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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Wednesday, March 30, 1983 - Vol. 27 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'énergie et des ressources est réunie aujourd'hui en vue d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de la commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Tremblay (Chambly), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Perron (Duplessis), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont M. Blouin (Rousseau), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), M. Lafrenière (Ungava), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Laplante (Bourassa), M. Saintonge (Laprairie).

J'aurais besoin qu'on me signale le nom du rapporteur de cette commission. Est-ce que quelqu'un est suggéré?

M. Laplante: M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Le Président (M. Jolivet): M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet) est-il accepté?

Une voix: Accepté.

Le Président (M. Jolivet): M. LeBlanc.

Avant de commencer, je dois lire l'ordre du jour qui m'a été fourni ce matin. Les personnes suivantes seront convoquées au cours de la journée: M. Claude Laliberté. M. Robert Boyd, est-il présent dans la salle? Oui? Merci. M. Lucien Saulnier, merci. M. Hervé Hébert.

M. Hébert: Présent.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Mme Nicolle Forget.

Mme Forget: Présente.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Georges Gauvreau.

M. Gauvreau: Présent.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. André Thibaudeau.

M. Thibaudeau: Présent.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Pierre Laferrière.

M. Laferrière: Présent.

Ordre des travaux

Le Président (M. Jolivet): Merci. Une autre question que nous devrons discuter avant de commencer nos travaux, c'est celle du partage du temps pour chacun des témoins de la journée, en tenant compte que nous commençons nos travaux à 10 h 10 ce matin jusqu'à 13 heures. Nous reprendrons normalement après la période des questions, quand on aura l'avis pour revenir ici à cette commission, c'est-à-dire possiblement vers 16 heures jusqu'à 18 heures. Cela nous donne environ cinq heures de travaux aujourd'hui, quatre heures et demie ou cinq heures. Comme le règlement ne prévoit pas que nous puissions continuer après 18 heures ce soir, à moins qu'il n'y ait entente de part et d'autre et qu'on ne m'indique qu'on a l'intention de continuer ce soir, pour le moment, je dois déterminer que nous devrions terminer nos travaux à 18 heures. C'est ce que je crois comprendre de part et d'autre. M. le ministre.

M. Duhaime: Sur ce point, M. le Président, je pense que ce serait peut-être utile et sage, si je puis vous le suggérer, d'aviser ceux qui ont été prévenus que leur témoignage serait entendu aujourd'hui et qui ne seraient peut-être pas tous familiers avec la procédure de l'Assemblée nationale que, normalement, il y aurait un ordre de la Chambre de donné cet après-midi, à savoir si nous allons siéger ce soir à compter de 20 heures jusqu'à 22 heures ou 23 heures 59. En conséquence, puis-je vous suggérer de demander aux témoins qui ont été convoqués pour aujourd'hui de rester à la disposition de l'Assemblée nationale? Vous pourriez peut-être faire rapport à nouveau cet après-midi, lors de la reprise de nos travaux.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez une question.

M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas demandé la parole. Je pense que les propos du ministre sont sages. Il faudrait aviser à la reprise de nos travaux, cet après-midi. Au moment où je vous parle, nous n'avons pas l'intention de siéger ce soir. Comme nous avions été convoqués par le leader du gouvernement pour siéger seulement jusqu'à 18 heures aujourd'hui, plusieurs membres de notre groupe ont pris des engagements qu'ils ne peuvent pas facilement changer. Cependant, si j'avais un avis différent cet après-midi, à la reprise des travaux, je vous le communiquerai.

Le Président (M. Jolivet): Donc, compte tenu des circonstances, je demande aux huit personnes que nous avons mentionnées ce matin, tant et aussi longtemps que l'Assemblée nationale n'aura pas pris une autre décision, de se tenir à la disposition de la commission. Justement parce qu'il y a huit personnes et que le temps qu'on a à répartir s'étend jusqu'à 18 heures selon le règlement, à moins du changement dont on a fait mention, j'aimerais savoir quel est le temps que la commission veut donner à chacune des personnes qui doivent témoigner ce matin. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: En ce qui nous concerne, nous n'avons pas l'intention de nous astreindre à des limites de temps très rigides. Au contraire, lorsque le premier ministre a répondu à une de mes questions mercredi de la semaine dernière, juste à l'ouverture de la session, il a bien indiqué que la commission parlementaire aurait tout le loisir. Je pourrais vous citer le passage de sa réponse. De toute façon, sa réponse est inscrite au journal des Débats.

On sait quand un interrogatoire commence, mais on ne sait pas quand il se termine. Il ne s'agit pas ici - je pense que tout le monde en conviendra - d'une commission parlementaire qui invite des groupes à venir communiquer leurs opinions sur un projet gouvernemental, soit un projet de loi ou un problème écologique. Il s'agit d'une commission que le premier ministre a lui-même convoquée pour faire toute la lumière et pour que toutes les personnes qui connaissent les circonstances de ce règlement hors cour soient entendues. Alors, il se peut que, dans certains cas, ce soit très court et, dans certains autres cas, très long. C'est, je pense, la seule façon logique dont nous pouvons organiser nos travaux.

Le Président (M. Jolivet): Si les membres de cette commission sont d'accord, j'agirai donc comme ayant devant moi la possibilité d'élargir le temps qu'on a l'habitude de prendre, compte tenu des circonstances dans lesquelles se tient cette commission.

Nous allons commencer par une déclaration préliminaire de M. le ministre de l'Énergie et des Ressources. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Yves Duhaime

M. Duhaime: M. le Président, conformément au mandat de la commission de l'énergie et des ressources dont vous venez de faire la lecture, je dois vous indiquer que nous avons dû arrêter les travaux normaux de cette commission de l'énergie et des ressources qui avait commencé à entendre des groupes sur un sujet d'économie, l'énergie comme levier de développement économique. Nous avons, à ce jour, entendu une dizaine de groupes et nous avons reporté nos travaux sine die. Très probablement, nous serons en mesure de les reprendre les 19, 20, 21 et 22 avril, pour ces quatre premières journées de reprise. Ensuite, très probablement, nous aurons à travailler encore trois ou quatre jours à cause de l'importance de ce dossier.

Je dois signaler, M. le Président, qu'aujourd'hui, demain et subséquemment, si nécessaire, selon le mandat de cette commission, nous avons à examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la SEBJ de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Je pourrais peut-être rappeler, très brièvement, que cette question n'est pas soulevée aujourd'hui pour la première fois. À l'Assemblée nationale, le 12 février 1979 - à ce sujet on pourrait référer au journal des Débats, mais, dans ma déclaration d'ouverture, je vais tenter de prendre le moins de temps possible et d'aller rapidement - M. Lalonde, député de Marguerite-Bourgeoys, adressait une première question au ministre de la Justice à propos de ce dossier. Quelques jours plus tard, le 20 février 1979, nouvelle question de M. Lalonde, cette fois au premier ministre. Il y a eu, bien sûr, un échange de questions et réponses - vous retrouverez cela au journal des Débats, aux pages 5739 et suivantes -mais le même jour, le 20 février 1979, suivant les dispositions de l'article 174 de notre règlement, M. Lalonde donnait un avis de débat. Ces débats se tiennent ordinairement à 21 h 50; c'est ce qu'on appelait des mini-débats. Il y a eu effectivement, le 20 février 1979, en fin de

séance, un mini-débat auquel ont participé M. Lalonde, député de Marguerite-Bourgeoys, et le premier ministre. Enfin, quelques jours plus tard, c'est-à-dire trois semaines plus tard, le 14 mars 1979, une nouvelle question de M. Lalonde, député de Marguerite-Bourgeoys, au ministre délégué à l'Énergie qui, à l'époque, était M. Guy Joron.

Je veux simplement dire, M. le Président, que ce n'est pas la première fois aujourd'hui qu'on traite de cette affaire. La question que tout le monde se pose, sans aucun doute, est de savoir: Pourquoi, aujourd'hui, la commission permanente de l'énergie et des ressources a-t-elle reçu ce mandat de l'Assemblée nationale de faire l'examen des circonstances du règlement hors cour? Je répondrai ceci: Le jeudi 17 mars 1983, il y avait, dans le quotidien La Presse, une manchette qui n'est pas passée inaperçue, semble-t-il, de même que des articles de fond, et le premier titre était: René Lévesque a trompé l'Assemblée nationale.

Je ne veux pas pour l'instant entrer dans tous les détails. Nous aurons l'occasion de le faire dans les jours qui viennent. Ce que je retiens cependant, c'est que le lendemain, le 18 mars, le premier ministre, dans un communiqué écrit, offrait un démenti formel tant à l'article, à son contenu qu'au titre dont on l'avait affublé dans le journal La Presse. Le même jour, cependant, le journal La Presse publie un encart qu'on retrouve facilement dans le quotidien, un encart que je vais lire: "La Presse maintient la version des faits qu'elle a présentée hier - c'est-à-dire le 17 mars -et publiera demain, sous la signature de Michel Girard, une réponse à la déclaration du premier ministre." Effectivement, le 19 mars, il y avait un autre article du journaliste Michel Girard, de la Presse, de même qu'un article signé par M. Yvan Latouche qui donnait sa version des faits.

Tous en conviennent, M. le Président, cette situation est grave. Elle est sérieuse aussi. J'ajouterais que c'est sans précédent, je crois, dans l'histoire de l'Assemblée nationale que l'on mette en cause la crédibilité de la parole d'un premier ministre dans l'exercice de ses fonctions, et que ce soit fait à partir d'une déclaration qu'il aurait faite sous son serment d'office à l'Assemblée nationale, de son siège. Cette situation étant grave et sérieuse, nous voici convoqués en commission parlementaire pour faire le tour de cette question.

Cette question est si sérieuse et si grave, à mon sens, qu'aucun député de l'Opposition libérale n'a repris à son compte le tout ou partie de ce qui a été écrit dans le journal La Presse les 17, 18 ou 19 mars. Je dois dire qu'il y a eu des offres faites pour qu'un député de l'Opposition endosse, prenne à sa charge ou prenne à son compte les écrits du journaliste, M. Michel Girard, soit ceux dont j'ai parlé tout à l'heure. Si telle chose s'était produite - je me permets de le rappeler, mais le premier ministre aura certainement l'occasion de le faire lui-même; même que cela a déjà été dit à l'Assemblée nationale - si un député de l'Opposition avait repris - et ceci n'est pas une menace; je le dis en toute déférence - ces allégations, ce n'est pas la commission de l'énergie et des ressources qui siégerait ce matin; ce serait très certainement la commission de l'Assemblée nationale. Cela aurait signifié qu'un député de l'Opposition aurait, selon les dispositions de l'article 79 et suivants, porté une accusation. Nous nous serions donc retrouvés probablement devant la commission de l'Assemblée nationale, avec ce que peuvent impliquer comme sanction les conclusions ou le rapport qu'aurait ultérieurement fait cette commission de l'Assemblée nationale à l'Assemblée nationale elle-même.

Mais nous n'en sommes pas là. Le seul recours qui existe, selon les règlements de l'Assemblée nationale et de ses commissions restait, suivant l'engagement qu'avait pris lui-même le premier ministre, de convoquer la commission de l'énergie et des ressources avec le mandat qui a été lu tout à l'heure par le président.

Nous allons donc, au cours des prochains jours et des prochaines heures, faire l'examen des faits rapportés dans le journal La Presse, également de ceux qui ont pu être relayés par d'autres médias d'information. Nous allons entendre, bien sûr, tous les témoins que l'on souhaiterait entendre. Je dis même que, si des témoins qui n'ont pas été convoqués avaient, à tout hasard, des choses à apprendre à cette commission, ils n'ont qu'à communiquer avec le secrétariat de la commission de l'énergie et des ressources, à faire connaître leur nom, leur identité. Je pense que je pourrai parler avec mon collègue de l'Opposition et, d'où qu'elle vienne, cette personne, si son témoignage peut éclairer les membres de cette commission, de même que tout le public, je pense que ce serait notre devoir de l'entendre.

M. le Président, j'ai fait ces distinctions au départ pour bien indiquer que cette commission n'est pas un tribunal. Il n'y aura ni un, ni deux procès autour de cette table. Je le dis tout de suite au cas où des procureurs, soit par nostalgie, soit en mal de pratique, auraient le goût de se lancer dans pareille aventure. Nous ne sommes régis ni par la loi de la preuve, ni par les règles du Code de procédure civile. Je donne un simple exemple; puisque nous sommes à la télévision, je verrais mal quelqu'un exiger l'exclusion de témoins.

Ceci étant dit, nous aurons tout de même l'occasion de vérifier de façon

exhaustive, détaillée, méticuleuse et minutieuse les faits et les titres des manchettes que j'évoquais tout à l'heure, publiés par le quotidien La Presse. Nous aurons également l'occasion, je le rappelle, à la suite des démentis formels prononcés et réitérés à au moins deux reprises par le premier ministre, de son siège à l'Assemblée nationale... Je le dis tout de suite parce que je ne voudrais pas qu'on ait un long débat là-dessus: Le premier ministre préside actuellement le Conseil des ministres régulier, comme à chaque mercredi; il sera présent à cette table demain comme tout autre intervenant.

M. le Président, sans vouloir tout lire -ce serait vraiment trop long - je voudrais simplement évoquer maintenant quelques-uns des faits qui m'apparaissent être des points importants qui ont été rapportés dans les journaux. D'abord, est-ce que les négociations du règlement hors cour ont été faites dans le bureau du premier ministre en sa présence ou en présence d'un de ses représentants? Je dis bien les négociations du règlement. Est-ce que cela a été fait à l'insu de la Société d'énergie de la Baie-James, de son conseil d'administration ou de ses dirigeants? Est-ce que quelqu'un a imposé un règlement? "Imposé" au sens que le dictionnaire veut dire. Est-ce qu'il y a eu du tordage, comme on dit dans notre jargon? Est-ce qu'il y a eu des gestes qui ont été posés pour remercier la FTQ? Est-ce que ce règlement était contraire à l'intérêt public ou, plutôt, dans le sens de l'intérêt public? Est-ce que le bureau du premier ministre Lévesque a donné des armes à la FTQ? Et, enfin, est-ce que le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale? (10 h 30)

Je pense, M. le Président, que nos travaux vont, d'abord et avant tout, dans le sens de faire toute la lumière. Si vous voulez mon sentiment et ma conviction, je crois que le premier ministre a dit la vérité. Le mandat de cette commission est donc le plus large possible pour bien nous permettre à tous de situer le contexte de ce règlement hors cour. Les travaux de cette commission sont également télévisés. Je répète que tous les témoins, tant du côté ministériel que de l'Opposition, qui pourraient être convoqués le seront.

M. le Président, je reviens là-dessus parce que ces trois conditions, en quelque sorte, étaient exactement celles qui avaient été demandées par le député de Marguerite-Bourgeoys, le 23 mars 1983, à l'Assemblée nationale. Vous allez retrouver cela à la page 3 du journal des Débats. J'ajoute également la demande du chef de l'Opposition qui, le 23 mars 1983, souhaitait que cette commission parlementaire ait lieu avant le congé pascal. Nous sommes avant le congé pascal et la commission de l'énergie et des ressources siège sur cette affaire.

Ce qui m'a amusé un peu - on ne peut pas faire autrement que d'en parler - c'est qu'après que le député de Marguerite-Bourgeoys eut demandé lui-même... Et je vais lire la question qu'il posait, à la page 3 toujours, le 23 mars 1983. Vous vous souviendrez que, ce jour-là, la question du député de Marguerite-Bourgeoys ne pouvant pas s'adresser au président de l'Assemblée nationale est adressée au secrétaire général de l'Assemblée nationale. Question de M. Lalonde: "M. le secrétaire général, la pertinence des propos de votre serviteur vient d'être prouvée par les propos du premier ministre. Si vous le permettez, comme vous avez permis au premier ministre d'expliquer cette question de la commission parlementaire, j'aimerais m'assurer, avant que nous procédions, au nom de l'Opposition, que le mandat de cette commission parlementaire sera le plus large possible, que cette commission parlementaire sera télévisée et que tous les témoins que nous, de l'Opposition, voudrons convoquer le seront." C'est la question de M. Lalonde. C'était le 23 mars 1983. Le samedi 26 mars - je lis les journaux comme tout le monde -dans le Soleil, à la suite d'une conférence de presse, le 25 mars, le mandat de la commission est jugé trop large.

Je crois savoir que nous avons un mandat ce matin qui est suffisamment large pour permettre aux parlementaires, ici autour de cette table, et à tous ceux et celles qui nous écoutent à la télévision de se faire une idée sur ce dossier et, ensuite, d'en tirer leurs propres conclusions.

M. le Président, en terminant, quant au déroulement des travaux de cette commission, aujourd'hui, le 30 mars, suivant la liste des témoins que nous voulons entendre et que nous avons fait parvenir au secrétariat de la commission, je pourrais proposer que nous entendions tous les membres du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James qui étaient en poste en 1979, de même que le président du conseil, le P.-D.G. de la Société d'énergie de la Baie-James et le P.-D.G. d'Hydro-Québec à cette époque; que, demain, nous puissions entendre les membres du bureau du premier ministre, le premier ministre lui-même comme intervenant et, ensuite, tous les avocats de toutes les parties qui ont été impliquées dans le dossier. J'ajoute tout de suite que j'offre au leader parlementaire de l'Opposition d'évaluer avec lui à quel moment cela serait le plus utile, pour l'agencement, le bon entendement et la bonne compréhension de nos travaux, d'entendre les personnes dont ils ont voulu la présence, à quel moment il souhaiterait qu'elles soient entendues, à quel moment nous pourrions les inscrire.

Voilà, M. le Président, ce sont les mots

que je voulais dire. J'ajoute aussi essentiellement que notre commission aura, au terme de ses travaux, à décider si elle fait un rapport à l'Assemblée nationale indiquant qu'elle a terminé ses travaux ou encore si elle joindra à ce rapport de fin des travaux un rapport plus substantiel. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre. Avant de donner la parole au député de Marguerite-Bourgeoys, j'aimerais faire remarquer qu'à la suite de l'invitation du ministre ceux qui veulent intervenir à cette commission comme témoins doivent faire parvenir leur nom et leurs obligations au secrétariat des commissions, au soin de M. Valmond Bouliane.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je voudrais, d'abord, dire seulement quelques mots pour situer les travaux de cette commission tels que nous les entendons dans l'Opposition. Cette commission a été convoquée par le premier ministre à la suite de notre demande, à l'ouverture de la session. Je pense que les propos du ministre à cet égard sont justes. On s'entend, je pense, des deux côtés de la table sur la gravité des accusations portées par le journal La Presse et sur la nécessité de faire la lumière là-dessus. Nous avions demandé qu'une enquête complète, publique et indépendante soit faite sur les accusations publiées dans le journal. Nous aurions préféré une enquête indépendante des partis politiques. Mais cela nous a été refusé et nous voilà dans un forum politique. Nous allons, quand même, tenter de faire toute la lumière là-dessus.

Je ne reprendrai pas les accusations du journal La Presse. Je pense que ce que le ministre vient de dire décrit assez bien le problème. Mais je pense qu'il est pertinent de rappeler que l'accusation repose sur la réponse que le premier ministre donnait à l'Assemblée nationale le 20 février 1979 à une question que je lui posais et que la commission parlementaire dont nous commençons les travaux aujourd'hui est reliée directement à l'accusation du journal La Presse. Le mandat qu'on nous a imposé -parce que, après consultation et après avoir exprimé mon désaccord, le leader du gouvernement n'a pas cru bon d'accepter mes remarques - est le suivant: examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la SEBJ de régler hors cour, etc., et plus spécifiquement le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Étant donné les circonstances qui ont entouré la convocation de cette commission, il eut été plus juste de donner le mandat d'examiner non pas les circonstances entourant la décision de régler, mais le rôle du premier ministre et de son bureau dans cette négociation de règlement hors cour. J'ai quand même dit que malgré ce qui m'est apparu, à ce moment, comme étant peut-être une petite tentative de diversion, le mandat est assez large parce qu'à la fin il comprend plus spécifiquement le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

C'est pour cela, d'ailleurs, que j'ai été très surpris quand le ministre nous a annoncé tout à l'heure la présence du premier ministre à cette table. Puisque c'est son rôle, le rôle de son personnage lui-même et de son bureau qui doit être examiné ici, à même des témoignages, je me demande au nom de quelle décence le personnage lui-même dont le rôle est examiné par la commission parlementaire viendrait siéger à cette table. J'ai rarement vu, même si les comparaisons avec le tribunal ne sont pas complètement justes, un accusé siéger dans le jury. Il reste qu'on verra demain ce que le premier ministre décidera de faire. S'il veut être entendu à la table, c'est son droit le plus strict et nous serons heureux de l'entendre à la table des témoins. Je soulève cette question maintenant parce que le ministre nous l'a annoncé et que je l'invite à y songer avant de provoquer un débat inutile demain lorsque le premier ministre, s'il fait ce que le ministre vient de nous dire, se présentera à la table de la commission.

Donc, c'est à la suite d'une réponse à une question que le journal La Presse conclut que le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale. Je vais vous relire, si vous me le permettez, M. le Président, la question et la réponse qui semblent créer le problème d'après le journal. C'était une question posée le 20 février 1979. Voici donc la question, après un préambule: "Premièrement, est-il exact qu'un tel règlement est envisagé? Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau du premier ministre, en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants, qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu? Enfin, dans l'affirmative..." Comme la réponse était négative, la troisième question n'a plus sa pertinence. Deux questions précises: "Est-il exact qu'un tel règlement a été envisagé? Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau du premier ministre, en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants, qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu?" La question ne supposait même pas la participation des représentants du premier ministre dans la négociation, mais la présence.

Voici la réponse du premier ministre:

"M. le Président, il y avait trois questions du député. Premièrement, il est exact qu'il est question d'un règlement. C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé." Une réponse claire à une question claire. Première question: "Est-il exact qu'un règlement est envisagé?" La réponse est oui. (10 h 45) "Deuxièmement, dit le premier ministre, ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu." Peut-on imaginer une réponse aussi claire, aussi catégorique à ma question de savoir si cela a été fait en présence de ses représentants? "Mais il y a eu une consultation..." On n'a pas dit "des consultations". C'est le premier ministre qui poursuit: "Mais il y a eu une consultation, au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie-James". Et le premier ministre commence une très longue réponse sur les raisons de son point de vue à savoir qu'un règlement devait intervenir.

Je ne ferai pas comme le ministre de l'Énergie et des Ressources qui, semble-t-il, d'après ce qu'il vient de dire, a son idée toute faite à savoir que le premier ministre n'a pas trompé l'Assemblée nationale. Je ne conclus pas, à ce stade-ci de nos travaux, que le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale, parce que, contrairement à un certain nombre de personnes assujetties à la loi 111, le premier ministre a le bénéfice du doute. Il peut en profiter. Il est présumé innocent.

Donc, c'est sur des renseignements qu'il prétend détenir que le journal La Presse, sur la base de ces questions-réponses, conclut que le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale, c'est-à-dire qu'il n'a pas dit la vérité. Le premier ministre m'invitait jeudi dernier à prendre à mon compte ces accusations. Je ne sais pas si c'est diversion ou naïveté, mais comment penser qu'un député sérieux puisse accuser un collègue sans détenir la preuve? Le ministre rappelait qu'aucun député de l'Opposition n'avait cru bon de prendre à sa charge les accusations. Je pourrais dire qu'il y a un lapsus là-dedans. Si un député, qu'il soit de l'Opposition ou ministériel, détenait la preuve que le premier ministre a trompé la Chambre, il serait de son devoir de mettre son siège en jeu, comme on dit dans le jargon parlementaire, c'est-à-dire de porter une accusation formelle. Je ne vois pas pourquoi les propos du ministre excluaient les députés ministériels. Ne sont-ils pas, comme tous les autres députés, les gardiens de l'intégrité de l'Assemblée nationale?

D'ailleurs, cette position, je l'ai eue depuis le début. Ma demande d'une enquête démontrait déjà que je désirais que la lumière soit faite, donc que je ne possédais pas cette preuve. Nous n'avons donc, en ce qui nous concerne, pas de cause à défendre, sauf celle de la vérité, dans le seul but de restaurer l'intégrité de l'Assemblée nationale. Nous ne sommes pas dans le meilleur forum. Une enquête indépendante aurait plus de facilité pour faire la lumière dans ce dossier que cette commission parlementaire dont les traditions, les règles de procédure s'accordent mal avec ce genre de travail. C'est aussi un forum partisan. Vous allez, au cours des jours qui viennent, entendre des interruptions compte tenu de la question ou de la réponse. Vous allez entendre des quolibets, des exclamations. On n'entend pas cela dans une commission d'enquête. Les témoins peuvent témoigner en toute tranquillité.

J'ai donc dit que le mandat est un peu "croche", mais il est assez large pour poser toutes les questions pertinentes et pour répondre à cette question: Le premier ministre a-t-il, oui ou non, trompé l'Assemblée nationale? Les témoins invités par le gouvernement ne seront peut-être pas suffisants pour informer la commission de tous les aspects pertinents à la question. C'est pourquoi j'accueille avec empressement l'offre du ministre que tout autre témoin, qu'il soit proposé par des députés de l'Opposition ou des députés ministériels, ou encore que ce soient des témoins qui viendraient volontairement soit entendu pour compléter le dossier, pour établir des faits qui ne l'auraient pas été jusque-là. Nous avons déjà un témoin dont la pertinence nous est apparue très récemment. Il s'agit de M. Maurice Pouliot qui devrait être ajouté à la liste. Je communiquerai cette demande au ministre dans les heures qui viennent.

Afin d'assurer - c'est tout à fait normal dans une commission d'enquête publique établie par la voie de la Loi sur les commissions d'enquête - la plus grande limpidité aux témoignages qui seront entendus, je vous avise tout de suite, M. le Président, que nous avons l'intention de nous prévaloir de l'article 52 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui prévoit qu'à la demande d'un membre les personnes convoquées à une commission doivent être assermentées. Nous considérons que cette demande vous est faite pour tous les témoins qui seront entendus. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts à procéder.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais, d'abord, corriger le tir du député de Marguerite-Bourgeoys. À ce que je sache et après avoir relu encore tout récemment tous les échanges de questions et de réponses sur cette affaire, en aucun moment l'Opposition

libérale n'a demandé une enquête publique. Je pense qu'il y a confusion. C'est M. Robert Bourassa qui, dans une manchette récente, demandait une enquête publique.

