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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Thursday, October 11, 1984 - Vol. 27 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation sur le financement des universités


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames et messieurs, bonjour.

La commision permanente de l'éducation et de la main-d'oeuvre entreprend sa troisième journée de rencontres particulières aux fins d'étudier les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1984-1985 et pour les années à venir, et pour examiner, sans exclure toute autre mesure ou tout sujet pertinent, le niveau des subventions aux universités et leur répartition entre les établissements, les sources de revenu des universités autres que les subventions gouvernementales, la participation du gouvernement fédéral au financement des universités et le partage des ressources à l'intérieur des universités.

Tel qu'indiqué hier, nous recevrons ce matin les porte-parole des associations nationales d'étudiants universitaires et, cet après-midi, nous rencontrerons le Conseil des universités. Le premier groupe que nous recevrons ce matin, c'est le Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec. Bienvenue, madame et messieurs. Au nom de mes collègues, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation et d'avoir bien voulu préparer pour nous des commentaires et un mémoire que vous nous présenterez sans doute.

Comme le temps est limité et comme, semble-t-il, vous avez d'autres impératifs à la fin de la séance ou de la période qui vous avait été précédemment allouée, je vous demanderais de faire la présentation de vos points de vue le plus succinctement possible pour qu'on puisse avoir le maximum de temps pour échanger avec vous. Finalement, c'est ce qui est le plus important et c'est ce qui intéresse sans doute le plus les membres de la commission puisqu'ils ont eu votre mémoire un peu à l'avance.

Je ne sais pas qui sera le porte-parole, je pense que c'est M. Guindon. S'il voulait présenter les collègues qui l'accompagnent pour les fins du journal des Débats et engager immédiatement sa présentation. Merci.

Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec

M. Guindon (Denis): Bonjour, M. le Président, madame et messieurs les députés. J'aimerais d'abord vous présenter, à ma droite, Jacques Gauthier, qui est un militant du RAEU; à ma gauche, Paul Muller, qui en est un également et, finalement, Eva Laferrière, qui est membre du conseil exécutif du RAEU. Je voudrais également signaler la présence des secrétaires généraux qui ont bien voulu nous prêter main-forte et nous apporter un certain soutien moral, en la personne de Denis Marion, de l'Université de Montréal, et de Paul Larouche, de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

M. le Président, nous avons attentivement écouté, ces deux derniers jours, les allégations de nos collègues des universités. Nous avons été particulièrement sensibles à leurs commentaires concernant, entre autres, la nécessité d'investir davantage dans les universités québécoises et, a fortiori, d'investir à la mesure du rôle que doivent assumer les universités dans notre société. Cependant, nous avons été surpris du peu de réflexions sur les causes profondes qui ont amené le gouvernement actuel à poser les gestes que, presque tous, nous remettons en question aujoud'hui.

Pour les étudiants que nous représentons, les coupures budgétaires ont su ramener au premier plan les préoccupations que nous avons en tant qu'usagers de services. Par conséquent, nous avons donc cru nécessaire de dépasser, sans cependant les oublier, les mettre de côté, les réclamations des universités et des professeurs voulant que le gouvernement investisse davantage dans les universités. Étant les premiers à qui s'adressent les enseignements dispensés par les universités, nous pensons que nous avons et que nous aurons les universités que, comme société, nous méritons.

Nous ne pourrons prétendre réclamer plus d'argent si nous ne parvenons pas à rétablir la crédibilité et la légitimité des universités devant la population et l'État qui nous y donnent accès. Nous ne pourrons prétendre obtenir plus si tous et chacun nous ne sommes pas prêts à faire notre propre autocritique dans le but de faire plus pour la société. L'université est actuellement trop encarcanée dans ses principes pour ne pas voir l'urgence de s'adapter aux nouvelles situations qui la régissent. L'université doit cesser d'être une tour d'ivoire ou d'être perçue comme telle et doit devenir au

service de la communauté.

Par conséquent, nous pensons que ses agents doivent être prêts et déterminés à manifester par des gestes concrets leur volonté de rétablir la confiance de la population et de ses représentants dans cette institution dont l'importance n'est plus à démontrer. Pour que le secteur de l'éducation universitaire redevienne prioritaire, nous pensons, en tant qu'étudiants, qu'il faudra repenser son rôle. Nous pensons aussi que la communauté qui le compose devra se poser de véritables questions quant aux orientations passées et futures des universités et au rôle et à l'appréciation qu'elle veut lui voir dévolus.

Évidemment, M. le Président, vous comprendrez avec ceci que, si notre mémoire porte le titre "L'université excellente et accessible", c'est que les membres du RAEU sentent que l'université est à l'heure des choix. Choix entre l'excellence et la prétention; entre la légitimité sociale et la tour d'ivoire; enfin entre l'essor et le sous-financement chronique.

Le gouvernement lui aussi est à l'heure des choix, on le sait. Choix entre le maintien du principe d'accessibilité et les conséquences de son abandon; entre le financement de l'excellence et le dépérissement d'un héritage.

Notre analyse des causes du sous-financement du réseau universitaire nous permet d'identifier ce malaise profond qui sape l'unversité. Nous le qualifions maintenant de "crise de légitimité".

En parallèle, nous identifions une crise de confiance entre les administrations universitaires et le ministère de l'Éducation qui empêche tout déblocage dans le dossier du financement universitaire. Crise dont les usagers font nécessairement les frais. À ce chapitre, le RAEU proposera aux parties un échange à court terme de gestes de bonne volonté ainsi qu'une démarche à moyen terme qui contribuera, nous l'espérons ardemment, au dégel du dossier.

C'est pourquoi le mémoire du RAEU portera sur les véritables enjeux du financement universitaire plutôt que sur les technicités des règles budgétaires. Le gouvernement est-il prêt à dégager les ressources nécessaires à la poursuite de l'excellence? Les universités sont-elles prêtes à poser les gestes nécessaires au rétablissement de leur crédibilité aux yeux de l'opinion publique? Telles sont les deux principales questions que nous leur adressons aujourd'hui.

Les gestes que doivent poser les parties demandent certes un courage politique, mais nous sommes convaincus qu'elles feront preuve d'une hauteur de vue à la mesure des circonstances que nous connaissons tous aujourd'hui et que nous déplorons.

Bien que cela ne fasse pas partie de nos préoccupations à l'heure actuelle, nous dirons quelques mots aussi à propos du financement fédéral de l'éducation postsecondaire dont les commentaires sont formulés en annexe B.

Préoccupation constante ou voeu pieux, objectif mis en oeuvre ou qualifié de "non prioritaire", ainsi peuvent s'exprimer les inquiétudes dont sont aujourd'hui saisis les étudiants universitaires et collégiaux du Québec. Bien sûr, les frais de scolarité font partie des sources de revenu des universités autres que les subventions gouvernementales, mais peut-on décemment considérer leur hausse tout en réaffirmant sans broncher le principe d'accessibilité aux études universitaires?

Assistons-nous à une remise en cause des idées-forces qui ont présidé à l'édification de notre système scolaire et de notre réseau d'universités depuis la révolution tranquille? Le gouvernement ne perçoit-il pas, dans la population, ce large consensus en faveur du principe d'accessibilité sur lequel se sont fondées les orientations de tous les gouvernements depuis I960?

Certes, l'université, en tant qu'institution redevable devant la population, fait l'objet d'une réflexion critique; et cela, nous le pensons, est bien heureux. Nous croyons légitimes les questions que se posent différents groupes de la société au sujet de l'efficacité et de l'efficience d'une institution qui absorbe actuellement près de 1 000 000 000 $ en fonds publics par année.

Nous pensons, comme plusieurs, que l'université doit rétablir sa crédibilité aux yeux de l'opinion publique. Qu'il ne suffit plus d'emboucher la trompette en décriant le sous-financement des universités pour se voir appuyé inconditionnellement par la population lorsqu'on demande à l'État un financement adéquat pour le réseau universitaire.

L'excellence de l'université doit être établie et démontrée et c'est pourquoi l'essence de notre réflexion portera sur cet objectif et les moyens d'y parvenir.

Il ne faut cependant pas assimiler le principe d'accessibilité aux études universitaires à cette remise en question de l'université; ce serait là, nous le pensons, commettre une erreur d'appréciation fondamentale. Si, effectivement, la population s'interroge sur l'excellence ou, plutôt, la sous-excellence de l'université et, par conséquent, sur l'opportunité d'y investir les sommes qu'on connaît, nous croyons que cela n'infère aucunement sur le consensus autour du principe d'accessibilité. Conséquemment, nous affirmons que la population est prête à financer l'accessibilité dans la mesure où les sommes investies seront socialement rentables.

L'objectif d'accessibilité, nous le réaffirmons, doit demeurer prioritaire. Si l'on reprend l'analyse coûts-bénéfices classique du

financement de l'enseignement universitaire, l'importance de l'objectif d'accessibilité ressort clairement à la lumière du contexte économique actuel.

Ainsi, l'un des coûts sociaux identifiés dans le tableau 1, soit le manque à gagner pour la société, doit se réévaluer en tenant compte du marché de l'emploi pour les jeunes. L'époque est révolue où l'on pouvait considérer une année d'études comme une année non productive, c'est-à-dire une année où l'individu privait la société du produit de son travail. Les statistiques sur l'emploi confirment ce constat: en août 1984, au Québec, le taux de chômage officiel pour la population active détenant un grade universitaire s'élevait à 7,3% et à 9% pour les gens ayant obtenu un certificat ou diplôme postsecondaire. C'est donc dire, M. le Président, à quel point l'accès aux études universitaires influe sur la capacité de se trouver un emploi, compte tenu que la première catégorie est incluse dans la seconde.

Peut-on parler alors d'un manque à produire pour la société? Ne faut-il pas plutôt considérer, à la marge, le coût d'opportunité négatif que représenteraient les fonds dépensés par l'État en programmes d'emploi ou d'assistance sociale de tout acabit?

Nous croyons que le financement de l'accessibilité aux études universitaires est une façon intelligente de promouvoir l'emploi chez les jeunes et les moins jeunes. À ce titre, nous demandons au gouvernement de se prononcer sur cette question afin que la population puisse juger du sérieux des objectifs mis de l'avant.

Comme on le sait, le travail humain, tout au moins au Québec, est en mutation rapide. Des vocations professionnelles longtemps en demande sont appelées à disparaître. Dans ce contexte, la capacité d'adaptation de l'individu à de nouvelles fonctions devient déterminante au plan du succès de sa vie au travail. Or, plusieurs analyses ont identifié la durée de la scolarité comme un facteur influant positivement sur la capacité d'adaptation de l'individu. On doit alors inscrire cette capacité au chapitre des bénéfices tant privés que sociaux.

Nous croyons que le gouvernement doit faire preuve de hauteur de vue en favorisant l'émergence, au sein de la main-d'oeuvre québécoise présente et future, du plus grand nombre de gens possédant cette capacité permise par la poursuite d'études post-secondaires. Il en va de la santé future de l'économie du Québec.

Est-il nécessaire, par ailleurs, de rappeler l'émergence du capital humain comme facteur de production déterminante de la richesse potentielle d'une nation? À ce chapitre, le Québec a encore des efforts à faire. Les taux de scolarisation de sa population sont encore en deçà de ceux de l'Ontario, principal point de comparaison, ainsi que des moyennes canadiennes.

Encore une fois, si l'on veut se gargariser, M. le Président, avec le virage technologique, ne faudrait-il pas mettre en oeuvre les moyens concourants pour accroître ce capital?

Ces quelques remarques illustrent de quelle façon le tableau coûts-bénéfices de l'éducation universitaire a évolué depuis quelques années; encore plus qu'il y a 20 ans, l'emphase doit être mise sur l'accès du plus grand nombre à l'université.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce je pourrais vous interrompre juste un seconde pour vous signaler un problème que vous risquez d'avoir? Je le fais pour vous rendre service, parce que vous avez moins d'expérience des commissions parlementaires. Au rythme où vous allez, puisque je pense que vous avez choisi de lire votre mémoire, compte tenu du temps que vous avez ce matin, les chances que les membres de la commission puissent engager une discussion avec vous vont être assez minces. Le temps qui pourra être alloué pour la discussion va être assez court. Donc, vous pouvez continuer de choisir l'approche que vous avez choisie ou, si c'était possible... L'objectif de mon intervention, ce n'est pas de vous déséquilibrer, mais, dans la mesure où vous pourriez peut-être synthétiser ou résumer vos principaux points, cela permettrait aux membres de la commission d'en discuter avec vous. Autrement, on sera obligé, sans doute, de se priver d'une bonne partie de la discussion qu'on pourrait avoir. Alors, c'est à vous de choisir.

M. Guindon: D'accord, M. le Président. Nous allons essayer de procéder plus rapidement. Le ton, le débit sera peut-être plus rapide, mais on pense que ce sera intéressant pour la postérité de voir inscrits dans les annales de la commission parlementaire les débats et surtout la présentation qu'on veut faire de notre mémoire, comme cela a été permis, finalement, à tous les autres membres de la commission.

Le Président (M. Charbonneau): Je peux vous garantir d'une chose. À la limite, si vous jugiez préférable de sauter certains passages, on peut s'organiser pour qu'aux fins du journal des Débats le texte soit inscrit.

Des voix: Non, non.

Le Président (M. Charbonneau): Non, on ne peut pas?

Des voix: Non.

Le Président (M. Charbonneau): II paraît que non.

Une voix: C'est absolument contraire au point de vue...

M. Guindon: M. le Président, on n'a pas fait de résumé. De toute façon, on pense pouvoir le faire en une demi-heure, alors cela vous laisserait une heure de questions. Je pense que cela sera quand même suffisant. (10 h 30)

M. le Président, plus encore que le régime d'aide financière, le niveau des frais de scolarité est intimement lié, on le sait, au degré d'accessibilité de l'université.

Plusieurs conçoivent un cours universitaire comme un bien, au sens économique, dont on connaît le coût d'acquisition, mais dont on doit escompter les bénéfices, étalés sur toute une vie. Toute hausse des frais de scolarité renforce cette conception et conduit des étudiants potentiels à renoncer aux études universitaires. La logique est manifeste: les bénéfices escomptés sont difficilement évaluables, en particulier dans certains secteurs disciplinaires. Par contre, les coûts sont fixes: frais de scolarité, frais afférents, frais de subsistance, manque à gagner éventuel, effort investi, etc. Si la décision devient plus coûteuse, moins d'étudiants potentiels prendront le pari, surtout moins d'étudiants potentiels issus de classes défavorisées qui, en raison de leur situation financière précaire, seront incapables d'assumer le risque inhérent d'une telle décision.

Le régime d'aide financière ne résout aucunement ce problème. Si le seuil d'admissibilité au régime, exprimé en termes de revenu des parents, augmentait automatiquement, cela n'altérerait en rien le rapport coûts-bénéfices pour l'étudiant: les coûts seraient simplement reportés.

D'autre part, la hausse des coûts conduit davantage d'étudiants à devoir s'adresser à l'aide financière. Or, on connaît la peur de l'endettement qui caractérise les jeunes issus de classes défavorisées. Ainsi, si une hausse des frais de scolarité était conçue comme une mesure redistributive, ses effets iraient en réalité à contresens de l'objectif de démocratisation de l'accès à l'enseignement universitaire.

Par ailleurs, pour les étudiants réputés dépendants et non admissibles au régime en raison du revenu de leurs parents, une hausse éventuelle des frais de scolarité répercutée sur les parents accentuerait le problème du refus des parents de contribuer au financement des études de leurs enfants.

Toute hausse des frais de scolarité aurait donc des conséquences désastreuses au plan de l'accessibilité aux études universitaires et c'est pourquoi: Le RAEU s'attend que le ministre, s'il réaffirme l'objectif d'accessibilité aux études universitaires, gèle les frais de scolarité à leur niveau actuel.

La population étudiante, usagère du service, a largement écopé des coupures budgétaires dans le réseau universitaire. Tandis que les frais de scolarité ont été gelés, les services éducatifs, de soutien, etc., ont été réduits de façon drastique tant sur le plan quantitatif que qualitatif, influant, comme on le sait, sur la qualité de la formation acquise à l'université. Les usagers de services ont largement assumé leur part des coupures et toute hausse des frais de scolarité reviendrait à leur faire payer doublement le manque de légitimité qu'on attribue, à tort ou à raison, aux universités.

M. le Président, nous pensons que l'université doit accomplir ses missions d'enseignement et de recherche. C'est pour cela qu'elle a été instituée. C'est pour cette raison que l'État la finance. Cela semble être des lieux communs.

Dans un contexte socio-économique comme celui que nous connaissons, il est vital que les universités remplissent adéquatement leur rôle. Outil privilégié du développement scientifique, économique, social et culturel, l'université québécoise est un point névralgique du tissu de la société. Tous les partis politiques proclament la priorité à accorder au problème de l'emploi des jeunes. Or, une politique des universités peut jouer un rôle de pivot en ce sens. La clé de la réussite réside, nous pensons, dans l'adaptabilité dont devront faire preuve les établissements. Elle se trouve aussi dans la volonté que démontrera, bien sûr, l'État de mettre en oeuvre des politiques cohérentes quant à l'excellence universitaire.

Notre analyse nous conduit donc à croire que: Le gouvernement croit qu'une augmentation des niveaux de financement des universités n'entraînera pas nécessairement une augmentation de la qualité de l'enseignement et de la recherche; nous lui donnons raison.

Les institutions croient que la poursuite de l'excellence ne peut être réalisée sans que les ressources financières en soient un élément déterminant. Nous leur donnons également raison.

Mais, comme usagers des établissements, nous sommes portés à osciller entre la crainte qu'a l'État de voir ses sommes mal dépensées et celle des institutions de ne pas avoir les ressources vitales pour la mise en oeuvre de leur mission.

La méfiance qui semble s'être s'installée dans les rapports entre les décideurs porte un dur coup au fonctionnement de l'université. Le RAEU croit que ce climat peut être modifié.

L'enveloppe de subventions aux

universités paraît avoir été déterminée de façon plus ou moins péremptoire. Bien sûr, l'on doit tenir compte de la capacité de payer de l'État, de la somme de ses engagements institutionnels et des investissements à réaliser. Il nous semble cependant que l'analyse complète des besoins financiers des universités québécoises n'a jamais été réalisée en fonction de la poursuite des objectifs d'excellence en matière d'enseignement et de recherche.

La commission parlementaire fait état de la question suivante: Quel devrait être le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour 1984-1985 et pour les années à venir?

Il est de la responsabilité du gouvernement québécois d'appuyer ses politiques budgétaires, d'une part, sur des choix sociaux cohérents et, d'autre part, sur une analyse sérieuse des moyens nécessaires à mettre en oeuvre pour parvenir à ses objectifs.

L'État québécois, sous le chapeau de ses gouvernements successifs, a conféré historiquement aux universités un rôle important dans le progrès de notre société. Le choix social apparaît donc clair. L'excellence est de rigueur. Mais, malheureusement, les budgets sont eux aussi de rigueur.

M. le Président, combien coûte l'excellence? Ni M. Bérubé, ni M. Clair, ni M. Lacoste, ni M. Boulet ne peuvent nous le dire. Nous non plus, mais nous aimerions bien le savoir.

Nous aimerions savoir à partir de quel moment on peut considérer que les institutions disposent des ressources humaines et matérielles suffisantes pour rendre un service de qualité. Par conséquent, vous devinerez rapidement que, pour établir ce qu'on entend par excellence, nous proposerons la formation d'un comité chargé d'établir des normes quant aux ressources nécessaires pour viser l'excellence universitaire.

Ce comité, qui devrait être formé de l'ensemble des intervenants en matière universitaire, le ministère de l'Éducation, le Conseil des universités, la CREPUQ, la FAPUQ, l'ANEQ et le RAEU, aurait le mandat d'étudier, par exemple, les ratios maître-élèves, le taux de renouvellement du corps professoral, les ressources nécessaires en bibliothèque, en équipement scientifique, etc. On pourrait ainsi disposer de données chiffrées de façon à définir les ressources nécessaires pour un enseignement et de la recherche de qualité.

En bref, pour le RAEU, il importe de s'assurer de la qualité des services dispensés par les établissements universitaires en y identifiant des "ressources-standards". On pourra ainsi juger plus justement l'effort financier à consacrer au réseau. Cette analyse sera nécessairement suivie de choix politiques: quel effort financier consacre-t-on en fonction d'atteindre quel niveau de qualité?

Ces choix politiques seront à débattre publiquement. Il est nécessaire de les poser et d'avoir les éléments en main pour tracer le portrait de l'université de demain.

M. le Président, nous pensons que l'excellence nécessite des efforts. Elle exige également que les décideurs s'entendent pour avancer dans un même sens. Dans la mesure où l'État et les institutions se regardent comme des chiens de faïence, l'excellence universitaire stagnera au rang de voeu pieux.

L'attribution et la gestion des subventions aux universités posent depuis longtemps un problème, on le sait. Les représentants de l'État doivent rendre compte publiquement de leur gestion tous les quatre ans. Dans la mesure où les choix budgétaires qu'ils font doivent être justifiables, les représentants de l'État semblent se cantonner dans un rôle d'inquisiteur face aux établissements. Les universités, jalouses de leurs prérogatives historiques, font une interprétation abusive de l'autonomie universitaire.

Pour dénouer ce noeud qui nous apparaît presque inexplicable, le RAEU croit que deux séries de mesures prises par les institutions feraient la preuve de leur bonne foi mutuelle.

Premièrement, les institutions universitaires devraient faire preuve de transparence dans la gestion des fonds. Ainsi, le salaire des employés, professeurs, administrateurs et officiera des universités devrait être considéré comme des renseignements publics. La gestion des unités d'enseignement et de recherche ainsi que des services doit aussi se faire sans cachotteries. Présentement, il est extrêmement difficile d'obtenir le budget ventilé d'un département ou d'une faculté, comme si leurs responsables avaient quelque chose à cacher. L'instauration d'un climat de confiance débute, nous le pensons, avec le partage des informations nécessaires à la discussion. C'est ce que nous réclamons.

En second lieu, le RAEU a la conviction que les institutions qui toutes réclament l'injection d'argent neuf dans le réseau, devraient, dans les plus brefs délais et publiquement, indiquer spécifiquement où et en quelles proportions seraient affectés ces crédits. La recherche de l'excellence universitaire de façon concrète définit un cadre de priorités budgétaires. L'engagement de nouveaux professeurs, d'assistants d'enseignement, le renouvellement des ressources en bibliothèque, des équipements de laboratoire sont autant d'exemples de ce qui serait un choix budgétaire axé sur la recherche de l'excellence.

Nous croyons que les institutions doivent faire état de leurs priorités

budgétaires et qu'elles doivent s'engager publiquement à affecter d'éventuels montants d'argent neuf là où cela aura le plus d'impact en termes d'excellence.

En déterminant des affectations spécifiques aux montants d'argent neuf, les établissements feraient un pas vers l'instauration d'un climat de confiance entre les intervenants, dont le gouvernement, au sujet de leur façon d'exercer l'autonomie universitaire.

De la part du gouvernement, une mesure s'impose et de façon urgente cependant: augmenter l'enveloppe de fonctionnement du réseau. Pour 1984-1985, le RAEU reprend essentiellement la position du Conseil des universités quant au niveau de subventions requis.

Nous croyons que l'injection d'une somme minimale de quelque 21 500 000 $ aidera à pallier les problèmes les plus criants du réseau universitaire. Ce faisant, le gouvernement fera montre d'une volonté de donner au réseau universitaire québécois les ressources pour viser l'excellence.

Bien entendu, pour que cette injection de crédits reçoive la plus grande approbation possible de la part de l'opinion publique, il importe que les universités répondent parallèlement aux propositions ayant trait à la transparence de leur gestion et indiquent clairement qu'elles entendent dépenser ces fonds en fonction d'améliorer la qualité de leurs services.

Un certain nombre d'autres mesures doivent être mises de l'avant qui, à plus long terme, conféreront à l'université une plus grande légitimité et amélioreront ses services.

Le niveau des fonds publics injectés dans le réseau universitaire est relié, comme on le sait, directement ou indirectement au degré de satisfaction du contribuable qui finance ces institutions. Cette satisfaction dépend de deux facteurs: le degré de rattachement des universités à la société et l'efficience qu'elles démontrent dans la gestion des fonds publics.

Le titre de la présente section commence par "L'université face à la société". Nous aurions préféré écrire "L'université dans la société", mais l'impression que projette l'université, véritable tour d'ivoire, demeure trop forte pour que l'on puisse l'oublier si facilement.

M. le Président, les étudiants que nous représentons veulent une université en osmose avec son milieu. Nous croyons que l'université peut et doit augmenter la surface de contact qui la relie à son environnement. L'enseignement et la recherche vécus en milieu universitaire doivent prendre naissance dans les défis et les problèmes que connaît notre société. De cette analyse découle un certain nombre de réformes à opérer au sein de l'université québécoise.

Le RAEU met de l'avant, comme première solution, le principe de la participation des agents socio-économiques à divers échelons des structures universitaires. Les conseils d'administration, les conseils de faculté, les assemblées de familles ou de modules devraient comprendre, outre des professeurs et des étudiants, des gens provenant des entreprises, des syndicats, des groupes populaires et communautaires. De telles mesures favoriseront, nous le pensons, les échanges université-milieu. La qualité de la formation et de la recherche en sera directement améliorée. Beaucoup d'employeurs se plaignent, comme on le sait, des graves lacunes de la formation des finissants de nos universités. Beaucoup d'entreprises mettent sur pied leur propre centre de recherche. Voilà autant de symptômes du cloisonnement de l'université. Il est temps que l'opération portes ouvertes ait vraiment lieu.

Comme deuxième élément de solution, nous croyons qu'une attention toute particulière doit être portée à la composition des lieux où se décide l'engagement et la nomination des membres du corps enseignant, en regard du principe de la participation d'agents socio-économiques à l'université.

La démarche de promotion des professeurs n'implique presque toujours que des professeurs. Nous croyons que cette situation est malsaine. Bien sûr, la présence de collègues au cours de la démarche est importante, nous ne le nions pas. Cependant, une démarche entreprise par le candidat à la promotion et jugée uniquement par ses pairs, qu'il jugera ultérieurement, ressemble un peu, vous en conviendrez, à un processus "d'entrepromotionnage" ou à une invitation à la complaisance envers son confrère.

Comme troisième élément de solution, vous vous en douterez, le RAEU tient à réaffirmer l'importance de valoriser les mécanismes et les solutions trouvés par les étudiants qui iront dans le sens d'une plus grande ouverture à la communauté. Nous voulons que le ministère et l'ensemble des agents concernés se prononcent favorablement sur les centres étudiants de services communautaires que nous avons créés et qu'ils soient prêts à y investir des sommes pour qu'ils puissent assumer leur véritable responsabilité dans les missions d'ouverture aux collectivités.

En ce sens, il sera possible de recourir aux connaissances acquises par les étudiants et les étudiantes afin qu'elles servent concrètement les gens qui n'ont pas habituellement accès à l'université.

Actuellement, plusieurs étudiants ont la possibilité de travailler à des projets d'étude dont bénéficient des groupes et des individus qui, autrement, ne pourraient pas se payer ces services. Avec l'aide et le soutien des professeurs et des gens impliqués dans le

milieu, les étudiants deviennent un soutien de premier ordre pour la réalisation de certains projets nécessaires à notre vie collective.

Ainsi, des individus et des groupes reçoivent maintenant une assistance concrète de la part des étudiants. C'est à l'intérieur même de leurs cours que les étudiants pourront résoudre certains problèmes réels.

Deuxièmement, voici quelques exemples de projets déjà existants pouvant aider à mieux comprendre les objectifs visés par le Centre étudiant de services communautaires qu'a mis de l'avant le RAEU. Des étudiants en orthopédagogie travaillent avec des groupes d'alphabétisation dans des centres d'handicapés physiques afin qu'ils apprennent à lire et à écrire. Un second exemple, des personnes du troisième âge peuvent garder des enfants, adresser des enveloppes pour des groupes communautaires, faire du bénévolat dans les hôpitaux psychiatriques grâce au groupe d'entraide créé par des étudiants en travail social de l'Université de Montréal. Un centre d'aide à la petite et à la moyenne entreprise a aussi été mis sur pied par des étudiants en administration. Des étudiants en aménagement construisent maintenant - plans et exécution - un terrain de jeu pour une garderie.

Nous souhaitons que des projets analogues aux nôtres émergent le plus rapidement possible dans toutes les universités. (10 h 45)

M. le Président, nous savons également quelle importance on acccorde à la question des revenus autonomes des établissements. À ce sujet, le RAEU croit que les revenus autonomes des établissements ont ceci d'intéressant: c'est qu'ils permettent à chacun de titrer le meilleur parti du domaine dans lequel il excelle. Par exemple, pour une université dont le fleuron est la recherche en biotechnologie, sa capacité d'obtenir des fonds de recherche dépendra principalement de ses avantages comparatifs par rapport aux autres établissements impliqués dans le même domaine.

De la même façon, pour l'université solidement enracinée dans sa communauté, sa capacité de générer un soutien financier de la population - prenant par exemple, la forme d'un fonds de dotation - serait une mesure assez grossière, mais néanmoins significative du degré de satisfaction à l'égard de l'université, tous facteurs considérés.

C'est ainsi que nous lançons quelques pistes susceptibles d'accroître le financement externe d'un établissement. Nos deux suggestions s'inspirent d'un principe commun: l'université tire sa légitimité du nombre et de la qualité des surfaces de contact qu'elle entretient avec les différents groupes de la société.

Source de revenu traditionnelle pour les "vieilles" universités, les campagnes de financement, de souscription ou autres formes de sollicitation auprès du public ont été habituellement menées par l'administration centrale de l'université. Le RAEU suggère aujourd'hui aux universités de permettre aux unités inférieures (les facultés, les modules et les départements) de conduire leur propre campagne de financement.

Nous faisons l'hypothèse que les diplômés, principale clientèle cible de ces campagnes, seraient ainsi plus enclins à contribuer au développement de l'unité dans laquelle ils ont vécu leur vie d'étudiant plutôt que de contribuer à un fonds consolidé dont les priorités ne leur conviennent pas nécessairement.

En instaurant un système mixte selon lequel les administrations poursuivraient leurs campagnes "pan-campus", nous croyons que cela pourrait donner des résultats intéressants à la condition, bien entendu, que le diplômé ait apprécié la formation acquise.

Les entreprises, en particulier, reprochent souvent aux universités de dispenser des enseignements insuffisamment actuels. Lorsqu'une entreprise embauche un diplômé pour ensuite lui faire subir un programme de formation pouvant durer jusqu'à douze mois, elle encourt nécessairement des coûts considérables.

Devant ce constat, le RAEU propose aux universités d'étudier de quelle façon des spécialistes dans tel ou tel domaine, à l'emploi d'une entreprise ou de tout autre organisme intéressé, pourraient dispenser des enseignements s'inscrivant dans le cadre du programme d'enseignement. Nous croyons que les entreprises pourraient se montrer intéressées par une telle formule qui leur permettrait d'avoir voix au chapitre de la formation de leur future main-d'oeuvre. Des avantages fiscaux, par exemple, pourraient leur être accordés, de sorte que la contribution soit mutuelle.

Les établissements universitaires ont géré plus de 1 000 000 000 $ en 1983-1984, en incluant les commandites de recherche. Les universités doivent donc constamment chercher l'efficacité maximale de l'utilisation de ces sommes. D'ores et déjà, nous pouvons identifier des lacunes béantes dans cette gestion: l'absence d'évaluation de la prestation de l'enseignement et l'attribution de la permanence d'emploi aux membres du corps professoral.

Dans la majeure partie des campus, la prestation des activités d'enseignement n'est pas sujette à une évaluation. Or, il saute aux yeux, non seulement que cette évaluation doit être effectuée, et ce, principalement par les usagers, mais qu'elle doit avoir un impact réel sur la qualité de l'enseignement.

Dans tous les campus, la démarche de promotion se fait en fonction d'un certain nombre de critères tels l'enseignement, la

recherche, le rayonnement sur les structures internes de l'institution et le rayonnement externe. La charge de travail du professeur est indéfinie et la pondération entre les différents facteurs sujets à l'étude lors d'une demande de promotion l'est également. Il en résulte parfois un déséquilibre entre les fonctions d'enseignement et de recherche.

Le fait de faire participer des gens du milieu et des étudiants au processus d'engagement et de promotion réglerait, nous le pensons, en partie ce problème. Mais, pour redonner à la fonction d'enseignement la place qui lui revient au coeur des préoccupations universitaires, le RAEU demande que, dans les institutions où cela n'est pas déjà fait, l'on procède à l'évaluation de la prestation de l'enseignement et ce, aux fins de promotion dans la carrière professorale.

Le RAEU considère par ailleurs que les autres activités de l'enseignant doivent également faire l'objet de bilans réguliers. Une évaluation continue de l'ensemble des activités des membres du corps professoral constitue un outil important pour inciter à l'excellence.

Pour le RAEU le temps est arrivé de remettre en question l'attribution de la permanence aux professeurs.

Partout, en Amérique du Nord et même au Québec, si on prend l'Université McGill, les professeurs bénéficient de contrats fermes d'une durée moyenne de dix ans.

En tant qu'étudiants, nous avons tous constaté que certains membres du corps enseignant exécutent mal ce pour quoi ils sont rétribués. La situation est d'autant plus grave qu'il semble souvent impossible de résoudre ces problèmes individuels. Quelles en sont les causes? Absence de facteurs de maturité, de paresse ou perte d'intérêt? Quoi qu'il en soit, nous considérons inadmissible que les contribuables paient la note de l'incompétence ou de la mauvaise volonté.

Il ne s'agit pas ici d'entamer, vous le comprendrez, une chasse aux sorcières. Nous ne désirons pas mettre en cause la compétence et l'ardeur de l'immense majorité des professeurs. Nous discutons de ce qu'il y a lieu de faire dans les autres cas. L'instauration de mécanismes visant à conserver sa qualité au corps professoral peut se modeler sur l'exemple nord-américain, en y apportant quelques correctifs.

Sur cette voie, nous proposons que l'octroi du grade de professeur agrégé ne confère pas de permanence dans l'emploi, mais qu'il entraîne plutôt l'attribution d'un contrat ferme d'une durée de dix ans. Que le contrat soit renouvelé automatiquement pour les professeurs dont le travail ne comporte pas de lacunes importantes. Tertio: Que, dans les autres cas, un contrat de dernière chance, d'une durée de trois ans, soit offert au cours duquel contrat l'institution tentera, avec le professeur concerné, de remédier à ses lacunes.

La responsabilité de la gestion du personnel professoral, vous en conviendrez, M. le Président, incombe à l'institution universitaire. Quant à celle des institutions elles-mêmes, il est du ressort du gouvernement d'en établir les mécanismes de régulation et de contrôle. La productivité de l'institution universitaire comme de ses unités doit être encouragée. À l'Université de Montréal, par exemple, le pouvoir central a mis en place une politique d'évaluation des unités en fonction du critère activité-ressources aux fins d'attribution budgétaire. Cela représente ni plus ni moins qu'une analyse de productivité des départements au terme de laquelle des crédits supplémentaires sont assignés aux unités performantes.

L'opération consistera à tenir compte de l'ensemble des résultats d'une institution: nombre de diplômés de premier, deuxième et troisième cycle, nombre de travaux de recherche menés à terme, quantité de subventions et de contrats de recherche reçus en fonction des ressources financières dispensées par le gouvernement. Cela, croyons-nous, devrait contribuer à améliorer la performance des institutions universitaires québécoises.

Évidemment, une telle politique d'évaluation des institutions aux fins d'attribution budgétaire ne pourra, nous le pensons, se faire que dans l'hypothèse où des "ressources standards" seront établies pour viser l'excellence universitaire, de la façon décrite plus tôt dans notre mémoire. Autrement, la politique d'évaluation aurait nécessairement pour effet d'ouvrir une course effrénée à la production de diplômes dévalorisés, ce que ne saurait cautionner notre regroupement.

En conclusion, nous réaffirmons que le financement de l'accessibilité aux études universitaires est une façon intelligente de promouvoir l'emploi chez les jeunes et les moins jeunes. À ce titre, nous demandons au gouvernement de se prononcer sur cette question afin que la population puisse juger du sérieux des objectifs mis de l'avant.

En second lieu, le RAEU s'attend que le ministre, s'il réaffirme l'objectif d'accessibilité aux études universitaires, gèle les frais de scolarité à leur niveau actuel.

Par ailleurs, nous demandons la création d'un comité chargé d'établir des normes quant aux ressources nécessaires pour viser l'excellence. Nous demandons également que le gouvernement injecte les 21 500 000 $ tel que proposé par le Conseil des universités.

Que les institutions fassent état de leurs priorités budgétaires et qu'elles s'engagent publiquement à affecter d'éventuelles sommes neuves là où cela aura

le plus d'impact en termes d'excellence.

Que, dans les institutions où cela n'est pas déjà fait, l'on procède à l'évaluation de la prestation de l'enseignement et ce, aux fins de promotion dans la carrière professorale.

Que l'on remette en question l'attribution de la permanence aux professeurs.

Que l'octroi du grade de professeur agrégé ne confère pas de permanence dans l'emploi, mais qu'il entraîne plutôt l'attribution d'un contrat ferme d'une durée de dix ans.

C'est tout. M. le ministre, MM. les députés, merci.

Le Président (M. Charbonneau): N'allons pas trop vite. Merci, M. Guindon. Il nous reste environ trois quarts d'heure, étant donné qu'on a commencé à 10 h 15 et qu'on veut donner une heure et demie à chacun des deux groupes. Écoutez, je vais vous poser quelques questions préliminaires et, par la suite, je pense que certains de mes collègues voudraient faire de même.

Je suis un député de la génération d'étudiants qui réclamaient aussi la gratuité scolaire. C'était un principe de combat ou de militantisme étudiant il y a déjà dix ans, quinze ans. Mes collègues qui sont plus vieux que moi et qui sont ministres aujourd'hui étaient des leaders étudiants il y a plus longtemps que moi, et ils pourraient dire qu'à leur époque aussi c'était la même revendication.

Vous invitiez tantôt différents groupes (le gouvernement, les enseignants, les administrations universitaires) à l'autocritique. Est-ce que l'heure n'est pas venue pour le monde étudiant et les anciens étudiants que nous sommes, qui ont cru à ce combat ou à ce principe, d'interroger tout au moins l'à-propos de maintenir la question du gel des frais de scolarité, dans une approche où les ressources sociales ne sont plus ce qu'elles étaient en termes de croissance? D'autre part, on se rend compte que, lorsqu'on tient le discours du gel des frais de scolarité en brandissant ou en utilisant l'argument qu'on le fait d'abord pour faciliter l'accès à l'université aux classes les plus défavorisées, ce que vous indiquez entre autres dans votre mémoire, on se rend compte que finalement ce ne sont pas nécessairement ces classes qui en bénéficient. Un gel des frais de scolarité -non pas le gel mais le dégel, si l'on veut -serait bien sûr accompagné d'un système d'aide financière, non pas uniquement de prêts mais de bourses, qui ne pénaliserait pas les gens qui actuellement sont plus défavorisés ou qui viennent de milieux plus défavorisés et qui peuvent dire que le gel des frais de scolarité depuis plusieurs années les amène à avoir accès à l'université plus facilement. Est-ce qu'il n'y a pas une façon différente de faciliter l'accès à des jeunes qui viennent des milieux défavorisés, une façon autre que le gel des frais de scolarité pour tout le monde, le fils du député comme le fils du concierge?

