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Version finale

31st Legislature, 2nd Session
(March 8, 1977 au December 22, 1977)

Monday, July 4, 1977 - Vol. 19 N° 143

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des mémoires sur le projet de loi no 1 - Charte de la langue française au Québec


Journal des débats

 

Audition des mémoires sur

le projet de loi no 1

Charte de la langue française

au Québec

(Onze heures dix minutes)

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Nous commençons une nouvelle séance de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications.

Cette séance est particulière en ce sens que ce sera la plus longue des travaux de cette commission. Elle débute vers 11 h 09, ce matin; elle se poursuivra jusqu'à au moins 23 heures, ce soir, avec suspension à 13 heures, reprise à 15 heures, suspension à 18 heures et reprise à 20 heures.

Comme il n'y a pas de séance de l'Assemblée nationale, la commission est sûre de ne pas suspendre pour des votes ou autres incidents. Je fais l'appel des membres de la commission. Si je n'indique pas tous les changements, on voudra bien m'en prévenir, s'il vous plaît.

M. Alfred (Papineau), M. Bertrand (Vanier); M. Bisaillon (Sainte-Marie) est remplacé par M. Charbonneau (Verchères); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Godin (Mercier); M. Grenier (Mégantic-Compton) est remplacé par M. Goulet (Bellechasse); M. Guay (Taschereau), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa); M. Laurin (Bourget) est remplacé par M. Morin (Sauvé); Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé); M. Paquette (Rosemont) est remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Roy (Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Conformément à l'article 118-A du règlement, je fais l'appel de l'ordre du jour. Je souligne à nos invités qu'ils doivent être présents au début d'une séance, sauf exception ou entente ou accord de la commission. Je vais lire une liste assez longue, nais qui est une possibilité pour la journée.

Nous continuerons ou nous débuterons avec la poursuite de l'audition du mémoire de La Banque Royale du Canada, mémoire 91. Est-ce que les représentants de La Banque Royale du Canada sont ici? Merci, messieurs. Vous pouvez vous approcher immédiatement. Ensuite, Participation Québec, mémoire 73. Merci, messieurs. Justement, vous êtes venus assez souvent que ce sera vraiment votre tour. Association des cadres scolaires du Québec, mémoire 253.

Oui. Merci, monsieur; Association du transport aérien international, IATA, mémoire 75; merci, madame; la Commission des écoles catholiques de Québec, mémoire 74; merci, monsieur; Quebec Association of School Administrators, mémoire 14; merci; Metropolitan Quebec Language Rights Committee, mémoire 180, merci, monsieur. Voici notre menu pour la journée, particulièrement pour les membres de la commission.

Je rappelle que les changements qui ont été faits aux membres de la commission sont valides pour toute la journée et que, conformément à la directive que j'avais donnée le premier jour de la première séance, il sera impossible d'effectuer d'autres changements. S'il y avait vote ou autres procédures, il faudrait s'en tenir à cette liste, mais, en vertu d'une motion adoptée en ce même jour, tous les députés ont le droit de parole, pourvu que ce soit dans les limites de l'autre motion, c'est-à-dire 20 minutes pour l'exposé du mémoire et 70 minutes pour tous les partis.

Au moment où nous nous sommes quittés, la Banque Royale avait déjà déposé son mémoire, le ministre d'Etat au développement culturel avait déjà employé 12 minutes du temps alloué au parti ministériel; il reste donc 18 minutes au parti ministériel, aucun des autres partis n'ayant encore utilisé une parcelle de son temps. Tout cela étant dit, pour ne pas retarder davantage les travaux, nous allons commencer à 11 h 13. Je donne la parole au ministre de l'Education.

Banque Royale du Canada (suite)

M. Morin (Sauvé): Merci, M. le président. Le ministre d'Etat au développement culturel, mon collègue, le Dr Camille Laurin, a déjà commenté, la semaine dernière, le mémoire soumis par la Banque Royale du Canada. Aussi, me contenterai-je ce matin, d'autant qu'il ne nous reste qu'une douzaine de minutes du côté gouvernemental, de poser quelques questions pour éclairer certains passages du mémoire.

La première question porte sur les cadres supérieurs de la Banque Royale à son siège social du Québec.

On nous révélait, la semaine dernière, dans le mémoire, que 6% des 85 cadres supérieurs étaient Québécois. J'imagine que, dans le vocabulaire utilisé par la Banque Royale, le mot "Québécois" embrasse aussi bien les anglophones que les francophones. C'est du moins le sens dans lequel je l'entendrais pour ma part. J'aimerais vous demander tout d'abord quelle proportion de ces 6% de Québécois sont anglophones et quelle proportion sont francophones. C'est ma première question, M. le Président.

M. Grier (David): Vous faites référence au paragraphe 31, je crois.

M. Morin (Sauvé): Je pense que c'est cela.

M. Grier: Ces 6% sont des Québécois francophones, tous.

M. Morin (Sauvé): Y a-t-il également des Québécois anglophones?

M. Grier: Oui.

M. Morin (Sauvé): Mais alors, pourquoi avez-vous restreint le mot "Québécois" aux seuls francophones?

M. Grier: Les deux adjectifs...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président, c'est parce que le ministre de l'Education, qui sait sûrement lire, aurait dû lire, à l'article 31, que les 6% de la représentation des Québécois de langue française dans le vocabulaire de tout le monde, de toute façon, Québécois, cela comprend des Québécois de toutes langues.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Sauf si on le spécifie. C'est simplement pour aider le ministre, qui n'était pas ici souvent.

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est ni une question de règlement, ni une question de privilège. C'est une mise au point et elle n'est pas prévue par le règlement, à moins que le ministre n'ait consenti à l'entendre. C'est l'article 100. M. le ministre, s'il vous plaît. Je m'excuse, monsieur.

M. Morin (Sauvé): De sorte qu'il existe donc également des Québécois anglophones qui font partie de ces cadres supérieurs.

M. Grier: En plus de ces 6% notés, là.

M. Morin (Sauvé): Comment expliquez-vous... Je sais que vous avez esquissé une explication, mais elle me paraît difficile à suivre. Comment expliquez-vous qu'après plus de 100 ans au Québec, puisque, si ma mémoire est bonne, la banque a été établie en 1864, qu'après si longtemps, et après avoir été l'une des institutions bancaires du Québec les plus fortes, les plus assises, vous n'ayez encore que 6% de cadres supérieurs francophones?

M. Grier: Ce sont des cadres supérieurs qu'on inclut dans notre mot "exécutif", "executive officers" et l'explication se trouve dans la dernière partie, la seconde partie, du paragraphe 31.

Aussi, plus tard, dans notre mémoire, dans la section qui traite des occasions d'avancement des francophones. En effet, cela trouve son explication, toutes autres choses étant pareilles, dans les conditions et l'environnement de la banque, au Québec, il y a 20 ou 25 ans, mais les choses sont tout à fait différentes aujourd'hui.

M. Morin (Sauvé): Voulez-vous dire qu'il y a plus que 6% aujourd'hui?

M. Grier: A ce niveau spécifique, non, c'est exact, 6%, mais, au niveau juste au-dessous, il y en a beaucoup plus. Cela donne beaucoup de raisons de penser que, dans l'avenir, cela va accroître énormément.

M. Morin (Sauvé): Vous considérez que cette situation est anormale, j'imagine?

M. Grier: Pour le moment, oui. Mais cela prend du temps pour former des banquiers bien expérimentés et, pour retourner un peu à l'anglais, pour le moment, it is like arising tide as the trained people in their experience move upwards, the numbers in the more senior ranks will, of course, increase.

M. Morin (Sauvé): Mais, vous me souligniez, il y a un instant, qu'au niveau subalterne il y a plus de francophones, de sorte que le réservoir se trouve là depuis longtemps, j'imagine. Ce que je m'explique mal, c'est comment ce réservoir que vous aviez, parmi tous vos employés francophones à travers le Québec, n'ait pas pu engendrer une proportion plus juste parmi vos cadres supérieurs.

M. Grier: Peut-être que M. Fréchette aurait des commentaires là-dessus.

M. Fréchette (Pierre): Je pourrais peut-être faire un petit commentaire. Il faut bien comprendre qu'au niveau subalterne la période de formation et d'avancement est relativement plus courte, naturellement. C'est sûr que, pour former un cadre supérieur, cela peut prendre dix, quinze, vingt ans. Le problème qu'il y a eu du côté francophone au Québec, pour ce qui est de la Banque Royale — j'en sais quelque chose puisque cela fait déjà 40 ans que je suis là — c'est que le francophone, il y a 40 ans et 30 ans, n'était pas attiré vers la profession bancaire en nombre suffisant pour permettre, naturellement, d'avoir aujourd'hui... C'est comme une récolte, cela prend du temps à se produire. On voit un changement depuis une dizaine d'années.

Nos efforts de recrutement ont été plus fructueux. Ce changement que nous voyons aujourd'hui est quelque chose de graduel, comme M. Grier l'a souligné. Quand je suis entré à la banque il y a quarante ans, tout était en anglais; même Ie directeur de la succursale où je suis entré, qu était à Drummondville, était un Ecossais. Vous voyez la métamorphose graduelle qui s'est interposée. Tout ce qu'on faisait, on le faisait en anglais.

Aujourd'hui, naturellement, pour ce qui est de l'administration du Québec, que je représente, c'est à 95% en français. Donc, nous sommes prêts, à présent, à infiltrer le siège social, si vous voulez.

M. Morin (Sauvé): II n'empêche, monsieur, que la meilleure façon de former des cadres supérieurs, c'est encore de leur donner la chance de se faire valoir. Il y a des choses, dans la banque comme dans beaucoup d'autres métiers, j'ima-

gine, qui ne s'apprennent qu'avec l'expérience, que sur le tas.

M. Fréchette: D'accord.

M. Morin (Sauvé): De sorte que si vous refusez à des gens d'accéder à certaines positions, forcément, ils ne prendront jamais l'expérience en question. J'attire votre attention sur le fait que ces quarante années, dont vous venez de me parler et qui ont marqué votre carrière personnelle, ont été caractérisées également par la croissance immense des caisses populaires, lesquelles ont précisément donné des responsabilités à des francophones et ce massivement; et regardez le résultat, aujourd'hui.

Est-ce que la Banque Royale, institution ancrée dans la vie québécoise, institution qui a des moyens considérables, n'aurait pas pu faire également cet effort?

M. Fréchette: II faut bien comprendre, lorsque vous dites que la Banque Royale aurait pu donner une meilleure chance aux francophones de se faire valoir, que, pour se faire valoir il faut, premièrement, qu'ils viennent à nous. Une équipe de hockey ne peut pas "scorer" si elle ne va pas sur la glace. Si les francophones ne venaient pas à nous en nombre suffisant — il faut bien se comprendre — il y a trente et quarante ans, ils avaient peut-être une certaine hantise, une certaine peur et disaient: Dans une banque anglaise, tu ne pourras pas aller loin. Cela existait. Je pense que la plupart des membres de la commission sont trop jeunes pour se rappeler il y a quarante ans, mais moi, je me le rapelle. C'était un peu ce sentiment, qui était faux, naturellement, enfin, j'en suis une preuve, et il y en a beaucoup d'autres qui peuvent attester la même chose. Il fallait qu'ils viennent à nous; s'ils ne venaient pas à nous, comment voulez-vous qu'on leur donne de l'avancement?

M. Morin (Sauvé): Au niveau immédiatement en-dessous des cadres supérieurs, on nous dit qu'il existe 1200 cadres dont 18% parlent le français alors que 25% en possèdent un usage comme langue de travail. Ces 18%, qui parlent le français, est-ce que ce sont des francophones ou s'il y a parmi eux des anglophones capables de parler le français?

M. Grier: Dans ces chiffres on ne fait pas de différence entre ceux qui parlent français et ceux qui sont d'origine canadienne-française, parce qu'on a fait ces chiffres dans notre système d'informatique qui demande aux employés, dans leur dossier, de remplir les petites boîtes pour indiquer leurs aptitudes dans les langues. On ne sait pas si un gars parle le français couramment ou bien s'il a une connaissance pratique, on ne sait pas de même de ces données s'il est d'origine canadienne-française ou bien s'il est un anglophone bilingue.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, comme le temps court et que je voudrais laisser quand même la chance à mes collègues, je poserai simplement une dernière question, laquelle porte sur les articles 51 et 52 et la recommandation que nous fait la Banque Royale à ce sujet. On nous dit que le système scolaire devrait être accessible aux enfants actuels et futurs de tous les anglophones et que l'Etat devrait prendre des mesures pour améliorer l'enseignement de l'anglais dans les écoles françaises et qu'en attendant que cela soit fait, que les écoles anglaises devraient être temporairement ouvertes, accessibles aux francophones. J'aimerais d'abord poser la question suivante: Comment détermine-t-on qui est anglophone et qui ne l'est pas pour les fins de l'entrée à l'école anglaise, tel que vous le recommandez ici même?

M. Frazee (Rowland): Mr Chairman, I may comment on that. The definition of anglophone and francophone is not an easy one, I am not sure that the government has yet specifically defined it; generally speaking, our definition here would be someone whose mother tongue was English or French, in defining francophone and anglophone.

M. Morin (Sauvé): Nous avons, M. le Président, les mêmes hésitations que notre invité sur la définition du mot "francophone" et du mot "anglophone". C'est précisément la raison pour laquelle en matière d'accès à l'école anglaise, nous avons évité de nous fonder sur un tel critère. J'imagine que vous êtes conscient du fait que certaines personnes peuvent être de père anglophone et de mère francophone, et vice versa, et que dans beaucoup de cas, on ne sait pas très bien qui est anglophone et qui est francophone, particulièrement lorsqu'il s'agit de personnes qui viennent de pays non francophones et non anglophones, d'immigrants qui viennent s'établir au Québec et où il est bien difficile de dire s'ils sont anglophones ou francophones.

Dans ces cas-là, dans les cas de personnes qui ne sont ni de langue maternelle française, ni de langue maternelle anglaise, comment établit-on qui est anglophone et qui est francophone?

M. Frazee: Mr Chairman, for our purposes and because the majority of the people we bring in, we bring them into our head office from all over the world. Obviously, the principal area of our recruiting for our head office is within Canada and, although I would agree that the definition in certain cases can create problems, as a generality, in a pragmatic sense, we feel that the definition of someone whose mother tongue is English includes most of the people. There might be a few exceptions where some decisions would have to be made, some agonizing, but we also do a fair amount of recruiting in Great Britain, United States, even Australia, and these countries, obviously, the language where they have gone to school in their earlier years and received perhaps their university training generally, almost without exception, has been English; but our major problem is in bringing people in, from British Columbia, the Atlantic Provinces where I come from, etc.

M. Morin: Mais ce n'est pas le sens de ma question. Ma question, de façon précise, est la suivante: Cette décision agonisante, comme vous l'appelez, "this agonizing decision", est-ce qu'elle pourrait prendre la forme d'un test, par exemple?

M. Frazee: Mr Chairman, I would like to emphasize that, in my opinion, the number of questionable cases would be so minimal that I really do not have a solution at the moment whether it is a test or whatever it is, but, by our terms of reference, the number of people we bring in, and we bring in more, in the past anyway, than have been transferred out of our head office...

M. Morin: Oui.

M. Frazee: ... that there really would not be, I do not think, any problem of interpretation of our meaning of the articles 51 and 52.

M. Morin: M. le Président, puisqu'il ne reste que deux minutes et que je veux donner la chance quand même à mes collègues de poser une question, je dirais simplement que le projet de loi fait une place spéciale à ceux qui viendront des autres provinces ou de l'étranger pour occuper temporairement des postes au Québec. C'est un autre problème auquel vous faites allusion.

Ce que je voulais souligner, c'est que votre critère de l'anglophonie pour déterminer l'accès à l'école anglaise, nous ramène inévitablement au test. Or, le gouvernement a décidé d'écarter une fois pour toutes les tests linguistiques à cause du caractère odieux qu'ils présentent.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le ministre. Nous allons pouvoir passer aux partis de l'Opposition. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, avant de m'adresser aux invités, j'aimerais souligner une situation exceptionnelle. Aujourd'hui, M. le Président, nous vivons un grand jour à la commission parlementaire de l'éducation. Nous avons de la grande visite. Le ministre de l'Education vient nous voir. Après quatre semaines d'étude et devant une quarantaine d'invités, il a bien condescendu à se joindre à nous. M. le Président, cela doit être souligné d'une certaine façon. J'espère que vous avez mis sur pied un service d'accueil qui nous permettrait quand même...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Taschereau, sur la question de règlement.

M. Guay: M. le Président, il me semble que nous sommes ici pour entendre les témoins et poser des questions aux témoins, pour faire des commentaires sur les interventions des personnes qui comparaissent et non pas pour utiliser des tactiques dilatoires, comme le fait le député de Marguerite-Bourgeoys, aux fins de faire perdre du temps à la commission.

Le Président (M. Cardinal): D'accord...

M. Morin (Sauvé): Je vous remercie, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, de ces propos fort aimables.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît...

M. Lalonde: ...j'avais quelque chose à dire sur la question de règlement...

Le Président (M. Cardinal): Oui, c'est cela, sur la question de règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je remercie le député de Taschereau qui me permet de continuer mes remarques sur le temps d'un règlement et non pas sur mon temps, mes 20 minutes. Sur la question de règlement, M. le Président, tout ce qui concerne les travaux de cette commission est pertinent. Etant donné que c'est la première fois que le ministre de l'Education vient nous voir pour autre chose que faire des leçons constitutionnelles à quelques invités, je pense que cela vaut la peine d'être souligné...

M. Guay: Le député de Marguerite-Bourgeoys ne parle pas sur la question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président, si on n'avait pas tant d'invités...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Marguerite-Bourgeoys s'informe de droit, dans les limites du temps qui est imparti au parti de l'Opposition officielle et voudrait souhaiter la bienvenue au député de Sauvé et ministre de l'Education.

Cependant, je trouve que la question de règlement que le député de Taschereau et vous-même voulez développer, qui n'est normalement pas calculée dans le temps de l'exposé, peut nuire à l'audition des invités. Je vous prierais d'en revenir, soit au voeu que vous adressez au ministre de l'Education, soit aux questions que vous adressez aux députés.

M. Lalonde: J'en reviens au voeu, M. le Président.

M. Ciaccia: Sur une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Sur la question de règlement, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Le député de Taschereau, M. le Président, a parlé des remarques du député de Marguerite-Bourgeoys comme étant une tactique dilatoire. Sur la question de règlement, je veux seulement que ce soit clarifié, que ce soit clair que c'était seulement une remarque de bienvenue et que ce n'était pas une tactique dilatoire.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal. J'ai déjà rendu cette décision dans le même sens. Probablement que je n'ai pas été assez clair, mais je considère la question de règlement comme réglée. A nouveau, j'accorde la parole au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, la seule chose que je regrette, c'est qu'on ne puisse pas souligner avec tout l'éclat que cela mérite la présence du ministre de l'Education. N'eussent été le nombre et l'importance des invités d'aujourd'hui, j'aurais suggéré que vous nous accordiez le congé de la visite de M. l'inspecteur. Cela vaut la peine. Songez-y et peut-être qu'on pourrait l'avoir un peu plus tard cette semaine. Je vous en fais une demande...

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je serais disposé à donner congé à l'Opposition pour la journée.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Je m'excuse, est-ce que mon micro a des problèmes? Enfin, j'espère qu'on me comprend bien.

M. Lalonde: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Lalonde: J'espère que le ministre s'aperçoit qu'il ne pourrait même pas siéger aujourd'hui, si l'Opposition n'était pas là, il n'y aurait pas quorum.

Le Président (M. Cardinal): La question de règlement est...

M. Lalonde: Ceci dit, qu'on s'en souvienne!

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Lalonde: L'Oposition est ici pour rester.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je donnerais congé au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Ah non! Je ne lui offrirai pas ce plaisir! On aura des questions à poser au ministre de l'Education un peu plus tard. Je ne voudrais pas retarder davantage l'audition.

Le Président (M. Cardinal): Tout de suite, je veux donner mon avis, j'ai déjà indiqué à voix basse ainsi qu'à voix haute que le mandat de la commission permet de poser des questions à un député ou à un ministre au moment où il parle et avec sa permission. En plus, cela a été dit le premier jour et cela a été répété chaque jour, nous posons des questions à ceux qui sont devant nous.

M. Lalonde: M. le Président, nous poserons les questions puisque cela nous est permis. Nous espérons que le ministre nous répondra et répondra aux dizaines de personnes qui ont émis toutes sortes d'inquiétudes concernant la langue d'enseignement, concernant l'éducation, et j'espère que le ministre prendra l'occasion de cette visite à notre commission, à la commission de l'éducation, pour éclairer justement les gens qui y sont venus et d'autres qui sont ici.

En second lieu, je voudrais remercier la Banque Royale pour son mémoire extrêmement intéressant à plusieurs points de vue, mais je voudrais souligner surtout l'aspect descriptif de l'institution qu'est la Banque Royale. Peu de gens, je pense, connaissaient cette institution d'une façon aussi claire, aussi détaillée qu'on peut le faire en lisant simplement les nombreux paragraphes qui concernent non seulement votre structure, votre présence dans plusieurs pays mais aussi vos opérations et l'importance qu'une institution comme la Banque Royale conserve dans une société industrialisée, une société moderne comme la nôtre. Je remercie plus particulièrement la Banque Royale sous cet aspect. Je voudrais poser une question— il me paraît que la francisation du Québec, celle qu'on poursuit en vertu de la loi actuellement en vigueur, celle qu'on recherche en vertu de la loi qu'on propose, affecte plus particulièrement la Banque Royale, surtout en ce qui concerne le siège social. Du moins, il semble, c'est mon impression que c'est surtout en ce qui concerne les opérations du siège social, qu'on voit plus difficilement comment cela peut se passer. Je prends d'ailleurs le témoignage de jeudi dernier de M. Fréchette et encore celui de ce matin en ce qui concerne la division du Québec, c'est largement francisé.

J'aimerais poser une question à l'un de vous à savoir si vous avez pris connaissance du rapport de la mission qui est allée en Europe il y a quelques semaines et qui a remis au gouvernement un rapport sur le traitement linguistique aux sièges sociaux de grandes entreprises multinationales, et, si oui, qu'en pensez-vous? Autrement dit, est-ce que vous êtes d'accord avec ces conclusions?

M. Frazee: While I am not, right in detail, Mr Chairman, of course, Mr Fréchette was a member of that commission and he has briefed me. My understanding of it is that nothing from my briefing came as any surprise to me, but perhaps I could ask Mr Fréchette to comment in more details.

M. Fréchette: Etant un des signataires du ra-port, c'est sûr que non seulement je l'ai lu mais j'ai participé à sa rédaction conjointement avec mes "co-missionnaires". Si c'était votre question, oui, je le connais.

M. Lalonde: Vous êtes d'accord. Dans ce rapport, on voit quand même qu'il y a une certaine place pour la langue du pays, la langue principale de la région. Est-ce que vous voyez un problème à l'implantation d'une telle réalité linguistique à l'intérieur du siège social de la Banque Royale à Montréal?

M. Fréchette: Je me demande — même si on projette dix ans, quinze ans, vingt ans d'avance, prenons un exemple, le siège social de la Banque Royale—si le rôle du français sera aussi prépondérant que dans la Suisse allemande où on a vu des compagnies qui travaillaient exclusivement dans la langue du pays. La nature des activités est différente, mais je vois, de mon côté, une amélioration constante et même assez rapide de la présence du français dans les sièges sociaux en général au Québec.

M. Lalonde: Oui, mais pour la Banque Royale, vous ne voyez pas de difficulté à s'adapter à une certaine francisation.

M. Fréchette: Aucune difficulté.

M. Lalonde: Même au niveau du siège social.

M. Fréchette: Aucune difficulté.

M. Lalonde: Est-ce que vous diriez que la situation géographique du Québec est une des raisons qui feraient que c'est un peu différent, ici à Montréal, pour un siège social, qu'en Suisse allemande, comme vous l'avez dit?

M. Fréchette: La géographie, les distances que nous connaissons, la présence de 250 millions d'Américains au sud, tout le contexte est totalement différent. C'est sûr. Je pense que cela augmente peut-être les difficultés, mais les obstacles ne sont pas infranchissables.

M. Lalonde: Je vous remercie, je vais laisser du temps à mes collègues pour poser d'autres questions.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député. La parole est maintenant au député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, je serai très bref. D'abord, je félicite la Banque Royale de son rapport. Comme le disait mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, cela nous fait comprendre les activités de la banque et mieux connaître cette banque. Il y a seulement deux ou trois points où on dit, par exemple, à la page 72: Nous continuons d'adhérer au principe que des clients ont le droit d'être servis en anglais ou en français. Plus loin, on dit, par exemple: Le français est nettement la langue première utilisée au sein de l'exploitation. Cela va au Québec. Ce qui me surprend un peu, c'est que les proportions sont complètement inversées lorsqu'il s'agit des décisions. Dans le domaine décisionnel, c'est anglophone quasi à 100% et les exploitations, on le dit, sont nettement du côté francophone, du côté français. Vous parlez également des secteurs d'activités du siège social. Vous dites: La langue de travail au siège social est essentiellement l'anglais et doit — je souligne le mot doit — y demeurer. Un peu plus loin, vous soulignez, pour des raisons de commodité, d'ordre pratique, cela va, mais, quand vous dites de commodité et de courtoisie... J'en viens quasiment à la question que posait le ministre de l'Education. Il me semble que, dans 40 ans... Vous dites que des efforts ont été faits, mais il me semble que, si des efforts avaient été faits encore davantage, il y aurait plus de 6% des cadres. Je parle du domaine décisionnel qui serait possiblement francophone. Il me semble que, dans 40 ans, il y aurait eu possibilité de trouver plus de 6%, surtout que le français, vous le dites, est nettement la langue première utilisée au sein de l'exploitation, toujours au Québec. Le siège social étant au Québec, on y trouve seulement 6% de francophones. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu d'effort marqué, vous l'avez expliqué antérieurement, et je le comprends, mais il me semble qu'il aurait pu y avoir davantage de francophones dans le domaine décisionnel. Si vous le permettez, j'aimerais aussi, peut-être pour éclairer nos lanternes, en tout cas la mienne, lorsque vous parlez de siège social à Montréal, j'aimerais que vous nous disiez ce que c'est. Par exemple, est-ce que c'est le coeur de l'organisation, est-ce que les gros services sont là? Quel est le nombre d'employés comparativement à celui de Toronto, la composition humaine, les effectifs physiques, matériels? Est-ce qu'il n'y a pas autant de décisions qui se prennent à Toronto qu'il y en a à Montréal, même si le siège social, officiellement, est à Montréal? Est-ce que les décisions ne se prennent pas à Toronto? Je pose la question. Ce ne sera pas seulement un "fun " peut-être, je ne voudrais pas être trop dur, mais je pose la question afin d'avoir une réponse précise.

M. Frazee: Mr Chairman, I hope that the head offices are not just a front, but I think I would like to clarify the role of a head office...

M. Goulet: M. le Président. Une question de privilège ou de règlement. Je vois que monsieur a une interprète; moi, je ne possède pas la langue de Shakespeare à 100%. Je ne sais pas s'il ne pourrait pas demander à mademoiselle qui parle français de répondre. Est-ce que cela se demande ici?

Le Président (M. Dussault): Remarquez qu'ici, à la commission, les témoins ont le choix de la langue d'expression. On ne peut pas les obliger è quoi que ce soit. Peut-être que votre question a été comprise.

M. Goulet: J'aimerais que le gouvernement soit aussi riche que la Banque Royale pour nous fournir des interprètes.

M. Morin (Sauvé): Si le député le veut et sans prendre sur son temps, M. le Président, nous pourrions peut-être, pour le côté de l'Opposition, fournir une traduction pour aider.

M. Fréchette: Je peux...

Le Président (M. Dussault): Je vous demanderais de garder l'ordre. Est-ce que vous êtes prêt à donner votre réponse?

M. Fréchette: Je peux donner la réponse. Je ne suis pas au siège social, mais je connais très bien ses activités.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie.

M. Fréchette: II faut bien comprendre qu'au siège social... que la Banque Royale est très décentralisée. Comme représentant du Québec, je prends 99% et plus de mes décisions, c'est-à-dire des décisions de mon groupe, sans me référer du tout au siège social. Le siège social va surtout prendre des décisions de politiques générales.

On va prendre des décisions de trésorerie, par exemple, d'investissement, des choses comme cela, mais des décisions de jour à jour, d'opérations journalières; c'est très décentralisé. Si je vais au siège social, moi, une ou deux fois par mois, c'est à peu près le maximum. On est décentralisé, on n'est pas dans le même édifice et nous avons naturellement une association avec eux, même si nous sommes indépendants, une association de travail. Ils vont nous consulter pour des campagnes générales de marketing, par exemple, des choses comme cela où il y a consultation.

Je pense que le pouvoir décisionnel du siège social a peut-être été exagéré dans l'esprit de certaines personnes. Je le répète, 99% de mes décisions, pour ce qui est du Québec, je les prends sans consultation et sans demander la permission.

Est-ce que cela éclaire?

M. Goulet: C'est parce qu'on a répondu au ministre de l'Education, tantôt, en disant: Depuis 40 ans, il n'y a pas tellement de francophones qui sont venus à nous. C'est l'expression qu'on a employée. Mais si je reculais trois ou cinq ans en arrière, est-ce que la proportion a changé ou si c'est encore environ 6% qui vont à vous? Oublions les 40 dernières années puis venons-en par exemple aux cinq dernières années. La proportion de francophones qui sont allés travailler chez vous qui auraient été aptes à obtenir des postes de commande, si vous voulez, est-ce que la proportion a changé?

M. Fréchette: La proportion a augmenté, aussi la proportion de ceux qui restent a augmenté, c'est cela qui est important. C'est cela qui justifie d'être optimiste pour l'avenir. Il faut bien comprendre que la première chose que nous avons dû faire à la Banque Royale a été de conquérir le Québec, si vous voulez, parce que le Québec, quand je suis entré dans la banque, était anglophone totalement.

M. Goulet: Cela veut dire que, prochainement, dans les cinq prochaines années, le chiffre de 6% pourrait monter à quoi d'après vos prévisions?

M. Fréchette: Un minimum de 10%.

M. Goulet: Merci, M. le Président, c'est complet en ce qui me regarde.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Bellechasse. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Moi aussi, je voudrais souhaiter la bienvenue au ministre de l'Education pour sa présence comme ministre de l'Education et pas comme avocat-conseil, j'espère que vous serez parmi nous durant le reste des travaux de la commission pour entendre tous les mémoires qui restent à être entendus par la commission.

M. Lalonde: Les 220.

M. Ciaccia: Les 220 autres mémoires.

M. le Président, je voudrais poser quelques questions à nos invités. Est-ce que vous avez évalué, est-ce que d'après vous, il y aura un coût économique à payer, si le projet de loi était adopté sans amendement, tel que vous l'avez vu et tel qu'il est présentement? Est-ce qu'il va y avoir un coût économique à payer pour cela?

M. Frazee: Mr Chairman, we have suggested that to make final decisions on the impact of the bill before the regulations are enforced; or amendments which the minister has already indicated, there will be some amendments, might be hazardous; but we also have said in our brief that anything which would inhibit the activities of major head offices in the province of Quebec, anything which would create uncertainty in the minds and activities of business-men would obviously and inevitably impact unfavourably on the economics of this province.

M. Ciaccia: Well, for instance, I would refer to the provisions of bill 1 which impose unilingual signs; would that be the kind of a provision? Quite a part from the other provision such as 36 and 37 which seem to go into the internal operations of a company, would that cause an economic price also to companies such as yourself or...

M. Frazee: Mr Chairman, it would cost dollars to convert our signage, we have already, a few years ago, started creating bilingual signage and the unilingual French in those communities which were essentially French; there would be dollars involved but I cannot say that particular provision is going to have a significantly unfavourable impact on the community.

What it might do, if it creates some hesitation on the part of businessmen to expand the plant and the facilities in the province of Quebec; that is the sort of thing which would impact unfavourably, not the signs in themselves.

M. Ciaccia: II y a eu plusieurs mémoires, de ceux qui appuient le projet de loi, qui veulent la francisation du Québec; naturellement, c'est un objectif que personne ne contredit, personne n'est contre cela, mais plusieurs invités voudraient s'assurer qu'un Québécois de langue française puisse

travailler en français au Québec sans que cela nuise à sa carrière. Je vous demanderais votre opinion. Est-ce possible? Je parle de ceux qui veulent arriver au sommet de leur carrière. Est-ce possible d'arriver à cet objectif? Est-ce un objectif que le projet de loi peut atteindre?

M. Frazee: Mr Chairman, I would like to emphasize again, as our brief does, that the Royal Bank of Canada is a major international bank, a world-scale bank, which has extensive operations in Quebec, but it happens to have its head office in Montreal. With that in mind, and as an international organization, I personally could not see any possibility whatsoever of someone reaching the top of the Royal Bank who did not have some considerable capacity in English because of the international implications and because such a high percentage of our business is done in the rest of Canada.

M. Ciaccia: Of course, that would not only apply to the Royal Bank, that would also apply to any head office in Montreal which is of an international character and which does business outside of Quebec.

M. Frazee: I believe this is consistent with what the group was recently overseas studying head offices that M. Fréchette participated, as I understand, this was one of the conclusion they reached.

M. Ciaccia: D'accord.

M. Grier: If I might add a point...

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Votre micro, s'il vous plaît.

M. Grier: ...a basic propos, if you like, which, in examining our head office operations, is the one to which we withdraw attention, is that any business organization — and I think that the mission in Europe sound largely the same sort of thing — reflects its own system, its own spread, its own markets and this is certainly the case in a bank. A bank largely promotes from within, largely trains within and it draws its people from throughout its own system. Now, if our system was largely, let us say, in Spanish-speaking areas, we would have a very large proportion of Spanish-speaking people in the head office and a lot of Spanish spoken in the head office. Similarly, if a majority of our business, of our system happened to be in a French-speaking area of Canada, "c'est-à-dire Québec", no doubt the proportions would be different; the proportion of languages, in our head office, reflects — and we believe that is the logic of efficiency — our own spread and our own system.

M. Ciaccia: Si je vous comprends correctement, vous nous dites que si le projet de loi a comme objectif de donner le droit, de donner l'occasion à un Québécois francophone unilingue de pouvoir travailler au Québec sans que cela nuise à sa carrière, ce n'est pas réaliste et c'est un objectif qui ne peut pas être atteint par ce projet de loi; le contexte du Québec dans le nord de l'Amérique et le contexte des nombreux sièges sociaux internationaux ne permettraient pas à cet objectif d'être atteint et ce serait totalement idéaliste.

J'aurais une autre question sur les articles 36 et 37. There are certain articles, in bill 1, which impose certain obligations by the government within the operations of the company, for instance, you would have to satisfy a government official in certain cases that you need a person who would be bilingual.

Would you agree that international companies in Quebec have a choice of staying within Quebec or even, at certain costs, not being within Quebec or going another city, would you agree that, if companies do leave, they will not leave because they must do business in Quebec in French, but because the present government insists of interfering in the internal operations of their companies? Would that be a fair statement to make?

M. Frazee: Mr Chairman, I would not feel competent to comment on the reasons that any other company other than the Royal Bank might make these such decisions. I have not consulted with them and we have made no such decision. I always say in our brief that our head office is unique whether it is in Montreal, or Toronto or Vancouver, New York or Munich and, if it is of international scale, there are certain elementary requirements and one of them is that there will be a large capacity for English within that organization but that does not exclude, as we say in our brief, the speaking of French, courtesy, pragmatism, etc., and, as Mr Frechette says, increasingly within our head office, you do hear French in the corridors, you hear it in the trading rooms of our foreing exchange, you hear it in the data center; it is quite a dramatic change. Forty years was mentioned earlier; in my personal experience, in the last twenty years, the changes that had been effective are dramatic; but that does not mean that the head office is imminently to become French-speaking, it is not going to happen.

M. Ciaccia: Unfortunately, I was not present when you gave your original presentation, and you may have answered this particular question and I apologize if I am duplicating, but is it your opinion that French Quebecers are still disadvantaged in the business world?

M. Frazee: Mr Chairman, can I ask Mr Fréchette? I think it would be very appropriate if he would answer that.

Le Président (M. Cardinal): Excusez, M. Fréchette.

M. Ciaccia: Est-ce que les Québécois francophones sont désavantagés dans le monde des affaires à Montréal, au Québec?

M. Fréchette: Le changement que j'ai vu, la métamorphose que j'ai vue depuis quelques années est quelque chose de tout à fait formidable, dans tous les domaines, pas seulement dans le domaine bancaire. Nous voyons des compagnies, par exemple, des firmes d'ingénierie qui se sont affirmées sur le plan international, tout simplement parce qu'elles ont eu l'initiative, premièrement, de prendre un départ, c'est bien entendu, et de s'affirmer en dehors de nos frontières. Alors, je pense que, dans le monde des affaires, en général, cette crainte du francophone que j'ai mentionnée tout à l'heure ou cette indécision du francophone, il y a trente ans peut-être, de se lancer en affaires, cette crainte semble être totalement dissipée aujourd'hui et on voit des francophones qui s'affirment, qui ont les capacités, naturellement, et qui n'ont pas peur de s'affirmer. On voit cela dans tous les secteurs, je pense, l'émergence qui a lieu.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, avec sept minutes, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce; non, M. le député de Jacques-Cartier auparavant. M. le député de Jacques-Cartier, il reste sept minutes pour l'Opposition officielle.

A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: Le ministre a posé une question assez discrète tout à l'heure, relativement aux 6% de francophones qui étaient dans la haute direction de la banque. On peut, à ce point de vue, je pense bien, essayer de conclure qu'il y a eu, à la Banque Royale, un certain rejet du fait français au Québec et que les politiques de la banque ne permettaient pas ou ne paraissaient pas attrayantes pour un francophone.

En suivant le même raisonnement, on pourrait aussi dire que les caisses populaires qui ont été fondées au Québec n'ont certainement pas dans leur haute direction 6% d'anglophones. On pourrait aussi dire que les caisses populaires ont une politique qui n'est pas attrayante ou, du moins, qu'elles ne peuvent établir une politique qui permette à un anglophone d'atteindre les hautes directions.

Je crois qu'à ce point de vue, le jugement pourrait aller pour les deux. Vous avez répondu, en fin de compte, que lorsque vous êtes entré à la banque il n'était pas dans l'échelle des valeurs, si vous voulez, des francophones du Québec d'être banquiers ou d'avoir des ambitions à ce point de vue et qu'il y avait aussi un barrage de langue entre vous et la majorité des Québécois, du moins et la langue parlée à la banque.

Je crois que vous touchez là, fondamentalement, le fond du problème qu'on a au Québec aujourd'hui. Si on prend ces deux champs d'activité, et la Banque Royale et la caisse populaire, je crois qu'on a des exemples assez typiques de ce qui a pu se passer au Québec. La Banque Royale a été fondée par des anglophones, ici au Québec. Elle a évolué sans trop tenir compte, pour des raisons historiques qu'il serait bien long de définir, qu'elle existait et que son siège social était dans la pro- vince de Québec, comme les caisses populaires, d'ailleurs ont été fondées selon une échelle de valeurs réellement francophone, pour satisfaire des besoins de la majorité de la province de Québec et elles y ont réussi.

La relation, si vous voulez, entre les deux communautés, a été très peu existante dans le passé. Pour un type qui travaille à la Banque Royale, comme M. le président, par exemple, qui a certainement des responsabilités de distribuer les promotions, c'est toujours facile pour un homme de penser, lorsqu'il y a une promotion à donner, au type avec qui on joue au golf, au type avec qui on a étudié étant jeune, à celui qu'on a connu dans le même quartier, à celui qu'on rencontre souvent dans des événements sociaux et cela joue pour les deux côtés. On n'a pas d'anglophones, au gouvernement du Québec, comme employés; il y a des raisons.

Lorsque vous avez donné votre raison à Drummondville, vous avez dit: J'y suis allé et j'ai réussi. C'est plus profond que cela, je crois, parce qu'il faudrait analyser la raison pour laquelle les gens de langue française n'étaient pas attirés vers la Banque Royale. Il y en avait des raisons, comme aujourd'hui, les anglophones ne sont pas attirés par les caisses populaires, il y en a des raisons.

On a vécu dans cette société comme deux sociétés parallèles, si vous voulez. Cela ne voulait pas dire qu'on se déteste ou qu'on se hait ou qu'on se regarde avec haine et rancune, à mon avis toujours, pour la majorité des Québécois; mais, c'est une question de fait et c'est cela la cause de nos problèmes aujourd'hui. C'est que le Québec, en général, comme les francophones du Canada en général, ne peut plus accepter cette situation qui n'est pas, à mon avis, causée exclusivement par le comportement exclusif d'un groupe ou d'un autre groupe. Si on étudie l'évolution du Québec, je crois qu'on peut comprendre comment cette situation s'est créée.

Ceci dit, il faut nécessairement que cette évolution parallèle, si vous voulez... C'est la cause de nos problèmes aujourd'hui et, à mon avis, les choses ont évolué et très rapidement et la Banque Royale a évolué aussi très rapidemment, devant la situation politique que ces choses-là ont créée. Il s'agit de savoir comment arriver à vivre ensemble, parce que si la province de Québec peut probablement se passer de la Banque Royale, la Banque Royale peut aussi se passer de la province de Québec; mais il arrive qu'en se séparant, peut-être que—comment dirais-je — ce seraient des préjudices que subiraient les deux groupes qui auraient tout avantage, dans des intérêts communs, à apprendre à vivre ensemble.

C'est dans ce sens que, personnellement, je crois, puisque cette évolution est amorcée et qu'elle est très bien amorcée, à mon avis, que le bill 1 est trop coercitif et non respectueux des libertés individuelles et qu'il peut mettre un bris et une cassure, si vous voulez, dans cette progression, dans cette évolution très positive qu'on constate aujourd'hui non seulement au Québec, mais dans tout le pays. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus, si ce n'est pas trop vous

demander, vu que vous êtes francophone, que vous connaissez bien le milieu francophone et comme vous avez vécu, votre vie durant, dans un milieu anglophone, peut-être que vous pourriez donner des commentaires qui seraient positifs, parce que — seulement un seconde, je suis peut-être un peu long — je crois que c'est important. Je crois que c'est un inconvénient sérieux actuellement de faire croire à nos jeunes francophones que le succès est dans une législation comme le bill no 1.

Je crois qu'il faudrait dire à nos jeunes francophones que s'ils veulent réussir dans la vie, il va falloir qu'ils apprennent à être compétents, quel que soit le domaine de leur profession et rares sont les domaines où les jeunes Canadiens français vont vouloir évoluer, où, à un moment donné, la connaissance de la langue seconde deviendra, pour eux, un facteur de compétence et s'ils n'ont pas ce facteur de compétence, ils seront profondément handicapés. Cela, la population du Québec francophone le sait. Cela fait longtemps qu'elle exige de ses gouvernements d'avoir un enseignement positif dans le système francophone, de langue française.

Je termine là-dessus et j'aimerais bien avoir vos commentaires, monsieur.

M. Fréchette: Etant banquier, je suis nécessairement avare de mes mots, ma réponse va être moins longue que votre question. Je voudrais vous dire que, lorsque vous mentionnez que nous devons apprendre à vivre ensemble, j'applaudis chaleureusement à ce que vous dites. Parce que, advienne que pourra, nous serons toujours ensemble ou nous ne serons pas loin, nous serons voisins. Je pense qu'il faut apprendre à vivre avec ses voisins; donc, là-dessus, ça n'était pas une question que vous me posiez, c'était une affirmation, je la supporte, je pense, comme tout le monde.

Pour ce qui est du passé, vous avez parlé d'il y a 40 ans, d'il y a 30 ans, c'est sûr que le contexte a changé et je dois réitérer ce que j'ai dit tout à l'heure, je ne sais pas si c'est parce que je prends de l'âge que je commence à radoter, mais je me répète peut-être un peu, que si les francophones chez nous commencent à émerger et émergent d'une manière sérieuse, c'est parce qu'ils ont bien voulu prendre place dans nos rangs. C'est aussi simple que ça.

Le Président (M. Cardinal): Merci, monsieur. Pour terminer cette audition, je rappelle que chacun des partis a encore deux minutes à sa disposition, chacun des trois partis. M. le député de Bellechasse, dans l'ordre, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce et M. le député de Taschereau.

M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Aux gens de la Banque Royale, dans une société telle que la vôtre spécifiquement, il est à peu près impossible, d'après vous, pour un unilingue francophone, d'accéder à un poste supérieur, un poste décisionnel, d'après ce que vous avez dit, vu votre champ d'activité à l'échelon mondial. C'est ce que vous avez affirmé antérieurement?

M. Fréchette: Votre question est que les possibilités d'un francophone unilingue...

M. Goulet: D'accéder à un poste supérieur, un poste de commande décisionnel.

M. Fréchette: Cette personne se limiterait énormément dans l'évolution de sa carrière, parce que, lorsqu'on arrive à un certain niveau, qu'on le veuille ou non, comme francophone, cela me choque jusqu'à un certain point, mais les faits sont là, quand on arrive à un certain niveau, lorsqu'on sort des cadres du Québec, lorsqu'une banque internationale doit le faire, l'anglais s'interpose de plus en plus. La mission européenne l'a démontré à nouveau, je pense que c'est un fait induscutable.

M. Goulet: Si un francophone ne devient pas parfaitement bilingue, j'entends posséder l'anglais, il ne pourra jamais goûter au gâteau, il ne pourra jamais accéder aux postes supérieurs.

M. Fréchette: C'est mon opinion.

M. Goulet: II faut qu'il soit bilingue, dans une société comme la vôtre.

M. Fréchette: Je crois.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Merci, M. le Président. J'ai seulement deux ou trois questions.

Le Président (M. Cardinal): De 30 secondes chacune!

M. Mackasey: Avec plaisir. Je pense qu'on ne fait pas assez la distinction entre le siège social et la Banque Royale dans la province. Il me semble qu'il y a quatre organisations de la Banque Royale à travers le monde.

I think, Mr Frazee, you have four different operations working from the central bank, like the Canadian area, the Carribean area, am I right about that?

M. Frazee: We are divided so that essentially each province has its own general manager, except the Atlantic, which group the four provinces under a general manager and we have four other areas in the world.

M. Mackasey: The head office, because I am trying to get to the point very fast, must serve, to some extent, each of those four areas with information, advice and the rest, am I right on that?

M. Frazee: Yes.

M. Mackasey: Therefore, it must be, by its very nature, trilingual or more. You head office must go where events do take you, you were once in Halifax, if I am not mistaken, and now you are in Quebec. You find yourself with the head office in Quebec, at advantage or at disadvantage, vis-à-vis your competitors?

M. Frazee: So far, it has not been a disadvantage at all, I think over the years, it has been an advantage to the Royal Bank being here.

M. Mackasey: Do you feel, it could, in your brief, potentially become a disadvantage from one reason or another, you have certain rules and regulations that the other banks do not have?

M. Frazee: It would be a disadvantage, if certain restrictions or regulations were imposed on our head office, as compared to, let us say, the Toronto based head office.

M. Mackasey: A la page 47, dans la version française, au paragraphe 99, je pense, y a-t-il possibilité d'élaborer sur le fait qu'il y avait beaucoup de progrès de fait dans le nombre des francophones qui occupent maintenant des postes de cadres supérieurs ou intermédiaires au siège social? Je parle des salaires de plus de $25 000. Vous mentionnez que, dans votre service international et votre division du Québec, il y a maintenant, au lieu de sept, comme il y avait auparavant, 74 Canadiens d'expression française qui occupent des postes importants. Voulez-vous, s'il vous plaît, préciser un peu ce point?

M. Grier: Je peux ajouter que le pourcentage dans les deux cas a augmenté de 3,3% à 9,3% depuis dix ans. En 1967, c'était 7% sur 210 et, actuellement, c'est 74 sur 794.

M. Mackasey: M. Frazee, if I could, I am allowed just one last question, the very entry of your business, I understand, you are federally incorporated by law. You have not only to serve people, loan money and that, but you have to be part of the fiscal monetary operation for this country. Can you visualize anybody in your friends who would not be prepared to be mobile from city to city, from branch to branch, from province to province, in fact, from country to country, sometimes in his or her career, ever reaching your level within the bank, because of the very caracteristics of banking, this mobility and flexibility is imperative?

M. Frazee: M. Chairman, I think it would be highly unlikely and if I am an example, I have moved much, I would think that the future presidents and so forth of the Royal Bank will have had international experience as well as a significant domestic experience. There is always the exception, I suppose, but I do not see it on the horison at the moment.

M. Mackasey: My last word, even in Canada itself? Je m'excuse.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce... M. le député de Taschereau, vous avez aussi deux minutes, vous savez comment cela s'étire, pour terminer cette audition.

M. Guay: Le taux d'élasticité. M. le Président, je tiens à remercier la Banque Royale du mémoire qu'elle a présenté, qui était extrêmement intéressant et qui ressemblait inévitablement, à maints égards, dans ses conclusions, à celui que l'autre grande banque anglophone de Montréal, la Banque de Montréal, a présenté devant cette commission il y a quelque temps. Ce mémoire ressemble aussi, à maints égards, à l'ensemble des mémoires qui nous sont venus des Québécois anglophones jusqu'ici en ce sens qu'il est favorable aux principes du projet de loi no 1, qui est de faire du Québec un Etat foncièrement français, mais il s'oppose de façon générale à un certain nombre des dispositions de la loi quand ce n'est pas à l'ensemble de la loi. En ce sens, ils me paraissent ressembler, ces mémoires, non pas celui de la Banque Royale spécifiquement, mais ceux de la minorité anglophone en général, un peu à la loi 22 qui, après avoir proclamé le français langue officielle, s'emploie dans des pages et des pages à institutionnaliser le bilinguisme au Québec. Dans la mesure où ces mémoires voudraient que l'affichage soit bilingue, même que l'anglais devienne langue officielle du Québec, soit no 1 ou no 2, l'Union Nationale a apporté une nuance là-dedans, mais enfin, qu'on instaure le bilinguisme officiel dans le monde des relations de travail ou dans le monde des affaires, ou surtout, bien sûr, la plupart des mémoires ont proposé que la loi no 1 soit modifiée afin de permettre le libre choix dans l'enseignement, ce qui serait, à tout le moins, une première mondiale, surtout pour un peuple placé dans la position où est placé le peuple québécois en Amérique du Nord. Bref, l'ensemble des mémoires de la minorité anglophone au Québec, jusqu'à ce jour, ont plusieurs points en commun, c'est-à-dire d'être favorables au principe de la loi et ensuite de s'opposer à l'une ou à l'autre ou à l'ensemble des mesures qui sont prévues dans la loi pour atteindre l'application concrète de ce principe.

En ce sens, M. le Président, je trouve que ces mémoires commencent à être singulièrement répétitifs et, pour ma part, à moins que quelqu'un, qu'un organisme ou un individu, émanant de la minorité anglophone au Québec, ait des choses particulièrement géniales et particulièrement nouvelles à venir nous annoncer, j'ai l'impression personnelle — je parle en mon nom propre — et cela ne préjuge en rien de la qualité des mémoires qui sont présentés, le fait demeure que, dans l'ensemble, si on fait le bilan de ces mémoires, pour ma part, en tout cas, je commence à être suffisamment informé de l'attitude que la minorité anglophone...

M. Ciaccia: Est-ce que cela fait partie du scénario?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Le bâillon s'en vient!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Vous pouvez arrêter de siéger.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

Mme Lavoie-Roux: Personne ne vous retient.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Mme le député de L'Acadie, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, M. le député de Mont-Royal, à l'ordre!

M. Lalonde: On vient juste d'avoir le ministre de l'Education. On n'est pas pour mettre fin à cela tout de suite.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: C'est une insulte pour...

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est une insulte pour personne. Je permets de...

Une Voix: Le député est suffisamment informé.

Le Président (M. Cardinal): Le député est peut-être suffisamment informé, mais, d'après l'article 118a, alinéa 6, c'est la commission qui doit être suffisamment informée. M. le député de Taschereau.

M. Guay: Vous avez parfaitement raison, M. le Président, et c'est pourquoi j'ai précisé...

Mme Lavoie-Roux: Une question d'information.

M. Guay: II n'y a pas d'information, Mme le député de L'Acadie.

Le Président (M. Cardinal): Oui, un instant! M. le député de Taschereau, je m'excuse, j'ai une demande de directive de Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Qui doit décider si la commission est suffisamment informée? Est-ce que c'est un député, le ministre ou l'ensemble de la commission?

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie, je sais que beaucoup de personnes parlent en même temps. Je viens exactement de dire que ce n'est pas un député, mais la commission qui se déclare suffisamment informée. M. le député de Taschereau, ceci n'est pas une correction à votre exposé, vous avez le droit d'être suffisamment informé. M. le député de Mont-Royal, sur une question de directive ou de règlement?

M. Ciaccia: De directive, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais demander au Président si le fait que la motion pour limiter notre débat à 20 minutes a été commencée et proposée par le député de Taschereau et a été acceptée par les députés ministériels, est-ce que le fait qu'il vient de se référer à l'article 118a est le commencement d'une manoeuvre pour nous avertir qu'on va mettre fin aux travaux de cette commission?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le député de Mont-Royal, ce n'est pas une demande de directive au président, c'est une demande d'opinion à M. le député de Taschereau. Je répète, si vous voulez que je lise le texte pour éviter du temps, que c'est la commission qui en décide, en vertu de l'alinéa 6 de l'article 118. Ce texte se lit comme suit: Lorsqu'elle se croit être suffisamment renseignée, la commission peut décider de cesser les auditions. Certains députés qui sont ici savent ce qui est arrivé au mois de juillet 1974, après la première lecture, à l'étude du projet de loi no 22. J'ai de plus indiqué qu'il y a deux moyens de terminer les auditions d'une commission, l'article 118a, alinéa 6, et l'article 156, alinéa 1 ou 2, ou les deux à la fois. M. le député de Taschereau.

