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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît! Mesdames et messieurs, bonjour.
La commision permanente de l'éducation et de la main-d'oeuvre
entreprend sa troisième journée de rencontres
particulières aux fins d'étudier les orientations et le cadre de
financement du réseau universitaire québécois pour
l'année 1984-1985 et pour les années à venir, et pour
examiner, sans exclure toute autre mesure ou tout sujet pertinent, le niveau
des subventions aux universités et leur répartition entre les
établissements, les sources de revenu des universités autres que
les subventions gouvernementales, la participation du gouvernement
fédéral au financement des universités et le partage des
ressources à l'intérieur des universités.
Tel qu'indiqué hier, nous recevrons ce matin les porte-parole des
associations nationales d'étudiants universitaires et, cet
après-midi, nous rencontrerons le Conseil des universités. Le
premier groupe que nous recevrons ce matin, c'est le Regroupement des
associations étudiantes universitaires du Québec. Bienvenue,
madame et messieurs. Au nom de mes collègues, je vous remercie d'avoir
accepté notre invitation et d'avoir bien voulu préparer pour nous
des commentaires et un mémoire que vous nous présenterez sans
doute.
Comme le temps est limité et comme, semble-t-il, vous avez
d'autres impératifs à la fin de la séance ou de la
période qui vous avait été précédemment
allouée, je vous demanderais de faire la présentation de vos
points de vue le plus succinctement possible pour qu'on puisse avoir le maximum
de temps pour échanger avec vous. Finalement, c'est ce qui est le plus
important et c'est ce qui intéresse sans doute le plus les membres de la
commission puisqu'ils ont eu votre mémoire un peu à l'avance.
Je ne sais pas qui sera le porte-parole, je pense que c'est M. Guindon.
S'il voulait présenter les collègues qui l'accompagnent pour les
fins du journal des Débats et engager immédiatement sa
présentation. Merci.
Regroupement des associations étudiantes
universitaires du Québec
M. Guindon (Denis): Bonjour, M. le Président, madame et
messieurs les députés. J'aimerais d'abord vous présenter,
à ma droite, Jacques Gauthier, qui est un militant du RAEU; à ma
gauche, Paul Muller, qui en est un également et, finalement, Eva
Laferrière, qui est membre du conseil exécutif du RAEU. Je
voudrais également signaler la présence des secrétaires
généraux qui ont bien voulu nous prêter main-forte et nous
apporter un certain soutien moral, en la personne de Denis Marion, de
l'Université de Montréal, et de Paul Larouche, de
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
M. le Président, nous avons attentivement écouté,
ces deux derniers jours, les allégations de nos collègues des
universités. Nous avons été particulièrement
sensibles à leurs commentaires concernant, entre autres, la
nécessité d'investir davantage dans les universités
québécoises et, a fortiori, d'investir à la mesure du
rôle que doivent assumer les universités dans notre
société. Cependant, nous avons été surpris du peu
de réflexions sur les causes profondes qui ont amené le
gouvernement actuel à poser les gestes que, presque tous, nous remettons
en question aujoud'hui.
Pour les étudiants que nous représentons, les coupures
budgétaires ont su ramener au premier plan les préoccupations que
nous avons en tant qu'usagers de services. Par conséquent, nous avons
donc cru nécessaire de dépasser, sans cependant les oublier, les
mettre de côté, les réclamations des universités et
des professeurs voulant que le gouvernement investisse davantage dans les
universités. Étant les premiers à qui s'adressent les
enseignements dispensés par les universités, nous pensons que
nous avons et que nous aurons les universités que, comme
société, nous méritons.
Nous ne pourrons prétendre réclamer plus d'argent si nous
ne parvenons pas à rétablir la crédibilité et la
légitimité des universités devant la population et
l'État qui nous y donnent accès. Nous ne pourrons
prétendre obtenir plus si tous et chacun nous ne sommes pas prêts
à faire notre propre autocritique dans le but de faire plus pour la
société. L'université est actuellement trop
encarcanée dans ses principes pour ne pas voir l'urgence de s'adapter
aux nouvelles situations qui la régissent. L'université doit
cesser d'être une tour d'ivoire ou d'être perçue comme telle
et doit devenir au
service de la communauté.
Par conséquent, nous pensons que ses agents doivent être
prêts et déterminés à manifester par des gestes
concrets leur volonté de rétablir la confiance de la population
et de ses représentants dans cette institution dont l'importance n'est
plus à démontrer. Pour que le secteur de l'éducation
universitaire redevienne prioritaire, nous pensons, en tant
qu'étudiants, qu'il faudra repenser son rôle. Nous pensons aussi
que la communauté qui le compose devra se poser de véritables
questions quant aux orientations passées et futures des
universités et au rôle et à l'appréciation qu'elle
veut lui voir dévolus.
Évidemment, M. le Président, vous comprendrez avec ceci
que, si notre mémoire porte le titre "L'université excellente et
accessible", c'est que les membres du RAEU sentent que l'université est
à l'heure des choix. Choix entre l'excellence et la prétention;
entre la légitimité sociale et la tour d'ivoire; enfin entre
l'essor et le sous-financement chronique.
Le gouvernement lui aussi est à l'heure des choix, on le sait.
Choix entre le maintien du principe d'accessibilité et les
conséquences de son abandon; entre le financement de l'excellence et le
dépérissement d'un héritage.
Notre analyse des causes du sous-financement du réseau
universitaire nous permet d'identifier ce malaise profond qui sape
l'unversité. Nous le qualifions maintenant de "crise de
légitimité".
En parallèle, nous identifions une crise de confiance entre les
administrations universitaires et le ministère de l'Éducation qui
empêche tout déblocage dans le dossier du financement
universitaire. Crise dont les usagers font nécessairement les frais.
À ce chapitre, le RAEU proposera aux parties un échange à
court terme de gestes de bonne volonté ainsi qu'une démarche
à moyen terme qui contribuera, nous l'espérons ardemment, au
dégel du dossier.
C'est pourquoi le mémoire du RAEU portera sur les
véritables enjeux du financement universitaire plutôt que sur les
technicités des règles budgétaires. Le gouvernement est-il
prêt à dégager les ressources nécessaires à
la poursuite de l'excellence? Les universités sont-elles prêtes
à poser les gestes nécessaires au rétablissement de leur
crédibilité aux yeux de l'opinion publique? Telles sont les deux
principales questions que nous leur adressons aujourd'hui.
Les gestes que doivent poser les parties demandent certes un courage
politique, mais nous sommes convaincus qu'elles feront preuve d'une hauteur de
vue à la mesure des circonstances que nous connaissons tous aujourd'hui
et que nous déplorons.
Bien que cela ne fasse pas partie de nos préoccupations à
l'heure actuelle, nous dirons quelques mots aussi à propos du
financement fédéral de l'éducation postsecondaire dont les
commentaires sont formulés en annexe B.
Préoccupation constante ou voeu pieux, objectif mis en oeuvre ou
qualifié de "non prioritaire", ainsi peuvent s'exprimer les
inquiétudes dont sont aujourd'hui saisis les étudiants
universitaires et collégiaux du Québec. Bien sûr, les frais
de scolarité font partie des sources de revenu des universités
autres que les subventions gouvernementales, mais peut-on décemment
considérer leur hausse tout en réaffirmant sans broncher le
principe d'accessibilité aux études universitaires?
Assistons-nous à une remise en cause des idées-forces qui
ont présidé à l'édification de notre système
scolaire et de notre réseau d'universités depuis la
révolution tranquille? Le gouvernement ne perçoit-il pas, dans la
population, ce large consensus en faveur du principe d'accessibilité sur
lequel se sont fondées les orientations de tous les gouvernements depuis
I960?
Certes, l'université, en tant qu'institution redevable devant la
population, fait l'objet d'une réflexion critique; et cela, nous le
pensons, est bien heureux. Nous croyons légitimes les questions que se
posent différents groupes de la société au sujet de
l'efficacité et de l'efficience d'une institution qui absorbe
actuellement près de 1 000 000 000 $ en fonds publics par
année.
Nous pensons, comme plusieurs, que l'université doit
rétablir sa crédibilité aux yeux de l'opinion publique.
Qu'il ne suffit plus d'emboucher la trompette en décriant le
sous-financement des universités pour se voir appuyé
inconditionnellement par la population lorsqu'on demande à l'État
un financement adéquat pour le réseau universitaire.
L'excellence de l'université doit être établie et
démontrée et c'est pourquoi l'essence de notre réflexion
portera sur cet objectif et les moyens d'y parvenir.
Il ne faut cependant pas assimiler le principe d'accessibilité
aux études universitaires à cette remise en question de
l'université; ce serait là, nous le pensons, commettre une erreur
d'appréciation fondamentale. Si, effectivement, la population
s'interroge sur l'excellence ou, plutôt, la sous-excellence de
l'université et, par conséquent, sur l'opportunité d'y
investir les sommes qu'on connaît, nous croyons que cela n'infère
aucunement sur le consensus autour du principe d'accessibilité.
Conséquemment, nous affirmons que la population est prête à
financer l'accessibilité dans la mesure où les sommes investies
seront socialement rentables.
L'objectif d'accessibilité, nous le réaffirmons, doit
demeurer prioritaire. Si l'on reprend l'analyse
coûts-bénéfices classique du
financement de l'enseignement universitaire, l'importance de l'objectif
d'accessibilité ressort clairement à la lumière du
contexte économique actuel.
Ainsi, l'un des coûts sociaux identifiés dans le tableau 1,
soit le manque à gagner pour la société, doit se
réévaluer en tenant compte du marché de l'emploi pour les
jeunes. L'époque est révolue où l'on pouvait
considérer une année d'études comme une année non
productive, c'est-à-dire une année où l'individu privait
la société du produit de son travail. Les statistiques sur
l'emploi confirment ce constat: en août 1984, au Québec, le taux
de chômage officiel pour la population active détenant un grade
universitaire s'élevait à 7,3% et à 9% pour les gens ayant
obtenu un certificat ou diplôme postsecondaire. C'est donc dire, M. le
Président, à quel point l'accès aux études
universitaires influe sur la capacité de se trouver un emploi, compte
tenu que la première catégorie est incluse dans la seconde.
Peut-on parler alors d'un manque à produire pour la
société? Ne faut-il pas plutôt considérer, à
la marge, le coût d'opportunité négatif que
représenteraient les fonds dépensés par l'État en
programmes d'emploi ou d'assistance sociale de tout acabit?
Nous croyons que le financement de l'accessibilité aux
études universitaires est une façon intelligente de promouvoir
l'emploi chez les jeunes et les moins jeunes. À ce titre, nous demandons
au gouvernement de se prononcer sur cette question afin que la population
puisse juger du sérieux des objectifs mis de l'avant.
Comme on le sait, le travail humain, tout au moins au Québec, est
en mutation rapide. Des vocations professionnelles longtemps en demande sont
appelées à disparaître. Dans ce contexte, la
capacité d'adaptation de l'individu à de nouvelles fonctions
devient déterminante au plan du succès de sa vie au travail. Or,
plusieurs analyses ont identifié la durée de la scolarité
comme un facteur influant positivement sur la capacité d'adaptation de
l'individu. On doit alors inscrire cette capacité au chapitre des
bénéfices tant privés que sociaux.
Nous croyons que le gouvernement doit faire preuve de hauteur de vue en
favorisant l'émergence, au sein de la main-d'oeuvre
québécoise présente et future, du plus grand nombre de
gens possédant cette capacité permise par la poursuite
d'études post-secondaires. Il en va de la santé future de
l'économie du Québec.
Est-il nécessaire, par ailleurs, de rappeler l'émergence
du capital humain comme facteur de production déterminante de la
richesse potentielle d'une nation? À ce chapitre, le Québec a
encore des efforts à faire. Les taux de scolarisation de sa population
sont encore en deçà de ceux de l'Ontario, principal point de
comparaison, ainsi que des moyennes canadiennes.
Encore une fois, si l'on veut se gargariser, M. le Président,
avec le virage technologique, ne faudrait-il pas mettre en oeuvre les moyens
concourants pour accroître ce capital?
Ces quelques remarques illustrent de quelle façon le tableau
coûts-bénéfices de l'éducation universitaire a
évolué depuis quelques années; encore plus qu'il y a 20
ans, l'emphase doit être mise sur l'accès du plus grand nombre
à l'université.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce je pourrais vous
interrompre juste un seconde pour vous signaler un problème que vous
risquez d'avoir? Je le fais pour vous rendre service, parce que vous avez moins
d'expérience des commissions parlementaires. Au rythme où vous
allez, puisque je pense que vous avez choisi de lire votre mémoire,
compte tenu du temps que vous avez ce matin, les chances que les membres de la
commission puissent engager une discussion avec vous vont être assez
minces. Le temps qui pourra être alloué pour la discussion va
être assez court. Donc, vous pouvez continuer de choisir l'approche que
vous avez choisie ou, si c'était possible... L'objectif de mon
intervention, ce n'est pas de vous déséquilibrer, mais, dans la
mesure où vous pourriez peut-être synthétiser ou
résumer vos principaux points, cela permettrait aux membres de la
commission d'en discuter avec vous. Autrement, on sera obligé, sans
doute, de se priver d'une bonne partie de la discussion qu'on pourrait avoir.
Alors, c'est à vous de choisir.
M. Guindon: D'accord, M. le Président. Nous allons essayer
de procéder plus rapidement. Le ton, le débit sera
peut-être plus rapide, mais on pense que ce sera intéressant pour
la postérité de voir inscrits dans les annales de la commission
parlementaire les débats et surtout la présentation qu'on veut
faire de notre mémoire, comme cela a été permis,
finalement, à tous les autres membres de la commission.
Le Président (M. Charbonneau): Je peux vous garantir d'une
chose. À la limite, si vous jugiez préférable de sauter
certains passages, on peut s'organiser pour qu'aux fins du journal des
Débats le texte soit inscrit.
Des voix: Non, non.
Le Président (M. Charbonneau): Non, on ne peut pas?
Des voix: Non.
Le Président (M. Charbonneau): II paraît que
non.
Une voix: C'est absolument contraire au point de vue...
M. Guindon: M. le Président, on n'a pas fait de
résumé. De toute façon, on pense pouvoir le faire en une
demi-heure, alors cela vous laisserait une heure de questions. Je pense que
cela sera quand même suffisant. (10 h 30)
M. le Président, plus encore que le régime d'aide
financière, le niveau des frais de scolarité est intimement
lié, on le sait, au degré d'accessibilité de
l'université.
Plusieurs conçoivent un cours universitaire comme un bien, au
sens économique, dont on connaît le coût d'acquisition, mais
dont on doit escompter les bénéfices, étalés sur
toute une vie. Toute hausse des frais de scolarité renforce cette
conception et conduit des étudiants potentiels à renoncer aux
études universitaires. La logique est manifeste: les
bénéfices escomptés sont difficilement évaluables,
en particulier dans certains secteurs disciplinaires. Par contre, les
coûts sont fixes: frais de scolarité, frais afférents,
frais de subsistance, manque à gagner éventuel, effort investi,
etc. Si la décision devient plus coûteuse, moins
d'étudiants potentiels prendront le pari, surtout moins
d'étudiants potentiels issus de classes défavorisées qui,
en raison de leur situation financière précaire, seront
incapables d'assumer le risque inhérent d'une telle décision.
Le régime d'aide financière ne résout aucunement ce
problème. Si le seuil d'admissibilité au régime,
exprimé en termes de revenu des parents, augmentait automatiquement,
cela n'altérerait en rien le rapport coûts-bénéfices
pour l'étudiant: les coûts seraient simplement
reportés.
D'autre part, la hausse des coûts conduit davantage
d'étudiants à devoir s'adresser à l'aide
financière. Or, on connaît la peur de l'endettement qui
caractérise les jeunes issus de classes défavorisées.
Ainsi, si une hausse des frais de scolarité était conçue
comme une mesure redistributive, ses effets iraient en réalité
à contresens de l'objectif de démocratisation de l'accès
à l'enseignement universitaire.
Par ailleurs, pour les étudiants réputés
dépendants et non admissibles au régime en raison du revenu de
leurs parents, une hausse éventuelle des frais de scolarité
répercutée sur les parents accentuerait le problème du
refus des parents de contribuer au financement des études de leurs
enfants.
Toute hausse des frais de scolarité aurait donc des
conséquences désastreuses au plan de l'accessibilité aux
études universitaires et c'est pourquoi: Le RAEU s'attend que le
ministre, s'il réaffirme l'objectif d'accessibilité aux
études universitaires, gèle les frais de scolarité
à leur niveau actuel.
La population étudiante, usagère du service, a largement
écopé des coupures budgétaires dans le réseau
universitaire. Tandis que les frais de scolarité ont été
gelés, les services éducatifs, de soutien, etc., ont
été réduits de façon drastique tant sur le plan
quantitatif que qualitatif, influant, comme on le sait, sur la qualité
de la formation acquise à l'université. Les usagers de services
ont largement assumé leur part des coupures et toute hausse des frais de
scolarité reviendrait à leur faire payer doublement le manque de
légitimité qu'on attribue, à tort ou à raison, aux
universités.
M. le Président, nous pensons que l'université doit
accomplir ses missions d'enseignement et de recherche. C'est pour cela qu'elle
a été instituée. C'est pour cette raison que l'État
la finance. Cela semble être des lieux communs.
Dans un contexte socio-économique comme celui que nous
connaissons, il est vital que les universités remplissent
adéquatement leur rôle. Outil privilégié du
développement scientifique, économique, social et culturel,
l'université québécoise est un point névralgique du
tissu de la société. Tous les partis politiques proclament la
priorité à accorder au problème de l'emploi des jeunes.
Or, une politique des universités peut jouer un rôle de pivot en
ce sens. La clé de la réussite réside, nous pensons, dans
l'adaptabilité dont devront faire preuve les établissements. Elle
se trouve aussi dans la volonté que démontrera, bien sûr,
l'État de mettre en oeuvre des politiques cohérentes quant
à l'excellence universitaire.
Notre analyse nous conduit donc à croire que: Le gouvernement
croit qu'une augmentation des niveaux de financement des universités
n'entraînera pas nécessairement une augmentation de la
qualité de l'enseignement et de la recherche; nous lui donnons
raison.
Les institutions croient que la poursuite de l'excellence ne peut
être réalisée sans que les ressources financières en
soient un élément déterminant. Nous leur donnons
également raison.
Mais, comme usagers des établissements, nous sommes portés
à osciller entre la crainte qu'a l'État de voir ses sommes mal
dépensées et celle des institutions de ne pas avoir les
ressources vitales pour la mise en oeuvre de leur mission.
La méfiance qui semble s'être s'installée dans les
rapports entre les décideurs porte un dur coup au fonctionnement de
l'université. Le RAEU croit que ce climat peut être
modifié.
L'enveloppe de subventions aux
universités paraît avoir été
déterminée de façon plus ou moins péremptoire. Bien
sûr, l'on doit tenir compte de la capacité de payer de
l'État, de la somme de ses engagements institutionnels et des
investissements à réaliser. Il nous semble cependant que
l'analyse complète des besoins financiers des universités
québécoises n'a jamais été réalisée
en fonction de la poursuite des objectifs d'excellence en matière
d'enseignement et de recherche.
La commission parlementaire fait état de la question suivante:
Quel devrait être le cadre de financement du réseau universitaire
québécois pour 1984-1985 et pour les années à
venir?
Il est de la responsabilité du gouvernement
québécois d'appuyer ses politiques budgétaires, d'une
part, sur des choix sociaux cohérents et, d'autre part, sur une analyse
sérieuse des moyens nécessaires à mettre en oeuvre pour
parvenir à ses objectifs.
L'État québécois, sous le chapeau de ses
gouvernements successifs, a conféré historiquement aux
universités un rôle important dans le progrès de notre
société. Le choix social apparaît donc clair. L'excellence
est de rigueur. Mais, malheureusement, les budgets sont eux aussi de
rigueur.
M. le Président, combien coûte l'excellence? Ni M.
Bérubé, ni M. Clair, ni M. Lacoste, ni M. Boulet ne peuvent nous
le dire. Nous non plus, mais nous aimerions bien le savoir.
Nous aimerions savoir à partir de quel moment on peut
considérer que les institutions disposent des ressources humaines et
matérielles suffisantes pour rendre un service de qualité. Par
conséquent, vous devinerez rapidement que, pour établir ce qu'on
entend par excellence, nous proposerons la formation d'un comité
chargé d'établir des normes quant aux ressources
nécessaires pour viser l'excellence universitaire.
Ce comité, qui devrait être formé de l'ensemble des
intervenants en matière universitaire, le ministère de
l'Éducation, le Conseil des universités, la CREPUQ, la FAPUQ,
l'ANEQ et le RAEU, aurait le mandat d'étudier, par exemple, les ratios
maître-élèves, le taux de renouvellement du corps
professoral, les ressources nécessaires en bibliothèque, en
équipement scientifique, etc. On pourrait ainsi disposer de
données chiffrées de façon à définir les
ressources nécessaires pour un enseignement et de la recherche de
qualité.
En bref, pour le RAEU, il importe de s'assurer de la qualité des
services dispensés par les établissements universitaires en y
identifiant des "ressources-standards". On pourra ainsi juger plus justement
l'effort financier à consacrer au réseau. Cette analyse sera
nécessairement suivie de choix politiques: quel effort financier
consacre-t-on en fonction d'atteindre quel niveau de qualité?
Ces choix politiques seront à débattre publiquement. Il
est nécessaire de les poser et d'avoir les éléments en
main pour tracer le portrait de l'université de demain.
M. le Président, nous pensons que l'excellence nécessite
des efforts. Elle exige également que les décideurs s'entendent
pour avancer dans un même sens. Dans la mesure où l'État et
les institutions se regardent comme des chiens de faïence, l'excellence
universitaire stagnera au rang de voeu pieux.
L'attribution et la gestion des subventions aux universités
posent depuis longtemps un problème, on le sait. Les
représentants de l'État doivent rendre compte publiquement de
leur gestion tous les quatre ans. Dans la mesure où les choix
budgétaires qu'ils font doivent être justifiables, les
représentants de l'État semblent se cantonner dans un rôle
d'inquisiteur face aux établissements. Les universités, jalouses
de leurs prérogatives historiques, font une interprétation
abusive de l'autonomie universitaire.
Pour dénouer ce noeud qui nous apparaît presque
inexplicable, le RAEU croit que deux séries de mesures prises par les
institutions feraient la preuve de leur bonne foi mutuelle.
Premièrement, les institutions universitaires devraient faire
preuve de transparence dans la gestion des fonds. Ainsi, le salaire des
employés, professeurs, administrateurs et officiera des
universités devrait être considéré comme des
renseignements publics. La gestion des unités d'enseignement et de
recherche ainsi que des services doit aussi se faire sans cachotteries.
Présentement, il est extrêmement difficile d'obtenir le budget
ventilé d'un département ou d'une faculté, comme si leurs
responsables avaient quelque chose à cacher. L'instauration d'un climat
de confiance débute, nous le pensons, avec le partage des informations
nécessaires à la discussion. C'est ce que nous
réclamons.
En second lieu, le RAEU a la conviction que les institutions qui toutes
réclament l'injection d'argent neuf dans le réseau, devraient,
dans les plus brefs délais et publiquement, indiquer
spécifiquement où et en quelles proportions seraient
affectés ces crédits. La recherche de l'excellence universitaire
de façon concrète définit un cadre de priorités
budgétaires. L'engagement de nouveaux professeurs, d'assistants
d'enseignement, le renouvellement des ressources en bibliothèque, des
équipements de laboratoire sont autant d'exemples de ce qui serait un
choix budgétaire axé sur la recherche de l'excellence.
Nous croyons que les institutions doivent faire état de leurs
priorités
budgétaires et qu'elles doivent s'engager publiquement à
affecter d'éventuels montants d'argent neuf là où cela
aura le plus d'impact en termes d'excellence.
En déterminant des affectations spécifiques aux montants
d'argent neuf, les établissements feraient un pas vers l'instauration
d'un climat de confiance entre les intervenants, dont le gouvernement, au sujet
de leur façon d'exercer l'autonomie universitaire.
De la part du gouvernement, une mesure s'impose et de façon
urgente cependant: augmenter l'enveloppe de fonctionnement du réseau.
Pour 1984-1985, le RAEU reprend essentiellement la position du Conseil des
universités quant au niveau de subventions requis.
Nous croyons que l'injection d'une somme minimale de quelque 21 500 000
$ aidera à pallier les problèmes les plus criants du
réseau universitaire. Ce faisant, le gouvernement fera montre d'une
volonté de donner au réseau universitaire québécois
les ressources pour viser l'excellence.
Bien entendu, pour que cette injection de crédits reçoive
la plus grande approbation possible de la part de l'opinion publique, il
importe que les universités répondent parallèlement aux
propositions ayant trait à la transparence de leur gestion et indiquent
clairement qu'elles entendent dépenser ces fonds en fonction
d'améliorer la qualité de leurs services.
Un certain nombre d'autres mesures doivent être mises de l'avant
qui, à plus long terme, conféreront à l'université
une plus grande légitimité et amélioreront ses
services.
Le niveau des fonds publics injectés dans le réseau
universitaire est relié, comme on le sait, directement ou indirectement
au degré de satisfaction du contribuable qui finance ces institutions.
Cette satisfaction dépend de deux facteurs: le degré de
rattachement des universités à la société et
l'efficience qu'elles démontrent dans la gestion des fonds publics.
Le titre de la présente section commence par "L'université
face à la société". Nous aurions
préféré écrire "L'université dans la
société", mais l'impression que projette l'université,
véritable tour d'ivoire, demeure trop forte pour que l'on puisse
l'oublier si facilement.
M. le Président, les étudiants que nous
représentons veulent une université en osmose avec son milieu.
Nous croyons que l'université peut et doit augmenter la surface de
contact qui la relie à son environnement. L'enseignement et la recherche
vécus en milieu universitaire doivent prendre naissance dans les
défis et les problèmes que connaît notre
société. De cette analyse découle un certain nombre de
réformes à opérer au sein de l'université
québécoise.
Le RAEU met de l'avant, comme première solution, le principe de
la participation des agents socio-économiques à divers
échelons des structures universitaires. Les conseils d'administration,
les conseils de faculté, les assemblées de familles ou de modules
devraient comprendre, outre des professeurs et des étudiants, des gens
provenant des entreprises, des syndicats, des groupes populaires et
communautaires. De telles mesures favoriseront, nous le pensons, les
échanges université-milieu. La qualité de la formation et
de la recherche en sera directement améliorée. Beaucoup
d'employeurs se plaignent, comme on le sait, des graves lacunes de la formation
des finissants de nos universités. Beaucoup d'entreprises mettent sur
pied leur propre centre de recherche. Voilà autant de symptômes du
cloisonnement de l'université. Il est temps que l'opération
portes ouvertes ait vraiment lieu.
Comme deuxième élément de solution, nous croyons
qu'une attention toute particulière doit être portée
à la composition des lieux où se décide l'engagement et la
nomination des membres du corps enseignant, en regard du principe de la
participation d'agents socio-économiques à
l'université.
La démarche de promotion des professeurs n'implique presque
toujours que des professeurs. Nous croyons que cette situation est malsaine.
Bien sûr, la présence de collègues au cours de la
démarche est importante, nous ne le nions pas. Cependant, une
démarche entreprise par le candidat à la promotion et
jugée uniquement par ses pairs, qu'il jugera ultérieurement,
ressemble un peu, vous en conviendrez, à un processus
"d'entrepromotionnage" ou à une invitation à la complaisance
envers son confrère.
Comme troisième élément de solution, vous vous en
douterez, le RAEU tient à réaffirmer l'importance de valoriser
les mécanismes et les solutions trouvés par les étudiants
qui iront dans le sens d'une plus grande ouverture à la
communauté. Nous voulons que le ministère et l'ensemble des
agents concernés se prononcent favorablement sur les centres
étudiants de services communautaires que nous avons créés
et qu'ils soient prêts à y investir des sommes pour qu'ils
puissent assumer leur véritable responsabilité dans les missions
d'ouverture aux collectivités.
En ce sens, il sera possible de recourir aux connaissances acquises par
les étudiants et les étudiantes afin qu'elles servent
concrètement les gens qui n'ont pas habituellement accès à
l'université.
Actuellement, plusieurs étudiants ont la possibilité de
travailler à des projets d'étude dont bénéficient
des groupes et des individus qui, autrement, ne pourraient pas se payer ces
services. Avec l'aide et le soutien des professeurs et des gens
impliqués dans le
milieu, les étudiants deviennent un soutien de premier ordre pour
la réalisation de certains projets nécessaires à notre vie
collective.
Ainsi, des individus et des groupes reçoivent maintenant une
assistance concrète de la part des étudiants. C'est à
l'intérieur même de leurs cours que les étudiants pourront
résoudre certains problèmes réels.
Deuxièmement, voici quelques exemples de projets
déjà existants pouvant aider à mieux comprendre les
objectifs visés par le Centre étudiant de services communautaires
qu'a mis de l'avant le RAEU. Des étudiants en orthopédagogie
travaillent avec des groupes d'alphabétisation dans des centres
d'handicapés physiques afin qu'ils apprennent à lire et à
écrire. Un second exemple, des personnes du troisième âge
peuvent garder des enfants, adresser des enveloppes pour des groupes
communautaires, faire du bénévolat dans les hôpitaux
psychiatriques grâce au groupe d'entraide créé par des
étudiants en travail social de l'Université de Montréal.
Un centre d'aide à la petite et à la moyenne entreprise a aussi
été mis sur pied par des étudiants en administration. Des
étudiants en aménagement construisent maintenant - plans et
exécution - un terrain de jeu pour une garderie.
Nous souhaitons que des projets analogues aux nôtres
émergent le plus rapidement possible dans toutes les universités.
(10 h 45)
M. le Président, nous savons également quelle importance
on acccorde à la question des revenus autonomes des
établissements. À ce sujet, le RAEU croit que les revenus
autonomes des établissements ont ceci d'intéressant: c'est qu'ils
permettent à chacun de titrer le meilleur parti du domaine dans lequel
il excelle. Par exemple, pour une université dont le fleuron est la
recherche en biotechnologie, sa capacité d'obtenir des fonds de
recherche dépendra principalement de ses avantages comparatifs par
rapport aux autres établissements impliqués dans le même
domaine.
De la même façon, pour l'université solidement
enracinée dans sa communauté, sa capacité de
générer un soutien financier de la population - prenant par
exemple, la forme d'un fonds de dotation - serait une mesure assez
grossière, mais néanmoins significative du degré de
satisfaction à l'égard de l'université, tous facteurs
considérés.
C'est ainsi que nous lançons quelques pistes susceptibles
d'accroître le financement externe d'un établissement. Nos deux
suggestions s'inspirent d'un principe commun: l'université tire sa
légitimité du nombre et de la qualité des surfaces de
contact qu'elle entretient avec les différents groupes de la
société.
Source de revenu traditionnelle pour les "vieilles" universités,
les campagnes de financement, de souscription ou autres formes de sollicitation
auprès du public ont été habituellement menées par
l'administration centrale de l'université. Le RAEU suggère
aujourd'hui aux universités de permettre aux unités
inférieures (les facultés, les modules et les
départements) de conduire leur propre campagne de financement.
Nous faisons l'hypothèse que les diplômés,
principale clientèle cible de ces campagnes, seraient ainsi plus enclins
à contribuer au développement de l'unité dans laquelle ils
ont vécu leur vie d'étudiant plutôt que de contribuer
à un fonds consolidé dont les priorités ne leur
conviennent pas nécessairement.
En instaurant un système mixte selon lequel les administrations
poursuivraient leurs campagnes "pan-campus", nous croyons que cela pourrait
donner des résultats intéressants à la condition, bien
entendu, que le diplômé ait apprécié la formation
acquise.
Les entreprises, en particulier, reprochent souvent aux
universités de dispenser des enseignements insuffisamment actuels.
Lorsqu'une entreprise embauche un diplômé pour ensuite lui faire
subir un programme de formation pouvant durer jusqu'à douze mois, elle
encourt nécessairement des coûts considérables.
Devant ce constat, le RAEU propose aux universités
d'étudier de quelle façon des spécialistes dans tel ou tel
domaine, à l'emploi d'une entreprise ou de tout autre organisme
intéressé, pourraient dispenser des enseignements s'inscrivant
dans le cadre du programme d'enseignement. Nous croyons que les entreprises
pourraient se montrer intéressées par une telle formule qui leur
permettrait d'avoir voix au chapitre de la formation de leur future
main-d'oeuvre. Des avantages fiscaux, par exemple, pourraient leur être
accordés, de sorte que la contribution soit mutuelle.
Les établissements universitaires ont géré plus de
1 000 000 000 $ en 1983-1984, en incluant les commandites de recherche. Les
universités doivent donc constamment chercher l'efficacité
maximale de l'utilisation de ces sommes. D'ores et déjà, nous
pouvons identifier des lacunes béantes dans cette gestion: l'absence
d'évaluation de la prestation de l'enseignement et l'attribution de la
permanence d'emploi aux membres du corps professoral.
Dans la majeure partie des campus, la prestation des activités
d'enseignement n'est pas sujette à une évaluation. Or, il saute
aux yeux, non seulement que cette évaluation doit être
effectuée, et ce, principalement par les usagers, mais qu'elle doit
avoir un impact réel sur la qualité de l'enseignement.
Dans tous les campus, la démarche de promotion se fait en
fonction d'un certain nombre de critères tels l'enseignement, la
recherche, le rayonnement sur les structures internes de l'institution
et le rayonnement externe. La charge de travail du professeur est
indéfinie et la pondération entre les différents facteurs
sujets à l'étude lors d'une demande de promotion l'est
également. Il en résulte parfois un déséquilibre
entre les fonctions d'enseignement et de recherche.
Le fait de faire participer des gens du milieu et des étudiants
au processus d'engagement et de promotion réglerait, nous le pensons, en
partie ce problème. Mais, pour redonner à la fonction
d'enseignement la place qui lui revient au coeur des préoccupations
universitaires, le RAEU demande que, dans les institutions où cela n'est
pas déjà fait, l'on procède à l'évaluation
de la prestation de l'enseignement et ce, aux fins de promotion dans la
carrière professorale.
Le RAEU considère par ailleurs que les autres activités de
l'enseignant doivent également faire l'objet de bilans réguliers.
Une évaluation continue de l'ensemble des activités des membres
du corps professoral constitue un outil important pour inciter à
l'excellence.
Pour le RAEU le temps est arrivé de remettre en question
l'attribution de la permanence aux professeurs.
Partout, en Amérique du Nord et même au Québec, si
on prend l'Université McGill, les professeurs bénéficient
de contrats fermes d'une durée moyenne de dix ans.
En tant qu'étudiants, nous avons tous constaté que
certains membres du corps enseignant exécutent mal ce pour quoi ils sont
rétribués. La situation est d'autant plus grave qu'il semble
souvent impossible de résoudre ces problèmes individuels. Quelles
en sont les causes? Absence de facteurs de maturité, de paresse ou perte
d'intérêt? Quoi qu'il en soit, nous considérons
inadmissible que les contribuables paient la note de l'incompétence ou
de la mauvaise volonté.
Il ne s'agit pas ici d'entamer, vous le comprendrez, une chasse aux
sorcières. Nous ne désirons pas mettre en cause la
compétence et l'ardeur de l'immense majorité des professeurs.
Nous discutons de ce qu'il y a lieu de faire dans les autres cas.
L'instauration de mécanismes visant à conserver sa qualité
au corps professoral peut se modeler sur l'exemple nord-américain, en y
apportant quelques correctifs.
Sur cette voie, nous proposons que l'octroi du grade de professeur
agrégé ne confère pas de permanence dans l'emploi, mais
qu'il entraîne plutôt l'attribution d'un contrat ferme d'une
durée de dix ans. Que le contrat soit renouvelé automatiquement
pour les professeurs dont le travail ne comporte pas de lacunes importantes.
Tertio: Que, dans les autres cas, un contrat de dernière chance, d'une
durée de trois ans, soit offert au cours duquel contrat l'institution
tentera, avec le professeur concerné, de remédier à ses
lacunes.
La responsabilité de la gestion du personnel professoral, vous en
conviendrez, M. le Président, incombe à l'institution
universitaire. Quant à celle des institutions elles-mêmes, il est
du ressort du gouvernement d'en établir les mécanismes de
régulation et de contrôle. La productivité de l'institution
universitaire comme de ses unités doit être encouragée.
À l'Université de Montréal, par exemple, le pouvoir
central a mis en place une politique d'évaluation des unités en
fonction du critère activité-ressources aux fins d'attribution
budgétaire. Cela représente ni plus ni moins qu'une analyse de
productivité des départements au terme de laquelle des
crédits supplémentaires sont assignés aux unités
performantes.
L'opération consistera à tenir compte de l'ensemble des
résultats d'une institution: nombre de diplômés de premier,
deuxième et troisième cycle, nombre de travaux de recherche
menés à terme, quantité de subventions et de contrats de
recherche reçus en fonction des ressources financières
dispensées par le gouvernement. Cela, croyons-nous, devrait contribuer
à améliorer la performance des institutions universitaires
québécoises.
Évidemment, une telle politique d'évaluation des
institutions aux fins d'attribution budgétaire ne pourra, nous le
pensons, se faire que dans l'hypothèse où des "ressources
standards" seront établies pour viser l'excellence universitaire, de la
façon décrite plus tôt dans notre mémoire.
Autrement, la politique d'évaluation aurait nécessairement pour
effet d'ouvrir une course effrénée à la production de
diplômes dévalorisés, ce que ne saurait cautionner notre
regroupement.
En conclusion, nous réaffirmons que le financement de
l'accessibilité aux études universitaires est une façon
intelligente de promouvoir l'emploi chez les jeunes et les moins jeunes.
À ce titre, nous demandons au gouvernement de se prononcer sur cette
question afin que la population puisse juger du sérieux des objectifs
mis de l'avant.
En second lieu, le RAEU s'attend que le ministre, s'il réaffirme
l'objectif d'accessibilité aux études universitaires, gèle
les frais de scolarité à leur niveau actuel.
Par ailleurs, nous demandons la création d'un comité
chargé d'établir des normes quant aux ressources
nécessaires pour viser l'excellence. Nous demandons également que
le gouvernement injecte les 21 500 000 $ tel que proposé par le Conseil
des universités.
Que les institutions fassent état de leurs priorités
budgétaires et qu'elles s'engagent publiquement à affecter
d'éventuelles sommes neuves là où cela aura
le plus d'impact en termes d'excellence.
Que, dans les institutions où cela n'est pas déjà
fait, l'on procède à l'évaluation de la prestation de
l'enseignement et ce, aux fins de promotion dans la carrière
professorale.
Que l'on remette en question l'attribution de la permanence aux
professeurs.
Que l'octroi du grade de professeur agrégé ne
confère pas de permanence dans l'emploi, mais qu'il entraîne
plutôt l'attribution d'un contrat ferme d'une durée de dix
ans.
C'est tout. M. le ministre, MM. les députés, merci.
Le Président (M. Charbonneau): N'allons pas trop vite.
Merci, M. Guindon. Il nous reste environ trois quarts d'heure, étant
donné qu'on a commencé à 10 h 15 et qu'on veut donner une
heure et demie à chacun des deux groupes. Écoutez, je vais vous
poser quelques questions préliminaires et, par la suite, je pense que
certains de mes collègues voudraient faire de même.
Je suis un député de la génération
d'étudiants qui réclamaient aussi la gratuité scolaire.
C'était un principe de combat ou de militantisme étudiant il y a
déjà dix ans, quinze ans. Mes collègues qui sont plus
vieux que moi et qui sont ministres aujourd'hui étaient des leaders
étudiants il y a plus longtemps que moi, et ils pourraient dire
qu'à leur époque aussi c'était la même
revendication.
Vous invitiez tantôt différents groupes (le gouvernement,
les enseignants, les administrations universitaires) à l'autocritique.
Est-ce que l'heure n'est pas venue pour le monde étudiant et les anciens
étudiants que nous sommes, qui ont cru à ce combat ou à ce
principe, d'interroger tout au moins l'à-propos de maintenir la question
du gel des frais de scolarité, dans une approche où les
ressources sociales ne sont plus ce qu'elles étaient en termes de
croissance? D'autre part, on se rend compte que, lorsqu'on tient le discours du
gel des frais de scolarité en brandissant ou en utilisant l'argument
qu'on le fait d'abord pour faciliter l'accès à
l'université aux classes les plus défavorisées, ce que
vous indiquez entre autres dans votre mémoire, on se rend compte que
finalement ce ne sont pas nécessairement ces classes qui en
bénéficient. Un gel des frais de scolarité -non pas le gel
mais le dégel, si l'on veut -serait bien sûr accompagné
d'un système d'aide financière, non pas uniquement de prêts
mais de bourses, qui ne pénaliserait pas les gens qui actuellement sont
plus défavorisés ou qui viennent de milieux plus
défavorisés et qui peuvent dire que le gel des frais de
scolarité depuis plusieurs années les amène à avoir
accès à l'université plus facilement. Est-ce qu'il n'y a
pas une façon différente de faciliter l'accès à des
jeunes qui viennent des milieux défavorisés, une façon
autre que le gel des frais de scolarité pour tout le monde, le fils du
député comme le fils du concierge?
