérieur brut du Québec;
1,07% en 1979-1980; 1,07% en 1980-1981; 1,00% en 1981-1982; 1,00% en 1982-1983;
0,94% en 1983-1984 et 0,89% en 1984-1985. Quand on compare l'importance des
subventions accordées aux universités dans l'ensemble des
dépenses gouvernementales, on observe le même
phénomène de décroissance, c'est-à-dire qu'on est
passé d'un pourcentage de 4,60% en 1978-1979 à un pourcentage de
3,40% pour la présente année. (12 h 30)
Je pense qu'il y a là-dessus un bref passage à la fin de
la présentation du ministre au bas de la page 31, auquel a fait allusion
le président de la commission, qui reconnaît ce fait. Après
avoir parlé pendant plusieurs pages comme si le Québec avait fait
un effort maximal par rapport à d'autres, le ministre nous dit tout
à coup -cela vient comme une surprise - Nos dépenses sont parmi
les plus basses de tout le Canada.
Il y a des chiffres que le Conseil des universités donne à
la page 12 sur l'évolution des subventions per capita. Il faut bien en
venir à cela à un moment donné, per capita, parce
qu'autrement on peut faire toutes sortes de raisonnements qui sont
déconnectés de la réalité. Per capita, on est
passé d'un indice de 100 en 1978-1979 à un indice de 69 en
1984-1985. Cela veut dire qu'en dollars constants la subvention per capita
accordée aux universités du Québec était de 100 $
en 1978-1979 et de 69 $ en 1984-1985. Je ne sais pas si le ministre accepte ces
chiffres du Conseil des universités ou s'il les refuse et si l'organisme
qui est chargé de le conseiller officiellement a le même avis sur
le cadre de financement de 1984-1985.
M. Bérubé: Je sais que ce n'est pas poli
d'interrompre le porte-parole de l'Opposition. Toutefois, le
député d'Argenteuil pose une série de questions
référant à un paquet de tableaux. Je ne voudrais pas
être accusé de ne pas avoir répondu à tel ou tel
aspect. Il vient sur un mode interrogatif de poser une question. Est-ce
possible que vous me donniez le temps, chaque fois qu'il y a un point
précis, de répondre de telle sorte qu'on pourra
régler...
M. Ryan: Regardez, j'aimerais mieux que le ministre ne
réponde pas immédiatement. Il peut m'interrompre, cela m'est
agréable.
M. Bérubé: Quoi...
M. Ryan: Je veux simplement...
M. Bérubé: Si je comprends bien, M. le
Président, ce qui est important, c'est la question, ce ne sont pas les
réponses.
M. Ryan: Non. J'ai remarqué que, pour une fois, le
ministre voulait se donner un délai de réflexion avant d'avancer
des chiffres. J'en suis tellement heureux que je ne puis qu'accéder
à son désir. Si on a plus de temps, cet après-midi ou ce
soir au besoin, il n'y a aucun problème de ce côté. C'est
une question que j'aimerais vider en toute honnêteté et si on
peut, une bonne fois, s'entendre, je pense qu'il y a moyen de s'entendre. Cela
demanderait des explications, on les aura, je ne veux pas entrer dans les
technicités actuellement, je sais qu'il y en a beaucoup. Je pose le
problème, parce que nous sommes en face d'un document qui émane
de l'organisme chargé par la loi de conseiller le gouvernement. Il me
semble que c'est normal qu'on essaie de clarifier les choses, si on est en face
de données différentes en provenance du ministre et en provenance
du Conseil des universités.
De même, en ce qui touche l'effort comparatif du Québec et
de l'Ontario, je trouve dans l'avis du conseil sur le cadre de financement
1984-1985, à la page 8, l'opinion suivante: "L'an dernier, l'avis du
Conseil des universités sur le niveau de financement -évidemment,
pour l'année 1983-1984 - avait clairement démontré que les
coupures budgétaires imposées aux universités
étaient plus sévères au Québec qu'en Ontario et
dans les autres provinces canadiennes. Or, je continue toujours la citation -
cette détérioration relative du financement des
universités québécoises par rapport à la province
voisine ne pourra faire autrement que s'accentuer encore en 1984-1985." Je
répète ceci pour que ce soit bien clair: "ne pourra faire
autrement que s'accentuer encore en 1984-1985." Est-ce là, demande le
Conseil des universités, une situation compatible avec la volonté
du gouvernement du Québec de situer les universités au centre de
ses priorités, de les faire agir comme élément contributif
primordial aux nouveaux développements économiques,
technologiques et culturels sur lesquels repose l'avenir de la
société québécoise?
Sur ce point, je voudrais simplement réitérer ce que j'ai
dit au tout début: Si nous pouvions nous entendre sur une
appréciation réelle. Il me semble que, si les chiffres disent:
Cela a baissé de 31% depuis six ans, on est capables de s'entendre sur
cela. Si par rapport à l'Ontario une fois qu'on a fait la part de la
définition des clientèles, on peut s'entendre clairement, je
pense qu'on aura déblayé une grosse partie du terrain et, pour
l'avenir du débat, c'est extrêmement important.
De même, j'entendais le ministre faire allusion aux subventions
fédérales de transfert, aux paiements fédéraux de
transfert, sur un mode qui laissait entendre qu'on a assisté à
une diminution au cours des dernières années. Le ministre sait
parfaitement que ce n'est pas vrai. Nous aurons l'occasion d'en parler avec le
ministre des Finances cet après-midi. Tant mieux! On l'a
déjà fait en commission parlementaire des finances avec lui. Je
voudrais simplement vous rappeler ici une affirmation que je faisais le
printemps dernier qui n'a jamais été contredite par le
gouvernement. De 1974 à 1984, les paiements de transfert
fédéraux au Québec ont connu une augmentation
considérable. Les revenus que le gouvernement du Québec a
retirés de cette source sont passés de 1 400 000 000 $ en 1974
à 6 253 000 000 $ en 1984, soit une augmentation de 344% en dix ans.
Pendant la même période, les revenus propres du gouvernement du
Québec sont passés de 4 348 000 000 $ en 1974 à 15 097 000
000 $ en 1984, soit une augmentation de 242%. Pendant la période de 1974
à 1984, les revenus en provenance des paiements fédéraux
de transfert ont donc augmenté à un rythme plus
élevé que les revenus autonomes du gouvernement
québécois. Par conséquent, je ne pense pas qu'on puisse
invoquer cet argument pour justifier ce qui s'est fait depuis dix ans. Que des
problèmes très sérieux se dessinent à l'horizon
à cause de certains changements d'orientations dans les politiques
fédérales, nous en convenons volontiers. Nous sommes prêts
à travailler avec le gouvernement pour éviter que le
Québec ne subisse les effets négatifs de politiques qui seraient
inconsidérées de la part du gouvernement
fédéral.
Il me semble que, quand on regarde les années passées, il
faut faire un constat que confirmaient d'ailleurs certaines décisions
prises par le Conseil du trésor tout à fait à la fin de
l'exercice 1983-1984, sur lesquelles nous avons eu l'occasion de nous
arrêter avec le ministre lors de l'étude des crédits de son
ministère en avril dernier. Vous savez ce que le gouvernement a fait
à la fin de l'exercice à même les crédits du fonds
de suppléance et d'autres crédits. Il a payé par
anticipation aux commissions scolaires plus de 400 000 000 $ qui auraient
normalement dû être étalés sur les deux ou trois
années à venir. Il y avait eu un surplus important dans les
paiements fédéraux de transfert et on s'est dit: On va en
profiter pour diminuer les dépenses l'année prochaine. On mettra
cela aux dépenses de l'année 1983-1984 et cela nous donnera une
bonne marge de manoeuvre pour l'année qui va déboucher
vraisemblablement sur des élections. On va passer cela rapidement tout
en continuant de dire de l'autre côté: On a des problèmes
terribles, vous savez. Les 5 000 000 $ que demande le Conseil des
universités, cela n'a pas de bon sens.
Vous avez versé par anticipation aux commissions scolaires
seulement en devançant un échéancier de paiement qui
était défini par votre propre politique plus de 400 000 000 $ au
cours de l'année 1983-1984. Ceci pour dire que lorsqu'on parle de
financement... J'entendais le ministre nous dire tantôt: Aie, les petits
enfants, je ne veux pas que vous touchiez à cela parce que le
gouvernement va vous claquer sur les doigts et va vous dire que ce n'est pas
vos affaires. Eh bien, le gouvernement nous dira que ce n'est pas nos affaires
et nous prendrons nos responsabilités. Je ne pense pas que nous ayons
des leçons de méthodologie à demander ou à recevoir
de ce côté. Le gouvernement prendra ses responsabilités et,
si la commission trouve que le niveau de financement pour l'année
1984-1985 est insuffisant et qu'il faille recommander au gouvernement de
présenter un budget supplémentaire à l'Assemblée
nationale, il me semble que la commission est capable de le faire. Le
gouvernement pourra dire en temps opportun quelle attitude il adopte
vis-à-vis de cela. Je dis ceci sans avoir moi-même tiré de
conclusion autre que celle que je soumettais en notre nom, de l'Opposition, au
début de nos travaux, mais il me semble que ce sont des questions qu'il
faut être prêt à laisser ouvertes.
J'ai constaté avec plaisir que le ministre a annoncé deux
décisions importantes ce matin qui sont positives. Au sujet de la base
de référence du cadre de financement, je pense qu'en disant que
le gouvernement va poursuivre ses travaux le ministre convenait en même
temps, et j'aurais aimé qu'il le dise plus explicitement, que
peut-être les travaux de la commission ajouteront une contribution
importante à cette recherche. Dans l'esprit qui a semblé inspirer
la décision du ministre, je me réjouis de constater que, sur ce
point précis, les travaux de la commission parlementaire auront
peut-être une utilité.
Je crois avoir également compris - le ministre me corrigera et il
peut même m'interrompre, cela me fera plaisir qu'on nettoie cette
question-là tout de suite - que les mesures de redistribution qui
avaient été
envisagées pour l'année 1984-1985 d'une institution
à l'autre sont laissées de côté pour l'année
1984-1985. Par conséquent, les sommes que l'on voulait enlever à
l'Université du Québec, par exemple, pour les donner à
d'autres universités qui étaient réputées avoir
été sous-financées en vertu du nouveau mode de calcul des
subventions, j'ai cru comprendre dans les propos qu'a tenus le ministre
tantôt qu'on allait surseoir à cette mesure pour l'année
1984-1985. Pardon? Ai-je bien compris?
M. Bérubé: Non, non, j'interviendrai.
M. Ryan: Très bien. Cela marche. Alors, je souhaite avoir
bien compris. Si je n'ai pas compris, je veux que ce soit parfaitement clair
parce qu'on serait en face d'une déclaration qui n'apporterait pas ce
qu'elle avait laissé entrevoir.
Pour l'année 1984-1985, le ministre n'apporte à peu
près rien. Je pense qu'il a dit un non. Il a noyé le Conseil des
universités sous un volume de fleurs et, ensuite, il lui dit: Bien, tout
ce que tu nous as dit, là, ce n'est pas bon pour la présente
année. J'espère qu'on aura l'occasion d'en discuter. Le Conseil
des universités viendra nous rencontrer et d'autres organismes
également. Moi, je veux dire que nous gardons un esprit très
ouvert de ce côté-ci et je regrette que le ministre ait
fermé aussi tôt la porte, mais il l'a déjà
fermée à d'autres occasions et l'a rouverte ensuite. Donc, cela
ne nous énerve pas outre mesure. Je me rappelle en particulier le cas
des enseignants P-2, le ministre avait fermé la porte bien dur et, deux
semaines après que le Conseil supérieur de l'éducation -
j'espère que le président du Conseil des universités ne
subira pas le même sort que l'autre - lui eut adressé un avis
différent, il a consenti, sous la pression de l'opinion et, je pense,
-de plusieurs de ses collègues du Parti québécois et du
gouvernement, à réviser sa ligne de conduite. Par
conséquent, c'est une porte qui est fermée, mais qui peut
être rouverte parce que, lorsqu'on fait affaires avec un gouvernement, je
pense qu'il y a toujours moyen de rouvrir une question si des arguments solides
le justifient.
Le ministre n'a pas parlé de la compression budgétaire
annoncée pour 1985-1986. J'aimerais bien savoir quelle est la politique
du gouvernement là-dessus. C'est curieux qu'il ait passé ce point
sous silence. C'est une source d'inquiétude très importante.
Maintenant, j'en viens à une autre question... Pardon? Il ne
reste plus de temps pour les réponses.
Le Président (M. Charbonneau): C'est cela.
Une voix: C'était peut-être le but de
l'exercice?
Le Président (M. Charbonneau): Alors, vous allez donner
raison au ministre qui...
M. Ryan: Je soumets cependant au jugement de mes collègues
que, s'ils veulent allonger le temps, ils sont bienvenus.
Il y a un dernier point très important que le président a
soulevé tantôt: les priorités du gouvernement. Je pense
qu'il y a deux passages très importants dans le document du ministre. Il
y a la page 20 où le ministre énonce des priorités
possibles, ce que j'appellerais des désirables, et il y a la page 25 et
la suivante où le ministre énonce les priorités que le
gouvernement entend retenir pour les années à venir en
matière de financement universitaire. Or, dans les priorités que
retient le gouvernement, il y a beaucoup de questions qui restent sans
réponse. Par exemple, c'est bien beau de lancer à la commission
parlementaire le problème des frais de scolarité, quelle est la
position du gouvernement là-dessus? Qu'est-ce que vous allez faire vous
autres? Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir. Cela fait sept ans
que vous jouez . avec ce problème là et que vous évitez
d'y faire face franchement. J'aimerais que le ministre nous dise s'il a fait
des recommandations au gouvernement, s'il envisage d'en faire. Quelle est sa
position? Le développement des services universitaires en région,
il n'y a pas un mot de cela dans l'exposé ministériel ce matin.
C'était, pourtant, une des dimensions essentielles d'une politique
d'accessibilité. Si tout est accessible à Montréal, c'est
évident qu'on aura une politique d'accessibilité
extrêmement restreinte. J'aimerais que le ministre nous donne des
précisions sur les nombreux projets de développement, de
création de nouveaux départements, de nouveaux secteurs
d'enseignement dont il parle à la page 31 de son texte.
Je commence par ces points-là.
Le Président (M. Charbonneau):
Connaissant l'intérêt que le vice-président de la
commission a sûrement d'avoir des réponses aux questions qu'il a
posées, je vais sans doute être obligé de faire une
espèce d'accroc à la règle qu'on s'était
imposée au départ et de permettre dès maintenant au
ministre de répondre plutôt que de donner la parole à l'un
de mes collègues du côté ministériel. M. le
ministre.
M. Bérubé: Je comprends, M. le Président. La
première question porte sur le débat de chiffres. Disons, en
partant, que l'ensemble des chiffres conduit à peu près à
la même conclusion, donc ils sont cohérents, mais on peut utiliser
différentes bases de départ, ce qui peut expliquer pourquoi
des
chiffres ne sont pas directement comparables. Exemple: lorsqu'on veut
comparer le Québec et l'Ontario, qui est la province importante avec
laquelle nous sommes en concurrence, on sait que les frais de scolarité
jouent un rôle beaucoup plus important qu'au Québec dans le
financement des institutions. Comparer les subventions gouvernementales au
Québec avec celles de l'Ontario ne nous permettrait tout au plus que de
conclure que nous sommes plus généreux que l'Ontario en termes de
subventions. Toutefois, c'est évidemment annulé par les frais de
scolarité. (12 h 45)
On se rend donc compte que ne tenir compte que de l'importance relative
des subventions en fonction du PIB peut permettre la tenue d'une discussion,
mais ne permettrait peut-être pas les comparaisons. De la même
façon, on pourrait utiliser les revenus comme base de comparaison ou les
dépenses. Évidemment, dans les dépenses, il y a des
déficits qui peuvent fausser quelque peu l'analyse. À ce
moment-là, on peut se retrouver avec une autre série de chiffres
non pleinement conciliables.
C'est ce qui explique pourquoi, avec mon discours, nous vous avons remis
une fiche comparant soit les revenus de fonctionnement en fonction du PIB, soit
les subventions gouvernementales plus les frais de scolarité en fonction
du PIB. Vous en avez sur les dépenses, vous en avez toute une
série qui...
Le Président (M. Charbonneau): Je m'excuse de vous
interrompre, mais je pense qu'on n'a pas cette fiche.
Une voix: Annexe 6.
M. Bérubé: C'est l'annexe 6.
Le Président (M. Charbonneau): Je ne suis pas certain que
tous les membres de la commission aient reçu cette fiche.
M. Bérubé: Ce n'est pas arrivé, on me dit
que ça s'en vient. Vous les aurez bientôt. On n'en avait pas en
nombre suffisant, on n'en avait qu'un certain nombre de copies.
M. Ryan: Pour cette partie, est-ce qu'on pourrait attendre
d'avoir accès aux annexes, M. le ministre? Vous pourriez peut-être
différer votre réponse jusqu'au moment où nous les
aurons.
M. Bérubé: De toute façon, je termine sur ce
point.
M. Ryan: D'accord.
M. Bérubé: Ce qu'il est important de retenir, je
pense, c'est que les séries de chiffres, quelles que soient les
séries que l'on prenne, tendent à faire la même
démonstration. D'autre part, on sait qu'il faut également
corriger ces chiffres chaque fois que nous faisons des comparaisons. À
titre d'exemple, lorsque l'on compare avec l'Ontario, on se rend compte qu'il
n'y a pas de collégial en Ontario, en général. Par
conséquent, la première année d'université
ressemble davantage à nos cégeps. Par contre, nous avons beaucoup
plus d'étudiants inscrits à des certificats, des programmes
courts qui, nous le savons, coûtent moins cher. Si on veut
véritablement comparer les deux systèmes, il faut procéder
à un rétablissement des bases de manière à obtenir
des budgets de revenus ajustés, ce qui amène à ce
moment-là à des séries de chiffres voisines, mais non
absolument identiques.
Il ne faudra jamais voir dans le chiffre autre chose qu'un instrument
d'analyse. Il n'existe pas en science de mesure sans référence
à un instrument de mesure. Dès que vous changez l'instrument de
mesure, vous obtenez, pour la même variable, un chiffre différent.
Il va de soi que, pour la même raison, chaque fois que nous changerons
l'instrument de mesure, nous obtiendrons pour la même
réalité un chiffre différent.
Le député d'Argenteuil insiste beaucoup sur la
nécessité d'avoir des chiffres absolument identiques. Nous
n'aurons jamais de chiffres absolument identiques; nous aurons cependant des
tendances, des bases de comparaison qui nous permettront de porter des
jugements. Je pense que c'est ça qui est important.
À cet égard, je pense que, globalement, on se rend compte
que les chiffres que nous soumet le Conseil des universités et les
chiffres que l'on obtient par une analyse parfois différente, parfois
plus fine, de la même réalité, sont conciliables et
conciliés. Suivant la méthode, on arrive à des
données légèrement différentes, mais les
conclusions restent les mêmes. Je pense que c'est ça qui est
important.
Ceci m'amène à la deuxième question du
député d'Argenteuil qui disait qu'en 1983-1984 le Conseil des
universités avait prévu un accroissement de l'écart entre
les coûts par étudiant ontarien et québécois
à l'avantage des étudiants ontariens. C'est ce que nous
constatons de la même façon lorsque nous regardons les subventions
provinciales plus les frais de scolarité par étudiant. Lorsque
nous regroupons ces deux paramètres, nous constatons que, effectivement,
aujourd'hui, l'Ontario doit consacrer à peu près 5% de plus que
le Québec par étudiant. Soulignons, cependant, que, lorsque l'on
parle de l'effort québécois qui est plus grand que celui de
l'Ontario, on parle de l'effort par rapport au produit
intérieur brut. Or, ce que nous constatons, c'est que nous avons
une base démographique, chez les 19-30 ans, plus large que la base
démographique ontarienne, c'est-à-dire que nous avons, toutes
proportions gardées, plus de jeunes susceptibles de s'inscrire à
l'université au Québec, à population comparable, qu'en
Ontario. Ceci entraîne, à ce moment, des dépenses
additionnelles puisque, pour le même taux d'accès à
l'université, nous aurons, pour la même population, plus d'enfants
à l'école et plus d'étudiants à
l'université.
Deuxième facteur qui fait que nous devons consacrer un effort
plus grand qu'en Ontario, c'est que nous sommes moins riches qu'en Ontario et,
par conséquent, pour fournir les mêmes sommes à
l'enseignement universitaire, le pourcentage de revenu que le
Québécois devra consacrer sera plus élevé que s'il
vivait en Ontario. Ceci résulte tout simplement de ce que les deux
économies ne génèrent pas le même niveau de richesse
par habitant. Et ce sont les deux raisons qui font que, même si nous
dépensons en dollars réels par étudiant 5% de moins qu'en
Ontario, pratiquement parlant, nous devons même, pour atteindre cet
objectif, consentir un effort beaucoup plus grand qu'en Ontario parce que nous
avons plus d'étudiants inscrits, aussi à cause de notre structure
démographique et pour la raison que je vous donnais tantôt,
à cause de notre richesse. Ceci est le deuxième point. Donc,
effectivement, l'écart souligné s'est bien produit -
l'écart que prévoyait le Conseil des universités - et nous
arrivons aux mêmes conclusions par des méthodes d'analyse
légèrement différentes.
Le troisième point soulevé par le député
d'Argenteuil a trait aux factures que le gouvernement a décidé
d'honorer, devançant les échéances en question.
Évidemment, le député d'Argenteuil se demande pourquoi. Il
s'était demandé pourquoi à plusieurs reprises, il revient
avec ce débat régulièrement. L'argument est très
simple. Nous nous retrouvions avec un surplus non récurrent de plusieurs
centaines de millions et nous en avons profité pour réduire nos
dettes plutôt que de nous engager dans des dépenses
récurrentes pour lesquelles nous n'aurions pas eu, l'année
suivante, de revenus équivalents, ce qui aurait entraîné
une évolution de nos dépenses en dents de scie,
c'est-à-dire qu'on encourage les gens à dépenser
massivement dans le cadre de programmes récurrents et, l'année
suivante, on leur annonce qu'ils doivent supprimer tous ces programmes qu'ils
ont mis en place parce que nous n'avons pas les ressources pour les soutenir.
À ce moment, il apparaissait plus logique de réduire nos
emprunts, réduisant d'autant le service de la dette, ce qui fait que
cette économie de service de la dette s'étale sur une base
récurrente pour les dix à vingt prochaines années. En
d'autres termes, nous avons converti un surplus momentané dans notre
budget en un surplus permanent qui nous permet, à ce moment, d'effectuer
des dépenses récurrentes. C'est donc la conversion du
non-récurrent en récurrent. Je ne comprends pas pourquoi le
député d'Argenteuil ne saisit pas l'approche parce qu'elle est
claire et limpide.
Concernant les mesures de redistribution, l'analyse des bases de
financement universitaire nous mène à conclure que certaines
universités sont surfinancées et d'autres sous-financées
par rapport à la moyenne. En aucun moment ne s'agit-il d'un jugement de
valeur quant au niveau des ressources. Et, dois-je le dire, beaucoup de ces
situations sont des conséquences de décisions politiques
antérieures, d'un historique qui a fait que, effectivement, on est
arrivé à des règles de financement qui n'étaient
pas, au dire des représentants des universités, souvent
équitables. Or, jamais nous n'avions eu de comparaison entre les
universités. Étant donné également la
complexité des mandats académiques, il est extrêmement
difficile de faire des comparaisons entre la formation d'un étudiant en
médecine et la formation d'un étudiant en sciences sociales,
entre la maîtrise, le doctorat, les effets de taille, les effets de
distance. Enfin, il y a une quantité de paramètres: allez donc
tirer la conclusion que cette université en a plus que sa part ou moins
que sa part! C'est extrêmement difficile.
Ce que le ministère a fait, c'est qu'il s'est engagé dans
un processus extrêmement long et minutieux de comparaison des
différentes dépenses encourues par les universités pour
des études de premier cycle dans une dizaine ou une douzaine de
secteurs, - je pense qu'il y en a onze -également en tenant compte de
l'effet des cycles d'étude, des coûts afférents
résultant d'octroi de subventions de recherche puisqu'il y a des
coûts induis pour l'université. Le ministère a donc
cherché à tracer un portrait de toutes les dépenses
actuelles des universités et, à ce moment-là, a pu
effectuer une comparaison centrée autour de la moyenne
caractéristique pour notre réseau.
A part quelques exceptions - je pense que l'INRS et le siège
social de l'Université du Québec ont été pris en
compte - en général, cette analyse ne pouvait pas prendre en
compte toutes les situations particulières. Je vais vous en donner une.
Par exemple, nous décidons de fournir des services universitaires dans
les régions périphériques hors des grands centres ou loin
des grands centres. Question simple: si je prends l'université de
Rimouski où, si je ne m'abuse, il y a moins de 40% de la
clientèle qui vit sur le campus et que pour la balance des
enseignements ceux-ci se donnent répartis sur l'ensemble de dix
territoires à de plus petits groupes, il est extrêmement difficile
d'atteindre une économie d'échelle que l'on pourrait observer,
par exemple, dans une université située dans un centre
urbain.
Forcément, l'étude n'a pas pris en compte une telle
situation particulière. Elle se fonde sur les moyennes. Par un effet de
distance, somme toute, marginal, par l'effet de taille qui est peut-être
mal documenté encore, elle a tenté d'arriver à une
comparaison plus équitable. Il est clair que les chiffres que nous avons
ne sont pas parfaits. Fonder, à ce moment-là, un
réaménagement des niveaux budgétaires entre les
universités sur la base d'une étude qui doit faire l'objet de
vérification, d'analyse critique, je pense que cela aurait
été, enfin, à mon avis, inacceptable. Par
conséquent, nous acceptons la recommandation du Conseil des
universités qui, je pense, ne porte pas de jugement sur la
qualité de l'étude, mais constate qu'elle vient d'arriver, que ce
n'est pas mûr et qu'on doit la pousser plus loin avant de pouvoir fonder
les décisions politiques de réaménagement
budgétaire sur une telle étude. Je pense que ce n'est pas
mûr et je suis d'accord avec cette analyse.
Le Président (M. Charbonneau): Étant donné
l'heure qu'il est, M. le ministre, est-ce qu'il vous reste...
M. Bérubé: C'est parce qu'il y avait sept points
soulevés par le député d'Argenteuil.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, nous
n'allons pas répondre aux sept points maintenant. Il reste encore une
minute ou deux avant la suspension pour l'heure du dîner; on reprendra au
début de l'après-midi, après le dîner.
M. Bérubé: Certainement.
Le Président (M. Charbonneau):
Écoutez, est-ce que votre prochaine réponse risque
d'être suffisamment longue pour...
M. Bérubé: Non.
Le Président (M. Charbonneau): ...qu'on puisse penser
qu'il serait mieux de reporter cela à cet après-midi?
M. Bérubé: Alors, compressions pour 1985-1986: je
pense que vous avez compris assez clairement par mon exposé que j'estime
que les débats à cette commission parlementaire vont nous
permettre de mieux cerner les priorités que nous devons maintenir
à l'intérieur du réseau, et c'est à la
lumière un peu de l'opinion que je recevrai que je pourrai faire des
recommandations au Conseil des ministres.
Concernant les frais de scolarité, le député
d'Argenteuil dit: On voudrait savoir à quelle enseigne le gouvernement
se loge. Moi, je répondrai: J'attends l'éclairage que vous allez
me fournir.
Quant aux nouveaux développements, je ne suis pas certain d'avoir
bien saisi la question du député d'Argenteuil.
Le Président (M. Charbonneau): Dans ce cas, M. le
ministre, on y reviendra cet après-midi.
Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à quinze
heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise de la séance à 15 h 12)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre
reprend l'étude des orientations et du cadre de financement du
réseau universitaire québécois pour l'année
financière 1984-1985 et pour les années à venir.
M. le ministre, aviez-vous complété les réponses
aux questions qu'avait formulées le député
d'Argenteuil?
M. Bérubé: Oui, M. le Président. En fait, je
pense que j'ai terminé en exprimant le souhait que la commission puisse
nous éclairer sur l'établissement d'une liste de priorités
et qu'on attendait beaucoup de cet éclairage qui nous viendrait de la
commission pour nous aider à prendre des décisions. J'ai
terminé là-dessus, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, M. le
ministre, c'est vraiment une obsession de votre part qu'on fasse une partie du
travail, quoi?
M. Bérubé: En fait, nous aimerions prendre la
décision la plus pertinente, la plus juste, la plus précise
possible, mais on attend beaucoup de vos travaux.
Le Président (M. Charbonneau): Nous attendons beaucoup des
précisions que vous nous apporterez pour qu'on puisse faire ce
travail.
Oui, M. le député.
M. Ryan: M. le Président, la dernière question que
j'avais posée, je pense, n'a pas eu de réponse. C'est qu'à
un moment donné, dans son texte, le ministre nous dit: II y a une
pléthore de projets qui sont présentement sur la table, on
voudrait développer toutes sortes de secteurs, de services, etc. J'avais
demandé au ministre
s'il avait des précisions sur cette affirmation qui était
contenue dans son texte, évidemment, sur la politique du
ministère par rapport à cela. Il me semble que c'est assez
important parce qu'on veut envisager des orientations futures. Je peux retenir
la question pour un stade ultérieur, cependant; je ne veux pas utiliser
davantage de temps tout de suite.
Le Président (M. Charbonneau): Peut-être que ce
serait préférable. Justement, comme on a déjà eu
une longue discussion entre vous et le ministre, peut-être qu'on pourrait
donner l'occasion à d'autres membres de la commission, quitte à
ce que vous reveniez un peu plus tard.
M. Bérubé: Simplement une question, M. le
Président, si vous me le permettez.
Le Président (M. Charbonneau): Pardon?
M. Bérubé: Je voudrais simplement une
précision. Le député d'Argenteuil désire-t-il
obtenir une liste des développements qui sont envisagés? Parce
que cela va nous permettre d'essayer d'effectuer un recensement pour dresser
une telle liste de telle sorte que ultérieurement, si le débat
porte sur cette question, je pourrai répondre aux questions.
M. Ryan: Si on pouvait ajouter en môme temps des
données sur les projections que le ministère fait quant aux
clientèles futures, quant à l'évolution des
clientèles au cours des dix ou vingt prochaines années? Vous avez
sans doute des projections qui pourraient être très utiles pour
les stades ultérieurs de notre démarche.
M. Bérubé: D'accord.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. M. le ministre,
à la page 4 du mémoire, vous énumérez ce que vous
appelez les carences, les signes de faiblesse de notre système
universitaire. Il y a la question de l'accès à
l'université pour les moins de 30 ans, un taux d'accès
inférieur de 9% à celui de l'Ontario; la question de la
proportion des étudiants à temps partiel plus
élevée qu'en Ontario aussi; le niveau de la diplomation aux
deuxième et troisième cycles plus faible qu'en Ontario
également. Sur le plan de la recherche, le Québec reçoit
moins des organismes subventionnaires fédéraux que l'Ontario et
nos universités francophones reçoivent encore moins; c'est 14%
seulement de subventions qu'elles reçoivent des organismes
fédéraux subventionnaires.
Le cadre de financement que vous proposez - et vous insistez beaucoup
sur les objectifs de ce cadre de financement - vise à corriger ces
carences. Le cadre de financement se divise en deux volets. Il y a le volet qui
touche les bases de financement et il y a le volet qui touche le
développement proprement dit et cela, c'est un aspect qui est nouveau et
qui fait consensus également, je pense.
