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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Tuesday, October 9, 1984 - Vol. 27 N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation sur le financement des universités


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons commencer la séance. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Laplante (Bourassa) est remplacé par M. Boucher (Rivière-du-Loup). M. Payne (Vachon) est remplacé par M. Brouillet (Chauveau).

Remarques générales M. Jean-Pierre Charbonneau

Le Président (M. Charbonneau): Merci. Mesdames, messieurs, bonjour. La commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre entreprend l'exécution, aujourd'hui, de son premier mandat d'initiative. Quand on connaît la règle parlementaire de la double majorité et les difficultés de faire les consensus, compte tenu des opinions et des intérêts des uns et des autres, ce n'est sans doute pas sans signification que nous soyons réunis aujourd'hui pour entreprendre l'étude de la question du financement de nos universités. Cette question a fait l'objet d'interventions publiques nombreuses depuis quelques années et, particulièrement, au cours des derniers mois. Toutefois, il semble que ce soit la première fois que ce sujet fasse l'objet d'une étude de cette nature en commission parlementaire.

Pas besoin d'être très érudit pour comprendre l'importance de ce dossier dans notre société. Les universités sont depuis toujours au coeur des défis de développement, de progrès et de civilisation. Il est donc normal que l'on se préoccupe de leurs orientations et des moyens financiers dont elles disposent pour remplir leur mission. Cela dit, il ne faudrait pas penser que nous entreprenons aujourd'hui une enquête sans fin sur les orientations et le financement de nos universités.

Je pense qu'il est bon qu'à ce moment-ci nous rappelions le mandat de notre commission. Nous sommes réunis aujourd'hui pour étudier les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1984-1985 et pour les années à venir et pour examiner, dans cette étude, sans exclure toute autre mesure et tout sujet pertinent, le niveau des subventions d'universités et leur répartition entre les établissements, les sources de revenus des universités autres que les subventions gouvernementales, la participation du gouvernement fédéral au financement des universités, le partage des ressources à l'intérieur des universités. Ce qui a donc, d'abord, en premier lieu provoqué notre intérêt, c'est le cadre de financement longtemps réclamé, enfin présenté puis mis en question et critiqué au cours des dernières semaines. Ce cadre vaut pour l'année financière en cours et les années qui viennent. Il soulève aussi des questions connexes qu'il nous est apparu utile d'aborder en corrollaire. Afin de bien comprendre la problématique du financement, de bien la situer et d'évaluer au mérite les diverses réactions critiques qu'elle a soulevées, nous avons choisi d'inviter d'abord à venir nous rencontrer les autorités gouvernementales et, en premier lieu, le ministre de l'Éducation et ses collègues, ainsi que les porte-parole des organismes de représentation dits nationaux.

Parallèlement, nous avons adressé une invitation ouverte à toutes les personnes et à tous les organismes intéressés à nous soumettre par écrit, d'ici à la fin du mois d'octobre, leurs opinions.

À ce stade-ci, nous ne pouvons pas dire qu'il sera nécessaire de procéder à d'autres rencontres publiques ou privées. Certains nous ont déjà fait savoir qu'ils aimeraient bien être entendus. Pour le moment, il est trop tôt pour répondre par l'affirmative, les paramètres de notre calendrier de travail parlementaire de l'automne étant encore mal connus et mal définis. Chose certaine, nous pouvons assurer tous ceux et celles qui prendront la peine de nous écrire que nous prendrons connaissance avec intérêt de leur point de vue.

Quant à la procédure que nous allons suivre cette semaine, elle sera assez simple. Aujourd'hui, nous allons entendre le ministre de l'Éducation et ses collègues; demain, nous entendrons la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec; par la suite, la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec, ainsi que la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec et la Fédération des professeurs d'universités du Québec qui viendront tous trois conjointement présenter leur point de vue. Jeudi, nous recevrons le Regroupement des associations étudiantes universitaires, l'Association nationale des étudiants du

Québec et, finalement, le Conseil des universités.

Quant à l'ordre de fonctionnement, étant donné qu'il s'agit d'une discussion sur des points de vue, il y aura, ce matin, expression d'opinions de la part des membres de la commission qui voudront prendre la parole et ensuite par notre invité principal, le ministre de l'Éducation. Cet exposé sera suivi d'une période de dialogue entre le ministre, ses collègues et les membres de la commission. Le comité directeur a pensé que la meilleure formule serait d'utiliser la traditionnelle règle de l'alternance et de vingt minutes de droit de parole incluant les réponses de nos invités. S'il y a lieu de modifier cette règle de fonctionnement en cours de route, on verra à ce moment-là.

Convaincu que je puis compter sur votre collaboration pour la bonne marche de nos travaux, cette semaine, je vais maintenant céder la parole au député d'Argenteuil, vice-président et critique officiel de l'Opposition en matière d'éducation. Auparavant, je voudrais m'excuser, nous excuser finalement auprès de nos invités du manque de place. Il semble qu'une autre commission parlementaire a eu la préséance quant au salon rouge qui est plus spacieux. On n'a pas jugé que notre commission valait la télédiffusion, malheureusement. On va donc se contenter de cette salle-ci. On s'excuse des inconvénients que cela peut occasionner aux personnes qui seront obligées d'être debout de longs moments. On va faire le nécessaire pour qu'il y ait, bien sûr, des chaises pour accommoder les personnes.

M. le député d'Argenteuil.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer l'ouverture des travaux que la commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre entend consacrer au sujet qui a été inscrit à l'ordre du jour de cette série de séances, c'est-à-dire les orientations et le cadre de financement des universités du Québec pour l'année 1984-1985 et les années à venir.

Il y a longtemps que nous voulions aborder en profondeur en commission parlementaire le problème du financement des universités. Je voudrais, au début de nos travaux, adresser des remerciements aux députés des deux côtés de la Chambre pour l'esprit de collaboration dans lequel a pu être prise la décision de procéder à l'enquête que nous inaugurons aujourd'hui. Nous avons instauré un nouveau mode de fonctionnement des commissions parlementaires au printemps dernier. Ce mode de fonctionnement, sur papier, est excellent, mais en pratique il est beaucoup plus difficile qu'on ne pourrait le penser de prime abord. En particulier, pour qu'une commission parlementaire puisse s'attribuer un mandat d'initiative, il faut le consentement d'une majorité des députés des deux côtés de la Chambre, ce qui n'est pas aussi facile à obtenir qu'on pourrait le penser parce que nous avons fait des tentatives, de part et d'autre, pour suggérer des sujets d'étude et cela n'a pas toujours retenu l'attention de l'autre côté. Mais dans ce cas-ci il s'est formé un consensus assez rapidement vers la fin de l'été et ce consensus explique que nous nous retrouvions aujourd'hui dans un esprit qui me paraît très constructif.

Je pense que, parmi les sujets que pourrait aborder l'Assemblée nationale, il n'y en a pas beaucoup qui soient plus importants que celui de l'avenir de nos universités. Les universités sont l'un des éléments les plus importants de notre patrimoine public québécois. Dans l'espace d'un quart de siècle, nous avons franchi de ce point de vue des pas gigantesques. En 1960, les inscriptions d'étudiants, équivalence à temps complet, dans nos universités étaient d'à peu près 56 000. Cette année, ce sera de l'ordre d'à peu près 147 000, ce qui veut dire que cela a plus que doublé pendant cette période. Aujourd'hui, c'est 4% du budget québécois qui est consacré aux universités. Le montant total des subventions prévues pour la présente année est de 895 000 000 $, ce qui veut dire 150 $ par année par Québécois. Chaque Québécois contribue 150 $ par année et si nous considérons qu'il y a à peu près la moitié des Québécois qui font partie de la main-d'oeuvre active, cela veut dire que chaque personne qui travaille fournit en moyenne au moins 300 $ par année pour assurer le fonctionnement de nos universités. Cela veut dire que le secteur universitaire est un secteur dont la dimension publique est extrêmement importante. Par conséquent, cela justifie les parlementaires de s'intéresser à ce qu'il fonctionne bien et cela oblige aussi les parlementaires à scruter attentivement le fonctionnement du système de manière qu'il réponde aux attentes de la communauté.

Il est inutile d'ajouter que pour l'avenir de notre collectivité, les universités sont un facteur absolument essentiel. Pour notre progrès intellectuel et scientifique, je pense que cela va de soi que les universités sont l'un des lieux (pas le seul) principaux où se travaillent le progrès, la diffusion et la connaissance.

Pour le progrès économique, la qualité des connaissances que nous saurons appliquer à nos entreprises économiques est un facteur majeur; je dirais même pour l'équilibre général de notre société aux points de vue social et politique. La qualité du travail qui s'accomplit dans les universités est non moins essentielle. Par conséquent, tous ceux d'entre nous qui veulent penser un peu à

long terme considéreront sans l'ombre d'un doute que le sujet que nous abordons aujourd'hui est une priorité absolument majeure.

Une autre raison qui nous inspire une grande satisfaction à l'occasion de cette commission est qu'il y a déjà plusieurs années que les universités sont l'objet d'un traitement en matière financière qui entraîne des conséquences regrettables. Il y a longtemps que nous avons essayé de le porter à l'attention du gouvernement. Pendant plusieurs années, la réaction a été indifférente et, à force de marteler le problème, nous en sommes venus aujourd'hui à réaliser un consensus au moins quant à l'importance du sujet et à la nécessité de s'y arrêter de manière très attentive.

Les champs de discussion ouverts à la commission sont pratiquement illimités, si je comprends bien. Lorsque le député de Fabre a proposé un amendement l'autre jour à une séance de travail de la commission voulant qu'on ajoute au cadre du financement l'expression "les orientations", nous avons souscrit volontiers à cet amendement, mais à ce moment-là je pense que nous élargissions considérablement le champ d'exploration de la commission. Nous sommes prêts à le faire, mais je pense qu'en pratique nous aurons intérêt à concentrer davantage notre attention sur les problèmes de financement qui sont à l'origine des travaux de la commission.

Je voudrais dire que, de notre côté, tout en mettant l'accent sur ces problèmes de financement qui sont plus urgents, mieux circonscrits aujourd'hui, qui, par conséquent, peuvent se prêter à des discussions plus pertinentes, nous n'avons aucune espèce d'objection à élargir le champ des explorations. Je voudrais signaler en particulier que les travaux de la commission devraient normalement fournir l'occasion d'examiner les projets de développement qui peuvent se poser à l'intérieur de chaque institution, les problèmes particuliers auxquels ont pu faire face l'une ou l'autre des institutions qui oeuvrent dans le champ universitaire. Cela viendra au cours des jours ou des semaines qui suivront, comme l'a dit le président. Nous ne savons pas exactement le cheminement qui sera suivi en dernière analyse mais je peux vous dire que, du côté de l'Opposition, nous voulons surtout que tous ceux qui ont quelque chose à dire de ce point de vue aient la chance de le dire.

Je mentionnais plus tôt, M. le Président, que la raison immédiate de la convocation de la commission parlementaire autour du sujet que nous allons aborder, c'est les politiques asphyxiantes mises en oeuvre par le gouvernement depuis cinq ou six ans, en particulier depuis 1978-1979. Je ne voudrais pas m'étendre très longuement là-dessus, je voudrais simplement rappeler quelques faits. Le ministre aura l'occasion, tantôt, de nous donner sa version des faits, que nous pourrons évidemment contester par la suite. Je voudrais simplement résumer les grandes lignes de ce qui s'est passé ces dernières années, non pas au jugement de l'Opposition mais au jugement du Conseil supérieur des universités, tel qu'exprimé dans l'avis qu'il remettait au gouvernement il y a quelques mois sur le cadre de financement 1984-1985.

D'abord, au cours des cinq dernières années, les coupures budgétaires imposées aux universités québécoises ont été plus sévères qu'en Ontario et dans les autres provinces canadiennes. On sait que nous engageons un débat extrêmement complexe à ce point de vue là, mais nous avons eu l'occasion, de notre côté, d'examiner ces données et nous souscrivons à l'opinion qui était émise par le Conseil supérieur des universités.

Deuxièmement, en dollars constants de 1978-1979, les subventions par étudiant sont passées de 5128 $ en 1978-1979 à 3510 $ en 1984-1985. La subvention par étudiant ne vaut plus en 1984-1985 que 69% de ce qu'elle valait en 1978-1979. Tandis que la clientèle étudiante passait de 117 000, en 1978-1979, à quelque 147 000 cette année, soit une augmentation de 26%, la part des subventions aux universités dans le budget total du gouvernement passait de 4,6%, en 1978-1979, à 3,4% en 1984-1985. Dans le même ordre d'idées, tandis que la part des dépenses gouvernementales dans le produit intérieur brut du Québec passait de 23,9%, en 1978-1979, à 26,3% en 1984-1985, les subventions aux universités, par rapport au produit intérieur brut du Québec, passaient de 1,1% à 0,84%.

Enfin, de manière générale, le coût unitaire par étudiant d'université est maintenant au Québec l'un des plus bas du pays. Il est important de le signaler parce que, depuis des mois, la thèse que l'on entend du côté du gouvernement est exactement contraire. On nous dit que nos coûts sont les plus élevés de tout le pays et que, par conséquent, il faut serrer et serrer. Nous voulons bien qu'un effort de discipline soit nécessaire. Nous voulons bien que les universités portent leur part de cet effort de discipline parce qu'elles font partie du secteur public et ne sauraient, par conséquent, échapper à l'effort de discipline qui s'impose à toute notre collectivité pour qu'elle soit davantage concurrentielle. Cependant, en nous appuyant, encore une fois, sur des données présentées par le Conseil des universités, nous constatons que le coût unitaire par étudiant d'université est maintenant, au Québec, l'un des plus bas du pays. En ce qui touche les revenus que les universités obtiennent des subventions et des frais de scolarité, le Québec, après avoir été

en avance jusqu'en 1980, n'a cessé depuis ce temps de perdre du terrain. En 1983-1984, il se rangeait même derrière l'Ontario. (10 h 50)

Les conséquences de cette évolution des dernières années ont été évoquées souvent. Elles ne sont malheureusement pas encore assez familières. La principale, c'est évidemment le vieillissement et le non-renouvellement du corps professoral. Une deuxième conséquence non moins importante, c'est l'augmentation du ratio professeur-étudiants. Je ne m'étends pas sur chacun de ces points parce que nous aurons l'occasion...

Une voix: Est-ce qu'on enregistre?

M. Ryan: On enregistre, on continue. Je ne m'étends pas sur chacun de ces points parce que nous aurons l'occasion d'y revenir au cours des séances que tiendra la commission.

L'insuffisance des locaux et des équipements. À ce sujet, M. le Président, j'émets le voeu que si la commission en éprouve le besoin, le Bureau de direction de l'Assemblée nationale consentira à ce que nous allions visiter sur les lieux certaines institutions qui peuvent avoir à nous soumettre des problèmes particulièrement aigus de ce côté. Rétrécissement des options et des programmes, déficits accumulés dans le cas de certaines institutions et finalement, une érosion dangereuse du moral des responsables des institutions et des membres du corps professoral et des autres personnels des universités. C'est une constatation qu'il m'a été donné de faire à maintes reprises au cours des derniers mois. Toutes ces politiques ont eu un effet regrettable sur l'esprit dans lequel fonctionnent présentement nos institutions universitaires. Cet esprit n'est sûrement pas des plus propices dans les conditions actuelles à la créativité que l'on est en droit d'attendre de ce milieu.

Le gouvernement a fait des efforts importants ces derniers mois pour mettre au point des orientations qui permettraient d'envisager le financement des universités avec plus de réalisme. On s'était rendu compte que le mode de financement suivi depuis une quinzaine d'années était dépassé à bien des égards, qu'il donnait naissance à des inégalités qui défavorisaient évidemment certaines institutions au profit d'autres institutions. On a mis au point pour l'année 1984-1985 deux documents extrêmement importants, un premier s'intitule "Étude comparative des bases de financement des universités du Québec" et contient des éléments d'une nouvelle méthode de financement qui serait davantage fondée sur la réalité diverse et multiforme des universités. Le deuxième s'intitule "Cadre de financement du réseau universitaire pour l'année 1984-1985" qui propose d'abord, comme son titre l'indique, des orientations pour l'année 1984-1985 mais qui contient également, du moins en germe dans bien des cas, et d'autres fois de manière très explicite, des orientations susceptibles d'engager l'avenir pour très longtemps. C'est à l'occasion de la publication de ces documents - ils n'ont pas été publiés ils ont été remis aux institutions concernées en mai dernier, il a fallu que nous en découvrions l'existence par la communication qui se fait entre les institutions et les députés.

Finalement, au cours de l'été, nous avons pu prendre connaissance de ces documents, nous avons constaté qu'ils devaient donner lieu à un débat public approfondi. Je pense qu'un des facteurs qui ont attiré notre attention, cela a été les expressions d'opinions qu'on a entendues en provenance de plusieurs institutions universelles. Je pense que c'est comme cela que l'attention des parlementaires a été attirée sur les développements très importants qui étaient en train de se produire. Plusieurs institutions - que je ne nommerai point pour l'instant - ont fait des représentations et nous nous sommes dit que nous avons le devoir de nous pencher de très près sur les implications de ce document.

Pour l'instant, je voudrais résumer très brièvement la position de départ de l'Opposition sur le sujet que nous abordons. Ce sera très simple. Premièrement, il faut mettre fin au régime de compressions souvent aveugles et extrêmement coûteuses que le gouvernement impose depuis six ans aux universités du Québec. Deuxièmement, il faut mettre au point un nouveau mode de financement qui tiendra compte au maximum de toutes les données de la réalité universitaire et qui comportera le maximum d'objectivité et de stabilité pour l'avenir.

À cet égard, le projet de mode de financement que le gouvernement a mis au point est un point de départ très valable. Nous n'entendons pas minimiser l'importance et la qualité du travail extraordinairement poussé qui a été accompli par le ministre et ses collaborateurs de ce côté. Nous trouvons, cependant, que la base de référence qui doit servir à un nouveau mode de financement doit faire l'objet d'un large accord parmi tous les milieux intéressés et que la base de référence qui a été retenue pour la mise au point du mode de financement contenu ou esquissé dans le cadre de financement 1984-1985 donne lieu à beaucoup de contestations. Il faudra en faire une vérification sérieuse. Et je crois qu'après les débats comme ceux que favorisera la commission il devrait être possible pour le gouvernement d'établir une base de référence qui soit davantage satisfaisante pour tout le monde.

Dans le cadre de financement, surtout dans les passages qui sont consacrés au nouveau mode de financement, il y a des

principes que j'appellerais nouveaux qui sont mis de l'avant par le gouvernement, spécialement en ce qui concerne le financement du développement universitaire, qui devront être examinés de très près. Parce que j'ai l'impression que, sous prétexte de rationalité et de discipline, on est en train d'introduire une conception tout à fait inédite des rapports entre le gouvernement et les universités. Je pense que ce sujet devra être approfondi et tous les passages du document qui sont consacrés à cette question doivent ouvrir la porte à un débat très large sur les rapports entre le gouvernement et les universités dans l'avenir.

Nous sommes parfaitement ouverts à la recherche d'un nouveau mode de financement. Nous trouvons encore une fois que des pas très importants ont été accomplis et qu'avec des débats comme ceux que nous aurons il devrait y avoir moyen, pour le gouvernement, de mettre au point des conclusions qui pourront valoir pour plusieurs années à venir.

Finalement, nous considérons qu'il faut apporter, dès 1984-1985, des correctifs au programme de financement qui a été mis de l'avant par le gouvernement. Le programme de financement mis de l'avant par le gouvernement a été soumis à l'avis du Conseil des universités comme le veut la pratique. Le Conseil des universités a émis des opinions assez exigeantes à ce sujet. Nous avons également émis un certain nombre d'opinions que je voudrais rappeler à ce moment-ci parce qu'il me semble que cela va compléter la présentation de notre point de vue.

D'abord, nous trouvons que les mesures de redistribution que le gouvernement veut mettre en oeuvre dès l'année 1984-1985 sur la base du nouveau mode de financement devraient être suspendues tant que l'examen de la commission parlementaire n'aura pas été terminé et que celle-ci n'aura pas soumis ses recommandations. Ce nouveau mode de distribution ou ce projet de redistribution d'une partie des ressources suppose que la base de référence sur laquelle on s'appuie soit juste. Or, nous constatons qu'elle est mise en question par plusieurs. Il nous semble d'élémentaire logique qu'avant d'appliquer cette base de référence on se soit assuré qu'elle soit, sinon universellement acceptable - ce qui est très difficile - du moins justifiable et défendable du point de vue de l'esprit qui regarde ces choses avec le souci de l'objectivité. Comme cet exercice n'a pas été fait jusqu'à maintenant, nous trouvons qu'il serait d'élémentaire logique que le gouvernement informe dès maintenant les institutions universitaires que cette partie du cadre de financement 1984-1985 n'aura pas de suite tant que l'examen envisagé par la commission n'aura pas eu lieu.

Deuxièmement, nous trouvons que l'enveloppe prévue pour le financement des universités en 1984-1985 devrait être augmentée conformément à l'avis qui a été émis par le Conseil des universités et nous considérons, en particulier, qu'une somme additionnelle de 5 000 000 $ devrait être mise à la disposition des universités pour le financement des clientèles additionnelles dans les disciplines non reliées au virage technologique. On est en train d'opérer un clivage dans le développement de nos universités qui va être extrêmement nocif à court et à long terme. Il n'y a pas, dans mon esprit à moi, de discipline de première zone, de deuxième zone et de troisième zone. Il y a des disciplines qui sont dignes de l'attention des universités ou qui ne le sont point, mais, si elles sont dignes de l'attention des universités... Il me semble que l'histoire est aussi importante que les champs les plus avancés de la technologie. On peut trouver qu'on n'a pas de place pour avoir 5000 étudiants en histoire dans les universités du Québec. C'est très bien, mais je pense qu'une fois qu'on admet que telle discipline a sa place dans le champ des disciplines universitaires, agir comme s'il y avait des disciplines de première classe, de deuxième classe et de troisième classe, c'est un principe discriminatoire qui doit être sérieusement mis en question. Par conséquent, nous souscrivons entièrement à l'avis du Conseil des universités qui a demandé pour l'année courante qu'une somme additionnelle de 5 000 000 $ soit libérée pour le financement des clientèles additionnelles dans les secteurs non reliés, au jugement du gouvernement, aux progrès technologiques.

Nous demandons également qu'une somme additionnelle de 5 000 000 $ soit prévue pour le financement des frais accrus de location que devront encourir les universités par suite du rétrécissement des programmes d'investissement déjà approuvés pour les années 1982-1987 et 1983-1988. J'émets cette recommandation avec les réserves nécessaires. Je sais que le gouvernement a mis au point depuis quelque temps un programme quinquennal pour la période 1984-1989. Si mes renseignements sont exacts, ce programme est à l'examen présentement au Conseil des universités. Si, évidemment, on a procédé à des changements dans les choses qui étaient de connaissance publique jusqu'à la fin de l'été, nous serons très heureux d'en prendre note et si ça devait changer cette recommandation-ci, nous le comprendrons facilement.

Nous demandons également qu'une somme de 1 500 000 $ soit libérée pour mettre en oeuvre dès cette année une première étape du programme de maintien et de renouvellement du corps professoral préconisé par le Conseil des universités dans son avis sur le maintien et le renouvellement

du personnel scientifique, qui a été émis, si mes souvenirs sont bons, en mai dernier.

Nous demandons que le gouvernement aborde avec beaucoup de prudence le problème de l'augmentation des frais de scolarité exigés des étudiants étrangers et des étudiants en provenance des autres provinces canadiennes inscrits dans les universités du Québec.

Nous demandons que le gouvernement répartisse en entier - ceci pourrait sembler un peu technique mais c'est parce que je ne voudrais pas qu'on pense que nous l'avons oublié - entre les universités, selon les critères qui ont présidé au prélèvement effectué à même l'enveloppe budgétaire de 1983-1984 à cette fin, la somme de 10 000 000 $ qui avait été mise de côté en 1983-1984 pour l'implantation d'un nouveau mode de financement universitaire.

Nous demandons finalement que le gouvernement ramène les budgets d'investissements des universités au niveau qui avait été approuvé par le ministère de l'Éducation dans ses projets de plans quinquennaux de 1982-1987 et de 1983-1988.

Nous sommes très fiers du progrès général qui a été accompli par le Québec dans le secteur universitaire depuis 1960. Le Québec est entré de plain-pied dans l'époque moderne en matière universitaire. Au cours des 25 dernières années, nous nous sommes dotés d'un réseau d'institutions et de services universitaires qui nous permettent de nous comparer avantageusement aux plus grandes provinces canadiennes. Sur cette base, je crois qu'après la parenthèse malheureuse que nous avons connue au cours des cinq ou six dernières années nous devons envisager un nouveau départ. Un départ qui sera fondé sur des bases plus solides, un peu plus généreuses et aussi plus stables que ce régime de compressions souvent arbitraires que nous avons connu au cours des dernières années.

Je veux assurer mes collègues et les représentants du monde universitaire qui sont ici que le parti dont je fais partie, avec mes collègues de l'Opposition, a toujours porté une grande attention au développement de l'éducation et en particulier au développement du monde universitaire. Tous les grands développements qu'a connus le Québec en matière d'éducation depuis le début du siècle ont été fortement influencés par le Parti libéral du Québec. Je veux vous assurer qu'en tout ce qui touche l'éducation et en particulier le développement des universités nous entendons continuer à oeuvrer pour que notre parti fournisse une contribution positive et créatrice. Merci, M. le Président. (10 h 45)

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Fabre et adjoint parlementaire du ministre de l'Éducation.

M. Michel Leduc

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Si, de notre côté, nous avons accepté d'aller en commission parlementaire sur la question centrale du cadre de financement proposé, c'est à cause de l'importance du sujet pour l'avenir du réseau universitaire et de la société québécoise, compte tenu des orientations que sous-tend le cadre de financement et compte tenu du contexte d'austérité financière avec lequel doivent composer les universités de même que les autres institutions financées par le gouvernement depuis un certain nombre d'années. Toutes ces questions reliées au cadre de financement et aux orientations méritent donc, à notre point de vue, d'être scrutées de près par la commission parlementaire.

Pour nous, cependant, une question fort importante se profile dans toute cette discussion: qui doit être le maître d'oeuvre de la coordination et de la planification, c'est-à-dire des orientations en matière de développement universitaire? Il ne fait pas de doute, quant à nous, que ce doit être le Québec en liaison avec les universités, bien sûr, et non le gouvernement fédéral qui, avec la loi C-12, vise une planification centrale qui fait de plus en plus d'adeptes au Canada anglais, sans compter la perte d'une subvention évaluée globalement à 400 000 000 $ pour les universités canadiennes, à cause d'une limitation des transferts de paiement aux provinces à 6% et à 5% inscrits dans la même loi.

Comment réagissent les universités québécoises face à l'empiétement du gouvernement fédéral dans un domaine de juridiction provinciale? Doit-on partager l'opinion de l'éditorialiste qui émettait le commentaire suivant à propos de nos universitaires: "II est assez étonnant de les voir se rebeller contre la moindre intervention de l'État québécois et regarder tranquillement s'avancer le train autrement plus puissant qui vient d'Ottawa". Si tel est le cas, il y a lieu de s'inquiéter et la présente commission devrait nous permettre d'y voir clair. Nous sommes, par ailleurs, conscients que l'enseignement universitaire doit faire face à des défis nouveaux, provoqués par l'augmentation continue des clientèles et par le développement des nouvelles technologies. Le défi consiste à maintenir l'accessibilité et la qualité des services avec un nombre accru d'étudiants et des moyens restreints par rapport au passé.

Nous souhaitons donc que cette commission puisse apporter sa contribution de façon à mieux départager les enjeux et les responsabilités de chacun des intervenants et que nous puissions déboucher sur des recommandations au gouvernement qui seront de l'ordre des moyens appropriés pour que

nos universités demeurent des outils essentiels de la promotion de notre société et pour que soient réunies les conditions permettant à l'enseignement supérieur de faire face aux problèmes actuels. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le député de Fabre. Nous allons maintenant céder la parole à notre invité, le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

Exposé du ministre M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Effectivement, lorsque nous avons...

Le Président (M. Charbonneau): Je m'excuse, M. le ministre. Est-ce qu'il vous serait possible, pour les fins du journal des Débats, de présenter les gens qui vous accompagnent?

M. Bérubé: Oui.

Le Président (M. Charbonneau): On me signale que... En fait, cela concerne surtout ceux qui, éventuellement, pourraient être appelés à intervenir à vos côtés.

M. Bérubé: M. le Président, je suis accompagné de la sous-ministre aux réseaux universitaire et collégial, Mme Michèle Fortin, de M. Michel Robillard qui s'occupe de financement au niveau du réseau universitaire, et de M. Martin Desmeules. Cet après-midi, mon collègue, le ministre Jacques Parizeau, viendra en commission parlementaire pour traiter plus précisément d'une des questions qui étaient inscrites à l'agenda, soit la participation fédérale au financement des universités. Par conséquent, j'aurais tendance, pour les questions qui s'adresseraient à ce point particulier, à demander qu'on les reporte à cet après-midi dans la mesure du possible, de manière qu'il puisse participer à la discussion. Ce serait, du moins pour l'instant, l'ensemble des gens qui m'accompagneraient.

Le Président (M. Charbonneau): Pour les fins d'organisation des travaux, M. le ministre, est-ce que vous vous êtes entendu avec votre collègue des Finances sur un moment particulier où il serait ici?

M. Bérubé: À 16 h 30 cet après-midi.

Le Président (M. Charbonneau): Il serait disponible à partir de 16 h 30.

M. Bérubé: C'est cela.

Le Président (M. Charbonneau):

D'accord. Merci.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Vous avez bien fait, tant vous que le porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation, de souligner l'accord total de tous les intervenants pour organiser une telle commission parlementaire. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les discussions que nous allons avoir nous permettront peut-être de mieux saisir la nature de l'effort qui a été demandé au réseau universitaire au cours des dernières années et nous permettront plus particulièrement de voir quels sont les choix qui s'offrent à nous comme société, le but de cette commission étant d'éclairer, dans le fond, le processus politique de prise de décisions tant au niveau de l'approbation des budgets qu'au niveau de la confection des budgets par l'exécutif.

Je tenais à souligner mon appui le plus total lorsque vous m'avez fait part de ce désir de la commission de se pencher sur la question du financement universitaire. Je crois effectivement que le temps était mûr pour entreprendre une discussion publique sur la base d'une information dont nous disposons maintenant et qui nous permet, je pense, de mieux saisir les enjeux et de mieux voir quels sont les choix qui s'offrent à nous.

J'ai préparé à l'intention de la commission un premier exposé qui, je pense, d'une part, évitera - c'est une des grandes habiletés du député d'Argenteuil - qu'on me prête des propos légèrement assaisonnés de manière à mieux les pourfendre ultérieurement. Pour lui éviter de s'adonner trop facilement à cet exercice, j'ai pensé que je prendrais le temps de bien définir ma position, car effectivement, comme ministre de l'Éducation, je n'ai pas eu l'occasion au cours des derniers mois, depuis ma nomination, de faire quelque commentaire que ce soit concernant le niveau de financement des universités, son adéquation ou, plus encore, devrais-je parler des choix que nous devons faire face au réseau universitaire et à son financement. Par conséquent, c'est aujourd'hui véritablement ma première intervention sur le sujet et les propos que je tiendrai le député d'Argenteuil pourra me les attribuer en bonne et due forme.

Au printemps dernier, le ministère de l'Éducation soumettait à la consultation des universités un projet de cadre de financement pour l'année 1984-1985. En juin, je transmettais ce document pour avis au Conseil des universités, en même temps que des représentants du ministère rencontraient chacune des universités pour recueillir leurs commentaires sur ces propositions. L'intérêt et les débats suscités par ce document, de même que des inquiétudes relatives à la situation financière des universités ont suscité la tenue de cette commission

parlementaire.

Mon exposé portera donc sur l'ensemble de la question du financement des universités. J'y aborderai tout d'abord la question du niveau des ressources consacrées aux universités pour traiter ensuite plus spécifiquement du cadre de financement et de ses orientations. J'exposerai enfin à la commission quels sont les choix qui se présentent à nous aujourd'hui, en espérant que les débats des prochains jours sauront nous éclairer.

Parlons d'abord des ressources consacrées aux universités pour aborder, en tout premier lieu, la situation économique québécoise. En fait, dès la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, l'économie du Québec, comme l'ensemble des économies environnantes, a dû faire face à des changements importants. Ainsi, le taux de croissance du produit intérieur brut, qui avait été en moyenne de 4,2% avant 1975, est tombé à 2,7% entre 1975 et 1980 alors qu'au même moment les taux d'intérêt et le chômage atteignaient des niveaux sans précédent.

Cette crise économique qui a touché l'ensemble des pays occidentaux a eu pour conséquence directe une détérioration rapide des équilibres budgétaires de tous ces gouvernements occidentaux. Au Québec... Je vais être obligé de prendre un Contac... As-tu une pastille?

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Bérubé: Je traîne malheureusement une mauvaise grippe, M. le Président, et je pensais m'en être débarrassé. Mais, hélas! Contac C n'a pas triomphé.

Le Président (M. Charbonneau): Nous constatons, M. le ministre, que votre éloignement nous évitera de la "contacter" à notre tour.

M. Bérubé: Je crains d'ailleurs que ce soit un contact avec le président du Conseil du trésor, qui était aux prises avec une terrible grippe cette semaine, qui a essaimé dans ma direction, M. le Président.

Cette crise économique a touché l'ensemble des pays occidentaux. Elle a eu pour conséquence directe une détérioration très rapide des équilibres budgétaires de tous le gouvernements. Au Québec, la croissance moins rapide de la richesse collective, la diminution des rentrées fiscales qui était consécutive à l'accroissement du chômage, la croissance des taux d'intérêt rendant le coût du financement excessif et, finalement, l'augmentation des coûts des programmes sociaux ont exercé une pression sans précédent sur les finances de l'État, limitant ainsi la marge de manoeuvre nécessaire pour répondre aux nouveaux besoins sociaux suscités par la crise: soutien aux entreprises, création d'emplois.

Durant la même période, le gouvernement fédéral venait accentuer cette pression en faisant porter par les provinces une partie de ses propres efforts de réduction des dépenses par une diminution des paiements de transfert. Dans le seul secteur de l'enseignement secondaire, entre 1976 et 1983, le taux de participation du gouvernement fédéral dans le cadre du financement des programmes établis passait de 22,1% à 19,2% des dépenses, privant ainsi l'ensemble du Québec d'une somme d'environ 63 000 000 $ pour les universités uniquement. Cela m'apparaît un point important, comme nous le verrons plus loin.

Cette situation de restrictions budgétaires a donc conduit le gouvernement, dès la fin des années soixante-dix, à une révision globale de ses différents programmes économiques et sociaux. Les universités ne pouvaient pas, évidemment, être soustraites à cet examen.

Examinons la situation des universités à la fin des années soixante-dix. Comme il n'existe pas d'absolu en termes de niveau de financement de programmes éducatifs ou sociaux, la comparaison avec des systèmes voisins relativement semblables permet d'évaluer avec plus de justesse notre position relative et les tendances qui s'y dessinent. C'est pourquoi, même si l'on a parfois critiqué la comparaison de notre système avec celui de l'Ontario, cette méthode m'apparaît encore pertinente pour nous permettre de poser un diagnostic sur la situation d'alors et sur celle d'aujourd'hui. Alors qu'en 1972, pour l'ensemble des indicateurs connus, le Québec était en retard sur l'Ontario quant aux ressources qu'il consacrait aux universités, il la dépassait ou l'égalait pour tous les mêmes indicateurs en 1980. En effet, au cours de cette année de référence, la part du PIB que le Québec consacrait aux universités était supérieure de 43% à celle de l'Ontario. Les dépenses par habitant étaient de 19% plus élevées au Québec. Les subventions par étudiant, additionnées des frais de scolarité, étaient alors de près de 700 $ plus élevées au Québec, et ceci en tenant compte des différences structurelles propres à chacun des systèmes et sans tenir compte du niveau relativement moins élevé de la richesse au Québec, soit dit en passant.

Si un tel niveau de ressources s'était accompagné d'un pareil niveau de performance, d'un niveau d'excellence sans égal, peut-être aurait-on été alors tenté de le justifier et de le préserver. Toutefois, un examen plus attentif de la situation d'alors, tout en mettant en relief des signes de développement importants, laissait entrevoir un certain nombre de carences. Même si la plus courte tradition de certaines de nos

universités québécoises peut en partie expliquer et excuser ces retards, il n'en demeure pas moins que notre système universitaire présentait alors des signes de faiblesse importants. Tout d'abord, sur le plan de l'accès à l'université des moins de 30 ans, le Québec avait un taux d'accès inférieur de 9% à celui de l'Ontario pour l'ensemble des étudiants et de 20% inférieur pour les étudiants inscrits à temps complet. Également, la proportion des étudiants à temps partiel dont le nombre s'est accru rapidement durant les années soixante-dix atteignait 30% des étudiants équivalance temps complet au Québec contre environ 20% en Ontario. Aux deuxième et troisième cycles, si la proportion des inscrits était sensiblement la même, c'est au niveau de la diplomation que le retard au Québec était le plus évident puisque le même nombre d'inscrits produisait 30% moins de diplômés. À la maîtrise en particulier, en 1975, on devait compter 3,2 étudiants inscrits pour former un diplômé alors que l'Ontario n'en comptait que 1,8. Cette faiblesse dans la productivité du système expliquait à elle seule 80% de l'écart en faveur de l'Ontario au chapitre du nombre de maîtrises décernées. (Il heures)

Sur le plan de la recherche, enfin, le Québec recevait des organismes subventionnaires fédéraux des montants inférieurs à son poids relatif au Canada, sa performance étant plus faible dans tous les secteurs sauf celui des sciences de la santé.

La conclusion de cet examen amenait donc le gouvernement à conclure que des gestes importants devaient être posés pour réduire les coûts de l'enseignement universitaire, nettement plus élevés qu'ailleurs, tout en incitant les universités à améliorer leur performance. C'est pourquoi le gouvernement décida alors de poursuivre concurremment un double objectif: réduire les coûts unitaires de l'enseignement universitaire; maintenir une politique d'accessibilité à l'université par une politique de partage de l'effort de l'accueil des clientèles additionnelles par l'ensemble des universités.

Parlons maintenant des compressions budgétaires. Le ministère évalue à 230 500 000 $ le total des compressions imposées au réseau universitaire depuis 1978-1979, ce montant excluant les compressions salariales découlant de l'application de la loi 70. Ces compressions ne sont toutefois pas de nature identique et peuvent être ventilées en trois catégories distinctes. Tout d'abord, une somme de 117 000 000 $ résulte de la volonté gouvernementale de réduire les coûts. Je dirais le célèbre Conseil du trésor. Elle s'est exprimée à la fois par des compressions explicites de l'ordre de 67 000 000 $ et par une sous-indexation des dépenses d'environ 50 000 000 $. De cette somme, environ 55 000 000 $ - je devrais dire 63 000 000 $ à la suite d'un ajustement par le ministère des Finances environ 63 000 000 $ permirent de compenser le manque à gagner résultant des coupures dans les paiements de transfert du gouvernement fédéral. Disons donc que les compressions ont profité à parts égales essentiellement au gouvernement du Québec et au gouvernement fédéral: 117 000 000 $ partagés en 60 000 000 $-60 000 000 $.

Deuxièmement, une somme de 98 500 000 $ résulte de l'application d'une politique d'accès à l'université qui a été maintenue tout en étant autofinancée en très grande partie par les universités elles-mêmes. Les principaux bénéficiaires de cette politique furent donc les quelque 38 500 étudiants additionnels qui se sont vu ouvrir les portes de l'université malgré une situation de restriction budgétaire importante.

Enfin, une somme de 15 000 000 $ provient du manque à gagner que les universités ont dû assumer comme conséquence du gel des frais de scolarité pour étudiants québécois et canadiens. Cette fois, ce sont les familles des étudiants qui ne sont pas bénéficiaires du régime d'aide financière qui ont profité le plus de cette mesure.

En d'autres termes, M. le Président, ceux qui ont profité des compressions budgétaires, ce sont pour 98 000 000 $ les nouvelles clientèles qui ont eu accès à l'université et qui autrement n'y auraient pas eu accès, ce sont les deux gouvernements d'Ottawa et de Québec qui, tous les deux, ont récupéré une somme à peu près équivalente de 60 000 000 $ et, enfin, ce sont les étudiants ou leurs familles qui ont récupéré quelque 15 000 000 $. Voilà qui a profité des compressions budgétaires. Il est parfois important, lorsqu'on parle du patient, de s'interroger également sur ceux qui ont profité finalement des décisions qui ont été prises.

Comparativement au secteur de la santé, auquel certains intervenants se sont plu à comparer les compressions du secteur de l'enseignement postsecondaire, voici quelle est la situation par rapport à la part relative du PIB. Ces données excluent les services de la dette et la contribution du gouvernement à l'aide sociale.

On constatera qu'en 1982-1983, la santé représentait 4,01% du PIB contre 3,6% en 1984-1985. Du côté universitaire, c'était de 1,2% en 1982-1983 pour baisser à 1,1% en 1984-1985. Il y a donc eu décroissance dans les deux cas: d'à peu près 3,2% dans un cas et de 3,4%, dans l'autre. Ces résultats permettent de constater que la politique gouvernementale est, à peu de chose près, équivalente dans les deux missions.

Cette conclusion ne saurait, d'ailleurs, surprendre puisqu'elle vaut essentiellement

pour toutes les missions de l'État. Je pense qu'une fois pour toutes il faudrait démystifier cet argument que tous peuvent nous servir, dans quelque domaine qu'ils soient au Québec. Il faudrait, une fois pour toutes, qu'on comprenne pourquoi. Elle résulte essentiellement de deux causes: les services de la dette et l'aide aux victimes du chômage. Les deux récessions de 1974 et de 1981 ont déséquilibré les finances publiques d'à peu près tous les États occidentaux. Des déficits accrus ont engendré des dépenses additionnelles en service de la dette, lesquelles ont comprimé les autres dépenses. En fait, disons-le-nous, nos sociétés consacrent de plus en plus de leurs revenus courants à défrayer des services passés, réduisant d'autant les moyens pour faire face aux besoins courants. Ainsi, en dépit d'une croissance continue de l'importance des dépenses publiques dans le produit intérieur brut, l'importance des missions traditionnelles de l'État doit décroître.

Ce qui importe donc, c'est d'examiner l'évolution relative de ces diverses missions. En d'autres termes, tous les ministères peuvent invoquer que leur budget connaît une part décroissante du budget de l'État parce que tout le monde veut oublier ce que coûte la croissance de l'aide sociale et du service de la dette. Si on prend en compte ces deux facteurs, tous se retrouvent sur un pied d'égalité et constatent essentiellement que leur position n'a pas varié. Ainsi, si l'on ajoute les subventions gouvernementales au chapitre de la recherche, les ressources dont dispose le réseau universitaire par rapport au PIB ont moins diminué. En fait, nous n'avons pas voulu réduire l'effort de recherche au Québec et, comme les subventions n'ont donc pas connu cette décroissance, nous constatons que la part du PIB consacrée à l'enseignement universitaire et à la recherche, cette fois-ci, décroît de 3,2% au lieu de 3,4%.

