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Version finale

31st Legislature, 2nd Session
(March 8, 1977 au December 22, 1977)

Tuesday, August 16, 1977 - Vol. 19 N° 176

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 101 - Charte de la langue française


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 101:

Charte de la langue française

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Dois-je rappeler que c'est une nouvelle séance de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications pour étude article par article du projet de loi no 101, après la deuxième lecture?

J'appelle les membres de la commission en priant les représentants des formations politiques de m'indiquer les changements s'il en est.

M. Alfred (Papineau) remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Bertrand (Vanier), M. Charbon-neau (Verchères), M. Charron (Saint-Jacques), M. Chevrette (Joliette-Montcalm).

M. Chevrette: Toujours là.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes).

M. de Bellefeuille: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay).

M. Dussault: Présent

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton).

M. Grenier: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys). M. Laplante (Bourassa) remplacé par M. Vaillancourt (Jonquière); M. Laurin (Bourget).

M. Laurin: Ça y est.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Paquette (Rosemont).

M. Paquette: Je suis là.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier). Je vais suspendre pendant quelques minutes, comme hier, et on m'indiquera, le changement s'il y a changement.

M. Samson (Rouyn-Noranda).

Je rappelle que nous avons une séance qui débute immédiatement et qui se poursuivra jusqu'à treize heures, alors que le président ajournera sine die, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale décide, par une motion votée ou de consentement, de nous faire siéger à nouveau, ce qui, normalement devrait se faire pour cet après-midi et ce soir. Ce sera alors une nouvelle séance. D'autre part, je rappelle que, au moment de l'ajournement d'hier soir, il y avait eu une motion de présentée par M. le député de Mégantic-Compton et que l'on s'était interrogé brièvement sur la recevabilité de cette motion. Je veux mentionner un fait, qui, pour moi, est presque un principe, d'ailleurs, c'est que, comme celui qui a entendu le parrain ou le proposeur de la motion et celui qui a entendu les plaidoiries sur la recevabilité était mon alter ego, ce cher député de Jonquière, M. Claude Vaillancourt, je vais lui demander immédiatement de me remplacer et de s'exécuter.

M. Grenier: ...sur la recevabilité...

Motion visant à suspendre

l'étude de l'article 13 pour entendre

le ministre de la Justice (suite)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si vous n'avez aucune objection, je serais prêt à rendre ma décision.

M. Grenier: J'aimerais, vous êtes peut-être prêt, mais pour un meilleur éclairage... Ah, Mme Lavoie-Roux qui arrive avec sa sacoche!

Une Voix: II faudrait noter au procès-verba qu'elle est en retard!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Je vous rappelle que la séance est commencée.

Très brièvement, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, juste pour vous rappeler que nous nous sommes reportés au débat du 4 août dernier et je rappelle à votre attention qu'une motion absolument identique a été présentée. A ce moment, j'avais présenté, au nom de notre parti, une motion devant suspendre les débats après les deux premiers chapitres pour s'en aller vers le chapitre de l'enseignement. Je n'ai pas le numéro en mémoire. Cette motion a été acceptée sur-le-champ, M. le ministre délégué au haut-commissariat s'est chargé de reprendre cette motion, l'a rédigée — on l'avait fait ici, sur le bout de table; vous vous en souvenez — et la présidence a dû collaborer à sa rédaction finale. A la suite de cela, la présidence a reconnu la motion sans même avoir de débat. Si on devait, ce matin, rejeter cette motion, il faudrait comprendre que la motion adoptée alors était atteinte d'un vice de forme et qu'on devrait reprendre les débats sur le secteur de l'enseignement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Mégantic-Compton. Effecti-

vement, la présidence a pris soin de vérifier ce qui s'était passé le 4 août.

Si on résume la situation, le député de Mégantic-Compton a présenté verbalement une première motion que j'ai, à ce moment, jugée irrecevable pour deux raisons. Premièrement le libellé même de la motion et son contenu et, deuxièmement, j'ai déclaré qu'une motion de ce genre n'existait pas comme telle dans notre règlement. Effectivement, une telle motion n'existe pas comme telle dans notre règlement, mais un examen rapide de précédentes commissions parlementaires nous démontre, sans l'ombre d'un doute, que ce genre de motion a souvent été présenté et déclaré recevable par la présidence dans le passé.

D'ailleurs, l'article 54 de notre règlement définit ce qu'est une motion: c'est "un acte de procédure par lequel un député propose à l'assemblée de faire une chose, d'ordonner l'accomplissement d'une chose ou d'exprimer une opinion sur un sujet". Et j'estime que la motion présentée par le député de Mégantic-Compton dans sa deuxième forme, la forme écrite, est conforme à l'article 54 de notre règlement.

D'ailleurs le leader adjoint du gouvernement, comme l'a souligné avec justesse le député de Marguerite-Bourgeoys, a présenté une motion de ce genre au début des travaux de cette commission et celle-ci a effectivement été jugée recevable. Donc, en vertu de l'article 54 de notre règlement, en vertu de la tradition et de nombreux précédents, ce genre de motion peut donc être jugé recevable par la présidence. D'autre part, le député de Mégantic-Compton a présenté une deuxième motion, écrite cette fois, celle que j'ai prise en délibéré, et les irrégularités que j'avais trouvées dans la première motion verbale de ce député ne se retrouvent plus dans la deuxième motion, celle qui est écrite. Cependant, cela ne veut pas nécessairement dire, toutefois, que ce genre de motion, du moment qu'elle est présentée, doit être nécessairement reçue par la présidence. Si tel était le cas, n'importe quel membre de la commission pourrait, à n'importe quel moment, présenter une motion de ce genre. Pour juger de la recevabilité ou de l'irrecevabilité de la motion du député de Mégantic-Compton, ou de toute autre motion semblable. — Et ici je ne voudrais pas lier la présidence. — La présidence doit regarder, en plus de ce qui a été mentionné, les motifs de la demande, le moment où elle est faite et la pertinence de cette même demande au moment où elle est faite. Il est bien évident, d'autre part, que ces règles ne s'appliquent pas lorsqu'il y a un consentement unanime des membres de la commission comme c'est également arrivé depuis le début de nos travaux.

Même si la motion du député de Mégantic-Compton peut, comme celle du député de Saint-Jacques, être qualifiée de motion de suspension, il y a cependant une différence fondamentale entre les deux motions. La motion du député de Saint-Jacques a été présentée après l'étude complète du chapitre 2 et avait pour but d'en venir à l'étude du chapitre 8. Celle du député de Mégantic-Compton qui a, comme fondement même, l'absence du ministre de la Justice au moment où on parle de la langue de la justice, a été présentée à l'article 13 alors que l'étude de la langue de la justice commençait à l'article 7. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette motion, avec le fondement qu'elle avait, me semble tardive et qu'elle aurait dû être présentée au début de ce chapitre de la langue de la justice.

Néanmoins, je la déclare recevable, tout en incitant les membres de la commission à tenir compte à l'avenir de ce qui a été précédemment mentionné avant de présenter une motion semblable.

M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, sur cette motion recevable et reçue du député de Mégantic-Compton, vos conclusions dans votre décision seront mes prémisses, M. le Président. J'ai la certitude effectivement que cette motion aurait pu avoir un bien-fondé à l'origine de l'étude du chapitre, mais elle n'en a approximativement plus au moment où nous arrivons au tout dernier article. Je dirai même que c'est peut-être l'article le moins litigieux qu'il y a dans tout le chapitre du fait que cette pratique à l'article 13 était en soi, je ne dis pas semblable, à tout le moins initiée dans la loi 22 et, donc, à toutes fins pratiques, en forçant un peu les choses, mais sans exagération non plus, bien qu'il s'agisse d'une pratique en vigueur qui est augmentée, je ne vois pas pourquoi, à ce moment-ci en particulier, la présence du ministre de la Justice qui, d'ailleurs n'apparaît pas à la motion, c'est dans l'exposition verbale du député de Mégantic-Compton qu'il faut retrouver la motivation, je ne vois pas en quoi la présence du ministre de la Justice serait indispensable au moment où nous parcourons l'ensemble du chapitre sur la justice du projet de loi entre nous avec la présence de deux célèbres avocats qui se logent à l'Opposition et qui nous ont permis, à plusieurs occasions, je pense — on est sur le point de le compléter — de rédiger un bon chapitre en ce qui concerne la langue de la législation, la langue de la justice.

Je me permets même de dire que si un article litigieux a occupé un bon moment les travaux de la commission, c'est l'article 11, je pense, et là s'instaure véritablement la nouveauté du chapitre qui se greffe à l'article 7. Mais, à ce moment-là, personne n'a demandé la présence du ministre de la Justice, ni le député de Mégantic-Compton ni même les députés de l'Opposition officielle. Contrairement à ce que je pensais, M. le Président, le ministre de la Justice n'était pas à Québec hier, c'était son anniversaire de naissance et il le célébrait probablement dans sa famille à Chicoutimi. Je ne peux, en aucun temps, m'engager à sa présence, d'autant plus que, très honnêtement, je la trouve inutile pour le moment.

Inutile pour une deuxième raison; non seulement s'agit-il d'une pratique que l'article 13 ne viendrait qu'amplifier, mais deuxièmement, le ministre d'Etat au développement culturel et parrain de la loi a donné ce que le ministre de la Justice

pourrait donner sur cet article, s'il était des nôtres, parce que le ministre d'Etat a déjà, pour apaiser les craintes légitimes ou exagérées de l'Opposition, annoncé que lorsque nous arriverons à l'article 199, il présentera un amendement par lequel cette application de l'article 13 sera retardée pour que toute la préparation judiciaire et technique de l'application de cet article se fasse sans bousculer les procédures judiciaires actuelles, et en reconnaissant que s'il est un milieu qui est lent à réagir, c'est bien celui dont on parle. Donc, nous avons besoin de temps. Une des opinions émises par le ministre de la Justice lorsqu'au Conseil des ministres, nous avons étudié cette loi, nous l'avons prise de bon gré, et je pense que si le ministre de la Justice était ici aujourd'hui, tout ce qu'il pourrait dire, c'est que l'amendement annoncé à l'article 199 par le ministre d'Etat lui apparaît à la fois raisonnable et satisfaisant pour dire que l'article 13 doit s'appliquer à compter du 1er janvier 1980, ce qui donne donc deux ans et demi à cet immeuble qu'est la justice québécoise pour ouvrir ses fenêtres à la nouvelle législation et se préparer à un nouveau courant d'air qui respecte celui de la langue officielle telle qu'elle est décrétée par l'Assemblée nationale.

Donc, M. le Président, je m'étonne qu'on réclame, à ce moment, la présence du ministre de la Justice. J'aimerais tout de suite qu'on m'avise — ce serait peut-être plus raisonnable — si au moment de la langue d'administration, il y a quelques éminents personnages dont les membres de l'Opposition ne sauraient se passer pour étudier le projet de loi. Pour le moment, je pense que c'est notre devoir, pour procéder à une étude rationnelle du projet de loi, de refuser la motion du député de Mégantic-Compton.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En fait, pour revenir aux propos du député de Saint-Jacques et pour expliquer un petit peu la décision qui a été rendue, j'espère qu'elle va constituer une sorte de précédent, parce que je ne pense pas que la présidence doive automatiquement recevoir ce genre de motion de suspension. Je pense que la présidence doit regarder d'autres motifs, le moment de la demande, la pertinence de la demande, les motifs de la demande.

J'estime, personnellement, que cette demande, cette motion aurait dû, normalement, être présentée à l'article 7, d'où proviennent tous les autres articles postérieurs à l'article 7 dans ce chapitre. Je l'ai déclarée néanmoins recevable tout en incitant les députés à l'avenir à faire leurs motions de suspension, s'il y a lieu, au moment le plus approprié, c'est-à-dire au moment où on commence l'étude d'un chapitre et où la présence de quelqu'un vous semble préférable.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, j'ai écouté les propos... D'abord, sur la recevabilité de la motion, sur l'identité, je suis heureux de voir que vous revenez sur la recevabilité en disant quelques mots. On avait jugé qu'elle était absolument semblable à celle présentée par le ministre délégué au Haut-

Commissariat, et c'est ce qui nous a incités à présenter la nôtre à ce moment-là. Pourquoi on l'a fait? Contrairement à ce qui se disait sur les ondes, ce matin, que c'était une motion dilatoire, c'est absolument faux, M. le Président, et je vais vous dire pourquoi. Cette motion, demandant la présence du ministre ici — je parle sur la motion maintenant et non pas sur la recevabilité — ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non. En fait, M. le député de Mégantic-Compton, votre motion ne réclame pas la présence du ministre. Votre motion, et je vais la lire...

M. Grenier: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... pour qu'on en parle, parce qu'il n'est pas question ici de revenir sur la décision qui a été rendue. Je pense qu'elle fait votre affaire et que vous en êtes heureux. Cette motion dit que les membres de cette commission suspendent l'étude de l'article 13 et entreprennent immédiatement l'étude du chapitre IV, la langue de l'administration, articles 14à 27 inclusivement. En aucun endroit dans votre motion vous ne réclamez ou vous n'insistez sur la présence du ministre de la Justice.

M. Grenier: D'accord. Dans la motion, il est clair que je ne fais pas appel au ministre, mais tout le monde soupçonnait, dans le fond... Quand même, c'était tellement vrai que dans la première motion qui n'était pas recevable, on faisait mention de la venue du ministre. On a dû retirer cette partie de la motion qui l'aurait rendue irrecevable. Ce que je dois dire, M. le Président, c'est que cette motion est loin d'être dilatoire, elle a été présentée peu après 10 h 55 hier soir. Mon but, c'était d'attirer l'attention du gouvernement pour que le ministre fasse ici une apparition avant la fin de l'étude du chapitre de la langue de l'administration. Comme on en était rendu, avant la fin du chapitre de la législation et de la justice, au tout dernier article, je pense qu'on aurait pu se permettre, ce matin, d'avoir le ministre — on avait une nuit de réflexion — ici et de lui poser des questions.

Nous avons eu la visite ici — et je peux vous dire qu'elle a été profitable — du ministre de l'Education au chapitre de l'éducation. On a eu la visite du ministre des Affaires intergouvernementales qui a été profitable également à cette commission. Loin de vouloir diminuer les connaissances et la compétence du ministre d'Etat au développement culturel, il a été devant nous, bien sûr, un homme qui a su répondre assez largement aux questions posées par l'Opposition, je pense — il faut lui rendre hommage et surtout à sa patience...

Si, dans le blitz des ministres qu'on organise à travers la province, j'avais à en choisir un, je pense que je choisirais celui-là parce que, pour venir chez nous, cela prend un homme de patience.

Je dois vous dire qu'aux prises avec la difficulté que présente l'article 13, on aurait eu des questions a poser au ministre de la Justice et les conflits qu'on a vus hier soir, les difficultés qu'on a perçues autour de la table hier soir témoignent

que notre motion n'est pas dilatoire. Si on avait eu le ministre ce matin, on n'aurait même pas perdu trois minutes parce que, la motion ayant été proposée, à 11 heures moins 2 ou 3 minutes hier soir, ce matin, on aurait eu la réponse à nos questions. Je ne vois pas ce qu'il y a de dilatoire dans une telle motion, premièrement.

Deuxièmement, on a dit que c'était l'anniversaire du ministre hier et qu'il fêtait. Je vais vous dire une chose. J'ai passé le 28 juin, qui était le jour de mon anniversaire, ici autour de la table, à la grosse chaleur, à travailler au projet de loi no 101.

Je n'ai pas pris de vacances moi non plus et je trouve que dire que le ministre célébrait avec sa famille... J'ai bien hâte de célébrer avec la mienne. Ma femme est actuellement en vacances avec les deux enfants pendant... Si je pouvais avoir quelques jours avant la rentrée scolaire!

Je pense que ceci n'est pas une raison, nous dire que le ministre n'est pas ici et qu'il est retenu ailleurs.

Le retard de deux ans qu'on semble nous annoncer pour l'article 199 va corriger sensiblement une partie, une seule partie de l'article 13. A partir de là, on a des questions à poser et c'est ici qu'il faut poser nos questions, avant la fin de ce chapitre.

De ce côté-ci de la table, on aurait aimé les poser au ministre lui-même qui aura à appliquer cette loi, particulièrement ce chapitre. C'est lui qui aura à le mettre en application et je pense que le mémoire du Barreau qui a été présenté à la fin de mai et la lettre datée du 12 août sont deux pièces témoins de l'urgence et de la nécessité d'avoir le ministre avec nous ce matin pour en discuter.

Je ne reprendrai pas le texte de la lettre expédiée au ministre le 12 août, principalement sur ce qui se rapporte à l'article 13. On en a fait grand état hier soir, mais je pense qu'il serait des plus justifiés qu'on ait le ministre ici et il me semble bien que demander à un ministre d'être présent à une commission parlementaire, comme on a amené ici le ministre de l'Education et le ministre des Affaires intergouvernementales, ce n'est pas exigent. On ne dépasse pas les bornes, les mesures. On demande au gouvernement de nous donner quelques réponses concernant la loi la plus importante que nous aurons à adopter durant notre mandat et je ne vois pas ce qu'il y a de dilatoire et je ne vois pas ce qu'il y a d'épouvantable, de la part de l'Opposition, de demander la présence d'un ministre.

On sait qu'il a d'autres engagements et je veux aussi bien accepter qu'un gouvernement a des responsabilités et que l'Opposition n'a pas toujours à rendre compte, c'est évident.

Mais, malgré tout cela, quand on présente un projet de loi de ce genre, première chose à retenir, c'est d'abord au gouvernement de retenir sur place les ministres qui devraient répondre à l'Opposition, aux questions qu'on a à lui poser, aux 60% de la population qui sont de ce côté-ci de la table et qui se posent des questions sur le projet de loi no 101. Le débat de ce matin, je veux le faire court et je termine là-dessus. Je demande de sus- pendre l'étude de l'article 13, pour nous permettre de poser des questions fort pertinentes au ministre de la Justice, et de l'avoir devant nous ici pour lui poser ces questions dès qu'on aura suspendu cet article 13. D'abord, avec le numéro qu'il porte, cela aurait été surprenant qu'il n'y ait pas quelque accrochage en passant dessus.

J'aurais aimé, si c'était possible, qu'on passe immédiatement à l'autre chapitre et qu'on attende la présence du ministre ici pour faire l'étude de l'article 13.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Mégantic-Compton. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, malgré toute la sympathie que j'ai à l'endroit du député de Mégantic-Compton, j'ai beaucoup de difficulté à me rallier à sa motion. Je vais vous dire pourquoi. Non pas qu'elle soit dilatoire, je pense qu'elle est sûrement inspirée par une intention positive d'avoir des réponses du ministre, mais il semble oublier quelle expérience on a vécue en ce qui concerne le ministre de la Justice et le projet de loi no 1 au départ.

Je suis extrêmement sceptique à l'égard de l'utilité d'avoir le ministre de la Justice ici, lorsque l'on sait quel traitement il a fait à la Charte des droits et libertés de la personne, à compter du 23 mars, et qu'il a fallu une levée de boucliers du public représentant toute les couches de la population pour faire enlever l'odieux de l'article 172, alors que lui, ministre de la Justice, gardien de nos droits fondamentaux, responsable devant l'Assemblée nationale de ce document fondamental, ne sourcillait même pas.

Qu'est-ce qu'il va venir nous dire ici, M. le Président, je vous le demande? J'admire enfin la...

M. Grenier: La naïveté.

M. Lalonde: Je n'ai pas dit la naïveté, M. le Président, mais, quand même...

M. Paquette: Quelque chose autour de cela.

M. Lalonde: ... le sentiment aussi positif, qui frise la naïveté, du député de Mégantic-Compton. Peut-être que c'est l'attitude que je devrais avoir, mais j'ai beaucoup de difficulté à l'avoir, parce qu'on nous a dit que le ministre parrain de ce bill avait donné l'opinion du ministre de la Justice. C'est le député de Saint-Jacques qui a dit cela tantôt. C'est une déclaration surprenante, parce qu'on pourrait justifier un sentiment de la part de la population de penser que chaque ministre a son mot à dire, que chaque ministre, à l'intérieur de ses fonctions, a une certaine autonomie et qu'on n'est quand même pas devant une espèce d'unité sans variété dans ce cabinet.

Mais, à en juger par l'attitude du ministre de la Justice quant à ce projet de loi, jusqu'à maintenant, par son inconscience crasse en ce qui concerne l'importance des droits fondamentaux, je n'ai aucun espoir qu'il va venir ici pour sensibi-

liser le gouvernement pour, lui, voir une différence entre la loi actuelle qui oblige à faire la traduction des jugements et le projet de loi qu'on nous présente et qui enlevé au juge les droits d'auteur sur son jugement.

C'est une intrusion dans l'indépendance judiciaire, M. le Président, ce projet de loi et surtout cet article 13, mais personne ne l'a vue jusqu'à maintenant. Aucun ministre ne l'a vue, il semble que le ministre de la Justice ait simplement demandé un délai de deux ans et demi avant de prendre d'assaut l'indépendance judiciaire. C'est bien faible comme attitude en ce qui concerne la protection du pouvoir judiciaire, la séparation des pouvoirs. J'ai peu d'espoir d'entendre le ministre de la Justice... On créerait quelque chose.

Toutefois, M. le Président, comme il faut quand même prendre toutes les chances quand il s'agit d'une question aussi fondamentale que l'indépendance judiciaire, je pense qu'on doit mettre toutes les chances de son côté et s'il reste une petite lueur très faible d'espoir, on doit y recourir. C'est pour cette raison que je vais appuyer la motion du député de Mégantic-Compton.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, vous avez signalé en recevant la motion, que peut-être il aurait été mieux que cette motion soit faite au début du chapitre. Vous avez raison...

M. le Président, je crois qu'on devrait changer le nom de cette commission; d'après les remarques que j'entends à la table, la seule chose, le seul domaine où ils peuvent donner des recommandations ou des suggestions, c'est celui de la grammaire, celui du français, mais jamais je n'ai entendu une suggestion positive quant au fond du projet de loi. Ce sont toujours des sujets qui ne touchent pas le fond et qui, vraiment, sont d'une importance secondaire en ce qui concerne l'examen, article par article, de ce projet de loi.

M. le Président, vous aviez bien signalé qu'on aurait peut-être dû faire cette demande au début, mais je dois vous dire que nous ne nous attendions jamais d'avoir autant de manque de réponse, autant de contradictions, autant de refus de la part des ministériels à comprendre pourquoi certains de ces articles sont mal rédigés, ambigus, et pourquoi ils portent atteinte au coeur même de notre système judiciaire.

Le député de Saint-Jacques a dit, nous n'avons pas demandé la suspension de l'article 11, mais je dois vous dire que l'article 11, bien qu'il soit important, ne va pas au coeur de notre système comme l'article 13. L'article 13 affecte les jugements, les décisions des tribunaux et l'indépendance judiciaire et c'est l'article peut-être le plus important de ce chapitre.

Le but d'une commission comme celle-ci, en examinant article par article, c'est d'informer le public, et malgré les réticences du député de Marguerite-Bourgeoys quant à l'utilité d'avoir le ministre de la Justice ici, je pense que cela aurait été important pour que le public sache exacte- ment ce que le ministre pense parce que c'est un domaine où c'est lui qui devrait être le plus compétent pour refléter les vues du gouvernement sur le système judiciaire, sur la nomination des juges, sur les faits de cet article 13. Le fait qu'il y aura un délai de deux ans ne touche pas le problème, on suspend les effets négatifs.

On touche ici, M. le Président, non seulement la profession légale, mais on touche tout notre système judiciaire et il faut... on donne l'impression qu'il peut y avoir des pressions politiques sur la magistrature. On voudrait savoir quelle est la réponse du ministre de la Justice sur ces questions, quelle est son attitude? Que va-t-il faire pour protéger l'indépendance de la magistrature? Pour ces raisons, M. le Président, je pense...

M. Paquette: Question de règlement, M. le Président, je m'excuse...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: ...d'abord, presque tout le temps le député a parlé de l'article 13 et non pas de l'amendement. Deuxièmement, il est carrément rendu en dehors du sujet, il parle de l'indépendance du judiciaire, du politique...

M. Lalonde: C'est cela qui est la question.

M. Paquette: Vous savez qu'on est pas mal plus d'accord. On n'a jamais fait de nominations politiques de juges, alors que le Parti libéral a une longue tradition là-dedans.

M. Ciaccia: M. le Président.

M. Lalonde: C'est cela la question, c'est l'indépendance. Ce sont vos traducteurs qui vont changer les jugements.

M. Ciaccia: Je donne les raisons pour lesquelles j'appuie la motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Paquette: Vous allez à rencontre du règlement.

M. Ciaccia: Ce sont mes raisons. Si vous n'êtes pas d'accord, vous parlerez de la motion ensuite. Vous donnerez vos opinions vous aussi.

M. Paquette: Vous ne parlez pas sur la motion.

M. Ciaccia: Je parle de la raison pour laquelle on devrait suspendre et demander au ministre de la Justice ce qu'il pense de l'indépendance des juges, ce qu'il pense de l'article 13, ce qu'il pense de bouleverser complètement notre système judiciaire, pas l'améliorer, mais y porter atteinte complètement, essayer de faire des choses qui n'ont jamais été faites et qui vont forcer... On ne

nomme pas des juges pour deux ans et demi, un an et demi ou jusqu'à 1980. C'est pour sauvegarder leur objectivité, leur indépendance qu'ils sont nommés à vie, exactement pour qu'il y ait une distinction absolue entre l'exécutif, le législatif et la magistrature. Maintenant, on nous dit qu'on va retarder l'application pour deux ans. J'aurais voulu connaître les vues du ministre de la Justice là-dessus. Non seulement cela, je remarque que, quand on discutait de questions légales comme la constitutionnalité, l'article 93, les ministériels faisaient toujours venir le député de Sauvé. Je remarque qu'en aucun temps il n'a été présent ici. Alors, non seulement je suis en faveur de la motion pour qu'on puisse faire venir le ministre de la Justice, mais j'aimerais avoir les vues du député de Sauvé sur tous les articles de ce chapitre. Quand il avait un point de vue à faire prévaloir sur des points légaux, il a toujours été présent. Dans mon esprit, je me demande, à ce chapitre qui va au coeur de la légalité, qui va au coeur du système judiciaire, pourquoi le député de Sauvé n'est-il pas ici?

M. Lalonde: Le député de Chicoutimi?

M. Ciaccia: Non. Je veux aussi le député de Sauvé. Pas seulement le député de Chicoutimi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! Revenons à la motion.

M. Ciaccia: Parce que c'est lui qui a toujours agi comme avocat juriste de la commission.

Chaque fois qu'un mémoire qui était présenté touchait légèrement à la constitutionnalité, le député de Sauvé était toujours là pour défendre le point de vue. Pas le point de vue de l'Education. Sur l'enseignement, il n'était pas ici.

M. Lalonde: C'est vrai.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal, revenez à la motion de suspension.

M. Ciaccia: La motion de suspension... C'est pour cela que je veux que cette motion soit adoptée, M. le Président. Pour qu'on puisse avoir le point de vue — on le respecte tous ici, même si parfois on n'est pas d'accord — du député de Sauvé sur cet article. C'est pour ces raisons que je vais voter en faveur de la motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Mont-Royal. M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je voudrais simplement apporter quelques brefs commentaires pour appuyer ce qui se dit présentement à cette table. Je crois que le meilleur argument que je puisse invoquer, c'est la lettre du bâtonnier, M. Viateur Bergeron, lettre à laquelle le député de Mégantic-Compton faisait allusion hier soir. Je crois qu'il y a là un paragraphe qui est de première importance si nous voulons vraiment comprendre la nécessité de voir le ministre de la Justice participer ici à ce débat. Si d'autres ministres ont réussi à le faire, s'ils sont venus ici nous écouter, peut-être apporter des explications qui ont certainement donné satisfaction aux membres de cette commission, dans un chapitre qui se termine, chapitre d'autant plus important qu'il traite de la justice, de la législation, je ne vois pas pourquoi ces quelques minutes sont qualifiées de perte de temps, alors que nous savons qu'il y a tellement d'autres chapitres aussi qui nous attendent, ceci, nous l'avons mentionné, et nous aimerions procéder en vitesse afin que les articles, les points les plus importants ne demeurent pas en veilleuse, qu'on puisse au moins les étudier et peut-être apporter certaines suggestions, certains amendements dont le gouvernement aurait profit à s'enrichir pour donner aux Québécois la meilleure charte de la langue possible.

Je m'inspire donc d'un simple paragraphe où le bâtonnier, au nom du Barreau, parle de la langue des jugements. Ici, il faut considérer de nombreux aspects. On sait que la collectivité québécoise est constituée de différents peuples, de différentes races et qu'il y a plusieurs langues qui se parlent ici au Québec.

Je vous lis tout simplement ce paragraphe et je crois que ceci apportera ma contribution et un très bon éclairage, étant donné la notoriété de celui qui est le signataire de cette lettre. En parlant de la langue des jugements, M. Bergeron dit ceci: "L'article 13 du projet de loi est reproduit intégralement. Nous sommes heureux que les jugements puissent être rédigés dans l'une ou l'autre langue, selon les aptitudes particulières du juge qui les rend. Cependant, nous entrevoyons des difficultés d'application et d'interprétation multiples: Qui authentifiera la version française? Comment le juge qui a rendu le jugement pourrait-il la corriger si, au départ, il considérait que sa maîtrise de la langue française était insuffisante pour lui permettre de rendre son jugement directement en français? Que penser des erreurs inévitables dans les traductions? Déjà, en vertu de la loi 22, le ministre de la Justice a la responsabilité de voir à ce que les jugements rendus en langue anglaise soient traduits et la chose ne semble pas toujours se faire."

Je crois que le ministre de la Justice, qui a certainement pris connaissance de cette lettre aurait intérêt à l'étudier attentivement et à demeurer en relation étroite, avec les membres de la commission qui terminent l'étude de ce chapitre sur la législation. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux simplement appuyer la motion du député de Mégantic-Compton. Quelqu'un, peut-être du côté ministériel, a signalé que nous aurions dû faire cette demande plus tôt, c'est exact...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La présidence également.

Mme Lavoie-Roux: ... peut-être la présidence également. Mais il reste que ce dernier article nous semble particulièrement important en vue des différentes représentations qui ont été faites, mais, à l'égard desquelles on sent de plus en plus que le parti ministériel est en possession de la vérité tranquille de la majorité.

Une fois de plus, comme le gouvernement a déjà décidé au point de départ de s'opposer à notre requête, il n'y accédera pas. Cependant au nom d'un principe et d'une meilleure loi, il serait souhaitable que le ministre de la Justice vienne donner ici quelques explications. Il sera fort intéressant d'ailleurs de voir, lors de l'étude d'autres chapitres, si le ministre de l'Industrie et du Commerce, qui est venu faire acte de présence qui sans doute a posé un geste politique ou quoi, quand la Chambre de commerce a comparu, il sera intéressant, dis-je, si, quand on discutera du chapitre de la francisation des entreprises, il nous honorera de sa présence. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, Mme le député de L'Acadie. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'aurais sûrement quelques mots à ajouter, M. le Président, quelques questions peut-être à poser au ministre de la Justice, comme, par exemple, qui va nommer les traducteurs, comment le ministre de la Justice va-t-il s'assurer de la fidélité de la traduction, quel organisme va vérifier cette fidélité de la traduction, des jugements, enfin tellement de questions susceptibles de rester sans réponse si le ministre de la Justice ne vient pas. C'est une raison additionnelle, je pense, pour voter en faveur de cette motion.

La seule inquiétude possible qu'on pourra avoir, en plus de celle du scepticisme que j'ai décrit tantôt, ce sont les rumeurs que le gouvernement plante dans les journaux depuis quelques jours à propos d'une guillotine.

M. Paquette: Vous faites un procès d'intention, encore une fois.

M. Lalonde: Je vous ai fait perdre la parole, M...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De si évidente façon du sujet, vous m'avez fait perdre la parole. Je vous demanderais de revenir sur la motion, s'il vous plaît!

M. Lalonde: M. le Président, je pense que chaque membre de cette commission doit se poser, en conscience, les questions suivantes: Quelle sera la conséquence de mon vote sur cette motion?

Comme membre de cette commission, j'ai le droit et le devoir de tenir compte des rumeurs que le gouvernement plante dans les journaux depuis trois ou quatre jours sur la possibilité d'une guillotine. On aura beaucoup de difficulté à me prouver que je suis en dehors de la question. Je dois er tenir compte parce que je dois faire en sorte que mon vote n'ait pas l'air — Dieu sait jusqu'à quel point on n'a pas l'intention de faire de l'obstruction systématique, et qu'on n'en a pas fait depuis le début — d'être de l'obstruction systématique et donc, n'ait pas l'allure d'une motion dilatoire.

M. le Président, je vais vous dire que je vais quand même voter pour cette motion, parce que, malgré les rumeurs plantées par le gouvernement, malgré tout le battage que la grosse machine de propagande du gouvernement est en train de faire, malgré le lavage de cerveau qu'il est en train de faire avec son battage publicitaire, je vais quand même continuer à travailler positivement pour améliorer une mauvaise loi. Je vais quand même prendre tout le temps que le règlement me permet, pas toujours les 20 minutes à chaque fois, mais quand même toutes les libertés, tous les privilèges que le règlement me permet, et je ne céderai pas à l'intimidation, étant convaincu que, si le gouvernement est rendu dans cette position, dans ce cul-de-sac, c'est sa faute, parce qu'il a déposé un projet de loi en plein mois de juillet et qu'il voulait le faire adopter avant le mois de septembre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, bien brièvement, c'est pour vous dire qu'on comprend que le ministre n'est pas tenu d'être ici ce matin, qu'il peut avoir des obligations. Le but visé hier soir, vers 11 heures moins deux ou trois minutes... Si on nous l'avait dit ce matin, j'aurais été prêt à retirer ma motion; si on nous avait dit: Non, aujourd'hui, il n'est pas prêt; si tu retires ta motion, il sera ici dans deux jours ou dans trois jours, on met cela de côté et on revient dans deux ou trois jours. Je pense que cela aurait été, de mon côté, un geste bien humain, comprendre que le ministre peut avoir d'autres engagements et de respecter cela. On ne demandait pas de l'étudier tout de suite, on pouvait l'étudier dans un mois, si on est encore en commission, dans une semaine ou dans trois jours, ou demain, si c'était l'occasion, mais ce qu'on voulait, c'est qu'il vienne ici. Ce n'était pas exagéré, surtout le ministre de la Justice. Je me rappelle trop bien qu'avant les fêtes, je pense que c'est à l'occasion de la mini-session ou à la reprise de la session, il s'est plaint d'une loi mal faite par l'ancien gouvernement et qu'il est venu donner une bénédiction urbi et orbi à la CSN, à ce moment, ce qui affectait une affaire de $250 millions; il prétendait qu'une loi était beaucoup trop sévère. J'ai peur qu'on lui joue des tours ici. On est en train d'adopter une loi, c'est lui qui devra la mettre en application, au moins dans ce chapitre, et il n'est pas présent. Il aura peut-être encore des bénédictions à donner quand il reviendra en Chambre en nous disant: Vous avez été encore beaucoup trop sévère là-dedans, ou bien vous n'avez pas été assez large. Il nous fera des reproches. C'est vérifié, je ne lance pas cela en l'air. Il l'a fait. Je me base sur des faits. C'est lui qui nous a donné la bénédiction en Chambre. Je le connais intimement, ce ministre, pour avoir étudié quelques années avec lui; je sais comment cet homme

peut être humain, peut être compréhensif. Je suis sûr qu'il aurait des propositions, s'il étudiait la loi comme on l'étudie dans le moment, il aurait des propositions à nous faire à l'article 13 et on perdrait moins de temps. On aurait perdu moins de temps à insister auprès du gouvernement. La preuve, c'est qu'on a vu hier des divergences d'opinions sur cet article 13 à l'intérieur même du gouvernement. Alors, on aurait aimé que le ministre soit ici.

La nouvelle de ce matin qui circulait sur les ondes, à savoir qu'on aurait une déclaration cet après-midi — on l'imputait, en fait, au ministre délégué au haut-commissariat — qui disait qu'on entendrait une annonce au cours de la reprise de la session cet après-midi, cela nous incite davantage à demander au ministre de la Justice de venir devant nous pour répondre avant qu'on soit obligé de parler de tout le bill et qu'on n'ait plus le droit de parler des articles.

Alors, on aurait des renseignements à lui demander. Je pense que c'est des plus justifiés, il n'y a rien de dilatoire là-dedans. Si on avait voulu, cela aurait duré trois minutes hier soir. Ce matin, il aurait répondu à nos questions. Le tour de table qu'on a fait l'autre jour avec le ministre de l'Education, alors qu'on s'est éloigné un peu des règles et qu'on a tout simplement fait une espèce de ja-sette d'un bord et de l'autre de la table, cela a été fort enrichissant et on a gagné pas mal de temps du côté de l'Opposition. On s'est informé, on a su ce qu'on voulait savoir... On n'a pas eu ce qu'on voulait, mais on a eu les réponses qu'on voulait obtenir du ministre de l'Education en posant nos questions. Aujourd'hui, c'est exactement dans cette optique qu'on voulait avoir le ministre de la Justice parmi nous. Je trouve fort étrange — fort étrange, il n'y a quasiment plus rien à se surprendre — que tout ce qui est proposé ici, de ce côté de la table, n'est jamais bon. Alors, si c'est cela qu'on pense, pour les 60% de la population du Québec, on se réveillera peut-être avec des surprises, à un moment donné.

Ce n'est peut-être pas pour rien qu'on est en train de préparer un blitz avec les ministres. Si vous n'avez rien à dire à la population, peut-être que la population va vous dire quelque chose pendant le mois que vous allez vous promener dans la province.

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Ce sera très bref. C'est simplement pour montrer que l'Opposition dit n'importe quoi. Le député a dit qu'on avait exprimé des divergences d'opinion sur l'article 13 hier. C'est faux et c'est même impossible, puisque seul le ministre est intervenu...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Rosemont...

M. Paquette: Je profite de mon droit de parole...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, mais vous n'étiez pas sur la motion.

Or, est-ce que les membres de la commission sont disposés à voter sur la demande de suspension?

M. Charron: Un instant, M. le Président! Je voudrais quand même conclure le marathon d'interventions qu'on vient d'entendre sur le sujet. Je ne sais pas quelle opinion ont les membres de l'Opposition, s'ils pensent que nous sommes obligés de servir un peu comme de la poudre à canon dans leur "filibuster", que, sur le simple désir d'un député qui désire allonger cette période de questions, on ferait venir un ministre qui est en train de travailler dans quelque coin du Québec ou même à son bureau, dans son ministère...

Mme La voie-Roux: Pour venir fêter...

M. Charron: ... venir participer à la stratégie de l'Opposition qui vise à retarder l'adoption du projet de loi. On n'est quand même pas né de la dernière pluie et on n'est...

Mme Lavoie-Roux: Non, pas loin.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Charron:... pas obligé non plus de faire ce genre d'intervention, d'autant plus que les remarques assez désobligeantes du député de Marguerite-Bourgeoys sur l'ancien article 172 et de la parole qu'avait donnée à cet égard le ministre de la Justice, m'incitent encore plus à croire que le ministre est plus important ailleurs qu'ici en ce moment, pour recevoir, encore une fois, ce genre d'intervention.

Je prends bonne note toutefois, M. le Président, de l'opinion émise par le député de L'Acadie, sur d'autres chapitres, j'en ferai part à mes collègues. Ils n'y ont aucune obligation, parce qu'ils ne sont pas membres de la commission — mais sur d'autres chapitres... J'espère que vous n'attendrez pas au dernier article de chaque chapitre avant de penser que ce serait peut-être le "fun" que le ministre soit là, comme c'est le cas ce matin...

Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'est pas ça que j'ai...

M. Charron: ...parce que vous n'avez plus d'arguments à faire valoir et plus d'interventions à faire, vous vous rabattez sur des motions dilatoires comme celle-là.

Je conclus, M. le Président, rapidement, sur ces allusions à la guillotine, que semblent désirer comme une caresse les membres de l'Opposition. Il n'en est pas question maintenant. Je peux assurer les membres de la commission...

M. Lalonde: Bon!

M. Charron: ... que tout le monde peut continuer à travailler la tête haute...

M. Laurin: Et bien en place.

M. Charron: ... et bien en place, et qu'on peut commencer immédiatement, dès que nous aurons disposé de cette motion et adopté l'article 13, un important chapitre... Cela fait deux semaines qu'on est ici. On a une vingtaine d'articles d'adoptés sur 219...

M. Dussault: C'est 28.

M. Charron: On mène ce marathon et ces interventions devant l'opinion publique québécoise qui, ici, nous observe. Je ne vois pas pourquoi le député pense que c'est le gouvernement qui plante ces allusions à la guillotine dans les journaux.

M. Lalonde: O surprise!

M. Charron: J'ai déjà prévenu les jeunes membres de cette assemblée qu'il ne faut pas se surprendre. Les rumeurs de guillotine viennent toujours à partir de l'attitude de l'Opposition. C'est la façon...

M. Lalonde: On n'est pas naïfs.

M. Charron: ... dont l'Opposition se conduit...

M. Lalonde: On n'est pas naïfs.

M. Charron: ... que les représentants...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: ... des media d'information font ces allusions. Les députés de l'Union Nationale ont maintes fois signalé que l'Opposition libérale agissait comme si elle attendait la guillotine, comme si elle réclamait la guillotine. Ce n'est même pas de ce côté-ci de la table que ces allusions sont venues. Je ne m'étonne pas qu'aujourd'hui — je n'ai pas encore vu les journaux du matin — qu'on parle de ce fait. Ecoutez! N'importe quel être avec un peu de tête sur les épaules s'aperçoit que, visiblement, de l'autre côté, surtout quand on réclame la présence d'un ministre à la fin d'un chapitre, on ne sait plus quoi dire. C'est pour ça, M. le Président, que j'ai hâte d'aborder un autre chapitre pour voir s'il y a un peu de renouveau dans les motions — j'espère qu'elles seront recevables, la plupart d'entre elles — qu'on s'efforcera de les rendre régulières et qu'on continue à travailler au projet de loi.

Pour ma part, je suis tout à fait disposé, et les membres du gouvernement et du parti ministériel le sont, et je pense qu'on peut disposer immédiatement de la motion du député de Mégantic-Compton.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que les membres de la commission sont disposés...

M. Paquette: Rejetée.

M. Charron: Rejetée.

M. Grenier: non, non, vote enregistré.

Vote sur la motion

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion est la suivante: Que les membres de cette commission suspendent l'étude de l'article 13 et entreprennent immédiatement l'étude du chapitre IV, la langue de l'administration, articles 14 à 27 inclusivement.

M. Fallu (Terrebonne)?

M. Fallu: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M Bertrand (Vanier)?

M. Bertrand: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Charbonneau (Verchères)?

M. Charbonneau: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Contre

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay (Taschereau)?

M. Guay: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.

Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Paquette (Rosemont)?

M. Paquette: Pour... contre.

M. Ciaccia: Ton coeur a parlé, M. le député de Rosemont.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Gratton (Gatineau)? M. Samson (Rouyn-Noranda)? Absents.

