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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Thursday, March 31, 1983 - Vol. 27 N° 5

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux en vue d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Tremblay (Chambly), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Perron (Duplessis), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Blouin (Rousseau), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteaugay), M. Lafrenière (Ungava), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Laplante (Bourassa), M. Saintonge (Laprairie).

Le rapporteur est toujours M. LeBlanc de Montmagny-L'Islet.

Les personnes convoquées

Les personnes qui ont été convoquées devant la commission aujourd'hui sont: M. Claude Laliberté, M. Hervé Hébert, Mme Nicolle Forget, M. Georges Gauvreau, M. André Thibaudeau et M. Pierre Laferrière.

Au moment où nous commençons nos travaux, à 10 h 05 ce matin, voici l'horaire d'aujourd'hui. Puisque l'Assemblée nationale siégera à 14 heures, normalement, nous devrions terminer nos travaux à 12 h 30 pour reprendre après la période des questions jusqu'à 18 heures, puis nous reviendrons de 20 heures à 22 heures ce soir. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je constate, en voyant les noms de ceux qui doivent venir témoigner aujourd'hui, qu'il y a une dérogation à la liste des témoins qu'on nous avait remise hier. Vous constaterez qu'hier, on devait entendre d'abord M. Laliberté, M. Robert Boyd et M. Lucien

Saulnier pour ensuite entendre M. Hébert, Mme Forget, et les autres. J'aimerais demander si la raison pour laquelle on ne retrouve plus les noms de MM. Boyd et Saulnier sur la liste de ceux qui comparaîtront aujourd'hui peut s'expliquer d'une façon quelconque. Est-ce que MM. Boyd et Saulnier ne pouvaient pas nous rencontrer ce matin?

Le Président (M. Jolivet): Je vais demander à M. le ministre de répondre à cette question. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je remercie le député de Gatineau. On a sans doute songé aux mêmes choses puisque votre question précède les remarques que je voulais faire moi-même au début de nos travaux ce matin.

Effectivement, il y a une modification à l'ordre des témoins qu'on avait prévu entendre, non seulement pour la journée d'hier mais pour la journée d'aujourd'hui aussi, parce qu'hier nous avions prévu entendre huit personnes, en présumant que l'Opposition était intéressée à aller vite et à ce que les travaux de cette commission parlementaire aient lieu avant le congé pascal. Par voie de conséquence, j'espère que certains des témoins qui n'ont pas été entendus hier le seront aujourd'hui. Les autres le seront après le congé pascal.

Vous me demandez pourquoi je fais ce changement à l'ordre des témoins prévus ou des personnes appelées à comparaître devant la commission. Nous avons dans une journée, hier, entamé mais sans les terminer, les questions à poser à M. Laliberté, président de la Société d'énergie de la Baie-James. Nous devrions peut-être pouvoir les terminer ce matin ou cet après-midi.

J'ai acquis une conviction au sujet de l'Opposition et je le dis en tout déférence, après les scénarios du 23 mars 1983, tels qu'ils se sont déroulés devant l'Assemblée nationale - et on peut le vérifier à la page 3 du journal des Débats du 23 mars 1983 que j'ai devant moi. De façon péremptoire, le leader parlementaire de l'Opposition a posé des questions au Secrétaire général de l'Assemblée au moment même où il n'y avait aucun président au siège pour présider nos travaux, en exigeant une commission parlementaire et en posant même trois conditions que je réénumère, à partir de la

page 3 de la transcription du journal des Débats du 23 mars. C'est M. Lalonde, leader de l'Opposition qui parle: "Que le mandat de cette commission parlementaire sera le plus large possible, que cette commission parlementaire sera télévisée et que tous les témoins que nous, de l'Opposition, voudrons convoquer le seront." À la page 4, le chef de l'Opposition, M. Levesque (Bonaventure), pose la question suivante au premier ministre: "Très rapidement, est-ce que le premier ministre peut assurer cette Chambre que cette commission parlementaire aura lieu avant le congé pascal, aura lieu, autrement dit, dès la semaine prochaine et, si c'est possible, avant la semaine prochaine? Le premier ministre peut-il nous donner cette assurance? Dans sa réponse, M. Lévesque, (Taillon) dit: "Je vais répondre affirmativement, parce que j'aurais aimé que cette commission suive immédiatement le titre invraisemblable, complètement injustifié, qu'un journal s'est permis de faire là-dessus."

Bref, M. le Président, des deux côtés, on avait l'intention de procéder rapidement, d'avoir un mandat qui allait couvrir notre sujet, c'était même l'exigence de l'Opposition. Je pense plutôt - je vais le dire comme je le pense - même après les mises en garde que j'ai cru de mon devoir de faire hier matin à l'ouverture de nos travaux, je pense l'avoir fait je dirais avec délicatesse et aussi avec courtoisie, j'ai la conviction, dis-je, ce matin, que nous avons entamé hier un long roman-feuilleton. Puisque nous allons vers un roman-feuilleton, aussi bien faire en sorte que ceux qui nous écoutent et ceux qui nous liront puissent en suivre chacun des épisodes.

Or, il m'apparaît assez important qu'un des points majeurs de ce que nous discutons, c'est cette rencontre qu'il y a eue à la demande du président du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James de rencontrer le premier ministre en compagnie de MM. Boyd et Laliberté. Je voudrais, pour la bonne compréhension de nos travaux, que nous puissions, après Pâques, entendre, dans une même séquence, MM. Saulnier, Boyd et le premier ministre, d'autant plus que, pour ma part, je voudrais tout simplement prendre le temps de relire la transcription qui a été faite ou qui est en cours. Elle sera terminée lorsque nous pourrons donner congé à M. Laliberté. Je voudrais prendre le temps de relire tout son témoignage. Je vous dirai honnêtement - je le conseille aussi à d'autres - que j'ai repris la lecture du rapport de la commission Cliche et que je n'ai pas terminé. Cela pourrait être utile pour d'autres qui seront appelés à comparaître devant la commission parlementaire.

Je tiens également pour acquis, M. le Président, que - ce n'est pas risquer grand-chose que de l'avancer - l'Opposition repose les mêmes questions. Je ne la blâme pas - si c'est là son voeu et son scénario - mais un, deux, trois, quatre et même cinq membres de l'Opposition ont posé hier sur le fond essentiellement les mêmes questions à la même personne.

J'ai l'expérience de ce genre de manoeuvres, M. le Président, je vous dis que cela ne dérangera pas beaucoup mes pulsations cardiaques, sauf que ce que je propose aujourd'hui, c'est que nous en terminions avec M. Laliberté et que nous puissions le libérer après son témoignage.

Puis nous pourrions entendre M. Hébert, Mme Forget, MM. Gauvreau, Thibaudeau et Laferrière, qui, sauf erreur, sont tous membres du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James. Si nous avons terminé nos travaux à 17 h 30 ou à 21 heures ce soir, nous les ajournerons lorsque cette liste aura été épuisée. Je tiens pour acquis que si l'Opposition officielle n'est pas intéressée à travailler le mercredi soir et, suivant mes informations, n'est pas davantage intéressée à travailler le vendredi matin, eh bien! nous ajournerons nos travaux lorsque nous aurons épuisé cette liste et nous nous reverrons après le congé pascal.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président. J'aimerais rectifier un certain nombre de choses qui ont été dites par le ministre, tout d'abord, pour la question de savoir si on voulait siéger le vendredi. On nous a proposé de siéger le vendredi saint, demain. La Chambre ne siège pas le vendredi saint. Je ne connais pas -peut-être qu'on pourrait me corriger - de leader du gouvernement qui ait fait siéger l'Assemblée nationale le vendredi saint. C'est une fête chrétienne extrêmement importante et qui a toujours été respectée dans nos annales politiques comme un jour où l'on fait autre chose que se chicaner.

M. Bertrand: M. le Président, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Bertrand: Le jeudi saint, le mercredi saint?

M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.

M. Lalonde: Écoutez, si le leader du gouvernement veut suspendre les travaux de cette commission parce que c'est le jeudi saint, on pourra recommencer la semaine prochaine. Nous voulions que cette commission commence rapidement. Mais nous

n'avons jamais dit qu'elle devait avoir lieu rapidement, nous n'avons jamais indiqué que nous voulions escamoter les problèmes, que nous voulions faire en vitesse et à la hâte un travail qui est long, qui est difficile et que nous voulons faire sérieusement. C'est d'ailleurs le leader du gouvernement lui-même qui a imposé à la commission le mandat que nous avons, savoir d'examiner toutes les circonstances entourant la décision de régler hors cour et, après coup, le rôle du premier ministre. Si on avait suivi la suggestion de l'Opposition, on aurait une commission parlementaire qui examinerait le rôle du premier ministre et de son bureau.

Quant à l'à-propos de ce règlement, nous sommes intéressés à ce qu'il soit examiné aussi. Mais il nous apparaissait que les accusations très graves portées dans le journal La Presse contre le premier ministre, à savoir que le premier ministre aurait trompé l'Assemblée nationale, étaient la raison principale, la première raison de la tenue de cette enquête, de cette commission. Nous n'avons aucunement l'intention, M. le Président - je pense d'ailleurs que cela a été évident hier et que cela va continuer comme cela - d'escamoter notre travail. Nous avons, de par le règlement, 8 députés qui tous ont fait leur travail, ont examiné leurs dossiers, sont intéressés et ont le droit de poser des questions. Nous ne voulons pas retarder indûment les travaux et ce retard qui fait que des gens sont arrivés ici hier en grand nombre pensant qu'ils comparaîtraient hier, c'est le jugement du gouvernement qui a décidé d'en convoquer je ne me souviens plus combien.

M. Duhaime: II y en a eu 8.

M. Lalonde: II y en a eu 8 hier. C'est complètement irréaliste. Maintenant, nous, nous avons demandé une commission parlementaire ou enfin, nous aurions préféré une enquête publique indépendante, mais je ne reviendrai pas là-dessus. Nous avons une commission parlementaire. M. le premier ministre, justement le 23 mars, disait en réponse à une question du chef de l'Opposition - la question est de savoir si la commission parlementaire pourrait avoir lieu très rapidement - iI disait: "Je vais répondre affirmativement, parce que j'aurais aimé que cette commission suive immédiatement le titre invraisemblable et complètement injustifié qu'un journal s'est permis de faire là-dessus".

C'était tout à fait à l'intérieur des pouvoirs du gouvernement, en commençant par le premier ministre, le leader du gouvernement, de convoquer une commission parlementaire le lendemain de la parution de ce titre. Alors, lorsqu'il vient se plaindre littéralement en Chambre le 23 mars qu'il aurait aimé que la commission parlementaire ait lieu avant, c'est complètement farfelu. Il avait le pouvoir de le faire et il a fallu -oui, c'est vrai - prendre des moyens inusités, le début de la session, les seuls qui étaient à notre disposition à ce moment-là, pour obtenir l'engagement que cette commission ait lieu rapidement. Non pas que son travail soit fait en catimini, soit escamoté, mais qu'elle ait lieu. La commission a lieu. Elle a lieu depuis hier, elle a lieu aujourd'hui et elle aura lieu aussi longtemps que les députés de l'Opposition et les députés ministériels - quoiqu'ils soient moins bavards que d'habitude - auront des questions pertinentes à poser aux témoins. Il s'agit d'un cas très grave, très large aussi. Ce mandat est très, très large. Nous l'avons accueilli comme tel. Nous sommes en train de faire l'examen des circonstances qui ont entouré la décision de régler hors cour une réclamation de 32 000 000 $. Il semble que le gouvernement, selon la convocation à la commission parlementaire que nous avons eue, a pensé que cela pourrait se faire en deux jours. C'est complètement irréaliste et, si ce n'est pas irréaliste, c'est pire.

Quant aux témoins et au fait qu'on ait enlevé de la liste les noms de MM. Boyd et Saulnier, j'aimerais que le député de Gatineau reprenne les propos qu'il a commencés tout à l'heure.

Le Président (M. Jolivet): Mais avant, le leader du gouvernement a demandé la parole. Je la donnerai ensuite au député de Gatineau.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je vais immédiatement indiquer qu'effectivement, comme l'a souligné le ministre de l'Énergie et des Ressources, à la reprise des travaux de l'Assemblée nationale, mardi le 12 avril, j'indiquerai à quel moment cette commission parlementaire poursuivra l'étude de ce dossier. Nous nous sommes fait dire hier par l'Opposition: Premièrement, nous ne voulons pas être bousculés. Il ne faut pas, en aucune façon, que les parlementaires se sentent bousculés. C'est vrai?

M. Lalonde: Merci beaucoup.

M. Bertrand: Comme on ne veut pas, de l'autre côté, être bousculé, il nous faut donc patiemment, sereinement, calmement procéder à l'audition des personnes que l'Opposition a manifesté le désir d'entendre et que les députés ministériels ont aussi manifesté le désir d'entendre. Nous avons commencé, hier matin, par le témoignage de M. Laliberté. Nous avons tous constaté qu'il y avait effectivement beaucoup d'intérêt à ce que M. Laliberté se fasse entendre le plus longuement possible sur plusieurs des aspects relatifs au dossier. Beaucoup de questions ont

été posées par le ministre de l'Énergie et des Ressources, beaucoup de questions ont été posées par les députés de l'Opposition. On nous a indiqué hier qu'on en aurait peut-être encore pour un peu plus d'une heure. On a appris à connaître l'Opposition pour savoir qu'un peu plus d'une heure peut vouloir dire deux heures...

Des voix: Trois...

M. Bertrand: ...peut-être trois... Comme on finit par apprendre à se comprendre - je ne dirai pas à s'aimer d'amour tendre...

M. Gratton: Soyez sans crainte là-dessus.

M. Bertrand: ...on va donc fonctionner dans un climat de grande détente et permettre à M. Laliberté, ce matin, de continuer à se faire entendre et à répondre aux questions des parlementaires. Mais nous n'allons pas bousculer non plus les autres personnes qui ont été invitées ici et qui veulent se faire entendre, des personnes comme M. Boyd et M. Saulnier, qui étaient présentes à la réunion, avec M. Laliberté, au bureau du premier ministre, avec le premier ministre, et qui ont participé à cette rencontre. Je m'imagine, à partir de ce qu'on a vu hier, que M. Saulnier aura probablement besoin, lui aussi, de présenter un témoignage relativement important tout de même, puisqu'il était là et qu'il assumait des fonctions importantes au moment où les décisions ont été prises.

Deuxièmement, j'imagine que l'Opposition va vouloir poser toutes les questions à peu près dans le sens de ce qui s'est passé avec M. Laliberté, hier; donc, on peut imaginer - ce n'est pas une hypothèse à rejeter a priori - qu'on ait besoin peut-être d'une matinée, d'une matinée et d'un après-midi, peut-être de toute une journée pour entendre M. Saulnier.

Je dis la même chose dans le cas de M. Boyd, qui était présent à cette rencontre. Ce sera intéressant de voir comment, effectivement, trois personnes qui étaient présentes à la même rencontre, ont réagi et, par la suite, comment ces personnes ont défini leurs attitudes quant aux décisions qu'elles devaient prendre au sein du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James.

Donc, non seulement les parlementaires ne doivent pas être bousculés, mais les personnes qui viennent se faire entendre, qui se sont déplacées, ne doivent pas sentir qu'elles sont bousculées par les parlementaires de quelque façon que ce soit. Je pense que M. Laliberté peut dire aujourd'hui qu'il a eu toute la chance, hier, de se faire entendre convenablement. Cela va continuer ce matin, M. Laliberté. On vient de vous l'annoncer. L'Opposition vous a prévenu. Sachez que vous serez ici avec nous, et nous en sommes honorés, pendant une bonne partie de la journée. Dans ce contexte, des personnes qui étaient présentes avec vous à la rencontre avec le premier ministre méritent, je crois, qu'on puisse leur laisser toute la latitude voulue pour se faire entendre, mais pas dans un contexte de bousculade.

L'Opposition nous a dit: Le gouvernement ne nous bousculera pas. Nous disons ce matin: L'Opposition ne bousculera ni le gouvernement ni les personnes dont les témoignages sont fort importants. Dans ce contexte, il nous apparaît extrêmement plus sain, M. le Président, étant donné le fait que ces personnes ont participé à la rencontre avec le premier ministre, que nous puissions, au retour du congé pascal, dans un climat qui permettra d'aller aussi loin, aussi en profondeur qu'avec M. Laliberté, que ces personnes, M. Saulnier et M. Boyd, puissent être entendues dans les meilleures conditions possible. Je ne préjuge en rien des témoignages de M. Hébert, de Mme Forget, de M. Gauvreau, de M. Thibaudeau, de M. Laferrière. On pourra peut-être avoir besoin, pour chacune de ces personnes, d'un temps important pour faire en sorte que leur témoignage, elles qui étaient au conseil d'administration pour prendre les décisions, soit effectivement bien enregistré ici, au journal des Débats.

Donc, M. le Président, je crois que ce qu'il s'agit maintenant de faire, c'est, premièrement, de continuer à procéder avec M. Laliberté; deuxièmement, que la commission parlementaire soit bien informée que le gouvernement a l'intention, tout en ayant commencé les travaux avant le congé pascal, tel que promis et tel que demandé, espérant ou souhaitant que, si l'Opposition officielle a manifesté le désir que les travaux soient télévisés pour la journée de mercredi et de jeudi, ils puissent être télévisés lorsque nous reviendrons après le congé pascal et que, troisièmement, toutes les personnes qui se présentent ici aient les chances maximales d'être entendues dans un contexte démocratique. Ceci étant dit, nous allons donc, M. le Président, procéder à la poursuite de l'audition de M. Laliberté

Le Président (M. Jolivet): Cependant, je dois, auparavant, accorder la parole aux députés de Gatineau et de Louis-Hébert qui m'ont demandé d'intervenir. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: D'abord une courte question, soit au ministre ou au leader du gouvernement. Est-ce qu'on pourrait demander à quel moment MM. Boyd et Saulnier ont été avertis du fait que, contrairement à ce qui avait été indiqué par

le gouvernement hier, ils ne seraient pas entendus immédiatement après M. Laliberté?

M. Bertrand: La réponse est très simple M. le Président. Le Secrétariat des commissions parlementaires a reçu ce matin, à 9 heures, la liste des personnes qui, aujourd'hui, seraient appelées à se faire entendre devant la commission parlementaire.