M. Guindon: M. le Président, je pense que, en tant que société québécoise, on a fait le choix en 1960 de démocratiser le plus possible l'enseignement secondaire et postsecondaire. À cet égard, on pense qu'il est encore de mise pour le Québec, s'il se targue comme société d'être distincte, de réaffirmer des choix sociaux distincts, c'est-à-dire des choix de ne pas suivre nécessairement les choix que d'autres ont privilégiés, comme c'est le cas notamment, je présume que vous y faites allusion, pour l'Ontario.

Le Président (M. Charbonneau): Je ne fais allusion à personne. Je pense que le problème se pose, c'est tout.

M. Guindon: En ce qui concerne l'accessibilité, on pense qu'il serait faux de dire que les frais de scolarité, finalement, ne pallieraient pas, c'est-à-dire n'empêcheraient pas l'accessibilité. On le sait, le discours est un peu facile actuellement, c'est-à-dire qu'on va réformer les prêts et bourses et comme cela le problème va être réglé. Nous, on ne pense pas que le problème va être réglé. Connaissant la peur de l'endettement des individus, surtout des classes défavorisées, qui ne connaissent souvent pas l'existence même du régime des prêts et bourses, connaissant aussi l'importance de promouvoir intelligemment l'emploi chez les jeunes - je pense que les statistiques sont là pour le prouver: plus tu es instruit, plus tu trouves facilement un emploi et la qualité d'une société se détermine souvent par le degré d'éducation qu'elle a reçu... (11 heures)

Dans ce sens, nous pensons qu'il faut continuer ce choix de société et l'assumer. Cependant - et c'est là qu'on diffère sur la question - on dit qu'il ne faut pas utiliser la question des frais de scolarité comme prétexte pour finalement mieux garnir l'enveloppe budgétaire. Le problème n'est pas là. On pense que, si on en est rendu à penser à la hausse des frais de scolarité, c'est encore un remède de cheval, parce qu'on refuse de se poser les véritables questions à l'heure actuelle qui sont, selon nous, la crise de légitimité et la crise de confiance auxquelles fait face cette institution qui s'appelle l'université. Alors, ne tentons pas de faire de vils débats sur une espèce de palliatif qui, on le sait, va reporter à quelques années plus tard le véritable débat de fond qu'on veut enclencher sur le rôle de l'université dans la

société.

Le Président (M. Charbonneau): Dans ce cas, si je vous suis, pourquoi donnerions-nous suite à votre recommandation d'injecter plus de fonds? Si injecter plus de fonds par la méthode du dégel des frais de scolarité n'est pas la bonne façon, n'importe quelle façon ne serait peut-être pas plus appropriée dans le contexte où vous dites que cela n'est pas le problème principal et que le problème principal est de se demander si l'université, non seulement est légitime, mais fonctionne bien avec les ressources qu'elle a. On a l'impression, en vous écoutant et en lisant votre mémoire, que ce que vous nous dites, c'est qu'il y a des problèmes qui dépassent les problèmes de ressources. Vous devriez par ailleurs donner suite aux recommandations du Conseil des universités et autres de verser plus d'argent, mais le problème principal n'est pas là. À un moment donné dans le texte, vous dites: "Le gouvernement croit qu'une augmentation du niveau de financement des universités n'entraînerait pas nécessairement une augmentation de la qualité d'enseignement et de la recherche; nous lui donnons raison..." et vous donnez aussi raison aux institutions qui, elles, demandent plus d'argent. Autrement dit, vous donnez raison aux deux d'une certaine façon et en même temps vous les renvoyez dos à dos en disant que chacun a encore un bout de chemin à faire. Comment peut-on à la fois demander plus d'argent et refuser même de considérer que la question se pose de considérer le dégel des frais de scolarité? Je ne dis pas que je suis en faveur. Je pense qu'il y a une chose qui est claire, c'est qu'à mon avis la question se pose légitimement, que ce soit ou non dans nos programmes de parti.

M. Guindon: M. le ministre, je pense que vous avez partiellement raison...

Une voix: M. le Président.

M. Guindon: M. le Président, pardon, je suis habitué avec M. Bérubé, c'est pour cela. On pense qu'il faut éviter de mélanger les choux et les carottes dans ce débat, parce que cela serait trop facile de les mélanger et de faire une belle bouillie pour les chats avec cela. À cet égard, on pense que l'accessibilité est aussi un droit: le droit d'une société de choisir et de mettre en valeur le potentiel que constitue la jeunesse actuelle pour le développement d'un plus grand bien-être collectif. Cela doit être permis par une plus grande accessibilité. Cela n'est pas en contradiction avec l'injection de nouveaux fonds, au contraire, parce que, si on dit: II faut accroître l'accessibilité, il va falloir accroître les fonds. Là où on voudrait insister, c'est sur la question de confiance qu'on veut rétablir entre le ministère de l'Éducation, les universités et, finalement, la société en général. Pour cela, on demande des choses à l'université et on demande des choses aussi au ministère. Ce qu'on demande au ministère, c'est de faire preuve de bonne foi dans ce dossier et de dire: Si on veut viser l'excellence, il faut peut-être investir cet argent qu'on réclame parce qu'on risque d'étouffer la machine. À partir de cela, on dit que cela sera le geste de bonne foi du gouvernement de dire que c'est encore une priorité. En contrepartie, on dira: II faut établir des standards d'excellence parce que les sommes d'argent neuf et spécifique devront être allouées en fonction de l'augmentation de l'excellence des universités.

Le Président (M. Charbonneau):

D'accord. Je reviens à la question des frais de scolarité de la façon suivante: Ce que vous véhiculez comme position, je l'ai rappelé au début, est une position traditionnelle classique du milieu étudiant depuis au moins 25 ans au Québec. Malgré cette position que vous reprenez et que vous défendez - et je présume que l'association qui vous suivra va prendre à son compte cette même revendication - est-ce que néanmoins vous seriez disposés dans vos instances à engager la discussion sur cette question-là? Est-ce qu'il y a possibilité qu'on regarde les avantages et les inconvénients ou si, en partant, le choix que vous pensez qui doit être fait de votre part, c'est de rester sur cette revendication traditionnelle et immédiatement de brandir d'une certaine façon la force que vous pouvez représenter par le nombre? Je fais allusion, par exemple, cette semaine, à une annonce dans les journaux qui, dès le départ, d'une certaine façon, était une espèce d'avertissement en voulant dire - quand tu as été militant étudiant, tu sais un peu comment cela marche - après l'annonce vient le reste. Est-ce qu'il n'y a pas place actuellement pour une période de questions plutôt que pour immédiatement un affrontement qui fait en sorte que cela devient immédiatement une question politique de part et d'autre?

M. Guindon: M. le Président, vous comprendrez que, si vous avez vu cette annonce dans les journaux hier, c'est que le débat a été fait chez nous. Et, comme on veut être un mouvement étudiant toujours plus responsable face à la société, face aux institutions et que nous estimons que nous avons des devoirs et des responsabilités, vous comprendrez que nous avons été décents dans notre énoncé du maintien du gel des frais de scolarité. Si nous étions cohérents, c'est-à-dire si nous n'étions pas responsables pour l'instant, nous aurions peut-être demandé

l'abolition complète des frais de scolarité.

Le Président (M. Charbonneau): Une dernière question sur cet élément. Vous parlez du gel des frais de scolarité à leur niveau actuel. Est-ce à dire que, si on considérait, par exemple, l'année 1984-1985 comme une année témoin, une indexation des frais à leur niveau actuel qui ferait en sorte qu'ils ne diminueraient pas, mais qu'ils resteraient à leur niveau actuel serait quelque chose de considérable? Comment doit-on l'interpréter quand vous parlez de leur niveau actuel? Le niveau actuel, si on les gèle d'une année à l'autre, ce n'est plus le niveau actuel, c'est le niveau qui baisse à chaque année et on s'en va tranquillement, progressivement, vers une gratuité.

M. Guindon: Tout dépend à quel point on se situe, finalement.

Le Président (M. Charbonneau): Pour bien comprendre le vôtre, c'est-à-dire le niveau actuel dont vous parlez.

M. Guindon: Pour nous, ce n'est pas bien compliqué. Actuellement, on pense que les frais de scolarité augmentent parce que la qualité de la formation diminue, ce n'est pas compliqué. Dans ce sens, je pense que la réponse va de soi.

Le Président (M. Charbonneau): Vous ne trouvez pas que c'est un peu facile, par exemple?

M. Guindon: Pour reprendre une image du ministre Bérubé, les coûts de la vie ont monté et les frais de scolarité ont diminué. C'est ce qu'on veut, qu'ils diminuent encore plus.

Le Président (M. Charbonneau):

D'accord.

M. le député d'Argenteuil et vice-président de la commission.

M. Ryan: Je ne veux pas prolonger le débat sur la question des frais de scolarité. Je m'étonne seulement de constater que le gouvernement semble se rendre compte maintenant qu'en maintenant le gel depuis sept ans qu'il est au pouvoir il diminuait à chaque année les frais réels encourus par l'étudiant qui fréquente l'université, abstraction faite évidemment de l'argument de la qualité de l'enseignement dont vous avez parlé. Cette question fait partie du cadre de nos débats, mais je pense que les problèmes qui ont été posés depuis quelques années découlent d'autres décisions gouvernementales, de toute évidence, les décisions relatives à l'imposition de compressions brutales, souvent aveugles, sans aucune considération des conséquences pratiques que cela entraînerait dans la vie des universités. Cela est la raison première pour laquelle la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre a décidé de se pencher sur le problème des orientations et du financement de nos universités.

Il y aurait bien des choses dans votre mémoire que j'aimerais avoir le temps de discuter. Malheureusement, nous ne disposons pas de beaucoup de temps ce matin. Je voudrais simplement vous mentionner, à titre d'exemple, deux sujets.

Lorsque vous parlez de la corrélation entre chômage et formation universitaire, je suis prêt à admettre que, de manière générale, la personne qui a reçu une formation supérieure aura plus de chance de se situer sur le marché de l'emploi que la personne qui n'a reçu qu'une formation très incomplète. Cela a été étayé par de très nombreuses enquêtes au cours des années. Je pense bien que c'est une affirmation qu'on peut accepter.

Je voudrais cependant signaler qu'il faut faire attention. Dans le contexte nouveau dans lequel nous sommes entrés depuis quelques années, le phénomène du chômage des universitaires, des porteurs de diplôme, s'est accru considérablement. Je vous souligne en particulier l'un des tout derniers numéros de "Relance", une enquête qui a été faite l'an dernier sur les diplômés de niveau universitaire et qui nous montre que la situation est assez dramatique de ce côté-là aussi. Nous rencontrons souvent, dans la région de Montréal et même ici, à Québec, des chauffeurs de taxi qui sont bacheliers en histoire, des licenciés en droit, des diplômés universitaires. Nous rencontrons souvent, parmi le personnel qui nous sert dans les hôtels, des gens qui ont reçu une formation très poussée.

Je me souviens, il y a déjà de nombreuses années, quand j'avais l'occasion d'aller en Europe plus souvent, qu'on constatait cela en France, en Angleterre, en Italie, et je ne pensais pas que le phénomène se produirait ici. Or, nous le constatons dans une grande mesure. C'est ce qui a obligé les autorités des pays industrialisés à s'interroger sur les orientations de l'enseignement et aussi sur la structure des programmes.

Cela étant dit, je pense que vous conviendrez de cela avec moi, ce matin, les chiffres sont là, mais je n'ai pas l'intention de les citer ici. On aurait tout un débat à faire là-dessus et il serait extrêmement profitable, mais le cadre de cette commission, et surtout de la séance à laquelle nous participons, ne s'y prête pas beaucoup. J'espère qu'on pourra l'aborder ensemble dans d'autres circonstances.

Je voudrais revenir à quelques points plus immédiats qui découlent de votre mémoire. J'aimerais que vous me donniez des précisions. Vous dites, à la page 6 de votre

mémoire: "La population étudiante, usagère du service, a largement écopé des coupures budgétaires dans le réseau universitaire. Tandis que les frais de scolarité ont été gelés, les services éducatifs, les services de soutien, etc., ont été réduits de façon drastique, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif - je complète au point de vue français, excusez-moi - influant, comme on le sait, sur la qualité de la formation acquise à l'université."

Est-ce que vous pourriez donner des précisions là-dessus? Cela est un des passages les plus importants de tous les mémoires que nous recevons et j'aimerais beaucoup que vous nous donniez des précisions plus concrètes et que, au besoin, vous nous adressiez un supplément d'information sur ce sujet. C'est très important pour les conclusions que devra tirer la commission.

M. Guindon: Voici deux exemples qui nous sautent le plus aux yeux en tant qu'étudiants, au point de vue qualitatif, en termes d'impact sur la qualité de l'enseignement. Il y a, bien sûr, l'augmentation considérable du ratio maître-élèves qui a diminué nécessairement la qualité de la formation. Les étudiants se trouvent moins encadrés, il y a moins d'animateurs de cours, on peut moins en prendre soin en termes d'énergies que le professeur peut investir. En termes qualitatifs et aussi quantitatifs, si on regarde les bibliothèques, dans plusieurs universités, depuis l'heure des compressions budgétaires, on a cessé ou presque de régénérer les bibliothèques par de nouvelles recherches, par les nouvelles publications faites à travers le monde. On a coupé dans les heures de service des bibliothèques; donc, on a diminué le nombre de bibliothécaires. Les services de soutien ont aussi été affectés. Pour nous, ce sont les principaux éléments qui nous ont affectés directement à cause de ces coupures.

M. Ryan: Quand on coupe les heures durant lesquelles les bibliothèques sont disponibles pour les étudiants, le ministre, au bout du compte, quand il fait ses totaux, conclut qu'il y a eu une amélioration de la productivité. Est-ce que c'est votre conclusion?

M. Muller (Paul): M. le Président, membres de la commission, cela dépend de quelle façon...

M. Ryan: Si vous voulez contredire le ministre, nous vous protégerons par tous les moyens nécessaires. (11 h 15)

M. Guindon: N'étant pas économiste, M. le Président, je préfère laisser la parole à mon collègue qui s'y connaît plus dans le domaine de la productivité.

M. Ryan: Pardon!

M. Guindon: J'ai dit: N'étant pas économiste, je préfère laisser la parole à mon collègue qui s'y connaît plus en termes de productivité.

M. Ryan: Très bien.

M. Muller: Je ne voudrais pas faire de présomption à cet égard, mais cela dépend de quelle façon on mesure la productivité. Est-ce qu'on la mesure par les clientèles qu'on reçoit à l'université, en fonction des effectifs, ou est-ce qu'on la mesure par la capacité des diplômés de se trouver un emploi sur le marché du travail, de la capacité d'adaptation dont ils font preuve lorsque l'emploi qu'ils occupent est appelé à disparaître et qu'ils doivent s'en trouver un autre? Tout dépend de la façon qu'on mesure cette productivité. Je crois que si on veut faire preuve de discernement, de hauteur de vue, on doit mesurer la productivité du réseau universitaire par les différentes capacités de ces extrants, de ces diplômés: premièrement, à la sortie de l'université, lorsqu'ils entrent sur le marché du travail et, deuxièmement, après quelques années sur le marché du travail. C'est là que se mesure véritablement la qualité ou, je dirais, la productivité du réseau universitaire.

M. Ryan: Très bien, merci. Vous m'avez donné quelques exemples. S'il y avait d'autres exemples que vous pourriez colliger et adresser en complément d'information aux membres de la commission, vous nous rendriez un grand service. Concernant les bibliothèques, si vous pouviez nous adresser des précisions, les heures auxquelles ces services étaient disponibles antérieurement, les heures auxquelles ils seront disponibles maintenant et d'autres exemples concrets comme ceux-ci, je pense que c'est ce dont nous avons le plus besoin pour compléter notre travail de manière utile.

Je voudrais passer - à moins que vous n'ayez des choses à ajouter là-dessus - à une autre question, étant donné le peu de temps dont nous disposons. Je remarque dans votre mémoire que vous vous portez solidaires des recommandations générales et particulières, je présume, qui ont été faites par le Conseil des universités concernant l'injection de fonds additionnels dans le réseau universitaire. Vous ne précisez pas l'année dans votre mémoire. Vous devez vouloir parler de l'année 1984-1985, M. l'économiste?

M. Muller: Oui, c'est bien cela.

M. Ryan: Je remarque une chose. Cela

fait trois organismes que nous entendons depuis le début: il y a eu la Conférence des recteurs, il y a eu la Fédération des professeurs et ce matin il y a le RAEU, et c'est le troisième qui donne son accord à l'ensemble des recommandations qui ont été faites par le Conseil des universités. J'espère que le député de Fabre va noter cela attentivement pour l'année 1984-1985, n'est-ce pas? Je ne vous demande pas de précision là-dessus, je note ceci avec plaisir, je le porte à l'attention du gouvernement et je vous pose une question. Vous dites: Il faudrait former un comité, le gouvernement a raison, tout le monde a raison en même temps et c'est un peu plus difficile. Nous, on essaie de faire cela des fois, le personnel politique, dire que tout le monde a raison, mais il faut toujours en arriver à une conclusion, même si cela prend parfois un certain nombre d'années pour s'en rendre compte.

Ne trouvez-vous pas que ce que vous demandez, un nouveau comité... On a déjà le Conseil des universités qui fait tout ce travail et vous-même trouvez qu'il a fait des bonnes recommandations pour l'année 1984-1985 sur le sujet que nous discutons. Est-ce que le comité oecuménique dont vous proposez la formation ne serait pas une étape qui entraînerait plutôt une perte de temps, une dépense additionnelle d'énergie, quand on a déjà un forum où toutes ces questions peuvent être abordées dans l'esprit d'indépendance et surtout avec l'appui des ressources nécessaires? C'est toujours le problème. Quand on aborde une question comme celle-là, il faut être assuré d'un appui technique minimal. Le Conseil des universités l'a. Je vous demande en quoi la création d'un comité comme celui-là viendrait ajouter à ce le Conseil des universités apporte déjà et peut continuer d'apporter aussi longtemps que le ministre va le laisser fonctionner.

M. Guindon: Vous comprendrez, M. le député, que la participation étudiante est plutôt minime dans le cas du Conseil des universités et que nous aimerions, en tant qu'usagers, en tant que principaux intéressés sur cette question, être particulièrement consultés et être partie prenante finalement du processus menant à l'établissement de ces standards. On veut être là pour dire ce qu'on a à dire. Actuellement, au Conseil des universités, je pense que la voix qu'on a est tellement minime que cela ne nous permettrait pas de faire valoir véritablement et qualitativement les commentaires qu'on peut formuler et qu'on veut formuler sur les standards d'excellence.

M. Ryan: Quand vous parlez de politique d'évaluation, juste un dernier point... En tout cas, là-dessus, il y aurait peut-être moyen que votre point de vue soit davantage entendu au Conseil des universités, que des moyens soient prévus à cette fin, la représentation de votre secteur dans le conseil ou une participation à certaines réunions, je ne le sais pas. En tout cas, c'est un point que vous avez soulevé; on le note avec intérêt.

Une dernière question: vous parlez de politique d'évaluation des institutions universitaires, êtes-vous au courant de ce que le Conseil des universités fait dans ce secteur? Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Gauthier (Jacques): Est-ce que vous parlez d'une évaluation en fonction des activités et des ressources qui sont injectées dans chaque établissement?

M. Ryan: II y a des travaux spécialisés qui ont été entrepris par le conseil. Par exemple, il y a une étude qui est en marche sur la qualité des études de génie au Québec. On n'a pas encore les résultats de cela mais verriez-vous, vous autres, que c'est le gouvernement qui ferait cela? Vous demandez une politique d'évaluation des institutions, qu'est-ce que vous voulez dire par là exactement? Comment cela se ferait-il?

M. Gauthier (Jacques): II s'agirait de faire une évaluation de chaque institution. Ce n'est pas des institutions en général. Cela serait de chaque institution en fonction: des activités que l'institution dispense, par exemple en termes de "tutoring" en deuxième ou troisième cycle, en termes de publication de résultats de recherches menées à terme, de diplômés de premier cycle et on analyserait cela en fonction des ressources qui sont injectées dans chacun des établissements aux fins d'attribution budgétaire. On pense que cela serait une bonne façon d'améliorer la productivité des institutions.

Cependant, comme on le souligne dans le mémoire, pour nous, il est important de former le comité dont on a parlé un peu plus tôt, un comité qui évaluerait des standards-ressources, à savoir ce qu'est la quantité de ressources en termes, par exemple, de ratio maître-élèves, en termes de ressources en bibliothèque, d'en chiffrer les coûts et de les donner comme standards minimaux.

À partir de ce moment-là, on pense que, dans la mesure où il y aurait des ressources minimales pour viser l'excellence, où il y aurait une infrastructure qui permettrait de faire des travaux de qualité dans les universités, il faudrait analyser la productivité des établissements universitaires. Cela permettrait une meilleure gestion, une meilleure utilisation des ressources.

M. Ryan: Ma question est: Est-ce que vous envisagez un juge extérieur, quelqu'un qui va venir se superposer, porter ces jugements ou si c'est un travail d'auto-évaluation que vous proposez aux institutions d'entreprendre elles-mêmes, en collaboration si nécessaire? Ma question est: Voulez-vous avoir un juge qui va venir se placer au-dessus de ça et qui va dire: Vous autres, vous êtes un peu meilleurs que les autres, on va vous donner un peu plus, un peu moins?

M. Gauthier (Jacques): Dans le mémoire, on fait référence à un document. En fait, l'idée vient beaucoup d'un document qui a été produit à l'Université de Montréal, par le vice-recteur exécutif, qui donne une formule, un peu une formule mathématique, ce qui exclut donc l'arbitraire d'un individu qui aura en plus à assumer le fardeau d'être juge des établissements universitaires. C'est donc une formule qui établit, évidemment, des coefficients dont la méthodologie devrait être discutée, on le pense, par l'ensemble des intervenants en milieu universitaire, pour que les gens agréent cette formule. À ce moment-là, cela serait une formule mathématique et non quelqu'un qui viendrait juger de la productivité des universités. Cela n'aurait pas d'allure, je pense.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le député.

M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier le RAEIU d'avoir accepté notre invitation, le féliciter aussi du bon mémoire qu'il nous a présenté. Je pense que vous posez les bonnes questions, à mon avis. Vous n'hésitez pas à poser ce qui me semble être de très bonnes questions.

Simplement quelques remarques d'abord sur des choses qui me semblent intéressantes dans ce que vous dites. Je ne vous citerai pas textuellement, mais ce que j'interprète, en tout cas, comme étant vos idées. Il n'y a pas nécessairement équation entre la qualité d'un service et la quantité d'argent qu'on injecte. Cela me semble être une idée-force qui se dégage de votre mémoire. Tout dépend comment on dépense cet argent, où va l'argent que les universités reçoivent. Cela me semble être une question importante. Vous n'éludez pas non plus la question du niveau de financement et de la qualité qui est nécessairement reliée à un certain niveau de financement. Cela est également une question importante et la commission ne doit pas non plus l'éluder. Mais vous évitez un discours qui nous charrie dans un sens plutôt que dans un autre. À cet égard, votre mémoire m'apparaît bien équilibré.

Jusqu'à maintenant, on a beaucoup insisté - quand je dis jusqu'à maintenant, je veux dire dans les discours qu'on a entendus jusqu'à maintenant, pas nécessairement devant cette commission, mais dans le débat en général qui touche le niveau de dépenses dans la société et le budget du gouvernement - sur la quantité, combien on doit dépenser, et pas suffisamment sur la façon de dépenser.

Dans votre mémoire, vous parlez et là j'aborde de façon un peu plus... Avant, je voudrais seulement faire une remarque qui touche certaines paroles que le député d'Argenteuil a prononcées sur la productivité. Cela touche aussi la question du "comment" on dépense. Le député d'Argenteuil a parlé des bibliothèques, et il a relié cela au ministre: le ministre coupe, donc on diminue les services aux bibliothèques. Eh bien, je voudrais rappeler, je l'ai dit hier et je le répète aujourd'hui, cela touche un exemple très précis de "comment" on dépense l'argent qui provient des subventions gouvernementales, parce que le ministre n'a pas un contrôle sur tous les budgets et sur la façon dont les budgets sont dépensés à l'intérieur des universités. L'exemple très simple que j'ai donné hier, je le répète: Au Québec, dans nos universités, on dépense 12% du budget pour l'administration générale et seulement 5,7% pour les bibliothèques, alors que la moyenne canadienne est de 9,2% pour l'administration et 6,6% pour les bibliothèques. Alors, c'est un exemple très simple - vous pouvez vérifier les statistiques, c'est tiré de Statistique Canada - qui montre qu'il y a un choix de fait qui se justifie peut-être. Je ne suis pas en mesure de discuter du choix lui-même, mais il reste qu'il y a un choix de fait...

M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais demander à M. le député de Fabre, pour quelle année?

M. Leduc (Fabre): Je pourrais vous donner cela tout à l'heure, j'ai cela dans mes papiers.

M. Ryan: D'accord.

M. Leduc (Fabre): J'ai tous les documents de Statistique Canada. Je pourrais vous donner cela. Je vais seulement vous donner l'exemple pour l'instant.

Mais il reste qu'il y a un choix de fait au niveau des universités québécoises par rapport aux universités canadiennes. Cela n'est pas le ministre qui a décidé de ce choix, c'est le milieu universitaire. Cela touche également à la productivité.

J'aborde votre mémoire d'un peu plus près. Voici une question que vous soulevez et que j'ai trouvée intéressante. Le député d'Argenteuil a touché un peu à cette question. Il s'agit de la formation d'un

comité chargé d'établir des normes quant aux ressources nécessaires pour viser l'excellence. Cela me semble être une... En tout cas, c'est à examiner. La commission pourra examiner cette idée que vous lui soumettez, mais cela me semble être une idée intéressante.

Cela me fait penser et je ne peux m'empêcher de faire un lien avec un comité qui a été mis en place aux États-Unis et qui a débouché sur un rapport intitulé: "Action for Excellence". C'est un groupe de travail américain, dans l'État de la Caroline du Nord, formé de représentants des milieux gouvernementaux, du monde des affaires, du travail, des milieux de l'éducation. Ce comité a formulé un certain nombre de recommandations destinées à améliorer les prestations du système éducationnel des États-Unis. Dans sa conclusion, il insistait sur le fait qu'il faut convaincre la population de la nécessité d'investir des sommes dans notre système éducationnel, mais que, pour arriver à établir ce consensus, il faut lui démontrer que l'argent que la société investit dans le domaine éducationnel, que ce soit à n'importe quel niveau, cela rapporte et qu'il y a une productivité importante qui se dégage de ces investissements. (11 h 30)

Dans une période d'austérité, dans une période de ressources limitées, on ne peut pas éviter ces questions, et vous les posez. Cela me semble être une idée intéressante parce que limiter cela au Conseil des universités, comme vous l'avez dit, c'est limiter le débat. C'est sûr que le Conseil des universités prépare de très bons avis, mais ça reste limité au cercle des initiés, alors que la formule d'un comité ouvert permet à des intervenants de tout le milieu d'arriver à dégager un consensus sur un certain nombre de standards qu'il semble important de déterminer parce qu'on a beaucoup de difficultés à se retrouver dans ce dossier.

Sur le comité en question, juste une question, je voudrais avoir quelques précisions. Comment le voyez-vous exactement, dans quelle perspective? Vous le mentionnez, vous formulez la recommandation, mais comment voyez-vous son mandat? Jusqu'où ce comité devrait-il aller, dans votre esprit?

M. Gauthier (Jacques): De façon globale, le comité devrait se pencher sur les ressources nécessaires en termes de soutien. Par exemple, quel est le soutien au niveau des secrétariats, au niveau des services d'équipements, du bâtiment? Il devrait également se pencher sur les ressources nécessaires, en termes purement universitaires, au niveau de la recherche. Par exemple, quels sont les ratios maître-élèves disciplinaires qui encourageraient une formation de qualité, quelle est la quantité de chargés d'enseignement, des assistants d'enseignement, des assistants de recherche, quelles sont les ressources, le taux de renouvellement nécessaire dans les bibliothèques en matériel scientifique, en équipements de laboratoire?

À partir de ces données, on serait en mesure de chiffrer l'excellence. Cela paraît peut-être un peu utopique de parler de cela, mais on aurait des ressources standards qui nous permettraient de savoir combien va nous coûter une infrastructure qui permettra des établissements postsecondaires de qualité, qui feront de l'enseignement et de la recherche de grande qualité. Donc, il s'agit de déterminer les coûts. Au niveau de la composition, je pense que notre mémoire est relativement précis. On aimerait y voir l'ensemble des intervenants dans le monde universitaire, c'est-à-dire la Conférence des recteurs, la Fédération des professeurs, le ministre de l'Éducation, le Conseil des universités, l'ANEQ et nous.

M. Guindon: M. le Président, je m'excuse d'interrrompre. On pensait qu'on commencerait à l'heure et qu'on pourrait terminer à l'heure. On a pris d'autres engagements pour 11 h 45 et on doit vous quitter.

Le Président (M. Charbonneau):

Écoutez, c'est votre choix. Cela frustre beaucoup les membres de la commission, mais, comme il semble que la télévision soit plus attrayante que les parlementaires, on va vous laisser aller à vos engagements.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, je suis prêt à terminer là pour laisser la chance à l'Opposition de poser quelques questions, vu que, de notre côté, avec le président, on a pu poser quelques questions. Peut-être qu'on pourrait juste terminer comme cela?

Le Président (M. Charbonneau): Cela ne me fait rien, M. le député de Fabre, mais il semble que...

M. Leduc (Fabre): II n'est pas 11 h 45, M. le Président.

M. Muller: ...à 11 h 45.

Le Président (M. Charbonneau):

Écoutez...

M. Muller: On pourrait donner une réponse en deux minutes à une question d'une minute, peut-être.

Le Président (M. Charbonneau): À l'avenir, si jamais vous êtes convoqués à une commission parlementaire, j'espère que vous allez vous garder une marge de manoeuvre.

M. Guindon: On nous avait dit qu'elle commencerait à temps.

Le Président (M. Charbonneau): Le

Parlement a parfois ses fonctionnements. On vous remercie d'avoir bien voulu participer à cet échange et nous espérons que l'occasion se représentera d'avoir de nouveaux échanges. Merci et bonne émission.

A l'ordre, s'il vous plaît! Afin d'éviter de nous faire dire que nous ne commençons pas trop à l'heure, je demanderais à tout le monde de prendre place, s'il vous plaît.

ANEQ

La commission accueille présentement les représentants de l'Association nationale des étudiants et étudiantes du Québec. Au nom des membres de la commission, je voudrais vous souhaiter la bienvenue et vous remercier d'avoir accepté notre invitation.

Je pense que vous étiez là au début des propos préliminaires, tantôt. Donc, je ne les répéterai pas; je pense qu'ils s'appliquent à vous également. Je ne sais pas qui est le porte-parole.

M. Paquet (Jean-Pierre): Jean-Pierre Paquet.

Le Président (M. Charbonneau): M.

Paquet ou Paquette?

M. Paquet (Jean-Pierre): Paquet.

Le Président (M. Charbonneau): M.

Paquet, si vous pouviez nous présenter les gens qui vous accompagnent et peut-être nous indiquer immédiatement si vous aussi, vous avez une émission de télévision.

Une voix: Je l'espère!

M. Paquet (Jean-Pierre): Les personnes présentes aujourd'hui sont: Pierre Beauregard, de l'exécutif de l'ANEQ; Jean-Marie Vézina, délégué de l'ANEQ au groupe de travail sur les prêts et bourses; Manon-Anne Blanchard, de l'exécutif de l'ANEQ également, et moi-même, Jean-Pierre Paquet, responsable du dossier financement des universités à l'ANEQ.

Nous allons procéder, nous aussi, à la lecture complète du mémoire. Toutefois, nous ne pensons pas que cela va prendre plus de 20 minutes. On aura donc le temps de discuter.

Le Président (M. Charbonneau): Merci.

M. Paquet (Jean-Pierre): Alors, l'introduction. Cette commission parlementaire se déroule alors que la notion du droit à l'éducation subit de dures attaques, alors que l'accessibilité à l'éducation, bien qu'elle augmente, devient davantage sélective et limitative, alors que nos conditions d'études ont atteint une qualité dangereusement faible. Les problèmes que vivent actuellement les universités sont dus à la volonté du PQ de mettre l'éducation au service de son projet de société.

C'est principalement en lien avec l'avenir de la société québécoise que l'ANEQ a élaboré le présent mémoire. L'éducation est un élément fondamental du développement et du progrès d'une société. Nous estimons que les projets du gouvernement en matière de financement des universités entraîneront un appauvrissement de la société.

Pour l'ANEQ, l'éducation est un droit. L'ensemble des institutions d'enseignement doit être accessible. L'éducation doit également être au service de la population. Avec son nouveau cadre de financement des universités, le gouvernement s'éloigne davantage de ces objectifs. Il nous propose une université dont l'accessibilité sera davantage sélective, dont les préoccupations seront davantage limitatives.

Le présent mémoire abordera la question du financement des universités en regard du droit à l'éducation et de l'accessibilité à l'enseignement supérieur; de l'orientation académique des universités; des conditions d'études et de la qualité de l'éducation.

Droit à l'éducation et accessibilité à l'enseignement supérieur. La plus récente étude de la Direction des études économiques et démographiques du MEQ confirme que le niveau de scolarisation des Québécoises et des Québécois est faible. Ainsi, le recensement complété en 1981 indique que 13,5% des personnes âgées de 5 ans et plus ont fréquenté l'université. Ce taux de scolarisation est de 24,4% pour les anglophones et de 11,6% pour les francophones. Il est de 16% chez les hommes et de 11,1% chez les femmes.

Bien que faibles, ces taux représentent une amélioration par rapport au recensement de 1971. On peut aussi se réjouir de voir le taux de scolarisation du Québec se rapprocher de celui du reste du Canada. Il ne faut toutefois pas oublier que ces données sont brutes. La réalité est plus dramatique encore lorsqu'on établit des comparaisons au niveau des temps plein versus les temps partiels, des certificats versus les baccalauréats, des premiers cycles versus les deuxième et troisième cycles, du taux de fréquentation versus le taux de diplomation, etc.

De plus, II ne faut pas oublier que l'origine des clientèles est loin de reproduire la composition de la société. La classe ouvrière accède faiblement aux études postsecondaires. N'oublions pas, non plus, que l'éducation se doit non seulement d'être

accessible, mais aussi de répondre aux besoins de la population en termes d'orientation et de qualité.

Alors que le faible taux de scolarisation de la population devrait justifier un important accroissement de l'effort de financement de l'État à l'endroit des universités, le gouvernement fait le contraire. De 1978-1979 à 1984-1985, les subventions par étudiant ont chuté de 31%. Cette année, les coupures budgétaires imposées aux universités représentent 10% du total des coupures gouvernementales. Par contre, les universités ne reçoivent que 3,4% du budget de l'État. Cette part était de 4,6% en 1978-1979, ce qui représente une diminution de 26%. Alors que la part des dépenses de l'État en pourcentage du produit intérieur brut a augmenté de 10% entre 1978-1979 et 1984-1985, la part du PIB allouée aux universités a chuté de 19% pour la même période.

De tout le secteur de l'éducation, les universités ont été les premières victimes des coupures. Cette année, elles doivent en supporter la moitié. Il n'est pas dans notre intention de soulever le débat sur l'équité ou l'inéquité des coupures entre les secteurs. Il s'agit là d'un faux débat. L'ANEQ considère que le bien-être de la population passe par une redéfinition globale et profonde des objectifs et des priorités du gouvernement, ce qui implique, entre autres, le développement des services publics et rétablissement d'une politique de plein emploi. (11 h 45)

Si les universités ont été les premières victimes des coupures, c'est qu'elles étaient les plus vulnérables. Au-delà de vagues promesses, le gouvernement s'est toujours gardé de prendre quelque engagement que ce soit à l'endroit de l'enseignement supérieur.

Le financement adéquat de l'éducation dépend donc de la reconnaissance du droit à l'éducation par le gouvernement.

Pour l'ANEQ, le cadre de financement des universités devrait, pour être acceptable, permettre l'application concrète de la notion du droit à l'éducation. Pour cela, les universités doivent être accessibles. Pour l'ANEQ, l'accessibilité signifie, bien sûr, le décontingentement des programmes, le financement complet des nouvelles clientèles, la construction des espaces nécessaires à leur accueil. L'accessibilité passe aussi par l'abolition des barrières économiques, c'est-à-dire par la gratuité scolaire, entre autres.

Le ministre de l'Éducation, par contre, évalue l'hypothèse d'une augmentation des frais de scolarité, ce qui mettrait fin à une politique de gel des frais de scolarité. Nous sommes, évidemment, opposés au dégel des frais de scolarité. N'oublions pas que les étudiants et les étudiantes doivent, en raison des coupures budgétaires, supporter des dépenses de plus en plus lourdes pour étudier. Ainsi, les notes de cours ne sont plus fournies, des frais d'utilisation du matériel didactique sont exigés; faute de livres disponibles dans les bibliothèques, les étudiantes et les étudiants doivent en acheter, etc.

Malgré toutes les comparaisons que l'on pourra faire avec les frais de scolarité dans les autres provinces, il demeure que 500 $, ça représente beaucoup dans le budget moyen d'un étudiant et d'une étudiante. Il faut aussi considérer que les frais d'acquisition de matériel scolaire grèvent une part importante du maigre budget des étudiantes et étudiants.

Le débat sur l'accessibilité doit, bien sûr, prendre en considération les difficultés financières des étudiantes et étudiants actuellement inscrits, mais il doit principalement être abordé en fonction de la majorité des jeunes qui, elle, n'accède pas à l'université. À ce chapitre, il est reconnu que les conditions économiques constituent "la" barrière à l'accès aux études. Le régime d'aide financière, quant à lui, demeure profondément inadéquat, tant en raison du montant de l'aide accordée que des critères d'accessibilité extrêmement sélectifs. Il est à prévoir qu'un dégel des frais de scolarité serait au désavantage des plus démunis: les femmes et les couches populaires. Le ministre Bérubé pourrait-il nous affirmer qu'une hausse des frais de scolarité favorisera l'accessibilité à l'université? Si le gouvernement croit pouvoir aller de l'avant avec son hypothèse, c'est peut-être qu'il évalue que, de toute façon, il a déjà perdu les prochaines élections. Chose certaine, le gouvernement devra s'attendre à une vive riposte des étudiantes et étudiants.

