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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Charbonneau): La commission de
l'éducation et de la main-d'oeuvre reprend ses consultations
particulières, aujourd'hui. Nous sommes réunis, cette semaine,
pour étudier les orientations et le cadre de financement du
réseau universitaire québécois pour l'année
1984-1985 et pour les années à venir et pour examiner, sans
exclure tout autre mesure ou sujet pertinent, le niveau des subventions aux
universités et leur répartition entre les établissements,
les sources de revenu des universités autres que les subventions
gouvernementales, la participation du gouvernement fédéral au
financement des universités et, finalement, le partage des ressources
à l'intérieur des universités.
Nous avons entendu, hier, l'autorité du ministère de
l'Éducation et au premier chef le ministre de l'Éducation.
Aujourd'hui, nous accueillons la Conférence des recteurs et des
principaux des universités du Québec. Au nom de la commission, je
voudrais d'abord remercier les porte-parole de la Conférence des
recteurs et des principaux des universités d'avoir bien voulu accepter
notre invitation de participer à cette commission.
Vous avez signalé, à juste titre, que vous n'avez pas eu
des délais extraordinaires pour préparer votre point de vue, mais
j'imagine que, comme vous pataugez dans ces questions depuis tant
d'années, d'une certaine façon, vous êtes probablement
encore plus prêts que les membres de la commission à livrer votre
point de vue. Dans ce sens-là, on ne fera pas trop de cas,
néanmoins, de ces problèmes de délais.
Sans plus tarder, à moins qu'il y ait des membres de la
commission qui voudraient ajouter quelque chose en préliminaire, parce
que le temps est limité aujourd'hui, on va immédiatement
céder la parole au président de la conférence des recteurs
en lui demandant s'il voudrait également présenter, pour les fins
du journal des Débats et pour l'intérêt des membres de la
commission, les gens qui l'accompagnent.
Conférence des recteurs et principaux des
universités du Québec
M. Hamel (Claude): Merci, M. le Président. Notre
délégation de la conférence est composée des trois
présidents de comités permanents de la conférence: le
comité des affaires académiques, présidé par M.
Germain Gauthier, à ma gauche; le comité permanent de la
recherche, présidé par M. Yves Giroux, à mon extrême
gauche, et le comité des affaires administratives et financières,
présidé par M. Richard Béland, à ma droite.
Je suis le président de la conférence; mon nom est Claude
Hamel. Vous me permettrez, M. le Président, de faire mon exposé
à partir du mémoire que nous vous avons transmis la semaine
dernière. J'escamoterai cependant certains passages pour tenter de me
limiter à une présentation d'une trentaine de minutes pour
garder, comme vous le souhaitez, le maximum de temps pour que l'on puisse
échanger nos propos là-dessus.
Le Président (M. Charbonneau): Je vous remercie, M. Hamel.
C'est ce qu'on avait demandé aux gens lors de l'invitation, d'essayer de
condenser leur présentation dans trente minutes; alors, je pense que
vous avez bien compris le message.
M. Hamel: C'est ce que j'essaierai de faire, M. le
Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci.
M. Hamel: Au moment où l'enseignement supérieur
québécois traverse une crise financière extrêmement
sérieuse, c'est avec empressement que la conférence des recteurs
a accepté l'invitation de la commission parlementaire de
l'éducation et de la main-d'oeuvre à venir discuter avec elle les
grandes questions auxquelles l'enseignement supérieur fait face
aujourd'hui, dans la perspective tracée par le document
ministériel sur le cadre de financement 1984-1985.
Les thèmes que souhaite aborder la commission, et dont elle
faisait mention dans sa lettre d'invitation, sont nombreux et complexes. Les
délais qui ont été fixés pour la soumission des
mémoires sont fort brefs, comme vous l'avez indiqué, M. le
Président. La conférence des recteurs a quand même choisi
de les aborder tous dans le cadre du présent document, quitte à
devoir apporter des nuances et des précisions au cours de la
période de questions qui suivra sa présentation.
Cette occasion paraît d'autant plus opportune qu'elle fait suite
à de nombreuses interventions que la conférence a faites au
cours des dernières années pour dénoncer le
caractère exagéré des compressions qui étaient
imposées au secteur universitaire. Faites sous forme de lettres et de
mémoires au ministre de l'Éducation, de rencontres avec les
autorités du ministère ou d'une conférence de presse de
son président, ces interventions sont, à ce jour,
demeurées sans réponse. D'ailleurs, nous n'avons pas jugé
opportun, M. le Président, de soumettre à la commission certains
documents connexes que la conférence a déjà
préparés sur ces sujets. Si la commission était
intéressée à prendre connaissance de ces documents, c'est
avec plaisir que nous pourrions lui faire parvenir un dossier
complémentaire.
Le premier thème que nous abordons est celui du niveau de
financement et des compressions budgétaires. Le sujet a
été abondamment documenté, notamment par le Conseil des
universités, par la Conférence des recteurs et des principaux des
universités et par les établissements eux-mêmes, au cours
des dernières années. On peut dire qu'un certain consensus se
dégage maintenant sur le caractère très
sévère dès le départ, et maintenant à coup
sûr excessif, des compressions qui ont été imposées
au secteur universitaire. Ceci dit, il vaut quand même la peine de faire
état ici des principales données qui permettent d'illustrer de
façon éloquente l'ampleur du phénomène.
Quelle que soit la manière d'évaluer les compressions
budgétaires au cours des six dernières années, soit de
1978-1979 à 1983-1984, c'est un chiffre de plus de 300 000 000 $ qu'il
faut retenir, à notre avis.
Sur une période de six ans, les universités ont donc
été privées d'une somme équivalant au tiers de
leurs budgets de fonctionnement 1983-1984. Ces compressions signifient que les
25 000 étudiants additionnels équivalence temps complet
accueillis par les universités entre 1978-1979 et 1983-1984 l'ont
été non seulement sans ajout de ressources nouvelles, mais avec
des ressources décroissantes en termes réels.
Il était bien sûr normal que le secteur universitaire
participe lui aussi à l'effort général de resserrement qui
était exigé de l'ensemble du secteur public et parapublic.
Cependant, certaines comparaisons permettent de s'interroger sur l'importance
relative de l'effort exigé du secteur universitaire au
Québec.
À l'examen des chiffres, on est bien forcé de constater
que si la décroissance des subventions réelles de fonctionnement
par étudiant, de 1978-1979 à 1984-1985, sera de 29% au niveau
universitaire, cette diminution n'atteindra que 17% au niveau collégial
et 4% aux niveaux primaire et secondaire.
Alors qu'au cours de la même période, les dépenses
réelles de fonctionnement par étudiant auront diminué de
13% en Ontario, cette diminution des dépenses par étudiant sera
deux fois plus importante dans les universités du Québec, soit
25%. On nous permettra de souligner ici que depuis trois ans, le gouvernement
ontarien a mis fin à sa politique de compression des dépenses
universitaires jugeant que celles-ci avaient atteint un seuil critique. Ces
compressions étaient pourtant moins importantes que celles qu'ont
absorbées les universités québécoises.
Enfin, de 1978-1979 à 1984-1985, la part des dépenses
gouvernementales que constituent les subventions octroyées aux
universités aura connu une diminution de plus de 25%. Les subventions
aux universités, en 1978-1979, étaient égales à
4,6% des dépenses gouvernementales. Elles n'en représentent plus
cette année que 3,4%.
Pour bien comprendre comment les universités ont
été amenées à comprimer le tiers de leurs budgets
de fonctionnement depuis 1978-1979, il est utile de montrer de quelle
façon les compressions se sont répercutées sur les grandes
masses de dépenses que sont les masses salariales et celles des autres
dépenses, ainsi que sur le financement de la croissance des
clientèles.
En ce qui concerne les masses salariales, disons, en premier lieu, que
les établissements négocient et signent avec les syndicats ou
associations qui représentent leurs employés, leurs propres
protocoles ou conventions collectives. En ce sens, les établissements
sont autonomes et responsables de leurs décisions en cette
matière. En pratique, cependant, et ce depuis une douzaine
d'années, les masses salariales des établissements universitaires
ont été indexées selon les paramètres de la
politique salariale en vigueur dans le secteur public.
Jusqu'à la fin des années soixante-dix, le
ministère de l'Éducation a versé intégralement aux
établissements les sommes nécessaires pour assumer les
coûts de cette intégration. Mais, en 1981-1982, le
ministère a changé radicalement cette pratique et placé
les universités dans une position financière
particulièrement critique. Cette année-là, devant la crise
économique qui débutait et prétextant qu'il n'était
pas cosignataire des conventions collectives du secteur universitaire, le
gouvernement nous accordait une indexation des masses salariales de 4,2%, alors
que l'application de la clause d'indexation, que les établissements
avaient négociée et signée avec leurs employés et
qui était conforme à celle qu'on trouvait dans la politique
salariale gouvernementale, impliquait des hausses de 16%.
L'écart de 12% représentait plus de 80 000 000 $ pour
l'ensemble des établissements. S'agissant là d'un montant qui est
intégré à la base et qui se répercute au fil des
ans, au rythme des indexations annuelles des masses, il se situe
certainement autour de 100 000 000 $ aujourd'hui. C'est, sans contredit,
la coupure la plus importante et la plus brutale que les universités ont
eu à absorber.
Il faut aussi parler du sous-financement de la masse des dépenses
non salariales qui représente quelque 20% des dépenses totales de
fonctionnement des établissements. À ce chapitre, les
compressions se sont manifestées avec ampleur bien avant 1978-1979.
Selon une méthodologie développée par la conférence
des recteurs, le prix des biens qui composent ces dépenses non
salariales s'est accru, entre 1970-1971 et 1977-1978, de 84%, alors que le
ministère n'allouait que 34% au titre de leur indexation. C'est dire
que, déjà, à cette époque, ces dépenses
avaient été largement comprimées. Or, depuis 1978-1979,
d'autres compressions se sont ajoutées, si bien qu'à la fin de
1983-1984, l'indexation de ces dépenses depuis 1970-1971 n'a
été que de 79%, comparativement à une augmentation de 225%
du prix des biens qui les composent.
Qu'on nous permette de souligner le caractère pernicieux du
sous-financement des autres dépenses du fait que celles-ci peuvent
paraître plus facilement compressibles à court terme et que ce
n'est que graduellement que les effets des coupures se font sentir dans
plusieurs cas. Ainsi, à titre d'exemple, ce n'est qu'après un
certain temps que l'on peut constater le vieillissement et l'appauvrissement
des fonds documentaires, ou encore les conséquences qui résultent
du fait que l'on a négligé l'entretien des équipements et
des bâtiments.
En plus des masses salariales et des autres dépenses, les
compressions budgétaires se sont aussi répercutées sur le
financement des croissances de clientèles. L'impact de la méthode
de prélèvement utilisée à cette fin par le
ministère de l'Éducation est peut-être la meilleure
façon d'illustrer l'effort considérable que les
établissements universitaires ont fait pour accroître leur
productivité depuis 1978-1979. Cette méthode de financement des
clientèles additionnelles a suscité un climat malsain de course
à la clientèle en incitant les établissements à
récupérer ainsi au moins le montant de leur contribution aux
prélèvements. Pendant ce temps, c'est l'ensemble du secteur
universitaire qui s'appauvrissait.
Les établissements ont ainsi accueilli quelque 25 000
étudiants de plus, sur six ans, à toutes fins utiles, comme je
l'indiquais tout à l'heure, sans ressources additionnelles.
Ces donnés témoignent éloquemment de l'effort fait
par les universités pour maintenir une politique d'accessibilité,
en dépit des conditions particulièrement difficiles qu'elles
avaient à subir.
Soulignons aussi que nos budgets d'investissements n'ont pas
échappé à l'austérité des dernières
années, que ce soit en vertu de la méthode de financement de
programmes spéciaux par voie de prélèvements sur les
enveloppes globales ou par le biais de modifications aux normes mêmes ou
tout simplement par des compressions directes. Le conseil des
universités, dans son avis sur les plans quinquennaux 1982 à 1987
et 1983 à 1988, déplorait les prévisions trop modestes des
besoins d'espaces à long terme et il s'inquiétait de la
pénurie sérieuse de nouveaux équipements dans les
universités.
Ces compressions sur les budgets d'investissements ne sont pas, en
retour, sans conséquences sur les budgets de fonctionnement
déjà largement comprimés. Actuellement, près de 13%
des espaces occupés par les universités québécoises
sont loués et les dépenses de location, il faut le souligner,
émargent au budget de fonctionnement. Ce pourcentage, qui est d'ailleurs
plus élevé dans certains établissements que dans d'autres,
affecte non seulement la capacité d'accueil de nouveaux
étudiants, mais aussi les conditions dans lesquelles doivent
étudier ceux qui sont déjà à
l'université.
Le système universitaire québécois est sur ce plan
assez unique au Canada, puisque, de 1975-1976 à 1982-1983, 113 000 000 $
ont été consacrés à la location d'espaces au
Québec, comparativement à 40 000 000 $ pour l'ensemble des
universités ailleurs au Canada. Et les sommes réservées
à cette fin se sont encore accrues en 1983-1984 et 1984-1985.
L'impact du sous-financement général que nous avons connu
depuis plusieurs années s'est répercuté sur l'ensemble des
dépenses des établissements. Notre mémoire donne quelques
exemples des conséquences découlant de ce sous-financement.
J'éviterai de faire la lecture de ces exemples que l'on retrouve dans le
texte.
Ces différents problèmes, fréquemment
soulignés, fournissent une idée de l'impact des compressions et
de la rigueur des mesures qui ont dû être prises pour y faire face,
mais cela n'a pas été suffisant et, au terme de l'exercice
1983-1984, le déficit de fonctionnement de l'ensemble des
établissements totalisait quelque 18 000 000 $. Si la situation
financière des universités n'est pas redressée au cours
des mois qui viennent, il faudra prévoir un nouveau déficit de
fonctionnement au terme de l'année 1984-1985 qui viendra augmenter le
déficit accumulé auquel la plupart des établissements font
face.
Il faut aussi faire état de certains problèmes
administratifs qui sont venus aggraver singulièrement ces
difficultés financières et qui ont compromis tout effort de
planification, même à court terme. Il s'agit des modifications
fréquentes, parfois même en cours d'année, qui ont
été
apportées aux règles de financement et des retards dans
l'annonce du niveau de financement de chaque établissement. Pour ne
citer qu'un exemple, les établissements universitaires viennent de
présenter à leur conseil d'administration des états
financiers fondés sur des revenus de subvention pour l'année
1983-1984 dont le montant total n'a pas encore été
définitivement établi.
On le voit, les impacts du sous-financement sur les conditions dans
lesquelles nous poursuivons et développons nos activités sont
nombreux. Que l'entretien et le chauffage laissent à désirer,
cela est peut-être secondaire. Que les équipements de laboratoire,
l'encadrement des étudiants et la documentation scientifique aient
atteint un seuil critique, cela nous semble plus grave. Que notre personnel
d'enseignement et de recherche vieillisse et que nous n'ayons pas les moyens de
le renouveler, parce que nous n'avons pas de poste à offrir à nos
diplômés les plus brillants, qu'il n'y ait pas d'avenir pour ces
derniers dans nos universités, cela nous paraît déplorable.
(10 h 30)
II y a un aveu que des chefs d'établissement peuvent
difficilement faire. Mais il leur faut bien le faire ici: la qualité de
nos activités d'enseignement et de recherche baisse et cela,
malgré les efforts considérables faits par nos professeurs et
notre personnel de soutien pour éviter une telle conséquence.
Tout le monde reconnaît que nos établissements ont
réalisé, au cours des dernières années,
d'impressionnants gains de productivité, mais tout le monde admettra
aussi qu'au-delà d'une certaine limite, le prix à payer pour
réaliser des gains supplémentaires peut être lourd.
On ne peut, en effet, augmenter indéfiniment la taille des
groupes-cours: au-delà d'un certain seuil, la qualité
d'encadrement des étudiants et le soin avec lequel on peut
évaluer leurs travaux diminuent, cela est inévitable. On ne peut
diminuer indéfiniment le nombre de cours à option offerts aux
étudiants sans appauvrir les programmes et sans affecter la
capacité de répondre aux besoins des étudiants. Il y a
aussi des limites à la diminution que l'on peut faire subir à la
partie formation pratique en laboratoire de nos programmes. De même, on
ne peut réduire indéfiniment les budgets d'acquisition des
bibliothèques et mettre fin à des abonnements à des
périodiques scientifiques sans que la qualité du fonds
documentaire mis à la disposition des étudiants et des
professeurs-chercheurs ne s'en ressente. Cela est forcé. Que nous ne
puissions assurer un renouvellement régulier du corps des
professeurs-chercheurs qui est en place et que, dans certains cas, nous ayons
même dû nous résoudre à nous séparer de ceux
dont l'entrée au service de nos établissements était la
plus récente, parce qu'ils ne bénéficiaient pas encore de
la permanence, cela n'est pas sans conséquence sur l'enrichissement,
voir le maintien de la qualité du réservoir de compétence
scientifique que toute université digne de ce nom doit constituer.
Cette diminution de la qualité de nos activités
d'enseignement et de recherche est sans doute l'impact le plus important de la
situation de sous-financement sur le système d'enseignement
supérieur du Québec.
Pour justifier les compressions qu'il imposait aux établissements
universitaires, le ministère a bien sûr invoqué la
capacité de payer de l'État, mais il a aussi pris appui sur des
indicateurs permettant de porter un jugement d'ensemble sur le système
universitaire québécois et, plus particulièrement, sur sa
situation relative par rapport à celle de pays ou provinces comparables
et, plus souvent qu'autrement, par rapport à l'Ontario.
Les indicateurs qui ont été mis au point par divers
organismes dont le ministère, le Conseil des universités et la
conférence des recteurs, visent en général à cerner
trois grandes réalités, soit la performance du secteur
universitaire, son état de développement et l'effort financier
que le gouvernement et la société y consacrent.
On a fait grand usage de ce type de mesures au cours des
dernières années. Ces mesures ont révélé
que, dans l'ensemble, le système universitaire québécois,
au plan de la performance, se compare avantageusement à d'autres
systèmes, notamment au système ontarien.
Même si nous sommes portés à nous réjouir de
ce résultat particulier, nous sommes conscients des limites qui sont
inhérentes à ce type de mesures et des dangers qu'il peut y avoir
à les utiliser à des fins autres que celles pour lesquelles elles
peuvent l'être, c'est-à-dire fournir un éclairage
très général sur la situation relative d'un système
par rapport à un autre.
Compte tenu que ces mesures s'appliquent à des systèmes
dont les structures diffèrent sensiblement, elles nécessitent de
faire des ajustements parfois délicats pour rendre les comparaisons
possibles. Selon que l'on fasse tel ajustement plutôt que tel autre, les
résultats peuvent changer de façon significative. De plus,
certaines de ces mesures font intervenir des données qui,
elles-mêmes, comportent une marge d'erreur. C'est donc avec beaucoup de
prudence qu'il faut interpréter et utiliser ces indicateurs. Il faut
être bien conscient du fait qu'il ne s'agit pas de calculs fins et qu'ils
doivent être considérés pour ce qu'ils sont: des
indicateurs, ni plus ni moins.
Il nous semble important de faire ici ce commentaire, car on a parfois
l'impression que le débat sur les indicateurs a occupé une
place disproportionnée au cours des dernières
années.
Votre commission, M. le Président, fera sans doute
l'expérience de cette confusion qui existe actuellement autour de cette
question des indicateurs, puisque chacun de ceux qui interviendront devant vous
se présentera sans doute avec sa propre batterie de données et de
statistiques. C'est ce que nous faisons nous-mêmes. Il serait temps,
à notre avis, que tous les partenaires dans ce dossier conviennent d'un
ensemble unique, clair et complet d'indicateurs devant permettre de poser un
diagnostic aussi juste et indiscutable que possible sur l'état du
système d'enseignement supérieur au Québec. Malgré
les variations que l'on constatera cependant dans les chiffres, les divers
indicateurs auxquels on réfère habituellement fournissent
déjà des résultats assez convergents à cet
égard.
Ainsi, les taux de scolarisation et de fréquentation
universitaires constituent les mesures les plus fréquemment
utilisées pour rendre compte du niveau de développement. Pour ce
qui est du taux de scolarisation universitaire de sa population, le
Québec continue d'accuser un retard comparativement à l'Ontario.
Cependant, ce retard tend à se résorber du fait que le taux de
fréquentation universitaire est plus élevé au
Québec qu'en Ontario. Ces données globales masquent cependant
certaines réalités qu'il est important de souligner.
En effet, lorsqu'on raffine ces mesures, on constate que des efforts
restent à faire pour accroître la fréquentation aux
études à temps complet et aux cycles supérieurs,
particulièrement dans le cas de la population francophone.
À défaut de mesures raffinées sur la
productivité des ressources humaines et matérielles mises
à la disposition des universités, le coût moyen par
étudiant demeure l'indicateur le plus valable pour porter un jugement
sur la productivité des universités québécoises.
Les données les plus révélatrices à cet
égard démontrent que le coût par étudiant est plus
faible au Québec qu'en Ontario depuis plusieurs années
déjà et que cet écart continuera de s'accroître en
1983-1984 et en 1984-1985. Lorsqu'on parle des limites et des nuances qu'il
faut apporter à l'étude des indicateurs socio-économiques,
un bon exemple à citer est celui de l'effort financier d'une
société à l'égard de l'enseignement
supérieur, tel que mesuré par le rapport entre les
dépenses des universités et le produit provincial brut. Dans son
document sur le cadre de financement, le ministère a fréquemment
recours à des comparaisons entre le Québec et l'Ontario sur la
base de cet indicateur, comparaisons qui indiquent que le Québec fournit
un plus grand effort financier que l'Ontario.
On doit bien comprendre que la valeur de cet indicateur variera selon le
coût moyen de formation d'un étudiant, selon l'accès
à l'université, selon la richesse collective de la
société, selon la structure d'âge de la population, selon
les taux d'activité de la population, etc. Si nous utilisons
plutôt un autre indicateur, fait du rapport du coût moyen par
étudiant équivalence temps complet au produit provincial brut par
personne employée, nous arrivons alors à un résultat
presque identique entre les deux provinces. En somme, l'analyse du simple
rapport des dépenses des universités au produit provincial brut,
selon nous, gagne à être complétée par d'autres
indicateurs qui permettent d'identifier les composantes de cet écart.
Par ailleurs, du fait que la proportion des subventions dans les revenus des
universités est nettement supérieure au Québec, surtout
à cause de la politique du gel des frais de scolarité qui
prévaut ici, il va de soi que l'effort du gouvernement
québécois, tel que mesuré par la subvention par
étudiant est supérieur à celui du gouvernement ontarien,
mais du point de vue des universités, c'est l'effort global,
c'est-à-dire celui qui tient compte de l'ensemble des ressources mises
à leur disposition qui est le plus significatif, comme l'a bien
démontré entre autres récemment le Conseil des
universités.
Le thème des sources de revenus autres que les subventions
gouvernementales nous permet de toucher la question des frais de
scolarité. On sait que ces frais sont environ deux fois plus
élevés en Ontario qu'au Québec où ils sont
gelés depuis une quinzaine d'années. Il ne faudrait pas voir dans
ce constat l'expression d'un souhait que le gouvernement donne rapidement son
accord à une augmentation des frais de scolarité. Pour ce qui
touche les étudiants québécois, le gouvernement a fait, il
y a une quinzaine d'années, un choix de société et, s'il
voulait revenir sur ce choix, il n'y a aucun doute que cela devrait donner lieu
à un débat public. On ne peut cependant s'opposer a priori
à envisager une telle hypothèse dans le contexte actuel, surtout
qu'une étude récente réalisée en Ontario
révélerait que les considérations financières ne
constituent pas un obstacle à la poursuite d'études
universitaires pour la grande majorité des étudiants
éventuels.
Si le ministère décidait de modifier sa politique à
ce sujet, il devrait, toutefois, faire en sorte que cela permette de
générer des revenus supplémentaires pour les
établissements plutôt que d'accroître ceux de
l'État.
Pour ce qui est des frais de scolarité des étudiants
canadiens non québécois, la conférence des recteurs a
déjà fait connaître ses vues sur le projet de frais de
scolarité plus élevés envisagé par le gouvernement.
Il s'agirait d'un précédent qui gagnerait à être
discuté au niveau du Conseil des ministres de l'Éducation
du Canada. Si, comme le révèlent certaines sources, il est vrai
qu'il y a deux fois plus d'étudiants québécois dans les
autres provinces que d'étudiants des autres provinces au Québec,
cette mesure n'aurait certainement pas pour effet de rétablir
l'équilibre. Sans parler des difficultés techniques que poserait
son application.
Au sujet de l'admission et de l'accueil d'étudiants
étrangers, la conférence propose certaines mesures visant
à les favoriser dont les suivantes: que le Québec ait une
politique relative aux frais de scolarité qui soit concurrentielle avec
celles qui prévalent dans les États voisins, notamment en
Ontario; que le Québec donne suite à la recommandation que le
Conseil des universités transmettait au ministre de l'Éducation
sur cette question dans le cadre de son avis sur le niveau de financement pour
l'année 1984-1985; que les ententes que le Québec signe avec
d'autres pays ne comportent pas de quotas linguistiques et que certaines soient
aussi conclues avec des pays anglophones; que l'on favorise les échanges
d'étudiants par l'intermédiaire d'ententes entre
établissements du type de celles que la conférence des recteurs a
conclues avec des universités américaines et
françaises.
De tous les thèmes que souhaite aborder la commission, celui du
partage des ressources entre les établissements est certes celui sur
lequel il est le plus difficile pour la conférence de prendre position
au nom de l'ensemble de ses membres.
Cette difficulté a d'ailleurs été accentuée
du fait que le ministère a divulgué les résultats d'une
étude sur les coûts avant qu'il n'y ait eu, au niveau de
l'ensemble des établissements, de consultation véritable, et
encore moins de consensus sur les paramètres à inclure dans une
telle étude, sur la façon de les prendre en compte et sur la base
de données devant servir à sa réalisation. Par ailleurs,
il eut sans doute été préférable que le Conseil des
universités ait eu, lui aussi, l'occasion de se prononcer sur les
aspects strictement méthodologiques de l'étude avant que les
résultats n'en soient communiqués aux
intéressés.
Cela dit, il y a certains principes qui, selon nous, devraient
sous-tendre une formule de financement et qu'il importe de respecter, quelle
que soit la formule retenue. Ces principes ont trait, premièrement,
à l'équité que toute nouvelle formule devrait assurer dans
la répartition des ressources entre les établissements;
deuxièmement, à la relative neutralité de ses
paramètres et des incitations qu'ils comportent; troisièmement,
à la stabilité qu'elle devrait avoir dans son application; enfin,
à sa transparence, ce qui implique qu'elle soit relativement simple
d'application.
Pour revenir au document sur le cadre de financement, il importe de
distinguer les deux fins poursuivies par le ministère dans son
étude de coût, à savoir, d'une part, le rajustement des
bases et, d'autre part, le financement des clientèles
additionnelles.
Cette distinction permet de mettre en relief l'importance relative des
enjeux afférents à chacune de ces dimensions. Il ne fait pas de
doute, dans la conjoncture financière actuelle, que la question du
rajustement des bases revêt à court terme une importance
considérable pour plusieurs établissements. (10 h 45)
Pour ce qui est de la nouvelle formule de financement qui, dans son
état actuel, prend la forme d'une série de paramètres
devant servir à distribuer l'argent neuf qui, annuellement, est
injecté dans le système, elle n'inquiète pas trop dans
l'immédiat, compte tenu du fait qu'elle s'applique à la marge et
parce qu'il est encore possible, espérons-nous, de poursuivre en
collaboration les travaux entrepris par le ministère à son
sujet.
Il y a, par ailleurs, dans le document sur le cadre de financement
1984-1985 des énoncés qui ne manquent pas d'inquiéter ceux
qui croient que l'autonomie, la diversité, la souplesse et le dynamisme
du système universitaire québécois constituent sa richesse
et sont des valeurs à préserver.
Ces énoncés révèlent des conceptions qui
apparaissent peu compatibles avec la nature même de l'institution,
laquelle exige une liberté d'initiative qui, à l'intérieur
des limites imposées par le rôle et les efforts que l'on attend
d'elle, compte tenu des ressources que la société lui consent,
est essentielle à l'exercice de sa mission. Mais au-delà de
certaines conceptions qui sont véhiculées dans le cadre de
financement, on peut dire que la menace la plus grave à l'autonomie des
établissements présentement est le fait de la disparition de
toute marge de manoeuvre financière qui permettrait à
l'université de répondre avec plus d'efficacité aux
besoins qui lui sont exprimés.
Une dernière remarque, M. le Président, sur le
thème de la répartition des ressources. Cette question
controversée amènera probablement la plupart des
établissements, sur une base individuelle, à présenter
leur propre mémoire à votre commission dans le cadre de
l'invitation publique que vous avez lancée récemment.
Le thème de la participation du gouvernement
fédéral au financement des universités peut être
abordé sous trois volets: celui du financement des programmes
établis; celui des conseils de recherche et celui des
ministères.
En ce qui concerne le financement des programmes établis, nous ne
sommes pas intervenus, à titre de conférence des recteurs dans le
débat auquel le
renouvellement des accords de 1977 a donné lieu au cours des
dernières années. Nous nous sommes limités à faire
savoir au secrétaire d'État du Canada que nos positions
là-dessus coïncidaient avec celles que l'Association des
universités et collèges du Canada lui avait fait connaître.
Résumées succintement, ces positions de l'AUCC étaient que
le gouvernement fédéral devait continuer à assumer sa part
de responsabilité dans le financement de l'enseignement post-secondaire
et qu'une nouvelle entente entre lui et les gouvernements des provinces, si
elle devait différer des accords de 1977, devrait, pour l'essentiel,
reconduire les dispositions de ces accords. Nous pouvions, comme
conférence des recteurs, facilement nous rallier à ces positions
qui ressemblent fort à celles que le Conseil des ministres de
l'Éducation du Canada a défendues au Sénat à
l'occasion de l'adoption par la Chambre des communes de la Loi C-12.
Quant au rôle que jouent les trois conseils de recherche du Canada
dans le financement de la recherche universitaire, il faut reconnaître
qu'il est considérable. La part des fonds canadiens de Recherche et
Développement qui est confiée à la recherche universitaire
est sans doute insuffisante. Il est sans doute vrai que la part des subventions
que les conseils fédéraux de recherche octroient aux chercheurs
des universités du Québec et, singulièrement, à
ceux qui oeuvrent dans les universités francophones, pourrait être
plus grande. Cela, le Conseil des universités l'a souligné dans
son avis du 21 juin dernier.
Nous trouvons généralement très satisfaisante la
façon dont les trois conseils fédéraux de recherche
procèdent dans l'octroi de leurs subventions et nous pensons que s'il
est souhaitable qu'une certaine coordination puisse s'établir entre les
conseils fédéraux de recherche et le ministère de
l'Éducation du Québec, par exemple, il n'est sans doute pas
nécessaire ni souhaitable qu'on mette en place une instance formelle de
coordination qui pourrait intervenir d'autorité.
Enfin, le financement fédéral de la recherche
universitaire, lorsqu'il prend la forme de subventions, de contributions ou de
contrats octroyés par les ministères fédéraux fait
parfois problème comme nous l'avons vu récemment, mais ce n'est
généralement pas le cas. De toute manière, la Loi du
ministère des Affaires intergouvernementales permet au gouvernement du
Québec d'agir s'il le juge à propos.
Le fait que le gouvernement fédéral ait mis sur pied
d'importants programmes de financement de centres et d'instituts dans les
universités et le fait qu'il en ait confié l'administration
à l'un ou l'autre des ministères fédéraux, nous
laissent perplexes. Nous aurions préféré que le
gouvernement fédéral distribue ces fonds aux différents
conseils de recherche dont les enveloppes sont toujours insuffisantes. La
façon dont les ministères attribuent ces fonds ne nous satisfait
pas non plus. Nous avons, pour notre part, tendance à privilégier
l'évaluation par les comités de pairs.
En ce qui concerne en particulier le programme de financement des
centres de spécialisation qu'administre le Secrétariat
d'État du Canada, nous estimons que la façon dont nous avons
procédé avec le ministère de l'Éducation,
l'été dernier, s'imposait.
En conclusion, M. le Président, la conférence des recteurs
souhaite faire à la commission certaines recommandations qui, en
matière de financement, lui paraissent à court terme d'une
importance primordiale.
Premièrement, pour 1984-1985, la conférence endosse la
proposition d'ajout de 11 500 000 $ mise de l'avant par le conseil des
universités dans son avis sur le financement.
Deuxièmement, pour 1985-1986, deux demandes tout d'abord
s'imposent: que soit annulée la compression déjà
annoncée de 20 000 000 $ et que l'on mette fin au financement par
prélèvement.
Troisièmement, de plus, toujours pour 1985-1986, en se basant sur
une prévision de 5,5% pour ce qui est de l'inflation, une augmentation
des ressources d'au moins 85 000 000 $ sera nécessaire pour simplement
assurer les services actuels et accommoder une hausse des clientèles qui
serait de l'ordre de 4%.
Quatrièmement, les prévisions budgétaires actuelles
indiquent que les universités connaîtront un déficit
d'opération de l'ordre de 30 000 000 $ au terme de l'année
1984-1985. Compte tenu du caractère structurel de ce déficit,
à la suite des compressions successives qui ont eu pour effet de faire
disparaître toute marge de manoeuvre, nous recommandons pour 1985-1986
l'ajout d'une trentaine de millions - ou d'une vingtaine si on donne suite
à la proposition d'ajout du conseil - pour mettre clairement fin
à la période d'austérité financière que les
universités connaissent depuis 1978-1979.
C'est seulement à la suite de cela qu'on pourra commencer
à parler de reconstruire un système d'enseignement
supérieur qui s'est singulièrement affaibli au cours des
dernières années et qu'on pourra envisager de demander à
l'université de relever de nouveaux défis.
En terminant, qu'on nous permette de rappeler que derrière ces
questions de financement se profilent des choix politiques, concernant le
niveau des ressources et le caractère dynamique et diversifié de
notre système d'enseignement supérieur, qui seront
déterminants pour l'avenir de la société
québécoise et pour la place que le Québec
occupera au sein des pays industrialisés. Je vous remercie.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Hamel. Je vais
commencer par poser un certain nombre de questions en essayant de donner
l'exemple à mes collègues, concernant le temps, parce que je
pense que, ce matin, le temps est une réalité avec laquelle on
devra compter. On a environ deux bonnes heures, deux heures et quart.
Donc, directement dans le coeur du sujet, vous avez longuement
abordé le problème des ressources, le manque de ressources et le
niveau de l'enveloppe budgétaire qui est affecté à
l'enseignement supérieur universitaire. Vous avez, d'entrée de
jeu, parlé de compressions exagérées et vous avez
indiqué que ces compressions qui avaient été
sévères dès le départ étaient maintenant
excessives. Hier, nous avons entendu le ministre de l'Éducation nous
dire, en d'autres mots, pas nécessairement la même chose, mais
presque, dans la mesure où il reconnaissait que les compressions avaient
été effectivement sévères au cours des
dernières années et qu'on avait atteint une espèce de
point critique à partir duquel maintenant il faudrait procéder
avec beaucoup de prudence et de discernement. J'imagine que vous partagez le
point de vue du ministre à cet égard, mais situez-vous à
peu près au même moment cette atteinte ou ce niveau d'excès
que vous considérez qu'on a atteint? Autrement dit, est-ce que, cette
année, alors que le gouvernement considère qu'il ne peut pas
ajouter d'autres fonds, mais qu'il reconnaît néanmoins qu'on a
atteint un certain point critique - il n'a pas encore, bien sûr, pris de
décision pour la suite -vous considérez que les excès dont
vous parlez datent depuis plusieurs années? Dans quelle mesure, dans ce
cas, ces compressions ont-elles été excessives? Vous parlez,
à la fin de votre exposé, d'un système d'enseignement
supérieur singulièrement affaibli. En quoi est-il à ce
point affaibli qu'il faille maintenant procéder à une injection
de fonds aussi substantielle que celle que vous nous proposez ou que vous
proposez au gouvernement maintenant, à l'issue de votre
exposé?
M. Hamel: J'ai pris connaissance, ce matin, de la
déclaration de M. le ministre de l'Éducation, hier, devant votre
commission. J'ai noté, avec satisfaction évidemment, que le
diagnostic que pose le ministre sur les compressions budgétaires
correspond sensiblement au nôtre en ce qui concerne l'évaluation
où nous en sommes aujourd'hui. M. le ministre reconnaît que les
compressions ont été sévères et que le moment est
venu de les arrêter. C'est le message que j'ai compris. Je ne veux pas
dire que nous partagerions toutes les composantes de son analyse à
partir du point de départ des compressions, mais je note pour ma part,
avec satisfaction, le constat qu'il fait en ce qui concerne la situation
où nous en sommes maintenant. Nous devons espérer que ce constat
permettra d'influencer les politiques de financement que le gouvernement et le
ministère retiendront pour les universités à l'avenir.
Comment démontrer le caractère excessif de ces
compressions budgétaires? Je pense que nous avons tenté de le
faire dans le mémoire que nous vous avons soumis en donnant un certain
nombre d'exemples touchant les différentes composantes de nos budgets.
Les problèmes de diminution de ressources humaines, de fermeture de
postes, de réduction du nombre de professeurs, d'affaiblissement de nos
bibliothèques, de nos équipements scientifiques, tout cela
ajouté aux croissances de clientèles étudiantes, nous
permet de constater, nous qui vivons sur le terrain avec les professeurs et les
étudiants, que nous sommes rendus au point où il est
extrêmement difficile d'envisager comment nous pourrions continuer
à absorber des compressions budgétaires. Déjà, la
situation actuelle dans plusieurs établissements et dans plusieurs
secteurs est, pour les étudiants, très difficile.