La motion de suspension du député de Mégantic-Compton est rejetée, 10 voix contre 5. La commission recommence maintenant à étudier l'amendement de Mme le député de L'Acadie. La parole était au député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je reviendrai un peu plus tard dans le débat.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je reviendrai plus tard dans le débat, s'il y a lieu.

Reprise du débat sur l'article 13

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Vous vous rappelez de la motion d'amendement de Mme le député de L'Acadie. Y a-t-il d'autres intervenants?

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: La motion d'amendement a pour effet de remettre un peu de sens dans cet article qui va à l'encontre des principes les plus élémentaires qui doivent nous guider en ce qui concerne le secteur que nous touchons actuellement, c'est-à-dire la rédaction des jugements.

C'est élémentaire que le texte original contient toutes les nuances, contient la véritable intention de son auteur, le juge. C'est aussi une question, je pense, qui n'est pas débattable, qui n'est pas contestée, qu'une traduction d'un texte quelconque est toujours imparfaite.

Je me souviens que le député de Deux-Montagnes m'avait bien rassuré lorsqu'il avait fait cette remarque qui, en français, a autant d'élé- gance, sinon plus qu'en italien, que traduire, c'est trahir. Cela m'avait rempli d'espoir parce que je l'accolais à une autre remarque ou a un engagement cette fois-là, du député de Deux-Montagnes. Je me suis aperçu de son influence assez grande, pour ne pas dire inattendue, auprès de ses collègues lorsqu'il s'est engagé à faire en sorte que l'article 172 soit retiré et que j'ai vu le projet de loi no 101.

Je me suis dit: On a oublié d'enlever cette erreur dans l'article 13. Lorsque nous arriverons à la commission parlementaire, si, par bonheur, le député de Deux-Montagnes est présent — et j'ai eu des sueurs froides la semaine dernière quand j'ai remarqué son absence, quoique, hier matin, je l'ai accueilli avec beaucoup de joie à cette commission, il est avec nous — je me suis dit: II va pouvoir prendre fait et cause pour le bon sens dans cette matière. Je ne l'ai pas encore entendu. J'ai hâte d'écouter son intervention. Je l'invite à le faire et à élaborer sur cette légende, sur ce mot qu'il a dit que je ne peux pas répéter en italien, étant donné que je ne connais pas cette langue, mais qui, en français — traduction libre — dit: Traduire, c'est trahir.

Comment le député de Deux-Montagnes pourrait-il voter contre notre motion d'amendement? Je vous le demande, étant donné que justement tout ce qu'on recherche, c'est d'éviter la trahison, d'éviter l'erreur inévitable dans une traduction d'un texte ordinaire. Imaginez-vous dans un texte aussi complexe qu'un jugement! Quand on parle de jugement, quand on parle de droit, on ne parle pas de sciences exactes, et vous le savez.

On parle de nuances, d'interprétation. Comment peut-on s'imaginer qu'un traducteur qui n'aura pas le génie de la science infuse, ne pourra quand même pas aller visiter la conscience du juge qui aura écrit le jugement, comment voulez-vous que ce traducteur rende sa pensée? C'est absolument impossible. Personne à la table ne pourra me convaincre du contraire.

Je regrette de passer cinq minutes à essayer de le démontrer, c'est aussi évident qu'une vérité de La Palice.

Mais malgré tout, le ministre a raison. Il a dit hier qu'il veut être logique et qu'il veut être cohérent. S'il a choisi d'imposer l'unilinguisme dans une société pluraliste, des choses doivent casser quelque part, peu importe que ce soit le secteur de la justice, peu importe que ce soit la justesse des jugements, peu importe que ce soit l'indépendance des juges. Parce que cela touche l'indépendance des juges.

Le député de Rosemont n'aime pas que je dise cela, mais c'est exact. Le juge qui va rendre un jugement en anglais, et cela arrive, cela va continuer d'arriver dans cette société pluraliste, va avoir la conscience que quelqu'un d'autre rend jugement à sa place. Ce n'est pas son jugement qui va être appliqué, cela va être un autre jugement. Comment expliquer cela à des gens qui, quand même, sont avertis comme vous, si vous ne comprenez pas que cela touche l'indépendance du juge, l'indépendance de la justice; à ce moment, vous ne comprenez rien. Mais ce n'est pas

important, M. le Président. Ce qui est important, c'est le choix qu'on a fait. On a décidé d'imposer l'unilinguisme dans une société pluraliste et il va falloir que cela casse quelque part. Cela a déjà commencé à casser.

Cela avait commencé à casser dans la Charte des droits et libertés de la personne, mais heureusement, on l'a rapatriée en quatre mois d'efforts. Là on a l'indépendance des juges à aller chercher.

M. Paquette: M. le Président, est-ce que je peux poser une question au député?

M. Lalonde: Si cela prenait quatre mois, M. le Président, cela ne me ferait rien.

Le Président (M. Cardinal): Oui, si M. le député de Marguerite-Bourgeoys accepte.

M. Paquette: Est-ce que je peux poser une question au député de Marguerite-Bourgeoys?

M. Lalonde: Sûrement.

M. Paquette: Cela fait deux fois qu'il nous parle de la Charte des droits et libertés de la personne. Evidemment, il se dit satisfait du retrait de l'article 172, nous aussi, et une des raisons pour lesquelles on l'a retiré, c'est qu'il n'y a pas de contradiction entre la Charte des droits et libertés de la personne et la Charte du français. Est-ce que le député de Marguerite-Bourgeoys, encore aujourd'hui, est capable de nous montrer un seul article du projet de loi no 101 qui est en contradiction avec la Charte des droits et libertés de la personne? Parce que je soutiens qu'il n'y a rien derrière vos affirmations disant que le projet de loi no 101 était discriminatoire ou portait atteinte aux droits fondamentaux, comme vous l'avez encore répété deux fois, aujourd'hui. Sans nous donner d'articles, où il y a contradiction entre les deux chartes.

M. Lalonde: M. le Président, si je répondais à cette question, vous me rappelleriez à l'ordre, parce que je devrais entrer dans l'interprétation de tout le projet de loi en ce qui concerne la Charte des droits et libertés de la personne. Mais c'est une question d'opinion. Le député de Rosemont est d'opinion qu'il n'y a pas de contradiction entre la Charte des droits et libertés de la personne et la Charte de la langue, tant mieux! C'est son opinion, tant mieux! Mais je vous dis, c'est simplement à l'expérience...

M. Paquette: Vous, vous soutenez qu'il y en a.

M. Lalonde: ...que nous allons le voir. Et sans annoncer de contradictions, je me pose des questions quand je vois un article comme l'article 13, pour un justiciable, à qui on impose un autre jugement que celui que le juge a rendu. Je me pose des questions là-dessus. Ce n'est pas mon rôle de vous donner une opinion légale en ce qui concerne la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Paquette: Vous n'en avez jamais donné dans ce débat non plus.

M. Lalonde: Mais ce n'est pas par hasard que la Commission des droits et des libertés de la personne, dans son mémoire à la page 37 dit, à la fin de la page: Nous croyons qu'il y a un risque de diminuer la qualité de la justice en rendant seule officielle la version française des jugements. Est-ce que ce n'est pas assez clair? Ce ne sont pas des inféodés de "l'establishment" anglophone, ce ne sont pas les 326 traîtres, ce n'est pas l'Opposition officielle traître, c'est l'interlocuteur privilégié, le conseiller privilégié du gouvernement en ce qui concerne les droits fondamentaux des citoyens qui sont sans ministre. Ce n'est pas l'Opposition qui a écrit cela.

Si le gouvernement n'écoute pas ces gens, il se retrouvera avec des difficultés, à un moment donné, des difficultés d'interprétation de la Charte des droits et libertés de la personne, des difficultés d'application de cette loi à l'égard de la Charte des droits et libertés de la personne. Je ne le souhaite pas, mais je suis quand même extrêmement satisfait qu'au moins, on ait conservé ce document fondamental pour nos droits; on verra à l'application.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Vous-même, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, m'avez incité à vous rappeler à l'ordre si vous parliez...

M. Lalonde: Je vous remercie, M. le Président.

Pour en revenir à notre choix, M. le Président, on a choisi d'implanter l'unilinguisme dans une société pluraliste. On a fait ce choix au départ, quelque tolérance...

M. Charbonneau: Vous avez voté pour...

M. Lalonde:... j'entends un bruit au bout de la table qui me dit que j'ai voté pour. Oui, j'ai voté pour le français langue officielle, cela fait deux fois que je vote pour cela, mais je n'ai jamais voté pour une loi inique, je n'ai jamais voté pour la disparition de personne, ni pour la disparition des droits fondamentaux, individuels...

M. Charbonneau: Vous avez voté pour des tests.

M. Lalonde: ... et collectifs. C'est pour cette raison que nous devons nous battre article par article maintenant.

M. Charbonneau: Vous avez voté pour des tests qui étaient odieux...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs les députés de Verchères et de Marguerite-Bourgeoys, cessez vos luttes fratricides et adressez-vous à la présidence quand c'est votre tour de le faire.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, on ne choisit pas ses frères...

M. Charbonneau: Ni ses amis.

M. Lalonde: M. le Président, on a choisi d'imposer l'unilinguisme dans une société pluraliste et ce qui est odieux dans ce paragraphe, dans cet article 13, c'est que c'est le secteur où les droits fondamentaux sont les plus sacrés, sûrement, c'est-à-dire celui au niveau de la justice qui en souffre. On aurait au moins pu faire des exceptions. Qui va me démontrer que le fait que des jugements rendus en anglais et qui soient officiels, qui va me démontrer que ce fait est une source d'assimilation pour les francophones au Québec? C'est impossible.

Le bâtonnier, Me Viateur Bergeron, nous l'a expliqué d'une façon très simple, pas prétentieuse du tout; c'était même, à mon sens, extrêmement positif et agréable de l'entendre dire: II n'y a pas de problème, ce n'est pas un secteur où il y a de l'assimilation des francophones à la minorité anglophone; au contraire. Il faut avoir vu, surtout depuis une quinzaine d'années, les changements qui sont conformes à tous les autres changements dans tous les autres secteurs des activités ici au Québec et s'il avait pu y avoir des dangers ou des accrocs — et des exemples existent encore où il y a des exceptions qu'il faut corriger — s'il avait pu y avoir ce genre de danger il y a dix ans, vingt ans ou trente ans, en ce moment, il n'y a plus de problème; pourquoi arriver avec nos gros sabots dans un secteur aussi important, aussi stratégique que celui de la justice?

M. le Président, quand on a décidé de chausser ses gros sabots, il faut piétiner partout. Si on ne réussit pas à convaincre le gouvernement du bien-fondé de cet amendement, M. le Président, je pense que c'est sans espoir. Le gouvernement devra faire face au jugement que la population, elle, va lui rendre, d'une façon tout à fait éloquente, éventuellement, parce que je ne connais pas — à part quelques exceptions qui se trouvent surtout de l'autre côté de la table — de Québécois francophone qui a du sens qui va insister pour obtenir ce genre d'article 13. Je pense que le gouvernement sera surpris de la réaction de la grande majorité des francophones à l'égard d'une attitude aussi petite et aussi fanatique que celle que l'on voit ici à l'article 13.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais par votre intermédiaire m'adresser à ma soeur et à mes frères de cette commission.

Nous venons d'entendre, nous venons de recevoir du député de Marguerite-Bourgeoys un joli bouquet dans lequel il y avait beaucoup d'orties et de ronces, dans lequel il y avait aussi une rose qui m'était adressée, rose évidemment pleine d'épines. Je sais qu'en acceptant cette rose, je contribue au "filibuster" de l'Opposition, mais je le fais malgré tout parce que les questions soulevées par cette motion d'amendement sont fondamentales en ce qui a trait à la loi.

Hier déjà, Mme le député de L'Acadie m'avait en quelque sorte remercié d'avoir apporté un argument à l'Opposition officielle lorsque j'avais cité cet adage italien, traduttore traditore, c'est le thème que le député de Marguerite-Bourgeoys a repris ce matin.

Je dois vous dire, M. le Président, que je suis heureux d'avoir pu donner un argument à l'Opposition officielle. C'est un geste qui m'est venu naturellement pour combler un certain dénuement. Je sais que personne ne me fera grief de cette attitude charitable, mais, à propos de cet adage, je voudrais dire que tout adage n'a qu'une valeur extrêmement relative. Il arrive même que, très souvent, pour un adage donné, on peut en citer un autre qui dise exactement le contraire, comme par exemple à l'adage "Tel père, tel fils", on peut aussitôt opposer l'adage "A père avare, fils prodigue", et il y a beaucoup d'autres exemples de cela. "Nul n'est prophète en son pays" et pourtant "A beau mentir qui vient de loin". Ce sont deux adages qui ne sont pas exactement contraires, mais qui donnent une impression fort différente de la réalité dont ils prétendent traiter.

La traduction, bien sûr, c'est une chose difficile. Mais l'expression elle-même est difficile et souvent, c'est dans le langage courant, on dit: "Mes paroles ont trahi ma pensée". Déjà, quand on parle, l'expression trahit. Il n'y a pas que la traduction qui trahisse. Il y a l'expression qui trahit. La rédaction elle-même peut trahir, non seulement par défaut d'expression, mais parfois par défaut de pensée, Comme disait Boileau, "Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément", mais il faut d'abord bien le concevoir. Et si on ne le conçoit pas bien, les mots pour le dire ne viennent pas aisément. C'est pour cela qu'il est difficile, non seulement de traduire, il est avant tout difficile de parler clairement et d'écrire clairement.

La difficulté de traduire n'est pas plus grande que la difficulté de dire ou que la difficulté d'écrire. Et quiconque a de l'expérience de la traduction constate qu'assez souvent un traducteur qui fait un travail soigné réussit à rédiger un texte qui est plus fidèle à la pensée de l'auteur que le texte original. C'est un phénomène fort connu en traduction.

Ceci dit sans nier que cet adage italien a une certaine valeur relative, mais il faut quand on prend des décisions fondamentales faire des choix. Et comme l'a dit lui-même le député de Marguerite-Bourgeoys, nous avons fait un choix pour l'unilinguisme, et si nous avions voulu instaurer un Québec officiellement et institutionnellement bilingue, nous n'aurions pas devant nous un article comme l'article 13. Nous aurions un article qui ressemblerait plutôt à la motion d'amendement du député de L'Acadie. Mais nous n'avons pas choisi le bilinguisme, nous avons fait un choix, nous avons choisi l'unilinguisme, ce qui entraîne certaines obligations de la part, en l'occurrence, des tribunaux, des juges, de s'adapter à la nécessité de la traduction. Ce ne sera pas plus im-

possible là que cela ne le sera dans d'autres secteurs, et le ministre d'Etat au développement culturel a annoncé hier soir qu'un certain laps de temps serait donné à tous les intéressés pour faire ce travail de préparation, ce travail d'ajustement, pour être prêt à correspondre à cette obligation de se conformer au fait fondamental qu'au Québec, essentiellement, les choses se passeront en français.

Ce ne sera pas plus difficile dans ce domaine que dans d'autres domaines. Un juge est parfaitement capable de s'assurer que la traduction de son jugement, si besoin en est, soit faite fidèlement. Ce n'est pas plus difficile à un juge de le faire que cela ne l'est dans d'autres domaines. Je ne vois pas du tout comment le député de Marguerite-Bourgeoys peut arriver à faire des contorsions mentales telles qu'il introduit dans ce débat des notions complètement étrangères au sujet, comme celle de l'indépendance des juges. L'indépendance des juges, M. le Président, n'est absolument pas en cause. C'est bien le moins qu'on puisse attendre dans une société francophone qu'un juge qui, lui, n'est pas francophone acquière une connaissance suffisante du français ou obtienne les conseils voulus pour s'assurer que, s'il a quelque inquiétude à cet égard, la traduction de son jugement soit fidèle.

L'article 13, tel que rédigé dans le projet de loi, M. le Président, est d'une parfaite cohérence par rapport aux autres articles de ce projet de loi. Il entraîne certaines obligations auxquelles les citoyens du Québec devront se conformer. Tout cela est la conséquence du fait que nous avons voulu que la majorité francophone du Québec ne se trouve pas, comme cela est arrivé si souvent jusqu'à maintenant, dans des situations comme celles que le ministre délégué au Haut-Commissariat a décrites hier. Il faudra qu'essentiellement les choses se passent en français. S'il y a encore des gens dans l'Opposition qui pensent que nous allons faire en même temps une société française et une société officiellement bilingue, il est grand temps que chaque porte-parole du gouvernement — c'est pour cela que j'ai pris la parole — intervienne vigoureusement pour dire que nous n'allons pas chercher à faire les deux à la fois, c'est impossible de faire les deux à la fois.

Le Québec sera avant tout une société française, dans laquelle certaines autres langues, principalement les langues indigènes et la langue anglaise, auront un statut particulier, bien sûr, mais ce sera, néanmoins, une société française et non pas une société bilingue. Ce choix est fondamental. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, c'est assez étrange, on dirait qu'entre les deux côtés de la table il y a un mur imperméable, on ne semble pas parler des mêmes choses. Il est évident que l'amendement qui nous a été distribué, qui parle de l'article 13 avec un ajustement qu'on fera en 1980, touche à une partie de l'article, et nous avons confiance que celle-là sera réglée avec cet amendement que nous propose le ministre ce matin. Mais cela ne règle pas la seconde partie. C'est de celle-là qu'on veut entendre parler davantage.

Ce que le ministre a distribué tout à l'heure et qui entre en vigueur le 3 janvier 1980... On va ajuster le personnel, on va fournir les versions, et on sera à temps. On n'accumulera plus les retards qu'on connaît dans le moment dans le domaine de la justice. A cela on fait confiance, c'est de l'administration pure et simple.

Quant à l'argumentation que nous donnait hier le ministre délégué au Haut-Commissariat, le cas un peu pathétique qu'il a mis devant nous, le cas de sa mère, bien sûr qu'il n'y a personne qui veut contester une situation de ce genre et tout le monde veut non seulement ne pas la contester, mais faire que cela ne se répète plus. On ne veut pas non plus, en rédigeant un article comme celui-là et en votant un article comme celui-là, jouer maintenant à l'inverse, que d'autres aient à souffrir de ces mêmes situations. On semble dire que c'est une question de formalité, que cela va se classer et tout cela. Le ministre hier a cité un cas où la loi n'a pas rendu justice à une personne en particulier. Moi-même, je traîne dans mes dossiers une lettre dans le moment que je veux voir mettre en anglais et dans un parfait anglais. Je l'ai dans mes dossiers depuis le 1er juillet et je n'en suis pas satisfait. Je ne peux pas me fier à moi, même je ne suis pas juge et je ne suis pas assez compétent dans cette langue pour me permettre d'expédier une lettre à quelques exemplaires et permettre que ce qu'elle contient ne rende pas justice à ce que j'entends.

Je l'ai pourtant passée à deux ou trois personnes, et avec le faible jugement que je puis avoir dans cette langue, je n'en suis pas satisfait, et je devrai en voir d'autres. A partir de là, il ne faudrait pas uniquement renverser la vapeur et dire que maintenant... C'est bien sûr que cela corrige le problème. Ce ne sera plus la majorité qui va subir les difficultés, mais ce sera la minorité, qui est quand même importante, qui peut subir les difficultés. Or, l'amendement proposé ce matin par le Parti libéral, c'est bien sûr qu'il rejoint la position qu'on défend depuis assez longtemps, mais les ministériels ne semblent pas comprendre que ce changement devient vraiment important. Cette position n'est pas nouvelle chez nous, elle a été rendue publique lorsqu'on a lancé notre livre bleu, il y a une couple de mois maintenant. Elle n'en continue pas moins d'être vraie, puisque la lettre du Barreau nous donne encore plus raison qu'on avait raison lors du lancement de ce livre bleu.

Il semble que le parti ministériel ne veuille pas comprendre qu'au-dessus des droits linguistiques il y a les droits des parties qui sont hypothéqués par la politique linguistique excessive de l'actuel gouvernement. Alors, on dit oui à la prééminence du français, mais pas au prix des droits aussi sacrés et universels que les droits des parties, que l'esprit juridique le moindrement averti nous incite à respecter sans aucune réserve. Tout cela peut peut-être être compris, bien sûr, par l'ensemble des gens, mais il doit l'être davantage par des gens du

milieu de la loi et des jugements, ou, encore, le ministre de la Justice et les gens de son ministère. On aurait bien aimé, en fait, on l'a mentionné, pouvoir lui en parler. Je voudrais bien qu'on comprenne ici qu'on ne multiplie pas les interventions ou les amendements. On ne fait que respecter la directive que nous nous sommes donnée dans ce livre que nous avons présenté et on respecte les projets qu'on s'était donnés. Ils sont connus. Je pense bien qu'à ce moment, il n'y a rien de dilatoire là-dedans. C'est que, en présence de cette thèse qu'a adoptée l'Union Nationale et qui a été défendue par le Barreau du Québec, qui est maintenant le nôtre, relativement au cas de divergences toujours possibles entre les textes français et anglais, nous aimerions avoir plus de compréhension de la part du gouvernement. Si, de ce côté de la table, on l'a compris, je ne verrais pas pourquoi on ne le comprendrait pas de l'autre côté.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Dans notre système judiciaire, il y a certains principes. Un de ces principes, c'est la représentativité de la magistrature. Nous savons fort bien que les différents groupes ethniques, les différentes collectivités de notre société sont représentées à la magistrature. Il y a une raison à cela. Quand on parle de langue de communication, quand on parle des lois, quand on parle de jugements, la nécessité d'une certaine compréhension de la façon de penser, des moeurs, des coutumes de tous les groupes de notre société est importante. C'est cela qui fait de notre système judiciaire un des plus respectés du monde entier. Je vous soumets très respectueusement que l'article 13 va totalement à l'encontre de ces valeurs humaines, de ces valeurs juridiques, et qu'il n'y a rien à faire avec le fait qu'on veut la primauté du français ou l'unilinguisme français.

On peut arriver à nos objectifs pour la majorité des francophones sans détruire ces valeurs très humaines, sans détruire les principes juridiques sur lesquels notre système est fondé. Nous avons un développement de notre jurisprudence. C'est pour cela, la motion qui a été faite par le député de Mégantic-Compton, de suspendre et d'avoir le ministre de la Justice. Il y a certains concepts, et sans être irrespectueux envers mes collègues d'en face, cela prend quelqu'un de cette profession, cela prend quelqu'un qui a une formation légale pour le comprendre.

Je pense que le ministre d'Etat comprendrait que je ne suis pas qualifié pour discuter avec lui des principes de psychiatrie, des effets et des réformes à la profession de psychiatre. Ce n'est pas moi qui serais compétent pour approuver des articles affectant toute sa profession. Je crois que ce serait de notre devoir, de ce côté-ci de la table, de venir avec des gens qui ont une formation professionnelle pour comprendre les effets, les conséquences de ce que nous proposerions. Nous faisons face à la même situation ici. C'est pour cela qu'on ne parle pas le même langage. On se fait dire des choses qui, vraiment, du point de vue juridique, sont des non-sens. Cela va avoir des effets considérables sur toute la population. Un mauvais jugement, M. le Président, que ce soit pour un francophone ou un anglophone, c'est un mauvais jugement. Une mauvaise loi, que ce soit pour n'importe quel groupe ethnique, c'est une mauvaise loi. Ici, on traite de la justice, on traite de notre système judiciaire. M. le Président, je vous soumets... Cela n'a rien à voir avec le fait de faire de la langue française une primauté ou de protéger la collectivité francophone. C'est ça que nous voulons porter à l'attention du gouvernement.

On s'écarte des principes fondamentaux. On fait des affirmations gratuites: "Un juge est capable de s'assurer que son jugement sera traduit."

Je voudrais vous donner un exemple très concret, M. le Président. Les droits individuels même les droits collectifs, sont contenus dans plusieurs jugements de nos tribunaux. Il y en a un très particulier qui a été rendu en 1973 par le juge Malouf concernant une injonction contre la Société d'énergie et l'Hydro-Québec, à la baie James. C'est un jugement de quelques centaines de pages, très détaillé. Le juge Malouf l'a traduit lui-même, il l'a fait traduire, parce que, M. le Président, entre parenthèses, on veut essayer ici de dire: "On veut éviter les abus tels que le député de Saint-Jacques a mentionnés", mais on oublie que, déjà, ces abus n'existent pas, que, déjà, nos juges sont assez au courant de la situation et des abus possibles que... Ce cas-ci était en 1973. Il n'y avait pas d'obligation de sa part. Il a fait la traduction lui-même... M. le Président, il y avait des différences entre le jugement français et le jugement anglais.

Le juge Malouf avait rendu le jugement original en anglais. Il y a des nuances, des pensées, des notions juridiques. Quand un juge rend son jugement et entend les témoins, il pense d'une certaine façon, il transmet ça, il communique ça dans sa langue. Comment pouvons-nous dire: On va le traduire. Non seulement on va le traduire, mais ce sera la traduction qui sera officielle? C'est un non-sens. Cela ne peut pas arriver sans que la qualité de la justice de cette province en souffre considérablement. Ce n'est pas ça, je pense, que veut le député de Deux-Montagnes. Ce n'est pas ça que veut le député de Rosemont. Mais c'est ça qui va arriver. Pensez-y! Vous parlez de cohérence.

M. Paquette: ...peu plus loin.

M. Ciaccia: Ecoutez! Vous parlez de la traduction? Je vais vous donner un autre exemple.

M. Paquette: Oui, parce que c'est le deuxième jet.

M. Ciaccia: Voyez-vous, M. le Président, ça ne sert à rien parfois. On émet des concepts, c'est parce qu'on n'a pas les gens avec la formation juridique, de l'autre côté de la table, qui peuvent comprendre...

Je vais vous donner un autre exemple. L'entente qui a été basée sur ce même jugement a été négociée avec les autochtones en anglais, parce que les autochtones ne parlaient pas français. Naturellement, il a fallu la traduire. J'ai assisté, trois jours et trois nuits, sans arrêt, avec quelques heures d'arrêt, à une table aussi large que celle-ci, à la traduction, et chaque mot devenait une négociation. Alors, ne me dites pas que vous allez traduire les jugements si facilement et que la traduction deviendra authentique.

La seule manière qu'on a employée pour faire accepter, des deux côtés, la version française, c'est parce qu'il y avait des gens compétents dans les deux langues; mais savez-vous combien de temps cela a pris? Et vous pensez que vous allez faire cela pour chaque jugement? Voyons! Soyez réalistes. Soyez pratiques. Soyez justes. Vous ne savez pas ce que vous dites quand vous proposez un article comme l'article 13. Vous n'avez pas l'expérience. Vous n'avez pas vécu le problème des jugements traduits, des ententes traduites. Cet article n'est absolument pas nécessaire. Ce n'est pas productif. Il y a plus de difficultés avec l'article 13 que si vous ne l'aviez pas. C'est pour cela que nous avons présenté un amendement.

On dit qu'on veut que le Québec soit une société française, mais le Québec est une société française. Le fait qu'il y ait un million de personnes qui, maintenant, de plus en plus—selon les statistiques, 51% sont bilingues — sont obligées de vivre en français, ce n'est plus une question... Ce sont encore des mythes, on essaie de corriger des situations qui existaient il y a dix ans.

Le projet de loi n'est pas pour corriger une situation qui existait il y a dix ans. Le projet de loi devrait s'attaquer aux problèmes d'aujourd'hui et, aujourd'hui, ce problème qui, selon vous, existe, n'existe pas.

Allez dans les tribunaux à Montréal. Je ne parle pas des tribunaux dans les autres endroits. A Montréal où, supposément, nous avons le problème anglais-français, toutes les procédures se font en français. Il n'y a aucun juge qui ne parle pas français dans ces tribunaux, mais, pour rendre son jugement, pour que ce juge soit juste envers ceux qui comparaissent devant lui, il rend son jugement dans la langue dans laquelle il peut s'exprimer le mieux pour rendre justice à ceux qui viennent devant lui.

Et je ne pense pas que vous puissiez trouver quelqu'un, où que ce soit, qui se plaigne de ne pas avoir compris le jugement parce qu'il était dans une autre langue. Une loi, c'est fait pour corriger certains problèmes, mais ce problème n'existe pas. Il créera des problèmes, et c'est cela qu'on essaie de vous dire. On parle de la cohérence. Je me souviens d'un des premiers mémoires qui ont été soumis à la commission parlementaire; il était basé sur la cohérence. C'est un principe et, si on le suit, à la fin, il ne mène qu'à la dictature.

Il est vrai que, si on commence avec un principe, une langue, la cohérence, tout le reste doit disparaître, et le mémoire — je ne me souviens pas de qui, mais cela m'avait frappé — concluait que l'Université McGill devait disparaître, l'école anglaise devait disparaître. C'est la cohérence.

C'est vrai que, dans la démocratie, il y a beaucoup d'incohérence, beaucoup, et c'est cette incohérence qui a permis l'élection du parti ministériel parce que, dans le fédéralisme actuel, c'est un parti qui dit: "On veut se séparer". C'est incohérent, mais Dieu merci que nous ayons cette incohérence! Je vais la défendre à mort. On va défendre nos idées et celui qui peut convaincre le public, c'est la démocratie.

Alors, ne venez pas me dire qu'au nom de la cohérence, il vous faut l'article 13 parce qu'au nom de la cohérence, c'est ainsi que les dictatures sont implantées, et je crois bien que ce n'est pas votre intention, mais ce sont les principes que vous énoncez.

J'espère que le parti ministériel peut réviser ses raisons pour l'article 13 et en évaluer les conséquences. Le ministre d'Etat au développement culturel a dit: A la Régie des loyers, on rend déjà des jugements en français. Un jugement de la Régie des loyers comprend deux lignes. Le loyer sera augmenté ou le loyer ne sera pas augmenté. Cela ne prend pas une grande traduction. Ce n'est pas une affaire technique. Vous n'avez même pas besoin d'un avocat pour rendre un jugement à la Régie des loyers. The rent shall be $100. Le loyer sera de $100 ou le loyer sera de $85. Cela peut certainement se traduire et il n'y a aucun problème. Ces jugements peuvent être rendus en français sans que cela porte atteinte à des principes juridiques, mais allez dans un procès complexe, dans n'importe quel domaine, que cela soit dans la construction, que cela soit dans le domaine immobilier, que cela soit dans des questions de finance, de droits civils, de droits de la personne, et vous allez voir que la pensée, l'évolution et les principes juridiques, c'est à tel point que, même dans un jugement, ce n'est pas tout le jugement qui est pertinent.

Il y a l'obiter dictum. Pourquoi cela? Parce qu'il y a certaines nuances qui ne se rattachent pas au principe sur lequel il a été porté devant la cour. Ce n'est pas pertinent, parce que c'est obiter dictum. Il y a ces différences dans le jugement même, dans la même langue. Comment va-t-on traduire cela et rendre la traduction du vrai jugement? C'est aberrant. Franchement, c'est un domaine où vous allez trop loin. Ce n'est pas absolument nécessaire. C'est injuste et cela va détruire notre système judiciaire.

On dit toujours: On va protéger nos minorités, on ne veut pas éliminer une minorité. On a fait une violente critique, parce que j'avais osé suggérer que, par certains articles du projet de loi, vous allez les réduire, les amoindrir à tel point que certaines institutions ne seront pas viables. La preuve est parfaite, à l'article 13, on n'en veut pas de ces minorités. C'est cela que vous dites dans l'article 13. On va leur donner deux ans, pour se tasser puis se placer... Vous dites dans l'article 13: Cela ne sert à rien, notre système de représentativité de la magistrature, cela ne s'appliquera plus, parce que cela va être impossible pour une personne qui se

respecte elle-même, qui n'est pas française, et qui va écrire un jugement dans une autre langue, de se conformer à l'article 13". Si ce juge veut être un juge objectif, sans être politique, et veut rendre justice à ceux qui sont devant lui, il n'acceptera pas l'article 13. Parlez-en aux juges des tribunaux, ils vont vous dire la même chose. C'est pour cela que le Barreau veut la qualité de la justice, et vous ne pouvez pas dire que la représentation du Barreau était contre les francophones. Il a accepté plusieurs articles du projet de loi qui étaient pour la protection, la promotion de la langue française et de la culture française. Mais il s'est arrêté à cet article. Vous ne pouvez pas mettre en doute les motifs qu'il a invoqués, c'est indécent pour quelqu'un qui est d'une autre langue de se soumettre à cet article, parce que vous lui dites: "Ce ne sera pas ton jugement qui va être officiel. Les conséquences ne seront pas ce que tu dis, ce sera la manière de le traduire, qui ne peut jamais être exacte dans les nuances".

Ce n'est pas comme un poème, M. le député de Deux-Montagnes, mais même un poème perd sa qualité dans la traduction; il n'y a pas de conséquences juridiques, ce n'est pas aussi bon tout simplement.

M. de Bellefeuille: Cela dépend.

M. Ciaccia: La Divina Commedia, la Comédie Divine, en italien et en français, ce n'est pas la même chose. Vous devez l'avouer, c'est bien, cela nous instruit, cela nous plaît, mais ce n'est jamais l'original. Cela n'a pas de conséquence juridique, c'est une question de "enjoyment", on peut l'aimer mieux d'une façon ou d'une autre, mais on parle d'un jugement qui va créer des précédents. Notre système est basé sur une question de précédents, même la présidence, quand elle rend une décision, regarde aux précédents. Comment voulez-vous que le système de précédents s'applique avec l'article 13?

M. le Président, pour toutes ces raisons, sincèrement, ce n'est pas de la partisanerie, j'espère que quelques-uns parmi vous pourront comprendre; je ne parle pas comme député libéral, je ne parle pas comme député de l'Opposition officielle, je vous parle en connaissance des principes juridiques, de notre système judiciaire, j'ai vécu ces expériences, j'ai vu ce que cela pouvait faire et j'espère que le gouvernement prendra mes recommandations dans cet esprit, dans l'esprit dans lequel elles sont faites. Merci.

Le Président (M. Bertrand): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne voudrais pas minimiser la contribution du député des Deux-Montagnes à l'argumentation de l'Opposition. Je pense que nous avons utilisé son adage, comme il dit, parce que, dans les circonstances, il est peut-être approprié et il demeure quand même vrai.

D'ailleurs vous avez développé une argumentation vous-même, tout à l'heure, dans ce sens. Je pense que l'objectif de cet amendement était bien davantage en réponse aux représentations qui ont été faites par les hommes de loi, par les membres du Barreau qui, je pense, sont probablement les mieux qualifiés — je ne voudrais pas encore une fois minimiser vos talents — que vous et moi pour juger de l'importance de cette question. Non seulement sont-ils venus à la commission parlementaire faire des représentations, et je pense que tout le monde reconnaîtra qu'ils l'ont fait avec beaucoup d'objectivité et vraiment uniquement dans le but de faire valoir ce qu'ils considéraient être les intérêts des gens qui, pour une raison ou pour une autre, sont traduits devant la justice ou ont affaire avec la justice. Ce que je trouve le plus étonnant, c'est qu'ils soient revenus à la charge il y a deux ou trois jours, probablement sachant que nous étions à la veille d'aborder ce chapitre, et qu'il ne se trouvait pas dans le projet de loi 101 de modification importante par rapport à ce qui se trouvait dans le projet de loi 1, même s'ils avaient fait des représentations qu'ils jugeaient importantes.

Je pense que c'est davantage sur eux qu'on se repose — en tout cas pour ma part — pour faire l'amendement que j'ai proposé. Je pense qu'on peut difficilement soupçonner ces personnes qui reviennent à la charge, qui tous les jours ont affaire avec la justice, qui travaillent dans la justice, d'avoir des motivations que je ne qualifierai pas, mais des motivations qui pourraient être identifiées à celles que certains imputent à ceux qu'appellent des mauvais Québécois, ou des Québécois inféodés ou colonisés. En tous les cas je suis prête à leur donner le bénéfice du doute qu'ils sont venus avec l'intention que la justice s'exerce à l'égard de tous dans les meilleures conditions possible.

Je voudrais simplement signaler au député de Rosemont qui disait: Nous avons retiré l'article 72 parce que justement la Charte des droits et libertés de la personne ne venait pas en conflit avec la Charte de la langue française. J'aimerais quand même lui poser une question, je ne tire pas de conclusion. Suite à une intervention du ministre de la Fonction publique hier, je me demande si — c'est sous forme de question que je lui pose — il ne pourrait pas y avoir là — c'est une question que je me pose autant à moi qu'à lui — une possibilité de conflit entre la Charte des droits et libertés de la personne et la Charte de la langue française? Dans le débat sur la recevabilité de la motion que je présentais, l'honorable ministre dit: "M. le Président, non seulement, comme je l'ai dit tout à l'heure, l'amendement va contre le principe même de la loi, et en vertu de l'article 58, comme vous le savez, une commission ne peut modifier le principe d'une proposition qui a déjà été acceptée par l'Assemblée, mais plus absurde que cela, M. le Président, il se pourrait fort bien, ce sera la conséquence même de l'amendement s'il était accepté, qu'en cas de divergence, le texte original prévale. On se trouverait donc, M. le Président, avec une loi qui déclare le français langue officielle, mais où l'acte le plus officiel peut-être des tribunaux, c'est-à-dire les jugements, pourraient être proclamés en langue anglaise, et seul

ce texte, à ce moment, serait officiel puisqu'il prévaudrait quand il serait le texte original du jugement". Ceci peut fort bien arriver, mais à ce moment est-ce que ce ne serait pas là possiblement une situation de conflit entre les deux chartes? Que d'une part, le jugement qui prévaudrait serait quand même le jugement le plus équitable pour le justiciable, celui qui vraiment lui donne, dans la mesure du possible, la meilleure qualité de justice? Mais par contre, en vertu du principe qui sous-tend la Charte de la langue française, je suis d'accord avec l'argumentation qu'il fait, il pourrait y avoir conflit avec le principe, qui sous-tend la Charte de la langue française. Dans les faits ne serait-ce pas là un cas — je ne vous demande même pas la réponse, mais je vous le signale parce qu'on se posait de part et d'autre la question — mais ne se trouverait-on pas là devant un cas où les deux chartes viendraient en conflit?

M. Paquette: Me posez-vous la question, oui ou non? J'aimerais y répondre.

Mme Lavoie-Roux: Répondez-y. Si vous pouvez m'éclairer, je suis bien consentante.

M. Paquette: Je pense qu'encore là l'article n'est absolument pas contradictoire avec la Charte des droits de l'homme. J'ai d'ailleurs relu attentivement, à l'instar du député de Marguerite-Bourgeoys, le rapport de la Commission des droits de la personne. Il ne faut pas penser, parce qu'on fait une citation de ce rapport, que nécessairement l'article 13 est en contradiction. La commission dit, à la page 37 de son rapport, que cet article pourrait éventuellement faire en sorte que les jugements soient de moindre qualité. C'est ce qu'elle nous dit. Cela ne veut pas dire que l'article 13 est en contradiction avec la Charte des droits et libertés de la personne. Cela veut dire que si on ne faisait pas attention, si on procédait trop brusquement et on demandait à des juges anglophones qui ne sont pas actuellement équipés pour authentifier la traduction de leur jugement, si on leur demandait cela tout de suite, peut-être y aurait-il diminution de la qualité des jugements. Ce qui ne vient absolument pas à l'encontre — même là cela ne viendrait pas à rencontre des droits et libertés de la personne — parce que vous avez la même situation qui peut se présenter dans n'importe quel pays unilingue...

A un certain moment, un juge est nommé et il se trouve que sa langue maternelle n'est pas la langue officielle du pays — je suis certain que cela se produit dans certains pays — et les jugements sont rendus quand même. Il est possible que dans certains cas les jugements soient de moindre qualité. Par contre, dans d'autres cas, il est possible qu'une fois traduit, parce que c'est le deuxième jet, parce qu'il y a eu une collaboration intense entre le traducteur et le juge, que la version dans la langue officielle rende mieux la pensée du juge que le jugement original. C'est possible, cela aussi.

Alors, il n'y a rien qui nous permette de dire que les droits des citoyens, les droits fondamen- taux des citoyens à être jugés vont être brimés par l'article 13. Je pense que dans le rapport de la Commission des droits de la personne, il y a des réserves, il y a une partie des recommandations de la commission qui consiste en des recommandations pour — dans son esprit — améliorer la loi. Je n'en ai pas trouvé qui parlaient d'une contradiction entre les deux chartes. Par exemple, quand la commission, dans une autre recommandation...

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: ... dit que les Canadiens devraient être admis à l'école anglaise...

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Rosemont.

M. Paquette:... ce n'est pas sur la base d'une contradiction entre les deux chartes, et dans ce cas-là non plus.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Rosemont, je voudrais simplement que vous preniez conscience que le député de L'Acadie vous pose cette question sur son temps. Je pense qu'elle préférerait que vous abrégiez.

M. Paquette: D'accord. Je m'excuse. On pourrait en parler longtemps.

Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela que je vous ai laissé aller. Je ne vous posais pas vraiment une question, mais vous désiriez y répondre.

M. Paquette: Mais vous allez nous dire en quoi c'est contradictoire.

Mme Lavoie-Roux: II reste que vous admettez vous-même que la qualité du jugement pourrait être moins bonne.

M. Paquette: Et que dans certains cas elle pourrait être meilleure.

Mme Lavoie-Roux: Possiblement aussi. Il reste que, dans la mesure où on peut éviter que la qualité de la justice soit moins bonne, je pense qu'on doit l'éviter. Je vous posais la question pour qu'on y réfléchisse.

Le ministre d'Etat au développement culturel a reconnu hier qu'il y avait des difficultés. Que le gouvernement a d'ailleurs examinées très longuement avec qui de droit pour se faire éclairer. Mais elles ne lui ont pas semblé, ou n'ont pas semblé au gouvernement, suffisantes, ou assez sérieuses, pour nous faire renoncer au principe très important qui préside à toute cette loi et au chapitre de l'administration et de la justice.

Je me demande ce qu'il ne considère pas des raisons assez sérieuses ou suffisantes pour modifier l'article 13. Sans doute, nous dit-il, en contrepartie, qu'il y a eu des abus dans le passé, qu'à la Régie des loyers, par exemple, on a rendu jugement dans la langue de celui qui était débouté et

non pas dans la langue de l'autre. Ce sont des difficultés réelles. Je ne crois pas que le fait qu'il existe des difficultés dans un domaine nous permette de prendre des risques d'en créer d'autres dans des domaines similaires.

Ce qu'il faut, c'est vraiment prendre tous les moyens a notre portée pour corriger les uns et les autres et surtout n'en pas créer davantage. Je m'explique un peu difficilement cette position du gouvernement. Il y a d'autres objections qu'on pourrait faire valoir. Par exemple, est-ce que le fait de traduire va retarder l'administration de la justice?

On nous dit que c'est très complexe, mais, là-dessus, le ministre nous donne de nouveau l'assurance que le gouvernement peut prendre soin de tout cela et qu'il va résoudre cela dans le délai qu'il s'accorde de deux ans ou de deux ans et demi.