Les étudiantes et les étudiants étrangers, quant à eux et à elles, subissent depuis 1978 cette politique de dégel des frais de scolarité. Les effets en sont désastreux. Le nombre d'étudiants étrangers diminue rapidement. Au mois de février dernier, l'ANEQ faisait parvenir une lettre au ministre de l'Éducation d'alors pour protester contre la décision gouvernementale de hausser les frais différentiels. Nous écrivions alors: "L'ANEQ considère que le Québec se doit d'être ouvert sur le monde et de ne pas fermer ses portes aux étudiantes et étudiants étrangers. Sans cette optique, l'imposition de frais de scolarité exorbitants aux étudiants étrangers constitue un pas en arrière dans le processus d'établissement d'une grande collaboration entre les nations et d'une véritable solidarité à l'échelle internationale".

La politique du gouvernement n'en est pas une de solidarité internationale. D'une part, l'augmentation des frais différentiels sert à adoucir les effets des coupures budgétaires en assurant aux universités des revenus supplémentaires. D'autre part, la politique des accords de réciprocité en

matière d'éducation avec certains pays étrangers constitue, en fait, un élément à l'intérieur d'une politique d'échange économique.

Ainsi, dans un document du MEQ portant sur la "révision des objectifs et des modalités des ententes d'exemption des droits de scolarité exigés des étudiants étrangers" -document datant d'octobre 1982 - on peut lire que les ententes d'exemption doivent "constituer un élément de politique internationale globale du Québec" et être "fonction de l'intérêt politique que représente le pays pour le Québec".

Cet intérêt politique prend une connotation économique lorsqu'on établit, pour chaque pays, un lien entre le nombre d'exemptions auxquelles ils ont droit et leur PNB per capita. Ainsi, des 30 pays qui, en janvier 1984, avaient des ententes avec le Québec, les 10 premiers (selon le PNB per capita) bénéficient de 66% des exemptions, alors que les 10 derniers n'en reçoivent que 7%. Il est aussi à se demander si les pays favorisés ne seraient pas, par hasard, ceux dans lesquels des entreprises québécoises réalisent d'importants projets de développement.

Laissons de côté les intentions du gouvernement; attardons-nous aux conséquences. Moins d'étudiantes et d'étudiants étrangers bénéficieront du réseau d'éducation québécois; les étudiantes et étudiants québécois bénéficieront dans une moindre mesure de l'apport positif des étudiants étrangers au Québec

Pour conclure, il nous apparaît que les politiques gouvernementales à l'endroit des universités, comme dans le secteur de l'éducation dans son ensemble, nient la notion du droit à l'éducation et nuisent à l'accès de la population à l'enseignement supérieur. S'il s'agit là du choix de société du PQ, il ne s'agit pas du nôtre.

L'orientation académique des universités. Le nouveau cadre de financement du réseau universitaire, plusieurs le qualifient de directif. L'ANEQ est du même avis. Toutefois, nous ne nous opposons pas à ce que le gouvernement définisse les grandes orientations de l'éducation, mais encore faut-il que le gouvernement fasse les bons choix, ceux qui correspondent aux besoins de la population. Malheureusement pour le PQ, ces choix ne sont pas les nôtres.

L'ANEQ a toujours mis de l'avant l'importance d'une formation générale. L'ANEQ s'oppose au régime pédagogique au collégial qui s'attaque à l'importance d'une formation générale et développe la surspécialisation des études. Nous croyons que le gouvernement, par les nombreuses mesures incitatives que l'on retrouve dans son cadre de financement du réseau universitaire, poursuit les mêmes objectifs de contre-réforme de l'éducation.

L'éducation au service de la population signifie que la formation reçue permettra à la population d'acquérir une connaissance la plus large possible de la réalité qui nous entoure. Il s'agit là d'une condition indispensable pour le développement d'une population critique et engagée, apte à intervenir sur son milieu et à prendre en main son avenir. À l'inverse, il est à se demander si certains et certaines auraient intérêt à construire le Québec avec des valets et des servants.

Dans cet esprit, il est important, selon nous, que l'université soit un lieu d'expérimentation, de recherche fondamentale, d'enseignement multidisciplinai-re, de confrontation des idées. Or, le projet gouvernemental actuellement à l'étude propose le contraire. On nous propose la voie de la spécialisation, le virage technologique, la surspécialisation, le dérapage.

Le cadre de financement enligne une série de mesures, incitatives et directives, allant dans le sens du développement des secteurs d'études reliés au virage technologique. Ainsi, le MEQ propose d'introduire un financement différencié des clientèles additionnelles en fonction de leur secteur d'études. Pour 1984-1985, les clientèles additionnelles inscrites dans les secteurs reliés au virage technologique sont financées à 100%. Les clientèles additionnelles des autres secteurs le sont à 75%. Pour l'année 1985-1986, les taux de financement chuteraient à 70% et à 50% respectivement. Auparavant, le taux de financement était de 70% et appliqué à l'ensemble des secteurs.

Nous nous inquiétons des conséquences à long terme qu'auront ces mesures. Il ne s'agit pas exclusivement du développement des secteurs de pointe; il s'agit surtout du dépérissement des autres secteurs. Ainsi, les universités seront portées à contingenter les secteurs dont les clientèles sont moins financées. De plus, il faut considérer que le MEQ, dans le cadre de sa politique de rationalisation par l'économie d'échelle, favorisera la fermeture de certains départements et le regroupement des disciplines dans certaines universités. La conjonction de ces dynamiques entraînera un dangereux rétrécissement du champ d'action de chacune des universités. En fin de compte, les étudiants et étudiantes seront les plus grands perdants. Soit qu'ils et elles seront limités dans leurs possibilités d'acquérir des connaissances diversifiées (un étudiant en informatique pourra-t-il prendre des cours d'études françaises?) soit qu'ils et elles seront davantage forcés de s'expatrier, ce qui remet en cause la nécessité d'un réseau national d'établissements universitaires. Chose certaine, le cadre de financement proposé fait s'opposer entre eux

les différents secteurs d'études et favorise le développement de certains au détriment des autres.

Autre élément du cadre de financement en regard du virage technologique: la création de 40 équipes de recherche. Le Conseil des universités, dans un avis au MEQ concernant la mise sur pied de ces équipes de recherche, fait remarquer que leur travail est prévu pour être extrêmement spécialisé, au détriment d'une approche fondamentale. Le Conseil des universités exprime son inquiétude et écrit qu'il faut "éviter d'utiliser l'université comme supplément ou sous-traitant de l'entreprise ou du gouvernement en recherche et développement."

Le ministre Bérubé, dans sa demande d'avis au Conseil des universités, justifiait de la façon suivante la création des équipes de recherche: "Le plan d'urgence prend donc l'allure d'une mobilisation générale de tous les partenaires sociaux dans le but d'effectuer un virage majeur qui permettra au Québec de sortir définitivement de la crise et de s'engager de bon pied dans la voie de la relance économique."

En termes clairs, le ministre lie le développement de l'enseignement universitaire aux besoins de l'économie. C'est là un choix, une orientation que l'ANEQ a toujours contestée. L'éducation, répétons-le, doit être au service de la population fortement sous-scolarisée; elle ne doit pas être asservie aux besoins spécifiques des entreprises.

Que les technologies de pointe soient à l'étude dans les universités, c'est une chose; que les universités soient à la remorque du virage technologique et des besoins des entreprises, c'est autre chose. Il y a plus qu'une nuance entre avancement et asservissement; il y a contradiction.

La plupart des intervenants et intervenantes en milieu universitaire s'entendent pour dire qu'il est un peu fou de chambarder à ce point l'enseignement supérieur au profit de disciplines dont l'évolution est si rapide et incertaine qu'elle oblige un développement anarchique, risqué et à court terme. Ce n'est pas qu'il faille douter de la capacité d'adaptation des universités. Le point est que les champs d'études spécialisés ne se prêtent pas à la formation fondamentale des universités.

Il est à se demander s'il est réaliste de vouloir transformer ainsi l'orientation académique des universités. C'est à se demander si, dans le fond, l'entreprise de propagande autour de la nécessité du virage technologique ne serait pas, en partie, un écran de fumée. Cette opération de transfert des ressources vers les secteurs productifs ne dissimulerait-elle pas des coupures budgétaires supplémentaires?

On peut sérieusement se poser cette question lorsque l'on considère que le gouvernement projette de modifier le financement des clientèles additionnelles. Si, dans une première étape, le MEQ hausse de 75% à 100% le financement des clientèles additionnelles inscrites dans le virage technologique, dans une deuxième étape le MEQ compte ramener à 70% les disciplines du virage technologique et abaisser les autres à 50%. L'opération développement des secteurs prioritaires se soldera donc par une coupure nette.

Indépendamment des véritables objectifs visés par le gouvernement, il demeure que ce dernier a dû procéder à une vaste campagne de propagande pour soutenir ses décisions. Depuis plusieurs mois, le discours officiel maintient que l'éducation doit correspondre aux besoins de l'économie, que c'est du gaspillage que de former de futurs chômeurs et chômeuses instruits et instruites.

Ce discours en vient à catégoriser les différents secteurs d'études en fonction de critères productivistes. Ce discours a pour conséquence directe de dévaloriser les disciplines des arts, des lettres, des sciences humaines, etc., et de les opposer aux disciplines prioritaires. L'ANEQ considère cette logique très dangereuse. Elle peut nous mener loin. L'an dernier, une fuite nous apprenait que le Conseil du trésor, dont M. Bérubé était alors le ministre, évaluait la possibilité de n'accorder des bourses qu'aux seuls étudiants et étudiantes inscrits dans les secteurs jugés prioritaires par le gouvernement.

La question du financement des universités se trouve donc directement liée à leur orientation académique. L'enjeu se porte actuellement entre une université dont les préoccupations seraient larges ou une université davantage spécialisée, au service de l'économie et des entreprises. L'ANEQ privilégie la première option.

Conditions d'études et qualité d'éducation: Au niveau des conditions d'étude, les coupures que le Parti québécois a effectuées dans le secteur de l'enseignement universitaire ont eu des conséquences désastreuses. Si, au moins, en regard de la situation que ces coupures ont provoquée, on s'apprêtait à réajuster son tir; mais non! le gouvernement compte, au contraire, aller plus loin dans ce sens. Évidemment, pour M. Bérubé, la qualité de l'éducation est un concept abstrait. Ceci, nous l'avons déjà constaté au moment de l'adoption du régime pédagogique du collégial. Élevé en gestionnaire - encore s'il en était un bon - l'éducation ne représente pour lui qu'une colonne de chiffres avec un total, un point c'est tout. (12 heures)

Pour les étudiants et les étudiantes qui fréquentent une université sur une base régulière, la question du ratio prof-étudiants les touche directement. Quand nous

constatons que ce ratio a grimpé de plus de 30% en moins de dix ans, quand nous voyons des enseignantes et des enseignants donner des cours dans les classes exiguës devant 100, 150, voire 200 étudiants et étudiantes, nous ne pouvons que décrier une telle situation. Non seulement toute dynamique prof-étudiants se révèle impossible dans de telles conditions, mais tout encadrement particulier est impensable.

Dans certains milieux gouvernementaux, nous entendons de plus en plus parler d'une pédagogie des grands groupes. Toute cette théorie n'a qu'un seul but, normaliser, voire légitimer la situation actuelle. Or, quiconque de moindrement honnête et impliqué dans le milieu dira facilement qu'il est impossible pour un enseignant ou une enseignante de donner un cours, dans un local surpeuplé, devant 200 personnes de qualité équivalente que s'il n'y en avait que 30. Parallèlement, du côté étudiant, nous constatons que la capacité de concentration diminue proportionnellement avec le nombre d'étudiants et d'étudiantes en classe.

De même, le manque d'espace n'est-il pas une barrière physique à l'accessibilité à l'éducation? Dans la plupart des universités du Québec, il y a une grande pénurie d'espace. Cela provoque, outre les classes surpeuplées, des contingentements, des coupures au niveau des services - quand on pense même à des cafétérias qui sont trop petites - et menace même l'intégrité physique des étudiants et des étudiantes, par exemple au niveau de la sécurité des laboratoires. Le ministre de l'Éducation gagnerait à sortir de ses bureaux et à visiter certaines universités pour constater le problème.

Au niveau des services, si, dans certaines universités, c'est déjà une ineptie, dans d'autres, c'est en voie de l'être. Qu'y a-t-il de plus important pour un étudiant ou une étudiante, outre ses cours, que les bibliothèques et/ou les laboratoires et les studios? Or, non seulement les heures d'ouverture de ces services sont-elles constamment réduites, mais le matériel n'est pas mis à jour. C'est rendu une farce entre étudiants et étudiantes: "Incroyable, j'ai trouvé le livre que je cherchais à la bibliothèque". La pénurie de matériel audiovisuel, de terminaux en informatique, et nous pourrions continuer cette liste, met sérieusement en péril la qualité de la formation des étudiants et des étudiantes.

Une autre question fondamentale est celle des chargés de cours. Notons immédiatement, pour mesurer l'enjeu du problème, que, dans certaines universités, c'est plus de 55% des cours qui sont donnés par des chargés de cours et que, dans certains secteurs, cela dépasse les 65%. Loin de nous l'intention de prétendre qu'un ou une chargée de cours est moins compétent ou compétente qu'un professeur régulier, mais, quand on regarde de plus près les conditions d'embauche, les conditions de travail des chargés de cours, la situation provoquée, outre l'exploitation dans laquelle on maintient ces gens, est révoltante. Les chargés de cours sont des personnes qui signent un contrat pour chaque groupe-cours dont elles acceptent la responsabilité pendant une session académique. Ces personnes ont pour tâche exclusive l'enseignement que les professeurs ne peuvent dispenser, soit parce qu'ils ne sont pas assez nombreux pour le faire, soit parce qu'ils ne sont pas compétents pour le faire. Cette tâche comprend la préparation du cours, la prestation du cours, la disponibilité ou l'encadrement relié à cette préparation et à cette prestation, l'évaluation des étudiants et des étudiantes et la correction de leurs travaux et examens.

Il n'est pas rare, pour ne pas dire fréquent, que l'on engage les chargés de cours une semaine avant le début de la session. Si le ou la chargée de cours a déjà auparavant donné ce cours, cela peut aller, encore qu'il ou elle a peu de temps pour remettre à jour son cours. Mais si le cours qu'on lui offre est un cours qu'il ou elle n'a jamais donné, alors là, il ou elle n'a qu'une semaine pour le préparer. À l'impossible nul n'est tenu.

Si nous assistons de plus en plus à une augmentation des cours donnés par des chargés de cours, c'est parce que les universités doivent répondre à des impératifs d'ordre financier. Pour une même tâche d'enseignement - un groupe-cours - le salaire moyen d'un professeur régulier est de 4500 $. Cette rémunération versée pour un cours correspond à un huitième de la tâche globale. Pour les universités, en raison des contraintes budgétaires que leur impose le gouvernement, il est plus avantageux d'engager des chargés de cours, puisque, en plus d'économiser des montants importants au niveau des avantages sociaux, des perfectionnements, des budgets de recherche dont ne bénéficient pas les chargés de cours, ils réduisent de 2300 $ le coût de chaque cours dispensé par un professeur régulier.

Alors que, comme nous le disions plus haut, plus de 50% des cours sont donnés par des chargés de cours, nous constatons que ces derniers sont exclus de toutes les instances où sont développés, définis et discutés les programmes, les orientations pédagogiques, etc.

Au niveau de la recherche, la question des chargés de cours revient sur le tapis. Alors que le gouvernement veut, soi-disant, développer la recherche en milieu universitaire, les chargés de cours ne bénéficient d'aucune aide concernant la recherche. Alors que les professeurs sont justement rémunérés pour faire de la

recherche, qu'ils bénéficient d'auxiliaires de recherche, de congés de perfectionnement et que cette recherche compte, justement, pour une bonne part de leur tâche, les chargés de cours, eux, ne sont rémunérés d'aucune façon pour faire de la recherche et ne bénéficient d'aucune aide allant dans ce sens.

Pis encore, de plus en plus, les professeurs faisant précisément de la recherche ne donnent des cours qu'au niveau des études avancées, soit au niveau de la maîtrise et du doctorat, laissant aux chargés de cours les cours au niveau du baccalauréat. Finalement, ce n'est qu'une infime partie des étudiantes et des étudiants qui bénéficient des travaux de recherche qu'effectuent les professeurs. Cette situation au niveau de la recherche est alarmante. De plus en plus, enseignement et recherche sont dissociés. C'est toute la notion de progrès, d'avancement, de dynamisme, d'idées nouvelles qui est remise en question. L'université, qui se voulait jadis un laboratoire d'idées, est en train de devenir, au contraire, monolithique. De plus, quand on regarde les budgets alloués à la recherche dans les secteurs liés au virage technologique comparativement aux autres secteurs, c'est effrayant. Pourtant, la théologie, l'histoire, l'économie, l'éducation, les arts plastiques sont des disciplines qui évoluent, qui ont leur utilité dans notre société, n'en déplaise à l'actuel ministre de l'Éducation.

Selon nous, à l'ANEQ, il est impérieux de donner à la question de la recherche universitaire un sérieux coup de barre avant qu'il ne soit trop tard. Une société, selon nous, ne peut pas progresser en limitant son intérêt à quelques matières très limitées. Le progrès ne se fait pas par petits pas ici et là, mais bien par une planification adéquate dans tous les secteurs. Le lien entre la recherche et l'enseignement doit être présent dès les études au premier cycle. Une continuité entre la recherche et l'enseignement permet aux étudiants et aux enseignants de mieux approfondir la matière.

Dans le même ordre d'idées, nous déplorons que le pouvoir en place ait une vision si restreinte de l'éducation. Pour nous, étudier au niveau universitaire ne se résume pas uniquement à assister à des cours. Cela veut dire aussi avoir l'occasion de bénéficier des recherches qu'effectuent les professeurs, avoir droit à un certain encadrement, avoir accès à des bibliothèques. C'est cela qui est en péril.

Nous avons présenté dans ce chapitre les problèmes créés par les coupures au niveau du financement des universités. Nous tenons, en terminant, à rappeler au ministre que toute coupure supplémentaire au niveau du financement des universités amènera inéluctablement une dégradation des conditions d'études pour les étudiantes et les étudiants du Québec, conditions d'études qui, nous l'avons dit, sont déjà très précaires.

En guise de conclusion, la question du financement des universités représente donc un véritable enjeu social à plusieurs volets: l'accessibilité aux universités, leur orientation académique et la qualité de l'éducation. L'ANEQ considère que le développement de l'éducation universitaire passe par la reconnaissance du droit à l'éducation et que ce dernier a pour corollaire l'établissement de politiques favorisant la démocratisation de l'éducation.

Nous évaluons que les politiques gouvernementales vont à l'encontre du développement de l'accessibilité à l'éducation universitaire. Nous rappelons au gouvernement que l'ANEQ s'oppose à toute hausse des frais de scolarité. Nous évaluons que la gratuité scolaire est une condition nécessaire à la démocratisation de l'éducation.

Concernant l'orientation académique des universités, l'ANEQ considère qu'il faut élargir le champ d'activité des universités, diversifier les programmes offerts. Nous croyons que l'enseignement et la recherche doivent être fondamentaux et favoriser une formation générale. L'ANEQ s'oppose donc à la volonté gouvernementale de surspécialiser l'enseignement et la recherche, de les orienter en fonction des besoins spécifiques de l'économie et des entreprises. La société a besoin, pour progresser, de diplômés en arts, en lettres, en éducation, en sciences humaines, etc. L'éducation doit correspondre aux besoins de la population et des plus démunis. Il est dangereux de vouloir orienter l'éducation universitaire en fonction des besoins à court terme de main-d'oeuvre. Les universités n'ont pas à être à la remorque ou à être subordonnées aux nécessités du virage technologique. La technologie doit plutôt être au service de l'éducation pour l'ensemble des disciplines.

L'éducation doit être de qualité. Or, les coupures budgétaires imposées par le gouvernement amènent une déqualification des diplômes. Au niveau collégial, le règlement pédagogique du collégial a les mêmes conséquences. Des coupures, des décrets et des contre-réformes, il résulte une déqualification de la main-d'oeuvre. Tout cela, évidemment, au désavantage de la population et au profit des entreprises.

Il est facile de constater, à la lumière de ce mémoire, que les positions de l'ANEQ et du gouvernement sont éloignées, voire opposées. Alors que le gouvernement charcute l'éducation universitaire et planifie l'appauvrissement de la société québécoise, l'ANEQ mise sur le progrès de cette société par le développement d'une éducation permettant à la population d'acquérir une formation universelle la rendant apte à intervenir sur son milieu et à prendre en main son avenir.

Le Président (M. Charbonneau): Merci beaucoup. Je voudrais aborder l'une des questions centrales que vous avez soulevées lors de votre présentation, c'est-à-dire l'orientation que l'université doit avoir à l'égard des défis de notre société. Vous avez opposé, d'une certaine façon, une université large, ouverte à toutes les disciplines, financée à part égale dans tous ces domaines et même des universités complètes, chacune d'elles, dans l'ensemble des disciplines à une université exagérément orientée vers les défis économiques ou les besoins des entreprises. Dans une société comme la nôtre, qui n'est pas une société de 200 000 000, mais une petite société en termes de population, qui n'est pas une société ultra-riche, qui n'est pas une société pauvre, mais qui n'est pas une société où on peut jeter l'argent par les fenêtres, ne trouvez-vous pas normal que le gouvernement et même d'autres dans la société pensent qu'il faille arriver à des rationalisations qui nous amèneraient peut-être à avoir des universités qui, chacune d'entre elles, n'offrent pas l'ensemble de la gamme des produits universitaires, si on peut utiliser cette expression, et, en même temps, des universités qui soient connectées plus que jamais, compte tenu des défis que notre société doit affronter en termes économiques, de chômage, de concurrence, sur les besoins des entreprises?

Finalement, d'une part, n'est-ce pas normal qu'on ait ces réflexes sans penser qu'on fait cela d'une façon machiavélique, dans des intentions qui vont à rencontre des intérêts de la collectivité? N'y-a-t-il pas moyen, finalement, de trouver une façon de faire les choses qui, compte tenu de nos ressources, puisse nous permettre, effectivement, de ne pas dévaluer des enseignements au profit d'autres, mais en même temps de mettre des accents particuliers, à des moments particuliers, compte tenu de conjonctures particulières?

M. Vézina (Jean-Marie): Il faut qu'on nous comprenne bien. Lorsqu'on plaide pour la fonction universaliste de l'université, ce n'est pas tellement qu'on veut que, dorénavant, toutes les universités au Québec possèdent par exemple, leur faculté de médecine. On ne veut pas nécessairement qu'à l'UQAM il y ait une faculté de médecine. On dit que, dorénavant, on pourrait, en utilisant un certain nombre de paramètres sous-tendus par une logique de resserrement des possibilités, de la marge de manoeuvre du gouvernement au niveau économique, porter atteinte, entre autres, à la liberté académique tant des enseignants que des étudiants en faisant disparaître éventuellement à terme des départements pour dire: Voyez, travail social à l'UQAM; il y a travail social à l'Université Laval; je ne vois pas pourquoi il y aurait travail social à l'Université de Montréal aussi. On pourrait s'entendre pour qu'il y ait des départements, comme cela, qui disparaissent. Il ne s'agit pas tellement de tout avoir dans toutes les universités, mais de conserver ce que la société québécoise s'est donné au fil des ans. On pense que ce qu'on a, c'est le minimum, ce n'est pas exagéré. (12 h 15)

Nous ne sommes pas opposés, non plus, par exemple, à ce que, dans la région de Montréal, on mette en commun les équipements sportifs. Je vous donne cet exemple parce qu'on sait que c'est un problème qui est assez criant, entre autres la question des blocs sportifs pour l'Université Concordia et pour l'Université du Québec à Montréal. On ne serait pas contre le fait que, dans la région de Montréal, il y ait un "pool" à ce niveau. Ce qu'on remet en question, c'est une autre volonté d'asservir éventuellement l'orientation, l'enseignement, même les points où sont dispensés certains types d'enseignement. On sait que, que ce soit à l'Université du Québec à Montréal ou à l'Université Laval, certains départements, qui donnent pourtant les mêmes cours, qui ont les mêmes syllabus, ont des orientations différentes. Derrière cette prise de position se cache aussi, pour nous, la défense de la liberté académique.

Le Président (M. Charbonneau):

D'accord. Je pense que vous avez raison de dire qu'il faut que cette liberté académique soit réelle. Mais dans quelle mesure, quand on entend un discours qui oppose les intérêts des entreprises ou les intérêts économiques aux intérêts des universitaires ou de l'université, non seulement on ne va pas à contre-courant, mais on ne développe pas des attitudes contre-productives? Je me demande, finalement, si ce n'est pas normal que le gouvernement, que des entreprises, que des groupes dans la société demandent que l'université tienne plus que jamais compte d'un certain nombre de besoins.

Quand vous parliez, par exemple, du virage technologique, est-ce que c'est vraiment juste un virage au profit des entreprises ou si ce n'est pas un virage au profit de l'ensemble de la société? Est-ce qu'on peut se permettre, comme société, de rater ce virage? Est-ce que ça veut dire que, parce que le gouvernement choisit - on peut s'interroger sur sa façon de le faire -en mettant l'accent, par des crédits spéciaux affectés à cela, de donner un coup de pouce particulier, il dessert les intérêts de cette société? J'ai l'impression que c'est tout noir et blanc. Vous ne trouvez pas, finalement, que les choses ne sont pas si simples que cela au niveau des défis qu'on a à relever comme société?

M. Paquet (Jean-Pierre): Pour être plus précis sur la question du virage technologique, je pense que ce qui doit être bien compris, c'est que, d'aucune façon, nous ne nous opposons au virage technologique. Ce qu'on écrit clairement dans le mémoire, c'est qu'au niveau scolaire, lorsqu'on parle du virage technologique, au niveau des institutions universitaires, entre autres, le développement des secteurs reliés au virage technologique ne doit pas se faire au détriment des autres secteurs. Nous remettons en question le choix que le gouvernement a fait en disant que, selon une vision à court terme, on doit développer rapidement les secteurs du virage technologique en fonction d'un besoin prévu de main-d'oeuvre. Cela nous paraît très dangereux de faire des projets de cet ordre à court terme en laissant de côté les besoins actuels et futurs de la société au niveau de l'ensemble des autres disciplines qui ne sont pas nécessairement rattachées aux secteurs du virage technologique.

Je pense qu'on n'a pas, non plus, opposé les intérêts de la société en général et la question du virage technologique. Nous ne les avons opposés d'aucune façon. Ce que nous avons dit, c'est que, finalement, on perçoit un déséquilibre, à l'heure actuelle, au niveau de l'éducation concernant les priorités et la façon d'inscrire, à l'intérieur des universités, la question du virage technologique. Il ne suffit pas de former des spécialistes qui vont travailler sur des ordinateurs bien précis ou des spécialistes en biotechnologie; il faut aussi faire en sorte que le virage technologique soit au service de l'ensemble des autres disciplines, ce qui veut dire, par exemple, qu'au niveau des sciences humaines une étude soit permise sur les conséquences qu'aura le virage technologique sur les conditions de travail, sur des thèmes comme ceux-là.

À l'heure actuelle, on ne peut pas percevoir que le gouvernement a une volonté de cet ordre. On perçoit difficilement si le gouvernement a une volonté de faire en sorte que la question du virage technologique soit, finalement, inscrite à l'ordre du jour de l'ensemble des disciplines et qu'elle se mette au service de ces disciplines. Finalement, comme on le dit dans le mémoire, la nuance est très importante entre mettre l'université à la remorque du virage technologique ou faire en sorte que l'université soit au devant de ce virage, ait un regard critique à son endroit et essaie, finalement, d'intervenir pour que le virage se fasse en fonction de l'intérêt de l'ensemble de la population.

Le Président (M. Charbonneau): Je pense que vous avez parlé d'une façon intéressante des conditions d'enseignement. À un moment donné, vous disiez qu'on donnait dans certains endroits des cours à 100 ou même à 200 étudiants à la fois. Est-ce que vous pourriez nous donner des précisions sur cette situation, les endroits où cela se pratique, sur la fréquence, sur le nombre d'étudiants qui seraient affectés par cette réalité?

M. Paquet (Jean-Pierre): Dans plusieurs universités - on peut nommer l'Université Laval, l'Université du Québec à Montréal, l'Université de Montréal - des cours se donnent dans de gigantesques auditoriums, des amphithéâtres qui contiennent 100, 150, 200 personnes.

Le problème, c'est surtout d'avoir accès aux données là-dessus. Je pense que vous devriez en prendre note aussi, ce n'est pas très facile de savoir, au niveau du secteur de l'éducation dans son ensemble, quelle est la réalité et quels sont les objectifs véritables du gouvernement. C'était une parenthèse.

Nous n'avons pas, comme vous le demandez, fait une évaluation exhaustive du nombre d'étudiants et d'étudiantes qui sont visés par cela, du nombre de cours que cela représente. Il y aurait un cours de ce genre et ce serait inacceptable. Ce n'est pas nécessaire que tout le monde ou qu'une majorité soit visée par cela. Ce qu'on constate au départ, c'est que - et on le constate d'après le vécu des étudiants et des étudiantes, dans ces cours - ce n'est pas une forme pédagogique qui facilite l'apprentissage et que cela débouche sur une mauvaise qualité d'éducation.

Donc, on considère qu'en plus cette forme de pédagogie, de grands groupes dans les grandes classes, représente une économie d'échelle pour les administrations universitaires parce que cela implique l'engagement de moins de professeurs, etc. Au niveau de la qualité de l'éducation, ce n'est pas là - d'après l'évaluation qu'on a pu en faire, d'après les contacts quotidiens qu'on a avec des étudiants et des étudiantes qui subissent ces cours - une solution et une façon d'enseigner qui assure une qualité de cours.

Le Président (M. Charbonneau): Je ne vous blâme pas de ne pas avoir des données ultra-précises. La raison pour laquelle je posais la question, c'est que vous conviendrez que, dans la mesure où on essaie de nous sensibiliser à des situations qui seraient inacceptables, c'est important pour nous de savoir si ces situations sont exceptionnelles ou si ce sont des situations qui sont largement répandues et qui risquent de l'être davantage. Autrement dit, on sera amené à porter des jugements et c'est évident qu'on pense que, parmi les gens qui pourraient nous donner des indications, vous êtes de ceux-là. C'est pour cela que je posais la question pas pour vous embêter et vous demander un

catalogue complet de relevés.

M. Vézina: Quand on dit dans le mémoire qu'on aimerait cela que le ministre Bérubé aille se promener un peu dans les universités, on fait, entre autres, mention de ce problème qui vous est peut-être inconnu. Cela fait probablement un bout de temps que vous avez terminé vos baccalauréats, mais en ce moment - et je pense que les gens du RAEU pourraient également le confirmer - il y a généralisation de ces grands groupes un peu partout. Si la commission était intéressée à creuser ce problème, l'ANEQ serait absolument d'accord pour vous organiser une visite guidée de quelques universités où vous pourriez vous promener et aller voir les cours en question. Que ce soit en optométrie, pour ce qui est des cours de première année à l'Université de Montréal, ou en sciences de gestion à l'UQAM, en sciences aussi en général un peu partout, pour les cours obligatoires, vous verriez que cela commence à être pas mal de la formation en série.

Le Président (M. Charbonneau): Une dernière question; vous vous imaginez bien que, si je l'ai posé au RAEU, je vais vous la poser à vous aussi. C'est sur les frais de scolarité. Vous avez un peu dans ce dossier le même discours que le RAEU, le discours classique ou traditionnel des leaders étudiants au Québec et c'est continuellement un discours qui est appuyé sur la volonté d'aider les plus faibles ou les plus défavorisés dans notre société. Est-ce que vous ne considérez pas que, finalement, on n'arrive pas nécessairement à aider les plus défavorisés par cette méthode et qu'on crée, d'une certaine façon, une certaine injustice ou une certaine inéquité en traitant sur le même pied des gens qui viennent des milieux défavorisés et des gens qui viennent des milieux favorisés? Remarquez qu'on peut poser le problème tant dans le domaine des frais de scolarité que dans d'autres domaines où on parle d'universalité de certains programmes. Est-ce que, sans nécessairement s'accuser mutuellement de tous les péchés d'Israël ou de toutes les intentions les plus épouvantables, mais à cause d'un contexte de manque de ressources dans notre société, on n'est pas rendu à se demander si c'est la meilleure approche sociale de traiter sur le même pied les enfants de ceux qui ont les moyens d'envoyer leurs enfants à l'université et ceux qui ont moins les moyens? Je prends juste mon propre cas, je l'ai cité tantôt. Quand j'étais étudiant à l'université, il y a quelques années, mon père, qui est un travailleur, n'avait peut-être pas les moyens que moi, j'ai comme député ou comme ancien journaliste ou quelqu'un qui pourrait y retourner éventuellement, de donner les mêmes facilités à mon fils. Est-ce que poser cette question, ce n'est pas aussi se demander s'il ne serait pas temps de faire un virage vers une approche sociale ou, en tout cas, de se demander si le virage ne serait pas opportun?

M. Vézina: C'est cela. On considérerait que ce ne serait pas à ce moment un virage, mais un recul. Les questions que vous posez sont intéressantes. Maintenant, si j'avais avec moi le programme du Parti québécois, on pourrait voir que ce n'est pas tout à fait cela que vous disiez aux jeunes lors des dernières élections. Si vous êtes pour changer de discours, il faudra peut-être le dire clairement pour les prochaines.

Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, finalement, il n'y a pas moyen même d'aborder la question. L'ayant mis comme un évangile à un moment donné, l'évangile reste là pour l'éternité.

M. Vézina: C'est-à-dire que vous aviez le même évangile que nous jusqu'à il n'y a pas longtemps.

Le Président (M. Charbonneau): Oui, je sais, j'ai été même un des penseurs de cet évangile quand j'étais étudiant.

M. Vézina: Si vous n'êtes plus croyant, c'est un problème effectivement. Maintenant, je voudrais rectifier quelque chose: on n'a pas le même discours que le RAEU sur la question. Nous, on est cohérents et on est responsables par rapport à la jeunesse du Québec, par rapport à nos membres aussi qui veulent avoir accès à l'éducation. Alors, les priorités qu'on intègre, ce sont les priorités qui viennent de nos instances. Si on a toujours été contre les frais de scolarité, c'est parce qu'on considérait que c'était une entrave; 50 $ par cours, c'était quand même pour un baccalauréat, un certain montant, alors c'était une entrave. On considère que s'opposer aux frais de scolarité, pas être, évidemment, contre l'augmentation, mais être aussi contre le fait qu'il y en ait des frais de scolarité, c'était, depuis un bon bout de temps, pour notre association la meilleure façon éventuellement de contrer une augmentation des frais de scolarité ou, à d'autres niveaux, l'imposition d'autres barrières économiques.

Quand on parle des jeunes qui viennent de milieux défavorisés, qui n'ont pas accès à l'université et qu'on dit que ceux qui viennent à l'université, ce sont ceux qui viennent de classes économiques moyennes et supérieures je pense - c'est cela, les termes consacrés dans des études fort savantes qui ont été faites et qui sont probablement exactes - dans le fond, ce qu'on nie, c'est qu'un individu, à un moment donné, devienne autonome, devienne indépendant de sa

famille, de son milieu social. Et à ce niveau, nous, ce qu'on défend sur un autre dossier, la réforme des prêts et bourses, qui est, quand même, rattaché au débat actuel, c'est que, lorsque tu es parti de chez vous, tu es indépendant. On s'aperçoit que les politiques gouvernementales, que ce soit dans l'éducation ou pour la jeunesse, nient de plus en plus aux jeunes, qu'ils soient étudiants ou non, l'autonomie, le fait qu'à 18 ans tu veuilles prendre ta place dans la société, que tu veuilles commencer à bâtir le Québec et avoir une vraie "job" ou éventuellement étudier, mais sans être raccroché à ton milieu familial. (12 h 30)

De plus en plus, ce qui se passe, c'est qu'on veut nous ramener chez nous, nous ramener dans la famille; on veut faire peser de tout son poids sur nous notre origine sociale. Aux gens des milieux défavorisés, on dit: Allez donc au collégial, il y a des petits diplômes, il y a des petits certificats d'études que notre règlement des études collégiales a faits. On va vous apprendre à monter des rotors d'appareils pour Bell Helicopter. Quand cela sera fini, vous reviendrez en faire un autre petit diplôme. À ceux qui viennent de milieux moyens, on dit: Pauvre vous autres, vous allez y goûter parce qu'il y en a qui sont plus malheureux que vous! Finalement, on oppose les jeunes aux étudiants, les assistés sociaux à ceux qui ont une "job"; on oppose les fonctionnaires des secteurs public et parapublic au privé; on en est même rendu à opposer les étudiants qui peuvent avoir accès à l'université à ceux qui vont piétiner en secondaire V ou qui vont se rendre seulement au collégial. En tout cas, on n'accepte pas cette logique-là.

Le Président (M. Charbonneau): Je vais terminer sur un commentaire. La logique que je trouve inacceptable dans le contexte actuel, c'est de faire croire que, sur le principe de l'autonomie individuelle des jeunes adultes - je n'ai rien contre cela a priori - on soit amené comme société à faire en sorte que des gens n'assument pas leur responsabilité. Je ne pense pas que, parce que, à un moment donné, on a mis des enfants au monde et qu'ils ont atteint l'âge de 18 ans, on n'a plus de responsabilités. La réalité: est-ce qu'on peut se payer comme société, à un moment donné, l'autonomie que vous réclamez? Il y a des études qui ont été faites qui chiffraient à pas loin de 300 000 000 $ le simple fait qu'à un moment donné, au niveau des prêts et bourses, tout le monde puisse être traité sur le même pied au niveau de l'autonomie. Je partage ce discours d'autonomie, mais je pense qu'en même temps il a ses limites. Ne pas mentionner ces limites, à mon avis, ce n'est pas responsable. Je ne pense pas que, pour faire plaisir ou pour avoir une plus grande popularité auprès d'un milieu, je doive tenir ce discours.

M. Vézina: Ce que je voudrais ajouter à ce sujet, c'est qu'on se doute bien que quelque part dans la société il y a des limites. Maintenant, comme on n'a pas été, comme beaucoup d'autres composantes de la société, associés à votre projet de société, à ce que vous développez à l'heure actuelle -on n'a pas été consultés, sinon que toutes les fois qu'on nous a offert des tribunes, on a dit des choses qui n'ont pas été retenues -on ne reconnaît évidemment pas les limites que vous fixez. Les règles du jeu, c'est vous qui les déterminez.

Si on était dans un autre contexte comme au début des années soixante où vraiment on tenait compte de tous les secteurs de la population pour essayer d'asseoir notre projet éducationnel et où, finalement, on a mis en place des choses qui reposaient sur un grand consensus, peut-être que oui, on se dirait: Effectivement, on a tel objectif. On a convenu cela ensemble. On a telle limite. On s'entend. Sauf qu'à l'heure actuelle on est perdants sur toute la ligne; alors, on ne reconnaît pas vos limites, d'autant plus qu'on ne sait pas ce qu'il y a; on ne connaît pas le projet; on ne sait pas vers où vous allez. On commence à s'en douter, mais vous nous dites: Non, non, vous vous trompez. Cela fait qu'on n'est pas tellement responsables de cette situation. On est obligés de fonctionner après coup et de s'opposer. Eh oui!