Par contre, à la page 29 de votre mémoire, vous insistez
sur le caractère non directif de ce cadre de financement au point
où vous parlez d'une autonomie pour les universités. Vous dites:
Les universités ont la plus complète autonomie et cette autonomie
représente 98,5% du budget des universités. Quant au
caractère directif du cadre de financement, pour 1984-1985, il touche
seulement environ 1,5% du budget. Il y a un consensus, je pense, sur le fait
que le gouvernement doit être le maître d'oeuvre, de plus en plus
présent auprès des universités, en liaison, bien
sûr, avec les universités. Le travail doit se faire avec les
universités, mais il doit être un maître d'oeuvre de plus en
plus présent.
Dans votre document sur le cadre de financement, vous insistez,
d'ailleurs, sur les orientations précises dont notre réseau
universitaire doit se doter. Mais on peut se poser la question, finalement:
Êtes-vous suffisamment le maître d'oeuvre de cette politique que
vous préconisez de façon à corriger les carences que vous
mentionnez au début de votre mémoire? La question se pose. Je
sais qu'il y a des intervenants - pas devant cette commission, mais dans les
journaux - qui ont insisté sur le caractère trop dirigiste du
cadre de financement et qui s'inquiétaient pour l'avenir des
universités, pour leur liberté, leur autonomie d'action, etc.
Mais la question se pose et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je crois
que la commission devra se prononcer sur ce caractère dirigiste ou
non.
Il m'apparaît que le ministère n'est pas suffisamment
dirigiste si on veut véritablement donner le coup de barre qui s'impose.
Je pense que c'est le Conseil des universités qui parlait du
développement plus ou moins anarchique de notre système
universitaire au Québec. C'est une constatation qu'on peut faire
à la lumière de bien des évaluations. Qu'est-ce que vous
en pensez? J'ai l'impression que vous n'êtes pas suffisamment directif et
que le gouvernement devrait s'imposer davantage dans le domaine universitaire.
Cela pourrait être de façon temporaire, mais de façon
véritablement à donner le coup de barre qui s'impose.
Une sous-question: Comment le cadre de financement, à votre point
de vue, va-t-il véritablement corriger les carences et, en particulier,
par quels moyens compris dans le cadre de financement?
M. Bérubé: Je pense qu'il faut d'abord
commencer par quelques réflexions préliminaires concernant
cette relation dyadique entre l'université et la société.
Il est clair... Un instant, je ne fais qu'agencer ma pensée. D'abord, on
l'a souvent dit et cela m'apparaît une vérité fondamentale:
l'université précède l'évolution de la
société dans beaucoup de domaines. Elle la précède
dans la mesure où, cherchant à repousser le plus loin possible
les frontières du connu, elle est en contact perpétuel avec les
idées nouvelles, elle les reprend, les analyse, les développe, en
poursuit, innove même de son côté sur le plan de la
recherche scientifique, par exemple, de telle sorte que fréquemment
l'université est à l'avant-garde des besoins de la
société. C'est d'autant plus vrai que très
fréquemment, après quelques années - je pense ici aux
sciences appliquées d'enseignement universitaire, il est fréquent
que l'universitaire se coupe progressivement du milieu industriel et que
progressivement son enseignement devienne plus théorique, plus
fondamental et moins raccroché à des besoins constants. Je
faisais autrefois une mauvaise blague en sortant de mon cours
d'ingénieur au MIT en disant que j'aurais sans doute
trébuché sur un broyeur à boulets et que je ne l'aurais
jamais su, car j'avais étudié en profondeur les équations
mathématiques du broyage, mais je n'avais, pour ainsi dire, jamais vu de
photographie de broyeur et encore moins je n'en avais vu un en
réalité. Cela traduit un peu le type d'études que l'on
peut faire au niveau universitaire: études plus fondamentales qui ne
sont pas nécessairement accrochées à une
réalité économique immédiate.
L'université en ce sens, parce qu'elle poursuit ses
réflexions dans tous les domaines d'intérêt pour notre
société, précède, oriente, dirige, si on veut,
l'évolution de notre société. Il est donc dangereux que la
société cherche de façon précise à vouloir
lui dire dans quel secteur elle doit se développer ou quelle devrait
être l'orientation de sa pensée, car alors la
société se priverait de son intelligence même qui est
constituée par l'université.
Donc, il faut maintenir une distance entre la société et
l'université. Mais, d'un autre côté, comme vous l'avez
souligné tantôt, la société a des besoins. Pour
répondre à ses besoins, elle doit former des jeunes dans le
domaine des sciences, des arts, des lettres et, par conséquent, elle
attend de l'université réponse à ses besoins. Nous avons,
d'ailleurs, choisi comme société, non pas de privilégier
une université d'élite qui n'aurait été accessible
qu'à ceux qui auraient eu les moyens, mais plutôt nous avons
choisi de privilégier une université de masse qui devait tendre
à universaliser la formation universitaire, et cela, c'est un objectif
politique. Il n'est nullement nécessaire que pour l'université on
suive cette approche-là.
Donc, il y a une interaction inévitable entre les deux et il faut
toujours examiner avec méfiance toute tentative de diriger ou d'orienter
de façon trop précise le développement des
universités. Mais en même temps il faut reconnaître que la
société a des besoins et que l'université doit
répondre à ces besoins si elle prétend profiter des taxes
et impôts payés par les citoyens à l'État.
Deuxièmement, il existe une façon aussi d'orienter les
universités: c'est par le biais du discours. On ignore trop
fréquemment l'importance du discours politique, de l'orientation qu'une
société peut prendre parce qu'un parti politique tient un
discours cohérent. Je sais que beaucoup de partis politiques en
général ont peu d'idées et s'exposent rarement à se
voir contredire, d'une façon bien simple, c'est-à-dire en
n'émettant jamais aucune idée intelligible et cohérente.
Par contre, lorsqu'on veut véritablement jouer un rôle en
politique, on est amené à faire des choix, à prôner
des orientations, lesquels, simplement par la présence même du
discours, ont un effet d'entraînement sur toute la société.
Il n'y avait jamais eu au Québec de politique de restructuration
industrielle. Il aura fallu un premier volume "Bâtir le Québec",
suivi du "Virage technologique" pour que l'on se mette à parler chez
nous de virage technologique ad nauseam. Donc, l'une des façons, je
pense, d'orienter les universités, c'est de faire confiance à
l'intelligence de nos concitoyens, d'évaluer, de mesurer les choix qui
s'offrent à nous et de tenir un discours cohérent avec les choix
que nous avons faits. À ce moment, les gens qui écoutent, qui
regardent ce qui se passe, vont échanger entre eux et, si le discours
est valable, ils ont énormément de chances de le suivre. Donc,
pour moi, c'est peut-être l'une des meilleures façons d'orienter
l'université, c'est-à-dire de passer par le biais du
discours.
Lorsqu'on examine le cadre financier maintenant, on s'aperçoit
que, vous avez raison, la seule orientation véritable qu'on y apporte,
c'est à peu près par le discours. Certes, il y a une
différence entre le taux de financement des étudiants inscrits
dans les secteurs prioritaires et celui de ceux qui ne le sont pas. Dans un
cas, on les finance à 50% et, dans l'autre cas, à 70%.
Écoutez, ce n'est pas une volonté d'orientation des
universités, c'est un manque d'argent, c'est-à-dire que, si nous
avions pu financer toutes les clientèles additionnelles à 70%,
bien sûr qu'on l'aurait fait. Ce n'est que parce que nous n'avions pas
suffisamment de ressources que nous avons dû faire des choix, Le
ministère n'a même pas voulu, par exemple, que l'on finance
à 70% les clientèles prioritaires et à 0% les autres
clientèles en
évitant le prélèvement dans les budgets
réguliers des universités. Au contraire, il y maintenu sa
politique de prélèvement de manière à, au moins,
garantir un financement à 50% des clientèles dites non
prioritaires. Donc, même le ministère a cherché à
atténuer ce qui aurait pu être une décision politique
beaucoup plus radicale puisque le gouvernement n'avait dégagé de
ressources que pour financer des clientèles prioritaires, ce qui fait
que maintenant les 22 000 000 $ dont on parle servent à financer
l'ensemble des clientèles et non pas seulement les clientèles
prioritaires puisqu'elles sont toutes financées à 50% de base. Et
l'écart entre le 50% et le 70% ne représente que 8 000 000 $,
finalement, d'ajout de fonds.
Donc, lorsque nous examinons le cadre budgétaire, nous constatons
qu'il n'y a pas vraiment beaucoup de dirigisme pour tenter d'orienter. Quand on
examine, par exemple, le financement des différentes options, l'objectif
que préconise le ministère ici est de financer au coût
réel, soit des études de premier cycle, du deuxième ou du
troisième, pour un groupe de disciplines, environ une douzaine de
disciplines différentes étant peut-être les plus
représentatives. Ceci correspond à un financement neutre en ce
sens que nous allons payer ce que coûte réellement un
étudiant additionnel et nous allons laisser l'université choisir
effectivement l'orientation qu'elle veut prendre. Si l'université veut
prendre plus d'étudiants gradués et qu'à ce moment le
financement est à 8000 $ ou 9000 $, bien, on paiera 8000 $ à 9000
$ pour les étudiants gradués. Si l'université choisit des
enseignements plus légers ou des enseignements au niveau du premier
cycle, on aura un financement moindre, c'est-à-dire que nous allons
payer ce que cela coûte et, à ce moment, laisser
l'université entièrement libre de faire ses choix. Donc, à
cet égard, vous avez parfaitement raison: le financement est non
directif, il est complètement neutre. Il dit: Quelle que soit la
décision que vous prendrez, nous ne vous pénaliserons pas et, si
vous choisissez la voie des études avancées, bien, à ce
moment, nous en défraierons les frais.
Cela m'amène à un problème qui reste dans notre
structure de financement cette année, c'est, par exemple, le financement
des certificats, des cours à temps partiel. Nous continuons à les
financer sur la base des coûts moyens de la discipline, si l'on veut, et
nous savons par des études qui ont été menées que,
en général, ces cours ne coûteraient environ que 75% du
coût moyen. Là, nous avons à nouveau dans nos règles
cette année un biais en ce sens que nous surfinancons encore ces
études à temps partiel, ce qui pourrait être une incitation
aux universités à se diriger davantage dans ce domaine. J'ose
présumer que les universités ne le feront pas. (15 h 30)
Parmi les propositions que nous avons pour discussion au Conseil des
universités, il y aurait, justement, une réduction du taux de
financement de ces clientèles à temps partiel au niveau des
certificats de manière à ne les financer qu'à 75% du
coût moyen, à un coût plus proche de leur coût
réel. Évidemment, l'idée est intéressante, mais
elle est peut-être difficile d'application, car qu'est-ce qui
empêche une université d'inscrire un étudiant au
baccalauréat pour profiter des pleines subventions et
éventuellement lui donner un certificat à mi-chemin, de telle
sorte qu'on aura en pratique détourné toute la règle de
financement? La méthode pour financer le certificat sur une base plus
réaliste n'est pas véritablement trouvée et c'est
ça que nous allons discuter au cours de l'année de manière
à pouvoir la mettre en place. Mais vous avez raison de dire que, dans
l'ensemble, nos règles de financement ne sont pas directives quant
à l'orientation des étudiants puisque nous finançons au
coût réel de manière à rester neutres. Il y a un
seul élément où il y a une certaine orientation de la part
du ministère, c'est lorsque nous finançons à 70% les
clientèles associées aux secteurs prioritaires. Là, je
vous dirai que, si nous avons dû limiter l'étendue de ces
clientèles, c'est tout simplement parce que nous n'avions pas toutes les
ressources dont nous aurions voulu disposer.
M. Leduc (Fabre): Mais une université qui
accroîtrait sa clientèle dans les secteurs du virage technologique
ou dans les secteurs dits prioritaires verrait sa contribution augmenter,
finalement? Pour la clientèle additionnelle, l'allocation serait de
l'ordre de 70%. C'est cela?
M. Bérubé: C'est cela.
M. Leduc (Fabre): Mais l'université serait libre
d'affecter les sommes reçues où elle le veut.
M. Bérubé: Ah oui, absolument. D'ailleurs, c'est
pratiquement fait. Il suffit de maintenir certains contacts avec ses
collègues du département de génie pour savoir que la
principale protestation des professeurs, c'est que ce sont eux qui
reçoivent les clientèles et ce sont eux qui financent
l'université dans d'autres secteurs. C'est un reproche que l'on
entend.
M. Leduc (Fabre): J'aurais envie de vous demander, à ce
moment-là, à quoi va servir le cadre de financement. Son
objectif, c'est d'orienter davantage le système, de faire jouer au
Québec un rôle plus présent comme maître d'oeuvre
auprès des universités. On s'entend sur ces objectifs,
mais qu'est-ce que cela va changer véritablement par rapport
à ce qui existait dans le passé?
M. Bérubé: Ce qui existait dans le passé,
c'est que, si nous financions sur la base du coût moyen pour l'ensemble
des clientèles universitaires, il y avait donc des clientèles qui
coûtaient moins que ce coût moyen et des clientèles qui
coûtaient plus que ce coût moyen. En conséquence,
l'université était financièrement incitée à
prendre des clientèles coûtant moins cher que ce que lui
rapportait la subvention de manière à pouvoir jouir d'une marge
de manoeuvre et à l'utiliser ailleurs. C'est ce que les
universités ont parfois qualifié de course à la
clientèle.
Par contre, d'autres clientèles étaient
sous-financées puisque, par définition, la moyenne est
située grosso modo entre les deux. D'autres clientèles
étaient sous-financées. À ce moment-là, il y avait
peu d'incitation pour l'université à développer des
études qui lui coûtaient plus cher que ce que ça lui
rapportait. Ce que nous faisons avec le nouveau cadre financier, c'est
éliminer tous ces biais non voulus, mais néanmoins réels
qui existaient dans les anciennes règles de financement afin que,
désormais, le choix libre de l'université se traduise par un
financement au coût réel et qu'il n'y ait pas de biais
budgétaire amenant l'université à faire un choix
plutôt qu'un autre.
Donc, nous allons dans un sens qui va à l'encontre du dirigisme
et c'est la raison pour laquelle j'ai eu de la difficulté à
comprendre les propos du porte-parole de l'Opposition en matière
d'éducation, si ce n'était qu'il avait repris les propos de M.
Lacoste.
M. Leduc (Fabre): Par contre, sur la question des bases de
financement, en introduisant les paramètres - actuellement, ça
n'existe pas ou, finalement, très peu -est-ce que, à ce
moment-là, on peut parler de dirigisme jusqu'à un certain point
ou d'orientation compte tenu du choix des paramètres? Je comprends que
cela ne s'appliquera pas en 1984-1985, mais il faut comprendre que le cadre de
financement est incomplet. D'abord, le ministère devra le
compléter, cela est sûr, en tenant compte, entre autres, de la
question des programmes courts. Là, il m'apparaît qu'il pourrait y
avoir une orientation fort importante qui pourrait être prise
vis-à-vis de la clientèle des certificats, des programmes courts,
enfin c'est à voir. Je sais qu'on attend un avis du Conseil des
universités sur cette question. Toute la politique du cadre de
financement devra donc être complétée. Il reste ceci: dans
la question du choix des paramètres, n'y a-t-il pas là un choix
d'orientation?
M. Bérubé: L'influence du ministère de
l'Éducation sur le développement des universités se situe
au maximum à trois niveaux. D'abord, au niveau du développement
des équipes de recherche, il est clair que nous avons fait un choix.
Nous savions que le corps professoral devait être rajeuni par une
injection de jeunes professeurs dans toutes les facultés. Nous savions
que nous devions privilégier la recherche des études
supérieures. Nous savions que l'encadrement des étudiants
gradués dans nos universités semble a priori déficient. Je
dis a priori déficient. J'ai fait état dans mon exposé ce
matin de ce qu'il nous fallait plus d'étudiants inscrits à la
maîtrise que chez nos voisins pour arriver à former un
diplômé. C'est-à-dire que nos jeunes abandonnent ou encore
qu'on les traîne longtemps de telle sorte qu'on n'a pas une
productivité au niveau de la diplomation qui apparaît
satisfaisante au niveau de la maîtrise. Au niveau du doctorat il existe
un certain écart, mais il semble que c'est plus le regroupement des
étudiants qui soit le problème. Mais au niveau de la
maîtrise, ce n'est pas un problème de recrutement. On a les
candidats, mais ils ne finissent pas, ils n'obtiennent pas de
diplôme.
Donc: je vais finir par perdre ma pensée - on avait
identifié les problèmes vécus: encadrement, diplomation,
recherche et, en même temps, le gouvernement avait fait son nid comme
politique économique. Après "Bâtir le Québec", nous
avons introduit "Le virage technologique" et indiqué qu'il y avait un
certain nombre de domaines où le Québec devrait passer à
la fine pointe de la technologie mondiale et nous avions identifié ces
secteurs. À ce moment, nous avons regroupé ces constats et
proposé la création de 40 équipes de recherche. Je dis
bien 40 équipes de recherche parce que nous nous sommes
méfiés d'une mauvaise habitude qu'on a pu observer dans nos fonds
de recherche au Québec, c'est que la tendance du milieu universitaire
est un peu de se battre chacun pour avoir sa petite part du gâteau. Au
départ, on voudrait avoir un impact et à la fin on
s'aperçoit que les fonds ont été dilués sur un
très grand nombre de chercheurs et on n'arrive pas à regrouper
des masses critiques en termes de recherche. On devait produire il y a quelques
années - deux ou trois ans, je pense -environ 345 diplômés
au doctorat par année et on devait avoir environ 345 programmes de
doctorat, ce qui veut dire qu'on ne retrouve nulle part véritablement
des équipes suffisamment fortes pour en faire des centres
d'excellence.
Le raisonnement qu'on a fait, c'est tout simplement de dire:
Écoutez, il faut au moins que dans ces secteurs que nous voulons
développer il n'y ait pas une multiplication de petits contrats de
recherche, mais qu'il y
ait des masses importantes, 500 000 $ par équipe, ce qui permet
d'engager un senior. Quand je dis un senior, c'est vraiment un chercheur de
réputation. Deuxièmement, cela permet de l'entourer de quatre ou
cinq associés de recherche au niveau postdoctoral. Troisièmement,
cela permet de l'entourer de pratiquement dix à quinze étudiants
gradués, maîtrise et doctorat; donc on peut former ce qui,
à l'échelle internationale, constitue un fort beau noyau de
recherche. On dit qu'on créera 40 de ces noyaux dans l'équivalent
d'environ 80 à 100 départements qui peuvent être
touchés par les priorités gouvernementales. On voit que c'est
presque un département sur deux et cela va augmenter le corps
professoral de ces départements de presque 25% à 30%. C'est
significatif. Voilà un bond, on se donne trois ans pour le faire.
Évidemment, ce n'est pas quelque chose qu'on va maintenir pendant 25
ans. Une fois que ces équipes sont constituées, une fois qu'elles
ont fonctionné, qu'elles ont fait la preuve qu'elles produisaient, il
faut intégrer les fonds dans les budgets réguliers des
universités et là oublier le programme puisqu'on n'a tout
simplement fait qu'étoffer le milieu universitaire dans les domaines qui
étaient jugés prioritaires. Voilà un domaine où le
gouvernement effectivement a fait des choix basés essentiellement sur
trois constats du Conseil des universités, sur la situation des
universités et sur la volonté du gouvernement de
développer la recherche dans ces domaines. Certains diront: Pourquoi
avez-vous choisi ces domaines plutôt que d'autres? Parce que nous avons
des priorités et que nous avons choisi de le faire là, tout
simplement. Il n'y a pas d'autres arguments que cela. Cela, c'est un
domaine.
Le deuxième domaine, j'y ai fait référence
tantôt, c'est lorsque nous finançons à 70% plutôt
qu'à 50% les clientèles additionnelles reliées au virage
technologique. Soit dit en passant, nous le faisons uniquement parce que nous
n'avons pas eu les ressources pour toutes les financer à 70%; autrement,
on l'aurait fait. Disons que notre tendance aurait plutôt
été d'aller vers la neutralité quant au financement, mais
enfin nous l'avons fait. Là, il y a une incidence et, finalement, il y a
le fonds de développement pédagogique où là,
effectivement, on peut financer les projets qui ont reçu l'aval du
Conseil des universités pour du développement universitaire dans
un domaine ou l'autre, par exemple, la rationalisation de programmes ou des
expériences pédagogiques ou du développement de nouveaux
programmes. Là, évidemment, c'est décidé ad hoc et
la décision se prend sur la base de la recommandation du Conseil des
universités pour éviter au maximum ce qu'on pourrait qualifier de
dirigisme.
Alors, quand j'examine objectivement l'approche gouvernementale, je
pense qu'elle est plus sujette à l'accusation de manquer de dirigisme
que d'être entachée de dirigisme, à mon avis. Toutefois, je
pense que le discours politique peut être l'instrument le plus puissant
pour obtenir le même résultat, à la condition d'avoir une
pensée cohérente.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le ministre, à la page 16 de
votre document, vous semblez dire que les universités ne performent pas
suffisamment, qu'il faudrait qu'elles aient une meilleure performance. Vous
indiquez les domaines où il faudrait améliorer cette performance
et vour leur fixez certains objectifs. Vous dites: "Chaque université
devrait s'astreindre à revoir ses programmes. Deuxièmement, vous
mentionnez "la nécessité, pour chaque université, de se
doter d'un plan de développement de la recherche." Il faudrait
également que les universités portent encore plus de soin et
d'attention à la gestion de leurs ressources humaines. Enfin, vous
dites: "Je voudrais souligner l'importance primordiale pour le Québec
que les universités développent entre elles, et avec leurs autres
partenaires dans le domaine de l'enseignement et de la recherche, des
méthodes de coopération et de collaboration plus
étroites."
M. le ministre, après avoir imposé des coupures aux
universités, en tenant compte des compressions salariales, de 315 000
000 $ depuis environ six ans, ne croyez-vous pas que les universités ont
dû vérifier, ont dû tester ces formules et n'est-ce pas un
peu cynique de leur demander de se dépasser, d'aller encore
au-delà de ce qu'elles ont pu réussir jusqu'à maintenant,
surtout si l'on considère que vous demandez aux universités de
faire quelque chose avec pratiquement rien et que, de votre côté,
le ministère ne s'impose aucune contrainte, n'ajoute aucun financement
au niveau des universités? (15 h 45)
M. Bérubé: M. le Président, les remarques
que je faisais dans mon exposé ce matin, remarques adressées aux
universités, leur indiquant peut-être des voies possibles pour une
amélioration de la productivité et une certaine rationalisation
de leurs activités, étaient tirées essentiellement d'avis
du Conseil des universités. Je les prends à mon compte en ce sens
qu'il apparaît à ceux qui vivent au sein des universités
qu'il existe des possibilités de rationalisation, qu'il existe des
possibilités de mieux utiliser les ressources disponibles et que, dans
toute société, il doit toujours y avoir un effort pour
accroître sa productivité, car les taxes dont
bénéficient les universités ont été
prélevées dans les poches des contribuables et les
contribuables sont en droit de s'attendre à la meilleure utilisation
possible de leurs impôts. Je suis convaincu que même les
électeurs du député de Saint-Laurent pensent de
même.
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le ministre, le Conseil des
universités a sûrement des doutes sur l'atteinte de cet objectif
avec le financement qui existe actuellement au niveau des
universités.
Si, maintenant, on regarde votre déclaration à la page 13,
vous dites: "En bref, devant la croissance des coûts et la rareté
des ressources, les universités ont augmenté le ratio
étudiants-professeur régulier soit en diminuant les choix de
cours, soit en augmentant la taille des groupes." Vous continuez en indiquant
que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. "Ces quelques exemples
illustrent bien, je crois, l'effort d'amélioration de la
productivité que se sont imposé les universités." Ce que
je voudrais savoir, c'est: y a-t-il une limite? Hypothétiquement, on
peut dire: II n'y a pas de limite. On va solutionner les problèmes de
clientèles supplémentaires. C'est très facile de les
solutionner. On n'a qu'à augmenter le nombre d'étudiants. On
augmente le ratio; on augmente le nombre d'étudiants par groupe. Je
voudrais savoir s'il y a une limite à cette surcharge, si, à un
moment donné, on ne dépasse pas le point critique et si ce n'est
pas la qualité de l'enseignement qui va écoper.
M. Bérubé: J'aurais tendance à être en
désaccord avec le député de Saint-Laurent. Je dirais qu'il
y a une limite théorique qu'on peut imaginer, mais que, pratiquement, la
localisation de cette limite est, évidemment, beaucoup plus difficile.
Sans parler d'absolu, je soulignerais une remarque qu'un universitaire me
faisait une fois à propos du degré de satisfaction
d'étudiants de nos universités. On nous disait:
L'université où les étudiants semblent le plus satisfaits
de l'enseignement, où les études supérieures progressent
de façon fort remarquable, c'est également l'université au
Québec qui est la plus mal financée de toutes. Je ne tirerais pas
comme conclusion qu'il faille encourager un sous-financement
systématique de toutes les universités dans le but
d'accroître le degré de satisfaction des étudiants. Mais il
n'y a pas une corrélation absolue entre le degré de financement
et la performance finale. Il en existe une. On sera d'accord pour dire: Elle
doit exister. Si on sous-finance de façon trop dramatique l'ensemble du
milieu universitaire, en moyenne, on a toutes les chances du monde d'avoir un
système de moins bonne qualité. On va s'entendre là-dessus
assez facilement.
Par contre, on sait que l'excellence dépend
énormément de la motivation, du dynamisme des gens, de la
cohésion du milieu.
Par conséquent, on peut retrouver avec un financement moindre un
niveau d'excellence nettement plus remarquable. Il n'est pas dit, cependant,
que, si on finançait de meilleure façon ce même groupement,
on n'aurait pas une performance encore supérieure. Donc, on sait qu'il
existe une relation, mais il est difficile de dire quel est le seuil de
financement en dessous duquel subitement le milieu universitaire est
inefficace, de mauvaise qualité, alors qu'au-dessus de ce seuil de
financement le milieu universitaire devient de grande qualité.
Il faut utiliser un grand nombre de paramètres et les recouper.
D'abord, très fréquemment au Québec, on fait des
comparaisons avec certaines grandes universités américaines. Si
une université américaine, avec ses fondations et ses frais de
scolarité, va se chercher un coût de 30 000 $ à 40 000 $
par étudiant, comme cela existe, je devine que les moyens mis au service
de l'éducation dans ces universités doivent être nettement
supérieurs aux nôtres. Mais, évidemment, à
côté de ces cas d'excellence, il y a aux États-Unis un
grand nombre d'universités de moins bonne qualité avec lesquelles
on pourrait se comparer et dire que nous sommes avantagés par rapport
à elles.
Quel est le niveau moyen que nous devons chercher? Je n'ai pas la
réponse, mais ce que je suis obligé de faire, c'est regarder
autour de moi et de dire: Où les autres se situent-ils en moyenne? Si je
tire la conclusion que ce que je prélève en frais de
scolarité et en subventions par rapport à la richesse de mes
concitoyens pour financer mes universités est nettement plus important
que partout ailleurs, j'aurai tendance à dire: Je fais
déjà un gros effort. Je ne prétends pas qu'il est
suffisant, mais je dirai que je fais un gros effort. Si, de plus, j'examine la
situation de mes voisins et je constate que, par étudiant, il m'en
coûte moins cher au Québec, je ne pourrai pas tirer la conclusion
automatique que mon système est menacé, mais je devrai cependant
être prudent. Je devrai dire: Hop! Attention! Je commence à
circuler dans l'inconnu et j'ignore véritablement ce qu'une
réduction additionnelle du financement peut entraîner comme baisse
de la qualité.
Contrairement à ce que vous avez pu laisser entendre, il n'y a
pas de réponse absolue. J'ai eu l'occasion de le dire dans mon
exposé. Il n'y a pas de réponse absolue, il y a simplement un
signal d'alarme qui nous incite à devenir plus prudents. Par exemple,
lorsque nous financions nos études supérieures à des taux
qui étaient presque 30% supérieurs par étudiant à
ce qui se faisait ailleurs au Canada, on pouvait en
toute quiétude se dire que ce financement était fort
généreux et que, par conséquent, les universités
pouvaient prendre des clientèles additionnelles et pouvaient supporter
des compressions. Mais à partir du moment où cette
première analyse ne tient plus, il faut être capables de s'ajuster
en conséquence. Ce que je vous ai présenté ce matin est
exactement ce type d'ajustement auquel il faut procéder au fur et
à mesure qu'évolue une situation. C'est ce que j'ai essayé
de montrer.
Mais il faut continuellement se poser des questions. À titre
d'exemple, dans une des annexes que vous aurez et qui parle du ratio
étudiants-professeur, on démontre qu'au Québec le ratio
global étudiants-professeur est d'environ 10,4, alors qu'il est de 11 ,7
en Ontario. Il y a donc moins d'étudiants par professeur au
Québec. Mais il faut faire attention. En Ontario, ces chiffres n'ont pas
été corrigés pour le fait que c'est un cycle universitaire
de quatre années. Donc, il est peut-être normal qu'on ait un tel
écart. Lorsque j'examine les salaires en 1982 sur le même tableau,
je constate que le salaire moyen des enseignants réguliers est de 48 668
$, alors qu'en Ontario il était de 44 219 $. Évidemment, il
faudrait être capable de savoir ce qu'il est en 1983-1984, mais nous
n'avons pas de chiffres là-dessus à l'heure actuelle. Je constate
que, par exemple, en 1982, il y avait encore un écart salarial. Si
l'écart était véritablement réel -et les chiffres
nous portent à le croire, parce qu'ils ont été bien faits
- en 1982, on était donc encore justifié de demander un
effort.
Alors, jusqu'où peut-on aller? Cela m'apparaît difficile.
Le mieux, c'est de se comparer à ce qui se fait ailleurs et, lorsqu'on
commence à sortir du peloton de tête, il faut s'inquiéter.
Quand on est dans le peloton de tête, on peut dormir en paix. Disons
qu'en ce moment on commence à être en arrière du peloton.
C'est le temps de signaler où nous en sommes à ceux qui doivent
prendre les décisions.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites qu'on doit se comparer aux
autres, mais je me demande si c'est une situation qui s'est produite ailleurs.
On a reçu dans nos universités depuis cinq ans une
clientèle supplémentaire de 17 000 étudiants qui n'ont
été nullement financés d'aucune façon par aucune
somme additionnelle. Je me demande s'il est possible dans ces conditions de
donner une qualité d'enseignement qui soit comparable à ce qui se
donne ailleurs.
M. Bérubé: D'abord, je ne suis pas tout à
fait d'accord avec vous. J'ai plutôt un chiffre de 38 500 comme
clientèle additionnelle. Elle était partiellement
financée. Le chiffre que vous avez est-il l'équivalent non
financé? Je l'ignore, mais disons qu'on s'entend sur le fait que, compte
tenu de la situation favorable qui prévalait dans le monde
universitaire, nous avons amené les universités à accepter
de partager l'effort d'accessibilité et, de fait, alors qu'il n'y avait
que quelques universités qui prenaient des clientèles
additionnelles, toutes les universités se sont prêtées
à l'opération et ont fait en sorte qu'aujourd'hui le taux
d'accès des francophones au Québec se rapproche globalement de la
moyenne québécoise, de même que pour les femmes, tout en
rappelant toujours, comme je l'ai dit tantôt, que, évidemment,
c'est un taux d'accès qu'il faut qualifier entre temps complet et temps
partiel puisque, à cet égard, on privilégie un peu au
Québec le temps partiel et moins les études plus
fondamentales.
M. Leduc (Saint-Laurent): À la page 15, quand vous parlez
de la réduction des coûts unitaires, vous dites: "Cela aura permis
au réseau universitaire d'atteindre un des niveaux de coût
unitaire les plus faibles au Canada - alors qu'auparavant vous sembliez dire le
contraire - sans pour autant nuire à la capacité du réseau
d'accueillir et de former une fraction plus grande de la population
québécoise." Je me demande si cela ne vient pas en contradiction
avec les taux de diplomation qu'on connaît aux trois niveaux. Au premier
cycle, vous dites: Si on fait une comparaison avec l'Ontario, c'est à
peu près équivalent. Il y a une chose qu'il ne faut pas oublier,
c'est qu'il y a une différence de 20% en ce qui concerne le temps plein.