M. Guay: M. le Président, avant que les députés de l'Opposition officielle ne grimpent dans les rideaux comme ils viennent de le faire, j'avais bien précisé que c'était à titre personnel que je me croyais suffisamment informé personnellement en ce qui concerne les mémoires en provenance des Québécois anglophones, à moins qu'il n'y ait quelqu'un qui ait quelque chose de nouveau et de particulièrement transcendant à nous dire. Cela ne veut pas dire que la commission est suffisamment informée. C'est à elle d'en décider. Je veux parler en mon nom, pour moi, ce qui est mon droit le plus strict, on en conviendra, n'est-ce pas? Donc, pour conclure, M. le Président, je tiens donc, après avoir souligné ce fait, à remercier la Banque Royale de nouveau pour son mémoire, qui est d'une qualité qui ne m'étonne pas, compte tenu de la qualité de l'institution bancaire elle-même et, sur ce, je pense que nous pouvons passer au mémoire suivant.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Est-ce que... Oui, monsieur...

M. Mackasey: M. le Président, j'ai quelque chose... J'espère qu'on prendra connaissance du mémoire de la Banque Royale, que ce n'est ni un mémoire anglophone, ni francophone, mais le mémoire d'une entreprise qui, parmi ses em-

ployés, a des Canadiens de toutes les expressions dans le monde, la population de...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: II y a une distinction à faire.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Vous n'avez pas le droit de réplique. Je l'ai déjà indiqué. Si vous aviez assisté à toute cette audition, vous sauriez que, dès le début, la Banque Royale a déposé un mémoire qui était bilingue. Elle a fait un exposé dans les limites, d'environ 20 minutes, mais en plus, je lui ai offert de déposer en annexe au journal des Débats le mémoire en entier, dans son texte, tel que rédigé, et je ne puis pas vous permettre de continuer. Je regrette. L'audition est depuis longtemps...

M. Mackasey: Je m'excuse, M. le Président, mais ce n'est pas — je sais aussi bien que vous que le mémoire est dans les deux langues, je parle de la Banque Royale elle-même — ...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît, je pense...

M. Mackasey:... oui, mais faire la distinction...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! J'ai été très patient, je pense que vous n'avez pas un droit de réplique pour commenter cette audition qui a déjà commencé la semaine passée et qui a amplement dépassé son temps. C'est pourquoi, immédiatement, je remercie M. Frazee...

M. Saint-Germain: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Cela a besoin d'être une vraie question de règlement, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Ce n'est pas une réplique que le député de Notre-Dame-de-Grâce...

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas une demande...

M. Saint-Germain: ... il a rétabli des faits.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Il n'y a pas de rectification de faits ici. Il n'y a pas de question de privilège et l'article 49 ne peut pas être invoqué. L'on ne peut qu'invoquer l'article 96 lorsqu'on a fait soi-même un discours, immédiatement après, si un député interprète mal notre discours. Je considère qu'il n'y a pas de question de règlement et je remercie immédiatement la Banque Royale, par ses porte-parole, M. Frazee, M. Grier, M. Fréchette, Mme Tosaj, M. Morrison, M. Poitras, M. Rhéaume. Je regrette que vous ayez eu à exercer tant de patience devant nous, que vous avez été obligés de revenir, mais cependant, vous êtes toujours les bienvenus dans la capitale du Québec, même si ce n'est pas l'endroit de votre siège social. Je vous remercie beaucoup, madame et messieurs.

J'invite immédiatement les prochains invités.

M. Frazee: Thank you very much, Mr Chairman.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Frazee.

Prochain groupe, Participation Québec, mémoire 73.

Juste un instant, s'il vous plaît! Bonjour et, d'avance, merci pour vos nombreuses visites. Vous allez, s'il vous plaît, selon la règle, identifier votre groupe, identifier vos porte-parole. Vous aurez ensuite 20 minutes pour faire votre exposé ou le résumer vous-mêmes, comme les députés, n'êtes pas obligés d'employer tout le temps de l'audition. L'audition doit durer 90 minutes, normalement.

Je vous donne la parole.

Participation Québec

M. Prupas (Michael): Je vous remercie, M. le Président. Je vous présente notre groupement, nos porte-parole, qui s'appellent M. Graham Weeks, à ma gauche, Mlle Nancy Warner ici, M. Robert Doyle, à ma droite, et je m'appelle Michael Prupas.

M. le Président, membres de la commission parlementaire, nous ne sommes pas ici cet après-midi pour contester un par un les articles de la Charte de la langue française que nous trouvons inacceptables. Nous ne sommes pas ici non plus pour débattre avec vous l'histoire triste des relations entre anglophones et francophones au Québec. Le but de l'intervention de Participation Québec est de vous faire connaître les grandes lignes de la société québécoise que nous, en tant que membres de la jeunesse non francophone du Québec, trouvons à bâtir avec nos citoyens francophones. On veut, en plus, expliquer pourquoi nous croyons que certains éléments de la Charte de la langue française pourraient être utilisés pour nier les valeurs sociales et humaines que nous aimerions avoir ici. Chacun de nous entreprendra une partie distincte de cette explication.

J'aimerais d'abord vous présenter Participation Québec. Notre groupement comprend une centaine de personnes surtout jeunes, bilingues et diplômés d'universités, qui se sont réunis pour promouvoir collectivement l'idée d'un Québec où la majorité garantira son épanouissement tout en encourageant une plus grande participation de la minorité dans la vie québécoise.

Ainsi, nous avons formulé les principes de base suivants: 1. Que tout citoyen du Québec, sans égard à son origine ethnique est un Québécois; 2. Qu'une meilleure participation des membres des groupes minoritaires à la vie collective de la majorité est absolument nécessaire; 3. Que le français soit accepté et utilisé comme langue courante au Québec; 4. Que le gouvernement du Québec ait la res-

ponsabilité de promouvoir l'idée d'un Québec pluraliste dans toutes ses politiques. En prenant nos valeurs de base, il est clair que nous nous opposerions à tout acte gouvernemental qui suggère que le français est depuis toujours la langue des Québécois, comme le dit le préambule de la charte, étant donné qu'un tel énoncé nie l'appartenance des gens d'origine non francophone à la communauté québécoise. Pour certaines gens, y compris plusieurs anglophones de l'Ontario et plusieurs francophones du Québec, cela ne vaut pas la peine d'avoir deux langues sur un seul territoire; ils préféreraient une division nette: les Anglais d'un côté et les Français de l'autre. Pour nous, c'est un point de vue étroit et dangereux pour le Québec que nous voulons bâtir. Nous croyons que l'identité culturelle d'un individu n'est pas menacée par la présence d'un individu d'une autre culture avoisinante si ce deuxième n'empêche pas du tout l'expression de l'identité du premier.

Entendu qu'il faut prendre des mesures concrètes pour sauvegarder la culture du français dans l'Amérique du Nord, entendu qu'il faut corriger la situation qui existait dans le monde des affaires où un francophone était exclu des positions de haute direction, car il n'était pas membre d'une clique sociale qui le contrôlait, mais il faut également éviter de forcer la minorité avec laquelle on vit d'abondonner son identité linguistique. Il faut dire clairement dans la loi qui règle toutes les importantes questions linguistiques dans la société, que tout citoyen du Québec est un Québécois et qu'il a le droit de conserver son propre héritage en offrant sa contribution au Québec.

Admettons, pour le moment, que l'intention des auteurs de la charte n'était pas d'étouffer la communauté minoritaire au Québec, pourquoi alors a-t-on dit dans l'article 112b, que ce sera nécessaire, pour une entreprise, d'augmenter le nombre de "Québécois" pour garder son certificat de francisation? Est-ce qu'on sait que déjà la définition ambiguë du mot "Québécois" dans la charte a encouragé une politique d'embauche dans plusieurs compagnies, qui est ouvertement discriminatoire? Même dans les compagnies privées, le fait de ne pas avoir un bon nom du Bas-Saint-Laurent empêche un Anglo-Québécois bilingue d'obtenir un emploi. Je connais personnellement quelques victimes de ces politiques. Il faut souligner aussi que 85% de la population anglophone de Montréal ont gagné moins de $10 000 en 1971, selon les chiffres de Statistique Canada, ce qui représente une proportion égale à la proportion des francophones de Montréal qui ont eu un tel revenu cette année-là.

Je crois que le gouvernement du Québec doit tenir compte des problèmes que les anglophones de faible moyen auraient à gagner leur vie si la loi est sanctionnée telle que rédigée. Si on ne change pas l'article 112b, afin de rendre clair qu'on exige seulement une connaissance du français de la part des cadres d'entreprises, on condamnera tous ceux qui cherchent un emploi et qui ne sont pas membres d'une ethnie franco-québécoise, surtout des jeunes, à quitter leur foyer. Ainsi, l'étouffe- ment graduel de la communauté non francophone serait inéluctable.

Si on exclut les non-francophones de la définition de Québécois, on nuira à l'identité culturelle et même à l'existence du million de gens qui, comme moi, se sont toujours considérés comme Québécois. On niera aux Franco-Québécois la possibilité de vivre dans une société pluraliste et ouverte. Ce sont des tournures psychologiques et politiques qui me forcent à protester du fond de mon coeur.

M. Weeks.

M. Weeks (Graham): M. le Président, madame, messieurs, nous sommes représentatifs des Québécois non francophones qui tentent de se libérer de leur élite traditionnelle. Je ne suis pas plus content d'avoir M. Earl McLaughlin, par exemple, comme mon porte-parole, que le Dr Lau-rin n'était content de recevoir de lui une soi-disant leçon économique. Notre groupe prend comme position incontestable que le Québec devienne une province foncièrement française dans laquelle tout citoyen devrait pouvoir s'exprimer en français. La montée en flèche du nombre d'étudiants inscrits dans des cours d'immersion française indique l'acceptation de cette proposition par des adultes non francophones du Québec qui veulent que leurs enfants soient bien préparés pour la vie dans le nouveau Québec. Beaucoup de ces adultes suivent, eux aussi, des cours de français et Participation Québec se demande si ces cours sont vraiment efficaces, c'est-à-dire, est-ce qu'ils rendent les étudiants capables de fonctionner dans un Québec français?

On n'a trouvé aucune recherche répondant à ces questions, donc, notre groupe a dessiné un projet de recherche dans l'espoir d'en trouver une. On va, d'ici quelques jours, adresser au gouvernement québécois une demande d'aide financière pour l'achèvement de ce projet. Etant donné les promesses plusieurs fois répétées du Dr Laurin d'aider les non-francophones du Québec à s'adapter aux nouvelles circonstances linguistiques, on espère avoir une réponse rapide et positive à notre demande.

Pour ce qui est du système scolaire lui-même, on croit que la solution la plus équitable serait de choisir entre deux extrêmes, soit une liberté complète de choix, soit un système unitaire des cadres pour tout le monde. Malheureusement, l'opinion publique est si divisée actuellement que ni l'une ni l'autre solution n'est pratique. Donc, la solution réaliste se trouve quelque part entre ces deux extrêmes. Il s'agirait de donner l'enseignement au niveau primaire et secondaire en français. Les exceptions à cette règle nous amènent inévitablement à faire des distinctions entre les différents groupes résidant au Québec. Répugnant à la notion parmi les droits de la personne des qualités de bon aloi, l'objectif fondamental devrait donc faire le minimum de distinction possible.

Tous nos francophones au Québec, à l'époque de la promulgation de la loi, auraient le choix de la langue d'instruction pour leurs enfants. Si au

moins lui ou son épouse avaient reçu un enseignement primaire ou secondaire n'importe où dans le monde — exception faite et j'ajoute ici au texte que vous avez en main à la page 16 — des écoles françaises au Québec, on éviterait ainsi l'iniquité de la rétroactivité. Le Dr Laurin a déjà déclaré en public que les immigrants vivant ici mais qui n'ont pas encore d'enfants à l'école sont plus nombreux. S'il en est ainsi, il ne sera pas dommageable à la survivance de la langue française de traiter ce petit groupe de la même façon qu'avec les immigrants dont les enfants sont déjà dans les écoles québécoises.

Par contre, les enfants de tous les immigrants futurs qui viennent d'en dehors du Canada devraient aller à l'école française, à condition que les agents de l'immigration canadienne ou québécoise indiquent clairement à leurs parents, avant qu'ils ne quittent leur patrie, les effets de la loi sur la langue sur leur vie au Québec. Les écoles anglaises du Québec devraient être accessibles à tout enfant dont l'un des parents a reçu l'enseignement primaire ou secondaire n'importe où au Canada. Ces soi-disant immigrants des autres provinces ne causeraient pas l'expansion du système d'écoles anglaises au Québec. Le Dr Laurin a cité le nombre d'arrivants anglophones des neuf autres provinces entre 1966 et 1971. On se croit sur pied ferme en suggérant que, depuis 1971, au moins et surtout depuis la controverse sur la loi 22, le nombre de départs a augmenté et le nombre d'arrivées a diminué. On trouve absurde par ailleurs, la suggestion que les dossiers scolaires des autres provinces seraient trop difficiles à trouver et à vérifier. Est-ce que cela veut dire que vous accepteriez un certificat de Sierra Leone, mais non pas de l'AIberta? D'ailleurs nous notons qu'en contraste avec la communauté franco-québécoise, la communauté anglophone du Québec se compose de deux portions, l'une très stable qui comprend de 75% à 80% des Anglo-Québécois et l'autre de 20% à 25%, qui est très mobile. Merci.

Mme Warner (Nancy): M. le Président, membres de la commission. En 1963, un éminent juriste québécois appelé dans la cause d'une charte des droits de la personne, a dit ce qui suit: "Dans une société où la majorité affirme son existence en tant que groupe national, au moment même où se manifeste un certain pluralisme dans la structure ethnique et religieuse de la population, l'Etat provincial doit se donner pour mission d'assurer la coexistence pacifique des groupes et de la perte des croyances. D'aucuns opineront que le Canada français est encore trop absorbé par la lutte pour ses libertés collectives et que l'Etat n'est pas mûr pour l'adoption d'une charte aussi ample que celle dont nous nous faisons l'avocat. "Nous croyons au contraire que les droits individuels et les droits collectifs sont désormais indissolublement liés, puisqu'aussi bien le progrès de ceci dépend aujourd'hui de progrès de cela et qu'il ne saurait exister de démocratie sans le respect des uns et des autres". Ces observations sur l'importance essentielle des droits de la personne ont été faites par le présent ministre d'Etat pour l'Education, M. Jacques-Yvan Morin.

Les libertés et droits spécifiés dans la Charte des droits et libertés de la personne sont fondamentaux et s'appliquent à tous les résidents sans préférence arbitraire.

Ces droits étaient considérés par les auteurs de la loi 50 comme le fondement de la justice et de la paix. En ce temps-là, on considérait les droits et libertés de la personne humaine comme inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général.

Clairement, selon les auteurs de la loi 50, et selon M. Morin en 1963, il n'y avait aucun conflit entre les droits et libertés de l'individu et ceux de la collectivité. La Charte de la langue française spécifie qu'elle prévaudra sur la Charte des droits et libertés de la personne. Le fait même que le gouvernement ait jugé convenable d'abroger spécifiquement la préséance de ces droits fondamentaux nous inquiète. Il y aurait sous la loi 1, telle qu'écrite maintenant, une grande possibilité d'abus. Avec l'adoption de la loi no 1, avec l'article 172 dans sa forme présente, les minorités du Québec, qui incluent des pauvres aussi bien des riches, qui incluent des gens déjà opprimés par des circonstances économiques et d'autres problèmes, perdraient le peu de protection qui existe actuellement. L'accès aux emplois, aux professions, à la justice, le droit de vivre une vie sans persécution pourraient subir de graves préjudices.

Il est déjà prévu dans la Charte de la langue française que les Québécois soient favorisés dans l'accès aux emplois, avec des références qui suggèrent fortement qu'un Québécois n'est qu'un membre du groupe majoritaire, et nous qui habitons au Québec depuis des générations, qui sommes chez nous ici, est-ce qu'on n'est pas Québécois aussi? Si oui, nous voudrions bien le voir inscrit dans la Charte de la langue. Ce n'est pas assez de confier nos droits à la bonne volonté du gouvernement, particulièrement quand l'application de la loi sera déléguée aux nombreux fonctionnaires. S'il y a de la bonne volonté, qu'elle soit écrite dans la loi, avec une déclaration claire que les droits déjà donnés continueront d'avoir préséance et que tous les groupes du Québec sont des citoyens à part égale.

Plusieurs Québécois francophones, anglophones, allophones, nouveaux arrivés et descendants des colons, veulent voir la construction d'une meilleure société, une société qui fonctionne en français, qui préserve le caractère unique qui existe dans notre petit coin du monde. Nous voulons tous participer au projet de régler les injustices et les inégalités qui existent pour tous les Québécois, mais une société basée sur un esprit renfermé, animé d'un désir de revanche et d'amertume, perdra son âme. Nous habitons une des rares sociétés où les gens d'origines diverses vivent dans une interaction relativement harmonieuse. Notre but, c'est de continuer à enrichir cette existence. Nous n'acceptons qu'aucun gouvernement, avec une loi qui divise les gens et sème l'hostilité, détruise cet esprit unique de notre Québec.

M. Doyle (Robert): M. le Président, honorables membres de la commission parlementaire, tel qu'expliqué par M. Prupas, les buts fondamentaux de notre association n'ont jamais compris une confrontation avec notre gouvernement sur la loi sur la langue. Participation Québec existait avant la publication du livre blanc et le groupe continuera à poursuivre ses objectifs principaux après l'adoption d'une Charte de la langue française sous n'importe quelle forme.

Notre mémoire expose que Participation Québec a, dès le début, appuyé une intervention gouvernementale positive qui cherche à promouvoir la position de la langue française pour qu'elle soit la langue courante au Québec. Je peux vous assurer que nous nous sentons obligés de commenter le projet de loi no 1, non pas parce que nous avons changé cette position, et non pas parce que nous sommes pour ou contre les principes et les moyens généraux du projet, mais nous sommes plutôt d'opinion qu'il y a, dans la législation proposée, beaucoup d'éléments non positifs, en ce qu'ils n'encouragent pas la langue française, mais dénigrent plutôt l'usage des autres langues.

Plusieurs clauses du projet de loi militeront contre la participation de plus en plus grande des citoyens de fonds linguistique et culturel non francophone dans la vie québécoise. Les jours où l'on courtisait les anglophones pour exercer une influence politique, les jours de chantage efficace sont disparus ici au Québec. Si le débat public sur le projet de loi no 1 a été animé et a entraîné la division, cela ne s'explique pas par une communauté anglophone qui veut se cramponner à ses droits acquis ou ses privilèges impérialistes, c'est plutôt que le projet de loi est considéré comme un instrument qui va nuire aux groupes minoritaires pour avoir une présence vitale et efficace au Québec et qui va opposer les Québécois les uns aux autres.

C'est avec tristesse que nous avons entendu les accusations précitées d'une communauté à l'autre et entre les communautés anglophones et francophones. Les individus raisonnables ont été caractérisés comme des nazis, des rois-nègres, des inférieurs, des impérialistes, etc.

Le projet de loi a été trop souvent défini comme l'expression des aspirations légitimes des Québécois francophones; ce n'est rien qu'un projet, bien qu'il soit d'une importance incontestable. Il a été assujetti aux imperfections humaines en ce qui concerne la rédaction et est susceptible d'une multitude de divergences d'opinions. C'est la responsabilité de notre gouvernement de tenter de calmer la fureur et de prendre l'avis de tout individu et de tout groupe qui participe au développement du Québec. Cela doit être le but, non seulement de ce gouvernement, mais encore de cette législation et d'établir la primauté de la langue française et d'agir honnêtement et justement envers les minorités pour qu'elles sentent qu'elles sont bienvenues dans la province et qu'elles ont un rôle dans un Québec massivement français.

On ne s'acquitte pas de ce devoir envers les minorités en les obligeant à se parler français entre elles dans leurs fonctions de commissaires d'école et d'employés municipaux, tel que requis dans les clauses 21 et 23. La garantie de leurs emplois représente un conseil sérieux et justifié d'un grand nombre de Québécois non francophones, surtout en face d'un effort de francisation massif.

Participation Québec est profondément désolé qu'en dépit des garanties qui nous ont été données par le ministre d'Etat aux affaires culturelles, le 16 avril, des assurances législatives des programmes d'enseignement du français et de la sécurité d'emploi ne se trouvent nulle part dans le projet de loi. Vous devez garantir non seulement la capacité des minorités de gagner leur vie au Québec, mais encore leur capacité de le faire en français.

En agissant pour garantir les droits linguistiques, le gouvernement ne doit pas perdre de vue ses obligations dans le même domaine. Nous suggérons que les clauses 19 et 20 soient amendées pour que la participation des non-francophones dans la fonction publique soit encouragée. La représentation proportionnelle est un concept autant dans la vie publique de Québec que dans les domaines commerciaux.

Pour ce qui concerne l'affichage, on a dit qu'actuellement, il ne reflète pas fidèlement l'identité collective du Québec. Si l'affichage doit servir de miroir de la société québécoise, laissons-le être un miroir exact dans lequel le français prédominerait tout en permettant l'usage des autres langues. Nous ne connaissons aucune société normale du monde qui supprime, au point de l'article 46, cette forme d'expression publique. Notre gouvernement nous dit, d'un côté, qu'il entend poursuivre son objectif dans un climat de justice et d'ouverture à l'égard des minorités et d'un autre côté, qu'il ne veut voir aucune trace publique de ces mêmes minorités.

L'assurance calmante d'un meilleur traitement à l'avenir ne peut pas remédier à cette clause mesquine. Finalement, si le gouvernement et si le projet de loi veulent nous convaincre que cette société doit être nécessairement unilingue, il faut plus que de vagues références historiques et des allusions peu utiles aux injustices perpétrées dans les autres provinces. On est tous Québécois ici, au moins par notre définition et la société que Participation Québec voudrait voir dans un sens culturel et économique ne doit avoir nécessairement rien à voir avec les sociétés d'Ontario ou de la Colombie-Britannique.

Nous croyons qu'une société pluraliste idéale qui fonctionne en français, tout en permettant l'expression de minorités, ne sera pas construite sur la méfiance que plusieurs clauses de ce projet engendrent.

Si je peux voler une pensée d'un de nos plus grands poètes, en plaidant pour un Québec unifié et francisé, je vous laisserai avec les paroles suivantes: "Gens du pays, c'est votre tour de vous laisser parler d'amour".

Le Président (M. Cardinal): Merci. Vous avez employé exactement votre temps. Je donne la parole au député de Terrebonne, en premier lieu. M. le député de Châteauguay, je m'excuse, je croyais

que l'entente allait à l'effet contraire. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Je vous remercie, M. le Président. Pour commencer, je tiens à remercier le groupe d'être venu témoigner ici, à la commission parlementaire. Je pense qu'il faut faire remarquer le ton avec lequel ce mémoire est présenté. Je pense qu'il est appréciable et, du moins, du côté ministériel, il est pris comme tel. Cependant, je pense qu'il y a aussi quelques remarques qu'il faut faire à la suite des nombreux mémoires que nous avons entendus, qui nous permettent aujourd'hui de faire des comparaisons et de pouvoir dire, à l'instar de mon collègue, le député de Taschereau, qu'il y a, effectivement, des redites et vous n'avez probablement pas fini d'en entendre, madame et messieurs.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Châteauguay, comme les autres, ne perdez pas votre temps...

M. Dussault: II y a des distinctions qui ne sont pas faites et qui nous laissent penser que cela revient à ce que d'autres ont aussi laissé entendre quant à la question des droits individuels et des droits collectifs, quant à la question du bilinguisme individuel et du bilinguisme institutionnel. J'aimerais savoir quelle distinction vous faites dans votre mémoire entre ces deux notions de bilinguisme individuel et de bilinguisme collectif.

M. Prupas: Si je peux me permettre de répondre, nous croyons que le bilinguisme est un attribut individuel qu'il faut encourager; il n'y a aucun doute là-dessus. Je suis sûr que le gouvernement aimerait aussi voir la majorité des citoyens du Québec avoir cette connaissance d'une deuxième langue, mais il me semble qu'il faut aussi accorder du respect à ces gens qui sont des citoyens du Québec, qui sont ici depuis des générations et qui ne sont pas capables de s'exprimer en français dans les communications qu'ils pourront avoir avec le gouvernement. D'accord, il faut avoir le français comme langue officielle du Québec dans toutes ses politiques, mais il faut aussi reconnaître qu'il y a des individus qui ont le droit de communiquer avec le gouvernement en anglais.

M. Dussault: Par le projet de loi no 1, est-ce que vous comprenez que le gouvernement voudrait obliger tous les individus à parler français?

M. Doyle: Dans le projet de loi tel que rédigé actuellement, ce n'est pas tout à fait clair. Je pense qu'il est écrit qu'il sera loisible au gouvernement de répondre aux individus en anglais. L'individu n'a aucun droit à une réponse en anglais de son gouvernement, s'il écrit au ministère de la Justice ou à n'importe quel ministère. Cela doit être rectifié parce que les affirmations du gouvernement étaient que chaque individu a le droit de recevoir ses réponses du gouvernement en français.

Tel que rédigé, cela ne se passerait pas.

M. Dussault: Vous faites donc allusion à des relations entre l'Etat et l'individu. Est-ce que, dans ce contexte de relations entre Etat et individu, vous préconisez qu'il y ait des relations bilingues?

M. Prupas: Je m'excuse, mais je ne comprends pas ce que cela veut dire, des relations bilingues. Il me semble que le bilinguisme institutionnel, c'est le droit d'un individu, qui parle une des deux langues, de communiquer avec son gouvernement dans sa propre langue. Mais je ne crois pas que ce soit nécessaire pour chaque correspondance entre un anglophone et le gouvernement d'être faite dans les deux langues.

M. Dussault: Effectivement, ce que le projet de loi prévoit, c'est une relation institutionnelle unilingue avec permission, parce que rien dans le projet de loi n'empêche les individus de parler leur langue chez eux, dans leurs relations interpersonnelles. Alors, le projet de loi n'intervient pas dans les relations individuelles. Le projet de loi parle de relations d'individu à Etat. Est-ce que pour vous c'est clair?

M. Weeks: Si je peux vous donner un exemple concret et très actuel, je connais une immigrante qui parle sa propre langue maternelle d'Europe, qui parle aussi l'anglais, mais non pas le français, qui a écrit à l'école du COFI, qui est régie par le gouvernement québécois, qui a écrit en anglais et la réponse est venue en français, parce que cela venait du gouvernement québécois. Cette personne écrivait pour savoir quand son cours de français commencerait. Alors, cela a l'air un peu ridicule! Dans ce contexte, le fait que le projet de loi, tel que rédigé actuellement, dit: Le répondant peut avoir... que ce ne soit pas obligatoire de donner la réponse dans la langue du répondant, c'est rédigé permissivement, si je peux m'exprimer comme cela, que le gouvernement ou l'agent du gouvernement peut répondre dans la langue, du répondant, mais ce n'est pas obligatoire.

M. Dussault: En somme, si je comprends bien, la personne à laquelle vous faites allusion, a eu cette fois-là sa première leçon de français, bien pratique! Je voudrais savoir d'abord depuis quand le groupe Participation Québec existe?

M. Prupas: II existe depuis à peu près le 1er décembre 1976.

M. Dussault: 1976. Alors peu de temps avant le projet de loi no 1 et la charte, mais un petit peu après le 15 novembre dernier.

M. Prupas: Exactement.

M. Dussault: Qui fait partie de ce groupement Participation Québec?

M. Prupas: Nous avons plusieurs membres, à

peu près une centaine, qui viennent de toutes les couches de la population. La majorité sont jeunes, bilingues, et ont une certaine formation universitaire. Mais je dois dire qu'il y a des enseignants, des urbanistes, des conseillers en relations publiques, de jeunes avocats, des étudiants même et quelques professeurs à l'université.

M. Dussault: Ce groupement-là, est-ce qu'il a été formé en fonction des objectifs linguistiques ou pour d'autres objectifs? Si oui, lesquels?

M. Prupas: Comme je l'ai souligné au début dans mon discours, les objectifs étaient d'abord de faire promouvoir une meilleure participation des non-francophones à la vie de la collectivité francophone. Cela veut dire que nous croyons que c'est une idée de premier ordre. Il y a des cours de français qui seront disponibles aux adultes non francophones qui n'ont pas cette connaissance. Nous espérons aussi que la fonction publique québécoise va ouvrir ses portes aux anglophones de façon qu'ils pourraient être utilisés. Cela veut dire qu'on doit avoir la possibilité d'entrer à la fonction publique québécoise, sans avoir une très bonne connaissance du français avec l'idée d'apprendre le français, dans les six mois qui suivent.

M. Dussault: Est-ce que je me trompe en pensant que vous visez l'intégration des allophones, des anglophones au milieu francophone québécois?

M. Prupas: Oui, je ne peux pas donner une définition exacte du mot "intégration". Pour nous, il faut garder la culture de langue anglaise, la facilité de s'exprimer en anglais tout en travaillant dans la vie publique dont le travail est en français.

M. Dussault: Le mémoire que vous nous soumettez aujourd'hui, a-t-il été préparé par vous quatre?

M. Prupas: A peu près une quinzaine y ont participé. Il a été approuvé par une assemblée plénière des 100 membres de notre groupement.

M. Dussault: D'accord. Vous avez fait allusion à la définition de "Québécois", dans le préambule de la loi. Je pense que vous n'avez peut-être pas vu dans les journaux ce que le ministre en disait. Mais à ce sujet, effectivement, il y aura une retouche du texte, parce qu'il y avait là une ambiguïté. Vous n'êtes pas les premiers et sûrement pas les derniers d'ailleurs à venir le faire remarquer.

M. Prupas: II faut ajouter aussi que le mot "Québécois" était utilisé dans l'article 112b. Et pour nous, même si on utilise le mot francophone "Québécois", il pourrait être utilisé pour nier les droits des non-francophones aux emplois dans quelques entreprises privées et même au gouvernement.

M. Dussault: Comme je le disais.il y a des redites du côté de ceux qui viennent présenter des mémoires, comme de notre côté à nous, forcément on réagit un peu à ce qui vient, et la définition de "Québécois" d'une façon ou d'une autre sera clarifiée de façon qu'il n'y ait plus d'ambiguïté dans le projet de loi.

La deuxième partie de votre mémoire fait aussi allusion à l'article 172 et à ce qu'on dit être une ambiguïté ou un danger. A ce point de vue, le ministre a dit très clairement, d'ailleurs quasiment dès le début de cette commission, qu'il y aurait une correction au projet de loi de façon telle qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, que les droits individuels soient respectés mais que, en même temps, les droits collectifs le soient aussi.

Ceci m'amène à vous demander quelle place vous reconnaissez à une majorité linguistique dans un territoire donné comme celui du Québec, actuellement.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, avant de répondre. Je vais être obligé, à 13 heures, de suspendre techniquement les travaux et comme je n'aime pas interrompre les opinants, j'ai préféré vous en informer avant que vous ne donniez votre réponse. A 13 heures, je me lèverai et nous reprendrons les travaux a 15 heures. Nous vous invitons à revenir avec nous dès 15 heures. Cela vous convient-il? D'accord. Alors, vous pouvez répondre jusqu'à 13 heures.

Mme Warner: J'aimerais dire, sur le sujet des droits humains, que nous voudrions beaucoup plus qu'une clarification; nous voulons que les droits humains aient d'abord la priorité. Nous ne voudrions aucune référence dans la charte à la prédominance de la charte, en aucune partie, sur les droits humains. Nous pensons que les droits humains doivent avoir absolument la priorité absolue sur toute charte de langue et sur toute autre législation.

M. Dussault: Si je comprends votre intervention, vous me dites reconnaître le droit à l'existence de la langue française comme langue officielle; si je comprends les explications que vous avez données tout à l'heure, en lisant votre mémoire, vous voulez qu'on vous reconnaisse des garanties, des certitudes quant à la possibilité pour les anglophones de continuer à parler anglais ici. C'est cela?

M. Prupas: Ce n'est pas seulement la question de continuer à parler anglais ici, je ne crois pas que le gouvernement puisse empêcher les Hongrois de parler hongrois ici, au Québec.

M. Dussault: Alors, quel statut...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Vous entendez la cloche, il est 13 heures. Les travaux de cette commission sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

Reprise de la séance à 15 h 5

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Nous allons reprendre l'audition. Le parti ministériel a déjà utilisé douze des trente minutes qui lui sont accordées. Je cède donc la parole à M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, permettez-moi tout d'abord de me réjouir de ce que le 15 novembre ait eu pour effet d'amener ce groupe à se constituer. Mieux vaut tard que jamais. C'est sûrement par hasard, si les initiales de ce mouvement sont les mêmes que celles d'un parti politique que nous connaissons tous. Cependant, je veux que vous sachiez que le gouvernement considère comme Québécois, que les députés du parti que je représente considèrent comme Québécois tous ceux qui résident ici et qui veulent bien s'attacher à l'énorme tâche de développer ce pays. Anglophones, francophones de quelque origine que ce soit, nous les considérons comme des Québécois.

Là-dessus, je suis donc à même de vous donner tous apaisements, comme l'a fait à plusieurs reprises d'ailleurs mon collègue le ministre d'Etat au développement culturel, le Dr Laurin. Si j'en juge d'ailleurs d'après l'aisance que vous témoignez dans la langue de la majorité, les membres de votre groupe n'auront sûrement aucune difficulté à s'intégrer à ce Québec nouveau qui pointe à l'horizon. Vous avez bien voulu rappeler et même citer mes propos de 1963, en faveur d'une charte des droits de l'homme pour le Québec. A vrai dire, je n'en changerais pas un mot, ni même une virgule, aujourd'hui.

J'étais déjà conscient, à ce moment, et je le suis devenu encore davantage depuis, de la difficulté de concilier les droits collectifs avec les droits individuels dans de nombreuses situations et le voeu que j'exprimais, en 1963, c'était que nous arrivions justement à concilier les uns et les autres. Il n'est pas question de faire prédominer les droits collectifs sur les droits individuels, pas plus qu'il ne saurait être question de faire prédominer des droits individuels sur les droits collectifs, contrairement à ce qui a été suggéré ce matin.

La plupart des analystes, des politologues, des philosophes qui se penchent sur cette question qui est délicate, difficile, en viennent à la conclusion qu'il faut savoir trouver un équilibre entre droits individuels et droits collectifs et c'est dans cet esprit, je tiens à vous le dire, que ce projet de loi a été conçu et c'est dans cet esprit qu'il a connu une certaine évolution, depuis qu'il a été déposé devant la Chambre. C'est dans cet esprit que le gouvernement entend légiférer sur cette question qui ne saurait attendre davantage. Etant donné que nous avons jusqu'ici, adopté, en 1975, une Charte des droits de la personne, à laquelle, comme chef de l'Opposition, j'ai été associé étroitement, il nous restait à nous pencher sur les droits collectifs, ce qui n'avait pas encore été fait. Nous sommes en train de le faire désormais et je ne retirerai pas, encore une fois, un seul mot de ce que j'ai écrit en 1963 et vous ne trouverez nulle part, dans mes écrits, la moindre suggestion à l'effet que les droits individuels doivent primer les droits collectifs ou vice versa.

Cela étant dit, j'aimerais vous poser une ou deux questions sur votre mémoire que je touve fort intéressant et imbu d'ailleurs d'un certain progressisme, sur le plan socio-économique, qui n'est pas pour déplaire aux membres ministériels de cette commission. A la page 16 de votre mémoire, vous recommandez la liberté de choix de la langue d'enseignement pour les non-francophones ou, un peu plus loin, pour ceux que vous appelez les Anglo-Québécois. J'aimerais savoir comment, dans votre esprit, on peut départager ceux que vous nommez les anglophones ou les non-francophones d'avec les Anglo-Québécois et je pose cette question en étant parfaitement conscient de la difficulté qu'elle présente, puisque c'est une question à laquelle nous nous sommes heurtés.

L'une des hypothèses de travail, lorsque nous avons abordé cette législation, c'était de dire: Essayons de reconnaître les droits des Anglo-Québécois et on s'est aperçu que ce n'était pas facile à définir, un Anglo-Québécois ou un non-francophone, parce qu'il y a des quantités de gens qui ne sont ni anglophones, ni francophones et qu'il faut évidemment savoir de quel côté ils vont tomber.

Vont-ils tomber du côté de la langue de la majorité ou du côté de la langue de la minorité anglophone? De sorte que j'aimerais savoir comment vous départagez dans votre esprit anglophone de francophone et ce que vous faites pour les gens dont la langue maternelle n'est ni le français, ni l'anglais.

M. Prupas: Avant de laisser répondre mon collègue, M. Weeks, je veux dire que nous avons fait une division entre ceux qui sont des francophones de langue maternelle et ceux qui sont des non-francophones de langue maternelle pour décider qui pourrait aller à l'école anglaise. M. Weeks va répondre à la question.

M. Weeks: Comme le gouvernement actuel et comme des gouvernements précédents, on s'est rendu compte, lorsqu'on a étudié le livre blanc et le projet de loi 1, que c'était très difficile d'avoir des définitions comme vous avez dit tout à l'heure, comme vous venez de le dire vous-même.

On prend le même système que le gouvernement, c'est-à-dire en tentant de donner une définition à partir de l'éducation des parents de l'enfant en question. Par exemple, pour les soi-disant immigrants des neuf autres provinces, on les considère comme ayant l'accessibilité à l'école anglaise du Québec si au moins un des parents a reçu son éducation primaire ou secondaire en anglais.

M. Morin: Bien sûr, mais cette expression de non-francophone que vous utilisez dans votre mémoire comprend beaucoup de gens qui ne sont pas nécessairement des anglophones, si j'ai bien compris. Donc, votre liberté de choix irait, en

somme, à tous ceux qui ne sont pas des québécois de langue française?

M. Weeks: Oui, on accepte...

Mme Warner: La liberté de choix serait seulement pour ceux qui sont déjà ici au Québec; on accepte que les immigrants aillent à l'école francophone. La liberté de choix, c'est seulement pour les gens qui sont déjà installés au Québec, qui se sont installés ici sous les anciens règlements qui comportaient la liberté de choix, mais nous ne demandons pas la liberté de choix pour les immigrants à l'avenir.

M. Morin (Sauvé): Oui, d'après ce que vous dites à la page suivante, effectivement, vous nous dites: Nous sommes d'accord que les enfants de tout futur immigrant qui vient de l'extérieur du Canada devrait aller à l'école française à condition que les agents d'immigration du Canada et du Québec indiquent clairement à chacun d'eux, avant qu'ils ne quittent leur patrie, les effets de la loi sur la langue et sur leur vie au Québec.

Je me réjouis, soit dit en passant, de cet aspect de votre mémoire qui va dans le sens des intentions du gouvernement. Mais pour ceux qui sont déjà là, vous accorderiez donc la liberté de choix, même s'ils ne sont pas de langue maternelle anglaise; si quelqu'un vient d'un pays européen, autre que la Grande-Bretagne, quel qu'il soit, ou s'il vient d'Amérique latine, quelle que soit sa langue maternelle, vous lui donneriez la liberté de choix.

M. Weeks: Par exemple, ceux qui sont déjà ici, qui sont venus au Québec avec une certaine perception de ce qui se passe au Québec actuellement, et comme le gouvernement a déjà décidé de permettre aux immigrants qui sont déjà ici, au Québec, qui ont déjà des enfants dans les écoles québécoises de les laisser continuer dans ces écoles, on ne voit pas pourquoi on ne peut pas laisser le petit nombre d'immigrants qui sont déjà ici, mais qui n'ont pas d'enfants à d'école, pourquoi ne pas les traiter de la même façon. C'est votre collègue, le Dr Laurin, qui a admis que c'était un groupe très petit, donc...

M. Morin (Sauvé): Remarquez que je respecte cette opinion; ce n'est pas du tout l'intention du gouvernement d'agir de la sorte. Le problème, c'est que si nous faisions cela, il faudrait donner libre choix à tous ceux qui, bien qu'étant de langue anglaise sont déjà à l'école française, parce qu'ils n'ont pas passé les tests sous l'empire de la loi 22. De sorte que si nous allions reconnaître cette liberté de choix pour l'avenir immédiat à tous ceux auxquels vous voudriez l'appliquer, il faudrait défaire les effets de la loi 22 et revenir, en somme, à la loi 63. J'aime autant vous dire que le gouvernement ne le fera sous aucun prétexte. Il faudrait retirer de l'école française ceux qui y sont déjà, soit parce qu'ils ont choisi librement d'y aller, soit parce qu'ils ont échoué aux tests. Cela voudrait dire quelques milliers d'élèves, et je ne pense pas que le gouvernement soit prêt à accep- ter des conséquences aussi dramatiques que celle-là. Vous vous rendez compte, si nous allions appliquer cela aux enfants cette année et l'an prochain, ce que nous diraient tous ceux qui se sont plies à la loi dans le passé. Vous voyez bien que cela pose des difficultés tout à fait insurmontables. Mais cela dit, je respecte tout à fait ce que vous pensez.

M. Weeks: Oui, mais vous pensez que chez ceux qui sont déjà inscrits dans des écoles françaises parce qu'ils ont échoué aux tests ou pour d'autres raisons, si on adopte notre proposition, la plupart de ces enfants vont maintenant quitter l'école française?

M. Morin (Sauvé): Peut-être pas la plupart, mais un bon nombre, et cela créerait des jalousies et un sentiment de discrimination terrible. On nous dirait: Nous, nous avons accepté ou nous y sommes allés, nous nous sommes conformés à la loi et maintenant vous voulez changer les règles du jeu. Ce n'est pas possible, quand même il y aurait une minorité qui nous dirait cela, peut-être serait-ce une minorité, mais nous ne sommes pas prêts à rouvrir les règles passées de cette façon. Cela créerait un sens de la discrimination terrible chez les gens.

M. Doyle: Mais vous avez déjà ouvert la porte aux différentes règles sous la loi 22 dans les autres domaines. Je ne sais pas pourquoi vous pensez que c'est une justification exacte de ne pas changer les règles dans ce coin-ci quand vous changez les règles quant à l'affichage, quant aux différentes clauses de la loi no 1. Ce n'est pas seulement une question de rétroactivité.

M. Morin (Sauvé): Oui, mais les conséquences de l'affichage sont bien moins sérieuses que des conséquences qui portent sur des enfants et sur l'avenir d'enfants, n'est-ce pas?

M. Doyle: Peut-être bien que les enfants voudraient rester aux écoles françaises mais on trouve, à Participation Québec, que ce serait juste de laisser le libre choix aux gens qui sont déjà installés ici sous les anciennes règles.

M. Morin (Sauvé): II ne faut pas laisser ouverture à la moindre discrimination. Il ne faudrait pas qu'il y ait des règles applicables aux uns et aux autres. De cette façon, bien que votre opinion soit tout à fait respectable, ce n'est pas la première fois d'ailleurs que nous l'entendons, beaucoup de groupes anglophones sont venus nous tenir exactement le même langage, mais ce n'est pas l'intention du gouvernement. Je tenais à ce que vous le sachiez.

J'aurais peut-être une autre question, au sujet des futurs immigrants. Vous nous dites: A condition que les agents d'immigration du Canada ou du Québec indiquent clairement à chacun d'eux, avant qu'ils ne quittent leur patrie, les effets de la loi sur la langue et sur leur vie au Québec. Je dois vous dire que, dans le passé, nous avons eu beau-

coup de difficulté à faire comprendre aux services fédéraux qu'ils devaient expliquer le Québec aux gens qui venaient s'y établir. A ma connaissance, même le gouvernement antérieur, même le gouvernement libéral a exigé à plusieurs reprises que les services fédéraux fassent comprendre aux immigrants qu'ils venaient ici s'établir dans un pays à dominante francophone et ce message ne semble pas être passé du tout. Je dois dire que nous ne sommes pas les premiers à mettre l'accent là-dessus. Tous les gouvernements antérieurs depuis dix ans l'ont fait, que je sache.

M. Prupas: Mais je crois qu'avec la dernière entente entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec sur l'immigration, les relations entre ces niveaux gouvernementaux ne sont pas ce qu'elles étaient sous l'ancien régime et je crois aussi qu'avec les 50 points que le gouvernement a sur la décision à savoir qui viendra à Québec, il a assez de liberté, le gouvernement du Québec, pour faire connaître aux futurs immigrants l'obligation qu'il y a pour eux d'aller à une école francophone.

M. Morin (Sauvé): Je puis vous assurer que nous avons hâte de voir comment ces mécanismes vont fonctionner et de constater si oui ou non ils nous permettent justement de faire connaître le Québec tel qu'il existe. Parce que, jusqu'à ce jour, cela n'a pas été le cas. C'est une des raisons pour lesquelles nous sommes devant un certain nombre de ces problèmes. Une dernière question, ensuite, nous pourrons passer à d'autres interventions. Il ne se dégage pas clairement de votre mémoire si vous êtes en faveur d'une langue officielle ou de deux langues officielles. Cela ne se dégage pas clairement de vos textes et j'aimerais vous poser la question: D'après vous, doit-il y avoir une langue officielle au Québec ou doit-il y en avoir deux?

M. Doyle: C'est une question assez difficile, M. le ministre, parce que, tel que rédigé, on n'est pas tout à fait d'accord sur le principe du français comme langue officielle. Mais on prend une définition de langue officielle dans le texte actuel du projet de loi tel que rédigé actuellement. On comprend que la langue officielle, en vertu de la Charte de la langue française, veut dire qu'il n'y aura aucun respect pour les autres langues. Sous cet angle, on n'est pas en faveur du français comme seule langue officielle. Quand les gens doivent parler entre eux en français quand ils sont anglophones, dans les commissions scolaires, dans les conseils municipaux, si c'est cela la portée d'une langue officielle, on n'est pas en faveur de cela. On serait en faveur de deux langues officielles. La langue officielle du Québec, c'est une question difficile, c'est peut-être ridicule de reprendre les recommandations de la commission Gendron, mais c'est peut-être la meilleure façon de l'exprimer. Une langue nationale, puis deux langues officielles, l'anglais et le français.

M. Morin (Sauvé): Mais avez-vous bien lu le projet de loi?

M. Doyle: Oui.

M. Morin (Sauvé): La langue officielle, c'est la langue de l'Etat, la langue des documents, mais cela n'empêche pas les gens de parler la langue qu'ils veulent entre eux, ni même devant les tribunaux, ni même devant l'Assemblée nationale. Rien n'interdit à quiconque de parler l'anglais devant...

M. Doyle: Mais la Charte l'interdit certainement entre eux dans les commissions scolaires, et certainement entre eux dans les municipalités.

Ils n'auront pas le droit d'utiliser leur langue dans l'affichage.

M. Morin (Sauvé): L'affichage, c'est autre chose. Nous pensons aux documents publics, là, les procès-verbaux des commissions scolaires, des municipalités, etc. Mais croyez-vous que cela aille jusqu'à forcer les gens à parler français lorsqu'ils ne savent pas s'exprimer en français dans les commissions scolaires?

M. Doyle: C'est exactement ce qui va arriver selon les articles 21 et 23 tels que rédigés.

M. Morin (Sauvé): Ah! Vous inférez.

M. Doyle: Non, ce n'est pas une interprétation, c'est le texte littéral de la loi. Vous, monsieur, comme avocat, devez savoir cela.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! J'aimerais bien que les murmures qui m'entourent cessent et que nous continuions nos travaux conformément à l'ordre.

M. Lalonde: II est novice un peu...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: ... je voudrais l'aider.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Je vous en prie! Le président, jusqu'à présent, n'a jamais interrompu les membres de la commission, sauf s'ils avaient dépassé leur temps, et encore! J'aimerais bien que les députés laissent la parole à celui qui l'a.

M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Morin (Sauvé): Etant donné que le temps passe, je voudrais, encore une fois, remercier ce groupe intéressant, issu du 15 novembre, des propos qu'il est venu tenir devant nous. Je crois qu'il y a certains aspects de ce mémoire qui sont fort encourageants, d'autres le sont moins, mais nous ne sommes pas obligés de nous rendre à tous les arguments. Il y en a, cependant, que je retiens parce qu'ils sont fort intéressants. Je me réjouis surtout de voir qu'il y a de jeunes anglophones qui songent à prendre la place qui leur revient comme citoyens à part entière dans le Québec de demain. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le ministre. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je désire remercier et féliciter les représentants du groupe Participation Québec pour le mémoire extrêmement fouillé et complet qu'il a présenté à la commission parlementaire. Je réalise qu'il n'est pas facile, pour les groupes minoritaires, de venir devant cette commission. A certains moments, le côté ministériel les soupçonne allègrement de venir défendre des privilèges, à d'autres moments, on leur reproche de ne pas avoir évolué.

C'est ainsi, par exemple, qu'on a constamment tenté de minimiser la valeur des classes d'immersion dans le secteur d'enseignement anglophone comme étant un phénomène marginal et n'étant d'aucune façon une évidence que quand même il y a des efforts pour essayer de vivre en français au Québec et de pouvoir communiquer avec les autres concitoyens en français.

Je pense que vous avez dû être rassurés depuis que le député de Châteauguay vous a assurés que le gouvernement, dans la loi 1, n'entend pas empêcher les citoyens, dans leurs échanges privés, de fonctionner entre eux. C'est une très grosse réassurance et je suis fort aise de l'entendre surtout après la démonstration qu'on a eue, jeudi après-midi dernier, alors que l'esprit démocratique de ce gouvernement s'est manifesté d'une façon sans équivoque.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Je regrette. Jeudi après-midi, quand nous nous sommes réunis, on a fait allusion au même fait. Vous savez que je suis lié à la présidence, j'ai invoqué souvent l'article 140, je voudrais qu'on s'en tienne au débat.

M. Lalonde: M. le Président, une question de règlement...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Naturellement, loin de moi l'intention de contester l'impartialité dont vous avez fait preuve depuis le début des délibérations à cette commission. Maintenant j'aimerais quand même que vous nous indiquiez, dans quelle mesure votre interprétation du règlement et l'application du règlement à nos délibérations vont empêcher un député de faire référence quand même à des événements qui se sont passés ici à l'Assemblée nationale. Il n'y a rien d'illégal à cela. Je craindrais qu'une trop grande restriction de votre part amène non pas les députés à être plus dociles, mais au contraire, à montrer plus de préoccupation à l'égard de leurs droits et de l'exercice de leurs droits.

Alors, je ne vois en rien de quelle façon le député de L'Acadie était non conforme au règlement lorsqu'elle a fait référence à l'esprit non démocratique du gouvernement. On va le répéter à toutes les minutes s'il le faut, si c'est de cette façon que nous voulons démontrer notre point de vue ici, à cette réunion de la commission parlementaire. Alors j'aimerais que ces propos que je veux très positifs soient bien reçus, de façon que nos délibérations se poursuivent, mais en toute liberté pour le député de s'exprimer.

Les ministériels peuvent faire des références à la Suède et à tout ce qui se passe ailleurs et quant à nous, quand nous parlons de ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale, il y a quelques jours, on nous rappelle à l'ordre.

Alors, je m'élève contre cette façon d'appliquer le règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je ne regrette, dans votre exposé que la dernière phrase, à savoir que vous vous élevez contre cette façon d'appliquer le règlement, ce qui est viser pas mal assez directement la présidence. Cependant...

M. Lalonde: II faut que je le dise, je ne suis pas d'accord.

M. Charbonneau: Vous n'étiez pas d'accord et on a vu ce que cela a donné.

Le Président (M. Cardinal): ... A l'ordre, s'il vous plaît! Justement, je l'ai mentionné à plusieurs reprises. En tant que parti politique, il y en a normalement cinq à cette table, je fais des commentaires peut-être de trop à ce sujet, quant à ceux qui ne nous accompagnent pas toujours. Il faut cependant désirer que le travail de cette commission parlementaire se tienne à un niveau tel, que malgré les attaques politiques que je reconnais normales, entre partis, on s'en tienne strictement — et je répète strictement — au projet de loi 1.

Ce que je viens de faire n'est pas du tout dans le but de brimer les députés, mais justement d'éviter ce qui se produit parfois à l'Assemblée nationale— ici, je suis très mal placé pour en parler — parce que vous vous rendez compte, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, que j'ai mentionné à plusieurs reprises que, même si les présidents, les vice-présidents ou les présidents de commission se remplacent à cette table ou dans l'autre salle, au salon vert, il y a quand même, quant à moi, un minimum de décence pour éviter. qu'on ne reprenne des débats et que l'on ne reprenne aussi, par le biais, ce qui n'était certainement pas l'intention de Mme le député de L'Acadie, des décisions déjà rendues à cette assemblée ou a cette salle de commission.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys, j'admettrai que vous avez raison sur le fond, je ne voudrais pas montrer trop de sévérité et je n'ai pas à juger la façon dont j'ai montré ou non de la sévérité. Vous annoncez vous-même que vous avez l'intention, si j'exerce trop sévèrement le rôle qui m'est attribué, de rappeler à chaque instant que vous désirerez le faire certains faits qui se sont produits en dehors de cette commission ou à cette commission et vous parlez de docilité. Je vous rappellerai que je ne suis pas le patron de cette commission, que, dès le 7 juin, si je ne me trompe,

j'ai indiqué que j'en étais le serviteur et que, par conséquent, je ne veux exercer aucun paternalisme; mon seul désir est que, devant le nombre de mémoires qui doivent être présentés devant cette commission, devant le nombre de membres de cette commission, porté à vingt, ce qui donne un quorum de onze, je dois quand même tenter de réaliser le mandat de cette commission. Je n'ai en rien attaqué Mme le député de L'Acadie, je l'ai simplement retenue au moment où je craignais qu'elle ne déborde le débat. Je lui donne quand même la parole et j'espère que, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous accepterez, sinon le bien-fondé, du moins l'expression de cette façon de procéder.

Mme La voie-Roux: Merci, M...

M. Saint-Germain: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: ...j'aimerais avoir une directive. De quel droit et qu'est-ce qu'il y a dans nos règlements qui peut me défendre ou défendre à un député de l'Opposition de dire qu'on a un gouvernement antidémocratique?

Le Président (M. Cardinal): Rien, monsieur.

M. Saint-Germain: Pour le prouver, qu'est-ce qui nous défend de faire référence à certains débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Cardinal): C'est justement la marge que l'on peut ou non franchir. C'est la dernière phrase du premier alinéa de l'article 140. Nous ne sommes pas à l'Assemblée nationale ici.

M. Saint-Germain: Non.

Le Président (M. Cardinal): Nous sommes en commission parlementaire et même si l'article 163 dit que les mêmes règles s'appliquent, elles s'appliquent, pourvu qu'il n'y ait pas des règles distinctes et différentes...

Mme Lavoie-Roux: ...

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que je peux terminer ma réponse à M. le député de Jacques-Cartier?