M. Guindon: M. le Président, je pense que, en tant que
société québécoise, on a fait le choix en 1960 de
démocratiser le plus possible l'enseignement secondaire et
postsecondaire. À cet égard, on pense qu'il est encore de mise
pour le Québec, s'il se targue comme société d'être
distincte, de réaffirmer des choix sociaux distincts,
c'est-à-dire des choix de ne pas suivre nécessairement les choix
que d'autres ont privilégiés, comme c'est le cas notamment, je
présume que vous y faites allusion, pour l'Ontario.
Le Président (M. Charbonneau): Je ne fais allusion
à personne. Je pense que le problème se pose, c'est tout.
M. Guindon: En ce qui concerne l'accessibilité, on pense
qu'il serait faux de dire que les frais de scolarité, finalement, ne
pallieraient pas, c'est-à-dire n'empêcheraient pas
l'accessibilité. On le sait, le discours est un peu facile actuellement,
c'est-à-dire qu'on va réformer les prêts et bourses et
comme cela le problème va être réglé. Nous, on ne
pense pas que le problème va être réglé. Connaissant
la peur de l'endettement des individus, surtout des classes
défavorisées, qui ne connaissent souvent pas l'existence
même du régime des prêts et bourses, connaissant aussi
l'importance de promouvoir intelligemment l'emploi chez les jeunes - je pense
que les statistiques sont là pour le prouver: plus tu es instruit, plus
tu trouves facilement un emploi et la qualité d'une
société se détermine souvent par le degré
d'éducation qu'elle a reçu... (11 heures)
Dans ce sens, nous pensons qu'il faut continuer ce choix de
société et l'assumer. Cependant - et c'est là qu'on
diffère sur la question - on dit qu'il ne faut pas utiliser la question
des frais de scolarité comme prétexte pour finalement mieux
garnir l'enveloppe budgétaire. Le problème n'est pas là.
On pense que, si on en est rendu à penser à la hausse des frais
de scolarité, c'est encore un remède de cheval, parce qu'on
refuse de se poser les véritables questions à l'heure actuelle
qui sont, selon nous, la crise de légitimité et la crise de
confiance auxquelles fait face cette institution qui s'appelle
l'université. Alors, ne tentons pas de faire de vils débats sur
une espèce de palliatif qui, on le sait, va reporter à quelques
années plus tard le véritable débat de fond qu'on veut
enclencher sur le rôle de l'université dans la
société.
Le Président (M. Charbonneau): Dans ce cas, si je vous
suis, pourquoi donnerions-nous suite à votre recommandation d'injecter
plus de fonds? Si injecter plus de fonds par la méthode du dégel
des frais de scolarité n'est pas la bonne façon, n'importe quelle
façon ne serait peut-être pas plus appropriée dans le
contexte où vous dites que cela n'est pas le problème principal
et que le problème principal est de se demander si l'université,
non seulement est légitime, mais fonctionne bien avec les ressources
qu'elle a. On a l'impression, en vous écoutant et en lisant votre
mémoire, que ce que vous nous dites, c'est qu'il y a des
problèmes qui dépassent les problèmes de ressources. Vous
devriez par ailleurs donner suite aux recommandations du Conseil des
universités et autres de verser plus d'argent, mais le problème
principal n'est pas là. À un moment donné dans le texte,
vous dites: "Le gouvernement croit qu'une augmentation du niveau de financement
des universités n'entraînerait pas nécessairement une
augmentation de la qualité d'enseignement et de la recherche; nous lui
donnons raison..." et vous donnez aussi raison aux institutions qui, elles,
demandent plus d'argent. Autrement dit, vous donnez raison aux deux d'une
certaine façon et en même temps vous les renvoyez dos à dos
en disant que chacun a encore un bout de chemin à faire. Comment peut-on
à la fois demander plus d'argent et refuser même de
considérer que la question se pose de considérer le dégel
des frais de scolarité? Je ne dis pas que je suis en faveur. Je pense
qu'il y a une chose qui est claire, c'est qu'à mon avis la question se
pose légitimement, que ce soit ou non dans nos programmes de parti.
M. Guindon: M. le ministre, je pense que vous avez partiellement
raison...
Une voix: M. le Président.
M. Guindon: M. le Président, pardon, je suis
habitué avec M. Bérubé, c'est pour cela. On pense qu'il
faut éviter de mélanger les choux et les carottes dans ce
débat, parce que cela serait trop facile de les mélanger et de
faire une belle bouillie pour les chats avec cela. À cet égard,
on pense que l'accessibilité est aussi un droit: le droit d'une
société de choisir et de mettre en valeur le potentiel que
constitue la jeunesse actuelle pour le développement d'un plus grand
bien-être collectif. Cela doit être permis par une plus grande
accessibilité. Cela n'est pas en contradiction avec l'injection de
nouveaux fonds, au contraire, parce que, si on dit: II faut accroître
l'accessibilité, il va falloir accroître les fonds. Là
où on voudrait insister, c'est sur la question de confiance qu'on veut
rétablir entre le ministère de l'Éducation, les
universités et, finalement, la société en
général. Pour cela, on demande des choses à
l'université et on demande des choses aussi au ministère. Ce
qu'on demande au ministère, c'est de faire preuve de bonne foi dans ce
dossier et de dire: Si on veut viser l'excellence, il faut peut-être
investir cet argent qu'on réclame parce qu'on risque d'étouffer
la machine. À partir de cela, on dit que cela sera le geste de bonne foi
du gouvernement de dire que c'est encore une priorité. En contrepartie,
on dira: II faut établir des standards d'excellence parce que les sommes
d'argent neuf et spécifique devront être allouées en
fonction de l'augmentation de l'excellence des universités.
Le Président (M. Charbonneau):
D'accord. Je reviens à la question des frais de scolarité
de la façon suivante: Ce que vous véhiculez comme position, je
l'ai rappelé au début, est une position traditionnelle classique
du milieu étudiant depuis au moins 25 ans au Québec.
Malgré cette position que vous reprenez et que vous défendez - et
je présume que l'association qui vous suivra va prendre à son
compte cette même revendication - est-ce que néanmoins vous seriez
disposés dans vos instances à engager la discussion sur cette
question-là? Est-ce qu'il y a possibilité qu'on regarde les
avantages et les inconvénients ou si, en partant, le choix que vous
pensez qui doit être fait de votre part, c'est de rester sur cette
revendication traditionnelle et immédiatement de brandir d'une certaine
façon la force que vous pouvez représenter par le nombre? Je fais
allusion, par exemple, cette semaine, à une annonce dans les journaux
qui, dès le départ, d'une certaine façon, était une
espèce d'avertissement en voulant dire - quand tu as été
militant étudiant, tu sais un peu comment cela marche - après
l'annonce vient le reste. Est-ce qu'il n'y a pas place actuellement pour une
période de questions plutôt que pour immédiatement un
affrontement qui fait en sorte que cela devient immédiatement une
question politique de part et d'autre?
M. Guindon: M. le Président, vous comprendrez que, si vous
avez vu cette annonce dans les journaux hier, c'est que le débat a
été fait chez nous. Et, comme on veut être un mouvement
étudiant toujours plus responsable face à la
société, face aux institutions et que nous estimons que nous
avons des devoirs et des responsabilités, vous comprendrez que nous
avons été décents dans notre énoncé du
maintien du gel des frais de scolarité. Si nous étions
cohérents, c'est-à-dire si nous n'étions pas responsables
pour l'instant, nous aurions peut-être demandé
l'abolition complète des frais de scolarité.
Le Président (M. Charbonneau): Une dernière
question sur cet élément. Vous parlez du gel des frais de
scolarité à leur niveau actuel. Est-ce à dire que, si on
considérait, par exemple, l'année 1984-1985 comme une
année témoin, une indexation des frais à leur niveau
actuel qui ferait en sorte qu'ils ne diminueraient pas, mais qu'ils resteraient
à leur niveau actuel serait quelque chose de considérable?
Comment doit-on l'interpréter quand vous parlez de leur niveau actuel?
Le niveau actuel, si on les gèle d'une année à l'autre, ce
n'est plus le niveau actuel, c'est le niveau qui baisse à chaque
année et on s'en va tranquillement, progressivement, vers une
gratuité.
M. Guindon: Tout dépend à quel point on se situe,
finalement.
Le Président (M. Charbonneau): Pour bien comprendre le
vôtre, c'est-à-dire le niveau actuel dont vous parlez.
M. Guindon: Pour nous, ce n'est pas bien compliqué.
Actuellement, on pense que les frais de scolarité augmentent parce que
la qualité de la formation diminue, ce n'est pas compliqué. Dans
ce sens, je pense que la réponse va de soi.
Le Président (M. Charbonneau): Vous ne trouvez pas que
c'est un peu facile, par exemple?
M. Guindon: Pour reprendre une image du ministre
Bérubé, les coûts de la vie ont monté et les frais
de scolarité ont diminué. C'est ce qu'on veut, qu'ils diminuent
encore plus.
Le Président (M. Charbonneau):
D'accord.
M. le député d'Argenteuil et vice-président de la
commission.
M. Ryan: Je ne veux pas prolonger le débat sur la question
des frais de scolarité. Je m'étonne seulement de constater que le
gouvernement semble se rendre compte maintenant qu'en maintenant le gel depuis
sept ans qu'il est au pouvoir il diminuait à chaque année les
frais réels encourus par l'étudiant qui fréquente
l'université, abstraction faite évidemment de l'argument de la
qualité de l'enseignement dont vous avez parlé. Cette question
fait partie du cadre de nos débats, mais je pense que les
problèmes qui ont été posés depuis quelques
années découlent d'autres décisions gouvernementales, de
toute évidence, les décisions relatives à l'imposition de
compressions brutales, souvent aveugles, sans aucune considération des
conséquences pratiques que cela entraînerait dans la vie des
universités. Cela est la raison première pour laquelle la
commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre a décidé
de se pencher sur le problème des orientations et du financement de nos
universités.
Il y aurait bien des choses dans votre mémoire que j'aimerais
avoir le temps de discuter. Malheureusement, nous ne disposons pas de beaucoup
de temps ce matin. Je voudrais simplement vous mentionner, à titre
d'exemple, deux sujets.
Lorsque vous parlez de la corrélation entre chômage et
formation universitaire, je suis prêt à admettre que, de
manière générale, la personne qui a reçu une
formation supérieure aura plus de chance de se situer sur le
marché de l'emploi que la personne qui n'a reçu qu'une formation
très incomplète. Cela a été étayé par
de très nombreuses enquêtes au cours des années. Je pense
bien que c'est une affirmation qu'on peut accepter.
Je voudrais cependant signaler qu'il faut faire attention. Dans le
contexte nouveau dans lequel nous sommes entrés depuis quelques
années, le phénomène du chômage des universitaires,
des porteurs de diplôme, s'est accru considérablement. Je vous
souligne en particulier l'un des tout derniers numéros de "Relance", une
enquête qui a été faite l'an dernier sur les
diplômés de niveau universitaire et qui nous montre que la
situation est assez dramatique de ce côté-là aussi. Nous
rencontrons souvent, dans la région de Montréal et même
ici, à Québec, des chauffeurs de taxi qui sont bacheliers en
histoire, des licenciés en droit, des diplômés
universitaires. Nous rencontrons souvent, parmi le personnel qui nous sert dans
les hôtels, des gens qui ont reçu une formation très
poussée.
Je me souviens, il y a déjà de nombreuses années,
quand j'avais l'occasion d'aller en Europe plus souvent, qu'on constatait cela
en France, en Angleterre, en Italie, et je ne pensais pas que le
phénomène se produirait ici. Or, nous le constatons dans une
grande mesure. C'est ce qui a obligé les autorités des pays
industrialisés à s'interroger sur les orientations de
l'enseignement et aussi sur la structure des programmes.
Cela étant dit, je pense que vous conviendrez de cela avec moi,
ce matin, les chiffres sont là, mais je n'ai pas l'intention de les
citer ici. On aurait tout un débat à faire là-dessus et il
serait extrêmement profitable, mais le cadre de cette commission, et
surtout de la séance à laquelle nous participons, ne s'y
prête pas beaucoup. J'espère qu'on pourra l'aborder ensemble dans
d'autres circonstances.
Je voudrais revenir à quelques points plus immédiats qui
découlent de votre mémoire. J'aimerais que vous me donniez des
précisions. Vous dites, à la page 6 de votre
mémoire: "La population étudiante, usagère du
service, a largement écopé des coupures budgétaires dans
le réseau universitaire. Tandis que les frais de scolarité ont
été gelés, les services éducatifs, les services de
soutien, etc., ont été réduits de façon drastique,
tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif - je complète au
point de vue français, excusez-moi - influant, comme on le sait, sur la
qualité de la formation acquise à l'université."
Est-ce que vous pourriez donner des précisions là-dessus?
Cela est un des passages les plus importants de tous les mémoires que
nous recevons et j'aimerais beaucoup que vous nous donniez des
précisions plus concrètes et que, au besoin, vous nous adressiez
un supplément d'information sur ce sujet. C'est très important
pour les conclusions que devra tirer la commission.
M. Guindon: Voici deux exemples qui nous sautent le plus aux yeux
en tant qu'étudiants, au point de vue qualitatif, en termes d'impact sur
la qualité de l'enseignement. Il y a, bien sûr, l'augmentation
considérable du ratio maître-élèves qui a
diminué nécessairement la qualité de la formation. Les
étudiants se trouvent moins encadrés, il y a moins d'animateurs
de cours, on peut moins en prendre soin en termes d'énergies que le
professeur peut investir. En termes qualitatifs et aussi quantitatifs, si on
regarde les bibliothèques, dans plusieurs universités, depuis
l'heure des compressions budgétaires, on a cessé ou presque de
régénérer les bibliothèques par de nouvelles
recherches, par les nouvelles publications faites à travers le monde. On
a coupé dans les heures de service des bibliothèques; donc, on a
diminué le nombre de bibliothécaires. Les services de soutien ont
aussi été affectés. Pour nous, ce sont les principaux
éléments qui nous ont affectés directement à cause
de ces coupures.
M. Ryan: Quand on coupe les heures durant lesquelles les
bibliothèques sont disponibles pour les étudiants, le ministre,
au bout du compte, quand il fait ses totaux, conclut qu'il y a eu une
amélioration de la productivité. Est-ce que c'est votre
conclusion?
M. Muller (Paul): M. le Président, membres de la
commission, cela dépend de quelle façon...
M. Ryan: Si vous voulez contredire le ministre, nous vous
protégerons par tous les moyens nécessaires. (11 h 15)
M. Guindon: N'étant pas économiste, M. le
Président, je préfère laisser la parole à mon
collègue qui s'y connaît plus dans le domaine de la
productivité.
M. Ryan: Pardon!
M. Guindon: J'ai dit: N'étant pas économiste, je
préfère laisser la parole à mon collègue qui s'y
connaît plus en termes de productivité.
M. Ryan: Très bien.
M. Muller: Je ne voudrais pas faire de présomption
à cet égard, mais cela dépend de quelle façon on
mesure la productivité. Est-ce qu'on la mesure par les clientèles
qu'on reçoit à l'université, en fonction des effectifs, ou
est-ce qu'on la mesure par la capacité des diplômés de se
trouver un emploi sur le marché du travail, de la capacité
d'adaptation dont ils font preuve lorsque l'emploi qu'ils occupent est
appelé à disparaître et qu'ils doivent s'en trouver un
autre? Tout dépend de la façon qu'on mesure cette
productivité. Je crois que si on veut faire preuve de discernement, de
hauteur de vue, on doit mesurer la productivité du réseau
universitaire par les différentes capacités de ces extrants, de
ces diplômés: premièrement, à la sortie de
l'université, lorsqu'ils entrent sur le marché du travail et,
deuxièmement, après quelques années sur le marché
du travail. C'est là que se mesure véritablement la
qualité ou, je dirais, la productivité du réseau
universitaire.
M. Ryan: Très bien, merci. Vous m'avez donné
quelques exemples. S'il y avait d'autres exemples que vous pourriez colliger et
adresser en complément d'information aux membres de la commission, vous
nous rendriez un grand service. Concernant les bibliothèques, si vous
pouviez nous adresser des précisions, les heures auxquelles ces services
étaient disponibles antérieurement, les heures auxquelles ils
seront disponibles maintenant et d'autres exemples concrets comme ceux-ci, je
pense que c'est ce dont nous avons le plus besoin pour compléter notre
travail de manière utile.
Je voudrais passer - à moins que vous n'ayez des choses à
ajouter là-dessus - à une autre question, étant
donné le peu de temps dont nous disposons. Je remarque dans votre
mémoire que vous vous portez solidaires des recommandations
générales et particulières, je présume, qui ont
été faites par le Conseil des universités concernant
l'injection de fonds additionnels dans le réseau universitaire. Vous ne
précisez pas l'année dans votre mémoire. Vous devez
vouloir parler de l'année 1984-1985, M. l'économiste?
M. Muller: Oui, c'est bien cela.
M. Ryan: Je remarque une chose. Cela
fait trois organismes que nous entendons depuis le début: il y a
eu la Conférence des recteurs, il y a eu la Fédération des
professeurs et ce matin il y a le RAEU, et c'est le troisième qui donne
son accord à l'ensemble des recommandations qui ont été
faites par le Conseil des universités. J'espère que le
député de Fabre va noter cela attentivement pour l'année
1984-1985, n'est-ce pas? Je ne vous demande pas de précision
là-dessus, je note ceci avec plaisir, je le porte à l'attention
du gouvernement et je vous pose une question. Vous dites: Il faudrait former un
comité, le gouvernement a raison, tout le monde a raison en même
temps et c'est un peu plus difficile. Nous, on essaie de faire cela des fois,
le personnel politique, dire que tout le monde a raison, mais il faut toujours
en arriver à une conclusion, même si cela prend parfois un certain
nombre d'années pour s'en rendre compte.
Ne trouvez-vous pas que ce que vous demandez, un nouveau
comité... On a déjà le Conseil des universités qui
fait tout ce travail et vous-même trouvez qu'il a fait des bonnes
recommandations pour l'année 1984-1985 sur le sujet que nous discutons.
Est-ce que le comité oecuménique dont vous proposez la formation
ne serait pas une étape qui entraînerait plutôt une perte de
temps, une dépense additionnelle d'énergie, quand on a
déjà un forum où toutes ces questions peuvent être
abordées dans l'esprit d'indépendance et surtout avec l'appui des
ressources nécessaires? C'est toujours le problème. Quand on
aborde une question comme celle-là, il faut être assuré
d'un appui technique minimal. Le Conseil des universités l'a. Je vous
demande en quoi la création d'un comité comme celui-là
viendrait ajouter à ce le Conseil des universités apporte
déjà et peut continuer d'apporter aussi longtemps que le ministre
va le laisser fonctionner.
M. Guindon: Vous comprendrez, M. le député, que la
participation étudiante est plutôt minime dans le cas du Conseil
des universités et que nous aimerions, en tant qu'usagers, en tant que
principaux intéressés sur cette question, être
particulièrement consultés et être partie prenante
finalement du processus menant à l'établissement de ces
standards. On veut être là pour dire ce qu'on a à dire.
Actuellement, au Conseil des universités, je pense que la voix qu'on a
est tellement minime que cela ne nous permettrait pas de faire valoir
véritablement et qualitativement les commentaires qu'on peut formuler et
qu'on veut formuler sur les standards d'excellence.
M. Ryan: Quand vous parlez de politique d'évaluation,
juste un dernier point... En tout cas, là-dessus, il y aurait
peut-être moyen que votre point de vue soit davantage entendu au Conseil
des universités, que des moyens soient prévus à cette fin,
la représentation de votre secteur dans le conseil ou une participation
à certaines réunions, je ne le sais pas. En tout cas, c'est un
point que vous avez soulevé; on le note avec intérêt.
Une dernière question: vous parlez de politique
d'évaluation des institutions universitaires, êtes-vous au courant
de ce que le Conseil des universités fait dans ce secteur? Qu'est-ce que
vous en pensez?
M. Gauthier (Jacques): Est-ce que vous parlez d'une
évaluation en fonction des activités et des ressources qui sont
injectées dans chaque établissement?
M. Ryan: II y a des travaux spécialisés qui ont
été entrepris par le conseil. Par exemple, il y a une
étude qui est en marche sur la qualité des études de
génie au Québec. On n'a pas encore les résultats de cela
mais verriez-vous, vous autres, que c'est le gouvernement qui ferait cela? Vous
demandez une politique d'évaluation des institutions, qu'est-ce que vous
voulez dire par là exactement? Comment cela se ferait-il?
M. Gauthier (Jacques): II s'agirait de faire une
évaluation de chaque institution. Ce n'est pas des institutions en
général. Cela serait de chaque institution en fonction: des
activités que l'institution dispense, par exemple en termes de
"tutoring" en deuxième ou troisième cycle, en termes de
publication de résultats de recherches menées à terme, de
diplômés de premier cycle et on analyserait cela en fonction des
ressources qui sont injectées dans chacun des établissements aux
fins d'attribution budgétaire. On pense que cela serait une bonne
façon d'améliorer la productivité des institutions.
Cependant, comme on le souligne dans le mémoire, pour nous, il
est important de former le comité dont on a parlé un peu plus
tôt, un comité qui évaluerait des standards-ressources,
à savoir ce qu'est la quantité de ressources en termes, par
exemple, de ratio maître-élèves, en termes de ressources en
bibliothèque, d'en chiffrer les coûts et de les donner comme
standards minimaux.
À partir de ce moment-là, on pense que, dans la mesure
où il y aurait des ressources minimales pour viser l'excellence,
où il y aurait une infrastructure qui permettrait de faire des travaux
de qualité dans les universités, il faudrait analyser la
productivité des établissements universitaires. Cela permettrait
une meilleure gestion, une meilleure utilisation des ressources.
M. Ryan: Ma question est: Est-ce que vous envisagez un juge
extérieur, quelqu'un qui va venir se superposer, porter ces jugements ou
si c'est un travail d'auto-évaluation que vous proposez aux institutions
d'entreprendre elles-mêmes, en collaboration si nécessaire? Ma
question est: Voulez-vous avoir un juge qui va venir se placer au-dessus de
ça et qui va dire: Vous autres, vous êtes un peu meilleurs que les
autres, on va vous donner un peu plus, un peu moins?
M. Gauthier (Jacques): Dans le mémoire, on fait
référence à un document. En fait, l'idée vient
beaucoup d'un document qui a été produit à
l'Université de Montréal, par le vice-recteur exécutif,
qui donne une formule, un peu une formule mathématique, ce qui exclut
donc l'arbitraire d'un individu qui aura en plus à assumer le fardeau
d'être juge des établissements universitaires. C'est donc une
formule qui établit, évidemment, des coefficients dont la
méthodologie devrait être discutée, on le pense, par
l'ensemble des intervenants en milieu universitaire, pour que les gens
agréent cette formule. À ce moment-là, cela serait une
formule mathématique et non quelqu'un qui viendrait juger de la
productivité des universités. Cela n'aurait pas d'allure, je
pense.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député.
M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord remercier le RAEIU d'avoir accepté notre invitation, le
féliciter aussi du bon mémoire qu'il nous a
présenté. Je pense que vous posez les bonnes questions, à
mon avis. Vous n'hésitez pas à poser ce qui me semble être
de très bonnes questions.
Simplement quelques remarques d'abord sur des choses qui me semblent
intéressantes dans ce que vous dites. Je ne vous citerai pas
textuellement, mais ce que j'interprète, en tout cas, comme étant
vos idées. Il n'y a pas nécessairement équation entre la
qualité d'un service et la quantité d'argent qu'on injecte. Cela
me semble être une idée-force qui se dégage de votre
mémoire. Tout dépend comment on dépense cet argent,
où va l'argent que les universités reçoivent. Cela me
semble être une question importante. Vous n'éludez pas non plus la
question du niveau de financement et de la qualité qui est
nécessairement reliée à un certain niveau de financement.
Cela est également une question importante et la commission ne doit pas
non plus l'éluder. Mais vous évitez un discours qui nous charrie
dans un sens plutôt que dans un autre. À cet égard, votre
mémoire m'apparaît bien équilibré.
Jusqu'à maintenant, on a beaucoup insisté - quand je dis
jusqu'à maintenant, je veux dire dans les discours qu'on a entendus
jusqu'à maintenant, pas nécessairement devant cette commission,
mais dans le débat en général qui touche le niveau de
dépenses dans la société et le budget du gouvernement -
sur la quantité, combien on doit dépenser, et pas suffisamment
sur la façon de dépenser.
Dans votre mémoire, vous parlez et là j'aborde de
façon un peu plus... Avant, je voudrais seulement faire une remarque qui
touche certaines paroles que le député d'Argenteuil a
prononcées sur la productivité. Cela touche aussi la question du
"comment" on dépense. Le député d'Argenteuil a
parlé des bibliothèques, et il a relié cela au ministre:
le ministre coupe, donc on diminue les services aux bibliothèques. Eh
bien, je voudrais rappeler, je l'ai dit hier et je le répète
aujourd'hui, cela touche un exemple très précis de "comment" on
dépense l'argent qui provient des subventions gouvernementales, parce
que le ministre n'a pas un contrôle sur tous les budgets et sur la
façon dont les budgets sont dépensés à
l'intérieur des universités. L'exemple très simple que
j'ai donné hier, je le répète: Au Québec, dans nos
universités, on dépense 12% du budget pour l'administration
générale et seulement 5,7% pour les bibliothèques, alors
que la moyenne canadienne est de 9,2% pour l'administration et 6,6% pour les
bibliothèques. Alors, c'est un exemple très simple - vous pouvez
vérifier les statistiques, c'est tiré de Statistique Canada - qui
montre qu'il y a un choix de fait qui se justifie peut-être. Je ne suis
pas en mesure de discuter du choix lui-même, mais il reste qu'il y a un
choix de fait...
M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais demander
à M. le député de Fabre, pour quelle année?
M. Leduc (Fabre): Je pourrais vous donner cela tout à
l'heure, j'ai cela dans mes papiers.
M. Ryan: D'accord.
M. Leduc (Fabre): J'ai tous les documents de Statistique Canada.
Je pourrais vous donner cela. Je vais seulement vous donner l'exemple pour
l'instant.
Mais il reste qu'il y a un choix de fait au niveau des
universités québécoises par rapport aux universités
canadiennes. Cela n'est pas le ministre qui a décidé de ce choix,
c'est le milieu universitaire. Cela touche également à la
productivité.
J'aborde votre mémoire d'un peu plus près. Voici une
question que vous soulevez et que j'ai trouvée intéressante. Le
député d'Argenteuil a touché un peu à cette
question. Il s'agit de la formation d'un
comité chargé d'établir des normes quant aux
ressources nécessaires pour viser l'excellence. Cela me semble
être une... En tout cas, c'est à examiner. La commission pourra
examiner cette idée que vous lui soumettez, mais cela me semble
être une idée intéressante.
Cela me fait penser et je ne peux m'empêcher de faire un lien avec
un comité qui a été mis en place aux États-Unis et
qui a débouché sur un rapport intitulé: "Action for
Excellence". C'est un groupe de travail américain, dans l'État de
la Caroline du Nord, formé de représentants des milieux
gouvernementaux, du monde des affaires, du travail, des milieux de
l'éducation. Ce comité a formulé un certain nombre de
recommandations destinées à améliorer les prestations du
système éducationnel des États-Unis. Dans sa conclusion,
il insistait sur le fait qu'il faut convaincre la population de la
nécessité d'investir des sommes dans notre système
éducationnel, mais que, pour arriver à établir ce
consensus, il faut lui démontrer que l'argent que la
société investit dans le domaine éducationnel, que ce soit
à n'importe quel niveau, cela rapporte et qu'il y a une
productivité importante qui se dégage de ces investissements. (11
h 30)
Dans une période d'austérité, dans une
période de ressources limitées, on ne peut pas éviter ces
questions, et vous les posez. Cela me semble être une idée
intéressante parce que limiter cela au Conseil des universités,
comme vous l'avez dit, c'est limiter le débat. C'est sûr que le
Conseil des universités prépare de très bons avis, mais
ça reste limité au cercle des initiés, alors que la
formule d'un comité ouvert permet à des intervenants de tout le
milieu d'arriver à dégager un consensus sur un certain nombre de
standards qu'il semble important de déterminer parce qu'on a beaucoup de
difficultés à se retrouver dans ce dossier.
Sur le comité en question, juste une question, je voudrais avoir
quelques précisions. Comment le voyez-vous exactement, dans quelle
perspective? Vous le mentionnez, vous formulez la recommandation, mais comment
voyez-vous son mandat? Jusqu'où ce comité devrait-il aller, dans
votre esprit?
M. Gauthier (Jacques): De façon globale, le comité
devrait se pencher sur les ressources nécessaires en termes de soutien.
Par exemple, quel est le soutien au niveau des secrétariats, au niveau
des services d'équipements, du bâtiment? Il devrait
également se pencher sur les ressources nécessaires, en termes
purement universitaires, au niveau de la recherche. Par exemple, quels sont les
ratios maître-élèves disciplinaires qui encourageraient une
formation de qualité, quelle est la quantité de chargés
d'enseignement, des assistants d'enseignement, des assistants de recherche,
quelles sont les ressources, le taux de renouvellement nécessaire dans
les bibliothèques en matériel scientifique, en équipements
de laboratoire?
À partir de ces données, on serait en mesure de chiffrer
l'excellence. Cela paraît peut-être un peu utopique de parler de
cela, mais on aurait des ressources standards qui nous permettraient de savoir
combien va nous coûter une infrastructure qui permettra des
établissements postsecondaires de qualité, qui feront de
l'enseignement et de la recherche de grande qualité. Donc, il s'agit de
déterminer les coûts. Au niveau de la composition, je pense que
notre mémoire est relativement précis. On aimerait y voir
l'ensemble des intervenants dans le monde universitaire, c'est-à-dire la
Conférence des recteurs, la Fédération des professeurs, le
ministre de l'Éducation, le Conseil des universités, l'ANEQ et
nous.
M. Guindon: M. le Président, je m'excuse d'interrrompre.
On pensait qu'on commencerait à l'heure et qu'on pourrait terminer
à l'heure. On a pris d'autres engagements pour 11 h 45 et on doit vous
quitter.
Le Président (M. Charbonneau):
Écoutez, c'est votre choix. Cela frustre beaucoup les membres de
la commission, mais, comme il semble que la télévision soit plus
attrayante que les parlementaires, on va vous laisser aller à vos
engagements.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, je suis prêt
à terminer là pour laisser la chance à l'Opposition de
poser quelques questions, vu que, de notre côté, avec le
président, on a pu poser quelques questions. Peut-être qu'on
pourrait juste terminer comme cela?
Le Président (M. Charbonneau): Cela ne me fait rien, M. le
député de Fabre, mais il semble que...
M. Leduc (Fabre): II n'est pas 11 h 45, M. le
Président.
M. Muller: ...à 11 h 45.
Le Président (M. Charbonneau):
Écoutez...
M. Muller: On pourrait donner une réponse en deux minutes
à une question d'une minute, peut-être.
Le Président (M. Charbonneau): À l'avenir, si
jamais vous êtes convoqués à une commission parlementaire,
j'espère que vous allez vous garder une marge de manoeuvre.
M. Guindon: On nous avait dit qu'elle commencerait à
temps.
Le Président (M. Charbonneau): Le
Parlement a parfois ses fonctionnements. On vous remercie d'avoir bien
voulu participer à cet échange et nous espérons que
l'occasion se représentera d'avoir de nouveaux échanges. Merci et
bonne émission.
A l'ordre, s'il vous plaît! Afin d'éviter de nous faire
dire que nous ne commençons pas trop à l'heure, je demanderais
à tout le monde de prendre place, s'il vous plaît.
ANEQ
La commission accueille présentement les représentants de
l'Association nationale des étudiants et étudiantes du
Québec. Au nom des membres de la commission, je voudrais vous souhaiter
la bienvenue et vous remercier d'avoir accepté notre invitation.
Je pense que vous étiez là au début des propos
préliminaires, tantôt. Donc, je ne les répéterai
pas; je pense qu'ils s'appliquent à vous également. Je ne sais
pas qui est le porte-parole.
M. Paquet (Jean-Pierre): Jean-Pierre Paquet.
Le Président (M. Charbonneau): M.
Paquet ou Paquette?
M. Paquet (Jean-Pierre): Paquet.
Le Président (M. Charbonneau): M.
Paquet, si vous pouviez nous présenter les gens qui vous
accompagnent et peut-être nous indiquer immédiatement si vous
aussi, vous avez une émission de télévision.
Une voix: Je l'espère!
M. Paquet (Jean-Pierre): Les personnes présentes
aujourd'hui sont: Pierre Beauregard, de l'exécutif de l'ANEQ; Jean-Marie
Vézina, délégué de l'ANEQ au groupe de travail sur
les prêts et bourses; Manon-Anne Blanchard, de l'exécutif de
l'ANEQ également, et moi-même, Jean-Pierre Paquet, responsable du
dossier financement des universités à l'ANEQ.
Nous allons procéder, nous aussi, à la lecture
complète du mémoire. Toutefois, nous ne pensons pas que cela va
prendre plus de 20 minutes. On aura donc le temps de discuter.
Le Président (M. Charbonneau): Merci.
M. Paquet (Jean-Pierre): Alors, l'introduction. Cette commission
parlementaire se déroule alors que la notion du droit à
l'éducation subit de dures attaques, alors que l'accessibilité
à l'éducation, bien qu'elle augmente, devient davantage
sélective et limitative, alors que nos conditions d'études ont
atteint une qualité dangereusement faible. Les problèmes que
vivent actuellement les universités sont dus à la volonté
du PQ de mettre l'éducation au service de son projet de
société.
C'est principalement en lien avec l'avenir de la société
québécoise que l'ANEQ a élaboré le présent
mémoire. L'éducation est un élément fondamental du
développement et du progrès d'une société. Nous
estimons que les projets du gouvernement en matière de financement des
universités entraîneront un appauvrissement de la
société.
Pour l'ANEQ, l'éducation est un droit. L'ensemble des
institutions d'enseignement doit être accessible. L'éducation doit
également être au service de la population. Avec son nouveau cadre
de financement des universités, le gouvernement s'éloigne
davantage de ces objectifs. Il nous propose une université dont
l'accessibilité sera davantage sélective, dont les
préoccupations seront davantage limitatives.
Le présent mémoire abordera la question du financement des
universités en regard du droit à l'éducation et de
l'accessibilité à l'enseignement supérieur; de
l'orientation académique des universités; des conditions
d'études et de la qualité de l'éducation.
Droit à l'éducation et accessibilité à
l'enseignement supérieur. La plus récente étude de la
Direction des études économiques et démographiques du MEQ
confirme que le niveau de scolarisation des Québécoises et des
Québécois est faible. Ainsi, le recensement
complété en 1981 indique que 13,5% des personnes
âgées de 5 ans et plus ont fréquenté
l'université. Ce taux de scolarisation est de 24,4% pour les anglophones
et de 11,6% pour les francophones. Il est de 16% chez les hommes et de 11,1%
chez les femmes.
Bien que faibles, ces taux représentent une amélioration
par rapport au recensement de 1971. On peut aussi se réjouir de voir le
taux de scolarisation du Québec se rapprocher de celui du reste du
Canada. Il ne faut toutefois pas oublier que ces données sont brutes. La
réalité est plus dramatique encore lorsqu'on établit des
comparaisons au niveau des temps plein versus les temps partiels, des
certificats versus les baccalauréats, des premiers cycles versus les
deuxième et troisième cycles, du taux de fréquentation
versus le taux de diplomation, etc.
De plus, II ne faut pas oublier que l'origine des clientèles est
loin de reproduire la composition de la société. La classe
ouvrière accède faiblement aux études postsecondaires.
N'oublions pas, non plus, que l'éducation se doit non seulement
d'être
accessible, mais aussi de répondre aux besoins de la population
en termes d'orientation et de qualité.
Alors que le faible taux de scolarisation de la population devrait
justifier un important accroissement de l'effort de financement de
l'État à l'endroit des universités, le gouvernement fait
le contraire. De 1978-1979 à 1984-1985, les subventions par
étudiant ont chuté de 31%. Cette année, les coupures
budgétaires imposées aux universités représentent
10% du total des coupures gouvernementales. Par contre, les universités
ne reçoivent que 3,4% du budget de l'État. Cette part
était de 4,6% en 1978-1979, ce qui représente une diminution de
26%. Alors que la part des dépenses de l'État en pourcentage du
produit intérieur brut a augmenté de 10% entre 1978-1979 et
1984-1985, la part du PIB allouée aux universités a chuté
de 19% pour la même période.
De tout le secteur de l'éducation, les universités ont
été les premières victimes des coupures. Cette
année, elles doivent en supporter la moitié. Il n'est pas dans
notre intention de soulever le débat sur l'équité ou
l'inéquité des coupures entre les secteurs. Il s'agit là
d'un faux débat. L'ANEQ considère que le bien-être de la
population passe par une redéfinition globale et profonde des objectifs
et des priorités du gouvernement, ce qui implique, entre autres, le
développement des services publics et rétablissement d'une
politique de plein emploi. (11 h 45)
Si les universités ont été les premières
victimes des coupures, c'est qu'elles étaient les plus
vulnérables. Au-delà de vagues promesses, le gouvernement s'est
toujours gardé de prendre quelque engagement que ce soit à
l'endroit de l'enseignement supérieur.
Le financement adéquat de l'éducation dépend donc
de la reconnaissance du droit à l'éducation par le
gouvernement.
Pour l'ANEQ, le cadre de financement des universités devrait,
pour être acceptable, permettre l'application concrète de la
notion du droit à l'éducation. Pour cela, les universités
doivent être accessibles. Pour l'ANEQ, l'accessibilité signifie,
bien sûr, le décontingentement des programmes, le financement
complet des nouvelles clientèles, la construction des espaces
nécessaires à leur accueil. L'accessibilité passe aussi
par l'abolition des barrières économiques, c'est-à-dire
par la gratuité scolaire, entre autres.
Le ministre de l'Éducation, par contre, évalue
l'hypothèse d'une augmentation des frais de scolarité, ce qui
mettrait fin à une politique de gel des frais de scolarité. Nous
sommes, évidemment, opposés au dégel des frais de
scolarité. N'oublions pas que les étudiants et les
étudiantes doivent, en raison des coupures budgétaires, supporter
des dépenses de plus en plus lourdes pour étudier. Ainsi, les
notes de cours ne sont plus fournies, des frais d'utilisation du
matériel didactique sont exigés; faute de livres disponibles dans
les bibliothèques, les étudiantes et les étudiants doivent
en acheter, etc.
Malgré toutes les comparaisons que l'on pourra faire avec les
frais de scolarité dans les autres provinces, il demeure que 500 $,
ça représente beaucoup dans le budget moyen d'un étudiant
et d'une étudiante. Il faut aussi considérer que les frais
d'acquisition de matériel scolaire grèvent une part importante du
maigre budget des étudiantes et étudiants.
Le débat sur l'accessibilité doit, bien sûr, prendre
en considération les difficultés financières des
étudiantes et étudiants actuellement inscrits, mais il doit
principalement être abordé en fonction de la majorité des
jeunes qui, elle, n'accède pas à l'université. À ce
chapitre, il est reconnu que les conditions économiques constituent "la"
barrière à l'accès aux études. Le régime
d'aide financière, quant à lui, demeure profondément
inadéquat, tant en raison du montant de l'aide accordée que des
critères d'accessibilité extrêmement sélectifs. Il
est à prévoir qu'un dégel des frais de scolarité
serait au désavantage des plus démunis: les femmes et les couches
populaires. Le ministre Bérubé pourrait-il nous affirmer qu'une
hausse des frais de scolarité favorisera l'accessibilité à
l'université? Si le gouvernement croit pouvoir aller de l'avant avec son
hypothèse, c'est peut-être qu'il évalue que, de toute
façon, il a déjà perdu les prochaines élections.
Chose certaine, le gouvernement devra s'attendre à une vive riposte des
étudiantes et étudiants.