M. Lalonde: ...

M. Bertrand: Pardon?

M. Lalonde: Vous n'êtes même pas capables d'être loyaux pour les témoins.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le leader.

M. Bertrand: Qu'est-ce que j'ai dit qui ne fait pas l'affaire du député de Marguerite-Bourgeoys?

M. Lalonde: C'est la première fois que c'est seulement une heure avant le début de la séance qu'on change, qu'on tripote une liste des témoins comme cela.

Le Président (M. Jolivet): N'engagez pas de débat, s'il vous plaît, M. le député. Messieurs, à l'ordre! À l'ordre! À l'ordre!

M. Bertrand: Non, je m'excuse, c'est tout à fait inexact. M. le Président, à moins que les gens ici ne le sachent, il y a des bureaux qui ferment à une certaine heure à l'Assemblée nationale du Québec et, au-delà de certaines heures, avant que nous puissions communiquer la liste des personnes qui sont convoquées, il nous faut tout de même attendre que ces personnes soient revenues à leur bureau.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Lalonde: J'aurais une question de règlement, quand même, M. le Président. Hier après-midi, à la fin de nos travaux, je crois, sauf erreur - mais il faudrait qu'on vérifie la transcription - qu'on nous avait indiqué qu'on aurait la nouvelle liste de témoins d'aujourd'hui un peu plus tard hier soir. On nous avait dit: Dans une heure. De part et d'autre... (10 h 30)

Le Président (M. Jolivet): Moi, M. le député... M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je voudrais quand même clarifier des choses. La présidence ici, je pense que c'est important, est témoin d'un débat qui, normalement, ne devrait pas avoir lieu ici, compte tenu que nous devons entendre M.

Laliberté. J'ai laissé aller puisque des questions ont été posées de part et d'autre, en sachant cependant qu'il faut dire à tous les gens qui ne sont pas habitués à ce genre de commissions parlementaires, que le président n'a qu'à constater ce matin la liste qui lui est fournie et à appeler les gens tels qui nous sont présentés. Le reste, ce sont des discussions qui pourraient se passer ailleurs qu'ici. Par décence envers les témoins convoqués ce matin, nous devons les entendre. Je pense cependant que l'habitude veut qu'il y ait quelques préliminaires, mais qui ne prennent pas des heures et des heures à se régler.

Le président constate ce matin que la liste qui lui est présentée est une nouvelle liste, n'est pas celle d'hier. J'ai fait attention hier, à la fin des auditions, pour bien faire comprendre que ce n'était pas à la présidence de déterminer l'ordre des travaux d'aujourd'hui et que la normalité des choses est en ce sens que le Secrétariat des commissions reçoit une liste qui lui est fournie par le leader du gouvernement. Tant et aussi longtemps que ne seront pas changées ces façons de travailler - puisque je sais qu'il y a des discussions au niveau de la façon dont les commissions devront travailler dans le futur, s'il y a entente à l'Assemblée nationale sur la - transformation des commissions parlementaires - je dois vous dire que je n'ai pas d'autre choix que d'appliquer les règles actuelles.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Je voudrais que ceux qui ont à faire entendre leur voix, le fassent le plus rapidement possible, pour qu'on puisse commencer avec M. Laliberté.

M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je serai bref, mais vous me permettrez sûrement de dire d'abord que si le leader du gouvernement prétend ne pas vouloir bousculer les personnes qui doivent venir se faire entendre devant la commission, le moins que la courtoisie aurait exigé, c'est qu'on avertisse avant 9 heures ce matin, et peut-être même avant la tenue de la commission, MM. Boyd et Saulnier, du fait que, contrairement à ce qui avait été annoncé hier, ils ne seraient pas entendus à la commission aujourd'hui. Il est important pour ceux qui nous regardent à la télévision de savoir que ce n'est ni vous, en tant que président, ni le Secrétariat des commissions, en tant que tel, qui dresse la liste des personnes qui doivent être entendues à une commission parlementaire. Ce n'est pas non plus en collaboration avec l'Opposition qu'on le fait. C'est le gouvernement seul, par le biais du bureau du leader du gouvernement, qui décide d'autorité, avant la tenue de chaque séance, quelles seront les personnes

entendues.

Or, au début des travaux d'hier matin, on en avait, à l'Opposition, reçu avis la veille, le gouvernement avait décidé de faire comparaître huit personnes dans l'ordre suivant: M. Claude Laliberté, qu'on a déjà commencé à questionner; ensuite M. Robert Boyd et M. Lucien Saulnier, suivis de cinq administrateurs de la SEBJ, qu'on retrouve d'ailleurs dans le même ordre aujourd'hui. Nous n'avions pas eu à nous exprimer, nous n'avions pas été consultés et nous n'avions pas émis de commentaires sur cet ordre. S'il n'en avait été que de nous, de l'Opposition, nous aurions préféré procéder dans un autre ordre, mais la coutume étant ce qu'elle est, nous avons accepté cette liste, puisqu'on n'avait pas le choix. On a préparé nos travaux et l'étude de nos dossiers en conséquence.

Hier, è la fin des travaux, vers 18 heures, le leader du gouvernement vient nous annoncer qu'il y aurait des changements dans l'ordre de comparution de ce matin. Il nous a informés - et le leader de l'Opposition l'a très bien indiqué tantôt - que dans environ 1 heure, l'Opposition serait saisie d'une nouvelle liste. Plus que cela, le leader du gouvernement est allé jusqu'à dire que, probablement, le premier ministre et son chef de cabinet, M. Jean-Roch Boivin, seraient entendus coûte que coûte avant le congé pascal, c'est-à-dire avant la fin de la séance de ce soir.

Donc, nous avons cru, et je pense que nous étions en droit de croire qu'hier soir, vers 20 heures, nous serions saisis d'une nouvelle liste et à ce point, le leader de l'Opposition a très bien indiqué que nous nous opposions dès lors qu'on change l'ordre de comparution des témoins parce que la liste d'hier nous paraissait normale, même si nous n'avions pas contribué à la préparer, du fait que les trois personnes qui avaient participé à la réunion avec le premier ministre, le 1er février, soit MM. Laliberté, Boyd et Saulnier, soient les premières à être entendues. Nous avons, comme je le disais tantôt, préparé nos travaux dans cet esprit.

M. le Président, ce n'est que ce matin, à 9 h 10, que nous avons appris, alors que le Secrétariat des commissions nous a fait parvenir la liste pour aujourd'hui, que ni M. Boyd ni M. Saulnier ne serait entendu aujourd'hui, mais qu'on escamotait tout simplement et que, contrairement à l'information que le leader du gouvernement nous avait donnée hier, le premier ministre ou le chef de cabinet du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin, ne comparaîtrait pas non plus.

M. le Président, le moins qu'on puisse dire, quand on parle de ne pas bousculer l'Opposition et les témoins, c'est qu'il y a lieu de se demander ce qu'on essaie de faire. Est-ce qu'on essaie de manipuler la preuve du côté du gouvernement de façon à profiter des heures de tombée? On sait que le leader du gouvernement est un grand communicateur, il connaît cela, la communication. Les heures de tombée des journaux, il s'y connaît. On n'a pas d'objection à cela. Mais il me semble qu'on ne devrait pas assujettir les travaux de la commission à l'heure de tombée des médias d'information. On est ici pour régler une question extrêmement grave. Est-ce que le premier ministre, tel qu'il en a été accusé par le journal La Presse, a trompé l'Assemblée nationale le 20 février 1979 en répondant à des questions de l'Opposition?

M. Blouin: Non.

M. Gratton: Les députés péquistes nous disent non. Nous disons: Écoutons les témoins qui peuvent nous faire la preuve si, oui ou non, on nous a trompés. Écoutons-les dans un ordre logique et non pas à partir des caprices du leader du gouvernement ou du ministre de l'Énergie et des Ressources qui, semble-t-il, n'ont pas tout à fait goûté la tournure des événements des travaux d'hier.

M. le Président, on n'y peut rien. Si le gouvernement a l'air un peu fou jusqu'à maintenant, ce n'est pas à l'Opposition qu'il faut le reprocher, c'est aux actes que le gouvernement a posés dans le passé. C'est la raison qui nous amène à la commission. C'est pour étudier ce que le gouvernement a fait ou ce qu'il n'a pas fait et voir si le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale ou pas. C'est inacceptable pour nous, complètement inacceptable qu'on nous bouscule, qu'on nous manipule la preuve de cette façon. Est-ce que, lorsque nous serons rendus au 12 avril, quand on reviendra, on aura encore une autre façon de procéder?

Je vous rappelle que nous n'étions pas satisfaits du mandat. Nous avions suggéré un mandat différent, parce qu'il nous semblait que celui-ci était beaucoup trop large. Nous nous sommes pliés, puisque nous n'avions aucune façon de nous y opposer formellement. Nous avons accepté le mandat. Nous nous sommes opposés à ce que ce soit la commission de l'énergie et des ressources qui fasse ce travail. Il nous semblait que la commission de l'Assemblée nationale ou la commission de la présidence du conseil aurait été un meilleur forum. Le gouvernement a imposé sa volonté, nous nous y sommes pliés.

Hier, on nous a imposé une liste de comparution des témoins. Nous aurions préféré procéder autrement, mais, n'y pouvant rien, nous avons accepté. Est-ce que vous allez nous changer cela d'une journée à l'autre, d'une heure à l'autre, sans aucun avis, sans nous donner aucune façon de nous préparer valablement? Est-ce que vous tentez d'amener l'Opposition à ne pas faire son travail convenablement?

J'écoutais le ministre de l'Énergie et des Ressources dire: le 23 mars, l'Opposition a dit qu'il fallait aller vite. Ce n'est pas d'aller vite qui compte, c'est de faire toute la lumière dans cette affaire. Ce n'est pas une course contre la montre. Je comprends que le gouvernement voudrait bien tout bâcler, tout finir cela au plus sacrant. Il semble être embarrassé. Mais ce n'est pas le rôle de l'Opposition de faire comme la majorité servile du Parti québécois et de tout simplement accepter les diktats du premier ministre. On est ici, justement, pour examiner la conduite du premier ministre. Notre rôle, en tant qu'Opposition - c'est la population qui a voulu qu'on soit à l'Opposition - c'est d'informer la population, par le biais de cette commission parlementaire, dans des conditions qui nous désavantagent, on en convient. Au moins, ayez la décence de faire les choses telles qu'elles ont toujours été faites. À titre d'exemple, je pense, en dix ans d'expérience à l'Assemblée, que c'est la première fois que l'Opposition est avisée, à 50 minutes seulement du début des travaux de la liste des témoins à entendre. On a toujours été non seulement avisé la veille, mais très souvent le gouvernement consultait l'Opposition pour avoir son point de vue sur l'ordre des témoins. Voici que tout à coup le leader du gouvernement, avec le concours du ministre de l'Énergie et des Ressources, décide que là c'est assez, et c'est nous autres qui menons! On va vous passer sur le corps et c'est nous autres qui allons vous dicter comment travailler. On ne nous empêchera quand même pas de dire qu'on n'est pas satisfait de cette façon de procéder.

Le Président (M. Jolivet): Avant de continuer le débat, je me demandais, pendant que le député et les autres parlaient, si je devais me permettre d'intervenir comme président, non pas dans le débat - vous savez très bien que je n'ai pas à regarder le fond du débat - mais pour regarder si justement on ne doit pas procéder ce matin.

Je vous répète qu'hier matin une liste nous a été fournie et j'ai essayé de la faire respecter. C'est le droit de tous les parlementaires d'intervenir et je ne pense pas que le président ait à décider qui doit parler. Par conséquent, mon devoir est de donner la parole à ceux qui la demandent.

La deuxième chose. Je me souviens assez directement de ce qui a été dit. Comme dans toute commission parlementaire, on nous avait fait une liste pour la journée d'hier en espérant pouvoir la passer. Cela c'est une autre question que je n'ai pas à toucher. Au début de la journée d'hier, on avait fait mention de la journée d'aujourd'hui. Je pense que le ministre, dans son intervention préliminaire, en avait fait mention.

On a dit vers la fin de la journée, sachant qu'on ne siégait pas durant la soirée puisqu'il n'y avait pas entente entre les deux partis politiques, que M. Laliberté devait normalement poursuivre son témoignage. Si vous vous en souvenez, j'avais dit à M. Laliberté de se tenir disponible pour ce matin 10 heures. Cependant, à la fin de l'intervention de M. Latouche, j'avais rappelé que ce n'était pas à la présidence d'agir ainsi et que je me fierais à la liste qui me serait fournie.

Ordinairement, le président reçoit la liste au début des travaux le matin. Il a donc un ordre du jour qu'il doit faire respecter. C'est ce que j'essaie de faire respecter ce matin en disant que la personne qui était là hier, M. Laliberté, devrait pouvoir continuer son témoignage. La parole, à ce moment-là, était au député de Laporte.

Nous pourrions continuer longuement le débat qui est amorcé sur cette procédure mais j'en ai une autre aussi qui est urgente pour moi. C'est d'être prêts à entendre les témoins dans l'ordre qui nous est présenté, en espérant, d'ici 22 heures ce soir, terminer la liste, sinon une autre liste nous sera fournie pour les journées subséquentes de cette commission parlementaire.

Donc, je demanderais aux députés, si on me le permettait, parce que vous avez le droit de parole ici à cette Assemblée, de procéder avec M. Laliberté le plus tôt possible. M. le ministre.

M. Duhaime: Une remarque. Il est presque 10 h 45 et je souhaiterais quant à moi que l'on commence, c'est-à-dire que l'on poursuive et qu'on écoute M. Laliberté. Je voudrais juste dire une chose cependant, parce que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a peut-être la mémoire courte. Mais je lui rappellerais que le gouvernement a agi avec la plus grande rapidité pour ce qui est de la convocation de cette commission parlementaire. Le premier article qui a paru dans la Presse c'était le 17 mars. Je pense que c'est bon que les gens sachent que le 17 mars, l'Assemblée nationale n'était pas en session et qu'avant qu'une commission parlementaire puisse siéger, il faut un ordre de l'Assemblée nationale. L'Assemblée a repris ses travaux le 23 mars et le premier ministre a indiqué très clairement que nous déplorions les manoeuvres de l'Opposition au moment de la nomination d'un président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, M. le ministre.

M. Duhaime: Cela n'a pas été votre bonne journée, vous allez en convenir. Nous avons donc, du point de vue du gouvernement, dit le 23 mars, le jour même, et confirmé le lendemain, alors que c'était

plus normal vu qu'il y avait au moins un président d'élu à l'Assemblée nationale, que la commission de l'énergie et des ressources siégerait. (10 h 45)

L'Opposition nous avait donné toutes les indications qu'on voulait tenir cette commission avant Pâques, rapidement. M. Levesque, de Bonaventure, a même souhaité, et je le lis au texte: que cette commission parlementaire ait lieu "avant le congé pascal, autrement dit dès la semaine prochaine, et, si c'est possible, avant la semaine prochaine." Mon Dieu, il aurait donc fallu commencer à siéger le 24 ou même le 25, c'est-à-dire le lendemain même du début des travaux de l'Assemblée nationale. Et le député de Gatineau vient me dire ce matin qu'il n'est pas prêt. C'était urgent, impératif, toutes affaires cessantes. Vous n'êtes pas prêt? Voulez-vous qu'on ajourne les travaux?

M. Gratton: Est-ce qu'on avait l'air de ne pas être prêts hier? Avions-nous l'air d'être prêts hier?

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Duhaime: Vous êtes complètement ridicules.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Est-ce que le député de Louis-Hébert veut prendre son tour de parole?

M. Doyon: Très rapidement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, à la suite des remarques du ministre, il y a une chose qui me frappe. Il a dit, à un moment donné, que ces travaux pourraient se faire en l'espace de deux jours. Je voudrais quand même placer les choses dans leur perspective.

M. Duhaime: Je ne l'ai pas dit à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. À l'ordre! À l'ordre!...

S'il vous plaît! M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Nous avons entendu hier, au cours du témoignage de M. Laliberté, que la Société d'énergie de la Baie-James prévoyait elle-même...

M. Laplante: Question de règlement, M. le Président.

M. Doyon: ...six mois...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert, j'ai une question de règlement de la part du député de Bourassa. S'il vous plaît!

M. Laplante: Je pense qu'actuellement, M. le Président, on se moque royalement de la population du Québec avec cette commission parlementaire.

M. Doyon: Ce n'est pas une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, votre question de règlement, s'il vous plaît!

M. Laplante: Oui, M. le Président. On a commencé nos travaux hier matin. On a eu la chance de faire les travaux préliminaires, les motions préliminaires. On a discuté. Ce matin, les autres parlementaires de l'Opposition ont dit que c'était au gouvernement de faire les listes, que c'était sa responsabilité de faire les listes des témoins à entendre et que l'Opposition n'avait qu'à accepter les témoins à entendre.

J'ai deux questions, M. le Président. Est-ce qu'il est arrivé, aux autres commissions parlementaires, que l'ordre des témoins soit changé ou ait déjà été changé? Est-ce que, ce matin, depuis le début de nos travaux, il y a eu une motion quelconque pour discuter du sujet qu'on discute présentement? Je crois que le dépôt des listes faites par le gouvernement est une prérogative du gouvernement et que les travaux de ce matin devraient commencer par les témoignages ou par la poursuite du témoignage de M. Laliberté, sans autre discussion. J'aimerais, M. le Président, que vous preniez acte de ce que j'essaie de vous expliquer et même que vous suspendiez la séance pendant 5 minutes, si vous voulez, pour prendre une décision que je crois très importante à ce moment-ci et qui aura un effet dans d'autres commissions parlementaires. Je me demande si ce que vous endurez ce matin, ou ce que vous nous faites endurer, ou que vous faites endurer à la population du Québec...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Laplante: ...n'est pas une atteinte aux prochaines commissions parlementaires.

M. Lalonde: Oh! Des reproches au président?

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. Lalonde: C'est l'article no 68...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Une première chose, s'il vous plaît! C'est

moi qui ai à rendre une décision sur cette question. Je vais la rendre le plus calmement possible.