Le Président (M. Charbonneau): Mais c'est un peu facile! Merci. M. le vice-président.

M. Ryan: M. le Président, avant de commencer à converser avec la délégation de l'ANEQ, je veux faire une suggestion. Il nous reste à peine 20 ou 25 minutes avant qu'on suspende nos travaux à 13 heures. Je crois qu'il serait équitable, si les membres de la commission voulaient y consentir, que peut-être nous envisagions de prolonger notre séance de cet après-midi d'une heure, soit jusqu'à 19 heures, pour offrir à la délégation de l'ANEQ peut-être une heure de plus pour la discussion qu'on veut avoir. Autrement, il y a des membres de la commission qui seront privés de tout droit de les interroger. Le prochain intervenant normalement a droit à 20 minutes. Cela veut dire que, si j'utilise mes 20 minutes, comme le président l'a fait, je conclus que personne d'autre ne pourra parler.

Le Président (M. Charbonneau): Vous me posez seulement un problème qui est le suivant: D'une part, nous avions réservé des blocs équivalents: celui des étudiants, celui des enseignants, celui des recteurs, celui du

Conseil des universités. D'autre part, dans le cas des étudiants, on avait essayé de partager le bloc en deux d'une façon équitable. Je n'aurais pas d'objection à ce que l'on prolonge la séance de 15 à 20 minutes ce midi pour donner la chance à l'ANEQ de terminer, mais, dans la mesure où on reviendrait cet après-midi et qu'on leur donnerait une heure, par rapport aux gens qui étaient là avant et aussi par rapport à l'ensemble des groupes, je pense que l'on briserait un peu l'équilibre qu'on a essayé de maintenir. Mais je n'ai pas d'objection. D'ailleurs, dans mon esprit, on ne devait pas arrêter à 1 heure, mais plutôt vers 1 h 15 ou 1 h 20 pour être équitable quant au temps qu'on a donné à l'ensemble des gens qui sont là.

Alors, je vous invite immédiatement à poser vos questions.

M. Ryan: Mais, alors, quelle est la conclusion?

Le Président (M. Charbonneau): La conclusion, c'est que je pense qu'on va plutôt prolonger ce matin et on va...

M. Ryan: ...

Le Président (M. Charbonneau): Oui, mais je vous indique que je ne voudrais pas être obligé de demander le vote sur cette question. Je pense que le problème que vous me posez et que vous posez, dans le fond, à l'ensemble de la commission, c'est qu'on va se trouver à déséquilibrer ce qui, jusqu'à maintenant, était relativement bien équilibré. Par ailleurs, je pense bien qu'on a le temps ce matin à la fois de vous entendre aussi longtemps que vous le voulez et même de permettre à d'autres collègues de compléter par des remarques avant qu'on ne suspende pour l'heure du midi, étant entendu qu'on ne finit pas à 13 heures, mais plutôt vers 13 h 15 ou 13 h 20, à cause des retards qu'on a eus depuis ce matin.

M. Ryan: À moins qu'on aille jusqu'à 13 h 30 pour qu'on sache où on s'en va. 13 h 15 ou 13 h 20, il n'y a personne qui peut décider cela arbitrairement. Si on s'entend sur 13 h 30, cela va?

Le Président (M. Charbonneau): Cela va.

M. Ryan: MM. et Mme les membres de la délégation de l'ANEQ, j'ai pris connaissance de votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. J'ai trouvé en particulier que vous avez soulevé dans votre présentation plusieurs questions tout à fait fondamentales qui méritent un échange approfondi. On ne pourra pas vider ces questions ce matin, mais je pense que certaines ont été portées à notre attention avec une acuité spéciale dans votre mémoire. Personnellement, je l'apprécie vivement.

J'ai remarqué en particulier que vous avez souligné certains aspects discriminatoires de la politique pratiquée par le gouvernement ces dernières années. Je voudrais vous dire que sur certaines de vos critiques je suis personnellement d'accord avec vous. Quand vous critiquez la politique de hausse des frais de scolarité des étudiants étrangers en établissant très clairement qu'elle est à toutes fins utiles discriminatoire et subordonnée à d'autres intérêts que ceux du progrès et de la diffusion de la connaissance et de la science, je pense que la démonstration est irréfutable. C'est un aspect de la politique du gouvernement qui devrait faire l'objet, à mon point de vue, d'une révision dans les meilleurs délais avant que les dégâts s'accumulent trop. Vous parlez de la base de financement que le gouvernement a pratiquée ces dernières années et envisage de continuer à pratiquer à compter de l'année 1985-1986 pour les clientèles additionnelles qui viennent s'ajouter dans les secteurs d'étude et d'enseignement considérés comme n'étant pas reliés au virage technologique; je pense que vous avez profondément raison. Je pense qu'il y a un principe discriminatoire qui est à la base de la politique gouvernementale qui est absolument inadmissible. Je pense que ce qui est en cause ici, ce n'est pas le fait que le gouvernement décide de prendre des mesures spéciales pour stimuler la croissance des clientèles dans certains domaines, c'est le fait que la base qu'il établit pour toutes les clientèles est une base absolument insuffisante et inacceptable. Si le gouvernement acceptait de hausser la base de financement des clientèles additionnelles à un niveau raisonnable comme celui qui a été proposé par le Conseil des universités et qu'il décidait ensuite de verser des contributions spéciales pour des clientèles reliées à des secteurs qu'il entend privilégier, je le comprendrais très bien, mais quand on a réduit à zéro depuis six ans le financement des clientèles additionnelles dans certains secteurs et qu'après avoir accepté de le porter à 75% pendant un an ou deux on parle de nouveau de le ramener à 50% seulement, je pense que là il y a un principe de discrimination que vous avez raison de souligner. Dans votre critique, je souscris entièrement à ce que vous dites.

Je pense que si on veut un développement équilibré des universités il va être important de clarifier ces notions de base, parce qu'autrement on va s'engager dans des voies qui, à la longue, ne pourront faire autrement que compromettre gravement la qualité de la vie universitaire. Je pense que la qualité de la vie universitaire ne se définit pas d'abord par le nombre de

docteurs ou de prix que nous pourrons remporter dans telle discipline particulière; c'est par la qualité générale du dialogue, de la conversation et du travail qui se font dans le milieu universitaire et par la qualité du rayonnement de tout ce travail. Je crois personnellement que ceux qui oeuvrent dans les disciplines de sciences pures ou appliquées peuvent profiter énormément - et doivent profiter - du dialogue avec leurs partenaires des secteurs des lettres, de l'histoire, de la philosophie, de l'économie, de la sociologie, etc. Je crois que le genre de discours que l'on tient depuis un certain nombre d'années est discriminatoire à sa face même et encore beaucoup plus dans ses conséquences pratiques. Que vous ayez souligné cela dans votre mémoire, je vous en suis personnellement reconnaissant. Je pense qu'il est important que cela ait été fait. Je pense que c'est votre mémoire qui l'a souligné le plus fermement.

Je voudrais maintenant vous poser quelques questions. Je n'insisterai pas sur les effets des coupures. Je pense que vous les avez étayés de manière concrète dans votre mémoire. Vous avez fait des propositions à la commission qui m'ont vivement intéressé. Hier, j'avais émis moi-même le voeu que la commission puisse se déplacer pour aller observer sur place certaines situations. Je pense que ce serait très important que notre information soit encore davantage poussée sur ces points. Je pense qu'il y a des choses très importantes là-dessus dans votre mémoire. Tantôt, je vous poserai une petite question sur les chargés de cours. Je pense que vous avez soulevé un problème extrêmement important, surtout pour des universités qui sont moins développées que d'autres. Si on allait les condamner à continuer dans cette voie, il est évident qu'on va en faire des universités au rabais, qu'on n'aura pas la même égalité de chance de formation universitaire partout dans les institutions.

Je voudrais maintenant vous poser une première question, si vous me le permettez, relative au principe de l'accessibilité. Je ne veux pas entrer dans les modalités quant à savoir si on doit garder les frais de scolarité au niveau actuel, les supprimer totalement ou les indexer. C'est une question sur laquelle nous interviendrons en temps utile. La question que je voudrais vous poser est préalable à cela. Vous dites, à la page 6: "Pour l'ANEQ, l'accessibilité signifie bien sûr le décontingentement des programmes, le financement complet des nouvelles clientèles, la construction des espaces nécessaires à leur accueil. L'accessibilité passe aussi par l'abolition des barrières économiques, c'est-à-dire par la gratuité scolaire entre autres".

La question que je voudrais vous poser est bien simple. À supposer que dans Québec nous ayons un taux de médecins par 1000 habitants, égal ou supérieur à celui du reste du pays, connaissant le coût très élevé de la formation d'un médecin. À supposer aussi que vous ayez une demande pour qu'on en ait trois fois plus, par exemple, des étudiants qui voudraient s'orienter de ce côté-là alors que, déjà, nous sommes à un seuil égal ou supérieur à celui du reste du Canada. Est-ce qu'en vertu du principe d'accessibilité vous diriez qu'il faut donner suite à tout cela et qu'il faille ouvrir les écoles de médecine ou si vous n'accepteriez pas qu'il y ait une certaine loi de contingentement qui s'applique dans une discipline semblable?

M. Paquet (Jean-Pierre): Sur la question du contingentement, je pense que ce qu'on tient à souligner surtout à l'heure actuelle, en parlant du décontingentement, c'est que, finalement, dans la majorité des cas, les contingentements ne reposent pas sur des raisons de manque de débouchés ou encore de surpopulation dans les secteurs d'emplois bien déterminés. Évidemment, on pourra toujours dire que l'exemple de la médecine est effectivement un cas. Quant aux autres secteurs où il existe un contingentement, dans les secteurs des arts ou des lettres par exemple - enfin, des secteurs comme ceux-là - il existe des contingentements mais est-ce qu'ils sont établis en fonction d'une analyse précise des possibilités d'emploi? C'est une question que l'on peut se poser. On en doute. De toute façon, je pense qu'il y a aussi la question de l'emploi qui doit être rattachée à la question de la formation, évidemment, mais elle ne doit pas être liée à un point ferme et trop exclusif. Il y a des formations que l'on peut obtenir en milieu universitaire qui, finalement, enrichissent la société à bien des égards. Entre autres, on donnait l'exemple des arts et des lettres, tout comme il peut être enrichissant pour un individu, ou pour une société de façon plus générale, de posséder des connaissances en médecine sans pour autant en venir à les appliquer dans la pratique.

Finalement, la question est de contester la logique qui dit que les contingentements reposent sur la question qu'on ne doit pas former des chômeuses et des chômeurs instruits. Pour l'avancement de la société, l'acquisition des connaissances ne doit pas être comptablisée en fonction de quelle façon ces connaissances seront appliquées exclusivement sur le marché de l'emploi. Sur la question plus précise des facultés de médecine, entre autres, je pense qu'il y aurait peut-être intérêt, au lieu de se servir du seul contingentement - c'est la même chose au niveau collégial, d'ailleurs - s'il est question de déboucher sur l'emploi, de s'organiser pour qu'il y ait une information plus détaillée qui circule auprès des étudiantes et des étudiants sur les possibilités d'emploi qui existent

véritablement pour que, finalement, le choix revienne dans une plus grande part aux étudiantes et aux étudiants, c'est-à-dire qu'on leur permette de faire un choix clair, net et précis, en fonction, précisément, d'une information diffusée plus largement sur les possibilités d'emploi. À ce moment-là, l'étudiante ou l'étudiant pourrait décider par lui-même s'il se dirige vers un secteur d'études quelconque. (12 h 45)

M. Ryan: En supposant qu'ils aient toutes ces informations et qu'ils arrivent à des choix qui dépassent les ressources que, raisonnablement, la société devrait consacrer à l'enseignement de telle ou telle discipline, qu'est-ce que vous faites?

M. Vézina: On peut se demander si, par exemple, dans le cas d'études en médecine, on en est arrivé à ce point, compte tenu de la pénurie de médecins en régions. J'imagine que si, éventuellement, à court terme, il y a plus de diplômés en médecine, il y aura une pression pour qu'effectivement ces régions soient mieux servies, mais, à moyen terme, qu'il y ait contingentement... Mais ce sont des cas bien spécifiques: la médecine, etc.

M. Ryan: Cela peut arriver dans le cas du génie, parce que je constate qu'il y a beaucoup d'institutions qui voudraient développer des écoles de génie. Cela se comprend très bien, mais les équipements coûtent très cher. Cela demande des concentrations de professeurs, des ressources humaines assez considérables si on veut avoir une école de très bon niveau.

M. Vézina: Oui.

M. Ryan: Est-ce qu'on va donner suite à tout cela seulement en nous basant sur des décisions individuelles?

M. Vézina: À un moment donné, il y a une question de besoins sociaux. Il est bien évident que, lorsque les besoins sociaux sont comblés et que cela va causer un problème, il faut qu'il y ait une intervention et celle-ci doit venir de l'État. Ce que l'ANEQ conteste, ce sont les formes actuelles de contingentement qui sont en train de se généraliser et qui ne sont pas dues à un manque de besoins sociaux. Je vais donner un exemple bien concret. Il est d'autant plus concret qu'il se situe en informatique. Le gouvernement nous dit: Le virage technologique, cela presse, on va financer, etc. En informatique de gestion à l'UQAM, il y a 2000 étudiants et il y a à peu près une vingtaine de terminaux. J'inviterais, comme je l'ai fait tout à l'heure, la commission à se rendre au pavillon Carré-Philippe, de l'UQAM, voir les étudiants travailler la nuit, à une heure, deux heures, trois heures, ou quatre heures du matin - il y en a tout le temps. Ce sont les seuls étudiants qui ont accès à l'université 24 heures par jour. Pourtant, c'est le virage technologique. À l'Université de Montréal, il y a un an, le recteur a dénoncé la situation: il y avait 2000 ou 4000 étudiants qui voulaient aller en informatique et il y avait 250 places. Il y a des contingentements, mais c'est une question de logistique. Au niveau interne, on est obligé de contingenter, parce cela n'a plus d'allure. Les journées ont 24 heures et les semaines ont 7 jours - parce que les gens y vont aussi le samedi et le dimanche. C'est ce type de contingentement qu'on conteste avant tout.

M. Ryan: Très bien. En principe, vous reconnaissez qu'il y a un certain cadre de rationalité auquel on ne peut pas échapper comme société. Mais vous trouvez qu'il y a beaucoup de décisions ou de politiques qui relèvent beaucoup plus de l'arbitraire que de la rationalité dont on se réclame, si je comprends bien.

M. Vézina: Exactement.

M. Ryan: Une chose m'a bien intéressé dans votre mémoire, c'est le passage de la page 11 où vous reprochez au gouvernement de trop vouloir lier le développpement de l'enseignement universitaire aux seuls besoins de l'économie. C'est une tendance que j'ai décelée de mon côté dans les propositions qui nous ont été faites, particulièrement comme vous l'avez souligné, dans le projet de règlement des études collégiales conçu par le gouvernement. On a eu l'occasion d'en discuter à ce moment-là. J'aimerais que vous nous disiez, dans votre conception, à quels besoins l'université doit répondre dans la société, en plus de ceux de l'économie, évidemment?

M. Paquet (Jean-Pierre): Comme on l'a indiqué à d'autres endroits dans le mémoire, il y a, évidemment, la question des besoins sociaux, mais encore faut-il les identifier de façon plus précise. Je pense que l'exemple de la médecine est un bon exemple. Est-ce qu'actuellement on peut considérer que la population québécoise n'a pas besoin de médecins? Entre autres, dans les hôpitaux, il existe une surpopulation évidente. Je pense que les universités et le système d'enseignement dans son ensemble doivent répondre aux besoins sociaux comme les services publics. Si le gouvernement coupe dans les services publics, on n'aura pas besoin de personnel dans ce secteur; si on ferme des hôpitaux, on n'aura pas besoin de médecins. Dans les faits, est-ce que la population n'a pas, cependant, besoin de ces services? Fondamentalement, mise à part la question du besoin des entreprises, ce qui

nous préoccupe beaucoup c'est le bien-être de la population pour ce qui est des besoins de base, soit la santé, l'éducation, le logement. Les besoins spécifiques de la population doivent être pris en charge et le système d'enseignement doit permettre l'amélioration de ces conditions.

M. Ryan: Une dernière question. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de prendre connaissance de l'avis qui a été émis par le Conseil des universités sur le cadre de financement 1984-1985. Dans cet avis, le Conseil des universités recommande entre autres qu'une somme additionnelle de 11 500 000 $ soit injectée dans le réseau universitaire en 1984-1985 et, en outre, que la somme de 10 000 000 $ qui avait été mise de côté dans le budget 1983-1984 pour le réaménagement des bases de financement soit redistribuée intégralement aux universités suivant les critères ordinaires. Ceci fait un total de 21 000 000 $. Est-ce que vous avez pris connaissance de cet avis? Est-ce que vous souscrivez à cette recommandation du Conseil des universités?

M. Paquet (Jean-Pierre): Oui, nous avons pris connaissance de cet avis. D'ailleurs, on cite en partie dans notre mémoire certains passages de l'avis du Conseil des universités. Pour ce qui est des besoins identifiés par l'avis du Conseil des universités, je pense qu'il faudrait avoir les yeux fermés comme certains ministres pour ne pas se rendre compte que ces besoins-là existent et que la somme de 11 000 000 $ est un minimum. Je pense que le Conseil des universités précise bien qu'il s'agit du minimum dont les universités ont besoin pour assurer la poursuite et le maintien des activités actuelles en permettant une légère amélioration de la qualité de l'enseignement universitaire. Je pense, comme je l'ai dit, qu'il faut avoir les yeux fermés pour ne pas admettre que ces 21 000 000 $ sont nécessaires et, dans ce sens-là, nous souscrivons aux objectifs de l'avis du Conseil des universités.

Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le député de Fabre et adjoint parlementaire au ministre de l'Éducation.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je remercie l'ANEQ d'avoir présenté son mémoire. J'ai quelques remarques sur le mémoire. Il m'apparaît assez touffu comme mémoire; je regrette qu'on l'ait eu à la dernière minute car cela ne nous permet pas d'en faire une analyse très poussée. C'est un mémoire axé presque essentiellement sur la dénonciation du gouvernement. Remarquez que je n'ai rien contre; ce sont vos droits et je les respecte. Cependant, je tiens à le souligner; c'est un mémoire teinté de "politisme", si je peux me permettre ce néologisme, et c'est aussi votre droit.

Vous soulevez - je suis d'accord avec le député d'Argenteuil - des questions importantes dont on a parlé depuis le début de cette commission et dont on parlait dans plusieurs mémoires qui ont été présentés jusqu'à maintenant. Encore une fois, ces idées qui sont intéressantes apparaissent, du moins pour moi, dans un enchevêtrement d'affirmations gratuites et de dénonciations du gouvernement en place.

M. Vézina: II n'y en a qu'un.

M. Ryan: II n'y a pas de gouvernement parallèle.

M. Leduc (Fabre): II y a une nuance, M. le député d'Argenteuil, et vous devez la saisir. Le problème que je perçois est que le gouvernement est toujours seul responsable. Dans le cas des universités je voudrais vous souligner qu'il s'agit d'un domaine où il est difficile pour le gouvernement d'intervenir par rapport à d'autres secteurs, que ce soit le secteur primaire, le secteur secondaire ou le secteur collégial. Le secteur universitaire jouit d'une autonomie qui est beaucoup plus grande et qui est même assez grande par rapport aux autres secteurs où le gouvernement peut intervenir beaucoup plus et beaucoup mieux. Mais les universités jouissent d'une autonomie qui leur est propre et nous respectons cette autonomie. Cela a favorisé, je pense, le développement de nos universités jusqu'à maintenant et, quant à nous, on veut bel et bien respecter cette autonomie.

Par contre, cela pose un certain nombre de difficultés parce que, si le gouvernement intervient d'autorité, vous le lui reprochez. S'il n'intervient pas, vous le lui reprochez également. Ce qui fait que le gouvernement est dans une situation très difficile par rapport à vous, en tout cas. On a ici devant nous une proposition de cadre de financement où le gouvernement propose un certain nombre d'orientations. À remarquer que, jusqu'à maintenant, il y a eu - en tout cas, j'ai cru déceler des consensus sur les orientations, les priorités qui sont définies dans ce cadre de financement - un quasi-consensus sur les paramètres qui sont proposés. Vous ne parlez pratiquement pas de ce cadre de financement. Vous ne dites pas... Oui, vous en parlez un peu en mentionnant que le gouvernement veut favoriser, semble-t-il, un peu trop l'économie ou axe trop sur l'économie ou axe trop sur les affaires. J'aurai une question tout à l'heure et je vais vous demander de préciser cet aspect qui m'apparaît assez vague.

Concernant le cadre de financement, il m'apparaît que votre mémoire... En tout cas

vous ne vous prononcez pas suffisamment sur le fond du cadre de financement, sur le fond des priorités et sur ce qu'on vise à corriger encore une fois par rapport aux limites qu'a le gouvernement dans sa capacité d'intervention dans un domaine comme celui-là, face aux universités. Il y en a qui disent que c'est trop dirigiste cette intervention concernant le cadre de financement et certains disent que ce n'est pas assez dirigiste.

À mon sens, vous ne tenez pas compte non plus des ressources de la société et des priorités du moment. Vous ne parlez pas, par exemple, de la conjoncture économique dans laquelle nous sommes, comme société, forcés d'évoluer. On n'est pas les seuls, mais vous n'en parlez pas. Vous semblez voguer dans une société à prospérité illimitée. Je regrette également que vous ne teniez pas compte de ce facteur des ressources. Vous ne tenez pas compte, par exemple, du fait que, présentement, au Québec on affecte une part extrêmement importante de nos ressources au domaine de l'éducation, et on n'est pas pour s'embarquer dans les statistiques, mais elles sont quand même là qui démontrent l'effort collectif extrêmement important compte tenu de notre richesse collective. Pour vous, la richesse collective, cela semble une notion qui n'a pas beaucoup de valeur.

Finalement, c'est l'impression qui se dégage, le gouvernement, c'est un magicien. Il tire de son chapeau toutes les solutions à tous les problèmes. Comme le gouvernement n'est pas un magicien, il n'a pas les solutions à tous les problèmes; donc il est attaquable; donc attaquons-le. Cela finit par prendre les allures d'un jeu. À chacun ses jeux; on est en société de loisirs; on peut s'amuser comme on veut. En tout cas, c'est l'impression qui se dégage non seulement de ce mémoire, mais de vos mémoires en général. (13 heures)

J'ai quand même des questions à vous poser. Je vais quand même dire que vous soulevez des questions, malgré tout, importantes. Il y a la forme et le fond. On pourrait parler longuement de la forme de votre mémoire. Il y a tout de même des questions importantes que vous soulevez. J'aimerais vous poser un certain nombre de questions.

Dans l'introduction, par exemple, vous dites: "Nous estimons que les projets du gouvernement, en matière de financement des universités, entraîneront un "appauvrissement" de la société." Je n'ai pas trop compris comment les projets du gouvernement, en matière de financement des universités, entraînent un appauvrissement de la société. Pouvez-vous préciser cela?

M. Paquet (Jean-Pierre): Oui. On va procéder à la réponse à la première question. L'appauvrissement de la société, c'est comme on définit... D'abord, on vous invite à relire le mémoire. Peut-être que vous allez mieux comprendre ce qu'on dit. Sur la question de l'appauvrissement de la société, ce qu'on dit finalement, c'est que pour qu'une société soit riche il faut permettre à la population d'avoir une connaissance large de la réalité qui l'entoure. Cela doit déboucher finalement sur une prise en main de la population sur cette société. On parle d'appauvrissement, c'est-à-dire que le gouvernement veut orienter l'éducation en général, et l'éducation universitaire de façon plus précise, d'une façon plus limitée en fonction de besoins très spécifiques. On croit que, finalement, si on limite l'éducation à des notions trop précises et trop limitées, trop spécialisées, évidemment, ce qui en découle, c'est que la population va avoir une connaissance moins large de l'ensemble des réalités qui l'entourent. C'est finalement ce qu'on appelle l'appauvrissement de la société.

Sur d'autres points des commentaires que vous avez apportés tout à l'heure, sur la question qu'on dénonce l'autoritarisme du gouvernement ou qu'on dénonce quand il prend des positions ou quand il n'en prend pas, je pense que c'est clairement dit dans le mémoire que nous sommes d'accord avec le fait que le cadre de financement, à l'heure actuelle, est dirigiste, correspond à une certaine forme de dirigisme et on dit dans la phrase suivante que nous ne nous opposons pas à ce que le gouvernement soit dirigiste. Pour nous, l'éducation est publique et dans ce cadre il est important que ce soit l'État qui, évidemment, en consultation avec l'ensemble des intervenants dans le milieu, définisse les orientations de l'éducation. Mais ce qu'on dit, par contre, c'est que les orientations, les choix que le gouvernement doit faire doivent correspondre aux besoins de la population au niveau de l'enseignement.

Donc, on ne conteste pas le fait que le gouvernement doive prendre des décisions. Ce qu'on conteste, c'est les décisions que l'actuel gouvernement prend. Finalement, les priorités qu'il définit par lui-même. Vous dites que les ressources sont limitées et qu'il faut tenir compte des priorités du moment. Je pense qu'aussi il faut tenir compte que le gouvernement n'arrête pas de nous parler de la reprise et de la reprise et de la reprise. S'il y a une reprise, effectivement, cela doit s'inscrire aussi dans le cadre du développement de l'enseignement. Donc, on doit s'attendre à ce qu'il y ait une reprise, qu'on mette fin aux coupures et que finalement la reprise s'inscrive aussi dans l'ensemble des secteurs au niveau de l'éducation. Je pense qu'à ce niveau la contradiction ce n'est pas tellement nous qui devons la vivre.

Vous dites aussi qu'on ne parle pas tellement du fond du cadre de financement des universités et qu'on ne se prononce pas tellement là-dessus, sur comment il doit être appliqué, etc. En ce qui nous concerne, il est clair qu'un cadre de financement qui, finalement, met de l'avant des coupures, cela ne nous intéresse absolument pas de s'embarquer dans un processus de gérer les coupures. L'ANEQ a toujours été claire là-dessus. Dans la mesure, effectivement, où il y a des possibilités de développement au niveau du secteur de l'éducation, donc, de développement de la société, ce qu'on dit c'est que, pour favoriser ce développement, l'État doit accentuer son effort de financement au niveau des universités et de l'éducation en général. D'autant plus, et on le rappelle, que le niveau de scolarisation de la population, à l'heure actuelle, est tout à fait insatisfaisant. Ce bas niveau de scolarisation justifie pleinement qu'on en arrive à débloquer des ressources supplémentaires.

Quand on dit que les ressources sont limitées, je pense qu'il faut aussi dire - et c'est une question de priorité - les ressources qu'on a, effectivement, où est-ce qu'on va les mettre, où est-ce qu'on va investir? Ce que nous disons, c'est que le secteur de l'éducation doit être une priorité plus largement favorisée. Qu'à l'heure actuelle le gouvernement coupe dans le secteur de l'éducation, dans un objectif... Ce qu'on évalue, c'est qu'on veut bâtir un Québec avec une population qui sera sous-scolarisée, qui sera plus facilement manipulable et que l'éducation doit demeurer une priorité. On évalue que, actuellement, les ressources - quand on parle de coupures justement - sont coupées beaucoup plus dans le secteur de l'éducation, supposons au niveau universitaire, les coupures se font beaucoup plus au niveau du secteur de l'éducation. On soulevait la question tantôt à savoir s'il ne fallait pas indexer les frais de scolarité; il est clair que les budgets au niveau de l'enseignement n'ont pas du tout été indexés, même qu'ils diminuent sans arrêt. Les sommes investies au niveau de l'éducation n'arrêtent pas de décroître. Quand on parle d'indexation, il faudrait bien en parler aussi de façon générale et l'appliquer à l'ensemble des niveaux.

M. Vézina: Comme complément de réponse, je ne sais pas si cela va entrer le dernier clou dans le cercueuil, mais au sujet de la richesse collective dont on ne tiendrait pas compte, je ne sais pas si c'est nous qui ne tenons pas compte du niveau de richesse ou si c'est le gouvernement. Prenons comme point de départ les années soixante; après 25 ans de travail, la population - je ne sais combien de générations de travailleurs et de travailleuses - a réussi à se construire un réseau d'écoles, d'hôpitaux et de services publics. C'est assez évident. Lorsqu'une compagnie quitte, elle laisse un trou tandis que la richesse collective qu'on a amassée au Québec depuis 25 ans, c'est un ensemble d'institutions qui existent, qui sont là. C'est cela notre richesse collective, ce n'est rien d'autre. Le gouvernement, par ses politiques, ne cesse pas d'attaquer notre richesse collective. Le sens de la prise de position de l'ANEQ, entre autres pour le front commun il y a un an et demi, c'était de défendre les travailleurs et les travailleuses qui prennent soin de notre richesse collective, qui sont dans les hôpitaux et dans les écoles. C'est pour cela qu'on avait, entre autres, appuyé le front commun. Aujourd'hui, c'est aussi le sens à donner à notre prise de position contre les politiques gouvernementales sur la question du financement des universités parce qu'on veut préserver notre richesse collective. On ne veut pas la perdre. Cela fait 25 ans que des gens suent sang et eau avec leurs taxes pour bâtir cela et on voudrait nier cela, revenir en arrière, non; II n'en est pas question pour nous autres.

M. Leduc (Fabre): II y a au moins un consensus entre nous, c'est qu'on veut également préserver notre richesse collective que constituent non seulement nos réseaux d'éducation, mais aussi le domaine de la santé et des affaires sociales, qui est également un réseau fort important et un système dont bénéfice la population du Québec.

Je veux vous mentionner un certain nombre de choses. Vous devez savoir - mais vous n'en parlez pas - que les frais de scolarité sont les plus bas en Amérique. Vous ne parlez pas du système d'aide financière qui est également le plus généreux. Cela ne semble pas être une évidence, mais sa générosité est manifeste. On peut se comparer avantageusement et même de loin aux systèmes de soutien, d'appui aux études pour les étudiants. On peut soutenir la comparaison très avantageusement avec n'importe quelle autre province et même les États américains. Vous ne tenez pas compte de cela. La gratuité au niveau collégial non plus. Pour vous, ce sont des choses auxquelles vous vous êtes habitués, mais, quand on fait une analyse politique, il faut quand même aller un peu au-delà des évidences et pouvoir mettre le doigt sur les avantages dont nous bénéficions dans notre société et qui coûtent quelque chose à la société.

Je reviens à votre réponse. J'avais tout de même une question précise à vous poser. Vous avez dit: II ne faut pas être trop spécialisé à l'université. Remarquez que c'est une idée nouvelle devant la commission. Il faudrait que l'université offre un large éventail de possibilités - là-dessus, on est

parfaitement d'accord - et que la population, dans son entier, puisse bénéficier des connaissances et du savoir de l'université. Quand vous dites qu'il ne faut pas qu'elle soit trop spécialisée, là-aussi, vous êtes contre, si je comprends bien - c'est ma deuxième question - un objectif du cadre de financement dans les orientations, c'est-à-dire favoriser davantage, sans nuire à l'accessibilité au niveau du baccalauréat, au niveau du premier cycle, les deuxième et troisième cycles, là où se font, bien sûr, des études plus spécialisées. Il faut bien se comparer, on est une société, on vit dans le monde et les relations internationales sont importantes. Il faut développer, tous les indicateurs sont là, il y a consensus là-dessus jusqu'à maintenant... J'essaie de voir où vous vous situez par rapport à ce problème des deuxième et troisième cycles. Le cadre de financement vise à augmenter les ressources aux niveaux des deuxième et troisième cycles, maîtrise et doctorat, vise également à améliorer la recherche - je ne dis pas que les moyens sont parfaits, mais il le vise dans ses objectifs - améliorer le rendement des universités en termes de diplomation aux deuxième et troisième cycles, puisqu'on constate de grandes carences quand on se compare aux autres. Cela, c'est évidemment de la spécialisation. Est-ce que c'est trop spécialisé?

M. Paquet (Jean-Pierre): Je pense qu'il y a un malentendu sur la nature du mot "spécialisation". Nous, on parle de surspécialisation. Prenons l'exemple des 40 équipes de recherche, et tantôt on pourra parler d'une façon plus générale des études avancées. Évidemment, les personnes qui sont là travaillent sur des éléments, des thèmes plus précis. Ce qu'on critique, c'est la volonté du gouvernement de faire en sorte que ces études soient moins fondamentales, moins multidisciplinaires. Ce qu'on met de l'avant, c'est de dire qu'il est important que, lorsqu'on fait une étude à partir d'un thème précis, on puisse faire ces recherches dans une vision multidisciplinaire fondamentale, qu'on voie, supposons, tel aspect précis, comment il va s'appliquer pour l'ensemble des secteurs, quel impact il va avoir au niveau de la société en général.

C'est à ce niveau qu'on parle du danger de la surspécialisation, entre autres au niveau des objectifs de la recherche. Ce n'est pas de dire que ça ne prend pas des études ou des recherches sur des thèmes précis, c'est de voir comment vont s'effectuer ces études ou ces recherches. On le cite dans notre mémoire: "Le Conseil des universités évalue, quant à lui, que les 40 équipes de recherche qui ont été mises sur pied, finalement, vont avoir à faire de la recherche de façon trop surspécialisée, en n'ayant pas une approche fondamentale des choses." De plus, le Conseil des universités dit qu'il craint que ça devienne de la sous-traitance ou que les universités deviennent des suppléants aux entreprises et au gouvernement en matière de recherche.

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie de votre précision, ça apporte un éclairage. Cela rejoint certaines affirmations qui ont été faites ou certaines idées qui ont été émises quant au danger. Je vois que vous ne vous opposez pas nécessairement aux objectifs d'amélioration du rendement au niveau des deuxième et troisième cycles. Là dessus, vous êtes d'accord avec cet objectif.

Est-ce que les 40 équipes vont surspécialiser ou non? Je ne dis pas qu'il n'y a pas risque, effectivement, il faut l'évaluer, mais, de là à décrier le gouvernement et ses actions sur une question qui touche à la façon dont on va aborder ce dossier plus que sur le fond, je ne vois pas la nécessité de partir sur un pied de guerre contre une action gouvernementale.

J'aurais eu beaucoup de questions à vous poser, ce qui démontre que, quand même, dans votre mémoire, vous soulevez des questions importantes. Je vous remercie.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le député de Fabre. Mme la députée de Jacques-Cartier. (13 h 15)

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous remercier de votre mémoire. Une des choses très claires dans votre mémoire est que vous soulignez que le rôle principal des universités devrait être l'éducation générale, large et multidisciplinaire.

Je partage vos craintes que les règles imposées par le gouvernement risquent de dévaloriser ce rôle principal. Néanmoins, j'ai l'impression que vous avez fait une fausse distinction entre l'éducation générale et l'éducation spécialisée. Il me semble que les deux rôles sont vraiment complémentaires quand on tient compte des besoins de l'individu dans notre société. Après tout, chaque personne devrait avoir une formation générale et une préparation pour le monde du travail.

Compte tenu de la demande accélérante des jeunes pour accéder au secteur du virage technologique - ce n'est pas l'idée du gouvernement d'accélérer la demande, c'était le choix libre d'un grand nombre de jeunes de choisir les secteurs liés au virage technologique - quelle doit être la réponse des universités? Est-ce qu'elles doivent répondre à cette demande à la limite de leurs ressources ou est-ce qu'elles doivent contingenter ces secteurs pour protéger leur formation générale?

M. Paquet (Jean-Pierre): Effectivement, au niveau des inscriptions dans les secteurs

reliés au virage technologique, on sait que depuis deux ou trois ans, peut-être plus deux ans, 80%, semble-t-il, des nouvelles admissions dans les universités sont dans les secteurs reliés au virage technologique. Donc, il est possible de considérer qu'il existe effectivement une demande à ce niveau et on pense que cette demande, comme l'ensemble des autres demandes pour les autres secteurs, il faut faire en sorte que l'université puisse y répondre.

Maintenant je pense qu'il y a lieu de s'interroger aussi et d'essayer d'évaluer de façon plus précise ce qui peut susciter une si grande demande. On disait dans le mémoire qu'à l'heure actuelle le gouvernement n'a de mots que pour le virage technologique et on entend dire partout dans les campagnes publicitaires que les jeunes doivent effectivement s'inscrire dans ces secteurs. Et ce qu'on considère dangereux c'est que, en fonction d'un besoin à court terme de main-d'oeuvre, le gouvernement développe un discours, une propagande qui incite les jeunes à s'inscrire dans ces secteurs, mais tout en dévalorisant les autres secteurs comme on le disait.

Je pense que, pour équilibrer les demandes en fonction des besoins, une première étape c'est que la propagande du gouvernement à ce chapitre soit moins fausse et tienne davantage compte des besoins réels de la société québécoise, c'est-à-dire qu'on n'a pas besoin de main-d'oeuvre exclusivement dans ces secteurs. À ce chapitre, si le gouvernement ne maintient l'information et la propagande qu'en disant: II faut que les jeunes s'inscrivent dans ces secteurs, effectivement cela peut avoir des conséquences fâcheuses lorsqu'on va avoir une série d'inscriptions dans ces secteurs. D'autant plus que ce n'est pas le seul facteur. Il existe une série d'autres mesures incitatives, entre autres, au niveau du financement des clientèles. Si elles ont le choix de recevoir 100% du financement pour les clientèles additionnelles de ces secteurs et seulement 70% dans les autres secteurs, les universités, d'elles-mêmes, risquent d'ouvrir les portes plus grandes et de contingenter les secteurs moins payants. Ce qui fait en sorte qu'une série de mesures incitatives de cet ordre, quand elles s'additionnent en fin de compte, peuvent conduire à ce qu'on appelle un survirage.

Maintenant, vous aviez une première question sur l'éducation spécialisée, comme quoi on faisait une fausse évaluation. Je ne sais pas si vous pouviez préciser.

Mme Dougherty: Je vais poser ma question d'une façon différente. Si l'éducation spécialisée est d'après vous le rôle secondaire - si j'interprète bien - de l'université, qui doit s'occuper de l'éducation spécialisée?

M. Paquet (Jean-Pierre): Effectivement, l'université a à offrir les possibilités aux étudiantes et aux étudiants d'acquérir une formation spécialisée. Maintenant elle doit aussi offrir la possibilité à ces étudiantes et à ces étudiants d'élargir leur vision et d'élargir leur formation. On ne dénonce pas le fait que finalement il y ait des possibilités offertes à une spécialisation. Le danger c'est que les possibilités et les mesures incitatives n'aillent que dans le sens d'une spécialisation et n'offrent pas les possibilités aux étudiantes et aux étudiants d'élargir leur cadre de connaissances. On donne un exemple sur cela: Supposons des économies d'échelle qui feraient en sorte que certaines universités devraient fermer des départements particuliers. On verrait un regroupement de ces différentes facultés dans des universités plus précises et cela ferait en sorte que dans une université quelqu'un qui étudie dans un domaine plus précis n'aurait pas la possibilité de prendre un cours dans d'autres branches parce que ces différentes disciplines ne seraient plus offertes dans le cadre de l'université. Donc, on ne s'oppose pas à la possibilité d'acquérir une connaissance spécialisée. Le danger c'est la surspécialisation par le manque de possibilités d'élargir les connaissances.