Deuxième chose, le premier ministre du Québec est d'abord et avant tout député. La nouvelle Loi sur l'Assemblée nationale, telle que nous la connaissons, à l'article 43, dit:" Un député jouit d'une entière indépendance dans l'exercice de ses fonctions." Cela vaut pour le député de Taillon comme pour le député de Saint-Maurice et pour tout député membre de l'Assemblée nationale. J'ai bien souligné tantôt que le premier ministre ferait une déclaration, ferait des déclarations et est disponible pour répondre à toutes les questions que les députés, des deux côtés de cette table, voudront bien lui poser. Il le fera à partir de cette table, sous son serment d'office, non pas comme membre de la commission, mais à titre d'intervenant, comme nos règlements le permettent.

C'est peut-être - je vais le dire en badinant - une nostalgie de procureur de vouloir voir à la barre un jour un premier ministre et l'interroger. Vous en avez tout le loisir, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Vous connaissez bien votre règlement. Vous n'avez qu'à invoquer l'article 80, à faire vôtres les accusations qui sont étendues dans les journaux et je proposerai dans les secondes qui vont suivre l'ajournement de nos travaux, et je suggérerai au leader parlementaire du gouvernement de faire motion, cet après-midi, pour convoquer "instanter" la commission de l'Assemblée nationale qui remplace l'ancienne commission sur les privilèges et élections. Si tel est votre désir, nous le ferons tout de suite et, à cette occasion-là, vous aurez le malin plaisir d'interroger un témoin et de lui poser toutes les questions, mais votre siège de député sera en jeu et celui du député de Taillon aussi.

M. Lalonde: Et qui va rendre le jugement? Un jury indépendant?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Duhaime: Je suis en quelque sorte heureux - je n'ai pas changé d'idée, je l'ai dit tout à l'heure très clairement - car j'ai remarqué une évolution notable dans la pensée du député de Marguerite-Bourgeoys. Dans la Presse du vendredi 18 mars, il y a quelques jours à peine - c'est le lendemain même du premier article fracassant en première page de la Presse du 17 mars; je vais vous faire grâce de tout cela - la manchette est: Que Lévesque se justifie ou démissionne (Lalonde). Nous parlons toujours du député de Marguerite-Bourgeoys, cela va de soi. C'est un article signé par le journaliste Michel Girard, le même journaliste qui a écrit la manchette du 17 mars, donc quelqu'un qui est au courant du dossier.

Je vais lire l'article: "C'est à la suite d'une question de M. Lalonde que le chef du gouvernement du Québec, M. René Lévesque, avait répondu, le 20 février 1979, devant les membres de l'Assemblée nationale, que "ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre, que le règlement ou partie du règlement a eu lieu", dans l'affaire de la poursuite de 31 000 000 $ intentée par la Société d'énergie de la Baie James contre la FTQ-Construction." C'est ici où cela est important. "Je suis déprimé de savoir que mon premier ministre m'a menti. C'est très grave puisque toute l'intégrité de l'institution (l'Assemblée nationale) a été affectée. Tous les membres du Parlement ont l'obligation de dire la vérité", a ajouté le député et leader de l'Opposition, Fernand Lalonde, en se référant aux articles suivant lesquels M. Lévesque a induit l'Assemblée nationale en erreur dans cette affaire.

C'est à la suite de cet article du 18 mars et de la déclaration du député de Marguerite-Bourgeoys qui y est rapportée que le premier ministre et député de Taillon a offert, à deux reprises, au député de Marguerite-Bourgeoys de répéter ce que la Presse avait publié, mais de son siège, au salon bleu de l'Assemblée nationale, avec les conséquences, bien sûr, que j'ai évoquées tout à l'heure. L'offre tient toujours.

Un dernier point. M. le Président, je voudrais avoir un éclaircissement de votre part. Je n'ai pas objection à ce que l'Opposition utilise le projet de loi no 90 et se prévale d'une disposition qui lui permet d'exiger que quelqu'un qui a été convoqué, appelé à rendre un témoignage, doive prêter serment. La seule question que je vous adresse est la suivante, M. le Président. Il y a des gens convoqués qui sont déjà sous leur serment d'office. Je pense, entre autres, à des dirigeants de sociétés d'État. Je pense aussi à des membres du cabinet politique du premier ministre qui sont déjà sous leur serment d'office. Est-il nécessaire d'assermenter ces personnes une deuxième fois ou si elles peuvent être entendues et rendre leur témoignage sous leur serment d'office, de la même façon qu'un premier ministre, un ministre ou un député, lorsqu'il prend la parole de son siège, dans l'exercice de ses fonctions agit, bien sûr, sous son serment d'office?

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Seulement deux points, M. le Président. Le ministre semble s'étonner qu'un député, qui a pris la parole du premier

ministre quatre ans auparavant, ne trouve pas réjouissant d'apprendre, un bon matin, en lisant la manchette, que "René Lévesque a trompé l'Assemblée nationale". C'est vrai que j'ai trouvé cela particulièrement déprimant parce que je l'ai cru il y a quatre ans. La preuve, si vous examinez le journal des Débats, lorsque j'ai fait le mini-débat le soir même, ce n'est pas sur la participation de son bureau; c'est plutôt sur l'à-propos de faire un règlement hors cour de 200 000 $.

La réponse du premier ministre était tellement catégorique, à savoir que ce n'était ni de près ni de loin dans son bureau, que je l'ai cru. Quatre ans après, on vient me dire: Non, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas réjouissant. Mais, dans le même souffle, par exemple, je trouvais incroyable que le premier ministre ait menti. J'ai tout de suite demandé qu'une enquête publique soit faite. Si j'avais connu, de ma connaissance personnelle, des faits qui auraient prouvé que le premier ministre avait menti, je me serais levé en Chambre et j'aurais pu porter une accusation. Je me demande comment le ministre, qui a aussi fréquenté le prétoire pendant une certaine partie de sa carrière, pourrait recommander à un de ses clients de porter une accusation sans qu'il en détienne la preuve. Vous me permettrez, M. le ministre, d'aller consulter peut-être un de vos confrères plutôt que vous, si jamais je suis mal pris dans l'avenir. (11 heures)

Aussi, peut-être faudrait-il le dire à un moment donné, lorsque le premier ministre m'a tendu ce piège à ours de prendre à ma charge les accusations de la Presse et que j'ai refusé, plusieurs ont conclu que je confirmais qu'il n'y avait rien là. Ce n'est pas du tout cela. La veille, le premier ministre confirmait lui-même qu'il y avait quelque chose puisqu'il venait de convoquer une commission parlementaire pour faire toute la lumière. On ne fait pas des commissions parlementaires basées sur des ragots qui paraissent dans des journaux à potins. Le premier ministre a reconnu qu'il s'agissait d'une accusation très sérieuse et de par la nature de l'institution qui l'apportait, le journal La Presse, et - je présume, parce qu'il ne m'a pas confié ses états d'âme - de par le contenu de l'article et les faits qui y étaient rapportés.

M. le Président, mettre son siège en jeu, cela veut dire quoi? Cela veut dire accuser un collègue. Si cette accusation est suivie d'une motion pour que la commission de l'Assemblée nationale se réunisse et que soit faite une enquête sur l'accusation, si l'accusation est jugée fondée par la commission de l'Assemblée nationale où la majorité siège - je ne dirai pas la majorité servile encore, on verra plus tard... On verra pour le rapport de cette commission. Ce n'est pas un forum indépendant, c'est la commission de l'Assemblée nationale. Si la commission de l'Assemblée nationale trouve que les accusations sont mal fondées, elle peut recommander des sanctions pouvant aller jusqu'à la perte du siège de celui qui a accusé. Mais qui décide? C'est la majorité.

Alors, premièrement, qui va se soumettre à cette espèce de "kangaroo court" où le jury est "chum" avec l'accusé? Deuxièmement, surtout, je dirais, qui pourrait me recommander, comme le ministre vient de le faire, de porter des accusations dont je ne connais pas la preuve? Nous sommes ici pour la faire.

En ce qui concerne la question du serment d'office, M. le Président, je sais qu'à peu près tout le monde dans cette salle a prêté un serment un jour ou l'autre. Les avocats l'ont fait lorsqu'ils ont été admis au barreau, on va voir des avocats qui viennent ici, les serments d'office sur la confidentialité, etc. Mais là, ici, il s'agit de prêter serment que tout ce que l'on va dire sera la vérité, seulement vérité; c'est un serment d'une autre nature.

Le Président (M. Jolivet): Merci. La question m'est posée en vertu de l'article 52 de la Loi sur l'Assemblée nationale, qui dit: "Le président ou tout membre de l'Assemblée, d'une commission ou d'une sous-commission peut demander à une personne qui comparaît devant elle de prêter le serment ou de faire la déclaration solennelle prévus à l'annexe II, laquelle déclaration se lit comme suit: Je, (nom et prénom du témoin), jure (ou déclare solennellement) que je dirai toute la vérité et rien que la vérité."

Compte tenu du fait qu'on a regardé, puisque j'avais à présider cette commission, ce dossier de serment ou de déclaration solennelle, je peux dire au départ que la Loi sur l'Assemblée nationale ne fait aucune restriction quant à ceux qui doivent prêter serment à la demande d'un des membres ou du président de la commission. Pour le moment, c'est un des membres de la commission qui en fait la demande. Il ne s'agit donc pas d'une motion, mais cela peut être simplement l'expression d'un seul membre de la commission en vue d'obliger un témoin à prêter serment.

Si le témoin refusait de prêter serment, en vertu de la Loi sur l'Assemblée nationale, il y a des sanctions qui sont prévues. Je fais simplement la lecture des dispositions pénales au chapitre V de la loi 90, où on dit: "La personne autre qu'un député qui commet un acte ou une omission visés aux articles 55 et 56 commet une infraction et est passible, sur poursuite sommaire, en outre des frais, d'une amende maximale de 10 000 $.

Donc, si le témoin, à la demande d'un des membres, ne s'exécutait pas, il serait automatiquement une personne qui porterait

atteinte aux droits de la commission en dépit du fait que la demande ne provient pas de la commission elle-même mais d'un membre de la commission. Donc, le serment dont il est question ici peut être requis aussi d'un député qui se prêterait - et je fais bien attention aux termes que j'emploie - aux questions des membres de la commission parce que le témoignage serait rendu.

Donc, le témoin qui rend un témoignage faux ou incomplet, qu'il soit assermenté, qu'il fasse la déclaration solennelle ou pas, porte atteinte, en vertu de l'article 55, aux droits de l'Assemblée ou de la commission qui siège actuellement. Je n'en fais pas la nomenclature mais on dit que "nul ne peut porter atteinte aux droits de l'Assemblée". On énumère une série de possibilités qui peuvent se présenter, qui constituent notamment une atteinte aux droits de l'Assemblée.

Par conséquent, la demande ayant été faite, je n'ai qu'à exécuter la demande. Tout témoin qui viendra ici témoigner devant la commission, ou bien prêtera serment ou fera la déclaration solennelle prévue à l'annexe II de la Loi sur l'Assemblée nationale.

La première personne, étant donné que les préliminaires sont faits, à ma gauche et à ma droite, je demanderais à M. Claude Laliberté, président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie-James, de s'avancer à la table devant nous. En conséquence, M. le greffier va demander l'exécution.

Témoignages M. Claude Laliberté

Le greffier (M. Jean Bédard): Voudriez-vous répéter après moi: Je - vos nom et prénom - déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

M. Laliberté (Claude): Je, Claude Laliberté, déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.

Le Président (M. Jolivet): Vous êtes seul, M. Laliberté?

M. Laliberté: Oui, pour le moment.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Vous avez une déclaration préliminaire à faire ou... M. le ministre.

M. Duhaime: M. Laliberté, on vient de nous distribuer un texte qui, j'imagine, va vous servir d'aide-mémoire, je ne sais trop. Mais, avant, je voudrais peut-être que vous précisiez; vous êtes en poste actuellement comme président et directeur de la Société d'énergie de la Baie-James mais vous êtes à cette fonction depuis combien de temps? Depuis quelle date?

M. Laliberté: M. le Président, j'occupe cette fonction depuis le 1er octobre 1978.

Mon mandat est de cinq ans, nomination du premier ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Voulez-vous, M. Laliberté, nous dire quel était le nom de votre prédécesseur à ce poste?

M. Laliberté: M. Boyd.

M. Duhaime: Qui, j'imagine, cumulait les fonctions de P.-D.G. d'Hydro-Québec et de la SEBJ.

M. Laliberté: Oh, la dernière année, durant la dernière année...

M. Duhaime: Avant le 1er octobre 1978?

M. Laliberté: Avant mon arrivée, juste avant mon arrivée exactement.

M. Duhaime: Je vous remercie. Vous avez une déclaration à faire, allez-y.

M. Laliberté: Si la commission m'autorise, M. le Président, je vais lire ma déclaration.

Le Président (M. Jolivet): Vous êtes autorisé.

M. Laliberté: Dans le but de mieux comprendre, en quelque sorte, les circonstances, j'ai cru bon de faire un historique des activités du conseil d'administration sur le dossier.

Il faut donc remonter au 18 mars 1974 pour retrouver les causes immédiates du saccage de LG 2. Ce jour-là, le refus d'un entrepreneur d'expulser deux journaliers affiliés à la CSN donne lieu à un arrêt de travail illégal mais limité au chantier de cet entrepreneur. Cependant, des rassemblements syndicaux ont lieu dans les locaux de la SEBJ. Comme ces locaux sont utilisés sans autorisation malgré les règlements en vigueur, une réprimande écrite de la SEBJ est adressée, le 19 mars, à M. Yvon Duhamel, le représentant du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, affilié à la FTQ.

Pour toute réponse, ce dernier organise un arrêt de travail illégal sur tout le chantier de LG 2 et exige l'expulsion du chantier de l'auteur de la réprimande et, dans le même souffle, le réembauchage d'un

délégué de chantier du local 791, expulsé quelques jours auparavant pour voies de fait. Le lendemain, donc le 20 mars, le chef de chantier informe les représentants syndicaux qu'il lui est impossible d'accepter leurs demandes. Ce refus déclenche le saccage du 21 mars 1974 qui, par les dommages considérables qu'il cause, prive le chantier d'eau, d'électricité et de chauffage par un froid de moins 25 degrés Celcius et force ainsi l'évacuation des travailleurs. De plus, au lendemain du saccage, les syndicats en attribuent la responsabilité à la SEBJ.

Le campement n'est rouvert que 51 jours plus tard et il faut un mois additionnel pour remobiliser complètement le chantier et ramener l'effectif au même niveau que celui du 21 mars 1974.

Les dommages physiques et les pertes matérielles qui en résultent et pour lesquels la société d'énergie est assurée, se chiffrent par un peu plus de 1 000 000 $. Les dommages additionnels subis par la SEBJ, incluant les frais d'évacuation et de remobilisation, les coûts additionnels de rattrapage, la remise en état du chantier et les coûts additionnels d'assurance se chiffrent, eux, à 31 000 000 $. C'est cette somme qui fait l'objet de la cause instituée par la SEBJ en Cour supérieure.

L'enquête du commissaire des incendies, qui débute le 23 mars 1974, donne lieu à plusieurs conclusions de la part du notaire Cyrille Delage. Il rend son verdict le 15 juillet suivant et affirme que, et je cite: "L'incendie d'une partie des installations de la Société d'énergie de la Baie-James a été causé de façon volontaire et est un incendie d'origine criminelle."

Le saccage de LG 2 donne lieu, dès le 27 mars 1974, à la création d'une commission d'enquête présidée par feu le juge Robert Cliche. Cette commission remet son rapport le 2 mai 1975. Ce rapport contient 134 recommandations portant sur le libre exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction.

Maintenant, voyons comment la SEBJ en est arrivée à inscrire une poursuite en Cour supérieure, le 26 février 1976. Le conseil d'administration de l'époque décide d'abord de retenir, à compter d'octobre 1974, les services de l'étude juridique Pouliot, Dion et Guilbault. À la fin de 1975, le conseil d'administration décide de faire appel à une autre étude juridique, Geoffrion, Prud'homme et Associés, pour agir conjointement avec la précédente. Leur mandat est de formuler des recommandations quant aux recours en dommages auxquels la SEBJ a droit par suite du saccage de LG 2.

Le 16 décembre 1975, Geoffrion, Prud'homme et Associés émettent une opinion dans laquelle ils concluent que les règles de droit pertinentes et l'ensemble des faits qu'ils connaissent justifient que la SEBJ prenne action contre Yvon Duhamel, Michel Mantha, Maurice Dupuis, le local 791 et l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec.

Ils poursuivent en affirmant que, si la cour retient le principe qu'un délégué de chantier est véritablement le représentant ou le mandataire de son syndicat, la SEBJ a de bonnes chances d'établir la responsabilité de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique. Ils pensent également qu'il y a des éléments de preuve qui permettent d'établir celle de l'International Union of Operating Engineers, de René Mantha, d'André Desjardins et du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction.

Après avoir pris connaissance de ce rapport et en avoir discuté avec les procureurs, le conseil d'administration donne instruction, en janvier 1976, d'instituer contre les responsables des procédures judiciaires en Cour supérieure du district de Montréal. (11 h 15)

L'action est intentée le 26 février 1976. Par ces procédures, la SEBJ vise les trois objectifs fondamentaux de toute poursuite civile. Je me permets de vous les rappeler: Premièrement, faire déclarer responsables les individus ou les institutions désignées dans la poursuite; deuxièmement, faire établir le montant des dommages subis et, troisièmement, exécuter, si possible, le jugement advenant que la décision rendue est favorable.

Voilà la situation, donc, lorsque j'entre en fonction comme président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie-James, le 1er octobre 1978.

Avant d'entreprendre la chronologie des événements qui mènent au règlement dont il est question, je désire rappeler les changements apportés à la représentativité et à la composition du conseil d'administration de la SEBJ par la loi 41 adoptée en 1978.

Le conseil d'administration de la SEBJ comprend onze membres, au lieu de cinq comme précédemment. Ceux-ci proviennent de l'extérieur de l'entreprise majoritairement. Il se compose du président du conseil, M. Lucien Saulnier, nommé pour deux ans, du P.-D.G. d'Hydro-Québec, M. Robert Boyd et de moi-même, nommés tous les deux pour une durée de cinq ans, et de huit autres membres dont le mandat est de deux ans: Mme Nicolle Forget, MM. Georges Gauvreau, Roland Giroux, Hervé Hébert, Pierre Laferrière, Guy Monty, Claude Roquet et André Thibaudeau.

La première implication du conseil dans le dossier des poursuites relatives au saccage de LG 2 remonte au 20 novembre 1978, alors qu'il adopte une résolution qui approuve un engagement monétaire estimé à 500 000 $ pour l'année 1979 afin de couvrir les

honoraires et autres dépenses des procureurs. À cette occasion, le conseil prend connaissance de tous les éléments juridiques dont je vous ai fait part plus haut.

Mentionnons que nous connaissons alors la date du procès, le 15 janvier 1979, sa durée probable, six mois, et le nom du juge qui doit le présider, l'honorable juge Claude Bisson.

À la réunion du conseil, la semaine suivante, soit le 27 novembre, une première étude est demandée sur les liens de responsabilité financière des défendeurs et sur leur capacité de payer.

À la réunion du 11 décembre 1978, les administrateurs prennent connaissance des opinions émises en 1975 par nos procureurs et qui ont mené à la décision d'engager des poursuites.

Le 3 janvier 1979, je rencontre brièvement, au bureau du premier ministre à Montréal, M. Jean-Roch Boivin qui m'informe du souhait du premier ministre qu'un règlement hors cour intervienne.

À la réunion du conseil du 9 janvier 1979, deux documents, que je me permettrai de citer, sont déposés. En premier lieu, l'étude demandée en novembre à nos procureurs et portant sur la solvabilité des défendeurs. Cette étude est datée du 5 janvier. La principale conclusion se lit comme suit: "Hormis l'International Union of Operating Engineers, la solvabilité de tous les autres défendeurs est extrêmement relative." L'étude rappelle cependant que les cotisations dues par les syndiqués aux organismes syndicaux dont la responsabilité aura été établie pourraient être saisies en exécution d'un jugement.

Le deuxième document est un rapport interne préparé par des gestionnaires de l'entreprise et qui trace, à l'intention des membres du conseil, l'historique de la cause dans laquelle s'est engagée la SEBJ en 1976. Ce document se termine par les rappels suivants: "En instituant cette action, la société d'énergie était consciente du fait que la plupart des défendeurs ne seraient pas en mesure de pouvoir satisfaire à un jugement rendu dans cette cause..."

Cependant, elle était consciente qu'à titre d'entreprise à caractère parapublic, gérant des fonds et des biens du domaine public, elle se devait de tenir les individus et organismes responsables de leurs actes dans le but d'établir un climat de confiance pour les travailleurs et les entrepreneurs présents et futurs sur les chantiers de la Baie-James.

Le rapport conclut également qu'"il est important pour le maintien de ce climat de confiance, qui est devenu apparent depuis la reprise des travaux à la Baie-James et l'institution de l'action, que les responsabilités des parties soient déterminées par le tribunal et que la société d'énergie soit reconnue comme un organisme qui ne fléchit pas dans la poursuite d'un but qu'elle reconnaît amplement justifié".

Après discussion du dossier, les membres du conseil se disent d'avis que les décisions prises antérieurement par le conseil d'administration de la SEBJ relativement à la poursuite n'ont pas à être modifiées. Compte tenu qu'il n'y a aucun élément nouveau au dossier, les membres du conseil considèrent que la cause doit suivre son cours devant les tribunaux.

Comme je vous l'indiquais précédemment, l'ouverture du procès avait été fixée au lundi 15 janvier. A la toute veille, cependant, soit le vendredi 12 janvier, nos procureurs m'informent qu'une offre de règlement hors cour est en préparation de la part de certains défendeurs.

Le jour de l'ouverture du procès, je rencontre nos avocats qui désirent obtenir une précision de mandat en rapport avec cette offre de règlement éventuelle. Je leur indique clairement que leur mandat se limite à écouter les offres des défendeurs.

La première offre écrite de règlement m'est présentée, le 17 janvier, par Me Michel Jasmin qui dit détenir un mandat de la part de trois des cinq syndicats impliqués: l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et l'Union des opérateurs du Québec.

Deux syndicats sur cinq reconnaissent leur responsabilité et le dédommagement proposé est de 50 000 $, incluant la part des assureurs. J'informe nos procureurs que cette offre n'est pas acceptable parce que seulement deux syndicats sur cinq reconnaissent leur responsabilité et que le montant du dédommagement est beaucoup trop faible. Néanmoins, je vous ferai remarquer que c'est la première fois qu'un syndicat fait une admission de sa responsabilité.

Le 22 janvier, je reçois une nouvelle offre de règlement au montant de 125 000 $ de la part du procureur de l'International Union of Operating Engineers, représentant la position cette fois de l'ensemble des syndicats dans cette cause.

Cette nouvelle démarche de la part des défendeurs mérite qu'on y porte attention puisque deux des cinq syndicats reconnaissent l'existence d'un lien de responsabilité avec les auteurs du saccage. L'un de ces deux syndicats, le local 791, reconnaît même qu'une partie substantielle de la réclamation est fondée.

En outre, à mesure que le temps passe, je doute de plus en plus de nos chances de pouvoir éventuellement faire exécuter un jugement contre l'International Union of Operating Engineers.

Je constate également que le procès coûte présentement à la SEBJ près de

25 000 $ par semaine. À la réunion du conseil du 23 janvier, j'informe mes collègues que je suis personnellement favorable à un règlement hors cour et je les invite dès ce moment à explorer cette possibilité à la lumière des faits nouveaux admis par la partie syndicale. Après une longue discussion, le conseil reporte toute décision à une séance ultérieure.

Le 30 janvier, le sujet revient à l'ordre du jour. Devant les interrogations soulevées par plusieurs administrateurs, il est proposé que le président du conseil sollicite une entrevue auprès du premier ministre pour connaître sa position à ce sujet. Cette rencontre a lieu le 1er février. J'y assiste en compagnie du président du conseil et du président-directeur général d'Hydro-Québec. Le premier ministre, accompagné de son chef de cabinet, expose les raisons pour lesquelles il favorise un règlement hors cour.

Le 5 février, je prends connaissance de deux rapports distincts préparés par les procureurs des syndicats faisant part de considérations diverses à l'appui de leur proposition de règlement hors cour. Lors de la réunion du conseil d'administration du 6 février, le président du conseil fait rapport aux membres de la rencontre tenue avec le premier ministre, et je cite ici un extrait du procès-verbal: "Le président du conseil informe les membres que le chef du gouvernement souhaite que soient explorées les possibilités d'un règlement hors cour de cette cause". Les membres du conseil prennent connaissance des deux rapports du 5 février auxquels sont jointes les offres de règlement des 16 et 22 janvier. Après discussion, ils décident unanimement de donner le mandat à nos procureurs d'explorer auprès des syndicats la possibilité d'un règlement hors cour sur la base d'une reconnaissance par tous les défendeurs de leurs responsabilités pour les dommages; du paiement à la compagnie d'une somme d'argent qui pourrait lui être acceptable; le tout sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances soient réglées préalablement.

À la suite de cette réunion, le président du conseil demande à nos procureurs une nouvelle opinion sur la possibilité de faire exécuter un jugement aux États-Unis. Le 13 février 1979, les procureurs de la SEBJ me soumettent un rapport assorti d'une nouvelle proposition de règlement datant de la veille. En résumé, l'offre globale est augmentée à 175 000 $, soit 100 000 $ pour la SEBJ et 75 000 $ pour les assureurs. Bien que contribuant au versement de ces montants dans une proportion de 50%, l'International Union of Operating Engineers refuse toujours de faire un aveu de responsabilité.

Je prends connaissance, le 19 février, des résultats de l'étude demandée par le président du conseil. Voici les principales conclusions de cette étude: 1o Il est possible et même probable que toute demande adressée par la SEBJ devant un tribunal américain sera contestée; 2o L'union américaine dispose de fonds considérables et a les moyens d'en appeler jusqu'au plus haut tribunal du pays, ici comme aux États-Unis; 3o Toutes ces procédures pourraient être très longues et entraîneraient de part et d'autre des frais considérables. (11 h 30)

C'est ce nouvel éclairage que donnent nos procureurs aux membres du conseil d'administration le 20 février. L'espoir d'un recouvrement du côté américain s'atténue. Après discussion, le conseil décide unanimement: lo De requérir les états financiers les plus récents des syndicats québécois; 2 de proposer aux procureurs des défendeurs les termes d'un règlement hors cour de ladite cause sur la base: 1° d'une reconnaissance par tous les défendeurs de leur responsabilité pour les dommages; 2 du paiement à la compagnie d'une somme représentant substantiellement les frais juridiques encourus à ce jour; 3° le tout sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient réglées préalablement.