Ce n'est pas tout. Si on tient compte aussi des bourses octroyées aux étudiants, le traitement gouvernemental est de loin plus favorable à l'égard du système universitaire car nous avons accueilli ses clientèles additionnelles en leur garantissant une aide financière qui n'a subi aucune compression. Ceci porte, à ce moment, la part du PIB consacrée à l'enseignement universitaire, à la recherche et aux prêts-bourses de 1,4%, en 1982-1983, à 1,34% en 1984-1985, c'est-à-dire une décroissance de 1,8%. En d'autres termes, contrairement à ce qui peut être affirmé trop rapidement, l'ensemble des dépenses touchant l'éducation universitaire a décru moins rapidement que pour les autres missions gouvernementales.

Il est donc erroné de prétendre que le réseau universitaire a fait seul les frais de la crise économique. Au contraire, on pourrait prétendre que l'éducation universitaire a globalement moins écopé que d'autres secteurs sans pour autant affirmer que les universités ont été épargnées. En effet, durant les sept dernières années, le gouvernement a imposé aux universités un triple défi: tout d'abord, réduire considérablement leurs dépenses et maintenir une situation financière saine; deuxièmement, continuer d'accueillir de nouveaux étudiants de façon à combler l'écart qui nous séparait de nos voisins en matière de taux d'accès; troisièmement, concentrer leurs efforts vers le développement des études à temps complet des secteurs lourds, des études avancées et de la recherche.

Après sept années d'austérité, deux questions se posent aujourd'hui: Où en sommes-nous? De là, où allons-nous?

Parlons maintenant de la situation des universités aujourd'hui. Au strict plan financier, d'abord, tel qu'on peut l'observer dans les états financiers, l'ensemble des universités du Québec qui, en 1977-1978, montrait un surplus accumulé d'à peu près 19 000 000 $ fait face, aujourd'hui, à un déficit accumulé de 3 500 000 $. Quatre universités montrent un déficit budgétaire, alors que les cinq autres montrent un surplus. Sur une enveloppe de près de 1 000 000 000 $, cette situation globale n'est pas catastrophique. Il faut apprécier ici toute la rigueur des administrateurs d'universités qui ont su maintenir de hauts standards de gestion dans un contexte budgétaire délicat. Quelques universités, il faut le reconnaître, connaissent des situations plus difficiles que les autres, mais sur un plan d'ensemble l'équilibre budgétaire n'a pas été rompu.

Quelles ont été, par ailleurs, les conséquences d'une telle austérité sur la situation des universités quant aux ressources à consacrer à l'enseignement et à la recherche? Par rapport à la province de l'Ontario, laquelle a constitué un premier point de référence dans notre diagnostic, où en sommes-nous rendus?

Malgré les compressions dont on vient de faire état, il faut noter immédiatement que la part de sa richesse collective que le Québec consacrait à ses universités n'a pas diminué entre 1972-1973 et 1984-1985, deux périodes aux couleurs politiques différentes. Elle s'est plutôt accrue, passant de 1,18% à 1,32% alors qu'elle décroissait de 1,38% à 1% en Ontario. L'écart entre le Québec et l'Ontario est donc passé de moins 14% à plus 25% pour le Québec.

On trouvera, M. le Président, un tableau traitant des revenus de fonctionnement en pourcentage du PIB. Nous avons utilisé l'ensemble des revenus de fonctionnement aux fins de comparaison, car ne tenir compte que des revenus de subventions a l'inconvénient de fausser la comparaison avec l'Ontario où les frais de

scolarité sont nettement plus élevés et ne décrit pas véritablement, à ce moment-là, les ressources dont disposent nos universités, ce qui explique très fréquemment un ensemble de chiffres non conciliables. Nous avons tenté, dans une fiche à la disposition des membres de cette commission, de concilier à peu près tous les paramètres que l'on pourrait vouloir utiliser pour décrire une seule et même situation, M. le Président. Vous y verrez, à ce moment-là, l'importance des revenus de fonctionnement en pourcentage du PIB, montrant que le Québec consacre une part beaucoup plus importante de sa richesse au fonctionnement de ses universités.

Cet effort additionnel n'a pas compensé toutefois le coût réel de la croissance de la population étudiante. En effet, c'est lorsqu'on mesure l'évolution des coûts par étudiant, ces derniers comprenant la somme des subventions de fonctionnement et des frais de scolarité, que l'on peut le mieux comprendre l'impact des restrictions budgétaires sur les ressources allouées aux universités. Alors que ces coûts, en 1980-1981, étaient supérieurs de 12% à ceux de l'Ontario, ils sont maintenant inférieurs de 5%. C'est ce que le tableau décrit. Ensuite, il montre qu'en 1984-1985 les subventions au Québec par étudiant, incluant les frais de scolarité, représentent 7130 $ alors qu'en Ontario ils représentent 7510 $. Ces chiffres illustrent mieux que tout autre commentaire comment par l'accroissement de la productivité et la diminution des coûts on a pu faire place aux nouveaux étudiants arrivant en masse des collèges et aux adultes désireux de poursuivre des études universitaires.

L'examen de l'évolution des diverses catégories de dépenses des universités du Québec et de l'Ontario permet de mieux comprendre les stratégies de réduction de dépenses des universités. Les universités ont d'abord réduit les dépenses non salariales qui dès 1981 sont comparables à celles de l'Ontario. À compter de 1980, on observe une réduction des dépenses salariales des personnels non enseignants, les premiers touchés. En 1981, les salaires des enseignants sont touchés et même les avantages sociaux. En 1982, toutefois, les salaires des enseignants demeuraient de 10% plus élevés au Québec et les coûts des avantages sociaux dépassaient de 50% ceux payés en Ontario, dans une situation de difficultés financières, il va sans dire.

Concurremment à ces réductions de dépenses, l'accueil de nouveaux étudiants sans ajout de ressources additionnelles a aussi eu un impact sur les charges de travail des enseignants. Si on se limite à un indice grossier, soit celui du rapport étudiants-professeur régulier, on note une augmentation d'étudiants par professeur de l'ordre d'environ 20%, ce ratio passant de 15 pour un, en 1976-1977, à 18,1 pour un, en 1982-1983. Ce ratio est maintenant inférieur de 4% à celui qui est observé en Ontario. Cette infériorité est cependant largement compensée par un ratio d'étudiants par chargé de cours de 32% plus élevé au Québec qu'en Ontario. (11 h 15)

En bref, devant la croissance des coûts et la rareté des ressources, les universités ont augmenté leur ratio étudiants-professeur régulier soit en diminuant les choix de cours, soit en augmentant la taille des groupes.

Ces quelques exemples illustrent bien, je crois, l'effort d'amélioration de la productivité que se sont imposé les universités. Des résultats analogues pourraient sans doute être obtenus si l'on examinait de la même façon diverses autres composantes de la réalité universitaire.

Si les universités n'avaient réalisé que les efforts décrits plus haut, elles devraient être félicitées pour leur bonne gestion dans un contexte budgétaire difficile. Là, toutefois, où elles méritent encore davantage notre considération est que, ce faisant, elles ont continué à améliorer la performance du système et à combler certaines des défaillances notées à la fin des années 1970.

Sur le plan de l'accès aux études universitaires pour les moins de 30 ans, si l'on tient compte de l'accès par la voie de la fréquentation à temps partiel, le Québec a rattrapé son voisin. En 1981, l'accès à l'université pour les francophones de moins de 30 ans atteignait 23,5%, pour une moyenne québécoise de 23,8%. C'est dire à quel point le rattrapage s'est fait rapidement. Quant à l'accès des femmes, à 24,3%, il dépasse aujourd'hui celui des hommes à 23,3%. Globalement, nous pouvons donc nous féliciter de ce que la période d'austérité ne semble pas avoir ralenti la volonté d'ajustement de notre réseau universitaire aux besoins des Québécois, bien au contraire.

Une analyse plus raffinée nous amènerait certes à noter un retard encore perceptible dans la fréquentation à temps complet chez les francophones. Toutefois, cette situation devrait progressivement se corriger. On observe, en effet, depuis 1981, une croissance plus rapide des étudiants à temps complet que des étudiants à temps partiel et ceci est vrai pour chacune des années. De plus, les nouveaux étudiants s'orientent davantage vers des programmes de baccalauréat, de maîtrise et de doctorat. Ils se concentrent successivement dans quelques secteurs disciplinaires: l'administration ou les sciences appliquées et enfin, à l'automne 1983, les sciences pures.

De la même façon, durant toute cette période, les taux de diplomation se sont accrus plus vite qu'en Ontario. Au premier

cycle, les taux de diplomation soutiennent maintenant la comparaison avec ceux de l'Ontario. Aux deuxième et troisième cycles, toutefois, la situation n'a guère évolué et l'écart demeure encore trop important, de 30%. Cette situation a, d'ailleurs, été fort bien documentée par le Conseil des universités.

De fait, il faut admettre que l'encadrement au niveau du premier cycle a connu de remarquables progrès et le taux de succès, mesuré par le nombre d'étudiants à s'inscrire aux études pour réussir à former un diplômé, s'avère maintenant supérieur à celui de nos voisins par près de 10%. Toutefois, cette performance n'est pas maintenue au niveau de la maîtrise avec un taux de succès de 44% inférieur à celui de notre voisin, l'Ontario. Il y aurait certes lieu d'examiner d'un peu plus près les causes d'un tel écart.

Parlons maintenant du choix de l'État en matière de financement des universités. Nous venons de voir comment, depuis quelques années, le réseau universitaire a pu réduire ses coûts unitaires de trois façons différentes, soit par une réduction de la croissance des subventions gouvernementales, par un gel des frais de scolarité et l'ouverture à des clientèles additionnelles. Cela aura permis au réseau universitaire d'atteindre un des niveaux de coût unitaire les plus faibles au Canada, sans pour autant nuire à la capacité du réseau d'accueillir et de former une fraction plus grande de la population québécoise. La question importante qui se pose à nous, aujourd'hui, est celle-ci: Peut-on continuer à poursuivre ces trois objectifs simultanément?

On ne trouvera pas de réponse évidente à cette question, nonobstant les clameurs de tous ceux qui prétendent que la qualité de l'université ne doit pas faire l'objet d'une vulgaire tractation budgétaire, mais qui du même souffle ramènent systématiquement l'avenir de l'université à une question d'argent. Peut-on bâtir un réseau universitaire de qualité avec le niveau actuel de ressources? Certains répondront par l'affirmative, en citant des exemples de succès ailleurs en dépit de moyens inférieurs. D'autres souligneront que les moyens influencent directement l'atteinte des objectifs et citeront les exemples mondiaux d'excellence assise sur un niveau de ressources nettement supérieur.

Mais, même si l'on reconnaît que les universités ont atteint un niveau de dépenses par étudiant qu'il serait difficile de réduire encore davantage, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas, de la part des établissements, des choix à repenser et des réajustements à effectuer. Les compressions des dernières années n'ont peut-être pas toutes porté aux endroits les plus opportuns et certaines pratiques mises en vigueur au moment où les ressources étaient plus abondantes pourraient encore être révisées. Le Conseil des universités en a pointé quelques-unes au fil de ses avis. Pour ma part, je vois quatre domaines prioritaires où les universités devraient concentrer leurs efforts pour améliorer encore leur performance de manière à reprendre l'initiative du développement.

D'abord, chaque université devrait s'astreindre à revoir ses programmes, à les modifier en fonction des nouveaux besoins sociaux, à en rationaliser l'offre et à en améliorer les méthodes pédagogiques. L'université ne devrait pas hésiter au cours de cette opération à fermer ceux de ses programmes qui constituent des dédoublements inutiles ou à s'associer avec d'autres universités de façon à constituer des pôles d'excellence. Le second volet du fonds de développement pédagogique prévoit que des sommes peuvent être affectées pour faciliter de telles opérations. Les universités l'ont peu utilisé jusqu'à présent. Je les incite à le faire davantage. Pour sa part, le ministère verra à ce qu'aucune université ne soit pénalisée des résultats d'une telle opération.

Le second élément qui me paraît primordial concerne la nécessité pour chaque université de se doter d'un plan de développement de la recherche. J'endosse totalement sur ce point les recommandations du Conseil des universités. Le ministère, pour sa part, s'appuiera fortement sur les résultats de ces choix institutionnels, tout comme sur les avis du conseil, quand il s'agira d'encourager ou de supporter des développements majeurs dans ce domaine.

Sans porter de jugement sur ce qui se fait actuellement, je ne peux qu'inciter les universités à apporter encore plus de soin et d'attention à la gestion de leurs ressources humaines. Certes, on voudra renouveler le corps professoral actuel en mettant vite un terme à l'incapacité dans laquelle elles se sont retrouvées à recruter de nouveaux professeurs. Mais, dans son avis sur le vieillissement du corps professoral, tout comme dans celui sur la recherche universitaire, le conseil formule des recommandations très pertinentes à l'intention des universités, lesquelles n'impliquent pas toutes l'injection de fonds additionnels.

Par exemple, le conseil rappelait aux universités qu'une rationalisation de leurs activités d'enseignement, l'épuration des banques de cours et une meilleure répartition des tâches des professeurs pourraient engendrer une réduction des chargés de cours et donc des économies substantielles de l'ordre de 5 000 000 $, permettant l'embauche de 800 jeunes professeurs, améliorant d'autant la qualité de l'encadrement des étudiants et le potentiel

scientifique de l'université.

De même, les universités peuvent pratiquer, nonobstant la loi 15, des politiques incitatives de mises à la retraite, accroître les échanges de personnel scientifique avec l'entreprise, se donner des stratégies institutionnelles pour accroître la participation de leurs chercheurs aux programmes de subvention des grands conseils de recherche et mettre en oeuvre de véritables politiques d'évaluation des activités de recherche des professeurs. Ce sont là autant de mesures suggérées par le Conseil des universités pour accroître le volume du personnel scientifique des universités et la productivité de leurs activités académiques.

Les universités sont-elles prêtes à s'engager dans cette voie? Je souhaite personnellement que les universités, entièrement responsables de leur gestion en ce domaine, accordent la plus grande attention à ces suggestions du Conseil des universités. J'incite aussi les associations de professeurs à s'associer à cette préoccupation d'excellence plutôt que de consacrer trop de préoccupation à la seule amélioration de conditions de travail, sans égard à une exigence d'excellence qui est indissociable de la liberté académique.

En dernier lieu, je voudrais souligner l'importance primordiale pour le Québec que les universités développent entre elles et avec leurs autres partenaires dans le domaine de l'enseignement et de la recherche des méthodes de coopération et de collaboration plus étroites. Nous ne pouvons pas au Québec nous permettre le moindre gaspillage de nos ressources les plus précieuses si nous voulons maintenir la présence active des Québécois dans le monde par la voie de l'excellence.

Néanmoins, tous reconnaîtront que, si l'excellence ne saurait se réduire à la seule présence de moyens, on ne peut ignorer la corrélation inévitable qui doit exister entre l'entrée et la sortie d'un système. Excusez mes références à ma formation d'ingénieur en contrôle automatique. Une réduction du niveau de financement des clientèles universitaires peut menacer la qualité du système. La prudence apparaît plus que jamais de mise au moment où les critères globaux de comparaison indiquent un niveau inférieur de financement de nos universités -j'entends par étudiant. Seule une analyse sophistiquée justifierait de pousser davantage l'effort de rationalisation. Ainsi que l'affirmait le Conseil des universités, le niveau actuel de financement des clientèles existantes ne pourrait justifier davantage de compressions.

Parlons maintenant des priorités de financement. Dans ce contexte, où l'État ne dispose pas de tous les revenus dont il prétend avoir besoin, se pose la question aiguë des priorités. Ainsi, face aux besoins du réseau universitaire, on voudra distinguer quatre priorités de financement: stabiliser le financement de l'infrastructure universitaire existante en mettant un terme aux compressions; on voudra financer à leur coût réel les nouvelles clientèles; on voudra maintenir le gel des frais de scolarité; on voudra dégager de nouveaux budgets pour favoriser une politique d'excellence. Suivant notre capacité de payer, nous serons conduits à sérier ou non ces priorités. Prenons toutefois garde à la tentation d'irresponsabilité qui consisterait à refuser d'analyser les choix pour reporter sur autrui les conséquences de notre propre incurie. Cette tentation de la facilité explique pourquoi nous trouvons toujours moyen, tout à la fois, de dénoncer les taxes qui sont contraires à l'économie, de dénoncer un déficit contraire à l'intérêt des générations montantes et, évidemment, de dénoncer des dépenses sans cesse insuffisantes dans quelque secteur que l'on considère.

Si l'arbitrage entre les secteurs relève du gouvernement et du Parlement tout entier, la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre ne peut abdiquer ses responsabilités face aux priorités que la situation d'ensemble peut nous conduire à établir. Les choix que nous aurons à faire devraient donc reposer sur une analyse lucide de cette réalité. Ainsi, le moratoire appliqué à l'augmentation des frais de scolarité nous oblige à réexaminer cette question d'égalité des chances face à l'université.

Ainsi, on voudra sûrement éviter de pénaliser les étudiants provenant des milieux moins favorisés et améliorer en conséquence le régime de prêts et bourses. D'autre part, on voudra approfondir l'étude du professeur Clément Lemelin pour le compte du Conseil des universités. Si, nous, dit-il, "les étudiants universitaires constituent déjà, par leur origine sociale, un groupe de jeunes privilégiés" et si les statistiques de chômage, confirmées d'ailleurs par le mémoire de la FAPUQ à cette commission ne mentent pas en révélant que le diplômé universitaire se tire mieux d'affaire lorsqu'il entre sur le marché du travail, alors, il pourrait y avoir lieu de s'interroger sur la pertinence des politiques actuelles de gel des frais de scolarité. Si l'insuffisance de ressources menace la qualité de notre système, y a-t-il lieu d'exiger davange d'impôts des classes moyennes pour favoriser une classe de citoyens plus en mesure de vouloir défrayer le coût de la qualité, conservant à l'esprit que l'avantage dont profitent les étudiants québécois par rapport à leurs voisins signifie un manque à gagner de quelque 95 000 000 $ pour les universités. Il faudra se rappeler que la contribution des étudiants au financement des universités a décru de 16,4% à 6,4% des dépenses en l'espace de dix ans.

En considérant le financement des

clientèles additionnelles et l'ouverture très grande de l'université, on voudra peut-être qualifier le concept d'accessibilité. Ainsi, l'existence de taux d'accès à temps partiel qui représente plus du double de ceux de nos voisins doit-il être maintenu quand l'accès à la formation de base s'avère inadéquat. À cet égard, l'enquête du Conseil des universités menée en 1981 et portant sur l'origine socio-économique de l'étudiant à temps partiel peut-elle nous aider à nous forger une idée? Tous les étudiants à temps partiel doivent-ils bénéficier de la même facilité d'accès ou, du moins, des mêmes frais de scolarité compte tenu de l'importance de la clientèle tirant profit sur le plan professionnel de ce perfectionnement continu? Enfin, on voudra se préoccuper de la venue massive de finissants de collèges sur le marché du travail et de la forte probabilité de leur inscription à l'université en nombre record.

On conviendra qu'il est peut-être plus facile de poser ces questions que d'y apporter une réponse. En fait, si nous disposons de toutes les ressources nécessaires, il n'y a pas d'urgence à établir de priorité. Tous ces objectifs apparaîtront louables en soi et à moins de les opposer à d'autres objectifs irréconciliables, on ne pourra que désirer les atteindre tous. C'est dans l'hypothèse d'une insuffisance de moyens que des choix délicats s'imposent à nous. La commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre doit pouvoir débattre de ces questions et faciliter ainsi la prise de décisions.

La difficulté de répondre à ces interrogations nous amènera davantage encore sur le nécessaire effort de rationalisation de l'action des universités. Dans la mesure où demeurent de nombreux exemples de dédoublement, où la concurrence parfois effrénée menace notre capacité à répondre aux véritables besoins, il faut insister auprès des universités pour que celles-ci développent l'essentielle coordination sans laquelle persistera l'inévitable sous-utilisation de nos ressources. À cet égard, on pourra se demander si l'État ne doit pas maintenir, par ses règles budgétaires, une certaine pression sur les universités de manière que transparaisse un véritable avantage à procéder à de telles remises en question. (11 h 30)

Parlons maintenant du cadre de financement. Un cadre de financement doit traduire sur le plan budgétaire les multiples choix politiques auxquels donne lieu l'exercice d'établissement des priorités. D'ailleurs, la proposition d'un tel cadre a fait l'objet de demandes maintes fois répétées à la fois des universités et du Conseil des universités. Le budget de 1984-1985 n'apportera cependant pas réponse à toutes les interrogations. Ainsi, des compressions de 22 000 000 $ serviront à financer l'ensemble des priorités de développement du gouvernement québécois ainsi qu'à compenser pour la croissance exponentielle des coûts de certains programmes, comme nous en avons discuté précédemment. De même, se poursuivront la politique de gel des frais de scolarité et le financement, par prélèvement sur l'ensemble des budgets universitaires, de certaines clientèles additionnelles.

Par contre, le gouvernement a retenu dans ses priorités de développement la création de nouvelles équipes de recherche dans les secteurs de pointe, ainsi que le financement des études avancées et celui des clientèles reliées au virage technologique, soit 90% des clientèles additionnelles observées dans les universités. Malgré cet effort, le Conseil des universités souligne une insuffisance de financement d'environ 11 500 000 $ à trois chapitres: autres clientèles additionnelles, renouvellement du corps professoral et location d'espaces, tout en réitérant ses commentaires précédents concernant l'incapacité du réseau à subir des compressions additionnelles.

Examinons d'abord les principales orientations de ce cadre de financement. Cette année, le ministère de l'Éducation a tenu à faire connaître clairement ses orientations en matière d'enseignement et de recherche universitaire et les règles budgétaires qu'il propose pour les soutenir. De l'avis même du conseil, le cadre proposé aujourd'hui répond en substance à ce qu'il avait lui-même recommandé en 1982. Ce cadre de financement propose d'abord à la communauté universitaire cinq grands objectifs qui devraient guider de manière prioritaire le financement des universités au cours des prochaines années. Je me permets de les rappeler ici, d'autant plus qu'ils recueillent un large consensus auprès du conseil et des universités dans leur ensemble.

Il s'agit donc, en priorité, de stimuler les études à temps complet et surtout les études des deuxième et troisième cycles; d'améliorer la productivité des programmes des cycles supérieurs; de promouvoir le développement de la recherche et de renforcer la place de cette mission à l'université; de consolider les activités de premier cycle et en particulier de rationaliser le développement des programmes courts et d'éliminer les dédoublements d'activités avec les autres ordres d'enseignement; de promouvoir, dans les secteurs porteurs d'avenir pour le développement économique et technologique du Québec, la formation de la main-d'oeuvre spécialisée, de chercheurs et de personnel scientifique et la création de centres d'excellence et d'équipes de recherche; d'assurer l'accès à la formation universitaire et de favoriser des développements sélectifs

de programmes d'enseignement et de recherche.

Certains ont pu voir dans cet énoncé un rejet des objectifs antérieurs, en particulier en ce qui concerne l'ouverture aux clientèles adultes et le développement de l'éducation permanente. Loin d'en rejeter la pertinence, le ministère estime que, sur ce point, les universités ont réalisé des performances remarquables, au point que le Québec est à l'avant-garde de la plupart des pays développés à cet égard. Par ailleurs, c'est au niveau des études à temps complet et des études avancées, de la diplomation aux cycles supérieurs et de la recherche que notre retard par rapport aux sociétés voisines est le plus important, avec les conséquences que ceci entraîne pour le développement futur de notre économie et de notre société. Dans un contexte de ressources limitées, c'est donc là que le gouvernement encourage les universités à faire porter leur effort.

Le recteur de l'Université de Montréal, M. Paul Lacoste, dans une lettre récente qu'il m'adressait en même temps qu'elle était publiée dans les journaux, accusait le gouvernement de "dirigisme" à cet égard. Le critique de l'Opposition en matière d'éducation répétait ces propos, ajoutant même que "les nouveaux principes énoncés par le gouvernement risquent de mettre en danger la liberté de recherche et d'enseignement". Il y a dans ces propos une exagération dont il faut regretter le caractère quelque peu démagogique. Je le fais avec d'autant plus d'aise que, dans son dernier avis sur le cadre de financement, le Conseil des universités reconnaît que "la nouvelle conception du financement s'exercera dans le respect de la nature décentralisée d'un système universitaire en assurant aux établissements une grande autonomie de gestion." C'est l'harmonie totale qui règne entre le ministère et le Conseil des universités.

Dans les faits, que propose le cadre de financement pour assurer un développement des universités qui tienne compte à la fois des caractéristiques intrinsèques des établissements et des besoins de la société? Il propose le maintien d'une enveloppe de base indexée pour chaque établissement selon des paramètres identiques à ceux qui sont appliqués aux autres réseaux scolaires. Il propose un financement du développement dissocié de la base historique et tenant davantage compte des coûts réels en matière de discipline et de cycles d'études. Ceci répond à la critique maintes fois répétée qu'un financement moyen favorisait la course aux clientèles peu coûteuses au détriment du développement des secteurs et des cycles plus coûteux, mais alors sous-financés. Il propose, finalement, le développement de règles favorisant aux universités la réalisation des objectifs jugés prioritaires pour les années futures, que nous allons maintenant examiner.

Ces règles sont de deux types. La première vise le financement au coût réel des clientèles des secteurs prioritaires, c'est-à-dire de ceux où le Québec accuse présentement un certain retard. Ainsi, le ministère de l'Éducation financera ces nouveaux étudiants à leur coût marginal réel, soit 70% du coût moyen, alors que les clientèles des autres secteurs seront financées à un taux de 50%.

Notons que ces secteurs couvrent l'éventail très large des sciences de l'administration, des sciences pures et appliquées pour tous les cycles, et des étudiants inscrits aux cycles supérieurs dans le secteur des sciences humaines et le droit. Ces choix reflètent, de plus, l'orientation naturelle de notre population étudiante puisque 90% de la croissance au cours des dernières années se situe dans ces secteurs. Non seulement le financement complet des clientèles additionnelles couvre-t-il la majeure partie des nouvelles clientèles, ce qui réduit d'autant le caractère directif de cette règle, mais, de plus, ces modalités de financement ne sont qu'indicatives en ce sens qu'une fois les sommes accordées l'université est libre de les redistribuer là où bon lui semble. Le ministère n'impose ici aucune restriction aux universités sur l'utilisation de ces sommes à l'intérieur de l'établissement et n'assortit cette allocation d'aucun contrôle, ni a priori ni a posteriori.

En 1984-1985, une somme de 36 000 000 $ servira au financement des clientèles additionnelles dont 22 400 000 $ proviendront d'argent frais. L'écart entre un financement à 50% et celui à 70%, qui caractérise, disons-le bien, ce côté directif du budget, représente tout au plus 8 000 000 $, soit environ 1% du budget, M. le Président.

Pour supporter, enfin, de façon plus particulière le développement des actions prioritaires, le ministère dispose de deux programmes spécifiques: le Fonds de développement pédagogique qui vise à assurer le développement des nouveaux programmes, tout en garantissant aux universités un pouvoir entier d'initiative en ce domaine. Le Conseil des universités a la responsabilité d'évaluer la qualité et la pertinence des nouveaux programmes. Nous avons également le programme d'actions structurantes créé en 1984 pour une période limitée dans le temps et qui vise, par un effort majeur et concerté, à combler l'écart que le Québec accuse en matière de développement de la recherche dans les secteurs liés au virage technologique. Ces secteurs, encore une fois, couvrent un large éventail de disciplines. Ces deux programmes représentent, en 1984-1985, 0,5% de l'enveloppe des subventions aux universités. En 1985-1986, ce montant ne

devrait pas dépasser 1%.

On a parlé, dans les milieux universitaires, de risque de survirage technologique. J'aimerais rassurer ici les interlocuteurs inquiets à ce chapitre. Tel que je l'ai maintes fois répété et affirmé, il s'agit là d'une priorité qui est bien définie dans le temps, à laquelle universités et entreprises sont conviées à participer afin de donner au Québec ce démarrage initial essentiel pour placer le Québec dans le peloton de tête des sociétés qui comptent assurer leur avenir collectif par la recherche scientifique et le développement technologique. Le caractère large des secteurs choisis, le caractère non contraignant de l'allocation des sommes allouées au financement des clientèles et l'effort ponctuel et limité du programme d'actions structurantes m'apparaissent fournir des garanties bien suffisantes au risque de "survirage technologique" - entre guillemets -dont on veut bien faire état dans certains milieux.

J'aimerais surtout signaler à ceux qui ont la critique facile quand il s'agit de taxer le budget universitaire de "dirigiste" que le budget sur lequel les universités ont la plus complète autonomie représente 98,5% du budget des universités. Quant au caractère directif du cadre de financement, il touche en 1984-1985 environ 1,5% du budget, M. le Président. On voudra admettre que le gouvernement n'a guère abusé de son pouvoir de directive.

Cet exemple ne peut pourtant clore le débat à lui seul, puisque le pouvoir de l'État n'a pas à porter uniquement sur l'orientation des clientèles universitaires. La seule règle budgétaire du financement des clientèles additionnelles par prélèvement budgétaire uniforme a, par exemple, forcé toutes les universités à accueillir de nouveaux étudiants alors que seules quelques universités supportaient l'effort d'accueil des clientèles supplémentaires entre 1978 et 1981. Voilà qui constitue un financement sélectif, lequel a conduit à une amélioration notable de la fréquentation universitaire par les francophones et les femmes, M. le Président - et non pas les jeunes - cela allait de soi. J'écris mal. Va-t-on s'en plaindre?

Certes, les universités argueront enfin que leur autonomie et surtout leur pouvoir d'initiative a été réduit du fait même de la diminution de leurs ressources globales. Il est inutile de nier que, dans un contexte de restrictions budgétaires, l'exercice du pouvoir d'initiative en matière de développement peut être plus difficile et plus délicat à exercer. On pourra m'en reparler. En cela, les universités ne sont pas différentes des autres établissements ou même du gouvernement. Toutefois, à constater le foisonnement de projets de développement de programmes - 45 nouveaux programmes susceptibles d'être soumis au fonds de développement pédagogique cette année -l'émergence de facultés et même d'établissements qui apparaissent présentement de toute part, il ne m'apparaît pas que ce soit là le principal problème qui menace les universités à brève échéance.

Parlons maintenant du niveau de l'enveloppe 1984-1985. Ainsi que je le soulignais dans mes remarques préliminaires, le budget universitaire de cette année n'apporte pas de réponse à toutes les interrogations. Ainsi, il continue d'exiger des universités une réduction de leurs coûts unitaires bien qu'il réduise de beaucoup le fardeau que constitue l'accueil de nouveaux étudiants. Ce budget continue de privilégier l'accessibilité par opposition à l'amélioration du financement par l'étudiant. Par contre, dans son avis, le Conseil des universités recommande d'injecter des sommes additionnelles de manière à prévenir une détérioration plus grande du financement des coûts unitaires.

Malheureusement, il ne m'apparaît pas possible de donner suite, dès cette année, à son avis portant sur le niveau de l'enveloppe. Tout d'abord, parce que les enveloppes budgétaires ont déjà fait depuis longtemps l'objet de répartition. Ensuite, parce que l'ajout de sommes nouvelles à l'enseignement universitaire implique soit une hausse des taxes ou du déficit; soit une réduction additionnelle des dépenses dans un autre secteur d'activité; bref, il s'agit d'une recommandation dont les conséquences politiques échappent à l'analyse du conseil. Une telle décision ne peut relever du Conseil des universités, ni même du ministère de l'Éducation. C'est au Conseil des ministres qu'il appartient de faire les choix cruciaux qui s'imposent entre les programmes d'emploi pour les jeunes, le développement des entreprises, le développement des soins aux personnes âgées ou le financement plus généreux des universités.

Cela ne veut pas dire, bien entendu, que les avis ne serviront pas à éclairer le gouvernement lors de la préparation du prochain budget. Leur impact sera d'autant plus grand qu'ils sont bien documentés et reflètent une bonne connaissance des universités et de leur fonctionnement. Je vous avoue que ce sont des avis que je lis moi-même avec beaucoup d'attention et beaucoup de plaisir, M. le Président, à cause de leur rigueur.

Les diagnostics posés par le Conseil des universités et par le ministère sur la situation financière des universités coïncident grandement. Les ressources allouées aux universités du Québec ont présentement atteint un niveau par étudiant parmi les plus bas au Canada et une diminution encore plus grande des coûts unitaires pourrait mettre en péril la qualité des activités et l'amélioration

des performances qu'il nous reste encore à réaliser.

Aussi, attendrons-nous de la part du Conseil des universités des avis portant autant sur l'utilisation des sommes additionnelles que pourrait approuver le gouvernement à l'intention des universités que sur les remises en question de politiques existantes advenant une insuffisance de ressources. Je soulignerais, d'ailleurs, ce dernier aspect de la phrase, M. le Président.

Il est cependant un aspect du cadre de financement qui a suscité plus de débats et de controverses et sur lequel nous devons nous ranger à l'avis du Conseil des universités. Il s'agit de l'étude des bases de financement des établissements. Rappelons d'abord qu'une telle étude cherchait à répondre aux demandes maintes fois répétées de la commission Angers, du Conseil des universités et des universités elles-mêmes concernant une révision de la formule historique de financement. (11 h 45)

L'étude effectuée par le ministère vise essentiellement, à partir de paramètres communs reflétant de la façon la plus adéquate possible les coûts réels assumés par les universités dans leurs différentes fonctions - c'est presque du Proust. Bon! Là, vraiment, je vais le lire - à fixer une base de dépenses normalisées à partir de laquelle sera comparé le niveau de ressources dont jouit effectivement chaque établissement. Mon directeur de thèse n'aurait pas apprécié.

Une voix: C'est vous, l'auteur!

M. Bérubé: J'ai gardé ce vilain défaut, effectivement, et mon directeur de thèse, un Américain, ne me permettait jamais d'avoir plus de dix mots dans une phrase, ce qui a modifié beaucoup ma façon d'écrire, mais je vois que le naturel revient au galop de temps en temps.

Le Président (M. Charbonneau): C'est ce que les rédacteurs en chef des journaux disent aussi à leurs journalistes, M. le ministre.

M. Bérubé: Enfin, disons que la phrase est longue. J'espère qu'elle est claire.

La publication des résultats d'une telle étude ne pouvait manquer de susciter des débats animés et de nombreuses critiques au sein de la communauté universitaire. C'est normal et ne m'inquiète pas outre mesure. Il était important qu'une telle étude se fasse et elle doit continuellement être revue et améliorée à la suite du débat qu'elle suscite chez des intervenants. Cette étude, faut-il le rappeler, est une étude descriptive et non une étude normative. C'est ainsi qu'elle mesure ce que les universités dépensent réellement dans un secteur et non ce qu'elles devraient dépenser. Elle reproduit l'ensemble des choix effectués par les universités elles-mêmes. Elle prédit ce que l'université devrait dépenser, toutes les conditions étant identiques d'une université à l'autre. Ce faisant, même en tenant compte de certains cas particuliers, elle n'embrasse pas l'ensemble des situations diversifiées et des résultantes historiques propres à chaque établissement.

Les critiques énoncées jusqu'ici portent principalement sur la fiabilité de la base de données utilisées, le choix et la mesure des paramètres et l'utilisation proposée des résultats dans la modulation de l'effort de compression.

Concernant la base de données, nous reconnaissons que l'étude est perfectible. Elle sera d'ailleurs d'autant plus près de la vérité que les universités transmettront au ministère des données fiables et comparables sur des objets identiques. Concernant le choix et la mesure des paramètres, les critiques sont précises et nombreuses. Les solutions proposées empruntent toutefois des avenues diamétralement opposées, chacun ayant naturellement tendance à privilégier des solutions qui désavantagent le moins possible l'établissement dont il a la charge.

Nous reconnaissons qu'il y a place à amélioration dans ce domaine et que la recherche d'un plus grand consensus est désirable. Le ministère s'y emploiera au cours de la prochaine année. C'est pourquoi, étant donné les circonstances et la nécessité que le débat se poursuive davantage autour de cette question, j'ai décidé de donner suite à la recommandation du Conseil des universités de ne pas procéder à l'ajustement des bases de financement des universités dans les règles budgétaires de l'année 1984-1985.

M. le Président, la présente analyse nous aura permis d'apprécier l'effort bien réel consacré par les universités pour réduire les coûts unitaires trop élevés, tout en améliorant leur performance en termes d'accessibilité et de succès dans les études. Demeurent certaines ombres au chapitre du taux de succès observé au niveau des études avancées, de l'insuffisance de la recherche et à celui du dédoublement et de la multiplication des programmes au détriment d'un objectif d'excellence, sans parler d'une certaine faiblesse observée au niveau des études de premier cycle effectuées à temps complet.

La diminution très rapide du coût des études par étudiant laisse croire que, désormais, la seule amélioration de la performance académique ne saurait suffire pour corriger ces faiblesses résiduelles. Le temps est venu de se demander si nous pourrons continuer à poursuivre à la fois des objectifs de rationalisation budgétaire, d'accessibilité et de gratuité. La réponse à

cette question dépendra, bien sûr, de la croissance économique et des moyens dont nous disposerons. Une croissance insuffisante nous forcerait à des choix difficiles.

En tant que membres de la commission parlementaire de l'éducation, il vous est impossible de proposer au gouvernement des choix budgétaires qui impliqueraient une remise en question des équilibres financiers du gouvernement, lesquels relèvent de la commission des finances - il sera intéressant, d'ailleurs, d'entendre les critiques de l'Opposition en ce qui a trait à l'équilibre global - ou encore une remise en question des compressions affectant d'autres missions, lesquelles sont soumises à l'examen d'autres commissions. Il serait, par contre, important que vous examiniez les enjeux et les conséquences de l'adoption de l'un ou l'autre des choix qui s'offrent à nous et que vous fassiez au ministère de l'Éducation des recommandations à cet effet. À moins que la commission ne se prononce sur les priorités d'actions relevant spécifiquement de son mandat, il lui serait bien futile de prétendre se prononcer sur les équilibres budgétaires reposant sur des considérations combien plus larges et plus difficiles à arbitrer.

Je terminerai en rappelant que notre société devait faire le choix, il y a vingt ans, de miser sur une éducation de masse, appuyé sur un effort sans précédent qui fait que, selon les derniers chiffres de l'OCDE, le Québec consacrait 8,1% de son PIB à l'éducation, plus que le Canada en moyenne à 6,2% ou que son plus proche concurrent, la Belgique, à 7,6%. Une population plus jeune, une richesse inférieure expliquent cet effort exceptionnel. Nous devons apprécier cette largeur de vue de la génération précédente. Nos pères et mères auront voulu que nous puissions démarrer dans la vie mieux armés pour affronter la concurrence. Aujourd'hui, nous devons rendre des comptes. Le résultat n'est pas mauvais, loin de là, mais il faut faire mieux. L'acceptation du défi de la connaissance et de l'honnêteté intellectuelle peut nous aider à progresser. Les travaux de cette commission devraient se dérouler à cette enseigne, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, étant donné que le ministre nous a présenté un exposé abondant dont nous n'avons pas eu l'occasion de prendre connaissance auparavant, il serait peut-être bon que nous consentions à une suspension de cinq à dix minutes pour que, de part et d'autre, on ait le temps d'échanger quelques réactions et de préparer des questions à l'intention du ministre.

Le Président (M. Charbonneau):

Écoutez, il est presque 11 h 50. Je vous propose de suspendre nos travaux jusqu'à midi et de les reprendre de midi jusqu'à 13 heures. Par la suite, on verra pour l'après-midi. Cela va. Nous suspendons pour dix minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 52)

(Reprise de la séance à 12 h 3)

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que M. le ministre pourrait reprendre sa place, s'il vous plaît?

Discussion générale

M. le ministre, nous allons reprendre. Étant donné que, d'une façon non équivoque et, à au moins deux occasions dans votre présentation, vous avez interpellé les membres de la commission et que, d'une certaine façon, sans nous avoir complètement renvoyé la balle, vous nous avez mis devant ce que vous avez qualifié de nos responsabilités - vous avez, notamment, insisté sur cette question à la fin de votre intervention - à titre de président de la commission, je voudrais bien être capable de prendre mes responsabilités, mais encore faudrait-il que j'aie un certain nombre d'informations préliminaires.

La première chose que j'aimerais bien connaître: il semble important, tant pour les choix qui seront faits de la part du gouvernement que pour les propositions qui seront faites par les membres de la commission, que nous puissions entrevoir quels seront les moyens financiers prévisibles dont, comme société ou comme État, nous pourrons disposer au cours des années qui viennent. Il semble bien, si je vous ai bien compris, qu'en ce qui concerne l'année financière en cours, 1984-1985, il ne soit pas possible d'injecter des fonds additionnels et qu'il n'y ait donc pas de ressources additionnelles qui pourraient être affectées aux dépenses universitaires. Est-ce que ce qui peut être prévisible à court terme, ou à moyen terme, va nous obliger à un même genre d'exercice pour les années à venir? En d'autres termes, est-ce qu'actuellement, compte tenu de la situation économique et financière du Québec et de l'État québécois, on peut penser que, pour les années financières à venir dans l'immédiat, celles qui sont concernées à la fois par le mandat de la commission et par le cadre de financement que vous avez déposé, on va se retrouver un peu devant le même genre de situation où il ne sera pas possible d'augmenter considérablement ou d'une façon substantielle l'enveloppe budgétaire? En d'autres termes, est-ce qu'on devra se rabattre sur les choix ou les priorités dont vous nous avez parlé? C'est ma première question.

M. Bérubé: Loin de moi ce calice, M. le Président, que vous semblez suggérer.

Le Président (M. Charbonneau): II faut d'abord savoir de quel calice on parle.

M. Bérubé: M. le Président, d'abord, il est bien difficile de prédire quelles seront les croissances économiques que nous connaîtrons dans les années à venir. Avant le premier choc pétrolier, c'est-à-dire des années cinquante à 1974 ou 1975, nous avons connu au Québec des croissances, en termes réels, qui avoisinaient 6%. On a même vu des taux de croissance annuels de l'ordre de 9% à 10%, ce qui est absolument incroyable, puisque dire que notre richesse s'accroît de 10% en une seule année, cela suppose une augmentation de productivité phénoménale. Le premier choc pétrolier a produit une ponction sur nos économies en drainant une part beaucoup plus importante de notre richesse vers les pays producteurs de pétrole; 1979 a vu un autre choc pétrolier que l'on a cherché à corriger par une politique de restriction des taux d'intérêt de manière à prévenir les flambées inflationnistes que l'on avait observées précédemment. On a fort bien réussi et on a tué le patient puisqu'on s'est retrouvé avec un million de chômeurs en Amérique du Nord.

Certes, ce que nous connaîtrons dans l'avenir ne sera pas aussi dramatique que ce que nous venons de vivre. Toutefois, on n'a qu'à regarder la croissance que nous venons d'observer. Généralement, une reprise, après une aussi dure crise, est souvent spectaculaire. Nous avons connu un taux de croissance de l'ordre d'un peu plus de 4%. Les organismes de prévisions économiques en général vont vous parler de prévisions qui varient entre 2% et 4%. Nous retrouvons donc des niveaux de croissance qui ressemblent à ce que nous connaissons depuis 1975, donc, un rythme de croissance plus lent. Ceci ne semble pas caractériser le Québec en particulier, mais bien l'ensemble des économies occidentales.

Donc, nous ne connaîtrons pas de croissance - prévisible en tout cas - très spectaculaire. Reconnaissons aussi que tous les gouvernements occidentaux sont aux prises avec des déficits considérables qui sont la cause de nos problèmes, aussi bizarre que cela soit. En général, lorsqu'on a insuffisamment de ressources pour financer des dépenses, on pousse sur le déficit avec, comme conséquence, que le service de la dette s'accroît et, l'année suivante, on se retrouve avec encore moins de disponibilités pour faire face aux dépenses courantes à cause de la pression qu'exerce le service de la dette. Or, nous avons un service de la dette au Québec qui est en croissance parce que le niveau actuel des déficits est supérieur au niveau historique passé, si on veut, de nos déficits avec, comme conséquence, que le service de la dette prend une part grandissante dans nos finances publiques. C'est cette croissance du service de la dette qui fait en sorte que nous n'avons pas, sur le plan budgétaire, les ressources nécessaires pour faire face à toutes les demandes de financement. C'est la principale raison.