M. Paquette: Franchement, il y a nécessairement traduction.

Mme Lavoie-Roux: II y a traduction, je suis d'accord avec vous, mais, quand il y a conflit et quand il y a divergence, c'est le jugement original qui prévaut. C'est le point principal.

Pour revenir à ces difficultés de traduction, je pense que tout le monde sait, et certainement le député de Rosemont en particulier, que, dans la recherche, une des règles, c'est que, quand on possède la langue du texte original, on se réfère toujours au texte original pour confronter ou rendre plus claire notre pensée et être sûr des déductions qu'on pourrait faire. Je pense que c'est quand même une règle qui présuppose que la traduction demeure un art extrêmement difficile, et particulièrement dans un domaine aussi complexe que celui de la justice.

Je pense que, pour la moyenne des citoyens, on préfère toujours lire dans le texte original un livre que l'on veut lire si, par hasard, on possède cette langue du texte original.

J'aurais pensé que j'aurais peut-être eu un peu l'indulgence — ce ne sera pas long — de la commission pour quelques minutes...

Le Président (M. Bertrand): Allez-y, je vous ai déjà ajouté deux minutes supplémentaires.

Mme Lavoie-Roux: Tout simplement, en conclusion, ce qui, pour nous, prime dans cet amendement, ce n'est pas l'établissement du bilinguisme comme voudraient le faire croire certains députés du parti ministériel, mais c'est vraiment la primauté à accorder à la justice. Je ne pense pas que le Québec français soit menacé ou soit en plus mauvaise position parce que, dans ce domaine particulier qui touche des droits individuels, on admet une dérogation au principe dans un domaine extrêmement précis. C'est là le sens de l'amendement.

Le Président (M. Bertrand): Merci. M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord rassurer à nouveau les membres de la commission et surtout ceux qui s'inquiètent que le ministre de la Justice n'ait pas été présent lors de la discussion de ce chapitre. Je voudrais leur répéter que ce chapitre a été élaboré avec le ministère de la Justice, qu'à tous les moments de la conception, de la rédaction de ce chapitre, le ministre d'Etat au développement culturel a pu compter sur la collaboration très étroite du ministre de la Justice et de tout son personnel, de tous ses fonctionnaires, ce qui veut dire que chacun de ces articles a été épluché, fouillé, étudié, analysé, non seulement par mon cabinet, non seulement par le Conseil des ministres, mais dans tous ses détails, par le ministre de la Justice et ses collaborateurs. Ceci est vrai, M. le Président, non seulement pour les articles du projet de loi, mais pour tous les avis qui nous ont été communiqués. Je parle ici autant des nombreux mémoires, que nous avons reçus en commission parlementaire, que des lettres ou représentations qui nous ont été soumises par d'autres moyens.

Le ministre de la Justice a eu tellement le sens de ses responsabilités qu'il n'a voulu qu'aucun des paragraphes, qu'aucun des mots de ce projet de loi n'apparaisse dans sa forme définitive avant qu'il ne l'ait soumis à la stricte discipline de l'exégèse juridique et je pense que, ce faisant, il a rempli le devoir qu'il a à l'endroit de la population.

C'est donc dire, M. le Président, que, même si le ministre n'a pas été présent physiquement à cette commission, je ne dirai pas, comme hier, pour ne pas susciter des gorges chaudes, qu'il a été présent en esprit, mais que j'ai pu transmettre, je le crois, non seulement ses conclusions, ses décisions, mais également tout le sens qu'il a voulu donner à chacun de ces articles et à chacun de ces paragraphes.

Ceci est d'ailleurs vrai aussi bien pour l'article 172 dont parlait le député de Marguerite-Bourgeoys tout à l'heure. Je m'inscris en faux contre sa déclaration. Ce n'est pas parce que l'Opposition nous a forcés à renoncer à l'article 172 que nous l'avons fait. Nous l'avons fait parce que nous avons jugé qu'il était possible, qu'il était mieux de le faire, après, encore une fois, une analyse exhaustive de tous les éléments, articles, mots du projet de loi, à la lumière de la Loi des droits et libertés de la personne. L'article 172 ne constituait qu'une précaution liminaire, originelle, parce que nous voulions être responsables et voir à ce que la Charte du français au Québec s'applique, puisse être administrée, puisse avoir tous les effets juridiques que nous en escomptions, mais pour cela il fallait s'assurer au départ, par une précaution juridique, que ceci pouvait être possible.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire, nous avons fait l'impossible, dès l'époque de la conception, pour que ce projet de loi n'entache en rien les droits que possèdent les individus au Québec et qui sont incarnés dans la Loi des droits et libertés de la personne. Une fois que nous avons reçu tous les avis que nous avons sollicités, que nous les avons étudiés, nous nous sommes rendu compte

que notre conception préliminaire était juste, que la Charte du français au Québec n'allait en aucune façon à rencontre des droits et libertés de la personne. Ce n'est qu'après tout ce long travail que nous avons effectué, que nous avons pu alors renoncer à cette précaution que nous avions d'abord incluse dans le premier projet de loi.

J'en viens maintenant d'une façon plus précise à l'amendement que propose le député de L'Acadie. Il me semble, après avoir écouté attentivement les membres de l'Opposition, qu'il s'agit là encore une fois d'une tentative désespérée, plus ou moins déguisée, de maintenir le statu quo. Bien sûr, il y a des changements qui sont connotés par cet article 13. Je ne les ai d'ailleurs pas niés. Il y a des difficultés d'application au niveau concret, au niveau pratique. On cherche, du côté de l'Opposition, à magnifier ces difficultés, ces problèmes. On cherche à les monter en épingle. On essaie même d'en faire un épouvantail pour bloquer tout changement, pour bloquer toute évolution, une évolution que, par ailleurs, souhaite, désire, exige le peuple du Québec, et en particulier, sa majorité francophone. Evidemment, les membres de l'Opposition ont chacun leur façon de s'opposer à ces changements, à cette évolution. Le député de Mont-Royal, par exemple, on le sent bien, s'oppose à l'article dans sa totalité. Il n'en veut rien retenir. Pour lui, tout cet article est un non-sens. Je lui dirais alors que si cet article est un non-sens, nous ne sommes pas le seul pays, nous ne sommes pas la seule province à aller dans le sens de ce que déplore le député de Mont-Royal, puisqu'au fond et il le sait très bien, toutes les autres provinces du Canada ont légiféré dans ce sens. Tous les pays normaux ont légiféré dans ce sens, puisque dans tous les pays que nous connaissons, il y a une langue officielle et les juges rendent leur jugement dans cette langue. Le député de Marguerite-Bourgeoys, évidemment, adopte une attitude en apparence plus nuancée. Il commence par faire ce qu'on dit en anglais "pay lip-service to the principle", c'est-à-dire qu'il semble accepter, en apparence, le principe, et il ne change pas la première partie de l'article. Il reconnaît que les jugements rendus au Québec par les tribunaux et organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en français ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée.

Autant vaut pour le principe, mais, dans l'amendement qu'on nous suggère par la suite, il y a des mots et des expressions qui ne peuvent s'interpréter que comme une négation, en pratique, du principe qui a été énoncé dans la première phrase.

On dit, en effet: "S'il y a divergence entre les deux textes, le texte original prévaut. N'est-ce pas là, M. le Président, connaissant les us et coutumes, les habitudes des personnes concernées, inviter d'avance à une divergence entre les deux textes? Je dirais que, même inconsciemment, un juge sera peut-être porté, et peut-être ne pourra-t-il faire autrement, à établir une divergence entre les deux textes, d'autant plus qu'après tout ce qu'on nous a dit sur la traduction, et là, je me réfère à l'exemple qu'apportait le député de Mont-Royal sur le jugement du juge Malouf, il est bien évident qu'il est hautement probable qu'il y aura une divergence, même minime, entre les deux textes. Donc, que cette divergence soit conditionnée par des facteurs plus ou moins conscients, ou qu'elle soit voulue, ou qu'elle soit inévitable, il est bien évident que cela veut dire, en pratique, que le texte anglais prévaudra, et c'est la raison pour laquelle je dis que, d'une façon certaine, c'est là une façon déguisée de maintenir le statu quo ou une façon déguisée de nier la première partie de l'article.

J'ai dit tout à l'heure, M. le Président, qu'on cherchait à magnifier les problèmes. Encore une fois, je ne les ai pas niés, mais je suis convaincu qu'on cherche à les magnifier. Malgré tout ce qu'on a dit de la traduction, il reste que les traducteurs sont des universitaires, qui font des études très sérieuses, qui ont des qualités, des aptitudes particulières pour ce genre de travail, et qu'ils sont parfaitement en mesure de saisir la pensée d'un autre et de la traduire d'une façon fidèle.

Encore une fois, au ministère de la Justice, cet article a été longuement étudié, et ces conseillers juridiques, qui ont quand même, eux, l'expérience de l'administration de la justice, qui en ont une expérience quotidienne de par leurs activités depuis plusieurs années, qui ont pu surveiller l'évolution en ce domaine, sont convaincus — je vous transmets ici leur conviction, autant que celle du ministre de la Justice — que la pensée d'un juge qui a prononcé un jugement en anglais peut être très fidèlement rendue si la version a été assumée par un traducteur compétent, et si, d'autre part, l'authentification par le juge lui-même s'est effectuée avec l'assistance technique nécessaire d'un traducteur compétent.

Il ne faut donc pas, M. le Président, gonfler exagérément, indûment, les difficultés de traduction, ce qui aboutirait, en fin de compte, à nier la compétence, la raison d'être d'une discipline telle que la traduction.

De la même façon, M. le Président, il ne faudrait quand même pas sous-estimer les capacités du juge lui-même. Non seulement le juge est un universitaire, mais il a été nommé, du moins, je l'espère, par le ministère de la Justice, en raison de ses dons exceptionnels, en raison de ses qualités, en raison de son intelligence, en raison de son expérience et, en plus de cela, M. le Président, il a été nommé, depuis quelques années, parce qu'il remplissait une condition que les gouvernements précédents ont supposément exigée, c'est-à-dire celle d'avoir une connaissance suffisante, appropriée de la langue française, pour ne pas dire une maîtrise de la langue française. C'est là une condition à la nomination des juges que les gouvernements précédents nous ont souvent exprimée à l'Assemblée nationale. On peut donc supposer, M. le Président, que les juges qui ont été nommés ou qui seront nommés sont déjà suffisamment bilingues, peuvent comprendre suffisamment le français et ont tout ce qu'il faut pour pouvoir, soit

maintenant, soit dans un proche avenir, exprimer en français les nuances et peut-être les moindres nuances de leurs pensées.

Il ne s'agit pas là de quelque chose de nouveau. Encore une fois, les conditions de nomination des juges sont bien connues et, en plus de cela, plusieurs législations font une nécessité, une obligation depuis quelques années aux professionnels et en particulier aux membres du Barreau d'acquérir et de posséder la meilleure connaissance possible qui soit du français.

D'ailleurs, il y a des exemples. Nous connaissons, dans les autres provinces, des juges francophones, dont les noms sont évidemment francophones, et qui ont rendu moult jugements en anglais sans que jamais les justiciables de l'Ontario, du Manitoba ou de la Colombie-Britannique se soient jamais plaints que leur droit à une stricte justice n'ait pas été convenablement respecté.

N'est-ce pas là aussi ce qui se passe à la Cour suprême où il y a, nous le savons, de notoriété commune, plusieurs juges francophones qui très souvent, ont rendu leurs opinions majoritaires ou minoritaires en français, sans que jamais on assiste à une levée de boucliers de la part des victimes ou de ceux qui devaient souffrir de ces jugements parce que leurs droits n'auraient pas été suffisamment respectés.

N'y a-t-il pas aussi l'exemple de notre premier ministre national, Pierre Elliott Trudeau, qui s'exprime parfaitement, aussi bien en français qu'en anglais, ce qui montre bien qu'il est possible, quand on est doué, comme le premier ministre l'est, et aussi quand on s'en donne la peine, de pouvoir exprimer, avec une assez grande, pour ne pas dire une parfaite fidélité, sa pensée dans une langue ou dans l'autre et si, en plus, ces juges peuvent compter sur l'assistance de traducteurs compétents, il me semble que les droits de la justice sont parfaitement respectés. Alors, à ce moment, comme l'a souligné mon collègue de Deux-Montagnes, il faut bien conclure que le problème de l'indépendance des juges devient un faux problème, en ce sens que jamais le ministère de la Justice n'a eu l'idée ou n'aura l'idée d'essayer de dicter aux juges ses opinions ou même les nuances de son opinion, si on admet que, la question linguistique n'entrant en ligne de compte que d'une façon infinitésimale, cela ne pourrait être vraiment que par pur sophisme qu'on pourrait prétendre que, par ce biais, l'indépendance des juges puisse être controuvée.

Encore une fois, j'en reviens à cette question du changement. Changer un statu quo pose toujours des problèmes, des problèmes que d'aucuns voudraient s'éviter, et cela est humain, cela est naturel, parce qu'il est toujours fatigant, pénible, non seulement de consentir au changement, mais d'effectuer, de mettre en place les mesures qu'impliquent et qu'exigent ces changements.

On voudrait bien se les éviter quand cela est possible et c'est bien la raison pour laquelle on préfère lutter contre l'idée même du changement que de s'imposer les servitudes ou les obligations que leur mise en oeuvre exige, mais, nous l'avons dit depuis le début de l'étude de ce projet de loi, il y a des changements qui s'imposent pour faire droit à l'évolution d'une société, pour faire droit également aux désirs, aux souhaits, aux demandes légitimes d'une population et, en l'occurrence, ici, d'une population majoritairement francophone, non seulement en raison des abus que j'ai signalés et qu'il faut corriger, mais en raison d'une maturation, en raison de l'évolution normale d'un peuple qui prend sa place avec de plus en plus de sérénité, d'assurance dans ce pays qui est le sien. C'est la raison pour laquelle nous répétons depuis le début de l'étude de ce projet de loi que ce que nous voulons entériner ici, c'est le fait — c'est un fait — d'une société essentiellement française qui, bien sûr, comprend diverses minorités que nous entendons respecter, mais quand même une société essentiellement française, qui a sa langue, langue qui doit être respectée et surtout langue qui doit devenir la langue commune, la langue de la cohésion sociale, la langue qui prévaut dans les diverses sphères de la vie collective et, en ce sens, nous le répétons, le Québec a le droit d'être aussi français, aussi massivement français que les autres provinces sont anglaises, que les autres pays ont leurs caractéristiques et leur identité culturelle qu'ils ont choisies et qu'ils prétendent affirmer.

Ce principe ne nous empêche pas de témoigner du respect que nous avons pour les individus et de témoigner du souci que nous avons de les sauvegarder. Nous en avons parlé à l'occasion de l'étude de l'article 11, de l'article 12. Il y a là des mesures qui entendent, qui visent précisément à respecter, à sauvegarder les droits des individus. Il en est de même pour l'article 13 et c'est la raison pour laquelle nous retenons le principe que les juges anglophones pourront rendre leur jugement en anglais. Mais il reste que les difficultés qu'on nous a signalées d'ordre concret, d'ordre pratique peuvent être résolues, peuvent être réglées par des mesures administratives ou des mesures législatives ultérieures.

On s'en sera rendu compte en étudiant l'amendement que j'ai transmis pour renseignement aux membres de la commission, dans les délais que le gouvernement se fixe, c'est-à-dire deux ans et trois mois. Le ministère de la Justice entend ne pas se traîner les pieds et agir avec la plus grande célérité pour mettre sur pied un service de traduction judiciaire efficace et rapide. Il entend également, durant cette période, prendre toutes les mesures, surtout d'ordre pédagogique, pour développer l'usage du français chez les juges. Si besoin est, M. le Président, le ministère de la Justice préparera les modifications au Code de procédure civile qui lui permettront de régler les problèmes éventuels — il n'est pas du tout certain qu'ils soient aussi nombreux qu'on a bien voulu le souligner — les problèmes éventuels d'interprétation ou d'application que pourrait soulever l'article 13.

C'est la raison pour laquelle je disais hier soir au député de L'Acadie que ces problèmes, bien que nous les reconnaissions, bien que nous entendions y apporter la solution appropriée, ces problèmes, ces difficultés ne nous paraissaient

pas suffisants pour nous faire renoncer à l'orientation fondamentale du projet de loi telle qu'elle s'incarne dans cet article.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le ministre.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Combien de temps me reste-t-il?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous reste six minutes.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Je voudrais seulement corriger quelques déclarations que le ministre d'Etat a faites à mon égard. Je ne voudrais pas qu'il me prête des propos que je n'ai pas dits. Quand j'ai argumenté contre l'article 13, ce n'est pas contre le principe qu'il y a dans la première partie de l'article, c'est-à-dire que les jugements soient accompagnés d'une version française dûment authentifiée. Même l'amendement que nous avons présenté contient ce principe. J'ai parlé contre le fait qu'on rende seulement officielle la traduction. C'est différent de ce que le ministre m'a prêté.

Maintenant, quand on dit que dans un pays normal il y a seulement une langue, je comprends cette tactique qui est de répéter quelque chose assez souvent, pour que le monde finisse par le croire. Quand on a parlé sur l'article 1, sur la langue officielle, j'ai voté pour cela. C'est bien. Mais j'ai donné l'exemple d'une série de pays au monde où ce n'était pas le cas, où il y avait deux, trois ou quatre langues officielles et où les lois étaient rédigées dans toutes les langues officielles. Il ne faut pas toujours revenir à la charge et dire que c'est normal dans tous les autres pays, je ne connais pas un autre pays au monde où il y a plus d'une langue officielle...

Vous citez toujours la Suisse avec la question de territorialité, mais il y a des cantons suisses où il y a plus d'une langue officielle. Les lois sont rédigées dans les trois langues officielles de la Suisse, l'allemand, le français et l'italien. Il y a certains cantons multilingues où les langues sont officielles, celle du canton et celle où il y a une minorité et où le principe que nous avions énoncé avant, est appliqué et où préférence est donnée à la langue du canton spécifique. Même en Belgique qu'on cite souvent, il y a certains districts où on peut utiliser en égalité absolue ou le français ou le flamand.

Je crois que c'est faux, c'est erroné, cela induit la population en erreur de lui faire croire que, partout au monde, c'est normal qu'il y ait une seule langue officielle. Ce n'est pas vrai. Je ne vous donnerai pas toute la liste des pays que j'ai donnée à l'article 1, vous avez seulement à relire le journal des Débats; mais il n'y a rien de normal là-dedans, et essayer de faire croire cela à la population, c'est l'induire en erreur ou c'est ignorer totalement la réalité ou c'est la fausser. Quand nous voyons la situation qui existe ici... Et on veut réduire, on veut changer cette réalité et on ne veut même pas faire cela, on parle strictement d'un en- droit dans le domaine judiciaire, le statu quo — j'aimerais qu'on puisse définir le statu quo — cela n'existe pas parce que notre société est constamment en évolution. Le statu quo dont vous parlez c'est quelque chose qui existait il y a dix ans, cela n'existe pas aujourd'hui, même ce qui existait il y a six mois n'existe pas aujourd'hui. Je pense que c'est totalement faux, vous ne répondez pas au fond de nos objections, vous vous contentez de citer supposément la situation d'autres pays et de dire qu'on défend le statu quo. Je vous invite à relire les objections que nous avons formulées pour l'article 13 vous indiquant que ce n'est pas le statu quo qu'on défend, ce n'est pas non plus l'exemple des autres provinces qu'on défend, la question de la normalité d'une langue est totalement fausse.

M. Lalonde: M. le Président, le ministre d'Etat au développement culturel nous a servi un diagnostic à chacun de nous. Nous l'avons écouté avec beaucoup d'attention. Je voudrais simplement relever deux points avant de passer à une autre question. En ce qui concerne le statu quo, le député de Mont-Royal a bien indiqué que le statu quo dans une société en pleine évolution comme la nôtre est difficile à définir. Pour ma part, je dirai que lorsqu'il s'agit de principes fondamentaux de l'administration de la justice dont le principe de l'indépendance des juges, je serai toujours en faveur de ce statu quo. Ce n'est pas être en faveur de l'amélioration de notre qualité de vie démocratique que de vouloir changer ce statu quo.

Les remarques de certains députés, y compris le député de Deux-Montagnes, m'ont indiqué de façon plus claire qu'avant, quel était le problème que le gouvernement affrontait devant notre motion d'amendement, et j'ai cru déceler qu'on s'inquiète d'une tentative voilée de revenir au bilinguisme institutionnel. J'aurai l'occasion de démontrer que c'est faux, mais de façon à aider la marche des débats et de faire avancer la question sur cet article que nous considérons fondamental, je veux proposer un changement à la motion d'amendement, qui prendrait la forme d'un sous-amendement et qui se lirait comme suit: "Que la motion du député de L'Acadie soit modifiée en retranchant les mots "Les deux textes sont officiels".

Le seul but de cet amendement, sur lequel j'aurai l'occasion de m'exprimer plus longuement si vous le recevez, c'est d'éviter justement cet écueil, de bien indiquer que notre but n'est pas d'établir un bilinguisme institutionnel officiel, mais bien de mettre l'accent, dans notre motion d'amendement, sur l'aspect de l'administration de la justice, la qualité de l'administration de la justice.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est un amendement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys?

M. Lalonde: C'est un sous-amendement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un sous-amendement. Est-ce que vous avez le texte de l'amendement?

M. de Bellefeuille:... le député de L'Acadie se fait voler son sac à main et son amendement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

Il est proposé par le député de Marguerite-Bourgeoys que l'amendement du député de L'Acadie — qui se lisait: "Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en français ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée. Les deux textes sont officiels. En cas de divergence, le texte original prévaut." — soit amendé. Il se lirait comme suit... M. le député de Marguerite-Bourgeoys présente un sous-amendement pour que la motion du député de L'Acadie soit modifiée en retranchant les mots "les deux textes sont officiels", de telle sorte que si le sous-amendement était reçu et était adopté, l'article tel que sous-amendé se lirait: "Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en français ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée. En cas de divergence, le texte original prévaut."

Alors, je déclare ce sous-amendement receva-ble et reçu.

M. Grenier: Pour le journal des Débats, en lisant, vous avez dit "en français" alors qu'on lit "en langue française".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): "En français". C'est "en français".

Mme Lavoie-Roux: On l'avait corrigé hier. M. Grenier: Excusez-moi.

M. Lalonde: Je m'excuse auprès du député de Mégantic-Compton. C'est une erreur qui s'était glissée dans notre motion d'amendement et qu'on avait corrigée pour le journal des Débats hier.

M. Grenier: Parfait.

M. Lalonde: La raison pour laquelle je présente ce sous-amendement, c'est justement pour tenter de bien faire comprendre au gouvernement que le but de notre amendement, ce n'est pas de tenter, par la bande, d'introduire des principes de bilinguisme institutionnel qui sont, on le sait, contraires aux principes de ce projet de loi. Je comprends certaines remarques et je remercie le député de Deux-Montagnes, en particulier, qui m'ont éclairé à ce propos. J'ai compris son inquiétude, à savoir que, si on acceptait l'amendement tel quel, on pourrait peut-être, justement à cause des mots "les deux textes sont officiels", revenir ou enfin, introduire, dans ce projet de loi, un principe qui, de toute évidence, n'est pas acceptable pour le gouvernement. Quant au reste des arguments, ceux du député de Deux-Montagnes ou du ministre d'Etat au développement culturel à propos de la deuxième partie de l'amendement, qui n'est pas touchée par ce sous-amendement, je pense que leurs arguments sont très faibles et nous aurons sûrement l'occasion de voir jusqu'à quel point lorsque nous allons disposer de ce sous-amendement. On accuse...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Recevable et reçu.

M. Lalonde: On accuse l'Opposition officielle de vouloir maintenir un statu quo, de vouloir promouvoir le bilinguisme institutionnel et de rendre ainsi un mauvais service à la population. Ce n'est pas la première fois qu'on entend cette accusation.

Le jugement que ce gouvernement a porté à l'égard de la politique linguistique de l'ancien gouvernement contenait cette accusation et je pense que c'est l'occasion actuellement de tirer au clair cette question et de démasquer l'argumentation du gouvernement à ce propos.

Dans une politique linguistique pour le Québec, M. le Président, il y aurait, je crois, trois options. Il y en aurait peut-être plus, mais je pense que nous sommes en face de trois options, si l'on tient compte seulement des arguments et de l'évolution du débat depuis une dizaine d'années.

Il y aurait l'option de l'unilinguisme, option du gouvernement actuel, l'unilinguisme qui, dans une société pluraliste, ne peut se faire que par la réduction de l'autre langue. La deuxième option serait le bilinguisme institutionnel qui, pour mériter ce mot, doit être une politique de promotion de deux langues. On ne peut pas avoir une politique de bilinguisme formel sans que les dispositions, sans que les moyens, les instruments choisis par le gouvernement n'aient pour effet de faire la promotion égale des deux langues.

Il y en a une troisième, M. le Président, c'est de faire la promotion de celle des deux langues, dans une société pluraliste comme la nôtre, qui a besoin de l'aide de l'Etat. Cette troisième option comprend un traitement privilégié de cette langue, sans réduction de l'autre langue au niveau individuel. C'est la politique que le Parti libéral a introduite dans la Loi sur la langue officielle et a conservée avec seulement des modifications en ce qui concerne les modalités d'application quant à la langue d'enseignement dans sa politique actuelle.

M. Chevrette: M. le Président, en vertu de l'article 100, le député de Marguerite-Bourgeoys me permettrait-il une question?

M. Lalonde: Oui.

M. Chevrette: Si vous enlevez les mots "les deux textes sont officiels", comment pouvez-vous logiquement maintenir qu'en cas de divergence de vues, le texte français prévaudra? Comment pouvez-vous, logiquement, faire cela?

M. Lalonde: N'est-ce pas ce que l'on fait, on dit que le texte original prévaut?

M. Chevrette: Oui, mais si vous enlevez les deux textes, il reste seulement un texte officiel qui est en français.

M. Lalonde: Pas nécessairement; si on enlève les termes: "les deux textes sont officiels", à ce moment-là, si on a un jugement en anglais, on a une traduction française de par la compréhension même de la première partie de l'article et on a une règle d'interprétation, à savoir, s'il y a divergence, que c'est le texte original qui prévaut. On n'a pas de mention pour savoir lequel est officiel ou lesquels sont officiels.

M. Chevrette: Si vous faites référence à l'article 7 disant que le français est la langue officielle, la langue de la justice officielle, et que vous enlevez qu'il y a deux textes officiels au niveau de l'article 13, ne pensez-vous pas que l'article 7 dispose automatiquement de votre amendement, en vous référant à l'article 7?

M. Lalonde: Si le député a raison, M. le Président, à ce moment-là, l'article 7 dispose aussi de l'article 11, qui prévoit que les individus — je pense que c'est l'article 11 — vont pouvoir plaider en anglais, dispose aussi de l'article 12 qui prévoit des procédures en anglais qui sont officielles.

A ce moment-là, je pense que la perception du député de Joliette-Montcalm de l'article 7 est une perception trop stricte, trop limitative. Si l'article 7 est le seul qui doit s'appliquer, à ce moment-là, M. le Président, effaçons les articles suivants, parce que, justement, l'article 68, par exemple, édictait un principe et les autres articles, des accomode-ments.

Par dérogation à l'article 68, toute la loi sur une langue est faite comme cela. Si on suit le raisonnement du député de Joliette-Montcalm, à ce moment, gardons l'article 1 et laissons tomber les autres.

M. le Président, je pense avoir répondu au député de Joliette-Montcalm. Donc, dans les trois options, nous avons choisi celle de la promotion d'une langue avec un traitement privilégié pour cette langue. Si c'était du bilinguisme institutionnel, on n'aurait pas dans la loi 22 des programmes de francisation des entreprises; on aurait des programmes de bilinguisation des entreprises. A ce moment, il faudrait prévoir des programmes pour introduire la langue anglaise dans les entreprises francophones ou la rendre possible. Je suis sûr que, dans des dizaines de milliers d'entreprises francophones, il est impossible de fonctionner en anglais, et qu'un anglophone uni-lingue, si notre loi 22 était une loi de bilinguisme institutionnel, pourrait réclamer de la Régie de la langue française, qu'on aurait appelé la régie des deux langues, l'implantation d'un programme de bilinguisation pour lui permettre de travailler en anglais. Cela serait une politique de bilinguisme institutionnel.

J'espère qu'on va en finir une fois pour toutes de cette tromperie dont le gouvernement s'est rendu coupable jusqu'à maintenant, à savoir de traiter la loi sur la langue officielle actuelle comme étant une politique de bilinguisme institutionnel. Il n'y a rien de plus faux, et si c'était vrai, à ce moment, on aurait des programmes de bilinguisation des entreprises, on aurait des programmes qui permettent — si vous permettez, je vais terminer — à un anglophone d'exiger l'implantation d'un programme d'anglicisation d'une entreprise francophone, si notre loi 22 était une loi de bilinguisme institutionnel. Non. La loi 22 est une loi qui fait la promotion de la langue qui a besoin de la promotion de l'Etat à cause de tout le contexte qui a été décrit de long en large par la commission Gendron et qui est conforme, d'ailleurs, aux conclusions de la commission Gendron. Nous avons donc une loi, une politique de traitement privilégié pour une langue, mais dans le respect de la langue seconde, dans le respect de ceux qui forment une communauté importante au Québec, la communauté anglophone.

M. Laurin: Est-ce que je peux poser une question au député de Marguerite-Bourgeoys? Est-ce que, si je lui disais que nous acceptons son sous-amendement, il modifierait son intervention?

M. Lalonde: Naturellement, je me déclarerais heureux, mais je me permettrais quand même de terminer mes remarques, parce que je crois important à ce stade, à l'occasion de cette motion, de bien définir quelle est notre position et de mettre fin à cette politique, à ce persiflage dont le gouvernement se rend coupable actuellement à l'égard de la loi sur la langue officielle.

M. le Président, quel est le résultat d'une politique de bilinguisme institutionnel? Ce seraient, comme je l'ai dit tantôt, des programmes de bilinguisation des entreprises, ce seraient des programmes pour donner le droit à des anglophones de travailler en anglais dans des entreprises francophones. Ce serait donc totalement injuste, parce que la langue anglaise n'a pas besoin de cet apport, n'a pas besoin de cette aide de la part de l'Etat. On sait que la langue anglaise jouit d'un statut au Québec qui dépasse l'importance de cette minorité au Québec. Elle jouit de ce statut...

M. Guay: Est-ce que je peux me permettre de vous souligner que le député de Marguerite-Bourgeoys ne parle pas de façon très pertinente du sous-amendement?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Puis-je me permettre de vous rappeler qu'il est extrêmement difficile pour la présidence de déterminer, en fait, si quelqu'un parle à l'intérieur de l'amendement ou non? De toute façon...

M. Guay: Quand on fait un sous-amendement qui a pour but de retirer les mots "les deux textes qui sont officiels" d'un amendement qui porte sur les jugements, il me semble que, quand on est rendu à parler de la loi 22 consacrant le bilinguisme au Québec, on est pas mal hors du sujet.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sans vouloir porter un jugement sur le fond de l'argumentation du député de Marguerite-Bourgeoys, celui-ci a beaucoup d'expérience et il verra à parler du sous-amendement.

M. Guay: C'est précisément à cause de cela que j'interviens.

M. Lalonde: M. le Président, je dis, dans l'introduction à mon amendement, que c'était pour enlever toute supposition que nous étions en faveur du bilinguisme institutionnel.

Donc, je parle de bilinguisme institutionnel. Voilà un choix que nous n'avons pas fait, un choix qui nous a été suggéré par quelques-uns qui, ne connaissaient pas les résultats: faire la promotion des deux langues quand il y en a une qui a déjà toute la puissance a l'intérieur du contexte sociologique, économique et social, aurait été la perte, à plus ou moins long terme, de la langue qui en a besoin, c'est-à-dire la langue française.

L'unilinguisme institutionnel, on voit ce que ça donne. On voit que ça donne l'érosion de nos droits les plus fondamentaux, ça crée l'érosion de nos valeurs démocratiques. Quant à la promotion d'une langue, telle que l'a fait la loi 22, le résultat donne le reflet fidèle, dans toutes les activités de ce que notre société est, et elle est pluraliste. Oui, ça veut dire que l'anglais, de temps en temps va être là. Il va être là dans l'affichage, dans l'étiquetage, il va être là un peu partout. Mais c'est le reflet — on ne le cache pas — il est là. Alors, ça, c'est démocratique, et ça permet de conserver nos valeurs démocratiques fondamentales. Cela permet justement d'éviter les abus odieux qu'on voit, comme dans l'article 13 actuellement, M. le Président, et c'est la seule raison pour laquelle j'enlève les mots "les deux textes sont officiels". Il me semble que cela aurait pour effet d'effacer toute ambiguïté quant à notre position sur une politique linguistique non pas de bilinguisme institutionnel, mais de promotion du français et dans le respect des droits collectifs et des droits individuels.

Des Voix: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que les...

M. Laurin: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... membres de la commission sont disposés à voter sur le sous-amendement?

M. Grenier: Oui, il est adopté, M. le Président, ça va.

M. Chevrette: Adopté unanimement.

M. Grenier: Le sous-amendement est adopté. On est bien clair. On retire...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, le sous-amendement proposé par le député de...

M. Chevrette: On revient à l'amendement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... non pas de Mont-Royal, mais de Marguerite-Bourgeoys est adopté, de telle sorte que, maintenant, je dois revenir à l'amendement et demander le vote sur l'amendement, si vous êtes prêts à voter sur l'amendement.

M. Chevrette: Tel qu'amendé.

M. Laurin: Tel qu'amendé, on est prêt.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'amendement proposé par Mme le député de L'Acadie, tel qu'amendé par la motion d'amendement du député de Marguerite-Bourgeoys est-il adopté?

M. Laurin: Rejeté, M. le Président. M. Lalonde: Appel nominal.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur l'amendement proposé...

M. Lalonde: C'est l'amendement du député de L'Acadie, je pense, c'est ça que vous appelez?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'appelle le vote sur l'amendement...

Mme Lavoie-Roux: Amendé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Amendé.

Mme Lavoie-Roux: On le savait. M. Chevrette: Je suis bien content. Mme Lavoie-Roux: On...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Fallu (Terrebonne)?

M. Fallu: Contre, M. le Président.

M. Lalonde: Je ferai remarquer qu'on aurait pu parler pendant 20 minutes chacun, M. le Président. H ne s'agit pas de faire un "filibuster", c'est simplement d'ouvrir les yeux aux aveugles.

M. Chevrette: II n'y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

M. Paquette: Un "filibuster"...

Mme Lavoie-Roux: Ils sont comme des nouveaux-nés; ça commence.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Charbonneau (Verchères)?

M. Charbonneau: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Charron (Saint-Jacques)? M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Contre la "filibuste" et contre l'amendement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay (Taschereau)?

M. Guay: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Paquette (Rosemont)?

M. Paquette: Défavorable, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'amendement... M. le député de... Excusez-moi... Gatineau, M. Gratton, excusez-moi.

M. Gratton:... de m'abstenir. Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'amendement de Mme le député de L'Acadie, tel que sous-amendé, est rejeté, huit voix contre six.

M. Laurin: Je propose l'adoption de l'article 13, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que les membres de la commission sont disposés à voter sur l'article 13?

M. Lalonde: Non, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, je vais retrouver ma liste pour l'article 13, puisque nous avons passé d'amendement à sous-amendement.

M. Lalonde: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, on a tenté...

Mme Lavoie-Roux: Combien nous reste-t-il de temps?

M. Lalonde: Je ne pense pas avoir parlé là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: On n'a pas parlé...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II reste 20 minutes au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Tant mieux.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez de répondre à la question, M. le ministre d'Etat au développement culturel s'est exprimé et il a un temps illimité en vertu du règlement — l'article 160, alinéa 2. Mme le député de L'Acadie a parlé de 21 h 58 à 22 h 3 et M. le député de Marguerite-Bourgeoys ne s'est pas encore exprimé.

M. Lalonde: Le député de Mont-Royal?

Le Président (M. Cardinal): Non plus. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur l'article 13.

M. Lalonde: Je voudrais...

Le Président (M. Cardinal): Vous changez? Alors, M. le député de Mont-Royal. Vous avez un dossier vierge, alors, vous avez vos 20 minutes.

M. Ciaccia: Je ne ferai pas de commentaire sur votre commentaire, M. le Président. Nous avons donné nos raisons d'ordre juridique, de justice, pour lesquelles nous sommes contre le principe de l'article 13.

Je veux être très précis. A l'article 13, je ne suis pas contre le fait qu'il y ait une traduction, qu'il y ait un jugement dans les deux langues. Si un jugement est rendu en anglais, on peut l'authentifier, on peut donner une version française, mais je m'oppose au fait que ce sera seulement la version française, ce qui veut dire la traduction,

qui sera officielle. Nous avons donné toutes les raisons pour lesquelles nous pensons qu'un tel article irait à rencontre de l'indépendance des juges, à rencontre de notre système judiciaire, et les difficultés que cela comporterait.

On donne comme raison qu'on veut imposer l'unilinguisme. Avec tout le respect que j'ai pour ceux qui veulent imposer l'unilinguisme, je vois difficilement comment ils vont effacer, enlever de la face du Québec les autres langues qui existent dans notre société pluraliste.

Ce n'est pas en rendant impossible l'administration de la justice, ce n'est pas en enlevant le droit aux justiciables, ce n'est pas en réduisant l'efficacité de notre système judiciaire qu'on va imposer l'unilinguisme. L'impression qu'on veut donner ici dans ce chapitre avec toutes les contradictions, les ambiguïtés, le manque de cohérence, ce n'est pas de faire du français la langue de la justice, on donne l'impression que cela va devenir, par ce chapitre, la langue de l'injustice. Il y a trop de conflits, trop de provocations, trop de contradictions pour que cela soit quelque chose qu'on puisse administrer convenablement pour rendre justice à tous les Québécois.

Je me pose une autre question. Quand on dit qu'on veut imposer l'unilinguisme, je ne veux pas qu'on interprète mal mes propos. Je ne suis pas contre le fait que tous soient capables de communiquer, de travailler en français, ce n'est pas cela. La primauté du français au Québec, ce n'est pas contre cela que je m'exprime. Mais il faut être réaliste, non seulement nous avons une autre langue au Québec, mais nous avons aussi une autre langue autour de nous. Pour imposer l'unilinguisme, il faudrait imposer des conditions arbitraires dans tous les domaines. Je me demande, M. le Président, comment cela va se faire.

Je prends, par exemple, le domaine des communications. Comment allons-nous imposer l'unilinguisme? Est-ce qu'on va faire des "blackout" sur...

M. Dussault: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! M. le député de Châteauguay, sur une question de règlement.

M. Dussault: Oui, il me semble que les propos de M. le député de Mont-Royal ne sont pas pertinents.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur la question de règlement. Je vois que treize heures arrive.

M. Lalonde: M. le Président, ce n'est pas pour cela...

Le Président (M. Cardinal): Je ne m'adresse pas à vous, je m'adresse aux membres de la commission.

M. Lalonde: Je ne sais pas si le député de Châteauguay est fatigué. M. le Président, si vous voulez suivre l'invitation du député de Châteauguay, il faudrait réellement ne pas suivre la tradition qui a été établie depuis le début du débat sur l'article 13. Je vous invite à lire le journal des Débats, si vous voulez vérifier, mais une certaine largesse a été acceptée.

M. Dussault: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Etant donné que M. le député de Marguerite-Bourgeoys intervient sur ce que j'ai dit, je tiens à préciser que si je devais être fatigué, ce serait surtout de la "filibuste" de l'Opposition officielle que je le serais.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. A l'ordre; M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je dois vous dire que j'ai lu la transcription du journal des Débats depuis le début des travaux de la commission sur le projet de loi no 101, chaque jour, chaque après-midi, chaque soir. Je sais fort bien ce qui s'est passé. Je dois donc constater, parce qu'on me pose une question et qu'on soulève une question de règlement, qu'il est vrai que la présidence a été très généreuse en permettant qu'à l'occasion de chaque chapitre l'on reprenne le débat sur le fond de la question. C'est pourquoi je ne puis, en cours de route, changer d'idée. Et, malgré l'intervention du député de Châteauguay, je laisse M. le député de Mont-Royal continuer son exposé.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Alors, je disais que si le but de l'article 13 était de tenter d'imposer l'unilinguisme. Premièrement, c'est un but...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, vous pourriez dire devant les tribunaux ou pour les juges, à ce moment, il n'y aurait pas de question de règlement.

M. Ciaccia: Je vous remercie pour votre recommandation.

Devant les tribunaux et pour les juges, premièrement, je trouve que c'est un endroit bien mal placé pour essayer de faire cela, même si on veut atteindre son objectif dans les autres domaines, ce n'est pas dans le domaine de la justice qu'on va le faire. Ce n'est pas en rendant le texte anglais d'un jugement officiel anglais ou qui prévaut sur le texte français... Ce n'est pas cela qui va empêcher le fait français au Québec, mais cela va rendre justice, cela va permettre de bons jugements, cela va permettre la bonne administration de la justice.

Parce que, même si on veut atteindre ce but, ce n'est pas seulement dans le domaine de la justice qu'il va falloir être arbitraire et imposer des conditions que les gens n'accepteront pas, qui vont aller à rencontre même du bon sens. Il va falloir le faire dans le domaine des communications, il va falloir le faire dans le domaine de l'immigra-

tion. Si c'est le genre de société restreinte qu'on veut, M. le Président, ce n'est pas le genre de société que moi, je pourrais accepter et que la majorité des Québécois pourrait accepter. Cela n'a rien à faire avec la promotion du français. Les lois avec un esprit revanchard comme celui-ci, l'ingérence dans l'administration de la justice... S'il est un endroit qui devrait être dépolitisé, c'est bien l'administration de la justice. Maintenant, on voudrait faire de la politique avec les juges, on veut faire de la politique avec la magistrature...

M. de Bellefeuille: Excellente association, cela est fort populaire.

M. Ciaccia: M. le Président, cela me répugne, c'est simple. Dans toutes les recommandations que nous avons faites, nous avons essayé de répondre à toutes les objections du parti ministériel. Il ne voulait pas le bilinguisme institutionnel; très bien, on a retranché certains mots pour que cela ne donne pas cette impression...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, parlez donc du chapitre III qui parle de la langue de la législation et de la justice.

M. Dussault: De l'article 13.

M. Ciaccia: C'est exactement de cela que je parle. J'essaie de démontrer comment nous avons essayé d'apporter des suggestions positives au projet de loi, à l'article 13 spécifiquement, pour le rendre juste et administrable.

On a parlé d'un système de traduction. M. le Président, ceux qui ont un peu d'expérience avec la traduction de textes vont vous dire les difficultés et parfois les impossibilités qui peuvent se produire quand on essaie de traduire des textes, et spécialement des textes légaux. J'en ai fait l'expérience, on a parfois passé presque toute une journée sur une phrase pour faire accepter le sens de cette phrase, pour que cela ait le même effet dans une langue comme dans l'autre. On veut nous faire croire qu'on va pouvoir instituer ce système de traduction qui va fonctionner de façon équitable dans le domaine des jugements sans que cela cause des difficultés. M. le Président, je peux vous dire que cela est impossible. Il y a maintenant assez de délais, assez de difficultés dans l'administration de la justice. On essaie par tous les moyens possibles de rendre la justice plus efficace parce que, comme on l'a dit, "justice delayed is justice denied", si on impose encore d'autres restrictions pour causer encore plus de délais — ce n'est pas la raison principale, mais je vous donne seulement l'une des difficultés — on va voir comment on va réduire le niveau professionnel de la justice et des tribunaux.