Le 27 février, je reçois de nos procureurs, en présence du président du conseil, une nouvelle proposition de règlement accompagnée du rapport sur les états financiers des syndicats québécois. L'offre de règlement se résume comme suit: 1° un troisième syndicat québécois reconnaît sa responsabilité; 2° le montant des dommages réclamés est considéré comme fondé pour une part substantielle; 3 le montant du dédommagement passe de 175 000 $ à 300 000 $, soit 200 000 $ à la SEBJ et 100 000 $ à ses assureurs.

L'étude des états financiers permet de conclure à l'incapacité des syndicats québécois de payer des sommes supérieures à celles proposées. Ces documents sont soumis au conseil à sa réunion du 6 mars. Après discussion, le conseil d'administration de la SEBJ décide majoritairement d'autoriser un règlement sur la base de cette proposition. L'entente est signée le 12 mars 1979 et une copie des documents est versée au dossier à la réunion du conseil du 20 mars.

Si je reprends les éléments du règlement hors cour, j'en conclus que cette décision a été sage puisque le règlement hors cour comporte un aveu de responsabilité de la part des principaux défendeurs. C'est là un fait rare dans les annales judiciaires. Pour nous, cet élément était primordial étant donné que, lors du saccage, les défendeurs avaient laissé entendre que la SEBJ était responsable des événenements.

En deuxième lieu, le règlement établit que la réclamation est fondée pour une part

substantielle selon certain des défendeurs. Ce point était également très important pour nous car il avait été mis en cause tout au long des procédures. De telles admissions, incorporées à un règlement hors cour, ont une portée souvent comparable à celle d'un jugement.

Troisièmement, en ce qui a trait à la question des montants récupérés, on peut penser, que si, au bout du compte, le lien de droit avait été établi avec l'International Union of Operating Engineers, la SEBJ a laissé échapper des millions de dollars. J'ai personnellement la conviction que la possibilité de récupérer des sommes importantes de la centrale syndicale américaine, advenant un jugement favorable à notre cause, était bien douteuse. Je demeure également convaincu, compte tenu des opinions reçues et des pièces justificatives au dossier, que le montant final, soit 200 000 $ versés à la SEBJ et 100 000 $ versés à ses assureurs, représente un montant raisonnable en regard de la capacité de payer des syndicats québécois impliqués.

J'aimerais rappeler, pour compléter cet exposé des faits, que, en ce qui a trait aux dommages directs, la SEBJ a reçu de ses assureurs une somme de plus de 1 100 000 $, en plus des 200 000 $ du règlement hors cour.

À la lumière de tous ces éléments, je continue à croire que la décision d'accepter le règlement hors cour, tel que libellé, a constitué une saine décision administrative. Cette décision, je la reprendrais encore aujourd'hui. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Laliberté. Avant de passer à l'interrogation par le ministre, j'aimerais vous dire que j'appliquerai le règlement qui indique que les questions et les réponses doivent porter sur un laps de temps de 20 minutes. Nous ferons l'alternance, quitte à revenir pour des questions additionnelles. On m'a demandé d'être souple au départ. Donc, le ministre pourra avoir 20 minutes ainsi que le représentant de l'Opposition. Si, par la suite, tous les intervenants veulent y revenir, ils le pourront. M. le ministre. Oui, M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, j'ai avec moi les extraits des procès-verbaux de la SEBJ du 20 novembre 1978 au 30 mars 1979, traitant des procédures judiciaires instituées par la SEBJ dans cette affaire. Cependant, il manque l'extrait de la réunion du 11 décembre 1978, lequel sera disponible plus tard aujourd'hui. Je peux vous le distribuer, si vous le permettez.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Duhaime: M. le Président, pour les fins des travaux de notre commission, je pense qu'il faudrait accepter. J'allais vous le demander de toute façon. Est-ce que vous pouvez déposer ces documents? Ce sont les procès-verbaux du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James? De quelle date à quelle date?

M. Laliberté: Du 20 novembre 1978 au 30 mars 1979. Ce sont tous les documents qui traitent des procédures juridiques.

M. Duhaime: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): Quelqu'un ira les chercher.

M. Laliberté: Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais, avant de poser d'autres questions, vous demander, M. Laliberté, en suivant la déclaration que vous venez de lire... À la page 4 de votre déclaration, vous dites: "Le 16 décembre 1975, Geoffrion, Prud'homme et Associés émettent une opinion dans laquelle ils concluent que les règles de droit pertinentes et l'ensemble des faits qu'ils connaissent justifient que la SEBJ prenne action contre Duhamel, etc." Avez-vous cette opinion juridique des procureurs Geoffrion,

Prud'homme et Associés avec vous? Si elle était disponible, je vous en fais maintenant la demande. Je vous en demanderai d'autres. Si quelqu'un, à vos côtés, pouvait les noter et en cours de journée ou à la suspension, entre 13 heures et 15 heures, vous pourriez faire faire cet inventaire, parce qu'on va très certainement en avoir besoin ensuite pour la bonne marche de nos travaux. Alors, il y a cette première opinion juridique.

Je voulais aussi vous demander de déposer, pour les fins de la commission, ce que vous évoquez vous-même en page 7. Oui, pardon?

M. Laliberté: En réponse à cette première question, ce sera déposé avec le procès-verbal de la réunion du 11 décembre, qui n'est pas dans le document que vous avez présentement. Mais lorsqu'on l'aura, elle sera déposée...

M. Duhaime: Avec le procès-verbal de la réunion du 11 décembre 1978?

M. Laliberté: À cette réunion du 11 décembre, les administrateurs avaient exigé justement cette série de documents. D'accord?

Le Président (M. Jolivet): Simplement pour les besoins de notre façon de

fonctionner, c'est une distribution qui est faite aux membres et non pas un dépôt, afin d'éviter qu'ils soient inclus au journal des Débats.

M. Duhaime: Cela pourrait être utile pour ceux qui nous reliraient un jour. Je le regrette.

À la page 7 de votre déclaration, M. Laliberté, vous référez à deux documents: le premier est l'étude demandée à vos procureurs portant sur la solvabilité des défendeurs. Cette étude est datée du 5 janvier 1979. Est-ce que cette opinion juridique est également disponible pour les fins de distribution?

M. Laliberté: Elle est annexée à la réunion du 9 janvier.

M. Duhaime: Le deuxième document, dont vous parlez, qui est un rapport interne préparé par les gestionnaires de l'entreprise, fait-il également partie du document qui est déjà déposé?

M. Laliberté: De la réunion du 9 janvier.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Le rapport des gestionnaires est à la page 16 du document. Le rapport de nos procureurs est à la page 24.

M. Duhaime: Merci. Dans votre déclaration de ce matin, à la page 9, vous parlez d'une première offre écrite de règlement qui vous est présentée le 17 janvier. Je dois lire, j'imagine, d'après la chronologie, cela doit être le 17 janvier 1979...

M. Laliberté: C'est bien cela.

M. Duhaime: Est-ce que ce document qui comporte une offre est également déposé?

M. Laliberté: Oui.

M. Duhaime: Oui.

M. Laliberté: À la réunion du conseil du 6 février.

M. Duhaime: À la page 12, vous dites: "Les membres du conseil prennent connaissance des deux rapports du 5 février auxquels sont jointes les offres de règlement des 16 et 22 janvier. Après discussion, ils décident unanimement de donner mandat à nos procureurs d'explorer auprès des syndicats la possibilité d'un règlement hors cour."

Est-ce que vous pourriez, à l'aide du procès-verbal, nous donner la liste des personnes présentes à ce conseil d'administration qui a pris une décision unanime?

M. Laliberté: M. le Président, c'est à la page 69 de votre document. Nous sommes donc à la réunion du 6 février. Les personnes présentes sont: MM. Saulnier, Laliberté, Boyd, Mme Forget, MM. Gauvreau, Giroux, Hébert, Laferrière et Roquet. Se sont excusés: MM. Monty et Thibaudeau.

M. Duhaime: À l'aide du procès-verbal de votre réunion du 6 mars 1979, le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James décide majoritairement d'autoriser un règlement sur la base de cette proposition. Est-ce que vous avez cette bonne ou mauvaise habitude, je ne sais pas, de noter, lorsque les votes sont pris, combien sont pour, combien sont contre et qui est pour et qui est contre, ou bien si vous dites comme certains jours à l'Assemblée nationale: Adopté, sur division?

M. Laliberté: À la page 140, le quatrième paragraphe: "Après discussion sur proposition dûment faite et appuyée et après un vote à main levée suite auquel six membres présents ont voté pour la proposition, trois membres présents ont voté contre la proposition et un membre présent s'étant abstenu, il est majoritairement résolu..."

M. Duhaime: Alors, il n'y a pas d'indication des noms à votre procès-verbal.

Je tiens pour acquis que l'entente signée le 12 mars 1979 et une copie des documents versés au dossier à la réunion du conseil du 20 mars, nous les avons d'ores et déjà en main avec les autres documents que vous avez déposés en liasse tout à l'heure. L'entente hors cour.

M. Laliberté: Oui.

M. Duhaime: Je me réfère à la page 15 de votre déclaration, à la toute fin.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: La question, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): À la page 15.

M. Duhaime: À la page 15, le dernier paragraphe, les deux dernières lignes.

M. Laliberté: Oui.

M. Duhaime: Vous dites: "L'entente est signée le 12 mars 1979 et une copie des

documents est versée au dossier à la réunion du conseil du 20 mars." Alors, je tiens pour acquis que c'est une entente signée par les procureurs des parties et qui constitue le règlement hors cour.

M. Laliberté: C'est bien cela.

M. Duhaime: Est-ce que cela fait partie du document que vous avez déposé tout à l'heure?

M. Laliberté: Oui, à la page 181, M. le Président.

M. Duhaime: À la page 181.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté, j'ai remarqué que des gens vous accompagnent. Ils peuvent s'asseoir à côté de vous, si vous le désirez, pour...

M. Laliberté: ...faciliter.

Le Président (M. Jolivet): C'est cela.

M. Laliberté: M. le Président, à ma droite, Me André Gadbois qui était l'avocat en chef de la Société d'énergie de la Baie-James au moment de la poursuite et qui est présentement le chef du contentieux d'Hydro-Québec. À ma gauche, Me Jean Bernier qui est le secrétaire de la Société d'énergie de la Baie-James.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Duhaime: M. Laliberté, peut-être que vos procureurs pourraient vous aider. Je sais que vous êtes plutôt fort en ingénierie. Est-ce que, lorsque vous vous référez à l'entente signée, vous vous référez à la déclaration de transactions faites suivant les articles 18, 19 et suivants du Code civil, tel que cela apparaît à la page 187 et suivantes du document que vous avez déposé tout à l'heure?

Le Président (M. Jolivet): M. Gadbois.

M. Gadbois (André): Oui, nous faisons référence à ce document mais en plus des déclarations de règlement hors cour qui ont été signées par chacun des défendeurs dans la cause. (11 h 45)

M. Duhaime: Est-ce qu'on pourrait avoir une précision tout de suite? À quel jour, exactement, la déclaration de règlement hors cour a-t-elle été déposée devant la Cour supérieure?

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. J'ai fait mention d'une chose. C'est M. Laliberté qui est le témoin. Les gens peuvent lui donner les renseignements mais c'est M. Laliberté qui doit répondre.

M. Laliberté: M. le Président, la réponse est le 13 mars.

M. Duhaime: Le 13 mars. M. Laliberté: 1979.

M. Duhaime: Bon. Alors, M. Laliberté, je voudrais vous demander quelques précisions à la suite de la déclaration que vous venez de faire devant cette commission; ensuite, peut-être que mes collègues auront des questions eux aussi.

À la page 2, vous référez au saccage du 21 mars 1974 "qui, par les dommages considérables qu'il cause, prive le chantier d'eau, d'électricité et de chauffage". Est-ce qu'on peut conclure que c'étaient des génératrices qui avaient été endommagées et brisées au point de les rendre complètement inopérantes?

M. Laliberté: C'est bien le cas, M. le Président. Nous possédions à ce moment deux génératrices de 800 kilowatts dont l'une a été endommagée le jour du saccage.

M. Duhaime: Est-ce que vous pouvez préciser à la commission en combien de temps, à partir du 21 mars 1974, ces génératrices ont été réparées, remises en marche ou remplacées?

M. Laliberté: M. le Président, j'ai dit dans ma déclaration que le chantier a été rouvert 52 ou 53 jours plus tard et ce n'est qu'un mois après ces 53 jours que le chantier a retrouvé la totalité du personnel qu'on avait dû évacuer au moment même du saccage.

M. Duhaime: Oui, mais ma question est la suivante: Vous dites, 51 jours plus un mois additionnel. Donc, en gros, 80, 81 jours avant que le chantier ne reprenne son rythme normal. J'imagine que cela ne prend pas 80 ou 81 jours pour remonter deux génératrices de 800 kilowatts. Est-ce que je pourrais avoir cette précision, si elle est disponible? Si vous n'avez pas la réponse, vous pouvez vous retourner vers les techniciens ou les ingénieurs qui se sont occupés du dossier, prendre note de cette question et y répondre plus tard.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté, vous allez répondre plus tard, si je comprends bien?

M. Laliberté: Oui, on prend note.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Duhaime: À la page 2, vous dites

toujours: "Les dommages physiques et les pertes matérielles qui en résultent et pour lesquelles la Société d'énergie de la Baie-James est assurée se chiffrent à un peu plus de 1 000 000 $." Vous nous avez dit plus loin que les assurances ont payé 1 100 000 $ plus 200 000 $ payés par les syndicats, ce qui fait un 1 300 000 $. Est-ce que je dois comprendre de votre déclaration, M. Laliberté, que les dommages physiques et les pertes matérielles ont été payés presque à 100%?

M. Laliberté: Oui, on peut en déduire qu'ils ont été payés à plus de 100% parce que les assurances ont payé effectivement 1 100 000 $; elles ont refusé de payer un autre montant de 100 000 $. Je ne pourrais vous dire exactement en quoi cela pouvait consister et il y avait un autre montant de 100 000 $ résiduel qui faisait partie de la réclamation comme telle, ce qui veut dire aux alentours de 1 300 000 $.

Donc, le montant de 1 100 000 $ souscrit par les assureurs, plus les 200 000 $ obtenus du règlement hors cour donnent un montant d'argent substantiellement équivalent aux dommages physiques et matériels sur le chantier.

M. Duhaime: Cette réclamation de 31 000 000 $, peut-être que Me Gadbois, qui est à vos côtés, pourrait vous aider - moi-même je vais essayer de me retrouver -c'est 180...

Une voix: 181...

M. Duhaime: ...la déclaration détaillée, telle que déposée devant la cour avec le bref d'assignation, j'imagine, qui se chiffre à 31 000 000 $. Ma question va être très simple. J'imagine qu'il doit y avoir des allégués de dommages très précis et ensuite, sous une rubrique plus générale, dommages généraux. Je voudrais peut-être que vous nous donniez le détail, s'il vous est disponible, de cette réclamation de 31 000 000 $, sans aller dans les cents. On n'en est pas à une piastre près si on poursuit pour 31 000 000 $ mais je voudrais peut-être avoir les grands blocs, M. Laliberté.

M. Laliberté: Si vous permettez, M. le Président, Me Gadbois...

Le Président (M. Jolivet): Je n'ai malheureusement aucun pouvoir de vous le permettre, c'est vous qui...

M. Laliberté: C'est moi qui décide?

M. Duhaime: Je le consentirais volontiers.

Le Président (M. Jolivet): À moins que les membres... C'est parce que le serment est prêté par M. Laliberté, en vertu de la loi.

M. Duhaime: Je ne voudrais pas que Me Gadbois témoigne avec le serment de son voisin, mais je serais prêt à donner tout de suite mon consentement pour que, si l'Opposition était d'accord, si besoin est... Quant à moi, cela m'est égal, mais, si on pense que c'est mieux d'assermenter Me Gadbois, qu'on le fasse sur-le-champ. Je pense que cela sera même moins compliqué que de voir Me Gadbois passer une demi-heure à souffler les réponses dans l'oreille du président de la Société d'énergie de la Baie-James.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Si vous le permettez, je peux lire la description des dommages. On les trouve à la page 51 du document qu'on vous a distribué. Est-ce qu'on tient à lire...

M. Duhaime: Peut-être avoir les blocs.

M. Laliberté: À l'article 68, on a parlé des dommages physiques et des pertes matérielles qui étaient évaluées à 1 230 000 $. Donc, un tableau en est fourni comme pièce de support P-4.

M. Duhaime: Je m'excuse, M. Laliberté. Lorsque vous parlez de l'article 68, vous parlez du paragraphe 68 de la déclaration de la Société d'énergie de la Baie-James?

M. Laliberté: C'est cela, oui.

M. Duhaime: Dans le dossier de cour no... On va le donner parce que j'écoutais attentivement le député de Marguerite-Bourgeoys tantôt et j'ai l'impression qu'on va peut-être s'en reparler. Alors, c'est le dossier no 500-05-003562-764, Cour supérieure, district de Montréal.

M. Laliberté: Qui débute à la page 34.

M. Duhaime: À l'article 68, c'est 1 200 000 $, chiffres arrondis.

M. Laliberté: 1 230 000 $ et on remarque, au paragraphe 69, qu'il y a un résidu, comme je le mentionnais tout à l'heure, de 97 538 $.

M. Duhaime: Pourquoi?

M. Laliberté: M. le Président, c'est évidemment une partie que je n'ai pas vécue personnellement. Si vous tenez à avoir ce détail, on peut faire en sorte de faire venir les personnes impliquées.

M. Duhaime: Ah bon! Mais...

M. Laliberté: Mais je vous avoue que...

M. Duhaime: Non. Cela répond. On lit les paragraphes 68 et 69 en même temps. Il y a une réclamation de 1 200 000 $. Les assurances ont payé 1 132 000 $ et il restait 97 000 $ à réclamer. Ce qui est fait au paragraphe 69, si je comprends bien.

M. Laliberté: C'est cela.

M. Duhaime: Alors, il y a 69 000 $ réclamés au paragraphe...

M. Laliberté: 97 000 $ au paragraphe 69.

M. Duhaime: Pardon, 97 000 $ au paragraphe 69. Oui.

M. Laliberté: Au paragraphe 78, c'est le dommage sur les groupes générateurs. Excusez-moi, paragraphe 70, 46 000 $ ou 47 000 $.

Paragraphe 71, à la page 52... Excusez.

M. Duhaime: N'allez pas trop vite, M. Laliberté.

M. Lalonde: M. le Président, si cela peut aider, nos services ont préparé une petite liste de la réclamation. On pourrait la distribuer. Peut-être que le ministre veut suspendre la séance pour faire son "home work"...

M. Duhaime: Non, je vous remercie.

M. Lalonde: Non?

M. Duhaime: Mon "home work" est fait.

M. Lalonde: Oui? Je l'ai tout ici, cela tombe à...

M. Duhaime: J'ai fait tous mes devoirs, je vous remercie. Quand je reçois une offre de vous, je deviens généralement très méfiant. Alors, j'aimerais mieux l'entendre du président de la Société d'énergie de la Baie-James. Au paragraphe 70, il y a un montant de 47 000 $ qui est réclamé. Au paragraphe 71, c'est?

M. Laliberté: Au paragraphe 71, donc, il s'agit d'un camion appartenant à la SEBJ qui a été incendié: 4800 $.

M. Duhaime: Paragraphe 72.

M. Laliberté: Paragraphe 72, la perte de nourriture, propriété de la défenderesse: 1981 $.

M. Duhaime: Au paragraphe 73, c'est un allégué général. Paragraphe 74.

M. Laliberté: Paragraphe 74, il s'agit de réclamations de la part de laboratoires qui avaient du personnel sur le chantier au moment du saccage: 23 400 $.

M. Duhaime: Ensuite, on va au paragraphe 76.

M. Laliberté: On va au paragraphe 76. Ce sont les réclamations des entrepreneurs au moment même du saccage. Donc, Spino, Désourdy, les Comptoirs Abitibi, Bédard, Girard et Crawley, pour un total de 1 967 000 $.

M. Duhaime: Ensuite, vous allez au paragraphe 77.

M. Laliberté: Au paragraphe 77, d'autres entrepreneurs, mais associés à la SDBJ, dans le cas de Désourdy, pour un total de 78 700 $. Donc, les entrepreneurs qui oeuvraient pour d'autres personnes physiques que la SEBJ.

M. Duhaime: Ensuite, vous allez aux paragraphes 79 et 80?

M. Laliberté: Les paragraphes 78 et 79, en fait, c'est l'amas de construction. Par suite de la fermeture du chantier, cet entrepreneur a présenté une réclamation de 329 000 $. C'est en 1979 et 1980, effectivement.

M. Duhaime: Ensuite.

M. Laliberté: En 1981, Spino Construction, qui avait la responsabilité du percement des galeries de dérivation, 188 000 $, et celui octroyé à Impreglio Spino, 21 000 $, pour tenir compte, évidemment, des modifications dans les travaux. C'est la grosse partie de la réclamation. Impreglio Spino a réalisé le barrage principal de LG 2 et il était à la veille de commencer ses travaux au moment où le saccage a eu lieu.

M. Duhaime: II faudrait peut-être vous demander une précision. Au paragraphe 81 de la déclaration, si je comprends bien, on réclame 188 377 $ pour un contrat à Spino Construction?

M. Laliberté: Ce contrat, c'est le percement des galeries de dérivation, contrat qui avait débuté - si ma mémoire est bonne - en 1972.

M. Duhaime: L'autre élément du paragraphe 81, c'est un montant de dommage qui est réclamé pour une somme de

21 313 875 $.

M. Laliberté: C'est bien cela.

M. Duhaime: Pour un ajout qui aurait été octroyé à la firme Impreglio et Spino Ltée?

M. Laliberté: C'est cela. Un ajout au contrat, dès l'adjudication de ce contrat.

M. Duhaime: Vous pouvez continuer avec les autres paragraphes.

M. Laliberté: On dit, au paragraphe 82, que, à cause de la fermeture du chantier, évidemment, une bonne partie du personnel de la SEBJ s'est retrouvée affectée à des tâches tout à fait improductives. Pour cette raison, on réclame - au paragraphe 83 -301 000 $.

M. Duhaime: Oui, ensuite vous allez au paragraphe 84.

M. Laliberté: Paragraphe 84, évacuation sur les autres chantiers, 102 000 $.

M. Duhaime: Paragraphe 85.

M. Laliberté: Paragraphe 85, majoration des primes d'assurance à la suite du saccage, 5 869 000 $.

M. Duhaime: 5 869 000 $, oui.

M. Laliberté: Paragraphe 86, certains frais additionnels de transport, 16 000 $. Paragraphe 87, pour permettre la recherche de solutions de rechange, évidemment, cela a pris du temps technique - si on peut employer l'expression - 167 000 $.

M. Duhaime: Oui, paragraphe 88.

M. Laliberté: Paragraphe 88, donc, la remise...

M. Duhaime: Donnez-nous seulement le total.

M. Laliberté: ...en état du chantier comme tel, les éléments sont élaborés là, 376 000 $.

M. Duhaime: Paragraphe 89.

M. Laliberté: Donc, au paragraphe 89, il s'agit de la fermeture du chantier de LG 3, 388 000 $, pour finalement en arriver au total de 31 275 000 $.

M. Duhaime: Bon. Suivant la déclaration qui est déposée devant la cour, on réclame 31 000 000 $ au total, dont 21 000 000 $ est un montant de dommages présumés pour

Impreglio et Spino Construction; un montant de 5 800 000 $ qui est la majoration d'une prime d'assurance; ce qui fait 26 000 000 $. Il resterait 5 000 000 $ qui étaient réclamés au moment où l'action a été intentée, en 1976; c'est ce que vous avez mentionné tout à l'heure; vous le dites vous-même dans votre propre déclaration à la page 2. C'est sur cette déclaration que je voudrais avoir un éclaircissement. Est-ce que cela veut dire que les 5 000 000 $, c'est-à-dire tous les montants à part les 21 000 000 $ et les 5 800 000 qui sont la majoration de la prime d'assurance, les dommages matériels qui étaient de 5 000 000 $, est-ce que c'est ce montant qui, dans votre esprit, devient un peu plus d'un million de dollars, suivant ce que vous nous avez dit tout à l'heure.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, je ne saisis pas très bien la question, est-ce qu'on pourrait la répéter, s'il vous plaît?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. (12 heures)

M. Duhaime: Dans la déclaration qui est devant la cour, on réclame 31 000 000 $. Je vais prendre trois éléments. D'abord, vous avez 21 000 000 $ pour des postes réclamés en ajout d'un contrat, c'est le paragraphe 81 de la déclaration. Ensuite, vous avez un montant de 5 869 132 $ au paragraphe 85 de la déclaration, qui est une prime d'assurance supplémentaire. Tout le reste, mathématiquement, nous donne autour de 6 000 000 $. Ma question est la suivante. Dans votre déclaration, à la page 2, vous dites: "Les dommages physiques et les pertes matérielles qui en résultent et pour lesquels la société d'énergie est assurée se chiffrent à un peu plus de 1 000 000 $." Alors, on parlait tantôt de 1 100 000 $ payés par les compagnies d'assurances et 200 000 $ que vous avez obtenus dans un règlement hors cour. Est-ce que ce montant de 1 300 000 $ correspond aux 31 000 000 $ ou bien si cela correspond au montant d'à peu près 5 000 000 $, en disant: 31 000 000 $ moins 21 000 000 $, moins 5/8 pour donner...

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, ce paragraphe que nous lisons à la page 2 de ma déclaration, concernant les dommages physiques et les pertes matérielles, correspond à ce qui est mentionné au paragraphe 68 de la déclaration, c'est-à-dire que la demanderesse a évalué à 1 230 000 $ les dommages physiques et les pertes matérielles qu'elle a subis. De ce montant de 1 230 000 $, les assurances ont remboursé à

la SEBJ 1 100 000 $, laissant un résidu de 97 000 $ qu'on retrouve au paragraphe 69, ce qui fait évidemment l'objet de la réclamation de la SEBJ.