La deuxième raison est associée au coût des mesures sociales, de l'aide sociale où on a observé des croissances absolument extraordinaires de clientèles. Nous avons observé, par exemple, des croissances de clientèles qui ont atteint jusqu'à 25% en une année pour les aptes au travail - on a une année à 26% et une année à 24%, je crois -deux années de suite. Il n'y a pas eu de résorption parce que cette année la croissance des clientèles aptes au travail continue. Évidemment, elle croît moins vite, de l'ordre de 1% ou 1,5%, mais il n'y a pas de réduction de ces clientèles. En d'autres termes, lorsqu'on entre à l'aide sociale, on y reste.

La combinaison de ces deux facteurs fait en sorte qu'il reste moins de ressources pour faire face aux autres missions de l'État. Il n'y a pas beaucoup de solutions pour s'en sortir. Il y a une augmentation des impôts de façon dramatique, ce qui se traduit par un ralentissement économique, ou il y a des compressions budgétaires, ce que tous les intervenants vont déplorer.

Donc, ce n'est pas seulement un problème de croissance économique; c'est un problème structurel relié à la configuration des dépenses publiques où le service de la dette représente un pourcentage trop important de nos dépenses et croissant.

Pour les années qui viennent, je pense qu'on pourra laisser le ministre des Finances nous parler des prévisions budgétaires, mais il faudra garder à l'esprit que nous aurions dû normalement nous imposer beaucoup plus de compressions budgétaires que nous n'avons eu à le faire à la suite de la réduction des paiements de péréquation, les transferts fédéraux. En effet, on sait que la population du Québec habite à loyer en proportion plus importante que la population canadienne avec comme conséquence que les recensements ont tendance à sous-dénombrer la population puisqu'en général les locataires sont moins présents chez eux lorsque passe le recenseur. Statistique Canada connaît bien ce phénomène puisqu'ils font des études très systématiques et précises de sous-dénombrement. Toutefois, le ministère fédéral des Finances n'avait jamais voulu utiliser cette correction de Statistique Canada pour ajuster les paiements de transfert au Québec en tenant compte de sa population réelle qui est plus importante que ce qui était prévu dans les chiffres du ministère fédéral des Finances.

On sait, cependant, que nous avons eu gain de cause et que, pendant deux années, nous avons obtenu des paiements rétroactifs, ponctuels, non renouvelables, non récurrents, qui nous ont évidemment permis durant la crise de devoir comprimer encore moins les dépenses que nécessaire. Toutefois, la situation sera bien tout autre l'an prochain. À ce moment-là, je pense, pour presque le quart des revenus du gouvernement du Québec, on observera une diminution réelle de près de 11%, c'est-à-dire une diminution en dollars courants, en termes réels, sans doute supérieure, peut-être de l'ordre de 14% ou 15%.

Donc, on ne peut pas prévoir l'année prochaine de marge de manoeuvre très significative et on ne peut pas, non plus, anticiper, pour l'instant en tout cas, des croissances économiques de l'ordre de 6%, 7% et 8% comme nous en avons connu avant 1975. Finalement, nous restons aux prises avec un problème structurel de service de la dette qui va croissant et qui tend à comprimer les autres dépenses. Ces trois paramètres devraient nous dire qu'à court terme on ne verra pas d'amélioration significative des situations budgétaires des différents États occidentaux et ceci inclut le Québec.

Le Président (M. Charbonneau): Cela veut dire, d'une certaine façon, qu'on ne peut pas anticiper, à moins que des arguments suffisamment percutants ne vous soient présentés, un changement dans le pourcentage des dépenses ou des fonds publics alloués aux universités par rapport aux autres dépenses publiques. Faisant cette hypothèse, cela élimine un certain nombre des priorités que vous avez indiquées dans votre texte à la page 20. Compte tenu de cette réalité, d'une part, et, d'autre part, de l'affirmation que vous faites en disant que les ressources allouées aux universités du Québec ont présentement atteint un niveau par étudiant parmi les plus bas au Canada et qu'une diminution encore plus grande des coûts unitaires pourrait mettre en péril la qualité des activités et l'amélioration des performances qu'il nous reste encore à réaliser, cela nous amène à quels choix?

M. Bérubé: M. le Président, votre première question portait sur l'équilibre général des finances publiques dans les années qui viennent et tel a été le sens de ma réponse. Toutefois, ma réponse n'a absolument pas porté sur les choix que pourrait faire le gouvernement de toute marge de manoeuvre dont il disposera, car mon argument est allé dans le sens d'une faible marge de manoeuvre. Le gouvernement, cependant, comme vous le savez, depuis plusieurs années maintenant, pratique une politique de réallocation budgétaire qui consiste à réévaluer constamment ses priorités, à réduire ses dépenses dans les secteurs moins prioritaires et à déplacer des sommes vers des secteurs jugés plus prioritaires. (12 h 15)

Cet exercice auquel nous procédons à chaque préparation de budget est un exercice extrêmement délicat, je dirais même douloureux, mais auquel nous devons procéder si nous voulons que notre société continue à faire face aux besoins les plus pressants. Par conséquent, on ne peut pas tirer de conclusions quant aux décisions que pourrait recommander le Conseil des ministres à l'Assemblée nationale. Je dois, d'ailleurs, souligner que, comme membres de l'Assemblée nationale, nous avons tous voté le budget gouvernemental et les crédits des différents ministères et, en particulier, des dépenses à l'intention des universités ont été votées par le Parlement en 1984-1985.

Tantôt, vous me posiez la question: Est-ce qu'on peut s'attendre à des crédits additionnels? Je pense que, comme parlementaires, nous n'avons de crédits que ceux que vous avez votés. Il faudrait revenir au Parlement, à moins de procéder autrement par le biais d'allocations hors période de session. Mais il demeure que l'enveloppe du fonds de suppléance qui permet de faire face à des situations d'urgence est une enveloppe très petite pour l'ensemble des budgets gouvernementaux.

Donc, lorsqu'on parle de 1984-1985, on parle d'une décision qui a été prise par l'Assemblée nationale concernant les crédits alloués à chaque poste. Concernant les crédits qui seraient votés l'année prochaine par le Parlement et qui feront l'objet d'une recommandation du Conseil des ministres et du dépôt de projets de loi, évidemment cela fera partie de l'exercice d'établissement des priorités. Ce que j'ai, cependant, tenu à souligner, c'est que ce qui va à une place ne va pas ailleurs. En d'autres termes, c'est un processus d'allocation, de sélection de priorités et, alors qu'on s'attend à ce que le gouvernement établisse des priorités entre les différents ministères, il serait intéressant que la commission parlementaire puisse établir des priorités à l'intérieur de l'éducation. Il est toujours plus intéressant d'établir les priorités par rapport aux autres que l'on ne connaît pas. J'ai toujours fourni cet argument auquel je n'ai jamais eu de réponse. Quand on ne connaît pas la situation dans les hôpitaux, on trouve toujours que notre situation est dramatique. Cependant, quand on vit dans un hôpital, c'est l'inverse. Le problème là-dedans, ce sont des arbitrages très délicats entre les différents services publics que nous offrons à notre population. Or, il m'apparaît évident que, si on prétend que le gouvernement doit établir des priorités justement parce que les

ressources sont limitées, combien plus une commission parlementaire doit-elle établir des priorités à l'intérieur même de son champ de juridiction qui est le secteur de l'éducation.

Le Président (M. Charbonneau):

D'accord. Mais si on tient pour acquis l'hypothèse qu'il n'y ait pas de dégagement de nouveaux budgets, dans la mesure où vous nous renvoyez vous-même à nos responsabilités et que vous indiquez un certain nombre de priorités à partir desquelles nous devrons aussi éventuellement nous prononcer, il est évident que, par exemple, si on veut discuter du maintien du gel des frais de scolarité ou du financement à leur coût réel des nouvelles clientèles, on doit partir d'une hypothèse qui peut-être ferait en sorte qu'on ne dégagerait pas des sommes très substantielles. Auquel cas on en arrive finalement, entre autres, è deux choix si j'ai bien compris votre présentation: ou on maintient le gel des frais de scolarité et on continue d'imposer d'une certaine façon aux universités la possibilité d'ajouter des nouvelles clientèles, mais en les finançant elles-mêmes ou, encore, est-ce qu'on va continuer d'obliger les universités à financer les clientèles nouvelles autrement?

M. Bérubé: Non.

Le Président (M. Charbonneau): Ou encore est-ce qu'on va aborder le problème -je pense qu'on le sait très bien - délicat des frais de scolarité et du maintien des frais de scolarité au niveau où ils sont actuellement?

M. Bérubé: Non. Je pense que vous limitez le débat, malheureusement, à deux seuls aspects de mon exposé. Il faut étendre le débat. Par exemple, on soulignera que nous avons limité l'accès à la propriété par les universités et on retrouve aujourd'hui un manque d'espace, particulièrement un recours à de la location de façon très importante. Voilà un type de compression budgétaire que l'on peut discuter, que l'on peut vouloir échanger pour autre chose.

Alors, le travail de la commission parlementaire, si je comprends bien, c'est d'entendre tous les intervenants pour essayer d'identifier ce qui apparaît plus important, un peu moins important, encore moins important et d'établir une liste décroissante de priorités où la commission parlementaire estime que l'effort doit porter. C'est après avoir écouté les intervenants que vous pouvez porter un jugement. Il ne faudrait pas limiter vos choix à deux seulement parce qu'à ce moment vous vous retrouveriez dans une espèce...

Le Président (M. Charbonneau): Mon intervention, M. le ministre, ne visait pas à limiter les choix, mais à faire en sorte que, dans les quatre priorités dont vous avez parlé, soit stabiliser le financement de l'infrastructure universitaire existante en mettant un terme aux compressions, financer à leur coût réel les nouvelles clientèles, maintenir le gel des frais de scolarité ou dégager de nouveaux budgets pour favoriser une politique d'excellence, dans la mesure où certaines de ces avenues seraient bloquées... Je ne dis pas que cela va être le cas; vous avez vous-même indiqué que la décision gouvernementale pour les années à venir, au niveau de l'enveloppe, n'était pas prise, mais c'est évident que si nous, éventuellement, devons envisager ou évaluer d'autres possibilités que celles-là, on doit aussi se demander quelle serait, par exemple, la conséquence pour les universités. Est-ce qu'on devrait continuer de les obliger, d'une certaine façon, à financer elles-mêmes, à partir de leurs budgets, des enveloppes qui leur sont données, les clientèles nouvelles, ou si on ne sera plus capable de faire cela?

M. Bérubé: Je pense que vous posez maintenant la bonne question, à laquelle je n'ai pas de réponse, mais à laquelle je peux essayer de répondre. Par exemple, on pourrait choisir dans les priorités que la quatrième est essentielle: développer des équipes de recherche dans nos universités. On pourrait décider qu'on doit faire cela rapidement, développer l'excellence et que, pour ce faire, on doit l'autofinancer en obligeant les universités à faire de la rationalisation, en comprimant les budgets. À ce moment, en sériant le quatrième objectif comme étant l'objectif prioritaire et en sériant le deuxième comme étant le deuxième objectif, on vient d'indiquer au gouvernement, s'il n'a pas les ressources, comment il doit procéder. Alors, l'exercice que vous devez faire ne doit pas tenir compte du niveau de ressources disponibles. C'est un exercice qui doit être fait en l'absence même de l'évocation des ressources qui seront disponibles, car, dès que l'on commence à évoquer des ressources, automatiquement les gens décident qu'il n'y a plus de priorités à avoir dans aucun système. Cela s'appelle la fuite en avant.

Le Président (M. Charbonneau): C'est peut-être un peu pour cela que j'ai exclu l'hypothèse qu'il y aurait des nouvelles ressources. J'ai essayé de voir avec vous les possibilités qu'il y en ait de nouvelles au cours des prochaines années.

M. Bérubé: On ne peut pas répondre à votre question. On peut dire que, globalement, les budgets de tous les États occidentaux bénéficieront d'une faible marge de manoeuvre. Il y aura une marge de manoeuvre parce qu'il y a croissance

économique, mais elle sera faible.

Deuxièmement, on peut présumer que le gouvernement doit procéder, lui aussi, à l'exercice, c'est-à-dire vérifier quelles sont ses activités jugées moins prioritaires et injecter les ressources qu'il dégage pour des activités plus prioritaires. Le gouvernement doit aussi s'imposer cet exercice, impliquant cette fois l'ensemble des émissions gouvernementales.

L'exercice que le ministère de l'Éducation, lui, doit s'imposer, c'est à l'intérieur de son budget de l'éducation, comment établit-il, par exemple, les enveloppes pour le primaire-secondaire, le collégial, l'éducation permanente, l'université? Voilà des choix budgétaires. L'importance relative de ces diverses missions relève du ministère de l'Éducation. À l'intérieur d'un budget comme celui des universités dont nous discutons aujourd'hui, nous devons également nous interroger sur l'importance relative des différents gestes que nous pourrions être amenés à poser. Nous devons, à ce moment-là, chercher à les sérier.

Certes, si l'année prochaine, on devait m'annoncer qu'il y a 100 000 000 $ de plus pour les universités, je présume que cet exercice serait un peu futile, puisque, chaque fois qu'un gouvernement a eu amplement de ressources nécessaires, il a pris bien soin de ne pas établir de priorités. C'est ce qu'on a connu à l'époque, par exemple, du gouvernement précédent. En effet, ce n'est pas nécessaire d'établir de priorités, puisqu'on a simplement à dépenser des ressources continuelles. Alors, on choisit entre de nouvelles dépenses que, de toute façon, on n'encourait pas antérieurement. C'est un peu une souque-à-la-corde pour décider qui aura la plus grosse part du gâteau. Mais lorsque nous entrons dans une période, sur le plan économique, qui nous oblige continuellement à des réévaluations pour dégager des ressources nécessaires, à ce moment-là, il faut absolument procéder à une analyse des choix qui s'offrent à nous.

Je vais prendre seulement un exemple. Quelqu'un dans la salle me disait tantôt qu'il présidait un CRSSS et qu'il était un peu coincé parce qu'il voyait la situation des deux côtés. Prenons un foyer pour personnes âgées où, graduellement, la clientèle s'est alourdie, où il n'y a plus de cas légers A-1, A-2, autonomes, et où ce sont tous des A-3, A-4 cloués au lit. Imaginez que, dans ce foyer - ce n'est pas un foyer hypothétique -vous deviez lever des personnes âgées à 4 heures du matin pour leur donner leur bain, pour procéder à leur toilette de manière à ce qu'à 8 h 30 elles puissent déjeuner. Vous allez me dire: C'est un peu long, les lever à 4 heures pour les faire déjeuner à 8 h 30. Oui, mais compte tenu du personnel présent dans un foyer pour personnes âgées, la seule façon de faire le tour de tous les patients, c'est de les lever à 4 heures, de leur faire leur toilette et de leur dire: Recouchez-vous jusqu'à 8 h 30. Quand vous êtes aux prises avec un problème de ce type et que vous avez un problème d'université, vous êtes obligé de sérier.

Cet exercice, aucune société n'aime le faire. Chaque groupe d'individus dans son corporatisme naturel va chercher à défendre ses intérêts. Il faut être capable d'avoir la lucidité pour examiner soigneusement là où nous sommes et essayer d'établir l'importance relative des gestes que nous devons poser. Ce n'est qu'à cette seule condition qu'une société mérite son autonomie. Une société incapable de faire de telles évaluations est une société qui, naturellement, s'en va vers la dépendance.

Le Président (M. Charbonneau): J'aurais d'autres questions, M. le ministre, mais je vais m'imposer à moi-même la règle que j'ai demandé à mes autres collègues de suivre. Je cède la parole au député d'Argenteuil. Peut-être que j'y reviendrai tantôt.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais, tout d'abord, remercier le ministre de l'exposé qu'il a présenté ce matin, un exposé très substantiel qui fait le tour des principaux problèmes que nous voulons examiner à la commission. C'est une entrée en matière qui est excellente, qui pose beaucoup de problèmes, évidemment, sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir au cours des jours qui vont venir.

Pour l'instant, je voudrais faire quelques observations liminaires avant de poser des questions au ministre. Il est bien important, pour commencer, qu'on s'entende sur la dimension exacte de l'effort que le Québec consacre aux universités. Il y a des passages dans l'exposé du ministre, en première partie, qui traitent de cette question. J'ai déjà signalé au ministre - je dois le faire de nouveau ce matin l'extrême prudence avec laquelle nous devons procéder dans ces comparaisons, en particulier avec l'Ontario et le reste du pays.

Au cours des audiences de la commission, nous serons saisis des résultats des travaux qui ont été faits par d'autres instances que le gouvernement à ce sujet, qui nous inviteront aussi à beaucoup de discernement. Avant de prendre pour de l'argent comptant ce qui nous a été dit ce matin, il serait bon de faire une couple de rappels opportuns. Dans le cadre de financement 1984-1985, à la page 11, on présentait des données sur l'effort du Québec comparé à celui de l'Ontario, laissant entendre qu'au cours de sept années, de 1974 à 1981-1982, l'effort du Québec par rapport au PIB aura augmenté de 25,78%, alors que

celui de l'Ontario aurait connu un recul de 14,75%. Le Conseil des universités dont le ministre s'est réclamé tantôt quand cela faisait son affaire - j'étais bien content de l'entendre prendre les passages de certains avis du Conseil des universités qui étaient favorables au gouvernement, mais il a soigneusement fait le silence sur d'autres -dans l'avis qu'il remettait au gouvernement sur le cadre de financement pour l'année 1984-1985, présente des données aux pages 12, 13, 15, 17, etc., dont je voudrais simplement extraire un exemple. Il nous dit: Les subventions du gouvernement aux universités ont évolué au cours des six dernières années de la manière suivante: en 1978-1979, elles représentaient 1,10% du produit intérieur brut du Québec; 1,07% en 1979-1980; 1,07% en 1980-1981; 1,00% en 1981-1982; 1,00% en 1982-1983; 0,94% en 1983-1984 et 0,89% en 1984-1985. Quand on compare l'importance des subventions accordées aux universités dans l'ensemble des dépenses gouvernementales, on observe le même phénomène de décroissance, c'est-à-dire qu'on est passé d'un pourcentage de 4,60% en 1978-1979 à un pourcentage de 3,40% pour la présente année. (12 h 30)

Je pense qu'il y a là-dessus un bref passage à la fin de la présentation du ministre au bas de la page 31, auquel a fait allusion le président de la commission, qui reconnaît ce fait. Après avoir parlé pendant plusieurs pages comme si le Québec avait fait un effort maximal par rapport à d'autres, le ministre nous dit tout à coup -cela vient comme une surprise - Nos dépenses sont parmi les plus basses de tout le Canada.

Il y a des chiffres que le Conseil des universités donne à la page 12 sur l'évolution des subventions per capita. Il faut bien en venir à cela à un moment donné, per capita, parce qu'autrement on peut faire toutes sortes de raisonnements qui sont déconnectés de la réalité. Per capita, on est passé d'un indice de 100 en 1978-1979 à un indice de 69 en 1984-1985. Cela veut dire qu'en dollars constants la subvention per capita accordée aux universités du Québec était de 100 $ en 1978-1979 et de 69 $ en 1984-1985. Je ne sais pas si le ministre accepte ces chiffres du Conseil des universités ou s'il les refuse et si l'organisme qui est chargé de le conseiller officiellement a le même avis sur le cadre de financement de 1984-1985.

M. Bérubé: Je sais que ce n'est pas poli d'interrompre le porte-parole de l'Opposition. Toutefois, le député d'Argenteuil pose une série de questions référant à un paquet de tableaux. Je ne voudrais pas être accusé de ne pas avoir répondu à tel ou tel aspect. Il vient sur un mode interrogatif de poser une question. Est-ce possible que vous me donniez le temps, chaque fois qu'il y a un point précis, de répondre de telle sorte qu'on pourra régler...

M. Ryan: Regardez, j'aimerais mieux que le ministre ne réponde pas immédiatement. Il peut m'interrompre, cela m'est agréable.

M. Bérubé: Quoi...

M. Ryan: Je veux simplement...

M. Bérubé: Si je comprends bien, M. le Président, ce qui est important, c'est la question, ce ne sont pas les réponses.

M. Ryan: Non. J'ai remarqué que, pour une fois, le ministre voulait se donner un délai de réflexion avant d'avancer des chiffres. J'en suis tellement heureux que je ne puis qu'accéder à son désir. Si on a plus de temps, cet après-midi ou ce soir au besoin, il n'y a aucun problème de ce côté. C'est une question que j'aimerais vider en toute honnêteté et si on peut, une bonne fois, s'entendre, je pense qu'il y a moyen de s'entendre. Cela demanderait des explications, on les aura, je ne veux pas entrer dans les technicités actuellement, je sais qu'il y en a beaucoup. Je pose le problème, parce que nous sommes en face d'un document qui émane de l'organisme chargé par la loi de conseiller le gouvernement. Il me semble que c'est normal qu'on essaie de clarifier les choses, si on est en face de données différentes en provenance du ministre et en provenance du Conseil des universités.

De même, en ce qui touche l'effort comparatif du Québec et de l'Ontario, je trouve dans l'avis du conseil sur le cadre de financement 1984-1985, à la page 8, l'opinion suivante: "L'an dernier, l'avis du Conseil des universités sur le niveau de financement -évidemment, pour l'année 1983-1984 - avait clairement démontré que les coupures budgétaires imposées aux universités étaient plus sévères au Québec qu'en Ontario et dans les autres provinces canadiennes. Or, je continue toujours la citation - cette détérioration relative du financement des universités québécoises par rapport à la province voisine ne pourra faire autrement que s'accentuer encore en 1984-1985." Je répète ceci pour que ce soit bien clair: "ne pourra faire autrement que s'accentuer encore en 1984-1985." Est-ce là, demande le Conseil des universités, une situation compatible avec la volonté du gouvernement du Québec de situer les universités au centre de ses priorités, de les faire agir comme élément contributif primordial aux nouveaux développements économiques, technologiques et culturels sur lesquels repose l'avenir de la société québécoise?

Sur ce point, je voudrais simplement réitérer ce que j'ai dit au tout début: Si nous pouvions nous entendre sur une appréciation réelle. Il me semble que, si les chiffres disent: Cela a baissé de 31% depuis six ans, on est capables de s'entendre sur cela. Si par rapport à l'Ontario une fois qu'on a fait la part de la définition des clientèles, on peut s'entendre clairement, je pense qu'on aura déblayé une grosse partie du terrain et, pour l'avenir du débat, c'est extrêmement important.

De même, j'entendais le ministre faire allusion aux subventions fédérales de transfert, aux paiements fédéraux de transfert, sur un mode qui laissait entendre qu'on a assisté à une diminution au cours des dernières années. Le ministre sait parfaitement que ce n'est pas vrai. Nous aurons l'occasion d'en parler avec le ministre des Finances cet après-midi. Tant mieux! On l'a déjà fait en commission parlementaire des finances avec lui. Je voudrais simplement vous rappeler ici une affirmation que je faisais le printemps dernier qui n'a jamais été contredite par le gouvernement. De 1974 à 1984, les paiements de transfert fédéraux au Québec ont connu une augmentation considérable. Les revenus que le gouvernement du Québec a retirés de cette source sont passés de 1 400 000 000 $ en 1974 à 6 253 000 000 $ en 1984, soit une augmentation de 344% en dix ans. Pendant la même période, les revenus propres du gouvernement du Québec sont passés de 4 348 000 000 $ en 1974 à 15 097 000 000 $ en 1984, soit une augmentation de 242%. Pendant la période de 1974 à 1984, les revenus en provenance des paiements fédéraux de transfert ont donc augmenté à un rythme plus élevé que les revenus autonomes du gouvernement québécois. Par conséquent, je ne pense pas qu'on puisse invoquer cet argument pour justifier ce qui s'est fait depuis dix ans. Que des problèmes très sérieux se dessinent à l'horizon à cause de certains changements d'orientations dans les politiques fédérales, nous en convenons volontiers. Nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement pour éviter que le Québec ne subisse les effets négatifs de politiques qui seraient inconsidérées de la part du gouvernement fédéral.

Il me semble que, quand on regarde les années passées, il faut faire un constat que confirmaient d'ailleurs certaines décisions prises par le Conseil du trésor tout à fait à la fin de l'exercice 1983-1984, sur lesquelles nous avons eu l'occasion de nous arrêter avec le ministre lors de l'étude des crédits de son ministère en avril dernier. Vous savez ce que le gouvernement a fait à la fin de l'exercice à même les crédits du fonds de suppléance et d'autres crédits. Il a payé par anticipation aux commissions scolaires plus de 400 000 000 $ qui auraient normalement dû être étalés sur les deux ou trois années à venir. Il y avait eu un surplus important dans les paiements fédéraux de transfert et on s'est dit: On va en profiter pour diminuer les dépenses l'année prochaine. On mettra cela aux dépenses de l'année 1983-1984 et cela nous donnera une bonne marge de manoeuvre pour l'année qui va déboucher vraisemblablement sur des élections. On va passer cela rapidement tout en continuant de dire de l'autre côté: On a des problèmes terribles, vous savez. Les 5 000 000 $ que demande le Conseil des universités, cela n'a pas de bon sens.

Vous avez versé par anticipation aux commissions scolaires seulement en devançant un échéancier de paiement qui était défini par votre propre politique plus de 400 000 000 $ au cours de l'année 1983-1984. Ceci pour dire que lorsqu'on parle de financement... J'entendais le ministre nous dire tantôt: Aie, les petits enfants, je ne veux pas que vous touchiez à cela parce que le gouvernement va vous claquer sur les doigts et va vous dire que ce n'est pas vos affaires. Eh bien, le gouvernement nous dira que ce n'est pas nos affaires et nous prendrons nos responsabilités. Je ne pense pas que nous ayons des leçons de méthodologie à demander ou à recevoir de ce côté. Le gouvernement prendra ses responsabilités et, si la commission trouve que le niveau de financement pour l'année 1984-1985 est insuffisant et qu'il faille recommander au gouvernement de présenter un budget supplémentaire à l'Assemblée nationale, il me semble que la commission est capable de le faire. Le gouvernement pourra dire en temps opportun quelle attitude il adopte vis-à-vis de cela. Je dis ceci sans avoir moi-même tiré de conclusion autre que celle que je soumettais en notre nom, de l'Opposition, au début de nos travaux, mais il me semble que ce sont des questions qu'il faut être prêt à laisser ouvertes.

J'ai constaté avec plaisir que le ministre a annoncé deux décisions importantes ce matin qui sont positives. Au sujet de la base de référence du cadre de financement, je pense qu'en disant que le gouvernement va poursuivre ses travaux le ministre convenait en même temps, et j'aurais aimé qu'il le dise plus explicitement, que peut-être les travaux de la commission ajouteront une contribution importante à cette recherche. Dans l'esprit qui a semblé inspirer la décision du ministre, je me réjouis de constater que, sur ce point précis, les travaux de la commission parlementaire auront peut-être une utilité.

Je crois avoir également compris - le ministre me corrigera et il peut même m'interrompre, cela me fera plaisir qu'on nettoie cette question-là tout de suite - que les mesures de redistribution qui avaient été

envisagées pour l'année 1984-1985 d'une institution à l'autre sont laissées de côté pour l'année 1984-1985. Par conséquent, les sommes que l'on voulait enlever à l'Université du Québec, par exemple, pour les donner à d'autres universités qui étaient réputées avoir été sous-financées en vertu du nouveau mode de calcul des subventions, j'ai cru comprendre dans les propos qu'a tenus le ministre tantôt qu'on allait surseoir à cette mesure pour l'année 1984-1985. Pardon? Ai-je bien compris?

M. Bérubé: Non, non, j'interviendrai.

M. Ryan: Très bien. Cela marche. Alors, je souhaite avoir bien compris. Si je n'ai pas compris, je veux que ce soit parfaitement clair parce qu'on serait en face d'une déclaration qui n'apporterait pas ce qu'elle avait laissé entrevoir.

Pour l'année 1984-1985, le ministre n'apporte à peu près rien. Je pense qu'il a dit un non. Il a noyé le Conseil des universités sous un volume de fleurs et, ensuite, il lui dit: Bien, tout ce que tu nous as dit, là, ce n'est pas bon pour la présente année. J'espère qu'on aura l'occasion d'en discuter. Le Conseil des universités viendra nous rencontrer et d'autres organismes également. Moi, je veux dire que nous gardons un esprit très ouvert de ce côté-ci et je regrette que le ministre ait fermé aussi tôt la porte, mais il l'a déjà fermée à d'autres occasions et l'a rouverte ensuite. Donc, cela ne nous énerve pas outre mesure. Je me rappelle en particulier le cas des enseignants P-2, le ministre avait fermé la porte bien dur et, deux semaines après que le Conseil supérieur de l'éducation - j'espère que le président du Conseil des universités ne subira pas le même sort que l'autre - lui eut adressé un avis différent, il a consenti, sous la pression de l'opinion et, je pense, -de plusieurs de ses collègues du Parti québécois et du gouvernement, à réviser sa ligne de conduite. Par conséquent, c'est une porte qui est fermée, mais qui peut être rouverte parce que, lorsqu'on fait affaires avec un gouvernement, je pense qu'il y a toujours moyen de rouvrir une question si des arguments solides le justifient.

Le ministre n'a pas parlé de la compression budgétaire annoncée pour 1985-1986. J'aimerais bien savoir quelle est la politique du gouvernement là-dessus. C'est curieux qu'il ait passé ce point sous silence. C'est une source d'inquiétude très importante.

Maintenant, j'en viens à une autre question... Pardon? Il ne reste plus de temps pour les réponses.

Le Président (M. Charbonneau): C'est cela.

Une voix: C'était peut-être le but de l'exercice?

Le Président (M. Charbonneau): Alors, vous allez donner raison au ministre qui...

M. Ryan: Je soumets cependant au jugement de mes collègues que, s'ils veulent allonger le temps, ils sont bienvenus.

Il y a un dernier point très important que le président a soulevé tantôt: les priorités du gouvernement. Je pense qu'il y a deux passages très importants dans le document du ministre. Il y a la page 20 où le ministre énonce des priorités possibles, ce que j'appellerais des désirables, et il y a la page 25 et la suivante où le ministre énonce les priorités que le gouvernement entend retenir pour les années à venir en matière de financement universitaire. Or, dans les priorités que retient le gouvernement, il y a beaucoup de questions qui restent sans réponse. Par exemple, c'est bien beau de lancer à la commission parlementaire le problème des frais de scolarité, quelle est la position du gouvernement là-dessus? Qu'est-ce que vous allez faire vous autres? Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir. Cela fait sept ans que vous jouez . avec ce problème là et que vous évitez d'y faire face franchement. J'aimerais que le ministre nous dise s'il a fait des recommandations au gouvernement, s'il envisage d'en faire. Quelle est sa position? Le développement des services universitaires en région, il n'y a pas un mot de cela dans l'exposé ministériel ce matin. C'était, pourtant, une des dimensions essentielles d'une politique d'accessibilité. Si tout est accessible à Montréal, c'est évident qu'on aura une politique d'accessibilité extrêmement restreinte. J'aimerais que le ministre nous donne des précisions sur les nombreux projets de développement, de création de nouveaux départements, de nouveaux secteurs d'enseignement dont il parle à la page 31 de son texte.

Je commence par ces points-là.

Le Président (M. Charbonneau):

Connaissant l'intérêt que le vice-président de la commission a sûrement d'avoir des réponses aux questions qu'il a posées, je vais sans doute être obligé de faire une espèce d'accroc à la règle qu'on s'était imposée au départ et de permettre dès maintenant au ministre de répondre plutôt que de donner la parole à l'un de mes collègues du côté ministériel. M. le ministre.

M. Bérubé: Je comprends, M. le Président. La première question porte sur le débat de chiffres. Disons, en partant, que l'ensemble des chiffres conduit à peu près à la même conclusion, donc ils sont cohérents, mais on peut utiliser différentes bases de départ, ce qui peut expliquer pourquoi des

chiffres ne sont pas directement comparables. Exemple: lorsqu'on veut comparer le Québec et l'Ontario, qui est la province importante avec laquelle nous sommes en concurrence, on sait que les frais de scolarité jouent un rôle beaucoup plus important qu'au Québec dans le financement des institutions. Comparer les subventions gouvernementales au Québec avec celles de l'Ontario ne nous permettrait tout au plus que de conclure que nous sommes plus généreux que l'Ontario en termes de subventions. Toutefois, c'est évidemment annulé par les frais de scolarité. (12 h 45)

On se rend donc compte que ne tenir compte que de l'importance relative des subventions en fonction du PIB peut permettre la tenue d'une discussion, mais ne permettrait peut-être pas les comparaisons. De la même façon, on pourrait utiliser les revenus comme base de comparaison ou les dépenses. Évidemment, dans les dépenses, il y a des déficits qui peuvent fausser quelque peu l'analyse. À ce moment-là, on peut se retrouver avec une autre série de chiffres non pleinement conciliables.

C'est ce qui explique pourquoi, avec mon discours, nous vous avons remis une fiche comparant soit les revenus de fonctionnement en fonction du PIB, soit les subventions gouvernementales plus les frais de scolarité en fonction du PIB. Vous en avez sur les dépenses, vous en avez toute une série qui...

Le Président (M. Charbonneau): Je m'excuse de vous interrompre, mais je pense qu'on n'a pas cette fiche.

Une voix: Annexe 6.

M. Bérubé: C'est l'annexe 6.

Le Président (M. Charbonneau): Je ne suis pas certain que tous les membres de la commission aient reçu cette fiche.

M. Bérubé: Ce n'est pas arrivé, on me dit que ça s'en vient. Vous les aurez bientôt. On n'en avait pas en nombre suffisant, on n'en avait qu'un certain nombre de copies.

M. Ryan: Pour cette partie, est-ce qu'on pourrait attendre d'avoir accès aux annexes, M. le ministre? Vous pourriez peut-être différer votre réponse jusqu'au moment où nous les aurons.

M. Bérubé: De toute façon, je termine sur ce point.

M. Ryan: D'accord.

M. Bérubé: Ce qu'il est important de retenir, je pense, c'est que les séries de chiffres, quelles que soient les séries que l'on prenne, tendent à faire la même démonstration. D'autre part, on sait qu'il faut également corriger ces chiffres chaque fois que nous faisons des comparaisons. À titre d'exemple, lorsque l'on compare avec l'Ontario, on se rend compte qu'il n'y a pas de collégial en Ontario, en général. Par conséquent, la première année d'université ressemble davantage à nos cégeps. Par contre, nous avons beaucoup plus d'étudiants inscrits à des certificats, des programmes courts qui, nous le savons, coûtent moins cher. Si on veut véritablement comparer les deux systèmes, il faut procéder à un rétablissement des bases de manière à obtenir des budgets de revenus ajustés, ce qui amène à ce moment-là à des séries de chiffres voisines, mais non absolument identiques.

Il ne faudra jamais voir dans le chiffre autre chose qu'un instrument d'analyse. Il n'existe pas en science de mesure sans référence à un instrument de mesure. Dès que vous changez l'instrument de mesure, vous obtenez, pour la même variable, un chiffre différent. Il va de soi que, pour la même raison, chaque fois que nous changerons l'instrument de mesure, nous obtiendrons pour la même réalité un chiffre différent.

Le député d'Argenteuil insiste beaucoup sur la nécessité d'avoir des chiffres absolument identiques. Nous n'aurons jamais de chiffres absolument identiques; nous aurons cependant des tendances, des bases de comparaison qui nous permettront de porter des jugements. Je pense que c'est ça qui est important.

À cet égard, je pense que, globalement, on se rend compte que les chiffres que nous soumet le Conseil des universités et les chiffres que l'on obtient par une analyse parfois différente, parfois plus fine, de la même réalité, sont conciliables et conciliés. Suivant la méthode, on arrive à des données légèrement différentes, mais les conclusions restent les mêmes. Je pense que c'est ça qui est important.

Ceci m'amène à la deuxième question du député d'Argenteuil qui disait qu'en 1983-1984 le Conseil des universités avait prévu un accroissement de l'écart entre les coûts par étudiant ontarien et québécois à l'avantage des étudiants ontariens. C'est ce que nous constatons de la même façon lorsque nous regardons les subventions provinciales plus les frais de scolarité par étudiant. Lorsque nous regroupons ces deux paramètres, nous constatons que, effectivement, aujourd'hui, l'Ontario doit consacrer à peu près 5% de plus que le Québec par étudiant. Soulignons, cependant, que, lorsque l'on parle de l'effort québécois qui est plus grand que celui de l'Ontario, on parle de l'effort par rapport au produit

intérieur brut. Or, ce que nous constatons, c'est que nous avons une base démographique, chez les 19-30 ans, plus large que la base démographique ontarienne, c'est-à-dire que nous avons, toutes proportions gardées, plus de jeunes susceptibles de s'inscrire à l'université au Québec, à population comparable, qu'en Ontario. Ceci entraîne, à ce moment, des dépenses additionnelles puisque, pour le même taux d'accès à l'université, nous aurons, pour la même population, plus d'enfants à l'école et plus d'étudiants à l'université.

Deuxième facteur qui fait que nous devons consacrer un effort plus grand qu'en Ontario, c'est que nous sommes moins riches qu'en Ontario et, par conséquent, pour fournir les mêmes sommes à l'enseignement universitaire, le pourcentage de revenu que le Québécois devra consacrer sera plus élevé que s'il vivait en Ontario. Ceci résulte tout simplement de ce que les deux économies ne génèrent pas le même niveau de richesse par habitant. Et ce sont les deux raisons qui font que, même si nous dépensons en dollars réels par étudiant 5% de moins qu'en Ontario, pratiquement parlant, nous devons même, pour atteindre cet objectif, consentir un effort beaucoup plus grand qu'en Ontario parce que nous avons plus d'étudiants inscrits, aussi à cause de notre structure démographique et pour la raison que je vous donnais tantôt, à cause de notre richesse. Ceci est le deuxième point. Donc, effectivement, l'écart souligné s'est bien produit - l'écart que prévoyait le Conseil des universités - et nous arrivons aux mêmes conclusions par des méthodes d'analyse légèrement différentes.

Le troisième point soulevé par le député d'Argenteuil a trait aux factures que le gouvernement a décidé d'honorer, devançant les échéances en question. Évidemment, le député d'Argenteuil se demande pourquoi. Il s'était demandé pourquoi à plusieurs reprises, il revient avec ce débat régulièrement. L'argument est très simple. Nous nous retrouvions avec un surplus non récurrent de plusieurs centaines de millions et nous en avons profité pour réduire nos dettes plutôt que de nous engager dans des dépenses récurrentes pour lesquelles nous n'aurions pas eu, l'année suivante, de revenus équivalents, ce qui aurait entraîné une évolution de nos dépenses en dents de scie, c'est-à-dire qu'on encourage les gens à dépenser massivement dans le cadre de programmes récurrents et, l'année suivante, on leur annonce qu'ils doivent supprimer tous ces programmes qu'ils ont mis en place parce que nous n'avons pas les ressources pour les soutenir. À ce moment, il apparaissait plus logique de réduire nos emprunts, réduisant d'autant le service de la dette, ce qui fait que cette économie de service de la dette s'étale sur une base récurrente pour les dix à vingt prochaines années. En d'autres termes, nous avons converti un surplus momentané dans notre budget en un surplus permanent qui nous permet, à ce moment, d'effectuer des dépenses récurrentes. C'est donc la conversion du non-récurrent en récurrent. Je ne comprends pas pourquoi le député d'Argenteuil ne saisit pas l'approche parce qu'elle est claire et limpide.

Concernant les mesures de redistribution, l'analyse des bases de financement universitaire nous mène à conclure que certaines universités sont surfinancées et d'autres sous-financées par rapport à la moyenne. En aucun moment ne s'agit-il d'un jugement de valeur quant au niveau des ressources. Et, dois-je le dire, beaucoup de ces situations sont des conséquences de décisions politiques antérieures, d'un historique qui a fait que, effectivement, on est arrivé à des règles de financement qui n'étaient pas, au dire des représentants des universités, souvent équitables. Or, jamais nous n'avions eu de comparaison entre les universités. Étant donné également la complexité des mandats académiques, il est extrêmement difficile de faire des comparaisons entre la formation d'un étudiant en médecine et la formation d'un étudiant en sciences sociales, entre la maîtrise, le doctorat, les effets de taille, les effets de distance. Enfin, il y a une quantité de paramètres: allez donc tirer la conclusion que cette université en a plus que sa part ou moins que sa part! C'est extrêmement difficile.

Ce que le ministère a fait, c'est qu'il s'est engagé dans un processus extrêmement long et minutieux de comparaison des différentes dépenses encourues par les universités pour des études de premier cycle dans une dizaine ou une douzaine de secteurs, - je pense qu'il y en a onze -également en tenant compte de l'effet des cycles d'étude, des coûts afférents résultant d'octroi de subventions de recherche puisqu'il y a des coûts induis pour l'université. Le ministère a donc cherché à tracer un portrait de toutes les dépenses actuelles des universités et, à ce moment-là, a pu effectuer une comparaison centrée autour de la moyenne caractéristique pour notre réseau.

A part quelques exceptions - je pense que l'INRS et le siège social de l'Université du Québec ont été pris en compte - en général, cette analyse ne pouvait pas prendre en compte toutes les situations particulières. Je vais vous en donner une. Par exemple, nous décidons de fournir des services universitaires dans les régions périphériques hors des grands centres ou loin des grands centres. Question simple: si je prends l'université de Rimouski où, si je ne m'abuse, il y a moins de 40% de la clientèle qui vit sur le campus et que pour la balance des

enseignements ceux-ci se donnent répartis sur l'ensemble de dix territoires à de plus petits groupes, il est extrêmement difficile d'atteindre une économie d'échelle que l'on pourrait observer, par exemple, dans une université située dans un centre urbain.

Forcément, l'étude n'a pas pris en compte une telle situation particulière. Elle se fonde sur les moyennes. Par un effet de distance, somme toute, marginal, par l'effet de taille qui est peut-être mal documenté encore, elle a tenté d'arriver à une comparaison plus équitable. Il est clair que les chiffres que nous avons ne sont pas parfaits. Fonder, à ce moment-là, un réaménagement des niveaux budgétaires entre les universités sur la base d'une étude qui doit faire l'objet de vérification, d'analyse critique, je pense que cela aurait été, enfin, à mon avis, inacceptable. Par conséquent, nous acceptons la recommandation du Conseil des universités qui, je pense, ne porte pas de jugement sur la qualité de l'étude, mais constate qu'elle vient d'arriver, que ce n'est pas mûr et qu'on doit la pousser plus loin avant de pouvoir fonder les décisions politiques de réaménagement budgétaire sur une telle étude. Je pense que ce n'est pas mûr et je suis d'accord avec cette analyse.

Le Président (M. Charbonneau): Étant donné l'heure qu'il est, M. le ministre, est-ce qu'il vous reste...

M. Bérubé: C'est parce qu'il y avait sept points soulevés par le député d'Argenteuil.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, nous n'allons pas répondre aux sept points maintenant. Il reste encore une minute ou deux avant la suspension pour l'heure du dîner; on reprendra au début de l'après-midi, après le dîner.