On dirait que les propos des ministériels ne sont pas pour une évolution progressive des concepts et des améliorations de notre société. Cela équivaut ni plus ni moins à une destruction de ce qui existe parce qu'on est contre cela. On n'apporte pas de changements positifs. On a des idées sur certaines choses qui se sont passées il y a dix ans et on essaie aujourd'hui, parce qu'on a ces idées-là, de démolir nos institutions, de démolir notre système. On ne nous a pas encore démontré qu'on va le remplacer par quelque chose de mieux, qui comporte de meilleures valeurs humaines et de meilleures valeurs professionnelles et juridiques. Je sais que le gouvernement est inflexible. Il ne veut pas comprendre. Nous avons essayé par tous les moyens, même le dernier sous-amendement à l'article 13, c'était simplement pour aider à rendre justice à ceux qui iront devant nos tribunaux. Mais, malgré toutes les tentatives que nous faisons pour essayer d'améliorer le projet de loi, nous n'allons pas contre le principe. Nous acceptons certains principes. Mais il y a certains principes fondamentaux — et on ne peut pas le dire assez souvent — comme l'indépendance de la magistrature. Enlever ce secteur de la politique, c'est une chose dont on ne peut être trop soucieux. Du revers de la main, par l'article 13, on veut porter atteinte à ce principe fondamental et je ne vois pas comment on pourra avoir cette distinction, cette séparation des pouvoirs entre le législatif et le judiciaire avec un article comme l'article 13.

Pour ces raisons, et les autres raisons que nous avons évoquées sur la discussion des amendements, nous allons—je vais en tout cas voter contre l'article 13.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Le député de Mégantic-Compton voulait-il...

Le Président (M. Cardinal): Personne n'a invoqué l'article 92. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, sur l'article 13, j'aimerais...

M. Grenier: M. le Président, seulement une question technique. Puis-je savoir combien de temps il me reste?

Le Président (M. Cardinal): II vous reste tout le temps, monsieur.

M. Grenier: Je n'ai pas pris de temps sur l'article 13?

Le Président (M. Cardinal): Pas du tout, pas encore.

M. Grenier: Alors j'interviens... Puis-je savoir combien il reste de temps au député de Marguerite-Bourgeoys?

Le Président (M. Cardinal): II est dans le même cas que vous.

M. Paquette: M. le Président, sur l'article 13, sauf votre respect, je pense que le député de Mégantic-Compton est intervenu, il a même proposé un amendement.

Le Président (M. Cardinal): Je regrette, les notes sont devant moi.

M. Paquette: II a même proposé un amendement pour inviter le ministre de la Justice.

Le Président (M. Cardinal): Non, il y a eu tout de suite un amendement de Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: II y a seulement moi qui ai utilisé du temps.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat s'est exprimé...

M. Paquette: D'accord.

Le Président (M. Cardinal): ...à 21 h 57. Il a été suivi, une minute après exactement, par Mme le député de L'Acadie qui a employé cinq minutes de ses vingt minutes et qui a immédiatement proposé un amendement et, depuis ce temps, vous avez discuté de l'amendement, du sous-amendement et de la motion de suspension.

M. Paquette: C'est vrai, trois motions dilatoires.

M. de Belleval: Nous continuerons après la période des questions sur l'article 13. On commence le débat sur l'article 13.

M. Dussault: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Oui, M. le député de Châteauguay, sur une question de règlement ou une demande de directive?

M. Dussault: C'est une question de règlement. Vous qui êtes le grand spécialiste de la procédure, à cette commission, est-ce que vous pourriez nous dire si, dans les règlements, il existe quelque chose qui pourrait empêcher qu'on entende la redite des mêmes arguments. Malheureusement, s'il n'y a rien, c'est vraiment triste.

M. Ciaccia: Si vous ne le comprenez pas, on peut le répéter.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Châteauguay, c'est une demande de directive. Le seul article qui pourrait me guider concerne les motions. Je n'ai pas encore mentionné que je vais, suite à votre demande et vu que nous employons toujours les dernières minutes pour de semblables questions, je voulais mentionner aujourd'hui — peut-être que j'aurais, dû le mentionner plus tôt — qu'en vertu de l'article 65, paragraphe 1 — vous savez qu'il y a eu plusieurs motions d'amendement et même de motions préliminaires ou d'autres motions qui furent présentées que je n'ose point qualifier; qu'il y a eu aussi des débats sur la question de recevabilité, des débats très restreints — en vertu de l'article 65 paragraphe 1 le président a le droit de mettre en délibération toute motion — c'est ce que nous faisons avec l'article 13 — mais dès qu'une motion nous paraît irrégulière — c'est ce qui est arrivé, j'en ai refusé un certain nombre, c'est ce que je veux souligner et terminer par là — ou par les buts qu'elle veut atteindre — la décision qui a été rendue ce matin par M. le député de Jonquière parlait justement de ce sujet.

Je veux qu'à l'avenir l'on tienne compte, non seulement de l'article 70, quant à la technique de l'amendement, quant au principe de l'amendement, mais aussi de l'article 154, quant au principe de la loi, et de l'article 65.1, quant au but que l'on veut atteindre par l'amendement et dont la présidence peut juger. Sur les débats, je ne puis qu'appliquer l'article 160 et laisser 20 minutes à chacun, même si j'entendais — ce n'est jamais arrivé, je le sais — la quinzième réédition du même discours.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Est-ce qu'il y a une question de règlement qui exige qu'un député ministériel ait un peu de bon sens entre les deux oreilles?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Ceci n'est pas une demande de directive.

M. Charbonneau: Vraiment, on va lui donner un prix Nobel!

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez... A l'ordre, s'il vous plaît!

Une Voix: Une intelligence transcendante.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, très brièvement.

M. Grenier: Seulement pour vous faire savoir que selon mon entente avec le député de Marguerite-Bourgeoys je pourrais commencer mon intervention immédiatement, si vous jugez que le débat ne doit pas être suspendu.

Le Président (M. Cardinal): Non, ils ne sont pas suspendus, les travaux de la commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 13 heures)

Reprise de la séance à 16 h 20

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Messieurs les députés et ministres, si vous voulez regagner vos fauteuils. A l'ordre!

Nous avons quorum et c'est une nouvelle séance de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications qui étudie le projet de loi no 101, Charte de la langue française, article par article. Tel est le mandat de la commission après deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

Je fais l'appel des membres et je souligne immédiatement que cette séance sera suspendue à 18 heures pour reprendre à 20 heures et ajourner à 23 heures. Elle reprendra demain matin à 10 heures. Il s'agit d'une motion adoptée à l'Assemblée nationale et d'un avis du leader parlementaire du gouvernement.

Je fais donc appel des membres de cette commission.

M. Alfred (Papineau), remplacé par M. Fallu (Terrebonne).

M. Fallu: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)?

M. Bertrand: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau (Verchères)? M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)? M. Ciaccia (Mont-Royal)? M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)? M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Laplante (Bourassa), remplacé par M. de Belleval (Charlesbourg).

M. de Belleval: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Présent.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Présente.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé)? M. Paquette (Rosemont)?

M. Paquette: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), remplacé par M. Raynauld (Outremont).

M. Raynauld: Présent.

Le Président (M. Cardinal): Bonjour, M. le député!

M. Raynauld: Bonjour, M. le Président!

Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda)?

Cela dit, au moment de l'ajournement à 13 heures, nous en étions à l'article 13 du chapitre III, portant sur la langue de la législation et de la justice, et M. le député de Mégantic-Compton avait demandé la parole.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, sur cet article 13, le ministre d'Etat au développement culturel a apporté comme seul argument nouveau, si cela en est un, le fait que dans les autres provinces canadiennes la situation au niveau des jugements est celle que formule pour le Québec l'article 13 du projet de loi no 101. Tous pensent, ici, à certains aspects du procès qu'attend en Ontario Gérard Filion.

Veut-il ici, à l'article 13, ouvrir la porte à une autre clause de réciprocité? Sinon, est-ce parce que, contrairement à l'éducation, il y a des matières en justice, par exemple, de droit pénal ou de droit criminel, qui relèvent du gouvernement fédéral? Enfin, une autre question que je pose, quant à nous, que soulève l'intervention du ministre d'Etat au développement culturel, avant l'heure du lunch: Avec l'article 13 tel que formulé, est-ce à dire que le Québec, dans sa nomination éventuelle de juges, se priverait de compétences de premier ordre comme juges si jamais certains d'entre eux répondaient à tous les critères pour être nommés juges, s'ils étaient anglophones et n'étaient pas parfaitement ou vraiment biculturels ou bilingues comme le signalait ce matin le ministre d'Etat au développement culturel? Il prenait son exemple de haut, je pense, en signalant Pierre Elliott Trudeau. J'aurais pu lui signaler également Louis Stephen Saint-Laurent, mais tout le monde n'a pas l'avantage, dans ce pays, de s'appeler Pierre Elliott ou Louis Stephen, et comme disait un de ses collègues à l'Education, tout le monde n'a pas la

chance de s'être allaité à deux mamelles constitutionnelles.

A long terme, une telle exigence...

M. Paquette: Cela ne fait pas des enfants forts.

M. Grenier: ... peut paraître normale, mais, à court terme, est-ce normal pour ceux des anglophones, aspirants-juges, qui sont à un âge tel qu'il leur est presque impossible d'arriver à cette possession souhaitée du français? Ceci dit, que l'on comprenne bien que pour autant, nous favorisons la prééminence du français dans la justice comme ailleurs, mais pas au prix de l'irrespect, à court terme, des gens en place et pas au prix, surtout, d'affecter, dans un sens ou dans l'autre, les droits des parties. C'est pourquoi nous ne pourrions voter pour l'article 13 tel que rédigé. Quand les ministériels comprendront-ils qu'au-dessus de l'économie du projet de loi no 101, il y a toute l'économie générale de notre droit?

Il est bien clair que le député de Bourget a sans doute sa place — et une large place — dans le développement culturel, mais il n'est pas sûr qu'il aurait la même place dans le développement de la justice.

A l'occasion de ces articles, je pense qu'il est temps de rappeler ici le pourquoi fondamental des réserves qui étaient nôtres à l'article 1, et des désaccords qui étaient également nôtres à l'article 69.

Nous ne pouvons pas être solidaires d'un gouvernement qui, dans la philosophie qui sous-tend le présent article 13 et les articles tels que 1 ou 69 ou 12 ou 13, à toutes fins pratiques, nie l'existence d'une communauté anglophone vraiment articulée au Québec.

Son projet de préambule confirme depuis longtemps cet état d'esprit qui est sien. Le Parti québécois, les ministériels, le premier ministre du Québec, le ministre d'Etat au développement culturel, ses collègues de l'Education et de la Fonction publique ont décidé, il y a déjà quelque temps, premièrement, de ne pas se limiter, tâche déjà fort noble, à réorienter l'avenir et de ne pas se limiter non plus à une tâche onéreuse, à corriger le présent, mais de s'attaquer également, à travers certains articles du projet de loi no 101 au passé, un passé qui a laissé, hélas, des souvenirs d'injustice, mais également des souvenirs plus positifs. Les ministériels et le Parti québécois, du revers de la plume, qui ont rédigé le projet de loi no 101, effacent et nient presque 200 ans d'histoire.

Le PQ, s'il ne travaille pas ouvertement à l'extinction de la communauté anglophone, travaille formellement à la négation formelle et juridique de ses droits. Il faut avoir perdu confiance en son avenir comme gouvernement et perdre confiance dans les autres dispositions du projet de loi no 101 pour se refuser, à tout coup, comme on l'a vu depuis le début de l'étude du projet de loi no 101, d'accepter un minimum de reconnaissance formelle et juridique aux anglophones vivant au Québec.

En refusant, à l'article 69, des amendements pour y ajouter, par exemple, le mot "secondaire" ou pour y enlever le mot "légalement" ou pour y inscrire l'option Canada, en refusant à ce chapitre, ici à l'article 13...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, attention.

M. Grenier: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): II y a des motions qui n'existent plus parce qu'elles n'ont jamais existé ayant été jugées irrecevables. Il y a des articles qui ont été adoptés.

Mme Lavoie-Roux: Parfois, il faut vivre de souvenirs.

Le Président (Cardinal): Je comprends que la devise de la province est: Je me souviens, mais je me demande parfois de quoi.

M. le député de Mégantic-Compton.

A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci. En refusant à ce chapitre, à l'article 13, malgré les amendements proposés et les arguments du Barreau et de l'ensemble des spécialistes en matière juridique ou constitutionnelle, en refusant à ce chapitre des amendements qui nous assurent que les droits des parties ne seront jamais hypothéqués par une politique linguistique trop excessive, non seulement le gouvernement persiste dans sa négation, à toutes fins pratiques, de l'existence de la communauté anglophone au Québec, mais il dessine une stratégie à la limite de ses droits constitutionnels actuels, une stratégie afin de provoquer, on le dirait, Ottawa.

On dirait qu'il souhaite une bataille avec Ottawa, comme si on n'en avait pas assez, sur la politique linguistique alors qu'il a tellement de chances de se battre, et au profit du peuple, sur des problèmes d'ordre, par exemple, socio-économique.

Par son attitude excessive et, on doit le dire à ce moment-ci, même provocatrice, où la stratégie, de plus en plus, tient lieu de philosophie au sein des députés ministériels, le gouvernement, à ce chapitre de la législation et de la justice, conduit la présente commission et tous et chacun de ses membres dans une espèce de cul-de-sac.

M. Oussault: ...

M. Grenier: Elle aussi nous conduit dans un cul-de-sac, M. le député. Je peux vous répondre cela. Si vraiment le gouvernement n'a pas d'autres amendements en tête que les quelques-uns déjà connus et bien mineurs, si vraiment le gouvernement ne veut en rien changer quoi que ce soit à son approche "versus" la communauté anglophone...

M. de Bellefeuille: ...versus?

M. Grenier: ...s'il ne veut, au sein de cette

commission, que tester l'Opposition ou unioniste ou bien libérale sur l'objet nécessaire de la prééminence du français, le gouvernement devrait le dire une fois pour toutes. L'Union Nationale, quant à elle, favorise dans les faits, et surtout au chapitre de la langue de travail, la prééminence du français. Que le gouvernement, au lieu de faire perdre plus de temps à tout le monde, dise donc carrément qu'il n'est plus disposé à écouter, qu'il a fait son nid et qu'il est prêt à payer le prix de son entêtement en matière linguistique, et qu'il ose donc imposer le bâillon dont il rêve sur cette partie de la loi où l'on parle de justice.

M. le Président, il est clair que le gouvernement, et je termine ici, que le gouvernement actuel a l'intention de passer outre aux demandes qu'on a faites dans le secteur de la justice, et que ce gouvernement, à mon sens, manque justement, à ce chapitre comme aux autres, de justice et d'équité dans sa recherche de la francisation du Québec.

Je voudrais qu'on se le tienne pour dit. Quant à l'Union Nationale, nous continuerons de nous battre à cette commission-ci et nous devons réaliser à la fin de ce chapitre que le gouvernement n'a pas envie de céder sur aucun point, valable à nos yeux; qu'il n'a vraiment pas l'intention de céder et que pour nous c'est passablement déprimant de faire une opposition qu'on a voulu constructive jusqu'à maintenant, faite de suggestions de longue date et de se rendre compte qu'on n'accepte à peu près pas de changer une virgule dans cette loi qu'il s'entête à adopter.

Je voudrais, M. le Président, qu'on sache qu'à partir de maintenant, nous continuerons notre débat, notre travail de ce côté-ci de la table. Nous sommes assurés que ce ne sera pas meilleur dans d'autres chapitres, nous en sommes à peu près convaincus mais que nous aurons fait notre part et il restera au gouvernement à porter l'onéreux de cette loi vis-à-vis du public. Il est peut-être heureux que cela se passe à la première année du mandat. D'autres gouvernements, qui étaient l'Union Nationale, avec son projet de loi 63 ou bien le Parti libéral avec son projet de loi 22, ont peut-être payé une bonne partie de leur administration à cause de l'adoption de ces lois. Le gouvernement a peut-être choisi d'adopter cette loi au tout début de son mandat, mais rappelons-nous encore une fois que l'électeur a le bras long, qu'il a surtout bonne mémoire au Québec.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mégantic-Compton. Je dois mentionner, sans vous agresser, que j'ai présumé que tous les membres de la commission croyaient que vous parliez de l'article 13 du chapitre 3.

M. Grenier: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: ... l'article 13, je pense... Il y a place ici pour résumer plusieurs et même quelques chapitres que nous avons étudiés jusqu'à maintenant. Il semble qu'il résume plusieurs chapitres à la fin de cet article et qu'il serait de bien mauvais goût de dire qu'on doit se limiter exclusivement au terme bien juridique de l'article 13 sans faire allusion au passé quand on est rendu à vivre les moments qu'on vit aujourd'hui à cette table. Il me semble que c'est tout à fait dans l'ordre qu'on le fasse.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, je m'excuse. Mon rappel n'était pas un rappel au passé. Je vous rappellerai l'article 39 du règlement qui vise le président directement. Il est peut-être temps qu'on le mentionne. Il se lit comme suit: "II est du devoir — du "devoir" — du président d'attirer immédiatement l'attention sur toute violation du règlement sans attendre qu'elle lui soit signalée, mais sa juridiction ne s'étend pas sur des paroles prononcées hors de la Chambre." Ce que je veux dire par là, M. le député de Mégantic-Compton, ce n'est pas une critique, c'est que je vous ai laissé aller alors que vous avez parlé du fond de tout le chapitre III peut-être et même de toute la loi 101 sans que n'intervienne aucune question de règlement sauf celle que j'ai soulevée à un certain moment. Ceci n'est pas une critique, c'est de mon devoir de faire ce que je fais. Ce n'est rien de plus, rien de moins. Il n'y a rien contre vous personnellement, absolument. J'espère que vous me conserverez votre amitié.

M. Grenier: M. le Président, je vous remercie de votre générosité.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Jacques et ministre délégué au Haut-Commissariat.

M. Charron: M. le Président, c'est l'intervention du député de Mégantic-Compton...

Le Président (M. Cardinal): Attention, ne tombez pas dans...

M. Charron: ... sur l'article 13, comme il vient de le faire...

Le Président (M. Cardinal): D'accord!

M. Charron: ... qui m'incite à conclure, au nom du gouvernement, sur cet article longuement étudié; depuis maintenant plus de trois heures...

M. Laurin: Cinq heures.

M. Charron: ... cinq heures, me signale le ministre d'Etat au développement culturel.

Le Président (M. Cardinal): Nous avons commencé à 21 h 57 hier soir.

M. Charron: Hier soir.

M. Ciaccia:... la loi 22, par exemple.

M. Charron: II y a une certaine limite.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: II y a une certaine limite qu'on n'est même pas prêt à reconnaître immédiatement quitte à décevoir nos amis de l'Opposition. Voilà que le député de Mégantic-Compton, après avoir plusieurs fois, la semaine dernière, signalé la manoeuvre par laquelle l'Opposition libérale réclamait la guillotine et nous avoir dit — il la voudrait qu'il ne ferait pas mieux, voilà que lui aussi se met à la réclamer. J'ai une mauvaise nouvelle pour les députés de l'Opposition.

M. Grenier: On en a peur, M. le ministre. Mme Lavoie-Roux: ... on va être ici, allez-y!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: J'ai une mauvaise nouvelle pour les députés de l'Opposition. Nous allons travailler toute la semaine sur le projet de loi.

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas une mauvaise nouvelle, M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: ... de cette importance. Pour eux cela en est une.

M. Lalonde: Enfin, on va pouvoir prendre tout le temps sans avoir la guillotine au-dessus de la tête. Excellent, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: M. le Président...

M. Grenier: M. le Président, travailler du lundi au vendredi, c'est une excellente nouvelle. On a travaillé le samedi et quasiment le dimanche.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Charron: Je ne vous garantirai pas que vous aurez vos week-ends à vous prélasser, parce que le projet de loi que nous sommes à étudier et la façon avec laquelle vous l'étudiez nous obligera probablement à rallonger les heures de travail de la commission. Si, évidemment, on ne passait pas cinq heures sur un seul article, on serait depuis longtemps engagé dans le chapitre de la langue d'administration et on n'aurait aucunement à l'idée, de ce côté-ci de la table, de vous obliger à siéger à des heures plus longues...

M. Lalonde: L'article 39, M. le Président.

M. Charron: ...et irrégulières qu'actuellement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord. M. le député de Saint-Jacques...

M. Charron: Je demande donc, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): ...n'imitez pas vos amis d'en face.

M. Charron: D'accord, M. le Président, j'ai compris. Vous n'avez pas besoin de me le dire.

Le Président (M. Cardinal): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous insinuez...

Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas parlé de tout le monde, mes remarques sont toujours générales. Elles ne visent jamais personne en particulier.

M. Charron: D'accord, M. le Président. Je vous demande de mettre l'article 13 aux voix.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie, il vous reste quinze minutes.

Mme Lavoie-Roux: ...c'est vrai qu'il me reste quinze minutes pour parler de la motion principale. Je pourrais les utiliser, mais je pense que ce serait prolonger inutilement la discussion... Voulez-vous vous tenir tranquilles vous autres?

M. de Belleval: M. le Président, voulez-vous rappeler les collègues du député de L'Acadie à l'ordre, ils ne la laissent pas s'exprimer avec sérénité.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Ce n'est pas encore l'heure de la récréation, s'il vous plaît! A l'ordre, M. le député de Mont-Royal! M. le député de Charlesbourg, M. le député de Rosemont, à l'ordre! Faut-il vous rappeler vingt fois les articles 26 et 100? Veuillez les relire le soir avant de vous endormir. Cela vous aidera d'ailleurs.

M. Paquette: ...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je disais qu'il me restait quinze minutes pour discuter de l'article 13, de la motion principale. Je ne le ferai pas maintenant, parce que j'aurai toujours le loisir de le faire plus tard.

Tout à l'heure, en fait: On commence à penser qu'on va vivre de souvenirs, on disait, ou c'est moi qui ai dit, à la suite de l'intervention du député de Mégantic-Compton qui disait: On a fait du travail; on a préparé des amendements et il ne se passe rien; le gouvernement ne semble pas comprendre; il y a un mur étanche entre les deux côtés de la table, etc.

Je me dis: Tant que la commission est en vie,

il y a de l'espoir. C'est dans ce sens que je propose un autre amendement.

M. Paquette: Ce n'est pas un "filibuster."

Mme Lavoie-Roux: On finira peut-être par vous faire comprendre.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Pendant que vous proposez votre amendement, vous parlez sur la motion principale. Ce n'est qu'après que nous comptons le temps sur l'amendement. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je fais l'amendement immédiatement.

Le Président (M. Cardinal): Allez-y.

Mme Lavoie-Roux: Que l'article 13 soit modifié en ajoutant à la fin, après le mot "officielle", les mots "et s'applique si aucune divergence n'existe entre les deux textes".

L'article amendé se lirait comme suit: "Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en français ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée." Je ne pense pas que cela déroge beaucoup à l'article 13 jusqu'à maintenant.

M. Paquette: Ou à votre ancien amendement.

Mme Lavoie-Roux: "Seule la version française est officielle et s'applique si aucune divergence n'existe entre les deux textes".

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Sur quelle question, M. le député de Rosemont?

M. Paquette: C'est sur la recevabilité.

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Si vous permettez, je vais faire distribuer le texte à chacun des membres de la commission. Je vais le lire calmement, à voix basse, et je verrai s'il y a lieu de tenir un débat sur la recevabilité.

Je m'excuse, j'invoque l'article 65, paragraphe 2. Si je prends l'article 13, il ne s'agit pas d'avo-casserie, je me fais tout simplement le notaire du diable.

Mme Lavoie-Roux: ...en l'occurrence.

M. de Belleval: Serait-ce une "notasserie"?

Le Président (M. Cardinal): L'article 13 se lit: "Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et organismes exerçant..."

On me dit que l'article 13 soit modifié en ajoutant à la fin, après le mot "officielle", les mots "et s'applique..."

On dit: L'article amendé se lirait comme suit: "Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires..."

A ce moment, j'avoue... Attendez un peu, je vais le relire avec attention. Je me demande si, techniquement, c'est recevable.

Mme Lavoie-Roux:... l'article 5.

Le Président (M. Cardinal): Ah! C'est cela, article 5. Cela ne correspondait pas.

Mme Lavoie-Roux: Oui, je m'excuse.

Le Président (M. Cardinal): Vous êtes d'accord?

Mme Lavoie-Roux: Oui, il faudrait ajouter le "les".

Le Président (M. Cardinal): Alors, je m'excuse...

Mme Lavoie-Roux: "Les", à l'article 5.

Le Président (M. Cardinal): D'office, la présidence s'est permise d'apporter une correction, non pas que la motion soit recevable, mais qu'elle soit acceptable sur la table de cette commission.

Sur la recevabilité, j'ai remarqué que M. le député de Rosemont voulait s'exprimer. Encore une fois, je ne voudrais pas qu'il y ait un débat qui fasse que la présidence semble — je le répète — faire un "filibuster". Si on veut s'exprimer sur la recevabilité, je n'ai aucune objection.

M. Paquette: M. le Président, si vous êtes prêt à prendre votre décision, je n'ai aucune objection.

Le Président (M. Cardinal): Oui, je suis prêt à rendre la décision.

M. Lalonde: M. le Président, vous ne pouvez rendre une décision sans nous donner...

Le Président (M. Cardinal): Ecoutez, si vous voulez discuter de la recevabilité, je n'ai pas d'objection. Je réponds à M. le député de Rosemont que je suis prêt à rendre ma décision.

M. Lalonde: M. le Président, quand même...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Joliette-Montcalm, sur une demande de directive.

M. Chevrette: Quand une proposition est tournée de bord de quarante façons différentes et que cela arrive toujours à la même fin, est-ce qu'il y a un article du règlement permettant à la présidence de juger cela irrecevable?

Le Président (M. Cardinal): Oui, il y a des articles. Je l'ai mentionné ce matin — c'était une es-

pèce de caveat à la commission — en disant: N'oubliez-pas l'article 154 qui oblige à ne pas accepter de motion d'amendement qui vienne renverser ce principe; n'oubliez pas que l'article 70 indique que l'on peut ajouter, remplacer ou enlever des mots, pourvu qu'encore une fois l'on n'aille pas contre le principe de la motion principale. J'ai ajouté qu'en vertu de l'article 65, alinéa 1, l'on sache que la présidence peut décider quel est le but de la motion. Je veux ici prendre deux minutes pour indiquer ceci. Je pense que personne n'a rien à craindre. J'ai indiqué ceci ce matin. C'est à la suite d'une motion sur laquelle M. le député de Jonquière a rendu une décision aux premières heures de la commission: Que l'on sache bien qu'à l'avenir il n'y a pas que les articles déjà mentionnés qui régissent la présidence. Cette motion que j'ai devant moi, techniquement, suivant l'article 70, est parfaitement acceptable. Encore une fois, pour respecter les règles de la démocratie, sans aller plus loin et sans prendre plus de temps, je la déclare recevable. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. C'est évident que, comme certains l'ont mentionné autour de la table, il peut s'agir d'avocasserie, il peut s'agir de "filibuster", tous les termes pour le parti ministériel sont bons. Il faut réaliser qu'à nos yeux l'article 13 est un article très important. Nous avons essayé de faire valoir des arguments qui ont été rejetés du revers de la main, et le parti ministériel a fait valoir surtout deux arguments principaux. Le premier, à savoir qu'après des études sérieuses, même si on considère qu'il peut y avoir des difficultés, on ne les a pas jugées satisfaisantes pour présenter un autre article ou accepter les amendements que nous avons proposés ce matin. Le deuxième argument qui a été le plus constamment et abondamment utilisé par le parti ministériel est le fait qu'on veut que le texte ne soit pas en désaccord avec le principe voulant que la version française soit la version officielle. Sans cela, on déroge au principe fondamental de toute la loi, à savoir que le français est la langue officielle.

Nous avons tenté de démontrer à ceux qui nous accusaient de faire du bilinguisme institutionnel quelle était vraiment notre motivation en présentant l'amendement et le sous-amendement que nous avons présentés ce matin, c'est-à-dire que notre seule préoccupation, c'est qu'en matière de justice, un seul point doit dominer; que, la justice soit rendue avec la plus grande équité. Malheureusement, nous ne pouvons souscrire aux arguments assez longuement développés, dans un deuxième temps, par le ministre d'Etat au développement culturel, voulant que ce ne soient que certains dangers qui existent, rien de très sérieux ou suffisamment sérieux jour justifier des modifications à l'article 13. Pour nous, ne s'agirait-il que d'un cas où on pourrait éviter que justice soit mal rendue, cela demeure suffisant à nos yeux pour qu'un amendement soit apporté.

Je pense qu'à ce moment-ci, conserver dans le texte ou reconnaître dans le texte de l'amendement la version française comme étant la seule officielle dans le texte de loi, cela nous semble au moins être un effort considérable pour essayer de répondre, quand même, aux objectifs du gouvernement, qui ne veulent d'abord d'aucune façon que l'anglais soit mentionné à l'article, ou qu'on semble, ou qu'on veuille lui reconnaître un caractère officiel, même s'il s'agit de la justice.

Il nous semble que le gouvernement ne devrait pas interpréter ce dernier amendement comme une opposition systématique de la part de l'Opposition officielle, mais vraiment comme un effort ultime d'essayer de le convaincre que nos arguments ont une certaine valeur dans la mesure où les personnes qui seront en cause pourront être l'objet d'une injustice quelconque. Nous aurions pu tout simplement revenir et discuter de la motion principale et ne pas nous soucier de faire cet amendement, mais nous nous sommes refusés à ceci comme étant peut-être une solution de facilité — prendre une attitude de résignation dont je ne veux pas accuser du tout l'Union Nationale à ce moment-ci, au contraire. Je pense qu'elle a tout essayé, et dans son dernier plaidoyer, le député de Mégantic-Compton a vraiment exprimé, je pense, un peu le sentiment, je ne dirais pas le découragement, parce que nous ne sommes pas découragés, ne vous trompez pas, mais un peu ce sentiment d'incapacité de ne pouvoir améliorer la loi de quelque façon que ce soit, particulièrement depuis que nous avons abordé le chapitre de la langue de la législation et de la justice.

Sans aucun doute, on nous dira, et c'est dommage, c'est ça qui est quand même un peu triste, que les oreilles soient déjà fermées, au moment où on ouvre la bouche: Vous faites des répétitions; vous faites des redites. Mais si on fait des répétitions, si on fait des redites, peut-être qu'on pourra vous convaincre, et si on ne peut pas vous convaincre, au moins, on aura le sentiment d'avoir fait l'impossible sur un point qui nous semblait fondamental.

Il s'agit vraiment de droits fondamentaux pour les individus, et je ne puis vraiment pas admettre qu'en présence de quelques doutes, la position du gouvernement soit une position aussi fermée que celle qu'il montre jusqu'à maintenant.

Evidemment, on me dira que, peut-être, si je prends la dernière phrase, le deuxième membre de cette phrase, "si aucune divergence n'existe entre les deux textes etc", d'une façon détournée, officialise la langue anglaise.

Je sais que c'est l'argument que vous allez nous servir, mais, le point de vue dont on essaie de vous convaincre c'est celui de la plus grande justice possible pour chacun et aussi d'éviter éventuellement des contestations de tout ordre, qui causent des délais dans l'administration de la justice, causent des préjudices aux individus. Nous tentons de l'éviter et c'est le seul moyen qui nous reste — on l'a amplement démontré ce matin — nous voulons au moins essayer, en tentant de nous conformer le plus possible aux principes auxquels le gouvernement ne veut pas déroger,

même dans ce domaine, nous tentons au moins, dis-je, par ce dernier effort, au moins d'ébranler le gouvernement.

Mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a cité assez longuement hier cet auteur belge qui s'est penché sur l'administration de la justice dans les pays pluralistes, multilinguistes, c'est multilingues, qu'on dit, je pense...

M. Chevrette: Multilingues...?

Mme Lavoie-Roux: ...et je ne relis qu'une seule des phrases qu'il a lues. Il citait la Belgique qui, jusqu'en 1873, ne s'était préoccupée de rendre la justice que dans une seule langue, mais, qui en 1935 par l'adoption d'une loi qui est toujours en vigueur d'ailleurs, a véritablement mis les deux langues nationales sur le même pied pour tout le fonctionnement du pouvoir judiciaire en Belgique.

Devant la préoccupation de servir le mieux possible tous les individus dans ce domaine de respecter leurs droits fondamentaux, la Belgique a sans doute opté pour un unilinguisme territorial— puisqu'on sait fort bien que le pays, au plan de la langue, est divisé en deux secteurs très nettement marqués, mais elle n'a pas voulu soumettre ce domaine de la justice à cette option qu'elle avait prise à l'égard du territoire. Aujourd'hui, et même dans le contexte d'un Québec indépendant, il nous semble que le gouvernement devrait encore conserver cette préoccupation, compte tenu du nombre d'individus qui sont touchés ici. On parle quand même d'un pourcentage, selon les interprétations qu'on lui donne, qui varie entre 13,6% et 18% à 20%— même dans un Québec indépendant, dis-je, c'est une préoccupation que le gouvernement devrait conserver.

C'est en somme un dernier plaidoyer que l'on fait auprès du gouvernement pour tenter de le convaincre tout en essayant le plus possible de répondre à ses exigences. Si nous ne parvenons pas à l'influencer, du moins, je pense que personne ne pourra nous reprocher de ne pas avoir fait tous les efforts nécessaires pour sensibiliser non seulement le gouvernement, mais également la population à la dimention extrêmement importante de ce problème des jugements et de la langue des jugements rendus au Québec, devant les tribunaux.

Je m'arrête ici pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Bien sûr, pour la 22e, la 27e ou la 32e fois, nous devons revenir sur le métier et nous remettre à l'ouvrage. Il n'y a certes personne qui nous trouve, ni de l'Opposition, ni du parti ministériel, bien originaux dans nos pourparlers, sauf les gens des tribunes qui varient un peu tous les jours et qui ont l'air à trouver certaines choses nouvelles ici. Chez les media d'information, il n'y a que les journalistes qui reviennent de vacances qui trouvent quelque chose de nouveau, puisque les autres sont rompus à nos travaux depuis déjà quelque temps. Il y a ceux qui semblent montrer un brin d'attention de temps en temps aux amendements qui peuvent être apportés, quand on sait qu'on se bat ici depuis déjà plusieurs semaines...

Nous partageons le sens et la portée de la motion d'amendement que nous avons devant nous cet après-midi, proposée par le député de L'Acadie. Mais est-ce que c'est pour des motifs déjà donnés depuis le début du débat sur l'article 13, à savoir, sans me répéter, que les droits des parties peuvent être affectés par l'article 13, tel que rédigé? Je pense que nous l'avons suffisamment dit pour le comprendre. D'ailleurs, les ministériels, plus tôt, dans le débat, ce matin, semblaient accepter cette argumentation de primauté de la version originale, si jamais il y avait divergence entre deux versions d'un jugement.

En effet, ils ont voté pour un sous-amendement qui préconisait cet objectif, qui était celui de soustraire, par exemple, les deux textes qui sont officiels, un autre amendement qui venait de ce côté-ci de la table. A moins qu'il faille interpréter ce vote de leur part comme un jeu purement procédurier, puisque, peu de temps après, ils changeaient d'idée en votant contre la proposition, telle qu'amendée.

Est-ce à dire que les ministériels ne veulent, à ce point, rien savoir de l'Opposition et qu'ils oublient, qu'il est dit, à l'article 13, que l'Opposition est le porte-parole des professionnels de la justice, des juges et du Barreau du Québec? Je pense que les membres du Barreau, qui suivent les débats de près et qui s'informent d'heure en heure des travaux ici, sont loin d'être satisfaits du travail qui se fait et ils voient l'effort fait par votre gauche, M. le Président, ici, pour essayer de faire accepter un moindre changement, pour essayer de faire fléchir le gouvernement sur le moindre changement, afin de donner justice à ces gens qui attendent au moins une lueur d'espoir dans ce secteur.

Il semble bien que le gouvernement, là-dessus encore, a fait son lit, et qu'il n'y a rien qui puisse le faire fléchir. Je ne vous cache pas, M. le Président, que rendus à cet article, nous sommes à court d'arguments, il n'y a plus rien qui peut faire bouger le gouvernement. Il a l'air bien décidé. Et comme semblait le dire, tout à l'heure, Mme le député de L'Acadie, nous sommes rendus à nos dernières armes sur cet article et, si le gouvernement ne cède pas, il restera une chose, il en portera l'odieux, mais, ici, le public, le public de la justice ne pourra pas reprocher à l'Opposition de ne pas avoir fait son travail.

Quant à nous, nous sommes à la dernière ressource de notre argumentation et, s'il ne doit pas y avoir d'amendement accepté par le gouvernement, nous n'avons rien d'autre à proposer et nous serons prêts à passer au vote de l'article 13, avec la malchance que cela peut porter.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Très rapidement, je n'ai que quelques remarques. Comme d'autres députés l'ont dit ce matin, sur d'autres motions d'amen-

dement, je pense qu'effectivement, quand on parle de jugement, il y a toujours des problèmes d'interprétation. Nous n'avons pas nié cela. Mais ce que nous avons dit, c'est que nous avons essayé de prévoir, justement, ces problèmes d'interprétation, inscrivant, dans l'article du projet de loi, que la traduction devra être authentifiée par l'auteur même du jugement.

Bien sûr, l'authentification nécessite des efforts accrus pour s'assurer qu'effectivement, cette authentification aura une valeur, mais nous assumons, je pense, ces efforts accrus. Nous sommes conscients qu'il y en aura, et c'est un des prix que nous avons à payer, que nous acceptons de payer pour faire du Québec une société française, dans ce domaine comme dans les autres.

Le deuxième argument, c'est que, de toute façon, on sait également, et c'est un autre objectif de cet article, que cela va amener des juges qui sont anglophones, par exemple, mais qui parlent très bien français — et comme le député de Mont-Royal le disait, la majorité, sinon la totalité des juges sont bilingues à Montréal ou au Québec, j'en connais personnellement plusieurs qui parlent un très bon français; ils sont parfaitement bilingues — cela va amener plusieurs de ces juges, dans une société française, dans un territoire français, dans un Etat français, à rendre des jugements en français plutôt qu'en anglais. Nous aurons de plus en plus de juges d'autres nationalités, d'autres langues maternelles, qui rendront leurs jugements au Québec en français. C'est un autre objectif que nous voulons atteindre par cet article.

C'étaient les deux remarques que je voulais faire à ce moment du débat. Je pense que ce serait inutile de prolonger les remarques par du verbiage.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Verchères.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais, au départ, féliciter le député de L'Acadie d'avoir trouvé, je pense, la véritable formule qui serait susceptible de recueillir l'appui de tous les membres de cette commission. Nous avons cherché longtemps de quelle façon nous pourrions réconcilier les objectifs fondamentaux du gouvernement dans cette loi, et aussi les objectifs importants, aussi fondamentaux, de la qualité de l'administration de la justice et je désire l'en féliciter.

En effet, notre premier amendement, M. le Président, a eu l'heur de faire ressortir de la part des ministériels, des objections portant sur le caractère officiel de la langue française, sur la nécessité de reconnaître ce caractère dans cet article 13, et vous avez vu que nous avons, dans notre premier amendement, suggéré que les deux textes soient officiels.

Devant les objections répétées des membres de cette commission de l'autre côté de la table, j'ai fait un sous-amendement sur lequel d'ailleurs nous avons discuté quelques minutes seulement pour enlever le caractère officiel aux deux textes, mais encore là, je me suis aperçu que, même si le gouvernement a voté en faveur de ces sous-amendements, qu'il ne s'agissait que d'une stratégie afin d'amener le vote sur l'amendement principal le plus tôt possible.

Ce que ce gouvernement veut, M. le Président, c'est continuer de reconnaître dans cet article que seule la version française est officielle. Le député de L'Acadie a eu le génie de trouver cette condition préalable.

M. Paquette: Géniale.

M. Lalonde: ...et de ne pas changer, dans sa motion, justement ce caractère qui est extrêmement important pour le gouvernement. Ce qui nous apparaît manquer à cet article, c'est justement ce qui arrive quand il y a divergence entre les deux textes.

Nous avons conservé intact tout l'article tel quel, et tout ce que nous ajoutons, c'est un élément qui manque à cet article, parce que l'article dit bien que seule la version française du jugement est officielle et l'article est muet en ce qui concerne l'interprétation d'une divergence de sens entre les deux textes, c'est-à-dire le jugement écrit en anglais et la version française.

M. Charbonneau: M. le Président, y aurait-il possibilité de poser une question au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est toujours une possibilité.

M. Charbonneau: Je ne comprends pas votre raisonnement. Je voudrais que vous m'expliquiez comment vous pouvez soutenir ce que vous soutenez avec une clause d'authenticité dans l'article. Je comprendrais votre argumentation si, éventuellement, il n'y avait pas obligation d'authentifier par l'auteur du jugement le texte de traduction, mais une fois que l'auteur d'un jugement a authentifié, avec des moyens techniques, l'aide de traducteurs et de spécialistes, le texte traduit, son propre texte traduit, je ne comprends plus maintenant comment vous avez des réticences à faire en sorte que le texte officiel qui est en langue française et qui est aussi valable que le texte original ne soit pas considéré. Je comprendrais, mais je ne comprends pas parce qu'il y a une clause d'authenticité.

M. Lalonde: M. le Président, je comprends que le député de Verchères ne comprenne pas. Il a quand même raison, c'est assez complexe.

M. Paquette: Vous ne comprenez pas vous non plus.

M. Charbonneau: Je vous remercie infiniment.

M. Lalonde: II arrive, M. le Président, que des juges qui rendent des jugements dans la langue qu'ils comprennent le mieux, qu'un juge qui rend un jugement dans la langue qu'il comprend le

mieux ne reçoit même pas l'accord de la Cour d'appel, que la Cour d'appel va interpréter différemment, dans la même langue, des propositions, des décisions ou même des obiter dictum d'un jugement.

C'est tout à fait naturel; c'est dans l'ordre des choses et je pense que la question du député de Verchères est fort pertinente. Ce n'est pas mathématique un jugement; c'est rempli de nuances; c'est rempli de l'appréciation de la preuve. Un juge va apprécier une preuve d'une façon différente; il va la soupeser; il va soupeser un témoignage d'une façon différente d'un autre juge; il va accepter la crédibilité d'un témoin qu'un autre juge n'accepterait pas. Tout est question de nuances et lorsqu'il faut transposer cette nuance dans une autre langue, même si c'est le juge qui a rendu jugement en anglais qui authentifie la version française, ce dont je doute, ce n'est pas écrit dans la loi. Je ne sais pas si c'est l'intention du gouvernement de le faire.

