To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Education

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Education

Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Wednesday, October 10, 1984 - Vol. 27 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation sur le financement des universités


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Charbonneau): La commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre reprend ses consultations particulières, aujourd'hui. Nous sommes réunis, cette semaine, pour étudier les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1984-1985 et pour les années à venir et pour examiner, sans exclure tout autre mesure ou sujet pertinent, le niveau des subventions aux universités et leur répartition entre les établissements, les sources de revenu des universités autres que les subventions gouvernementales, la participation du gouvernement fédéral au financement des universités et, finalement, le partage des ressources à l'intérieur des universités.

Nous avons entendu, hier, l'autorité du ministère de l'Éducation et au premier chef le ministre de l'Éducation. Aujourd'hui, nous accueillons la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. Au nom de la commission, je voudrais d'abord remercier les porte-parole de la Conférence des recteurs et des principaux des universités d'avoir bien voulu accepter notre invitation de participer à cette commission.

Vous avez signalé, à juste titre, que vous n'avez pas eu des délais extraordinaires pour préparer votre point de vue, mais j'imagine que, comme vous pataugez dans ces questions depuis tant d'années, d'une certaine façon, vous êtes probablement encore plus prêts que les membres de la commission à livrer votre point de vue. Dans ce sens-là, on ne fera pas trop de cas, néanmoins, de ces problèmes de délais.

Sans plus tarder, à moins qu'il y ait des membres de la commission qui voudraient ajouter quelque chose en préliminaire, parce que le temps est limité aujourd'hui, on va immédiatement céder la parole au président de la conférence des recteurs en lui demandant s'il voudrait également présenter, pour les fins du journal des Débats et pour l'intérêt des membres de la commission, les gens qui l'accompagnent.

Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec

M. Hamel (Claude): Merci, M. le Président. Notre délégation de la conférence est composée des trois présidents de comités permanents de la conférence: le comité des affaires académiques, présidé par M. Germain Gauthier, à ma gauche; le comité permanent de la recherche, présidé par M. Yves Giroux, à mon extrême gauche, et le comité des affaires administratives et financières, présidé par M. Richard Béland, à ma droite.

Je suis le président de la conférence; mon nom est Claude Hamel. Vous me permettrez, M. le Président, de faire mon exposé à partir du mémoire que nous vous avons transmis la semaine dernière. J'escamoterai cependant certains passages pour tenter de me limiter à une présentation d'une trentaine de minutes pour garder, comme vous le souhaitez, le maximum de temps pour que l'on puisse échanger nos propos là-dessus.

Le Président (M. Charbonneau): Je vous remercie, M. Hamel. C'est ce qu'on avait demandé aux gens lors de l'invitation, d'essayer de condenser leur présentation dans trente minutes; alors, je pense que vous avez bien compris le message.

M. Hamel: C'est ce que j'essaierai de faire, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Merci.

M. Hamel: Au moment où l'enseignement supérieur québécois traverse une crise financière extrêmement sérieuse, c'est avec empressement que la conférence des recteurs a accepté l'invitation de la commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre à venir discuter avec elle les grandes questions auxquelles l'enseignement supérieur fait face aujourd'hui, dans la perspective tracée par le document ministériel sur le cadre de financement 1984-1985.

Les thèmes que souhaite aborder la commission, et dont elle faisait mention dans sa lettre d'invitation, sont nombreux et complexes. Les délais qui ont été fixés pour la soumission des mémoires sont fort brefs, comme vous l'avez indiqué, M. le Président. La conférence des recteurs a quand même choisi de les aborder tous dans le cadre du présent document, quitte à devoir apporter des nuances et des précisions au cours de la période de questions qui suivra sa présentation.

Cette occasion paraît d'autant plus opportune qu'elle fait suite à de nombreuses interventions que la conférence a faites au

cours des dernières années pour dénoncer le caractère exagéré des compressions qui étaient imposées au secteur universitaire. Faites sous forme de lettres et de mémoires au ministre de l'Éducation, de rencontres avec les autorités du ministère ou d'une conférence de presse de son président, ces interventions sont, à ce jour, demeurées sans réponse. D'ailleurs, nous n'avons pas jugé opportun, M. le Président, de soumettre à la commission certains documents connexes que la conférence a déjà préparés sur ces sujets. Si la commission était intéressée à prendre connaissance de ces documents, c'est avec plaisir que nous pourrions lui faire parvenir un dossier complémentaire.

Le premier thème que nous abordons est celui du niveau de financement et des compressions budgétaires. Le sujet a été abondamment documenté, notamment par le Conseil des universités, par la Conférence des recteurs et des principaux des universités et par les établissements eux-mêmes, au cours des dernières années. On peut dire qu'un certain consensus se dégage maintenant sur le caractère très sévère dès le départ, et maintenant à coup sûr excessif, des compressions qui ont été imposées au secteur universitaire. Ceci dit, il vaut quand même la peine de faire état ici des principales données qui permettent d'illustrer de façon éloquente l'ampleur du phénomène.

Quelle que soit la manière d'évaluer les compressions budgétaires au cours des six dernières années, soit de 1978-1979 à 1983-1984, c'est un chiffre de plus de 300 000 000 $ qu'il faut retenir, à notre avis.

Sur une période de six ans, les universités ont donc été privées d'une somme équivalant au tiers de leurs budgets de fonctionnement 1983-1984. Ces compressions signifient que les 25 000 étudiants additionnels équivalence temps complet accueillis par les universités entre 1978-1979 et 1983-1984 l'ont été non seulement sans ajout de ressources nouvelles, mais avec des ressources décroissantes en termes réels.

Il était bien sûr normal que le secteur universitaire participe lui aussi à l'effort général de resserrement qui était exigé de l'ensemble du secteur public et parapublic. Cependant, certaines comparaisons permettent de s'interroger sur l'importance relative de l'effort exigé du secteur universitaire au Québec.

À l'examen des chiffres, on est bien forcé de constater que si la décroissance des subventions réelles de fonctionnement par étudiant, de 1978-1979 à 1984-1985, sera de 29% au niveau universitaire, cette diminution n'atteindra que 17% au niveau collégial et 4% aux niveaux primaire et secondaire.

Alors qu'au cours de la même période, les dépenses réelles de fonctionnement par étudiant auront diminué de 13% en Ontario, cette diminution des dépenses par étudiant sera deux fois plus importante dans les universités du Québec, soit 25%. On nous permettra de souligner ici que depuis trois ans, le gouvernement ontarien a mis fin à sa politique de compression des dépenses universitaires jugeant que celles-ci avaient atteint un seuil critique. Ces compressions étaient pourtant moins importantes que celles qu'ont absorbées les universités québécoises.

Enfin, de 1978-1979 à 1984-1985, la part des dépenses gouvernementales que constituent les subventions octroyées aux universités aura connu une diminution de plus de 25%. Les subventions aux universités, en 1978-1979, étaient égales à 4,6% des dépenses gouvernementales. Elles n'en représentent plus cette année que 3,4%.

Pour bien comprendre comment les universités ont été amenées à comprimer le tiers de leurs budgets de fonctionnement depuis 1978-1979, il est utile de montrer de quelle façon les compressions se sont répercutées sur les grandes masses de dépenses que sont les masses salariales et celles des autres dépenses, ainsi que sur le financement de la croissance des clientèles.

En ce qui concerne les masses salariales, disons, en premier lieu, que les établissements négocient et signent avec les syndicats ou associations qui représentent leurs employés, leurs propres protocoles ou conventions collectives. En ce sens, les établissements sont autonomes et responsables de leurs décisions en cette matière. En pratique, cependant, et ce depuis une douzaine d'années, les masses salariales des établissements universitaires ont été indexées selon les paramètres de la politique salariale en vigueur dans le secteur public.

Jusqu'à la fin des années soixante-dix, le ministère de l'Éducation a versé intégralement aux établissements les sommes nécessaires pour assumer les coûts de cette intégration. Mais, en 1981-1982, le ministère a changé radicalement cette pratique et placé les universités dans une position financière particulièrement critique. Cette année-là, devant la crise économique qui débutait et prétextant qu'il n'était pas cosignataire des conventions collectives du secteur universitaire, le gouvernement nous accordait une indexation des masses salariales de 4,2%, alors que l'application de la clause d'indexation, que les établissements avaient négociée et signée avec leurs employés et qui était conforme à celle qu'on trouvait dans la politique salariale gouvernementale, impliquait des hausses de 16%.

L'écart de 12% représentait plus de 80 000 000 $ pour l'ensemble des établissements. S'agissant là d'un montant qui est intégré à la base et qui se répercute au fil des ans, au rythme des indexations annuelles des masses, il se situe

certainement autour de 100 000 000 $ aujourd'hui. C'est, sans contredit, la coupure la plus importante et la plus brutale que les universités ont eu à absorber.

Il faut aussi parler du sous-financement de la masse des dépenses non salariales qui représente quelque 20% des dépenses totales de fonctionnement des établissements. À ce chapitre, les compressions se sont manifestées avec ampleur bien avant 1978-1979. Selon une méthodologie développée par la conférence des recteurs, le prix des biens qui composent ces dépenses non salariales s'est accru, entre 1970-1971 et 1977-1978, de 84%, alors que le ministère n'allouait que 34% au titre de leur indexation. C'est dire que, déjà, à cette époque, ces dépenses avaient été largement comprimées. Or, depuis 1978-1979, d'autres compressions se sont ajoutées, si bien qu'à la fin de 1983-1984, l'indexation de ces dépenses depuis 1970-1971 n'a été que de 79%, comparativement à une augmentation de 225% du prix des biens qui les composent.

Qu'on nous permette de souligner le caractère pernicieux du sous-financement des autres dépenses du fait que celles-ci peuvent paraître plus facilement compressibles à court terme et que ce n'est que graduellement que les effets des coupures se font sentir dans plusieurs cas. Ainsi, à titre d'exemple, ce n'est qu'après un certain temps que l'on peut constater le vieillissement et l'appauvrissement des fonds documentaires, ou encore les conséquences qui résultent du fait que l'on a négligé l'entretien des équipements et des bâtiments.

En plus des masses salariales et des autres dépenses, les compressions budgétaires se sont aussi répercutées sur le financement des croissances de clientèles. L'impact de la méthode de prélèvement utilisée à cette fin par le ministère de l'Éducation est peut-être la meilleure façon d'illustrer l'effort considérable que les établissements universitaires ont fait pour accroître leur productivité depuis 1978-1979. Cette méthode de financement des clientèles additionnelles a suscité un climat malsain de course à la clientèle en incitant les établissements à récupérer ainsi au moins le montant de leur contribution aux prélèvements. Pendant ce temps, c'est l'ensemble du secteur universitaire qui s'appauvrissait.

Les établissements ont ainsi accueilli quelque 25 000 étudiants de plus, sur six ans, à toutes fins utiles, comme je l'indiquais tout à l'heure, sans ressources additionnelles.

Ces donnés témoignent éloquemment de l'effort fait par les universités pour maintenir une politique d'accessibilité, en dépit des conditions particulièrement difficiles qu'elles avaient à subir.

Soulignons aussi que nos budgets d'investissements n'ont pas échappé à l'austérité des dernières années, que ce soit en vertu de la méthode de financement de programmes spéciaux par voie de prélèvements sur les enveloppes globales ou par le biais de modifications aux normes mêmes ou tout simplement par des compressions directes. Le conseil des universités, dans son avis sur les plans quinquennaux 1982 à 1987 et 1983 à 1988, déplorait les prévisions trop modestes des besoins d'espaces à long terme et il s'inquiétait de la pénurie sérieuse de nouveaux équipements dans les universités.

Ces compressions sur les budgets d'investissements ne sont pas, en retour, sans conséquences sur les budgets de fonctionnement déjà largement comprimés. Actuellement, près de 13% des espaces occupés par les universités québécoises sont loués et les dépenses de location, il faut le souligner, émargent au budget de fonctionnement. Ce pourcentage, qui est d'ailleurs plus élevé dans certains établissements que dans d'autres, affecte non seulement la capacité d'accueil de nouveaux étudiants, mais aussi les conditions dans lesquelles doivent étudier ceux qui sont déjà à l'université.

Le système universitaire québécois est sur ce plan assez unique au Canada, puisque, de 1975-1976 à 1982-1983, 113 000 000 $ ont été consacrés à la location d'espaces au Québec, comparativement à 40 000 000 $ pour l'ensemble des universités ailleurs au Canada. Et les sommes réservées à cette fin se sont encore accrues en 1983-1984 et 1984-1985.

L'impact du sous-financement général que nous avons connu depuis plusieurs années s'est répercuté sur l'ensemble des dépenses des établissements. Notre mémoire donne quelques exemples des conséquences découlant de ce sous-financement. J'éviterai de faire la lecture de ces exemples que l'on retrouve dans le texte.

Ces différents problèmes, fréquemment soulignés, fournissent une idée de l'impact des compressions et de la rigueur des mesures qui ont dû être prises pour y faire face, mais cela n'a pas été suffisant et, au terme de l'exercice 1983-1984, le déficit de fonctionnement de l'ensemble des établissements totalisait quelque 18 000 000 $. Si la situation financière des universités n'est pas redressée au cours des mois qui viennent, il faudra prévoir un nouveau déficit de fonctionnement au terme de l'année 1984-1985 qui viendra augmenter le déficit accumulé auquel la plupart des établissements font face.

Il faut aussi faire état de certains problèmes administratifs qui sont venus aggraver singulièrement ces difficultés financières et qui ont compromis tout effort de planification, même à court terme. Il s'agit des modifications fréquentes, parfois même en cours d'année, qui ont été

apportées aux règles de financement et des retards dans l'annonce du niveau de financement de chaque établissement. Pour ne citer qu'un exemple, les établissements universitaires viennent de présenter à leur conseil d'administration des états financiers fondés sur des revenus de subvention pour l'année 1983-1984 dont le montant total n'a pas encore été définitivement établi.

On le voit, les impacts du sous-financement sur les conditions dans lesquelles nous poursuivons et développons nos activités sont nombreux. Que l'entretien et le chauffage laissent à désirer, cela est peut-être secondaire. Que les équipements de laboratoire, l'encadrement des étudiants et la documentation scientifique aient atteint un seuil critique, cela nous semble plus grave. Que notre personnel d'enseignement et de recherche vieillisse et que nous n'ayons pas les moyens de le renouveler, parce que nous n'avons pas de poste à offrir à nos diplômés les plus brillants, qu'il n'y ait pas d'avenir pour ces derniers dans nos universités, cela nous paraît déplorable. (10 h 30)

II y a un aveu que des chefs d'établissement peuvent difficilement faire. Mais il leur faut bien le faire ici: la qualité de nos activités d'enseignement et de recherche baisse et cela, malgré les efforts considérables faits par nos professeurs et notre personnel de soutien pour éviter une telle conséquence. Tout le monde reconnaît que nos établissements ont réalisé, au cours des dernières années, d'impressionnants gains de productivité, mais tout le monde admettra aussi qu'au-delà d'une certaine limite, le prix à payer pour réaliser des gains supplémentaires peut être lourd.

On ne peut, en effet, augmenter indéfiniment la taille des groupes-cours: au-delà d'un certain seuil, la qualité d'encadrement des étudiants et le soin avec lequel on peut évaluer leurs travaux diminuent, cela est inévitable. On ne peut diminuer indéfiniment le nombre de cours à option offerts aux étudiants sans appauvrir les programmes et sans affecter la capacité de répondre aux besoins des étudiants. Il y a aussi des limites à la diminution que l'on peut faire subir à la partie formation pratique en laboratoire de nos programmes. De même, on ne peut réduire indéfiniment les budgets d'acquisition des bibliothèques et mettre fin à des abonnements à des périodiques scientifiques sans que la qualité du fonds documentaire mis à la disposition des étudiants et des professeurs-chercheurs ne s'en ressente. Cela est forcé. Que nous ne puissions assurer un renouvellement régulier du corps des professeurs-chercheurs qui est en place et que, dans certains cas, nous ayons même dû nous résoudre à nous séparer de ceux dont l'entrée au service de nos établissements était la plus récente, parce qu'ils ne bénéficiaient pas encore de la permanence, cela n'est pas sans conséquence sur l'enrichissement, voir le maintien de la qualité du réservoir de compétence scientifique que toute université digne de ce nom doit constituer.

Cette diminution de la qualité de nos activités d'enseignement et de recherche est sans doute l'impact le plus important de la situation de sous-financement sur le système d'enseignement supérieur du Québec.

Pour justifier les compressions qu'il imposait aux établissements universitaires, le ministère a bien sûr invoqué la capacité de payer de l'État, mais il a aussi pris appui sur des indicateurs permettant de porter un jugement d'ensemble sur le système universitaire québécois et, plus particulièrement, sur sa situation relative par rapport à celle de pays ou provinces comparables et, plus souvent qu'autrement, par rapport à l'Ontario.

Les indicateurs qui ont été mis au point par divers organismes dont le ministère, le Conseil des universités et la conférence des recteurs, visent en général à cerner trois grandes réalités, soit la performance du secteur universitaire, son état de développement et l'effort financier que le gouvernement et la société y consacrent.

On a fait grand usage de ce type de mesures au cours des dernières années. Ces mesures ont révélé que, dans l'ensemble, le système universitaire québécois, au plan de la performance, se compare avantageusement à d'autres systèmes, notamment au système ontarien.

Même si nous sommes portés à nous réjouir de ce résultat particulier, nous sommes conscients des limites qui sont inhérentes à ce type de mesures et des dangers qu'il peut y avoir à les utiliser à des fins autres que celles pour lesquelles elles peuvent l'être, c'est-à-dire fournir un éclairage très général sur la situation relative d'un système par rapport à un autre.

Compte tenu que ces mesures s'appliquent à des systèmes dont les structures diffèrent sensiblement, elles nécessitent de faire des ajustements parfois délicats pour rendre les comparaisons possibles. Selon que l'on fasse tel ajustement plutôt que tel autre, les résultats peuvent changer de façon significative. De plus, certaines de ces mesures font intervenir des données qui, elles-mêmes, comportent une marge d'erreur. C'est donc avec beaucoup de prudence qu'il faut interpréter et utiliser ces indicateurs. Il faut être bien conscient du fait qu'il ne s'agit pas de calculs fins et qu'ils doivent être considérés pour ce qu'ils sont: des indicateurs, ni plus ni moins.

Il nous semble important de faire ici ce commentaire, car on a parfois l'impression que le débat sur les indicateurs a occupé une

place disproportionnée au cours des dernières années.

Votre commission, M. le Président, fera sans doute l'expérience de cette confusion qui existe actuellement autour de cette question des indicateurs, puisque chacun de ceux qui interviendront devant vous se présentera sans doute avec sa propre batterie de données et de statistiques. C'est ce que nous faisons nous-mêmes. Il serait temps, à notre avis, que tous les partenaires dans ce dossier conviennent d'un ensemble unique, clair et complet d'indicateurs devant permettre de poser un diagnostic aussi juste et indiscutable que possible sur l'état du système d'enseignement supérieur au Québec. Malgré les variations que l'on constatera cependant dans les chiffres, les divers indicateurs auxquels on réfère habituellement fournissent déjà des résultats assez convergents à cet égard.

Ainsi, les taux de scolarisation et de fréquentation universitaires constituent les mesures les plus fréquemment utilisées pour rendre compte du niveau de développement. Pour ce qui est du taux de scolarisation universitaire de sa population, le Québec continue d'accuser un retard comparativement à l'Ontario. Cependant, ce retard tend à se résorber du fait que le taux de fréquentation universitaire est plus élevé au Québec qu'en Ontario. Ces données globales masquent cependant certaines réalités qu'il est important de souligner.

En effet, lorsqu'on raffine ces mesures, on constate que des efforts restent à faire pour accroître la fréquentation aux études à temps complet et aux cycles supérieurs, particulièrement dans le cas de la population francophone.

À défaut de mesures raffinées sur la productivité des ressources humaines et matérielles mises à la disposition des universités, le coût moyen par étudiant demeure l'indicateur le plus valable pour porter un jugement sur la productivité des universités québécoises. Les données les plus révélatrices à cet égard démontrent que le coût par étudiant est plus faible au Québec qu'en Ontario depuis plusieurs années déjà et que cet écart continuera de s'accroître en 1983-1984 et en 1984-1985. Lorsqu'on parle des limites et des nuances qu'il faut apporter à l'étude des indicateurs socio-économiques, un bon exemple à citer est celui de l'effort financier d'une société à l'égard de l'enseignement supérieur, tel que mesuré par le rapport entre les dépenses des universités et le produit provincial brut. Dans son document sur le cadre de financement, le ministère a fréquemment recours à des comparaisons entre le Québec et l'Ontario sur la base de cet indicateur, comparaisons qui indiquent que le Québec fournit un plus grand effort financier que l'Ontario.

On doit bien comprendre que la valeur de cet indicateur variera selon le coût moyen de formation d'un étudiant, selon l'accès à l'université, selon la richesse collective de la société, selon la structure d'âge de la population, selon les taux d'activité de la population, etc. Si nous utilisons plutôt un autre indicateur, fait du rapport du coût moyen par étudiant équivalence temps complet au produit provincial brut par personne employée, nous arrivons alors à un résultat presque identique entre les deux provinces. En somme, l'analyse du simple rapport des dépenses des universités au produit provincial brut, selon nous, gagne à être complétée par d'autres indicateurs qui permettent d'identifier les composantes de cet écart. Par ailleurs, du fait que la proportion des subventions dans les revenus des universités est nettement supérieure au Québec, surtout à cause de la politique du gel des frais de scolarité qui prévaut ici, il va de soi que l'effort du gouvernement québécois, tel que mesuré par la subvention par étudiant est supérieur à celui du gouvernement ontarien, mais du point de vue des universités, c'est l'effort global, c'est-à-dire celui qui tient compte de l'ensemble des ressources mises à leur disposition qui est le plus significatif, comme l'a bien démontré entre autres récemment le Conseil des universités.

Le thème des sources de revenus autres que les subventions gouvernementales nous permet de toucher la question des frais de scolarité. On sait que ces frais sont environ deux fois plus élevés en Ontario qu'au Québec où ils sont gelés depuis une quinzaine d'années. Il ne faudrait pas voir dans ce constat l'expression d'un souhait que le gouvernement donne rapidement son accord à une augmentation des frais de scolarité. Pour ce qui touche les étudiants québécois, le gouvernement a fait, il y a une quinzaine d'années, un choix de société et, s'il voulait revenir sur ce choix, il n'y a aucun doute que cela devrait donner lieu à un débat public. On ne peut cependant s'opposer a priori à envisager une telle hypothèse dans le contexte actuel, surtout qu'une étude récente réalisée en Ontario révélerait que les considérations financières ne constituent pas un obstacle à la poursuite d'études universitaires pour la grande majorité des étudiants éventuels.

Si le ministère décidait de modifier sa politique à ce sujet, il devrait, toutefois, faire en sorte que cela permette de générer des revenus supplémentaires pour les établissements plutôt que d'accroître ceux de l'État.

Pour ce qui est des frais de scolarité des étudiants canadiens non québécois, la conférence des recteurs a déjà fait connaître ses vues sur le projet de frais de scolarité plus élevés envisagé par le gouvernement. Il s'agirait d'un précédent qui gagnerait à être

discuté au niveau du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada. Si, comme le révèlent certaines sources, il est vrai qu'il y a deux fois plus d'étudiants québécois dans les autres provinces que d'étudiants des autres provinces au Québec, cette mesure n'aurait certainement pas pour effet de rétablir l'équilibre. Sans parler des difficultés techniques que poserait son application.

Au sujet de l'admission et de l'accueil d'étudiants étrangers, la conférence propose certaines mesures visant à les favoriser dont les suivantes: que le Québec ait une politique relative aux frais de scolarité qui soit concurrentielle avec celles qui prévalent dans les États voisins, notamment en Ontario; que le Québec donne suite à la recommandation que le Conseil des universités transmettait au ministre de l'Éducation sur cette question dans le cadre de son avis sur le niveau de financement pour l'année 1984-1985; que les ententes que le Québec signe avec d'autres pays ne comportent pas de quotas linguistiques et que certaines soient aussi conclues avec des pays anglophones; que l'on favorise les échanges d'étudiants par l'intermédiaire d'ententes entre établissements du type de celles que la conférence des recteurs a conclues avec des universités américaines et françaises.

De tous les thèmes que souhaite aborder la commission, celui du partage des ressources entre les établissements est certes celui sur lequel il est le plus difficile pour la conférence de prendre position au nom de l'ensemble de ses membres.

Cette difficulté a d'ailleurs été accentuée du fait que le ministère a divulgué les résultats d'une étude sur les coûts avant qu'il n'y ait eu, au niveau de l'ensemble des établissements, de consultation véritable, et encore moins de consensus sur les paramètres à inclure dans une telle étude, sur la façon de les prendre en compte et sur la base de données devant servir à sa réalisation. Par ailleurs, il eut sans doute été préférable que le Conseil des universités ait eu, lui aussi, l'occasion de se prononcer sur les aspects strictement méthodologiques de l'étude avant que les résultats n'en soient communiqués aux intéressés.

Cela dit, il y a certains principes qui, selon nous, devraient sous-tendre une formule de financement et qu'il importe de respecter, quelle que soit la formule retenue. Ces principes ont trait, premièrement, à l'équité que toute nouvelle formule devrait assurer dans la répartition des ressources entre les établissements; deuxièmement, à la relative neutralité de ses paramètres et des incitations qu'ils comportent; troisièmement, à la stabilité qu'elle devrait avoir dans son application; enfin, à sa transparence, ce qui implique qu'elle soit relativement simple d'application.

Pour revenir au document sur le cadre de financement, il importe de distinguer les deux fins poursuivies par le ministère dans son étude de coût, à savoir, d'une part, le rajustement des bases et, d'autre part, le financement des clientèles additionnelles.

Cette distinction permet de mettre en relief l'importance relative des enjeux afférents à chacune de ces dimensions. Il ne fait pas de doute, dans la conjoncture financière actuelle, que la question du rajustement des bases revêt à court terme une importance considérable pour plusieurs établissements. (10 h 45)

Pour ce qui est de la nouvelle formule de financement qui, dans son état actuel, prend la forme d'une série de paramètres devant servir à distribuer l'argent neuf qui, annuellement, est injecté dans le système, elle n'inquiète pas trop dans l'immédiat, compte tenu du fait qu'elle s'applique à la marge et parce qu'il est encore possible, espérons-nous, de poursuivre en collaboration les travaux entrepris par le ministère à son sujet.

Il y a, par ailleurs, dans le document sur le cadre de financement 1984-1985 des énoncés qui ne manquent pas d'inquiéter ceux qui croient que l'autonomie, la diversité, la souplesse et le dynamisme du système universitaire québécois constituent sa richesse et sont des valeurs à préserver.

Ces énoncés révèlent des conceptions qui apparaissent peu compatibles avec la nature même de l'institution, laquelle exige une liberté d'initiative qui, à l'intérieur des limites imposées par le rôle et les efforts que l'on attend d'elle, compte tenu des ressources que la société lui consent, est essentielle à l'exercice de sa mission. Mais au-delà de certaines conceptions qui sont véhiculées dans le cadre de financement, on peut dire que la menace la plus grave à l'autonomie des établissements présentement est le fait de la disparition de toute marge de manoeuvre financière qui permettrait à l'université de répondre avec plus d'efficacité aux besoins qui lui sont exprimés.

Une dernière remarque, M. le Président, sur le thème de la répartition des ressources. Cette question controversée amènera probablement la plupart des établissements, sur une base individuelle, à présenter leur propre mémoire à votre commission dans le cadre de l'invitation publique que vous avez lancée récemment.

Le thème de la participation du gouvernement fédéral au financement des universités peut être abordé sous trois volets: celui du financement des programmes établis; celui des conseils de recherche et celui des ministères.

En ce qui concerne le financement des programmes établis, nous ne sommes pas intervenus, à titre de conférence des recteurs dans le débat auquel le

renouvellement des accords de 1977 a donné lieu au cours des dernières années. Nous nous sommes limités à faire savoir au secrétaire d'État du Canada que nos positions là-dessus coïncidaient avec celles que l'Association des universités et collèges du Canada lui avait fait connaître. Résumées succintement, ces positions de l'AUCC étaient que le gouvernement fédéral devait continuer à assumer sa part de responsabilité dans le financement de l'enseignement post-secondaire et qu'une nouvelle entente entre lui et les gouvernements des provinces, si elle devait différer des accords de 1977, devrait, pour l'essentiel, reconduire les dispositions de ces accords. Nous pouvions, comme conférence des recteurs, facilement nous rallier à ces positions qui ressemblent fort à celles que le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada a défendues au Sénat à l'occasion de l'adoption par la Chambre des communes de la Loi C-12.

Quant au rôle que jouent les trois conseils de recherche du Canada dans le financement de la recherche universitaire, il faut reconnaître qu'il est considérable. La part des fonds canadiens de Recherche et Développement qui est confiée à la recherche universitaire est sans doute insuffisante. Il est sans doute vrai que la part des subventions que les conseils fédéraux de recherche octroient aux chercheurs des universités du Québec et, singulièrement, à ceux qui oeuvrent dans les universités francophones, pourrait être plus grande. Cela, le Conseil des universités l'a souligné dans son avis du 21 juin dernier.

Nous trouvons généralement très satisfaisante la façon dont les trois conseils fédéraux de recherche procèdent dans l'octroi de leurs subventions et nous pensons que s'il est souhaitable qu'une certaine coordination puisse s'établir entre les conseils fédéraux de recherche et le ministère de l'Éducation du Québec, par exemple, il n'est sans doute pas nécessaire ni souhaitable qu'on mette en place une instance formelle de coordination qui pourrait intervenir d'autorité.

Enfin, le financement fédéral de la recherche universitaire, lorsqu'il prend la forme de subventions, de contributions ou de contrats octroyés par les ministères fédéraux fait parfois problème comme nous l'avons vu récemment, mais ce n'est généralement pas le cas. De toute manière, la Loi du ministère des Affaires intergouvernementales permet au gouvernement du Québec d'agir s'il le juge à propos.

Le fait que le gouvernement fédéral ait mis sur pied d'importants programmes de financement de centres et d'instituts dans les universités et le fait qu'il en ait confié l'administration à l'un ou l'autre des ministères fédéraux, nous laissent perplexes. Nous aurions préféré que le gouvernement fédéral distribue ces fonds aux différents conseils de recherche dont les enveloppes sont toujours insuffisantes. La façon dont les ministères attribuent ces fonds ne nous satisfait pas non plus. Nous avons, pour notre part, tendance à privilégier l'évaluation par les comités de pairs.

En ce qui concerne en particulier le programme de financement des centres de spécialisation qu'administre le Secrétariat d'État du Canada, nous estimons que la façon dont nous avons procédé avec le ministère de l'Éducation, l'été dernier, s'imposait.

En conclusion, M. le Président, la conférence des recteurs souhaite faire à la commission certaines recommandations qui, en matière de financement, lui paraissent à court terme d'une importance primordiale.

Premièrement, pour 1984-1985, la conférence endosse la proposition d'ajout de 11 500 000 $ mise de l'avant par le conseil des universités dans son avis sur le financement.

Deuxièmement, pour 1985-1986, deux demandes tout d'abord s'imposent: que soit annulée la compression déjà annoncée de 20 000 000 $ et que l'on mette fin au financement par prélèvement.

Troisièmement, de plus, toujours pour 1985-1986, en se basant sur une prévision de 5,5% pour ce qui est de l'inflation, une augmentation des ressources d'au moins 85 000 000 $ sera nécessaire pour simplement assurer les services actuels et accommoder une hausse des clientèles qui serait de l'ordre de 4%.

Quatrièmement, les prévisions budgétaires actuelles indiquent que les universités connaîtront un déficit d'opération de l'ordre de 30 000 000 $ au terme de l'année 1984-1985. Compte tenu du caractère structurel de ce déficit, à la suite des compressions successives qui ont eu pour effet de faire disparaître toute marge de manoeuvre, nous recommandons pour 1985-1986 l'ajout d'une trentaine de millions - ou d'une vingtaine si on donne suite à la proposition d'ajout du conseil - pour mettre clairement fin à la période d'austérité financière que les universités connaissent depuis 1978-1979.

C'est seulement à la suite de cela qu'on pourra commencer à parler de reconstruire un système d'enseignement supérieur qui s'est singulièrement affaibli au cours des dernières années et qu'on pourra envisager de demander à l'université de relever de nouveaux défis.

En terminant, qu'on nous permette de rappeler que derrière ces questions de financement se profilent des choix politiques, concernant le niveau des ressources et le caractère dynamique et diversifié de notre système d'enseignement supérieur, qui seront déterminants pour l'avenir de la société québécoise et pour la place que le Québec

occupera au sein des pays industrialisés. Je vous remercie.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Hamel. Je vais commencer par poser un certain nombre de questions en essayant de donner l'exemple à mes collègues, concernant le temps, parce que je pense que, ce matin, le temps est une réalité avec laquelle on devra compter. On a environ deux bonnes heures, deux heures et quart.

Donc, directement dans le coeur du sujet, vous avez longuement abordé le problème des ressources, le manque de ressources et le niveau de l'enveloppe budgétaire qui est affecté à l'enseignement supérieur universitaire. Vous avez, d'entrée de jeu, parlé de compressions exagérées et vous avez indiqué que ces compressions qui avaient été sévères dès le départ étaient maintenant excessives. Hier, nous avons entendu le ministre de l'Éducation nous dire, en d'autres mots, pas nécessairement la même chose, mais presque, dans la mesure où il reconnaissait que les compressions avaient été effectivement sévères au cours des dernières années et qu'on avait atteint une espèce de point critique à partir duquel maintenant il faudrait procéder avec beaucoup de prudence et de discernement. J'imagine que vous partagez le point de vue du ministre à cet égard, mais situez-vous à peu près au même moment cette atteinte ou ce niveau d'excès que vous considérez qu'on a atteint? Autrement dit, est-ce que, cette année, alors que le gouvernement considère qu'il ne peut pas ajouter d'autres fonds, mais qu'il reconnaît néanmoins qu'on a atteint un certain point critique - il n'a pas encore, bien sûr, pris de décision pour la suite -vous considérez que les excès dont vous parlez datent depuis plusieurs années? Dans quelle mesure, dans ce cas, ces compressions ont-elles été excessives? Vous parlez, à la fin de votre exposé, d'un système d'enseignement supérieur singulièrement affaibli. En quoi est-il à ce point affaibli qu'il faille maintenant procéder à une injection de fonds aussi substantielle que celle que vous nous proposez ou que vous proposez au gouvernement maintenant, à l'issue de votre exposé?

M. Hamel: J'ai pris connaissance, ce matin, de la déclaration de M. le ministre de l'Éducation, hier, devant votre commission. J'ai noté, avec satisfaction évidemment, que le diagnostic que pose le ministre sur les compressions budgétaires correspond sensiblement au nôtre en ce qui concerne l'évaluation où nous en sommes aujourd'hui. M. le ministre reconnaît que les compressions ont été sévères et que le moment est venu de les arrêter. C'est le message que j'ai compris. Je ne veux pas dire que nous partagerions toutes les composantes de son analyse à partir du point de départ des compressions, mais je note pour ma part, avec satisfaction, le constat qu'il fait en ce qui concerne la situation où nous en sommes maintenant. Nous devons espérer que ce constat permettra d'influencer les politiques de financement que le gouvernement et le ministère retiendront pour les universités à l'avenir.

Comment démontrer le caractère excessif de ces compressions budgétaires? Je pense que nous avons tenté de le faire dans le mémoire que nous vous avons soumis en donnant un certain nombre d'exemples touchant les différentes composantes de nos budgets. Les problèmes de diminution de ressources humaines, de fermeture de postes, de réduction du nombre de professeurs, d'affaiblissement de nos bibliothèques, de nos équipements scientifiques, tout cela ajouté aux croissances de clientèles étudiantes, nous permet de constater, nous qui vivons sur le terrain avec les professeurs et les étudiants, que nous sommes rendus au point où il est extrêmement difficile d'envisager comment nous pourrions continuer à absorber des compressions budgétaires. Déjà, la situation actuelle dans plusieurs établissements et dans plusieurs secteurs est, pour les étudiants, très difficile.