Quand on examine le taux de diplomation au niveau de la maîtrise - vous
dites: Au niveau de la maîtrise et du doctorat, 30% - ce ne sont pas du
tout les chiffres qu'on obtient. On dit qu'au niveau de la maîtrise,
c'est 34% et au niveau du doctorat 43% de moins qu'en Ontario. Quand vous
dites: "de former une fraction plus grande de la population
québécoise", je pense que c'est complètement faux. Si on a
des écarts aussi importants aux trois cycles, on a la preuve qu'on
n'arrive pas, que cela ne donne pas les mêmes effets.
M. Bérubé: Hélas! Cela peut être une
théorie intéressante de la part du député de
Saint-Laurent. Malheureusement, il utilise des données dont la
corrélation prouve l'inverse de son avancé. En effet, le taux de
diplomation et les études à temps partiel étaient beaucoup
plus importants quand on surfinançait les universités et ont
tendance à décroître au fur et à mesure qu'on
sous-finance les universités. On pourrait donc dire que la
qualité est inversement reliée au niveau de financement. Je suis
certain que c'est une autre explication qu'il faut rechercher et, en fait,
l'explication plus
plausible, c'est que les universités elles-mêmes ont fait
au départ ce qu'elles pouvaient faire, c'est-à-dire qu'elles se
sont organisées, elles ont accueilli beaucoup de clientèles.
Elles n'étaient pas équipées pour leur donner des
baccalauréats lourds, mais progressivement elles se sont
structurées et, progressivement, elles sont en train de modifier leur
approche vis-à-vis des clientèles. Donc, ce n'est pas
relié directement au financement. Mais, comme vous avez tenté de
relier le fait qu'il existe un écart d'à peu près 5% entre
le financement per capita au Québec et le financement per capita en
Ontario, à l'avantage de l'Ontario, aux diplomations insuffisantes au
Québec, je suis obligé de vous dire que les diplomations
étaient encore plus insuffisantes au Québec quand un
étudiant nous coûtait 13% de plus.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela semble vous satisfaire.
M. Bérubé: Non.
M. Leduc (Saint-Laurent): Comment expliquez-vous cela?
M. Bérubé: Cela veut dire qu'il ne faut pas essayer
d'établir une corrélation entre ces chiffres et le
phénomène observé.
M. Leduc (Saint-Laurent): Comment expliquez-vous la
différence entre les trois taux?
M. Bérubé: D'abord, il y a une question de longue
tradition. Quand on parle de baccalauréats lourds, on fait
référence généralement au droit, au génie,
à l'administration. On fait référence à des
matières qui étaient bien implantées dans les
universités traditionnelles. Le développement de nos
universités ne s'est pas fait autour de ces axes initialement, sauf que
nos universités, comme l'Université du Québec, ont
modifié cela progressivement, ont mûri et, aujourd'hui, l'offre de
cours dans ces matières est plus importante qu'elle ne l'était
autrefois. C'est une raison importante. Maintenant, peut-être qu'il y en
a d'autres.
Mme Fortin (Michèle): Au niveau du retard sur les taux de
diplomation, en particulier à la maîtrise et au doctorat, il
serait intéressant de relire les derniers avis du Conseil des
universités sur la recherche où on essaie d'analyser et de sortir
un certain nombre de causes. Une des raisons serait probablement que nous avons
ici, au Québec, des maîtrises beaucoup plus longues que dans les
universités des autres provinces. On a probablement des problèmes
reliés à l'encadrement des étudiants. On a probablement
d'autres problèmes reliés à l'inscription et à
certaines situations spécifiques.
(16 heures)
Je pense que ce ne sont pas nécessairement des problèmes
reliés à l'argent, mais à un comportement de nos
études avancées. C'est à cela, dans le fond, que le
ministre demande aux universités de s'attaquer afin de le revoir
à l'interne. Je sais que les universités - et vous pourrez leur
poser des questions - sont fort intéressées par ce
phénomène et, j'en suis certaine, ont probablement des
hypothèses sur le fonctionnement de leurs programmes d'études
avancées qui pourraient vous éclairer là-dessus.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que, M. le ministre, vous avez
une politique en ce qui concerne les frais de scolarité? J'ai
regardé dans votre document et je n'ai vu aucune allusion aux frais de
scolarité tant en ce qui concerne les étudiants
québécois que les étudiants étrangers ou les
étudiants d'autres provinces canadiennes.
M. Bérubé: En fait, j'attends l'avis de la
commission pour m'éclairer et, éventuellement, faire des
recommandations au Conseil des ministres. Mais disons que l'année
dernière, lorsque le ministère a eu à effectuer un certain
nombre de compressions, s'est posée au ministère la question fort
pertinente de savoir si on devait faire assumer par les budgets
généraux des universités des compressions additionnelles
ou si, au contraire, on devait essayer de les faire porter ailleurs. L'examen
nous a démontré que, premièrement, les frais de
scolarité au Québec étaient inférieurs aux frais de
scolarité prévalant en moyenne au Canada et que ceci pouvait
constituer un choix politique de la société
québécoise. Mais ce choix politique portait sur les
étudiants québécois et non pas sur les étudiants
venant de l'extérieur et, donc, c'était plausible de vouloir
hausser les frais de scolarité pour les clientèles de
l'extérieur du Québec. De plus, l'opinion était qu'on
devrait peut-être en faire porter une part plus grande par les
étudiants étrangers qui ne sont pas citoyens canadiens et qui
n'ont jamais payé de taxes au Canada, tout en prévoyant,
cependant, que près de 50% de ces clientèles ne seraient pas
affectées par une telle augmentation des frais de scolarité,
puisque, dans le cadre d'accords de réciprocité entre les pays
généralement en voie de développement et le Québec,
on pourrait voir à ce que ces étudiants soient exemptés ou
reçoivent une bourse équivalant à l'augmentation des frais
de scolarité. Donc, effectivement, le ministère, l'année
dernière, face à la possibilité d'augmenter les
compressions dans les budgets des universités ou d'en faire porter une
partie par les
clientèles venant de l'extérieur, a
préféré en faire porter une partie par les
clientèles venant de l'extérieur.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je comprends que le Conseil des
universités a une opinion là-dessus, mais est-ce que le ministre,
lui, a une opinion?
M. Bérubé: Ce que le Conseil des universités
ne nous a pas dit, c'est s'il préférerait voir le fardeau
porté par les universités plutôt que par les
clientèles extérieures. Je sais que certaines universités
m'ont dit que, dans le fond, elles préféreraient absorber la
compression en question et ne pas avoir à appliquer une telle
politique.
M. Leduc (Saint-Laurent): Et vous, quelle est votre opinion?
M. Bérubé: Si l'université veut absorber les
frais et pense qu'elle le peut, je n'ai aucune objection.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Mille-Îles.
M. Champagne: Merci, M. le Président. Je voulais justement
parler des priorités de financement en abordant aussi les frais de
scolarité, comme l'a fait le député de Saint-Laurent. Vous
avez comme priorité de financement le maintien du gel des frais de
scolarité. D'autre part, on voit à la page 22 de votre
mémoire que la contribution des étudiants au financement des
universités a décru de 16,4% à 6,4% en l'espace de dix
ans. Je voudrais savoir de la part du ministre s'il a l'intention de maintenir
ce gel pour de nombreuses années. Est-ce que vous croyez
qu'éventuellement, considérant que, pendant dix ans, la
contribution des étudiants au financement a diminué de 10%, d'ici
de nombreuses années, on arrivera à enlever les frais de
scolarité pour les étudiants?
M. Bérubé: Une chose est sûre, nous allons
dans cette voie. Cela est clair, puisque...
M. Champagne: Éventuellement, nous atteindrions le point
zéro pour les frais de scolarité? C'est bien cela?
M. Bérubé: L'éventualité
dépend beaucoup du niveau de ressources. Pour l'instant, tout ce qu'on
peut dire, c'est que nous allons dans cette voie, parce que jamais encore ne
s'est posée la question du financement des universités par le
passé. Elle se posait si peu en pratique que nos universités
étaient amplement financées si on se fie à tous les
standards de comparaison que l'on peut vouloir imaginer et si on examine la
situation qui prévalait vers 1977, 1978 ou 1979, par exemple. Donc, s'il
n'y a aucun problème de ressources, personnellement, je pense qu'on doit
rechercher une diminution constante des frais de scolarité. Si, par
contre, nous manquons de ressources et que cette insuffisance de ressources
menace la qualité du système universitaire, nous devons nous
poser la question. On se pose un peu partout la question en ce moment.
M. Champagne: Mais vous ne répondez pas à ma
question. Est-ce que vous prévoyez...
M. Bérubé: Je me pose la question.
M. Champagne: ...maintenir le gel pendant de nombreuses
années, M. le ministre? Enfin c'est, bien sûr, une question de
ressources, j'en conviens. Mais, vous qui avez été
président du Conseil du trésor, est-ce que vous prévoyez,
quand même, d'ici quelques années une meilleure situation qui va
faire en sorte que le financement des étudiants va aller en
décroissant?
M. Bérubé: Non, je n'ai pas de réponse
à cela. Je n'ai pas de réponse parce que je n'ai pas de boule de
cristal qui me permette de dire quel sera l'équilibre financier demain,
ni quels seront les choix que le gouvernement ou, soit dit en passant, le
caucus voudra faire de l'enveloppe budgétaire dont nous disposerons. Je
pense que les besoins sont considérables. Ils sont perçus
différemment par chaque citoyen et l'arbitrage entre ces besoins est un
geste très délicat. C'est le geste politique par excellence. Tout
ce que je peux vous dire, c'est que, dans le passé, nous avons, comme
société, voulu accroître l'accessibilité,
réduire les frais de scolarité et bien financer nos
universités. Ce sont les trois objectifs que nous nous sommes
imposés comme société. Tant et aussi longtemps que nous
n'aurons pas de problème de ressources, je pense que nous devons
maintenir ces trois objectifs. Dès qu'il y a un resserrement de
ressources, il nous faut sérier aux objectifs. C'est l'exercice auquel
nous sommes conviés, si je ne me trompe. Je ne voudrais pas, d'ailleurs,
orienter de façon autoritaire les travaux de cette commission. Je
préférerais de beaucoup que vous vous engagiez dans une
réflexion en profondeur avant que le gouvernement soit amené
à prendre une décision.
M. Champagne: Alors, pour éclairer les membres de cette
commission, est-ce que vous pourriez, M. le ministre, faire une comparaison
avec les autres provinces canadiennes au sujet des frais de scolarité?
Si nos Québécois connaissent un gel au point
de vue du financement des frais de scolarité des
universités, quels sont, par ordre de grandeur, les frais de
scolarité exigés dans les autres provinces canadiennes?
M. Bérubé: L'ordre de grandeur est de 1000 $
à 1200 $ dans les autres provinces alors qu'au Québec il est
plutôt de 500 $ à 600 $. Maintenant, je n'ai pas les chiffres pour
les autres provinces. J'ai ceux de l'Ontario. Droits moyens au Québec:
588 $; Ontario, 1233 $. Mais cela varie d'une province à l'autre. Disons
qu'en gros c'est du simple au double lorsqu'on compare. Je sais, cependant,
qu'en Colombie britannique on s'intéresse de très près
à la question des frais de scolarité. La décision n'a pas
encore été prise, mais je sais qu'on l'examine. Je sais que c'est
présentement une préoccupation de tous mes collègues,
ministres de l'Éducation, de toutes les provinces canadiennes.
M. Champagne: De faire en sorte que les frais de scolarité
diminuent dans toutes les autres provinces?
M. Bérubé: Non. D'examiner la question, parce que
la plupart trouvent que leurs frais de scolarité sont trop bas.
M. Champagne: Ah, ils sont trop bas! Cela veut dire que nous, on
va dans le sens contraire?
M. Bérubé: Nous allons dans le sens contraire des
tendances actuelles.
M. Champagne: On peut s'en féliciter, je ne sais pas. La
réflexion, elle est faite. Si je comprends bien, cela veut dire que les
autres provinces s'en vont, quand même, vers une croissante de leurs
frais de scolarité pendant que le Québec va vers une diminution.
Je pense que c'est...
M. Bérubé: Exactement. C'est pour cette raison que
j'ai soulevé ce point. Je pense qu'il doit être pris en
considération quand nous essayons d'établir nos priorités.
Non pas que ce soit un objectif non désirable, il faudrait bien qu'on
s'entende. Je pense que, lorsqu'en rétrospective je revois ce que je
vous ai présenté ce matin, la période des années
quatre-vingt à aujourd'hui, en termes de financement
universitaire...
Je vous ai mentionné ce matin que le gouvernement, dans sa
réallocation de la misère, avait imposé des compressions
de 117 000 000 $ au milieu universitaire. Mais je vous ai également fait
la démonstration ce matin que, lorsque j'examine l'effort demandé
dans le réseau des affaires sociales - et j'aurais pu vous donner des
chiffres que j'avais pour les ministères; l'effort demandé aux
ministères a été nettement plus grand que dans les
réseaux - et dans le réseau de l'éducation, l'effort de
compression représente à peu près 9% des dépenses.
Notez bien que je ne fais pas référence, cependant, à
l'acceptation de clientèles additionnelles non financées; je
parle vraiment de compressions budgétaires explicites. Les compressions
budgétaires explicites imposées par le gouvernement
étaient d'environ 9% dans les deux réseaux des affaires sociales
et de l'éducation, alors qu'au niveau des ministères on parle de
15% de compression des dépenses. Donc, c'est nettement plus
élevé pour ce qui est de l'activité quotidienne des
ministères. Nous n'avons pas voulu comprimer autant les réseaux,
parce que les réseaux offrent des services directement à la
population, alors qu'au niveau des ministères il y a beaucoup de
gestion, de planification, de contrôle dont on peut se passer
jusqu'à ce qu'il y ait, à un moment donné, une mauvaise
décision prise quelque part et que l'Opposition force le gouvernement en
place à exercer plus de contrôle. C'est le rôle de
l'Opposition de toujours exiger plus de contrôle, de manière qu'il
n'y ait jamais d'erreur et, ensuite, de se plaindre de ce que les taxes sont
trop hautes et que la machine administrative est devenue incohérente.
Enfin, cela fait partie de notre système politique et je pense qu'il
faut vivre avec. De temps en temps, il faut faire le nettoyage, par contre.
Enfin, je pense qu'on n'a pas trop mal fait au niveau des ministères.
Donc, nous avons une compression qui est moindre dans le secteur de
l'éducation que ce qui a prévalu dans les ministères,
nettement moins.
M. Champagne: Un dernier point que je voudrais attaquer, ce sont
les prêts et bourses. En faisant des comparaisons avec les autres
provinces, est-ce que le Québec fait un effort plus grand ou moins grand
que les autres provinces concernant l'aide apportée aux étudiants
par les prêts et bourses?
M. Bérubé: On me dit qu'il est supérieur,
mais je vais essayer de faire sortir des données qui permettent
d'asseoir cette affirmation. Je n'en ai pas sous les yeux. Je n'ai pas
véritablement de comparaisons interprovinciales. En
général, les autres provinces ont souscrit au programme
fédéral qui consiste à ne donner à peu près
que des prêts, alors que nous avons chez nous un régime de
prêts et de bourses. Donc, nous avons un régime qui, si vous
prenez ma parole, est nettement plus généreux que ce qui
prévaut dans les autres provinces, mais nous allons essayer de vous le
détailler. Peut-être que Mme Fortin pourrait le faire.
Mme Fortin: Là-dessus, le gouvernement
fédéral compense en partie à cause du droit de retrait les
dépenses du régime des prêts-
bourses du Québec de la part correspondant à sa population
dans les dépenses fédérales. Nous, au Québec, on
dépense à peu près 270 000 000 $ par année pour les
prêts-bourses et on récupère du fédéral comme
juste part quelque chose qui varie entre 30 000 000 $ et 50 000 000 $, selon
les années. C'est donc dire qu'on dépense nous-mêmes
au-delà de six fois plus que ce que, normalement, on dépenserait
dans le programme fédéral.
M. Champagne: Merci beaucoup.
Le Président (M. Charbonneau): Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que c'est au sujet
des prêts-bourses et des frais de scolarité?
Mme Dougherty: Non.
Le Président (M. Charbonneau): Non. Allez-y, je reviendrai
tantôt.
Mme Dougherty: Vous aviez une question?
Le Président (M. Charbonneau): Oui, mais j'ai
déjà posé mes questions. Je reviendrai avec d'autres
tantôt. Allez-y.
Mme Dougherty: M. le Président, après l'analyse du
ministre ce matin, il y a une question très importante, je crois,
à laquelle le ministre n'a pas répondu. Comment le ministre
explique-t-il le fait que les universités ont subi les pires coupures
des institutions dans le secteur de l'éducation au cours des cinq
dernières années? En d'autres mots, où se trouvent les
universités dans les priorités du gouvernement?
M. Bérubé: Bon. Je pense qu'il faut revenir au
texte que je vous présentais ce matin et examiner l'origine des
compressions. Vous y verrez qu'il y a à peu près 117 000 000 $ de
compressions qui sont des compressions que je qualifierais de gouvernementales,
en ce sens qu'elles viennent d'une décision du gouvernement de
répartir sur l'ensemble des réseaux et des missions
administratives gouvernementales l'effort que nous obligeait à fournir
une récession économique qui, soit dit en passant, nous a fait
perdre 6% de notre produit national brut en 18 mois. Il ne faudrait quand
même pas l'oublier. Il faut quand même partir du fait qu'il y a 6%
de moins de richesse qui circulent. Cela touche le citoyen chez lui, mais cela
touche aussi l'administration publique; cela touche l'ensemble. (16 h 15)
Donc, nous partons d'une réalité, celle d'une suppression
de 6% de notre richesse et maintenant il faut s'ajuster. Les ministères
encaisseront jusqu'en 1985-1986... Je vais vous le citer de mémoire,
mais je m'étais fait préparer un tableau que j'avais
déniché de mes vieux jours au Conseil du trésor.
Voilà, merci. C'est bien cela. Le réseau des affaires sociales,
de 1981 à 1986, aura vécu avec 9,3% de compression de son budget
de fonctionnement par rapport à ses croissances automatiques naturelles.
Le réseau de l'éducation aura eu à vivre avec 9,2% de
compression. Les ministères - je vous avais induits en erreur
tantôt - 12,7% (c'est 13% et non 15%) de réduction de leur niveau
d'activité. Voilà donc l'étendue des compressions
appliquées à l'ensemble de l'appareil gouvernemental. À
cet égard, le réseau de l'éducation n'est donc pas plus
mal traité que les autres réseaux.
Deuxièmement, se sont ajoutés à cet effort de
compression, deux autres efforts que le ministère a demandés au
réseau dont un a été d'accepter des clientèles
additionnelles pour près de 95 000 000 $ sans les financer. Attention!
Il y a une énorme différence entre réduire le budget d'un
organisme ou l'obliger à fournir plus de services pour le même
budget. Lorsque j'introduis un élève additionnel dans une classe,
en toute probabilité son coût marginal est très bas,
probablement près de 0. Évidemment, statistiquement, si j'ajoute
un certain nombre d'étudiants, à un moment donné, je dois
dédoubler mes groupes ou je dois engager des assistants ou je dois
construire de nouvelles salles de cours plus grandes; là, je commence
à encourir des frais. Donc, le coût marginal pour accepter des
clientèles additionnelles progressivement croît sans atteindre le
coût moyen.
Donc, demander aux universités avec le même budget de
donner les cours à plus d'étudiants n'a pas réduit les
ressources dont elles disposaient, mais les a certainement obligées - et
c'est la façon privilégiée par les universités -
à donner des cours à de plus gros groupes, cela est clair. De
cette façon, on a finalement réduit notre coût unitaire,
notre coût per capita, mais cela ne s'est pas traduit comme tel par une
diminution de niveau de crédit, donc, par des obligations à
supprimer des activités aussi là, sauf, évidemment, que
lorsqu'on augmente systématiquement le nombre d'étudiants,
à un moment donné, il faut rajouter des ressources et là
elles n'avaient pas le financement et, donc, il y avait effectivement une
compression additionnelle. Finalement, il y a la compression additionnelle qui
vient du gel des frais de scolarité qui a rapporté à peu
près une quinzaine de millions aux étudiants.
Alors, ces deux compressions au niveau des frais de scolarité, au
niveau de
l'accessibilité rendue obligatoire littéralement par les
règles de financement constituent des compressions additionnelles que le
ministère de l'Éducation a choisi d'imposer au réseau avec
l'accord du gouvernement. Pourquoi? Parce que l'analyse que l'on peut faire en
1978-1979 nous démontre hors de tout doute que nous surfinancions
très nettement le réseau universitaire. En contrepartie de ce
surfinancement, en terme d'études supérieures, en terme de
baccalauréats lourds, en terme d'études à temps complet,
nous ne tirions pas du réseau universitaire une performance qui aurait
justifié une telle injection de fonds. C'est sur cette base que le
ministère a dit: II faut ajouter aux compressions dont on parle d'autres
compressions qui vont avoir comme résultat d'accroître la
participation des femmes aux études universitaires, d'accroître la
fréquentation par les francophones au niveau universitaire. En fait, le
résultat final n'est pas un résultat de diminution de
qualité; au contraire, il permet à plus de
Québécois d'avoir accès à l'enseignement
universitaire. Mais, évidemment, il taxe les ressources en place de
l'université, ce qui, tant et aussi longtemps que le niveau de
ressources reste avantageusement comparable, n'est pas un véritable
problème, mais peut le devenir lorsque le niveau de ressources commence
à décroître et c'est ce que nous observons.
Donc, ce n'est pas une question de priorités ou, plutôt,
oui, c'est une question de priorités, l'accessibilité à
l'université. Qui doit la financer? L'analyse a été faite
et a permis de conclure que l'université pouvait en financer une bonne
partie, ce qu'elle a été amenée à faire.
Mme Dougherty: II semble y avoir pas mal d'ambivalence dans votre
discours. D'une part, il y a un manque d'argent, une situation
financière dont nous sommes tous au courant au Québec et, en
même temps, nous sommes arrivés au point où les
universités sont sous-financées par rapport à celles de
nos voisins.
La politique du gouvernement semble être de demander aux
universités de faire de plus en plus avec de moins en moins. J'aimerais
vous demander quand vous allez prendre le taureau par les cornes et adopter une
politique peut-être plus réaliste afin de rechercher comment
augmenter les revenus des universités. Y a-t-il des moyens? Vous avez
dit qu'il ne s'agit pas des priorités; je crois que les priorités
sont très importantes dans la solution du problème. Comment
augmenter les revenus des universités? Avez-vous examiné d'autres
moyens d'augmenter ces revenus?
M. Bérubé: Oui. Par exemple, nous avons
approuvé cette année, dans le cadre du plan de relance, un
objectif d'environ 20 000 000 $ pour financer une quarantaine d'équipes
de recherche et nous avons injecté 22 000 000 $ pour financer des
clientèles additionnelles, ce qui représente 42 000 000 $
d'injection de fonds en régime de croisière.
Mme Dougherty: En ce qui concerne les nouvelles clientèles
prioritaires, selon le gouvernement, avez-vous évalué les
demandes faites aux universités par rapport à leur
capacité d'accueil? Vous avez ajouté quelques millions de dollars
pour certains secteurs jugés prioritaires pour le virage technologique,
mais avez-vous évalué les demandes université par
université pour des ingénieurs, par exemple, pour
l'administration, pour les sciences? J'en parle surtout parce que leur
capacité n'est pas illimitée. Je parle de leur capacité
physique, des professeurs qualifiés et des équipements. Avez-vous
évalué la situation réelle à cet égard?
M. Bérubé: Oui. D'abord, en injectant une quinzaine
de millions pour l'équipement sur trois ans. En finançant
à leur coût réel des clientèles additionnelles, on
permet, évidemment, d'engager des professeurs de manière à
pouvoir accueillir ces clientèles. Il demeure le problème des
espaces et je pense que c'est un problème très réel. Par
exemple, nous allons permettre, dans le plan d'immobilisations,
l'agrandissement de l'École polytechnique pour accueillir ces
clientèles; au niveau des HEC, nous avons autorisé une expansion.
En d'autres termes, on doit effectivement fournir certains espaces
additionnels. Donc, il y a des budgets pour l'équipement et des budgets
pour le corps professoral puisqu'on finance le plein coût de ces
clientèles et on a également des espaces.
Donc, d'une part, on met à la disposition des universités
les sommes requises pour permettre de prendre cette expansion. De plus,
s'ajoute à cela le programme des quarante équipes de recherche.
Il est clair que nous ne trouverons pas au Québec - et ce sera le
principal problème, j'imagine - les candidats nécessaires pour
remplir tous ces postes. Il va falloir aller à l'extérieur; cela
va représenter, à ce moment, un "crossbreeding", comme on dit. En
d'autres termes, on va rajeunir le corps scientifique québécois
par des apports venant de l'étranger et cela, je pense que c'est
désirable en soi.
Donc, nous savons que, si nous ne prenons pas le virage technologique,
d'autres le prennent et, à ce moment, dans cinq ans il sera trop tard
pour dire: Nous aurions dû agir. Donc, ce que nous avons fait comme
gouvernement, c'est identifier clairement nos priorités et dire: Dans
ces secteurs-là, il ne faut pas se laisser distancer par rapport aux
autres pays. Et nous ne nous laisserons pas
distancer par les autres pays. Je ne dis pas que nous serons à
l'avant-garde dans le monde, mais il demeure, quand même, qu'une
étude du FCAC indiquait qu'en ce qui avait trait à l'effort
consenti pour la recherche le Québec se compare avantageusement avec
l'ensemble canadien. Nous consacrons environ 0,3% du produit intérieur
brut à la recherche universitaire, alors que la moyenne canadienne est
plutôt autour de 0,2%. Déjà, le Québec ne se situe
pas mal, sauf que, si on se compare maintenant avec des pays comme le Japon,
les États-Unis, là on se rend compte que les grands de l'OCDE se
situent davantage autour de 0,4%. Il y a donc un effort à faire
là et c'est cet effort que nous pouvons faire en l'équivalent de
trois bonds environ. Je dirais que, si l'on pouvait accepter de faire trois
sauts semblables à celui qu'on va faire avec les quarante équipes
de recherche, nous rejoindrions les principaux pays en termes d'effort consenti
à la recherche. Cependant, en termes absolus, nous ne serions sans doute
pas au premier rang étant donné que nous sommes
proportionnellement moins riches que ces pays, mais, néanmoins, l'effort
serait réel. Même ce que nous faisons excède probablement
les capacités immédiates, c'est-à-dire que nous ne formons
pas assez de scientifiques à l'heure actuelle pour penser être
autosuffisants, et ce que nous essaierons de prendre comme virage excède
sans doute ce que nous sommes capables de fournir directement en termes
d'expertise, mais ce que cela veut dire, c'est qu'il va falloir aller recruter
à l'extérieur.
Mme Dougherty: Puis-je poser une autre question sur la
recherche?
Le Président (M. Charbonneau): Oui, une dernière
parce que le ministre des Finances est ici. On pourra reprendre avec le
ministre de l'Éducation un peu plus tard.
Mme Dougherty: D'accord. En ce qui concerne les quarante
équipes de recherche que vous avez l'intention d'implanter dans les
universités, dans votre discours de ce matin, l'une de vos
priorités est de promouvoir le développement de la recherche et
de renforcer la place de cette mission à l'université.
Qu'allez-vous faire, c'est-à-dire quelle est la politique du
gouvernement afin de promouvoir la recherche à long terme aux
universités?
Deuxièmement, une partie de cette question, le gouvernement
a-t-il l'intention de continuer de procéder par des actions
structurantes, par exemple, les quarante équipes envisagées? Ne
voyez-vous pas un risque qu'en privilégiant la recherche
appliquée, la recherche orientée, on va sacrifier la mission
primordiale des universités, la recherche libre? (16 h 30)
M. Bérubé: D'abord, pour promouvoir le
développement de la recherche à long terme, nous mettons un terme
au sous-financement des études supérieures qui résultait
de ce que, finançant sous la base du coût moyen, il existait un
écart entre les dépenses réelles encourues par
l'université et son financement par le ministère.
Évidemment, ceci était désincitatif au
développement des études supérieures. Nous mettons donc un
terme au sous-financement.
Deuxièmement, nous proposons - c'est devant le Conseil des
universités - de financer également les coûts
afférents à la recherche. Lorsqu'un professeur obtient une
subvention de recherche pour couvrir ses frais directs, l'université se
retrouve aux prises avec des frais indirects, des frais administratifs qui ne
sont pas des frais pour l'enseignement au niveau des deuxième et
troisième cycles, mais qui sont des frais additionnels reliés
directement à la gestion des laboratoires, par exemple:
l'électricité, le chauffage, tout ce que l'on peut fournir comme
services. Ce que nous proposons, c'est de financer également ces
coûts afférents de manière à ne pas
désinciter les universités à aller chercher les fonds de
recherche là où ils se trouvent.
Comme je l'ai mentionné, nous allons financer des équipes
de recherche de manière à avoir un impact significatif,
développer des noyaux critiques de manière à arriver
rapidement à un stage d'excellence plutôt que de procéder
par une recherche très dispersée au niveau des individus, ce qui
prend souvent beaucoup de temps avant qu'on réussisse à
constituer le noyau.
La difficulté que nous avons au Québec, c'est que,
très fréquemment, nos diplômés viennent des
États-Unis, d'Europe et arrivent avec des intérêts
très diversifiés. Comme notre population est moindre, comme nous
avons un grand nombre d'universités et comme nous voulons couvrir tous
les domaines, nos équipes de recherche sont souvent trop petites pour
permettre de constituer un noyau critique qui, lui, permet une véritable
interfécondation des gens qui travaillent ensemble et qui les
amène, justement, à découvrir plus rapidement.
Pour obvier à cet inconvénient qui existe depuis
longtemps, on propose que les chercheurs se regroupent et cherchent à
concentrer leurs activités de recherche dans des domaines suffisamment
connexes pour que les étudiants puissent s'épauler les uns les
autres de manière à progresser plus rapidement. C'est le but de
nos équipes de recherche.
Quand vous demandez s'il y a un risque de sacrifier la mission
fondamentale de l'université, je ne serais pas partisan de maintenir un
programme de 40 équipes et de continuer avec 40 nouvelles équipes
dans le même domaine, ainsi de suite, je ne pense
pas. Je pense qu'il faudra évaluer les besoins en recherche dans
les autres disciplines universitaires et il pourrait se produire que, dans
trois ans, l'État pense que nous prenons du retard. Ce pourra être
dans les beaux-arts, dans le design, dans les lettres, quelle que soit
l'analyse que l'on pourra faire et on pourra juger, à un moment
donné, que nous prenons un retard dans ces domaines. À ce
moment-là, on mettra l'accent sur le développement de ce secteur,
sans doute dans une formule qui sera bien différente de celle des
équipes de recherche, formule bien applicable au domaine de la recherche
appliquée, de la science pure et appliquée, mais qui est
peut-être moins heureuse lorsqu'il s'agit du développement des
sciences sociales ou des lettres.