Les étudiantes et les étudiants étrangers, quant
à eux et à elles, subissent depuis 1978 cette politique de
dégel des frais de scolarité. Les effets en sont
désastreux. Le nombre d'étudiants étrangers diminue
rapidement. Au mois de février dernier, l'ANEQ faisait parvenir une
lettre au ministre de l'Éducation d'alors pour protester contre la
décision gouvernementale de hausser les frais différentiels. Nous
écrivions alors: "L'ANEQ considère que le Québec se doit
d'être ouvert sur le monde et de ne pas fermer ses portes aux
étudiantes et étudiants étrangers. Sans cette optique,
l'imposition de frais de scolarité exorbitants aux étudiants
étrangers constitue un pas en arrière dans le processus
d'établissement d'une grande collaboration entre les nations et d'une
véritable solidarité à l'échelle
internationale".
La politique du gouvernement n'en est pas une de solidarité
internationale. D'une part, l'augmentation des frais différentiels sert
à adoucir les effets des coupures budgétaires en assurant aux
universités des revenus supplémentaires. D'autre part, la
politique des accords de réciprocité en
matière d'éducation avec certains pays étrangers
constitue, en fait, un élément à l'intérieur d'une
politique d'échange économique.
Ainsi, dans un document du MEQ portant sur la "révision des
objectifs et des modalités des ententes d'exemption des droits de
scolarité exigés des étudiants étrangers" -document
datant d'octobre 1982 - on peut lire que les ententes d'exemption doivent
"constituer un élément de politique internationale globale du
Québec" et être "fonction de l'intérêt politique que
représente le pays pour le Québec".
Cet intérêt politique prend une connotation
économique lorsqu'on établit, pour chaque pays, un lien entre le
nombre d'exemptions auxquelles ils ont droit et leur PNB per capita. Ainsi, des
30 pays qui, en janvier 1984, avaient des ententes avec le Québec, les
10 premiers (selon le PNB per capita) bénéficient de 66% des
exemptions, alors que les 10 derniers n'en reçoivent que 7%. Il est
aussi à se demander si les pays favorisés ne seraient pas, par
hasard, ceux dans lesquels des entreprises québécoises
réalisent d'importants projets de développement.
Laissons de côté les intentions du gouvernement;
attardons-nous aux conséquences. Moins d'étudiantes et
d'étudiants étrangers bénéficieront du
réseau d'éducation québécois; les étudiantes
et étudiants québécois bénéficieront dans
une moindre mesure de l'apport positif des étudiants étrangers au
Québec
Pour conclure, il nous apparaît que les politiques
gouvernementales à l'endroit des universités, comme dans le
secteur de l'éducation dans son ensemble, nient la notion du droit
à l'éducation et nuisent à l'accès de la population
à l'enseignement supérieur. S'il s'agit là du choix de
société du PQ, il ne s'agit pas du nôtre.
L'orientation académique des universités. Le nouveau cadre
de financement du réseau universitaire, plusieurs le qualifient de
directif. L'ANEQ est du même avis. Toutefois, nous ne nous opposons pas
à ce que le gouvernement définisse les grandes orientations de
l'éducation, mais encore faut-il que le gouvernement fasse les bons
choix, ceux qui correspondent aux besoins de la population. Malheureusement
pour le PQ, ces choix ne sont pas les nôtres.
L'ANEQ a toujours mis de l'avant l'importance d'une formation
générale. L'ANEQ s'oppose au régime pédagogique au
collégial qui s'attaque à l'importance d'une formation
générale et développe la surspécialisation des
études. Nous croyons que le gouvernement, par les nombreuses mesures
incitatives que l'on retrouve dans son cadre de financement du réseau
universitaire, poursuit les mêmes objectifs de contre-réforme de
l'éducation.
L'éducation au service de la population signifie que la formation
reçue permettra à la population d'acquérir une
connaissance la plus large possible de la réalité qui nous
entoure. Il s'agit là d'une condition indispensable pour le
développement d'une population critique et engagée, apte à
intervenir sur son milieu et à prendre en main son avenir. À
l'inverse, il est à se demander si certains et certaines auraient
intérêt à construire le Québec avec des valets et
des servants.
Dans cet esprit, il est important, selon nous, que l'université
soit un lieu d'expérimentation, de recherche fondamentale,
d'enseignement multidisciplinai-re, de confrontation des idées. Or, le
projet gouvernemental actuellement à l'étude propose le
contraire. On nous propose la voie de la spécialisation, le virage
technologique, la surspécialisation, le dérapage.
Le cadre de financement enligne une série de mesures, incitatives
et directives, allant dans le sens du développement des secteurs
d'études reliés au virage technologique. Ainsi, le MEQ propose
d'introduire un financement différencié des clientèles
additionnelles en fonction de leur secteur d'études. Pour 1984-1985, les
clientèles additionnelles inscrites dans les secteurs reliés au
virage technologique sont financées à 100%. Les clientèles
additionnelles des autres secteurs le sont à 75%. Pour l'année
1985-1986, les taux de financement chuteraient à 70% et à 50%
respectivement. Auparavant, le taux de financement était de 70% et
appliqué à l'ensemble des secteurs.
Nous nous inquiétons des conséquences à long terme
qu'auront ces mesures. Il ne s'agit pas exclusivement du développement
des secteurs de pointe; il s'agit surtout du dépérissement des
autres secteurs. Ainsi, les universités seront portées à
contingenter les secteurs dont les clientèles sont moins
financées. De plus, il faut considérer que le MEQ, dans le cadre
de sa politique de rationalisation par l'économie d'échelle,
favorisera la fermeture de certains départements et le regroupement des
disciplines dans certaines universités. La conjonction de ces dynamiques
entraînera un dangereux rétrécissement du champ d'action de
chacune des universités. En fin de compte, les étudiants et
étudiantes seront les plus grands perdants. Soit qu'ils et elles
seront limités dans leurs possibilités d'acquérir des
connaissances diversifiées (un étudiant en informatique
pourra-t-il prendre des cours d'études françaises?) soit qu'ils
et elles seront davantage forcés de s'expatrier, ce qui remet en cause
la nécessité d'un réseau national
d'établissements universitaires. Chose certaine, le cadre de financement
proposé fait s'opposer entre eux
les différents secteurs d'études et favorise le
développement de certains au détriment des autres.
Autre élément du cadre de financement en regard du virage
technologique: la création de 40 équipes de recherche. Le Conseil
des universités, dans un avis au MEQ concernant la mise sur pied de ces
équipes de recherche, fait remarquer que leur travail est prévu
pour être extrêmement spécialisé, au détriment
d'une approche fondamentale. Le Conseil des universités exprime son
inquiétude et écrit qu'il faut "éviter d'utiliser
l'université comme supplément ou sous-traitant de l'entreprise ou
du gouvernement en recherche et développement."
Le ministre Bérubé, dans sa demande d'avis au Conseil des
universités, justifiait de la façon suivante la création
des équipes de recherche: "Le plan d'urgence prend donc l'allure d'une
mobilisation générale de tous les partenaires sociaux dans le but
d'effectuer un virage majeur qui permettra au Québec de sortir
définitivement de la crise et de s'engager de bon pied dans la voie de
la relance économique."
En termes clairs, le ministre lie le développement de
l'enseignement universitaire aux besoins de l'économie. C'est là
un choix, une orientation que l'ANEQ a toujours contestée.
L'éducation, répétons-le, doit être au service de la
population fortement sous-scolarisée; elle ne doit pas être
asservie aux besoins spécifiques des entreprises.
Que les technologies de pointe soient à l'étude dans les
universités, c'est une chose; que les universités soient à
la remorque du virage technologique et des besoins des entreprises, c'est autre
chose. Il y a plus qu'une nuance entre avancement et asservissement; il y a
contradiction.
La plupart des intervenants et intervenantes en milieu universitaire
s'entendent pour dire qu'il est un peu fou de chambarder à ce point
l'enseignement supérieur au profit de disciplines dont
l'évolution est si rapide et incertaine qu'elle oblige un
développement anarchique, risqué et à court terme. Ce
n'est pas qu'il faille douter de la capacité d'adaptation des
universités. Le point est que les champs d'études
spécialisés ne se prêtent pas à la formation
fondamentale des universités.
Il est à se demander s'il est réaliste de vouloir
transformer ainsi l'orientation académique des universités. C'est
à se demander si, dans le fond, l'entreprise de propagande autour de la
nécessité du virage technologique ne serait pas, en partie, un
écran de fumée. Cette opération de transfert des
ressources vers les secteurs productifs ne dissimulerait-elle pas des coupures
budgétaires supplémentaires?
On peut sérieusement se poser cette question lorsque l'on
considère que le gouvernement projette de modifier le financement des
clientèles additionnelles. Si, dans une première étape, le
MEQ hausse de 75% à 100% le financement des clientèles
additionnelles inscrites dans le virage technologique, dans une deuxième
étape le MEQ compte ramener à 70% les disciplines du virage
technologique et abaisser les autres à 50%. L'opération
développement des secteurs prioritaires se soldera donc par une coupure
nette.
Indépendamment des véritables objectifs visés par
le gouvernement, il demeure que ce dernier a dû procéder à
une vaste campagne de propagande pour soutenir ses décisions. Depuis
plusieurs mois, le discours officiel maintient que l'éducation doit
correspondre aux besoins de l'économie, que c'est du gaspillage que de
former de futurs chômeurs et chômeuses instruits et instruites.
Ce discours en vient à catégoriser les différents
secteurs d'études en fonction de critères productivistes. Ce
discours a pour conséquence directe de dévaloriser les
disciplines des arts, des lettres, des sciences humaines, etc., et de les
opposer aux disciplines prioritaires. L'ANEQ considère cette logique
très dangereuse. Elle peut nous mener loin. L'an dernier, une fuite nous
apprenait que le Conseil du trésor, dont M. Bérubé
était alors le ministre, évaluait la possibilité de
n'accorder des bourses qu'aux seuls étudiants et étudiantes
inscrits dans les secteurs jugés prioritaires par le gouvernement.
La question du financement des universités se trouve donc
directement liée à leur orientation académique. L'enjeu se
porte actuellement entre une université dont les préoccupations
seraient larges ou une université davantage spécialisée,
au service de l'économie et des entreprises. L'ANEQ privilégie la
première option.
Conditions d'études et qualité d'éducation: Au
niveau des conditions d'étude, les coupures que le Parti
québécois a effectuées dans le secteur de l'enseignement
universitaire ont eu des conséquences désastreuses. Si, au moins,
en regard de la situation que ces coupures ont provoquée, on
s'apprêtait à réajuster son tir; mais non! le gouvernement
compte, au contraire, aller plus loin dans ce sens. Évidemment, pour M.
Bérubé, la qualité de l'éducation est un concept
abstrait. Ceci, nous l'avons déjà constaté au moment de
l'adoption du régime pédagogique du collégial.
Élevé en gestionnaire - encore s'il en était un bon -
l'éducation ne représente pour lui qu'une colonne de chiffres
avec un total, un point c'est tout. (12 heures)
Pour les étudiants et les étudiantes qui
fréquentent une université sur une base régulière,
la question du ratio prof-étudiants les touche directement. Quand
nous
constatons que ce ratio a grimpé de plus de 30% en moins de dix
ans, quand nous voyons des enseignantes et des enseignants donner des cours
dans les classes exiguës devant 100, 150, voire 200 étudiants et
étudiantes, nous ne pouvons que décrier une telle situation. Non
seulement toute dynamique prof-étudiants se révèle
impossible dans de telles conditions, mais tout encadrement particulier est
impensable.
Dans certains milieux gouvernementaux, nous entendons de plus en plus
parler d'une pédagogie des grands groupes. Toute cette théorie
n'a qu'un seul but, normaliser, voire légitimer la situation actuelle.
Or, quiconque de moindrement honnête et impliqué dans le milieu
dira facilement qu'il est impossible pour un enseignant ou une enseignante de
donner un cours, dans un local surpeuplé, devant 200 personnes de
qualité équivalente que s'il n'y en avait que 30.
Parallèlement, du côté étudiant, nous constatons que
la capacité de concentration diminue proportionnellement avec le nombre
d'étudiants et d'étudiantes en classe.
De même, le manque d'espace n'est-il pas une barrière
physique à l'accessibilité à l'éducation? Dans la
plupart des universités du Québec, il y a une grande
pénurie d'espace. Cela provoque, outre les classes surpeuplées,
des contingentements, des coupures au niveau des services - quand on pense
même à des cafétérias qui sont trop petites - et
menace même l'intégrité physique des étudiants et
des étudiantes, par exemple au niveau de la sécurité des
laboratoires. Le ministre de l'Éducation gagnerait à sortir de
ses bureaux et à visiter certaines universités pour constater le
problème.
Au niveau des services, si, dans certaines universités, c'est
déjà une ineptie, dans d'autres, c'est en voie de l'être.
Qu'y a-t-il de plus important pour un étudiant ou une étudiante,
outre ses cours, que les bibliothèques et/ou les laboratoires et les
studios? Or, non seulement les heures d'ouverture de ces services sont-elles
constamment réduites, mais le matériel n'est pas mis à
jour. C'est rendu une farce entre étudiants et étudiantes:
"Incroyable, j'ai trouvé le livre que je cherchais à la
bibliothèque". La pénurie de matériel audiovisuel, de
terminaux en informatique, et nous pourrions continuer cette liste, met
sérieusement en péril la qualité de la formation des
étudiants et des étudiantes.
Une autre question fondamentale est celle des chargés de cours.
Notons immédiatement, pour mesurer l'enjeu du problème, que, dans
certaines universités, c'est plus de 55% des cours qui sont
donnés par des chargés de cours et que, dans certains secteurs,
cela dépasse les 65%. Loin de nous l'intention de prétendre qu'un
ou une chargée de cours est moins compétent ou compétente
qu'un professeur régulier, mais, quand on regarde de plus près
les conditions d'embauche, les conditions de travail des chargés de
cours, la situation provoquée, outre l'exploitation dans laquelle on
maintient ces gens, est révoltante. Les chargés de cours sont des
personnes qui signent un contrat pour chaque groupe-cours dont elles acceptent
la responsabilité pendant une session académique. Ces personnes
ont pour tâche exclusive l'enseignement que les professeurs ne peuvent
dispenser, soit parce qu'ils ne sont pas assez nombreux pour le faire, soit
parce qu'ils ne sont pas compétents pour le faire. Cette tâche
comprend la préparation du cours, la prestation du cours, la
disponibilité ou l'encadrement relié à cette
préparation et à cette prestation, l'évaluation des
étudiants et des étudiantes et la correction de leurs travaux et
examens.
Il n'est pas rare, pour ne pas dire fréquent, que l'on engage les
chargés de cours une semaine avant le début de la session. Si le
ou la chargée de cours a déjà auparavant donné ce
cours, cela peut aller, encore qu'il ou elle a peu de temps pour remettre
à jour son cours. Mais si le cours qu'on lui offre est un cours qu'il ou
elle n'a jamais donné, alors là, il ou elle n'a qu'une semaine
pour le préparer. À l'impossible nul n'est tenu.
Si nous assistons de plus en plus à une augmentation des cours
donnés par des chargés de cours, c'est parce que les
universités doivent répondre à des impératifs
d'ordre financier. Pour une même tâche d'enseignement - un
groupe-cours - le salaire moyen d'un professeur régulier est de 4500 $.
Cette rémunération versée pour un cours correspond
à un huitième de la tâche globale. Pour les
universités, en raison des contraintes budgétaires que leur
impose le gouvernement, il est plus avantageux d'engager des chargés de
cours, puisque, en plus d'économiser des montants importants au niveau
des avantages sociaux, des perfectionnements, des budgets de recherche dont ne
bénéficient pas les chargés de cours, ils réduisent
de 2300 $ le coût de chaque cours dispensé par un professeur
régulier.
Alors que, comme nous le disions plus haut, plus de 50% des cours sont
donnés par des chargés de cours, nous constatons que ces derniers
sont exclus de toutes les instances où sont développés,
définis et discutés les programmes, les orientations
pédagogiques, etc.
Au niveau de la recherche, la question des chargés de cours
revient sur le tapis. Alors que le gouvernement veut, soi-disant,
développer la recherche en milieu universitaire, les chargés de
cours ne bénéficient d'aucune aide concernant la recherche. Alors
que les professeurs sont justement rémunérés pour faire de
la
recherche, qu'ils bénéficient d'auxiliaires de recherche,
de congés de perfectionnement et que cette recherche compte, justement,
pour une bonne part de leur tâche, les chargés de cours, eux, ne
sont rémunérés d'aucune façon pour faire de la
recherche et ne bénéficient d'aucune aide allant dans ce
sens.
Pis encore, de plus en plus, les professeurs faisant
précisément de la recherche ne donnent des cours qu'au niveau des
études avancées, soit au niveau de la maîtrise et du
doctorat, laissant aux chargés de cours les cours au niveau du
baccalauréat. Finalement, ce n'est qu'une infime partie des
étudiantes et des étudiants qui bénéficient des
travaux de recherche qu'effectuent les professeurs. Cette situation au niveau
de la recherche est alarmante. De plus en plus, enseignement et recherche sont
dissociés. C'est toute la notion de progrès, d'avancement, de
dynamisme, d'idées nouvelles qui est remise en question.
L'université, qui se voulait jadis un laboratoire d'idées, est en
train de devenir, au contraire, monolithique. De plus, quand on regarde les
budgets alloués à la recherche dans les secteurs liés au
virage technologique comparativement aux autres secteurs, c'est effrayant.
Pourtant, la théologie, l'histoire, l'économie,
l'éducation, les arts plastiques sont des disciplines qui
évoluent, qui ont leur utilité dans notre société,
n'en déplaise à l'actuel ministre de l'Éducation.
Selon nous, à l'ANEQ, il est impérieux de donner à
la question de la recherche universitaire un sérieux coup de barre avant
qu'il ne soit trop tard. Une société, selon nous, ne peut pas
progresser en limitant son intérêt à quelques
matières très limitées. Le progrès ne se fait pas
par petits pas ici et là, mais bien par une planification
adéquate dans tous les secteurs. Le lien entre la recherche et
l'enseignement doit être présent dès les études au
premier cycle. Une continuité entre la recherche et l'enseignement
permet aux étudiants et aux enseignants de mieux approfondir la
matière.
Dans le même ordre d'idées, nous déplorons que le
pouvoir en place ait une vision si restreinte de l'éducation. Pour nous,
étudier au niveau universitaire ne se résume pas uniquement
à assister à des cours. Cela veut dire aussi avoir l'occasion de
bénéficier des recherches qu'effectuent les professeurs, avoir
droit à un certain encadrement, avoir accès à des
bibliothèques. C'est cela qui est en péril.
Nous avons présenté dans ce chapitre les problèmes
créés par les coupures au niveau du financement des
universités. Nous tenons, en terminant, à rappeler au ministre
que toute coupure supplémentaire au niveau du financement des
universités amènera inéluctablement une dégradation
des conditions d'études pour les étudiantes et les
étudiants du Québec, conditions d'études qui, nous l'avons
dit, sont déjà très précaires.
En guise de conclusion, la question du financement des
universités représente donc un véritable enjeu social
à plusieurs volets: l'accessibilité aux universités, leur
orientation académique et la qualité de l'éducation.
L'ANEQ considère que le développement de l'éducation
universitaire passe par la reconnaissance du droit à l'éducation
et que ce dernier a pour corollaire l'établissement de politiques
favorisant la démocratisation de l'éducation.
Nous évaluons que les politiques gouvernementales vont à
l'encontre du développement de l'accessibilité à
l'éducation universitaire. Nous rappelons au gouvernement que l'ANEQ
s'oppose à toute hausse des frais de scolarité. Nous
évaluons que la gratuité scolaire est une condition
nécessaire à la démocratisation de l'éducation.
Concernant l'orientation académique des universités,
l'ANEQ considère qu'il faut élargir le champ d'activité
des universités, diversifier les programmes offerts. Nous croyons que
l'enseignement et la recherche doivent être fondamentaux et favoriser une
formation générale. L'ANEQ s'oppose donc à la
volonté gouvernementale de surspécialiser l'enseignement et la
recherche, de les orienter en fonction des besoins spécifiques de
l'économie et des entreprises. La société a besoin, pour
progresser, de diplômés en arts, en lettres, en éducation,
en sciences humaines, etc. L'éducation doit correspondre aux besoins de
la population et des plus démunis. Il est dangereux de vouloir orienter
l'éducation universitaire en fonction des besoins à court terme
de main-d'oeuvre. Les universités n'ont pas à être à
la remorque ou à être subordonnées aux
nécessités du virage technologique. La technologie doit
plutôt être au service de l'éducation pour l'ensemble des
disciplines.
L'éducation doit être de qualité. Or, les coupures
budgétaires imposées par le gouvernement amènent une
déqualification des diplômes. Au niveau collégial, le
règlement pédagogique du collégial a les mêmes
conséquences. Des coupures, des décrets et des
contre-réformes, il résulte une déqualification de la
main-d'oeuvre. Tout cela, évidemment, au désavantage de la
population et au profit des entreprises.
Il est facile de constater, à la lumière de ce
mémoire, que les positions de l'ANEQ et du gouvernement sont
éloignées, voire opposées. Alors que le gouvernement
charcute l'éducation universitaire et planifie l'appauvrissement de la
société québécoise, l'ANEQ mise sur le
progrès de cette société par le développement d'une
éducation permettant à la population d'acquérir une
formation universelle la rendant apte à intervenir sur son milieu et
à prendre en main son avenir.
Le Président (M. Charbonneau): Merci beaucoup. Je voudrais
aborder l'une des questions centrales que vous avez soulevées lors de
votre présentation, c'est-à-dire l'orientation que
l'université doit avoir à l'égard des défis de
notre société. Vous avez opposé, d'une certaine
façon, une université large, ouverte à toutes les
disciplines, financée à part égale dans tous ces domaines
et même des universités complètes, chacune d'elles, dans
l'ensemble des disciplines à une université
exagérément orientée vers les défis
économiques ou les besoins des entreprises. Dans une
société comme la nôtre, qui n'est pas une
société de 200 000 000, mais une petite société en
termes de population, qui n'est pas une société ultra-riche, qui
n'est pas une société pauvre, mais qui n'est pas une
société où on peut jeter l'argent par les fenêtres,
ne trouvez-vous pas normal que le gouvernement et même d'autres dans la
société pensent qu'il faille arriver à des
rationalisations qui nous amèneraient peut-être à avoir des
universités qui, chacune d'entre elles, n'offrent pas l'ensemble de la
gamme des produits universitaires, si on peut utiliser cette expression, et, en
même temps, des universités qui soient connectées plus que
jamais, compte tenu des défis que notre société doit
affronter en termes économiques, de chômage, de concurrence, sur
les besoins des entreprises?
Finalement, d'une part, n'est-ce pas normal qu'on ait ces
réflexes sans penser qu'on fait cela d'une façon
machiavélique, dans des intentions qui vont à rencontre des
intérêts de la collectivité? N'y-a-t-il pas moyen,
finalement, de trouver une façon de faire les choses qui, compte tenu de
nos ressources, puisse nous permettre, effectivement, de ne pas dévaluer
des enseignements au profit d'autres, mais en même temps de mettre des
accents particuliers, à des moments particuliers, compte tenu de
conjonctures particulières?
M. Vézina (Jean-Marie): Il faut qu'on nous comprenne bien.
Lorsqu'on plaide pour la fonction universaliste de l'université, ce
n'est pas tellement qu'on veut que, dorénavant, toutes les
universités au Québec possèdent par exemple, leur
faculté de médecine. On ne veut pas nécessairement
qu'à l'UQAM il y ait une faculté de médecine. On dit que,
dorénavant, on pourrait, en utilisant un certain nombre de
paramètres sous-tendus par une logique de resserrement des
possibilités, de la marge de manoeuvre du gouvernement au niveau
économique, porter atteinte, entre autres, à la liberté
académique tant des enseignants que des étudiants en faisant
disparaître éventuellement à terme des départements
pour dire: Voyez, travail social à l'UQAM; il y a travail social
à l'Université Laval; je ne vois pas pourquoi il y aurait travail
social à l'Université de Montréal aussi. On pourrait
s'entendre pour qu'il y ait des départements, comme cela, qui
disparaissent. Il ne s'agit pas tellement de tout avoir dans toutes les
universités, mais de conserver ce que la société
québécoise s'est donné au fil des ans. On pense que ce
qu'on a, c'est le minimum, ce n'est pas exagéré. (12 h 15)
Nous ne sommes pas opposés, non plus, par exemple, à ce
que, dans la région de Montréal, on mette en commun les
équipements sportifs. Je vous donne cet exemple parce qu'on sait que
c'est un problème qui est assez criant, entre autres la question des
blocs sportifs pour l'Université Concordia et pour l'Université
du Québec à Montréal. On ne serait pas contre le fait que,
dans la région de Montréal, il y ait un "pool" à ce
niveau. Ce qu'on remet en question, c'est une autre volonté d'asservir
éventuellement l'orientation, l'enseignement, même les points
où sont dispensés certains types d'enseignement. On sait que, que
ce soit à l'Université du Québec à Montréal
ou à l'Université Laval, certains départements, qui
donnent pourtant les mêmes cours, qui ont les mêmes syllabus, ont
des orientations différentes. Derrière cette prise de position se
cache aussi, pour nous, la défense de la liberté
académique.
Le Président (M. Charbonneau):
D'accord. Je pense que vous avez raison de dire qu'il faut que cette
liberté académique soit réelle. Mais dans quelle mesure,
quand on entend un discours qui oppose les intérêts des
entreprises ou les intérêts économiques aux
intérêts des universitaires ou de l'université, non
seulement on ne va pas à contre-courant, mais on ne développe pas
des attitudes contre-productives? Je me demande, finalement, si ce n'est pas
normal que le gouvernement, que des entreprises, que des groupes dans la
société demandent que l'université tienne plus que jamais
compte d'un certain nombre de besoins.
Quand vous parliez, par exemple, du virage technologique, est-ce que
c'est vraiment juste un virage au profit des entreprises ou si ce n'est pas un
virage au profit de l'ensemble de la société? Est-ce qu'on peut
se permettre, comme société, de rater ce virage? Est-ce que
ça veut dire que, parce que le gouvernement choisit - on peut
s'interroger sur sa façon de le faire -en mettant l'accent, par des
crédits spéciaux affectés à cela, de donner un coup
de pouce particulier, il dessert les intérêts de cette
société? J'ai l'impression que c'est tout noir et blanc. Vous ne
trouvez pas, finalement, que les choses ne sont pas si simples que cela au
niveau des défis qu'on a à relever comme
société?
M. Paquet (Jean-Pierre): Pour être plus précis sur
la question du virage technologique, je pense que ce qui doit être bien
compris, c'est que, d'aucune façon, nous ne nous opposons au virage
technologique. Ce qu'on écrit clairement dans le mémoire, c'est
qu'au niveau scolaire, lorsqu'on parle du virage technologique, au niveau des
institutions universitaires, entre autres, le développement des secteurs
reliés au virage technologique ne doit pas se faire au détriment
des autres secteurs. Nous remettons en question le choix que le gouvernement a
fait en disant que, selon une vision à court terme, on doit
développer rapidement les secteurs du virage technologique en fonction
d'un besoin prévu de main-d'oeuvre. Cela nous paraît très
dangereux de faire des projets de cet ordre à court terme en laissant de
côté les besoins actuels et futurs de la société au
niveau de l'ensemble des autres disciplines qui ne sont pas
nécessairement rattachées aux secteurs du virage
technologique.
Je pense qu'on n'a pas, non plus, opposé les
intérêts de la société en général et
la question du virage technologique. Nous ne les avons opposés d'aucune
façon. Ce que nous avons dit, c'est que, finalement, on perçoit
un déséquilibre, à l'heure actuelle, au niveau de
l'éducation concernant les priorités et la façon
d'inscrire, à l'intérieur des universités, la question du
virage technologique. Il ne suffit pas de former des spécialistes qui
vont travailler sur des ordinateurs bien précis ou des
spécialistes en biotechnologie; il faut aussi faire en sorte que le
virage technologique soit au service de l'ensemble des autres disciplines, ce
qui veut dire, par exemple, qu'au niveau des sciences humaines une étude
soit permise sur les conséquences qu'aura le virage technologique sur
les conditions de travail, sur des thèmes comme ceux-là.
À l'heure actuelle, on ne peut pas percevoir que le gouvernement
a une volonté de cet ordre. On perçoit difficilement si le
gouvernement a une volonté de faire en sorte que la question du virage
technologique soit, finalement, inscrite à l'ordre du jour de l'ensemble
des disciplines et qu'elle se mette au service de ces disciplines. Finalement,
comme on le dit dans le mémoire, la nuance est très importante
entre mettre l'université à la remorque du virage technologique
ou faire en sorte que l'université soit au devant de ce virage, ait un
regard critique à son endroit et essaie, finalement, d'intervenir pour
que le virage se fasse en fonction de l'intérêt de l'ensemble de
la population.
Le Président (M. Charbonneau): Je pense que vous avez
parlé d'une façon intéressante des conditions
d'enseignement. À un moment donné, vous disiez qu'on donnait dans
certains endroits des cours à 100 ou même à 200
étudiants à la fois. Est-ce que vous pourriez nous donner des
précisions sur cette situation, les endroits où cela se pratique,
sur la fréquence, sur le nombre d'étudiants qui seraient
affectés par cette réalité?
M. Paquet (Jean-Pierre): Dans plusieurs universités - on
peut nommer l'Université Laval, l'Université du Québec
à Montréal, l'Université de Montréal - des cours se
donnent dans de gigantesques auditoriums, des amphithéâtres qui
contiennent 100, 150, 200 personnes.
Le problème, c'est surtout d'avoir accès aux
données là-dessus. Je pense que vous devriez en prendre note
aussi, ce n'est pas très facile de savoir, au niveau du secteur de
l'éducation dans son ensemble, quelle est la réalité et
quels sont les objectifs véritables du gouvernement. C'était une
parenthèse.
Nous n'avons pas, comme vous le demandez, fait une évaluation
exhaustive du nombre d'étudiants et d'étudiantes qui sont
visés par cela, du nombre de cours que cela représente. Il y
aurait un cours de ce genre et ce serait inacceptable. Ce n'est pas
nécessaire que tout le monde ou qu'une majorité soit visée
par cela. Ce qu'on constate au départ, c'est que - et on le constate
d'après le vécu des étudiants et des étudiantes,
dans ces cours - ce n'est pas une forme pédagogique qui facilite
l'apprentissage et que cela débouche sur une mauvaise qualité
d'éducation.
Donc, on considère qu'en plus cette forme de pédagogie, de
grands groupes dans les grandes classes, représente une économie
d'échelle pour les administrations universitaires parce que cela
implique l'engagement de moins de professeurs, etc. Au niveau de la
qualité de l'éducation, ce n'est pas là - d'après
l'évaluation qu'on a pu en faire, d'après les contacts quotidiens
qu'on a avec des étudiants et des étudiantes qui subissent ces
cours - une solution et une façon d'enseigner qui assure une
qualité de cours.
Le Président (M. Charbonneau): Je ne vous blâme pas
de ne pas avoir des données ultra-précises. La raison pour
laquelle je posais la question, c'est que vous conviendrez que, dans la mesure
où on essaie de nous sensibiliser à des situations qui seraient
inacceptables, c'est important pour nous de savoir si ces situations sont
exceptionnelles ou si ce sont des situations qui sont largement
répandues et qui risquent de l'être davantage. Autrement dit, on
sera amené à porter des jugements et c'est évident qu'on
pense que, parmi les gens qui pourraient nous donner des indications, vous
êtes de ceux-là. C'est pour cela que je posais la question pas
pour vous embêter et vous demander un
catalogue complet de relevés.
M. Vézina: Quand on dit dans le mémoire qu'on
aimerait cela que le ministre Bérubé aille se promener un peu
dans les universités, on fait, entre autres, mention de ce
problème qui vous est peut-être inconnu. Cela fait probablement un
bout de temps que vous avez terminé vos baccalauréats, mais en ce
moment - et je pense que les gens du RAEU pourraient également le
confirmer - il y a généralisation de ces grands groupes un peu
partout. Si la commission était intéressée à
creuser ce problème, l'ANEQ serait absolument d'accord pour vous
organiser une visite guidée de quelques universités où
vous pourriez vous promener et aller voir les cours en question. Que ce soit en
optométrie, pour ce qui est des cours de première année
à l'Université de Montréal, ou en sciences de gestion
à l'UQAM, en sciences aussi en général un peu partout,
pour les cours obligatoires, vous verriez que cela commence à être
pas mal de la formation en série.
Le Président (M. Charbonneau): Une dernière
question; vous vous imaginez bien que, si je l'ai posé au RAEU, je vais
vous la poser à vous aussi. C'est sur les frais de scolarité.
Vous avez un peu dans ce dossier le même discours que le RAEU, le
discours classique ou traditionnel des leaders étudiants au
Québec et c'est continuellement un discours qui est appuyé sur la
volonté d'aider les plus faibles ou les plus défavorisés
dans notre société. Est-ce que vous ne considérez pas que,
finalement, on n'arrive pas nécessairement à aider les plus
défavorisés par cette méthode et qu'on crée, d'une
certaine façon, une certaine injustice ou une certaine
inéquité en traitant sur le même pied des gens qui viennent
des milieux défavorisés et des gens qui viennent des milieux
favorisés? Remarquez qu'on peut poser le problème tant dans le
domaine des frais de scolarité que dans d'autres domaines où on
parle d'universalité de certains programmes. Est-ce que, sans
nécessairement s'accuser mutuellement de tous les péchés
d'Israël ou de toutes les intentions les plus épouvantables, mais
à cause d'un contexte de manque de ressources dans notre
société, on n'est pas rendu à se demander si c'est la
meilleure approche sociale de traiter sur le même pied les enfants de
ceux qui ont les moyens d'envoyer leurs enfants à l'université et
ceux qui ont moins les moyens? Je prends juste mon propre cas, je l'ai
cité tantôt. Quand j'étais étudiant à
l'université, il y a quelques années, mon père, qui est un
travailleur, n'avait peut-être pas les moyens que moi, j'ai comme
député ou comme ancien journaliste ou quelqu'un qui pourrait y
retourner éventuellement, de donner les mêmes facilités
à mon fils. Est-ce que poser cette question, ce n'est pas aussi se
demander s'il ne serait pas temps de faire un virage vers une approche sociale
ou, en tout cas, de se demander si le virage ne serait pas opportun?
M. Vézina: C'est cela. On considérerait que ce ne
serait pas à ce moment un virage, mais un recul. Les questions que vous
posez sont intéressantes. Maintenant, si j'avais avec moi le programme
du Parti québécois, on pourrait voir que ce n'est pas tout
à fait cela que vous disiez aux jeunes lors des dernières
élections. Si vous êtes pour changer de discours, il faudra
peut-être le dire clairement pour les prochaines.
Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien,
finalement, il n'y a pas moyen même d'aborder la question. L'ayant mis
comme un évangile à un moment donné, l'évangile
reste là pour l'éternité.
M. Vézina: C'est-à-dire que vous aviez le
même évangile que nous jusqu'à il n'y a pas longtemps.
Le Président (M. Charbonneau): Oui, je sais, j'ai
été même un des penseurs de cet évangile quand
j'étais étudiant.
M. Vézina: Si vous n'êtes plus croyant, c'est un
problème effectivement. Maintenant, je voudrais rectifier quelque chose:
on n'a pas le même discours que le RAEU sur la question. Nous, on est
cohérents et on est responsables par rapport à la jeunesse du
Québec, par rapport à nos membres aussi qui veulent avoir
accès à l'éducation. Alors, les priorités qu'on
intègre, ce sont les priorités qui viennent de nos instances. Si
on a toujours été contre les frais de scolarité, c'est
parce qu'on considérait que c'était une entrave; 50 $ par cours,
c'était quand même pour un baccalauréat, un certain
montant, alors c'était une entrave. On considère que s'opposer
aux frais de scolarité, pas être, évidemment, contre
l'augmentation, mais être aussi contre le fait qu'il y en ait des frais
de scolarité, c'était, depuis un bon bout de temps, pour notre
association la meilleure façon éventuellement de contrer une
augmentation des frais de scolarité ou, à d'autres niveaux,
l'imposition d'autres barrières économiques.
Quand on parle des jeunes qui viennent de milieux
défavorisés, qui n'ont pas accès à
l'université et qu'on dit que ceux qui viennent à
l'université, ce sont ceux qui viennent de classes économiques
moyennes et supérieures je pense - c'est cela, les termes
consacrés dans des études fort savantes qui ont été
faites et qui sont probablement exactes - dans le fond, ce qu'on nie, c'est
qu'un individu, à un moment donné, devienne autonome, devienne
indépendant de sa
famille, de son milieu social. Et à ce niveau, nous, ce qu'on
défend sur un autre dossier, la réforme des prêts et
bourses, qui est, quand même, rattaché au débat actuel,
c'est que, lorsque tu es parti de chez vous, tu es indépendant. On
s'aperçoit que les politiques gouvernementales, que ce soit dans
l'éducation ou pour la jeunesse, nient de plus en plus aux jeunes,
qu'ils soient étudiants ou non, l'autonomie, le fait qu'à 18 ans
tu veuilles prendre ta place dans la société, que tu veuilles
commencer à bâtir le Québec et avoir une vraie "job" ou
éventuellement étudier, mais sans être raccroché
à ton milieu familial. (12 h 30)
De plus en plus, ce qui se passe, c'est qu'on veut nous ramener chez
nous, nous ramener dans la famille; on veut faire peser de tout son poids sur
nous notre origine sociale. Aux gens des milieux défavorisés, on
dit: Allez donc au collégial, il y a des petits diplômes, il y a
des petits certificats d'études que notre règlement des
études collégiales a faits. On va vous apprendre à monter
des rotors d'appareils pour Bell Helicopter. Quand cela sera fini, vous
reviendrez en faire un autre petit diplôme. À ceux qui viennent de
milieux moyens, on dit: Pauvre vous autres, vous allez y goûter parce
qu'il y en a qui sont plus malheureux que vous! Finalement, on oppose les
jeunes aux étudiants, les assistés sociaux à ceux qui ont
une "job"; on oppose les fonctionnaires des secteurs public et parapublic au
privé; on en est même rendu à opposer les étudiants
qui peuvent avoir accès à l'université à ceux qui
vont piétiner en secondaire V ou qui vont se rendre seulement au
collégial. En tout cas, on n'accepte pas cette logique-là.
Le Président (M. Charbonneau): Je vais terminer sur un
commentaire. La logique que je trouve inacceptable dans le contexte actuel,
c'est de faire croire que, sur le principe de l'autonomie individuelle des
jeunes adultes - je n'ai rien contre cela a priori - on soit amené comme
société à faire en sorte que des gens n'assument pas leur
responsabilité. Je ne pense pas que, parce que, à un moment
donné, on a mis des enfants au monde et qu'ils ont atteint l'âge
de 18 ans, on n'a plus de responsabilités. La réalité:
est-ce qu'on peut se payer comme société, à un moment
donné, l'autonomie que vous réclamez? Il y a des études
qui ont été faites qui chiffraient à pas loin de 300 000
000 $ le simple fait qu'à un moment donné, au niveau des
prêts et bourses, tout le monde puisse être traité sur le
même pied au niveau de l'autonomie. Je partage ce discours d'autonomie,
mais je pense qu'en même temps il a ses limites. Ne pas mentionner ces
limites, à mon avis, ce n'est pas responsable. Je ne pense pas que, pour
faire plaisir ou pour avoir une plus grande popularité auprès
d'un milieu, je doive tenir ce discours.
M. Vézina: Ce que je voudrais ajouter à ce sujet,
c'est qu'on se doute bien que quelque part dans la société il y a
des limites. Maintenant, comme on n'a pas été, comme beaucoup
d'autres composantes de la société, associés à
votre projet de société, à ce que vous développez
à l'heure actuelle -on n'a pas été consultés, sinon
que toutes les fois qu'on nous a offert des tribunes, on a dit des choses qui
n'ont pas été retenues -on ne reconnaît évidemment
pas les limites que vous fixez. Les règles du jeu, c'est vous qui les
déterminez.
Si on était dans un autre contexte comme au début des
années soixante où vraiment on tenait compte de tous les secteurs
de la population pour essayer d'asseoir notre projet éducationnel et
où, finalement, on a mis en place des choses qui reposaient sur un grand
consensus, peut-être que oui, on se dirait: Effectivement, on a tel
objectif. On a convenu cela ensemble. On a telle limite. On s'entend. Sauf
qu'à l'heure actuelle on est perdants sur toute la ligne; alors, on ne
reconnaît pas vos limites, d'autant plus qu'on ne sait pas ce qu'il y a;
on ne connaît pas le projet; on ne sait pas vers où vous allez. On
commence à s'en douter, mais vous nous dites: Non, non, vous vous
trompez. Cela fait qu'on n'est pas tellement responsables de cette situation.