M. Bérubé: Certainement.

Le Président (M. Charbonneau):

Écoutez, est-ce que votre prochaine réponse risque d'être suffisamment longue pour...

M. Bérubé: Non.

Le Président (M. Charbonneau): ...qu'on puisse penser qu'il serait mieux de reporter cela à cet après-midi?

M. Bérubé: Alors, compressions pour 1985-1986: je pense que vous avez compris assez clairement par mon exposé que j'estime que les débats à cette commission parlementaire vont nous permettre de mieux cerner les priorités que nous devons maintenir à l'intérieur du réseau, et c'est à la lumière un peu de l'opinion que je recevrai que je pourrai faire des recommandations au Conseil des ministres.

Concernant les frais de scolarité, le député d'Argenteuil dit: On voudrait savoir à quelle enseigne le gouvernement se loge. Moi, je répondrai: J'attends l'éclairage que vous allez me fournir.

Quant aux nouveaux développements, je ne suis pas certain d'avoir bien saisi la question du député d'Argenteuil.

Le Président (M. Charbonneau): Dans ce cas, M. le ministre, on y reviendra cet après-midi.

Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise de la séance à 15 h 12)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre reprend l'étude des orientations et du cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année financière 1984-1985 et pour les années à venir.

M. le ministre, aviez-vous complété les réponses aux questions qu'avait formulées le député d'Argenteuil?

M. Bérubé: Oui, M. le Président. En fait, je pense que j'ai terminé en exprimant le souhait que la commission puisse nous éclairer sur l'établissement d'une liste de priorités et qu'on attendait beaucoup de cet éclairage qui nous viendrait de la commission pour nous aider à prendre des décisions. J'ai terminé là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, M. le ministre, c'est vraiment une obsession de votre part qu'on fasse une partie du travail, quoi?

M. Bérubé: En fait, nous aimerions prendre la décision la plus pertinente, la plus juste, la plus précise possible, mais on attend beaucoup de vos travaux.

Le Président (M. Charbonneau): Nous attendons beaucoup des précisions que vous nous apporterez pour qu'on puisse faire ce travail.

Oui, M. le député.

M. Ryan: M. le Président, la dernière question que j'avais posée, je pense, n'a pas eu de réponse. C'est qu'à un moment donné, dans son texte, le ministre nous dit: II y a une pléthore de projets qui sont présentement sur la table, on voudrait développer toutes sortes de secteurs, de services, etc. J'avais demandé au ministre

s'il avait des précisions sur cette affirmation qui était contenue dans son texte, évidemment, sur la politique du ministère par rapport à cela. Il me semble que c'est assez important parce qu'on veut envisager des orientations futures. Je peux retenir la question pour un stade ultérieur, cependant; je ne veux pas utiliser davantage de temps tout de suite.

Le Président (M. Charbonneau): Peut-être que ce serait préférable. Justement, comme on a déjà eu une longue discussion entre vous et le ministre, peut-être qu'on pourrait donner l'occasion à d'autres membres de la commission, quitte à ce que vous reveniez un peu plus tard.

M. Bérubé: Simplement une question, M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Charbonneau): Pardon?

M. Bérubé: Je voudrais simplement une précision. Le député d'Argenteuil désire-t-il obtenir une liste des développements qui sont envisagés? Parce que cela va nous permettre d'essayer d'effectuer un recensement pour dresser une telle liste de telle sorte que ultérieurement, si le débat porte sur cette question, je pourrai répondre aux questions.

M. Ryan: Si on pouvait ajouter en môme temps des données sur les projections que le ministère fait quant aux clientèles futures, quant à l'évolution des clientèles au cours des dix ou vingt prochaines années? Vous avez sans doute des projections qui pourraient être très utiles pour les stades ultérieurs de notre démarche.

M. Bérubé: D'accord.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. M. le ministre, à la page 4 du mémoire, vous énumérez ce que vous appelez les carences, les signes de faiblesse de notre système universitaire. Il y a la question de l'accès à l'université pour les moins de 30 ans, un taux d'accès inférieur de 9% à celui de l'Ontario; la question de la proportion des étudiants à temps partiel plus élevée qu'en Ontario aussi; le niveau de la diplomation aux deuxième et troisième cycles plus faible qu'en Ontario également. Sur le plan de la recherche, le Québec reçoit moins des organismes subventionnaires fédéraux que l'Ontario et nos universités francophones reçoivent encore moins; c'est 14% seulement de subventions qu'elles reçoivent des organismes fédéraux subventionnaires.

Le cadre de financement que vous proposez - et vous insistez beaucoup sur les objectifs de ce cadre de financement - vise à corriger ces carences. Le cadre de financement se divise en deux volets. Il y a le volet qui touche les bases de financement et il y a le volet qui touche le développement proprement dit et cela, c'est un aspect qui est nouveau et qui fait consensus également, je pense.

Par contre, à la page 29 de votre mémoire, vous insistez sur le caractère non directif de ce cadre de financement au point où vous parlez d'une autonomie pour les universités. Vous dites: Les universités ont la plus complète autonomie et cette autonomie représente 98,5% du budget des universités. Quant au caractère directif du cadre de financement, pour 1984-1985, il touche seulement environ 1,5% du budget. Il y a un consensus, je pense, sur le fait que le gouvernement doit être le maître d'oeuvre, de plus en plus présent auprès des universités, en liaison, bien sûr, avec les universités. Le travail doit se faire avec les universités, mais il doit être un maître d'oeuvre de plus en plus présent.

Dans votre document sur le cadre de financement, vous insistez, d'ailleurs, sur les orientations précises dont notre réseau universitaire doit se doter. Mais on peut se poser la question, finalement: Êtes-vous suffisamment le maître d'oeuvre de cette politique que vous préconisez de façon à corriger les carences que vous mentionnez au début de votre mémoire? La question se pose. Je sais qu'il y a des intervenants - pas devant cette commission, mais dans les journaux - qui ont insisté sur le caractère trop dirigiste du cadre de financement et qui s'inquiétaient pour l'avenir des universités, pour leur liberté, leur autonomie d'action, etc. Mais la question se pose et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je crois que la commission devra se prononcer sur ce caractère dirigiste ou non.

Il m'apparaît que le ministère n'est pas suffisamment dirigiste si on veut véritablement donner le coup de barre qui s'impose. Je pense que c'est le Conseil des universités qui parlait du développement plus ou moins anarchique de notre système universitaire au Québec. C'est une constatation qu'on peut faire à la lumière de bien des évaluations. Qu'est-ce que vous en pensez? J'ai l'impression que vous n'êtes pas suffisamment directif et que le gouvernement devrait s'imposer davantage dans le domaine universitaire. Cela pourrait être de façon temporaire, mais de façon véritablement à donner le coup de barre qui s'impose.

Une sous-question: Comment le cadre de financement, à votre point de vue, va-t-il véritablement corriger les carences et, en particulier, par quels moyens compris dans le cadre de financement?

M. Bérubé: Je pense qu'il faut d'abord

commencer par quelques réflexions préliminaires concernant cette relation dyadique entre l'université et la société. Il est clair... Un instant, je ne fais qu'agencer ma pensée. D'abord, on l'a souvent dit et cela m'apparaît une vérité fondamentale: l'université précède l'évolution de la société dans beaucoup de domaines. Elle la précède dans la mesure où, cherchant à repousser le plus loin possible les frontières du connu, elle est en contact perpétuel avec les idées nouvelles, elle les reprend, les analyse, les développe, en poursuit, innove même de son côté sur le plan de la recherche scientifique, par exemple, de telle sorte que fréquemment l'université est à l'avant-garde des besoins de la société. C'est d'autant plus vrai que très fréquemment, après quelques années - je pense ici aux sciences appliquées d'enseignement universitaire, il est fréquent que l'universitaire se coupe progressivement du milieu industriel et que progressivement son enseignement devienne plus théorique, plus fondamental et moins raccroché à des besoins constants. Je faisais autrefois une mauvaise blague en sortant de mon cours d'ingénieur au MIT en disant que j'aurais sans doute trébuché sur un broyeur à boulets et que je ne l'aurais jamais su, car j'avais étudié en profondeur les équations mathématiques du broyage, mais je n'avais, pour ainsi dire, jamais vu de photographie de broyeur et encore moins je n'en avais vu un en réalité. Cela traduit un peu le type d'études que l'on peut faire au niveau universitaire: études plus fondamentales qui ne sont pas nécessairement accrochées à une réalité économique immédiate.

L'université en ce sens, parce qu'elle poursuit ses réflexions dans tous les domaines d'intérêt pour notre société, précède, oriente, dirige, si on veut, l'évolution de notre société. Il est donc dangereux que la société cherche de façon précise à vouloir lui dire dans quel secteur elle doit se développer ou quelle devrait être l'orientation de sa pensée, car alors la société se priverait de son intelligence même qui est constituée par l'université.

Donc, il faut maintenir une distance entre la société et l'université. Mais, d'un autre côté, comme vous l'avez souligné tantôt, la société a des besoins. Pour répondre à ses besoins, elle doit former des jeunes dans le domaine des sciences, des arts, des lettres et, par conséquent, elle attend de l'université réponse à ses besoins. Nous avons, d'ailleurs, choisi comme société, non pas de privilégier une université d'élite qui n'aurait été accessible qu'à ceux qui auraient eu les moyens, mais plutôt nous avons choisi de privilégier une université de masse qui devait tendre à universaliser la formation universitaire, et cela, c'est un objectif politique. Il n'est nullement nécessaire que pour l'université on suive cette approche-là.

Donc, il y a une interaction inévitable entre les deux et il faut toujours examiner avec méfiance toute tentative de diriger ou d'orienter de façon trop précise le développement des universités. Mais en même temps il faut reconnaître que la société a des besoins et que l'université doit répondre à ces besoins si elle prétend profiter des taxes et impôts payés par les citoyens à l'État.

Deuxièmement, il existe une façon aussi d'orienter les universités: c'est par le biais du discours. On ignore trop fréquemment l'importance du discours politique, de l'orientation qu'une société peut prendre parce qu'un parti politique tient un discours cohérent. Je sais que beaucoup de partis politiques en général ont peu d'idées et s'exposent rarement à se voir contredire, d'une façon bien simple, c'est-à-dire en n'émettant jamais aucune idée intelligible et cohérente. Par contre, lorsqu'on veut véritablement jouer un rôle en politique, on est amené à faire des choix, à prôner des orientations, lesquels, simplement par la présence même du discours, ont un effet d'entraînement sur toute la société. Il n'y avait jamais eu au Québec de politique de restructuration industrielle. Il aura fallu un premier volume "Bâtir le Québec", suivi du "Virage technologique" pour que l'on se mette à parler chez nous de virage technologique ad nauseam. Donc, l'une des façons, je pense, d'orienter les universités, c'est de faire confiance à l'intelligence de nos concitoyens, d'évaluer, de mesurer les choix qui s'offrent à nous et de tenir un discours cohérent avec les choix que nous avons faits. À ce moment, les gens qui écoutent, qui regardent ce qui se passe, vont échanger entre eux et, si le discours est valable, ils ont énormément de chances de le suivre. Donc, pour moi, c'est peut-être l'une des meilleures façons d'orienter l'université, c'est-à-dire de passer par le biais du discours.

Lorsqu'on examine le cadre financier maintenant, on s'aperçoit que, vous avez raison, la seule orientation véritable qu'on y apporte, c'est à peu près par le discours. Certes, il y a une différence entre le taux de financement des étudiants inscrits dans les secteurs prioritaires et celui de ceux qui ne le sont pas. Dans un cas, on les finance à 50% et, dans l'autre cas, à 70%. Écoutez, ce n'est pas une volonté d'orientation des universités, c'est un manque d'argent, c'est-à-dire que, si nous avions pu financer toutes les clientèles additionnelles à 70%, bien sûr qu'on l'aurait fait. Ce n'est que parce que nous n'avions pas suffisamment de ressources que nous avons dû faire des choix, Le ministère n'a même pas voulu, par exemple, que l'on finance à 70% les clientèles prioritaires et à 0% les autres clientèles en

évitant le prélèvement dans les budgets réguliers des universités. Au contraire, il y maintenu sa politique de prélèvement de manière à, au moins, garantir un financement à 50% des clientèles dites non prioritaires. Donc, même le ministère a cherché à atténuer ce qui aurait pu être une décision politique beaucoup plus radicale puisque le gouvernement n'avait dégagé de ressources que pour financer des clientèles prioritaires, ce qui fait que maintenant les 22 000 000 $ dont on parle servent à financer l'ensemble des clientèles et non pas seulement les clientèles prioritaires puisqu'elles sont toutes financées à 50% de base. Et l'écart entre le 50% et le 70% ne représente que 8 000 000 $, finalement, d'ajout de fonds.

Donc, lorsque nous examinons le cadre budgétaire, nous constatons qu'il n'y a pas vraiment beaucoup de dirigisme pour tenter d'orienter. Quand on examine, par exemple, le financement des différentes options, l'objectif que préconise le ministère ici est de financer au coût réel, soit des études de premier cycle, du deuxième ou du troisième, pour un groupe de disciplines, environ une douzaine de disciplines différentes étant peut-être les plus représentatives. Ceci correspond à un financement neutre en ce sens que nous allons payer ce que coûte réellement un étudiant additionnel et nous allons laisser l'université choisir effectivement l'orientation qu'elle veut prendre. Si l'université veut prendre plus d'étudiants gradués et qu'à ce moment le financement est à 8000 $ ou 9000 $, bien, on paiera 8000 $ à 9000 $ pour les étudiants gradués. Si l'université choisit des enseignements plus légers ou des enseignements au niveau du premier cycle, on aura un financement moindre, c'est-à-dire que nous allons payer ce que cela coûte et, à ce moment, laisser l'université entièrement libre de faire ses choix. Donc, à cet égard, vous avez parfaitement raison: le financement est non directif, il est complètement neutre. Il dit: Quelle que soit la décision que vous prendrez, nous ne vous pénaliserons pas et, si vous choisissez la voie des études avancées, bien, à ce moment, nous en défraierons les frais.

Cela m'amène à un problème qui reste dans notre structure de financement cette année, c'est, par exemple, le financement des certificats, des cours à temps partiel. Nous continuons à les financer sur la base des coûts moyens de la discipline, si l'on veut, et nous savons par des études qui ont été menées que, en général, ces cours ne coûteraient environ que 75% du coût moyen. Là, nous avons à nouveau dans nos règles cette année un biais en ce sens que nous surfinancons encore ces études à temps partiel, ce qui pourrait être une incitation aux universités à se diriger davantage dans ce domaine. J'ose présumer que les universités ne le feront pas. (15 h 30)

Parmi les propositions que nous avons pour discussion au Conseil des universités, il y aurait, justement, une réduction du taux de financement de ces clientèles à temps partiel au niveau des certificats de manière à ne les financer qu'à 75% du coût moyen, à un coût plus proche de leur coût réel. Évidemment, l'idée est intéressante, mais elle est peut-être difficile d'application, car qu'est-ce qui empêche une université d'inscrire un étudiant au baccalauréat pour profiter des pleines subventions et éventuellement lui donner un certificat à mi-chemin, de telle sorte qu'on aura en pratique détourné toute la règle de financement? La méthode pour financer le certificat sur une base plus réaliste n'est pas véritablement trouvée et c'est ça que nous allons discuter au cours de l'année de manière à pouvoir la mettre en place. Mais vous avez raison de dire que, dans l'ensemble, nos règles de financement ne sont pas directives quant à l'orientation des étudiants puisque nous finançons au coût réel de manière à rester neutres. Il y a un seul élément où il y a une certaine orientation de la part du ministère, c'est lorsque nous finançons à 70% les clientèles associées aux secteurs prioritaires. Là, je vous dirai que, si nous avons dû limiter l'étendue de ces clientèles, c'est tout simplement parce que nous n'avions pas toutes les ressources dont nous aurions voulu disposer.

M. Leduc (Fabre): Mais une université qui accroîtrait sa clientèle dans les secteurs du virage technologique ou dans les secteurs dits prioritaires verrait sa contribution augmenter, finalement? Pour la clientèle additionnelle, l'allocation serait de l'ordre de 70%. C'est cela?

M. Bérubé: C'est cela.

M. Leduc (Fabre): Mais l'université serait libre d'affecter les sommes reçues où elle le veut.

M. Bérubé: Ah oui, absolument. D'ailleurs, c'est pratiquement fait. Il suffit de maintenir certains contacts avec ses collègues du département de génie pour savoir que la principale protestation des professeurs, c'est que ce sont eux qui reçoivent les clientèles et ce sont eux qui financent l'université dans d'autres secteurs. C'est un reproche que l'on entend.

M. Leduc (Fabre): J'aurais envie de vous demander, à ce moment-là, à quoi va servir le cadre de financement. Son objectif, c'est d'orienter davantage le système, de faire jouer au Québec un rôle plus présent comme maître d'oeuvre auprès des universités. On s'entend sur ces objectifs,

mais qu'est-ce que cela va changer véritablement par rapport à ce qui existait dans le passé?

M. Bérubé: Ce qui existait dans le passé, c'est que, si nous financions sur la base du coût moyen pour l'ensemble des clientèles universitaires, il y avait donc des clientèles qui coûtaient moins que ce coût moyen et des clientèles qui coûtaient plus que ce coût moyen. En conséquence, l'université était financièrement incitée à prendre des clientèles coûtant moins cher que ce que lui rapportait la subvention de manière à pouvoir jouir d'une marge de manoeuvre et à l'utiliser ailleurs. C'est ce que les universités ont parfois qualifié de course à la clientèle.

Par contre, d'autres clientèles étaient sous-financées puisque, par définition, la moyenne est située grosso modo entre les deux. D'autres clientèles étaient sous-financées. À ce moment-là, il y avait peu d'incitation pour l'université à développer des études qui lui coûtaient plus cher que ce que ça lui rapportait. Ce que nous faisons avec le nouveau cadre financier, c'est éliminer tous ces biais non voulus, mais néanmoins réels qui existaient dans les anciennes règles de financement afin que, désormais, le choix libre de l'université se traduise par un financement au coût réel et qu'il n'y ait pas de biais budgétaire amenant l'université à faire un choix plutôt qu'un autre.

Donc, nous allons dans un sens qui va à l'encontre du dirigisme et c'est la raison pour laquelle j'ai eu de la difficulté à comprendre les propos du porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation, si ce n'était qu'il avait repris les propos de M. Lacoste.

M. Leduc (Fabre): Par contre, sur la question des bases de financement, en introduisant les paramètres - actuellement, ça n'existe pas ou, finalement, très peu -est-ce que, à ce moment-là, on peut parler de dirigisme jusqu'à un certain point ou d'orientation compte tenu du choix des paramètres? Je comprends que cela ne s'appliquera pas en 1984-1985, mais il faut comprendre que le cadre de financement est incomplet. D'abord, le ministère devra le compléter, cela est sûr, en tenant compte, entre autres, de la question des programmes courts. Là, il m'apparaît qu'il pourrait y avoir une orientation fort importante qui pourrait être prise vis-à-vis de la clientèle des certificats, des programmes courts, enfin c'est à voir. Je sais qu'on attend un avis du Conseil des universités sur cette question. Toute la politique du cadre de financement devra donc être complétée. Il reste ceci: dans la question du choix des paramètres, n'y a-t-il pas là un choix d'orientation?

M. Bérubé: L'influence du ministère de l'Éducation sur le développement des universités se situe au maximum à trois niveaux. D'abord, au niveau du développement des équipes de recherche, il est clair que nous avons fait un choix. Nous savions que le corps professoral devait être rajeuni par une injection de jeunes professeurs dans toutes les facultés. Nous savions que nous devions privilégier la recherche des études supérieures. Nous savions que l'encadrement des étudiants gradués dans nos universités semble a priori déficient. Je dis a priori déficient. J'ai fait état dans mon exposé ce matin de ce qu'il nous fallait plus d'étudiants inscrits à la maîtrise que chez nos voisins pour arriver à former un diplômé. C'est-à-dire que nos jeunes abandonnent ou encore qu'on les traîne longtemps de telle sorte qu'on n'a pas une productivité au niveau de la diplomation qui apparaît satisfaisante au niveau de la maîtrise. Au niveau du doctorat il existe un certain écart, mais il semble que c'est plus le regroupement des étudiants qui soit le problème. Mais au niveau de la maîtrise, ce n'est pas un problème de recrutement. On a les candidats, mais ils ne finissent pas, ils n'obtiennent pas de diplôme.

Donc: je vais finir par perdre ma pensée - on avait identifié les problèmes vécus: encadrement, diplomation, recherche et, en même temps, le gouvernement avait fait son nid comme politique économique. Après "Bâtir le Québec", nous avons introduit "Le virage technologique" et indiqué qu'il y avait un certain nombre de domaines où le Québec devrait passer à la fine pointe de la technologie mondiale et nous avions identifié ces secteurs. À ce moment, nous avons regroupé ces constats et proposé la création de 40 équipes de recherche. Je dis bien 40 équipes de recherche parce que nous nous sommes méfiés d'une mauvaise habitude qu'on a pu observer dans nos fonds de recherche au Québec, c'est que la tendance du milieu universitaire est un peu de se battre chacun pour avoir sa petite part du gâteau. Au départ, on voudrait avoir un impact et à la fin on s'aperçoit que les fonds ont été dilués sur un très grand nombre de chercheurs et on n'arrive pas à regrouper des masses critiques en termes de recherche. On devait produire il y a quelques années - deux ou trois ans, je pense -environ 345 diplômés au doctorat par année et on devait avoir environ 345 programmes de doctorat, ce qui veut dire qu'on ne retrouve nulle part véritablement des équipes suffisamment fortes pour en faire des centres d'excellence.

Le raisonnement qu'on a fait, c'est tout simplement de dire: Écoutez, il faut au moins que dans ces secteurs que nous voulons développer il n'y ait pas une multiplication de petits contrats de recherche, mais qu'il y

ait des masses importantes, 500 000 $ par équipe, ce qui permet d'engager un senior. Quand je dis un senior, c'est vraiment un chercheur de réputation. Deuxièmement, cela permet de l'entourer de quatre ou cinq associés de recherche au niveau postdoctoral. Troisièmement, cela permet de l'entourer de pratiquement dix à quinze étudiants gradués, maîtrise et doctorat; donc on peut former ce qui, à l'échelle internationale, constitue un fort beau noyau de recherche. On dit qu'on créera 40 de ces noyaux dans l'équivalent d'environ 80 à 100 départements qui peuvent être touchés par les priorités gouvernementales. On voit que c'est presque un département sur deux et cela va augmenter le corps professoral de ces départements de presque 25% à 30%. C'est significatif. Voilà un bond, on se donne trois ans pour le faire. Évidemment, ce n'est pas quelque chose qu'on va maintenir pendant 25 ans. Une fois que ces équipes sont constituées, une fois qu'elles ont fonctionné, qu'elles ont fait la preuve qu'elles produisaient, il faut intégrer les fonds dans les budgets réguliers des universités et là oublier le programme puisqu'on n'a tout simplement fait qu'étoffer le milieu universitaire dans les domaines qui étaient jugés prioritaires. Voilà un domaine où le gouvernement effectivement a fait des choix basés essentiellement sur trois constats du Conseil des universités, sur la situation des universités et sur la volonté du gouvernement de développer la recherche dans ces domaines. Certains diront: Pourquoi avez-vous choisi ces domaines plutôt que d'autres? Parce que nous avons des priorités et que nous avons choisi de le faire là, tout simplement. Il n'y a pas d'autres arguments que cela. Cela, c'est un domaine.

Le deuxième domaine, j'y ai fait référence tantôt, c'est lorsque nous finançons à 70% plutôt qu'à 50% les clientèles additionnelles reliées au virage technologique. Soit dit en passant, nous le faisons uniquement parce que nous n'avons pas eu les ressources pour toutes les financer à 70%; autrement, on l'aurait fait. Disons que notre tendance aurait plutôt été d'aller vers la neutralité quant au financement, mais enfin nous l'avons fait. Là, il y a une incidence et, finalement, il y a le fonds de développement pédagogique où là, effectivement, on peut financer les projets qui ont reçu l'aval du Conseil des universités pour du développement universitaire dans un domaine ou l'autre, par exemple, la rationalisation de programmes ou des expériences pédagogiques ou du développement de nouveaux programmes. Là, évidemment, c'est décidé ad hoc et la décision se prend sur la base de la recommandation du Conseil des universités pour éviter au maximum ce qu'on pourrait qualifier de dirigisme.

Alors, quand j'examine objectivement l'approche gouvernementale, je pense qu'elle est plus sujette à l'accusation de manquer de dirigisme que d'être entachée de dirigisme, à mon avis. Toutefois, je pense que le discours politique peut être l'instrument le plus puissant pour obtenir le même résultat, à la condition d'avoir une pensée cohérente.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): M. le ministre, à la page 16 de votre document, vous semblez dire que les universités ne performent pas suffisamment, qu'il faudrait qu'elles aient une meilleure performance. Vous indiquez les domaines où il faudrait améliorer cette performance et vour leur fixez certains objectifs. Vous dites: "Chaque université devrait s'astreindre à revoir ses programmes. Deuxièmement, vous mentionnez "la nécessité, pour chaque université, de se doter d'un plan de développement de la recherche." Il faudrait également que les universités portent encore plus de soin et d'attention à la gestion de leurs ressources humaines. Enfin, vous dites: "Je voudrais souligner l'importance primordiale pour le Québec que les universités développent entre elles, et avec leurs autres partenaires dans le domaine de l'enseignement et de la recherche, des méthodes de coopération et de collaboration plus étroites."

M. le ministre, après avoir imposé des coupures aux universités, en tenant compte des compressions salariales, de 315 000 000 $ depuis environ six ans, ne croyez-vous pas que les universités ont dû vérifier, ont dû tester ces formules et n'est-ce pas un peu cynique de leur demander de se dépasser, d'aller encore au-delà de ce qu'elles ont pu réussir jusqu'à maintenant, surtout si l'on considère que vous demandez aux universités de faire quelque chose avec pratiquement rien et que, de votre côté, le ministère ne s'impose aucune contrainte, n'ajoute aucun financement au niveau des universités? (15 h 45)

M. Bérubé: M. le Président, les remarques que je faisais dans mon exposé ce matin, remarques adressées aux universités, leur indiquant peut-être des voies possibles pour une amélioration de la productivité et une certaine rationalisation de leurs activités, étaient tirées essentiellement d'avis du Conseil des universités. Je les prends à mon compte en ce sens qu'il apparaît à ceux qui vivent au sein des universités qu'il existe des possibilités de rationalisation, qu'il existe des possibilités de mieux utiliser les ressources disponibles et que, dans toute société, il doit toujours y avoir un effort pour accroître sa productivité, car les taxes dont bénéficient les universités ont été

prélevées dans les poches des contribuables et les contribuables sont en droit de s'attendre à la meilleure utilisation possible de leurs impôts. Je suis convaincu que même les électeurs du député de Saint-Laurent pensent de même.

M. Leduc (Saint-Laurent): M. le ministre, le Conseil des universités a sûrement des doutes sur l'atteinte de cet objectif avec le financement qui existe actuellement au niveau des universités.

Si, maintenant, on regarde votre déclaration à la page 13, vous dites: "En bref, devant la croissance des coûts et la rareté des ressources, les universités ont augmenté le ratio étudiants-professeur régulier soit en diminuant les choix de cours, soit en augmentant la taille des groupes." Vous continuez en indiquant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. "Ces quelques exemples illustrent bien, je crois, l'effort d'amélioration de la productivité que se sont imposé les universités." Ce que je voudrais savoir, c'est: y a-t-il une limite? Hypothétiquement, on peut dire: II n'y a pas de limite. On va solutionner les problèmes de clientèles supplémentaires. C'est très facile de les solutionner. On n'a qu'à augmenter le nombre d'étudiants. On augmente le ratio; on augmente le nombre d'étudiants par groupe. Je voudrais savoir s'il y a une limite à cette surcharge, si, à un moment donné, on ne dépasse pas le point critique et si ce n'est pas la qualité de l'enseignement qui va écoper.

M. Bérubé: J'aurais tendance à être en désaccord avec le député de Saint-Laurent. Je dirais qu'il y a une limite théorique qu'on peut imaginer, mais que, pratiquement, la localisation de cette limite est, évidemment, beaucoup plus difficile. Sans parler d'absolu, je soulignerais une remarque qu'un universitaire me faisait une fois à propos du degré de satisfaction d'étudiants de nos universités. On nous disait: L'université où les étudiants semblent le plus satisfaits de l'enseignement, où les études supérieures progressent de façon fort remarquable, c'est également l'université au Québec qui est la plus mal financée de toutes. Je ne tirerais pas comme conclusion qu'il faille encourager un sous-financement systématique de toutes les universités dans le but d'accroître le degré de satisfaction des étudiants. Mais il n'y a pas une corrélation absolue entre le degré de financement et la performance finale. Il en existe une. On sera d'accord pour dire: Elle doit exister. Si on sous-finance de façon trop dramatique l'ensemble du milieu universitaire, en moyenne, on a toutes les chances du monde d'avoir un système de moins bonne qualité. On va s'entendre là-dessus assez facilement.

Par contre, on sait que l'excellence dépend énormément de la motivation, du dynamisme des gens, de la cohésion du milieu.

Par conséquent, on peut retrouver avec un financement moindre un niveau d'excellence nettement plus remarquable. Il n'est pas dit, cependant, que, si on finançait de meilleure façon ce même groupement, on n'aurait pas une performance encore supérieure. Donc, on sait qu'il existe une relation, mais il est difficile de dire quel est le seuil de financement en dessous duquel subitement le milieu universitaire est inefficace, de mauvaise qualité, alors qu'au-dessus de ce seuil de financement le milieu universitaire devient de grande qualité.

Il faut utiliser un grand nombre de paramètres et les recouper. D'abord, très fréquemment au Québec, on fait des comparaisons avec certaines grandes universités américaines. Si une université américaine, avec ses fondations et ses frais de scolarité, va se chercher un coût de 30 000 $ à 40 000 $ par étudiant, comme cela existe, je devine que les moyens mis au service de l'éducation dans ces universités doivent être nettement supérieurs aux nôtres. Mais, évidemment, à côté de ces cas d'excellence, il y a aux États-Unis un grand nombre d'universités de moins bonne qualité avec lesquelles on pourrait se comparer et dire que nous sommes avantagés par rapport à elles.

Quel est le niveau moyen que nous devons chercher? Je n'ai pas la réponse, mais ce que je suis obligé de faire, c'est regarder autour de moi et de dire: Où les autres se situent-ils en moyenne? Si je tire la conclusion que ce que je prélève en frais de scolarité et en subventions par rapport à la richesse de mes concitoyens pour financer mes universités est nettement plus important que partout ailleurs, j'aurai tendance à dire: Je fais déjà un gros effort. Je ne prétends pas qu'il est suffisant, mais je dirai que je fais un gros effort. Si, de plus, j'examine la situation de mes voisins et je constate que, par étudiant, il m'en coûte moins cher au Québec, je ne pourrai pas tirer la conclusion automatique que mon système est menacé, mais je devrai cependant être prudent. Je devrai dire: Hop! Attention! Je commence à circuler dans l'inconnu et j'ignore véritablement ce qu'une réduction additionnelle du financement peut entraîner comme baisse de la qualité.

Contrairement à ce que vous avez pu laisser entendre, il n'y a pas de réponse absolue. J'ai eu l'occasion de le dire dans mon exposé. Il n'y a pas de réponse absolue, il y a simplement un signal d'alarme qui nous incite à devenir plus prudents. Par exemple, lorsque nous financions nos études supérieures à des taux qui étaient presque 30% supérieurs par étudiant à ce qui se faisait ailleurs au Canada, on pouvait en

toute quiétude se dire que ce financement était fort généreux et que, par conséquent, les universités pouvaient prendre des clientèles additionnelles et pouvaient supporter des compressions. Mais à partir du moment où cette première analyse ne tient plus, il faut être capables de s'ajuster en conséquence. Ce que je vous ai présenté ce matin est exactement ce type d'ajustement auquel il faut procéder au fur et à mesure qu'évolue une situation. C'est ce que j'ai essayé de montrer.

Mais il faut continuellement se poser des questions. À titre d'exemple, dans une des annexes que vous aurez et qui parle du ratio étudiants-professeur, on démontre qu'au Québec le ratio global étudiants-professeur est d'environ 10,4, alors qu'il est de 11 ,7 en Ontario. Il y a donc moins d'étudiants par professeur au Québec. Mais il faut faire attention. En Ontario, ces chiffres n'ont pas été corrigés pour le fait que c'est un cycle universitaire de quatre années. Donc, il est peut-être normal qu'on ait un tel écart. Lorsque j'examine les salaires en 1982 sur le même tableau, je constate que le salaire moyen des enseignants réguliers est de 48 668 $, alors qu'en Ontario il était de 44 219 $. Évidemment, il faudrait être capable de savoir ce qu'il est en 1983-1984, mais nous n'avons pas de chiffres là-dessus à l'heure actuelle. Je constate que, par exemple, en 1982, il y avait encore un écart salarial. Si l'écart était véritablement réel -et les chiffres nous portent à le croire, parce qu'ils ont été bien faits - en 1982, on était donc encore justifié de demander un effort.

Alors, jusqu'où peut-on aller? Cela m'apparaît difficile. Le mieux, c'est de se comparer à ce qui se fait ailleurs et, lorsqu'on commence à sortir du peloton de tête, il faut s'inquiéter. Quand on est dans le peloton de tête, on peut dormir en paix. Disons qu'en ce moment on commence à être en arrière du peloton. C'est le temps de signaler où nous en sommes à ceux qui doivent prendre les décisions.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites qu'on doit se comparer aux autres, mais je me demande si c'est une situation qui s'est produite ailleurs. On a reçu dans nos universités depuis cinq ans une clientèle supplémentaire de 17 000 étudiants qui n'ont été nullement financés d'aucune façon par aucune somme additionnelle. Je me demande s'il est possible dans ces conditions de donner une qualité d'enseignement qui soit comparable à ce qui se donne ailleurs.

M. Bérubé: D'abord, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. J'ai plutôt un chiffre de 38 500 comme clientèle additionnelle. Elle était partiellement financée. Le chiffre que vous avez est-il l'équivalent non financé? Je l'ignore, mais disons qu'on s'entend sur le fait que, compte tenu de la situation favorable qui prévalait dans le monde universitaire, nous avons amené les universités à accepter de partager l'effort d'accessibilité et, de fait, alors qu'il n'y avait que quelques universités qui prenaient des clientèles additionnelles, toutes les universités se sont prêtées à l'opération et ont fait en sorte qu'aujourd'hui le taux d'accès des francophones au Québec se rapproche globalement de la moyenne québécoise, de même que pour les femmes, tout en rappelant toujours, comme je l'ai dit tantôt, que, évidemment, c'est un taux d'accès qu'il faut qualifier entre temps complet et temps partiel puisque, à cet égard, on privilégie un peu au Québec le temps partiel et moins les études plus fondamentales.

M. Leduc (Saint-Laurent): À la page 15, quand vous parlez de la réduction des coûts unitaires, vous dites: "Cela aura permis au réseau universitaire d'atteindre un des niveaux de coût unitaire les plus faibles au Canada - alors qu'auparavant vous sembliez dire le contraire - sans pour autant nuire à la capacité du réseau d'accueillir et de former une fraction plus grande de la population québécoise." Je me demande si cela ne vient pas en contradiction avec les taux de diplomation qu'on connaît aux trois niveaux. Au premier cycle, vous dites: Si on fait une comparaison avec l'Ontario, c'est à peu près équivalent. Il y a une chose qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'il y a une différence de 20% en ce qui concerne le temps plein. Quand on examine le taux de diplomation au niveau de la maîtrise - vous dites: Au niveau de la maîtrise et du doctorat, 30% - ce ne sont pas du tout les chiffres qu'on obtient. On dit qu'au niveau de la maîtrise, c'est 34% et au niveau du doctorat 43% de moins qu'en Ontario. Quand vous dites: "de former une fraction plus grande de la population québécoise", je pense que c'est complètement faux. Si on a des écarts aussi importants aux trois cycles, on a la preuve qu'on n'arrive pas, que cela ne donne pas les mêmes effets.

M. Bérubé: Hélas! Cela peut être une théorie intéressante de la part du député de Saint-Laurent. Malheureusement, il utilise des données dont la corrélation prouve l'inverse de son avancé. En effet, le taux de diplomation et les études à temps partiel étaient beaucoup plus importants quand on surfinançait les universités et ont tendance à décroître au fur et à mesure qu'on sous-finance les universités. On pourrait donc dire que la qualité est inversement reliée au niveau de financement. Je suis certain que c'est une autre explication qu'il faut rechercher et, en fait, l'explication plus

plausible, c'est que les universités elles-mêmes ont fait au départ ce qu'elles pouvaient faire, c'est-à-dire qu'elles se sont organisées, elles ont accueilli beaucoup de clientèles. Elles n'étaient pas équipées pour leur donner des baccalauréats lourds, mais progressivement elles se sont structurées et, progressivement, elles sont en train de modifier leur approche vis-à-vis des clientèles. Donc, ce n'est pas relié directement au financement. Mais, comme vous avez tenté de relier le fait qu'il existe un écart d'à peu près 5% entre le financement per capita au Québec et le financement per capita en Ontario, à l'avantage de l'Ontario, aux diplomations insuffisantes au Québec, je suis obligé de vous dire que les diplomations étaient encore plus insuffisantes au Québec quand un étudiant nous coûtait 13% de plus.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela semble vous satisfaire.

M. Bérubé: Non.

M. Leduc (Saint-Laurent): Comment expliquez-vous cela?

M. Bérubé: Cela veut dire qu'il ne faut pas essayer d'établir une corrélation entre ces chiffres et le phénomène observé.

M. Leduc (Saint-Laurent): Comment expliquez-vous la différence entre les trois taux?

M. Bérubé: D'abord, il y a une question de longue tradition. Quand on parle de baccalauréats lourds, on fait référence généralement au droit, au génie, à l'administration. On fait référence à des matières qui étaient bien implantées dans les universités traditionnelles. Le développement de nos universités ne s'est pas fait autour de ces axes initialement, sauf que nos universités, comme l'Université du Québec, ont modifié cela progressivement, ont mûri et, aujourd'hui, l'offre de cours dans ces matières est plus importante qu'elle ne l'était autrefois. C'est une raison importante. Maintenant, peut-être qu'il y en a d'autres.

Mme Fortin (Michèle): Au niveau du retard sur les taux de diplomation, en particulier à la maîtrise et au doctorat, il serait intéressant de relire les derniers avis du Conseil des universités sur la recherche où on essaie d'analyser et de sortir un certain nombre de causes. Une des raisons serait probablement que nous avons ici, au Québec, des maîtrises beaucoup plus longues que dans les universités des autres provinces. On a probablement des problèmes reliés à l'encadrement des étudiants. On a probablement d'autres problèmes reliés à l'inscription et à certaines situations spécifiques.

(16 heures)

Je pense que ce ne sont pas nécessairement des problèmes reliés à l'argent, mais à un comportement de nos études avancées. C'est à cela, dans le fond, que le ministre demande aux universités de s'attaquer afin de le revoir à l'interne. Je sais que les universités - et vous pourrez leur poser des questions - sont fort intéressées par ce phénomène et, j'en suis certaine, ont probablement des hypothèses sur le fonctionnement de leurs programmes d'études avancées qui pourraient vous éclairer là-dessus.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que, M. le ministre, vous avez une politique en ce qui concerne les frais de scolarité? J'ai regardé dans votre document et je n'ai vu aucune allusion aux frais de scolarité tant en ce qui concerne les étudiants québécois que les étudiants étrangers ou les étudiants d'autres provinces canadiennes.

M. Bérubé: En fait, j'attends l'avis de la commission pour m'éclairer et, éventuellement, faire des recommandations au Conseil des ministres. Mais disons que l'année dernière, lorsque le ministère a eu à effectuer un certain nombre de compressions, s'est posée au ministère la question fort pertinente de savoir si on devait faire assumer par les budgets généraux des universités des compressions additionnelles ou si, au contraire, on devait essayer de les faire porter ailleurs. L'examen nous a démontré que, premièrement, les frais de scolarité au Québec étaient inférieurs aux frais de scolarité prévalant en moyenne au Canada et que ceci pouvait constituer un choix politique de la société québécoise. Mais ce choix politique portait sur les étudiants québécois et non pas sur les étudiants venant de l'extérieur et, donc, c'était plausible de vouloir hausser les frais de scolarité pour les clientèles de l'extérieur du Québec. De plus, l'opinion était qu'on devrait peut-être en faire porter une part plus grande par les étudiants étrangers qui ne sont pas citoyens canadiens et qui n'ont jamais payé de taxes au Canada, tout en prévoyant, cependant, que près de 50% de ces clientèles ne seraient pas affectées par une telle augmentation des frais de scolarité, puisque, dans le cadre d'accords de réciprocité entre les pays généralement en voie de développement et le Québec, on pourrait voir à ce que ces étudiants soient exemptés ou reçoivent une bourse équivalant à l'augmentation des frais de scolarité. Donc, effectivement, le ministère, l'année dernière, face à la possibilité d'augmenter les compressions dans les budgets des universités ou d'en faire porter une partie par les

clientèles venant de l'extérieur, a préféré en faire porter une partie par les clientèles venant de l'extérieur.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je comprends que le Conseil des universités a une opinion là-dessus, mais est-ce que le ministre, lui, a une opinion?

M. Bérubé: Ce que le Conseil des universités ne nous a pas dit, c'est s'il préférerait voir le fardeau porté par les universités plutôt que par les clientèles extérieures. Je sais que certaines universités m'ont dit que, dans le fond, elles préféreraient absorber la compression en question et ne pas avoir à appliquer une telle politique.

M. Leduc (Saint-Laurent): Et vous, quelle est votre opinion?

M. Bérubé: Si l'université veut absorber les frais et pense qu'elle le peut, je n'ai aucune objection.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Merci, M. le Président. Je voulais justement parler des priorités de financement en abordant aussi les frais de scolarité, comme l'a fait le député de Saint-Laurent. Vous avez comme priorité de financement le maintien du gel des frais de scolarité. D'autre part, on voit à la page 22 de votre mémoire que la contribution des étudiants au financement des universités a décru de 16,4% à 6,4% en l'espace de dix ans. Je voudrais savoir de la part du ministre s'il a l'intention de maintenir ce gel pour de nombreuses années. Est-ce que vous croyez qu'éventuellement, considérant que, pendant dix ans, la contribution des étudiants au financement a diminué de 10%, d'ici de nombreuses années, on arrivera à enlever les frais de scolarité pour les étudiants?

M. Bérubé: Une chose est sûre, nous allons dans cette voie. Cela est clair, puisque...

M. Champagne: Éventuellement, nous atteindrions le point zéro pour les frais de scolarité? C'est bien cela?

M. Bérubé: L'éventualité dépend beaucoup du niveau de ressources. Pour l'instant, tout ce qu'on peut dire, c'est que nous allons dans cette voie, parce que jamais encore ne s'est posée la question du financement des universités par le passé. Elle se posait si peu en pratique que nos universités étaient amplement financées si on se fie à tous les standards de comparaison que l'on peut vouloir imaginer et si on examine la situation qui prévalait vers 1977, 1978 ou 1979, par exemple. Donc, s'il n'y a aucun problème de ressources, personnellement, je pense qu'on doit rechercher une diminution constante des frais de scolarité. Si, par contre, nous manquons de ressources et que cette insuffisance de ressources menace la qualité du système universitaire, nous devons nous poser la question. On se pose un peu partout la question en ce moment.