Donc, la formule que pourrait prendre l'action gouvernementale dans
trois ans, je pense que ça dépendra du secteur que nous devrons
couvrir, mais il n'est pas exclu que le gouvernement, au-delà de son
financement régulier - il faut bien comprendre que nous finançons
les clientèles additionnelles - au-delà de ce financement des
clientèles additionnelles qui peut donner lieu à l'apparition
dans nos universités de nouveaux secteurs d'excellence, puisqu'il y aura
de nouveaux étudiants, de nouveaux financements, donc de nouveaux
professeurs, au-delà de cette croissance naturelle, veuille, dans trois
ans, mettre l'accent sur un autre secteur et accélérer le
développement. Je pense que, à ce moment-là, le
gouvernement aura à faire ses choix.
Pour l'instant, il y a un programme bien précis qui touche un
secteur et qui va nous permettre de progresser rapidement. Un avantage que nous
avons, que n'ont peut-être pas souvent les universités de pays
étrangers, c'est la possibilité, finalement, de bouger assez
rapidement dans des secteurs où il apparaît assez clairement, dans
le monde entier, que c'est l'orientation que prend le domaine scientifique
universitaire.
On me passe une petite note qui est très valable. Concernant le
fonds FCAC, 60% du financement vont à la recherche en sciences sociales
et humaines, en ce moment, au Québec.
Le Président (M. Charbonneau): Nous allons faire une
pause, M. le ministre, pour permettre à votre collègue de venir
prendre place. Juste une question avant cette pause, qui concerne le dossier de
l'accessibilité. Vous avez parlé tantôt d'une
université de masse qui avait été un peu notre choix au
Québec, comme société. Par ailleurs, depuis un certain
nombre d'années, on a une approche de gel des frais de scolarité
qui, à la limite, pourrait nous amener à l'objectif que certains
ont réclamé pendant un certain temps, c'est-à-dire la
gratuité. D'autre part, on a un système de prêts-bourses.
Est-ce qu'on a réussi à accroître, finalement,
l'accès des classes plus défavorisées dans notre
société à l'université par rapport à la
réalité qu'on pouvait observer il y a quelques années?
Est-ce qu'on a réussi à améliorer notre situation dans ce
milieu-là?
M. Bérubé: Le Conseil des universités
préparait un rapport en septembre 1980, je crois, portant sur la
répartition des coûts de l'enseignement universitaire et examinant
ce problème de l'accessibilité, quelles sont les classes sociales
qui en profitent, qu'est-ce qu'on exige d'elles comme contribution. Je pense
qu'il serait intéressant de poser ces questions au Conseil des
universités. Malheureusement, au-delà de l'information que j'ai
pu retirer de cette analyse, je n'ai pas trouvé au ministère - il
faut dire que je ne me suis pas enquis - d'information qui aille beaucoup plus
loin que cette analyse. Je pense que ce serait quand même
intéressant de soulever ces questions lorsque le Conseil des
universités viendra témoigner.
Le Président (M. Charbonneau): Sans doute. Sur ce, nous
allons faire une pause. Quelle heure est-il? Disons que l'on reprendra à
16 h 45. Nous allons arrêter sept minutes, le temps de permettre à
M. Parizeau de venir se préparer.
Une voix: De se déplacer.
Le Président (M. Charbonneau): Un instant, s'il vous
plaît; II faudrait peut-être qu'on règle aussi, M. le
ministre de l'Éducation, le calendrier pour la suite. On m'a
indiqué que le ministre des Finances était disponible pour les
membres de la commission jusque vers 18 heures. Il y a des membres de la
commission qui m'ont signalé qu'ils avaient d'autres questions à
vous poser, M. le ministre de l'Éducation. Dans ce cas, est-il possible
de penser qu'on puisse reprendre avec vous en soirée?
M. Bérubé: On me dit que c'est possible.
Le Président (M. Charbonneau): Dans ce cas, on fera tous,
de part et d'autre, des efforts pour ne pas vous retenir indûment, mais
je pense qu'on ne pourra pas échapper au fait que vous reveniez en
soirée.
M. Ryan: Je pense que nous sommes dus pour une bonne partie de la
soirée.
M. Bérubé: Pardon?
M. Ryan: On en a pour une bonne partie de la soirée, pour
finir la rencontre de manière satisfaisante.
Le Président (M. Charbonneau): Nous
vous reverrons vers 20 heures. Nous allons entendre M. Parizeau.
(Suspension de la séance à 16 h 38)
(Reprise de la séance à 16 h 46)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous sommes maintenant rendus à aborder, dans la
problématique du financement des universités, la question de la
participation du gouvernement fédéral au financement des
universités. Tel que convenu, ce matin, avec le ministre de
l'Éducation, nous allons entendre le ministre des Finances qui, dans un
premier temps, va sans doute nous présenter la problématique
selon son point de vue et selon les informations dont il dispose. Par la suite,
les membres de la commission engageront avec lui une discussion jusqu'à
18 heures.
M. le ministre.
Participation fédérale au financement
des universités
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, la seule question à
laquelle je voudrais m'adresser cet après-midi a trait au financement
fédéral des universités, tel qu'il se présente
depuis déjà un bon nombre d'années et tel qu'il a
évolué avec le temps.
Je ne voudrais pas préjuger ni du point de départ de vos
travaux ni du point d'arrivée, mais il me semble qu'il y a un certain
nombre de choses quant au financement, dit fédéral, de
l'enseignement universitaire qu'il faut dire, qu'il faut comprendre et qui, je
pense, enfin, peut-être, donneront un éclairage utile aux travaux
que vous poursuivez.
Nous avons eu à faire face - je parle ici des provinces -
à deux projets de loi coup sur coup au cours des derniers mois d'abord
le projet de loi C-3 et, ensuite, le projet de loi C-12 qui, à
l'égard des services de santé et à l'égard des
services d'enseignement postsecondaire, posaient un certain nombre de
conditions que - et j'essaierai de le démontrer tout à l'heure
-nous n'avions pas vues avant. Je vais laisser de côté, bien que
j'aurai à en tenir compte de temps à autre, la question des
sévices de santé pour m'adresser plus spécifiquement au
projet de loi C-12 qui, lui, porte davantage sur l'enseignement postsecondaire.
Je voudrais en relever simplement quelques éléments. Je n'ai pas
l'intention de faire une description complète du projet de loi en
question.
Entre autres dispositions, le projet de loi C-12 prévoit que
chaque année, dans le cadre de consultations entre le gouvernement
fédéral et les provinces, un rapport sera présenté
à la Chambre des communes quant à la détermination
d'objectifs nationaux et aux moyens de les atteindre; c'est l'article 9e.
D'autre part, le même projet de loi établit une distinction entre
les programmes de santé et ceux de l'enseignement postsecondaire, au
point, d'ailleurs, que le titre du projet de loi établit cette
distinction, ce qui n'était pas le cas avant. Ces deux
éléments que je soulève ont l'air, au moins, en tout cas,
dans certains milieux, d'aller de soi. Ce que je voudrais essayer de
démontrer en quelques minutes, c'est que non seulement cela ne va pas de
soi, mais qu'il s'agit, par rapport à tout ce qui s'était fait
auparavent, d'un virement majeur, considérable.
À cet effet, M. le Président, je souhaiterais qu'on me
laisse un peu de temps pour faire une sorte d'historique des rapports entre le
gouvernement fédéral, les gouvernements des provinces et
l'enseignement postsecondaire au Canada depuis un bon nombre
d'années.
On me permettra peut-être de commencer à une époque
qui, à tous égards, est fort intéressante parce qu'elle
représente en un certain sens la genèse des programmes que nous
connaissons maintenant et qui va de la fin des années cinquante
jusqu'à 1967. Par la suite, je procéderai étape par
étape et période par période jusqu'à
maintenant.
On se rappellera que les années cinquante ont été
absolument dominées par la tentative d'un certain nombre de provinces,
mais singulièrement du Québec, de rapatrier les champs
d'impôt qui avaient été loués au gouvernement
fédéral pendant la Deuxième Guerre mondiale.
À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement
fédéral se considère un certain nombre de
responsabilités sur le plan social en particulier à
l'égard de l'ensemble du Canada et hésite beaucoup à
rendre ces champs de taxation aux provinces.
Pour essayer de faire en sorte de maintenir des priorités
nationales, c'est-à-dire canadiennes, sans lâcher de points
d'impôt au moins jusqu'à la crise provoquée par M.
Duplessis en 1954 et même après, le gouvernement
fédéral va mettre au point un certain nombre de programmes
conjoints, de plans conjoints. En somme, il dira: Je ne veux pas vous rendre
vos champs d'impôt ou des points d'impôt, mais je vais participer
dans des dépenses qui me paraissent à moi, gouvernement
fédéral, et qui doivent vous paraître, à vous,
gouvernements provinciaux, prioritaires.
Je ne veux pas reprendre ici la totalité des plans conjoints que
nous avons connus pendant ces années, mais j'aimerais, par exemple, en
retenir deux. Premièrement,
l'enseignement technique, les écoles techniques; je vous
rappellerai, par exemple, que pendant toutes ces années, à partir
de la fin des années cinquante, le gouvernement fédéral
partage 50-50, moitié-moitié toutes les dépenses des
écoles techniques dans les provinces et, donc, au Québec.
Deuxième exemple, l'assurance-hospitalisation; même chose, 50% de
toutes les factures qui relèvent de l'assurance-hospitalisation.
Cela va fonctionner comme cela pendant un certain temps, sauf que cela
va donner lieu à des contrôles extrêmement tatillons,
tatillons au point où, par exemple, à un moment donné, il
n'y avait pas un livre qui pouvait entrer dans une école technique sans
qu'il soit approuvé par deux gouvernements. Un achat de marteau et de
tournevis devait donner lieu à deux acceptations. Je n'ai pas besoin de
vous dire qu'après un certain nombre d'années d'aberrations de ce
genre on s'est rendu compte que le marteau ou le livre revenait très
cher et qu'il fallait probablement changer de système. C'était
très joli de ne pas vouloir rendre les points d'impôt aux
provinces, mais les entraîner dans un système de contrôle
comme cela, cela allait trop loin.
Cela va aller tellement loin qu'en 1964 M. Lesage décidera de
retirer le Québec de 29 programmes conjoints. Contre quoi? Contre des
transferts de points d'impôt et une compensation financière. La
crise sera provoquée, au fond, dans ce système par le
gouvernement de Québec en 1964. On sort de 29 programmes de ce genre, on
se fait donner des points d'impôt et une compensation financière
au-dessus.
Comme ce sera, au fond, assez suivi par la plupart des autres provinces
- enfin, entre 1964 et 1967, après le coup de théâtre fait
par le gouvernement de Québec, il est clair dans la plupart des
provinces canadiennes que les programmes de plans conjoints 50-50, tatillons,
impliquant un contrôle de toutes les dépenses ex ante n'ont pas
d'avenir - cela va s'éteindre petit à petit.
Cela nous amène en 1966-1967 où deux très grands
programmes de financement des provinces vont apparaître au niveau du
gouvernement fédéral. Il est clair que le gouvernement
fédéral veut mettre en place "medicare". Il est clair que les
programmes des plans conjoints avec décision ex ante par les deux ordres
de gouvernement donneront lieu à des aberrations. Donc, le gouvernement
fédéral accepte, dans le cas de l'assurance-santé, un
principe tout à fait différent et qui consiste à dire:
Vous allez retenir, vous les provinces, un petit nombre de critères
généraux et moyennant quoi nous allons payer 50% des
dépenses. Des critères qui sont très
généraux; par exemple, il ne doit y avoir aucune discrimination
en fonction de l'âge, de la religion, du sexe, de la race, etc., le
programme doit être universel, il ne doit pas comporter de paiement par
l'usager; trois ou quatre principes comme cela. Moyennant que les provinces
acceptent ces trois ou quatre principes, le gouvernement fédéral
s'engage à payer 50%; pas 50% des dépenses dans chaque province,
d'ailleurs, mais 50% des dépenses correspondant à la moyenne
nationale et avec une vérification des coûts non pas ex ante comme
dans le cas des marteaux ou des livres dont je parlais tout à l'heure,
mais ex post. Le gouvernement fédéral regardera quelle est la
moyenne nationale des dépenses de l'assurance-santé et partagera
cela, en paiera 50% quand il aura fait les vérifications par la suite,
sans, cependant, autorisation à demander au départ. Cela va
permettre au gouvernement fédéral de relâcher un peu de la
pression à l'égard des provinces qui disent: Nous, on voudrait
nos points d'impôt. Le gouvernement fédéral dit: Non, non.
Vous n'aurez pas vos points d'impôt, mais vous aurez, cependant, 50% d'un
programme de dépenses majeures, énormes, sans conditions
tatillonnes.
En même temps - et nous parlons ici de la fin des années
soixante, c'est-à-dire d'une explosion des effectifs au niveau
postsecondaire - les provinces font des pressions considérables pour
avoir un mode de financement des dépenses postsecondaires.
Évidemment, ce qui ferait l'affaire d'un certain nombre de provinces et
singulièrement du Québec, c'est d'avoir des points d'impôt.
Mais le gouvernement fédéral va adopter à l'égard
de l'enseignement postsecondaire exactement le même genre d'attitude
qu'il a adoptée à l'égard des services de santé, en
disant essentiellement ceci: Nous allons vous fournir une contribution qui, ex
post, représentera à peu près 50% de vos dépenses
dans l'enseignement postsecondaire, l'enseignement postsecondaire étant
défini de façon très très large. Par exemple, le
secondaire V au Québec est entré dans le postsecondaire à
cette époque-là. Au bout de quelques années, le
gouvernement fédéral s'est finalement rendu compte que le
secondaire V, c'était difficilement le postsecondaire, mais, enfin,
pendant plusieurs années, il a payé, que son nom soit
béni! Mais tout était ensemble: le secondaire V, les
cégeps qu'on commençait -il faut bien le comprendre,
c'était les années où les cégeps
commençaient - les universités. Tout cela était
complètement mêlé. Cela n'avait pas d'importance: le
gouvernement fédéral acceptait de payer 50%. 50% dans le cas de
toutes les provinces, sauf le Québec. Comme on s'était
déjà retiré des 29 programmes conjoints, le gouvernement
fédéral a accepté aussi qu'on applique la même
formule dans le cas de l'enseignement postsecondaire et nous a
donné quatre points d'impôt. Nous avons été
la seule province à recevoir quatre points d'impôt pour cela. Dans
le cas de toutes les autres provinces, cela a été
moitié-moitié. Nous, cela a été quatre points
d'impôt, plus un ajustement financier par-dessus.
Bon, il y a dans ce système que le fédéral a
monté à la fin des années soixante une faille très
importante. Les provinces négocient des conventions collectives à
la fois dans les services de santé et dans les services de
l'enseignement sans aucune référence à un contrôle
fédéral quelconque. Là, il faut bien comprendre que 80%
des coûts de l'enseignement, ce sont des salaires. 80% des services de
santé, ce sont des salaires. On me chicotera un peu en me disant que
c'est plus ou moins 2% ou 3%; je n'en suis pas à cela pour le moment.
L'essentiel, ce sont des salaires et, à toutes fins utiles, très
rapidement dans les hôpitaux ou dans les cégeps, un peu plus tard
dans les universités, tout le monde se syndique et tout le monde signe
des conventions collectives. Il y a des provinces, si vous me passez
l'expression, qui n'y vont pas avec le dos de la cuillère, qui donnent
à un certain moment des augmentations de salaires tout à fait
remarquables. Le gouvernement fédéral peut fort bien s'opposer
à des traitements de cet ordre, mais il n'a rien à dire puisqu'il
contrôle les dépenses ex post, une fois qu'elles sont faites. Il
n'a pas un mot à dire sur les conventions collectives.
Donc, à partir de 1972, à la suite d'un certain nombre
d'expériences - je reconnais que, si j'avais été ministre
des Finances du gouvernement fédéral à cette
époque, j'aurais probablement réagi de la même façon
- le gouvernement fédéral dit: Écoutez, je ne vais pas
continuer à payer, pour les services de santé et l'enseignement
postsecondaire, 50% de n'importe quoi que vous déciderez de donner comme
augmentations de salaires. Entre nous, c'est raisonnable parce qu'en somme un
gouvernement d'une province qui se trouvait en face d'une grève savait
fort bien que le coût ultime auquel il réglerait la grève
serait pour lui divisé par deux. Cela ne donne pas une très
grosse force de résistance. N'importe qui qui a déjà
participé à des négociations collectives sait que,
lorsqu'on ne paie que 0,50 $ dans 1 $, on est un peu moins rigoureux que
lorsqu'on le paie au complet. (17 heures)
Donc, à partir de 1972, le gouvernement fédéral
commence à plafonner le coût des deux grandes ententes dont je
viens de parler. D'abord, en 1972 - cela peut faire sourire à notre
époque - le gouvernement fédéral accorde un plafond de 15%
d'augmentation annuelle à ses contributions à l'enseignement
postsecondaire: pas plus de 15% par an. Les modes de vérification
restent ex post, mais, au moins, du point de vue du gouvernement
fédéral, cela ne peut pas aller au-delà de 15% par
année. Quand je dis 15%, d'ailleurs, selon la façon dont chaque
province se situe par rapport à la moyenne nationale, les 15% peuvent
varier un peu plus ou un peu moins. Je n'en suis pas à la plomberie ici;
j'énonce simplement le principe général.
En 1975-1976, les contributions fédérales aux
dépenses de santé vont aussi être soumises à un
plafond. Là, nous entrons dans le cadre des négociations entre le
gouvernement fédéral et les provinces en 1977. En 1977, pour le
renouvellement de ces arrangements fiscaux, qui durent cinq ans, comme on le
sait, donc de 1977 à 1982, le gouvernement fédéral propose
un nouveau système en vertu duquel les transferts fiscaux et financiers
aux provinces pour les services de santé et de l'enseignement
postsecondaire - et cela est fondamental -seront fusionnés. On cessera
d'établir une distinction entre le postsecondaire et la santé. Il
y aura un programme qu'on appellera "les programmes établis". Le mot
intervient à partir de 1977. On "lock" ensemble les contributions
fédérales au programme de santé, telles que je les ai
expliquées, les contributions du gouvernement fédéral
à l'enseignement postsecondaire et on en fait un bloc.
Le gouvernement indiquera que, de cette façon, les provinces
auront bien plus de flexibilité dans l'affectation des fonds, ce qui est
vrai puisqu'on peut déplacer cela, il n'y a même aucun
contrôle ex post de chacune des deux parties. D'autre part, la
contribution fédérale totale à ces deux programmes sera
limitée à l'augmentation du produit national brut per capita.
Alors, là, vous voyez, c'est dans un certain sens l'aboutissement d'une
longue révolution qui a commencé avec l'acceptation ex ante des
marteaux et qui aboutit à la fusion des programmes établis avec
un maximum qui, chaque année, est l'augmentation du PNB per capita et
qui n'a plus aucun rapport avec les coûts.
Les coûts de santé augmentent-ils plus rapidement que le
PNB per capita? Le gouvernement fédéral dit: Cela n'est pas mon
problème, c'est le vôtre. Les dépenses dans l'enseignement
postsecondaire ou dans les universités ou dans les cégeps - plus
dans le secondaire V, ils ont fini par comprendre -dépassent-elles le
PNB per capita? Le gouvernement fédéral dit: Ce n'est pas mon
problème. Ce n'est plus mon dossier. C'est un transfert, en pratique,
inconditionnel au fonds consolidé de chaque province qu'on leur envoie
et qui est limité par le PNB per capita, sans qu'on n'ait plus aucune
sorte de vérification à faire, en un certain sens. On ne
procéderait à des vérifications ex post que dans la mesure
où la combinaison des dépenses pour l'enseignement
postsecondaire
et de la santé serait inférieure au PNB. Cela ne s'est pas
produit.
Alors, dans ces conditions, on vit, entre 1977 et 1982, dans un
système qu'on appelle en anglais "the block funding": Le "block
funding", c'est cela. Cela n'a plus de capacité d'orienter les
dépenses par l'utilisateur ou par le gouvernement qui ultimement est
responsable pour les dépenses. En somme, voulant éviter de
transférer davantage de points d'impôt aux provinces, le
gouvernement fédéral leur transfère des fonds. Il tient
compte de la valeur des points d'impôt qu'il leur a déjà
transférés et il ajoute des transferts financiers. Tout se passe
comme si le gouvernement fédéral disait: Vous n'irez pas comme
provinces taxer vous-mêmes. Nous allons taxer et vous transférer
les fonds, déterminés par une formule qui, en elle-même,
PNB per capita, n'a pas grand-chose à voir avec les coûts de
l'enseignement universitaire, collégial, l'assurance-santé, les
paiements aux médecins ou aux pharmaciens ou je ne sais trop quoi. C'est
très important de comprendre cela parce qu'on aborde une période
où tout s'est mis à changer, c'est-à-dire les arrangements
fiscaux 1982-1985.
En 1982, le gouvernement fédéral décide que ces
plafonds successifs qu'il a placés à l'égard de
l'enseignement postsecondaire et de la santé sont encore trop hauts et
il va enlever d'autorité... Autant, en 1977, les provinces
s'étaient entendues avec le fédéral, cela paraissait
être une règle de bon sens; autant en 1982, on ne s'est pas
entendu du tout. Le gouvernement fédéral a dit: Mes plafonds sont
encore trop hauts. Donc, des points d'impôt que j'avais
déjà consentis aux provinces, je vais en retirer deux pour le
financement des programmes établis. Donc, le financement des programmes
établis, formule 1977-1982, là est moins établi. Toutes
les provinces perdent deux points d'impôt et l'on se retrouve Gros-Jean
comme devant. Mais la formule fondamentale de 1977-1982 n'est pas
changée, elle. Au fond, c'est la contribution fédérale,
c'est le maximum fédéral de financement qui est descendu, mais le
fait de relier dans un seul concept de programmes établis l'enseignement
postsecondaire et les services de santé n'est pas changé. Le fait
qu'il n'y ait plus aucun rapport entre les dépenses affectées par
chaque province à ces programmes et la contribution
fédérale n'est pas changé, non plus. La seule chose, c'est
que le gouvernement fédéral dit: Cela me coûte trop cher,
j'enlève deux points d'impôt.
C'est dans ce sens, M. le Président -et je termine
là-dessus - que l'on voit à quel point les projets de loi C-3 et
C-12 font intervenir des éléments tout à fait nouveaux par
rapport à toute la perspective historique que je viens de tracer. Pour
la première fois, dans C-3 et C-12, le gouvernement
fédéral dit: Depuis plusieurs années, je ne
m'intéressais pas à la façon dont c'était
dépensé. Depuis plusieurs années, je ne demandais pas de
normes nationales. Depuis plusieurs années, je ne me demandais pas
combien chaque gouvernement dépensait. Maintenant, je veux savoir
combien chaque gouvernement dépense pour chacune des orientations,
chacun des secteurs couverts. Je veux savoir à quoi cela sert. Je veux
déterminer, influencer - déterminer dans C-3 davantage,
influencer davantage dans C-12 -la façon dont l'argent se
dépense. Cela, c'est tout à fait nouveau, pas nouveau par rapport
à l'époque où l'on devait accepter les marteaux un par un,
mais tout à fait nouveau par rapport à toute la période
qu'on avait connue et à toute l'évolution qu'on avait connue
depuis une quinzaine d'années.
Je conclus, M. le Président, de la façon suivante. Il y a
encore, je pense, dans certains milieux un certain nombre d'illusions qu'il
faut dissiper. Je n'en suis pas à dire -je pense que ce n'est pas mon
propos et que cela ne devrait pas être mon propos ici -Est-ce que le
gouvernement fédéral envoie assez d'argent aux provinces ou pas
assez? Est-ce que les arrangements fiscaux de 1982 nous ont été
suffisamment favorables ou non? Je n'en suis pas à cela; ce n'est pas
l'endroit, ni la commission pour discuter de cela, d'ailleurs. Mes opinions
à cet égard, je ne les ai jamais cachées. Elles sont bien
connues, mais elles n'ont rien à voir avec notre débat. Tout ce
que nous avons à examiner ici en commission, ce n'est pas de savoir,
encore une fois, si le fédéral nous donne assez d'argent ou pas.
C'est de bien comprendre qu'une évolution qui a commencé au
début des années soixante, en fait qui est commencée
depuis vingt ans, nous avait amenés à une forme de financement du
gouvernement fédéral aux provinces, qui était
accrochée à des concepts comme l'assurance-santé ou
l'enseignement postsecondaire un peu comme on accroche un chapeau à une
patère, mais pas plus, et que, en fait, jusqu'à C-3 et C-12, on
ne s'était pas posé la question de savoir si le gouvernement
fédéral finançait suffisamment les universités ou
pas assez les universités. Ce concept n'existait pas. Nous n'avons donc
pas à nous poser la question à l'heure actuelle de savoir si le
gouvernement fédéral doit financer davantage les
universités aujourd'hui ou moins les universités aujourd'hui. Ce
n'est pas cela, l'objet du débat. C'est simplement de constater que le
gouvernement fédéral cherche, à l'égard du
financement universitaire, des pouvoirs que, depuis 20 ans, graduellement, il
avait laissé tomber. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
Président. M. le ministre, je m'excuse.
On ne doit pas intervertir les rôles.
Je poserai, d'abord, une question préliminaire. Dans la mesure
où les programmes ont été fusionnés, comme vous
l'avez indiqué tantôt, si on veut, néanmoins, avoir une
idée de ce qui va à l'enseignement universitaire ou
postsecondaire et de ce qui va au secteur de la santé, je présume
qu'on doit utiliser un peu les mêmes bases de calcul qui existaient avant
que la fusion intervienne et qu'elle fasse disparaître la division. Je
présume que, malgré le fait qu'on ait fusionné, c'est
encore possible, à partir des mêmes bases de calcul, d'avoir des
indications sur la somme que le fédéral peut dépenser, par
exemple, dans le secteur universitaire ou dans le secteur postsecondaire par
rapport à ce que les provinces, le Québec en l'occurrence,
peuvent dépenser de leur côté, avec des bases de
comparaison.
M. Parizeau: Jusqu'à tout récemment, la
répartition du gouvernement fédéral, pour sa propre
comptabilité, entre les services de santé et les services de
l'enseignement postsecondaire était basée, à des fins
administratives, sur sa perception de la façon dont il avait
réparti son argent en 1975-1976. Cela peut paraître un peu baroque
que, pendant sept ou huit ans, on ait utilisé la même base, mais,
en fait, c'est cela. Cela donne 67,9% des fonds des programmes établis
affectés aux programmes de santé et 32,1% pour l'enseignement
postsecondaire. C'est une règle administrative que le gouvernement
fédéral s'est donnée d'utiliser la répartition des
fonds entre les deux grands programmes telle qu'elle existait en 1975-1976 et
d'avancer jusqu'à maintenant avec les mêmes pourcentages.
Qu'est-ce que ça veut dire si on utilise cette base? Il faut bien
s'entendre. Je n'ai pas besoin de vous dire que, sept ou huit ans plus tard, la
base en question a peu de chance de correspondre à la
réalité. Mais si on utilise cette base, ça donnerait
à peu près ceci. La contribution fédérale à
l'enseignement postsecondaire au Québec, en incluant la garantie de
recettes, donnerait pour le Québec - je vais simplement lire les
années l'une après l'autre - 1977-1978, 51,8%. Je pars de
1977-1978, cela va, et je vous donne les années qui suivent.
M. Ryan: Qu'est-ce que cela veut dire 51,8%?
M. Parizeau: Le gouvernement fédéral, selon sa
formule de répartition, nous aurait envoyé des sommes qui
représenteraient 51,8% de nos dépenses dans l'enseignement
postsecondaire, en incluant la garantie de recettes fiscales et en incluant les
points d'impôt et les transferts financiers. Cela fait 51,8% en
1977-1978. Si on me le permet, je ne donnerai pas toutes les années qui
suivent; je vais simplement donner le résultat de chacune des
années qui suivent: 51,2%, 52,5%, 51,9%, 50,9%, 48,9%, 49,4% et, la
dernière année, 1984-1985, tel que prévu, 51%. Cela n'a
pas entraîné de changement important dans la proportion. J'inclus
là-dedans la valeur des points d'impôt, les transferts financiers
et la garantie de recettes.
Le Président (M. Charbonneau): Vous disiez tantôt
que le problème n'était pas de savoir combien, mais surtout de se
rendre compte maintenant qu'il y avait une volonté de contrôle qui
n'existait pas auparavant. Ce matin, lors de son intervention, le ministre de
l'Éducation signalait, néanmoins, qu'il y avait aussi un
problème au niveau du combien. Peut-être ai-je mal compris
l'intervention de ce matin, mais on nous indiquait aussi qu'il y avait un
problème au niveau du combien. (17 h 15)
M. Parizeau: Ah! Il y a un problème majeur, M. le
Président, sur le plan du combien. C'est qu'en pratique un gouvernement
comme le nôtre reçoit d'Ottawa 6 000 000 000 $ par an. Cela est
composé de péréquation, c'est composé du
financement des programmes établis, c'est financé par la
contribution du gouvernement fédéral au programme d'aide sociale.
C'est encore un cas qui est à 50% juste, les dépenses admissibles
par le gouvernement fédéral. C'est composé des ententes
auxiliaires. Il y a une foule de choses qui interviennent là-dedans et
ce sont, en un certains sens, des vases communicants, c'est-à-dire que,
si le gouvernement fédéral est amené, pour une raison ou
pour une autre, à donner un peu plus d'argent sur la
péréquation qu'il n'aurait le goût de le faire, il fait ce
qu'il a fait récemment avec les programmes établis, il
enlève deux points d'impôt. Si, pour une raison ou pour une autre,
il est amené par le programme de modernisation des pâtes et
papiers à dépenser davantage sur le plan des pâtes et
papiers qu'il ne l'avait prévu, il change le règlement sur le
remboursement des dépenses de bilinguisme. En fait, le gouvernement
fédéral ne nous donne pas un sou de plus qu'il ne veut nous
donner et, dans ce sens, le quantum se pose des contributions du gouvernement
fédéral aux opérations du gouvernement de
Québec.
Il est évident que, il y a un an, j'ai reçu du
gouvernement fédéral, à cause de changements intervenus
dans le recensement de la population et dans la détermination du produit
national brut, bien plus d'argent que le gouvernement fédéral
n'était disposé à m'en donner parce que, là, il y
avait un avis donné par le statisticien du "Dominion", comme on dit,
disant au gouvernement
fédéral: Vous vous êtes trompé sur la
population du Québec. Il y a davantage de monde au Québec que
vous ne le pensiez et, donc, corrigez pour quelques années. Alors, j'ai
reçu un montant d'argent. Mais qu'est-ce que je me fais attraper dans
les deux années qui suivent! En pratique, le montant total du
gouvernement fédéral cette année va baisser en dollars.
Cela, c'est le quantum, mais il faut bien comprendre, le quantum a trait aux
opérations du gouvernement fédéral parce qu'il y a des
paiements qui sont inconditionnels, il y en a d'autres qui sont conditionnels,
mais il y a une sorte de système de vases communicants qu'on voit
opérer tous les jours. Et si à un moment donné, par
quelque brillant éclair, j'allais chercher 150 000 000 $ du gouvernement
fédéral de plus que ce qu'il pense me donner, il rattraperait
cela dans les trois mois par un changement de règlement quelque
part.
Ceux qui assistaient ce matin à l'exposé de M.
Bérubé me parlent d'un autre aspect - je n'y étais pas -
du projet de loi C-12 dont je n'ai pas parlé, mais que je comprends,
bien sûr. Le projet de loi C-12 limite à 6% et 5% les
contributions du gouvernement fédéral aux fins de l'enseignement
postsecondaire, indépendamment des coûts. Je reviens toujours au
principe que j'ai exposé tout à l'heure: indépendamment de
ce que cela peut coûter au Québec. 6% et 5% par rapport au partage
dont je viens de parler, cela nous coûte pour les années 1983-1984
et 1984-1985 à peu près 100 000 000 $.