On est obligés de fonctionner après coup et de s'opposer. Eh
oui!
Le Président (M. Charbonneau): Mais c'est un peu facile!
Merci. M. le vice-président.
M. Ryan: M. le Président, avant de commencer à
converser avec la délégation de l'ANEQ, je veux faire une
suggestion. Il nous reste à peine 20 ou 25 minutes avant qu'on suspende
nos travaux à 13 heures. Je crois qu'il serait équitable, si les
membres de la commission voulaient y consentir, que peut-être nous
envisagions de prolonger notre séance de cet après-midi d'une
heure, soit jusqu'à 19 heures, pour offrir à la
délégation de l'ANEQ peut-être une heure de plus pour la
discussion qu'on veut avoir. Autrement, il y a des membres de la commission qui
seront privés de tout droit de les interroger. Le prochain intervenant
normalement a droit à 20 minutes. Cela veut dire que, si j'utilise mes
20 minutes, comme le président l'a fait, je conclus que personne d'autre
ne pourra parler.
Le Président (M. Charbonneau): Vous me posez seulement un
problème qui est le suivant: D'une part, nous avions
réservé des blocs équivalents: celui des étudiants,
celui des enseignants, celui des recteurs, celui du
Conseil des universités. D'autre part, dans le cas des
étudiants, on avait essayé de partager le bloc en deux d'une
façon équitable. Je n'aurais pas d'objection à ce que l'on
prolonge la séance de 15 à 20 minutes ce midi pour donner la
chance à l'ANEQ de terminer, mais, dans la mesure où on
reviendrait cet après-midi et qu'on leur donnerait une heure, par
rapport aux gens qui étaient là avant et aussi par rapport
à l'ensemble des groupes, je pense que l'on briserait un peu
l'équilibre qu'on a essayé de maintenir. Mais je n'ai pas
d'objection. D'ailleurs, dans mon esprit, on ne devait pas arrêter
à 1 heure, mais plutôt vers 1 h 15 ou 1 h 20 pour être
équitable quant au temps qu'on a donné à l'ensemble des
gens qui sont là.
Alors, je vous invite immédiatement à poser vos
questions.
M. Ryan: Mais, alors, quelle est la conclusion?
Le Président (M. Charbonneau): La conclusion, c'est que je
pense qu'on va plutôt prolonger ce matin et on va...
M. Ryan: ...
Le Président (M. Charbonneau): Oui, mais je vous indique
que je ne voudrais pas être obligé de demander le vote sur cette
question. Je pense que le problème que vous me posez et que vous posez,
dans le fond, à l'ensemble de la commission, c'est qu'on va se trouver
à déséquilibrer ce qui, jusqu'à maintenant,
était relativement bien équilibré. Par ailleurs, je pense
bien qu'on a le temps ce matin à la fois de vous entendre aussi
longtemps que vous le voulez et même de permettre à d'autres
collègues de compléter par des remarques avant qu'on ne suspende
pour l'heure du midi, étant entendu qu'on ne finit pas à 13
heures, mais plutôt vers 13 h 15 ou 13 h 20, à cause des retards
qu'on a eus depuis ce matin.
M. Ryan: À moins qu'on aille jusqu'à 13 h 30 pour
qu'on sache où on s'en va. 13 h 15 ou 13 h 20, il n'y a personne qui
peut décider cela arbitrairement. Si on s'entend sur 13 h 30, cela
va?
Le Président (M. Charbonneau): Cela va.
M. Ryan: MM. et Mme les membres de la délégation de
l'ANEQ, j'ai pris connaissance de votre mémoire avec beaucoup
d'intérêt. J'ai trouvé en particulier que vous avez
soulevé dans votre présentation plusieurs questions tout à
fait fondamentales qui méritent un échange approfondi. On ne
pourra pas vider ces questions ce matin, mais je pense que certaines ont
été portées à notre attention avec une
acuité spéciale dans votre mémoire. Personnellement, je
l'apprécie vivement.
J'ai remarqué en particulier que vous avez souligné
certains aspects discriminatoires de la politique pratiquée par le
gouvernement ces dernières années. Je voudrais vous dire que sur
certaines de vos critiques je suis personnellement d'accord avec vous. Quand
vous critiquez la politique de hausse des frais de scolarité des
étudiants étrangers en établissant très clairement
qu'elle est à toutes fins utiles discriminatoire et subordonnée
à d'autres intérêts que ceux du progrès et de la
diffusion de la connaissance et de la science, je pense que la
démonstration est irréfutable. C'est un aspect de la politique du
gouvernement qui devrait faire l'objet, à mon point de vue, d'une
révision dans les meilleurs délais avant que les
dégâts s'accumulent trop. Vous parlez de la base de financement
que le gouvernement a pratiquée ces dernières années et
envisage de continuer à pratiquer à compter de l'année
1985-1986 pour les clientèles additionnelles qui viennent s'ajouter dans
les secteurs d'étude et d'enseignement considérés comme
n'étant pas reliés au virage technologique; je pense que vous
avez profondément raison. Je pense qu'il y a un principe discriminatoire
qui est à la base de la politique gouvernementale qui est absolument
inadmissible. Je pense que ce qui est en cause ici, ce n'est pas le fait que le
gouvernement décide de prendre des mesures spéciales pour
stimuler la croissance des clientèles dans certains domaines, c'est le
fait que la base qu'il établit pour toutes les clientèles est une
base absolument insuffisante et inacceptable. Si le gouvernement acceptait de
hausser la base de financement des clientèles additionnelles à un
niveau raisonnable comme celui qui a été proposé par le
Conseil des universités et qu'il décidait ensuite de verser des
contributions spéciales pour des clientèles reliées
à des secteurs qu'il entend privilégier, je le comprendrais
très bien, mais quand on a réduit à zéro depuis six
ans le financement des clientèles additionnelles dans certains secteurs
et qu'après avoir accepté de le porter à 75% pendant un an
ou deux on parle de nouveau de le ramener à 50% seulement, je pense que
là il y a un principe de discrimination que vous avez raison de
souligner. Dans votre critique, je souscris entièrement à ce que
vous dites.
Je pense que si on veut un développement équilibré
des universités il va être important de clarifier ces notions de
base, parce qu'autrement on va s'engager dans des voies qui, à la
longue, ne pourront faire autrement que compromettre gravement la
qualité de la vie universitaire. Je pense que la qualité de la
vie universitaire ne se définit pas d'abord par le nombre de
docteurs ou de prix que nous pourrons remporter dans telle discipline
particulière; c'est par la qualité générale du
dialogue, de la conversation et du travail qui se font dans le milieu
universitaire et par la qualité du rayonnement de tout ce travail. Je
crois personnellement que ceux qui oeuvrent dans les disciplines de sciences
pures ou appliquées peuvent profiter énormément - et
doivent profiter - du dialogue avec leurs partenaires des secteurs des lettres,
de l'histoire, de la philosophie, de l'économie, de la sociologie, etc.
Je crois que le genre de discours que l'on tient depuis un certain nombre
d'années est discriminatoire à sa face même et encore
beaucoup plus dans ses conséquences pratiques. Que vous ayez
souligné cela dans votre mémoire, je vous en suis personnellement
reconnaissant. Je pense qu'il est important que cela ait été
fait. Je pense que c'est votre mémoire qui l'a souligné le plus
fermement.
Je voudrais maintenant vous poser quelques questions. Je n'insisterai
pas sur les effets des coupures. Je pense que vous les avez
étayés de manière concrète dans votre
mémoire. Vous avez fait des propositions à la commission qui
m'ont vivement intéressé. Hier, j'avais émis
moi-même le voeu que la commission puisse se déplacer pour aller
observer sur place certaines situations. Je pense que ce serait très
important que notre information soit encore davantage poussée sur ces
points. Je pense qu'il y a des choses très importantes là-dessus
dans votre mémoire. Tantôt, je vous poserai une petite question
sur les chargés de cours. Je pense que vous avez soulevé un
problème extrêmement important, surtout pour des
universités qui sont moins développées que d'autres. Si on
allait les condamner à continuer dans cette voie, il est évident
qu'on va en faire des universités au rabais, qu'on n'aura pas la
même égalité de chance de formation universitaire partout
dans les institutions.
Je voudrais maintenant vous poser une première question, si vous
me le permettez, relative au principe de l'accessibilité. Je ne veux pas
entrer dans les modalités quant à savoir si on doit garder les
frais de scolarité au niveau actuel, les supprimer totalement ou les
indexer. C'est une question sur laquelle nous interviendrons en temps utile. La
question que je voudrais vous poser est préalable à cela. Vous
dites, à la page 6: "Pour l'ANEQ, l'accessibilité signifie bien
sûr le décontingentement des programmes, le financement complet
des nouvelles clientèles, la construction des espaces nécessaires
à leur accueil. L'accessibilité passe aussi par l'abolition des
barrières économiques, c'est-à-dire par la gratuité
scolaire entre autres".
La question que je voudrais vous poser est bien simple. À
supposer que dans Québec nous ayons un taux de médecins par 1000
habitants, égal ou supérieur à celui du reste du pays,
connaissant le coût très élevé de la formation d'un
médecin. À supposer aussi que vous ayez une demande pour qu'on en
ait trois fois plus, par exemple, des étudiants qui voudraient
s'orienter de ce côté-là alors que, déjà,
nous sommes à un seuil égal ou supérieur à celui du
reste du Canada. Est-ce qu'en vertu du principe d'accessibilité vous
diriez qu'il faut donner suite à tout cela et qu'il faille ouvrir les
écoles de médecine ou si vous n'accepteriez pas qu'il y ait une
certaine loi de contingentement qui s'applique dans une discipline
semblable?
M. Paquet (Jean-Pierre): Sur la question du contingentement, je
pense que ce qu'on tient à souligner surtout à l'heure actuelle,
en parlant du décontingentement, c'est que, finalement, dans la
majorité des cas, les contingentements ne reposent pas sur des raisons
de manque de débouchés ou encore de surpopulation dans les
secteurs d'emplois bien déterminés. Évidemment, on pourra
toujours dire que l'exemple de la médecine est effectivement un cas.
Quant aux autres secteurs où il existe un contingentement, dans les
secteurs des arts ou des lettres par exemple - enfin, des secteurs comme
ceux-là - il existe des contingentements mais est-ce qu'ils sont
établis en fonction d'une analyse précise des possibilités
d'emploi? C'est une question que l'on peut se poser. On en doute. De toute
façon, je pense qu'il y a aussi la question de l'emploi qui doit
être rattachée à la question de la formation,
évidemment, mais elle ne doit pas être liée à un
point ferme et trop exclusif. Il y a des formations que l'on peut obtenir en
milieu universitaire qui, finalement, enrichissent la société
à bien des égards. Entre autres, on donnait l'exemple des arts et
des lettres, tout comme il peut être enrichissant pour un individu, ou
pour une société de façon plus générale, de
posséder des connaissances en médecine sans pour autant en venir
à les appliquer dans la pratique.
Finalement, la question est de contester la logique qui dit que les
contingentements reposent sur la question qu'on ne doit pas former des
chômeuses et des chômeurs instruits. Pour l'avancement de la
société, l'acquisition des connaissances ne doit pas être
comptablisée en fonction de quelle façon ces connaissances seront
appliquées exclusivement sur le marché de l'emploi. Sur la
question plus précise des facultés de médecine, entre
autres, je pense qu'il y aurait peut-être intérêt, au lieu
de se servir du seul contingentement - c'est la même chose au niveau
collégial, d'ailleurs - s'il est question de déboucher sur
l'emploi, de s'organiser pour qu'il y ait une information plus
détaillée qui circule auprès des étudiantes et des
étudiants sur les possibilités d'emploi qui existent
véritablement pour que, finalement, le choix revienne dans une
plus grande part aux étudiantes et aux étudiants,
c'est-à-dire qu'on leur permette de faire un choix clair, net et
précis, en fonction, précisément, d'une information
diffusée plus largement sur les possibilités d'emploi. À
ce moment-là, l'étudiante ou l'étudiant pourrait
décider par lui-même s'il se dirige vers un secteur
d'études quelconque. (12 h 45)
M. Ryan: En supposant qu'ils aient toutes ces informations et
qu'ils arrivent à des choix qui dépassent les ressources que,
raisonnablement, la société devrait consacrer à
l'enseignement de telle ou telle discipline, qu'est-ce que vous faites?
M. Vézina: On peut se demander si, par exemple, dans le
cas d'études en médecine, on en est arrivé à ce
point, compte tenu de la pénurie de médecins en régions.
J'imagine que si, éventuellement, à court terme, il y a plus de
diplômés en médecine, il y aura une pression pour
qu'effectivement ces régions soient mieux servies, mais, à moyen
terme, qu'il y ait contingentement... Mais ce sont des cas bien
spécifiques: la médecine, etc.
M. Ryan: Cela peut arriver dans le cas du génie, parce que
je constate qu'il y a beaucoup d'institutions qui voudraient développer
des écoles de génie. Cela se comprend très bien, mais les
équipements coûtent très cher. Cela demande des
concentrations de professeurs, des ressources humaines assez
considérables si on veut avoir une école de très bon
niveau.
M. Vézina: Oui.
M. Ryan: Est-ce qu'on va donner suite à tout cela
seulement en nous basant sur des décisions individuelles?
M. Vézina: À un moment donné, il y a une
question de besoins sociaux. Il est bien évident que, lorsque les
besoins sociaux sont comblés et que cela va causer un problème,
il faut qu'il y ait une intervention et celle-ci doit venir de l'État.
Ce que l'ANEQ conteste, ce sont les formes actuelles de contingentement qui
sont en train de se généraliser et qui ne sont pas dues à
un manque de besoins sociaux. Je vais donner un exemple bien concret. Il est
d'autant plus concret qu'il se situe en informatique. Le gouvernement nous dit:
Le virage technologique, cela presse, on va financer, etc. En informatique de
gestion à l'UQAM, il y a 2000 étudiants et il y a à peu
près une vingtaine de terminaux. J'inviterais, comme je l'ai fait tout
à l'heure, la commission à se rendre au pavillon
Carré-Philippe, de l'UQAM, voir les étudiants travailler la nuit,
à une heure, deux heures, trois heures, ou quatre heures du matin - il y
en a tout le temps. Ce sont les seuls étudiants qui ont accès
à l'université 24 heures par jour. Pourtant, c'est le virage
technologique. À l'Université de Montréal, il y a un an,
le recteur a dénoncé la situation: il y avait 2000 ou 4000
étudiants qui voulaient aller en informatique et il y avait 250 places.
Il y a des contingentements, mais c'est une question de logistique. Au niveau
interne, on est obligé de contingenter, parce cela n'a plus d'allure.
Les journées ont 24 heures et les semaines ont 7 jours - parce que les
gens y vont aussi le samedi et le dimanche. C'est ce type de contingentement
qu'on conteste avant tout.
M. Ryan: Très bien. En principe, vous reconnaissez qu'il y
a un certain cadre de rationalité auquel on ne peut pas échapper
comme société. Mais vous trouvez qu'il y a beaucoup de
décisions ou de politiques qui relèvent beaucoup plus de
l'arbitraire que de la rationalité dont on se réclame, si je
comprends bien.
M. Vézina: Exactement.
M. Ryan: Une chose m'a bien intéressé dans votre
mémoire, c'est le passage de la page 11 où vous reprochez au
gouvernement de trop vouloir lier le développpement de l'enseignement
universitaire aux seuls besoins de l'économie. C'est une tendance que
j'ai décelée de mon côté dans les
propositions qui nous ont été faites, particulièrement
comme vous l'avez souligné, dans le projet de règlement des
études collégiales conçu par le gouvernement. On a eu
l'occasion d'en discuter à ce moment-là. J'aimerais que vous nous
disiez, dans votre conception, à quels besoins l'université doit
répondre dans la société, en plus de ceux de
l'économie, évidemment?
M. Paquet (Jean-Pierre): Comme on l'a indiqué à
d'autres endroits dans le mémoire, il y a, évidemment, la
question des besoins sociaux, mais encore faut-il les identifier de
façon plus précise. Je pense que l'exemple de la médecine
est un bon exemple. Est-ce qu'actuellement on peut considérer que la
population québécoise n'a pas besoin de médecins? Entre
autres, dans les hôpitaux, il existe une surpopulation évidente.
Je pense que les universités et le système d'enseignement dans
son ensemble doivent répondre aux besoins sociaux comme les services
publics. Si le gouvernement coupe dans les services publics, on n'aura pas
besoin de personnel dans ce secteur; si on ferme des hôpitaux, on n'aura
pas besoin de médecins. Dans les faits, est-ce que la population n'a
pas, cependant, besoin de ces services? Fondamentalement, mise à part la
question du besoin des entreprises, ce qui
nous préoccupe beaucoup c'est le bien-être de la population
pour ce qui est des besoins de base, soit la santé, l'éducation,
le logement. Les besoins spécifiques de la population doivent être
pris en charge et le système d'enseignement doit permettre
l'amélioration de ces conditions.
M. Ryan: Une dernière question. Je ne sais pas si vous
avez eu l'occasion de prendre connaissance de l'avis qui a été
émis par le Conseil des universités sur le cadre de financement
1984-1985. Dans cet avis, le Conseil des universités recommande entre
autres qu'une somme additionnelle de 11 500 000 $ soit injectée dans le
réseau universitaire en 1984-1985 et, en outre, que la somme de 10 000
000 $ qui avait été mise de côté dans le budget
1983-1984 pour le réaménagement des bases de financement soit
redistribuée intégralement aux universités suivant les
critères ordinaires. Ceci fait un total de 21 000 000 $. Est-ce que vous
avez pris connaissance de cet avis? Est-ce que vous souscrivez à cette
recommandation du Conseil des universités?
M. Paquet (Jean-Pierre): Oui, nous avons pris connaissance de cet
avis. D'ailleurs, on cite en partie dans notre mémoire certains passages
de l'avis du Conseil des universités. Pour ce qui est des besoins
identifiés par l'avis du Conseil des universités, je pense qu'il
faudrait avoir les yeux fermés comme certains ministres pour ne pas se
rendre compte que ces besoins-là existent et que la somme de 11 000 000
$ est un minimum. Je pense que le Conseil des universités précise
bien qu'il s'agit du minimum dont les universités ont besoin pour
assurer la poursuite et le maintien des activités actuelles en
permettant une légère amélioration de la qualité de
l'enseignement universitaire. Je pense, comme je l'ai dit, qu'il faut avoir les
yeux fermés pour ne pas admettre que ces 21 000 000 $ sont
nécessaires et, dans ce sens-là, nous souscrivons aux objectifs
de l'avis du Conseil des universités.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le
député de Fabre et adjoint parlementaire au ministre de
l'Éducation.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je remercie
l'ANEQ d'avoir présenté son mémoire. J'ai quelques
remarques sur le mémoire. Il m'apparaît assez touffu comme
mémoire; je regrette qu'on l'ait eu à la dernière minute
car cela ne nous permet pas d'en faire une analyse très poussée.
C'est un mémoire axé presque essentiellement sur la
dénonciation du gouvernement. Remarquez que je n'ai rien contre; ce sont
vos droits et je les respecte. Cependant, je tiens à le souligner; c'est
un mémoire teinté de "politisme", si je peux me permettre ce
néologisme, et c'est aussi votre droit.
Vous soulevez - je suis d'accord avec le député
d'Argenteuil - des questions importantes dont on a parlé depuis le
début de cette commission et dont on parlait dans plusieurs
mémoires qui ont été présentés
jusqu'à maintenant. Encore une fois, ces idées qui sont
intéressantes apparaissent, du moins pour moi, dans un
enchevêtrement d'affirmations gratuites et de dénonciations du
gouvernement en place.
M. Vézina: II n'y en a qu'un.
M. Ryan: II n'y a pas de gouvernement parallèle.
M. Leduc (Fabre): II y a une nuance, M. le député
d'Argenteuil, et vous devez la saisir. Le problème que je perçois
est que le gouvernement est toujours seul responsable. Dans le cas des
universités je voudrais vous souligner qu'il s'agit d'un domaine
où il est difficile pour le gouvernement d'intervenir par rapport
à d'autres secteurs, que ce soit le secteur primaire, le secteur
secondaire ou le secteur collégial. Le secteur universitaire jouit d'une
autonomie qui est beaucoup plus grande et qui est même assez grande par
rapport aux autres secteurs où le gouvernement peut intervenir beaucoup
plus et beaucoup mieux. Mais les universités jouissent d'une autonomie
qui leur est propre et nous respectons cette autonomie. Cela a favorisé,
je pense, le développement de nos universités jusqu'à
maintenant et, quant à nous, on veut bel et bien respecter cette
autonomie.
Par contre, cela pose un certain nombre de difficultés parce que,
si le gouvernement intervient d'autorité, vous le lui reprochez. S'il
n'intervient pas, vous le lui reprochez également. Ce qui fait que le
gouvernement est dans une situation très difficile par rapport à
vous, en tout cas. On a ici devant nous une proposition de cadre de financement
où le gouvernement propose un certain nombre d'orientations. À
remarquer que, jusqu'à maintenant, il y a eu - en tout cas, j'ai cru
déceler des consensus sur les orientations, les priorités qui
sont définies dans ce cadre de financement - un quasi-consensus sur les
paramètres qui sont proposés. Vous ne parlez pratiquement pas de
ce cadre de financement. Vous ne dites pas... Oui, vous en parlez un peu en
mentionnant que le gouvernement veut favoriser, semble-t-il, un peu trop
l'économie ou axe trop sur l'économie ou axe trop sur les
affaires. J'aurai une question tout à l'heure et je vais vous demander
de préciser cet aspect qui m'apparaît assez vague.
Concernant le cadre de financement, il m'apparaît que votre
mémoire... En tout cas
vous ne vous prononcez pas suffisamment sur le fond du cadre de
financement, sur le fond des priorités et sur ce qu'on vise à
corriger encore une fois par rapport aux limites qu'a le gouvernement dans sa
capacité d'intervention dans un domaine comme celui-là, face aux
universités. Il y en a qui disent que c'est trop dirigiste cette
intervention concernant le cadre de financement et certains disent que ce n'est
pas assez dirigiste.
À mon sens, vous ne tenez pas compte non plus des ressources de
la société et des priorités du moment. Vous ne parlez pas,
par exemple, de la conjoncture économique dans laquelle nous sommes,
comme société, forcés d'évoluer. On n'est pas les
seuls, mais vous n'en parlez pas. Vous semblez voguer dans une
société à prospérité illimitée. Je
regrette également que vous ne teniez pas compte de ce facteur des
ressources. Vous ne tenez pas compte, par exemple, du fait que,
présentement, au Québec on affecte une part extrêmement
importante de nos ressources au domaine de l'éducation, et on n'est pas
pour s'embarquer dans les statistiques, mais elles sont quand même
là qui démontrent l'effort collectif extrêmement important
compte tenu de notre richesse collective. Pour vous, la richesse collective,
cela semble une notion qui n'a pas beaucoup de valeur.
Finalement, c'est l'impression qui se dégage, le gouvernement,
c'est un magicien. Il tire de son chapeau toutes les solutions à tous
les problèmes. Comme le gouvernement n'est pas un magicien, il n'a pas
les solutions à tous les problèmes; donc il est attaquable; donc
attaquons-le. Cela finit par prendre les allures d'un jeu. À chacun ses
jeux; on est en société de loisirs; on peut s'amuser comme on
veut. En tout cas, c'est l'impression qui se dégage non seulement de ce
mémoire, mais de vos mémoires en général. (13
heures)
J'ai quand même des questions à vous poser. Je vais quand
même dire que vous soulevez des questions, malgré tout,
importantes. Il y a la forme et le fond. On pourrait parler longuement de la
forme de votre mémoire. Il y a tout de même des questions
importantes que vous soulevez. J'aimerais vous poser un certain nombre de
questions.
Dans l'introduction, par exemple, vous dites: "Nous estimons que les
projets du gouvernement, en matière de financement des
universités, entraîneront un "appauvrissement" de la
société." Je n'ai pas trop compris comment les projets du
gouvernement, en matière de financement des universités,
entraînent un appauvrissement de la société. Pouvez-vous
préciser cela?
M. Paquet (Jean-Pierre): Oui. On va procéder à la
réponse à la première question. L'appauvrissement de la
société, c'est comme on définit... D'abord, on vous invite
à relire le mémoire. Peut-être que vous allez mieux
comprendre ce qu'on dit. Sur la question de l'appauvrissement de la
société, ce qu'on dit finalement, c'est que pour qu'une
société soit riche il faut permettre à la population
d'avoir une connaissance large de la réalité qui l'entoure. Cela
doit déboucher finalement sur une prise en main de la population sur
cette société. On parle d'appauvrissement, c'est-à-dire
que le gouvernement veut orienter l'éducation en général,
et l'éducation universitaire de façon plus précise, d'une
façon plus limitée en fonction de besoins très
spécifiques. On croit que, finalement, si on limite l'éducation
à des notions trop précises et trop limitées, trop
spécialisées, évidemment, ce qui en découle, c'est
que la population va avoir une connaissance moins large de l'ensemble des
réalités qui l'entourent. C'est finalement ce qu'on appelle
l'appauvrissement de la société.
Sur d'autres points des commentaires que vous avez apportés tout
à l'heure, sur la question qu'on dénonce l'autoritarisme du
gouvernement ou qu'on dénonce quand il prend des positions ou quand il
n'en prend pas, je pense que c'est clairement dit dans le mémoire que
nous sommes d'accord avec le fait que le cadre de financement, à l'heure
actuelle, est dirigiste, correspond à une certaine forme de dirigisme et
on dit dans la phrase suivante que nous ne nous opposons pas à ce que le
gouvernement soit dirigiste. Pour nous, l'éducation est publique et dans
ce cadre il est important que ce soit l'État qui, évidemment, en
consultation avec l'ensemble des intervenants dans le milieu, définisse
les orientations de l'éducation. Mais ce qu'on dit, par contre, c'est
que les orientations, les choix que le gouvernement doit faire doivent
correspondre aux besoins de la population au niveau de l'enseignement.
Donc, on ne conteste pas le fait que le gouvernement doive prendre des
décisions. Ce qu'on conteste, c'est les décisions que l'actuel
gouvernement prend. Finalement, les priorités qu'il définit par
lui-même. Vous dites que les ressources sont limitées et qu'il
faut tenir compte des priorités du moment. Je pense qu'aussi il faut
tenir compte que le gouvernement n'arrête pas de nous parler de la
reprise et de la reprise et de la reprise. S'il y a une reprise, effectivement,
cela doit s'inscrire aussi dans le cadre du développement de
l'enseignement. Donc, on doit s'attendre à ce qu'il y ait une reprise,
qu'on mette fin aux coupures et que finalement la reprise s'inscrive aussi dans
l'ensemble des secteurs au niveau de l'éducation. Je pense qu'à
ce niveau la contradiction ce n'est pas tellement nous qui devons la vivre.
Vous dites aussi qu'on ne parle pas tellement du fond du cadre de
financement des universités et qu'on ne se prononce pas tellement
là-dessus, sur comment il doit être appliqué, etc. En ce
qui nous concerne, il est clair qu'un cadre de financement qui, finalement, met
de l'avant des coupures, cela ne nous intéresse absolument pas de
s'embarquer dans un processus de gérer les coupures. L'ANEQ a toujours
été claire là-dessus. Dans la mesure, effectivement,
où il y a des possibilités de développement au niveau du
secteur de l'éducation, donc, de développement de la
société, ce qu'on dit c'est que, pour favoriser ce
développement, l'État doit accentuer son effort de financement au
niveau des universités et de l'éducation en
général. D'autant plus, et on le rappelle, que le niveau de
scolarisation de la population, à l'heure actuelle, est tout à
fait insatisfaisant. Ce bas niveau de scolarisation justifie pleinement qu'on
en arrive à débloquer des ressources supplémentaires.
Quand on dit que les ressources sont limitées, je pense qu'il
faut aussi dire - et c'est une question de priorité - les ressources
qu'on a, effectivement, où est-ce qu'on va les mettre, où est-ce
qu'on va investir? Ce que nous disons, c'est que le secteur de
l'éducation doit être une priorité plus largement
favorisée. Qu'à l'heure actuelle le gouvernement coupe dans le
secteur de l'éducation, dans un objectif... Ce qu'on évalue,
c'est qu'on veut bâtir un Québec avec une population qui sera
sous-scolarisée, qui sera plus facilement manipulable et que
l'éducation doit demeurer une priorité. On évalue que,
actuellement, les ressources - quand on parle de coupures justement - sont
coupées beaucoup plus dans le secteur de l'éducation, supposons
au niveau universitaire, les coupures se font beaucoup plus au niveau du
secteur de l'éducation. On soulevait la question tantôt à
savoir s'il ne fallait pas indexer les frais de scolarité; il est clair
que les budgets au niveau de l'enseignement n'ont pas du tout été
indexés, même qu'ils diminuent sans arrêt. Les sommes
investies au niveau de l'éducation n'arrêtent pas de
décroître. Quand on parle d'indexation, il faudrait bien en parler
aussi de façon générale et l'appliquer à l'ensemble
des niveaux.
M. Vézina: Comme complément de réponse, je
ne sais pas si cela va entrer le dernier clou dans le cercueuil, mais au sujet
de la richesse collective dont on ne tiendrait pas compte, je ne sais pas si
c'est nous qui ne tenons pas compte du niveau de richesse ou si c'est le
gouvernement. Prenons comme point de départ les années soixante;
après 25 ans de travail, la population - je ne sais combien de
générations de travailleurs et de travailleuses - a réussi
à se construire un réseau d'écoles, d'hôpitaux et de
services publics. C'est assez évident. Lorsqu'une compagnie quitte, elle
laisse un trou tandis que la richesse collective qu'on a amassée au
Québec depuis 25 ans, c'est un ensemble d'institutions qui existent, qui
sont là. C'est cela notre richesse collective, ce n'est rien d'autre. Le
gouvernement, par ses politiques, ne cesse pas d'attaquer notre richesse
collective. Le sens de la prise de position de l'ANEQ, entre autres pour le
front commun il y a un an et demi, c'était de défendre les
travailleurs et les travailleuses qui prennent soin de notre richesse
collective, qui sont dans les hôpitaux et dans les écoles. C'est
pour cela qu'on avait, entre autres, appuyé le front commun.
Aujourd'hui, c'est aussi le sens à donner à notre prise de
position contre les politiques gouvernementales sur la question du financement
des universités parce qu'on veut préserver notre richesse
collective. On ne veut pas la perdre. Cela fait 25 ans que des gens suent sang
et eau avec leurs taxes pour bâtir cela et on voudrait nier cela, revenir
en arrière, non; II n'en est pas question pour nous autres.
M. Leduc (Fabre): II y a au moins un consensus entre nous, c'est
qu'on veut également préserver notre richesse collective que
constituent non seulement nos réseaux d'éducation, mais aussi le
domaine de la santé et des affaires sociales, qui est également
un réseau fort important et un système dont
bénéfice la population du Québec.
Je veux vous mentionner un certain nombre de choses. Vous devez savoir -
mais vous n'en parlez pas - que les frais de scolarité sont les plus bas
en Amérique. Vous ne parlez pas du système d'aide
financière qui est également le plus généreux. Cela
ne semble pas être une évidence, mais sa
générosité est manifeste. On peut se comparer
avantageusement et même de loin aux systèmes de soutien, d'appui
aux études pour les étudiants. On peut soutenir la comparaison
très avantageusement avec n'importe quelle autre province et même
les États américains. Vous ne tenez pas compte de cela. La
gratuité au niveau collégial non plus. Pour vous, ce sont des
choses auxquelles vous vous êtes habitués, mais, quand on fait une
analyse politique, il faut quand même aller un peu au-delà des
évidences et pouvoir mettre le doigt sur les avantages dont nous
bénéficions dans notre société et qui coûtent
quelque chose à la société.
Je reviens à votre réponse. J'avais tout de même une
question précise à vous poser. Vous avez dit: II ne faut pas
être trop spécialisé à l'université.
Remarquez que c'est une idée nouvelle devant la commission. Il faudrait
que l'université offre un large éventail de possibilités -
là-dessus, on est
parfaitement d'accord - et que la population, dans son entier, puisse
bénéficier des connaissances et du savoir de l'université.
Quand vous dites qu'il ne faut pas qu'elle soit trop spécialisée,
là-aussi, vous êtes contre, si je comprends bien - c'est ma
deuxième question - un objectif du cadre de financement dans les
orientations, c'est-à-dire favoriser davantage, sans nuire à
l'accessibilité au niveau du baccalauréat, au niveau du premier
cycle, les deuxième et troisième cycles, là où se
font, bien sûr, des études plus spécialisées. Il
faut bien se comparer, on est une société, on vit dans le monde
et les relations internationales sont importantes. Il faut développer,
tous les indicateurs sont là, il y a consensus là-dessus
jusqu'à maintenant... J'essaie de voir où vous vous situez par
rapport à ce problème des deuxième et troisième
cycles. Le cadre de financement vise à augmenter les ressources aux
niveaux des deuxième et troisième cycles, maîtrise et
doctorat, vise également à améliorer la recherche - je ne
dis pas que les moyens sont parfaits, mais il le vise dans ses objectifs -
améliorer le rendement des universités en termes de diplomation
aux deuxième et troisième cycles, puisqu'on constate de grandes
carences quand on se compare aux autres. Cela, c'est évidemment de la
spécialisation. Est-ce que c'est trop spécialisé?
M. Paquet (Jean-Pierre): Je pense qu'il y a un malentendu sur la
nature du mot "spécialisation". Nous, on parle de
surspécialisation. Prenons l'exemple des 40 équipes de recherche,
et tantôt on pourra parler d'une façon plus générale
des études avancées. Évidemment, les personnes qui sont
là travaillent sur des éléments, des thèmes plus
précis. Ce qu'on critique, c'est la volonté du gouvernement de
faire en sorte que ces études soient moins fondamentales, moins
multidisciplinaires. Ce qu'on met de l'avant, c'est de dire qu'il est important
que, lorsqu'on fait une étude à partir d'un thème
précis, on puisse faire ces recherches dans une vision
multidisciplinaire fondamentale, qu'on voie, supposons, tel aspect
précis, comment il va s'appliquer pour l'ensemble des secteurs, quel
impact il va avoir au niveau de la société en
général.
C'est à ce niveau qu'on parle du danger de la
surspécialisation, entre autres au niveau des objectifs de la recherche.
Ce n'est pas de dire que ça ne prend pas des études ou des
recherches sur des thèmes précis, c'est de voir comment vont
s'effectuer ces études ou ces recherches. On le cite dans notre
mémoire: "Le Conseil des universités évalue, quant
à lui, que les 40 équipes de recherche qui ont été
mises sur pied, finalement, vont avoir à faire de la recherche de
façon trop surspécialisée, en n'ayant pas une approche
fondamentale des choses." De plus, le Conseil des universités dit qu'il
craint que ça devienne de la sous-traitance ou que les
universités deviennent des suppléants aux entreprises et au
gouvernement en matière de recherche.
M. Leduc (Fabre): Je vous remercie de votre précision,
ça apporte un éclairage. Cela rejoint certaines affirmations qui
ont été faites ou certaines idées qui ont
été émises quant au danger. Je vois que vous ne vous
opposez pas nécessairement aux objectifs d'amélioration du
rendement au niveau des deuxième et troisième cycles. Là
dessus, vous êtes d'accord avec cet objectif.
Est-ce que les 40 équipes vont surspécialiser ou non? Je
ne dis pas qu'il n'y a pas risque, effectivement, il faut l'évaluer,
mais, de là à décrier le gouvernement et ses actions sur
une question qui touche à la façon dont on va aborder ce dossier
plus que sur le fond, je ne vois pas la nécessité de partir sur
un pied de guerre contre une action gouvernementale.
J'aurais eu beaucoup de questions à vous poser, ce qui
démontre que, quand même, dans votre mémoire, vous soulevez
des questions importantes. Je vous remercie.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Fabre. Mme la députée de Jacques-Cartier.
(13 h 15)
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous remercier de votre
mémoire. Une des choses très claires dans votre mémoire
est que vous soulignez que le rôle principal des universités
devrait être l'éducation générale, large et
multidisciplinaire.
Je partage vos craintes que les règles imposées par le
gouvernement risquent de dévaloriser ce rôle principal.
Néanmoins, j'ai l'impression que vous avez fait une fausse distinction
entre l'éducation générale et l'éducation
spécialisée. Il me semble que les deux rôles sont vraiment
complémentaires quand on tient compte des besoins de l'individu dans
notre société. Après tout, chaque personne devrait avoir
une formation générale et une préparation pour le monde du
travail.
Compte tenu de la demande accélérante des jeunes pour
accéder au secteur du virage technologique - ce n'est pas l'idée
du gouvernement d'accélérer la demande, c'était le choix
libre d'un grand nombre de jeunes de choisir les secteurs liés au virage
technologique - quelle doit être la réponse des
universités? Est-ce qu'elles doivent répondre à cette
demande à la limite de leurs ressources ou est-ce qu'elles doivent
contingenter ces secteurs pour protéger leur formation
générale?
M. Paquet (Jean-Pierre): Effectivement, au niveau des
inscriptions dans les secteurs
reliés au virage technologique, on sait que depuis deux ou trois
ans, peut-être plus deux ans, 80%, semble-t-il, des nouvelles admissions
dans les universités sont dans les secteurs reliés au virage
technologique. Donc, il est possible de considérer qu'il existe
effectivement une demande à ce niveau et on pense que cette demande,
comme l'ensemble des autres demandes pour les autres secteurs, il faut faire en
sorte que l'université puisse y répondre.
Maintenant je pense qu'il y a lieu de s'interroger aussi et d'essayer
d'évaluer de façon plus précise ce qui peut susciter une
si grande demande. On disait dans le mémoire qu'à l'heure
actuelle le gouvernement n'a de mots que pour le virage technologique et on
entend dire partout dans les campagnes publicitaires que les jeunes doivent
effectivement s'inscrire dans ces secteurs. Et ce qu'on considère
dangereux c'est que, en fonction d'un besoin à court terme de
main-d'oeuvre, le gouvernement développe un discours, une propagande qui
incite les jeunes à s'inscrire dans ces secteurs, mais tout en
dévalorisant les autres secteurs comme on le disait.
Je pense que, pour équilibrer les demandes en fonction des
besoins, une première étape c'est que la propagande du
gouvernement à ce chapitre soit moins fausse et tienne davantage compte
des besoins réels de la société québécoise,
c'est-à-dire qu'on n'a pas besoin de main-d'oeuvre exclusivement dans
ces secteurs. À ce chapitre, si le gouvernement ne maintient
l'information et la propagande qu'en disant: II faut que les jeunes
s'inscrivent dans ces secteurs, effectivement cela peut avoir des
conséquences fâcheuses lorsqu'on va avoir une série
d'inscriptions dans ces secteurs. D'autant plus que ce n'est pas le seul
facteur. Il existe une série d'autres mesures incitatives, entre autres,
au niveau du financement des clientèles. Si elles ont le choix de
recevoir 100% du financement pour les clientèles additionnelles de ces
secteurs et seulement 70% dans les autres secteurs, les universités,
d'elles-mêmes, risquent d'ouvrir les portes plus grandes et de
contingenter les secteurs moins payants. Ce qui fait en sorte qu'une
série de mesures incitatives de cet ordre, quand elles s'additionnent en
fin de compte, peuvent conduire à ce qu'on appelle un survirage.
Maintenant, vous aviez une première question sur
l'éducation spécialisée, comme quoi on faisait une fausse
évaluation. Je ne sais pas si vous pouviez préciser.
Mme Dougherty: Je vais poser ma question d'une façon
différente. Si l'éducation spécialisée est
d'après vous le rôle secondaire - si j'interprète bien - de
l'université, qui doit s'occuper de l'éducation
spécialisée?
M. Paquet (Jean-Pierre): Effectivement, l'université a
à offrir les possibilités aux étudiantes et aux
étudiants d'acquérir une formation spécialisée.
Maintenant elle doit aussi offrir la possibilité à ces
étudiantes et à ces étudiants d'élargir leur vision
et d'élargir leur formation. On ne dénonce pas le fait que
finalement il y ait des possibilités offertes à une
spécialisation. Le danger c'est que les possibilités et les
mesures incitatives n'aillent que dans le sens d'une spécialisation et
n'offrent pas les possibilités aux étudiantes et aux
étudiants d'élargir leur cadre de connaissances. On donne un
exemple sur cela: Supposons des économies d'échelle qui feraient
en sorte que certaines universités devraient fermer des
départements particuliers. On verrait un regroupement de ces
différentes facultés dans des universités plus
précises et cela ferait en sorte que dans une université
quelqu'un qui étudie dans un domaine plus précis n'aurait pas la
possibilité de prendre un cours dans d'autres branches parce que ces
différentes disciplines ne seraient plus offertes dans le cadre de
l'université. Donc, on ne s'oppose pas à la possibilité
d'acquérir une connaissance spécialisée. Le danger c'est
la surspécialisation par le manque de possibilités
d'élargir les connaissances.