M. Champagne: Mais vous ne répondez pas à ma question. Est-ce que vous prévoyez...

M. Bérubé: Je me pose la question.

M. Champagne: ...maintenir le gel pendant de nombreuses années, M. le ministre? Enfin c'est, bien sûr, une question de ressources, j'en conviens. Mais, vous qui avez été président du Conseil du trésor, est-ce que vous prévoyez, quand même, d'ici quelques années une meilleure situation qui va faire en sorte que le financement des étudiants va aller en décroissant?

M. Bérubé: Non, je n'ai pas de réponse à cela. Je n'ai pas de réponse parce que je n'ai pas de boule de cristal qui me permette de dire quel sera l'équilibre financier demain, ni quels seront les choix que le gouvernement ou, soit dit en passant, le caucus voudra faire de l'enveloppe budgétaire dont nous disposerons. Je pense que les besoins sont considérables. Ils sont perçus différemment par chaque citoyen et l'arbitrage entre ces besoins est un geste très délicat. C'est le geste politique par excellence. Tout ce que je peux vous dire, c'est que, dans le passé, nous avons, comme société, voulu accroître l'accessibilité, réduire les frais de scolarité et bien financer nos universités. Ce sont les trois objectifs que nous nous sommes imposés comme société. Tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas de problème de ressources, je pense que nous devons maintenir ces trois objectifs. Dès qu'il y a un resserrement de ressources, il nous faut sérier aux objectifs. C'est l'exercice auquel nous sommes conviés, si je ne me trompe. Je ne voudrais pas, d'ailleurs, orienter de façon autoritaire les travaux de cette commission. Je préférerais de beaucoup que vous vous engagiez dans une réflexion en profondeur avant que le gouvernement soit amené à prendre une décision.

M. Champagne: Alors, pour éclairer les membres de cette commission, est-ce que vous pourriez, M. le ministre, faire une comparaison avec les autres provinces canadiennes au sujet des frais de scolarité? Si nos Québécois connaissent un gel au point

de vue du financement des frais de scolarité des universités, quels sont, par ordre de grandeur, les frais de scolarité exigés dans les autres provinces canadiennes?

M. Bérubé: L'ordre de grandeur est de 1000 $ à 1200 $ dans les autres provinces alors qu'au Québec il est plutôt de 500 $ à 600 $. Maintenant, je n'ai pas les chiffres pour les autres provinces. J'ai ceux de l'Ontario. Droits moyens au Québec: 588 $; Ontario, 1233 $. Mais cela varie d'une province à l'autre. Disons qu'en gros c'est du simple au double lorsqu'on compare. Je sais, cependant, qu'en Colombie britannique on s'intéresse de très près à la question des frais de scolarité. La décision n'a pas encore été prise, mais je sais qu'on l'examine. Je sais que c'est présentement une préoccupation de tous mes collègues, ministres de l'Éducation, de toutes les provinces canadiennes.

M. Champagne: De faire en sorte que les frais de scolarité diminuent dans toutes les autres provinces?

M. Bérubé: Non. D'examiner la question, parce que la plupart trouvent que leurs frais de scolarité sont trop bas.

M. Champagne: Ah, ils sont trop bas! Cela veut dire que nous, on va dans le sens contraire?

M. Bérubé: Nous allons dans le sens contraire des tendances actuelles.

M. Champagne: On peut s'en féliciter, je ne sais pas. La réflexion, elle est faite. Si je comprends bien, cela veut dire que les autres provinces s'en vont, quand même, vers une croissante de leurs frais de scolarité pendant que le Québec va vers une diminution. Je pense que c'est...

M. Bérubé: Exactement. C'est pour cette raison que j'ai soulevé ce point. Je pense qu'il doit être pris en considération quand nous essayons d'établir nos priorités. Non pas que ce soit un objectif non désirable, il faudrait bien qu'on s'entende. Je pense que, lorsqu'en rétrospective je revois ce que je vous ai présenté ce matin, la période des années quatre-vingt à aujourd'hui, en termes de financement universitaire...

Je vous ai mentionné ce matin que le gouvernement, dans sa réallocation de la misère, avait imposé des compressions de 117 000 000 $ au milieu universitaire. Mais je vous ai également fait la démonstration ce matin que, lorsque j'examine l'effort demandé dans le réseau des affaires sociales - et j'aurais pu vous donner des chiffres que j'avais pour les ministères; l'effort demandé aux ministères a été nettement plus grand que dans les réseaux - et dans le réseau de l'éducation, l'effort de compression représente à peu près 9% des dépenses. Notez bien que je ne fais pas référence, cependant, à l'acceptation de clientèles additionnelles non financées; je parle vraiment de compressions budgétaires explicites. Les compressions budgétaires explicites imposées par le gouvernement étaient d'environ 9% dans les deux réseaux des affaires sociales et de l'éducation, alors qu'au niveau des ministères on parle de 15% de compression des dépenses. Donc, c'est nettement plus élevé pour ce qui est de l'activité quotidienne des ministères. Nous n'avons pas voulu comprimer autant les réseaux, parce que les réseaux offrent des services directement à la population, alors qu'au niveau des ministères il y a beaucoup de gestion, de planification, de contrôle dont on peut se passer jusqu'à ce qu'il y ait, à un moment donné, une mauvaise décision prise quelque part et que l'Opposition force le gouvernement en place à exercer plus de contrôle. C'est le rôle de l'Opposition de toujours exiger plus de contrôle, de manière qu'il n'y ait jamais d'erreur et, ensuite, de se plaindre de ce que les taxes sont trop hautes et que la machine administrative est devenue incohérente. Enfin, cela fait partie de notre système politique et je pense qu'il faut vivre avec. De temps en temps, il faut faire le nettoyage, par contre. Enfin, je pense qu'on n'a pas trop mal fait au niveau des ministères. Donc, nous avons une compression qui est moindre dans le secteur de l'éducation que ce qui a prévalu dans les ministères, nettement moins.

M. Champagne: Un dernier point que je voudrais attaquer, ce sont les prêts et bourses. En faisant des comparaisons avec les autres provinces, est-ce que le Québec fait un effort plus grand ou moins grand que les autres provinces concernant l'aide apportée aux étudiants par les prêts et bourses?

M. Bérubé: On me dit qu'il est supérieur, mais je vais essayer de faire sortir des données qui permettent d'asseoir cette affirmation. Je n'en ai pas sous les yeux. Je n'ai pas véritablement de comparaisons interprovinciales. En général, les autres provinces ont souscrit au programme fédéral qui consiste à ne donner à peu près que des prêts, alors que nous avons chez nous un régime de prêts et de bourses. Donc, nous avons un régime qui, si vous prenez ma parole, est nettement plus généreux que ce qui prévaut dans les autres provinces, mais nous allons essayer de vous le détailler. Peut-être que Mme Fortin pourrait le faire.

Mme Fortin: Là-dessus, le gouvernement fédéral compense en partie à cause du droit de retrait les dépenses du régime des prêts-

bourses du Québec de la part correspondant à sa population dans les dépenses fédérales. Nous, au Québec, on dépense à peu près 270 000 000 $ par année pour les prêts-bourses et on récupère du fédéral comme juste part quelque chose qui varie entre 30 000 000 $ et 50 000 000 $, selon les années. C'est donc dire qu'on dépense nous-mêmes au-delà de six fois plus que ce que, normalement, on dépenserait dans le programme fédéral.

M. Champagne: Merci beaucoup.

Le Président (M. Charbonneau): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que c'est au sujet des prêts-bourses et des frais de scolarité?

Mme Dougherty: Non.

Le Président (M. Charbonneau): Non. Allez-y, je reviendrai tantôt.

Mme Dougherty: Vous aviez une question?

Le Président (M. Charbonneau): Oui, mais j'ai déjà posé mes questions. Je reviendrai avec d'autres tantôt. Allez-y.

Mme Dougherty: M. le Président, après l'analyse du ministre ce matin, il y a une question très importante, je crois, à laquelle le ministre n'a pas répondu. Comment le ministre explique-t-il le fait que les universités ont subi les pires coupures des institutions dans le secteur de l'éducation au cours des cinq dernières années? En d'autres mots, où se trouvent les universités dans les priorités du gouvernement?

M. Bérubé: Bon. Je pense qu'il faut revenir au texte que je vous présentais ce matin et examiner l'origine des compressions. Vous y verrez qu'il y a à peu près 117 000 000 $ de compressions qui sont des compressions que je qualifierais de gouvernementales, en ce sens qu'elles viennent d'une décision du gouvernement de répartir sur l'ensemble des réseaux et des missions administratives gouvernementales l'effort que nous obligeait à fournir une récession économique qui, soit dit en passant, nous a fait perdre 6% de notre produit national brut en 18 mois. Il ne faudrait quand même pas l'oublier. Il faut quand même partir du fait qu'il y a 6% de moins de richesse qui circulent. Cela touche le citoyen chez lui, mais cela touche aussi l'administration publique; cela touche l'ensemble. (16 h 15)

Donc, nous partons d'une réalité, celle d'une suppression de 6% de notre richesse et maintenant il faut s'ajuster. Les ministères encaisseront jusqu'en 1985-1986... Je vais vous le citer de mémoire, mais je m'étais fait préparer un tableau que j'avais déniché de mes vieux jours au Conseil du trésor. Voilà, merci. C'est bien cela. Le réseau des affaires sociales, de 1981 à 1986, aura vécu avec 9,3% de compression de son budget de fonctionnement par rapport à ses croissances automatiques naturelles. Le réseau de l'éducation aura eu à vivre avec 9,2% de compression. Les ministères - je vous avais induits en erreur tantôt - 12,7% (c'est 13% et non 15%) de réduction de leur niveau d'activité. Voilà donc l'étendue des compressions appliquées à l'ensemble de l'appareil gouvernemental. À cet égard, le réseau de l'éducation n'est donc pas plus mal traité que les autres réseaux.

Deuxièmement, se sont ajoutés à cet effort de compression, deux autres efforts que le ministère a demandés au réseau dont un a été d'accepter des clientèles additionnelles pour près de 95 000 000 $ sans les financer. Attention! Il y a une énorme différence entre réduire le budget d'un organisme ou l'obliger à fournir plus de services pour le même budget. Lorsque j'introduis un élève additionnel dans une classe, en toute probabilité son coût marginal est très bas, probablement près de 0. Évidemment, statistiquement, si j'ajoute un certain nombre d'étudiants, à un moment donné, je dois dédoubler mes groupes ou je dois engager des assistants ou je dois construire de nouvelles salles de cours plus grandes; là, je commence à encourir des frais. Donc, le coût marginal pour accepter des clientèles additionnelles progressivement croît sans atteindre le coût moyen.

Donc, demander aux universités avec le même budget de donner les cours à plus d'étudiants n'a pas réduit les ressources dont elles disposaient, mais les a certainement obligées - et c'est la façon privilégiée par les universités - à donner des cours à de plus gros groupes, cela est clair. De cette façon, on a finalement réduit notre coût unitaire, notre coût per capita, mais cela ne s'est pas traduit comme tel par une diminution de niveau de crédit, donc, par des obligations à supprimer des activités aussi là, sauf, évidemment, que lorsqu'on augmente systématiquement le nombre d'étudiants, à un moment donné, il faut rajouter des ressources et là elles n'avaient pas le financement et, donc, il y avait effectivement une compression additionnelle. Finalement, il y a la compression additionnelle qui vient du gel des frais de scolarité qui a rapporté à peu près une quinzaine de millions aux étudiants.

Alors, ces deux compressions au niveau des frais de scolarité, au niveau de

l'accessibilité rendue obligatoire littéralement par les règles de financement constituent des compressions additionnelles que le ministère de l'Éducation a choisi d'imposer au réseau avec l'accord du gouvernement. Pourquoi? Parce que l'analyse que l'on peut faire en 1978-1979 nous démontre hors de tout doute que nous surfinancions très nettement le réseau universitaire. En contrepartie de ce surfinancement, en terme d'études supérieures, en terme de baccalauréats lourds, en terme d'études à temps complet, nous ne tirions pas du réseau universitaire une performance qui aurait justifié une telle injection de fonds. C'est sur cette base que le ministère a dit: II faut ajouter aux compressions dont on parle d'autres compressions qui vont avoir comme résultat d'accroître la participation des femmes aux études universitaires, d'accroître la fréquentation par les francophones au niveau universitaire. En fait, le résultat final n'est pas un résultat de diminution de qualité; au contraire, il permet à plus de Québécois d'avoir accès à l'enseignement universitaire. Mais, évidemment, il taxe les ressources en place de l'université, ce qui, tant et aussi longtemps que le niveau de ressources reste avantageusement comparable, n'est pas un véritable problème, mais peut le devenir lorsque le niveau de ressources commence à décroître et c'est ce que nous observons.

Donc, ce n'est pas une question de priorités ou, plutôt, oui, c'est une question de priorités, l'accessibilité à l'université. Qui doit la financer? L'analyse a été faite et a permis de conclure que l'université pouvait en financer une bonne partie, ce qu'elle a été amenée à faire.

Mme Dougherty: II semble y avoir pas mal d'ambivalence dans votre discours. D'une part, il y a un manque d'argent, une situation financière dont nous sommes tous au courant au Québec et, en même temps, nous sommes arrivés au point où les universités sont sous-financées par rapport à celles de nos voisins.

La politique du gouvernement semble être de demander aux universités de faire de plus en plus avec de moins en moins. J'aimerais vous demander quand vous allez prendre le taureau par les cornes et adopter une politique peut-être plus réaliste afin de rechercher comment augmenter les revenus des universités. Y a-t-il des moyens? Vous avez dit qu'il ne s'agit pas des priorités; je crois que les priorités sont très importantes dans la solution du problème. Comment augmenter les revenus des universités? Avez-vous examiné d'autres moyens d'augmenter ces revenus?

M. Bérubé: Oui. Par exemple, nous avons approuvé cette année, dans le cadre du plan de relance, un objectif d'environ 20 000 000 $ pour financer une quarantaine d'équipes de recherche et nous avons injecté 22 000 000 $ pour financer des clientèles additionnelles, ce qui représente 42 000 000 $ d'injection de fonds en régime de croisière.

Mme Dougherty: En ce qui concerne les nouvelles clientèles prioritaires, selon le gouvernement, avez-vous évalué les demandes faites aux universités par rapport à leur capacité d'accueil? Vous avez ajouté quelques millions de dollars pour certains secteurs jugés prioritaires pour le virage technologique, mais avez-vous évalué les demandes université par université pour des ingénieurs, par exemple, pour l'administration, pour les sciences? J'en parle surtout parce que leur capacité n'est pas illimitée. Je parle de leur capacité physique, des professeurs qualifiés et des équipements. Avez-vous évalué la situation réelle à cet égard?

M. Bérubé: Oui. D'abord, en injectant une quinzaine de millions pour l'équipement sur trois ans. En finançant à leur coût réel des clientèles additionnelles, on permet, évidemment, d'engager des professeurs de manière à pouvoir accueillir ces clientèles. Il demeure le problème des espaces et je pense que c'est un problème très réel. Par exemple, nous allons permettre, dans le plan d'immobilisations, l'agrandissement de l'École polytechnique pour accueillir ces clientèles; au niveau des HEC, nous avons autorisé une expansion. En d'autres termes, on doit effectivement fournir certains espaces additionnels. Donc, il y a des budgets pour l'équipement et des budgets pour le corps professoral puisqu'on finance le plein coût de ces clientèles et on a également des espaces.

Donc, d'une part, on met à la disposition des universités les sommes requises pour permettre de prendre cette expansion. De plus, s'ajoute à cela le programme des quarante équipes de recherche. Il est clair que nous ne trouverons pas au Québec - et ce sera le principal problème, j'imagine - les candidats nécessaires pour remplir tous ces postes. Il va falloir aller à l'extérieur; cela va représenter, à ce moment, un "crossbreeding", comme on dit. En d'autres termes, on va rajeunir le corps scientifique québécois par des apports venant de l'étranger et cela, je pense que c'est désirable en soi.

Donc, nous savons que, si nous ne prenons pas le virage technologique, d'autres le prennent et, à ce moment, dans cinq ans il sera trop tard pour dire: Nous aurions dû agir. Donc, ce que nous avons fait comme gouvernement, c'est identifier clairement nos priorités et dire: Dans ces secteurs-là, il ne faut pas se laisser distancer par rapport aux autres pays. Et nous ne nous laisserons pas

distancer par les autres pays. Je ne dis pas que nous serons à l'avant-garde dans le monde, mais il demeure, quand même, qu'une étude du FCAC indiquait qu'en ce qui avait trait à l'effort consenti pour la recherche le Québec se compare avantageusement avec l'ensemble canadien. Nous consacrons environ 0,3% du produit intérieur brut à la recherche universitaire, alors que la moyenne canadienne est plutôt autour de 0,2%. Déjà, le Québec ne se situe pas mal, sauf que, si on se compare maintenant avec des pays comme le Japon, les États-Unis, là on se rend compte que les grands de l'OCDE se situent davantage autour de 0,4%. Il y a donc un effort à faire là et c'est cet effort que nous pouvons faire en l'équivalent de trois bonds environ. Je dirais que, si l'on pouvait accepter de faire trois sauts semblables à celui qu'on va faire avec les quarante équipes de recherche, nous rejoindrions les principaux pays en termes d'effort consenti à la recherche. Cependant, en termes absolus, nous ne serions sans doute pas au premier rang étant donné que nous sommes proportionnellement moins riches que ces pays, mais, néanmoins, l'effort serait réel. Même ce que nous faisons excède probablement les capacités immédiates, c'est-à-dire que nous ne formons pas assez de scientifiques à l'heure actuelle pour penser être autosuffisants, et ce que nous essaierons de prendre comme virage excède sans doute ce que nous sommes capables de fournir directement en termes d'expertise, mais ce que cela veut dire, c'est qu'il va falloir aller recruter à l'extérieur.

Mme Dougherty: Puis-je poser une autre question sur la recherche?

Le Président (M. Charbonneau): Oui, une dernière parce que le ministre des Finances est ici. On pourra reprendre avec le ministre de l'Éducation un peu plus tard.

Mme Dougherty: D'accord. En ce qui concerne les quarante équipes de recherche que vous avez l'intention d'implanter dans les universités, dans votre discours de ce matin, l'une de vos priorités est de promouvoir le développement de la recherche et de renforcer la place de cette mission à l'université. Qu'allez-vous faire, c'est-à-dire quelle est la politique du gouvernement afin de promouvoir la recherche à long terme aux universités?

Deuxièmement, une partie de cette question, le gouvernement a-t-il l'intention de continuer de procéder par des actions structurantes, par exemple, les quarante équipes envisagées? Ne voyez-vous pas un risque qu'en privilégiant la recherche appliquée, la recherche orientée, on va sacrifier la mission primordiale des universités, la recherche libre? (16 h 30)

M. Bérubé: D'abord, pour promouvoir le développement de la recherche à long terme, nous mettons un terme au sous-financement des études supérieures qui résultait de ce que, finançant sous la base du coût moyen, il existait un écart entre les dépenses réelles encourues par l'université et son financement par le ministère. Évidemment, ceci était désincitatif au développement des études supérieures. Nous mettons donc un terme au sous-financement.

Deuxièmement, nous proposons - c'est devant le Conseil des universités - de financer également les coûts afférents à la recherche. Lorsqu'un professeur obtient une subvention de recherche pour couvrir ses frais directs, l'université se retrouve aux prises avec des frais indirects, des frais administratifs qui ne sont pas des frais pour l'enseignement au niveau des deuxième et troisième cycles, mais qui sont des frais additionnels reliés directement à la gestion des laboratoires, par exemple: l'électricité, le chauffage, tout ce que l'on peut fournir comme services. Ce que nous proposons, c'est de financer également ces coûts afférents de manière à ne pas désinciter les universités à aller chercher les fonds de recherche là où ils se trouvent.

Comme je l'ai mentionné, nous allons financer des équipes de recherche de manière à avoir un impact significatif, développer des noyaux critiques de manière à arriver rapidement à un stage d'excellence plutôt que de procéder par une recherche très dispersée au niveau des individus, ce qui prend souvent beaucoup de temps avant qu'on réussisse à constituer le noyau.

La difficulté que nous avons au Québec, c'est que, très fréquemment, nos diplômés viennent des États-Unis, d'Europe et arrivent avec des intérêts très diversifiés. Comme notre population est moindre, comme nous avons un grand nombre d'universités et comme nous voulons couvrir tous les domaines, nos équipes de recherche sont souvent trop petites pour permettre de constituer un noyau critique qui, lui, permet une véritable interfécondation des gens qui travaillent ensemble et qui les amène, justement, à découvrir plus rapidement.

Pour obvier à cet inconvénient qui existe depuis longtemps, on propose que les chercheurs se regroupent et cherchent à concentrer leurs activités de recherche dans des domaines suffisamment connexes pour que les étudiants puissent s'épauler les uns les autres de manière à progresser plus rapidement. C'est le but de nos équipes de recherche.

Quand vous demandez s'il y a un risque de sacrifier la mission fondamentale de l'université, je ne serais pas partisan de maintenir un programme de 40 équipes et de continuer avec 40 nouvelles équipes dans le même domaine, ainsi de suite, je ne pense

pas. Je pense qu'il faudra évaluer les besoins en recherche dans les autres disciplines universitaires et il pourrait se produire que, dans trois ans, l'État pense que nous prenons du retard. Ce pourra être dans les beaux-arts, dans le design, dans les lettres, quelle que soit l'analyse que l'on pourra faire et on pourra juger, à un moment donné, que nous prenons un retard dans ces domaines. À ce moment-là, on mettra l'accent sur le développement de ce secteur, sans doute dans une formule qui sera bien différente de celle des équipes de recherche, formule bien applicable au domaine de la recherche appliquée, de la science pure et appliquée, mais qui est peut-être moins heureuse lorsqu'il s'agit du développement des sciences sociales ou des lettres.

Donc, la formule que pourrait prendre l'action gouvernementale dans trois ans, je pense que ça dépendra du secteur que nous devrons couvrir, mais il n'est pas exclu que le gouvernement, au-delà de son financement régulier - il faut bien comprendre que nous finançons les clientèles additionnelles - au-delà de ce financement des clientèles additionnelles qui peut donner lieu à l'apparition dans nos universités de nouveaux secteurs d'excellence, puisqu'il y aura de nouveaux étudiants, de nouveaux financements, donc de nouveaux professeurs, au-delà de cette croissance naturelle, veuille, dans trois ans, mettre l'accent sur un autre secteur et accélérer le développement. Je pense que, à ce moment-là, le gouvernement aura à faire ses choix.

Pour l'instant, il y a un programme bien précis qui touche un secteur et qui va nous permettre de progresser rapidement. Un avantage que nous avons, que n'ont peut-être pas souvent les universités de pays étrangers, c'est la possibilité, finalement, de bouger assez rapidement dans des secteurs où il apparaît assez clairement, dans le monde entier, que c'est l'orientation que prend le domaine scientifique universitaire.

On me passe une petite note qui est très valable. Concernant le fonds FCAC, 60% du financement vont à la recherche en sciences sociales et humaines, en ce moment, au Québec.

Le Président (M. Charbonneau): Nous allons faire une pause, M. le ministre, pour permettre à votre collègue de venir prendre place. Juste une question avant cette pause, qui concerne le dossier de l'accessibilité. Vous avez parlé tantôt d'une université de masse qui avait été un peu notre choix au Québec, comme société. Par ailleurs, depuis un certain nombre d'années, on a une approche de gel des frais de scolarité qui, à la limite, pourrait nous amener à l'objectif que certains ont réclamé pendant un certain temps, c'est-à-dire la gratuité. D'autre part, on a un système de prêts-bourses. Est-ce qu'on a réussi à accroître, finalement, l'accès des classes plus défavorisées dans notre société à l'université par rapport à la réalité qu'on pouvait observer il y a quelques années? Est-ce qu'on a réussi à améliorer notre situation dans ce milieu-là?

M. Bérubé: Le Conseil des universités préparait un rapport en septembre 1980, je crois, portant sur la répartition des coûts de l'enseignement universitaire et examinant ce problème de l'accessibilité, quelles sont les classes sociales qui en profitent, qu'est-ce qu'on exige d'elles comme contribution. Je pense qu'il serait intéressant de poser ces questions au Conseil des universités. Malheureusement, au-delà de l'information que j'ai pu retirer de cette analyse, je n'ai pas trouvé au ministère - il faut dire que je ne me suis pas enquis - d'information qui aille beaucoup plus loin que cette analyse. Je pense que ce serait quand même intéressant de soulever ces questions lorsque le Conseil des universités viendra témoigner.

Le Président (M. Charbonneau): Sans doute. Sur ce, nous allons faire une pause. Quelle heure est-il? Disons que l'on reprendra à 16 h 45. Nous allons arrêter sept minutes, le temps de permettre à M. Parizeau de venir se préparer.

Une voix: De se déplacer.

Le Président (M. Charbonneau): Un instant, s'il vous plaît; II faudrait peut-être qu'on règle aussi, M. le ministre de l'Éducation, le calendrier pour la suite. On m'a indiqué que le ministre des Finances était disponible pour les membres de la commission jusque vers 18 heures. Il y a des membres de la commission qui m'ont signalé qu'ils avaient d'autres questions à vous poser, M. le ministre de l'Éducation. Dans ce cas, est-il possible de penser qu'on puisse reprendre avec vous en soirée?

M. Bérubé: On me dit que c'est possible.

Le Président (M. Charbonneau): Dans ce cas, on fera tous, de part et d'autre, des efforts pour ne pas vous retenir indûment, mais je pense qu'on ne pourra pas échapper au fait que vous reveniez en soirée.

M. Ryan: Je pense que nous sommes dus pour une bonne partie de la soirée.

M. Bérubé: Pardon?

M. Ryan: On en a pour une bonne partie de la soirée, pour finir la rencontre de manière satisfaisante.

Le Président (M. Charbonneau): Nous

vous reverrons vers 20 heures. Nous allons entendre M. Parizeau.

(Suspension de la séance à 16 h 38)

(Reprise de la séance à 16 h 46)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous sommes maintenant rendus à aborder, dans la problématique du financement des universités, la question de la participation du gouvernement fédéral au financement des universités. Tel que convenu, ce matin, avec le ministre de l'Éducation, nous allons entendre le ministre des Finances qui, dans un premier temps, va sans doute nous présenter la problématique selon son point de vue et selon les informations dont il dispose. Par la suite, les membres de la commission engageront avec lui une discussion jusqu'à 18 heures.

M. le ministre.

Participation fédérale au financement des universités

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, la seule question à laquelle je voudrais m'adresser cet après-midi a trait au financement fédéral des universités, tel qu'il se présente depuis déjà un bon nombre d'années et tel qu'il a évolué avec le temps.

Je ne voudrais pas préjuger ni du point de départ de vos travaux ni du point d'arrivée, mais il me semble qu'il y a un certain nombre de choses quant au financement, dit fédéral, de l'enseignement universitaire qu'il faut dire, qu'il faut comprendre et qui, je pense, enfin, peut-être, donneront un éclairage utile aux travaux que vous poursuivez.

Nous avons eu à faire face - je parle ici des provinces - à deux projets de loi coup sur coup au cours des derniers mois d'abord le projet de loi C-3 et, ensuite, le projet de loi C-12 qui, à l'égard des services de santé et à l'égard des services d'enseignement postsecondaire, posaient un certain nombre de conditions que - et j'essaierai de le démontrer tout à l'heure -nous n'avions pas vues avant. Je vais laisser de côté, bien que j'aurai à en tenir compte de temps à autre, la question des sévices de santé pour m'adresser plus spécifiquement au projet de loi C-12 qui, lui, porte davantage sur l'enseignement postsecondaire. Je voudrais en relever simplement quelques éléments. Je n'ai pas l'intention de faire une description complète du projet de loi en question.

Entre autres dispositions, le projet de loi C-12 prévoit que chaque année, dans le cadre de consultations entre le gouvernement fédéral et les provinces, un rapport sera présenté à la Chambre des communes quant à la détermination d'objectifs nationaux et aux moyens de les atteindre; c'est l'article 9e. D'autre part, le même projet de loi établit une distinction entre les programmes de santé et ceux de l'enseignement postsecondaire, au point, d'ailleurs, que le titre du projet de loi établit cette distinction, ce qui n'était pas le cas avant. Ces deux éléments que je soulève ont l'air, au moins, en tout cas, dans certains milieux, d'aller de soi. Ce que je voudrais essayer de démontrer en quelques minutes, c'est que non seulement cela ne va pas de soi, mais qu'il s'agit, par rapport à tout ce qui s'était fait auparavent, d'un virement majeur, considérable.

À cet effet, M. le Président, je souhaiterais qu'on me laisse un peu de temps pour faire une sorte d'historique des rapports entre le gouvernement fédéral, les gouvernements des provinces et l'enseignement postsecondaire au Canada depuis un bon nombre d'années.

On me permettra peut-être de commencer à une époque qui, à tous égards, est fort intéressante parce qu'elle représente en un certain sens la genèse des programmes que nous connaissons maintenant et qui va de la fin des années cinquante jusqu'à 1967. Par la suite, je procéderai étape par étape et période par période jusqu'à maintenant.

On se rappellera que les années cinquante ont été absolument dominées par la tentative d'un certain nombre de provinces, mais singulièrement du Québec, de rapatrier les champs d'impôt qui avaient été loués au gouvernement fédéral pendant la Deuxième Guerre mondiale.

À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement fédéral se considère un certain nombre de responsabilités sur le plan social en particulier à l'égard de l'ensemble du Canada et hésite beaucoup à rendre ces champs de taxation aux provinces.

Pour essayer de faire en sorte de maintenir des priorités nationales, c'est-à-dire canadiennes, sans lâcher de points d'impôt au moins jusqu'à la crise provoquée par M. Duplessis en 1954 et même après, le gouvernement fédéral va mettre au point un certain nombre de programmes conjoints, de plans conjoints. En somme, il dira: Je ne veux pas vous rendre vos champs d'impôt ou des points d'impôt, mais je vais participer dans des dépenses qui me paraissent à moi, gouvernement fédéral, et qui doivent vous paraître, à vous, gouvernements provinciaux, prioritaires.

Je ne veux pas reprendre ici la totalité des plans conjoints que nous avons connus pendant ces années, mais j'aimerais, par exemple, en retenir deux. Premièrement,

l'enseignement technique, les écoles techniques; je vous rappellerai, par exemple, que pendant toutes ces années, à partir de la fin des années cinquante, le gouvernement fédéral partage 50-50, moitié-moitié toutes les dépenses des écoles techniques dans les provinces et, donc, au Québec. Deuxième exemple, l'assurance-hospitalisation; même chose, 50% de toutes les factures qui relèvent de l'assurance-hospitalisation.

Cela va fonctionner comme cela pendant un certain temps, sauf que cela va donner lieu à des contrôles extrêmement tatillons, tatillons au point où, par exemple, à un moment donné, il n'y avait pas un livre qui pouvait entrer dans une école technique sans qu'il soit approuvé par deux gouvernements. Un achat de marteau et de tournevis devait donner lieu à deux acceptations. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'après un certain nombre d'années d'aberrations de ce genre on s'est rendu compte que le marteau ou le livre revenait très cher et qu'il fallait probablement changer de système. C'était très joli de ne pas vouloir rendre les points d'impôt aux provinces, mais les entraîner dans un système de contrôle comme cela, cela allait trop loin.

Cela va aller tellement loin qu'en 1964 M. Lesage décidera de retirer le Québec de 29 programmes conjoints. Contre quoi? Contre des transferts de points d'impôt et une compensation financière. La crise sera provoquée, au fond, dans ce système par le gouvernement de Québec en 1964. On sort de 29 programmes de ce genre, on se fait donner des points d'impôt et une compensation financière au-dessus.

Comme ce sera, au fond, assez suivi par la plupart des autres provinces - enfin, entre 1964 et 1967, après le coup de théâtre fait par le gouvernement de Québec, il est clair dans la plupart des provinces canadiennes que les programmes de plans conjoints 50-50, tatillons, impliquant un contrôle de toutes les dépenses ex ante n'ont pas d'avenir - cela va s'éteindre petit à petit.

Cela nous amène en 1966-1967 où deux très grands programmes de financement des provinces vont apparaître au niveau du gouvernement fédéral. Il est clair que le gouvernement fédéral veut mettre en place "medicare". Il est clair que les programmes des plans conjoints avec décision ex ante par les deux ordres de gouvernement donneront lieu à des aberrations. Donc, le gouvernement fédéral accepte, dans le cas de l'assurance-santé, un principe tout à fait différent et qui consiste à dire: Vous allez retenir, vous les provinces, un petit nombre de critères généraux et moyennant quoi nous allons payer 50% des dépenses. Des critères qui sont très généraux; par exemple, il ne doit y avoir aucune discrimination en fonction de l'âge, de la religion, du sexe, de la race, etc., le programme doit être universel, il ne doit pas comporter de paiement par l'usager; trois ou quatre principes comme cela. Moyennant que les provinces acceptent ces trois ou quatre principes, le gouvernement fédéral s'engage à payer 50%; pas 50% des dépenses dans chaque province, d'ailleurs, mais 50% des dépenses correspondant à la moyenne nationale et avec une vérification des coûts non pas ex ante comme dans le cas des marteaux ou des livres dont je parlais tout à l'heure, mais ex post. Le gouvernement fédéral regardera quelle est la moyenne nationale des dépenses de l'assurance-santé et partagera cela, en paiera 50% quand il aura fait les vérifications par la suite, sans, cependant, autorisation à demander au départ. Cela va permettre au gouvernement fédéral de relâcher un peu de la pression à l'égard des provinces qui disent: Nous, on voudrait nos points d'impôt. Le gouvernement fédéral dit: Non, non. Vous n'aurez pas vos points d'impôt, mais vous aurez, cependant, 50% d'un programme de dépenses majeures, énormes, sans conditions tatillonnes.

En même temps - et nous parlons ici de la fin des années soixante, c'est-à-dire d'une explosion des effectifs au niveau postsecondaire - les provinces font des pressions considérables pour avoir un mode de financement des dépenses postsecondaires. Évidemment, ce qui ferait l'affaire d'un certain nombre de provinces et singulièrement du Québec, c'est d'avoir des points d'impôt. Mais le gouvernement fédéral va adopter à l'égard de l'enseignement postsecondaire exactement le même genre d'attitude qu'il a adoptée à l'égard des services de santé, en disant essentiellement ceci: Nous allons vous fournir une contribution qui, ex post, représentera à peu près 50% de vos dépenses dans l'enseignement postsecondaire, l'enseignement postsecondaire étant défini de façon très très large. Par exemple, le secondaire V au Québec est entré dans le postsecondaire à cette époque-là. Au bout de quelques années, le gouvernement fédéral s'est finalement rendu compte que le secondaire V, c'était difficilement le postsecondaire, mais, enfin, pendant plusieurs années, il a payé, que son nom soit béni! Mais tout était ensemble: le secondaire V, les cégeps qu'on commençait -il faut bien le comprendre, c'était les années où les cégeps commençaient - les universités. Tout cela était complètement mêlé. Cela n'avait pas d'importance: le gouvernement fédéral acceptait de payer 50%. 50% dans le cas de toutes les provinces, sauf le Québec. Comme on s'était déjà retiré des 29 programmes conjoints, le gouvernement fédéral a accepté aussi qu'on applique la même formule dans le cas de l'enseignement postsecondaire et nous a

donné quatre points d'impôt. Nous avons été la seule province à recevoir quatre points d'impôt pour cela. Dans le cas de toutes les autres provinces, cela a été moitié-moitié. Nous, cela a été quatre points d'impôt, plus un ajustement financier par-dessus.

Bon, il y a dans ce système que le fédéral a monté à la fin des années soixante une faille très importante. Les provinces négocient des conventions collectives à la fois dans les services de santé et dans les services de l'enseignement sans aucune référence à un contrôle fédéral quelconque. Là, il faut bien comprendre que 80% des coûts de l'enseignement, ce sont des salaires. 80% des services de santé, ce sont des salaires. On me chicotera un peu en me disant que c'est plus ou moins 2% ou 3%; je n'en suis pas à cela pour le moment. L'essentiel, ce sont des salaires et, à toutes fins utiles, très rapidement dans les hôpitaux ou dans les cégeps, un peu plus tard dans les universités, tout le monde se syndique et tout le monde signe des conventions collectives. Il y a des provinces, si vous me passez l'expression, qui n'y vont pas avec le dos de la cuillère, qui donnent à un certain moment des augmentations de salaires tout à fait remarquables. Le gouvernement fédéral peut fort bien s'opposer à des traitements de cet ordre, mais il n'a rien à dire puisqu'il contrôle les dépenses ex post, une fois qu'elles sont faites. Il n'a pas un mot à dire sur les conventions collectives.

Donc, à partir de 1972, à la suite d'un certain nombre d'expériences - je reconnais que, si j'avais été ministre des Finances du gouvernement fédéral à cette époque, j'aurais probablement réagi de la même façon - le gouvernement fédéral dit: Écoutez, je ne vais pas continuer à payer, pour les services de santé et l'enseignement postsecondaire, 50% de n'importe quoi que vous déciderez de donner comme augmentations de salaires. Entre nous, c'est raisonnable parce qu'en somme un gouvernement d'une province qui se trouvait en face d'une grève savait fort bien que le coût ultime auquel il réglerait la grève serait pour lui divisé par deux. Cela ne donne pas une très grosse force de résistance. N'importe qui qui a déjà participé à des négociations collectives sait que, lorsqu'on ne paie que 0,50 $ dans 1 $, on est un peu moins rigoureux que lorsqu'on le paie au complet. (17 heures)

Donc, à partir de 1972, le gouvernement fédéral commence à plafonner le coût des deux grandes ententes dont je viens de parler. D'abord, en 1972 - cela peut faire sourire à notre époque - le gouvernement fédéral accorde un plafond de 15% d'augmentation annuelle à ses contributions à l'enseignement postsecondaire: pas plus de 15% par an. Les modes de vérification restent ex post, mais, au moins, du point de vue du gouvernement fédéral, cela ne peut pas aller au-delà de 15% par année. Quand je dis 15%, d'ailleurs, selon la façon dont chaque province se situe par rapport à la moyenne nationale, les 15% peuvent varier un peu plus ou un peu moins. Je n'en suis pas à la plomberie ici; j'énonce simplement le principe général.

En 1975-1976, les contributions fédérales aux dépenses de santé vont aussi être soumises à un plafond. Là, nous entrons dans le cadre des négociations entre le gouvernement fédéral et les provinces en 1977. En 1977, pour le renouvellement de ces arrangements fiscaux, qui durent cinq ans, comme on le sait, donc de 1977 à 1982, le gouvernement fédéral propose un nouveau système en vertu duquel les transferts fiscaux et financiers aux provinces pour les services de santé et de l'enseignement postsecondaire - et cela est fondamental -seront fusionnés. On cessera d'établir une distinction entre le postsecondaire et la santé. Il y aura un programme qu'on appellera "les programmes établis". Le mot intervient à partir de 1977. On "lock" ensemble les contributions fédérales au programme de santé, telles que je les ai expliquées, les contributions du gouvernement fédéral à l'enseignement postsecondaire et on en fait un bloc.

Le gouvernement indiquera que, de cette façon, les provinces auront bien plus de flexibilité dans l'affectation des fonds, ce qui est vrai puisqu'on peut déplacer cela, il n'y a même aucun contrôle ex post de chacune des deux parties. D'autre part, la contribution fédérale totale à ces deux programmes sera limitée à l'augmentation du produit national brut per capita. Alors, là, vous voyez, c'est dans un certain sens l'aboutissement d'une longue révolution qui a commencé avec l'acceptation ex ante des marteaux et qui aboutit à la fusion des programmes établis avec un maximum qui, chaque année, est l'augmentation du PNB per capita et qui n'a plus aucun rapport avec les coûts.

Les coûts de santé augmentent-ils plus rapidement que le PNB per capita? Le gouvernement fédéral dit: Cela n'est pas mon problème, c'est le vôtre. Les dépenses dans l'enseignement postsecondaire ou dans les universités ou dans les cégeps - plus dans le secondaire V, ils ont fini par comprendre -dépassent-elles le PNB per capita? Le gouvernement fédéral dit: Ce n'est pas mon problème. Ce n'est plus mon dossier. C'est un transfert, en pratique, inconditionnel au fonds consolidé de chaque province qu'on leur envoie et qui est limité par le PNB per capita, sans qu'on n'ait plus aucune sorte de vérification à faire, en un certain sens. On ne procéderait à des vérifications ex post que dans la mesure où la combinaison des dépenses pour l'enseignement postsecondaire

et de la santé serait inférieure au PNB. Cela ne s'est pas produit.

Alors, dans ces conditions, on vit, entre 1977 et 1982, dans un système qu'on appelle en anglais "the block funding": Le "block funding", c'est cela. Cela n'a plus de capacité d'orienter les dépenses par l'utilisateur ou par le gouvernement qui ultimement est responsable pour les dépenses. En somme, voulant éviter de transférer davantage de points d'impôt aux provinces, le gouvernement fédéral leur transfère des fonds. Il tient compte de la valeur des points d'impôt qu'il leur a déjà transférés et il ajoute des transferts financiers. Tout se passe comme si le gouvernement fédéral disait: Vous n'irez pas comme provinces taxer vous-mêmes. Nous allons taxer et vous transférer les fonds, déterminés par une formule qui, en elle-même, PNB per capita, n'a pas grand-chose à voir avec les coûts de l'enseignement universitaire, collégial, l'assurance-santé, les paiements aux médecins ou aux pharmaciens ou je ne sais trop quoi. C'est très important de comprendre cela parce qu'on aborde une période où tout s'est mis à changer, c'est-à-dire les arrangements fiscaux 1982-1985.

En 1982, le gouvernement fédéral décide que ces plafonds successifs qu'il a placés à l'égard de l'enseignement postsecondaire et de la santé sont encore trop hauts et il va enlever d'autorité... Autant, en 1977, les provinces s'étaient entendues avec le fédéral, cela paraissait être une règle de bon sens; autant en 1982, on ne s'est pas entendu du tout. Le gouvernement fédéral a dit: Mes plafonds sont encore trop hauts. Donc, des points d'impôt que j'avais déjà consentis aux provinces, je vais en retirer deux pour le financement des programmes établis. Donc, le financement des programmes établis, formule 1977-1982, là est moins établi. Toutes les provinces perdent deux points d'impôt et l'on se retrouve Gros-Jean comme devant. Mais la formule fondamentale de 1977-1982 n'est pas changée, elle. Au fond, c'est la contribution fédérale, c'est le maximum fédéral de financement qui est descendu, mais le fait de relier dans un seul concept de programmes établis l'enseignement postsecondaire et les services de santé n'est pas changé. Le fait qu'il n'y ait plus aucun rapport entre les dépenses affectées par chaque province à ces programmes et la contribution fédérale n'est pas changé, non plus. La seule chose, c'est que le gouvernement fédéral dit: Cela me coûte trop cher, j'enlève deux points d'impôt.

C'est dans ce sens, M. le Président -et je termine là-dessus - que l'on voit à quel point les projets de loi C-3 et C-12 font intervenir des éléments tout à fait nouveaux par rapport à toute la perspective historique que je viens de tracer. Pour la première fois, dans C-3 et C-12, le gouvernement fédéral dit: Depuis plusieurs années, je ne m'intéressais pas à la façon dont c'était dépensé. Depuis plusieurs années, je ne demandais pas de normes nationales. Depuis plusieurs années, je ne me demandais pas combien chaque gouvernement dépensait. Maintenant, je veux savoir combien chaque gouvernement dépense pour chacune des orientations, chacun des secteurs couverts. Je veux savoir à quoi cela sert. Je veux déterminer, influencer - déterminer dans C-3 davantage, influencer davantage dans C-12 -la façon dont l'argent se dépense. Cela, c'est tout à fait nouveau, pas nouveau par rapport à l'époque où l'on devait accepter les marteaux un par un, mais tout à fait nouveau par rapport à toute la période qu'on avait connue et à toute l'évolution qu'on avait connue depuis une quinzaine d'années.