La première des choses, c'est que le président doit prendre connaissance de la liste qui lui est fournie le matin. Cette liste devient l'ordre du jour. Donc, pour répondre à une argumentation qui a été faite tout à l'heure, je dois dire deux choses. La première, c'est que la liste devient l'ordre du jour et ne peut pas être changée durant la journée. J'ai déjà rendu des décisions dans ce sens. Un témoin voulant comparaître avant un autre, je demandais au témoin qui voulait comparaître d'aller rencontrer tous les autres et de demander à chacun des autres qui étaient sur la liste, dans l'ordre, de lui donner cette permission. La deuxième chose, c'est que, si jamais un témoin additionnel s'ajoutait, comme il est arrivé hier d'ailleurs, cela me prendrait le consentement des représentants des deux partis pour faire en sorte qu'une personne puisse témoigner avant une autre personne.

Il arrive souvent que des discussions comme celle que l'on a ce matin se produirent, mais elles ne durent pas aussi longtemps. Et c'est pour cela que j'ai demandé, le temps qu'elle a duré ce matin, qu'on puisse procéder le plus rapidement possible et que les interventions soient les plus brèves possible. J'ai cru comprendre qu'on m'accordait cela. Il restait le député de Louis-Hébert qui avait demandé la dernière intervention. Je lui ai demandé d'être le plus bref possible sur cette question. Mais, avant de lui donner la parole et en lui demandant d'être le plus bref possible, je pense que j'aurais le devoir -tout en sachant que vous avez vous aussi des devoirs ce matin - d'entendre M. Laliberté, toujours selon son même serment, et que la parole serait au député de Laporte. J'aimerais cependant faire remarquer qu'un petit accroc au règlement a été fait tout à l'heure. Si nous ne sommes pas en session, sur simple avis du leader, la commission peut se réunir.

M. le député de Louis-Hébert vous conservez la parole. Je vous prierais de procéder rapidement.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Je vous signale que je n'avais dit que deux mots avant d'être interrompu par le député. Ce que je signalais c'est l'étonnement causé par les paroles du ministre qui nous disait espérer - par pur manque de réalisme - que cette commission pourrait s'acquitter de ses devoirs et obligations en deux jours, quand on a entendu le président de la société, M. Laliberté, hier, nous affirmer que la société elle-même prévoyait au moins six mois pour un procès. Nous sommes en train de ressasser les mêmes événements et les mêmes circonstances. Il faut quand même être réaliste.

Pour continuer, l'argumentation du ministre selon laquelle il veut présenter à la population qui nous regarde une séquence des événements qui permette de comprendre ce qui s'est passé, je vous signale que tel que cela a été dit ce matin, hier on nous a présenté une liste de témoins où il y avait une séquence. J'imagine qu'on avait établi cette séquence en vue de la bonne compréhension des travaux de cette commission. Qu'est-ce qui a changé aujourd'hui? Si la séquence qui, hier, était de nature à bien faire comprendre à la population comment s'étaient déroulées les circonstances entourant la décision de la SEBJ, comment se fait-il que cette séquence qui était bonne hier a cessé d'être bonne aujourd'hui? On n'a pas ces réponses, ce qui fait que de notre côté, nous sommes motivés de croire qu'il y a d'autres raisons au changement qu'on nous impose ce matin. Une séquence qui était bonne hier cesse d'être bonne aujourd'hui pour la bonne compréhension des travaux de cette commission. Cela est quand même inexplicable et inexpliqué.

Je termine là-dessus. Je voudrais savoir du ministre si nous pouvons compter qu'éventuellement, si le besoin s'en faisait sentir, cette commission aurait la possibilité de réentendre des témoins qui auront déjà été entendus et dont le témoignage pourrait être nécessaire à la suite du témoignage d'un autre témoin qui amènerait des faits nouveaux qui nous obligeraient à réentendre un témoin qui aurait déjà été entendu. Prenons le cas de M. Laliberté. On entend un témoignage, des faits nouveaux sont apportés - je comprends que nous ne sommes pas régis par des règles de procédure soit civiles, soit pénales - je voudrais que le ministre me dise qu'il n'y aurait pas de problème de ce côté-là. Il me fait signe qu'il n'y en a pas. Je ne voudrais pas qu'on vienne me dire: cette personne est en tête de la liste, elle a déjà témoigné, on ne peut pas revenir. Je veux qu'il me dise si la chose serait possible, si cela était nécessaire.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: II me fait plaisir de vous répondre dans ce sens-là. Si vous avez l'intention de réentendre qui que ce soit, vous n'avez qu'à m'en aviser et il me fera plaisir de transmettre ce souhait au leader du gouvernement. Cela sera acheminé au secrétariat de notre commission. Si vous voulez réentendre, par exemple, M. Daniel Latouche, on peut le faire revenir. Si vous voulez réentendre M. Laliberté ou quelque autre personne, cela ne pose aucun problème. Je voudrais vous donner toute l'assurance. Je peux vous dire que moi-même j'ai changé

tout mon agenda des mois d'avril, mai et juin. On aura donc tout le temps nécessaire.

Le Président (M. Jolivet): Je constate qu'à titre de président je n'aurai pas à rendre de directive ou de décision sur cette question puisqu'il y a entente de part et d'autre. Comme l'entente le permet, il y aura possiblement audition des même témoins à un autre moment, si nécessaire. Je voudrais être juste envers le ministre et dire qu'en vertu du règlement, sur simple avis du leader du gouvernement, une commission peut être entendue lorsque la Chambre a ajourné ses travaux. Mais ce que j'avais oublié tout à l'heure, c'est qu'il y avait prorogation et qu'en conséquence, ce n'était pas possible dans ce cas-là, et il fallait le consentement des deux partis qui forment l'Assemblée nationale, actuellement.

M. le ministre.

M. Duhaime: Je tiens à vous remercier de votre précision. Je pense que ce que je disais tout à l'heure, à la surprise peut-être du député de Gatineau mais c'est parfaitement exact, le gouvernement a agi le plus rapidement possible pour convoquer cette commission, à l'insistance du député de Bonaventure et chef de l'Opposition qui voulait même que les travaux siègent dans la semaine même de la reprise des travaux de l'Assemblée nationale, pour que la commission puisse avoir lieu avant Pâques. Je vous réfère à la page 4 du journal des Débats, le 23 mars 1983.

Des voix: Elle a lieu. M. Duhaime: Elle a lieu.

Le Président (M. Jolivet): Les messages étant maintenant tous faits...

M. Duhaime: Quand j'allais à l'école...

Le Président (M. Jolivet): Sur le même...

M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oh! Excusez-moi, vous n'aviez pas terminé. Allez!

M. Duhaime: Quand j'allais à l'école et qu'on nous enseignait la définition "d'avoir lieu", cela ne voulait pas dire "commencer". Cela voulait dire "avoir lieu".

M. Lalonde: La belle saison a lieu durant l'été.

Le Président (M. Jolivet): Donc, tout ceci étant dit, avec plusieurs minutes de retard, nous arrivons au témoignage de M.

Laliberté, sous le même serment qui a été prêté hier. La parole était au député de Laporte. M. le député, vous avez la parole.

Témoignages M. Claude Laliberté (suite)

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. M. Laliberté, je veux quand même vous rassurer un peu car je n'ai pas l'intention de vous interroger jusqu'aux mois d'avril, mai et juin, comme disait le ministre. Je vais tenter d'être le plus bref possible, même si le ministre s'est déclaré disposé à siéger jusqu'à cette date.

M. Laliberté, pour tenter de se remettre un peu dans l'ambiance, les événements dont on parlait hier se sont produits au tout début de l'année 1979. Le 1er février 1979 est la date où vous avez rencontré le premier ministre, dans son bureau, ainsi que M. Saulnier, M. Boyd et le chef de cabinet du premier ministre, M. Boivin. Vous aviez été nommé président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie-James quelques mois auparavant, soit le 1er octobre 1978. Je reprends ce que vous avez également dit à savoir que votre nomination provenait du premier ministre. Est-ce exact? Est-ce bien ce que vous avez dit?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: C'est exact.

M. Bourbeau: Pouvez-vous nous dire, M. Laliberté, quand se termine votre mandat?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: Le 1er octobre 1983.

M. Bourbeau: Dans quelques mois, en 1983?

M. Laliberté: C'est cela.

M. Bourbeau: Jusqu'ici, avez-vous eu des discussions à ce sujet ou avez-vous eu des nouvelles au sujet du renouvellement de votre mandat?

M. Laliberté: Aucunement.

M. Bourbeau: Ni dans un sens ni dans l'autre?

M. Laliberté: Ni dans un sens ni dans l'autre.

M. Bourbeau: Que ferez-vous le 1er octobre prochain? Qu'entendez-vous faire? Quelles sont vos intentions?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: J'espère évidemment pouvoir continuer à rendre service. À qui? À l'entreprise privée? Au gouvernement? Cela reste à voir. Je suis encore dans l'inconnu de ce côté-là.

M. Bourbeau: Une dernière question sur ce sujet. Est-ce que le renouvellement de votre mandat dépend également de la volonté du premier ministre?

M. Laliberté: Présentement, oui. Du Conseil des ministres.

M. Bourbeau: Du Conseil des ministres. Dans votre texte, hier, vous avez dit du premier ministre.

M. Laliberté: La nomination est faite par le premier ministre, mais sur la base d'un décret.

M. Bourbeau: Ah bon!

M. Duhaime: Est-ce que je peux, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Duhaime: Pour l'information du député de Laporte, les nominations des membres des conseils d'administration, que ce soit la Société d'énergie de la Baie-James ou Hydro-Québec, sont faites par le Conseil des ministres, comme cela a toujours été sous tous les gouvernements, même à l'époque où il y avait une commission hydroélectrique. Peut-être pourrais-je ajouter que le ministre de l'Énergie et des Ressources fait des recommandations au Conseil des ministres. Cela est discuté au Conseil des ministres. C'est une décision qui se prend après consensus, comme pour n'importe quelle autre décision.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Savez-vous si le chef de cabinet du premier ministre est consulté quant à la nomination?

M. Laliberté: Je ne saurais le dire.

M. Bourbeau: M. Laliberté, le 3 janvier 1979, vous rencontriez justement le chef de cabinet du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin. D'après ce que vous avez dit, hier, dans votre témoignage, M. Boivin vous a mentionné très clairement l'intention du premier ministre, le sentiment du premier ministre de régler ou de voir à régler la cause qui était sur le point de commencer.

Elle commençait douze jours plus tard en cour. Est-ce que M. Boivin vous a chargé également de faire connaître ce désir aux autres membres de votre conseil d'administration?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: Aucunement.

M. Bourbeau: M. Laliberté, est-ce que vous aviez déjà rencontré M. Boivin avant le 3 janvier, à ce sujet?

M. Laliberté: Sur le sujet, non.

M. Bourbeau: Et sur d'autres sujets? (11 heures)

M. Laliberté: Lorsque j'étais fonctionnaire - je pense vous en avoir fait part hier - il m'a été donné de faire un voyage à Terre-Neuve avec le premier ministre et M. Boivin pour discuter du dossier Terre-Neuve-Churchill Falls, comme vous le savez. De mémoire, cela a donc été la seule occasion où j'ai pu être en présence de M. Boivin.

M. Bourbeau: Combien de temps a duré la rencontre avec M. Boivin?

M. Laliberté: J'ai dit hier quinze minutes environ, je pense.

M. Bourbeau: En quels termes M. Boivin vous a-t-il signifié le désir du premier ministre?

M. Laliberté: En quels termes? Sur la base de l'argumentation que j'ai soulignée hier.

M. Bourbeau: Est-ce que c'était une forme de souhait, de voeu pieux, ou si c'était plutôt dans le genre impératif?

M. Laliberté: Je maintiens ma déclaration d'hier. C'était un souhait.

M. Bourbeau: Vous nous aviez dit hier que, quant à vous, vous n'étiez pas d'avis qu'on devait régler la cause à ce moment, le 3 janvier 1979. Vous avez dit que des doutes se sont installés subséquemment et progressivement. Quand M. Boivin vous a demandé de régler, le 3 janvier, est-ce que vous avez résisté à ce moment, en tant que président-directeur général de l'organisme qui devait poursuivre pour 32 000 000 $ en cour?

M. Laliberté: M. le Président, j'ai dit hier, et je vais citer, que mon doute avait augmenté graduellement. Finalement, aux alentours du 22 janvier, les deux offres que nous avions reçues de la part des défendeurs,

compte tenu du fait que nous avions deux éléments nouveaux capitaux pour moi, c'est-à-dire la reconnaissance de la responsabilité par certains défendeurs et la reconnaissance du quantum en ce qui regarde les dommages, pour moi, combinées à ce doute qui augmentait, cela m'a amené à préconiser une solution au conseil. Ce doute a été graduel chez moi. Je l'ai dit hier et je le répète encore aujourd'hui.

M. Bourbeau: II a été graduel. Il n'y avait pas de doute le 3 janvier et, le 23 janvier, les doutes étaient suffisants pour faire changer votre vision des choses. Je pense que ce sont les mots que vous avez dits.

M. Laliberté: M. le Président, je ne sais trop comment exprimer mieux que je ne l'ai fait hier un doute qui se crée graduellement. Ce n'est pas un doute subit, c'est graduel. Je maintiens donc ma déclaration.

M. Bourbeau: Alors le 3 janvier vous rencontrez M. Boivin. Deux jours plus tard, vos propres avocats, le bureau Geoffrion et Prud'homme, émettent un nouvel avis juridique qui confirme l'avis juridique précédent qu'en principe la cause que vous êtes sur le point d'intenter est bonne - vous avez une bonne cause, comme on dit en général - et que vous avez comme défendeurs certains syndicats québécois et un syndicat américain.

On vous dit que les syndicats québécois ne sont pas tellement riches mais que le syndicat américain est très en moyens, qu'il a même les moyens financiers d'acquitter la totalité de la réclamation. C'est exact?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: L'avis juridique du 5 janvier de nos procureurs confirme, dans les grandes lignes, les éléments que vous mentionnez.

M. Bourbeau: Et...

M. Laliberté: Je tiens à souligner cependant que, hier, le député m'a fait dire que c'est moi qui disais cela. Ce n'est pas moi qui disais cela.

M. Bourbeau: Écoutez, si je vous ai fait dire cela, j'ai vraiment... Je le répète d'ailleurs aujourd'hui: Ce sont les avis juridiques de vos avocats qui disaient que tout était favorable à un bon procès.

Le 9 janvier 1979, quatre jours plus tard, votre conseil d'administration se réunit et prend connaissance de tous ces avis et conclut que vous avez une bonne cause et qu'on doit procéder. Vous confirmez à vos avocats le mandat d'aller en cour le 15 janvier. C'est exact aussi, je crois, n'est-ce pas?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je pense, M. le Président, que l'occasion est idéale pour réellement se questionner, en quelque sorte, sur la qualité des documents que j'avais en main à ce moment, lesquels documents ont été transmis au conseil d'administration, lesquels, en sus des autres documents que j'ai reçus ultérieurement, m'ont permis de faire "l'ouverture" au conseil du 22 janvier. Si vous me le permettez, on va retourner en arrière avec le document que nous avons distribué sur l'heure du midi hier. Vous avez là la première opinion datée du 16 décembre 1975. Je vous invite à aller à la page 9 et je vais poursuivre la lecture des pages 10, 11 et 12, qui touchent l'International Union of Operating Engineers.

Premièrement, je lis le bas de la page 9 et le haut de la page 10: "En affiliation directe, le local 791 possède une charte qui lui a été octroyée par l'International Union of Operating Engineers, dont la filiale canadienne est située au 160, Eglington Avenue East, bureau 304, Toronto...

M. Bourbeau: M. Laliberté, pourriez-vous nous indiquer quel document vous lisez?

M. Laliberté: Le document du conseil du 11 décembre; en annexe, vous aviez l'opinion juridique datée du 16 décembre 1975.

M. Bourbeau: Oui.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté, je pense que ce que les gens n'ont pas compris, c'est qu'en bas, c'est marqué page 10, mais, en réalité, c'est la page 9, en haut.

M. Laliberté: Ah! D'accord.

Le Président (M. Jolivet): Donc, c'est le deuxième paragraphe à la fin.

M. Laliberté: De la page 9.

Le Président (M. Jolivet): C'est cela. D'accord?

M. Bourbeau: J'y suis, cela va.

M. Laliberté: Donc, je continue la lecture du dernier paragraphe. "Nous possédons la charte de cette union internationale où, à l'article 23, subdivision 4, section b, il est prévu qu'aucun contrat pour un agent d'affaires ou pour une position similaire ne peut être valide sans que le

contrat ne soit soumis au président général et ne reçoive son approbation. "Nous ne savons pas - ce sont les procureurs qui s'expriment - si le contrat d'agent d'affaires qui existait entre le local 791 et Yvon Duhamel a été approuvé, conformément à la charte de l'union internationale. Cependant, Yvon Duhamel a été agent d'affaires, tant à Matagami qu'à LG 2, pour une période de près de 16 mois et il est à présumer qu'une telle approbation a existé. Là-dessus, il serait certainement intéressant de poursuivre nos recherches qui n'ont rien révélé jusqu'à maintenant. "Cependant, même si l'union internationale n'a pas approuvé le contrat d'agent d'affaires d'Yvon Duhamel, nous sommes quand même d'avis que l'on peut possiblement impliquer l'union internationale à cause de sa faute d'omission."

M. Bourbeau: Pour la compréhension des gens, lorsqu'on parle de l'union internationale, on parle du syndicat américain, n'est-ce pas?

M. Laliberté: C'est bien cela.

M. Bourbeau: Ceux qui avaient des moyens financiers importants pour payer?

M. Laliberté: C'est bien cela. M. Bourbeau: D'accord! Merci.

M. Laliberté: "L'union internationale se devait d'approuver le contrat d'emploi d'Yvon Duhamel comme agent d'affaires du local 791, en vertu de ses règlements et de sa constitution. Que telle approbation ait été donnée ou non, l'union internationale a possiblement pu engager sa responsabilité du fait qu'elle aurait sciemment permis à Duhamel d'occuper la fonction."

Je sors du texte. Donc, selon la charte de l'union, un contrat avec un agent d'affaires n'est valide qu'autant qu'il a été approuvé par le président général de l'union. Or, au moment où nous intentons la poursuite, on ne sait pas encore, et c'est 20 mois après le saccage lui-même, si ce contrat existe. On admet cependant que M. Duhamel a été agent d'affaires du local 791 à Matagami et à LG 2. On dit que, même si le contrat n'existe pas, on prétend qu'on peut possiblement impliquer l'union à cause de sa faute d'omission. Je continue la lecture...