Le Président (M. Charbonneau): Vous disiez vers la fin que
le système s'est singulièrement affaibli. On a eu une
démonstration, hier, que, malgré cette affirmation et
malgré les compressions sévères, le système a
performé au cours des dernières années d'une façon
assez spectaculaire. Malgré les compressions, le système a
réussi à absorber une clientèle additionnelle importante.
Il a réussi à rattraper à plusieurs égards nos
voisins avec lesquels on se compare au niveau de la parité dans un
certain nombre de domaines. La productivité de notre système
d'enseignement universitaire semble s'être améliorée d'une
façon spectaculaire. Je pense qu'on peut tous convenir qu'on est rendu
à une espèce de carrefour, mais c'est difficile de penser que,
dans le passé, la faiblesse a été telle qu'on n'a pas pu
performer. Généralement, quand on a atteint un point de faiblesse
excessif, on ne peut pas performer. Or, dans la mesure où on performe
bien, on peut peut-être se demander si la faiblesse est vraiment
excessive. Ce qui ne veut pas dire qu'on n'est pas rendu à un point
critique et que la poursuite dans la même direction ne pourrait pas nous
conduire là, effectivement, à une faiblesse qui nous
pénaliserait quant à la suite de l'évolution du
système. (11 heures)
M. Hamel: Sur cette question de performance ou de
productivité, il est sûr qu'il y a eu des gains
considérables dû au
fait qu'on a couplé deux phénomènes: la croissance
des clientèles et la réduction des ressources. On parle
d'augmentation de productivité ou de performance de l'ordre de 30% au
cours des dernières années. Il est certain qu'il y a des
éléments positifs dans cela. Sauf qu'on doit constater
qu'aujourd'hui - sans vouloir m'engager dans un débat sur les
indicateurs - les ressources, par étudiant, dont disposent les
universités, sont probablement les plus basses au Canada,
inférieures à celles de l'Ontario. Les universités - on
doit le réaliser - ont fait dans un court laps de temps des efforts
considérables pour s'adapter à la nouvelle conjoncture.
L'essoufflement est là maintenant. On ne peut pas penser que nous
pourrions soutenir une même performance pendant encore plusieurs
années. Les perspectives de croissance de clientèle se
maintiennent malgré les prévisions que l'on rajuste
périodiquement. Nous rencontrons à chaque année des
croissances pour l'ensemble du réseau de 3%, 4% ou 5%, habituellement
supérieures aux prévisions du ministère et aux
prévisions des universités elles-mêmes. Cela va se
continuer encore pour quelques années, selon les chiffres dont nous
disposons. S'il fallait qu'il n'y ait pas un relâchement du
côté financier qui permette aux universités de
récupérer d'une certaine façon certains excès
qu'elles ont dû absorber dans le financement, nos universités au
Québec seraient placées dans une situation extrêmement
difficile pour envisager les défis qu'on leur demande de relever.
Le Président (M. Charbonneau): Dans la mesure où
j'ai l'impression que, malgré un certain nombre de différences
sur les calculs, on doit constater qu'il y a néanmoins une convergence
de vues entre ce que vous dites et ce qu'on a entendu hier et que maintenant la
question est: qu'est-ce qu'on fait pour la suite, pour l'avenir, pour
l'année en cours et aussi pour les années qui viennent, j'aurais
deux points sur lesquels je voudrais vous amener. Avant de parler du type
d'intervention financière ou de choix qui devront être faits, dans
la mesure où on voudrait, par la suite, étant donné que de
part et d'autre on reconnaît que maintenant il faudra faire attention,
n'est-il pas plus urgent que jamais qu'à la fois, votre organisme,
l'ensemble des universités et le ministère en arrivent à
pouvoir poser le même genre de diagnostic et avoir les mêmes
instruments d'analyse et d'évaluation, dans la mesure où,
jusqu'à maintenant, on pouvait toujours conclure que malgré les
différences cela ne vous a pas empêchés de performer, mais
que, par la suite, cela pourrait vous empêcher de performer, des choix
qui continueraient à être dans la direction qu'ils ont
été, cela devient sacrement plus important maintenant de pouvoir
évaluer l'impact de chacune des décisions qui pourraient
être prises... Ce que j'arrive à comprendre difficilement, c'est
comment, en 1984, avec les techniques modernes de statistiques, de calcul, les
spécialistes qu'on a de part et d'autre, on ne puisse pas poser le
même genre de diagnostic et d'avoir les mêmes bases de calcul et
d'évaluation.
Y a-t-il eu des efforts particuliers de faits de la part de votre
organisme ou des membres qui vous sont associés, c'est-à-dire les
universités individuellement, pour ajuster les unes avec les autres leur
façon d'évaluer? On sait que le ministre, hier, nous a dit:
L'étude en question qui avait été préparée
qui prévoyait des bases de comparaison mériterait d'être
poursuivie, mais on s'étonne de voir que d'une université
à l'autre, on n'a jamais les mêmes informations, les mêmes
bases de calcul. Cela n'a presque pas de bon sens au moment où on est,
on n'est plus à l'âge de pierre. Je me demande si, finalement, il
y a des efforts particuliers qui sont faits pour raffiner les
évaluations.
M. Hamel: Est-ce que je peux vous répondre
là-dessus? Je pense que vous avez tout à fait raison, M. le
Président. Si votre commission jugeait bon de faire des recommandations
à cet égard, par exemple, dans le sens de constituer ici au
Québec un comité tripartite, comme il en existe un en Ontario,
composé de représentants du ministère de
l'Éducation, du Conseil des universités et de la
conférence des recteurs, pour se pencher ensemble sur le dossier des
indicateurs, je peux vous indiquer que nous accepterions avec plaisir de faire
partie d'un tel groupe de travail.
Il faut savoir qu'actuellement nous nous penchons sur ce dossier des
indicateurs chacun de son côté, le Conseil des universités
développe ses données, la conférence des recteurs et le
ministère de l'Éducation aussi. Le ministère de
l'Éducation, comme on le voit dans le document du cadre de financement,
s'appuie souvent sur les données du comité tripartite de
l'Ontario, comité composé, à peu près comme je
viens de l'indiquer. Je pense que c'est un peu surprenant que l'on s'appuie sur
des travaux faits en Ontario pour juger de notre système à nous
et ce serait probablement plus logique que nous fassions nos analyses
nous-mêmes en ce qui concerne notre système d'enseignement
supérieur.
Pour répondre à un autre volet de votre question, il y a
eu des tentatives, il y a quelques années, de mise en commun de nos
réflexions respectives là-dessus, du moins entre la
conférence des recteurs et le ministère de l'Éducation.
Mais pour des raisons que j'ignore, le ministère à un moment
donné s'est retiré de ces travaux et
de ce groupe de travail pour continuer de son côté à
développer ses propres indicateurs.
Le Président (M. Charbonneau): C'était en quelle
année?
M. Hamel: Je dirais que cela peut faire environ cinq ans.
Le Président (M. Charbonneau): En fait, la réponse
que vous nous donnez me fait penser qu'au niveau municipal, la
Conférence Québec-municipalités ou l'organisme qui a
été mis en place entre le ministère des Affaires
municipales et les municipalités a apporté des résultats
assez positifs. Cela vaut sûrement la peine que la commission se penche
sur la suggestion que vous avez faite à partir de la question que je
vous ai posée. Vous vouliez ajouter...
M. Hamel: Si vous permettez, M. Béland apporterait un
complément de réponse à cela.
M. Béland (Richard): Je pense qu'il faudrait actuellement
souligner le fait qu'il y a eu un protocole d'entente de signé entre la
conférence des recteurs et le ministère de l'Éducation
pour la création de comités conjoints sur un ensemble de
systèmes d'information - on avait le système d'information -
auquel est présent aussi le Conseil des universités, mais qui
étudie un certain nombre de dossiers comme celui des clientèles
étudiantes de façon à être capable d'harmoniser
l'ensemble des données entre les universités par la
conférence et le ministère de l'Éducation, certains
dossiers demeurant la responsabilité du ministère et d'autres
dossiers étant la responsabilité de la conférence. Dans ce
sens, il y a des efforts qui se font actuellement pour être capable
d'harmoniser un ensemble de données. Il ne faudrait peut-être pas
donner l'impression qu'il ne se passe rien. Mais du côté des
indicateurs, je pense que ce que le président disait est clair et nous
sommes prêts à collaborer là-dessus.
Le Président (M. Charbonneau): Si je vous comprends bien,
il y a une espèce d'organisme qui est en place ou va être en
place, mais dont le mandat n'est pas actuellement d'établir des
indicateurs sur lesquels tout le monde s'entend.
M. Béland: C'est pour essayer de recueillir les meilleures
informations selon des protocoles prévus entre le ministère et la
conférence des recteurs. Ce sont des comités auxquels
s'adjoignent des membres du Conseil des universités pour être
capables d'évaluer l'harmonisation des données en
définissant des mandats à des comités conjoints qui
travaillent. Actuellement, il y a déjà des comités qui
sont en place et qui travaillent dans ce domaine. C'est essentiellement sur
l'information de l'ensemble du système universitaire. À partir de
là, il pourrait y avoir des analyses communes faites dans un autre cadre
qui pourrait être la collaboration dont parlait le président de la
conférence.
Le Président (M. Charbonneau): Finalement, parce que je ne
veux pas prendre trop de temps, je veux laisser à mes collègues
suffisamment de temps aussi pour intervenir, mais la demande finale que vous
faites, j'imagine bien que vous le savez, n'est pas sans importance. Dans le
langage populaire, on dirait que ce n'est pas des "peanuts" finalement. Vous
demandez au gouvernement d'injecter 105 000 000 $; finalement, on est devant
les choix suivants: injecter d'autres sommes d'argent, augmenter
éventuellement les frais de scolarité, ou encore, permettre aux
universités de ne plus accueillir des clientèles additionnelles
dans la mesure où on ne leur donne pas des fonds additionnels. Le
problème d'accessibilité, l'accessibilité pas juste
reliée au problème des frais de scolarité.
Est-ce que vous avez fermé complètement la porte à
ces deux hypothèses en disant au gouvernement: Écoutez, nous, la
seule chose qu'on veut, c'est de l'argent neuf; il n'est pas question pour nous
de toucher aux frais de scolarité, il n'est pas question pour nous de
continuer à accueillir... en fait on veut continuer à accueillir
des clientèles additionnelles?
Est-ce que, finalement, vous avez fermé les deux autres portes ou
si vous n'avez pas aussi des positions qui feraient en sorte qu'une partie de
ces ressources que vous réclamez pourraient être trouvées
en faisant autre chose que d'augmenter les taxes ou les impôts ou
d'augmenter le déficit ou encore de couper dans d'autres
ministères?
M. Hamel: Nous sommes bien conscients de la question des choix,
mais ce que nous voulons indiquer, c'est que si on dit que c'est le temps
d'arrêter les compressions budgétaires dans les
universités, il faut bien réaliser ce que cela signifie.
On a à vivre avec la perspective d'une compression additionnelle
dans notre base de financement de 20 000 000 $ l'an prochain. On a à
vivre avec la perspective d'un financement par prélèvement de
clientèles non prioritaires l'an prochain.
Pour ce qui est des 85 000 000 $, ce n'est pas très sorcier si on
prévoit un taux d'inflation de 5,5% et une croissance de
clientèle de 4% financée à 70%, selon la règle du
ministère, ce qui fait 2,8%, cela signifie une indexation de 8,3%
d'une
enveloppe qui est légèrement supérieure à 1
000 000 000 $. Donc, cela donne à peu près 85 000 000 $;
ça nous prendrait cela de ressources - il faut faire attention, ce sont
des ressources, pas des subventions, parce qu'il y a des augmentations de frais
de scolarité qui interviennent dans cela - mais c'est 85 000 000 $ que
cela prend pour maintenir ce même niveau.
À la fin de l'année en cours, les universités vont
devoir faire face, ensemble, à un déficit de l'ordre de 18 000
000 $ peut-être, ou 30 000 000 $, à la fin de 1984-1985,
déficit d'opérations courantes.
Si on dit aux universités: Finies les compressions, le
ministère, par exemple, retire son hypothèse de compression de 20
000 000 $ l'an prochain, mais ne bouge pas sur le reste, il faut comprendre que
les universités, pour faire face à leur situation
financière actuelle, devront à l'interne continuer à faire
des compressions si elles le peuvent encore ou, sinon, continuer à
accumuler des déficits.
Or, je comprends la question qui est posée en termes de choix de
priorités pour un gouvernement, mais je pense que le choix des
priorités doit justement être influencé par les diagnostics
que l'on pose d'un secteur à l'autre. Si on pose le diagnostic qu'on a
fait suffisamment de compressions dans les universités - nous on pense
qu'on en a fait de façon excessive - si on se met d'accord, en gros, sur
ce diagnostic, je pense qu'il est très important qu'on comprenne ce que
cela signifie. (11 h 15)
Le Président (M. Charbonneau): Je termine avec cela, parce
que c'est dans la foulée de ce que vous venez de dire: Est-ce que vous
ne convenez pas que néanmoins il y a encore peut-être des efforts
à faire? Je regarde... il y a un avis du Conseil des universités
qui nous a été cité hier et qui indiquait un certain
nombre de champs d'interventions dans lesquels les universités
pourraient encore se lancer et explorer finalement au niveau des
rationalisations. Est-ce qu'on doit conclure aujourd'hui qu'il n'y a vraiment
plus aucun effort de rationalisation à faire de la part de chacune des
universités? Finalement, est-ce que les avis du Conseil des
universités, à cet égard, doivent être
écartés et qu'on en arrive à la conclusion que maintenant
vous avez fait votre travail et que vous ne pouvez plus aller plus loin? Ce
n'est pas ce que nécessairement il semble se dégager d'un certain
nombre d'avis qui nous ont été cités hier.
Néanmoins, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de part et d'autre
des bouts de chemin à parcourir. Est-ce qu'on doit vraiment conclure que
tout est fait et qu'il n'y a plus de rationalisation à faire dans le
secteur universitaire, qu'il n'y a plus de dédoublement, qu'il n'y a
plus de "gaspillage" - le mot est peut-être un peu gros - mais j'imagine
qu'on peut toujours trouver qu'il n'y a plus de gras nulle part et que vraiment
la balle est uniquement dans le camp des élus?
M. Hamel: Je pense qu'on peut conclure cela à court terme.
Je pense qu'on peut affirmer que les efforts de rationalisation qui pouvaient
être faits pour conduire à des réductions de coûts
à court terme ont été faits de façon très
large et assez complète, de sorte que les possibilités de gains
en termes de réduction rapide de coûts par des mesures de
rationalisation, de concertation sont encore possibles, bien sûr, mais
ces mesures ne pourraient apporter d'impact financier qu'à moyen et
à long terme, compte tenu des engagements que les universités ont
dans le cadre de leurs programmes vis-à-vis les étudiants, compte
tenu des engagements que les universités ont dans le cadre de leur
convention collective et de leur protocole d'entente avec leur personnel.
Le Président (M. Charbonneau): J'aurais bien d'autres
questions mais je vais laisser mon collègue... Est-ce que le
vice-président... M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais tout d'abord féliciter la
Conférence des recteurs et principaux des universités du
Québec de son mémoire très judicieux et rempli
d'informations utiles pour les parlementaires et la population du
Québec.
Je voudrais tout d'abord me permettre une brève comparaison parce
qu'on y a fait écho tantôt. Nous avons entendu, hier, un
exposé du ministre de l'Éducation qui a traité des sujets
évidemment connexes à ceux qu'on discute ce matin. Nous avons
entendu l'exposé de la Conférence des recteurs et principaux des
universités du Québec ce matin et je crois déceler une
différence fondamentale dans le diagnostic qui est porté par les
deux. Il faudrait que ceci soit éclairci afin que ne subsiste aucune
ambiguïté. Le ministre de l'Éducation nous dit - cela fait
longtemps qu'on le lui disait, mais là je pense qu'il le constate
explicitement pour la première fois - que les ressources allouées
aux universités du Québec ont présentement atteint un
niveau par étudiant parmi les plus bas au Canada et une diminution
encore plus grande des coûts unitaires pourrait mettre en péril la
qualité des activités et l'amélioration des performances
qu'il nous reste encore à réaliser. Tandis que si je lis bien
votre mémoire, vous autres, vous dites... Le ministre semble se dire: On
a tout bien fait jusqu'à maintenant, cela a été rationnel,
cela a marché, on vous a amenés à une meilleure
performance, maintenant, on reconnaît que si
on allait continuer cela pourrait être dangereux. Tandis que vous
autres vous nous dites - cela est bien important qu'il soit établi
nettement - que déjà il y a eu de nombreuses et coûteuses
conséquences pour la qualité de l'enseignement et de la recherche
à la suite des mesures de compression que vous qualifiez d'excessives.
J'aimerais que ce point soit clarifié très nettement, c'est la
différence fondamentale que je crois lire dans les deux diagnostics. Il
me semble que votre mémoire étaie à bien des endroits de
manière concrète le diagnostic que vous présentez. Je me
demande s'il serait possible, je ne veux pas exprimer des attentes excessives
de mon côté, mais aux pages 15, 16 et 17 de votre mémoire,
vous décrivez les conséquences qui ont déjà
été ressenties dans les universités des compressions
budgétaires et de la politique du gouvernement en matière de
financement et je ne sais pas s'il n'y a pas moyen de faire parvenir à
la commission un dossier complémentaire à ce sujet. Quand on
parle, par exemple, de tous les mouvements de personnel, tout cela est
ramassé en quelques lignes dans votre mémoire. Je comprends
très bien, mais si on pouvait avoir des données plus
précises sur les effets qu'ont entraînés toutes les
politiques du gouvernement depuis six ans, cela nous éclairerait
beaucoup.
En matière de bibliothèque, par exemple, vous passez vite,
vous avez un passage de deux ou trois lignes à ce sujet. Je pense que ce
serait important qu'on soit davantage informé, parce qu'on lit ces
passages et on se dit: Ah, ce sont des refrains qu'on a entendus bien souvent,
etc. Pour les conclusions auxquelles en viendrait la commission, si on pouvait
avoir des données plus étayées sur les équipements.
Sur les équipements, vous avez une petite annexe très
intéressante qui porte sur les budgets accordés aux écoles
de génie. On voit qu'au cours des six dernières années,
cela a été non seulement la stagnation, mais le recul dans un
domaine qui me semble être assez intimement relié au défi
technologique. Je ne sais pas s'il y a des moments pour les discours et des
moments pour les actions qui sont complètement dans des univers
différents. Je vous fais une demande. Si c'est possible d'envoyer un
texte complémentaire à la commission dans les délais
raisonnables, je pense que cela aiderait énormément.
Il y a une autre chose que je voudrais également demander et qui
fait suite à ce que vous avez dit au début de votre intervention.
Quand vous avez fait allusion au passage de la page 4 de votre mémoire,
disant que vous avez fait de nombreuses interventions dans le passé
auprès du gouvernement, soit sous forme de lettre, soit sous forme de
mémoire, soit sous forme de rencontre avec les autorités du
ministère, vous ajoutez que ces interventions sont à ce jour
demeurées sans réponse. Et vous avez offert de soumettre aux
membres de la commission un dossier étayant cette affirmation. Je ne
voudrais pas prendre le temps de la commission ce matin, mais si vous pouviez
donner suite à cette ouverture que vous avez faite vous-même, je
pense que cela rendrait un grand service à la commission.
De plus, je veux poser une brève question sur la comparaison avec
l'Ontario. Je pense qu'il va falloir qu'on s'éloigne un peu de ceci,
mais après s'être assuré cependant qu'on n'est pas loin de
se rencontrer. J'ai porté un intérêt spécial aux
chiffres de la page 46, au tableau A-4. Il me semble que ce sont les
données les plus importantes. Quand on me parle de la contribution aux
universités en fonction du PIB, c'est une notion qui est un peu de
nature à créer des illusions d'optique, parce que d'abord il
faudrait tenir compte des paiements de péréquation et des
paiements fédéraux qui sont faits pour cela. Il faudrait que cela
entre quelque part. À ce moment-là, on verrait que les chiffres
ne peuvent pas être manipulés exactement de la même
manière. Il y a une donnée qui ne trompe pas: ce sont les
dépenses de fonctionnement par étudiant. C'est la donnée
que vous retenez à la page 46. Quand vous dites "per capita", c'est bien
par étudiant? Par étudiant équivalent temps complet,
j'imagine?
Une voix: C'est cela.
M. Ryan: Je constate une chose en examinant le tableau, c'est
qu'au cours de toutes ces années, les dépenses de fonctionnement
per capita ont toujours été supérieures en Ontario
à celles du Québec et que l'écart s'est agrandi ces
dernières années. Je remarque qu'il y a beaucoup de
collaborateurs du ministre et le ministre lui-même est ici ce matin. Je
ne sais pas s'il peut prêter une attention spéciale à ces
chiffres-là qui ne sont pas les mêmes que ceux qu'on nous a
présentés dans les annexes de l'intervention du ministre, hier.
Je crois que cela serait une bonne chose s'il y avait des critiques à
faire sur ces chiffres. Je les prends comme des chiffres fiables pour les fins
de la discussion, aujourd'hui. Si c'est ainsi, cela veut dire qu'au cours des
années quand on nous ressassait continuellement le refrain que cela
coûtait beaucoup plus cher qu'en Ontario et qu'il fallait absolument en
revenir, ces chiffres-ci tiennent un langage contraire. C'est bien important
qu'on le souligne et je pense que vous me confirmerez à ce sujet que les
données relatives à l'Ontario ont été
inférieures depuis quelques années aux moyennes canadiennes.
L'Ontario a pratiqué une
politique plutôt restrictive en matière de financement de
l'éducation, ces dernières années. On arrive même
à un point où, selon les données qui m'ont
été possibles de consulter, les chiffres de l'Ontario seraient
inférieurs à la moyenne canadienne. Donc, si le Québec est
inférieur à l'Ontario, je pense que cela justifie le ministre de
constater enfin que nous sommes peut-être les plus bas de tout le Canada.
Je ne l'affirme pas de mon côté, parce que je n'ai pas eu le temps
de regarder les statistiques de l'île-du-Prince-Édouard et de
Terre-Neuve, mais je pense qu'on n'est pas loin de la famille de ceux qui n'ont
pas à se gargariser de leur performance, comme société
j'entends.
Cela dit, je voudrais vous poser peut-être une couple de
questions. Je prends pour acquise la réponse positive que vous
apporterez à mes demandes de complément d'information et je vous
laisse le soin d'élaborer là-dessus tantôt, M. le
président.
La première question que je voudrais vous adresser concerne les
nouveaux principes de financement que le gouvernement met de l'avant dans son
modèle qui continuera d'être l'objet de discussion au cours des
mois à venir. Vous dites à la page 32 de votre mémoire les
choses suivantes: "Les énoncés qu'on trouve dans le cadre de
financement révèlent les conceptions qui apparaissent peu
compatibles avec la nature même de l'institution universitaire laquelle
exige une liberté d'initiative qui, à l'intérieur des
limites imposées par leur rôle et les efforts qu'on attend
d'elles, compte tenu des ressources que la société lui consent,
est essentielle à l'exercice de sa mission. Mais au-delà de
certaines conceptions véhiculées dans le cadre de financement, on
peut dire que la menace la plus grave à l'autonomie des
établissements présentement est le fait de la disparition de
toute marge de manoeuvre qui permettrait à l'université de
répondre avec plus d'efficacité aux besoins qui lui sont
exprimés."
Je ne sais pas si vous pourriez expliquer un peu ce que vous dites dans
ce paragraphe et peut-être en même temps donner votre avis sur la
philosophie qui est véhiculée dans le cadre de financement
concernant le rôle du gouvernement au sujet des projets de
développement des universités.
M. Hamel: D'accord, M. le vice-président. Tout d'abord en
ce qui concerne vos demandes d'information, nous allons prendre toutes les
mesures pour y donner suite, selon ce que vous souhaitez.
En ce qui concerne cette question d'autonomie et de marge de manoeuvre,
ce que nous voulons signaler dans ce texte c'est qu'il est vrai que la
très grande partie des subventions que le gouvernement accorde aux
universités l'est de façon globale et que les universités
sont libres d'utiliser ces fonds-là comme elles l'entendent à
l'intérieur de chacun des établissements. Le financement
orienté, si on peut l'appeler ainsi, est un financement marginal par
rapport à l'ensemble du financement que nous recevons du
ministère de l'Éducation, mais lorsque nous relions cette
situation au problème de l'autonomie des universités, c'est pour
signaler que la perte de toute marge de manoeuvre financière est aussi
et beaucoup une perte d'autonomie. Lorsque les universités n'ont plus la
capacité de réagir elles-mêmes sans approbation de
l'extérieur à des besoins qu'elles perçoivent et auxquels
elles pouvaient répondre il y a un certain nombre d'années, je
pense qu'on peut dire qu'elles perdent une partie de leur autonomie.
De plus, ce qui inquiète les universités dans certaines
orientations que présente le cadre de financement du ministère,
c'est que, par le biais de certains programmes de financements spéciaux,
je pense en particulier aux programmes d'actions structurantes en ce qui
concerne la recherche ou aux programmes du Fonds de développement
pédagogique, par le biais de ces financements à la marge, on
constate une tendance du ministère à vouloir poser des questions
de plus en plus larges sur la gestion interne des établissements. Par
exemple, à l'occasion d'un projet soumis par une université sur
le programme d'action structurante, on va demander de situer cela dans le cadre
d'un plan de développement de la recherche, d'un plan de
développement de l'institution, globalement. (11 h 30)
Nous ne nous opposons pas en soi à ce que le ministère
doive connaître les intentions de développement des
universités, mais qu'on le fasse indirectement par le biais de ces
programmes à la marge pose aux universités des difficultés
en termes de marge de manoeuvre et d'autonomie. C'est ce que nous voulons
signaler essentiellement par ce texte.
M. Ryan: Une question complémentaire là-dessus. Le
programme d'action structurante a été annoncé, si mes
souvenirs sont bons, vers décembre de l'année dernière.
Quand ça a été annoncé, est-ce que vous, la
Conférence des recteurs et principaux des universités, avez
été consultés ou informés ou si c'est arrivé
comme un cheveu sur la soupe?
M. Hamel: Je vais demander à M. Giroux de
répondre.
M. Giroux (Yves): M. le Président, je ne me souviens pas
s'il y a eu une consultation très formelle avant que le programme soit
lancé tel quel, mais on doit dire que le concept du programme
d'action
structurante flottait dans le système depuis déjà
plusieurs années, parce que ça avait été
évoqué lors du livre vert et du livre blanc sur la politique
scientifique. Donc, le concept n'était pas nouveau, les objectifs en
étaient souhaités et sont souhaitables, mais le programme a
été annoncé dans le train de mesures de relance l'automne
dernier, effectivement, et nous l'avons appris à peu près en
même temps que tout le monde.
M. Ryan: Je voudrais vous questionner longuement
là-dessus, mais on n'a pas beaucoup de temps. Il y a deux questions que
j'ai à l'esprit et que je ne voudrais pas oublier. Je constate que, dans
votre mémoire, vous êtes plus préoccupé par le
niveau de financement que par le mode de financement. Vous trouvez que le
niveau de financement pose des problèmes de manière beaucoup plus
aiguë et immédiate et vous êtes favorable à une
réforme du mode de financement également, mais vous ne voyez pas
là l'urgence des urgences, si je comprends bien.
Il y a une question que je voudrais vous poser quand même dans
cette perspective. À la lumière des critères que vous
énoncez, équité, transparence, stabilité, est-ce
qu'il y a des normes, pour une société... Mettez-vous à la
place du pouvoir politique qui veut avoir une politique correcte avec les
universités, qui veut avoir une politique stable de manière qu'on
sache où on s'en va, qu'on puisse prévoir les
développements, est-ce que vous avez pensé à des normes
qui pourraient guider le législateur ou le gouvernement dans
l'établissement de ces politiques et des normes qui pourraient permettre
de répondre à vos exigences et qui, en même temps,
introduiraient peut-être un peu plus d'objectivité ou même
de caractère statutaire là-dedans?
M. Béland: M. le Président, une mesure qui
permettrait une certaine stabilité pose un certain nombre de
difficultés pour les membres. Les universités, actuellement, ont
une répartition de dépenses qui touche, pour 80%, les masses
salariales et 20% d'autres dépenses. Les documents
préparés par la conférence sur la question des autres
dépenses et rapportés dans le mémoire indiquent clairement
que le coût des autres dépenses augmente à peu près
avec un indice du coût de la vie composé de divers
éléments. De ce côté-là, je pense qu'il
pourrait y avoir entente sur un certain nombre de normes compte tenu de la
composition des biens et des services qui représentent 20% des
dépenses des universités.
Quand il n'y a pas d'indexation des autres dépenses, il est clair
que c'est un recul en termes de capacité de maintenir ce niveau. Les
20%, ce n'est pas unique au
Québec comme importance relative des autres dépenses dans
l'ensemble, c'est un pourcentage qu'on peut retrouver à peu près
dans toutes les universités canadiennes. Il y a sûrement
possibilité d'aller déterminer au moins un niveau d'indexation
qui permettrait de maintenir un certain volume de dépenses dans ce
secteur.
Du côté des masses salariales, bien sûr qu'on joue
toujours avec deux éléments dans les masses salariales, il y a le
personnel et il y a le niveau des salaires. Ce que l'on constate jusqu'à
maintenant, cela a été une brisure dans le financement des
universités, compte tenu des taux d'indexation prévus dans les
conventions collectives ou dans les protocoles avec les associations. La
brisure est arrivée de façon brutale en 1981-1982, mais elle
avait déjà été quand même réduite dans
les années précédentes, 1979-1980 et 1980-1981.
La politique qu'ont suivie les universités en termes de politique
salariale a été sensiblement la même que celle qui avait
été adoptée par le gouvernement dans ses propres
négociations. Est-ce qu'il y a possibilité là aussi
d'arriver à des normes d'indexation des masses salariales qui
représentent l'équivalent de ce que fait le Québec pour
ses autres secteurs, les secteurs public et parapublic? Je pense que c'est une
très bonne question et sur laquelle on pourrait peut-être discuter
aussi pour arriver à se dire: Finalement, on n'utilisera pas les taux
d'indexation des masses salariales pour faire des compressions à
l'intérieur des universités. Le pénible de l'année
1981-1982, cela a été 12% et dans certains cas 13% de moins
strictement en réduisant le taux d'indexation des masses salariales. On
a vécu pendant une dizaine d'années une certaine norme
d'indexation des masses salariales et on se retrouve à un autre moment
donné, d'une façon brutale, avec un changement.
Il y a eu une discontinuité dans le système qui s'explique
difficilement compte tenu de l'effort que le Québec faisait pour ses
autres secteurs. On ne parle pas d'augmentation de service, on parlait
strictement d'indexation des masses salariales. De sorte qu'en même temps
qu'on coupe les masses salariales, on nous demande aussi de donner plus de
service avec moins de ressources. La norme devrait s'attacher aux composantes
des dépenses qui sont les masses salariales et les autres
dépenses. Là-dessus, je pense qu'on pourrait théoriquement
s'entendre pour dire: L'effort que le Québec est prêt à
faire pour les salaires dans les autres secteurs devrait au moins s'appliquer
dans les universités et on ne parle pas de volume.
L'autre élément, c'est la question du développement
des universités face à la croissance des clientèles ou de
certains secteurs sur lesquels on pourrait mettre des
priorités. Est-ce qu'on rattache l'indexation sur le niveau de
croissance du produit intérieur brut ou une autre mesure qui est le
revenu personnel? Je n'ai aucune idée, mais il y a peut-être
là des discussions possibles à tenir pour en définir une
certaine norme qui est liée, mais en termes de développement et
non pas en termes de remettre en cause la base des choses existantes. Je pense
qu'on pourrait à ce moment distinguer ces éléments et
peut-être arriver à donner une certaine transparence à ce
niveau et certaines normes d'ordre de grandeur de ces composantes.
M. Ryan: Est-ce que le nouveau mode de financement apporte des
éléments de progrès de ce côté? Est-ce qu'il
y a des choses qui devraient être ajoutées pour répondre
à des possibilités comme celles-là?
M. Béland: Je pense que les nouvelles règles
annoncées, à ma connaissance, ne touchent que le financement des
croissances de clientèles additionnelles. Est-ce qu'on change la base?
Il n'y a rien dans les principes actuels qui touche les autres dépenses
ni les politiques salariales ou d'indexation des masses salariales, à ma
connaissance.
M. Ryan: Je pose cette question dans l'esprit suivant: Je me dis
que les universités sont un élément tellement important du
fonctionnement de notre société qu'il faut soustraire leur
financement, dans toute la mesure raisonnablement possible, au jugement
arbitraire, souvent capricieux et changeant des politiciens. Je pense que
l'État est capable de s'élever à cette perspective dans un
certain nombre de cas. Je pense qu'il restera toujours des cas qui se
prêteront mieux à des décisions capricieuses. Il me semble
que dans ce cas on cherche ensemble des normes qui pourraient être plus
objectives. S'il y avait des compléments d'opinion que vous voudriez
nous donner là-dessus, je pense que ce serait extrêmement
précieux parce qu'on est à la recherche de cela. Comme vous
dites: Le nouveau mode de financement répond à des fins
limitées de ce point de vue en particulier pour le calcul du coût
des nouvelles clientèles. Je pense que cela pourrait être
très intéressant.
Je veux en venir maintenant à vos recommandations pour 1985-1986.
Je pense que c'est important parce que cela nous ramène au niveau de
financement. Sur la première recommandation, du côté de
l'Opposition, nous avons déjà approuvé cette proposition
du Conseil supérieur des universités, par conséquent nous
sommes entièrement favorables à ce que le ministre de
l'Éducation réexamine sa position de ce point de vue et essaie de
convaincre ses collègues du gouvernement d'en arriver à une autre
conclusion.
Vous demandez pour 1985-1986 que soit annulée la compression
déjà annoncée de 20 000 000 $. Là-dessus, je
voudrais seulement donner un petit éclaircissement; dans l'intervention
que le ministre a faite, hier, il a simplement dit que c'est une question sur
laquelle il pourrait éclairer, par les travaux de la commission. Il a
laissé la porte ouverte, par conséquent; je pense que c'est mieux
que pas de porte ouverte du tout et je veux vous dire qu'on va
considérer cela, nous autres, avec beaucoup de sympathie,
évidemment.
Vous demandez qu'on mette fin au financement par
prélèvement. Pourriez-vous expliquer un peu ce que cela
représenterait possiblement comme marge monétaire pour
l'année 1985-1986, d'après les projections qu'on peut faire?
Est-ce que c'est compris dans votre total de 85 000 000 $ qui vient au
paragraphe suivant? Est-ce que cela va dans le 2,8% pour les clientèles
nouvelles?
M. Hamel: Je ferais un commentaire sur la notion de
prélèvement et puis je vais encore donner la parole à M.
Béland pour ce qui est des chiffres.
Le financement par prélèvement, pour nous, c'est une
façon indirecte de nous transmettre des compressions, un peu comme le
non-financement des dépenses salariales qu'on a connu il y a quelques
années. Cela s'applique principalement dans deux secteurs. On
procède par prélèvement pour financer les croissances de
clientèles dans les secteurs non prioritaires. Le chiffre
nécessaire pour ce financement dépend des taux de croissances
réelles qui se produisent, et là encore on fait toujours face
à des surprises. Cela prend plus de prélèvements qu'on
avait prévus au début parce que les croissances sont plus
élevées.
L'autre volet qui est principalement touché par cela, c'est le
financement des locations d'espace. On ne permet pas aux universités de
construire de nouveaux immeubles; on leur demandent de faire face à
leurs besoins d'espace par des locations additionnelles et le coût de ces
locations est supporté, encore une fois, par un
prélèvement. Un prélèvement, cela veut dire que sur
l'enveloppe de l'enseignement supérieur on va aller chercher, par
exemple, 15 000 000 $ pour supporter les locations d'espace et 5 000 000 $ pour
les croissances de clientèles. Je donne les chiffres simplement à
titre d'exemple.
C'est ce type de financement que nous demandons qu'il soit
arrêté parce que cela a le même impact, pour nous, qu'une
coupure claire et brusque d'un montant correspondant. Maintenant, quant au
coût pour 1985-1986, je vais demander à M. Béland s'il a
des données plus précises pour répondre à votre
question.
M. Béland: Essentiellement, en fait, il y a trois
éléments dans les 85 000 000 $. L'hypothèse c'est un
coût d'indexation, d'augmentation ou d'inflation de 5,5% qui est
appliqué à toutes les masses, autant les salaires que les autres
dépenses, et 4% de croissance de clientèles pour 1985-1986, en
supposant que les clientèles additionnelles soient financées
à 70%. Maintenant le 4% et le 70% sont indépendants du virage
technologique? Non. Dans toutes les clientèles, en supposant qu'il y ait
une croissance de 4%. Ce qui fait un taux de croissance de la subvention, avec
les hypothèses qui sont sous-jacentes, de 8,3%. De sorte que
essentiellement ce qui est demandé pour 1985-1986, ce n'est pas de
récupérer les compressions des années antérieures.
Comme on s'attend à une croissance de clientèles qui serait de
l'ordre de 4% avec un taux d'inflation de 5,5% et qu'on ne demande pas que le
financement des clientèles additionnelles soit à 100% mais
à 70% pour tenir compte de la possibilité d'un coût
marginal qui est plus faible que le coût moyen, on dit que c'est 85 000
000 $ dans ces hypothèses.
Si les 85 000 000 $ ne sont pas là, qu'il y a un taux d'inflation
et puis qu'on a une croissance des clientèles, on dit: ce serait une
nouvelle compression de 85 000 000 $ pour les universités, étant
donné que la croissance des clientèles risque de se
réaliser de toute façon.
M. Ryan: Dans les 85 000 000 $, cela comprend le résultat
de la fin des prélèvements.
M. Béland: C'est exact.
M. Ryan: Très bien. (11 h 45)
M. Béland: C'est-à-dire que les 20 000 000 $ de la
fin des compressions ne sont pas dans les 85 000 000 $; ils s'ajoutent aux 85
000 000 $ et là on retrouve le chiffre de 105 000 000 $.