Mme Lavoie-Roux: ...

Le Président (M. Cardinal): A ce moment-là, j'ai cité souvent ce bout de phrase, j'ai indiqué que nous avions un mandat très précis. Je reconnais parfaitement le droit à tous les membres de chacun des partis de l'Opposition d'attaquer l'équipe ministérielle. C'est non seulement un droit, c'est même, dans certaines limites, prévu par l'article 99, en particulier...

M. Saint-Germain: On est ici pour cela...

Le Président (M. Cardinal): ...un pouvoir, justement.

M. Saint-Germain: ...que voulez-vous...

Le Président (M. Cardinal): Je vous le dis. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, une directive, s'il vous plaît.

Le Président (M. Cardinal): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Dans quelle mesure peut-on faire une analogie ou une comparaison sans que ceci ne déroge au règlement prévu par l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Cardinal): Ceci, Mme le député, étant non pas à la discrétion, le mot serait beaucoup trop fort et ne serait pas juste, mais au jugement de celui qui, au moment où cette analogie est faite, préside cette commission. Ainsi, par exemple, si l'on fait l'analogie avec la Charte des droits de l'homme, c'est sûr que je l'admets et que je l'ai toujours admis, si on fait l'analogie avec la loi 22, ou la loi 63 ou la loi 85, c'est sûr que je l'ai toujours permis, mais si l'on entre dans un débat — on a essayé de le faire ce matin — où les questions, selon les termes qu'emploie l'Opposition, de séparation ou sur les termes qu'emploie le parti ministériel de référendum ou si on réfère à la loi 31 ou à la loi 7 ou à la loi 19, je laisserai porter quelque temps, mais, très bientôt, je rappellerai à l'ordre celle — je le dis par politesse, non pas parce que vous le faites fréquemment —

Mme Lavoie-Roux: ...

Le Président (M. Cardinal): ...et celui ou ceux qui le feraient.

Par conséquent, c'est purement une question de jugement porté sur non pas l'impulsion du moment, mais sur la situation présente à chacune des secondes et à chacune des minutes des auditions de cette commission parlementaire.

Je sais que cette directive est peut-être un jugement de Salomon; je ne peux pas en dire plus, ce ne sont pas des choses qui se tranchent au couteau.

Cela étant dit, je pense que je puis vous redonner la parole et tout ce qui a été dit depuis que je vous ai interrompue ne comptera pas dans votre temps.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Vous conviendrez quand même que le rôle de l'Opposition officielle et de l'Opposition en général, dans une commission parlementaire, est de faire valoir, dans un projet de loi, ce qui pourrait aller à l'encontre du bien général d'une société que l'on veut démocratique. Je pense que le groupe qui est devant nous a fait amplement démonstration qu'à l'intérieur du projet de loi no 1, il y a plusieurs éléments qui, justement, remettent en question son fondement démocratique et je réalise

fort bien que le gouvernement a commencé à reculer. Il a commencé à reculer sur la définition du terme Québécois, sur l'article 172. Mais, quand on examine ces deux articles en relation avec l'article 23, l'article 75, l'article 112, l'article 11, l'article 13, pour n'en mentionner que quelques-uns, on a vraiment une perception nette de l'esprit peu démocratique qui anime tant le livre blanc que le projet de loi no 1.

Je pense que le rôle de l'Opposition officielle est justement d'éveiller la population à ces dimensions et je continuerai de le faire parce que, sans ça, on serait aussi bien de s'en retourner chez nous.

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, Mme le député de L'Acadie? Par votre intelligente façon de procéder, vous montrez que vous avez complètement compris ma directive.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si c'est un compliment, mais, en tout cas...

Des Voix: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Allons donc!

Le Président (M. Cardinal): N'en doutez point, madame.

M. Lalonde: Si c'est un compliment, méfiez-vous!

Une Voix: ... sortir encore.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

Mme Lavoie-Roux: Pour donner une autre indication de ce que je pense, quant au processus démocratique, et quant à la non-discrimination, le ministre de l'Education vient justement de nous dire avec une grande naïveté et, je suis sûre, avec beaucoup de sincérité, que, "quant à la langue d'enseignement, il ne faut pas laisser la porte ouverte à la moindre discrimination". Je pense que je le cite au texte. S'il regarde la loi telle qu'elle est, si vous regardez la communauté anglophone qui vit présentement au Québec, il y aura déjà trois types de citoyens qui seront traités différemment par le projet de loi, l'article 51 et ceux qui le suivent, quant à langue d'enseignement.

Je pense que le ministre de l'Education a assez d'expérience pour savoir que, lorsqu'on légifère sur la langue d'enseignement, tout ce qu'on peut souhaiter, c'est d'être le moins discriminatoire possible. Penser qu'une loi pourra, dans ce domaine, éviter toute forme de discrimination, je pense que c'est avoir beaucoup d'illusions et je suis sûre que le ministre de l'Education n'en a pas là-dessus, mais il a évidemment le rôle de défendre ce projet de loi en ce qui touche la langue d'enseignement.

J'ai une seule question à vous poser qui ne touchera pas aux articles que vous avez soulevés. Je pense qu'ils sont très clairs. J'aimerais vous demander, compte tenu de l'esprit de votre groupe, des objectifs que vous poursuivez, quelle est votre perception des obstacles qui empêchent présentement une meilleure participation des minorités à la vie du Québec.

M. Prupas: On pourrait citer une longue liste des obstacles qui existent présentement. Je crois qu'on peut les trouver des deux côtés. Du côté anglophone, des gens qui, jusqu'ici, reconnaissent qu'ils vivent dans une société fortement francophone et qui n'essaient pas, dans leur vie personnelle, de participer à cette vie. Je dois souligner que je crois que la communauté anglophone du Québec a beaucoup changé durant les dix dernières années et nous devrons les pousser à changer un peu plus.

Mais nous croyons que dans beaucoup d'aspects du projet de loi no 1 il y aura aussi une meilleure participation, dans la vie québécoise, des anglophones. Je cite les exemples que mon ami, M. Doyle, avait cités tantôt, les articles 21 et 23; je cite aussi et je crois que c'est peut-être l'article le plus important qui ira à la participation des anglophones au Québec, l'article 112-B qui forcera les anglophones à quitter la province si les politiques d'embauche déjà mises en vigueur par des compagnies privées continuent.

M. Weeks: Si je peux ajouter un exemple concret, lorsqu'on regarde la section "carrières et professions" de la Presse et du Montreal Star de samedi dernier, et cela se répète tous les samedis, d'après ce que j'ai vu depuis quelques mois, il y avait, dans la Presse de samedi dernier, presque la moitié d'une page d'annonces pour la fonction publique québécoise et rien dans le Montreal Star, en français, en anglais ou en n'importe quelle langue. Je me demande comment on peut réaliser les propos qu'a faits maintes fois le Dr Laurin d'attirer davantage d'anglophones à la fonction publique québécoise sans mettre les mêmes annonces dans les journaux anglais que dans les journaux français. On pourrait très bien dire qu'ils devraient lire les journaux français comme je le fais moi-même, mais je crois que si on veut les attirer, il faut passer aussi par leurs propres media d'information.

M. Prupas: Au sujet de la fonction publique, si on prend un anglophone qui a peut-être une connaissance du français qu'il a eue à l'école secondaire, qui essaie de trouver un emploi dans la fonction publique québécoise, l'article 35 de la Loi de la fonction publique lui niera le droit d'apprendre le français au travail, ce qui est exigé par plusieurs compagnies.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que vous avez raison de vous inquiéter sur ce point et on a eu une démonstration à l'Assemblée nationale d'un ministre qui n'a jamais retiré les directives qu'il avait données et, au contraire, a essayé de les justifier et je pense que cela a été signalé par la FTQ, a été signalé par un groupe anglophone pour l'unité du Québec — j'oublie le titre exact — et vous le signalez exactement, les journalistes l'ont fait. Je pense qu'il faut revenir à la charge là-

dessus et je souhaite que d'autres groupes minoritaires, même si le député de Taschereau est suffisamment informé, reviennent et le redisent. Peut-être qu'à force de l'entendre, ils finiront par comprendre. Je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Si votre groupe est issu du 15 novembre, c'est peut-être là l'affirmation d'un geste positif. Je regrette beaucoup de ne pas avoir assisté, ce matin, quand vous avez résumé un peu votre mémoire; comme je viens d'entrer à Québec, j'ai essayé de le regarder un petit peu en vitesse et il y a certainement quelques aspects qui me frappent de façon particulière. Je ne sais pas si c'est parce que nous avons changé de ministre aujourd'hui, quoique que je n'aie absolument rien à dire contre M. Lau-rin, le ministre de l'Education semble vous raffermir davantage quand il ne veut pas ouvrir les portes à la discrimination. Evidemment, en feuilletant votre mémoire, vous êtes inquiets un peu, vous êtes peut-être nerveux face à l'avenir, et je crois qu'ici on est en droit de comprendre vos revendications, mais quand on regarde le projet de loi no 1, Charte de la langue française au Québec, j'inscris sur le mien "Charte linguistique du Québec", et je crois que c'est dans ce sens que vous marchez.

Il ne faut pas oublier une chose, je pense, quand on regarde le projet de loi no 1, c'est la Charte de la langue française et non pas la Charte des droits linguistiques, et je crois que c'est là où des groupes comme le vôtre accrochent. C'est un projet de société en somme qu'on retrouve là-dedans, et peut-être que comme vous, nous aurions aimé que ce projet de loi s'étende en même temps, soit un peu plus développé, un peu plus rassurant, donne plus de détails, que ce soit la minorité anglophone ou encore aux autres groupes qui déjà, depuis des années, que ce soient les Italiens, les Juifs, les Grecs, se sont intégrés un peu au groupe anglophone.

Il y a tout un projet de société québécoise. Evidemment, tout le monde y souscrit et même votre groupe, il n'y a pas de doute, que la langue du Québec soit bien la langue française. Mais il y a un point fondamental ici, dans votre mémoire, que vous exposez, au tout début. Quand vous parlez de langue officielle, j'aimerais connaître votre opinion. Vous ne semblez pas faire la distinction, parce qu'on parle beaucoup du statut juridique de la langue française. Comment voyez-vous un statut juridique pour la langue anglaise, par exemple? Quelle différence voyez-vous entre les deux quand on parle de statut?

M. Doyle: J'ai essayé de répondre à cette question, tout à l'heure, monsieur. C'est une question assez difficile pour nous, parce qu'on reconnaît que la langue du Québec, la langue courante est bien la langue officielle du Québec, elle doit donc être le français. On accepte que ce soit la première langue du Québec. On ne peut pas ac- cepter que ce soit la seule langue du Québec. Comme cela, je pense bien qu'on devrait avoir les mêmes droits ou la même reconnaissance de la langue anglaise ici qu'on a pour la langue suédoise en Finlande, avec une minorité de 5%. Je pense bien que même si ce n'est pas utilisé partout dans la fonction publique, même si toute la société fonctionne en français, il doit y avoir une reconnaissance de la langue anglaise comme langue officielle du Québec.

M. Le Moignan: Tout de même, ce point qui est bien indiqué, la Charte de la langue française, cela vous surprend, cela vous étonne, je comprends un peu votre point de vue, que l'on ne légifère pas plus sur les autres langues. Vous avez mentionné tout à l'heure, quand M. le ministre vous a posé une question, que ce que vous vouliez, c'était un bilinguisme institutionnel. Autrement dit, une reconnaissance officielle des deux langues.

M. Prupas: Au fond, une reconnaissance officielle des droits qu'un individu anglophone pourrait avoir dans les communications qu'il pourrait avoir avec son gouvernement. Nous exigeons dans ce sens qu'il y ait des droits linguistiques pour les anglophones non seulement envers le gouvernement tel quel, mais aussi avec les conseils municipaux et les conseils scolaires. Si je peux reprendre une autre de vos idées, nous croyons que cette loi arrête tous les aspects linguistiques de la vie québécoise. Ce n'est pas seulement une Charte de la langue française. Comme cela, nous croyons qu'il faut donner quelques droits, pas les droits d'une majorité, mais les droits d'une minorité à la minorité anglophone du Québec.

M. Le Moignan: Sur un autre détail, peut-être, un peu plus loin. Au sujet de l'impact économique face à ce projet de loi no 1, quels sont les inconvénients vis-à-vis de la langue du travail et la langue de l'enseignement qui sont de nature, peut-être, à attirer davantage votre attention?

M. Prupas: Comme j'ai mentionné dans mon discours ce matin, vous n'étiez pas ici, alors je pourrais le répéter. Nous avons des chiffres qui montrent qu'une grande proportion des anglophones de Montréal ont des moyens très faibles. 85% des anglophones de Montréal ont un revenu de moins de $10 000 par année. Ce sont des gens âgés, il y a plus de 15 ans, ils ont eu un revenu de moins de $10 000 en 1971. Dans la même année, les francophones de Montréal étaient à peu près dans la même catégorie économique à Montréal. C'est vrai que dans l'autre direction, dans les plus hautes catégories salariales, on trouve plus d'anglophones que de francophones. Nous croyons qu'il faut avoir des changements dans cet aspect.

Mais nous croyons aussi que si l'article 112b tel que rédigé et les autres aspects de cette loi qui ne donneraient pas des moyens aux anglophones peu instruits, aux immigrants, aux gens qui n'ont pas une connaissance suffisante de la langue

française de l'obtenir, nous croyons qu'ils ne trouveront pas d'emploi au Québec et ce sera à cause de la loi elle-même.

M. Le Moignan: Croyez-vous que... Oui?

M. Prupas: Nous comprenons bien que la majorité québécoise a peur que si on laisse continuer le bilinguisme officiel, les Anglais du Québec, les non francophones du Québec ne vont pas apprendre le français suffisamment bien pour communiquer avec l'Etat en français. Moi, je n'ai pas de gêne à communiquer avec le gouvernement québécois en français, même pour mes impôts, et c'est difficile même dans la langue anglaise, pour moi, d'accord? Mais il y a beaucoup de Québécois non francophones qui ont de la difficulté à s'exprimer et à comprendre le français et on veut, dans la période de transition surtout, dans cette société entièrement française à laquelle on a fait référence ce matin, assurer à ces gens le pouvoir de communiquer et de recevoir des communications dans la langue qui leur convient le mieux. C'est cela le problème, un équilibre entre le fait qu'on veut franciser le Québec davantage et le fait qu'il y a beaucoup de gens qui s'expriment mieux dans une langue autre que le français.

M. Le Moignan: Si je comprends bien, et c'est ma dernière question, quand vous dites: Les immigrants, ce sont des gens qui sont déjà intégrés au Québec depuis quelques années, des nouveaux citoyens québécois qui vont souffrir le plus parce qu'ils n'ont pas les aptitudes, les facilités, question de l'âge, peut-être question d'emploi manuel, je ne sais trop, ce sont eux qui seront les plus désavantagés à l'avenir, parce qu'ils n'auront peut-être pas cette facilité des cadres supérieurs d'apprendre de façon assez rapide la langue française.

M. Prupas: C'est cela.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Gaspé.

Je donne la parole au député de Marguerite-Bourgeoys en rappelant au parti de l'Opposition officielle qu'il lui reste huit minutes. J'ai relevé très précisément le temps du mini-débat et accordé au député de L'Acadie le droit, comme le voudrait le député de Marguerite-Bourgeoys, de s'en prendre au parti ministériel.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je vous remercie beaucoup. Je voudrais simplement faire quelques remarques à propos du chapitre que vous consacrez à la Charte des droits et libertés de la personne. Je tiens à le faire parce que, même si pour quelques membres de cette commission, il ne s'agit que des redites et des répétitions, je pense qu'on doit reconnaître qu'après plus d'une quarantaine peut-être de mémoires qui ont été présentés et souvent par des organismes beaucoup plus "importants" au niveau des ressources financières, par exemple, au niveau du nombre de membres que le vôtre, c'est la première fois, et je peux vous en rendre hommage, qu'on nous présente des questions fort précises sur les conséquences du geste, du piétinement que le gouvernement a fait de la Charte des droits et libertés de la personne, de l'amputation à froid qu'il a faite par l'article 172. Vous posez des questions tout à fait précises à savoir qu'est-ce qui arrive de tel article si la Charte des droits et libertés de la personne... si on continue à la mettre de côté et à donner préséance au projet de loi no 1 ?

Je crois que ces questions sont extrêmement pertinentes. Je veux vous remercier de nous les avoir apportées. Il n'est pas sûr que les réponses qu'on apporterait à ces questions soient exactement les mêmes que vous, il y a aussi une question d'appréciation et d'opinion. Je pense que ce que vous avez fait, c'est le gouvernement qui aurait dû le faire, au lieu de simplement rejeter du revers de la main, par son article 72, l'explication du ministre là-dessus est inénarrable, c'était simplement pour voir ce qui arriverait. Imaginez-vous que le Conseil des ministres s'est prononcé sur le principe de l'amputation de la charte, mais simplement pour voir ce qui va arriver. Je pense que c'est le gouvernement qui aurait dû s'imposer cet exercice de voir exactement quels sont les effets de la Charte des droits et libertés de la personne sur la question linguistique.

Même si le député de Taschereau n'entend ici que des répétitions et même si le député de Châteauguay vous a dit que c'étaient des redites, je pense qu'on a besoin que de nombreux autres organismes et de nombreux autres citoyens québécois viennent nous le dire ici afin qu'ils voient la lumière. C'est tout ce que je voulais vous dire et je voulais vous remercier.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. le député de Mont-Royal, vous avez cinq minutes. Si M. le député de Jacques-Cartier veut parler ensuite, il lui restera la différence.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci beaucoup, M. le Président. Premièrement, je veux remercier nos invités parce qu'ils nous ont apporté une nouvelle approche. Malgré les paroles du député de Taschereau, à savoir qu'il avait été suffisamment informé, je crois que s'il était resté ici pour écouter les explications de M. Prupas sur l'article 112, il aurait bien vu que c'est la première fois qu'on nous apporte ces nouvelles interprétations, ces nouvelles discriminations possibles dans le projet de loi. Je crois que ce n'est pas le temps de dire que nous sommes suffisamment informés, à moins que vous continuiez votre rôle, celui que vous avez eu au début, qui était de commencer à donner l'impression de vouloir nous bâillonner, de limiter le temps de l'Opposition, à moins que ce soit un préavis que vous allez clôturer cette commission parlementaire. Ce serait très malheureux, parce qu'on commence maintenant...

M. Guay: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Taschereau sur une question...

M. Ciaccia: Vous enlèverez cela de mon temps!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Guay: J'invoque à la fois les articles 96 et 99. D'abord, quant à ce que j'ai dit ce matin, c'était pour ceux qui étaient venus jusqu'à maintenant. J'ai bien précisé que si des organismes apportaient quelque chose de particulièrement nouveau, ce serait sans doute extrêmement intéressant, mais que, sinon, cela commençait à être répétitif et je le maintiens.

Deuxièmement, j'invoque l'article 99. Le député de Mont-Royal...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Quant à l'article 96, vous avez parfaitement raison. Pour ce qui est de l'article 99, j'ai hâte que vous fassiez la preuve que vous avez raison.

M. Guay: Au sujet de l'article 99, le député de Mont-Royal vient de dire que je jouais un rôle qui avait pour but de baîllonner le parti de l'Opposition officielle. Je ferais d'abord remarquer qu'on m'impute des motifs et que, d'autre part, le député de Marguerite-Bourgeoys a voté en faveur de la motion qui avait pour but...

M. Lalonde: Pas la vôtre. Des Voix: Pas la vôtre.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Guay: ... de bâillonner son collègue. Une motion modifiée, mais néanmoins.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Guay: J'aimerais bien, M. le Président, que vous rappeliez le député de Mont-Royal à l'ordre et qu'il s'en tienne au but de la commission plutôt que de lancer un débat avec moi ou avec qui que ce soit d'autre de ce côté-ci.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais bien vous faire plaisir, M. le député de Taschereau, mais il ne suffit pas d'imputer des motifs à un député, il faut lui imputer des motifs indignes. Comme je ne crois pas qu'il oserait imputer des motifs indignes, je remets la parole au...

M. Lalonde: Ce n'était pas loin, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Si c'était cela, je vais être obligé de rappeler le député de Mont-Royal à l'ordre.

M. Lalonde: Ce n'était pas loin.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci beaucoup, M. le Président. J'aurais pensé qu'avec la nouvelle approche que nos témoins nous ont apportée, le gouvernement aurait, plutôt que d'essayer de renverser les opinants, essayé de les encourager et de reconnaître cette nouvelle approche qui est présentée ici par un jeune groupe de francophones; ce semble être une nouvelle voie, qui semble vouloir faire le lien entre tous les groupes de notre société et qui apporte, tout en acceptant l'objectif du projet de loi, des suggestions très valables afin d'améliorer la situation et de créer une harmonie entre les différents groupes plutôt que d'exacerber leurs relations comme le projet de loi semble le faire.

Puisqu'on n'a pas trop de temps — j'aurais voulu faire d'autres remarques quant à l'approche de ce groupe — je voudrais demander à M. Prupas quelque chose quant à l'article 112. Il y a plusieurs étudiants qui viennent me voir, qui me parlent et qui ont les mêmes préoccupations que vous. Jusqu'à présent, j'ai essayé de les rassurer, je leur ai dit: Vous ne devez pas quitter le Québec, vous devez rester ici, vous êtes Québécois. Quelle approche suggérez-vous, que recommanderiez-vous que je leur dise suite à vos remarques sur l'article 112? Ils interprètent la situation présente de la même façon que vous vous la représentez. Ils disent que ce n'est pas assez de pouvoir parler le français, il faut avoir un nom français pour obtenir un emploi au Québec.

M. Prupas: Je dois franchement avouer qu'avec l'article 112 tel que rédigé, c'est très difficile de dire à un jeune anglophone, qui essaye de trouver un emploi dans ces temps difficiles, qu'il a le droit de demander à son futur employeur de ne pas faire de discrimination contre lui à cause du fait qu'il n'a pas un nom du Bas-Saint-Laurent. J'aurais préféré répondre de la façon suivante. Tout employeur doit savoir que le gouvernement a dit plusieurs fois qu'on ne veut pas faire de discrimination contre les anglophones qui sont bilingues, mais, pour moi, c'est très difficile d'être clair et de donner une réponse comme cela. J'aimerais aussi passer la parole à Mlle Warner qui pourrait peut-être apporter quelques précisions sur ce que je viens de dire.

Mme Warner: Cela précise qu'il faut augmenter le nombre de Québécois dans les entreprises pour qu'elles détiennent leur certificat de francisation. On sait que cela est peu pour le gouvernement que de nous assurer verbalement qu'un Québécois, c'est tous ceux qui résident au Québec, quand, dans le langage populaire, un Québécois, c'est un Canadien français. D'après mon expérience personnelle, il y a des compagnies qui m'ont dit personnellement que, si je veux travailler, il faut aller ailleurs, que, pour travailler au Québec, il faut être Canadien français.

Cela ne veut rien dire si vous parlez français, si vous êtes bilingue; il faut être Canadien fran-

çais, c'est ce que ces gens disent. Cela arrive avec beaucoup de gens. Je connais des amis qui sont diplômés d'universités anglophones. Il y a deux bureaux séparés pour les entrevues, un pour les Canadiens français et un autre pour les Québécois d'autres origines. Le bureau pour les Québécois d'autres origines est pour les emplois en dehors du Québec. Pour les emplois ici au Québec, il faut des Canadiens français.

Ceci est déjà mon expérience et l'expérience de mes amis, etc. Avec l'article 112b, je ne peux pas imaginer comment cela peut devenir pire dans la question de la discrimination. Quand on discute avec les gens, quand on entre dans un débat avec ces gens, ils me disent que c'est injuste, cette discrimination. On me dit: II y a quinze ans, on faisait de la discrimination contre les Canadiens français. C'est vrai, on a fait de la discrimination contre les Canadiens français dans le passé, contre tous ceux au Québec qui ne faisaient pas partie des Anglo-Saxons privilégiés, pas seulement les Canadiens français, mais tout le monde. Avec la loi 1, pour moi, cela signifie, cela implique que c'est le commencement de quelque chose de nouveau. Si on bâtit une nouvelle société, une société avec plus de justice, il ne faut pas commencer avec les mêmes injustices et inégalités que celles qu'on avait avant.

Quelle sorte de société va-t-on bâtir si on met dans une loi, une loi qui vient du gouvernement, qu'il faut user de discrimination contre les Québécois de différentes origines?

M. Ciaccia: Vous avez parfaitement raison, c'est un exemple flagrant de discrimination. M. le Président, puisqu'il me reste seulement une minute, je veux donner l'occasion à mon collègue... J'aurais aimé poser plus de questions, mais, malheureusement, je n'ai plus le temps. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît. Pour les fins de l'audition, nous avons déjà dépassé le temps alloué. Il reste encore, malgré le temps passé, une minute au parti ministériel et une minute au parti de l'Opposition officielle.

Je vais accorder la parole à M. le député de Jacques-Cartier, en lui rappelant qu'il faudrait qu'il tente de se contenir dans cette minute. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Merci, M. le Président. Il y a un défi de lancé, alors, j'accepte...

Le Président (M. Cardinal): Est-ce à la présidence ou au député de Jacques-Cartier?

M. Saint-Germain: Les règlements, par les règlements, M. le Président.

Vous avez tantôt, avant l'heure du lunch, fait une relation entre l'article 21 et l'article 23 qui s'appliquent aux commissions scolaires. Je comprends très bien que, de la façon que c'est rédigé, cela peut créer, à mon avis, des injustices bien spécifiques, bien écrites dans ces articles. J'aimerais vous demander d'expliciter votre pen- sée là-dessus. Vous m'avez semblé mettre une fin assez abrupte à votre réponse, pour une raison ou pour une autre. Pouvez-vous vous permettre de parler un peu plus de la teneur de ces deux articles?

Le Président (M. Cardinal): Merci, mesdames, messieurs.

M. Weeks: J'ai le texte anglais devant moi, mais cela dit qu'on peut utiliser les deux langues, l'anglais et le français, dans les communications internes, pour les services d'organisation et d'instruction en anglais, mais supposons, par exemple, qu'à l'intérieur d'une commission scolaire foncièrement anglophone, quelqu'un veut commander quelque chose à une autre partie par un système de clignotisation; tout cela étant anglophone, on en arriverait à une situation ridicule où il y a deux anglophones se parlant français entre eux, c'est-à-dire qu'en spécifiant qu'il s'agirait seulement de la fonction pédagogique de la commission scolaire, cela pourrait entraîner d'autres situations ridicules dans d'autres domaines de fonctionnement de la commission scolaire.

Le Président (M. Cardinal): Merci. M. le député de Châteauguay, en vous demandant la même collaboration que m'a accordée le député de Jacques-Cartier.

M. Dussault: Merci, M. le Président, je vais essayer.

Avant de vous remercier, j'aurais une petite remarque à faire, à laquelle le député de L'Acadie m'a fait penser, en fait, tout à l'heure. Vous savez qu'au Parti québécois, du côté ministériel, nous avons une position linguistique très claire, et cela nous permet de ne pas devoir nous cacher derrière quelque image que ce soit, mais d'être critiques devant les mémoires qui nous sont présentés.

Entre autres, sur la question des classes d'immersion, tous ceux qui nous en ont parlé ici nous ont permis, nous ont donné l'occasion de nous montrer inquiets devant ce qui se faisait. Je vais vous donner un petit exemple de ce qui peut faire qu'on doit s'inquiéter. A une élève qui était en classe d'immersion depuis six ans, en fait, qui était en sixième année de classe d'immersion, c'est-à-dire 6000 heures de français, à une question qu'on lui posait à savoir: Qui a décidé que tu allais en immersion? Elle répond: "C'est mes parents qui ont décidé va aller; mais premièrement, j'étais dans anglais, 1ère année, mais ma mère n'aimait pas ça, parce que elle pensait quand je ne parlais plus français dans tous mes amis plus tard. C'est pourquoi décidé à changer les classes."

A une autre question, elle répondait: "Je n'sais pas, j'étais dans 1ère année. Je sais pas si je vais choisir toutes les autres classes et c'est tout, c'est mes parents; maintenant, je pense que c'est les français que je le veux."

A une autre question, elle disait: "Je veux parler français parce que tout le Québec c'est français presque et aussi, si tu vas en France, tu

veux parler à tous les personnes et si vous étais Anglais, vous savez pas."

A une autre question, elle disait—c'est la dernière —

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît, oui.

M. Dussault: "... y a des mots on sait pas et on veut parler anglais, parce qu'on veut jouer des jeux et on sait pas des mots en français comment s'appelle et on parle en anglais."

Devant cela, ce que je tiens à vous dire, c'est que nous voulons être extrêmement prudents devant tout ce qui va se faire pour intégrer les personnes et tout ce qui va se faire pour rendre les choses faciles aux personnes, mais, quand même, sans prendre de risque sur l'esprit même des enfants qui nous concernent.

Or, ceci étant dit, je tiens à vous remercier beaucoup de votre présence ici. Nous avons apprécié, quoique certaines personnes pourraient, malignement, dire le contraire, votre présence, et tous ceux qui viendront, nous les écouterons avec la même attention. Merci encore.

M. Weeks: M. le Président, en tant que professeur d'immersion française dans une école anglaise, je me demande si je pourrais répondre, dans un temps très court, à...

Le Président (M. Cardinal): Oui, très... Je m'excuse, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Je m'excuse, la question est...

M. Lalonde: ...au cas.

Le Président (M. Cardinal): Ah bon! d'accord. Je vais présumer le consentement de la commission pour qu'on poursuive pendant plus...

M. Saint-Germain: On ne fait pas passer un examen de français dans une école française?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Je ne voudrais pas enlever la parole à quelqu'un qui veut terminer cette audition. Je vous prierais...

M. Dussault: M. le Président, si vous me permettez, quelques secondes. Je vais vous expliquer que cela a été tiré d'une émission de télévision à Radio-Canada. On a seulement retranscrit les paroles de quelques élèves qu'on avait fait paraître devant la télévision, à qui on avait posé des questions en français. Je suppose même que les élèves qui ont paru à la télévision ont été choisis par le SBGM et j'en conclus que c'étaient les meilleurs éléments, c'est-à-dire ceux qui avaient vraiment réussi.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Châteauguay, je vous invite justement à terminer cette audition.

M. Weeks: J'ai enseigné dans des classes françaises d'immersion depuis deux ans, à Bea- consfield, dans l'ouest de l'île de Montréal, et je constate qu'il y a des problèmes. D'après mon expérience personnelle, j'enseigne en 2e année et en 8e année. Ils comprennent très bien, mais ils s'expriment assez mal. C'est au moins un début, c'est un indice d'un très fort changement d'attitude, et j'admets aussi que, dans beaucoup de cas, c'est plutôt la décision des parents que la décision des jeunes, mais, pour la plupart des décisions, dans le domaine scolaire, ce sont les parents qui prennent les décisions et non pas les enfants. Peut-être que c'est malheureux, mais c'est un fait.

M. Dussault: J'avais remarqué moi-même d'ailleurs le changement d'attitude des parents.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! Non, merci, c'est terminé. D'une façon...

M. Prupas: Je...

Le Président (M. Cardinal): Non, je m'excuse, j'ai répété vingt fois que ce n'est pas un débat. J'ai laissé beaucoup de temps, tant aux membres de Participation Québec qu'aux députés. Je veux donc, d'une façon non impliquée dans le débat, au nom de toute la commission, remercier le groupe Participation Québec, particulièrement ceux qui ont été leurs porte-parole, M. Prupas, M. Doyle, M. Weeks, Mme Warner, si je ne commets pas d'erreur. Nous vous remercions encore une fois, je l'ai mentionné au début, du fait que vous ayiez été obligés d'attendre et que vous soyez revenus avec nous et même que vous ayez porté le temps de la suspension. Je pense que vous avez dû être heureux à Québec.

M. Prupas: De notre côté, M. le Président, je veux remercier tous les membres de la commission parlementaire de nous écouter et j'espère que les précisions que nous avons apportées seront entendues au Conseil des ministres quand le projet de loi sera rédigé à nouveau. Merci beaucoup.

Le Président (M. Cardinal): Merci. C'est pourquoi la commission se réunit. Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Me permettriez-vous d'exprimer un certain regret? Le regret que nous ne puissions pas prendre plus de temps pour un mémoire qui est aussi innovateur et aussi positif que celui de Participation Québec.

Le Président (M. Cardinal): Je suis d'accord, mais vous savez que je suis lié par une résolution. Je pense que tous ont des regrets, mais...

M. Morin: Nous sommes navrés.

Le Président (M. Cardinal): ...je dois continuer et j'appelle immédiatement l'Association des cadres scolaires du Québec, pour les membres de la commission, mémoire no 253.

Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais avoir une directive. Ce matin, à l'arrivée du ministre de l'Education que le député de Marguerite-Bourgeoys a soulignée avec...

M. Morin: Enthousiasme.

Mme Lavoie-Roux: ...enthousiasme, adulation, vous avez laissé entendre...

M. Lalonde: II ne faut pas se méprendre.

M. Morin: Je ne voudrais pas que le député interprète la démarche du député de cette façon.

M. Lalonde: Je ne dis pas que vous me prêtez des motifs indignes, mais quand même...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Mme le député de L'Acadie.

Une Voix: Allons donc!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez laissé entendre que nous pouvions poser des questions au ministre, mais que ceci devait se faire dans le cadre de ces interventions. Je suis un peu embarrassée, parce qu'il y a tel article qui dit qu'on ne doit pas interrompre celui qui parle et d'un autre côté...

M. de Bellefeuille: ...directive.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Je m'excuse, madame. Allez.

Mme Lavoie-Roux: ...et d'un autre côté, vous savez dans quel esprit j'ai présenté cette motion, il y a près de dix jours maintenant. C'était pour que nous puissions justement poser des questions au ministre de l'Education. Je me demande à quel moment béni nous pourrons le faire.

Le Président (M. Cardinal): Je vais justement répondre à cette question immédiatement. Je ne la prendrai pas en délibéré cette fois-ci. Je vais lire lentement l'article 100, je vais référer ensuite à ma décision, sans la relire, parce qu'elle est assez longue et je vais rappeler le mandat de la commission, ce sont les trois fondements de la brève décision que je vais rendre.

L'article 100 se lit ainsi: "Tant qu'un député a la parole, aucun député ne doit l'interrompre — sur ce point, vous avez donc raison — si ce n'est pour lui demander la permission de poser une question ou de donner des explications pour soulever une question de règlement"; le reste ne s'applique pas ici. Donc, le premier point: On peut toujours demander à un ministre s'il veut bien être interrompu pour répondre à une question. Il a le droit de refuser ou d'accepter.

Le deuxième point: Lorsque vous avez fait une motion pour inviter le ministre à se présenter comme témoin, si j'avais accepté cette motion comme recevable, vous auriez pu l'interroger comme témoin. Malheureusement pour vous, la motion a été jugée irrecevable et nul ne peut revenir sur cette décision.

Quant au troisième point, le mandat clair et précis de la commission, en vertu de l'avis officiel, publié dans la Gazette officielle du Québec, le 4 mai 1977, est clairement à l'effet que nous sommes ici, non pas pour faire un débat, mais pour entendre des invités que nous appelons malheureusement parfois témoins. Et la dernière partie qui est purement, ce qu'on appelerait obiter dictum, M. le ministre, c'est simplement que vous aurez toutes les occasions pendant le débat en deuxième lecture à l'Assemblée nationale et pendant le mandat de la commission parlementaire, s'il en est une, après deuxième lecture, de procéder à ces questions dans les limites de l'article 160.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Lavoie-Roux: Je peux toujours l'interrompre.

Le Président (M. Cardinal): Oui, mais il ne sera pas obligé de vous répondre. Il n'est pas témoin mais membre de la commission. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est une directive et un avis en ce qui concerne nos travaux. Lorsque vous avez fait l'appel ce matin, il y avait six ou sept organismes sur votre liste.

Le Président (M. Cardinal): Sept, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Votre optimisme n'a d'égal que votre impartialité. Nous avons entendu un organisme complet, nous avons terminé un premier qui avait commencé jeudi dernier; il en reste donc cinq.

Le Président (M. Cardinal): Non, il y a une correction. Oui, vous avez raison, j'ai calculé la Banque Royale comme étant le premier intervenant. Il reste donc, avec l'organisme qui est devant nous, cinq organismes d'ici 23 heures.

M. Lalonde: D'après le temps réparti à chaque organisme, on devrait normalement, si on s'en tient à la moyenne, entendre trois autres organismes. Je vous demanderais d'abord s'il y aurait lieu d'aviser les autres organismes. Je sais que vous n'êtes pas complètement vous-même maître des travaux, il est possible qu'ils soient entendus, mais très peu possible.

Une autre chose. Je vous ai indiqué la semaine dernière, je crois que c'était mardi ou mercredi dernier, que la motion que j'avais faite il y a maintenant une dizaine de jours pour entendre le président de la Régie de la langue française était toujours sur la table et que j'avais l'intention de

demander qu'on en discute aujourd'hui. Ce soir, à la reprise des travaux, à 20 heures, j'aimerais qu'on continue la discussion, je vous en donne avis, même si ce n'est pas prévu par les règlements, strictement pour aider la bonne marche des travaux, j'aimerais qu'on continue la délibération sur cette motion en particulier et possiblement sur une autre.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, de me donner ces deux avis.

M. Lalonde: Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais quand même expliquer pourquoi.

Il nous paraît toujours un peu difficile de discuter de motion lorsque des gens nous attendent, les organismes sont là, souvent, depuis une journée ou deux. C'est pour cela que j'en donne avis avant, mais aussi le fait qu'on a eu des indications ce matin que certains membres se sentent parfaitement informés maintenant, et vous comprendrez que même si je voulais interrompre le moins possible le déroulement des mémoires et la présentation de ces mémoires par les organismes, il ne faudrait pas que je sois mis dans une position où ma motion serait discutée après la motion d'ajournement.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, si vous me le permettez, je veux faire les commentaires tout de suite pour qu'on ne fasse pas une partie de l'après-midi sur ce sujet.

Déjà, un certain nombre d'organismes qui viennent, disons en cinquième ou sixième lieu, m'ont approché et je leur ai dit que même si je ne pouvais pas préjuger de la présence d'abord de tous les organismes, deuxièmement, du temps employé pour chacun des organismes, je l'ai dit autant de fois qu'il y a eu d'organismes, rien n'oblige ni l'organisme, ni la députation à employer tout le temps prévu. Je ne dis pas cela pour brimer les droits ni les organismes, ni la commission. Le député de Marguerite-Bourgeoys sait fort bien que, pendant l'étude du projet de loi 22, il y a eu des organismes qui sont passés peut-être 30 minutes seulement devant la commission, malgré qu'à ce moment, il y avait une règle de pratique qui permettait de les entendre pendant au moins une heure. Je puis difficilement dire à un groupe: Revenez demain. Je puis cependant assurer le député que la plupart des groupes sont disposés à revenir demain et que, de toute façon, à la suspension de 18 heures, au moment où nous verrons où nous en sommes rendus, sans donner un avis, je donnerai quand même des indications sur la marche des travaux de cette commission. De toute façon, je conçois fort bien qu'à 20 heures nous revenions à votre motion qui a déjà été déclarée re-cevable, qu'il puisse s'y en ajouter une autre, mais, encore là, je puis difficilement donner congé à tous ne sachant pas si le débat va durer 20 minutes ou toute la soirée.

Je ne sais pas si cela vous satisfait mais, d'une part, vous avez été très courtois envers nos invités et envers la présidence en donnant cet avis. D'autre part, vous savez quelles sont les limites de la manoeuvre que je puis posséder à ce sujet, quelles sont les balises que je dois suivre. Oui, monsieur le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'aurais seulement un autre renseignement à vous demander, M. le Président. Avez-vous une idée du nombre d'organismes qui ont été invités formellement par le gouvernement en plus de ceux qui sont déjà devant nous aujourd'hui?

Le Président (M. Cardinal): Absolument pas, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Je n'ai même pas la liste des gens convoqués pour demain. M. le député de Bourassa et ensuite M. le député de Vanier.

M. Laplante: En vertu de l'article 100 est-ce que le député de Marguerite-Bourgeoys pourrait répondre a une question?

Le Président (M. Cardinal): Le même article que tantôt. Il demande si vous voulez répondre à une question.

M. Lalonde: Je vais voir la question avant.

M. Laplante: Vous dites depuis le début que vous voulez aller dans le sens de la bonne marche de la commission. La motion que vous voulez présenter ce soir, est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a une ressemblance avec celle du Conseil supérieur de l'éducation? En voulant gagner du temps à cette commission et entendre les gens qui sont déjà convoqués, il ne serait pas plus sage de révoquer ou d'abandonner une telle motion? Vous connaissez le résultat que cela a apporté avec le Conseil supérieur de l'éducation? Vous savez'les résultats, vous y avez participé.

M. Lalonde: Vous me parlez?

M. Laplante: Oui, c'est toujours à vous.

M. Lalonde: Moi, j'ai participé au Conseil supérieur de l'éducation?

M. Laplante: Je n'ai pas dit vous, monsieur. J'ai répondu au député de L'Acadie, parce que c'est son habitude de toujours parler en même temps que les autres.

M. Lalonde: Ah bon!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. J'ai de la misère avec ce micro, excusez-moi. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je conçois qu'il n'y a pas de réponse là-dessus.

Le Président (M. Cardinal): La question est posée, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'attends que la présidence ou le gouvernement informe la commission sur les suites qui seront apportées à la convocation du Conseil supérieur de l'éducation.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Je ne sais pas si vous étiez présent ou pas. J'ai lu, jeudi soir, le télégramme de réponse du Conseil supérieur de l'éducation qui indiquait l'impossibilité de comparaître dans les délais qui étaient impartis à cet organisme.

M. Lalonde: Alors, je ne peux pas présumer du désir ou de la possibilité de la Régie de la langue française de cornparaître. Au contraire, je pense que le président de la régie... Vous m'invitez à aller au fond, presque, je vais essayer de l'éviter.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît.

M. Lalonde: Je ne peux pas, compte tenu de toute l'économie de nos travaux, présumer qu'un invité va refuser de venir. Au contraire, je pense que si la commission parlementaire invite formellement un organisme, toutes choses étant normales, que l'organisme se présentera. D'ailleurs la motion concernant le président de la régie mentionne le 20 juillet. Alors cela donnera assez de temps, je pense, au président de la régie ou à la régie elle-même de se préparer. Non, je ne peux pas avoir le même motif que celui qui a été invoqué par le Conseil supérieur de l'éducation. Quant à l'autre motion, la commission sera au courant de cette motion lorsqu'elle sera faite.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Serait-il possible d'obtenir par vos bons offices, M. le Président, que nous ayons copie ce soir de ce télégramme que vous aviez reçu du Conseil supérieur de l'éducation?

Le Président (M. Cardinal): II est déjà au journal des Débats et je l'ai remis, quant à moi, au secrétaire de la commission. Il apparaît au journal des Débats de jeudi dernier, en fin de journée. M. le secrétaire de la commission possède l'original. Il ne m'était pas adressé. Il était adressé à l'Assemblée nationale, à la chambre 2. Il m'a été remis par le secrétariat de la commission.

M. le député de Mont-Royal et ensuite Mme le député de L'Acadie.

M. Ciaccia: M. le Président, sur le même article 100, est-ce que le député de Bourassa me permettrait une question en réponse à votre question?

M. Laplante: Avec la liberté d'y répondre.

Le Président (M. Cardinal): Vous savez, c'est au président que vous devriez poser la question. C'est interpréter très largement l'article 100, mais si votre question est brève, d'accord.

M. Ciaccia: Elle sera brève. Vous avez fait allusion tantôt au bon déroulement des travaux de la commission et de la motion qui peut-être serait présentée ce soir. Est-ce que je pourrais demander si vous pourriez nous assurer qu'il n'y aura pas clôture des travaux de la commission parlementaire cette semaine. Peut-être que cela pourrait nous guider dans nos travaux et dans les motions qui nous pourrions faire.

M. Laplante: C'est la commission qui décide, ce n'est pas moi.

M. Ciaccia: Ne posez pas de telles question alors.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, au sujet du Conseil supérieur de l'éducation, tout ce dont j'ai eu connaissance, c'est qu'il a envoyé un télégramme pour signaler qu'il ne pouvait se présenter dans les délais prévus ou exigés. Mais ceci, à mon point de vue, ne veut pas dire qu'il ne veut pas se présenter. Alors, j'imagine qu'il y aura une suite à ce télégramme.

Le Président (M. Cardinal): II n'y a pas eu de suite donnée. C'est à se demander s'il faudrait une nouvelle convocation.

Quand j'ai eu ce télégramme, jeudi soir, en fin de séance, il n'y a aucune question qui a été posée, nous avons ajourné presque immédiatement après. Je pourrai cependant me renseigner. Dans ce télégramme, encore une fois, dont le texte est en entier au journal des Débats, il n'y a aucune indication que le conseil supérieur prenne position sur sa présence ou son absence à une commission parlementaire. D'accord?

Ceci étant dit, messieurs de l'Association des cadres scolaires du Québec, je demanderais que vous vous présentiez. Vous aurez ensuite 20 minutes pour exposer votre mémoire.

Association des cadres scolaires du Québec

M. Langlais (Fernand): M. le Président, le porte-parole de l'Association des cadres est M. Jean-Claude Rousseau, de la régionale de Chambly, il est assisté de M. Roger Breton, de la régionale Saint-François et de M. Yves Lafortune, de la Commission scolaire de l'Argile bleue. Je suis Fernand Langlais, le directeur général de l'Association des cadres.

L'Association des cadres scolaires est un organisme professionnel incorporé il y a cinq ans, en vertu de la Loi des syndicats professionnels. C'est un organisme qui regroupe 1700 membres qui sont des cadres de direction, de coordination et de gérance dans les commissions scolaires francophones du Québec.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Vous lisez présentement votre mémoire, vous avez

commencé à lire votre mémoire, parce que je dois compter le temps.

M. Langlais: Je voulais simplement expliquer l'objectif de notre présence ici, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Vous me le direz quand vous débuterez parce que sans être sévère, je dois quand même tenir le temps.

M. Langlais: Etant donné que nous croyons utiliser à peine une douzaine de minutes de notre temps pour faire notre exposé, je voulais tout simplement préciser ceci. Nous nous sommes déjà présentés à cette salle même au niveau du projet de loi no 22, en 1974. Notre objectif au sein de l'Association des cadres scolaires est toujours de collaborer avec le gouvernement à l'élaboration de toute politique relative au développement ordonné du système scolaire.

C'est par le biais de cette vocation que la CSQ s'est déjà présentée et aujourd'hui encore le projet de loi no 1 nous intéresse au plus haut point, du fait qu'elle regroupe les cadres scolaires francophones du Québec dont la fonction première et essentielle est d'assurer une éducation de qualité dans les écoles québécoises.

Puisqu'une éducation de qualité est largement tributaire de la langue qui est l'instrument privilégié de communication et d'expression, il en découle que la législation québécoise en matière linguistique retient notre attention au plus haut point et c'est pourquoi nous croyons de notre devoir d'être très vigilants et d'intervenir à ce moment-ci.

Je demanderais à M. Jean-Claude Rousseau de vous présenter son point de vue, à partir du mémoire qui a été rédigé par un comité ad hoc et sanctionné par le Conseil provincial de l'Association des cadres scolaires, lequel conseil provincial est représenté par des gens en provenance de tous les milieux du Québec.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Langlais. Nous commençons. Je m'excuse de me répéter parfois, mais je veux que tout soit enregistré. Nous commençons cette audition à seize heures trente.

M. Rousseau (Jean-Claude): M. le Président et membres de cette commission, de par notre champ d'activité, comme cadres scolaires, c'est de l'école que nous voulons traiter aujourd'hui et particulièrement donc référant au projet de loi du chapitre sur l'enseignement.

Nous voulons quand même au préalable signaler que nous appuyons fermement le gouvernement dans sa détermination de clarifier par un texte de loi le statut de la langue française au Québec. Nous attirons cependant, dans notre mémoire, l'attention de cette commission sur les points suivants: La nécessité de lever toute ambiguïté sur les termes "peuple québécois", comme plusieurs d'ailleurs l'ont déjà souligné; la nécessité pour le ministère de l'Education particulièrement de favoriser à tous les niveaux, jusqu'à l'université inclusivement, et dans tous les secteurs, y compris l'éducation aux adultes, l'expression de notre identité culturelle.

Nous demandons également le maintien de la cohérence entre les paroles et les gestes lorsqu'on discoure sur l'héritage culturel et l'apport des minorités et les moyens mis de l'avant pour assurer la survie de ces minorités, particulièrement, de la plus importante en nombre, la minorité anglophone. Il y a également l'adoption impérieuse de mesures appropriées favorisant, d'une part, l'accroissement de la population francophone via la natalité et l'immigration et, d'autre part, le rapatriement des nôtres inscrits à l'heure actuelle, à l'école anglaise et dont la progéniture avec toute la postérité qui s'ensuivra, aura encore "droit" à l'école anglaise selon le projet de loi, ce qui a, à notre avis, plus de conséquences que l'arrivée de quelques immigrants dans nos milieux respectifs. Je réfère ici aux commissions scolaires.

La valorisation, auprès des minorités de l'apprentissage de la langue française et qu'on fasse appel, sur ce point, beaucoup plus à des motifs d'appartenance à la communauté québécoise qu'à des règles d'obligation ou à la coercition. Compte tenu de ce qui précède, nous suggérons les amendements suivants au texte de loi, amendements contenus dans notre mémoire. Je réfère à la page 5 du mémoire, à l'article 51 où, sur un point technique, sur une question de vocabulaire, nous demandons que le terme "maternelle" soit remplacé par le terme "préscolaire" qui représente pour nous l'année qui précède immédiatement l'entrée à l'élémentaire.

Nous recommandons également, au regard de cet article, que le mot collégial soit ajouté au texte du premier paragraphe et que les règlements qui seront rédigés dans le cadre de la loi prévoient des interventions du gouvernement au niveau universitaire qui permettront d'atteindre cet objectif. Nous basons ces recommandations sur les considérants suivants: "II faut assurer le développement naturel et progressif de la langue", citation de la politique québécoise de la langue française; la langue de travail doit être le français à tous les niveaux et le marché du travail reçoit les finissants des collèges et des universités; les collèges et les universités représentent les plus hautes instances du système de l'éducation et, par contre, ne doivent pas être mis en marge du texte de loi; l'apprentissage de la langue française n'en sera que plus valorisé si on applique les règles au collège et à l'université. D'ailleurs, les étudiants des collèges et des universités ne constituent pas une classe de citoyens à l'écart des autres.

Au regard de l'article 54, deuxième paragraphe, face au problème de l'inscription des élèves, question aussi technique: Que la date du 31 décembre 1977 soit remplacée par la date du 1er mars 1978. Nous apportons les considérants suivants: la nécessité d'organiser les écoles avant le 1er septembre; nous vivons présentement les difficultés de la nouvelle réglementation; le caractère odieux que pourrait avoir le retrait d'un enfant de son école au cours d'une année scolaire parce

que les délais ne nous permettraient pas de répondre aux échéances proposées dans la nouvelle réglementation et, enfin, les délais de vérification des inscriptions.

A l'article 57, nous souhaitons que les mots "collégial" et "universitaire" soient ajoutés après le mot "secondaire" précisant qu'à ces niveaux, seuls ceux qui ont complété tout leurs cours au Québec seraient soumis à cette réglementation, compte tenu du texte de l'article qui soumet les programmes aux directives du ministère de l'Education du Québec. Là aussi, nous apportons l'attendu suivant: II est aussi important, pour les élèves du secteur collégial et du secteur universitaire, de bien posséder la langue française.

Attendu la nécessité de l'apprentissage du français, que cet apprentisage vaut autant pour les élèves francophones que pour les élèves anglophones; attendu qu'il faut enlever tout caractère discriminatoire à la loi, nous recommandons que les mots francophone ou anglophone soient ajoutés après le mot élève, lors de la certification.

En conclusion, nous remercions la commission de nous recevoir et nous assurons notre collaboration sur toute consultation se rapportant aux règlements qui pourraient être édictés suite à la loi. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais remercier l'Association des cadres scolaires de l'appui qu'elle apporte au gouvernement dans sa volonté de régler ces problèmes linguistiques que nous accumulons au Québec depuis plusieurs années. Je voudrais aussi rassurer l'association à l'égard de certaines de ses préoccupations. Par exemple, on souhaite que l'affirmation des droits de la majorité ne soit pas l'occasion de représailles à l'endroit de ceux qui, par le passé, ont pu bénéficier de privilèges, comme vous dites, non généralement reconnus aux minorités linguistiques. Je voudrais assurer l'association que dans l'esprit du gouvernement, il n'a jamais été question d'exercer les moindres représailles. De même à la page 4, vous nous dites qu'il ne devrait pas, en tout état de cause, s'agir d'une cure d'amaigrissement. C'est une façon imagée de nous demander de respecter les droits de la minorité anglophone, de la véritable minorité anglophone et cela le gouvernement s'est engagé à le faire.

Il ne s'agit pas d'une cure d'amaigrissement, mais bien de réserver aux résidants qui sont vraiment des anglophones, le droit d'aller à l'école anglaise. J'ai noté également l'appui que vous apportez à ce qu'on a appelé quelquefois l'option Québec, par rapport à l'option Canada qui aurait consisté à recevoir automatiquement dans l'école anglaise les enfants de personnes ayant effectué des études primaires n'importe où au Canada.

Je constate que vous allez même plus loin que le gouvernement, quand vous nous suggérez de ne pas maintenir les droits des francophones qui, profitant de la loi 63, ont inscrit leurs enfants à l'école anglaise. Et, prenant bonne note de cette suggestion, je voudrais tout de même vous souligner la difficulté qu'il pourrait y avoir au moment où les enfants dont vous parlez se présenteront à la porte de l'école anglaise, peut-être dans dix ans, peut-être dans quinze ans, la difficulté qu'il pourrait y avoir à établir si les gens étaient anglophones ou francophones à l'époque où les parents ont fait leurs études.

Si vous pouviez m'éclairer sur les moyens de ne pas commettre d'injustices, je serais heureux d'examiner avec mes collègues la possibilité de donner suite à cette suggestion.