Le Président (M. Charbonneau): Cela veut dire, si je
comprends bien et vous me corrigerez si je fais erreur, qu'à partir du
moment où ce projet de loi serait en vigueur les pourcentages dont vous
parliez tantôt, qui n'avaient pas tellement varié, varieraient
vers la baisse.
M. Parizeau: Non, attention! En 1984-1985, les 51% tiennent
compte de cela. Mais, encore une fois, il faut bien comprendre que les 51% ou
les 50% dont je vous parle sont établis sur une base de
répartition de 1975-1976 qui affecte 67,9% des sommes des programmes
établis à la santé et 32,1% au postsecondaire. Entre nous,
je ne sais pas ce que cela veut dire. Cela n'a aucun rapport; sept ou huit ans
plus tard, les services de santé et les service d'enseignement au
Québec ont évolué selon des rythmes différents.
Ce que j'essaie de faire comprendre, M. le Président, ici, c'est
que tout cela, en un certain sens, c'est un moyen de corriger le fait que le
gouvernement fédéral n'a jamais voulu envoyer aux provinces les
points d'impôt qu'elles réclamaient. Alors, il a monté des
systèmes comme ceux-là, remarquez, qui ne sont pas plus
bêtes que d'autres, mais qui n'ont pas plus de justification, non plus,
que n'importe quel autre. Puisqu'on ne peut pas avoir les points d'impôt
avec un système de péréquation, on a des trucs comme
cela.
Le Président (M. Charbonneau): Jusqu'à maintenant,
il n'y avait pas de contrôle et maintenant il y aura un
contrôle.
M. Parizeau: Voilà!
Le Président (M. Charbonneau): De quel type de
contrôle parle-t-on?
M. Parizeau: Les projets de loi C-3 et C-12, ce qu'ils posent
comme question, ce n'est pas de savoir si le gouvernement fédéral
serait amené à nous donner plus d'argent qu'il ne pense nous en
donner et qu'il ne serait pas capable de le rattraper ailleurs; il le fera en
tout temps. Je n'en suis pas au quantum, mais il y a des éléments
de contrôle qui interviennent pour la première fois sur la
façon dont l'enseignement est mené au Québec, sur les
priorités dans l'enseignement. C'est tout à fait autre chose.
Mais ce n'est pas à moi d'en parler devant cette commission
parlementaire; il y a des voix beaucoup plus autorisées que la mienne
pour discuter de cela. À titre de ministre des Finances, ce que je veux
vous faire comprendre, c'est que tout cela est largement arbitraire sur le plan
du financement. On peut déplacer des sommes dans un sens ou dans l'autre
sans vraiment qu'on ait grand-chose à dire au Québec
là-dessus. Les derniers arrangements fiscaux nous ont été
imposés sans qu'on puisse dire un mot. Deuxièmement, si jamais on
s'imagine trouver un peu plus d'argent dans une direction, ne vous en faites
pas, dans les trois mois, ils viendront le rechercher ailleurs. C'est un point
de vue aride et strict de ministre des Finances. Ceci ne m'empêche pas de
penser ce que je pense sur les projets de loi C-3 et C-12 et sur les
éléments de contrôle qu'on veut y inclure, mais cela, c'est
une autre paire de manches.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, j'avais envie de parler du
projet de loi C-12, de la loi C-12, parce qu'elle a été
adoptée par la Chambre des communes et ratifiée par le
Sénat depuis. Je voudrais signaler à l'attention du ministre des
Finances qui me semble être le porte-parole du gouvernement dans les
tractations avec le gouvernement fédéral en ces
matières...
M. Parizeau: M. le Président...
M. Ryan: Non?
M. Parizeau: ...j'ai un rôle bien plus modeste.
M. Ryan: Je croyais que c'était pour cela qu'on vous avait
invité ici. C'est à venir. Je voudrais lui rappeler que le fameux
article 9 de la loi C-12 dont il a parlé a été
ajouté au texte législatif à la suite d'un amendement
présenté par les nouveaux amis du gouvernement
québécois, les gens du Parti conservateur. Le ministre se
souviendra, comme moi, que c'est Mme Flora MacDonald et une couple d'autres
députés conservateurs qui ont introduit cet amendement à
la Chambre des communes. Je voudrais demander ceci au ministre: Dans ce climat
de retrouvailles dont on nous donne le spectacle depuis trois semaines, est-ce
que le gouvernement du Québec a trouvé le moyen de soulever ce
point, de le porter à l'attention du nouveau gouvernement qui a
été élu à Ottawa et de s'enquérir des
intentions du gouvernement au sujet de la mise en application ou de
l'élimination de cet article de la loi C-12?
M. Parizeau: D'abord, M. le Président, en tant que
ministre des Finances, je n'ai pas d'amis; je n'ai que des
intérêts. Un ministre des Finances n'a jamais d'amis, où
que ce soit. Deuxièmement, dans ces discussions qui se préparent
entre le gouvernement du Québec, d'une part, et le gouvernement
fédéral, d'autre part, dans certains cadres qui vont être
fédéraux-provinciaux et dans d'autres qui vont être
bilatéraux, bien sûr que ce genre de considération
intervient. Mais les réunions sont à venir. Depuis le peu de
temps que ce nouveau gouvernement a été en poste, nous avons
cherché à aller au plus court ou au plus urgent. Les
universités ou les collèges ne risquaient pas, à cause de
l'article 9, de fermer d'ici quelques jours. Pétromont pouvait fermer
d'ici quelques jours; alors, on est allé à Pétromont
d'abord. Tout cela va entrer dans les discussions, bien sûr. C'est trop
important pour que cela n'entre pas dans les discussions.
M. Ryan: À propos d'autres observations qui ont
été faites par le ministre des Finances, j'aurais quelques
commentaires à formuler. Je pense devoir rappeler, tout d'abord, que
l'idée de normes nationales de la part du gouvernement
fédéral n'est pas née avec le projet de loi C-3, ni avec
le projet de loi C-12. Vous l'avez rappelé vous-même tantôt.
Je pense qu'elle remonte, à tout le moins, à l'instauration du
régime d'assurance-maladie dans lequel on avait inscrit quatre ou cinq
normes qui devaient être respectées partout au pays. Je pense que
le projet de loi C-3 a de beaucoup dépassé l'idée qu'avait
à l'origine le gouver- nement fédéral de revenir au
respect de ces normes. On s'est engagé dans des voies qui constituent
des empiétements regrettables sur la compétence des provinces en
matière de santé.
L'idée de normes nationales peut se prêter à une
grande variété de définitions. Je ne pense pas qu'en soi
ce soit une idée qu'il faille rejeter du revers de la main sans savoir
ce qu'on va mettre dessous. Si je fais seulement une hypothèse et que je
me place dans la perspective raisonnable dont vous parliez tantôt, sur ce
ton admirablement fédéraliste que vous savez retrouver quand vos
intérêts vous le suggèrent, dans une perspective purement
raisonnable, je pense qu'on doit comprendre que, si le Parlement
fédéral décide d'affecter 5 000 000 000 $ par année
pour l'enseignement supérieur, il est normal qu'il se demande en vertu
de quels critères il va le faire et en fonction de quels objectifs. Il
peut arriver que ces objectifs ne soient pas des objectifs de pure
redistribution sans aucune espèce de définition préalable
ou de vérification ou, je dirais, par extension, de consensus possible
avec les organismes, les gouvernements qui sont destinés à
recevoir ces contributions.
Cela étant dit, nous autres avons établi clairement notre
position sur ces deux projets de loi. Je pense que, sur le projet de loi C-3
autant que sur le projet de loi C-12, nous avons exprimé une position
claire. Sur le projet de loi C-12 en particulier - j'en étais
responsable moi-même comme porte-parole de l'Opposition en matière
d'éducation - je crois que nous avons rappelé à son devoir
le gouvernement qui sommeillait quelque peu au printemps dernier. Cela avait
passé inaperçu à Québec. Je me souviens d'avoir
demandé au ministre de l'Éducation en Chambre ce qu'il avait fait
et il a été obligé de courir après ses dossiers
pour les retrouver et, quelque temps après, nous avons assisté
à une déclaration.
Je veux simplement rappeler que l'Opposition, de ce point de vue,
défend fermement et va continuer à défendre fermement les
principes constitutionnels qui sont à la base de tout le régime
que nous avons au Canada et que, dans ce cas-ci, nous considérons, nous
aussi, que l'article 9 en particulier constitue une dérogation qui peut
conduire à des conséquences regrettables et qui est inacceptable
dans son principe.
Dans les interventions des deux ministres que nous avons entendues
aujourd'hui, M. le ministre des Finances nous dit: Depuis 1977, c'est le
système du financement global, le "block funding", et c'est un exercice
un peu arbitraire que d'essayer de dire: C'est 33% qui sont allés pour
les universités, 67% qui sont allés pour la santé. Je
pense que c'est juste; c'était l'esprit de l'entente de 1977 de ne pas
morceler les choses ainsi. Mais, en lisant
l'intervention que faisait ce matin le ministre de l'Éducation,
je trouve, à la page 2, le paragraphe suivant qui me semble postuler une
interprétation fort différente. "Durant la même
période, nous disait le ministre ce matin - il parlait de 1976 à
1983 à peu près - le gouvernement fédéral venait
accentuer cette pression en faisant porter par les provinces une partie de ses
propres efforts de réduction de dépenses par une diminution des
paiements de transfert. Dans le seul secteur de l'enseignement postsecondaire,
entre 1976 et 1983, le taux de participation du gouvernement
fédéral dans le cadre du financement des programmes
établis passait de 22,1% à 19,2% des dépenses, privant
ainsi l'ensemble du Québec d'une somme d'environ 63 000 000 $ pour les
universités uniquement". Il me semble assez difficile de dire, d'un
côté, qu'on ne peut pas faire le partage et, de l'autre
côté, d'établir un partage comme celui qui est
proposé à la page 2 du texte.
Cela m'amène à une autre considération. S'il est
impossible d'établir un partage arbitraire comme celui-là,
à ce moment, si on veut porter un jugement équitable sur les
paiements de transfert, il faut tenir compte de l'ensemble des paiements de
transfert. Il me semble que c'est une vérité
élémentaire. Alors, je crois vous avoir déjà fait
la démonstration, M. le ministre - je n'avais pas à vous la faire
parce que vous connaissez les chiffres comme moi; sur les
interprétations, nous pouvons différer quelque peu - en Chambre,
à la commission des finances dont nous parlait le ministre de
l'Éducation ce matin, que, de 1974 à 1984, les paiements de
transfert fédéraux au Québec ont connu une augmentation
considérable. Les revenus que le Québec a retirés de cette
source sont passés de 1 400 000 000 $ en 1974 à 6 253 000 000 $
en 1984, soit une augmentation de 344% en dix ans. Pendant la même
période, les revenus propres du gouvernement québécois
sont passés de 4 348 000 000 $ en 1974 à 15 097 000 000 $ en
1984, soit une augmentation de 24%. C'est donc dire que, pendant la
période de 1974 à 1984, les revenus en provenance des paiements
fédéraux de transfert ont augmenté à un rythme plus
élevé que les revenus autonomes du gouvernement
québécois. (17 h 30)
Je ne veux pas rouvrir tout ce débat que nous avons eu ensemble
il y a quelques mois, mais il me semble que, si le gouvernement veut chercher
une explication à la diminution de son apport financier au
fonctionnement et au développement des universités du
Québec au cours des six dernières années, il doit la
rechercher ailleurs que dans l'explication qu'on nous apportait ce matin,
à moins que les chiffres ne veuillent pas dire la même chose pour
les uns et les autres. Sur cela, nous sommes prêts à entendre des
interprétations, mais moi, je suis plutôt enclin à
souscrire à votre interprétation, M. le ministre, parce qu'il me
semble qu'elle est plus conforme à l'esprit des accords de 1977 qui,
comme vous le dites, malgré les restrictions apportées en 1982,
ont été maintenus quant à l'essentiel. Je ne sais pas ce
que vous en pensez, mais il me semble que, encore une fois, si l'on veut
expliquer ou tenter de justifier les reculs sensibles qui se sont produits dans
le financement des universités, il faut les rechercher dans les
décisions d'un autre ordre que celles qui auraient émané
du fédéral relativement aux paiements de transfert.
En ce qui regarde l'avenir, nous sommes parfaitement d'accord avec vous
pour convenir que les conséquences des décisions prises par le
gouvernement fédéral en 1982, pour la période 1977-1982,
risquent d'être très coûteuses pour le Québec si des
améliorations ne sont point apportées rapidement à
certaines dispositions de la nouvelle loi sur les programmes établis.
Mais, pour la période de 1974 à 1984 encore -nous en sommes au
début de l'examen que doit faire la commission ici - pour la
période qui s'est écoulée, je vois mal comment on pourrait
reporter sur un autre la responsabilité de décisions qui ont
été prises à Québec même.
J'entendais - je pense que vous l'avez fait vous-même tantôt
- quelqu'un évoquer la règle du 6% et du 5% qui a
été inscrite dans le projet de loi C-12 par le gouvernement
fédéral rétroactivement, si mes souvenirs sont bons. Je
comprends cela, mais je ne vois pas pourquoi Québec se scandalise du 5%.
Savez-vous quel est le taux d'augmentation des subventions aux
universités pour l'année 1984-1985? D'après le document
intitulé "Cadre de financement", c'est 4,51%. Si l'on enlève les
dépenses qui ne sont pas comprises au chapitre des frais de location,
cela baisserait, d'après le Conseil des universités, à
3,9%. Alors, le gouvernement qui donne 3,9% d'augmentation n'a pas beaucoup de
leçons à faire à l'autre qui dit: Je ramène mes
paiements à 5% d'augmentation, même si c'est un bris de
règle de fonctionnement en cours de route et, de ce côté,
j'ai l'esprit très ouvert à la discussion. Mais il me semble
qu'on est mal placé pour trouver que l'autre a lésiné
quand soi-même on est descendu pas mal en bas de cela. Ce sont des
considérations qui me semblent se dégager de l'exposé que
vous avez présenté.
Je veux vous dire, encore une fois, qu'en ce qui me touche je
considère que l'université et tout ce qui s'y rattache
relèvent au premier chef de la compétence de Québec.
Maintenant, tant que nous vivrons
- et, sur ce point, j'aimerais avoir votre opinion - sous le
régime actuel de partage des recettes fiscales, je pense que nous devons
franchement convenir qu'il faut une participation financière du
gouvernement fédéral au financement des universités. Si
l'on peut établir, un jour, un partage des recettes fiscales qui
réponde davantage à certaines de nos convictions, peut-être
qu'on pourra s'éloigner de cette règle. Vous-même, M. le
ministre des Finances, avez dit en commission parlementaire il y a quelques
mois que vous trouviez que le gouvernement fédéral en donne trop
aux provinces, que si vous étiez vous-même libre d'agir en ce
domaine suivant votre logique propre de centralisateur bien connue, le partage
ne se ferait pas autant au profit des provinces qu'il s'est fait au cours des
dix dernières années.
Cela étant dit, je voudrais que vous me disiez clairement si,
aussi longtemps que subsiste le partage actuel des recettes fiscales vous ne
trouvez pas absolument indispensable que le gouvernement fédéral
continue à fournir une contribution financière pour le
développement de l'enseignement secondaire, quitte à exiger que
cette contribution se fasse dans les conditions de respect de la liberté
des provinces et des universités qui ont prévalu pendant de
nombreuses années.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, revenons d'abord à la
page 2 du texte qui a été présenté ce matin par le
ministre de l'Éducation. Il me paraît très clair que, si on
adopte, comme le fait le ministre de l'Éducation, la base de partage que
le gouvernement fédéral lui-même établit et utilise
à l'heure actuelle, c'est-à-dire la base de 1975-1976 - ce n'est
pas nous qui avons inventé cela; c'est le gouvernement
fédéral qui l'a établi - la conclusion du ministre de
l'Éducation, on n'y échappe pas. Encore une fois, ce n'est pas
nous qui avons cherché à déterminer comment les fonds
seraient répartis maintenant que le gouvernement fédéral
voulait les répartir entre l'enseignement postsecondaire et les services
de santé. Si on adopte la base que le gouvernement fédéral
établit, la conclusion du ministre de l'Éducation s'impose.
M. Ryan: Me permettriez-vous de faire une remarque à ce
sujet?
M. Parizeau: Oui, bien sûr.
M. Ryan: Je ne veux pas vous interrompre, mais si vous me
permettez de faire une remarque, j'ai devant moi des chiffres qui ont
été établis par le gouvernement fédéral sur
la base de sa méthode de calcul que vous avez évoquée
tantôt, c'est-à-dire les paiements de transfert au titre des
programmes établis, plus garantie de recettes fiscales, plus produit des
points d'impôt. Ils donnent le résultat suivant pour les
années que vous avez évoquées vous-même
tantôt. Pour le Québec, 1978-1979, augmentation de 12,6%;
1979-1980, 13% d'augmentation; 1980-1981, 15,8%; 1981-1982, 12,8%; 1982-1983,
9,2%; 1983-1984, 5,5%; 1984-1985, 8,9%. Ce sont des données qui m'ont
été fournies, à ma demande, par le ministère
fédéral des Finances. Alors, je me dis: On ne peut pas jouer sur
les chiffres. Si on prend cette méthode-là - c'est ce que vous
venez de dire - c'est ce que cela donne.
M. Bérubé: M. le Président, le
député d'Argenteuil utilise la somme de trois choses,
c'est-à-dire les transferts financiers et la valeur des points
d'impôt qui ont été donnés il y a bien longtemps. Je
comprends que le gouvernement fédéral voudrait toujours ramener
ces points d'impôt à leur valeur d'aujourd'hui, mais, enfin, ils
furent donnés. Entre nous, le financement des programmes établis
n'a jamais été appuyé sur la valeur aujourd'hui des points
d'impôt donnés il y a quinze ans. Que le gouvernement
fédéral veuille ramener cela dans ses calculs, c'est de bonne
guerre, mais le problème n'est pas là. Il ajoute la garantie de
recettes fiscales, à part cela. Evidemment, si vous tenez compte de ces
trois éléments - et je reviens à mes vases communicants de
tout à l'heure - on peut démontrer n'importe quoi avec cela. Mais
ce n'est pas là-dessus que s'appuyait le ministre de l'Éducation
ce matin. C'est, sur la base de calcul de la répartition des transferts
financiers du gouvernement fédéral, qu'est-ce que cela donne?
Bien sûr, il arrivait à un résultat. Je n'ai pas de
querelle avec ce résultat.
Maintenant, si on tient compte des programmes établis -
postsecondaire et santé ensemble, tel que je l'ai exposé -
là, il faut simplement reconnaître que le gouvernement
fédéral cherche à fixer à ses contributions, depuis
déjà un bon nombre d'années, des plafonds de plus en plus
faibles. Il manque d'argent. Que voulez-vous, quand un gouvernement se tape des
déficits de cette ampleur, je comprends un peu qu'il cherche à
fixer des plafonds. Vous dire qu'on aime cela serait exagérer, mais,
enfin, pour les programmes établis, c'est-à-dire enseignement
postsecondaire et santé ensemble, considérés comme un
bloc, d'année en année et de période en période, on
voit que des plafonds de plus en plus restrictifs sont mis en place pour
essayer de faire en sorte que le coût augmente moins vite. Parfois, les
tentatives du gouvernement fédéral jouent à contresens -
j'y reviendrai tout à l'heure - mais la
tentative est très claire.
Dans le cheminement historique dont j'ai parlé tout à
l'heure, c'était inévitable, on allait à des plafonds de
plus en plus restrictifs. En 1982, on nous a enlevé deux points
d'impôt dans le calcul du financement des programmes établis.
Là, c'est curieux, les points d'impôt anciens, on n'en tenait pas
compte, mais on nous en a enlevé deux.
Pour le total, maintenant, je reviens à l'argument du
député d'Argenteuil qui disait: Les transferts
fédéraux au Québec ont augmenté plus rapidement que
ses revenus propres. J'aimerais revenir ici à un certain nombre de
pourcentages qui m'apparaissent important. Prenons l'ensemble des transferts
fédéraux. C'est très facile à vérifier. Les
pourcentages, je peux les établir seulement avec les discours sur le
budget depuis vingt ans, avec une règle de trois et une calculatrice.
L'ensemble des transferts fédéraux en proportion des revenus
budgétaires du gouvernement de Québec, qu'est-ce que ça
donne depuis 1972-1973, disons?
Je voudrais vous en donner simplement la liste. On va partir de
1972-1973, 25,5%, 24,4%; 26,2% en 1974-1975, donc il y a dix ans; 26,9%, 26,4%,
28,1%, 28%, 28,8%. Pour ceux qui se demandent où je suis rendu, je suis
en 1979-1980. En 1980-1981, 27%; en 1981-1982, 26,1%; en 1982-1983, 27,5%; en
1983-1984 - elle est intéressante, cette année-là - 29,6%
- je vais y revenir - et, après cela, 1984-1985, 27,8% et, par des
formules qui sont, à toutes fins utiles, assez mathématiques,
25,7% en 1985-1986 et 24,8% en 1986-1987. On revient exactement au point de
départ.
Qu'est-ce qui est arrivé en 1983-1984 pour que ça
représente presque 30%? C'est un chiffre un peu étonnant par
rapport à tous ceux qui je viens de lire. J'ai eu l'occasion d'y faire
allusion tout à l'heure. Cela faisait trois ans qu'on disait au
fédéral: Vous vous gourez sur la population du Québec.
Dans un pays comme le nôtre où, en principe, on a les meilleurs
recensements du monde, le gouvernement de Québec et le gouvernement
fédéral ne s'entendaient pas sur le chiffre de la population. Le
recensement de 1981 sort et, ô miracle, c'est vrai que le gouvernement a
sous-évalué le nombre de Québécois qu'il y avait.
Cela implique une révision dans les formules de financement sur à
peu près tous les éléments des formules.
Deuxièmement, ils se sont trompés aussi sur le partage du
produit intérieur brut du Québec par rapport aux autres
provinces. Troisièmement, en raison de la façon dont la formule
de péréquation fonctionnait, ils se rendent compte qu'ils ont un
ajustement à l'égard d'années antérieures à
nous donner, en plus des deux éléments dont j'ai parlé, si
bien que je reçois des centaines de millions de plus alors que je
n'avais jamais prévu recevoir cet argent. En termes thomistes, si vous
voulez, c'est un "one-shot", cela n'arrive qu'une fois. Il ne faut pas le
dépenser, justement, pour des dépenses qui vont revenir chaque
année, mais pour des dépenses qui ne se présenteront
qu'une fois. Alors, qu'est ce que j'ai fait? J'ai remboursé à
l'avance des dépenses que j'aurais eu à payer en 1984-1985,
essentiellement des arrérages de commissions scolaires, des
arrérages d'hôpitaux. J'ai liquidé un an d'arrérages
avec ces montants qui ne reviendront pas. Ce sont des ajustements qui me sont
tombés dans les pattes.
Je veux bien qu'on utilise, comme on dit à la
télévision américaine, pour "ancrer" la série
1983-1984, mais c'est une année tout à fait remarquable,
ça ne se reproduira pas. À toutes fins utiles, au fond, le
pourcentage des transferts fédéraux par rapport à nos
revenus budgétaires, sur une période d'à peu près
quinze ans, n'a pas changé. Parfois, il monte un peu, ensuite il
rebaisse. Quand il monte un peu, que se produit-il sur la base des vases
communicants dont je parlais tout à l'heure? Le gouvernement
fédéral prend les moyens nécessaires pour le ramener en
bas. Je le comprends. Je ne suis pas fédéraliste en disant cela,
mais il y a une certaine franc-maçonnerie des ministres des Finances, on
comprend le bonhomme d'en face. Ce n'est pas une question de
fédéralisme de constater que, quand le fédéral nous
en donne un peu plus, il prend les moyens, l'année suivante, pour nous
en donner un peu moins, ce qu'il est en train de faire. (17 h 45)
Dernière interrogation du député d'Argenteuil
à mon égard. Il disait: Mais est-ce que, dans le régime
politique actuel, il n'est pas normal que le gouvernement fédéral
payant pour l'enseignement postsecondaire ou, par exemple, plus
spécifiquement pour les universités, puisse poser des conditions?
Bien, c'est un grand débat, M. le Président. C'est le
débat... Oui?
M. Ryan: Je m'excuse. Je n'ai pas dit "puisse poser des
conditions"; j'ai dit "puisse rechercher des normes nationales".
M. Parizeau: Bon, j'ai beaucoup de difficulté à
voir la différence entre les deux, mais enfin, bon, nous allons entrer
dans le dictionnaire des synonymes, là. Il y a une différence
fondamentale entre les normes, par exemple, du programme
d'assurance-santé de 1966. N'oublions pas qu'en 1966, lorsque le
gouvernement fédéral dit: II y aura quatre normes fondamentales,
l'universalité, pas de ticket modérateur, des choses comme cela,
ça c'est une condition pour que le gouvernement fédéral
accepte le financement, mais dans la loi il n'y a pas de sanctions de
prévues. Ces quatre normes
sont établies de façon tellement générale
qu'on tient pour acquis qu'une fois qu'une province les a acceptées elle
ne reviendra pas là-dessus et il n'y a pas de sanctions prévues.
Or, avec C-3 et C-12, c'est une tout autre paire de manches, il y a des
sanctions de prévues. Et là, dans l'application de C-3, on est
rendu à se demander si le gouvernement fédéral va payer
pour tel genre de frais dans un centre d'accueil. Là, c'est beaucoup
plus précis que l'universalité d'application. On entre dans
l'opérationna-lisation et il y a des sanctions. Et si une province
n'accepte pas ces conditions-là, on lui enlève 10 000 000 $ pour
ceci et 32 000 000 $ pour cela. Gros changement par rapport à 1966, mais
énorme changement par rapport à 1977-1982 où, alors,
là, on était complètement sorti et des normes et des
conditions. Cela nous ramène à un débat qui est
fondamental dans notre société, qui existe depuis fort longtemps.
À l'époque de M. Duplessis - je prends mon bien où je le
trouve - ...
M. Ryan: Tant mieux.
M. Parizeau: ...il y a eu une commission Tremblay, une commission
d'enquête sur les problèmes constitutionnels. On commence à
remonter loin, là. Qu'est-ce que c'était, la position qu'il
sortait là-dessus? Essentiellement de permettre aux provinces d'avoir
accès à la fiscalité plutôt que de se faire
compenser par le gouvernement fédéral pour des initiatives que,
elles, les provinces prenaient dans leur champ de juridiction.
Qu'est-ce que dit M. Lesage dans les années soixante? Il dit:
J'en ai assez des conditions que le gouvernement fédéral nous
pose par les programmes conjoints; je sors de 29 programmes conjoints et je
demande - et il l'obtient - une pleine compensation, en partie fiscale, en
partie financière, ce que, soit dit en passant, la dernière
constitution canadienne nous enlève comme possibilité
automatique. Or, M. Lesage l'avait fait accepter. Pourquoi est-ce qu'on a
réussi à se faire donner des points d'impôt à
l'occasion de l'établissement du programme d'assurance-santé par
la suite? Parce que M. Lesage avait fait établir cette
règle-là.
Qu'est-ce que M. Johnson demande? Il demande 100% de l'impôt sur
le revenu, 100% de l'impôt sur les profits des corporations et 100% de
l'impôt sur les successions. Qu'est-ce qu'on a obtenu au bout du compte?
Juste l'impôt sur les successions. Celui-là, on l'a eu, à
100%. Mais les deux autres? Pourquoi M. Johnson demandait-il cela? Il demandait
cela parce qu'il disait: II y a un certain nombre de domaines dans les
compétences reconnues par la constitution où une province doit
avoir les pouvoirs de taxation.
Et je pourrais reprendre cela jusqu'à nos jours. Au fond, les
positions des gouvernements de Québec n'ont jamais tout à fait
changé. Nous voulons avoir un espace de taxation qui nous permette
d'être en mesure d'orienter, parce qu'après tout celui qui
contrôle l'argent aura toujours un pouvoir d'orientation. On le voit
bien, il peut être calmé, il peut être tranquille, il peut
être disparu, il peut être enterré, comme ce fut le cas pour
les pouvoirs fédéraux entre 1977 et 1982, mais à un moment
donné il finit toujours par réapparaître: C-3 et C-12. Si
nous voulons être en mesure de contrôler les pouvoirs que la
constitution nous reconnaît, il faut qu'on ait le pouvoir de taxer. Tous
les gouvernements de Québec depuis la Deuxième Guerre mondiale
disent cela. Je ne dis pas quelque chose de différent.
Dans le cadre politique actuel, le gouvernement fédéral a
décidé de ne pas suivre ce cheminement, de remplacer une partie
des transferts de champs d'impôt par des subventions. De temps à
autre, lorsqu'il est plutôt décentralisé ou, disons,
faible, il n'insiste pas trop pour des conditions. Quand, tout à coup,
il reprend un peu du poil de la bête - je le comprends, moi aussi, je
suis jacobin - il pose des conditions, comme C-3 et C-12. Ce problème,
dans le cadre politique actuel, n'est pas réglable tant qu'une
répartition des champs de taxation n'aura pas été faite.
Dans ce sens, je n'ai pas l'impression d'être en contradiction avec
moi-même. Je peux effectivement discuter de ces règles dans un
cadre tout à fait fédéraliste. Tant qu'on ne sera pas
sorti de ce cadre, je vais jouer selon les règles, mais encore faut-il
qu'on les comprenne.
Le Président (M. Charbonneau): Une dernière, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, c'est ma dernière
intervention. Je veux tirer une conclusion qui me paraît dégager
clairement des pourcentages qu'a donnés le ministre tantôt. Je
pense que c'est bien important pour le déroulement ultérieur des
travaux de notre commission. Si je fais une comparaison entre les années
qui se sont écoulées de 1972 à 1977 et de 1978
jusqu'à 1984, je constate que la part des paiements de transfert
fédéraux dans l'ensemble des revenus du Québec, selon les
chiffres qu'a donnés le ministre et qui concordent parfaitement avec
ceux que j'ai ici, était, pour les six années, de 1972 à
1977, d'à peu près 26,4%. Pour les sept années suivantes,
elle a été de 27,8%, en moyenne.
La seule conclusion que je veux tirer pour l'instant - je ne veux pas
engager de débat qui consiste à fendre les cheveux en quatre -
c'est que, depuis des années, le gouvernement nous dit: On est
obligé de couper ici, on est obligé de serrer là, on
est
obligé de changer ceci parce que le gouvernement
fédéral nous coupe les vivres, essaie de nous étouffer
parce que nous sommes un gouvernement d'obédience ou d'orientation qu'il
n'accepte pas. Je pense que ces affirmations que nous avons entendues un nombre
incalculable de fois en Chambre ne sont pas supportées par des
chiffres.
D'autre part, nous avons établi - vous en avez convenu
vous-même à une autre occasion - que la part des revenus fiscaux
qui est allée aux provinces par rapport à celle qui est
allée au gouvernement fédéral au cours des quinze
dernières années a augmenté. Je souligne simplement ces
faits. Je ne veux pas tirer d'autres conclusions, mais je pense que, pour
l'orientation future des travaux de la commission, voici une donnée qui
nous sera très précieuse pour nous former un jugement, surtout
pour envisager des orientations pour l'avenir.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Parizeau: Quelques observations liminaires. Dans l'orientation
des travaux de cette commission, faites aussi, cependant, attention à
une chose. Au travers des années dont parle le député
d'Argenteuil, les règlements de l'assurance-chômage ont
considérablement changé. Le nombre d'assistés sociaux au
Québec dans ces conditions en est profondément affecté.
Une bonne partie de l'augmentation, au cours de quelques années, du
pourcentage dont nous parlons vient essentiellement du fait que le nombre
d'assistés sociaux au Québec augmente de façon
ahurissante. Tenez compte de cela dans vos travaux, ainsi que de mon principe
des vases communicants.