Mme Dougherty: Donc, vous n'acceptez pas l'idée du
regroupement pour réaliser l'économie d'échelle, le
principe.
M. Paquet (Jean-Pierre): Comme on le disait tout à
l'heure, il est possible d'appliquer le principe des économies
d'échelle. On donnait un exemple. Supposons des centres sportifs; dans
une région plus limitée, cela peut ne pas être nuisible de
regrouper certains services. Maintenant, le danger on le voit plus au niveau
des universités régionales. Ce n'est pas vrai que les
étudiantes et les étudiants vont s'expatrier à
Montréal pour élargir leur formation, ils sont finalement pris
dans une université régionale et ils devront se contenter des
possibilités qui leur sont offertes à cet endroit. Comme on dit,
s'il est possible d'appliquer la question de l'économie d'échelle
au niveau, supposons, de la région de Montréal, où
effectivement il existe plusieurs universités, on ne croit pas que cela
puisse s'appliquer sans danger à l'échelle du Québec.
Mme Dougherty: Je trouve très intéressante
l'orientation de votre mémoire par rapport au mémoire que nous
avons entendu du Regroupement des associations étudiantes universitaires
du Québec. En ce qui concerne ce que le gouvernement a
réclamé, un rapprochement du monde universitaire du monde du
travail, il a fait quelques suggestions et j'aimerais vous
demander si c'est aussi l'une de vos préoccupations, vous ne
l'avez pas mentionné dans votre mémoire. Est-ce que vous partagez
cette opinion qu'on a exprimée aujourd'hui? Je vous demande cela parce
que c'est une plainte qui est soulevée souvent par plusieurs groupes.
Sur le plan pratique, par exemple, il y a une situation dont vous êtes au
courant, j'en suis certaine, où les jeunes se plaignent de ce cercle
vicieux où on dit: Pas d'expérience, pas de travail; pas de
travail, pas d'expérience. Il faut trouver une solution pour sortir de
ce cercle vicieux. Je n'ai pas eu l'occasion de poser la question au RAEU mais
il y a des solutions ailleurs, comme, par exemple, à l'Université
de Waterloo, en Ontario, où on a établi un système
d'études-travail qui a réussi à résoudre ce
problème, soit ce cercle vicieux. Vous n'avez pas mentionné ce
problème du tout mais j'aimerais avoir votre opinion.
M. Paquet (Jean-Pierre): Alors, dans une première
étape, pour parler de la question du lien entre l'enseignement et le
travail, évidemment on sait que la commission qui siège ici
actuellement c'est sur l'éducation et la main-d'oeuvre, donc la question
est tout à fait pertinente.
En ce qui concerne l'ANEQ, on considère que si le lien doit se
faire entre la formation, l'éducation et l'emploi, finalement, le lien
peut se faire dans la mesure où les emplois disponibles servent à
combler les besoins de la société. Comme exemple fort connu et
fort populaire: la question de l'armement. Peut-on considérer utile
à la société de former une main-d'oeuvre
spécialisée qui effectivement va construire des appareils
militaires? C'est une question qu'on peut se poser si on considère que
la question de la militarisation n'est pas utile à la
société et même représente un danger et aussi se
poser la question sur la pertinence d'axer les ressources universitaires et les
ressources du gouvernement sur la formation de cette main-d'oeuvre, alors qu'il
existe beaucoup d'autres besoins au niveau de la population qui, eux, ne sont
pas comblés et qui même souffrent de coupures quand on parle des
services publics. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne crois pas
qu'on n'ait pas besoin de gardes-malades ou enfin de personnes pour s'occuper
des hôpitaux ou des différents services sociaux. Les besoins sont
là, sauf qu'il existe des coupures et on ne considère pas que ce
soit une nécessité. Donc, si le lien est important, on doit le
faire entre l'éducation, l'emploi et le travail, et c'est en
considérant au départ que les emplois dont on parle sont
effectivement utiles à la société dans son ensemble.
La nuance à faire, c'est entre l'adaptation de
l'université aux besoins de la société et l'asservissement
de l'université à des besoins plus précis de certaines
entreprises qui peuvent avoir beaucoup de poids et finalement forcer le
ministère de l'Éducation à ouvrir des champs
d'étude. Il y a une très grande différence entre
l'adaptation de l'université aux besoins de la société et
de la main-d'oeuvre et l'asservissement du système d'enseignement
à ces besoins.
Vous parliez tout à l'heure du problème du cercle vicieux
entre le manque d'expérience et la possibilité de trouver un
emploi. En ce qui nous concerne, évidemment cela constitue un
problème important, mais quand on parle d'emploi le problème se
situe davantage au niveau du manque d'emploi à la base. Ce qui fait en
sorte... Une des premières solutions à apporter à cela,
c'est entre autres le niveau de la création et de la mise sur pied d'une
politique de plein emploi. À partir du moment où il y aura
suffisamment d'emplois, le problème que vous soulevez va se poser avec
beaucoup moins d'acuité. Finalement, à l'heure actuelle, les
employeurs sont en bonne position pour exiger des travailleurs et des
travailleuses qu'ils aient acquis, avant même d'accéder à
un emploi, l'ensemble des compétences nécessaires. Les
entreprises sont en position d'exiger finalement des travailleurs et des
travailleuses des conditions. On ne peut pas exiger des nouveaux qui arrivent
sur le marché du travail d'avoir acquis les compétences, à
moins de mettre sur pied des programmes de stage à l'entreprise, mais
encore là on voit que les programmes actuels du gouvernement en
matière de stage à l'entreprise sont beaucoup plus au profit de
l'entreprise qu'au profit des jeunes qui sortent des écoles. On se sert
d'un bassin de chômeurs et de chômeuses pour développer un
bassin de "cheap labour" qui va aller dans les entreprises sous forme de...
Le Président (M. Charbonneau): Je m'excuse, mais il y a
des députés qui veulent absolument intervenir. Je ne sais pas si
ce sont des commentaires ou des questions. Je pense qu'il y a
déjà eu une bonne réponse à l'intervention de Mme
la députée. Je vais laisser cinq minutes de part et d'autre, pas
plus, parce que là on va se retrouver ici à 15 heures et on
n'aura pas encore...
M. Champagne: M. le Président, je vous remercie beaucoup
parce que j'écoute avec beaucoup d'attention le langage quand même
doucereux et très nuancé des représentants de l'ANEQ. Je
vous écouterais tout l'après-midi parce que, au point de
départ, j'ai lu votre mémoire. L'écriture est très
dure et acerbe et, à vous entendre parler, vous avez dans votre langage
la nuance dans le parler. Je l'apprécie beaucoup parce que vous avez un
langage presque en style pamphlétaire. Lorsque l'on pense qu'une
commission parle-
mentaire se déroule alors que la notion du droit à
l'éducation subit de dures attaques, alors que nos conditions
d'étude ont atteint une qualité dangereusement faible...
M. Ryan: C'est vrai. (13 h 30)
M. Champagne: ...alors que le gouvernement charcute
l'éducation universitaire et planifie l'appauvrissement de la
société québécoise, je m'aperçois qu'aux
questions auxquelles vous répondez vous apportez quand même une
espèce de nuance. Vous faites la part des choses et je vous en
félicite. J'allais vous dire: Écrivez-nous moins souvent et venez
nous rencontrer le plus souvent possible pour dialoguer. J'en conviens et je
l'apprécierai beaucoup.
Pour ma part, j'ai été dans le domaine de l'enseignement
et j'ai toujours été à l'écoute de la jeunesse. Je
le suis encore, mais quand même, comme parlementaire, il faut savoir
qu'il y a aussi des choix à faire parce que je l'ai vu. J'aurais
dû m'habituer à votre style. J'ai de la difficulté, mais
j'apprécie beaucoup le dialogue qui se fait de part et d'autre. Vous
parlez d'une façon assez acerbe de l'accessibilité à
l'éducation et de la démocratisation. Nous sommes d'accord. On a
les mêmes objectifs. La preuve, c'est qu'en depuis 1972 - parfois, on
n'aime pas les comparaisons - on avait un rattrapage de 58% à faire
à comparer à l'Ontario. Quand même, on s'y est mis, on a
retroussé nos manches et envoie, on fait quelque chose. Aujourd'hui, au
moment où on se parle, on est 8% supérieur. Il y a 8% de
clientèle... Je pense qu'on a la preuve que l'accessibilité est
plus universelle. Il y a plus de gens qui y vont. Pendant qu'en Ontario on paie
peut-être plus de 1000 $ de frais de scolarité, au Québec,
on en paie 500 $. On est une des provinces qui diminuent davantage ces frais
tandis qu'ailleurs on les augmente. Je pense que comme collectivité...
Je ne parle pas du gouvernement et, surtout, je ne parle pas du PQ. On est un
gouvernement, mais c'est la société - et je représente
jusqu'à un certain point la société - qui a des choix
à faire. Il y en a qui disaient tout à l'heure: On n'indexe pas
peut-être ce que les universités devraient recevoir. Je suis
d'accord. Nos revenus ne sont pas indexés. Les revenus de la
société québécoise vont en diminuant. Je pense
qu'on ne peut pas... Ce n'est peut-être pas le temps ce matin de faire un
cours d'économie, mais on traverse une crise économique et il
s'agit de partager une assiette. On a entendu autrefois des médecins qui
nous en ont demandé plus, des bénéficiaires de l'aide
sociale qui en ont demandé plus, des hôpitaux qui en demandent
plus. Le primaire et le secondaire en demandent plus. Tout le monde en demande
plus. Nous, comme législateurs, nous disons: On fait quoi, avec cela?
N'allez pas penser que c'est de gaieté de coeur qu'on va dire: On
gèle, on fait des coupures dans le domaine des universités.
N'allez pas penser qu'on fait cela de gaité de coeur. Sont-elles
justifiées à 100%? La discussion - et c'est la raison pour
laquelle on vous reçoit - est ouverte. On vous reçoit et on
écoute le pour et le contre. C'est pour cette raison que les attaques
étaient, il me semble, un peu grosses. Je trouvais que c'était un
peu gros. Le PQ... Moi, je représente le gouvernement. Je
représente la population. Si on ne nous aime pas, qu'on nous
enlève. Ils en mettront d'autres et ils continueront. C'est cela, le jeu
de la démocratie, mais, en attendant, je pense que comme parlementaire
j'ai une responsabilité et on doit se mettre ensemble pour partager de
la façon la plus équitable et la plus juste possible en ayant des
priorités de société. J'aurais aimé poser des
questions. C'est beaucoup plus un commentaire. Je vous remercie beaucoup
d'être venus dialoguer avec nous.
Le Président (M. Charbonneau): Le dialogue implique des
réponses à des interventions; une courte réponse pour
permettre au député de Saint-Laurent de faire lui aussi une
intervention.
M. Paquet (Jean-Pierre): J'aimerais nuancer dans une
première étape. Par rapport aux statistiques concernant
l'accessibilité à l'éducation, on prend bien soin dans le
mémoire d'apporter les nuances qui s'imposent, à savoir qu'il ne
s'agit pas de prendre globalement le taux d'accès, mais encore faut-il
voir comment il s'applique au niveau des temps pleins et des temps partiels,
premier cycle versus études avancées. À ce niveau, je
pense que, si on veut faire des comparaisons, elles ne seront pas à
notre avantage.
Vous dites que tout le monde en demande plus. Nous, ce qu'on
dénonce, c'est justement ces choix. Le gouvernement fait des choix entre
ceux qui demandent des sous. Je pense qu'il a fait ces choix. On dénonce
ces choix. Ceux qui en demandent le plus et ceux qui en reçoivent le
plus, je pense que ce n'est pas la population.
On revient encore avec la question des entreprises; il y a quelques
années, à ce que je sache, les taxes aux entreprises ont
été drôlement diminuées par le ministre des
Finances. Il faut voir à qui le gouvernement répond favorablement
finalement. C'est cela dont on parle.
M. Vézina: Moi aussi j'ai quelques commentaires pour
conclure. Dans le mémoire on dit bien - cela c'est dans l'introduction -
d'emblée, que l'accessibilité à l'éducation, bien
qu'elle augmente, devient davantage sélective et limitative.
On a reconnu qu'effectivement il y a plus de têtes de pipe mais
qu'au bout du compte ce n'est peut-être pas nécessairement une
situation d'ensemble qui est nécessairement souhaitable.
Je vais terminer sur la question des frais de scolarité. Il y a
plusieurs choses qui ont été dites là-dessus; la question
est très importante. Elle est du ressort de la présente
commission et risque de connaître de nombreux rebondissements, surtout,
je pense, lorsque les recteurs vont se présenter ici.
Le Président (M. Charbonneau): Ils se sont
présentés. Je voudrais vous arrêter...
M. Vézina: Les universités plutôt.
Le Président (M. Charbonneau): Je voudrais vous
arrêter tout de suite. J'ai permis qu'il y ait une discussion sauf que je
ne voudrais pas qu'on revienne sur des points qui ont déjà
été formulés. Je pense que vous avez eu amplement le temps
de dire ce que vous aviez à dire. Je vais laisser plutôt la parole
au député de Saint-Laurent parce que je ne pense pas que dans son
intervention le député ait à soulever cette question,
sinon on relance la discussion et puis on en a pour une heure.
M. Vézina: ...je voulais répondre, vous m'avez
coupé tout à l'heure. Je n'ai pas pu lui répondre.
Maintenant, je peux conclure après, une minute à la toute
fin.
Le Président (M. Charbonneau): Les règles du jeu,
c'est de ce côté-ci qu'on les détermine.
M. Vézina: Oui, je le sais bien, c'est cela le
malheur.
Le Président (M. Charbonneau): Si cela ne vous
dérange pas trop.
M. le député de Saint-Laurent.
M. Ryan: Ne vous plaignez pas, nous subissons le même
sort.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'aurais plusieurs questions à
vous poser. J'aurais peut-être voulu vous entendre sur le problème
que vous avez soulevé: la dissociation de l'enseignement, de la
recherche qui serait due au sous-financement.
Je vais vous poser une seule question: vous affirmez, dans votre
mémoire, que la classe ouvrière accède faiblement ou plus
faiblement aux études postsecondaires. Je voudrais savoir comment vous
avez pu mesurer cela? Avez-vous fait une enquête? Est-ce que le
sous-financement ou le manque d'argent serait le seul facteur du
non-accès aux universités? En fait, vous parlez du
postsecondaire, particulièrement au niveau des universités, pour
la classe ouvrière.
M. Vézina: On n'a pas remis, dans le mémoire, nos
sources. Lorsqu'on est venu devant la commission parlementaire sur la question
du règlement des études collégiales, on avait
abordé cette question. On avait des données très
précises qui provenaient d'une étude commandée par le
ministère de l'Éducation, réalisée par Mme Mireille
Lévesque. Cela c'est disponible au ministère de
l'Éducation, c'était dans cette étude qu'on avait pris des
chiffres qui étaient assez probants sur le taux d'accès à
l'éducation postsecondaire par provenance sociale.
Maintenant, je n'ai pas les chiffres en tête, il y a un
écart assez impressionnant qui touche ceux qui proviennent, disons, des
secteurs sociaux qui regroupent une bonne majorité de la population
quant au taux de passage.
Je pense que vous ne siégiez pas à l'époque,
à cette commission, à moins que je ne me trompe, vous
n'étiez pas là, mais on avait abordé cela dans le
détail parce que le ministre nous avait accusés, à ce
moment-là, d'avoir des références
marxistes-léninistes. Alors, on lui avait dit que c'était dans
ses études à lui qu'on prenait tous ces chiffres.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous identifiez la pauvreté
comme étant le seul facteur.
M. Vézina: Par rapport à...?
M. Leduc (Saint-Laurent): En fait, le non-accès, vous
identifiez la pauvreté comme étant le seul facteur de la
faiblesse d'accès.
M. Vézina: Entre autres. Il y en a d'autres mais entre
autres il y a celui-là. Évidemment, il peut y avoir
peut-être des choix personnels, à un moment donné, mais on
pense que celui-là c'est le principal, effectivement.
M. Leduc (Saint-Laurent): Bon d'accord, merci.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. Il ne me reste
qu'à vous remercier d'avoir accepté notre invitation de
participer à cette commission parlementaire. Je suis convaincu que les
parlementaires ont apprécié l'échange qu'ils ont eu avec
vous. Je pense qu'on aura sûrement l'occasion de tenir compte de vos
propos et de vos commentaires lors de nos délibérations et des
recommandations que nous aurons à faire.
Merci et sans doute à la prochaine. La commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 39)
(Reprise de la séance à 15 h 12)
Le Président (M. Charbonneau):
Mesdames et messieurs, à l'ordre!
La commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre
reprend ses travaux et ses consultations particulières. Cet
après-midi, nous recevons le Conseil des universités.
Je dois d'abord remercier le conseil d'avoir accepté notre
invitation. Je pense que l'organisme est sans doute l'un des plus importants
dans le domaine de l'enseignement universitaire et probablement celui qui est
le plus au fait de la situation.
Je demanderais au président, M. L'Écuyer, de bien vouloir
présenter les gens qui l'accompagnent et d'engager immédiatement
sa présentation pour qu'on puisse avoir le maximum de temps possible
pour entreprendre la discussion.
Conseil des universités
M. L'Écuyer (Jacques): Merci, M. le Président. Les
gens qui m'accompagnent, en commençant par les gens de ma droite: M.
Richard Simoneau, qui est le secrétaire de la Commission de la recherche
universitaire; Mme Christiane Querido, présidente de la Commission de la
recherche universitaire; M. Claude Létourneau, secrétaire du
Comité du financement du conseil; Mme Madeleine Perron,
secrétaire générale du conseil, et M. Maurice Boisvert
qui, jusqu'à ces jours derniers, était président du
Comité des programmes du conseil.
Chaque année, le Conseil des universités examine le
financement de l'enseignement supérieur québécois et nous
nous sommes souvent inquiétés, dans le passé, de l'absence
de débat public sur cette question. Aussi, est-ce avec beaucoup
d'intérêt que nous avons appris que votre commission avait
décidé de placer ce sujet à son agenda et vous pouvez me
croire lorsque nous vous remercions de tout coeur et nous vous
félicitons, si on peut dire ainsi, de votre initiative. Nous vous
remercions, en particulier, de votre invitation à venir
témoigner.
Les universités tirent leurs revenus de plusieurs sources
différentes. Certaines de ces ressources, tels les subventions
gouvernementales du ministère de l'Éducation et les frais de
scolarité, ne comportent aucune attache et peuvent être
utilisées pour le fonctionnement général de
l'université, suivant les décisions des administrateurs de
l'université.
D'autres sources, par contre, sont liées à des
activités spécifiques et doivent être employées
à ces fins uniquement. C'est le cas des subventions de recherche et
aussi de plusieurs subventions de dotation.
Les revenus de la première catégorie, on le comprendra
facilement, constituent la base de financement des universités. Ceux de
la deuxième catégorie, beaucoup plus modestes en proportion de
façon générale, sont toutefois très importants dans
la mesure où ils permettent la réalisation d'activités de
recherche, dans la mesure aussi où ils peuvent avoir des effets
d'orientation sur ces activités en milieu universitaire. Cette
deuxième catégorie de revenus n'acquiert toutefois son
efficacité qu'en autant qu'existe une base suffisamment solide de
revenus provenant de la première catégorie.
Dans le bref mémoire que nous vous présentons, nous
traiterons d'abord des revenus qui peuvent être utilisés sans
restriction; nous traiterons ensuite des autres catégories de revenus et
éventuellement de l'impact des interventions fédérales
dans ces domaines. Vous comprendrez assez facilement, je pense, qu'ayant
traité souvent de ces questions, nous soyons tentés d'y faire
référence. Évidemment, notre mémoire se veut, dans
une certaine mesure, un peu un résumé ou un condensé des
principales interventions que nous avons faites dans ce domaine.
Les subventions gouvernementales du ministère de
l'Éducation représentent actuellement près de 90% de
l'enveloppe des revenus sans restriction. Le reste, soit environ 7%, provient
des frais de scolarité, au lieu de 10%. Ensemble, ces deux sources de
revenus permettent de faire face aux dépenses provenant des salaires, de
l'entretien habituel des bâtiments, de l'acquisition des volumes pour les
bibliothèques, de l'acquisition de fournitures pour les laboratoires,
etc.
Les tableaux 2 et 3 de l'avis du Conseil des universités sur le
niveau de financement des universités pour l'année 1984-1985,
permettent de suivre l'évolution des subventions gouvernementales depuis
1978-1979 jusqu'à 1984-1985. Si l'on corrige pour l'inflation et pour
l'augmentation du nombre d'étudiants, on constate que les subventions
per capita en dollars constants de 1978-1979 sont passés de 5263 $
à cette époque à 3612 $ à 1984-1985. C'est dire que
les subventions de 1984-1985 ne représentent plus que 69% de celles de
1978-1979.
Les frais de scolarité, quant à eux, sont gelés
depuis nombre d'années. Lorsqu'on tient compte de l'inflation, ce gel
équivaut à une diminution annuelle des revenus per capita de
l'université. L'effet combiné des baisses des subventions
gouvernementales et des revenus provenant des droits de scolarité a
été examiné par le conseil, dans son avis sur le niveau de
financement pour 1983-1984. Le conseil constatait alors que les revenus des
universités québécoises en provenance de ces deux sources
étaient nettement inférieurs aux revenus disponibles dans les
universités de l'Ontario et des autres provinces du
Canada.
On peut se faire une idée des effets des compressions
budgétaires subies par les universités québécoises
en suivant l'évolution de certaines catégories de leurs
dépenses, particulièrement des dépenses qui se situent
dans leur marge de manoeuvre, c'est-à-dire celles qui ne sont pas
sujettes à des exigences rigides de convention collective ou du
même type. C'est le cas, par exemple, des dépenses d'acquisition
de volumes ou de périodiques qui sont passées, pour l'ensemble
des universités du Québec, de 8 040 000 $ en 1975-1976 à 4
880 000 $, en dollars constants toujours, en 1981-1982; donc, une diminution de
près de la moitié.
Il existe aussi d'autres données très simples qui laissent
entrevoir une réalité inquiétante. Ainsi en est-il, par
exemple, du ratio étudiants-professeur régulier, qui est
actuellement ou, en tout cas, qui était, il y a quelques mois, de 17,4
au Québec, soit un nombre nettement supérieur à ce qui se
passe dans le cas des cégeps québécois par exemple ou dans
le cas des autres provinces canadiennes. Ces données sont
analysées dans les avis sur le financement.
Tout cela amenait le Conseil des universités, dans son avis
1983-1984 sur le financement des universités, à conclure que
"rien ne peut justifier de nouvelles compressions des subventions aux
universités." Le conseil ajoutait: "Le coût unitaire étant
maintenant l'un des plus bas au pays, si, malgré tout, le gouvernement
voulait réduire ses subventions, il serait périlleux de le faire
sans de profondes remises en cause des choix qui ont conduit au système
universitaire que nous connaissons. Il faudrait, en particulier, revoir les
politiques d'accessibilité et de frais de scolarité de même
que la structure de l'enseignement supérieur. Procéder autrement
conduirait à une dégradation rapide de la qualité du
système universitaire québécois." Les soulignés
sont, je pense, dans l'avis du conseil.
Par ailleurs, le conseil est très conscient que les coûts
per capita, très bas au Québec, ne sont pas un indicateur
suffisant de l'effort de la société québécoise
à l'égard de ses universités. Ainsi, lorsqu'on rapporte
les subventions de fonctionnement des universités à la population
québécoise ou au produit intérieur brut, on constate que
le Québec dépense plus pour ses universités que la plupart
des autres provinces canadiennes et cela de façon
appréciable.
Cela tient essentiellement à trois facteurs. D'abord, le fait que
les universités québécoises accueillent plus
d'étudiants que celles des autres provinces. Dans les autres provinces,
on exclut habituellement, dans ce type de comparaison, les étudiants de
première année, ce qui correspond à la deuxième
année de cégep général au Québec. En outre,
les frais de scolarité moins élevés au Québec
qu'ailleurs impliquent que la collectivité québécoise
prend à sa charge une plus grande part des dépenses
universitaires. Enfin, il faut relever le fait qu'au Québec le produit
intérieur brut par habitant est d'environ 24% moins élevé
qu'en Ontario et de 20% moins élevé que dans les autres provinces
prises ensemble. Tout cela fait que les dépenses du Québec
rapportées à son produit intérieur brut seront plus
élevées qu'ailleurs.
Ces dernières statistiques reflètent l'effort important de
la société québécoise vis-à-vis de ses
universités. Elles n'enlèvent rien au fait que ces mêmes
universités sont, toutes proportions gardées, parmi les plus
pauvres au pays. Elles font cependant clairement ressortir les limites de
l'aide québécoise, la nécessité d'une gestion
précise et ordonnée des ressources et l'importance de rechercher
la plus grande efficience dans le fonctionnement du système
universitaire québécois.
C'est avec ces préoccupations en tête que le Conseil des
universités, dans son rapport annuel 1982-1983, attirait l'attention sur
la situation extrêmement délicate des universités
québécoises, invitait le gouvernement à adopter une
politique éclairée et cohérente vis-à-vis de
l'enseignement supérieur, à cesser ses coupures aveugles à
l'endroit des universités et demandait aux universités de faire
l'usage le plus rationnel possible de leurs ressources.
Jusqu'en 1981-1982, le ministère de l'Éducation utilisait
la formule dite historique pour répartir l'enveloppe des subventions
entre les universités. Cette méthode consiste essentiellement
à indexer la base de financement de l'année
précédente pour tenir compte des variations de clientèles
et des facteurs liés à l'inflation. Cette méthode souffre
de nombreux inconvénients qui ont été décrits en
détail en plusieurs endroits, entre autres dans l'avis du Conseil des
universités sur les rapports de la commission Angers.
J'éviterai de lire la série des faiblesses que nous y
relevions. J'irai plus loin en disant qu'il ne faut pas s'étonner de ce
que, depuis plusieurs années déjà, le Conseil des
universités réclame la mise au point d'une nouvelle formule de
répartition qui tienne mieux compte de la diversité des missions
universitaires et des priorités du système d'enseignement
supérieur québécois.
Dans l'avis sur le financement du réseau universitaire pour
1982-1983, le conseil recommandait: que le ministre de l'Éducation, de
concert avec ses partenaires du système universitaire, détermine
les objectifs réalistes et précise les priorités à
retenir pour le réseau universitaire au cours des prochaines
années, en particulier en matière d'accessibilité et de
démocratisation; que les universités revoient leur plan de
développement en tenant compte de ces objectifs et de ces
priorités; que le ministre de l'Éducation propose une nouvelle
formule de financement qui soit conforme à ces objectifs et qui tienne
compte des principaux paramètres caractérisant le fonctionnement
des universités; que cette formule soit mise en application
graduellement pour permettre aux établissements de s'adapter à de
possibles variations de leur niveau de financement.
Le ministère de l'Éducation a commencé à
introduire des modifications à sa formule historique à partir de
1982-1983. En effet, à cette date, le ministère a cessé de
financer les augmentations de clientèles par une indexation de la base
historique de financement. Il a choisi plutôt d'allouer un montant per
capita pour chaque nouvel étudiant, ce montant étant
calculé sur la base des coûts moyens d'enseignement de la
discipline du nouvel inscrit. Mais c'est cette année que le
ministère a vraiment voulu donner suite aux recommandations du conseil.
En effet, dans le cadre de financement du réseau pour l'année
1984-1985, le ministère propose des orientations et des priorités
de développement au système universitaire
québécois, discute du cadre budgétaire et des
modifications à apporter à la formule de financement et propose
d'ajuster les bases de financement en tenant compte d'un certain nombre de
paramètres pertinents, tel que les clientèles, la taille,
l'effort de recherche, etc.
Dans l'ensemble, les propositions du ministère rejoignent d'assez
près les préoccupations du conseil. Ainsi, dans l'avis que nous
venons tout juste de déposer sur le cadre de financement du
réseau pour 1984-1985, le conseil déclarait que, dans l'ensemble,
les grands objectifs proposés par le ministère rejoignent
à plusieurs égards la position du conseil. De même, en ce
qui concerne le financement des clientèles additionnelles, le conseil
est heureux des propositions du ministère de financer ces
clientèles par secteurs et par cycles d'enseignement, même si, sur
ce dernier point, nous proposions des modifications à la méthode
envisagée par le ministère.
Le conseil n'a pas d'objection de principe à l'ajustement des
bases historiques de financement. C'est là, pensons-nous, une
opération normale, étant donné que la formule historique a
pu introduire dans le passé des distorsions inévitables.
Cependant, le conseil estime que, dans l'immédiat, deux
préalables doivent être remplis avant que l'on puisse
procéder à cet ajustement des bases. D'abord, il importe que la
base de données utilisée pour calculer les ajustements soit la
plus fiable possible. Sur ce point, le conseil a des doutes sérieux qui
le poussent à recommander au ministère de procéder d'abord
à une vérification approfondie de sa base de données. En
outre, il est extrêmement important pour le bon fonctionnement du
réseau que les paramètres utilisés pour procéder
à l'ajustement des bases de même que la philosophie et les
objectifs qui les sous-tendent, soient mûrement réfléchis
et discutés avec les intéressés. Dans cette perspective,
le conseil a recommandé au ministère de procéder à
des consultations de ces partenaires du réseau avant de faire les
ajustements proposés.
Donc, en résumé, le conseil considère que les
modifications apportées à la formule de partage entre les
universités sont heureuses et vont dans la bonne direction, mais il
considère qu'il est encore trop tôt pour procéder en toute
sécurité à des ajustements et qu'il importe, dans
l'immédiat, de poursuivre les discussions et de vérifier les
bases de données.
En terminant sur cette question, le conseil veut rappeler que la
meilleure formule de financement ne permettra jamais de faire face à
toutes les situations particulières d'un réseau avec des missions
aussi diversifiées que le réseau universitaire. En
conséquence, le conseil estime que le ministère devrait
rechercher avec les universités de nouvelles façons d'encourager
des développements sélectifs et de faire face à ces
situations particulières qui risquent de se développer ou de
persister dans le réseau actuel.
Ce qui a été dit précédemment quant à
la pauvreté relative des universités québécoises se
retrouve à peu près intégralement lorsque l'on examine
leurs investissements. C'est ainsi que les espaces en propriété
des universités québécoises sont parmi les plus faibles au
pays, ce qui les oblige à avoir recours à des locations qui
grèvent d'autant leur budget de fonctionnement. En 1982-1983, par
exemple, le Québec a dépensé en location pour ses
universités près de 20 000 000 $ alors qu'en Ontario le
même budget ne dépassait pas 1 500 000 $. Même en
additionnant les espaces en propriété et les espaces en location,
les locaux disponibles dans les universités québécoises
sont, toutes proportions gardées, en termes de per capita
étudiant, nettement inférieurs à ce qu'ils sont dans les
universités ontariennes. Cette situation résulte d'un certain
nombre de facteurs, entre autres de prévisions de clientèles
très modérées pour les années à venir, de
normes assez rigides d'utilisation des budgets et surtout de la faiblesse de
l'enveloppe des subventions d'investissement destinées aux
universités, enveloppe dont l'augmentation paraît limitée
par les règles actuellement en vigueur au Conseil du trésor.
Cette enveloppe d'investissement destinée aux universités
est subdivisée en quatre catégories. Il est peut-être utile
de
rentrer un peu dans le détail, parce que cela explique un certain
nombre de situations dans le réseau. D'abord, il y a trois
sous-enveloppes annuelles, l'une pour la rénovation et le
réaménagement des locaux - on comprend que la mission de
l'université changeant graduellement, on a des ajustements à
faire - une deuxième pour le remplacement des biens mobiliers et une
troisième pour l'acquisition d'équipement mobilier. Le reste de
l'enveloppe peut être utilisé pour le financement de nouveaux
projets de construction ou d'acquisition d'immeubles. Plusieurs indices
conduisent à penser que les sous-enveloppes annuelles sont insuffisantes
pour répondre adéquatement aux besoins. Dans le domaine de
l'équipement, par exemple, le ministère de l'Éducation a
été récemment amené à réserver un
budget spécial de 15 000 000 $ indiquant bien l'insuffisance des
enveloppes annuelles d'acquisition et de remplacement de tels biens. Quant aux
montants réservés pour les nouveaux projets, ils paraissent
nettement insuffisants, comme en témoigne l'augmentation
régulière des budgets consacrés aux locations dans les
universités québécoises.
Dans l'avis qu'il donnait en novembre dernier sur les plans quinquennaux
d'investissement pour 1982-1987 et 1983-1988, le conseil analysait la question
des investissements au Québec. Il reconnaissait la complexité de
la prise des décisions en ce domaine. Aussi souhaitait-il vivement
qu'avant d'en arriver à une décision le ministère
procède à une analyse approfondie et globale de type
coûts-bénéfices non seulement de la situation d'ensemble
des espaces universitaires québécois, mais aussi des projets qui
lui sont ou qui pourraient lui être soumis par les divers
établissements. Les options sont souvent multiples et les
possibilités de solution variables d'un établissement à
l'autre, d'une ville à l'autre, d'un environnement à l'autre. Le
conseil, cependant, recommandait que les dépenses liées aux
nouvelles locations découlant de décisions prises au niveau des
investissements soient financées par des crédits
supplémentaires à l'enveloppe de fonctionnement des
universités. Actuellement, nous constatons qu'il est beaucoup trop
facile de privilégier les solutions de locations et de refiler le
coût au réseau universitaire effectuant ainsi une compression
indirecte dans le budget de fonctionnement. (15 h 30)
Le conseil étudie présentement un projet de plan
quinquennal 1984-1989 dans lequel le ministère souhaite financer de
nouveaux projets en comprimant quelque peu les sous-enveloppes annuelles, mais
sans augmenter de façon substantielle l'enveloppe globale des
investissements. Même si le conseil ne s'est pas encore prononcé
sur cette proposition, on peut d'ores et déjà dire qu'elle ne
constitue pas une solution miracle, étant donné que chacune des
sous-enveloppes paraît déjà insuffisante et qu'on propose
d'y faire des contractions extrêmement importantes.
Les subventions de recherche ont pour but de permettre aux professeurs
de poursuivre les recherches qu'ils désirent entreprendre soit pour
revitaliser leur enseignement, soit pour explorer de nouveaux domaines du
savoir. Elles ont aussi pour fonction essentielle de dynamiser nombre de
programmes d'études avancées qui, on le sait, reposent dans une
large mesure sur les activités de recherche des professeurs. Les
subventions et contrats de recherche sont aussi fréquemment
utilisés pour tirer profit des compétences des professeurs et des
chercheurs du milieu universitaire. Cette dernière fonction revêt
d'ailleurs une importance de plus en plus grande et peut, dans certains cas,
poser des problèmes à l'université étant
donné que les intérêts des utilisateurs et des pourvoyeurs
de fonds peuvent diverger grandement des intérêts de
l'université.
En 1982-1983, d'après les rapports de Statistique Canada, les
universités québécoises recevaient en fonds externes de
recherche quelque 160 000 000 $. Si on reporte cela au nombre de professeurs,
cela fait une subvention qui se situe entre 20 000 $ et 25 000 $ en moyenne par
professeur. Le gouvernement fédéral est le principal pourvoyeur
de ces fonds externes de recherche, étant à l'origine de 58,2% de
ses subventions. Viennent ensuite le gouvernement provincial avec 20% et les
diverses corporations, fondations et dotations privées avec 21,6%. On
voit donc l'importance du gouvernement fédéral dans ce domaine,
dans ce champ d'activité des universités.
Si on examine la proportion des fonds de recherche de source
fédérale obtenue par les universités du Québec en
1982-1983, on constate qu'elle atteint 24%, ce qui correspond, à peu de
chose près, au rapport de la population québécoise
à la population canadienne. Si, cependant, on s'intéresse
à la proportion des fonds de recherche fédéraux obtenus
par les universités francophones du Québec à la même
époque, c'est-à-dire en 1982-1983, on constate que cette
proportion n'atteint que 14,4%, soit une proportion bien inférieure
à l'importance relative de la population francophone
québécoise.
Cette faiblesse relative de la performance des universités
québécoises a grandement inquiété le conseil.
D'autant plus que cette proportion est demeurée à peu près
constante au cours des dix dernières années, malgré des
efforts importants de rattrapage. La plus grande part des fonds de recherche
fédéraux étant obtenue par la voie
de concours organisés par les principaux organismes
subventionnaires, il y a lieu de s'interroger sur l'état de la recherche
universitaire en milieu francophone et de rechercher les causes de cette
situation. Les concours fédéraux seraient-ils biaisés?
Serait-ce que les universités francophones font face à des
difficultés particulières? Faut-il conclure que les chercheurs
québécois sont moins performants? Autant de questions qu'il
importe de se poser.
Le conseil a examiné cette question dans un récent avis
sur l'état et les besoins de la recherche universitaire et de la
formation des chercheurs à la lumière des performances des
universités dans les programmes fédéraux. Le conseil
notait, en particulier, l'importance à accorder à des questions
telles que les modes d'organisation de la recherche à l'intérieur
des universités, les qualifications des professeurs et des chercheurs,
les difficultés d'intégration et de préparation pour des
jeunes professeurs débutant en recherche et y allait d'un certain nombre
de recommandations destinées à améliorer la situation.
Par ailleurs, le conseil notait aussi, au cours de la même
étude, que les universités francophones peuvent avoir à
faire face à certaines difficultés particulières
liées à leur contexte linguistique. Ainsi, leur bassin de
recrutement de professeurs, de chercheurs et d'étudiants est beaucoup
plus restreint que celui de leurs consoeurs anglophones. Aussi faudrait-il
prendre garde que le concours des organismes pancanadiens ne jouent, dans
certains cas, systématiquement en leur défaveur. À la
suite de cette analyse, le conseil recommandait "que le ministère de
l'Éducation, dans l'application de ses politiques de
développement et de consolidation de la recherche et des études
avancées, soit très attentif à la situation du
sous-réseau francophone et propose, le cas échéant, des
objectifs cibles, au chapitre de la fréquentation, de la participation
à la recherche, qui tiennent compte des besoins de développement
de ce sous-réseau, en particulier."
Dans un avis complémentaire à celui que nous venons de
mentionner et portant sur l'impact du financement fédéral sur le
développement universitaire au Québec, le conseil y allait de
certaines recommandations particulières destinées à mieux
harmoniser les programmes fédéraux et provinciaux de support
à la recherche, en gardant toujours en tête la situation
particulière du sous-réseau francophone québécois.
Étant donné l'importance considérable des subventions de
recherche pour le bon fonctionnement des programmes de recherche et
d'études avancées et la tentation que pourraient avoir les
pourvoyeurs de fonds de recherche de l'utiliser à leurs propres fins et
de vouloir imposer leur propre mode d'organisation, le conseil a voulu dans le
même avis rappeler l'importance qu'il attache au fait qu'il n'y ait qu'un
seul maître d'oeuvre dans la coordination du réseau universitaire
québécois et que ce maître d'oeuvre soit le gouvernement du
Québec.
Cette dernière question est d'autant plus importante que, dans le
cadre de sa participation aux programmes établis, le gouvernement
fédéral a récemment indiqué sa volonté de
proposer des objectifs nationaux ayant trait au développement et au
maintien au pays d'un bon système d'enseignement postsecondaire. Le
gouvernement fédéral paraît donc désireux
d'intervenir de plus en plus directement dans l'enseignement supérieur
au Québec comme dans tout le reste du Canada. Nous pourrions vous donner
d'autres exemples de cette volonté. L'importance de sa contribution
financière le place en position évidemment avantageuse. Il faut
quand même le réaliser: les paiements de transferts
représentent -cela a été confirmé par le ministre
des Finances, il y a deux jours - la moitié de la subvention de
fonctionnement provinciale aux universités québécoises.
Pourtant, le Conseil des universités estime qu'il ne faut pas perdre de
vue le fait que l'enseignement supérieur est une partie
intégrante du système d'éducation et que, pour cette
raison comme aussi pour son importance au plan de la mise en valeur des
ressources humaines, du développement culturel, économique et
social de la société québécoise, il est essentiel
que le gouvernement du Québec demeure le maître d'oeuvre de la
coordination et soit vigilant sur cette question. Mais - et ceci doit
être bien compris - cela n'exclut pas du tout que le gouvernement du
Québec intègre, dans la mesure du possible et à sa
façon, des objectifs pancanadiens.