M. Rousseau: Alors, pour répondre, M. le ministre, je mentionnerais que pour nous c'est aussi un problème pratique. Il reste cependant que nous nous attachons fortement au principe. Nous évaluons que, par les expériences que nous vivons dans nos milieux et je me réfère ici à la régionale de Chambly par exemple où sur 4000 étudiants inscrits à l'école anglaise, 30% sont francophones à l'heure actuelle... Alors, je me dis: II y a quand même un réservoir d'effectifs francophones à l'intérieur de cette institution qui normalement et dans l'esprit de la loi, devraient plutôt fréquenter l'école francophone.

Quelles mesures prendre pour rapatrier ces élèves? Les rapatrier en cours d'étude où ils ont déjà commencé à cheminer à travers un système, les rapatrier avant qu'il ne soit trop tard, à l'intérieur de ce système, mais, là, cela se situe à quel niveau? Après le premier cycle du secondaire? Après le secondaire? Après le collégial? Nous sommes vraiment en interrogation. Il demeure cependant que, pour nous, il y aurait possibilité de considérer comme actifs francophones les dossiers des étudiants et, en conséquence, d'évaluer par la suite, lorsqu'il s'agira de l'inscription des élèves dans la poursuite de la carrière de ces étudiants, les mesures nécessaires pour qu'on puisse récupérer ces actifs.

M. Morin (Sauvé): Si j'ai bien compris la teneur de votre suggestion, vous désirez que, dans dix ans et dans quinze ans, nous récupérions les enfants de ces gens qui, à l'heure actuelle, se trouvent à l'école anglaise et qui, selon vous, ne devraient pas y être?

M. Rousseau: Nous trouvons que ce serait tout à fait normal, soit par voie de conséquence d'une action immédiate ou par voie d'une action à long terme.

M. Morin (Sauvé): Evidemment, le fait que ces enfants sont à l'heure actuelle à l'école anglaise pourrait bien avoir pour effet de les angliciser, de sorte que leurs enfants seraient probablement dans un milieu familial anglophone et que la récupération pourrait être difficile. Est-ce que vous voyez un moyen de départager ceux qui seraient restés des francophones, de ceux qui n'en seraient plus?

M. Rousseau: Je crois que votre argumentation prévaut pour une action peut-être immédiate.

Je sais fort bien qu'à long terme, la situation que vous présentez dans la dernière partie de votre énoncé deviendrait difficilement applicable, mais ce serait peut-être dans cette recherche de solution qu'il faudrait envisager votre argumentation.

M. Morin (Sauvé): Est-ce que je comprends bien? Vous nous suggérez d'agir maintenant. Vous voulez dire par là d'aller chercher, dans les écoles anglaises, les enfants francophones qui s'y trouvent?

M. Rousseau: C'est une solution qui, pour nous, serait à envisager. Nous n'avons pas fait d'étude exhaustive sur ce point. On est à l'état d'opinion ici.

M. Morin (Sauvé): Est-ce que certains de ces enfants qui ont des noms français ne sont pas quelquefois des anglophones?

M. Rousseau: C'est fort plausible. Il faudrait faire la recherche.

M. Morin (Sauvé): Je me demande dans quelle mesure... j'essaie de voir dans quelle mesure on ne serait pas forcé de revenir aux tests qui, vous le savez, ont suffisamment soulevé de réprobation générale pour que nous évitions, coûte que coûte, d'y revenir.

M. Rousseau: Non, je crois que la réglementation que vous proposez ou le critère que vous proposez au texte de loi pourrait très bien correspondre au critère qui serait envisagé pour cette mesure de rapatriement.

M. Morin (Sauvé): Peut-être encore une ou deux questions portant sur ce que vous dites du collège, et même de l'université si je ne m'abuse, ou est-ce que vos remarques, vos observations ne portent que sur le collège: que le mot "collégial" soit ajouté au texte du premier paragraphe, c'est-à-dire que les règles qui, à l'heure actuelle, selon le projet de loi, ne s'appliquent qu'aux niveaux primaire et secondaire, seraient applicables également au collégial.

Le gouvernement s'est penché sur ce problème. Je ne pense pas que vous soyez les premiers, d'ailleurs, à le soulever. Nous pensons, pour l'heure en tout cas, qu'en assurant, aux niveaux primaire et secondaire, l'apprentissage de la langue française, nous constituons une base solide sur laquelle nous pourrons construire, par la suite, au niveau collégial notamment.

Si ceux qui doivent se trouver à l'école française y font toutes leurs études, j'imagine que, dans un Québec qui d'ailleurs aura le français pour langue de travail, les élèves auront tendance à continuer leurs études en français. C'est le pari que fait actuellement le gouvernement, mais, naturellement, comme vous nous le suggérez dans un autre contexte, vous-mêmes, dans votre mémoire, si, par hasard, il s'avérait que nous nous trompons, il sera toujours temps de légiférer en conséquence.

Pour l'heure, le gouvernement n'est pas enclin à suivre cette recommandation que vous nous faites. Toutefois, je l'accueille et vous pouvez être sûrs que nous allons en tenir compte. Peut-être voudriez-vous expliquer plus avant, avec plus de détails, pourquoi vous pensez qu'il est indispensable de procéder de la sorte.

M. Rousseau: D'abord, en termes de pari, M. le ministre, je crois qu'on pourrait en prendre plusieurs sur les articles de la loi. Pour le collégial, nous ne voyons pas la nécessité d'en prendre un, d'autant plus qu'au niveau collégial, toutes les options qui se donnent au secteur anglophone se donnent au secteur francophone. Donc, à ce titre, il y a sûrement possibilité d'exiger une continuité dans la formation de nos élèves du secondaire et les efforts que nous faisons, autant à l'élémentaire qu'au secondaire, pour l'apprentissage de la langue française parlée et écrite, sont une continuité au niveau collégial. Ceci en regard d'une liaison nécessaire ou d'une continuité nécessaire entre les deux secteurs d'éducation.

Au niveau universitaire, le problème se pose différemment, compte tenu des différentes facultés, compte tenu des différents cours qui se donnent, des différents méthodologies et des différents moyens d'expression qui existent au niveau universitaire. Il demeure cependant qu'on devrait même faire allusion à ce niveau dans le texte de loi. Parce qu'il nous semble que c'est important, l'apprentissage du français à l'élémentaire et au secondaire, mais ça devient quelque peu laissé aux individus au niveau collégial et universitaire et l'accent qu'on peut y mettre à l'élémentaire et au secondaire demeure aléatoire lorsqu'on se réfère au niveau collégial et au niveau universitaire.

C'est notre opinion.

M. Lafortune: M. le Président, est-ce que je peux ajouter quelque chose là-dessus, s'il vous plaît? Il nous semble qu'au niveau collégial en particulier, il y a un tas de jeunes qui sortent de là et qu'on retrouve sur le marché du travail, dans l'administration en particulier. On aimerait bien qu'ils soient imbus de la francisation du peuple québécois. Il nous semble qu'après le secondaire, la mesure n'est pas suffisante pour recouvrer l'ensemble de ces personnes qui auront une certaine influence dans la société de demain. C'est pour ça qu'on aimerait que la mesure soit prise le plus tôt possible.

Tandis qu'au niveau universitaire, évidemment, nous formons ce qu'on pourrait appeler l'élite d'encadrement de la société, l'université est un lieu de haut savoir universel. Très souvent, il y a beaucoup de cours qui vont se donner dans des langues étrangères. Le besoin de la formation des gens l'exige parfois, certains programmes l'exigent, etc. Il nous semble que c'est moins important de prendre des mesures immédiates à l'endroit des universités.

Cependant, il me semble que, dans la réglementation, les universités devraient être invitées à emboîter le pas dans cette francisation du peuple québécois; cela nous paraît très important que l'élite de demain soit imbue de cet esprit.

M. Morin (Sauvé): Bien. Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur?

M. Breton (Roger): Quelque chose de très court, finalement. C'est qu'au niveau collégial, c'est une langue technique qu'on peut également acquérir et, dans le milieu du travail, cela nous apparaît extrêmement important que la langue de travail soit également le français. Actuellement, on retrouve, à plusieurs endroits, une langue de travail qui chevauche entre le français et l'anglais et on considère que, si l'Etat devient un Etat français, l'école étant un lieu d'apprentissage, la grande majorité des jeunes Québécois vont passer, bien sûr, de la maternelle jusqu'au niveau collégial et on s'assure une qualité de l'apprentissage de la langue française.

Enfin, c'est l'objectif qu'on vise par cette recommandation.

M. Morin (Sauvé): Je vous remercie, messieurs, nous allons certainement en tenir compte, de même que nous allons tenir compte de votre suggestion au sujet de l'article 54, lorsqu'à la page 7 de votre mémoire, vous nous recommandez de remplacer la date du 31 décembre 1977, qui porte sur la vérification du droit à fréquenter l'école anglaise par la date du 1er mars 1978. Je puis vous dire d'ores et déjà que nous allons tenir compte de cette recommandation. Je ne sais pas encore exactement sous quelle forme, mais nous allons en tenir compte.

M. le Président, je voudrais conclure en approuvant pleinement une des conclusions que nous trouvons dans ce mémoire réfléchi de l'Association des cadres scolaires du Québec, lorsque vous nous dites que vous tenez à souligner qu'un des éléments essentiels du projet de loi se situe au niveau de la langue de travail et des affaires, et que vous ajoutez qu'il vous apparaît que si la langue actuelle de travail était le français et si l'environnement actuel était tout à fait francophone, il ne serait probablement pas nécessaire de légiférer pour assurer les droits linguistiques de la majorité francophone québécoise. Messieurs, le premier ministre, M. Lévesque, à plusieurs reprises, vous a donné entièrement raison, a tenu des propos tout à fait semblables, et je puis vous assurer qu'une des préoccupations majeures du gouvernement dans cette législation, c'est précisément de faire en sorte que la langue de travail au Québec soit désormais le français. Une fois cela assuré, plusieurs des problèmes et des débats scolaires que nous affrontons à l'heure actuelle paraîtront beaucoup plus faciles à résoudre. Je remercie ces messieurs, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le ministre. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de l'Association des cadres scolaires du Québec de leur mémoire à la commission qui étudie le projet de loi no 1. Ce qui me frappe particulièrement dans votre mémoire, c'est votre ouverture d'esprit, dans le sens que même si rigoureusement vous dites qu'il y a des mesures à prendre pour assurer le fait français, et que, hors de tout doute, le Québec doit vivre en français, etc., vous ne le faites pas dans un esprit qui, à mon point de vue, pourrait être qualifié d'étroit et de mesquin.

Ainsi, à la page 3, vous dites: "Que les gestes qui doivent être posés, compte tenu de la politique qui est énoncée dans le livre blanc touchant les droits des minorités devraient être conséquents à cette grandeur de vue, et les règlements devraient prévoir des mesures pour permettre à ces minorités de survivre, de se développer et de maintenir leur réseau de communications. Dans le cas contraire, les adversaires du projet de loi ont toute raison de croire que le gouvernement est sur la défensive face aux minorités, etc. Je pense que ceci montre d'abord un esprit démocratique, et également de la maturité au plan politique, et c'est probablement pour cela aussi que vous écrivez en conclusion, le paragraphe que le ministre a cité et qui, d'ailleurs, a toujours été, je pense, la préoccupation première des organismes d'enseignement quand ils ont eu à se prononcer sur des projets de loi linguistiques sur lesquels ils trouvaient toujours extrêmement difficile, je pense, de se prononcer pour essayer d'être le moins discriminatoires possible, le plus justes possible, et sachant fort bien que le fondement d'une société qui vit en français au Québec est vraiment davantage relié à la langue du travail qu'à la langue d'enseignement qui demeure toujours un domaine extrêmement sensible au plan de la législation.

Je vous rejoins également quand vous parlez de la cure d'amaigrissement. Je pense que le gouvernement a choisi, et c'est son droit, je suppose, de laisser survivre — et non pas de se développer — la minorité anglophone, non pas à partir des véritables anglophones mais à partir de francophones que le gouvernement a soudainement décidé d'angliciser. Il y en a parmi vous qui viennent de l'extérieur de Montréal, et on sait fort bien que des régions comme la région du Saguenay, des Trois-Rivières, et même de la ville de Québec sont — je pense que personne n'en doute— vraiment des milieux tout à fait français où on recrutait, dans une certaine proportion, des francophones qui ne sont jamais allés à l'école anglaise pour s'angliciser mais vraiment pour acquérir l'anglais comme langue-outil ou élément additionnel de culture.

Alors, je pense que le critère retenu par le gouvernement demeure un critère utilitaire, un critère que j'appelle opportunisme, parce que cela me semble clair, noir sur blanc. Vous avez l'attestation: Tu vas là. Il n'y a pas l'attestation: Tu vas de l'autre côté. Mais je pense que ce critère n'est pas fondé sur des principes solides et, en dépit de ce que disait tout à l'heure le ministre, ouvre la porte à beaucoup de discrimination, même entre les francophones eux-mêmes.

Un autre aspect de ce critère que je n'ai jamais cité et que je trouve dans ce choix, qui pourrait être un indice parmi d'autres pour décider de l'appartenance, afin de décider si un enfant est anglophone ou non, un indice qu'on peut ajouter

à d'autres, pour moi, c'est une certaine analogie — j'espère que celle-là le président me la permettra — qui est quand même symptomatique de la société judéo-chrétienne dans laquelle on vit où, au lieu de se référer à un critère de religion pour décider de notre appartenance à tel ou tel groupe de la société comme ce fut longtemps notre cas, ceci tend à disparaître, maintenant vous amenez ce critère de fréquentation scolaire pour déterminer si on est un anglophone ou un francophone. Et sans vouloir ironiser outre mesure, je pense même que c'est assez sérieux, on aura maintenant un nouveau critère dans le choix des conjoints, à savoir, le lieu où le conjoint aura fait ses études primaires. Mais espérons que, d'ici là, le Québec se sera assez francisé pour que cela ne devienne plus un critère dans l'ensemble des critères que des conjoints pourraient utiliser pour... oui, justement... pour décider d'entreprendre une aventure maritale ou pas.

J'aimerais que vous me donniez quelques détails sur un autre point. Je trouve cela intéressant et je sens que, déjà, avant même que vous n'arriviez, le ministre de l'Education était sensibilisé aux complications de l'application de l'article 54 dans des délais relativement courts. Cela prend une dimension particulièrement intéressante, parce que, jusqu'à maintenant, les seules protestations que nous avions entendues venaient des commissions scolaires anglophones ou protestantes. Evidemment, le premier geste, c'était de les soupçonner peut-être d'un manque de collaboration, mais il me semble qu'au plan pratique, ceci vous crée des difficultés particulièrement peut-être à Chambly, où vous avez quand même un assez grand nombre d'étudiants. Je me demandais si vous pourriez élaborer au plan pratique sur les difficultés que vous entrevoyez et qui motivent votre recommandation touchant l'article 54?

M. Rousseau: Les faits sont les suivants: nous sommes convoqués la semaine dernière pour recevoir des informations sur les inscriptions des élèves à l'école anglaise. On nous remet un tas de formulaires à faire remplir d'ici le 15 août. A cette période de l'année, période estivale, période de vacances, il nous faut rejoindre les parents de tous les élèves qui, pour la première fois, s'inscrivent à l'école anglaise, qu'ils soient d'origine francophone ou d'origine anglophone. Ce sont tous les élèves qui s'inscrivent pour la première fois à l'école anglaise, les formules sont très complexes, les formules demandent un contact individuel avec chaque parent, ce qui, en principe, est excellent, mais qui, en pratique, est peu réalisable dans les circonstances présentes, de sorte que l'opération devra se faire dans un délai très court avec tous les aléas de parcours que cela peut représenter, avec même la possibilité que des enfants se retrouvent à l'école anglophone en septembre parce qu'on n'aura pas eu le temps de monter les dossiers, d'avoir les preuves qui certifient la présence d'un enfant à l'école anglaise ou le droit à l'école anglaise, de sorte que si, par révision du dossier au mois de novembre ou janvier, on en vient à la conclusion que l'enfant ne doit pas être à l'école anglaise, on devra le retirer de l'école et le placer à l'école française, ce que nous trouvons inadmissible en cours d'année, d'obliger un enfant à changer de milieu scolaire.

Nous préférerions de beaucoup que la réglementation s'implante progressivement et que lors de l'inscription officielle de mars, on entreprenne vraiment des mesures. Comme points techniques mon collègue aurait des choses à indiquer là-dessus.

M. Lafortune: C'est justement; si on a indiqué le 1er mars, cela ne veut pas dire qu'il ne serait pas possible, en vertu de la réglementation, de débuter le plus tôt possible l'analyse des cas: quels seront les élèves qui pourraient être admis à l'école francophone, quels sont ceux qui pourraient être admis à l'école anglophone. On pourrait commencer dès maintenant de manière que dès le 1er mars, à la date officielle d'inscription des élèves dans les commissions scolaires, ces cas soient déjà décantés, que nous sachions où nous allons. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'avec l'application des nouvelles conventions, la nouvelle convention dans le secteur de l'enseignement, dès le début de juin, il faut être absolument fixé sur le nombre d'élèves qu'on a, puis même avant cela d'ailleurs. Déjà, nous serons obligés de faire des prévisions en janvier, février, par là, de manière qu'on puisse appliquer d'une façon pertinente et réaliste la convention, sans déboire. Vous connaissez bien cela, madame-Mine Lavoie-Roux: Est-ce que présentement, simplement la distribution de vos professeurs, compte tenu des deux secteurs, vous crée des problèmes?

M. Lafortune: Si j'ai fait référence à l'application de la convention, c'est peut-être un à-côté, mais ce qui nous paraît plus important quand même dans la chose, c'est que les cas des élèves soient bien analysés au préalable, avant l'inscription officielle. Cela nous paraît très important de manière à éviter des situations auxquelles faisait appel mon collègue; cela nous paraît odieux.

Mme Lavoie-Roux: Une autre question. Je pense qu'on fait obligation au directeur général de signer les attestations dans le cas où on n'a pas de preuve de la fréquentation scolaire de l'école anglaise par les parents. De quelle façon avez-vous procédé? Est-ce que vous avez procédé par délégation à certains cadres de votre commission ou de quelle façon pensez-vous procéder. J'imagine que dans une commission scolaire où il y a passablement d'élèves, cela peut-être assez lourd que le directeur général soit obligé de faire l'étude de chacun des dossiers; pourriez-vous indiquer de quelle façon vous pensez procéder?

M. Rousseau: Ce sera sûrement par délégation. D'ailleurs, pour nous à la régionale de Chambly, la mesure est déjà prise dans ce sens.

Mme Lavoie-Roux: Vous déléguez à qui?

M. Rousseau: Nous déléguons à des fonctionnaires de la commission, soit de coordonna-teurs ou des conseillers pédagogiques qui sont aptes à contacter les parents, à analyser les dossiers avec les parents, à approuver ledit dossier pour le transmettre ensuite au ministère.

Mme Lavoie-Roux: Là où il n'y a pas de preuve de fréquentation scolaire du secteur anglais, vous procédez comment? Par serment, déclaration solennelle? Qu'est-ce que vous faites?

M. Rousseau: De par les formules que nous avons reçues, c'est par déclaration assermentée.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Alors si le gouvernement tient compte de toutes les suggestions qui ont été faites par différents groupes et le ministre au développement culturel et même le ministre de l'Education assurent ces groupes de leur collaboration, j'ai bien l'impression que le projet de loi no 1 va subir de profondes modifications.

Je voudrais revenir... Vous m'avez mentionné qu'à la régionale de Chambly il y a 30% de francophones. Maintenant, ces jeunes demeurent dans des milieux où les parents sont de langue française; de retour à la maison, ils vont parler français. Est-ce que vous avez remarqué s'il y a un danger d'anglicisation pour ces jeunes? Parce que j'imagine qu'il y a des classes de français en même temps à l'école anglaise; est-ce qu'ils suivent des cours en langue française?

M. Rousseau: En fait, le danger que nous pouvons supposer avec une hypothèse qui est quand même fondée, c'est que ces enfants poursuivent au collégial, en langue anglaise, poursuivent à l'université en langue anglaise et s'intègrent vraiment à la communauté anglophone.

M. Le Moignan: Tout de même...

M. Breton: M. le Président, si vous permettez, c'est le manque d'apprentissage de la langue maternelle, c'est que dans bien des cas dépendant du niveau où ils ont été intégrés au secteur linguistique scolaire, si par exemple c'est au niveau élémentaire, la plupart du temps, ces personnes connaissent très peu, ont une connaissance pratique minime de leur langue maternelle.

Des éléments comme un monsieur ce matin en a mentionné, ce sont des éléments qu'on retrouve. Je suis, moi, dans une commission scolaire élémentaire, une commission scolaire où la clientèle qui fréquente le secteur anglophone représente à peu près 45% de francophones des deux parents, par exemple, si on prend les critères actuels. On se rend compte d'une chose à la fin de l'élémentaire, il y a une très mauvaise connaissance linguistique du français. Evidemment, la connaissance qu'ils en ont c'est une connaissance verbale. Là-dessus, c'est quand même assez bien, compte tenu qu'au niveau familial, généralement, les enfants continuent de parler français pour ne pas dire la très grande majorité. Mais, au niveau de l'écrit et de la lecture, c'est très difficile, très pénible.

M. Le Moignan: II y a le risque, autrement dit, que ces jeunes ne participent jamais à la véritable culture française?

M. Breton: C'est un fait.

M. Le Moignan: Ils vont être plongés dans l'ambiance anglaise du mouvement.

Vous avez parlé, tout à l'heure, de ceux qui sont déjà dans les écoles. Vous êtes même prêts à conseiller au gouvernement de les retirer le plus vite possible. C'est donc dire que, d'après vous, cette loi devrait avoir un effet rétroactif parce que, dans la pratique, ce serait passablement dangereux pour un élève, s'il est allé 4, 5 ou 6 ans à la classe anglaise, d'être envoyé au secondaire en français, s'il n'a pas la base.

M. Rousseau: Sans avoir un effet rétroactif, la loi pourrait s'appliquer aux différents niveaux du système d'éducation. Le critère d'inscription, à la première année du secondaire, pourrait être appliqué, à la deuxième année du secondaire et à la troisième année du secondaire et ainsi de suite. Ceci n'aurait pas d'effet rétroactif, ce serait une application de la loi à tous les paliers.

M. Le Moignan: Quand vous avez parlé de l'inscription des élèves, si je comprends bien, vous avez reçu, il n'y a pas longtemps, des formulaires et, dans les écoles, on convoque les parents. Est-ce qu'il y a une date limite pour remplir ces formules?

M. Rousseau: Devrais-je la dire? Le 15 août.

M. Le Moignan: Justement, j'ai rencontré un principal d'école et sa grande difficulté, c'est que, dans notre milieu, il y a beaucoup de parents de langue anglaise qui ont quitté et qui ne sont plus du tout dans la région. Depuis une semaine, je pense bien, les formules sont arrivées. Je n'ai pas la date. Ils sont en dehors pour cinq, six, sept ou huit semaines; je ne dis pas que c'est la majorité, mais il y a plusieurs cas comme ça. Cela pose un problème, vous êtes au courant.

J'avais une autre petite question. On définit le statut de la langue française au Québec et, évidemment, tout le monde est favorable. Croyez-vous qu'avec le temps le gouvernement pourrait ou devrait, en annexe peut-être, définir aussi le statut des autres langues? Est-ce une chose possible?

M. Rousseau: C'est une chose qui serait possible dans un deuxième temps.

M. Le Moignan: Est-ce que, M. le ministre...

On a dit tout à l'heure qu'on pouvait poser des questions au ministre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si le ministre veut répondre.

M. Le Moignan: Si le ministre veut répondre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II a le droit de répondre ou de ne pas répondre.

M. Le Moignan: M. le ministre, croyez-vous — je ne vous demande pas si vous avez l'intention de le faire — que c'est dans l'ordre du possible qu'une fois la charte de la langue adoptée, le gouvernement puisse faire un pas de plus — je ne dis pas pour débâtir votre loi — pour statuer sur les autres groupes, les autres langues, avoir une charte des droits linguistiques?

M. Morin (Sauvé): On verra en temps et lieu.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Gaspé, je pense que vous avez eu votre réponse. Il vous reste encore cinq minutes.

M. Le Moignan: C'est un point d'interrogation que je voulais simplement élucider. J'aurais peut-être une autre question. Quand vous parlez, à la page 5 — c'est très bien — de l'apprentissage de la langue anglaise pour les francophones et que vous dites "comme le fait d'un souci au moins d'ordre culturel", alors que, pour les minorités, c'est une obligation, si on regarde du côté des anglophones, un francophone, s'il apprend l'anglais, est-ce simplement par souci culturel qu'il devrait le faire ou s'il y a une espèce de loi impérative, si on tient compte du contexte nord-américain? Jusqu'à quel point conseillez-vous l'enseignement de l'anglais aux francophones?

M. Rousseau: Pour sûr, il y a le souci culturel dans l'apprentissage de l'anglais; pour sûr, il y a aussi un impératif qui vient de la vie quotidienne.

De ce côté, on ne peut ignorer l'apprentissage de l'enseignement de l'anglais. Ce que nous voulons faire ressortir ici, c'est surtout l'appartenance à la communauté québécoise, au peuple québécois, de tous ceux qui vivent au Québec et, à ce titre, qu'ils doivent tous pouvoir communiquer par le français, qui est la langue significative de cette appartenance. Alors, pour ce qui est de la langue seconde, pour les francophones, il y a sûrement nécessité aussi d'y apporter des éléments comme ceux qu'on apporte ici, éléments d'ordre culturel et éléments d'ordre pratique.

M. Breton: II y a peut-être un autre élément, si vous permettez, également. Nous n'avons pas mentionné dans le mémoire si nous favorisions par exemple l'apprentissage d'une langue seconde très tôt ou pas. C'est que notre opinion, c'est-à-dire notre option pédagogique, compte tenu des études actuelles, c'est de faire l'apprentissage des langues secondes, pour quelque groupe que ce soit, à partir du niveau secondaire.

De quelle façon l'expliquer? Je pense que vous avez pris connaissance des différentes études qui ont été faites un peu partout dans le monde, en Angleterre et même récemment à la CECM, qui étaient une version qui contredisait l'expérience d'Angleterre qui, elle-même, contredit une expérience d'un autre pays. Actuellement, les spécialistes ne sont pas en mesure de faire des recommandations tellement fermes sur l'apprentissage d'une langue seconde.

Lorsqu'on regarde certaines orientations de pays par exemple, dits unilingues, généralement l'apprentissage d'une langue seconde se fait à partir du niveau secondaire, au tout début du niveau secondaire, et on fait même l'apprentissage de deux langues secondes. Je pense à l'Allemagne par exemple. Sur le plan pédagogique, les opinions sont très partagées et nous, si on avait une recommandation à faire, on aurait tendance à recommander la suppression de l'apprentissage d'une langue seconde au niveau de l'élémentaire, autant pour les anglophones que pour les francophones.

M. Le Moignan: Cela c'est votre point de vue. C'est ma dernière question, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Gaspé. M. le député de Jacques-Cartier, il reste huit minutes au parti de l'Opposition officielle.

M. Saint-Germain: M. le Président, je vous remercie. Vous dites à un moment donné, à la page 2 de votre mémoire, le statut de la langue française, et, au deuxième paragraphe, vous dites: "Nous partageons le souci historique non encore réalisé de donner une identité sociale et culturelle aux francophones du Québec en égard à leur histoire, à leur nombre et à leurs institutions. Je vous avoue ne pas trop comprendre le sens de votre paragraphe et j'aimerais bien avoir des explications.

Je croyais que nous avions tout de même, au point de vue de l'histoire, réalisé une identité sociale, une identité culturelle. Je croyais que c'était déjà acquis, mais enfin qu'est-ce que vous entendez exactement par ce deuxième paragraphe?

M. Rousseau: On pourrait peut-être faire référence à des expériences de vie quotidienne pour se poser la question, voir si vraiment ce phénomène est acquis. C'est vraiment la question fondamentale. Comme Québécois, je veux bien m'identifier à un groupe, à une collectivité. Je veux m'identifier à une collectivité qui a des caractéristiques particulières et non pas des caractéristiques mixtes, et que ces caractéristiques soient propres d'abord à la majorité qui constitue ce peuple québécois et, par conséquent, que je puisse, de par mon langage, de par mes expressions, de par ce que je suis et ce que je véhicule, être reconnu et être marqué au coin du Québécois. C'est ce qu'on veut signifier par ce deuxième paragraphe.

M. Saint-Germain: Ce n'est pas déjà chose faite?

M. Rousseau: Je ne sais trop. Je ne sais trop. Si je visite, si je voyage quelque peu à travers le pays et à l'étranger, c'est possible que je puisse répondre de façon précise à la question qu'on me pose: D'où venez-vous et qui êtes-vous? Et surtout le: Qui êtes-vous?

M. Saint-Germain: J'avoue ne pas plus comprendre, parce que je croyais réellement que, comme Canadiens de culture française, on nous a toujours dit d'ailleurs que s'il y avait quelqu'un en Amérique du Nord qui avait une culture, une identité bien marquée, c'était nous; cela me surprend un peu de lire dans votre mémoire qu'on se cherche encore. J'avoue que cette identité sociale et culturelle est en évolution constante.

L'identité culturelle et sociale du groupe francophone, au Québec en particulier, n'est pas la même aujourd'hui qu'il y a cinquante ans ou un siècle ou deux siècles. C'est une évolution constante. Cette évolution se continuera dans les années à venir, mais je croyais toujours que, dans notre évolution, en fait, parce que tous les jours, je rencontre des Québécois de divers groupes, de diverses identités, par leur façon de voir, de s'expliquer et de s'exprimer, on sent bien qu'il y a une différence. D'ailleurs, on prendrait comme témoins, simplement, par exemple, les différents groupes qui viennent nous soumettre des mémoires. L'identification est tellement marquée, à un moment donné, que même si un mémoire de langue française était écrit en anglais, si vous voulez, par des gens de langue française, on pourrait dire: C'est un mémoire francophone et cela pourrait être la même chose pour des mémoires... Si je lisais, par exemple, le mémoire, en anglais, de la Banque de Montréal, si je le lisais exclusivement en français et même s'il n'était pas signé, je serais induit à dire: C'est un mémoire qui a été écrit par des anglophones.

Cela me surprend un peu que ce partage ne semble pas fait d'une façon plus marquée, ou, du moins, que vous n'admettiez pas que ce soit fait d'une façon plus marquée.

M. Lafortune: M. le Président, j'aurais une réaction à ce qui vient d'être dit. Je pense que, sur le plan culturel, il n'est pas dans notre intention de nier le fait qu'il y ait une certaine identité par le biais des arts, un tas de moyens d'expression propres à la majorité francophone québécoise qui sont connus de par le monde entier mais, ayant fait personnellement le tour de quelques pays, je peux vous assurer que, dans le domaine des affaires, dans le domaine socio-économique, etc., on ignore parfaitement ce qu'est le peuple québécois, dans son expression de la majorité.

M. Saint-Germain: Oui, mais l'ignorance de l'étranger, si vous voulez...

M. Lafortune: Quand on parle d'identité...

M. Saint-Germain: ...n'a pas expliqué qu'on ne s'est pas vendu à l'étranger, qu'on n'a pas créé à l'étranger une image positive ou...

M. Lafortune: On n'avait pas...

M. Saint-Germain: Cela n'a rien à voir avec la réalité des choses.

M. Lafortune: Ce n'était pas le premier souci, on était vendu par d'autres, de toute façon.

M. Breton: M. le Président, mes réactions sont peut-être émotives face aux commentaires du député. Je pense qu'il s'agit de vivre à Montréal. Je ne sais pas si vous avez déjà vécu à Montréal. Moi, en tout cas...

M. Saint-Germain: Je suis de Lachine, j'ai vécu sur l'île de Montréal ma vie durant.

M. Breton: Je ne suis pas né à Lachine, je suis né à Montréal et j'ai vécu 28 ans de ma vie à Montréal. Je suis maintenant en banlieue de Montréal et lorsqu'on arrive à Montréal... Je rencontrais, il n'y a pas tellement longtemps. M. Jean Drapeau, qui était fier de dire qu'il était le maire de la deuxième ville française au monde. Je lui ai dit: Ecoutez, j'arrive de Paris et ce n'est pas du tout la même sensation qu'on a d'une ville française. Montréal, ce n'est pas une ville nécessairement dans laquelle on se retrouve comme ville française. Vous avez vécu là; vous êtes né à Lachine et je pense qu'on ne peut pas identifier Montréal comme une ville française. Je pense que c'est un peu ce qu'on a voulu dire. Montréal, évidemment, c'est peut-être 45% de la population totale du Québec mais Montréal ne reflète pas, ne reflète véritablement pas un esprit français. Comme Montréal est quand même un élément générateur au Québec, il faudrait peut-être se poser la question: Est-ce que Montréal n'arrivera pas à influencer de façon telle le Québec qu'un jour le Québec ne sera peut-être pas aussi français qu'il l'est actuellement? On peut être optimiste ou pessimiste, mais, enfin, on peut avoir une réaction face à cela.

M. Saint-Germain: Comme je vous ai dit, je suis né à Lachine. Cela fait longtemps que je sais que Montréal n'est pas une ville homogène, loin de là. Même au tournant du siècle, elle était en majorité de langue anglaise. Cela n'enlève pas la caractéristique qu'on peut l'apprécier ou ne pas apprécier la ville de Montréal. En fait! Montréal n'a pas été construite exclusivement par les gens de langue française. Cela a été construit... Les gens de langue anglaise ou les minorités qui sont arrivées par après ont certainement fait une marque, l'ont marquée et s'il y a une différence entre Paris et Montréal, tant mieux, je n'ai pas d'objection de principe. Il s'agirait de savoir pour le groupe francophone, comme pour le groupe anglophone, si Montréal est une ville assez humaine, si vous voulez, pour qu'on puisse y vivre en partenaire. C'est cela, je pense bien, le but de toute législation de vivre, sans un déséquilibre social.

Si on parle de réalités historiques... Vous dites: "Nous partageons le souci historique non encore réalisé de donner une identité sociale et culturelle aux francophones du Québec".

Cela a pris du temps à en arriver là, mais vous amenez l'élément majeur du conflit. C'est que, traditionnellement, surtout à Montréal, toute l'industrie, le commerce, la finance, a été développé en majeure partie par les anglophones, mais le fait qu'on n'y ait pas participé, c'est une réalité historique pour nous. La motivation n'était pas là. On a fondé SIDBEC il y a quelques années, on aurait pu la fonder il y a cinquante ans...

M. Charbonneau: ... Seigneur, c'est la conquête. Maudit! Cela n'a pas d'allure.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Saint-Germain: Je n'ai jamais demandé au député...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: ... d'exiger qu'il ait de l'allure. Je ne suis pas responsable des députés.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères, à l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères. Veuillez laisser au député de Jacques-Cartier le soin de définir ses propres options et opinions.

M. Saint-Germain: Je disais qu'on aurait pu fonder SIDBEC il y a plus de cinquante ans. En 1960, on a fait la révolution tranquille, on aurait bien pu la faire il y a cinquante ans, cette révolution tranquille. Il y a au-delà d'une quinzaine d'années, on a voulu transformer profondément notre système scolaire, on aurait pu le modifier cinquante ans auparavant. Rien ne nous empêchait de faire ça c'est une réalité historique qu'on ne l'ait pas fait. Aujourd'hui, on s'aperçoit, à titre de francophones, que, nécessairement, il faut que notre culture s'appuie sur une force dans le domaine économique, dans le domaine financier, dans le domaine scientifique, sur des champs d'activités que, traditionnellement et historiquement, on a négligés.

Je crois que ce sont des choses qu'on doit dire, parce que, si on s'imagine, avec le bill no 1, transformer profondément tout ceci et donner par le fait même aux francophones un soutien financier ou un soutien au point de vue du développement industriel, on fait une erreur. Parce que vous frayez avec des jeunes, vous autres, vous êtes en charge de l'éducation de la jeunesse, vous avez la jeunesse entre les mains. Il va falloir que vous formiez des hommes qui ne se lanceront pas nécessairement dans le droit, dans la prêtrise et dans le professorat. Il va falloir que vous formiez des hommes qui seront compétents, des scientifiques, des gars qui connaîtront les marchés internationaux, des hommes qui connaîtront la finance, l'administration et qui, par leur énergie, leur sens des responsabilités, leur crédibilité, vont accaparer des postes. C'est ça, le problème fondamental.

C'est de cette seule façon, comme Québécois et comme francophones, qu'on pourra jouer, dans le monde de l'industrie et de la finance, le rôle qui nous appartient. Je crois que tout ceci peut être un inconvénient sérieux pour notre jeunesse et on est rendu que notre jeunesse croit qu'avec des lois comme la loi no 1, on va résoudre le problème du développement industriel, économique, financier et scientifique du Québec. A mon avis, c'est fondamentalement faux. Je ne dis pas qu'une législation sur les langues n'a pas son importance et qu'elle ne peut pas aider dans le processus ou dans l'évolution. Mais ce n'est certainement pas une loi comme celle-ci, à mon avis, qui va jouer un rôle prédominant dans ce besoin que nous avons, comme francophones, d'accaparer des postes de direction dans des domaines où nous n'avons jamais été motivés à le faire.

C'est tout ce que je voulais dire, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député, vous avez très légèrement dépassé le temps du parti de l'Opposition officielle. Mais je vous ai écouté avec beaucoup d'attention.

M. Laplante: Un vrai somnifère.

Le Président (M. Cardinal): Pour conclure...

M. Charbonneau: C'est édifiant...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre! Pour terminer cette audition, M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: M. le Président, j'aimerais, au moins comme troisième personne, apprécier à sa juste valeur le premier paragraphe de la conclusion de votre mémoire. Je pense que, comme vous, il est un peu triste d'avoir à légiférer pour la troisième fois, presque pour la quatrième fois, au Québec, sur les droits linguistiques de la majorité francophone. Puisque vous soulignez ces droits historiques, je tenterai, pour ma part, en deuxième lecture, d'essayer de convaincre le député de Jacques-Cartier de ces nécessités...

M. Bertrand: Bonne chance!

M. Fallu: Merci, cher collègue.

J'ai une remarque à faire et une question à vous poser. La remarque est relative à votre proposition de récupération des bébés de la loi 63 et de la loi 22. Pour ma part, je crains qu'il soit un peu arbitraire de tenter de les récupérer parce qu'il faudrait au-delà des termes québécois, ou peuple québécois, ou québécois francophones ou quoi que ce soit, déterminer un modèle opérationnel pour les récupérer, pour ainsi dire. Ce que vous soulignez là, je consens à ce que ce soit une remarque prospective; mais, pour moi, c'est sur-

tout, malheureusement, un jugement de valeur que vous portez sur les lois antérieures.

Dans votre exposé oral, vous avez soulevé un aspect prospectif que vous n'avez fait qu'énoncer sans développer, et j'aimerais savoir un peu davantage quel est le fond de votre pensée. Je cite à peu près au texte; vous parliez de valorisation de l'apprentissage de la langue française chez les minorités. Si je comprends bien, vous alléguez par là que c'est après que la Charte de la langue soit devenue officielle qu'il faudrait valoriser l'apprentissage de la langue française chez les minorités. Cela suppose donc, si j'ose trouver des applications, des méthodes, un marketing, cela suppose peut-être bien même des crédits disponibles. Dans votre pensée, qu'est-ce qu'il en est de cet aspect de l'apprentissage de la langue française chez les minorités?

M. Rousseau: Nous voulons d'abord signifier que cette reconnaissance des minorités participant et faisant partie de plein droit au peuple québécois de par la définition des termes qu'on apportera et dans l'esprit que M. le ministre mentionnait tout à l'heure... Nous devrions trouver là la motivation nécessaire chez les minorités pour apprendre le français puisqu'elles appartiendront de plein droit à ce peuple québécois, et nous préférons cette démarche à une démarche coercitive. C'est le fond de l'énoncé que je prenais. Il reste aussi qu'on devra nécessairement aller un peu dans le sens du marketing, comme vous le mentionnez, c'est-à-dire envisager des mesures qui favorisent, de la part de ces minorités, l'apprentissage du français, leur donner une instrumentation adéquate, leur donner des maîtres compétents dans le domaine et des maîtres qui ont vraiment un souci culturel de ce côté.

Ce sont différentes mesures qu'on peut envisager.

M. Fallu: A ce moment-là, aux minorités à l'école ou aux minorités qui ont déjà dépassé le stade scolaire? Entre autres, vous avez fait allusion, au niveau de l'éducation permanente tantôt. Est-ce que cela comporte aussi ce niveau postscolaire?

M. Rousseau: Cela comporte ce niveau, pour sûr.

M. Fallu: Pour ma part, c'est tout. Je vous remercie officiellement, au nom de l'équipe ministérielle de vous être présentés, du souci que vous avez eu à préparer ce mémoire qui, d'ailleurs, est en tout point remarquable. Remarquable parce que vous avez profondément senti le noeud du problème québécois qu'après deux lois... Nous en sommes à une troisième qui, espérons-le, sera finale, et vous êtes venus nous le dire dans des mots qui sont assez semblables à ceux, je crois, de la majorité des Québécois. Merci.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que vous avez un très bref mot à ajouter?

M. Rousseau: Un dernier mot, M. le Président, à l'intention de M. le député qui, malheureusement, a quitté son siège lorsqu'il faisait référence aux jeunes dan6 nos écoles, et pour nous, je crois que le projet de loi apportera une motivation auprès des jeunes pour l'apprentissage du français et les aidera à trouver une identité qu'ils n'ont pas présentement puisqu'ils sont dans l'ambiguïté d'une situation où ils apprennent le français et où ils envisagent de travailler en anglais.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez quelque chose à ajouter?

M. Langlais: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Votre micro...

M. Langlais: M. le Président, je veux tout simplement vous dire que nous sommes heureux d'avoir eu l'occasion de vous présenter tout de go nos positions sans trop d'anicroches à vos règles d'ordre. Je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): Alors, dans l'ordre, M. Rousseau, M. Breton, M. Lafortune et Langlais, merci pour le mémoire que vous avez présenté au nom de l'Association des cadres scolaires du Québec. Je vais inviter immédiatement le prochain organisme. Merci.

Lettre du Conseil supérieur de l'éducation

Le Président (M. Cardinal): L'Association du transport aérien international, IATA, mémoire 75. Madame, je m'excuse, avant que vous ne commenciez, j'aurais un très bref mot à dire en réponse à une question de Mme le député de L'Acadie, en particulier, son collègue de gauche étant parti.

Il y a quelques minutes à peine, j'ai reçu la lettre suivante que je veux lire en entier: Québec, le 4 juillet 1977. C'est adressé au Président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications, à mon nom.

M. le Président,

Le Conseil supérieur de l'éducation a été requis le lundi 27 juin de comparaître le lundi suivant, le 30 juin, devant la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications au sujet du projet de loi no 1, Charte de la langue française au Québec.

Devant le précédent d'une convocation que lui adressait une commission parlementaire, le conseil a cru devoir demander un sursis afin d'en mesurer les implications. Il sait gré à la commission de ne l'avoir pas pressé de comparaître.

A l'examen, le conseil souhaite n'avoir pas à se présenter auprès de la commission. Il estime en effet préjudiciable au caractère propre de ses travaux de devoir témoigner au cours d'un débat parlementaire, une fois son avis soumis sur le sujet en cause au ministre de l'Education, dont il relève immédiatement.

A l'unanimité, les membres du conseil estiment que l'impartialité dans laquelle ils se tiennent pourrait autrement se trouver affectée dans l'avenir et que le recul dont ils bénéficient pourrait leur être plus difficile.

En conséquence, sans méconnaître les pouvoirs de la commission, le conseil espère qu'elle lui permettra de ne pas se rendre à sa convocation.

Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments distingués, le président du conseil, Jean-M. Beauchemin.

Alors, on m'a posé... Oui. C'est au journal des Débats, évidemment. Je possède l'original qui a été livré à mon bureau et il y a une copie qui a été remise au secrétariat de la commission.

Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais simplement, avant de réagir, en dire mot à mes collègues. Après le dîner, je pourrai vous faire connaître le point de vue de l'Opposition officielle, qui avait fait la motion.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. le député de Bourassa.

M. Laplante: M. le Président, j'aurais souhaité que le député de Marguerite-Bourgeoys, lorsqu'il vient à la commission, fasse le temps que dure la commission, pour le peu de fois qu'il peut venir, pour entendre cette missive du Conseil supérieur de l'éducation.

M. Ciaccia: Une question de règlement, M. le Président. On impute des motifs au député de Marguerite-Bourgeoys pour le peu de temps qu'il peut venir. Il a été ici durant tous les débats, sauf quelques abstentions; pour ses abstentions, je ne crois pas qu'il doive des excuses ou des explications au député de Bourassa. Je ne voudrais pas qu'on impute des motifs au député de Margeurite-Bourgeoys, pour des raisons que le député de Bourassa ignore. Il a dû s'absenter à ce moment-ci.

M. Laplante: Cela fait mal, lorsqu'on impute...

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, sa contribution est beaucoup plus précieuse que celle du député de Bourassa aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Madame et monsieur, les deux députés, le député de Mont-Royal a raison. Il ne faudrait pas que maintenant l'on impute de nouvelles intentions à d'autres députés et que l'on recommence le débat. J'ai simplement, comme président, fait mon devoir en répondant à une question de deux députés de l'Opposition officielle, en lisant cette lettre qui m'a été livrée aujourd'hui même et qui est datée d'aujourd'hui, que j'ai d'ailleurs présentée immédiatement après l'avoir lue tant au ministre de l'Education qu'aux représentants du parti ministériel. Je peux aussi la passer à M. le député de Gaspé. Je demanderais qu'on me remette l'original. Je n'en ai parlé à aucun membre de la commission auparavant. Ceci s'est fait il y a environ 20 minutes.

Alors je voudrais bien que, devant le Conseil supérieur de l'Education, la commission prenne, comme le dit Mme le député de L'Acadie, le temps de réfléchir. Je n'ai pas, personnellement, d'avis juridique à rendre sur une semblable lettre, certainement pas.

M. Bertrand: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Puisqu'il en sera sans doute question ce soir, à la séance, où le député de Marguerite-Bourgeoys représentera sa motion pour faire comparaître la Régie de la langue française, est-ce qu'il serait possible d'en avoir des copies pour les membres, ce soir?

Le Président (M. Cardinal): Je vérifie ceci immédiatement. Vous savez que l'horaire d'été du personnel de l'Assemblée nationale n'est pas celui des membres des commissions. Je vais tenter l'impossible pour en obtenir.

M. Ciaccia: Celui d'hiver n'est pas le même non plus.

Le Président (M. Cardinal): J'ai donné des directives pour qu'avant 20 heures, nous puissions avoir 20 photocopies; c'est une copie pour chacun des membres de la commission. Cela va.

Je m'excuse, madame. Alors, Association du transport aérien international. Si vous voulez bien, non pas identifier votre organisme, je pense que tout le monde le connaît, mais vous identifier. Vous êtes madame Larose-Aubry.

Association du transport aérien international

Mme Larose-Aubry (Huguette): C'est ça, oui.

Le Président (M. Cardinal): Si vous voulez vous identifier davantage quand même; approchez votre micro s'il vous plaît.

Mme Larose-Aubry: Mon nom est Huguette Larose-Aubry et je suis conseiller juridique adjoint pour l'Association du transport aérien international.

Le Président (M. Cardinal): Ces micros sont difficiles. Approchez-vous ou rapprochez votre micro. Venez plus près de nous ou approchez le moyen de communication.

Mme Larose-Aubry: Mon nom est Huguette Larose-Aubry, je suis conseiller juridique adjoint de l'Association du transport aérien international, organisation à but non lucratif constituée en cor-

Doration en 1945, en vertu d'une loi spéciale du Parlement du Canada.

Au nom de l'IATA, je tiens à remercier la commission parlementaire d'avoir bien voulu nous donner l'occasion d'exposer publiquement notre point de vue sur la Charte de la langue française ou du moins le projet de charte.

L'objet du mémoire soumis par l'IATA est d'inviter la commission à reconnaître, à l'instar d'autres autorités gouvernementales, le caractère international et quasi gouvernemental de l'IATA, à lui accorder le statut spécial pour l'exercice de ses fonctions et à l'exempter des dispositions de la Charte de la langue française, dispositions susceptibles de nuire au maintien des conditions nécessaires à l'exercice des fonctions qui nous sont déléguées par les gouvernements du monde.

L'IATA poursuit les objectifs suivants: encourager le développement de transports aériens sûrs, réguliers et économiques au bénéfice des peuples du monde; favoriser le commerce aérien et étudier les problèmes s'y rapportant; fournir les moyens propres à une collaboration des entreprises de transports aériens engagées directement ou indirectement dans les services de transports aériens internationaux et, enfin, coopérer avec l'Organisation de l'aviation civile internationale, organisme spécialisé de l'ONU, et autres organisations internationales.

Toutes les compagnies aériennes peuvent adhérer à l'association, à condition que l'Etat dans lequel elles sont immatriculées soit admissible comme membre de l'OACI. Il est intéressant de constater, surtout si l'on tient compte que l'IATA est une association entièrement volontaire et apolitique, que la très grande majorité des compagnies qui desservent des routes aériennes internationales ont décidé de devenir membres. A l'heure actuelle, nous comptons 109 compagnies membres exploitant leurs services sous le pavillon d'environ 80 Etats.

En 1977, les services exploités par les membres de l'IATA représentent quelque 86% du trafic aérien régulier international du monde entier. Bien que le siège social de l'association se trouve à Montréal, notre bureau principal est à Genève. Nous avons également des succursales à Bangkok, Londes, Nairobi, New York, Rio de Janeiro et Singapour ainsi que de nombreux bureaux chargés de contrôler l'application de nos règlements et ces bureaux sont répartis dans les plus grandes villes du monde, de sorte que la majeur partie du personnel de l'IATA est employée hors du Canada et hors du Québec.

Le personnel de l'association, y compris celui travaillant au siège social, est recruté parmi les ressortissants des nombreux pays représentés par les membres de l'IATA. En fait, les quelque 500 membres du personnel représentent environ 50 nationalités.

Parmi les activités de l'IATA, celles qui sont les mieux connues et les plus controversées sans doute sont les conférences de trafic au sein desquelles les compagnies aériennes internationales conviennent des tarifs passagers et marchandises, des redevances et des conditions de service y rela- tives. Les conférences de DATA constituent également un forum qui permet de mettre au point les règlements du programme mondial relatif aux agences. On y négocie les formulaires de trafic, les conditions de transport, les codes d'identification, les procédures de réservations ainsi qu'une kyrielle d'autres normes et accords pour établir un lien entre les services des compagnies membres et nos membres dans le monde entier.

Bien qu'à l'IATA les trois langues officielles soient le français, l'anglais et l'espagnol, au sein des conférences de trafic, nous n'utilisons que l'anglais, car les résolutions des conférences doivent être adoptées à l'unanimité, elles touchent des matières hautement techniques et controversées et on ne peut... Chaque traduction devrait être autorisée et approuvée à l'unanimité également de sorte que toutes les compagnies, d'un commun accord, ont décidé de n'utiliser que l'anglais.

Depuis 1944, plus d'un millier d'accords intergouvernementaux bilatéraux de transport aérien ont prescrit expressément que les transporteurs désignés doivent, chaque fois que possible, conclure des accords tarifaires par le truchement du système des conférences multilatérales de l'IATA. Le système de conférences sur le transport aérien international est devenu ainsi un corollaire indispensable du cadre intergouvernemental de réglementation qui régit l'industrie. Les conférences effectuent leurs travaux en vertu de l'autorité que leur confèrent les gouvernements et sous l'étroite surveillance de ces derniers. En fait, ces accords sont soumis à l'approbation des gouvernements.

Dans le cadre des activités techniques assumées par le personnel de Montréal, l'IATA coopère avec l'OACI, organisme spécialisé de l'ONU, et les gouvernements du monde entier pour veiller à ce que les normes, les installations et services destinés à l'aviation répondent aux normes les plus élevées et ainsi assurent la sécurité et l'efficacité des services aériens. Les questions relatives à l'approbation et à l'enregistrement de quelque 17 000 agences de voyages, situées en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Amérique centrale et dans les Antilles, sont également traitées à Montréal.

Dans le domaine juridique, un personnel familier avec les divers régimes juridiques travaille en étroite liaison avec l'OACI et autres organismes internationaux à l'élaboration de règles de droit aérien international. Il traite également des questions de conflit de lois et de tous autres développements législatifs qui risquent d'avoir une incidence sur le transport aérien ou les systèmes réglementaires dans le cadre desquels il fonctionne et fournit les services nécessaires à l'arbitrage des différends entre transporteurs et agents.

C'est aussi au département juridique qu'il incombe d'aider les compagnies membres à établir une politique coordonnée en matière de redevances d'usage et de sécurité aérienne et de présenter le point de vue de l'association à l'OACI et aux autres autorités responsables.

Comme je l'ai expliqué plus tôt, le but du mémoire est de prier la commission et les autorités provinciales de reconnaître, à l'instar d'autres autorités où nous avons établi nos bureaux, le caractère assez spécial de l'IATA, en fait son caractère quasi gouvernemental et international.

Selon la conception traditionnelle, une organisation internationale est constituée par un traité entre Etats et comprend des Etats comme membres. D'un point de vue formel et classique, la personnalité juridique internationale conférée à une organisation dépendrait de deux conditions, l'une relevant du processus de création, l'autre de la nature de ses membres. Mais la doctrine et la pratique du droit international contemporain tentent à donner la préférence à un critère fonctionnel. Ce sont en effet les fonctions exercées par une organisation qui requièrent un statut spécial lorsque ces fonctions revêtent pour la communauté des Etats un intérêt général tel, que l'indépendance de l'organisation à l'égard de l'Etat qui l'accueille doit être garantie spécialement. Et, c'est ce que nous allons tenter de prouver pour l'IATA.

Il semble reconnu en fait que le statut formel d'une organisation ne devrait pas être déterminant en ce qui concerne la question de la définition, lorsque cette organisation exerce des fonctions qui s'apparentent à celles d'une organisation intergouvernementale et possède des pouvoirs et une personnalité internationale opposable aux Etats.