Mme Dougherty: Donc, vous n'acceptez pas l'idée du regroupement pour réaliser l'économie d'échelle, le principe.

M. Paquet (Jean-Pierre): Comme on le disait tout à l'heure, il est possible d'appliquer le principe des économies d'échelle. On donnait un exemple. Supposons des centres sportifs; dans une région plus limitée, cela peut ne pas être nuisible de regrouper certains services. Maintenant, le danger on le voit plus au niveau des universités régionales. Ce n'est pas vrai que les étudiantes et les étudiants vont s'expatrier à Montréal pour élargir leur formation, ils sont finalement pris dans une université régionale et ils devront se contenter des possibilités qui leur sont offertes à cet endroit. Comme on dit, s'il est possible d'appliquer la question de l'économie d'échelle au niveau, supposons, de la région de Montréal, où effectivement il existe plusieurs universités, on ne croit pas que cela puisse s'appliquer sans danger à l'échelle du Québec.

Mme Dougherty: Je trouve très intéressante l'orientation de votre mémoire par rapport au mémoire que nous avons entendu du Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec. En ce qui concerne ce que le gouvernement a réclamé, un rapprochement du monde universitaire du monde du travail, il a fait quelques suggestions et j'aimerais vous

demander si c'est aussi l'une de vos préoccupations, vous ne l'avez pas mentionné dans votre mémoire. Est-ce que vous partagez cette opinion qu'on a exprimée aujourd'hui? Je vous demande cela parce que c'est une plainte qui est soulevée souvent par plusieurs groupes. Sur le plan pratique, par exemple, il y a une situation dont vous êtes au courant, j'en suis certaine, où les jeunes se plaignent de ce cercle vicieux où on dit: Pas d'expérience, pas de travail; pas de travail, pas d'expérience. Il faut trouver une solution pour sortir de ce cercle vicieux. Je n'ai pas eu l'occasion de poser la question au RAEU mais il y a des solutions ailleurs, comme, par exemple, à l'Université de Waterloo, en Ontario, où on a établi un système d'études-travail qui a réussi à résoudre ce problème, soit ce cercle vicieux. Vous n'avez pas mentionné ce problème du tout mais j'aimerais avoir votre opinion.

M. Paquet (Jean-Pierre): Alors, dans une première étape, pour parler de la question du lien entre l'enseignement et le travail, évidemment on sait que la commission qui siège ici actuellement c'est sur l'éducation et la main-d'oeuvre, donc la question est tout à fait pertinente.

En ce qui concerne l'ANEQ, on considère que si le lien doit se faire entre la formation, l'éducation et l'emploi, finalement, le lien peut se faire dans la mesure où les emplois disponibles servent à combler les besoins de la société. Comme exemple fort connu et fort populaire: la question de l'armement. Peut-on considérer utile à la société de former une main-d'oeuvre spécialisée qui effectivement va construire des appareils militaires? C'est une question qu'on peut se poser si on considère que la question de la militarisation n'est pas utile à la société et même représente un danger et aussi se poser la question sur la pertinence d'axer les ressources universitaires et les ressources du gouvernement sur la formation de cette main-d'oeuvre, alors qu'il existe beaucoup d'autres besoins au niveau de la population qui, eux, ne sont pas comblés et qui même souffrent de coupures quand on parle des services publics. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne crois pas qu'on n'ait pas besoin de gardes-malades ou enfin de personnes pour s'occuper des hôpitaux ou des différents services sociaux. Les besoins sont là, sauf qu'il existe des coupures et on ne considère pas que ce soit une nécessité. Donc, si le lien est important, on doit le faire entre l'éducation, l'emploi et le travail, et c'est en considérant au départ que les emplois dont on parle sont effectivement utiles à la société dans son ensemble.

La nuance à faire, c'est entre l'adaptation de l'université aux besoins de la société et l'asservissement de l'université à des besoins plus précis de certaines entreprises qui peuvent avoir beaucoup de poids et finalement forcer le ministère de l'Éducation à ouvrir des champs d'étude. Il y a une très grande différence entre l'adaptation de l'université aux besoins de la société et de la main-d'oeuvre et l'asservissement du système d'enseignement à ces besoins.

Vous parliez tout à l'heure du problème du cercle vicieux entre le manque d'expérience et la possibilité de trouver un emploi. En ce qui nous concerne, évidemment cela constitue un problème important, mais quand on parle d'emploi le problème se situe davantage au niveau du manque d'emploi à la base. Ce qui fait en sorte... Une des premières solutions à apporter à cela, c'est entre autres le niveau de la création et de la mise sur pied d'une politique de plein emploi. À partir du moment où il y aura suffisamment d'emplois, le problème que vous soulevez va se poser avec beaucoup moins d'acuité. Finalement, à l'heure actuelle, les employeurs sont en bonne position pour exiger des travailleurs et des travailleuses qu'ils aient acquis, avant même d'accéder à un emploi, l'ensemble des compétences nécessaires. Les entreprises sont en position d'exiger finalement des travailleurs et des travailleuses des conditions. On ne peut pas exiger des nouveaux qui arrivent sur le marché du travail d'avoir acquis les compétences, à moins de mettre sur pied des programmes de stage à l'entreprise, mais encore là on voit que les programmes actuels du gouvernement en matière de stage à l'entreprise sont beaucoup plus au profit de l'entreprise qu'au profit des jeunes qui sortent des écoles. On se sert d'un bassin de chômeurs et de chômeuses pour développer un bassin de "cheap labour" qui va aller dans les entreprises sous forme de...

Le Président (M. Charbonneau): Je m'excuse, mais il y a des députés qui veulent absolument intervenir. Je ne sais pas si ce sont des commentaires ou des questions. Je pense qu'il y a déjà eu une bonne réponse à l'intervention de Mme la députée. Je vais laisser cinq minutes de part et d'autre, pas plus, parce que là on va se retrouver ici à 15 heures et on n'aura pas encore...

M. Champagne: M. le Président, je vous remercie beaucoup parce que j'écoute avec beaucoup d'attention le langage quand même doucereux et très nuancé des représentants de l'ANEQ. Je vous écouterais tout l'après-midi parce que, au point de départ, j'ai lu votre mémoire. L'écriture est très dure et acerbe et, à vous entendre parler, vous avez dans votre langage la nuance dans le parler. Je l'apprécie beaucoup parce que vous avez un langage presque en style pamphlétaire. Lorsque l'on pense qu'une commission parle-

mentaire se déroule alors que la notion du droit à l'éducation subit de dures attaques, alors que nos conditions d'étude ont atteint une qualité dangereusement faible...

M. Ryan: C'est vrai. (13 h 30)

M. Champagne: ...alors que le gouvernement charcute l'éducation universitaire et planifie l'appauvrissement de la société québécoise, je m'aperçois qu'aux questions auxquelles vous répondez vous apportez quand même une espèce de nuance. Vous faites la part des choses et je vous en félicite. J'allais vous dire: Écrivez-nous moins souvent et venez nous rencontrer le plus souvent possible pour dialoguer. J'en conviens et je l'apprécierai beaucoup.

Pour ma part, j'ai été dans le domaine de l'enseignement et j'ai toujours été à l'écoute de la jeunesse. Je le suis encore, mais quand même, comme parlementaire, il faut savoir qu'il y a aussi des choix à faire parce que je l'ai vu. J'aurais dû m'habituer à votre style. J'ai de la difficulté, mais j'apprécie beaucoup le dialogue qui se fait de part et d'autre. Vous parlez d'une façon assez acerbe de l'accessibilité à l'éducation et de la démocratisation. Nous sommes d'accord. On a les mêmes objectifs. La preuve, c'est qu'en depuis 1972 - parfois, on n'aime pas les comparaisons - on avait un rattrapage de 58% à faire à comparer à l'Ontario. Quand même, on s'y est mis, on a retroussé nos manches et envoie, on fait quelque chose. Aujourd'hui, au moment où on se parle, on est 8% supérieur. Il y a 8% de clientèle... Je pense qu'on a la preuve que l'accessibilité est plus universelle. Il y a plus de gens qui y vont. Pendant qu'en Ontario on paie peut-être plus de 1000 $ de frais de scolarité, au Québec, on en paie 500 $. On est une des provinces qui diminuent davantage ces frais tandis qu'ailleurs on les augmente. Je pense que comme collectivité... Je ne parle pas du gouvernement et, surtout, je ne parle pas du PQ. On est un gouvernement, mais c'est la société - et je représente jusqu'à un certain point la société - qui a des choix à faire. Il y en a qui disaient tout à l'heure: On n'indexe pas peut-être ce que les universités devraient recevoir. Je suis d'accord. Nos revenus ne sont pas indexés. Les revenus de la société québécoise vont en diminuant. Je pense qu'on ne peut pas... Ce n'est peut-être pas le temps ce matin de faire un cours d'économie, mais on traverse une crise économique et il s'agit de partager une assiette. On a entendu autrefois des médecins qui nous en ont demandé plus, des bénéficiaires de l'aide sociale qui en ont demandé plus, des hôpitaux qui en demandent plus. Le primaire et le secondaire en demandent plus. Tout le monde en demande plus. Nous, comme législateurs, nous disons: On fait quoi, avec cela? N'allez pas penser que c'est de gaieté de coeur qu'on va dire: On gèle, on fait des coupures dans le domaine des universités. N'allez pas penser qu'on fait cela de gaité de coeur. Sont-elles justifiées à 100%? La discussion - et c'est la raison pour laquelle on vous reçoit - est ouverte. On vous reçoit et on écoute le pour et le contre. C'est pour cette raison que les attaques étaient, il me semble, un peu grosses. Je trouvais que c'était un peu gros. Le PQ... Moi, je représente le gouvernement. Je représente la population. Si on ne nous aime pas, qu'on nous enlève. Ils en mettront d'autres et ils continueront. C'est cela, le jeu de la démocratie, mais, en attendant, je pense que comme parlementaire j'ai une responsabilité et on doit se mettre ensemble pour partager de la façon la plus équitable et la plus juste possible en ayant des priorités de société. J'aurais aimé poser des questions. C'est beaucoup plus un commentaire. Je vous remercie beaucoup d'être venus dialoguer avec nous.

Le Président (M. Charbonneau): Le dialogue implique des réponses à des interventions; une courte réponse pour permettre au député de Saint-Laurent de faire lui aussi une intervention.

M. Paquet (Jean-Pierre): J'aimerais nuancer dans une première étape. Par rapport aux statistiques concernant l'accessibilité à l'éducation, on prend bien soin dans le mémoire d'apporter les nuances qui s'imposent, à savoir qu'il ne s'agit pas de prendre globalement le taux d'accès, mais encore faut-il voir comment il s'applique au niveau des temps pleins et des temps partiels, premier cycle versus études avancées. À ce niveau, je pense que, si on veut faire des comparaisons, elles ne seront pas à notre avantage.

Vous dites que tout le monde en demande plus. Nous, ce qu'on dénonce, c'est justement ces choix. Le gouvernement fait des choix entre ceux qui demandent des sous. Je pense qu'il a fait ces choix. On dénonce ces choix. Ceux qui en demandent le plus et ceux qui en reçoivent le plus, je pense que ce n'est pas la population.

On revient encore avec la question des entreprises; il y a quelques années, à ce que je sache, les taxes aux entreprises ont été drôlement diminuées par le ministre des Finances. Il faut voir à qui le gouvernement répond favorablement finalement. C'est cela dont on parle.

M. Vézina: Moi aussi j'ai quelques commentaires pour conclure. Dans le mémoire on dit bien - cela c'est dans l'introduction - d'emblée, que l'accessibilité à l'éducation, bien qu'elle augmente, devient davantage sélective et limitative.

On a reconnu qu'effectivement il y a plus de têtes de pipe mais qu'au bout du compte ce n'est peut-être pas nécessairement une situation d'ensemble qui est nécessairement souhaitable.

Je vais terminer sur la question des frais de scolarité. Il y a plusieurs choses qui ont été dites là-dessus; la question est très importante. Elle est du ressort de la présente commission et risque de connaître de nombreux rebondissements, surtout, je pense, lorsque les recteurs vont se présenter ici.

Le Président (M. Charbonneau): Ils se sont présentés. Je voudrais vous arrêter...

M. Vézina: Les universités plutôt.

Le Président (M. Charbonneau): Je voudrais vous arrêter tout de suite. J'ai permis qu'il y ait une discussion sauf que je ne voudrais pas qu'on revienne sur des points qui ont déjà été formulés. Je pense que vous avez eu amplement le temps de dire ce que vous aviez à dire. Je vais laisser plutôt la parole au député de Saint-Laurent parce que je ne pense pas que dans son intervention le député ait à soulever cette question, sinon on relance la discussion et puis on en a pour une heure.

M. Vézina: ...je voulais répondre, vous m'avez coupé tout à l'heure. Je n'ai pas pu lui répondre. Maintenant, je peux conclure après, une minute à la toute fin.

Le Président (M. Charbonneau): Les règles du jeu, c'est de ce côté-ci qu'on les détermine.

M. Vézina: Oui, je le sais bien, c'est cela le malheur.

Le Président (M. Charbonneau): Si cela ne vous dérange pas trop.

M. le député de Saint-Laurent.

M. Ryan: Ne vous plaignez pas, nous subissons le même sort.

M. Leduc (Saint-Laurent): J'aurais plusieurs questions à vous poser. J'aurais peut-être voulu vous entendre sur le problème que vous avez soulevé: la dissociation de l'enseignement, de la recherche qui serait due au sous-financement.

Je vais vous poser une seule question: vous affirmez, dans votre mémoire, que la classe ouvrière accède faiblement ou plus faiblement aux études postsecondaires. Je voudrais savoir comment vous avez pu mesurer cela? Avez-vous fait une enquête? Est-ce que le sous-financement ou le manque d'argent serait le seul facteur du non-accès aux universités? En fait, vous parlez du postsecondaire, particulièrement au niveau des universités, pour la classe ouvrière.

M. Vézina: On n'a pas remis, dans le mémoire, nos sources. Lorsqu'on est venu devant la commission parlementaire sur la question du règlement des études collégiales, on avait abordé cette question. On avait des données très précises qui provenaient d'une étude commandée par le ministère de l'Éducation, réalisée par Mme Mireille Lévesque. Cela c'est disponible au ministère de l'Éducation, c'était dans cette étude qu'on avait pris des chiffres qui étaient assez probants sur le taux d'accès à l'éducation postsecondaire par provenance sociale.

Maintenant, je n'ai pas les chiffres en tête, il y a un écart assez impressionnant qui touche ceux qui proviennent, disons, des secteurs sociaux qui regroupent une bonne majorité de la population quant au taux de passage.

Je pense que vous ne siégiez pas à l'époque, à cette commission, à moins que je ne me trompe, vous n'étiez pas là, mais on avait abordé cela dans le détail parce que le ministre nous avait accusés, à ce moment-là, d'avoir des références marxistes-léninistes. Alors, on lui avait dit que c'était dans ses études à lui qu'on prenait tous ces chiffres.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous identifiez la pauvreté comme étant le seul facteur.

M. Vézina: Par rapport à...?

M. Leduc (Saint-Laurent): En fait, le non-accès, vous identifiez la pauvreté comme étant le seul facteur de la faiblesse d'accès.

M. Vézina: Entre autres. Il y en a d'autres mais entre autres il y a celui-là. Évidemment, il peut y avoir peut-être des choix personnels, à un moment donné, mais on pense que celui-là c'est le principal, effectivement.

M. Leduc (Saint-Laurent): Bon d'accord, merci.

Le Président (M. Charbonneau): Merci. Il ne me reste qu'à vous remercier d'avoir accepté notre invitation de participer à cette commission parlementaire. Je suis convaincu que les parlementaires ont apprécié l'échange qu'ils ont eu avec vous. Je pense qu'on aura sûrement l'occasion de tenir compte de vos propos et de vos commentaires lors de nos délibérations et des recommandations que nous aurons à faire.

Merci et sans doute à la prochaine. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 39)

(Reprise de la séance à 15 h 12)

Le Président (M. Charbonneau):

Mesdames et messieurs, à l'ordre!

La commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre reprend ses travaux et ses consultations particulières. Cet après-midi, nous recevons le Conseil des universités.

Je dois d'abord remercier le conseil d'avoir accepté notre invitation. Je pense que l'organisme est sans doute l'un des plus importants dans le domaine de l'enseignement universitaire et probablement celui qui est le plus au fait de la situation.

Je demanderais au président, M. L'Écuyer, de bien vouloir présenter les gens qui l'accompagnent et d'engager immédiatement sa présentation pour qu'on puisse avoir le maximum de temps possible pour entreprendre la discussion.

Conseil des universités

M. L'Écuyer (Jacques): Merci, M. le Président. Les gens qui m'accompagnent, en commençant par les gens de ma droite: M. Richard Simoneau, qui est le secrétaire de la Commission de la recherche universitaire; Mme Christiane Querido, présidente de la Commission de la recherche universitaire; M. Claude Létourneau, secrétaire du Comité du financement du conseil; Mme Madeleine Perron, secrétaire générale du conseil, et M. Maurice Boisvert qui, jusqu'à ces jours derniers, était président du Comité des programmes du conseil.

Chaque année, le Conseil des universités examine le financement de l'enseignement supérieur québécois et nous nous sommes souvent inquiétés, dans le passé, de l'absence de débat public sur cette question. Aussi, est-ce avec beaucoup d'intérêt que nous avons appris que votre commission avait décidé de placer ce sujet à son agenda et vous pouvez me croire lorsque nous vous remercions de tout coeur et nous vous félicitons, si on peut dire ainsi, de votre initiative. Nous vous remercions, en particulier, de votre invitation à venir témoigner.

Les universités tirent leurs revenus de plusieurs sources différentes. Certaines de ces ressources, tels les subventions gouvernementales du ministère de l'Éducation et les frais de scolarité, ne comportent aucune attache et peuvent être utilisées pour le fonctionnement général de l'université, suivant les décisions des administrateurs de l'université.

D'autres sources, par contre, sont liées à des activités spécifiques et doivent être employées à ces fins uniquement. C'est le cas des subventions de recherche et aussi de plusieurs subventions de dotation.

Les revenus de la première catégorie, on le comprendra facilement, constituent la base de financement des universités. Ceux de la deuxième catégorie, beaucoup plus modestes en proportion de façon générale, sont toutefois très importants dans la mesure où ils permettent la réalisation d'activités de recherche, dans la mesure aussi où ils peuvent avoir des effets d'orientation sur ces activités en milieu universitaire. Cette deuxième catégorie de revenus n'acquiert toutefois son efficacité qu'en autant qu'existe une base suffisamment solide de revenus provenant de la première catégorie.

Dans le bref mémoire que nous vous présentons, nous traiterons d'abord des revenus qui peuvent être utilisés sans restriction; nous traiterons ensuite des autres catégories de revenus et éventuellement de l'impact des interventions fédérales dans ces domaines. Vous comprendrez assez facilement, je pense, qu'ayant traité souvent de ces questions, nous soyons tentés d'y faire référence. Évidemment, notre mémoire se veut, dans une certaine mesure, un peu un résumé ou un condensé des principales interventions que nous avons faites dans ce domaine.

Les subventions gouvernementales du ministère de l'Éducation représentent actuellement près de 90% de l'enveloppe des revenus sans restriction. Le reste, soit environ 7%, provient des frais de scolarité, au lieu de 10%. Ensemble, ces deux sources de revenus permettent de faire face aux dépenses provenant des salaires, de l'entretien habituel des bâtiments, de l'acquisition des volumes pour les bibliothèques, de l'acquisition de fournitures pour les laboratoires, etc.

Les tableaux 2 et 3 de l'avis du Conseil des universités sur le niveau de financement des universités pour l'année 1984-1985, permettent de suivre l'évolution des subventions gouvernementales depuis 1978-1979 jusqu'à 1984-1985. Si l'on corrige pour l'inflation et pour l'augmentation du nombre d'étudiants, on constate que les subventions per capita en dollars constants de 1978-1979 sont passés de 5263 $ à cette époque à 3612 $ à 1984-1985. C'est dire que les subventions de 1984-1985 ne représentent plus que 69% de celles de 1978-1979.

Les frais de scolarité, quant à eux, sont gelés depuis nombre d'années. Lorsqu'on tient compte de l'inflation, ce gel équivaut à une diminution annuelle des revenus per capita de l'université. L'effet combiné des baisses des subventions gouvernementales et des revenus provenant des droits de scolarité a été examiné par le conseil, dans son avis sur le niveau de financement pour 1983-1984. Le conseil constatait alors que les revenus des universités québécoises en provenance de ces deux sources étaient nettement inférieurs aux revenus disponibles dans les universités de l'Ontario et des autres provinces du

Canada.

On peut se faire une idée des effets des compressions budgétaires subies par les universités québécoises en suivant l'évolution de certaines catégories de leurs dépenses, particulièrement des dépenses qui se situent dans leur marge de manoeuvre, c'est-à-dire celles qui ne sont pas sujettes à des exigences rigides de convention collective ou du même type. C'est le cas, par exemple, des dépenses d'acquisition de volumes ou de périodiques qui sont passées, pour l'ensemble des universités du Québec, de 8 040 000 $ en 1975-1976 à 4 880 000 $, en dollars constants toujours, en 1981-1982; donc, une diminution de près de la moitié.

Il existe aussi d'autres données très simples qui laissent entrevoir une réalité inquiétante. Ainsi en est-il, par exemple, du ratio étudiants-professeur régulier, qui est actuellement ou, en tout cas, qui était, il y a quelques mois, de 17,4 au Québec, soit un nombre nettement supérieur à ce qui se passe dans le cas des cégeps québécois par exemple ou dans le cas des autres provinces canadiennes. Ces données sont analysées dans les avis sur le financement.

Tout cela amenait le Conseil des universités, dans son avis 1983-1984 sur le financement des universités, à conclure que "rien ne peut justifier de nouvelles compressions des subventions aux universités." Le conseil ajoutait: "Le coût unitaire étant maintenant l'un des plus bas au pays, si, malgré tout, le gouvernement voulait réduire ses subventions, il serait périlleux de le faire sans de profondes remises en cause des choix qui ont conduit au système universitaire que nous connaissons. Il faudrait, en particulier, revoir les politiques d'accessibilité et de frais de scolarité de même que la structure de l'enseignement supérieur. Procéder autrement conduirait à une dégradation rapide de la qualité du système universitaire québécois." Les soulignés sont, je pense, dans l'avis du conseil.

Par ailleurs, le conseil est très conscient que les coûts per capita, très bas au Québec, ne sont pas un indicateur suffisant de l'effort de la société québécoise à l'égard de ses universités. Ainsi, lorsqu'on rapporte les subventions de fonctionnement des universités à la population québécoise ou au produit intérieur brut, on constate que le Québec dépense plus pour ses universités que la plupart des autres provinces canadiennes et cela de façon appréciable.

Cela tient essentiellement à trois facteurs. D'abord, le fait que les universités québécoises accueillent plus d'étudiants que celles des autres provinces. Dans les autres provinces, on exclut habituellement, dans ce type de comparaison, les étudiants de première année, ce qui correspond à la deuxième année de cégep général au Québec. En outre, les frais de scolarité moins élevés au Québec qu'ailleurs impliquent que la collectivité québécoise prend à sa charge une plus grande part des dépenses universitaires. Enfin, il faut relever le fait qu'au Québec le produit intérieur brut par habitant est d'environ 24% moins élevé qu'en Ontario et de 20% moins élevé que dans les autres provinces prises ensemble. Tout cela fait que les dépenses du Québec rapportées à son produit intérieur brut seront plus élevées qu'ailleurs.

Ces dernières statistiques reflètent l'effort important de la société québécoise vis-à-vis de ses universités. Elles n'enlèvent rien au fait que ces mêmes universités sont, toutes proportions gardées, parmi les plus pauvres au pays. Elles font cependant clairement ressortir les limites de l'aide québécoise, la nécessité d'une gestion précise et ordonnée des ressources et l'importance de rechercher la plus grande efficience dans le fonctionnement du système universitaire québécois.

C'est avec ces préoccupations en tête que le Conseil des universités, dans son rapport annuel 1982-1983, attirait l'attention sur la situation extrêmement délicate des universités québécoises, invitait le gouvernement à adopter une politique éclairée et cohérente vis-à-vis de l'enseignement supérieur, à cesser ses coupures aveugles à l'endroit des universités et demandait aux universités de faire l'usage le plus rationnel possible de leurs ressources.

Jusqu'en 1981-1982, le ministère de l'Éducation utilisait la formule dite historique pour répartir l'enveloppe des subventions entre les universités. Cette méthode consiste essentiellement à indexer la base de financement de l'année précédente pour tenir compte des variations de clientèles et des facteurs liés à l'inflation. Cette méthode souffre de nombreux inconvénients qui ont été décrits en détail en plusieurs endroits, entre autres dans l'avis du Conseil des universités sur les rapports de la commission Angers.

J'éviterai de lire la série des faiblesses que nous y relevions. J'irai plus loin en disant qu'il ne faut pas s'étonner de ce que, depuis plusieurs années déjà, le Conseil des universités réclame la mise au point d'une nouvelle formule de répartition qui tienne mieux compte de la diversité des missions universitaires et des priorités du système d'enseignement supérieur québécois.

Dans l'avis sur le financement du réseau universitaire pour 1982-1983, le conseil recommandait: que le ministre de l'Éducation, de concert avec ses partenaires du système universitaire, détermine les objectifs réalistes et précise les priorités à retenir pour le réseau universitaire au cours des prochaines années, en particulier en matière d'accessibilité et de démocratisation; que les universités revoient leur plan de

développement en tenant compte de ces objectifs et de ces priorités; que le ministre de l'Éducation propose une nouvelle formule de financement qui soit conforme à ces objectifs et qui tienne compte des principaux paramètres caractérisant le fonctionnement des universités; que cette formule soit mise en application graduellement pour permettre aux établissements de s'adapter à de possibles variations de leur niveau de financement.

Le ministère de l'Éducation a commencé à introduire des modifications à sa formule historique à partir de 1982-1983. En effet, à cette date, le ministère a cessé de financer les augmentations de clientèles par une indexation de la base historique de financement. Il a choisi plutôt d'allouer un montant per capita pour chaque nouvel étudiant, ce montant étant calculé sur la base des coûts moyens d'enseignement de la discipline du nouvel inscrit. Mais c'est cette année que le ministère a vraiment voulu donner suite aux recommandations du conseil. En effet, dans le cadre de financement du réseau pour l'année 1984-1985, le ministère propose des orientations et des priorités de développement au système universitaire québécois, discute du cadre budgétaire et des modifications à apporter à la formule de financement et propose d'ajuster les bases de financement en tenant compte d'un certain nombre de paramètres pertinents, tel que les clientèles, la taille, l'effort de recherche, etc.

Dans l'ensemble, les propositions du ministère rejoignent d'assez près les préoccupations du conseil. Ainsi, dans l'avis que nous venons tout juste de déposer sur le cadre de financement du réseau pour 1984-1985, le conseil déclarait que, dans l'ensemble, les grands objectifs proposés par le ministère rejoignent à plusieurs égards la position du conseil. De même, en ce qui concerne le financement des clientèles additionnelles, le conseil est heureux des propositions du ministère de financer ces clientèles par secteurs et par cycles d'enseignement, même si, sur ce dernier point, nous proposions des modifications à la méthode envisagée par le ministère.

Le conseil n'a pas d'objection de principe à l'ajustement des bases historiques de financement. C'est là, pensons-nous, une opération normale, étant donné que la formule historique a pu introduire dans le passé des distorsions inévitables. Cependant, le conseil estime que, dans l'immédiat, deux préalables doivent être remplis avant que l'on puisse procéder à cet ajustement des bases. D'abord, il importe que la base de données utilisée pour calculer les ajustements soit la plus fiable possible. Sur ce point, le conseil a des doutes sérieux qui le poussent à recommander au ministère de procéder d'abord à une vérification approfondie de sa base de données. En outre, il est extrêmement important pour le bon fonctionnement du réseau que les paramètres utilisés pour procéder à l'ajustement des bases de même que la philosophie et les objectifs qui les sous-tendent, soient mûrement réfléchis et discutés avec les intéressés. Dans cette perspective, le conseil a recommandé au ministère de procéder à des consultations de ces partenaires du réseau avant de faire les ajustements proposés.

Donc, en résumé, le conseil considère que les modifications apportées à la formule de partage entre les universités sont heureuses et vont dans la bonne direction, mais il considère qu'il est encore trop tôt pour procéder en toute sécurité à des ajustements et qu'il importe, dans l'immédiat, de poursuivre les discussions et de vérifier les bases de données.

En terminant sur cette question, le conseil veut rappeler que la meilleure formule de financement ne permettra jamais de faire face à toutes les situations particulières d'un réseau avec des missions aussi diversifiées que le réseau universitaire. En conséquence, le conseil estime que le ministère devrait rechercher avec les universités de nouvelles façons d'encourager des développements sélectifs et de faire face à ces situations particulières qui risquent de se développer ou de persister dans le réseau actuel.

Ce qui a été dit précédemment quant à la pauvreté relative des universités québécoises se retrouve à peu près intégralement lorsque l'on examine leurs investissements. C'est ainsi que les espaces en propriété des universités québécoises sont parmi les plus faibles au pays, ce qui les oblige à avoir recours à des locations qui grèvent d'autant leur budget de fonctionnement. En 1982-1983, par exemple, le Québec a dépensé en location pour ses universités près de 20 000 000 $ alors qu'en Ontario le même budget ne dépassait pas 1 500 000 $. Même en additionnant les espaces en propriété et les espaces en location, les locaux disponibles dans les universités québécoises sont, toutes proportions gardées, en termes de per capita étudiant, nettement inférieurs à ce qu'ils sont dans les universités ontariennes. Cette situation résulte d'un certain nombre de facteurs, entre autres de prévisions de clientèles très modérées pour les années à venir, de normes assez rigides d'utilisation des budgets et surtout de la faiblesse de l'enveloppe des subventions d'investissement destinées aux universités, enveloppe dont l'augmentation paraît limitée par les règles actuellement en vigueur au Conseil du trésor.

Cette enveloppe d'investissement destinée aux universités est subdivisée en quatre catégories. Il est peut-être utile de

rentrer un peu dans le détail, parce que cela explique un certain nombre de situations dans le réseau. D'abord, il y a trois sous-enveloppes annuelles, l'une pour la rénovation et le réaménagement des locaux - on comprend que la mission de l'université changeant graduellement, on a des ajustements à faire - une deuxième pour le remplacement des biens mobiliers et une troisième pour l'acquisition d'équipement mobilier. Le reste de l'enveloppe peut être utilisé pour le financement de nouveaux projets de construction ou d'acquisition d'immeubles. Plusieurs indices conduisent à penser que les sous-enveloppes annuelles sont insuffisantes pour répondre adéquatement aux besoins. Dans le domaine de l'équipement, par exemple, le ministère de l'Éducation a été récemment amené à réserver un budget spécial de 15 000 000 $ indiquant bien l'insuffisance des enveloppes annuelles d'acquisition et de remplacement de tels biens. Quant aux montants réservés pour les nouveaux projets, ils paraissent nettement insuffisants, comme en témoigne l'augmentation régulière des budgets consacrés aux locations dans les universités québécoises.

Dans l'avis qu'il donnait en novembre dernier sur les plans quinquennaux d'investissement pour 1982-1987 et 1983-1988, le conseil analysait la question des investissements au Québec. Il reconnaissait la complexité de la prise des décisions en ce domaine. Aussi souhaitait-il vivement qu'avant d'en arriver à une décision le ministère procède à une analyse approfondie et globale de type coûts-bénéfices non seulement de la situation d'ensemble des espaces universitaires québécois, mais aussi des projets qui lui sont ou qui pourraient lui être soumis par les divers établissements. Les options sont souvent multiples et les possibilités de solution variables d'un établissement à l'autre, d'une ville à l'autre, d'un environnement à l'autre. Le conseil, cependant, recommandait que les dépenses liées aux nouvelles locations découlant de décisions prises au niveau des investissements soient financées par des crédits supplémentaires à l'enveloppe de fonctionnement des universités. Actuellement, nous constatons qu'il est beaucoup trop facile de privilégier les solutions de locations et de refiler le coût au réseau universitaire effectuant ainsi une compression indirecte dans le budget de fonctionnement. (15 h 30)

Le conseil étudie présentement un projet de plan quinquennal 1984-1989 dans lequel le ministère souhaite financer de nouveaux projets en comprimant quelque peu les sous-enveloppes annuelles, mais sans augmenter de façon substantielle l'enveloppe globale des investissements. Même si le conseil ne s'est pas encore prononcé sur cette proposition, on peut d'ores et déjà dire qu'elle ne constitue pas une solution miracle, étant donné que chacune des sous-enveloppes paraît déjà insuffisante et qu'on propose d'y faire des contractions extrêmement importantes.

Les subventions de recherche ont pour but de permettre aux professeurs de poursuivre les recherches qu'ils désirent entreprendre soit pour revitaliser leur enseignement, soit pour explorer de nouveaux domaines du savoir. Elles ont aussi pour fonction essentielle de dynamiser nombre de programmes d'études avancées qui, on le sait, reposent dans une large mesure sur les activités de recherche des professeurs. Les subventions et contrats de recherche sont aussi fréquemment utilisés pour tirer profit des compétences des professeurs et des chercheurs du milieu universitaire. Cette dernière fonction revêt d'ailleurs une importance de plus en plus grande et peut, dans certains cas, poser des problèmes à l'université étant donné que les intérêts des utilisateurs et des pourvoyeurs de fonds peuvent diverger grandement des intérêts de l'université.

En 1982-1983, d'après les rapports de Statistique Canada, les universités québécoises recevaient en fonds externes de recherche quelque 160 000 000 $. Si on reporte cela au nombre de professeurs, cela fait une subvention qui se situe entre 20 000 $ et 25 000 $ en moyenne par professeur. Le gouvernement fédéral est le principal pourvoyeur de ces fonds externes de recherche, étant à l'origine de 58,2% de ses subventions. Viennent ensuite le gouvernement provincial avec 20% et les diverses corporations, fondations et dotations privées avec 21,6%. On voit donc l'importance du gouvernement fédéral dans ce domaine, dans ce champ d'activité des universités.

Si on examine la proportion des fonds de recherche de source fédérale obtenue par les universités du Québec en 1982-1983, on constate qu'elle atteint 24%, ce qui correspond, à peu de chose près, au rapport de la population québécoise à la population canadienne. Si, cependant, on s'intéresse à la proportion des fonds de recherche fédéraux obtenus par les universités francophones du Québec à la même époque, c'est-à-dire en 1982-1983, on constate que cette proportion n'atteint que 14,4%, soit une proportion bien inférieure à l'importance relative de la population francophone québécoise.

Cette faiblesse relative de la performance des universités québécoises a grandement inquiété le conseil. D'autant plus que cette proportion est demeurée à peu près constante au cours des dix dernières années, malgré des efforts importants de rattrapage. La plus grande part des fonds de recherche fédéraux étant obtenue par la voie

de concours organisés par les principaux organismes subventionnaires, il y a lieu de s'interroger sur l'état de la recherche universitaire en milieu francophone et de rechercher les causes de cette situation. Les concours fédéraux seraient-ils biaisés? Serait-ce que les universités francophones font face à des difficultés particulières? Faut-il conclure que les chercheurs québécois sont moins performants? Autant de questions qu'il importe de se poser.

Le conseil a examiné cette question dans un récent avis sur l'état et les besoins de la recherche universitaire et de la formation des chercheurs à la lumière des performances des universités dans les programmes fédéraux. Le conseil notait, en particulier, l'importance à accorder à des questions telles que les modes d'organisation de la recherche à l'intérieur des universités, les qualifications des professeurs et des chercheurs, les difficultés d'intégration et de préparation pour des jeunes professeurs débutant en recherche et y allait d'un certain nombre de recommandations destinées à améliorer la situation.

Par ailleurs, le conseil notait aussi, au cours de la même étude, que les universités francophones peuvent avoir à faire face à certaines difficultés particulières liées à leur contexte linguistique. Ainsi, leur bassin de recrutement de professeurs, de chercheurs et d'étudiants est beaucoup plus restreint que celui de leurs consoeurs anglophones. Aussi faudrait-il prendre garde que le concours des organismes pancanadiens ne jouent, dans certains cas, systématiquement en leur défaveur. À la suite de cette analyse, le conseil recommandait "que le ministère de l'Éducation, dans l'application de ses politiques de développement et de consolidation de la recherche et des études avancées, soit très attentif à la situation du sous-réseau francophone et propose, le cas échéant, des objectifs cibles, au chapitre de la fréquentation, de la participation à la recherche, qui tiennent compte des besoins de développement de ce sous-réseau, en particulier."

Dans un avis complémentaire à celui que nous venons de mentionner et portant sur l'impact du financement fédéral sur le développement universitaire au Québec, le conseil y allait de certaines recommandations particulières destinées à mieux harmoniser les programmes fédéraux et provinciaux de support à la recherche, en gardant toujours en tête la situation particulière du sous-réseau francophone québécois. Étant donné l'importance considérable des subventions de recherche pour le bon fonctionnement des programmes de recherche et d'études avancées et la tentation que pourraient avoir les pourvoyeurs de fonds de recherche de l'utiliser à leurs propres fins et de vouloir imposer leur propre mode d'organisation, le conseil a voulu dans le même avis rappeler l'importance qu'il attache au fait qu'il n'y ait qu'un seul maître d'oeuvre dans la coordination du réseau universitaire québécois et que ce maître d'oeuvre soit le gouvernement du Québec.

Cette dernière question est d'autant plus importante que, dans le cadre de sa participation aux programmes établis, le gouvernement fédéral a récemment indiqué sa volonté de proposer des objectifs nationaux ayant trait au développement et au maintien au pays d'un bon système d'enseignement postsecondaire. Le gouvernement fédéral paraît donc désireux d'intervenir de plus en plus directement dans l'enseignement supérieur au Québec comme dans tout le reste du Canada. Nous pourrions vous donner d'autres exemples de cette volonté. L'importance de sa contribution financière le place en position évidemment avantageuse. Il faut quand même le réaliser: les paiements de transferts représentent -cela a été confirmé par le ministre des Finances, il y a deux jours - la moitié de la subvention de fonctionnement provinciale aux universités québécoises. Pourtant, le Conseil des universités estime qu'il ne faut pas perdre de vue le fait que l'enseignement supérieur est une partie intégrante du système d'éducation et que, pour cette raison comme aussi pour son importance au plan de la mise en valeur des ressources humaines, du développement culturel, économique et social de la société québécoise, il est essentiel que le gouvernement du Québec demeure le maître d'oeuvre de la coordination et soit vigilant sur cette question. Mais - et ceci doit être bien compris - cela n'exclut pas du tout que le gouvernement du Québec intègre, dans la mesure du possible et à sa façon, des objectifs pancanadiens.