Je conclus, M. le Président, de la façon suivante. Il y a encore, je pense, dans certains milieux un certain nombre d'illusions qu'il faut dissiper. Je n'en suis pas à dire -je pense que ce n'est pas mon propos et que cela ne devrait pas être mon propos ici -Est-ce que le gouvernement fédéral envoie assez d'argent aux provinces ou pas assez? Est-ce que les arrangements fiscaux de 1982 nous ont été suffisamment favorables ou non? Je n'en suis pas à cela; ce n'est pas l'endroit, ni la commission pour discuter de cela, d'ailleurs. Mes opinions à cet égard, je ne les ai jamais cachées. Elles sont bien connues, mais elles n'ont rien à voir avec notre débat. Tout ce que nous avons à examiner ici en commission, ce n'est pas de savoir, encore une fois, si le fédéral nous donne assez d'argent ou pas. C'est de bien comprendre qu'une évolution qui a commencé au début des années soixante, en fait qui est commencée depuis vingt ans, nous avait amenés à une forme de financement du gouvernement fédéral aux provinces, qui était accrochée à des concepts comme l'assurance-santé ou l'enseignement postsecondaire un peu comme on accroche un chapeau à une patère, mais pas plus, et que, en fait, jusqu'à C-3 et C-12, on ne s'était pas posé la question de savoir si le gouvernement fédéral finançait suffisamment les universités ou pas assez les universités. Ce concept n'existait pas. Nous n'avons donc pas à nous poser la question à l'heure actuelle de savoir si le gouvernement fédéral doit financer davantage les universités aujourd'hui ou moins les universités aujourd'hui. Ce n'est pas cela, l'objet du débat. C'est simplement de constater que le gouvernement fédéral cherche, à l'égard du financement universitaire, des pouvoirs que, depuis 20 ans, graduellement, il avait laissé tomber. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le Président. M. le ministre, je m'excuse.

On ne doit pas intervertir les rôles.

Je poserai, d'abord, une question préliminaire. Dans la mesure où les programmes ont été fusionnés, comme vous l'avez indiqué tantôt, si on veut, néanmoins, avoir une idée de ce qui va à l'enseignement universitaire ou postsecondaire et de ce qui va au secteur de la santé, je présume qu'on doit utiliser un peu les mêmes bases de calcul qui existaient avant que la fusion intervienne et qu'elle fasse disparaître la division. Je présume que, malgré le fait qu'on ait fusionné, c'est encore possible, à partir des mêmes bases de calcul, d'avoir des indications sur la somme que le fédéral peut dépenser, par exemple, dans le secteur universitaire ou dans le secteur postsecondaire par rapport à ce que les provinces, le Québec en l'occurrence, peuvent dépenser de leur côté, avec des bases de comparaison.

M. Parizeau: Jusqu'à tout récemment, la répartition du gouvernement fédéral, pour sa propre comptabilité, entre les services de santé et les services de l'enseignement postsecondaire était basée, à des fins administratives, sur sa perception de la façon dont il avait réparti son argent en 1975-1976. Cela peut paraître un peu baroque que, pendant sept ou huit ans, on ait utilisé la même base, mais, en fait, c'est cela. Cela donne 67,9% des fonds des programmes établis affectés aux programmes de santé et 32,1% pour l'enseignement postsecondaire. C'est une règle administrative que le gouvernement fédéral s'est donnée d'utiliser la répartition des fonds entre les deux grands programmes telle qu'elle existait en 1975-1976 et d'avancer jusqu'à maintenant avec les mêmes pourcentages.

Qu'est-ce que ça veut dire si on utilise cette base? Il faut bien s'entendre. Je n'ai pas besoin de vous dire que, sept ou huit ans plus tard, la base en question a peu de chance de correspondre à la réalité. Mais si on utilise cette base, ça donnerait à peu près ceci. La contribution fédérale à l'enseignement postsecondaire au Québec, en incluant la garantie de recettes, donnerait pour le Québec - je vais simplement lire les années l'une après l'autre - 1977-1978, 51,8%. Je pars de 1977-1978, cela va, et je vous donne les années qui suivent.

M. Ryan: Qu'est-ce que cela veut dire 51,8%?

M. Parizeau: Le gouvernement fédéral, selon sa formule de répartition, nous aurait envoyé des sommes qui représenteraient 51,8% de nos dépenses dans l'enseignement postsecondaire, en incluant la garantie de recettes fiscales et en incluant les points d'impôt et les transferts financiers. Cela fait 51,8% en 1977-1978. Si on me le permet, je ne donnerai pas toutes les années qui suivent; je vais simplement donner le résultat de chacune des années qui suivent: 51,2%, 52,5%, 51,9%, 50,9%, 48,9%, 49,4% et, la dernière année, 1984-1985, tel que prévu, 51%. Cela n'a pas entraîné de changement important dans la proportion. J'inclus là-dedans la valeur des points d'impôt, les transferts financiers et la garantie de recettes.

Le Président (M. Charbonneau): Vous disiez tantôt que le problème n'était pas de savoir combien, mais surtout de se rendre compte maintenant qu'il y avait une volonté de contrôle qui n'existait pas auparavant. Ce matin, lors de son intervention, le ministre de l'Éducation signalait, néanmoins, qu'il y avait aussi un problème au niveau du combien. Peut-être ai-je mal compris l'intervention de ce matin, mais on nous indiquait aussi qu'il y avait un problème au niveau du combien. (17 h 15)

M. Parizeau: Ah! Il y a un problème majeur, M. le Président, sur le plan du combien. C'est qu'en pratique un gouvernement comme le nôtre reçoit d'Ottawa 6 000 000 000 $ par an. Cela est composé de péréquation, c'est composé du financement des programmes établis, c'est financé par la contribution du gouvernement fédéral au programme d'aide sociale. C'est encore un cas qui est à 50% juste, les dépenses admissibles par le gouvernement fédéral. C'est composé des ententes auxiliaires. Il y a une foule de choses qui interviennent là-dedans et ce sont, en un certains sens, des vases communicants, c'est-à-dire que, si le gouvernement fédéral est amené, pour une raison ou pour une autre, à donner un peu plus d'argent sur la péréquation qu'il n'aurait le goût de le faire, il fait ce qu'il a fait récemment avec les programmes établis, il enlève deux points d'impôt. Si, pour une raison ou pour une autre, il est amené par le programme de modernisation des pâtes et papiers à dépenser davantage sur le plan des pâtes et papiers qu'il ne l'avait prévu, il change le règlement sur le remboursement des dépenses de bilinguisme. En fait, le gouvernement fédéral ne nous donne pas un sou de plus qu'il ne veut nous donner et, dans ce sens, le quantum se pose des contributions du gouvernement fédéral aux opérations du gouvernement de Québec.

Il est évident que, il y a un an, j'ai reçu du gouvernement fédéral, à cause de changements intervenus dans le recensement de la population et dans la détermination du produit national brut, bien plus d'argent que le gouvernement fédéral n'était disposé à m'en donner parce que, là, il y avait un avis donné par le statisticien du "Dominion", comme on dit, disant au gouvernement

fédéral: Vous vous êtes trompé sur la population du Québec. Il y a davantage de monde au Québec que vous ne le pensiez et, donc, corrigez pour quelques années. Alors, j'ai reçu un montant d'argent. Mais qu'est-ce que je me fais attraper dans les deux années qui suivent! En pratique, le montant total du gouvernement fédéral cette année va baisser en dollars. Cela, c'est le quantum, mais il faut bien comprendre, le quantum a trait aux opérations du gouvernement fédéral parce qu'il y a des paiements qui sont inconditionnels, il y en a d'autres qui sont conditionnels, mais il y a une sorte de système de vases communicants qu'on voit opérer tous les jours. Et si à un moment donné, par quelque brillant éclair, j'allais chercher 150 000 000 $ du gouvernement fédéral de plus que ce qu'il pense me donner, il rattraperait cela dans les trois mois par un changement de règlement quelque part.

Ceux qui assistaient ce matin à l'exposé de M. Bérubé me parlent d'un autre aspect - je n'y étais pas - du projet de loi C-12 dont je n'ai pas parlé, mais que je comprends, bien sûr. Le projet de loi C-12 limite à 6% et 5% les contributions du gouvernement fédéral aux fins de l'enseignement postsecondaire, indépendamment des coûts. Je reviens toujours au principe que j'ai exposé tout à l'heure: indépendamment de ce que cela peut coûter au Québec. 6% et 5% par rapport au partage dont je viens de parler, cela nous coûte pour les années 1983-1984 et 1984-1985 à peu près 100 000 000 $.

Le Président (M. Charbonneau): Cela veut dire, si je comprends bien et vous me corrigerez si je fais erreur, qu'à partir du moment où ce projet de loi serait en vigueur les pourcentages dont vous parliez tantôt, qui n'avaient pas tellement varié, varieraient vers la baisse.

M. Parizeau: Non, attention! En 1984-1985, les 51% tiennent compte de cela. Mais, encore une fois, il faut bien comprendre que les 51% ou les 50% dont je vous parle sont établis sur une base de répartition de 1975-1976 qui affecte 67,9% des sommes des programmes établis à la santé et 32,1% au postsecondaire. Entre nous, je ne sais pas ce que cela veut dire. Cela n'a aucun rapport; sept ou huit ans plus tard, les services de santé et les service d'enseignement au Québec ont évolué selon des rythmes différents.

Ce que j'essaie de faire comprendre, M. le Président, ici, c'est que tout cela, en un certain sens, c'est un moyen de corriger le fait que le gouvernement fédéral n'a jamais voulu envoyer aux provinces les points d'impôt qu'elles réclamaient. Alors, il a monté des systèmes comme ceux-là, remarquez, qui ne sont pas plus bêtes que d'autres, mais qui n'ont pas plus de justification, non plus, que n'importe quel autre. Puisqu'on ne peut pas avoir les points d'impôt avec un système de péréquation, on a des trucs comme cela.

Le Président (M. Charbonneau): Jusqu'à maintenant, il n'y avait pas de contrôle et maintenant il y aura un contrôle.

M. Parizeau: Voilà!

Le Président (M. Charbonneau): De quel type de contrôle parle-t-on?

M. Parizeau: Les projets de loi C-3 et C-12, ce qu'ils posent comme question, ce n'est pas de savoir si le gouvernement fédéral serait amené à nous donner plus d'argent qu'il ne pense nous en donner et qu'il ne serait pas capable de le rattraper ailleurs; il le fera en tout temps. Je n'en suis pas au quantum, mais il y a des éléments de contrôle qui interviennent pour la première fois sur la façon dont l'enseignement est mené au Québec, sur les priorités dans l'enseignement. C'est tout à fait autre chose. Mais ce n'est pas à moi d'en parler devant cette commission parlementaire; il y a des voix beaucoup plus autorisées que la mienne pour discuter de cela. À titre de ministre des Finances, ce que je veux vous faire comprendre, c'est que tout cela est largement arbitraire sur le plan du financement. On peut déplacer des sommes dans un sens ou dans l'autre sans vraiment qu'on ait grand-chose à dire au Québec là-dessus. Les derniers arrangements fiscaux nous ont été imposés sans qu'on puisse dire un mot. Deuxièmement, si jamais on s'imagine trouver un peu plus d'argent dans une direction, ne vous en faites pas, dans les trois mois, ils viendront le rechercher ailleurs. C'est un point de vue aride et strict de ministre des Finances. Ceci ne m'empêche pas de penser ce que je pense sur les projets de loi C-3 et C-12 et sur les éléments de contrôle qu'on veut y inclure, mais cela, c'est une autre paire de manches.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, j'avais envie de parler du projet de loi C-12, de la loi C-12, parce qu'elle a été adoptée par la Chambre des communes et ratifiée par le Sénat depuis. Je voudrais signaler à l'attention du ministre des Finances qui me semble être le porte-parole du gouvernement dans les tractations avec le gouvernement fédéral en ces matières...

M. Parizeau: M. le Président...

M. Ryan: Non?

M. Parizeau: ...j'ai un rôle bien plus modeste.

M. Ryan: Je croyais que c'était pour cela qu'on vous avait invité ici. C'est à venir. Je voudrais lui rappeler que le fameux article 9 de la loi C-12 dont il a parlé a été ajouté au texte législatif à la suite d'un amendement présenté par les nouveaux amis du gouvernement québécois, les gens du Parti conservateur. Le ministre se souviendra, comme moi, que c'est Mme Flora MacDonald et une couple d'autres députés conservateurs qui ont introduit cet amendement à la Chambre des communes. Je voudrais demander ceci au ministre: Dans ce climat de retrouvailles dont on nous donne le spectacle depuis trois semaines, est-ce que le gouvernement du Québec a trouvé le moyen de soulever ce point, de le porter à l'attention du nouveau gouvernement qui a été élu à Ottawa et de s'enquérir des intentions du gouvernement au sujet de la mise en application ou de l'élimination de cet article de la loi C-12?

M. Parizeau: D'abord, M. le Président, en tant que ministre des Finances, je n'ai pas d'amis; je n'ai que des intérêts. Un ministre des Finances n'a jamais d'amis, où que ce soit. Deuxièmement, dans ces discussions qui se préparent entre le gouvernement du Québec, d'une part, et le gouvernement fédéral, d'autre part, dans certains cadres qui vont être fédéraux-provinciaux et dans d'autres qui vont être bilatéraux, bien sûr que ce genre de considération intervient. Mais les réunions sont à venir. Depuis le peu de temps que ce nouveau gouvernement a été en poste, nous avons cherché à aller au plus court ou au plus urgent. Les universités ou les collèges ne risquaient pas, à cause de l'article 9, de fermer d'ici quelques jours. Pétromont pouvait fermer d'ici quelques jours; alors, on est allé à Pétromont d'abord. Tout cela va entrer dans les discussions, bien sûr. C'est trop important pour que cela n'entre pas dans les discussions.

M. Ryan: À propos d'autres observations qui ont été faites par le ministre des Finances, j'aurais quelques commentaires à formuler. Je pense devoir rappeler, tout d'abord, que l'idée de normes nationales de la part du gouvernement fédéral n'est pas née avec le projet de loi C-3, ni avec le projet de loi C-12. Vous l'avez rappelé vous-même tantôt. Je pense qu'elle remonte, à tout le moins, à l'instauration du régime d'assurance-maladie dans lequel on avait inscrit quatre ou cinq normes qui devaient être respectées partout au pays. Je pense que le projet de loi C-3 a de beaucoup dépassé l'idée qu'avait à l'origine le gouver- nement fédéral de revenir au respect de ces normes. On s'est engagé dans des voies qui constituent des empiétements regrettables sur la compétence des provinces en matière de santé.

L'idée de normes nationales peut se prêter à une grande variété de définitions. Je ne pense pas qu'en soi ce soit une idée qu'il faille rejeter du revers de la main sans savoir ce qu'on va mettre dessous. Si je fais seulement une hypothèse et que je me place dans la perspective raisonnable dont vous parliez tantôt, sur ce ton admirablement fédéraliste que vous savez retrouver quand vos intérêts vous le suggèrent, dans une perspective purement raisonnable, je pense qu'on doit comprendre que, si le Parlement fédéral décide d'affecter 5 000 000 000 $ par année pour l'enseignement supérieur, il est normal qu'il se demande en vertu de quels critères il va le faire et en fonction de quels objectifs. Il peut arriver que ces objectifs ne soient pas des objectifs de pure redistribution sans aucune espèce de définition préalable ou de vérification ou, je dirais, par extension, de consensus possible avec les organismes, les gouvernements qui sont destinés à recevoir ces contributions.

Cela étant dit, nous autres avons établi clairement notre position sur ces deux projets de loi. Je pense que, sur le projet de loi C-3 autant que sur le projet de loi C-12, nous avons exprimé une position claire. Sur le projet de loi C-12 en particulier - j'en étais responsable moi-même comme porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation - je crois que nous avons rappelé à son devoir le gouvernement qui sommeillait quelque peu au printemps dernier. Cela avait passé inaperçu à Québec. Je me souviens d'avoir demandé au ministre de l'Éducation en Chambre ce qu'il avait fait et il a été obligé de courir après ses dossiers pour les retrouver et, quelque temps après, nous avons assisté à une déclaration.

Je veux simplement rappeler que l'Opposition, de ce point de vue, défend fermement et va continuer à défendre fermement les principes constitutionnels qui sont à la base de tout le régime que nous avons au Canada et que, dans ce cas-ci, nous considérons, nous aussi, que l'article 9 en particulier constitue une dérogation qui peut conduire à des conséquences regrettables et qui est inacceptable dans son principe.

Dans les interventions des deux ministres que nous avons entendues aujourd'hui, M. le ministre des Finances nous dit: Depuis 1977, c'est le système du financement global, le "block funding", et c'est un exercice un peu arbitraire que d'essayer de dire: C'est 33% qui sont allés pour les universités, 67% qui sont allés pour la santé. Je pense que c'est juste; c'était l'esprit de l'entente de 1977 de ne pas morceler les choses ainsi. Mais, en lisant

l'intervention que faisait ce matin le ministre de l'Éducation, je trouve, à la page 2, le paragraphe suivant qui me semble postuler une interprétation fort différente. "Durant la même période, nous disait le ministre ce matin - il parlait de 1976 à 1983 à peu près - le gouvernement fédéral venait accentuer cette pression en faisant porter par les provinces une partie de ses propres efforts de réduction de dépenses par une diminution des paiements de transfert. Dans le seul secteur de l'enseignement postsecondaire, entre 1976 et 1983, le taux de participation du gouvernement fédéral dans le cadre du financement des programmes établis passait de 22,1% à 19,2% des dépenses, privant ainsi l'ensemble du Québec d'une somme d'environ 63 000 000 $ pour les universités uniquement". Il me semble assez difficile de dire, d'un côté, qu'on ne peut pas faire le partage et, de l'autre côté, d'établir un partage comme celui qui est proposé à la page 2 du texte.

Cela m'amène à une autre considération. S'il est impossible d'établir un partage arbitraire comme celui-là, à ce moment, si on veut porter un jugement équitable sur les paiements de transfert, il faut tenir compte de l'ensemble des paiements de transfert. Il me semble que c'est une vérité élémentaire. Alors, je crois vous avoir déjà fait la démonstration, M. le ministre - je n'avais pas à vous la faire parce que vous connaissez les chiffres comme moi; sur les interprétations, nous pouvons différer quelque peu - en Chambre, à la commission des finances dont nous parlait le ministre de l'Éducation ce matin, que, de 1974 à 1984, les paiements de transfert fédéraux au Québec ont connu une augmentation considérable. Les revenus que le Québec a retirés de cette source sont passés de 1 400 000 000 $ en 1974 à 6 253 000 000 $ en 1984, soit une augmentation de 344% en dix ans. Pendant la même période, les revenus propres du gouvernement québécois sont passés de 4 348 000 000 $ en 1974 à 15 097 000 000 $ en 1984, soit une augmentation de 24%. C'est donc dire que, pendant la période de 1974 à 1984, les revenus en provenance des paiements fédéraux de transfert ont augmenté à un rythme plus élevé que les revenus autonomes du gouvernement québécois. (17 h 30)

Je ne veux pas rouvrir tout ce débat que nous avons eu ensemble il y a quelques mois, mais il me semble que, si le gouvernement veut chercher une explication à la diminution de son apport financier au fonctionnement et au développement des universités du Québec au cours des six dernières années, il doit la rechercher ailleurs que dans l'explication qu'on nous apportait ce matin, à moins que les chiffres ne veuillent pas dire la même chose pour les uns et les autres. Sur cela, nous sommes prêts à entendre des interprétations, mais moi, je suis plutôt enclin à souscrire à votre interprétation, M. le ministre, parce qu'il me semble qu'elle est plus conforme à l'esprit des accords de 1977 qui, comme vous le dites, malgré les restrictions apportées en 1982, ont été maintenus quant à l'essentiel. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il me semble que, encore une fois, si l'on veut expliquer ou tenter de justifier les reculs sensibles qui se sont produits dans le financement des universités, il faut les rechercher dans les décisions d'un autre ordre que celles qui auraient émané du fédéral relativement aux paiements de transfert.

En ce qui regarde l'avenir, nous sommes parfaitement d'accord avec vous pour convenir que les conséquences des décisions prises par le gouvernement fédéral en 1982, pour la période 1977-1982, risquent d'être très coûteuses pour le Québec si des améliorations ne sont point apportées rapidement à certaines dispositions de la nouvelle loi sur les programmes établis. Mais, pour la période de 1974 à 1984 encore -nous en sommes au début de l'examen que doit faire la commission ici - pour la période qui s'est écoulée, je vois mal comment on pourrait reporter sur un autre la responsabilité de décisions qui ont été prises à Québec même.

J'entendais - je pense que vous l'avez fait vous-même tantôt - quelqu'un évoquer la règle du 6% et du 5% qui a été inscrite dans le projet de loi C-12 par le gouvernement fédéral rétroactivement, si mes souvenirs sont bons. Je comprends cela, mais je ne vois pas pourquoi Québec se scandalise du 5%. Savez-vous quel est le taux d'augmentation des subventions aux universités pour l'année 1984-1985? D'après le document intitulé "Cadre de financement", c'est 4,51%. Si l'on enlève les dépenses qui ne sont pas comprises au chapitre des frais de location, cela baisserait, d'après le Conseil des universités, à 3,9%. Alors, le gouvernement qui donne 3,9% d'augmentation n'a pas beaucoup de leçons à faire à l'autre qui dit: Je ramène mes paiements à 5% d'augmentation, même si c'est un bris de règle de fonctionnement en cours de route et, de ce côté, j'ai l'esprit très ouvert à la discussion. Mais il me semble qu'on est mal placé pour trouver que l'autre a lésiné quand soi-même on est descendu pas mal en bas de cela. Ce sont des considérations qui me semblent se dégager de l'exposé que vous avez présenté.

Je veux vous dire, encore une fois, qu'en ce qui me touche je considère que l'université et tout ce qui s'y rattache relèvent au premier chef de la compétence de Québec. Maintenant, tant que nous vivrons

- et, sur ce point, j'aimerais avoir votre opinion - sous le régime actuel de partage des recettes fiscales, je pense que nous devons franchement convenir qu'il faut une participation financière du gouvernement fédéral au financement des universités. Si l'on peut établir, un jour, un partage des recettes fiscales qui réponde davantage à certaines de nos convictions, peut-être qu'on pourra s'éloigner de cette règle. Vous-même, M. le ministre des Finances, avez dit en commission parlementaire il y a quelques mois que vous trouviez que le gouvernement fédéral en donne trop aux provinces, que si vous étiez vous-même libre d'agir en ce domaine suivant votre logique propre de centralisateur bien connue, le partage ne se ferait pas autant au profit des provinces qu'il s'est fait au cours des dix dernières années.

Cela étant dit, je voudrais que vous me disiez clairement si, aussi longtemps que subsiste le partage actuel des recettes fiscales vous ne trouvez pas absolument indispensable que le gouvernement fédéral continue à fournir une contribution financière pour le développement de l'enseignement secondaire, quitte à exiger que cette contribution se fasse dans les conditions de respect de la liberté des provinces et des universités qui ont prévalu pendant de nombreuses années.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, revenons d'abord à la page 2 du texte qui a été présenté ce matin par le ministre de l'Éducation. Il me paraît très clair que, si on adopte, comme le fait le ministre de l'Éducation, la base de partage que le gouvernement fédéral lui-même établit et utilise à l'heure actuelle, c'est-à-dire la base de 1975-1976 - ce n'est pas nous qui avons inventé cela; c'est le gouvernement fédéral qui l'a établi - la conclusion du ministre de l'Éducation, on n'y échappe pas. Encore une fois, ce n'est pas nous qui avons cherché à déterminer comment les fonds seraient répartis maintenant que le gouvernement fédéral voulait les répartir entre l'enseignement postsecondaire et les services de santé. Si on adopte la base que le gouvernement fédéral établit, la conclusion du ministre de l'Éducation s'impose.

M. Ryan: Me permettriez-vous de faire une remarque à ce sujet?

M. Parizeau: Oui, bien sûr.

M. Ryan: Je ne veux pas vous interrompre, mais si vous me permettez de faire une remarque, j'ai devant moi des chiffres qui ont été établis par le gouvernement fédéral sur la base de sa méthode de calcul que vous avez évoquée tantôt, c'est-à-dire les paiements de transfert au titre des programmes établis, plus garantie de recettes fiscales, plus produit des points d'impôt. Ils donnent le résultat suivant pour les années que vous avez évoquées vous-même tantôt. Pour le Québec, 1978-1979, augmentation de 12,6%; 1979-1980, 13% d'augmentation; 1980-1981, 15,8%; 1981-1982, 12,8%; 1982-1983, 9,2%; 1983-1984, 5,5%; 1984-1985, 8,9%. Ce sont des données qui m'ont été fournies, à ma demande, par le ministère fédéral des Finances. Alors, je me dis: On ne peut pas jouer sur les chiffres. Si on prend cette méthode-là - c'est ce que vous venez de dire - c'est ce que cela donne.

M. Bérubé: M. le Président, le député d'Argenteuil utilise la somme de trois choses, c'est-à-dire les transferts financiers et la valeur des points d'impôt qui ont été donnés il y a bien longtemps. Je comprends que le gouvernement fédéral voudrait toujours ramener ces points d'impôt à leur valeur d'aujourd'hui, mais, enfin, ils furent donnés. Entre nous, le financement des programmes établis n'a jamais été appuyé sur la valeur aujourd'hui des points d'impôt donnés il y a quinze ans. Que le gouvernement fédéral veuille ramener cela dans ses calculs, c'est de bonne guerre, mais le problème n'est pas là. Il ajoute la garantie de recettes fiscales, à part cela. Evidemment, si vous tenez compte de ces trois éléments - et je reviens à mes vases communicants de tout à l'heure - on peut démontrer n'importe quoi avec cela. Mais ce n'est pas là-dessus que s'appuyait le ministre de l'Éducation ce matin. C'est, sur la base de calcul de la répartition des transferts financiers du gouvernement fédéral, qu'est-ce que cela donne? Bien sûr, il arrivait à un résultat. Je n'ai pas de querelle avec ce résultat.

Maintenant, si on tient compte des programmes établis - postsecondaire et santé ensemble, tel que je l'ai exposé - là, il faut simplement reconnaître que le gouvernement fédéral cherche à fixer à ses contributions, depuis déjà un bon nombre d'années, des plafonds de plus en plus faibles. Il manque d'argent. Que voulez-vous, quand un gouvernement se tape des déficits de cette ampleur, je comprends un peu qu'il cherche à fixer des plafonds. Vous dire qu'on aime cela serait exagérer, mais, enfin, pour les programmes établis, c'est-à-dire enseignement postsecondaire et santé ensemble, considérés comme un bloc, d'année en année et de période en période, on voit que des plafonds de plus en plus restrictifs sont mis en place pour essayer de faire en sorte que le coût augmente moins vite. Parfois, les tentatives du gouvernement fédéral jouent à contresens - j'y reviendrai tout à l'heure - mais la

tentative est très claire.

Dans le cheminement historique dont j'ai parlé tout à l'heure, c'était inévitable, on allait à des plafonds de plus en plus restrictifs. En 1982, on nous a enlevé deux points d'impôt dans le calcul du financement des programmes établis. Là, c'est curieux, les points d'impôt anciens, on n'en tenait pas compte, mais on nous en a enlevé deux.

Pour le total, maintenant, je reviens à l'argument du député d'Argenteuil qui disait: Les transferts fédéraux au Québec ont augmenté plus rapidement que ses revenus propres. J'aimerais revenir ici à un certain nombre de pourcentages qui m'apparaissent important. Prenons l'ensemble des transferts fédéraux. C'est très facile à vérifier. Les pourcentages, je peux les établir seulement avec les discours sur le budget depuis vingt ans, avec une règle de trois et une calculatrice. L'ensemble des transferts fédéraux en proportion des revenus budgétaires du gouvernement de Québec, qu'est-ce que ça donne depuis 1972-1973, disons?

Je voudrais vous en donner simplement la liste. On va partir de 1972-1973, 25,5%, 24,4%; 26,2% en 1974-1975, donc il y a dix ans; 26,9%, 26,4%, 28,1%, 28%, 28,8%. Pour ceux qui se demandent où je suis rendu, je suis en 1979-1980. En 1980-1981, 27%; en 1981-1982, 26,1%; en 1982-1983, 27,5%; en 1983-1984 - elle est intéressante, cette année-là - 29,6% - je vais y revenir - et, après cela, 1984-1985, 27,8% et, par des formules qui sont, à toutes fins utiles, assez mathématiques, 25,7% en 1985-1986 et 24,8% en 1986-1987. On revient exactement au point de départ.

Qu'est-ce qui est arrivé en 1983-1984 pour que ça représente presque 30%? C'est un chiffre un peu étonnant par rapport à tous ceux qui je viens de lire. J'ai eu l'occasion d'y faire allusion tout à l'heure. Cela faisait trois ans qu'on disait au fédéral: Vous vous gourez sur la population du Québec. Dans un pays comme le nôtre où, en principe, on a les meilleurs recensements du monde, le gouvernement de Québec et le gouvernement fédéral ne s'entendaient pas sur le chiffre de la population. Le recensement de 1981 sort et, ô miracle, c'est vrai que le gouvernement a sous-évalué le nombre de Québécois qu'il y avait. Cela implique une révision dans les formules de financement sur à peu près tous les éléments des formules.

Deuxièmement, ils se sont trompés aussi sur le partage du produit intérieur brut du Québec par rapport aux autres provinces. Troisièmement, en raison de la façon dont la formule de péréquation fonctionnait, ils se rendent compte qu'ils ont un ajustement à l'égard d'années antérieures à nous donner, en plus des deux éléments dont j'ai parlé, si bien que je reçois des centaines de millions de plus alors que je n'avais jamais prévu recevoir cet argent. En termes thomistes, si vous voulez, c'est un "one-shot", cela n'arrive qu'une fois. Il ne faut pas le dépenser, justement, pour des dépenses qui vont revenir chaque année, mais pour des dépenses qui ne se présenteront qu'une fois. Alors, qu'est ce que j'ai fait? J'ai remboursé à l'avance des dépenses que j'aurais eu à payer en 1984-1985, essentiellement des arrérages de commissions scolaires, des arrérages d'hôpitaux. J'ai liquidé un an d'arrérages avec ces montants qui ne reviendront pas. Ce sont des ajustements qui me sont tombés dans les pattes.

Je veux bien qu'on utilise, comme on dit à la télévision américaine, pour "ancrer" la série 1983-1984, mais c'est une année tout à fait remarquable, ça ne se reproduira pas. À toutes fins utiles, au fond, le pourcentage des transferts fédéraux par rapport à nos revenus budgétaires, sur une période d'à peu près quinze ans, n'a pas changé. Parfois, il monte un peu, ensuite il rebaisse. Quand il monte un peu, que se produit-il sur la base des vases communicants dont je parlais tout à l'heure? Le gouvernement fédéral prend les moyens nécessaires pour le ramener en bas. Je le comprends. Je ne suis pas fédéraliste en disant cela, mais il y a une certaine franc-maçonnerie des ministres des Finances, on comprend le bonhomme d'en face. Ce n'est pas une question de fédéralisme de constater que, quand le fédéral nous en donne un peu plus, il prend les moyens, l'année suivante, pour nous en donner un peu moins, ce qu'il est en train de faire. (17 h 45)

Dernière interrogation du député d'Argenteuil à mon égard. Il disait: Mais est-ce que, dans le régime politique actuel, il n'est pas normal que le gouvernement fédéral payant pour l'enseignement postsecondaire ou, par exemple, plus spécifiquement pour les universités, puisse poser des conditions? Bien, c'est un grand débat, M. le Président. C'est le débat... Oui?

M. Ryan: Je m'excuse. Je n'ai pas dit "puisse poser des conditions"; j'ai dit "puisse rechercher des normes nationales".

M. Parizeau: Bon, j'ai beaucoup de difficulté à voir la différence entre les deux, mais enfin, bon, nous allons entrer dans le dictionnaire des synonymes, là. Il y a une différence fondamentale entre les normes, par exemple, du programme d'assurance-santé de 1966. N'oublions pas qu'en 1966, lorsque le gouvernement fédéral dit: II y aura quatre normes fondamentales, l'universalité, pas de ticket modérateur, des choses comme cela, ça c'est une condition pour que le gouvernement fédéral accepte le financement, mais dans la loi il n'y a pas de sanctions de prévues. Ces quatre normes

sont établies de façon tellement générale qu'on tient pour acquis qu'une fois qu'une province les a acceptées elle ne reviendra pas là-dessus et il n'y a pas de sanctions prévues. Or, avec C-3 et C-12, c'est une tout autre paire de manches, il y a des sanctions de prévues. Et là, dans l'application de C-3, on est rendu à se demander si le gouvernement fédéral va payer pour tel genre de frais dans un centre d'accueil. Là, c'est beaucoup plus précis que l'universalité d'application. On entre dans l'opérationna-lisation et il y a des sanctions. Et si une province n'accepte pas ces conditions-là, on lui enlève 10 000 000 $ pour ceci et 32 000 000 $ pour cela. Gros changement par rapport à 1966, mais énorme changement par rapport à 1977-1982 où, alors, là, on était complètement sorti et des normes et des conditions. Cela nous ramène à un débat qui est fondamental dans notre société, qui existe depuis fort longtemps. À l'époque de M. Duplessis - je prends mon bien où je le trouve - ...

M. Ryan: Tant mieux.

M. Parizeau: ...il y a eu une commission Tremblay, une commission d'enquête sur les problèmes constitutionnels. On commence à remonter loin, là. Qu'est-ce que c'était, la position qu'il sortait là-dessus? Essentiellement de permettre aux provinces d'avoir accès à la fiscalité plutôt que de se faire compenser par le gouvernement fédéral pour des initiatives que, elles, les provinces prenaient dans leur champ de juridiction.

Qu'est-ce que dit M. Lesage dans les années soixante? Il dit: J'en ai assez des conditions que le gouvernement fédéral nous pose par les programmes conjoints; je sors de 29 programmes conjoints et je demande - et il l'obtient - une pleine compensation, en partie fiscale, en partie financière, ce que, soit dit en passant, la dernière constitution canadienne nous enlève comme possibilité automatique. Or, M. Lesage l'avait fait accepter. Pourquoi est-ce qu'on a réussi à se faire donner des points d'impôt à l'occasion de l'établissement du programme d'assurance-santé par la suite? Parce que M. Lesage avait fait établir cette règle-là.

Qu'est-ce que M. Johnson demande? Il demande 100% de l'impôt sur le revenu, 100% de l'impôt sur les profits des corporations et 100% de l'impôt sur les successions. Qu'est-ce qu'on a obtenu au bout du compte? Juste l'impôt sur les successions. Celui-là, on l'a eu, à 100%. Mais les deux autres? Pourquoi M. Johnson demandait-il cela? Il demandait cela parce qu'il disait: II y a un certain nombre de domaines dans les compétences reconnues par la constitution où une province doit avoir les pouvoirs de taxation.

Et je pourrais reprendre cela jusqu'à nos jours. Au fond, les positions des gouvernements de Québec n'ont jamais tout à fait changé. Nous voulons avoir un espace de taxation qui nous permette d'être en mesure d'orienter, parce qu'après tout celui qui contrôle l'argent aura toujours un pouvoir d'orientation. On le voit bien, il peut être calmé, il peut être tranquille, il peut être disparu, il peut être enterré, comme ce fut le cas pour les pouvoirs fédéraux entre 1977 et 1982, mais à un moment donné il finit toujours par réapparaître: C-3 et C-12. Si nous voulons être en mesure de contrôler les pouvoirs que la constitution nous reconnaît, il faut qu'on ait le pouvoir de taxer. Tous les gouvernements de Québec depuis la Deuxième Guerre mondiale disent cela. Je ne dis pas quelque chose de différent.

Dans le cadre politique actuel, le gouvernement fédéral a décidé de ne pas suivre ce cheminement, de remplacer une partie des transferts de champs d'impôt par des subventions. De temps à autre, lorsqu'il est plutôt décentralisé ou, disons, faible, il n'insiste pas trop pour des conditions. Quand, tout à coup, il reprend un peu du poil de la bête - je le comprends, moi aussi, je suis jacobin - il pose des conditions, comme C-3 et C-12. Ce problème, dans le cadre politique actuel, n'est pas réglable tant qu'une répartition des champs de taxation n'aura pas été faite. Dans ce sens, je n'ai pas l'impression d'être en contradiction avec moi-même. Je peux effectivement discuter de ces règles dans un cadre tout à fait fédéraliste. Tant qu'on ne sera pas sorti de ce cadre, je vais jouer selon les règles, mais encore faut-il qu'on les comprenne.

Le Président (M. Charbonneau): Une dernière, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, c'est ma dernière intervention. Je veux tirer une conclusion qui me paraît dégager clairement des pourcentages qu'a donnés le ministre tantôt. Je pense que c'est bien important pour le déroulement ultérieur des travaux de notre commission. Si je fais une comparaison entre les années qui se sont écoulées de 1972 à 1977 et de 1978 jusqu'à 1984, je constate que la part des paiements de transfert fédéraux dans l'ensemble des revenus du Québec, selon les chiffres qu'a donnés le ministre et qui concordent parfaitement avec ceux que j'ai ici, était, pour les six années, de 1972 à 1977, d'à peu près 26,4%. Pour les sept années suivantes, elle a été de 27,8%, en moyenne.

La seule conclusion que je veux tirer pour l'instant - je ne veux pas engager de débat qui consiste à fendre les cheveux en quatre - c'est que, depuis des années, le gouvernement nous dit: On est obligé de couper ici, on est obligé de serrer là, on est

obligé de changer ceci parce que le gouvernement fédéral nous coupe les vivres, essaie de nous étouffer parce que nous sommes un gouvernement d'obédience ou d'orientation qu'il n'accepte pas. Je pense que ces affirmations que nous avons entendues un nombre incalculable de fois en Chambre ne sont pas supportées par des chiffres.

D'autre part, nous avons établi - vous en avez convenu vous-même à une autre occasion - que la part des revenus fiscaux qui est allée aux provinces par rapport à celle qui est allée au gouvernement fédéral au cours des quinze dernières années a augmenté. Je souligne simplement ces faits. Je ne veux pas tirer d'autres conclusions, mais je pense que, pour l'orientation future des travaux de la commission, voici une donnée qui nous sera très précieuse pour nous former un jugement, surtout pour envisager des orientations pour l'avenir.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Parizeau: Quelques observations liminaires. Dans l'orientation des travaux de cette commission, faites aussi, cependant, attention à une chose. Au travers des années dont parle le député d'Argenteuil, les règlements de l'assurance-chômage ont considérablement changé. Le nombre d'assistés sociaux au Québec dans ces conditions en est profondément affecté. Une bonne partie de l'augmentation, au cours de quelques années, du pourcentage dont nous parlons vient essentiellement du fait que le nombre d'assistés sociaux au Québec augmente de façon ahurissante. Tenez compte de cela dans vos travaux, ainsi que de mon principe des vases communicants.

Deuxièmement, je pense qu'il est fondamental de se rendre compte à quel point - là-dessus, il y a des tas de documents disponibles et je sais que le député d'Argenteuil les a examinés tant et plus - il y a, dans la mécanique des transferts fédéraux, un système en vertu duquel nous devons normalement, maintenant que la garantie de recettes fiscales vient à échéance, perdre des transferts dans les deux années qui viennent. Cela va mettre et cela met déjà une pression importante sur le budget.

Troisièmement, je rappellerai seulement au député d'Argenteuil que, quant à l'orientation générale du dossier - je le dis d'autant plus volontiers que, sur ce plan, je pense avoir cherché à être clair depuis plusieurs années - lorsqu'en 1977 nous avons réorganisé les arrangements fiscaux avec le gouvernement fédéral, nous l'avons fait d'un commun accord. J'ai eu l'occasion de souligner à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale l'argument du gouvernement fédéral, qu'il n'était pas responsable pour le résultat des négociations collectives dans les provinces, me paraissait un argument parfaitement valable.

J'ai vécu, moi, avec les arrangements fiscaux de 1977 à 1982. À certains moments, j'ai râlé quand des règlements étaient changés en plein milieu de la course par exemple, quand on a retiré toute la question des propriétés de gaz et de pétrole de la formule de péréquation parce que cela devenait trop riche à cause de ce qui se passait en Alberta. Cela, c'est un changement en plein milieu de la course. Mais on reconnaîtra que j'ai vécu avec ces arrangements de 1977 à 1982. Quand, en 1982, on met dans la machine des transferts au Québec et au Manitoba une formule en vertu de laquelle nos transferts doivent tomber, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, là je dis qu'on exagère. Tenez compte aussi dans vos débats que les deux années qui viennent vont être deux années de vaches maigres quant aux transferts fédéraux qui vont nous être payés.

Autant on pouvait être d'accord, dans le système politique actuel, avec les arrangements tels qu'ils sortaient en 1977, autant il me semble que, sur le plan simplement des responsabilités à l'égard du trésor public québécois, il y avait lieu de dénoncer les arrangements de 1982 comme une tentative de déstabiliser les finances du Québec. Dans ce sens, ce n'est pas une position que j'ai prise pendant huit ans; c'est une position que j'ai prise depuis deux ans parce que ce qui s'est produit me semble profondément incorrect.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Une courte question, M. le Président. J'ai devant moi un article paru dans le Droit, le 8 septembre dernier, où il est dit que l'Association canadienne des professeurs d'universités - donc, ce n'est pas le gouvernement du Québec - estime que les universités perdront 380 000 000 $ en subventions au cours des deux prochaines années à la suite de l'adoption du bill C-12 qui limite les transferts de paiements aux provinces à 6% et 5%. Malheureusement, on ne dit pas comment ils arrivent à ce chiffre, mais, tout de même, le montant est indiqué. Il s'agit de l'Association canadienne des professeurs d'universités.

Vous avez parlé, M. le ministre, des contributions du fédéral jusqu'en 1984. Vous avez mentionné que cela représentait, entre autres, en 1984, une diminution de l'ordre de 100 000 000 $, mais incluse dans le 51%. Avez-vous des estimations pour les deux prochaines années?

M. Parizeau: Excusez-moi, M. le Président.

M. Leduc (Fabre): Avez-vous des estimations pour les deux prochaines années? Je parle de cet article où on dit que, pour les universités canadiennes, il y aura une perte de 380 000 000 $ pour les deux prochaines années. Ce sont des chiffres qui viennent, encore une fois, de l'Association canadienne des professeurs d'universités. Je ne sais pas comment ils ont fait le calcul; je donne le chiffre tel qu'indiqué dans l'article. Avez-vous des estimations pour les deux prochaines années?