M. Bourbeau: Le document qui vous lisez est un document qui date de 1975, n'est-ce pas?

M. Laliberté: M. le Président, il est très important que l'on montre l'évolution de l'opinion juridique dans ce dossier.

M. Bourbeau: Parce que j'ai...

M. Laliberté: Mon intention est de partir du 16 décembre 1975 et de montrer l'évolution qu'ont suivie nos procureurs jusqu'au 11 décembre 1978 pour, finalement, en venir à l'opinion du 5 janvier.

Le Président (M. Jolivet): M.

Laliberté...

M. Laliberté: Je crois que, dans ma logique...

Le Président (M. Jolivet): ...il n'y a personne qui puisse vous empêcher de faire le témoignage que vous voulez.

M. Laliberté: D'accord.

M. Bourbeau: M. le Président, et surtout pas celui qui vous parle! Je voulais simplement faire préciser - pour le bénéfice des gens qui écoutent - que vous étiez en train de citer une opinion juridique de 1975. J'estime que vous allez maintenant nous montrer les opinions juridiques subséquentes qui ont un peu modifié ou nuancé celle-là.

Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une autre, M. Laliberté, vous pouvez continuer.

M. Laliberté: Le point pertinent ici - je pense - c'est que ce n'est pas que l'opinion juridique que je cite ait été rédigée en 1975. Le point important, c'est qu'elle a été déposée au conseil d'administration qui a pris la décision le 11 décembre 1978. Je trouve que c'est capital.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y, M. Laliberté.

M. Laliberté: Donc, je poursuis la lecture au bas de la page, en continuité au texte que je citais: "D'ailleurs, notre enquête a révélé que l'union internationale exerçait une surveillance des activités du local 791. "En effet, au niveau de l'International Union of Operating Engineers, AFL-CIO-CLC, nos enquêteurs ont pu retracer des lettres prouvant que Robert Meloche, le gérant d'affaires du local 791, était vraiment le subalterne de Rowland G Hill, vice-président général et directeur canadien régional de l'International Union of Operating Engineers, AFL-CIO-CLC. "Dans une lettre du 26 novembre 1973, M. Hill demande un rapport sur une plainte portée par le local 793 contre le local 791, étant donné que ce dernier avait ouvert un bureau de recrutement dans la juridiction territoriale du local 793. M. Hill ordonne alors à M. Meloche de fermer ce bureau de recrutement et de cesser cette pratique

immédiatement. Au surplus, dans un procès-verbal d'une assemblée du comité exécutif du local 791, on fait état d'une autre demande de M. Hill. Ce dernier ordonnait à M. Meloche d'aller le rencontrer à Washington et l'exécutif du local suggère que M. Meloche téléphone à M. Hill et lui offre de le rencontrer à Montréal, étant donné les travaux d'importance qu'accomplit à cette époque M. Meloche. De plus, l'exécutif du local 791 recommandait à M. Meloche de demander à M. Hill un mandat bien précis concernant le Québec. "Cette affiliation du local 791 avec l'union internationale ne fait pas naître - ce sont les procureurs qui le disent - en soi une responsabilité présumée de l'union internationale. Nous nous sommes permis cependant de faire état de certaines des relations entre le local 791 et l'union internationale pour montrer qu'ils étaient de fait en contact et que le contrat d'agent d'affaires d'Yvon Duhamel a dû ou aurait dû et pu être approuvé par l'union internationale."

Donc, on fait part de lettres, en quelque sorte, qui existent et qui prouvent que Meloche, qui est un gérant d'affaires du 791, était le subalterne d'un VP général de l'union. Les procureurs reconnaissent cependant que cette affiliation du local 791 avec l'union internationale ne fait pas naître une responsabilité présumée de l'union internationale.

Ce que je constate, c'est que, au moment où nous avons intenté ce procès et au moment, principalement, où nous consultons ce document au conseil, déjà ce lien qu'on veut démontrer - nous sommes au mois de décembre 1978 - est selon moi très ténu. Chose encore plus importante, c'est que, à ce moment-là, on n'avait pas encore parlé d'exercice de règlement, on n'avait surtout pas posé la fameuse question de l'exemplification, ce n'est venu que plus tard.

Deuxième élément, M. le Président, à la fin de 1975, au moment où nos procureurs ont émis cette première opinion, la commission Cliche avait oeuvré durant toute l'année. Si vous me permettez, je vais vous souligner une partie du mandat de la commission qui nous touche, nous, de la Baie-James. C'est à la page 350 du rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale paru chez l'Éditeur officiel du Québec. Je lis: Que la commission fasse enquête et rapport et soumette ses recommandations a) sur l'exercice de la liberté syndicale, non seulement sur les chantiers de construction proprement dits, mais tous les secteurs de la construction au Québec; b) sur tous les comportements, non seulement des agents patronaux, des syndicaux et des travailleurs mais de toutes les personnes physiques et morales intéressées au secteur de la construction au Québec. (11 h 15)

Je ne crois pas, M. le Président, que j'aie à vous rappeler l'effort qui a été mis dans ce document. Je ne sais pas exactement le nombre de jours qu'on y a consacrés, mais un point majeur demeure pour nous à la SEBJ; c'est que, de la page 60 à la page 70 de ce même rapport, pages dans lesquelles on parle du 791, aucun lien n'est établi avec l'International Union of Operating Engineers.

Donc, ce que nos procureurs constatent dans leur avis du 16 décembre 1975, en fait, c'est que malheureusement la commission Cliche n'a pas pu établir ce lien. Donc, deuxième élément clef évidemment dans la logique que j'ai pu suivre à partir du mois de décembre et qui finalement m'a mené au 22 janvier 1979.

Je lisais donc l'opinion de décembre 1975 à partir d'un procès-verbal qui est le procès-verbal du 11 décembre. Or, annexé à ce procès-verbal, il y a également ce que je pourrais qualifier de document préliminaire des procureurs à la suite de la demande qui leur a été exprimée le 27 novembre, c'est-à-dire que les administrateurs du conseil actuel voulaient en savoir un peu plus sur la solvabilité de ces syndicats et sur la dépendance des individus entre eux, personnes juridiques et personnes physiques.

Je lis, si vous me le permettez, M. le Président, à partir du bas de la page 1 jusqu'à la fin du document. "Quant à la capacité de payer de l'International Union of Operating Engeneers, elle ne fait pas de doute. - Je l'ai répété fréquemment hier, c'était démontré et ce l'est encore dans le document final qu'on obtient le 5 janvier 1979. - Nos correspondants américains, MM. Elarbee, Clark & Paul, doivent nous faire parvenir d'ici peu certains renseignements concernant la situation financière actuelle de ce syndicat aux Etats-Unis. Il est toutefois peu probable que ce syndicat ait des actifs de quelque importance au Québec et l'on peut déjà présumer, au cas où un jugement interviendrait contre lui, que seules les cotisations qui doivent lui être versées par les travailleurs québécois pourraient être saisies." J'intercale un commentaire ici, c'est des peanuts par rapport au montant dont on a parlé à ce jour. Et donc, au Québec, il n'y a rien à faire. Ce qui veut donc dire que l'on reconnaît pour la première fois que ce règlement devrait être exercé du cûté américain. Je continue la lecture. "Mais il n'est définitivement pas exclu que ce syndicat américain se sente moralement lié - on va parler de ce "moralement lié" tout à l'heure - par tout jugement qui pourrait être prononcé contre lui de telle sorte qu'une exécution volontaire demeure du domaine des possibilités. Afin

d'être en mesure de vous éclairer davantage sur les possibilités de recouvrement à la suite de tout jugement qui pourrait être prononcé contre l'International Union of Operating Engineers, nous avons requis une opinion de nos correspondants américains sur les défenses qui seraient ouvertes à ce syndicat dans l'hypothèse où une action serait intentée contre lui aux États-Unis sur la foi du jugement québécois. Cette opinion devrait nous parvenir d'ici peu." Effectivement, elle nous est parvenue le 5 janvier. Dans ce document daté du 11 décembre 1978, on établit donc la solvabilité nulle du syndicat impliqué au Québec. Cependant, on dit qu'au États-Unis elle est indéniable. On dit qu'advenant un jugement défavorable, l'union pourrait nous dire: Messieurs de la SEBJ, à présent, venez nous chercher du côté américain. Compte tenu des actifs qu'on a, on peut vous traîner longtemps.

Cependant, il est peut-être possible de s'entendre hors cour. Cela reste à voir. On le ferait sur la base d'un lien moral de 32 000 000 $? Entre vous et moi, un lien moral de 32 000 000 $, je pense qu'on peut l'oublier dès maintenant.

En décembre 1978, il n'y a donc encore rien sur la notion d'exemplification. On en arrive au document du 5 janvier, qui est le document final, en quelque sorte, de la demande du 27 novembre du conseil d'administration. Nous sommes à la page 30 du document volumineux que nous avons distribué hier.

Nous allons commencer, si vous le permettez, par le fameux lien de préposition: Duhamel, local 791, et International Union. On n'oublie pas que nous sommes 3 ans plus tard que lors de la première opinion juridique. Je vais vous lire, si vous le permettez, le bas de la page 7, à la page 30 du document qu'on a ici. Vous devez vous souvenir que c'est la firme Geoffrion et Prud'homme qui parle: "L'International Union a donc vigoureusement contesté l'action intentée en invoquant l'absence de lien de préposition entre Yvon Duhamel et le local 791 auquel elle avait accordé une charte. Elle invoque que, de toute façon, le contrat d'agent d'affaires d'Yvon Duhamel ne lui avait pas été présenté pour approbation par les autorités syndicales locales aux termes de la constitution et que c'est hors de sa connaissance et sans son approbation que certains officiers du local 791 avaient incorporé parallèlement le syndicat connu sous le nom de "Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec". Elle allègue aussi que la SEBJ doit assumer elle-même les conséquences des événements de mars 1974, parce qu'elle avait encouragé, par ses négociations avec la FTQ-Construction, le climat qui régnait à LG 2 et qu'elle avait abdiqué son pouvoir de gérance face à Yvon Duhamel. "Nous savons de façon certaine que, peu avant les événements de mars 1974 et peu après, l'International Union of Operating Engineers, dont les bureaux pour le Canada sont situés à Toronto, s'est intéressée aux activités du local 791. Elle ne peut choisir d'exercer certains pouvoirs que lui donne sa constitution et se cacher derrière celle-ci lorsque sa responsabilité est engagée." Donc, entre décembre 1975 et janvier 1979, selon moi, il n'y a eu aucun nouvel élément sur cette question de contrat. Il n'y a rien eu d'ajouté. On n'a rien découvert. Pire encore, on est obligé, pour en parler, de me donner l'avis de la partie adverse. On me dit, à la partie adverse: Le contrat, ne le cherchez pas, il n'existe pas. Et ce lien de présupposition entre le local 791 et l'International Union a été fait hors de notre connaissance et surtout, sans notre approbation. Donc, je vous jure que ce lien n'a pas évolué du tout durant 3 ans.

Maintenant, à propos de l'exemplifi-cation...

M. Bourbeau: Avant de passer à la question de l'exemplification, pour terminer sur cette question du lien, vous conviendrez quand même que les documents disent aussi -il faut quand même faire voir tout le portrait - que, malgré cela, il y a eu des rencontres fréquentes entre M. Hill, qui représentait les Américains, et M. Duhamel, que M. Duhamel a été convoqué à Toronto, je pense, à Chicago, ou je ne sais où, qu'ils se sont rencontrés et que, s'il n'y a pas un contrat écrit qu'on peut retrouver, vos propres procureurs concluent que le syndicat américain, dont les bureaux au Canada sont situés à Toronto, s'est intéressé aux activités du local et qu'il ne peut donc pas choisir -vous venez de le dire - d'exercer certains pouvoirs que lui donne sa constitution et se cacher derrière celle-ci lorsque sa responsabilité est engagée. Et vos avocats en concluaient, je pense, que sa responsabilité devait quand même être engagée puisqu'ils ont conclu à ce que vous les poursuiviez vous-mêmes en justice et qu'à cette réunion-là, vous avez convenu de les poursuivre en justice. Si la responsabilité n'était pas présumée engagée par les Américains, pourquoi les avez-vous poursuivis quand même?

M. Laliberté: Sur ce point précis, les nombreuses réunions, ce ne sont que deux réunions, première précision, et, deuxièmement, on ne parle pas de Duhamel, on parle de Meloche, autre précision très importante.

M. Bourbeau: Je m'excuse. Meloche qui était le président du syndicat. J'ai fait

erreur.

M. Laliberté: Troisièmement, pourquoi a-t-on poursuivi? Compte tenu évidemment des dommages, on a mis tout le monde dans le paquet, si je peux dire. Il était logique de le faire de cette façon-là. Est-ce que je peux continuer pour le 5 janvier?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: On a couvert la notion ou le lien de préposition. Dans cette même opinion juridique, on parle pour la première fois d'exemplification. On a vu dans le document du 11 décembre que les actifs de la partie québécoise de ce syndicat étaient nuls. Il s'agissait de soulever le principe d'aller exécuter un jugement favorable du côté américain. Quant à l'exemplification, c'est à la page 30, au haut de la page, je cite: "Nous avons déjà mentionné que l'International Union of Operating Engineers a choisi de comparaître à l'action intentée, ce qu'elle aurait pu ne pas faire afin de se ménager certaines défenses au cas où, éventuellement, elle serait poursuivie aux États-Unis sur la foi du jugement québécois. En décidant de comparaître et de contester, l'International Union s'est placée dans une position délicate au cas de condamnation. Nous avons reçu une opinion de nos correspondants américains, MM. Elarbee, Clark et Paul, sur la reconnaissance, en vertu de la loi américaine, des jugements prononcés à l'étranger." Ce qui suit est très important. "Ils nous confirment qu'un jugement rendu dans la province de Québec n'est pas automatiquement exécutoire aux États-Unis mais qu'il peut cependant fonder avec succès une action intentée là-bas. Le droit américain fait montre de générosité à l'égard des jugements étrangers de telle sorte que, si certains prérequis existent, le défendeur à l'action intentée aux États-Unis, sur la foi du jugement étranger, ne peut plus rouvrir le débat à son mérite. Nous ne pouvons mieux faire que de vous référer à l'affaire de Hilton versus Viau, que nos correspondants considèrent comme faisant jurisprudence aux États-Unis. Dans cette cause, la Cour suprême statuait comme suit: "Where there has been opportunity for a full and fair trial abroad before a Court of competent juridiction conducting the trial upon regular proceedings, after due citation or voluntary appearance of the defendant, and under a system of jurisprudence likely to secure an impartial administration of justice between the citizens of its own country and those of other countries, and there is nothing to show either prejudice in the court or in the system of laws under which it was sitting, or fraud in procuring the judgment, or any other special reason when the comity of this nation should not allow it full effect, the merits of the case should not, in an action brought in this country upon the judgment, be tried afresh, as on a new trial or an appeal, upon the mere assertion of the party that the judgment was erroneous in law or in fact."

Ce n'est qu'à quelques jours seulement du procès - nous sommes à la fin du mois de décembre, l'avis m'est remis le 5 janvier, nous en discutons au conseil d'administration le 9 janvier - que je reçois pour la première fois et que la SEBJ reçoit également pour la première fois un avis des procureurs sur cette question d'exemplification. On nous confirme qu'un jugement québécois n'est pas nécessairement exécutoire du côté américain. On dit cependant que le droit américain s'est montré généreux jusqu'à maintenant à l'égard de jugements étrangers pour autant que les mêmes règles de droit existent, mais sans préciser si c'est effectivement le cas. Nous sommes en janvier et le procès débute. Le lien de préposition, j'ai dit que, selon moi, il était ténu, je pense que je n'ai pas à refaire la preuve.

En présence des procureurs, à la séance du 9 janvier - de fait, c'est la première présence des procureurs devant le conseil d'administration - ces documents sont discutés. Ils sont longuement discutés. J'inviterais certainement les membres à poser les questions pertinentes aux administrateurs sur ce qui a pu se dire à ce moment-la. Je vous jure que mon doute commençait à s'accentuer royalement.

Donc, le 16 janvier, je reçois une première offre de règlement hors cour de la partie québécoise, si je puis dire, des défendeurs. Le 22 janvier, le tout est consolidé dans une deuxième offre. À partir du moment où je me convaincs que je ne peux exercer une créance de 32 000 000 $, ma décision ne peut que devenir économique. Il faut mettre dans le contexte de la solvabilité des syndicats qui ont reconnu leur responsabilité, qui ont également reconnu le quantum des dommages causés, ma décision qui ne peut être qu'économique. J'ai devant moi un procès qui me coûte 25 000 $ par semaine, qui peut durer une éternité, c'est prouvé. Finalement, la récupération est, selon moi, marginale. Il est également prouvé par les procureurs que les actifs des parties qui reconnaissent leur reponsabilité sont minimes.

Donc, ce doute conduisait à une logique économique chez moi. J'ai fait part de ce doute d'une façon un peu plus précise au conseil d'administration du 23 janvier. Le conseil en a discuté longuement le 23 janvier. Il est revenu sur le sujet le 30 janvier. C'est effectivement à ce moment-là qu'on a décidé de demander au premier ministre de nous recevoir.

Le Président (M. Jolivet): M. le député

de Laporte.

M. Laliberté: Donc...

Le Président (M. Jolivet): Oui, excusez-moi, M. Laliberté.

M. Laliberté: Un dernier point. Quand on a parlé d'exemplification - nous sommes au 5 janvier, j'anticipe un peu - l'avis juridique du contentieux d'Hydro-Québec, appuyé, entériné en quelque sorte par les procureurs eux-mêmes, daté du 19 février, est venu finalement planter le clou.

Je voudrais souligner, dans cet avis juridique du 19 février provenant du contentieux d'Hydro-Québec, à la page 132 principalement, le dernier paragraphe au bas de la page: "Bien que, selon les correspondants américains, il est extrêmement douteux qu'un tribunal des États-Unis accepte le manque de réciprocité au Québec comme moyen de défense sur l'exemplification d'un jugement, ils citent une cause, "Banco Nacional de Cuba v. Sabbatino", dans laquelle il a été dit par la Cour suprême des États-Unis que la règle de la réciprocité s'appliquait "only in limited circumstances"."