Rien n'indique que c'est le juge auteur du jugement qui authentifie le jugement. Ce peut aussi bien être un protonotaire, un service de traduction avec un fonctionnaire autorisé à ce faire, pas nécessairement un juge, qu'arriverait-il si un juge, qui n'est pas satisfait de la version française demandait plusieurs mois pour la vérifier, à cause de ses autres travaux? Si l'intention du gouvernement, c'est de faire en sorte que ce soit le juge auteur qui authentifie le jugement, je pense que vous allez vous embarquer dans des problèmes. Il n'y a aucune loi qui oblige un juge à rendre jugement dans un délai donné, par exemple. Dieu sait dans des milieux plus... Le député de Verchères, qui a été dans ce milieu assez longtemps, quoique dans un secteur un peu éloigné du droit civil, doit savoir que certains juges tardent à rendre leur jugement. Il y a des juges qui...

M. Charbonneau: Parlons...

M. Lalonde: Parlons des juges qui sont déjà passés à l'histoire et qui ne sont pas vivants actuellement, sans en nommer. Des juges avaient la réputation de ne pas rendre leur jugement rapidement. Par exemple, qu'est-ce qui va arriver pour la traduction? Cela va être encore pire. Cela va paralyser complètement la marche de la justice. Les appels? Quand vous avez trente jours pour aller en appel dans un jugement, cela va prendre combien de temps? Cela prend six mois pour le traduire.

M. Guay: Question de règlement, si je...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Taschereau, sur une question de règlement.

M. Guay: Cela commence à être un exposé plutôt qu'une réponse à une question.

Une Voix: Cela compte dans son temps.

M. Guay: Oui, mais on peut lire le livre du té- léphone aussi pendant son temps. C'est une bonne façon de tuer le temps.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, mais en fait...

Une Voix: C'est ce qu'il fait, d'ailleurs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En fait, je pense... S'il vous plaît!

M. Guay: Oui, M. le député d'Outremont, je suis heureux de vous voir parmi nous aujourd'hui. Cela fait longtemps qu'on ne vous a pas vu.

M. Dussault: Cela fait trois fois qu'il répète.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, à l'ordre! Je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys était en train de répondre à une question qui lui était posée par un membre de cette commission.

M. Lalonde: Je voyais, M. le Président, le député de Verchères, sinon approuver, du moins, comprendre qu'on était sur la même longueur d'ondes, même si je ne lui ai pas demandé d'approuver mes propos, mais je ne peux pas m'attendre d'être sur la même longueur d'ondes que le député de Taschereau. Je m'en félicite.

M. le Président, je vais mettre fin à ma réponse. Je pense que je vais revenir au propos qui est fondamental. La version française continue d'être le texte officiel authentifié d'une façon assez floue, assez vague, en fait, qui n'est pas du tout contenue dans la loi, mais on peut présumer qu'un processus d'authentification sera mis sur pied, puisque la loi en parle et l'exige. Mais ce qui est important, c'est que la version française va continuer d'être officielle, telle que désirée par le gouvernement. Donc, notre amendement ne va pas du tout à l'encontre du principe. C'est la version française qui est officielle lorsqu'un jugement est rendu en anglais. Le jugement anglais va continuer de demeurer, par exemple. Vous n'allez quand même pas exiger qu'on écrive les jugements anglais avec de l'encre auto-effaçante. Cela ne vous fait pas si mal que cela même s'il y a des jugements en anglais. Non?

Une Voix: Si on pouvait...

M. Lalonde: II n'y a personne qui a perdu connaissance. On va continuer de parler des jugements anglais. Toutefois, cet article est muet dans un secteur extrêmement important. C'est l'application justement de ce principe, à savoir que lorsqu'un jugement est rendu en anglais et que c'est la version française authentifiée qui est officielle, qu'arrive-t-il lors d'une divergence entre les deux textes? Cela arrive quotidiennement. Non seulement dans les jugements, mais dans toutes sortes de textes, et plus encore dans les jugements. C'est plus susceptible d'arriver dans les jugements justement à cause du caractère très

nuancé de la matière qui est traitée par un juge. Alors, c'est là que nous ajoutons que nous venons aider le gouvernement en ajoutant que la version française officielle va s'appliquer, sauf lorsqu'il y aura divergence, étant sous-entendu que lorsqu'il y aura divergence, cela va être la version originale. Naturellement, s'il faut en croire les arguments apportés par le député de Deux-Montagnes et le ministre avant l'ajournement de midi... M. le Président...

Le Président (M. Guay): Attention, la présidence est indivisible.

M. Lalonde: M. le Président, vous avez lu le règlement? Je vous remercie.

Le Président (M. Guay): J'en fais mon livre de chevet, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je vous remercie.

M. de Belleval: ... vos droits, si besoin en était.

M. Lalonde: Je vous remercie, M. le Président. Comme cela, je ne serais pas trompé par le député de Taschereau.

Le Président (M. Guay): Sauf pour le cas où vous iriez à rencontre du règlement.

M. Lalonde: Ce serait par la présidence.

M. Grenier: Le député de Taschereau va prendre la parole quand il va vouloir.

Le Président (M. Guay): M. le député de Mégantic-Compton, je vous rappelle à l'ordre.

M. Lalonde: Merci, M. le Président, de protéger mes droits.

Alors, M. le Président, c'est extrêmement important — j'espère que le gouvernement s'en rend compte — d'indiquer dans la loi quel est le jugement qui va s'appliquer, quelle est la version et de reconnaître que, malgré les vertus qu'on nous a décrites tantôt de nos excellents, de nos merveilleux traducteurs, malgré la mise sur pied de tout un service de traduction, malgré l'authentification qui, j'en doute, ne pourra pas être faite par le juge-auteur, parce que si c'est ça que vous voulez faire, ça ne se fera pas. Il va falloir que vous le fassiez autrement. Etant donné qu'on ne peut même pas demander à un juge de rendre un jugement dans des délais à l'intérieur d'une époque, raison de plus, surtout s'il s'agit d'un juge anglophone dont la langue anglaise est la langue d'usage, la première langue, même s'il connaît bien le français, comment allez-vous pouvoir vous assurer d'un service de traduction avec authentication par le juge dans des délais raisonnables, dans des délais qui vont respecter les délais d'appel? Ce serait rêver en couleurs que de penser cela.

M. de Belleval: Est-ce que je peux vous poser une question là-dessus?

M. Lalonde: Oui, allez-y!

M. de Belleval: Le député de Mont-Royal a dit, hier, je pense, que, quand la justice est retardée, comme disent...

M. Ciaccia: La justice est niée.

M. de Belleval:... la justice est niée.

M. Ciaccia: Absolument!

M. de Belleval: Si j'ai bien compris l'argumentation du député de Marguerite-Bourgeoys, il y aurait donc des juges actuellement ou, dans le passé, si j'ai bien compris... Là, je ne sais pas s'il fait allusion à des juges vivants...

M. Lalonde: Actuels? Je ne le sais pas. M. de Belleval: Vous ne savez pas?

M. Lalonde: Mais j'ai laissé la pratique du droit...

M. de Belleval: II y aurait donc eu des juges injustes.

M. Lalonde: La justice n'est pas parfaite, en effet, et il dépend beaucoup du législateur qu'elle devienne plus parfaite. Plus les lois sont contraignantes en ce qui concerne l'exercice de la profession de magistrat, moins la justice peut devenir parfaite, et raison de plus pour...

M. Raynauld: Est-ce que vous voulez ériger un autre monument?

M. Lalonde: ... raison de plus pour ajouter dans la loi une disposition claire, qui va dire bien clairement et de façon concise, comme on le propose dans notre amendement, quel est le jugement qui va s'appliquer. Sinon, nous ouvrons la porte à toutes sortes de contestations, en plus, naturellement, de tous les délais de l'appareil extrêmement lourd que nous tentons de mettre sur pied avec cet article 13.

Je vais entendre d'autres intervenants, M. le Président, avant de continuer.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

M. le Président, la raison pour laquelle le député de L'Acadie a trouvé cette formule d'amendement, c'est parce que l'article 13, tel que rédigé par le gouvernement, est inapplicable. Tel que rédigé, cet article s'appliquerait même aux jugements antérieurs. Or, M. le Président, il faut connaître notre jurisprudence, il faut connaître notre système de précédents, il faut connaître tout le

développement de notre système juridique pour savoir que c'est absolument impensable qu'un article comme l'article 13 puisse s'appliquer aux décisions qui ont déjà été rendues depuis le commencement de nos lois. Est-ce que ça veut dire qu'il faut effacer de nos lois tous les jugements qui ont été rendus en anglais? On ne parle pas ici de parler l'anglais; on ne discute pas des justiciables, de leur droit de se faire entendre en français. On parle des lois, des jugements qui font partie de tout notre système judiciaire dont plusieurs sont en anglais, et on leur dit maintenant, à l'article 13: Ces jugements n'ont plus d'effet juridique. C'est ça qu'on dit.

Je vois l'impossibilité, physiquement et juridiquement, de refaire tous ces jugements depuis le commencement de nos lois, qui peuvent dater d'une centaine d'années, de les faire tous traduire en français, malgré les bonnes intentions du gouvernement, et le député de Charlesbourg rit — il sait que j'ai raison — c'est impossible, et même le député de Rosemont...

Si on fait des lois, c'est pour qu'elles puissent être appliquées. Il faut faire des lois légales. Il ne faut pas dès le commencement voir l'absurdité d'un projet de loi ou d'un article dans une loi et c'est la plus grande absurdité possible de pouvoir...

M. Chevrette: Ce n'est pas vrai.

M. Ciaccia: ...dire aujourd'hui: Nous allons seulement reconnaître une version française, dûment authentifiée, et voilà une raison de plus pour laquelle nous ne voyons pas de juristes du côté ministériel. Ils le savent. Ils auraient honte de ce principe à l'article 13.

On a invité l'avocat-conseil du gouvernement, le député de Sauvé. On a invité le ministre de la Justice. On ne les voit pas ici, parce qu'ils ne pourraient jamais répondre aux questions qu'on soulève sur l'absurdité qu'on vient de démontrer de l'article 13.

M. de Belleval: Le député de Taschereau est avocat.

M. Ciaccia: Ouais? Le député de Taschereau? Il n'a pas fait d'intervention et il n'a pas encore répondu à nos questions et j'attends ses commentaires tantôt...

M. Guay: M. le Président, je...

M. Ciaccia: ...après avoir complété mon intervention, je serai bien heureux...

M. Guay: ...veux seulement corriger un fait.

M. Ciaccia: ...d'entendre les commentaires du député de Taschereau, de savoir comment il va authentifier tous les jugements...

M. Chevrette: Depuis l'article 11 qu'ils perdent leur temps.

M. Ciaccia: ...qui ont été rendus depuis que le Code civil a été promulgué au Québec parce que, même selon le Code civil, il y a eu des jugements sur différents articles, en français et en anglais, et cela fait partie de nos lois. Les lois, ce n'est pas seulement la législation qui est promulguée par l'Assemblée nationale. C'est pour cela que l'article 13 est un article fondamental. Dans nos lois sont contenus les jugements qui sont rendus par les tribunaux. Cela fait partie de nos lois et on dit, dans quatre lignes: "A partir de la date à laquelle ce projet de loi sera adopté, toutes ces lois antérieures ne s'appliqueront plus. C'est cela qu'on dit, et c'est quelque chose qui non seulement est impensable, mais c'est totalement illégal de faire cela et il n'y a pas un membre de la magistrature qui va pouvoir se conformer à l'article 13 en se respectant. C'est impossible, parce qu'un membre de la magistrature, quand il est nommé, coupe ses liens politiques. Il devient apolitique, il devient indépendant et, ici, on lui dit, malgré le fait qu'on vous a nommé et que vous êtes indépendant et que vous n'avez pas à être politisé, on vous dit comment rendre vos jugements. C'est le principe qu'on attaque. Si, aujourd'hui, on peut dire dans quelle langue un juge va rendre son jugement, demain on pourra lui dire ce que ce jugement devra contenir, et on en a un exemple parfait dans le projet de loi no 3 qui a été introduit au mois de décembre.

M. Dussault: Au mois de mars.

M. Ciaccia: Au mois de mars. On disait aux juges et aux commissaires, parce que ce sont des fonctions quasi judiciaires, ce qui devait être contenu dans leur jugement, mais quand on dit que, dans une démocratie, on ose promulguer, penser de telles lois, on se demande l'esprit...

Je vois que le député de Deux-Montagnes n'est pas ici. Il me citait Montesquieu, L'Esprit des lois. Je voudrais savoir ce que Montesquieu a à dire là-dedans.

Mais le gouvernement a dû reculer et a retiré cette clause du projet de loi no 3, parce qu'il voyait que c'était une ingérence complète et inacceptable dans le processus judiciaire.

M. Guay: Qu'on parle donc du projet de loi no 101.

M. Ciaccia: On attaque ce principe de la même façon à l'article 13 et c'est pour cela que nous avons apporté l'amendement; nous avons apporté cet amendement, sans porter atteinte au principe de l'unilinguisme. Je n'accepte pas le principe de l'unilinguisme. Je trouve que c'est un principe qui ne pourra pas être appliqué dans notre société pluraliste. Je trouve que c'est un principe rétrograde lorsque tous les autres pays du monde s'ouvrent et acceptent de plus en plus toutes les minorités.

On a parlé ce matin des pays où on parlait plus d'une langue, trois et quatre langues. Ils ne se gênent pas, ils gardent leur identité. Mais même

si on veut accepter le principe de l'unilinguisme, parce qu'ici c'est quelque chose encore au-delà de cela dont on discute, quelque chose encore plus important, l'indépendance de la magistrature, la façon dont les jugements seront rendus, la justice pour ceux qui vont devant les tribunaux, nous ne portons pas atteinte au principe de l'unilinguisme. C'est accepté même dans l'amendement proposé. La seule qualification qu'on lui apporte, une qualification tout à fait normale, c'est que s'il y a une divergence entre les deux textes, il va falloir se référer au texte dans lequel le jugement a été rédigé et, en conséquence, seule la version française sera officielle et s'appliquera s'il n'y a pas de divergence.

M. le Président, pour ce qui est de la question d'authentifier un texte, je doute que les ministériels aient eu l'expérience à laquelle je me suis référé ce matin, je pense que c'est assez important de le redire encore, la question de traduction d'un texte légal. J'ai eu l'occasion de conclure une entente qui fait partie de nos lois maintenant, et cette entente avait été rédigée en anglais parce que la partie principale de cette entente ne comprenait que l'anglais. Nous avons passé des semaines et des semaines à la traduction des textes. A la fin, comme je vous l'ai décrit, nous avions autant de gens qu'à cette table-ci, trois jours et trois nuits, pour en arriver à la traduction de ces textes. On parle de texte légal, on parle de quelque chose qui va affecter une loi, les droits qui seront affectés et résultant de ce document. Si ce document a pris autant de temps, je vois mal comment chaque jugement sera traité de cette façon. C'est ce que l'on dit. Dans chaque jugement, il y a différentes parties qui sont affectées, il va falloir faire la traduction. C'est ce dont on parle. On fait des lois en théorie ici. On essaie de jouer à la politique avec les tribunaux. Je vous dis, M. le Président, si on veut jouer à la politique, qu'on le fasse avec d'autres sujets qu'un sujet aussi important et aussi fondamental que la magistrature et nos tribunaux. Nous avons un système judiciaire qui fait l'envie du monde. On veut y porter atteinte. On veut changer les règles. On veut réduire l'objectivité et l'indépendance de nos tribunaux. Pour quelle raison? Pas pour donner un meilleur service ou pour être plus efficace. Ce n'est pas du tout pour cette raison.

M. Guay: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Taschereau sur une question de règlement.

M. Guay: Si je peux me permettre de vous le signaler, je ne vois pas très bien en quoi l'amendement proposé par l'Opposition officielle porte atteinte à l'indépendance de la magistrature. Il me semble que le député de Mont-Royal va à l'encontre du règlement et ne parle pas du tout de la question qui fait l'objet du débat à l'heure actuelle.

M. Lalonde: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, il est difficile pour le député de Mont-Royal d'apporter des arguments en faveur de l'amendement sans attaquer l'article qu'il veut amender. Ce serait établir un corridor absolument impossible que de dire: Parlez seulement de l'amendement sans parler de l'article.

M. Ciaccia: Sur la même question de règlement, M. le Président, j'explique pourquoi notre amendement doit être accepté. C'est ce que j'explique. J'explique les faits...

Une Voix: C'est cela!

M. Ciaccia: ... de l'acceptation ou non de notre amendement. Je ne vois pas où je vais à l'en-contre du règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Continuez, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. En tout cas, je peux assurer le député de Taschereau que je ne parlerai pas plus que vingt minutes.

M. le Président, il y a un autre principe dont le législateur a l'obligation, la responsabilité de s'occuper. Une loi ne doit pas créer de conflit. A moins que nous ayons l'amendement proposé par le député de L'Acadie, l'article 13 va aller à rencontre de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

M. le Président, nous allons créer une loi illégale; nous allons créer un conflit; nous allons provoquer une contestation devant les tribunaux de toute la loi et ce n'est pas de cette façon que nous allons avoir la paix sociale.

On a souvent entendu dire, je me souviens, durant le mois d'octobre et de novembre, que les politiques de ce gouvernement ne diviseraient pas le monde, le peuple, qu'elles le ramèneraient ensemble, qu'elles ne créeraient pas de conflits, de provocations. S'il est sincère, M. le Président, il va accepter l'amendement du député de L'Acadie, car c'est impensable de croire que, délibérément, on inclurait dans le projet de loi un article que même le Barreau du Québec a attaqué, suggérant qu'il soit modifié. Comme je l'ai dit, le Barreau du Québec, ce n'est pas un organisme antifrancophone, il approuve le principe du projet de loi. Il a approuvé plusieurs articles, la plupart, je dirais, des articles du projet de loi, mais, quand il est venu à l'article 13, il a démontré clairement que c'est un article qui ne peut pas faire partie de nos lois, qui devrait être modifié par le gouvernement et c'est ceci que l'amendement proposé par l'Opposition officielle tente de faire.

L'attitude du gouvernement nous étonne, parce qu'il n'y a personne d'infaillible chez les mortels.

Une Voix: Le pape.

M. Ciaccia: Je considère qu'il n'y a aucun mortel d'infaillible, comprenez-vous? C'est mon opinion. Ce n'est pas l'attitude du ministre d'Etat, ce n'est pas son attitude. Dans tous les articles que nous avons examinés, il a été impossible de changer une virgule. M. le Président, c'est inhumain d'avoir une telle sagesse, de pouvoir rédiger un projet de loi tellement parfait qu'il ne puisse pas même être discuté, amendé ou changé.

M. Bertrand: On y a pensé.

M. Ciaccia: C'est épeurant. Ce principe, M. le Président est épeurant. Qu'il puisse y avoir tellement de perfection de ce côté qu'on ne puisse pas avoir de divergence d'opinion, j'appellerais cela non pas de la perfection, j'appellerais cela de l'intolérance, l'intolérance parfaite.

M. le Président, c'est difficile de trouver des personnes qualifiées qui puissent approuver l'article 13. La preuve en est que les avocats du gouvernement, les jurisconsultes du gouvernement brillent par leur absence ici à venir défendre les principes juridiques.

J'avais souligné au ministre d'Etat que si c'était quelque chose qui touchait sa profession à lui, nous tenterions d'avoir des spécialistes de sa profession pour expliquer les principes et essayer de le questionner, mais on manque complètement de rationalité, on manque de la compréhension de cette profession, de la profession juridique, quand on vient énoncer de tels principes.

M. le Président, une autre remarque en concluant, en terminant cette intervention. Dans plusieurs milieux, on accuse le gouvernement, de ne pas vouloir protéger les droits des minorités. Le gouvernement nous avoue toujours...

M. Paquette: Vous avez un certain succès.

M. Ciaccia: ... qu'il veut le faire.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Ciaccia: II y a aussi l'impression que c'est un esprit de vengeance. C'est l'impression qui est certainement créée. Ce n'est pas une accusation que je fais. Je répète ce que beaucoup de gens disent. L'article 13...

M. Chevrette:... le processus mental... qui répète la même chose.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Je vais le répéter aussi longtemps que vous ne comprendrez pas. C'est simple!

Une Voix: Cela va être long.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Mont-Royal vient de faire un aveu. Acceptez-le et soyez calme. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je l'ai répété et je vais le répéter encore. Je vais le répéter d'une façon différente. Peut-être qu'ils vont le comprendre mieux. Peut-être que le député de Verchères va le comprendre.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, adressez-vous à la présidence, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: M. le Président, peut-être que le député de Verchères va le comprendre. Je suis content que vous ayez ait ce mot. J'aurais espéré que le député de Deux-Montagnes soit ici.

M. Chevrette: ... sur une envolée.

M. Ciaccia: II y a un...

M. Bertrand: II est là derrière la montagne.

M. Ciaccia: ... certain esprit fratricide, cela s'appelle, dans un certain pays, la vendetta.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. Ciaccia: La vendetta.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: M. le Président, le député de Verchères vient d'avouer qu'il reconnaît cela.

M. Charbonneau: J'en ai un dans le bras.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Ecoutez, il nous reste à peine 28 minutes. Est-ce que vous pourriez avoir la patiente d'écouter M. le député de Mont-Royal, qui est en train de vous informer pour vous permettre...

Mme Lavoie-Roux: D'être mieux éclairés.

Le Président (M. Cardinal): D'être mieux éclairés.

M. Charbonneau: ... parler...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Combien me reste-t-il de temps?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Il est en train de faire une intervention pour vous informer. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Le député de Deux-Montagnes nous a cité à plusieurs...

M. Charbonneau: Vous parlez de la mafia ou...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le député de Verchères!

M. Charbonneau: La vendetta...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Un Sicilien...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Ciaccia: M. le Président, il ne faudrait pas que l'article 13 ait cet esprit de vendetta. Comme on dirait en italien, et ce n'est pas moi qui ai commencé la discussion d'une autre langue. C'est le député de Deux-Montagnes qui a introduit l'italien dans cette commission. Il ne faudrait pas dire "le avrene questi Inglesi".

Le Président (M. Cardinal): Pour le journal des Débats, est-ce que vous pourriez traduire en français?

M. Ciaccia: Cela veut dire: On va les avoir, les Anglais! Vous les avez eus! Pour la bonne administration de la justice, acceptez donc l'amendement du député de L'Acadie.

M. Charbonneau: Au moins, on peut être certain que la traduction est authentique.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Vous n'avez pas été autorisé à parler du fond de la question. M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: M. le Président, cela prend énormément de patience, comme chacun le sait, pour écouter longuement, sans jamais parler, pour ne pas à soi-même se faire de "filibuster", mais il arrive un moment où le fond des choses quand même doit être dit, parce qu'il y a seuil de tolérance, même sur un article 13 qu'on ne peut pas dépasser.

M. Lalonde: D'intolérance et d'incompétence.

Le Président (M. Cardinal): Un instant! M. le député de Terrebonne, pour éviter que l'on vous interrompe pendant ce discours, est-ce que... Non, M. le député de Mont-Royal, vous seriez mal placé pour faire une suggestion semblable. Comme on dit, touché. Par conséquent, je demanderais... M. le ministre de la Fonction publique! A l'ordre! D'accord! Il peut y avoir une suspension de trois minutes pour permettre de lancer vos facéties. Peut-être qu'on pourrait inviter ma tante Geor-gina!

M. Grenier: Elle aurait des choses à vous dire. Le Président (M. Cardinal): Si parla italiano. Mme Lavoie-Roux: Abla, c'est en espagnol.

Le Président (M. Cardinal): Oui, c'est cela. Si parla italiano. N'est-ce pas M. le député de Mont-Royal?

M. Ciaccia: Vous avez raison.

Le Président (M. Cardinal): C'est cela! Sur cette petite récréation de quelques secondes, qui fait partie de l'exercice de la démocratie de cette commission, M. le député de Terrebonne, j'aimerais qu'on ne vous interrompe point.

M. Fallu: Je vous remercie, M. le Président, d'avoir permis cette récréation.

M. Charbonneau: Bonne chance!

M. Fallu: J'aimerais, M. le Président, reprendre cet article par rapport à l'amendement, en allant au fond des choses.

Le projet de loi no 101 a pour but de franciser le Québec, notamment au chapitre de la langue de la législation et de la justice. Or, dans cet effort de francisation, l'article 13 aurait dû se lire, en l'occurrence...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, M. le député de Terrebonne, pourriez-vous approcher votre micro ou élever un peu la voix?

M. de Belleval: Ou les deux à la fois. M. Fallu: Surtout pas élever la voix.

Le Président (M. Cardinal): Comme diraient les classiques: Paulo majora canamus!

Une Voix: Le journal des Débats! Une Voix:... cannabis...

M. Le Moignan: Traduisez de grâce! Traduisez!

M. Chevrette: M. le curé implore le Seigneur.

Le Président (M. Cardinal): Elevons le ton, en français.

M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: Je ne me permettrai pas de traduire Cicéron ici.

L'article 13 aurait dû, aurais-je déjà dit, il y a un long moment, si je n'avais été interrompu, se lire: Les jugements rendus au Québec par les tribunaux, etc., sont rédigés en langue française, point, ou en français, point.

C'eut été dans l'économie de la loi. Toutefois, le législateur ici, dans sa sagesse, a voulu, et strictement dans le domaine de la justice, faire une exception, une exception que nous ne retrouvons pas notamment dans le chapitre suivant, dans le chapitre IV, lorsqu'il s'agit du langage de l'administration, lorsqu'il s'agit, par exemple, pour un maire ou un conseiller municipal de formuler une proposition ou une motion au conseil de ville. Le législateur, ici, a été d'une tolérance remarquable. Je dirais davantage: II a été d'un très grand humanisme, tellement grand, d'ailleurs, que l'exception qu'il a faite à la règle s'applique non seulement dans l'immédiat, s'applique non seulement avec

un délai pour l'application, mais s'appliquera de tout temps. C'est un droit acquis ad vitam aeternam, celui, pour le juge, pour tout juge, de rédiger, de faire une première rédaction en anglais, qui accompagnera notamment la version française qu'il aura, par la suite, authentifiée.

Qu'est-ce à dire? Dans le cabinet du juge, sachons d'abord comment ça se passe. Le juge fait un "rough draft", il va de soi...

M. Charbonneau: Cela ressemble aux discours du député de Mont-Royal.

M. Fallu: Le juge rassemble les éléments de son jugement et donne, par la suite, à ses acolytes, à ses aides, à son soutien technique, le matériel avec lequel le jugement est finalement complété. Dans la plupart des cas, dans les jugements du moins les plus importants, c'est ainsi que ça se passe, et c'est ça, M. le Président, qu'il faut savoir au départ, que le juge, très rarement, signe de sa griffe personnelle l'ensemble du texte. Le juge en question pourra donc se faire accompagner de scripteurs, un peu plus bilingues au début, en attendant que tous les juges, comme tous les maires ou tous les conseillers municipaux, dans quelques années, puissent rédiger eux-mêmes leurs motions en français. C'est une condition esentielle de la francisation du Québec. Je répète donc que, bien au contraire de ce que nos amis d'en face voudraient nous faire dire, que cet article 13 est antihumanitaire, au contraire, il est d'un très grand humanisme.

Il respecte les juges, ceux qui, pour le moment du moins, d'ici une génération, peut-être deux, n'auront pas encore la compréhension nécessaire du français d'un citoyen vivant au Québec.

C'est un très beau geste. C'est probablement ici, en l'occurrence, l'un des plus beaux de la Charte de la langue française. C'est cela que j'aimerais que nos amis d'en face finissent par comprendre.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Peut-être une question suscitée par le député de Terrebonne... Je voudrais passer par votre canal, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Pardon?

M. Le Moignan: ...par votre canal de transmission...

M. Charbonneau: Ne continuez pas. Vous vous calez.

M. Le Moignan: ...afin que mon message puisse parvenir au ministre d'Etat au développement culturel et, comme dit si bien mon voisin d'en face, je n'ai pas l'intention de faire une "fili-buste"?

M. Bertrand: Une phlébite.

M. Le Moignan: Je voudrais simplement poser une question parce que de telles situations sont susceptibles... Ce n'est pas une question hypothétique, je la connais. Je sais qu'elle s'est produite du côté francophone. Cela a été facilement réglé, mais en vertu de l'article 13, tel que rédigé, si jamais un juge anglophone — pauvre juge dans les circonstances — unilingue ou presque, venait à mourir — cela arrive à tout le monde — ou bien devenait inapte à juger...

M. Charron: Cela arrive encore plus souvent.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Le Moignan: ...s'il devient inapte à juger, mais après avoir rendu son jugement — il va de soi, en anglais — s'il n'a pas eu le temps de s'assurer de l'authenticité de la version française que, normalement, ce juge devrait signer, peut-il se produire dans un tel cas une réelle complication?

Je ne veux pas compliquer les choses, mais je pose une question. Comme je l'ai vu du côté français, cela a été facilement réglé, mais si le juge avait été anglophone dans les circonstances...

M. de Belleval: La plus grande complication...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Y a-t-il un article pour mourir en français?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, M. le député de Mont-Royal? Les héros sont de plus en plus fatigués.

M. Chevrette: Ils deviennent des "zéros". M. Grenier: Le ministre pourrait-il répondre?

Le Président (M. Cardinal): Vous vous adressez à quel ministre? Nous avons trois ministres devant nous.

M. Le Moignan: Le ministre d'Etat au développement culturel.

Le Président (M. Cardinal): Bon.

M. Laurin: J'écoute.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, il y a une question de posée.

M. Laurin: J'écoute.

M. Le Moignan: J'ai posé ma question, M. le ministre.

M. Laurin: J'écoute.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé...

M. Le Moignan: C'est une question bien simple.

Le Président (M. Cardinal): ...on vous demande de répéter votre question.

M. Le Moignan: Elle n'est pas tellement hypothétique. Je dis que l'article 13, tel que rédigé... Je suppose un juge anglophone. Si ce juge, qui est unilingue ou presque...

M. Laurin: II est censé être bilingue.

M. Le Moignan: Oui, il est bilingue, mais plus ou moins bilingue, dans les circonstances, actuellement. Il existe. La loi est adoptée, supposons dans quelques semaines, et ce juge vient à mourir, après avoir rendu son jugement. Il a rendu son jugement en anglais, et, normalement, si on veut confronter les deux versions, si quelqu'un veut s'assurer de l'authenticité, à ce moment, ce juge n'est pas...

Vous allez me dire que cela ne se produit pas tous les jours, mais si un tel cas se produisait, en fonction de l'article 13, quel serait le meilleur moyen d'en sortir à ce moment?

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: C'est précisément pour cette raison que nous accordons un délai de deux ans et trois mois, période durant laquelle...

M. Le Moignan: ...pour le faire ressusciter!

M. Laurin: ...le gouvernement verra à régler ce problème parmi d'autres, par exemple, par des amendements au Code de procédure civile.

M. Guay: Là-dessus, si je peux me permettre... Je crois que dans la pratique, normalement—le député de Marguerite-Bourgeoys qui a porté la toge, ce que je n'ai point fait, pourra me corriger — je crois que le juge en chef d'un tribunal, dans de telles circonstances, affecte un autre juge ou prend lui-même à son compte la situation.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Taschereau. Vous avez été un bon élève.

M. Le Moignan: Vous avez eu un bon professeur.

Une Voix: Sa longue expérience...

M. Guay: Ce n'est pas ma longue expérience, mais j'ai eu de bons professeurs.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur la motion de Mme le député de L'Acadie? Mme le député de L'Acadie, il vous reste cinq minutes.

Mme Lavoie-Roux: Je laisse...

Le Président (M. Cardinal): M. le député d'Outremont.

Une Voix: ...

M. Raynauld: Non, c'est pour cela que je serai très bref. Je voudrais peut-être, si c'était possible, renverser le fardeau de la preuve et demander au gouvernement, par l'intermédiaire des gens qui sont ici, quels sont les arguments qu'ils peuvent invoquer à l'encontre de l'adoption de cet amendement? Cet amendement me paraît tout à fait anodin du point de vue du statut du français au Québec. Il me paraît, par contre, capital du point de vue de la justice et du respect de la justice. Etant donné qu'il est anodin du point de vue du statut du français et des objectifs que le gouvernement poursuit, pour quelle raison un amendement comme celui-là n'est pas adopté pratiquement sans discussion? C'est cela que je ne comprends pas. On ne donne aucun argument. Franchement c'est un amendement sur lequel on ne devrait pas discuter bien longtemps. On dit que cela s'applique seulement lorsqu'il y a des divergences de texte et à ce moment-là on donne priorité au texte qui a le plus de chance de faire respecter la justice. Franchement, c'est une exception tellement mineure à l'article dans son ensemble que je ne vois pas pourquoi on perdrait notre temps ici à essayer d'inventer des arguments, je dirais même de part et d'autre. Quelles objections y a-t-il à l'adoption d'un amendement comme celui-là, sinon vraiment de ne pas le lire et de s'en tenir simplement à des positions acquises et de vraiment s'entêter à dire que tout amendement est toujours une concession, que c'est toujours quelque chose de mauvais parce que cela vient de l'Opposition? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député d'Outremont.

Une Voix: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant! J'ai reconnu auparavant M. le ministre, je m'en excuse, mais...

Mme Lavoie-Roux: Allez-y, peut-être n'aurai-je plus besoin de parler si vous répondez affirmativement.

M. Laurin: Vous auriez encore...

M. Charron: Cela nous surprendrait beaucoup.

Le Président (M. Cardinal): Un instant! C'est rendu qu'il y en a trois qui demandent la parole.

M. Paquette: Cela va être vraiment très bref.

Mme Lavoie-Roux: Je vous cède mon droit de parole.

M. Paquette: Je vais dire ce que j'ai à dire. Si on ne donne pas encore une fois nos arguments, c'est que c'est la troisième fois qu'on a la même motion d'amendement sur la table.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, à la question du député d'Outremont et à la question que j'ai posée dans le premier amendement que nous avons présenté je n'ai jamais obtenu de réponse. Souhaitons qu'il soit plus chanceux.

M. le Président, comme il ne me reste que quelques minutes pour parler sur cet amendement, je voudrais rappeler ici que l'objet de cet amendement est basé sur le principe que le droit du justiciable est fondamental. Le député d'Outremont a tout à fait raison de dire qu'il s'agit d'un élément anodin puisque dans une autre partie de la loi, et j'aimerais vous référer à l'article 210, l'article 4 de la Loi de la protection du consommateur est remplacé par le suivant. Je lis: "Le contrat doit être lisiblement rédigé en français mais le consommateur peut exiger qu'il soit également rédigé en anglais. Au cas de contradiction entre les deux textes, l'interprétation la plus favorable au consommateur prévaut." Alors, dans un domaine où il s'agit d'acheter des oignons ou d'en vendre, on juge approprié d'introduire cette disposition dans la loi. De plus le projet de loi no 1 était silencieux là-dessus. Dans le projet de loi 1, l'article 4 de la Loi de la protection du consommateur 1971, chapitre 74, a été abrogé et on a senti le besoin de le réintroduire dans la version du projet de loi 101 à l'article 210. Vous pouvez bien badiner sur les oignons, si j'avais eu un exemple plus approprié, cela m'aurait fait plaisir de vous le donner, mais vous savez ce dont je parle.

M. Charbonneau: Nous n'avons rien compris, mais cela ne fait rien.

Mme Lavoie-Roux: II reste que, à ce moment-ci, où, je pense, il s'agit d'un droit beaucoup moins fondamental que le droit à la justice, on a cru bon d'introduire cette disposition, et quand on arrive dans le domaine de la justice, on le refuse aux justiciables. Je voudrais qu'on me donne des explications. C'est tout ce que j'ai à dire, M. le Président. Je pense que ceci démontre amplement que, du côté du gouvernement, c'est un entêtement que je ne veux même pas qualifier. Cet amendement que j'ai proposé était, une fois de plus, un dernier effort pour tenter de convaincre le gouvernement qu'on voulait simplement l'inviter à respecter les droits individuels, et surtout les droits individuels les plus fondamentaux.

Le Président (M. Cardinal): Merci, madame. M. le ministre d'Etat délégué aux Affaires culturelles.

M. Laurin: M. le Président, comme vous vous en doutez bien, nous voterons contre cet amen- dement, pour plusieurs raisons. D'abord, dans la dernière phrase du paragraphe, on ne qualifie pas la divergence dont il est ici question. On ne dit pas, par exemple, si la divergence entre les deux jugements sera infinitésimale, minime ou substantielle. A ce moment, il devient très difficile de se faire une idée de la portée exacte de ce qu'on entend par cet amendement.

Par ailleurs, au cours de la discussion, il est devenu évident que, lorsque nous aurons affaire à deux versions d'un jugement, dont l'une, évidemment, étant donné que c'est une version, sera une traduction, on peut penser qu'il y aura toujours une divergence quelconque, soit infinitésimale, soit minime ou substantielle, ne serait-ce qu'à propos de l'emploi d'un mot, ne serait-ce qu'à propos d'une de ces mille et une nuances qu'a fait valoir le député de Mont-Royal, ne serait-ce qu'en vertu de la ponctuation, qui peut altérer plus ou moins le sens d'une phrase. Je pourrais continuer ainsi indéfiniment.

On peut donc penser que le nombre de ces jugements écrits en langue anglaise où il y aura une divergence sera presque mathématiquement le même que le nombre de jugements anglophones. Alors, dans ce cas, c'est la version anglaise qui prévaudrait, en vertu du principe que l'on veut maintenant nous faire adopter. Ce qui revient exactement à nier ce qu'on affirme dans la première phrase, c'est-à-dire le caractère officiel de la version française, car, dans tous ces cas, c'est la version anglaise qui, dans les faits, deviendrait officielle. En somme, nous aboutirions, par un sophisme ingénieux, à la négation de ce qu'on prétend reconnaître, c'est-à-dire que l'on prétend reconnaître que la version française serait la seule officielle. Nous n'acceptons pas ce sophisme, et c'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, madame et messieurs les membres de cette commission, il ne s'agit pas de vous presser aucunement, nous sommes bien ensemble, mais, à l'heure qu'il est... J'ai reconnu que M. le député de Mont-Royal n'était pas pressé, alors, M. le député de Mont-Royal, il vous reste une minute.

M. Ciaccia: M. le Président, il y avait une autre raison... Ah! seulement une minute!

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Ciaccia: II y a la question de la représentation de notre système judiciaire. Pour des raisons que nous connaissons fort bien, à la magistrature, nous nommons des anglophones, des francophones et des membres des groupes ethniques. Avec l'article 13, on veut nier cette représentativité. On va rendre impossible cette représentation de différents groupes qui ont des coutumes différentes, des façons de penser différentes, et, pour l'économie de notre loi, je pense que notre système de représentation à la magistrature nous a bien servis.

Même les ministériels admettent qu'ils sont tous bilingues, mais c'est plus facile pour celui qui a la langue d'usage anglaise de se prononcer et de préciser en cette langue. C'est une raison de plus, M. le Président, puisqu'il me reste seulement une minute, pour laquelle nous devrions accepter l'amendement du député de L'Acadie.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal. Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Il vous reste cinq minutes, c'est-à-dire jusqu'à la suspension.

M. Lalonde: Le député de Mégantic-Compton a semblé vouloir prendre la parole.

M. Grenier: C'était simplement, je le signale, bien sûr, cela prend quinze secondes, pour vous dire que si on devait passer aux deux votes avant 18 heures, j'aurais voulu vous demander, comme on l'a fait au chapitre de l'enseignement, s'il y avait lieu de réserver, ce sera la fin du chapitre de la langue de la législation de la justice, une période de deux minutes par parti pour faire valoir notre commentaire de la reprise.

Le Président (M. Cardinal): Ce serait difficile, parce que M. le député de Marguerite-Bourgeoys a cinq minutes et il n'en reste que quatre. Cependant, j'ai déjà donné cette directive au début du débat sur le chapitre III. J'ai indiqué que nous pourrions procéder comme nous l'avons fait pour le chapitre VIII et permettre de très brèves interventions à un représentant de chacun des partis politiques avant l'adoption du chapitre III.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Gernier: Merci.

M. Lalonde: Je voudrais simplement ajouter quelques mots à l'argument qui vient d'être apporté par le député de L'Acadie. Cette façon de penser, cette façon de voir les choses avait été introduite dans la Loi sur la protection du consommateur il y a quelques années, reprise dans la loi 22 et niée par le projet de loi 1 mais reprise encore par la loi 101, c'est-à-dire que, lorsqu'il y a divergence, il s'agit en ce qui concerne la consommation, de favoriser le consommateur et, par extension de ce principe, on devrait, en ce qui concerne l'administration de la justice, lorsqu'il y a divergence entre deux textes, favoriser la meilleure administration de la justice, c'est-à-dire favoriser le justiciable, donc s'assurer que le justiciable se verra imposer une justice telle que le juge l'a décidé, puisqu'on confie au juge le soin de prendre les décisions lors de litiges, même en matière pénale, M. le juge, M. le Président, et en matière criminelle — vous voyez qu'on baigne en pleine justice ici — d'ailleurs, la sagesse de vos décisions m'a inspiré ce lapsus — même en matière pénale et criminelle. Il arrive que des jugements sont rendus en anglais et il arriverait que ce ne soit pas pour seulement quelques dollars ici ou là, quelque intérêt financier important quand même, mais souvent le sort même d'un accusé pourrait être affecté par la mauvaise interprétation d'un texte. Les arguments du ministre d'Etat au développement culturel sont dans le sens d'appuyer cet amendement parce qu'il a démontré qu'en effet il arriverait souvent que des divergences et même des contradictions pourraient avoir lieu. La traduction apporte nécessairement une ouverture à ce genre d'erreur ou d'interprétation différente, de description différente des réalités et des choses. Je crois que la démonstration qu'il nous a faite devrait au contraire l'amener à voter pour notre amendement pour être bien sûr que justice soit faite, et non seulement soit faite, mais qu'elle ait aussi l'apparence d'être faite, et qu'un justiciable n'ait pas l'impression d'avoir été mal traité par le système judiciaire strictement à cause de considérations linguistiques.

M. le Président, je pense que le gouvernement devrait apporter à cet amendement une attention beaucoup plus positive que ce qu'il a démontré jusqu'à maintenant et j'aimerais que la suspension de nos travaux qui va nous frapper dans quelques secondes lui permette de songer à cette question avant le vote. C'est pour cela que...

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Je lis textuellement l'article 31: "Mais, lorsqu'à 18 heures, sauf le mercredi, toutes les affaires n'ont pas été expédiées, le président quitte le fauteuil et la séance est suspendue jusqu'à 20 heures."

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 5

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, messieurs les députés; oui, nous avons quorum et nous allons...

Une Voix: ... vous n'avez pas quorum.

Le Président (M. Cardinal): En vertu de l'article 145, le quorum sera présumé.

Une Voix:...

Le Président (M. Cardinal): Non, ce n'est pas ça. Alors, au moment de la suspension, à 18 heures, nous en étions à une motion d'amendement à l'article 13 présentée par Mme le député de L'Acadie. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de la relire. M. le député de Marguerite-Bourgeoys venait de s'exprimer. M. le député de Mont-Royal n'a plus aucune minute à utiliser sur cette motion.