L'IATA n'a pas été constituée par un traité interétatique et ses membres ne sont pas formellement des Etats. Il faut donc s'en référer aux critères fonctionnels. L'impulsion première pour la création de l'IATA est venue au cours de la Conférence sur l'aviation civile internationale qui s'est tenue à Chicago en 1944. Les 49 gouvernements représentés à cette conférence n'ayant pas réussi à établir à l'intérieur de la convention, un mécanisme pour régler les questions économiques fondamentales relatives aux droits de trafic et aux tarifs, ont encouragé les représentants de leurs compagnies aériennes nationales qui étaient présents à Chicago à former une institution internationale pour combler cette lacune, en ce qui a trait à la détermination des tarifs.

C'est ainsi que le 19 avril 1945, à La Havane, une soixantaine de compagnies aériennes ont créé l'IATA. L'accord de La Havane a été formellement reconnu par les Etats, par les références directes faites à l'IATA dans d'innombrables accords bilatéraux ainsi que dans l'accord international sur la procédure applicable à l'établissement des tarifs, des services aériens réguliers, accord conclu à Paris en juillet 1967.

Lors de la création de l'IATA il existait déjà dans de nombreux pays, des corporations, régies publiques ou compagnies appartenant aux gouvernements et qui se conformaient aux instructions de ces derniers. En défendant leurs propres intérêts, ces compagnies sauvegardaient également ceux des gouvernements. On constate donc que dès le début, les Etats ont participé de manière variable selon les pays, mais le plus souvent de manière très directe au processus de création de l'IATA. A l'exception de l'URSS et de la République populaire de Chine, la plupart des Etats ont confié à l'IATA la fonction d'établir des tarifs pour les transports aériens.

Une fois ratifiés les accords conclus dans les conférences de trafic et dans certains cas même, une fois écoulé le délai de ratification, les tarifs élaborés font partie intégrante des accords bilatéraux et lient ainsi les Etats contractants.

On constate que dans le domaine très important de l'établissement des tarifs, l'IATA remplit une fonction gouvernementale ou quasi gouvernementale.

La formule souple des conférences tarifaires permet aux gouvernements de s'entendre sur des questions souvent très complexes, par l'intermédiaire de leurs compagnies aériennes, en évitant les inconvénients d'une confrontation ouverte.

Le "déphasage" qui apparaît entre le statut formel de l'IATA et l'intérêt public ou étatique de ses fonctions est accentué par les compétences de l'IATA qui ont, en fait, un caractère quasi gouvernemental relevant du droit public.

D'ailleurs, les résolutions de l'IATA, une fois acceptées par les gouvernements, acquièrent généralement la force d'une règle de droit national. Aux termes de plusieurs traités bilatéraux, la mise en vigueur par l'IATA, après approbation gouvernementale, lie les Etats contractants entre eux et les oblige à respecter les tarifs tant que ceux-ci demeurent en vigueur.

Il est dès lors logique de conclure de ces faits que les règlements et décisions de l'IATA constituent une source de droit, cela d'autant plus qu'il est incontestable que l'association exerce une forte influence sur l'activité législative des Etats dans le domaine aérien.

Outre l'établissement des tarifs, ainsi que nous l'avons mentionné plus tôt, les conférences de trafic pourvoient à l'administration et à la discipline d'un réseau très important d'agences de voyages, quelque 25 000 à travers le monde, et ce contrôle a été encore une fois entrepris avec l'encouragement et l'approbation des gouvernements.

En vue d'assurer le respect de ses tarifs et des règlements, ratifiés en fait par les gouvernements, ces derniers laissent, en général, à l'IATA les soins d'assurer par des sanctions disciplinaires le respect et l'application des tarifs et règlements par les membres de l'association, leurs associés et les agences.

Si, comme c'est parfois le cas, une violation incriminée est le fait d'une compagnie agissant sur instructions de son gouvernement, l'affaire opposant l'IATA à son membre prend proportion d'un différend entre le gouvernement transgres-seur et les autres gouvernements dont les intérêts économiques sont lésés par la violation. L'importance économique des tarifs aériens est en effet si grande que les gouvernements doivent pouvoir considérer que les résolutions ne seront pas remises en question par ceux qui les ont approuvées.

En outre, les conférences tarifaires taisant partie intégrante de l'IATA, leur reconnaissance par les gouvernements emporte implicitement celle de l'IATA comme organisation internationale.

Cette reconnaissance confère à l'IATA une certaine personnalité internationale opposable aux Etats.

De plus, même si l'IATA constitue une fédération des compagnies nationales d'aviation et que ses membres ne sont pas les gouvernements tels quels, c'est, pour la plupart des cas, pour des raisons que, même lorsque la société de navigation aérienne appartient intégralement à l'Etat ou en est une émanation, les gouvernements ont, en général, donné à ces sociétés un caractère de sociétés de droit privé. Ils l'ont fait pour des raisons d'ordre pratique, ou soit pour arriver à une efficacité et à une souplesse opérationnelle plus grande. C'est ainsi qu'un certain nombre des sociétés membres de l'IATA sont, à la forme, des sociétés de droit privé, mais la majorité et souvent même la totalité de leur capital-actions est détenue par les Etats ou par des communautés de droit public. Un tableau indiquant la participation gouvernementale dans les sociétés membres de l'association est joint au mémoire en annexe I.

Le fait que l'IATA ait été créée sur l'initiative des transporteurs aériens et non les gouvernements eux-mêmes et qu'ensuite les gouvernements n'en soient pas devenus formellement membres ne signifie pas grand-chose. En effet, pratiquement et politiquement, dans la plupart des pays, les gouvernements s'identifient à leurs agents transporteurs.

En résumé, il est clair qu'outre ce qui précède, la dynamique des activités propres de l'IATA, leur extension et les nécessités actuelles ont imprimé à l'association le caractère d'une organisation quasi gouvernementale et internationale.

Ce caractère est aujourd'hui accrédité par une certaine coutume internationale, étant donné que l'IATA élabore et règle, depuis plus de trente ans, les tarifs aériens et qu'environ 86% du trafic international est assuré par les membres de l'IATA.

Ce caractère a été reconnu par la Suisse qui, récemment, accordait à l'IATA, un statut spécial lui garantissant l'indépendance nécessaire à l'exercice de ses activités en Suisse.

Les dispositions du projet de loi no 1 soulève de graves préoccupations pour l'IATA, car elles risquent d'entraver ou de brimer une certaine latitude nécessaire à l'exercice de nos fonctions, fonctions qui, je le répète, nous ont été déléguées par les gouvernements du monde.

L'IATA souscrit, en principe, aux mesures visant à reconnaître formellement le droit de tout salarié à exiger que soit rédigées en français les communications écrites relatives aux conditions d'emploi qui lui sont adressées par l'employeur. Les membres du personnel de l'IATA peuvent déjà exercer ce droit. Il importe cependant de laisser à l'employeur le droit d'adresser, et au salarié celui de recevoir, la version anglaise de ces mêmes communications.

Une connaissance approfondie de la langue anglaise est une des conditions essentielles à l'accomplissement des tâches au sein de l'IATA. Les nombreux avis, circulaires, rapports, études et autres communiqués adressés à une centaine de lignes aériennes immatriculées dans quelque 80 pays différents, ne peuvent, de toute évidence et pour des raisons d'ordre pratique, être rédigées dans toutes les langues officielles de ces pays. Il a fallu adopter la langue reconnue par la pratique internationale dans le domaine de l'aviation civile internationale, à savoir la langue anglaise.

Toute personne postulant un emploi à l'IATA doit donc non seulement répondre aux exigences techniques du poste, mais encore posséder une connaissance suffisante de la langue anglaise lui permettant d'analyser les données des divers problèmes qui lui seront généralement soumis en anglais, par ses collègues de l'industrie, d'en discuter avec eux et de leur soumettre les recommandations écrites appropriées.

Pour mener à bien les tâches qui lui sont déléguées par les gouvernements, l'association doit conserver une certaine liberté d'action quant à l'imposition des conditions d'embauche et de congédiement pour cause de son personnel.

L'article 37 reconnaît en partie ce principe. Le mécanisme d'exemption prévu n'offre peut-être pas la latitude nécessaire à l'IATA dans la mesure où une preuve justifiant l'exigence de la connaissance de la langue anglaise devrait être fournie dans les cas d'embauche. Il n'est pas clairement stipulé non plus si la même preuve serait suffisante dans les cas de congédiement. Le projet de loi no 1 reconnaît en partie ce problème également à l'article 63 qui stipule que "rien n'empêche l'emploi d'une langue en dérogation avec la présente loi lorsque les usages internationaux le demandent.

Cette définition ne définit pas cependant les termes "usages internationaux" qui peuvent donner lieu à interprétation. L'effet des dispositions du chapitre VIII sur le libre choix laissé aux membres du personnel de l'IATA constitue un grave sujet de préoccupation. Les exigences de fonctions hautement spécialisées et les obligations de l'IATA envers ses membres contraignent l'association à recruter son personnel de direction dans le monde entier. Ainsi, les 41 membres du personnel de direction du bureau de Montréal proviennent de quatorze pays différents. En raison de leurs origines ethniques et de leurs antécédents culturels, certains des membres du personnel de direction désirent que leurs enfants reçoivent leur enseignement en anglais.

Nombreux parmi eux envisagent le retour de leurs enfants dans leur pays d'origine; d'autres doivent également opter pour ce système afin d'assurer une certaine continuité, peu importe le pays où leurs fonctions souvent itinérantes les conduiront. Si la nouvelle législation devait rendre la chose impossible, l'IATA éprouverait de la difficulté à garder certains de ses cadres, et il lui serait encore plus malaisé à l'avenir d'embaucher du personnel répondant aux exigences précitées ou d'effectuer les transferts nécessaires entre ses divers bureaux à travers le monde.

Les dispositions relatives à la langue de l'enseignement risquent de faire obstacle à la mobilité du personnel de l'association et, ainsi, de nuire à l'exercice de ses fonctions quasi gouvernementales. L'IATA invite donc instamment la commission

et les autorités gouvernementales à reconnaître, à l'instar de la Suisse, le statut spécial de l'association et à l'exempter de l'application des dispositions susceptibles d'entraver la liberté d'action si nécessaire à son bon fonctionnement.

Le présent mémoire a été limité à dessein aux aspects les plus épineux du problème. Certaines autres dispositions de la charte, de même que les politiques ultérieures de l'Office de la langue française, soulèveront peut-être d'autres difficultés, mais nous prions la commission de recommander, à la lumière des principes énoncés, que l'IATA possède ce caractère international et quasi gouvernemental et de recommander que l'IATA et son personnel soient clairement exemptés de l'application des dispositions de la Charte de la langue française au Québec, lui accordant ainsi le statut spécial nécessaire à l'exercice de ses fonctions internationales et quasi gouvernementales. Merci.

Le Président (M. Cardinal): Merci, madame. Je pense qu'il est inutile de commencer une période des questions à cette heure. Il y a bien assez que je mange certains mots sans qu'on les interprète mal pour moi. Les travaux de cette commission — on entend toujours la cloche — reprendront à 20 heures. La séance est donc suspendue jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

Reprise de la séance à 20 h 8

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, ma dame, messieurs!

Mme Larose-Aubry, si vous voulez regagne votre fauteuil. Mme Larose-Aubry ayant termini son mémoire, j'accorde la parole à M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, ce n'es pas sans un plaisir particulier que j'accueille, pou ma part, Mme Huguette Larose-Aubry. Il m'arrive quelquefois, quand je retrouve de la sorte l'une de mes étudiantes ou l'un de mes étudiants occupant un poste intéressant dans un organisme international, de me dire que mon enseignement a été utile à quelque chose.

M. Lalonde: II n'a pas trop nui.

M. Morin (Sauvé): II n'a pas trop nui, comme dit le député de Marguerite-Bourgeoys.

Vous nous avez soumis un mémoire fort bien documenté, madame, dans lequel vous priez le gouvernement, de la part de l'IATA, de reconnaître le caractère international et quasi gouvernemental de cette association et de l'exempter clairement de l'application de la Charte de la langue française au Québec.

J'aimerais faire une distinction, si vous le voulez bien, pour les fins des questions que j'ai à vous poser, entre la langue de travail et la langue de l'enseignement. Pour ce qui est de la langue de travail, il est déjà prévu, dans le projet de loi, que certaines situations particulières, comme celle de l'IATA, seront considérées à part. J'attire votre attention sur les articles 63, 109 et 113 du projet de loi qui sont destinés justement à couvrir le cas de ce genre d'organisme.

D'ailleurs, dans les règlements qui ont été déposés à l'Assemblée nationale, par mon collègue le ministre d'Etat au développement culturel, vous aurez pu noter qu'il est prévu un statut spécial pour les organismes internationaux à but non lucratif.

Je ne sais pas si on a attiré votre attention déjà sur ces règlements mais ils viennent compléter la loi sur ce point précis.

Pour ce qui est maintenant de la langue d'enseignement pour les enfants des cadres travaillant à votre siège social à Montréal, j'aimerais vous poser un certain nombre de questions. Parmi ces cadres, ces employés, il s'en trouve certains qui sont étrangers et qui sont employés en raison de leurs aptitudes techniques particulières, de leurs connaissances techniques particulières. Il se trouve également sans doute des Québécois qui, à l'heure actuelle, ont la nationalité canadienne. Il se trouve certainement aussi des personnes qui, ayant obtenu un statut d'immigrants reçus, espèrent, par le truchement de ce poste international, obtenir la nationalité canadienne et, de la sorte, s'installer à demeure ou, en tout cas, pour quelques années à Montréal.

J'aimerais vous demander si, lorsque vous revendiquez la non-application de la charte ou du

projet de charte à l'IATA, vous visez non seulement la langue de travail, mais également la langue d'enseignement. Si tel est le cas, voulez-vous que l'exemption accordée à l'IATA s'applique non seulement aux cadres et employés étrangers, mais encore aux cadres et employés québécois ou canadiens?

Autres questions. Je vous les pose pour sauver du temps, je vous les pose à la queue leu leu, autres questions qui, elles, pourraient peut-être faire l'objet de recherches de votre part, je ne sais trop.

Votre siège social, le siège social de l'IATA est à Montréal, mais vous avez également un bureau principal à Genève, des succursales à Bangkok, à Londres, à Nairobi, à New York, à Rio de Janeiro et à Singapore. J'aimerais vous demander si, dans chacune de ces capitales étrangères où vous avez des cadres et des employés, l'Etat d'accueil autorise votre personnel à fréquenter, aux frais de l'Etat, des écoles anglaises. Voilà. J'en ai terminé pour mes questions et je voudrais laisser à Mme Larose-Aubry tout le loisir de faire ses commentaires.

Le Président (M. Cardinal): Madame.

Mme Larose-Aubry: Merci, M. le ministre, je vais essayer de répondre à tous ces points.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse encore, madame, votre micro, s'il vous plaît.

Mme Larose-Aubry: Merci, M. le ministre, de vos questions; je vais essayer d'y répondre. Sur le premier point, où vous avez porté à mon attention le fait qu'il y a déjà un règlement ou qu'on prévoit déjà un règlement spécial pour les organismes internationaux à but non lucratif, nous avons noté ce développement et également les articles 63, 109 et 113. Mais, en tant qu'entité juridique, l'IATA est une corporation canadienne; il lui faut donc un acte des autorités gouvernementales lui reconnaissant son statut international. C'est peut-être une technicité puisque, dans les faits, nous le sommes déjà et que d'autres autorités l'ont reconnu, mais ce serait peut-être préférable de veiller à ce point.

M. Morin (Sauvé): J'en prends bonne note.

Mme Larose-Aubry: Merci. Par votre deuxième question, je crois, vous nous demandiez si nous voulions une exemption à la fois pour la langue de travail et la langue de l'enseignement. La réponse à cette question est oui.

En ce qui a trait à la langue de l'enseignement, c'est un peu difficile de répondre clairement à votre question puisque vous me parlez d'employés québécois et que j'ignore toujours ce qu'est un employé québécois. Est-ce quelqu'un qui est né ici? Est-ce quelqu'un qui a ici une résidence permanente? Est-ce quelqu'un qui travaille ici? Comme je n'ai pas ces précisions, je ne peux vraiment pas vous répondre.

M. Morin (Sauvé): Je suis tout à fait disposé à vous préciser la question. J'avais à l'esprit quelqu'un possédant déjà la nationalité canadienne ou un statut d'immigrant reçu — distinguons peut-être ces deux cas — et résidant, naturellement, à Montréal ou au Québec.

Mme Larose-Aubry: En général, le problème là-dessus, pour nous, ce serait très difficile de faire une distinction très claire.

Très souvent, nos employés, lorsqu'ils viennent d'autres bureaux, sont transférés ou sont embauchés, pour obtenir leur permis de travail, parce qu'encore là nous sommes une corporation canadienne et non pas un organisme spécialisé de l'ONU, demandent le statut au départ et sont intéressés à venir s'établir ici de façon permanente. Ils ont cette intention au départ. Evidemment, les aléas d'une carrière internationale les amènent à se déplacer, de sorte que la plupart de nos employés ont ce statut d'immigrant reçu, aux fins de résidence permanente. Je ne dis pas tous, je dis plusieurs, de sorte que si, maintenant quelques-uns qui ont décidé de s'établir vraiment de façon permanente au Canada et au Québec, quel que soit peut-être par la suite leur carrière, quitteront l'IATA et s'établiront ici, eux demanderont la nationalité canadienne ou d'être naturalisés.

Mais, si vous me demandez si on demande l'exemption pour à la fois ces employés de cadres résidant de façon permanente au Québec, la réponse est oui.

M. Morin (Sauvé): Et dans le cas d'un employé ou d'un cadre qui, comme vous, par exemple, est Québécois d'origine et qui entre à l'IATA pour y faire carrière, vous attendriez-vous à ce que ce Québécois soit exempté, parce qu'il entre à l'IATA, de la loi linguistique?

Mme Larose-Aubry: Je dois répondre à cette question non en mon nom personnel, mais au nom de l'IATA. Il est parfois difficile, au sein d'une association comme la nôtre, de demander des exemptions différentes pour certains de nos employés que pour d'autres. Alors, dans une mesure d'uniformité, nous croyons qu'il serait préférable d'accorder cette exemption totale à nos employés. Maintenant, si le gouvernement a des difficultés plus particulières, enfin, ne peut admettre ce point, je ne voudrais pas me prononcer plus avant avant de consulter notre comité exécutif sur cette question.

M. Morin (Sauvé): Je vous engagerais à le faire, parce que si vous ne voulez pas faire de distinction entre vos employés et vos cadres, nous ne voulons pas en faire entre Québécois. Le principe est aussi important pour le gouvernement qu'il peut l'être pour vous, de sorte que j'aimerais que vous portiez ce problème à l'attention des autorités de l'IATA, pour que nous puissions éventuellement en reparler.

L'autre partie de ma question avait trait à ce qui se passe à Genève. Commençons par Genève.

Est-ce que l'Etat, à Genève, paie aux employés de votre bureau principal, comme vous l'appelez, la fréquentation de l'école anglaise?

Mme Larose-Aubry: Pour répondre à cette question, malheureusement, ce serait peut-être un peu long et je dois expliquer certaines choses. Lorsque nous avons établi notre siège social au Québec, il y avait plusieurs raisons militant en faveur de notre établissement ici: la présence de l'OACI, la situation en Amérique du Nord également, à proximité des grands manufacturiers de l'aviation et également le fait que nous étions dans un pays où on avait les deux langues officielles.

Il y en avait d'autres également. Je ne veux pas développer davantage cette question.

Lorsque nous avons ouvert notre bureau à Genève, premièrement, c'est le quartier français de la Suisse, mais il y a également les écoles allemandes, comme vous le savez sans doute, et anglaises qui sont privées... Dans ce cas-là, parce que c'était un bureau, on versait aux employés certains frais pour assumer les frais d'éducation, mais maintenant ce n'est plus nécessaire, parce que les autorités suisses et les autorités cantonales de Genève, ayant reconnu à l'IATA, ce statut quasi gouvernemental et international, ont également exempté d'impôt tous les employés de l'IATA, de sorte que les sommes ainsi épargnées compensent largement pour les frais d'éducation.

M. Morin (Sauvé): On voit qu'elle a été bien formée. Mais le principe demeurait que l'Etat ne payait pas, même avant que cette exemption ne soit accordée, l'école anglaise aux fonctionnaires de l'IATA puisqu'une telle école n'existe pas de toute façon dans le canton de Genève.

Mme Larose-Aubry: C'est exact, mais la seule différence, c'est que lorsque nous nous sommes établis à Genève, nous le savions.

M. Morin (Sauvé): Oh, mais est-ce que désormais vous ne le saurez pas?

Mme Larose-Aubry: Exactement, désormais, nous le saurons, si c'est le cas et ce sera aux autorités de l'IATA de soupeser les conditions existantes.

M. Morin (Sauvé): C'est cela, la présence de loi, enfin tout ce qui fait que...

Mme Larose-Aubry: II y a plusieurs facteurs à considérer effectivement.

M. Morin (Sauvé): C'est cela. Et Bangkok, qu'en est-il à Bangkok?

Mme Larose-Aubry: A Bangkok, nous avons un très petit bureau d'environ quatre ou cinq employés, seulement, si vous me permettez de vérifier, parce que... Le personnel de cadre, à Bangkok, se résume environ à trois personnes. Par contre, les autorités de Bangkok, évidemment, je ne pourrais pas vous répondre au point de vue de la langue de l'éducation, je ne le sais pas, tout ce que je pourrais.. Je devrais faire des recherches, de même que dans tous les autres bureaux. Je sais que dans bien des cas, les autorités nous facilitent certaines choses. A Rio, il y a une reconnaissance pour l'enregistrement de nos bureaux de Rio qui a été facilitée, il y a des choses comme celles-là.

M. Morin (Sauvé): Oui, je ne le conteste pas, mais je pense que c'est un peu normal qu'il en soit ainsi. Mais Londres mis à part, pour des raisons qui paraissent évidentes, est-ce que, dans les autres grandes villes où vous avez des succursales, comme Nairobi, Rio de Janeiro, Singapour, est-ce qu'à votre connaissance, l'Etat paie à vos cadres ou employés l'école publique anglaise?

Mme Larose-Aubry: A Nairobi évidemment, à Singapour aussi.

M. Morin (Sauvé): Est-ce que vous en êtes sûre?

Mme Larose-Aubry: Nos cadres...enfin, je peux vérifier. Je sais qu'à Nairobi, c'est le cas, et je crois qu'à Singapour c'est la même chose.

M. Morin (Sauvé): Ce serait utile pour la suite de cette discussion que vous fassiez une recherche la plus sommaire possible pour nous indiquer la situation, notamment à Genève, à Rio de Janeiro, à Singapour, à Bangkok, à Nairobi. Vous pouvez laisser Londres et New York de côté.

Mme Larose-Aubry: J'ai déjà répondu pour Genève, je crois.

M. Morin (Sauvé): Oui...

Mme Larose-Aubry: Assez en détail.

M. Morin (Sauvé): ...mais j'aimerais que vous vous assuriez des détails, parce qu'il pourrait être important pour nous de les connaître. Si vous aviez l'amabilité en tout cas de nous les fournir, éventuellement, par écrit.

Une dernière question, est-ce que le traitement d'exemption que vous revendiquez ne serait applicable qu'aux cadres ou également aux employés?

Mme Larose-Aubry: Dans le domaine de la langue, nous croyons qu'il devrait également s'appliquer aux employés, parce que si votre personnel de cadre doit travailler en anglais dans toutes ses communications à l'extérieur — et c'est notre travail, nous sommes un secrétariat pour 109 compagnies aériennes éparpillées dans le monde — il faut que les employés subalternes puissent comprendre, rédiger, dactylographier ou comprendre les instructions qui leur sont données, évidemment.

M. Morin (Sauvé): Oui, je n'en doute pas.

Mme Larose-Aubry: De sorte que la connaissance de la langue anglaise est également un prérequis.

M. Morin (Sauvé): Bien, je n'en doute pas et je faisais allusion, avant tout, à la langue d'enseignement, plus que la langue de travail. Je pense que le gouvernement a très bien compris, depuis quelque temps d'ailleurs, la situation particulière dans laquelle vous vous trouvez sur le plan de la langue de travail. Mais c'est au plan de la langue d'enseignement que nous posons des questions. Ce soir, j'essaie d'aller aussi loin que possible sur le chemin de l'élucidation de ces questions.

Mme Larose-Aubry: Dans le cas de la langue de l'éducation, dans la mesure où une bonne partie de notre personnel est recrutée localement, je ne crois pas que l'IATA insisterait nécessairement de ce côté. Par contre, à cause de réunions internationales qui sont parfois assez longues et qui peuvent même durer un an à l'occasion, nous avons du personnel de nos bureaux, soit la Genève, soit de New York, qui vient prêter main forte à l'occasion. Il y a une certaine mobilité du personnel, même subalterne.

M. Morin (Sauvé): Oui. D'ailleurs, ce cas est également prévu dans la loi, n'est-ce pas? Le cas des séjours temporaires.

Mme Larose-Aubry: Oui, parfois cela peut être plus que temporaire. C'est rarement défini. M. Untel ou Mlle Unetelle viendra à Montréal pour un an. Elle vient et elle peut passer six mois ou un an, elle peut passer trois ans comme beaucoup moins, de sorte que nous ne sommes pas certains si la disposition actuelle couvre ces cas.

M. Morin (Sauvé): Dites-moi, il me semble — ou est-ce que je confonds avec un autre mémoire — que vous avez mentionné quelque part le nombre de cadres, mais je ne suis pas sûr que vous ayez mentionné le nombre d'employés.

Mme Larose-Aubry: Est-ce que vous parlez strictement du siège social ou de l'ensemble de l'IATA?

M. Morin (Sauvé): Non, je vous entretiens du siège social de Montréal.

Mme Larose-Aubry: Au siège social de Montréal, nous avons 125 employés, dont 41 cadres.

M. Morin (Sauvé): Et là-dessus, à votre connaissance, combien y a-t-il de Québécois?

Mme Larose-Aubry: Québécois comme tels, je ne pourrais pas vous le dire. Nous avons environ une cinquantaine de Canadiens, tant d'expression française qu'anglaise.

M. Morin (Sauvé): Et d'expression française?

Mme Larose-Aubry: Environ quatorze ou seize.

M. Morin (Sauvé): Si vous n'avez pas la réponse exacte...

Mme Larose-Aubry: Pardon, quatorze. M. Morin (Sauvé): Quatorze?

Mme Larose-Aubry: Oh non! Attendez, je me fie à de mauvais chiffres. Douze, pardon.

M. Morin (Sauvé): Douze au niveau des employés ou à la fois employés et cadres?

Mme Larose-Aubry: Employés et cadres.

M. Morin (Sauvé): Et, là-dessus, combien de cadres et combien d'employés?

Mme Larose-Aubry: Deux cadres. M. Morin (Sauvé): Deux cadres. Mme Larose-Aubry: Dix employés.

M. Morin (Sauvé): Dix employés francophones, les autres étant donc des Anglo-Canadiens ou des Anglo-Québécois, peu importe!

Mme Larose-Aubry: C'est cela, ou encore certaines personnes qui maintenant ont acquis la nationalité canadienne.

M. Morin (Sauvé): Bien. Ces faits étant établis, M. le Président, je pense qu'il y aurait lieu que nous continuions à parler des problèmes de l'IATA au cours des semaines qui viennent. Je vous invite à nous renseigner sur ce qui se fait ailleurs. Ce sera pour nous du plus haut intérêt et cela pourrait même nous guider. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Madame.

Mme Larose-Aubry: Excusez-moi, M. le Président, est-ce que je peux demander...? Je vais essayer de faire ces recherches et de vous fournir ces renseignements. Dois-je adresser ce supplément au président de la commission ou est-ce qu'il y a...

Le Président (M. Cardinal): Le fait s'est déjà produit. Vous pouvez les adresser soit au président de la commission, soit au secrétariat de la commission. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, en l'occurrence est-ce que vous verriez à ce que chacun des membres de la commission reçoive une copie de ces renseignements?

Le Président (M. Cardinal): Comme cela s'est toujours fait dans le passé.

M. Lalonde: Merci.

M. Morin (Sauvé): C'est la règle.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Nous avons ici un mémoire que, je crois, on ne peut critiquer du point de vue de l'origine, comme d'ailleurs on l'a souvent fait, pas nécessairement le ministre de l'Education, parce qu'il n'était pas ici, mais le ministre d'Etat au développement culturel et les autres députés ministériels. Dès l'instant où un mémoire venait ici critiquant la position du gouvernement, c'était ou d'un inféodé à l'établissement ou c'était...

M. Morin (Sauvé): Est-ce que vous avez critiqué le gouvernement, madame? Je ne vous ai pas entendue critiquer le gouvernement.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre.

M. Ciaccia: Non pas critiquer le gouvernement, critiquer le projet de loi et apporter des suggestions, des recommandations.

M. le Président, j'invoque le règlement. Quand le ministre de l'Education a parlé, je ne l'ai pas interrompu et j'aurais pu le faire à maintes reprises, spécialement quand il donnait ses interprétations de l'article 113 et quand il donnait ses interprétations des articles 23 et autres. Je demanderais, s'il vous plaît, de ramener le ministre à l'ordre et de lui demander très respectueusement de ne pas interrompre les députés quand ils font leurs interventions.

M. Morin (Sauvé): Je me ramène à l'ordre moi-même, M. le Président.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, allez.

M. Ciaccia: Je continue. Les critiques que vous avez faites du projet de loi, en ce qui concerne une compagnie internationale, chose étrange, sont les mêmes critiques qui ont été apportées ici par d'autres compagnies dites québécoises, dites internationales, mais on a tout de suite libellé ces compagnies d'être anglophones, d'être inféodées à l'establishment, d'être des anarchistes, quand il y avait un jeune qui, évidemment, ne pouvait pas être catalogué comme un inféodé. Mais je crois que quand nous avons un mémoire d'un organisme qui représente quelque 89 pays, cela peut être considéré comme un peu objectif. Ce mémoire, M. le Président, est une illustration des faiblesses fondamentales du projet de loi no 1.

Premièrement, ce mémoire reconnaît que Montréal a un aspect international et il reconnaît que le projet de loi, et, semble-t-il, les propos du Parti québécois voudraient faire de Montréal une ville régionale, plutôt que de maintenir son caractère international avec tous les avantages que cela peut nous apporter, tant aux francophones qu'aux anglophones.

Si le projet de loi — c'est souligné dans le mémoire, et non seulement dans celui-ci, mais dans beaucoup d'autres — est adopté tel que rédigé, Montréal va perdre ce caractère de ville principale internationale.

Je ne suis pas rassuré par l'interprétation que le ministre de l'Education donne à l'article 113. Je crois que c'est un peu une insulte aux témoins qui viennent ici et qui demandent certains changements, certains amendements au projet de loi, parce qu'il ne reconnaît évidemment pas le caractère international de Montréal, et on leur jette à la face l'article 113, comme si ces gens ne savaient pas lire. Ces gens savent lire. C'est un conseiller juridique de l'IATA, ce sont des présidents de compagnies, ils l'ont lu l'article 113. Et puis l'article 113 n'est pas du tout rassurant, parce que l'article 113 laisse au gouvernement entière discrétion de décider si une compagnie est internationale ou non. Il ne donne même pas à ce pouvoir un appel devant les tribunaux d'une façon objective. Je crois que jusqu'à ce jour, les compagnies ne veulent pas se soumettre à de tels règlements.

Les articles 113, 36 et 37 ouvrent la porte au patronage. M. le Président, les projets de loi doivent autant que possible, connaissant la nature humaine, fermer la porte au patronage. C'est ce que ces compagnies viennent nous dire. On vient nous apporter des suggestions, ces organismes, les compagnies aussi qui sont venues, des compagnies, pas seulement une. Les propos qui sont soulignés par notre invitée méritent considération et méritent...

M. Charbonneau: ... patronage.

M. Ciaccia: ... d'être pris au sérieux par les ministériels. Continuez dans votre voie de rire de tout ce que vous n'approuvez pas, de tout ce qui peut affecter l'économie de notre pays, de notre province, et vous allez voir les résultats, mes chers députés ministériels.

Je voudrais revenir à une question. Vous avez souligné certains exemples dont celui de Genève. A votre connaissance, est-ce qu'il y a une loi linguistique à Genève? Est-ce qu'il y a des articles tels que les articles 36 et 37 de notre projet de loi? Est-ce qu'il y a l'équivalent à Genève?

Mme Larose-Aubry: Non, il y avait à Genève, cependant — on les a adoptées, il y a environ deux ans ou un an et demi — certaines lois relatives à l'embauche des étrangers qui étaient assez limitatives pour l'obtention des permis C. et B. lorsque vous vouliez travailler à Genève. Evidemment, la reconnaissance par les autorités suisses de notre statut nous a maintenant exemptés de l'application de cette loi.

M. Ciaccia: Cette loi se rapportait strictement à l'embauche des étrangers?

Mme Larose-Aubry: C'est cela.

M. Ciaccia: Elle ne touchait pas la question linguistique à Genève?

Mme Larose-Aubry: A ma connaissance, il n'existe pas de telle loi à Genève.

M. Ciaccia: M. le Président, la raison pour laquelle j'interroge le témoin sur Genève, c'est parce que la semaine dernière, ici, le Board of Trade est venu présenter un mémoire et le ministre d'Etat au développement économique s'est donné beaucoup de peine pour souligner la situation à Genève.

Il a critiqué le Board of Trade, il a dit: Pourquoi ne faites-vous pas comme à Genève? C'est très apparent qu'à Genève il n'y a pas les contraintes, les contradictions et les restrictions qui existent dans ce projet de loi-ci.

M. Morin (Sauvé): II n'y a pas d'école anglaise.

M. Ciaccia: Je crois que ce sont des demi-vérités que le ministre d'Etat au développement économique a données. C'est la façon d'induire la population en erreur. Je crois qu'on doit le rappeler à l'ordre lorsqu'il vient nous tenir de tels propos. Le ministre de l'Education dit qu'il n'y a pas d'école anglaise. Le témoin a spécifiquement dit que c'était une des attractions de la province de Québec, l'existence de ce système. Vous essayez de vous référer aux autres villes d'Europe. Je ne peux pas comprendre pourquoi on essaie de nous réduire aux conditions qui existent dans d'autres pays quand c'est évident qu'ici on a certains avantages que les autres pays n'ont pas.

Le parti ministériel veut toujours nous réduire, nous enlever les avantages que nous avons. On dirait qu'il pense que, pour eux, on peut légiférer le succès. Je crois qu'on ne peut pas légiférer le succès, on doit le gagner. C'est une leçon que ce côté-ci de la table n'a pas encore apprise.

Une Voix: Cela fait mal!

Une Voix: La loi 22!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Il me semble que toutes ces choses-là se sont dites dans le passé. M. le député de Mont-Royal, vous êtes sérieux...

M. Ciaccia: Merci. Il faut répéter.

M. Lalonde: II faut leur dire, ils ne comprennent pas facilement.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, vous Darlez de redites, vous aussi?

Le Président (M. Cardinal): Oui, mais pas de la même façon. Je vous en prie, ne m'imputez pas d'intentions, qu'elles soient dignes ou indignes, vous savez que je n'en ai aucune. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne sais pas, je pense que madame, mademoiselle, excusez-moi...

Le Président (M. Cardinal): Madame.

M. Ciaccia: Mme Larose-Aubry a peut-être répondu à cette question, mais pourriez-vous nous donner quelques-unes des raisons pour lesquelles IATA s'est implantée à Montréal plutôt qu'à Toronto ou à Edmonton? Voulez-vous, s'il vous plaît, ne pas interrompre le témoin? Je n'ai jamais vu des polissons et des gens aussi mal élevés que ce soir ici! Je ne sais pas ce qu'ils ont pris au souper. Ayez donc un peu de décence!

Une Voix: Ils n'aiment pas travailler le lundi soir!

M. Charbonneau: ...des agents provocateurs...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre!

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ...voici le député qui réfère toujours à la conquête, il y a 200 ans. Ils ont eu une guerre mondiale, en Europe, en 1945, et ils n'en parlent plus.

M. Charbonneau: La conquête...

M. Ciaccia: Vous autres, cela fait 200 ans que vous parlez de la conquête. Vous n'avez pas honte!

M. Charbonneau: Vous pourriez peut-être...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre! M. le député de Mont-Royal.

M. Charbonneau: II serait peut-être bon que vous appreniez un peu l'histoire du Québec.

Le Président (M. Cardinal)- A l'ordre, M. le député de Verchères. M. le députe de Verchères...

M. Charbonneau: Vous apprendriez peut-être certaines choses.

Le Président (M. Cardinal): ...à l'ordre! On ne parle pas de l'histoire du Québec. M. le député de Mont-Royal sait fort bien que rendu là il est vraiment en dehors du sujet.

M. Ciaccia: Très bien, je retire mes remarques...

M. Charbonneau: ...retirer cela?

M. Ciaccia: ...mais je voudrais qu'elles paraissent au journal des Débats, par exemple.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! D'accord, c'est déjà fait.

Madame, si vous avez une réponse nouvelle à apporter.

Mme Larose-Aubry: Disons au tout départ. Après l'échec de la conférence de Chicago en 1944, pour enfin aboutir à un accord sur un mécanisme sur les questions économiques et commerciales, déjà l'embryon de l'IATA était né et les représentants des autorités gouvernementales canadiennes avaient invité l'IATA à venir s'établir ici.

Nous avions eu, à l'époque, d'autres invitations pour aller nous établir ailleurs. Les raisons principales motivant le choix étaient évidemment la proximité de l'OACI, qui surtout à l'époque était très importante, parce qu'il fallait standardiser. Nous partions, je ne dirais pas à zéro, mais le progrès accomplis lors de la deuxième guerre mondiale, je m'excuse d'y revenir, même si c'est hors propos...

Le Président (M. Cardinal): C'est une référence utile, vous avez le droit.

M. Ciaccia: Et vous ne le faites pas d'une façon négative. Vous ne vous en plaignez pas, c'est un fait que vous constatez.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, n'interrompez pas le témoin.

Mme Larose-Aubry: Cela nous obligeait donc à coopérer très étroitement avec l'OACI à développer les nouveaux standards techniques de l'aviation. Il y avait également la proximité des grands manufacturiers américains. A l'époque aussi c'était très important; aujourd'hui, est-ce que cela l'est encore? Je ne le sais pas. Puisqu'on a maintenant ce projet Concorde franco-britannique, il faut regarder également ce qui se passe ailleurs.

Mais le choix de Montréal, tant pour l'OACI que pour l'IATA — je ne veux pas parler pour l'OACI — pour l'IATA, Montréal représentait quand même un embryon de communications aériennes intéressant entre l'Europe, les Etats-Unis et l'Amérique du Sud. Vous aviez également ce fait bilingue. Lorsque nos délégués viennent assister à des conférences, souvent eux-mêmes doivent se référer à une langue seconde; ils pouvaient se retrouver, utiliser une des langues secondes, soit le français ou l'anglais.

Il y avait peut-être d'autres raisons économiques présentées par le gouvernement à l'époque pour inciter encore plus l'IATA à venir, mais là je ne les connais pas. Disons que je pourrais résumer ces raisons-là comme je viens de les expliquer.

M. Ciaccia: Une des raisons qui vous ont amenée ici à Montréal, c'est l'aspect bilingue, bi-culturel, multicultural de Montréal, ce qui donne certains avantages à un organisme international de votre genre. Maintenant, vous demandez d'être exemptée du projet de loi; est-ce que vous auriez une opinion à nous donner sur l'éventualité où vous ne seriez pas exemptée du projet de loi? Supposons que l'IATA n'est pas exemptée, qu'est-ce que vous pensez qui va arriver?

Mme Larose-Aubry: Les destinées de l'IATA, dans le sens de ce qui concerne l'établissement de bureaux et les politiques générales de l'IATA, sont décidées par un comité exécutif composé d'une vingtaine de présidents des plus grandes lignes aériennes au monde et assurant une certaine représentation géographique, pour être certain que tous les continents sont représentés. La plupart de ces lignes, mais pas toutes nécessairement, fonctionnent au Canada, en vertu d'accords bilatéraux.

Disons que déjà, périodiquement, le comité exécutif se penche sur l'étude de la location actuelle de nos divers bureaux et c'est souvent non seulement à Montréal, mais ailleurs, que certaines choses sont remises en question. Je ne peux qu'assumer que, dans ce cas-là, la décision de maintenir ou non le bureau à Montréal serait étudiée. Ce qui arriverait, je ne le sais pas, mais ce serait sûrement considéré, comme dans n'importe quel cas, lorsqu'une législation ou un autre changement modifie les conditions actuelles. Ce serait étudié par ce comité exécutif de l'IATA.

M. Ciaccia: M. le Président, il est évident que les raisons qui ont amené l'IATA à demander d'être exemptée de ce projet de loi, ce n'est pas parce que le projet de loi est excellent et qu'elle peut fonctionner avec lui, mais ce serait les mêmes raisons, M. le Président, que celles que les autres compagnies internationales à Montréal ont pour être exemptées aussi, ou au moins pour que certaines modifications soient apportées. Il est évident, certainement, que ce mémoire-ci, on ne peut le qualifier autrement que objectif, parce que l'IATA n'a pas d'intérêts particuliers, c'est 89 pays qu'elle représente. Je dirais que les raisons qui amènent l'IATA à demander une exemption ou des modifications au projet de loi sont les mêmes raisons que celles des autres compagnies internationales qui sont à Montréal. J'aurais pensé que le gouvernement aurait considéré l'importance du fait international à Montréal, parce qu'il y a d'autres organismes des Nations Unies qui, durant les quelques dernières années, ont songé à venir s'implanter ici à Montréal. C'est garanti, certainement, M. le Président, qu'avec ce projet de loi, on va oublier cela totalement.

C'est évident qu'il y a des amendements très importants à apporter au projet de loi. M. le Président, je remarque que je viens vers la... Je voudrais... Combien de temps reste-t-il, s'il vous plaît?

Le Président (M. Cardinal): Cinq minutes.

M. Ciaccia: Cinq minutes. Je voudrais donner l'occasion à mes collègues, non seulement de poser des questions, mais de se faire insulter aussi par le côté ministériel. Merci, Mme Larose-Aubry.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je remarque déjà que les membres du côté ministériel sont très sages, sont très calmes. Nous allons essayer de les garder dans cette atmosphère-là.

M. Bertrand: Avec vous, c'est tellement simple et facile.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. Le Moignan: C'est compliqué des fois. Mme Lavoie-Roux: Discrimination.

M. Le Moignan: J'ai bien aimé, madame, l'exposé que vous avez présenté ici devant les membres de la commission et, comme on l'a souligné et vous l'a dit lui-même, le ministre de l'Education, c'est certainement un mémoire très bien préparé. Je comprends les préoccupations de votre groupe, puisque, si vous aviez choisi Montréal, qui est tout de même une ville internationale, à cause des compagnies, des aéroports, des relations faciles aussi avec l'étranger, je ne suis pas surpris que, face au projet de loi no 1, votre groupe se pose des questions.

Vous dites qu'il faut connaître la langue anglaise, je suis bien d'accord, mais votre organisme a été fondé en 1945, cela fait tout de même 32 ans. Sur une possibilité, je crois, de 125 employés, vous avez 81 employés de cadre et, sur ce, il n'y a que quatorze francophones dont deux cadres seulement. J'aimerais savoir pourquoi les francophones n'ont pas été attirés, au cours des trente dernières années, par votre association. Est-ce — pourtant il y a beaucoup de francophones qui sont bilingues aussi — parce que beaucoup proviennent de l'étranger ou est-ce qu'on ne leur permettait pas d'accéder à des postes de cadres supérieurs en entrant chez vous?

Mme Larose-Aubry: Pour répondre à votre question, premièrement, ce n'est pas 81 employés de cadre, mais 41.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, si vous permettez aussi pour les fins du journal des Débats, ce n'est pas quatorze, mais c'est douze.

Mme Larose-Aubry: Douze non pas pour le personnel de cadre, mais pour le total des employés.

M. Le Moignan: C'est cela, douze, deux de cadre et dix employés.

Mme Larose-Aubry: C'est cela, oui. Le recrutement à DATA, comme je l'ai mentionné dans le mémoire soumis par l'IATA, nous avons des responsabilités envers nos membres. Nous représentons des systèmes à la fois juridiques, des méthodes techniques et commerciales de plusieurs pays au monde. Par conséquent, dans notre recrute- ment, il est nécessaire pour nous d'avoir des experts qui viennent et qui représentent diverses écoles de pensée. De sorte qu'au secrétariat de l'IATA, lorsque nous élaborons des politiques communes pour l'ensemble de l'industrie du transport aérien international régulier, nous prenions note de tous les systèmes et de toutes les méthodes d'opération.

Le recrutement ne se fait pas comme tel sur une base de Canadiens d'expression française, de Québécois, ou de qui que ce soit. Une fois que nous tenons compte de ces réalités, c'est-à-dire d'avoir des experts présents dans tous les domaines et dans les divers continents, le recrutement se fait uniquement sur une base de compétence, uniquement. Il n'est vraiment pas question de dire: Celui-là est anglophone, francophone, Espagnol, Turque, ou je ne sais quoi, le recrutement se fait vraiment sur cette base.

Nous avons des fonctions hautement spécialisées, soit dans l'avionique ou dans d'autres domaines, le domaine de la sécurité aérienne, dans le domaine juridique également, au département juridique, les grands systèmes sont représentés. Je peux difficilement répondre à votre question en expliquant pourquoi les francophones n'y sont pas venus. Je sais que moi-même, lorsque je me suis inscrite à McGill, à la faculté, j'étais, je ne dirais pas la pionnière, mais peut-être pas loin, non seulement chez les Canadiens d'expression française, mais chez les Canadiens d'expression anglaise également.

C'est un domaine qui m'intéressait, j'y suis allée, je n'ai jamais senti qu'il y avait un blocage parce que j'étais d'expression française ou autrement, c'était un domaine qui m'intéressait, j'y suis allée.

M. Le Moignan: A votre siège social de Montréal, combien de pays sont représentés dans le moment?

Mme Larose-Aubry: Au siège social de Montréal, au total, nous avons 21 nationalités.

M. Le Moignan: Quand vous dites que les experts sont difficiles à recruter, est-ce que les gens d'autres nationalités qui viennent travailler ici, demeurent un certain nombre d'années, ou sont-ils simplement de passage? Est-ce que certains font carrière ici, à Montréal même?

Mme Larose-Aubry: Oui, certainement. Mais encore là, tout dépend des fonctions et des exigences des fonctions. Très souvent, une personne va venir s'établir ici pensant faire carrière à l'IATA et au siège social, mais peut-être que cinq ans, dix ans plus tard, cette fonction sera transférée à un bureau de Genève, de New York et cette personne, automatiquement, sera transférée. Ce sera peut-être quatre ans plus tard, parfois, c'est plus court, parfois, c'est plus long. C'est-à-dire que contrairement à l'OACI où les employés sont recrutés sur une base de contrat, je crois de trois ans, chez nous, ce n'est pas le cas. Les gens viennent chez nous pour faire carrière en général et selon les

exigences des fonctions, demeurent au siège social ou plus tard, sont transférés ailleurs, ou souvent retournent ailleurs. Plusieurs de nos employés, par exemple, sont des employés des lignes aériennes qui viennent au secrétariat, ils travaillent quelques années là-dedans et un secrétariat est souvent très différent des activités d'une ligne aérienne et, après quelques années, ils se rendent compte qu'ils préfèrent retourner dans un champ d'activité différent et retournent pour la ligne aérienne, la même ou une autre.

M. Le Moignan: Sur une vingtaine de pays représentés à Montréal, il y a certain nombre de Canadiens parmi eux...

Mme Larose-Aubry: Oui.

M. Le Moignan: ... est-ce qu'ils occupent des postes clés, les principaux postes ou est-ce que des Canadiens, dans d'autres succursales, occuperaient des postes de cadres aussi?

Mme Larose-Aubry: Oui. En fait, encore là — je vais vous citer les chiffres exacts — dans le personnel de cadres de Montréal, 12 Canadiens. Le personnel de cadres, par exemple les postes les plus élevés, il y en a un certain nombre à Genève, parce que nos fonctions sont divisées surtout entre le siège social et le bureau de Genève.

Comme je l'expliquais, les questions tarifaires relèvent surtout du bureau de Genève, alors qu'à Montréal nous traitons des questions techniques, d'une partie des questions juridiques et de la question des agences de voyages. Il y a également le secrétariat qui est là et le domaine de l'administration. Mais dans le personnel de cadre, tant à Genève qu'à Montréal, nous avons des Canadiens comme nous avons des Suédois, des Hongrois, des Finlandais, des Américains, des Français, enfin je ne peux pas les énumérer tous, il y en a 50.

M. Le Moignan: Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de l'Education à nouveau.

M. Morin (Sauvé): Ce sera très bref, M. le Président, avant de passer la parole à l'un de mes collègues. Le député de Mont-Royal a laissé entendre que le mémoire que vous avez présenté pour le compte de l'IATA pourrait valoir pour d'autres compagnies étrangères établies au Québec. Si j'ai bien compris son intervention, il faudrait aocorder les exemptions que vous revendiquez pour l'IATA à toutes ces autres compagnies étrangères. J'avais cru comprendre, au contraire, que vous revendiquiez pour l'IATA un statut quelque peu spécial en raison de son caractère international et quasi intergouvernemental. Si ce n'était pas le cas, si l'IATA devait être considérée comme une autre société commerciale étrangère, par exemple, j'ai l'impression qu'il nous serait très difficile de vous accorder un statut spécial. J'espère que cela est très clair. La question que je voudrais vous poser — pour bien clarifier la situation, parce que le député de Mont-Royal est en train de vous entraîner sur une pente un peu glissante, sans doute malgré vous — est la suivante: Pensez-vous que l'IATA doive être considérée comme une corporation ordinaire?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Sur l'article 96, on m'a imputé certaines intentions. D'après les paroles que j'ai prononcées, je n'ai pas essayé de faire glisser Mme Larose-Aubry. C'est une constatation que j'ai faite, je ne lui ai même pas posé la question. C'est une déduction que j'ai faite, et je veux que ce soit clair, une déduction des arguments qui ont été présentés pour une compagnie ou un organisme international qui avait son siège social à Montréal. Je n'avais aucunement l'intention de susciter un débat, ni même de faire se prononcer l'invitée sur un sujet autre que celui sur lequel elle est venue ici témoigner aujourd'hui.

M. Morin (Sauvé): II m'intéresse d'avoir tout de même la réponse de notre invitée, ce n'est pas sans conséquence et pour l'IATA et pour la décision du gouvernement.

Mme Larose-Aubry: Le mémoire soumis par l'IATA n'étudie évidemment que le cas de l'IATA, et probablement que vous avez tous remarqué que la partie du mémoire qui explique pourquoi on devrait accorder à l'IATA ce statut spécial est assez élaboré et les raisons sont très précises. Dans le cas de l'IATA — je ne peux me prononcer sur les autres organismes car je ne connais pas leur mécanisme — mais dans le cas de l'IATA, nous avons des responsabilités déléguées par des gouvernements dans des accords bilatéraux internationaux sur les transports aériens, et ces fonctions sont également reconnues dans un accord multilatéral qui est l'accord de Paris de 1967. Par tout ce que j'ai expliqué, je ne veux pas recommencer les mêmes arguments ou les répéter, c'était vraiment dans ce but.

Nous croyons que l'IATA — pour nous, du moins, et nous espérons que les autorités nous suivront là-dessus, comme l'ont fait les autorités suisses — possède vraiment ce statut spécial d'organisme international ou à caractère international et quasi gouvernemental.

M. Morin (Sauvé): Je vous remercie, Madame.

M. Lalonde: M. le Président, de toute évidence, d'après la réponse, l'élève...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, puis-je me permettre de vous poser une question? Est-ce que vous intervenez sur une question de règlement?

M. Lalonde: Ce que je voulais dire c'est que l'élève, de toute évidence, a dépassé le maître.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait une question à lui-même?

M. Morin (Sauvé): A moi ou à madame?

M. Ciaccia: Non, une question au ministre.

M. Morin (Sauvé): Si vous le désirez.

M. Ciaccia: Est-ce que le ministre ne trouve pas étrange le fait suivant? Malgré que les arguments, dans le mémoire de l'IATA, sont pour l'IATA, il y a les mêmes articles et quelques-uns des mêmes arguments, quant à la langue d'enseignement, qui ont été soulevés par d'autres organismes qui ne sont pas comme l'IATA, censément, mais qui ont un caractère international. Vous ne trouvez pas cela un peu étrange ou si c'est seulement une coïncidence?

M. Morin (Sauvé): M. le Président, faisons une distinction, et je tiens à le dire puisque notre invitée a souligné le caractère international de l'IATA et attiré notre attention sur ses caractéristiques qui appellent un traitement spécial. Je tiens à dire que nous faisons une distinction tout à fait fondamentale entre un organisme à vocation internationale comme l'IATA, composé d'un très grand nombre de sociétés étrangères, et de simples compagnies à but lucratif qui pourraient venir trouver leur profit au Québec.

M. Lalonde: C'est très mauvais le but lucratif. Oui, c'est très mauvais. Parce qu'à but lucratif c'est très mauvais.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Parce qu'à but lucratif c'est très mauvais, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je pense que la question a été posée, la réponse a été donnée. Maintenant, je cède la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce, en lui indiquant qu'il reste cinq minutes à l'Opposition officielle.

M. Mackasey: Merci, M. le Président. Sans doute, madame est au courant du fait que le premier Talbot est arrivé ici avec Montcalm par le vol Air Lingus... Montcalm et Talbot ensemble. Cela fait longtemps, par exemple.

L'IATA, si je me rappelle, est affiliée aux Nations Unies, dans le sens que c'est la même organisation, la même structure.

Mme Larose-Aubry: Est-ce que je peux répondre maintenant à cette question?

M. Mackasey: Oui.

Mme Larose-Aubry: Non. L'organisme spécialisé des Nations Unies, dans le domaine de l'aviation civile internationale, est l'OACI. A l'OACI siègent les gouvernements. L'IATA est une corporation, constituée par une loi spéciale du Parlement du Canada, et y siègent les lignes aériennes. Dans bien des cas, alors qu'à l'OACI au premier rang siègent les gouvernements et comme conseillers vous retrouverez souvent des gens des lignes aériennes, à l'IATA, c'est peut-être un peu l'inverse qui se fait. Les lignes aériennes suivent les instructions et directives de leur gouvernement.