Si vous me permettez, je vais sauter le prochain paragraphe pour en arriver aux deux derniers: "La International Union of Operating Engineers, ayant des fonds considérables à sa disposition, a les moyens d'en appeler jusqu'au plus haut tribunal du pays si un jugement était rendu contre elle dans cette cause. Il semble, de plus, qu'elle pourrait jouer le même jeu devant les tribunaux des Etats-Unis en défense à une demande d'exemplification de jugement par la Société d'énergie de la Baie-James si la règle de réciprocité était retenue."

M. Gadbois termine en disant: "Toutes ces procédures pourraient être très longues et entraîneraient de part et d'autre des frais légaux considérables. Voilà des facteurs dont il faut tenir compte si l'on ne considère que l'aspect monétaire comme motif pour procéder à jugement dans cette cause et nous avons jugé bon de vous les mentionner."

À la page 134, nos procureurs disent, au deuxième paragraphe: "Nous sommes d'accord avec les termes de cette lettre qui correspondent aux opinions que nous avions déjà données..." On amplifie en donnant l'exemple de la Gaspé Copper. Un autre point. À la page 135, je souligne - c'est toujours Geoffrion et Prud'homme qui parlent - "Or, sur une action en exemplification intentée devant la Cour fédérale du district de Columbia (comme le suggèrent nos correspondants américains) la sympathie de ce tribunal pourrait naturellement pencher en faveur du défendeur américain, habitué comme il l'est à appliquer l'article 6 du Norris-La Guardia Act qui stipule comme suit que "No officer or member of any association or organization, and no association or organization participating or interested in a labor dispute shall be held responsible or liable in any court of the United States for the unlawful acts of individual officers, members or agents, except upon clear proof of actual participation in, or actual authorization of, such acts, or of ratification of such acts after actual knowledge thereof." M. le Président, "actual participation in, actual authorization on". Je n'y croyais pas et je pense que les avis de nos procureurs à ce sujet étaient très mitigés.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. Laliberté, de ces considérations d'ordre juridique. À les entendre, on pourrait penser qu'un doute sérieux s'est installé. Cependant, vous admettrez avec moi que vous avez lu certains paragraphes de l'opinion du 19 février et que vous en avez sauté d'autres, comme vous l'avez dit vous-même.

Il est arrivé que nous avons aussi regardé attentivement les opinions juridiques pour voir si vous étiez justifié, le 23 janvier, de modifier votre opinion et de commencer à régler. Dans tout ce que vous avez dit -évidemment, c'est presque du chinois quand on entend cela, pour des gens qui ne sont pas habitués et probablement pour les gens...

Une voix: C'est bien clair.

M. Bourbeau: ...qui sont à la télévision - je retiens une chose, c'est qu'au début de janvier, la prépondérance de vos opinions juridiques - et je vais tenter de les dire dans des termes simples - était que vous aviez une bonne cause. La preuve est que vous avez pris action contre toutes les parties, y compris le syndicat américain.

M. Duhaime: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, question de règlement?

M. Bourbeau: M. le Président, je ne vois pas pourquoi le ministre m'interrompt. J'ai le droit de dire les paroles que je veux et de résumer comme je pense le témoignage du témoin.

M. Duhaime: C'est une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je ne me laisserai pas intimider par les interruptions du ministre, je

vous avertis.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte, M. le député de Laporte, s'il vous plaît! Je n'ai pas d'autre choix que de demander la question de règlement. Il y en a une et je dois aussi appliquer le règlement pour M. le ministre. Je verrai si c'en est une. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, la première chose que je voudrais dire, c'est que, si je commence à intimider le député de Laporte, il me fait un grand compliment. Je rêve de cela depuis six ans, de l'intimider.

M. le Président, j'ai fait une mise en garde, hier soir, à la fin des travaux. Me Bourbeau, qui est le député de Laporte, est notaire de son métier, comme vous le savez; il est un spécialiste des questions internationales en exemplification de jugements et sur les appréciations de responsabilité civile entre un membre d'un syndicat qui est affilié au 791 qui lui-même est affilié à un syndicat américain.

M. Paradis: Quelle est la question de règlement?

M. Duhaime: M. le Président, je répète la mise en garde sous forme de règlement. Le député de Laporte vient, exactement comme hier, de résumer, selon son jugement - cela vaut ce que cela vaut -...

Une voix: Cela vaut autant que le vôtre.

M. Duhaime: ...une partie de ce que vient de dire le président de la SEBJ pour tenter ensuite d'aller lui arracher soit un oui, soit un non, dans le sens de la thèse qu'il défend.

M. Paradis: Ce n'est pas une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Duhaime: Je dis, M. le Président, que cette façon de procéder...

M. Paradis: II s'agit d'une demande de directive

M. Duhaime: ...est irrégulière en commission parlementaire et n'est pas conforme à nos règlements.

M. Gratton: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, M. le ministre.

M. Gratton: M. le Président, ce que vient de faire le ministre n'est pas conforme à nos règlements. Le député de Laporte peut résumer, peut avoir des opinions, peut les émettre librement ici à la commission parlementaire. Si un membre de la commission, du côté ministériel, ne partage pas son point de vue, il peut l'exprimer aussi au moment où il aura la parole. Je pense que le ministre n'a pas à intervenir sur des fausses questions de règlement simplement pour faire perdre le temps de la commission. Il interviendra au moment où il aura la parole.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte, vous avez la parole.

M. Bourbeau: M. le Président, avant que je sois interrompu, j'étais en train de dire quelques mots. Évidemment, je ne suis pas avocat, comme l'a souligné le ministre. Je ne sais pas si je dois m'en réjouir ou le déplorer.

M. Duhaime: À la manière dont vous travaillez, je ne m'en réjouirais pas.

M. Bourbeau: De toute façon, je dirais au ministre que j'ai fait des études comme lui, les mêmes, et lui est avocat, et que, en ce qui concerne...

M. Duhaime: Parlez à votre collègue à votre gauche.

M. Bourbeau: ...la dimension internationale, j'ai eu une clientèle internationale quand je pratiquais, M. le ministre. De toute façon, la question n'est pas là du tout. Je pense que j'ai le droit de poser les questions que je veux, à moins que le président ne me dise que mes questions sont contraires au règlement. Je crois que j'ai le droit également de les poser de la façon que je veux. Je m'en réfère à l'opinion publique pour savoir si, oui ou non, je traduis bien ce que je crois comprendre de ce que dit le témoin. Je pense qu'il est important que les gens comprennent comme j'essaie de comprendre.

M. le président de la Société d'énergie de la Baie-James, je reviens au début de janvier, alors que votre conseil d'administration, ayant en main des opinions juridiques, décide de poursuivre vos débiteurs. Vous nous avez fait la lecture de certaines opinions juridiques subséquentes qui ont atténué votre jugement et qui vous ont fait conclure que, probablement, dans votre esprit, la cause n'était pas aussi bonne que vous le disiez. Je veux seulement revenir sur la dernière opinion, celle du 19 février, dont vous avez parlé en dernier lieu et qui a été, si j'ai bien compris, la goutte d'eau qui a fait déborder le vase en ce qui vous

concerne et qui vous a incité à faire un règlement. Vous parliez de cette question d'exemplification. Pour tenter de dire ce que c'est, c'est lorsqu'un jugement est rendu au Québec, de savoir si ce jugement peut être pris et appliqué aux États-Unis. Va-t-on reconnaître aux États-Unis ce jugement?

Je reprends l'avis du 19 février, que vous avez cité en partie. Vous me permettrez de regarder ici, vous dites qu'on a recherché aux États-Unis et qu'il n'y a aucune réciprocité. Je traduis de l'anglais, je peux le dire en anglais "no case has been discovered where recognition has been denied solely on the ground of the lack of reciprocity". Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'au Québec on ne fait pas la même chose. En général, aux États-Unis on reconnaît les jugements étrangers sous certaines réserves, mais, au Québec, on ne le fait pas. Donc, il n'y a pas la réciprocité dont on parle. Dans ces cas, il est possible...

M. Duhaime: Franchement!

M. Bourbeau: Si le ministre voulait écouter, il comprendrait ce qu'est la réciprocité. J'ai l'impression qu'il ne le sait pas.

M. Duhaime: M. le Président, je m'excuse, c'est justement parce que j'écoute que je ne comprends pas.

M. Bourbeau: Aux États-Unis, on reconnaît les jugements étrangers à condition qu'on le fasse dans les pays étrangers. Or, au Québec, on ne le fait pas. La question s'est posée: Est-ce que notre jugement qu'on obtiendrait au Québec pourrait être accepté aux États-Unis? On vous dit qu'aux États-Unis on fait preuve de beaucoup de générosité quand il n'y a pas cette réciprocité. C'est textuellement dans l'opinion juridique - vous l'avez lue tout à l'heure, je crois - et on dit même qu'on a cherché à savoir s'il y a beaucoup de cas aux États-Unis où on a refusé d'accepter ces jugements parce qu'il n'y avait pas la réciprocité. En page 3 de l'avis juridique de vos propres avocats du 19 février, il est dit ceci: "Selon les correspondants américains de Mes Geoffrion et Prud'homme - donc des experts américains, des avocats - il appert que cette doctrine de réciprocité n'est plus aussi largement appliquée en défense devant les tribunaux." On continue, et je traduis de l'anglais: On n'a découvert aucune action en justice où cette reconnaissance a été refusée seulement parce qu'il n'y avait pas cette réciprocité. Cela n'est pas tout à fait aussi évident qu'il semblait apparaître tout à l'heure que le manque de réciprocité pouvait être fatal. On dit même, selon les avocats, qu'on n'a pas découvert de cause où cela a été fatal à ce seul titre. Je voulais seulement ajouter cela.

Dans l'autre paragraphe que vous avez cité tout à l'heure, la fameuse cause de Banco Nacional, il est dit que "la règle de réciprocité s'appliquait "only in limited circumstances" à la Cour suprême des États-Unis. On dit que c'est l'exception. Donc, dans tous les autres cas, la règle de réciprocité s'est appliquée. J'ai passé beaucoup de temps à regarder cela et ce que je conclus et ce que vous devez conclure après l'avoir étudié, c'est qu'à cause de cette générosité aux États-Unis on considère comme une exception le cas où on n'accepte pas la réciprocité et que la règle générale, c'est qu'on l'accepte même quand l'autre pays ne l'accepte pas. C'est clair lorsqu'on regarde l'ensemble de l'opinion juridique qui est émise ici. Vous avez votre avocat près de vous, si je ne me trompe.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, j'aimerais corriger une première impression. Je ne crois pas avoir dit que c'est l'opinion juridique du 19 février qui m'a fait pencher. J'étais déjà amplement convaincu à la séance du 23, je n'avais pas besoin de cela. Mais, quand même, l'opinion juridique est là et elle est très importante dans la logique décisionnelle du conseil d'administration qui la reçoit à sa séance du 20 et qui adopte effectivement à cette séance du 20 la fameuse résolution pour non seulement explorer, cette fois, mais pour avoir la possibilité d'un règlement hors cour selon la base de certains critères énumérés. (11 h 45)

Seulement pour revenir sur un point, qui celui-là, est capital sur cette notion d'exemplification. C'est là que l'avis de Geoffrion et Prud'homme du 19 février, à la page 134, est le plus important. On dit, au dernier paragraphe de la page, la chose suivante: Si la responsabilité de l'International Union of Operating Engineers était retenue, ce serait par effet combiné des dispositions de ses statuts et des articles 1054 et 1731 du Code civil qui imposent aux commettants et aux mandants une responsabilité présumée. Tandis que dans l'affaire Gaspé Copper Mines il a été prouvé que des agents et représentants de l'union internationale avaient "fomenté, organisé, dirigé, soutenu et financé" la grève illégale et que certains actes de violence qui s'en sont ensuivis ont été commis "avec la participation, l'approbation expresse ou tacite, les encouragements, les incitations ou les appuis matériels et financiers des agents et représentants de la haute hiérarchie et direction" de la même union, nous n'avons pas, dans notre cas, d'éléments de preuve permettant de croire que l'International Union of Operating Engineers aurait participé

de semblable façon aux événements de mars 1974." Donc, on est d'accord?

On lit un historique en ce qui regarde la Gaspé Copper; on dit qu'on n'a pas le même genre de preuves chez nous. Là, les procureurs font référence à un point très important. Je lis, à la page 135 du document: "Or, sur une action en exemplification intentée devant la Cour fédérale du district de Columbia (comme le suggèrent nos correspondants américains), la sympathie de ce tribunal pourrait naturellement pencher en faveur du défendeur américain, habitué comme il l'est à appliquer l'article 6 du Norris-La Guardia Act qui stipule comme suit..." Il faut le lire, parce qu'il faut relier cela à ce qui s'est passé pour Gaspé Copper.

M. Bourbeau: Je vous souligne que vous l'avez lue textuellement tantôt, cette phrase. Je ne veux pas vous empêcher de parler, mais vous venez de la lire.

M. Laliberté: C'est parce que le corollaire, justement, entre ce qui est souligné ici, "clear proof of actual participation", dans le cas de l'avis juridique de Geoffrion et Prud'homme du 19 février, la concordance est là. Mais on reconnaît qu'on n'a pas ce genre de preuves, nous. Donc, on peut supposer que le procès aurait duré longtemps.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte, en vous soulignant que c'est un bon moment près d'une heure.

M. Blouin: Vous répétez les mêmes questions depuis 10 heures. Ce sont toujours les mêmes questions, ce sont les mêmes réponses.

M. Bourbeau: M. le Président, je suis d'accord avec ce que vient de dire le président, que le procès aurait duré longtemps. On n'a jamais pensé que le procès n'aurait pas duré longtemps. Je lui signale également que, à une simple question que j'ai posée tantôt, le témoin, comme c'est son droit, s'est embarqué...

Le Président (M. Jolivet): Je sais, M. le député.

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas ce que je veux dire.

M. Bourbeau: ...est-ce que je peux terminer ma phrase?

Le Président (M. Jolivet): Non. C'est simplement pour vous dire, M. le député...

M. Bourbeau: Je ne peux pas terminer ma phrase?

Le Président (M. Jolivet): Non, M. le député, c'est pour vous dire que je ne fais qu'appliquer ce qu'on a décidé hier: d'élargir les 20 minutes. Je ne peux déterminer ni la longueur de la question, ni la longueur de la réponse.

M. Duhaime: Consentement?

Le Président (M. Jolivet): Oui, je comprends.

M. Duhaime: Consentement.

Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas, s'il y a consentement, je vous laisse aller, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas d'objection, non plus, à ce que M. Laliberté fasse état de toutes les opinions juridiques; c'était son droit de les lire toutes. Je n'ai pas d'objection, sauf que ce n'est pas moi qui me suis embarqué dans le débat juridique et je ne suis pas responsable des délais, malheureusement, M. le Président, qui ont été trop longs, selon vos remarques.

M. Duhaime: Comme vous ne connaissez rien là-dedans, cela n'avance pas vite.

Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas qu'ils ont été trop longs, M. le député, c'est parce que j'essaie d'appliquer le règlement le mieux possible en élargissant le temps. Mais je ne veux pas qu'on me critique ensuite de vous avoir laissé aller trop longtemps. M. le député.

M. Bourbeau: Plutôt, d'avoir laissé aller le témoin, M. le Président, plus que moi. Le 15 janvier, M. Laliberté, le procès débute et, deux semaines plus tard, a lieu, au bureau du premier ministre, une rencontre. Je voudrais revenir un peu là-dessus, parce que je n'ai pas eu la chance de vous poser quelques questions additionnelles et je pense que c'est important de le faire. La rencontre du 1er février, pouvez-vous nous préciser qui l'a sollicitée?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

Une voix: C'est le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James.

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: ...est-ce qu'on va

assermenter le député?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, c'est M. Laliberté qui doit répondre. Allez-y, M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, au procès-verbal du 6 février - ce n'est cependant pas dans le procès-verbal du 30 janvier, mais dans le procès-verbal du 6 février - il est fait mention que la rencontre a été faite à la demande du conseil d'administration.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Est-ce que tous les membres du conseil d'administration ont participé à cette demande ou seulement certains?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: C'est général, M. le Président, mais il n'y a rien pour en rendre compte au procès-verbal. C'est une demande du conseil d'administration. Si vous demandez s'il y eu un vote, il n'y a pas eu de vote.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: En fait, qui au conseil a communiqué avec le bureau du premier ministre pour faire la demande?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Le président du conseil lui-même.

M. Bourbeau: M. Saulnier.

M. Duhaime: Son prénom, c'est Lucien.

M. Bourbeau: Dans le procès-verbal du 6 février, il était dit: À la suggestion des membres du conseil d'administration au cours d'une réunion antérieure. Est-ce que cette réunion avait été la réunion précédente?

M. Laliberté: La réunion du 30 janvier.

M. Bourbeau: Quant à la réunion dans le bureau du premier ministre, je crois que vous avez dit, hier, qu'elle avait duré une quinzaine de minutes.

M. Laliberté: C'est bien cela, M. le premier ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le Président.

M. Laliberté: M. le Président. Je m'excuse du lapsus.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il y avait seulement cinq personnes à cette réunion ou s'il y en avait davantage?

M. Blouin: Cinq personnes.

M. Laliberté: II y avait MM. Boyd, Saulnier et moi-même, ainsi que MM. Lévesque et Boivin.

M. Bourbeau: M. Boivin, le chef de cabinet du premier ministre?

M. Laliberté: C'est bien cela, oui.

M. Bourbeau: Quand vous êtes entré dans le bureau du premier ministre, M. Laliberté, qui a...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, monsieur, j'ai une question de règlement. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, il est 11 h 50. Je pourrais moi-même répondre, et n'importe lequel de mes collègues ici, au trois dernières questions qui viennent d'être posées parce que ce sont exactement les mêmes qui ont été posées hier par votre collègue, le leader parlementaire de l'Opposition. Combien y avait-il de personnes à cette réunion. Il y en avait cinq. Quelle date, etc?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je dois vous interrompre.

M. Blouin: Le premier ministre... M. Lalonde: C'est de la censure.

Le Président (M. Jolivet): Oui, sur la question de règlement, M. le ministre.