M. Ciaccia: Une question, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Quelle sorte de question?

M. Ciaccia: Est-ce qu'en calculant le quorum, vous avez compté le ministre de la Justice qui est ici en esprit?

Le Président (M. Cardinal): Non. J'ai mentionné que le quorum était de onze députés. Quand je l'ai constaté, il y en avait onze, y compris non pas l'esprit, mais le président de la commission et, par la suite, il est présumé.

M. le député de Vanier.

M. Bertrand: M. le Président, j'aurais beaucoup aimé que Mme le député de L'Acadie soit ici...

M. Lalonde: Elle s'en vient; si vous voulez attendre.

M. Ciaccia: ... ne rien dire pour quelques minutes et, après ça...

M. Bertrand: En attendant qu'elle y soit, M. le Président...

M. Guay: On ne maîtrise pas... M. de Belleval:... voter.

M. Bertrand: On pourrait peut-être voter l'article. Ce serait...

Le Président (M. Cardinal): Nous en sommes à un amendement.

M. Bertrand: M. le Président, de toute façon, je vais laisser les quelques arguments que je voulais lui adresser pour la fin de mon argumentation, et je vais commencer par certains autres.

En tentant de me faire une idée sur cet article 13 et sur la motion d'amendement qui a été présentée par le député de L'Acadie, je me suis toujours posé la même question, à savoir si cet article 13, tel que rédigé, dans sa forme, dans son fond, pouvait porter atteinte aux droits des justiciables du Québec, de quelque langue qu'ils soient et, dans la mesure où je ne trouvais pas qu'il y avait préjudice à l'endroit de qui que ce soit, je pense qu'au-delà des querelles de mots et de forme, il importait de ne retenir que le principe qui est sous-jacent et de faire en sorte que nous n'édulco-rions pas ce principe dans des amendements qui, à toutes fins pratiques, lui enlèveraient toute sa vigueur.

Mes premières remarques, puisqu'elle est maintenant revenue, j'aimerais les adresser au député de L'Acadie, à qui je demanderais...

Mme Lavoie-Roux: Son attention.

M. Bertrand: ... ne lui en déplaise, par votre intermédiaire, M. le Président, quelques secondes d'attention, parce que je dois lui dire, sans ambages...

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse. C'est que j'ai trouvé ici quelque chose et je voulais identifier le propriétaire. Alors, c'était ça, mon manque d'attention.

Le Président (M. Cardinal): Vous voyez quelle est...

M. Lalonde: II faut remettre à César ce qui appartient à César.

Le Président (M. Cardinal): Vous voyez quelle est l'attitude de la présidence, je l'ai d'abord remis à l'Opposition officielle avant de le remettre au parti ministériel.

Mme Lavoie-Roux: Comme l'Opposition officielle est très honnête, elle l'a remis à qui de droit.

M. Lalonde: ... quand vous aurez des choses un peu plus précieuses...

M. Laurin: ... on l'apprécie.

M. Guay:... un amendement. Voilà, M. le Président, ce que vous êtes clément!

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît, M. le député de Taschereau. M. le député de Vanier, s'il vous plaît! Tout le monde à l'ordre, s'il vous plaît!

Une Voix: Ne me parlez plus de cela, M. le député de Taschereau!

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais dire à Mme le député de L'Acadie que, cet après-midi, dans son argumentation, elle m'a presque eu.

Mme Lavoie-Roux: Pas de blagues, c'est sérieux, ça. Allez-y!

M. Bertrand: Elle m'a presque eu. Elle a saisi toute mon attention.

Une Voix: Vous êtes faible?

M. Bertrand: Et j'avoue qu'elle m'a, jusqu'à un certain degré...

M. Lalonde: Ebranlé.

M. Bertrand: Ebranlé, parce qu'elle a suscité en moi certains doutes.

M. Grenier: "Shaké", un peu "shaké". Mme Lavoie-Roux: C'est sérieux, ça!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Bertrand: ... elle a excité mon esprit et elle m'a obligé à aller chercher, dans le tréfonds de ce qui me sert d'intelligence, la possibilité d'une réflexion attentive aux propos qu'elle avait tenus. Ces hommages vous étant rendus, maintenant, Madame...

Mme Lavoie-Roux: Je ne vous ai pas convaincu.

M. Bertrand: ... je dois vous faire savoir que j'en suis venu à une réponse qui me satisfait pleinement en raison de votre argumentation à partir de l'article 210. On y lit, au sujet de la Loi de la protection du consommateur, qu'elle serait amendée à l'article 4 pour être remplacé par le suivant: "Le contrat doit être lisiblement rédigé en français, mais le consommateur peut exiger qu'il soit également rédigé en anglais. Au cas de contradiction entre les deux textes, l'interprétation la plus favorable au consommateur prévaut."

Et vous avez argué à la suite de la citation de ce texte que si le gouvernement était prêt à reconnaître que le consommateur pouvait, dans des cas où il y avait contradiction entre deux textes — l'un français, l'autre anglais — choisir celui dont l'interprétation lui semblait la plus favorable... Vous disiez: Si c'est vrai pour le domaine de la consommation quand on achète des oignons, pourquoi ne serait-ce pas vrai dans le domaine de la justice où, admettons-le, les questions sont tout de même plus importantes, plus délicates, plus dramatiques, très souvent?

Or, je pense, pour en revenir à vos oignons, que vous avez comparé des poires à des carottes et que jusqu'à un certain degré nous nous sommes presque tous retrouvés dans les patates, avec une argumentation qui portait à faux. Vous ne pouvez pas faire du tout le même raisonnement ou vous ne pouvez pas facilement faire une analogie entre l'article 210 et l'article 13 parce que je pense que nous ne comparons pas les mêmes choses.

Dans les cas des consommateurs, il faut se rappeler que toute la Loi de la protection du consommateur s'inspire d'un principe de fond qui est à peu près le suivant: Lorsqu'un consommateur, un acheteur d'un bien quelconque, a signé un contrat avec, par exemple, un commerçant, le principe de fond de la loi est de protéger d'abord et avant tout le consommateur qui est de loin le plus démuni des deux lorsqu'il y a entente ou signature d'un contrat.

Le commerçant a à sa disposition des services juridiques, des experts-comptables, des personnes qui sont en mesure de lui dire de quelle façon il doit présenter son contrat au consommateur, alors que le consommateur, le moins que l'on puisse dire à son sujet et je pense que c'est l'analyse de la stricte réalité qui nous permet de le dire — c'est qu'il est passablement démuni. Ne nous le cachons pas, les avocats ne sont pas toujours les défenseurs de la veuve et de l'orphelin. Ils sont aussi quelquefois...

M. Grenier: Hélas!

M. Bertrand: ... et en cela, je ne les blâme pas — ils exercent leur fonction de juriste — ils ont aussi à l'occasion la responsabilité de défendre, par exemple, dans certains cas, des commerçants alors qu'ils savent fort bien que certains contrats qui sont rédigés avec certains consommateurs ne sont pas toujours dans l'intérêt du consommateur d'abord, mais très souvent, dans l'intérêt du commerçant.

Etant donné ce fait qui part d'une volonté de la loi d'être protectrice du consommateur, à cause de la situation d'inégalité qui existe au départ, il arrive que dans ce cas très précis où nous avons affaires, ne l'oublions jamais, à deux parties, le consommateur et le commerçant, il m'apparaît tout à fait normal que le consommateur, par exemple, francophone qui sentirait que c'est la version anglaise du contrat qui le protège le plus comme consommateur... Je le comprendrais de se servir de cette version, de la même façon que je comprendrais le consommateur anglophone de se servir de la version française s'il avait le sentiment que c'est cette version française, assez curieusement, de façon assez paradoxale...

Il pourrait se servir de la version française pour se défendre s'il a le sentiment que c'est la version française qui l'avantage le plus. Je pense que c'est inclus dans la Loi de la protection du consommateur. J'y arrive. Lorsque nous arrivons à l'article 13, ce n'est plus du tout la même situation. Vous avez deux justiciables, supposons, ou deux parties devant le juge, mais placées dans une toute autre situation. Peut-on dire, par exemple, que l'un des deux justiciables serait, jusqu'à un certain point, démuni face à la justice incarnée en la personne du juge? Je pense qu'on ne peut pas faire du tout le même raisonnement par analogie entre l'article 210 et l'article 13. A l'article 210, nous avons affaire à deux parties. Dans un cas, c'est un commerçant et dans l'autre, un consommateur, alors que dans le cas de l'article 13, ce

sont deux justiciables ou deux parties qui sont présentes devant le juge, mais c'est le juge qui doit incarner cette notion de justice, d'égalité des deux parties devant lui.

Donc, je pense qu'on risquait de se laisser embarquer dans une forme de piège si on traitait l'article 210 et l'article 13 par analogie. Je suis certain que ce n'était pas votre intention et c'est justement à cause de cela que j'ai voulu y réfléchir un peu pour me rendre compte, en tout cas, à ma satisfaction personnelle après en avoir discuté avec certaines autres personnes, qu'on ne pouvait pas faire le même raisonnement.

Pour étendre mon argumentation à d'autres éléments, une fois cet élément admis qu'on ne peut traiter l'article 13 comme l'article 210, parce qu'on ne peut invoquer contre le juge qui rend la justice, qui permet que justice soit rendue, comme dans le cas de la Loi de la protection du consommateur, quelque forme d'inégalité que ce soit... Il peut y en avoir entre les deux justiciables sur le plan des moyens dont on dispose, mais il n'y en a certainement pas du juge vers les deux justiciables.

M. Ciaccia: M. le Président, si le député de Vanier me permettait une question.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Un à la fois. M. le député de Mont-Royal, est-ce que...

M. Bertrand: Je préférerais, M. le député de Mont-Royal, continuer, et si, à la fin...

M. Grenier: Est-ce que vous me permettriez une question à la toute fin de votre intervention?

Le Président (M. Cardinal): Alors, à la fin, je reconnaîtrai MM. les député de Mont-Royal et de Mégantic-Compton.

M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Alors, c'est un premier élément. Je voudrais aussi signaler un deuxième élément. Si on se rapporte à l'article 9 du projet de loi no 101, vous constaterez à l'article 9 que nous avons adopté, et je pense même que vous avez appuyé cet article sans amendement, si ma mémoire est bonne — je ne veux pas trop m'avancer — vous constaterez que seul le texte français des lois et des règlements est officiel. Je voudrais simplement indiquer...

Le Président (M. Cardinal): Sur division.

M. Bertrand: Sur division. Est-ce que, M. le Président, enfin, c'est un renseignement que je peux demander, est-ce qu'il y avait eu un amendement pour faire en sorte que les deux...

Le Président (M. Cardinal): II y a eu un amendement sur chacun des articles. Finalement, l'article a été adopté sur division, sans vote.

M. Bertrand: Alors, je voudrais simplement faire admettre que si nous reconnaissons qu'à l'article 9 seul le texte français des lois et des règlements est officiel, je pense qu'il va de soi — enfin, on peut certainement évoquer cet argument — que si on reconnaît que la loi, les lois, et les règlements joints aux lois n'ont de caractère officiel que dans la langue française, je ne vois pas pourquoi la justice, qui est dans un certain sens l'extension de la loi, qui permet d'interpréter les lois, qui permet de faire respecter les lois, je ne vois pas pourquoi, par extension, il n'y aurait pas aussi, de la même façon, au niveau de la justice, une seule langue officielle.

Je pense que de cette façon le législateur est certainement cohérent avec lui-même c'est-à-dire qu'il fait en sorte que de l'article 9 à l'article 13 il y ait une certaine forme de continuité.

Je voudrais dire aussi que la motion d'amendement proposée par le député de L'Acadie risquerait de nous enfermer dans une situation assez délicate, qui est celle, il me semble, que la plupart des juristes voudraient éviter, à savoir d'être placés devant deux textes de loi, enfin, une seule loi, mais deux textes, si on entend par là qu'il y a une version française et une version anglaise — il me semble qu'il y a souvent des problèmes d'interprétation qui sont nés, non pas du fait de la loi elle-même, mais du fait qu'on était en présence de deux textes, un texte français et un texte anglais. A ce point de vue, j'imagine la situation, évidemment, dans laquelle nous placerait votre motion d'amendement, c'est-à-dire qu'on aurait une version française d'un jugement et une version anglaise du jugement, et la première tentation qui se poserait pour le justiciable serait de se poser la question de la divergence qui peut exister entre les deux textes du jugement; et à ce moment, je me dis que nous donnons prise à toute une interprétation, une remise en question à travers une vo-ionté d'interprétation des jugements qui seraient rendus par ceux qui ont la responsabilité de rendre ces jugements.

En d'autres mots, on aurait une version française que par définition, on doit considérer comme officielle parce que c'est la volonté de l'article 13, mais du seul fait qu'il y a une version anglaise qui y est jointe, on donne prise immédiatement à une difficulté d'interprétation du seul fait qu'on essaie de voir s'il y a ou non divergence entre deux versions du jugement rendu, une en français et une en anglais. Je me dis qu'à ce moment-là, le législateur est prudent de voir à ce qu'il n'y ait qu'une version qui soit officielle.

Ensuite, je voudrais qu'on sache que dans l'administration de la justice, il n'y a pas que la traduction d'un jugement qui peut poser des problèmes. Il existe déjà, à ce que je sache, dans les cours de justice, des sténographes officiels.

Ces sténographes officiels, si ma mémoire est bonne, ont comme fonction de transcrire à même une machine et à même leur responsabilité de sténographe... La responsabilité de transcrire les témoignages, les plaidoyers qui sont ceux des différents témoins, qui sont ceux des avocats, et à ce moment, il y a jusqu'à un certain degré une forme

de transcription de la parole, des paroles qui sont prononcées à travers un texte, et Dieu sait qu'il pourrait arriver qu'on puisse contester la transcription qui est faite par des sténographes officiels de certains témoignages entendus. Si ce problème, peut-être plus théorique que pratique, pouvait se poser avant même que le juge puisse rédiger un jugement, je ne vois pas pourquoi on s'offusque tellement de savoir qu'il y aurait des services de traduction, une fois un jugement rendu. Donc, dans ce contexte, je pense qu'on se trouve placé dans une situation à la limite qui est de se dire: Si dans le fond, la façon dont l'article 13 est rédigé ne porte pas préjudice des droits des justiciables, et si le gouvernement se préoccupe de faire en sorte que dans le domaine de la justice, par exemple, au Québec, ceux qui ont à rendre des jugements puissent le faire en français et les justiciables puissent au moins avoir à leur disposition, comme c'est le cas par l'intermédiaire de l'article 10, un texte écrit en anglais, je me dis qu'à ce moment, j'ai très nettement le sentiment qu'on fait vraiment une tempête dans un verre d'eau et qu'à la différence de ce que le député d'Outremont disait cet après-midi, c'est beaucoup plus anodin que ce que l'Opposition semble vouloir reconnaître.

Car à la limite, avec la souplesse que le gouvernement a accepté d'y mettre en faisant en sorte que cet article s'applique à compter de, si ma mémoire est bonne, 1980, à ce moment nous rendons justice à la volonté du gouvernement pour que, premièrement, il n'y ait pas un secteur du Québec qui échappe à notre volonté de faire que le Québec soit français, et, deuxièmement, qu'à travers cette volonté de faire en sorte que le Québec soit français on permette que les justiciables ne trouvent pas leur droit amoindri ou diminué de quelque façon. Donc, je pense que dans sa forme actuelle l'article 13 est tout à fait acceptable et je sollicite de l'Opposition une collaboration pour que nous puissions passer à d'autres articles.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais poser ma question? Est-ce qu'il lui reste du temps?

Le Président (M. Cardinal): Non, il ne vous reste plus de temps.

M. Ciaccia: Non, mais lui?

Le Président (M. Cardinal): Lui? Oui. Il lui reste une minute.

M. Lalonde: "Filibuster".

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, vous n'avez plus de temps.

M. Ciaccia: Non, mais pour poser une question.

Le Président (M. Cardinal): Ah bon! D'accord. Je me rappelle que, et M. le député de Mont-Royal et M. le député de Mégantic-Compton, avaient manifesté leur intention de poser une question à M. le député de Vanier. Brièvement, s'il vous plaît, parce que, d'une part, M. le député de Mont-Royal n'a plus de temps et, d'autre part, M. le député de Vanier en a très peu. Je vous prierais d'être brefs, sans quoi je devrai...

Mme Lavoie-Roux: Avec le consentement de la commission...

M. Grenier: II n'y a que moi qui ai pas mal de temps.

M. Ciaccia: Je serai bref.

Le Président (M. Cardinal): Cela pourrait toujours se faire. On va voir ce qui va se passer, madame.

Mme Lavoie-Roux: C'est mieux de prendre une décision avant qu'après.

Le Président (M. Cardinal): On va...

Mme Lavoie-Roux: On va l'observer.

M. Ciaccia: Je voudrais demander ceci au député de Vanier: Vous avez essayé de faire la distinction entre l'article 210 que le député de L'Acadie avait signalé... S'il y a un jugement en anglais traduit en français, et qu'il y a une divergence entre les deux, une différence entre les deux, comment cette situation est-elle différente et comment un justiciable, d'après l'argument de l'article 210, pourrait-il prendre avantage de l'un ou de l'autre? Comment cette situation est-elle différente de l'article 210? Le député de L'Acadie a donné comme exemple que dans un contrat il peut y avoir une version anglaise et une version française. Le consommateur va prendre ce qui lui est le plus favorable. Quelle est la différence entre les deux jugements, avec une différence, et les contrats?

M. Bertrand: Je ne comprends pas que vous fassiez ce genre d'analogie, parce que, dans mon esprit, et je reviens à ce que j'ai dit, tel que rédigé, l'article 13 m'apparaît tout à fait correct, justement parce que c'est la responsabilité du juge qui a rendu le jugement de voir à ce que la version française soit dûment authentifiée. Donc, à ce moment...

M. Ciaccia: Supposons qu'il y ait une différence...

M. Bertrand: ... qu'il n'y ait pas possibilité pour le justiciable de constater qu'il y a divergence, puisque le juge lui-même s'est assuré que la traduction française de son jugement anglais est tout à fait conforme à l'esprit du jugement qu'il a rendu. Je pense que cela ne contredit pas mon argumentation sur l'article 210. Ce n'est pas du tout la même question.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Si vous me permettez, rapidement, s'il ne reste plus de temps au député de Vanier, je pourrai le prendre sur le mien. Je pense qu'il m'en reste suffisamment.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, oui, il vous en reste pas mal.

M. Grenier: Pas mal. C'est seulement deux petites questions, une question à deux volets, mais la réponse ne pourra pas être bien longue. J'ai écouté votre argumentation qui faisait le point entre l'article 13 et l'article 210. Alors, je vous pose la première question. Ne vous ai-je pas déjà vu plus convaincant? La deuxième: Ne serait-ce pas que les sujets que vous aviez en main étaient de meilleurs sujets? J'ai connu M. Bertrand, M. le député de Vanier...

M. Bertrand: M. le Président, je...

M. Grenier: ... dans d'autres argumentations, il était beaucoup plus éloquent. Je me demande si le sujet était faible à descendre ce soir et si son argumentation était difficile à sentir. J'aimerais qu'il me réponde sur mon temps.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Sur une question de règlement, M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, je pense que la question est irrégulière, d'autant plus que le député de Vanier a donné toutes ses opinions, d'autant qu'elle s'ajoute aussi à plus de six heures de débats sur le même article. Je vous propose donc de mettre la motion aux voix.

M. Lalonde: M. le Président, l'impatience du député de Saint-Jacques...

M. Charron: Ce n'est pas mon impatience. C'est mon respect du règlement.

Le Président (M. Cardinal): Je suis à la disposition de la commission, je le répète. Nous avons commencé seulement hier soir à 21 h 57. Cela fait plus de six heures. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, il vous reste exactement deux minutes.

M. Lalonde: M. le Président, je voulais simplement réagir aux propos du député de Vanier quand il dit: "On ne peut pas invoquer quelque forme d'inégalité en ce qui concerne le cas de jugement comparé au cas de contrats anglais ou français à propos d'un consommateur".

M. le Président, je pense qu'on peut invoquer une forme d'inégalité, et la voici: II y aurait inégalité entre le justiciable qui a été jugé par un juge, qui a rendu un jugement en français, et le justiciable qui a été jugé par le juge, qui a rendu un jugement en anglais.

Le premier sait et connaît le jugement du juge; le deuxième sait et connaît un jugement de traducteur, et c'est là qu'est l'inégalité.

M. Charron: Ce n'est pas le jugement du traducteur.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Jamais...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Et les derniers propos du député de Vanier à l'égard de la façon que le jugement en français ou la version française du jugement serait authentifiée ne sont pas exacts. Je doute fort — je l'ai dit cet après-midi — que ce soit le juge qui a rendu le jugement en anglais qui soit appelé à authentifier le jugement en français. Si c'est la façon dont le gouvernement propose de traiter la question, j'ai des réserves très sérieuses, et vous m'en reparlerez dans six mois, ou dans deux ans et quelque chose.

Une Voix: ... son élection.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Lalonde: En ce qui concerne les sténographes, M. le Président, je ne peux pas reprocher au député de Vanier de ne pas connaître les us et coutumes en cour, mais les sténographes, tout ce qu'ils font, c'est recueillir la preuve. Une fois que le jugement est rendu, nous sommes à une autre étape, et la sténographie, qui rapporte fidèlement tout ce qui se dit et toutes les interventions, les témoignages, une fois que c'est écrit, ce sont les juges qui déterminent jusqu'à quel point les témoignages doivent être recueillis... non pas recueillis, mais reçus, doivent être pris en considération pour le jugement, de la même façon en Cour d'appel. II n'y a aucun élément de nuance dans la sténographie, mais il y en a un bien important dans le jugement.

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Vanier.

M. Bertrand: C'est parce que je ne veux pas que le... Je n'ai effectivement pas...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Vanier, il vous restait neuf minutes.

M. Bertrand: Non, ce n'est pas ça. Je veux simplement rectifier ce que le député de Marguerite-Bourgeoys vient de dire. Il semble laisser croire que, lorsqu'on n'est pas avocat, on ne peut pas savoir comment ça se passe dans les cours de justice. C'est effectivement ce que j'ai dit. Le sténographe officiel recueille les témoignages

et ce n'est évidemment pas le jugement—ça n'a rien à voir — mais le juge va étudier ensuite les textes, tels que transcrits et, à ce moment-là, il se peut fort bien que, s'il y a eu un problème, à un moment donné, de transcription, le juge prenne connaissance de textes qui ne soient pas tout à fait conformes à des témoignages. Je sais fort bien que ça se fait avant qu'un jugement soit rendu. Je sais fort bien que le juge a toute la latitude voulue pour évaluer ces témoignages. Je n'ai pas voulu dire du tout que cela avait quelque chose à voir avec le jugement comme tel.

Le Président (M. Cardinal): Je suis encore frustré, parce qu'aujourd'hui... Ah! Je n'ai pas le droit de le dire, mais, en tout cas... Cela se passe autrement maintenant. Mais, en tout cas... Oui, c'est ça. Ce sont des sténotypistes.

M. Guay: Est-ce que le député de Vanier...... sténographe avec une machine?

Le Président (M. Cardinal): Non, mais, quand même... Mme le député de L'Acadie, avec deux minutes.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, quand le député de Vanier dit: Les deux cas ne sont pas totalement analogues, je dois le lui concéder: l'objet des deux articles est différent au départ. Mais, dans un cas comme dans l'autre, il y a possibilité qu'un individu soit lésé. Que ce soit le consommateur vis-à-vis du commerçant, ou que ce soit le justiciable vis-à-vis de la justice, dans les deux cas, il y a possibilité qu'un individu soit lésé.

Cependant, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que l'article 4 vise la justice à être rendue à un consommateur, alors que l'article 13, tel que rédigé, vise la justice rendue en français et non la justice à être rendue aux justiciables. L'objectif que nous visons par l'amendement, c'est que justice soit rendue aux justiciables, tandis que l'article 13, tel que rédigé, ne touche que la justice à être rendue en français.

J'ai deux minutes, je ne peux pas développer davantage. J'ai essayé d'être concise.

M. Paquette: Vote.

Le Président (M. Cardinal): Non, écoutez, M. le député de Taschereau avait demandé la parole.

M. Guay: Je serais disposé à ce que nous votions immédiatement sur l'amendement, quitte, hypothétiquement, à reprendre la parole sur l'article principal ou sur le prochain amendement.

Le Président (M. Cardinal): Sommes-nous prêts à disposer de cet amendement?

M. Charron: Oui.

Le Président (M. Cardinal): Le vote est-il pris à main levée, sur division?

M. Charron: L'amendement est rejeté sur division, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Appel nominal. Pour montrer jusqu'à quel point on ne peut pas vous faire changer d'idée.

M. Lalonde: Appel nominal.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je vais faire l'appel nominal sur l'amendement...

Mme Lavoie-Roux: Le mur de pierre!

Le Président (M. Cardinal):... à l'article 13, de Mme le député de L'Acadie.

M. Raynauld: Nous ne sommes pas pressés. M. Chevrette: Cela paraît!

Le Président (M. Cardinal): On m'indiquera si on est favorable ou défavorable. M. Fallu (Terrebonne)?

M. Fallu: Je suis contre, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)?

M. Bertrand: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau

(Verchères)?

M. Charbonneau: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: En faveur.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)?

M. Guay: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. de Belleval (Charlesbourg)? M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux

(L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: En faveur.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: Favorable.

Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont)?

M. Paquette: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Raynauld (Outremont)?

M. Raynauld: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda)?

Le résultat du vote sur la motion de Mme...

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais que vous appeliez mon nom.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, c'est un changement qui m'a fait sauter une ligne.

M. Lalonde: II n'y a pas d'offense, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Le résultat du vote est le suivant: 10 défavorables, 6, favorables. La motion est rejetée. Nous revenons à l'article 13. M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, je propose que l'article 13 soit adopté par la commission.

M. Chevrette: Combien reste-t-il de temps aux porte-parole?

Le Président (M. Cardinal): Vous voulez que je vous donne tout le temps qu'il reste à tout le monde?

M. Chevrette: Cela m'intéresse.

M. Guay: Pas à tout le monde, M. le Président, à ceux qui font un "filibuster" de la part de l'Opposition officielle.

Le Président (M. Cardinal): Je ne peux pas...

M. Lalonde: Demandez donc aussi aux ministériels de parler un peu.

Mme Lavoie-Roux: Si cela les fatigue trop-, qu'ils restent donc dans leurs bureaux, en haut.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, non.

M. Chevrette: Madame, ce n'est pas bon pour le coeur de se fâcher, cela fait sécréter de l'adrénaline.

M. Guay: Du calme!

M. Charron: C'est nous, par notre présence, qui assurons votre droit à vous exprimer. Sachez cela.

M. Lalonde: Oui, mais si vous voulez partir, partez.

Mme Lavoie-Roux: Non, on nous a dit que même si vous n'étiez pas là, si au début de la séance, vous y étiez, c'était suffisant.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, c'est assez, s'il vous plaît!

Nous revenons à la motion principale, M. le député de Verchères avait demandé la parole.

M. Charbonneau: M. le Président, je pense qu'il y a un point qui n'a pas été abordé, qui pourrait peut-être confirmer ce que le ministre disait tantôt, en termes d'exagération et de charriage. Quand on parle d'administration de la justice et qu'on parle de la justice, il y a deux éléments fondamentaux, il y a les témoignages et le jugement.

S'il fallait appliquer le raisonnement de l'Opposition officielle, se serait épouvantable ce qui se passerait au chapitre des témoignages. Il arrive plus souvent qu'autrement que des gens témoignent dans des langues étrangères au niveau des témoignages plutôt qu'au niveau des jugements et que des interprètes traduisent simultanément à la cour leurs témoignages. Ils sont la base même des faits sur lesquels le jugement va porter, et le tribunal utilise non pas la version originale, mais la traduction officielle. Celui qui rend témoignage n'a même pas la possibilité, en cour, de juger sur le moment, si le témoignage qui est rendu par l'interprète, si la traduction est authentique ou non.

Alors, si on voulait prendre le même raisonnement, je pense qu'on pourrait aller assez loin. On ne peut pas parler d'injustice quand on a un système judiciaire et des traditions judiciaires qui se déroulent depuis qu'il y a des cours de justice ici dans ce pays... Si c'était admissible pour la partie des témoignages, si on ne mettait pas en cause la valeur de la traduction offerte par les traducteurs officiels et sur laquelle le juge pouvait éven-

tuellement condamner un homme à la prison à vie, oui ou non, il y a quelques années, à la pendaison et à la mort, je me demande si aujourd'hui on doit accepter ce charriage quand on parle de jugements et d'authentification d'une traduction d'un jugement.

S'il y a un élément important dans le processus judiciaire, ce sont d'abord les témoignages, avant même le jugement. On n'a jamais mis en cause tout ce qui se faisait comme traduction au niveau des témoignages. Encore là, les témoins n'ont jamais eu la chance contrairement aux juges qui, eux, avaient la chance d'authentifier leur témoignage... Plus souvent qu'autrement, d'ailleurs, ils ne comprenaient même pas la traduction qui pouvait être faite et sur laquelle le juge avait à se prononcer, traduction qui servait au juge pour éventuellement prendre une décision importante.

Arrêtez de charrier sur la justice et apprenez ce que c'est et comment cela fonctionne des cours de justice.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie, il vous reste neuf minutes.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne saurais assez dire combien je suis étonnée, une fois de plus, et extrêmement déçue de l'attitude du gouvernement. Je pense que nous avons tenté, et si je dis par tous les moyens, les gens vont dire et même davantage... A leurs yeux, il faudrait accepter tous ces articles les yeux fermés. Tout ce qui est dans ces textes, aux yeux du gouvernement, c'est la vérité. On légifère comme un député a dit, avec un sentiment d'humanisme ad vitam aeternam. Si je me souviens bien, c'est le député de Verchères qui a dit cela avant le souper.

M. Charbonneau: Pardon, madame?

Mme Lavoie-Roux: Le député de Terrebonne, je m'excuse.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie d'avoir écouté. Je savais que c'était un... La question que j'aimerais poser au député de Terrebonne — il n'est pas obligé de me répondre—c'est: Quel est votre instrument de mesure quand vous mesurez l'humanisme? Ce qui m'inquiète encore davantage, et c'est un peu dans le même sens...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse.

Mme Lavoie-Roux: Je ne parle pas sur l'amendement.

Le Président (M. Cardinal): ... si je ne me trompe pas, M. le député de Terrebonne s'est exprimé sur l'amendement.

M. Chevrette: Sur l'amendement.

Le Président (M. Cardinal): Nous en sommes à la motion principale.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais quand on parle de légiférer ad vitam aeternam...

Le Président (M. Cardinal): Vous pourrez lui poser...

Mme Lavoie-Roux: ... cela valait surtout pour l'article 13, vu qu'on ne veut pas le changer. Cela doit certainement valoir pour l'article 13 dans l'esprit du député de Terrebonne.

Le Président (M. Cardinal): Je vais vous l'accorder, madame.

Mme Lavoie-Roux: On se contente de pas grand-chose.

M. Guay: Ces propos sont insultants à l'endroit du député de Terrebonne.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse. J'avais interprété autrement. Je ne croyais pas que c'était un tel nom qu'on me faisait. Je retire mes paroles, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Je ne suis pas allé jusque là, madame.

M. Grenier: Ce n'est pas un hypersensible.

Mme Lavoie-Roux: Mais ce que je répète et que les gens disent depuis cinq heures, c'est que le gouvernement demeure complètement hermétique à tout amendement qui, à notre point de vue, rendrait cette loi plus juste et protégerait davantage tous les individus concernés par la justice.

Je n'ajouterai rien d'autre, simplement un sentiment de déception profonde. Je laisserai à la population le soin de juger dans quel esprit ce gouvernement s'est présenté à cette commission parlementaire.

Je le répète et personne n'est dupe. Il n'y a qu'un seul amendement véritable qui a été accepté et parce que, je pense que politiquement il était impossible au gouvernement de dire non. C'est la seule chose qui les a motivés.

M. Paquette: Vous faites un procès d'intention, madame.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

Mme Lavoie-Roux: Mais, à part ça, tout le reste, c'est la porte close, la porte absolument impénétrable, et on peut avoir des doutes sur l'utilité de cet exercice que nous faisons, sauf qu'au moins, la population peut sentir qu'il y a une présence ici qui tente, du mieux qu'elle peut, de faire valoir ses points de vue, et je termine ici, M. le Président. Je n'ai rien d'autre à ajouter.

Le Président (M. Cardinal): Merci, Mme le député de L'Acadie.

M. le député de Terrebonne, sur la motion principale, cependant.

M. Fallu: M. le Président, tantôt mon argument portait effectivement...

Le Président (M. Cardinal): A moins que vous n'invoquiez l'article 96.

M. Fallu: Non, nullement; c'est mon temps de parole, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Fallu: Quelques secondes pour revenir sur mes propos antérieurs...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! Je vais faire vérifier s'il s'agit du quorum ou d'un vote.

M. Chevrette: C'est probablement un vote.

M. Lalonde: ...en vacances, M. le Président, c'est sûrement le quorum.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, à l'ordre! Est-ce qu'on pourrait vérifier si c'est un vote ou si c'est le quorum?

Bon! Alors, M. le député de Terrebonne, nous avons toujours le temps de monter. Allez!

M. Fallu: Merci! Si, dans la cohérence du projet de loi 101, l'article eut été rédigé à l'effet que dorénavant, tout jugement...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le député de Terrebonne, je regrette. Il y a présentement l'appel des députés à l'Assemblée nationale pour un vote.

Je suspends donc les travaux de cette commission pour la période du vote.

(Suspension de la séance à 20 h 47)

Reprise de la séance à 21 h 5

Le Président.(M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs! MM. les députés de Gaspé, de Joliette-Montcalm, de Verchères, de L'Acadie. Cela indique votre présence au journal des Débats, d'ailleurs.

M. Chevrette: Je vous remercie, on n'en attendait pas moins.

Le Président (M. Cardinal): Au moment de la suspension, alors que nous en étions presque exactement à sept heures et quinze minutes de débats sur l'article 13...

M. Lalonde: Ce n'est pas un reproche?

Le Président (M. Cardinal): Non, c'est une constatation.

M. Grenier: M. le Président, est-ce que je peux vous informer que, pendant que vous avez fait ici une suspension, en haut, c'était un suspens?

Le Président (M. Cardinal): Vous avez vu mon impartialité. Je n'y étais pas, non.

Mme Lavoie-Roux: Nous n'eadoutons jamais.

Le Président (M. Cardinal): Absolument pas. Je les assume. Si vous permettez, nous parlons de la loi 101, et non pas de ce qui s'est passé en haut, comme vous appelez cela. Il n'y a plus de chambre haute, il n'y en a qu'une maintenant. Si vous permettez, au moment de la suspension, M. le député de Terrebonne n'avait utilisé que quatre des vingt minutes qui lui sont accordées.

M. Fallu: M. le Président, je crois que je vais demander la parole un peu plus souvent puisqu'à chaque fois, on a droit à une petite récréation. Cela pourrait, pour le moins, non pas retarder les travaux, mais au moins les égayer.

M. le Président, de l'article 13, dans l'état actuel de rédaction, j'allais dire, au moment de notre départ collectif, que c'est une générosité un peu exceptionnelle de la part du législateur car, très précisément, il y a, dans l'économie générale du projet de loi, une exception qui est faite spécifiquement pour les juges, une exception qui n'est faite nullement pour les autres citoyens, qui n'est faite nullement pour les maires, nullement pour les conseillers municipaux, qui est faite pour les juges seulement. Les juges de tout temps, ad vitam aeternam, si vous permettez que je répète, pourront exprimer leur jugement — j'allais dire en première instance, en faisant un jeu de mots — en anglais s'ils le désirent. Jamais ils ne seront, comme l'économie générale de la loi le voudrait, assujettis, dans le langage judiciaire comme dans le langage de l'administration ou autrement, à s'exprimer directement dans la langue officielle. Il y a là une exception qui est faite pour eux et eux seuls. C'est la générosité même du législateur qui l'a prévue. Nous aurions pu, dans l'économie générale de la loi, faire en sorte que les juges auraient eu — admettons après un certain délai de deux ans ou de trois ans, de cinq ans — à s'exprimer directement en français. Donc, l'article aurait été libellé: Tout jugement sera rendu dans la langue officielle, avec, évidemment, à un article subséquent, une prévision relativement à un délai. Si je reprends mon argumentation, c'est qu'il semble qu'elle soit passée relativement inaperçue. Elle n'a pas impressionné outre mesure, sauf les quelques mots de latin que j'avais ajoutés pour le souligner. Voici, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux:... ad vitam aeternam.

Le Président (M. Cardinal): Si M. le député de Mont-Royal... A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal, il vous reste sept minutes.

M. Ciaccia: Sur la motion principale? Le Président (M. Cardinal): Oui. M. Ciaccia: Sept seulement? Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Ciaccia: Si c'est sept minutes, je vais me fier à votre...

Le Président (M. Cardinal): Je peux vous donner les heures, mais j'ai dit tantôt... Ecoutez, quand même, tantôt, quelqu'un d'autre a posé une question. J'ai dit que ce n'était pas un reproche, mais une constatation. Imaginez-vous qu'après 7 h 15, maintenant 7 h 25 de débats, les gens se sont quand même exprimés. On s'est exprimé chaque fois que nous sommes passés d'une motion à une autre. Nous sommes revenus à la motion principale. N'est-ce pas?

M. Ciaccia: Je croyais que nous avions parlé seulement sur les motions d'amendement et les sous-amendements, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas possible. M. le député de Mont-Royal, sérieusement, sept minutes.

M. Ciaccia: M. le Président, je vais essayer de donner mes commentaires aussi brièvement que possible. Il ne me reste que sept minutes.

M. le Président, cet article est tellement fondamental et il soulève tellement de problèmes! Je voudrais seulement en donner quelques-uns ici pour démontrer la nécessité pour le gouvernement d'y apporter des amendements, de l'impossibilité de l'adopter dans sa présente forme.

On dit que les jugements doivent être accompagnés d'une version française dûment authentifiée. Je voudrais demander au gouvernement... Les explications qu'on nous a données sont que ce sera authentifié par l'auteur, le juge qui a rendu le jugement. Advenant le cas où un juge refuserait d'authentifier son jugement — j'aimerais avoir des explications du gouvernement — quelles seraient les sanctions? Est-ce que le gouvernement va empêcher ce juge de siéger? Est-ce qu'il ne pourra plus rendre de jugements? Est-ce qu'il va devenir une non-personne, d'après les paroles du député de Sauvé à l'égard d'une autre situation? Sérieusement, M. le Président, on fait une déclaration, on donne un projet de loi et on n'en connaît pas la portée. Ce n'est pas la façon de rédiger des lois.

Le député de Terrebonne a dit qu'il était très généreux; peut-être pourrait-on dire qu'il aurait pu être plus honnête s'il nous avait dit: Les jugements seront rédigés en français. Les juges doivent les donner en français. De la façon que cet article est rédigé, cela revient à dire cela. Cela revient à dire cela, mais d'une façon indirecte, d'une façon malhonnête. Cela donne l'apparence d'une générosité, mais l'effet est bien de dire: Les jugements en anglais, on n'en veut plus, cela ne vaut rien.

C'est cela qu'on dit. Les jugements en anglais ne valent rien. Je voudrais vous dire bien respectueusement qu'il y a encore beaucoup de juges à la Cour supérieure, à la Cour d'appel. Je ne suis pas prêt à dire qu'avec l'adoption de cette loi, leurs jugements ne vaudront rien. Je ne suis pas prêt à dire cela. C'est ce que dit l'article 13. C'est une insulte à la magistrature. C'est une insulte à ces gens qui siègent et qui accomplissent leur devoir de donner justice aux citoyens.

M. Paquette: Est-ce qu'on est passible d'outrage au tribunal, d'outrage à la magistrature?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Vous n'allez pas trouver un juge, M. le Président... J'entends dans les galeries, de l'autre côté des fenêtres: Si on ne parle pas français, est-ce que ce n'est pas une insulte? Je ne pense pas que vous allez trouver, aujourd'hui, un juge qui siège et qui ne parle pas français. Mais ils ne veulent pas comprendre, M. le Président, ce n'est pas assez de parler français. C'est la langue d'usage. On parle de jugements qui vont être rendus, qui vont être nuancés. Ce n'est pas la même chose que les témoignages. On a parlé des sténotypistes. Premièrement, ce n'est pas dans toutes les causes que le témoignage est pris en sténographie. Il n'y a pas de transcription dans toutes les causes. Mais, essayez de faire le lien ou de faire un parallèle entre la sténographie et la traduction d'un témoin, la sténographie et le service de traduction d'un jugement. On voit encore pourquoi, du côté ministériel, il n'y a pas d'avocats, il n'y a pas le jurisconsulte du gouvernement, il n'y a pas le ministre de la Justice parce que, s'ils étaient là, les propos des députés ministériels ne seraient pas acceptables, même par leurs collègues juristes, parce que, M. le Président, ils ne parlent pas en connaissance de la procédure légale.

Ils ne parlent pas en connaissance de ce qui se passe dans nos tribunaux, à notre magistrature. Une autre question, M. le Président. Est-ce que cet article-ci va s'appliquer aux tribunaux fédéraux? On dit ici que les jugements rendus au Québec...

M. le Président, je vous dis que c'est faux, cet article. Il y a des tribunaux au Québec pour lesquels cet article ne s'appliquera pas. Mais encore, on veut faire de la politique avec le système judiciaire. On veut donner l'apparence qu'on protège les droits des francophones. Ce n'est pas ça qu'on fait du tout. Il y a des tribunaux pour lesquels l'article 13 ne s'appliquera pas, et on n'est même pas assez clair, assez cohérent, assez honnête pour faire cette distinction. Je ne parle même pas, M. le Président, du conflit possible avec l'article 133. Cela, on en a parlé, mais là, je soulève des points additionnels, des préoccupations que le gouvernement aurait dû avoir et qu'il devrait avoir en rédigeant et en considérant les commentaires, les amendements et les recommandations de l'Opposition officielle et de l'Opposition.

Alors, nous voyons, M. le Président, l'impossibilité d'appliquer cet article dans les faits. Nous voyons que même dans certaines cours, certains tribunaux, il ne sera pas applicable du tout, parce qu'un tribunal fédéral, M. le Président, n'est pas affecté par cet article. Est-ce que c'est l'intention? M. le Président, on a tellement de contradictions dans ce projet de loi. On reconnaît l'anglais à l'article 69. On dit: Oui, elles ont certains droits, les minorités; on leur reconnaît un réseau d'enseignement, et on ne veut pas affecter, réduire ou amoindrir leurs institutions. Après ça, on vient, M. le Président, avec l'article 13 dans lequel on ne donne pas cette reconnaissance non seulement pour les citoyens, mais pour le magistrat lui-même, qui est obligé de se conformer à cet article.