Le Président (M. Charbonneau): Vous disiez vers la fin que le système s'est singulièrement affaibli. On a eu une démonstration, hier, que, malgré cette affirmation et malgré les compressions sévères, le système a performé au cours des dernières années d'une façon assez spectaculaire. Malgré les compressions, le système a réussi à absorber une clientèle additionnelle importante. Il a réussi à rattraper à plusieurs égards nos voisins avec lesquels on se compare au niveau de la parité dans un certain nombre de domaines. La productivité de notre système d'enseignement universitaire semble s'être améliorée d'une façon spectaculaire. Je pense qu'on peut tous convenir qu'on est rendu à une espèce de carrefour, mais c'est difficile de penser que, dans le passé, la faiblesse a été telle qu'on n'a pas pu performer. Généralement, quand on a atteint un point de faiblesse excessif, on ne peut pas performer. Or, dans la mesure où on performe bien, on peut peut-être se demander si la faiblesse est vraiment excessive. Ce qui ne veut pas dire qu'on n'est pas rendu à un point critique et que la poursuite dans la même direction ne pourrait pas nous conduire là, effectivement, à une faiblesse qui nous pénaliserait quant à la suite de l'évolution du système. (11 heures)

M. Hamel: Sur cette question de performance ou de productivité, il est sûr qu'il y a eu des gains considérables dû au

fait qu'on a couplé deux phénomènes: la croissance des clientèles et la réduction des ressources. On parle d'augmentation de productivité ou de performance de l'ordre de 30% au cours des dernières années. Il est certain qu'il y a des éléments positifs dans cela. Sauf qu'on doit constater qu'aujourd'hui - sans vouloir m'engager dans un débat sur les indicateurs - les ressources, par étudiant, dont disposent les universités, sont probablement les plus basses au Canada, inférieures à celles de l'Ontario. Les universités - on doit le réaliser - ont fait dans un court laps de temps des efforts considérables pour s'adapter à la nouvelle conjoncture. L'essoufflement est là maintenant. On ne peut pas penser que nous pourrions soutenir une même performance pendant encore plusieurs années. Les perspectives de croissance de clientèle se maintiennent malgré les prévisions que l'on rajuste périodiquement. Nous rencontrons à chaque année des croissances pour l'ensemble du réseau de 3%, 4% ou 5%, habituellement supérieures aux prévisions du ministère et aux prévisions des universités elles-mêmes. Cela va se continuer encore pour quelques années, selon les chiffres dont nous disposons. S'il fallait qu'il n'y ait pas un relâchement du côté financier qui permette aux universités de récupérer d'une certaine façon certains excès qu'elles ont dû absorber dans le financement, nos universités au Québec seraient placées dans une situation extrêmement difficile pour envisager les défis qu'on leur demande de relever.

Le Président (M. Charbonneau): Dans la mesure où j'ai l'impression que, malgré un certain nombre de différences sur les calculs, on doit constater qu'il y a néanmoins une convergence de vues entre ce que vous dites et ce qu'on a entendu hier et que maintenant la question est: qu'est-ce qu'on fait pour la suite, pour l'avenir, pour l'année en cours et aussi pour les années qui viennent, j'aurais deux points sur lesquels je voudrais vous amener. Avant de parler du type d'intervention financière ou de choix qui devront être faits, dans la mesure où on voudrait, par la suite, étant donné que de part et d'autre on reconnaît que maintenant il faudra faire attention, n'est-il pas plus urgent que jamais qu'à la fois, votre organisme, l'ensemble des universités et le ministère en arrivent à pouvoir poser le même genre de diagnostic et avoir les mêmes instruments d'analyse et d'évaluation, dans la mesure où, jusqu'à maintenant, on pouvait toujours conclure que malgré les différences cela ne vous a pas empêchés de performer, mais que, par la suite, cela pourrait vous empêcher de performer, des choix qui continueraient à être dans la direction qu'ils ont été, cela devient sacrement plus important maintenant de pouvoir évaluer l'impact de chacune des décisions qui pourraient être prises... Ce que j'arrive à comprendre difficilement, c'est comment, en 1984, avec les techniques modernes de statistiques, de calcul, les spécialistes qu'on a de part et d'autre, on ne puisse pas poser le même genre de diagnostic et d'avoir les mêmes bases de calcul et d'évaluation.

Y a-t-il eu des efforts particuliers de faits de la part de votre organisme ou des membres qui vous sont associés, c'est-à-dire les universités individuellement, pour ajuster les unes avec les autres leur façon d'évaluer? On sait que le ministre, hier, nous a dit: L'étude en question qui avait été préparée qui prévoyait des bases de comparaison mériterait d'être poursuivie, mais on s'étonne de voir que d'une université à l'autre, on n'a jamais les mêmes informations, les mêmes bases de calcul. Cela n'a presque pas de bon sens au moment où on est, on n'est plus à l'âge de pierre. Je me demande si, finalement, il y a des efforts particuliers qui sont faits pour raffiner les évaluations.

M. Hamel: Est-ce que je peux vous répondre là-dessus? Je pense que vous avez tout à fait raison, M. le Président. Si votre commission jugeait bon de faire des recommandations à cet égard, par exemple, dans le sens de constituer ici au Québec un comité tripartite, comme il en existe un en Ontario, composé de représentants du ministère de l'Éducation, du Conseil des universités et de la conférence des recteurs, pour se pencher ensemble sur le dossier des indicateurs, je peux vous indiquer que nous accepterions avec plaisir de faire partie d'un tel groupe de travail.

Il faut savoir qu'actuellement nous nous penchons sur ce dossier des indicateurs chacun de son côté, le Conseil des universités développe ses données, la conférence des recteurs et le ministère de l'Éducation aussi. Le ministère de l'Éducation, comme on le voit dans le document du cadre de financement, s'appuie souvent sur les données du comité tripartite de l'Ontario, comité composé, à peu près comme je viens de l'indiquer. Je pense que c'est un peu surprenant que l'on s'appuie sur des travaux faits en Ontario pour juger de notre système à nous et ce serait probablement plus logique que nous fassions nos analyses nous-mêmes en ce qui concerne notre système d'enseignement supérieur.

Pour répondre à un autre volet de votre question, il y a eu des tentatives, il y a quelques années, de mise en commun de nos réflexions respectives là-dessus, du moins entre la conférence des recteurs et le ministère de l'Éducation. Mais pour des raisons que j'ignore, le ministère à un moment donné s'est retiré de ces travaux et

de ce groupe de travail pour continuer de son côté à développer ses propres indicateurs.

Le Président (M. Charbonneau): C'était en quelle année?

M. Hamel: Je dirais que cela peut faire environ cinq ans.

Le Président (M. Charbonneau): En fait, la réponse que vous nous donnez me fait penser qu'au niveau municipal, la Conférence Québec-municipalités ou l'organisme qui a été mis en place entre le ministère des Affaires municipales et les municipalités a apporté des résultats assez positifs. Cela vaut sûrement la peine que la commission se penche sur la suggestion que vous avez faite à partir de la question que je vous ai posée. Vous vouliez ajouter...

M. Hamel: Si vous permettez, M. Béland apporterait un complément de réponse à cela.

M. Béland (Richard): Je pense qu'il faudrait actuellement souligner le fait qu'il y a eu un protocole d'entente de signé entre la conférence des recteurs et le ministère de l'Éducation pour la création de comités conjoints sur un ensemble de systèmes d'information - on avait le système d'information - auquel est présent aussi le Conseil des universités, mais qui étudie un certain nombre de dossiers comme celui des clientèles étudiantes de façon à être capable d'harmoniser l'ensemble des données entre les universités par la conférence et le ministère de l'Éducation, certains dossiers demeurant la responsabilité du ministère et d'autres dossiers étant la responsabilité de la conférence. Dans ce sens, il y a des efforts qui se font actuellement pour être capable d'harmoniser un ensemble de données. Il ne faudrait peut-être pas donner l'impression qu'il ne se passe rien. Mais du côté des indicateurs, je pense que ce que le président disait est clair et nous sommes prêts à collaborer là-dessus.

Le Président (M. Charbonneau): Si je vous comprends bien, il y a une espèce d'organisme qui est en place ou va être en place, mais dont le mandat n'est pas actuellement d'établir des indicateurs sur lesquels tout le monde s'entend.

M. Béland: C'est pour essayer de recueillir les meilleures informations selon des protocoles prévus entre le ministère et la conférence des recteurs. Ce sont des comités auxquels s'adjoignent des membres du Conseil des universités pour être capables d'évaluer l'harmonisation des données en définissant des mandats à des comités conjoints qui travaillent. Actuellement, il y a déjà des comités qui sont en place et qui travaillent dans ce domaine. C'est essentiellement sur l'information de l'ensemble du système universitaire. À partir de là, il pourrait y avoir des analyses communes faites dans un autre cadre qui pourrait être la collaboration dont parlait le président de la conférence.

Le Président (M. Charbonneau): Finalement, parce que je ne veux pas prendre trop de temps, je veux laisser à mes collègues suffisamment de temps aussi pour intervenir, mais la demande finale que vous faites, j'imagine bien que vous le savez, n'est pas sans importance. Dans le langage populaire, on dirait que ce n'est pas des "peanuts" finalement. Vous demandez au gouvernement d'injecter 105 000 000 $; finalement, on est devant les choix suivants: injecter d'autres sommes d'argent, augmenter éventuellement les frais de scolarité, ou encore, permettre aux universités de ne plus accueillir des clientèles additionnelles dans la mesure où on ne leur donne pas des fonds additionnels. Le problème d'accessibilité, l'accessibilité pas juste reliée au problème des frais de scolarité.

Est-ce que vous avez fermé complètement la porte à ces deux hypothèses en disant au gouvernement: Écoutez, nous, la seule chose qu'on veut, c'est de l'argent neuf; il n'est pas question pour nous de toucher aux frais de scolarité, il n'est pas question pour nous de continuer à accueillir... en fait on veut continuer à accueillir des clientèles additionnelles?

Est-ce que, finalement, vous avez fermé les deux autres portes ou si vous n'avez pas aussi des positions qui feraient en sorte qu'une partie de ces ressources que vous réclamez pourraient être trouvées en faisant autre chose que d'augmenter les taxes ou les impôts ou d'augmenter le déficit ou encore de couper dans d'autres ministères?

M. Hamel: Nous sommes bien conscients de la question des choix, mais ce que nous voulons indiquer, c'est que si on dit que c'est le temps d'arrêter les compressions budgétaires dans les universités, il faut bien réaliser ce que cela signifie.

On a à vivre avec la perspective d'une compression additionnelle dans notre base de financement de 20 000 000 $ l'an prochain. On a à vivre avec la perspective d'un financement par prélèvement de clientèles non prioritaires l'an prochain.

Pour ce qui est des 85 000 000 $, ce n'est pas très sorcier si on prévoit un taux d'inflation de 5,5% et une croissance de clientèle de 4% financée à 70%, selon la règle du ministère, ce qui fait 2,8%, cela signifie une indexation de 8,3% d'une

enveloppe qui est légèrement supérieure à 1 000 000 000 $. Donc, cela donne à peu près 85 000 000 $; ça nous prendrait cela de ressources - il faut faire attention, ce sont des ressources, pas des subventions, parce qu'il y a des augmentations de frais de scolarité qui interviennent dans cela - mais c'est 85 000 000 $ que cela prend pour maintenir ce même niveau.

À la fin de l'année en cours, les universités vont devoir faire face, ensemble, à un déficit de l'ordre de 18 000 000 $ peut-être, ou 30 000 000 $, à la fin de 1984-1985, déficit d'opérations courantes.

Si on dit aux universités: Finies les compressions, le ministère, par exemple, retire son hypothèse de compression de 20 000 000 $ l'an prochain, mais ne bouge pas sur le reste, il faut comprendre que les universités, pour faire face à leur situation financière actuelle, devront à l'interne continuer à faire des compressions si elles le peuvent encore ou, sinon, continuer à accumuler des déficits.

Or, je comprends la question qui est posée en termes de choix de priorités pour un gouvernement, mais je pense que le choix des priorités doit justement être influencé par les diagnostics que l'on pose d'un secteur à l'autre. Si on pose le diagnostic qu'on a fait suffisamment de compressions dans les universités - nous on pense qu'on en a fait de façon excessive - si on se met d'accord, en gros, sur ce diagnostic, je pense qu'il est très important qu'on comprenne ce que cela signifie. (11 h 15)

Le Président (M. Charbonneau): Je termine avec cela, parce que c'est dans la foulée de ce que vous venez de dire: Est-ce que vous ne convenez pas que néanmoins il y a encore peut-être des efforts à faire? Je regarde... il y a un avis du Conseil des universités qui nous a été cité hier et qui indiquait un certain nombre de champs d'interventions dans lesquels les universités pourraient encore se lancer et explorer finalement au niveau des rationalisations. Est-ce qu'on doit conclure aujourd'hui qu'il n'y a vraiment plus aucun effort de rationalisation à faire de la part de chacune des universités? Finalement, est-ce que les avis du Conseil des universités, à cet égard, doivent être écartés et qu'on en arrive à la conclusion que maintenant vous avez fait votre travail et que vous ne pouvez plus aller plus loin? Ce n'est pas ce que nécessairement il semble se dégager d'un certain nombre d'avis qui nous ont été cités hier. Néanmoins, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de part et d'autre des bouts de chemin à parcourir. Est-ce qu'on doit vraiment conclure que tout est fait et qu'il n'y a plus de rationalisation à faire dans le secteur universitaire, qu'il n'y a plus de dédoublement, qu'il n'y a plus de "gaspillage" - le mot est peut-être un peu gros - mais j'imagine qu'on peut toujours trouver qu'il n'y a plus de gras nulle part et que vraiment la balle est uniquement dans le camp des élus?

M. Hamel: Je pense qu'on peut conclure cela à court terme. Je pense qu'on peut affirmer que les efforts de rationalisation qui pouvaient être faits pour conduire à des réductions de coûts à court terme ont été faits de façon très large et assez complète, de sorte que les possibilités de gains en termes de réduction rapide de coûts par des mesures de rationalisation, de concertation sont encore possibles, bien sûr, mais ces mesures ne pourraient apporter d'impact financier qu'à moyen et à long terme, compte tenu des engagements que les universités ont dans le cadre de leurs programmes vis-à-vis les étudiants, compte tenu des engagements que les universités ont dans le cadre de leur convention collective et de leur protocole d'entente avec leur personnel.

Le Président (M. Charbonneau): J'aurais bien d'autres questions mais je vais laisser mon collègue... Est-ce que le vice-président... M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais tout d'abord féliciter la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec de son mémoire très judicieux et rempli d'informations utiles pour les parlementaires et la population du Québec.

Je voudrais tout d'abord me permettre une brève comparaison parce qu'on y a fait écho tantôt. Nous avons entendu, hier, un exposé du ministre de l'Éducation qui a traité des sujets évidemment connexes à ceux qu'on discute ce matin. Nous avons entendu l'exposé de la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec ce matin et je crois déceler une différence fondamentale dans le diagnostic qui est porté par les deux. Il faudrait que ceci soit éclairci afin que ne subsiste aucune ambiguïté. Le ministre de l'Éducation nous dit - cela fait longtemps qu'on le lui disait, mais là je pense qu'il le constate explicitement pour la première fois - que les ressources allouées aux universités du Québec ont présentement atteint un niveau par étudiant parmi les plus bas au Canada et une diminution encore plus grande des coûts unitaires pourrait mettre en péril la qualité des activités et l'amélioration des performances qu'il nous reste encore à réaliser. Tandis que si je lis bien votre mémoire, vous autres, vous dites... Le ministre semble se dire: On a tout bien fait jusqu'à maintenant, cela a été rationnel, cela a marché, on vous a amenés à une meilleure performance, maintenant, on reconnaît que si

on allait continuer cela pourrait être dangereux. Tandis que vous autres vous nous dites - cela est bien important qu'il soit établi nettement - que déjà il y a eu de nombreuses et coûteuses conséquences pour la qualité de l'enseignement et de la recherche à la suite des mesures de compression que vous qualifiez d'excessives. J'aimerais que ce point soit clarifié très nettement, c'est la différence fondamentale que je crois lire dans les deux diagnostics. Il me semble que votre mémoire étaie à bien des endroits de manière concrète le diagnostic que vous présentez. Je me demande s'il serait possible, je ne veux pas exprimer des attentes excessives de mon côté, mais aux pages 15, 16 et 17 de votre mémoire, vous décrivez les conséquences qui ont déjà été ressenties dans les universités des compressions budgétaires et de la politique du gouvernement en matière de financement et je ne sais pas s'il n'y a pas moyen de faire parvenir à la commission un dossier complémentaire à ce sujet. Quand on parle, par exemple, de tous les mouvements de personnel, tout cela est ramassé en quelques lignes dans votre mémoire. Je comprends très bien, mais si on pouvait avoir des données plus précises sur les effets qu'ont entraînés toutes les politiques du gouvernement depuis six ans, cela nous éclairerait beaucoup.

En matière de bibliothèque, par exemple, vous passez vite, vous avez un passage de deux ou trois lignes à ce sujet. Je pense que ce serait important qu'on soit davantage informé, parce qu'on lit ces passages et on se dit: Ah, ce sont des refrains qu'on a entendus bien souvent, etc. Pour les conclusions auxquelles en viendrait la commission, si on pouvait avoir des données plus étayées sur les équipements. Sur les équipements, vous avez une petite annexe très intéressante qui porte sur les budgets accordés aux écoles de génie. On voit qu'au cours des six dernières années, cela a été non seulement la stagnation, mais le recul dans un domaine qui me semble être assez intimement relié au défi technologique. Je ne sais pas s'il y a des moments pour les discours et des moments pour les actions qui sont complètement dans des univers différents. Je vous fais une demande. Si c'est possible d'envoyer un texte complémentaire à la commission dans les délais raisonnables, je pense que cela aiderait énormément.

Il y a une autre chose que je voudrais également demander et qui fait suite à ce que vous avez dit au début de votre intervention. Quand vous avez fait allusion au passage de la page 4 de votre mémoire, disant que vous avez fait de nombreuses interventions dans le passé auprès du gouvernement, soit sous forme de lettre, soit sous forme de mémoire, soit sous forme de rencontre avec les autorités du ministère, vous ajoutez que ces interventions sont à ce jour demeurées sans réponse. Et vous avez offert de soumettre aux membres de la commission un dossier étayant cette affirmation. Je ne voudrais pas prendre le temps de la commission ce matin, mais si vous pouviez donner suite à cette ouverture que vous avez faite vous-même, je pense que cela rendrait un grand service à la commission.

De plus, je veux poser une brève question sur la comparaison avec l'Ontario. Je pense qu'il va falloir qu'on s'éloigne un peu de ceci, mais après s'être assuré cependant qu'on n'est pas loin de se rencontrer. J'ai porté un intérêt spécial aux chiffres de la page 46, au tableau A-4. Il me semble que ce sont les données les plus importantes. Quand on me parle de la contribution aux universités en fonction du PIB, c'est une notion qui est un peu de nature à créer des illusions d'optique, parce que d'abord il faudrait tenir compte des paiements de péréquation et des paiements fédéraux qui sont faits pour cela. Il faudrait que cela entre quelque part. À ce moment-là, on verrait que les chiffres ne peuvent pas être manipulés exactement de la même manière. Il y a une donnée qui ne trompe pas: ce sont les dépenses de fonctionnement par étudiant. C'est la donnée que vous retenez à la page 46. Quand vous dites "per capita", c'est bien par étudiant? Par étudiant équivalent temps complet, j'imagine?

Une voix: C'est cela.

M. Ryan: Je constate une chose en examinant le tableau, c'est qu'au cours de toutes ces années, les dépenses de fonctionnement per capita ont toujours été supérieures en Ontario à celles du Québec et que l'écart s'est agrandi ces dernières années. Je remarque qu'il y a beaucoup de collaborateurs du ministre et le ministre lui-même est ici ce matin. Je ne sais pas s'il peut prêter une attention spéciale à ces chiffres-là qui ne sont pas les mêmes que ceux qu'on nous a présentés dans les annexes de l'intervention du ministre, hier. Je crois que cela serait une bonne chose s'il y avait des critiques à faire sur ces chiffres. Je les prends comme des chiffres fiables pour les fins de la discussion, aujourd'hui. Si c'est ainsi, cela veut dire qu'au cours des années quand on nous ressassait continuellement le refrain que cela coûtait beaucoup plus cher qu'en Ontario et qu'il fallait absolument en revenir, ces chiffres-ci tiennent un langage contraire. C'est bien important qu'on le souligne et je pense que vous me confirmerez à ce sujet que les données relatives à l'Ontario ont été inférieures depuis quelques années aux moyennes canadiennes. L'Ontario a pratiqué une

politique plutôt restrictive en matière de financement de l'éducation, ces dernières années. On arrive même à un point où, selon les données qui m'ont été possibles de consulter, les chiffres de l'Ontario seraient inférieurs à la moyenne canadienne. Donc, si le Québec est inférieur à l'Ontario, je pense que cela justifie le ministre de constater enfin que nous sommes peut-être les plus bas de tout le Canada. Je ne l'affirme pas de mon côté, parce que je n'ai pas eu le temps de regarder les statistiques de l'île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve, mais je pense qu'on n'est pas loin de la famille de ceux qui n'ont pas à se gargariser de leur performance, comme société j'entends.

Cela dit, je voudrais vous poser peut-être une couple de questions. Je prends pour acquise la réponse positive que vous apporterez à mes demandes de complément d'information et je vous laisse le soin d'élaborer là-dessus tantôt, M. le président.

La première question que je voudrais vous adresser concerne les nouveaux principes de financement que le gouvernement met de l'avant dans son modèle qui continuera d'être l'objet de discussion au cours des mois à venir. Vous dites à la page 32 de votre mémoire les choses suivantes: "Les énoncés qu'on trouve dans le cadre de financement révèlent les conceptions qui apparaissent peu compatibles avec la nature même de l'institution universitaire laquelle exige une liberté d'initiative qui, à l'intérieur des limites imposées par leur rôle et les efforts qu'on attend d'elles, compte tenu des ressources que la société lui consent, est essentielle à l'exercice de sa mission. Mais au-delà de certaines conceptions véhiculées dans le cadre de financement, on peut dire que la menace la plus grave à l'autonomie des établissements présentement est le fait de la disparition de toute marge de manoeuvre qui permettrait à l'université de répondre avec plus d'efficacité aux besoins qui lui sont exprimés."

Je ne sais pas si vous pourriez expliquer un peu ce que vous dites dans ce paragraphe et peut-être en même temps donner votre avis sur la philosophie qui est véhiculée dans le cadre de financement concernant le rôle du gouvernement au sujet des projets de développement des universités.

M. Hamel: D'accord, M. le vice-président. Tout d'abord en ce qui concerne vos demandes d'information, nous allons prendre toutes les mesures pour y donner suite, selon ce que vous souhaitez.

En ce qui concerne cette question d'autonomie et de marge de manoeuvre, ce que nous voulons signaler dans ce texte c'est qu'il est vrai que la très grande partie des subventions que le gouvernement accorde aux universités l'est de façon globale et que les universités sont libres d'utiliser ces fonds-là comme elles l'entendent à l'intérieur de chacun des établissements. Le financement orienté, si on peut l'appeler ainsi, est un financement marginal par rapport à l'ensemble du financement que nous recevons du ministère de l'Éducation, mais lorsque nous relions cette situation au problème de l'autonomie des universités, c'est pour signaler que la perte de toute marge de manoeuvre financière est aussi et beaucoup une perte d'autonomie. Lorsque les universités n'ont plus la capacité de réagir elles-mêmes sans approbation de l'extérieur à des besoins qu'elles perçoivent et auxquels elles pouvaient répondre il y a un certain nombre d'années, je pense qu'on peut dire qu'elles perdent une partie de leur autonomie.

De plus, ce qui inquiète les universités dans certaines orientations que présente le cadre de financement du ministère, c'est que, par le biais de certains programmes de financements spéciaux, je pense en particulier aux programmes d'actions structurantes en ce qui concerne la recherche ou aux programmes du Fonds de développement pédagogique, par le biais de ces financements à la marge, on constate une tendance du ministère à vouloir poser des questions de plus en plus larges sur la gestion interne des établissements. Par exemple, à l'occasion d'un projet soumis par une université sur le programme d'action structurante, on va demander de situer cela dans le cadre d'un plan de développement de la recherche, d'un plan de développement de l'institution, globalement. (11 h 30)

Nous ne nous opposons pas en soi à ce que le ministère doive connaître les intentions de développement des universités, mais qu'on le fasse indirectement par le biais de ces programmes à la marge pose aux universités des difficultés en termes de marge de manoeuvre et d'autonomie. C'est ce que nous voulons signaler essentiellement par ce texte.

M. Ryan: Une question complémentaire là-dessus. Le programme d'action structurante a été annoncé, si mes souvenirs sont bons, vers décembre de l'année dernière. Quand ça a été annoncé, est-ce que vous, la Conférence des recteurs et principaux des universités, avez été consultés ou informés ou si c'est arrivé comme un cheveu sur la soupe?

M. Hamel: Je vais demander à M. Giroux de répondre.

M. Giroux (Yves): M. le Président, je ne me souviens pas s'il y a eu une consultation très formelle avant que le programme soit lancé tel quel, mais on doit dire que le concept du programme d'action

structurante flottait dans le système depuis déjà plusieurs années, parce que ça avait été évoqué lors du livre vert et du livre blanc sur la politique scientifique. Donc, le concept n'était pas nouveau, les objectifs en étaient souhaités et sont souhaitables, mais le programme a été annoncé dans le train de mesures de relance l'automne dernier, effectivement, et nous l'avons appris à peu près en même temps que tout le monde.

M. Ryan: Je voudrais vous questionner longuement là-dessus, mais on n'a pas beaucoup de temps. Il y a deux questions que j'ai à l'esprit et que je ne voudrais pas oublier. Je constate que, dans votre mémoire, vous êtes plus préoccupé par le niveau de financement que par le mode de financement. Vous trouvez que le niveau de financement pose des problèmes de manière beaucoup plus aiguë et immédiate et vous êtes favorable à une réforme du mode de financement également, mais vous ne voyez pas là l'urgence des urgences, si je comprends bien.

Il y a une question que je voudrais vous poser quand même dans cette perspective. À la lumière des critères que vous énoncez, équité, transparence, stabilité, est-ce qu'il y a des normes, pour une société... Mettez-vous à la place du pouvoir politique qui veut avoir une politique correcte avec les universités, qui veut avoir une politique stable de manière qu'on sache où on s'en va, qu'on puisse prévoir les développements, est-ce que vous avez pensé à des normes qui pourraient guider le législateur ou le gouvernement dans l'établissement de ces politiques et des normes qui pourraient permettre de répondre à vos exigences et qui, en même temps, introduiraient peut-être un peu plus d'objectivité ou même de caractère statutaire là-dedans?

M. Béland: M. le Président, une mesure qui permettrait une certaine stabilité pose un certain nombre de difficultés pour les membres. Les universités, actuellement, ont une répartition de dépenses qui touche, pour 80%, les masses salariales et 20% d'autres dépenses. Les documents préparés par la conférence sur la question des autres dépenses et rapportés dans le mémoire indiquent clairement que le coût des autres dépenses augmente à peu près avec un indice du coût de la vie composé de divers éléments. De ce côté-là, je pense qu'il pourrait y avoir entente sur un certain nombre de normes compte tenu de la composition des biens et des services qui représentent 20% des dépenses des universités.

Quand il n'y a pas d'indexation des autres dépenses, il est clair que c'est un recul en termes de capacité de maintenir ce niveau. Les 20%, ce n'est pas unique au

Québec comme importance relative des autres dépenses dans l'ensemble, c'est un pourcentage qu'on peut retrouver à peu près dans toutes les universités canadiennes. Il y a sûrement possibilité d'aller déterminer au moins un niveau d'indexation qui permettrait de maintenir un certain volume de dépenses dans ce secteur.

Du côté des masses salariales, bien sûr qu'on joue toujours avec deux éléments dans les masses salariales, il y a le personnel et il y a le niveau des salaires. Ce que l'on constate jusqu'à maintenant, cela a été une brisure dans le financement des universités, compte tenu des taux d'indexation prévus dans les conventions collectives ou dans les protocoles avec les associations. La brisure est arrivée de façon brutale en 1981-1982, mais elle avait déjà été quand même réduite dans les années précédentes, 1979-1980 et 1980-1981.

La politique qu'ont suivie les universités en termes de politique salariale a été sensiblement la même que celle qui avait été adoptée par le gouvernement dans ses propres négociations. Est-ce qu'il y a possibilité là aussi d'arriver à des normes d'indexation des masses salariales qui représentent l'équivalent de ce que fait le Québec pour ses autres secteurs, les secteurs public et parapublic? Je pense que c'est une très bonne question et sur laquelle on pourrait peut-être discuter aussi pour arriver à se dire: Finalement, on n'utilisera pas les taux d'indexation des masses salariales pour faire des compressions à l'intérieur des universités. Le pénible de l'année 1981-1982, cela a été 12% et dans certains cas 13% de moins strictement en réduisant le taux d'indexation des masses salariales. On a vécu pendant une dizaine d'années une certaine norme d'indexation des masses salariales et on se retrouve à un autre moment donné, d'une façon brutale, avec un changement.

Il y a eu une discontinuité dans le système qui s'explique difficilement compte tenu de l'effort que le Québec faisait pour ses autres secteurs. On ne parle pas d'augmentation de service, on parlait strictement d'indexation des masses salariales. De sorte qu'en même temps qu'on coupe les masses salariales, on nous demande aussi de donner plus de service avec moins de ressources. La norme devrait s'attacher aux composantes des dépenses qui sont les masses salariales et les autres dépenses. Là-dessus, je pense qu'on pourrait théoriquement s'entendre pour dire: L'effort que le Québec est prêt à faire pour les salaires dans les autres secteurs devrait au moins s'appliquer dans les universités et on ne parle pas de volume.

L'autre élément, c'est la question du développement des universités face à la croissance des clientèles ou de certains secteurs sur lesquels on pourrait mettre des

priorités. Est-ce qu'on rattache l'indexation sur le niveau de croissance du produit intérieur brut ou une autre mesure qui est le revenu personnel? Je n'ai aucune idée, mais il y a peut-être là des discussions possibles à tenir pour en définir une certaine norme qui est liée, mais en termes de développement et non pas en termes de remettre en cause la base des choses existantes. Je pense qu'on pourrait à ce moment distinguer ces éléments et peut-être arriver à donner une certaine transparence à ce niveau et certaines normes d'ordre de grandeur de ces composantes.

M. Ryan: Est-ce que le nouveau mode de financement apporte des éléments de progrès de ce côté? Est-ce qu'il y a des choses qui devraient être ajoutées pour répondre à des possibilités comme celles-là?

M. Béland: Je pense que les nouvelles règles annoncées, à ma connaissance, ne touchent que le financement des croissances de clientèles additionnelles. Est-ce qu'on change la base? Il n'y a rien dans les principes actuels qui touche les autres dépenses ni les politiques salariales ou d'indexation des masses salariales, à ma connaissance.

M. Ryan: Je pose cette question dans l'esprit suivant: Je me dis que les universités sont un élément tellement important du fonctionnement de notre société qu'il faut soustraire leur financement, dans toute la mesure raisonnablement possible, au jugement arbitraire, souvent capricieux et changeant des politiciens. Je pense que l'État est capable de s'élever à cette perspective dans un certain nombre de cas. Je pense qu'il restera toujours des cas qui se prêteront mieux à des décisions capricieuses. Il me semble que dans ce cas on cherche ensemble des normes qui pourraient être plus objectives. S'il y avait des compléments d'opinion que vous voudriez nous donner là-dessus, je pense que ce serait extrêmement précieux parce qu'on est à la recherche de cela. Comme vous dites: Le nouveau mode de financement répond à des fins limitées de ce point de vue en particulier pour le calcul du coût des nouvelles clientèles. Je pense que cela pourrait être très intéressant.

Je veux en venir maintenant à vos recommandations pour 1985-1986. Je pense que c'est important parce que cela nous ramène au niveau de financement. Sur la première recommandation, du côté de l'Opposition, nous avons déjà approuvé cette proposition du Conseil supérieur des universités, par conséquent nous sommes entièrement favorables à ce que le ministre de l'Éducation réexamine sa position de ce point de vue et essaie de convaincre ses collègues du gouvernement d'en arriver à une autre conclusion.

Vous demandez pour 1985-1986 que soit annulée la compression déjà annoncée de 20 000 000 $. Là-dessus, je voudrais seulement donner un petit éclaircissement; dans l'intervention que le ministre a faite, hier, il a simplement dit que c'est une question sur laquelle il pourrait éclairer, par les travaux de la commission. Il a laissé la porte ouverte, par conséquent; je pense que c'est mieux que pas de porte ouverte du tout et je veux vous dire qu'on va considérer cela, nous autres, avec beaucoup de sympathie, évidemment.

Vous demandez qu'on mette fin au financement par prélèvement. Pourriez-vous expliquer un peu ce que cela représenterait possiblement comme marge monétaire pour l'année 1985-1986, d'après les projections qu'on peut faire? Est-ce que c'est compris dans votre total de 85 000 000 $ qui vient au paragraphe suivant? Est-ce que cela va dans le 2,8% pour les clientèles nouvelles?

M. Hamel: Je ferais un commentaire sur la notion de prélèvement et puis je vais encore donner la parole à M. Béland pour ce qui est des chiffres.

Le financement par prélèvement, pour nous, c'est une façon indirecte de nous transmettre des compressions, un peu comme le non-financement des dépenses salariales qu'on a connu il y a quelques années. Cela s'applique principalement dans deux secteurs. On procède par prélèvement pour financer les croissances de clientèles dans les secteurs non prioritaires. Le chiffre nécessaire pour ce financement dépend des taux de croissances réelles qui se produisent, et là encore on fait toujours face à des surprises. Cela prend plus de prélèvements qu'on avait prévus au début parce que les croissances sont plus élevées.

L'autre volet qui est principalement touché par cela, c'est le financement des locations d'espace. On ne permet pas aux universités de construire de nouveaux immeubles; on leur demandent de faire face à leurs besoins d'espace par des locations additionnelles et le coût de ces locations est supporté, encore une fois, par un prélèvement. Un prélèvement, cela veut dire que sur l'enveloppe de l'enseignement supérieur on va aller chercher, par exemple, 15 000 000 $ pour supporter les locations d'espace et 5 000 000 $ pour les croissances de clientèles. Je donne les chiffres simplement à titre d'exemple.

C'est ce type de financement que nous demandons qu'il soit arrêté parce que cela a le même impact, pour nous, qu'une coupure claire et brusque d'un montant correspondant. Maintenant, quant au coût pour 1985-1986, je vais demander à M. Béland s'il a des données plus précises pour répondre à votre question.

M. Béland: Essentiellement, en fait, il y a trois éléments dans les 85 000 000 $. L'hypothèse c'est un coût d'indexation, d'augmentation ou d'inflation de 5,5% qui est appliqué à toutes les masses, autant les salaires que les autres dépenses, et 4% de croissance de clientèles pour 1985-1986, en supposant que les clientèles additionnelles soient financées à 70%. Maintenant le 4% et le 70% sont indépendants du virage technologique? Non. Dans toutes les clientèles, en supposant qu'il y ait une croissance de 4%. Ce qui fait un taux de croissance de la subvention, avec les hypothèses qui sont sous-jacentes, de 8,3%. De sorte que essentiellement ce qui est demandé pour 1985-1986, ce n'est pas de récupérer les compressions des années antérieures. Comme on s'attend à une croissance de clientèles qui serait de l'ordre de 4% avec un taux d'inflation de 5,5% et qu'on ne demande pas que le financement des clientèles additionnelles soit à 100% mais à 70% pour tenir compte de la possibilité d'un coût marginal qui est plus faible que le coût moyen, on dit que c'est 85 000 000 $ dans ces hypothèses.

Si les 85 000 000 $ ne sont pas là, qu'il y a un taux d'inflation et puis qu'on a une croissance des clientèles, on dit: ce serait une nouvelle compression de 85 000 000 $ pour les universités, étant donné que la croissance des clientèles risque de se réaliser de toute façon.

M. Ryan: Dans les 85 000 000 $, cela comprend le résultat de la fin des prélèvements.

M. Béland: C'est exact.

M. Ryan: Très bien. (11 h 45)

M. Béland: C'est-à-dire que les 20 000 000 $ de la fin des compressions ne sont pas dans les 85 000 000 $; ils s'ajoutent aux 85 000 000 $ et là on retrouve le chiffre de 105 000 000 $.