M. Mackasey: Si je me rappelle, depuis quelques années, presque chaque année, votre comité exécutif est obligé de faire face à un mouvement pour déménager de Montréal, si je me rappelle bien.

Mme Larose-Aubry: Disons que ce n'est pas seulement de Montréal. En général, périodiquement, le comité exécutif se penche sur la question de savoir si nos bureaux, tant le siège social que nos autres bureaux, si nos structures sont conformes à nos besoins et si nous pouvons exercer nos fonctions dans ces locations.

M. Mackasey: Excusez-moi, je vais vous poser plusieurs questions, si vous voulez.

Néanmoins, il y a deux ans je me rappelle la question des taux, la question des frais; d'autres questions étaient, je pense, quelques discussions assez fortuites, si vous voulez, et cela ne prendrait pas grand-chose pour que l'IATA quitte le Québec, quitte Montréal, même le Canada, pour New York ou ailleurs, si je me rappelle objectivement les débats.

Mme Larose-Aubry: Je ne peux vraiment pas faire des commentaires là-dessus parce que c'est une décision qui relève du comité exécutif. Dans la mesure où dans tout bureau il sera impossible pour nous d'exercer nos fonctions, de maintenir les conditions nécessaires à l'exercice de nos fonctions, je suis convaincue que le comité exécutif réévaluera la situation et prendra la décision qui s'impose. A savoir si ce sera... je ne peux vraiment pas me prononcer là-dessus.

M. Mackasey: Actuellement, toutes choses égales, ils préfèrent rester à Montréal? J'ai parlé des Nations Unies pour une raison. Vous avez 89 ou 90, si je me rappelle, membres dans votre association et probablement les 89 membres veulent être représentés ici à Montréal, n'est-ce pas? Autant que possible.

Mme Larose-Aubry: Nous avons 109 membres qui représentent environ 80 pays différents, peut-être 85. Comme il est impossible d'avoir les 85 représentés ici, il y a toujours une question de compétence.

M. Mackasey: On ne veut pas seulement des Canadiens ou seulement des Montréalais.

Mme Larose-Aubry: Exactement, mais il faut quand même assurer une certaine représentation des diverses nationalités.

M. Mackasey: Combien de représentations y a-t-il?

Mme Larose-Aubry: A Montréal? M. Mackasey: Oui.

Mme Larose-Aubry: II y a 21 nationalités de représentées.

M. Mackasey: Avec raison, parce qu'ils sont tous des membres. S'ils déménageaient demain à New York, Chicago, Genève, Paris ou Londres, ce serait exactement la même chose?

Mme Larose-Aubry: Exactement.

M. Mackasey: Si, par l'indifférence d'un gouvernement qui ne sait pas qu'il est bien et qui impose ces règlements à votre siège social, c'est impossible de les suivre pour vos membres, ils vont s'en aller. Si c'est impossible de suivre la loi, ne vous gênez pas à cause du ministre, répondez honnêtement... Autant que possible, les membres veulent être représentés ici à Montréal, et si, par accident ou par la loi, c'est impossible de remplir cette demande, sans doute le comité exécutif va être obligé de déménager?

Mme Larose-Aubry: Je ne peux me prononcer sur ce que le comité exécutif décidera. C'est une prérogative de ce comité.

M. Mackasey: Je m'excuse, Madame, combien de langues parlez-vous, s'il vous plaît?

Mme Larose-Aubry: J'en parle au moins deux, je comprends l'espagnol, un peu d'italien, un peu de souahéli et cela s'arrête là.

M. Mackasey: Vous pensez être plus riche parce que vous avez la compétence dans plusieurs langues?

Mme Larose-Aubry: C'est une question très personnelle que vous posez. Quant à moi, j'aimerais en parler dix ou douze, mais cela est très personnel. Je ne crois que cela...

M. Mackasey: Certainement plus d'une? Mme Larose-Aubry: Oui.

M. Mackasey: Avec notre système d'éducation, vous êtes chanceuse d'avoir appris la deuxième langue par un autre moyen que les écoles ou par la formation dans cette province. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. Le député de Deux-Montagnes et je vous indique qu'il vous reste sept minutes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Se-nora quiero preguntarle... cela c'est seulement pour l'avantage du député de Notre-Dame-de-Grâce.

Comme le ministre de l'Education l'a déjà indiqué, Mme Larose-Aubry, nous souhaitons vive- ment que ce dialogue continue, parce que la situation de l'organisme que vous représentez est en effet très particulière pour nous, du côté ministériel. C'est une entité connue, nous savons que l'IATA est implantée à Montréal, qu'elle y a son siège social. C'est un des attraits de Montréal de compter parmi les organismes qui y vivent un organisme comme le vôtre, de caractère tout à fait international et d'envergure mondiale.

Sur un ton plus personnel, Mme Larose-Aubry, je voudrais vous féliciter d'être venue seule, j'oserai dire, affronter la commission, présenter un mémoire d'un poids tel que celui que vous nous avez présenté, d'être venue seule, alors que généralement, les organismes privés, publics ou multiples se présentent devant nous représentés par trois, quatre, cinq, six, sept et huit personnes. Vous êtes venue seule et vous êtes venue, femme, affronter ce qui devient parfois, sous l'action de certains de mes collègues, un jeu...

Mme Lavoie-Roux: Question de privilège, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Il n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire.

Mme Lavoie-Roux: Bien une directive, M. le Président.

M. Lalonde: II y a toujours un privilège féminin!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. de Bellefeuille: ...qui devient...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que c'est une analogie qui est permise?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense, Mme le député de L'Acadie, que le député de Deux-Montagnes n'avait aucune mauvaise intention...

Mme Lavoie-Roux: C'est de la discrimination.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... en employant ces paroles et je lui redonne la parole. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président, j'allais dire que vous êtes venue seule affronter ce qui, parfois, semble devenir un assez vilain jeu de petits garçons.

Quant à nous, du côté ministériel, nous souhaitons vivement que les discussions de la commission restent à un niveau plus élevé que ce genre de jeu pour petits garçons où on s'attaque pour rien, où on cherche à faire flèche de tout bois, où on cherche à tirer des avantages partisans de questions dans lesquelles il faudrait voir les aspects objectifs.

En passant, Mme Larose-Aubry, je voudrais at-

tirer votre attention sur la page 15 de votre mémoire, là où vous affirmez: "II importe cependant de laisser à l'employeur le droit d'adresser, et aux salariés, celui de recevoir, la version anglaise de ces mêmes communications". Comme cela a déjà été fait pour l'avantage d'autres invités avant vous, ce que la loi n'interdit pas est permis, et il est clair que ce à quoi vous faites allusion est permis.

Ceci dit, je voudrais, pendant les 4 ou 5 minutes qui restent, parler un peu de Montréal afin d'obtenir votre sentiment, votre perception. On a parlé, tout à l'heure, d'attraction. Moi, j'hésite à percevoir Montréal comme un cirque qui présente des attractions, je perçois plutôt Montréal comme l'une des métropoles du monde qui a d'innombrables attraits dont un attrait extrêmement important — et c'est déjà ce que vous avez dit dans votre mémoire — est le fait que cette ville soit multicul-turelle et qu'elle soit aussi une ville multilingue et, en un certain sens, une ville principalement bilingue. Tout ceci m'amène à vous demander, dans le cadre de cette évaluation des avantages, sur laquelle M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, en particulier, vous a interrogée, cette évaluation des avantages de Montréal, dis-je, comme siège social de l'IATA, si, dans l'hypothèse où Montréal conserve son caractère de ville multiculturelle, où on continue d'utiliser très fréquemment l'anglais, à Montréal, à des fins diverses, le fait que par suite de l'adoption de la loi no 1, le gouvernement prenne des dispositions pouvant aider Montréal à devenir vraiment ce qu'elle prétend depuis longtemps être, la deuxième ville française du monde... si cette accession de Montréal à ce titre, si cette accession plénière de Montréal à ce titre de deuxième ville française du monde, si Montréal conserve, par ailleurs, le caractère que j'ai décrit, si cela jouerait au désavantage de l'IATA du point de vue de son choix quant à la ville où est situé son siège social...

Mme Larose-Aubry: Sur cette question, comme sur certaines questions précédentes, c'est peut-être l'envers de la médaille et, pour moi, la question revient peut-être un peu au même. Il appartiendra au comité exécutif, comme il lui appartient déjà, d'étudier et de décider si, dans une ville donnée — que ce soit Montréal ou une autre — les conditions nécessaires à l'exercice de nos fonctions existent.

M. Ciaccia: Excellent! Excellente réponse!

M. de Bellefeuille: Je ne puis qu'abonder dans le même sens que mes collègues de l'Opposition, votre réponse est absolument irréprochable, sauf que...

M. Ciaccia: Lisez entre les lignes de cette réponse.

M. de Bellefeuille: M. le Président, les députés de l'Opposition n'ont pas le droit de m'interrompre.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, mais j'ai le droit de vous interrompre et vous arrivez à la limite, vous êtes à 30 secondes près.

M. de Bellefeuille: Oui, je veux seulement souligner que je reconnais le caractère irréprochable de la réponse de notre invitée qui s'en remet à ses instances supérieures. Mais la question, je la lui posais à elle, à savoir si elle croit que si Montréal, étant devenu vraiment la deuxième ville française du monde, serait en quelque sorte un siège moins hospitalier pour l'IATA?

Mme Larose-Aubry: Je crois qu'ayant été invitée à paraître devant la commission en tant que conseiller juridique adjointe de l'IATA, je ne puis me permettre de dire, dans une audience publique, quels sont mes sentiments personnels sur la question.

Le Président (M. Cardinal): II reste une minute et elle est accordée au député de Gaspé. Je vous prierais de la prendre cette minute avec beaucoup de retenue.

M. Le Moignan: Ah! beaucoup de retenue.

Le Président (M. Cardinal): Oui, dans le temps.

M. Le Moignan: D'habitude, je suis toujours très modéré, M. le Président, alors je comprends votre intervention. Madame, un oui ou un non, vous êtes membre de l'exécutif à Montréal?

Mme Larose-Aubry: Non, le comité exécutif, comme j'ai dit, est composé de présidents d'une vingtaine de lignes aériennes. Moi, je suis au secrétariat et je suis conseiller juridique adjoint, donc, je fais partie du personnel de cadre.

M. Le Moignan: Merci. Moi, je ne suis pas enclin à vous féliciter d'être seule ici ce soir. Si on vous fait une telle confiance, je crois que c'est à cause de votre talent. Comme citoyens francophones, je crois que nous sommes fiers de vous. Cela dénote déjà cette qualité de ceux qui veulent faire leur chemin dans la vie. Vous nous prouvez qu'on peut parler plusieurs langues. Le député d'Argenteuil-Deux-Montagnes peut probablement battre votre record, je n'ai pas osé lui poser la question. Vous nous servez quelque chose de très bien, je crois que cela aide beaucoup à la dignité des Québécois de voir qu'il y a des nôtres qui réussissent même dans des sociétés internationales.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Gaspé.

M. Ciaccia: M. le Président, sans le bénéfice du projet de loi 1, même avant.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous

plaît! Madame, très sérieusement, la commission vole très haut, mais à un rythme de croisière très lent. Cependant vous avez inspiré ces membres de la commission puisque nous terminons, à presque trois minutes près, le temps prévu pour cette audience. Par vous je remercie l'Association du transport aérien international, et au nom de la commission, au nom de tous les partis qui sont ici, je vous remercie particulièrement de votre collaboration à cette commission. Merci madame. J'appelle immédiatement le prochain organisme, la Commission des écoles catholiques de Québec, mémoire 74.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Motion pour entendre le président de la Régie de la langue française (suite)

M. Lalonde: M. le Président, simplement une question de règlement pour vous indiquer que nous avons l'intention de mettre sur la table la motion que nous avons présentée, il y a de cela presque deux semaines maintenant, concernant la convocation du président de la Régie de la langue française. Je sais que mon temps est écoulé relativement à cette intervention, mais je voulais vous indiquer que c'est ce que nous avons l'intention de faire dans les quelques minutes qui vont suivre, jusqu'au moment où le gouvernement, représenté en force d'ailleurs ce soir, se déclarera tout à fait d'accord et nous indiquera son intention de voter en faveur.

Le Président (M. Cardinal): Alors, juste un instant que j'accueille les représentants de la Commission des écoles catholiques de Québec. Je vous demande un peu de patience. Nous allons tenter de vider cette question de procédure et nous vous entendrons ensuite. Alors, je relis cette motion parce que, comme l'a indiqué le député de Marguerite-Bourgeoys, il y a déjà un certain temps qu'elle a été entendue. Permettez, madame le député de L'Acadie, vous savez, que ce soit en cette Chambre ou dans l'autre, que je reviens toujours à la source.

La motion est la suivante: Que cette commission entende le président de la Régie de la langue française le 20 juillet 1977, à 20 heures, afin que la présente commission soit pleinement informée de la portée du projet de loi no 1, Charte de la langue française au Québec, touchant en particulier la langue de travail et des affaires.

Je souligne, en terminant, qu'après une modification au libellé de cette motion elle a été déclarée recevable, et j'accorde la parole à Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Tout le monde se rappellera que la loi 22, adoptée en 1974, avait créé la Régie de la langue française, qui avait pour rôle de donner son avis au ministre sur les divers règlements qui étaient prévus par la loi, à l'exception des règlements touchant la langue d'enseignement.

Le gouvernement a choisi de ne pas examiner le travail que la Régie avait fait, de ne pas examiner les résultats de l'application de la loi 22, particulièrement dans le domaine des affaires, dans le domaine du travail, de l'affichage, de l'étiquetage, sans aucun doute pour pouvoir, par la suite, mieux justifier la présentation de son projet de loi no 1, même s'il mettait en veilleuse des problèmes très importants, que ce soient des problèmes de chômage ou autres. Il a choisi d'y faire porter tous ses efforts et de laisser la population en attente pour se faire le parrain d'un nouveau projet de loi. Il a écarté l'ancien, qui, pour une large partie, je dirais la plus grande — je mets toujours de côté la langue d'enseignement — avait posé des jalons extrêmement importants dans le domaine de la francisation pour s'efforcer de donner au Québec un statut français. Le gouvernement a choisi de tout ignorer et de ne pas examiner même les réalisations de la Régie de la langue française.

M. Guay: M. le Président, puis-je simplement faire une suggestion? Ce n'est pas une question de règlement, mais simplement une suggestion.

Le Président (M. Cardinal): Si Mme le député de L'Acadie permet que vous l'interrompiez?

M. Guay: C'est pour économiser du temps et vous économiser une intervention et pour permettre d'entendre immédiatement la CECQ. Le parti ministériel, pour autant que je sache, est d'accord sur la motion. Il est donc inutile de la débattre, à moins que vous y teniez absolument pour tuer le temps. Sinon...

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas le goût de tuer le temps, je vous assure...

M. Ciaccia: ...le temps.

Mme Lavoie-Roux: ...mais je pense qu'il est extrêmement important que le public sache exactement là où en était rendue la Régie de la langue française dans son travail. J'aimerais continuer non pas 20 minutes, M. le Président, mais peut-être quelques minutes.

M. Guay: C'est parce que cela aurait pu être dit au moment où la Régie va comparaître.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Si vous permettez, M. le député de Taschereau, je vous remercie pour votre suggestion. Je vais laisser continuer Mme le député de L'Acadie pendant quelques minutes et je demanderai immédiatement après si la motion est adoptée. M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): Je vais laisser terminer Mme le député de L'Acadie, après quoi j'aurai quelques commentaires à faire.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Cela étant dit, Mme le député de L'Acadie.

Mme La voie-Roux: Tout ce que je voulais signaler, c'est que la Régie de la langue française avait déjà émis des règlements touchant l'étiquetage des produits, l'affichage public, les catalogues, les brochures, la connaissance d'usage du français nécessaire à l'obtention d'un permis d'exercer dans une corporation professionnelle. Elle avait également, en octobre, publié les règlements de francisation des entreprises, après avoir travaillé avec beaucoup de lucidité, beaucoup de patience et d'intelligence à l'établissement de guides d'utilisation sur l'analyse de la situation linguistique des entreprises. Elle avait évalué, dans ce processus de francisation, ce que pouvaient être les contraintes commerciales, technologiques de gestion et de fonctionnement.

Je pense qu'elle avait même un échéancier qui, pour une partie des entreprises, particulièrement les plus grandes entreprises, était déjà en voie de réalisation et, pour les moins grandes entreprises, devait s'échelonner sur une période allant jusqu'en 1981.

Elle avait également rédigé des règlements sur la connaissance du français que doit posséder tout personnel qui est muté ou promu à l'intérieur d'une fonction de l'administration publique. Je ne donnerai pas plus de détails ici, sauf pour indiquer qu'à un moment où nous allons encore probablement consacrer un grand nombre d'heures à l'étude du projet de loi article par article, il me semble tout à fait important d'entendre le président de la régie, seul ou accompagné — je pense qu'on prévoit seul dans la motion — afin d'éviter, un peu plus tard, des arguments un peu stériles et permettre une vérification des faits avant qu'on ne se mette à l'oeuvre.

Aussi, je pense qu'il est important que le public réalise quel est l'exercice auquel ce gouvernement soumet les membres du Parlement à ce moment-ci. Exercice qui, je pense, non seulement est inutilement long, mais risque même de compromettre certains résultats qui étaient déjà en voie de réalisation. Là-dessus, je pense que le président de la régie pourrait nous apporter des informations fort à point.

Il vous est sans doute arrivé, comme à moi, que certains membres de la régie se soient inquiétés de la réalisation des objectifs alors qu'on se propose de procéder par des contraintes, dans certains cas, inutiles, plutôt que de continuer de procéder d'une façon plus incitative comme le prévoyait la loi 22. Enfin, je ne veux pas prolonger, M. le Président. Pour toutes ces raisons, je pense que je n'ai pas à argumenter ici, puisque déjà les membres du parti ministériel ont accordé leur appui à cette motion, mais je suis quand même très heureuse de pouvoir appuyer la motion de mon collègue de Marguerite-Bourgeoys.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Merci, madame. M. le ministre de l'Education. Oui, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Relativement à cela, j'aimerais bien vous laisser savoir que je voudrais, pendant quelques minutes, prendre la parole sur cette motion et que je ne voudrais pas perdre ce droit.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je vais poser la question tout de suite pour que l'on sache exactement vers quel but on se dirige. M. le député de Gaspé, avez-vous l'intention d'intervenir?

M. Le Moignan: Je vais peut-être succomber à la tentation, je n'en suis pas certain.

Le Président (M. Cardinal): Alors, M. le ministre de l'Education, M. le député de Jacques-Cartier et M. le député de Gaspé. M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, comme vous l'a indiqué le député de Taschereau il y a un instant, le côté ministériel est plutôt favorable à la proposition, quoique nous nous interrogions sur l'opportunité de donner un ordre à la régie. Je me demande s'il ne vaudrait pas mieux, par déférence, l'inviter ou inviter le président de la régie à se faire entendre.

Si je me pose cette question, c'est suite à la lecture de la lettre que vous a fait parvenir le président du Conseil supérieur de l'éducation qui se trouvait quelque peu dans la même position, par rapport au Parlement et par rapport au gouvernement, que la Régie de la langue française. Comme on le sait, la Régie de la langue française conseille le gouvernement, tout comme le Conseil supérieur de l'éducation.

Or, je me permets de rappeler aux membres de cette commission un paragraphe particulièrement éloquent de la lettre du président du Conseil supérieur de l'éducation. "A l'examen, écrit-il, le conseil souhaite n'avoir pas à se présenter auprès de la commission. Il estime en effet préjudiciable au caractère propre de ses travaux de devoir témoigner au cours d'un débat parlementaire une fois son avis soumis sur le sujet en cause au ministre de l'Education dont il relève immédiatement.

A l'unanimité, les membres du conseil estiment que l'impartialité dans laquelle ils se tiennent pourrait autrement se trouver affectée dans l'avenir et que le recul dont ils bénéficient pourrait leur être plus difficile". Cette position délicate dans laquelle nous aurions pu mettre le Conseil supérieur de l'éducation pourrait très bien se reproduire dans le cas de la Régie de la langue française. C'est pourquoi, tout en n'ayant pas d'objection foncière à ce que la régie se fasse entendre, si elle le désire, je demanderai — je n'en ferai même pas une proposition parce qu'il me semble que c'est si naturel que cela ne devrait pas soulever de difficulté — si le député qui a proposé cette motion accepterait de substituer le mot "invite" le président de la régie à se faire entendre, plutôt que de lui donner l'ordre d'être entendu.

Encore une fois, nous n'avons pas d'objection à ce que la régie vienne, mais la régie pourrait en avoir. La régie pourrait — étant donné qu'elle devra continuer à mettre en oeuvre la loi par la suite — avoir des objections à se trouver mêlée à un débat partisan.

Le Président (M. Cardinal): Si vous me le permettez — juste un instant, M. le député de Marguerite-Bourgeoys — une situation semblable s'est déjà présentée à l'Assemblée nationale à au moins trois reprises, le jour des députés, le mercredi. Le ministre de l'Education, si j'ai bien compris, n'en fait pas une motion formelle, il en fait une suggestion pour que nous ne tombions pas dans un piège de procédure. D'ailleurs, à ce moment-là, il faudrait discuter de l'amendement, et ensuite de la motion principale. A mon tour, j'invite le député de Marguerite-Bourgeoys à répondre. Ce n'est pas une incitation, c'est seulement une invitation à répondre au ministre de l'Education.

M. Lalonde: M. le Président, en préambule à sa suggestion, le ministre de l'Education a mentionné l'exemple du Conseil supérieur de l'éducation. J'aimerais souligner que contrairement au Conseil supérieur de l'éducation, la régie n'a pas soumis d'avis ni fait de représentation. Il y aurait quand même une distinction à apporter, à savoir si on devrait remplacer le mot "entendre" par le mot "invite". Quant à moi, je ne veux pas en faire une question de fond. Il s'agit de savoir si la commission désire vraiment et sincèrement poser des questions au président de la régie et recevoir l'éclairage que le président de la régie peut nous apporter en ce qui concerne surtout la langue de travail, la langue des affaires.

Est-ce que, en substituant le mot "invite" à celui de "entendre", on dilue l'autorité de la commission? J'invite à mon tour les membres de la commission à se poser des questions, à savoir, est-ce que, à ce moment-là, cela pourrait devenir un geste sans valeur de la part de la commission? Par respect pour l'institution que cette commission représente, je ne suggérerai pas qu'on dilue cette motion de telle sorte que l'effet en serait plutôt aléatoire.

Je répète, M. le Président, que je ne veux pas qu'on tombe, comme vous le disiez tantôt, dans un piège de procédure. Je suis prêt à prendre la parole du ministre de l'Education, à ce propos, qui représente, dans une certaine mesure, le gouvernement à cette commission, à savoir s'il croit très sincèrement que cette invitation serait quand même assez péremptoire à l'égard du président de la régie, à ce moment-là, je serai prêt à le remplacer... J'attends l'avis du ministre de l'Education, à savoir si en substituant le mot "invite" au mot "entendre", dans son esprit, tout en ajoutant une certaine mesure de courtoisie à l'égard du président de la régie, on demeure quand même, au niveau de l'efficacité et qu'on puisse s'attendre que le président de la régie réponde de façon positive.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, si vous voulez répondre, toujours en rappelant à tous les membres de cette commission qu'il ne s'agit pas d'une motion mais, comme cela s'est fait le 7 juin, il y a eu des voeux, des suggestions, des souhaits. Alors, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, nous sommes favorables à ce que la régie se présente devant la commission, à la condition qu'elle n'y voit pas d'objection majeure, et qu'elle ne sente pas que son rôle futur dans l'application de la loi est compromis par sa participation, en dépit d'elle-même, à un débat partisan.

M. Lalonde: Alors, je prends la parole du ministre. Cela me suffit. Dans ces conditions, je suis prêt à remplacer, dans ma motion, le mot "entendre" par le mot "invite".

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, j'ai écouté chacune des parties. La motion, non pas telle qu'amendée mais telle que suggérée et convenue, se lirait comme suit: Que cette commission invite le président de la Régie de la langue française, le 20 juillet 1977, à 20 heures, à se faire entendre afin que...

M. Morin (Sauvé): M. le Président, sur la question...

Le Président (M. Cardinal): Un instant. M. le député de Jacques-Cartier avait demandé la parole sur le même sujet.

M. Saint-Germain: Merci, M. le Président. J'aimerais vous souligner, M. le Président, l'importance qu'il y aurait pour nous et pour la population en général de connaître les vues de l'Office de la langue française sur ce sujet particulier, non pas nécessairement avoir son opinion, mais au moins de pouvoir nous éclairer...

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, la régie.

M. Saint-Germain: De la régie, mais c'était avec l'ancienne loi. Parlons de la régie, mais c'est à peu près les même gens, de toute façon. Ces gens ont eu une expérience pratique, ont été en contact journalier avec le monde de l'industrie, du commerce, de la finance et ils ont une expérience très pratique de l'application d'une loi linguistique dans le monde des affaires. Il serait intéressant de les écouter, non pas nécessairement pour avoir d'eux une opinion, mais on pourrait avoir les faits qu'ils ont vécus, les difficultés qu'ils ont rencontrées, les difficultés qu'ils ont pu surmonter, la coopération qu'ils ont reçue ou la non-coopération qui a marqué leur action. Inutile de vous dire que les seuls professionnels qui existent dans ce champ d'activité extrêmement limité et particulier, c'est à ce niveau qu'on peut les trouver. Comme ces gens sont payés par les fonds publics, comme ils travaillent pour le public, je ne verrais pas avec quel argument ils pourraient refuser de nous rencontrer.

Il serait d'autant plus important, M. le Président, d'avoir leur point de vue là-dessus, que ce qui caractérise le Parlement actuel, c'est que très peu de députés aujourd'hui ont eu une carrière dans le monde de l'industrie, de la finance ou une carrière scientifique, si vous voulez. Et je crois

que, au niveau du Parlement, les personnes qui ont été actives dans ces milieux et qui connaissent bien la façon d'agir et la façon d'administrer tout le réseau économique et financier du Québec sont rares, comme je le disais et je crois que ces absences se font remarquer dans une rédaction comme le projet de loi no 1. Je crois qu'une personne qui connaîtrait profondément ce milieu ou ces personnes qui auraient vécu dans ces milieux accepteraient difficilement de souscrire à un projet de loi comme celui que nous avons dans le moment. J'avoue que, dans le passé, les réactions négatives vis-à-vis des lois linguistiques ont été surtout dans le monde de l'éducation et je crois discerner actuellement une réaction vive du milieu industriel et financier du Québec vis-à-vis de ce projet de loi, réaction qu'on n'avait pas ressentie précédemment.

Comme une des causes profondes qui nous amènent à étudier et qui nous a amenés dans le passé à étudier une loi linguistique c'est l'absence de francophones dans le monde de l'industrie, des affaires et de la finance, il est extrêmement important de légiférer tout en connaissant les réactions négatives qu'un projet de loi comme celui que nous étudions pourrait avoir dans ce monde des affaires. Ce projet de loi, théoriquement, est adopté pour voir la culture française progresser au Québec; s'il y a une réaction vive et négative du milieu de l'industrie qu'on ne contrôle pas au Québec, je crois qu'on pourrait même créer des situations néfastes vis-à-vis du développement de la culture française, ce qu'on ne voudrait pas pour tout l'or du monde.

Ceci dit, je crois que les membres de cette régie pourraient nous éclairer d'une façon très positive et nous apporter des faits qu'ils sont les seuls à connaître. Ils pourraient certainement nous indiquer les progrès qui ont été faits, ces dernières années, dans l'utilisation du français dans le monde de l'industrie et du commerce. Il y a eu un progrès réel, qu'on semble avoir beaucoup de difficulté à peser, à doser. Il y aurait une multitude de renseignements que ces gens pourraient nous transmettre, qui pourraient éclairer non seulement la commission, mais, par la voie de la commission, la population du Québec en général. Et ceci, toujours en s'en tenant aux faits, sans nécessairement demander aux membres qui nous feraient l'honneur de nous visiter leur opinion sur les principes qui sous-tendent la loi. On leur poserait des questions regardant les faits qu'ils ont vécus.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que le député de Gaspé succombe à la tentation?

M. Le Moignan: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Allez-y mon père.

M. Le Moignan: Je n'ai pas l'intention de faire languir les témoins qui attendent avec beaucoup de patience. Je voudrais simplement, M. le Président, si vous me le permettez, résumer comme j'ai l'habitude de le faire, quoique cela me tenterait de pérorer ce soir, mais je vais me maintenir.

Mme Lavoie-Roux: Vous retenir.

M. Le Moignan: M. le ministre a parlé du Conseil supérieur de l'éducation; je comprends très bien, j'ai lu attentivement la réponse de ce conseil. Mais, quand il s'agit, par exemple, de la Régie de la langue française, j'y vois tout un monde, toute une différence, puisque ce sont des fonctionnaires. Ce qui m'aurait intéressé — je résume, ce ne sera pas long, M. le Président — c'est parce qu'ils ont un mandat, ils ont l'expérience de la loi 22. Le président ou un des membres de la régie pourrait nous donner un bilan de ces deux années de la loi 22. Quelles ont été leurs expériences? Quels ont été leurs échecs? Quelles sont les difficultés qu'ils ont connues? De quelle façon la loi s'est-elle appliquée dans le concret? A ce moment, je crois que les membres de la commission seraient davantage renseignés. Personnellement, avec ceux de notre groupe, nous aimerions les rencontrer simplement pour qu'ils éclairent un peu notre lanterne en fonction de l'office qui va remplacer cette régie. Déjà nous serions mieux situés pour évaluer le rôle futur que l'office va remplir auprès des Québécois.

Je résume, je ne veux pas prolonger davantage. Nous prenons la parole du ministre, je la prends à 100%, sans aucun doute; c'est un voeu qu'il a lui-même dit, de les inviter, ce n'est pas un ordre qu'il leur donne. Personnellement, je serais heureux de voir la régie paraître ici devant cette commission.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Gaspé. M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Les arguments du député de Gaspé ne sont pas sans importance; c'est la raison pour laquelle d'ailleurs nous serions curieux, nous aussi, s'ils veulent bien venir devant la commission, de les entendre.

Cependant, je répète qu'ils ne doivent pas se sentir coincés. Etant donné qu'ils ont servi l'ancien gouvernement, que certains d'entre eux sont appelés, sans doute, à servir sous un nouveau gouvernement, mais à ne pas appliquer les mêmes dispositions, ils pourraient se sentir coincés dans un débat qui pourrait prendre des allures tout à fait partisanes et sentir que leur efficacité au service de la loi serait par la suite quelque peu compromise. C'est dans cet esprit que je remercie le député d'avoir accepté de modifier, tout à fait spontanément, sa motion.

Je voulais demander autre chose, avant de terminer, et cela me paraît tout de même important. Pourquoi a-t-on choisi le 20 juillet qui, d'après mon calendrier, est un mercredi? Y a-t-il une raison spéciale pour laquelle vous avez choisi cette date, autre que de tenter de vous assurer que la commission siégera encore à ce moment-là?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Non.

M. Morin (Sauvé): Parce que si ce sont des assurances de ce genre que vous voulez, je ne suis pas en mesure de vous les donner. Je ne sais si la commission siégera ou pas. Il faudrait que ce soit clair, cela aussi.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Cependant, permettez-moi — je vais laisser la parole, M. le député de Marguerite-Bourgeoys — de vous rappeler, après votre intervention, ce qui paraît au journal des Débats, même si je ne l'ai pas devant moi, peut-être pas verbatim, mais dans sa généralité au sujet de cette date.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'allais le faire, M. le Président. Si le ministre de l'Education nous avait fait l'honneur de sa présence ce mercredi soir où la motion a été discutée, il se souviendrait que nous avont été très flexibles; nous avons fait preuve d'une souplesse rare è l'égard de la date. Il nous a paru qu'il fallait une date à la motion pour qu'elle soit recevable. Cela n'a pas été, je pense, décidé comme tel par la présidence, mais c'était notre impression au moment où nous avons mis une date.

Nous avions plus de 200 mémoires, à ce moment-là, qui devaient être présentés. Nous avions aussi l'impression que le président de la régie devait recevoir un avis assez long ou, enfin, suffisamment long pour lui permettre de préparer une intervention valable. Le 20 juillet... D'ailleurs, dans ma présentation, j'ai même invité le gouvernement ou les membres ministériels de cette commission à suggérer d'autres dates comme le 13 juillet ou le 20 août. C'est à votre guise. Naturellement, si le ministre préfère le mois d'août, moi, je n'ai pas d'objection. Nous sommes ici, de toute façon, pour un bon moment. Il reste 220 mémoires à entendre. Que ce soit à l'automne, si le ministre le préfère.

Une Voix: Cette année.

M. Lalonde: Cette année ou même au printemps prochain, cela dépend. Si on préfère changer la date, je renvoie la balle au ministre, étant donné que c'est lui qui pose la question. Moi, j'ai pensé au 20 juillet, un mercredi soir. C'est un soir excellent pour siéger. D'ailleurs, depuis que le leader du gouvernement nous a demandé de siéger le mercredi soir, nous avons été extrêmement actifs.

M. Morin (Sauvé): Je commence à comprendre le sens de la motion.

M. Lalonde: Nous avons été extrêmement actifs les mercredis soirs, mercredi dernier, d'ailleurs.

M. Morin (Sauvé): Oui, oui, c'est punitif, en quelque sorte.

Mme Lavoie-Roux: On veut qu'ils soient bien occupés, les mercredis soirs.

M. Lalonde: Et nous voulions nous assurer que ces mercredis soirs soient occupés à des travaux tout à fait utiles. Nous pensions que le mercredi 20 juillet serait fort propice pour entendre le président de la Régie de la langue française.

Le Président (M. Cardinal): Puis-je vous rappeler, en guise non pas de directive mais de renseignement, que ce soir-là, lorsque le député de Marguerite-Bourgeoys, qui a parlé de 10 h 34 à 10 h 54 et qui a bien employé son temps, a fait cette motion, j'ai indiqué que ne connaissant pas les dates de convocation des séances de la commission — je ne parle pas de la fin des travaux de cette commission en vertu de l'article 118.6, mais uniquement du fait que nous vivons en vertu d'avis, de motions ou d'ordres de la Chambre quotidiens ou presque — je ne pouvais pas engager la commission sur une date semblable. J'ai même alors parlé d'honnêteté intellectuelle, ce qui a été un grand mot lancé. Un député, qui n'est pas présent ce soir — je n'aime pas attaquer les absents — a même laissé entendre que peut-être je participais aux débats. Il n'est pas ici, alors, vous n'avez pas à me lancer des regards interrogateurs qui, encore une fois, ne paraissent pas au journal des Débats.

J'indique simplement au ministre et aux membres de cette commission...

M. de Bellefeuille: Sauf quand on en parle. Le Président (M. Cardinal): Oui, c'est cela.

M. Lalonde: II y a d'autres façons de les avoir...

Le Président (M. Cardinal): C'est cela, vous voyez que je vous aide beaucoup.

Par conséquent, les invités sont tous convoqués actuellement à sept jours d'avis, en vertu du règlement, qu'il y a déjà eu une motion qui a été déclarée recevable vis-à-vis du Conseil supérieur de l'éducation, que cette motion avait été également déclarée recevable, mais que ceci ne préjugeait pas ni qu'il y aurait séance le mercredi soir, ni que les travaux de la commission seraient ou ne seraient pas terminés comme l'a indiqué le ministre; sans quoi nous ne pourrions jamais rendre efficaces les articles 118-A et 156. C'est donc sans préjuger de l'avenir que j'ai déclaré cette motion recevable et j'ai ajouté ceci... je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys qui était présent ce soir-là, se rappelle que c'est à peu près ce que j'ai indiqué, que lui-même d'ailleurs a rappelé certains faits à ce sujet et je veux dans ce sens rassurer le ministre. Oui, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, c'est dans le même esprit et sans présumer de l'avenir que nous n'avons pas d'objection à ce que cette motion soit acceptée telle que rédigée.

Adoption de la motion

Le Président (M. Cardinal): Je vais demander plus que cela. Je ne veux pas savoir s'il y a ou non des objections, je veux simplement savoir, si cette motion sera adoptée?

M. Lalonde: Adopté. Des Voix: Adopté.

Le Président (M. Cardinal): Adopté unanimement. La motion est adoptée. Je la signe et la remets au secrétaire de la commission. Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Une question, s'il vous plaît. Sur la motion, on nous dit qu'il n'y a pas de garantie que le 20 juillet, nous allons encore poursuivre nos travaux, qu'on va siéger, alors est-ce que je pourrais demander au ministre quel est le sens d'avoir une motion qui peut-être sera inutile? Est-ce que vous pourriez suggérer une date à laquelle on pourrait être assuré que le président de la régie va être entendu? Cela ne sert à rien d'accepter. C'est bien beau d'accepter une motion pour le 20, quand vous savez, d'après le député de Taschereau, que demain ou le jour suivant, il va faire une motion pour terminer les travaux. C'est bien généreux de votre part.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Bourassa sur une question de règlement.

M. Laplante: La motion a été adoptée unanimement par les membres de la commission. Elle ne doit pas faire l'objet d'un autre débat.

M. Ciaccia: C'est avant qu'on me l'ait demandé, je n'ai pas donné mon consentement au groupe.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! La motion est adoptée. Je veux rappeler que si un député s'est déclaré suffisamment informé quant à certains mémoires et si un autre député a indiqué qu'il y avait des redites et rien de plus, ni rien de moins n'a été dit, que je ne sais certainement pas quel jour et à quelle heure nous siégerons, sauf demain, sauf après-demain, à cause de l'avis qui a été donné à l'Assemblée Nationale, en ce jeudi dernier, veille du 1er juillet 1977.

Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est une directive ou un renseignement que je voudrais avoir, est-ce que l'invitation de la commission va être transmise quand même assez rapidement au président de la régie, de sorte qu'il puisse se préparer?

Le Président (M. Cardinal): Dès demain, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Sur ce, est-ce que je peux inviter les représentants, les porte-parole de la Commission des écoles catholiques de Québec, mémoire 74, à se présenter? Je sais que c'est un M. Fernand Paradis, directeur général qui a communiqué avec la commission. Vous êtes ici, M. Paradis? Maintenant, est-ce vous qui présentez vos collègues ou...

Commission des écoles catholiques de Québec

M. Forgues (André): André Forgues, président de la CECQ. Je suis accompagné de Mme Jacqueline Lambert-Jacob, commissaire; de M. Fernand Paradis, directeur général; de M. Clément Saint-Germain, vice-président; de M. Marc-André Lacasse, coordonnateur et de M. Bill McNamara, directeur du secondaire St-Patrick à Québec.

Le Président (M. Cardinal): Merci, Monsieur, je pense qu'il n'est pas nécessaire de présenter la Commission des écoles catholiques de Québec. Est-ce que vous désirez commencer immédiatement l'exposé de votre mémoire?

M. Forgues: Oui.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez vingt minutes pour le faire, sauf si des membres de la commission décident à même leur propre temps, de vous en accorder davantage. Alors nous commençons à 21 h 52... plutôt 21 h 57. Vous avez raison, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Cette horloge va vraiment me rendre je ne sais quoi, mais elle change d'heure continuellement, on ne sait jamais comment elle est par rapport au Greenwich. A 21 h 58 exactement, M. le président de la Commission des écoles catholiques de Québec.

M. Forgues: Madame, MM. les commissaires, dans le cadre de la consultation que vous poursuivez sur le projet de loi no 1, Charte de la langue française au Québec, vous avez invité la population et les divers organismes à vous faire part de leurs commentaires et réflexions. Laissant à d'autres le soin d'aborder le projet de loi sous des angles comme ceux de la législation et de la justice, de l'administration, du travail, du commerce et des affaires, la Commission des écoles catholiques de Québec, soucieuse d'apporter sa contribution à la communauté québécoise, désire intervenir principalement dans le domaine de la langue de l'enseignement pour: A) situer ses rôles historique et actuel; B) décrire les effets des récentes lois 63 et 22; C) exposer ses observations sur le projet de loi; D) exprimer ses recommandations.

Les membres qui ont collaboré à la préparation du présent mémoire oeuvrent à la CECQ à di-

vers titres: commissaires, parents, cadres des services, cadres des directions d'école, professionnels non enseignants. Tous ont, à l'invitation de la direction générale, apporté leur aide précieuse pour exprimer le point de vue de notre milieu scolaire.

Rôles historique et actuel. L'enseignement se donne sous la responsabilité des paroisses lorsqu'en 1846 le gouvernement de l'époque adopte la loi 9 Victoria, chapitre 27, intitulée "L'Education élémentaire en Bas-Canada" et charge, à l'article 42, douze commissaires, dont six catholiques et six protestants, d'organiser les écoles sur le territoire de Québec. Par cette oeuvre conjointe, les communautés francophone et anglophone de l'époque se forgent déjà une certaine cohérence. On relève que l'Ecole Notre-Dame-de-la-Garde possède, du temps de Mgr Signai, en 1855, des classes françaises et des classes anglaises où peuvent venir des élèves anglophones de l'extérieur de Québec.

Diverses modifications légales surviennent, comme en font foi les procès-verbaux de la CECQ qui montrent que la Commission scolaire catholique de Québec existe avant 1867. En 1906, le gouvernement précise certains pouvoirs particuliers en promulguant la loi 6 Edouard VII, chapitre 87, et mandate le Bureau des commissaires d'écoles catholiques romains de la cité de Québec d'organiser sur son territoire l'enseignement pour tous les catholiques francophones et anglophones.

Un registre, qui va des années 1885 à 1919, nous permet de connaître les noms et le domicile des élèves qui fréquentaient l'école St. Patrick, rue McMahon, dans le Vieux Québec. Il est important de noter que certains élèves venaient des comtés actuels de Portneuf, Charlevoix, Montmorency et Charlesbourg.

A cette époque, les communautés anglaises des environs rassemblaient à Québec leurs enfants pour assurer leur instruction. La vocation régionale de la CECQ, en ce qui a trait à l'enseignement en langue anglaise, l'amène à dispenser en 1977 cet enseignement à des élèves provenant d'au moins sept autres territoires scolaires de la zone économique no 3 qui ont des contrats à long terme avec la CECQ dont notamment la localité de Shannon.

Durant toutes ces années, ces communautés catholiques se fréquentent et entretiennent d'importantes relations humaines, alors que la CECQ y joue, nous le croyons, un rôle essentiel d'instruction, d'éducation et de fraternité.

Effets de la loi 63, 1969, chapitre 9. Cette loi qui permettait aux parents le libre choix de la langue d'enseignement pour leurs enfants aurait eu comme effet principal d'accroître, en 1969, puis de maintenir, par la suite, jusqu'en 1974, le nombre d'élèves qui fréquentaient en langue anglaise nos deux écoles élémentaire et secondaire St. Patrick et qui provenaient tant de notre territoire scolaire que de l'extérieur. Le tableau A, en annexe, pourrait nous porter à cette conclusion.

Il nous semble toutefois que cet accroissement peut aussi être dû, pour une partie, qu'il est assez difficile à établir par ailleurs, à l'explosion scolaire provoquée par d'autres lois de l'éducation. Il peut être aussi attribuable, pour une autre partie, plus faible probablement, à une immigration accrue et à une certaine mobilité des anglophones et des allophones canadiens vers notre région.

Néanmoins, cette augmentation d'élèves a nécessité un recrutement un peu plus élevé d'enseignants pour nos écoles de langue anglaise et, il va de soi, l'organisation scolaire s'est développée en conséquence.

Le tableau B, en annexe, permet de constater la diversité des provenances géographique et linguistique du personnel enseignant. Ce tableau permet aussi de constater un taux de mobilité plutôt élevé de l'ordre de 25% de ce personnel enseignant.

Effets de la loi 22, 1974, chapitre 6. Cette loi qui limitait l'admission à l'enseignement en langue anglaise aux seuls enfants qui pouvaient, par les tests, démontrer une connaissance suffisante et qui restreignait, par contingentement, le nombre de places-élève pour les enfants qui n'étaient pas de langue maternelle anglaise aurait eu comme effet principal d'abaisser, dès l'année scolaire 1975/76, première des deux années où les tests de connaissance linguistique furent administrés, le nombre d'élèves inscrits en langue anglaise a la CECQ. (Voir le tableau A en annexe).

Il nous semble toutefois que cet abaissement peut aussi être dû, pour une partie qu'il est assez difficile à établir par ailleurs, à une diminution naturelle de la clientèle scolaire causée par la dénatalité. Il peut aussi être dû, pour une autre partie sûrement intéressante à connaître, à une immigration décroissante vers notre région. Peut-être aussi à une certaine mobilité des anglophones ou des allophones vers d'autres régions. Peut-être aussi à une certaine préférence pour l'école privée.

Néanmoins, cette diminution d'élèves a néce-sité un recrutement d'enseignants à peine moindre puisque le taux de mobilité du personnel enseignant demeure toujours assez élevé, soit de l'ordre de 20%. (Voir le tableau B en annexe). Même si elle se rapporte à un moins grand nombre d'élèves, l'organisation scolaire a à peine décru et est même devenue plus complète puisque la CECQ offre des options professionnelles, notamment dans les secteurs de l'industrie et des services, aux élèves de l'école secondaire de langue anglaise.

Observations sur le projet de loi 1. Regret. De façon générale, toutes les personnes qui ont participé à la préparation du présent mémoire ont été unanimes à exprimer leur profond regret de ne pas connaître les règlements afférents à ce projet de loi. Elles souhaitent que, par ce fait même, ces règlements puissent être éclairés par la contribution de la CECQ à la présente commission parlementaire.

Transition. Actuellement, il y a, nous semble-t-il, une période transitoire entre l'actuelle loi 22 et la prochaine loi 1 que nous qualifierons de problématique. L'arrêté en conseil 4640-74, 18 décembre 1974, et le règlement 74-643, 19 décembre

1974, relatifs à la Loi de l'instruction publique et concernant l'inscription obligatoire des élèves pour l'année scolaire 1977/78 stipulent que cette inscription doit être faite "avant le 1er mars précédent..." et sur une formule demandant des informations précises. Le 10 février 1977, le ministère de l'Education, dans une lettre codifiée B.S.M. 77-5, nous demanda d'attendre jusqu'au 15 mars certaines directives avant de procéder. Les commissions scolaires de la région 03 ont fixé diverses dates d'inscription et les renseignements fournis au public ne furent pas identiques.

Pour sa part, la CECQ a tenu la période d'inscription obligatoire du 21 au 31 mars. Les parents ne détenaient alors aucune autre information officielle que celle qui se rapportait à la loi 22 et devaient se gouverner selon cette loi. Depuis le 1er avril, d'autres questions ont été soulevées par les parents: Qui peut aller suivre l'enseignement en langue anglaise et quand? Nous avons répondu que la loi 22 était toujours la loi, que l'arrêté en conseil 4640-74, avec délai jusqu'au 1er avril, fermait la période d'inscription pour la CECQ, à moins que la prochaine loi ne permette une prolongation de la période d'inscription jusqu'au dernier jour d'août pour les personnes désireuses de se prévaloir de cette loi et dont les enfants répondront aux critères.

Nous soumettons que des clarifications s'imposent le plus tôt possible afin de déterminer les clientèles de nos deux écoles de langue anglaise, de compléter l'engagement du personnel enseignant et de voir à l'organisation scolaire. Il faut rappeler que le nombre d'élèves venant de l'extérieur du territoire de la CECQ influence grandement l'organisation scolaire à mettre en place dans notre secteur anglais.

Afin de ménager un bon départ à la prochaine année scolaire et de veiller à la qualité de l'enseignement dispensé en anglais, il est impérieux, actuellement, croyons-nous, de prendre une décision rapide mais juste.

Commentaires. Aux articles 30, 31 et 32, nous remarquons que la connaissance de la langue officielle pour les personnes désirant obtenir un permis d'exercer au Québec dans un ordre professionnel peut être démontrée par un examen. Nous sommes étonnés, devant les difficultés qui furent soulevées au sujet des tests de connaissance linguistique administrés dans le cadre de la loi 22, que le projet de loi propose aussi des examens.

Selon la docimologie, c'est-à-dire l'étude scientifique des méthodes d'examen, un examen valide est celui qui a des normes, qui vérifie selon des critères de référence, qui a les caractéristiques de justesse et de fidélité, qui est en somme un examen standardisé, qui a fait l'objet d'une analyse longitudinale et critique. Dès qu'il possède de telles qualités, cet instrument de mesure n'est plus un examen, c'est un test. S'il n'a pas ces qualités, cet instrument est peu scientifique et possède peu de notoriété véritable.

A l'article 52, nous soumettons que le cadet ou la cadette francophone ou allophone d'un ou d'une aînée francophone ou allophone qui a déjà fait ses études secondaires au secteur anglophone mais qui ne le fréquente plus devrait posséder le droit, pour préserver l'unité familiale, de recevoir l'enseignement en anglais. La préparation à la vie professionnelle et à l'âge adulte pourrait être grandement facilitée à l'élève en question.

A l'article 53, nous soumettons que la double formulation négative du début de l'article ne confère aucune garantie à la CECQ de continuer à dispenser l'enseignement en langue anglaise aux élèves de son territoire et à ceux des commissions environnantes. Nous souhaitons vivement une formulation précise et concrète en ce sens.

A l'article 54, deuxième paragraphe, nous soumettons que la date du 31 décembre 1977 soit remplacée par une date plus appropriée suivant qu'il s'agit de l'admissibilité pour 1977-1978 ou de celle de 1978-1979. Notre préoccupation se rapporte à l'élève qui ne doit pas subir la perturbation d'une année scolaire où il changerait d'école et de rythme de vie en cours d'année.

A l'article 57, nous soumettons que des mesures particulières soient disponibles pour rendre possible la certification d'un élève anglophone qui arriverait au Québec pour y suivre l'année terminale du cours secondaire. Comme, selon le projet de loi, il devrait fréquenter l'école française, cet élève risque, à tout le moins, de subir un échec en français. Dès lors, il ne serait pas certifié et ne pourrait accéder au niveau collégial. Ne pourrait-on pas procurer à un tel élève les mêmes chances déjà prévues pour les personnes des ordres professionnels qui, à l'article 32, peuvent bénéficier d'un permis temporaire? Cet étudiant pourrait ainsi avoir droit sinon à un certificat temporaire du moins à une admission temporaire au collégial.

Particularités de la CECQ. A la CECQ, les enseignants de nos deux écoles de langue anglaise sont nés hors du Québec dans une proportion d'environ 50%. Le tableau B en annexe relève, en plus de la langue maternelle et de la provenance géographique, le taux de mobilité de ce personnel. En moyenne, à ce jour, ce taux est d'environ 24% pour les cinq dernières années. Malgré le contingentement naturel qui est un effet appréhendé du projet de loi, malgré la dénatalité et malgré la mobilité des familles du Québec et de sa région, il restera un certain nombre d'élèves auxquels la CECQ devra pourvoir l'enseignement en langue anglaise.

Nous remarquons par ailleurs que deux des facteurs qui peuvent assurer une meilleure qualité de l'enseignement sont: un rapport maître-élèves plus petit et un nombre réduit d'heures d'enseignement. Nous sommes ainsi portés à croire que le recrutement du personnel enseignant pour les classes anglaises peut demeurer un problème.

Nous savons bien que le nombre d'étudiants inscrits aux cours de formation des maîtres dans les universités anglaises du Québec s'est accru d'environ 200 depuis cinq ans. Cependant, une grande partie de ces étudiants sont déjà des enseignants en exercice qui vont augmenter leur scolarité ou se perfectionner. Parmi ces enseignants, plusieurs se préparent aussi à assurer une meilleure qualité de l'enseignement de l'anglais, langue seconde, dans les écoles françaises. Il y a

aussi le fait que les universités anglaises du Québec sont dans la vaste région de Montréal et que ces candidats à un recrutement possible y demeurent ou y demeureraient quand ils seront diplômés.

Ces réflexions faites, la CECQ, désireuse de recruter un personnel enseignant de qualité d'abord pour ses écoles de langue anglaise, puis pour l'enseignement de l'anglais, langue seconde, soumet deux résolutions qui lui permettraient de remplir son rôle. Il nous apparaît que ces deux résolutions devraient s'appliquer immédiatement et concurremment. 1.Que des mesures incitatives soient prises en vue de permettre aux étudiants en formation des maîtres de Québec et de sa région de rester dans notre région. Un moyen pourrait être celui de décentraliser la formation des maîtres en ouvrant un module anglophone ici même à Québec. 2. Qu'à l'article 58, les enseignants anglophones des autres provinces du Canada, qui voudraient travailler au Québec, soient incités à y venir et à y demeurer en leur procurant notamment sinon la possibilité de permanence, du moins le droit de placer leurs propres enfants au secteur linguistique de leur choix.

Nous sommes d'avis que ces deux mesures permettraient à la CECQ de contrer les difficultés de recrutement du personnel enseignant de langue anglaise.

Recommandation de la CECQ. La Commission des écoles catholiques de Québec a consulté avec intérêt le livre blanc publié le 1er avril par le ministre, M. Camille Laurin. La CECQ a, nous le croyons, analysé sans charge émotive les articles du projet de loi 1. Comme elle tente de le faire pour ses élèves et ses divers personnels, la commission est soucieuse du respect de deux types de droits qui doivent avoir cours dans toute société: les droits collectifs et les droits individuels.

Dans la recherche d'une base d'équité et de justice qui contribuerait à ce respect et à un heureux équilibre entre une législation trop permissive et une législation trop restrictive, la CECQ a accueilli, comme génératrice d'une évolution pondérée et sérieuse de notre société québécoise, la recommandation du Conseil supérieur de l'éducation au ministre de l'Education, recommandation adoptée en février 1977 relative à la langue d'enseignement.

Ce texte officiel, qui fit l'objet d'un communiqué de presse le 21 février 1977 sur le réseau 1 Telbec, apporte des solutions à la plupart des préoccupations de la CECQ. Il nous semble que ces solutions sont justes et équitables et permettent aux diverses communautés linguistiques québécoises de parvenir à un nouvel équilibre.

La CECQ fait tout particulièrement siens les articles de cette recommandation qui se rapportent à la nécessité pour le gouvernement de créer un climat francophone dans toutes les sphères d'activités pour que l'école y joue son véritable rôle, article 2; les critères d'admissibilité des enfants, article 7; le souci de maintenir l'unité familiale sur le plan linguistique, article 8; l'améliora- tion de l'enseignement du français, article 10; et l'amélioration de l'enseignement des langues secondes, article 11.