Alors, il y a une contradiction complète dans tous les articles du chapitre III, et une contradiction entre le chapitre III et l'article 13 et l'article 69, M. le Président. Si la façon de rédiger les lois, c'est d'avoir des contradictions, de l'illégalité, des conflits, des ambiguïtés, M. le Président, je suggérerais fortement au gouvernement d'y réfléchir et de reconsidérer sa position quant aux principes judiciaires et à l'atteinte qu'on y porte à l'article 13.

Le Président (M. Cardinal): Merci beaucoup, M. le député. Vous avez utilisé pas plus que votre temps, mais tout votre temps.

M. Ciaccia: Merci, je me suis conformé à votre directive, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Cela a paru court à tout le monde.

M. Ciaccia: Je respecte les lois, M. le Président. Je ne veux pas agir d'une façon illégale.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Taschereau, à 21 h 18.

M. Guay: M. le Président, très brièvement... M. Lalonde: Vous avez 20 minutes.

M. Ciaccia: II faudrait que le journal des Débats montre la grimace que le député de Taschereau a faite au député de Marguerite-Bourgeoys.

Une Voix: C'était une grimace? Je pensais que c'était un sourire.

M. Guay: M. le Président, je n'ai...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Guay: ... pas fait de grimace, à moins que le député de Mont-Royal interprète le visage du député de Marguerite-Bourgeoys comme étant grimaceux et que je lui rendais son sourire.

Le Président (M. Cardinal): Vous venez de l'inscrire, M. le député de Mont-Royal.

M. Lalonde: M. le Président, est-ce que je pourrais m'inscrire une défense quelconque?

M. Bertrand: L'article 96 pour rétablir le sourire.

M. Chevrette: Je pensais qu'il était pour dire que c'était naturel.

M. Guay: Je m'en voudrais, M. le Président, de ne pas corriger un certain nombre de choses qui ont été affirmées dans la vaste salade d'arguments les plus invraisemblables que l'Opposition officielle nous a servie, à maintes reprises, je dois dire, puisqu'en près de sept heures et demie maintenant de débats, l'imagination manquant, il est évident que nous avons entendu et réentendu, à maintes reprises, les mêmes arguments, que ce soit sur la motion elle-même, que ce soit sur les nombreux amendements, avec, bien sûr, le même résultat, c'est-à-dire l'absence de cohérence, l'absence d'idées et le même résultat quant au vote, en définitive, puisque, effectivement, l'Opposition officielle, malgré son grand désir, n'a pas réussi à nous convaincre.

Je voudrais tout d'abord relever un argument que le député de Marguerite-Bourgeoys a soulevé en ce qui a trait à l'article 210 que mon collègue de Vanier mentionnait et qui traite de la Loi de la protection du consommateur. Le député de Marguerite-Bourgeoys souhaitait que l'on fasse comme dans la loi 22, a-t-il dit, c'est-à-dire que l'on donne le bénéfice au justiciable.

Or, je me permets de relire l'article 2 de la loi 22, qui dit bien clairement, en noir sur blanc, "...en cas de divergence que les règles ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte français des lois du Québec prévaut sur le texte anglais."

Or, le député de Mont-Royal, de son côté, nous a fait valoir qu'un jugement avait force de loi. Dans la loi 22, on prévoit précisément qu'en cas de conflit entre les deux textes, c'est le texte français de la loi qui prévaut sur le texte anglais, et je comprends mal que l'on n'utilise pas la même logique dans ce cas-ci et qu'on ne fasse pas prévaloir, s'il y avait conflit — je parle de la loi 22, M. le député d'Outremont, je comprends que vous venez d'arriver aujourd'hui, mais je parle de l'article 2 de la loi 22.

M. Raynauld: On veut l'amender.

M. Ciaccia: On veut l'amender.

M. Guay: Je comprends mal que le député de Mont-Royal n'ait pas utilisé la même logique qui prévaut dans la loi 22 à la défense de l'article 13, mais le député de Mont-Royal et le député de Marguerite-Bourgeoys et d'ailleurs toute l'Opposition officielle se sont faits les ardents défenseurs des positions défendues par le Barreau lors de sa comparution, lors de l'étude en deuxième lecture, du projet de loi no 1. Effectivement, les positions du Barreau étaient des positions intéressantes, comme les positions de toutes les parties qui ont comparu devant la commission parlementaire.

II n'en demeure pas moins que la raison d'être du Barreau au départ est, bien sûr, de défendre ses membres, et notamment de défendre ses membres anglophones parmi d'autres. C'est pourquoi il était assez remarquable que le mémoire soumis par le Barreau était d'accord avec l'ensemble du projet de loi no 1 à l'exception du seul chapitre qui concernait précisément les membres du Barreau, c'est-à-dire la langue de la justice et la langue de la législation. A ce moment, le Barreau se faisait la corporation qu'il a toujours été, ce qui est son droit, et défendait le point de vue d'un certain nombre de ses membres, ce qui est également son droit, mais ce qui n'oblige pas le gouvernement à percevoir cette défense des membres du Barreau comme étant l'intérêt public, l'intérêt général du Québec et des Québécois.

Là, par contre, où j'ai entendu la chose la plus invraisemblable aujourd'hui, c'est lorsque le député de Mont-Royal a affirmé, à maintes reprises, sans jamais le démontrer, bien sûr, que l'article 13 avait pour but de viser, de miner, d'atteindre l'indépendance de la magistrature, c'est-à-dire l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir exécutif, au pouvoir législatif, et je mets au défi le député de Mont-Royal de trouver, où que ce soit dans l'article 13, une quelconque atteinte à l'indépendance de la magistrature.

Je ne dirai pas que c'est de la fumisterie, parce que cela ne serait pas gentil à l'endroit du député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Article 96.

M. Charron: A la fin de l'intervention... L'article 96 stipule que le député de Mont-Royal doit intervenir à la fin de l'intervention du député de Taschereau. Il le sait.

M. Ciaccia: A moins que le député de Taschereau ne consente...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Guay: Je vais être bon prince et je vais permettre au député de Mont-Royal de corriger, s'il n'a pas dit ces choses que j'ai pourtant bien entendues, à maintes reprises, ou alors de préciser sa pensée, je ne demande pas mieux qu'il le fasse.

M. Lalonde: Pour être bon prince, il faut d'abord être prince.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal, avec le consentement du député de Taschereau.

M. Ciaccia: Oui, avec le consentement du député de Taschereau, que je remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Ce n'est pas une des meilleures du député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Et pas une de ses plus mauvaises non plus.

M. Ciaccia: C'est vrai.

M. Guay: Les libéraux pourraient-ils permettre à leur député de Mont-Royal de s'exprimer?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal, très brièvement.

M. Ciaccia: Oui, brièvement, sur l'article 96. C'est vrai que j'ai dit que l'article 13 porte atteinte à l'indépendance de la magistrature. Je l'ai dit à plusieurs reprises. Ce que je regrette, c'est que le député de Taschereau avait l'occasion, avant que je termine de parler, de m'attaquer là-dessus, pour que je puisse répondre. Il est malheureux qu'il en saisisse maintenant l'occasion, alors que je ne puis plus répondre.

Le Présijent (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Taschereau.

M. Guay: M. le Président, j'avais justement permis au député de Mont-Royal d'invoquer l'article 96, pensant qu'il voudrait sans doute corriger l'impression...

M. Ciaccia: Non.

M. Guay:... fâcheuse qu'il avait laissée auprès des membres de la commission et auprès du public en général...

M. Ciaccia: Je la confirme.

M. Guay:... en affirmant une chose aussi gro-testque que de dire que l'article 13 vise à restreindre ou à miner l'indépendance de la magistrature. A part protester et affirmer ne pouvoir le préciser d'une autre façon ou corriger la chose, le député de Mont-Royal, je dois constater qu'il a effectivement dit, qu'il le pense et qu'il ne l'a toujours pas démontré. Effectivement, je le mets de nouveau au défi de démontrer où, quand et comment l'article 13 peut miner le pouvoir judiciaire et l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif. Il s'agit d'une affirmation en l'air, d'une affirmation que je me permettrai, au risque d'être antiparlementaire, de qualifier de peu responsable de la part d'un député siégeant à l'Assemblée nationale au sein du pouvoir législatif.

Ce que vise essentiellement l'article 13, comme d'ailleurs tout le paragraphe, c'est permettre aux justiciables québécois d'être jugés en français. On a fait un plan immense, une monta-

gne, un ballon gonflé de toute espèce avec — une Charlotte russe, comme dit le député de Vanier — l'article 13. Or, quand on connaît, et je sais que le député de Mont-Royal et le député de Marguerite-Bourgeoys connaissent le système judiciaire québécois, quand on connaît le système judiciaire québécois, on se demande un peu où il y a matière à faire un aussi invraisemblable et stérile débat de huit heures ou de presque huit heures, car il y a au Québec, sous l'administration du Québec, outre les cours municipales, la Cour provinciale, la Cour des sessions de la paix, la Cour supérieure et la Cour d'appel. On sait très bien que trois ou cinq juges siègent généralement à la Cour d'appel. Il se peut, et il arrive fréquemment, puisque la Cour d'appel a des juges anglophones, que des juges anglophones, conséquernment, soient appelés à siéger à l'intérieur de ce banc de trois ou de cinq juges, parfois en majorité, parfois en minorité. Plus souvent qu'autrement, ou généralement, il y a aussi un juge francophone, si bien que, quand il s'agit d'émettre l'opinion de la cour, l'opinion du banc de trois juges ou de cinq juges, il y a un juge francophone, sinon deux, quand ce n'est pas trois, qui sont présents, sauf une rarissime exception, si tant est qu'il y a encore de telles exceptions. Il y a généralement un juge francophone présent qui peut donc, à supposer qu'il n'ait pas rédigé le jugement au nom des trois, certainement en authentifier la version française.

Restent donc la Cour supérieure et la Cour provinciale où un seul juge siège à la fois. Combien de juges anglophones existe-t-il à la Cour supérieure, à la Cour provinciale ou à la Cour des sessions de la paix? Je n'en ai pas fait l'énumération exacte. Je doute fort qu'il en existe énormément et je doute surtout que ces juges ne soient pas assez capables de s'exprimer en français pour authentifier la version française de leur propre jugement, le cas échéant. Car il ne faut pas oublier que les tribunaux québécois ont pour but d'interpréter des lois françaises dans le cas du droit civil, des lois qui puisent leur origine dans le code français, le Code Napoléon, des lois dont les principaux auteurs sont français ou québécois francophones. C'est donc dire qu'un avocat qui accède à la magistrature doit forcément avoir une connaissance minimale de la langue française, sans quoi il n'aurait jamais pu réussir à plaider au Québec. C'est absolument impossible. Le député de Mont-Royal n'a pas nié cela. C'est vrai. Il a même précisé, lors de l'étude de l'article 11, que les avocats se devaient au Québec, à l'heure actuelle, d'être bilingues. S'ils se doivent d'être bilingues, c'est donc qu'ils se doivent de parler français, parce qu'il est impossible d'interpréter des lois françaises si l'on ne parle pas français. Il est impossible même d'interpréter des lois anglaises dont il existe une version française — je pense aux lois fédérales — si on ne connaît pas la langue française, car bon nombre de jugements qui font jurisprudence sont en français. C'est donc une condition absolument essentielle.

M. Ciaccia: Le droit commercial est en anglais.

M. Guay: Le droit commercial est en anglais et il existe une version légale française. Il y a de la jurisprudence en français là encore. C'est donc dire qu'un juge qui ne parle pas français au Québec ne peut pas, à toutes fins pratiques...

M. Ciaccia: II y a de la jurisprudence en anglais aussi.

M. Guay: ... remplir sa fonction. Je présume que le gouvernement, qu'il soit fédéral ou que ce soit le gouvernement du Québec, quand il nomme des juges, il les nomme au moins en sachant que ces magistrats ont une connaissance suffisante du français pour pouvoir remplir leur tâche. Avoir une connaissance suffisante du français, c'est pouvoir lire dans la jurisprudence en français les subtilités des jugements en français.

Si on peut lire la subtilité des jugements en français, on peut sûrement lire la subtilité des traductions de ses propres jugements en anglais ou la traduction de ses jugements faits en anglais, ce qui fait, M. le Président, que les arguments invoqués par l'Opposition m'apparaissent éminemment frivoles, farfelus, dilatoires et conçus uniquement pour faire perdre le temps de la commission et créer, dans l'opinion publique, un mythe au sujet de l'indépendance attaquée de la magistrature et au sujet de l'impossibilité des pauvres juges anglophones à s'exprimer correctement en français, ce qui est un non-sens dans le système judiciaire québécois.

J'ajouterai enfin, M. le Président, que les raisons fondamentales qui font que j'appuie l'article 13, c'est que cette loi, la Charte de la langue française, qui fait, d'ailleurs, de la version française des lois la version officielle à l'article 9, vise à accorder aux Québécois et aux Québécois francophones d'abord et avant tout, tout en respectant le droit des Québécois anglophones, les droits les plus fondamentaux dans une société normale.

Les droits fondamentaux, M. le Président, dans un Etat de langue française, ça veut dire, bien sûr, en plus de ceux qui sont énumérés de l'article 2 à l'article 6, ceux qui sont couchés dans le chapitre III, des articles 7 à 13 inclusivement, c'est-à-dire le droit pour tout francophone québécois à recevoir la justice dans sa propre langue, chez lui, comme c'est normal, au Québec, et ça veut dire, pour pouvoir recevoir ce jugement, cette justice dans sa propre langue, qu'il faut au moins qu'il soit capable de lire le jugement. Il faut donc que ce jugement, s'il n'est pas en français, soit traduit en français et que cela en soit la version officielle.

A cela s'ajoute le respect des droits de la minorité anglophone, qui est également, une fois de plus, consacré dans l'article 13, mais qui ne saurait, M. le Président, venir infirmer la logique fondamentale de ce projet de loi. Et, à moins d'avoir jadis écrit la loi 22 avec son cheminement tortueux et illogique, comment peut-on concevoir un Etat français dont le pouvoir judiciaire ou le pouvoir législatif ou le pouvoir exécutif ne serait pas en français? A partir de là, à quoi rimerait, que voudrait dire une langue officielle? Ce ne serait pure-

ment qu'un mythe, un mythe pour l'image, comme ce fut le cas lors de la loi 22.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Taschereau. Est-ce que l'article 13 sera adopté?

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais tout d'abord répondre au député de Taschereau que sa longue expérience devant nos cours de justice nous a éclairés et que sa sagesse nous a aidés à élever le débat à un niveau inégalé depuis le commencement de ce débat.

M. Guay: J'invoque l'article 96, M. le Président.

M. Lalonde: Alors, vous êtes contre votre longue expérience et votre sagesse?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Taschereau, à moins...

M. Guay: Si le député de Marguerite-Bourgeoys, comme je l'ai...

M. Lalonde: Non, 96, c'est après, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela prend le consentement du député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Guay: Je constate, M. le Président, qu'on n'a pas...

M. Lalonde: Je ne consens pas, M. le Président.

M. Guay: ...la même générosité du côté de l'Opposition officielle que du côté du pouvoir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, la parole est au député de Marguerite-Bourgeoys. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: M. le Président, ça dépend de la qualité des interventions. Alors, je vais continuer.

Lorsque le député de Taschereau fait le parallèle entre les articles de ce projet de loi et même de la loi 22, qui donne une préséance au texte français des lois, pour tenter d'apporter son support à la préséance qu'on donne dans l'article 13 au texte français des jugements, je pense, M. le Président, qu'il fait une erreur grave dans le sens que les lois au Québec sont adoptées en français et depuis fort longtemps. Elles sont ainsi déposées, comme dit le projet de loi, elles sont préparées en français, elles sont discutées en français, elles sont adoptées en français. Alors, il n'est que naturel et indiqué, en vertu des principes les plus élémentaires de l'interprétation des lois, que lorsqu'il y a divergence entre le texte français d'une loi et le texte anglais, ce soit le texte français qui prévale, et c'est ce que la loi 22 fait. Il n'y a aucune analogie avec les jugements où le jugement est rendu en anglais par un juge qui a choisi cette langue, quand c'est la langue qu'il comprend et dans laquelle il a voulu indiquer et exprimer son intention et son jugement. Ce n'est pas du tout la même chose.

M. le Président, si le Barreau — je pense que je dois, à ce stade-ci, devant l'attaque un peu basse du député de Taschereau à l'encontre du barreau — a choisi de donner son éclairage seulement en ce qui concerne la langue de la justice, il a dit pourquoi. Il a dit pourquoi, et c'est parce que c'est cet éclairage que le barreau connaît le mieux.

M. Guay: Je n'ai pas dit cela.

M. Lalonde: J'ai dit cela et c'est ce que le barreau a dit à part cela dans son mémoire, si vous le lisez comme il faut.

Le député de Taschereau, fort de sa longue expérience en Cour d'appel, nous a dit qu'un juge francophone de la Cour d'appel pourrait toujours authentifier le jugement rendu par un juge anglophone.

Il s'agit là de la démonstration d'une ignorance totale de la façon dont cela se passe en Cour d'appel. La Cour d'appel désigne, le banc désigne un juge parmi ceux qui forment le banc pour écrire le jugement et si c'est un juge anglophone, le jugement, s'il le choisit, sera en anglais. Les autres juges donnent des notes qui sont, soit à l'appui du jugement principal, ce qui forme une majorité s'ils ne sont pas tous d'accord, soit en minorité si le jugement ou les notes d'un autre juge ne sont pas à l'appui du jugement du juge principal.

Alors, je vois mal qu'un autre juge que celui qui a écrit le jugement puisse authentifier le jugement de celui qui l'a écrit. A ce moment, aussi bien confier cette tâche qui je pense, ne pourra être confiée qu'à un fonctionnaire, avec tous les dangers que cela comporte pour l'authenticité du jugement.

Je voudrais vous lire quelques passages du mémoire de la Commission des droits et des libertés de la personne, à la page 31. La commission, groupe de Québécois non traîtres qui ne sont pas des inféodés de "l'establishment" anglophone, qui ne sont pas parmi les 326 mauvais Québécois, a dit ceci: "Bref, toute législation justifiée par les intérêts légitimes de la majorité doit écouler d'une analyse préalable, rigoureuse permettant de fixer l'objectif poursuivi en fonction du malaise à éliminer. Le choix des moyens adéquats et mesurés qui découlent de cette analyse doit être fait dans un esprit positif, alimenté aux vertus du respect d'au-trui, de la tolérance et du pluralisme."

A la page 9, cette même commission dit ceci et je cite: "Mais la Commission des droits de la

personne a, dans cet avis, clairement établi son approche. Les intérêts légitimes de la majorité doivent être affirmés et respectés, mais il est tout aussi important, dans un régime démocratique où on est respectueux des droits et libertés de la personne, de ne pas aller au-delà de ce qui est requis pour assurer ce respect. Tout excès est une atteinte, sinon technique aux droits et libertés garantis par un texte, du moins à l'esprit de ceux-ci et à la qualité de la vie démocratique d'un Etat donné."

Je pense que ces remarques de la Commission des droits et des libertés de la personne sont extrêmement pertinentes dans le débat que nous faisons sur l'article 13.

Le député de Terrebonne nous a servi quelques-unes de ses expériences concernant l'administration de la justice. A l'entendre cet après-midi, j'aurais cru qu'il était en train de nous lire un recueil de l'exercice de la fonction de juge de la Cour suprême aux Etats-Unis; ceux-ci ont tous des commis, des adjoints pour écrire les jugements, alors qu'on sait très bien qu'au Québec, ce sont les juges qui écrivent leur jugement, qui les dictent et qui les corrigent dans la très grande majorité.

Le caractère officiel de la langue française devra toujours souffrir l'exception de la jurisprudence et de la doctrine. Dans plusieurs secteurs, même en droit civil, quoique c'est en minorité dans le droit civil, mais dans les autres secteurs du droit, surtout le droit criminel, le droit pénal, tout le droit statutaire, il y a de la jurisprudence et de la doctrine en anglais, et les juges, même francophones, qui rendent des jugements, souvent y recourent et y réfèrent dans la langue du texte. Alors, va-t-on tout traduire cette doctrine pour avoir une justice uniquement française au Québec? Je vous le demande.

M. le Président, loin de suivre la voie suggérée par la Commission des droits de la personne, l'article 13 du projet de loi et tout le projet de loi recherchent l'affrontement des valeurs nationalistes, ethno-culturelles, d'une part, et des valeurs démocratiques, d'autre part. Ainsi, une société démocratique recherche une meilleure qualité de la justice. Elle devrait rechercher, comme nous l'avons fait dans l'ancien gouvernement, un meilleur accès à la justice par des lois comme l'aide juridique, comme la Cour des petites créances. Si nous avions les moyens et au moment où nous aurons les moyens, l'accès à la justice de ceux qui ne comprennent pas bien la langue française et même la langue anglaise, pour qu'ils aient comme citoyens, une meilleure justice... Or, ce n'est pas ce qu'on fait. On met au-dessus de ces valeurs démocratiques des préoccupations nationalistes qui nient les valeurs démocratiques qui, pourtant, sont chères à la très grande majorité, sinon à tous les Québécois. Un autre principe, M. le Président...

M. Charbonneau: ... de la démocratie avec le nationalisme.

M. Lalonde: Un autre principe que l'on met en péril ici, c'est l'indépendance de la magistrature. Je réponds directement aux propos du député de Taschereau. Lorsqu'un juge rend son jugement et qu'il sait que son jugement ne sera pas applicable, on affecte son indépendance, parce que ce n'est pas son jugement qui va être appliqué, cela va être une traduction de son jugement qui va peut-être être authentifiée par un fonctionnaire...

M. Guay: Cela change.

M. Lalonde: ... parce que ce n'est peut-être pas lui. La loi ne dit pas que c'est lui qui va l'authentifier. Je mets en doute cette proposition qui a été faite ici autour de la table, mais qu'on n'a pas eu le courage de mettre dans la loi. Lorsqu'un juge est appelé à écrire un jugement et qu'il sait qu'il va disparaître aussitôt écrit, parce qu'un fonctionnaire va le traduire, parce que c'est le fonctionnaire qui va décider quelle justice va être rendue, je dis que l'on affecte l'indépendance de la magistrature. Je mets au défi le député de Taschereau de me dire que le juge qui rendra un jugement en anglais va se sentir aussi indépendant qu'un juge qui va rendre son jugement en français.

M. Guay: Ecoutez, comment vont-ils se sentir...

M. Lalonde: M. le Président, lorsqu'un régime, pour des motifs qu'il dit supérieurs, n'hésite pas à attaquer dans ses principes mêmes les valeurs démocratiques au nom de l'intérêt national, alors, c'est la démocratie qui est en péril. A ce moment, c'est d'autant plus tragique que de l'avis de tous, sauf peut-être de quelques illuminés, il n'y aucun danger d'assimilation pour la majorité francophone au Québec à laisser simplement rendre la justice comme elle est rendue actuellement, sans contrainte et sans affecter l'indépendance de la magistrature.

M. le Président, le ministre et le gouvernement sont prisonniers de leur logique. Ayant peint un tableau alarmiste, pessimiste, "castastrophiste" de la situation linguistique au Québec, ils doivent maintenant en payer le tribut à leur lubie à même le trésor le plus précieux que nous ayons collectivement, nos valeurs démocratiques.

M. le Président, tout ce projet de loi va nous coûter cher. Le coût économique de cette loi, dont le ministre va allègrement passer la note au peuple québécois, sera lui-même très élevé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, voulez-vous revenir, s'il vous plaît, à l'article 13?

M. Lalonde: M. le Président, en fonction de l'article 13, le coût social des affrontements francophones-anglophones, attisés par l'article 13 et par tout le projet de loi, est déjà mesurable pour quiconque n'est pas aveugle.

M. Charbonneau: Les juges anglophones vont se promener...

M. Lalonde: Jamais, quant à moi, je n'accepterai cet autre coût que l'article 13 — la pertinence est là — veut nous imposer. C'est l'érosion de nos institutions démocratiques. La mise en péril de l'indépendance de la magistrature en est l'indication la plus sûre.

M. Fallu: C'est Gérard-D. Levesque, cela. Où étiez-vous pendant les mesures de guerre?

M. Lalonde: Le gouvernement tente de faire une pirouette comme il fait ici dans ce projet de loi de façon régulière. On veut permettre, d'une part, des jugements en anglais, mais on en souhaite la disparition immédiate après coup. C'est un peu comme dans l'affichage. Dans le chapitre de la langue de l'enseignement, on reconnaît la communauté anglophone et ses institutions, mais on veut les cacher ensuite. Elle n'a pas le droit de se montrer.

M. Charbonneau: Vous n'avez rien compris, rien.

M. Lalonde: Ils n'ont pas le droit de se montrer. On veut les cacher.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Moins que rien.

M. Lalonde: Qu'on ait donc le courage de le dire et qu'on fasse à l'article 13 une disposition établissant que les jugements sont tous en français. Ce serait au moins courageux. Mais si on reconnaît que notre système veut que des jugements soient rendus en anglais, à ce moment-là, qu'on reconnaisse leur authenticité, qu'on n'aille pas faire une pirouette pour les faire disparaître ensuite et les transposer dans un texte de traducteur où le pouvoir exécutif et non pas législatif, le pouvoir exécutif va pouvoir s'immiscer dans l'interprétation des jugements et dans leur application.

Je pense, M. le Président, que cet article — on a dit qu'on a passé huit heures là-dessus — en est un qui met en danger un principe aussi important et qui pourrait justifier un débat plus long. Si encore nous avions pu convaincre le gouvernement ou apporter un autre amendement avec l'espoir de le convaincre, nous l'aurions fait. Je pense que, comme Opposition officielle, nous avons fait notre devoir. Nous avons tenté de démontrer au gouvernement les dangers devant lesquels il met toute la population du Québec.

M. Bertrand: On verra!

M. Lalonde: Le député de Vanier dit: On verra. Lorsqu'on permet à un gouvernement, comme législateurs, et le député de Vanier est un législateur ici ce soir, il n'est pas un gouvernement, la législation pour laquelle et l'article 13 pour lequel il s'apprête de voter vont être administrés par un gouvernement qui n'est peut-être pas celui d'au- jourd'hui. Ils pourront être administrés par un autre gouvernement qui n'est pas aussi bien intentionné que celui qu'il pense actuellement. Sa responsabilité de législateur est en jeu à ce moment-ci. Ce n'est pas à titre de députés ministériels, de membres à plus ou moins long terme d'un gouvernement éventuellement, que le député de Vanier et les autres députés ministériels doivent juger l'article 13. C'est à titre de législateurs qui confient au gouvernement un mandat qui, à mon sens, est dangereux pour nos institutions démocratiques.

Ce n'est pas avec beaucoup d'espoir, étant donné la fermeture hermétique du gouvernement devant nos représentations, que je termine. Mais, quand même, il ne sera pas dit que l'Opposition officielle se sera simplement écrasée devant un gouvernement qui ne veut rien entendre, mais qui veut simplement, sans édulcorer sa loi, sans la souiller d'un amendement, imposer comme un rouleau à vapeur son projet pour des motifs supérieurs mais qui ne correspondent pas, et je vous le dis, en terminant, qui ne correspondent pas, mais de loin, aux volontés des Québécois, et surtout ne correspondent pas du tout à la conception que le Québécois se fait de ses valeurs démocratiques.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Taschereau, avec six minutes.

M. Guay: Si le député d'Outremont veut y aller. Cela fait longtemps qu'on ne l'a pas entendu.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si le député de Taschereau consent, j'avais reconnu le député de Taschereau.

M. Raynauld: M. le Président, je voulais simplement dire quelques mots. Je pense qu'à ce stade-ci, en effet, le gouvernement n'est pas disposé à entendre et encore moins à adopter — je n'ai pas dit écouter, j'ai dit entendre — les vues de l'Opposition, je pense que ce qui est en jeu ici c'est l'administration de la justice.

Je crois que ce sont des principes fondamentaux qui sont en jeu. Je crois qu'il y a eu des amendements qui étaient favorables à une plus grande justice au Québec et qui ont été proposés. Je ne comprends pas, personnellement, pourquoi il semble si difficile de faire reconnaître qu'il faut donner priorité à la justice, même si cela pouvait impliquer, de temps à autre, quelques textes anglais qui pourraient circuler au Québec.

J'ai l'impression que, pour des gens qui sont tout entiers possédés par la vérité, il est bien difficile de considérer quelque autre chose que ce soit qui puisse être proposée, mais je voudrais, sans perdre davantage de temps, puisque c'est inutile, affirmer et réaffirmer que cet article 13 met en jeu, à l'heure actuelle, un principe qui est vraiment fondamental et auquel nous croyons. Ce n'est pas pour la gloriole et ce n'est pas non plus pour embêter le gouvernement que nous avons essayé de modifier cet article 13 et je voudrais simplement

dire que, pour cette raison, je voterai contre l'article 13. Comme il n'est pas possible d'aller plus loin, je pense qu'il vaut aussi bien arrêter ici.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Taschereau.

M. Guay: M. le Président, non pas en invoquant l'article 96, mais en utilisant les quelques minutes dont je dispose...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous reste six minutes.

M. Guay: Oui, je sais. Je voudrais tout simplement relever un certain nombre de choses que le député de Marguerite-Bourgeoys a affirmées. Je le remercie d'avoir évoqué ma longue expérience devant les tribunaux. Je le rassure tout de suite puisque je n'ai pas fait état de cette expérience. Je n'ai jamais plaidé devant les tribunaux et je n'ai jamais prétendu l'avoir fait. J'ai tout simplement suivi un cours de droit et réussi les examens du Barreau, un peu comme mon ex-collègue et néanmoins ami, le chef de cabinet du chef de l'Opposition, qui est ici présent et nous étions de la même promotion. Cela ne m'a pas donné, évidemment, la longue et sage expérience du député de Marguerite-Bourgeoys qui lui, effectivement, si je ne m'abuse, a déjà plaidé devant les tribunaux. Cela ne rend pas ses observations plus pertinentes pour autant, hélas!

En effet, je passerai sous silence l'attaque mesquine et de mauvais goût concernant ce que j'ai dit sur le Barreau. J'ai simplement fait remarquer que le Barreau défendait ses membres, ce qui est son devoir et son rôle. Je ne vois pas ce qu'il y a là-dedans d'insultant.

Je sais très bien, en ce qui a trait aux jugements de la Cour d'Appel, qu'un seul juge rédige le jugement et que les autres y ajoutent des notes, le cas échéant, ou simplement donnent leur consentement.

Ce que je voulais dire — et si je me suis mal exprimé, je m'en excuse — tout simplement, c'est que, si ce n'est pas un juge francophone qui rédige le jugement, celui-ci ayant entendu la cause et étant néanmoins partie collective au jugement, cela peut certainement rassurer tout juge anglophone non suffisamment bilingue qui s'inquiéterait de la version française de son jugement quant à l'exactitude de celle-ci, quant à l'exactitude de la traduction qui en aurait été faite.

Le député de Marguerite-Bourgeoys a démontré fort éloquemment le ridicule absolu de l'affirmation suivant laquelle l'article 13 porte atteinte à l'indépendance de la magistrature.

En effet, le député de Marguerite-Bourgeoys sais peut-être mieux que quiconque autour de cette table qu'un jugement n'est authentique que dans la mesure où le juge le signe et dans la mesure où l'article 13 dit que seule la version française, dans le cas où un jugement est rédigé en anglais, est authentique, il est bien évident que ce n'est pas un quelconque fonctionnaire sorti de je ne sais où qui va authentifier ou juger à la place du magistrat. Ce jugement n'aura aucune valeur dans la mesure où le magistrat impliqué ne l'aura pas lui-même paraphé. C'est la chose la plus élémentaire. Si je ne m'abuse, on apprend cela en première année de droit et je m'étonne que le savant avocat qu'est le non moins savant député de Marguerite-Bourgeoys ne s'en souvienne pas.

Enfin, je trouve que l'ensemble du plaidoyer fort long, fort répétitif de l'Opposition officielle en faveur de la magistrature et en faveur de la justice au Québec, relève de la tartuferie et de l'hypocrisie la plus complète.

Quand on pense que ce parti, lorsqu'il était au pouvoir, n'a pas hésité une seule seconde à invoquer une loi d'exception paralysant ainsi, mettant complètement de côté toute la justice au Québec, au mois d'octobre 1970, dans le but de tuer dans l'oeuf l'élan d'un peuple vers sa souveraineté, son indépendance et sa liberté. Ce parti-là, M. le Président, n'a pas de leçons à donner à qui que ce soit, quant à la sauvegarde, à l'indépendance, à l'intégrité de la magistrature et de l'administration de la justice au Québec.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais aux gens dans la salle de ne point manifester, s'il vous plaît.

M. Grenier: Ce sont ses électeurs de Taschereau, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, je vois que le député de Mégantic-Compton n'a pas aidé l'assistance dans ce cas-ci. J'espère qu'à l'avenir il le fera, et je cède la parole au député de Vanier.

M. Bertrand: Je propose l'adoption de l'article 13, M. le Président.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Au départ, M. le Président, je voudrais simplement établir que je n'ai pas intérêt, ni de près, ni de loin... excusez-moi. Je recommence, M. le Président.

Au départ, M. le Président, je voudrais établir que je n'ai pas intérêt, ni de près, ni de loin, à défendre le barreau. Mais je ne puis m'empêcher de souligner la façon ou l'affirmation, à mon point de vue, absolument gratuite qu'a faite le député de Taschereau, à savoir que le barreau serait venu ici défendre l'intérêt de ses membres anglophones. Je pense qu'il faut avoir fait une analyse bien biai-sée ou très superficielle du mémoire du barreau pour ne pas avoir vu que ses représentations ont été faites ici dans l'intérêt des justiciables uniquement.

M. Guay: Comme dans le cas de l'assurance-automobile?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: J'ai tenté... M. Lalonde: Peut-être.

Mme Lavoie-Roux: ... dans l'espoir d'obtenir une certaine souplesse de la part du gouvernement, de faire un rapprochement entre l'article 13 et l'article 210, espérant que les membres du parti ministériel, voyant qu'un contrat dans une langue plutôt que dans une autre pouvait être plus juste pour un individu, pourraient comprendre aussi qu'un jugement traduit, c'est-à-dire écrit dans une langue plutôt que dans une autre dont la validité devrait relever d'une langue plutôt que d'une autre, pourrait aussi être plus juste à l'égard du justiciable.

Ils ne nous ont pas apporté d'arguments contre ce point de vue, sauf ce que le député de Vanier a fait valoir en disant que c'étaient deux articles différents l'un de l'autre, ne voulant pas ou ignorant le rapprochement qui, à mon point de vue, était justifié dans ce cas.

Le seul argument qu'on a constamment fait valoir du côté ministériel dans toute cette discussion a été celui du français, langue officielle. Et bien, moi, je pense que dans le cas de l'article 210, la langue française est encore la langue officielle. Pourtant, vous ne faites pas valoir le même argument et vous retenez cette possibilité de la priorité d'une langue sur une autre. Que faites-vous, à ce moment-là, du français, langue officielle, qui est l'argument que vous soutenez continuellement, que vous avez soutenu continuellement tout au long du débat sur l'article 13?

M. Charbonneau: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères, quelle question de règlement?

M. Charbonneau: Est-ce que le député de L'Acadie nous permettrait de poser une question?

Une Voix: Non.

Mme Lavoie-Roux: Non.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Bien, écoutez, j'ai trois minutes.

M. Charbonneau: Non, vous ne voulez pas répondre aux arguments que j'ai donnés tantôt...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Madame le député de L'Acadie... A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: ... ce n'était même pas ses arguments.

M. Lalonde: Elle a dit non. Ce n'est pas clair, ça?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: C'est très clair, au contraire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Chevrette: Ne faites pas de......personne.

Mme Lavoie-Roux: Lorsqu'à l'article 210 vous ne retenez plus l'argument du français, langue officielle, vous arguez, et avec raison, que c'est pour rendre justice aux consommateurs. Tout ce que je veux dire en terminant, c'est que l'Opposition officielle, dans toute cette discussion, a voulu mettre au-dessus de la question linguistique la volonté que la justice soit la plus juste et la plus équitable possible pour tous les individus. Malheureusement, nous n'avons pas pu vous en convaincre et nous avons été incapables de traduire ce qui est, je pense, la volonté des citoyens du Québec.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, Mme le député de L'Acadie.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Brièvement, ce serait peut-être une question... Le député de Taschereau a demandé au ministre tout à l'heure combien il existait de juges... Il n'a pas demandé combien il y avait de juges au travail, il a demandé combien il en existait. J'espère qu'il n'y avait pas une distinction dans ses propos.

M. Guay: Je n'ai pas demandé. J'ai simplement dit qu'il y avait sans doute un certain nombre de juges anglophones, mais que je n'avais pas les noms.

M. Grenier: J'ai remarqué que vous avez demandé combien il existait de juges. J'espère qu'entre les mots, "exister" et "travailler", il n'y avait pas de méchanceté dans vos termes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, M. le député de Taschereau, la présidence a déjà dit que les dialogues et les duos étaient défendus.

M. Grenier: Une simple question que j'aimerais poser peut-être au ministre d'Etat au développement culturel. Une nouvelle circulait à 18 heures, sur les ondes d'une station radiophonique, que le ministre de la Justice, M. Bédard, pourrait être disponible demain pour venir répondre à nos questions et s'entretenir avec la commission. Est-

ce qu'il y aurait lieu, encore une fois, comme a commencé la journée ce matin, de demander s'il y avait lieu de suspendre l'article?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, à moins que le ministre consente à répondre à votre question, celle-ci est complètement en dehors du débat. L'amendement que vous avez proposé a été rejeté et, actuellement, nous en sommes à la motion principale, c'est-à-dire l'article 13.

M. Grenier: D'accord. M. le Président, sur la motion principale, cela va. Mais cet article est contentieux, je pense bien, il est fort discuté, comme vous le voyez, puisque cela fait déjà plusieurs heures qui sont passées. Je pose la question bien honnêtement et bien simplement, si le ministre veut bien me répondre.

M. Charron: Non, M. le Président.

M. Grenier: Je dois comprendre qu'on ne peut pas suspendre l'étude de l'article ce soir, passer à un autre et attendre à demain, et, demain, que le ministre vienne nous répondre?

M. Charron: La commission a déjà tranché cette question.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Effectivement. Est-ce que l'article 13 sera adopté?

M. Charron: II est adopté. M. Lalonde: Appel nominal.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Une simple question. Je vous demanderais très honnêtement de m'indiquer combien il me reste de minutes sur mon temps concernant l'article 14. On est encore à l'article 13. J'ai reçu ma réponse.

Adoption de l'article 13

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, M. le député de Saint-Jacques, Mme le député de L'Acadie, tous les députés, l'assistance! Est-ce que l'article 13 sera adopté?

M. Charron: Oui, M. le Président.

M. Lalonde: Appel nominal, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Fallu (Terrebonne)?

M. Fallu: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bertrand (Vanier)?

M. Bertrand: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Charbonneau (Verchères)?

M. Charbonneau: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)? M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay (Taschereau)?

M. Guay: Favorable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. de Belleval (Charlesbourg)? M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Pour

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Paquette (Rosemont)?

M. Paquette: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Raynauld (Outremont)?

M. Raynauld: Contre.

Adoption du chapitre III

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, l'article 13 est adopté. Neuf voix pour, six contre. Est-ce que le chapitre III sera adopté?

M. Chevrette: Adopté.

M. Charron: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que le chapitre III sera adopté?

Une Voix: Oui.

M. Lalonde: Adopté, sur division.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le chapitre III est adopté, sur division.

M. Grenier: M. le Président, comme je l'avais demandé avant le souper, est-ce que cela tient toujours, le fait que la présidence est indivisible? Vous avez dit que le parti ministériel et l'Opposition officielle pouvaient prendre deux minutes pour faire le point sur le chapitre IV.

Chapitre IV: La langue de l'administration

M. Paquette: M. le Président, je m'excuse, mais, la dernière fois, il y avait au consentement unanime, il y avait un débat de troisième lecture. Personnellement, étant donné qu'à plusieurs des interventions sur l'article 13 on a parlé sur l'ensemble du chapitre, M. le Président, je n'ai pas l'intention de donner mon consentement. J'aimerais qu'on passe à l'article 14.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En fait, je comprends qu'il y a déjà eu une entente entre...

Mme Lavoie-Roux: Un petit précédent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... un petit précédent que tout le monde voudrait respecter, moyennant le consentement unanime. Est-ce cela?

M. Lalonde: Pas nécessairement, M. le Président, je suis tenté de suivre le député de Rosemont là-desus. Nous avons débattu très longuement, à bon droit, je pense, tous ces articles. Je ne veux pas être désagréable à l'égard du député de Mégantic-Compton...

M. Grenier: Ah non, non!

M. Lalonde: II me semble que nos débats sont assez longs et notre temps est compté de toute façon. Je pense que...

M. Grenier: Vous ne me donnez pas deux minutes pour remercier le député de Marguerite-Bourgeoys?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Compte tenu de l'absence du consentement unanime, j'appelle l'article 14.

M. Charron: M. le Président, je propose que l'article 14 soit adopté.

M. Bertrand: Appel nominal, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 14 sera-t-il adopté?

Nouvel article 14

M. Charron: M. le Président, je m'excuse, je propose que cet article nouveau que je dépose au nom du gouvernement soit adopté.

M. Lalonde: Ah oui! Il y a un nouvel article.

M. Charron: La copie a déjà été distribuée, si je ne m'abuse. Le nouveau texte de l'article 14, contrairement à ce qui est dans le projet de loi originalement imprimé, se lirait comme suit: "Le gouvernement, ses ministères, les autres organismes de l'administration et leurs services ne sont désignés que par leur dénomination française".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Tout d'abord, avant de rectifier, j'aimerais appeler le chapitre 4, la langue de l'administration, et l'article 14, et, M. le député de Saint-Jacques et leader adjoint du gouvernement, conformément à des précédents déjà établis, l'article 14 tel que modifié sera étudié comme si celui-ci était l'article actuellement en discussion, c'est-à-dire comme si c'était la motion principale.

L'article 14 sera-t-il adopté?

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Gaspé.

M. Charron: Le ministre d'Etat.

M. Laurin: M. le Président, j'avais préparé une longue intervention sur ce premier article, mais étant donné le temps que nous a pris le chapitre précédent, je vous en fais grâce ainsi qu'à la commission et au public, mais je voudrais simplement expliquer très brièvement que le nouvel article 14 ne change substantiellement rien à l'ancien article 14. Il ne fait que préciser, clarifier ce que le gouvernement entend par organisme et service de l'administration à la demande de certains organismes qui nous ont fait valoir qu'il était mieux que l'article soit plus clair et plus précis.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'avais reconnu le député de Gaspé, mais conformément encore à une sorte de précédent qui a été établi, habituellement c'est l'Opposition officielle, l'Opposition reconnue, et par la suite, je donne la parole à celui que je reconnais en premier après avoir respecté ce premier ordre.

M. Grenier: M. le Président, depuis le début de cette commission, quand il y a des amendements, on fonctionne, si c'est un amendement de l'Opposition officielle...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, vous me demandez une directive?