M. Duhaime: Je comprends que vous nous avez indiqué qu'il a fallu attendre 51 jours plus un mois additionnel pour arriver au niveau de fonctionnement qu'on avait connu antérieurement. Effectivement, après cet arrêt de 80 jours, une fois que le chantier a été remis en marche au cours de l'année 1974 et ensuite, au cours de la poursuite des travaux, en 1975, 1976, 1977, pour terminer LG 2, quel est votre point de vue aujourd'hui sur la réclamation générale de l'ordre de 21 000 000 $ pour des dépassements de coûts sur l'ensemble du chantier?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, je répondrais ceci quant aux mesures prises en 1974. On a parlé, dans la réclamation, d'études qui ont mené effectivement à des décisions bien précises sur les moyens de récupération de l'échéancier et qui ont porté fruits. Effectivement, à la fin, la Société d'énergie de la Baie-James a pu mettre en service les groupes au moment déterminé par l'échéancier directeur de 1974. Donc, on peut en déduire que les décisions qui ont entraîné les investissements mentionnés dans la réclamation ont été prises à bon escient.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Oui. Je comprends que d'autres personnes viendront après vous donner des explications sur ce syndicat américain, Union of Operating Engineers. C'est le seul syndicat américain qui était impliqué. Pourquoi en êtes-vous venus un jour à douter que vous ne puissiez réclamer de ce syndicat américain?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Duhaime: Vous l'avez évoqué à la page 10 de votre déclaration.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Oui, M. le Président.

Après avoir reçu, en quelque sorte, les deux offres de règlement hors cour, c'est-à-dire celle de Me Jasmin, datée du 16, et celle de

Me Beaulé, du 22, pour moi, dans la continuité des objectifs que l'on recherche dans toute poursuite civile, c'est-à-dire la déclaration de responsabilité et l'établissement d'un montant des dommages, je considérais à ce moment avoir atteint ce que je pourrais appeler une partie des objectifs. Il restait à savoir s'il était toujours possible d'exécuter le jugement sur les sommes impliquées, c'est-à-dire 31 000 000 $. Or, ce lien de préposition - c'est l'expression qu'on emploie - entre l'International Union of Operating Engineers et l'individu impliqué, Yvon Duhamel, déjà les procureurs de la société l'évaluaient avec ce que je pourrais qualifier d'une certaine prudence. Et cela, on le retrouve répété dans le document qu'ils m'ont fait parvenir le 5 janvier. Je vais essayer de retrouver la mention - c'est à la page 4 de ma déclaration où il est dit que, "si la cour retient le principe qu'un délégué de chantier est véritablement le représentant ou le mandataire de son syndicat, la SEBJ a de bonnes chances d'établir la responsabilité de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique"; et on continue pour parler de l'International Union. Les procureurs pensent également qu'il y a aussi des éléments de preuve qui permettent d'établir la responsabilité de l'International Union of Operating Engineers, de René Mantha, d'André Desjardins et du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Donc, dans l'offre de règlement que je reçois de Me Beaulé, le 22 janvier, le même argument est soulevé, évidemment, à la défense de la partie syndicale.

Pour moi, à ce moment des discussions, parce que cela faisait quand même trois mois qu'on touchait le dossier assez profondément, ce qui m'intéressait, c'était surtout d'en arriver à me justifier personnellement sur le fait qu'il était possible et économiquement justifiable de pousser cette poursuite, non seulement à travers les cours canadiennes, mais de transposer le tout du côté des tribunaux américains. Déjà, le 23 janvier, au conseil d'administration, j'ai fait part aux administrateurs que, personnellement, je trouvais cela douteux. Je reconnais qu'à ce moment-là les procureurs de la SEBJ n'avaient pas modifié leur opinion; ce qu'ils vont faire - je ne dirais pas modifier - c'est tempérer leur opinion à la fin du mois de février.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais laisser ce sujet pour l'instant. Vous avez mentionné dans votre déclaration que vous aviez rencontré brièvement, le 3 janvier, au bureau du premier ministre à Montréal, M. Boivin, et je vous cite, "qui m'informe du souhait du premier ministre qu'un règlement hors cour intervienne". Voulez-vous nous dire, si vous vous en souvenez, quelles ont été les paroles

qui ont été échangées? Cela a-t-il été une conversation qui a duré une heure, quinze minutes, cinq minutes? Qu'est-ce que M. Boivin vous a dit? Si vous vous souvenez des mots qu'il a utilisés, on voudrait bien les entendre.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, cette rencontre date de plusieurs années. Je n'ai souvenir que de l'esprit. C'est la raison pour laquelle je parle d'un souhait du premier ministre de régler hors cour. Je considérais -je dois l'admettre - qu'il était logique, compte tenu de l'importance de cette poursuite, compte tenu du nombre d'individus qui pouvaient être touchés éventuellement par les décisions que prendrait le conseil d'administration, que le premier ministre, par l'intermédiaire de son chef de cabinet, me fasse part de son souhait. Je maintiens cette expression-là, "souhait", parce qu'il n'y a rien eu d'autre.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Maintenant, M. Laliberté, si je comprends bien le déroulement - je comprends que vous n'êtes pas lié par les articles des journaux, moi non plus - vous semblez être très ferme, très catégorique en disant que la réunion qui a eu lieu entre vous-même, M. Boyd, M. Saulnier et le premier ministre, aurait eu lieu le 1er février 1979, à Montréal, en fin de journée. Je crois que c'est un jeudi, j'ai vérifié cela moi-même. La Presse parle du 19 février. Je voudrais savoir de vous si vous avez des indications précises ou un agenda meilleur que le mien qui vous amène à conclure que c'est bien le 1er février.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: C'est bien le 1er février. Nous avons les enregistrements de l'accès au bureau du premier ministre. Nous avons consulté ces enregistrements.

M. Duhaime: Maintenant, est-ce qu'en aucun moment, que ce soit à partir du début de janvier 1979 jusqu'au jour du dépôt d'un règlement hors cour par les parties dans ce dossier, vous-même avez discuté soit avec M. Lévesque, le premier ministre, soit avec M. Boivin, son chef de cabinet, ou soit encore avec Me Gauthier, un conseiller au cabinet du premier ministre? Est-ce que vous-même avez discuté de quelque montant d'argent que ce soit relativement à ce règlement hors cour?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Jamais.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais que vous nous disiez à la demande de qui - vous avez mentionné quelque part que vous vouliez rencontrer le premier ministre pour obtenir son sentiment sur l'ensemble de cette question - à l'initiative de qui cela a été fait.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: À l'initiative du conseil d'administration. Le procès-verbal de la réunion du 6 février est très explicite à ce sujet.

M. Duhaime: Explicite dans quel sens?

M. Laliberté: Explicite dans le sens... Je pourrais vous lire un extrait, à la page 70. Je vais lire le premier paragraphe du procès-verbal. "Le président du conseil, M. Lucien Saulnier, fait rapport aux membres du conseil que le président-directeur général de la compagnie, le président-directeur général d'Hydro-Québec et lui-même ont rencontré le premier ministre du Québec. Cette rencontre avait été sollicitée par le président du conseil, à la suggestion des membres, au cours d'une réunion antérieure."

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Quel est votre souvenir de cette réunion au bureau du premier ministre, le jeudi 1er février 1979?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Dans mon cas, une réunion plutôt aux écoutes. Je vous rappelle qu'à ce moment-là, déjà depuis pratiquement dix jours, neuf jours plus exactement, j'avais fait part au conseil d'administration du souhait d'explorer un règlement hors cour avec les défendeurs. Donc, mon comportement devait être à l'écoute. C'était effectivement le désir, disons, des administrateurs de vouloir savoir, avoir en quelque sorte l'opinion ou plutôt, disons le désir du gouvernement sur la question. (12 h 15)

Donc, je qualifierais l'atmosphère d'excellente. M. Lévesque a énuméré les raisons qui motivent son choix. Je ne crois pas qu'il y ait eu beaucoup d'interventions, compte tenu du fait, évidemment, que nous voulions plutôt connaître l'avis du gouvernement qu'émettre l'avis du conseil qui n'avait pas pris de décision d'une manière ou d'une autre, à ce moment-là.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, une dernière question avant que je passe la parole à M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Duhaime: Oui, quitte à revenir, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Cela va.

M. Duhaime: Oui, je voudrais peut-être en poser une dernière.

Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas de problème?

M. Lalonde: Si le ministre veut continuer, étant donné qu'il a déjà sa cadence...

Le Président (M. Jolivet): Parfait! Allez, M. le ministre.

M. Lalonde: Je ne compte pas le temps et je présume qu'il fera de même à notre égard.

Le Président (M. Jolivet): Parfait! Continuez, M. le ministre.

M. Lalonde: Est-ce que l'on suspend à 12 h 30 ou à 13 heures?

Le Président (M. Jolivet): À 13 heures.

M. le ministre.

M. Duhaime: M. Laliberté, vous dites que l'atmosphère était excellente. Est-ce que vous pouvez vous rappeler des paroles échangées entre le premier ministre, vous-même ou avec M. Saulnier ou avec M. Boyd? Est-ce qu'il y a des mots ou des phrases, que je qualifierais de percutants ou frappants, qui auraient été échangés et qui font en sorte qu'on les enregistre pour longtemps dans nos mémoires?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Ce qui a été dit là, personnellement, je le considère comme s'adressant aux trois personnes qui avaient convoqué ou demandé de rencontrer le premier ministre. Pour supporter un argument, il nous arrive quelquefois d'utiliser des expressions. Ce peut être "vous réglez, maudit!", "vous réglez (pire que maudit") ou, effectivement, "vous réglez, sinon on réglera nous-mêmes!" C'est effectivement ce qui s'est dit. Pour moi, j'ai pris cela dans le sens que je viens d'indiquer soit mettre de l'emphase, disons, sur une argumentation. D'autant plus qu'il était impensable que cette question soit réglée en dehors du conseil d'administration de la SEBJ, qui était la seule autorité habilitée à prendre cette décision. Donc, pour moi, cela n'avait en théorie aucune signification.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Si je comprends bien votre déclaration, cela n'a pas dû vous influencer beaucoup parce que vous-même, avant le 1er février, étiez déjà favorable à un règlement?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: C'est le cas.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Maintenant, est-ce que des membres du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James vous auraient fait part à un moment ou à un autre, pendant ces événements qui ont duré plusieurs mois, qu'ils se sentaient sous pression ou encore qu'ils avaient subi des pressions de qui que ce soit?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je n'ai aucun souvenir de tels commentaires.

M. Duhaime: Pour l'instant, c'est tout pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Laliberté: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Laliberté.

M. Laliberté: Est-ce que je pourrais faire une correction? Je m'excuse. Au sujet de la rencontre du 1er février, ce ne peut être dans le registre des signatures parce que cette réunion, cette rencontre a eu lieu à 18 heures et, effectivement, il n'y a rien dans le registre. Donc, c'est plutôt dans mon ordre du jour. Ce qui a été confirmé évidemment par les autres participants à cette réunion.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Cela va. Je m'excuse car j'aurais dû poser cette question tout à l'heure. Vous avez parlé, même en le citant, du procès-verbal du 6 février, si ma mémoire est bonne. Est-ce qu'il n'a pas été question d'une rencontre avec le premier ministre à votre réunion régulière du 30 janvier, également à la Société d'énergie de la Baie-James?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Duhaime: Vous dites, à la page 11 de votre déclaration, "le 30 janvier, le sujet revient à l'ordre du jour". Est-ce qu'il y a une mention quelconque au procès-verbal de la réunion du 30 janvier?

M. Laliberté: Non, il n'y aucune mention, aux procès-verbaux des 23 et 30 janvier, des discussions que le conseil a eues sur le sujet, la raison principale étant qu'aucune décision n'a été prise. La seule référence à cette rencontre avec le premier ministre, c'est au procès-verbal de la réunion du 6 février où le président du conseil, tout en rendant compte de cette réunion, fait référence à la réunion du 30 janvier, réunion durant laquelle cette invitation a été demandée par les administrateurs eux-mêmes.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Même s'il n'en est pas fait mention expressément, je voudrais que vous repreniez la page 11 de votre propre déclaration, tout à l'heure. "Le 30 janvier, le sujet revient à l'ordre du jour. Devant les interrogations soulevées par plusieurs administrateurs, il est proposé que le président du conseil sollicite une entrevue auprès du premier ministre pour connaître sa position à ce sujet." Est-ce que cela a pris la forme d'une résolution?

M. Laliberté: Aucunement, M. le Président.

M. Duhaime: Alors, vous le dites de mémoire, si je comprends bien.

M. Laliberté: Je le dis ici de mémoire pour l'avoir, évidemment, vérifié auprès de mes autres confrères.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'aurais quelques questions à poser à M. Laliberté. Le ministre a établi au début, avant même que vous lisiez votre mémoire, que vous avez commencé vos fonctions de président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie-James le 1er octobre 1978. Avant le 1er octobre 1978, quelle fonction occupiez-vous?

M. Laliberté: M. le Président, j'étais directeur général de ce qu'on appelait Électricité et énergies nouvelles. Ce n'était pas encore un ministère, comme vous le savez, mais c'était sous M. Joron qui était ministre délégué à l'Énergie.

M. Lalonde: Vous étiez donc au ministère ou, enfin, dans la boîte de M. Joron qui était le ministre responsable d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie-James. Depuis combien de temps étiez-vous avec M. Joron?

M. Laliberté: Depuis le 2 septembre 1977 au 1er octobre 1978.

M. Lalonde: Pendant votre séjour, est-ce que vous étiez attaché au cabinet ou à l'organisation politique?

M. Laliberté: Comme fonctionnaire.

M. Lalonde: Comme fonctionnaire auprès de M. Joron, est-ce que vous avez entendu parler de cette question de la réclamation de la Société d'énergie de la Baie-James contre les syndicats?

M. Laliberté: En aucun moment, M. le Président.

M. Lalonde: Après votre entrée en fonction, le 1er octobre 1978, vous dites dans votre mémoire que vous avez rencontré M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre, le 3 janvier 1979. Avant cette date, n'y a-t-il eu aucune autre communication de la part du premier ministre à votre égard concernant la réclamation de la Société d'énergie de la Baie-James?

M. Laliberté: Je n'en ai pas souvenir, M. le Président. Je ne pourrais pas vous l'assurer, mais je n'ai pas souvenir qu'il y ait eu d'autres rencontres ou d'autres communications avant.

M. Lalonde: Quand je parle de communications, j'inclus les communications téléphoniques.

M. Laliberté: Téléphoniques.

M. Lalonde: Le 3 janvier, qui a convoqué? Est-ce que c'est vous qui avez demandé à voir Me Boivin ou si c'est M. Boivin qui vous a convoqué?

M. Laliberté: Encore là, je ne pourrais pas vous l'assurer. Je crois que c'est M. Boivin qui m'a demandé de le rencontrer.

M. Lalonde: Vous dites dans votre mémoire qu'il vous exprime le désir - je ne veux pas vous donner des mots qui ne vous appartiennent pas, c'est à la page 7...

M. Laliberté: Sept.

M. Lalonde: ...de votre mémoire - que M. Jean-Roch Boivin vous informe du souhait

du premier ministre qu'un règlement hors cour intervienne. Est-ce que vous vous êtes informé de la nature du règlement hors cour qui faisait l'objet du souhait du premier ministre?

M. Laliberté: Aucunement.

M. Lalonde: Alors, n'importe quel règlement hors cour aurait satisfait aux désirs du premier ministre?

M. Laliberté: Nous ne sommes pas entrés dans le détail du règlement hors cour. Le souhait qui m'a été exprimé est que la cause soit abandonnée et qu'il y ait un règlement hors cour.

M. Lalonde: Je vais vous soumettre simplement la proposition suivante: C'est que n'importe quelle poursuite judiciaire peut être réglée et que - sauf les avocats, probablement, mais sans être péjoratif - le client, le demandeur ou le défendeur a intérêt à mettre fin aux poursuites parce que cela engage des frais. Mais cela dépend du montant du règlement. Est-ce que vous ne vous êtes pas posé la question à savoir: Écoutez, c'est 32 000 000 $? D'accord, on va regarder si on peut régler, mais quel chiffre aviez-vous en tête à ce moment quand M. Jean-Roch Boivin vous a exprimé ce souhait? Est-ce que c'était la moitié? 15 000 000 $? 10 000 000 $? C'était quoi?

M. Laliberté: Bien, je ne me suis certainement pas posé cette question devant M. Boivin, le 3 janvier, mais je me la suis certainement posée, disons, avant ma démarche auprès du conseil du 23 janvier, c'est inévitable.

Ma logique était basée sur le fait qu'on ne pouvait pas tenir responsable l'International Union of Operating Engineers. À partir de ce moment, je croyais également qu'on ne pouvait pas exercer - comment dire un jugement qui nous soit favorable, jugement qui aille au-delà de la capacité de payer de la partie défenderesse québécoise. Et je trouve que l'avis de nos procureurs, daté du 5 janvier 1979, est assez précis à cet égard car il parle de solvabilité "extrêmement relative".

M. Lalonde: Mais il mentionne aussi la possibilité de saisir les cotisations.

M. Laliberté: II mentionne également la possibilité de saisir les cotisations.

M. Lalonde: Bon, ce qui améliore la solvabilité, on en conviendra. Mais, le 3 janvier, vous ne vous posez pas de question sur la sorte de règlement. Vous acceptez donc le souhait. Vous prenez acte, j'imagine, du souhait exprimé ou transmis par M.

Boivin, souhait du premier ministre, que cela se règle.

Comment cela se fait-il que le 9 janvier, après l'avis du 5 janvier que vous venez de recevoir de vos procureurs ou de vos avocats - on le retrouve dans le procès-verbal - une décision est prise au conseil d'administration de continuer, de ne pas modifier les décisions antérieures? Et dans les décisions antérieures, que je sache, à moins que vous nous l'annonciez maintenant, il n'y avait pas de projet de règlement hors cour.

Alors, le 3 janvier, vous avez ce souhait du premier ministre. Le 5 janvier, vous recevez l'avis de vos procureurs qui contient des réserves mais qui ne dit pas qu'il y a impossibilité d'obtenir quoi que ce soit contre le syndicat américain et, le 9 janvier, vous examinez tout cela et vous procédez à continuer la cause parce que c'est important, c'est le 15 janvier que cela commence, dans six jours; alors comment expliquez-vous cette attitude?

M. Laliberté: Enfin, je voulais employer un peu le même argument, sauf à ma façon. C'est que, avant le 16 janvier 1979, il n'y avait, selon moi, aucun nouvel élément qui puisse justifier auprès du conseil d'administration la démarche que j'ai finalement faite le 23 janvier. Vous êtes d'accord avec moi, j'espère, que l'avis de nos procureurs du 5 janvier ne changeait rien à l'historique de la poursuite comme telle.

M. Lalonde: C'est votre réponse. (12 h 30)

M. Laliberté: Donc, le texte de nos gestionnaires, je le faisais mien. Cela finissait donc par être une recommandation au conseil d'administration de ne rien changer à quoi que ce soit, de ne rien modifier et de procéder, comme il le faut, au début du procès, le 15 janvier suivant. Donc, c'était mon attitude au 9 janvier.

M. Lalonde: Quel est cet élément nouveau qui est intervenu?

M. Laliberté: Entre le 9 janvier et le conseil d'administration du 23 - il ne faut pas oublier qu'il y en a eu un autre le 16... Je suppose même, le 16, même si ce n'est pas au procès-verbal, avoir fait rapport aux administrateurs sur le premier jour du procès, les avoir avertis qu'il y avait effectivement une offre dans les airs, laquelle offre je recevais le jour même du conseil d'administration, le 16. Donc, cette première offre m'était adressée par Me Jasmin qui ne représentait qu'une partie des défendeurs.

M. Lalonde: Excusez-moi, si vous voulez préciser. Vous avez dit qu'il y avait dans

l'air une offre de règlement même avant que vous en receviez formellement la copie. Qui vous avait averti qu'il y avait une offre qui allait vous être remise?

M. Laliberté: M. le Président, les procureurs de la SEBJ.

M. Lalonde: Vos procureurs?

M. Laliberté: C'est cela. C'est mentionné à la page 9 de ma déclaration.

M. Lalonde: Oui. Cette offre, si je me souviens bien, est de 50 000 $. Quelques jours auparavant, vous avez, tout le conseil d'administration, unanimement, je crois, décidé de ne modifier d'aucune façon les décisions antérieures, c'est-à-dire de procéder à une poursuite de 32 000 000 $. Prétendez-vous que recevoir une offre de 50 000 $ pour une réclamation de 32 000 000 $ est un élément déterminant?

M. Laliberté: Les 50 000 $ ne sont certainement pas un élément déterminant, mais la reconnaissance par deux des syndicats en est un.

M. Lalonde: Quels syndicats? Voulez-vous préciser?

M. Laliberté: On parle de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791, et de l'Union des opérateurs du Québec.

M. Lalonde: Le local 134 de la

Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique n'a pas reconnu sa responsabilité?

Alors, avec cette offre de 50 000 $, vous dites que c'est un élément nouveau qui vous permet de changer d'orientation?

M. Laliberté: Je répète, M. le Président, que ce n'est pas l'aspect des 50 000 $ qui m'amène à changer d'avis, c'est plutôt la reconnaissance pour la première fois dans ce dossier d'une responsabilité de la part de deux des défendeurs. Cela, pour moi, c'était capital.

M. Lalonde: Oui, mais vous aviez déjà une opinion juridique, deux opinions, une de 1975 et une du 5 janvier, qui établissaient la responsabilité ou, enfin, qui devaient la prétendre puisque vous avez engagé des frais considérables pour aller jusqu'au tribunal. Alors, qu'est-ce que la reconnaissance de responsabilité pouvait apporter de si important à la SEBJ? Si je vous faisais la proposition suivante, par exemple: Croyez-vous que moins cela coûte cher, plus c'est facile de reconnaître sa responsabilité?

M. Laliberté: M. le Président, ce n'est certainement pas l'argument que j'aurais employé le 23 janvier devant le conseil d'administration. Vous savez, au tout début, pour la Société d'énergie de la Baie-James, se faire dire qu'elle était responsable du saccage - cela a été répété à maintes occasions entre 1974 et 1979 - c'était une chose que je considère un peu viscérale. Donc, si, pour la première fois - et j'en reviens à cet élément parce que cela demeure toujours quand même un des trois objectifs de toute poursuite en dommages au civil - la reconnaissance, indépendamment du montant pour le moment, parce que les procureurs eux-mêmes de la Société d'énergie de la Baie-James avaient indiqué que la solvabilité des défendeurs québécois était très relative. Donc, je n'en étais pas à la logique des 50 000 $ versus un montant supérieur. J'en étais, à ce moment-là, le 16 janvier, à la reconnaissance de deux des cinq parties. Cela, pour moi, demeurait capital.

M. Lalonde: Je ne veux pas élargir le débat, mais vous accordez beaucoup d'importance à la reconnaisance de la responsabilité de la couronne. Je comprends qu'un gestionnaire qui se fait faussement accuser, croit-il, par une autre partie d'être responsable veuille laver son honneur et dire: Bon, voici, j'ai un papier qui dit que je ne suis pas responsable. Mais, pour les Québécois, pour l'ensemble de la population qui est propriétaire de cette société d'État et qui a des droits contre un groupe, vous ne trouvez pas que c'est un peu cher pour cette reconnaissance de responsabilité, 50 000 $? On a fini avec 200 000 $. Je ne vois pas comment cela préoccupe la population en général de savoir si c'était la Société d'énergie de la Baie-James ou les syndicats qui étaient responsables du saccage. Puisque, légalement, vous aviez l'assurance, par des opinions juridiques, que la responsabilité reposait sur les épaules des défendeurs, pourquoi cette responsabilité vous inquiétait-elle tant?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, on fait référence à une opinion juridique qui disait pouvoir démontrer cette responsabilité. Donc, aussi longtemps que les défendeurs ne l'avaient pas reconnue, je ne pouvais pas être satisfait moi-même. Le 16, il y en avait deux sur la table. C'était cela qui était important. Ce n'était pas nécessairement l'avis légal qui datait de 1976 comme celui qui datait du début de janvier 1979.

M. Lalonde: Vous dites que vos avocats vous disent que vous êtes dans vos droits et que cela prend une autre intervention pour vous confirmer dans vos droits, c'est-à-dire

la reconnaissance du défendeur de sa responsabilité. Puis-je vous suggérer qu'un jugement de cour aurait pu, si on en croit vos avocats, accomplir le même résultat?

M. Laliberté: M. le Président, les procureurs doivent, selon moi, être utilisés comme les autres - comment dire consultants de la SEBJ. La décision finale revient au gestionnaire principal, aux gestionnaires et au conseil d'administration. Donc, l'avis des procureurs, j'espère qu'on peut concéder, à tout le moins, au gestionnaire principal, le P.-D.G., la possibilité, je ne dirais pas de le contredire, mais de poser des gestes qui soient en désaccord avec ses propres procureurs. Cela arrive assez fréquemment, à ce que je sache.

M. Lalonde: Qu'est-ce qui pesait le plus lourd dans votre décision: le souhait du premier ministre ou l'avis juridique que vous aviez?

M. Laliberté: Ce qui pesait le plus lourd, M. le Président, c'était de régler cette question selon mon meilleur jugement. S'il avait fallu poursuivre le procès comme tel, je l'aurais fait. Compte tenu de l'opinion qui se dessinait chez moi de ne pas croire en la possibilité d'aller chercher la partie internationale des syndicats, dès ce moment-là, le quantum, c'est-à-dire les 32 000 000 $, je ne le considérais plus comme tel si le jugement nous était favorable, exerçable. Donc, il fallait se limiter aux deux premiers objectifs de cette poursuite: d'une part, l'élément responsabilité, l'élément reconnaissance des dommages, ce que l'on a obtenu seulement le 22 janvier et, finalement, un dédommagement qui soit acceptable compte tenu de la vision que nous avions de la part de nos procureurs de la solvabilité des parties qui, finalement, admettaient leur responsabilité.

M. Lalonde: Mais est-ce que ce n'est pas le 19 février que l'opinion légale - vous avez dit "modifiée" tout d'abord; ensuite, vous avez retiré ce mot; je ne sais pas quel mot vous voulez utiliser et je ne veux pas vous en suggérer - commence à soulever de façon beaucoup plus sérieuse la question de la responsabilité du syndicat américain? Là, je ne vous parle pas du 19 février. Nous ne sommes pas rendus là encore. C'est seulement à ce moment que vous allez pouvoir vous appuyer sur un avis légal dans le sens que vous voulez. Avant cela, vous aviez deux opinions légales dans le même sens, 1975 et 1979, et un souhait du premier ministre. Est-ce que le souhait du premier ministre, exprimé le 3 janvier et répété de sa bouche même le 1er février, a compté dans votre décision d'aller vers un règlement hors cour?