Deuxièmement, je pense qu'il est fondamental de se rendre compte
à quel point - là-dessus, il y a des tas de documents disponibles
et je sais que le député d'Argenteuil les a examinés tant
et plus - il y a, dans la mécanique des transferts
fédéraux, un système en vertu duquel nous devons
normalement, maintenant que la garantie de recettes fiscales vient à
échéance, perdre des transferts dans les deux années qui
viennent. Cela va mettre et cela met déjà une pression importante
sur le budget.
Troisièmement, je rappellerai seulement au député
d'Argenteuil que, quant à l'orientation générale du
dossier - je le dis d'autant plus volontiers que, sur ce plan, je pense avoir
cherché à être clair depuis plusieurs années -
lorsqu'en 1977 nous avons réorganisé les arrangements fiscaux
avec le gouvernement fédéral, nous l'avons fait d'un commun
accord. J'ai eu l'occasion de souligner à plusieurs reprises à
l'Assemblée nationale l'argument du gouvernement fédéral,
qu'il n'était pas responsable pour le résultat des
négociations collectives dans les provinces, me paraissait un argument
parfaitement valable.
J'ai vécu, moi, avec les arrangements fiscaux de 1977 à
1982. À certains moments, j'ai râlé quand des
règlements étaient changés en plein milieu de la course
par exemple, quand on a retiré toute la question des
propriétés de gaz et de pétrole de la formule de
péréquation parce que cela devenait trop riche à cause de
ce qui se passait en Alberta. Cela, c'est un changement en plein milieu de la
course. Mais on reconnaîtra que j'ai vécu avec ces arrangements de
1977 à 1982. Quand, en 1982, on met dans la machine des transferts au
Québec et au Manitoba une formule en vertu de laquelle nos transferts
doivent tomber, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, là
je dis qu'on exagère. Tenez compte aussi dans vos débats que les
deux années qui viennent vont être deux années de vaches
maigres quant aux transferts fédéraux qui vont nous être
payés.
Autant on pouvait être d'accord, dans le système politique
actuel, avec les arrangements tels qu'ils sortaient en 1977, autant il me
semble que, sur le plan simplement des responsabilités à
l'égard du trésor public québécois, il y avait lieu
de dénoncer les arrangements de 1982 comme une tentative de
déstabiliser les finances du Québec. Dans ce sens, ce n'est pas
une position que j'ai prise pendant huit ans; c'est une position que j'ai prise
depuis deux ans parce que ce qui s'est produit me semble profondément
incorrect.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Une courte question, M. le Président.
J'ai devant moi un article paru dans le Droit, le 8 septembre dernier,
où il est dit que l'Association canadienne des professeurs
d'universités - donc, ce n'est pas le gouvernement du Québec -
estime que les universités perdront 380 000 000 $ en subventions au
cours des deux prochaines années à la suite de l'adoption du bill
C-12 qui limite les transferts de paiements aux provinces à 6% et 5%.
Malheureusement, on ne dit pas comment ils arrivent à ce chiffre, mais,
tout de même, le montant est indiqué. Il s'agit de l'Association
canadienne des professeurs d'universités.
Vous avez parlé, M. le ministre, des contributions du
fédéral jusqu'en 1984. Vous avez mentionné que cela
représentait, entre autres, en 1984, une diminution de l'ordre de 100
000 000 $, mais incluse dans le 51%. Avez-vous des estimations pour les deux
prochaines années?
M. Parizeau: Excusez-moi, M. le Président.
M. Leduc (Fabre): Avez-vous des estimations pour les deux
prochaines années? Je parle de cet article où on dit que, pour
les universités canadiennes, il y aura une perte de 380 000 000 $ pour
les deux prochaines années. Ce sont des chiffres qui viennent, encore
une fois, de l'Association canadienne des professeurs d'universités. Je
ne sais pas comment ils ont fait le calcul; je donne le chiffre tel
qu'indiqué dans l'article. Avez-vous des estimations pour les deux
prochaines années?
M. Parizeau: Oui, M. le Président. M. Leduc (Fabre):
Pour le Québec?
M. Parizeau: Pour le Québec, le nouveau plafond
proposé pour l'éducation postsecondaire, sujet à ce que
j'ai dit, par exemple, sujet à la formule très arbitraire
proposée à l'origine, va faire perdre, en 1985-1986, 74 000 000 $
au Québec; en 1986-1987, 80 000 000 $. Simplement le plafond, c'est
l'effet du nouveau plafond. Si on veut tenir compte de la suppression de la
compensation de la garantie de recettes, au total - je ne suis pas certain que
je l'affecterais complètement aux universités -l'on arrive
à des montants bien plus élevés; une perte de 276 000 000
$ en 1985-1986; 302 000 000 $ en 1986-1987. Maintenant, on me dirait: II ne
faut pas affecter toute la garantie de recettes à l'enseignement
postsecondaire, je veux bien. Alors, prenez la proportion que vous voudrez
là-dedans. Si vous voulez en prendre le tiers, prenez 100 000 000 $ par
année; mettez-moi 75 000 000 $ et 80 000 000 $ pour les plafonds et vous
arrivez à peu près à des chiffres analogues à ceux
qui ont été présentés.
Il faut bien comprendre, c'est toujours sur cette affectation
déterminée par le fédéral qu'il y a les deux tiers
de l'argent qui vont dans la santé et puis un tiers, 34%, quelque chose
comme cela...
Le Président (M. Charbonneau): Votre année
témoin, M. le ministre...
M. Parizeau: Comment?
Le Président (M. Charbonneau): ...c'est l'année
1980...
M. Parizeau: C'est l'année 1983-1984.
Le Président (M. Charbonneau): Donc, si je comprends bien,
par rapport à la question qui a été posée,
d'après la réponse que vous avez donnée, on aurait 74 000
000 $ de plus si on maintenait, pour l'année 1985-1986, le même
système qu'actuellement?
M. Parizeau: La même formule antérieure. C'est cela.
Pas le système actuel, mais, comme le disait le député
d'Argenteuil, ces lois ont été votées. Si on gardait le
système antérieur...
Le Président (M. Charbonneau):
Antérieur aux lois...
M. Parizeau: ...on aurait 74 000 000 $. Antérieur,
découlant des ententes antérieures.
Le Président (M. Charbonneau): Oui, d'accord.
M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le ministre, il
ne me reste qu'à vous remercier, au nom des membres de la commission,
d'avoir bien voulu accepter de passer un moment avec nous.
Les travaux de la commission vont reprendre à 20 heures, avec la
poursuite de la discussion avec le ministre de l'Éducation.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise de la séance à 20 h 34)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je crois que nous pouvons maintenant reprendre les travaux de la
commission en espérant que tout le monde a bien profité de cette
période de suspension. Sans plus tarder, je vais céder la parole
au vice-président de la commission, le député
d'Argenteuil.
Questions au ministre de l'Éducation
M. Ryan: M. le Président, si mes souvenirs sont bons, le
dernier membre qui est intervenu pour interroger le ministre était Mme
la députée de Jacques-Cartier. Je pense que ce serait au tour des
députés du groupe ministériel à s'adresser au
ministre, s'ils le veulent. Je ne veux pas prendre leur place. Je suis
prêt en tout temps.
Le Président (M. Charbonneau): Je peux peut-être
poser une question au ministre...
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Charbonneau): ...dans ce cas, si cela
peut vous permettre...
Une voix: Allez, vous êtes prêt.
Le Président (M. Charbonneau): On a fait état, M.
le ministre, ce matin, de certaines consultations qui ont été
menées.
Je pense qu'on a eu l'occasion déjà de voir des
mémoires qui vont nous être présentés dans les
prochains jours. Est-ce qu'il serait possible de savoir, concernant le cadre de
financement, quel type de consultations le ministère a menées
pour en arriver à l'élaboration de ce cadre de financement?
Consultation des universités
M. Bérubé: Essentiellement, cela fait plusieurs
années, disons, que ce cadre est demandé tant par les
universités que par le Conseil des universités. Le
ministère a donc entamé la procédure pour aller chercher
des données de manière à pouvoir faire sa première
étude. Elle a été prête tard au printemps. Nous
l'avons donc soumise au Conseil des universités et, en parallèle,
la sous-ministre, Mme Fortin, a entrepris une tournée de toutes les
universités pour discuter des modalités et des détails du
calcul. Premièrement, la consultation s'est faite au niveau des demandes
réitérées de longue date par le milieu universitaire
d'avoir une telle analyse. Deuxièmement, lorsque cette analyse a
été prête, elle a donné lieu à une
consultation par des rencontres individuelles avec les universités et
à une demande d'avis au Conseil des universités, qui est le
mécanisme normal de consultation pour le gouvernement.
Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, cela
s'est fait en parallèle: en même temps qu'on demandait un avis au
Conseil des universités, on procédait à une tournée
de rencontres privées avec les universités.
M. Bérubé: C'est bien cela.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce qu'il est ressorti
de cette tournée un certain nombre d'éléments qui,
à ce moment-ci, pourraient être...
M. Bérubé: Oui. Évidemment, cela varie
beaucoup selon les universités et leur situation budgétaire
particulière. Je dirais que, concernant l'étude, le seul
consensus que j'ai pu percevoir des contacts que j'ai eus moi-même avec
les recteurs des universités, c'est celui entourant la situation
financière de Concordia. À peu près tous les intervenants
sont unanimes à dire que l'Université Concordia est
sous-financée d'après les standards acceptés par tous.
Là s'arrête le consensus.
Lorsque, par exemple, on traite de la situation de l'Université
du Québec, les uns font valoir que l'Université du Québec
a une mission particulière de service aux régions; que, dans ces
conditions, elle ne peut bénéficier d'économies
d'échelle, du moins mesurables de façon réaliste si on
compare avec les paramètres utilisés par le ministère;
que, par conséquent, on n'arrive pas à une bonne
évaluation des besoins réels de l'Université du
Québec. C'est un exemple d'intervention. D'autres, par contre, diront
qu'en prévoyant une enveloppe spéciale pour l'INRS et le
siège social, on traite déjà l'Université du
Québec d'une façon différente.
Il y a aussi les interventions du recteur de l'Université de
Montréal qui voudra faire dire à nos études ce qu'elles ne
peuvent dire, en ce sens que le ministère considère que, compte
tenu de la précision des données et des hypothèses
sous-jacentes à une telle étude, il faut admettre qu'une certaine
variation autour d'un point milieu, d'une moyenne, ne soit pas significative.
Ceci amène, à ce moment-là, le ministère à
dire que tout écart, par rapport à la moyenne, qui est
inférieur à 5% ne devrait pas faire l'objet d'une correction. La
situation de l'Université de Montréal donnant lieu à un
écart négatif d'à peu près 3%, évidemment,
on voudrait que cet écart soit corrigé sur-le-champ.
Je pourrais faire le tour de toutes sortes de remarques. Les uns diront
qu'on met trop l'accent sur la recherche, compte tenu qu'on financera
déjà, en vertu de cette étude, les études de
deuxième et troisième cycles à leur taux réel.
Financer en supplément les dépenses afférentes aux
subventions de recherche, c'est donner un avantage indu aux universités
déjà actives en recherche. Je pourrais faire le tour de toutes
les critiques, mais il y en a de tout genre, ce qui fait que, pratiquement
parlant, nous reconnaissons que l'étude donne une bonne analyse des
dépenses moyennes effectivement encourues par les universités
pour défrayer les enseignements. Cependant, l'étude ne peut pas
tenir compte de situations particulières vécues par les
universités et il y a lieu de soumettre cette étude à une
plus longue discussion, un plus long échange pour en arriver à
des paramètres acceptables.
Toute étude qui aurait tendance, je ne dirais pas, à
pénaliser une université, mais à suggérer qu'une
université est surfinancée par rapport à une autre ne sera
jamais acceptable par l'université concernée. Par
conséquent, à moins de découvrir par un quelconque
artifice de calcul que toutes les universités sont parfaitement
traitées sur un pied d'égalité, à ce moment jamais
une étude faite par qui que ce soit ne saura aller chercher un
consensus. Cela, c'est impossible.
Ce que l'on peut faire, cependant, c'est se rapprocher le plus possible
d'un consensus qui apparaît viable. Plusieurs recteurs m'ont
souligné qu'il serait complètement illusoire de s'attendre
à un consensus entre les universités et qu'eux-mêmes
estimaient que l'analyse faite représentait une bonne
approximation, permettant une prise de décision qui ne serait pas
trop fine, qui serait globale, mais qui, je pense, serait fondée sur une
bonne appréciation de la réalité universitaire. J'en ai
plusieurs qui m'ont dit cela.
Maintenant, je pense qu'il faut aller plus loin dans l'analyse
jusqu'à ce qu'on arrive, à un moment donné, à un
consensus un peu plus large.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que la
tournée qui a été effectuée auprès de
chacune des universités a porté uniquement sur l'aspect dont vous
avez parlé aujourd'hui, que vous mettez entre parenthèses,
c'est-à-dire les bases de financement et puis le processus de
réajustement ou si c'est sur l'ensemble du cadre de financement?
M. Bérubé: Je pense que Mme Fortin, qui a
effectué la majeure partie de ces rencontres, serait plus en mesure de
répondre à votre question.
Mme Fortin: Cela a porté sur l'ensemble du cadre.
Le Président (M. Charbonneau): Sur l'ensemble du cadre,
sur l'ensemble des dossiers qui sont...
Mme Fortin: Sur les orientations, les règles
budgétaires et l'étude des bases, les propositions concernant le
développement et tous les éléments du cadre de financement
qui est a l'étude ici aujourd'hui.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, vous nous
indiquez qu'il était évident qu'il n'y avait pas de consensus
dans l'étude sur les bases de financement, mais est-ce que vous avez pu
remarquer qu'il y avait des consensus sur d'autres éléments
à l'occasion de cette tournée?
M. Bérubé: Consensus? Je dirais que la plus grande
proportion des universités s'est dite d'accord avec les cinq grands
objectifs proposés par le ministère auxquels je faisais
référence dans mon exposé ce matin. Plus d'accent mis sur
les études avancées, une certaine rationalisation des programmes
courts avec un effort mis un peu plus du côté des
baccalauréats plus lourds, un effort mis aussi du côté de
l'amélioration de la diplomation, du succès des études
où dans certains secteurs, effectivement, on sent qu'il y a un
problème. (20 h 45)
Je dirais globalement, oui, un accord quant aux principaux objectifs
énoncés. La nature du désaccord, comme on pourra le lire
dans le mémoire présenté par la CREPUQ, est davantage au
niveau du niveau de financement.
Le Président (M. Charbonneau):
D'accord. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais, tout d'abord, faire
une petite mise au point au sujet de propos que m'attribuait le ministre ce
matin quand on parlait du caractère directif que le gouvernement
imprimait au financement des universités. Il me reprochait, si j'ai bien
compris, d'avoir emprunté des propos à M. Paul Lacoste, recteur
de l'Université de Montréal, comme si je n'étais pas
capable de me les donner à moi-même. Je pense qu'il était
mal renseigné. Je vais lui donner les faits comme ils sont pour que ce
soit bien clair.
Je crois que l'expression "financement de plus en plus directif" a
été employée par le Conseil des universités dans
l'avis qu'il a soumis au gouvernement, dès le mois de juin, sur le cadre
de financement 1984-1985. Il était dit bien clairement, à la page
19 et à la page 20 de l'avis du Conseil des universités, que l'on
s'orientait vers un financement de plus en plus directif. Le Conseil des
universités, tout en souscrivant au principe selon lequel, en fin de
compte, le gouvernement doit avoir la responsabilité de certaines
décisions en matière de développement, indiquait aussi
qu'il importe que les actions du gouvernement dans ce domaine soient
précédées d'une consultation du milieu universitaire pour
susciter un débat de fond sur ces questions et en même temps une
participation des divers intervenants dans la détermination des
objectifs globaux.
Le conseil ajoutait ceci: C'est dans ce contexe qu'il faut situer les
inquiétudes du Conseil des universités à l'égard
des actions directives du gouvernement dans le financement des
universités. Il trouve, en premier lieu, que ces actions sur le
financement arrivent au moment où les universités se retrouvent
avec une marge de manoeuvre de plus en plus mince, que certaines de ces
actions, contrairement à celles des années antérieures,
auront des conséquences beaucoup plus lourdes et à beaucoup plus
long terme, et, finalement, que la convergence de ces actions, par exemple, au
niveau du virage technologique risque d'entraîner des effets beaucoup
plus grands que ceux prévus initialement.
Moi-même, j'ai fait une intervention sur le financement des
universités. Je pense que c'est autour du 20 août. Je retrouvais
dans les journaux ces jours derniers la lettre que M. Lacoste vous a
adressée, M. le ministre, en date du 23 août. Mais la lettre a
paru seulement au milieu de septembre. Je vous déclare, sur mon honneur,
que je n'en avais point eu connaissance avant de la lire dans les journaux. Par
conséquent, je n'ai pas pu m'inspirer des textes de M. Lacoste pour
faire cette déclaration, mais je vous dis, en contrepartie, que je
souscris assez
fondamentalement aux propos que M. Lacoste a tenus dans sa lettre en ce
qui concerne le danger de dirigisme pouvant découler des
énoncés d'orientation contenus dans le cadre de financement
1984-1985 en ce qui concerne le développement. Je pense que cela replace
la perspective. Je vais avoir l'occasion de vous en reparler dans quelques
questions que je vais vous adresser tantôt.
J'ai préparé un certain nombre de questions. Je vais vous
les adresser une par une et vous m'interromprez quand j'aurai passé le
temps, et je reviendrai une fois suivante, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): La seule chose, dans le
fond, c'est que j'imagine qu'on pourrait peut-être avoir un consensus
pour essayer de terminer vers 22 heures.
M. Ryan: On va faire tout le possible.
Le Président (M. Charbonneau): Je pense qu'à partir
de ce moment on va essayer d'être souple.
Oubli de certains secteurs
M. Ryan: Très bien. La première question que je
voudrais vous adresser se réfère à une opinion que je
trouve dans l'avis du Conseil des universités concernant le cadre de
financement 1984-1985 qui se trouve à la page 20. Le Conseil des
universités s'inquiète beaucoup du sort que semble vouloir
réserver le gouvernement à certains secteurs d'enseignement et de
recherche dans le monde universitaire. "Les secteurs qui ne sont pas
touchés par le virage technologique, écrit le conseil, entre
autres, les lettres, la philosophie, les arts, l'éducation et la plupart
des sciences humaines, qui sont, pour plusieurs, ceux où il y a des
enjeux culturels spécifiques au Québec, seront-ils voués
à devenir des secteurs marginaux et de second ordre, en d'autres termes,
les secteurs mous dans nos universités? D'autre part, n'y a-t-il pas un
danger de développement anarchique des secteurs du virage technologique
parce que chaque université voudra les développer à tout
prix, dans tous azimuts, par crainte de rater le virage technologique et la
manne qu'il procure? Qu'adviendra-t-il du renouvellement du corps professoral
dans les secteurs comme les lettres et les sciences humaines qui sont
dramatiquement touchés par un vieillissement important et une absence
flagrante de jeunes professeurs? Dans quel état se retrouvera la
recherche dans les domaines d'étude laissés pour compte par le
virage technologique? Ces quelques interrogations illustrent bien les
préoccupations du conseil en ce qui concerne le financement du virage
technologique dans les universités." Et cela continue dans la même
veine.
J'aimerais que le ministre nous donne ses commentaires sur cette partie
de l'avis exprimé par le Conseil des universités le 18 mai
dernier. J'ai cru comprendre tantôt que, nonobstant la recommandation
qu'a faite le conseil d'en venir le plus tôt possible à une
politique qui accorderait un financement raisonnable aux nouvelles
clientèles dans les "secteurs mous", entre guillemets le gouvernement
n'a pas de politique là-dessus autre que le statu quo. Est-ce que le
ministre pourrait nous éclairer sur cela?
M. Bérubé: M. le Président, d'abord,
constatons, à partir d'une étude du FCAC sur le financement des
études supérieures au Québec, que l'observation y a
été faite que, dans le domaine des sciences humaines, la part de
sa richesse que le Québec consacrait au financement de telles recherches
était tout à fait en ligne avec la pratique des grands pays de
l'OCDE. Signalons que c'est au chapitre de la recherche en sciences pures et
appliquées qu'on observait un certain décalage. Non pas que le
Québec fasse mauvaise figure dans l'ensemble canadien puisque nous
consacrons un effort de presque 50% supérieur à la moyenne
canadienne. Ce n'est pas tant la comparaison avec l'ensemble canadien qui
faisait défaut au dire du FCAC, mais plutôt la comparaison avec
les grands pays de l'OCDE. On devait constater que, par rapport à ces
pays de l'OCDE, nous aurions à accroître de près de 50%
l'effort actuel consacré à la recherche pure et appliquée.
Donc, voilà un endroit où nous devons procéder à un
travail de rattrapage. C'est un constat. Cela suppose qu'à ce moment on
va y consacrer des ressources additionnelles, du moins pendant quelque temps,
jusqu'à ce qu'on ait rattrapé cet écart et c'est
l'objectif en particulier des équipes de recherche. Le programme
gouvernemental répond donc très spécifiquement à
une carence identifiée par les organismes chargés par
l'État québécois de nous informer sur notre situation
relative.
Concernant les clientèles dites nouvelles, je rappelle au
député d'Argenteuil, d'une part, que la politique en place au
ministère vise à financer à 50% l'ensemble des
clientèles, disons-le de cette façon, et à ajouter 20%
pour les clientèles dites reliées au virage technologique ou
prioritaires. Quelles sont ces clientèles? On observera qu'on inclut
là-dedans le droit, les études de deuxième et de
troisième cycles en sciences humaines. On notera, dans le fond, que
notre interprétation est très large et, de fait, elle l'est. Le
financement des clientèles nouvelles va toucher autant le domaine des
sciences humaines que le domaine des sciences physiques. Toutefois, dans le
domaine des sciences humaines il ne touchera que les cycles supérieurs:
maîtrise et doctorat, alors
que dans les autres domaines - je pense à administration,
génie et sciences pures - il touchera les trois niveaux. Pourquoi? Parce
que nous constatons qu'il y a lieu d'effectuer un rattrapage dans ces domaines
compte tenu de la pratique observée ailleurs dans le monde.
Lorsque le Conseil des universités -lorsque vous les
rencontrerez, vous serez plus en mesure de leur poser des questions -parle d'un
"financement de plus en plus directif", on prend la peine de souligner le
contexte dans lequel il faut situer les inquiétudes du Conseil des
universités à l'égard des actions directives du
gouvernement dans le financement des universités, tel que l'a
cité le député d'Argenteuil. Dans le fond, elles sont de
deux natures: la première, c'est qu'elles arrivent à un moment
où les universités ont eu peu de marge de manoeuvre pour faire du
développement en général; la deuxième, c'est que
plusieurs décisions gouvernementales vont toutes dans le même sens
et qu'il y a danger de mettre trop l'accent dans un secteur donné. Donc,
ce n'est pas directif au sens où certains ont pu vouloir
l'interpréter, mais c'était quand même directif dans un
sens fort limité.
J'ai eu l'occasion dans mon exposé de répondre à la
deuxième préoccupation. Reconnaissons que le budget en cause est
très faible, premièrement, dans l'ensemble du budget des
universités, il représente une fraction très petite.
Reconnaissons aussi que la mode est généralement à exiger
de l'État qu'il se donne des priorités et, dès qu'il s'en
donne, à trouver qu'il va trop loin, car qui dit priorités dit
nécessairement des secteurs qui ne seront pas considérés
à l'intérieur des priorités gouvernementales et, par
conséquent, des gens qui se sentiront laissés pour compte. Or, on
ne pourra pas éviter d'avoir des protestations de la part de tous ceux
qui se sentiront laissés pour compte. C'est ce qui explique pourquoi, en
général, un gouvernement a peu tendance à se donner des
priorités, car se donner des priorités implique des choix et les
choix, c'est toujours douloureux.
Mais nous avons décidé de faire face à nos
responsabilités et de nous donner des priorités. Ces
priorités nous paraissent raisonnables. Qu'on me dise que, d'ici
à trois ou quatre ans, il serait anormal que l'on veuille introduire
environ 20% à 25% de nouveaux jeunes professeurs, chercheurs dans nos
facultés de sciences de génie, d'administration et, à ce
moment, on me répondra: Mais non, absolument pas, c'est ce que nous
avons demandé, d'autre part. Par conséquent, ce que le programme
déstructurant d'équipe va obtenir, c'est exactement ce qui est
demandé, d'autre part. Ces équipes en question ne sont pas
recrutées dans le but de faire de l'enseignement. Elles pourront
compléter les équipes professorales, mais l'objectif est d'en
faire des équipes de recherche avec une certaine charge d'enseignement
annexe parce que je pense qu'on ne doit pas séparer recherche et
enseignement à l'université. Mais dans la mesure où leur
premier mandat, au moins pour les cinq prochaines années, est de faire
de la recherche, il est clair que l'affluence de clientèles
additionnelles - on me dit, d'ailleurs, que les nouvelles clientèles ne
sont pas de 90% associées au virage technologique, mais plutôt de
80% -va nécessairement impliquer l'engagement de professeurs de plus
pour au moins prendre en charge l'enseignement. À ce moment, je ne pense
pas que la coïncidence des deux mesures soit en conflit. Dans un cas, nous
assurerons un environnement stimulant sur le plan intellectuel dans le domaine
de la recherche et, dans l'autre cas, nous assurerons un encadrement
pédagogique normal pour ces nouvelles clientèles.
Je dois vous dire, M. le Président, que promouvoir pour le
Québec une quarantaine d'équipes de recherche dans des secteurs
bien identifiés m'apparaît un strict minimum dans nos
universités québécoises. Ce n'est probablement pas 40
qu'il nous faudrait, mais plutôt de l'ordre de 100 à 150.
M. Ryan: M. le Président, si je comprends bien, dans les
secteurs que le gouvernement ne relie point au développement
technologique, le gouvernement n'envisage aucune mesure pour donner suite aux
inquiétudes exprimées par le Conseil des universités.
M. Bérubé: Sauf au niveau de la maîtrise et
du doctorat où nous couvrons entièrement le financement des
clientèles additionnelles.
M. Ryan: Mais au niveau du baccalauréat et du certificat,
absolument rien. La seule mesure, c'est la continuation du 50% qui était
déjà établi pour les clientèles additionnelles?
M. Bérubé: Exactement.
Universités des régions
périphériques
M. Ryan: Très bien. Ce matin, dans les priorités
que vous avez indiquées à la page 25 de votre exposé, M.
le ministre, je n'ai pas trouvé de passage traitant du
développement des universités dans les régions
périphériques. De par la volonté du gouvernement,
l'Université du Québec compte maintenant un nombre impressionnant
de constituantes dans différentes régions du Québec. Ces
constituantes, pour la plupart, en sont encore au stade initial. Elles sont
encore au stade où elles ont besoin
d'injections spéciales de capitaux pour être capables
d'atteindre une taille normale. (21 heures)
Je m'étonne de constater que, dans les priorités du
gouvernement, il n'y a rien de prévu de ce point de vue. Je
m'étonne également de constater que, dans le cadre de
financement, tout ce que j'ai trouvé à ce sujet, c'est une mesure
infiniment limitée imputable au facteur éloignement. Je pense
qu'on donnerait un certain pourcentage des frais de combustible ou autre chose;
en tout cas, c'est un montant assez dérisoire, pour moi, dans l'ensemble
des besoins qu'on doit évoquer.
Est-ce que le ministre pourrait nous préciser sa politique de ce
côté? Est-ce de propos délibéré qu'on a omis
de parler de cet aspect de la politique de financement universitaire dans les
priorités du gouvernement ou si c'est une omission qu'on entend
corriger?
M. Bérubé: Premièrement, il faut distinguer
le réajustement des bases entre les diverses universités pour les
ramener sur un pied de comparaison acceptable où l'analyse qui est faite
pouvait ne pas tenir compte des coûts particuliers que
représenterait le fonctionnement d'une université en
région. Si cette critique est valide, cela aurait conduit à une
annulation des sommes injectées pour maintenir en région un
enseignement universitaire de valeur et aurait donc entraîné la
disparition de ces campus périphériques. Cela, c'est dans
l'hypothèse où une provision insuffisante aurait
été faite pour les coûts additionnels que représente
le fonctionnement en région.
Ceci fera l'objet d'une réflexion en cours d'année, car,
si cette conclusion devait s'avérer fondée, on serait,
évidemment, justifiés de remettre en cause l'analyse en disant:
Voilà un objectif politique que l'État s'est donné
d'assurer dans nos régions périphériques un minimum de
services à la population en termes d'enseignement universitaire et, par
conséquent, s'il y a un coût qui y est rattaché, le
gouvernement doit l'assumer. On doit donc maintenir une certaine
inégalité de traitement reliée à la
non-comparabilité parfaite des mandats. Donc, je pense que cela devra
être examiné lorsqu'on va étudier les bases. La
conséquence de cette étude ne devrait pas entraîner
l'élimination de ces campus établis en région.
Pour ce qui est du développement futur, lorsqu'on parle des
priorités gouvernementales, nous reconnaissons que
l'établissement d'universités en région a fait l'objet
d'une action de l'État qui s'est avérée prioritaire,
c'est-à-dire qu'à un moment donné on a injecté des
sommes de façon privilégiée pour atteindre un certain
nombre d'objectifs de démocratisation et de pénétration de
nos universités en région. Nous considérons maintenant que
l'effort doit porter ailleurs, non pas que les universités en
région ne profiteront pas des priorités qui sont là, car,
soulignons-le, souvent l'activité de recherche est peu
développée en région et on pourrait voir, dans les
nouvelles règles de financement, une façon pour ces campus hors
centres urbains de développer un niveau d'excellence qui les
amène à s'intéresser aux études supérieures,
comme ils l'ont fait pour les études de premier cycle et les
certificats.
Donc, ce que nous cherchons à privilégier
véritablement en priorité, c'est le développement des
études avancées dans nos universités, promouvoir une
certaine rationalisation des programmes offerts au niveau du premier cycle et
promouvoir le développement de certains secteurs de pointe pouvant avoir
un impact économique important au Québec. Voilà les
priorités que nous nous donnons.
Vous me dites: Le fait de vous être donné des
priorités fait en sorte que certaines autres priorités possibles
ne sont pas retenues. Oui, je pense qu'on ne peut rien vous cacher.
Effectivement, dans la mesure où on a identifié ces cinq
priorités, il existe d'autres priorités - je pourrais vous en
donner un très grand nombre - qui n'apparaissent pas comme objectifs
immédiats. Cela voudrait dire qu'on ne peut pas maintenir les objectifs
que nous avons ici pendant 25 ans, mais l'analyse nous dit que voilà les
secteurs où on devrait consacrer nos efforts jusqu'à ce que la
situation ait été corrigée.
M. Ryan: Mais la question que je vous pose a la signification
suivante: des constituantes de l'Université du Québec ont des
projets de développement. Par exemple, l'Université du
Québec à Hull a un projet de développement d'un secteur en
génie informatique. Du côté de l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscaminque, on est, évidemment,
intéressé au développement d'un secteur en génie
minier. Quelle est la politique du gouvernement à ce sujet? À
-t-on une politique d'ouverture ou va-t-on dire: Vous allez vous restreindre?
Ces universités, pour l'instant, ont développé un nombre
plutôt limité de disciplines. Elles ont été
appelées à une vocation universitaire. Vous leur avez
donné des lettres patentes. Jusqu'à quel point entendez-vous leur
permettre de se développer? Ne convenez-vous pas que, pour franchir
certains pas, elles auront besoin d'une aide spéciale qui n'est pas du
tout prévue dans le cadre de financement et même dans le message
que vous avez donné ce matin ou si c'est une fin de non-recevoir
plutôt générale que vous leur opposez en disant: Nos
priorités sont ailleurs? C'est évident, si on dit: On va
développer les
secteurs d'excellence, peut-être qu'on peut être enclin
à dire: On va développer les écoles de génie qu'on
a actuellement et on dira aux autres: C'est impossible. Je crois qu'il va
falloir que le gouvernement prenne des positions claires sur ces
choses-là pour qu'on sache où on va.