M. Ryan: C'est très bien. Vous parlez ensuite d'un
déficit d'opération de l'ordre de 30 000 000 $ pour l'ensemble
des universités pour l'année 1984-1985. Je crois me souvenir que
dans son exposé, hier, le ministre a parlé d'un déficit de
l'ordre de 3 000 000 $, je ne sais trop, 3 500 000 $. Je vois une grande
différence entre vos projections et celles du ministre. Cela illustre
peut-être que les contacts ne sont pas aussi directs qu'il faudrait dans
ces cas. Est-ce que vous pourriez nous donner des explications sur cela?
M. Béland: Ce que le ministre signalait, hier, avec 3 500
000 $, c'était le déficit accumulé au 31 mai 1984,
à partir des états financiers fournis par les universités.
De mémoire, les chiffres ont été compilés au
début d'octobre par le ministère de l'Éducation. Je
présume qu'il avait dans les mains l'ensemble des rapports financiers
des universités au 31 mai 1984. Les 30 000 000 $ résultent des
dépôts ou des acceptations par les conseils d'administration des
universités des budgets d'opération pour l'année
1984-1985. Cela est un déficit d'opération courante les 3 500 000
$ étant un déficit accumulé. C'est ce que j'ai compris,
hier, de la...
M. Ryan: J'ai reçu une réaction d'une
université à une proposition comme celle-là. Il y a une
université qui me dit: Le gouvernement a donné la directive aux
universités de réaliser l'équilibre budgétaire
à plusieurs reprises au cours des dernières années. Il y
en a qui ont été fidèles à cette consigne, il y en
a d'autres qui ne l'ont pas été. Est-ce que le gouvernement
agirait bien en compensant a posteriori ceux qui ne se sont point
conformés à la directive, est-ce qu'il agirait justement à
l'endroit de ceux qui ont appliqué la consigne? Peut-être
pourriez-vous me dire de quelle manière cette consigne vous a
été donnée? Est-ce qu'elle vous a été
donnée d'une manière formelle ou est-ce qu'il y a eu des
avertissements clairs que les déficits ne seraient pas pris en charge
par le gouvernement?
M. Hamel: II y a deux réactions à cela. D'abord, le
paragraphe signale l'ampleur du déficit d'opération que les
universités prévoient pour 1984-1985. Il est possible, il est
même probable que le résultat réel sera inférieur
à cela. On veut attirer l'attention sur ce problème qu'il y a
dans le système universitaire qu'il y aura à la fin de
l'année non seulement un déficit accumulé, comme
l'indiquait M. le ministre hier, mais qu'il y aura aussi un déficit
structurel à la base, et que cela en soi constitue pour les
universités qui ont à le supporter une compression
budgétaire pour rétablir l'équilibre. Nous ne faisons pas
de commentaires par ailleurs -vous l'avez noté - sur la façon
dont ces 20 000 000 $ pourraient être répartis entre les
universités. Nous disons: II y a un problème d'ensemble et il
faudrait ne pas l'oublier.
Maintenant en ce qui concerne la responsabilité des
universités vis-à-vis de l'équilibre budgétaire, on
pourrait discuter longuement sur cela. Les universités, à toutes
fins utiles, gèrent des budgets de dépenses, ne gèrent pas
de budgets de revenus. L'équilibre budgétaire s'atteint lorsqu'on
contrôle les deux volets de l'équation: revenus moins
dépenses = zéro. Alors, nos revenus nous viennent de subventions
et de frais de scolarité, les deux
sous la responsabilité du ministère de l'Éducation.
Lorsqu'on nous annonce des changements de règles, des compressions une
fois l'exercice financier commencé ou quelques mois avant le
début de l'exercice financier, je ne crois pas qu'on puisse nous tenir
rigoureusement responsables du maintien de l'équilibre
budgétaire. Je pense que pour avoir la responsabilité, il faut
aussi avoir la capacité d'intervenir sur les deux volets.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Hamel.
M. le député de Fabre et aide parlementaire du ministre de
l'Éducation.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je veux
remercier le CREPUQ pour son mémoire qui me semble de bonne tenue et qui
apporte un éclairage important à la commission. Vous soulevez une
question fort intéressante et mon collègue, président de
la commission, l'a soulevée. Je vais revenir rapidement sur cette
question. Elle me semble importante. C'est celle qui touche les indicateurs.
Les indicateurs visent à cerner trois grandes réalités,
dites-vous: la performance du secteur universitaire, son état de
développement et l'effort financier que le gouvernement et la
société y consacrent.
Or, cette question me semble assez importante parce que la commission va
avoir à porter un certain nombre de jugements. Effectivement on a
affaire peut-être pas à plusieurs indicateurs, mais à
plusieurs façons de faire cette évaluation, et je partage l'avis
de mon collègue qui disait au début qu'il serait important que le
gouvernement et le milieu s'entendent sur les données, qui devraient
être les mêmes.
Je veux vous donner quelques exemples qui m'ont frappé. Dans les
chiffres que vous apportez, vous partez de 1978-1979. Or, le ministère
de l'Éducation part de 1972-1973. C'est une année de base
importante et significative, compte tenu qu'en 1972-1973 le taux de
fréquentation était de 58% par rapport à l'Ontario. Si
l'on suit le cheminement, on arrive à un résultat fort
intéressant aujourd'hui: en termes de fréquentation de notre
clientèle québécoise, on est supérieur de 8%
à l'Ontario. Une autre donnée qui n'est pas uniforme: Le
ministère a retranché la première année
d'université du système ontarien et vous semblez l'avoir incluse.
Mais le ministère ajoute les clientèles à temps partiel du
Québec pour rendre la comparaison valable, ce que vous ne semblez pas
faire. Il y a des distinctions comme celles-là qui rendent
l'évaluation assez pénible. Par contre, vous établissez
clairement dans votre mémoire -et cela me semble important - que le
système québécois se compare encore avantageusement
à d'autres systèmes, notamment au système ontarien.
J'aimerais entendre l'Opposition dire cela à un moment donné. On
pourrait établir un consensus assez rapidement à ce sujet.
Je voudrais faire aussi un autre commentaire. Il y a des statistiques
sur lesquelles on pourrait peut-être s'entendre assez rapidement, c'est
celles de Statistique Canada. L'Opposition serait sûrement d'accord avec
les statistiques qui sont ici. Je vais donner seulement trois exemples qui
viennent de "Finance des universités, analyse des tendances." J'aurais
aimé que vous l'ajoutiez à votre mémoire parce que ce sont
seulement trois tableaux qui disent ceci: premier tableau: Dépenses des
universités, pourcentage du produit intérieur brut selon la
région. Or on voit que le Québec fait un effort nettement plus
considérable que l'ensemble des autres régions canadiennes. Si on
compare les dépenses des universités par habitant selon la
région, on voit qu'en 1982 on atteint à peu près
l'égalité avec toutes les autres régions, mais qu'à
partir de 1982 cela décline au Québec, légèrement
en tout cas. Là c'est une indication qu'il faut vraiment faire
attention. C'est un signal d'alarme.
Un autre exemple: les subventions provinciales de fonctionnement des
universités par habitant. Là aussi l'effort du Québec est
supérieur à celui des autres régions. Cela vous
intéresse peut-être, M. le député de Saint-Laurent:
on pourrait déposer ces statistiques fort intéressantes. Vous
devez les avoir, mais... Je comprends que cela n'est peut-être pas dans
votre intérêt de les montrer tout de suite. Cette question des
indicateurs est extrêmement importante. Finalement, ce qui en ressort
c'est que le Québec a dépassé l'Ontario dès
1980-1981 en termes d'effort financier. On peut s'entendre
là-dessus.
La question qui se pose, et je reviens au mémoire du ministre
parce que le mémoire a posé des questions fondamentales, est
qu'on constate un certain nombre de carences. Vous en parlez assez peu dans
votre mémoire, mais je vais vous demander de commenter un certain nombre
de choses. C'est au niveau des deuxième et troisième cycles qu'on
constate un certain nombre de carences, surtout chez les francophones, si l'on
se compare à l'Ontario. En tout cas, on a un effort à faire de ce
côté. Aussi pour augmenter le nombre d'étudiants à
temps complet, on a des efforts à faire. Là-dessus vous
êtes muets. Pourtant le cadre de financement fait des propositions et des
objectifs clairs dans ces termes. Qu'est-ce que vous proposez? Quelles sont vos
suggestions dans ce domaine?
M. Hamel: Je vais réagir à la question des
indicateurs brièvement, mais je vais demander à M. Gauthier de
prendre le
deuxième volet de votre question.
Je pense que vous avez raison de souligner l'importance de cette
question des indicateurs, sur laquelle nous nous sommes attardés. Car il
faut bien réaliser qu'on peut faire dire beaucoup de choses à des
chiffres. Si l'on veut utiliser des statistiques et des données pour
prouver un point de vue, c'est possible d'y arriver d'une certaine façon
en retenant les données qui nous sont favorables et en ne retenant pas
celles qui ne le sont pas. Et c'est vrai pour tous les partenaires dans un
même dossier. C'est la raison pour laquelle nous vous avons fait la
suggestion de convenir ensemble, au départ, d'un certain nombre
d'indicateurs avec lesquels on pourrait porter un jugement complet sur
l'enseignement supérieur.
Vous avez noté des bases différentes en termes
d'années et de séries chronologiques que nous utilisons. Vous
avez utilisé le cas de la fréquentation mais, par exemple, vous
allez voir des statistiques qui s'appuient sur la bande d'âge 20-24 ans
et d'autres 20-29 ans; et selon qu'on prend une bande plutôt que l'autre,
les chiffres ne sont pas les mêmes bien sûr. Bon! II faudrait
peut-être s'entendre sur ce qui est le plus pertinent pour bien juger du
cas. Ce n'est pas suffisant de prendre la bande 20-24 pour démontrer
qu'on a raison et que l'autre partie fasse le même raisonnement avec la
bande 20-29. Donc, je pense que ce sont des difficultés de
définition en ce qui concerne les critères sur lesquels on
devrait d'abord s'entendre.
Maintenant, en ce qui concerne la fréquentation au
deuxième et au troisième cycle, ce qu'en dit le document du
ministère, je vais demander à M. Gauthier d'y
répondre.
M. Gauthier (Germain): M. le Président, je voudrais faire
quelques commentaires seulement puis permettre à la discussion
d'évoluer là-dessus. C'est un sujet que je voudrais voir
déborder sur les questions des valeurs de société et des
valeurs de l'éducation dans une société donnée.
Je pense que la société québécoise
évolue progressivement et on l'a mentionné hier. Le ministre a
relevé un certain nombre de phénomènes qui
démontrent que, malgré les difficultés financières
dans lesquelles les universités se sont évertuées à
survivre, il y a eu des progrès qui ont été
réalisés. C'est un fait, c'est exact. Tout ne peut pas arriver du
jour au lendemain non plus. En termes financiers, les difficultés dans
lesquelles se sont trouvées les universités résident en
particulier dans l'ampleur subite des coupures qu'elles ont eu à
réaliser, parce qu'on peut apprendre à survivre si l'on s'adapte
progressivement. De même les types de population étudiante qui
entrent à l'université sont un phénomène de
société. Il y a eu des valeurs qui ont été
véhiculées qui ne favorisaient pas le développement de
l'enseignement supérieur. À part quelques facultés
très professionnelles qu'on avait historiquement, on allait peu à
l'université. Et le besoin de main-d'oeuvre a été
très considérable à un moment donné. Il n'y avait
vraiment pas de chômage. Les gens ne terminaient pas leurs études
universitaires et commençaient à travailler parce que, dans les
collèges classiques de l'époque, on avait besoin de professeurs
laïques en particulier pour prendre la relève. De sorte que les
études à temps partiel, ce n'est pas un phénomène
complètement nouveau. Il arrive aussi, je pense, que dans notre
société il y a beaucoup d'étudiants qui sont à
l'âge normal de la scolarisation universitaire et qui étudient
à temps partiel. C'est un phénomène que l'on constate. (12
heures)
Est-ce que c'est par des politiques d'incitation, d'accueil faites par
les universités que l'on va changer ce phénomène? Je me
pose des questions personnellement. Je pense que les universités peuvent
travailler à améliorer la situation, mais elles n'y arriveront
pas toutes seules, à mon avis.
Il faut avoir des bassins de population, d'ailleurs, pour alimenter les
études au premier cycle, aux deuxième et troisième cycles.
Il arrive que les politiques d'accessibilité que l'on a
développées au Québec ont été
considérables et ont amené le développement
d'activités universitaires à temps plein, à temps partiel,
à plusieurs cycles, d'ailleurs. Il y a des universités qui se
sont spécialisées là-dedans. Pour ne pas nommer
l'université à laquelle j'appartiens, je pourrais nommer le cas
de l'Université Concordia qui, depuis une quarantaine d'années,
se spécialise dans ce type d'activité; les activités
à temps partiel et les activités à temps complet le jour,
le soir, sont un tout qui forme la réalité de
l'université.
Il arrive aussi que les études à temps partiel viennent
soutenir la programmation des études à temps complet. On pourrait
donner des exemples de cela. Si on poursuit au niveau des deuxième et
troisième cycles... Je reprends le modèle de l'Université
Concordia, qui se spécialise en particulier à offrir des
programmes de maîtrise à temps partiel, c'est-à-dire des
gens qui sont dans le milieu du travail et qui viennent poursuivre des
études complémentaires sur le tas. C'est une valeur qui a
été véhiculée par une université et qui a
joué un rôle social extrêmement important, je pense qu'il
faut le reconnaître. D'autres ont essayé d'imiter aussi ce type de
présentation des activités.
Il arrive que les études à temps plein doivent être
réalisées dans des conditions acceptables et que la progression
valable est extrêmement importante. Par exemple,
l'Université de Montréal a atteint le seuil de 130
doctorats décernés annuellement: bon an mal an, je pense que
c'est à peu près le nombre de doctorats décernés
par l'Université de Montréal. Elle s'en glorifie et je pense que
c'est une bonne chose, c'est normal. Seulement, c'est une nouveauté dans
notre milieu d'avoir atteint ce niveau.
À l'Université Laval, on a atteint récemment le
seuil de 100 doctorats par année, et je pense que c'est tout à
fait récent. Les taux de croissance sont considérables au cours
des denières années, et ce, en dépit des
difficultés et des problèmes financiers que l'on a eu à
régler. Je pense que les objectifs peuvent être atteints, mais
ça prend une base, un niveau, un réservoir d'étudiants de
premier cycle pour alimenter le deuxième cycle; et de même du
deuxième cycle au troisième cycle.
Je pourrais dire aussi qu'on cherche, dans les universités,
à encourager l'accueil des étudiants de troisième cycle,
parce que c'est probablement le niveau où on est encore le plus faible
du côté francophone, entre autres, en utilisant même des
ressources, des fonds généraux, donc des subventions des
universités, pour donner de l'aide à ces étudiants. Donc,
il y a vraiment des efforts considérables faits pour développer
les études de deuxième et de troisième cycle. Mais je
pense qu'il y a aussi la validité, la reconnaissance dans la
société de ce type d'activité avec des
débouchés qui sont acceptables. Si, par exemple, l'un des
débouchés normaux pour les étudiants du troisième
cycle c'est l'emploi dans lès universités et dans les centres de
recherche et que vous coupez le recrutement dans les universités, vous
ne motivez pas les étudiants à poursuivre des études de
troisième cycle. De même pour le développement de la
recherche. De sorte qu'il y a une écologie générale qui
permet de développer les études de troisième cycle. Et
malgré tout, malgré les difficultés financières et
les difficultés de débouchés, je pense que les
universités progressent de ce côté.
On a de la difficulté peut-être à poursuivre. Je
voudrais terminer par un point en particulier...
M. Leduc (Fabre): Je m'excuse. Je voudrais aussi que vous
répondiez - c'est très intéressant ce que vous dites -
à la question, c'est-à-dire par rapport au cadre de financement.
Est-ce que vous êtes d'accord? Sinon, qu'est-ce que vous
suggérez?
M. Gauthier (Germain): Par rapport au cadre de financement...
M. Leduc (Fabre): Oui, qui lui vise... Si je regarde les
objectifs du cadre de financement - je les ai ici - on veut consolider les
activités de premier cycle; stimuler les études à temps
complet et surtout les études de deuxième et troisième
cycle; améliorer la productivité des programmes des cycles
supérieurs; promouvoir le développement de la recherche et
renforcer la place de cette mission à l'université; promouvoir
dans les secteurs porteurs d'avenir pour le développement
économique et technologique du Québec la formation de la
main-d'oeuvre spécialisée. Donc, il y a des carences dans le
système. Le cadre de financement propose des orientations tout de
même précises. Êtes-vous d'accord ou non? Si non, qu'est-ce
que vous proposez comme modifications?
M. Gauthier (Germain): Je dois m'en tenir, si vous voulez, au
cadre du mémoire qui vous est présenté, et
là-dessus le cadre est relativement muet. Il favorise le
développement des études avancées et de la recherche, ceci
me semble évident et on peut le transmettre comme tel. Mais quant
à la formulation et à l'analyse critique du mémoire qui
est présenté... Je dois m'en tenir, personnellement aujourd'hui,
au cadre présenté par la conférence des recteurs, qui
véhicule une position commune sur ces problèmes.
M. Leduc (Fabre): D'accord. Une question plus précise
alors. Est-ce que la CREPUQ est d'accord avec les objectifs que je viens
d'énumérer et qu'on retrouve dans le cadre de financement du
réseau universitaire pour l'année 1984-1985?
M. Hamel: Nous n'avons pas, dans notre mémoire,
réagi à chacun des éléments du cadre de
financement. Nous avons particulièrement insisté sur les points
avec lesquels nous étions plus ou moins d'accord. Et en ce qui concerne
ces objectifs, je pense qu'on peut dire que les universités sont
largement d'accord avec cela. Lorsqu'on dit qu'on veut stimuler les
études à temps complet et surtout les études de
deuxième et troisième cycle, nous sommes bien sûr d'accord
avec cela. La répercussion de cela sur la formule de financement, je
pense que c'est une autre question.
M. Leduc (Fabre): Tantôt vous avez dit que les
universités peuvent travailler à améliorer la situation -
je l'ai noté - mais elles ne peuvent pas y arriver seules. On est bien
d'accord là-dessus.
Pour les universités, qu'est-ce que vous proposez pour qu'elles
en arrivent à améliorer leur système de gestion interne
-je vais vous donner des exemples - de façon à stimuler davantage
la recherche? Il est bien sûr que vous allez dire de l'argent - je
l'entends de l'autre côté - on en parlera plus tard; mais en
termes de modulation des tâches d'enseignement pour favoriser la
recherche, en termes de modulation de politique de
rémunération, en termes d'évaluation de la performance,
est-ce que vous vous êtes penchés sur ces questions qui touchent
les universités? Vous êtes d'accord, vous le dites: "Les
universités peuvent travailler à améliorer la situation".
Est-ce que vous vous êtes penchés sur ces questions qui touchent
les universités, qui touchent le fonctionnement même des
universités?
M. Hamel: Je répondrai à cela que nous nous
penchons continuellement sur ces questions qui concernent la gestion, bien
sûr, de chacun des établissements mais que, collectivement, dans
le cadre de l'analyse que nous avons faite du cadre de financement du
ministère et dans le cadre de la préparation de notre
mémoire relatif à ce document, nous ne nous sommes pas
penchés spécifiquement sur cette question pour réagir
à des questions de la commission, parce qu'il nous apparaissait que cela
déborde le contenu du cadre de financement.
M. Leduc (Fabre): Cela déborde, mais cela touche en
même temps, puisque le cadre de financement est assez large, tout de
même, à cause de ses orientations et de la philosophie qui le
sous-tend.
Une autre question. Hier, le ministre a parlé d'un certain nombre
d'objectifs qu'on ne peut pas poursuivre, c'est-à-dire qu'on peut
poursuivre pour l'instant de façon simultanée, mais qu'il faudra
peut-être remettre en question à un moment donné: la
réduction des coûts unitaires, l'accueil de la clientèle,
le gel des frais de scolarité, toutes ces questions qui sont des
objectifs sur lesquels on s'entend pour l'instant.
Concernant l'accessibilité, doit-on accepter - c'est une question
qu'on peut se poser - n'importe qui, n'importe où, n'importe quand, pour
n'importe quoi, comme cela semble être le cas actuellement dans notre
système au Québec.
Une voix: Global...
M. Leduc (Fabre): Oui c'est global, mais c'est assez quand
même... En tout cas, la perception que j'ai, compte tenu qu'il y a des
contingentements qui existent dans certaines universités pour certains,
etc, il reste qu'un étudiant peut vouloir s'inscrire à peu
près n'importe où au Québec. Est-ce qu'il y a des
rationalisations concernant l'accessibilité que vous suggérez,
que vous proposez? Avez-vous des commentaires à faire sur cette question
de l'accessibilité générale des étudiants?
M. Hamel: Oui. D'abord deux commentaires. Je pense que nous
n'acceptons pas n'importe qui, n'importe où, dans n'importe quel
programme; deuxièmement, je pense que nous ne devrions pas faire cela
non plus.
En ce qui concerne cette question d'admission, les universités se
sont donné collectivement, dans le cadre de la conférence des
recteurs, une politique générale. On a défini
collectivement un cadre; les universités, sur cette base, se sont
donné institutionnellement des politiques plus détaillées
en ce qui concerne l'admission des étudiants, notamment dans les
programmes de premier cycle, et il nous fera plaisir de faire parvenir à
la commission, dans le cadre de la demande de M. le vice-président, les
documents de la conférence qui ont été
préparés à cet effet et qui sont du domaine public.
M. Leduc (Fabre): D'accord, merci.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Hamel. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'aimerais vous remercier de votre excellent
mémoire. Je crois que vous avez tracé très clairement
l'histoire triste de l'état financier des universités. Ce qui
démontre, à mon avis, un record de "mismanagement" de la part du
gouvernement qu'on ne peut que qualifier de scandaleux.
Ce qui m'étonne c'est que les universités soient encore
tolérantes, et que vous n'ayez pas perdu espoir qu'on pourrait
reconsidérer peut-être les états financiers, le cadre de
financement pour les années à venir. (12 h 15)
On a entendu l'histoire de l'imposition du taux d'indexation sans
récompense, de l'érosion graduelle de l'autonomie des
universités, des politiques contradictoires, du manque de consultation,
de l'écart entre le discours du gouvernement et les actions du
gouvernement, surtout en ce qui concerne le virage technologique et
l'importance des universités comme ressource stratégique pour le
développement de nos ressources humaines. On a entendu l'histoire des
décisions arbitraires, des règles en retard, etc. Ce qui est
pire, je crois, c'est l'effort que le gouvernement fait constamment afin de
justifier leur accord avec des comparaisons avec la province de l'Ontario qui
sont souvent non pertinentes.
J'aimerais aborder maintenant la question du vieillissement surtout du
personnel scientifique dont le Conseil des universités a soumis un avis
en mars. Hier, le ministre en parlant de ce problème a dit apparemment:
Le conseil formule des recommandations très pertinentes à
l'intention des universités, lesquelles n'impliquent pas toute
l'injection de fonds additionnels. Alors, j'interprète cette
déclaration du ministre comme une affirmation que les
universités pourraient implanter les recommandations du Conseil des
universités sans fonds additionnels. Pour continuer les recommandations
faites par le Conseil des universités, avec lesquelles je présume
vous êtes d'accord, et la nécessité d'ajouter 40
scientifiques par année, je crois, au cours des prochaines dix
annnées, quelle est votre réaction à la déclaration
du ministre hier?
M. Hamel: Écoutez, en ce qui concerne ce problème
extrêmement important du vieillissement du corps professoral et pour
lequel les universités à même leurs maigres moyens tentent
de diverses façons de remédier à court terme et sans
beaucoup de succès bien sûr, ce problème du veillissement
est complexe. Si je comprends bien ce qu'a dit le ministre par rapport à
l'avis du Conseil des universités, il devait faire
référence à cette suggestion du Conseil des
universités voulant que les universités réduisent leur
nombre de chargés de cours à temps partiel et utilisent les fonds
ainsi dégagés pour l'embauche de nouveaux professeurs à
temps complet. Je pense que sur papier, c'est une suggestion qui, au
départ pouvait être intéressante en elle-même, mais
lorsqu'on l'envisage dans le cadre plus large des compressions
budgétaires que nous avons dû absorber, on doit comprendre que la
réduction des chargés de cours est déjà faite dans
les universités en très bonne partie, je présume, et elle
a été faite pour réduire l'ampleur des déficits
pour absorber les compressions budgétaires. C'est une marge de manoeuvre
que nous n'avons plus, à toutes fins utiles, pour répondre au
problème du vieillissement. Les seules mesures ou à peu
près auxquelles nous pouvons référer actuellement dans le
cadre de nos budgets de fonctionnement, ce sont des mesures qui ont trait
à la retraite accélérée des professeurs et à
différentes façons qui constituent des incitations à cette
retraite accélérée.
Mme Dougherty: Alors, dans les recommandations que vous avez
faites à la fin de votre mémoire, avez-vous pris en
considération les coûts de ces mesures pour améliorer la
situation?
M. Hamel: Oui. Nous endossons dans cette partie de notre
mémoire la recommandation du Conseil des universités touchant les
11 500 000 $ pour l'année et, sur ces 11 500 000 $, il faut se souvenir
qu'il y a 1 500 000 $ pour faire démarrer ce programme correctif pour le
vieillissement des professeurs.
Mme Dougherty: Avez-vous mesuré ou évalué
l'impact de la loi 15 sur les universités à ce jour?
M. Hamel: Nous avons fait, au moment de l'étude de cette
loi, diverses représentations de nature générale
concernant les conséquences que nous soupçonnions que cette loi
pouvait avoir sur les universités. De plus, avons-nous des
données plus détaillées ici au Québec? Je vais
demander à M. Béland d'y répondre, mais je peux vous
indiquer que des discussions que j'avais récemment avec des
collègues d'autres provinces, on s'intéresse beaucoup à
l'expérience que vit le Manitoba qui, depuis à peu près
quatre ans maintenant, est sous une loi semblable. L'expérience des
universités est que les professeurs d'université ont tendance
dans une assez forte proportion - c'est de l'ordre des trois quarts, de 75% -
à continuer à travailler au-delà de l'âge
antérieurement obligatoire de la retraite, alors que pour le personnel
non enseignant, il semble que le phénomène est à
l'inverse. Mais le phénomène est trop récent ici pour que
nous ayons des données pour nos universités.
Mme Dougherty: J'essaie d'évaluer l'impact à long
terme des 40 équipes de recherche et je me demande ceci: Étant
donné la situation grave de dégradation que vous avez
décrite et en particulier l'impact négatif sur votre
capacité des universités de recherche,
préféreriez-vous - c'est une question hypothétique,
quoique c'est peut-être important - recevoir des fonds demandés
dans vos recommandations au lieu des actions structurantes imposées par
le gouvernement? En d'autres mots, le gouvernement aurait-il dû
procéder autrement afin de réaliser son but de renforcer la
capacité de recherche de nos universités?
M. Hamel: D'une façon générale, je pense que
l'on peut dire que les universités préfèrent recevoir leur
financement pour assurer le maintien et le développement de leur
infrastructure, donc, d'une façon globale et non orientée. Par
ailleurs, lorsque le gouvernement, et l'on vit quelques cas actuellement dans
ce domaine-là... Vous parlez des actions structurantes, mais c'est vrai
indirectement de centres de recherche du côté du ministère
de la Science et de la Technologie. Lorsque l'alternative qui nous est
présentée, c'est un nouveau programme orienté ou rien du
tout, on préfère, bien sûr, ce nouveau programme qui
effectivement nous aide. Les objectifs du programme d'actions structurantes
sont des objectifs valables et vont contribuer, mais peut-être pas autant
que ce qu'on en espère au départ, par ailleurs, étant
donné l'affaiblissement de l'infrastructure des
universités...
Mme Dougherty: Est-ce que vous êtes
d'accord, compte tenu de ce que vous avez dit dans votre réponse,
est-ce que le but de l'implantation de quarante équipes risque
d'être compromis par la situation de dégradation actuelle si on
n'ajoute pas les millions de dollars que vous avez réclamés? Je
crois que M. Giroux a quelque chose à dire.
M. Giroux: Oui, M. le Président, je pourrais commenter
cette question des actions structurantes et des effets sur les
universités, parce qu'il faut voir une caractéristique de tout ce
qui s'appelle programme de subvention à la recherche présentement
dans les universités qui arrive par différents organismes;
j'assimile le programme d'actions structurantes à un organisme
subventionnaire. C'est que cela ne finance toujours qu'une partie du coût
réel de la recherche. C'est toujours d'un financement partiel que l'on
parle, que l'on parle du programme FCAC-équipes ou que l'on parle des
programmes des organismes subventionnaires autres au Québec et à
Ottawa aussi.
Il est très clair que l'implantation des quarante équipes
dans le programme d'actions structurantes va créer une pression
additionnelle sur les ressources des universités, parce que les quarante
équipes prévoient essentiellement des salaires et un peu
d'équipement, relativement peu; on invite les universités
à se prévaloir d'autres programmes pour répondre aux
besoins d'équipement des équipes, mais ces équipes doivent
être logées, il n'y a rien de prévu pour les locaux et ils
doivent être assurés d'une infrastructure. Donc, il y aura une
pression supplémentaire. Et si l'on prend votre question à la
lettre, on doit répondre que oui ce sera plus difficile d'implanter les
quarante équipes s'il n'y a pas un redressement du financement. Mais
comme c'est vrai aussi, je dois généraliser ma réponse.
Sur l'ensemble des activités de recherche présentement qui n'ont
pas pu progresser depuis plusieurs années en raison des compressions
budgétaires autant qu'elles auraient dû le faire, il y a des
quantités de chercheurs potentiels d'il y a cinq, quatre et trois ans
qui sont disparus du système de recherche ou qui n'y sont pas
entrées, parce que les universités n'avaient pas les
crédits nécessaires pour pouvoir assurer le ressourcement du
corps professoral. Donc, il y a un effet très net de ce
côté.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Mille-Îles.
M. Champagne: Merci M. le Président. Je veux remercier les
représentants des universités de la Conférence des
recteurs et principaux des universités du Québec de s'être
présentés devant nous. J'ai lu avec beaucoup d'attention le
mémoire qui est fort intéressant. Contrairement peut-être
à la députée de Jacques-Cartier qui voit une triste
histoire dans l'évolution des universités du Québec, le
tableau n'est pas si sombre. Elle n'aime pas que l'on fasse des comparaisons
avec l'Ontario; je lui dirai simplement qu'au sujet des frais de
scolarité, il en coûte deux fois plus cher pour les
étudiants ontariens comme frais de scolarité. Je donnerai ici un
deuxième point concernant l'accessibilité. Je pense qu'on n'a
rien à envier à l'Ontario au sujet de l'accessibilité.
Justement, la Conférence des recteurs et principaux des
universités du Québec souligne le constat du fait que le
rattrapage a été fait. En 1972, la fréquentation au
Québec était de 58% en comparaison à celle de l'Ontario
et, au moment où l'on se parle, pour 1984-1985, elle est de 8%
supérieure en Ontario. Alors, Mme la députée de
Jacques-Cartier, je pense qu'il y a des éléments positifs dans
les politiques du gouvernement du Québec.
C'est sûr, messieurs les recteurs, que le gouvernement a aussi un
objectif d'excellence. L'objectif d'accessibilité a été
atteint et, comme vous le constatez, faut-il aller plus loin et tendre à
l'excellence. Il y a deux éléments qui retiennent votre attention
et la nôtre d'ailleurs: la fréquentation aux études
à temps plein et, un deuxième élément, ce sont les
études que vous qualifiez de graduées, les études
supérieures, à savoir les études du deuxième et du
troisième cycle. Des universités sont très sensibles
à leur autonomie. Hier, on entendait le député
d'Argenteuil parler de dirigisme de la part du gouvernement ou du
ministère, certains recteurs d'université se sont plaints du
dirigisme du gouvernement. Enfin, lorsqu'on suggère des choses,
ça demeure comme image de dirigisme, mais lorsque les gens des
universités doivent mettre sur la table certaines politiques, on le fait
d'une façon plutôt timide. (12 h 30)
Considérant qu'à la fois le gouvernement et les
universités tendent vers l'excellence, dans les deux domaines dont il
est question, à savoir les études à temps complet, ce qui
est une de vos priorités, et les études graduées des
deuxième et troisième cycles, je voudrais savoir de votre part
quels sont les ajustements que vous prévoyez faire pour atteindre cette
politique des études à temps plein et des études
graduées? Quelle est la politique que vous comptez mettre sur la table
pour pouvoir réaliser ces deux objectifs dont vous nous avez
parlé ce matin?
M. Hamel: D'accord. Si je comprends bien votre excellence,
ça se traduit par des
politiques d'accessibilité pour les étudiants en temps
complet au premier cycle et ensuite aux deuxième et troisième
cycles. En ce qui concerne le premier cycle, c'est celle que j'ai
déjà indiquée concernant les politiques que les
universités se sont donné depuis quelques années, qu'elles
ont rendues publiques concernant leurs critères d'admission au niveau du
premier cycle et les modalités de leur processus d'admission pour que
les étudiants soient très clairement informés de ces
questions.
Les universités, pour favoriser l'accroissement de la
fréquentation à temps complet au premier cycle ont, dans bien des
cas, augmenté le niveau de contingentement de certains de leurs
programmes contingentés et, dans d'autres cas, ont levé
complètement ces contingentements. Je pense que les statistiques que
nous avons entre les mains de part et d'autres montrent clairement que les
universités, en ce qui concerne le premier cycle, ont fait des efforts
très considérables pour favoriser l'accessibilité la plus
large possible de nos jeunes.
En ce qui concerne les deuxième et troisième cycles, le
problème de l'accessibilité des jeunes à temps complet se
pose fort différemment, et M. Gauthier en a parlé tout à
l'heure. Il y va d'autres types de critères et c'est beaucoup plus les
étudiants eux-mêmes qui font les choix plutôt que les
universités. Les facteurs d'incitation comme des programmes de bourse
à des coops sont plus importants que des programmes de publicité
que les universités peuvent faire. Là aussi je peux vous assurer
que les établissements, individuellement, prennent toutes les mesures
à leur disposition pour favoriser l'augmentation de la
fréquentation des programmes de deuxième et troisième
cycles parce que, comme je l'indiquais tout à l'heure en réponse
à une question, les universités acceptent cet objectif
proposé par le Conseil des universités et accepté par le
ministre aussi, comme l'indique le cadre de financement, d'augmenter dans toute
la mesure du possible la fréquentation à temps complet de nos
programmes de deuxième et troisième cycles.
M. Champagne: Vous faites des efforts, mais je voudrais savoir de
façon plus concrète quels sont ces efforts pour tendre vers
l'excellence. Est-ce que vous avez déjà pensé à des
critères d'évaluation des professeurs, à des
critères d'évaluation de contenu de cours? Est-ce que, comme
recteurs d'université qui veulent une qualité meilleure
d'enseignement supérieure, vous avez déjà pensé
à des moyens comme ceux-là ou à d'autres moyens?
M. Hamel: Je vous indiquerai que les professeurs
d'université sont parmi les groupes de professionnels probablement les
plus évalués dans la société. Ils sont
évalués par les organismes subventionnaires de recherche d'une
façon très exigeante et dans le cadre de concours nationaux. Ils
sont évalués dans leur enseignement de façon assez
générale par les étudiants, par les collègues.
À mon avis, s'il y a un groupe de personnes qui est sujet à
évaluation fréquente et sérieuse, c'est bien le groupe des
professeurs d'université.
M. Champagne: Merci, M. le recteur, de cette information. Je
continue au sujet de ce que vous exposez au sujet de la recherche. On se
plaint, au Québec, et vous le constatez aussi, que l'enveloppe de
subventions des conseils fédéraux est insuffisante, que la part
du Québec au sujet de la recherche n'est pas adéquate. Elle
devrait être plus importante. On se plaint depuis plusieurs années
du fait que les universités francophones, particulièrement, n'ont
pas la part qui leur revient face au concours, face à la recherche, face
au fonds de développement de la recherche qui est offert par le
gouvernement fédéral. Avez-vous envisagé des actions
particulières? Avez-vous envisagé des domaines particuliers de
recherche auxquels les universités québécoises,
francophones particulièrement, devront s'attaquer, à savoir
quelles sont les actions pour aller chercher ces subventions à la
recherche? Et quel domaine allez-vous privilégier dans l'avenir?
M. Giroux: Je vais tenter de vous fournir certains
éléments pour répondre à votre question. Ici, il
faut distinguer ce que l'on pourrait appeler des actions collectives des
universités. Nous sommes ici, comme il est mentionné, comme on
l'a rappelé, à titre de représentants de la
conférence des recteurs. Il faut distinguer ces actions des actions des
universités elles-mêmes individuellement. Parce que autant, comme
universités québécoises, nous sommes en compétition
avec les autres universités des autres provinces au niveau
fédéral, autant aussi nous sommes, jusqu'à un certain
point, un peu en compétition les unes avec les autres et selon un genre
d'entente excellente où tout le monde a l'impression que même en
compétionnant, lorsque chacun y gagne, tout l'ensemble du Québec
y gagne en matière de développement.
Le mot d'ordre et la politique en matière de développement
de la recherche dans les universités québécoises
présentement est fort simple. C'est qu'il est reconnu par tous, et c'est
vrai un peu universellement dans les universités, que la recherche c'est
la source, c'est la lumière, c'est le renouvellement, c'est l'avenir.
Aucune université ne peut espérer bien remplir sa mission si elle
ne développe pas au maximum
ses activités de recherche et si elle ne permet pas à tout
son personnel, à tous ses professeurs, que chacun développe son
potentiel intellectuel au maximum. Et c'est un peu ce qui est derrière
cette insistance que l'on met dans les universités à vouloir
développer la recherche, c'est ce qui est derrière aussi la
politique gouvernementale à tous les niveaux, depuis quelques
années, de façon plus évidente et plus satisfaisante au
niveau du Québec et au niveau d'Ottawa, de vouloir renforcer la
recherche universitaire.