Quelques remarques pour terminer. En ce qui concerne la répartition des ressources à l'intérieur des universités, le conseil a relativement peu à dire de façon générale sur cette question. C'est là une question qui concerne principalement les gestionnaires des universités et sur laquelle les organismes extérieurs ne devraient pas intervenir directement. Le conseil remarque cependant que les universités sont des organismes extrêmement vulnérables aux pressions externes et que ces pressions peuvent exercer une influence considérable sur le partage des ressources dans l'institution. Les conseils subventionnaires et les comités de pairs, par exemple, peuvent à l'occasion poser des exigences sérieuses aux universités, exigences auxquelles elles auront beaucoup de difficulté à résister.

Les comités d'agrément des programmes professionnels posent quelquefois des exigences très importantes avant d'accorder une reconnaissance pancanadienne ou même

nord-américaine. Tout cela est assez normal étant donné le rôle social de l'université. Il faut cependant éviter que ces pressions ne s'exercent au profit des intérêts particuliers de certains groupes et n'entraînent une certaine hiérarchisation des secteurs et des activités de l'université. C'est là une question que le conseil a récemment abordé à l'occasion d'un avis sur le rôle de l'université dans la formation professionnelle. Le conseil soulignait, en particulier, la nécessité de discussions publiques sur des questions telles que les standards de formation, questions qui sont d'importance considérable pour la société, mais qui, en même temps, sont génératrices de transferts de ressources entre les secteurs de l'université.

Au moment de terminer ce bref mémoire, le conseil veut souligner sa préoccupation quant à la qualité des activités universitaires. Le conseil ne veut pas entrer ici dans un débat sur la charge de travail ou sur des questions telles que le ratio étudiants-professeur, non pas que ces questions n'ont pas d'importance, mais les discussions sont trop souvent stériles et peu productrices. Il veut cependant souligner que les compressions budgétaires des dernières années ont eu des conséquences importantes sur le taux de renouvellement du corps professoral et sur son vieillissement. L'absence de jeunes professeurs dans certains secteurs de l'université pourrait avoir des conséquences néfastes sur l'évolution des programmes, sur leur adaptation aux besoins actuels et, dans certains cas, sur le dynamisme de la recherche.

Il n'y a pas de doute dans l'esprit du conseil que c'est la qualité même des activités universitaires qui, à plus ou moins long terme, est menacée. C'est pourquoi la conseil a proposé il y a quelques mois un programme échelonné sur une dizaine d'années visant à injecter du sang neuf dans le corps professoral et particulièrement dans ces secteurs qui, à l'heure actuelle, sont laissés pour compte par le virage technologique et qui, curieusement, sont les secteurs qui, dans certains cas - je pense au secteur des lettres - ont le plus besoin de renouvellement dans le contexte présent.

La qualité des activités universitaires est aussi menacée par la difficulté de renouveler suffisamment rapidement les équipements et les fournitures requises pour l'enseignement régulier. Cette question a retenu l'attention de plusieurs observateurs -on en a entendu parler d'ailleurs - dont le ministère de l'Éducation qui a voulu lui consacrer un budget particulier. Mais cette question ne sera résolue de façon durable que par un ajustement de l'enveloppe permettant l'acquisition de tels équipements.

Ce ne sont là que deux aspects, mais qui constituent pour nous des aspects de goulot d'étranglement: le renouvellement des professeurs, le vieillissement des équipements; ce sont deux points qui mènent, de toute évidence, à une dégradation de l'enseignement universitaire et cela, peu importe la volonté ou le dévouement du corps professoral et des gens en place. On pourrait d'ailleurs en citer plusieurs qui sont peut-être moins immédiatement quantifiables ou qui ne se prêtent pas à une analyse aussi immédiatement concluante. On pourrait parler de morale, les professeurs en ont parlé hier.

Nous terminerons par une citation du président de Northern Telecom, à l'occasion de l'assemblée annuelle des actionnaires. Le président de Northern Telecom qui est quand même une personne avertie et d'autant plus qu'il avait auparavant participé à une espèce d'évaluation des programmes de génie en Ontario disait ceci: "Ce que je sais, c'est que nous avons laissé nos universités se détériorer et qu'il faudra investir lourdement pour les ramener au rang des institutions de classe mondiale. Et, plus nous temporiserons, plus le prix sera élevé. Nous devons établir l'ordre des priorités et investir en vue d'un rendement maximal. Nous devons décider, de concert avec les universités, où implanter nos centres d'excellence. Nous devons décider quelles universités se spécialiseront en informatique, en droit, en médecine, en génie, en agriculture. Nous n'avons pas les moyens de dissiper notre capital humain et financier dans une vaine tentative visant à rendre toutes et chacune de nos universités dispensatrices du savoir dans toutes et chacune des disciplines."

Si j'ai cité cet extrait de M. Walter Light, je pense qu'il présente bien le problème auquel nous avons à faire face aujourd'hui, celui d'un niveau de ressources qui est insuffisant, mais en même temps celui d'établir des prioriétés, de réorganiser et de voir à coordonner le fonctionnement de notre système d'enseignement supérieur. Et si j'ai une remarque à ajouter à ce stade-ci, je dirais: Nous avons beaucoup entendu parler du niveau dans les interventions précédentes, mais il est un autre aspect qui nous paraît, au conseil, extrêmement important et qui constitue l'une des préoccupations les plus sérieuses du conseil, c'est celui de la coordination et de l'efficience de fonctionnement du réseau.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. L'Écuyer. Le premier commentaire serait pour dire que j'ai l'impression, après ces trois jours de rencontres et d'analyses, que, malgré des variantes, finalement, on s'entend assez bien sur le diagnostic de la situation actuelle. On tente, lorsqu'on rencontre différents groupes, de préciser ce diagnostic le mieux possible. On s'est rendu compte que les instruments n'étaient pas parfaits ou que

nos opinions pouvaient varier sur les problèmes, mais il semble clair qu'on en est rendu à une situation où il y a des besoins particuliers qui se présentent et qui vont peut-être nous obliger, comme société, à ne pas se comporter de la façon qu'on s'est comporté au cours des dernières années. Peut-être qu'on n'avait pas le choix de se comporter de cette façon. (15 h 45)

Vous avez parlé, entre autres, au niveau de ces besoins particuliers en termes d'investissement, de besoins spéciaux pour la recherche, de la qualité de l'enseignement, en particulier au niveau du renouvellement des effectifs ou du vieillissement des équipements, et des problèmes de location, etc. Inévitablement, à plusieurs endroits dans votre mémoire, vous signalez que cela va prendre des fonds additionnels pour faire face à ces besoins que vous identifiez et qui sont le résultat de l'action qu'on a dû mener au cours des dernières années. Vous avez terminé avec une chose sur laquelle vous avez peut-être moins insisté dans votre mémoire, mais que vous avez heureusement abordée en conclusion. Ce sont les efforts qui devraient être faits au niveau de la coordination et de l'efficacité du réseau. Cela m'amène à reprendre l'éditorial de ce matin dans le Devoir, j'imagine que vous l'avez peut-être lu.

M. L'Écuyer: Oui.

Le Président (M. Charbonneau): Je présumais que vous l'aviez lu. Cet editorial disait, à un moment donné, posait le problème des ressources, finalement. Mme Bissonnette rappelait que le ministre avait indiqué que les universités pourraient faire des économies en poussant plus loin la rationalisation de leurs activités. Et elle ajoute: Avant toute autre option. "Celle-ci s'impose, quelque sympathie qu'on puisse avoir pour l'une ou l'autre institution en difficulté. Malgré des années d'austérité, par exemple, les demandes d'approbation de nouveaux programmes ne cessent d'augmenter, tandis que les dédoublements persistent et qu'on refuse d'abolir les activités vétustes, qu'on ne partage pas les services. Bref, que chacun continue à fonctionner dans son royaume fermé. Le vrai travail de planification du réseau n'a pas lieu." Je pense que le titre de l'éditorial est assez éloquent: "Question préalable".

Dans la mesure où, finalement, tout le monde et vous y compris demandez des ressources additionnelles à l'État ou au gouvernement qui en a la responsabilité, est-ce que néanmoins ce préalable ne doit pas être considéré d'une façon importante? Est-ce que ce ne serait pas un risque que d'ignorer cette situation et de n'utiliser comme solution que la voie de l'injection pure et simple de nouvelles ressources financières? Si l'on faisait cela, est-ce qu'on ne risque pas d'éviter que la question préalable soit abordée? Est-ce qu'on ne risque pas que, finalement, on continue à faire chacun ses affaires sans tenir compte de ce qui se fait ailleurs, chez le voisin, et qu'on continue également à éviter d'aller plus loin dans les rationalisations internes? Quand je dis cela, je suis bien conscient qu'il nous a été démontré, tant par le ministre que par tous ceux qui sont venus avant, que l'on s'est imposé dans le système, au cours des dernières années, beaucoup d'efforts pour arriver à mieux réussir avec des ressources beaucoup plus limitées. Comment doit-on prendre votre dernière remarque, les propos de Mme Bissonnette et en même temps les demandes que tous ceux qui sont venus devant nous cette semaine nous ont faites, c'est-à-dire des fonds additionnels?

M. L'Écuyer: Écoutez, sur cette question je vous répondrai de la façon suivante: Nous sommes parfaitement conscients que les besoins de coordination sont très grands. À court terme, les compressions budgétaires sont désastreuses pour le réseau universitaire parce qu'elles sont aveugles dans une certaine mesure. Si je reviens sur la recommandation que nous avons faite d'injecter 11 500 000 $, c'est parce que nous pensons que le réseau universitaire ne peut pas absorber, dans le contexte actuel, de nouvelles compressions budgétaires. Or, sur les 11 500 000 $, 10 000 000 $ sont des compressions additionnelles que l'on impose au réseau en plus de la compression annoncée de 20 000 000 $ depuis déjà un certain temps. Donc, nous pensons et nous sommes convaincus que, sur ce plan, le réseau, dans le contexte actuel... Et, si vous me permettez je reprendrai presque mot pour mot une phrase que vous disait le président de la CREPUQ: À court terme, non. C'est hier, je pense, à une question qui était essentiellement semblable. À long terme, à moyen terme, il y a des choses qu'on peut faire. Si on nous dit: Le niveau de financement est ce qu'il est actuellement... Qu'on nous le dise ou qu'on ne nous le dise pas, si vous me le permettez, il faut que les universités fonctionnent autrement, sur une base autre que celle qui existe actuellement dans le réseau.

On a beaucoup parlé cette semaine des problèmes de dédoublement. Il y a effectivement des questions reliées au dédoublement d'activités. Il y a des questions encore plus importantes pour la qualité des activités universitaires. Par exemple, la commission de la recherche en a très bien parlé au niveau des études des deuxième et troisième cycles. Pour être compétitif sur un marché comme le marché canadien, il faut

procéder à des regroupements, il faut que se constituent des pôles en différents endroits dans le réseau universitaire et il faut que les universités acceptent cela. On ne peut pas faire fonctionner cinq équipes à différents endroits qui s'occupent d'un sujet, qui ne font pas nécessairement la même chose, mais qui s'occupent d'un sujet similaire. Donc, il faut un autre mode de fonctionnement et, sur ce plan-là, nous sommes entièrement d'accord. Nous l'avons dit à maintes reprises dans le passé et nous sommes tout à fait disposés à le redire. Si vous me le permettez, je vous donnerai une primeur. Cela arrive comme ceci. Je vais seulement vous lire...

Le Président (M. Charbonneau): Comme anciens journalistes, on ne refuse jamais.

M. L'Écuyer: Notre rapport annuel est un peu en retard et sera déposé d'ici quelques jours, mais il se termine à peu près comme ceci: "Les universités du Québec sont actuellement à un carrefour. Ou bien elles réagissent vigoureusement, se donnent une voix forte, participent ensemble, chacune à sa manière, à la poursuite des objectifs communs, coordonnent leurs efforts et on pourra assister à un regain de vie et de confiance en une institution à qui la société a confié des responsabilités considérables; ou alors elles continuent de poursuivre leur ligne de conduite parallèlement et sans concertation et elles devront s'attendre à des interventions accrues de la part du gouvernement et de la société pour qui le développement de l'enseignement supérieur, c'est autre chose et cela dépasse de beaucoup la somme des actions de chacune des universités."

Je n'ai pas besoin de vous dire que le Conseil des universités préférerait, et de beaucoup, que les universités fassent elles-mêmes le travail, mais nous pensons que, dans le contexte actuel des interventions extérieures... Enfin, nous prévoyons que des interventions extérieures et des directives vont être nécessaires.

Le Président (M. Charbonneau): Quand je vous entends faire la conclusion de votre rapport annuel qui va être déposé, je me demande si la primeur n'a pas été donnée à Mme Bissonnette avant la commission, parce que, dans son dernier paragraphe de l'éditorial, elle vous rejoint passablement.

M. L'Écuyer: Je dois vous dire que c'est tout à fait le texte final qui m'a été remis ce matin avec les corrections faites; donc...

Le Président (M. Charbonneau): Je vous dis cela à la blague, mais vous nous dites cela et en même temps, vous nous dites: À court terme, comme État, comme gouvernement, vous ne pouvez pas échapper à une injection de fonds additionnels. Dans ce cas-là, j'aurais le goût de vous demander: Le court terme va durer combien de temps? On doit attendre combien de temps avant qu'on en arrive à dire aux universités: On vous a donné une chance et là vous n'avez rien compris, cela va faire? Vous nous dites: Actuellement, elles ne peuvent plus, donnez-leur les fonds additionnels, mais, en même temps, elles vont devoir faire un certain nombre de choses. On va attendre combien de temps?

M. L'Écuyer: Je dirai ceci: D'abord, je pense qu'à l'heure actuelle le réseau universitaire n'a pas un niveau de fonctionnement particulièrement élevé, si vous me le permettez, par rapport à l'ensemble canadien. J'aimerais bien qu'on me cite combien d'organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux ont à l'heure actuelle, en termes strictement financiers, des performances semblables à celles des universités québécoises. Il ne faut quand même pas non plus tomber sur les universités québécoises en disant: C'est épouvantable ce qui se produit, il faudrait que... Non, cela n'est pas l'idée.

Le Président (M. Charbonneau): Cela n'était pas non plus l'intention que j'avais.

M. L'Écuyer: Non, non, j'ai bien compris. Alors, ce que nous disons à l'heure actuelle, c'est que les universités, présentement - et cela n'est pas particulier au Québec, il faut bien comprendre que c'est une situation qui se retrouve peut-être dans tous les pays du monde occidental - doivent fonctionner sur un autre mode, c'est-à-dire que l'université du Moyen Âge ne relevait pas de la même façon du trésor public, etc., ce n'étaient pas des universités de masse. Il y a toute une série de contraintes ou de contingences qui n'étaient pas les mêmes. Donc, l'université doit s'habituer à fonctionner sur un autre mode.

C'est un tournant qui est difficile à prendre parce que, d'abord, on se méfie des actions trop directives et, avec raison, des pouvoirs publics. Par contre, il n'y a pas beaucoup d'universités qui sont prêtes à se mettre la tête sur le billot sans savoir si le voisin va suivre. Les formules de financement, telles qu'on les a connues jusqu'à maintenant, n'encourageaient pas cela du tout. Tant et aussi longtemps que vous avez une tarte à vous partager et que cette tarte est partagée en fonction de votre clientèle, il ne faut quand même pas s'attendre que les universités vont fonctionner en disant: Écoutez, je vais rétrécir ma tarte, ça va en donner plus au voisin, j'aurai tous les problèmes et le voisin

n'en aura pas.

Cela a amené des choses que nous avons décrites dans nos avis. Cela amène une université X à développer des programmes, à un certain moment donné, mais de façon marginale - c'est loin d'être Une situation générale - dont on pourrait vraiment se passer, mais qui vont lui rapporter des clientèles. Ce faisant, cela appauvrit l'ensemble du réseau universitaire. Un cours d'anglais, l'introduction en anglais en réseau universitaire... Un cours, ça passe encore, mais un programme d'anglais et d'espagnol, j'avoue qu'on pourrait facilement s'en passer. Ce faisant, l'université agrandit sa part du gâteau et, évidemment, le gâteau ne grossit pas, il reste de la même grandeur, ce qui fait qu'elle s'enrichit, mais elle appauvrit l'ensemble du système.

Comment fonctionne-t-on? Je pense que je représente bien l'opinion du conseil en disant qu'il faut quand même qu'il y ait beaucoup plus de concertation. La façon d'y arriver, on a tourné cela de tous bords et de tous côtés depuis un certain nombre d'années. Je pense que, s'il y a une volonté politique d'accélérer la concertation - il semble y avoir certains signes dans les derniers mois - peut-être qu'on peut y aller. Le précédent créé, par exemple, par l'affaire Joyal est peut-être un précédent qu'il faut utiliser plus fréquemment pour fixer des objectifs, pour se donner des objectifs. Des objectifs, ça se fixe.

Nous-mêmes, au conseil, nous avons entrepris, depuis un certain nombre d'années, ce que nous appelons des études sectorielles. Nous en avons une qui est assez avancée du côté du génie où on a examiné, en long et en large, la situation dans le secteur en question et nous nous proposons de faire, avec les gens des universités, avec les gens du milieu socio-économique, des recommandations quant à un cadre possible de développement. Nous en avons une parallèle en sciences de l'éducation. Nous avons l'intention, au conseil, de nous attaquer au plan de développement des universités que nous considérons comme extrêmement important. Il faut que les universités réalisent que c'est dans l'intérêt public, pour elles, de communiquer leur plan de développement. Vous n'accepteriez pas qu'Hydro-Québec fonctionne sans savoir où elle va. Il faut attendre, il faut que les universités le fassent de la même façon vis-à-vis de leur collectivité, vis-à-vis des gens qu'elles desservent. Il faut savoir où elles s'en vont.

L'université, c'est un service social. À partir du moment où les universités ont des plans de développement - plusieurs en ont maintenant et qui acceptent d'en parler - à ce moment-là, on peut dialoguer, on peut s'entendre, on peut commencer à établir un minimum de concertation. Combien de temps ça prendra?

Le Président (M. Charbonneau): À votre avis, est-ce que les structures actuelles sont suffisantes pour que la concertation soit organisée, soit efficace? On conviendra tous que, dans la mesure où on veut que cette concertation se réalise, il faut qu'il y ait un mécanisme ou des structures. Hier, à un moment donné, j'ai pris l'exemple de ce qui s'est fait en termes de concertation dans le monde municipal au cours des dernières années et qui a porté fruit. Pourtant, dans le monde municipal, il y a plus d'entités que dans le monde universitaire. Ils ont des structures de représentation, mais les universités en ont également. Dans quelle mesure est-ce qu'il faudrait avoir des structures différentes? Est-ce que vous avez une opinion particulière sur les mécanismes de concertation qui existent ou qui devraient exister pour faire en sorte que ce dont vous venez de parler puisse se réaliser? (16 heures)

M. L'Écuyer: Je vais vous répondre rapidement là-dessus, et je vais passer la parole à M. Boisvert. Je dirais ceci. Le conseil a déjà examiné, à la suite du rapport Angers, la question de la coordination. Il avait conclu à cette époque - peut-être qu'aujourd'hui on réviserait nos positions -que les mécanismes étaient là, mais qu'il fallait une volonté politique de le faire. Jusqu'à maintenant, pour toutes sortes de raisons... Évidemment, la période des compressions financières est une période difficile pour un gouvernement. Il est assez délicat parfois d'amorcer une concertation. Mais peut-être qu'aujourd'hui on réviserait notre position là-dessus, je ne sais pas. Mais la position du conseil, telle que nous l'avions exprimée à ce moment-là, est à savoir qu'il y a des moyens, des mécanismes. Si on les utilise à plein, je pense que nous pouvons le faire. Mais, évidemment, cela a demandé et cela va continuer de demander une implication assez forte des autorités ministérielles.

Peut-être que M. Boisvert veut ajouter quelque chose là-dessus.

M. Boisvert (Maurice): Oui, le conseil a tenté d'être très cohérent dans sa démarche, depuis sa création jusqu'à aujourd'hui, en réalisant que le système dans lequel on injectait ce nouveau Conseil des universités était un système de très grande autonomie des institutions. Le conseil a donc pris cela comme postulat de départ, à savoir que les institutions universitaires dans cette province ont une très grande autonomie, mais qu'elles doivent former un réseau qui doit viser à satisfaire les besoins de toute la collectivité.

La façon dont le conseil a conçu son action - cela demeure vrai encore aujourd'hui - il l'a résumée dans une phrase qu'il a

appelée "une planification incitative et itérative". Une planification incitative, c'est-à-dire qu'il incite les universités à travailler en collaboration, en coordination et à développer avec le conseil les moyens les plus efficaces pour arriver à la plus grande qualité possible de notre enseignement supérieur étant donné les ressources qui sont disponibles. Une planification itérative signifiant que cela ne se ferait pas du premier coup dans la démarche du conseil et des universités, mais que le conseil doit exercer une pression constante et suggérer des propositions aux universités, les forcer à donner des réponses aux questions parfois embarrassantes qu'il peut soulever. C'est ce processus qui est un peu long, mais qui finit par faire un certain consensus dans la grande communauté universitaire formée de tous les établissements universitaires que nous avons.

Jusqu'à maintenant, les fruits de cette politique du conseil, dans une planification incitative et itérative, ont donné peu. Non pas parce que ce processus a mal fonctionné du côté des universités et du conseil, mais parce que la volonté politique a été moins forte dans les premières années de la création du conseil. La volonté politique semble être plus forte maintenant, à cause de la période de compressions budgétaires que nous vivons. Ce que dit le président, c'est qu'une volonté politique plus forte alliée à ce même processus que le conseil a établi avec les universités, dès sa création, mènerait possiblement à des structures suffisantes. On n'aurait pas besoin d'autres structures pour avoir de bien meilleurs résultats et à relativement brève échéance, dans la conjoncture présente.

Le Président (M. Charbonneau): Une dernière question. J'espère que je n'ai pas pris trop de temps jusqu'à maintenant. En tout cas, si quelqu'un... On me dit que j'ai pris 20 minutes. Donc, je vais essayer de donner l'exemple et céder la parole au vice-président de la commission.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord saluer avec plaisir et respect le président et les représentants du Conseil des universités. Il m'a été donné, depuis une couple d'années, de les connaître et d'apprécier leur travail. Je n'avais pas eu l'occasion auparavant de suivre de près les travaux du Conseil des universités et, lorsque je suis devenu le porte-parole de notre formation politique pour le secteur de l'éducation, un de mes premiers soucis a été de m'informer de ce qui se faisait et de constater que, dans le secteur confié par la loi au Conseil des universités, il s'accomplissait un travail d'excellente qualité.

Je constate, en examinant la Loi sur le Conseil des universités, qu'elle contient des dispositions qui semblent être garantes d'une saine indépendance chez les membres du conseil et c'est bien sain. Je remarque aussi que les membres du conseil sont nommés et ne reçoivent pas de rémunération, sauf le président permanent évidemment. Les autres sont nommés et tout ce qu'ils reçoivent, ce sont des frais de déplacement pour leur participation aux réunions. C'est une bonne garantie d'indépendance, parce que, lorsque cela ne fait pas l'affaire, si on n'est pas payé, on est plus facilement enclin à dire: Je prends mon chapeau et je m'en vais. Je vous félicite d'être restés au poste, malgré les circonstances que je vais évoquer maintenant. Je pense que c'est une garantie pour nous d'une indépendance d'esprit qui peut être très utile pour la société québécoise.

Je remarque que la loi du conseil vous donne un champ d'intérêt et d'intervention très large. Les objets qui sont confiés à l'examen du conseil sont très nombreux et chacun comporte des implications extrêmement ramifiées au point de vue de la jonction avec la réalité universitaire. Je pense que c'est excellent.

J'ai remarqué une chose: depuis deux jours, un débat nous a occupés. On a discuté pour savoir si le problème le plus urgent était le niveau du financement ou la formule de financement. Je pense que l'accord devrait être fait à ce moment-ci. Je ne veux présumer de rien du côté de nos collègues ministériels, mais l'accord devrait être fait sur la priorité, sur l'antériorité de ma question du niveau de financement. Aussi longtemps qu'on n'a pas trouvé une solution satisfaisante à cette question, il est évident que beaucoup d'autres discussions sont oiseuses. Elles sont non seulement abstraites, mais agaçantes: on peut bien vouloir raffiner la deuxième partie d'un point-virgule, si c'est toute la phrase qui fait défaut, on reste dans le byzantinisme. Je pense qu'il y a un peu de cela dans les discussions que nous avons eues depuis deux jours.

L'autre question reste pertinente, la question du partage des fonds entre les universités, mais la question du niveau général des subventions gouvernementales aux universités est beaucoup plus importante. À ce sujet, je voudrais rappeler à ces messieurs du gouvernement - en particulier au ministre de l'Éducation qui est en fonction depuis très peu de temps et qui, dans ses fonctions antérieures, n'avait peut-être pas le temps de lire tous les documents qui émanaient du secteur de l'éducation - que cela fait déjà cinq ans que le Conseil des universités attire l'attention du gouvernement sur les méfaits de sa politique de lésinerie en matière de financement. Si vous ressortez les avis du Conseil des universités pour les années 1981-1982, 1982-1983, 1983-1984, 1984-1985, vous trouverez, fondamentalement, le même

thème: c'est un avertissement au gouvernement lui indiquant que la politique qu'il suit est une politique très dangereuse pour ce qui constitue l'essentiel même de la mission de l'université dans notre société, en particulier pour la qualité de l'enseignement universitaire.

Je remarque aussi que, même si la loi dit très clairement - j'ai été surpris de la précision de la loi là-dessus; je voulais la vérifier avant d'intervenir cet après-midi -que le conseil peut, en particulier - le sous-titre de l'article 3, c'est "pouvoirs" recommander le montant des crédits annuels à dégager, pour fins de subventions aux établissements d'enseignement supérieur ainsi que leur répartition... Le montant, pas un montant quelconque dont on fera ce qu'on voudra, le montant, le niveau. Le conseil l'a fait systématiquement depuis cinq ans et il n'a pas été écouté souvent. Je vois les recommandations formulées en 1980, 1981, 1982: je les ai toutes devant moi. Je ne veux pas prendre tout le temps de la commission seulement pour cette évocation, mais, pour ceux qui sont arrivés récemment, il y a beaucoup de matière à étudier, si vous voulez vous donner le mal, ou le plaisir -selon les intentions politiques qui vous animent - de fouiller ces choses. Vous allez constater qu'il y a eu des recommandations très précises d'année en année qui n'ont pas été écoutées, auxquelles on n'a pas donné de suite. Je le regrette profondément.

Je pense que nous entrons dans une ère nouvelle avec les travaux de la commission parlementaire. Je voudrais dire à Mme Bissonnette dont nous admirons tous l'intelligence cursive - le mot "cursif" est quelquefois synonyme de course aux conclusions - que, lorsqu'elle dit qu'on a déjà mesuré les limites de l'exercice, je me dissocie totalement de ce jugement: nous commençons à peine. Dans le métier que nous faisons, je pense qu'il faut avoir fait du cheminement avant de tirer des conclusions. Je considère que, même pour l'année 1984-1985, la partie n'est pas jouée de manière définitive. Elle ne l'est sûrement pas dans mon esprit. J'espère qu'elle ne l'est pas non plus dans l'esprit des membres de la commission. Nous sommes ici pour nous instruire, pour voir ce qui en est. Je tiens, en tout cas, à dire que cette partie de l'article, qui reste brillant, qui est bien écrit, ne m'influence aucunement. J'ai beaucoup d'admiration pour l'auteur.

Cela dit, je voudrais vous adresser une couple de questions. Tout d'abord, vous avez fait des recommandations pour l'année 1984-1985 et, dans le mandat de notre commission, c'est bien dit "le cadre de financement pour l'année 1984-1985 et les années subséquentes". Avant de parler des années subséquentes, on va parler de l'année 1984-1985. Quand le ministre vient nous dire que ce n'est pas de nos affaires, je regrette infiniment de lui dire qu'il n'a pas lu le mandat de la commission attentivement. C'est marqué en toutes lettres dans le mandat: "le cadre de financement 1984-1985". Le Conseil des ministres fera ce qu'il voudra à son niveau; c'est son problème. Nous espérons qu'il va nous écouter si nous parlons.

Vous faites des recommandations pour 1984-1985 dont le total représente, disons, pour commencer, une somme de 11 500 000 $. Est-ce que vous pourriez expliquer ces recommandations pour que ce soit bien clair? Qu'est-ce que vous avez voulu dire par là?

M. L'Écuyer: M. le député, je voudrais d'abord commencer, si vous me le permettez, par un bref commentaire sur la première partie de votre intervention. Le ministre - je ne sais pas si j'ai bien compris - nous a un peu laissé entendre que les avis sur le niveau de financement, c'était - je ne sais pas si j'ai bien compris; je n'ai pas son libellé -peut-être moins important. Je pense que ce n'est pas le cas. Le conseil est bien conscient qu'en dernière analyse le gouvernement a offert ses choix, qu'il y a des aspects, c'est bien évident, qui nous échappent. J'ai déjà eu d'ailleurs l'expérience d'expliquer cette situation à des universitaires algériens qui ont beaucoup de difficulté à comprendre cela, mais je pense que c'est extrêmement important dans une démocratie, dans un système comme le nôtre, qu'un organisme comme le conseil attire l'attention sur des situations. Il souligne certains problèmes tout en étant conscient qu'évidemment les décisions ne lui appartiennent pas et les membres du conseil, sur ce plan, je puis vous assurer qu'ils en sont très conscients, ce qui ne les empêche pas d'étudier avec la plus grande attention la question du niveau de financement.

Cette année, les 11 500 000 $ que nous recommandons, c'était une recommandation qui - je pense que je l'ai esquissée tout à l'heure - visait essentiellement à éviter de nouveaux prélèvements dans la base de financement des universités. Là-dessus, nous constatons que, cette année, les budgets reliés aux locations sont susceptibles d'augmenter de 5 000 000 $ étant donné les agrandissements nécessaires à cause des influx de nouvelles clientèles, les locations nécessaires. Alors, nous avons dit: Écoutez! Cette situation, c'est une coupure indirecte, puisque l'argent que vous prenez pour louer des salles, évidemment ce n'est pas de l'argent que vous pouvez utiliser pour payer des salaires, pour acheter des fournitures, des choses comme celles-là. Ce genre de choses, dans le fond, cela fait partie, disons, de ce qu'on peut appeler les logements, l'immeuble, etc.

Nous disons: Écoutez! Cela ne devrait pas nécessairement être dans le même budget, mais cela devrait, en tout cas, être à part et ne pas compter dans le budget de fonctionnement comme tel. (16 h 15)

Le deuxième aspect, la question des clientèles non reliées au virage technologique. Notre recommandation sur ces clientèles est double. D'une part, nous disons: Cette année, immédiatement, évitez de faire un prélèvement pour payer ces clientèles. Nous recommandons que 5 000 000 $ soient ajoutés pour éviter qu'on prélève dans l'enveloppe des universités. Vous savez, il y a quand même une drôle de dialectique de dire aux universités: Voici, ces clientèles-là ne nous intéressent plus; on ne les finance pas; mais en même temps ouvrez la porte. Nous avons certaines difficultés à comprendre le raisonnement derrière ces interventions. Si le gouvernement veut aiguiller les clientèles vers les secteurs du virage technologique, nous n'avons absolument rien contre cela. Il peut le faire par des campagnes, par de l'information, par toute une série de mesures. Il peut aider les universités. Mais il reste qu'il y a des gens qui vont continuer de s'inscrire pour toutes sortes de raisons dans les secteurs non reliés au virage technologique. Vous allez continuer à avoir des gens qui vont vouloir aller en économique. Vous allez continuer à avoir des gens qui vont vouloir aller en sociologie. Évidemment, il faut s'attendre à ce que là aussi il y ait certaines augmentations de la clientèle. Si les universités ont à rencontrer des augmentations de clientèle là-dedans, il n'y a pas de raison qu'on ne les finance pas. Nos autres 5 000 000 $, c'est pour financer des clientèles dans ce secteur et éviter que ce nouveau prélèvement, dans le fond, réduise encore le financement per capita.

Quant au dernier 1 500 000 $, nous l'avons recommandé pour mettre en oeuvre le programme - vous savez que nous avons fait une étude assez approfondie sur plusieurs années de l'évolution du corps professoral, question de vieillissement, de renouvellement. Nous constatons que dans les dernières années, à cause des contractions budgétaires, le renouvellement a diminué dramatiquement. Le vieillissement, dans certains secteurs, est très important. À l'heure actuelle, il n'y a aucun programme de prévu pour remplacer les professeurs dans les secteurs non touchés par le virage technologique. Nous constatons que les moyennes, dans ces secteurs, enfin, je ne les ai pas en mémoire, mais en autant que je me rappelle, un des secteurs, par exemple, où le vieillissement est le plus important, c'est du côté des lettres. Il faut quand même songer à remplacer nos professeurs dans ce secteur comme ailleurs. À l'heure actuelle, les marges de manoeuvre des universités sont extrêmement réduites. Il faut bien comprendre cela. Elles ont très peu de marge de manoeuvre.

Nous disons: Écoutez, nous sommes d'accord et nous pouvons utiliser cela, si les universités veulent utiliser un programme comme cela pour renouveler leur personnel, nous sommes d'accord. Nous avons recommandé 1 500 000 $, un programme échelonné sur dix ans. Donc, la première année coûterait 1 500 000 $.

M. Ryan: M. L'Écuyer, je ne voulais pas du tout laisser entendre tantôt que les recommandations du conseil au sujet du niveau de financement n'étaient pas importantes.

M. L'Écuyer: J'ai bien compris que ce n'était pas cela que vous vouliez dire.

M. Ryan: Pas du tout. Au contraire, je constatais simplement - je pense que les faits confirment mon interprétation - que les recommandations majeures faites par le conseil année après année, depuis quatre ans, au gouvernement n'ont pas été suivies pour des raisons dont le gouvernement est le maître et qui peuvent lui appartenir en propre, très bien. Je voulais dire que dans ma compréhension du texte de la loi, l'obligation qui incombe au gouvernement d'attacher une importance très grande aux recommandations du conseil semble ne pas pouvoir être exagérée. La loi est plus forte que je l'avais pensé d'abord.

Je voudrais justement - en relation avec le dernier élément de votre recommandation de 11 500 000 $, le programme de développement du personnel scientifique, vous avez fait allusion à cela. C'est un fait qui aurait dû attirer l'attention du gouvernement. Il y a, depuis déjà quelques années... Vous constatez, dans l'étude que vous avez remise au gouvernement en mars dernier, qu'au cours des dix années qui se sont écoulées, de 1973 à 1983, l'âge moyen des professeurs, des membres du personnel scientifique de nos universités est passé de 39,5 à 43,8. Vous constatez que les membres du personnel âgés de moins de 35 ans représentaient 37% des effectifs en 1972-1973 et seulement 14% en 1982-1983. Les plus de 55 ans, 7%; 14% dix années plus tard. Les entrées et les départs: on constate qu'il y avait 8,7% de l'effectif total qui quittait; en 1982-1983, c'est rendu à 2%. Les entrées, c'est la même chose: il y en avait 12,5%, on en engageait plus qu'il n'en partait en 1972-1973; là c'est rendu 3,4% cette année. C'est évident que, seulement dans cette situation, je pense qu'il y a des faits qui justifient les recommandations que vous avez formulées au gouvernement concernant l'instauration d'un programme spécial de renouvellement du corps scientifique.

Maintenant, je voudrais vous demander

si le gouvernement a donné des suites à ces recommandations que vous lui avez remises en mars dernier...

M. L'Écuyer: À l'heure actuelle, le ministre n'a pas répondu à notre avis. Il n'a pas donné de réponse.

M. Ryan: Je voudrais vous demander une autre chose si vous me permettez. Je n'ai pas besoin de vous donner notre opinion, parce que nous avons dit clairement et publiquement que nous endossions la recommandation du Conseil des universités relativement à cette partie de la somme de 11 500 000 $ qui devrait porter sur l'instauration du programme de renouvellement du personnel scientifique. Lorsque le gouvernement a lancé son programme d'actions structurantes, le gouvernement l'a rendu public pour la première fois en décembre 1983, si mes souvenirs sont bons. Avant de lancer dans le public ce projet dont M. le ministre de l'Éducation nous dit que c'était un appel à une mobilisation générale, y avait-il eu une consultation du Conseil des universités à ce sujet?

M. L'Écuyer: Vous parlez du programme d'actions structurantes?

M. Ryan: Oui. Avant le lancement, avant l'annonce par M. le ministre Camille Laurin en décembre 1983.

M. L'Écuyer: Pour répondre précisément à cette question, non. Nous avions eu à nous prononcer sur... Nous savions qu'il y avait un programme d'actions structurantes. Je pense que la réponse qui a été donnée par les recteurs hier correspond à peu près à notre perception. Nous savions que le ministère avait un programme d'actions structurantes depuis le livre blanc sur la recherche. Il y avait eu à quelques reprises... Je pense qu'à trois reprises, on nous avait demandé des avis sur des projets spécifiques. Si mes souvenirs sont bons, il y a eu un projet en océanographie à Rimouski. Il y a eu un projet en biotechnologie à l'Institut Armand-Frappier et finalement, un projet en informatique à Montréal. Nous avions donné des avis dans lesquels nous transmettions certains commentaires là-dessus; mais quant à la mise sur pied du programme lui-même avec les crédits qui lui sont accordés et les modalités qui ont été prévues, au moment où on nous l'a indiqué, c'était nouveau.

Seulement une précision supplémentaire, par exemple. Le programme d'actions structurantes - parce que je reviens sur la question précédente que vous posiez - ce n'est pas une réponse du ministre à notre avis. D'autant plus que dans notre avis, nous étions conscients que les secteurs où, à l'heure actuelle, les problèmes de recrutement et de nouvellement du personnel scientifique risquent d'être les plus aigus parce qu'il n'y a pas de programme, ce sont les secteurs laissés pour cause, et dans ce sens on peut dire... J'ai entendu le commentaire suivant, à savoir que le programme d'actions structurantes va justement permettre d'injecter... Oui, mais il permet d'injecter des ressources dans le secteur du virage technologique comme les programmes fédéraux et comme, je pense, les programmes du ministère de la Science et de la Technologie. Donc, il y a une réponse qui n'est peut-être pas... On admettait que cela pouvait se faire ailleurs que dans les secteurs laissés pour compte, mais ce n'est pas une réponse, en tout cas, formelle et certainement pas complète.

M. Ryan: Seulement une dernière question pour l'instant. Pardon?

M. L'Écuyer: Mme Querido voudrait ajouter un mot.

Mme Querido (Christiane): Peut-être pour compléter l'information sur votre demande, à savoir: Le ministère avait-il consulté le conseil avant de lancer le programme? Il n'a pas consulté le conseil sur ses intentions de lancer un programme. On a déjà rapporté les origines de ce programme d'actions structurantes et les demandes d'avis au conseil sur des projets particuliers. Le conseil avait déjà, d'ailleurs, en plus de répondre à des avis sur des projets particuliers, formulé un avis prioritaire sur certains aspects sur lesquels il lui paraissait nécessaire d'attirer l'attention du ministère quant à leur implantation éventuelle. Par contre, le ministère a demandé un avis à la suite de sa décision d'implanter, sur le teneur même du projet tel que présenté.