M. Bérubé: D'abord, le financement pourrait se
faire de deux façons: le fonds de développement
pédagogique et le financement des équipes de recherche, dans les
secteurs où cela est possible. Deuxièmement, c'est au Conseil des
universités qu'il appartient d'analyser ces demandes de programmes et
d'indiquer si, effectivement, il recommande la création de tels
programmes. Troisièmement, la création de tels programmes
entraîne un recrutement d'étudiants qui entraîne des budgets
afférents. Donc, du côté gouvernemental, il n'y a pas de
tentative d'interdire tel ou tel développement au sein de nos
universités, mais il appartient au Conseil des universités
d'évaluer, d'abord, la capacité du Québec de supporter un
certain nombre de programmes au Québec. Il faut prendre garde, je le
souligne en passant, à une multiplication de programmes qui
entraînerait une dilution et l'incapacité pour aucune institution
universitaire d'atteindre un certain niveau d'excellence. Il faut donc
encourager une certaine rationalisation de l'offre de programmes au niveau du
deuxième et du troisième cycle, à titre d'exemple, et
même du premier cycle. Il appartient au Conseil des universités de
donner un avis sur de telles demandes, mais à partir du moment où
l'avis est favorable, n'apparaît pas représenter un
dédoublement et apparaît pouvoir être supporté par la
collectivité québécoise, évidemment, c'est
financé exactement comme tout développement de nouvelles
clientèles.
M. Ryan: On aura l'occasion d'y revenir lorsqu'on va rencontrer
les gens de l'Université du Québec plus tard au cours des travaux
de la commission, mais je vous avoue que la réponse que vous m'apportez
est insatisfaisante.
M. Bérubé: Dans quel sens?
M. Ryan: Parce qu'elle ne répond pas à la question.
Il me semble que, lorsque vous êtes allé inaugurer ces
universités, quand vous leur avez donné des lettres patentes,
vous deviez avoir une vue un peu plus claire de ce que vous envisagiez pour
l'avenir. Il me semble que vous ne vous disiez pas uniquement à ce
moment-là: On va attendre le Conseil des universités et on
verra.
M. Bérubé: En ce qui a trait au
développement de programmes, oui, nous sommes assujettis à l'avis
du Conseil des universités. C'est sur cette base-là que le
gouvernement accepte de financer les clientèles additionnelles.
Maintenant, il existe des règles budgétaires pour financer les
nouveaux programmes et, à ce moment-là, on va utiliser ces
sources de financement. Toutefois, la décision à savoir si un
projet est retenu ou pas est soumise à un avis du Conseil des
universités. Que le député d'Argenteuil soit satisfait ou
non de la réponse, voilà la procédure qui est suivie.
M. Ryan: Très bien.
M. Bérubé: C'est qu'on ne peut pas nous accuser une
journée de dirigisme et, le lendemain, dire qu'on ne fait pas assez de
dirigisme.
M. Ryan: Notre temps est précieux. Si vous n'avez rien
à dire, j'aimerais autant que vous le disiez brièvement.
M. le ministre, au sujet du contingentement, où en est le
ministère de l'Éducation?
M. Bérubé: Le contingentement?
M. Ryan: Oui. Il y a plusieurs secteurs où l'on pratique
effectivement le contingentement. Quelle est la politique du ministère
à ce sujet? Y a-t-il des directives données par écrit ou
autrement ou si vous laissez les universités complètement libres
de faire ce qu'elles veulent dans ce secteur-là?
M. Bérubé: À ma connaissance, il n'y a qu'un
seul secteur où il y a une directive explicite gouvernementale de
contingentement et c'est dans le secteur de la médecine.
M. Ryan: Est-ce que le ministre est au courant que des
universités pratiquent le contingentement dans plusieurs
disciplines?
M. Bérubé: Oh, sans doute. J'imagine que les
universités...
M. Ryan: Est-ce qu'il a...
M. Bérubé: ...ont différentes façons
de pratiquer un contingentement. Cela peut aller de l'application de quotas
à l'application de normes d'admission, de telle sorte qu'on obtienne le
même résultat, mais c'est extrêmement difficile à
vérifier.
M. Ryan: Le gouvernement n'a pas d'attitude là-dessus. Il
n'a pas de ligne de conduite. C'est une chose qui est entièrement
abandonnée aux universités?
M. Bérubé: Exactement. M. Ryan: Très
bien.
Quatrième point, au sujet du développement de la
recherche, je ne sais pas si vous avez une estimation avec vos collaborateurs
que vous pourriez nous donner. Vous avez parlé du fonds FCAC. Vous avez
parlé de l'aide additionnelle qui sera donnée aux
étudiants de deuxième et de troisième cycles. Vous avez
parlé du programme d'action structurante. Il y a un autre point.
J'écris assez mal que je ne retrace pas l'autre point actuellement.
Avez-vous une idée de ce que cela représente au point de
vue...
M. Bérubé: Cela va vous permettre d'abréger
la question.
M. Ryan: ...des efforts financiers pour l'année
1984-1985?
M. Bérubé: Au total? J'imagine qu'on peut essayer
de vous faire le calcul.
M. Ryan: Pendant qu'on fait le calcul, je vais vous adresser une
question complémentaire. La politique que vous entendez mettre en oeuvre
de donner 1 $ pour chaque 2 $ de subvention que l'université va obtenir
pour des programmes de recherche, 1 $ pour les fins de dépenses de
soutien que l'université doit absorber, on me dit que c'est un
système qui est de nature en enrichir les riches et qu'il ne donne pas
beaucoup de chances à ceux qui sont à un stade moins
avancé dans leur développement. Est-ce que vous prévoyez
une certaine souplesse dans l'application de cette politique ou si on va
l'appliquer d'une manière aussi littérale que le laisse entendre
le cadre de financement?
M. Bérubé: Bon! Premièrement, il faudrait,
dans le cadre de la discussion sur cette règle de financement qui n'est
pas terminée, qu'il y ait accord. Mais posons l'hypothèse qu'il y
ait accord. Ces règles de financement ne visent qu'une chose:
reconnaître les coûts réels. Si quelqu'un me dit que
reconnaître les coûts réels d'une institution, c'est la
favoriser, j'ai de la difficulté à entrer dans le jeu, parce que
l'argument revient à dire: Pénalisez les universités qui
veulent faire de la recherche de manière à nous donner une
chance. Ce n'est certainement pas en écrasant la tête du voisin
sous l'eau qu'on va améliorer soi-même ses possibilités de
développement. Donc, ce qui m'apparaît plus raisonnable, c'est de
dire que, associé aux subventions des divers gouvernements aux
équipes de recherche, il existe un coût. La seule existence d'un
laboratoire... Lorsque j'ai enseigné à l'Université Laval,
je n'ai jamais eu à payer de loyer à l'université, mais je
dois dire que mes laboratoires occupaient un espace beaucoup plus grand que
l'espace dont j'avais besoin pour donner des cours, car il faut loger
l'équipe de dix ou douze étudiants gradués, les
associés de recherche. Il faut des salles d'équipement. Il y a
des installations électriques. Les frais afférents sont
très élevés et, de fait, les universités nous
disent que, chaque fois qu'elles acceptent un dollar de subvention, il leur en
coûte 0,50 $ de frais divers, de frais administratifs. Si on ne
reconnaît pas de tels coûts - posons l'hypothèse qu'ils sont
exacts - on désincite les universités à faire de la
recherche. À ce moment-là, c'est certainement contraire aux
objectifs qu'on vient de se fixer et que les parties reconnaissent.
Je trouve que le genre de critiques dont on vous a fait part
témoigne d'une approche bizarre du développement puisqu'elle
consiste à dire: Nous devrions pénaliser les autres en refusant
de reconnaître les coûts réels qu'ils encourent pour tenter
de ralentir leur développement. Personnellement, je considère
qu'une telle recommandation est contraire à un esprit qui devrait
prévaloir, soit celui de l'excellence.
M. Ryan: Est-ce qu'on a eu le temps de procéder au calcul
que j'avais demandé?
M. Bérubé: FCAC, c'est 30 000 000 $; les
équipes de recherche, c'est 2 700 000 $ cette année; les bourses
pour les deuxième et troisième cycles, c'est 10 400 000 $, pour
un total de 43 000 000 $; un équipement scientifique de 5 000 000 $...
Ah; excusez-moi, je pensais que c'étaient les bourses. D'accord. Alors,
le coût des clientèles additionnelles: 10,4%. (21 h 15)
M. Ryan: Pardon? Les clientèles additionnelles...
M. Bérubé: C'est le financement des
clientèles additionnelles aux deuxième et troisième
cycles.
M. Ryan: Ah! oui.
M. Bérubé: Cela fait un total de 43 000 000 $. Il
faut ajouter à cela à peu près 5 000 000 $ au chapitre des
équipements scientifiques; 5 000 000 $ par année pendant trois
ans. Il faudrait souligner que les 2 700 000 $ associés aux
équipes de recherche ne sont que le déboursé prévu
en début de programme. D'abord, il faut analyser les demandes; il faut
prendre la décision d'accorder une subvention; il faut que ces
équipes recrutent leurs chercheurs, car il ne s'agit pas de financer des
équipes en place - je dis bien et j'insiste - il s'agit de favoriser
l'émergence de nouvelles équipes et non de trouver une autre
façon de financer les équipes actuelles. Dans la mesure où
il faut recruter du personnel, il y
a donc des délais importants et les déboursés sont
très faibles. Mais on devrait s'attendre, normalement, à des
déboursés de l'ordre de 20 000 000 $ en régime de
croisière en dollars d'aujourd'hui. C'est donc intégrer, dans la
base des universités, l'équivalent, je ne dirais pas d'une
vingtaine de millions, parce que tout n'est pas intégré dans la
base, mais une forte proportion des 20 000 000 $ devrait être
intégrée dans la base. Donc on parle de quelque chose qui oscille
entre 40 000 000 $ et 55 000 000 $.
M. Ryan: Mais quand vous parlez de 30 000 000 $ au fonds FCAC,
cela comprend les bourses qui sont données à des étudiants
de deuxième et troisième cycles?
M. Bérubé: Oui. C'est l'erreur que je faisais
tantôt. Cela inclut les bourses.
M. Ryan: Bon, d'accord. À propos des équipements,
vous venez d'en parler et cela m'intéresse. Le gouvernement a
annoncé, il y a quelques mois, un programme de 15 000 000 $
réparti sur trois ans pour le renouvellement des équipements, ce
qui veut dire 5 000 000 $ pour l'année 1984-1985. Est-ce que vous
pourriez nous dire sur quelle base vous vous êtes appuyé pour
choisir ce montant de 5 000 000 $ par année et nous donner une
idée de l'amplitude des besoins dont on vous a fait part à ce
sujet du côté des universités? J'ai l'impression que les
retards que nous avons pris en matière de modernisation des
équipements représentent des sommes beaucoup plus
élevées que ce que vise votre budget de 15 000 000 $
réparti sur trois ans. Je ne sais pas ce qui vous a guidé.
J'aimerais que vous nous disiez aussi si vous êtes en contact avec le
gouvernement fédéral qui a, lui aussi, des projets importants
d'aide aux universités. J'aimerais que vous nous disiez comment les
choses se passent. J'ai l'impression qu'avec un petit budget de 5 000 000 $ de
ce côté que vous voulez qu'on reste, pas nécessairement les
premiers dans l'univers, mais dans le premier groupe, en tout cas. Je pense
qu'avec un budget comme cela, on va continuer de tirer de la patte dans
plusieurs disciplines.
M. Bérubé: Premièrement, il s'agit d'un
effort spécial consenti dans le cadre du plan de relance et qui s'ajoute
au budget d'équipements normaux des universités. Je pense que
c'est quand même important de le souligner. Deuxièmement, les 15
000 000 $ n'ont pas été établis sur la base d'une analyse
détaillée des besoins. Les opinions qui prévalent
concordent avec l'affirmation que vous avez faite, à savoir qu'il y a
lieu d'injecter des sommes pour l'achat d'équipements dans nos
universités et que, partant de ce constat, lorsque nous avons fait nos
enveloppes, s'est dégagée la possibilité d'aller chercher
une quinzaine de millions de dollars pour de l'équipement. On a donc
pris la décision sur la base d'une impression générale de
besoins, beaucoup plus que sur la base d'une analyse détaillée.
Nous n'avons malheureusement pas d'analyses véritables des besoins en
équipement dans nos universités.
M. Ryan: Le gouvernement, je présume, est disposé
à entendre les représentations qu'on fera là-dessus. Je
pense que c'est un point sur lequel la commission devrait s'attarder de
manière spéciale. On m'a laissé entendre que, dans bien
des secteurs, les équipements dont on dispose sont, tantôt
insuffisants pour répondre au nombre d'étudiants qui doivent s'en
servir et tantôt dépassés au point de vue capacité
de répondre aux besoins d'aujourd'hui.
M. Bérubé: Cela dépend beaucoup des
secteurs, M. le Président.
M. Ryan: J'ai encore quelques points à discuter. Je ne
voudrais pas qu'on prolonge le débat là-dessus; je sais que cela
peut dépendre des secteurs. Je ne veux pas vous empêcher, non
plus, de me répondre, remarquez bien, mais je ne voudrais pas prendre
trop de temps.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Le
caractère trop directif du député d'Argenteuil m'incite
à la réserve.
M. Ryan: Vous avez dit que vous n'aviez pas d'analyse des
besoins. Il ne sert à rien de s'attarder.
Au point de vue des locaux et des équipements, M. le ministre, on
vous a fait des représentations disant que le gouvernement continue de
mettre l'accent sur les dépenses de location, ce qui, en pratique,
diminue l'augmentation de budgets consentie aux universités cette
année au chapitre des subventions, ce qui est une manière souvent
très insatisfaisante de répondre aux besoins des
universités. Est-ce l'intention du gouvernement de donner une place un
petit peu plus grande à des investissements qui permettront aux
universités d'être maîtresses et propriétaires des
lieux où se dispense l'enseignement et se fait de la recherche ou si on
continuera à mettre l'accent sur une politique de location qui
entraîne toutes sortes de dislocations souvent?
M. Bérubé: D'abord, reconnaissons que la pratique
qui a cours en termes de financement des immobilisations nous amène
à une enveloppe de location qui apparaît anormalement
élevée, compte tenu des besoins en espaces pour l'ensemble du
réseau universitaire québécois.
Deuxièmement, soulignons - cela rejoint en fait une des
préoccupations dont j'avais fait état ce matin - que la
croissance des services de dette au gouvernement a pris des allures un peu
catastrophiques depuis un certain nombre d'années, peut-être en
partie parce que, le financement des immobilisations se faisant par service de
dette, on obtient une dépense initiale très élevée
pour un coût relativement faible pour l'année en cours.
Évidemment c'est oublier l'effet cumulatif de ces services de dette qui
finissent par peser, comme je le soulignais, très lourdement dans
l'équilibre des finances publiques.
C'est ce qui devait amener le gouvernement à adopter une
politique concernant les nouvelles immobilisations qui prévoit que dans
le budget de base des ministères, les enveloppes de nouvelles
immobilisations ne devraient pas entraîner une augmentation du service de
dette qui croisse plus vite que l'inflation.
Jusqu'ici tout va bien, ne serait-ce que les taux d'intérêt
étant plutôt autour de 12% à 13% et l'inflation
étant autour de 4%, on devine qu'il suffit de fort peu d'immobilisations
pour vite atteindre ce plafond. De fait, ceci a entraîné, pour les
budgets d'immobilisations, une réduction substantielle du niveau des
immobilisations.
Nous croyons que l'effet pourrait être jugé temporaire, en
ce sens que des taux réels d'intérêt comme ceux qui ont
pratique présentement sont des taux véritablement usuraires. Soit
dit en passant ils sont à peu près aussi élevés
qu'on les a connus quand ils ont atteint des taux de 21% ou 22%, car lorsque
vous avez une inflation de 14% et que vous avez des taux d'intérêt
à 20%, cela fait un taux réel de 6% ou à peu près -
je simplifie le calcul - alors que lorsque vous avez une inflation à 4%
et que vous avez des taux d'intérêt à 12%, on parle
là d'un taux réel de 8%. En d'autres termes, le taux réel
d'intérêt est extrêmement élevé à
l'heure actuelle. On ne prévoit pas que de tels taux puissent se
maintenir éternellement. Il faudra un jour corriger.
C'est ce qui nous a amenés à penser qu'on pourrait
peut-être réduire l'enveloppe consacrée à
l'entretien des équipements pendant quelques années et
dégager des marges de manoeuvre additionnelles aux fins des
immobilisations de manière à accroître l'enveloppe des
immobilisations à un niveau plus raisonnable. C'est d'ailleurs une
proposition que nous avons faite au Conseil des universités. Est-ce
qu'on a eu la réponse à cette proposition? On me dit qu'on attend
l'avis en ce moment.
Troisièmement, parmi les hypothèses qui doivent être
examinées, il y a celle de l'abandon de certains baux de location pour
privilégier les constructions. Il se produirait en effet des cas
où, pour les clientèles existantes, on puisse investir dans des
immobilisations importantes qui ne coûtent finalement pas plus cher
aujourd'hui que ce que coûtent les locations, auquel cas je pense qu'on
devrait encourager les universités à aller dans ce sens. Il faut
cependant examiner chaque demande. Rappelons que toute augmentation des frais
encourus par une telle décision sera nécessairement
supportée par l'ensemble des autres universités. Par
conséquent je pense qu'avant de prélever dans les budgets des
universités des sommes additionnelles, il faut y regarder de plus
près.
Nous serions donc prêts à considérer la
possibilité d'investir dans des immobilisations dans la mesure où
les frais encourus, en termes de service de la dette et des frais
afférents, ne sont pas supérieurs à ce qui est
présentement encouru en termes de location, auquel cas cela permettrait
d'augmenter l'enveloppe des immobilisations disponible pour les
universités. Nous examinons en ce moment un cas avec une
université allant dans ce sens.
Frais de scolarité des étudiants
canadiens et étrangers
M. Ryan: J'ai deux brèves questions pour compléter.
Au sujet des frais de scolarité exigés des étudiants
canadiens et des étudiants étrangers, je crois comprendre, en
lisant le cadre de financement, qu'en ce qui touche les étudiants
canadiens, vous ne ferez rien tant que vous n'aurez pas consulté le
Conseil canadien des ministres de l'Éducation et que vous n'aurez pas
cherché à trouver un terrain d'entente avec eux qui
évitera toute mesure pouvant desservir le Québec en provenance
des autres provinces. J'aimerais vous demander où vous en êtes
là-dedans, s'il y a eu des consultations jusqu'à maintenant et si
elles augurent bien ou si le gouvernement maintient la même
politique.
Deuxièmement, au sujet des étudiants étrangers, je
constate qu'à compter du mois de septembre, on a haussé les frais
de scolarité pour ceux qui ne viennent pas des pays ayant signé
des ententes avec le Québec. Je voudrais vous demander si le produit de
cette augmentation des frais de scolarité va au gouvernement ou aux
universités. Est-ce que ce sera déduit de la somme totale qui est
accordée aux universités ou si cela va leur être
laissé comme un revenu d'appoint qui leur permet de disposer de sommes
un peu plus élevées? Ce n'est pas énorme, mais j'aimerais
savoir quelle est la politique du gouvernement, parce que cela va nous
éclairer pour autre chose.
J'ai une autre question. Il y a des universités qui sont en
situation difficile par suite des politiques de compression des
dernières années. Je n'ai pas besoin de les
nommer parce qu'elles ont fait part, dans trois cas au moins, de leurs
difficultés publiquement. Je ne trouve absolument rien dans le cadre de
financement au sujet de ces cas-là. Je voudrais demander au ministre
s'il a été informé de ces cas-là, s'il a pris
contact avec les universités en question et s'il entend
réexaminer leur situation.
M. Bérubé: Je m'excuse, M. le Président.
J'ai mal saisi le début de l'intervention, ce qui fait que je ne sais
pas le sujet sur lequel porte la question.
M. Ryan: Les universités qui ont des difficultés
financières particulières...
M. Bérubé: En déficit.
M. Ryan: ...par suite des compressions budgétaires des
dernières années, pas nécessairement des déficits,
mais aussi des déficits dans quelques cas. Je m'aperçois qu'il
n'y a rien dans le cadre de financement à leur sujet. Est-ce que cela
veut dire que c'est un dossier complètement fermé ou si ce sont
des situations que le gouvernement est disposé à examiner avec
chacune des institutions concernées?
M. Bérubé: Cela m'apparaît difficile de
répondre plus spécifiquement à votre question. Je connais
un cas type, celui de l'Université de Sherbrooke, qui est un vieux cas,
qui m'apparaît assez complexe et pour lequel le ministère a
déjà reconnu en tout cas la réalité du
déficit et un moyen de l'étaler. Cependant, je reconnais
également que le ministère n'a jamais voulu éponger ce
déficit. Quant au déficit des autres universités, je dois
dire que leur traitement dépendrait de beaucoup de l'étude
comparative des bases qui ont été effectuées. Si on devait
tirer la conclusion qu'une université est, je ne dirais pas bien
située, mais située dans l'honnête moyenne de financement
des universités, si elle se retrouve avec un déficit, à ce
moment-là je pense qu'il est à sa charge.
M. Ryan: On parle toujours d'universités qui ont des
déficits. Est-ce que cela veut dire que vous seriez prêt à
envisager, une fois que l'étude sur le cadre de financement aura
été faite sur une base plus large, un redressement de situation
pouvant affecter les résultats des années antérieures?
M. Bérubé: Entre autres, si le déficit peut
être associé à un sous-financement systématique,
j'imagine que, lorsqu'on va tenter de rétablir les bases, on peut tenir
compte du fait que l'université doit assumer un service de dette plus
important qu'ailleurs, qui est incorporé à ce moment-là
à ses dépenses de fonctionnement et pour lequel il y aurait lieu
de prévoir une correction.
M. Ryan: Sur les bourses, sur les frais de scolarité.
M. Bérubé: Oui, sur les frais de scolarité,
dans le cas des étudiants canadiens, effectivement il y a eu une
très brève discussion au CMEC. Évidemment, j'ai
expliqué que le problème auquel nous faisions face, c'est que
nous avions des frais de scolarité qui étaient la moitié
de ceux perçus dans les autres provinces et que, par conséquent,
on s'est senti un peu justifiés de chercher à les augmenter, ce
qui a entraîné tout un débat fort intéressant sur
les frais de scolarité en général qu'à peu
près tous les ministres de l'Éducation aimeraient voir
haussés chez eux. Donc, ils se sentaient un peu mal à l'aise de
commenter la hausse québécoise qui, somme toute, était
fort modeste par rapport aux frais de scolarité qu'eux-mêmes
imposent chez eux. (21 h 30)
Nous n'avons pas discuté d'un argument, je pense, repris par le
député d'Argenteuil en ce sens que, s'il est vrai que les frais
de scolarité au Québec sont plus faibles que dans le reste du
Canada, en compensation, il y aurait deux fois plus d'étudiants
québécois étudiant à l'extérieur du
Québec qu'il y a d'étudiants canadiens étudiant au
Québec. D'ailleurs, cela traduit bien le pouvoir d'attraction auquel est
soumise une minorité dans n'importe quel milieu-environnement et les
forces d'assimilitation qui s'exercent sur elle, mais cela me paraît, en
termes d'équité, certainement un argument à soulever.
Donc, compte tenu de cette considération, compte tenu également
d'une autre considération, il n'est pas facile de déterminer
l'origine d'un étudiant canadien. Est-ce qu'un étudiant qui est
venu louer un appartement à Montréal et s'est inscrit à
l'Université McGill est un étudiant non-Québécois?
C'est la notion de résidence qui a toujours été une notion
difficile à trancher. En conséquence, le ministère est
à examiner s'il est possible de définir une façon
élégante d'obtenir ce genre d'information.
Quant aux étudiants étrangers, il faut comprendre que nous
avons appliqué une compression budgétaire aux budgets des
universités et que, évidemment, les revenus qu'elles retirent des
frais de scolarité payés par les étudiants
étrangers leur restent, à ma connaissance.
Mme Fortin: Dans le fond, ils sont utilisés pour combler
une compression qui aurait été faite de toute façon. De
dire qu'il leur reste de l'argent qui ne leur revient pas, c'est de l'argent
qui est contre une compression qu'on aurait dû appliquer de
toute façon.
M. Ryan: C'est la compression additionnelle qui avait
été annoncée au début de l'année
dernière, au début de la présente année.
Mme Fortin: C'est cela. Je veux dire la compression...
M. Ryan: La compression de 3,7%.
Mme Fortin: C'est cela. En échange, les universités
peuvent facturer des frais de scolarité plus élevés. C'est
comme cela que les universités assument cette compression, plutôt
que de voir une coupure dans leur budget de base général. C'est
la méthode qu'on a choisie.
M. Ryan: C'est-à-dire que c'est le gouvernement qui
bénéficie de cette augmentation en réduisant d'autant sa
contribution financière aux universités.
Mme Fortin: Elle a déjà été
réduite d'autant, oui.
M. Ryan: Très bien, avant même que cela soit fait,
avant même que la hausse soit instituée.
Mme Fortin: Elle s'est faite simultanément.
M. Ryan: D'accord.
M. Bérubé: Pour éclairer, je pense, le
député d'Argenteuil, il serait bon de dire que la compression a
d'abord été faite de façon uniforme dans l'ensemble des
budgets des universités, en un premier temps. En un deuxième
temps, lorsque l'on calcule le montant de la subvention à verser
à une université en particulier, on défalque les revenus
provenant des frais de scolarité, ce qui veut dire, à ce
moment-là, que l'université qui récupère des frais
de scolarité plus élevés, évidemment, voit sa
subvention diminuer d'autant. Toutefois, soulignons que ces revenus ont
été pris en compte dans le calcul des compressions et que si l'on
n'avait pas appliqué cette hausse de frais de scolarité, les
compressions appliquées au budget des universités auraient
été plus élevées.
Revenus autonomes des universités
Le Président (M. Charbonneau): Je voudrais, M. le
ministre, aborder une question qui semble ne pas avoir été
abordée jusqu'à maintenant qui est pourtant indiquée, dans
le mandat, dans les questions corollaires, comme nous préoccupant,
lorsque nous avons préparé le mandat de cette commission. Il
s'agit des sources de revenu des universités autres que des subventions
gouvernementales. Il serait intéressant de savoir quelle est la position
du ministère par rapport aux revenus autonomes des universités.
Devrait-on en tenir compte? Quelle est l'importance de ces revenus? Est-ce un
secteur sur lequel le gouvernement ne tient à s'immiscer ou à
intervenir d'une façon ou d'une autre? Quelle est la
problématique des revenus autres que les sources gouvernementales?
M. Bérubé: Nous avons fait distribuer, en annexe 5,
une évaluation ou une mesure des fonds de fonctionnement consentis aux
universités par d'autres sources et qui ne sont pas assujettis à
des restrictions d'utilisation. Non, je n'ai pas l'information, je n'ai que...
À la première question, nous n'avons pas de telles
données. La deuxième réponse à votre
deuxième question sera très simple: si nous n'avons pas les
renseignements concernant l'importance de tels fonds, je dois présumer
que le ministère n'exerce aucun contrôle sur leur utilisation et
leur origine.
Le Président (M. Charbonneau): Il n'est pas de votre
intention, si je comprends bien, d'en exercer un.
M. Bérubé: Les discussions que nous avons eues avec
les recteurs des diverses universités sont à savoir qu'on devrait
laisser ces revenus tranquilles.
Le Président (M. Charbonneau): Laisser ces revenus
tranquilles ne veut pas dire qu'il n'y a pas une réalité
intéressante à cet égard qui puisse, d'une certaine
façon, affecter la situation budgétaire des uns et des autres, si
je comprends bien.
M. le ministre, je disais simplement que finalement - j'ai perdu moi
aussi mon idée à la suite de l'interruption... En fait, si vous
n'avez pas l'intention d'exercer de contrôle, si vous n'avez pas les
informations, néanmoins c'est une réalité qui, j'imagine,
doit nous amener à pondérer la situation budgétaire des
uns et des autres et leur réaction par rapport à leurs
problèmes financiers.
M. Bérubé: Oui.
Le Président (M. Charbonneau): On ne peut pas faire comme
si cela n'existait pas. Des gens ont des revenus plus ou moins importants
autres que des subventions gouvernementales. J'imagine que cela doit entrer
dans le décor et qu'on ne peut pas faire comme s'il n'y en avait
pas.
M. Bérubé: Je ne voudrais pas vous induire en
erreur. Lorsqu'on me demande une
donnée précise à l'Assemblée nationale,
j'aime bien la fournir. J'ai comme donnée pour 1982-1983 des revenus
globaux autres que les subventions de fonctionnement et les droits de
scolarité d'environ 64 000 000 $ pour l'ensemble des universités
québécoises.
Le Président (M. Charbonneau): Les universités sont
appelées d'une façon ou d'une autre à vous dire quels sont
leurs revenus autonomes. Les gens font des demandes...
M. Bérubé: On me dit que oui, effectivement, on
l'obtient pour l'ensemble des universités. Il faut distinguer dans ces
fonds autonomes deux types de fonds: des fonds pour lesquels l'usage, par
l'université, n'est assujetti à aucune restriction et, au
contraire, des fonds pour lesquels l'usage est spécifique. À
titre d'exemple, si une succession consent un versement à une
université pour la construction d'un pavillon donné;
l'université ne peut pas utiliser ces fonds pour équilibrer son
budget, par exemple. D'ailleurs, l'une de nos universités,
l'Université McGill a investi énormément dans ces
immobilisations, grâce à des fonds autonomes, ce qui a
allégé d'autant l'enveloppe des immobilisations qui a pu servir
à d'autres universités. C'est un cas où les fonds propres
de l'université ont servi à financer des immobilisations.
Ce qui est donc difficile lorsqu'on traite de ces fonds, c'est de faire
la distinction entre des fonds libres de tout lien et des fonds qui sont
attribués à une utilisation spécifique qui, à ce
moment-là, pourraient rendre leur prise en compte difficile.
Mais - je termine sur ce point - parmi les paramètres
individualisés à prendre en considération dans le niveau
de financement des universités, je pense qu'on ne peut pas
éviter, à un moment donné, de prendre ce paramètre.
Est-ce qu'on peut le faire de façon quantititive? Cela m'apparaît
douteux. Est-ce qu'on doit cependant le prendre en considération dans le
rythme auquel on doit procéder à un certain rattrapage ou encore
dans l'acceptation d'un certain écart entre les universités et
les autres? Probablement que oui, on peut le prendre en compte, mais pour cela,
il faudrait avoir une analyse beaucoup plus fine, que je n'ai pas.
Le Président (M. Charbonneau): Au sujet des services
à la collectivité, je sais que, entre autres dans le milieu
étudiant, il y a le RAEU qui, depuis quelques années, a tenu
à développer un discours qui voudrait amener les
universités à être plus impliquées dans le milieu et
dans les collectivités locales. Il semble, d'après certaines
informations, que le Conseil des universités se soit penché sur
cette question mais, du côté du ministère de l'Education,
est-ce qu'on a une approche particulière quant au développement
des services à la collectivité de la part des
universités?
M. Bérubé: Un instant. Je n'ai pas
d'éléments pour vous répondre là-dessus.