Cela dit, il est très clair que dans notre gestion de la
recherche - vous vous posiez des questions tout à l'heure - dans
l'ensemble des universités, cela fait l'objet de nos débats au
comité de la recherche, nous cherchons tous les moyens possibles pour
encourager les professeurs, les chercheurs à obtenir le maximum de
subventions des organismes externes et nous le faisons avec un certain
succès relatif. Notre succès est relativement insatisfaisant. Si
on compare les universités francophones aux autres universités du
Québec ou du Canada pour des raisons qui ont déjà
été analysées, encore une fois, à partir du livre
vert, certainement, et dans les derniers avis du Conseil des
universités, il y a un retard historique de développement de la
recherche et de la perception de l'importance de la science dans la
société canadienne-française. Ce retard est encore
ressenti présentement. Il y a des problèmes de structure de
cégeps et d'universités qui fait qu'il y a une assiette moindre
de personnels qualifiés au niveau universitaire pour postuler des
demandes de subventions auprès des organismes à tous les niveaux.
Ces choses sont assez connues.
Mais ceci étant, la politique demeure de pousser au maximum. Mais
dans à peu près toutes les universités, existent des
programmes internes de stimulation, d'encouragement au développement de
la recherche subventionnée. Ce qui est un peu ironique, pour revenir
à la question globale du financement des universités, c'est que
plus on réussit de ce côté, plus on crée des
pressions sur l'infrastructure; parce qu'il s'agit toujours d'un financement
partiel, peu importe de quelle source on l'obtient. Donc, il y a un manque
à gagner de plus en plus grand au niveau du financement par les
subventions du ministère de l'Education pour réussir à
faire les travaux de recherche.
La deuxième question que vous posiez était celle du choix
des domaines particuliers. C'est une question beaucoup plus complexe et
beaucoup plus - comment dirais-je - délicate jusqu'à un certain
point. Au niveau de la conférence des recteurs et au niveau de
l'expérience des universités, si on regarde, en
rétrospective, sur quinze ou vingt ans, il y a eu un grand nombre de
secteurs où il y a eu des ententes de bonne foi, parfois entre
départements dans différentes universités, parfois au sein
même de la conférence où on s'est un peu partagé
certains grands secteurs.
Il y a un certain nombre de choses qui se font conjointement entre deux
ou trois universités - celles de Montréal, par exemple -
là où la concertation, la coordination est plus facile à
établir. Certains autres secteurs, des universités comme Laval,
Montréal ou McGill vont s'associer pour promouvoir la recherche et se
complémentariser et partager des équipements importants.
On peut penser à l'océanographie, à l'astronomie comme
étant des exemples où il y a des équipements très
visibles.
Autrement, les organismes subven-tionnaires aussi ont joué un
rôle. Le programme, par exemple, de subventions à la FCAC-centre,
qui fonctionne depuis au-delà d'une dizaine d'années, a
joué un rôle dans une certaine spécialisation des
universités sur le plan scientifique en reconnaissant l'excellence qui
existait et en misant de façon un peu plus forte sur l'excellence.
C'est le seul critère, dans le fond, outre tous ceux qui nous
sont imposés de l'extérieur, le gouvernement ici avec le virage
technologique, le gouvernement à Ottawa avec les actions
thématiques, qui fonctionne depuis des années et qui, tout en
encourageant la recherche libre force un peu, oriente un peu certaines
recherches.
Le critère des universités est le seul qui soit valable,
étant donné l'admission à long terme, c'est celui de
l'excellence. Nous essayons toujours de miser sur l'excellence, à long
terme, et de développer l'excellence. Tant qu'on a des gens qui font de
l'excellente recherche, les autres mécanismes vont pourvoir amplement
aux besoins de l'orientation.
À l'inverse, c'est un peu une caricature, bien pousser sur la
recherche moins bonne n'est pas très utile, parce que les
résultats qui en sortent, évidemment, sont à la mesure de
la qualité des gestes qui sont posés.
M. Champagne: M. Giroux, dans votre première partie de la
réponse, vous avez fait ressortir le fait que plus vous allez recevoir
de fonds venant d'ailleurs pour la recherche, plus, soit l'université ou
le gouvernement sera obligé d'ajouter des fonds au fonctionnement de
l'appareil de l'université ou de la faculté, je ne sais quoi.
Cela veut dire que plus on en recevrait de l'extérieur -c'est ce que
vous voulez dire - plus l'université serait obligée d'investir
davantage. C'est ce que vous voulez dire?
M. Giroux: Si. Reprenons l'exemple simple des actions
structurantes; on a parlé de 40 équipes. J'oublie le chiffre
exact, mais
c'est quelque chose comme 800 emplois qui vont être
créés. Ces personnes devront être logées quelque
part, devront être assurées de services informatiques, de services
logistiques, de services de bibliothèques. Ce sont les secteurs du
virage technologique, donc des secteurs de pointe, dans lesquels la composante
équipement-investissement est extrêmement importante et dans
lesquels la documentation est toute récente, donc il faut faire des
acquisitions spéciales.
Cela, je pense que c'est inévitable. Quiconque examine la
situation doit reconnaître qu'effectivement il faudra ajouter aux locaux,
à toute l'infrastructure des universités pour supporter les 40
équipes, les 800 personnes qui vont arriver.
M. Champagne: Merci pour ces éclaircissements.
M. Hamel: Vous me permettrez simplement une intervention
supplémentaire sur cette dernière question. Le ministère
de l'Education a lui-même reconnu ce besoin parce que le document que
nous analysons, le cadre de financement, à son avant-dernier paragraphe
4.3 où on parle du développement de la recherche, indique
justement qu'il entend prendre des mesures, à compter de l'an prochain,
pour tenir compte de ce phénomène, c'est-à-dire
éviter que les universités qui progressent rapidement en
recherche, du point de vue du montant des subventions, soient trop
pénalisées dans leur fonctionnement.
Le Président (M. Charbonneau): Merci M. Hamel. M. le
député de Saint-Laurent. (12 h 45)
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, ce qui m'a
frappé surtout dans votre mémoire qui est très bien fait,
à mon sens, et qui situe très bien le problème, c'est
votre déclaration en ce sens que la qualité de nos
activités d'enseignement et de recherche diminue. Or, vous
établissez d'une façon très claire que la qualité a
baissé, a diminué. Alors, comment peut-on, à ce moment-ci,
surtout à la suite de la déclaration du ministre, hier, qui
affirmait que vraiment on n'avait pas touché à la qualité
de l'enseignement, parler de performance, de productivité quand la
qualité diminue? Je pense qu'on est rendu au point où on ne tient
compte de ce qu'on peut comptabiliser: Le nombre d'heures, le nombre de
professeurs, le nombre de programmes. Mais l'encadrement, enfin, ce qui est
important à mon sens, la relation entre le professeur et
l'étudiant cela est complètement mis de côté. En
tout cas, c'est ma perception; je ne sais pas si c'est la vôtre. Je
voudrais vous entendre sur cela, je pense bien qu'il y a un point qui est
drôlement important pour tous ceux qui se préoccupent de
l'éducation et de l'enseignement, c'est bien l'excellence, c'est bien la
qualité de l'enseignement. Or, vous mettez cela directement en cause.
Vous dites: C'est faux, M. le ministre, ce que vous avez dit. Nous, on
prétend que la qualité en a pris un coup. Je voudrais vous
entendre sur ce point.
M. Gauthier (Germain): M. le Président, c'est un point
extrêmement important, qui est au coeur des préoccupations des
universités, de donner une formation valable et aussi bonne que
possible. À ce point de vue, on ne peut pas s'éloigner
indûment de ce qui se fait ailleurs autour de nous, au Canada ou en
Amérique du Nord. Je pense qu'on doit augmenter la productivité,
on peut s'imposer d'être aussi bon que les autres sans que cela
coûte plus cher. Je crois que la société est en droit de
nous demander cela. Je pense qu'on peut difficilement lui demander de faire
beaucoup mieux avec moins de ressources, parce qu'on vit dans un contexte
socio-économique qui fait que les valeurs sont véhiculées
et que l'on se retrouve avec les mêmes ressources pour faire les
mêmes produits. J'admets l'analyse qu'a faite le ministre de
l'Éducation hier disant: II n'y a pas de relation directe entre la
quantité de ressources que l'on met dans une activité et la
qualité du produit qui en sort. Il n'y a pas de relation de
proportionnalité, mais, il y a quand même une relation qui existe,
parce que lorsqu'on s'en va à la limite, on s'aperçoit qu'il y a
des choses qui se différencient les unes des autres, forcément.
On en a des exemples quand les organismes d'accréditation qui font le
tour du Canada et qui examinent certains programmes de type professionnel nous
font des observations qui sont, la plupart du temps, reliées aux
ressources qu'on met dans les activités. D'ailleurs, c'est un ensemble
de données qui fait que le contexte affecte la qualité.
Vous avez abordé la notion d'encadrement, cela m'apparaît
évident que... D'ailleurs, je prends les chiffres du ministre, hier, le
nombre d'étudiants par professeur qui est passé de 1976 à
1982 de 15% à 18,1%. Cela a l'air de rien, c'est près comme
chiffre l'un de l'autre, mais au total, si l'on rapporte cela au nombre total
d'étudiants, cela veut dire 2000 professeurs. Il y a 2000 professeurs
qui n'ont pas été engagés, à peu près, et
parmi les plus jeunes et les plus dynamiques, les plus susceptibles de faire de
la recherche d'ailleurs, d'animer le milieu universitaire, donc de créer
une mobilité, un va-et-vient à l'intérieur des
universités. Cela m'apparaît, comme encadrement des
étudiants et comme disponibilité aux étudiants quelque
chose de différent que les mesures que l'on doit prendre en augmentant
les groupes indéfiniment. On peut prendre
comme modèle l'encadrement que les étudiants ont en Italie
ou en France où le rapport étudiants-professeur varie entre 40 et
50. Si on veut se rendre là, à long terme, il faudrait se le dire
et prendre des mesures en conséquence, mais je ne pense pas que ce soit
le modèle que l'on recherche. D'ailleurs, le ministre l'a dit, hier, on
est rendu aux questions importantes à se poser. On dit que cela devient
important. Le mémoire mentionne un exemple très
caractéristique qui concerne les investissements dans les
facultés d'ingénierie. Je pense que cela en est un type. Je
voudrais mentionner l'autre. Pour revenir à l'encadrement et au nombre
de professeurs, il y a un tableau fourni par le secrétariat de la
conférence des recteurs qui dit que pendant que le nombre
d'étudiants par professeur augmentait au niveau universitaire, au niveau
collégial, de 1977-1978 à 1980-1981, il a été
maintenu à 12,6%. Il s'est même amélioré, il a
passé de 12,6% à 12,3%. De sorte que cela n'est pas du tout le
même phénomène que l'on observe dans la qualité de
l'encadrement.
Vous avez mentionné un autre exemple et je pense qu'en
réponse à la demande qui a été faite tout à
l'heure d'étoffer les quelques pages reliées à la
qualité des activités universitaires, on pourrait donner des
éléments supplémentaires. Mais je voudrais en signaler un
en particulier qui m'apparaît extrêmement important, c'est le
nombre de livres dans les bibliothèques par étudiant. C'est une
ressource et une richesse. Les relevés proviennent de Statistique Canada
et portent sur 1982-1983.
Historiquement donc, au Canada, la moyenne de livres, de volumes ou de
publications par étudiant dans les bibliothèques était de
116; au Québec, elle était de 90. C'est l'héritage des
investissements qu'on a faits en enseignement supérieur jusqu'en 1982
qui donne cet indicateur.
La dépense faite en 1982-1983 pour la documentation par
étudiant au Canada était en moyenne de 168 $ et au Québec
de 129 $. Donc, on ne s'améliore pas par rapport aux années
antérieures. C'est par un certain nombre de données comme
celles-là très caractéristiques de ce qui est important
à l'université que l'on pourra compléter et donner une
idée de la valeur de la situation où on se trouve.
M. Leduc (Saint-Laurent): Quand vous reliez la baisse de
qualité au sous-financement - vous faites le lien - feriez-vous
également un lien entre ce sous-financement et le bas niveau de
diplomation, particulièrement au niveau de la maîtrise et du
doctorat?
M. Gauthier (Germain): Je ne serais pas porté à
faire le même rapport, parce que, comme je l'ai indiqué tout
à l'heure, il y a des développements historiques qui ont eu lieu.
Comme il a été mentionné, il y a eu un rattrapage
considérable qui a été fait au niveau du premier cycle. Il
se fait beaucoup d'études à temps partiel au premier cycle qui
retardent la production de la diplômation au niveau du
baccalauréat, mais il m'apparaît que la fréquentation
universitaire et la production au niveau de la maîtrise a atteint pas
loin du niveau de ce que l'on rencontre ailleurs au Canada, mais c'est en
particulier au niveau du troisième cycle. C'est un autre contexte qui
mérite d'être analysé en soi.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, je voudrais maintenant parler de
la répartition du financement à l'intérieur d'une
institution. Vous verrez si ma perception est bonne. J'ai l'impression que dans
certaines facultés dites dispendieuses on impose un contingentement
alors que dans les facultés non dispendieuses on ouvre les portes toutes
grandes. Ma perception est-elle bonne? Autrement dit, on affecte beaucoup de
subventions ou de revenus pour faire fonctionner certaines facultés
dites dispendieuses alors qu'on accepte peut-être un nombre
peut-être exagéré d'étudiants dans certaines
facultés non dispendieuses.
M. Hamel: Écoutez, je pense que la perception que
véhicule votre question n'est pas exacte. II serait intéressant
de faire une étude sur la motivation des étudiants en fonction de
leur choix à l'université. Je ne suis pas convaincu que les
étudiants sont influencés de façon immédiate par
des politiques de financement qui s'adresent aux universités. Je ne suis
pas certain, par exemple, que les étudiants sont même conscients
de ces politiques. Les étudiants sont influencés beaucoup plus
par des perspectives de débouchés sur le marché du
travail. Ce que font les universités d'une façon
générale actuellement, c'est de contingenter leurs programmes
principalement dans les secteurs où l'on a besoin d'installation de
laboratoire. Donc dans les secteurs de sciences et génie, on va
retrouver d'une façon générale plus de programmes
contingentés que dans les secteurs de sciences humaines où il y a
moins besoin de laboratoires, donc d'équipement
spécialisé. Et dans les secteurs de sciences et génie, il
y a eu des augmentations sensibles de niveaux de contingentement. Dans beaucoup
de secteurs de sciences humaines, il n'y a pas de contingentement. Donc les
universités ne ferment pas les portes, mais elles sont largement
ouvertes, et de plus en plus ouvertes, à ces clientèles
là. Je pense que les universités n'orientent pas leurs politiques
d'admission en les collant immédiatement aux
politiques de financement du ministère, elles sont des politiques
d'admission beaucoup plus larges que cela.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais vous semblez me donner raison.
Vous dites "dans les facultés où l'on doit investir dans les
laboratoires, dans l'équipement, on contingente" mais vous dites "en
sciences humaines, cela ne coûte pas cher et l'on ne contingente pas".
Or, c'est quoi votre politique de financement en fait à
l'intérieur de la boîte?
M. Béland: À l'intérieur des
universités, il y a une structure d'accueil dans différentes
facultés qui tient compte des composantes nécessaires tant au
niveau de l'enseignement magistral que de l'enseignement au niveau des
laboratoires et de l'encadrement des étudiants qui est nécessaire
pour la poursuite de ces études là.
Également, au niveau d'un ensemble comme les sciences, par
exemple, au niveau de la recherche, il y a des équipements qui sont
nécessaires et ces équipements aussi servent à
l'enseignement au niveau des étudiants principalement de deuxième
et troisième cycles, de sorte qu'il y a des contraintes qui sont
imposées au niveau physique, tant au niveau de la capacité des
locaux qu'au niveau des équipements scientifiques qui font que pour
être capable d'admettre un plus grand nombre d'étudiants les
investissments de base sont beaucoup plus grands que dans certains autres
secteurs. Sauf une chose, à mon sens, qui m'apparaît devenir un
élément qui va changer au cours des prochaines années et
dont il va falloir tenir compte. De plus en plus au niveau des sciences
humaines le laboratoire devient l'utilisation de l'informatique. Donc, toute la
question de l'introduction de la microinformatique et l'utilisation des
équipements scientifiques qui deviennent, à partir de la
capacité actuelle, toute l'informatique, on va se retrouver en sciences
humaines avec des laboratoires au même titre qu'en sciences mais avec des
équipements différents. Actuellement, on a de la
difficulté même à suivre le développement de ces
secteurs. Et c'est vrai en administration comme c'est vrai dans le secteur des
sciences humaines, ce que les sciences ont déjà fait au niveau de
l'informatique. On est en train de créer des laboratoires
nécessaires pour être capable de rendre les étudiants
capables d'utiliser des nouvelles méthodes de travail, et cela a aussi
des conséquences majeures sur le développement de ce secteur.
Quand vous dites, que l'on est obligé de limiter dans les
secteurs qui coûtent cher en termes d'infrastructure, il m'apparaît
clair que les universités ont cette perspective. Remarquez qu'il n'y a
pas juste les universités qui mettent des contingentements, même
le ministère de l'Éducation et le ministère de la
santé en mettent du côté de la médecine, mais c'est
évident qu'on ne peut pas accroître un contexte dans lequel on a
vécu depuis plusieurs années des investissements majeurs en
termes d'équipements scientifiques de façon à dire, on va
élargir le cadre dans ces secteurs. (13 heures)
II faut remarquer une chose, le ministre a utilisé, hier, le
chiffre 90% des étudiants dans le domaine du virage technologique,
supposons que c'est 80% ou 90%. Ce sont des secteurs dans lesquels on va
retrouver des contingenements dans la grande majorité. Si 80% de la
croissance des étudiants se fait dans ces secteurs, je pense que les
universités ont fait des efforts majeurs, beaucoup plus que ce qu'on
aurait pu être capable de faire pour pouvoir admettre les
étudiants dans des secteurs plus coûteux.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous reliez en somme la baisse de la
qualité de l'enseignement au sous-financement et vous dites dans vos
conclusions: II faudrait définitivement que le gouvernement injecte plus
d'argent. Le ministre nous a dit, hier, qu'il n'en était pas question.
Est-ce que ça veut dire que, encore là, la qualité de
l'enseignement va continuer de diminuer si le gouvernement ne vous donne pas le
financement que vous avez demandé et qui, selon vos déclarations,
est essentiel?
M. Hamel: À notre avis, c'est clair que si nous ne
trouvons pas une solution au problème du vieillissement du corps
professoral, donc si nous n'avons pas d'argent pour embaucher de nouveaux
jeunes professeurs, si nous n'avons pas d'argent pour renouveler nos
équipements scientifiques, si nous n'avons pas d'argent pour
améliorer nos inventaires de bibliothèque, la qualité de
notre enseignement va continuer de diminuer.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'avez pas d'autres solutions, en
fait. Vous dites que la seule solution, c'est d'injecter de l'argent, on a fait
tout ce qu'on pouvait faire, et on est à la limite. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député. Je vais enchaîner sur cela et revenir sur une
question que je vous ai posée tantôt. Il y a une patate chaude,
finalement, qu'on essaie de se renvoyer les uns les autres, que tout le monde
essaie d'éloigner, mais qui est là malgré tout. Vous
l'avez abordé un peu dans votre mémoire, c'est la question des
frais de scolarité. La patate chaude a à nouveau aujourd'hui une
page d'annonce des étudiants dans le Devoir et, j'imagine, dans d'autres
journaux. Est-ce que les recteurs du Québec, les principaux des
universités du Québec ont une position sur ce
problème des frais de scolarité? Est-ce que vous recommanderiez
au gouvernement et aux élus, finalement, à qui la patate va
arriver entre les mains, d'augmenter les frais de scolarité ou d'aller
vers d'autres solutions?
M. Hamel: Ce que nous disons dans notre mémoire et ce qui
est essentiellement notre position, c'est de signaler qu'on ne peut pas se
fermer les yeux sur la situation relative dans laquelle nous sommes au point de
vue des frais de scolarité lorsque nous nous comparons aux autres
provinces canadiennes et aux États américains. On sait ce qui
s'est passé ailleurs au Canada dans la vague de compressions
budgétaires que toutes nos universitées soeurs ont eu à
subir; on a fait appel à cet instrument que sont les frais de
scolarité pour permettre aux universités de compenser en partie
les réductions de subvention qu'elles recevaient des gouvernements.
Ce que nous disons, c'est qu'au Québec, compte tenu d'un gel des
frais de scolarité depuis 15 ans, on devrait peut-être, à
ce moment-ci, rouvrir ce dossier, examiner ce choix social qu'on a fait et en
mesurer à nouveau aujourd'hui les conséquences pour conclure,
s'il y a lieu, de maintenir la même situation, de les supprimer
complètement ou de les doubler. Ce que nous suggérons, c'est
qu'il y a lieu d'ouvrir un débat sur cette question. On a,
jusqu'à maintenant, au Québec, fait l'hypothèse qu'une
hausse des frais de scolarité constituerait un frein à
l'accessibilité à l'enseignement supérieur. Des
études faites récemment en Ontario laissent entendre que ce ne
serait pas le cas. On a fait un relevé auprès d'un grand nombre
d'étudiants qui ont refusé des offres d'admission à
l'université et on leur a demandé pourquoi ils avaient
refusé. Dans leur réponse, à peine 10% ont indiqué
que c'était pour des considérations financières, le manque
d'argent. C'est pour toutes sortes d'autres motivations que les
étudiants ne se rendent pas à l'université.
On a des données nouvelles qui devraient permettre, à
notre avis, de rouvrir le dossier. Ce que la conférence des recteurs
dit, c'est qu'elle est prête à participer â des discussions,
à des études là-dessus, mais nous ne sommes pas
prêts à proposer une hausse de frais de scolarité, parce
que cette étude qui aurait lieu de faire n'a pas encore
été faite. Ce que nous disons cependant, c'est que, de notre
point de vue, s'il y avait une hausse de frais de scolarité
décidée par le gouvernement, cette hausse devrait du moins, en
partie, profiter aux universités sous forme de revenu additionnel et ne
pas s'engouffrer directement dans les coffres de l'État.
Le Président (M. Charbonneau):
Finalement, vous êtes très prudent. Vous nous dites: Il
faut ouvrir le dossier. En Ontario, là où ils l'ont ouvert, ils
se sont rendu compte que cela n'avait pas eu beaucoup d'impact sur
l'accessibilité, mais on est un peu au même point qu'on en
était tantôt. Le ministre l'a ouverte un peu, hier, la question,
vous l'ouvrez aussi dans votre mémoire, mais il n'y a personne qui,
après avoir ouvert la porte, ose entrer dans la cabane actuellement.
Est-ce qu'il y a des études d'entreprises de la part de la
Conférence des recteurs et des principaux des universités sur
cette question, ou si actuellement tout le monde regarde et dit: On va ouvrir
la porte, mais il n'y a personne encore qui est en mesure ou
équipé ou qui a fait des gestes pour voir à explorer cette
avenue? En faisant cela, je n'ai pas moi non plus de solution
particulière.
M. Gauthier (Germain): Je voudrais simplement rappeler qu'il y a
vingt ans cet automne, à ma connaissance, il y a une université
qui a demandé au ministère de l'Éducation si cela lui
serait acceptable d'augmenter les frais de scolarité? Et le ministre de
l'Éducation du temps lui a dit: Non, il ne faut pas faire cela. Depuis
ce temps, dans les universités, il n'en est pas question.
Si vous me permettez une remarque plus générale, les
universités sont fondamentalement un service public et ce sont les
responsables publics qui disent quel est le degré d'accessibilité
au service public. Je pense que c'est une décision fondamentalement de
redistribution de ressources dans la population parce que les frais de
scolarité couvrent de moins en moins de dépenses de sorte que
c'est une décision qui est fondamentalement politique. Les
universitaires peuvent avoir, à titre personnel, différentes
philosophies là-dedans, mais je voulais simplement dire qu'initialement
cela a été une décision politique de les geler. Cela
devrait être une décision politique de les dégeler.
Le Président (M. Charbonneau): C'est évident, mais
dans la mesure où, à un moment donné pour assumer ses
responsabilités publiques, les élus aimeraient bien avoir
l'éclairage des gens qui connaissent bien le milieu, qui ont une
responsabilité particulière différente de celle des
élus, j'imagine qu'on devrait être en droit d'attendre, comme
élus, une opinion franche et directe, oui ou non et pour telle raison,
de la part des recteurs.
M. Hamel: Je pense, M. le Président, que notre position
est franche et directe. Ce que nous disons, c'est que cette question devrait
être rouverte, réexaminée, réétudiée
et nous disons que nous sommes prêts à
participer à une étude que le gouvernement jugerait
opportune d'entreprendre sur cette question et qui permettrait à tous
les intervenants de faire entendre leurs arguments.
Le Président (M. Charbonneau): Le
vice-président.
M. Ryan: Oui, M. le Président. Sur cette question de la
gratuité, je voudrais rappeler un fait qui doit être inscrit au
dossier. Peut-être que le parti dont vous êtes membre est un des
grands responsables du climat qui existe actuellement, parce qu'il a inscrit
à son programme, il y a déjà plusieurs années, la
gratuité complète au niveau universitaire. Cela fait assez
curieux de voir le ministre qui vient se dandiner ici en disant: Il faut se
poser le problème. Le premier endroit où le ministre aurait
dû poser le problème, si vraiment il veut faire une action utile,
c'est au niveau du conseil général ou au niveau du congrès
général du Parti québécois. Je pense que c'est
là que vous devez d'abord vous interroger si vous voulez être
sérieux, les députés du Parti québécois, au
lieu de faire semblant de poser un gros problème à ces messieurs
qui sont dans une fonction où ce n'est pas leur responsabilité
première de prendre cette décision.
Je souligne, pour les fins de la discussion...
M. Leduc (Saint-Laurent): ...dans le mémoire?
M. Ryan: Oui, c'est soulevé à des tas de questions.
Vous, vous donnez l'impression de vous interroger avec une
sincérité absolue là-dessus. Vous avez un programme dont
vous êtes solidaires et vivez-le votre programme ou changez-le à
propos de ceci ou à propos d'autres sujets.
M. Champagne: Est-ce que vous avez un programme, monsieur? Vous
en avez un programme vous autres aussi?
M. Ryan: Sur ce point précis, le Parti libéral est
très bien placé, parce qu'il n'y en a pas un qui a fait autant
pour la gratuité au niveau secondaire et au niveau collégial,
mais qui n'a jamais le toupet de mettre dans son programme de gratuité
au niveau universitaire, parce qu'il savait que financièrement ce
n'était possible. Cela lui a coûté cher. Vous avez fait
beaucoup de millage politique avec cela, c'est votre droit, mais ne venez pas
jouer sur les deux tableaux en même temps, c'est cela qu'on vous
demande.
Deuxièmement, je voudrais souligner ceci. Depuis deux jours,
j'entends une insistance assez forte sur le développement des
études à temps complet dans les universités surtout au
niveau du premier cycle, parce qu'aux autres niveaux, cela va plus de soi. Je
voudrais exprimer une inquiétude à ce sujet. Il me semble que si
on ne fait pas attention, on va perdre de vue le grand objectif de
l'accessibilité auquel je souscris de tout coeur. Je pense qu'il y a des
études à temps partiel qui peuvent être des études
de très haute qualité intellectuelle. Il y a des étudiants
à temps complet qui peuvent être des cancres également. Je
ne voudrais pas qu'on laisse s'installer dans les esprits une confusion
à laquelle prêtent les priorités énoncées par
le gouvernement. Quand on lit les priorités qu'a énoncées
le ministre dans son exposé, hier, on ne trouve absolument rien qui
dise: II faut encourager ce mouvement de démocratisation en profondeur
qui nous a portés depuis une vingtaine d'années à inviter
les gens de toutes conditions, de tous âges, de toutes régions
à essayer de parfaire leur formation jusqu'à un niveau
universitaire. Il me semble que dans les priorités du gouvernement, il
faut réexaminer soigneusement ce point. Je ne sais pas quelle est la
position de la Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec, s'il y en a une j'aimerais l'entendre,
c'est un point sur lequel je me propose d'insister au cours des audiences
à venir de la commission, parce que surtout dans cette ère de
formation permanente dont aime parler le gouvernement quand il récite
des discours rédigés par d'autres probablement, il me semble que
cela va devenir de plus en plus important que l'adulte puisse avoir
accès à la formation universitaire pour des périodes
limitées. Cela va être à temps partiel, cela va être
bon quand même. Ce que je demanderais aux universités en retour,
par exemple, c'est de faire un travail d'élagage dans certaines
activités qui ne semblent pas toujours être de niveau
universitaire, mais qui se font sous la responsabilité des
universités. Je crois que c'est l'été dernier, un jour, je
feuilletais des pages d'annonces des établissements de
l'éducation dans un journal. Je voyais des cours d'espagnol et des cours
d'anglais et des cours de ceci et de cela et il y en avait un grand nombre - je
ne porte pas de jugement parce que je n'ai pas vu le contenu des cours
évidemment -mais a priori, j'avais des doutes sérieux sur le
niveau académique de ces cours qui étaient annoncés un peu
comme si c'était mis sur pied par des instituts de personnalité
ou je ne sais pas trop quoi - il y en avait également des cours de
développement de personnalité - entre parenthèses. Je ne
sais pas s'il se fait de ce côté, entre les universités, un
travail de concertation, un travail de nivellement de bon aloi, pour assurer
que tout en étant ouvertes à toutes sortes de formes
d'études... Je pense en
particulier à la contribution formidable qu'a apportée
l'université Concordia dans ce secteur, que j'ai bien connue quand
c'était le collège Sir George William, il y a trente et quarante
ans, et qui avait un esprit extraordinaire de ce point de vue, que je voudrais
non seulement ne pas voir se perdre mais se communiquer à l'ensemble de
nos institutions universitaires. Je voudrais savoir quelle est la position de
votre conférence sur ce sujet?
M. Hamel: Écoutez, je pense que dans cette discussion,
d'abord, il y a une distinction qu'on doit faire entre les études
à temps partiel et les programmes courts. En principe, qu'un
étudiant soit à temps complet ou à temps partiel, cela ne
change pas le contenu des études qu'il a à faire. Il y a des
étudiants qui poursuivent des baccalauréats à temps
partiel et je pense que le contenu de leurs études est
nécessairement aussi sérieux que celui des étudiants
à temps complet puisqu'en principe ils poursuivent le même
programme. Je pense qu'il faut faire une distinction entre cela et
l'introduction et le développement dans les universités de ce
qu'on a appelé les programmes courts, les programmes de certificats, qui
s'adressent plus spécifiquement aux clientèles à temps
partiel.
En réponse à votre question, M. le Président, je
dirais que la conférence des des recteurs n'a pas ouvert de dossier
là-dessus, mais le Conseil des universités en a ouvert un et le
conseil se prépare à donner au ministre de l'Éducation un
avis sur cette question. C'est à la lumière de cet avis que les
universités prendront position sur la question.
Le Président (M. Charbonneau): II me reste à
conclure. Ayant appris, lorsque j'étais l'employé de mon
vice-président, à relever le gant, je voudrais simplement lui
rappeler que si, dans son programme politique, on n'a jamais indiqué une
intention puriste de ne jamais geler les frais de scolarité, on s'est,
par ailleurs, comporté tout autrement quand on était au pouvoir
pendant un certain nombre d'années sous la direction du chef actuel.
Cela dit, je ne pouvais pas m'empêcher de le noter amicalement
à mon vice-président, il me reste, au nom de tous les membres de
la commission, à vour remercier, M. Hamel, et je m'excuse, les noms
m'échappent un peu, M. Gauthier, je pense, M. Béland et M.
Giroux.
Je pense que l'échange de propos que nous avons eu ce matin,
ainsi que le mémoire que vous nous avez présenté, ont
grandement contribué à éclairer nos lanternes et à
améliorer notre connaissance de ce dossier. Je pense que c'était
l'objectif des invitations que nous avons faites pour les rencontres de cette
semaine.
Encore une fois merci et à la prochaine. Je rappelle que, cet
après-midi, nous recevrons les différentes associations de
professeurs d'université.
Les travaux de la commission sont donc suspendus jusqu'à 15
heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 16)
(Reprise de la séance à 15 h 13)
Le Président (M. Charbonneau): La commission parlementaire
de l'éducation et de la main-d'oeuvre reprend ses travaux en vue de
l'étude des orientations et du cadre de financement du réseau
universitaire québécois pour l'année 1984-1985 et pour les
années à venir. Elle a le mandat d'examiner aussi, sans exclure
d'autres mesures ou sujets pertinents, le niveau des subventions aux
universités et leur répartition entre les établissements,
les sources de revenus des universités autres que les subventions
gouvernementales, la participation du gouvernement fédéral au
financement des universités et le partage des ressources à
l'intérieur des universités.
Cet après-midi, nous accueillons la Fédération des
associations des professeurs des universités du Québec, la
Fédération nationale des enseignants et enseignantes du
Québec et la Fédération des professeurs
d'université du Québec.
Madame et messieurs, bonjour et bienvenue à notre commission. Je
voudrais vous remercier d'avoir accepté notre invitation et vous
demander de nous excuser de la façon dont cette invitation vous a
été transmise. Il semble que nous ayons manqué
d'information, si bien que nous n'avons invité qu'un seul des trois
organismes aujourd'hui présents devant nous. Heureusement qu'on a pu
communiquer entre nous et faire en sorte que les deux autres puissent aussi
participer aux rencontres avec les membres de la commission parlementaire. Je
pense que, de toute façon, la méthode de travail que vous aviez
choisie, que vous aviez adoptée conjointement a facilité cette
décision de corriger l'erreur que nous avions faite.
Sans plus tarder, je pense que je vais demander - je ne sais pas
laquelle ou lequel va présenter le mémoire cet après-midi
- à Mme Robinson si elle voudrait bien nous présenter les
collègues qui l'accompagnent et, par la suite, faire la
présentation de vos positions en vous rappelant, comme on vous l'avait
indiqué lors de la communication, que si vous pouviez faire dans une
trentaine de minutes l'exposé préliminaire, cela nous permettrait
de prendre tout le reste du temps pour avoir un échange avec vous.
Mme Robinson.
FAPUQ, FNEQ et FPUQ
Mme Robinson (Ann): Merci, M. le Président, je voudrais
donc présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui: à
mon extrême droite, M. Mariel Leclerc, professeur à l'INRS
éducation - à gauche, je m'excuse, l'autre droite - et
président de la Fédération des professeurs
d'université, qui est affiliée à la CEQ; Gaétan
Lévesque, économiste à la FAPUQ; Gilbert Vaillancourt,
professeur en éducation, président du SPUQAM et
représentant de la FNEQ-CSN, et Hubert Stephenne, directeur
général de la FAPUQ. Je suis Ann Robinson, professeur en droit
à l'Université Laval et présidente de la FAPUQ.
La Fédération des associations de professeurs des
universités du Québec a été invitée à
présenter un mémoire à la commission parlementaire de
l'éducation et de la main-d'oeuvre qui tient des audiences sur les
orientations et le cadre de financement du réseau universitaire
québécois. La FAPUQ veut répondre à cette
invitation, mais elle n'est pas seule à le faire. S'associent à
elle les collègues dont les syndicats sont affiliés à la
Fédération nationale des enseignants et enseignantes du
Québec et à la Fédération des professeurs
d'université (FPU-CEQ). Ensemble, nous sommes signataires du document
qui vous est soumis et solidaires des positions qui y sont soutenues.
Ces positions ne concernent pas uniquement le financement et la
mécanique qui orientent le réseau universitaire. Nous traiterons
beaucoup du financement et des règles de répartition des fonds de
l'État, mais nos propos tenteront de dépasser ces contingences
pour faire apparaître plus globalement l'université et
révéler son importance pour la collectivité
québécoise.
Le discours que nous tiendrons passe par la réaffirmation ferme
de notre engagement en faveur de l'accessibilité, l'outil
privilégié de la promotion des Québécois et de leur
société. En dépit de l'apparence des chiffres, nous
croyons que l'accès à l'université est de plus en plus
menacée et que nombre d'appréhensions sont aujourd'hui
fondées.
Nous allons aussi montrer que les pratiques actuelles concernant le
financement des universités sont préjudiciables à
l'accessibilité, à l'université, de la
société québécoise et que ces pratiques ne
concordent pas avec les discours sur la planification et la coordination.
Le milieu universitaire a été saisi, ces derniers mois,
d'un projet nouveau de réaménagement des bases de financement des
universités. Cette question a paru suffisamment importante pour que
plusieurs intervenants la propulse sur la place publique et tentent de ranimer
le débat autour du financement global des universités.
Bien qu'elles se préoccupent de ce projet, les trois
fédérations de professeurs d'université ne voudraient pas
que le problème de la répartition, entre les universités,
des sommes allouées par le gouvernement vienne masquer l'essentiel des
difficultés qu'éprouve aujourd'hui l'enseignement
supérieur. Elles espèrent que les trois jours consacrés
par la commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre au
thème de l'université ne seront pas détournés au
profit d'une question moins cruciale, dans l'ensemble, que le niveau
inacceptable des subventions aux universités.
Mieux répartir ce qui est insuffisant, c'est sans aucun doute
réduire des iniquités, mais ce n'est en rien faire justice
à un secteur pourtant vital dans le développement de la
société québécoise. Les universités, sous
prétexte d'une rationalisation dont on cherche encore la
rationalité, ont été soumises à de nombreuses
pressions financières ces dernières années, pressions qui
tiennent à la conjonction de deux volontés contradictoires:
élargir l'accès à l'université, tout en
réduisant les coûts de fonctionnement.