M. Ryan: C'est très bien. Vous parlez ensuite d'un déficit d'opération de l'ordre de 30 000 000 $ pour l'ensemble des universités pour l'année 1984-1985. Je crois me souvenir que dans son exposé, hier, le ministre a parlé d'un déficit de l'ordre de 3 000 000 $, je ne sais trop, 3 500 000 $. Je vois une grande différence entre vos projections et celles du ministre. Cela illustre peut-être que les contacts ne sont pas aussi directs qu'il faudrait dans ces cas. Est-ce que vous pourriez nous donner des explications sur cela?

M. Béland: Ce que le ministre signalait, hier, avec 3 500 000 $, c'était le déficit accumulé au 31 mai 1984, à partir des états financiers fournis par les universités. De mémoire, les chiffres ont été compilés au début d'octobre par le ministère de l'Éducation. Je présume qu'il avait dans les mains l'ensemble des rapports financiers des universités au 31 mai 1984. Les 30 000 000 $ résultent des dépôts ou des acceptations par les conseils d'administration des universités des budgets d'opération pour l'année 1984-1985. Cela est un déficit d'opération courante les 3 500 000 $ étant un déficit accumulé. C'est ce que j'ai compris, hier, de la...

M. Ryan: J'ai reçu une réaction d'une université à une proposition comme celle-là. Il y a une université qui me dit: Le gouvernement a donné la directive aux universités de réaliser l'équilibre budgétaire à plusieurs reprises au cours des dernières années. Il y en a qui ont été fidèles à cette consigne, il y en a d'autres qui ne l'ont pas été. Est-ce que le gouvernement agirait bien en compensant a posteriori ceux qui ne se sont point conformés à la directive, est-ce qu'il agirait justement à l'endroit de ceux qui ont appliqué la consigne? Peut-être pourriez-vous me dire de quelle manière cette consigne vous a été donnée? Est-ce qu'elle vous a été donnée d'une manière formelle ou est-ce qu'il y a eu des avertissements clairs que les déficits ne seraient pas pris en charge par le gouvernement?

M. Hamel: II y a deux réactions à cela. D'abord, le paragraphe signale l'ampleur du déficit d'opération que les universités prévoient pour 1984-1985. Il est possible, il est même probable que le résultat réel sera inférieur à cela. On veut attirer l'attention sur ce problème qu'il y a dans le système universitaire qu'il y aura à la fin de l'année non seulement un déficit accumulé, comme l'indiquait M. le ministre hier, mais qu'il y aura aussi un déficit structurel à la base, et que cela en soi constitue pour les universités qui ont à le supporter une compression budgétaire pour rétablir l'équilibre. Nous ne faisons pas de commentaires par ailleurs -vous l'avez noté - sur la façon dont ces 20 000 000 $ pourraient être répartis entre les universités. Nous disons: II y a un problème d'ensemble et il faudrait ne pas l'oublier.

Maintenant en ce qui concerne la responsabilité des universités vis-à-vis de l'équilibre budgétaire, on pourrait discuter longuement sur cela. Les universités, à toutes fins utiles, gèrent des budgets de dépenses, ne gèrent pas de budgets de revenus. L'équilibre budgétaire s'atteint lorsqu'on contrôle les deux volets de l'équation: revenus moins dépenses = zéro. Alors, nos revenus nous viennent de subventions et de frais de scolarité, les deux

sous la responsabilité du ministère de l'Éducation. Lorsqu'on nous annonce des changements de règles, des compressions une fois l'exercice financier commencé ou quelques mois avant le début de l'exercice financier, je ne crois pas qu'on puisse nous tenir rigoureusement responsables du maintien de l'équilibre budgétaire. Je pense que pour avoir la responsabilité, il faut aussi avoir la capacité d'intervenir sur les deux volets.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Hamel.

M. le député de Fabre et aide parlementaire du ministre de l'Éducation.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je veux remercier le CREPUQ pour son mémoire qui me semble de bonne tenue et qui apporte un éclairage important à la commission. Vous soulevez une question fort intéressante et mon collègue, président de la commission, l'a soulevée. Je vais revenir rapidement sur cette question. Elle me semble importante. C'est celle qui touche les indicateurs. Les indicateurs visent à cerner trois grandes réalités, dites-vous: la performance du secteur universitaire, son état de développement et l'effort financier que le gouvernement et la société y consacrent.

Or, cette question me semble assez importante parce que la commission va avoir à porter un certain nombre de jugements. Effectivement on a affaire peut-être pas à plusieurs indicateurs, mais à plusieurs façons de faire cette évaluation, et je partage l'avis de mon collègue qui disait au début qu'il serait important que le gouvernement et le milieu s'entendent sur les données, qui devraient être les mêmes.

Je veux vous donner quelques exemples qui m'ont frappé. Dans les chiffres que vous apportez, vous partez de 1978-1979. Or, le ministère de l'Éducation part de 1972-1973. C'est une année de base importante et significative, compte tenu qu'en 1972-1973 le taux de fréquentation était de 58% par rapport à l'Ontario. Si l'on suit le cheminement, on arrive à un résultat fort intéressant aujourd'hui: en termes de fréquentation de notre clientèle québécoise, on est supérieur de 8% à l'Ontario. Une autre donnée qui n'est pas uniforme: Le ministère a retranché la première année d'université du système ontarien et vous semblez l'avoir incluse. Mais le ministère ajoute les clientèles à temps partiel du Québec pour rendre la comparaison valable, ce que vous ne semblez pas faire. Il y a des distinctions comme celles-là qui rendent l'évaluation assez pénible. Par contre, vous établissez clairement dans votre mémoire -et cela me semble important - que le système québécois se compare encore avantageusement à d'autres systèmes, notamment au système ontarien. J'aimerais entendre l'Opposition dire cela à un moment donné. On pourrait établir un consensus assez rapidement à ce sujet.

Je voudrais faire aussi un autre commentaire. Il y a des statistiques sur lesquelles on pourrait peut-être s'entendre assez rapidement, c'est celles de Statistique Canada. L'Opposition serait sûrement d'accord avec les statistiques qui sont ici. Je vais donner seulement trois exemples qui viennent de "Finance des universités, analyse des tendances." J'aurais aimé que vous l'ajoutiez à votre mémoire parce que ce sont seulement trois tableaux qui disent ceci: premier tableau: Dépenses des universités, pourcentage du produit intérieur brut selon la région. Or on voit que le Québec fait un effort nettement plus considérable que l'ensemble des autres régions canadiennes. Si on compare les dépenses des universités par habitant selon la région, on voit qu'en 1982 on atteint à peu près l'égalité avec toutes les autres régions, mais qu'à partir de 1982 cela décline au Québec, légèrement en tout cas. Là c'est une indication qu'il faut vraiment faire attention. C'est un signal d'alarme.

Un autre exemple: les subventions provinciales de fonctionnement des universités par habitant. Là aussi l'effort du Québec est supérieur à celui des autres régions. Cela vous intéresse peut-être, M. le député de Saint-Laurent: on pourrait déposer ces statistiques fort intéressantes. Vous devez les avoir, mais... Je comprends que cela n'est peut-être pas dans votre intérêt de les montrer tout de suite. Cette question des indicateurs est extrêmement importante. Finalement, ce qui en ressort c'est que le Québec a dépassé l'Ontario dès 1980-1981 en termes d'effort financier. On peut s'entendre là-dessus.

La question qui se pose, et je reviens au mémoire du ministre parce que le mémoire a posé des questions fondamentales, est qu'on constate un certain nombre de carences. Vous en parlez assez peu dans votre mémoire, mais je vais vous demander de commenter un certain nombre de choses. C'est au niveau des deuxième et troisième cycles qu'on constate un certain nombre de carences, surtout chez les francophones, si l'on se compare à l'Ontario. En tout cas, on a un effort à faire de ce côté. Aussi pour augmenter le nombre d'étudiants à temps complet, on a des efforts à faire. Là-dessus vous êtes muets. Pourtant le cadre de financement fait des propositions et des objectifs clairs dans ces termes. Qu'est-ce que vous proposez? Quelles sont vos suggestions dans ce domaine?

M. Hamel: Je vais réagir à la question des indicateurs brièvement, mais je vais demander à M. Gauthier de prendre le

deuxième volet de votre question.

Je pense que vous avez raison de souligner l'importance de cette question des indicateurs, sur laquelle nous nous sommes attardés. Car il faut bien réaliser qu'on peut faire dire beaucoup de choses à des chiffres. Si l'on veut utiliser des statistiques et des données pour prouver un point de vue, c'est possible d'y arriver d'une certaine façon en retenant les données qui nous sont favorables et en ne retenant pas celles qui ne le sont pas. Et c'est vrai pour tous les partenaires dans un même dossier. C'est la raison pour laquelle nous vous avons fait la suggestion de convenir ensemble, au départ, d'un certain nombre d'indicateurs avec lesquels on pourrait porter un jugement complet sur l'enseignement supérieur.

Vous avez noté des bases différentes en termes d'années et de séries chronologiques que nous utilisons. Vous avez utilisé le cas de la fréquentation mais, par exemple, vous allez voir des statistiques qui s'appuient sur la bande d'âge 20-24 ans et d'autres 20-29 ans; et selon qu'on prend une bande plutôt que l'autre, les chiffres ne sont pas les mêmes bien sûr. Bon! II faudrait peut-être s'entendre sur ce qui est le plus pertinent pour bien juger du cas. Ce n'est pas suffisant de prendre la bande 20-24 pour démontrer qu'on a raison et que l'autre partie fasse le même raisonnement avec la bande 20-29. Donc, je pense que ce sont des difficultés de définition en ce qui concerne les critères sur lesquels on devrait d'abord s'entendre.

Maintenant, en ce qui concerne la fréquentation au deuxième et au troisième cycle, ce qu'en dit le document du ministère, je vais demander à M. Gauthier d'y répondre.

M. Gauthier (Germain): M. le Président, je voudrais faire quelques commentaires seulement puis permettre à la discussion d'évoluer là-dessus. C'est un sujet que je voudrais voir déborder sur les questions des valeurs de société et des valeurs de l'éducation dans une société donnée.

Je pense que la société québécoise évolue progressivement et on l'a mentionné hier. Le ministre a relevé un certain nombre de phénomènes qui démontrent que, malgré les difficultés financières dans lesquelles les universités se sont évertuées à survivre, il y a eu des progrès qui ont été réalisés. C'est un fait, c'est exact. Tout ne peut pas arriver du jour au lendemain non plus. En termes financiers, les difficultés dans lesquelles se sont trouvées les universités résident en particulier dans l'ampleur subite des coupures qu'elles ont eu à réaliser, parce qu'on peut apprendre à survivre si l'on s'adapte progressivement. De même les types de population étudiante qui entrent à l'université sont un phénomène de société. Il y a eu des valeurs qui ont été véhiculées qui ne favorisaient pas le développement de l'enseignement supérieur. À part quelques facultés très professionnelles qu'on avait historiquement, on allait peu à l'université. Et le besoin de main-d'oeuvre a été très considérable à un moment donné. Il n'y avait vraiment pas de chômage. Les gens ne terminaient pas leurs études universitaires et commençaient à travailler parce que, dans les collèges classiques de l'époque, on avait besoin de professeurs laïques en particulier pour prendre la relève. De sorte que les études à temps partiel, ce n'est pas un phénomène complètement nouveau. Il arrive aussi, je pense, que dans notre société il y a beaucoup d'étudiants qui sont à l'âge normal de la scolarisation universitaire et qui étudient à temps partiel. C'est un phénomène que l'on constate. (12 heures)

Est-ce que c'est par des politiques d'incitation, d'accueil faites par les universités que l'on va changer ce phénomène? Je me pose des questions personnellement. Je pense que les universités peuvent travailler à améliorer la situation, mais elles n'y arriveront pas toutes seules, à mon avis.

Il faut avoir des bassins de population, d'ailleurs, pour alimenter les études au premier cycle, aux deuxième et troisième cycles. Il arrive que les politiques d'accessibilité que l'on a développées au Québec ont été considérables et ont amené le développement d'activités universitaires à temps plein, à temps partiel, à plusieurs cycles, d'ailleurs. Il y a des universités qui se sont spécialisées là-dedans. Pour ne pas nommer l'université à laquelle j'appartiens, je pourrais nommer le cas de l'Université Concordia qui, depuis une quarantaine d'années, se spécialise dans ce type d'activité; les activités à temps partiel et les activités à temps complet le jour, le soir, sont un tout qui forme la réalité de l'université.

Il arrive aussi que les études à temps partiel viennent soutenir la programmation des études à temps complet. On pourrait donner des exemples de cela. Si on poursuit au niveau des deuxième et troisième cycles... Je reprends le modèle de l'Université Concordia, qui se spécialise en particulier à offrir des programmes de maîtrise à temps partiel, c'est-à-dire des gens qui sont dans le milieu du travail et qui viennent poursuivre des études complémentaires sur le tas. C'est une valeur qui a été véhiculée par une université et qui a joué un rôle social extrêmement important, je pense qu'il faut le reconnaître. D'autres ont essayé d'imiter aussi ce type de présentation des activités.

Il arrive que les études à temps plein doivent être réalisées dans des conditions acceptables et que la progression valable est extrêmement importante. Par exemple,

l'Université de Montréal a atteint le seuil de 130 doctorats décernés annuellement: bon an mal an, je pense que c'est à peu près le nombre de doctorats décernés par l'Université de Montréal. Elle s'en glorifie et je pense que c'est une bonne chose, c'est normal. Seulement, c'est une nouveauté dans notre milieu d'avoir atteint ce niveau.

À l'Université Laval, on a atteint récemment le seuil de 100 doctorats par année, et je pense que c'est tout à fait récent. Les taux de croissance sont considérables au cours des denières années, et ce, en dépit des difficultés et des problèmes financiers que l'on a eu à régler. Je pense que les objectifs peuvent être atteints, mais ça prend une base, un niveau, un réservoir d'étudiants de premier cycle pour alimenter le deuxième cycle; et de même du deuxième cycle au troisième cycle.

Je pourrais dire aussi qu'on cherche, dans les universités, à encourager l'accueil des étudiants de troisième cycle, parce que c'est probablement le niveau où on est encore le plus faible du côté francophone, entre autres, en utilisant même des ressources, des fonds généraux, donc des subventions des universités, pour donner de l'aide à ces étudiants. Donc, il y a vraiment des efforts considérables faits pour développer les études de deuxième et de troisième cycle. Mais je pense qu'il y a aussi la validité, la reconnaissance dans la société de ce type d'activité avec des débouchés qui sont acceptables. Si, par exemple, l'un des débouchés normaux pour les étudiants du troisième cycle c'est l'emploi dans lès universités et dans les centres de recherche et que vous coupez le recrutement dans les universités, vous ne motivez pas les étudiants à poursuivre des études de troisième cycle. De même pour le développement de la recherche. De sorte qu'il y a une écologie générale qui permet de développer les études de troisième cycle. Et malgré tout, malgré les difficultés financières et les difficultés de débouchés, je pense que les universités progressent de ce côté.

On a de la difficulté peut-être à poursuivre. Je voudrais terminer par un point en particulier...

M. Leduc (Fabre): Je m'excuse. Je voudrais aussi que vous répondiez - c'est très intéressant ce que vous dites - à la question, c'est-à-dire par rapport au cadre de financement. Est-ce que vous êtes d'accord? Sinon, qu'est-ce que vous suggérez?

M. Gauthier (Germain): Par rapport au cadre de financement...

M. Leduc (Fabre): Oui, qui lui vise... Si je regarde les objectifs du cadre de financement - je les ai ici - on veut consolider les activités de premier cycle; stimuler les études à temps complet et surtout les études de deuxième et troisième cycle; améliorer la productivité des programmes des cycles supérieurs; promouvoir le développement de la recherche et renforcer la place de cette mission à l'université; promouvoir dans les secteurs porteurs d'avenir pour le développement économique et technologique du Québec la formation de la main-d'oeuvre spécialisée. Donc, il y a des carences dans le système. Le cadre de financement propose des orientations tout de même précises. Êtes-vous d'accord ou non? Si non, qu'est-ce que vous proposez comme modifications?

M. Gauthier (Germain): Je dois m'en tenir, si vous voulez, au cadre du mémoire qui vous est présenté, et là-dessus le cadre est relativement muet. Il favorise le développement des études avancées et de la recherche, ceci me semble évident et on peut le transmettre comme tel. Mais quant à la formulation et à l'analyse critique du mémoire qui est présenté... Je dois m'en tenir, personnellement aujourd'hui, au cadre présenté par la conférence des recteurs, qui véhicule une position commune sur ces problèmes.

M. Leduc (Fabre): D'accord. Une question plus précise alors. Est-ce que la CREPUQ est d'accord avec les objectifs que je viens d'énumérer et qu'on retrouve dans le cadre de financement du réseau universitaire pour l'année 1984-1985?

M. Hamel: Nous n'avons pas, dans notre mémoire, réagi à chacun des éléments du cadre de financement. Nous avons particulièrement insisté sur les points avec lesquels nous étions plus ou moins d'accord. Et en ce qui concerne ces objectifs, je pense qu'on peut dire que les universités sont largement d'accord avec cela. Lorsqu'on dit qu'on veut stimuler les études à temps complet et surtout les études de deuxième et troisième cycle, nous sommes bien sûr d'accord avec cela. La répercussion de cela sur la formule de financement, je pense que c'est une autre question.

M. Leduc (Fabre): Tantôt vous avez dit que les universités peuvent travailler à améliorer la situation - je l'ai noté - mais elles ne peuvent pas y arriver seules. On est bien d'accord là-dessus.

Pour les universités, qu'est-ce que vous proposez pour qu'elles en arrivent à améliorer leur système de gestion interne -je vais vous donner des exemples - de façon à stimuler davantage la recherche? Il est bien sûr que vous allez dire de l'argent - je l'entends de l'autre côté - on en parlera plus tard; mais en termes de modulation des tâches d'enseignement pour favoriser la

recherche, en termes de modulation de politique de rémunération, en termes d'évaluation de la performance, est-ce que vous vous êtes penchés sur ces questions qui touchent les universités? Vous êtes d'accord, vous le dites: "Les universités peuvent travailler à améliorer la situation". Est-ce que vous vous êtes penchés sur ces questions qui touchent les universités, qui touchent le fonctionnement même des universités?

M. Hamel: Je répondrai à cela que nous nous penchons continuellement sur ces questions qui concernent la gestion, bien sûr, de chacun des établissements mais que, collectivement, dans le cadre de l'analyse que nous avons faite du cadre de financement du ministère et dans le cadre de la préparation de notre mémoire relatif à ce document, nous ne nous sommes pas penchés spécifiquement sur cette question pour réagir à des questions de la commission, parce qu'il nous apparaissait que cela déborde le contenu du cadre de financement.

M. Leduc (Fabre): Cela déborde, mais cela touche en même temps, puisque le cadre de financement est assez large, tout de même, à cause de ses orientations et de la philosophie qui le sous-tend.

Une autre question. Hier, le ministre a parlé d'un certain nombre d'objectifs qu'on ne peut pas poursuivre, c'est-à-dire qu'on peut poursuivre pour l'instant de façon simultanée, mais qu'il faudra peut-être remettre en question à un moment donné: la réduction des coûts unitaires, l'accueil de la clientèle, le gel des frais de scolarité, toutes ces questions qui sont des objectifs sur lesquels on s'entend pour l'instant.

Concernant l'accessibilité, doit-on accepter - c'est une question qu'on peut se poser - n'importe qui, n'importe où, n'importe quand, pour n'importe quoi, comme cela semble être le cas actuellement dans notre système au Québec.

Une voix: Global...

M. Leduc (Fabre): Oui c'est global, mais c'est assez quand même... En tout cas, la perception que j'ai, compte tenu qu'il y a des contingentements qui existent dans certaines universités pour certains, etc, il reste qu'un étudiant peut vouloir s'inscrire à peu près n'importe où au Québec. Est-ce qu'il y a des rationalisations concernant l'accessibilité que vous suggérez, que vous proposez? Avez-vous des commentaires à faire sur cette question de l'accessibilité générale des étudiants?

M. Hamel: Oui. D'abord deux commentaires. Je pense que nous n'acceptons pas n'importe qui, n'importe où, dans n'importe quel programme; deuxièmement, je pense que nous ne devrions pas faire cela non plus.

En ce qui concerne cette question d'admission, les universités se sont donné collectivement, dans le cadre de la conférence des recteurs, une politique générale. On a défini collectivement un cadre; les universités, sur cette base, se sont donné institutionnellement des politiques plus détaillées en ce qui concerne l'admission des étudiants, notamment dans les programmes de premier cycle, et il nous fera plaisir de faire parvenir à la commission, dans le cadre de la demande de M. le vice-président, les documents de la conférence qui ont été préparés à cet effet et qui sont du domaine public.

M. Leduc (Fabre): D'accord, merci.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Hamel. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'aimerais vous remercier de votre excellent mémoire. Je crois que vous avez tracé très clairement l'histoire triste de l'état financier des universités. Ce qui démontre, à mon avis, un record de "mismanagement" de la part du gouvernement qu'on ne peut que qualifier de scandaleux.

Ce qui m'étonne c'est que les universités soient encore tolérantes, et que vous n'ayez pas perdu espoir qu'on pourrait reconsidérer peut-être les états financiers, le cadre de financement pour les années à venir. (12 h 15)

On a entendu l'histoire de l'imposition du taux d'indexation sans récompense, de l'érosion graduelle de l'autonomie des universités, des politiques contradictoires, du manque de consultation, de l'écart entre le discours du gouvernement et les actions du gouvernement, surtout en ce qui concerne le virage technologique et l'importance des universités comme ressource stratégique pour le développement de nos ressources humaines. On a entendu l'histoire des décisions arbitraires, des règles en retard, etc. Ce qui est pire, je crois, c'est l'effort que le gouvernement fait constamment afin de justifier leur accord avec des comparaisons avec la province de l'Ontario qui sont souvent non pertinentes.

J'aimerais aborder maintenant la question du vieillissement surtout du personnel scientifique dont le Conseil des universités a soumis un avis en mars. Hier, le ministre en parlant de ce problème a dit apparemment: Le conseil formule des recommandations très pertinentes à l'intention des universités, lesquelles n'impliquent pas toute l'injection de fonds additionnels. Alors, j'interprète cette

déclaration du ministre comme une affirmation que les universités pourraient implanter les recommandations du Conseil des universités sans fonds additionnels. Pour continuer les recommandations faites par le Conseil des universités, avec lesquelles je présume vous êtes d'accord, et la nécessité d'ajouter 40 scientifiques par année, je crois, au cours des prochaines dix annnées, quelle est votre réaction à la déclaration du ministre hier?

M. Hamel: Écoutez, en ce qui concerne ce problème extrêmement important du vieillissement du corps professoral et pour lequel les universités à même leurs maigres moyens tentent de diverses façons de remédier à court terme et sans beaucoup de succès bien sûr, ce problème du veillissement est complexe. Si je comprends bien ce qu'a dit le ministre par rapport à l'avis du Conseil des universités, il devait faire référence à cette suggestion du Conseil des universités voulant que les universités réduisent leur nombre de chargés de cours à temps partiel et utilisent les fonds ainsi dégagés pour l'embauche de nouveaux professeurs à temps complet. Je pense que sur papier, c'est une suggestion qui, au départ pouvait être intéressante en elle-même, mais lorsqu'on l'envisage dans le cadre plus large des compressions budgétaires que nous avons dû absorber, on doit comprendre que la réduction des chargés de cours est déjà faite dans les universités en très bonne partie, je présume, et elle a été faite pour réduire l'ampleur des déficits pour absorber les compressions budgétaires. C'est une marge de manoeuvre que nous n'avons plus, à toutes fins utiles, pour répondre au problème du vieillissement. Les seules mesures ou à peu près auxquelles nous pouvons référer actuellement dans le cadre de nos budgets de fonctionnement, ce sont des mesures qui ont trait à la retraite accélérée des professeurs et à différentes façons qui constituent des incitations à cette retraite accélérée.

Mme Dougherty: Alors, dans les recommandations que vous avez faites à la fin de votre mémoire, avez-vous pris en considération les coûts de ces mesures pour améliorer la situation?

M. Hamel: Oui. Nous endossons dans cette partie de notre mémoire la recommandation du Conseil des universités touchant les 11 500 000 $ pour l'année et, sur ces 11 500 000 $, il faut se souvenir qu'il y a 1 500 000 $ pour faire démarrer ce programme correctif pour le vieillissement des professeurs.

Mme Dougherty: Avez-vous mesuré ou évalué l'impact de la loi 15 sur les universités à ce jour?

M. Hamel: Nous avons fait, au moment de l'étude de cette loi, diverses représentations de nature générale concernant les conséquences que nous soupçonnions que cette loi pouvait avoir sur les universités. De plus, avons-nous des données plus détaillées ici au Québec? Je vais demander à M. Béland d'y répondre, mais je peux vous indiquer que des discussions que j'avais récemment avec des collègues d'autres provinces, on s'intéresse beaucoup à l'expérience que vit le Manitoba qui, depuis à peu près quatre ans maintenant, est sous une loi semblable. L'expérience des universités est que les professeurs d'université ont tendance dans une assez forte proportion - c'est de l'ordre des trois quarts, de 75% - à continuer à travailler au-delà de l'âge antérieurement obligatoire de la retraite, alors que pour le personnel non enseignant, il semble que le phénomène est à l'inverse. Mais le phénomène est trop récent ici pour que nous ayons des données pour nos universités.

Mme Dougherty: J'essaie d'évaluer l'impact à long terme des 40 équipes de recherche et je me demande ceci: Étant donné la situation grave de dégradation que vous avez décrite et en particulier l'impact négatif sur votre capacité des universités de recherche, préféreriez-vous - c'est une question hypothétique, quoique c'est peut-être important - recevoir des fonds demandés dans vos recommandations au lieu des actions structurantes imposées par le gouvernement? En d'autres mots, le gouvernement aurait-il dû procéder autrement afin de réaliser son but de renforcer la capacité de recherche de nos universités?

M. Hamel: D'une façon générale, je pense que l'on peut dire que les universités préfèrent recevoir leur financement pour assurer le maintien et le développement de leur infrastructure, donc, d'une façon globale et non orientée. Par ailleurs, lorsque le gouvernement, et l'on vit quelques cas actuellement dans ce domaine-là... Vous parlez des actions structurantes, mais c'est vrai indirectement de centres de recherche du côté du ministère de la Science et de la Technologie. Lorsque l'alternative qui nous est présentée, c'est un nouveau programme orienté ou rien du tout, on préfère, bien sûr, ce nouveau programme qui effectivement nous aide. Les objectifs du programme d'actions structurantes sont des objectifs valables et vont contribuer, mais peut-être pas autant que ce qu'on en espère au départ, par ailleurs, étant donné l'affaiblissement de l'infrastructure des universités...

Mme Dougherty: Est-ce que vous êtes

d'accord, compte tenu de ce que vous avez dit dans votre réponse, est-ce que le but de l'implantation de quarante équipes risque d'être compromis par la situation de dégradation actuelle si on n'ajoute pas les millions de dollars que vous avez réclamés? Je crois que M. Giroux a quelque chose à dire.

M. Giroux: Oui, M. le Président, je pourrais commenter cette question des actions structurantes et des effets sur les universités, parce qu'il faut voir une caractéristique de tout ce qui s'appelle programme de subvention à la recherche présentement dans les universités qui arrive par différents organismes; j'assimile le programme d'actions structurantes à un organisme subventionnaire. C'est que cela ne finance toujours qu'une partie du coût réel de la recherche. C'est toujours d'un financement partiel que l'on parle, que l'on parle du programme FCAC-équipes ou que l'on parle des programmes des organismes subventionnaires autres au Québec et à Ottawa aussi.

Il est très clair que l'implantation des quarante équipes dans le programme d'actions structurantes va créer une pression additionnelle sur les ressources des universités, parce que les quarante équipes prévoient essentiellement des salaires et un peu d'équipement, relativement peu; on invite les universités à se prévaloir d'autres programmes pour répondre aux besoins d'équipement des équipes, mais ces équipes doivent être logées, il n'y a rien de prévu pour les locaux et ils doivent être assurés d'une infrastructure. Donc, il y aura une pression supplémentaire. Et si l'on prend votre question à la lettre, on doit répondre que oui ce sera plus difficile d'implanter les quarante équipes s'il n'y a pas un redressement du financement. Mais comme c'est vrai aussi, je dois généraliser ma réponse. Sur l'ensemble des activités de recherche présentement qui n'ont pas pu progresser depuis plusieurs années en raison des compressions budgétaires autant qu'elles auraient dû le faire, il y a des quantités de chercheurs potentiels d'il y a cinq, quatre et trois ans qui sont disparus du système de recherche ou qui n'y sont pas entrées, parce que les universités n'avaient pas les crédits nécessaires pour pouvoir assurer le ressourcement du corps professoral. Donc, il y a un effet très net de ce côté.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Merci M. le Président. Je veux remercier les représentants des universités de la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec de s'être présentés devant nous. J'ai lu avec beaucoup d'attention le mémoire qui est fort intéressant. Contrairement peut-être à la députée de Jacques-Cartier qui voit une triste histoire dans l'évolution des universités du Québec, le tableau n'est pas si sombre. Elle n'aime pas que l'on fasse des comparaisons avec l'Ontario; je lui dirai simplement qu'au sujet des frais de scolarité, il en coûte deux fois plus cher pour les étudiants ontariens comme frais de scolarité. Je donnerai ici un deuxième point concernant l'accessibilité. Je pense qu'on n'a rien à envier à l'Ontario au sujet de l'accessibilité. Justement, la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec souligne le constat du fait que le rattrapage a été fait. En 1972, la fréquentation au Québec était de 58% en comparaison à celle de l'Ontario et, au moment où l'on se parle, pour 1984-1985, elle est de 8% supérieure en Ontario. Alors, Mme la députée de Jacques-Cartier, je pense qu'il y a des éléments positifs dans les politiques du gouvernement du Québec.

C'est sûr, messieurs les recteurs, que le gouvernement a aussi un objectif d'excellence. L'objectif d'accessibilité a été atteint et, comme vous le constatez, faut-il aller plus loin et tendre à l'excellence. Il y a deux éléments qui retiennent votre attention et la nôtre d'ailleurs: la fréquentation aux études à temps plein et, un deuxième élément, ce sont les études que vous qualifiez de graduées, les études supérieures, à savoir les études du deuxième et du troisième cycle. Des universités sont très sensibles à leur autonomie. Hier, on entendait le député d'Argenteuil parler de dirigisme de la part du gouvernement ou du ministère, certains recteurs d'université se sont plaints du dirigisme du gouvernement. Enfin, lorsqu'on suggère des choses, ça demeure comme image de dirigisme, mais lorsque les gens des universités doivent mettre sur la table certaines politiques, on le fait d'une façon plutôt timide. (12 h 30)

Considérant qu'à la fois le gouvernement et les universités tendent vers l'excellence, dans les deux domaines dont il est question, à savoir les études à temps complet, ce qui est une de vos priorités, et les études graduées des deuxième et troisième cycles, je voudrais savoir de votre part quels sont les ajustements que vous prévoyez faire pour atteindre cette politique des études à temps plein et des études graduées? Quelle est la politique que vous comptez mettre sur la table pour pouvoir réaliser ces deux objectifs dont vous nous avez parlé ce matin?

M. Hamel: D'accord. Si je comprends bien votre excellence, ça se traduit par des

politiques d'accessibilité pour les étudiants en temps complet au premier cycle et ensuite aux deuxième et troisième cycles. En ce qui concerne le premier cycle, c'est celle que j'ai déjà indiquée concernant les politiques que les universités se sont donné depuis quelques années, qu'elles ont rendues publiques concernant leurs critères d'admission au niveau du premier cycle et les modalités de leur processus d'admission pour que les étudiants soient très clairement informés de ces questions.

Les universités, pour favoriser l'accroissement de la fréquentation à temps complet au premier cycle ont, dans bien des cas, augmenté le niveau de contingentement de certains de leurs programmes contingentés et, dans d'autres cas, ont levé complètement ces contingentements. Je pense que les statistiques que nous avons entre les mains de part et d'autres montrent clairement que les universités, en ce qui concerne le premier cycle, ont fait des efforts très considérables pour favoriser l'accessibilité la plus large possible de nos jeunes.

En ce qui concerne les deuxième et troisième cycles, le problème de l'accessibilité des jeunes à temps complet se pose fort différemment, et M. Gauthier en a parlé tout à l'heure. Il y va d'autres types de critères et c'est beaucoup plus les étudiants eux-mêmes qui font les choix plutôt que les universités. Les facteurs d'incitation comme des programmes de bourse à des coops sont plus importants que des programmes de publicité que les universités peuvent faire. Là aussi je peux vous assurer que les établissements, individuellement, prennent toutes les mesures à leur disposition pour favoriser l'augmentation de la fréquentation des programmes de deuxième et troisième cycles parce que, comme je l'indiquais tout à l'heure en réponse à une question, les universités acceptent cet objectif proposé par le Conseil des universités et accepté par le ministre aussi, comme l'indique le cadre de financement, d'augmenter dans toute la mesure du possible la fréquentation à temps complet de nos programmes de deuxième et troisième cycles.

M. Champagne: Vous faites des efforts, mais je voudrais savoir de façon plus concrète quels sont ces efforts pour tendre vers l'excellence. Est-ce que vous avez déjà pensé à des critères d'évaluation des professeurs, à des critères d'évaluation de contenu de cours? Est-ce que, comme recteurs d'université qui veulent une qualité meilleure d'enseignement supérieure, vous avez déjà pensé à des moyens comme ceux-là ou à d'autres moyens?

M. Hamel: Je vous indiquerai que les professeurs d'université sont parmi les groupes de professionnels probablement les plus évalués dans la société. Ils sont évalués par les organismes subventionnaires de recherche d'une façon très exigeante et dans le cadre de concours nationaux. Ils sont évalués dans leur enseignement de façon assez générale par les étudiants, par les collègues. À mon avis, s'il y a un groupe de personnes qui est sujet à évaluation fréquente et sérieuse, c'est bien le groupe des professeurs d'université.

M. Champagne: Merci, M. le recteur, de cette information. Je continue au sujet de ce que vous exposez au sujet de la recherche. On se plaint, au Québec, et vous le constatez aussi, que l'enveloppe de subventions des conseils fédéraux est insuffisante, que la part du Québec au sujet de la recherche n'est pas adéquate. Elle devrait être plus importante. On se plaint depuis plusieurs années du fait que les universités francophones, particulièrement, n'ont pas la part qui leur revient face au concours, face à la recherche, face au fonds de développement de la recherche qui est offert par le gouvernement fédéral. Avez-vous envisagé des actions particulières? Avez-vous envisagé des domaines particuliers de recherche auxquels les universités québécoises, francophones particulièrement, devront s'attaquer, à savoir quelles sont les actions pour aller chercher ces subventions à la recherche? Et quel domaine allez-vous privilégier dans l'avenir?

M. Giroux: Je vais tenter de vous fournir certains éléments pour répondre à votre question. Ici, il faut distinguer ce que l'on pourrait appeler des actions collectives des universités. Nous sommes ici, comme il est mentionné, comme on l'a rappelé, à titre de représentants de la conférence des recteurs. Il faut distinguer ces actions des actions des universités elles-mêmes individuellement. Parce que autant, comme universités québécoises, nous sommes en compétition avec les autres universités des autres provinces au niveau fédéral, autant aussi nous sommes, jusqu'à un certain point, un peu en compétition les unes avec les autres et selon un genre d'entente excellente où tout le monde a l'impression que même en compétionnant, lorsque chacun y gagne, tout l'ensemble du Québec y gagne en matière de développement.

Le mot d'ordre et la politique en matière de développement de la recherche dans les universités québécoises présentement est fort simple. C'est qu'il est reconnu par tous, et c'est vrai un peu universellement dans les universités, que la recherche c'est la source, c'est la lumière, c'est le renouvellement, c'est l'avenir. Aucune université ne peut espérer bien remplir sa mission si elle ne développe pas au maximum

ses activités de recherche et si elle ne permet pas à tout son personnel, à tous ses professeurs, que chacun développe son potentiel intellectuel au maximum. Et c'est un peu ce qui est derrière cette insistance que l'on met dans les universités à vouloir développer la recherche, c'est ce qui est derrière aussi la politique gouvernementale à tous les niveaux, depuis quelques années, de façon plus évidente et plus satisfaisante au niveau du Québec et au niveau d'Ottawa, de vouloir renforcer la recherche universitaire.