M. Parizeau: Oui, M. le Président. M. Leduc (Fabre): Pour le Québec?

M. Parizeau: Pour le Québec, le nouveau plafond proposé pour l'éducation postsecondaire, sujet à ce que j'ai dit, par exemple, sujet à la formule très arbitraire proposée à l'origine, va faire perdre, en 1985-1986, 74 000 000 $ au Québec; en 1986-1987, 80 000 000 $. Simplement le plafond, c'est l'effet du nouveau plafond. Si on veut tenir compte de la suppression de la compensation de la garantie de recettes, au total - je ne suis pas certain que je l'affecterais complètement aux universités -l'on arrive à des montants bien plus élevés; une perte de 276 000 000 $ en 1985-1986; 302 000 000 $ en 1986-1987. Maintenant, on me dirait: II ne faut pas affecter toute la garantie de recettes à l'enseignement postsecondaire, je veux bien. Alors, prenez la proportion que vous voudrez là-dedans. Si vous voulez en prendre le tiers, prenez 100 000 000 $ par année; mettez-moi 75 000 000 $ et 80 000 000 $ pour les plafonds et vous arrivez à peu près à des chiffres analogues à ceux qui ont été présentés.

Il faut bien comprendre, c'est toujours sur cette affectation déterminée par le fédéral qu'il y a les deux tiers de l'argent qui vont dans la santé et puis un tiers, 34%, quelque chose comme cela...

Le Président (M. Charbonneau): Votre année témoin, M. le ministre...

M. Parizeau: Comment?

Le Président (M. Charbonneau): ...c'est l'année 1980...

M. Parizeau: C'est l'année 1983-1984.

Le Président (M. Charbonneau): Donc, si je comprends bien, par rapport à la question qui a été posée, d'après la réponse que vous avez donnée, on aurait 74 000 000 $ de plus si on maintenait, pour l'année 1985-1986, le même système qu'actuellement?

M. Parizeau: La même formule antérieure. C'est cela. Pas le système actuel, mais, comme le disait le député d'Argenteuil, ces lois ont été votées. Si on gardait le système antérieur...

Le Président (M. Charbonneau):

Antérieur aux lois...

M. Parizeau: ...on aurait 74 000 000 $. Antérieur, découlant des ententes antérieures.

Le Président (M. Charbonneau): Oui, d'accord.

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le ministre, il ne me reste qu'à vous remercier, au nom des membres de la commission, d'avoir bien voulu accepter de passer un moment avec nous.

Les travaux de la commission vont reprendre à 20 heures, avec la poursuite de la discussion avec le ministre de l'Éducation.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise de la séance à 20 h 34)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je crois que nous pouvons maintenant reprendre les travaux de la commission en espérant que tout le monde a bien profité de cette période de suspension. Sans plus tarder, je vais céder la parole au vice-président de la commission, le député d'Argenteuil.

Questions au ministre de l'Éducation

M. Ryan: M. le Président, si mes souvenirs sont bons, le dernier membre qui est intervenu pour interroger le ministre était Mme la députée de Jacques-Cartier. Je pense que ce serait au tour des députés du groupe ministériel à s'adresser au ministre, s'ils le veulent. Je ne veux pas prendre leur place. Je suis prêt en tout temps.

Le Président (M. Charbonneau): Je peux peut-être poser une question au ministre...

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Charbonneau): ...dans ce cas, si cela peut vous permettre...

Une voix: Allez, vous êtes prêt.

Le Président (M. Charbonneau): On a fait état, M. le ministre, ce matin, de certaines consultations qui ont été menées.

Je pense qu'on a eu l'occasion déjà de voir des mémoires qui vont nous être présentés dans les prochains jours. Est-ce qu'il serait possible de savoir, concernant le cadre de financement, quel type de consultations le ministère a menées pour en arriver à l'élaboration de ce cadre de financement?

Consultation des universités

M. Bérubé: Essentiellement, cela fait plusieurs années, disons, que ce cadre est demandé tant par les universités que par le Conseil des universités. Le ministère a donc entamé la procédure pour aller chercher des données de manière à pouvoir faire sa première étude. Elle a été prête tard au printemps. Nous l'avons donc soumise au Conseil des universités et, en parallèle, la sous-ministre, Mme Fortin, a entrepris une tournée de toutes les universités pour discuter des modalités et des détails du calcul. Premièrement, la consultation s'est faite au niveau des demandes réitérées de longue date par le milieu universitaire d'avoir une telle analyse. Deuxièmement, lorsque cette analyse a été prête, elle a donné lieu à une consultation par des rencontres individuelles avec les universités et à une demande d'avis au Conseil des universités, qui est le mécanisme normal de consultation pour le gouvernement.

Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, cela s'est fait en parallèle: en même temps qu'on demandait un avis au Conseil des universités, on procédait à une tournée de rencontres privées avec les universités.

M. Bérubé: C'est bien cela.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce qu'il est ressorti de cette tournée un certain nombre d'éléments qui, à ce moment-ci, pourraient être...

M. Bérubé: Oui. Évidemment, cela varie beaucoup selon les universités et leur situation budgétaire particulière. Je dirais que, concernant l'étude, le seul consensus que j'ai pu percevoir des contacts que j'ai eus moi-même avec les recteurs des universités, c'est celui entourant la situation financière de Concordia. À peu près tous les intervenants sont unanimes à dire que l'Université Concordia est sous-financée d'après les standards acceptés par tous. Là s'arrête le consensus.

Lorsque, par exemple, on traite de la situation de l'Université du Québec, les uns font valoir que l'Université du Québec a une mission particulière de service aux régions; que, dans ces conditions, elle ne peut bénéficier d'économies d'échelle, du moins mesurables de façon réaliste si on compare avec les paramètres utilisés par le ministère; que, par conséquent, on n'arrive pas à une bonne évaluation des besoins réels de l'Université du Québec. C'est un exemple d'intervention. D'autres, par contre, diront qu'en prévoyant une enveloppe spéciale pour l'INRS et le siège social, on traite déjà l'Université du Québec d'une façon différente.

Il y a aussi les interventions du recteur de l'Université de Montréal qui voudra faire dire à nos études ce qu'elles ne peuvent dire, en ce sens que le ministère considère que, compte tenu de la précision des données et des hypothèses sous-jacentes à une telle étude, il faut admettre qu'une certaine variation autour d'un point milieu, d'une moyenne, ne soit pas significative. Ceci amène, à ce moment-là, le ministère à dire que tout écart, par rapport à la moyenne, qui est inférieur à 5% ne devrait pas faire l'objet d'une correction. La situation de l'Université de Montréal donnant lieu à un écart négatif d'à peu près 3%, évidemment, on voudrait que cet écart soit corrigé sur-le-champ.

Je pourrais faire le tour de toutes sortes de remarques. Les uns diront qu'on met trop l'accent sur la recherche, compte tenu qu'on financera déjà, en vertu de cette étude, les études de deuxième et troisième cycles à leur taux réel. Financer en supplément les dépenses afférentes aux subventions de recherche, c'est donner un avantage indu aux universités déjà actives en recherche. Je pourrais faire le tour de toutes les critiques, mais il y en a de tout genre, ce qui fait que, pratiquement parlant, nous reconnaissons que l'étude donne une bonne analyse des dépenses moyennes effectivement encourues par les universités pour défrayer les enseignements. Cependant, l'étude ne peut pas tenir compte de situations particulières vécues par les universités et il y a lieu de soumettre cette étude à une plus longue discussion, un plus long échange pour en arriver à des paramètres acceptables.

Toute étude qui aurait tendance, je ne dirais pas, à pénaliser une université, mais à suggérer qu'une université est surfinancée par rapport à une autre ne sera jamais acceptable par l'université concernée. Par conséquent, à moins de découvrir par un quelconque artifice de calcul que toutes les universités sont parfaitement traitées sur un pied d'égalité, à ce moment jamais une étude faite par qui que ce soit ne saura aller chercher un consensus. Cela, c'est impossible.

Ce que l'on peut faire, cependant, c'est se rapprocher le plus possible d'un consensus qui apparaît viable. Plusieurs recteurs m'ont souligné qu'il serait complètement illusoire de s'attendre à un consensus entre les universités et qu'eux-mêmes estimaient que l'analyse faite représentait une bonne

approximation, permettant une prise de décision qui ne serait pas trop fine, qui serait globale, mais qui, je pense, serait fondée sur une bonne appréciation de la réalité universitaire. J'en ai plusieurs qui m'ont dit cela.

Maintenant, je pense qu'il faut aller plus loin dans l'analyse jusqu'à ce qu'on arrive, à un moment donné, à un consensus un peu plus large.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que la tournée qui a été effectuée auprès de chacune des universités a porté uniquement sur l'aspect dont vous avez parlé aujourd'hui, que vous mettez entre parenthèses, c'est-à-dire les bases de financement et puis le processus de réajustement ou si c'est sur l'ensemble du cadre de financement?

M. Bérubé: Je pense que Mme Fortin, qui a effectué la majeure partie de ces rencontres, serait plus en mesure de répondre à votre question.

Mme Fortin: Cela a porté sur l'ensemble du cadre.

Le Président (M. Charbonneau): Sur l'ensemble du cadre, sur l'ensemble des dossiers qui sont...

Mme Fortin: Sur les orientations, les règles budgétaires et l'étude des bases, les propositions concernant le développement et tous les éléments du cadre de financement qui est a l'étude ici aujourd'hui.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, vous nous indiquez qu'il était évident qu'il n'y avait pas de consensus dans l'étude sur les bases de financement, mais est-ce que vous avez pu remarquer qu'il y avait des consensus sur d'autres éléments à l'occasion de cette tournée?

M. Bérubé: Consensus? Je dirais que la plus grande proportion des universités s'est dite d'accord avec les cinq grands objectifs proposés par le ministère auxquels je faisais référence dans mon exposé ce matin. Plus d'accent mis sur les études avancées, une certaine rationalisation des programmes courts avec un effort mis un peu plus du côté des baccalauréats plus lourds, un effort mis aussi du côté de l'amélioration de la diplomation, du succès des études où dans certains secteurs, effectivement, on sent qu'il y a un problème. (20 h 45)

Je dirais globalement, oui, un accord quant aux principaux objectifs énoncés. La nature du désaccord, comme on pourra le lire dans le mémoire présenté par la CREPUQ, est davantage au niveau du niveau de financement.

Le Président (M. Charbonneau):

D'accord. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais, tout d'abord, faire une petite mise au point au sujet de propos que m'attribuait le ministre ce matin quand on parlait du caractère directif que le gouvernement imprimait au financement des universités. Il me reprochait, si j'ai bien compris, d'avoir emprunté des propos à M. Paul Lacoste, recteur de l'Université de Montréal, comme si je n'étais pas capable de me les donner à moi-même. Je pense qu'il était mal renseigné. Je vais lui donner les faits comme ils sont pour que ce soit bien clair.

Je crois que l'expression "financement de plus en plus directif" a été employée par le Conseil des universités dans l'avis qu'il a soumis au gouvernement, dès le mois de juin, sur le cadre de financement 1984-1985. Il était dit bien clairement, à la page 19 et à la page 20 de l'avis du Conseil des universités, que l'on s'orientait vers un financement de plus en plus directif. Le Conseil des universités, tout en souscrivant au principe selon lequel, en fin de compte, le gouvernement doit avoir la responsabilité de certaines décisions en matière de développement, indiquait aussi qu'il importe que les actions du gouvernement dans ce domaine soient précédées d'une consultation du milieu universitaire pour susciter un débat de fond sur ces questions et en même temps une participation des divers intervenants dans la détermination des objectifs globaux.

Le conseil ajoutait ceci: C'est dans ce contexe qu'il faut situer les inquiétudes du Conseil des universités à l'égard des actions directives du gouvernement dans le financement des universités. Il trouve, en premier lieu, que ces actions sur le financement arrivent au moment où les universités se retrouvent avec une marge de manoeuvre de plus en plus mince, que certaines de ces actions, contrairement à celles des années antérieures, auront des conséquences beaucoup plus lourdes et à beaucoup plus long terme, et, finalement, que la convergence de ces actions, par exemple, au niveau du virage technologique risque d'entraîner des effets beaucoup plus grands que ceux prévus initialement.

Moi-même, j'ai fait une intervention sur le financement des universités. Je pense que c'est autour du 20 août. Je retrouvais dans les journaux ces jours derniers la lettre que M. Lacoste vous a adressée, M. le ministre, en date du 23 août. Mais la lettre a paru seulement au milieu de septembre. Je vous déclare, sur mon honneur, que je n'en avais point eu connaissance avant de la lire dans les journaux. Par conséquent, je n'ai pas pu m'inspirer des textes de M. Lacoste pour faire cette déclaration, mais je vous dis, en contrepartie, que je souscris assez

fondamentalement aux propos que M. Lacoste a tenus dans sa lettre en ce qui concerne le danger de dirigisme pouvant découler des énoncés d'orientation contenus dans le cadre de financement 1984-1985 en ce qui concerne le développement. Je pense que cela replace la perspective. Je vais avoir l'occasion de vous en reparler dans quelques questions que je vais vous adresser tantôt.

J'ai préparé un certain nombre de questions. Je vais vous les adresser une par une et vous m'interromprez quand j'aurai passé le temps, et je reviendrai une fois suivante, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): La seule chose, dans le fond, c'est que j'imagine qu'on pourrait peut-être avoir un consensus pour essayer de terminer vers 22 heures.

M. Ryan: On va faire tout le possible.

Le Président (M. Charbonneau): Je pense qu'à partir de ce moment on va essayer d'être souple.

Oubli de certains secteurs

M. Ryan: Très bien. La première question que je voudrais vous adresser se réfère à une opinion que je trouve dans l'avis du Conseil des universités concernant le cadre de financement 1984-1985 qui se trouve à la page 20. Le Conseil des universités s'inquiète beaucoup du sort que semble vouloir réserver le gouvernement à certains secteurs d'enseignement et de recherche dans le monde universitaire. "Les secteurs qui ne sont pas touchés par le virage technologique, écrit le conseil, entre autres, les lettres, la philosophie, les arts, l'éducation et la plupart des sciences humaines, qui sont, pour plusieurs, ceux où il y a des enjeux culturels spécifiques au Québec, seront-ils voués à devenir des secteurs marginaux et de second ordre, en d'autres termes, les secteurs mous dans nos universités? D'autre part, n'y a-t-il pas un danger de développement anarchique des secteurs du virage technologique parce que chaque université voudra les développer à tout prix, dans tous azimuts, par crainte de rater le virage technologique et la manne qu'il procure? Qu'adviendra-t-il du renouvellement du corps professoral dans les secteurs comme les lettres et les sciences humaines qui sont dramatiquement touchés par un vieillissement important et une absence flagrante de jeunes professeurs? Dans quel état se retrouvera la recherche dans les domaines d'étude laissés pour compte par le virage technologique? Ces quelques interrogations illustrent bien les préoccupations du conseil en ce qui concerne le financement du virage technologique dans les universités." Et cela continue dans la même veine.

J'aimerais que le ministre nous donne ses commentaires sur cette partie de l'avis exprimé par le Conseil des universités le 18 mai dernier. J'ai cru comprendre tantôt que, nonobstant la recommandation qu'a faite le conseil d'en venir le plus tôt possible à une politique qui accorderait un financement raisonnable aux nouvelles clientèles dans les "secteurs mous", entre guillemets le gouvernement n'a pas de politique là-dessus autre que le statu quo. Est-ce que le ministre pourrait nous éclairer sur cela?

M. Bérubé: M. le Président, d'abord, constatons, à partir d'une étude du FCAC sur le financement des études supérieures au Québec, que l'observation y a été faite que, dans le domaine des sciences humaines, la part de sa richesse que le Québec consacrait au financement de telles recherches était tout à fait en ligne avec la pratique des grands pays de l'OCDE. Signalons que c'est au chapitre de la recherche en sciences pures et appliquées qu'on observait un certain décalage. Non pas que le Québec fasse mauvaise figure dans l'ensemble canadien puisque nous consacrons un effort de presque 50% supérieur à la moyenne canadienne. Ce n'est pas tant la comparaison avec l'ensemble canadien qui faisait défaut au dire du FCAC, mais plutôt la comparaison avec les grands pays de l'OCDE. On devait constater que, par rapport à ces pays de l'OCDE, nous aurions à accroître de près de 50% l'effort actuel consacré à la recherche pure et appliquée. Donc, voilà un endroit où nous devons procéder à un travail de rattrapage. C'est un constat. Cela suppose qu'à ce moment on va y consacrer des ressources additionnelles, du moins pendant quelque temps, jusqu'à ce qu'on ait rattrapé cet écart et c'est l'objectif en particulier des équipes de recherche. Le programme gouvernemental répond donc très spécifiquement à une carence identifiée par les organismes chargés par l'État québécois de nous informer sur notre situation relative.

Concernant les clientèles dites nouvelles, je rappelle au député d'Argenteuil, d'une part, que la politique en place au ministère vise à financer à 50% l'ensemble des clientèles, disons-le de cette façon, et à ajouter 20% pour les clientèles dites reliées au virage technologique ou prioritaires. Quelles sont ces clientèles? On observera qu'on inclut là-dedans le droit, les études de deuxième et de troisième cycles en sciences humaines. On notera, dans le fond, que notre interprétation est très large et, de fait, elle l'est. Le financement des clientèles nouvelles va toucher autant le domaine des sciences humaines que le domaine des sciences physiques. Toutefois, dans le domaine des sciences humaines il ne touchera que les cycles supérieurs: maîtrise et doctorat, alors

que dans les autres domaines - je pense à administration, génie et sciences pures - il touchera les trois niveaux. Pourquoi? Parce que nous constatons qu'il y a lieu d'effectuer un rattrapage dans ces domaines compte tenu de la pratique observée ailleurs dans le monde.

Lorsque le Conseil des universités -lorsque vous les rencontrerez, vous serez plus en mesure de leur poser des questions -parle d'un "financement de plus en plus directif", on prend la peine de souligner le contexte dans lequel il faut situer les inquiétudes du Conseil des universités à l'égard des actions directives du gouvernement dans le financement des universités, tel que l'a cité le député d'Argenteuil. Dans le fond, elles sont de deux natures: la première, c'est qu'elles arrivent à un moment où les universités ont eu peu de marge de manoeuvre pour faire du développement en général; la deuxième, c'est que plusieurs décisions gouvernementales vont toutes dans le même sens et qu'il y a danger de mettre trop l'accent dans un secteur donné. Donc, ce n'est pas directif au sens où certains ont pu vouloir l'interpréter, mais c'était quand même directif dans un sens fort limité.

J'ai eu l'occasion dans mon exposé de répondre à la deuxième préoccupation. Reconnaissons que le budget en cause est très faible, premièrement, dans l'ensemble du budget des universités, il représente une fraction très petite. Reconnaissons aussi que la mode est généralement à exiger de l'État qu'il se donne des priorités et, dès qu'il s'en donne, à trouver qu'il va trop loin, car qui dit priorités dit nécessairement des secteurs qui ne seront pas considérés à l'intérieur des priorités gouvernementales et, par conséquent, des gens qui se sentiront laissés pour compte. Or, on ne pourra pas éviter d'avoir des protestations de la part de tous ceux qui se sentiront laissés pour compte. C'est ce qui explique pourquoi, en général, un gouvernement a peu tendance à se donner des priorités, car se donner des priorités implique des choix et les choix, c'est toujours douloureux.

Mais nous avons décidé de faire face à nos responsabilités et de nous donner des priorités. Ces priorités nous paraissent raisonnables. Qu'on me dise que, d'ici à trois ou quatre ans, il serait anormal que l'on veuille introduire environ 20% à 25% de nouveaux jeunes professeurs, chercheurs dans nos facultés de sciences de génie, d'administration et, à ce moment, on me répondra: Mais non, absolument pas, c'est ce que nous avons demandé, d'autre part. Par conséquent, ce que le programme déstructurant d'équipe va obtenir, c'est exactement ce qui est demandé, d'autre part. Ces équipes en question ne sont pas recrutées dans le but de faire de l'enseignement. Elles pourront compléter les équipes professorales, mais l'objectif est d'en faire des équipes de recherche avec une certaine charge d'enseignement annexe parce que je pense qu'on ne doit pas séparer recherche et enseignement à l'université. Mais dans la mesure où leur premier mandat, au moins pour les cinq prochaines années, est de faire de la recherche, il est clair que l'affluence de clientèles additionnelles - on me dit, d'ailleurs, que les nouvelles clientèles ne sont pas de 90% associées au virage technologique, mais plutôt de 80% -va nécessairement impliquer l'engagement de professeurs de plus pour au moins prendre en charge l'enseignement. À ce moment, je ne pense pas que la coïncidence des deux mesures soit en conflit. Dans un cas, nous assurerons un environnement stimulant sur le plan intellectuel dans le domaine de la recherche et, dans l'autre cas, nous assurerons un encadrement pédagogique normal pour ces nouvelles clientèles.

Je dois vous dire, M. le Président, que promouvoir pour le Québec une quarantaine d'équipes de recherche dans des secteurs bien identifiés m'apparaît un strict minimum dans nos universités québécoises. Ce n'est probablement pas 40 qu'il nous faudrait, mais plutôt de l'ordre de 100 à 150.

M. Ryan: M. le Président, si je comprends bien, dans les secteurs que le gouvernement ne relie point au développement technologique, le gouvernement n'envisage aucune mesure pour donner suite aux inquiétudes exprimées par le Conseil des universités.

M. Bérubé: Sauf au niveau de la maîtrise et du doctorat où nous couvrons entièrement le financement des clientèles additionnelles.

M. Ryan: Mais au niveau du baccalauréat et du certificat, absolument rien. La seule mesure, c'est la continuation du 50% qui était déjà établi pour les clientèles additionnelles?

M. Bérubé: Exactement.

Universités des régions périphériques

M. Ryan: Très bien. Ce matin, dans les priorités que vous avez indiquées à la page 25 de votre exposé, M. le ministre, je n'ai pas trouvé de passage traitant du développement des universités dans les régions périphériques. De par la volonté du gouvernement, l'Université du Québec compte maintenant un nombre impressionnant de constituantes dans différentes régions du Québec. Ces constituantes, pour la plupart, en sont encore au stade initial. Elles sont encore au stade où elles ont besoin

d'injections spéciales de capitaux pour être capables d'atteindre une taille normale. (21 heures)

Je m'étonne de constater que, dans les priorités du gouvernement, il n'y a rien de prévu de ce point de vue. Je m'étonne également de constater que, dans le cadre de financement, tout ce que j'ai trouvé à ce sujet, c'est une mesure infiniment limitée imputable au facteur éloignement. Je pense qu'on donnerait un certain pourcentage des frais de combustible ou autre chose; en tout cas, c'est un montant assez dérisoire, pour moi, dans l'ensemble des besoins qu'on doit évoquer.

Est-ce que le ministre pourrait nous préciser sa politique de ce côté? Est-ce de propos délibéré qu'on a omis de parler de cet aspect de la politique de financement universitaire dans les priorités du gouvernement ou si c'est une omission qu'on entend corriger?

M. Bérubé: Premièrement, il faut distinguer le réajustement des bases entre les diverses universités pour les ramener sur un pied de comparaison acceptable où l'analyse qui est faite pouvait ne pas tenir compte des coûts particuliers que représenterait le fonctionnement d'une université en région. Si cette critique est valide, cela aurait conduit à une annulation des sommes injectées pour maintenir en région un enseignement universitaire de valeur et aurait donc entraîné la disparition de ces campus périphériques. Cela, c'est dans l'hypothèse où une provision insuffisante aurait été faite pour les coûts additionnels que représente le fonctionnement en région.

Ceci fera l'objet d'une réflexion en cours d'année, car, si cette conclusion devait s'avérer fondée, on serait, évidemment, justifiés de remettre en cause l'analyse en disant: Voilà un objectif politique que l'État s'est donné d'assurer dans nos régions périphériques un minimum de services à la population en termes d'enseignement universitaire et, par conséquent, s'il y a un coût qui y est rattaché, le gouvernement doit l'assumer. On doit donc maintenir une certaine inégalité de traitement reliée à la non-comparabilité parfaite des mandats. Donc, je pense que cela devra être examiné lorsqu'on va étudier les bases. La conséquence de cette étude ne devrait pas entraîner l'élimination de ces campus établis en région.

Pour ce qui est du développement futur, lorsqu'on parle des priorités gouvernementales, nous reconnaissons que l'établissement d'universités en région a fait l'objet d'une action de l'État qui s'est avérée prioritaire, c'est-à-dire qu'à un moment donné on a injecté des sommes de façon privilégiée pour atteindre un certain nombre d'objectifs de démocratisation et de pénétration de nos universités en région. Nous considérons maintenant que l'effort doit porter ailleurs, non pas que les universités en région ne profiteront pas des priorités qui sont là, car, soulignons-le, souvent l'activité de recherche est peu développée en région et on pourrait voir, dans les nouvelles règles de financement, une façon pour ces campus hors centres urbains de développer un niveau d'excellence qui les amène à s'intéresser aux études supérieures, comme ils l'ont fait pour les études de premier cycle et les certificats.

Donc, ce que nous cherchons à privilégier véritablement en priorité, c'est le développement des études avancées dans nos universités, promouvoir une certaine rationalisation des programmes offerts au niveau du premier cycle et promouvoir le développement de certains secteurs de pointe pouvant avoir un impact économique important au Québec. Voilà les priorités que nous nous donnons.

Vous me dites: Le fait de vous être donné des priorités fait en sorte que certaines autres priorités possibles ne sont pas retenues. Oui, je pense qu'on ne peut rien vous cacher. Effectivement, dans la mesure où on a identifié ces cinq priorités, il existe d'autres priorités - je pourrais vous en donner un très grand nombre - qui n'apparaissent pas comme objectifs immédiats. Cela voudrait dire qu'on ne peut pas maintenir les objectifs que nous avons ici pendant 25 ans, mais l'analyse nous dit que voilà les secteurs où on devrait consacrer nos efforts jusqu'à ce que la situation ait été corrigée.

M. Ryan: Mais la question que je vous pose a la signification suivante: des constituantes de l'Université du Québec ont des projets de développement. Par exemple, l'Université du Québec à Hull a un projet de développement d'un secteur en génie informatique. Du côté de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscaminque, on est, évidemment, intéressé au développement d'un secteur en génie minier. Quelle est la politique du gouvernement à ce sujet? À -t-on une politique d'ouverture ou va-t-on dire: Vous allez vous restreindre? Ces universités, pour l'instant, ont développé un nombre plutôt limité de disciplines. Elles ont été appelées à une vocation universitaire. Vous leur avez donné des lettres patentes. Jusqu'à quel point entendez-vous leur permettre de se développer? Ne convenez-vous pas que, pour franchir certains pas, elles auront besoin d'une aide spéciale qui n'est pas du tout prévue dans le cadre de financement et même dans le message que vous avez donné ce matin ou si c'est une fin de non-recevoir plutôt générale que vous leur opposez en disant: Nos priorités sont ailleurs? C'est évident, si on dit: On va développer les

secteurs d'excellence, peut-être qu'on peut être enclin à dire: On va développer les écoles de génie qu'on a actuellement et on dira aux autres: C'est impossible. Je crois qu'il va falloir que le gouvernement prenne des positions claires sur ces choses-là pour qu'on sache où on va.

M. Bérubé: D'abord, le financement pourrait se faire de deux façons: le fonds de développement pédagogique et le financement des équipes de recherche, dans les secteurs où cela est possible. Deuxièmement, c'est au Conseil des universités qu'il appartient d'analyser ces demandes de programmes et d'indiquer si, effectivement, il recommande la création de tels programmes. Troisièmement, la création de tels programmes entraîne un recrutement d'étudiants qui entraîne des budgets afférents. Donc, du côté gouvernemental, il n'y a pas de tentative d'interdire tel ou tel développement au sein de nos universités, mais il appartient au Conseil des universités d'évaluer, d'abord, la capacité du Québec de supporter un certain nombre de programmes au Québec. Il faut prendre garde, je le souligne en passant, à une multiplication de programmes qui entraînerait une dilution et l'incapacité pour aucune institution universitaire d'atteindre un certain niveau d'excellence. Il faut donc encourager une certaine rationalisation de l'offre de programmes au niveau du deuxième et du troisième cycle, à titre d'exemple, et même du premier cycle. Il appartient au Conseil des universités de donner un avis sur de telles demandes, mais à partir du moment où l'avis est favorable, n'apparaît pas représenter un dédoublement et apparaît pouvoir être supporté par la collectivité québécoise, évidemment, c'est financé exactement comme tout développement de nouvelles clientèles.

M. Ryan: On aura l'occasion d'y revenir lorsqu'on va rencontrer les gens de l'Université du Québec plus tard au cours des travaux de la commission, mais je vous avoue que la réponse que vous m'apportez est insatisfaisante.

M. Bérubé: Dans quel sens?

M. Ryan: Parce qu'elle ne répond pas à la question. Il me semble que, lorsque vous êtes allé inaugurer ces universités, quand vous leur avez donné des lettres patentes, vous deviez avoir une vue un peu plus claire de ce que vous envisagiez pour l'avenir. Il me semble que vous ne vous disiez pas uniquement à ce moment-là: On va attendre le Conseil des universités et on verra.

M. Bérubé: En ce qui a trait au développement de programmes, oui, nous sommes assujettis à l'avis du Conseil des universités. C'est sur cette base-là que le gouvernement accepte de financer les clientèles additionnelles. Maintenant, il existe des règles budgétaires pour financer les nouveaux programmes et, à ce moment-là, on va utiliser ces sources de financement. Toutefois, la décision à savoir si un projet est retenu ou pas est soumise à un avis du Conseil des universités. Que le député d'Argenteuil soit satisfait ou non de la réponse, voilà la procédure qui est suivie.

M. Ryan: Très bien.

M. Bérubé: C'est qu'on ne peut pas nous accuser une journée de dirigisme et, le lendemain, dire qu'on ne fait pas assez de dirigisme.

M. Ryan: Notre temps est précieux. Si vous n'avez rien à dire, j'aimerais autant que vous le disiez brièvement.

M. le ministre, au sujet du contingentement, où en est le ministère de l'Éducation?

M. Bérubé: Le contingentement?

M. Ryan: Oui. Il y a plusieurs secteurs où l'on pratique effectivement le contingentement. Quelle est la politique du ministère à ce sujet? Y a-t-il des directives données par écrit ou autrement ou si vous laissez les universités complètement libres de faire ce qu'elles veulent dans ce secteur-là?

M. Bérubé: À ma connaissance, il n'y a qu'un seul secteur où il y a une directive explicite gouvernementale de contingentement et c'est dans le secteur de la médecine.

M. Ryan: Est-ce que le ministre est au courant que des universités pratiquent le contingentement dans plusieurs disciplines?

M. Bérubé: Oh, sans doute. J'imagine que les universités...

M. Ryan: Est-ce qu'il a...

M. Bérubé: ...ont différentes façons de pratiquer un contingentement. Cela peut aller de l'application de quotas à l'application de normes d'admission, de telle sorte qu'on obtienne le même résultat, mais c'est extrêmement difficile à vérifier.

M. Ryan: Le gouvernement n'a pas d'attitude là-dessus. Il n'a pas de ligne de conduite. C'est une chose qui est entièrement abandonnée aux universités?

M. Bérubé: Exactement. M. Ryan: Très bien.

Quatrième point, au sujet du développement de la recherche, je ne sais pas si vous avez une estimation avec vos collaborateurs que vous pourriez nous donner. Vous avez parlé du fonds FCAC. Vous avez parlé de l'aide additionnelle qui sera donnée aux étudiants de deuxième et de troisième cycles. Vous avez parlé du programme d'action structurante. Il y a un autre point. J'écris assez mal que je ne retrace pas l'autre point actuellement. Avez-vous une idée de ce que cela représente au point de vue...

M. Bérubé: Cela va vous permettre d'abréger la question.

M. Ryan: ...des efforts financiers pour l'année 1984-1985?

M. Bérubé: Au total? J'imagine qu'on peut essayer de vous faire le calcul.

M. Ryan: Pendant qu'on fait le calcul, je vais vous adresser une question complémentaire. La politique que vous entendez mettre en oeuvre de donner 1 $ pour chaque 2 $ de subvention que l'université va obtenir pour des programmes de recherche, 1 $ pour les fins de dépenses de soutien que l'université doit absorber, on me dit que c'est un système qui est de nature en enrichir les riches et qu'il ne donne pas beaucoup de chances à ceux qui sont à un stade moins avancé dans leur développement. Est-ce que vous prévoyez une certaine souplesse dans l'application de cette politique ou si on va l'appliquer d'une manière aussi littérale que le laisse entendre le cadre de financement?

M. Bérubé: Bon! Premièrement, il faudrait, dans le cadre de la discussion sur cette règle de financement qui n'est pas terminée, qu'il y ait accord. Mais posons l'hypothèse qu'il y ait accord. Ces règles de financement ne visent qu'une chose: reconnaître les coûts réels. Si quelqu'un me dit que reconnaître les coûts réels d'une institution, c'est la favoriser, j'ai de la difficulté à entrer dans le jeu, parce que l'argument revient à dire: Pénalisez les universités qui veulent faire de la recherche de manière à nous donner une chance. Ce n'est certainement pas en écrasant la tête du voisin sous l'eau qu'on va améliorer soi-même ses possibilités de développement. Donc, ce qui m'apparaît plus raisonnable, c'est de dire que, associé aux subventions des divers gouvernements aux équipes de recherche, il existe un coût. La seule existence d'un laboratoire... Lorsque j'ai enseigné à l'Université Laval, je n'ai jamais eu à payer de loyer à l'université, mais je dois dire que mes laboratoires occupaient un espace beaucoup plus grand que l'espace dont j'avais besoin pour donner des cours, car il faut loger l'équipe de dix ou douze étudiants gradués, les associés de recherche. Il faut des salles d'équipement. Il y a des installations électriques. Les frais afférents sont très élevés et, de fait, les universités nous disent que, chaque fois qu'elles acceptent un dollar de subvention, il leur en coûte 0,50 $ de frais divers, de frais administratifs. Si on ne reconnaît pas de tels coûts - posons l'hypothèse qu'ils sont exacts - on désincite les universités à faire de la recherche. À ce moment-là, c'est certainement contraire aux objectifs qu'on vient de se fixer et que les parties reconnaissent.

Je trouve que le genre de critiques dont on vous a fait part témoigne d'une approche bizarre du développement puisqu'elle consiste à dire: Nous devrions pénaliser les autres en refusant de reconnaître les coûts réels qu'ils encourent pour tenter de ralentir leur développement. Personnellement, je considère qu'une telle recommandation est contraire à un esprit qui devrait prévaloir, soit celui de l'excellence.

M. Ryan: Est-ce qu'on a eu le temps de procéder au calcul que j'avais demandé?

M. Bérubé: FCAC, c'est 30 000 000 $; les équipes de recherche, c'est 2 700 000 $ cette année; les bourses pour les deuxième et troisième cycles, c'est 10 400 000 $, pour un total de 43 000 000 $; un équipement scientifique de 5 000 000 $... Ah; excusez-moi, je pensais que c'étaient les bourses. D'accord. Alors, le coût des clientèles additionnelles: 10,4%. (21 h 15)

M. Ryan: Pardon? Les clientèles additionnelles...

M. Bérubé: C'est le financement des clientèles additionnelles aux deuxième et troisième cycles.

M. Ryan: Ah! oui.

M. Bérubé: Cela fait un total de 43 000 000 $. Il faut ajouter à cela à peu près 5 000 000 $ au chapitre des équipements scientifiques; 5 000 000 $ par année pendant trois ans. Il faudrait souligner que les 2 700 000 $ associés aux équipes de recherche ne sont que le déboursé prévu en début de programme. D'abord, il faut analyser les demandes; il faut prendre la décision d'accorder une subvention; il faut que ces équipes recrutent leurs chercheurs, car il ne s'agit pas de financer des équipes en place - je dis bien et j'insiste - il s'agit de favoriser l'émergence de nouvelles équipes et non de trouver une autre façon de financer les équipes actuelles. Dans la mesure où il faut recruter du personnel, il y

a donc des délais importants et les déboursés sont très faibles. Mais on devrait s'attendre, normalement, à des déboursés de l'ordre de 20 000 000 $ en régime de croisière en dollars d'aujourd'hui. C'est donc intégrer, dans la base des universités, l'équivalent, je ne dirais pas d'une vingtaine de millions, parce que tout n'est pas intégré dans la base, mais une forte proportion des 20 000 000 $ devrait être intégrée dans la base. Donc on parle de quelque chose qui oscille entre 40 000 000 $ et 55 000 000 $.

M. Ryan: Mais quand vous parlez de 30 000 000 $ au fonds FCAC, cela comprend les bourses qui sont données à des étudiants de deuxième et troisième cycles?

M. Bérubé: Oui. C'est l'erreur que je faisais tantôt. Cela inclut les bourses.

M. Ryan: Bon, d'accord. À propos des équipements, vous venez d'en parler et cela m'intéresse. Le gouvernement a annoncé, il y a quelques mois, un programme de 15 000 000 $ réparti sur trois ans pour le renouvellement des équipements, ce qui veut dire 5 000 000 $ pour l'année 1984-1985. Est-ce que vous pourriez nous dire sur quelle base vous vous êtes appuyé pour choisir ce montant de 5 000 000 $ par année et nous donner une idée de l'amplitude des besoins dont on vous a fait part à ce sujet du côté des universités? J'ai l'impression que les retards que nous avons pris en matière de modernisation des équipements représentent des sommes beaucoup plus élevées que ce que vise votre budget de 15 000 000 $ réparti sur trois ans. Je ne sais pas ce qui vous a guidé. J'aimerais que vous nous disiez aussi si vous êtes en contact avec le gouvernement fédéral qui a, lui aussi, des projets importants d'aide aux universités. J'aimerais que vous nous disiez comment les choses se passent. J'ai l'impression qu'avec un petit budget de 5 000 000 $ de ce côté que vous voulez qu'on reste, pas nécessairement les premiers dans l'univers, mais dans le premier groupe, en tout cas. Je pense qu'avec un budget comme cela, on va continuer de tirer de la patte dans plusieurs disciplines.

M. Bérubé: Premièrement, il s'agit d'un effort spécial consenti dans le cadre du plan de relance et qui s'ajoute au budget d'équipements normaux des universités. Je pense que c'est quand même important de le souligner. Deuxièmement, les 15 000 000 $ n'ont pas été établis sur la base d'une analyse détaillée des besoins. Les opinions qui prévalent concordent avec l'affirmation que vous avez faite, à savoir qu'il y a lieu d'injecter des sommes pour l'achat d'équipements dans nos universités et que, partant de ce constat, lorsque nous avons fait nos enveloppes, s'est dégagée la possibilité d'aller chercher une quinzaine de millions de dollars pour de l'équipement. On a donc pris la décision sur la base d'une impression générale de besoins, beaucoup plus que sur la base d'une analyse détaillée. Nous n'avons malheureusement pas d'analyses véritables des besoins en équipement dans nos universités.

M. Ryan: Le gouvernement, je présume, est disposé à entendre les représentations qu'on fera là-dessus. Je pense que c'est un point sur lequel la commission devrait s'attarder de manière spéciale. On m'a laissé entendre que, dans bien des secteurs, les équipements dont on dispose sont, tantôt insuffisants pour répondre au nombre d'étudiants qui doivent s'en servir et tantôt dépassés au point de vue capacité de répondre aux besoins d'aujourd'hui.

M. Bérubé: Cela dépend beaucoup des secteurs, M. le Président.

M. Ryan: J'ai encore quelques points à discuter. Je ne voudrais pas qu'on prolonge le débat là-dessus; je sais que cela peut dépendre des secteurs. Je ne veux pas vous empêcher, non plus, de me répondre, remarquez bien, mais je ne voudrais pas prendre trop de temps.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Le caractère trop directif du député d'Argenteuil m'incite à la réserve.

M. Ryan: Vous avez dit que vous n'aviez pas d'analyse des besoins. Il ne sert à rien de s'attarder.

Au point de vue des locaux et des équipements, M. le ministre, on vous a fait des représentations disant que le gouvernement continue de mettre l'accent sur les dépenses de location, ce qui, en pratique, diminue l'augmentation de budgets consentie aux universités cette année au chapitre des subventions, ce qui est une manière souvent très insatisfaisante de répondre aux besoins des universités. Est-ce l'intention du gouvernement de donner une place un petit peu plus grande à des investissements qui permettront aux universités d'être maîtresses et propriétaires des lieux où se dispense l'enseignement et se fait de la recherche ou si on continuera à mettre l'accent sur une politique de location qui entraîne toutes sortes de dislocations souvent?

M. Bérubé: D'abord, reconnaissons que la pratique qui a cours en termes de financement des immobilisations nous amène à une enveloppe de location qui apparaît anormalement élevée, compte tenu des besoins en espaces pour l'ensemble du réseau universitaire québécois.

Deuxièmement, soulignons - cela rejoint en fait une des préoccupations dont j'avais fait état ce matin - que la croissance des services de dette au gouvernement a pris des allures un peu catastrophiques depuis un certain nombre d'années, peut-être en partie parce que, le financement des immobilisations se faisant par service de dette, on obtient une dépense initiale très élevée pour un coût relativement faible pour l'année en cours. Évidemment c'est oublier l'effet cumulatif de ces services de dette qui finissent par peser, comme je le soulignais, très lourdement dans l'équilibre des finances publiques.

C'est ce qui devait amener le gouvernement à adopter une politique concernant les nouvelles immobilisations qui prévoit que dans le budget de base des ministères, les enveloppes de nouvelles immobilisations ne devraient pas entraîner une augmentation du service de dette qui croisse plus vite que l'inflation.

Jusqu'ici tout va bien, ne serait-ce que les taux d'intérêt étant plutôt autour de 12% à 13% et l'inflation étant autour de 4%, on devine qu'il suffit de fort peu d'immobilisations pour vite atteindre ce plafond. De fait, ceci a entraîné, pour les budgets d'immobilisations, une réduction substantielle du niveau des immobilisations.

Nous croyons que l'effet pourrait être jugé temporaire, en ce sens que des taux réels d'intérêt comme ceux qui ont pratique présentement sont des taux véritablement usuraires. Soit dit en passant ils sont à peu près aussi élevés qu'on les a connus quand ils ont atteint des taux de 21% ou 22%, car lorsque vous avez une inflation de 14% et que vous avez des taux d'intérêt à 20%, cela fait un taux réel de 6% ou à peu près - je simplifie le calcul - alors que lorsque vous avez une inflation à 4% et que vous avez des taux d'intérêt à 12%, on parle là d'un taux réel de 8%. En d'autres termes, le taux réel d'intérêt est extrêmement élevé à l'heure actuelle. On ne prévoit pas que de tels taux puissent se maintenir éternellement. Il faudra un jour corriger.

C'est ce qui nous a amenés à penser qu'on pourrait peut-être réduire l'enveloppe consacrée à l'entretien des équipements pendant quelques années et dégager des marges de manoeuvre additionnelles aux fins des immobilisations de manière à accroître l'enveloppe des immobilisations à un niveau plus raisonnable. C'est d'ailleurs une proposition que nous avons faite au Conseil des universités. Est-ce qu'on a eu la réponse à cette proposition? On me dit qu'on attend l'avis en ce moment.

Troisièmement, parmi les hypothèses qui doivent être examinées, il y a celle de l'abandon de certains baux de location pour privilégier les constructions. Il se produirait en effet des cas où, pour les clientèles existantes, on puisse investir dans des immobilisations importantes qui ne coûtent finalement pas plus cher aujourd'hui que ce que coûtent les locations, auquel cas je pense qu'on devrait encourager les universités à aller dans ce sens. Il faut cependant examiner chaque demande. Rappelons que toute augmentation des frais encourus par une telle décision sera nécessairement supportée par l'ensemble des autres universités. Par conséquent je pense qu'avant de prélever dans les budgets des universités des sommes additionnelles, il faut y regarder de plus près.

Nous serions donc prêts à considérer la possibilité d'investir dans des immobilisations dans la mesure où les frais encourus, en termes de service de la dette et des frais afférents, ne sont pas supérieurs à ce qui est présentement encouru en termes de location, auquel cas cela permettrait d'augmenter l'enveloppe des immobilisations disponible pour les universités. Nous examinons en ce moment un cas avec une université allant dans ce sens.