C'est ainsi que les établissements universitaires assument
à eux seuls, cette année, 10% des compressions que tout
l'appareil gouvernemental s'est imposées et 50% des économies que
le secteur de l'éducation doit réaliser. Or, les
universités ne représentent que 3,5% de l'ensemble des
dépenses publiques et 16% des crédits de l'éducation. On
peut difficilement s'empêcher d'y voir un traitement discriminatoire
lié au peu de place qu'on veut accorder aux universités et
à l'avenir du Québec.
De tiers monde de l'éducation, comme nous le verrons plus loin,
les universités sont en voie de devenir le secteur
défavorisé de tout l'appareil public. Même lorsqu'il est
soucieux de réduire ses dépenses, le gouvernement s'approprie une
part de plus en plus grande du produit intérieur brut, mais la portion
réservée à l'enseignement supérieur décline
et ne représente plus que 0,9%, après avoir atteint le sommet de
1,1% en 1978.
On avait pourtant reconnu depuis longtemps - hormis durant la
période de déchéance dans laquelle on vient de les faire
tomber - que les universités constituaient un investissement social et
individuel de premier plan. Durant les dernières années, au
Québec, on les a réduites à un simple objet comptable
très utile dans l'effort d'équilibre budgétaire. Si cette
dépense doit être inscrite au débit des comptes
gouvernementaux, elle doit d'abord et avant tout, à notre avis,
être perçue comme une dépense en capital que l'avenir se
chargera de rentabiliser. C'est notre conviction de toujours. Nous l'avons
réaffirmé en 1981 et les indications actuelles la renforcent,
malgré
certains courants d'opinion qui ont tenté, ces récentes
années, de remettre en cause les avantages économiques de la
formation universitaire.
De récentes statistiques montrent en effet qu'un
diplômé universitaire, deux ans après son entrée sur
le marché du travail, peut espérer gagner 1700 $ de plus par
année qu'un diplômé du collégial. Même les
diplômés universitaires des disciplines non reliées au
secteur du virage technologique peuvent s'attendre à un revenu
supérieur à celui des diplômés des
collèges.
Non seulement la formation universitaire garantit-elle un meilleur
revenu, comme nous venons de le montrer, mais elle pare la malchance puisque
les détenteurs d'un baccalauréat n'ont été
affectés par le chômage qu'à 3,2% en 1981 au Canada, alors
que les diplômés du secondaire, âgés eux aussi de
plus de 25 ans, connaissaient un taux de 5,6%. Il faut par ailleurs noter que
la crise économique a surtout touché les 18-24 ans qui, pour la
plupart, ne détiennent pas de diplôme universitaire.
Ces avantages individuels sont aussi d'une importance sociale et
économique énorme, et le gouvernement les a sous-estimés
quand il a décidé d'hypothéquer le fonctionnement des
universités. Ils se traduisent surtout par un relèvement de la
qualité de la vie, encourageant la floraison des arts et de la culture,
préconisant des mesures sociales plus justes, améliorant la
santé, la sécurité de la population et établissant
des règles de droit. Cette courte énumération pourrait
être allongée de beaucoup que nous n'aurions pas
épuisé l'éventail des améliorations au
bien-être des citoyens que procure la formation supérieure.
Dans le milieu des affaires, où l'on sent que s'amorce un
renversement des attitudes à l'endroit des universités, on craint
que la crise de l'enseignement supérieur ne compromette l'avenir
économique. Le gouvernement, nous semble-t-il devrait, à son
tour, s'inquiéter vivement des effets de sa politique à l'endroit
des universités. La capacité concurrentielle du Québec
risque de souffrir des dommages irréparables.
La présence d'une communauté intellectuelle vivante dans
un pays, conjuguée à l'existence d'une main-d'oeuvre
qualifiée, justement formée par cette communauté
intellectuelle, a toujours compté parmi les premiers facteurs de
localisation des industries de pointe, de la même manière qu'une
force de travail sous-scolarisée, non syndiquée et avec peu
d'exigences salariales a contribué à faire pousser des secteurs
industriels mous. Le recteur de l'Université McGill rappelait pour sa
part - et fort à propos, d'ailleurs - que cela n'est pas par hasard que
l'industrie américaine de l'informatique s'est développée
dans la région de Boston et de la Silicone Valley. On trouve dans ces
régions les établissements universitaires parmi les plus
prestigieux au monde: le Massachusetts Institute of Technology et
l'Université Stanford.
L'apport des universités au bien-être et au
développement de la société est, en général,
discret parce que très spécialisé, mais ses effets se
répercutent sur toutes les couches de la société, sur tous
les groupes sociaux. Empêcher les universités d'évoluer
avec vitalité, c'est priver le Québec d'une contribution
exceptionnelle. Le niveau de financement actuel des universités est
porteur de dangers, comme l'est tout sous-investissement dans quelque
entreprise humaine. En refusant de reconnaître cette exigence, la
société québécoise gaspille ses ressources.
Le financement public des universités au Québec a subi une
chute dramatique ces récentes années, une chute
particulièrement accélérée depuis 1981. C'est ainsi
que tous les indices se rapportant aux revenus des universités, en
dollars constants, sont tombés de manière fulgurante. Entre
autres, les dépenses universitaires per capita, rapportées
à chaque étudiant à temps complet, avaient
déjà atteint en 1982-1983 un niveau inférieur à
celui de 1976-1977, sous la double influence de l'augmentation des
clientèles et du rétrécissement de l'enveloppe de
financement. Pour bien évaluer la situation, on n'a qu'à se
référer à notre graphique qui retrace l'évolution
du dépérissement universitaire et dont les courbes sont en chute
libre depuis 1977-1978. Il s'agit du graphique 3 que vous avez en annexe au
mémoire.
Il en coûte donc aujourd'hui moins cher à chaque citoyen
pour financer un étudiant universitaire qu'en 1976-1977. Les
universités sont même parvenues à réduire de la
moitié, par rapport à 1978-1979, le coût de chacun des
étudiants inscrits dans leur établissement. En fait, chaque
étudiant coûte à l'université les trois quarts de ce
qu'il fallait en 1976-1977. On ne s'étonnera pas alors de constater que
l'investissement collectif dans la formation d'un étudiant ait
chuté du tiers entre 1976-1977 et aujourd'hui. Peut-on ne pas
s'interroger sur la capacité qu'ont aujourd'hui les universités
de maintenir les services qu'elles doivent rendre à la
société? Prendre comme argument que les établissements
d'enseignement supérieur devaient, comme tout le monde, contribuer
à la résorption de la crise des finances publiques serait trop
simple. Ce serait surtout oublier l'incidence des deux facteurs dont nous avons
déjà fait mention et qui prouvent le traitement
inéquitable fait aux universités. Depuis 1977-1978, les
universités sont devenues le tiers monde de l'éducation au
Québec.
Le graphique 5, en annexe, nous indique
que la subvention par étudiant universitaire a suivi une courbe
prononcée et constante à la baisse depuis cette date. Le niveau
collégial a aussi subi de fortes pressions à la baisse, mais
elles ont été plus faibles. C'est quand on regarde les niveaux
primaire et secondaire publics que l'injustice devient criante. Ces deux
niveaux ont connu une baisse d'environ 10% depuis 1980-1981 contre 25% pour les
universités. Notre graphique montre que les deux secteurs sont partis
d'un même point, mais qu'ils ne se trouvent plus, aujourd'hui, à
égalité. Si les universités avaient été
traitées de la même façon que le primaire et le secondaire,
on devrait normalement les retrouver ensemble huit ans plus tard. Comment
expliquer aujourd'hui que l'écart qui les sépare soit de 65
points? Entendons-nous bien! Le gouvernement n'a pas à prendre appui de
cette observation pour justifier une nouvelle tentative de nivellement, comme
il n'a pas non plus à accuser ces niveaux d'enseignement d'avoir
créé pareille situation. Les préjudices imposés aux
universités sont le fruit de ses propres décisions.
Le sous-investissement, pris globalement, ne reflète pas toutes
les difficultés. Il néglige certaines incidences qui, en somme,
imposent une double facturation aux universités. Le Conseil des
universités a maintes fois souligné, ces dernières
années, que les locations d'espace équivalent à une
nouvelle coupure de 20 000 000 $ annuellement. Qui plus est, par les
mécanismes actuels de financement, ce sont non seulement les
établissements locataires qui assument ces coûts, mais l'ensemble
des universités.
La réorientation des clientèles dans les différents
secteurs disciplinaires constitue une autre réalité quotidienne
difficile à vivre et que les chiffres globaux ne reflètent pas.
En 1983-1984, plus de 80% des nouvelles clientèles se sont inscrites
dans les secteurs dits du virage technologique. Cette tendance contraste
fortement avec les habitudes de distribution des nouvelles clientèles
étudiantes. Or, dans ces secteurs, le coût par étudiant est
deux à trois fois plus élevé que dans les autres
disciplines. Cette pression supplémentaire sur les finances
universitaires n'a pas été compensée par le
gouvernement.
Il est difficile de montrer l'amplitude des effets négatifs du
sous-investissement dans les universités. On peut en voir une
manifestation dans le ratio professeur-étudiants qui a grimpé de
30% en moins de dix ans, au point que le Conseil des universités
estimait déjà, en mars 1983, qu'il faudrait 1500 professeurs de
plus au Québec pour ramener ce ratio au niveau de celui de l'Ontario.
(15 h 30)
Les budgets des bibliothèques ont été
amputés, malgré la hausse constante et particulièrement
forte du prix des livres. Les salles de cours sont régulièrement
surpeuplées. Les étudiants en informatique, par exemple, à
défaut d'équipement et de locaux, doivent passer la nuit dans la
salle des ordinateurs et reprendre les cours au matin. Des étudiants -
pas les mêmes, faut-il espérer - s'astreignent à suivre
huit à neuf heures de cours dans la même journée parce
qu'on refuse de répéter les enseignements, parce qu'on
dégonfle les banques de cours pour réaliser des
économies.
Ces exemples, qui risquent de paraître mesquins et triviaux, sauf
à ceux qui ont à les vivre chaque jour et qui en mesurent mieux
l'impact, ont des effets importants sur la société
québécoise en général et mériteraient
d'être considérés. On pense ici, en particulier, aux effets
du sous-investissement universitaire sur la recherche. De 1973-1974 à
1982-1983, la portion des dépenses totales attribuables à la
recherche subventionnée a eu tendance à stagner au Québec,
alors qu'on observe une progression en Ontario. Mises en relation avec les
dépenses de fonctionnement seulement, on constate que les
activités de recherche ont atteint leur point culminant en 1977-1978 et
qu'elles déclinent depuis.
Deux conclusions doivent être tirées de ces constatations:
ou bien les coûts de la recherche sont de plus en plus assumés par
les budgets de fonctionnement, ou bien le contexte actuel oblige les
universités à concentrer leurs efforts sur le fonctionnement,
délaissant la préparation de projets de recherche. L'une ou
l'autre hypothèse ne peut aider le Québec à
progresser.
Une autre conséquence, tout aussi dramatique, ne peut être
passée sous silence. Les universités viennent à peine, et
de façon marginale, de rouvrir des postes de professeurs. Nous voulons
souligner, à la suite du Conseil des universités et de
l'Association des universités et collèges du Canada, les
problèmes de relève qui apparaîtront au Québec
durant les années quatre-vingt-dix si les universités ne
renouvellent pas leur corps professoral. La majorité des professeurs
actuels a été engagée durant les années soixante et
au début des années soixante-dix, quand le Québec a
décidé d'investir massivement dans l'éducation.
Ces professeurs arriveront en fort contingent à l'âge
normal de la retraite au début de la prochaine décennie. Si la
société québécoise veut éviter de
répéter l'expérience des années soixante et
pratiquer à nouveau l'importation massive d'aspirants professeurs, elle
doit immédiatement planifier puisque c'est une volonté clairement
énoncée - le renouvellement du corps professoral. La
société ne peut non plus laisser en attente ces jeunes
Québécois
qu'elle a formés pour la carrière universitaire. Elle ne
peut faire languir cette relève prometteuse à qui l'avenir ne
garantira plus rien parce que, faute d'expérience, elle sera
écartée au profit d'étrangers. Des coûts sociaux
viendront s'ajouter aux coûts de l'éducation et on parlera
à juste titre d'un gâchis collectif.
De ce qui précède, on aura remarqué une constante:
l'année 1978, année charnière entre le
développement et le sous-développement des universités.
Que s'est-il produit cette année-là qui ait provoqué ce
désintérêt de l'État pour l'université? En
1978, le gouvernement a entrepris de modifier la formule de calcul des
subventions aux universités, anticipant une chute importante des
inscriptions universitaires en 1981-1982. Il y a eu visiblement erreur.
S'appuyant sur des prévisions établies pour l'essentiel
à partir d'études démographiques, un comité du
ministère de l'Éducation et des directions
d'établissements avait réalisé, en 1977, le
scénario de décroissance des populations étudiantes. La
réalité les a fait mentir. Non seulement les inscriptions
universitaires n'ont-elles pas commencé à décroître
en 1981-1982, mais elles n'atteindront surtout pas leur plancher en 1984-1985.
On les annonce déjà à la hausse.
Contrairement à ce qui était aussi prévu, elles ne
se stabiliseront probablement pas non plus de 1984 à 1991. Le Conseil
des universités, qui critiquait l'année dernière les
prévisions du ministère quant à l'évolution des
clientèles, a carrément contredit ces scénarios,
même les plus récents.
Faut-il souligner, par ailleurs, que le Québec n'a pas rejoint
ses voisins à la fois quant au taux de fréquentation
universitaire et quant au taux de scolarisation. Il a toutefois
réalisé un pas important, mais soutiendra-t-il l'effort jusqu'au
bout? Si la proportion des 25-34 ans ayant fréquenté
l'université a progressé de 40% entre 1977 et 1981, le taux de
scolarisation universitaire de ce groupe d'âge demeure nettement
inférieur à celui de l'Ontario et du Canada. En 1981, le
Québec n'avait pas non plus rattrapé l'Ontario quant au taux de
fréquentation scolaire des 18 ans et plus.
Les universités n'ont pourtant pas chômé, comme
certains seraient tentés de le croire comme d'autres le disent. Les
inscriptions d'automne dans les universités québécoises
ont augmenté, en moyenne, de 3,4% pour les études à plein
temps et de 7,9% pour celles à temps partiel entre 1975 et 1981. En
Ontario, pendant ce temps, elles ne progressaient pas de 1% pour les
études à plein temps et leur rythme était deux fois moins
rapide qu'au Québec pour les études à temps partiel.
Le Québec, tout autant que les autres sociétés,
sent la nécessité de planifier son avenir. Ce que nous venons de
montrer indique bien, toutefois, la fragilité des prévisions dans
cette démarche de planification pourtant essentielle au devenir
collectif du Québec. Notre histoire récente est d'ailleurs faite
d'oeuvres plus ou moins réussies de planification. Le gouvernement,
à l'instar de ses voisins, accuse aujourd'hui les facultés
d'éducation, par exemple, de peser trop lourdement sur les finances
publiques. Il peut tout à la fois en accuser l'appareil universitaire,
les administrateurs, les professeurs, les employés et les syndicats,
mais il faudrait aussi qu'il dise que ce sont là les résultats du
grand destin que l'État préparait pour le Québec durant
les années soixante. Si, aux yeux du gouvernement, elles paraissent
grever indûment les fonds publics, on aurait tort de les condamner au
rétrécissement. L'éducation prend aujourd'hui des formes
multiples et les facultés d'éducation sont les plus susceptibles
de formuler des réponses aux nouveaux besoins. Les problèmes
qu'il croit voir dans les facultés d'éducation, le gouvernement
pense les observer aussi dans le secteur des sciences humaines et sociales.
Voilà une autre évolution inattendue de la planification par
à-coups, par braquages subits. Qu'adviendra-t-il des nouvelles
priorités récemment définies?
Aujourd'hui, l'État voudrait délester de leurs ressources
ces secteurs qui seraient devenus mous. Les expériences des
dernières décennies révèlent seulement la
facilité qu'a le Québec de détruire son oeuvre en
construction pour aller en se précipitant, mais avec un retard certain,
s'édifier sur un autre chantier.
Nous voudrions faire comprendre qu'investir dans l'université,
c'est forger l'avenir en prévoyant les ressources qui permettront au
Québec d'affronter les défis qui l'attendent aux prochains
virages de l'histoire. Pour éviter de dépouiller la planification
de son sens, nous devons retenir prioritairement cette perspective et ne pas
démolir l'édifice que nous construisons depuis 20 ans et qui,
faut-il le rappeler, n'est pas achevé.
Les professeurs ne rechignent pas aux volontés de planification
de l'État. Ils ont des doutes sérieux sur la planification qui
s'effectue actuellement. Les nouveaux accents prioritaires ne doivent pas et ne
peuvent pas, à notre avis, emprunter aux secteurs soi-disant ou
momentanément mous, qui sont eux-aussi les murs portants de chaque
établissement universitaire. On ne doit pas délester de
ressources ces secteurs pour répondre aux priorités du moment.
Demain, un autre jour attend le Québec. Pour avoir choisi, encore une
fois, le rattrapage plutôt que l'anticipation, il pourrait être
encore, comme toujours, en retard au rendez-vous.
Nous souhaitons le maintien, à défaut du
développement, d'universités québécoises
diversifiées et équilibrées avec, bien sûr, des
accents ponctuels qui l'ajusteront aux besoins du présent sans pour
autant détruire ses fondements.
On invite aujourd'hui le monde universitaire à revoir les
règles de répartition des fonds publics entre les
universités. Essentiellement, la proposition du ministère est la
suivante: Dans un premier temps, il rééquilibre les bases de
financement des universités en procédant à un transfert
des ressources financières des établissements qu'il croit en
situation d'excédent vers ceux qui ont un manque à gagner. Cette
opération se fera sur trois ans. Dans un second temps, il propose de
financer les clientèles additionnelles selon les coûts
disciplinaires du réseau et en fonction des cycles d'études.
Si nous faisons abstraction des hypothèses sous-jacentes à
cette méthode de financement et des défaillances
méthodologiques inhérentes à ce type de calcul, nous
constatons que le poids relatif accordé aux coûts par discipline
et aux cycles d'études semble répondre à un besoin de
transparence auquel nous souscrivons. Ainsi, les coûts engendrés
par l'augmentation des clientèles, entre autres, seront plus
évidents et pourraient favoriser une prise de conscience de cette
croissance. L'exercice du ministère pour normaliser les dépenses
des universités répond par ailleurs à un souci
d'équité auquel nous ne sommes pas indifférents, d'autant
plus que la recherche universitaire y serait tenue pour un facteur
important.
Une critique encore préliminaire de la méthode
proposée par le ministère nous amène à croire que
des distorsions nouvelles surgirons puisqu'on oblige à réaliser,
sous l'empire d'une enveloppe fermée, l'adéquation entre les
dépenses normalisées et les dépenses réelles. Nous
avons par ailleurs de sérieuses interrogations sur les effets que
produira la mesure de la taille sur les coûts d'enseignement, de soutien
et d'administration. La fiabilité de ces résultats est
extrêmement discustable dans la mesure où la quantité
d'information disponible est soit insuffisante, soit non pertinente.
Le facteur éloignement, pour sa part, ne semble pas avoir
été mesuré, contrairement à l'annonce qui avait
été faite. Cette omission peut facilement expliquer les
résultats de la formule pour l'Université du Québec.
L'estimation des coûts résultant de ce facteur pourrait modifier
sensiblement la configuration de la formule. Le facteur recherche, quant
à lui, fait l'objet d'un traitement méthodologique qui, en
définitive, ne tient pas compte de l'importance des coûts
engendrés par la recherche et il provoquera d'autres distorsions. Enfin,
la méthodologie retenue ne permet pas de savoir si le réseau
universitaire évolue avec une structure de coûts efficace. Tout au
plus permet-elle d'établir une hiérarchie entre les
établissements.
En conséquence, il apparaît clairement que l'État
exercera un contrôle accru sur la gestion des ressources universitaires.
Ainsi, le phénomène des économies d'échelle, selon
la pondération du paramètre taille, poussera probablement le
ministère à exiger la fermeture de départements et la
concentration de disciplines dans certains établissements. Le coût
très élevé de la formation dans certaines disciplines
poussera aussi le ministère à favoriser le contingentement de
programmes, alors que les universités, en raison du taux de financement
des clientèles étudiantes dans les secteurs hors du virage
technologique, seront incitées à ne pas développer ces
secteurs en dépit des faibles coûts. Le corps professoral de ces
secteurs aura, lui, tendance à diminuer. L'engagement de nouveaux
professeurs, même dans les secteurs prioritaires, sera vraisemblablement
freiné à son tour parce que les administrations craindront qu'une
chute accidentelle de la clientèle ne diminue ultérieurement les
ressources financières.
Mais au-delà de cette critique interne de la proposition, il faut
noter que la démarche du ministère se fait à
l'intérieur d'une même enveloppe, une enveloppe qui
rétrécit chaque année. Ainsi, l'Université de
Sherbrooke, qui éprouve des difficultés financières depuis
dix ans, difficultés que le ministère a reconnues lorsqu'il a
transformé son déficit en dette à long terme, devient la
norme du réseau. Étrange et très révélateur
également Le gouvernement peut toujours transformer la mécanique,
il n'assure toutefois que la distribution un peu plus équitable de la
pauvreté.
Nous comprenons la volonté du gouvernement de coordonner
l'ensemble des activités universitaires, d'assurer l'harmonie et la
saine gestion des fonds publics qui sont consentis à l'enseignement
supérieur. C'est ce qu'il appelle rationaliser. Nous prétendons
qu'avec son approche dirigiste et autoritaire, il le fait mal. Sa
méthode laisse croire, ou entendre, que les universités n'ont pas
été en mesure jusqu'à aujourd'hui de répondre aux
besoins de la société et qu'il doit les prendre en main. C'est
ignorer l'importante mécanique que constitue l'institution universitaire
et méconnaître le rythme de l'appareil. Cela étonne de la
part, justement, du ministère de l'Éducation.
Il a toujours été difficile d'intégrer
l'université dans une planification à court terme. Elle s'ajuste
plutôt aux courants de fond. Elle a été humaniste à
la Renaissance et a préparé la révolution bourgeoise,
la
démocratisation sociale et politique. Puis, elle est devenue
technologique et professionnelle pour préparer la révolution
industrielle, l'expansion économique. Elle s'est faite ensuite sociale
pour réparer les injustices et assurer la répartition de la
richesse. Aujourd'hui, elle est toujours de son époque et prépare
une réponse à d'autres besoins. (15 h 45)
L'université québécoise, quant à elle, ne
déroge pas à cette tradition d'où elle tire son essence et
son inspiration. Elle est seulement un peu plus jeune et un peu plus fragile.
Comme les autres systèmes universitaires au monde, l'université
québécoise ne peut se dérober aux nouveaux
impératifs sociaux et aux nouveaux problèmes qui jalonnent la vie
de la société dans laquelle elle s'insère. Elle n'a pas
à vivre et elle ne vit pas dans une tour d'ivoire, mais elle doit
exister, croyons-nous, selon ses exigences qui ne sont finalement que des
obligations inscrites dans sa nature et dans les besoins de la
collectivité.
Nous restons fidèles aux principes de coordination que nous
définissions en 1981. La coordination ne doit pas être
forcée, mais plutôt venir de la base. La concertation ne doit pas
se faire pour demain, mais dans la perspective de la prochaine décennie
à tout le moins. La concertation ne signifie pas banalisation, elle doit
viser le développement, au lieu de chercher à raser et à
uniformiser. Nous ne sommes pas convaincus que le gouvernement, par les moyens
qu'il met en oeuvre au niveau du financement, ne se détourne pas des
buts de coordination poursuivis.
Désireuses de maintenir leurs ressources et de se dégager
des espaces de développement, aussi minimes soient-ils, les
universités jouent actuellement et de toutes sortes de façons
avec les règles de financement. Par ses propres règles, le
gouvernement les oblige à rivaliser sur le même terrain. Les
universités se livrent ainsi à une chasse effrénée,
à une bataille farouche, à une concurrence qui, sûrement,
n'est pas toujours loyale pour le recrutement des nouvelles clientèles.
Les méthodes d'incitation retenues dans le cadre du virage technologique
ne nous paraissent pas favoriser la concertation; elles invitent plutôt
tout le monde à la même table et provoquent ces
dédoublements coûteux que le ministère abhorre tant. Les
universités se voient contraintes d'aller toutes ensemble là
où le gouvernement investit son argent et toutes, en même temps,
négligent les mêmes secteurs. Chacun aura compris que nous
cherchons toujours la rationalité dont nous avons parlé plus
tôt. Nous espérons que les audiences de cette commission nous
permettront d'y voir un peu plus clair.
Avant de conclure et puisque la commission nous le propose, nous
voudrions aborder la question de la présence fédérale dans
l'enseignement supérieur. La FAPUQ, devant la Commission royale sur
l'union économique et les perspectives de développement du
Canada, plus communément connue sous le nom de Commission MacDonald, a
soutenu que l'enseignement universitaire était un domaine de juridiction
provinciale et qu'elle acceptait ce cadre constitutionnel malgré
l'intérêt que peut avoir le fédéral dans les
domaines de la recherche et de la formation professionnelle, en particulier.
Nous souscrivons tous à cette position.
Lors de la formulation de notre proposition, la fédération
n'ignorait pas qu'elle allait à l'encontre des desseins de quelques
planificateurs fédéraux. Elle ne pouvait pas être sourde,
par contre, aux intérêts du monde universitaire qui doit rayonner
hors de ses frontières et s'alimenter à la communauté
nationale aussi bien qu'internationale. Nous avons alors, tout en acceptant
l'esprit des ententes actuelles, articulé notre position autour d'un
mécanisme nouveau qui entraînerait des transferts
fédéraux supplémentaires vers les provinces dont le niveau
de la contribution per capita au financement des universités
excéderait la moyenne nationale. Nous avons donc opté pour
l'encouragement, au lieu de chercher à punir les délinquants.
Ainsi, par cette proposition et avec la volonté politique
nécessaire, il serait, à notre avis, possible pour le
Québec de gérer un développement réel plutôt
que d'administrer la décroissance de l'université.
Pour l'année 1984-1985, le gouvernement fédéral
disposera de 7 500 000 000 $ à verser en espèces aux provinces
canadiennes. Si on inclut les sommes provenant des transferts de points
d'impôt, la contribution fédérale au titre du financement
des programmes établis sera de 15 000 000 000 $, dont 26% sont
destinés au gouvernement québécois. Le
fédéral est tout à fait conscient de la dimension de ce
poste budgétaire et, compte tenu des difficultés
financières qu'il éprouve, on ne se surprend pas qu'il
entretienne l'espoir de réduire ses versements aux provinces. Ce
désir est d'autant plus impérieux qu'il a vu ses transferts en
espèces, pour le Québec en particulier, croître au rythme
annuel d'environ 12% depuis 1980, soit deux fois et demie plus rapidement que
les subventions québécoises de fonctionnement aux
universités.
Pareille situation a amené le gouvernement fédéral
à limiter à 6% et 5% les transferts à l'enseignement
postsecondaire. Elle l'invite également à intervenir directement
dans le financement des universités, outrepassant son domaine de
compétence. Il ne faut pas être grand clerc
pour comprendre le gouvernement fédéral de vouloir se
retirer du financement d'entreprises qui n'appartiennent pas à sa
juridiction directe, surtout si les responsables laissent ces mêmes
secteurs tomber dans la dèche. Pour avoir provoqué le
fédéral en réduisant sa propre contribution aux
universités, le Québec n'aura que lui-même à
blâmer cette fois, si Ottawa tente une nouvelle offensive de ce
côté.
La communauté universitaire est par ailleurs extrêmement
sensible aux divers projets de planification de la recherche universitaire
élaborés tant par le gouvernement fédéral que par
le gouvernement québécois. Dans le mémoire adressé
au Conseil des universités pour discuter de l'impact du financement
fédéral sur le développement du réseau
universitaire, nous avons reconnu que l'intervention d'Ottawa avait un effet
structurant majeur sur l'université québécoise, mais nous
avons estimé que cette influence ne constituait pas une raison pour se
couper de cette source. À notre avis, le Québec devrait
plutôt assurer une réception coordonnée de ces sommes.
Cette réception doit viser la cohésion à l'échelle
du Québec.
Nous avons d'ailleurs vivement apprécié l'attitude du
ministre de l'Éducation dans le dossier récent du financement des
centres de recherche. Cette démarche invitant le milieu universitaire
à définir, conjointement avec le gouvernement, les domaines
prioritaires nous paraît heureuse tout autant que la volonté de
coopérer avec le gouvernement fédéral. Le comportement de
ce dernier, toutefois, ne méritait pas de félicitations et nous
le lui avons exprimé.
Dans son approche générale du financement
fédéral de la recherche universitaire, le Québec devrait
pratiquer la même ouverture d'esprit. Il est possible pour le
gouvernement québécois d'accroître son influence en ce
domaine en proposant une politique intégrée de la recherche qui
n'exclurait pas, par définition, les champs d'intérêt
qu'occupe déjà le fédéral. Cette approche, à
notre avis, octroierait des ressources plus adéquates au Québec
pour le développement de la recherche. Il serait utopique de croire que
les chercheurs se couperont eux-mêmes de certaines sources de fonds
simplement parce que le gouvernement québécois en revendique
l'entière responsabilité.
Vous aurez noté que nous avons fait peu état,
jusqu'à maintenant, de nos préoccupations quant à
l'accessibilité. Elles n'ont pas changé. L'accès le plus
large possible à l'université demeure un des pivots de notre
position. Les fédérations maintiennent avec vigueur le principe
de la démocratisation de l'université tout comme elles acceptent
la définition qu'on en donne: Toute personne qui en a la capacité
devrait trouver une place dans les établissements d'enseignement
supérieur. Nous nous préoccupons plus aujourd'hui, toutefois, de
l'objet de cette accessibilité. À quelle université
convions-nous les quelques centaines de milliers de Québécois qui
fréquentent l'université ou qui se préparent à y
accéder?
Il faut bien voir que la logique du gouvernement, faite de la
négation de la nature même de l'enseignement supérieur,
nous oblige à tenter de résoudre une étrange
équation. Il nous faut concilier la réduction des dépenses
avec l'arrivée massive d'étudiants, tout en cherchant à
préserver les qualités qui démarquent l'université
des autres institutions scolaires. Cette équation est placée
à l'enseigne de la productivité.
Les universitaires et la société en général
auront donc à faire des choix pour résoudre cette
équation, ou pour la ramener au niveau du possible. Autrement dit, les
politiques actuelles nourissent les conditions d'une vague de fond qui remettra
en question ce principe social, ce profond objectif national. Les conditions
qui sont faites aux universités québécoises ne sont pas
différentes de celles qui existent ailleurs au Canada. Plusieurs
universités canadiennes contingentent de plus en plus leurs programmes.
L'accessibilité est aussi au coeur des débats sur
l'université ontarienne depuis que la ministre des collèges et
universités a formulé le plan d'une réduction des services
universitaires et l'imposition d'examens d'entrée, donc, la
transformation du réseau universitaire ontarien en un système de
plus en plus élitiste. Étant donné que, depuis plusieurs
années, le gouvernement québécois calque et son discours
et ses méthodes sur son voisin, sans magie il en arrivera
forcément aux mêmes conclusions. La vigueur du consensus social
sur l'accessibilité nous permet de croire qu'il sera difficile de rompre
avec la pratique des dernières années.
L'exemple venant d'en haut, de très haut même, la tentation
devient forte pour tous de ne chercher à sauvegarder que ce qui est
comptable. Avec pareille inspiration, on valorisera surtout le nombre d'heures
d'enseignement, le nombre d'étudiants, le nombre de projets de
recherche, le montant des subventions, le nombre des publications, le nombre
des communications, le nombre de postes aussi, mais, cette fois, dans la
perspective opposée.
On en viendra à négliger - et les étudiants nous le
reprocheront probablement demain - tout ce qui n'apparaît jamais dans les
livres comptables de l'État: c'est-à-dire la qualité,
celle de la recherche, des services à la collectivité, de la
critique sociale, celle de l'enseignement qui est faite aussi et surtout de
présence, de proximité, de disponibilité. L'encadrement,
qui tisse la
relation professeur-étudiants, qui élève le niveau
des enseignements et pour lesquels il n'existe pas de mesure, sera rangé
parmi les choses qu'on n'aura pas eu le temps de faire. Mais, demain, toutes
ces choses réapparaîtront dans les bilans des compagnies et dans
les comptes économiques du Québec cette fois. Personne ne pourra
expliquer pourquoi ces grands livres marquent des reculs. On en imputera
sûrement la faute aux syndicats qui protègent une main-d'oeuvre
incompétente.
Le tarissement des ressources devient aussi l'étranglement de
l'université. Que vaudra, finalement, cette accessibilité tant
recherchée si nous ne pouvons l'installer sur la relation vivante,
profonde et féconde entre professeurs et étudiants? Que vaudra
l'université si la recherche libre et appliquée ne peut
s'épanouir, entre autres, pour alimenter la relation
professeur-étudiants? Que vaudra cette université qui
éprouvera de plus en plus de difficultés à diffuser
à la collectivité le fruit de ses travaux et à fournir une
critique valable de l'évolution de la société?
Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, madame.
Compte tenu de ce que vous venez de dire et de ce qu'on a entendu ce
matin et hier, on ne peut faire autrement que de constater que les propos que
vous tenez quant à l'avenir et les mises en garde que vous faites sont
importants et doivent être pris en considération. Là
où j'ai un peu plus de difficulté à vous suivre et
où je voudrais avoir un peu de commentaires de votre part, c'est quant
au passé. On convient tous que les compressions ont été
sévères. Je pense que le ministre l'a reconnu hier et chacun,
à sa façon, l'a dit jusqu'à maintenant.
Or, vous avez affirmé, au début de votre exposé,
à la page 5 du mémoire, je crois, que les universités,
sous prétexte d'une rationalisation dont on cherche encore l'aspect
rationnel... Finalement, il y a eu des compressions qui vous ont
précipités dans une période de déchéance,
des compressions qui, finalement, n'avaient rien de rationnel. Je me dis:
Est-ce qu'on peut soutenir une telle affirmation lorsque, d'une part, on
constate quelle était la réalité du système
universitaire québécois par rapport à ses voisins et par
rapport aux performances qu'on est en droit d'attendre, avant même la
période des compressions budgétaires?
On a vu hier - et cela n'a pas été contredit
jusqu'à maintenant - que le système universitaire
québécois avait de sérieux problèmes, à la
fois au niveau du coût unitaire beaucoup plus élevé par
rapport à nos voisins d'une accessibilité qui était fort
imparfaite à ce moment et d'une productivité qui, elle aussi,
était contestable encore à ce moment, compte tenu des
comparaisons qu'on pouvait faire. Bien sûr, les comparaisons ne sont
jamais parfaites. Il y a donc eu une volonté politique gouvernementale
d'amener les universités à de meilleures performances en faisant
en sorte qu'elles aient moins de ressources et qu'avec les mêmes
ressources elles atteignent un certain nombre d'objectifs qu'on a essayé
de remettre dans la vague. (16 heures)
Ce qu'on constate, c'est qu'elles ont réussi très bien
à atteindre ces objectifs qu'on s'était donnés au moment
où on a fait un constat d'un certain nombre de difficultés. Ce
sont donc des difficultés qui ne sont pas apparues à cause d'un
régime de compressions, d'un mécanisme de compressions ou d'une
période de compressions qu'on s'était imposées. C'est la
première réalité.
La deuxième réalité, c'est qu'outre cette situation
est intervenue une crise économique. Je me demande si, là aussi,
on ne peut pas trouver une certaine rationalité dans l'action qui a
été entreprise et qui nous a amenés à un point
critique. Je pense que tout le monde reconnaît qu'on est rendu à
un point critique, mais le système universitaire québécois
pouvait-il échapper à un certain nombre de réflexions et
de compressions par rapport à la réalité dans laquelle
l'État québécois, qui est au service de cette
société québécoise, se trouvait à cause de
la crise économique? Peut-on penser que la crise économique
aurait dû amener le gouvernement à traiter d'une façon
particulière et privilégiée le service public qu'est le
réseau universitaire québécois, par rapport aux autres
services publics, dans le contexte d'une société qui vivait une
crise économique, la pire depuis 50 ans?
Je me demande pour quelle raison les fédérations
d'enseignants et de professeurs d'université ne font pas porter leur
analyse un peu plus loin et ne tiennent pas compte davantage de cette
réalité qu'était la crise économique? C'est comme
s'il n'y en avait pas eu, lorsqu'on vous écoute. C'est comme si elle
n'avait pas eu d'impact sérieux sur l'ensemble de la
société et, bien sûr, sur le réseau universitaire
québécois. C'est comme si, dans les choix politiques qui ont
été faits très ouvertement de privilégier, par
exemple, les actions visant à soutenir l'économie au premier chef
et la création d'emplois, il n'y avait pas là aussi un effet
d'entraînement positif pour l'université et le secteur
universitaire. Dans la mesure où l'économie va mieux, il y a des
entrées fiscales qui permettent d'offrir peut-être des services
additionnels. C'est une espèce de roue. Dans la mesure où
l'économie va mieux, il y a aussi des débouchés pour les
gens à l'université. Dans quelle mesure ne met-on
pas en doute ou n'attaque-t-on pas un peu trop facilement ou trop
durement des choix qui devaient être faits à ce
moment-là?
Quand je vous demande des commentaires sur cela, puisque vous parlez un
peu d'irrationalité dans l'approche, je ne dis pas et je ne pense pas
que qui que ce soit de la commission dirait qu'on est rendu à un point
où il faut maintenant faire attention, qu'on n'a pas sonné
l'alarme et qu'il n'y a pas maintenant une attitude différente à
adopter. Mais c'est le passé qui est, je vous l'avoue, un peu
agaçant, en donnant l'impression que tout ce qui a été
fait l'a été dans une complète irrationalité et que
les problèmes n'existaient pas avant la période des compressions
budgétaires. C'est comme si, tout à coup, tous les
problèmes qu'on avait n'étaient attribuables qu'à une
situation où les ressources financières étaient plus rares
et qu'on avait obligé le système universitaire
québécois à fonctionner avec des ressources moins
importantes que celles qu'il avait jusqu'à maintenant.