M. Laliberté: Je m'excuse, M. le Président, la question?

M. Lalonde: Est-ce que le souhait du premier ministre, qui vous a été transmis par son chef de cabinet le 3 janvier et qu'il vous a répété - d'ailleurs, dans ces termes: "Vous réglez maudit ou pire, comme vous l'avez dit, ou je vais voir à le faire", enfin quelque chose comme cela - c'est un souhait assez clair - a compté dans votre décision de vous orienter vers un règlement hors cour?

M. Laliberté: M. le Président, on est conscient qu'on est rendu au 1er février.

M. Lalonde: J'ai commencé le 3 janvier. Ce souhait a été exprimé le 3 janvier d'abord...

M. Laliberté: Excusez-moi, mais vous vous référez...

M. Lalonde: ...et, ensuite, il a été vertement confirmé le 1er février. Est-ce que ce souhait a compté dans votre décision de vous orienter, malgré l'opinion légale du 5 janvier, malgré la décision du conseil d'administration du 9 janvier, vers un règlement hors cours?

M. Laliberté: Bon, prenons les souhaits l'un après l'autre; celui du 3 janvier en premier, d'accord? Cela n'a pas du tout compté parce que, finalement, c'est moi qui devais faire la démonstration au conseil d'administration. On sent encore, si je puis dire, les hésitations des autres administrateurs. Le 23, je recommande, si l'on peut employer l'expression, d'aller explorer. Aucune décision n'est prise. Le 30, nous revenons sur le sujet. On peut supposer que la même proposition de ma part est encore sur la table et on en discute. On ne prend pas de décision au conseil d'administration. On opte plutôt pour obtenir un rendez-vous avec le premier ministre. Donc, durant toute cette période, on ne peut dire que cela a influé. On arrive à la réunion du 1er février. Cela n'a pas pu changer quoi que ce soit compte tenu du fait que déjà, depuis le 23 janvier, j'avais, si on peut dire indiqué mes couleurs.

M. Lalonde: Alors, si je comprends bien, le souhait du premier ministre du 3 janvier et du 1er février, cela n'a pas compté du tout dans votre décision.

M. Laliberté: Selon moi, non. Il faut qu'il y ait une logique au conseil d'administration parce que, selon moi, cela demeure la seule autorité qui puisse dire oui ou non à la fin.

M. Lalonde: À la réunion du 3 janvier

avec M. Jean-Roch Boivin, est-ce qu'il y avait une ou plusieurs autres personnes présentes?

M. Laliberté: Aucune autre personne.

M. Lalonde: Aucune autre, vous étiez seuls. Qui a suggéré au procureur de la SEBJ d'ajouter une autre opinion, celle du 19 février?

M. Laliberté: Le président du conseil. M. Lalonde: Dans quel but?

M. Laliberté: M. le Président, il faudrait poser cette question à M. Saulnier.

M. Lalonde: Est-ce qu'en dehors de la rencontre du 3 janvier avec M. Boivin et du 1er février avec le premier ministre vous avez eu une communication téléphonique avec l'un ou l'autre, ou avec M. Gauthier qui est au cabinet du premier ministre?

M. Laliberté: Je n'en ai pas le souvenir, M. le Président.

M. Lalonde: Vous ne vous souvenez pas d'avoir téléphoné ou reçu un appel téléphonique?

M. Laliberté: Je veux clarifier ma réponse: Certainement pas avec le premier ministre, parce que cela ne s'oublie pas.

M. Lalonde: Surtout...

M. Laliberté: Certainement pas avec le notaire Gauthier, à qui je n'ai jamais adressé la parole, à ce que je sache. Mais, quant à M. Boivin, je ne pourrais pas vous l'assurer. Je ne peux pas répondre. (12 h 45)

M. Lalonde: Alors, vous vous souvenez très bien du premier ministre et de M. Gauthier, mais pour M. Boivin... Est-ce que vous vous parlez de temps en temps, à l'occasion?

M. Laliberté: Une personne à qui on n'a jamais parlé, c'est facile de s'en souvenir. Quant au premier ministre...

M. Lalonde: Mais ceux à qui on a peut-être parlé, c'est plus difficile, si je suis votre logique? Alors, vous ne pouvez pas affirmer ne pas avoir eu de communication avec M. Boivin, entre le 3 janvier...

M. Laliberté: Non.

M. Lalonde: ...et la fin de mars? Peut-être quelques conversations téléphoniques?

M. Laliberté: Je ne peux pas l'affirmer.

M. Lalonde: Alors, vous ne pouvez pas affirmer que vous n'en avez pas eu? C'est exact?

M. Laliberté: C'est exact, oui.

M. Lalonde: Le 6 février, le conseil d'administration donne un mandat de négocier pour "un montant acceptable", si je cite les termes de la résolution. Quel était pour vous ce montant acceptable? Un peu plus de 50 000 $ peut-être?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Oui, M. le Président. Il est dit plus spécifiquement que ce devrait être un montant ou une somme d'argent qui pourrait lui être acceptable, d'accord? Donc, je reviens à ma vision du 23 janvier. Ce ne peut pas être quelque chose qui soit de beaucoup supérieur à la capacité ou à la solvabilité des défendeurs québécois, selon moi. Je parle en mon nom, mais je n'exprime pas nécessairement ce qui est indiqué ici et qui est l'opinion du conseil d'administration.

M. Lalonde: Alors, vous comme P.-D.G., responsable de la gestion de cette société d'État considérable, vous calculiez le montant acceptable uniquement en fonction de la capacité de payer du défendeur ou des défendeurs?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: Oui, c'est exact.

M. Lalonde: Est-ce que, dans cette capacité de payer, vous incluiez ce que vos avocats vous ont dit, c'est-à-dire la possibilité de saisir les cotisations?

M. Laliberté: Je n'ai jamais cru à cette possibilité, dès le départ. On sait pertinemment que le local 791 soutire une cotisation de 0,01 $ l'heure travaillée. On peut supposer que cela impliquait, à ce moment-là, 1 000 000 $ de revenu. Aurait-on pu imaginer la Société d'énergie de la Baie-James encaissant encore, d'une union, 29 ans plus tard, dans le but d'obtenir 30 000 000 $? Je crois que cela est totalement stupide. Dans la logique d'un règlement hors cour, il fallait penser à la continuité des activités sur le terrain. Nous avions des chantiers de première importance. En 1979, nous étions à la pointe des engagements qui devaient déjà atteindre, à ce moment-là, 6 000 000 000 $ ou 7 000 000 000 $ et qui devaient mener à des dépenses globales de 15 000 000 000 $. Ce n'est certainement pas un geste à poser. Je vous donne mon avis là-dessus.

M. Lalonde: Si je vous réfère à l'opinion de vos propres avocats du 5 janvier, je lis seulement le dernier paragraphe: "La solvabilité actuelle du défendeur américain, International Union, est telle qu'il semble que ce syndicat a les moyens financiers de satisfaire au jugement qui pourrait être prononcé." Or, ce n'est que le 19 février que cette possibilité commence à s'atténuer dans l'esprit de vos procureurs. Comment se fait-il que déjà le 6 février, deux semaines auparavant - vous l'avez dit, je pense, tout à l'heure - le conseil d'administration change ses couleurs sans avoir reçu l'avis selon lequel la capacité ou la possibilité d'être payé par le syndicat américain s'estompait? Vous avez su cela le 19 février.

M. Laliberté: C'est cela.

M. Lalonde: Et, le 6 février, vous changez vos couleurs en disant que les syndicats canadiens ne peuvent pas payer. Le syndicat américain restait toujours dans le tableau.

M. Laliberté: M. le Président, je ne peux que répéter l'opinion que j'avais; c'est une opinion personnelle. On pourrait souhaiter que la question soit posée également aux autres administrateurs.

M. Lalonde: Je vous le demande pour vous...

M. Laliberté: Pour moi?

M. Lalonde: Ce qui vous a fait changer d'idée vers le 6 février, ce n'est pas le souhait du premier ministre. Vous avez dit que cela n'avait pas du tout compté.

M. Laliberté: Non.

M. Lalonde: Qu'est-ce que c'est?

M. Laliberté: Je n'avais pas à changer d'idée à ce moment-là, car j'avais déjà exprimé le même avis ouvertement, le 23 janvier, devant le conseil d'administration.

M. Lalonde: Combien de temps a duré la réunion du 1er février avec le premier ministre?

M. Laliberté: De mémoire, je dirais quinze minutes.

M. Lalonde: Est-ce que, à votre connaissance, le bureau du premier ministre communiquait avec vos procureurs?

M. Laliberté: Les procureurs de la SEBJ n'ont obtenu le mandat de négocier, d'explorer plus exactement, que le 7 février 1979 par une lettre de Me Gadbois qui leur était adressée. Donc, avant cette date, je n'étais pas au courant si réunion il y a eu ou si rencontre il y a eu de quoi que ce soit. Ce n'était pas le mandat que j'avais donné à mes procureurs.

M. Lalonde: Je veux qu'on s'entende bien. Ma question n'était pas de savoir si vous aviez donné mandat à vos procureurs de communiquer avec le bureau du premier ministre. Le mandat que vous avez donné -le 7 février, vous dites? - c'est...

M. Laliberté: C'est cela.

M. Lalonde: ...un mandat de négocier, d'explorer un règlement, pas avec le bureau du premier ministre, mais avec les autres procureurs. Ma question était: Êtes-vous au courant si le bureau du premier ministre a communiqué pendant toute cette période, disons de janvier à mars, avec vos procureurs?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, j'essaie de trouver... On a parlé dans les journaux de rencontre entre les procureurs au bureau du premier ministre. Je maintiens ce que je viens de dire: Ce n'était pas le mandat et je n'étais pas au courant. Mais, depuis ce temps-là, j'ai effectivement obtenu l'information et je peux vous assurer qu'avant la lettre qu'a adressée Me Gadbois aux procureurs il n'y a eu aucune présence des procureurs de la SEBJ au bureau du premier ministre.

M. Lalonde: On ne vous a pas fait rapport qu'il y aurait eu des communications téléphoniques, non plus?

M. Laliberté: Aucunement.

M. Lalonde: Le montant du règlement est de 200 000 $ pour la SEBJ. On ne compte pas les 100 000 $ qui ont été payés à l'assurance, qui avait déboursé d'ailleurs 1 000 000 $...

M. Laliberté: 1 100 000 $.

M. Lalonde: ...1 100 000 $. C'est beaucoup moins que les frais de la cause. Pouvez-vous nous indiquer combien ont coûté à la SEBJ les frais légaux et autres? Tous les frais de préparation des dossiers et de préparation de la cause?

M. Laliberté: Les honoraires des procureurs de la compagnie se sont élevés à 435 000 $, incluant les frais légaux.

M. Lalonde: Excusez-moi, j'ai mal compris. Les honoraires...

M. Laliberté: Les honoraires des procureurs.

M. Lalonde: ...des procureurs, y compris les frais de cour.

M. Laliberté: Incluant les frais de cour.

M. Lalonde: Maintenant, il y a eu d'autres dépenses directement reliées à la préparation de cette cause: les techniciens, les experts. Est-ce que vous avez comptabilisé ces frais?

M. Laliberté: Oui. Enfin, c'est ce que l'on peut qualifier de coûts encourus en salaires lors des événements et de la préparation des dépositions en actions civiles. Cela totalise, pour la Société d'énergie de la Baie-James, 465 000 $; donc, cela recoupe grossièrement le chiffre que j'ai mentionné dans la Presse, 800 000 $.

M. Lalonde: J'arrive plus à 900 000 $ qu'à 800 000 $, avec 435 000 $ plus 465 000 $, dans mon livre.

M. Laliberté: Vous avez raison, c'est exact.

M. Lalonde: Vous dites dans votre mémoire: Je constate également que le procès coûte présentement à la Société d'énergie de la Baie-James près de 25 000 $ par semaine. Est-ce que cela excédait le montant de 500 000 $, lequel en 1978 - vous allez me rappeler la date - avait été adopté par le nouveau conseil? En fait, plusieurs membres du conseil venaient d'arriver et ils avaient adopté un budget, je pense, de 500 000 $ pour couvrir les frais de la cause, frais légaux et autres, j'imagine. Est-ce que, tout à coup, vous vous êtes aperçus, au mois de janvier, deux mois après, que cela coûtait plus que les 500 000 $ qui avaient été prévus?

M. Laliberté: Non. Le procès-verbal daté du 27 novembre...

M. Lalonde: Novembre, c'est cela.

M. Laliberté: ...du 20 novembre -excusez-moi - stipule que ces 500 000 $ devaient couvrir les honoraires des procureurs pour l'année 1979. Or, nous nous étions déjà donné, je pense, une vision de la durée même du procès qui était de six mois. Donc, vous arrivez grossièrement à cette somme de 20 000 $ ou 22 000 $ par semaine, pour un total de 500 000 $ pour six mois.

M. Lalonde: Autrement dit, dans le cheminement que vous suivez à ce moment, si je vous comprends bien...

M. Laliberté: Oui.

M. Lalonde: ...le 22 janvier, vous recevez une nouvelle offre de 125 000 %. Vous doutez de plus en plus de vos chances de pouvoir éventuellement faire exécuter un jugement contre l'union américaine, quoique l'on ne sait pas rendu au 19 février. Je peux peut-être vous demander pourquoi vous en doutez de plus en plus. Est-ce que vous avez reçu un avis juridique dont on ne connaît pas l'existence?

M. Laliberté: Non, aucunement. C'est une opinion personnelle et une rencontre aussi. Il faut reconnaître que, déjà, les procureurs sont venus effectivement au conseil du 9 janvier. Donc, on écoute et on se fait une opinion.

M. Lalonde: Vous voulez dire que ce sont les procureurs des autres parties ou vos procureurs?

M. Laliberté: Non, les procureurs de la société, le 9 janvier.

M. Lalonde: Ah, vos procureurs. Je sais que les procureurs des défendeurs communiquaient - on en a des copies - leurs arguments en faveur d'un règlement. C'est tout à fait normal. Mais vos procureurs ne se sont pas laissés impressionner, semble-t-il. Là, je ne calcule pas le 19 février, mais disons jusqu'au 19 février - je ne porte pas de jugement sur l'opinion du 19 février -vous n'avez rien de nouveau officiellement et vous doutez de plus en plus des chances de recouvrer contre le syndicat américain.

M. Laliberté: C'est bien cela.

M. Lalonde: Quelles sont les raisons - il me reste deux minutes - que vous mentionnez que le premier ministre vous a exposées pour lesquelles il favorise un règlement hors cour?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Lalonde: À. part le: "Vous allez régler, maudit, ou pire"?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, il est très difficile pour moi de parler au nom du premier ministre.

M. Lalonde: Mais c'est cela. Les raisons que vous avez entendues.

M. Laliberté: Évidemment, l'impossibilité d'exécuter le jugement était capitale.

M. Lalonde: Contre qui, contre le

syndicat américain?

M. Laliberté: Contre la totalité des défendeurs, incluant le syndicat américain.

M. Lalonde: À ce moment l'avis juridique disait que vous pouviez.

M. Laliberté: Là, vous me demandez quels étaient les arguments qu'employait le premier ministre.

M. Lalonde: Alors, le premier ministre ne croyait pas en vos avocats.

M. Duhaime: Je m'excuse, mais cela n'a jamais été dit nulle part. Il ne faudrait pas partir dans cette direction.

M. Lalonde: Je le suggère.

M. Duhaime: Non, non. Faites attention. Le premier ministre...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, à l'ordre! À l'ordre!

M. Duhaime: ...quand son tour va venir, il va être ici. Ne soyez pas inquiet. Ne lui faites rien dire.

Le Président (M. Jolivet): Compte tenu qu'il est 13 heures, je suspends les travaux jusqu'après la période des questions. Simplement, j'aimerais vous avertir qu'il y avait un document que M. Laliberté devait remettre et qu'il y avait une réponse à donner au ministre. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 01)

(Reprise de la séance à 16 h 40)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'énergie et des ressources continue ses travaux commencés ce matin en vue d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Tremblay (Chambly), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Perron (Duplessis) et M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Blouin

(Rousseau), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), M. Lafrenière (Ungava), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Laplante (Bourassa) et M. Saintonge (Laprairie), le rapporteur étant toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Je tiens à vous rappeler que la décision est de terminer à 18 heures ce soir. Nous avons comme intervenant actuellement M. Laliberté. Nous continuerons son interrogatoire, mais, avant d'aller à M. Laliberté et à M. le député de Marguerite-Bourgeoys, pour la continuité de ses questions, je tiens à vérifier un détail concernant la personne qui a fait la demande à M. le député de Marguerite-Bourgeoys et au ministre d'être interrogée dans les dix ou quinze dernières minutes de la séance d'aujourd'hui, parce qu'elle doit quitter pour l'extérieur dès demain soir. Donc, si cette entente fonctionne, c'est peut-être le député de Marguerite-Bourgeoys qui me donnerait le résultat.

M. Lalonde: On m'informe que M. Daniel Latouche, qui a été convoqué ici, doit quitter d'urgence. Alors, il m'a demandé de passer. Ce ne sera pas très long, peut-être une dizaine de minutes. On pourrait suspendre, vers 17 h 45, 17 h 50, si on n'a pas terminé avec M. Laliberté.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous n'avez pas d'objection?

M. Duhaime: Non, je n'y vois pas d'inconvénient. Je serais même prêt à prolonger après 18 heures, si c'est nécessaire.

Le Président (M. Jolivet): Comme il y a entente, on verra vers la fin de la commission spéciale.

M. Duhaime: Dois-je comprendre qu'on terminerait d'abord la comparution de M. Laliberté?

Le Président (M. Jolivet): Au départ, c'est cela.

M. Duhaime: Et ensuite, M. Latouche, dont vous avez demandé la comparution?

M. Lalonde: C'est cela, vers 17 h 50.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Mais avant, je dois vous faire mention d'un télégramme dont copie va vous être distribuée et qui est adressé à M. Jean Bédard, greffier de la commission parlementaire de l'énergie et des ressources: "M. le greffier, la présente est pour excuser M. Roland Giroux qui est retenu au lit pour cause de maladie. Présentement, M. Giroux

est au repos à Miami, sous les soins du Dr Nestor J. Madariaca, pour au moins un mois. Ci-après, vous trouverez copie du texte envoyé à M. René Lévesque la semaine dernière: "1° J'étais contre le règlement hors cour intervenu en 1979. "2° Je serais encore aujourd'hui du même avis. "3° Je savais que vous étiez favorable à ce règlement hors cour par M. Claude Laliberté, président de la SEBJ. "4° Au retour des trois membres qui sont allés vous rencontrer, M. Boyd, M. Saulnier et M. Laliberté, M. Saulnier nous a rapporté qu'il était de votre désir de régler hors cour. "5° Vous ne m'avez jamais parlé de cette affaire; vous n'avez donc pu exercer sur moi quelque pression que ce soit".

Donc, ce télégramme vous sera transmis par les responsables de la commission parlementaire.

M. Duhaime: C'est signé par qui?

Le Président (M. Jolivet): C'est signé par-Une voix: Roland Giroux.

Le Président (M. Jolivet): ...Roland Giroux, mais je pense que c'est envoyé par quelqu'un en son nom.

Je passe donc maintenant la parole à M. le député de Marguerite-Bourgeoys pour la continuité de son interrogatoire.

M. Lalonde: Lorsque nous avons suspendu nos travaux vers 13 heures, M. Laliberté, je vous avais demandé quelles étaient les raisons que le premier ministre vous avait données lors de la réunion du 1er février pour vous persuader d'être en faveur d'un règlement hors cour.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, avant de répondre à la question, me permettez-vous d'apporter une réponse à la question qu'on a posée ce matin sur les génératrices, ainsi que de donner un peu plus de détails sur les documents qu'on a ajoutés à votre document?

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Laliberté: Tout d'abord, j'ai parlé de deux génératrices. Je m'excuse, c'est plutôt trois génératrices. J'ai ici les dates de remise en état des génératrices. On se souvient que le saccage a eu lieu le 18 mars. Donc, la première a été remise en état le 22 mars, la seconde le 29 mars, et la troisième le 6 avril. On m'indique ici que, subséquemment, deux des génératrices remises en état temporairement ont du être retournées au manufacturier pour subir un examen plus complet. Quant aux autres systèmes, c'est là que c'est plus important, parce que vous savez que, dans le but d'alimenter chacun des bâtiments qui sont sur ces chantiers, nous faisons usage d'utilidors dans lesquels on retrouve tous les conduits d'alimentation en eau, en huile. Donc, le chantier n'est pas redevenu sécuritaire avant le 14 ou le 15 avril à cause, justement, des réparations qu'il fallait effectuer aux réseaux d'utilidors. Cela, c'est ce qui regarde les génératrices et la remise en état du chantier globalement.

Maintenant, cet extrait du procès-verbal qu'on vous a distribué, c'est celui du 11 décembre et vous devriez l'ajouter après la page 13 de votre document. Les documents annexés, en quelque sorte, permettent de comprendre exactement à quels documents on se réfère dans le procès-verbal lui-même. C'est tout pour cela.

Le Président (M. Jolivet): Maintenant, la réponse à la question.

M. Laliberté: Quant à la question, j'ai parlé ce matin de la question. J'ai dit que M. Lévesque avait employé l'argument de l'insolvabilité en quelque sorte des défendeurs québécois. Il y a eu également la question de la responsabilité comme telle des travailleurs eux-mêmes, en quelque sorte un retour à une des conclusions de la commission Cliche. Je me souviens également d'un troisième point et celui-là, je l'ai mentionné moi-même. C'était le coût du procès comme tel. Après s'être engagé pour une période de six mois, 500 000 $, évidemment, s'il avait fallu continuer, les sommes auraient été certainement supérieures. C'est un peu ce dont je me souviens.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Alors, c'est ce qui a permis au premier ministre de vous demander d'appuyer un règlement hors cour. Pouvez-nous dire, dans les mots exacts que le premier ministre a employés, la réponse qu'il a donnée à un moment donné? Vous en avez donné un aperçu ce matin. "Vous réglez", puis il y a eu un juron, quelque chose. Exactement qu'a-t-il dit?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je ne puis confirmer à 100% les expressions qui ont été mentionnées dans la Presse. Mais cela ressemble à ça.

M. Lalonde: C'est cela: "Vous réglez... M. Laliberté: ...ou nous allons régler...

M. Lalonde: ...à votre place." Vous, vous m'avez dit tout à l'heure que vous n'avez pas pris cela comme une pression.

M. Laliberté: Pas du tout.

M. Lalonde: Vous êtes P-.D.G., président-directeur général d'une grande entreprise.

M. Laliberté: Oui.

M. Lalonde: Le premier ministre vient vous dire que vous allez faire ce qu'il dit...

M. Laliberté: Oui.

M. Lalonde: ...sinon, il va le faire à votre place, puis cela ne vous impressionne pas. C'est tout à fait acceptable, d'après vous.

M. Laliberté: Cela ne m'impressionne pas, dans le sens qu'il n'a pas les outils pour régler lui-même. J'ai dit que la seule autorité habilitée pour clore ce dossier de quelque façon que ce soit, c'est le conseil d'administration qui est habilité par la loi. Puis moi, ainsi que les deux autres personnes qui ont assisté à cette réunion, nous sommes, comment dire, trois onzièmes d'un conseil d'administration. Ce ne pouvait être que le conseil d'administration qui, majoritairement, pourrait éventuellement, comme il l'a fait le 6 mars, adopter une résolution touchant un règlement hors cour.

M. Lalonde: Et vous me répétez que cela ne vous a influencé en aucune manière?

M. Laliberté: Aucunement.

M. Lalonde: Pensez-vous que... Excusez-moi.

M. Laliberté: D'autant plus que c'était ma vision, comme je l'ai clairement indiqué, depuis le 23 janvier.

M. Lalonde: Alors, si cela vous avait influencé, par hypothèse, cela aurait pu simplement vous confirmer le bien-fondé de votre vision? Est-ce que cela a pu vous influencer dans ce sens?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je ne saisis pas la question, M. le Président.

M. Lalonde: Écoutez, tout à coup, il y aurait eu, par hypothèse, une occasion, quelques jours plus tard, de changer d'idée, par exemple, toutes sortes d'événements auraient pu se produire où vous auriez eu l'occasion de changer votre vision des choses, est-ce que la visite au premier ministre n'aurait pas été plutôt dans le but de conserver votre attitude?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, la question, pour moi, n'est pas pertinente. Cela ne s'est pas passé comme cela.

M. Lalonde: Alors, comme cela, ça ne vous a influencé en aucune façon? Pourquoi êtes-vous allé voir le premier ministre lorsque vous saviez déjà que son souhait était de régler hors cour? Vous le saviez depuis le 3 janvier.

M. Laliberté: Le choix n'est pas uniquement celui du président-directeur général de la société. C'est un choix qu'a fait le conseil d'administration.

M. Lalonde: Est-ce que vous aviez communiqué, privément ou en groupe, aux membres ou à quelques-uns des membres du conseil d'administration, le "souhait" du premier ministre exprimé par son chef de cabinet le 3 janvier?

M. Laliberté: Je l'ai fait privément. M. Lalonde: À tous les membres?

M. Laliberté: À tous les membres, je ne le crois pas.

M. Lalonde: À quels membres?

M. Laliberté: À ma connaissance, à M. Thibaudeau, à Mme Forget, à M. Roquet, à M. Laferrière. Je ne saurais dire après tout. Mais certainement à ces personnes.

M. Lalonde: À moins que je ne fasse erreur, le dénominateur commun des quatre personnes que vous avez mentionnées est d'avoir été nommées au conseil d'administration le 1er octobre 1978. Donc, quatre nouveaux membres. Oui? M. le Président, on n'enregistre pas les signes de tête.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: Pardon?

Le Président (M. Jolivet): Que donnez-vous en réponse à la question?

M. Laliberté: Ce sont effectivement quatre nouveaux membres du conseil.

M. Lalonde: Lorsque M. Saulnier, le président du conseil d'administration, a informé le conseil d'administration, lors de la réunion du 6 février, je crois - vous me

corrigerez si je fais erreur - que vous étiez allés voir le premier ministre, vous-même, M. Saulnier et M. Boyd, pour l'informer qu'il était du désir - je peux retrouver le texte même - du premier ministre que cela se règle hors cour, pensez-vous que cela ait pu influencer ou que cela ait pu compter dans la décision du conseil d'administration?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je pense que oui. Il faudrait le demander aux autres administrateurs.