Cela dit, il est très clair que dans notre gestion de la recherche - vous vous posiez des questions tout à l'heure - dans l'ensemble des universités, cela fait l'objet de nos débats au comité de la recherche, nous cherchons tous les moyens possibles pour encourager les professeurs, les chercheurs à obtenir le maximum de subventions des organismes externes et nous le faisons avec un certain succès relatif. Notre succès est relativement insatisfaisant. Si on compare les universités francophones aux autres universités du Québec ou du Canada pour des raisons qui ont déjà été analysées, encore une fois, à partir du livre vert, certainement, et dans les derniers avis du Conseil des universités, il y a un retard historique de développement de la recherche et de la perception de l'importance de la science dans la société canadienne-française. Ce retard est encore ressenti présentement. Il y a des problèmes de structure de cégeps et d'universités qui fait qu'il y a une assiette moindre de personnels qualifiés au niveau universitaire pour postuler des demandes de subventions auprès des organismes à tous les niveaux. Ces choses sont assez connues.

Mais ceci étant, la politique demeure de pousser au maximum. Mais dans à peu près toutes les universités, existent des programmes internes de stimulation, d'encouragement au développement de la recherche subventionnée. Ce qui est un peu ironique, pour revenir à la question globale du financement des universités, c'est que plus on réussit de ce côté, plus on crée des pressions sur l'infrastructure; parce qu'il s'agit toujours d'un financement partiel, peu importe de quelle source on l'obtient. Donc, il y a un manque à gagner de plus en plus grand au niveau du financement par les subventions du ministère de l'Education pour réussir à faire les travaux de recherche.

La deuxième question que vous posiez était celle du choix des domaines particuliers. C'est une question beaucoup plus complexe et beaucoup plus - comment dirais-je - délicate jusqu'à un certain point. Au niveau de la conférence des recteurs et au niveau de l'expérience des universités, si on regarde, en rétrospective, sur quinze ou vingt ans, il y a eu un grand nombre de secteurs où il y a eu des ententes de bonne foi, parfois entre départements dans différentes universités, parfois au sein même de la conférence où on s'est un peu partagé certains grands secteurs.

Il y a un certain nombre de choses qui se font conjointement entre deux ou trois universités - celles de Montréal, par exemple - là où la concertation, la coordination est plus facile à établir. Certains autres secteurs, des universités comme Laval, Montréal ou McGill vont s'associer pour promouvoir la recherche et se complémentariser et partager des équipements importants. On peut penser à l'océanographie, à l'astronomie comme étant des exemples où il y a des équipements très visibles.

Autrement, les organismes subven-tionnaires aussi ont joué un rôle. Le programme, par exemple, de subventions à la FCAC-centre, qui fonctionne depuis au-delà d'une dizaine d'années, a joué un rôle dans une certaine spécialisation des universités sur le plan scientifique en reconnaissant l'excellence qui existait et en misant de façon un peu plus forte sur l'excellence.

C'est le seul critère, dans le fond, outre tous ceux qui nous sont imposés de l'extérieur, le gouvernement ici avec le virage technologique, le gouvernement à Ottawa avec les actions thématiques, qui fonctionne depuis des années et qui, tout en encourageant la recherche libre force un peu, oriente un peu certaines recherches.

Le critère des universités est le seul qui soit valable, étant donné l'admission à long terme, c'est celui de l'excellence. Nous essayons toujours de miser sur l'excellence, à long terme, et de développer l'excellence. Tant qu'on a des gens qui font de l'excellente recherche, les autres mécanismes vont pourvoir amplement aux besoins de l'orientation.

À l'inverse, c'est un peu une caricature, bien pousser sur la recherche moins bonne n'est pas très utile, parce que les résultats qui en sortent, évidemment, sont à la mesure de la qualité des gestes qui sont posés.

M. Champagne: M. Giroux, dans votre première partie de la réponse, vous avez fait ressortir le fait que plus vous allez recevoir de fonds venant d'ailleurs pour la recherche, plus, soit l'université ou le gouvernement sera obligé d'ajouter des fonds au fonctionnement de l'appareil de l'université ou de la faculté, je ne sais quoi. Cela veut dire que plus on en recevrait de l'extérieur -c'est ce que vous voulez dire - plus l'université serait obligée d'investir davantage. C'est ce que vous voulez dire?

M. Giroux: Si. Reprenons l'exemple simple des actions structurantes; on a parlé de 40 équipes. J'oublie le chiffre exact, mais

c'est quelque chose comme 800 emplois qui vont être créés. Ces personnes devront être logées quelque part, devront être assurées de services informatiques, de services logistiques, de services de bibliothèques. Ce sont les secteurs du virage technologique, donc des secteurs de pointe, dans lesquels la composante équipement-investissement est extrêmement importante et dans lesquels la documentation est toute récente, donc il faut faire des acquisitions spéciales.

Cela, je pense que c'est inévitable. Quiconque examine la situation doit reconnaître qu'effectivement il faudra ajouter aux locaux, à toute l'infrastructure des universités pour supporter les 40 équipes, les 800 personnes qui vont arriver.

M. Champagne: Merci pour ces éclaircissements.

M. Hamel: Vous me permettrez simplement une intervention supplémentaire sur cette dernière question. Le ministère de l'Education a lui-même reconnu ce besoin parce que le document que nous analysons, le cadre de financement, à son avant-dernier paragraphe 4.3 où on parle du développement de la recherche, indique justement qu'il entend prendre des mesures, à compter de l'an prochain, pour tenir compte de ce phénomène, c'est-à-dire éviter que les universités qui progressent rapidement en recherche, du point de vue du montant des subventions, soient trop pénalisées dans leur fonctionnement.

Le Président (M. Charbonneau): Merci M. Hamel. M. le député de Saint-Laurent. (12 h 45)

M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, ce qui m'a frappé surtout dans votre mémoire qui est très bien fait, à mon sens, et qui situe très bien le problème, c'est votre déclaration en ce sens que la qualité de nos activités d'enseignement et de recherche diminue. Or, vous établissez d'une façon très claire que la qualité a baissé, a diminué. Alors, comment peut-on, à ce moment-ci, surtout à la suite de la déclaration du ministre, hier, qui affirmait que vraiment on n'avait pas touché à la qualité de l'enseignement, parler de performance, de productivité quand la qualité diminue? Je pense qu'on est rendu au point où on ne tient compte de ce qu'on peut comptabiliser: Le nombre d'heures, le nombre de professeurs, le nombre de programmes. Mais l'encadrement, enfin, ce qui est important à mon sens, la relation entre le professeur et l'étudiant cela est complètement mis de côté. En tout cas, c'est ma perception; je ne sais pas si c'est la vôtre. Je voudrais vous entendre sur cela, je pense bien qu'il y a un point qui est drôlement important pour tous ceux qui se préoccupent de l'éducation et de l'enseignement, c'est bien l'excellence, c'est bien la qualité de l'enseignement. Or, vous mettez cela directement en cause. Vous dites: C'est faux, M. le ministre, ce que vous avez dit. Nous, on prétend que la qualité en a pris un coup. Je voudrais vous entendre sur ce point.

M. Gauthier (Germain): M. le Président, c'est un point extrêmement important, qui est au coeur des préoccupations des universités, de donner une formation valable et aussi bonne que possible. À ce point de vue, on ne peut pas s'éloigner indûment de ce qui se fait ailleurs autour de nous, au Canada ou en Amérique du Nord. Je pense qu'on doit augmenter la productivité, on peut s'imposer d'être aussi bon que les autres sans que cela coûte plus cher. Je crois que la société est en droit de nous demander cela. Je pense qu'on peut difficilement lui demander de faire beaucoup mieux avec moins de ressources, parce qu'on vit dans un contexte socio-économique qui fait que les valeurs sont véhiculées et que l'on se retrouve avec les mêmes ressources pour faire les mêmes produits. J'admets l'analyse qu'a faite le ministre de l'Éducation hier disant: II n'y a pas de relation directe entre la quantité de ressources que l'on met dans une activité et la qualité du produit qui en sort. Il n'y a pas de relation de proportionnalité, mais, il y a quand même une relation qui existe, parce que lorsqu'on s'en va à la limite, on s'aperçoit qu'il y a des choses qui se différencient les unes des autres, forcément. On en a des exemples quand les organismes d'accréditation qui font le tour du Canada et qui examinent certains programmes de type professionnel nous font des observations qui sont, la plupart du temps, reliées aux ressources qu'on met dans les activités. D'ailleurs, c'est un ensemble de données qui fait que le contexte affecte la qualité.

Vous avez abordé la notion d'encadrement, cela m'apparaît évident que... D'ailleurs, je prends les chiffres du ministre, hier, le nombre d'étudiants par professeur qui est passé de 1976 à 1982 de 15% à 18,1%. Cela a l'air de rien, c'est près comme chiffre l'un de l'autre, mais au total, si l'on rapporte cela au nombre total d'étudiants, cela veut dire 2000 professeurs. Il y a 2000 professeurs qui n'ont pas été engagés, à peu près, et parmi les plus jeunes et les plus dynamiques, les plus susceptibles de faire de la recherche d'ailleurs, d'animer le milieu universitaire, donc de créer une mobilité, un va-et-vient à l'intérieur des universités. Cela m'apparaît, comme encadrement des étudiants et comme disponibilité aux étudiants quelque chose de différent que les mesures que l'on doit prendre en augmentant les groupes indéfiniment. On peut prendre

comme modèle l'encadrement que les étudiants ont en Italie ou en France où le rapport étudiants-professeur varie entre 40 et 50. Si on veut se rendre là, à long terme, il faudrait se le dire et prendre des mesures en conséquence, mais je ne pense pas que ce soit le modèle que l'on recherche. D'ailleurs, le ministre l'a dit, hier, on est rendu aux questions importantes à se poser. On dit que cela devient important. Le mémoire mentionne un exemple très caractéristique qui concerne les investissements dans les facultés d'ingénierie. Je pense que cela en est un type. Je voudrais mentionner l'autre. Pour revenir à l'encadrement et au nombre de professeurs, il y a un tableau fourni par le secrétariat de la conférence des recteurs qui dit que pendant que le nombre d'étudiants par professeur augmentait au niveau universitaire, au niveau collégial, de 1977-1978 à 1980-1981, il a été maintenu à 12,6%. Il s'est même amélioré, il a passé de 12,6% à 12,3%. De sorte que cela n'est pas du tout le même phénomène que l'on observe dans la qualité de l'encadrement.

Vous avez mentionné un autre exemple et je pense qu'en réponse à la demande qui a été faite tout à l'heure d'étoffer les quelques pages reliées à la qualité des activités universitaires, on pourrait donner des éléments supplémentaires. Mais je voudrais en signaler un en particulier qui m'apparaît extrêmement important, c'est le nombre de livres dans les bibliothèques par étudiant. C'est une ressource et une richesse. Les relevés proviennent de Statistique Canada et portent sur 1982-1983.

Historiquement donc, au Canada, la moyenne de livres, de volumes ou de publications par étudiant dans les bibliothèques était de 116; au Québec, elle était de 90. C'est l'héritage des investissements qu'on a faits en enseignement supérieur jusqu'en 1982 qui donne cet indicateur.

La dépense faite en 1982-1983 pour la documentation par étudiant au Canada était en moyenne de 168 $ et au Québec de 129 $. Donc, on ne s'améliore pas par rapport aux années antérieures. C'est par un certain nombre de données comme celles-là très caractéristiques de ce qui est important à l'université que l'on pourra compléter et donner une idée de la valeur de la situation où on se trouve.

M. Leduc (Saint-Laurent): Quand vous reliez la baisse de qualité au sous-financement - vous faites le lien - feriez-vous également un lien entre ce sous-financement et le bas niveau de diplomation, particulièrement au niveau de la maîtrise et du doctorat?

M. Gauthier (Germain): Je ne serais pas porté à faire le même rapport, parce que, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, il y a des développements historiques qui ont eu lieu. Comme il a été mentionné, il y a eu un rattrapage considérable qui a été fait au niveau du premier cycle. Il se fait beaucoup d'études à temps partiel au premier cycle qui retardent la production de la diplômation au niveau du baccalauréat, mais il m'apparaît que la fréquentation universitaire et la production au niveau de la maîtrise a atteint pas loin du niveau de ce que l'on rencontre ailleurs au Canada, mais c'est en particulier au niveau du troisième cycle. C'est un autre contexte qui mérite d'être analysé en soi.

M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, je voudrais maintenant parler de la répartition du financement à l'intérieur d'une institution. Vous verrez si ma perception est bonne. J'ai l'impression que dans certaines facultés dites dispendieuses on impose un contingentement alors que dans les facultés non dispendieuses on ouvre les portes toutes grandes. Ma perception est-elle bonne? Autrement dit, on affecte beaucoup de subventions ou de revenus pour faire fonctionner certaines facultés dites dispendieuses alors qu'on accepte peut-être un nombre peut-être exagéré d'étudiants dans certaines facultés non dispendieuses.

M. Hamel: Écoutez, je pense que la perception que véhicule votre question n'est pas exacte. II serait intéressant de faire une étude sur la motivation des étudiants en fonction de leur choix à l'université. Je ne suis pas convaincu que les étudiants sont influencés de façon immédiate par des politiques de financement qui s'adresent aux universités. Je ne suis pas certain, par exemple, que les étudiants sont même conscients de ces politiques. Les étudiants sont influencés beaucoup plus par des perspectives de débouchés sur le marché du travail. Ce que font les universités d'une façon générale actuellement, c'est de contingenter leurs programmes principalement dans les secteurs où l'on a besoin d'installation de laboratoire. Donc dans les secteurs de sciences et génie, on va retrouver d'une façon générale plus de programmes contingentés que dans les secteurs de sciences humaines où il y a moins besoin de laboratoires, donc d'équipement spécialisé. Et dans les secteurs de sciences et génie, il y a eu des augmentations sensibles de niveaux de contingentement. Dans beaucoup de secteurs de sciences humaines, il n'y a pas de contingentement. Donc les universités ne ferment pas les portes, mais elles sont largement ouvertes, et de plus en plus ouvertes, à ces clientèles là. Je pense que les universités n'orientent pas leurs politiques d'admission en les collant immédiatement aux

politiques de financement du ministère, elles sont des politiques d'admission beaucoup plus larges que cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais vous semblez me donner raison. Vous dites "dans les facultés où l'on doit investir dans les laboratoires, dans l'équipement, on contingente" mais vous dites "en sciences humaines, cela ne coûte pas cher et l'on ne contingente pas". Or, c'est quoi votre politique de financement en fait à l'intérieur de la boîte?

M. Béland: À l'intérieur des universités, il y a une structure d'accueil dans différentes facultés qui tient compte des composantes nécessaires tant au niveau de l'enseignement magistral que de l'enseignement au niveau des laboratoires et de l'encadrement des étudiants qui est nécessaire pour la poursuite de ces études là.

Également, au niveau d'un ensemble comme les sciences, par exemple, au niveau de la recherche, il y a des équipements qui sont nécessaires et ces équipements aussi servent à l'enseignement au niveau des étudiants principalement de deuxième et troisième cycles, de sorte qu'il y a des contraintes qui sont imposées au niveau physique, tant au niveau de la capacité des locaux qu'au niveau des équipements scientifiques qui font que pour être capable d'admettre un plus grand nombre d'étudiants les investissments de base sont beaucoup plus grands que dans certains autres secteurs. Sauf une chose, à mon sens, qui m'apparaît devenir un élément qui va changer au cours des prochaines années et dont il va falloir tenir compte. De plus en plus au niveau des sciences humaines le laboratoire devient l'utilisation de l'informatique. Donc, toute la question de l'introduction de la microinformatique et l'utilisation des équipements scientifiques qui deviennent, à partir de la capacité actuelle, toute l'informatique, on va se retrouver en sciences humaines avec des laboratoires au même titre qu'en sciences mais avec des équipements différents. Actuellement, on a de la difficulté même à suivre le développement de ces secteurs. Et c'est vrai en administration comme c'est vrai dans le secteur des sciences humaines, ce que les sciences ont déjà fait au niveau de l'informatique. On est en train de créer des laboratoires nécessaires pour être capable de rendre les étudiants capables d'utiliser des nouvelles méthodes de travail, et cela a aussi des conséquences majeures sur le développement de ce secteur.

Quand vous dites, que l'on est obligé de limiter dans les secteurs qui coûtent cher en termes d'infrastructure, il m'apparaît clair que les universités ont cette perspective. Remarquez qu'il n'y a pas juste les universités qui mettent des contingentements, même le ministère de l'Éducation et le ministère de la santé en mettent du côté de la médecine, mais c'est évident qu'on ne peut pas accroître un contexte dans lequel on a vécu depuis plusieurs années des investissements majeurs en termes d'équipements scientifiques de façon à dire, on va élargir le cadre dans ces secteurs. (13 heures)

II faut remarquer une chose, le ministre a utilisé, hier, le chiffre 90% des étudiants dans le domaine du virage technologique, supposons que c'est 80% ou 90%. Ce sont des secteurs dans lesquels on va retrouver des contingenements dans la grande majorité. Si 80% de la croissance des étudiants se fait dans ces secteurs, je pense que les universités ont fait des efforts majeurs, beaucoup plus que ce qu'on aurait pu être capable de faire pour pouvoir admettre les étudiants dans des secteurs plus coûteux.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous reliez en somme la baisse de la qualité de l'enseignement au sous-financement et vous dites dans vos conclusions: II faudrait définitivement que le gouvernement injecte plus d'argent. Le ministre nous a dit, hier, qu'il n'en était pas question. Est-ce que ça veut dire que, encore là, la qualité de l'enseignement va continuer de diminuer si le gouvernement ne vous donne pas le financement que vous avez demandé et qui, selon vos déclarations, est essentiel?

M. Hamel: À notre avis, c'est clair que si nous ne trouvons pas une solution au problème du vieillissement du corps professoral, donc si nous n'avons pas d'argent pour embaucher de nouveaux jeunes professeurs, si nous n'avons pas d'argent pour renouveler nos équipements scientifiques, si nous n'avons pas d'argent pour améliorer nos inventaires de bibliothèque, la qualité de notre enseignement va continuer de diminuer.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'avez pas d'autres solutions, en fait. Vous dites que la seule solution, c'est d'injecter de l'argent, on a fait tout ce qu'on pouvait faire, et on est à la limite. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le député. Je vais enchaîner sur cela et revenir sur une question que je vous ai posée tantôt. Il y a une patate chaude, finalement, qu'on essaie de se renvoyer les uns les autres, que tout le monde essaie d'éloigner, mais qui est là malgré tout. Vous l'avez abordé un peu dans votre mémoire, c'est la question des frais de scolarité. La patate chaude a à nouveau aujourd'hui une page d'annonce des étudiants dans le Devoir et, j'imagine, dans d'autres journaux. Est-ce que les recteurs du Québec, les principaux des

universités du Québec ont une position sur ce problème des frais de scolarité? Est-ce que vous recommanderiez au gouvernement et aux élus, finalement, à qui la patate va arriver entre les mains, d'augmenter les frais de scolarité ou d'aller vers d'autres solutions?

M. Hamel: Ce que nous disons dans notre mémoire et ce qui est essentiellement notre position, c'est de signaler qu'on ne peut pas se fermer les yeux sur la situation relative dans laquelle nous sommes au point de vue des frais de scolarité lorsque nous nous comparons aux autres provinces canadiennes et aux États américains. On sait ce qui s'est passé ailleurs au Canada dans la vague de compressions budgétaires que toutes nos universitées soeurs ont eu à subir; on a fait appel à cet instrument que sont les frais de scolarité pour permettre aux universités de compenser en partie les réductions de subvention qu'elles recevaient des gouvernements.

Ce que nous disons, c'est qu'au Québec, compte tenu d'un gel des frais de scolarité depuis 15 ans, on devrait peut-être, à ce moment-ci, rouvrir ce dossier, examiner ce choix social qu'on a fait et en mesurer à nouveau aujourd'hui les conséquences pour conclure, s'il y a lieu, de maintenir la même situation, de les supprimer complètement ou de les doubler. Ce que nous suggérons, c'est qu'il y a lieu d'ouvrir un débat sur cette question. On a, jusqu'à maintenant, au Québec, fait l'hypothèse qu'une hausse des frais de scolarité constituerait un frein à l'accessibilité à l'enseignement supérieur. Des études faites récemment en Ontario laissent entendre que ce ne serait pas le cas. On a fait un relevé auprès d'un grand nombre d'étudiants qui ont refusé des offres d'admission à l'université et on leur a demandé pourquoi ils avaient refusé. Dans leur réponse, à peine 10% ont indiqué que c'était pour des considérations financières, le manque d'argent. C'est pour toutes sortes d'autres motivations que les étudiants ne se rendent pas à l'université.

On a des données nouvelles qui devraient permettre, à notre avis, de rouvrir le dossier. Ce que la conférence des recteurs dit, c'est qu'elle est prête à participer â des discussions, à des études là-dessus, mais nous ne sommes pas prêts à proposer une hausse de frais de scolarité, parce que cette étude qui aurait lieu de faire n'a pas encore été faite. Ce que nous disons cependant, c'est que, de notre point de vue, s'il y avait une hausse de frais de scolarité décidée par le gouvernement, cette hausse devrait du moins, en partie, profiter aux universités sous forme de revenu additionnel et ne pas s'engouffrer directement dans les coffres de l'État.

Le Président (M. Charbonneau):

Finalement, vous êtes très prudent. Vous nous dites: Il faut ouvrir le dossier. En Ontario, là où ils l'ont ouvert, ils se sont rendu compte que cela n'avait pas eu beaucoup d'impact sur l'accessibilité, mais on est un peu au même point qu'on en était tantôt. Le ministre l'a ouverte un peu, hier, la question, vous l'ouvrez aussi dans votre mémoire, mais il n'y a personne qui, après avoir ouvert la porte, ose entrer dans la cabane actuellement. Est-ce qu'il y a des études d'entreprises de la part de la Conférence des recteurs et des principaux des universités sur cette question, ou si actuellement tout le monde regarde et dit: On va ouvrir la porte, mais il n'y a personne encore qui est en mesure ou équipé ou qui a fait des gestes pour voir à explorer cette avenue? En faisant cela, je n'ai pas moi non plus de solution particulière.

M. Gauthier (Germain): Je voudrais simplement rappeler qu'il y a vingt ans cet automne, à ma connaissance, il y a une université qui a demandé au ministère de l'Éducation si cela lui serait acceptable d'augmenter les frais de scolarité? Et le ministre de l'Éducation du temps lui a dit: Non, il ne faut pas faire cela. Depuis ce temps, dans les universités, il n'en est pas question.

Si vous me permettez une remarque plus générale, les universités sont fondamentalement un service public et ce sont les responsables publics qui disent quel est le degré d'accessibilité au service public. Je pense que c'est une décision fondamentalement de redistribution de ressources dans la population parce que les frais de scolarité couvrent de moins en moins de dépenses de sorte que c'est une décision qui est fondamentalement politique. Les universitaires peuvent avoir, à titre personnel, différentes philosophies là-dedans, mais je voulais simplement dire qu'initialement cela a été une décision politique de les geler. Cela devrait être une décision politique de les dégeler.

Le Président (M. Charbonneau): C'est évident, mais dans la mesure où, à un moment donné pour assumer ses responsabilités publiques, les élus aimeraient bien avoir l'éclairage des gens qui connaissent bien le milieu, qui ont une responsabilité particulière différente de celle des élus, j'imagine qu'on devrait être en droit d'attendre, comme élus, une opinion franche et directe, oui ou non et pour telle raison, de la part des recteurs.

M. Hamel: Je pense, M. le Président, que notre position est franche et directe. Ce que nous disons, c'est que cette question devrait être rouverte, réexaminée, réétudiée et nous disons que nous sommes prêts à

participer à une étude que le gouvernement jugerait opportune d'entreprendre sur cette question et qui permettrait à tous les intervenants de faire entendre leurs arguments.

Le Président (M. Charbonneau): Le vice-président.

M. Ryan: Oui, M. le Président. Sur cette question de la gratuité, je voudrais rappeler un fait qui doit être inscrit au dossier. Peut-être que le parti dont vous êtes membre est un des grands responsables du climat qui existe actuellement, parce qu'il a inscrit à son programme, il y a déjà plusieurs années, la gratuité complète au niveau universitaire. Cela fait assez curieux de voir le ministre qui vient se dandiner ici en disant: Il faut se poser le problème. Le premier endroit où le ministre aurait dû poser le problème, si vraiment il veut faire une action utile, c'est au niveau du conseil général ou au niveau du congrès général du Parti québécois. Je pense que c'est là que vous devez d'abord vous interroger si vous voulez être sérieux, les députés du Parti québécois, au lieu de faire semblant de poser un gros problème à ces messieurs qui sont dans une fonction où ce n'est pas leur responsabilité première de prendre cette décision.

Je souligne, pour les fins de la discussion...

M. Leduc (Saint-Laurent): ...dans le mémoire?

M. Ryan: Oui, c'est soulevé à des tas de questions. Vous, vous donnez l'impression de vous interroger avec une sincérité absolue là-dessus. Vous avez un programme dont vous êtes solidaires et vivez-le votre programme ou changez-le à propos de ceci ou à propos d'autres sujets.

M. Champagne: Est-ce que vous avez un programme, monsieur? Vous en avez un programme vous autres aussi?

M. Ryan: Sur ce point précis, le Parti libéral est très bien placé, parce qu'il n'y en a pas un qui a fait autant pour la gratuité au niveau secondaire et au niveau collégial, mais qui n'a jamais le toupet de mettre dans son programme de gratuité au niveau universitaire, parce qu'il savait que financièrement ce n'était possible. Cela lui a coûté cher. Vous avez fait beaucoup de millage politique avec cela, c'est votre droit, mais ne venez pas jouer sur les deux tableaux en même temps, c'est cela qu'on vous demande.

Deuxièmement, je voudrais souligner ceci. Depuis deux jours, j'entends une insistance assez forte sur le développement des études à temps complet dans les universités surtout au niveau du premier cycle, parce qu'aux autres niveaux, cela va plus de soi. Je voudrais exprimer une inquiétude à ce sujet. Il me semble que si on ne fait pas attention, on va perdre de vue le grand objectif de l'accessibilité auquel je souscris de tout coeur. Je pense qu'il y a des études à temps partiel qui peuvent être des études de très haute qualité intellectuelle. Il y a des étudiants à temps complet qui peuvent être des cancres également. Je ne voudrais pas qu'on laisse s'installer dans les esprits une confusion à laquelle prêtent les priorités énoncées par le gouvernement. Quand on lit les priorités qu'a énoncées le ministre dans son exposé, hier, on ne trouve absolument rien qui dise: II faut encourager ce mouvement de démocratisation en profondeur qui nous a portés depuis une vingtaine d'années à inviter les gens de toutes conditions, de tous âges, de toutes régions à essayer de parfaire leur formation jusqu'à un niveau universitaire. Il me semble que dans les priorités du gouvernement, il faut réexaminer soigneusement ce point. Je ne sais pas quelle est la position de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, s'il y en a une j'aimerais l'entendre, c'est un point sur lequel je me propose d'insister au cours des audiences à venir de la commission, parce que surtout dans cette ère de formation permanente dont aime parler le gouvernement quand il récite des discours rédigés par d'autres probablement, il me semble que cela va devenir de plus en plus important que l'adulte puisse avoir accès à la formation universitaire pour des périodes limitées. Cela va être à temps partiel, cela va être bon quand même. Ce que je demanderais aux universités en retour, par exemple, c'est de faire un travail d'élagage dans certaines activités qui ne semblent pas toujours être de niveau universitaire, mais qui se font sous la responsabilité des universités. Je crois que c'est l'été dernier, un jour, je feuilletais des pages d'annonces des établissements de l'éducation dans un journal. Je voyais des cours d'espagnol et des cours d'anglais et des cours de ceci et de cela et il y en avait un grand nombre - je ne porte pas de jugement parce que je n'ai pas vu le contenu des cours évidemment -mais a priori, j'avais des doutes sérieux sur le niveau académique de ces cours qui étaient annoncés un peu comme si c'était mis sur pied par des instituts de personnalité ou je ne sais pas trop quoi - il y en avait également des cours de développement de personnalité - entre parenthèses. Je ne sais pas s'il se fait de ce côté, entre les universités, un travail de concertation, un travail de nivellement de bon aloi, pour assurer que tout en étant ouvertes à toutes sortes de formes d'études... Je pense en

particulier à la contribution formidable qu'a apportée l'université Concordia dans ce secteur, que j'ai bien connue quand c'était le collège Sir George William, il y a trente et quarante ans, et qui avait un esprit extraordinaire de ce point de vue, que je voudrais non seulement ne pas voir se perdre mais se communiquer à l'ensemble de nos institutions universitaires. Je voudrais savoir quelle est la position de votre conférence sur ce sujet?

M. Hamel: Écoutez, je pense que dans cette discussion, d'abord, il y a une distinction qu'on doit faire entre les études à temps partiel et les programmes courts. En principe, qu'un étudiant soit à temps complet ou à temps partiel, cela ne change pas le contenu des études qu'il a à faire. Il y a des étudiants qui poursuivent des baccalauréats à temps partiel et je pense que le contenu de leurs études est nécessairement aussi sérieux que celui des étudiants à temps complet puisqu'en principe ils poursuivent le même programme. Je pense qu'il faut faire une distinction entre cela et l'introduction et le développement dans les universités de ce qu'on a appelé les programmes courts, les programmes de certificats, qui s'adressent plus spécifiquement aux clientèles à temps partiel.

En réponse à votre question, M. le Président, je dirais que la conférence des des recteurs n'a pas ouvert de dossier là-dessus, mais le Conseil des universités en a ouvert un et le conseil se prépare à donner au ministre de l'Éducation un avis sur cette question. C'est à la lumière de cet avis que les universités prendront position sur la question.

Le Président (M. Charbonneau): II me reste à conclure. Ayant appris, lorsque j'étais l'employé de mon vice-président, à relever le gant, je voudrais simplement lui rappeler que si, dans son programme politique, on n'a jamais indiqué une intention puriste de ne jamais geler les frais de scolarité, on s'est, par ailleurs, comporté tout autrement quand on était au pouvoir pendant un certain nombre d'années sous la direction du chef actuel.

Cela dit, je ne pouvais pas m'empêcher de le noter amicalement à mon vice-président, il me reste, au nom de tous les membres de la commission, à vour remercier, M. Hamel, et je m'excuse, les noms m'échappent un peu, M. Gauthier, je pense, M. Béland et M. Giroux.

Je pense que l'échange de propos que nous avons eu ce matin, ainsi que le mémoire que vous nous avez présenté, ont grandement contribué à éclairer nos lanternes et à améliorer notre connaissance de ce dossier. Je pense que c'était l'objectif des invitations que nous avons faites pour les rencontres de cette semaine.

Encore une fois merci et à la prochaine. Je rappelle que, cet après-midi, nous recevrons les différentes associations de professeurs d'université.

Les travaux de la commission sont donc suspendus jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 16)

(Reprise de la séance à 15 h 13)

Le Président (M. Charbonneau): La commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre reprend ses travaux en vue de l'étude des orientations et du cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1984-1985 et pour les années à venir. Elle a le mandat d'examiner aussi, sans exclure d'autres mesures ou sujets pertinents, le niveau des subventions aux universités et leur répartition entre les établissements, les sources de revenus des universités autres que les subventions gouvernementales, la participation du gouvernement fédéral au financement des universités et le partage des ressources à l'intérieur des universités.

Cet après-midi, nous accueillons la Fédération des associations des professeurs des universités du Québec, la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec et la Fédération des professeurs d'université du Québec.

Madame et messieurs, bonjour et bienvenue à notre commission. Je voudrais vous remercier d'avoir accepté notre invitation et vous demander de nous excuser de la façon dont cette invitation vous a été transmise. Il semble que nous ayons manqué d'information, si bien que nous n'avons invité qu'un seul des trois organismes aujourd'hui présents devant nous. Heureusement qu'on a pu communiquer entre nous et faire en sorte que les deux autres puissent aussi participer aux rencontres avec les membres de la commission parlementaire. Je pense que, de toute façon, la méthode de travail que vous aviez choisie, que vous aviez adoptée conjointement a facilité cette décision de corriger l'erreur que nous avions faite.

Sans plus tarder, je pense que je vais demander - je ne sais pas laquelle ou lequel va présenter le mémoire cet après-midi - à Mme Robinson si elle voudrait bien nous présenter les collègues qui l'accompagnent et, par la suite, faire la présentation de vos positions en vous rappelant, comme on vous l'avait indiqué lors de la communication, que si vous pouviez faire dans une trentaine de minutes l'exposé préliminaire, cela nous permettrait de prendre tout le reste du temps pour avoir un échange avec vous.

Mme Robinson.

FAPUQ, FNEQ et FPUQ

Mme Robinson (Ann): Merci, M. le Président, je voudrais donc présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui: à mon extrême droite, M. Mariel Leclerc, professeur à l'INRS éducation - à gauche, je m'excuse, l'autre droite - et président de la Fédération des professeurs d'université, qui est affiliée à la CEQ; Gaétan Lévesque, économiste à la FAPUQ; Gilbert Vaillancourt, professeur en éducation, président du SPUQAM et représentant de la FNEQ-CSN, et Hubert Stephenne, directeur général de la FAPUQ. Je suis Ann Robinson, professeur en droit à l'Université Laval et présidente de la FAPUQ.

La Fédération des associations de professeurs des universités du Québec a été invitée à présenter un mémoire à la commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre qui tient des audiences sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois. La FAPUQ veut répondre à cette invitation, mais elle n'est pas seule à le faire. S'associent à elle les collègues dont les syndicats sont affiliés à la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec et à la Fédération des professeurs d'université (FPU-CEQ). Ensemble, nous sommes signataires du document qui vous est soumis et solidaires des positions qui y sont soutenues.

Ces positions ne concernent pas uniquement le financement et la mécanique qui orientent le réseau universitaire. Nous traiterons beaucoup du financement et des règles de répartition des fonds de l'État, mais nos propos tenteront de dépasser ces contingences pour faire apparaître plus globalement l'université et révéler son importance pour la collectivité québécoise.

Le discours que nous tiendrons passe par la réaffirmation ferme de notre engagement en faveur de l'accessibilité, l'outil privilégié de la promotion des Québécois et de leur société. En dépit de l'apparence des chiffres, nous croyons que l'accès à l'université est de plus en plus menacée et que nombre d'appréhensions sont aujourd'hui fondées.

Nous allons aussi montrer que les pratiques actuelles concernant le financement des universités sont préjudiciables à l'accessibilité, à l'université, de la société québécoise et que ces pratiques ne concordent pas avec les discours sur la planification et la coordination.

Le milieu universitaire a été saisi, ces derniers mois, d'un projet nouveau de réaménagement des bases de financement des universités. Cette question a paru suffisamment importante pour que plusieurs intervenants la propulse sur la place publique et tentent de ranimer le débat autour du financement global des universités.

Bien qu'elles se préoccupent de ce projet, les trois fédérations de professeurs d'université ne voudraient pas que le problème de la répartition, entre les universités, des sommes allouées par le gouvernement vienne masquer l'essentiel des difficultés qu'éprouve aujourd'hui l'enseignement supérieur. Elles espèrent que les trois jours consacrés par la commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre au thème de l'université ne seront pas détournés au profit d'une question moins cruciale, dans l'ensemble, que le niveau inacceptable des subventions aux universités.

Mieux répartir ce qui est insuffisant, c'est sans aucun doute réduire des iniquités, mais ce n'est en rien faire justice à un secteur pourtant vital dans le développement de la société québécoise. Les universités, sous prétexte d'une rationalisation dont on cherche encore la rationalité, ont été soumises à de nombreuses pressions financières ces dernières années, pressions qui tiennent à la conjonction de deux volontés contradictoires: élargir l'accès à l'université, tout en réduisant les coûts de fonctionnement.

C'est ainsi que les établissements universitaires assument à eux seuls, cette année, 10% des compressions que tout l'appareil gouvernemental s'est imposées et 50% des économies que le secteur de l'éducation doit réaliser. Or, les universités ne représentent que 3,5% de l'ensemble des dépenses publiques et 16% des crédits de l'éducation. On peut difficilement s'empêcher d'y voir un traitement discriminatoire lié au peu de place qu'on veut accorder aux universités et à l'avenir du Québec.