M. Ryan: Seulement une dernière question pour l'instant. À l'automne 1983, vous avez soumis au gouvernement un avis sur les problèmes de développement anarchique que constatait le conseil dans le secteur universitaire, accompagné de recommandations dont l'une visait la sorte d'obligation qui pourrait être faite aux universités de soumettre un plan triennal de développement afin qu'on puisse savoir un peu où on s'en va, que les intentions de chacune soient connues et qu'elles puissent faire l'objet du tamisage nécessaire pour de bonnes décisions. Pourrais-je savoir s'il y a eu des suites à ces recommandations? Pouvez-vous nous dire un peu ce que serait venu faire ce plan triennal, dans peut-être le nettoyage de la situation anarchique que vous aviez déplorée?

M. L'Écuyer: Écoutez, disons que cela

demande peut-être une explication un peu plus longue. Ce que nous déplorons, dans certains cas, c'est que les universités fonctionnent sur une base très individuelle, c'est-à-dire que chaque université a sa dynamique de fonctionnement, ses programmes, conçoit, si vous voulez, son développement sur une base autonome.

Toutes les universités, si on les écoute, veulent avoir - je ne sais pas - des développements à peu près dans tous les secteurs. Nous pensons qu'il y a lieu, en tout cas le système, le type de développement que nous avons adopté pour le système québécois est un développement qui, normalement devrait conduire à des spécialisations des universités.

Je pense que c'est peut-être assez important qu'on comprenne bien ce qu'on veut dire par là. Si on prend le système québécois et si on le compare, par exemple, au système américain, les universités américaines sont énormément stratifiées. Sur la centaine d'universités - peut-être même le millier d'universités américaines - vous avez, tout au plus, je ne le sais pas, une centaine d'universités qui sont ce qu'on appelle des universités d'enseignement et de recherche, et ce sont les grandes universités américaines dont on entend régulièrement ou assez régulièrement parler.

Il y a toute une série d'universités, et c'est la majorité qui ne sont pas des universités - ils les appellent les "Comprehensive Universities" - qui donnent toutes les activités.

Au Québec et en général au Canada, nous n'avons pas retenu ce type de développement. Nous avons un développement qui prévoit que chacune des universités a une charte illimitée, si vous voulez, qui lui permet de procéder à toutes les activités qu'elle juge pertinentes et utiles.

Évidemment, cela n'empêche pas que le problème de base qui doit être résolu c'est celui d'une certaine complémentarité, d'une coordination, d'un fonctionnement réseau intégré. La façon d'arriver à cela c'est de se spécialiser. On ne peut pas s'attendre, par exemple, à ce que Rimouski se développe dans tous les secteurs, pas plus qu'on peut s'attendre à ce que Concordia le fasse ou que Sherbrooke le fasse et même les plus grandes universités, que ce soit Montréal ou Laval ou McGill; il y a des secteurs, en tout cas, qu'ils ont mis un peu en veilleuse à un certain moment donné.

Nous demandons aux universités, nous souhaitons que les universités fassent connaître les choses, fassent connaître leur plan de développement, qu'elles en discutent avec nous, mais qu'elles en discutent aussi avec leurs commettants, avec la société qui les entoure.

Quels sont les plans, quels sont leurs objectifs, qu'est-ce qu'elles visent faire?

Nous pensons que c'est important pour plusieurs raisons. C'est important parce que les universités, comme je le disais tout à l'heure, ce sont des organismes publics; elles rendent des services publics et on doit s'attendre à ce qu'elles fassent connaître leurs projets comme, éventuellement, l'utilisation qu'elles font des fonds publics.

Il y a aussi le fait qu'il y a énormément d'énergie qui peut être mise dans le développement de nouveaux programmes, dans le développement de nouveaux secteurs et si, quand on regarde l'ensemble du réseau universitaire, quand on compare cela aux besoins, si ces choses ne sont pas vraiment des besoins réels, bien nous, au conseil, quand cela vient chez nous, on est obligé de dire: "C'est bien dommage, mais on ne voit pas pourquoi vous développeriez cela". Cela ferait des dépenses qui ne sont pas... Ce sont des énergies, c'est un peu démoralisant pour les gens qui ont travaillé là-dedans depuis deux ans, trois ans dans certains cas.

Nous pensons que les universités devraient faire des plans triennaux, devraient nous indiquer... Déjà plusieurs universités, l'Université du Québec a un plan triennal, l'Université Laval à des plans triennaux. D'ici quelques temps, nous irons à l'Université McGill, le conseil en entier. Le conseil fait des visites assez régulièrement dans les universités et il prend contact avec eux. Il essaie de comprendre un peu dans quel sens ils veulent aller; ils échangent là-dessus.

Il y en a d'autres, par contre, qui sur ce plan sont moins avancées, mais nous pensons que c'est une obligation. Et cela nous permettrait éventuellement, si vous voulez, des échanges là-dessus. (16 h 30)

Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le député de Fabre et adjoint parlementaire du ministre de l'Éducation.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais saluer également les membres du Conseil des universités d'avoir accepté notre invitation.

Quelques questions formulées à partir de votre mémoire, des avis que vous avez émis également. Vous avez fait un certain nombre de constats, un certain nombre de recommandations. Ces constats, on peut dire qu'ils sont partagés par le ministre de l'Éducation. Il en a fait part devant la commission.

Dans un avis que vous émettiez sur les problèmes du développement des activités du réseau universitaire dans le contexte actuel, vous disiez ceci - j'ai le résumé devant moi, je n'ai pas l'avis tel quel - en parlant du comportement erratique en matière de développement de l'enseignement supérieur des universités: il faut bien avouer que le

système actuel ne contient guère d'incitations à une plus grande cohérence. Pouvez-vous nous dire si le cadre de financement, les orientations prioritaires qu'il propose et la formule de financement en général, nonobstant l'étude des bases que le ministre a reportée, constituent un pas dans la bonne voie, dans la voie des recommandations que vous avez faites?

M. L'Écuyer: Très certainement, c'est un pas dans la bonne direction. Le financement, par secteur, des clientèles additionnelles était déjà un pas intéressant. Le financement par cycle était une chose que nous réclamions de toute façon depuis assez longtemps. Nous réclamons aussi qu'on aille un peu plus loin, qu'on prenne en considération d'autres paramètres, l'éloi-gnement etc. et que, graduellement, on en arrive à un système qui... En ayant plus qu'un seul paramètre, cela permet aux universités de modeler leurs activités suivant la mission qu'elles se sont donnée. Sans les défavoriser, certaines universités sont beaucoup plus actives au niveau de la recherche; elles ont une plus grande tradition etc. Cela leur permet, sans pénalisation, de continuer de l'avant. Pour d'autres - on pense, par exemple, aux universités en région périphérique, qui ont une mission absolument essentielle dans notre réseau universitaire -il faut trouver aussi le moyen de leur permettre ou de leur accorder un financement approprié. C'est absolument essentiel.

Quand on a parlé de cohérence j'aimerais ajouter un point - il y a cohérence du côté des universités, il y a cohérence du côté gouvernemental aussi. Si vous me permettez, on a parlé beaucoup de coupures aveugles, de choses comme cela, c'est assez important qu'on ait une politique vis-à-vis des universités. J'écoutais hier le président de la conférence des recteurs parler de la non-indexation et de ses effets. Si on s'était arrêté quelques minutes et qu'on avait essayé de concevoir quels pouvaient être les effets de la non-indexation des clientèles, comme cela, assez brutalement, on aurait probablement réalisé immédiatement que la marge de manoeuvre des universités étant ce qu'elle est, cela conduirait presque automatiquement au renvoi de jeunes professeurs, au gel de postes etc. Cela était peut-être inévitable; je ne veux pas porter un jugement là-dessus, mais il y aurait peut-être eu moyen de discuter, de se faire une politique, de se dire: "C'est cela notre objectif, c'est là qu'on s'en va", en discutant avec les dirigeants des universités, d'essayer de voir comment on peut tirer le meilleur profit de la situation. C'est dans ce sens... Il y a une cohérence à observer dans les orientations. Dans ce sens, le cadre de développement nous propose une politique.

Là-dessus, le conseil - je dois vous le dire -a été extrêmement satisfait de la situation, il le dit d'ailleurs dans son avis. Il y a une politique. On peut encore discuter sur les paramètres, mais c'est certainement un pas dans la bonne direction.

M. Leduc (Fabre): On ne peut donc pas qualifier ce cadre de financement de dirigisme.

M. L'Écuyer: La question du dirigisme... Écoutez...

M. Leduc (Fabre): Vous parlez - je vous interprète peut-être, vous me corrigerez - de trop de directives. Vous avez utilisé le terme "trop directive", mais il y a des nuances. J'aimerais que vous fassiez ces nuances.

M. L'Écuyer: D'accord, je vais les faire. Je vais commencer, si vous me permettez, par une considération générale. Je pense que les universités dans le monde occidental ont une large tradition d'autonomie. Cette tradition repose, en dernière analyse, sur le caractère démocratique de la société dans laquelle les universités vivent, et je pense qu'il faut s'en souvenir. Peu importe la façon dont on fonctionne, il reste que, en dernière analyse, c'est là que... Je vous parlais tout à l'heure des recteurs algériens que je rencontrais: ils ne sont pas dans la même société, ils ne peuvent pas concevoir le même type de fonctionnement qu'on a. L'autonomie des universités, chez nous, sa meilleure garantie est dans le caractère démocratique de la société, dans des événements comme celui que nous vivons aujourd'hui.

Deuxièmement, le cadre de financement comme tel ne m'apparaît pas du tout - et je pense que je traduis là l'opinion des gens du conseil - comme étant un cadre dirigiste lorsqu'on pense à des paramètres, à des choses comme ça. La raison en est assez simple. Il n'y a pas de cadre de financement, il n'y a pas de méthode de financement qui ait une formule neutre, financer par augmentation de clientèle, par tête de pipe, cela a ses implications, on l'a vu suffisamment dans le passé. Le cadre propose plus qu'un seul paramètre et, dans ce sens -en autant, évidemment, qu'on reste à l'intérieur de certaines limites - ce n'est pas ce qui constitue un caractère dirigiste.

Là où nous, au conseil, trouvons qu'il y a un problème de dirigisme, c'est que le ministère utilise de plus en plus, depuis un certain temps, des crédits à des fins particulières. Ce faisant, il prend d'une main dans l'enveloppe des universités et il transfère cela dans des programmes spécifiques. Le programme des actions structurantes, par exemple: cette année, par hasard, peut-être, on a une coupure de

quelque 22 000 000 $ et on a une réinjectton dans ce programme d'à peu près le même montant. Cela nous agace, je dois vous dire que ça nous agace sérieusement. Les meilleures personnes qui devraient être en mesure de faire fonctionner une université, ce n'est pas le gouvernement, ce n'est pas nous, ce sont les gestionnaires des universités. Qu'on organise des mécanismes de concertation, on est amplement d'accord avec cela; qu'on aie des incitations, on est complètement d'accord.

Si le gouvernement nous avait dit: Je voudrais financer des équipes, je voudrais aider à la formation d'équipes, je suis prêt à fournir un budget supplémentaire là-dessus, cela va. Mais il dit - il ne nous le dit pas exactement comme ça, mais ça revient à cela: Je prends d'une main et je remets de l'autre.

Un autre exemple. Dans le cas des investissements, à l'heure actuelle, le ministère nous dit: Dans les trois prochaines années, je mets 15 000 000 $ en investissements et en équipements. Mais dans la même veine, par la même occasion, il nous dit: Je n'indexe qu'à 2,5% les sous-enveloppes annuelles. Les sous-enveloppes annuelles, c'est avec ça qu'on finance les investissements, les équipements. Quand on calcule la coupure que ça représente sur cinq ans - si on appliquait la méthode habituelle, ce serait beaucoup plus que cela - ça fait 35 000 000 $. On dit: Écoutez, dans un sens, vous prenez 35 000 000 $ que vous réinjectez autrement, je suis d'accord, et vous mettez une autre somme de 15 000 000 $. Il y a des problèmes là.

C'est ça qui nous agace. Il faut bien comprendre, et je pense que le ministre des Finances le dit très bien, la marge de manoeuvre... C'est 80% en salaires. Pour les salaires, vous avez des conventions collectives, il faut que vous restiez là. Vous êtes obligé de vous chauffer dans les universités, vous êtes obligé de payer l'électricité, vous êtes obligé d'avoir un minimum de fournitures, etc.

La marge de manoeuvre, ce n'est pas élevé dans les universités, ça se chiffre parfois, dans les petites universités, à quelques dixaines de milliers de dollars, pas beaucoup plus que cela. C'est cela du dirigisme. À un moment donné, vous dites: La marge de manoeuvre, vous allez l'utiliser pour telle chose. Nous on dit: Peut-être que c'est nécessaire pendant un bout de temps parce qu'il n'y a pas d'autre moyen, mais il faut faire attention.

Le ministère de l'Éducation - pas plus que le Conseil des universités, d'ailleurs -n'a pas à faire fonctionner le réseau universitaire à partir... En tout cas, si c'est ça qu'on vise, il faudrait s'étoffer drôlement plus qu'on l'est à l'heure actuelle.

Une voix: Merci.

M. L'Écuyer: Juste un mot de plus peut-être.

Mme Querido: Ce n'est peut-être pas tout à fait sur la nature, mais je ne voudrais pas qu'il y ait confusion ou qu'on interprète les paroles de M. L'Écuyer sur le fait que le conseil s'est prononcé quand même en faveur des grands objectifs que poursuivait le programme d'actions structurantes, tel qu'il avait été annoncé dans le livre vert, comme mécanisme de consolidation et de structuration de la recherche au Québec. C'était simplement pour montrer qu'il ne faudrait pas associer complètement les paroles de M. L'Écuyer au fait que le conseil s'est prononcé contre ou était en désaccord avec les objectifs visés en termes de ce mécanisme comme structuration du réseau de recherche.

M. Leduc (Fabre): C'est plutôt sur la manière de le financer.

Mme Querido: Peut-être aussi le mécanisme général du financement.

M. L'Écuyer: C'est le fait qu'on prélève d'un côté et qu'on réinjecte dans l'autre sur des programmes particuliers. On peut très bien comprendre, comme je vous disais précédemment, que le gouvernement veuille inciter les universités, par des programmes, à aller dans certaines directions. Mais, on accepte mal - mettez-vous à la place de gens qui ont à gérer les universités - que d'un côté ils soient obligés de faire des coupures et de la même façon ils reviennent et ils réinjectent.

Dans le cas actuel, quand on est à un niveau de financement qui est celui qu'on a actuellement, ce n'est pas le genre de chose qui paraît, en tout cas, c'est certainement une forme de dirigisme.

M. Leduc (Fabre): Autres questions, merci. Vous souhaitez être informés de ce qui se passe dans les universités et même pouvoir donner votre avis. À cet effet, vous avez une recommandation, vous recommandez au ministre de l'Éducation de requérir de chacune des universités québécoises un plan triennal de développement comportant, entre autres, une description des activités nouvelles, des priorités de développement, des réalisations projetées et de le soumettre pour avis au Conseil des universités.

Est-ce qu'il y a un consensus sur une telle recommandation? Parce que là, je pense toujours à l'idée de dirigisme, qui semble tellement faire frémir certaines personnes dans le réseau, certains administrateurs; même les étudiants ce matin parlaient de dirigisme, etc. Et là, vous proposez un

mécanisme qui risque de paraître dans la ligne du dirigisme. Vous allez, en tant que conseil, donner votre avis. Est-ce qu'il n'y a pas un risque de censure, de... Je veux vous demander votre opinion. Qu'est-ce qu'on va faire si, par exemple, il y a désaccord entre l'université et le conseil? Est-ce que le ministère va être appelé à trancher? Comment cela va s'arbitrer?

M. L'Écuyer: Cela existe déjà actuellement ces mécanismes dans la mesure où le conseil a une responsabilité d'analyse des demandes d'ouverture d'un nouveau programme - même vous le savez fort bien, - de nouveaux établissements. Le conseil le fait en tenant compte de ce qu'il considère être les besoins généraux du système. Il élabore des réponse dans chacun des cas. On a mentionné que nous avions sur notre pile de travail, par exemple, on nous annonçait, peut-être pas nécessairement dans le courant de l'année, 45 nouveaux programmes. Ce sont des choses avec lesquelles... Ce que nous disons aux universités, c'est qu'il y a peut-être moyen de fonctionner sur une base un peu différente. Au lieu d'avoir un système purement réactif, au lieu que le conseil intervienne en queue de ligne, il y a peut-être moyen d'engager des discussions préalables sur l'avenir que vous envisagez de donner à votre établissement. Cela sert à quoi de travailler fortement à implanter, je ne sais pas, une faculté de médecine - je prends quelque chose qui n'est peut-être pas dans l'air actuellement - à Chicoutimi? On sait fort bien lorsqu'on prend en considération l'ensemble des paramètres du réseau, que ce n'est pas dans ce sens qu'il faut aller. Nous pouvons dire ces choses et libre aux universités de continuer après. Elles auront au moins connu les informations. On pourrait multiplier comme cela nombre et nombre de choses. On fait une étude sectorielle en génie, on obtient des résultats absolument sensationnels. Je veux dire que les professeurs nous ont donné une collaboration remarquable, nous sommes en mesure d'établir, par exemple, nous connaissons beaucoup mieux maintenant quels sont les points forts du réseau, quels sont les efforts de recherche? Nous savons, par exemple, que 60% des professeurs font de la recherche, ou ont des subventions sur une base assez régulière. Nous connaissons le nombre d'étudiants, nous connaissons les capacités d'accueil. C'est quand même assez important qu'on puisse avoir des discussions avec les universités sur cela. Par contre, nous connaissons aussi qu'il y a des problèmes, nous savons qu'il y a beaucoup de programmes à certains endroits. Ce sont des choses qu'il faut analyser dans une perspective réseau. Chacune des universités veut développer son programme de doctorat dans chacun des secteurs. C'est la qualité au total qui a des problèmes avec tout cela. Nous pensons qu'il y a des choses qu'on doit dire aux universités et qu'on doit faire connaître.

Peut-être que M. Boisvert veut ajouter un mot. (16 h 45)

M. Boisvert: II faut bien comprendre que le mécanisme d'élaboration d'un projet dans une université vient de l'élément le plus dynamique dans l'université et l'élément le plus dynamique c'est le groupe de professeurs. Un groupe de professeurs a un projet qui crée du dynamisme à l'intérieur de ce groupe, on élabore ce projet, que ce soit un programme à la recherche ou un centre de recherche, et ce projet va monter éventuellement aux organismes d'approbation de l'institution. Mais ce processus est lent, puisqu'il y a des discussions entre les groupes de professeurs, on doit faire des compromis, se mettre d'accord pour fignoler le projet et pour qu'il soit acceptable à ces organismes supérieurs de l'université. On a dépensé parfois trois ans au niveau où s'initie le projet et pendant tout ce temps on a bâti son dynamisme. On l'aura notre programme de maîtrise ou de doctorat, et on est fier. Le projet est examiné par les organismes de l'institution et, s'il représente une certaine valeur du point de vue de la qualité, l'institution décide à peu près inévitablement de l'acheminer plus loin. Il passe les organismes de l'institution et il s'en va ensuite à cet examen du conseil dont vous a parlé le président pour les programmes par exemple. On est très tard à ce moment-là pour agir. Les expectatives soulevées dans l'institution qui a fait le projet sont rendues à un point où il est très difficile de faire marche arrière. Au moment où le conseil examine ce projet dans le contexte général de notre enseignement supérieur pour voir si cela ne dédouble pas entièrement ce qui se fait dans l'institution voisine par exemple, pour voir s'il n'y aurait pas lieu, étant donné qu'une autre institution a eu la même idée et qu'elle est en cheminement pas tout à fait rendu aussi loin, de faire une jonction entre les deux. On est très tard en bout de ligne. L'idée des plans de développement c'est de faire les mêmes examens des objets qu'on va faire, qu'on fait habituellement au conseil, mais de les faire à une étape antérieure, et là de poser un certain nombre de questions aux institutions, de les informer de ce qui fait dans d'autres, parce que si on a les plans de développement de chacune des institutions on saura s'il y a des projets analogues qui se développent dans d'autres institutions, de mettre les deux universités en relation, et si on est suffisamment avancés dans nos opérations sectorielles, d'avertir l'université que c'est dans le cadre des développements qu'on a déjà établi pour un secteur, ou que c'est en

dehors du cadre et qu'ils devraient possiblement faire des réaménagements. Ce sont les nombreux avantages que le conseil aura pour une action auprès des universités et ensuite auprès du ministère, si l'on examine les choses avant qu'elles ne soient rendues à maturité.

M. Leduc (Fabre): Merci, dans un autre ordre d'idées, ce matin le RAEU a proposé la formation d'un comité chargé d'établir des normes quant aux ressources nécessaires pour viser à l'excellence. Ce comité serait formé de gens du milieu, d'étudiants - il serait élargi - du gouvernement, d'intervenants dans le domaine économique, etc.

Dans votre bulletin de janvier 1984, il y a un exemple à méditer. Vous parlez de ce groupe de travail qui a été mis sur pied aux États-Unis, en Caroline du Nord, et qui a déposé un rapport intitulé "Action for excellence", et vous nous avez fourni des citations très utiles. Que pensez-vous de cette idée? Croyez-vous que ça pourrait être utile au Québec?

M. L'Écuyer: Si j'ai bien compris, la proposition des étudiants, ce sont des normes minimales qui permettraient un fonctionnement acceptable en enseignement universitaire. Personnellement - je n'ai pas consulté mes collègues du conseil à ce sujet - j'ai certaines réserves là-dessus, et je vais vous dire pourquoi. La question d'établir de telles normes est une question extrêmement volatile. Ce qui peut être acceptable dans un secteur ne l'est pas nécessairement dans l'autre. Cela, c'est bien connu de tout temps à l'intérieur des universités. Je pense que ça va toujours être extrêmement difficile de faire des consensus et de quantifier de cette façon les input.

Au conseil, nous sommes inquiets de la qualité, en particulier la qualité de choses telle la pédagogie universitaire. Nous avons décidé, cette année, de nous intéresser à cette question et d'essayer de voir s'il n'y a pas des moyens d'examiner la question soit par les moyens mis à la disposition des professeurs, soit sur les output, l'évaluation des étudiants, le degré de satisfaction. Je vous mentionnais tout à l'heure que nous faisions régulièrement des études dans les universités. Nous avons souvent rencontré des étudiants, non seulement souvent, mais dans chaque université nous demandons à rencontrer des étudiants et à discuter avec eux.

Nous le faisons aussi - M. Boisvert peut en témoigner et Mme Querido aussi - chaque fois que nous avons à évaluer des programmes, des choses comme ça. Je peux vous dire que la corrélation, par exemple, entre le nombre de professeurs, les équipements et le degré de satisfaction, il y a là quelque chose qui est très volatile. 11 n'y a pas de corrélation; il y en aurait certainement si vous aviez un professeur pour 200 ou 300 étudiants en termes d'encadrement, on en entendrait parler, mais certaines universités qui sont réputées pour avoir des ratios plus élevés qu'ailleurs ont pourtant un degré de satisfaction très élevé de la part de leurs étudiants.

Cela me rend toujours un peu mal à l'aise. Il y a d'autres choses qu'on ne peut pas facilement quantifier: la disponibilité des professeurs, les politiques internes de l'université. Il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites pour améliorer la situation, pour donner une plus grande satisfaction. Comment tenir compte de l'aspect enseignement dans la promotion des professeurs? Est-ce que c'est reconnu d'une façon ou d'une autre? Ce sont toutes des choses qui doivent être examinées. On voudrait, cette année, essayer de voir certains aspects. Peut-être qu'on pourrait vous donner une réponse un peu plus précise à la fin de l'année.

Je dirais qu'en ce qui me concerne je ne suis pas très convaincu de l'utilité d'établir de telles normes quantitatives avec des groupes d'intérêts aussi variés. Il ne faut quand même pas oublier cela non plus. Je ne veux pas dire par là que ces gens ne sont pas en mesure d'exprimer des situations vécues, je pense qu'il faut certainement en tenir compte, mais, quand il s'agit de réaliser des consensus, je ne sais pas ce que ça donnerait.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): M. le président, vous avez dit qu'il y avait encore place à une certaine rationalisation, qu'il fallait peut-être éviter les dédoublements, qu'il fallait coordonner d'une meilleure façon, qu'il y aurait peut-être de la place pour la concertation mais vous avez dit également qu'à cause de la tradition, à cause de l'histoire, à court terme, on ne pouvait pratiquement plus couper et qu'il fallait sûrement injecter par ailleurs de nouvelles sommes de façon qu'il n'y ait pas de dommages causés.

Est-ce que vous êtes d'accord pour dire avec la CREPUQ, avec les administrateurs, la conférence des recteurs qu'il y va de la qualité de l'enseignement et que peut-être jusqu'à maintenant la qualité a diminué, que la qualité a baissé dans l'enseignement au niveau des universités à cause de ce sous-financement?

M. L'Écuyer: La réponse à cela, si vous me demandez une opinion éclairée, je peux difficilement vous donner une opinion précise, quoique je pense qu'on peut regarder entre nous et avoir certaines opinions assez nettes;

on en parle d'ailleurs dans notre mémoire. Il y a des aspects qui ne trompent pas; il y a des indicateurs qui ne trompent pas.

Vous avez vu, je pense, que c'est la conférence des recteurs qui vous a présenté le financement d'équipement dans le secteur du génie. La question des équipements est une question absolument essentielle à l'heure actuelle dans le réseau universitaire. Il y a eu des études, je pense que c'est Mme la députée qui les a citées, des études du CRSNG en ce qui concerne les équipements. Cela ce sont les équipements de recherche mais les équipements de base, de formation d'enseignement, il y a des gros problèmes là. Dans certains cas, dans l'étude qu'on fait sur le génie, la chose qui revient de la façon la plus nette, c'est la carence en termes d'équipement.

Si vous formez des étudiants à partir d'équipements qui avaient cours il y a dix ans, vous ne les formez pas pour l'industrie, pour les emplois qu'ils vont occuper aujourd'hui. Vous allez les former, vous allez continuer d'avoir des diplômés, mais vous n'avez pas des diplômés qui sont formés à la pointe.

Sur ce plan, ce n'est pas pour rien qu'on parle de goulot d'étranglement, en tout cas je vous disais cela tout à l'heure.

Autre question: les jeunes professeurs. Cela ne touche pas nécessairement immédiatement la qualité de l'enseignement quoique, encore là, je dirais habituellement les bonnes équipes de recherche, en tout cas au niveau de la recherche, les bonnes équipes c'est un mélange qui est assez harmonieux de jeunes et de moins jeunes. On le sait, il y a toute une série d'études qui nous le disent.

Il y a des problèmes là et on en est certain et ces problèmes vont s'accentuer. Plus on retarde, plus les dommages risquent d'être considérables.

Au niveau des bibliothèques, on sait combien le financement, l'achat de volumes a diminué. Quand vos budgets diminuent comme ils font actuellement, quand vous savez que dans le domaine des livres - je n'ai pas besoin de vous expliquer cela - le taux d'indexation est largement supérieur au coût de la vie, vous avez des problèmes. Ce sont des problèmes que tous les gens, les chercheurs en milieu universitaire, les étudiants, les professeurs... Les étudiants en ont parlé ce matin, les professeurs en ont parlé hier; ce sont des problèmes aigus parce que ce sont des instruments de base.

Donc, il y a des problèmes. Je pense qu'il ne faut pas sous-estimer le dévouement des professeurs; je pense qu'il ne faut pas aller trop loin dans ce sens. Je ne serais certainement pas porté à aller aussi loin que certains des groupes l'ont été hier. Je vous dirais très certainement que la question de la qualité elle est en jeu actuellement.

Autre exemple: l'utilisation des chargés de cours. C'est juste, on a des proportions de chargés de cours qui sont beaucoup trop élevées dans certains domaines et dans certaines universités. On ne peut pas espérer avoir une qualité d'enseignement, une continuité. Ce n'est pas un chargé de cours qui bâtit les programmes habituellement, comme on vous le disait ce matin, ils sont engagés à une semaine, deux semaines des fois un peu plus d'avis, ce ne sont pas eux qui peuvent assurer une continuité. Donc, si vous avez des problèmes là-dessus, si vous avez une proportion qui est trop élevée vous avez des problèmes ailleurs. Tout cela ce sont des indicateurs qui sont très précis et qui vous donnent une idée de l'évolution de la situation. (17 heures)

J'ajouterais un dernier point. Les universités ce n'est pas comme un hôpital. Un hôpital quand vous n'avez pas assez de matériel, quand vous n'avez pas assez de médicament, les patients attendent et les journalistes vont voir cela. Dans les universités, ce n'est pas comme cela, sauf que dans dix ans c'est à ce moment qu'on va réaliser. Quand vous démembrez une équipe de recherche parce qu'il n'y a pas de poste de disponible pour les nouveaux chercheurs -et cela s'est vu - à ce moment la rebâtir, la remettre sur pied c'est dramatique, cela prend plusieurs années.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous avez dit: La question de répartition des ressources à l'intérieur de l'institution, cela ne nous regarde pas tellement. Je ne vous cache pas que j'ai de grandes inquiétudes quant à cette répartition. Je ne sais pas si vous êtes au courant, je pense, au printemps, une cinquantaine de professeurs de la faculté de droit à l'Université de Montréal se sont plaints de la façon dont ils étaient traités. Ils se sont comparés à l'Université de Toronto. Évidemment, il y en a beaucoup qui peuvent dire: L'Université de Toronto, ce n'est peut-être pas un exemple à suivre. Je pense qu'en ce qui concerne l'effort qu'on fait pour le financement des universités on peut se comparer, jusqu'à un certain point, à l'Ontario.

Est-ce que vous pensez que c'est acceptable qu'on dépense, qu'on affecte 73% de moins pour former un étudiant en droit à Montréal qu'à l'Université de Toronto et qu'on affecte, au titre de la bibliothèque, 544 $ à l'Université de Montréal alors qu'on en dépense 1207 $ à Toronto, 122% de plus? Je ne sais pas, on s'occupe de financement, vous donnez des avis, est-ce que vous pouvez ignorer des injustices aussi flagrantes? Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que les facultés, à l'intérieur d'une même boîte, sont traitées d'une façon équitable?

M. L'Écuyer: C'est une question à laquelle il n'est pas facile de répondre parce que, quand on dit qu'on ne s'en occupe pas, ce qu'on veut dire par là, c'est que les gestionnaires des universités devraient normalement être les premières personnes ou les personnes les plus aptes à porter les jugements nécessaires. Je ne connais pas suffisamment la chose, j'aimerais mieux réserver mon jugement là-dessus, dans la mesure où... On peut trouver cela tout à fait inacceptable comme on peut trouver inacceptable la répartition des crédits en médecine à Laval par rapport à ce qui se fait à Harvard. Je ne sais pas, je pense qu'il faut regarder la situation de chaque établissement afin de voir quels sont les choix budgétaires qui ont été faits. Et pourquoi ont-ils été faits de cette façon? Je ne sais pas si vous allez rencontrer des gens des universités, c'est le genre de question que vous devriez leur poser. Eux, ils ont l'autorité pour faire cela et ils le font.

On peut avoir une vague impression, on peut voir un peu ce qui se passe dans le cas particulier que vous mentionnez là, lorsque vous regardez les statistiques du ministre. Je pense que l'Université de Montréal est une des plus en déficit. Je ne sais pas à quoi cela est attribuable, mais on voit qu'elle a un déficit important. On voit qu'elle a un secteur santé qui est assez coûteux, d'après les normes sectorielles, c'est parmi les plus coûteux. Elle a un secteur santé qui occupe près de la moitié de ses activités. Il y a eu peut-être à ce moment - compte tenu des modes de financement antérieurs - des transferts qui se sont faits, je ne sais pas. Je pense que c'est le genre de question qu'il faut poser aux gens.

Elles montrent essentiellement une chose, c'est qu'il y a des universités qui ont des problèmes énormes et elles y apportent un type de réponse dans ce cas. Est-ce qu'il y aurait eu d'autres types de réponse? Je ne suis pas en mesure de vous répondre.

M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait peut-être qu'on regarde le financement des trois réseaux: les universités, les cégeps et les écoles primaires et secondaires. Je voudrais savoir si vous êtes d'accord pour qu'on répartisse le financement d'une façon aussi irraisonnée. Si on prend les chiffres de 1978-1979 à 1982-1983, entre autres, au niveau des universités, par étudiant on dépense 400 $ de moins pour une clientèle de 44% de plus. Au collégial, 650 $ de plus - là c'est dans plus - pour une clientèle de 22% de plus. Au primaire et au secondaire on affecte 600 $ de plus par étudiant pour une clientèle de 23% de moins. Est-ce que vous pensez qu'il y a une raison ou une justification pour établir des règles de financement qui, à mon sens, sont absolument illogiques, en tout cas, si on regarde les chiffres? Comment pouvez-vous expliquer cela? Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'une répartition comme cela se fasse?

M. L'Écuyer: Je commencerai par vous dire que cette question de la répartition, nous l'avons mentionnée dans plusieurs de nos avis, nous avons souligné ce que nous considérons comme - jusqu'à nouvel ordre -une anomalie et nous n'avons pas à porter de jugement, évidemment, sur le degré de financement du primaire, du secondaire et du collégial, ce n'est pas notre domaine. Je peux vous dire une chose cependant. J'ai écouté les professeurs venir exposer leur point de vue, hier, certains d'entre vous l'ont trouvé assez critique. Je crois que cela compte pour beaucoup et on n'a jamais expliqué au réseau universitaire quelles sont les raisons qui ont amené le gouvernement à couper plus dans le réseau universitaire que dans les autres réseaux. On peut s'en douter, on peut parler de vulnérabilité, on peut parler de pression, on peut faire tout ce qu'on veut mais il reste que dans le milieu universitaire on n'a jamais expliqué cela. Les quelques rares commentaires qui ont pu être faits sur cela, je pense un peu à la légère à l'occasion, ont été extrêmement dévastateurs sur le moral des professeurs. Tout à l'heure, je mentionnais que les professeurs actuellement gèrent 160 000 000 $ de fonds de recherche, c'est quand même du monde 160 000 000 $ pour 7000 professeurs. Avec 20 000 $, qu'est-ce que vous faites? Vous engagez des techniciens, vous engagez des assistants de recherche, vous faites quelque chose et vous êtes évalués régulièrement. Or, évidemment quand on a dit ou quand on a laissé entendre - j'ai vu la réaction un peu épidermique hier lorsqu'on a parlé de six heures de cours, pas du tout d'ailleurs dans le contexte - mais quand on a laissé entendre cela comme étant la charge de travail il faut comprendre que l'effet sur le moral - je ne veux pas dire qu'il n'y en a pas qui sont... - est énorme. Je pense que s'il y a une des choses qui devrait ressortir des travaux de votre commission c'est cet aspect. Les professeurs à l'université c'est autre chose que cela. Les gens qui travaillent et qui font de la recherche, qui dirigent des étudiants, il y en a une proportion importante dans notre réseau, c'est assez important, et, s'il fallait demander pour toutes sortes de raisons à l'université des compressions plus grandes, il faudrait trouver des explications logiques et des données de façon un peu plus évidentes et un peu plus claires qu'elles l'ont été jusqu'à maintenant.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous avez parlé d'évaluer. Est-ce que vous seriez d'accord avec l'évaluation des professeurs?

M. L'Écuyer: Nous avons déjà dit au conseil que nous étions tout à fait d'accord dans un de nos avis sur la condition étudiante. Il y a quelques années nous avons clairement indiqué que nous étions d'accord pour l'évaluation des professeurs. Nous pensons que les étudiants, si on peut regarder cela en termes de consommateur, non seulement ils ont le droit mais cela peut être extrêmement utile pour l'université d'avoir un certain "feedback" de ses clients. Nous pensons que cela est fait. D'autre part, nous sommes tout à fait d'accord avec l'université lorsqu'elle dit qu'il est de sa responsabilité d'évaluer ces programmes, mais nous voulons qu'elle les évalue par exemple.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous avez parlé du vieillissement du corps professoral. Est-ce que vous concluez qu'à cause de ce vieillissement la qualité de l'enseignement a diminué?

M. L'Écuyer: Cela dépend des secteurs. On peut vous donner des indications là-dessus mais c'est sujet à caution. Il y a des secteurs où les professeurs atteignent, disons, leur degré de maturité ou d'efficacité le plus élevé à un âge plus avancé parce que cela suppose une plus grande intégration des connaissances, etc. Par contre, le dynamisme, habituellement, je veux le dire le goût d'essayer toutes sortes de choses, c'est plus élevé chez les jeunes.

C'est pour cela qu'on cherche toujours à avoir un bon équilibre entre les deux. Si vous prenez une équipe de recherche valable, habituellement il y a des jeunes et il y a des vieux et les plus vieux, les aînés, sont souvent là, ils ont un esprit critique souvent plus développé. Tout cela fonctionne très bien, il y a un bon équilibre à tenir. Là où cela commence, évidemment, à devenir un peu critique c'est lorsque vous avez un vieillissement; tout le monde vieillit ensemble. Le renouvellement, évidemment, est moins grand; sur cela je pense qu'il ne faut pas se leurrer.

On a certaines études, on en cite dans l'avis sur le maintien-renouvellement du corps professoral. Certaines études américaines, évidemment dans des environnements très favorables, nous indiquent que les professeurs en recherche, les professeurs qui sont actifs et qui demeurent actifs sont aussi bons quand ils sont plus vieux que quand ils sont plus jeunes; même des fois ils deviennent meilleurs dans bien des cas. Sauf qu'il y en a beaucoup plus, à mesure qu'ils vieillissent, dont l'intérêt se perd et il y en a qui décrochent, ils font moins de recherche, ils se lancent dans d'autres choses, ils font de l'administration.

M. Leduc (Saint-Laurent): II y en a qui deviennent président du Conseil des universités.

Le Président (M. Charbonneau): C'est cela. Mme Querido voudrait ajouter...

Mme Querido: Je voulais juste ajouter un petit commentaire sur le vieillissement en soi et sur ses conséquences. Je pense que dans les avis le conseil a toujours associé la notion de vieillissement et ses conséquences au phénomène du non-renouvellement du corps professoral.

Je pense qu'il ne faut pas rien que voir le fait du vieillissement ou l'incapacité de recherche des gens plus vieux ou la moins grande dynamique, mais il faut le voir au non-renouvellement et aux conséquences sur toute la dynamique interne d'un milieu. C'est que le phénomène actuel du vieillissement est dû à des coupures budgétaires qui empêchent le renouvellement et qui peuvent avoir des conséquences à long terme sur Je renouveau du milieu universitaire comme tel, plutôt que l'associer directement à la capacité ou à la qualité des gens plus vieux et leur compétence par rapport à l'enseignement ou à la recherche.

M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord. Alors, dernière question sur l'accessibilité. On a parlé beaucoup d'accessibilité aux universités. On a parlé également de contigentement. Moi, je suis peut-être d'accord pour dire que le contingentement peut être très dangereux, que c'est une façon arbitraire, à mon sens, de refuser l'accès à l'université à nos jeunes.