Mme Fortin: II y avait, dans le cadre du fonds de
développement pédagogique, un troisième volet qui
finançait des programmes, des projets de services à la
collectivité. Ce volet n'a jamais été très
fréquenté et les sommes allouées dans ces projets n'ont
jamais été très considérables.
Tout dernièrement, le Conseil des universités nous a fait
parvenir un avis concernant une problématique à développer
en termes de services à la collectivité et où il
recommande, dans le fond, de prélever en millions, sur l'enveloppe pour
financer de façon spécifique les services à la
collectivité.
Nous sommes en train d'examiner la question. Ce qui nous fait
hésiter, dans le fond, c'est que c'est encore un
prélèvement et c'est encore une allocation de budget pour des
fins spécifiques. Il y a une limite qu'on ne veut pas dépasser
dans le cadre de cette orientation. Je pense qu'il n'y a pas de décision
prise encore au sort à donner à cet avis à
l'intérieur du ministère. Ce sont des considérations qu'on
est en train d'examiner.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce qu'il y a un avis
formel qui a été donné par le Conseil des
universités?
Mme Fortin: Oui, oui, sur les services à la
collectivité.
Le Président (M. Charbonneau): On m'a parlé qu'il y
avait un colloque qui serait tenu. Est-ce à dire que ce colloque
pourrait influencer ou amener le conseil à modifier son avis?
Mme Fortin: On pourrait peut-être leur demander.
Le Président (M. Charbonneau): Oui. Une dernière
question. Le ministre a parlé tantôt des dédoublements qui
existent. Tout en respectant l'autonomie des institutions, est-ce que le
ministère a l'intention d'intervenir un peu plus directement pour faire
en sorte qu'effectivement ces dédoublements ou la problématique
du dédoublement soit abordée plus directement et que, finalement,
on n'assiste pas à une espèce de fuite en avant où tout le
monde constate des dédoublements mais personne ne s'en occupe
finalement.
M. Bérubé: Non, pas d'intervention directe.
Toutefois, un engagement à ne pas
pénaliser les universités qui procéderaient
à une rationalisation de tels programmes. À l'heure actuelle, il
faut comprendre qu'une université qui - prenons un exemple non
contentieux - se serait engagée dans l'enseignement de cours d'anglais,
je ne dirais pas élémentaires mais quasi de niveau secondaire et
l'aurait fait parce qu'elle y voyait là un intérêt
pécuniaire significatif, puisque nous finançons les études
au coût moyen et que, par conséquent, de telles clientèles
étaient surfinancées par rapport au coût réel
observé, c'était, pour l'université, une façon
d'arrondir ses fins de semaine. (21 h 45)
II est clair que si l'université devait se désengager de
tels programmes, elle perd, d'une part, la clientèle mais elle perd
aussi le revenu. Il y a fort peu d'incitation pour une université
à procéder à une telle rationalisation. Il faut donc que
l'on assure que l'université ne soit pas pénalisée si elle
s'engage dans une telle rationalisation sous peine de quoi, peu
d'universités s'y engageront. À l'heure actuelle, on ne peut pas
dire que les règles de financement ont permis de telles
rationalisations. Ce que nous voulons faire, c'est de nous assurer qu'à
l'avenir, de telles rationalisations puissent être possibles sans
pénaliser, "budgétairement" parlant, les universités.
Le Président (M. Charbonneau):
D'accord. Mme la députée de Jacques-Cartier.
Les équipements
Mme Dougherty: J'aimerais revenir avec la question des
équipements, simplement pour souligner qu'en 1979, je crois que le
CRSNG, le fonds fédéral, a mené une enquête sur
toute la question des équipements de recherche. Il a conclu que les
crédits destinés aux équipements de recherche devraient
équivaloir à 15% des subventions de fonctionnement de la
recherche. Êtes-vous au courant de cette norme? Acceptez-vous cette
norme? Parce que pour l'année 1984-1985, je crois que le fonds FCAC aura
1 600 000 $ je crois, ce qui correspond seulement à 8,5% des
crédits de fonctionnement octroyés en 1984-1985. Vous avez dit
que vous n'avez pas vraiment étudié les véritables besoins
en équipements des universités. Voilà une norme
établie au niveau fédéral. Quelle est votre intention?
Avez-vous l'intention d'essayer de respecter une telle norme? Est-ce qu'une
telle norme est valide?
M. Bérubé: Je ne peux la commenter. Je
présume cependant qu'une telle norme ne peut être universelle. Il
doit y avoir énormément de différence entre, par exemple,
la recherche en sciences humaines et la recherche appliquée en physique
atomique. J'imagine que les équipements doivent être très
différents et dans un cas, la norme peut être nettement
supérieure, donc les 15% m'apparaissent discutables si on essaie de les
appliquer de façon universelle.
Deuxièmement, existe déjà, comme vous l'avez
souligné, à l'intérieur du fonds FCAC, un pourcentage du
budget qui sert à l'équipement. Vous avez mentionné 1 500
000 $, 1 600 000 $; on me dit qu'ils représentent les 6% ou 7% dont vous
parliez. Si, on tient compte que le gouvernement a déjà dans son
enveloppe d'immobilisation de mobilier 22 000 000 $ et que nous venons
d'ajouter 5 000 000 $ à l'équipement annuellement pendant trois
ans, on peut dire qu'il y a quand même des sommes importantes. Par
exemple, par rapport au fonds FCAC, si on ajoutait l'équivalent de 5 000
000 $ par année ou 1 500 000 $, 2 000 000 $ consacrés à
l'heure actuelle par FCAC, on observerait une moyenne nettement
supérieure à celle que vous mentionnez. Et si on se
réfère au fait que 60% des projets de recherche du FCAC
s'effectuent dans le domaine des sciences humaines où j'imagine les
besoins en équipement scientifique sont moindres, on pourrait dire que
par rapport aux sommes consacrées par le Québec au financement de
la recherche, probablement que nous excédons très largement la
norme dont vous parlez. Mais il faut tenir compte du fait que le fonds FCAC
n'est pas la seule source de financement d'équipement scientifique. Il
faut tenir compte aussi qu'il y a de l'équipement scientifique qui sert
à des fins pédagogiques et qui n'est pas financé par les
équipements de recherche. Et si je devais tenir compte de toutes ces
considérations, je serais obligé de revenir et de vous dire
qu'effectivement nous n'avons pas une analyse véribablement objective
des besoins en équipement.
Mme Dougherty: II faut signaler en même temps, que pour
l'année courante, l'année 1984-1985, je crois que le fonds FCAC a
reçu des demandes pour 8 000 000 $ pour les équipements de
recherche.
M. Bérubé: Excusez-moi je n'ai pas saisi.
Mme Dougherty: Le fonds FCAC a reçu pour l'année
courante, l'année 1984-1985, des demandes pour 8 000 000 $ pour des
équipements de recherche. Tout cela pour dire qu'il semble que le
pourcentage du budget de la recherche du gouvernement de Québec n'est
pas adéquat.
Mme Fortin: Si je peux me permettre, le fait que le fonds FCAC a
reçu des demandes pour 8 000 000 $ nous avons fait
un premier "survey" pour les demandes d'équipement au budget
d'investissement 1985-1990 que nous sommes en train de préparer et on en
a pour près de 300 000 000 $. C'est évident qu'on n'est jamais
capable de répondre à la demande et qu'on ne mettra pas 300 000
000 $ dans le prochain plan quinquennal en investissements; ce sont des sommes
dont on ne dispose pas. En ce sens, le critère de la demande doit
être pondéré en fonction d'autres critères. Dans le
cas du fonds FCAC, je pense qu'il faut faire attention aussi quand on
considère le pourcentage sur le budget global, car dans ce budget
global, nous devons considérer les budgets des bourses qui y sont et qui
ne sont pas des budgets qui requièrent de l'équipement, pas plus
- comme disait M. Bérubé - que les budgets en sciences
humaines.
Mme Dougherty: Le pourcentage reçu cette année est
de 8,5%. Je ne comprends pas. Ce n'est pas calculé sur la base des
bourses, ce sont uniquement des subventions pour la recherche.
Mme Fortin: II y a un autre critère qu'on est en train
d'examiner et sur lequel je ne peux pas m'avancer beaucoup pour le moment,
c'est l'utilisation à faire des fonds fédéraux de
recherche en matière d'équipement. Les fonds
fédéraux de recherche ont développé, au cours des
dernières années, des politiques de financement
d'équipement de recherche fort généreuses. Je dois dire
que nous avons tout intérêt, je crois, à inciter les
chercheurs du Québec à aller chercher des fonds de recherche en
équipement auprès de ces organismes. C'est en grande partie la
raison pour laquelle, dans le cadre du programme des actions structurantes des
40 équipes, nous avons mis l'accent sur le financement de la
main-d'oeuvre scientifique en incitant les universités à aller
chercher le complément sur le plan des investissements soit dans les
fonds de recherche fédéraux ou dans d'autres ressources. Je crois
que sur le plan de la faiblesse et la complémentarité de nos
programmes avec ceux qui existent déjà, la priorité est
à remettre sur le financement de la main-d'oeuvre. Sur le plan des
équipements c'est un fait que nous n'avons pas un inventaire
adéquat des besoins et des faiblesses des équipements dans tous
les secteurs de toutes les universités pour le moment.
M. Bérubé: Je pense qu'il faut vraiment
reconnaître que cette analyse n'existe pas -l'analyse
détaillée des besoins - et mettre en garde vis-à-vis toute
généralisation trop rapide concernant l'équipement.
Quiconque a connu la croissance effrénée du réseau
universitaire dans les années soixante-dix saura qu'on retrouvait
absolument partout des équipements de très haute valeur qui, au
bout de cinq ans, n'avaient à peu près jamais servi, pour la
simple raison qu'ils avaient été achetés dans
l'enthousiasme du moment où les budgets étaient illimités
mais où on ne savait pas utiliser véritablement ces
équipements. On souligne un problème de vieillissement
d'équipement. Nous n'avons pas, honnêtement, une analyse fine qui
nous permettrait de dire jusqu'à quel point il est devenu dramatique au
point de nuire au développement pédagogique. Nous savons, par
exemple, que dans le domaine de l'informatique où il y a eu une
explosion des programmes, effectivement, l'équipement n'a pas suivi la
croissance des clientèles. Et là évidemment c'est un
problème souvent de commandes, c'est un problème simplement
d'adaptation. Nous savons qu'il y a un certain nombre de secteurs où il
y a eu des croissances de clientèles très rapides où on
manque d'équipement à des fins pédagogiques. Cependant, en
général, là où les chercheurs
québécois sont actifs en recherche, on doit constater que le
niveau de subvention par chercheur au Québec est supérieur au
niveau de subvention par chercheur en Ontario. Ceci s'applique aussi bien aux
dépenses de fonctionnement qu'aux dépenses d'équipement,
ce qui fait qu'en pratique on peut imaginer qu'à chercheur actif au
Québec versus chercheur actif ailleurs au Canada, l'équipement
pourrait être assez comparable. Le problème pourrait être
plus grave au niveau de l'équipement à des fins
pédagogiques.
Mme Dougherty: À cet égard, avez-vous pris
connaissance des recommandations... C'est un rapport assez récent au
niveau fédéral: The Federal Task Force Report on policies and
programs for technology development. C'est un rapport soumis à M.
Lumley, qui était le ministre de la Science et de la Technologie.
M. Bérubé: M. Lumley, oui.
Mme Dougherty: Oui, l'ancien ministre. Ce rapport est très
intéressant pour nous parce qu'il y a plusieurs recommandations qui
pourraient libérer des fonds pour les universités, surtout en ce
qui concerne le développement technologique. Par exemple, on parle des
crédits d'impôt pour des entreprises. Je vais les lire en anglais,
j'ai quelques recommandations ici. "If the companies could earn a 50% tax
credit for RND performed on their behalf by universities, it would dramatically
stimulate the desired dialogue between industry and universities."
D'accord?
Une autre suggestion est faite par le principal de l'Université
McGill, le Dr Johnson, à la Commission McDonald. Il a
suggéré qu'on adopte les mêmes solutions qu'en 1981
aux États-Unis où on a introduit un crédit d'impôt
pour les individus et pour les industries. J'aimerais lire un extrait du
mémoire de l'Université McGill à la Commission McDonald.
"Recent shift in governmental priorities away from the funding of universities
parce que tout le monde a le même problème. Le financement des
universités est un problème qui occupe les autres provinces et
toute l'Amérique du Nord - make it once again essential for McGill and
all Canadian universities to receive more financial support from industry and
commerce. Charges in federal tax laws could assist this process. The Income Tax
Law in the United States was changed in 1981 to permit business corporations to
donate items of equipment to universities and to deduct the cost of this
equipment plus one half of the anticipated retail profit on the sale of the
equipment. À tax provision such as this in Canada could assist companies
in such volatiled fields as computers and scientific instrumentation to
maintain sufficient cash flow during slow market periods, while assisting
Canadian universities by enabling them to acquire new equipment at no cost to
Government granting agencies or to themselves."
Je crois que c'est une recommandation qu'on doit approfondir. Cela
pourrait être un Bonanza pour les universités canadiennes. On
ajoute ici dans le mémoire de McGill: "In Australia, no limit exists on
the amount of tax deductible gifts which an individual may make during a
taxation year. Such a tax provision in Canada would enable major donors to
universities to consider even greater philanthropy than at present."
"entreprise and its presence." C'est une autre suggestion pour augmenter les
revenus des universités.
Je crois que nous sommes au point où il faut rechercher d'autres
sources de revenu pour augmenter le revenu des universités autres que
les revenus qui viennent du gouvernement. Donc, ce sont quelques suggestions
pour améliorer notre capacité de recherche, surtout dans la
recherche appliquée qui intéresse évidemment beaucoup le
gouvernement.
De plus, j'ai une dernière question sur le sort du fonds FCAC.
J'ai l'impression que dans le contexte actuel et dans le contexte d'une
nouvelle politique du gouvernement, celui-ci va privilégier les actions
directes afin de les axer sur les besoins économiques identifiés
et la réalisation du virage technologique et j'ai l'impression que le
gouvernement a l'intention de court-circuiter le fonds FCAC. J'ai une question
très directe et très simple. Quelle est la politique du
gouvernement envers l'avenir du fonds FCAC? (22 heures)
M. Bérubé: Première observation. Concernant
les avantages fiscaux que l'on pourrait consentir aux entreprises, rappelons
que l'ancien ministre des Finances, M. Lalonde, avait introduit un grand nombre
de mesures fiscales pour stimuler le financement de la recherche. Il s'est
avéré qu'elles ont souvent constitué les plus
extraordinaires "loopholes" que l'on puisse imaginer pour les entreprises et je
sais que l'on parle d'un resserrement au niveau fédéral d'un
certain nombre de ces avantages fiscaux consentis aux entreprises.
La proposition que vous faites de consentir à un crédit
fiscal d'environ 150% de la dépense réelle en est une qui n'est
pas inconnue au Québec puisque nous l'avons mise en place pour financer,
par exemple, l'exploration minière et appliquer ce crédit aux
revenus individuels des particuliers investissant dans des
sociétés d'exploration. Ceci a donné le résultat
que l'on connaît, c'est-à-dire un boom absolument spectaculaire de
l'exploration au Québec avec près de 700 000 000 $
d'investissements cette année consécutifs finalement à des
campagnes d'exploration qui durent maintenant depuis cinq ans. C'est donc une
politique qui, effectivement, peut s'avérer très utile.
Dans le cas des avantages fiscaux consentis aux entreprises, il faut
être bien conscient que nous ne taxons pratiquement pas les profits des
entreprises au Québec et que, à ce moment, les avantages fiscaux
que nous consentons ont relativement peu d'effet d'entraînement. Nous
taxons au Québec le capital et les salaires mais nous ne taxons pas les
profits des entreprises. Par conséquent, l'impôt sur les profits
ne peut pas faire l'objet de crédits significatifs. Mais, au niveau
fédéral, cependant, ce n'est pas le cas et la proposition que
vous nous faites est effectivement une proposition qui pourrait s'avérer
extrêmement intéressante pour stimuler le développement de
la recherche.
Soulignons cependant que lorsqu'on fait appel à de grandes
corporations, souvent les stratégies corporatives ont plus à
faire dans la décision de faire ou de ne pas faire de recherche que les
avantages fiscaux consentis. Je me souviendrai toujours de cette compagnie
minière à qui on avait fait la démonstration que pour
chaque dollar d'exploration qu'elle faisait, compte tenu des droits miniers
qu'elle devait payer, l'État lui remboursait 0,97 $ de son dollar
d'exploration. Comme remboursement, c'est assez spectaculaire.
Néanmoins, ils n'ont jamais fait un cent d'exploration au Québec
parce que cela ne cadrait pas avec la stratégie corporative même
si cela ne coûtait rien. Et ce que l'on constate souvent, c'est que les
entreprises ne font pas de recherche et ne sont pas intéressées
à
s'associer simplement parce que ce sont des filiales de
sociétés étrangères qui ne voient pas
d'intérêt à diversifier leurs sources de recherche, ou
encore ce sont des entreprises qui exploitent des procédés
simples pour lesquels elles ne voient pas d'intérêt à
développer de technologie; je pense souvent à l'industrie
minière qui n'est pas du tout intéressée à
s'engager dans de la recherche pour améliorer la productivité.
D'ailleurs, il y a relativement peu de recherche qui se fait dans le monde sur
l'amélioration de la productivité. On met beaucoup d'accent sur
les nouveaux produits mais beaucoup moins d'accent sur l'amélioration
des techniques de production existantes, là où probablement
l'impact sur le niveau de vie des citoyens serait beaucoup plus grand.
Il faut donc, peut-être par des campagnes de sensibilisation,
amener nos entreprises à vouloir s'engager en recherche, parce que nous
avons au Québec pratiquement des remboursements directs aux entreprises
pour les inciter à faire plus de recherche, parce que nous ne pouvons
pas les avantager sur le plan des crédits d'impôt, des
crédits fiscaux, et on constate que c'est lent avant d'obtenir un effet
d'entraînement.
Nous avons également, relativement au deuxième point que
vous avez soulevé, mis en place une fondation pour permettre à
des particuliers de verser une partie importante de leur succession dans ces
fonds pour profiter d'avantages fiscaux très importants, très
réels, et financer éventuellement la recherche universitaire.
J'ignore à quel point cette nouvelle fondation est un succès,
mais soulignons que le gouvernement a suivi ce sentier.
Concernant le fonds FCAC, disons que nous devons éviter de
l'amener à financer de la recherche dite orientée. Quand je dis
orientée, je veux dire par là que le fonds FCAC devrait financer
la recherche sur la base de l'excellence, de la qualité des projets qui
lui sont soumis, de la qualité de l'expertise de l'équipe qui
soumet les projets et maintenir des critères objectifs
d'appréciation.
Toutefois, a été soulevé il y a quelques instants
à la commission le problème du financement, par exemple, de
centres d'excellence dans les universités en émergence. Le
problème est tout autre à ce moment-là puisqu'on ne peut
pas parler d'excellence acquise et on peut parler uniquement de potentiel
futur. Là, il peut y avoir une volonté d'intervention politique
pour financer du développement accéléré dans ce
domaine. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu faire passer le
financement des 40 équipes de recherche par le fonds FCAC car, dans ce
cas, il s'agissait véritablement d'orienter le développement dans
un certain nombre de secteurs, parfois des secteurs tout à fait nouveaux
où les critères de qualification peuvent ne pas s'appliquer.
À titre d'exemple, imaginons qu'une université, une
faculté, un département ait, à la suite d'analyses,
conçu un projet qui corresponde véritablement à ce qui
nous apparaît un développement essentiel au Québec.
Toutefois, l'expertise n'existe pas au Québec et le projet qui nous
serait soumis serait une demande de financement d'une toute nouvelle
équipe constituée à partir d'expertises
étrangères ou avec deux ou trois jeunes chercheurs en voie de
compléter leurs études au Québec. Imaginons un projet
constitué de toutes pièces pour développer un secteur
éventuellement d'excellence pour le Québec, mais pour lequel on
ne peut pas appliquer des critères d'excellence au moment où on
décide du développement. C'est très difficile pour le
fonds FCAC, à ce moment-là, de choisir un tel projet. À ce
moment-là, nous faisons plutôt appel à un comité qui
regroupe les représentants du Conseil des universités, du fonds
FCAC, du ministère de la Science et de la Technologie et du
ministère de l'Éducation pour évaluer les
différentes propositions et éventuellement procéder au
choix final des projets retenus.
Donc, nous maintenons pour le fonds FCAC cet objectif
d'indépendance face au gouvernement et de subvention des projets de
recherche sur la seule foi de la qualité des projets soumis et nous
maintenons au niveau gouvernemental, non pas sur une base permanente, mais sur
une base temporaire, les efforts plus spécifiques que le gouvernement
pourrait vouloir consentir pour développer les secteurs d'excellence.
Dans le cas des 40 équipes de recherche, ce que nous voulons, c'est que
dès que ces équipes auront fait la preuve qu'elles sont un
succès, les budgets pour les associés de recherche, pour le
chercheur senior soient directement intégrés dans le budget de
base des universités, de telle sorte que le programme disparaisse
purement et simplement. En fait, le programme est ainsi conçu que le
financement pour les autres clientèles tels le personnel de soutien et
le personnel technique va décroissant, de manière à forcer
l'équipe à se trouver d'autres sources de financement avec le
temps. Évidemment, cette équipe intégrée au corps
professoral va, après cela, faire appel à tous les programmes
réguliers de bourses et de subventions de recherche pour continuer son
activité de recherche.
L'intention, c'est de constituer une équipe, un noyau important
de chercheurs, et une fois qu'il est constitué, de l'intégrer
dans le budget régulier des universités et de l'oublier,
c'est-à-dire que le ministère ne continuera pas avec ce
programme. Il faudrait insister, il faudrait réitérer...
Une voix: ...
M. Bérubé: Oui, de la meilleure façon. Il ne
faut absolument pas que ce programme soit maintenu à l'intérieur
des programmes du ministère de l'Éducation. C'est vraiment un
financement temporaire. Dans la mesure où il pourrait ne pas
répondre aux objectifs d'excellence que le fonds FCAC doit maintenir, il
est normal qu'on procède d'une façon un peu différente
pour choisir ces équipes.
Mme Dougherty: M. le Président, j'aimerais vérifier
ce que le ministre a dit sur l'implication du fonds FCAC. Est-ce que ça
veut dire que le fonds FCAC n'est pas impliqué? J'ai la description ici
de votre programme d'action structurante pour le soutien d'équipes de
recherche liées au virage technologique. À l'intérieur de
ce processus, on parle de l'évaluation globale: "Le fonds FCAC mettra
sur pied un comité chargé d'examiner les propositions sous leurs
aspects plus spécifiquement scientifiques, etc." Donc, ils sont
clairement impliqués.
M. Bérubé: Le fonds FCAC a un
délégué au comité directeur de ce programme, d'une
part, et c'est le fonds FCAC qui fait l'évaluation scientifique, car
nous ne voulions pas constituer un appareil administratif d'évaluation
au niveau du ministère de l'Éducation alors que nous avons
déjà l'expertise au niveau du FCAC. Mais ils ne font que
l'évaluation scientifique.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, Mme la
députée. Je sais que le député de Saint-Laurent
m'avait demandé une courte question. Vous voulez toujours la poser?
M. Leduc (St-Laurent): Vous dites, M. le ministre, qu'il n'est
pas question de revenir sur les compressions, sur les coupures qu'on a
imposées, mais vous dites: Je veux bien qu'il y ait une
égalisation quant au financement à l'intérieur du
réseau. Là, vous arrivez avec la fameuse norme,
c'est-à-dire la formule du 5%. Vous dites: On établit une norme
et, si le financement ne s'écarte pas de 5% en plus ou en moins, on ne
fait pas d'ajustement. Croyez-vous que c'est acceptable, à ce
moment-là, qu'il y ait un écart aussi important que 10%? J'ai
l'impression qu'il va y avoir des universités qui vont être plus
égales que d'autres. Cela veut dire qu'on peut arriver à un
écart total de 10% entre deux universités. Allez-vous retenir
cette formule qui me semble assez aberrante, parce que 10% peut, tout de
même, représenter des sommes très importantes?
M. Bérubé: Compte tenu de la précision de
l'analyse, je pense qu'il ne faut pas s'aventurer à des ajustements trop
fins. Cela me fait penser un peu à ce spécialiste en recherche
opérationnelle qui, ayant constaté que la taille moyenne des
souliers des Chinois était de 4,5, s'était dit que ce serait
intéressant de fabriquer tous les souliers à 4,5. À ce
moment-là, on a retrouvé tous les Chinois mal chaussés,
c'est-à-dire ceux qui avaient les pieds trop grands et ceux qui avaient
les pieds trop petits. Il n'y avait que ceux à 4,5 qui étaient
confortables. Le problème quand on veut ramener tout le monde sur une
moyenne rigoureuse, c'est qu'on oublie que nos méthodes d'analyse ne
sont pas à ce point fines qu'on puisse tenir compte de toutes les
situations particulières avec lesquelles on est amené à
vivre. À ce moment-là, oui, on accepte une sorte de marge. On
dit: Quand les universités sont financées sur une base
raisonnable, à plus ou moins 5% d'une moyenne, on présume
qu'effectivement cela tient compte peut-être des situations
particulières.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Le critère
n'est pas appliqué cette année, de toute façon. Il ne me
reste, M. le ministre, qu'à vous remercier. Je pense que le
député d'Argenteuil avait une question.
M. Ryan: Oui. Étant donné que nous ne reverrons pas
le ministre tout de suite, je voudrais lui demander si les réponses aux
questions qui étaient restées sans réponse ce matin sont
prêtes ou le seront incessamment. En particulier, il y avait deux points
sur lesquels j'avais demandé des précisions: d'abord, les
projections de clientèles pour les années à venir;
deuxièmement, les projets de développement qui ont
été soumis au gouvernement par les institutions universitaires.
Cela fait référence à un passage qui était dans le
message du ministre ce matin. Il nous disait qu'il y en avait une
pléthore.
M. Bérubé: On me dit, par exemple, qu'au fonds de
développement pédagogique on parle de 45 demandes; en action
structurante, on en a, je pense, 80. Donc, je pense qu'il faut dresser la liste
dans la mesure où il est facile de le faire et où cela
n'impliquera pas des recherches trop fouillées auprès des
organismes pour essayer d'extraire cela. Nous allons essayer de vous dresser
effectivement un tableau. (22 h 15)
Concernant les projections de clientèles, je nous mettrai en
garde contre toute cette tentative de projection dans la mesure où la
partie démographique des projections peut être relativement
précise, mais la partie taux de fréquentation est très
aléatoire, puisque, on le sait, la conjoncture a évolué.
L'insuffisance des emplois sur le marché du travail a amené un
nombre de plus en plus grand de jeunes à vouloir
persévérer au niveau collégial, ce qui entraîne
forcément
un débordement au niveau de l'université. En d'autres
termes, la grande difficulté, c'est d'évaluer quel sera le taux
d'accès à l'université dans quinze ans. Entre vous et moi,
je pense que personne n'a de boule de cristal permettant véritablement
de répondre à cette question.
M. Ryan: Ce que je voulais souligner en particulier, c'est que,
d'après les données disponibles, on peut envisager que, dans
sept, huit ou dix ans, il y aura une diminution de clientèle dans les
universités. On peut le prévoir, parce que ceux qui vont aller
à l'université sont dans les écoles ou dans les
collèges publics aujourd'hui. On a des données, quand même,
plus grandes...
M. Bérubé: À taux d'accès constant. M.
Ryan: Oui, c'est entendu.
M. Bérubé: Le problème, c'est que nos taux
d'accès varient. C'est l'inconnue majeure. On pourrait, par exemple, en
termes stricts de démographie, prévoir une décroissance de
clientèle universitaire dans quelques années, de telle sorte que
cela nous inciterait à la prudence en termes d'immobilisations, en se
disant: Attendons de voir la vague passer. On sait, par exemple, à quel
point nous avons dû investir massivement dans nos écoles primaires
et il n'y a à peu près pas de quartier au Québec où
on n'a pas fermé les écoles primaires; dans toutes nos
municipalités, on les a fermées. Évidemment, cette vague
de dénatalité a progressé; elle atteint le secondaire;
elle frappe bientôt le collège et va sans doute frapper
l'université. Mais, parallèlement à cette vague de
dénatalité, on a assisté à une recrudescence du
taux de fréquentation au niveau collégial et au niveau
universitaire, cet accroissement étant peut-être en partie
lié aux conditions économiques qui ont amené les jeunes
à rester aux études plutôt qu'à chercher en vain un
emploi, mais peut-être aussi parce qu'on observe un changement de
société et un accent plus grand mis sur l'éducation. Je
regarde le retour aux études de gens qui ont décroché;
dans la seule ville de Matane, nous avons 200 jeunes décrocheurs. Je
suis extrêmement curieux de voir quelles seront les projections que nous
allons obtenir pour le Québec de ce retour des décrocheurs vers
l'école.
Antérieurement, soulignons-le, c'était possible de le
faire, mais il y avait peut-être insuffisance de publicité. Le
fait que, par exemple, le gouvernement ait choisi le retour à
l'école comme étant un secteur sur lequel nous devions mettre
l'accent, le fait que nous fassions de la publicité à l'heure
actuelle font en sorte qu'il y a de plus en plus de gens qui se disent: Dans le
fond, pourquoi ne retournerais-je pas à l'école? C'est
extrêmement difficile de prévoir des comportements sociaux chaque
fois qu'on agit sur ces comportements. Le taux d'accès aux études
postsecondaires a tendance à croître très rapidement, ce
qui rend nos projections de clientèles très difficiles à
faire.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.
C'est à la fois un merci pour la réponse et un merci à
vous et à vos collaborateurs et collaboratrices pour la journée
que vous nous avez consacrée. Je pense que cela a apporté
à tous les membres de la commission un éclairage suffisant et que
cela a permis de déblayer pas mal de terrain pour les consultations que
nous aurons à faire dans les prochains jours, selon les
responsabilités que vous nous avez conviés à assumer.
Sur ce, je rappelle que demain matin, à 10 heures, nous
entendrons la Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec et que, dans l'après-midi, nous
entendrons la Fédération des associations de professeurs des
universités. Oui, M. le ministre?
M. Bérubé: Avant de nous quitter pour nous revoir,
peut-être, à la fin des travaux de cette commission, j'aimerais
souligner qu'il s'agit là d'un nouveau type de commission, puisque cette
commission agit sur la base d'un mandat d'initiative qu'elle s'est
donné. Je tenais à souligner le caractère
extrêmement serein des échanges qui, je pense, nous ont permis
d'avoir un débat intéressant autour du financement des
universités, débat qui était très attendu. Je pense
que le climat qui règne au sein de la commission présage bien du
rôle que peuvent jouer les commissions dans l'étude d'un certain
nombre de dossiers comme ceux-là, assez cruciaux, sur lesquels des choix
s'offrent à nous et sur lesquels nous devons réfléchir. Je
tenais à le souligner à la commission.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.
M. Ryan: Je joins mes remerciements à ceux du
président de la commission. Je pense que nous avons passé une
journée instructive. C'est une entrée en matière. Il y a
bien des aspects sur lesquels on éprouvera le besoin de revenir au cours
des prochains jours ou des prochaines semaines. J'apprécie l'ouverture
que le ministre a faite à une nouvelle rencontre à un stade
ultérieur des travaux de la commission si cela pouvait être
nécessaire ou opportun, ce que je pense probable.
Je remercie le ministre, au nom de l'Opposition également, de sa
collaboration, ainsi que les collaborateurs qui
l'accompagnent.
Le Président (M. Charbonneau): Je demande à mes
collègues, étant donné qu'on a simplement trois heures par
groupe d'intervenants, demain, de faire le maximum pour qu'on puisse commencer
à l'heure. Merci.
Les travaux sont ajournés à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 21)