Quelques remarques pour terminer. En ce qui concerne la
répartition des ressources à l'intérieur des
universités, le conseil a relativement peu à dire de façon
générale sur cette question. C'est là une question qui
concerne principalement les gestionnaires des universités et sur
laquelle les organismes extérieurs ne devraient pas intervenir
directement. Le conseil remarque cependant que les universités sont des
organismes extrêmement vulnérables aux pressions externes et que
ces pressions peuvent exercer une influence considérable sur le partage
des ressources dans l'institution. Les conseils subventionnaires et les
comités de pairs, par exemple, peuvent à l'occasion poser des
exigences sérieuses aux universités, exigences auxquelles elles
auront beaucoup de difficulté à résister.
Les comités d'agrément des programmes professionnels
posent quelquefois des exigences très importantes avant d'accorder une
reconnaissance pancanadienne ou même
nord-américaine. Tout cela est assez normal étant
donné le rôle social de l'université. Il faut cependant
éviter que ces pressions ne s'exercent au profit des
intérêts particuliers de certains groupes et n'entraînent
une certaine hiérarchisation des secteurs et des activités de
l'université. C'est là une question que le conseil a
récemment abordé à l'occasion d'un avis sur le rôle
de l'université dans la formation professionnelle. Le conseil
soulignait, en particulier, la nécessité de discussions publiques
sur des questions telles que les standards de formation, questions qui sont
d'importance considérable pour la société, mais qui, en
même temps, sont génératrices de transferts de ressources
entre les secteurs de l'université.
Au moment de terminer ce bref mémoire, le conseil veut souligner
sa préoccupation quant à la qualité des activités
universitaires. Le conseil ne veut pas entrer ici dans un débat sur la
charge de travail ou sur des questions telles que le ratio
étudiants-professeur, non pas que ces questions n'ont pas d'importance,
mais les discussions sont trop souvent stériles et peu productrices. Il
veut cependant souligner que les compressions budgétaires des
dernières années ont eu des conséquences importantes sur
le taux de renouvellement du corps professoral et sur son vieillissement.
L'absence de jeunes professeurs dans certains secteurs de l'université
pourrait avoir des conséquences néfastes sur l'évolution
des programmes, sur leur adaptation aux besoins actuels et, dans certains cas,
sur le dynamisme de la recherche.
Il n'y a pas de doute dans l'esprit du conseil que c'est la
qualité même des activités universitaires qui, à
plus ou moins long terme, est menacée. C'est pourquoi la conseil a
proposé il y a quelques mois un programme échelonné sur
une dizaine d'années visant à injecter du sang neuf dans le corps
professoral et particulièrement dans ces secteurs qui, à l'heure
actuelle, sont laissés pour compte par le virage technologique et qui,
curieusement, sont les secteurs qui, dans certains cas - je pense au secteur
des lettres - ont le plus besoin de renouvellement dans le contexte
présent.
La qualité des activités universitaires est aussi
menacée par la difficulté de renouveler suffisamment rapidement
les équipements et les fournitures requises pour l'enseignement
régulier. Cette question a retenu l'attention de plusieurs observateurs
-on en a entendu parler d'ailleurs - dont le ministère de
l'Éducation qui a voulu lui consacrer un budget particulier. Mais cette
question ne sera résolue de façon durable que par un ajustement
de l'enveloppe permettant l'acquisition de tels équipements.
Ce ne sont là que deux aspects, mais qui constituent pour nous
des aspects de goulot d'étranglement: le renouvellement des professeurs,
le vieillissement des équipements; ce sont deux points qui
mènent, de toute évidence, à une dégradation de
l'enseignement universitaire et cela, peu importe la volonté ou le
dévouement du corps professoral et des gens en place. On pourrait
d'ailleurs en citer plusieurs qui sont peut-être moins
immédiatement quantifiables ou qui ne se prêtent pas à une
analyse aussi immédiatement concluante. On pourrait parler de morale,
les professeurs en ont parlé hier.
Nous terminerons par une citation du président de Northern
Telecom, à l'occasion de l'assemblée annuelle des actionnaires.
Le président de Northern Telecom qui est quand même une personne
avertie et d'autant plus qu'il avait auparavant participé à une
espèce d'évaluation des programmes de génie en Ontario
disait ceci: "Ce que je sais, c'est que nous avons laissé nos
universités se détériorer et qu'il faudra investir
lourdement pour les ramener au rang des institutions de classe mondiale. Et,
plus nous temporiserons, plus le prix sera élevé. Nous devons
établir l'ordre des priorités et investir en vue d'un rendement
maximal. Nous devons décider, de concert avec les universités,
où implanter nos centres d'excellence. Nous devons décider
quelles universités se spécialiseront en informatique, en droit,
en médecine, en génie, en agriculture. Nous n'avons pas les
moyens de dissiper notre capital humain et financier dans une vaine tentative
visant à rendre toutes et chacune de nos universités
dispensatrices du savoir dans toutes et chacune des disciplines."
Si j'ai cité cet extrait de M. Walter Light, je pense qu'il
présente bien le problème auquel nous avons à faire face
aujourd'hui, celui d'un niveau de ressources qui est insuffisant, mais en
même temps celui d'établir des prioriétés, de
réorganiser et de voir à coordonner le fonctionnement de notre
système d'enseignement supérieur. Et si j'ai une remarque
à ajouter à ce stade-ci, je dirais: Nous avons beaucoup entendu
parler du niveau dans les interventions précédentes, mais il est
un autre aspect qui nous paraît, au conseil, extrêmement important
et qui constitue l'une des préoccupations les plus sérieuses du
conseil, c'est celui de la coordination et de l'efficience de fonctionnement du
réseau.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. L'Écuyer.
Le premier commentaire serait pour dire que j'ai l'impression, après ces
trois jours de rencontres et d'analyses, que, malgré des variantes,
finalement, on s'entend assez bien sur le diagnostic de la situation actuelle.
On tente, lorsqu'on rencontre différents groupes, de préciser ce
diagnostic le mieux possible. On s'est rendu compte que les instruments
n'étaient pas parfaits ou que
nos opinions pouvaient varier sur les problèmes, mais il semble
clair qu'on en est rendu à une situation où il y a des besoins
particuliers qui se présentent et qui vont peut-être nous obliger,
comme société, à ne pas se comporter de la façon
qu'on s'est comporté au cours des dernières années.
Peut-être qu'on n'avait pas le choix de se comporter de cette
façon. (15 h 45)
Vous avez parlé, entre autres, au niveau de ces besoins
particuliers en termes d'investissement, de besoins spéciaux pour la
recherche, de la qualité de l'enseignement, en particulier au niveau du
renouvellement des effectifs ou du vieillissement des équipements, et
des problèmes de location, etc. Inévitablement, à
plusieurs endroits dans votre mémoire, vous signalez que cela va prendre
des fonds additionnels pour faire face à ces besoins que vous identifiez
et qui sont le résultat de l'action qu'on a dû mener au cours des
dernières années. Vous avez terminé avec une chose sur
laquelle vous avez peut-être moins insisté dans votre
mémoire, mais que vous avez heureusement abordée en conclusion.
Ce sont les efforts qui devraient être faits au niveau de la coordination
et de l'efficacité du réseau. Cela m'amène à
reprendre l'éditorial de ce matin dans le Devoir, j'imagine que vous
l'avez peut-être lu.
M. L'Écuyer: Oui.
Le Président (M. Charbonneau): Je présumais que
vous l'aviez lu. Cet editorial disait, à un moment donné, posait
le problème des ressources, finalement. Mme Bissonnette rappelait que le
ministre avait indiqué que les universités pourraient faire des
économies en poussant plus loin la rationalisation de leurs
activités. Et elle ajoute: Avant toute autre option. "Celle-ci s'impose,
quelque sympathie qu'on puisse avoir pour l'une ou l'autre institution en
difficulté. Malgré des années d'austérité,
par exemple, les demandes d'approbation de nouveaux programmes ne cessent
d'augmenter, tandis que les dédoublements persistent et qu'on refuse
d'abolir les activités vétustes, qu'on ne partage pas les
services. Bref, que chacun continue à fonctionner dans son royaume
fermé. Le vrai travail de planification du réseau n'a pas lieu."
Je pense que le titre de l'éditorial est assez éloquent:
"Question préalable".
Dans la mesure où, finalement, tout le monde et vous y compris
demandez des ressources additionnelles à l'État ou au
gouvernement qui en a la responsabilité, est-ce que néanmoins ce
préalable ne doit pas être considéré d'une
façon importante? Est-ce que ce ne serait pas un risque que d'ignorer
cette situation et de n'utiliser comme solution que la voie de l'injection pure
et simple de nouvelles ressources financières? Si l'on faisait cela,
est-ce qu'on ne risque pas d'éviter que la question préalable
soit abordée? Est-ce qu'on ne risque pas que, finalement, on continue
à faire chacun ses affaires sans tenir compte de ce qui se fait
ailleurs, chez le voisin, et qu'on continue également à
éviter d'aller plus loin dans les rationalisations internes? Quand je
dis cela, je suis bien conscient qu'il nous a été
démontré, tant par le ministre que par tous ceux qui sont venus
avant, que l'on s'est imposé dans le système, au cours des
dernières années, beaucoup d'efforts pour arriver à mieux
réussir avec des ressources beaucoup plus limitées. Comment
doit-on prendre votre dernière remarque, les propos de Mme Bissonnette
et en même temps les demandes que tous ceux qui sont venus devant nous
cette semaine nous ont faites, c'est-à-dire des fonds additionnels?
M. L'Écuyer: Écoutez, sur cette question je vous
répondrai de la façon suivante: Nous sommes parfaitement
conscients que les besoins de coordination sont très grands. À
court terme, les compressions budgétaires sont désastreuses pour
le réseau universitaire parce qu'elles sont aveugles dans une certaine
mesure. Si je reviens sur la recommandation que nous avons faite d'injecter 11
500 000 $, c'est parce que nous pensons que le réseau universitaire ne
peut pas absorber, dans le contexte actuel, de nouvelles compressions
budgétaires. Or, sur les 11 500 000 $, 10 000 000 $ sont des
compressions additionnelles que l'on impose au réseau en plus de la
compression annoncée de 20 000 000 $ depuis déjà un
certain temps. Donc, nous pensons et nous sommes convaincus que, sur ce plan,
le réseau, dans le contexte actuel... Et, si vous me permettez je
reprendrai presque mot pour mot une phrase que vous disait le président
de la CREPUQ: À court terme, non. C'est hier, je pense, à une
question qui était essentiellement semblable. À long terme,
à moyen terme, il y a des choses qu'on peut faire. Si on nous dit: Le
niveau de financement est ce qu'il est actuellement... Qu'on nous le dise ou
qu'on ne nous le dise pas, si vous me le permettez, il faut que les
universités fonctionnent autrement, sur une base autre que celle qui
existe actuellement dans le réseau.
On a beaucoup parlé cette semaine des problèmes de
dédoublement. Il y a effectivement des questions reliées au
dédoublement d'activités. Il y a des questions encore plus
importantes pour la qualité des activités universitaires. Par
exemple, la commission de la recherche en a très bien parlé au
niveau des études des deuxième et troisième cycles. Pour
être compétitif sur un marché comme le marché
canadien, il faut
procéder à des regroupements, il faut que se constituent
des pôles en différents endroits dans le réseau
universitaire et il faut que les universités acceptent cela. On ne peut
pas faire fonctionner cinq équipes à différents endroits
qui s'occupent d'un sujet, qui ne font pas nécessairement la même
chose, mais qui s'occupent d'un sujet similaire. Donc, il faut un autre mode de
fonctionnement et, sur ce plan-là, nous sommes entièrement
d'accord. Nous l'avons dit à maintes reprises dans le passé et
nous sommes tout à fait disposés à le redire. Si vous me
le permettez, je vous donnerai une primeur. Cela arrive comme ceci. Je vais
seulement vous lire...
Le Président (M. Charbonneau): Comme anciens journalistes,
on ne refuse jamais.
M. L'Écuyer: Notre rapport annuel est un peu en retard et
sera déposé d'ici quelques jours, mais il se termine à peu
près comme ceci: "Les universités du Québec sont
actuellement à un carrefour. Ou bien elles réagissent
vigoureusement, se donnent une voix forte, participent ensemble, chacune
à sa manière, à la poursuite des objectifs communs,
coordonnent leurs efforts et on pourra assister à un regain de vie et de
confiance en une institution à qui la société a
confié des responsabilités considérables; ou alors elles
continuent de poursuivre leur ligne de conduite parallèlement et sans
concertation et elles devront s'attendre à des interventions accrues de
la part du gouvernement et de la société pour qui le
développement de l'enseignement supérieur, c'est autre chose et
cela dépasse de beaucoup la somme des actions de chacune des
universités."
Je n'ai pas besoin de vous dire que le Conseil des universités
préférerait, et de beaucoup, que les universités fassent
elles-mêmes le travail, mais nous pensons que, dans le contexte actuel
des interventions extérieures... Enfin, nous prévoyons que des
interventions extérieures et des directives vont être
nécessaires.
Le Président (M. Charbonneau): Quand je vous entends faire
la conclusion de votre rapport annuel qui va être déposé,
je me demande si la primeur n'a pas été donnée à
Mme Bissonnette avant la commission, parce que, dans son dernier paragraphe de
l'éditorial, elle vous rejoint passablement.
M. L'Écuyer: Je dois vous dire que c'est tout à
fait le texte final qui m'a été remis ce matin avec les
corrections faites; donc...
Le Président (M. Charbonneau): Je vous dis cela à
la blague, mais vous nous dites cela et en même temps, vous nous dites:
À court terme, comme État, comme gouvernement, vous ne pouvez pas
échapper à une injection de fonds additionnels. Dans ce
cas-là, j'aurais le goût de vous demander: Le court terme va durer
combien de temps? On doit attendre combien de temps avant qu'on en arrive
à dire aux universités: On vous a donné une chance et
là vous n'avez rien compris, cela va faire? Vous nous dites:
Actuellement, elles ne peuvent plus, donnez-leur les fonds additionnels, mais,
en même temps, elles vont devoir faire un certain nombre de choses. On va
attendre combien de temps?
M. L'Écuyer: Je dirai ceci: D'abord, je pense qu'à
l'heure actuelle le réseau universitaire n'a pas un niveau de
fonctionnement particulièrement élevé, si vous me le
permettez, par rapport à l'ensemble canadien. J'aimerais bien qu'on me
cite combien d'organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux ont à
l'heure actuelle, en termes strictement financiers, des performances semblables
à celles des universités québécoises. Il ne faut
quand même pas non plus tomber sur les universités
québécoises en disant: C'est épouvantable ce qui se
produit, il faudrait que... Non, cela n'est pas l'idée.
Le Président (M. Charbonneau): Cela n'était pas non
plus l'intention que j'avais.
M. L'Écuyer: Non, non, j'ai bien compris. Alors, ce que
nous disons à l'heure actuelle, c'est que les universités,
présentement - et cela n'est pas particulier au Québec, il faut
bien comprendre que c'est une situation qui se retrouve peut-être dans
tous les pays du monde occidental - doivent fonctionner sur un autre mode,
c'est-à-dire que l'université du Moyen Âge ne relevait pas
de la même façon du trésor public, etc., ce
n'étaient pas des universités de masse. Il y a toute une
série de contraintes ou de contingences qui n'étaient pas les
mêmes. Donc, l'université doit s'habituer à fonctionner sur
un autre mode.
C'est un tournant qui est difficile à prendre parce que, d'abord,
on se méfie des actions trop directives et, avec raison, des pouvoirs
publics. Par contre, il n'y a pas beaucoup d'universités qui sont
prêtes à se mettre la tête sur le billot sans savoir si le
voisin va suivre. Les formules de financement, telles qu'on les a connues
jusqu'à maintenant, n'encourageaient pas cela du tout. Tant et aussi
longtemps que vous avez une tarte à vous partager et que cette tarte est
partagée en fonction de votre clientèle, il ne faut quand
même pas s'attendre que les universités vont fonctionner en
disant: Écoutez, je vais rétrécir ma tarte, ça va
en donner plus au voisin, j'aurai tous les problèmes et le voisin
n'en aura pas.
Cela a amené des choses que nous avons décrites dans nos
avis. Cela amène une université X à développer des
programmes, à un certain moment donné, mais de façon
marginale - c'est loin d'être Une situation générale - dont
on pourrait vraiment se passer, mais qui vont lui rapporter des
clientèles. Ce faisant, cela appauvrit l'ensemble du réseau
universitaire. Un cours d'anglais, l'introduction en anglais en réseau
universitaire... Un cours, ça passe encore, mais un programme d'anglais
et d'espagnol, j'avoue qu'on pourrait facilement s'en passer. Ce faisant,
l'université agrandit sa part du gâteau et, évidemment, le
gâteau ne grossit pas, il reste de la même grandeur, ce qui fait
qu'elle s'enrichit, mais elle appauvrit l'ensemble du système.
Comment fonctionne-t-on? Je pense que je représente bien
l'opinion du conseil en disant qu'il faut quand même qu'il y ait beaucoup
plus de concertation. La façon d'y arriver, on a tourné cela de
tous bords et de tous côtés depuis un certain nombre
d'années. Je pense que, s'il y a une volonté politique
d'accélérer la concertation - il semble y avoir certains signes
dans les derniers mois - peut-être qu'on peut y aller. Le
précédent créé, par exemple, par l'affaire Joyal
est peut-être un précédent qu'il faut utiliser plus
fréquemment pour fixer des objectifs, pour se donner des objectifs. Des
objectifs, ça se fixe.
Nous-mêmes, au conseil, nous avons entrepris, depuis un certain
nombre d'années, ce que nous appelons des études sectorielles.
Nous en avons une qui est assez avancée du côté du
génie où on a examiné, en long et en large, la situation
dans le secteur en question et nous nous proposons de faire, avec les gens des
universités, avec les gens du milieu socio-économique, des
recommandations quant à un cadre possible de développement. Nous
en avons une parallèle en sciences de l'éducation. Nous avons
l'intention, au conseil, de nous attaquer au plan de développement des
universités que nous considérons comme extrêmement
important. Il faut que les universités réalisent que c'est dans
l'intérêt public, pour elles, de communiquer leur plan de
développement. Vous n'accepteriez pas qu'Hydro-Québec fonctionne
sans savoir où elle va. Il faut attendre, il faut que les
universités le fassent de la même façon vis-à-vis de
leur collectivité, vis-à-vis des gens qu'elles desservent. Il
faut savoir où elles s'en vont.
L'université, c'est un service social. À partir du moment
où les universités ont des plans de développement -
plusieurs en ont maintenant et qui acceptent d'en parler - à ce
moment-là, on peut dialoguer, on peut s'entendre, on peut commencer
à établir un minimum de concertation. Combien de temps ça
prendra?
Le Président (M. Charbonneau): À votre avis, est-ce
que les structures actuelles sont suffisantes pour que la concertation soit
organisée, soit efficace? On conviendra tous que, dans la mesure
où on veut que cette concertation se réalise, il faut qu'il y ait
un mécanisme ou des structures. Hier, à un moment donné,
j'ai pris l'exemple de ce qui s'est fait en termes de concertation dans le
monde municipal au cours des dernières années et qui a
porté fruit. Pourtant, dans le monde municipal, il y a plus
d'entités que dans le monde universitaire. Ils ont des structures de
représentation, mais les universités en ont également.
Dans quelle mesure est-ce qu'il faudrait avoir des structures
différentes? Est-ce que vous avez une opinion particulière sur
les mécanismes de concertation qui existent ou qui devraient exister
pour faire en sorte que ce dont vous venez de parler puisse se réaliser?
(16 heures)
M. L'Écuyer: Je vais vous répondre rapidement
là-dessus, et je vais passer la parole à M. Boisvert. Je dirais
ceci. Le conseil a déjà examiné, à la suite du
rapport Angers, la question de la coordination. Il avait conclu à cette
époque - peut-être qu'aujourd'hui on réviserait nos
positions -que les mécanismes étaient là, mais qu'il
fallait une volonté politique de le faire. Jusqu'à maintenant,
pour toutes sortes de raisons... Évidemment, la période des
compressions financières est une période difficile pour un
gouvernement. Il est assez délicat parfois d'amorcer une concertation.
Mais peut-être qu'aujourd'hui on réviserait notre position
là-dessus, je ne sais pas. Mais la position du conseil, telle que nous
l'avions exprimée à ce moment-là, est à savoir
qu'il y a des moyens, des mécanismes. Si on les utilise à plein,
je pense que nous pouvons le faire. Mais, évidemment, cela a
demandé et cela va continuer de demander une implication assez forte des
autorités ministérielles.
Peut-être que M. Boisvert veut ajouter quelque chose
là-dessus.
M. Boisvert (Maurice): Oui, le conseil a tenté
d'être très cohérent dans sa démarche, depuis sa
création jusqu'à aujourd'hui, en réalisant que le
système dans lequel on injectait ce nouveau Conseil des
universités était un système de très grande
autonomie des institutions. Le conseil a donc pris cela comme postulat de
départ, à savoir que les institutions universitaires dans cette
province ont une très grande autonomie, mais qu'elles doivent former un
réseau qui doit viser à satisfaire les besoins de toute la
collectivité.
La façon dont le conseil a conçu son action - cela demeure
vrai encore aujourd'hui - il l'a résumée dans une phrase qu'il
a
appelée "une planification incitative et itérative". Une
planification incitative, c'est-à-dire qu'il incite les
universités à travailler en collaboration, en coordination et
à développer avec le conseil les moyens les plus efficaces pour
arriver à la plus grande qualité possible de notre enseignement
supérieur étant donné les ressources qui sont disponibles.
Une planification itérative signifiant que cela ne se ferait pas du
premier coup dans la démarche du conseil et des universités, mais
que le conseil doit exercer une pression constante et suggérer des
propositions aux universités, les forcer à donner des
réponses aux questions parfois embarrassantes qu'il peut soulever. C'est
ce processus qui est un peu long, mais qui finit par faire un certain consensus
dans la grande communauté universitaire formée de tous les
établissements universitaires que nous avons.
Jusqu'à maintenant, les fruits de cette politique du conseil,
dans une planification incitative et itérative, ont donné peu.
Non pas parce que ce processus a mal fonctionné du côté des
universités et du conseil, mais parce que la volonté politique a
été moins forte dans les premières années de la
création du conseil. La volonté politique semble être plus
forte maintenant, à cause de la période de compressions
budgétaires que nous vivons. Ce que dit le président, c'est
qu'une volonté politique plus forte alliée à ce même
processus que le conseil a établi avec les universités,
dès sa création, mènerait possiblement à des
structures suffisantes. On n'aurait pas besoin d'autres structures pour avoir
de bien meilleurs résultats et à relativement brève
échéance, dans la conjoncture présente.
Le Président (M. Charbonneau): Une dernière
question. J'espère que je n'ai pas pris trop de temps jusqu'à
maintenant. En tout cas, si quelqu'un... On me dit que j'ai pris 20 minutes.
Donc, je vais essayer de donner l'exemple et céder la parole au
vice-président de la commission.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord
saluer avec plaisir et respect le président et les représentants
du Conseil des universités. Il m'a été donné,
depuis une couple d'années, de les connaître et d'apprécier
leur travail. Je n'avais pas eu l'occasion auparavant de suivre de près
les travaux du Conseil des universités et, lorsque je suis devenu le
porte-parole de notre formation politique pour le secteur de
l'éducation, un de mes premiers soucis a été de m'informer
de ce qui se faisait et de constater que, dans le secteur confié par la
loi au Conseil des universités, il s'accomplissait un travail
d'excellente qualité.
Je constate, en examinant la Loi sur le Conseil des universités,
qu'elle contient des dispositions qui semblent être garantes d'une saine
indépendance chez les membres du conseil et c'est bien sain. Je remarque
aussi que les membres du conseil sont nommés et ne reçoivent pas
de rémunération, sauf le président permanent
évidemment. Les autres sont nommés et tout ce qu'ils
reçoivent, ce sont des frais de déplacement pour leur
participation aux réunions. C'est une bonne garantie
d'indépendance, parce que, lorsque cela ne fait pas l'affaire, si on
n'est pas payé, on est plus facilement enclin à dire: Je prends
mon chapeau et je m'en vais. Je vous félicite d'être restés
au poste, malgré les circonstances que je vais évoquer
maintenant. Je pense que c'est une garantie pour nous d'une indépendance
d'esprit qui peut être très utile pour la société
québécoise.
Je remarque que la loi du conseil vous donne un champ
d'intérêt et d'intervention très large. Les objets qui sont
confiés à l'examen du conseil sont très nombreux et chacun
comporte des implications extrêmement ramifiées au point de vue de
la jonction avec la réalité universitaire. Je pense que c'est
excellent.
J'ai remarqué une chose: depuis deux jours, un débat nous
a occupés. On a discuté pour savoir si le problème le plus
urgent était le niveau du financement ou la formule de financement. Je
pense que l'accord devrait être fait à ce moment-ci. Je ne veux
présumer de rien du côté de nos collègues
ministériels, mais l'accord devrait être fait sur la
priorité, sur l'antériorité de ma question du niveau de
financement. Aussi longtemps qu'on n'a pas trouvé une solution
satisfaisante à cette question, il est évident que beaucoup
d'autres discussions sont oiseuses. Elles sont non seulement abstraites, mais
agaçantes: on peut bien vouloir raffiner la deuxième partie d'un
point-virgule, si c'est toute la phrase qui fait défaut, on reste dans
le byzantinisme. Je pense qu'il y a un peu de cela dans les discussions que
nous avons eues depuis deux jours.
L'autre question reste pertinente, la question du partage des fonds
entre les universités, mais la question du niveau général
des subventions gouvernementales aux universités est beaucoup plus
importante. À ce sujet, je voudrais rappeler à ces messieurs du
gouvernement - en particulier au ministre de l'Éducation qui est en
fonction depuis très peu de temps et qui, dans ses fonctions
antérieures, n'avait peut-être pas le temps de lire tous les
documents qui émanaient du secteur de l'éducation - que cela fait
déjà cinq ans que le Conseil des universités attire
l'attention du gouvernement sur les méfaits de sa politique de
lésinerie en matière de financement. Si vous ressortez les avis
du Conseil des universités pour les années 1981-1982, 1982-1983,
1983-1984, 1984-1985, vous trouverez, fondamentalement, le même
thème: c'est un avertissement au gouvernement lui indiquant que
la politique qu'il suit est une politique très dangereuse pour ce qui
constitue l'essentiel même de la mission de l'université dans
notre société, en particulier pour la qualité de
l'enseignement universitaire.
Je remarque aussi que, même si la loi dit très clairement -
j'ai été surpris de la précision de la loi
là-dessus; je voulais la vérifier avant d'intervenir cet
après-midi -que le conseil peut, en particulier - le sous-titre de
l'article 3, c'est "pouvoirs" recommander le montant des crédits annuels
à dégager, pour fins de subventions aux établissements
d'enseignement supérieur ainsi que leur répartition... Le
montant, pas un montant quelconque dont on fera ce qu'on voudra, le montant, le
niveau. Le conseil l'a fait systématiquement depuis cinq ans et il n'a
pas été écouté souvent. Je vois les recommandations
formulées en 1980, 1981, 1982: je les ai toutes devant moi. Je ne veux
pas prendre tout le temps de la commission seulement pour cette
évocation, mais, pour ceux qui sont arrivés récemment, il
y a beaucoup de matière à étudier, si vous voulez vous
donner le mal, ou le plaisir -selon les intentions politiques qui vous animent
- de fouiller ces choses. Vous allez constater qu'il y a eu des recommandations
très précises d'année en année qui n'ont pas
été écoutées, auxquelles on n'a pas donné de
suite. Je le regrette profondément.
Je pense que nous entrons dans une ère nouvelle avec les travaux
de la commission parlementaire. Je voudrais dire à Mme Bissonnette dont
nous admirons tous l'intelligence cursive - le mot "cursif" est quelquefois
synonyme de course aux conclusions - que, lorsqu'elle dit qu'on a
déjà mesuré les limites de l'exercice, je me dissocie
totalement de ce jugement: nous commençons à peine. Dans le
métier que nous faisons, je pense qu'il faut avoir fait du cheminement
avant de tirer des conclusions. Je considère que, même pour
l'année 1984-1985, la partie n'est pas jouée de manière
définitive. Elle ne l'est sûrement pas dans mon esprit.
J'espère qu'elle ne l'est pas non plus dans l'esprit des membres de la
commission. Nous sommes ici pour nous instruire, pour voir ce qui en est. Je
tiens, en tout cas, à dire que cette partie de l'article, qui reste
brillant, qui est bien écrit, ne m'influence aucunement. J'ai beaucoup
d'admiration pour l'auteur.
Cela dit, je voudrais vous adresser une couple de questions. Tout
d'abord, vous avez fait des recommandations pour l'année 1984-1985 et,
dans le mandat de notre commission, c'est bien dit "le cadre de financement
pour l'année 1984-1985 et les années subséquentes". Avant
de parler des années subséquentes, on va parler de l'année
1984-1985. Quand le ministre vient nous dire que ce n'est pas de nos affaires,
je regrette infiniment de lui dire qu'il n'a pas lu le mandat de la commission
attentivement. C'est marqué en toutes lettres dans le mandat: "le cadre
de financement 1984-1985". Le Conseil des ministres fera ce qu'il voudra
à son niveau; c'est son problème. Nous espérons qu'il va
nous écouter si nous parlons.
Vous faites des recommandations pour 1984-1985 dont le total
représente, disons, pour commencer, une somme de 11 500 000 $. Est-ce
que vous pourriez expliquer ces recommandations pour que ce soit bien clair?
Qu'est-ce que vous avez voulu dire par là?
M. L'Écuyer: M. le député, je voudrais
d'abord commencer, si vous me le permettez, par un bref commentaire sur la
première partie de votre intervention. Le ministre - je ne sais pas si
j'ai bien compris - nous a un peu laissé entendre que les avis sur le
niveau de financement, c'était - je ne sais pas si j'ai bien compris; je
n'ai pas son libellé -peut-être moins important. Je pense que ce
n'est pas le cas. Le conseil est bien conscient qu'en dernière analyse
le gouvernement a offert ses choix, qu'il y a des aspects, c'est bien
évident, qui nous échappent. J'ai déjà eu
d'ailleurs l'expérience d'expliquer cette situation à des
universitaires algériens qui ont beaucoup de difficulté à
comprendre cela, mais je pense que c'est extrêmement important dans une
démocratie, dans un système comme le nôtre, qu'un organisme
comme le conseil attire l'attention sur des situations. Il souligne certains
problèmes tout en étant conscient qu'évidemment les
décisions ne lui appartiennent pas et les membres du conseil, sur ce
plan, je puis vous assurer qu'ils en sont très conscients, ce qui ne les
empêche pas d'étudier avec la plus grande attention la question du
niveau de financement.
Cette année, les 11 500 000 $ que nous recommandons,
c'était une recommandation qui - je pense que je l'ai esquissée
tout à l'heure - visait essentiellement à éviter de
nouveaux prélèvements dans la base de financement des
universités. Là-dessus, nous constatons que, cette année,
les budgets reliés aux locations sont susceptibles d'augmenter de 5 000
000 $ étant donné les agrandissements nécessaires à
cause des influx de nouvelles clientèles, les locations
nécessaires. Alors, nous avons dit: Écoutez! Cette situation,
c'est une coupure indirecte, puisque l'argent que vous prenez pour louer des
salles, évidemment ce n'est pas de l'argent que vous pouvez utiliser
pour payer des salaires, pour acheter des fournitures, des choses comme
celles-là. Ce genre de choses, dans le fond, cela fait partie, disons,
de ce qu'on peut appeler les logements, l'immeuble, etc.
Nous disons: Écoutez! Cela ne devrait pas nécessairement
être dans le même budget, mais cela devrait, en tout cas,
être à part et ne pas compter dans le budget de fonctionnement
comme tel. (16 h 15)
Le deuxième aspect, la question des clientèles non
reliées au virage technologique. Notre recommandation sur ces
clientèles est double. D'une part, nous disons: Cette année,
immédiatement, évitez de faire un prélèvement pour
payer ces clientèles. Nous recommandons que 5 000 000 $ soient
ajoutés pour éviter qu'on prélève dans l'enveloppe
des universités. Vous savez, il y a quand même une drôle de
dialectique de dire aux universités: Voici, ces
clientèles-là ne nous intéressent plus; on ne les finance
pas; mais en même temps ouvrez la porte. Nous avons certaines
difficultés à comprendre le raisonnement derrière ces
interventions. Si le gouvernement veut aiguiller les clientèles vers les
secteurs du virage technologique, nous n'avons absolument rien contre cela. Il
peut le faire par des campagnes, par de l'information, par toute une
série de mesures. Il peut aider les universités. Mais il reste
qu'il y a des gens qui vont continuer de s'inscrire pour toutes sortes de
raisons dans les secteurs non reliés au virage technologique. Vous allez
continuer à avoir des gens qui vont vouloir aller en économique.
Vous allez continuer à avoir des gens qui vont vouloir aller en
sociologie. Évidemment, il faut s'attendre à ce que là
aussi il y ait certaines augmentations de la clientèle. Si les
universités ont à rencontrer des augmentations de
clientèle là-dedans, il n'y a pas de raison qu'on ne les finance
pas. Nos autres 5 000 000 $, c'est pour financer des clientèles dans ce
secteur et éviter que ce nouveau prélèvement, dans le
fond, réduise encore le financement per capita.
Quant au dernier 1 500 000 $, nous l'avons recommandé pour mettre
en oeuvre le programme - vous savez que nous avons fait une étude assez
approfondie sur plusieurs années de l'évolution du corps
professoral, question de vieillissement, de renouvellement. Nous constatons que
dans les dernières années, à cause des contractions
budgétaires, le renouvellement a diminué dramatiquement. Le
vieillissement, dans certains secteurs, est très important. À
l'heure actuelle, il n'y a aucun programme de prévu pour remplacer les
professeurs dans les secteurs non touchés par le virage technologique.
Nous constatons que les moyennes, dans ces secteurs, enfin, je ne les ai pas en
mémoire, mais en autant que je me rappelle, un des secteurs, par
exemple, où le vieillissement est le plus important, c'est du
côté des lettres. Il faut quand même songer à
remplacer nos professeurs dans ce secteur comme ailleurs. À l'heure
actuelle, les marges de manoeuvre des universités sont extrêmement
réduites. Il faut bien comprendre cela. Elles ont très peu de
marge de manoeuvre.
Nous disons: Écoutez, nous sommes d'accord et nous pouvons
utiliser cela, si les universités veulent utiliser un programme comme
cela pour renouveler leur personnel, nous sommes d'accord. Nous avons
recommandé 1 500 000 $, un programme échelonné sur dix
ans. Donc, la première année coûterait 1 500 000 $.
M. Ryan: M. L'Écuyer, je ne voulais pas du tout laisser
entendre tantôt que les recommandations du conseil au sujet du niveau de
financement n'étaient pas importantes.
M. L'Écuyer: J'ai bien compris que ce n'était pas
cela que vous vouliez dire.
M. Ryan: Pas du tout. Au contraire, je constatais simplement - je
pense que les faits confirment mon interprétation - que les
recommandations majeures faites par le conseil année après
année, depuis quatre ans, au gouvernement n'ont pas été
suivies pour des raisons dont le gouvernement est le maître et qui
peuvent lui appartenir en propre, très bien. Je voulais dire que dans ma
compréhension du texte de la loi, l'obligation qui incombe au
gouvernement d'attacher une importance très grande aux recommandations
du conseil semble ne pas pouvoir être exagérée. La loi est
plus forte que je l'avais pensé d'abord.
Je voudrais justement - en relation avec le dernier
élément de votre recommandation de 11 500 000 $, le programme de
développement du personnel scientifique, vous avez fait allusion
à cela. C'est un fait qui aurait dû attirer l'attention du
gouvernement. Il y a, depuis déjà quelques années... Vous
constatez, dans l'étude que vous avez remise au gouvernement en mars
dernier, qu'au cours des dix années qui se sont écoulées,
de 1973 à 1983, l'âge moyen des professeurs, des membres du
personnel scientifique de nos universités est passé de 39,5
à 43,8. Vous constatez que les membres du personnel âgés de
moins de 35 ans représentaient 37% des effectifs en 1972-1973 et
seulement 14% en 1982-1983. Les plus de 55 ans, 7%; 14% dix années plus
tard. Les entrées et les départs: on constate qu'il y avait 8,7%
de l'effectif total qui quittait; en 1982-1983, c'est rendu à 2%. Les
entrées, c'est la même chose: il y en avait 12,5%, on en engageait
plus qu'il n'en partait en 1972-1973; là c'est rendu 3,4% cette
année. C'est évident que, seulement dans cette situation, je
pense qu'il y a des faits qui justifient les recommandations que vous avez
formulées au gouvernement concernant l'instauration d'un programme
spécial de renouvellement du corps scientifique.
Maintenant, je voudrais vous demander
si le gouvernement a donné des suites à ces
recommandations que vous lui avez remises en mars dernier...
M. L'Écuyer: À l'heure actuelle, le ministre n'a
pas répondu à notre avis. Il n'a pas donné de
réponse.
M. Ryan: Je voudrais vous demander une autre chose si vous me
permettez. Je n'ai pas besoin de vous donner notre opinion, parce que nous
avons dit clairement et publiquement que nous endossions la recommandation du
Conseil des universités relativement à cette partie de la somme
de 11 500 000 $ qui devrait porter sur l'instauration du programme de
renouvellement du personnel scientifique. Lorsque le gouvernement a
lancé son programme d'actions structurantes, le gouvernement l'a rendu
public pour la première fois en décembre 1983, si mes souvenirs
sont bons. Avant de lancer dans le public ce projet dont M. le ministre de
l'Éducation nous dit que c'était un appel à une
mobilisation générale, y avait-il eu une consultation du Conseil
des universités à ce sujet?
M. L'Écuyer: Vous parlez du programme d'actions
structurantes?
M. Ryan: Oui. Avant le lancement, avant l'annonce par M. le
ministre Camille Laurin en décembre 1983.
M. L'Écuyer: Pour répondre
précisément à cette question, non. Nous avions eu à
nous prononcer sur... Nous savions qu'il y avait un programme d'actions
structurantes. Je pense que la réponse qui a été
donnée par les recteurs hier correspond à peu près
à notre perception. Nous savions que le ministère avait un
programme d'actions structurantes depuis le livre blanc sur la recherche. Il y
avait eu à quelques reprises... Je pense qu'à trois reprises, on
nous avait demandé des avis sur des projets spécifiques. Si mes
souvenirs sont bons, il y a eu un projet en océanographie à
Rimouski. Il y a eu un projet en biotechnologie à l'Institut
Armand-Frappier et finalement, un projet en informatique à
Montréal. Nous avions donné des avis dans lesquels nous
transmettions certains commentaires là-dessus; mais quant à la
mise sur pied du programme lui-même avec les crédits qui lui sont
accordés et les modalités qui ont été
prévues, au moment où on nous l'a indiqué, c'était
nouveau.
Seulement une précision supplémentaire, par exemple. Le
programme d'actions structurantes - parce que je reviens sur la question
précédente que vous posiez - ce n'est pas une réponse du
ministre à notre avis. D'autant plus que dans notre avis, nous
étions conscients que les secteurs où, à l'heure actuelle,
les problèmes de recrutement et de nouvellement du personnel
scientifique risquent d'être les plus aigus parce qu'il n'y a pas de
programme, ce sont les secteurs laissés pour cause, et dans ce sens on
peut dire... J'ai entendu le commentaire suivant, à savoir que le
programme d'actions structurantes va justement permettre d'injecter... Oui,
mais il permet d'injecter des ressources dans le secteur du virage
technologique comme les programmes fédéraux et comme, je pense,
les programmes du ministère de la Science et de la Technologie. Donc, il
y a une réponse qui n'est peut-être pas... On admettait que cela
pouvait se faire ailleurs que dans les secteurs laissés pour compte,
mais ce n'est pas une réponse, en tout cas, formelle et certainement pas
complète.
M. Ryan: Seulement une dernière question pour l'instant.
Pardon?
M. L'Écuyer: Mme Querido voudrait ajouter un mot.
Mme Querido (Christiane): Peut-être pour compléter
l'information sur votre demande, à savoir: Le ministère avait-il
consulté le conseil avant de lancer le programme? Il n'a pas
consulté le conseil sur ses intentions de lancer un programme. On a
déjà rapporté les origines de ce programme d'actions
structurantes et les demandes d'avis au conseil sur des projets particuliers.
Le conseil avait déjà, d'ailleurs, en plus de répondre
à des avis sur des projets particuliers, formulé un avis
prioritaire sur certains aspects sur lesquels il lui paraissait
nécessaire d'attirer l'attention du ministère quant à leur
implantation éventuelle. Par contre, le ministère a
demandé un avis à la suite de sa décision d'implanter, sur
le teneur même du projet tel que présenté.