De tiers monde de l'éducation, comme nous le verrons plus loin, les universités sont en voie de devenir le secteur défavorisé de tout l'appareil public. Même lorsqu'il est soucieux de réduire ses dépenses, le gouvernement s'approprie une part de plus en plus grande du produit intérieur brut, mais la portion réservée à l'enseignement supérieur décline et ne représente plus que 0,9%, après avoir atteint le sommet de 1,1% en 1978.

On avait pourtant reconnu depuis longtemps - hormis durant la période de déchéance dans laquelle on vient de les faire tomber - que les universités constituaient un investissement social et individuel de premier plan. Durant les dernières années, au Québec, on les a réduites à un simple objet comptable très utile dans l'effort d'équilibre budgétaire. Si cette dépense doit être inscrite au débit des comptes gouvernementaux, elle doit d'abord et avant tout, à notre avis, être perçue comme une dépense en capital que l'avenir se chargera de rentabiliser. C'est notre conviction de toujours. Nous l'avons réaffirmé en 1981 et les indications actuelles la renforcent, malgré

certains courants d'opinion qui ont tenté, ces récentes années, de remettre en cause les avantages économiques de la formation universitaire.

De récentes statistiques montrent en effet qu'un diplômé universitaire, deux ans après son entrée sur le marché du travail, peut espérer gagner 1700 $ de plus par année qu'un diplômé du collégial. Même les diplômés universitaires des disciplines non reliées au secteur du virage technologique peuvent s'attendre à un revenu supérieur à celui des diplômés des collèges.

Non seulement la formation universitaire garantit-elle un meilleur revenu, comme nous venons de le montrer, mais elle pare la malchance puisque les détenteurs d'un baccalauréat n'ont été affectés par le chômage qu'à 3,2% en 1981 au Canada, alors que les diplômés du secondaire, âgés eux aussi de plus de 25 ans, connaissaient un taux de 5,6%. Il faut par ailleurs noter que la crise économique a surtout touché les 18-24 ans qui, pour la plupart, ne détiennent pas de diplôme universitaire.

Ces avantages individuels sont aussi d'une importance sociale et économique énorme, et le gouvernement les a sous-estimés quand il a décidé d'hypothéquer le fonctionnement des universités. Ils se traduisent surtout par un relèvement de la qualité de la vie, encourageant la floraison des arts et de la culture, préconisant des mesures sociales plus justes, améliorant la santé, la sécurité de la population et établissant des règles de droit. Cette courte énumération pourrait être allongée de beaucoup que nous n'aurions pas épuisé l'éventail des améliorations au bien-être des citoyens que procure la formation supérieure.

Dans le milieu des affaires, où l'on sent que s'amorce un renversement des attitudes à l'endroit des universités, on craint que la crise de l'enseignement supérieur ne compromette l'avenir économique. Le gouvernement, nous semble-t-il devrait, à son tour, s'inquiéter vivement des effets de sa politique à l'endroit des universités. La capacité concurrentielle du Québec risque de souffrir des dommages irréparables.

La présence d'une communauté intellectuelle vivante dans un pays, conjuguée à l'existence d'une main-d'oeuvre qualifiée, justement formée par cette communauté intellectuelle, a toujours compté parmi les premiers facteurs de localisation des industries de pointe, de la même manière qu'une force de travail sous-scolarisée, non syndiquée et avec peu d'exigences salariales a contribué à faire pousser des secteurs industriels mous. Le recteur de l'Université McGill rappelait pour sa part - et fort à propos, d'ailleurs - que cela n'est pas par hasard que l'industrie américaine de l'informatique s'est développée dans la région de Boston et de la Silicone Valley. On trouve dans ces régions les établissements universitaires parmi les plus prestigieux au monde: le Massachusetts Institute of Technology et l'Université Stanford.

L'apport des universités au bien-être et au développement de la société est, en général, discret parce que très spécialisé, mais ses effets se répercutent sur toutes les couches de la société, sur tous les groupes sociaux. Empêcher les universités d'évoluer avec vitalité, c'est priver le Québec d'une contribution exceptionnelle. Le niveau de financement actuel des universités est porteur de dangers, comme l'est tout sous-investissement dans quelque entreprise humaine. En refusant de reconnaître cette exigence, la société québécoise gaspille ses ressources.

Le financement public des universités au Québec a subi une chute dramatique ces récentes années, une chute particulièrement accélérée depuis 1981. C'est ainsi que tous les indices se rapportant aux revenus des universités, en dollars constants, sont tombés de manière fulgurante. Entre autres, les dépenses universitaires per capita, rapportées à chaque étudiant à temps complet, avaient déjà atteint en 1982-1983 un niveau inférieur à celui de 1976-1977, sous la double influence de l'augmentation des clientèles et du rétrécissement de l'enveloppe de financement. Pour bien évaluer la situation, on n'a qu'à se référer à notre graphique qui retrace l'évolution du dépérissement universitaire et dont les courbes sont en chute libre depuis 1977-1978. Il s'agit du graphique 3 que vous avez en annexe au mémoire.

Il en coûte donc aujourd'hui moins cher à chaque citoyen pour financer un étudiant universitaire qu'en 1976-1977. Les universités sont même parvenues à réduire de la moitié, par rapport à 1978-1979, le coût de chacun des étudiants inscrits dans leur établissement. En fait, chaque étudiant coûte à l'université les trois quarts de ce qu'il fallait en 1976-1977. On ne s'étonnera pas alors de constater que l'investissement collectif dans la formation d'un étudiant ait chuté du tiers entre 1976-1977 et aujourd'hui. Peut-on ne pas s'interroger sur la capacité qu'ont aujourd'hui les universités de maintenir les services qu'elles doivent rendre à la société? Prendre comme argument que les établissements d'enseignement supérieur devaient, comme tout le monde, contribuer à la résorption de la crise des finances publiques serait trop simple. Ce serait surtout oublier l'incidence des deux facteurs dont nous avons déjà fait mention et qui prouvent le traitement inéquitable fait aux universités. Depuis 1977-1978, les universités sont devenues le tiers monde de l'éducation au Québec.

Le graphique 5, en annexe, nous indique

que la subvention par étudiant universitaire a suivi une courbe prononcée et constante à la baisse depuis cette date. Le niveau collégial a aussi subi de fortes pressions à la baisse, mais elles ont été plus faibles. C'est quand on regarde les niveaux primaire et secondaire publics que l'injustice devient criante. Ces deux niveaux ont connu une baisse d'environ 10% depuis 1980-1981 contre 25% pour les universités. Notre graphique montre que les deux secteurs sont partis d'un même point, mais qu'ils ne se trouvent plus, aujourd'hui, à égalité. Si les universités avaient été traitées de la même façon que le primaire et le secondaire, on devrait normalement les retrouver ensemble huit ans plus tard. Comment expliquer aujourd'hui que l'écart qui les sépare soit de 65 points? Entendons-nous bien! Le gouvernement n'a pas à prendre appui de cette observation pour justifier une nouvelle tentative de nivellement, comme il n'a pas non plus à accuser ces niveaux d'enseignement d'avoir créé pareille situation. Les préjudices imposés aux universités sont le fruit de ses propres décisions.

Le sous-investissement, pris globalement, ne reflète pas toutes les difficultés. Il néglige certaines incidences qui, en somme, imposent une double facturation aux universités. Le Conseil des universités a maintes fois souligné, ces dernières années, que les locations d'espace équivalent à une nouvelle coupure de 20 000 000 $ annuellement. Qui plus est, par les mécanismes actuels de financement, ce sont non seulement les établissements locataires qui assument ces coûts, mais l'ensemble des universités.

La réorientation des clientèles dans les différents secteurs disciplinaires constitue une autre réalité quotidienne difficile à vivre et que les chiffres globaux ne reflètent pas. En 1983-1984, plus de 80% des nouvelles clientèles se sont inscrites dans les secteurs dits du virage technologique. Cette tendance contraste fortement avec les habitudes de distribution des nouvelles clientèles étudiantes. Or, dans ces secteurs, le coût par étudiant est deux à trois fois plus élevé que dans les autres disciplines. Cette pression supplémentaire sur les finances universitaires n'a pas été compensée par le gouvernement.

Il est difficile de montrer l'amplitude des effets négatifs du sous-investissement dans les universités. On peut en voir une manifestation dans le ratio professeur-étudiants qui a grimpé de 30% en moins de dix ans, au point que le Conseil des universités estimait déjà, en mars 1983, qu'il faudrait 1500 professeurs de plus au Québec pour ramener ce ratio au niveau de celui de l'Ontario. (15 h 30)

Les budgets des bibliothèques ont été amputés, malgré la hausse constante et particulièrement forte du prix des livres. Les salles de cours sont régulièrement surpeuplées. Les étudiants en informatique, par exemple, à défaut d'équipement et de locaux, doivent passer la nuit dans la salle des ordinateurs et reprendre les cours au matin. Des étudiants - pas les mêmes, faut-il espérer - s'astreignent à suivre huit à neuf heures de cours dans la même journée parce qu'on refuse de répéter les enseignements, parce qu'on dégonfle les banques de cours pour réaliser des économies.

Ces exemples, qui risquent de paraître mesquins et triviaux, sauf à ceux qui ont à les vivre chaque jour et qui en mesurent mieux l'impact, ont des effets importants sur la société québécoise en général et mériteraient d'être considérés. On pense ici, en particulier, aux effets du sous-investissement universitaire sur la recherche. De 1973-1974 à 1982-1983, la portion des dépenses totales attribuables à la recherche subventionnée a eu tendance à stagner au Québec, alors qu'on observe une progression en Ontario. Mises en relation avec les dépenses de fonctionnement seulement, on constate que les activités de recherche ont atteint leur point culminant en 1977-1978 et qu'elles déclinent depuis.

Deux conclusions doivent être tirées de ces constatations: ou bien les coûts de la recherche sont de plus en plus assumés par les budgets de fonctionnement, ou bien le contexte actuel oblige les universités à concentrer leurs efforts sur le fonctionnement, délaissant la préparation de projets de recherche. L'une ou l'autre hypothèse ne peut aider le Québec à progresser.

Une autre conséquence, tout aussi dramatique, ne peut être passée sous silence. Les universités viennent à peine, et de façon marginale, de rouvrir des postes de professeurs. Nous voulons souligner, à la suite du Conseil des universités et de l'Association des universités et collèges du Canada, les problèmes de relève qui apparaîtront au Québec durant les années quatre-vingt-dix si les universités ne renouvellent pas leur corps professoral. La majorité des professeurs actuels a été engagée durant les années soixante et au début des années soixante-dix, quand le Québec a décidé d'investir massivement dans l'éducation.

Ces professeurs arriveront en fort contingent à l'âge normal de la retraite au début de la prochaine décennie. Si la société québécoise veut éviter de répéter l'expérience des années soixante et pratiquer à nouveau l'importation massive d'aspirants professeurs, elle doit immédiatement planifier puisque c'est une volonté clairement énoncée - le renouvellement du corps professoral. La société ne peut non plus laisser en attente ces jeunes Québécois

qu'elle a formés pour la carrière universitaire. Elle ne peut faire languir cette relève prometteuse à qui l'avenir ne garantira plus rien parce que, faute d'expérience, elle sera écartée au profit d'étrangers. Des coûts sociaux viendront s'ajouter aux coûts de l'éducation et on parlera à juste titre d'un gâchis collectif.

De ce qui précède, on aura remarqué une constante: l'année 1978, année charnière entre le développement et le sous-développement des universités. Que s'est-il produit cette année-là qui ait provoqué ce désintérêt de l'État pour l'université? En 1978, le gouvernement a entrepris de modifier la formule de calcul des subventions aux universités, anticipant une chute importante des inscriptions universitaires en 1981-1982. Il y a eu visiblement erreur.

S'appuyant sur des prévisions établies pour l'essentiel à partir d'études démographiques, un comité du ministère de l'Éducation et des directions d'établissements avait réalisé, en 1977, le scénario de décroissance des populations étudiantes. La réalité les a fait mentir. Non seulement les inscriptions universitaires n'ont-elles pas commencé à décroître en 1981-1982, mais elles n'atteindront surtout pas leur plancher en 1984-1985. On les annonce déjà à la hausse.

Contrairement à ce qui était aussi prévu, elles ne se stabiliseront probablement pas non plus de 1984 à 1991. Le Conseil des universités, qui critiquait l'année dernière les prévisions du ministère quant à l'évolution des clientèles, a carrément contredit ces scénarios, même les plus récents.

Faut-il souligner, par ailleurs, que le Québec n'a pas rejoint ses voisins à la fois quant au taux de fréquentation universitaire et quant au taux de scolarisation. Il a toutefois réalisé un pas important, mais soutiendra-t-il l'effort jusqu'au bout? Si la proportion des 25-34 ans ayant fréquenté l'université a progressé de 40% entre 1977 et 1981, le taux de scolarisation universitaire de ce groupe d'âge demeure nettement inférieur à celui de l'Ontario et du Canada. En 1981, le Québec n'avait pas non plus rattrapé l'Ontario quant au taux de fréquentation scolaire des 18 ans et plus.

Les universités n'ont pourtant pas chômé, comme certains seraient tentés de le croire comme d'autres le disent. Les inscriptions d'automne dans les universités québécoises ont augmenté, en moyenne, de 3,4% pour les études à plein temps et de 7,9% pour celles à temps partiel entre 1975 et 1981. En Ontario, pendant ce temps, elles ne progressaient pas de 1% pour les études à plein temps et leur rythme était deux fois moins rapide qu'au Québec pour les études à temps partiel.

Le Québec, tout autant que les autres sociétés, sent la nécessité de planifier son avenir. Ce que nous venons de montrer indique bien, toutefois, la fragilité des prévisions dans cette démarche de planification pourtant essentielle au devenir collectif du Québec. Notre histoire récente est d'ailleurs faite d'oeuvres plus ou moins réussies de planification. Le gouvernement, à l'instar de ses voisins, accuse aujourd'hui les facultés d'éducation, par exemple, de peser trop lourdement sur les finances publiques. Il peut tout à la fois en accuser l'appareil universitaire, les administrateurs, les professeurs, les employés et les syndicats, mais il faudrait aussi qu'il dise que ce sont là les résultats du grand destin que l'État préparait pour le Québec durant les années soixante. Si, aux yeux du gouvernement, elles paraissent grever indûment les fonds publics, on aurait tort de les condamner au rétrécissement. L'éducation prend aujourd'hui des formes multiples et les facultés d'éducation sont les plus susceptibles de formuler des réponses aux nouveaux besoins. Les problèmes qu'il croit voir dans les facultés d'éducation, le gouvernement pense les observer aussi dans le secteur des sciences humaines et sociales. Voilà une autre évolution inattendue de la planification par à-coups, par braquages subits. Qu'adviendra-t-il des nouvelles priorités récemment définies?

Aujourd'hui, l'État voudrait délester de leurs ressources ces secteurs qui seraient devenus mous. Les expériences des dernières décennies révèlent seulement la facilité qu'a le Québec de détruire son oeuvre en construction pour aller en se précipitant, mais avec un retard certain, s'édifier sur un autre chantier.

Nous voudrions faire comprendre qu'investir dans l'université, c'est forger l'avenir en prévoyant les ressources qui permettront au Québec d'affronter les défis qui l'attendent aux prochains virages de l'histoire. Pour éviter de dépouiller la planification de son sens, nous devons retenir prioritairement cette perspective et ne pas démolir l'édifice que nous construisons depuis 20 ans et qui, faut-il le rappeler, n'est pas achevé.

Les professeurs ne rechignent pas aux volontés de planification de l'État. Ils ont des doutes sérieux sur la planification qui s'effectue actuellement. Les nouveaux accents prioritaires ne doivent pas et ne peuvent pas, à notre avis, emprunter aux secteurs soi-disant ou momentanément mous, qui sont eux-aussi les murs portants de chaque établissement universitaire. On ne doit pas délester de ressources ces secteurs pour répondre aux priorités du moment. Demain, un autre jour attend le Québec. Pour avoir choisi, encore une fois, le rattrapage plutôt que l'anticipation, il pourrait être encore, comme toujours, en retard au rendez-vous.

Nous souhaitons le maintien, à défaut du développement, d'universités québécoises diversifiées et équilibrées avec, bien sûr, des accents ponctuels qui l'ajusteront aux besoins du présent sans pour autant détruire ses fondements.

On invite aujourd'hui le monde universitaire à revoir les règles de répartition des fonds publics entre les universités. Essentiellement, la proposition du ministère est la suivante: Dans un premier temps, il rééquilibre les bases de financement des universités en procédant à un transfert des ressources financières des établissements qu'il croit en situation d'excédent vers ceux qui ont un manque à gagner. Cette opération se fera sur trois ans. Dans un second temps, il propose de financer les clientèles additionnelles selon les coûts disciplinaires du réseau et en fonction des cycles d'études.

Si nous faisons abstraction des hypothèses sous-jacentes à cette méthode de financement et des défaillances méthodologiques inhérentes à ce type de calcul, nous constatons que le poids relatif accordé aux coûts par discipline et aux cycles d'études semble répondre à un besoin de transparence auquel nous souscrivons. Ainsi, les coûts engendrés par l'augmentation des clientèles, entre autres, seront plus évidents et pourraient favoriser une prise de conscience de cette croissance. L'exercice du ministère pour normaliser les dépenses des universités répond par ailleurs à un souci d'équité auquel nous ne sommes pas indifférents, d'autant plus que la recherche universitaire y serait tenue pour un facteur important.

Une critique encore préliminaire de la méthode proposée par le ministère nous amène à croire que des distorsions nouvelles surgirons puisqu'on oblige à réaliser, sous l'empire d'une enveloppe fermée, l'adéquation entre les dépenses normalisées et les dépenses réelles. Nous avons par ailleurs de sérieuses interrogations sur les effets que produira la mesure de la taille sur les coûts d'enseignement, de soutien et d'administration. La fiabilité de ces résultats est extrêmement discustable dans la mesure où la quantité d'information disponible est soit insuffisante, soit non pertinente.

Le facteur éloignement, pour sa part, ne semble pas avoir été mesuré, contrairement à l'annonce qui avait été faite. Cette omission peut facilement expliquer les résultats de la formule pour l'Université du Québec. L'estimation des coûts résultant de ce facteur pourrait modifier sensiblement la configuration de la formule. Le facteur recherche, quant à lui, fait l'objet d'un traitement méthodologique qui, en définitive, ne tient pas compte de l'importance des coûts engendrés par la recherche et il provoquera d'autres distorsions. Enfin, la méthodologie retenue ne permet pas de savoir si le réseau universitaire évolue avec une structure de coûts efficace. Tout au plus permet-elle d'établir une hiérarchie entre les établissements.

En conséquence, il apparaît clairement que l'État exercera un contrôle accru sur la gestion des ressources universitaires. Ainsi, le phénomène des économies d'échelle, selon la pondération du paramètre taille, poussera probablement le ministère à exiger la fermeture de départements et la concentration de disciplines dans certains établissements. Le coût très élevé de la formation dans certaines disciplines poussera aussi le ministère à favoriser le contingentement de programmes, alors que les universités, en raison du taux de financement des clientèles étudiantes dans les secteurs hors du virage technologique, seront incitées à ne pas développer ces secteurs en dépit des faibles coûts. Le corps professoral de ces secteurs aura, lui, tendance à diminuer. L'engagement de nouveaux professeurs, même dans les secteurs prioritaires, sera vraisemblablement freiné à son tour parce que les administrations craindront qu'une chute accidentelle de la clientèle ne diminue ultérieurement les ressources financières.

Mais au-delà de cette critique interne de la proposition, il faut noter que la démarche du ministère se fait à l'intérieur d'une même enveloppe, une enveloppe qui rétrécit chaque année. Ainsi, l'Université de Sherbrooke, qui éprouve des difficultés financières depuis dix ans, difficultés que le ministère a reconnues lorsqu'il a transformé son déficit en dette à long terme, devient la norme du réseau. Étrange et très révélateur également Le gouvernement peut toujours transformer la mécanique, il n'assure toutefois que la distribution un peu plus équitable de la pauvreté.

Nous comprenons la volonté du gouvernement de coordonner l'ensemble des activités universitaires, d'assurer l'harmonie et la saine gestion des fonds publics qui sont consentis à l'enseignement supérieur. C'est ce qu'il appelle rationaliser. Nous prétendons qu'avec son approche dirigiste et autoritaire, il le fait mal. Sa méthode laisse croire, ou entendre, que les universités n'ont pas été en mesure jusqu'à aujourd'hui de répondre aux besoins de la société et qu'il doit les prendre en main. C'est ignorer l'importante mécanique que constitue l'institution universitaire et méconnaître le rythme de l'appareil. Cela étonne de la part, justement, du ministère de l'Éducation.

Il a toujours été difficile d'intégrer l'université dans une planification à court terme. Elle s'ajuste plutôt aux courants de fond. Elle a été humaniste à la Renaissance et a préparé la révolution bourgeoise, la

démocratisation sociale et politique. Puis, elle est devenue technologique et professionnelle pour préparer la révolution industrielle, l'expansion économique. Elle s'est faite ensuite sociale pour réparer les injustices et assurer la répartition de la richesse. Aujourd'hui, elle est toujours de son époque et prépare une réponse à d'autres besoins. (15 h 45)

L'université québécoise, quant à elle, ne déroge pas à cette tradition d'où elle tire son essence et son inspiration. Elle est seulement un peu plus jeune et un peu plus fragile. Comme les autres systèmes universitaires au monde, l'université québécoise ne peut se dérober aux nouveaux impératifs sociaux et aux nouveaux problèmes qui jalonnent la vie de la société dans laquelle elle s'insère. Elle n'a pas à vivre et elle ne vit pas dans une tour d'ivoire, mais elle doit exister, croyons-nous, selon ses exigences qui ne sont finalement que des obligations inscrites dans sa nature et dans les besoins de la collectivité.

Nous restons fidèles aux principes de coordination que nous définissions en 1981. La coordination ne doit pas être forcée, mais plutôt venir de la base. La concertation ne doit pas se faire pour demain, mais dans la perspective de la prochaine décennie à tout le moins. La concertation ne signifie pas banalisation, elle doit viser le développement, au lieu de chercher à raser et à uniformiser. Nous ne sommes pas convaincus que le gouvernement, par les moyens qu'il met en oeuvre au niveau du financement, ne se détourne pas des buts de coordination poursuivis.

Désireuses de maintenir leurs ressources et de se dégager des espaces de développement, aussi minimes soient-ils, les universités jouent actuellement et de toutes sortes de façons avec les règles de financement. Par ses propres règles, le gouvernement les oblige à rivaliser sur le même terrain. Les universités se livrent ainsi à une chasse effrénée, à une bataille farouche, à une concurrence qui, sûrement, n'est pas toujours loyale pour le recrutement des nouvelles clientèles. Les méthodes d'incitation retenues dans le cadre du virage technologique ne nous paraissent pas favoriser la concertation; elles invitent plutôt tout le monde à la même table et provoquent ces dédoublements coûteux que le ministère abhorre tant. Les universités se voient contraintes d'aller toutes ensemble là où le gouvernement investit son argent et toutes, en même temps, négligent les mêmes secteurs. Chacun aura compris que nous cherchons toujours la rationalité dont nous avons parlé plus tôt. Nous espérons que les audiences de cette commission nous permettront d'y voir un peu plus clair.

Avant de conclure et puisque la commission nous le propose, nous voudrions aborder la question de la présence fédérale dans l'enseignement supérieur. La FAPUQ, devant la Commission royale sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada, plus communément connue sous le nom de Commission MacDonald, a soutenu que l'enseignement universitaire était un domaine de juridiction provinciale et qu'elle acceptait ce cadre constitutionnel malgré l'intérêt que peut avoir le fédéral dans les domaines de la recherche et de la formation professionnelle, en particulier. Nous souscrivons tous à cette position.

Lors de la formulation de notre proposition, la fédération n'ignorait pas qu'elle allait à l'encontre des desseins de quelques planificateurs fédéraux. Elle ne pouvait pas être sourde, par contre, aux intérêts du monde universitaire qui doit rayonner hors de ses frontières et s'alimenter à la communauté nationale aussi bien qu'internationale. Nous avons alors, tout en acceptant l'esprit des ententes actuelles, articulé notre position autour d'un mécanisme nouveau qui entraînerait des transferts fédéraux supplémentaires vers les provinces dont le niveau de la contribution per capita au financement des universités excéderait la moyenne nationale. Nous avons donc opté pour l'encouragement, au lieu de chercher à punir les délinquants. Ainsi, par cette proposition et avec la volonté politique nécessaire, il serait, à notre avis, possible pour le Québec de gérer un développement réel plutôt que d'administrer la décroissance de l'université.

Pour l'année 1984-1985, le gouvernement fédéral disposera de 7 500 000 000 $ à verser en espèces aux provinces canadiennes. Si on inclut les sommes provenant des transferts de points d'impôt, la contribution fédérale au titre du financement des programmes établis sera de 15 000 000 000 $, dont 26% sont destinés au gouvernement québécois. Le fédéral est tout à fait conscient de la dimension de ce poste budgétaire et, compte tenu des difficultés financières qu'il éprouve, on ne se surprend pas qu'il entretienne l'espoir de réduire ses versements aux provinces. Ce désir est d'autant plus impérieux qu'il a vu ses transferts en espèces, pour le Québec en particulier, croître au rythme annuel d'environ 12% depuis 1980, soit deux fois et demie plus rapidement que les subventions québécoises de fonctionnement aux universités.

Pareille situation a amené le gouvernement fédéral à limiter à 6% et 5% les transferts à l'enseignement postsecondaire. Elle l'invite également à intervenir directement dans le financement des universités, outrepassant son domaine de compétence. Il ne faut pas être grand clerc

pour comprendre le gouvernement fédéral de vouloir se retirer du financement d'entreprises qui n'appartiennent pas à sa juridiction directe, surtout si les responsables laissent ces mêmes secteurs tomber dans la dèche. Pour avoir provoqué le fédéral en réduisant sa propre contribution aux universités, le Québec n'aura que lui-même à blâmer cette fois, si Ottawa tente une nouvelle offensive de ce côté.

La communauté universitaire est par ailleurs extrêmement sensible aux divers projets de planification de la recherche universitaire élaborés tant par le gouvernement fédéral que par le gouvernement québécois. Dans le mémoire adressé au Conseil des universités pour discuter de l'impact du financement fédéral sur le développement du réseau universitaire, nous avons reconnu que l'intervention d'Ottawa avait un effet structurant majeur sur l'université québécoise, mais nous avons estimé que cette influence ne constituait pas une raison pour se couper de cette source. À notre avis, le Québec devrait plutôt assurer une réception coordonnée de ces sommes. Cette réception doit viser la cohésion à l'échelle du Québec.

Nous avons d'ailleurs vivement apprécié l'attitude du ministre de l'Éducation dans le dossier récent du financement des centres de recherche. Cette démarche invitant le milieu universitaire à définir, conjointement avec le gouvernement, les domaines prioritaires nous paraît heureuse tout autant que la volonté de coopérer avec le gouvernement fédéral. Le comportement de ce dernier, toutefois, ne méritait pas de félicitations et nous le lui avons exprimé.

Dans son approche générale du financement fédéral de la recherche universitaire, le Québec devrait pratiquer la même ouverture d'esprit. Il est possible pour le gouvernement québécois d'accroître son influence en ce domaine en proposant une politique intégrée de la recherche qui n'exclurait pas, par définition, les champs d'intérêt qu'occupe déjà le fédéral. Cette approche, à notre avis, octroierait des ressources plus adéquates au Québec pour le développement de la recherche. Il serait utopique de croire que les chercheurs se couperont eux-mêmes de certaines sources de fonds simplement parce que le gouvernement québécois en revendique l'entière responsabilité.

Vous aurez noté que nous avons fait peu état, jusqu'à maintenant, de nos préoccupations quant à l'accessibilité. Elles n'ont pas changé. L'accès le plus large possible à l'université demeure un des pivots de notre position. Les fédérations maintiennent avec vigueur le principe de la démocratisation de l'université tout comme elles acceptent la définition qu'on en donne: Toute personne qui en a la capacité devrait trouver une place dans les établissements d'enseignement supérieur. Nous nous préoccupons plus aujourd'hui, toutefois, de l'objet de cette accessibilité. À quelle université convions-nous les quelques centaines de milliers de Québécois qui fréquentent l'université ou qui se préparent à y accéder?

Il faut bien voir que la logique du gouvernement, faite de la négation de la nature même de l'enseignement supérieur, nous oblige à tenter de résoudre une étrange équation. Il nous faut concilier la réduction des dépenses avec l'arrivée massive d'étudiants, tout en cherchant à préserver les qualités qui démarquent l'université des autres institutions scolaires. Cette équation est placée à l'enseigne de la productivité.

Les universitaires et la société en général auront donc à faire des choix pour résoudre cette équation, ou pour la ramener au niveau du possible. Autrement dit, les politiques actuelles nourissent les conditions d'une vague de fond qui remettra en question ce principe social, ce profond objectif national. Les conditions qui sont faites aux universités québécoises ne sont pas différentes de celles qui existent ailleurs au Canada. Plusieurs universités canadiennes contingentent de plus en plus leurs programmes. L'accessibilité est aussi au coeur des débats sur l'université ontarienne depuis que la ministre des collèges et universités a formulé le plan d'une réduction des services universitaires et l'imposition d'examens d'entrée, donc, la transformation du réseau universitaire ontarien en un système de plus en plus élitiste. Étant donné que, depuis plusieurs années, le gouvernement québécois calque et son discours et ses méthodes sur son voisin, sans magie il en arrivera forcément aux mêmes conclusions. La vigueur du consensus social sur l'accessibilité nous permet de croire qu'il sera difficile de rompre avec la pratique des dernières années.

L'exemple venant d'en haut, de très haut même, la tentation devient forte pour tous de ne chercher à sauvegarder que ce qui est comptable. Avec pareille inspiration, on valorisera surtout le nombre d'heures d'enseignement, le nombre d'étudiants, le nombre de projets de recherche, le montant des subventions, le nombre des publications, le nombre des communications, le nombre de postes aussi, mais, cette fois, dans la perspective opposée.

On en viendra à négliger - et les étudiants nous le reprocheront probablement demain - tout ce qui n'apparaît jamais dans les livres comptables de l'État: c'est-à-dire la qualité, celle de la recherche, des services à la collectivité, de la critique sociale, celle de l'enseignement qui est faite aussi et surtout de présence, de proximité, de disponibilité. L'encadrement, qui tisse la

relation professeur-étudiants, qui élève le niveau des enseignements et pour lesquels il n'existe pas de mesure, sera rangé parmi les choses qu'on n'aura pas eu le temps de faire. Mais, demain, toutes ces choses réapparaîtront dans les bilans des compagnies et dans les comptes économiques du Québec cette fois. Personne ne pourra expliquer pourquoi ces grands livres marquent des reculs. On en imputera sûrement la faute aux syndicats qui protègent une main-d'oeuvre incompétente.

Le tarissement des ressources devient aussi l'étranglement de l'université. Que vaudra, finalement, cette accessibilité tant recherchée si nous ne pouvons l'installer sur la relation vivante, profonde et féconde entre professeurs et étudiants? Que vaudra l'université si la recherche libre et appliquée ne peut s'épanouir, entre autres, pour alimenter la relation professeur-étudiants? Que vaudra cette université qui éprouvera de plus en plus de difficultés à diffuser à la collectivité le fruit de ses travaux et à fournir une critique valable de l'évolution de la société?

Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, madame.

Compte tenu de ce que vous venez de dire et de ce qu'on a entendu ce matin et hier, on ne peut faire autrement que de constater que les propos que vous tenez quant à l'avenir et les mises en garde que vous faites sont importants et doivent être pris en considération. Là où j'ai un peu plus de difficulté à vous suivre et où je voudrais avoir un peu de commentaires de votre part, c'est quant au passé. On convient tous que les compressions ont été sévères. Je pense que le ministre l'a reconnu hier et chacun, à sa façon, l'a dit jusqu'à maintenant.

Or, vous avez affirmé, au début de votre exposé, à la page 5 du mémoire, je crois, que les universités, sous prétexte d'une rationalisation dont on cherche encore l'aspect rationnel... Finalement, il y a eu des compressions qui vous ont précipités dans une période de déchéance, des compressions qui, finalement, n'avaient rien de rationnel. Je me dis: Est-ce qu'on peut soutenir une telle affirmation lorsque, d'une part, on constate quelle était la réalité du système universitaire québécois par rapport à ses voisins et par rapport aux performances qu'on est en droit d'attendre, avant même la période des compressions budgétaires?

On a vu hier - et cela n'a pas été contredit jusqu'à maintenant - que le système universitaire québécois avait de sérieux problèmes, à la fois au niveau du coût unitaire beaucoup plus élevé par rapport à nos voisins d'une accessibilité qui était fort imparfaite à ce moment et d'une productivité qui, elle aussi, était contestable encore à ce moment, compte tenu des comparaisons qu'on pouvait faire. Bien sûr, les comparaisons ne sont jamais parfaites. Il y a donc eu une volonté politique gouvernementale d'amener les universités à de meilleures performances en faisant en sorte qu'elles aient moins de ressources et qu'avec les mêmes ressources elles atteignent un certain nombre d'objectifs qu'on a essayé de remettre dans la vague. (16 heures)

Ce qu'on constate, c'est qu'elles ont réussi très bien à atteindre ces objectifs qu'on s'était donnés au moment où on a fait un constat d'un certain nombre de difficultés. Ce sont donc des difficultés qui ne sont pas apparues à cause d'un régime de compressions, d'un mécanisme de compressions ou d'une période de compressions qu'on s'était imposées. C'est la première réalité.

La deuxième réalité, c'est qu'outre cette situation est intervenue une crise économique. Je me demande si, là aussi, on ne peut pas trouver une certaine rationalité dans l'action qui a été entreprise et qui nous a amenés à un point critique. Je pense que tout le monde reconnaît qu'on est rendu à un point critique, mais le système universitaire québécois pouvait-il échapper à un certain nombre de réflexions et de compressions par rapport à la réalité dans laquelle l'État québécois, qui est au service de cette société québécoise, se trouvait à cause de la crise économique? Peut-on penser que la crise économique aurait dû amener le gouvernement à traiter d'une façon particulière et privilégiée le service public qu'est le réseau universitaire québécois, par rapport aux autres services publics, dans le contexte d'une société qui vivait une crise économique, la pire depuis 50 ans?

Je me demande pour quelle raison les fédérations d'enseignants et de professeurs d'université ne font pas porter leur analyse un peu plus loin et ne tiennent pas compte davantage de cette réalité qu'était la crise économique? C'est comme s'il n'y en avait pas eu, lorsqu'on vous écoute. C'est comme si elle n'avait pas eu d'impact sérieux sur l'ensemble de la société et, bien sûr, sur le réseau universitaire québécois. C'est comme si, dans les choix politiques qui ont été faits très ouvertement de privilégier, par exemple, les actions visant à soutenir l'économie au premier chef et la création d'emplois, il n'y avait pas là aussi un effet d'entraînement positif pour l'université et le secteur universitaire. Dans la mesure où l'économie va mieux, il y a des entrées fiscales qui permettent d'offrir peut-être des services additionnels. C'est une espèce de roue. Dans la mesure où l'économie va mieux, il y a aussi des débouchés pour les gens à l'université. Dans quelle mesure ne met-on

pas en doute ou n'attaque-t-on pas un peu trop facilement ou trop durement des choix qui devaient être faits à ce moment-là?

Quand je vous demande des commentaires sur cela, puisque vous parlez un peu d'irrationalité dans l'approche, je ne dis pas et je ne pense pas que qui que ce soit de la commission dirait qu'on est rendu à un point où il faut maintenant faire attention, qu'on n'a pas sonné l'alarme et qu'il n'y a pas maintenant une attitude différente à adopter. Mais c'est le passé qui est, je vous l'avoue, un peu agaçant, en donnant l'impression que tout ce qui a été fait l'a été dans une complète irrationalité et que les problèmes n'existaient pas avant la période des compressions budgétaires. C'est comme si, tout à coup, tous les problèmes qu'on avait n'étaient attribuables qu'à une situation où les ressources financières étaient plus rares et qu'on avait obligé le système universitaire québécois à fonctionner avec des ressources moins importantes que celles qu'il avait jusqu'à maintenant.