Frais de scolarité des étudiants canadiens et étrangers

M. Ryan: J'ai deux brèves questions pour compléter. Au sujet des frais de scolarité exigés des étudiants canadiens et des étudiants étrangers, je crois comprendre, en lisant le cadre de financement, qu'en ce qui touche les étudiants canadiens, vous ne ferez rien tant que vous n'aurez pas consulté le Conseil canadien des ministres de l'Éducation et que vous n'aurez pas cherché à trouver un terrain d'entente avec eux qui évitera toute mesure pouvant desservir le Québec en provenance des autres provinces. J'aimerais vous demander où vous en êtes là-dedans, s'il y a eu des consultations jusqu'à maintenant et si elles augurent bien ou si le gouvernement maintient la même politique.

Deuxièmement, au sujet des étudiants étrangers, je constate qu'à compter du mois de septembre, on a haussé les frais de scolarité pour ceux qui ne viennent pas des pays ayant signé des ententes avec le Québec. Je voudrais vous demander si le produit de cette augmentation des frais de scolarité va au gouvernement ou aux universités. Est-ce que ce sera déduit de la somme totale qui est accordée aux universités ou si cela va leur être laissé comme un revenu d'appoint qui leur permet de disposer de sommes un peu plus élevées? Ce n'est pas énorme, mais j'aimerais savoir quelle est la politique du gouvernement, parce que cela va nous éclairer pour autre chose.

J'ai une autre question. Il y a des universités qui sont en situation difficile par suite des politiques de compression des dernières années. Je n'ai pas besoin de les

nommer parce qu'elles ont fait part, dans trois cas au moins, de leurs difficultés publiquement. Je ne trouve absolument rien dans le cadre de financement au sujet de ces cas-là. Je voudrais demander au ministre s'il a été informé de ces cas-là, s'il a pris contact avec les universités en question et s'il entend réexaminer leur situation.

M. Bérubé: Je m'excuse, M. le Président. J'ai mal saisi le début de l'intervention, ce qui fait que je ne sais pas le sujet sur lequel porte la question.

M. Ryan: Les universités qui ont des difficultés financières particulières...

M. Bérubé: En déficit.

M. Ryan: ...par suite des compressions budgétaires des dernières années, pas nécessairement des déficits, mais aussi des déficits dans quelques cas. Je m'aperçois qu'il n'y a rien dans le cadre de financement à leur sujet. Est-ce que cela veut dire que c'est un dossier complètement fermé ou si ce sont des situations que le gouvernement est disposé à examiner avec chacune des institutions concernées?

M. Bérubé: Cela m'apparaît difficile de répondre plus spécifiquement à votre question. Je connais un cas type, celui de l'Université de Sherbrooke, qui est un vieux cas, qui m'apparaît assez complexe et pour lequel le ministère a déjà reconnu en tout cas la réalité du déficit et un moyen de l'étaler. Cependant, je reconnais également que le ministère n'a jamais voulu éponger ce déficit. Quant au déficit des autres universités, je dois dire que leur traitement dépendrait de beaucoup de l'étude comparative des bases qui ont été effectuées. Si on devait tirer la conclusion qu'une université est, je ne dirais pas bien située, mais située dans l'honnête moyenne de financement des universités, si elle se retrouve avec un déficit, à ce moment-là je pense qu'il est à sa charge.

M. Ryan: On parle toujours d'universités qui ont des déficits. Est-ce que cela veut dire que vous seriez prêt à envisager, une fois que l'étude sur le cadre de financement aura été faite sur une base plus large, un redressement de situation pouvant affecter les résultats des années antérieures?

M. Bérubé: Entre autres, si le déficit peut être associé à un sous-financement systématique, j'imagine que, lorsqu'on va tenter de rétablir les bases, on peut tenir compte du fait que l'université doit assumer un service de dette plus important qu'ailleurs, qui est incorporé à ce moment-là à ses dépenses de fonctionnement et pour lequel il y aurait lieu de prévoir une correction.

M. Ryan: Sur les bourses, sur les frais de scolarité.

M. Bérubé: Oui, sur les frais de scolarité, dans le cas des étudiants canadiens, effectivement il y a eu une très brève discussion au CMEC. Évidemment, j'ai expliqué que le problème auquel nous faisions face, c'est que nous avions des frais de scolarité qui étaient la moitié de ceux perçus dans les autres provinces et que, par conséquent, on s'est senti un peu justifiés de chercher à les augmenter, ce qui a entraîné tout un débat fort intéressant sur les frais de scolarité en général qu'à peu près tous les ministres de l'Éducation aimeraient voir haussés chez eux. Donc, ils se sentaient un peu mal à l'aise de commenter la hausse québécoise qui, somme toute, était fort modeste par rapport aux frais de scolarité qu'eux-mêmes imposent chez eux. (21 h 30)

Nous n'avons pas discuté d'un argument, je pense, repris par le député d'Argenteuil en ce sens que, s'il est vrai que les frais de scolarité au Québec sont plus faibles que dans le reste du Canada, en compensation, il y aurait deux fois plus d'étudiants québécois étudiant à l'extérieur du Québec qu'il y a d'étudiants canadiens étudiant au Québec. D'ailleurs, cela traduit bien le pouvoir d'attraction auquel est soumise une minorité dans n'importe quel milieu-environnement et les forces d'assimilitation qui s'exercent sur elle, mais cela me paraît, en termes d'équité, certainement un argument à soulever. Donc, compte tenu de cette considération, compte tenu également d'une autre considération, il n'est pas facile de déterminer l'origine d'un étudiant canadien. Est-ce qu'un étudiant qui est venu louer un appartement à Montréal et s'est inscrit à l'Université McGill est un étudiant non-Québécois? C'est la notion de résidence qui a toujours été une notion difficile à trancher. En conséquence, le ministère est à examiner s'il est possible de définir une façon élégante d'obtenir ce genre d'information.

Quant aux étudiants étrangers, il faut comprendre que nous avons appliqué une compression budgétaire aux budgets des universités et que, évidemment, les revenus qu'elles retirent des frais de scolarité payés par les étudiants étrangers leur restent, à ma connaissance.

Mme Fortin: Dans le fond, ils sont utilisés pour combler une compression qui aurait été faite de toute façon. De dire qu'il leur reste de l'argent qui ne leur revient pas, c'est de l'argent qui est contre une compression qu'on aurait dû appliquer de

toute façon.

M. Ryan: C'est la compression additionnelle qui avait été annoncée au début de l'année dernière, au début de la présente année.

Mme Fortin: C'est cela. Je veux dire la compression...

M. Ryan: La compression de 3,7%.

Mme Fortin: C'est cela. En échange, les universités peuvent facturer des frais de scolarité plus élevés. C'est comme cela que les universités assument cette compression, plutôt que de voir une coupure dans leur budget de base général. C'est la méthode qu'on a choisie.

M. Ryan: C'est-à-dire que c'est le gouvernement qui bénéficie de cette augmentation en réduisant d'autant sa contribution financière aux universités.

Mme Fortin: Elle a déjà été réduite d'autant, oui.

M. Ryan: Très bien, avant même que cela soit fait, avant même que la hausse soit instituée.

Mme Fortin: Elle s'est faite simultanément.

M. Ryan: D'accord.

M. Bérubé: Pour éclairer, je pense, le député d'Argenteuil, il serait bon de dire que la compression a d'abord été faite de façon uniforme dans l'ensemble des budgets des universités, en un premier temps. En un deuxième temps, lorsque l'on calcule le montant de la subvention à verser à une université en particulier, on défalque les revenus provenant des frais de scolarité, ce qui veut dire, à ce moment-là, que l'université qui récupère des frais de scolarité plus élevés, évidemment, voit sa subvention diminuer d'autant. Toutefois, soulignons que ces revenus ont été pris en compte dans le calcul des compressions et que si l'on n'avait pas appliqué cette hausse de frais de scolarité, les compressions appliquées au budget des universités auraient été plus élevées.

Revenus autonomes des universités

Le Président (M. Charbonneau): Je voudrais, M. le ministre, aborder une question qui semble ne pas avoir été abordée jusqu'à maintenant qui est pourtant indiquée, dans le mandat, dans les questions corollaires, comme nous préoccupant, lorsque nous avons préparé le mandat de cette commission. Il s'agit des sources de revenu des universités autres que des subventions gouvernementales. Il serait intéressant de savoir quelle est la position du ministère par rapport aux revenus autonomes des universités. Devrait-on en tenir compte? Quelle est l'importance de ces revenus? Est-ce un secteur sur lequel le gouvernement ne tient à s'immiscer ou à intervenir d'une façon ou d'une autre? Quelle est la problématique des revenus autres que les sources gouvernementales?

M. Bérubé: Nous avons fait distribuer, en annexe 5, une évaluation ou une mesure des fonds de fonctionnement consentis aux universités par d'autres sources et qui ne sont pas assujettis à des restrictions d'utilisation. Non, je n'ai pas l'information, je n'ai que... À la première question, nous n'avons pas de telles données. La deuxième réponse à votre deuxième question sera très simple: si nous n'avons pas les renseignements concernant l'importance de tels fonds, je dois présumer que le ministère n'exerce aucun contrôle sur leur utilisation et leur origine.

Le Président (M. Charbonneau): Il n'est pas de votre intention, si je comprends bien, d'en exercer un.

M. Bérubé: Les discussions que nous avons eues avec les recteurs des diverses universités sont à savoir qu'on devrait laisser ces revenus tranquilles.

Le Président (M. Charbonneau): Laisser ces revenus tranquilles ne veut pas dire qu'il n'y a pas une réalité intéressante à cet égard qui puisse, d'une certaine façon, affecter la situation budgétaire des uns et des autres, si je comprends bien.

M. le ministre, je disais simplement que finalement - j'ai perdu moi aussi mon idée à la suite de l'interruption... En fait, si vous n'avez pas l'intention d'exercer de contrôle, si vous n'avez pas les informations, néanmoins c'est une réalité qui, j'imagine, doit nous amener à pondérer la situation budgétaire des uns et des autres et leur réaction par rapport à leurs problèmes financiers.

M. Bérubé: Oui.

Le Président (M. Charbonneau): On ne peut pas faire comme si cela n'existait pas. Des gens ont des revenus plus ou moins importants autres que des subventions gouvernementales. J'imagine que cela doit entrer dans le décor et qu'on ne peut pas faire comme s'il n'y en avait pas.

M. Bérubé: Je ne voudrais pas vous induire en erreur. Lorsqu'on me demande une

donnée précise à l'Assemblée nationale, j'aime bien la fournir. J'ai comme donnée pour 1982-1983 des revenus globaux autres que les subventions de fonctionnement et les droits de scolarité d'environ 64 000 000 $ pour l'ensemble des universités québécoises.

Le Président (M. Charbonneau): Les universités sont appelées d'une façon ou d'une autre à vous dire quels sont leurs revenus autonomes. Les gens font des demandes...

M. Bérubé: On me dit que oui, effectivement, on l'obtient pour l'ensemble des universités. Il faut distinguer dans ces fonds autonomes deux types de fonds: des fonds pour lesquels l'usage, par l'université, n'est assujetti à aucune restriction et, au contraire, des fonds pour lesquels l'usage est spécifique. À titre d'exemple, si une succession consent un versement à une université pour la construction d'un pavillon donné; l'université ne peut pas utiliser ces fonds pour équilibrer son budget, par exemple. D'ailleurs, l'une de nos universités, l'Université McGill a investi énormément dans ces immobilisations, grâce à des fonds autonomes, ce qui a allégé d'autant l'enveloppe des immobilisations qui a pu servir à d'autres universités. C'est un cas où les fonds propres de l'université ont servi à financer des immobilisations.

Ce qui est donc difficile lorsqu'on traite de ces fonds, c'est de faire la distinction entre des fonds libres de tout lien et des fonds qui sont attribués à une utilisation spécifique qui, à ce moment-là, pourraient rendre leur prise en compte difficile.

Mais - je termine sur ce point - parmi les paramètres individualisés à prendre en considération dans le niveau de financement des universités, je pense qu'on ne peut pas éviter, à un moment donné, de prendre ce paramètre. Est-ce qu'on peut le faire de façon quantititive? Cela m'apparaît douteux. Est-ce qu'on doit cependant le prendre en considération dans le rythme auquel on doit procéder à un certain rattrapage ou encore dans l'acceptation d'un certain écart entre les universités et les autres? Probablement que oui, on peut le prendre en compte, mais pour cela, il faudrait avoir une analyse beaucoup plus fine, que je n'ai pas.

Le Président (M. Charbonneau): Au sujet des services à la collectivité, je sais que, entre autres dans le milieu étudiant, il y a le RAEU qui, depuis quelques années, a tenu à développer un discours qui voudrait amener les universités à être plus impliquées dans le milieu et dans les collectivités locales. Il semble, d'après certaines informations, que le Conseil des universités se soit penché sur cette question mais, du côté du ministère de l'Education, est-ce qu'on a une approche particulière quant au développement des services à la collectivité de la part des universités?

M. Bérubé: Un instant. Je n'ai pas d'éléments pour vous répondre là-dessus.

Mme Fortin: II y avait, dans le cadre du fonds de développement pédagogique, un troisième volet qui finançait des programmes, des projets de services à la collectivité. Ce volet n'a jamais été très fréquenté et les sommes allouées dans ces projets n'ont jamais été très considérables.

Tout dernièrement, le Conseil des universités nous a fait parvenir un avis concernant une problématique à développer en termes de services à la collectivité et où il recommande, dans le fond, de prélever en millions, sur l'enveloppe pour financer de façon spécifique les services à la collectivité.

Nous sommes en train d'examiner la question. Ce qui nous fait hésiter, dans le fond, c'est que c'est encore un prélèvement et c'est encore une allocation de budget pour des fins spécifiques. Il y a une limite qu'on ne veut pas dépasser dans le cadre de cette orientation. Je pense qu'il n'y a pas de décision prise encore au sort à donner à cet avis à l'intérieur du ministère. Ce sont des considérations qu'on est en train d'examiner.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce qu'il y a un avis formel qui a été donné par le Conseil des universités?

Mme Fortin: Oui, oui, sur les services à la collectivité.

Le Président (M. Charbonneau): On m'a parlé qu'il y avait un colloque qui serait tenu. Est-ce à dire que ce colloque pourrait influencer ou amener le conseil à modifier son avis?

Mme Fortin: On pourrait peut-être leur demander.

Le Président (M. Charbonneau): Oui. Une dernière question. Le ministre a parlé tantôt des dédoublements qui existent. Tout en respectant l'autonomie des institutions, est-ce que le ministère a l'intention d'intervenir un peu plus directement pour faire en sorte qu'effectivement ces dédoublements ou la problématique du dédoublement soit abordée plus directement et que, finalement, on n'assiste pas à une espèce de fuite en avant où tout le monde constate des dédoublements mais personne ne s'en occupe finalement.

M. Bérubé: Non, pas d'intervention directe. Toutefois, un engagement à ne pas

pénaliser les universités qui procéderaient à une rationalisation de tels programmes. À l'heure actuelle, il faut comprendre qu'une université qui - prenons un exemple non contentieux - se serait engagée dans l'enseignement de cours d'anglais, je ne dirais pas élémentaires mais quasi de niveau secondaire et l'aurait fait parce qu'elle y voyait là un intérêt pécuniaire significatif, puisque nous finançons les études au coût moyen et que, par conséquent, de telles clientèles étaient surfinancées par rapport au coût réel observé, c'était, pour l'université, une façon d'arrondir ses fins de semaine. (21 h 45)

II est clair que si l'université devait se désengager de tels programmes, elle perd, d'une part, la clientèle mais elle perd aussi le revenu. Il y a fort peu d'incitation pour une université à procéder à une telle rationalisation. Il faut donc que l'on assure que l'université ne soit pas pénalisée si elle s'engage dans une telle rationalisation sous peine de quoi, peu d'universités s'y engageront. À l'heure actuelle, on ne peut pas dire que les règles de financement ont permis de telles rationalisations. Ce que nous voulons faire, c'est de nous assurer qu'à l'avenir, de telles rationalisations puissent être possibles sans pénaliser, "budgétairement" parlant, les universités.

Le Président (M. Charbonneau):

D'accord. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Les équipements

Mme Dougherty: J'aimerais revenir avec la question des équipements, simplement pour souligner qu'en 1979, je crois que le CRSNG, le fonds fédéral, a mené une enquête sur toute la question des équipements de recherche. Il a conclu que les crédits destinés aux équipements de recherche devraient équivaloir à 15% des subventions de fonctionnement de la recherche. Êtes-vous au courant de cette norme? Acceptez-vous cette norme? Parce que pour l'année 1984-1985, je crois que le fonds FCAC aura 1 600 000 $ je crois, ce qui correspond seulement à 8,5% des crédits de fonctionnement octroyés en 1984-1985. Vous avez dit que vous n'avez pas vraiment étudié les véritables besoins en équipements des universités. Voilà une norme établie au niveau fédéral. Quelle est votre intention? Avez-vous l'intention d'essayer de respecter une telle norme? Est-ce qu'une telle norme est valide?

M. Bérubé: Je ne peux la commenter. Je présume cependant qu'une telle norme ne peut être universelle. Il doit y avoir énormément de différence entre, par exemple, la recherche en sciences humaines et la recherche appliquée en physique atomique. J'imagine que les équipements doivent être très différents et dans un cas, la norme peut être nettement supérieure, donc les 15% m'apparaissent discutables si on essaie de les appliquer de façon universelle.

Deuxièmement, existe déjà, comme vous l'avez souligné, à l'intérieur du fonds FCAC, un pourcentage du budget qui sert à l'équipement. Vous avez mentionné 1 500 000 $, 1 600 000 $; on me dit qu'ils représentent les 6% ou 7% dont vous parliez. Si, on tient compte que le gouvernement a déjà dans son enveloppe d'immobilisation de mobilier 22 000 000 $ et que nous venons d'ajouter 5 000 000 $ à l'équipement annuellement pendant trois ans, on peut dire qu'il y a quand même des sommes importantes. Par exemple, par rapport au fonds FCAC, si on ajoutait l'équivalent de 5 000 000 $ par année ou 1 500 000 $, 2 000 000 $ consacrés à l'heure actuelle par FCAC, on observerait une moyenne nettement supérieure à celle que vous mentionnez. Et si on se réfère au fait que 60% des projets de recherche du FCAC s'effectuent dans le domaine des sciences humaines où j'imagine les besoins en équipement scientifique sont moindres, on pourrait dire que par rapport aux sommes consacrées par le Québec au financement de la recherche, probablement que nous excédons très largement la norme dont vous parlez. Mais il faut tenir compte du fait que le fonds FCAC n'est pas la seule source de financement d'équipement scientifique. Il faut tenir compte aussi qu'il y a de l'équipement scientifique qui sert à des fins pédagogiques et qui n'est pas financé par les équipements de recherche. Et si je devais tenir compte de toutes ces considérations, je serais obligé de revenir et de vous dire qu'effectivement nous n'avons pas une analyse véribablement objective des besoins en équipement.

Mme Dougherty: II faut signaler en même temps, que pour l'année courante, l'année 1984-1985, je crois que le fonds FCAC a reçu des demandes pour 8 000 000 $ pour les équipements de recherche.

M. Bérubé: Excusez-moi je n'ai pas saisi.

Mme Dougherty: Le fonds FCAC a reçu pour l'année courante, l'année 1984-1985, des demandes pour 8 000 000 $ pour des équipements de recherche. Tout cela pour dire qu'il semble que le pourcentage du budget de la recherche du gouvernement de Québec n'est pas adéquat.

Mme Fortin: Si je peux me permettre, le fait que le fonds FCAC a reçu des demandes pour 8 000 000 $ nous avons fait

un premier "survey" pour les demandes d'équipement au budget d'investissement 1985-1990 que nous sommes en train de préparer et on en a pour près de 300 000 000 $. C'est évident qu'on n'est jamais capable de répondre à la demande et qu'on ne mettra pas 300 000 000 $ dans le prochain plan quinquennal en investissements; ce sont des sommes dont on ne dispose pas. En ce sens, le critère de la demande doit être pondéré en fonction d'autres critères. Dans le cas du fonds FCAC, je pense qu'il faut faire attention aussi quand on considère le pourcentage sur le budget global, car dans ce budget global, nous devons considérer les budgets des bourses qui y sont et qui ne sont pas des budgets qui requièrent de l'équipement, pas plus - comme disait M. Bérubé - que les budgets en sciences humaines.

Mme Dougherty: Le pourcentage reçu cette année est de 8,5%. Je ne comprends pas. Ce n'est pas calculé sur la base des bourses, ce sont uniquement des subventions pour la recherche.

Mme Fortin: II y a un autre critère qu'on est en train d'examiner et sur lequel je ne peux pas m'avancer beaucoup pour le moment, c'est l'utilisation à faire des fonds fédéraux de recherche en matière d'équipement. Les fonds fédéraux de recherche ont développé, au cours des dernières années, des politiques de financement d'équipement de recherche fort généreuses. Je dois dire que nous avons tout intérêt, je crois, à inciter les chercheurs du Québec à aller chercher des fonds de recherche en équipement auprès de ces organismes. C'est en grande partie la raison pour laquelle, dans le cadre du programme des actions structurantes des 40 équipes, nous avons mis l'accent sur le financement de la main-d'oeuvre scientifique en incitant les universités à aller chercher le complément sur le plan des investissements soit dans les fonds de recherche fédéraux ou dans d'autres ressources. Je crois que sur le plan de la faiblesse et la complémentarité de nos programmes avec ceux qui existent déjà, la priorité est à remettre sur le financement de la main-d'oeuvre. Sur le plan des équipements c'est un fait que nous n'avons pas un inventaire adéquat des besoins et des faiblesses des équipements dans tous les secteurs de toutes les universités pour le moment.

M. Bérubé: Je pense qu'il faut vraiment reconnaître que cette analyse n'existe pas -l'analyse détaillée des besoins - et mettre en garde vis-à-vis toute généralisation trop rapide concernant l'équipement. Quiconque a connu la croissance effrénée du réseau universitaire dans les années soixante-dix saura qu'on retrouvait absolument partout des équipements de très haute valeur qui, au bout de cinq ans, n'avaient à peu près jamais servi, pour la simple raison qu'ils avaient été achetés dans l'enthousiasme du moment où les budgets étaient illimités mais où on ne savait pas utiliser véritablement ces équipements. On souligne un problème de vieillissement d'équipement. Nous n'avons pas, honnêtement, une analyse fine qui nous permettrait de dire jusqu'à quel point il est devenu dramatique au point de nuire au développement pédagogique. Nous savons, par exemple, que dans le domaine de l'informatique où il y a eu une explosion des programmes, effectivement, l'équipement n'a pas suivi la croissance des clientèles. Et là évidemment c'est un problème souvent de commandes, c'est un problème simplement d'adaptation. Nous savons qu'il y a un certain nombre de secteurs où il y a eu des croissances de clientèles très rapides où on manque d'équipement à des fins pédagogiques. Cependant, en général, là où les chercheurs québécois sont actifs en recherche, on doit constater que le niveau de subvention par chercheur au Québec est supérieur au niveau de subvention par chercheur en Ontario. Ceci s'applique aussi bien aux dépenses de fonctionnement qu'aux dépenses d'équipement, ce qui fait qu'en pratique on peut imaginer qu'à chercheur actif au Québec versus chercheur actif ailleurs au Canada, l'équipement pourrait être assez comparable. Le problème pourrait être plus grave au niveau de l'équipement à des fins pédagogiques.

Mme Dougherty: À cet égard, avez-vous pris connaissance des recommandations... C'est un rapport assez récent au niveau fédéral: The Federal Task Force Report on policies and programs for technology development. C'est un rapport soumis à M. Lumley, qui était le ministre de la Science et de la Technologie.

M. Bérubé: M. Lumley, oui.

Mme Dougherty: Oui, l'ancien ministre. Ce rapport est très intéressant pour nous parce qu'il y a plusieurs recommandations qui pourraient libérer des fonds pour les universités, surtout en ce qui concerne le développement technologique. Par exemple, on parle des crédits d'impôt pour des entreprises. Je vais les lire en anglais, j'ai quelques recommandations ici. "If the companies could earn a 50% tax credit for RND performed on their behalf by universities, it would dramatically stimulate the desired dialogue between industry and universities." D'accord?

Une autre suggestion est faite par le principal de l'Université McGill, le Dr Johnson, à la Commission McDonald. Il a

suggéré qu'on adopte les mêmes solutions qu'en 1981 aux États-Unis où on a introduit un crédit d'impôt pour les individus et pour les industries. J'aimerais lire un extrait du mémoire de l'Université McGill à la Commission McDonald. "Recent shift in governmental priorities away from the funding of universities parce que tout le monde a le même problème. Le financement des universités est un problème qui occupe les autres provinces et toute l'Amérique du Nord - make it once again essential for McGill and all Canadian universities to receive more financial support from industry and commerce. Charges in federal tax laws could assist this process. The Income Tax Law in the United States was changed in 1981 to permit business corporations to donate items of equipment to universities and to deduct the cost of this equipment plus one half of the anticipated retail profit on the sale of the equipment. À tax provision such as this in Canada could assist companies in such volatiled fields as computers and scientific instrumentation to maintain sufficient cash flow during slow market periods, while assisting Canadian universities by enabling them to acquire new equipment at no cost to Government granting agencies or to themselves."

Je crois que c'est une recommandation qu'on doit approfondir. Cela pourrait être un Bonanza pour les universités canadiennes. On ajoute ici dans le mémoire de McGill: "In Australia, no limit exists on the amount of tax deductible gifts which an individual may make during a taxation year. Such a tax provision in Canada would enable major donors to universities to consider even greater philanthropy than at present." "entreprise and its presence." C'est une autre suggestion pour augmenter les revenus des universités.

Je crois que nous sommes au point où il faut rechercher d'autres sources de revenu pour augmenter le revenu des universités autres que les revenus qui viennent du gouvernement. Donc, ce sont quelques suggestions pour améliorer notre capacité de recherche, surtout dans la recherche appliquée qui intéresse évidemment beaucoup le gouvernement.

De plus, j'ai une dernière question sur le sort du fonds FCAC. J'ai l'impression que dans le contexte actuel et dans le contexte d'une nouvelle politique du gouvernement, celui-ci va privilégier les actions directes afin de les axer sur les besoins économiques identifiés et la réalisation du virage technologique et j'ai l'impression que le gouvernement a l'intention de court-circuiter le fonds FCAC. J'ai une question très directe et très simple. Quelle est la politique du gouvernement envers l'avenir du fonds FCAC? (22 heures)

M. Bérubé: Première observation. Concernant les avantages fiscaux que l'on pourrait consentir aux entreprises, rappelons que l'ancien ministre des Finances, M. Lalonde, avait introduit un grand nombre de mesures fiscales pour stimuler le financement de la recherche. Il s'est avéré qu'elles ont souvent constitué les plus extraordinaires "loopholes" que l'on puisse imaginer pour les entreprises et je sais que l'on parle d'un resserrement au niveau fédéral d'un certain nombre de ces avantages fiscaux consentis aux entreprises.

La proposition que vous faites de consentir à un crédit fiscal d'environ 150% de la dépense réelle en est une qui n'est pas inconnue au Québec puisque nous l'avons mise en place pour financer, par exemple, l'exploration minière et appliquer ce crédit aux revenus individuels des particuliers investissant dans des sociétés d'exploration. Ceci a donné le résultat que l'on connaît, c'est-à-dire un boom absolument spectaculaire de l'exploration au Québec avec près de 700 000 000 $ d'investissements cette année consécutifs finalement à des campagnes d'exploration qui durent maintenant depuis cinq ans. C'est donc une politique qui, effectivement, peut s'avérer très utile.

Dans le cas des avantages fiscaux consentis aux entreprises, il faut être bien conscient que nous ne taxons pratiquement pas les profits des entreprises au Québec et que, à ce moment, les avantages fiscaux que nous consentons ont relativement peu d'effet d'entraînement. Nous taxons au Québec le capital et les salaires mais nous ne taxons pas les profits des entreprises. Par conséquent, l'impôt sur les profits ne peut pas faire l'objet de crédits significatifs. Mais, au niveau fédéral, cependant, ce n'est pas le cas et la proposition que vous nous faites est effectivement une proposition qui pourrait s'avérer extrêmement intéressante pour stimuler le développement de la recherche.

Soulignons cependant que lorsqu'on fait appel à de grandes corporations, souvent les stratégies corporatives ont plus à faire dans la décision de faire ou de ne pas faire de recherche que les avantages fiscaux consentis. Je me souviendrai toujours de cette compagnie minière à qui on avait fait la démonstration que pour chaque dollar d'exploration qu'elle faisait, compte tenu des droits miniers qu'elle devait payer, l'État lui remboursait 0,97 $ de son dollar d'exploration. Comme remboursement, c'est assez spectaculaire. Néanmoins, ils n'ont jamais fait un cent d'exploration au Québec parce que cela ne cadrait pas avec la stratégie corporative même si cela ne coûtait rien. Et ce que l'on constate souvent, c'est que les entreprises ne font pas de recherche et ne sont pas intéressées à

s'associer simplement parce que ce sont des filiales de sociétés étrangères qui ne voient pas d'intérêt à diversifier leurs sources de recherche, ou encore ce sont des entreprises qui exploitent des procédés simples pour lesquels elles ne voient pas d'intérêt à développer de technologie; je pense souvent à l'industrie minière qui n'est pas du tout intéressée à s'engager dans de la recherche pour améliorer la productivité. D'ailleurs, il y a relativement peu de recherche qui se fait dans le monde sur l'amélioration de la productivité. On met beaucoup d'accent sur les nouveaux produits mais beaucoup moins d'accent sur l'amélioration des techniques de production existantes, là où probablement l'impact sur le niveau de vie des citoyens serait beaucoup plus grand.

Il faut donc, peut-être par des campagnes de sensibilisation, amener nos entreprises à vouloir s'engager en recherche, parce que nous avons au Québec pratiquement des remboursements directs aux entreprises pour les inciter à faire plus de recherche, parce que nous ne pouvons pas les avantager sur le plan des crédits d'impôt, des crédits fiscaux, et on constate que c'est lent avant d'obtenir un effet d'entraînement.

Nous avons également, relativement au deuxième point que vous avez soulevé, mis en place une fondation pour permettre à des particuliers de verser une partie importante de leur succession dans ces fonds pour profiter d'avantages fiscaux très importants, très réels, et financer éventuellement la recherche universitaire. J'ignore à quel point cette nouvelle fondation est un succès, mais soulignons que le gouvernement a suivi ce sentier.

Concernant le fonds FCAC, disons que nous devons éviter de l'amener à financer de la recherche dite orientée. Quand je dis orientée, je veux dire par là que le fonds FCAC devrait financer la recherche sur la base de l'excellence, de la qualité des projets qui lui sont soumis, de la qualité de l'expertise de l'équipe qui soumet les projets et maintenir des critères objectifs d'appréciation.

Toutefois, a été soulevé il y a quelques instants à la commission le problème du financement, par exemple, de centres d'excellence dans les universités en émergence. Le problème est tout autre à ce moment-là puisqu'on ne peut pas parler d'excellence acquise et on peut parler uniquement de potentiel futur. Là, il peut y avoir une volonté d'intervention politique pour financer du développement accéléré dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu faire passer le financement des 40 équipes de recherche par le fonds FCAC car, dans ce cas, il s'agissait véritablement d'orienter le développement dans un certain nombre de secteurs, parfois des secteurs tout à fait nouveaux où les critères de qualification peuvent ne pas s'appliquer.

À titre d'exemple, imaginons qu'une université, une faculté, un département ait, à la suite d'analyses, conçu un projet qui corresponde véritablement à ce qui nous apparaît un développement essentiel au Québec. Toutefois, l'expertise n'existe pas au Québec et le projet qui nous serait soumis serait une demande de financement d'une toute nouvelle équipe constituée à partir d'expertises étrangères ou avec deux ou trois jeunes chercheurs en voie de compléter leurs études au Québec. Imaginons un projet constitué de toutes pièces pour développer un secteur éventuellement d'excellence pour le Québec, mais pour lequel on ne peut pas appliquer des critères d'excellence au moment où on décide du développement. C'est très difficile pour le fonds FCAC, à ce moment-là, de choisir un tel projet. À ce moment-là, nous faisons plutôt appel à un comité qui regroupe les représentants du Conseil des universités, du fonds FCAC, du ministère de la Science et de la Technologie et du ministère de l'Éducation pour évaluer les différentes propositions et éventuellement procéder au choix final des projets retenus.

Donc, nous maintenons pour le fonds FCAC cet objectif d'indépendance face au gouvernement et de subvention des projets de recherche sur la seule foi de la qualité des projets soumis et nous maintenons au niveau gouvernemental, non pas sur une base permanente, mais sur une base temporaire, les efforts plus spécifiques que le gouvernement pourrait vouloir consentir pour développer les secteurs d'excellence. Dans le cas des 40 équipes de recherche, ce que nous voulons, c'est que dès que ces équipes auront fait la preuve qu'elles sont un succès, les budgets pour les associés de recherche, pour le chercheur senior soient directement intégrés dans le budget de base des universités, de telle sorte que le programme disparaisse purement et simplement. En fait, le programme est ainsi conçu que le financement pour les autres clientèles tels le personnel de soutien et le personnel technique va décroissant, de manière à forcer l'équipe à se trouver d'autres sources de financement avec le temps. Évidemment, cette équipe intégrée au corps professoral va, après cela, faire appel à tous les programmes réguliers de bourses et de subventions de recherche pour continuer son activité de recherche.

L'intention, c'est de constituer une équipe, un noyau important de chercheurs, et une fois qu'il est constitué, de l'intégrer dans le budget régulier des universités et de l'oublier, c'est-à-dire que le ministère ne continuera pas avec ce programme. Il faudrait insister, il faudrait réitérer...

Une voix: ...

M. Bérubé: Oui, de la meilleure façon. Il ne faut absolument pas que ce programme soit maintenu à l'intérieur des programmes du ministère de l'Éducation. C'est vraiment un financement temporaire. Dans la mesure où il pourrait ne pas répondre aux objectifs d'excellence que le fonds FCAC doit maintenir, il est normal qu'on procède d'une façon un peu différente pour choisir ces équipes.

Mme Dougherty: M. le Président, j'aimerais vérifier ce que le ministre a dit sur l'implication du fonds FCAC. Est-ce que ça veut dire que le fonds FCAC n'est pas impliqué? J'ai la description ici de votre programme d'action structurante pour le soutien d'équipes de recherche liées au virage technologique. À l'intérieur de ce processus, on parle de l'évaluation globale: "Le fonds FCAC mettra sur pied un comité chargé d'examiner les propositions sous leurs aspects plus spécifiquement scientifiques, etc." Donc, ils sont clairement impliqués.

M. Bérubé: Le fonds FCAC a un délégué au comité directeur de ce programme, d'une part, et c'est le fonds FCAC qui fait l'évaluation scientifique, car nous ne voulions pas constituer un appareil administratif d'évaluation au niveau du ministère de l'Éducation alors que nous avons déjà l'expertise au niveau du FCAC. Mais ils ne font que l'évaluation scientifique.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, Mme la députée. Je sais que le député de Saint-Laurent m'avait demandé une courte question. Vous voulez toujours la poser?

M. Leduc (St-Laurent): Vous dites, M. le ministre, qu'il n'est pas question de revenir sur les compressions, sur les coupures qu'on a imposées, mais vous dites: Je veux bien qu'il y ait une égalisation quant au financement à l'intérieur du réseau. Là, vous arrivez avec la fameuse norme, c'est-à-dire la formule du 5%. Vous dites: On établit une norme et, si le financement ne s'écarte pas de 5% en plus ou en moins, on ne fait pas d'ajustement. Croyez-vous que c'est acceptable, à ce moment-là, qu'il y ait un écart aussi important que 10%? J'ai l'impression qu'il va y avoir des universités qui vont être plus égales que d'autres. Cela veut dire qu'on peut arriver à un écart total de 10% entre deux universités. Allez-vous retenir cette formule qui me semble assez aberrante, parce que 10% peut, tout de même, représenter des sommes très importantes?

M. Bérubé: Compte tenu de la précision de l'analyse, je pense qu'il ne faut pas s'aventurer à des ajustements trop fins. Cela me fait penser un peu à ce spécialiste en recherche opérationnelle qui, ayant constaté que la taille moyenne des souliers des Chinois était de 4,5, s'était dit que ce serait intéressant de fabriquer tous les souliers à 4,5. À ce moment-là, on a retrouvé tous les Chinois mal chaussés, c'est-à-dire ceux qui avaient les pieds trop grands et ceux qui avaient les pieds trop petits. Il n'y avait que ceux à 4,5 qui étaient confortables. Le problème quand on veut ramener tout le monde sur une moyenne rigoureuse, c'est qu'on oublie que nos méthodes d'analyse ne sont pas à ce point fines qu'on puisse tenir compte de toutes les situations particulières avec lesquelles on est amené à vivre. À ce moment-là, oui, on accepte une sorte de marge. On dit: Quand les universités sont financées sur une base raisonnable, à plus ou moins 5% d'une moyenne, on présume qu'effectivement cela tient compte peut-être des situations particulières.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Le critère n'est pas appliqué cette année, de toute façon. Il ne me reste, M. le ministre, qu'à vous remercier. Je pense que le député d'Argenteuil avait une question.

M. Ryan: Oui. Étant donné que nous ne reverrons pas le ministre tout de suite, je voudrais lui demander si les réponses aux questions qui étaient restées sans réponse ce matin sont prêtes ou le seront incessamment. En particulier, il y avait deux points sur lesquels j'avais demandé des précisions: d'abord, les projections de clientèles pour les années à venir; deuxièmement, les projets de développement qui ont été soumis au gouvernement par les institutions universitaires. Cela fait référence à un passage qui était dans le message du ministre ce matin. Il nous disait qu'il y en avait une pléthore.

M. Bérubé: On me dit, par exemple, qu'au fonds de développement pédagogique on parle de 45 demandes; en action structurante, on en a, je pense, 80. Donc, je pense qu'il faut dresser la liste dans la mesure où il est facile de le faire et où cela n'impliquera pas des recherches trop fouillées auprès des organismes pour essayer d'extraire cela. Nous allons essayer de vous dresser effectivement un tableau. (22 h 15)

Concernant les projections de clientèles, je nous mettrai en garde contre toute cette tentative de projection dans la mesure où la partie démographique des projections peut être relativement précise, mais la partie taux de fréquentation est très aléatoire, puisque, on le sait, la conjoncture a évolué. L'insuffisance des emplois sur le marché du travail a amené un nombre de plus en plus grand de jeunes à vouloir persévérer au niveau collégial, ce qui entraîne forcément

un débordement au niveau de l'université. En d'autres termes, la grande difficulté, c'est d'évaluer quel sera le taux d'accès à l'université dans quinze ans. Entre vous et moi, je pense que personne n'a de boule de cristal permettant véritablement de répondre à cette question.

M. Ryan: Ce que je voulais souligner en particulier, c'est que, d'après les données disponibles, on peut envisager que, dans sept, huit ou dix ans, il y aura une diminution de clientèle dans les universités. On peut le prévoir, parce que ceux qui vont aller à l'université sont dans les écoles ou dans les collèges publics aujourd'hui. On a des données, quand même, plus grandes...

M. Bérubé: À taux d'accès constant. M. Ryan: Oui, c'est entendu.

M. Bérubé: Le problème, c'est que nos taux d'accès varient. C'est l'inconnue majeure. On pourrait, par exemple, en termes stricts de démographie, prévoir une décroissance de clientèle universitaire dans quelques années, de telle sorte que cela nous inciterait à la prudence en termes d'immobilisations, en se disant: Attendons de voir la vague passer. On sait, par exemple, à quel point nous avons dû investir massivement dans nos écoles primaires et il n'y a à peu près pas de quartier au Québec où on n'a pas fermé les écoles primaires; dans toutes nos municipalités, on les a fermées. Évidemment, cette vague de dénatalité a progressé; elle atteint le secondaire; elle frappe bientôt le collège et va sans doute frapper l'université. Mais, parallèlement à cette vague de dénatalité, on a assisté à une recrudescence du taux de fréquentation au niveau collégial et au niveau universitaire, cet accroissement étant peut-être en partie lié aux conditions économiques qui ont amené les jeunes à rester aux études plutôt qu'à chercher en vain un emploi, mais peut-être aussi parce qu'on observe un changement de société et un accent plus grand mis sur l'éducation. Je regarde le retour aux études de gens qui ont décroché; dans la seule ville de Matane, nous avons 200 jeunes décrocheurs. Je suis extrêmement curieux de voir quelles seront les projections que nous allons obtenir pour le Québec de ce retour des décrocheurs vers l'école.

Antérieurement, soulignons-le, c'était possible de le faire, mais il y avait peut-être insuffisance de publicité. Le fait que, par exemple, le gouvernement ait choisi le retour à l'école comme étant un secteur sur lequel nous devions mettre l'accent, le fait que nous fassions de la publicité à l'heure actuelle font en sorte qu'il y a de plus en plus de gens qui se disent: Dans le fond, pourquoi ne retournerais-je pas à l'école? C'est extrêmement difficile de prévoir des comportements sociaux chaque fois qu'on agit sur ces comportements. Le taux d'accès aux études postsecondaires a tendance à croître très rapidement, ce qui rend nos projections de clientèles très difficiles à faire.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. C'est à la fois un merci pour la réponse et un merci à vous et à vos collaborateurs et collaboratrices pour la journée que vous nous avez consacrée. Je pense que cela a apporté à tous les membres de la commission un éclairage suffisant et que cela a permis de déblayer pas mal de terrain pour les consultations que nous aurons à faire dans les prochains jours, selon les responsabilités que vous nous avez conviés à assumer.

Sur ce, je rappelle que demain matin, à 10 heures, nous entendrons la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec et que, dans l'après-midi, nous entendrons la Fédération des associations de professeurs des universités. Oui, M. le ministre?

M. Bérubé: Avant de nous quitter pour nous revoir, peut-être, à la fin des travaux de cette commission, j'aimerais souligner qu'il s'agit là d'un nouveau type de commission, puisque cette commission agit sur la base d'un mandat d'initiative qu'elle s'est donné. Je tenais à souligner le caractère extrêmement serein des échanges qui, je pense, nous ont permis d'avoir un débat intéressant autour du financement des universités, débat qui était très attendu. Je pense que le climat qui règne au sein de la commission présage bien du rôle que peuvent jouer les commissions dans l'étude d'un certain nombre de dossiers comme ceux-là, assez cruciaux, sur lesquels des choix s'offrent à nous et sur lesquels nous devons réfléchir. Je tenais à le souligner à la commission.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.

M. Ryan: Je joins mes remerciements à ceux du président de la commission. Je pense que nous avons passé une journée instructive. C'est une entrée en matière. Il y a bien des aspects sur lesquels on éprouvera le besoin de revenir au cours des prochains jours ou des prochaines semaines. J'apprécie l'ouverture que le ministre a faite à une nouvelle rencontre à un stade ultérieur des travaux de la commission si cela pouvait être nécessaire ou opportun, ce que je pense probable.

Je remercie le ministre, au nom de l'Opposition également, de sa collaboration, ainsi que les collaborateurs qui

l'accompagnent.

Le Président (M. Charbonneau): Je demande à mes collègues, étant donné qu'on a simplement trois heures par groupe d'intervenants, demain, de faire le maximum pour qu'on puisse commencer à l'heure. Merci.

Les travaux sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 21)

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