M. Grenier: Une directive, si vous voulez, oui. Peut-être transformer les débats, à ce moment-ci. Depuis le début des travaux, s'il y a un amendement qui est proposé par le parti de l'Opposition officielle, celui-ci propose son amendement, et puis, ensuite, c'est le parti ministériel qui vient, et ensuite l'Union Nationale. Il arrive que, quand il y a des changements qui sont déposés, c'est le gouvernement, et vous reconnaissez toujours l'Opposition officielle. Il me semble qu'il y aurait lieu, à l'occasion, qu'on laisse à l'Union Nationale le soin de faire ses commentaires sur un article de fond, sans toujours passer par l'Opposition officielle avant d'en venir à l'Union Nationale. Parce que c'était une entente au début, on ne pensait pas qu'elle serait comme ceci, on épuise toutes les motions de l'Opposition officielle avant d'en venir à une motion de l'Union Nationale. Je pense que c'est injuste à l'égard de notre parti, et on sait qu'avec les propositions qu'on a laissées, tout le monde peut piger dedans, et on se rend compte que si on passait par l'Union Nationale de temps en temps...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, quelle est la directive que vous voudriez obtenir de la présidence?

M. Grenier: Oui, mais je veux m'exprimer. J'en viens à cela, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La présidence est prête à vous la donner si vous la demandez.

M. Grenier: Je veux vous dire, M. le Président, que si on procédait avec des amendements qui nous sont connus, et dans le présent chapitre, le chapitre sur lequel on commence à travailler ce soir, c'est de la page 16 à la page 29 dans notre livre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, ce n'est pas une question de règlement, vous m'avez dit que vous vouliez avoir une directive, je pense connaître la directive que vous voulez avoir, mais si vous pouvez la demander, je vais vous répondre.

M. Grenier: Vous êtes brillant, M. le Président.

M. Ciaccia: II n'a pas la question encore; il a la réponse mais pas la question.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai la réponse mais je n'ai pas la question, effectivement.

M. Ciaccia: C'est cela.

M. Grenier: Mais cela se produit souvent à cette table. M. le Président, la directive que je vous demande est celle-ci: Y aurait-il lieu, à l'occasion, peut-être pas de façon constante, d'en revenir à un amendement de l'Union Nationale de temps en temps, tant que je n'ai pas adressé la parole...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, je pense que de la façon même que vous formulez votre demande de directive, vous connaissez déjà la réponse de la présidence, quand vous employez les mots "à l'occasion". Effectivement, la tradition, la coutume — et Dieu sait que je ne connais pas toutes les coutumes de cette Assemblée nationale et de ses commissions, mais celle-là, je la connais — veut qu'après que le ministre a fait un exposé, il est de tradition que l'Opposition officielle parle en second, que l'Opposition reconnue parle en troisième et, par la suite, je reconnais les députés qui s'adressent à la présidence les premiers.

Une Voix: II faut le consentement pour cela.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'autre part, si certains partis politiques ou certaines formations, par leurs représentants autorisés veulent, à l'occasion, céder leur droit de parole pour vous laisser parler de préférence, ils pourront certes le faire, mais il n'appartient pas à la présidence d'en décider.

M. Charron: Je ne veux pas interrompre la fête populaire qui règne à votre gauche, mais je voudrais quand même vous rappeler qu'il ne faudrait pas que ces questions de règlement qui remettent en cause le fondement régulier et normal de l'Assemblée nationale, que le moindre député qui aurait siégé ici pendant deux semaines de façon attentive connaîtrait déjà, soient perpétuellement remises en cause, parce qu'un député désire faire perdre du temps dans le but de s'attirer la guillotine, j'ai déjà dit qu'il n'y aura pas de guillotine de la semaine. Donc, on a tout le temps de travailler. Qu'on cesse inutilement de la provoquer ou de la susciter, ce n'est pas de l'intention du gouvernement de mettre fin aux travaux de la commission, c'est l'intention du gouvernement de continuer l'étude article par article.

Quand un député remet en cause la tradition fondamentale du Parlement qui veut que nous procédions dans l'ordre des partis, selon le nombre de députés qu'ils ont réussi à faire élire lors de la dernière élection, c'est une règle ancestrale à l'Assemblée nationale, c'est celle avec laquelle vous présidez les débats depuis le début. Je ne comprends ni la demande de directive ni la question de privilège ou de frustration que vient de soulever le député de Mégantic-Compton. A l'avenir, je vous en prie, quand vous sentez qu'un député remet en cause des questions aussi fondamentales et aussi simplistes que celle-là, c'est de votre devoir de rétablir les faits et de rappeler le débat sur un article d'un projet de loi important auquel la commission a déjà consacré beaucoup de temps, et auquel il nous reste encore beaucoup de temps à consacrer, vu l'importance de la loi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le leader adjoint du gouvernement, j'estime que la présidence aurait dû le faire, mais elle a été très généreuse. Je vais fournir la réponse à la question que n'avait pas encore posée le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Ne nous étouffez pas de fleurs! On meurt pareil étouffé de fleurs!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, M. le député de Mégantic-Compton, la parole est au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je remercie le député de Mégantic-Compton de reconnaître l'Opposition officielle. Nous allons tenter, étant donné que nous avons comme membres de l'Opposition, l'Union Nationale et le Parti libéral, à combattre un gouvernement hermétique, qui ne comprend rien, nous allons tenter de nous entendre sur les travaux de cette commission. L'Union Nationale trouvera toujours chez nous une oreille sympathique.

Le Président (M. Cardinal): Bon! Est-ce qu'on pourrait terminer ceci?

M. Lalonde: J'allais dire simplement, relativement à cet article, que je vois...

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Comment l'acceptez-vous, cet article? Je dois rappeler des faits ici, si vous permettez, qui se sont produits la semaine dernière. Soyez bien sûrs que je ne participe pas au travail d'une formation politique. Si vous vous rappelez, à la suite d'une demande d'au moins un parti de l'Opposition, sinon des partis d'opposition, le parti ministériel a déposé une série de textes pour ce qui en est du chapitre VIII, langue d'enseignement, qui a été adopté en entier. On avait considéré qu'il ne s'agissait pas d'une motion d'amendement mais de remplacement d'articles.

Or, si je reprends ce texte, je constate qu'il y a les articles 14, 15, 20, 23, 24, 25, 29, 29a, 37 dans le chapitre IV, qui ont été remplacés par le document qu'a déposé le gouvernement. Je ne voudrais pas revenir sur ce qui a été alors décidé non pas par la présidence mais par la commission, si tous se le rappellent. Je voudrais qu'on considère, simplement pour rester constants, consistants, cohérents avec nous-mêmes, que les articles indiqués, dans le document qui est devant vous sont — autrefois, on aurait dit des papillons ajoutés au texte de loi... Par conséquent, il ne s'agit pas de motions d'amendement, ce qui, d'ailleurs favorise l'Opposition, puisqu'elle pourrait faire une motion d'amendement et même de sous-amendement. Ce n'est pas une suggestion que je viens de faire. Tandis que si nous considérons ces articles comme des motions d'amendement, il ne vous reste que la motion de sous-amendement avec tout ce que cela implique. Je veux simplement rappeler que cela avait déjà été accepté et que l'article 14, qui vient d'être appelé, a été remplacé par un nouvel article qui se lit comme suit: "Le gouvernement, ses ministères, les autres organismes de l'administration et leurs services ne sont désignés que par leur dénomination française." Le grand avantage de ce nouvel article, c'est qu'il n'y a pas d'erreur de français comme celle qui existe dans le projet de loi no 101...

Mme Lavoie-Roux: C'est incroyable.

Le Président (M. Cardinal): ... où il y avait un "e" muet de trop. Est-ce que la commission reconnaît, d'une part, que c'était une erreur et, d'autre part, que nous avions accepté de procéder de cette façon?

M. Lalonde: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): J'appelle donc le nouvel article 14. Est-ce que tous ont ce nouveau texte devant eux?

M. Lalonde: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Alors, selon l'usage, M. le député de Mégantic-Compton, malheureusement, que voulez-vous, vous êtes un parti reconnu, mais vous n'êtes pas encore le parti de l'Opposition officielle.

M. Grenier: Pas dans les faits.

Le Président (M. Cardinal): C'est une chose que je n'ai point à considérer.

M. Lalonde: Sûrement pas dans les faits.

Le Président (M. Cardinal): J'ai à demander au parti ministériel s'il désire s'exprimer sur la motion de l'article 14.

M. Laurin: C'est déjà fait.

Le Président (M. Cardinal): C'est déjà fait. Alors, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'avais commencé, M. le Président, en tendant une main charitable à l'Union Nationale.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, mais je voulais rétablir ces faits.

M. Lalonde: La réponse que j'ai eue, c'est: Juste ciel! Je vais laisser là cette ouverture. Je voudrais simplement dire, quant à l'article 14, qu'il nous paraît qu'on reprend ici, en l'élargissant, la disposition de l'article 11 de la Loi sur la langue officielle, actuellement en vigueur, en disant: Les organismes gouvernementaux sont désignés par leur seule dénomination française. Je reconnais que l'article 14 élargit cette réalité à d'autres organismes que ceux qui étaient couverts par l'article 11. Mais, pour l'instant, je n'ai pas d'autres considérations à faire.

Le Président (M. Cardinal): MM. les députés de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président.

M. Grenier: Je vais laisser la parole à un autre, mais quand le Parti libéral me donne tant de largesse, cela me rappelle la parole du petit chaperon rouge: "Si je t'embrasse, c'est pour mieux t'étouffer, mon enfant".

Le Président (M. Cardinal): Sur ce, M. le député de Gaspé.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il est méfiant par nature.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Grenier: C'est semblable à cela.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre! M. le député de Gaspé. J'espère qu'on vous écoutera avec le respect qui est dû à votre rang.

M. Le Moignan: Je n'ai aucun doute, M. le Président, je vous remercie beaucoup.

Une Voix: En vertu de l'article 96.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, je me demande comment vous pouvez invoquer l'article 96, alors que personne n'a jamais rien dit, sauf ce qui a été dit par le député de Mégantic-Compton et qui était contraire au règlement.

Je puis pendant cette petite période d'interlude, entre deux chapitres, vous permettre vous aussi de passer votre message.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Non, le règlement ne le permet pas. Vous savez que je me soumets à vos décisions, d'emblée.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé, à 10 h 20.

M. Le Moignan: Je recommence donc. Je n'ai pas quémandé de faveur spéciale à l'Opposition officielle.

Quand je me suis trompé tout à l'heure au sujet de mon article 14, c'est que j'avais hâte de l'aborder, pas tellement pour prendre la parole ce soir, mais, après avoir étudié la langue de l'enseignement, après avoir consacré quelques petites heures à la langue de la législation et de la justice, pour changer d'air, changer d'atmosphère, je pense qu'il était bon d'aborder le chapitre de la langue d'administration, qui va peut-être nous aider à nous acheminer vers la langue du travail.

D'ailleurs, comme le premier chapitre l'indique, et, dans tous les autres chapitres, c'est toujours la même chose, la langue de l'administration touche au coeur même de la réalité québécoise. Sans déguisement, sans vouloir faire un placotage ou un verbiage, ou un tricotage qui va durer tellement longtemps, je voudrais simplement apporter une brève explication. Quand on regarde les notes explicatives du début, il y a l'aspect positif, il y a tous les feux verts dans cela. Ensuite, on voit: Cet article prescrira... Evidemment, il y a des feux rouges, et il y a également des feux jaunes.

Ce chapitre veut mettre l'accent sur le français. C'est tout à fait normal. Nous sommes d'accord. Je n'ai pas à le répéter. Ce visage essentiellement francophone que l'on aimerait donner au Québec doit être visible. Il doit se percevoir de façon concrète, dans tous les domaines de l'activité. A ce moment-ci, quand on parle de la langue de l'administration, que ce soient le gouvernement, ses ministères, tous les organismes, ils sont tous désignés, comme l'indique bien l'article 14, par leur dénomination française.

Evidemment, nous n'avons aucune objection à cela. Mais, le petit point sur lequel je voudrais insister, c'est qu'à ce moment-ci, et cela rejoint les préoccupations de notre livre bleu, à la page 17, pour ceux qui l'ont en main, il y a aussi cette reconnaissance d'une autre langue. Je crois que, dans le cas présent, il s'agit plutôt ici de la communauté anglophone. Si cette communauté qu'on se targue de vouloir reconnaître existe vraiment dans les faits, si elle a ses champs d'action particuliers, c'est certainement au niveau des affaires municipales et surtout scolaires.

M. Grenier: M. le Président, cela ne dérange pas la table, nous ne vous dérangeons pas à parler, j'imagine.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Ce n'est pas à vous que je fais appel, quand je m'adresse à vous, c'est parce que je m'adresse à la table, bien sûr. Nous ne voulons pas vous déranger, remarquez bien.

Le Président (M. Cardinal): Non, s'il vous plaît, vous pouvez deviner, et je m'excuse envers M. le député de Gaspé, qu'il m'arrive d'avoir certains problèmes à régler, quand les articles ont été adoptés.

M. Grenier: M. le Président, je m'excuse, je m'adressais à vous en tant que président de la table, mais ce n'est pas à vous que je parlais, vous comprenez cela.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, vous êtes fort gentil, comme d'habitude. M. le député de Gaspé, avec les excuses de la commission.

M. Le Moignan: Je ne suis pas tellement offensé, monsieur. J'ai adopté un peu la politique du ministre d'Etat au développement culturel. C'est toujours très sage. Cela s'attrape et cela nous aide à garder notre calme, c'est un peu dans ma nature.

Le Président (M. Cardinal): C'est ce qu'il faut faire.

M. Le Moignan: Je voulais donc mentionner que si je suis d'accord avec tous les objectifs de faire un Québec essentiellement francophone, nous abordons un champ très particulier ici, où il est difficile de faire abstraction de la communauté anglophone, pour les bonnes raisons qu'il y a dans cela l'aspect municipal et l'aspect scolaire.

A l'Union Nationale, nous avons essayé d'opter pour une formulation réaliste et nous trouvons qu'il est bien normal et légitime de donner à toutes nos institutions politiques leur visage français, mais nous ne pouvons pas nier dans les faits l'existence d'une communauté anglophone qui a ses problèmes au point de vue local et régional.

J'aurai l'occasion plus loin d'expliciter davantage ma pensée, et, en me basant sur ce que je sais de statistiques, d'endroits et de lieux géographiques, on verra, à ce moment, que je ne parle pas simplement dans l'intention de tuer le temps, d'ailleurs, je n'ai pas abusé, au cours de la journée.

Je trouve que, dans un Québec essentiellement francophone, un Québec français, pour la langue de l'administration, des organismes, de la signalisation, des contrats, des personnes morales, que la primauté soit donnée à la langue française, nous sommes totalement d'accord. Mais on verra qu'il y a tout de même des points particuliers... Et si cette loi a son véritable effet d'entraînement, cette charte qui sera votée, je suis convaincu qu'au cours des années à venir, d'ici trois, quatre ou cinq ans, il y aura peut-être des modifications, parce que, dans les milieux que je connais, l'effort de francisation a déjà commencé, au sein, par exemple, de nos commissions scolaires ou de nos municipalités, et c'est quelque chose qui va aller en s'accentuant. Je crois qu'à ce moment le gouvernement n'aura même pas besoin de légiférer ou de contrôler de façon sérieuse, toujours pour les régions que je connais. Je ne peux pas me prononcer pour l'ensemble du Québec.

A ce moment-ci, nous sommes d'avis qu'il est tout à fait normal, pour expliciter davantage l'article 14, d'entrer, d'intercaler ou d'ajouter une motion d'amendement. Cette motion, nous n'avons pas l'intention d'y consacrer toute la journée de demain. Nous allons la soumettre. Si on m'en donne la permission, je vais l'expliquer en cinq minutes et si on décide de la garder, tant mieux, et si on décide de la rejeter, tant mieux.

M. Grenier: Tant pis.

M. Le Moignan: Nous ne nous battons pas simplement pour le plaisir de nous battre, pour le plaisir de tuer le temps.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé, vous savez bien que le temps est plus difficile à tuer que les hommes. Il demeurera jusqu'à la fin de ce monde. Je vous prierais de lire votre motion et de m'en remettre copie.

M. Le Moignan: Oui, M. le Président. Je lis l'article 14, et notre motion s'ajoute immédiatement à la fin. Je reprends l'article 14, M. le Président, pour une meilleure compréhension. On verra que ce n'est pour tuer, ni le temps, ni les hommes, ni les francophones, ni les anglophones, que nous ajoutons notre amendement.

Voici ce que dit l'article 14: "Le gouvernement, ses ministères, les autres organismes de l'administration et leurs services ne sont désignés que par leur dénomination française." Maintenant, nous ajoutons ceci, après les mots "dénomination française"; "Nonobstant l'alinéa précédent, les organismes municipaux, dont les administrés sont en majorité de langue anglaise, peuvent aussi être désignés par leur dénomination anglaise." C'est l'amendement que nous proposons. J'expliquerai très brièvement tout ce qu'il peut y avoir de logique. Il n'y a rien de génial, dans notre proposition, c'est tiré de l'expérience de la vie, et, en même temps, c'est très pratique.

Le Président (M. Cardinal): Après avoir écouté — et je le dis tout de suite — un représentant par parti sur la recevabilité, je déciderai si c'est la trouvaille du siècle.

Quelqu'un veut-il s'exprimer sur la recevabilité? Vous comprenez très sérieusement que si je demande à la commission de m'informer, c'est que j'ai déjà des doutes sur la recevabilité.

M. Paquette: Nous comprenons.

Le Président (M. Cardinal): Le parti qui propose la motion veut-il s'exprimer sur la recevabilité?

M. Charron: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant. L'Union Nationale a quand même un droit, dans ce cas. Je l'ai déjà mentionné, c'est une règle que la présidence établit. Pas plus de cinq minutes, pas plus d'un représentant par formation politi-

que, sans quoi, je rends ma décision. Je m'excuse, mais le choix est là.

M. Grenier: Est-ce que vous passez par celui qui a proposé la motion?

Le Président (M. Cardinal): Pas nécessairement. Un représentant par formation politique pendant cinq minutes. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Quant à nous, nous croyons qu'on ne change rien à l'aspect français de la motion. Nous ajoutons un alinéa et je pense qu'il correspond exactement à ce que nous dit l'article 70, sauf erreur, qu'un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée et ne peut avoir que les objets suivants: retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres. Il est bien clair que nous avons ajouté des mots. "Il est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale". Il n'est pas question d'écarter ici la question principale. C'est la même chose pour un sous-amendement. Il s'agit d'un amendement, bien sûr, comme vous le voyez. On ajoute des mots, comme vous le voyez, et on ne change pas le fond de la motion du premier alinéa.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! Le parti ministériel ensuite. M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Dans une lutte à outrance comme celle que livre l'Opposition sur le projet de loi, il faut souvent revenir aux mêmes arguments. C'est comme si chaque décision que vous rendiez était immédiatement oubliée. Je dirais que c'est de bonne guerre, si ce n'était pas sur une loi aussi importante que celle-là, qu'on fasse semblant de ne pas connaître les jugements que vous avez rendus il y a à peine quelques heures sur d'autres sujets semblables.

Pour contester la recevabilité de cette motion, je me référerai à des décisions que vous avez vous-même rendues. Lorsque nous avons abordé l'article 7 du précédent chapitre sur lequel nos amis se sont éternisés, nous avons rappelé, et nous avons reçu là-dessus votre assentiment, que le premier article dudit chapitre était, pour ce qui est du domaine précis de ce chapitre qui est celui de la législation et de la justice et qui est maintenant celui de l'administration, la réaffirmation du principe fondamental du projet de loi qui vise à faire du français la langue officielle du Québec.

Il est donc évident, quand on dit que le français est la langue officielle du Québec, principe sur lequel l'Assemblée a statué et contre lequel l'article 70 du règlement nous interdit de revenir à la charge, lorsque nous abordons le chapitre de la langue d'administration il est absolument normal et régulier, découlant du principe même du projet de loi qu'il nous est interdit de contester maintenant — cela nous était permis à une autre époque de nos travaux — que les organismes et les services de l'administration ne seront désignés que par leur dénomination française. S'il fallait que nous acceptions toutes sortes de... Qui nous dit qu'après cet amendement, nos amis à l'imagination fertile, lorsqu'il s'agit de bloquer un projet de loi, ne nous soumettront pas à nouveau d'autres amendements permettant d'amoindrir encore une fois la portée de l'article 14 et, ainsi, d'amoindrir la portée du principe du projet de loi, qui nous dit que nous ne serons pas en présence de nouveaux amendements? D'autant plus que le député de l'Union Nationale qui présente cette motion n'ignore sans doute pas, puisqu'il en a copié le texte au mot, que l'article 24 du même chapitre de l'administration publique concerne très directement l'objet de sa préoccupation. Je ne mets pas en doute la sincérité de son propos, je mets en doute la régularité de son propos. De notre côté, nous sommes disposés à l'aborder dans les plus brefs délais, ce qui lui permettra de revendiquer les objectifs qu'il a dans cet amendement irrecevable qu'il vous présente à ce moment-ci, M. le Président.

Le gouvernement a déjà ouvert, dans le texte même de son projet de loi, la preuve qu'il a le souci des organismes municipaux et scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise. L'article 25, lorsque nous y serons rendus, spécifie presque à l'avance la préoccupation du député de Gaspé lorsqu'il dit, et je cite, que "les organismes scolaires peuvent utiliser à la fois la langue officielle et la langue de la majorité de leurs administrés s'il y a lieu dans leur dénomination". C'est donc à ce moment-là que nous traiterons de cette question. Je vous demande, M. le Président, d'être aussi logique que vous l'avez été au précédent chapitre, de reconnaître que le premier article est une affirmation de principe, que le gouvernement a déjà fait preuve de souplesse ailleurs, que nous sommes prêts à élargir cette souplesse à la demande...

Le Président (M. Cardinal): Le dernier point, je ne puis le reconnaître.

M. Charron: Pardon?

Le Président (M. Cardinal): Le dernier point, je ne puis le reconnaître, comme président.

M. Charron: Non. Le gouvernement a déjà prévu des articles touchant au domaine que tente d'insérer, à l'encontre du principe de la loi, le député de Gaspé à ce moment-ci. Nous serons heureux d'en discuter dès que vous appellerez ces articles. Mais, pour le moment, l'article 14 étant directement rattaché au principe du projet de loi, en vertu de l'article 70 de notre règlement, je vous prie de déclarer cet amendement irrecevable.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, et, ensuite, comme il reste du temps, je donnerai la parole au député de Mégantic-Compton.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je n'avais pas l'intention d'intervenir sur la recevabilité, sauf qu'après avoir entendu...

Une Voix: La tentation est trop forte.

M. Lalonde: C'est une tentation à laquelle je dois succomber, parce que le corridor dans lequel le député de Saint-Jacques tente d'enfermer la présidence serait un dangereux précédent. Essentiellement, ses deux arguments sont les suivants: L'article 14 énonce un principe fondamental. Là-dessus, je ne suis pas d'accord. Nous avons eu, à l'article 1, un principe fondamental. Nous avons suivi même le gouvernement à l'article 7, pour un autre principe, enfin une extension du principe fondamental. Mais quand on en est rendu à des modalités qui indiquent de quelle façon le principe fondamental, à savoir que le français langue officielle sera appliqué, on ne peut pas dire qu'il s'agit ici d'un principe fondamental.

M. le Président, à ce compte, chaque fois qu'on parle de l'application de l'article 1 dans les faits, on ne pourrait pas amender ces articles.

Deuxièmement, il se réfère à l'article 24. En effet, l'article 24 apporte un accommodement quant à l'application des articles 14 à 23, mais...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, très sérieusement, article 24 ou 25.

M. Lalonde: L'article 24. Il a aussi mentionné l'article 25, mais il était tellement en dehors du règlement que je n'oserai pas le suivre à l'article 25, où l'on parle d'organismes scolaires, alors que l'amendement ne mentionne que les organismes municipaux.

Donc, à l'article 24, on indique de quelle façon les articles 14 à 23 seront mis en application pour un certain nombre d'organismes municipaux, c'est-à-dire ceux dont les administrés sont en majorité d'une langue autre que le français. Mais cela n'empêche pas du tout, avant d'arriver à l'article 24, d'amender, de modifier, de la façon dont la commission le jugera à propos, les articles 14 à 23. Le fait d'invoquer l'article 24, il me semble, n'est pas pertinent, et, quant à son premier argument, à savoir qu'il s'agit d'une question de principe, je pense que l'article 14 ayant dit que le gouvernement, ses ministères ou les autres organismes de l'administration et leurs services ne sont désignés que par leur dénomination française, est une façon d'appliquer l'article 1, mais n'empêche pas du tout une exception. C'est tout ce que l'amendement suggère. On pourrait peut-être reprocher, M. le Président, à l'amendement son libellé, comme par exemple, mais je ne pense pas que c'est un reproche qui vous empêcherait d'invoquer l'article 65, parce qu'on dit: Nonobstant l'alinéa précédent, alors qu'on n'a pas offert un alinéa. On a dit: Ajouter à la fin. On aurait pu dire: Ajouter un alinéa et ensuite utiliser, employer cette terminologie. Mais je pense que c'est un péché véniel que vous pourrez pardonner assez facilement dans votre grande largesse.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Bien brièvement, le député de Marguerite-Bourgeoys, qui vient de parler en faveur de la recevabilité de la motion, prenait un de mes arguments qui disait qu'il y a dans l'article 24, comme l'a soulevé le ministre délégué au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, une limite dans les années qu'on ne veut pas laisser paraître dans l'amendement que nous suggérons ici. Ceci fait une différence assez importante.

Maintenant, il met en doute la bonne foi de l'Union Nationale, alors que cet amendement est connu depuis le 15 juillet à tout le monde, il est inscrit à notre cahier, à la page 17. Je pense qu'on ne voit pas une série d'amendements quand il dit que notre intelligence est fertile pour prévoir des amendements. Il y en a un là, on s'en est tenu depuis le début des travaux aux amendements qu'on a dans notre livre bleu, que Mme le député de L'Acadie voudrait voir incorporer à la statue de Duplessis. On s'en est tenu aux amendements qui sont là, qui sont connus et qui ont été, pour leur grande majorité, accueillis par la présidence. A partir de là, M. le Président, je pense qu'il n'y a pas mauvaise foi de notre côté. La limite qu'on a voulu éliminer de l'article 24 fera que cette motion devrait, à mon sens, être recevable.

Le Président (M. Cardinal): Encore une fois.

M. de Bellefeuille: Ainsi donc, encore une fois...

Le Président (M. Cardinal): Non, laissez faire Claudel. Votre livre bleu, M. le député de Mégantic-Compton...

M. Grenier: Je peux vous en passer une copie.

Le Président (M. Cardinal): Les députés sont certainement très au courant, mais la présidence n'en a pas pris officiellement connaissance; et ce n'est pas la question de savoir si votre amendement est présenté trop tôt ou trop tard par rapport à d'autres. M. le député de Marguerite-Bourgeoys a raison sur une question de forme, purement une question de libellé, tel que rédigé. Le président, M. le député de Marguerite-Bourgeoys a raison, pourrait de lui-même corriger en disant: Ajoutez, après tel mot, tel article, l'alinéa suivant. Cela serait beaucoup plus simple et beaucoup plus conforme parce que vous n'ajoutez pas après des mots, vous ajoutez après un alinéa, je l'ai déjà mentionné.

Ceci n'est qu'un péché véniel, comme on l'a mentionné, et oui! Et ce n'est pas un péché mortel comme le suicide.

M. Le Moignan: Interjection!

Le Président (M. Cardinal): Mais oui, on en meurt! Pour être sérieux, je pense qu'après ces nombreuses heures, je commence à comprendre

le principe de l'article 1 et le principe du projet de loi.

Mme Lavoie-Roux: II ne faut pas désespérer. Cela va peut-être venir aujourd'hui.

Le Président (M. Cardinal): Et je commence à m'apercevoir qu'au fur et à mesure que nous reprenons chacun des chapitres, que ce soit le chapitre II sur les principes généraux, le chapitre III sur la langue de la législation et de la justice, le chapitre VIII sur la langue d'enseignement, qui sont tous des chapitres que vous avez adoptés, il y a presque toujours une répétition du principe de l'article 1. Je n'ai pas à discuter sur le fond et vous savez que chaque fois, c'est très difficile. Je n'invoque pas, comme j'ai pu le mentionner ce matin, le but de l'amendement. Dans mon esprit, le but de l'amendement n'a rien de dilatoire ni de stratégique. Il peut avoir un but "politique" — avec un P majuscule — M. le député de Mégantic-Compton et M. le député de Gaspé. C'est le jeu normal.

On a invoqué — c'est M. le député de Saint-Jacques qui l'a fait — l'article 25 auquel M. le député de Marguerite-Bourgeoys a ajouté l'article 24, qui sont situés dans ce même chapitre de la langue d'administration. Je pourrais invoquer deux motifs; je pourrais invoquer, dans l'article 70, le motif qu'il est irrecevable. On pourrait dire, pour le moment: il serait irrecevable, si on essaie d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé. Et là, vraiment, j'en reviendrais au fond.

Si la motion principale, c'est-à-dire la motion de l'article 14 telle que proposée par le gouvernement, est de dire: "La langue de l'administration est unique, c'est le français", si c'est cela, le parti ministériel me l'indiquera, et il me paraît évident qu'à ce moment-là, l'amendement venant ajouter que les mêmes administrations ou administrés peuvent aussi être désignés par leur dénomination anglaise irait carrément — et je choisis mes mots — à l'encontre du principe de l'article 14. Comme il faut décider de la recevabilité d'une motion d'amendement et qu'il faut décider de l'amendement avant de décider de la motion principale, j'aurais de la difficulté à me fonder sur ce seul motif, mais le motif qui me fera rendre ma décision est le suivant:

J'ai déjà mentionné et je me répète — le député de Saint-Jacques a rappelé que j'avais déjà rendu certaines décisions — ce projet de loi 101 a été adopté par l'Assemblée nationale à la majorité en deuxième lecture et les textes qui s'y trouvent ou qui y sont remplacés du consentement de la commission sont des textes déjà officiels en tant que projet de loi, et les articles 24 et 25 me paraissent se rapporter directement à la pertinence de l'amendement. Cela me fait penser à certains amendements proposés au chapitre VIII sur la langue d'enseignement.

C'est pourquoi je ne déclarerai pas cette motion ni recevable ni irrecevable, mais prématurée au moment où nous attaquons, je l'espère, à l'étude de l'article 14. Avec mes regrets, M. le député de Gaspé.

M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 14, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): L'article 14 sera-t-il adopté?

M. Lalonde: Adopté.

Le Président (M. Cardinal): L'article 14 sera-t-il adopté comme cela?

Des Voix: Adopté.

M. Charron: Article 15, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Un instant! L'article 14 est adopté.

M. Grenier: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Un instant! L'article 14 est adopté avec votre nouvel article.

M. Grenier: M. le Président, avant l'adoption de l'article 14, j'aimerais vous dire...

Le Président (M. Cardinal): Avant, est-il adopté ou pas?

M. Grenier: Non, l'Opposition libérale a dit oui, mais nous n'avons pas dit oui, nous autres. C'est peut-être important de savoir que nous sommes ici.

Le Président (M. Cardinal): Ah bon! D'accord. Alors, il n'a pas été adopté. Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Simplement pour vous laisser savoir, M. le Président, que cet amendement qui avait été préparé était le seul que nous avions. Maintenant, comme vous nous l'avez mentionné — alors qu'il y aura place pour revenir avec cet amendement qui n'a pas été rejeté, comme vous l'avez dit, mais simplement remis — nous aurons certainement place pour l'incorporer à l'article 24. Tenant compte de votre décision, nous pourrons revenir avec notre amendement et je dis que, pour notre parti, nous acceptons l'article 14.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, mais, M. le député de Mégantic-Compton, je retiens ce que vous venez de dire. Je relirai d'ailleurs la transcription du journal des Débats, et nous nous reprendrons à l'article 24 ou 25. Le nouvel article 14, qui n'est pas un amendement est donc unanimement adopté. Juste un instant! Vous savez, quand il y a une adoption, après les paroles il y a les écritures, et les écrits restent.

M. Charron: Malheureusement, nos paroles aussi, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Ou pour ceux qui les lisent.

M. Charron: Vous pouvez demander au député de Marguerite-Bourgeoys, il a lu toutes mes paroles en 1974, si j'ai bien vu.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Lalonde: Parfois, M. le Président, je me réveillais, mais je continuais.

Nouvel article 15

Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez, comme nous avons adopté un article, je me suis permis un moment d'hilarité, et j'appelle l'article 15, article nouveau.

M. Charron: Exactement.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes surpris, n'est-ce pas?

Le Président (M. Cardinal): Je ne suis jamais surpris ni ému.

Mme Lavoie-Roux: Mais vous êtes étonné.

M. Charron: La vitesse à laquelle procède la commission m'étourdit.

M. Lalonde: M. le Président, on va prendre soin de l'étourdissement du député de Saint-Jacques bientôt.

M. Charron: Ah! Ne vous inquiétez pas, c'est rétabli à l'article 15.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, revenons au sérieux de ce projet. L'article 15 non pas modifié mais remplacé — je n'ai pas besoin de le lire.

M. Charron: Je veux le lire, moi!

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Le gouvernement propose un nouveau texte à l'article 15 que les députés membres de la commission feraient bien de considérer à la place de celui qui se trouve dans le texte original du projet de loi.

Le Président (M. Cardinal): C'est déjà fait, M. le député de Saint-Jacques, si vous le permettez, je ne voudrais pas qu'on en revienne à un amendement.

M. Charron: D'accord. L'article 15 modifié se lirait donc comme suit: "L'administration rédige et publie dans la langue officielle ses textes et documents. Le présent article ne s'applique pas aux relations avec l'extérieur du Québec, aux communiqués et à la publicité véhiculés par des organes d'information diffusant dans une langue autre que le français ni à la correspondance de l'administra- tion avec les personnes physiques lorsque celles-ci s'adressent à elle dans une langue autre que le français."

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le ministre délégué, de vous interrompre? L'ancien article 15 qui n'existe plus était composé de deux paragraphes. Le texte que j'ai devant moi semble composé d'un seul. Je pense qu'il en faudrait deux. Je pense qu'après le mot "document", il y aurait un paragraphe.

M. Charron: Vous avez raison, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): C'est en vertu de l'article 65.2 que je me permets personnellement cette correction.

M. Laurin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Je n'ai rien d'autre à ajouter. Il me semble que le texte du projet de loi est clair.

M. Laurin: M. le Président, le seul changement, c'est d'ajouter, après "rédigé", le mot "publié", simplement, encore une fois, pour fin de clarification.

Comme l'a dit le député de Saint-Jacques, il me semble que le reste de l'article est tellement clair, qu'il n'a pas besoin d'autres explications.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de Marguerite-Bourgeoys, non, pardon, Mme le député de L'Acadie... Vous êtes tellement en bon voisinage depuis longtemps, Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Quand même, nous tenons bien à garder notre sexe.

M. Lalonde: Les questions de privilège sont-elles permises, M. le Président?

Le Président (M. Cardinal): Non. Jamais en commission parlementaire. Les lapsus du président sont toujours excusés, je pense. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: A ce moment-ci, c'est vraiment une question de clarification que j'aimerais poser au ministre. On lit, dans l'article 15: "par des organes d'information diffusant dans une langue autre que le français et à la correspondance de l'administration avec les personnes physiques lorsque celles-ci s'adressent à elle dans une langue autre que le français."

Que veut-il dire par une langue autre que le français? Ceci laisse-t-il supposer que tout individu dans la province pourrait s'adresser dans les 152 langues qui sont parlées à l'intérieur du Québec par différents groupes de citoyens?

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, avant que M. le ministre ne réponde — d'ailleurs, il est en train de s'informer — que je fasse une suggestion à M. le député de Mégantic-Compton?

Mme Lavoie-Roux: C'est cela, il y en a 152.

Le Président (M. Cardinal): Pour que votre motion au sujet de l'article 14 soit revue à nouveau, dans un contexte entièrement neuf, pourrais-je vous suggérer de la retirer? Cela simplifierait les procédures au moment où vous désireriez la déposer à nouveau.

M. Grenier: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Comme elle n'a pas été discutée, vous pouvez la retirer, vous en êtes maître.

M. Grenier: D'accord, mais nous y reviendrons quand même à l'article 24.

Le Président (M. Cardinal): Votre motion est retirée. Vous pourrez, en tout temps, comme vous l'avez déjà fait lors de l'étude d'un autre projet de loi, la déposer à nouveau. Merci. M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Pour répondre à la question du député de L'Acadie; la langue autre dépend du pays auquel le gouvernement du Québec s'adresse, elle dépend aussi de la langue du journal ou de la revue dans laquelle le gouvernement veut faire paraître des communiqués ou envoie des documents publicitaires. Cela dépend aussi de la personne physique qui s'adresse au gouvernement.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne comprends peut-être pas très vite. Dans le cas des individus, ceci veut-il dire que quelqu'un peut s'adresser au gouvernement en grec?

M. Laurin: Sûrement, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Et on lui répondra en grec?

M. Laurin: On lui répondra en grec, si...

M. Charron: Si on est capable. M. le Président, si je peux répondre à Mme le député, la portée de l'article ne fait pas que les membres du gouvernement vont connaître les 152 langues...

Mme Lavoie-Roux: Non, mais aurez-vous des interprètes?

M. Charron: ... que d'ailleurs, je lui demanderais d'énumérer.

Mme Lavoie-Roux: On peut commencer, mais cela va nous conduire après 23 heures.

M. Charron: Cela veut dire ceci: Cet article a été discuté profondément. Nous avons pensé qu'en le rédigeant ainsi, le respect que nous avons pour chacune des personnes physiques pouvait être garanti, encore une fois, dans la mesure du possible.

Certains ministres du gouvernement, puisqu'on fait appel à l'administration, sont plus susceptibles que d'autres de recevoir des lettres, des communications de citoyens du Québec, qui soient dans une langue autre que le français et l'anglais, qui sont les plus couramment utilisées. L'Immigration en est un qui saute aux yeux, les Affaires sociales, à l'occasion, également, pour des citoyens bénéficiaires de certaines lois adoptées par cette Assemblée. Dans mon cas personnel, depuis neuf mois, je n'en ai reçu que dans les deux langues. Je me suis déjà appliqué à cet article, qui est la pratique actuelle du gouvernement québécois, et quand je recevais une lettre en anglais d'un citoyen, par exemple, quand j'ai demandé aux citoyens des suggestions sur l'avenir des installations olympiques, j'en ai reçu un certain nombre en anglais et je leur ai répondu en anglais.

Il est évident que s'ils m'avaient écrit en grec, j'aurais dû recevoir une traduction, mais peu de citoyens dans la pratique, à moins qu'on veuille fendre les cheveux en quatre, vont communiquer avec le gouvernement actuel du Québec sans eux-mêmes faire l'effort, s'ils n'ont pas la connaissance de l'anglais ou du français, sachant très bien que leur lettre risque de rester sur les tablettes, malgré la bonne volonté qu'il peut y avoir à l'autre bout, vont d'eux-mêmes se trouver quelqu'un qui va rendre leur témoignage soit en anglais, soit en français. Ils vont simplement signer la lettre à l'arrière s'avouant eux-mêmes incapables de l'écrire dans l'une des deux langues. Moi, je choisis la langue dans laquelle cette personne physique m'a écrit pour lui répondre. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup plus de cas.

Mme Lavoie-Roux: Comme il est mentionné, cela ne s'applique pas qu'aux relations avec l'extérieur du Québec, évidemment, mais à celles même de l'extérieur du pays. A ce moment-là, est-il coutumier pour le gouvernement, disons qu'il doit écrire à une ambassade en Italie, en Espagne ou ailleurs, de s'adresser soit en anglais, soit en français à ces ambassades ou à ces maisons commerciales, peu importe?

M. Charron: Oui, c'est ce que l'article va désormais permettre, justement, que nos contacts avec l'étranger soient le plus efficaces possible. Je prends un exemple que Mme le député comprendra: Un pays comme la Hollande, les Pays-Bas, où la pratique de la langue anglaise est vastement répandue. Il serait d'usage si jamais le Québec, pour une exposition commerciale ou quoi encore, avait à entrer en contact avec ces gens ou encore — pour demeurer dans le domaine que je connais le mieux — à inviter des athlètes à des

compétitions, il serait d'usage qu'il choisisse la langue anglaise pour s'adresser à la Fédération de cyclisme de Hollande, sachant qu'elle a plus de chance d'être comprise et, d'autre part, étant incapable de s'adresser dans la langue propre à ce pays.

Ce que l'article offre, c'est de la souplesse pour ce qui s'appelle les relations internationales du Québec non seulement dans le présent, mais dans l'avenir également. Quand on parle, par exemple, d'organes d'information diffusant dans une langue autre, on peut vouloir dire dans des quotidiens italiens ou grecs d'ici. Le Québec peut s'adresser... Le livre blanc même, qui est à l'origine de la loi dont on discute, a été publié dans d'autres langues que le français et l'anglais. C'est une pratique qui n'est pas exceptionnelle et qui va même se répéter. Mais, quand on parle d'organes d'information, par exemple, du tourisme — je parlais des ministères qui peuvent être plus appelés que d'autres... — Je pense que l'Opposition comprendra cela, ce n'est pas parce qu'on veut protéger le français au Québec qu'on va se mettre des "enfarges" dans nos relations avec l'extérieur. Dans la mesure du possible, on le fera en français, mais quand on s'adressera à d'autres gens pour les inviter dans notre pays, que ce soit comme touristes ou comme immigrants, pour leur présenter les avantages du Québec... Si Mme le député prend connaissance du nouveau texte, elle verra qu'on y dit: "Publicité véhiculée par des organes d'information diffusant dans une autre langue", cela veut dire, par exemple, comme le Québec l'a fait quand il a témoigné sa satisfaction de partici- per aux Jeux du Canada actuels... Nous avons publié deux pages dans les journaux, dans les quotidiens de Terre-Neuve, en anglais, évidemment, puisque c'est la langue de la province.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, j'ai reconnu M. le député de Mégantic-Compton. Il nous reste à peine trente secondes.

M. Grenier: Juste une question très technique pour le ministre, peut-être va-t-il me répondre tout de suite. Il y a des changements qui peuvent être apportés au bon français d'un article. A mon sens, il y a une erreur, ici. Il faudrait lire, au centre de l'article, non pas "aux communiqués et à la publicité véhiculés" mais bien "à la publicité et aux communiqués véhiculés". Il faudrait intervertir les termes. Le changement peut se faire, oui?

M. Charron: On regardera.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Sur ce, je ferai une autre remarque. J'ai déjà indiqué qu'il y avait deux paragraphes ou deux alinéas à cet article. Par les soins du secrétariat de la commission, je ferai réimprimer le nouvel article 15 en le distribuant en deux parties. Si, d'ici à demain, le gouvernement ou les partis d'Opposition ont des suggestions — tout semble bien aller pour le moment — elles seront toutes les bienvenues.

Sur ce, les travaux de cette commission sont ajournés à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 23 heures)

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