Mme Robinson: M. le Président de la commission, votre
intervention pourrait m'amener à répondre de plusieurs
façons à l'ensemble des questions que vous avez posées. Je
retiens - vous me direz si cela vous satisfait - plus particulièrement
votre insatisfaction ou votre agacement par rapport à notre
mémoire portant sur le passé. Vous dites que les compressions
budgétaires ont été justes et correctes et nous disons, de
notre côté, que les compressions budgétaires ont
été intolérables pour les professeurs d'université.
Je donne quelques exemples. C'est la raison pour laquelle nous disons que les
compressions budgétaires, dans l'avenir comme dans le passé, ne
peuvent pas marcher. Quand on entendait le ministre de l'Éducation nous
dire, hier matin, qu'il réfléchissait encore quant à
l'avenir et que peut-être nous ferait-il des petits cadeaux à
droite et à gauche, on ne peut pas faire autrement que d'être
légèrement moroses. Ce que nous disons aujourd'hui, c'est que,
pour nous, la situation est déjà catastrophique. C'est ce que le
mémoire veut vous transmettre. Ce n'est pas dans l'avenir, c'est dans le
passé, c'est cette année, c'est l'an dernier.
Je vous donne des exemples de l'intolérance des compressions
budgétaires. Bien sûr, les universités ont bouclé
leur budget; bien sûr, il n'y a pas eu de déficit annoncé
et on a pu éponger certains déficits. Cependant, vous irez voir,
sur les campus universitaires, où en est rendue la recherche. La
recherche décline, elle a décliné. Pourquoi les
professeurs d'université ont-ils de la difficulté à faire
de la recherche? Ce n'est pas parce qu'ils manquent de subvention - ça
peut être une des raisons - mais parce qu'ils n'ont pas le temps d'en
faire; il faut qu'ils enseignent, il faut qu'ils encadrent les étudiants
de premier cycle. C'est un des motifs qui font que le niveau de recherche au
Québec a diminué, a décliné.
Que se passe-t-il dans certaines universités? Dans deux
universités en particulier, 58% des cours sont donnés par des
chargés de cours, dans un premier cas, et 61% des cours sont
donnés par des chargés de cours, des cours de premier cycle, dans
le deuxième cas. Que se passe-t-il? Le nombre de professeurs à
temps plein diminue, il y a des gels de poste un peu partout et les professeurs
se tirent à droite et à gauche pour faire l'infrastructure de
l'université, parce qu'on participe également à
l'administration de l'université à plusieurs niveaux, ce qui
entraîne un effet de rétrécissement encore. Il n'y a pas
d'encadrement, les chargés de cours n'assurent pas l'encadrement des
étudiants. Il y a même un exemple qui nous a été
donné récemment d'une université, dans une faculté,
où les étudiants de première année, de premier
cycle, n'ont jamais rencontré un professeur à temps plein, n'ont
jamais rencontré un professeur de carrière. Tous les cours ont
été donnés par des chargés de cours. Est-ce que
c'est normal? Je me le demande.
Il y a également la question des équipements. Les
équipements dans les universités, autant dans les
bibliothèques que dans les laboratoires, ne sont pas remplacés;
il n'y a pas d'entretien, faute d'argent. On n'a pas l'argent nécessaire
pour faire cet entretien. Bien sûr, à l'extérieur, il sort
encore beaucoup d'étudiants de premier cycle, mais à quel
prix?
Le Président (M. Charbonneau): Je suis d'accord, mais vous
dites que ça ne date pas de cette année. Autrement dit, ce que
vous donnez comme réponse, c'est que la situation critique ne date pas
du présent, ça date déjà d'un certain temps. Quand
vous dites que les compressions, ça ne va pas, est-ce qu'on doit
comprendre qu'il n'aurait pas dû y avoir de compression dans le
système universitaire québécois s'il n'y avait pas place
à la rationalisation?
Mme Robinson: Non, ce n'est pas ce qu'on dit. Si vous regardez le
mémoire, on donne l'exemple de tout le reste du réseau dans le
domaine de l'éducation. Ce qu'on dit, c'est que nous avons
été coupés plus que les autres et nous avons subi des
compressions budgétaires plus grandes. Nous avons des difficultés
à l'admettre parce que le discours gouvernemental en est toujours un
d'accessibilité. On reçoit des étudiants parce que c'est
devenu une espèce de modus vivendi de la société
québécoise, la démocratisation et l'accessibilité,
et nous en
sommes, sauf qu'on a été coupés plus que les autres
et on continue de dire que, dorénavant, on va encore subir certaines
compressions budgétaires. Il y a un double discours, en fait. Il y a le
discours de l'accessibilité, que nous admettons avec grand sourire,
mais, par contre, il faudrait qu'on tienne compte de cette accessibilité
et de ce besoin pour le Québec de se rattraper, d'admettre plus
d'étudiants à l'université, alors qu'on coupe et qu'on
fait des compressions budgétaires.
Le Président (M. Charbonneau): D'accord. Mais vous qui
représentez des professeurs, qui êtes professeur vous-même,
qui vivez des situations quotidiennement sur le terrain universitaire... Je ne
veux pas dire que les administrateurs d'université ne vivent pas des
réalités importantes, mais vous vivez des choses proches de
l'étudiant, proches de l'objet même de l'université,
l'enseignement et la recherche. Est-ce que vous ne constatez pas
quotidiennement, néanmoins, une série de situations qui
pourraient être corrigées sans une intervention de fonds
additionnels de l'État? Est-ce que la situation dans l'université
est telle qu'actuellement, pour corriger les problèmes qui existent dans
le système universitaire, il n'y a qu'une injection de fonds
additionnels qui réglerait l'ensemble des problèmes que vous
vivez quotidiennement, que vous constatez quotidiennement?
Mme Robinson: Je vous donne un exemple. Quand on enseigne
à 125 étudiants dans un cours de première année et
qu'on est absolument incapable de faire autre chose qu'un enseignement
magistral, qu'est-ce qu'on fait? Quelles sont les hypothèses? On
dédouble le cours; si on dédouble la classe, le professeur n'a
plus le temps de faire de la recherche. La mission fondamentale de
l'université se porte sur trois points: recherche, enseignement et
services à la collectivité. Si on dédouble la classe, on
retrouve également, cependant, le professeur qui donne son enseignement
dédoublé, parce qu'il veut avoir un contact plus proche avec ses
étudiants. Il va quand même avoir 125 copies d'examen à
corriger à la fin et il va quand même être obligé de
rencontrer 125 étudiants.
Alors, c'est quoi, la solution? Engager un chargé de cours, cela
coûte moins cher que d'engager un professeur à temps plein, mais
il y a toujours un signe de piastre quelque part. En fait, nous disons
actuellement que, oui, effectivement, le seul moyen de régler un certain
nombre de problèmes à l'université, c'est d'augmenter
l'enveloppe globale de financement.
Le Président (M. Charbonneau): Malgré cela, on a
par ailleurs - on verra cela avec eux peut-être plus en détail
demain - des avis du Conseil supérieur de l'éducation qui, depuis
un certain nombre d'années, signale publiquement différents
problèmes: des difficultés de planification dans et entre les
établissements; la multiplication des activités et des
programmes; l'absence, dans certains cas, d'une gestion des ressources
d'enseignement et de recherche en fonction d'une modulation des tâches;
une course entre les universités et la création de programmes et
d'activités dans les mêmes secteurs; une faible importance
accordée au contrôle des coûts, à la rationalisation
des opérations, etc.
Donc, il y a eu un certain nombre de problèmes de fond; il y a eu
aussi des avis du Conseil des universités sur un certain nombre de ces
questions et, quand on regarde ces problèmes, on est obligé de
reconnaître que, s'il y avait des solutions apportées à
certaines de ces questions, il se dégagerait des ressources
additionnelles qui pourraient aider. Je ne dis pas qu'on n'est pas rendu
à un point où la question que vous posez concernant des
ressources additionnelles ne se pose pas, mais j'essaie de voir dans quelle
mesure il n'y a que cette solution qui réglerait le problème.
Parce qu'on peut arriver ou sortir de cette commission parlementaire avec
l'impression que la seule solution, le seul qui a maintenant à faire ses
devoirs, c'est l'État, c'est le gouvernement qui a à injecter des
fonds et que tous les autres ont fait tout ce qu'il y avait à faire,
qu'il n'y a plus d'autres efforts à faire, de part et d'autre, dans le
réseau du système d'enseignement universitaire au
Québec.
Mme Robinson: Vous avez fait référence au Conseil
supérieur de l'éducation...
Le Président (M. Charbonneau): Je pensais au Conseil des
universités.
Mme Robinson: J'ai compris que c'était le Conseil des
universités. À ce niveau, il ne faudrait peut-être pas
oublier que le Conseil des universités recommande également
l'engagement de 1500 nouveaux professeurs.
Ce que je vous dis, en fait, c'est que le niveau de financement
haussé, dans notre esprit à nous, irait surtout à
l'engagement de nouveaux professeurs, parce que c'est là que nos
problèmes sont les plus criants, à la fois pour la recherche et
pour l'enseignement.
Le Président (M. Charbonneau): D'accord. Je vais y revenir
peut-être un petit peu plus tard mais, comme notre temps est
limité, je vais laisser l'occasion à d'autres collègues
aussi d'échanger avec vous. M. le député d'Argenteuil,
vice-président de la commission.
M. Ryan: Mme la présidente, MM. les membres de la
délégation des associations de professeurs d'université,
j'ai pris connaissance de votre mémoire avec beaucoup
d'intérêt. Je vous en remercie et je pense qu'on peut
considérer que c'est un mémoire qui nous aide à
acquérir une compréhension peut-être encore meilleure de
problèmes dont nous sommes déjà saisis depuis un petit
bout de temps. Comme professeurs d'université, vous vivez tous les jours
les questions dont nous avons causé jusqu'à maintenant, surtout
avec le ministre et les administrateurs, et je pense que vous êtes des
interlocuteurs indispensables.
Il y a un point sur lequel je constate une convergence à peu
près complète entre votre diagnostic et celui que nous avons
entendu ce matin de la Conférence des recteurs et principaux; c'est une
constatation voulant que le problème numéro un, dans
l'immédiat, soit le niveau du financement et non pas la formule de
financement.
Cela n'enlève pas la pertinence des discussions relatives
à l'amélioration de la formule, mais nous constatons que le
problème du niveau de financement est beaucoup plus grave, beaucoup plus
urgent et que vouloir améliorer la formule sans toucher au niveau de
financement, cela serait, comme vous dites, répartir un peu
différemment des choses qui resteraient inacceptables en soi. Cela, je
pense, que c'est un point qui est bien entré dans l'esprit de plusieurs
membres de la commission, en tout cas, et je souligne que, pour ma part, je
suis d'accord sur ce point. (16 h 15)
Un autre point qui me semble bien clair aussi, qui a été
établi ce matin et qu'il faut souligner de nouveau pour que le
cheminement de nos esprits continue de la manière la plus claire
possible, c'est que, contrairement à ce que le ministre disait hier, les
problèmes ne commencent pas à partir de demain si le gouvernement
ne change pas sa politique l'an prochain, ils sont commencés depuis six
ans. Je voudrais porter à l'attention de mon collègue, le
président de la commission, que le problème a commencé
bien avant la crise économique.
Le ministre des Finances se plaît toujours à signaler que
la fameuse crise économique, par laquelle il expliquait tout, aurait
commencé à l'été de 1981, alors que les
problèmes dont nous parlons peuvent très clairement être
retracés dans leur origine jusqu'à 1978. Il y a des gestes
très importants qui ont été posés durant
l'année 1978-1979 et qui ont marqué un point tournant dans
l'histoire du financement des universités. Je pense que c'est pour cela
qu'on prend souvent cette base de référence, M. le
député de Fabre, parce qu'il y a des choses très
importantes qui s'y sont passées. On n'a pas d'objection à
remonter jusqu'à 1972-1973 non plus, mais cela vous fera mieux voir le
changement de cap qui s'est produit à compter de 1978-1979 et qui aide
à comprendre ce qui est arrivé par la suite. De ce point de vue,
je pense que c'est clairement établi et il n'y a pas, par
conséquent, à s'étendre trop longtemps là-dessus,
mais c'est bon de le souligner parce que je pense que, plus on va l'entendre,
plus cela va nous aider à comprendre.
Voici une première question que je voudrais vous poser: Vous
dites dans votre mémoire, à la page 5, que les universités
ont été plus rudement touchées que les autres secteurs de
l'éducation et que l'éducation a été plus durement
touchée que les autres secteurs de l'administration publique. Hier, dans
sa présentation, le ministre de l'Éducation a soutenu le
contraire. Il a soutenu - si mes souvenirs sont bons - que, si l'on
enlève l'augmentation des dépenses relatives au service de la
dette et aux prestations d'aide sociale, la part de sacrifice qui aurait
été demandée aux établissements universitaires
serait comparable à celle qui a été demandée aux
établissements du domaine de la santé. Je ne sais pas si vous
voudriez commenter cette affirmation. Je pense que ce serait bon que vous nous
disiez sur quoi vous vous appuyez pour affirmer, à la page 5 de votre
mémoire, que les universités doivent assumer à elles
seules, cette année à titre d'exemple, 10% des compressions que
tout l'appareil gouvernemental s'est imposées et 50% des
économies que le secteur de l'éducation doit assumer.
Mme Robinson: M. le Président, avec la permission de la
commission, je céderai la parole à Gaétan
Lévesque.
M. Lévesque (Gaétan): M. le Vice-Président,
l'affirmation que nous avons faite à la page 5 de notre mémoire
repose sur des écrits qui étaient présentés dans le
discours sur le budget, lors de la présentation des crédits, en
mars 1984. On y retrouvait une évaluation des compressions
budgétaires que l'État - incluant l'ensemble des secteurs public
et parapublic - s'imposait, c'est-à-dire 220 000 000 $. Nous savions
qu'au niveau universitaire la compression budgétaire imposée pour
la même année, c'est-à-dire 1984-1985, était de
l'ordre de 22 000 000 $ environ.
D'autre part, dans un article - et cela n'était pas cité
dans le document lui-même, dans le document de la défense des
crédits -de M. Alain Dubuc, paru le lendemain de la présentation
du document du Conseil du trésor, on disait que, selon des informations
qu'il avait obtenues, 45 000 000 $ de compressions budgétaires
étaient imposées au secteur de l'éducation.
Évidemment, ces trois éléments, 220 000 000 $, 22 000 000
$ pour
l'enseignement universitaire et 45 000 000 $ pour le secteur de
l'éducation, nous servent à présenter cette argumentation
pour l'année 1984-1985. Je ne sais pas si cela répond à
votre interrogation.
M. Ryan: Regardez, en partie, j'aimerais que vous commentiez les
affirmations qu'a faites le ministre, hier. Je ne sais pas si vous étiez
ici hier et si vous avez eu la chance, par conséquent, de prendre
connaissance de l'exposé qu'a présenté le ministre de
l'Éducation aux pages 7, 8 et 9, en particulier. Est-ce que vous
pourriez commenter les affirmations qui sont dans cette partie de
l'exposé ministériel?
M, Lévesque (Gaétan): Exactement. C'est d'ailleurs
avec beaucoup de surprise que j'ai vu l'évolution de ces
paramètres; entre autres, la part du PIB consacrée à la
santé et à l'enseignement universitaire entre 1982-1983 et
1984-1985, à savoir que les deux secteurs avaient été
relativement touchés de la même manière. Je suis
économiste et je suis habitué de jouer avec les chiffres, alors
je m'interroge toujours lorsque j'en vois et je m'en vais à la source.
Ce que j'ai fait, c'est que j'ai repris le même document, la
défense des crédits qui a été
présentée par le Conseil du trésor en mars 1984, et j'ai
recalculé, à partir des chiffres officiels, l'évolution
des ratios au niveau de la santé et de l'enseignement supérieur.
Si vous me le permettez, j'ai produit un tableau qui est relativement simple
à comprendre et qu'on pourrait vous remettre immédiatement.
Le Président (M. Charbonneau): On peut en faire faire des
copies.
M. Lévesque (Gaétan): Je peux commencer à
expliquer, ou préférez-vous avoir tous les documents?
Le Président (M. Charbonneau): Je pense que tout le monde
en a des copies maintenant.
M. Lévesque (Gaétan): D'accord.
Le Président (M. Charbonneau): Maintenant vous pouvez y
aller.
M. Lévesque (Gaétan): Voici ce que j'ai fait.
Évidemment, à ce moment, je n'avais que le mémoire
lui-même, je n'avais pas l'annexe qui a été
présentée, alors j'y allais comme je pouvais. Je me demandais:
Qu'est-ce que la santé? J'ai regardé les crédits
alloués par grands secteurs sociaux et économiques. J'ai
considéré que, pour moi, le domaine de la santé touchait
les éléments suivants: les centres hospitaliers de courte
durée, les services d'assurance-maladie, les centres d'accueil, les
centres hospitaliers de soins de longue durée, les centres locaux de
services communautaires et les centres de services sociaux. À mon avis,
cela fait le tour de la question des établissements qu'on pourrait
appeler de santé.
Au niveau de l'enseignement universitaire, vous constaterez, en regard
du document du ministère de l'Éducation, que j'ai repris
exactement les mêmes données quoique quelque peu modifiées
à cause de l'élément gestion de la dette. Au tableau, j'ai
pris les mêmes années, c'est-à-dire l'année
1982-1983 et l'année 1984-1985 et, en ce qui regarde les dépenses
des secteurs de la santé et de l'enseignement universitaire, j'ai
constaté que les deux secteurs, autant l'un que l'autre, ont
été touchés négativement entre 1982-1983 et
1984-1985. Pour la santé, c'est -6%; c'est-à-dire que la
contribution de la collectivité québécoise aux
dépenses de la santé aurait décliné, par rapport au
PIB, de -6% durant ces trois années. Cependant, au niveau de
l'enseignement universitaire, la diminution serait de -10,4%.
À la suite de ces résultats, je suis amené à
m'interroger sur la valeur des résultats présentés par le
ministère de l'Éducation. Évidemment, peut-être
qu'à la suite d'analyses plus fines on en arriverait au point où,
en tout cas, on pourrait remettre les choses en question mais, jusqu'à
présent, je suis porté à croire que la véritable
dégradation ou l'écart relatif qu'on retrouve entre le secteur de
l'enseignement universitaire et celui de la santé est assez
fidèle à ce que nous avons ici.
J'aimerais ajouter une chose. Si, l'enseignement universitaire avait
connu une chute, par rapport au PIB, au même taux que la chute au niveau
de la santé, ceci représenterait un accroissement des subventions
au domaine universitaire de l'ordre de 50 000 000 $. C'est très facile
à calculer: vous prenez la première ligne, 1982-1983, la part du
PIB consacrée à l'enseignement universitaire, 1,15% du PIB, et
vous y attribuez la diminution constatée au niveau de la santé,
-6%; vous multipliez par le PIB et vous obtenez une estimation des subventions
ou des crédits accordés à l'enseignement universitaire.
C'est pour cela que nous maintenons - et cela fait longtemps que nous avons
cette position - que l'enseignement universitaire n'a pas été
traité comme les autres secteurs public et parapublic depuis 1978-1979.
Nous avons ce discours depuis quelques années et nous le maintenons.
M. Ryan: J'ai plusieurs autres questions, mais il y en a une qui
m'apparaît fondamentale. J'ai remarqué que le ton de votre
mémoire est celui de la critique et de la complainte. Vous
évoquez une situation qui
nous paraît déplorable, mais j'ai cherché en vain
dans le document des orientations et des propositions pour le redressement de
la situation. Nous pouvons bien être d'accord, vous et moi, pour les fins
de la discussion, sur la nécessité d'un financement plus
acceptable pour les universités, mais sur quelle base va-t-on s'appuyer
pour établir un financement plus acceptable et à quelles normes
devra-t-on obéir? Avez-vous des propositions à soumettre de ce
point de vue là?
Mme Robinson: Malheureusement, on n'a pas... Je m'excuse.
M. Ryan: J'envisage cela sous deux angles: d'abord, sous l'angle
de la part de sa richesse collective qu'une société doit
être prête à donner à la mission universitaire et
sous l'angle du fardeau comparatif qu'elle doit être prête à
assumer par rapport à des sociétés environnantes ou
comparables.
M. Leclerc (Mariel): M. le Président, il est bien
évident que, d'une part, la fédération n'a pas à
formuler des propositions dans son document parce que, dans un premier temps,
il nous est apparu que les administrations universitaires étaient
là pour administrer. Vous allez me dire que cela n'est pas une
réponse et, bien sûr, cela n'en est pas une. Cependant, les
propositions de redressement se retrouvent intégralement dans le
document lorsqu'on demande un redressement de la situation, lequel voudrait
dire, à toutes fins utiles, revenir aux années avant le virage
qui a entraîné l'enseignement supérieur dans le
déboire qu'on connaît actuellement.
En fait, l'affirmation à savoir qu'avant les compressions
budgétaires le système était trop gras, était
improductif, ceci n'a jamais été prouvé, que l'on sache,
d'une part. D'autre part, on prétend, si vous voulez, qu'il y a
maintenant une productivité qu'on n'a jamais vue auparavant et que c'est
donc une productivité normale, mais encore faudrait-il le prouver. Je me
permets une image ici: un coureur de fond peut effectivement courir 25
kilomètres et en dernier lieu, à toutes fins utiles,
accélérer la course. Si on évalue sa performance par
rapport aux derniers kilomètres, on va prétendre finalement qu'il
a atteint une performance exceptionnelle. On ne lui demandera pas, cependant,
de faire cette performance durant 25 kilomètres, nous allons
l'épuiser. Donc, il y a une marge que selon la performance actuelle nous
avons atteint le summum, de la productivité et qu'on est en mesure de la
continuer et dire qu'antérieurement, avant 1979, nous étions
improductifs. On aimerait avoir une démonstration de cela en bonne et
due forme, ce qui n'a pas encore été fait, M. le
Président, malgré des tentatives que je passerai sous
silence.
M. Ryan: Le syndicalisme nous a habitués à formuler
des propositions concrètes pour l'amélioration des situations
sociales et économiques qu'il dénonçait au cours des ans.
Je ne sais pas si, de votre côté, cela ne serait pas
peut-être un effort que vous pourriez vous imposer pour alimenter le
travail des parlementaires et des gouvernants qui doivent chercher des
solutions à ce problème. Cela n'est qu'une suggestion et je
n'attends pas de réponse maintenant, mais ne serait-ce pas une bonne
chose qu'ayant établi clairement l'acuité du problème vous
cherchiez, avec nous, des solutions par-delà ce qui vient d'être
dit? (16 h 30)
Je pense bien qu'on ne pourra pas se contenter de dire: On va revenir au
régime qui existait avant le début des compressions
budgétaires. Ce que vous dites peut se défendre, mais je pense
bien qu'on ne pourra jamais revenir dix ans en arrière, dans aucune
situation. J'aimerais que vous nous disiez de quelle manière, suivant
quels critères on pourrait assurer à l'avenir un financement plus
rationnel, plus stable, plus démocratique, plus équitable des
universités. Je ne veux pas qu'on fasse l'exercice maintenant, si vous
ne l'avez pas fait collectivement. J'ai bien d'autres questions à poser
et je ne veux pas m'éterniser sur celle-ci.
M. Stephenne (Hubert): M. le Président, on s'est
refusé, à toutes fins utiles - on l'a dit dans le mémoire
- à discuter du partage de la pauvreté. Soyez sûrs et
certains que nous sommes prêts à collaborer pour trouver une
solution le jour où on nous dira qu'on est d'accord avec notre point de
vue. À ce moment-là, nous serons en mesure de vous proposer des
moyens pour corriger, de la même façon qu'on sera prêt
à vous donner une analyse plus détaillée de la formule que
nous a proposée le ministre cette année pour le financement d'une
nouvelle clientèle et la nouvelle base de financement de l'ensemble de
l'enveloppe.
M. Ryan: Quant au pourcentage de l'activité de recherche
dans les dépenses universitaires, à la page 14 de votre
mémoire, vous dites que la portion des dépenses totales des
universités attribuables à la recherche subventionnée a eu
tendance à stagner au Québec de 1973-1974 à 1982-1983. Je
pense qu'au graphique 6 vous indiquez que cette affirmation provient de
statistiques fédérales. Est-ce que c'est bien ça? Est-ce
qu'on pourrait avoir la source précise de cette affirmation et savoir si
vous avez eu des occasions de la mettre à jour? Vous vous rapportez
à des données de 1982-
1983, mais, pour 1984-1985, auriez-vous des indications quant à
ce que serait la situation?
M. Lévesque (Gaétan): En ce qui concerne le
graphique 6, la source provient d'un document très récent de
Statistique Canada du mois d'août 1984 - c'est vraiment ce qu'il y a de
plus récent - dont le titre est "Finance des universités,
analyses des tendances 1973-1974 à 1982-1983". En ce qui concerne les
années ultérieures à 1982-1983, il n'y a pas encore de
données officielles en ce qui concerne les dépenses des
universités. On a des choses au niveau des subventions de
fonctionnement, évidemment, des données partielles,
préliminaires sur certaines autres dépenses, au niveau des
inscriptions, mais les grands totaux sont non publiés.
M. Ryan: Est-ce que vous pourriez nous donner une bonne
idée du climat qui existe dans les universités entre les
professeurs, à la suite des politiques pratiquées par le
gouvernement? Quelle conséquence cela entraîne-t-il sur le moral
des professeurs, sur le climat général de
l'université?
Mme Robinson: Nous n'avons pas fait de recherche quantitative et
statistique sur cette question. On peut dire, en général, que la
morosité s'installe tranquillement au niveau universitaire et qu'il y a
un certain nombre de professeurs qui quittent le réseau, qui s'en vont
dans la pratique privée ou à l'extérieur parce que la
situation devient de plus en plus intolérable. Les congés de
maladie des professeurs ont probablement beaucoup augmenté; les
professeurs sont surchargés de travail et le résultat
immédiat de cela, c'est le déclin de la recherche et la
difficulté d'encadrer les étudiants de deuxième et
troisième cycles.
Un des phénomènes que nous pouvons constater - d'ailleurs,
cela a bien été dit par le ministre de l'Éducation hier -
c'est qu'on n'a pas rattrapé nos voisins au niveau des diplômes
à la maîtrise et au doctorat. On peut émettre comme
hypothèse que les professeurs ne sont pas très enthousiastes de
leurs étudiants de premier cycle et ils n'encouragent pas les
études de maîtrise et de doctorat parce qu'ils devront les
encadrer par la suite et ils sont déjà essoufflés au
premier cycle. C'est un peu la situation qu'on retrouve dans les
universités québécoises au niveau des professeurs.
Peut-être que mes collègues veulent ajouter des choses.
M. Vaillancourt (Gilbert): Je pense qu'il y a quand même
une déconsidération. Il faut rappeler aussi que tout le
réseau universitaire n'a pas échappé à la
période qui a entouré la loi 70 et les autres lois qui ont suivi.
Je me souviens très bien que le premier ministre, à
l'époque, se promenait pour tenter de vendre l'idée et les
professeurs ne donnaient que six heures par session. Ce n'est peut-être
pas allé très très loin, mais la
déconsidération dont on parle remonte quand même à
quelques années, et l'exposé que le ministre de
l'Éducation a fait hier n'est pas de nature à relancer la
confiance.
J'aime bien qu'on dise: Les chiffres, c'est important. J'aime bien dire
aussi que d'autres choses sont importantes. Quand les gouvernements sont
prêts à scraper des millions et des millions au nom d'une
idéologie, c'est certain qu'autre chose que les chiffres peut animer un
système. Actuellement, quand on parle de morosité tranquille, les
professeurs ne sont pas descendus dans la rue, mais vous avez une forme de
désengagement qui est encore plus pernicieuse. L'espèce de fin de
non-recevoir que le ministre nous a apposée hier, au nom d'une
rationalité qui, encore une fois, n'est pas évidente, je ne pense
pas que cela ramène les choses.
Actuellement, il y a de la place pour un débat politique sur
l'université. Il est évident qu'il n'y a pas de règle,
d'objectif qui fixerait le niveau de financement des universités. La
question a été posée à nouveau par M. Ryan tout
à l'heure. Il n'y a pas de niveau optimal, mais ce n'est pas non plus
à l'Ontario à définir ce que sera l'université
québécoise. Pas plus que ce n'est au Maghreb ou à
l'île Maurice de savoir ce que sera le système
québécois. Je pense que la commission parlementaire devrait
être capable de redonner une certaine confiance aux professeurs
d'université de façon à lever temporairement, pour
repartir la machine, cette morosité.
C'est un débat public - et on demandait tout à l'heure
quelles sont nos suggestions - mais c'est aussi une volonté
gouvernementale de dire: On veut un système qui soit à
l'avant-scène, qui soit à la pointe. Ce que le ministre de
l'Éducation nous propose, soit d'avoir un système qui ne sera
peut-être pas tout à fait dans le peloton, mais un petit peu en
arrière du peloton et, quand il sera trop en arrière du peloton,
on le ramènera juste un peu en arrière du peloton de façon
que dans l'ensemble il ne soit pas si mal, cela n'a jamais fait revoler les
choses très haut. Je pense qu'il y a plus que cela pour les professeurs
d'université et il est peut-être temps aussi que les
parlementaires, que le gouvernement dise la confiance qu'il a dans le
réseau universitaire, la confiance qu'il a dans les professeurs et la
confiance qu'il a dans un instrument qui a été construit au cours
des années et qui devient un instrument capital.
Je pense, encore une fois, que cette avenue... Si les parlementaires ou
si le gouvernement se prononçait clairement là-
dessus, il y aurait de quoi encourager les professeurs qui ont fait des
efforts considérables. Il ne faut pas oublier que, depuis quelques
années, il y a des cadeaux qui ont été donnés.
L'équivalent de la population de Saint-Jérôme a
été scolarisé sans aucun financement
supplémentaire. C'est extraordinaire que vous ayez un corps professoral
qui vous ait donné gratuitement 26 000 diplômés, sans un
cent de plus dans le système! Cela montre qu'il y a des cadeaux de
Noël, il y a des cadeaux de noces et il y a des cadeaux de gouvernement.
Il fallait vraiment l'aimer, le gouvernement, pour lui faire cela.
Il reste que la fatigue peut également s'intaller tranquillement
chez les professeurs. Et c'est ce qu'on vient de vous dire cet
après-midi. On n'est pas venu ici - je ne pense pas que la question de
M. Ryan était là - négocier des conventions collectives.
On n'est pas venu pleurer sur nos salaires et pleurer sur nos deux
téléphones ou quoi que ce soit, ce n'est pas cela qu'on est venu
dire. On est venu dire tout simplement que le système, d'après
nous - et on le vit quotidiennement - est déconsidéré. Et
s'il y avait un financement supérieur qui était appuyé par
une volonté du gouvernement de remettre le système comme
clé de voûte de l'évolution du peuple
québécois, cela aiderait à repartir vers des meilleurs
cieux. On est venu vous dire cela.
M. Ryan: J'ai une autre question concernant des secteurs
soi-disant mous, des secteurs qui sont particulièrement
défavorisés par les politiques actuelles de financement. Est-ce
que je dois comprendre que la position de vos fédérations, c'est
de suggérer, c'est de demander que ces secteurs soient traités
sur un pied d'égalité avec les autres? Est-ce que c'est cela que
je dois comprendre de ce qui est à la page 21 de votre
mémoire?
Mme Robinson: En fait, dans notre mémoire,
premièrement, nous n'avons pas beaucoup parlé de la
répartition, c'est-à-dire des nouvelles règles de
répartition. Nous avons mentionné que nous avons commencé
à étudier cette question et que, pour nous, le message
fondamental qu'on voulait donner à la commission, c'était un
message de sous-financement.
Dans cet ordre-là, ce que nous considérons, c'est
qu'à l'égard des secteurs mous il ne faudrait pas, pour des
raisons ponctuelles, fermer des départements et des programmes ou
même fermer des facultés dans certaines universités, sous
prétexte que ce sont devenus des secteurs mous. Selon nous, la mission
fondamentale de l'université en est une à long terme. Par
exemple, quand on pense à certaines universités où il y a
le spectre de la fermeture d'une faculté, comme la faculté de
philosophie, nous considérons que c'est absolument aberrant et c'est ce
qu'on dit. Pour nous, il y a actuellement tout le phénomène du
virage technologique et cet engouement qu'ont le gouvernement et certains
autres intervenants pour les secteurs du virage technologique. Cependant, il ne
faudrait pas laisser de côté d'autres secteurs qui sont devenus,
avec le temps, des secteurs mous parce que moins fréquentés, au
nom d'une efficacité, d'une productivité et d'une
rationalité.
M. Ryan: ...pas tout à fait. Au point de vue du
financement des clientèles additionnelles pour être plus
précis, est-ce que vous avez une politique au sujet des secteurs mous?
Est-ce que vous acceptez qu'on différencie ces secteurs de ceux qui sont
classés comme étant reliés directement au virage
technologique ou si vous refusez ce genre de distinctions?
Mme Robinson: Nous considérons que les nouvelles
clientèles de tous les secteurs devraient être traitées sur
le même pied, c'est-à-dire financées au même
titre.
M. Ryan: Est-ce qu'il y a autre chose à ajouter sur
cela?
M. Vaillancourt (Gilbert): Je pense qu'il faut rappeler ce que le
ministre de l'Éducation nous expliquait hier. Ce n'est pas un
problème philosophique. Il ne faut pas faire dévier le
débat. Pourquoi les étudiants en histoire, en philosophie, ou
dans d'autres disciplines seraient-ils moins financés? Le ministre de
l'Éducation est venu nous dire que, temporairement, on n'avait pas
l'argent. Je pense qu'on a répondu hier de façon très
pertinente, à partir du moment où l'on juge qu'une discipline est
digne d'être enseignée à l'université. Il y a
beaucoup de gens qui concourent à faire qu'une discipline un jour,
parfois après des années et des années, arrive à
être enseignée. Cette discipline, à ce moment,
mérite d'être financée.
Ce qu'on demande, finalement, au ministre de l'Éducation, c'est
de revenir sur sa vision des choses et de tenter à tout le moins de
trouver les sommes pour les financer. Si, à un moment donné, il y
a une urgence sociale - ce qu'on reconnaît très bien - à
développer certains secteurs de pointe, par exemple, l'informatique...
On a dit à un moment donné - cela commence à être un
peu moins vrai, mais il y a 36 mois c'était très vrai - qu'il y
avait une urgence extraordinaire à acheter des machines partout. Le
gouvernement est tout à fait bienvenu d'en donner, mais quand il va nous
apporter des chars de machines il ne faudrait pas qu'en même temps il
sorte les tables de travail des philosophes et des littérateurs; c'est
cela qu'on essaie d'expliquer. Je
reprends la question: Si une discipline est digne d'être une
discipline universitaire, je pense qu'elle est digne de financement. Encore une
fois, il ne faudrait pas faire d'une question strictement conjoncturelle, comme
nous l'expliquait le ministre, une question autre, donc une question
philosophique.
M. Ryan: Très bien. Une autre question. Dans votre
mémoire, vous écrivez que vous restez fidèles à des
principes de coordination que vous aviez définis il y a quelques
années. Le premier de ces principes, c'est celui-ci: La coordination ne
doit pas être forcée, elle doit plutôt venir de la base.
Deuxièmement, elle ne doit pas ramener tout le monde à
l'uniformité, elle doit plutôt viser le développement au
lieu de chercher à raser et à uniformiser. Je prends le premier
principe: La coordination ne doit pas venir d'en haut, mais de la base. En
supposant qu'elle ne vienne pas de la base, ce qu'on entend dire souvent, c'est
que l'individualisme des universités et même des
départements et des facultés à l'intérieur des
institutions universitaires n'est pas toujours ce qu'il y a de plus propice
à la coordination volontaire. À supposer que cela ne vienne pas
et qu'au niveau du gouvernement on constate, par exemple, qu'il y a des
secteurs d'activité qui coûtent très cher et qu'il y a un
rendement très limité au point de vue du nombre
d'élèves qu'ils servent au point de vue de la multiplication des
mêmes activités d'une institution à l'autre, comment
résolvez-vous ce problème? Est-ce qu'on peut sérieusement
affirmer, devant un gouvernement qui doit prendre des décisions parce
qu'il doit disposer de ressources limitées, qu'on doit attendre que cela
vienne de la base et, si cela ne vient pas, qu'est-ce que vous faites? (16 h
45)
Mme Robinson: II faudrait d'abord rappeler que nous sommes une
fédération de syndicats et d'associations, c'est-à-dire
trois fédérations de syndicats et associations de professeurs. Il
faudrait rappeler également que nous avons toujours participé
quand c'était le temps de le faire ou quand on nous a invités
à participer. Nous étions présents aux ateliers Laurin et
nous avons participé amplement à toutes les
délibérations qui ont eu lieu autour des ateliers Laurin.
Cependant, cette volonté de coordination ne peut pas venir de nous, bien
entendu. Si nous sommes appelés à une table, il nous fera plaisir
de participer à cette concertation qui pourrait et qui serait
probablement salutaire pour les universités
québécoises.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. D'abord, je
voudrais remercier les professeurs de leur mémoire et de nous avoir si
bien sensibilisés aux problèmes qu'ils vivent et qu'ils sentent
de très près, compte tenu de leur rôle au centre des
universités. Je veux également les remercier de nous avoir
rappelés avec pertinence l'importance de l'université dans notre
société. Quant à nous, le fait d'avoir accepté
cette commission parlementaire témoigne de nos inquiétudes aussi,
des deux côtés, je pense, et de l'importance que nous voulons
accorder à cette commission et aux mémoires qui nous sont
présentés de façon à formuler des
recommandations.