M. Lalonde: Bien. J'aurais quelques autres questions.

Une voix: C'est tout?

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Lalonde: Je vais laisser mes collègues poursuivre. Oh! Une chose que je voudrais simplement clarifier. On parle de 100 000 $ qui ont été payés à un assureur dans le règlement. D'un autre côté, on dit que les assureurs ont remboursé environ 1 100 000 $. Ne faudrait-il pas préciser que la réclamation de cet assureur ou de ces assureurs n'était pas de 1 100 000 $, mais d'environ 300 000 $?

M. Laliberté: C'est bien cela.

M. Lalonde: De sorte que la compagnie d'assurances... Je pense qu'il y en avait seulement une?

M. Laliberté: II y en avait trois.

M. Lalonde: II y avait trois compagnies d'assurances qui ont, elles, recueilli environ 30% de leur réclamation, soit 100 000 $ sur environ 300 000 $.

M. Laliberté: C'est cela.

M. Lalonde: Ce qui est beaucoup plus agréable que 0,4%.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: II faut également souligner que les cinq autres compagnies d'assurances ont décidé, dès le début, de laisser tomber leur portion des prix qu'elles ont payés.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, M. le Président. M. Laliberté, je voudrais vous demander si les procès-verbaux ou les documents auxquels vous avez accès indiquent que le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James, par la voie de son président ou de ses officiers supérieurs, a consulté le premier ministre Bourassa au moment d'entamer des procédures pour un montant de 31 000 000 $ contre les syndicats. À votre connaissance, est-ce qu'il y a eu une consultation avec le bureau du premier ministre, M. Bourassa?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je ne le sais tout simplement pas, M. le Président.

M. Duhaime: À votre connaissance à vous?

M. Laliberté: À ma connaissance à moi, non.

M. Duhaime: Je voudrais maintenant vous demander si, à votre connaissance, le Procureur général du Québec ou le ministre de la Justice à l'époque, c'est-à-dire au moment où la première procédure a été signifiée par la Société d'énergie de la Baie-James le jurisconsulte, comme on l'appelle dans notre jargon, a eu à donner une opinion dans ce dossier.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: À ce que je sache, non. M. Duhaime: Pardon?

M. Laliberté: La question c'est: Est-ce que le ministre...

M. Duhaime: Est-ce qu'à votre connaissance le ministre de la Justice de l'époque ou le Procureur général de l'époque a été consulté avant que des procédures soient entamées?

Le Président (M. Jolivet): M.

Laliberté.

M. Laliberté: À ma connaissance, non, M. le Président.

M. Duhaime: Je vous remercie. J'aurais juste deux autres questions, M. le Président. Une dernière question sur la précision que vous avez apportée tout à l'heure au sujet des délais de remise en marche des génératrices. Sans être un expert dans ce genre de dossier, si deux ou trois génératrices ne fonctionnent pas sur le chantier de LG 2 en 1974 après le saccage, il m'apparaît assez clair pour tout le monde que les opérations du chantier sont en suspens. Si j'ai bien saisi votre témoignage, le saccage a eu lieu au mois de mars, le 14, je crois?

M. Laliberté: Excusez. Le 20 mars exactement.

M. Duhaime: Le 20. Donc, deux jours plus tard, il y avait déjà une génératrice qui était prête à démarrer; neuf jours plus tard, il y en a une autre.

M. Laliberté: On donne les dates du 22 mars, la seconde, le 29 mars et la troisième, le 6 avril.

M. Duhaime: C'est cela, oui. Alors, cela veut donc dire, dans un cas, en résumant, 12 jours, 19 jours et 26 ou 27 jours. Vous disiez ce matin dans votre déclaration que les activités du chantier ont été arrêtées pendant 51 jours et qu'ensuite il y a eu un autre mois de remise en route. Est-ce que, suivant les informations que vous avez, il y aurait une explication à ces délais très longs puisque les génératrices étaient déjà en marche, dans un cas, douze jours et, dans l'autre cas, dix-neuf jours après? Je comprends que vous n'étiez pas là en 1974 mais s'il y a des documents qui pourraient nous être utiles...

M. Laliberté: Je ne peux, malheureusement, pas répondre à cette question, mais, si les membres de la commission le désirent, on peut obtenir la réponse. Ce qu'on indique finalement, c'est une période de 30 jours, en gros.

M. Duhaime: Alors, on attendra une autre occasion pour reprendre la question. Je voudrais, M. le Président, avant de poser une dernière question, lire à la page 99 du rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction, rapport déposé en mai 1975, mieux connu sous le nom de rapport Cliche, le dernier paragraphe: "Les commissaires ont acquis la conviction que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne s'agit aucunement d'une réaction de masse, mais bien d'une affaire montée par un noyau de mécréants dirigés par Duhamel pour montrer, une fois pour toutes, qui était le maître à la Baie-James. L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des témoins du saccage est que les travailleurs ont été de simples spectateurs et même des victimes des actes insensés posés par un Duhamel en délire." (17 heures)

II a été question dans votre déclaration de ce matin d'une évaluation de la solvabilité des syndicats québécois qui étaient assignés comme défendeurs dans ce dossier. Je laisse de côté toute la question du syndicat américain qui, tout en étant solvable, d'après ce que j'ai pu comprendre de votre déclaration, était difficile à rejoindre pour des raisons que, j'imagine, d'autres vont nous expliquer.

À la lumière de ce que je viens de lire du rapport de la commission Cliche, vous-même, comme administrateur et comme président de cette compagnie, qui aviez à diriger ces travailleurs, est-ce que vous auriez trouvé normal - j'ai cru deviner une avenue qu'on vous ouvrait ou une perche qu'on vous tendait venant du député de Marguerite-Bourgeoys - de pousser de l'avant et de saisir les cotisations syndicales de travailleurs que la commission Cliche déclare n'avoir rien à voir avec tout le saccage de la Baie-James?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, j'ai dit que je trouvais et que j'ai toujours trouvé cette solution tout simplement aberrante. À ce que je sache, il n'en a jamais été question au conseil d'administration.

M. Duhaime: M. le Président, une dernière question. Si j'ai bien compris tout à l'heure et si j'ai bien saisi, avant la réunion du 1er février 1979 avec le premier ministre, en compagnie de M. Saulnier et de M. Boyd, vous aviez déjà une opinion passablement arrêtée sur la conduite à tenir dans ce dossier. Au meilleur de votre connaissance, y a-t-il d'autres administrateurs qui vous accompagnaient lors de cette réunion qui avaient également leur idée faite sur la marche à suivre dans le dossier? Le souhait exprimé par le premier ministre lors de cette rencontre les a-t-il fait changer d'idée?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, je préférerais que les administrateurs eux-mêmes répondent à ce genre de question.

M. Duhaime: Je me range à votre suggestion et je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. Laliberté, parmi les quatre administrateurs que vous avez mentionnés et à qui vous aviez fait part des intentions ou des suggestions du PM qui vous ont été communiquées par son chef de cabinet, vous avez cité les noms de Thibaudeau, Forget, Roquet et Laferrière. Est-ce que ce sont des administrateurs à temps plein de la Société d'énergie de la Baie-James?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: Tout dépend de ce que

veut dire à temps plein. Non, ce ne sont pas des employés à temps plein; ce sont des administrateurs dans le sens pur du terme.

M. Paradis: Les connaissez-vous personnellement?

M. Laliberté: Est-ce que je les connais personnellement?

M. Paradis: Oui.

M. Laliberté: Je ne connaissais que M. Roquet avant ma nomination, M. Roquet ayant été un confrère de travail au ministère de l'Énergie et des Ressources.

M. Paradis: M. Roquet travaillait-il encore à l'époque au ministère de l'Énergie et des Ressources?

M. Laliberté: À cette époque, oui, il était sous-ministre.

M. Paradis: Ah! Il était sous-ministre au ministère de l'Énergie et des Ressources à cette époque. Les autres avaient-ils également des occupations de fonctionnaire?

M. Laliberté: Je ne le crois pas.

M. Paradis: Aucun des autres? Mais M. Roquet avait une occupation de fonctionnaire.

Je vais revenir à votre exposé de ce matin et je vais tenter de comprendre ce que vous nous avez exposé. On se replace au 15 janvier, qui est le début du procès sur le saccage. Deux jours après le début du procès - je vous réfère à la page 9 de votre exposé - vous parlez de la première offre que vous avez reçue. Si j'ai bien compris votre exposé, vous en étiez venu à la conclusion personnelle - c'était votre impression - que les syndicats québécois étaient démunis financièrement ou ne pourraient pas faire face à une condamnation extravagante au niveau financier et que ce serait difficile d'établir un lien de droit avec les syndicats américains. Ce qui importait pour vous, un des principes à retenir et qui a motivé votre décision fondamentalement, c'était le fait que les syndicats reconnaissent leur culpabilité. C'était important pour vous.

On se replace à ce moment-là. Je vous cite au texte à partir de la page 9: "La première offre écrite de règlement m'est présentée le 17 janvier par Me Michel Jasmin qui dit détenir un mandat de la part de trois des cinq syndicats impliqués." Vous nommez les trois syndicats. "Deux syndicats sur cinq reconnaissent leur responsabilité et le dédommagement proposé est de 50 000 $, incluant les assureurs. J'informe nos procureurs que cette offre n'est pas acceptable, parce que seulement deux syndicats sur cinq reconnaissent leur responsabilité et que le montant du dédommagement est beaucoup trop faible. Néanmoins, je vous ferai remarquer que c'est la première fois qu'un syndicat fait une admission de responsabilité." L'élément qui vous avait frappé, à ce moment-là, était le fait qu'il y ait une admission de responsabilité. Est-ce exact?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: C'est exact. Il faut reconnaître, cependant, que l'offre qui m'était faite le 16 janvier ne l'était qu'au nom des trois syndicats qui sont mentionnés dans le paragraphe précédent. D'accord?

M. Paradis: Oui, mais même si elle était faite au nom de trois syndicats, il y avait strictement deux...

M. Laliberté: Donc, en soi, c'était -comment dire - un règlement hors cour, tel que proposé, incomplet.

M. Paradis: Partiel. M. Laliberté: D'accord?

M. Paradis: Partiel. À ce moment-là, il y en avait deux et c'était un élément très important pour vous?

M. Laliberté: C'était très important.

M. Paradis: D'accord. On continue. À la page 10, vous dites: "Le 22 janvier, je reçois une nouvelle offre de règlement au montant de 125 000 $ - on avait la première offre à 50 000 $, la deuxième à 125 000 $ - de la part du procureur de l'International Union of Operating Engineers représentant la position, cette fois, de l'ensemble des syndicats dans cette cause." Est-ce que vous pourriez identifier quel était ce procureur?

M. Laliberté: Me Beaulé.

M. Paradis: Me Beaulé. Est-ce que vous connaissiez Me Beaulé avant?

M. Laliberté: Non, je ne l'ai jamais rencontré moi-même.

M. Paradis: Vous ne le connaissiez pas. Est-ce qu'il vous a transmis cela personnellement?

M. Laliberté: Ce sont nos procureurs qui ont reçu une offre écrite datée du 22 janvier.

M. Paradis: Là, vous ajoutez: "Cette nouvelle démarche de la part des défendeurs mérite qu'on y porte attention puisque deux

des cinq syndicats reconnaissent l'existence d'un lien de responsabilité avec les auteurs du saccage. L'un de ces deux syndicats, le local 791, reconnaît même qu'une partie substantielle de la réclamation est fondée." Au niveau de la responsabilité, est-ce que votre dossier avait progressé à ce moment-là?

M. Laliberté: Entre le 16 et le 22, non. Cependant - élément clé - on touchait le deuxième objectif de toute poursuite qui est de faire établir le montant des dommages subis. L'écriture, telle que libellée, faisait dire au local 791: Nous reconnaissons le quantum des dommages substantiellement, tel que la réclamation le dit. C'était le deuxième élément positif.

M. Paradis: Mais cet élément n'a pas compté qu'il y avait plus de syndicats, etc. Vous avez renoncé à acquérir la confession de responsabilité des autres syndicats à ce moment-là.

M. Laliberté: Je n'avais pas renoncé. L'invitation au conseil d'administration, telle que libellée le 23, est une exploration. Le principe de l'entente hors cour, je le faisais mien. Mais il fallait aller voir, dans le but éventuel d'obtenir plus. Je crois qu'il faut reconnaître que le règlement final obtient plus, effectivement.

M. Paradis: J'essaie de concilier cela avec vos propos de ce matin. Vous disiez: La question monétaire, dans ces chiffres, était la capacité de payer et les liens de droit. Ce n'était pas l'élément essentiel, parce que, dans ma tête, j'étais convaincu qu'il y en avait un qui n'était pas capable et que l'autre n'avait pas de lien de droit. Vous disiez: Ce qui était important, c'était la reconnaissance de culpabilité. Il y en a une que vous rejetez du revers de la main, si vous me permettez cette expression, et l'autre vous intéresse.

M. Laliberté: M. le Président, je ne saisis pas la question, je m'excuse.

M. Duhaime: Je ne comprends pas.

M. Paradis: Je pensais que c'était le président, mais je constate que le président avait saisi. C'est le ministre qui n'a pas saisi. Je répète.

Le Président (M. Jolivet): Je ne suis pas témoin. Je ne suis témoin de rien, j'écoute.

M. Paradis: Très bien, M. le Président. Vous aviez rejeté du revers de la main la première offre, alors qu'il y avait deux syndicats qui reconnaissaient leur culpabilité.

À la deuxième offre, vous n'avez pas plus de syndicats qui reconnaissent leur culpabilité, mais vous ne rejetez pas celle-là du revers de la main. Pourquoi?

M. Laliberté: Je répète. On retrouve toujours, dans la deuxième offre de Me Beaulé, qui est une consolidation, en quelque sorte, de l'offre de tous les syndicats, les deux mêmes syndicats qui reconnaissent leur responsabilité. Je reviens sur cette partie très importante du paragraphe que vous avez vous-même lue; c'est que là s'ajoute un élément clé qui constitue, justement, le deuxième objectif que nous recherchions, la reconnaissance du quantum des dommages. Je trouve que c'est une opinion clé.

Maintenant, à partir de là, je ne crois pas qu'on puisse dire: J'adopte cette solution. Mon intention, c'est de préconiser auprès du conseil d'administration que nous allions explorer, nous. C'est finalement ce qu'on a fait le 6 février. Je préconisais qu'on le fasse le 22 janvier. Donc, je pense qu'il est très important qu'on comprenne que je n'adoptais pas cela intégralement. Je ne me contentais pas nécessairement de cela. À partir du moment où j'ajoutais à cela ce doute de plus en plus fort qu'on ne pouvait pas impliquer l'International Union of Operating Engeneers, eh bien, à ce moment je portais le gros argument, si vous le voulez, au niveau du quantum. Puis tout cela combiné faisait qu'effectivement j'ai préconisé ce que j'avais préconisé à la séance du 23.

M. Paradis: D'accord. Mais revenons à cet élément du quantum. Dans votre témoignage de ce matin, vous avez clairement dit que vous ne croyiez pas à la possibilité pour votre société de récupérer des syndicats québécois à cause de problèmes de solvabilité. À la page 13 de votre mémoire, cette fois-ci, vous ne croyez pas à la possibilité de récupérer du syndicat américain parce qu'il est trop solvable. J'ai de la difficulté à concilier cela. D'un côté, vous abandonnez la poursuite contre un syndicat parce qu'il n'est pas assez solvable, puis, de l'autre côté, vous abandonnez contre un autre parce qu'il est trop solvable. Comment conciliez-vous cela, dans votre esprit?

M. Laliberté: Vous dites que j'abandonne la cause parce qu'il est trop solvable?

M. Paradis: À la page 13 de votre mémoire...

M. Laliberté: Oui.

M. Paradis: ...vous dites: Je prends connaissance le 19 février des résultats de

l'étude demandée par le président du conseil. Voici les principales conclusions de cette étude. Là, je le lis au texte: "II est possible et même probable que toute demande adressée par la SEBJ devant un tribunal américain sera contestée." J'imagine qu'il n'y a pas un syndicat américain qui va payer 31 000 000 $ sans contester. Cela, on devait le savoir depuis 1975.

Le deuxième élément: "L'union américaine dispose de fonds considérables et a les moyens d'en appeler jusqu'au plus haut tribunal du pays, ici comme aux États-Unis." Je pense qu'on devait savoir cela également dès le début de la poursuite. Là, on dit qu'ils sont très solvables. "Toutes ces procédures pourraient être très longues - cela aussi on le savait, en 1975, que c'est long lorsqu'on fait le cheminement devant les tribunaux ici et là-bas - et entraîneraient de part et d'autre des frais légaux considérables." Vous deviez en avoir une idée lorsque vous avez voté un demi-million comme base de départ pour un an, parce que vous le votiez pour un an. Qu'est-ce qu'il y a de changé? Pourquoi abandonnez-vous contre le syndicat québécois parce qu'il n'est pas assez solvable et contre le syndicat américain parce qu'il est trop solvable? C'est cela que je ne réussis pas à concilier.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, ce document du 19 février, je m'y suis référé moi-même ce matin. Après la réunion du conseil d'administration du 6 février, le conseil avait accepté d'aller explorer sur la base de certains critères qui sont énumérés dans le procès-verbal. Il demeurait dans la tête du président du conseil, ainsi que dans la tête de certains administrateurs certains doutes en ce qui regarde cet aspect. Je vous ai dit moi-même que j'étais convaincu, si vous voulez, basé sur aucun avis juridique, déjà depuis le 22, le 17 ou dans ce coin-là. En tout cas, à force d'entendre parler les procureurs, évidemment, on peut se faire une opinion personnelle et c'était la mienne.

Donc, devant les hésitations de certains administrateurs sur cet aspect spécifique, compte tenu du fait que le dernier avis que nous avions datait du 5 janvier 1979, document paraissant au conseil d'administration du 9 janvier, le président du conseil, s'adressant directement au chef du contentieux d'Hydro-Québec, Me Gadbois, lui demande d'émettre une opinion qu'il voulait voir entériner par les procureurs de la SEBJ. C'est ce document que vous avez. On retrouve ces documents aux pages 130, 131, 132 et 133 dans le cas du document du contentieux d'Hydro, et à 134 et 135, on a l'opinion juridique de Geoffrion et Prud'homme endossant l'avis juridique.

Ce qu'il est important de noter, c'est qu'entre les deux évaluations qu'on en faisait, c'est-à-dire celle du début de janvier 1979 et celle qu'on retrouve dans le document auquel vous faites allusion, comment dire, les difficultés semblent être plus prononcées. On ne nie pas qu'il y ait possibilité d'aller chercher, d'exercer ou d'exécuter un jugement auprès du syndicat américain. (17 h 15)

Si vous le permettez, je vais vous lire une partie, du document du contentieux d'Hydro-Québec, à la page 133, au dernier paragraphe: "Toutes ces procédures - on parle des procédures à intenter tant au plan canadien qu'au plan américain - pourraient être très longues et entraîneraient de part et d'autre des frais légaux considérables. Voilà des facteurs dont il faut tenir compte si l'on ne considère que l'aspect monétaire comme motif pour procéder à jugement dans cette cause et nous avons jugé bon de vous les mentionner". L'écriture n'a jamais ressemblé à cela. On y disait la même chose, mais en ne mettant pas l'emphase sur cet aspect des difficultés qui pourraient résulter.

Dans le document de Geoffrion et Prud'homme, à la page 135, on parle de cette notion d'exemplification entre les cours canadiennes et les cours américaines. Or, sur une action en exemplification intentée devant la cour fédérale du district de Columbia, comme le suggèrent nos correspondants américains - parce qu'on avait permis, effectivement, à Geoffrion et Prud'homme de consulter des avocats américains - la sympathie de ce tribunal pourrait naturellement pencher en faveur du défendeur américain, habitué qu'il est à appliquer l'article no 6 du Norris-LaGuardia Act qui stipule comme suit..." Je vous en épargne la lecture. D'accord, je vais le lire: "No officer or member of any association or organization, and no association or organization participating or interested in a labor dispute, shall be held responsible or liable in any court of the United States for the unlawful acts of individual officers, members or agents, except upon - et c'est souligné - clear proof of actual participation in, or actual authorization of, such acts, or of ratification of such acts after actual knowledge thereof". Donc, pour la première fois, cette notion d'exemplification, qui semblait être un acquis, est mitigée et implique, ce faisant, des délais beaucoup plus longs. Donc, pour nous - en tout cas, pour moi, en tant qu'administrateur - c'est un peu le genre d'écrit que j'aurais souhaité avoir dès le 22 janvier, mais que je n'ai malheureusement obtenu que le 19 février.

M. Paradis: Est-ce que vous êtes d'accord pour confirmer que l'opinion

juridique de Geoffrion et Prud'homme que vous venez de citer et qui est signée par Me Jean-Paul Cardinal, immédiatement à la suite de ce que vous avez lu, conclut quand même ce qui suit: "Les tribunaux fédéraux américains pourraient, dans ce contexte, être tentés d'appliquer la règle de réciprocité que la jurisprudence récente semble avoir répudiée?" Vous avez également pris connaissance de cette partie de texte.

Vous avez abandonné les poursuites au Québec parce que les gens n'avaient pas d'argent, mais vous étiez convaincu, vous-même, depuis toujours - cela vous l'a confirmé - que le syndicat américain avait amplement d'argent. Ce sont des questions de délais et de coûts qui vous inquiétaient. C'est cela?

M. Laliberté: Point d'intérêt: le 19 février, nous n'avions pas encore abandonné la poursuite. Cela n'a été fait que le 28.

M. Paradis: Est-ce que vous l'aviez abandonnée sur la base de cet avis juridique?

M. Laliberté: Si on n'avait pas pu trouver la preuve qui est mentionnée là, cela reste à voir.

M. Paradis: Quelle preuve? Je m'excuse.

M. Laliberté: Excusez-moi. Replaçons les choses dans le temps. Ces avis nous parviennent le 19 février et le conseil du 20 reprend à peu près le même genre de discussion, dans le même contexte mais cette fois-ci avec ce double avis, qui est beaucoup plus fort, sur la question d'exemplification et la possibilité d'exécuter un jugement qui aurait été favorable, du côté américain. C'est cela qui est percutant.

M. Paradis: Est-ce que, le 19 février, vous avez communiqué avec le bureau du premier ministre ou si le bureau du premier ministre a communiqué avec vous?

M. Laliberté: Pardon?

M. Paradis: Le 19 février...

M. Laliberté: Oui.

M. Paradis: ...est-ce que vous avez communiqué avec le bureau du premier ministre ou si le bureau du premier ministre a communiqué avec vous.

M. Laliberté: Aucunement.

M. Paradis: Aucunement. Lorsque vos premiers doutes, à titre d'administrateur responsable de la société, vous sont venus à l'esprit sur la possibilité d'exécuter le jugement contre le syndicat américain, est-il exact que vous aviez dans les mains des opinions de l'étude Geoffrion, Prud'homme et Associés qui dataient de 1975? Aviez-vous également des opinions de l'étude Pouliot, Dion et Guilbault?

M. Laliberté: C'est bien cela.

M. Paradis: Vous aviez ces opinions-là reconfirmées en janvier?

M. Laliberté: En janvier 1976.

M. Paradis: Vous, lorsque, à titre d'administrateur, vous avez eu un doute - je vous regarde témoigner depuis ce matin et lorsqu'il s'agit de question légale, le premier réflexe que vous avez comme administrateur est de vous tourner vers des avocats - est-ce que vous vous êtes tourné vers d'autres avocats pour confirmer ce petit doute-là?

M. Laliberté: Non, aucunement.

M. Paradis: À ce moment-là, vous n'aviez pas le même réflexe?

M. Laliberté: Je voudrais rappeler que j'ai aussi dit ce matin que les procureurs, pour moi, sont des conseillers. On n'a pas nécessairement à suivre leurs conseils ad vitam aeternam.

M. Paradis: C'est important. Lorsque vous avez un conseil d'un professionnel, d'un expert dans le domaine, qui est répété - là, on a deux avis de Geoffrion et Prud'homme et on en a un d'un autre bureau d'avocats, tout va dans le même sens - vous, à titre d'administrateur - je pense qu'il est permis d'avoir des doutes et, comme vous le dites, vous les utilisez, vous les engagez ces gens-là - lorsque vous avez un doute, ce n'est pas votre réflexe d'aller faire vérifier ce doute-là auprès d'autres professionnels du même métier? Avez-vous des compétences juridiques qui vous permettaient de dire qu'il n'y avait pas moyen d'aller contre le syndicat américain?

M. Laliberté: Non. Me Gadbois me souligne que les procureurs de la compagnie s'étaient informés auprès de procureurs américains, auprès d'avocats américains. On peut donc dire déjà que c'était un avis de l'extérieur. Quant à moi, je n'ai pas jugé à propos...

M. Paradis: Est-ce que l'avis des procureurs américains n'appuyait pas les opinions de Geoffrion et Prud'homme, selon lesquelles il y avait possibilité d'aller au bout?

M. Laliberté: Si on retourne au

document que j'ai reçu le 5 janvier, ce document signé de Geoffrion et Prud'homme, à la page 30, je lis dans le premier paragraphe, à mi-chemin: "Nous avons reçu une opinion de nos correspondants américains, Elarbee, Clark & Paul, sur la reconnaissance, en vertu de la loi américaine, des jugements prononcés à l'étranger. Ils nous confirment qu'un jugement rendu dans la province de Québec n'est pas automatiquement exécutoire aux États-Unis, mais qu'il peut, cependant, fonder avec succès une action intentée là-bas."

M. Paradis: C'est le même cas pour l'Ontario; il faut qu'il soit repris là-bas.

Le Président (M. Jolivet): D'autres questions M. le député?

M. Paradis: Cet avis continuait de la façon suivante: "Le droit américain fait montre de générosité à l'égard des jugements étrangers, de telle sorte que si certains prérequis existent, le défendeur de l'action intentée aux États-Unis sur la foi du jugement étranger ne peut plus réouvrir le débat à son mérite." C'est ajouté.

Maintenant, si on revient à la rencontre que vous avez eue avec l'honorable premier ministre à son bureau le 1er février, vous avez mentionné ce matin, dans votre témoignage, que cela avait duré approximativement, si ma mémoire est fidèle, quinze minutes. Durant ces quinze minutes, le premier ministre vous aurait dit - je vous cite du mieux que j'ai pu en prendre note - "Vous réglez, maudit (pire que maudit) sinon, on réglera nous-mêmes!" Est-ce que ce sont les seules paroles de ce genre ou de ce caractère que le premier ministre a prononcées au cours de cette réunion?