Mme Robinson: M. le Président de la commission, votre intervention pourrait m'amener à répondre de plusieurs façons à l'ensemble des questions que vous avez posées. Je retiens - vous me direz si cela vous satisfait - plus particulièrement votre insatisfaction ou votre agacement par rapport à notre mémoire portant sur le passé. Vous dites que les compressions budgétaires ont été justes et correctes et nous disons, de notre côté, que les compressions budgétaires ont été intolérables pour les professeurs d'université. Je donne quelques exemples. C'est la raison pour laquelle nous disons que les compressions budgétaires, dans l'avenir comme dans le passé, ne peuvent pas marcher. Quand on entendait le ministre de l'Éducation nous dire, hier matin, qu'il réfléchissait encore quant à l'avenir et que peut-être nous ferait-il des petits cadeaux à droite et à gauche, on ne peut pas faire autrement que d'être légèrement moroses. Ce que nous disons aujourd'hui, c'est que, pour nous, la situation est déjà catastrophique. C'est ce que le mémoire veut vous transmettre. Ce n'est pas dans l'avenir, c'est dans le passé, c'est cette année, c'est l'an dernier.

Je vous donne des exemples de l'intolérance des compressions budgétaires. Bien sûr, les universités ont bouclé leur budget; bien sûr, il n'y a pas eu de déficit annoncé et on a pu éponger certains déficits. Cependant, vous irez voir, sur les campus universitaires, où en est rendue la recherche. La recherche décline, elle a décliné. Pourquoi les professeurs d'université ont-ils de la difficulté à faire de la recherche? Ce n'est pas parce qu'ils manquent de subvention - ça peut être une des raisons - mais parce qu'ils n'ont pas le temps d'en faire; il faut qu'ils enseignent, il faut qu'ils encadrent les étudiants de premier cycle. C'est un des motifs qui font que le niveau de recherche au Québec a diminué, a décliné.

Que se passe-t-il dans certaines universités? Dans deux universités en particulier, 58% des cours sont donnés par des chargés de cours, dans un premier cas, et 61% des cours sont donnés par des chargés de cours, des cours de premier cycle, dans le deuxième cas. Que se passe-t-il? Le nombre de professeurs à temps plein diminue, il y a des gels de poste un peu partout et les professeurs se tirent à droite et à gauche pour faire l'infrastructure de l'université, parce qu'on participe également à l'administration de l'université à plusieurs niveaux, ce qui entraîne un effet de rétrécissement encore. Il n'y a pas d'encadrement, les chargés de cours n'assurent pas l'encadrement des étudiants. Il y a même un exemple qui nous a été donné récemment d'une université, dans une faculté, où les étudiants de première année, de premier cycle, n'ont jamais rencontré un professeur à temps plein, n'ont jamais rencontré un professeur de carrière. Tous les cours ont été donnés par des chargés de cours. Est-ce que c'est normal? Je me le demande.

Il y a également la question des équipements. Les équipements dans les universités, autant dans les bibliothèques que dans les laboratoires, ne sont pas remplacés; il n'y a pas d'entretien, faute d'argent. On n'a pas l'argent nécessaire pour faire cet entretien. Bien sûr, à l'extérieur, il sort encore beaucoup d'étudiants de premier cycle, mais à quel prix?

Le Président (M. Charbonneau): Je suis d'accord, mais vous dites que ça ne date pas de cette année. Autrement dit, ce que vous donnez comme réponse, c'est que la situation critique ne date pas du présent, ça date déjà d'un certain temps. Quand vous dites que les compressions, ça ne va pas, est-ce qu'on doit comprendre qu'il n'aurait pas dû y avoir de compression dans le système universitaire québécois s'il n'y avait pas place à la rationalisation?

Mme Robinson: Non, ce n'est pas ce qu'on dit. Si vous regardez le mémoire, on donne l'exemple de tout le reste du réseau dans le domaine de l'éducation. Ce qu'on dit, c'est que nous avons été coupés plus que les autres et nous avons subi des compressions budgétaires plus grandes. Nous avons des difficultés à l'admettre parce que le discours gouvernemental en est toujours un d'accessibilité. On reçoit des étudiants parce que c'est devenu une espèce de modus vivendi de la société québécoise, la démocratisation et l'accessibilité, et nous en

sommes, sauf qu'on a été coupés plus que les autres et on continue de dire que, dorénavant, on va encore subir certaines compressions budgétaires. Il y a un double discours, en fait. Il y a le discours de l'accessibilité, que nous admettons avec grand sourire, mais, par contre, il faudrait qu'on tienne compte de cette accessibilité et de ce besoin pour le Québec de se rattraper, d'admettre plus d'étudiants à l'université, alors qu'on coupe et qu'on fait des compressions budgétaires.

Le Président (M. Charbonneau): D'accord. Mais vous qui représentez des professeurs, qui êtes professeur vous-même, qui vivez des situations quotidiennement sur le terrain universitaire... Je ne veux pas dire que les administrateurs d'université ne vivent pas des réalités importantes, mais vous vivez des choses proches de l'étudiant, proches de l'objet même de l'université, l'enseignement et la recherche. Est-ce que vous ne constatez pas quotidiennement, néanmoins, une série de situations qui pourraient être corrigées sans une intervention de fonds additionnels de l'État? Est-ce que la situation dans l'université est telle qu'actuellement, pour corriger les problèmes qui existent dans le système universitaire, il n'y a qu'une injection de fonds additionnels qui réglerait l'ensemble des problèmes que vous vivez quotidiennement, que vous constatez quotidiennement?

Mme Robinson: Je vous donne un exemple. Quand on enseigne à 125 étudiants dans un cours de première année et qu'on est absolument incapable de faire autre chose qu'un enseignement magistral, qu'est-ce qu'on fait? Quelles sont les hypothèses? On dédouble le cours; si on dédouble la classe, le professeur n'a plus le temps de faire de la recherche. La mission fondamentale de l'université se porte sur trois points: recherche, enseignement et services à la collectivité. Si on dédouble la classe, on retrouve également, cependant, le professeur qui donne son enseignement dédoublé, parce qu'il veut avoir un contact plus proche avec ses étudiants. Il va quand même avoir 125 copies d'examen à corriger à la fin et il va quand même être obligé de rencontrer 125 étudiants.

Alors, c'est quoi, la solution? Engager un chargé de cours, cela coûte moins cher que d'engager un professeur à temps plein, mais il y a toujours un signe de piastre quelque part. En fait, nous disons actuellement que, oui, effectivement, le seul moyen de régler un certain nombre de problèmes à l'université, c'est d'augmenter l'enveloppe globale de financement.

Le Président (M. Charbonneau): Malgré cela, on a par ailleurs - on verra cela avec eux peut-être plus en détail demain - des avis du Conseil supérieur de l'éducation qui, depuis un certain nombre d'années, signale publiquement différents problèmes: des difficultés de planification dans et entre les établissements; la multiplication des activités et des programmes; l'absence, dans certains cas, d'une gestion des ressources d'enseignement et de recherche en fonction d'une modulation des tâches; une course entre les universités et la création de programmes et d'activités dans les mêmes secteurs; une faible importance accordée au contrôle des coûts, à la rationalisation des opérations, etc.

Donc, il y a eu un certain nombre de problèmes de fond; il y a eu aussi des avis du Conseil des universités sur un certain nombre de ces questions et, quand on regarde ces problèmes, on est obligé de reconnaître que, s'il y avait des solutions apportées à certaines de ces questions, il se dégagerait des ressources additionnelles qui pourraient aider. Je ne dis pas qu'on n'est pas rendu à un point où la question que vous posez concernant des ressources additionnelles ne se pose pas, mais j'essaie de voir dans quelle mesure il n'y a que cette solution qui réglerait le problème. Parce qu'on peut arriver ou sortir de cette commission parlementaire avec l'impression que la seule solution, le seul qui a maintenant à faire ses devoirs, c'est l'État, c'est le gouvernement qui a à injecter des fonds et que tous les autres ont fait tout ce qu'il y avait à faire, qu'il n'y a plus d'autres efforts à faire, de part et d'autre, dans le réseau du système d'enseignement universitaire au Québec.

Mme Robinson: Vous avez fait référence au Conseil supérieur de l'éducation...

Le Président (M. Charbonneau): Je pensais au Conseil des universités.

Mme Robinson: J'ai compris que c'était le Conseil des universités. À ce niveau, il ne faudrait peut-être pas oublier que le Conseil des universités recommande également l'engagement de 1500 nouveaux professeurs.

Ce que je vous dis, en fait, c'est que le niveau de financement haussé, dans notre esprit à nous, irait surtout à l'engagement de nouveaux professeurs, parce que c'est là que nos problèmes sont les plus criants, à la fois pour la recherche et pour l'enseignement.

Le Président (M. Charbonneau): D'accord. Je vais y revenir peut-être un petit peu plus tard mais, comme notre temps est limité, je vais laisser l'occasion à d'autres collègues aussi d'échanger avec vous. M. le député d'Argenteuil, vice-président de la commission.

M. Ryan: Mme la présidente, MM. les membres de la délégation des associations de professeurs d'université, j'ai pris connaissance de votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Je vous en remercie et je pense qu'on peut considérer que c'est un mémoire qui nous aide à acquérir une compréhension peut-être encore meilleure de problèmes dont nous sommes déjà saisis depuis un petit bout de temps. Comme professeurs d'université, vous vivez tous les jours les questions dont nous avons causé jusqu'à maintenant, surtout avec le ministre et les administrateurs, et je pense que vous êtes des interlocuteurs indispensables.

Il y a un point sur lequel je constate une convergence à peu près complète entre votre diagnostic et celui que nous avons entendu ce matin de la Conférence des recteurs et principaux; c'est une constatation voulant que le problème numéro un, dans l'immédiat, soit le niveau du financement et non pas la formule de financement.

Cela n'enlève pas la pertinence des discussions relatives à l'amélioration de la formule, mais nous constatons que le problème du niveau de financement est beaucoup plus grave, beaucoup plus urgent et que vouloir améliorer la formule sans toucher au niveau de financement, cela serait, comme vous dites, répartir un peu différemment des choses qui resteraient inacceptables en soi. Cela, je pense, que c'est un point qui est bien entré dans l'esprit de plusieurs membres de la commission, en tout cas, et je souligne que, pour ma part, je suis d'accord sur ce point. (16 h 15)

Un autre point qui me semble bien clair aussi, qui a été établi ce matin et qu'il faut souligner de nouveau pour que le cheminement de nos esprits continue de la manière la plus claire possible, c'est que, contrairement à ce que le ministre disait hier, les problèmes ne commencent pas à partir de demain si le gouvernement ne change pas sa politique l'an prochain, ils sont commencés depuis six ans. Je voudrais porter à l'attention de mon collègue, le président de la commission, que le problème a commencé bien avant la crise économique.

Le ministre des Finances se plaît toujours à signaler que la fameuse crise économique, par laquelle il expliquait tout, aurait commencé à l'été de 1981, alors que les problèmes dont nous parlons peuvent très clairement être retracés dans leur origine jusqu'à 1978. Il y a des gestes très importants qui ont été posés durant l'année 1978-1979 et qui ont marqué un point tournant dans l'histoire du financement des universités. Je pense que c'est pour cela qu'on prend souvent cette base de référence, M. le député de Fabre, parce qu'il y a des choses très importantes qui s'y sont passées. On n'a pas d'objection à remonter jusqu'à 1972-1973 non plus, mais cela vous fera mieux voir le changement de cap qui s'est produit à compter de 1978-1979 et qui aide à comprendre ce qui est arrivé par la suite. De ce point de vue, je pense que c'est clairement établi et il n'y a pas, par conséquent, à s'étendre trop longtemps là-dessus, mais c'est bon de le souligner parce que je pense que, plus on va l'entendre, plus cela va nous aider à comprendre.

Voici une première question que je voudrais vous poser: Vous dites dans votre mémoire, à la page 5, que les universités ont été plus rudement touchées que les autres secteurs de l'éducation et que l'éducation a été plus durement touchée que les autres secteurs de l'administration publique. Hier, dans sa présentation, le ministre de l'Éducation a soutenu le contraire. Il a soutenu - si mes souvenirs sont bons - que, si l'on enlève l'augmentation des dépenses relatives au service de la dette et aux prestations d'aide sociale, la part de sacrifice qui aurait été demandée aux établissements universitaires serait comparable à celle qui a été demandée aux établissements du domaine de la santé. Je ne sais pas si vous voudriez commenter cette affirmation. Je pense que ce serait bon que vous nous disiez sur quoi vous vous appuyez pour affirmer, à la page 5 de votre mémoire, que les universités doivent assumer à elles seules, cette année à titre d'exemple, 10% des compressions que tout l'appareil gouvernemental s'est imposées et 50% des économies que le secteur de l'éducation doit assumer.

Mme Robinson: M. le Président, avec la permission de la commission, je céderai la parole à Gaétan Lévesque.

M. Lévesque (Gaétan): M. le Vice-Président, l'affirmation que nous avons faite à la page 5 de notre mémoire repose sur des écrits qui étaient présentés dans le discours sur le budget, lors de la présentation des crédits, en mars 1984. On y retrouvait une évaluation des compressions budgétaires que l'État - incluant l'ensemble des secteurs public et parapublic - s'imposait, c'est-à-dire 220 000 000 $. Nous savions qu'au niveau universitaire la compression budgétaire imposée pour la même année, c'est-à-dire 1984-1985, était de l'ordre de 22 000 000 $ environ.

D'autre part, dans un article - et cela n'était pas cité dans le document lui-même, dans le document de la défense des crédits -de M. Alain Dubuc, paru le lendemain de la présentation du document du Conseil du trésor, on disait que, selon des informations qu'il avait obtenues, 45 000 000 $ de compressions budgétaires étaient imposées au secteur de l'éducation. Évidemment, ces trois éléments, 220 000 000 $, 22 000 000 $ pour

l'enseignement universitaire et 45 000 000 $ pour le secteur de l'éducation, nous servent à présenter cette argumentation pour l'année 1984-1985. Je ne sais pas si cela répond à votre interrogation.

M. Ryan: Regardez, en partie, j'aimerais que vous commentiez les affirmations qu'a faites le ministre, hier. Je ne sais pas si vous étiez ici hier et si vous avez eu la chance, par conséquent, de prendre connaissance de l'exposé qu'a présenté le ministre de l'Éducation aux pages 7, 8 et 9, en particulier. Est-ce que vous pourriez commenter les affirmations qui sont dans cette partie de l'exposé ministériel?

M, Lévesque (Gaétan): Exactement. C'est d'ailleurs avec beaucoup de surprise que j'ai vu l'évolution de ces paramètres; entre autres, la part du PIB consacrée à la santé et à l'enseignement universitaire entre 1982-1983 et 1984-1985, à savoir que les deux secteurs avaient été relativement touchés de la même manière. Je suis économiste et je suis habitué de jouer avec les chiffres, alors je m'interroge toujours lorsque j'en vois et je m'en vais à la source. Ce que j'ai fait, c'est que j'ai repris le même document, la défense des crédits qui a été présentée par le Conseil du trésor en mars 1984, et j'ai recalculé, à partir des chiffres officiels, l'évolution des ratios au niveau de la santé et de l'enseignement supérieur. Si vous me le permettez, j'ai produit un tableau qui est relativement simple à comprendre et qu'on pourrait vous remettre immédiatement.

Le Président (M. Charbonneau): On peut en faire faire des copies.

M. Lévesque (Gaétan): Je peux commencer à expliquer, ou préférez-vous avoir tous les documents?

Le Président (M. Charbonneau): Je pense que tout le monde en a des copies maintenant.

M. Lévesque (Gaétan): D'accord.

Le Président (M. Charbonneau): Maintenant vous pouvez y aller.

M. Lévesque (Gaétan): Voici ce que j'ai fait. Évidemment, à ce moment, je n'avais que le mémoire lui-même, je n'avais pas l'annexe qui a été présentée, alors j'y allais comme je pouvais. Je me demandais: Qu'est-ce que la santé? J'ai regardé les crédits alloués par grands secteurs sociaux et économiques. J'ai considéré que, pour moi, le domaine de la santé touchait les éléments suivants: les centres hospitaliers de courte durée, les services d'assurance-maladie, les centres d'accueil, les centres hospitaliers de soins de longue durée, les centres locaux de services communautaires et les centres de services sociaux. À mon avis, cela fait le tour de la question des établissements qu'on pourrait appeler de santé.

Au niveau de l'enseignement universitaire, vous constaterez, en regard du document du ministère de l'Éducation, que j'ai repris exactement les mêmes données quoique quelque peu modifiées à cause de l'élément gestion de la dette. Au tableau, j'ai pris les mêmes années, c'est-à-dire l'année 1982-1983 et l'année 1984-1985 et, en ce qui regarde les dépenses des secteurs de la santé et de l'enseignement universitaire, j'ai constaté que les deux secteurs, autant l'un que l'autre, ont été touchés négativement entre 1982-1983 et 1984-1985. Pour la santé, c'est -6%; c'est-à-dire que la contribution de la collectivité québécoise aux dépenses de la santé aurait décliné, par rapport au PIB, de -6% durant ces trois années. Cependant, au niveau de l'enseignement universitaire, la diminution serait de -10,4%.

À la suite de ces résultats, je suis amené à m'interroger sur la valeur des résultats présentés par le ministère de l'Éducation. Évidemment, peut-être qu'à la suite d'analyses plus fines on en arriverait au point où, en tout cas, on pourrait remettre les choses en question mais, jusqu'à présent, je suis porté à croire que la véritable dégradation ou l'écart relatif qu'on retrouve entre le secteur de l'enseignement universitaire et celui de la santé est assez fidèle à ce que nous avons ici.

J'aimerais ajouter une chose. Si, l'enseignement universitaire avait connu une chute, par rapport au PIB, au même taux que la chute au niveau de la santé, ceci représenterait un accroissement des subventions au domaine universitaire de l'ordre de 50 000 000 $. C'est très facile à calculer: vous prenez la première ligne, 1982-1983, la part du PIB consacrée à l'enseignement universitaire, 1,15% du PIB, et vous y attribuez la diminution constatée au niveau de la santé, -6%; vous multipliez par le PIB et vous obtenez une estimation des subventions ou des crédits accordés à l'enseignement universitaire. C'est pour cela que nous maintenons - et cela fait longtemps que nous avons cette position - que l'enseignement universitaire n'a pas été traité comme les autres secteurs public et parapublic depuis 1978-1979. Nous avons ce discours depuis quelques années et nous le maintenons.

M. Ryan: J'ai plusieurs autres questions, mais il y en a une qui m'apparaît fondamentale. J'ai remarqué que le ton de votre mémoire est celui de la critique et de la complainte. Vous évoquez une situation qui

nous paraît déplorable, mais j'ai cherché en vain dans le document des orientations et des propositions pour le redressement de la situation. Nous pouvons bien être d'accord, vous et moi, pour les fins de la discussion, sur la nécessité d'un financement plus acceptable pour les universités, mais sur quelle base va-t-on s'appuyer pour établir un financement plus acceptable et à quelles normes devra-t-on obéir? Avez-vous des propositions à soumettre de ce point de vue là?

Mme Robinson: Malheureusement, on n'a pas... Je m'excuse.

M. Ryan: J'envisage cela sous deux angles: d'abord, sous l'angle de la part de sa richesse collective qu'une société doit être prête à donner à la mission universitaire et sous l'angle du fardeau comparatif qu'elle doit être prête à assumer par rapport à des sociétés environnantes ou comparables.

M. Leclerc (Mariel): M. le Président, il est bien évident que, d'une part, la fédération n'a pas à formuler des propositions dans son document parce que, dans un premier temps, il nous est apparu que les administrations universitaires étaient là pour administrer. Vous allez me dire que cela n'est pas une réponse et, bien sûr, cela n'en est pas une. Cependant, les propositions de redressement se retrouvent intégralement dans le document lorsqu'on demande un redressement de la situation, lequel voudrait dire, à toutes fins utiles, revenir aux années avant le virage qui a entraîné l'enseignement supérieur dans le déboire qu'on connaît actuellement.

En fait, l'affirmation à savoir qu'avant les compressions budgétaires le système était trop gras, était improductif, ceci n'a jamais été prouvé, que l'on sache, d'une part. D'autre part, on prétend, si vous voulez, qu'il y a maintenant une productivité qu'on n'a jamais vue auparavant et que c'est donc une productivité normale, mais encore faudrait-il le prouver. Je me permets une image ici: un coureur de fond peut effectivement courir 25 kilomètres et en dernier lieu, à toutes fins utiles, accélérer la course. Si on évalue sa performance par rapport aux derniers kilomètres, on va prétendre finalement qu'il a atteint une performance exceptionnelle. On ne lui demandera pas, cependant, de faire cette performance durant 25 kilomètres, nous allons l'épuiser. Donc, il y a une marge que selon la performance actuelle nous avons atteint le summum, de la productivité et qu'on est en mesure de la continuer et dire qu'antérieurement, avant 1979, nous étions improductifs. On aimerait avoir une démonstration de cela en bonne et due forme, ce qui n'a pas encore été fait, M. le Président, malgré des tentatives que je passerai sous silence.

M. Ryan: Le syndicalisme nous a habitués à formuler des propositions concrètes pour l'amélioration des situations sociales et économiques qu'il dénonçait au cours des ans. Je ne sais pas si, de votre côté, cela ne serait pas peut-être un effort que vous pourriez vous imposer pour alimenter le travail des parlementaires et des gouvernants qui doivent chercher des solutions à ce problème. Cela n'est qu'une suggestion et je n'attends pas de réponse maintenant, mais ne serait-ce pas une bonne chose qu'ayant établi clairement l'acuité du problème vous cherchiez, avec nous, des solutions par-delà ce qui vient d'être dit? (16 h 30)

Je pense bien qu'on ne pourra pas se contenter de dire: On va revenir au régime qui existait avant le début des compressions budgétaires. Ce que vous dites peut se défendre, mais je pense bien qu'on ne pourra jamais revenir dix ans en arrière, dans aucune situation. J'aimerais que vous nous disiez de quelle manière, suivant quels critères on pourrait assurer à l'avenir un financement plus rationnel, plus stable, plus démocratique, plus équitable des universités. Je ne veux pas qu'on fasse l'exercice maintenant, si vous ne l'avez pas fait collectivement. J'ai bien d'autres questions à poser et je ne veux pas m'éterniser sur celle-ci.

M. Stephenne (Hubert): M. le Président, on s'est refusé, à toutes fins utiles - on l'a dit dans le mémoire - à discuter du partage de la pauvreté. Soyez sûrs et certains que nous sommes prêts à collaborer pour trouver une solution le jour où on nous dira qu'on est d'accord avec notre point de vue. À ce moment-là, nous serons en mesure de vous proposer des moyens pour corriger, de la même façon qu'on sera prêt à vous donner une analyse plus détaillée de la formule que nous a proposée le ministre cette année pour le financement d'une nouvelle clientèle et la nouvelle base de financement de l'ensemble de l'enveloppe.

M. Ryan: Quant au pourcentage de l'activité de recherche dans les dépenses universitaires, à la page 14 de votre mémoire, vous dites que la portion des dépenses totales des universités attribuables à la recherche subventionnée a eu tendance à stagner au Québec de 1973-1974 à 1982-1983. Je pense qu'au graphique 6 vous indiquez que cette affirmation provient de statistiques fédérales. Est-ce que c'est bien ça? Est-ce qu'on pourrait avoir la source précise de cette affirmation et savoir si vous avez eu des occasions de la mettre à jour? Vous vous rapportez à des données de 1982-

1983, mais, pour 1984-1985, auriez-vous des indications quant à ce que serait la situation?

M. Lévesque (Gaétan): En ce qui concerne le graphique 6, la source provient d'un document très récent de Statistique Canada du mois d'août 1984 - c'est vraiment ce qu'il y a de plus récent - dont le titre est "Finance des universités, analyses des tendances 1973-1974 à 1982-1983". En ce qui concerne les années ultérieures à 1982-1983, il n'y a pas encore de données officielles en ce qui concerne les dépenses des universités. On a des choses au niveau des subventions de fonctionnement, évidemment, des données partielles, préliminaires sur certaines autres dépenses, au niveau des inscriptions, mais les grands totaux sont non publiés.

M. Ryan: Est-ce que vous pourriez nous donner une bonne idée du climat qui existe dans les universités entre les professeurs, à la suite des politiques pratiquées par le gouvernement? Quelle conséquence cela entraîne-t-il sur le moral des professeurs, sur le climat général de l'université?

Mme Robinson: Nous n'avons pas fait de recherche quantitative et statistique sur cette question. On peut dire, en général, que la morosité s'installe tranquillement au niveau universitaire et qu'il y a un certain nombre de professeurs qui quittent le réseau, qui s'en vont dans la pratique privée ou à l'extérieur parce que la situation devient de plus en plus intolérable. Les congés de maladie des professeurs ont probablement beaucoup augmenté; les professeurs sont surchargés de travail et le résultat immédiat de cela, c'est le déclin de la recherche et la difficulté d'encadrer les étudiants de deuxième et troisième cycles.

Un des phénomènes que nous pouvons constater - d'ailleurs, cela a bien été dit par le ministre de l'Éducation hier - c'est qu'on n'a pas rattrapé nos voisins au niveau des diplômes à la maîtrise et au doctorat. On peut émettre comme hypothèse que les professeurs ne sont pas très enthousiastes de leurs étudiants de premier cycle et ils n'encouragent pas les études de maîtrise et de doctorat parce qu'ils devront les encadrer par la suite et ils sont déjà essoufflés au premier cycle. C'est un peu la situation qu'on retrouve dans les universités québécoises au niveau des professeurs. Peut-être que mes collègues veulent ajouter des choses.

M. Vaillancourt (Gilbert): Je pense qu'il y a quand même une déconsidération. Il faut rappeler aussi que tout le réseau universitaire n'a pas échappé à la période qui a entouré la loi 70 et les autres lois qui ont suivi. Je me souviens très bien que le premier ministre, à l'époque, se promenait pour tenter de vendre l'idée et les professeurs ne donnaient que six heures par session. Ce n'est peut-être pas allé très très loin, mais la déconsidération dont on parle remonte quand même à quelques années, et l'exposé que le ministre de l'Éducation a fait hier n'est pas de nature à relancer la confiance.

J'aime bien qu'on dise: Les chiffres, c'est important. J'aime bien dire aussi que d'autres choses sont importantes. Quand les gouvernements sont prêts à scraper des millions et des millions au nom d'une idéologie, c'est certain qu'autre chose que les chiffres peut animer un système. Actuellement, quand on parle de morosité tranquille, les professeurs ne sont pas descendus dans la rue, mais vous avez une forme de désengagement qui est encore plus pernicieuse. L'espèce de fin de non-recevoir que le ministre nous a apposée hier, au nom d'une rationalité qui, encore une fois, n'est pas évidente, je ne pense pas que cela ramène les choses.

Actuellement, il y a de la place pour un débat politique sur l'université. Il est évident qu'il n'y a pas de règle, d'objectif qui fixerait le niveau de financement des universités. La question a été posée à nouveau par M. Ryan tout à l'heure. Il n'y a pas de niveau optimal, mais ce n'est pas non plus à l'Ontario à définir ce que sera l'université québécoise. Pas plus que ce n'est au Maghreb ou à l'île Maurice de savoir ce que sera le système québécois. Je pense que la commission parlementaire devrait être capable de redonner une certaine confiance aux professeurs d'université de façon à lever temporairement, pour repartir la machine, cette morosité.

C'est un débat public - et on demandait tout à l'heure quelles sont nos suggestions - mais c'est aussi une volonté gouvernementale de dire: On veut un système qui soit à l'avant-scène, qui soit à la pointe. Ce que le ministre de l'Éducation nous propose, soit d'avoir un système qui ne sera peut-être pas tout à fait dans le peloton, mais un petit peu en arrière du peloton et, quand il sera trop en arrière du peloton, on le ramènera juste un peu en arrière du peloton de façon que dans l'ensemble il ne soit pas si mal, cela n'a jamais fait revoler les choses très haut. Je pense qu'il y a plus que cela pour les professeurs d'université et il est peut-être temps aussi que les parlementaires, que le gouvernement dise la confiance qu'il a dans le réseau universitaire, la confiance qu'il a dans les professeurs et la confiance qu'il a dans un instrument qui a été construit au cours des années et qui devient un instrument capital.

Je pense, encore une fois, que cette avenue... Si les parlementaires ou si le gouvernement se prononçait clairement là-

dessus, il y aurait de quoi encourager les professeurs qui ont fait des efforts considérables. Il ne faut pas oublier que, depuis quelques années, il y a des cadeaux qui ont été donnés. L'équivalent de la population de Saint-Jérôme a été scolarisé sans aucun financement supplémentaire. C'est extraordinaire que vous ayez un corps professoral qui vous ait donné gratuitement 26 000 diplômés, sans un cent de plus dans le système! Cela montre qu'il y a des cadeaux de Noël, il y a des cadeaux de noces et il y a des cadeaux de gouvernement. Il fallait vraiment l'aimer, le gouvernement, pour lui faire cela.

Il reste que la fatigue peut également s'intaller tranquillement chez les professeurs. Et c'est ce qu'on vient de vous dire cet après-midi. On n'est pas venu ici - je ne pense pas que la question de M. Ryan était là - négocier des conventions collectives. On n'est pas venu pleurer sur nos salaires et pleurer sur nos deux téléphones ou quoi que ce soit, ce n'est pas cela qu'on est venu dire. On est venu dire tout simplement que le système, d'après nous - et on le vit quotidiennement - est déconsidéré. Et s'il y avait un financement supérieur qui était appuyé par une volonté du gouvernement de remettre le système comme clé de voûte de l'évolution du peuple québécois, cela aiderait à repartir vers des meilleurs cieux. On est venu vous dire cela.

M. Ryan: J'ai une autre question concernant des secteurs soi-disant mous, des secteurs qui sont particulièrement défavorisés par les politiques actuelles de financement. Est-ce que je dois comprendre que la position de vos fédérations, c'est de suggérer, c'est de demander que ces secteurs soient traités sur un pied d'égalité avec les autres? Est-ce que c'est cela que je dois comprendre de ce qui est à la page 21 de votre mémoire?

Mme Robinson: En fait, dans notre mémoire, premièrement, nous n'avons pas beaucoup parlé de la répartition, c'est-à-dire des nouvelles règles de répartition. Nous avons mentionné que nous avons commencé à étudier cette question et que, pour nous, le message fondamental qu'on voulait donner à la commission, c'était un message de sous-financement.

Dans cet ordre-là, ce que nous considérons, c'est qu'à l'égard des secteurs mous il ne faudrait pas, pour des raisons ponctuelles, fermer des départements et des programmes ou même fermer des facultés dans certaines universités, sous prétexte que ce sont devenus des secteurs mous. Selon nous, la mission fondamentale de l'université en est une à long terme. Par exemple, quand on pense à certaines universités où il y a le spectre de la fermeture d'une faculté, comme la faculté de philosophie, nous considérons que c'est absolument aberrant et c'est ce qu'on dit. Pour nous, il y a actuellement tout le phénomène du virage technologique et cet engouement qu'ont le gouvernement et certains autres intervenants pour les secteurs du virage technologique. Cependant, il ne faudrait pas laisser de côté d'autres secteurs qui sont devenus, avec le temps, des secteurs mous parce que moins fréquentés, au nom d'une efficacité, d'une productivité et d'une rationalité.

M. Ryan: ...pas tout à fait. Au point de vue du financement des clientèles additionnelles pour être plus précis, est-ce que vous avez une politique au sujet des secteurs mous? Est-ce que vous acceptez qu'on différencie ces secteurs de ceux qui sont classés comme étant reliés directement au virage technologique ou si vous refusez ce genre de distinctions?

Mme Robinson: Nous considérons que les nouvelles clientèles de tous les secteurs devraient être traitées sur le même pied, c'est-à-dire financées au même titre.

M. Ryan: Est-ce qu'il y a autre chose à ajouter sur cela?

M. Vaillancourt (Gilbert): Je pense qu'il faut rappeler ce que le ministre de l'Éducation nous expliquait hier. Ce n'est pas un problème philosophique. Il ne faut pas faire dévier le débat. Pourquoi les étudiants en histoire, en philosophie, ou dans d'autres disciplines seraient-ils moins financés? Le ministre de l'Éducation est venu nous dire que, temporairement, on n'avait pas l'argent. Je pense qu'on a répondu hier de façon très pertinente, à partir du moment où l'on juge qu'une discipline est digne d'être enseignée à l'université. Il y a beaucoup de gens qui concourent à faire qu'une discipline un jour, parfois après des années et des années, arrive à être enseignée. Cette discipline, à ce moment, mérite d'être financée.

Ce qu'on demande, finalement, au ministre de l'Éducation, c'est de revenir sur sa vision des choses et de tenter à tout le moins de trouver les sommes pour les financer. Si, à un moment donné, il y a une urgence sociale - ce qu'on reconnaît très bien - à développer certains secteurs de pointe, par exemple, l'informatique... On a dit à un moment donné - cela commence à être un peu moins vrai, mais il y a 36 mois c'était très vrai - qu'il y avait une urgence extraordinaire à acheter des machines partout. Le gouvernement est tout à fait bienvenu d'en donner, mais quand il va nous apporter des chars de machines il ne faudrait pas qu'en même temps il sorte les tables de travail des philosophes et des littérateurs; c'est cela qu'on essaie d'expliquer. Je

reprends la question: Si une discipline est digne d'être une discipline universitaire, je pense qu'elle est digne de financement. Encore une fois, il ne faudrait pas faire d'une question strictement conjoncturelle, comme nous l'expliquait le ministre, une question autre, donc une question philosophique.

M. Ryan: Très bien. Une autre question. Dans votre mémoire, vous écrivez que vous restez fidèles à des principes de coordination que vous aviez définis il y a quelques années. Le premier de ces principes, c'est celui-ci: La coordination ne doit pas être forcée, elle doit plutôt venir de la base. Deuxièmement, elle ne doit pas ramener tout le monde à l'uniformité, elle doit plutôt viser le développement au lieu de chercher à raser et à uniformiser. Je prends le premier principe: La coordination ne doit pas venir d'en haut, mais de la base. En supposant qu'elle ne vienne pas de la base, ce qu'on entend dire souvent, c'est que l'individualisme des universités et même des départements et des facultés à l'intérieur des institutions universitaires n'est pas toujours ce qu'il y a de plus propice à la coordination volontaire. À supposer que cela ne vienne pas et qu'au niveau du gouvernement on constate, par exemple, qu'il y a des secteurs d'activité qui coûtent très cher et qu'il y a un rendement très limité au point de vue du nombre d'élèves qu'ils servent au point de vue de la multiplication des mêmes activités d'une institution à l'autre, comment résolvez-vous ce problème? Est-ce qu'on peut sérieusement affirmer, devant un gouvernement qui doit prendre des décisions parce qu'il doit disposer de ressources limitées, qu'on doit attendre que cela vienne de la base et, si cela ne vient pas, qu'est-ce que vous faites? (16 h 45)

Mme Robinson: II faudrait d'abord rappeler que nous sommes une fédération de syndicats et d'associations, c'est-à-dire trois fédérations de syndicats et associations de professeurs. Il faudrait rappeler également que nous avons toujours participé quand c'était le temps de le faire ou quand on nous a invités à participer. Nous étions présents aux ateliers Laurin et nous avons participé amplement à toutes les délibérations qui ont eu lieu autour des ateliers Laurin. Cependant, cette volonté de coordination ne peut pas venir de nous, bien entendu. Si nous sommes appelés à une table, il nous fera plaisir de participer à cette concertation qui pourrait et qui serait probablement salutaire pour les universités québécoises.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier les professeurs de leur mémoire et de nous avoir si bien sensibilisés aux problèmes qu'ils vivent et qu'ils sentent de très près, compte tenu de leur rôle au centre des universités. Je veux également les remercier de nous avoir rappelés avec pertinence l'importance de l'université dans notre société. Quant à nous, le fait d'avoir accepté cette commission parlementaire témoigne de nos inquiétudes aussi, des deux côtés, je pense, et de l'importance que nous voulons accorder à cette commission et aux mémoires qui nous sont présentés de façon à formuler des recommandations.