La CECQ croit que la recommandation du Conseil supérieur de l'éducation, complétée par les observations que nous avons soumises plus haut, constitue dans le domaine de l'enseignement la base juste et équitable d'une nouvelle législation recherchée par les membres de la présente commission parlementaire.

En conclusion, la Commission des écoles catholiques de Québec recommande que la présente commission parlementaire s'inspire largement des recommandations du Conseil supérieur de l'éducation et de nos observations. La CECQ croit que cette position du Conseil supérieur de l'éducation en matière de langue d'enseignement obtiendra au niveau provincial le même consensus que celui qui a su rallier les membres du Conseil supérieur de l'éducation, membres qui sont nommés par le gouvernement et qui proviennent des multiples communautés linguistiques et religieuses du Québec.

La Commission des écoles catholiques du Québec tient à remercier toutes les personnes qui ont apporté leur collaboration à la préparation du présent mémoire et elle exprime à la commission élue permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications le voeu que son rapport puisse contribuer au bien de la communauté québécoise. Nous vous remercions de nous avoir entendus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. Forgues. M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, permettez-moi d'abord de remercier les représentants de la CECQ d'être venus nous présenter ce mémoire. Il est très important que nous entendions les sons de cloche des commissions scolaires, notamment de celles qui ont de lourdes responsabilités, comme la CECM et la CECQ.

Vous êtes l'une des commissions scolaires où la loi 63 a eu le plus d'impact en proposant le libre choix de la langue d'enseignement. Cependant, j'ai eu beau chercher le moindre commentaire là-dessus dans votre mémoire, je ne l'y ai pas trouvé. Ma première question serait de vous demander combien de francophones se trouvent, à l'heure actuelle, dans les écoles anglophones de la CECQ. Je me serais attendu à ce que ces chiffres paraissent notamment au tableau A. J'aimerais que vous puissiez, pour éclairer notre lanterne, nous indiquer, pour chacune des écoles qui sont sous votre responsabilité, le pourcentage d'élèves francophones qui se sont prévalus de la liberté accordée par la loi 63. Et j'aimerais que vous m'indiquiez également, si le chiffre est significatif, combien il y a de Néo-Québécois qui ont pris des places d'élèves dans ces écoles anglophones.

M. Forgues: M. le ministre, cette question est assez complexe puisque le tableau nous fait voir les statistiques globales pour les deux écoles anglophones: l'école élémentaire Saint-Patrick et

l'école secondaire. Il faut se rappeler que les clientèles indiquées pour chacune des années ne sont pas uniquement des clientèles de la CECQ, mais les élèves de la Commission des écoles catholiques de Québec plus ceux de 14 autres commissions scolaires que nous desservons. On sait que la clientèle de la Commission des écoles catholiques de Québec est en période décroissante depuis 1969-1970. Pour l'ensemble de notre population, nous avions, à l'époque, 32 900 élèves. A la rentrée de septembre 1977, nous aurons un peu plus de 20 400 élèves. Nous aurons donc perdu tout près de 13 000 élèves en moins de huit ans.

Côté anglophone, on remarque des courbes à peu près semblables. Mais les commissions scolaires de banlieue sont en nette progression. On n'a qu'à examiner les statistiques qui concernent la régionale Chauveau. Alors que nous connaissons une période de dépopulation, elle est en période de croissance. Même phénomène pour Jean-Talon. Ce sont donc des phénomènes qui vont parfois en sens inverse qu'on retrouve ici de façon plus globale.

En ce qui concerne les élèves de la CECQ, je demanderais à M. Lacasse s'il peut apporter des précisions sur le nombre d'élèves qui sont de notre territoire.

M. Lacasse: Je pourrais dire, M. le ministre, que dans la population desservie par notre commission scolaire et qui réside effectivement sur notre territoire géographique, il y a environ 40% de ces étudiants qui sont dans nos deux écoles anglaises et qui sont francophones, et environ 10% qui sont allophones.

Ce qui reste, ce sont des anglophones de notre territoire géographique. C'est, en gros, des chiffres qui nous situent dans le sens de la question que vous posez.

M. Morin (Sauvé): C'est un chiffre qui compte parmi les plus élevés du Québec, je pense que vous en êtes conscient, ces 40%. Je me serais attendu que votre commission scolaire se penche un peu sur ces problèmes de l'école francophone et du passage d'un nombre aussi important, d'un pourcentage aussi important d'élèves du secteur francophone au secteur anglophone. Votre mémoire, au contraire, semble se préoccuper uniquement des problèmes des anglophones. Cela m'a un peu étonné, je vous l'avoue; je me serais attendu que vous parliez, au moins également, des problèmes des deux communautés que vous avez sous votre responsabilité et qui semblent, à ce que vous nous dites, coexister très bien.

A cet égard, je ne m'explique pas que vous ne fassiez pas allusion de façon plus directe à ces problèmes qui ont été engendrés par la loi 63, auxquels la loi 22 a tenté, vaille que vaille, de répondre et auxquels le gouvernement, à nouveau, tente d'apporter un correctif qui soit plus efficace. J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous avez rédigé ce mémoire, qui l'a rédigé. A la page 1, vous faites allusion à cela. Vous nous dites: Les membres qui ont collaboré à la préparation du présent mémoire oeuvrent à la CECQ à divers ti- tres: commissaires, parents, cadres des services, cadres des directions d'école, professionnels non-enseignants et enseignants. Tous ont apporté, à l'invitation de la direction générale, une aide précieuse pour exprimer le point de vue du milieu scolaire.

J'aimerais savoir comment s'est faite exactement la rédaction de ce mémoire. Qui a invité qui? Comment se fait-il qu'il y ait cette espèce de déséquilibre dans la présentation de la problématique de votre commission scolaire? Comment se fait-il qu'il faille vous interroger pour découvrir qu'il y a 40% de francophones dans les écoles anglophones de votre territoire, ce qui est certainement un problème considérable puisqu'on ne trouve des chiffres semblables à peu près nulle part ailleurs? Pourriez-vous également me dire à quelle époque cela a été rédigé? J'imagine que c'était à l'époque de la présidence de M. Dawson, probablement, ou si c'était antérieurement? Quand cela a-t-il été rédigé? Bref, j'aimerais que vous me fassiez la genèse de ce mémoire.

M. Ciaccia: Excusez-moi, M. le Président, avant qu'on ne réponde. Est-ce que le ministre me permettrait de lui demander s'il craint l'anglicisa-tion du Québec, de la ville de Québec? Est-ce pour cela, vos questions?

M. Morin (Sauvé): M. le Président, c'est une question frivole. J'ai posé des questions à nos invités et j'attendrai maintenant la réponse; je pense qu'ils ont des tas de choses à nous dire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je demande aux invités de répondre, s'il vous plaît.

M. Paradis: II y a un certain nombre de points que vous avez soulevés. Je voudrais tout de suite disposer d'un point que vous avez soulevé à la toute fin; M. Dawson n'a pas participé, en aucune façon, à la rédaction du mémoire. Je voudrais tout de suite écarter cette réflexion.

Le deuxième point que je voudrais aborder, c'est la question de la cueillette des données. Sur la demande du conseil des commissaires, à la séance du 26 mai, sauf erreur, du 15 mai, excusez-moi, le conseil nous a demandé de recueillir un certain nombre d'éléments en vue de nourrir la pensée du conseil pour la présentation de ce mémoire. Nous avons donc réuni différentes composantes de la commission scolaire pour recueillir, face à la loi 1, les points d'interrogation que cela pouvait soulever. Donc, les personnes qui sont mentionnées en page 1 furent réunies. Nous avons colligé un certain nombre de données et par la suite un comité ad hoc, formé de commissaires et entouré de quelques cadres, ont fait état des données recueillies. Les commissaires ont articulé le plan de ce mémoire, l'ont proposé, dans un deuxième temps, aux membres du comité exécutif, qui nous ont demandé de procéder à la rédaction du mémoire en tenant compte des idées qui avaient été retenues par le comité ad hoc.

Par la suite, le mémoire fut présenté au conseil des commissaires, qui l'a adopté tel qu'il fut rédigé.

M. Morin (Sauvé): Pourriez-vous nous expliquer cette insensibilité au problème des 40%, par exemple?

M. Paradis: Pour ce qui est des 40%, je voudrais souligner que le mémoire fut rédigé en tenant compte de ce que nous observons dans notre milieu. Je fais ici carrément allusion au fait que les problèmes qui se posent dans la ville de Québec sont assez différents de ceux de la CECM ou du territoire de la région de Montréal. Je pense qu'on peut dire que, dans une très large mesure, la population francophone est très largement représentée et forme plus de 90% de la population de notre territoire et des territoires avoisinants.

Lorsque vous utilisez le pourcentage de 40%, il peut sembler assez élevé, mais c'est 40% d'une population qui est actuellement à 1400 élèves et qui ne concerne pas seulement la CECQ, mais aussi le territoire avoisinant; 40% font une image forte, puissante, mais si on prenait uniquement les anglophones de la CECQ, on parlerait de 700 sur environ 21 878. C'est donc une proportion minime et cette proportion, si on applique maintenant les 40%, est réduite d'autant. Ce sont les réflexions que je ferais.

J'en ajouterais une dernière, si vous permettez. Le mémoire ne met peut-être pas suffisamment l'emphase sur des points qui apparaissent en page 9. Nous aurions voulu développer davantage, mais nous avons appris tardivement qu'il y avait une date, un délai de fixé et que ce délai était formel, qu'on ne pouvait pas le passer.

Donc, dans la rédaction, nous n'avons pu donner tout ce que nous aurions voulu apporter comme renseignement. Si on arrête au bas de la page 9, on comprend les intentions réelles de la CECQ. D'abord cette nécessité que nous voyons pour le gouvernement de créer un climat francophone dans toutes les sphères d'activité, pour que l'école puisse y jouer son rôle véritable. Si on retourne aux propos du Conseil supérieur de l'Education, c'est développé à l'article 2 de son communiqué du 21 février dernier.

Nous parlons également des critères d'admissibilité. Nous soulignons aussi le souci que nous devrions avoir pour maintenir l'unité familiale. Nous soulignons également les tentatives qui devraient se poursuivre — elles sont déjà amorcées — en vue de l'amélioration de l'enseignement du français et aussi de l'anglais à titre de langue seconde. Nous reconnaissons volontiers, sur ces deux derniers points, qu'il y a eu des mesures de prises qui ont déjà produit certains résultats, particulièrement en ce qui concerne l'enseignement de la langue française, et les mesures annoncées en vue de spécifier les programmes nous apparaissent déjà prometteuses.

En ce qui concerne l'amélioration de l'enseignement de l'anglais à titre de langue seconde, nous avons profité des mesures que le gouvernement nous a offertes afin de spécialiser des maîtres en exercice, afin qu'ils puissent enseigner l'anglais à titre de langue seconde.

Nous n'avons peut-être pas suffisamment développé ces points. J'accepterais volontiers cette critique, mais reste que c'est tout de même dans nos préoccupations, même si dans le mémoire cela prend peu de place.

M. Morin (Sauvé): Je comprends que vous ayez été bousculés par les délais. Effectivement, ce fut le cas pour beaucoup de mémoires. Devant cette explication, je comprends que vous n'ayez pu détailler sans doute certains de vos problèmes. Il reste que ces 40% représentent tout de même plusieurs centaines d'enfants, à moins que je ne m'abuse. Même en chiffres absolus, c'est un phénomène dont, j'espère, vous tiendrez compte, dans l'avenir en tout cas.

Un autre point sur lequel j'aimerais me pencher avec vous, c'est le recrutement de vos enseignants anglophones. Cette particularité, comme vous l'appelez, de la CECQ, qui consiste à recruter une proportion d'environ 50% de ses professeurs anglophones hors du Québec, c'est un autre record. J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous procédez pour recruter ces professeurs à l'extérieur du Québec. J'aimerais que vous me décriviez également les efforts que vous faites pour trouver des professeurs anglophones ici au Québec, où nous en avons qui sont en chômage.

M. Paradis: Les mesures que nous avons prises — je fais appel au passé — ont. été par le truchement des journaux, à l'endroit des professeurs de la région de Québec. Nous avons étendu nos demandes à la région de Montréal et nous avons même dû, en certains cas, aller au-delà des frontières provinciales pour faire appel à du personnel qui dispenserait l'enseignement dans nos écoles anglaises.

Au cours des dernières années, il est souven-tefois arrivé, même à la fin du mois d'août et, à la limite, au début de septembre, de ne pas avoir le personnel complet pour l'enseignement dans nos établissements. Nous avons pris des mesures d'urgence, des professeurs qui acceptent de faire de la suppléance pour un temps limité, afin qu'ils puissent dispenser l'enseignement à des élèves qui, de façon officielle, n'avaient pas de professeurs attitrés pour l'année.

En cours de septembre, nous arrivons à combler nos cadres, mais, chaque année, enfin, presque chaque année, nous avons eu de la difficulté à combler les postes ouverts dans nos deux établissements et nous avons souventefois dû aller au-delà des frontières provinciales pour obtenir du personnel.

M. Morin (Sauvé): Quand vous dites que vous avez dû, à bien des reprises, aller au-delà des frontières provinciales, voulez-vous dire par là que vous envoyez des délégations à l'extérieur du Québec ou des personnes, ou une personne à l'extérieur du Québec?

M. Paradis: Nous faisons appel par l'entremise des journaux. A ma connaissance — on me corrigera — je ne pense pas que nous ayons envoyé de personnel.

M. Morin (Sauvé): Ce sont donc des annonces tout simplement que vous faites passer dans les journaux?

M. Paradis: Oui, c'est cela.

M. Morin (Sauvé): J'imagine que vous les mettez également dans les journaux anglophones montréalais ou les journaux anglophones de tout le Québec?

M. Paradis: Je le crois. C'est le bureau du personnel qui s'occupe de cela, mais j'en tire la conclusion logique qu'on doit le faire.

M. Morin (Sauvé): J'aimerais en être assuré, parce que c'est un phénomène qui est un peu, vous en conviendrez, exceptionnel.

M. Paradis: M. McNamara, qui est directeur de l'école secondaire anglaise, qui a travaillé à l'élémentaire et qui travaille maintenant au secondaire, répondra, de façon plus précise, à votre question.

M. McNamara (W.J.): Nous plaçons des annonces dans le Star, la Gazette et, normalement, au Soleil, ici à Québec. Ce sont les trois journaux, surtout. Quand on dit en dehors de la province, normalement, on réfère aussi au Ottawa Citizen, en particulier.

Il faut aussi dire qu'on prend d'autres démarches. Nous allons même au Bureau de placement des professeurs du Québec métropolitain et au Centre de main-d'oeuvre, au cas où il y aurait des enseignants canadiens. Si nous n'avons pas de réponse positive, nous prenons d'autres moyens, comme avoir des professeurs qui sont là de façon temporaire, des professeurs suppléants au mois de septembre, comme le directeur général l'a souligné, jusqu'à ce qu'on en trouve.

M. Morin (Sauvé): Est-ce que vous faites...

M. Paradis: M. le ministre, est-ce que vous me permettrez une réflexion très brève?

M. Morin (Sauvé): Volontiers.

M. Paradis: Les difficultés de recrutement ne résident pas seulement dans le fait qu'il faut trouver des professeurs anglophones, mais il faut trouver des professeurs anglophones qui enseigneront les mathématiques, par exemple, ou qui enseigneront la biologie, ou la physique. A ce moment-là, les exigences allant plus loin, cela entraîne, du même coup, des difficultés plus grandes pour obtenir le personnel.

M. Morin (Sauvé): Dites-moi, est-ce que vous communiquez avec la CECM ou avec d'autres commissions scolaires qui ont des professeurs anglophones à leur service, éventuellement même avec le PSBGM, d'autres commissions scolaires qui ont de nombreux enseignants anglophones quelquefois en disponibilité? Est-ce que vous avez des contacts suivis, de façon à faire l'impossible pour recruter vos professeurs ici même au Québec? Vous n'ignorez pas qu'il y en a qui ont de la difficulté à se recaser chaque année.

M. Paradis: Nous faisons appel à ces commissions scolaires et M. McNamara pourra donner des précisions là-dessus, si besoin en était.

M. McNamara: Ni de façon continue, ni régulière, mais quand il me manque quatre ou cinq professeurs à la fin d'août, je communique avec la CECM — j'ai quelques contacts là — aussi avec l'école protestante ici de Québec et aussi avec le St-Lawrence, le CEGEP anglais ici à Sainte-Foy. Je vais même là consulter les dossiers pour voir si je ne peux pas avoir là des enseignants canadiens ou québécois.

M. Morin (Sauvé): Vous faites ça dans les derniers jours du mois d'août?

M. McNamara: Dans les derniers jours du mois d'août, oui.

M. Morin (Sauvé): Et les annonces dans les journaux montréalais sont vers quelle époque?

M. McNamara: Encore au mois d'août. Parce qu'il y a...

M. Morin (Sauvé): Et les annonces dans le Ottawa Citizen?

M. McNamara: Encore au mois d'août, à la fin du mois. Voici pourquoi...

M. Morin (Sauvé): Et vous n'avez pas une idée des besoins en personnel, des besoins de professeurs que vous pourriez avoir avant la fin du mois d'août?

M. McNamara: Oui, mais notre commission scolaire, qui déclare des surplus d'enseignants presque à chaque année, veut s'assurer que, parmi ses surplus, il n'y a pas d'enseignants francophones qui pourraient très bien faire l'affaire à St. Patrick, dans notre cas, par exemple. Ce qui veut dire une analyse de dossiers, interview de professeurs, quitte à m'en envoyer pour les interviewer pour voir s'ils ont une connaissance suffisante de l'anglais, tout ça prend du temps. Cela se fait normalement au mois d'août, quitte à voir s'il n'y a pas de professeurs parmi notre surplus de francophones qui pourraient enseigner à St. Patrick. Alors ces choses-là retardent.

M. Morin (Sauvé): Est-ce que vous n'avez pas une idée du nombre de professeurs requis, cependant, beaucoup plus tôt que cela?

M. McNamara: Oui, jusqu'à un certain point, mais avec le bill 22, tel qu'il existait, et le bill 63 précédemment, il nous arrivait toujours des élèves, évidemment, au mois d'août. Le résultat des

tests linguistiques, avec le bill 22, nous arrivait aussi au mois d'août et quelquefois au mois de septembre, ce qui voulait dire un changement de clientèle, normalement en augmentant. Ce qui veut dire aussi d'autres professeurs.

M. Morin (Sauvé): Je vous suggérerais d'essayer d'accélérer vos procédures; attendre la fin du mois d'août, évidemment, ce n'est pas étonnant que vous soyez bousculés et que vous ne trouviez pas. Je pose la question au président de la commission, est-ce qu'il n'y a pas moyen de vous arranger pour accélérer ces procédures?

M. Forgues: Les prochaines actions qu'on va prendre, ce sera dans ce sens pour tenter une accélération.

M. Morin (Sauvé): Je suis convaincu que si vous cherchez ici même, au Québec, vous allez en trouver. Moi, j'en entends parler beaucoup, en tout cas, d'enseignants anglophones qui cherchent du travail, qui seraient bien heureux de savoir que vous avez des places, comme ça, disponibles, à St. Patrick ou ailleurs, plutôt que d'aller chercher 50% de votre recrutement à l'extérieur du Québec.

M. Paradis: Un élément, M. le ministre, qu'il ne faudrait pas oublier, c'est le fait que nous fassions affaires avec 14 autres commissions scolaires où nos pouvoirs décisionnels sont assez dilués. Nous pouvons cerner nos populations scolaires, mais nous sommes tributaires, auprès des autres commissions scolaires, de décisions qu'elles-mêmes peuvent prendre. Cela allonge les circuits d'autant, et le fait que le pouvoir décisionnel leur appartienne, ça nous donne des temps de réaction qui sont écourtés d'autant.

M. Morin (Sauvé): Oui, oui, ça, je le conçois et je vois que vous avez des problèmes particuliers. Mais enfin, 50% d'enseignants recrutés à l'extérieur du Québec, c'est quand même un record. Franchement, je vous tire mon chapeau. Il me semble qu'il faudrait essayer d'améliorer cette situation. Alors qu'on sait qu'ici même, au Québec, nous avons des enseignants anglophones à placer. Je peux vous dire qu'il y en a. Même, si vous cherchez des listes, on pourrait peut-être vous aider.

Passons à autre chose, M. le Président, avec votre permission. A la page 7 de votre mémoire, toujours, vous faites allusion, au bas de la page, au rapport maître-élèves, à la CECQ. Je ne sais pas si je lis correctement votre paragraphe, est-ce que vous suggérez par là qu'il devrait y avoir, dans les écoles anglophones, une proportion maître-élèves plus favorable que dans les écoles francophones? Ce n'est pas ça que vous voulez dire, sûrement.

M. Paradis: Non.

M. Morin (Sauvé): Vous voulez dire un abaissement de ce qu'on appelait autrefois le ratio dans toutes les écoles.

M. Paradis: C'est ça.

Evidemment, les conventions collectives ne sont plus fondées, comme vous le savez, sur le principe de la ratio. C'est maintenant un nombre d'heures par enseignant. Les principes sont différents. Comment arriveriez-vous à faire le point entre les conventions collectives et cette proposition?

M. Paradia: Je concède, M. le ministre, que le rapport maître-élèves n'est plus l'unique base. Il y a tout de même un certain nombre de contraintes qui sont maintenant dans les conventions collectives, entre autres le plafonnement à 30 élèves que nous ne pouvons dépasser, ou, si on le fait, c'est avec un dégrèvement. C'est donc une dimension qui apparaît maintenant dans la nouvelle entente provinciale et qui présente les questions de façon différente.

M. Morin (Sauvé): Comme le temps passe, M. le Président, j'aurais encore seulement une ou deux questions. Je vais les poser rapidement pour donner la chance à mes collègues d'intervenir s'ils le désirent. J'ai constaté, notamment à la page 9, que vous endossez les recommandations que le Conseil supérieur de l'éducation me faisait parvenir il y a quelque temps, quant aux critères d'admission en particulier. Je crois qu'effectivement il y a d'excellentes choses dans ce rapport que me fait le Conseil supérieur, notamment pour ce qui est de la nécessité pour le gouvernement de créer un climat francophone dans toutes les sphères d'activités, le souci de maintenir l'unité familiale au plan linguistique, qui, vous le savez, a trouvé son écho dans la loi, l'amélioration de l'enseignement du français, de même que de l'enseignement des langues secondes, qui constituent vraiment des priorités gouvernementales. J'ai l'impression que ce devront être des priorités pour quelques années, si on veut vraiment arriver à infléchir le cours des choses et à redresser la situation actuelle. Là-dessus, nous n'aurons pas de querelles. Cependant, pour ce qui est des critères d'admissibilité des enfants à l'école anglaise, si j'ai bien compris, sans le mentionner spécifiquement, vous vous ralliez au critère de la langue maternelle qui est un critère que le gouvernement a examiné longuement, je puis vous l'assurer.

Pourriez-vous me dire comment il serait possible de déterminer la langue maternelle de certains enfants qui ne sont pas toujours de milieu anglophone ou de milieu francophone, qui sont quelquefois de couples mixtes sur le plan linguistique, ou encore qui viennent de l'extérieur et dont la langue maternelle peut être aussi bien le grec que l'italien, que le chinois, quoique là c'est un problème plus montréalais que québécois? Mais il se trouve certainement, ici, à Québec, un certain nombre d'immigrants venant de l'extérieur. Comment établit-on la langue maternelle dans ces cas?

M. Paradis: Je reconnais volontiers, et je pense que les commissaires sont de cet avis, que c'est un point assez délicat. Par ailleurs, le Conseil supérieur de l'éducation, dans son dernier avis, celui du 13 juin dernier, précise sa pensée et offre

de nouvelles pistes pour trouver une solution aux problèmes que vous soulevez.

M. Morin (Sauvé): Vous voulez dire les registres des hôpitaux, les registres de l'état civil, n'est-ce pas?

M. Paradis: C'est, dans son dernier avis, un certain nombre d'éléments où le parent, le père, la mère ou, à la limite, le tuteur, devrait, à la satisfaction de l'Etat, fournir la preuve que l'enfant est anglophone. Il nous semble que dans cette veine les solutions seraient plus faciles d'application que celles qu'antérieurement nous avions entrevues.

M. Morin (Sauvé): Je puis vous dire là-dessus que nous avons effectivement vérifié si les critères suggérés dans l'abstrait par le Conseil supérieur de l'éducation étaient applicables dans les faits, pour découvrir que les registres en question ne nous apportaient pas les lumières qu'ils étaient censés nous apporter. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes rabattus, après expérience et après avoir fait enquête, sur un autre critère qui est celui de la langue d'enseignement des parents. Mais pour en revenir à notre langue maternelle, supposons que par hypothèse les registres de naissance ne nous donnent pas de renseignements sur la langue maternelle, comme c'est le cas, je dirais, dans la majorité des cas. Comment peut-on déterminer la langue maternelle dans les cas litigieux? Doit-on s'en remettre simplement à une déclaration des parents?

M. Paradis: Une simple déclaration, à mon avis, risque de mener à des difficultés, mais qu'il appartienne aux parents de faire la preuve que l'enfant est anglophone, cela m'apparaît beaucoup plus poussé comme exigence. S'il leur appartient à eux d'en établir la preuve, il y aura certainement bon nombre de cas qui pourront être réglés par des mesures connues: appel à des registres ou preuve par des fréquentations scolaires ou autres.

M. Morin (Sauvé): Vous ne pensez pas que nous revenons aux tests, de la sorte?

M. Paradis: Pas de prime abord.

M. Morin (Sauvé): Non? Expliquez-moi comment il est possible de déterminer la langue d'un enfant si ses parents déclarent mordicus être de langue maternelle anglaise? Cela s'est vu sous l'empire de la loi 22; on a fait passer les tests et les tests nous ont révélé que les enfants n'avaient pas la langue d'usage. Les parents affirmaient dur comme fer qu'ils l'avaient. A la limite comment vérifie-t-on une chose comme la langue maternelle?

M. Paradis: Je vous retourne la balle, M. le ministre, si vous me le permettez. Actuellement, les parents qui déclareront avoir fréquenté l'école élémentaire anglaise pendant six ans, quelle preuve cela nous fournira-t-il que l'enfant parle anglais?

M. Morin (Sauvé): C'est un critère objectif qui est certainement plus précis que les autres et qui évite surtout les tests. C'est surtout cela que nous avons à l'esprit.

M. Paradis: Qui pourrait aussi amener à l'école anglaise un enfant francophone.

M. Morin (Sauvé): C'est possible que marginalement cela se produise, mais...

M. Paradis: Nous avons des cas, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): ...je ne pense pas que ce soit fréquent. Parmi tous les critères, je pense que c'est le plus exact, le plus facile à manipuler. Il faut avouer que le critère que vous nous suggérez, qui est celui de la langue maternelle, nous ramène directement aux tests. On l'a examiné sous toutes les coutures. Il était impossible d'éviter de revenir aux tests. Or le gouvernement est tout à fait déterminé à n'en pas tenir, il est tout à fait déterminé à modifier les règles du passé, sur ce point.

M. le Président, pour ce qui est des règlements tant attendus, comme vous le mentionnez à la page 6, vous savez que ces règlements ont été adoptés le 8 juin — vous les avez à votre disposition désormais — et qu'il y aura cette semaine même des rencontres...

M. Paradis: Mercredi.

M. Morin (Sauvé): ...d'ordre administratif, mercredi, justement, pour vous éclairer sur tous les détails de ces règlements. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le ministre.

Mme le député de l'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier les représentants de la Commission des écoles catholiques de Québec. Je tiens à souligner que vous êtes la première commission scolaire française à venir devant la commission et je pense que votre mémoire apporte des éléments nouveaux et des problèmes qui n'ont pas été examinés à cette commission.

C'est fort dommage que le député de Taschereau ait quitté, peut-être qu'il aurait trouvé qu'il n'y avait pas uniquement des redites.

Je veux simplement reprendre certaines remarques du ministre. La première démontrant que vous êtes fort coupables d'aller chercher 50% de votre personnel à l'extérieur de la province. Pourrait-il être de 40%, je l'ignore, mais il y a une chose, à moins que la loi 22 ait eu de fort heureux résultats. C'est que la CECM, jusqu'à — j'ignore pour cette année — cette année devait aller aussi recruter à l'extérieur du Québec, parce qu'avec la confessionnalité des écoles il était extrêmement difficile pour la CECM de recruter son personnel, non seulement à l'intérieur du Québec, mais même à l'intérieur du Canada. Il se peut que le

problème soit un peu résolu maintenant que l'institut pour la formation des maîtres anglo-catholiques à Montréal a été intégré à l'Université McGill où on forme et les professeurs catholiques et les professeurs protestants de langue anglaise. Mais malgré toute votre bonne volonté, je pense qu'il était extrêmement difficile pour vous de recruter sur place à l'intérieur de la province des professeurs de langue anglaise.

Je voudrais vous poser une question sur les statistiques alarmantes soulignées par le ministre de l'éducation. Vous n'avez mentionné que deux banlieues où la population scolaire a connu une augmentation fort notable. Y a-t-il dans ces deux banlieues ou ces deux commissions scolaires des élèves anglo-catholiques ou viennent-ils tous chez vous?

M. Paradis: Dans le cas — M. McNamara serait sans doute plus au courant que moi, parce qu'il s'agit là de commissions scolaires, mais sauf erreur — de Chauveau, nous avons Shannon qui est sur le territoire de Chauveau où il y a une communauté anglophone assez nombreuse, assez stable, cependant. Il y a aussi Valcartier.

M. McNamara: Valcartier, Neufchâtel, Duber-ger, tout cela fait partie de Chauveau.

M. Paradis: Pour répondre à la question de Mme Lavoie-Roux, est-ce qu'il s'agit de populations stables ou bien si elles ont tendance, elles aussi, à l'exemple du milieu...

Mme Lavoie-Roux: ...francophone à augmenter?

M. McNamara: ...francophone à diminuer aussi. Il y a aussi une autre école anglaise catholique sur le territoire, dans la région de Québec qui est à Sainte-Foy, Saint-Vincent, elle est dans la régionale de Tilly. Elle dessert la section de Cap-Rouge et Sainte-Foy. C'est une école peut-être un peu plus petite que la nôtre, mais elle est là, elle existe.

Mme Lavoie-Roux: C'est quand même une augmentation majoritairement francophone dans les banlieues de Québec. Les écoles anglaises demeurent un phénomène assez marginal, même dans Chauveau et Sainte-Foy dont vous venez de parler. Sur le territoire de la CECQ, la population diminue. Ce que je trouve assez intéressant, c'est que le ministre est très scandalisé de vos 40% de population francophone et pourtant, il a retenu un critère qui va maintenir cette population sinon l'augmenter.

J'aurais peut-être dû vous poser une question préalable. Ces francophones, qui sont allés à l'école anglaise, à votre avis se sont-ils, d'une façon générale, anglicisés ou sont-ils allés là apprendre l'anglais, langue seconde?

M. Paradis: II y a certainement un pourcentage assez large — personnellement, j'ai de la difficulté à le préciser — qui voulait apprendre l'an- glais par immersion. Je pense que cela s'est pratiqué ici, à Québec, comme dans d'autres milieux. Quel est le pourcentage exact? Qu'est-ce qu'il est advenu de ces gens? J'ai tendance à croire — M. McNamara fréquente beaucoup la communauté anglophone ici, à Québec — personnellement, qu'il s'agit de cours d'anglais par immersion qu'on est allé y suivre. Par la suite, si les gens sont demeurés à Québec, qui est un milieu, dans une très large majorité, de francophones, j'ai l'impression que les gens continuent à vivre en français, mais ils ont eu l'occasion d'apprendre l'anglais de façon autre que par les cours magistraux.

Mme Lavoie-Roux: Là-dessus vous êtes très prudents quant à la loi 63 et la loi 22 pour analyser les résultats — et je pense qu'il faut vous en savoir gré — sur des périodes aussi courtes et, particulièrement quant à la loi 22, d'en arriver à des conclusions absolument finales, je pense que ce peut être difficile.

A ce moment-ci où la population française dans les classes anglaises de toute façon, diminue puisque la population des écoles anglaises diminue, on s'apprête à retenir un critère qui aura pour effet d'aller chercher tous les enfants dont les parents, possiblement, ont fréquenté l'école française alors que le nombre de ces francophones dans les écoles anglaises de la ville de Québec ou des environs devait être plus grand qu'il ne l'est présentement.

Le ministre n'aime pas la recommandation... Les mots "n'aime pas", ce n'est peut-être pas exact de ma part. Le ministre met de côté la recommandation du Conseil supérieur de l'éducation. Quand on ne veut pas retenir une solution, évidemment, l'examen qu'on en fait peut être plus ou moins objectif, je regrette de le dire. Je pense que les entrevues ne sont pas des tests et peuvent, dans les cas douteux, trancher le débat à savoir si un enfant est vraiment de langue anglaise, s'il appartient à la communauté anglophone ou pas. Je ne veux pas discuter plus longuement là-dessus, mais je trouve quand même un peu surprenant le scandale du ministre de l'Education. Dans votre rôle historique, vous parlez de l'école Notre-Dame-de-la-Garde.

M. Laplante: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît.

M. Laplante: ...en vertu de l'article 100, Mme le député de L'Acadie, pourriez-vous me dire la différence qu'il y a entre le test et l'entrevue? Selon votre façon de le voir, quelle est la différence entre un test et une entrevue pour l'acceptation d'un enfant?

Mme Lavoie-Roux: Je pense que le député de Bourassa, qui était à la CECM, sait fort bien la différence entre les deux.

M. Laplante: Non, j'ai vu que c'étaient tou-

jours des tests qu'on passait à ces entrevues. C'était égal à cela à la CECM.

Mme Lavoie-Roux: Bon, il faudrait retourner à l'école. Je retourne au rôle historique. Oui, c'est une question...

Le Président (M. Cardinal): Permettez-vous, excusez-moi pendant qu'il y a...

M. Laplante: Tâchez de donner votre position là-dessus pour nous éclairer; peut-être que les gens ne différencient pas ici en avant.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Un instant. Pendant qu'il y a une interruption, qui ne vient pas du président, nous nous dirigeons très rapidement vers 23 heures. Nous entendrons, comme a déjà dit le ministre d'Etat au développement, la cloche du beffroi de Québec sonner et normalement nous ajournerions. Si nous continuons le débat, nous en avons certainement, comprenant les réponses, les interruptions, les questions de règlement et tout d'après la pratique habituelle, jusqu'à 23 h 30. Avant de couper quelqu'un dans une réponse ou dans une question, je voudrais avoir l'avis de la commission.

A moins, oui?

M. Charbonneau: De ce côté-ci de la Chambre, je peux vous dire que 23 heures, pour nous, c'est le délai maximum, parce que je pense à ce qui est survenu avant l'audition de ce groupe. Nous n'avons pas l'intention de porter l'odieux du retard et de la procédurite, une espèce de faux simulacre qu'on a tenté de nous faire avaler. Je pense que 23 heures, pour nous, c'est le délai maximum.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vous ferai remarquer que, sur les interventions qui ont été faites au sujet de la Régie de la langue française, le ministre a pris au moins autant de temps que les députés.

M. Charbonneau: Non, non, non, non.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: On ne charriera pas sur cela mais...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A cette heure-ci ne m'obligez pas d'office à ajourner. Je vais poser une question aux représentants de la CECQ; comme vous êtes de Québec, est-ce que vous êtes disposés à revenir ici demain matin, à dix heures?

M. Forgues: On sera ici demain à dix heures.

Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas, je pense que Mme le député de l'Acadie, les membres de la commission seraient d'accord. Je vais tout simplement ajourner les travaux de la commission à demain matin, dix heures. Merci à tous.

(Fin de la séance à 22 h 58)

ANNEXE 1

Mémoire de Participation Québec Analyse de la charte de la langue française Préambule "Participation-Québec" croit que le premier paragraphe du projet de la Loi no. 1 est dangereusement faux. Que le français 'soit depuis toujours, la langue de la majorité des québécois n'est pas discutable; mais il est faux de déclarer que le français est actuellement et depuis toujours la langue du peuple québécois. Depuis des siècles, les citoyens du Québec ont parlé d'autres langues afin d'exprimer leur identité culturelle.

Donc est exclu par la définition du préambule du "peuple québécois", tous ceux qui ne sont pas francophones. Si la législature entend poursuivre son objectif dans son climat de justice et d'ouverture à l'égard des minorités, il faut que soit accepté dès le début, que ces minorités font partie du peuple québécois.

Chapitre premier - La langue officielle du Québec

Le premier chapitre du projet de loi no. 1 est une copie exacte de la section un de la Loi sur la langue officielle, S.9. 1974 c.6. Or, "Participation-Québec" est d'avis que le sens de la section a été modifié fondamentalement de telle sorte que la section elle-même devrait être changée.

"Participation-Québec" soutient le principe que le français est la langue d'usage du Québec et que tout québécois doit apprendre à s'exprimer en français. Mais "Participation-Québec" s'oppose fermement à une interprétation de la "langue officielle" qui poussée jusqu'au bout exclut l'usage légal des langues autres que le français dans les sphères où l'utilisation d'une autre langue est essentielle pour faire durer l'existence et la vitalité des minorités linguistiques au Québec. "Participation-Québec" suggère que la position préconisée par la Commission Gendron soit adoptée. Ainsi le français serait la langue nationale et d'usage du Québec et le respect dont jouissait la langue anglaise dans le passé serait maintenu.

Chapitre II - Droits linguistiques fondamentaux

L'affirmation des droits de chaque francophone du Québec pour un usage courant de sa langue dans toutes ses activités, tel qu'exprimé dans les sections 2 à 6 de la charte, est nécessaire pour la survie de la culture française au Québec. "Participation-Québec" appuie ce principe, par contre, l'application de celui-ci dans les autres articles de la loi nous inquiète sérieusement.

Chapitre III - La langue de la législation et de la justice

Dans le préambule du projet de Loi no. 1, notre gouvernement déclare entendre poursuivre son objectif dans un climat de justice et de l'ouverture à l'égard des minorités qui participent au développement du Québec. Nous croyons que la section du projet de loi qui traite de la langue de la législation et de la justice ne rejoint pas cet objectif et rend suspecte la volonté du gouvernement de l'atteindre. On peut même se demander si notre gouvernement reconnaît et souhaite le fait que les minorités peuvent contribuer au processus législatif et gouvernemental.

Les articles 7, 8 et 9

Le gouvernement québécois devrait rechercher deux objectifs. Tout d'abord il devrait rechercher la justice, en introduisant des lois nouvelles et en mettant à date celles qui existent déjà. Deuxièmement il devrait assurer que le processus démocratique, qui est le fondement de toutes nos libertés, soit respecté. Mais la position adoptée par le gouvernement dans le projet de Loi no. 1 ne peut qu'avoir pour résultat qu'une inutile méfiance et de la confrontation.

L'article 7 consacre la langue française comme langue de la justice au Québec. Il n'est pas clair si cet article s'applique aux tribunaux judiciaires et quasi-judiciaires, le projet de loi ne comprenant aucune définition du mot "justice".

La législation sur la langue n'exige pas que les projets de loi soient accompagnés d'une version anglaise lorsqu'ils sont déposés à l'Assemblée nationale. Dans notre système démocratique de gouvernement, c'est à cette phase que la contribution du pubiic peut être la plus profitable.

Les minorités de notre province ont une contribution importante à faire au processus législatif. Leur nombre, leur diversité, et leur expérience rend impératif qu'ils ne soient pas exclus du débat.

L'article 10

Cet article requiert qu'on imprime en public une version anglaise des textes de lois. Il omet de reconnaître que la plupart des lois sont formulées en fait par l'Exécutif au moyen de règlements. Les règlements ne sont pas des "textes de lois". Dans la plupart des cas des règlements sont aussi importants que la loi habilitante. Il faut qu'une version anglaise des règlements soit publiée avant qu'ils ne deviennent la loi, afin de permettre un débat ouvert à tout québécois.

L'article 11

L'article 11 ne spécifie pas que les individus qui ne sont pas francophones ont le droit d'être représentés devant les cours en anglais. Il faut corriger cette omission.

Le projet de loi crée une distinction artificielle entre l'individu qui agit pour lui-même et celui qui agit pour une compagnie, qui peut-être n'est que son alter ego.

C'est le cas à la cour des petites créances. Une compagnie devant la cour des petites créances ne peut pas être représentée par un avocat. L'individu qui y représente la compagnie et qui ne parle pas couramment le français se verra nier son droit de répondre pleinement et de se défendre contre les allégations portées contre lui.

Ceci ne met pas en valeur la position et le prestige de la langue française, ni ne met en valeur notre système de justice.

La rédaction actuelle de l'article veut que toutes les parties plaident en anglais s'il y a un accord d'après lequel une partie peut plaider en anglais. Ceci est peut-être une conséquence imprévue de l'article et devrait être corrigé.

Il est universellement reconnu que le système juridique de notre province fonctionne actuellement presque exclusivement en français, exception faite lorsque les meilleurs intérêts de la protection

des droits des parties l'exige. Selon l'Honorable Robert Burns, une exception est la profession légale. Nous préférons le voir comme un exemple de ce que peuvent accomplir la bonne volonté, un sens de coopération et la recherche d'un objectif commun. Il n'y a aucun motif qui peut justifier le remplacement de ce sentiment d'harmonie et d'accomplissement par un système de coercion et d'entraves insignifiantes qui gênerait la protection des droits de tout Québécois. Toute personne, morale ou autre, devrait avoir le droit de plaider en anglais ou en français, à son gré.

L'article 13

L'article 13, qui fait de la version française d'une décision rendue en anglais le seul texte officiel, méconnaît l'importance de la fonction remplie par nos cours et les officiers de justice. En fait, il y aura jugement par un traducteur au lieu du juge qui a rendu la décision en anglais si la traduction n'est pas exacte. Tout au moins, on devrait exiger que la traduction d'un jugement rendu en anglais soit authentifiée par le juge qui l'a rendu.

Chapitre IV - La langue de l'administration

Les articles 15 & 16

Nous rejetons la proposition que seuls les textes et documents tenant à la santé ou à la sécurité publique et "autres cas" peuvent être accompagnés d'une traduction du français; nombreux sont des avis qui ne concernent pas la santé ni la sécurité publique, mais qui concernent d'autres questions d'importance vitale. Par exemple: l'expropriation, les changements dans les règlements du zonage, les élections, les offres d'emploi pour la fonction publique, etc.. Ces documents et textes doivent être disponibles au plus grand nombre de québécois que possible. A cette fin, le gouvernement doit fournir ces textes et documents en anglais.

L'article 17

Cet article prévoit que le gouvernement peut joindre à sa réponse une traduction dans la langue de son interlocuteur lorsque ce dernier s'est adressé à lui dans une langue autre que le français. L'expression "il lui est loisible de joindre" devrait être remplacée par l'expression "doit être jointe" afin de garantir que ceux qui communiquent avec le gouvernement en anglais recevront réponses dans cette langue.

Nous soutenons le principe que les contrats avec l'administration soient rédigés en français. Mais notre gouvernement ne devrait pas intervenir dans les relations privées contractuelles. Donc l'expression "y compris ceux s'y rattachant en sous-traitance" devrait être rayée de l'article 18.

Les articles 19 & 20

Les nominations dans l'administration devraient être basées tout d'abord sur la compétence de l'individu. En évaluant la compétence, on ne devrait pas prendre en ligne de compte la langue parlée par l'individu. Si l'individu est aussi compétent que n'importe quel autre candidat, mais n'a pas de la langue française une connaissance suffisante, le gouvernement devrait lui permettre d'apprendre le français au travail.

Ce n'est que par ce moyen que le respect des minorités, principe qui est censément reconnu par le projet de loi, peut trouver son application vis-à-vis l'administration.

L'article 23

Lorsque la majorité d'une population administrée par une commission scolaire est de langue anglaise, il est ridicule d'exiger que le français soit la seule langue des communications à l'extérieur de la commission. Se conformer à l'article 23 créerait un paradoxe. Une commission scolaire qui ne fonctionnerait et ne communiquerait qu'en français contrôlerait des écoles fonctionnant en anglais. Dans le cas des municipalités et des commissions scolaires où il y a une minorité significative qui parle anglais (15%) on devrait permettre des communications internes bilingues.

Chapitre V - La langue de certains organismes parapublics

La loi doit reconnaître que les services de santé et les services sociaux communautaires et des entreprises d'utilité publique, dont une proportion significative des clients parle une langue autre que le français, puissent exiger que leurs employés puissent communiquer dans cette langue...

L'article 27

II faut que les ordres professionnels aient le droit de communiquer avec leurs membres et le public en français et en anglais.

L'article 30

Lorsqu'une connaissance de français est nécessaire, les ordres professionnels ne devraient délivrer de permis d'exercer au Québec qu'à des personnes ayant de la langue française une connaissance suffisante. A cette fin, le gouvernement devrait offrir des cours de langue française à ses frais.

Les ordres professionnels et le gouvernement devraient déterminer conjointement quand une connaissance de français est requise et ce qui constitue une connaissance suffisante pour cette profession.

L'article 31

Nous sommes d'accord qu'un candidat à un ordre professionnel peut faire la preuve de sa connaissance de la langue française dans les deux ans précédant l'obtention d'un diplôme.

L'Article 32 (2)

Cet article devrait être changé afin de permettre le renouvellement annuel des permis sans le contrôle du gouvernement et de l'ordre professionnel particulier auquel l'individu est inscrit. La législation devrait comprendre une disposition qui permettrait d'accorder, si justifié, un statut permanent garanti, surtout dans le domaine de la recherche professionnelle. L'Article prévoit que les permis ne sont renouvelables que si l'intérêt public le justifie.

Le gouvernement et l'ordre professionnel devraient déterminer conjointement ce qui constitue l'intérêt public; autrement, la disposition pourrait conduire à l'abus et à l'indiscrétion.

Cet article précise aussi que les intéressés doivent se présenter à des examens. Il n'est pas clair quelle matière sera couverte. S'agit-il d'examens sur la langue? Dans l'affirmative, le seul objectif visé par la délivrance d'un permis est le fait qu'un individu n'a pas une connaissance suffisante du français. Donc, on n'a pas besoin d'examiner quelqu'un afin de confirmer son manque de connaissance.

Chapitre VI - La langue du travail

L'article 35

Nous sommes d'avis que les modifications que nous avons recommandées au sujet de l'article 13 s'appliquent à l'article 35 pour des motifs semblables. Donc, la dernière phrase du premier paragraphe devrait être rayée.

L'article 36

On doit remarquer que l'article aurait été superflu si la charte des droits de l'homme n'avait pas été rejetée, une protection adéquate des employés contre la discrimination étant prévue à cette charte.

Trois problèmes peuvent être causés par cet article. Tout d'abord on risque d'accroître la tension entre employés et employeurs en donnant à un commissaire-enquêteur nommé par le Code du Travail, juridiction vis-à-vis une prétendue infraction de la Loi sur la langue. On pourrait mieux promouvoir la paix industrielle en donnant à un arbitre nommé par l'Office de la langue française la juridiction que l'article 36 donne au commissaire-enquêteur.

Deuxièmement, au cours des années, la nature d'un emploi peut changer. Au début de l'emploi un français unilingue pourrait suffire; subséquement, les exigences de la position pourraient changer, nécessitant le reclassement à un emploi bilingue. Ainsi, un mécanisme semblable à celui prévu à l'article 37 devrait être établi. Un employeur devrait avoir le droit de s'adresser à l'Office de la langue française afin de faire reclasser une position.

En troisième lieu, la prohibition de l'article 36 ne devrait pas s'appliquer dans le cas d'un employé qui obtient sa position sur la base de son bilinguisme conformément à l'article 37, et qui refuse subséquemment d'utiliser une langue autre que le français dans le cours de son emploi ou démontre subséquemment qu'il n'a pas en fait une connaissance suffisante de la deuxième langue.

L'article 37

Nous acceptons le principe de l'article 37, mais, on exigerait de l'Office que soient anticipées par le moyen des règlements, les exigences des emplois et autres circonstances qui règnent dans tout secteur du marché du travail et de tout employeur qui opère dans ce secteur. L'employeur devrait déterminer si une connaissance d'une langue autre que le français est nécessaire. Le futur employé devrait

avoir le droit de contester la détermination de l'employeur par moyen d'un appel à l'Office, auquel cas, le fardeau de la preuve devrait être fait par l'employeur.

Chapitre VII — La langue du commerce et des affaires

L'article 41

Comme l'objectif du projet de Loi no 1 est de favoriser la langue française et non pas de dénigrer l'usage d'autres langues, "Participation-Québec" est d'avis que le paragraphe 3 de l'article 41 devrait être classifié de la manière suivante: "L'Office de la langue française peut faire des règlements pour assurer que le français est présenté de façon prédominante, ou à tout le moins le faire figurer d'une façon aussi évidente que tout autre langue; mais il n'a pas le pouvoir de prohiber l'usage de tout autre langue".

D'après la rédaction actuelle de l'article, d'importants pouvoirs discrétionnaires sont donnés sans nécessité à l'Office de la langue française, ce qui peut conduire à des abus.

L'article 42

L'article 42, dans sa forme actuelle, ne comprend pas assez d'exemptions à l'article 41 du projet de loi. Les spécialités qui pourvoient à des petits marchés locaux doivent constituer une autre exemption pour que les produits tels que les aliments de spécialité ethnique puissent être toujours disponibles dans la province.

L'article 43

Si "Participation-Québec" apprécie le sens et l'objectif de la disposition concernant les jouets et les jeux, "Participation-Québec" est d'avis que le gouvernement ne devrait pas intervenir dans ce domaine. "Participation-Québec" ne préconise ni la conservation de jeux anglais unilingues, ni l'assimilation d'innocents enfants francophones. "Participation-Québec" s'intéresse plutôt à l'idée fondamentale que le gouvernement peut intervenir dans toutes les sphères de l'existence d'un individu et à cette fin peut créer une bureaucratie superflue.

L'article 46 "Participation-Québec" rejette la proposition que l'affichage commercial doit se faire uniquement en français. S'il est vrai que l'affichage destiné au public, tel que défini par l'article 46 de la charte, ne reflète pas actuellement la société québécoise, le remède suggéré est trop hardi. Si l'intention est de faire refléter la société québécoise dans l'affichage destiné au public, faites-le d'une façon exacte, en reflétant les parties de la société québécoise qui ne sont pas francophones. L'image d'un "Chinatown" français unilingue serait amusante, si elle n'était pas si tragique.

Que le français domine ou tout le moins figure d'une façon aussi évidente que tout autre langue utilisée pour l'affichage commercial est juste et acceptable; une législation semblable a été adoptée en France en 1975 et "Participation-Québec" la supporte pleinement.

Que le français seul soit la langue d'affichage est une proposition qui polarisera et attisera les minorités, supprimera d'une façon fausse toute expression publique de l'existence et de la vitalité des minorités et militera contre une participation croissante des minorités dans la vie du Québec. Nous ne connaissons aucun pays du monde qui supprime à tel point cette forme d'expression publique des minorités linguistiques.

Sans doute, le gouvernement réalise qu'il impose un fardeau financier aux milliers d'institutions qui pourront difficilement supporter les frais additionnels. Cette disposition représente un fardeau particulièrement injuste en ce qui concerne les établissements qui se sont montrés de bonne foi, en modifiant leurs enseignes pour se conformer aux exigences du projet de Loi 22. Le fardeau de transition imposé par le projet de Loi no 1 n'est pas allégé par le prolongement des délais qui leur est donné.

Les articles 48 à 50 "Participation-Québec" appuie le principe que les raisons sociales doivent être en langue française. Mais il rejette l'ethnocentricité du paragraphe 2 de l'article 50 du projet qui rendrait illégale l'utilisation d'une autre version. Les compagnies et les sociétés dépendent fortement de leur réputation et de l'achalandage engendrés par leurs raisons sociales et la mise en vigueur de l'article 50 n'est ni moins que l'expropriation sans compensation d'un actif d'une compagnie ou société par le gouvernement.

"Participation-Québec" suggère que la raison sociale française soit utilisée en tout temps, mais que soit aussi permise l'utilisation d'une version dans une autre langue.

La mise en vigueur de ces articles, rendant illégale l'utilisation d'une version autre que celle uniquement en français, ne changera ni la nature ni la propriété de ces sociétés et fera énormément croire à beaucoup de Québécois que le contrôle étranger des biens au Québec est moindre qu'il ne l'est actuellement. La solution n'est pas un blanchiment linguistique qui cachera la question de la domination de l'économie par des étrangers.

Chapitre VIII - La langue de l'enseignement

Le système le plus équitable en ce qui concerne la langue de l'enseignement serait de choisir entre deux extrêmes: soit une liberté de choix complète, soit un système unitaire d'écoles pour tout le monde. Mais ni l'un ni l'autre de ces choix ne saurait satisfaire aux besoins scolaires des divers groupes linguistiques et ethniques du Québec.

Aussi, la solution réaliste se trouve quelque part entre ces deux extrêmes. Il s'agirait, moyennant certaines exceptions, de donner au niveau primaire et secondaire l'enseignement dans la langue française. Les exceptions nous amènent inévitablement à faire des distinctions entre les différents groupes résidant au Québec. Répugnant à la notion d'égalité devant la loi visée par des groupes civiques, l'objectif fondamental devrait donc être de faire le minimum de distinctions possible.

Nous ne prétendons pas parler pour les québécois francophones, qui, représentant 80% de la population, peuvent exprimer leurs propres opinions. Mais nous soumettons que les exceptions prévues à l'article 52 devraient être plus nombreuses afin de donner à tout non-francophone au Québec à l'époque de la promulgation de la loi, la liberté de choix. Ce choix s'appliquerait à tout enfant dont au moins un des parents à reçu un enseignement primaire ou secondaire n'importe où dans le monde.

Ainsi on garantirait le droit à l'enseignement en anglais à chaque anglo-québécois. Il y aurait aussi un effet plus équitable que sous le projet de Loi no. 1 vis-à-vis les immigrants qui sont venus au Québec avec des aspirations légitimes avant la promulgation du projet de loi et qui n'ont pas encore d'enfants dans le système d'éducation du Québec. On évite ainsi l'inéquité de la rétroactivité. Le Dr Laurin a déjà déclaré en public que ces immigrants sont peu nombreux. S'il en est ainsi, il ne sera pas dommageable à la survivance de la langue française de se conduire avec ce petit groupe de la même façon qu'avec les immigrants dont les enfants sont déjà dans les écoles québécoises.