M. Laliberté: De mémoire, oui.

M. Paradis: De mémoire, ce sont les seules. Il n'en a pas prononcé d'autres à l'endroit de M. Boyd ou d'autres personnes présentes? Vous ne vous en souvenez pas?

M. Laliberté: Non.

M. Tremblay: À quoi dit-il non?

M. Paradis: On va tirer cela au clair. Est-ce que vous affirmez qu'il n'en a pas prononcé ou si vous affirmez que vous ne vous en souvenez pas? C'est à vous de répondre.

M. Laliberté: C'est de mémoire.

M. Paradis: C'est de mémoire. On fait appel à votre souvenir, donc, vous ne vous en souvenez pas? Je veux que cela soit clair, à la demande du député de Chambly qui voulait que cela soit très clair. Lorsque vous avez rencontré le chef de cabinet du premier ministre, combien de temps la rencontre a-t-elle duré?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je dirais le même nombre de minutes, quinze minutes, quoi.

M. Paradis: Quinze minutes. Est-ce que ce sont sensiblement les mêmes choses qui ont été dites par les deux personnes? Les propos tenus par M. Boivin, à votre première rencontre, étaient identiques à ceux tenus par le premier ministre ou d'une même nature?

M. Laliberté: Non, il faut mettre les choses dans leur contexte. Évidemment, nous sommes un mois plus tôt. Les arguments ne sont pas les mêmes.

M. Paradis: Quels arguments avait M. Boivin à cette époque?

M. Laliberté: Principalement, toujours cette notion de solvabilité de la partie québécoise et le coût du procès comme tel.

M. Paradis: Les mêmes arguments que ceux du premier ministre?

M. Laliberté: Sauf que le premier ministre a ajouté la question de... Je crois que oui. J'en ai mentionné un troisième, tout à l'heure, qui était celui des travailleurs. J'ai parlé des travailleurs qui n'étaient pas responsables en quelque sorte de ces incidents. C'était le lot de quelques individus qui ont finalement été condamnés au criminel.

M. Paradis: Vous avez dit, ce matin: Je ne me souviens pas pendant une certaine période. Je me souviens que je n'ai pas parlé au premier ministre. Je me souviens que je n'ai pas parlé à aucun autre de ses adjoints, mais je ne me rappelle pas si j'ai parlé à M. Boivin. Là, vous avez dit quelque chose qui m'a frappé. Vous avez dit: Lorsqu'on parle au premier ministre, cela, on ne l'oublie pas. Je me souviens que vous avez déclaré cela ce matin devant la commission. Si vous n'oubliez pas les paroles de notre premier ministre, quand le premier ministre vous a déclaré: Vous réglez ou bien je règle, d'après votre jugement, est-ce que cela n'a pas porté un poids? Si un appel téléphonique du premier ministre a une importance pour vous, est-ce que ses paroles n'ont pas influencé votre jugement dans les décisions qui ont été prises par la suite?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: J'ai parlé des deux raisons pour lesquelles je n'ai pas été influencé. Premièrement, c'est parce que j'étais du même avis, si on peut dire, depuis le 22 janvier, donc, avant cette rencontre avec le premier ministre. Deuxièmement, je considérais, à ce moment-là, que la seule autorité habilitée, selon la loi, à régler le problème était le conseil d'administration. J'avais la chance d'assister à cette réunion, mais comme un des onze membres de ce conseil d'administration. Donc, je ne voyais pas comment on aurait pu régler le problème autrement que par le conseil d'administration.

M. Paradis: Mais vous savez que le premier ministre, à partir de son rôle de premier ministre et comme président de l'Exécutif et président de la majorité ministérielle en Chambre, peut changer les lois. Est-ce que vous le saviez à cette époque? Est-ce que vous savez, s'il l'avait voulu, qu'il aurait pu modifier la loi et régler autrement? Est-ce que vos connaissances juridiques allaient jusque-là?

M. Laliberté: On peut faire des choses, mais il y a des choses qui sont tout simplement aberrantes à faire.

M. Lalonde: Oui, on l'a vu. On sait cela.

M. Paradis: Très bien.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. Laliberté, tout à l'heure, en répondant au savant procureur de Brome-Missisquoi sur les questions d'exemplification d'un jugement qui pourrait éventuellement être rendu par un tribunal de première instance, après, bien sûr, possiblement une Cour d'appel et, après, un appel en Cour suprême, il faut passer la frontière et recommencer en première instance, vous avez mentionné - cela m'a frappé - que vous preniez connaissance de cette procédure en exemplification d'un jugement rendu par un tribunal canadien pour la première fois. Vous avez dit, tout à l'heure, que c'était la première fois que cette question d'exemplification était portée à votre connaissance. (17 h 30)

M. Laliberté: Excusez-moi, M. le Président.

M. Duhaime: Est-ce que j'ai mal saisi? M. Laliberté: Pardon?

Une voix: II ne comprend pas encore, c'est comme tantôt.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Duhaime: Je vais reprendre ma question, M. le Président. Cette question de l'exemplification des jugements, la procédure de reconnaissance d'un jugement rendu par un tribunal canadien pour être reconnu devant une cour américaine pour ensuite être exécutoire contre un syndicat américain, a-t-elle été portée à votre connaissance pour la première fois au cours du mois de janvier 1979 ou bien si à votre dossier il y a des documents qui indiquent que cette question d'exemplification avait été étudiée auparavant, c'est-à-dire au moment d'intenter la poursuite et qu'à votre arrivée à la Société d'énergie de la Baie-James on vous en a fait part?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Oui, M. le Président. Les avis juridiques de Geoffrion et Prud'homme datant du 16 décembre 1975 couvraient déjà cette notion. Donc, dans les premiers jours après mon arrivée, lorsque j'ai commencé à m'intéresser à cette question, j'ai été, comment dire, assujetti à cette notion avant le 1er janvier. J'ai donc été assujetti à cette notion avant le mois de janvier.

M. Duhaime: Je termine là-dessus, M. le Président, avec le document que vous avez déposé, ce matin, qui se reporte à l'opinion des procureurs Geoffrion, Prud'homme et qui porte la date du 19 février 1979. Je pense que, pour les fins de la bonne compréhension de nos travaux, je ne prendrai pas sur moi de traduire l'article 6 du Norris-LaGuardia Act, mais on va demander à des gens de nous en faire une traduction. Il y a toute cette question d'exemplification avec l'avis juridique du 19 février 1979 qui est signé par Me Jean-Paul Cardinal, de la même firme de procureurs depuis le début de cette instance devant la cour. Est-ce à ce moment que vous-même avez consolidé l'opinion que vous vous êtes faite qu'il était risqué de continuer les procédures même dans l'hypothèse où un lien de causalité et une responsabilité était établie devant une cour canadienne et que le problème restait entier dans votre esprit à faire reconnaître ce jugement devant un tribunal américain avant de l'exécuter, peu importe le montant?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, à cette question, je réponds certainement oui. La raison principale en est que nous souhaitions que durant le procès nous puissions démontrer cette relation directe entre M. Duhamel et le syndicat impliqué. Ce qui vient, c'est une exigence qui nous est

clairement démontrée dans le document de Geoffrion et Prud'homme, lorsqu'on dit: "Clear proof of actual participation in, or actual authorization of, such acts, or of ratification of such acts after actual knowledge thereof". Je mentionnerai aux membres de la commission que, dans le cas de la Gaspé Copper Mines, évidemment, tous ces éléments ont clairement été démontrés. C'est la raison pour laquelle les procureurs Geoffrion et Prud'homme en parlent dans la page qui précède.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. M. Laliberté, le 3 janvier 1979, vous étiez P.-D.G. de la Société d'énergie de la Baie-James depuis environ trois mois, n'est-ce pas?

M. Laliberté: C'est le cas, M. le Président.

M. Bourbeau: Vous avez été convoqué au bureau du chef de cabinet du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin. À ce moment - je crois que c'est ce que vous avez dit ce matin - M. Boivin vous a indiqué que le premier ministre souhaitait que la cause se règle. À ce moment, vous n'aviez pas encore - pour employer votre expression - changé votre vision des choses, n'est-ce pas?

M. Laliberté: C'est exact.

M. Bourbeau: Donc, vous vous êtes présenté dans le bureau de M. Boivin étant convaincu, selon les opinions juridiques que vous avez depuis toujours, que la cause était bonne, que vous aviez un débiteur solvable en la personne des syndicats américains, et M. Boivin vous dit: Non, il faut régler. Quelle a été votre réaction à vous?

M. Laliberté: Quelle a été ma réaction devant les arguments soulevés par M. Boivin?

M. Bourbeau: Vous étiez d'avis qu'il fallait continuer la cause à ce moment et on vous dit: II faut arrêter. Quelle a été votre réaction?

M. Laliberté: M. Boivin a soulevé des arguments dont j'étais conscient. Par exemple, la question d'insolvabilité des défendeurs québécois; c'était connu depuis les premiers avis juridiques de nos procureurs. Le deuxième point, je ne m'en souviens plus. Donc, dans ce contexte, compte tenu du document que j'avais déjà devant moi pour le conseil du 9, ce document des gestionnaires, compte tenu également de l'avis juridique dont j'avais eu la chance de discuter partiellement avant qu'il me soit transmis officiellement le 5 janvier, dans tout ce que pouvait me dire M. Boivin, pour moi, il n'y avait pas d'élément nouveau qui puisse m'amener, en quelque sorte, à suggérer ou, même, à demander au conseil d'administration de retarder le début du procès.

Et quand je dis élément nouveau, j'ai employé également cette expression dans le cas des documents que j'ai reçus le 1er et le 16 de la part de Me Jasmin et, le deuxième, le 22. Élément nouveau dans le sens que, aussi longtemps qu'il n'y avait pas reconnaissance de responsabilité, aussi longtemps qu'il n'y avait pas reconnaissance du quantum des dommages impliqués, pour moi il n'y avait pas d'élément qui puisse me faire changer d'idée. Dans ce contexte, les arguments soulevés par M. Boivin ne m'étaient pas inconnus. Je les avais moi-même dans les documents devant moi et ce n'était certainement pas une raison pour changer mon approche a ce moment.

M. Bourbeau: M. Laliberté, le 3 janvier, vous aviez une opinion juridique qui vous disait: La cause est bonne, on a un débiteur éminemment solvable et on peut le faire payer. C'est à peu près, si je résume, l'opinion juridique, avec quelques nuances. À ce moment, en quoi les arguments de M. Boivin pouvaient-ils vous influencer? Le fait que votre débiteur reconnaisse sa responsabilité ne mettait pas d'argent dans les poches de la SEBJ. L'autre raison que vous avez invoquée, qu'ils admettent le quantum des dommages, ne mettait rien, non plus, dans les poches de la SEBJ. Est-ce que votre premier intérêt n'était pas de percevoir une somme de 32 000 000 $ pour rembourser les dommages que votre organisme avait subis?

M. Laliberté: L'intérêt de la société aurait été et demeure toujours...

M. Bourbeau: Mais en tant qu'administrateur de fonds publics, est-ce que ce n'est pas votre intérêt de percevoir vos fonds?

M. Laliberté: De percevoir la totalité des dommages, certainement, mais à partir du moment où on découvre qu'on ne peut pas exécuter ce jugement de 32 000 000 $, vous devez donc changer votre orientation. C'est exactement ce que j'ai fait.

M. Bourbeau: Le doute que vous ne pouviez percevoir vos 32 000 000 $, il est venu le 19 février, un mois et demi plus tard, quand vos avocats, tout à coup, ont modifié leur opinion juridique. Avant cette date, vous n'aviez absolument rien qui vous justifiait de penser que vos débiteurs deviendraient tout à coup moins solvables. Alors, pourquoi avez-vous changé d'idée

entre-temps?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Pourquoi les procureurs, si je comprends bien la question, M. le Président, ont-ils changé d'idée entre-temps?

M. Bourbeau: Non, non. Non, vous-même, M. Laliberté, le 19 février. C'est uniquement le 19 février que vos avocats ont tout à coup dit: Le recours contre les syndicats américains n'est peut-être pas aussi solide qu'on le pensait. Mais, jusqu'à cette date, vous n'aviez rien qui vous indiquait que vous ne pouviez pas percevoir vos 32 000 000 $. Pourquoi avez-vous changé votre opinion avant cette date?

M. Laliberté: Question d'opinion, M. le Président. Que voulez-vous? On s'en fait une opinion, peu importent les documents qu'on a devant nous.

M. Bourbeau: Oui, mais en tant qu'administrateur de fonds publics, qui doit voir à ce que la société que votre dirigez perçoive ses créances, quelle opinion vous permettait de changer d'idée?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, si vous le permettez, on va retourner un peu en arrière et consulter les documents que je vous ai fait distribuer juste avant le dîner, ces documents datés du 11 décembre 1978, pour tenter de peut-être, comment dire, inclure dans l'évolution de ma pensée cette question d'exemplification et d'exécution de jugements favorables auprès des Américains.

Donc, on se souvient qu'en janvier 1975 - c'est bien cela? - un premier avis nous est fourni par les deux procureurs: Geoffrion et Prud'homme, d'une part, et l'autre bureau. Donc, on en déduit que tout ce monde a pu démontrer sa responsabilité et qu'en fin de compte on pourra exécuter un jugement qui devrait nous être favorable jusqu'à concurrence de 32 000 000 $. On se retrouve pratiquement trois ans plus tard, le 11 décembre 1978, avec le document de Geoffrion et Prud'homme que vous avez entre les mains, au deuxième paragraphe... Avez-vous le document?

Le Président (M. Jolivet): Oui. Il a été distribué.

M. Laliberté: Je cite au texte: "Toute procédure d'exécution dirigée contre les défendeurs Yvon Duhamel, Michel Mantha, Maurice Dupuis, André Desjardins et René Mantha serait extrêmement aléatoire et les actifs qu'ils pourraient posséder n'auraient aucune commune mesure avec la somme réclamée dans notre action. Nos enquêteurs nous assurent que, d'ici quelques jours, nous pourrions être en mesure de vous donner des informations assez précises sur la solvabilité du local 791 de l'International Union of Operating Engineers, de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, du local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique et du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction." Ceci faisait suite à la demande de l'administrateur datée du 27 novembre. "Il est à présumer cependant que cette solvabilité est extrêmement relative eu égard à la réclamation."

Donc, on redit ce qu'on a toujours dit et ce qu'on va confirmer dans l'avis juridique du 5 janvier. "Quant à la capacité de payer de l'International Union of Operating Engineers, elle ne fait pas de doute." Les documents qu'on vous a distribués, vous pourrez les consulter. Elle ne fait certainement pas de doute. Nos correspondants américains, MM. Elarbee, Clark & Paul, doivent nous faire parvenir d'ici peu certains renseignements concernant la situation financière actuelle, de ce syndicat aux États-Unis. Il est toutefois peu probable que ce syndicat ait des actifs de quelque importance au Québec et l'on peut déjà présumer, au cas où un jugement interviendrait contre lui, que seules les cotisations qui doivent lui être versées par les travailleurs québécois pourraient être saisies. Mais il n'est absolument pas exclu que ce syndicat américain se sente moralement lié par tout jugement qui pourrait être prononcé contre lui de telle sorte qu'une exécution volontaire demeure du domaine des possibilités. Afin d'être en mesure de vous éclairer davantage sur les possibilités de recouvrement à la suite de tout jugement qui pourrait être prononcé contre l'International Union of Operating Engineers nous avons requis une opinion de nos correspondants."

Donc, d'après ce deuxième paragraphe: "Toute procédure d'exécution dirigée contre les défendants serait extrêmement aléatoire", je pense que déjà on devine chez les procureurs une certaine mitigation.

M. Bourbeau: M. le Président, une question de règlement. M. Laliberté, je ne veux pas vous bousculer, mais la question que je pose ne traite pas du tout du sujet que vous traitez. Je ne vous parle pas des syndicats québécois. Admettons qu'ils n'étaient pas très solvables. Une opinion juridique que vous avez eue vous disait plus tard, d'ailleurs, que la totalité des actifs du syndicat des métiers de la construction, si je me souviens bien, n'excédait pas 100 000 $. Vous le saviez et je suis bien d'accord avec vous qu'à ce moment, on perdait du temps de tenter de percevoir ces sommes. Mais

vous me parlez encore de MM. Mantha et Duhamel. Le deuxième paragraphe traite des individus québécois, le troisième parle encore des locaux québécois.

Je vous parle des syndicats américains et uniquement des syndicats américains. Je vous répète ma question de tantôt. L'opinion juridique que vous avez obtenue le 5 janvier 1979, qui est subséquente à celle dont vous parlez, vous disait en substance que vos débiteurs américains, enfin, les syndicats américains, étaient éminemment solvables, que leurs actifs dépassaient même les 32 000 000 $ et que que vous auriez probablement de bonnes chances de percevoir contre eux la créance, évidemment en prenant le temps qu'il faut, en dépensant les frais juridiques qu'il faut. Mais, en tant que P-.D.G., vous saviez que vous aviez un débiteur solvable. Dans ces conditions, qu'est-ce qui vous a fait changer votre vision des choses entre le 3 janvier et, disons, le 15 février? Parce que vous avez dit que vous aviez changé votre vision des choses le 23 janvier. Que s'est-il produit le 23 janvier pour que, tout à coup, vous ne pensiez plus qu'on pouvait percevoir les 32 000 000 $ de ce syndicat américain?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: J'ai dit, M. le Président, que mon doute avait augmenté graduellement et que, aux alentours du 22 janvier, compte tenu des deux offres que nous avions reçues de la part du défendeur, compte tenu du fait que nous avions deux éléments nouveaux et capitaux pour moi, c'est-à-dire la reconnaissance de la responsabilité par certaines parties des défendeurs et la reconnaissance des quanta en ce qui regarde les dommages; pour moi, combiné à ce doute qui augmentait, cela m'a amené à préconiser au conseil...

Je ne peux pas me baser - je dois le reconnaître - sur un avis juridique qui me dit: Ne fais pas confiance à cela. Je ne peux tout simplement pas le faire. Mais disons que c'est là. Je pense que cela fait partie de la logique de tout gestionnaire de faire la "balance" des évévements et d'en faire une déduction. Cela a été ma déduction. Je crois qu'elle n'a pas été fausse, finalement, parce que, dans ces avis juridiques que nous avons reçus le 19 février, le point était beaucoup plus clairement exposé. (17 h 45)

M. Bourbeau: M. Laliberté, quand vous avez rencontré M. Jean-Roch Boivin, le 3 janvier, vous n'aviez pas de doute à ce moment-là, n'est-ce pas?

M. Laliberté: Je n'avais pas de doutes sur quoi?

M. Bourbeau: Sur la possibilité de recouvrer les sommes du syndicat américain et de gagner l'action.

M. Laliberté: On peut dire que c'est graduel. Donc, on peut supposer que cela a commencé à ce moment-là ou avant.

M. Bourbeau: Est-ce que la rencontre avec M. Boivin vous a aidé à augmenter ces doutes?

M. Laliberté: Pas du tout.

M. Bourbeau: M. le Président, il faudrait qu'il réponde.

Le Président (M. Jolivet): Une réponse, M. Laliberté.

M. Bourbeau: M. Laliberté, est-ce que vous pourriez répondre à ma question, s'il vous plaît? Vous comprendrez qu'il y a un journal des Débats.

M. Laliberté: Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui. M. Laliberté, vous pouvez répondre à la question qui est posée?

M. Laliberté: Est-ce qu'on pourrait la répéter? Je m'excuse.

M. Bourbeau: II semblait que vous n'aviez pas tellement de doutes avant la rencontre du 3 janvier avec M. Jean-Roch Boivin. Je vous demandais: Est-ce que la rencontre avec M. Boivin a aidé à augmenter vos doutes?

M. Laliberté: J'ai dit non. M. Bourbeau: Aucunement? M. Laliberté: Non.

M. Bourbeau: Si je comprends bien ce que vous nous dites, c'est que, au début de janvier, vous aviez une bonne cause, vous êtes P-.D.G., vos avocats disent: Cela va bien, on devrait gagner le procès et percevoir les sommes des Américains, pas des syndicats québécois, mais des syndicats américains. Là, tout à coup, un doute s'installe, un peu après la rencontre avec M. Boivin. Le doute augmente jusqu'au 23 janvier où là, tout à coup, votre vision des choses change et vous devenez convaincu qu'il faut régler.

Vous nous dites que ce qui vous a influencé, c'est que le débiteur a fait une offre de 50 000 $ à un moment donné, puisqu'il est monté à 125 000 $ et que le débiteur a dit qu'il allait reconnaître sa responsabilité et reconnaître aussi le

montant des dommages. Quand un débiteur reconnaît le montant des dommages et sa responsabilité, mais qu'il me dit: Je ne vous paie pas, est-ce que, en tant que P-.D.G., vous trouvez cela satisfaisant?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. Oui, M. le ministre.

M. Duhaime: Dans ma déclaration d'ouverture ce matin, au début de nos travaux, j'ai dit que nous tenions une commission parlementaire pour faire devant cette commission toute la lumière possible sur les événements qui sont visés par le mandat de la commission. Je viens d'écouter très attentivement la dernière question qui est adressée à M. Laliberté. Dans un premier temps, cela contient un résumé que je qualifierais de subjectif, d'un témoignage qui vient d'être entendu tout à l'heure et, ensuite, on enchaîne avec une question.

Cette façon de procéder, M. le Président, je vous le soumets respectueusement, est généralement utilisée devant des tribunaux soit au civil, soit au criminel, et on appelle cela une procédure de contre-interrogatoire. Je suis parfaitement d'accord et tout à fait à l'aise pour dire, M. le Président, qu'on peut tester les réponses qui ont été rendues, mais pas emberlificoter quelqu'un par des questions comme celle que je viens d'entendre pour ensuite essayer d'aller chercher un oui ou un non.

Je vous avoue honnêtement, M. le Président, que je devrai vous demander à vous, comme président de nos travaux, de protéger les gens qui sont convoqués ici, dans un premier temps, et ensuite de faire en sorte qu'on ne se retrouve pas tout à l'heure avec les éminents membres du barreau de la rive sud de Montréal, de Brome-Missisquoi, de Gatineau, de l'ouest de Montréal ou d'ailleurs, qui, à tour de rôle, vont se succéder dans un contre-interrogatoire systématique.

J'ai pris la peine de faire ces nuances, M. le Président, elles sont importantes. Je répète ce que je disais ce matin, ce n'est pas un procès qui a lieu ici. Il n'y a pas d'accusé. Il n'y a même pas d'accusateur, je l'ai souligné. Alors, je demanderais, d'abord, à la présidence de veiller au grain et à nos travaux. Peut-être que je pourrais demander aussi à nos collègues de l'Opposition, s'ils veulent s'inscrire au dossier comme procureurs, que l'on change les règles du jeu pour tout le monde. Je vais m'opposer systématiquement, M. le Président, à ce qu'on fasse des recoupages, des résumés des témoignages pour tenter ensuite, par une question suggestive, d'aller chercher un oui ou un non, suivant que cela fasse l'affaire ou pas.

Le Président (M. Jolivet): La nuit portant conseil et sachant qu'on doit suspendre le témoignage de M. Laliberté pour un moment pour entendre M. Daniel Latouche, je pense que je vais me permettre sur-le-champ de dire que le député de Laporte aura le droit de parole à 10 heures, demain matin.

M. Duhaime: M. le Président, nous avions convenu que nous finirions d'entendre M. Laliberté avant de passer à M. Latouche. C'est dans ce sens-là que j'ai donné mon consentement, même si on dépassait 18 heures.

M. Lalonde: M. le Président, je ne me souviens pas d'avoir convenu de quoi que ce soit. J'espérais que le témoignage de M. Laliberté puisse se terminer avant 18 heures. On a voulu accommoder M. Latouche pour quelques minutes. Maintenant, je ne peux pas m'interposer si des députés ont des questions à poser. Il s'agit probablement du témoin le plus important, le P.-D.G de la SEBJ, qui a autorisé ce règlement. Le mandat de la commission dit bien qu'on examine toutes les circonstances entourant le règlement. M. le Président, je m'excuse auprès des témoins qui sont ici et qui attendent, mais ce n'est pas l'Opposition qui a décidé d'inviter ici aujourd'hui une dizaine de personnes. C'est manquer d'un peu de réalisme que de l'avoir fait, mais enfin.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, il reste que j'ai un problème, quand même. Je ne peux pas dépasser 18 heures. Ensuite, le député de Laporte n'a pas terminé ses questions. Le député de Louis-Hébert a demandé le droit de parole ainsi que le député de Gatineau. Compte tenu qu'on ne pourrait pas aller plus loin, puisque si chacun prenait 20 minutes, on dépasserait amplement 18 heures, compte tenu que j'avais compris qu'on permettait à M. Latouche, à cause des occupations qu'il a, à partir de demain, de pouvoir au moins, dans les quelques minutes qui suivent, faire son témoignage qui, semble-t-il, ne serait pas trop long d'après les renseignements que vous nous fournissez de part et d'autre, puisque vous m'aviez dit environ 10 ou 15 minutes, c'est dans ce sens que je demandais de suspendre l'interrogatoire de M. Laliberté pour passer à M. Latouche et j'invite M. Laliberté à être ici demain matin, à 10 heures.

M. Duhaime: Seulement une dernière remarque, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Vous savez que, par consentement, nous pouvons faire beaucoup de choses. J'offre donc notre consentement

pour que nous puissions filer un peu après 18 heures pour que tous les députés ici puissent intervenir, s'ils le veulent, pour terminer le témoignage ou la comparution de M. Laliberté. Ensuite, on pourrait entendre M. Latouche. Si vous dites que vous en avez encore pour deux heures, je vais me rendre à votre demande, mais s'il n'y en a que pour 10 ou 15 minutes, je pense que personne ne va mourir si on filait jusqu'à 18 h 15, en incluant le témoignage de M. Latouche. Quand j'ai donné mon consentement, tout à l'heure, j'ai bien précisé - j'ai cru recevoir un signe de tête - que nous disposions de M. Laliberté.

Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas faire de procédure pour le moment, compte tenu que, d'une façon ou d'une autre, je n'ai pas le consentement pour aller plus loin que 18 heures, sauf pour entendre M. Latouche.