M. Duhaime: Pour dire tout simplement ceci: II y a à cette table huit porte-parole de l'Opposition.

M. Doyon: On ne peut rien vous cacher.

M. Duhaime: Vous avez raison qu'on ne peut rien me cacher et vous, on ne peut pas vous manquer non plus, vous êtes vraiment le huitième. Si on passe toute la journée à la comparution de M. Laliberté, et qu'ensuite, à tour de rôle, les députés de l'Opposition reprennent systématiquement les mêmes questions, je vais être obligé de dire à M. Laliberté de modifier son horaire ainsi que tous les autres, parce que son seul témoignage va prendre une dizaine de jours.

Maintenant que le leader parlementaire de l'Opposition a daigné venir nous rejoindre, j'aimerais lui demander quelle est la position

de son parti à savoir si c'est systématique qu'on reprend les mêmes questions. Qu'on pose des questions pour ajouter à ce qui a déjà été dit, je suis parfaitement d'accord avec cela et je suis prêt à donner tout le temps qu'il faut. Mais que, systématiquement, on fasse huit interrogatoires en ligne sur du "taponnage", si vous me passez l'expression, je vais vous dire, M. le Président, que, chaque fois, je vais intervenir pour souligner que vous êtes en train de nous faire perdre notre temps après avoir plaidé urgence, gravité, sérieux, etc.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Sur la question de règlement. Puisque le ministre m'a mis en cause, je m'excuse, j'ai dû m'absenter pendant une demi-heure pour exécuter des devoirs de ma charge. D'ailleurs, j'ai vu le député de Laporte et entendu une très longue réponse de M. Laliberté, comme c'est son droit de le faire. Je pense, M. le Président, qu'il faut que ce soit bien clair. On n'a pas du tout l'intention de répéter les questions. On a un tas de questions à poser pour remplir le mandat que nous avons. Les députés péquistes semblent ne pas savoir pourquoi ils sont ici. On verra. Quand cela va être le temps de voter pour blanchir le premier ministre, ils vont être là à deux mains. On les connaît.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député.

M. Lalonde: Les députés de l'Opposition font leur devoir, ils font leur travail. Ils ont des questions à poser. Il y a peut-être des recoupages, ce qui est tout à fait normal, même désirable, pour être bien sûr que tout est replacé dans son contexte. Si le ministre cessait d'interrompre, cela irait plus vite.

Le Président (M. Jolivet): Je vais quand même vous dire que je n'ai pas à déterminer quelles sont les questions, ni les réponses. Je dois simplement constater que chacun a le droit de poser des questions et de donner les réponses qu'il veut bien, en espérant que cela aille le mieux possible.

M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je voudrais simplement dire que mon collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys - je le souligne, parce que la remarque du ministre est très désobligeante - était malade hier soir. Il était fiévreux.

M. Duhaime: Pauvre petit! Il l'est encore ce matin, si vous voulez mon avis.

M. Bourbeau: Je le félicite d'être ici aujourd'hui. Je pense que c'est très déplacé de souligner qu'il s'est absenté durant quelques minutes.

M. Blouin: On ne le savait pas.

Le Président (M. Jolivet): Allez, allez! Ne mettez pas d'huile...

M. Blouin: Si on l'avait su, on n'aurait pas dit cela.

M. Bourbeau: En ce qui me concerne, M. le Président, je veux obtenir des précisions sur... M. le Président, je suis ici pour poser des questions...

M. Duhaime: II ne s'est pas absenté parce qu'il était malade. Je m'excuse, je ne peux pas laisser passer cela, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député de Laporte.

M. Paradis: Est-ce une question de règlement?

M. Duhaime: Oui, oui, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): C'est simplement pour vous dire qu'il n'y a pas de question de privilège en commission. C'est la première des choses à dire. Deuxièmement, je serais porté à demander au député de Laporte de ne pas mettre d'huile sur le feu. Je lui avais donné la parole pour qu'il pose ses questions. Qu'il continue et qu'il ne se permette pas d'intervenir sur une chose qui était déjà dépassée.

M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais faire préciser par M. Laliberté certaines des réponses qu'il a faites hier. Je pense que c'est mon droit de le faire.

Quand vous êtes entré dans le bureau du premier ministre, M. Laliberté, qui a abordé le sujet dont il est question?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Bourbeau: Et dans quels termes?

M. Laliberté: Je pense, M. le Président, qu'on peut m'excuser au sujet des termes exacts. Mais à savoir qui a abordé le sujet, c'est, évidemment, le président du conseil qui est venu expliquer le contexte et qui a exposé le problème. Je vous saurais gré de poser cette question au président du conseil.

M. Bourbeau: À M. Lucien Saulnier? Donc, c'est M. Lucien Saulnier qui a abordé le sujet en expliquant pourquoi vous étiez au bureau du premier ministre?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: C'est cela.

M. Bourbeau: À ce moment-là, rapidement, on a commencé à parler de la possibilité de régler la cause qui était en cour depuis deux semaines. Il y a des gens qui voulaient régler, je présume, et d'autres qui ne voulaient pas régler. Qui ne voulait pas régler?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: On posera ces questions aux administrateurs. Ils sont tous ici.

M. Bourbeau: M. Laliberté, vous-même, vous étiez présent et vous avez dit hier que le premier ministre s'était emporté. Enfin, il a eu des paroles. Quand il s'est emporté, c'est parce que quelqu'un refusait de régler, je présume?

M. Duhaime: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement de la part du ministre. M. le ministre.

M. Duhaime: Encore une fois! C'est la troisième fois que j'interviens pour empêcher le député de Laporte de mettre des paroles dans la bouche d'autres personnes et, au surplus, de dire que M. Laliberté a répété des choses qui n'ont jamais été dites, par exemple: Est-ce que le premier ministre s'est emporté? Il n'a jamais été question de cela hier. On a même dit que l'atmosphère avait été cordiale.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Effectivement, M. le Président, c'est l'interprétation du député de Laporte, que je ne partage pas complètement parce qu'on sait que le premier ministre peut dire des gros mots sans s'emporter.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. Laliberté, je m'excuse. J'ai effectivement conclu que le premier ministre s'était emporté parce que, hier, vous nous avez dit que le premier ministre - et je vous cite au texte - a dit: "Vous réglez, maudit! Vous réglez, pire que maudit...

M. Lalonde: Qu'est-ce que c'est "pire que maudit"?

M. Bourbeau: ...ou: "Vous réglez, sinon on réglera nous-mêmes". Je vous repose la question: Qui refusait de régler, puisque le premier ministre a dit ces paroles?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: Qui refusait de régler? M. Bourbeau: Oui.

M. Laliberté: Le conseil n'avait pas encore pris de décision.

M. Lalonde: À la réunion?

M. Bourbeau: À la réunion, dans le bureau du premier ministre. Puisque le premier ministre a dit: "Vous réglez, maudit, ou bien on réglera nous-mêmes!", alors, qui refusait de régler?

M. Laliberté: M. le Président, j'ai clairement indiqué hier que tout ce qu'a dit le premier ministre s'adressait aux trois personnes qui étaient là, personnes qui étaient déléguées par un conseil d'administration. Je ne change pas d'avis là-dessus.

M. Bourbeau: Oui, mais quand le premier ministre a utilisé les mots: "Vous réglez, maudit!", c'est parce que quelqu'un disait qu'il ne voulait pas régler. Est-ce que cela ne s'infère pas du texte?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, ce qui s'est passé lors de cette réunion, c'était le résultat d'une démarche du conseil qui voulait connaître l'opinion du premier ministre. Donc, nous n'y allions pas en tant qu'individus. Nous n'exprimions pas nécessairement des opinions personnelles. Nous voulions nous faire dire quelle était l'opinion du gouvernement au sujet de ce dossier. C'est pour cela que je maintiens ce que j'ai dit, je pense, deux ou trois fois, que, effectivement, les paroles du premier ministre s'adressaient aux personnes qui étaient là, c'est-à-dire le président du conseil, M. Boyd, et moi-même. (12 heures)

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Avant que le premier ministre vous dise: Réglez, maudit! est-ce

que M. Boyd avait parlé au premier ministre?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je ne me souviens certainement pas de l'ordre. Je ne peux pas répondre à ce genre de question. J'ai dit hier, et c'est très important, que l'atmosphère a été calme. Je le répète, cela a été calme.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Est-ce que M. Saulnier a pris la parole avant pour signifier qu'il avait des objections à régler?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Vous devriez poser cette question-là à M. Saulnier.

M. Bourbeau: Vous étiez témoin, vous étiez là, vous avez entendu des mots.

Une voix: Vous ne vous en souvenez pas?

M. Laliberté: Les autres administrateurs sont convoqués et cette question devrait être adressée à M. Saulnier.

Une voix: Un témoin hostile!

M. Bourbeau: N'est-il pas vrai que M.

Boyd a parlé au premier ministre dans le sens de son refus de régler avant que le premier ministre prononce ces mots-là?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: II faudrait poser la question à M. Boyd.

Une voix: Bien non! Vous êtes témoin. Il refuse de témoigner. Est-ce que vous vous en souvenez ou si vous ne vous en souvenez pas?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je me rappelle le contexte général. Je me rappelle l'atmosphère, la durée, des éléments comme ceux-là. Je ne me rappelle pas des phrases spécifiques. Cela date de trois ans.

M. Lalonde: Sauf celle-là. M. Bourbeau: M. Laliberté...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: ...avant que le premier ministre - je n'ose pas dire le mot "emporter" parce que le ministre ici va s'emporter - vous dise: Vous réglez, mauditl n'est-il pas vrai que M. Boyd s'était adressé au premier ministre et lui avait fait valoir son refus de régler la cause?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Ma mémoire sur cette question-là, c'est que cette phrase a été prononcée au tout début de la réunion, donc après l'intervention du président du conseil. Le premier commentaire qu'a fait le premier ministre, c'est celui que j'ai mentionné.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Avant que le premier ministre prononce ces mots, est-ce que quelqu'un, autre que le premier ministre, avait mentionné la possibilité de ne pas régler?

M. Laliberté: Non, M. le Président.

M. Bourbeau: Vous vous en souvenez donc d'une façon certaine?

M. Laliberté: Je dis que ces événements-là se sont passés en début de réunion, donc...

M. Bourbeau: Vous êtes donc certain. Vous dites non. Vous vous souvenez qu'avant que le premier ministre dise ces mots-là personne n'avait évoqué la possibilité de ne pas régler ou ses objections à ne pas régler?

M. Laliberté: Ce que je dis là, c'est au meilleur de ma connaissance.

M. Bourbeau: De votre connaissance ou de votre souvenance?

M. Laliberté: De ma connaissance, de ma souvenance.

M. Bourbeau: Quand vous avez dit, hier, et je vous cite, que le premier ministre vous a dit: Vous réglez, mauditl Vous réglez, pire que maudit, est-ce que c'est le premier ministre qui a dit: Pire que maudit...

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Bourbeau: ...ou si c'est vous?

M. Laliberté: Je pense que la commission devrait m'excuser. Je n'ai pas prononcé le mot qui a été prononcé là.

M. Bourbeau: Le premier ministre n'a pas dit: Pire que maudit?

M. Laliberté: Non.

M. Bourbeau: Est-ce que c'est votre interprétation à vous des mots qu'a dits le premier ministre, et ces mots-là seraient pires que maudit?

M. Laliberté: Un juron.

M. Bourbeau: Le premier ministre a prononcé un juron. Est-ce que vous pouvez nous dire quel était le juron?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. À l'ordre!

M. Laliberté: "Crisse"!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Donc, le premier ministre n'a pas dit "maudit", si je vous comprends bien.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Vous avez raison, M. le député. C'est vous qui avez la parole, j'aimerais que les autres vous donnent la possibilité de questionner. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je veux qu'on comprenne une chose. J'essaie de savoir ce qui s'est passé.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte, je m'excuse, mais à ma gauche et à ma droite, on se parle sans permission.

M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je veux qu'on comprenne qu'on est ici pour savoir si, oui ou non, le premier ministre a fait des pressions. Or, je pense que le choix des mots, dans une circonstance comme celle-là, est très important. Si le premier ministre vous a dit à genoux: Voulez-vous, s'il vous plaît, régler, c'est une chose. S'il vous a dit: Maudit! Vous allez régler, c'est une autre chose. S'il vous a dit: "crisse"! Vous allez régler, c'est une autre chose. Ce qu'on veut savoir, c'est quel était le ton, quel était le choix des mots, parce que lorsqu'on dit "crisse"! en général, on n'est pas en train de parler de la pluie et du beau temps, enfin, dans le langage ordinaire.

Une voix: Vous ne connaissez pas les Québécois, "crisse"! Y "mouille"!

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre!

M. Bourbeau: Surtout quand on a un premier ministre en présence de trois présidents-directeurs généraux, d'hommes d'affaires sérieux et reconnus comme tels. Je n'essaie pas de faire de la démagogie. Je veux savoir ce qui s'est passé. Il est très important que l'on connaisse les mots qui ont été prononcés. Avez-vous eu des pressions? Vous me dites qu'on a prononcé le mot "crisse"! Est-ce qu'il y a eu d'autres mots du même genre que le mot "crisse"! qui ont été prononcés?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Selon ma souvenance, non, M. le Président.

M. Bourbeau: Pour ne pas me faire accuser de reprendre à mon propre compte les mots prononcés, pourriez-vous nous répéter textuellement ce que le premier ministre a dit?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: "Vous réglez, "crisse"! ou on va régler!"

Des voix: Bon!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a eu d'autres mots ou d'autres phrases, avant ou après, ou si ce sont les seuls mots qui ont été prononcés?

M. Laliberté: À ma souvenance, non.

M. Bourbeau: Est-ce que le premier ministre vous a expliqué comment il pourrait lui-même régler, puisque c'est la Société d'énergie de la Baie-James qui poursuivait et qui devait régler?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: Aucunement.

M. Bourbeau: II ne vous a pas démontré de quelle façon il pourrait s'y prendre pour faire en sorte que la Société d'énergie de la Baie-James règle, si elle ne voulait pas régler?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: Non, M. le Président.

M. Bourbeau: II n'a pas donné d'explications?

M. Laliberté: Non.

M. Bourbeau: Quand le premier ministre a prononcé ces paroles exemplaires, quelle a été votre réaction?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Comme on le sait, je l'ai effectivement noté, ç'a été une réaction... Hier, j'ai noté deux choses: tout d'abord, finalement, dans le but d'amplifier une argumentation, il arrive souvent aux francophones d'utiliser le mot "crisse" comme on utilise le mot "maudit"' aujourd'hui. Donc, je n'ai certainement pas été impressionné par le mot "crisse"! Deuxièmement, les moyens que pouvait avoir le premier ministre pour régler ce problème, je n'y croyais tout simplement pas. Ce n'est pas impressionnant. J'ai toujours considéré que la seule autorité habilitée à régler ce problème était le conseil d'administration.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. Laliberté, après les paroles célèbres du premier ministre, est-ce que M. Boyd aurait fait état, devant vous et devant le premier ministre et M. Saulnier, des conséquences, pour l'ensemble des Québécois, d'une décision qui réglerait à vil prix une poursuite de 32 000 000 $?

M. Laliberté: Je ne m'en souviens pas.

M. Bourbeau: M. Boyd n'aurait pas dit quelque chose comme: Je ne veux pas régler parce que c'est l'ensemble des Québécois qui va être pris pour payer des sommes d'argent qui sont le fait d'un petit groupe, ou quelque chose comme cela?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: Je ne m'en souviens pas.

M. Bourbeau: Vous ne vous en souvenez pas du tout?

M. Laliberté: Non.

M. Bourbeau: En plus de la phrase du premier ministre, comme la réunion a duré quinze minutes, de quoi avez-vous discuté ensuite?

M. Laliberté: M. Lévesque a soulevé les principaux points de son argumentation. Je les répète. Je me rappelle les avoir déjà dits, hier, une couple de fois. Tout d'abord, la non-solvabilité de la partie québécoise. Deuxièmement, le coût du procès et des procédures à venir. Même si on n'était pas directement impliqués dans le procès, nous étions conscients que cela était très onéreux. Troisièmement, les travailleurs eux-mêmes ne sont pas responsables, finalement. C'est seulement le cas de quelques individus. N'oublions pas qu'un mois plus tard, dans ce contexte, on adoptait la fameuse résolution.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. Laliberté, quand le premier ministre vous a suggéré son sentiment de vouloir régler, vous a-t-il dit à quelles conditions monétaires vous deviez régler? À quel montant?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Aucunement. Nous ne sommes pas entrés dans ce propos.

M. Bourbeau: II n'a pas été question d'argent concernant le règlement?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: Aucunement.

M. Bourbeau: Est-ce que le premier ministre s'est enquis des modalités des projets de règlement qui flottaient dans le décor?

M. Laliberté: Aucunement.

M. Bourbeau: Les paroles prononcées par le premier ministre, et dont on vient de parler, ont-elles eu un effet dans les minutes qui ont suivi? Est-ce que quelqu'un a réagi à ces menaces ou si cela est tombé comme cela?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je ne m'en souviens pas, M. le Président.

M. Bourbeau: Très bien. Je pense qu'on va passer à un peu plus tard. Le 6 février, six jours plus tard, votre conseil d'administration de la SEBJ se réunit et vous faites rapport de cette réunion cordiale au bureau du premier ministre. À ce moment, si ma mémoire est fidèle, le conseil d'administration décide de mandater ses procureurs pour explorer la possibilité d'un règlement, bien que vous ayez dit que l'intervention du premier ministre ne vous a pas du tout influencé. M. Laliberté, est-il exact qu'avant la réunion du conseil d'administration du 6 février vous auriez demandé à M. Roland Giroux si lui-même avait reçu des pressions pour régler hors cour?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je n'en ai pas souvenance, M. le Président.

M. Bourbeau: Vous ne vous souvenez pas d'avoir demandé à M. Giroux s'il avait eu des pressions?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: Non.

M. Bourbeau: Après la réunion du conseil d'administration du 6 février, une nouvelle opinion juridique a été demandée. Vous en aviez une du 5 janvier, et vous en avez demandé une deuxième. Qui a demandé au conseil qu'on demande une nouvelle opinion juridique?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: J'ai dit, dans ma déclaration d'hier, que c'était le président du conseil, sur la notion d'exemplification. C'était une demande explicite du président du conseil.