Nous sommes d'accord que les enfants de tout immigrant futur qui vient d'hors du Canada, devraient aller à l'école française à condition que les agents d'immigration du Canada ou du Québec indiquent clairement à chacun d'eux avant qu'il ne quitte leur patrie, les effets de la loi sur la langue sur leur vie au Québec.

Nous sommes d'accord avec la C.E.Q. que les écoles anglaises du Québec devraient être accessibles à tout enfant dont l'un des parents a reçu l'enseignement primaire en anglais n'importe où au Canada. Nous proposerons en outre que cette exception comprenne l'enseignement secondaire aussi bien que l'enseignement primaire. Adhérer à la position actuelle du gouvernement c'est traiter tous ceux qui viennent des neuf autres provinces comme immigrants au Québec après la promulgation du projet de loi.

De tels immigrants ne causeraient pas l'expansion du système d'écoles anglaises au Québec. En effet, les statistiques montrent qu'il y a plus d'anglophones qui quittent le Québec qu'il y en a qui y arrivent.

Le Dr Laurin a fait mention de statistiques qui attestent autrement. Si de telles statistiques existent, elles devraient être publiées.

Le gouvernement n'ignore pas que le fait d'interdire l'enseignement en anglais aux "immigrants" canadiens anglophones éventuels aura des répercussions néfastes sur l'habilité de plusieurs compagnies québécoises d'attirer les employés dont elles ont besoin d'autres parties du Canada, et plus particulièrement celles dont le siège social est situé au Québec. Le gouvernement a l'intention d'accorder la liberté de choisir à ceux qui ne résident au Québec que "pour un temps limité". Une période de trois ans a été suggérée à titre de temps limité, mais aucune précision à cet effet n'a été prévue au projet de loi. Malheureusement, les compagnies, particulièrement celles dont le siège social est au Québec, ne fonctionnent pas de cette manière. Il s'agit d'une opération à deux sens: la compagnie doit pouvoir recourir à son personnel à partir de toute sa base d'opération; ni le Québec, ni l'Ontario ou quelque partie d'une telle base ne peut s'attendre à pourvoir à la compagnie, en un temps donné toute l'expertise dont elle a besoin. Tout employé pouvant accéder à un poste supérieur dans une compagnie doit pouvoir viser un poste au siège social aux fins de poursuivre sa carrière. Parfois cela signifie un stage de 2 à 3 ans au siège social; souvent, cela implique une période plus longue par l'entremise de plusieurs promotions. Toutefois, pour la compagnie en quête de talent et pour le cadre moyen désireux d'accéder à un poste supérieur, il est impossible de prédire la durée de telles affectations.

Si le gouvernement maintient cette restriction, les compagnies vont réagir de deux façons: en déménageant (au niveau de la direction) entièrement ou partiellement du Québec, non comme une menace mais afin d'assurer leur survivance économique dans la mesure où il leur faut attirer des gens de talent d'une base plus large que le Québec, ou il se serviront de la porte de sortie commodément prévue à l'article 41, pour établir des institutions complètement privées. L'Ecole canadienne de Montréal peut

être entièrement autofinancée. Les enfants des cadres anglophones iront à leurs propres écoles privées, les enfants de l'élite francophone iront aux leurs, par exemple les enfants des membres du cabinet actuel.

Afin de protéger le développement de la qualité de l'enseignement d'une deuxième langue dans les écoles françaises, il faut clarifier l'article 53. Nous comprenons par l'expression "l'enseignement en anglais" et pensons qu'elle devrait dire, l'enseignement fait principalement en anglais. Mais, elle pourrait vouloir dire les cours en anglais comme deuxième langue ou des cours anglais d'immersion pour des élèves français.

Chapitre IX - Dispositions diverses

Les articles 61 à 65

La population autre que francophone pourrait être sensiblement affectée par suite des dispositions de l'article 61, lequel supprime leur droit de lire tout avis public en anglais. Les québécois non francophones ne devraient être privés de communiquer avec leur gouvernement provincial et consé-quemment, tous renseignements relatifs aux élections, à l'expropriation, tout changement de zonage et l'embauche dans la fonction publique devraient être publiés en anglais.

Le premier paragraphe de l'article 65 prévoit pour l'avis de publication de 60 jours, des règlements qui complètent la loi, permettant ainsi la discussion de tels règlements avant leur entrée en vigueur. Toutefois, le paragraphe 3 de cet article élimine entièrement un tel avis pour que les règlements soient soumis au moment de l'entrée en vigueur de la loi de manière à ce que toute discussion publique de ces règlements sera impossible.

TITRE II Chapitre premier - Interprétation

L'article 75

L'article 75 (h) devrait être amendé afin de donner à l'Office le pouvoir de déterminer quelles municipalités sont composées, dans une proportion significative (15%, selon les statistiques du recensement le plus récent) d'anglophones et lesquelles devraient donc offrir à la population des services bilingues et devraient pouvoir fonctionner intérieurement en anglais. L'Office ne devrait pas déterminer quels services devraient fonctionner en anglais à l'intérieur des commissions scolaires anglaises. Tout service à l'intérieur de ces commissions peut être en anglais selon notre proposition alternative de l'article 23.

Les articles 89 et 90

L'article 89 (a) qui traite du pouvoir de la Commission de Toponymie, devrait être amendé afin d'obliger la commission à préserver et développer une nomenclature géographique qui reflète l'actuel édifice historique multi-lingue et multi-culturel.

L'article 90 (1er paragraphe) devrait exiger de la commission qu'elle consulte la population locale, ou existante, avant de donner des noms aux endroits auparavant sans nom officiel. L'article 90 (2e paragraphe) devrait exiger de la commission qu'elle consulte la population locale avant de changer les noms actuels et ne devrait pas pouvoir recommander le changement de nom à moins qu'une majorité significative de la population (66 2/3%) le désire. Sans cette disposition, si les seules autorités municipales à une simple majorité de la population le veulent, les identifications historiques pourraient être facilement ignorées et les traditions historiques du Québec pourraient être oubliées.

Chapitre III • Section première - Objectif général Section II - Services et organismes de l'administration

Les articles 95 à 105

L'article 95, qui établit les objectifs généraux de la francisation des services et entreprises devrait être amendé afin de reconnaître explicitement le fait que les municipalités avec des populations anglophones significatives, devront offrir tous les services en français et en anglais, que les commissions scolaires qui servent des élèves anglophones pourront fonctionner intérieurement en anglais et que les entreprises de moins de cinquante salariés ne seront pas obligées de fonctionner intérieurement en français.

Le danger possible de harcèlement bureaucratique par des organismes gouvernementaux créés par les règles de la francisation de l'administration (les articles 96 à 105) est énorme et il est difficile de croire qu'un gouvernement qui a été élu sur la base d'un programme qui condamnait l'intervention bureaucratique de l'ancienne administration dans la vie des individus, l'exécute.

L'article 98, qui prévoit que quiconque entrave le travail de l'Office commet une infraction à la loi, est une mesure qui pourrait être utilisée comme une arme abusive par certains bureaucrates.

Nous croyons qu'un effort basé sur la collaboration est plus approprié que celui basé sur la coercion, comme prévu à cet article.

Les articles 99 et 100 encourageront les fonctionnaires de l'Office à harceler les directeurs d'autres services gouvernementaux en prévoyant la publication des noms des organismes censément récalcitrants. La persuasion par le moyen des mécanismes prévus aux articles 101 à 104, au lieu d'un harcèlement, est la seule façon d'accomplir les objectifs de francisation tout en évitant le chaos administratif. L'article 105, qui donne à l'Office des pouvoirs discrétionnaires de poursuivre en vertu de l'article 98 aussitôt que le projet de loi entre en vigueur, devrait être éliminé de la législation.

Chapitre III — Section III

Les articles 106 à 119

L'aspect le plus frappant du programme de certificats de francisation pour entreprises est que notre gouvernement a transformé les règles du projet de Loi no 22 qui étaient légèrement ambiguës et peut-être sujettes à des abus, en règles complètement ambiguës et définitivement sujettes à des abus. La règle qui constate qu'une date sera fixée à laquelle certaines catégories d'entreprises devront appliquer un programme de francisation, sans spécifier quelles entreprises seront exemptées (l'article 109); la règle qui donne à l'Office des pouvoirs discrétionnaires permettant d'obliger toutes les entreprises de moins de 50 salariés à procéder à l'implantation d'un programme de francisation (l'article 111); le défaut de la règle qui traite des sièges sociaux de préciser que les opérations des sièges sociaux des entreprises internationales peuvent être faites en anglais (l'article 113), et l'exigence que le nombre de "Québécois", (que soit défini ce mot ambigu) soit augmenté à tous les niveaux de l'entreprise (l'article 112 (b); sont des exemples des dispositions qui vont laisser beaucoup d'entreprises dans un état d'incertitude. Lorsqu'on ajoute le fait qu'une entreprise peut se voir priver de ses permis, qui sont dans la plupart des cas des éléments essentiels à son fonctionnement, si elle ne satisfait pas aux exigences de l'Office de la langue française, il est clair que beaucoup d'entreprises préféreront fonctionner dans d'autres juridictions où les aspects essentiels de l'entreprise ne sont pas sujets à des caprices administratifs. "Participation-Québec" croit que la création de l'égalité dans les conditions sociales et l'encouragement d'une vie culturelle sensible dans la province dépendent du développement d'une économie stable ou à tout le moins du maintien du niveau d'activité économique dont les québécois jouissent déjà. Un environnement économique instable, compliqué par l'intervention poussée de l'administration, résultera dans une inhabilité à moderniser la technologie existante ou d'attirer le capital à risque. Donc, nous sommes d'avis que les dispositions suivantes du programme de francisation des entreprises du projet de Loi no 1 doivent être amendées ainsi: a)L'article 106 (a) devrait être amendé afin d'empêcher la suspension ou l'annulation des permis des entreprises qui ne satisfont pas aux exigences de l'Office. Des amendes, le retrait de contrats gouvernementaux et des procédures de grief devraient être suffisants pour favoriser les programmes de francisation. b)L'article 109 devrait être amendé, ou devrait y être ajouté une annexe qui préciserait explicitement quand chaque catégorie d'entreprise sera obligée d'implanter un programme de francisation. c) L'article 110 devrait être amendé afin d'obliger l'Office à émettre des certificats de francisation aux entreprises qui démontrent qu'elles ont fait des arrangements afin de commencer l'implantation des programmes de francisation. d) L'article 111 devrait être éliminé afin de permettre l'indépendance de fonctionnement des entreprises de moins de cinquante salariés. Si de telles entreprises sont soumises aux programmes de francisation, la loi doit préciser clairement les critères déterminants, si l'entreprise sera soumise à de tels programmes. e) L'article 112 (b) devrait être amendé pour que la présence chez les compagnies d'individus pouvant travailler en français sans se soucier de leur origine soit un objectif de francisation. Nous rejetons particulièrement la rédaction de l'article 112 (b) parce qu'il implique directement qu'un québécois n'est qu'un individu qui parle français. Le gouvernement a réitéré à plusieurs reprises qu'un québécois est un citoyen du Québec, un principe que cet article ignore complètement. f) L'article 113 devrait être amendé afin de constater explicitement que le fonctionnement du siège social des entreprises nationales et internationales ne sera pas soumis aux exigences de francisation. g)L'article 114 devrait être amendé afin d'exiger que les salariés de toute entreprise choisissent leur représentant au comité, et de ne pas permettre que ce pouvoir soit concentré entre les mains des officiers du syndicat qui pourraient représenter les salariés d'une douzaine de sociétés en même temps.

h) L'article 119 devrait être amendé afin d'exiger de l'Office que soit donné à toute entreprise qui ne se conforme pas au programme de francisation un avis de 60 jours avant d'annuler son certificat de francisation.

Titre III

L'organisation de la "Commission de surveillance et les enquêtes" ouvrirait les portes à des ingérences inutiles et inacceptables dans la vie privée et les libertés civiles des citoyens québécois.

Déjà la société affronte suffisamment de questions sérieuses quant à ses tentatives pour équilibrer les exigences de la sécurité publique et le maintien des libertés civiles. Les gouvernements canadiens éprouvent quelques difficultés à empêcher certains abus de droits civils par la force publique.

En plus d'augmenter l'ambiance négative et polarisée qui existe au Québec, la police linguistique dont le Québec se propose d'établir se verrait attribuer les mêmes pouvoirs que les forces publiques normales à l'égard du traitement des contrevenants suspects. Le point de vue plutôt restreint et bureaucratique de la Commission de la langue serait assez grave en lui-même; l'autorité exercée par la Commission de la langue pourrait conduire à un abus de pouvoir.

Le fait de demander aux citoyens d'avoir confiance au sens inné d'honnêteté des bureaucrates de la Commission serait de demander un acte de foi impossible et irréaliste. Toute personne qui pourrait rendre jugement sur des requêtes et qui aurait le pouvoir de lancer des enquêtes indépendamment se verrait en même temps chargée de garantir la prééminence de la Charte relative aux droits humains fondamentaux tel que visé à la Charte de la liberté et des droits de l'homme. Le Titre III, qu'il ait été intentionnel ou non, peut être utilisé d'une manière vindicative et sans scrupule pour une force policière culturelle contre les minorités formant une partie importante de la vie québécoise.

L'article 132

Selon l'article 132, la commission peut procéder à des enquêtes chaque fois qu'elle a raison de croire que la loi n'a pas été observée. Nous rejetons entièrement une rédaction si large parce qu'il n'y a pas de critères objectifs auxquels la commission peut se référer. Ceci laisse la porte ouverte à toutes sortes d'abus.

Selon l'article 139. la commission pourrait convoquer devant elle, pour leurs enquêtes, des particuliers avec tous les documents que la commission jugerait pertinents, y inclus des communications priviligiées et ceci sans l'exigence d'un mandat de perquisition. Ceux qui résisteraient, se sentant injustement harcelés, pourraient être poursuivis pour outrages.

La commission tout en poursuivant sa tâche avec la sagesse de Salomon, la patience de Job et la pitié du Christ, ferait face à une pression énorme d'accroissement bureaucratique afin de fonctionner d'une manière plus efficace.

Il est hors de toute compréhension comment on peut justifier la croissance rapide d'une bureaucratie complètement superflue et négative qui constitue une atteinte directe de la bonne volonté au Québec.

Le projet de loi no. 1 et les droits de la personne

Les droits et libertés de la personne exposés à grands traits dans la Charte des droits de la personne comprennent le droit à la vie, le droit à la sûreté, le droit au secours à toute personne dont la vie est en péril, la liberté de conscience et la liberté de religion, les libertés d'expression et de réunion pacifique et la liberté d'association. On considère que toute personne a droit à sa dignité, à sa réputation, au respect de sa vie privée et à la libre disposition de ses biens. Sa demeure est inviolable et il a droit au respect de la propriété.

L'article 10 de la Loi des droits de la personne prévoit que ces droits existent sans distinction fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, les convictions politiques, la langue ou l'origine ethnique, national ou social. La Charte des droits de la personne est assujettie à la Charte de la langue.

La Charte des droits et libertés de la personne est destinée à mieux protéger la personne contre toute violation de ses droits fondamentaux. Ces droits sont considérés comme intrinsèques. Les auteurs considéraient que ces droits constituaient "le fondement de la justice et de la paix". A cette époque, on considérait que "les droits et libertés de la personne humaine sont inséparables du bien-être général". Il était clair qu'on ne voyait pas de conflit entre les libertés de l'individu et la liberté de la collectivité. En effet, les droits de l'individu sont le fondement de tout autre droit et le fondement de ce qu'on connaît ordinairement sous le nom de démocratie.

L'article 52 de la Charte des droits de la personne constate spécifiquement que les articles 9 à 38 devraient prévaloir sur toute disposition d'une loi postérieure.

Le projet de loi no 1 amende spécifiquement l'article 52 avec le résultat que la Charte de la langue prévaut. (Le reste de la Charte des droits de la personne ne jouit pas probablement de la protection de l'article 52, par conséquent, on peut l'enfreindre aussi).

II est inquiétant que le gouvernement abroge spécifiquement les droits les plus fondamentaux. Si la Charte des droits de la personne n'avait jamais été votée, on aurait peut-être pu réclamer ces droits en se fondant suivant la coutume et conformément à la tradition. Ceci n'est plus vrai. La possibilité d'abus créée par le projet de Loi no. 1 tel quel, sera grande. Si la Charte de la langue française doit primer les articles les plus importants de la Charte des droits de la personne, il incombe au gouvernement de spécifier au juste les articles de la charte des droits de la personne qui seront primés et pourquoi. La disposition qui prévoit de façon générale que le projet de Loi no. 1 prime les articles 9 à 38, contient beaucoup de clauses d'un sens très large. Comme tel, il est inacceptable.

Si l'article 172 est voté en même temps que le projet de Loi no. 1, les minorités du Québec n'auront qu'une alternative: se demander quel sera l'effet des futurs règlements qui seront adoptés et l'interprétation à venir du projet de Loi no. 1. Un climat de peur et de méfiance ne peut que résulter de ces questions.

Les articles 9 à 38 de la Charte des droits de la personne qui sont maintenant remplacés.

L'article 9 affirme que chacun a droit au respect du secret professionnel. La Charte de la langue primera cet article. Les secrets professionnels peuvent être révélés sous l'apparence de se conformer à la Charte de la langue.

L'article 10 interdit la restriction des droits fondamentaux fondés sur la race, la couleur, l'origine nationale, etc. Il deviendrait légal de décréter des règlements qui auraient un effet différent selon l'ethnicité de l'individu. Dans l'intérêt de "la langue" il peut être jugé nécessaire de limiter leur liberté d'expression. Toute liberté peut être restreinte sur n'importe quelle base choisie par le gouvernement sous l'étiquette de "la langue".

L'article 11. L'enlèvement de cet article pourrait résulter dans les enseignes "seuls français sont tenus de s'adresser" ou "pas de..." à travers la province. Il serait légal.

L'article 16 interdit la discrimination dans tout le secteur du travail. Mais selon les dispositions sur la francisation du projet de Loi no. 1, les minorités pourraient être mises à pied en grand nombre et se verraient refuser du travail à cause de leur ethnicité et ce serait légal. En effet, le besoin d'obtenir les certificats de francisation encouragera les mises à pied et la discrimination dans l'embauche.

L'article 17. La mise en suspens de l'article 30 du projet de Loi no. 1, légalisera la discrimination dans l'admission aux ordres professionnels.

L'article 18. Dans le même esprit, il sera légal de prendre les détails vis-à-vis la religion, la race, l'origine ethnique, etc. afin d'évaluer des candidats au travail, si cet article est mis en suspens.

L'article 19. Si cet article est mis en suspens, il sera légal d'avoir des salaires différents pour de différentes sortes "d'autres".

L'article 20. Cet article donnait aux institutions ethniques le droit de distinguer si ces distinctions viseraient le bien-être d'un groupe ethnique spécifique.

L'article 23. Abroge-t-on le droit à la justice??? Si cet article était lu avec ceux sur les procédures de surveillance et de l'Office de la langue française, il pourrait rendre possibles les condamnations sans audition — ce qui pourrait conduire aux abus criants.

Les articles 26 à 31. Toute personne arrêtée n'aurait plus droit d'être informée dans une langue qu'elle comprend, des motifs de son arrestation.

L'article 37. L'abrogation de cet article peut avoir pour effet de rendre une loi rétroactive. Ainsi, les tribunaux et les pénalités du projet de Loi no. 1 pourraient avoir un effet rétroactif.

L'une des suppositions fondamentales d'un système démocratique, selon la Charte des droits de la personne, est l'égalité devant la loi. La définition du "peuple québécois" du préambule du projet de Loi no. 1 est ambiguë. Il y a une forte implication que "le peuple québécois" est un seul groupe ethnique. Il paraît qu'on remet déjà en question l'égalité des individus devant la loi. La société comprend "Le peuple québécois" et "les minorités". Ainsi, la Charte de la langue est arrêtée dans l'intérêt du "peuple québécois" seul.

Les articles 30 et 32 du projet de Loi no.1 (qui réglementent l'accès aux ordres professionnels) sans la protection de l'article 17 de la Charte des droits de la personne, laissent ouverte la porte à la discrimination, possible, surtout à cause de l'expression "que l'intérêt public le justifie". Les minorités se sont servies des professions comme un des moyens principaux de changer leur position sociale dans la société nord américaine. Pour que l'intégration de tout groupe ethnique continue paisiblement ici, il est essentiel que l'accès aux professions soit libre. L'image des "quotas" pour des immigrants et des québécois, membres des groupes ethniques, limitant ainsi leur entrée aux professions, est une atteinte à l'édifice même de la société nord-américaine.

L'article 37 du projet de Loi no. 1, sans la protection de l'article 20 de la Charte des droits de la personne, pourrait peut-être conduire non seulement au harcèlement de l'homme d'affaire d'une petite entreprise, mais aussi à la persécution d'associations ethniques et d'écoles spéciales. L'Association hellénique, n'a-t-elle pas le droit de demander pour ces diverses organisations et projets des Grecs? A tout le moins, ils devraient avoir le droit d'exiger une connaissance de la langue grecque.

Il apparaît que les règlements des articles 37, 41 et 42 du projet de Loi no. 1 pourraient contrevenir à l'article 43 de la Charte des droits de la personne qui affirme le droit des minorités "de maintenir et de faire progresser leur propre vie culturelle avec les autres membres de leur groupe".

Les articles 112 (a) et (b) de la Charte de la langue exigent de tout le personnel d'une entreprise, une connaissance "satisfaisante" de français et une augmentation du nombre de québécois, sous peine de ne plus pouvoir continuer.

Comme les articles 16 et 17 de la Charte des droits de l'homme sont rejetés, la porte ainsi ouverte au gouvernement invite à la discrimination dans le domaine du travail et du fonctionnement d'entreprises. Tandis qu'il n'y a aucune définition précise d'un "québécois" nulle part dans le projet de loi, il va sans dire que le "peuple québécois" du préambule veut dire ceux qui avaient été connus sous le nom de "Canadiens français".

ANNEXE 2

Mémoire soumis

par L'Association du Transport Aérien International

à la Commission parlementaire

chargée d'étudier

le projet de loi numéro 1 :

Charte de la langue française au Québec 1. L'Association du Transport Aérien International (IATA), organisation à but non lucratif constituée en corporation en 1945 en vertu d'une loi spéciale du Parlement canadien (9-10 George VI, Chap. 51, amendé par Elizabeth II, Chap. 26), soumet, en toute déférence, le présent mémoire sur le projet de loi numéro 1, intitulé: Charte de la langue française au Québec.

Objet de la demande 2. Le projet de loi numéro 1 contient des dispositions dont les conséquences seraient susceptibles de nuire au maintien des conditions nécessaires à l'exercice des fonctions de l'IATA. Les dispositions relatives à la langue du travail (Chapitre VI) et de l'enseignement (Chapitre VIII) préoccupent plus particulièrement l'Association. 3. Désireuse d'obtenir un règlement satisfaisant des problèmes soulevés par le projet de loi numéro 1, l'Association du Transport Aérien International prie instamment la Commission parlementaire et le Gouvernement de la Province de reconnaître le caractère international et quasi-gouvernemental de l'IATA, ainsi que les autorités fédérales suisses l'ont fait récemment, et, à ce titre, de l'exempter des dispositions de la Charte de la langue française au Québec.

Organisation de l'IATA 4. L'IATA existe en vertu d'une Loi spéciale du Parlement canadien et ses objectifs sont les suivants: 1) encourager le développement de transports aériens sûrs, réguliers et économiques, au bénéfice des peuples du monde; favoriser le commerce aérien et étudier les problèmes s'y rapportant; 2) fournir les moyens propres à une collaboration des entreprises de transports aériens engagées directement ou indirectement dans les services de transports aériens internationaux; 3) coopérer avec l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale et autres organisations internationales.

Toutes les compagnies aériennes peuvent adhérer à l'Association à condition que l'Etat dans lequel elles sont immatriculées soit éligible comme membre de l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale. Les compagnies aériennes désignées pour l'exploitation de services internationaux de passagers, de poste ou de marchandises peuvent adhérer à titre de Membres actifs, tandis que celles qui n'exploitent que des services intérieurs peuvent devenir Membres associés. Il est intéressant, surtout si l'on tient compte du fait que l'IATA est une association entièrement volontaire et apolitique, de constater que la grande majorité des compagnies qui desservent des routes aériennes internationales ont décidé de devenir Membres. Au 1er mai 1977, 89 compagnies aériennes étaient Membres actifs de l'IATA et 20 étaient Membres associés. Ces 109 compagnies membres exploitent leurs services sous le pavillon d'environ 80 Etats différents. En 1977, les services exploités par les Membres de l'IATA ont représenté quelque 86% du trafic aérien régulier international du monde entier. 5. Le siège social de DATA se trouve à Montréal. Il existe un bureau principal à Genève, des succursales à Bangkok, Londres, Nairobi, New York, Rio de Janeiro et Singapore, ainsi que des bureaux chargés du contrôle de l'application des règlements, réparties dans les grandes villes du monde entier.

Ainsi, la majeure partie du personnel de secrétariat de l'IATA est employée hors du Canada. Le personnel de l'Association, y compris celui travaillant au siège social, est recruté parmi les ressortissants des nombreux pays représentés par les membres de l'IATA. 6. Parmi les activités de l'IATA, celles qui sont les mieux connues et les plus controversées sont sans doute les Conférences de trafic, au sein desquelles les compagnies aériennes internationales conviennent des tarifs passagers et marchandises, des redevances et des conditions de service y relatives. Les Conférences de l'IATA constituent également un forum qui permet de mettre au point les règlements du programme mondial relatif aux agences. On y négocie les formulaires de trafic, les conditions de transport, les codes d'identification, les procédures de réservations ainsi qu'une kyrielle d'autres normes et accords pour établir un lien entre les services des compagnies membres et non membres dans le monde entier. 7. Ces accords des Conférences de l'IATA ont également un caractère unique en ce qui concerne la base sur laquelle ils reposent. Les Conférences de trafic fonctionnent en vertu d'accords gouvernementaux bilatéraux qui réglementent l'exploitation des services aériens réguliers entre les diverses juridictions intéressées. Etant donné que la Conférence de Chicago, de 1944, n'a pas pu aboutir à un accord sur un mécanisme intergouvernemental en vue de l'établissement des routes, tarifs et droits de trafic pour les services aériens internationaux réguliers, ces questions ont été résolues au moyen d'une multitude d'accords intergouvernementaux bilatéraux sur le transport aérien. Ces accords prévoient divers contrôles, dont des dispositions relatives aux tarifs. 8. Depuis 1944, plus d'un millier d'accords intergouvernementaux bilatéraux de transport aérien ont prescrit expressément que les transporteurs désignés doivent, chaque fois que possible, conclure des accords tarifaires par le truchement du système des Conférences multilatérales de l'IATA. Le système de Conférences sur le transport aérien international est devenu ainsi un corollaire indispensable du cadre intergouvernemental de réglementation qui régit l'industrie. Les Conférences effectuent leurs travaux en vertu de l'autorité que leur confèrent les gouvernements et sous l'étroite surveillance de ces derniers. Les accords conclus au sein des Conférences de trafic sont ensuite soumis à l'approbation des gouvernements. L'IATA offre ainsi le cadre reconnu dans lequel sont établis les tarifs aériens internationaux de passagers et de marchandises. Pour ces motifs, le gouvernement fédéral de la Suisse et les autorités du Canton de Genève ont reconnu à l'IATA le statut d'organisation internationale quasi-gouvernementale tant pour son bureau de Genève que pour le personnel dudit bureau. 9. Dans le cadre de ses activités techniques, assumées par le personnel de Montréal, l'IATA coopère avec l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI), organisme spécialisé de l'ONU, et les gouvernements du monde entier pour veiller à ce que les installations et services destinés à l'aviation répondent aux normes les plus élevées et ainsi assurer la sécurité et l'efficacité des services aériens. Ces activités portent sur tout ce qui a trait aux aéroports, aux aides à la navigation, au contrôle de la circulation aérienne, à la météorologie, aux télécommunications, etc. Ces installations et services, de nature hautement technique, font l'objet de recherches et de perfectionnements constants. 10. Les questions relatives à l'approbation et à l'enregistrement de quelque 17,000 agences de voyage situées en Amérique du Nord, en Amérique centrale, en Amérique du Sud et dans les Antilles sont également traitées à Montréal. L'objectif poursuivi par l'IATA est similaire à celui recherché par le Gouvernement de la Province de Québec dans sa "Loi des Agents de Voyage," à savoir la protection des fonds remis par le consommateur aux agents de voyage. Les dispositions gouvernementales précitées sont venues compléter les mesures de contrôle édictées par l'IATA avec l'approbation des gouvernements intéressés. 11. Dans le domaine juridique, un personnel qualifié et familier avec les divers régimes juridiques travaille, en étroite liaison avec l'OACI et autres organismes internationaux, à l'élaboration de règles de droit aérien international. Il traite également des questions de conflit de lois et de tous autres développements législatifs qui risquent d'avoir une incidence sur le transport aérien ou les systèmes réglementaires dans le cadre desquels il fonctionne, et fournit les services nécessaires à l'arbitrage des différends entre transporteurs et agents. 12.C'est aussi au Département juridique qu'il incombe d'aider les compagnies membres à élaborer une politique coordonnée en matière de redevances d'usage et de présenter le point de vue de l'Association à l'OACI et aux autres autorités responsables. L'attitude collective des compagnies aériennes, représentées par l'IATA, sur l'ensemble des questions de sécurité de l'aviation civile relèvent de ce Département. Là, encore, il s'agit d'élaborer les principes d'une politique commune et d'effectuer les représentations nécessaires auprès des divers gouvernements.

Caractère international et quasi gouvernemental de l'IATA 13. Selon la conception traditionnelle, une organisation internationale est constituée par un traité entre Etats et comprend des Etats comme membres. D'un point de vue formel et classique, la personnalité juridique internationale, conférée à une organisation internationale, dépendrait de deux conditions, l'une relevant du processus de sa création, l'autre de la nature de ses membres. Mais la doctrine et la pratique du droit international contemporain tendent à donner la préférence à un critère fonctionnel.

14.Ce sont en effet les fonctions exercées par une organisation internationale qui requièrent un statut spécial, lorsque ces fonctions revêtent pour la communauté des Etats un intérêt général tel que l'indépendance de l'organisation à l'égard de l'Etat qui l'accueille doive être garantie spécialement. Le critère fonctionnel a pour corollaire que le statut spécial trouve notamment sa justification dans le fait que les fonctions d'une organisation pourraient être entravées par l'absence d'un tel statut. Il faut donc rechercher quelles sont les conditions, en droit international, pour qu'une organisation qui n'est pas intergouvernementale d'un point de vue formel mais qui exerce certaines fonctions d'intérêt général pour les Etats, puisse obtenir le statut spécial nécessaire à l'exercice indépendant de ses activités. 15. La condition essentielle est réalisée par le caractère gouvernemental ou quasi-gouvernemental des compétences de l'organisation, ce qui entend des pouvoirs et une personnalité internationale opposables aux Etats. 16. La vie internationale connaît actuellement une catégorie nouvelle d'organisations, parfois appelées quasi-gouvernementales, qui réalisent — de façon inégale d'ailleurs — cette condition. Il n'est guère facile de définir cette catégorie d'organisations, qui se situe entre les grandes organisations internationales publiques (telles que les institutions spécialisées des Nations Unies) et les associations internationales non gouvernementales. 17. Il semble en tous les cas évident que le statut formel d'une organisation ne devrait pas être déterminant en ce qui concerne la question de la définition, lorsque cette organisation exerce des fonctions qui s'apparentent à celles d'une organisation intergouvernementale. 18. Il convient donc d'analyser les caractères propres de l'IATA, pour pouvoir déterminer si cette association réalise les conditions nécessaires pour être reconnue comme une organisation à caractère international et quasi-gouvernemental. a) Réalisation des conditions par l'IATA 19. L'IATA n'a pas été constituée par un traité interétatique et ses membres ne sont pas formellement des Etats. A cet égard, le cas de l'IATA illustre de manière frappante un phénomène bien connu des juristes et tout particulièrement des internationalistes, c'est-à-dire un décalage entre la réalité sociale, économique et politique d'une part, et les normes de droit positif destinées à régir cette réalité d'autre part. b) Histoire 20. L'impulsion première pour la création de l'IATA est venue au cours de la Conférence sur l'aviation civile internationale qui s'est tenue à Chicago en 1944. Les 49 gouvernements représentés à cette conférence n'ayant pas réussi à établir à l'intérieur de la convention un mécanisme pour régler les questions économiques fondamentales relatives aux droits de trafic et aux tarifs, ont encouragé les représentants de leurs compagnies aériennes nationales qui étaient présents à Chicago à former une institution internationale pour combler cette lacune en ce qui avait trait à la détermination des tarifs. 21. C'est ainsi que le 19 avril 1945, à La Havane, une soixantaine de compagnies aériennes nationales, dont certaines étaient encore en voie de formation, ont créé l'IATA et ont signé ses statuts. Pour des raisons d'ordre pratique le Comité exécutif de la nouvelle association résolut par la suite d'obtenir la consécration juridique de l'IATA au Canada par une loi spéciale du Parlement de ce pays; cela fut fait le 18 décembre 1945. L'Accord conclu à La Havane entre les compagnies nationales fut formellement reconnu par les Etats par les références directes faites à l'IATA dans d'innombrables accords bilatéraux ainsi que dans l'Accord international sur la procédure applicable à l'établissement des tarifs des services aériens réguliers, accord conclu à Paris le 10 juillet 1967. 22. Peu après la création de l'IATA, la nécessité d'un règlement économique des transports aériens internationaux a conduit à l'Accord américo-britannique des Bermudes de 1946. Cet accord, le premier du genre, et qui servit de modèle par la suite, prévoyait déjà la détermination des tarifs aériens par l'IATA, sous réserve de la ratification ultérieure des Etats intéressés. 23.Ainsi, alors que les conceptions américaines de la libre entreprise n'avaient pas permis, à la Conférence de 1944, que les fonctions de l'IATA fussent dévolues à une organisation intergouvernementale, il est évident que ces fonctions se sont situées d'emblée au niveau de l'intérêt général des Etats. 24. Lors de la création de l'IATA il existait déjà dans de nombreux pays des corporations, régies publiques ou compagnies appartenant aux gouvernements et qui se conformaient aux instructions de ces derniers. En défendant leurs propres intérêts ces compagnies sauvegardaient également ceux des gouvernements. On constate donc que, dès le début, des Etats ont participé de manière variable selon les pays, mais le plus souvent de manière très directe, au processus de création de l'IATA. c) Compétences tarifaires 25. A l'exception de l'URSS et de la République populaire de Chine, la plupart des Etats ont confié à l'IATA la fonction d'établir des tarifs pour les transports aériens. L'Association se trouve ainsi mentionnée dans un nombre considérable de traités interétatiques, lesquels lui attribuent des fonctions précises relevant du droit public. Plusieurs de ces traités bilatéraux consacrent, expressément ou taci-

tement, le mécanisme des conférences tarifaires de l'IATA, qui aboutit à établir des tarifs par des résolutions soumises ensuite aux Etats. 26.Une fois ratifiés et, dans certains cas, une fois écoulé le délai de ratification, les tarifs élaborés par l'IATA font partie intégrante des accords bilatéraux et lient ainsi les Etats contractants. 27. On constate ainsi que, dans le domaine très important de l'établissement des tarifs, l'IATA remplit une fonction gouvernementale ou quasi-gouvernementale. La formule souple des conférences tarifaires permet aux gouvernements de s'entendre sur des questions souvent très complexes, par l'intermédiaire de leurs compagnies aériennes, en évitant les inconvénients d'une confrontation ouverte. On a ainsi pu comparer l'IATA à un canal de communication et à un centre de décisions, permettant aux gouvernements d'exprimer leur politique dans le domaine de l'aviation commerciale. 28. Le mécanisme des conférences tarifaires s'inscrit donc bien dans l'évolution récente de la pratique des Etats qui semble s'orienter de plus en plus vers des accords conclus entre institutions spécialisées. 29. Le "déphasage" qui apparaît entre le statut formel de l'IATA et l'intérêt public ou étatique de ses fonctions, est accentué par les compétences de l'IATA, qui ont souvent un caractère quasi-gouvernemental, relevant du droit public. 30. Ainsi qu'on l'a vu, la compétence, attribuée à l'IATA par de nombreux traités bilatéraux, d'établir des tarifs aériens, est exercée par des résolutions de l'Association, soumises le plus souvent à la ratification des gouvernements. 31. Les résolutions de l'IATA, une fois acceptées par les gouvernements, acquièrent généralement la force d'une règle de droit national. Aux termes de plusieurs traités bilatéraux, la mise en vigueur par l'IATA, après approbation gouvernementale, lie les Etats contractants entre eux et les obligent à respecter les tarifs tant que ceux-ci demeurent en vigueur. 32. Il est dès lors logique de conclure de ces faits que les règlements et décisions de l'IATA constituent une source de droit, cela d'autant plus qu'il est incontestable que l'Association exerce une forte influence sur l'activité législative des Etats dans le domaine aérien. 33.Outre l'établissement des tarifs, les conférences de trafic de l'IATA pourvoient à l'administration et à la discipline d'un réseau très important d'agences de vente. Quelque 17 000 agences de voyage et de fret, situées en Amérique du Nord, en Amérique centrale, en Amérique du Sud et dans les Antilles, sont contrôlées à partir des bureaux de l'IATA à Montréal. Ce contrôle a été entrepris avec l'encouragement et l'approbation des gouvernements. d) Pouvoir de police 34. En vue d'assurer le respect des tarifs et des règlements, adoptés par les Conférences de trafic et ratifiés par les gouvernements, ces derniers laissent en général à l'IATA le soin d'assurer, par des sanctions disciplinaires, le respect et l'application des tarifs et règlements par les membres de l'Association, leurs associés et les agences. 35.A l'égard de ses membres, les pouvoirs disciplinaires de l'IATA sont définis à l'article XII des "Dispositions pour la réglementation et la conduite des conférences de trafic de l'IATA". 36. Ainsi, lorsqu'un membre viole une résolution, une procédure répressive faisant intervenir plusieurs organes ad hoc de l'organisation aboutit, le cas échéant, à des sanctions allant de simples mesures de publicité à une expulsion de l'IATA, en passant par des blâmes et des amendes qui peuvent s'élever à US$ 50 000. L'IATA possède donc à cet égard un véritable pouvoir de police. 37.Si la violation incriminée est le fait, ainsi que ce fut parfois le cas, d'une compagnie agissant sur instructions de son gouvernement, l'affaire opposant l'IATA à son membre prend proportion d'un différend entre le gouvernement transgresseur et les autres gouvernements dont les intérêts économiques sont lésés par la violation. L'importance économique des tarifs aériens est en effet si grande que les gouvernements doivent pouvoir considérer que les résolutions ne seront pas remises en question par ceux qui les ont approuvées. 38.S'il est surtout question ici de l'activité tarifaire de l'IATA, c'est qu'elle est la plus connue et la plus importante. En outre, les conférences tarifaires faisant partie intégrante de l'IATA, leur reconnaissance par les gouvernements emporte implicitement celle de l'IATA comme organisation internationale. e)Quasi-personnalité internationale 39. Or, cette reconnaissance confère à l'IATA une certaine personnalité internationale opposable aux Etats. En particulier, ladite reconnaissance peut résulter tant de traités bilatéraux (expressément) que (tacitement ou par actes concluants) des approbations, désapprobations et réserves qui sont formulées par les gouvernements des compagnies membres, au sujet de toutes les résolutions de l'IATA. 40.Mais la situation présente ne s'arrête pas à cela: l'IATA constitue une fédération des compagnies nationales d'aviation. Ses membres ne sont pas les gouvernements tels quels pour la raison que, dans la plupart des cas, et même lorsque la société de navigation aérienne appartient intégralement à l'Etat ou en est une émanation, les gouvernements ont en général donné à ces sociétés un caractère de société de droit privé. Ils l'ont fait pour des raisons d'ordre pratique, soit pour arriver à une efficacité et

une souplesse opérationnelles plus grandes. C'est ainsi qu'un certain nombre des sociétés membres de l'IATA sont, à la forme des sociétés de droit privé, mais la majorité et souvent même la totalité de leur capital-actions est détenue par les Etats ou par des communautés de droit public. Un tableau indiquant la participation gouvernementale dans les sociétés membres de l'IATA est joint en annexe I. 41. Les membres de l'IATA sont des transporteurs aériens spécialement désignés ou autorisés par leurs Etats respectifs pour effectuer des transports internationaux sous pavillon de ces Etats auxquels ils assurent des services réguliers. 42.Certains Etats ont soutenu que des corporations publiques, régies d'Etat ou sociétés étatisées, devaient être considérées comme des instruments de l'Etat jouissant, par exemple, des droits du Souverain. On pourrait invoquer en faveur de cette conception le principe de la transparence lorsqu'il s'agit de personnes morales de droit privé dont les actions sont entièrement ou presque entre les mains de l'Etat. 43. Il faut relever également que certaines compagnies étatiques peuvent être considérées comme des émanations ou des "démembrements" de l'Etat et être par conséquent capables de l'engager au plan du droit international public. 44. Le fait que l'IATA ait été créée sur l'initiative des transporteurs aériens et non des gouvernements eux-mêmes et qu'ensuite les gouvernements n'en soient pas devenus formellement membres ne signifie pas grand-chose. En effet, pratiquement et politiquement, dans la plupart des pays, les gouvernements s'identifient à leurs agents transporteurs. 45.En résumé, il est clair qu'outre ce qui précède, la dynamique des activités propres de l'IATA, leur extension et les nécessités actuelles ont imprimé à l'Association le caractère d'une organisation quasi-gouvernementale et internationale. 46.Ce caractère est aujourd'hui accrédité par une certaine coutume internationale, étant donné que l'IATA élabore et règle depuis plus de 30 ans les tarifs aériens, et que l'essentiel (environ 86%) du trafic international est assuré par des membres de l'IATA. Il a également été reconnu par la Suisse qui a récemment accordé à l'IATA un statut spécial lui garantissant l'indépendance nécessaire à l'exercice de ses activités.

L'IATA et le projet de Charte de la langue française au Québec 47. Le projet de loi numéro 1, intitulé: Charte de la langue française au Québec contient, au Chapitre VI, des dispositions relatives à la langue du travail. On y reconnaît entre autres choses, a) le droit qu'aura tout membre du personnel d'un employeur d'exiger que soient rédigées en français les communications écrites qui lui sont adressées par ce dernier (article 33); b) l'interdiction faite à l'employeur de congédier ou de rétrograder des salariés pour la seule raison qu'ils ne connaissent pas suffisamment une langue donnée autre que le français, toute infraction autorisant le salarié à faire valoir ses droits au même titre que s'il s'agissait d'un congédiement pour activités syndicales (article 36); et l'interdiction faite à l'employeur d'exiger pour l'accès à un emploi ou à un poste la connaissance d'une langue autre que le français, à moins que l'accomplissement de la tâche ne nécessite la connaissance de cette autre langue, conformément aux règlements adoptés à cet effet par l'Office de la langue française; c'est à l'employeur qu'il incombera de prouver que la connaissance de l'autre langue est nécessaire (article 37). 48. L'IATA souscrit en principe aux mesures visant à reconnaître formellement le droit de tout salarié à exiger que soient rédigées en français les communications écrites relatives aux conditions d'emploi qui lui sont adressées par l'employeur. Les membres du personnel de l'IATA peuvent déjà exercer ce droit. Il importe cependant de laisser à l'employeur le droit d'adresser, et aux salariés, celui de recevoir, la version anglaise de ces mêmes communications. 49. Une connaissance approfondie de la langue anglaise est une des conditions essentielles à l'accomplissement des tâches au sein de l'IATA. Les nombreux avis, circulaires, rapports, études et autre communiqués adressés à une centaine de lignes aériennes immatriculées dans quelque quatre-vingts pays différents ne peuvent de toute évidence, et pour des raisons d'ordre pratique, être rédigés dans toutes les langues officielles de ces pays. Il a fallu adopter la langue reconnue par la pratique internationale dans le domaine de l'aviation civile internationale, à savoir la langue anglaise. Toute personne postulant un emploi à l'IATA doit donc non seulement rencontrer les exigences techniques du poste, mais encore posséder une connaissance suffisante de la langue anglaise lui permettant d'analyser les données des divers problèmes qui lui seront généralement soumis en anglais par ses collègues de l'industrie, d'en discuter avec eux et de leur soumettre des recommandations écr'tes appropriées. 50. Pour mener à bien les tâches qui lui sont déléguées par les gouvernements, l'Association doit conserver une certaine liberté d'action quant à l'imposition des conditions d'embauche et de congédiement pour cause de son personnel. L'article 37 reconnaît ce principe. Le mécanisme d'exemption prévu n'offre peut-être pas la latitude nécessaire à l'IATA dans la mesure où une preuve justifiant l'exigence de la connaissance de la langue anglaise devrait être fournie dans chacun des cas d'embauche. Il n'est pas clairement stipulé non plus si la même preuve serait suffisante dans les cas de congédiement. 51.Le projet de loi numéro 1 reconnaît en partie ce problème à l'article 63 qui stipule que "Rien n'empêche l'emploi d'une langue en dérogation avec la présente loi lorsque les usages internationaux le

demandent". Cette disposition ne définit pas cependant les termes "usages internationaux" qui peuvent donner lieu à interprétation. L'IATA, en toute déférence invite donc la Commission et le Gouvernement à reconnaître le caractère international et quasi-gouvernemental de l'Association, comme d'ailleurs l'a fait la Suisse, et, à ce titre, à exempter l'IATA de l'application des dispositions du Chapitre VI. 52. Le Chapitre VIII relatif à la langue de l'enseignement prévoit que l'enseignement devra se faire en français dans les écoles maternelles, primaires et secondaires des secteurs public et subventionné. Il est prévu que, par dérogation, pourront recevoir l'enseignement en anglais, à la demande de leur père et de leur mère: a) les enfants dont le père ou la mère a reçu, au Québec, l'enseignement primaire en anglais; b) les enfants qui, à la date de l'entrée en vigueur du projet, sont domiciliés au Québec, et (i) qui reçoivent déjà, au Québec, l'enseignement en anglais à l'école maternelle, primaire ou secondaire, le même droit s'étendant à leurs frères et soeurs cadets; (ii) dont le père ou la mère est, à ladite date, domicilié au Québec et a reçu, hors du Québec, l'enseignement primaire en anglais. L'article 58 précise que ces dispositions ne s'appliquent pas aux personnes qui, aux conditions fixées par règlement du Gouvernement, sont de passage au Québec ou y séjournent pour un temps limité. 53. L'effet de ces dispositions sur le libre choix laissé aux membres du personnel de l'IATA constitue un grave sujet de préoccupation. Le personnel des services généraux est recruté sur place, à Montréal. Les exigences de fonctions hautement spécialisées et les obligations de l'IATA envers ses compagnies membres contraignent l'Association à recruter son personnel de direction dans le monde entier. Ainsi, les quarante-et-un membres du personnel de direction du bureau de Montréal proviennent de quatorze pays différents. 54. En raison de leurs origines ethniques et de leurs antécédents culturels, certains des membres du personnel de direction désirent que leurs enfants reçoivent leur enseignement en anglais. Nombreux parmi eux envisagent le retour de leurs enfants dans leur pays d'origine; d'autres doivent également opter pour ce système afin d'assurer une certaine continuité, peu importe le pays où leurs fonctions, souvent itinérantes, les conduira. Si la nouvelle législation devait rendre la chose impossible, l'IATA éprouverait de la difficulté à garder certains de ses cadres et il lui serait encore plus malaisé, à l'avenir, d'embaucher du personnel répondant aux exigences précitées ou d'effectuer les transferts nécessaires entre ses divers bureaux à travers le monde. 55. Les dispositions relatives à la langue de l'enseignement risquent de faire obstacle à la mobilité du personnel de l'Association et ainsi de nuire à l'exercice de ses fonctions quasi-gouvernementales. l'IATA invite instamment la Commission et les autorités gouvernementales à reconnaître, à l'instar de la Suisse, le statut spécial de l'Association et à l'exempter de l'application de dispositions susceptibles d'entraver la liberté d'action nécessaire à son bon fonctionnement. 56. Le présent mémoire a été limité, à dessein, aux aspects les plus épineux du problème. Certaines autres dispositions du projet de Charte de la langue française au Québec et les politiques ultérieures de l'Office de la langue française soulèveront peut-être d'autres difficultés. L'IATA, en toute déférence, prie donc instamment la Commission à bien vouloir reconnaître le caractère international et quasi-gouvernemental de l'Association et à l'exempter clairement de l'application de la Charte de la langue française au Québec.

CONCLUSION 57. En résumé, l'IATA invite respectueusement la Commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi numéro 1, intitulé: Charte de la langue française au Québec, à prendre les mesures suivantes: 1)Reconnaître, à la lumière des principes et des données énoncés aux paragraphes 13 à 47 et à l'instar des autorités fédérales de la Suisse, le caractère international et quasi-gouvernemental de l'Association du Transport Aérien International; 2) Recommander que l'IATA et son personnel soient clairement exemptés de l'application des dispositions de la Charte de la langue française au Québec, lui accordant ainsi le statut spécial nécessaire à l'exercice de ses fonctions internationales et quasi-gouvernementales.

SOUMIS EN TOUTE DEFERENCE

J.G. Thomka-Gazdik, c.r. Conseiller Juridique

ASSOCIATION DU TRANSPORT AÉRIEN INTERNATIONAL

Engagement et contrôle étatiques dans les sociétés membres de l'IATA

Première catégorie: Sociétés étatiques Deuxième catégorie: Sociétés privées a) Membres actifs (43) a) Membres actifs (20)

Aer Lingus Aerocondor

Aerlinte Eireann (Irish International) Air-Siam (90% Prince Varand)

Aerolineas Argentinas Allegheny Airlines

Aeromexico American Airlines

Air-Algérie Avianca (38% Pan Am)

Air Canada Braniff International

Air Ceylon British Caledonian Airways

Air Guinée CP Air

Air-India Cruzeiro

Air Malawi Delta Air Lines

Air Mali Eastern Airlines

Air New Zealand Flying Tiger Line

Alia— Royal Jordanian Airlines Icelandair

Angola Airlines (TAAG) National Airlines

British Airways Pan American World Airways

British West Indian Airways Trans-Mediterranean Airways (100% Abu Haider)

Ceskoslovenske Aerolinie Trans World Airlines

Cubana United Airlines

DETA — Linhas Aereas de Moçambique UTA— Union de Transports Aériens

East African Airways VARIG (51% employés; 35% la direction)

Ecuatoriana

Egyptair b) Membres associés (16)

Ethiopian Airlines

Garuda Indonesian Airways Aerocor — Aerolinea Cordillera

Iberia Ansett Airlines of Australia

Indian Airlines Commercial Airways

Iran Air Douglas Airways Lty. Ltd.

Iraqi Airways Eastern Provincial Airways

JAT — Jugoslovenski Aerotransport East-West Airlines

Kenya Airways Limited LADECO

Kuwait Airways Mount Cook Airlines

LAN-Chile New York Airways

Libyan Arab Airlines Panga Airways Ltd.

LOT — Lignes Aériennes Polonaises Québecair

Nigeria Airways Suidwes Lugdiens

Olympic Talair

Qantas Airways Trans Brasil

Saudi Arabian Airlines Trans-West Air Charter

South African Airways United Air Services

Sudan Airways

Syrian Arab Airlines

TAP—Transports Aériens Portugais

Zambia Airways Corporation b) Membres associés (2)

New Zealand National Airways Trans Australia Airlines

Troisième catégorie: Sociétés mixtes contrôlées par l'Etat a) Membres actifs (22)

Air Afrique (Etats: 60%; Sodetraf: 30%)

Air France (Etat: 98.76%)

Air Malta (Etat: 71.83%; PIA: 28.17%)

Air Niugini (Etat: 60%; Qantas: 12%; TAA: 12%;

Autres: 16%) Air Zaire (Etat: 70%; INSS: 8%; Caisse d'Epargne: 8%)

Alitalia (Etat: 91%; Fiat: 8.8%)

Ariana (Etat: 51%; Pan Am: 49%)

Austrian Airlines (Gouv. Féd.: 33%; Gouv. Local: 33%; intérêts locaux: 34%)

Cameroon Airlines (Etat: 70%; Air France: 30%)

Cyprus Airways (Etat: 53.2%; British Airways: 22.7%; intérêts locaux: 24.1%) El Al Israel Airlines (Etat: 75%)

Finnair (Etat: 73%; privé: 23%)

Ghana Airways (Etat: 60%; British Airways: 40%)

KLM— Lignes aériennes néerlandaises (Etat: 78%)

Lufthansa— Lignes aériennes allemandes (Etat: 75%)

Middle East Airlines (Etat: 70%; Air France: 30%)

Pakistan Int'I. Airlines (Etat: 90%)

SABENA (Etat: 90%; intérêts privés: 10%)

SAS (Etat: 50%; ABA: 42.5%; DNL: 28.6%;

DDL-ABA, DNL et DDL: 28.6%)

THY — Turk Hava Yollari (Etat: 99.4%; British Airways: 0.6%)

Tunis Air (Etat: 51%; Air France: 49%)

VIASA (Etat: 55%; intérêts privés dont LAV et AVENSA: 45%) b) Membres associés (2)

Air Liberia (Etat: 50%; Autres: 50%)

VASP — Viacao Aerea (Partagé entre l'Etat de Sao Paulo,

Sao Paulo La Banque Nationale de Sao Paulo, et la Municipalité de Sao Paulo)

QUATRIEME CATEGORIE: Sociétés mixtes à contrôle privé a) Membres actifs (4)

Japan Air Lines (intérêts privés: 65%;

Etat: 35%) Mexicana (intérêts privés: 90%;

Etat: 10%) Philippine Airlines (Rubicon Inc.: 72%;

Govt. Service Insurance: 20%; intérêts privés: 8%) Swissair (intérêts privés: 70%; institutions publiques: 30%) b) Membres associés aucun

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