Comment voyez-vous cela? Êtes-vous d'accord avec un contingentement? On a parlé de médecine; on a fait référence à la médecine, est-ce que c'est normal que sur 2500 candidats on en accepte 500, 600, 700 ou 800 dans le réseau? Il y en a peut-être plus, je ne peux pas vous dire. On doit en couper au moins la moitié. Est-ce que les 1000 autres ou 1500 autres n'auraient pas un droit également d'aller à l'université, de faire leur cours de médecine au même titre que ceux qui veulent aller en sciences sociales? Je pense bien que dans ces facultés les portes sont toutes grandes ouvertes. Est-ce que c'est parce que cela ne coûte pas cher? Ce sont des facultés qui ne sont pas dispendieuses alors que la médecine est dispendieuse?

Je dois vous dire que je n'embarque pas tellement là-dedans, dire: "Bien, écoutez, cela coûte cher la médecine et puis il faut limiter parce qu'on n'a pas les moyens". Non, si les facultés de médecine sont là et puis si on est prêt, disons, à maintenir un réseau d'universités et s'il y a des facultés de médecine, à mon sens, on doit les supporter.

M. L'Écuyer: II y a deux réponses à

cela: il y a une première réponse qui est celle des moyens. Dans le cas des facultés de médecine, il y a d'abord une question de moyens qui est réelle, non seulement au niveau des professeurs, mais dans la formation en médecine il y a une bonne partie qui est une formation clinique. Il faut que vous ayez les malades, il faut que vous envoyiez vos gens dans les hôpitaux, donc ce ne sont pas tous les hôpitaux qui peuvent accueillir les étudiants comme ça, donc il y a des places limitées. (17 h 15)

Ceci étant dit, je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il y a beaucoup d'arbitraire dans le contingentement actuel. 2500, probablement qu'on ne pourrait pas le faire. Qu'on fasse plus que ce qu'on fait actuellement, ça me paraît tout à fait possible. Sauf qu'il faut bien comprendre que dans le domaine de la santé, en particulier, il y a des limites. À peu près tous les États s'imposent des limites là-dessus pour d'autres raisons. Ce ne sont pas des raisons universitaires, je dois le dire, ça n'a rien à voir avec l'université, mais c'est parce qu'on veut limiter le nombre de personnes qui ont accès à la profession. C'est une politique sociale dans la mesure où on estime, je présume, qu'une surabondance de soins est susceptible de générer une surabondance de coûts qu'on ne sera pas en mesure de se payer. Enfin, il y a toute une série d'arguments de ce type que je n'ai pas à juger comme tel.

Au niveau des moyens, c'est sûr qu'il y a des contingentements. Si on parlait d'un autre secteur que la médecine, je vous dirais: C'est une question de coût. Si on est prêt à payer, on peut ouvrir beaucoup plus largement des secteurs comme la médecine dentaire, la médecine vétérinaire. Dans le cas du génie, c'est assez ouvert. Il n'y a pas de gros contingentements dans la majorité des cas. L'informatique, à l'heure actuelle, il y a des questions de moyens. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Si on exporte plus, les universités vont ouvrir plus largement.

Par exemple, si je prends l'art dentaire, vous avez tant de chaises de dentistes dans une université. Si vous voulez augmenter le nombre de chaises de dentistes, le nombre d'équipements, il n'y a pas de problème, j'imagine que les universités vont fonctionner. M. Boisvert voudrait peut-être ajouter un mot.

M. Boisvert: II faut dire que notre politique d'accessibilité est semblable à celle de pays où elle est aussi généreuse qu'ici. Elle permet l'accès à l'université à tout étudiant qui a fait les études préalables nécessaires pour entrer à l'université, elle lui promet une place à l'université, mais pas nécessairement dans l'université de son choix et pas nécessairement dans le programme de son choix. L'étudiant qui arrive dans un de ces programmes où, par faute d'espace ou d'équipements ou d'études subséquentes, comme c'est le cas en médecine, les places sont limitées, il peut trouver sa place à l'université dans un département de biologie, par exemple. Ce qui arrive, plusieurs étudiants transfèrent en cours de route. Si les résultats sont excellents, un candidat va être reçu à bras ouverts à la faculté de médecine à sa deuxième année de biologie.

C'est un moyen qui permet quand même d'apporter un peu de souplesse à ce système qui correspond à celui de tous les pays qui ont ouvert généreusement l'accès à l'université à la population étudiante. Une place à l'université, mais pas nécessairement le programme de son choix et l'université de son choix.

Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: C'est difficile de ne pas revenir sur des choses qui ont déjà été dites, parce qu'on a abordé pas mal tous les aspects de la question, mais il y aurait peut-être à nuancer ou à préciser certains aspects de ces questions. Je me pose des questions concernant la façon d'administrer, au niveau universitaire, l'objectif de la démocratisation et de l'accessibilité et, en même temps, le maintien de certains standards dans les programmes et dans la formation. Je crois qu'on est face à un dilemme, à un moment donné, parce qu'il y a une certaine façon de concevoir la démocratisation et l'accessibilité qui nous amène quasiment logiquement à relâcher les standards.

La question que je me pose, c'est: Comment arriver à rendre une université accessible à tous ceux qui peuvent correspondre à un certain standard, qui doivent répondre à certaines exigences pour maintenir ce standard? Est-ce que les mécanismes que nous avons présentement nous permettent de poursuivre ces deux objectifs qui ne sont pas faciles à concilier?

On a dit tantôt que le mode de financement n'est pas neutre. Je pense qu'il y a un mode de financement qui peut, à un moment donné, favoriser l'accessibilité au détriment du standard, on en a fait mention tantôt. Si le financement est basé sur le nombre d'individus purement et simplement, on aura tendance à mettre des programmes beaucoup plus accessibles pour l'accroître. Par ailleurs, il est bien évident qu'on ne peut pas, non plus, financer sans tenir compte du nombre de personnes parce que le nombre détermine aussi, en partie, les coûts.

Comment verriez-vous une solution? Vous avez dit tantôt qu'il y a des mécanismes d'évaluation des professeurs -c'était généralement accepté - et qu'il faut qu'il y ait des mécanismes d'évaluation de

programmes, qu'il faudrait que les universités évaluent leurs programmes. Le rôle du conseil face à l'évaluation des programmes? On demande vos avis sur les nouveaux programmes, mais est-ce que vous avez un certain pouvoir en ce qui concerne les programmes existants, au niveau de l'évaluation de ces programmes?

Je sais qu'en Ontario ils ont mis sur pied des comités d'évaluation de pairs qui parcourent l'ensemble des universités, qui dissèquent l'ensemble des programmes et qui portent des jugements à conséquence. Les programmes qui sont jugés par des pairs, venant d'autres universités, ne sont pas sans conséquence, sans suite. Alors là, c'est un mécanisme qui assure le maintien du standard. Je me dis que, tant qu'on n'aura pas un mécanisme pour assurer le maintien du haut standard des programmes et des exigences, à ce moment, on risque que la poursuite de l'objectif de la démocratisation ne nous amène à une diminution des standards.

J'aimerais peut-être que vous élaboriez sur cela, sur un mécanisme qui, tout en poursuivant l'objectif de la démocratisation, pourrait permettre l'accession à l'université à tous ceux qui peuvent répondre à certaines exigences et, par ailleurs, sur un mécanisme pour s'assurer que ces exigences vont être maintenues par les universités.

M. L'Écuyer: II y a deux réponses que je puis vous donner là-dessus. D'abord, la question des standards, vous avez parfaitement raison, c'est une question qui est extrêmement importante et il faut des mécanismes. Il faut des mécanismes, d'abord, de définition des standards. C'est peut-être l'aspect le plus important. C'est une question que nous avons touchée en long et en large dans l'avis que nous avons donné sur le rôle de l'université dans la formation professionnelle, parce que c'est peut-être là que le problème se pose avec le plus d'acuité. Quels sont les standards de formation qu'on attend de nos futurs médecins, de nos futurs dentistes, de nos futurs médecins vétérinaires, psychologues, etc? Combien d'années? Qu'est-ce qu'on espère?

Il y a déjà, à l'heure actuelle, des comités nord-américains dans bien des cas d'évaluation des ingénieurs, etc., qui font régulièrement ce genre de chose. Mais nous pensons que c'est assez essentiel que la société québécoise soit impliquée dans la définition de ces standards. Évidemment, il y a d'abord un problème de définition. Dans le cas des facultés professionnelles, nous avons proposé dans cet avis un mécanisme spécifique d'élaboration ou de définition de standards, qui serait un comité où on retrouverait des universitaires, des gens du milieu socio-économique et des gens du milieu des corporations professionnelles. Donc, nous avons, sur ce plan, esquissé déjà un mécanisme qui, dans le cas des facultés professionnelles, peut s'expliquer.

Il y a une deuxième étape, évidemment, et vous l'avez soulignée, la question d'évaluation à partir de cela. La question d'évaluation nous préoccupe au plus haut point, vous avez parfaitement raison. Nous ne le faisons pas que pour les programmes nouveaux. Nous le faisons actuellement pour les programmes nouveaux parce qu'ils impliquent des déboursés de fonds nouveaux, mais nous avons entrepris ce que nous appelons des études sectorielles dans lesquelles nous passons en revue l'état et les besoins de chacun des secteurs de l'unversité. Nous discutons effectivement des standards de formation; nous pensons aussi, à ce moment, à discuter un peu de la performance générale. Nous avons un chapitre sur les besoins et nous voulons essayer d'amorcer une dicussion non seulement avec le milieu universitaire, mais aussi avec les gens du monde socio-économique.

Évidemment, ce n'est pas une évaluation programme par programme. Nous partons d'un certain nombre d'indicateurs, nous essayons de repérer des points forts et des points faibles. Nous avons beaucoup plus l'intention de poser des questions aux universités, de demander des corrections ou des explications aux universités que de faire une évaluation des standards et des programmes. Il faut quand même réaliser qu'il y en a des centaines et des milliers de programmes dans notre réseau universitaire. On n'a pas les moyens de se mettre à en faire l'évaluation systématique un par un. Alors, on est obligé de fonctionner sur une base qui est un peu la base américaine. Tout à l'heure, on parlait de dirigisme. Le système américain fonctionne comme cela depuis des années. Dans le fond, ce qu'on vise, c'est à essayer de repérer les cas qui nous posent des problèmes, de demander aux universités et aux gens ce qu'on pourrait faire pour amélîorer la situation. On essaie d'élaborer un cadre qui nous amènerait à cela. À l'heure actuelle, c'est la philosophie que nous avons développée au conseil et une orientation, si vous me le permettez.

Mme Querido: Une note pour compléter aussi les informations. On a parlé de deux types d'évaluations: l'évaluation que fait le conseil en termes d'évaluation réseau et la portée de ce type d'évaluation. Mais le conseil s'est aussi prononcé sur le rôle qu'ont les universités sur leur propre évaluation de programmes. Dans la recommandation du conseil qui portait sur la nécessité pour les universités de présenter des plans triennaux de leur développement, un des aspects considérait la demande aux universités de

faire rapport sur les méthodes d'évaluation de leurs programmes qu'elles utilisent et les résultats de cette évaluation. Justement, il est de la responsabilité des universités mêmes de faire l'évaluation de leurs propres programmes et celle-ci, si vous voulez, ne remplace pas celle que peut faire un organisme comme le conseil. Cela faisait partie intégrante de la recommandation du conseil sur la nécessité des plans de développement des universités.

M. Brouillet: Mais savez-vous, si on laisse à l'université le soin d'évaluer ses propres programmes - on sait, par ailleurs, et c'est quasiment inévitable, que le financement suit, d'une certaine façon, le nombre d'étudiants, on ne peut pas faire abstraction de cela - ce sera assez difficile qu'elle arrive à pouvoir porter un jugement désintéressé sur la valeur de l'ensemble de ses programmes. Je prends l'exemple de l'Ontario; je crois que c'est un comité de pairs de l'extérieur de l'université, dans un champ donné, dans une discipline donnée, qui fait l'évaluation et qui porte un jugement. Alors, c'est vraiment un jugement purement professionnel et non pas un jugement qui pourrait être biaisé par des intérêts économiques.

Mme Querido: Si je peux répondre ad hoc sur cela, l'évaluation dont il est question ici est l'évaluation dont vous parlez, c'est-à-dire l'évaluation qui est sous la responsabilité de l'institution, de l'université, mais elle est faite par des mécanismes externes à l'institution, le comité des pairs. Les critères, les paramètres sont connus des organismes dont le Conseil des universités, et les résultats de ces évaluations sont connus. Donc, l'évaluation dont on parle est similaire à celle mise en oeuvre par les autres gouvernements dont celui de l'Ontario.

M. Brouillet: Très bien, merci.

M. L'Écuyer: Juste un mot supplémentaire. Je pense que, lorsque le résultat de notre première étude sectorielle sur le génie sera rendu public, vous aurez une vue pas mal plus précise du genre de chose que nous essayons de mettre sur le pied, compte tenu de nos moyens et des possibilités. Les évaluations de pairs en Ontario, soit dit en passant, ont été faites par l'équivalent de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, en Ontario. Je ne pense pas que cela ait été fait dans tous les secteurs. Ils ont couvert uniquement les programmes d'études avancées, ils n'ont pas fait le premier cycle.

Mme Querido: Je dois ajouter qu'il existe déjà, par exemple, dans certaines de nos institutions au Québec, ce modèle d'évaluation.

(17 h 30)

M. Brouillet: J'aimerais aborder la question du renouvellement du corps professoral. De façon assez précise, vous avez demandé 1 500 000 $ pour le budget de cette année et éventuellement se serait récurrent pour dix ans. De quelle façon prévoyez-vous que les universités vont utiliser ce montant pour le rajeunir? Est-ce que c'est simplement l'engagement de nouveaux ou bien si c'est mettre sur pied un système favorisant la préretraite avec compensation financière pour libérer les postes pour de plus jeunes professeurs? À quel mécanisme avez-vous pensé dans l'utilisation de ces fonds pour effectivement assurer un renouvellement?

M. L'Écuyer: Bien, il y avait toute une série de recommandations là-dessus, mais il y en avait une partie qui portait sur des mécanismes internes à l'université, qui pouvaient nécessiter ou ne pas nécessiter d'injection de fonds.

En ce qui concerne le programme de 1 500 000 $, je vous lis une partie de l'avis qui va vous donner les informations nécessaires. On dit: "Ces postes seront financés pour un maximum de dix ans et seront alloués ou seraient alloués sur présentation de plans de renouvellement du personnel des départements des universités intéressées". Donc, ce n'est pas simplement une chose; on aimerait que les universités, en même temps, nous indiquent comment elles envisagent renouveler leur personnel.

En fait, une des choses que l'on disait dans l'avis - je n'ai pas exactement les mots - c'est que les universités devaient profiter de l'opération pour penser leur développement et voir quels sont les départements qu'elles envisagent de rajeunir, ceux sur lesquels elles envisagent de faire porter leurs efforts, qu'elles nous le disent et puis qu'elles présentent des demandes de postes visant à rajeunir certains départements. Donc, c'est dans ce sens que les plans sont indiqués.

M. Brouillet: Vous pensez surtout à créer de nouveaux postes plutôt que de trouver un mécanisme pour libérer certains postes et laisser la place à d'autres par des compensations financières.

M. L'Écuyer: C'est-à-dire qu'il y a des recommandations...

M. Brouillet: Vous pensiez surtout à la création de nouveaux postes.

M. L'Écuyer: C'est-à-dire que le programme de 1 500 000 $ vise essentiellement à la création de 40 nouveaux

postes.

M. Létourneau (Claude): Effectivement, ces 40 postes, cela comportait l'engagement de nouveaux professeurs, mais il y avait aussi une part qui était demandée aux universités. On avait toute une série de mesures et puis on parlait aussi de programmes de mise à la retraite anticipée. Il y avait aussi le recours à des programmes fédéraux, des programmes existants déjà. Dans le fond, on voulait faire aussi un effort du côté des universités qui était du même ordre. Les besoins étaient d'engager 80 professeurs par année, finalement, le gouvernement contribuerait pour la moitié et, pour le reste, il y aurait un effort de demandé aux universités. Il y a même des efforts, finalement, au niveau de la rationalisation. On disait que, dans certains cas, on pourrait réduire le nombre de chargés de cours et se servir de ces sommes pour engager des professeurs plus jeunes. Finalement, il y a toute une série de mesures qui s'adressaient également aux universités.

M. Brouillet: Un dernier mot sur la question du fameux dirigisme dont on parle tant. Vous avez parlé de coupures aveugles. La question que je me pose c'est: Qu'est-ce qui pourrait rendre les coupures non aveugles? Quand j'entends cela, des "coupures aveugles", je me demande comment rendre des coupures non aveugles. Vous allez me dire que probablement, s'il y avait un plan de développement, s'il y avait des objectifs précis, des priorités, à ce moment on pourrait faire des coupures rationnelles. On couperait dans les bonnes parties, les parties qui sont moins nécessaires, ainsi de suite... Mais, tant qu'il n'y a pas de plan de développement...

M. Ryan: II va avoir une promotion.

M. Brouillet: ...tant que les gens auxquels on demande d'en faire n'en font pas encore... Il y aurait peut-être une façon de retarder les coupures, c'est de ne pas faire de plan. Finalement, si on acceptait, tout le monde, de dire: "Des coupures aveugles on n'en fait plus", j'ai l'impression que les gens à qui on demande de faire des plans retarderaient d'en faire pour éviter des coupures puisqu'on s'est mis d'accord pour ne faire que des coupures rationnelles.

Vous avez dit vous-même qu'il y a des universités qui tardent à faire des plans. Là, on est pris un petit peu dans un cercle. Est-ce qu'il va falloir faire du dirigisme pour les forcer à en faire, pour éviter de faire des coupures aveugles? Je trouve, pour ma part, que c'est absolument essentiel dans le contexte actuel... Vous l'avez dit vous-même et je pense que cela fait un consensus, on ne pourra pas améliorer notre système étant donné les ressources disponibles. Même si on en met un peu plus dans le réseau et qu'on en prend ailleurs, on n'arrivera pas à répondre vraiment aux besoins de la société québécoise au niveau du développement s'il n'y a pas une rationalisation plus grande de l'organisation de la vie universitaire. Donc, cela prend des plans, des objectifs, des priorités. Il y a des universités qui tardent... Il y a l'Université McGill, l'Université Laval, l'Université du Québec, également, qui ont des plans actuellement. Est-ce que vous verriez cela comme du dirigisme si je ne sais trop quelle instance disait à l'université: Dans deux ans, vous devrez déposer sur la table votre plan? Est-ce que, pour vous, ce serait du dirigisme?

M. L'Écuyer: Sur ce plan, absolument pas. Comme je vous le disais tout à l'heure... Je pourrais vous citer un autre passage de notre rapport annuel, approuvé par le conseil, dans lequel on mentionne que la question des plans est une question d'intérêt public. Ce n'est pas simplement... Quand on est à l'intérieur de l'université, on élabore des plans et, ensuite, il faut en discuter. Je suis tout à fait d'accord sur ce point.

Quand on parle de coupures aveugles, ce qu'on veut dire par là, dans le fond, c'est qu'on coupe mais sans se préoccuper des résultats ou sans chercher à voir quel type de résultats cela va produire. Après coup, on se dit: II faudrait corriger telle ou telle chose. C'est ce qu'on considère. On a un problème de renouvellement du corps professoral. On sait, et on aurait pu le savoir depuis le début, qu'on s'en allait vers un problème. C'est un phénomène simple: on a engagé notre corps professoral au cours des années soixante et début des années soixante-dix. Graduellement, on a exercé des compressions. On a eu une stabilisation relative parce qu'on augmentait encore les clientèles mais cela augmentait moins; il n'y a pas eu explosion. Donc, on se retrouve avec un corps professoral parmi lequel, forcément, le taux de renouvellement est moins élevé à cause de la conjoncture économique, etc. Si on coupe en même temps, il est clair qu'on aura des problèmes. On sait actuellement, dans l'ensemble du réseau... C'est anormal dans notre réseau, si vous me permettez l'expression... Ce n'est peut-être pas anormal, mais en tout cas, il faut s'interroger sur les causes. On sait qu'on a beaucoup plus de chargés de cours, toutes proportions gardées, qu'en Ontario. On se demande pourquoi. L'une des raisons est assez simple: on a un réseau qui cherche à offrir un éventail considérable d'activités -c'est peut-être louable - mais il n'en a plus les moyens. Pour continuer à offrir les mêmes activités, il essaie de réduire les

coûts, et la façon de le faire, c'est d'engager des chargés de cours. Dans certains cas, c'est cela; dans d'autres, c'est plus compliqué. Dans le domaine de l'administration, par exemple, il y a un manque de professeurs. Mais on peut se dire: Si on travaille ensemble, si, d'une façon ou d'une autre, le ministère ou le conseil - si on lui donne ce mandat - travaille avec les universités et essaie de dégager des façons de faire les mêmes économies, peut-être sur un terme plus long... Il ne faut pas se leurrer, on n'est pas capable de faire demain ce genre d'économies... Les universités n'ont pas le pouvoir de législation du gouvernement pour aller piger dans les salaires - ce n'est pas pareil - ou pour ouvrir les conventions collectives. On est placé là. Alors, il faut que les universités fonctionnent dans le même système que le reste de l'État. Si on veut chercher des économies, il faut les chercher dans l'ensemble.

On parlait des chargés de cours. J'entendais le président de la CREPUQ qui disait: On a rationalisé, on a épuré nos banques de cours. Je suis d'accord sur le fait qu'à l'intérieur des institutions, on a probablement fait une bonne épuration. Il faut maintenant, sur une base réseau, voir les choses qu'on peut mettre en commun. Il n'y a pas beaucoup de gens qui sont prêts à se mettre la tête sur le billot là-dessus. Donc, il faut qu'il y ait des mécanismes de concertation. Je pense que, dans l'immédiat, on peut appeler cela du dirigisme, mais je ne pense pas qu'il y ait d'autres possibilités pour des interventions extérieures. D'ailleurs, il y a des cas de collaboration dans le réseau universitaire. Je dois dire que dans plusieurs de ces cas - en tout cas, certains des cas que nous connaissons mieux - c'est venu parce qu'il y a eu des interventions extérieures. Prenez le doctorat en administration, qui est un doctorat conjoint. Je puis vous assurer - M. Boisvert pourra en parler - que si le conseil n'avait pas mis cela un peu comme condition d'ouverture, il ne serait pas conjoint.

L'Observatoire du Mont-Mégantic, si c'est un instrument conjoint à l'Université Laval et à l'Université de Montréal, c'est parce que l'organisme subventionnaire qui, à l'époque, était le Conseil national de la recherche, avait mis cela comme condition. Le CRIM, le Centre de recherche informatique de Montréal, c'est la même chose. Cela prend des interventions extérieures parce que les universités, c'est comme ça, ce n'est pas leur mode - jusqu'à maintenant - de fonctionnement. Je pense que ce sera absolument nécessaire. On essaie de faire ce genre de choses dans le cadre d'une opération sectorielle. On va voir ce que ça va donner, on a beaucoup d'espoir, mais, évidemment, c'est une opération qui est à long terme.

Le Président (M. Charbonneau): Merci beaucoup. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'aimerais poursuivre sur la même question. On sait que, par le mode de financement, on pourrait encourager ou décourager, selon l'objectif qui détermine le mode de financement. En ce qui concerne le besoin dont on a parlé de plus de concertation entre les universités, il me semble que le mode de financement actuel et le mode de financement prévu découragent la déconcertation. Il n'y a rien là pour encourager la concertation et le regroupement d'efforts pour réaliser plus d'efficacité entre les établissements.

Est-ce que vous avez examiné ce problème et est-ce que vous avez fait des recommandations? Quels incitatifs le gouvernement pourrait-il implanter pour encourager cette concertation?

M. L'Écuyer: Il y a à l'heure actuelle des mécanismes de financement qui visent à encourager la concertation. Par exemple, dans le cadre du fonds de développement pédagogique, nous avons un volet qui vise justement à encourager ces relations, ces développements. C'est malheureux, mais il n'a à peu près pas été utilisé par les universités. Pourtant, il existe depuis quatre ans.

Mme Dougherty: Quel est le mode de financement pour ce programme?

M. L'Écuyer: Je vais laisser la parole à M. Boisvert parce qu'il connaît bien le dossier.

M. Boisvert: II existe, à l'intérieur de ce fonds de développement pédagogique, un volet qui s'appelle "Réaménagement de programmes existants" dont l'objectif est de rationaliser, consolider, permettre la collaboration et la coordination des universités. Les universités sont invitées à présenter des projets qu'elles auront préparés, soit une toute seule, soit une avec la voisine, de les soumettre et de faire une demande de fonds. Depuis quatre ou cinq ans que le projet existe, nous avons reçu en moyenne un projet par année.

Mme Dougherty: II s'agit d'une somme additionnelle, si le projet est accepté, pour implanter un tel projet.

M. L'Écuyer: Oui, madame.

Mme Dougherty: Est-ce que les sommes sont suffisantes pour attirer... (17 h 45)

M. Boisvert: C'est surtout pour réaménager des projets existants. Consolider,

fusionner, parfois abandonner une option dans une université pour que l'autre la prenne, collaborer entre les universités, mais ce n'est pas populaire, malgré que les montants aient été augmentés cette année. Il y a 8 000 000 $ ou 9 000 000 $ d'équipement possible pour les universités dans les projets liés au virage technologique et la porte d'entrée, ce sont les projets de nouveaux programmes, qui est un des volets du fonds, et le projet de réaménagement de programme dont on parle. Malgré l'argent disponible, on a reçu une demande cette année et le projet est en jugement, il passera devant le conseil à sa prochaine réunion.

M. L'Écuyer: Je me permettrai d'ajouter juste deux points là-dessus. Il y a, au niveau de la recherche, des programmes qui encouragent aussi la concertation, des programmes majeurs, entre les centres de recherche. Au niveau fédéral, nous avons certaines difficultés avec ces programmes parce qu'on n'arrive pas au Québec à former des noyaux suffisamment compétitifs un peu à cause, je pense, de ce phénomène.

Je dois noter, par exemple, que dans les derniers mois, il y a eu certaines ouvertures intéressantes qui ont été faites. Je pense en particulier à des ouvertures qui ont été faites - je dis des ouvertures, comme nous n'étions pas là, il faudrait peut-être leur en parler - par le recteur de l'Université Laval aux constituants de l'Université du Québec. Je ne sais pas où en sont les relations. Je pense qu'il y a quand même eu déjà des poursuites.

Il faut dire que ce n'est pas facile, toutes ces choses sont fragiles, les intentions ne sont pas nécessairement toujours très bien comprises, etc. Je pense que c'est beaucoup relié à une amélioration du climat d'ensemble. Il faut développer, entre les universités, un climat de collaboration plus étroit.

Mme Dougherty: Merci. Deuxième question: Le fait que nous ayons des universités bilingues au Québec, est-ce que cela coûte plus cher qu'en Ontario où il y a des services universitaires en français? Je me demande si les comparaisons du gouvernement sont toujours réalistes, toujours pertinentes. Quelle est votre estimation de ce problème? Est-ce que cela coût plus cher au Québec?

M. Boisvert: Les règles de financement sont les mêmes.

M. L'Écuyer: Je ne pense pas.

Mme Dougherty: Incluant la recherche, les textes, etc.

M. L'Écuyer: Les règles de financement sont les mêmes. On pourrait se demander, sur ce plan, si on avait à revenir en arrière, si on créerait autant d'universités, par exemple, à Montréal. Mais, de toute façon, les universités ont une clientèle. Il y a une clientèle pour cela, elles sont financées comme les autres. On pourrait argumenter que dans certains cas cela peut entraîner des dédoublements de programmes. On pourrait et encore... La politique est une politique d'ensemble. Il y a peut-être quelques cas où, si on n'avait pas à offrir les services dans les deux langues, on n'aurait pas deux institutions, mais je pense que c'est assez marginal, dans l'ensemble du réseau, les coûts actuels. Par contre, cela peut entraîner des problèmes de coordination, c'est juste, mais c'est un autre type de problème qui n'est pas nécessairement à incidence financière, en tout cas, pas toujours.

Mme Querido: Peut-être juste pour ajouter que le conseil, en ce qui concerne le développement des études gratuites, a adopté depuis longtemps la politique d'un seul réseau. Et en jugeant de l'opportunité d'un programme, il le juge dans un aspect réseau indépendamment s'il se situe dans le milieu anglophone ou francophone. Il n'y a qu'un seul réseau aux études graduées au Québec alors que peut-être dans les niveaux du premier cycle, il peut arriver qu'il y ait des dédoublements, mais qui ne posent de problème ou de coût additionnel.

Mme Dougherty: Se rapportant au texte, les universités francophones en Amérique du Nord utilisent... Je crois qu'il n'y a pas de volume de demande des textes et tout. Donc, les textes français sont plus chers, n'est-ce pas? Et cela ajoute au coût des universités francophones.

M. L'Écuyer: Cela ajoute aux coûts des étudiants francophones.

Mme Dougherty: Oui, bien sûr. Mais c'est un coût réel.

M. L'Écuyer: Oui, c'est juste.

Mme Dougherty: Est-ce qu'il y a d'autres coûts du même genre?

Une voix: II ne faut pas généraliser, non plus.

Mme Dougherty: Quand on compare, pour les universités, le coût moyen aux États-Unis ou en Ontario, il faut tenir compte de ces réalités.

M. L'Écuyer: Ce n'est quand même pas énorme. Il ne me vient pas à l'esprit

beaucoup de domaines où... Effectivement, peut-être pour certaines publications, certains volumes, quoique les bibliothèques anglophones, même au Québec, sont assez bien dotées d'ouvrages français, et vice versa, d'ailleurs, il n'y a pas d'hésitation. Je ne serais pas porté à croire qu'il y a des différences très considérables dans les coûts... Non, je ne pense pas que, dans l'ensemble, on puisse citer...

Mme Dougherty: Il me semble que nous sommes dans une espèce d'impasse. Naturellement, je crois que tout le monde ici cherche des marges de manoeuvre. Les représentants de la CREPUQ, hier, ont parlé du problème du sous-financement de la masse salariale. Ils ont retracé l'historique de l'autonomie des universités. Et cela existe encore: chaque université négocie avec ses propres enseignants. Il y a des problèmes d'indexation. Le plus gros problème est arrivé en 1981, si j'ai bien compris, quand le gouvernement n'a pas compensé l'indexation dans l'entente. Avant de faire une suggestion, j'aimerais être certaine que je comprends exactement la situation actuelle. Est-ce que le problème de l'écart entre l'indexation et le montant consacré par le gouvernement pour l'indexation est maintenant réglé? Est-ce que cela va continuer et est-ce que le problème sera exacerbé année après année? La CREPUQ a réclamé une anticipation d'un certain taux d'inflation pour l'année prochaine. Elle a réclamé 89 000 000 $ pour l'indexation de la masse salariale et l'indexation des autres coûts de fonctionnement. Les 89 000 000 $ vont-ils régler la situation ou si cela va continuer?

M. Létourneau: Si je peux me permettre de répondre, je pense que, pour l'avenir, les taux d'indexation accordés dans la formule de financement vont être déterminés par la politique salariale et vont influencer les conventions collectives des universités de sorte que je ne pense pas qu'il y ait de problème à ce niveau. Cependant, il y a peut-être une précision à apporter: quand le ministère détermine ses masses salariales, il le fait sur une masse théorique. Ce ne sont pas les vrais salaires qui sont indexés. C'est à partir d'une base de dépenses, qu'on appelle des dépenses admissibles de base, qui ne sont pas reliées à la réalité au sens que les universités dépensent plus que ce qui est déterminé par les dépenses admissibles de base.

Mme Dougherty: Excusez-moi. Est-ce que la masse salariale est connue par les universités avant les négociations ou si c'est décidé par les universités après deux ans peut-être et le gouvernement annonce quelle est la masse salariale pour telle ou telle année? J'ai l'impression que c'est exactement cela qui se produit et que cela fait partie du problème.

M. Létourneau: Souvent, les conventions collectives, dans les universités, sont ouvertes, c'est-à-dire en ce qui concerne les salaires, et elles sont finalement ajustées compte tenu de la politique salariale. Je pense que cela se suit; enfin, cela n'a peut-être pas été dans les années passées, il y a eu une rupture en 1980-1981 et jusqu'à maintenant. Cela a pris un certain temps d'ajustement mais, pour l'avenir, je pense que les universités maintenant négocient mais laissent quand même une clause d'ouverture de leurs salaires. On ne couvre pas les salaires pour quatre ou cinq ans à venir sans savoir ce que le gouvernement va accorder en termes de traitement. Je pense que cela est assez clair.

Mme Dougherty: Si c'est le cas, est-ce que vous avez examiné la possibilité de remettre aux universités une certaine marge de manoeuvre en ce qui concerne l'application de l'indexation? 1% peut-être ou quelque chose comme cela. Peut-être que c'est possible maintenant, théoriquement, mais ce n'est pas exactement cela qui se passe. Si les universités avaient plus de marge de manoeuvre en ce qui concerne cette indexation, 1% de la masse salariale pourrait faire une grande différence dans leur budget. Je pense à la situation en Ontario; on compare toujours la situation ici avec l'Ontario, mais on a oublié une chose; en Ontario les universités sont tout à fait autonomes, complètement, indexation, salaire et tout. Il n'y a pas d'indexation déterminée par le gouvernement du tout.

Donc, si on veut être compétitif avec nos voisins, sur le plan des coûts, peut-être qu'on devrait examiner ce système et remettre aux universités la même marge de manoeuvre qui existe en Ontario.

M. L'Écuyer: Je pense qu'elles l'ont mais le problème c'est que c'est extrêmement difficile d'utiliser... Les professeurs qui sont syndiqués négocient et ils voient ce qui se passe dans le reste du réseau collégial, du primaire-secondaire, dans le reste de la fonction publique. Evidemment, ils ne veulent pas être en reste et les universités sont très mal placées pour refuser cela. Ils ont déjà fait quand même - les professeurs - des concessions là-dessus. Il y a quelques années, à McGill, par exemple...

Mme Dougherty: McGill a fait cela.

M. L'Écuyer: ...à Montréal, il y a eu des concessions. Je pense à Sherbrooke aussi, il y a eu des concessions salariales.

Mme Dougherty: C'était un salaire différé, ce n'était pas une vraie concession.

M. L'Écuyer: À McGill, oui, mais je pense que dans les autres universités...

Mme Dougherty: McGill a un déficit, sur papier, de 9 000 000 $ à cause de cela.

M. L'Écuyer: Je pense qu'à Montréal et à Sherbrooke il y a eu des concessions réelles plus modestes, par exemple. En tout cas, disons que les universités ont toujours la possibilité de négocier ce qu'elles veulent. Elles peuvent négocier zéro si elles veulent ou si elles peuvent mais, évidemment, il y a un jeu social qui est un peu différent. Vous pouvez comprendre, comme moi, que ce n'est pas très facile.

Maintenant, ce que nous nous avons dit, par contre, et puis cela rejoindrait peut-être une chose, c'est que nous sommes extrêmement soucieux de la marge de manoeuvre. Cela nous inquiète beaucoup. Nous pensons qu'une marge de manoeuvre il faut qu'il y en ait à deux endroits. Les universités devraient avoir leur marge de manoeuvre parce que, je le répète, les administrateurs universitaires, les gestionnaires universitaires sont les premiers ou devraient être les premiers - et ils le sont habituellement - à savoir ce dont leur institution a besoin.

Je pense que dans le contexte actuel, et nous au conseil on est extrêmement soucieux de cela, il faut aussi qu'on ait une marge de manoeuvre au niveau du système si on veut améliorer la coopération, la coordination. (18 heures)

Nous avions recommandé, l'an dernier, dans notre avis sur le financement, de réserver 20 000 000 $ là-dessus pour cette question. Dans le cadre du financement nous avons jonglé avec l'hypothèse aussi et nous sommes revenus demandant, dans une de nos recommandations au ministère, de travailler avec les universités à dégager les marges de manoeuvre pour financer des projets sélectifs de développement. Cela aussi est important. Il faut que cela soit fait avec les universités. Dans ce sens, disons que l'expérience qui a été entreprise dans le cadre du projet Joyal, si cela peut se répéter, c'est peut-être une indication qu'on va dans une direction de plus grande collaboration.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, Mme la députée. Il ne me reste qu'à vous remercier, M. L'Écuyer, ainsi que vos collègues, pour votre participation, riche à plusieurs égards. J'espère que les membres de la commission seront maintenant à la hauteur des défis et des enjeux que vous leur avez présentés cette semaine. Pour votre information et pour l'information de ceux qui s'intéressent aux travaux de notre commission, d'ici le 26 octobre nous allons attendre la réception des mémoires qui pourraient nous être envoyés par les organismes ou les personnes qui seraient intéressés à nous éclairer sur l'exécution du mandat. Par la suite nous verrons dans quelles mesures il serait opportun, compte tenu aussi des autres tâches qui pourront nous être assignées par l'Assemblée nationale, de procéder à de nouvelles consultations ou à immédiatement engager une réflexion entre nous sur des pistes que l'on pourrait suggérer à l'Assemblée nationale et, bien sûr, au gouvernement.

D'ici là je me dois de remercier l'ensemble de mes collègues pour leur participation assidue à ces travaux. Je dois aussi les remercier pour l'appui qu'il m'ont accordé. Je n'ai pas eu de problème du tout cette semaine à faire en sorte qu'on puisse mener à bon port l'exécution de ces consultations particulières. Encore une fois, nous sommes bien conscients de la tâche importante que nous avons entre les mains, peut-être plus maintenant qu'au début de la semaine. J'ai l'impression que le ministre en partant nous avait un peu renvoyés à nos responsabilités et d'une certaine façon les autres aussi l'ont fait. Je pense bien pouvoir assurer à un peu tout le monde qu'il n'est pas question pour les membres de la commission de se défiler face à ces responsabilités. Je regarde du coin de l'oeil le vice-président qui sans doute va vouloir émettre un commentaire lui aussi. Alors, je vais lui céder la parole.

M. Ryan: M. le Président, cela va être très bref. Je joins mes remerciements aux vôtres. Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit tantôt à propos du Conseil des universités dont je souhaite qu'il ait tous les moyens nécessaires pour continuer son travail. J'aurais bien voulu leur poser une question mais je vais le faire quand nous aurons ajourné. Je veux savoir combien ils ont de personnel professionnel et de personnel de soutien à temps plein pour faire le travail excellent qu'ils font.

Une voix: ...

M. Ryan: II n'est pas question de cela ici, mais cela m'intéresse puisqu'on aime parler de productivité du côté ministériel, laissant l'Opposition la pratiquer souvent. Je voudrais simplement souligner que pendant toute la semaine nous n'avons pas été amenés à ouvrir notre livre de règlements une fois et je m'en félicite. J'espère qu'on pourra continuer le travail de la commission dans le même esprit. Il me semble que cela

va plus vite quand on ne va pas voir le livre des règlements trop souvent. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Je partage entièrement cette opinion et sur cela les travaux de la commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 18 h 4)

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