Ceci dit, je voudrais tout de même faire un certain nombre de
commentaires. Mon premier commentaire va se faire à la suite de ce qu'a
dit le député d'Argenteuil. Il a dit: Ce qui est important pour
nous, c'est un problème de niveau de financement et moins un
problème de formule. Là, il se référait
évidemment au cadre de financement. D'abord, dans notre mandat, nous
sommes ici pour examiner la question du niveau de financement et
également la question du cadre de financement. Donc, on ne peut pas
éluder cette question.
Dans votre mémoire, vous touchez surtout la question du niveau de
financement. C'est effectivement important qu'on parle de cette question, sauf
qu'on ne peut pas non plus en éluder d'autres. Je vais vous donner un
exemple. J'ai trouvé ce paragraphe dans un avis du Conseil des
universités. C'est un exemple à méditer. C'est un extrait
du rapport intitulé "Action for Excellence" -vous le connaissez
peut-être - d'un groupe de travail américain présidé
par le gouverneur de la Caroline du Nord, où il est dit: "Better use of
existing resources must be the first priority in improving the public schools.
How states and communities spend their education funds is as important as how
much they have to spend". Autrement dit, combien on dépense est aussi
important que comment on le dépense. Vous parlez amplement du combien et
c'est une question fort importante, mais on ne peut pas éluder non plus,
à cette commission, comment on le dépense. J'aimerais qu'on
échange un peu sur ce sujet.
Le comment? Cela touche le niveau des subventions que le gouvernement
accorde et cela touche aussi la façon dont ce financement est
accordé. Là, on revient au cadre de financement. C'est une
proposition à savoir comment on veut répartir les fonds de
l'État aux universités, selon quels paramètres, etc. On
définit aussi, dans le cadre de financement, un certain nombre de
priorités et un certain nombre d'objectifs. À ce sujet,
j'aimerais avoir vos commentaires sur ces priorités et ces objectifs,
mais, avant, il me semble qu'il est important que
le gouvernement se donne des priorités en liaison, en
coordination et en consultation avec le milieu universitaire, mais il me semble
qu'il est également important que le milieu lui-même,
c'est-à-dire les universités, se donne des priorités.
Là, on rejoint la question à savoir comment on
dépense l'argent au niveau gouvernemental et comment on dépense
l'argent au niveau des universités. Je peux vous donner un exemple. On a
entendu la conférence des recteurs, ce matin, nous dire qu'on manquait
de ressources dans les universités, par exemple, qu'on manquait de
volumes, qu'on manquait de ressources en informatique. Comment expliquer -
c'est un problème de gestion interne - que les universités
affectent 12% de leur budget à l'administration générale
et seulement 5,7% aux bibliothèques, alors que la moyenne canadienne -
c'est tiré de Statistique Canada - est respectivement de 9,2% et de
6,6%? Au Québec, dans nos universités, on accorde plus
d'importance à l'administration qu'aux bilbiothèques. Remarquez
que c'est vrai aussi pour l'ensemble des universités canadiennes, mais
dans une proportion beaucoup moindre, 9,2% par rapport à 6,6%.
Le Conseil des universités touche également à cette
question, on ne peut pas l'éluder. Vous avez peut-être pris
connaissance de l'avis sur l'état et les besoins de la recherche
universitaire et de la formation des chercheurs au Québec. En page 31,
on a un résumé des objectifs et moyens proposés par les
milieux consultés pour améliorer la situation de la recherche. Au
plan institutionnel, il y a toute une série de mesures: clarifier la
place de la recherche, la mieux valoriser. Moyens d'action: expliciter
davantage les attentes, les règles, les sanctions; adopter des
priorités et des objectifs clairs, y compris au niveau
budgétaire; mieux gérer les ressources humaines; agir au niveau
des normes et critères d'embauche, d'évaluation et de promotion
des professeurs; moduler l'assignation des tâches d'enseignement,
d'administration, de recherche; accroître la qualité et la
productivité des programmes d'études avancées, etc. Il y a
toute une série de mesures très concrètes qui sont ici
proposées. On ne peut quand même pas éluder cela. Cela,
c'est sur le comment.
Sur la question du niveau, il y a un certain nombre de constatations
qu'on a quand même faites et qui, je pense, sont consenties. Ce matin, le
conseil disait: Le système québécois se compare
avantageusement à d'autres systèmes, notamment au système
ontarien. Il se compare avantageusement, il ne dit pas qu'il est parfait, il ne
dit pas qu'il manque de ressources. Votre message, je l'ai bien reçu
tout à l'heure, mais c'est un message qui touche beaucoup les discours.
Ce qu'on dit à propos des universités, c'est important, mais le
fond de la question, les ressources que le milieu québécois
consacre aux universités, ce sont quand même des statistiques. Je
ne suis pas pour reprendre les statistiques que j'ai formulées ce matin,
mais elles sont quand même là et démontrent que l'effort du
Québec est énorme vis-à-vis de ces universités. Je
ne dis pas qu'il est suffisant, je dis qu'il est énorme, et il y a des
points de comparaison qui le démontrent.
Il y a une autre chose que je voulais dire pour compléter, et
c'est important. Demain, on va recevoir les étudiants. Ce sont des gens
du milieu qui vivent des situations concrètes, comme vous, mais d'un
autre point de vue. Les étudiants touchent également à
l'efficience de l'université comme étant un point important. Je
cite juste une ligne: Les universités doivent donc constamment chercher
l'efficacité maximale de l'utilisation de ces sommes. On touche au
comment, là aussi. D'ores et déjà, nous pouvons identifier
des lacunes béantes dans cette gestion. Dans la majeure partie des
campus, la prestation des activités d'enseignement n'est pas sujette
à une évaluation. Cela, c'est un exemple, je ne veux pas trop
m'étendre là-dessus.
Un autre exemple, la tâche de travail du professeur est
indéfinie et la pondération entre les différents facteurs
qu'il y a à l'étude lors d'une demande de promotion l'est
également. Il en résulte parfois un déséquilibre
entre les fonctions d'enseignement et de recherche. Je donne cet exemple parce
que vous touchiez à cela, tout à l'heure, dans votre
exposé, la modulation de la tâche.
Les étudiants touchent à cette question, la gestion
interne, et cela va loin. Le Conseil des universités y touche
également et, vous, vous nous dites: C'est un problème de niveau.
Je ne veux pas non plus éluder le problème, mais je me dis qu'il
y a autre chose qui me semble également important.
Finalement, c'est un peu risqué, ce que je veux dire, mais, quand
même, vous semblez définir le rôle du gouvernement comme
étant celui d'un pourvoyeur de fonds. Donnez-nous les fonds et on va se
débrouiller avec le reste. Cela va quand même loin. J'aimerais
cela, en tout cas, je voudrais avoir vos commentaires sur ce que je dis, sur le
cadre de financement aussi qui me paraît un instrument important, qui est
en discussion présentement devant cette commission, étant un des
instruments pouvant nous permettre de mieux voir clair dans tout le
système.
J'aimerais avoir vos commentaires aussi sur la responsabilité du
milieu - quand je dis milieu, cela ne veut pas dire seulement les professeurs,
mais les étudiants aussi, les administrateurs - face à la gestion
et à toutes ces questions que soulève le Conseil
des universités et que vont soulever les étudiants demain.
C'est ma première question.
Mme Robinson: Dans votre commentaire, M. le député
de Fabre, je décèle un certain nombre de questions ou de
sous-questions, puisque vous nous dites que c'est votre première
question.
Dans un premier temps, je remarque que vous nous avez parlé du
cadre de financement et des règles qui sont proposées par le
gouvernement, c'est-à-dire par le ministère de
l'Éducation, et vous avez un peu de nostalgie parce que nous n'en
n'avons pas parlé. Je vous rappelle que, dans notre mémoire, nous
avons inclus un certain nombre de commentaires sur le cadre de financement et
cela se retrouve aux pages 22 à 28. On peut en discuter plus longuement;
cependant, nous ne croyons pas utile de le faire aujourd'hui parce que, pour
nous, il s'agissait de vous expliquer que nous sommes actuellement dans une
période de sous-financement et que peu importent les cadres, peu
importent les règles qui sont proposées par le ministère,
cela restera toujours la répartition de la pauvreté.
Par la suite, vous nous avez parlé de la gestion interne,
c'est-à-dire de la répartition, mais à l'intérieur
de l'université. Vous comprendrez que nous ne répondrons pas
à cette question; vous auriez dû la poser à la CREPUQ ce
matin. Nous ne sommes pas les administrateurs des universités; nous
avons un peu de difficulté à vous parler de gestion.
Sur la question du niveau et de la comparaison possible avec l'Ontario,
vous nous dites que le Québec se compare avantageusement avec l'Ontario.
Effectivement, certaines statistiques nous permettent de voir que l'effort du
Québec a été aussi grand, sinon plus grand, que celui de
l'Ontario à certains niveaux à certaines époques.
Cependant, je me permettrai ici une petite analogie: si l'enfant du voisin est
battu par son père et que, par contre, il réussit quand
même bien à l'école, est-ce que vous allez battre votre
enfant pour qu'il réussisse bien à l'école? En d'autres
mots, si on maltraite les professeurs d'université en Ontario et qu'on
maltraite le système ontarien, est-ce que le Québec doit
nécessairement maltraiter son système?
Sur la question des étudiants, malheureusement, c'est difficile
pour nous de répondre à la dernière partie de votre
commentaire parce que nous n'avons pas reçu le mémoire des
étudiants et, par conséquent, nous ne savons pas ce qu'il y a
dedans.
M. Leduc (Fabre): Ma deuxième question fait suite à
ce que vous dites. La coordination doit venir de la base: qu'est-ce que cela
veut dire?
M. Vaillancourt (Gilbert): La coordination doit venir de la base,
c'est évident. On aurait pu, par exemple, espérer que les
directions d'université, il y a dix ans - je ne parle pas d'avant-hier -
s'installent dans la concertation. Cela ne s'est pas fait. Vous leur direz tout
cela quand vous les reverrez, vous les chicanerez. Une chose est certaine - je
vais reprendre ce que Mme Robinson a dit tout à l'heure - dans la mesure
où les initiateurs de la concertation qui devraient être les
directions universitaires, comme cela s'est fait en Californie au début
des années soixante, décideraient un jour de se lever et de se
parler, à ce moment-là, les fédérations, les
syndicats ne s'y opposeraient pas et on prendrait notre place autour de la
table. (17 heures)
Ce qu'on tente de vous dire, c'est qu'on n'a pas d'objection de principe
à ce qu'il y ait une rationalisation. Il est certain que, quand vous
avez une bibliothèque de l'autre côté de la rue, il suffit
de faire 30 pas pour aller chercher un livre; on n'est pas ici pour venir vous
demander des sous pour doubler, tripler et quadrupler les services; ce n'est
pas cela qu'on vient vous dire. On vous dit: Sur la question de la
rationalisation, de la concertation, on serait prêt à collaborer
et à examiner des propositions concrètes en espérant que
des moteurs se mettent en branle. Encore une fois, chicanez ceux qui ne sont
pas partis un jour.
M. Leduc (Fabre): Ces propositions doivent venir de qui?
M. Vaillancourt (Gilbert): Normalement, les directions
d'université auraient dû assumer le leadership, ce qui n'interdit
pas à l'État d'en assumer un, ce n'est pas cela qu'on dit. On dit
que, normalement, le réseau avait suffisamment d'intelligence, de
compréhension du milieu pour le faire. Il ne faut pas penser que
l'université est déconnectée et que l'État
connaît les besoins des citoyens. L'histoire de l'université
montre le contraire. Quand les citoyens nous ont dit qu'ils avaient un besoin
incroyable de gestionnaires, les universités les ont formés. Ils
sont venus nous voir et nous ont dit: On a besoin d'informaticiens. Alors, les
universités les ont formés.
Il y a déjà passablement d'écoute de la part des
citoyens, de la part des universités. Alors, les directions
universitaires, les universités devraient, actuellement, posséder
ce qu'il faut pour mettre en branle les réseaux de concertation
nécessaires.
M. Leduc (Fabre): Sur le dirigisme de l'État, est-ce que
vous pouvez expliquer cela un peu? Vous en parlez à la page 26, ou
environ; je ne trouve pas exactement la référence mais, à
un moment donné, vous
avez parlé du dirigisme. C'est à la page 24: "En
conséquence, il apparaît clairement que l'État exercera un
contrôle accru sur la gestion des ressources universitaires." Vous vous
référez à quoi exactement?
M. Vaillancourt (Gilbert): Par exemple, je vais prendre tout le
programme de ce qu'on appelle les équipes structurantes, les 40
équipes de recherche qui doivent venir révolutionner la
recherche. On verra ce qu'ils vont faire. À partir du moment où
on dit qu'il y a 6500 professeurs qui n'arrivent pas à faire de la
recherche, je vois mal comment 800 nouveaux professeurs vont en faire. Cela
s'appelle une espèce de mutation. Vous allez incuber le virus de la
recherche; vous allez mettre cela dans l'utérus universitaire et, au
bout de trois ans, croîtront des pommiers incroyables. Je ne le sais
pas.
Vous avez là un exemple où l'État...
Peut-être que l'État n'a pas toute l'expertise, non pas que je nie
l'opportunité que l'État se mêle d'éducation. Je
viens du milieu des écoles normales; je ne pouvais pas être plus
dirigé que dans les écoles normales: vous aviez un "boss", tel
principal, il n'y en avait pas d'autres et le chèque, vous le receviez
de Québec. Quand vous ne le receviez pas, on disait: Prenez l'autobus et
allez le chercher à Québec.
Ce n'est pas tellement contre le dirigisme de l'État, je dis
qu'il n'y a peut-être pas nécessairement autant d'expertise qu'on
ne veut le laisser croire. Par exemple, d'où viennent les équipes
structurantes? Moi, je me doute un peu d'où cela vient, parce qu'un
samedi après-midi d'automne on a eu une bonne idée sur le coup
et, après, on est revenu en disant: Peut-être qu'elle n'est pas
aussi bonne. Et on continue de s'enfarger dedans.
En d'autres termes, l'État n'a pas nécessairement toute
l'expertise pour orienter le développement. Peut-être que
l'État a une certaine humilité de dire à des gens dont
c'est le métier de travailler ces choses: Vous ne pourriez pas
intensifier tel secteur? Allez-y! Il n'est peut-être pas utile que
l'État dessine les équipes avec l'attaché de recherche, il
devrait avoir tel âge, telle paire de souliers, ce n'est pas utile.
On pourrait peut-être se fier au système universitaire pour
dire: Écoutez! Il y a un problème actuellement au Québec,
on a un problème de recherche dans tel secteur; si on vous donnait 22
000 000 $, pourriez-vous nous faire un plan? Les gens dont c'est le
métier de travailler à cela se réunissent, eux autres, le
samedi après-midi en "overtime" et ils pensent à un plan et ils
vous le soumettent.
C'est ce qu'on dit quand on parle de dirigisme. On ne dit pas qu'on est
en Roumanie, on ne dit pas cela, on dit qu'à un moment donné il y
a des tentations et ce n'est peut-être pas la bonne orientation. Vous
n'allez peut-être pas épargner de l'argent parce que vous vous en
occupez; ce n'est pas évident, cela.
M. Leduc (Fabre): Sur le programme d'actions structurantes, j'ai
apprécié votre humour mais qui, selon vous, évalue les
projets? Vous semblez dire que l'État décide de tout dans ce
programme d'actions structurantes; est-ce que vous êtes au courant que
c'est du fonds FCAC que sont venus les projets?
M. Vaillancourt (Gilbert): II faut évaluer la pertinence,
mais toute la mécanique de création, de dire qu'on va ajouter 800
personnes. La première chose qu'on aurait pu se demander, c'est ceci:
Est-ce que les universités peuvent les intégrer? Comme on le
disait ce matin, est-ce qu'on a les locaux pour cela? Est-ce qu'on a les
équipements? Est-ce qu'on va les trouver? Le ministre, hier, nous
disait: Ce n'est pas grave, on va les prendre à l'extérieur. Wo!
Wo! ce n'est peut-être pas la bonne question à poser.
Peut-être que ce n'est pas le temps de créer 800 jobs; il faudrait
peut-être attendre trois ans, quatre ans, cinq ans pour engager le paquet
de jeunes diplômés québécois qui se cherchent des
jobs. Ce que je vous dis, c'est de prendre le temps et remettre un certain
nombre de ces questions à un réseau universitaire qui, pour le
moment, donne satisfaction.
Il y a deux ou trois ans, je crois que la compagnie SORECOM a fait un
sondage au nom de la CREPUQ et de la FAPUQ et on a dit à la population:
Êtes-vous contente des universités? Le monde a dit oui. Il faut
quand même cesser de dire qu'on n'est pas "compétitif", qu'on
n'est pas concurrentiel. Attendez une seconde! Faites-nous la preuve
qu'actuellement les universités ne servent pas bien la population
québécoise. Je n'ai pas de leçon à recevoir de
l'Ontario. Je n'ai pas de leçon à recevoir de la Bohême ou
de la Moravie. Les Québécois nous disent carrément: On est
satisfait du régime et on est satisfait des universités. À
ce moment, je dis tout simplement à l'État: II faudrait
peut-être une certaine humilité et composer davantage avec le
réseau des universités qui ne vous a pas refusé
grand-chose.
Le ministre de l'Éducation, hier, est venu féliciter les
recteurs en disant: Vous faites un job extraordinaire. Sans vous plaindre, vous
avez économisé 300 000 000 $. Cela ne va pas si mal puisque vous
avez environ 3 000 000 $ de déficit. Donc, le système est
perméable à vos pressions. On dit: Ce n'est pas utile de
créer toutes sortes de situations où vous allez vous mettre
à l'avant, alors que le réseau universitaire est capable de
vous
écouter. Il vous écoute tellement qu'à un moment
donné, c'est de la soumission totale.
M. Stephenne: J'aimerais peut-être répondre d'une
façon plus exacte, à la page 24, sur le dirigisme de
l'État. Je m'excuse, on va être obligé d'entrer un peu dans
la mécanique. Vous nous avez demandé d'expliciter un peu les
raisons pour lesquelles on était un peu en défaveur, à
toutes fins utiles, de la nouvelle formule de financement. Pourquoi le
dirigisme de l'État? Nous avons pris l'exemple du paramètre
taille. Je dois vous référer à l'annexe, si vous voulez,
du document ministériel. Dans le document ministériel, on nous
dit: Voilà, nous avons catégorisé les clientèles en
onze catégories. Il y a la médecine, le génie, les
sciences, etc., et chacune est pondérée par un montant d'argent
qui qualifie l'importance de cette discipline en termes de formation. Pour
certains, c'est 2000 $; pour d'autres, c'est 4000 $, d'autres, c'est 8000 $ et
d'autres, c'est 9000 $.
Au niveau de la taille, lorsqu'une discipline ne regroupe pas un nombre
suffisant d'étudiants le ministère considère qu'il y a un
facteur de pondération qui peut aller jusqu'à 4,4. Donc, vous
multipliez 4 fois le coup moyen de l'étudiant dans cette discipline. Je
prends un exemple: vous avez des médecins; cela coûte 9000 $ pour
former un médecin. Si vous avez 100 médecins seulement dans une
institution, on nous dit: Cela ne coûtera pas 9000 $, cela va
coûter 4,4 fois plus cher pour former un étudiant. Nous disons que
la tentation est très grande pour le ministère de dire: C'est
terminé, cette unité est trop petite et je la dissous; je vais
l'intégrer au gros groupe.
Lorsque nous connaissons un réseau comme le nôtre avec des
universités en périphérie qui, normalement, ne sont ni
à Montréal ni à Québec, il est fort possible que
l'on retrouve de ces petits groupes. Et il faut bien dire que cela n'est
peut-être pas gros, mais ce n'est pas nécessairement petit
lorsqu'on est en région. D'où la tentation, si vous voulez, par
une formule totalement mécanique, de contrôler l'ouverture et la
fermeture. Voilà une façon, à notre sens, totalement
indépendante des principes où, strictement par une mesure
mécanique, on vient de changer la superficie ou la dimension ou le
visage de l'université.
De la même façon, lorsque vous allez vers le bas de cette
annexe, on s'aperçoit que le facteur de pondération n'est pas 1.
Donc, former un médecin, lorsque vous avez 1000 médecins dans un
même groupe, ce n'est plus 1, mais cela peut être 0,7, le facteur
de pondération, d'où la tentation d'augmenter la dimension de ces
groupes. Donc, il y a au moins deux éléments qui conjuguent pour
faire ce genre d'opération.
C'est un exemple pour vous dire la chose suivante: Lorsqu'il y a,
à toutes fins utiles, une intervention qui modifie
légèrement la structure de la répartition
financière, on doit être beaucoup plus prudent que de jouer avec
des ratios, comme on l'a fait durant deux jours, et finalement des grands
nombres. C'est beaucoup plus subtil que cela. Depuis cinq ou six ans on nous
annonçait, chaque année, les paramètres du financement des
universités ou la répartition de l'enveloppe et il fallait
être fin clerc pour pouvoir déceler les modifications. Le texte
était pratiquement le même; vous aviez un mot ou une virgule qui
changeait totalement l'environnement et c'était, à toutes fins
utiles, imperceptible. Il fallait être un spécialiste en
économie ou dans une discipline tout à fait particulière
et travailler à longueur de jour pour pouvoir déceler, si vous
voulez, ces différences.
Si vous nous demandez, à toutes fins utiles, ce que nous en
pensons, on va vous demander de respirer un petit peu, de faire nos devoirs et
de venir en discuter avec vous un peu plus tard. Cela ne fait pas tellement
longtemps qu'on a eu l'occasion de mettre la main sur ces fameuses
règles de financement.
M. Leduc (Fabre): Cela m'éclaire sur les questions que
j'avais à poser. Je vous remercie.
Le Président (M. Charbonneau): Je vous remercie.
M. le député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai pris connaissance de votre
mémoire. Vous situez le rôle de l'université; vous
identifiez plusieurs problèmes. Moi, je partage vos inquiétudes
sur plusieurs points que vous soulevez mais je dois vous dire que j'ai
été déçu, justement, de ne pas trouver dans votre
mémoire des remèdes ou des solutions aux problèmes qui
étaient soulevés.
Évidemment, vous dites, c'est sûr: c'est une question de
sous-financement. Je ne paierai pas n'importe quelle facture. Je pense qu'on
doit baliser cela tout de même. Si vous me dites qu'il faut investir sans
fin, bien je vais vous dire non, je vais vous dire qu'il y a tout de même
des problèmes ici au Québec. Il faut également tenir
compte des demandes qui nous sont faites par différents secteurs de la
société.
J'aurais bien aimé qu'on me dise qu'il faut peut-être
injecter 100 000 000 $ de plus, 150 000 000 $. Ce n'est peut-être pas un
montant énorme pour arriver à donner une qualité
d'enseignement acceptable. Or, ce que vous dites, c'est assez
sévère, c'est très critique. Vous dites: "II y a des
choses qui ont été faites, on n'est pas d'accord", vous
identifiez beaucoup de points sur lesquels il faudrait apporter des
correctifs.
Je vous répète, j'aimerais bien connaître la facture
de tout cela et puis je voudrais peut-être toucher à la question
de qualité. Je pense que cela doit être une de nos
préoccupations dans le domaine de l'éducation; c'est
sûrement la vôtre. Je pense que vous êtes peut-être
ceux qui sont le mieux placés pour juger de la diminution de la
qualité de l'enseignement dans les universités.
Vous dites d'emblée que la qualité a diminué. Vous
dites: "Nous, on ne croit pas tellement à cela la productivité,
l'augmentation de productivité. On parle qu'il a fallu augmenter la
performance; vous dites pas tellement. On l'a fait, bien sûr, mais on n'a
pas tout solutionné, tout n'est pas pour le meilleur dans le meilleur
des mondes".
Je voudrais vous entendre sur la question de qualité de
l'enseignement au niveau des universités. Comment mesurez-vous cela la
diminution de qualité de l'enseignement?
Mme Robinson: Pour la première partie de votre
intervention, bien sûr, nous n'avons pas de recommandations
formulées dans notre mémoire. Je dois vous dire que, depuis les
cinq ou six dernières années, on a été tellement
écrasé par les compressions budgétaires que le moindre
cent ajouté au secteur universitaire nous ferait sourire un peu.
C'est-à-dire qu'on serait contents.
Par contre, on pourrait, avec le Conseil des universités, par
exemple, recommander, sans risque de se tromper, l'ouverture de 1500 postes de
professeurs à l'université, dans le réseau universitaire.
C'est une recommandation qui a été faite par le Conseil des
universités et qui agrée aux trois fédérations. (17
h 15)
Sur la question de la qualité de l'enseignement, on doit admettre
qu'effectivement si cela continue, la qualité de l'enseignement va
décliner, va diminuer et l'université va se
rétrécir. Il ne s'agit pas de dire qu'au cours des trois
dernières années, les universités
québécoises ont diplômé des étudiants qui
n'avaient pas la qualité de ceux d'il y a 20 ans. Ce n'est pas ce que
cela veut dire. Ce que cela veut dire, c'est qu'à l'ère du virage
technologique, de l'informatique et de l'audiovisuel, on n'est pas capable de
développer nos cours avec autant de finesse qu'on pourrait le faire si
les compressions n'étaient pas aussi grandes. C'est cela qu'on dit. On
dit également que dans des cours de premier cycle, on est obligé
de réduire la banque de cours optionnels. Donc, on forme des
étudiants sur un même moule, alors qu'on pourrait leur offrir un
certain nombre de cours optionnels de plus, c'est cela qu'on dit. On dit
également que les étudiants de premier cycle n'ont pas
l'encadrement qu'ils méritent parce que les professeurs n'ont pas le
temps de donner cet encadrement et parce qu'il y a trop de chargés de
cours dans le réseau; c'est-à-dire que les chargés de
cours, par principe, ne font pas d'encadrement d'étudiants. On dit
également que les professeurs sont débordés et ne font
plus de recherche. Par conséquent, la qualité de l'enseignement
à long terme peut s'en ressentir parce que lorsqu'on fait de la
recherche on le fait nécessairement pour améliorer notre
enseignement, on ne fait pas de la recherche sur un dix sous comme disait un
animateur de radio de la région de Québec. On ne passe pas notre
vie à chercher la grandeur d'un dix sous mais on fait surtout de la
recherche pour améliorer, pour augmenter notre enseignement. Alors,
c'est à tous ces niveaux que nous disons qu'actuellement le
problème du sous-financement entraîne nécessairement le
rétrécissement de l'université et, par ricochet, affecte
la qualité de l'enseignement aux étudiants.
M. Leduc (Saint-Laurent): Donc, vous partagez le jugement de la
Conférence des recteurs et principaux des universités du
Québec qui disait ce matin que le sous-financement équivalait
à une diminution et était directement relié à une
diminution de la qualité de l'enseignement?
Mme Robinson: Est directement relié à un
rétrécissement de l'université qui entraîne la
diminution de la qualité de l'enseignement en général.
Cela ne veut pas dire que les professeurs sont de moins bons professeurs, cela
veut dire que le système, pris dans sa globalité est
nécessairement diminué.
M. Vaillancourt (Gilbert): Je ne suis pas tout à fait
d'accord. Quand vous dites qu'il n'y a pas de formulation. Très bien, il
n'y a pas de tables des recommandations, mais même si on chiffrait, M. le
député, les choses qui sont là, est-ce qu'on serait
tellement plus crédibles? Par exemple, quand on vient vous dire que dans
une université -quelques-uns d'entre vous sûrement ont des enfants
à l'université ou ont des neveux ou des nièces - 60% de
tous les cours sont donnés par des professeurs à la leçon.
La question qu'on pose aux élus du peuple est la suivante: Est-ce que
c'est une situation admissible? Je veux bien qu'on ne se compare pas à
Stanford, d'accord. Mais acceptez-vous, vous, comme élus
québécois, qu'une université s'en aille et maintienne ses
60% de chargés de cours? Voulez-vous le chiffre? On va le multiplier. On
le sait, cela coûte 42 ou 46 en moyenne, on ne se chicanera pas sur les
chiffres et on va multiplier. On ne sera pas plus crédible parce qu'on
va mettre une série de choses dans cela. Si l'on vous dit: Les coupures
on
ne peut plus en prendre. Cela veut dire quoi? C'est 20 000 000 $ ou
quelque chose. Vous l'avez le chiffre. Vous allez nous dire à un moment
donné qu'on pourrait continuer de comprimer et je vais vous dire: Vous
avez raison. L'année passé il y a des étudiants qui sont
sortis à Paris pendant plusieurs semaines. Savez-vous pourquoi? Parce
qu'ils protestaient parce qu'ils étaient 300 dans un laboratoire de
linguistique. Il n'y en a pas de fond du baril. À la limite, on aurait
un professeur au Forum pour 25 000 étudiants; quelqu'un de brillant,
c'est évident. Il n'y en pas de fond du baril...
Le Président (M. Charbonneau): II faudrait qu'il soit
travaillant.
M. Vaillancourt (Gilbert): Absolument. Si vous nous dites:
Où est-ce qu'à un moment donné le fond va être
atteint. Je connais la situation au Bangladesh, c'est épouvatable, il
n'y en a pas de fond. Si vous me dites: Les coûts, qu'est-ce qui serait
le mieux? Je vous laisse cela à vous. Est-ce que l'université
québécoise peut recruter, par exemple, un corps professoral
régulier? Pensez-vous que 70% d'encadrement par les professeurs
réguliers serait quelque chose de bien? Si vous dites oui, je vais
appeler tous les "helpers" du ministre et ils vont tout nous calculer cela, ce
n'est pas long. Ce que je veux mettre en cause ici, c'est la chose suivante:
c'est la volonté politique d'avoir un système universitaire
québécois cohérent, dynamique et porteur d'avenir. C'est
cela qu'on veut venir vous dire. Une fois que vous allez dire: oui, les
chiffres, cela va venir vite. Si vous ne voulez pas bouger, il n'y aura pas un
cent qui va sortir. Par exemple, aux États-Unis on a dit: Cela nous
prend un rnicro-ordinateur "made in America". On a sorti 900 000 000 $ en trois
semaines. Volonté politique d'agir quelque part. Mais si vous n'avez pas
la volonté politique ou si le gouvernement dit: Cela n'est pas vendable
électoralement les universités, je suis complètement
d'accord. Il n'y aura pas 0,50 $ qui sortiront. C'est bien évident.
Le Président (M. Charbonneau): C'est notre
problème.
M. Vaillancourt (Gilbert): Eh bien, voilà, vous l'avez.
C'est le vôtre, mais on vous chicanera après, cependant. Ne
l'oubliez pas. Il demeure que ce sont des décisions... Ce que l'on veut
dire cet après-midi, c'est que ce sont des décisions politiques.
C'est légitime pour un gouvernement de dire: On va
rétrécir le système. Beaucoup de pays ont des
contingentements épouvantables où une toute petite fraction
privilégiée atteint l'université. Dans les pays de l'Est
en particulier, il y a des contingentements terribles. Ce n'est pas ce que je
dis. Il y a quand même à l'intérieur de cela, M. le
député, des propositions implicites. Si à un moment
donné il était utile à la commission qu'on chiffre un
certain nombre de choses, je suis persuadé qu'on pourrait vous envoyer
une feuille où on sortirait un certain nombre de propositions
chiffrées, mais, d'après moi, notre crédibilité
n'en serait pas davantage accrue. Au contraire, vous sursauteriez
davantage.
M. Leduc (Saint-Laurent): II faut tout de même
reconnaître qu'au Québec, on investit passablement dans
l'éducation. Je pense qu'on fait des efforts assez considérables.
Alors s'il faut diminuer le nombre de chargés de cours, je veux bien, si
vous voulez tous les éliminer, non. Or, évidemment, si vous me
dites: On arriverait avec la facture, ensuite cela va coûter 500 000 000
$; je vais vous dire: Non, je ne suis pas capable de la payer. Alors, la
société n'est pas capable de la payer.
Je voudrais maintenant toucher à la question du vieillissement
des professeurs. Ce matin, la conférence des recteurs nous mentionnait
qu'il y avait un problème de vieillissement chez les professeurs. Je
voudrais connaître vos remarques à ce sujet et que vous me disiez
également si vous êtes d'accord avec le retrait de la loi 15 qui
enlève l'obligation de prendre la retraite à 65 ans. Cela a un
impact sur le vieillissement des professeurs, surtout au niveau
universitaire.
Mme Robinson: Sur la question du vieillissement des professeurs,
nous aimerions mettre la pédale douce légèrement. À
notre sens, c'est un faux problème. Le vieillissement des professeurs
est directement relié au vieillissement de la population
québécoise. On ne peut pas dire qu'il y a un vieillissement de
professeurs plus grand qu'au niveau du vieillissement du corps professoral.
C'est la première mise en garde que je voulais faire. La deuxième
mise en garde est que pour nous, la question du vieillissement du corps
professoral, c'est-à-dire l'avancement en âge du corps
professoral, on ne peut pas ne pas l'admettre; il existe, il est présent
et on le voit. Cependant, ce qui, pour nous, est le plus important, c'est non
pas les hypothèses ou les possibilités de mise à la
retraite anticipée, c'est l'ouverture de postes de jeunes professeurs.
Notre plus gros problème actuellement et ce qui nous fait le plus mal au
coeur, c'est de voir des jeunes chercheurs que nous avons formés dans
nos universités qu'on ne peut pas engager sous prétexte qu'il y a
des compressions budgétaires. Alors, cela veut dire en fait que pour
nous ce qui est le plus important c'est d'ouvrir des postes et de permettre
à ces jeunes chercheurs d'entrer à l'université.
Sur la question du vieillissement, ce
serait peut-être intéressant de faire un tour de table et
d'essayer de voir quel est l'âge idéal pour prendre sa retraite
quand on est professeur d'université comme lorsqu'on est n'importe
où sur le marché du travail. Je voudrais simplement rappeler
à la commission que les prix Nobel et les chercheurs ont fait leurs
découvertes à un âge passablement avancé. Nous
sommes en total désaccord avec la non-application de la loi 15 aux
professeurs d'université.
M. Leduc (Saint-Laurent): L'âge moyen au niveau
universitaire...
M. Vaillancourt (Gilbert): C'est 44 ans.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je pensais que c'était 50
ans.
M. Vaillancourt (Gilbert): Ah non. J'ai les cheveux gris, mais ce
n'est pas tout le monde.
Mme Robinson: L'âge moyen dans le réseau
universitaire actuellement est de 44 ans. Disons que cela varie entre 44 et 46
ans. On pourrait peut-être faire une espèce de tableau ou essayer
d'exposer un certain tableau. Il y a quelques femmes à
l'université; elles commencent à être productives. Je
m'excuse pour toutes les femmes qui sont là, mais quand on est
mère de famille - et peut-être aussi qu'il y a un certain nombre
de pères de famille qui s'occupent de leurs enfants un peu - on commence
à être productif quand les enfants commencent à aller
à l'école et c'est à peu près aux alentours de 40
ou 45 ans. Cela veut dire que si on commence à parler de retraite
anticipée à 55 ans, un professeur d'université aura
été productif pendant dix ans. C'est incroyable. On a investi
dans ces professeurs, on leur a donné la possibilité de
bénéficier de congés de perfectionnement, de faire des
doctorats aux frais de l'État et on va les mettre à la retraite
anticipée sous prétexte que le vieillissement du corps
professoral est devenu grave. Je pense que c'est un faux problème. On
veut essayer de rajeunir le corps professoral, mais pour nous, rajeunir le
corps professoral, cela veut dire ouvrir des postes aux jeunes chercheurs
à l'université.
M. Leduc (Saint-Laurent): Rendu à 65 ans, on est aussi
intéressé à se perfectionner et à se recycler
qu'à un âge plus jeune.
Mme Robinson: II me semble que oui, en fait. Il y a des
gens...
M. Leduc (Saint-Laurent): Ce sont des fins de carrière,
tout de même, à 65 ans.
Mme Robinson: II y a des gens, à 65 ans, qui ont
commencé de nouvelles carrières. Il y a des présidents de
pays qui ont commencé des nouvelles carrières à 65 ans. Il
y a des juges à la Cour suprême. Il me semble que c'est un faux
problème. Qu'on permette à des gens de quitter le réseau,
cela va. Qu'on permette à des gens qui ne sont plus
intéressés à quitter, cela va également, mais qu'on
les force à le faire, on est moins d'accord.
M. Leduc (Saint-Laurent): Donc, vous n'êtes pas d'accord
avec l'affirmation de la Conférence des recteurs et principaux des
universités.
M. Ryan: Remarquez que le Parti libéral non plus.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela prend quelqu'un pour porter le
flambeau. Si on regarde la nouvelle formule, le nouveau cadre de financement,
je voudrais savoir si vous êtes d'accord avec les paramètres qui
sont établis dans cette formule, soit la discipline, les cycles, la
tâche et la recherche. Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'on
identifie ces quatre paramètres?
M. Lévesque (Gaétan): Oui, nous sommes d'accord -
nous en avons d'ailleurs parlé dans notre mémoire - avec les
paramètres qui ont été retenus. On s'interroge tout de
même sur les implications que ceci entraîne. Avec les
paramètres qui ont été retenus, nous sommes
essentiellement d'accord. On considère que financer les
clientèles étudiantes selon le cycle d'études, c'est une
chose dont on parle depuis pas mal longtemps, et on considère que c'est
une politique qui est appropriée dans les circonstances, d'autant plus
qu'actuellement, compte tenu de l'augmentation des clientèles dans le
domaine du virage technologique et des coûts moyens qui sont relativement
élevés, nous pensons que c'est tout à fait normal.
En ce qui concerne le phénomène taille, nous sommes aussi
d'accord avec la mesure de ce phénomène. Toutefois, on
s'interroge sur la pertinence des études réalisées.