M. Bourbeau: M. Lucien Saulnier. Et M. Saulnier voulait une opinion juridique strictement sur la question de l'exemplifica-tion?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Si ma mémoire est bonne, oui, M. le Président.

M. Bourbeau: Est-ce que vous avez discuté avec M. Saulnier ou avec le conseil de cette demande de nouvelle opinion juridique?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je n'en ai pas souvenance, M. le Président.

M. Bourbeau: À votre connaissance, pourquoi M. Saulnier voulait-il cette opinion juridique?

M. Laliberté: Parce que cela demeurait, dans l'esprit de certains administrateurs, un point encore nébuleux.

M. Bourbeau: M. Laliberté, est-ce que vous saviez que, entre janvier et mars 1979, alors que se déroulaient ces événements, le bureau du premier ministre avait de nombreuses rencontres avec les avocats des défendeurs?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: J'étais au courant, oui.

M. Bourbeau: Vous étiez au courant que Me Jasmin et Me Beaulé se promenaient entre le bureau du premier ministre et leur bureau pour discuter d'un possible règlement? Quelle réaction aviez-vous de savoir que les défendeurs que vous poursuiviez étaient fréquemment dans le bureau du premier ministre?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Ma réaction était dans la continuité, si vous voulez, de ce qui a pu se dire entre M. Boivin et moi-même le 3 janvier. Je crois que, compte tenu de l'importance de ce dossier, toute personne physique, si elle pouvait être utile au règlement de quelque façon que ce soit, pouvait s'immiscer. Cela n'avait pas plus d'importance que cela pour moi.

M. Bourbeau: Est-ce que vous-même aviez des communications personnelles avec les avocats des défendeurs?

M. Laliberté: Aucunement. Pour être plus précis, j'ai reçu, avec Me Gadbois, Me Jasmin, le 17 janvier. Cela a été la seule fois où j'ai rencontré les procureurs de la partie adverse.

M. Bourbeau: Comment saviez-vous alors que les avocats de la partie adverse allaient fréquemment au bureau du premier ministre?

M. Laliberté: M. le Président, il faut reporter les choses dans le contexte du moment. Le procès avait débuté le 15 décembre, donc, les procureurs des parties se voyaient.

Le Président (M. Jolivet): Le 15 janvier plutôt.

M. Laliberté: Le 15 janvier, excusez-moi. Donc, on se voyait fréquemment; il était logique qu'on apprenne par ricochet ce genre de réunions.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Lorsque vous dites "on se voyait fréquemment", vous parlez de?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Des procureurs, de ce à quoi le député réfère, c'est-à-dire ces rencontres au bureau du premier ministre.

M. Bourbeau: Les rencontres qu'avaient les avocats de la partie défenderesse au bureau du premier ministre?

M. Laliberté: C'est bien cela.

M. Bourbeau: M. Laliberté, le 20 février, votre conseil d'administration s'est réuni et venait de recevoir le nouvel avis juridique qui nuançait un peu le précédent et qui allait dans le sens peut-être de certains

problèmes à percevoir du côté américain et qui vous permettait de conclure que votre cause était moins bonne que vous auriez pu le penser au début et qui vous justifiait de régler. Le 6 mars, vous donnez un mandat à vos procureurs de régler la cause hors cour pour une somme de 200 000 $. Pouvez-vous nous dire si tous les membres de votre conseil d'administration ont voté pour régler la cause de 32 000 000 $ pour 200 000 $? (12 h 15)

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je lis textuellement le procès-verbal du 6 mars, à la page 140: "Après discussion, sur proposition dûment faite et appuyée, et après un vote à main levée, suite auquel six membres présents ont voté pour la proposition, trois membres présents ont voté contre la proposition et un membre présent s'étant abstenu, il est résolu de..."

M. Bourbeau: Donc, c'est ce qu'on appelle un vote sur division. Pouvez-vous nous dire, M. Laliberté, quels sont les membres du conseil d'administration qui ont voté contre la décision de régler hors cour?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je ne m'en souviens pas, M. le Président.

M. Bourbeau: M. Laliberté...

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Bourbeau: ...je ne peux pas croire que le président-directeur général d'un organisme qui prend une décision aussi importante ne sache pas qui, parmi ses administrateurs, a voté contre une décision aussi importante. Je vous prierais de faire un effort, M. Laliberté, pour vous en souvenir.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je ne me le rappelle pas, M. le Président. Les membres de la commission ont tout le loisir de poser la question à chacun des administrateurs.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Pourriez-vous nous dire, M. Laliberté, qui s'est abstenu de voter?

M. Laliberté: Je ne me le rappelle pas, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. Laliberté, M. Boyd a- t-il voté pour?

M. Laliberté: Je ne me le rappelle pas, M. le Président.

M. Bourbeau: M. Giroux a-t-il voté pour?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. Giroux était absent de cette réunion.

M. Bourbeau: M. Laliberté, Mme Forget a-t-elle voté pour?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, Mme Forget a annoncé qu'elle avait voté contre.

M. Bourbeau: Vous vous souvenez de cela?

M. Laliberté: Parce qu'elle l'a dit tout récemment.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je veux simplement souligner encore que je suis estomaqué de voir qu'un P.-D.G ne peut pas se souvenir de qui a voté contre parmi ses administrateurs, mais je vais continuer mes questions. Ceux qui ont voté contre, même si vous ne vous souvenez pas de leur nom, avant de prendre le vote, ont-ils exprimé les raisons qui justifiaient leur vote contre la proposition?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: On peut le supposer, M. le Président. C'était la septième séance du conseil que l'on tenait sur la logique d'un règlement hors cour.

M. Bourbeau: On peut le supposer, mais vous, est-ce que vous vous souvenez qu'il y ait eu des discussions au conseil d'administration avant qu'un vote aussi important soit pris?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Spécifiquement, le jour même, je ne peux pas l'identifier.

M. Bourbeau: Vous ne vous souvenez pas s'il y a eu des discussions?

M. Laliberté: II y a eu des discussions. Je ne le nie pas.

M. Bourbeau: Vous ne vous souvenez

pas du contenu des discussions?

M. Laliberté: Je ne me souviens pas du contenu des interventions. C'était la question qu'on me posait tout à l'heure.

M. Bourbeau: L'offre de règlement, à cette réunion, était de 200 000 $ pour votre société et de 100 000 $ pour les syndicats.

Des voix: Pour les assureurs.

M. Bourbeau: Je m'excuse, pour les assureurs. Précédemment, elle était beaucoup moindre, elle était de 175 000 $ en tout. Elle était passée de 175 000 $ à 300 000 $. Qu'est-ce qui a fait passer de 175 000 $ à 300 000 $ le montant du règlement?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Au procès-verbal du 6 mars, nous avons en annexe, en quelque sorte, le rapport des procureurs à la suite du mandat que nous leur avions donné le 20 février. J'en déduis que c'est le résultat des négociations entre les procureurs des deux parties.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Dans la nouvelle qui est parue ces jours derniers dans les journaux, on faisait état que, le 20 février, une question avait été posée à l'Assemblée nationale par le député de Marguerite-Bourgeoys au sujet du montant du règlement possible et que cette question avait incité la partie patronale, si je peux dire, ou votre société à augmenter ses exigences. Cela aurait fait passer le montant du règlement de 175 000 $ à 300 000 $. Est-ce qu'il a été question, lors des discussions, du fait que l'Assemblée nationale, maintenant, se préoccupait du dossier et que c'était rendu sur la place publique?

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: ...en toute justice pour M. Laliberté, pour qu'il puisse au moins savoir ce dont il s'agit, comme le député de Laporte vient de référer vaguement à quelque chose dans un article de journal, il m'apparaîtrait normal et intelligent que l'on passe cette coupure de journal à M. Laliberté d'abord, pour qu'on sache exactement de quoi il s'agit, puisque vous l'avez en main, et qu'il en prenne connaissance. Ensuite, vous pourrez lui poser une question.

M. Saintonge: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie, sur une question de règlement.

M. Saintonge: M. le Président, je regarde la façon dont le débat se déroule depuis quelque temps. On demande à M. Laliberté s'il a souvenir de certains événements. S'il n'a pas de souvenir, qu'il dise non; dans le cas présent, c'est la même chose. Je comprends également, et je le noterai, que, à la droite et à la gauche de M. Laliberté, il y a deux personnes qui peuvent l'aider. Le ministre a suggéré que ces personnes puissent être là pour l'aider à régler des problèmes d'ordre juridique ou de documentation, parce que les documents sont évidemment nombreux. Je tiendrais quand même à ce que la réponse soit donnée par le témoin directement.

M. Duhaime: Je n'ai pas parlé de cela dans mon intervention, je m'excuse, M. le Président. Je n'ai demandé à personne de répondre à sa place.

Le Président (M. Jolivet): Un instant. Avant, je vais régler le problème, M. le ministre. C'est simplement pour vous dire que je vous écoute de part et d'autre, mais votre collègue a fait parvenir à M. Laliberté les coupures de presse. Donc, votre question de règlement tombe par le fait même puisqu'il l'a entre les mains.

M. Laliberté.

M. Laliberté: Y a-t-il eu une question, M. le Président? S'il vous plaît, est-ce qu'on pourrait la répéter?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte, si vous voulez reposer votre question, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: Oui. Si vous regardez la coupure du journal La Presse du 29 mars qui est devant vous, on dit que l'intervention de Fernand Lalonde, le député de Marguerite-Bourgeoys, à l'Assemblée nationale, aurait coûté 125 000 $ au syndicat, aurait mis de la pression sur vous, sur la SEBJ, pour augmenter les demandes de règlement et que cela aurait contribué à faire passer le règlement de 175 000 $ à 300 000 $. Ma question, c'est pour savoir si le fait qu'à ce moment M. Lalonde avait porté sur la place publique le débat et le montant du règlement aurait contribué à faire augmenter le montant.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Si vous me le permettez, un instant, M. le Président, je voudrais savoir de quelle date est le rapport de nos

procureurs.

Le Président (M. Jolivet): Pendant que vous cherchez, j'aimerais faire mention que, quand nous vous avons invité à prêter votre serment hier, c'était vous qui deviez répondre. On a toujours dit que vous pouviez être assisté par des gens. C'est simplement pour que les gens sachent bien que, si vous avez de l'assistance, c'est parce qu'elle est permise. M. Laliberté.

M. Laliberté: Je m'excuse du délai, M. le Président, on cherche. Page 145?

M. Perron: C'est la page 143, le 27 février 1979; je crois que c'est à cela que vous faites allusion, M. Laliberté.

M. Laliberté: C'est cela. M. le Président, est-ce que le député pourrait me rappeler la date exacte de l'intervention de M. Lalonde?

M. Bourbeau: Le 20 février. En fait, il y en a eu une le 12 février et une le 20 février. Le règlement est passé de 125 000 $ à 175 000 $ dans un premier temps et de 175 000 $ à 300 000 $ dans un deuxième temps.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Donc, les procureurs et moi-même n'étions pas au courant de la déclaration de M. Lalonde. C'est une coupure de presse du 29 mars. Je reçois le document final, si je peux dire, le rapport final des procureurs en ce qui regarde la négociation. Donc, je peux en déduire que cela n'a eu aucune influence.

M. Bourbeau: M. Laliberté...

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Bourbeau: ...on ne parle pas des mêmes années. C'est évident que la coupure de journal est toute récente, parce que c'est la Presse qui l'a publiée la semaine dernière.

M. Laliberté: Excusez-moi.

M. Bourbeau: Ce que je suis en train de vous dire, c'est qu'au moment où l'on parlait du règlement, vous étiez en train de considérer dans un premier temps un règlement de 125 000 $ au total. En l'espace de peu de temps, les 125 000 $ sont passés à 175 000 $ dans les documents qu'on a vus, et, après cela, à 300 000 $. Dans le même temps, à l'Assemblée nationale du Québec, à la période des questions, il a été question de ce sujet. M. Lalonde en a parlé deux fois. Je veux savoir si, au conseil d'administration de la SEBJ, au moment où on discutait de ces chiffres, on a fait état du fait que le dossier était sur la place publique et que l'Opposition, à l'Assemblée nationale, traitait de ces choses-là. Est-ce que cela a eu un effet sur la hausse des prix, si je puis dire, du règlement?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je ne voudrais pas qu'on induise le témoin en erreur. M. Lalonde n'a pas fait état deux fois, à l'Assemblée nationale, de cette question, mais trois fois: le 12 février, le 20 février et, ensuite, le 14 mars.

M. Lalonde: Le 14 mars, c'était terminé.

M. Duhaime: Et tantôt, j'ai demandé, M. le Président, d'identifier les documents avant de poser des questions. On transmet une coupure de presse à M. Laliberté qui porte la date du 29 mars, j'imagine. M. Laliberté répond en tenant pour acquis que c'est le 29 mars 1979 ou je ne sais trop, et on se rend compte tout de suite, en 60 secondes, qu'il s'agit d'une coupure de presse du 29 mars 1983, quatre ans après les événements, et ensuite, on vient nous dire que...

M. Bourbeau: Questions de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, question de règlement de la part du député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, le ministre devrait s'informer avant de parler. Sur la coupure que j'ai remise à M. Laliberté, c'est écrit 29 mars 1983. C'est textuel. Alors, les paroles du ministre sont superflues.

M. Duhaime: Je ne l'ai même pas!

M. Bourbeau: Si vous ne l'avez pas, n'en parlez pas!

Le Président (M. Jolivet): Cela va. M. le député de Laporte, vous continuez.

M. Bourbeau: Je voudrais maintenant parler du mandat à vos avocats. Est-ce que vous pouvez répondre à ma question, en premier lieu?

M. Laliberté: M. le Président, tout d'abord, je reconnais mon erreur. J'ai lu le 29 mars, sans lire l'année 1983. Mais nous avons reçu un rapport de nos procureurs en date du 27 février. C'est à ce moment-là que nous apprenions que le règlement passait

d'une valeur de 175 000 $ à 300 000 $. C'est à la page 145 d'accord? Peut-on en déduire que les paroles qui ont été prononcées en Chambre...? Je ne le sais pas. Réellement, je ne peux pas dire qu'il y ait relation directe. Chose certaine, nos procureurs ont constamment été mandatés pour négocier à partir de la réunion du 6 février. Donc, une partie de l'accroissement est certainement reliée à l'effort de persuasion, si on peut employer l'expression, de nos procureurs.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. Laliberté, le 6 février 1979 est une date importante. C'est le moment où vous donnez le mandat...

M. Duhaime: Je m'excuse, j'ai mal saisi.

M. Bourbeau: Le 6 février 1979, vous donnez mandat à vos avocats d'explorer la possibilité d'un règlement. C'est la première fois, je pense, que, dans les procès-verbaux, on a pu lire que vos avocats reçoivent un mandat pour négocier le règlement de la cause ou explorer la possibilité d'un règlement hors cour. Est-il exact qu'après cette date-là vos avocats se sont rendus au bureau du premier ministre?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: On m'indique aujourd'hui -j'en ai fait part hier - qu'il y a eu deux visites de la part de Me Cardinal au bureau du premier ministre, la première en date du 9 février et la seconde du 27 février.

Le Président (M. Jolivet): Je ne permettrai pas d'autres questions. Je vais suspendre les travaux jusqu'après la période des questions cet après-midi, en disant que la parole est toujours au député de Laporte. Nous recommençons les travaux de l'Assemblée nationale à 14 heures. Suspension jusqu'après la période des questions, c'est-à-dire environ 15 heures ou 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

(Reprise de la séance à 15 h 35)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît;

La commission permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux en vue d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 surve- nu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Je dois reprendre la liste des membres de cette commission puisque c'est une nouvelle séance. M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Tremblay (Chambly), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Perron (Duplessis), M. Rodrigue (Vimont), M. Blouin (Rousseau).

Comme intervenants: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), M. Lafrenière (Ungava), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Laplante (Bourassa), M. Saintonge (Laprairie).

Le rapporteur est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet). Au moment où nous nous sommes quittés pour l'heure du dîner, nous en étions, toujours sous le même serment avec le témoin, M. Claude Laliberté, et la personne qui avait le droit de parole encore, en vertu des ententes prises de part et d'autre, est le député de Laporte. Ensuite, ce sera le député de Gatineau qui m'a demandé le droit de parole. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je pense bien avoir terminé les questions que je voulais poser à M. Laliberté. Si vous voulez bien, on peut laisser la parole au député de Gatineau.

Le Président (M. Jolivet): Donc, M. le député de Gatineau, vous avez la parole.

M. Gratton: Merci, M. le Président. Vous me permettez sûrement de corriger quelque chose que le ministre a dit hier. Je ne le fais ni pour m'en vanter, ni pour m'en excuser, mais je ne suis pas avocat, je suis ingénieur de profession, comme M. Laliberté, je pense.

M. Laliberté, au début de janvier 1979, je pense ne pas me tromper en disant que vous-même n'étiez pas encore favorable à un règlement hors cour. La question que je vous pose est celle-ci: Est-ce que vous connaissiez les sentiments des autres membres du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James à ce moment à propos d'un règlement hors cour?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: La question est: Est-ce que je connaissais les sentiments des autres administrateurs à ce moment? Je crois qu'il était trop tôt pour pouvoir présumer de leurs sentiments comme tels, parce que la première discussion d'importance a eu lieu seulement au conseil d'administration du 9 janvier.

M. Gratton: Mais vous aviez sûrement des occasions de jaser et de parler avec les administrateurs à titre individuel. Par exemple, saviez-vous si M. Boyd était favorable ou défavorable à un règlement hors cour à ce moment?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M.

Laliberté.

M. Laliberté: On n'avait pas encore parlé de règlement favorable; ce n'est venu au conseil d'administration que lorsque je l'ai informé le 16.

M. Gratton: Pas à un règlement favorable, mais à la notion de la possibilité de régler hors cour plutôt que de poursuivre devant les tribunaux?

M. Laliberté: De mémoire, M. le Président, il n'y a pas eu de discussions sur le développement, que ce soit sous la forme d'un règlement hors cour ou la possibilité d'exécuter un jugement devant les tribunaux.

M. Gratton: Par exemple, saviez-vous ce que M. Hébert en pensait?

M. Laliberté: Je n'ai pas mémoire d'avoir connu quelque opinion que ce soit à ce moment-là; on parle du début de janvier.