M. Lalonde: M. le Président, on le donnerait facilement s'il restait une dizaine de minutes, mais je comprends qu'il y a 3 collègues de ce côté-ci, et je ne sais pas combien de députés de l'autre côté sont intéressés à poser des questions, mais cela prendrait au moins une heure, peut-être même davantage.

M. Duhaime: Vous auriez pu le dire plus vite. J'aurais ménagé ma salive. Je suis parfaitement d'accord. Appelons M. Latouche et suspendons le témoignage de M. Laliberté.

Le Président (M. Jolivet): M. Latouche, vous êtes demandé. Entre-temps, je vous remercie, M. Laliberté, et je vous invite à être ici demain matin.

M. Latouche, avec le greffier.

Le greffier (M. Jean Bédard): Voulez-vous mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi, s'il vous plaît: Je (nom et prénom) jure ou déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité?

M. Daniel Latouche

M. Latouche (Daniel): Je, Daniel Latouche, déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Est-ce que vous avez une déclaration première ou si on passe immédiatement aux questions?

M. Latouche: Très rapidement, j'étais, de septembre 1978 à janvier 1980, conseiller pour les affaires constitutionnelles et canadiennes au bureau du premier ministre, en congé de mon université. Je suis professeur de sciences politiques. À une date qu'on me dit être le 16 février - je n'ai aucune raison de garder une telle date - une personne s'est présentée à mon bureau, se disant être mon cousin, du nom d'Yvan Latouche. Comme je supposais ne pas avoir de cousin s'appelant Yvan Latouche et comme cette personne avait l'air respectable, ma curiosité étant piquée, je l'ai donc fait entrer dans mon bureau. Cette personne, en toute bonne foi, m'a raconté un certain nombre de déboires qu'elle avait eus, datant de quelques années, à l'emploi de la Société d'énergie de la Baie-James. Elle avait été renvoyée. Je suppose que cela est arrivé à plusieurs d'entre vous. Cela dit tout en respectant beaucoup M. Yvan Latouche, je ne comprenais pas tout à fait ce qu'il me racontait. Cela impliquait des allégations contre la société Hydro-Québec, des poursuites de plusieurs millions qu'il faisait, M. Boyd, en tout cas, tout un assemblage judiciaire.

Comme il arrive à plusieurs d'entre nous dans des situations comme celle-là, vous vous dites tout de suite: Qu'est-ce que je ferais bien - je m'excuse d'employer l'expression - pour m'en débarrasser? Je n'ai pas de formation juridique. J'étais là pour m'occuper des conférences constitutionnelles. Je crois que j'arrivais de Toronto et je repartais pour Winnipeg. J'ai donc simplement recommandé à M. Latouche d'aller voir une personne au bureau du premier ministre qui pouvait probablement -je le savais - s'occuper de ce genre de cas-là, M. Gauthier. M. Latouche a donc quitté mon bureau. J'ai téléphoné - je ne pourrais pas dire si c'est cette journée-là ou le lendemain - probablement cette journée-là, à M. Gauthier pour lui dire... Je t'envoie quelqu'un qui a un cas qui me paraît assez bizarre, assez extraordinaire. Ce n'est pas tous les jours que quelqu'un nous dit qu'il poursuit Hydro-Québec. Je le lui ai donc référé. Je lui ai aussi dit qu'il disait être mon cousin. Je ne croyais pas qu'il l'était, mais c'était assez secondaire. Trois jours plus tard, j'ai rappelé M. Gauthier pour lui demander littéralement: "Puis, l'as-tu vu?" -"Oui, je l'ai vu." - "Qu'est-ce que cela a l'air?" Il a dit: "Je m'en occupe." Je suis donc retourné à mes conférences constitutionnelles. Cela s'est arrêté là.

Je n'ai donc jamais discuté, pour éviter toutes les questions, avant, pendant, après, avec le chef de cabinet, avec un avocat, avec la société de ci et la société de cela, de cette question du saccage de la Baie-James. La première fois que j'ai revu le nom de M. Latouche a été, évidemment, lors de certains événements à la Société d'habitation du Québec. Je dois, cependant, avouer que ma curiosité a été satisfaite quand j'ai finalement remonté cette filiation parentale. Effectivement, nous avons un ancêtre

commun au XIXe siècle. M. Yvan Latouche est - il faut que je le dise rapidement - le petit-fils de mon grand-oncle ou quelque chose comme cela. De ce côté-là, je pense que nous avons la parenté que des gens qui s'appellent Lévesque peuvent avoir ici, ou Lalonde avec un autre Lalonde. Je savais que celle-là poignerait! Donc, avant aujourd'hui, je pense n'avoir jamais rediscuté de cette question. Voilà. (18 heures)

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je vais laisser la parole à mon collègue. S'il n'en tenait qu'à moi, je n'aurais pas dérangé M. Latouche.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. Latouche, je vous remercie d'être venu nous rencontrer. Naturellement, on nous a dit que tous les témoins pouvant faire la lumière sur les allégations publiées dans la Presse il y a quelques jours seraient les bienvenus. Comme votre nom a été mentionné dans ce journal comme ayant organisé une rencontre entre M. Yvan Latouche et M. Yves Gauthier, membre du cabinet politique du premier ministre, nous croyons que c'était la meilleure façon de vous le faire dire comme vous l'avez dit très simplement.

Peut-être une question. Est-ce que M. Gauthier vous fait un rapport de la réunion du 16 février?

M. Latouche: Je lui ai téléphoné pour lui demander quelque chose comme: Est-ce que cela a du bon sens, son histoire de poursuite contre Hydro-Québec? Je ne me souviens pas vraiment de ce qu'il m'a dit. Il ne m'a pas dit si cela avait du bon sens ou pas de bon sens, mais qu'il s'occupait du dossier. J'étais très satisfait, je dois l'avouer, de ne pas pousser le questionnaire plus loin. Pour moi, cela réglait l'affaire.

M. Lalonde: Savez-vous qu'après - c'est peut-être une conséquence de cette réunion -on a trouvé de la part de... je présume -vous pourrez me corriger, si je fais erreur -un emploi à M. Latouche dans l'entourage de M. Luc Cyr, qui avait des travaux de réparations majeures? Peut-être que votre influence est plus grande que vous ne le saviez.

M. Latouche: Quand j'ai vu cela, effectivement, plusieurs mois plus tard, je me suis dit: Mon doux, c'est efficace! Le système... C'est ce qui m'est venu à l'idée. J'aurais peut-être dû m'occuper de ce genre de choses plutôt que de faire des mémos sur...

M. Lalonde: Bien oui. Ce qu'on ne peut pas faire pour un frère, on peut le faire pour un cousin.

M. Latouche: J'étais à la période des questions tout à l'heure.

M. Lalonde: Le rapport que M. Gauthier vous a fait de cette rencontre, vous vous en souvenez?

M. Latouche: C'est: Je m'en occupe.

M. Lalonde: Vous n'étiez pas à cette rencontre?

M. Latouche: Non, je n'ai jamais revu aucune des personnes impliquées dans ce dossier; d'ailleurs, je n'en connais aucune.

M. Lalonde: Est-ce que M. Latouche vous avait parlé d'un document qu'il croyait incriminant à l'égard d'un personnage à la Baie-James?

M. Latouche: Oui, je me souviens de deux éléments: sa situation personnelle face à son employeur, qui avait été la Société d'énergie de la Baie-James, et un certain nombre de commentaires sur M. Boyd, qui avait été son employeur ou le président de son employeur. Mais cela, c'est tout ce dont je me souviens de cette conversation. Je vous avoue qu'à l'époque je m'étais dit: Tiens, cela doit être cela, faire du bureau du comté.

M. Lalonde: Oh! J'aimerais, monsieur...

M. Latouche: Je suis politicologue de profession. Je m'étais donc dit: Ce doit être cela. Des gens viennent vous exposer des...

M. Lalonde: Nous n'avons pas tous dans nos comtés les pouvoirs que vous aviez.

M. Latouche: Ah, cela!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, j'aimerais savoir de M. Latouche si premièrement, le genre de rencontre qu'il a eue avec son cousin éloigné était un événement qui était en dehors de l'ordinaire ou s'il arrivait parfois que des gens avaient recours à ses services. J'aimerais aussi, dans la même question, savoir de sa part quelle est la raison pour laquelle il l'a référé spécifiquement à M. Gauthier. J'imagine qu'il y a plusieurs personnes à l'intérieur du bureau du premier ministre qui s'occupent de diverses choses. Quelles étaient les raisons qui ont fait que vous avez décidé que la personne à qui on pouvait confier le cas un

peu emberlificoté de votre supposé cousin était justement M. Gauthier?

M. Latouche: Ce que je savais de M. Gauthier était qu'on l'appelait le notaire Gauthier et cela m'apparaissait être une question juridique d'avoir ou de ne pas avoir le droit. Je l'ai donc envoyé au notaire de la place. Comme je n'avais pas tellement de possibilités de ce côté, il y avait le chef de cabinet à qui j'aurais pu, je suppose, l'envoyer. Je ne pensais pas que c'était le genre de problème qu'on envoyait au chef de cabinet. Je l'inondais assez de mémos sur à peu près tout et rien. Je l'ai donc envoyé à celui qu'on appelait le notaire Gauthier dans le bureau.

Quant à savoir si ce genre de démarche était exceptionnel, je n'ai eu que quelques cas de problèmes personnels de ce même type qui allaient de quelqu'un qui voulait avoir une plume du premier ministre ou le genre de choses qu'on peut recevoir comme cela. J'ai dû m'en départir probablement de la même façon.

M. Doyon: M. le Président, avec votre permission. J'imagine, M. Latouche, que votre bureau était situé dans ce qui est communément appelé le "bunker". Est-ce que c'est cela?

M. Latouche: Oui.

M. Doyon: Alors, j'imagine que n'entre pas là-dedans qui veut. On n'entre pas là comme on entre dans une grange. Est-ce que cette personne avait pris rendez-vous auparavant de quelque façon? Comment cela s'est-il passé physiquement? Est-ce que vous pouvez nous informer là-dessus?

M. Latouche: Je pense que M. Latouche va s'en souvenir beaucoup mieux que moi. Cela n'a pu se passer que de deux façons. M. Latouche aurait pu se présenter au bureau et, en bas, on a téléphoné à mon bureau disant: II y a un M. Yvan Latouche qui voudrait vous voir. Vous savez, lorsque vous avez un nom comme Latouche, cela attire votre curiosité quand quelqu'un arrive. Ou bien, effectivement, M. Latouche avait téléphoné avant pour me demander un rendez-vous et je le lui ai accordé. D'une façon ou d'une autre, je ne m'en souviens pas. Je pense bien que M. Latouche lui-même doit s'en souvenir beaucoup plus précisément que moi.

M. Doyon: M. Latouche, pourriez-vous dire à la commission si, lors de la discussion que vous avez eue avec votre "cousin" entre guillemets, dans les commentaires qui vous ont été faits - ce que vous avez appelé des commentaires - il a été question de M. Robert Boyd? Ces commentaires, de près ou de loin - enfin, les informations qui vous ont été transmises sur M. Boyd - ont-ils été pour quelque chose dans le fait que ce M. Latouche a été référé plus spécifiquement à M. Gauthier?

M. Latouche: Absolument pas. J'ai su beaucoup plus tard que M. Boyd était impliqué dans le dossier - appelons-le le dossier - Yvan Latouche. Mais est-ce que je l'ai su de la part de M. Latouche cette fois-là ou est-ce que je l'ai su après? Je ne le sais pas. Mais encore une fois, je vous répète exactement la même chose. Je l'ai transmis au notaire Gauthier parce qu'on était entré au bureau du PM, comme on le disait, un peu en même temps. On avait dû se voir et cela m'apparaissait une décision sage à l'époque. Je ne sais pas si cela l'a été effectivement, c'est à vous d'en juger.

M. Doyon: M. Latouche, pouvez-vous nous dire si, dans les discussions que vous avez eues avec la même personne, il y a été question de près ou de loin de ce qui nous réunit ici, c'est-à-dire d'une poursuite intentée contre des syndicats et de certains événements qui se sont passés?

M. Latouche: Non. J'avais beaucoup plus l'impression - mes souvenirs sont assez exacts - que c'était une situation personnelle de M. Yvan Latouche, qui avait été à l'emploi de la Société d'énergie de la Baie-James et qui avait été remercié de ses services pour ce qu'il considérait, et qu'il m'a exposé, comme étant une injustice profonde. Mais cela n'avait rien à voir avec les événements connus sous le nom des événements de la Baie-James.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, avez-vous terminé?

M. Doyon: Seulement une question de détail. Les bureaux de M. Gauthier sont-ils à Montréal ou à Québec normalement?

M. Latouche: Les bureaux de M. Gauthier sont à Montréal.

M. Doyon: La rencontre dont on nous parle a eu lieu ici à Québec.

M. Latouche: Je ne le sais pas.

M. Doyon: Vous ne le savez pas?

M. Latouche: J'ai téléphoné.

Une voix: Avec vous?

M. Latouche: Avec moi, oui, à Québec.

M. Doyon: Mais celle qui a eu lieu avec M. Gauthier?

M. Latouche: Je ne le sais pas. Je présume qu'elle a eu lieu à Montréal puisque M. Gauthier venait très rarement. Je ne me souviens pas de l'avoir vu à Québec. Donc, je suppose que M. Latouche s'est rendu à Montréal rencontrer le notaire Gauthier.

M. Doyon: Pour terminer, M. le Président. Je pense que vous y avez déjà répondu, mais je ne suis pas très sûr de la réponse: Est-ce que vous avez revu M. Latouche après?

M. Latouche: Non, je ne l'ai pas... M. Doyon: En aucune circonstance? M. Latouche: Je l'ai revu aujourd'hui. M. Doyon: Oui, mais à part cela?

M. Latouche: Non, je ne l'ai pas revu. Je n'ai pas, à ma connaissance, non plus, eu de conversation téléphonique avec lui. Il m'a peut-être téléphoné pour me remercier, mais on n'a jamais reparlé du dossier.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Très rapidement, M. le Président. M. Latouche, lorsque vous avez rencontré M. Yvan Latouche et qu'il vous a appris, un peu à votre étonnement, qu'il était votre cousin, sur le coup, évidemment, je présume que cela vous a - comme vous l'avez dit - étonné un peu. Cela a piqué votre curiosité. Mais après coup, après vérification, lorsque vous vous rendez compte que les origines remonteraient au début de la colonie, est-ce que vous avez le sentiment que M. Latouche, lorsqu'il vous a rencontré en utilisant cette demi-vérité, a adopté une attitude qui n'était pas franche à votre égard?

M. Latouche: Non. Je n'ai jamais eu l'impression d'avoir été floué de ce côté-là. On dit cousin assez largement au Québec. Donc, je n'ai jamais "rappliqué" de ce côté. Cela ne m'a jamais tellement, pour vous dire franchement, tracassé. D'ailleurs, ce n'est pas pour cela que je l'avais reçu. Je l'avais reçu comme, je pense, quiconque se serait nommé Latouche l'aurait reçu.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Oui, M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: M. Latouche, seulement une question. Pour quelle raison l'avez-vous envoyé au notaire Gauthier, qui se trouvait ordinairement à Montréal, plutôt qu'à quelqu'un du bureau du premier ministre à Québec?

M. Latouche: Poser la question est peut-être aussi la réponse.

M. Saintonge: Vous étiez à Québec à ce moment-là?

M. Latouche: Oui. Ce cas-là me semblait, tel que décrit, tellement... Vous savez, quelqu'un qui dit: Je poursuis HydroQuébec ou je poursuis la Société d'énergie de la Baie-James, cela ne m'apparaissait pas quelque chose où l'implication d'aller à Montréal était très fondamentale. Je ne me souviens pas que M. Latouche m'ait dit: J'aimerais rencontrer quelqu'un d'autre ici à Québec. Il a donc dû se rendre à Montréal. Je suppose d'ailleurs, que la réunion a eu lieu à Montréal. Je ne le sais pas.

M. Saintonge: Ma question était: Pourquoi l'avoir référé à quelqu'un qui, usuellement, a son bureau à Montréal plutôt que, de le référer, avec un dossier comme cela, à quelqu'un d'autre au bureau du premier ministre à Québec?

M. Latouche: Vous savez, au bureau du premier ministre à Québec, il y avait un conseiller économique, il y avait un conseiller culturel; à part cela, il y avait le chef de cabinet. Comme j'avais déjà l'impression de le déranger beaucoup, donc la seule autre personne possible était à Montréal. J'en étais peut-être désolé, mais je n'avais pas vraiment d'autre choix qu'elle.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Quelle était la fonction de M. Gauthier au cabinet du premier ministre à ce moment-là, à votre connaissance?

M. Latouche: Vous savez, les fonctions des gens, au bureau du premier ministre, ont toujours été pour moi de grands sujets d'émerveillement. Je savais qu'il était conseiller politique, donc qu'il n'avait pas de champ spécifique d'affectation, mais qu'il avait une formation juridique. Je supposais qu'il s'occupait de cas où il y avait une dimension juridique d'impliquée. Je savais aussi qu'il s'occupait de corporations professionnelles, de cas qui pouvaient dépendre du bureau du premier ministre ou du ministère du Conseil exécutif.

M. Lalonde: Un conseiller politique, ça fait quoi, en particulier?

M. Latouche: Une très bonne question. Je me le demande encore. C'est un de mes sujets de réflexion professionnelle maintenant.

Le Président (M. Jolivet): M. le

ministre.

M. Duhaime: M. le Président, pour la bonne compréhension de ce genre de questions, peut-être que le député de Marguerite-Bourgeoys pourrait poser la question à son collègue qui est à sa gauche, le député de Jean-Talon, qui connaît bien ce genre de fonction.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys. S'il vous plaît!

M. Lalonde: Est-ce que vous connaissiez Me Michel Jasmin, à ce moment-là?

M. Latouche: Non.

M. Lalonde: Non. Merci. (18 h 15)

Ordre des travaux

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Latouche. Avant que je procède à l'ajournement des travaux à demain, 10 heures, je dois faire une correction. Je m'excuse auprès de M. Laliberté puisque j'ai pris sur moi de lui dire que demain il devait être présent à 10 heures. Je ne suis pas responsable de l'ordre du jour. Selon ce que le ministre a dit ce matin, à l'ouverture des travaux, ce n'est pas la suite de la journée d'aujourd'hui qui doit se poursuivre. Donc, je crois comprendre qu'on connaîtra demain les gens qui doivent venir. Je demanderais au ministre de nous dire les gens qui seront présents demain matin.

M. Duhaime: Oui. Suivant la tradition de ces commissions parlementaires, qu'elle soit bonne ou mauvaise, nous transmettrons au Secrétariat des commissions, dans les meilleurs délais, la liste des témoins pour la séance de demain.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je suis un peu surpris et presque inquiet. Nous avons commencé à entendre le témoignage de M. Laliberté. Nous désirons le terminer le plus tôt possible, sans interruption. Ensuite, le nom de M. Boyd suit sur la liste qui nous a été transmise. Alors, nous comptons bien poursuivre. D'ailleurs, cette liste a été faite par le gouvernement et nous l'avons acceptée. Je ne vois pas pourquoi on bousculerait les témoins.

Le Président (M. Jolivet): Et moi, je dois vous dire que, comme président, je dois me soumettre à l'ordre du jour qui m'est présenté au début de chacune des séances. Cependant, il est possible que, dans les minutes qui viennent, il puisse y avoir une discussion entre les deux leaders, celui du gouvernement et celui de l'Opposition, pour s'entendre sur l'ordre du jour de demain. Mais je n'aurai pas d'autre choix que de mettre en vigueur l'ordre du jour de demain.

M. Lalonde: Alors, je vous dis maintenant que nous, nous sommes d'accord, nous donnons notre consentement pour qu'on continue l'ordre du jour d'aujourd'hui.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Ce consentement n'est pas acquis de notre côté, M. le Président. Je pense que cela peut se jouer donnant, donnant. J'aurais souhaité, pour ma part, qu'on puisse avancer nos travaux considérablement ce soir, même si c'est le temps des sucres. On aurait pu travailler de 20 heures jusqu'à 23 h 59. L'Opposition, par la voix de son chef, a insisté énormément pour que la commission parlementaire qui travaille actuellement ait lieu avant le congé pascal. Nous avons eu, depuis le matin, des déclarations de part et d'autre, à l'ouverture. Je ne blâme personne. Seul M. Laliberté a pu être entendu jusqu'à maintenant. Et l'Opposition me dit qu'ils en ont pour deux heures...

M. Lalonde: Je n'ai pas dit deux heures.

M. Duhaime: Vous avez dit 2 deux heures et dans mon esprit...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse.

M. Lalonde: Non, je n'ai pas dit deux heures. J'ai dit une heure au moins, avec trois intervenants à 20 minutes chacun.

M. Duhaime: ...avec la marche des travaux et, disons, une certaine connaissance de ce métier et, en particulier, avec le député de Marguerite-Bourgeoys qui m'a déjà fait passer 70 heures 40 minutes et 22 secondes en commission parlementaire, je suis enclin à penser que...

M. Lalonde: Ce n'est pas difficile.

M. Duhaime: ...avec huit ou neuf, de l'autre côté qui vont poser des questions à tour de rôle... Je vous dis que je garde l'entière liberté, suivant nos règlements, de proposer un ordre du jour lorsque la séance ouvrira demain matin.

Le Président (M. Jolivet): Un instant.

M. Duhaime: Mais suivant ce qui a toujours été fait, des deux côtés de

l'Assemblée nationale, l'ordre du jour et la liste des témoins seront transmis au Secrétariat des commissions le plus rapidement possible.

M. Lalonde: M. le Président, je désire m'inscrire en faux contre cette attitude. Nous avons une liste qui semble assez logique jusqu'à maintenant. Nous l'avons entamée et voici que le ministre, un peu de mauvaise humeur - c'est, d'ailleurs, lui qui pistonnait le leader du gouvernement qui a presque manqué à sa parole, et on sait que c'est un homme de parole - a failli faire une grande erreur - heureusement qu'on l'a réchappé - et nous faire siéger ce soir alors que ce n'était pas prévu. Je compte bien, demain, qu'on ne sera pas devant une espèce de tripotage de la liste des témoins simplement pour plaire au ministre. Le premier ministre s'est engagé, mercredi dernier, à ce qu'on ait le loisir d'entendre tous les témoins. Je ne vois pas, d'ailleurs, comment les témoins qui sont sur la liste vont savoir lequel viendra demain, à 10 heures. Quand allons-nous savoir qui nous interrogerons demain? Il faut quand même préparer nos interventions, nos questions.

M. Duhaime: Vous étiez fin prêts, selon vos interventions de la semaine dernière en commission parlementaire. J'ajoute également que la dernière personne qui a été convoquée, M. Daniel Latouche, l'a été à votre demande. Je n'avais aucune espèce d'idée, il n'était même pas à l'ordre du jour d'aujourd'hui. C'est par le consentement que je vous ai donné qu'on a pu accommoder M. Latouche, lui permettant de vaquer à d'autres occupations.

M. Lalonde: C'est à sa demande, ce n'est pas à la nôtre. C'est à sa demande qu'il a passé aujourd'hui parce qu'il part en voyage demain.

Le Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: C'était à sa demande, mais c'était un des invités que l'Opposition avait soumis au secrétaire des commissions parlementaires. De plus, nous avons effectivement donné notre consentement, nous. Quant à l'Opposition, quels que soient les afflux verbaux dont elle voudrait enrober la décision qu'elle a prise cet après-midi, il était possible, non seulement à partir de ce que le règlement permet, mais aussi à partir de ce qui s'appelle un simple consentement entre les formations politiques que nous siégions ce soir.

M. Lalonde: Par consentement, toute la nuit.

M. Bertrand: II aurait été possible que nous le fassions. L'Opposition n'a pas donné son consentement. Nous étions prêts à entendre à la suite, après M. Laliberté, M. Boyd, M. Saulnier et toutes les autres personnes du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James. Nous étions prêts à les entendre. Nous étions prêts à travailler ce soir. Il y avait urgence, paraît-il, grande urgence à ce que toute la lumière soit faite. On ne pouvait même pas prononcer le message inaugural, ni élire un président de l'Assemblée nationale. Cela nous a été dit la semaine dernière. Cela dit, M. le Président, nous étions prêts à travailler ce soir. L'Opposition s'y est refusée.

De plus, il y avait aujourd'hui huit personnes inscrites pour être entendues. Je me rappelle très bien une commission toute récente, la commission parlementaire de l'éducation, qui a discuté du dossier relatif aux problèmes résultant de la grève dans le secteur de l'éducation; la comparution, ici à l'Assemblée nationale, de divers groupes nous a beaucoup aidé à aller vers ce processus de conciliation. Il y a eu des journées où nous n'avons pas réussi à entendre tous les groupes. C'est exact. Le lendemain matin, quand nous revenions ici à la commission parlementaire, dans la même salle, il y avait une nouvelle liste qui avait été préparée.

M. Lalonde: Avec entente et consultation de l'Opposition, au moins.

M. Bertrand: II y a des formes de consultation, mais le leader porte la responsabilité d'acheminer au secrétaire des commissions parlementaires une liste de personnes qu'on veut entendre.

M. Lalonde: Si vous le voulez, nous serons prêts et, si cela va mal, ce sera de votre faute.

M. Bertrand: Une chose est certaine, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais simplement...

M. Bertrand: M. le Président, je tiens à l'indiquer...

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Bertrand: Le premier ministre du Québec a indiqué, la semaine dernière -l'Opposition l'a demandé formellement à l'Assemblée nationale - qu'il voulait que cela se fasse dans les meilleurs délais. Le chef de l'Opposition a dit: Avant le congé pascal? Le premier ministre a dit: J'ai été clair là-dessus, dans les meilleurs délais.

Je vous indique que nous établirons la liste ce soir ou le plus rapidement possible

et que nous l'acheminerons, dès qu'elle sera complétée, à l'Opposition, aux journalistes...

M. Gratton: Merci beaucoup. Vous êtes bien bon.

M. Bertrand: ...au secrétaire des commissions. Le directeur de cabinet du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin et le premier ministre du Québec, M. René Lévesque, se feront entendre demain en commission parlementaire, avant le congé pascal. Pour le reste, nous verrons.

Le Président (M. Jolivet): Je dois dire, au moment où on se parle, que je n'ai pas d'autre choix que de prendre, de part et d'autre, vos interventions en vous disant que la meilleure place pour discuter de ce problème est à l'extérieur de la commission parlementaire. En conséquence, j'ajourne les travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 25)

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