M. Ryan: Seulement une dernière question pour l'instant.
À l'automne 1983, vous avez soumis au gouvernement un avis sur les
problèmes de développement anarchique que constatait le conseil
dans le secteur universitaire, accompagné de recommandations dont l'une
visait la sorte d'obligation qui pourrait être faite aux
universités de soumettre un plan triennal de développement afin
qu'on puisse savoir un peu où on s'en va, que les intentions de chacune
soient connues et qu'elles puissent faire l'objet du tamisage nécessaire
pour de bonnes décisions. Pourrais-je savoir s'il y a eu des suites
à ces recommandations? Pouvez-vous nous dire un peu ce que serait venu
faire ce plan triennal, dans peut-être le nettoyage de la situation
anarchique que vous aviez déplorée?
M. L'Écuyer: Écoutez, disons que cela
demande peut-être une explication un peu plus longue. Ce que nous
déplorons, dans certains cas, c'est que les universités
fonctionnent sur une base très individuelle, c'est-à-dire que
chaque université a sa dynamique de fonctionnement, ses programmes,
conçoit, si vous voulez, son développement sur une base
autonome.
Toutes les universités, si on les écoute, veulent avoir -
je ne sais pas - des développements à peu près dans tous
les secteurs. Nous pensons qu'il y a lieu, en tout cas le système, le
type de développement que nous avons adopté pour le
système québécois est un développement qui,
normalement devrait conduire à des spécialisations des
universités.
Je pense que c'est peut-être assez important qu'on comprenne bien
ce qu'on veut dire par là. Si on prend le système
québécois et si on le compare, par exemple, au système
américain, les universités américaines sont
énormément stratifiées. Sur la centaine
d'universités - peut-être même le millier
d'universités américaines - vous avez, tout au plus, je ne le
sais pas, une centaine d'universités qui sont ce qu'on appelle des
universités d'enseignement et de recherche, et ce sont les grandes
universités américaines dont on entend
régulièrement ou assez régulièrement parler.
Il y a toute une série d'universités, et c'est la
majorité qui ne sont pas des universités - ils les appellent les
"Comprehensive Universities" - qui donnent toutes les activités.
Au Québec et en général au Canada, nous n'avons pas
retenu ce type de développement. Nous avons un développement qui
prévoit que chacune des universités a une charte
illimitée, si vous voulez, qui lui permet de procéder à
toutes les activités qu'elle juge pertinentes et utiles.
Évidemment, cela n'empêche pas que le problème de
base qui doit être résolu c'est celui d'une certaine
complémentarité, d'une coordination, d'un fonctionnement
réseau intégré. La façon d'arriver à cela
c'est de se spécialiser. On ne peut pas s'attendre, par exemple,
à ce que Rimouski se développe dans tous les secteurs, pas plus
qu'on peut s'attendre à ce que Concordia le fasse ou que Sherbrooke le
fasse et même les plus grandes universités, que ce soit
Montréal ou Laval ou McGill; il y a des secteurs, en tout cas, qu'ils
ont mis un peu en veilleuse à un certain moment donné.
Nous demandons aux universités, nous souhaitons que les
universités fassent connaître les choses, fassent connaître
leur plan de développement, qu'elles en discutent avec nous, mais
qu'elles en discutent aussi avec leurs commettants, avec la
société qui les entoure.
Quels sont les plans, quels sont leurs objectifs, qu'est-ce qu'elles
visent faire?
Nous pensons que c'est important pour plusieurs raisons. C'est important
parce que les universités, comme je le disais tout à l'heure, ce
sont des organismes publics; elles rendent des services publics et on doit
s'attendre à ce qu'elles fassent connaître leurs projets comme,
éventuellement, l'utilisation qu'elles font des fonds publics.
Il y a aussi le fait qu'il y a énormément d'énergie
qui peut être mise dans le développement de nouveaux programmes,
dans le développement de nouveaux secteurs et si, quand on regarde
l'ensemble du réseau universitaire, quand on compare cela aux besoins,
si ces choses ne sont pas vraiment des besoins réels, bien nous, au
conseil, quand cela vient chez nous, on est obligé de dire: "C'est bien
dommage, mais on ne voit pas pourquoi vous développeriez cela". Cela
ferait des dépenses qui ne sont pas... Ce sont des énergies,
c'est un peu démoralisant pour les gens qui ont travaillé
là-dedans depuis deux ans, trois ans dans certains cas.
Nous pensons que les universités devraient faire des plans
triennaux, devraient nous indiquer... Déjà plusieurs
universités, l'Université du Québec a un plan triennal,
l'Université Laval à des plans triennaux. D'ici quelques temps,
nous irons à l'Université McGill, le conseil en entier. Le
conseil fait des visites assez régulièrement dans les
universités et il prend contact avec eux. Il essaie de comprendre un peu
dans quel sens ils veulent aller; ils échangent là-dessus.
Il y en a d'autres, par contre, qui sur ce plan sont moins
avancées, mais nous pensons que c'est une obligation. Et cela nous
permettrait éventuellement, si vous voulez, des échanges
là-dessus. (16 h 30)
Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le
député de Fabre et adjoint parlementaire du ministre de
l'Éducation.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
saluer également les membres du Conseil des universités d'avoir
accepté notre invitation.
Quelques questions formulées à partir de votre
mémoire, des avis que vous avez émis également. Vous avez
fait un certain nombre de constats, un certain nombre de recommandations. Ces
constats, on peut dire qu'ils sont partagés par le ministre de
l'Éducation. Il en a fait part devant la commission.
Dans un avis que vous émettiez sur les problèmes du
développement des activités du réseau universitaire dans
le contexte actuel, vous disiez ceci - j'ai le résumé devant moi,
je n'ai pas l'avis tel quel - en parlant du comportement erratique en
matière de développement de l'enseignement supérieur des
universités: il faut bien avouer que le
système actuel ne contient guère d'incitations à
une plus grande cohérence. Pouvez-vous nous dire si le cadre de
financement, les orientations prioritaires qu'il propose et la formule de
financement en général, nonobstant l'étude des bases que
le ministre a reportée, constituent un pas dans la bonne voie, dans la
voie des recommandations que vous avez faites?
M. L'Écuyer: Très certainement, c'est un pas dans
la bonne direction. Le financement, par secteur, des clientèles
additionnelles était déjà un pas intéressant. Le
financement par cycle était une chose que nous réclamions de
toute façon depuis assez longtemps. Nous réclamons aussi qu'on
aille un peu plus loin, qu'on prenne en considération d'autres
paramètres, l'éloi-gnement etc. et que, graduellement, on en
arrive à un système qui... En ayant plus qu'un seul
paramètre, cela permet aux universités de modeler leurs
activités suivant la mission qu'elles se sont donnée. Sans les
défavoriser, certaines universités sont beaucoup plus actives au
niveau de la recherche; elles ont une plus grande tradition etc. Cela leur
permet, sans pénalisation, de continuer de l'avant. Pour d'autres - on
pense, par exemple, aux universités en région
périphérique, qui ont une mission absolument essentielle dans
notre réseau universitaire -il faut trouver aussi le moyen de leur
permettre ou de leur accorder un financement approprié. C'est absolument
essentiel.
Quand on a parlé de cohérence j'aimerais ajouter un point
- il y a cohérence du côté des universités, il y a
cohérence du côté gouvernemental aussi. Si vous me
permettez, on a parlé beaucoup de coupures aveugles, de choses comme
cela, c'est assez important qu'on ait une politique vis-à-vis des
universités. J'écoutais hier le président de la
conférence des recteurs parler de la non-indexation et de ses effets. Si
on s'était arrêté quelques minutes et qu'on avait
essayé de concevoir quels pouvaient être les effets de la
non-indexation des clientèles, comme cela, assez brutalement, on aurait
probablement réalisé immédiatement que la marge de
manoeuvre des universités étant ce qu'elle est, cela conduirait
presque automatiquement au renvoi de jeunes professeurs, au gel de postes etc.
Cela était peut-être inévitable; je ne veux pas porter un
jugement là-dessus, mais il y aurait peut-être eu moyen de
discuter, de se faire une politique, de se dire: "C'est cela notre objectif,
c'est là qu'on s'en va", en discutant avec les dirigeants des
universités, d'essayer de voir comment on peut tirer le meilleur profit
de la situation. C'est dans ce sens... Il y a une cohérence à
observer dans les orientations. Dans ce sens, le cadre de développement
nous propose une politique.
Là-dessus, le conseil - je dois vous le dire -a été
extrêmement satisfait de la situation, il le dit d'ailleurs dans son
avis. Il y a une politique. On peut encore discuter sur les paramètres,
mais c'est certainement un pas dans la bonne direction.
M. Leduc (Fabre): On ne peut donc pas qualifier ce cadre de
financement de dirigisme.
M. L'Écuyer: La question du dirigisme...
Écoutez...
M. Leduc (Fabre): Vous parlez - je vous interprète
peut-être, vous me corrigerez - de trop de directives. Vous avez
utilisé le terme "trop directive", mais il y a des nuances. J'aimerais
que vous fassiez ces nuances.
M. L'Écuyer: D'accord, je vais les faire. Je vais
commencer, si vous me permettez, par une considération
générale. Je pense que les universités dans le monde
occidental ont une large tradition d'autonomie. Cette tradition repose, en
dernière analyse, sur le caractère démocratique de la
société dans laquelle les universités vivent, et je pense
qu'il faut s'en souvenir. Peu importe la façon dont on fonctionne, il
reste que, en dernière analyse, c'est là que... Je vous parlais
tout à l'heure des recteurs algériens que je rencontrais: ils ne
sont pas dans la même société, ils ne peuvent pas concevoir
le même type de fonctionnement qu'on a. L'autonomie des
universités, chez nous, sa meilleure garantie est dans le
caractère démocratique de la société, dans des
événements comme celui que nous vivons aujourd'hui.
Deuxièmement, le cadre de financement comme tel ne
m'apparaît pas du tout - et je pense que je traduis là l'opinion
des gens du conseil - comme étant un cadre dirigiste lorsqu'on pense
à des paramètres, à des choses comme ça. La raison
en est assez simple. Il n'y a pas de cadre de financement, il n'y a pas de
méthode de financement qui ait une formule neutre, financer par
augmentation de clientèle, par tête de pipe, cela a ses
implications, on l'a vu suffisamment dans le passé. Le cadre propose
plus qu'un seul paramètre et, dans ce sens -en autant,
évidemment, qu'on reste à l'intérieur de certaines limites
- ce n'est pas ce qui constitue un caractère dirigiste.
Là où nous, au conseil, trouvons qu'il y a un
problème de dirigisme, c'est que le ministère utilise de plus en
plus, depuis un certain temps, des crédits à des fins
particulières. Ce faisant, il prend d'une main dans l'enveloppe des
universités et il transfère cela dans des programmes
spécifiques. Le programme des actions structurantes, par exemple: cette
année, par hasard, peut-être, on a une coupure de
quelque 22 000 000 $ et on a une réinjectton dans ce programme
d'à peu près le même montant. Cela nous agace, je dois vous
dire que ça nous agace sérieusement. Les meilleures personnes qui
devraient être en mesure de faire fonctionner une université, ce
n'est pas le gouvernement, ce n'est pas nous, ce sont les gestionnaires des
universités. Qu'on organise des mécanismes de concertation, on
est amplement d'accord avec cela; qu'on aie des incitations, on est
complètement d'accord.
Si le gouvernement nous avait dit: Je voudrais financer des
équipes, je voudrais aider à la formation d'équipes, je
suis prêt à fournir un budget supplémentaire
là-dessus, cela va. Mais il dit - il ne nous le dit pas exactement comme
ça, mais ça revient à cela: Je prends d'une main et je
remets de l'autre.
Un autre exemple. Dans le cas des investissements, à l'heure
actuelle, le ministère nous dit: Dans les trois prochaines
années, je mets 15 000 000 $ en investissements et en
équipements. Mais dans la même veine, par la même occasion,
il nous dit: Je n'indexe qu'à 2,5% les sous-enveloppes annuelles. Les
sous-enveloppes annuelles, c'est avec ça qu'on finance les
investissements, les équipements. Quand on calcule la coupure que
ça représente sur cinq ans - si on appliquait la méthode
habituelle, ce serait beaucoup plus que cela - ça fait 35 000 000 $. On
dit: Écoutez, dans un sens, vous prenez 35 000 000 $ que vous
réinjectez autrement, je suis d'accord, et vous mettez une autre somme
de 15 000 000 $. Il y a des problèmes là.
C'est ça qui nous agace. Il faut bien comprendre, et je pense que
le ministre des Finances le dit très bien, la marge de manoeuvre...
C'est 80% en salaires. Pour les salaires, vous avez des conventions
collectives, il faut que vous restiez là. Vous êtes obligé
de vous chauffer dans les universités, vous êtes obligé de
payer l'électricité, vous êtes obligé d'avoir un
minimum de fournitures, etc.
La marge de manoeuvre, ce n'est pas élevé dans les
universités, ça se chiffre parfois, dans les petites
universités, à quelques dixaines de milliers de dollars, pas
beaucoup plus que cela. C'est cela du dirigisme. À un moment
donné, vous dites: La marge de manoeuvre, vous allez l'utiliser pour
telle chose. Nous on dit: Peut-être que c'est nécessaire pendant
un bout de temps parce qu'il n'y a pas d'autre moyen, mais il faut faire
attention.
Le ministère de l'Éducation - pas plus que le Conseil des
universités, d'ailleurs -n'a pas à faire fonctionner le
réseau universitaire à partir... En tout cas, si c'est ça
qu'on vise, il faudrait s'étoffer drôlement plus qu'on l'est
à l'heure actuelle.
Une voix: Merci.
M. L'Écuyer: Juste un mot de plus peut-être.
Mme Querido: Ce n'est peut-être pas tout à fait sur
la nature, mais je ne voudrais pas qu'il y ait confusion ou qu'on
interprète les paroles de M. L'Écuyer sur le fait que le conseil
s'est prononcé quand même en faveur des grands objectifs que
poursuivait le programme d'actions structurantes, tel qu'il avait
été annoncé dans le livre vert, comme mécanisme de
consolidation et de structuration de la recherche au Québec.
C'était simplement pour montrer qu'il ne faudrait pas associer
complètement les paroles de M. L'Écuyer au fait que le conseil
s'est prononcé contre ou était en désaccord avec les
objectifs visés en termes de ce mécanisme comme structuration du
réseau de recherche.
M. Leduc (Fabre): C'est plutôt sur la manière de le
financer.
Mme Querido: Peut-être aussi le mécanisme
général du financement.
M. L'Écuyer: C'est le fait qu'on prélève
d'un côté et qu'on réinjecte dans l'autre sur des
programmes particuliers. On peut très bien comprendre, comme je vous
disais précédemment, que le gouvernement veuille inciter les
universités, par des programmes, à aller dans certaines
directions. Mais, on accepte mal - mettez-vous à la place de gens qui
ont à gérer les universités - que d'un côté
ils soient obligés de faire des coupures et de la même
façon ils reviennent et ils réinjectent.
Dans le cas actuel, quand on est à un niveau de financement qui
est celui qu'on a actuellement, ce n'est pas le genre de chose qui
paraît, en tout cas, c'est certainement une forme de dirigisme.
M. Leduc (Fabre): Autres questions, merci. Vous souhaitez
être informés de ce qui se passe dans les universités et
même pouvoir donner votre avis. À cet effet, vous avez une
recommandation, vous recommandez au ministre de l'Éducation de
requérir de chacune des universités québécoises un
plan triennal de développement comportant, entre autres, une description
des activités nouvelles, des priorités de développement,
des réalisations projetées et de le soumettre pour avis au
Conseil des universités.
Est-ce qu'il y a un consensus sur une telle recommandation? Parce que
là, je pense toujours à l'idée de dirigisme, qui semble
tellement faire frémir certaines personnes dans le réseau,
certains administrateurs; même les étudiants ce matin parlaient de
dirigisme, etc. Et là, vous proposez un
mécanisme qui risque de paraître dans la ligne du
dirigisme. Vous allez, en tant que conseil, donner votre avis. Est-ce qu'il n'y
a pas un risque de censure, de... Je veux vous demander votre opinion.
Qu'est-ce qu'on va faire si, par exemple, il y a désaccord entre
l'université et le conseil? Est-ce que le ministère va être
appelé à trancher? Comment cela va s'arbitrer?
M. L'Écuyer: Cela existe déjà actuellement
ces mécanismes dans la mesure où le conseil a une
responsabilité d'analyse des demandes d'ouverture d'un nouveau programme
- même vous le savez fort bien, - de nouveaux établissements. Le
conseil le fait en tenant compte de ce qu'il considère être les
besoins généraux du système. Il élabore des
réponse dans chacun des cas. On a mentionné que nous avions sur
notre pile de travail, par exemple, on nous annonçait, peut-être
pas nécessairement dans le courant de l'année, 45 nouveaux
programmes. Ce sont des choses avec lesquelles... Ce que nous disons aux
universités, c'est qu'il y a peut-être moyen de fonctionner sur
une base un peu différente. Au lieu d'avoir un système purement
réactif, au lieu que le conseil intervienne en queue de ligne, il y a
peut-être moyen d'engager des discussions préalables sur l'avenir
que vous envisagez de donner à votre établissement. Cela sert
à quoi de travailler fortement à implanter, je ne sais pas, une
faculté de médecine - je prends quelque chose qui n'est
peut-être pas dans l'air actuellement - à Chicoutimi? On sait fort
bien lorsqu'on prend en considération l'ensemble des paramètres
du réseau, que ce n'est pas dans ce sens qu'il faut aller. Nous pouvons
dire ces choses et libre aux universités de continuer après.
Elles auront au moins connu les informations. On pourrait multiplier comme cela
nombre et nombre de choses. On fait une étude sectorielle en
génie, on obtient des résultats absolument sensationnels. Je veux
dire que les professeurs nous ont donné une collaboration remarquable,
nous sommes en mesure d'établir, par exemple, nous connaissons beaucoup
mieux maintenant quels sont les points forts du réseau, quels sont les
efforts de recherche? Nous savons, par exemple, que 60% des professeurs font de
la recherche, ou ont des subventions sur une base assez
régulière. Nous connaissons le nombre d'étudiants, nous
connaissons les capacités d'accueil. C'est quand même assez
important qu'on puisse avoir des discussions avec les universités sur
cela. Par contre, nous connaissons aussi qu'il y a des problèmes, nous
savons qu'il y a beaucoup de programmes à certains endroits. Ce sont des
choses qu'il faut analyser dans une perspective réseau. Chacune des
universités veut développer son programme de doctorat dans chacun
des secteurs. C'est la qualité au total qui a des problèmes avec
tout cela. Nous pensons qu'il y a des choses qu'on doit dire aux
universités et qu'on doit faire connaître.
Peut-être que M. Boisvert veut ajouter un mot. (16 h 45)
M. Boisvert: II faut bien comprendre que le mécanisme
d'élaboration d'un projet dans une université vient de
l'élément le plus dynamique dans l'université et
l'élément le plus dynamique c'est le groupe de professeurs. Un
groupe de professeurs a un projet qui crée du dynamisme à
l'intérieur de ce groupe, on élabore ce projet, que ce soit un
programme à la recherche ou un centre de recherche, et ce projet va
monter éventuellement aux organismes d'approbation de l'institution.
Mais ce processus est lent, puisqu'il y a des discussions entre les groupes de
professeurs, on doit faire des compromis, se mettre d'accord pour fignoler le
projet et pour qu'il soit acceptable à ces organismes supérieurs
de l'université. On a dépensé parfois trois ans au niveau
où s'initie le projet et pendant tout ce temps on a bâti son
dynamisme. On l'aura notre programme de maîtrise ou de doctorat, et on
est fier. Le projet est examiné par les organismes de l'institution et,
s'il représente une certaine valeur du point de vue de la
qualité, l'institution décide à peu près
inévitablement de l'acheminer plus loin. Il passe les organismes de
l'institution et il s'en va ensuite à cet examen du conseil dont vous a
parlé le président pour les programmes par exemple. On est
très tard à ce moment-là pour agir. Les expectatives
soulevées dans l'institution qui a fait le projet sont rendues à
un point où il est très difficile de faire marche arrière.
Au moment où le conseil examine ce projet dans le contexte
général de notre enseignement supérieur pour voir si cela
ne dédouble pas entièrement ce qui se fait dans l'institution
voisine par exemple, pour voir s'il n'y aurait pas lieu, étant
donné qu'une autre institution a eu la même idée et qu'elle
est en cheminement pas tout à fait rendu aussi loin, de faire une
jonction entre les deux. On est très tard en bout de ligne.
L'idée des plans de développement c'est de faire les mêmes
examens des objets qu'on va faire, qu'on fait habituellement au conseil, mais
de les faire à une étape antérieure, et là de poser
un certain nombre de questions aux institutions, de les informer de ce qui fait
dans d'autres, parce que si on a les plans de développement de chacune
des institutions on saura s'il y a des projets analogues qui se
développent dans d'autres institutions, de mettre les deux
universités en relation, et si on est suffisamment avancés dans
nos opérations sectorielles, d'avertir l'université que c'est
dans le cadre des développements qu'on a déjà
établi pour un secteur, ou que c'est en
dehors du cadre et qu'ils devraient possiblement faire des
réaménagements. Ce sont les nombreux avantages que le conseil
aura pour une action auprès des universités et ensuite
auprès du ministère, si l'on examine les choses avant qu'elles ne
soient rendues à maturité.
M. Leduc (Fabre): Merci, dans un autre ordre d'idées, ce
matin le RAEU a proposé la formation d'un comité chargé
d'établir des normes quant aux ressources nécessaires pour viser
à l'excellence. Ce comité serait formé de gens du milieu,
d'étudiants - il serait élargi - du gouvernement, d'intervenants
dans le domaine économique, etc.
Dans votre bulletin de janvier 1984, il y a un exemple à
méditer. Vous parlez de ce groupe de travail qui a été mis
sur pied aux États-Unis, en Caroline du Nord, et qui a
déposé un rapport intitulé "Action for excellence", et
vous nous avez fourni des citations très utiles. Que pensez-vous de
cette idée? Croyez-vous que ça pourrait être utile au
Québec?
M. L'Écuyer: Si j'ai bien compris, la proposition des
étudiants, ce sont des normes minimales qui permettraient un
fonctionnement acceptable en enseignement universitaire. Personnellement - je
n'ai pas consulté mes collègues du conseil à ce sujet -
j'ai certaines réserves là-dessus, et je vais vous dire pourquoi.
La question d'établir de telles normes est une question
extrêmement volatile. Ce qui peut être acceptable dans un secteur
ne l'est pas nécessairement dans l'autre. Cela, c'est bien connu de tout
temps à l'intérieur des universités. Je pense que
ça va toujours être extrêmement difficile de faire des
consensus et de quantifier de cette façon les input.
Au conseil, nous sommes inquiets de la qualité, en particulier la
qualité de choses telle la pédagogie universitaire. Nous avons
décidé, cette année, de nous intéresser à
cette question et d'essayer de voir s'il n'y a pas des moyens d'examiner la
question soit par les moyens mis à la disposition des professeurs, soit
sur les output, l'évaluation des étudiants, le degré de
satisfaction. Je vous mentionnais tout à l'heure que nous faisions
régulièrement des études dans les universités. Nous
avons souvent rencontré des étudiants, non seulement souvent,
mais dans chaque université nous demandons à rencontrer des
étudiants et à discuter avec eux.
Nous le faisons aussi - M. Boisvert peut en témoigner et Mme
Querido aussi - chaque fois que nous avons à évaluer des
programmes, des choses comme ça. Je peux vous dire que la
corrélation, par exemple, entre le nombre de professeurs, les
équipements et le degré de satisfaction, il y a là quelque
chose qui est très volatile. 11 n'y a pas de corrélation; il y en
aurait certainement si vous aviez un professeur pour 200 ou 300
étudiants en termes d'encadrement, on en entendrait parler, mais
certaines universités qui sont réputées pour avoir des
ratios plus élevés qu'ailleurs ont pourtant un degré de
satisfaction très élevé de la part de leurs
étudiants.
Cela me rend toujours un peu mal à l'aise. Il y a d'autres choses
qu'on ne peut pas facilement quantifier: la disponibilité des
professeurs, les politiques internes de l'université. Il y a beaucoup de
choses qui peuvent être faites pour améliorer la situation, pour
donner une plus grande satisfaction. Comment tenir compte de l'aspect
enseignement dans la promotion des professeurs? Est-ce que c'est reconnu d'une
façon ou d'une autre? Ce sont toutes des choses qui doivent être
examinées. On voudrait, cette année, essayer de voir certains
aspects. Peut-être qu'on pourrait vous donner une réponse un peu
plus précise à la fin de l'année.
Je dirais qu'en ce qui me concerne je ne suis pas très convaincu
de l'utilité d'établir de telles normes quantitatives avec des
groupes d'intérêts aussi variés. Il ne faut quand
même pas oublier cela non plus. Je ne veux pas dire par là que ces
gens ne sont pas en mesure d'exprimer des situations vécues, je pense
qu'il faut certainement en tenir compte, mais, quand il s'agit de
réaliser des consensus, je ne sais pas ce que ça donnerait.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le président, vous avez dit
qu'il y avait encore place à une certaine rationalisation, qu'il fallait
peut-être éviter les dédoublements, qu'il fallait
coordonner d'une meilleure façon, qu'il y aurait peut-être de la
place pour la concertation mais vous avez dit également qu'à
cause de la tradition, à cause de l'histoire, à court terme, on
ne pouvait pratiquement plus couper et qu'il fallait sûrement injecter
par ailleurs de nouvelles sommes de façon qu'il n'y ait pas de dommages
causés.
Est-ce que vous êtes d'accord pour dire avec la CREPUQ, avec les
administrateurs, la conférence des recteurs qu'il y va de la
qualité de l'enseignement et que peut-être jusqu'à
maintenant la qualité a diminué, que la qualité a
baissé dans l'enseignement au niveau des universités à
cause de ce sous-financement?
M. L'Écuyer: La réponse à cela, si vous me
demandez une opinion éclairée, je peux difficilement vous donner
une opinion précise, quoique je pense qu'on peut regarder entre nous et
avoir certaines opinions assez nettes;
on en parle d'ailleurs dans notre mémoire. Il y a des aspects qui
ne trompent pas; il y a des indicateurs qui ne trompent pas.
Vous avez vu, je pense, que c'est la conférence des recteurs qui
vous a présenté le financement d'équipement dans le
secteur du génie. La question des équipements est une question
absolument essentielle à l'heure actuelle dans le réseau
universitaire. Il y a eu des études, je pense que c'est Mme la
députée qui les a citées, des études du CRSNG en ce
qui concerne les équipements. Cela ce sont les équipements de
recherche mais les équipements de base, de formation d'enseignement, il
y a des gros problèmes là. Dans certains cas, dans l'étude
qu'on fait sur le génie, la chose qui revient de la façon la plus
nette, c'est la carence en termes d'équipement.
Si vous formez des étudiants à partir d'équipements
qui avaient cours il y a dix ans, vous ne les formez pas pour l'industrie, pour
les emplois qu'ils vont occuper aujourd'hui. Vous allez les former, vous allez
continuer d'avoir des diplômés, mais vous n'avez pas des
diplômés qui sont formés à la pointe.
Sur ce plan, ce n'est pas pour rien qu'on parle de goulot
d'étranglement, en tout cas je vous disais cela tout à
l'heure.
Autre question: les jeunes professeurs. Cela ne touche pas
nécessairement immédiatement la qualité de l'enseignement
quoique, encore là, je dirais habituellement les bonnes équipes
de recherche, en tout cas au niveau de la recherche, les bonnes équipes
c'est un mélange qui est assez harmonieux de jeunes et de moins jeunes.
On le sait, il y a toute une série d'études qui nous le
disent.
Il y a des problèmes là et on en est certain et ces
problèmes vont s'accentuer. Plus on retarde, plus les dommages risquent
d'être considérables.
Au niveau des bibliothèques, on sait combien le financement,
l'achat de volumes a diminué. Quand vos budgets diminuent comme ils font
actuellement, quand vous savez que dans le domaine des livres - je n'ai pas
besoin de vous expliquer cela - le taux d'indexation est largement
supérieur au coût de la vie, vous avez des problèmes. Ce
sont des problèmes que tous les gens, les chercheurs en milieu
universitaire, les étudiants, les professeurs... Les étudiants en
ont parlé ce matin, les professeurs en ont parlé hier; ce sont
des problèmes aigus parce que ce sont des instruments de base.
Donc, il y a des problèmes. Je pense qu'il ne faut pas
sous-estimer le dévouement des professeurs; je pense qu'il ne faut pas
aller trop loin dans ce sens. Je ne serais certainement pas porté
à aller aussi loin que certains des groupes l'ont été
hier. Je vous dirais très certainement que la question de la
qualité elle est en jeu actuellement.
Autre exemple: l'utilisation des chargés de cours. C'est juste,
on a des proportions de chargés de cours qui sont beaucoup trop
élevées dans certains domaines et dans certaines
universités. On ne peut pas espérer avoir une qualité
d'enseignement, une continuité. Ce n'est pas un chargé de cours
qui bâtit les programmes habituellement, comme on vous le disait ce
matin, ils sont engagés à une semaine, deux semaines des fois un
peu plus d'avis, ce ne sont pas eux qui peuvent assurer une continuité.
Donc, si vous avez des problèmes là-dessus, si vous avez une
proportion qui est trop élevée vous avez des problèmes
ailleurs. Tout cela ce sont des indicateurs qui sont très précis
et qui vous donnent une idée de l'évolution de la situation. (17
heures)
J'ajouterais un dernier point. Les universités ce n'est pas comme
un hôpital. Un hôpital quand vous n'avez pas assez de
matériel, quand vous n'avez pas assez de médicament, les patients
attendent et les journalistes vont voir cela. Dans les universités, ce
n'est pas comme cela, sauf que dans dix ans c'est à ce moment qu'on va
réaliser. Quand vous démembrez une équipe de recherche
parce qu'il n'y a pas de poste de disponible pour les nouveaux chercheurs -et
cela s'est vu - à ce moment la rebâtir, la remettre sur pied c'est
dramatique, cela prend plusieurs années.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous avez dit: La question de
répartition des ressources à l'intérieur de l'institution,
cela ne nous regarde pas tellement. Je ne vous cache pas que j'ai de grandes
inquiétudes quant à cette répartition. Je ne sais pas si
vous êtes au courant, je pense, au printemps, une cinquantaine de
professeurs de la faculté de droit à l'Université de
Montréal se sont plaints de la façon dont ils étaient
traités. Ils se sont comparés à l'Université de
Toronto. Évidemment, il y en a beaucoup qui peuvent dire:
L'Université de Toronto, ce n'est peut-être pas un exemple
à suivre. Je pense qu'en ce qui concerne l'effort qu'on fait pour le
financement des universités on peut se comparer, jusqu'à un
certain point, à l'Ontario.
Est-ce que vous pensez que c'est acceptable qu'on dépense, qu'on
affecte 73% de moins pour former un étudiant en droit à
Montréal qu'à l'Université de Toronto et qu'on affecte, au
titre de la bibliothèque, 544 $ à l'Université de
Montréal alors qu'on en dépense 1207 $ à Toronto, 122% de
plus? Je ne sais pas, on s'occupe de financement, vous donnez des avis, est-ce
que vous pouvez ignorer des injustices aussi flagrantes? Est-ce que vous
êtes d'accord pour dire que les facultés, à
l'intérieur d'une même boîte, sont traitées d'une
façon équitable?
M. L'Écuyer: C'est une question à laquelle il n'est
pas facile de répondre parce que, quand on dit qu'on ne s'en occupe pas,
ce qu'on veut dire par là, c'est que les gestionnaires des
universités devraient normalement être les premières
personnes ou les personnes les plus aptes à porter les jugements
nécessaires. Je ne connais pas suffisamment la chose, j'aimerais mieux
réserver mon jugement là-dessus, dans la mesure où... On
peut trouver cela tout à fait inacceptable comme on peut trouver
inacceptable la répartition des crédits en médecine
à Laval par rapport à ce qui se fait à Harvard. Je ne sais
pas, je pense qu'il faut regarder la situation de chaque établissement
afin de voir quels sont les choix budgétaires qui ont été
faits. Et pourquoi ont-ils été faits de cette façon? Je ne
sais pas si vous allez rencontrer des gens des universités, c'est le
genre de question que vous devriez leur poser. Eux, ils ont l'autorité
pour faire cela et ils le font.
On peut avoir une vague impression, on peut voir un peu ce qui se passe
dans le cas particulier que vous mentionnez là, lorsque vous regardez
les statistiques du ministre. Je pense que l'Université de
Montréal est une des plus en déficit. Je ne sais pas à
quoi cela est attribuable, mais on voit qu'elle a un déficit important.
On voit qu'elle a un secteur santé qui est assez coûteux,
d'après les normes sectorielles, c'est parmi les plus coûteux.
Elle a un secteur santé qui occupe près de la moitié de
ses activités. Il y a eu peut-être à ce moment - compte
tenu des modes de financement antérieurs - des transferts qui se sont
faits, je ne sais pas. Je pense que c'est le genre de question qu'il faut poser
aux gens.
Elles montrent essentiellement une chose, c'est qu'il y a des
universités qui ont des problèmes énormes et elles y
apportent un type de réponse dans ce cas. Est-ce qu'il y aurait eu
d'autres types de réponse? Je ne suis pas en mesure de vous
répondre.
M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait peut-être qu'on
regarde le financement des trois réseaux: les universités, les
cégeps et les écoles primaires et secondaires. Je voudrais savoir
si vous êtes d'accord pour qu'on répartisse le financement d'une
façon aussi irraisonnée. Si on prend les chiffres de 1978-1979
à 1982-1983, entre autres, au niveau des universités, par
étudiant on dépense 400 $ de moins pour une clientèle de
44% de plus. Au collégial, 650 $ de plus - là c'est dans plus -
pour une clientèle de 22% de plus. Au primaire et au secondaire on
affecte 600 $ de plus par étudiant pour une clientèle de 23% de
moins. Est-ce que vous pensez qu'il y a une raison ou une justification pour
établir des règles de financement qui, à mon sens, sont
absolument illogiques, en tout cas, si on regarde les chiffres? Comment
pouvez-vous expliquer cela? Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'une
répartition comme cela se fasse?
M. L'Écuyer: Je commencerai par vous dire que cette
question de la répartition, nous l'avons mentionnée dans
plusieurs de nos avis, nous avons souligné ce que nous
considérons comme - jusqu'à nouvel ordre -une anomalie et nous
n'avons pas à porter de jugement, évidemment, sur le degré
de financement du primaire, du secondaire et du collégial, ce n'est pas
notre domaine. Je peux vous dire une chose cependant. J'ai écouté
les professeurs venir exposer leur point de vue, hier, certains d'entre vous
l'ont trouvé assez critique. Je crois que cela compte pour beaucoup et
on n'a jamais expliqué au réseau universitaire quelles sont les
raisons qui ont amené le gouvernement à couper plus dans le
réseau universitaire que dans les autres réseaux. On peut s'en
douter, on peut parler de vulnérabilité, on peut parler de
pression, on peut faire tout ce qu'on veut mais il reste que dans le milieu
universitaire on n'a jamais expliqué cela. Les quelques rares
commentaires qui ont pu être faits sur cela, je pense un peu à la
légère à l'occasion, ont été
extrêmement dévastateurs sur le moral des professeurs. Tout
à l'heure, je mentionnais que les professeurs actuellement gèrent
160 000 000 $ de fonds de recherche, c'est quand même du monde 160 000
000 $ pour 7000 professeurs. Avec 20 000 $, qu'est-ce que vous faites? Vous
engagez des techniciens, vous engagez des assistants de recherche, vous faites
quelque chose et vous êtes évalués
régulièrement. Or, évidemment quand on a dit ou quand on a
laissé entendre - j'ai vu la réaction un peu épidermique
hier lorsqu'on a parlé de six heures de cours, pas du tout d'ailleurs
dans le contexte - mais quand on a laissé entendre cela comme
étant la charge de travail il faut comprendre que l'effet sur le moral -
je ne veux pas dire qu'il n'y en a pas qui sont... - est énorme. Je
pense que s'il y a une des choses qui devrait ressortir des travaux de votre
commission c'est cet aspect. Les professeurs à l'université c'est
autre chose que cela. Les gens qui travaillent et qui font de la recherche, qui
dirigent des étudiants, il y en a une proportion importante dans notre
réseau, c'est assez important, et, s'il fallait demander pour toutes
sortes de raisons à l'université des compressions plus grandes,
il faudrait trouver des explications logiques et des données de
façon un peu plus évidentes et un peu plus claires qu'elles l'ont
été jusqu'à maintenant.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous avez parlé
d'évaluer. Est-ce que vous seriez d'accord avec l'évaluation des
professeurs?
M. L'Écuyer: Nous avons déjà dit au conseil
que nous étions tout à fait d'accord dans un de nos avis sur la
condition étudiante. Il y a quelques années nous avons clairement
indiqué que nous étions d'accord pour l'évaluation des
professeurs. Nous pensons que les étudiants, si on peut regarder cela en
termes de consommateur, non seulement ils ont le droit mais cela peut
être extrêmement utile pour l'université d'avoir un certain
"feedback" de ses clients. Nous pensons que cela est fait. D'autre part, nous
sommes tout à fait d'accord avec l'université lorsqu'elle dit
qu'il est de sa responsabilité d'évaluer ces programmes, mais
nous voulons qu'elle les évalue par exemple.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous avez parlé du
vieillissement du corps professoral. Est-ce que vous concluez qu'à cause
de ce vieillissement la qualité de l'enseignement a diminué?
M. L'Écuyer: Cela dépend des secteurs. On peut vous
donner des indications là-dessus mais c'est sujet à caution. Il y
a des secteurs où les professeurs atteignent, disons, leur degré
de maturité ou d'efficacité le plus élevé à
un âge plus avancé parce que cela suppose une plus grande
intégration des connaissances, etc. Par contre, le dynamisme,
habituellement, je veux le dire le goût d'essayer toutes sortes de
choses, c'est plus élevé chez les jeunes.
C'est pour cela qu'on cherche toujours à avoir un bon
équilibre entre les deux. Si vous prenez une équipe de recherche
valable, habituellement il y a des jeunes et il y a des vieux et les plus
vieux, les aînés, sont souvent là, ils ont un esprit
critique souvent plus développé. Tout cela fonctionne très
bien, il y a un bon équilibre à tenir. Là où cela
commence, évidemment, à devenir un peu critique c'est lorsque
vous avez un vieillissement; tout le monde vieillit ensemble. Le
renouvellement, évidemment, est moins grand; sur cela je pense qu'il ne
faut pas se leurrer.
On a certaines études, on en cite dans l'avis sur le
maintien-renouvellement du corps professoral. Certaines études
américaines, évidemment dans des environnements très
favorables, nous indiquent que les professeurs en recherche, les professeurs
qui sont actifs et qui demeurent actifs sont aussi bons quand ils sont plus
vieux que quand ils sont plus jeunes; même des fois ils deviennent
meilleurs dans bien des cas. Sauf qu'il y en a beaucoup plus, à mesure
qu'ils vieillissent, dont l'intérêt se perd et il y en a qui
décrochent, ils font moins de recherche, ils se lancent dans d'autres
choses, ils font de l'administration.
M. Leduc (Saint-Laurent): II y en a qui deviennent
président du Conseil des universités.
Le Président (M. Charbonneau): C'est cela. Mme Querido
voudrait ajouter...
Mme Querido: Je voulais juste ajouter un petit commentaire sur le
vieillissement en soi et sur ses conséquences. Je pense que dans les
avis le conseil a toujours associé la notion de vieillissement et ses
conséquences au phénomène du non-renouvellement du corps
professoral.
Je pense qu'il ne faut pas rien que voir le fait du vieillissement ou
l'incapacité de recherche des gens plus vieux ou la moins grande
dynamique, mais il faut le voir au non-renouvellement et aux
conséquences sur toute la dynamique interne d'un milieu. C'est que le
phénomène actuel du vieillissement est dû à des
coupures budgétaires qui empêchent le renouvellement et qui
peuvent avoir des conséquences à long terme sur Je renouveau du
milieu universitaire comme tel, plutôt que l'associer directement
à la capacité ou à la qualité des gens plus vieux
et leur compétence par rapport à l'enseignement ou à la
recherche.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord. Alors, dernière
question sur l'accessibilité. On a parlé beaucoup
d'accessibilité aux universités. On a parlé
également de contigentement. Moi, je suis peut-être d'accord pour
dire que le contingentement peut être très dangereux, que c'est
une façon arbitraire, à mon sens, de refuser l'accès
à l'université à nos jeunes.