Ceci dit, je voudrais tout de même faire un certain nombre de commentaires. Mon premier commentaire va se faire à la suite de ce qu'a dit le député d'Argenteuil. Il a dit: Ce qui est important pour nous, c'est un problème de niveau de financement et moins un problème de formule. Là, il se référait évidemment au cadre de financement. D'abord, dans notre mandat, nous sommes ici pour examiner la question du niveau de financement et également la question du cadre de financement. Donc, on ne peut pas éluder cette question.

Dans votre mémoire, vous touchez surtout la question du niveau de financement. C'est effectivement important qu'on parle de cette question, sauf qu'on ne peut pas non plus en éluder d'autres. Je vais vous donner un exemple. J'ai trouvé ce paragraphe dans un avis du Conseil des universités. C'est un exemple à méditer. C'est un extrait du rapport intitulé "Action for Excellence" -vous le connaissez peut-être - d'un groupe de travail américain présidé par le gouverneur de la Caroline du Nord, où il est dit: "Better use of existing resources must be the first priority in improving the public schools. How states and communities spend their education funds is as important as how much they have to spend". Autrement dit, combien on dépense est aussi important que comment on le dépense. Vous parlez amplement du combien et c'est une question fort importante, mais on ne peut pas éluder non plus, à cette commission, comment on le dépense. J'aimerais qu'on échange un peu sur ce sujet.

Le comment? Cela touche le niveau des subventions que le gouvernement accorde et cela touche aussi la façon dont ce financement est accordé. Là, on revient au cadre de financement. C'est une proposition à savoir comment on veut répartir les fonds de l'État aux universités, selon quels paramètres, etc. On définit aussi, dans le cadre de financement, un certain nombre de priorités et un certain nombre d'objectifs. À ce sujet, j'aimerais avoir vos commentaires sur ces priorités et ces objectifs, mais, avant, il me semble qu'il est important que

le gouvernement se donne des priorités en liaison, en coordination et en consultation avec le milieu universitaire, mais il me semble qu'il est également important que le milieu lui-même, c'est-à-dire les universités, se donne des priorités.

Là, on rejoint la question à savoir comment on dépense l'argent au niveau gouvernemental et comment on dépense l'argent au niveau des universités. Je peux vous donner un exemple. On a entendu la conférence des recteurs, ce matin, nous dire qu'on manquait de ressources dans les universités, par exemple, qu'on manquait de volumes, qu'on manquait de ressources en informatique. Comment expliquer - c'est un problème de gestion interne - que les universités affectent 12% de leur budget à l'administration générale et seulement 5,7% aux bibliothèques, alors que la moyenne canadienne - c'est tiré de Statistique Canada - est respectivement de 9,2% et de 6,6%? Au Québec, dans nos universités, on accorde plus d'importance à l'administration qu'aux bilbiothèques. Remarquez que c'est vrai aussi pour l'ensemble des universités canadiennes, mais dans une proportion beaucoup moindre, 9,2% par rapport à 6,6%.

Le Conseil des universités touche également à cette question, on ne peut pas l'éluder. Vous avez peut-être pris connaissance de l'avis sur l'état et les besoins de la recherche universitaire et de la formation des chercheurs au Québec. En page 31, on a un résumé des objectifs et moyens proposés par les milieux consultés pour améliorer la situation de la recherche. Au plan institutionnel, il y a toute une série de mesures: clarifier la place de la recherche, la mieux valoriser. Moyens d'action: expliciter davantage les attentes, les règles, les sanctions; adopter des priorités et des objectifs clairs, y compris au niveau budgétaire; mieux gérer les ressources humaines; agir au niveau des normes et critères d'embauche, d'évaluation et de promotion des professeurs; moduler l'assignation des tâches d'enseignement, d'administration, de recherche; accroître la qualité et la productivité des programmes d'études avancées, etc. Il y a toute une série de mesures très concrètes qui sont ici proposées. On ne peut quand même pas éluder cela. Cela, c'est sur le comment.

Sur la question du niveau, il y a un certain nombre de constatations qu'on a quand même faites et qui, je pense, sont consenties. Ce matin, le conseil disait: Le système québécois se compare avantageusement à d'autres systèmes, notamment au système ontarien. Il se compare avantageusement, il ne dit pas qu'il est parfait, il ne dit pas qu'il manque de ressources. Votre message, je l'ai bien reçu tout à l'heure, mais c'est un message qui touche beaucoup les discours. Ce qu'on dit à propos des universités, c'est important, mais le fond de la question, les ressources que le milieu québécois consacre aux universités, ce sont quand même des statistiques. Je ne suis pas pour reprendre les statistiques que j'ai formulées ce matin, mais elles sont quand même là et démontrent que l'effort du Québec est énorme vis-à-vis de ces universités. Je ne dis pas qu'il est suffisant, je dis qu'il est énorme, et il y a des points de comparaison qui le démontrent.

Il y a une autre chose que je voulais dire pour compléter, et c'est important. Demain, on va recevoir les étudiants. Ce sont des gens du milieu qui vivent des situations concrètes, comme vous, mais d'un autre point de vue. Les étudiants touchent également à l'efficience de l'université comme étant un point important. Je cite juste une ligne: Les universités doivent donc constamment chercher l'efficacité maximale de l'utilisation de ces sommes. On touche au comment, là aussi. D'ores et déjà, nous pouvons identifier des lacunes béantes dans cette gestion. Dans la majeure partie des campus, la prestation des activités d'enseignement n'est pas sujette à une évaluation. Cela, c'est un exemple, je ne veux pas trop m'étendre là-dessus.

Un autre exemple, la tâche de travail du professeur est indéfinie et la pondération entre les différents facteurs qu'il y a à l'étude lors d'une demande de promotion l'est également. Il en résulte parfois un déséquilibre entre les fonctions d'enseignement et de recherche. Je donne cet exemple parce que vous touchiez à cela, tout à l'heure, dans votre exposé, la modulation de la tâche.

Les étudiants touchent à cette question, la gestion interne, et cela va loin. Le Conseil des universités y touche également et, vous, vous nous dites: C'est un problème de niveau. Je ne veux pas non plus éluder le problème, mais je me dis qu'il y a autre chose qui me semble également important.

Finalement, c'est un peu risqué, ce que je veux dire, mais, quand même, vous semblez définir le rôle du gouvernement comme étant celui d'un pourvoyeur de fonds. Donnez-nous les fonds et on va se débrouiller avec le reste. Cela va quand même loin. J'aimerais cela, en tout cas, je voudrais avoir vos commentaires sur ce que je dis, sur le cadre de financement aussi qui me paraît un instrument important, qui est en discussion présentement devant cette commission, étant un des instruments pouvant nous permettre de mieux voir clair dans tout le système.

J'aimerais avoir vos commentaires aussi sur la responsabilité du milieu - quand je dis milieu, cela ne veut pas dire seulement les professeurs, mais les étudiants aussi, les administrateurs - face à la gestion et à toutes ces questions que soulève le Conseil

des universités et que vont soulever les étudiants demain. C'est ma première question.

Mme Robinson: Dans votre commentaire, M. le député de Fabre, je décèle un certain nombre de questions ou de sous-questions, puisque vous nous dites que c'est votre première question.

Dans un premier temps, je remarque que vous nous avez parlé du cadre de financement et des règles qui sont proposées par le gouvernement, c'est-à-dire par le ministère de l'Éducation, et vous avez un peu de nostalgie parce que nous n'en n'avons pas parlé. Je vous rappelle que, dans notre mémoire, nous avons inclus un certain nombre de commentaires sur le cadre de financement et cela se retrouve aux pages 22 à 28. On peut en discuter plus longuement; cependant, nous ne croyons pas utile de le faire aujourd'hui parce que, pour nous, il s'agissait de vous expliquer que nous sommes actuellement dans une période de sous-financement et que peu importent les cadres, peu importent les règles qui sont proposées par le ministère, cela restera toujours la répartition de la pauvreté.

Par la suite, vous nous avez parlé de la gestion interne, c'est-à-dire de la répartition, mais à l'intérieur de l'université. Vous comprendrez que nous ne répondrons pas à cette question; vous auriez dû la poser à la CREPUQ ce matin. Nous ne sommes pas les administrateurs des universités; nous avons un peu de difficulté à vous parler de gestion.

Sur la question du niveau et de la comparaison possible avec l'Ontario, vous nous dites que le Québec se compare avantageusement avec l'Ontario. Effectivement, certaines statistiques nous permettent de voir que l'effort du Québec a été aussi grand, sinon plus grand, que celui de l'Ontario à certains niveaux à certaines époques. Cependant, je me permettrai ici une petite analogie: si l'enfant du voisin est battu par son père et que, par contre, il réussit quand même bien à l'école, est-ce que vous allez battre votre enfant pour qu'il réussisse bien à l'école? En d'autres mots, si on maltraite les professeurs d'université en Ontario et qu'on maltraite le système ontarien, est-ce que le Québec doit nécessairement maltraiter son système?

Sur la question des étudiants, malheureusement, c'est difficile pour nous de répondre à la dernière partie de votre commentaire parce que nous n'avons pas reçu le mémoire des étudiants et, par conséquent, nous ne savons pas ce qu'il y a dedans.

M. Leduc (Fabre): Ma deuxième question fait suite à ce que vous dites. La coordination doit venir de la base: qu'est-ce que cela veut dire?

M. Vaillancourt (Gilbert): La coordination doit venir de la base, c'est évident. On aurait pu, par exemple, espérer que les directions d'université, il y a dix ans - je ne parle pas d'avant-hier - s'installent dans la concertation. Cela ne s'est pas fait. Vous leur direz tout cela quand vous les reverrez, vous les chicanerez. Une chose est certaine - je vais reprendre ce que Mme Robinson a dit tout à l'heure - dans la mesure où les initiateurs de la concertation qui devraient être les directions universitaires, comme cela s'est fait en Californie au début des années soixante, décideraient un jour de se lever et de se parler, à ce moment-là, les fédérations, les syndicats ne s'y opposeraient pas et on prendrait notre place autour de la table. (17 heures)

Ce qu'on tente de vous dire, c'est qu'on n'a pas d'objection de principe à ce qu'il y ait une rationalisation. Il est certain que, quand vous avez une bibliothèque de l'autre côté de la rue, il suffit de faire 30 pas pour aller chercher un livre; on n'est pas ici pour venir vous demander des sous pour doubler, tripler et quadrupler les services; ce n'est pas cela qu'on vient vous dire. On vous dit: Sur la question de la rationalisation, de la concertation, on serait prêt à collaborer et à examiner des propositions concrètes en espérant que des moteurs se mettent en branle. Encore une fois, chicanez ceux qui ne sont pas partis un jour.

M. Leduc (Fabre): Ces propositions doivent venir de qui?

M. Vaillancourt (Gilbert): Normalement, les directions d'université auraient dû assumer le leadership, ce qui n'interdit pas à l'État d'en assumer un, ce n'est pas cela qu'on dit. On dit que, normalement, le réseau avait suffisamment d'intelligence, de compréhension du milieu pour le faire. Il ne faut pas penser que l'université est déconnectée et que l'État connaît les besoins des citoyens. L'histoire de l'université montre le contraire. Quand les citoyens nous ont dit qu'ils avaient un besoin incroyable de gestionnaires, les universités les ont formés. Ils sont venus nous voir et nous ont dit: On a besoin d'informaticiens. Alors, les universités les ont formés.

Il y a déjà passablement d'écoute de la part des citoyens, de la part des universités. Alors, les directions universitaires, les universités devraient, actuellement, posséder ce qu'il faut pour mettre en branle les réseaux de concertation nécessaires.

M. Leduc (Fabre): Sur le dirigisme de l'État, est-ce que vous pouvez expliquer cela un peu? Vous en parlez à la page 26, ou environ; je ne trouve pas exactement la référence mais, à un moment donné, vous

avez parlé du dirigisme. C'est à la page 24: "En conséquence, il apparaît clairement que l'État exercera un contrôle accru sur la gestion des ressources universitaires." Vous vous référez à quoi exactement?

M. Vaillancourt (Gilbert): Par exemple, je vais prendre tout le programme de ce qu'on appelle les équipes structurantes, les 40 équipes de recherche qui doivent venir révolutionner la recherche. On verra ce qu'ils vont faire. À partir du moment où on dit qu'il y a 6500 professeurs qui n'arrivent pas à faire de la recherche, je vois mal comment 800 nouveaux professeurs vont en faire. Cela s'appelle une espèce de mutation. Vous allez incuber le virus de la recherche; vous allez mettre cela dans l'utérus universitaire et, au bout de trois ans, croîtront des pommiers incroyables. Je ne le sais pas.

Vous avez là un exemple où l'État... Peut-être que l'État n'a pas toute l'expertise, non pas que je nie l'opportunité que l'État se mêle d'éducation. Je viens du milieu des écoles normales; je ne pouvais pas être plus dirigé que dans les écoles normales: vous aviez un "boss", tel principal, il n'y en avait pas d'autres et le chèque, vous le receviez de Québec. Quand vous ne le receviez pas, on disait: Prenez l'autobus et allez le chercher à Québec.

Ce n'est pas tellement contre le dirigisme de l'État, je dis qu'il n'y a peut-être pas nécessairement autant d'expertise qu'on ne veut le laisser croire. Par exemple, d'où viennent les équipes structurantes? Moi, je me doute un peu d'où cela vient, parce qu'un samedi après-midi d'automne on a eu une bonne idée sur le coup et, après, on est revenu en disant: Peut-être qu'elle n'est pas aussi bonne. Et on continue de s'enfarger dedans.

En d'autres termes, l'État n'a pas nécessairement toute l'expertise pour orienter le développement. Peut-être que l'État a une certaine humilité de dire à des gens dont c'est le métier de travailler ces choses: Vous ne pourriez pas intensifier tel secteur? Allez-y! Il n'est peut-être pas utile que l'État dessine les équipes avec l'attaché de recherche, il devrait avoir tel âge, telle paire de souliers, ce n'est pas utile.

On pourrait peut-être se fier au système universitaire pour dire: Écoutez! Il y a un problème actuellement au Québec, on a un problème de recherche dans tel secteur; si on vous donnait 22 000 000 $, pourriez-vous nous faire un plan? Les gens dont c'est le métier de travailler à cela se réunissent, eux autres, le samedi après-midi en "overtime" et ils pensent à un plan et ils vous le soumettent.

C'est ce qu'on dit quand on parle de dirigisme. On ne dit pas qu'on est en Roumanie, on ne dit pas cela, on dit qu'à un moment donné il y a des tentations et ce n'est peut-être pas la bonne orientation. Vous n'allez peut-être pas épargner de l'argent parce que vous vous en occupez; ce n'est pas évident, cela.

M. Leduc (Fabre): Sur le programme d'actions structurantes, j'ai apprécié votre humour mais qui, selon vous, évalue les projets? Vous semblez dire que l'État décide de tout dans ce programme d'actions structurantes; est-ce que vous êtes au courant que c'est du fonds FCAC que sont venus les projets?

M. Vaillancourt (Gilbert): II faut évaluer la pertinence, mais toute la mécanique de création, de dire qu'on va ajouter 800 personnes. La première chose qu'on aurait pu se demander, c'est ceci: Est-ce que les universités peuvent les intégrer? Comme on le disait ce matin, est-ce qu'on a les locaux pour cela? Est-ce qu'on a les équipements? Est-ce qu'on va les trouver? Le ministre, hier, nous disait: Ce n'est pas grave, on va les prendre à l'extérieur. Wo! Wo! ce n'est peut-être pas la bonne question à poser. Peut-être que ce n'est pas le temps de créer 800 jobs; il faudrait peut-être attendre trois ans, quatre ans, cinq ans pour engager le paquet de jeunes diplômés québécois qui se cherchent des jobs. Ce que je vous dis, c'est de prendre le temps et remettre un certain nombre de ces questions à un réseau universitaire qui, pour le moment, donne satisfaction.

Il y a deux ou trois ans, je crois que la compagnie SORECOM a fait un sondage au nom de la CREPUQ et de la FAPUQ et on a dit à la population: Êtes-vous contente des universités? Le monde a dit oui. Il faut quand même cesser de dire qu'on n'est pas "compétitif", qu'on n'est pas concurrentiel. Attendez une seconde! Faites-nous la preuve qu'actuellement les universités ne servent pas bien la population québécoise. Je n'ai pas de leçon à recevoir de l'Ontario. Je n'ai pas de leçon à recevoir de la Bohême ou de la Moravie. Les Québécois nous disent carrément: On est satisfait du régime et on est satisfait des universités. À ce moment, je dis tout simplement à l'État: II faudrait peut-être une certaine humilité et composer davantage avec le réseau des universités qui ne vous a pas refusé grand-chose.

Le ministre de l'Éducation, hier, est venu féliciter les recteurs en disant: Vous faites un job extraordinaire. Sans vous plaindre, vous avez économisé 300 000 000 $. Cela ne va pas si mal puisque vous avez environ 3 000 000 $ de déficit. Donc, le système est perméable à vos pressions. On dit: Ce n'est pas utile de créer toutes sortes de situations où vous allez vous mettre à l'avant, alors que le réseau universitaire est capable de vous

écouter. Il vous écoute tellement qu'à un moment donné, c'est de la soumission totale.

M. Stephenne: J'aimerais peut-être répondre d'une façon plus exacte, à la page 24, sur le dirigisme de l'État. Je m'excuse, on va être obligé d'entrer un peu dans la mécanique. Vous nous avez demandé d'expliciter un peu les raisons pour lesquelles on était un peu en défaveur, à toutes fins utiles, de la nouvelle formule de financement. Pourquoi le dirigisme de l'État? Nous avons pris l'exemple du paramètre taille. Je dois vous référer à l'annexe, si vous voulez, du document ministériel. Dans le document ministériel, on nous dit: Voilà, nous avons catégorisé les clientèles en onze catégories. Il y a la médecine, le génie, les sciences, etc., et chacune est pondérée par un montant d'argent qui qualifie l'importance de cette discipline en termes de formation. Pour certains, c'est 2000 $; pour d'autres, c'est 4000 $, d'autres, c'est 8000 $ et d'autres, c'est 9000 $.

Au niveau de la taille, lorsqu'une discipline ne regroupe pas un nombre suffisant d'étudiants le ministère considère qu'il y a un facteur de pondération qui peut aller jusqu'à 4,4. Donc, vous multipliez 4 fois le coup moyen de l'étudiant dans cette discipline. Je prends un exemple: vous avez des médecins; cela coûte 9000 $ pour former un médecin. Si vous avez 100 médecins seulement dans une institution, on nous dit: Cela ne coûtera pas 9000 $, cela va coûter 4,4 fois plus cher pour former un étudiant. Nous disons que la tentation est très grande pour le ministère de dire: C'est terminé, cette unité est trop petite et je la dissous; je vais l'intégrer au gros groupe.

Lorsque nous connaissons un réseau comme le nôtre avec des universités en périphérie qui, normalement, ne sont ni à Montréal ni à Québec, il est fort possible que l'on retrouve de ces petits groupes. Et il faut bien dire que cela n'est peut-être pas gros, mais ce n'est pas nécessairement petit lorsqu'on est en région. D'où la tentation, si vous voulez, par une formule totalement mécanique, de contrôler l'ouverture et la fermeture. Voilà une façon, à notre sens, totalement indépendante des principes où, strictement par une mesure mécanique, on vient de changer la superficie ou la dimension ou le visage de l'université.

De la même façon, lorsque vous allez vers le bas de cette annexe, on s'aperçoit que le facteur de pondération n'est pas 1. Donc, former un médecin, lorsque vous avez 1000 médecins dans un même groupe, ce n'est plus 1, mais cela peut être 0,7, le facteur de pondération, d'où la tentation d'augmenter la dimension de ces groupes. Donc, il y a au moins deux éléments qui conjuguent pour faire ce genre d'opération.

C'est un exemple pour vous dire la chose suivante: Lorsqu'il y a, à toutes fins utiles, une intervention qui modifie légèrement la structure de la répartition financière, on doit être beaucoup plus prudent que de jouer avec des ratios, comme on l'a fait durant deux jours, et finalement des grands nombres. C'est beaucoup plus subtil que cela. Depuis cinq ou six ans on nous annonçait, chaque année, les paramètres du financement des universités ou la répartition de l'enveloppe et il fallait être fin clerc pour pouvoir déceler les modifications. Le texte était pratiquement le même; vous aviez un mot ou une virgule qui changeait totalement l'environnement et c'était, à toutes fins utiles, imperceptible. Il fallait être un spécialiste en économie ou dans une discipline tout à fait particulière et travailler à longueur de jour pour pouvoir déceler, si vous voulez, ces différences.

Si vous nous demandez, à toutes fins utiles, ce que nous en pensons, on va vous demander de respirer un petit peu, de faire nos devoirs et de venir en discuter avec vous un peu plus tard. Cela ne fait pas tellement longtemps qu'on a eu l'occasion de mettre la main sur ces fameuses règles de financement.

M. Leduc (Fabre): Cela m'éclaire sur les questions que j'avais à poser. Je vous remercie.

Le Président (M. Charbonneau): Je vous remercie.

M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai pris connaissance de votre mémoire. Vous situez le rôle de l'université; vous identifiez plusieurs problèmes. Moi, je partage vos inquiétudes sur plusieurs points que vous soulevez mais je dois vous dire que j'ai été déçu, justement, de ne pas trouver dans votre mémoire des remèdes ou des solutions aux problèmes qui étaient soulevés.

Évidemment, vous dites, c'est sûr: c'est une question de sous-financement. Je ne paierai pas n'importe quelle facture. Je pense qu'on doit baliser cela tout de même. Si vous me dites qu'il faut investir sans fin, bien je vais vous dire non, je vais vous dire qu'il y a tout de même des problèmes ici au Québec. Il faut également tenir compte des demandes qui nous sont faites par différents secteurs de la société.

J'aurais bien aimé qu'on me dise qu'il faut peut-être injecter 100 000 000 $ de plus, 150 000 000 $. Ce n'est peut-être pas un montant énorme pour arriver à donner une qualité d'enseignement acceptable. Or, ce que vous dites, c'est assez sévère, c'est très critique. Vous dites: "II y a des choses qui ont été faites, on n'est pas d'accord", vous identifiez beaucoup de points sur lesquels il faudrait apporter des correctifs.

Je vous répète, j'aimerais bien connaître la facture de tout cela et puis je voudrais peut-être toucher à la question de qualité. Je pense que cela doit être une de nos préoccupations dans le domaine de l'éducation; c'est sûrement la vôtre. Je pense que vous êtes peut-être ceux qui sont le mieux placés pour juger de la diminution de la qualité de l'enseignement dans les universités.

Vous dites d'emblée que la qualité a diminué. Vous dites: "Nous, on ne croit pas tellement à cela la productivité, l'augmentation de productivité. On parle qu'il a fallu augmenter la performance; vous dites pas tellement. On l'a fait, bien sûr, mais on n'a pas tout solutionné, tout n'est pas pour le meilleur dans le meilleur des mondes".

Je voudrais vous entendre sur la question de qualité de l'enseignement au niveau des universités. Comment mesurez-vous cela la diminution de qualité de l'enseignement?

Mme Robinson: Pour la première partie de votre intervention, bien sûr, nous n'avons pas de recommandations formulées dans notre mémoire. Je dois vous dire que, depuis les cinq ou six dernières années, on a été tellement écrasé par les compressions budgétaires que le moindre cent ajouté au secteur universitaire nous ferait sourire un peu. C'est-à-dire qu'on serait contents.

Par contre, on pourrait, avec le Conseil des universités, par exemple, recommander, sans risque de se tromper, l'ouverture de 1500 postes de professeurs à l'université, dans le réseau universitaire. C'est une recommandation qui a été faite par le Conseil des universités et qui agrée aux trois fédérations. (17 h 15)

Sur la question de la qualité de l'enseignement, on doit admettre qu'effectivement si cela continue, la qualité de l'enseignement va décliner, va diminuer et l'université va se rétrécir. Il ne s'agit pas de dire qu'au cours des trois dernières années, les universités québécoises ont diplômé des étudiants qui n'avaient pas la qualité de ceux d'il y a 20 ans. Ce n'est pas ce que cela veut dire. Ce que cela veut dire, c'est qu'à l'ère du virage technologique, de l'informatique et de l'audiovisuel, on n'est pas capable de développer nos cours avec autant de finesse qu'on pourrait le faire si les compressions n'étaient pas aussi grandes. C'est cela qu'on dit. On dit également que dans des cours de premier cycle, on est obligé de réduire la banque de cours optionnels. Donc, on forme des étudiants sur un même moule, alors qu'on pourrait leur offrir un certain nombre de cours optionnels de plus, c'est cela qu'on dit. On dit également que les étudiants de premier cycle n'ont pas l'encadrement qu'ils méritent parce que les professeurs n'ont pas le temps de donner cet encadrement et parce qu'il y a trop de chargés de cours dans le réseau; c'est-à-dire que les chargés de cours, par principe, ne font pas d'encadrement d'étudiants. On dit également que les professeurs sont débordés et ne font plus de recherche. Par conséquent, la qualité de l'enseignement à long terme peut s'en ressentir parce que lorsqu'on fait de la recherche on le fait nécessairement pour améliorer notre enseignement, on ne fait pas de la recherche sur un dix sous comme disait un animateur de radio de la région de Québec. On ne passe pas notre vie à chercher la grandeur d'un dix sous mais on fait surtout de la recherche pour améliorer, pour augmenter notre enseignement. Alors, c'est à tous ces niveaux que nous disons qu'actuellement le problème du sous-financement entraîne nécessairement le rétrécissement de l'université et, par ricochet, affecte la qualité de l'enseignement aux étudiants.

M. Leduc (Saint-Laurent): Donc, vous partagez le jugement de la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec qui disait ce matin que le sous-financement équivalait à une diminution et était directement relié à une diminution de la qualité de l'enseignement?

Mme Robinson: Est directement relié à un rétrécissement de l'université qui entraîne la diminution de la qualité de l'enseignement en général. Cela ne veut pas dire que les professeurs sont de moins bons professeurs, cela veut dire que le système, pris dans sa globalité est nécessairement diminué.

M. Vaillancourt (Gilbert): Je ne suis pas tout à fait d'accord. Quand vous dites qu'il n'y a pas de formulation. Très bien, il n'y a pas de tables des recommandations, mais même si on chiffrait, M. le député, les choses qui sont là, est-ce qu'on serait tellement plus crédibles? Par exemple, quand on vient vous dire que dans une université -quelques-uns d'entre vous sûrement ont des enfants à l'université ou ont des neveux ou des nièces - 60% de tous les cours sont donnés par des professeurs à la leçon. La question qu'on pose aux élus du peuple est la suivante: Est-ce que c'est une situation admissible? Je veux bien qu'on ne se compare pas à Stanford, d'accord. Mais acceptez-vous, vous, comme élus québécois, qu'une université s'en aille et maintienne ses 60% de chargés de cours? Voulez-vous le chiffre? On va le multiplier. On le sait, cela coûte 42 ou 46 en moyenne, on ne se chicanera pas sur les chiffres et on va multiplier. On ne sera pas plus crédible parce qu'on va mettre une série de choses dans cela. Si l'on vous dit: Les coupures on

ne peut plus en prendre. Cela veut dire quoi? C'est 20 000 000 $ ou quelque chose. Vous l'avez le chiffre. Vous allez nous dire à un moment donné qu'on pourrait continuer de comprimer et je vais vous dire: Vous avez raison. L'année passé il y a des étudiants qui sont sortis à Paris pendant plusieurs semaines. Savez-vous pourquoi? Parce qu'ils protestaient parce qu'ils étaient 300 dans un laboratoire de linguistique. Il n'y en a pas de fond du baril. À la limite, on aurait un professeur au Forum pour 25 000 étudiants; quelqu'un de brillant, c'est évident. Il n'y en pas de fond du baril...

Le Président (M. Charbonneau): II faudrait qu'il soit travaillant.

M. Vaillancourt (Gilbert): Absolument. Si vous nous dites: Où est-ce qu'à un moment donné le fond va être atteint. Je connais la situation au Bangladesh, c'est épouvatable, il n'y en a pas de fond. Si vous me dites: Les coûts, qu'est-ce qui serait le mieux? Je vous laisse cela à vous. Est-ce que l'université québécoise peut recruter, par exemple, un corps professoral régulier? Pensez-vous que 70% d'encadrement par les professeurs réguliers serait quelque chose de bien? Si vous dites oui, je vais appeler tous les "helpers" du ministre et ils vont tout nous calculer cela, ce n'est pas long. Ce que je veux mettre en cause ici, c'est la chose suivante: c'est la volonté politique d'avoir un système universitaire québécois cohérent, dynamique et porteur d'avenir. C'est cela qu'on veut venir vous dire. Une fois que vous allez dire: oui, les chiffres, cela va venir vite. Si vous ne voulez pas bouger, il n'y aura pas un cent qui va sortir. Par exemple, aux États-Unis on a dit: Cela nous prend un rnicro-ordinateur "made in America". On a sorti 900 000 000 $ en trois semaines. Volonté politique d'agir quelque part. Mais si vous n'avez pas la volonté politique ou si le gouvernement dit: Cela n'est pas vendable électoralement les universités, je suis complètement d'accord. Il n'y aura pas 0,50 $ qui sortiront. C'est bien évident.

Le Président (M. Charbonneau): C'est notre problème.

M. Vaillancourt (Gilbert): Eh bien, voilà, vous l'avez. C'est le vôtre, mais on vous chicanera après, cependant. Ne l'oubliez pas. Il demeure que ce sont des décisions... Ce que l'on veut dire cet après-midi, c'est que ce sont des décisions politiques. C'est légitime pour un gouvernement de dire: On va rétrécir le système. Beaucoup de pays ont des contingentements épouvantables où une toute petite fraction privilégiée atteint l'université. Dans les pays de l'Est en particulier, il y a des contingentements terribles. Ce n'est pas ce que je dis. Il y a quand même à l'intérieur de cela, M. le député, des propositions implicites. Si à un moment donné il était utile à la commission qu'on chiffre un certain nombre de choses, je suis persuadé qu'on pourrait vous envoyer une feuille où on sortirait un certain nombre de propositions chiffrées, mais, d'après moi, notre crédibilité n'en serait pas davantage accrue. Au contraire, vous sursauteriez davantage.

M. Leduc (Saint-Laurent): II faut tout de même reconnaître qu'au Québec, on investit passablement dans l'éducation. Je pense qu'on fait des efforts assez considérables. Alors s'il faut diminuer le nombre de chargés de cours, je veux bien, si vous voulez tous les éliminer, non. Or, évidemment, si vous me dites: On arriverait avec la facture, ensuite cela va coûter 500 000 000 $; je vais vous dire: Non, je ne suis pas capable de la payer. Alors, la société n'est pas capable de la payer.

Je voudrais maintenant toucher à la question du vieillissement des professeurs. Ce matin, la conférence des recteurs nous mentionnait qu'il y avait un problème de vieillissement chez les professeurs. Je voudrais connaître vos remarques à ce sujet et que vous me disiez également si vous êtes d'accord avec le retrait de la loi 15 qui enlève l'obligation de prendre la retraite à 65 ans. Cela a un impact sur le vieillissement des professeurs, surtout au niveau universitaire.

Mme Robinson: Sur la question du vieillissement des professeurs, nous aimerions mettre la pédale douce légèrement. À notre sens, c'est un faux problème. Le vieillissement des professeurs est directement relié au vieillissement de la population québécoise. On ne peut pas dire qu'il y a un vieillissement de professeurs plus grand qu'au niveau du vieillissement du corps professoral. C'est la première mise en garde que je voulais faire. La deuxième mise en garde est que pour nous, la question du vieillissement du corps professoral, c'est-à-dire l'avancement en âge du corps professoral, on ne peut pas ne pas l'admettre; il existe, il est présent et on le voit. Cependant, ce qui, pour nous, est le plus important, c'est non pas les hypothèses ou les possibilités de mise à la retraite anticipée, c'est l'ouverture de postes de jeunes professeurs. Notre plus gros problème actuellement et ce qui nous fait le plus mal au coeur, c'est de voir des jeunes chercheurs que nous avons formés dans nos universités qu'on ne peut pas engager sous prétexte qu'il y a des compressions budgétaires. Alors, cela veut dire en fait que pour nous ce qui est le plus important c'est d'ouvrir des postes et de permettre à ces jeunes chercheurs d'entrer à l'université.

Sur la question du vieillissement, ce

serait peut-être intéressant de faire un tour de table et d'essayer de voir quel est l'âge idéal pour prendre sa retraite quand on est professeur d'université comme lorsqu'on est n'importe où sur le marché du travail. Je voudrais simplement rappeler à la commission que les prix Nobel et les chercheurs ont fait leurs découvertes à un âge passablement avancé. Nous sommes en total désaccord avec la non-application de la loi 15 aux professeurs d'université.

M. Leduc (Saint-Laurent): L'âge moyen au niveau universitaire...

M. Vaillancourt (Gilbert): C'est 44 ans.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je pensais que c'était 50 ans.

M. Vaillancourt (Gilbert): Ah non. J'ai les cheveux gris, mais ce n'est pas tout le monde.

Mme Robinson: L'âge moyen dans le réseau universitaire actuellement est de 44 ans. Disons que cela varie entre 44 et 46 ans. On pourrait peut-être faire une espèce de tableau ou essayer d'exposer un certain tableau. Il y a quelques femmes à l'université; elles commencent à être productives. Je m'excuse pour toutes les femmes qui sont là, mais quand on est mère de famille - et peut-être aussi qu'il y a un certain nombre de pères de famille qui s'occupent de leurs enfants un peu - on commence à être productif quand les enfants commencent à aller à l'école et c'est à peu près aux alentours de 40 ou 45 ans. Cela veut dire que si on commence à parler de retraite anticipée à 55 ans, un professeur d'université aura été productif pendant dix ans. C'est incroyable. On a investi dans ces professeurs, on leur a donné la possibilité de bénéficier de congés de perfectionnement, de faire des doctorats aux frais de l'État et on va les mettre à la retraite anticipée sous prétexte que le vieillissement du corps professoral est devenu grave. Je pense que c'est un faux problème. On veut essayer de rajeunir le corps professoral, mais pour nous, rajeunir le corps professoral, cela veut dire ouvrir des postes aux jeunes chercheurs à l'université.

M. Leduc (Saint-Laurent): Rendu à 65 ans, on est aussi intéressé à se perfectionner et à se recycler qu'à un âge plus jeune.

Mme Robinson: II me semble que oui, en fait. Il y a des gens...

M. Leduc (Saint-Laurent): Ce sont des fins de carrière, tout de même, à 65 ans.

Mme Robinson: II y a des gens, à 65 ans, qui ont commencé de nouvelles carrières. Il y a des présidents de pays qui ont commencé des nouvelles carrières à 65 ans. Il y a des juges à la Cour suprême. Il me semble que c'est un faux problème. Qu'on permette à des gens de quitter le réseau, cela va. Qu'on permette à des gens qui ne sont plus intéressés à quitter, cela va également, mais qu'on les force à le faire, on est moins d'accord.

M. Leduc (Saint-Laurent): Donc, vous n'êtes pas d'accord avec l'affirmation de la Conférence des recteurs et principaux des universités.

M. Ryan: Remarquez que le Parti libéral non plus.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela prend quelqu'un pour porter le flambeau. Si on regarde la nouvelle formule, le nouveau cadre de financement, je voudrais savoir si vous êtes d'accord avec les paramètres qui sont établis dans cette formule, soit la discipline, les cycles, la tâche et la recherche. Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'on identifie ces quatre paramètres?

M. Lévesque (Gaétan): Oui, nous sommes d'accord - nous en avons d'ailleurs parlé dans notre mémoire - avec les paramètres qui ont été retenus. On s'interroge tout de même sur les implications que ceci entraîne. Avec les paramètres qui ont été retenus, nous sommes essentiellement d'accord. On considère que financer les clientèles étudiantes selon le cycle d'études, c'est une chose dont on parle depuis pas mal longtemps, et on considère que c'est une politique qui est appropriée dans les circonstances, d'autant plus qu'actuellement, compte tenu de l'augmentation des clientèles dans le domaine du virage technologique et des coûts moyens qui sont relativement élevés, nous pensons que c'est tout à fait normal.

En ce qui concerne le phénomène taille, nous sommes aussi d'accord avec la mesure de ce phénomène. Toutefois, on s'interroge sur la pertinence des études réalisées. Évidemment, lorsqu'il y a dix ou onze établissements qui connaissent des réalités très différentes l'un de l'autre, par exemple, à Rimouski, l'Université de Rouyn-Noranda et l'Université de Montréal, il y a des réalités très différentes et qui ont des conséquences au niveau financier.