Évidemment, lorsqu'il y a dix ou onze établissements qui
connaissent des réalités très différentes l'un de
l'autre, par exemple, à Rimouski, l'Université de Rouyn-Noranda
et l'Université de Montréal, il y a des réalités
très différentes et qui ont des conséquences au niveau
financier.
En ce qui concerne la recherche, nous sommes aussi d'accord. Nous sommes
heureux de constater que le ministère a accepté le fait qu'il
existe des frais indirects impliqués par la recherche. Cependant, le
traitement qui a été fait au niveau du cadre de financement,
c'est-à-dire comment ils l'ont introduit, comment ils l'ont
intégré, on
considère que ce n'est pas tout à fait souhaitable, cette
façon de procéder. Toutefois, on sait que le ministre de
l'Éducation a annoncé hier qu'il ne mettrait pas en application
ce nouveau mode de financement pour l'année 1984-1985. Donc, cela veut
dire qu'il y a possibilité d'améliorer la méthode
actuelle.
Nous sommes d'accord sur ce plan au niveau des principes. On s'interroge
tout de même. Nous avons dit tout à l'heure qu'il y a
possibilité de contrôle plus élevé de l'État.
Tout de même, on considère qu'en termes d'imputabilité, de
comptabilité, c'est important que les éléments du
financement soient clarifiés, soient plus raffinés, si vous
voulez. Est-ce que ça répond à votre question? (17 h
30)
M. Leduc (Saint-Laurent): Êtes-vous d'accord avec la
répartition de l'allocation à l'intérieur de
l'université entre les facultés? Est-ce que vous trouvez que la
répartition se fait d'une façon équitable et
acceptable?
M. Vaillancourt (Gilbert): C'est une négociation
permanente. Je me souviens, il y a 25 ans, on discutait de cela. C'est
l'éternel débat du sec et de l'humide. Si vous êtes en
chimie, vous êtes humide. Je ne sais pas d'où vient cette affaire.
Si vous êtes en sciences humaines, vous êtes sec. Et c'est une
éternelle négociation entre les choses. Entre les
facultés, je pense qu'il faut laisser les forces de l'université
discuter de cela. Je vois mal comment la commission va arbitrer cela. Cela fait
un siècle que cela existe. Je ne vois pas bien comment nous pourrions,
cet après-midi, donner une réponse sur la répartition
à l'intérieur de l'université.
M. Leduc (Saint-Laurent): Qu'est-ce que vous pensez des
contingentements?
M. Vaillancourt (Gilbert): Je suis contre, "très" contre.
Ce que j'en pense, M. le député? Contre. Parce que le
gouvernement n'a pas dit autre chose depuis 25 ans. Le gouvernement, il y a 25
ans, s'est oublié, quelque part au début des années
soixante, et il a dit: Tout jeune Québécois qui aura les
capacités ira un jour à l'université s'il en a le
désir et on va le recevoir. Depuis ce temps, le gouvernement n'a jamais
dit rien d'autre. En réalité - je ne veux blesser personne, mais
c'est évidemment un discours très hypocrite - il a forcé
les universités à faire des contingentements. Pour une
université comme l'UQAM, qui est censée être une
université démocratique et ouverte, 37% des programmes de premier
cycle sont contingentés ainsi que 38% des programmes de deuxième
cycle. En d'autres termes, entre le discours que le gouvernement a tenu en
disant que les jeunes Québécois pourront aller à
l'université et la réalité, il y a quand même une
marge. Je pense qu'il faut le plus possible, d'après moi, ouvrir les
universités, même si actuellement dire cela - les trois
fédérations le disent - c'est aller à contre-courant. On
sait que c'est carrément prêcher dans le désert, qu'on ne
se fera pas écouter quand on répète une chose comme cela
au moment où tous les pays européens resserrent les cordons de la
bourse, c'est-à-dire qu'il faut continuer de se battre pour que le plus
possible de citoyens un jour aient accès à cette richesse.
C'est quand même bizarre. Je veux terminer là-dessus. Il y
a vingt ans s'éduquer, c'était une richesse. Aujourd'hui, c'est
une honte parce que cela coûte cher à l'État. Il y a
quelque part pendant ces années une espèce de dérive qui
s'est faite. Je pense qu'il faut carrément répéter que
l'accessibilité doit rester un idéal collectif et il faut le plus
possible ouvrir les universités.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous avez 2500 candidats à la
médecine, est-ce que vous acceptez les 2500?
M. Vaillancourt (Gilbert): Je ne sais si je vais les accepter.
Une chose est certaine, vous en cherchez pour la Côte-Nord, mais on n'en
trouve pas.
Mme Robinson: Je peux peut-être ajouter à
l'intervention de M. Vaillancourt que nous avons redit dans notre
mémoire - à la page 34 - notre attachement profond à
l'accessibilité et nous reprenons là, dans cette page, la
définition qu'on donne de l'accessibilité et qu'on a toujours
donnée au Québec. Pour nous, c'est un principe fondamental. C'est
ce principe fondamental qui nous a permis de rédiger le mémoire
et de nous présenter à la commission.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous avez une opinion sur la
question des frais de scolarité?
M. Vaillancourt (Gilbert): C'est la même chose que pour les
contingentements, M. le député. Je pense qu'il ne faut pas
toucher aux frais de scolarité. Ce n'est pas pour des raisons
démagogiques, ce n'est pas parce qu'on craint d'affronter les
étudiants ou quoi que ce soit, je pense que c'est un idéal,
même dans les conjonctures difficiles -c'est un fait que le Québec
traverse une conjoncture difficile, c'est un fait qu'il y a une crise
économique, on le sait, puisqu'on a eu une réduction d'environ
300 000 000 $ de ce qu'on aurait pu avoir - qu'il faut garder. Ce qui peut
faciliter l'entrée des étudiants dans les universités,
maintenant que nous, qui sommes dans la quarantaine, avons largement
été bénéficiaires d'un système
généreux, maintenant qu'on peut payer des impôts
à
notre tour, qu'on peut financer le système -c'est aussi
être généreux envers les gens qui s'en viennent, envers les
jeunes qui s'en viennent et accepter d'être taxés s'il le faut,
mais le plus possible laisser les portes ouvertes.
Le gel des frais de scolarité, c'est une manière. On ne
plaide pas pour les retirer demain matin, ce n'est pas cela qu'on dit. On dit
qu'il ne serait pas opportun actuellement d'y toucher. Je pense que le fait
qu'il existe un faible taux - l'inverse n'a pas été
démontré - de frais de scolarité, cela facilite
l'entrée à l'université. L'hypothèse qui a
été donnée ce matin est une hypothèse. La
vérification n'a pas encore été faite. Mais même si
c'était, M. le député, 10% des étudiants qui
étaient empêchés de venir étudier, je pense que cela
serait une perte pour la société québécoise. C'est
irréaliste, vous allez me dire, c'est poétique, mais je pense que
c'est nécessaire de laisser les portes ouvertes et puis, on devait se le
fixer comme idéal collectif.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes pour le gel, donc
contre l'abolition.
Mme Robinson: Sur cette question de gel, je voudrais vous
rappeler que la FAPUQ s'est déjà prononcée pour le gel des
frais de scolarité, à l'époque de la question de
l'augmentation des frais de scolarité pour les étrangers, dans un
télégramme envoyé au ministre de l'Éducation au
printemps dernier.
M. Leduc (Saint-Laurent): Merci.
Le Président (M. Charbomeau): Avant de passer la parole,
j'aurais quasiment le goût de dire que je n'ai pas l'impression que
personne néanmoins ici, autour de cette salle, n'ait tenté de
considérer l'éducation comme une honte. Je ne pense pas que les
exagérations, des fois, servent les bonnes causes. Je pense qu'on est
encore convaincu que c'est une richesse. En huit ans de carrière
politique, je n'ai pas entendu beaucoup de gens qui ont tenu un discours de
cette nature. Peut-être que des gestes, parfois, peuvent amener à
penser des choses, mais en tout cas.
M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: Après tout ce qui s'est dit, j'essaierai de
concentrer mon intervention sur quelques considérations
générales et quelques points plus précis, par la
suite.
Tout d'abord, je tiens à réaffirmer, moi aussi, qu'il est
de l'avis de tous et de chacun autour de cette table, que l'université
joue un rôle d'importance et de premier plan dans la
société. Cela, je crois que c'est une vérité,
quasiment, de La Palice de le dire, mais je sens le besoin de le
répéter parce que votre intervention et votre texte laissaient
entendre que vous croyez que certaines personnes considèrent
l'université comme étant quelque chose de peu d'importance.
Je crois qu'il faut être bien sur la même longueur d'onde et
reconnaître que tout le monde reconnaît l'importance de
l'université, comme un facteur d'avancement d'une
société.
Maintenant, je vais me référer à certaines des
interventions. On a dit: "II fut un temps où s'éduquer,
c'était s'enrichir", c'est vrai, mais il ne faut pas oublier un aspect
aussi, c'est que pour s'éduquer, cela prend de la richesse. Pour
s'éduquer, cela prend de la richesse et c'est un peu cette
réalité qui fait que nous vivons, aujourd'hui, un problème
de compression. Si on pouvait s'éduquer sans avoir recours à de
la richesse, cela serait facile d'avoir les plus beaux systèmes
d'éducation et de belle formation. On mettrait un étudiant par
professeur, etc., parce qu'à la limite, il n'y a pas, comme on a dit
tantôt, de normes absolues qui déterminent les conditions requises
pour une qualité de la formation. On peut toujours en mettre, il y a
toujours place pour améliorer les conditions en vue d'assurer la
qualité de l'éducation.
On a vécu un problème, dans la société, de
compression de la richesse. Tantôt, quelqu'un d'entre vous disait: "Je ne
serai jamais d'accord à partager la pauvreté". Moi, je ne suis
pas d'accord avec ce que vous dites. Il va falloir qu'on soit d'accord et on a
dû être d'accord, malgré nous, à partager une moindre
richesse.
Le danger, c'est que quand on défend un secteur, c'est de faire
abstraction de l'ensemble. Mon expérience, depuis quelque temps, c'est
que quand on prend chaque secteur isolément, en soi, quand on l'analyse,
il a toutes les raisons d'exiger et d'obtenir davantage de la
société, mais quand on a une situation où globalement il y
en a moins, il faut que l'ensemble des secteurs acceptent de partager une
moindre richesse. Le défi, actuellement, dans notre
société, c'est de tenter de faire aussi bien et mieux avec un peu
moins de richesse.
Cela, je crois que le ministre l'a reconnu, le gouvernement l'a reconnu,
nous avons tous reconnu que les universités, depuis trois, quatre ou
cinq ans, ont participé à cette moindre richesse. On peut dire
qu'elles ont probablement - je ne sais pas, cela dépend des
appréciations - fait aussi bien durant les trois dernières
années avec moins de richesse.
Vous dites que la qualité a diminué, les conditions de
travail sont peut-être moins réjouissantes qu'elles
étaient, mais la qualité du produit, au bout, je ne suis pas
sûr qu'elle est moindre qu'il y a quatre ou cinq ans. Je ne suis pas
sûr.
C'est un défi et je reconnais avec vous, cependant, que si on ne
veut pas régresser quant à la qualité de
l'éducation, il faut s'arrêter à un moment donné. Il
y a une limite à la moindre richesse, parce qu'à ce moment, quand
on joue trop sur le quantitatif, c'est le qualitatif qui en subit la
conséquence; mais très souvent, on peut protéger un
degré de qualité en variant passablement le quantitatif. Cela
peut être une thèse hégélienne que j'avance
là. Je reconnais qu'il y a une limite à la décroissance
quantitative, là on arrive à toucher la qualité.
Peut-être qu'on a atteint la limite, est-ce que c'est l'an dernier ou il
y a deux ans, ou est-ce qu'on l'atteint cette année ou on l'atteindra
l'an prochain? Là on peut différer d'opinion et d'analyse sur
cela. Je pense que vous êtes bien placés pour porter un jugement
sur cet aspect.
On a dit tantôt aussi que c'est une simple question de
volonté politique. C'est vrai, dans un sens, que voulez-vous? C'est vrai
que c'est une question de volonté politique. Le gouvernement pourrait
décider demain d'injecter 50 000 000 $ de plus, mais la volonté
politique ne s'exercera pas indépendamment d'autres facteurs, il y a une
réalité budgétaire qui est derrière. Et on se dit:
Si on décide d'en mettre plus là, il va falloir qu'on le prenne
ailleurs. Alors, une décision politique ne se fait pas
indépendamment d'autres facteurs, d'autres considérations qui
contraignent à un moment donné la volonté politique.
La question qu'on peut se poser: Est-ce que, collectivement, dans la
société québécoise, l'effort que l'on fournit est
en deçà de ce qu'on devrait fournir étant donné la
richesse collective que l'on partage? La question peut se poser. Il n'y a pas
de normes absolus, ce n'est pas facile de répondre à cette
question. Mais là, on a eu recours à certaines comparaisons avec
des sociétés aussi avancées que la nôtre et on a
essayé de voir l'effort qu'elles accordent à l'éducation
en tenant compte de leur richesse collective. C'est pour cela que ce n'est pas
un problème facile à résoudre et les décisions
politiques dans ce domaine ne sont pas faciles à prendre non plus. Comme
je le disais tantôt: pour s'éduquer cela prend de la richesse.
Vous allez me dire: Oui, mais formons nos gens et ils vont en créer de
la richesse. Mais cela pourra peut-être prendre 20 ans avant que ceux
qu'on forme aujourd'hui puissent contribuer à créer de la
richesse. Il faut aussi qu'entre-temps on puisse se permettre, dans les
années en cours de former ceux qui sont là. D'où la
préoccupation du gouvernement de consacrer une partie de la richesse
collective pour créer d'autres richesses, c'est-à-dire d'investir
une partie des montants dans l'accroissement de notre moyen de production ou de
productivité pour relancer et activer l'économie.
Vous allez me dire: Très bien, le capital humain, il faut
investir dans cela aussi. Je suis d'accord, mais il faut établir un
juste équilibre entre les deux. Si une société met trop un
pourcentage de sa richesse collective dans l'éducation, on arrivera avec
les années à avoir de moins en moins de richesses pour soutenir
le système de l'éducation. C'est ce juste équilibre que le
gouvernement essaie de maintenir présentement. Je crois que notre
responsabilité actuellement, c'est d'analyser la situation et d'essayer
de faire des recommandations au gouvernement pour dire: Écoutez
là, actuellement, avec les ressources qui sont là, la
quantité de ressources que vous mettez, on ne peut pas obtenir plus de
rendement. Comme certains l'ont avancé ce matin, il semblerait qu'avec
les ressources qu'on y met, si on gérait mieux à
l'intérieur du réseau, non pas seulement de l'institution mais
globalement, l'ensemble des ressources que la collectivité
québécoise consent à l'éducation universitaire,
à la formation universitaire, à l'enseignement universitaire, on
pourrait avoir un meilleur produit. Alors, là le gouvernement va avoir
la tentation de dire: Ecoutez, on n'ira pas à la solution de
facilité en leur donnant plus d'argent, on va les forcer à
améliorer leur gestion parce que l'état actuel de la
société ne nous permet pas d'ajouter des sommes tant qu'on ne
sera pas assuré d'abord qu'on les gère ces ressources avec le
maximum de rendement. (17 h 45)
Ce sont des considérations un peu générales que je
fais, mais je pense que c'est en tenant compte de tous ces facteurs qu'on peut
arriver à se faire une idée et à porter un jugement et une
évaluation sur une décision politique. Dans ce cadre-là,
je n'entrerai pas dans le détail, mais j'aimerais tout simplement
revenir sur un point: la question de la tâche de l'enseignant. Vous avez
dit tantôt que les enseignants ont une tâche telle qu'ils peuvent
difficilement se consacrer à la recherche et faire de la recherche. Je
ne sais pas s'il existe encore dans toutes les universités la
définition d'une tâche assignée contrôlable d'un
professeur, toutes les autres tâches d'un individu... Mais la tâche
assignée contrôlable était le nombre d'heures
d'enseignement, vu que ce sont six heures d'enseignement. Vous pourrez me
renseigner sur la situation de fait, je ne suis peut-être pas tout
à fait au courant, ne croyez-vous pas qu'il y aurait avantage à
moduler la tâche? On a parlé de la question de la modulation de la
tâche. Par hypothèse, tous les professeurs à
l'université, qui donnent six heures de cours, ne font pas tous par
ailleurs les tâches d'encadrement et les tâches de recherche,
à égalité, disons. Ne pensez-vous pas qu'il serait
préférable dans la définition des tâches de
permettre à
certains professeurs d'avoir plus de temps pour la recherche et pour
l'encadrement?
Il y a des professeurs qui dirigent 20 thèses et l'autre à
côté en a deux. Que voulez-vous? Cela existe. On a dix
thèses; deux. Pour permettre à celui qui a beaucoup plus de
thèses à diriger de consacrer plus de temps à la direction
de la thèse pour arriver à aider davantage des étudiants,
la "diplômation", le taux augmente, pour permettre à certains de
réduire le nombre d'heures d'enseignement à trois heures et
à d'autres qui ont moins de thèses à diriger et qui ne
font pas partie d'un certain groupe de recherche planifiée, qu'ils
puissent en donner neuf heures, par exemple, et ainsi moduler les tâches
en vue d'utiliser au maximum les ressources humaines dont dispose le milieu
pour l'enseignement et aussi pour assurer la qualité de la recherche et
de l'encadrement... Alors, c'est simplement sur ce point-là que je
voudrais poser quelques questions et connaître vos réactions.
Mme Robinson: Sur cette question de la tâche, je vais
répondre. Sur la première partie de votre intervention, M.
Stephenne va apporter une réponse.
La question de la tâche, il fallait s'attendre qu'on se fasse
poser cette question. Le chiffre est lâché: six heures de cours
par semaine. Alors, je vous ferai remarquer que dans de très nombreux
départements et facultés des universités
québécoises, les six heures, c'est une question nostalgique, on
ne donne plus six heures de cours on en donne passablement plus, dans un
premier temps. Il faut également être bien conscient que chaque
professeur se voit aussi attribuer par consultation avec son directeur de
service ou son doyen, une tâche globale qui ne comporte pas uniquement
les heures d'enseignement. C'est extrêmement important. C'est
évident que lorsqu'on lâche dans la société qu'on
travaille six heures par semaine, c'est bien sûr qu'on dit qu'il y a du
gras et il y en a pas mal. On va couper éternellement pendant 20 ans et
il va rester encore des possibilités. Mais ce ne sont pas six heures de
cours par semaine; cela n'est pas cela notre tâche. Notre tâche,
c'est à la fois une présence en classe magistralement, si on
veut, ou sous forme de séminaire; c'est à la fois la
définition de projets de recherche, l'administration de ces projets de
recherche et aussi l'encadrement des étudiants des deuxième et
troisième cycles et c'est également la participation à
l'infrastructure de l'université. En plus de tout ce qu'on nous demande
de faire au niveau enseignement et recherche, au niveau encadrement, on nous
demande également de participer à des comités pour faire
fonctionner l'université: comité d'admission, comité de
premier cycle, comité de programmes, comité de la
bibliothèque, comité, etc., il y en a à la douzaine de ces
comités. En plus, il reste une partie de la mission de
l'université que nous avons beaucoup de difficulté à
définir et que nous avons beaucoup de difficulté à faire.
Il s'agit des services à la collectivité. Quand on parle des
services à la collectivité, on voit des petits sourires en coin.
Qu'est-ce que cela veut dire? En fait, quand un professeur reçoit un
appel téléphonique d'une PME ou reçoit un appel
téléphonique d'un comité de citoyens ou peu importe, il
est disponible pour ces gens. C'est cela les services à la
collectivité.
De plus, on nous demande également, parce qu'à un moment
donné on nous évalue assez régulièrement pour
l'agrégation, pour la titularisation, pour les demandes de subventions.
On nous évalue dans nos cours. Effectivement, il faut qu'on sorte de
notre milieu universitaire et qu'on aille de temps en temps transmettre, par
des communications, le fruit de nos recherches, le fruit de notre travail.
C'est ça la somme de travail faite par le professeur
d'université.
Sur la question de la modulation, je dois vous dire que c'est une
question strictement locale, c'est-à-dire que c'est une question qui
relève généralement des conventions collectives locales.
Dans de très nombreux endroits, on remarque déjà cette
volonté, cette possibilité de moduler la tâche du
professeur. C'est déjà inscrit dans certaines conventions
collectives. On n'est pas contre la modulation; ce qu'on dit, c'est qu'on ne
peut pas la faire de façon générale pour l'ensemble du
réseau universitaire. Laissons aux départements et aux
facultés le soin de se répartir entre eux la tâche de
travail à accomplir dans ce département ou dans cette
faculté.
M. Stephenne: Pour la commission, il m'apparaît important
de rappeler que le Conseil supérieur de l'éducation a fait un
avis sur la condition des professeurs d'université où, à
toutes fins utiles, on fait une analyse de la tâche d'un professeur
d'université. Je pense qu'il aurait intérêt à le
lire, ça pourrait dissiper un certain nombre d'idées
préconçues sur les six heures de cours en question.
J'aimerais également dire à cette commission que les
professeurs ne se sont jamais cachés pour discuter de cet
élément de tâche, et qui plus est, nous avons fait une
proposition - je ne me souviens pas si ça fait un an ou deux ans - de
faire une analyse conjointe, MEQ, CREPUQ et FAPUQ pour entreprendre ensemble
une analyse de la tâche. Nous n'avons pas reçu de réponse
positive sur cette chose. C'est assez paradoxal, d'ailleurs, de dire que c'est
nous qui faisions la démarche. Enfin!
J'aimerais revenir sur une considération qui m'apparaît
quand même importante. On semble sous-tendre que nous n'étions pas
d'accord à participer à l'effort collectif du Québec,
à la résorption des dépenses publiques. Nous n'avons
jamais prétendu que nous étions contre, nous avons même dit
que c'était normal que nous participions à cet effort. Cependant,
on nous dit comme ça qu'il n'y a pas de modification quant à la
priorité qu'on accorde à l'enseignement supérieur, les
chiffres nous disent que ce n'est pas tout à fait le cas, qu'il y a eu
une décroissance, finalement, du pourcentage que l'État attribue
à l'enseignement supérieur depuis un certain nombre
d'années.
On nous dit que c'est parce que nous sommes plus pauvres collectivement
et qu'on doit considérer qu'il est normal que la part de l'État
diminue dans ces secteurs. Je comprends bien que l'ensemble des dépenses
de l'État devraient diminuer, mais que la proportion, en pourcentage, si
la propriété demeure la même, ne devrait pas être
modifiée d'une façon substantielle. J'aimerais également
faire valoir aux membres de la commission qu'il y a des pays qui ont
décidé de mettre des priorités sur l'enseignement
supérieur pas hier et pas aujourd'hui, mais il y a plusieurs
années, et je me réfère en ceci au Japon qui a des
objectifs bien supérieurs à ceux du Québec quant au taux
de scolarisation qu'on impose à cette population.
Tout ce que nous vous demandons, finalement, c'est un redressement par
rapport à une norme qui est la nôtre, une norme qu'a
acceptée la société québécoise et qui
existait en 1978. On ne vous demande pas de doubler, on ne vous demande pas
d'avoir 7% des dépenses gouvernementales, on vous demande
essentiellement de rester dans la même norme aux environs de 3,5. Donc,
ce n'est pas un changement radical, mais on vous dit de garder la même
préoccupation vis-à-vis de l'enseignement supérieur. Si
vous considérez ceci comme étant un investissement, non pas une
dépense, je pense que l'État a encore les moyens. Si
l'État considère que rembourser 400 000 000 $ avant le temps,
parce qu'il considère cela comme un investissement, il
récupère des intérêts sur ces sommes - je suis
parfaitement d'accord avec cette logique comptable de récupérer
de l'argent parce qu'on n'a pas à débourser des
intérêts - il m'apparaît qu'on pourrait avoir la même
logique en termes d'enseignement supérieur et considérer, pour
une fois, que l'État ne dépense pas, mais investit. Vu sous cet
angle, le 3,5% que l'État consacre à l'enseignement
supérieur pourrait peut-être augmenter à 3,52% ou 3,53% et
régler peut-être l'ensemble des problèmes. À ce
moment, on ne demanderait plus aux professeurs, alors qu'il existe
déjà un conseil qui, à notre sens, donne des très
bons avis depuis deux ans, a des ressources, pour conseiller le ministre, les
députés, la FAPUQ, les autres fédérations de
professeurs et également les administrateurs d'université sur un
certain nombre de solutions à apporter.
Et ce même conseil ne dit pas qu'il y a toutes des solutions qui
ne coûtent rien. Il dit qu'il reste encore des choses à faire et
qui ne coûteront rien peut-être à long terme; mais il dit
également qu'il y a des solutions qui vont coûter de l'argent. Je
suis bien d'accord qu'on nous pose toujours la question à savoir oui
mais, à part de nous demander de l'argent, avez-vous d'autres types de
solutions? Je vous réfère au conseil, il en a donné, il en
a déjà une batterie de conseils qui ont déjà
été donnés. Là-dessus, la FAPUQ considère
qu'il y a un certain nombre des recommandations du conseil qui devraient
être mises en oeuvre, mais pas strictement celles qui sont, au point de
vue économique, au facteur zéro. Si ces conseils sont valables
à ces niveaux, on pourrait peut-être considérer qu'ils sont
valables également lorsque le conseil dit qu'il a de l'argent à
injecter dans le système.
M. Brouillet: Sur un point, quand vous dites que la proportion de
l'effort demandée au milieu universitaire est plus considérable
que, entre autres, le domaine de la santé, on me fait remarquer que dans
le domaine de la santé, vous avez inclus les frais de services sociaux,
entre autres qui, vous savez, ont considérablement augmenté. Si
on exclut l'aide sociale, les chiffres du ministre sont tout à fait
adéquats et exacts.
M. Lévesque (Gaétan): Je pense que vous faites
référence à ce tableau-ci. Les dépenses pour l'aide
sociale sont exclues de ceci. Ce sont les services des centres de services
sociaux, vous avez un poste budgétaire, je ne me souviens pas exactement
quel est le titre qui est donné, il me semble que c'est "Prestations
d'aide sociale", c'est environ 1 800 000 000 $, 2 000 000 000 $, je ne me
souviens pas exactement, mais c'était exclu de ce chiffre ici...
Effectivement, j'en ai bien tenu compte.
M. Brouillet: Je ne veux pas entrer nécessairement dans
les chiffres, tout simplement, ce qu'on nous a dit, parce que je n'ai pas...
Écoutez! Si vous voulez qu'on vous mette des spécialistes
à côté de vous pour les vérifier, on pourra toujours
le faire. Ce n'est pas à nous à se mettre à table, sortir
les chiffres et vérifier cela. On peut toujours demander à des
spécialistes de vérifier de nouveau vos chiffres et on pourra
vous faire venir pour rencontrer ces spécialistes et après, on
verra. Je voulais simplement signaler cet aspect. C'est que, sur une certaine
base, on nous a dit hier que
l'effort au niveau universitaire, par rapport au PIB, était pas
mal moindre que ce que vous avez affirmé aujourd'hui, mais qu'on avait
tenu compte dans l'analyse à ce moment, autant que je sache, de tout le
secteur des prêts et bourses qui n'ont pas été
diminués durant cette période; c'est un effort consenti par la
collectivité aux études au niveau universitaire, les prêts
et bourses et quelques autres facteurs. Je crois qu'il va falloir que la
commission prenne les chiffres qu'on nous a donnés avec les
vôtres, afin de voir ce sur quoi vous les appuyez et faire des
comparaisons afin de clarifier cette chose. C'est évident que si vous
continuez à croire que l'effort est beaucoup plus considérable
chez vous qu'ailleurs et que le ministère continue à croire que
l'effort n'est pas plus grand, on s'en va vers un dialogue plutôt
difficile. Je crois que la commission devra se faire un devoir de s'asseoir et
d'arriver à ce que les deux parties puissent s'entendre sur les
chiffres, préciser les bases sur lesquelles elles appuient leurs
chiffres. (18 heures)
Maintenant, je vais terminer. Je ne l'ai pas dit tantôt, quand je
suis intervenu sur la question des six heures, je voulais simplement attirer
l'attention sur - je sais que la tâche du professeur de
l'université n'est pas que là - le maximum d'heures
d'enseignement. À un certain moment donné, un département
ne peut demander à un professeur de faire plus de six heures
d'enseignement, il y a un maximum ou un plafond et c'est surtout sur ce plafond
que je veux intervenir. C'est évident que si on a un plafond, cela nous
permet moins de possibilités de dégager d'autres professeurs pour
se consacrer davantage à l'encadrement et à la recherche si on ne
peut pas du tout demander à un professeur qui fait moins d'encadrement
de donner neuf heures.
M. Vaillancourt (Gilbert): Oui.
M. Brouillet: On me dit que maintenant le plafond n'existe plus
dans plusieurs universités et qu'au niveau d'un département on
peut effectivement s'entendre pour qu'un professeur puisse donner neuf heures
peut-être pour un semestre ou deux.
M. Vaillancourt (Gilbert): Il faut faire les distinctions. Dans
les conventions collectives de l'UQ vous avez effectivement un plafond de six
heures mais qui peut être réaménageable. Par exemple, un
professeur peut prendre neuf heures de cours dans une session pour
dégager un autre pour la recherche, ce sont des choses possibles; c'est
déjà dans les conventions. Maintenant, si vous dites: Est-ce
qu'il existe dans les conventions une possibilité large de tout modifier
cela? Non, pour une raison simple. On tient à ce que le professeur
compose sa tâche à la fois à l'enseignement de recherche et
de service à la collectivité, mais il existe déjà
ce qu'on appelle une modulation. Par exemple, quelqu'un qui est directeur de
module, qui a un poste administratif n'enseigne pas, il existe des
dégrèvements de recherche il y a toute une série de choses
qui existent actuellement qui pourraient être exploitées, encore
une fois, mais quand les propositions concrètes seront là on
pourra les analyser, oui.
Le Président (M. Charbonneau): Je pense que la
députée de Jacques-Cartier ne me pardonnerait pas si je ne lui
donnais pas quelques instants pour converser avec vous. Je lui demanderais,
ainsi qu'à vous, de nous aider à faire en sorte qu'on puisse
terminer dans quelques minutes parce qu'on a une réunion de travail
ensuite avant d'ajourner. Mme la députée.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président.
Mes questions seront courtes. Tout d'abord un petit commentaire. Je
partage votre sens d'urgence envers la nécessité de
reconnaître l'importance de l'université pour l'avenir du
Québec et en conséquence de trouver la volonté politique
d'augmenter les ressources pour nos universités.
Le député de Fabre est parti, mais je crois que la
référence américaine qu'il a soulevée sur
l'excellence n'était pas tout à fait pertinente puisqu'il a
parlé du "how" au lieu de "how much". Mais je crois qu'on a
épuisé le "how" et on est arrivé à la question de
"how much", donc ce n'est pas du tout la même question.
À la page 24, vous avez parlé du problème du
dédoublement. Il semble que vous craignez la fermeture de certains
départements et la concentration des disciplines dans certains
établissements à cause des règles du jeu établies
par le gouvernement. Plus loin, à la page 28, vous déplorez la
concurrence créée par les règles qui va créer des
dédoublements coûteux que le ministre aborde et la
possibilité qu'il y ait certains secteurs qui soient
négligés comme résultat. J'aimerais discerner votre
position sur cette question du dédoublement. Je vois une certaine
ambivalence dans votre position. Est-ce que vous êtes opposés au
principe de concentration, de certaines rationalisations, de certaines
disciplines dans certains établissements?
M. Stephenne: Tout d'abord, je vais distinguer entre la page 24
et la page 28, il pourrait sembler qu'on dise deux choses contradictoires alors
qu'on dit deux choses différentes. Dans un premier temps, nous disons:
L'application des principes dont nous reconnaissons la validité - nous
en avons discuté tout à l'heure - est quand même, au niveau
de l'application de la formule,
dangereuse; c'est à la page 24; je vous ai expliqué le
détail de l'annexe. Donc, la dimension des groupes peut faire en sorte
de donner au ministère la tentation de réduire essentiellement ou
réduire l'existence de ces petites unités.
À la page 28, ce que nous disons, c'est que compte tenu du fait
que l'enveloppe est fermée depuis un bon bout de temps et vu le fait que
les clientèles ont été financées à partir de
ponctions de l'enveloppe, il était bien évident que chacune des
institutions voulant voir son enveloppe, ou la sous-enveloppe qui lui
était consacrée, grossir, elle courait donc pour aller
récupérer ces nouvelles clientèles. Ces clientèles
étaient financées à même l'enveloppe. Donc, à
toutes fins utiles, dans les départements, il y avait là une
concurrence qui permettait des dédoublements éventuels
coûteux. Donc, ce sont deux choses distinctes. D'une part, nous
critiquons la formule de modification que nous propose le ministère et,
d'autre part, nous disons: Avec la ponction que vous exercez sur l'enveloppe
pour la redistribution, vous conviez tout le monde à la même
table, alors qu'il manque de nourriture. Donc, tout le monde s'arrache le
même morceau de viande. Vous risquez là des dédoublements.
Il est bien évident que lorsqu'une clientèle est nombreuse dans
un secteur, tout le monde veut se l'approprier. Donc, on risque de voir
apparaître des dédoublements. Voilà donc deux choses
nettement distinctes, qui existent ou qui pourraient éventuellement
exister par la mise en place de la formule et qui existent à l'heure
actuelle par le financement à partir de ponctions de l'enveloppe.
M. Lévesque (Gaétan): J'aimerais ajouter quelque
chose. En ce qui concerne la notion de dédoublement - c'est ce qu'on
introduit à la page 28 - il y a aussi un élément assez
important à considérer: c'est le fait que le financement des
clientèles additionnelles dans le cadre du virage technologique
étant financé à un taux différent de celui des
autres clientèles, il est évident que tous les
établissements vont chercher autant que possible à s'accaparer
des clientèles dans ces secteurs. Ce qui veut donc dire, et c'est
évidemment sous réserve de certaines analyses qu'on fera
ultérieurement, qu'il pourra y avoir des allocations de ressources qui
ne seraient peut-être pas tout à fait efficaces dans un cadre
comme celui-là. En fin de compte, un type de politique peut influencer
l'orientation, le développement d'une organisation, d'un réseau
universitaire ou d'un réseau d'hôpitaux. Ce type de financement,
c'est la raison pour laquelle nous sommes contre un financement
différencié des variations de clientèles au niveau du
virage technologique versus celles qui ne sont pas dans le virage à
cause de ce type de phénomène.
Mme Dougherty: Merci. Une dernière petite question.
À la page 32 et à la fin de votre mémoire, vous parlez de
la recherche et des subventions fédérales pour la recherche. Il
semble que vous êtes d'accord avec l'attitude prise par le gouvernement
en ce qui concerne les 25 000 000 $. De plus, dans le dernier paragraphe, vous
suggérez une politique intégrée de la recherche qui
n'exclurait pas par définition des champs d'intérêt
qu'occupe déjà le gouvernement fédéral. C'est une
ouverture qui m'intéresse. Qu'envisagez-vous par cette suggestion d'une
politique intégrée? Est-ce que cela veut dire que vous
n'êtes pas opposé à une certaine concertation sur les
priorités de la recherche entre les deux gouvernements?
M. Lévesque (Gaétan): Mme la députée,
c'est exact. Nous considérons que le gouvernement fédéral,
par son implication au niveau de la recherche universitaire, qui est quand
même de très longue date, c'est-à-dire qui vient...
Mme Dougherty: Oui, cela existe.
M. Lévesque (Gaétan): Dans les années
quarante, déjà le gouvernement fédéral investissait
au niveau de la recherche universitaire au Québec et dans les autres
provinces. Nous considérons que c'est un élément
important. Il y a évidemment un effet structurant sur le
développement des universités québécoises. Cela
dit, nous considérons que le gouvernement québécois,
notamment dans le livre vert sur la recherche scientifique, avait une attitude
peut-être un peu trop exclusive sur cette perspective, en tout cas, en
termes du développement de la recherche universitaire. Nous
considérons qu'il est possible, dans le cadre actuel, que le
gouvernement du Québec réalise ces objectifs en termes de
développement tout en incluant, a priori et de façon relativement
directe, les champs, les intérêts du gouvernement
fédéral au niveau de la recherche universitaire au
Québec.
On sait qu'il y a quand même des interactions qui existent dans le
domaine de la santé versus la chimie ou versus la biologie, que sais-je?
Il y a possibilité d'une entente sur ce plan.
Là-dessus, on va terminer en disant qu'il était utopique,
au niveau des chercheurs québécois, que des chercheurs
québécois se coupent de ces sources de financement qui sont
essentielles, pour eux, au niveau, notamment, de leur rayonnement à
l'extérieur du Québec et à l'extérieur du Canada.
C'est tout à fait utopique de penser que les chercheurs
québécois vont se couper
de cette source de financement étant donné l'importance du
financement fédéral au niveau de la recherche universitaire au
Québec.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Madame et messieurs, il ne
me reste qu'à vous remercier d'avoir accepté notre invitation de
participer à cette discussion. Je pense que cette discussion a
été productive à plus d'un égard; elle a même
été passionnée par moment. Je serais tenté de dire
que s'il existe encore tant de passion de votre côté, c'est que la
morosité n'a pas encore atteint un point catastrophique. Je ne dis pas
cela parce qu'il y a encore de la place pour augmenter cette morosité,
mais simplement parce que c'est néanmoins encourageant de constater
qu'il y a encore cette passion, même lorsqu'on a des cheveux gris comme
professeur d'université.
M. Vaillancourt (Gilbert): On vous l'a dit qu'on était
trop bon. On vous l'a dit.
Le Président (M. Charbonneau): Merci beaucoup. Les
séances de la commission sont ajournées à demain matin, 10
heures, alors que nous recevrons le Regroupement des associations
étudiantes universitaires du Québec qui sera suivi, dans
l'avant-midi, par l'Association nationale des étudiants du Québec
et, demain après-midi, la commission rencontrera le Conseil des
universités.
Merci, bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 13)