Comment voyez-vous cela? Êtes-vous d'accord avec un
contingentement? On a parlé de médecine; on a fait
référence à la médecine, est-ce que c'est normal
que sur 2500 candidats on en accepte 500, 600, 700 ou 800 dans le
réseau? Il y en a peut-être plus, je ne peux pas vous dire. On
doit en couper au moins la moitié. Est-ce que les 1000 autres ou 1500
autres n'auraient pas un droit également d'aller à
l'université, de faire leur cours de médecine au même titre
que ceux qui veulent aller en sciences sociales? Je pense bien que dans ces
facultés les portes sont toutes grandes ouvertes. Est-ce que c'est parce
que cela ne coûte pas cher? Ce sont des facultés qui ne sont pas
dispendieuses alors que la médecine est dispendieuse?
Je dois vous dire que je n'embarque pas tellement là-dedans,
dire: "Bien, écoutez, cela coûte cher la médecine et puis
il faut limiter parce qu'on n'a pas les moyens". Non, si les facultés de
médecine sont là et puis si on est prêt, disons, à
maintenir un réseau d'universités et s'il y a des facultés
de médecine, à mon sens, on doit les supporter.
M. L'Écuyer: II y a deux réponses à
cela: il y a une première réponse qui est celle des
moyens. Dans le cas des facultés de médecine, il y a d'abord une
question de moyens qui est réelle, non seulement au niveau des
professeurs, mais dans la formation en médecine il y a une bonne partie
qui est une formation clinique. Il faut que vous ayez les malades, il faut que
vous envoyiez vos gens dans les hôpitaux, donc ce ne sont pas tous les
hôpitaux qui peuvent accueillir les étudiants comme ça,
donc il y a des places limitées. (17 h 15)
Ceci étant dit, je suis tout à fait d'accord avec vous
qu'il y a beaucoup d'arbitraire dans le contingentement actuel. 2500,
probablement qu'on ne pourrait pas le faire. Qu'on fasse plus que ce qu'on fait
actuellement, ça me paraît tout à fait possible. Sauf qu'il
faut bien comprendre que dans le domaine de la santé, en particulier, il
y a des limites. À peu près tous les États s'imposent des
limites là-dessus pour d'autres raisons. Ce ne sont pas des raisons
universitaires, je dois le dire, ça n'a rien à voir avec
l'université, mais c'est parce qu'on veut limiter le nombre de personnes
qui ont accès à la profession. C'est une politique sociale dans
la mesure où on estime, je présume, qu'une surabondance de soins
est susceptible de générer une surabondance de coûts qu'on
ne sera pas en mesure de se payer. Enfin, il y a toute une série
d'arguments de ce type que je n'ai pas à juger comme tel.
Au niveau des moyens, c'est sûr qu'il y a des contingentements. Si
on parlait d'un autre secteur que la médecine, je vous dirais: C'est une
question de coût. Si on est prêt à payer, on peut ouvrir
beaucoup plus largement des secteurs comme la médecine dentaire, la
médecine vétérinaire. Dans le cas du génie, c'est
assez ouvert. Il n'y a pas de gros contingentements dans la majorité des
cas. L'informatique, à l'heure actuelle, il y a des questions de moyens.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Si on exporte plus, les
universités vont ouvrir plus largement.
Par exemple, si je prends l'art dentaire, vous avez tant de chaises de
dentistes dans une université. Si vous voulez augmenter le nombre de
chaises de dentistes, le nombre d'équipements, il n'y a pas de
problème, j'imagine que les universités vont fonctionner. M.
Boisvert voudrait peut-être ajouter un mot.
M. Boisvert: II faut dire que notre politique
d'accessibilité est semblable à celle de pays où elle est
aussi généreuse qu'ici. Elle permet l'accès à
l'université à tout étudiant qui a fait les études
préalables nécessaires pour entrer à l'université,
elle lui promet une place à l'université, mais pas
nécessairement dans l'université de son choix et pas
nécessairement dans le programme de son choix. L'étudiant qui
arrive dans un de ces programmes où, par faute d'espace ou
d'équipements ou d'études subséquentes, comme c'est le cas
en médecine, les places sont limitées, il peut trouver sa place
à l'université dans un département de biologie, par
exemple. Ce qui arrive, plusieurs étudiants transfèrent en cours
de route. Si les résultats sont excellents, un candidat va être
reçu à bras ouverts à la faculté de médecine
à sa deuxième année de biologie.
C'est un moyen qui permet quand même d'apporter un peu de
souplesse à ce système qui correspond à celui de tous les
pays qui ont ouvert généreusement l'accès à
l'université à la population étudiante. Une place à
l'université, mais pas nécessairement le programme de son choix
et l'université de son choix.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le
député de Chauveau.
M. Brouillet: C'est difficile de ne pas revenir sur des choses
qui ont déjà été dites, parce qu'on a abordé
pas mal tous les aspects de la question, mais il y aurait peut-être
à nuancer ou à préciser certains aspects de ces questions.
Je me pose des questions concernant la façon d'administrer, au niveau
universitaire, l'objectif de la démocratisation et de
l'accessibilité et, en même temps, le maintien de certains
standards dans les programmes et dans la formation. Je crois qu'on est face
à un dilemme, à un moment donné, parce qu'il y a une
certaine façon de concevoir la démocratisation et
l'accessibilité qui nous amène quasiment logiquement à
relâcher les standards.
La question que je me pose, c'est: Comment arriver à rendre une
université accessible à tous ceux qui peuvent correspondre
à un certain standard, qui doivent répondre à certaines
exigences pour maintenir ce standard? Est-ce que les mécanismes que nous
avons présentement nous permettent de poursuivre ces deux objectifs qui
ne sont pas faciles à concilier?
On a dit tantôt que le mode de financement n'est pas neutre. Je
pense qu'il y a un mode de financement qui peut, à un moment
donné, favoriser l'accessibilité au détriment du standard,
on en a fait mention tantôt. Si le financement est basé sur le
nombre d'individus purement et simplement, on aura tendance à mettre des
programmes beaucoup plus accessibles pour l'accroître. Par ailleurs, il
est bien évident qu'on ne peut pas, non plus, financer sans tenir compte
du nombre de personnes parce que le nombre détermine aussi, en partie,
les coûts.
Comment verriez-vous une solution? Vous avez dit tantôt qu'il y a
des mécanismes d'évaluation des professeurs -c'était
généralement accepté - et qu'il faut qu'il y ait des
mécanismes d'évaluation de
programmes, qu'il faudrait que les universités évaluent
leurs programmes. Le rôle du conseil face à l'évaluation
des programmes? On demande vos avis sur les nouveaux programmes, mais est-ce
que vous avez un certain pouvoir en ce qui concerne les programmes existants,
au niveau de l'évaluation de ces programmes?
Je sais qu'en Ontario ils ont mis sur pied des comités
d'évaluation de pairs qui parcourent l'ensemble des universités,
qui dissèquent l'ensemble des programmes et qui portent des jugements
à conséquence. Les programmes qui sont jugés par des
pairs, venant d'autres universités, ne sont pas sans conséquence,
sans suite. Alors là, c'est un mécanisme qui assure le maintien
du standard. Je me dis que, tant qu'on n'aura pas un mécanisme pour
assurer le maintien du haut standard des programmes et des exigences, à
ce moment, on risque que la poursuite de l'objectif de la
démocratisation ne nous amène à une diminution des
standards.
J'aimerais peut-être que vous élaboriez sur cela, sur un
mécanisme qui, tout en poursuivant l'objectif de la
démocratisation, pourrait permettre l'accession à
l'université à tous ceux qui peuvent répondre à
certaines exigences et, par ailleurs, sur un mécanisme pour s'assurer
que ces exigences vont être maintenues par les universités.
M. L'Écuyer: II y a deux réponses que je puis vous
donner là-dessus. D'abord, la question des standards, vous avez
parfaitement raison, c'est une question qui est extrêmement importante et
il faut des mécanismes. Il faut des mécanismes, d'abord, de
définition des standards. C'est peut-être l'aspect le plus
important. C'est une question que nous avons touchée en long et en large
dans l'avis que nous avons donné sur le rôle de
l'université dans la formation professionnelle, parce que c'est
peut-être là que le problème se pose avec le plus
d'acuité. Quels sont les standards de formation qu'on attend de nos
futurs médecins, de nos futurs dentistes, de nos futurs médecins
vétérinaires, psychologues, etc? Combien d'années?
Qu'est-ce qu'on espère?
Il y a déjà, à l'heure actuelle, des comités
nord-américains dans bien des cas d'évaluation des
ingénieurs, etc., qui font régulièrement ce genre de
chose. Mais nous pensons que c'est assez essentiel que la société
québécoise soit impliquée dans la définition de ces
standards. Évidemment, il y a d'abord un problème de
définition. Dans le cas des facultés professionnelles, nous avons
proposé dans cet avis un mécanisme spécifique
d'élaboration ou de définition de standards, qui serait un
comité où on retrouverait des universitaires, des gens du milieu
socio-économique et des gens du milieu des corporations
professionnelles. Donc, nous avons, sur ce plan, esquissé
déjà un mécanisme qui, dans le cas des facultés
professionnelles, peut s'expliquer.
Il y a une deuxième étape, évidemment, et vous
l'avez soulignée, la question d'évaluation à partir de
cela. La question d'évaluation nous préoccupe au plus haut point,
vous avez parfaitement raison. Nous ne le faisons pas que pour les programmes
nouveaux. Nous le faisons actuellement pour les programmes nouveaux parce
qu'ils impliquent des déboursés de fonds nouveaux, mais nous
avons entrepris ce que nous appelons des études sectorielles dans
lesquelles nous passons en revue l'état et les besoins de chacun des
secteurs de l'unversité. Nous discutons effectivement des standards de
formation; nous pensons aussi, à ce moment, à discuter un peu de
la performance générale. Nous avons un chapitre sur les besoins
et nous voulons essayer d'amorcer une dicussion non seulement avec le milieu
universitaire, mais aussi avec les gens du monde socio-économique.
Évidemment, ce n'est pas une évaluation programme par
programme. Nous partons d'un certain nombre d'indicateurs, nous essayons de
repérer des points forts et des points faibles. Nous avons beaucoup plus
l'intention de poser des questions aux universités, de demander des
corrections ou des explications aux universités que de faire une
évaluation des standards et des programmes. Il faut quand même
réaliser qu'il y en a des centaines et des milliers de programmes dans
notre réseau universitaire. On n'a pas les moyens de se mettre à
en faire l'évaluation systématique un par un. Alors, on est
obligé de fonctionner sur une base qui est un peu la base
américaine. Tout à l'heure, on parlait de dirigisme. Le
système américain fonctionne comme cela depuis des années.
Dans le fond, ce qu'on vise, c'est à essayer de repérer les cas
qui nous posent des problèmes, de demander aux universités et aux
gens ce qu'on pourrait faire pour amélîorer la situation. On
essaie d'élaborer un cadre qui nous amènerait à cela.
À l'heure actuelle, c'est la philosophie que nous avons
développée au conseil et une orientation, si vous me le
permettez.
Mme Querido: Une note pour compléter aussi les
informations. On a parlé de deux types d'évaluations:
l'évaluation que fait le conseil en termes d'évaluation
réseau et la portée de ce type d'évaluation. Mais le
conseil s'est aussi prononcé sur le rôle qu'ont les
universités sur leur propre évaluation de programmes. Dans la
recommandation du conseil qui portait sur la nécessité pour les
universités de présenter des plans triennaux de leur
développement, un des aspects considérait la demande aux
universités de
faire rapport sur les méthodes d'évaluation de leurs
programmes qu'elles utilisent et les résultats de cette
évaluation. Justement, il est de la responsabilité des
universités mêmes de faire l'évaluation de leurs propres
programmes et celle-ci, si vous voulez, ne remplace pas celle que peut faire un
organisme comme le conseil. Cela faisait partie intégrante de la
recommandation du conseil sur la nécessité des plans de
développement des universités.
M. Brouillet: Mais savez-vous, si on laisse à
l'université le soin d'évaluer ses propres programmes - on sait,
par ailleurs, et c'est quasiment inévitable, que le financement suit,
d'une certaine façon, le nombre d'étudiants, on ne peut pas faire
abstraction de cela - ce sera assez difficile qu'elle arrive à pouvoir
porter un jugement désintéressé sur la valeur de
l'ensemble de ses programmes. Je prends l'exemple de l'Ontario; je crois que
c'est un comité de pairs de l'extérieur de l'université,
dans un champ donné, dans une discipline donnée, qui fait
l'évaluation et qui porte un jugement. Alors, c'est vraiment un jugement
purement professionnel et non pas un jugement qui pourrait être
biaisé par des intérêts économiques.
Mme Querido: Si je peux répondre ad hoc sur cela,
l'évaluation dont il est question ici est l'évaluation dont vous
parlez, c'est-à-dire l'évaluation qui est sous la
responsabilité de l'institution, de l'université, mais elle est
faite par des mécanismes externes à l'institution, le
comité des pairs. Les critères, les paramètres sont connus
des organismes dont le Conseil des universités, et les résultats
de ces évaluations sont connus. Donc, l'évaluation dont on parle
est similaire à celle mise en oeuvre par les autres gouvernements dont
celui de l'Ontario.
M. Brouillet: Très bien, merci.
M. L'Écuyer: Juste un mot supplémentaire. Je pense
que, lorsque le résultat de notre première étude
sectorielle sur le génie sera rendu public, vous aurez une vue pas mal
plus précise du genre de chose que nous essayons de mettre sur le pied,
compte tenu de nos moyens et des possibilités. Les évaluations de
pairs en Ontario, soit dit en passant, ont été faites par
l'équivalent de la Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec, en Ontario. Je ne pense pas que cela ait
été fait dans tous les secteurs. Ils ont couvert uniquement les
programmes d'études avancées, ils n'ont pas fait le premier
cycle.
Mme Querido: Je dois ajouter qu'il existe déjà, par
exemple, dans certaines de nos institutions au Québec, ce modèle
d'évaluation.
(17 h 30)
M. Brouillet: J'aimerais aborder la question du renouvellement du
corps professoral. De façon assez précise, vous avez
demandé 1 500 000 $ pour le budget de cette année et
éventuellement se serait récurrent pour dix ans. De quelle
façon prévoyez-vous que les universités vont utiliser ce
montant pour le rajeunir? Est-ce que c'est simplement l'engagement de nouveaux
ou bien si c'est mettre sur pied un système favorisant la
préretraite avec compensation financière pour libérer les
postes pour de plus jeunes professeurs? À quel mécanisme
avez-vous pensé dans l'utilisation de ces fonds pour effectivement
assurer un renouvellement?
M. L'Écuyer: Bien, il y avait toute une série de
recommandations là-dessus, mais il y en avait une partie qui portait sur
des mécanismes internes à l'université, qui pouvaient
nécessiter ou ne pas nécessiter d'injection de fonds.
En ce qui concerne le programme de 1 500 000 $, je vous lis une partie
de l'avis qui va vous donner les informations nécessaires. On dit: "Ces
postes seront financés pour un maximum de dix ans et seront
alloués ou seraient alloués sur présentation de plans de
renouvellement du personnel des départements des universités
intéressées". Donc, ce n'est pas simplement une chose; on
aimerait que les universités, en même temps, nous indiquent
comment elles envisagent renouveler leur personnel.
En fait, une des choses que l'on disait dans l'avis - je n'ai pas
exactement les mots - c'est que les universités devaient profiter de
l'opération pour penser leur développement et voir quels sont les
départements qu'elles envisagent de rajeunir, ceux sur lesquels elles
envisagent de faire porter leurs efforts, qu'elles nous le disent et puis
qu'elles présentent des demandes de postes visant à rajeunir
certains départements. Donc, c'est dans ce sens que les plans sont
indiqués.
M. Brouillet: Vous pensez surtout à créer de
nouveaux postes plutôt que de trouver un mécanisme pour
libérer certains postes et laisser la place à d'autres par des
compensations financières.
M. L'Écuyer: C'est-à-dire qu'il y a des
recommandations...
M. Brouillet: Vous pensiez surtout à la création de
nouveaux postes.
M. L'Écuyer: C'est-à-dire que le programme de 1 500
000 $ vise essentiellement à la création de 40 nouveaux
postes.
M. Létourneau (Claude): Effectivement, ces 40 postes, cela
comportait l'engagement de nouveaux professeurs, mais il y avait aussi une part
qui était demandée aux universités. On avait toute une
série de mesures et puis on parlait aussi de programmes de mise à
la retraite anticipée. Il y avait aussi le recours à des
programmes fédéraux, des programmes existants déjà.
Dans le fond, on voulait faire aussi un effort du côté des
universités qui était du même ordre. Les besoins
étaient d'engager 80 professeurs par année, finalement, le
gouvernement contribuerait pour la moitié et, pour le reste, il y aurait
un effort de demandé aux universités. Il y a même des
efforts, finalement, au niveau de la rationalisation. On disait que, dans
certains cas, on pourrait réduire le nombre de chargés de cours
et se servir de ces sommes pour engager des professeurs plus jeunes.
Finalement, il y a toute une série de mesures qui s'adressaient
également aux universités.
M. Brouillet: Un dernier mot sur la question du fameux dirigisme
dont on parle tant. Vous avez parlé de coupures aveugles. La question
que je me pose c'est: Qu'est-ce qui pourrait rendre les coupures non aveugles?
Quand j'entends cela, des "coupures aveugles", je me demande comment rendre des
coupures non aveugles. Vous allez me dire que probablement, s'il y avait un
plan de développement, s'il y avait des objectifs précis, des
priorités, à ce moment on pourrait faire des coupures
rationnelles. On couperait dans les bonnes parties, les parties qui sont moins
nécessaires, ainsi de suite... Mais, tant qu'il n'y a pas de plan de
développement...
M. Ryan: II va avoir une promotion.
M. Brouillet: ...tant que les gens auxquels on demande d'en faire
n'en font pas encore... Il y aurait peut-être une façon de
retarder les coupures, c'est de ne pas faire de plan. Finalement, si on
acceptait, tout le monde, de dire: "Des coupures aveugles on n'en fait plus",
j'ai l'impression que les gens à qui on demande de faire des plans
retarderaient d'en faire pour éviter des coupures puisqu'on s'est mis
d'accord pour ne faire que des coupures rationnelles.
Vous avez dit vous-même qu'il y a des universités qui
tardent à faire des plans. Là, on est pris un petit peu dans un
cercle. Est-ce qu'il va falloir faire du dirigisme pour les forcer à en
faire, pour éviter de faire des coupures aveugles? Je trouve, pour ma
part, que c'est absolument essentiel dans le contexte actuel... Vous l'avez dit
vous-même et je pense que cela fait un consensus, on ne pourra pas
améliorer notre système étant donné les ressources
disponibles. Même si on en met un peu plus dans le réseau et qu'on
en prend ailleurs, on n'arrivera pas à répondre vraiment aux
besoins de la société québécoise au niveau du
développement s'il n'y a pas une rationalisation plus grande de
l'organisation de la vie universitaire. Donc, cela prend des plans, des
objectifs, des priorités. Il y a des universités qui tardent...
Il y a l'Université McGill, l'Université Laval,
l'Université du Québec, également, qui ont des plans
actuellement. Est-ce que vous verriez cela comme du dirigisme si je ne sais
trop quelle instance disait à l'université: Dans deux ans, vous
devrez déposer sur la table votre plan? Est-ce que, pour vous, ce serait
du dirigisme?
M. L'Écuyer: Sur ce plan, absolument pas. Comme je vous le
disais tout à l'heure... Je pourrais vous citer un autre passage de
notre rapport annuel, approuvé par le conseil, dans lequel on mentionne
que la question des plans est une question d'intérêt public. Ce
n'est pas simplement... Quand on est à l'intérieur de
l'université, on élabore des plans et, ensuite, il faut en
discuter. Je suis tout à fait d'accord sur ce point.
Quand on parle de coupures aveugles, ce qu'on veut dire par là,
dans le fond, c'est qu'on coupe mais sans se préoccuper des
résultats ou sans chercher à voir quel type de résultats
cela va produire. Après coup, on se dit: II faudrait corriger telle ou
telle chose. C'est ce qu'on considère. On a un problème de
renouvellement du corps professoral. On sait, et on aurait pu le savoir depuis
le début, qu'on s'en allait vers un problème. C'est un
phénomène simple: on a engagé notre corps professoral au
cours des années soixante et début des années
soixante-dix. Graduellement, on a exercé des compressions. On a eu une
stabilisation relative parce qu'on augmentait encore les clientèles mais
cela augmentait moins; il n'y a pas eu explosion. Donc, on se retrouve avec un
corps professoral parmi lequel, forcément, le taux de renouvellement est
moins élevé à cause de la conjoncture économique,
etc. Si on coupe en même temps, il est clair qu'on aura des
problèmes. On sait actuellement, dans l'ensemble du réseau...
C'est anormal dans notre réseau, si vous me permettez l'expression... Ce
n'est peut-être pas anormal, mais en tout cas, il faut s'interroger sur
les causes. On sait qu'on a beaucoup plus de chargés de cours, toutes
proportions gardées, qu'en Ontario. On se demande pourquoi. L'une des
raisons est assez simple: on a un réseau qui cherche à offrir un
éventail considérable d'activités -c'est peut-être
louable - mais il n'en a plus les moyens. Pour continuer à offrir les
mêmes activités, il essaie de réduire les
coûts, et la façon de le faire, c'est d'engager des
chargés de cours. Dans certains cas, c'est cela; dans d'autres, c'est
plus compliqué. Dans le domaine de l'administration, par exemple, il y a
un manque de professeurs. Mais on peut se dire: Si on travaille ensemble, si,
d'une façon ou d'une autre, le ministère ou le conseil - si on
lui donne ce mandat - travaille avec les universités et essaie de
dégager des façons de faire les mêmes économies,
peut-être sur un terme plus long... Il ne faut pas se leurrer, on n'est
pas capable de faire demain ce genre d'économies... Les
universités n'ont pas le pouvoir de législation du gouvernement
pour aller piger dans les salaires - ce n'est pas pareil - ou pour ouvrir les
conventions collectives. On est placé là. Alors, il faut que les
universités fonctionnent dans le même système que le reste
de l'État. Si on veut chercher des économies, il faut les
chercher dans l'ensemble.
On parlait des chargés de cours. J'entendais le président
de la CREPUQ qui disait: On a rationalisé, on a épuré nos
banques de cours. Je suis d'accord sur le fait qu'à l'intérieur
des institutions, on a probablement fait une bonne épuration. Il faut
maintenant, sur une base réseau, voir les choses qu'on peut mettre en
commun. Il n'y a pas beaucoup de gens qui sont prêts à se mettre
la tête sur le billot là-dessus. Donc, il faut qu'il y ait des
mécanismes de concertation. Je pense que, dans l'immédiat, on
peut appeler cela du dirigisme, mais je ne pense pas qu'il y ait d'autres
possibilités pour des interventions extérieures. D'ailleurs, il y
a des cas de collaboration dans le réseau universitaire. Je dois dire
que dans plusieurs de ces cas - en tout cas, certains des cas que nous
connaissons mieux - c'est venu parce qu'il y a eu des interventions
extérieures. Prenez le doctorat en administration, qui est un doctorat
conjoint. Je puis vous assurer - M. Boisvert pourra en parler - que si le
conseil n'avait pas mis cela un peu comme condition d'ouverture, il ne serait
pas conjoint.
L'Observatoire du Mont-Mégantic, si c'est un instrument conjoint
à l'Université Laval et à l'Université de
Montréal, c'est parce que l'organisme subventionnaire qui, à
l'époque, était le Conseil national de la recherche, avait mis
cela comme condition. Le CRIM, le Centre de recherche informatique de
Montréal, c'est la même chose. Cela prend des interventions
extérieures parce que les universités, c'est comme ça, ce
n'est pas leur mode - jusqu'à maintenant - de fonctionnement. Je pense
que ce sera absolument nécessaire. On essaie de faire ce genre de choses
dans le cadre d'une opération sectorielle. On va voir ce que ça
va donner, on a beaucoup d'espoir, mais, évidemment, c'est une
opération qui est à long terme.
Le Président (M. Charbonneau): Merci beaucoup. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'aimerais poursuivre sur la même question.
On sait que, par le mode de financement, on pourrait encourager ou
décourager, selon l'objectif qui détermine le mode de
financement. En ce qui concerne le besoin dont on a parlé de plus de
concertation entre les universités, il me semble que le mode de
financement actuel et le mode de financement prévu découragent la
déconcertation. Il n'y a rien là pour encourager la concertation
et le regroupement d'efforts pour réaliser plus d'efficacité
entre les établissements.
Est-ce que vous avez examiné ce problème et est-ce que
vous avez fait des recommandations? Quels incitatifs le gouvernement
pourrait-il implanter pour encourager cette concertation?
M. L'Écuyer: Il y a à l'heure actuelle des
mécanismes de financement qui visent à encourager la
concertation. Par exemple, dans le cadre du fonds de développement
pédagogique, nous avons un volet qui vise justement à encourager
ces relations, ces développements. C'est malheureux, mais il n'a
à peu près pas été utilisé par les
universités. Pourtant, il existe depuis quatre ans.
Mme Dougherty: Quel est le mode de financement pour ce
programme?
M. L'Écuyer: Je vais laisser la parole à M.
Boisvert parce qu'il connaît bien le dossier.
M. Boisvert: II existe, à l'intérieur de ce fonds
de développement pédagogique, un volet qui s'appelle
"Réaménagement de programmes existants" dont l'objectif est de
rationaliser, consolider, permettre la collaboration et la coordination des
universités. Les universités sont invitées à
présenter des projets qu'elles auront préparés, soit une
toute seule, soit une avec la voisine, de les soumettre et de faire une demande
de fonds. Depuis quatre ou cinq ans que le projet existe, nous avons
reçu en moyenne un projet par année.
Mme Dougherty: II s'agit d'une somme additionnelle, si le projet
est accepté, pour implanter un tel projet.
M. L'Écuyer: Oui, madame.
Mme Dougherty: Est-ce que les sommes sont suffisantes pour
attirer... (17 h 45)
M. Boisvert: C'est surtout pour réaménager des
projets existants. Consolider,
fusionner, parfois abandonner une option dans une université pour
que l'autre la prenne, collaborer entre les universités, mais ce n'est
pas populaire, malgré que les montants aient été
augmentés cette année. Il y a 8 000 000 $ ou 9 000 000 $
d'équipement possible pour les universités dans les projets
liés au virage technologique et la porte d'entrée, ce sont les
projets de nouveaux programmes, qui est un des volets du fonds, et le projet de
réaménagement de programme dont on parle. Malgré l'argent
disponible, on a reçu une demande cette année et le projet est en
jugement, il passera devant le conseil à sa prochaine
réunion.
M. L'Écuyer: Je me permettrai d'ajouter juste deux points
là-dessus. Il y a, au niveau de la recherche, des programmes qui
encouragent aussi la concertation, des programmes majeurs, entre les centres de
recherche. Au niveau fédéral, nous avons certaines
difficultés avec ces programmes parce qu'on n'arrive pas au
Québec à former des noyaux suffisamment compétitifs un peu
à cause, je pense, de ce phénomène.
Je dois noter, par exemple, que dans les derniers mois, il y a eu
certaines ouvertures intéressantes qui ont été faites. Je
pense en particulier à des ouvertures qui ont été faites -
je dis des ouvertures, comme nous n'étions pas là, il faudrait
peut-être leur en parler - par le recteur de l'Université Laval
aux constituants de l'Université du Québec. Je ne sais pas
où en sont les relations. Je pense qu'il y a quand même eu
déjà des poursuites.
Il faut dire que ce n'est pas facile, toutes ces choses sont fragiles,
les intentions ne sont pas nécessairement toujours très bien
comprises, etc. Je pense que c'est beaucoup relié à une
amélioration du climat d'ensemble. Il faut développer, entre les
universités, un climat de collaboration plus étroit.
Mme Dougherty: Merci. Deuxième question: Le fait que nous
ayons des universités bilingues au Québec, est-ce que cela
coûte plus cher qu'en Ontario où il y a des services
universitaires en français? Je me demande si les comparaisons du
gouvernement sont toujours réalistes, toujours pertinentes. Quelle est
votre estimation de ce problème? Est-ce que cela coût plus cher au
Québec?
M. Boisvert: Les règles de financement sont les
mêmes.
M. L'Écuyer: Je ne pense pas.
Mme Dougherty: Incluant la recherche, les textes, etc.
M. L'Écuyer: Les règles de financement sont les
mêmes. On pourrait se demander, sur ce plan, si on avait à revenir
en arrière, si on créerait autant d'universités, par
exemple, à Montréal. Mais, de toute façon, les
universités ont une clientèle. Il y a une clientèle pour
cela, elles sont financées comme les autres. On pourrait argumenter que
dans certains cas cela peut entraîner des dédoublements de
programmes. On pourrait et encore... La politique est une politique d'ensemble.
Il y a peut-être quelques cas où, si on n'avait pas à
offrir les services dans les deux langues, on n'aurait pas deux institutions,
mais je pense que c'est assez marginal, dans l'ensemble du réseau, les
coûts actuels. Par contre, cela peut entraîner des problèmes
de coordination, c'est juste, mais c'est un autre type de problème qui
n'est pas nécessairement à incidence financière, en tout
cas, pas toujours.
Mme Querido: Peut-être juste pour ajouter que le conseil,
en ce qui concerne le développement des études gratuites, a
adopté depuis longtemps la politique d'un seul réseau. Et en
jugeant de l'opportunité d'un programme, il le juge dans un aspect
réseau indépendamment s'il se situe dans le milieu anglophone ou
francophone. Il n'y a qu'un seul réseau aux études
graduées au Québec alors que peut-être dans les niveaux du
premier cycle, il peut arriver qu'il y ait des dédoublements, mais qui
ne posent de problème ou de coût additionnel.
Mme Dougherty: Se rapportant au texte, les universités
francophones en Amérique du Nord utilisent... Je crois qu'il n'y a pas
de volume de demande des textes et tout. Donc, les textes français sont
plus chers, n'est-ce pas? Et cela ajoute au coût des universités
francophones.
M. L'Écuyer: Cela ajoute aux coûts des
étudiants francophones.
Mme Dougherty: Oui, bien sûr. Mais c'est un coût
réel.
M. L'Écuyer: Oui, c'est juste.
Mme Dougherty: Est-ce qu'il y a d'autres coûts du
même genre?
Une voix: II ne faut pas généraliser, non plus.
Mme Dougherty: Quand on compare, pour les universités, le
coût moyen aux États-Unis ou en Ontario, il faut tenir compte de
ces réalités.
M. L'Écuyer: Ce n'est quand même pas énorme.
Il ne me vient pas à l'esprit
beaucoup de domaines où... Effectivement, peut-être pour
certaines publications, certains volumes, quoique les bibliothèques
anglophones, même au Québec, sont assez bien dotées
d'ouvrages français, et vice versa, d'ailleurs, il n'y a pas
d'hésitation. Je ne serais pas porté à croire qu'il y a
des différences très considérables dans les coûts...
Non, je ne pense pas que, dans l'ensemble, on puisse citer...
Mme Dougherty: Il me semble que nous sommes dans une
espèce d'impasse. Naturellement, je crois que tout le monde ici cherche
des marges de manoeuvre. Les représentants de la CREPUQ, hier, ont
parlé du problème du sous-financement de la masse salariale. Ils
ont retracé l'historique de l'autonomie des universités. Et cela
existe encore: chaque université négocie avec ses propres
enseignants. Il y a des problèmes d'indexation. Le plus gros
problème est arrivé en 1981, si j'ai bien compris, quand le
gouvernement n'a pas compensé l'indexation dans l'entente. Avant de
faire une suggestion, j'aimerais être certaine que je comprends
exactement la situation actuelle. Est-ce que le problème de
l'écart entre l'indexation et le montant consacré par le
gouvernement pour l'indexation est maintenant réglé? Est-ce que
cela va continuer et est-ce que le problème sera exacerbé
année après année? La CREPUQ a réclamé une
anticipation d'un certain taux d'inflation pour l'année prochaine. Elle
a réclamé 89 000 000 $ pour l'indexation de la masse salariale et
l'indexation des autres coûts de fonctionnement. Les 89 000 000 $
vont-ils régler la situation ou si cela va continuer?
M. Létourneau: Si je peux me permettre de répondre,
je pense que, pour l'avenir, les taux d'indexation accordés dans la
formule de financement vont être déterminés par la
politique salariale et vont influencer les conventions collectives des
universités de sorte que je ne pense pas qu'il y ait de problème
à ce niveau. Cependant, il y a peut-être une précision
à apporter: quand le ministère détermine ses masses
salariales, il le fait sur une masse théorique. Ce ne sont pas les vrais
salaires qui sont indexés. C'est à partir d'une base de
dépenses, qu'on appelle des dépenses admissibles de base, qui ne
sont pas reliées à la réalité au sens que les
universités dépensent plus que ce qui est déterminé
par les dépenses admissibles de base.
Mme Dougherty: Excusez-moi. Est-ce que la masse salariale est
connue par les universités avant les négociations ou si c'est
décidé par les universités après deux ans
peut-être et le gouvernement annonce quelle est la masse salariale pour
telle ou telle année? J'ai l'impression que c'est exactement cela qui se
produit et que cela fait partie du problème.
M. Létourneau: Souvent, les conventions collectives, dans
les universités, sont ouvertes, c'est-à-dire en ce qui concerne
les salaires, et elles sont finalement ajustées compte tenu de la
politique salariale. Je pense que cela se suit; enfin, cela n'a peut-être
pas été dans les années passées, il y a eu une
rupture en 1980-1981 et jusqu'à maintenant. Cela a pris un certain temps
d'ajustement mais, pour l'avenir, je pense que les universités
maintenant négocient mais laissent quand même une clause
d'ouverture de leurs salaires. On ne couvre pas les salaires pour quatre ou
cinq ans à venir sans savoir ce que le gouvernement va accorder en
termes de traitement. Je pense que cela est assez clair.
Mme Dougherty: Si c'est le cas, est-ce que vous avez
examiné la possibilité de remettre aux universités une
certaine marge de manoeuvre en ce qui concerne l'application de l'indexation?
1% peut-être ou quelque chose comme cela. Peut-être que c'est
possible maintenant, théoriquement, mais ce n'est pas exactement cela
qui se passe. Si les universités avaient plus de marge de manoeuvre en
ce qui concerne cette indexation, 1% de la masse salariale pourrait faire une
grande différence dans leur budget. Je pense à la situation en
Ontario; on compare toujours la situation ici avec l'Ontario, mais on a
oublié une chose; en Ontario les universités sont tout à
fait autonomes, complètement, indexation, salaire et tout. Il n'y a pas
d'indexation déterminée par le gouvernement du tout.
Donc, si on veut être compétitif avec nos voisins, sur le
plan des coûts, peut-être qu'on devrait examiner ce système
et remettre aux universités la même marge de manoeuvre qui existe
en Ontario.
M. L'Écuyer: Je pense qu'elles l'ont mais le
problème c'est que c'est extrêmement difficile d'utiliser... Les
professeurs qui sont syndiqués négocient et ils voient ce qui se
passe dans le reste du réseau collégial, du primaire-secondaire,
dans le reste de la fonction publique. Evidemment, ils ne veulent pas
être en reste et les universités sont très mal
placées pour refuser cela. Ils ont déjà fait quand
même - les professeurs - des concessions là-dessus. Il y a
quelques années, à McGill, par exemple...
Mme Dougherty: McGill a fait cela.
M. L'Écuyer: ...à Montréal, il y a eu des
concessions. Je pense à Sherbrooke aussi, il y a eu des concessions
salariales.
Mme Dougherty: C'était un salaire différé,
ce n'était pas une vraie concession.
M. L'Écuyer: À McGill, oui, mais je pense que dans
les autres universités...
Mme Dougherty: McGill a un déficit, sur papier, de 9 000
000 $ à cause de cela.
M. L'Écuyer: Je pense qu'à Montréal et
à Sherbrooke il y a eu des concessions réelles plus modestes, par
exemple. En tout cas, disons que les universités ont toujours la
possibilité de négocier ce qu'elles veulent. Elles peuvent
négocier zéro si elles veulent ou si elles peuvent mais,
évidemment, il y a un jeu social qui est un peu différent. Vous
pouvez comprendre, comme moi, que ce n'est pas très facile.
Maintenant, ce que nous nous avons dit, par contre, et puis cela
rejoindrait peut-être une chose, c'est que nous sommes extrêmement
soucieux de la marge de manoeuvre. Cela nous inquiète beaucoup. Nous
pensons qu'une marge de manoeuvre il faut qu'il y en ait à deux
endroits. Les universités devraient avoir leur marge de manoeuvre parce
que, je le répète, les administrateurs universitaires, les
gestionnaires universitaires sont les premiers ou devraient être les
premiers - et ils le sont habituellement - à savoir ce dont leur
institution a besoin.
Je pense que dans le contexte actuel, et nous au conseil on est
extrêmement soucieux de cela, il faut aussi qu'on ait une marge de
manoeuvre au niveau du système si on veut améliorer la
coopération, la coordination. (18 heures)
Nous avions recommandé, l'an dernier, dans notre avis sur le
financement, de réserver 20 000 000 $ là-dessus pour cette
question. Dans le cadre du financement nous avons jonglé avec
l'hypothèse aussi et nous sommes revenus demandant, dans une de nos
recommandations au ministère, de travailler avec les universités
à dégager les marges de manoeuvre pour financer des projets
sélectifs de développement. Cela aussi est important. Il faut que
cela soit fait avec les universités. Dans ce sens, disons que
l'expérience qui a été entreprise dans le cadre du projet
Joyal, si cela peut se répéter, c'est peut-être une
indication qu'on va dans une direction de plus grande collaboration.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, Mme la
députée. Il ne me reste qu'à vous remercier, M.
L'Écuyer, ainsi que vos collègues, pour votre participation,
riche à plusieurs égards. J'espère que les membres de la
commission seront maintenant à la hauteur des défis et des enjeux
que vous leur avez présentés cette semaine. Pour votre
information et pour l'information de ceux qui s'intéressent aux travaux
de notre commission, d'ici le 26 octobre nous allons attendre la
réception des mémoires qui pourraient nous être
envoyés par les organismes ou les personnes qui seraient
intéressés à nous éclairer sur l'exécution
du mandat. Par la suite nous verrons dans quelles mesures il serait opportun,
compte tenu aussi des autres tâches qui pourront nous être
assignées par l'Assemblée nationale, de procéder à
de nouvelles consultations ou à immédiatement engager une
réflexion entre nous sur des pistes que l'on pourrait suggérer
à l'Assemblée nationale et, bien sûr, au gouvernement.
D'ici là je me dois de remercier l'ensemble de mes
collègues pour leur participation assidue à ces travaux. Je dois
aussi les remercier pour l'appui qu'il m'ont accordé. Je n'ai pas eu de
problème du tout cette semaine à faire en sorte qu'on puisse
mener à bon port l'exécution de ces consultations
particulières. Encore une fois, nous sommes bien conscients de la
tâche importante que nous avons entre les mains, peut-être plus
maintenant qu'au début de la semaine. J'ai l'impression que le ministre
en partant nous avait un peu renvoyés à nos
responsabilités et d'une certaine façon les autres aussi l'ont
fait. Je pense bien pouvoir assurer à un peu tout le monde qu'il n'est
pas question pour les membres de la commission de se défiler face
à ces responsabilités. Je regarde du coin de l'oeil le
vice-président qui sans doute va vouloir émettre un commentaire
lui aussi. Alors, je vais lui céder la parole.
M. Ryan: M. le Président, cela va être très
bref. Je joins mes remerciements aux vôtres. Je n'ai rien à
ajouter à ce que j'ai dit tantôt à propos du Conseil des
universités dont je souhaite qu'il ait tous les moyens
nécessaires pour continuer son travail. J'aurais bien voulu leur poser
une question mais je vais le faire quand nous aurons ajourné. Je veux
savoir combien ils ont de personnel professionnel et de personnel de soutien
à temps plein pour faire le travail excellent qu'ils font.
Une voix: ...
M. Ryan: II n'est pas question de cela ici, mais cela
m'intéresse puisqu'on aime parler de productivité du
côté ministériel, laissant l'Opposition la pratiquer
souvent. Je voudrais simplement souligner que pendant toute la semaine nous
n'avons pas été amenés à ouvrir notre livre de
règlements une fois et je m'en félicite. J'espère qu'on
pourra continuer le travail de la commission dans le même esprit. Il me
semble que cela
va plus vite quand on ne va pas voir le livre des règlements trop
souvent. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Je partage
entièrement cette opinion et sur cela les travaux de la commission sont
ajournés sine die.
(Fin de la séance à 18 h 4)