En ce qui concerne la recherche, nous sommes aussi d'accord. Nous sommes heureux de constater que le ministère a accepté le fait qu'il existe des frais indirects impliqués par la recherche. Cependant, le traitement qui a été fait au niveau du cadre de financement, c'est-à-dire comment ils l'ont introduit, comment ils l'ont intégré, on

considère que ce n'est pas tout à fait souhaitable, cette façon de procéder. Toutefois, on sait que le ministre de l'Éducation a annoncé hier qu'il ne mettrait pas en application ce nouveau mode de financement pour l'année 1984-1985. Donc, cela veut dire qu'il y a possibilité d'améliorer la méthode actuelle.

Nous sommes d'accord sur ce plan au niveau des principes. On s'interroge tout de même. Nous avons dit tout à l'heure qu'il y a possibilité de contrôle plus élevé de l'État. Tout de même, on considère qu'en termes d'imputabilité, de comptabilité, c'est important que les éléments du financement soient clarifiés, soient plus raffinés, si vous voulez. Est-ce que ça répond à votre question? (17 h 30)

M. Leduc (Saint-Laurent): Êtes-vous d'accord avec la répartition de l'allocation à l'intérieur de l'université entre les facultés? Est-ce que vous trouvez que la répartition se fait d'une façon équitable et acceptable?

M. Vaillancourt (Gilbert): C'est une négociation permanente. Je me souviens, il y a 25 ans, on discutait de cela. C'est l'éternel débat du sec et de l'humide. Si vous êtes en chimie, vous êtes humide. Je ne sais pas d'où vient cette affaire. Si vous êtes en sciences humaines, vous êtes sec. Et c'est une éternelle négociation entre les choses. Entre les facultés, je pense qu'il faut laisser les forces de l'université discuter de cela. Je vois mal comment la commission va arbitrer cela. Cela fait un siècle que cela existe. Je ne vois pas bien comment nous pourrions, cet après-midi, donner une réponse sur la répartition à l'intérieur de l'université.

M. Leduc (Saint-Laurent): Qu'est-ce que vous pensez des contingentements?

M. Vaillancourt (Gilbert): Je suis contre, "très" contre. Ce que j'en pense, M. le député? Contre. Parce que le gouvernement n'a pas dit autre chose depuis 25 ans. Le gouvernement, il y a 25 ans, s'est oublié, quelque part au début des années soixante, et il a dit: Tout jeune Québécois qui aura les capacités ira un jour à l'université s'il en a le désir et on va le recevoir. Depuis ce temps, le gouvernement n'a jamais dit rien d'autre. En réalité - je ne veux blesser personne, mais c'est évidemment un discours très hypocrite - il a forcé les universités à faire des contingentements. Pour une université comme l'UQAM, qui est censée être une université démocratique et ouverte, 37% des programmes de premier cycle sont contingentés ainsi que 38% des programmes de deuxième cycle. En d'autres termes, entre le discours que le gouvernement a tenu en disant que les jeunes Québécois pourront aller à l'université et la réalité, il y a quand même une marge. Je pense qu'il faut le plus possible, d'après moi, ouvrir les universités, même si actuellement dire cela - les trois fédérations le disent - c'est aller à contre-courant. On sait que c'est carrément prêcher dans le désert, qu'on ne se fera pas écouter quand on répète une chose comme cela au moment où tous les pays européens resserrent les cordons de la bourse, c'est-à-dire qu'il faut continuer de se battre pour que le plus possible de citoyens un jour aient accès à cette richesse.

C'est quand même bizarre. Je veux terminer là-dessus. Il y a vingt ans s'éduquer, c'était une richesse. Aujourd'hui, c'est une honte parce que cela coûte cher à l'État. Il y a quelque part pendant ces années une espèce de dérive qui s'est faite. Je pense qu'il faut carrément répéter que l'accessibilité doit rester un idéal collectif et il faut le plus possible ouvrir les universités.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous avez 2500 candidats à la médecine, est-ce que vous acceptez les 2500?

M. Vaillancourt (Gilbert): Je ne sais si je vais les accepter. Une chose est certaine, vous en cherchez pour la Côte-Nord, mais on n'en trouve pas.

Mme Robinson: Je peux peut-être ajouter à l'intervention de M. Vaillancourt que nous avons redit dans notre mémoire - à la page 34 - notre attachement profond à l'accessibilité et nous reprenons là, dans cette page, la définition qu'on donne de l'accessibilité et qu'on a toujours donnée au Québec. Pour nous, c'est un principe fondamental. C'est ce principe fondamental qui nous a permis de rédiger le mémoire et de nous présenter à la commission.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous avez une opinion sur la question des frais de scolarité?

M. Vaillancourt (Gilbert): C'est la même chose que pour les contingentements, M. le député. Je pense qu'il ne faut pas toucher aux frais de scolarité. Ce n'est pas pour des raisons démagogiques, ce n'est pas parce qu'on craint d'affronter les étudiants ou quoi que ce soit, je pense que c'est un idéal, même dans les conjonctures difficiles -c'est un fait que le Québec traverse une conjoncture difficile, c'est un fait qu'il y a une crise économique, on le sait, puisqu'on a eu une réduction d'environ 300 000 000 $ de ce qu'on aurait pu avoir - qu'il faut garder. Ce qui peut faciliter l'entrée des étudiants dans les universités, maintenant que nous, qui sommes dans la quarantaine, avons largement été bénéficiaires d'un système généreux, maintenant qu'on peut payer des impôts à

notre tour, qu'on peut financer le système -c'est aussi être généreux envers les gens qui s'en viennent, envers les jeunes qui s'en viennent et accepter d'être taxés s'il le faut, mais le plus possible laisser les portes ouvertes.

Le gel des frais de scolarité, c'est une manière. On ne plaide pas pour les retirer demain matin, ce n'est pas cela qu'on dit. On dit qu'il ne serait pas opportun actuellement d'y toucher. Je pense que le fait qu'il existe un faible taux - l'inverse n'a pas été démontré - de frais de scolarité, cela facilite l'entrée à l'université. L'hypothèse qui a été donnée ce matin est une hypothèse. La vérification n'a pas encore été faite. Mais même si c'était, M. le député, 10% des étudiants qui étaient empêchés de venir étudier, je pense que cela serait une perte pour la société québécoise. C'est irréaliste, vous allez me dire, c'est poétique, mais je pense que c'est nécessaire de laisser les portes ouvertes et puis, on devait se le fixer comme idéal collectif.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes pour le gel, donc contre l'abolition.

Mme Robinson: Sur cette question de gel, je voudrais vous rappeler que la FAPUQ s'est déjà prononcée pour le gel des frais de scolarité, à l'époque de la question de l'augmentation des frais de scolarité pour les étrangers, dans un télégramme envoyé au ministre de l'Éducation au printemps dernier.

M. Leduc (Saint-Laurent): Merci.

Le Président (M. Charbomeau): Avant de passer la parole, j'aurais quasiment le goût de dire que je n'ai pas l'impression que personne néanmoins ici, autour de cette salle, n'ait tenté de considérer l'éducation comme une honte. Je ne pense pas que les exagérations, des fois, servent les bonnes causes. Je pense qu'on est encore convaincu que c'est une richesse. En huit ans de carrière politique, je n'ai pas entendu beaucoup de gens qui ont tenu un discours de cette nature. Peut-être que des gestes, parfois, peuvent amener à penser des choses, mais en tout cas.

M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Après tout ce qui s'est dit, j'essaierai de concentrer mon intervention sur quelques considérations générales et quelques points plus précis, par la suite.

Tout d'abord, je tiens à réaffirmer, moi aussi, qu'il est de l'avis de tous et de chacun autour de cette table, que l'université joue un rôle d'importance et de premier plan dans la société. Cela, je crois que c'est une vérité, quasiment, de La Palice de le dire, mais je sens le besoin de le répéter parce que votre intervention et votre texte laissaient entendre que vous croyez que certaines personnes considèrent l'université comme étant quelque chose de peu d'importance.

Je crois qu'il faut être bien sur la même longueur d'onde et reconnaître que tout le monde reconnaît l'importance de l'université, comme un facteur d'avancement d'une société.

Maintenant, je vais me référer à certaines des interventions. On a dit: "II fut un temps où s'éduquer, c'était s'enrichir", c'est vrai, mais il ne faut pas oublier un aspect aussi, c'est que pour s'éduquer, cela prend de la richesse. Pour s'éduquer, cela prend de la richesse et c'est un peu cette réalité qui fait que nous vivons, aujourd'hui, un problème de compression. Si on pouvait s'éduquer sans avoir recours à de la richesse, cela serait facile d'avoir les plus beaux systèmes d'éducation et de belle formation. On mettrait un étudiant par professeur, etc., parce qu'à la limite, il n'y a pas, comme on a dit tantôt, de normes absolues qui déterminent les conditions requises pour une qualité de la formation. On peut toujours en mettre, il y a toujours place pour améliorer les conditions en vue d'assurer la qualité de l'éducation.

On a vécu un problème, dans la société, de compression de la richesse. Tantôt, quelqu'un d'entre vous disait: "Je ne serai jamais d'accord à partager la pauvreté". Moi, je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites. Il va falloir qu'on soit d'accord et on a dû être d'accord, malgré nous, à partager une moindre richesse.

Le danger, c'est que quand on défend un secteur, c'est de faire abstraction de l'ensemble. Mon expérience, depuis quelque temps, c'est que quand on prend chaque secteur isolément, en soi, quand on l'analyse, il a toutes les raisons d'exiger et d'obtenir davantage de la société, mais quand on a une situation où globalement il y en a moins, il faut que l'ensemble des secteurs acceptent de partager une moindre richesse. Le défi, actuellement, dans notre société, c'est de tenter de faire aussi bien et mieux avec un peu moins de richesse.

Cela, je crois que le ministre l'a reconnu, le gouvernement l'a reconnu, nous avons tous reconnu que les universités, depuis trois, quatre ou cinq ans, ont participé à cette moindre richesse. On peut dire qu'elles ont probablement - je ne sais pas, cela dépend des appréciations - fait aussi bien durant les trois dernières années avec moins de richesse.

Vous dites que la qualité a diminué, les conditions de travail sont peut-être moins réjouissantes qu'elles étaient, mais la qualité du produit, au bout, je ne suis pas sûr qu'elle est moindre qu'il y a quatre ou cinq ans. Je ne suis pas sûr.

C'est un défi et je reconnais avec vous, cependant, que si on ne veut pas régresser quant à la qualité de l'éducation, il faut s'arrêter à un moment donné. Il y a une limite à la moindre richesse, parce qu'à ce moment, quand on joue trop sur le quantitatif, c'est le qualitatif qui en subit la conséquence; mais très souvent, on peut protéger un degré de qualité en variant passablement le quantitatif. Cela peut être une thèse hégélienne que j'avance là. Je reconnais qu'il y a une limite à la décroissance quantitative, là on arrive à toucher la qualité. Peut-être qu'on a atteint la limite, est-ce que c'est l'an dernier ou il y a deux ans, ou est-ce qu'on l'atteint cette année ou on l'atteindra l'an prochain? Là on peut différer d'opinion et d'analyse sur cela. Je pense que vous êtes bien placés pour porter un jugement sur cet aspect.

On a dit tantôt aussi que c'est une simple question de volonté politique. C'est vrai, dans un sens, que voulez-vous? C'est vrai que c'est une question de volonté politique. Le gouvernement pourrait décider demain d'injecter 50 000 000 $ de plus, mais la volonté politique ne s'exercera pas indépendamment d'autres facteurs, il y a une réalité budgétaire qui est derrière. Et on se dit: Si on décide d'en mettre plus là, il va falloir qu'on le prenne ailleurs. Alors, une décision politique ne se fait pas indépendamment d'autres facteurs, d'autres considérations qui contraignent à un moment donné la volonté politique.

La question qu'on peut se poser: Est-ce que, collectivement, dans la société québécoise, l'effort que l'on fournit est en deçà de ce qu'on devrait fournir étant donné la richesse collective que l'on partage? La question peut se poser. Il n'y a pas de normes absolus, ce n'est pas facile de répondre à cette question. Mais là, on a eu recours à certaines comparaisons avec des sociétés aussi avancées que la nôtre et on a essayé de voir l'effort qu'elles accordent à l'éducation en tenant compte de leur richesse collective. C'est pour cela que ce n'est pas un problème facile à résoudre et les décisions politiques dans ce domaine ne sont pas faciles à prendre non plus. Comme je le disais tantôt: pour s'éduquer cela prend de la richesse. Vous allez me dire: Oui, mais formons nos gens et ils vont en créer de la richesse. Mais cela pourra peut-être prendre 20 ans avant que ceux qu'on forme aujourd'hui puissent contribuer à créer de la richesse. Il faut aussi qu'entre-temps on puisse se permettre, dans les années en cours de former ceux qui sont là. D'où la préoccupation du gouvernement de consacrer une partie de la richesse collective pour créer d'autres richesses, c'est-à-dire d'investir une partie des montants dans l'accroissement de notre moyen de production ou de productivité pour relancer et activer l'économie.

Vous allez me dire: Très bien, le capital humain, il faut investir dans cela aussi. Je suis d'accord, mais il faut établir un juste équilibre entre les deux. Si une société met trop un pourcentage de sa richesse collective dans l'éducation, on arrivera avec les années à avoir de moins en moins de richesses pour soutenir le système de l'éducation. C'est ce juste équilibre que le gouvernement essaie de maintenir présentement. Je crois que notre responsabilité actuellement, c'est d'analyser la situation et d'essayer de faire des recommandations au gouvernement pour dire: Écoutez là, actuellement, avec les ressources qui sont là, la quantité de ressources que vous mettez, on ne peut pas obtenir plus de rendement. Comme certains l'ont avancé ce matin, il semblerait qu'avec les ressources qu'on y met, si on gérait mieux à l'intérieur du réseau, non pas seulement de l'institution mais globalement, l'ensemble des ressources que la collectivité québécoise consent à l'éducation universitaire, à la formation universitaire, à l'enseignement universitaire, on pourrait avoir un meilleur produit. Alors, là le gouvernement va avoir la tentation de dire: Ecoutez, on n'ira pas à la solution de facilité en leur donnant plus d'argent, on va les forcer à améliorer leur gestion parce que l'état actuel de la société ne nous permet pas d'ajouter des sommes tant qu'on ne sera pas assuré d'abord qu'on les gère ces ressources avec le maximum de rendement. (17 h 45)

Ce sont des considérations un peu générales que je fais, mais je pense que c'est en tenant compte de tous ces facteurs qu'on peut arriver à se faire une idée et à porter un jugement et une évaluation sur une décision politique. Dans ce cadre-là, je n'entrerai pas dans le détail, mais j'aimerais tout simplement revenir sur un point: la question de la tâche de l'enseignant. Vous avez dit tantôt que les enseignants ont une tâche telle qu'ils peuvent difficilement se consacrer à la recherche et faire de la recherche. Je ne sais pas s'il existe encore dans toutes les universités la définition d'une tâche assignée contrôlable d'un professeur, toutes les autres tâches d'un individu... Mais la tâche assignée contrôlable était le nombre d'heures d'enseignement, vu que ce sont six heures d'enseignement. Vous pourrez me renseigner sur la situation de fait, je ne suis peut-être pas tout à fait au courant, ne croyez-vous pas qu'il y aurait avantage à moduler la tâche? On a parlé de la question de la modulation de la tâche. Par hypothèse, tous les professeurs à l'université, qui donnent six heures de cours, ne font pas tous par ailleurs les tâches d'encadrement et les tâches de recherche, à égalité, disons. Ne pensez-vous pas qu'il serait préférable dans la définition des tâches de permettre à

certains professeurs d'avoir plus de temps pour la recherche et pour l'encadrement?

Il y a des professeurs qui dirigent 20 thèses et l'autre à côté en a deux. Que voulez-vous? Cela existe. On a dix thèses; deux. Pour permettre à celui qui a beaucoup plus de thèses à diriger de consacrer plus de temps à la direction de la thèse pour arriver à aider davantage des étudiants, la "diplômation", le taux augmente, pour permettre à certains de réduire le nombre d'heures d'enseignement à trois heures et à d'autres qui ont moins de thèses à diriger et qui ne font pas partie d'un certain groupe de recherche planifiée, qu'ils puissent en donner neuf heures, par exemple, et ainsi moduler les tâches en vue d'utiliser au maximum les ressources humaines dont dispose le milieu pour l'enseignement et aussi pour assurer la qualité de la recherche et de l'encadrement... Alors, c'est simplement sur ce point-là que je voudrais poser quelques questions et connaître vos réactions.

Mme Robinson: Sur cette question de la tâche, je vais répondre. Sur la première partie de votre intervention, M. Stephenne va apporter une réponse.

La question de la tâche, il fallait s'attendre qu'on se fasse poser cette question. Le chiffre est lâché: six heures de cours par semaine. Alors, je vous ferai remarquer que dans de très nombreux départements et facultés des universités québécoises, les six heures, c'est une question nostalgique, on ne donne plus six heures de cours on en donne passablement plus, dans un premier temps. Il faut également être bien conscient que chaque professeur se voit aussi attribuer par consultation avec son directeur de service ou son doyen, une tâche globale qui ne comporte pas uniquement les heures d'enseignement. C'est extrêmement important. C'est évident que lorsqu'on lâche dans la société qu'on travaille six heures par semaine, c'est bien sûr qu'on dit qu'il y a du gras et il y en a pas mal. On va couper éternellement pendant 20 ans et il va rester encore des possibilités. Mais ce ne sont pas six heures de cours par semaine; cela n'est pas cela notre tâche. Notre tâche, c'est à la fois une présence en classe magistralement, si on veut, ou sous forme de séminaire; c'est à la fois la définition de projets de recherche, l'administration de ces projets de recherche et aussi l'encadrement des étudiants des deuxième et troisième cycles et c'est également la participation à l'infrastructure de l'université. En plus de tout ce qu'on nous demande de faire au niveau enseignement et recherche, au niveau encadrement, on nous demande également de participer à des comités pour faire fonctionner l'université: comité d'admission, comité de premier cycle, comité de programmes, comité de la bibliothèque, comité, etc., il y en a à la douzaine de ces comités. En plus, il reste une partie de la mission de l'université que nous avons beaucoup de difficulté à définir et que nous avons beaucoup de difficulté à faire. Il s'agit des services à la collectivité. Quand on parle des services à la collectivité, on voit des petits sourires en coin. Qu'est-ce que cela veut dire? En fait, quand un professeur reçoit un appel téléphonique d'une PME ou reçoit un appel téléphonique d'un comité de citoyens ou peu importe, il est disponible pour ces gens. C'est cela les services à la collectivité.

De plus, on nous demande également, parce qu'à un moment donné on nous évalue assez régulièrement pour l'agrégation, pour la titularisation, pour les demandes de subventions. On nous évalue dans nos cours. Effectivement, il faut qu'on sorte de notre milieu universitaire et qu'on aille de temps en temps transmettre, par des communications, le fruit de nos recherches, le fruit de notre travail. C'est ça la somme de travail faite par le professeur d'université.

Sur la question de la modulation, je dois vous dire que c'est une question strictement locale, c'est-à-dire que c'est une question qui relève généralement des conventions collectives locales. Dans de très nombreux endroits, on remarque déjà cette volonté, cette possibilité de moduler la tâche du professeur. C'est déjà inscrit dans certaines conventions collectives. On n'est pas contre la modulation; ce qu'on dit, c'est qu'on ne peut pas la faire de façon générale pour l'ensemble du réseau universitaire. Laissons aux départements et aux facultés le soin de se répartir entre eux la tâche de travail à accomplir dans ce département ou dans cette faculté.

M. Stephenne: Pour la commission, il m'apparaît important de rappeler que le Conseil supérieur de l'éducation a fait un avis sur la condition des professeurs d'université où, à toutes fins utiles, on fait une analyse de la tâche d'un professeur d'université. Je pense qu'il aurait intérêt à le lire, ça pourrait dissiper un certain nombre d'idées préconçues sur les six heures de cours en question.

J'aimerais également dire à cette commission que les professeurs ne se sont jamais cachés pour discuter de cet élément de tâche, et qui plus est, nous avons fait une proposition - je ne me souviens pas si ça fait un an ou deux ans - de faire une analyse conjointe, MEQ, CREPUQ et FAPUQ pour entreprendre ensemble une analyse de la tâche. Nous n'avons pas reçu de réponse positive sur cette chose. C'est assez paradoxal, d'ailleurs, de dire que c'est nous qui faisions la démarche. Enfin!

J'aimerais revenir sur une considération qui m'apparaît quand même importante. On semble sous-tendre que nous n'étions pas d'accord à participer à l'effort collectif du Québec, à la résorption des dépenses publiques. Nous n'avons jamais prétendu que nous étions contre, nous avons même dit que c'était normal que nous participions à cet effort. Cependant, on nous dit comme ça qu'il n'y a pas de modification quant à la priorité qu'on accorde à l'enseignement supérieur, les chiffres nous disent que ce n'est pas tout à fait le cas, qu'il y a eu une décroissance, finalement, du pourcentage que l'État attribue à l'enseignement supérieur depuis un certain nombre d'années.

On nous dit que c'est parce que nous sommes plus pauvres collectivement et qu'on doit considérer qu'il est normal que la part de l'État diminue dans ces secteurs. Je comprends bien que l'ensemble des dépenses de l'État devraient diminuer, mais que la proportion, en pourcentage, si la propriété demeure la même, ne devrait pas être modifiée d'une façon substantielle. J'aimerais également faire valoir aux membres de la commission qu'il y a des pays qui ont décidé de mettre des priorités sur l'enseignement supérieur pas hier et pas aujourd'hui, mais il y a plusieurs années, et je me réfère en ceci au Japon qui a des objectifs bien supérieurs à ceux du Québec quant au taux de scolarisation qu'on impose à cette population.

Tout ce que nous vous demandons, finalement, c'est un redressement par rapport à une norme qui est la nôtre, une norme qu'a acceptée la société québécoise et qui existait en 1978. On ne vous demande pas de doubler, on ne vous demande pas d'avoir 7% des dépenses gouvernementales, on vous demande essentiellement de rester dans la même norme aux environs de 3,5. Donc, ce n'est pas un changement radical, mais on vous dit de garder la même préoccupation vis-à-vis de l'enseignement supérieur. Si vous considérez ceci comme étant un investissement, non pas une dépense, je pense que l'État a encore les moyens. Si l'État considère que rembourser 400 000 000 $ avant le temps, parce qu'il considère cela comme un investissement, il récupère des intérêts sur ces sommes - je suis parfaitement d'accord avec cette logique comptable de récupérer de l'argent parce qu'on n'a pas à débourser des intérêts - il m'apparaît qu'on pourrait avoir la même logique en termes d'enseignement supérieur et considérer, pour une fois, que l'État ne dépense pas, mais investit. Vu sous cet angle, le 3,5% que l'État consacre à l'enseignement supérieur pourrait peut-être augmenter à 3,52% ou 3,53% et régler peut-être l'ensemble des problèmes. À ce moment, on ne demanderait plus aux professeurs, alors qu'il existe déjà un conseil qui, à notre sens, donne des très bons avis depuis deux ans, a des ressources, pour conseiller le ministre, les députés, la FAPUQ, les autres fédérations de professeurs et également les administrateurs d'université sur un certain nombre de solutions à apporter.

Et ce même conseil ne dit pas qu'il y a toutes des solutions qui ne coûtent rien. Il dit qu'il reste encore des choses à faire et qui ne coûteront rien peut-être à long terme; mais il dit également qu'il y a des solutions qui vont coûter de l'argent. Je suis bien d'accord qu'on nous pose toujours la question à savoir oui mais, à part de nous demander de l'argent, avez-vous d'autres types de solutions? Je vous réfère au conseil, il en a donné, il en a déjà une batterie de conseils qui ont déjà été donnés. Là-dessus, la FAPUQ considère qu'il y a un certain nombre des recommandations du conseil qui devraient être mises en oeuvre, mais pas strictement celles qui sont, au point de vue économique, au facteur zéro. Si ces conseils sont valables à ces niveaux, on pourrait peut-être considérer qu'ils sont valables également lorsque le conseil dit qu'il a de l'argent à injecter dans le système.

M. Brouillet: Sur un point, quand vous dites que la proportion de l'effort demandée au milieu universitaire est plus considérable que, entre autres, le domaine de la santé, on me fait remarquer que dans le domaine de la santé, vous avez inclus les frais de services sociaux, entre autres qui, vous savez, ont considérablement augmenté. Si on exclut l'aide sociale, les chiffres du ministre sont tout à fait adéquats et exacts.

M. Lévesque (Gaétan): Je pense que vous faites référence à ce tableau-ci. Les dépenses pour l'aide sociale sont exclues de ceci. Ce sont les services des centres de services sociaux, vous avez un poste budgétaire, je ne me souviens pas exactement quel est le titre qui est donné, il me semble que c'est "Prestations d'aide sociale", c'est environ 1 800 000 000 $, 2 000 000 000 $, je ne me souviens pas exactement, mais c'était exclu de ce chiffre ici... Effectivement, j'en ai bien tenu compte.

M. Brouillet: Je ne veux pas entrer nécessairement dans les chiffres, tout simplement, ce qu'on nous a dit, parce que je n'ai pas... Écoutez! Si vous voulez qu'on vous mette des spécialistes à côté de vous pour les vérifier, on pourra toujours le faire. Ce n'est pas à nous à se mettre à table, sortir les chiffres et vérifier cela. On peut toujours demander à des spécialistes de vérifier de nouveau vos chiffres et on pourra vous faire venir pour rencontrer ces spécialistes et après, on verra. Je voulais simplement signaler cet aspect. C'est que, sur une certaine base, on nous a dit hier que

l'effort au niveau universitaire, par rapport au PIB, était pas mal moindre que ce que vous avez affirmé aujourd'hui, mais qu'on avait tenu compte dans l'analyse à ce moment, autant que je sache, de tout le secteur des prêts et bourses qui n'ont pas été diminués durant cette période; c'est un effort consenti par la collectivité aux études au niveau universitaire, les prêts et bourses et quelques autres facteurs. Je crois qu'il va falloir que la commission prenne les chiffres qu'on nous a donnés avec les vôtres, afin de voir ce sur quoi vous les appuyez et faire des comparaisons afin de clarifier cette chose. C'est évident que si vous continuez à croire que l'effort est beaucoup plus considérable chez vous qu'ailleurs et que le ministère continue à croire que l'effort n'est pas plus grand, on s'en va vers un dialogue plutôt difficile. Je crois que la commission devra se faire un devoir de s'asseoir et d'arriver à ce que les deux parties puissent s'entendre sur les chiffres, préciser les bases sur lesquelles elles appuient leurs chiffres. (18 heures)

Maintenant, je vais terminer. Je ne l'ai pas dit tantôt, quand je suis intervenu sur la question des six heures, je voulais simplement attirer l'attention sur - je sais que la tâche du professeur de l'université n'est pas que là - le maximum d'heures d'enseignement. À un certain moment donné, un département ne peut demander à un professeur de faire plus de six heures d'enseignement, il y a un maximum ou un plafond et c'est surtout sur ce plafond que je veux intervenir. C'est évident que si on a un plafond, cela nous permet moins de possibilités de dégager d'autres professeurs pour se consacrer davantage à l'encadrement et à la recherche si on ne peut pas du tout demander à un professeur qui fait moins d'encadrement de donner neuf heures.

M. Vaillancourt (Gilbert): Oui.

M. Brouillet: On me dit que maintenant le plafond n'existe plus dans plusieurs universités et qu'au niveau d'un département on peut effectivement s'entendre pour qu'un professeur puisse donner neuf heures peut-être pour un semestre ou deux.

M. Vaillancourt (Gilbert): Il faut faire les distinctions. Dans les conventions collectives de l'UQ vous avez effectivement un plafond de six heures mais qui peut être réaménageable. Par exemple, un professeur peut prendre neuf heures de cours dans une session pour dégager un autre pour la recherche, ce sont des choses possibles; c'est déjà dans les conventions. Maintenant, si vous dites: Est-ce qu'il existe dans les conventions une possibilité large de tout modifier cela? Non, pour une raison simple. On tient à ce que le professeur compose sa tâche à la fois à l'enseignement de recherche et de service à la collectivité, mais il existe déjà ce qu'on appelle une modulation. Par exemple, quelqu'un qui est directeur de module, qui a un poste administratif n'enseigne pas, il existe des dégrèvements de recherche il y a toute une série de choses qui existent actuellement qui pourraient être exploitées, encore une fois, mais quand les propositions concrètes seront là on pourra les analyser, oui.

Le Président (M. Charbonneau): Je pense que la députée de Jacques-Cartier ne me pardonnerait pas si je ne lui donnais pas quelques instants pour converser avec vous. Je lui demanderais, ainsi qu'à vous, de nous aider à faire en sorte qu'on puisse terminer dans quelques minutes parce qu'on a une réunion de travail ensuite avant d'ajourner. Mme la députée.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président.

Mes questions seront courtes. Tout d'abord un petit commentaire. Je partage votre sens d'urgence envers la nécessité de reconnaître l'importance de l'université pour l'avenir du Québec et en conséquence de trouver la volonté politique d'augmenter les ressources pour nos universités.

Le député de Fabre est parti, mais je crois que la référence américaine qu'il a soulevée sur l'excellence n'était pas tout à fait pertinente puisqu'il a parlé du "how" au lieu de "how much". Mais je crois qu'on a épuisé le "how" et on est arrivé à la question de "how much", donc ce n'est pas du tout la même question.

À la page 24, vous avez parlé du problème du dédoublement. Il semble que vous craignez la fermeture de certains départements et la concentration des disciplines dans certains établissements à cause des règles du jeu établies par le gouvernement. Plus loin, à la page 28, vous déplorez la concurrence créée par les règles qui va créer des dédoublements coûteux que le ministre aborde et la possibilité qu'il y ait certains secteurs qui soient négligés comme résultat. J'aimerais discerner votre position sur cette question du dédoublement. Je vois une certaine ambivalence dans votre position. Est-ce que vous êtes opposés au principe de concentration, de certaines rationalisations, de certaines disciplines dans certains établissements?

M. Stephenne: Tout d'abord, je vais distinguer entre la page 24 et la page 28, il pourrait sembler qu'on dise deux choses contradictoires alors qu'on dit deux choses différentes. Dans un premier temps, nous disons: L'application des principes dont nous reconnaissons la validité - nous en avons discuté tout à l'heure - est quand même, au niveau de l'application de la formule,

dangereuse; c'est à la page 24; je vous ai expliqué le détail de l'annexe. Donc, la dimension des groupes peut faire en sorte de donner au ministère la tentation de réduire essentiellement ou réduire l'existence de ces petites unités.

À la page 28, ce que nous disons, c'est que compte tenu du fait que l'enveloppe est fermée depuis un bon bout de temps et vu le fait que les clientèles ont été financées à partir de ponctions de l'enveloppe, il était bien évident que chacune des institutions voulant voir son enveloppe, ou la sous-enveloppe qui lui était consacrée, grossir, elle courait donc pour aller récupérer ces nouvelles clientèles. Ces clientèles étaient financées à même l'enveloppe. Donc, à toutes fins utiles, dans les départements, il y avait là une concurrence qui permettait des dédoublements éventuels coûteux. Donc, ce sont deux choses distinctes. D'une part, nous critiquons la formule de modification que nous propose le ministère et, d'autre part, nous disons: Avec la ponction que vous exercez sur l'enveloppe pour la redistribution, vous conviez tout le monde à la même table, alors qu'il manque de nourriture. Donc, tout le monde s'arrache le même morceau de viande. Vous risquez là des dédoublements. Il est bien évident que lorsqu'une clientèle est nombreuse dans un secteur, tout le monde veut se l'approprier. Donc, on risque de voir apparaître des dédoublements. Voilà donc deux choses nettement distinctes, qui existent ou qui pourraient éventuellement exister par la mise en place de la formule et qui existent à l'heure actuelle par le financement à partir de ponctions de l'enveloppe.

M. Lévesque (Gaétan): J'aimerais ajouter quelque chose. En ce qui concerne la notion de dédoublement - c'est ce qu'on introduit à la page 28 - il y a aussi un élément assez important à considérer: c'est le fait que le financement des clientèles additionnelles dans le cadre du virage technologique étant financé à un taux différent de celui des autres clientèles, il est évident que tous les établissements vont chercher autant que possible à s'accaparer des clientèles dans ces secteurs. Ce qui veut donc dire, et c'est évidemment sous réserve de certaines analyses qu'on fera ultérieurement, qu'il pourra y avoir des allocations de ressources qui ne seraient peut-être pas tout à fait efficaces dans un cadre comme celui-là. En fin de compte, un type de politique peut influencer l'orientation, le développement d'une organisation, d'un réseau universitaire ou d'un réseau d'hôpitaux. Ce type de financement, c'est la raison pour laquelle nous sommes contre un financement différencié des variations de clientèles au niveau du virage technologique versus celles qui ne sont pas dans le virage à cause de ce type de phénomène.

Mme Dougherty: Merci. Une dernière petite question. À la page 32 et à la fin de votre mémoire, vous parlez de la recherche et des subventions fédérales pour la recherche. Il semble que vous êtes d'accord avec l'attitude prise par le gouvernement en ce qui concerne les 25 000 000 $. De plus, dans le dernier paragraphe, vous suggérez une politique intégrée de la recherche qui n'exclurait pas par définition des champs d'intérêt qu'occupe déjà le gouvernement fédéral. C'est une ouverture qui m'intéresse. Qu'envisagez-vous par cette suggestion d'une politique intégrée? Est-ce que cela veut dire que vous n'êtes pas opposé à une certaine concertation sur les priorités de la recherche entre les deux gouvernements?

M. Lévesque (Gaétan): Mme la députée, c'est exact. Nous considérons que le gouvernement fédéral, par son implication au niveau de la recherche universitaire, qui est quand même de très longue date, c'est-à-dire qui vient...

Mme Dougherty: Oui, cela existe.

M. Lévesque (Gaétan): Dans les années quarante, déjà le gouvernement fédéral investissait au niveau de la recherche universitaire au Québec et dans les autres provinces. Nous considérons que c'est un élément important. Il y a évidemment un effet structurant sur le développement des universités québécoises. Cela dit, nous considérons que le gouvernement québécois, notamment dans le livre vert sur la recherche scientifique, avait une attitude peut-être un peu trop exclusive sur cette perspective, en tout cas, en termes du développement de la recherche universitaire. Nous considérons qu'il est possible, dans le cadre actuel, que le gouvernement du Québec réalise ces objectifs en termes de développement tout en incluant, a priori et de façon relativement directe, les champs, les intérêts du gouvernement fédéral au niveau de la recherche universitaire au Québec.

On sait qu'il y a quand même des interactions qui existent dans le domaine de la santé versus la chimie ou versus la biologie, que sais-je? Il y a possibilité d'une entente sur ce plan.

Là-dessus, on va terminer en disant qu'il était utopique, au niveau des chercheurs québécois, que des chercheurs québécois se coupent de ces sources de financement qui sont essentielles, pour eux, au niveau, notamment, de leur rayonnement à l'extérieur du Québec et à l'extérieur du Canada. C'est tout à fait utopique de penser que les chercheurs québécois vont se couper

de cette source de financement étant donné l'importance du financement fédéral au niveau de la recherche universitaire au Québec.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Madame et messieurs, il ne me reste qu'à vous remercier d'avoir accepté notre invitation de participer à cette discussion. Je pense que cette discussion a été productive à plus d'un égard; elle a même été passionnée par moment. Je serais tenté de dire que s'il existe encore tant de passion de votre côté, c'est que la morosité n'a pas encore atteint un point catastrophique. Je ne dis pas cela parce qu'il y a encore de la place pour augmenter cette morosité, mais simplement parce que c'est néanmoins encourageant de constater qu'il y a encore cette passion, même lorsqu'on a des cheveux gris comme professeur d'université.

M. Vaillancourt (Gilbert): On vous l'a dit qu'on était trop bon. On vous l'a dit.

Le Président (M. Charbonneau): Merci beaucoup. Les séances de la commission sont ajournées à demain matin, 10 heures, alors que nous recevrons le Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec qui sera suivi, dans l'avant-midi, par l'Association nationale des étudiants du Québec et, demain après-midi, la commission rencontrera le Conseil des universités.

Merci, bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 13)

Document(s) related to the sitting