M. Gratton: D'accordl À quel moment le chef de cabinet du premier ministre vous a-t-il convoqué à cette réunion du 3 janvier?

M. Laliberté: J'ai dit que je croyais que c'était M. Boivin qui m'avait convoqué. Cependant, je ne peux pas vous dire à quel moment il a pu le faire, parce que je ne me le rappelle pas.

M. Gratton: Était-ce possiblement la journée même ou quelques jours avant? On parle de la réunion qui a eu lieu le 3 janvier. Donc, deux jours avant, c'était le jour de l'An. Cela peut nous rappeler peut-être à quoi on songeait durant la période des fêtes. La communication avait été faite, je présume, par téléphone.

M. Laliberté: Je le présume, mais je n'ai pas mémoire du moment.

M. Gratton: Vous ne pouvez pas nous donner quelque indication que ce soit sur une norme de grandeur? Était-ce dans les semaines précédentes, les jours précédents ou dans les heures précédentes?

M. Laliberté: Aucunement, M. le Président.

M. Gratton: Vous avez donc rencontré M. Boivin au bureau de Montréal d'Hydro-

Québec, si je ne m'abuse, et il vous a fait part du "souhait" du premier ministre qu'on en arrive à un règlement hors cour. Je pense que vous avez indiqué hier ne pas avoir souvenance des termes employés par M. Boivin. Est-ce exact?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M.

Laliberté.

M. Laliberté: C'est exact.

M. Gratton: Donc, vous ne pouvez pas nous éclairer sur la façon dont cela a été fait? Si je ne m'abuse, vous avez même indiqué que cela s'est fait de façon très cordiale et qu'il n'y a pas eu d'impératifs de donnés à ce moment-là.

M. Laliberté: C'est effectivement ce que j'ai indiqué.

M. Gratton: Bon! Vous étiez quand même dans le bureau de. M. Boivin à titre de P.-D.G. de la Société d'énergie de la Baie-James?

M. Laliberté: C'est bien cela.

M. Gratton: Vous aviez indiqué hier que, à la suite de cette réunion, je présume, au cours des jours qui ont suivi, vous avez informé certains membres du conseil d'administration de ce souhait du premier ministre que vous avait communiqué M. Boivin. Vous avez même dit que, à votre souvenir, il y en avait quatre, soit MM. Roquet, Thibaudeau, Laferrière, ainsi que Mme Forget. Puis-je vous demander pourquoi vous en avez parlé à ces quatre personnes et non pas avec les autres?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Parce que, à ce moment-là, compte tenu qu'il n'y avait même pas d'indice d'un règlement de la part des syndicats, des défendeurs, je ne croyais pas pertinent de le faire, d'autant plus que la première réunion du conseil avait lieu le 9, c'est-à-dire six jours ou une semaine plus tard. Donc, je n'ai pas jugé à propos à ce moment-là d'en parler parce qu'il n'y avait pas de changement, en quelque sorte. C'était une indication que je prenais pour moi. Je l'ai fait dans le cadre de réunions hors conseil. C'est ce que j'ai dit hier.

M. Gratton: Mais, si vous aviez rencontré M. Boivin à titre de P.-D.G. de la société, ne vous sentiez-vous pas, en quelque sorte, obligé d'en parler à l'ensemble des membres du conseil d'administration?

M. Laliberté: Pas nécessairement, M. le Président. On rencontre, dans le poste que

j'occupe, nombre d'individus et je peux vous assurer que je n'en ai pas toujours fait part. C'est un choix personnel et je viens d'exprimer que cela avait été un choix personnel. Cela a été la raison pour laquelle, effectivement, je ne l'ai pas rapporté dans le cadre d'une information officielle.

M. Gratton: Qu'est-ce qui a motivé ce choix de votre part d'en parler à ces quatre personnes et non pas aux autres?

M. Laliberté: C'est peut-être parce que les contacts avec ces quatre personnes étaient plus fréquents. Certains étaient des amis personnels; donc, ce sont des choses qu'on discute plus facilement.

M. Gratton: Est-ce que ces quatre personnes étaient les seules que vous consédériez comme des amis personnels parmi les membres du conseil d'administration?

M. Laliberté: Non.

M. Gratton: Quelles seraient les autres personnes qu'à ce moment, forcément, vous considériez... Je peux reposer ma question. Pourquoi n'en avez-vous pas discuté avec M. Hébert, par exemple?

M. Laliberté: Pourquoi pas avec M. Hébert? Parce que, probablement, je n'en ai pas eu la chance comme avec d'autres.

M. Gratton: Est-ce que M. Hébert était un ami personnel à ce moment?

M. Laliberté: Non, je ne peux pas dire que M. Hébert ait été un ami personnel. C'est une connaissance.

M. Gratton: Parce qu'on a établi hier que les quatre personnes à qui vous en aviez parlé avaient comme dénominateur commun d'avoir été nommées par le gouvernement actuel en même temps que vous, c'est-à-dire le 1er octobre 1978. Je présume que ce n'est pas ce qui a motivé votre décision, votre choix d'en parler à elles et non pas aux autres, puisque M. Hébert était dans la même situation, si je ne m'abuse. Lui aussi a été nommé par le Parti québécois le 1er octobre 1978.

M. Laliberté: M. Roquet l'était également.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Je crois que le député a dépassé sa pensée en disant qu'il avait été nommé par le Parti québécois. À mon sens, le Parti québécois n'a pas fait de nominations.

M. Lalonde: M. le Président, si je peux aider le député, il a tout à fait raison de tenter d'éloigner le Parti québécois du gouvernement.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. Oui, je m'excuse, M. le député de Chambly.

M. Tremblay: M. le Président, j'insiste pour dire que je l'ai fait avant d'être député et encore et depuis toujours depuis 1976 et c'est très important.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté à la question qui est posée.

M. Laliberté: M. le Président, il est bon de clarifier ici que tout le monde a été nommé par le gouvernement, tous les administrateurs l'ont été par le gouvernement.

M. Gratton: Je me référais forcément aux nominations faites par le gouvernement du Parti québécois le 1er octobre 1978.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je répète que tout le monde a été nommé au même moment où j'ai été moi-même nommé par le gouvernement.

M. Gratton: D'accord, sauf qu'il y en a cinq qui sont arrivés le 1er octobre, alors que les autres étaient déjà au conseil d'administration.

M. Laliberté: Pas du tout, pas du tout. Je pense qu'il faut clarifier la situation. M. Saulnier n'était . pas au conseil d'administration auparavant. M. Hébert n'y était pas. On vient de le mentionner. M. Laferrière n'y était pas. M. Monty n'y était pas. Moi-même, je n'y étais pas. M. Gauvreau n'y était pas. M. Boyd y était, M. Giroux y était, c'est tout.

M. Gratton: D'accord. Donc, le choix que vous avez fait d'en parler aux quatre personnes qu'on a mentionnées, à votre souvenance, n'avait rien d'autre à voir que le lien d'amitié que vous aviez avec ces quatre personnes-là et peut-être avec la possibilité que vous avez eue de les rencontrer entre le 3 janvier et la réunion du conseil d'administration le 9?

M. Laliberté: C'est bien cela.

M. Gratton: Est-ce que j'ai bien compris ce matin que, lors de la réunion du 3 janvier avec M. Boivin, vous étiez seul avec M. Boivin, qu'il n'y avait personne

d'autre de présent?

M. Laliberté: C'est exact, M. le Président.

M. Gratton: Merci. Alors, passons maintenant à la réunion du 1er février. D'ailleurs, mon collègue de Laporte a effleuré le sujet ce matin. Est-ce que, dans vos souvenirs, vous vous rappelez que, soit vous-même, soit M. Saulnier, soit M. Boyd, ayez exprimé les raisons pour lesquelles le conseil d'administration croyait qu'il n'était pas opportun de régler hors cour?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, je vais répéter ce que j'ai dit hier. Dans mon cas, j'avais choisi d'écouter, parce que j'étais déjà d'accord en quelque sorte avec l'attitude que souhaitait le gouvernement. En ce qui concerne les deux autres personnes présentes, j'ai dit que je ne me souvenais pas de leurs interventions et que je souhaitais que les membres de la commission posent cette question aux personnes concernées.

M. Gratton: J'aimerais bien qu'on se comprenne. Le conseil d'administration de la SEBJ avait mandaté ces trois personnes, M. Saulnier, M. Boyd et vous-même, pour aller rencontrer le premier ministre, pour connaître son sentiment, je présume. Donc, au début de la réunion, sûrement que quelqu'un, parmi les trois personnes de la société, a dû expliquer la raison de cette demande de rencontre. Vous souvenez-vous comment cette personne - je présume que c'était M. Saulnier - a exposé la situation au premier ministre?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: C'est effectivement ce que j'ai expliqué hier. Compte tenu du fait que l'invitation avait été demandée par le président du conseil, c'est le représentant du conseil d'administration auprès du gouvernement, c'est-à-dire M. Saulnier, qui s'est permis une introduction pour justifier la présence des trois administrateurs à cette réunion. Le tout s'est ensuite enclenché.

M. Gratton: Vous n'avez pas souvenir d'autres choses qui auraient pu être dites, soit par M. Saulnier ou par M. Boyd?

M. Laliberté: Je ne me souviens pas.

M. Gratton: Spécifiquement, vous ne vous rappelez pas que M. Boyd ou M. Saulnier ait pu indiquer qu'un règlement hors cour ne serait peut-être pas dans l'intérêt des Québécois qui seraient, évidemment, ceux qui auraient à payer la note?

M. Laliberté: Je ne me souviens pas de ce genre d'intervention.

M. Gratton: Vous semblez mieux vous souvenir des paroles que le premier ministre a utilisées. Vous avez dit, par exemple, ce qu'il vous avait dit à cette réunion du 1er février. Vous souvenez-vous que le premier ministre se soit exprimé d'une façon quelconque sur les intérêts des Québécois dans le cadre de cette affaire?

M. Laliberté: Je me souviens - et je l'ai mentionné - que l'argumentation du premier ministre recoupait celle qui avait été soulevée au début du mois de janvier, c'est-à-dire la non-solvabilité de la partie québécoise, le coût du procès et des procédures à venir et un élément que lui-même a ajouté soit que les travailleurs n'étaient pas responsables de cette situation et que c'était plutôt le lot de quelques individus.

M. Gratton: Et il n'a jamais parlé de ce qu'il pensait, il n'a jamais exprimé d'opinion sur ce qu'il pensait de l'obligation qu'aurait l'ensemble des Québécois de payer la note de ce règlement hors cour?

M. Laliberté: Je ne me souviens pas de cela.

M. Gratton: Après la réunion, est-ce que vous avez informé les membres du conseil d'administration du résultat de cette réunion?

M. Laliberté: C'est M. Saulnier lui-même qui s'en est occupé à la séance du 6 février. À ce sujet-là, tel que je vous l'ai dit hier, le procès-verbal est explicite. Il dit expressément que la réunion a été demandée par le conseil d'administration et fait rapport du souhait du premier ministre qu'il y ait exploration pour un règlement hors cour.

M. Gratton: Après la réunion du 3 janvier avec M. Boivin, vous aviez cru bon d'informer privément quatre des membres du conseil d'administration, avant la tenue de la réunion du conseil le 9 janvier. Après la réunion du 1er février, est-ce que vous avez communiqué privément de telles informations à quelque membre que ce soit du conseil d'administration?

M. Laliberté: Cette réunion avait été demandée par le président du conseil. Il revenait au président du conseil de renseigner le conseil en conséquence.

M. Gratton: J'en conviens mais je vous demande si vous avez communiqué privément

ou autrement avec un membre ou avec quelque membre que ce soit du conseil d'administration avant le 6 février?

M. Laliberté: Ma réponse implique qu'il n'y a pas eu ce genre d'informations.

M. Gratton: Vous me l'affirmez?

M. Laliberté: Je vous l'affirme.

M. Gratton: C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. M. Laliberté, quelle perception, quelle vision -parce que vous avez souvent parlé de "vision" pour toutes sortes de choses - avez-vous d'une société d'État?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. Excusez-moi, M. Laliberté.

M. Duhaime: Je voudrais demander au député de Louis-Hébert, en toute justice pour le témoin, s'il parle de la Société de cartographie, s'il parle de REXFOR, de SOQUEM, de SOQUIP, de SIDBEC, de la SEBJ, de la SDEBJ, d'Hydro International, de Quebecair, du CNR, de CPR, de Canada Steamship ou encore, je ne sais plus trop laquelle et si elles ont le siège social à Montréal, à Toronto, à Vancouver ou bien en Chine?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: J'ai le droit de poser la question de la façon que je choisis de la poser. Ce n'est pas l'intervention du ministre de l'Énergie et des Ressources qui va m'impressionner ou qui va me faire changer les mots que j'ai employés...

M. Blouin: On s'en doute.

M. Doyon: Je demande donc au témoin de répondre, s'il vous plaît!

Une voix: Précisez votre question, cela n'a pas de bon sens!

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Dans le cas de la Société d'énergie de la Baie-James, je dirais qu'une société d'État est un outil que prend le gouvernement pour réaliser, dans les coûts et dans les échéanciers, un projet d'envergure qui s'étend sur nombre d'années.

M. Doyon: M. Laliberté, est-ce que vous seriez d'accord aussi à ajouter dans les objectifs qui sont ceux d'une société d'État comme la vôtre, comme celle dont vous êtes le P.-D.G., que, un des objectifs est d'éviter l'ingérence politique, autant que faire se peut, et que vous êtes le gardien de cette nécessité? Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation?

M. Rodrigue: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Sur une question de règlement. M. le Président, qu'est-ce que c'est que l'ingérence politique? Il faudrait être précis un peu dans ses questions. Il me semble que les questions sont beaucoup trop vagues et cela rend difficile la tâche des personnes qui sont là.

Deuxièmement, et c'est là-dessus qu'est mon point de règlement, M. le Président, à l'Assemblée nationale, lorsque des questions sont posées aux ministres et députés, ils ne sont pas tenus de répondre, ils peuvent refuser. Pourriez-vous m'indiquer si, sur des questions aussi vagues que celles-là - parce qu'on pourrait écrire des volumes en réponse aux questions du député de Louis-Hébert - le témoin ou la personne qui est devant nous est obligée de répondre? Est-ce qu'il ne pourrait pas exiger, lui - ou elle selon les cas - que la question soit précisée? Je vous demande une directive, M. le Président, là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): Une directive sur la question. D'abord, vous avez parlé d'un ministre. Je vais commencer par celle qui nous préoccupe. En commission parlementaire ou en Assemblée nationale, le ministre doit répondre aux questions qui lui sont posées tout en tenant compte que le règlement prévoit qu'en alléguant l'intérêt public, il pourrait refuser de répondre.

Maintenant, concernant le témoin, les questions lui sont posées. Je n'ai pas, comme je l'ai dit ce matin, à déterminer la teneur des questions ni celle des réponses. Si le témoin ne comprend pas la question, comme cela peut arriver à des moments donnés, il demande à celui qui a posé la question de la lui reposer de façon qu'il la comprenne et qu'il puisse y répondre. Mais, tout comme la personne qui pose la question doit la poser en ses termes, la personne qui répond doit aussi y répondre en ses termes tout en sachant que, sur son serment prévu par la Loi de l'Assemblée nationale, il doit donner ce qu'il possède comme renseignement.

M. Lalonde: Sur la question de règlement, M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite Bourgeoys.

M. Lalonde: ...d'ajouter, parce qu'il y avait un autre petit point soulevé par le député de Vimont à savoir: est-ce que le témoin est obligé de répondre? Je pense que ce n'est pas comme un ministre. Il faut tenir compte de l'article 51 de la Loi de l'Assemblée nationale qui contient un pouvoir de contraindre un témoin donc, par voie de conséquence, s'il vient à la commission parlementaire, il doit répondre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je pense que la population doit savoir aussi, d'après les réponses de M. Laliberté, ce qui n'a pas été dit ici et là. C'est délicat dans son cas. C'est que M. Laliberté est déjà sur un serment d'office de par son conseil d'administration.

Une voix: Déjà?

M. Laplante: Déjà. Il y a aussi une confidentialité à protéger dans son conseil d'administration et, tel que... Pour moi en tout cas, c'est la première fois, en sept ans ici, qu'on voit qu'on est obligé d'assermenter des gens qui ont déjà un serment et qu'on est rendu à lui poser le genre de questions qu'on lui pose actuellement et qui sont strictement du domaine personnel et politique.

Je demanderais la protection du président de cette commission pour les témoins qui sont en avant. Je demande formellement, M. le Président, votre protection, au nom de M. Laliberté, pour les questions auxquelles il aura à répondre parce que c'est un précédent très dangereux qu'on a actuellement dans cette commission-ci. Je crois qu'on abuse actuellement. J'ai eu des appels téléphoniques de téléspectateurs là-dessus tout à l'heure qui me disent qu'il y avait un abus épouvantable dans ce qu'on fait subir à M. Laliberté. Actuellement, comme parlementaire, je suis presque gêné de l'action qui se passe à cette commission, M. le Président.

Une voix: Partagé.

Le Président (M. Jolivet): Un instant, on va commencer par régler un problème à la fois. Le premier est celui qui concerne l'article 51 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui dit que l'Assemblée ou une commission peut assigner - et je reviens à ce que j'ai dit hier - et contraindre toute personne à comparaître devant elle. Au moment où elle vient ici, une personne qui est un membre de la commission, peut demander qu'elle soit assermentée. Le président ainsi que les autres membres n'ont même pas à présenter de motion. C'est d'office que le président doit demander l'assermentation, si un membre de la commission le demande. Donc, c'est en vertu de l'article 52 de la Loi sur l'Assemblée nationale.

M. Laplante: On n'a jamais utilisé cela ici.

Le Président (M. Jolivet): Cela, M. le député, c'est une autre question. La seule chose que je vous dis, c'est qu'actuellement nous avons une loi qui a été adoptée à l'Assemblée nationale, au mois de décembre 1982, et qui prévoit ces possibilités. À savoir si le témoin est tenu au secret professionnel, je ne connais pas à ce niveau qu'il soit astreint au secret professionnel, autrement que si c'était un avocat, un juge ou des gens comme ceux-là qui ont dans certains cas... Cela n'est pas encore déterminé. Je n'ai pas encore rendu de décision si jamais cela revenait. Pour le moment, je dois vous dire que je ne la rendrai pas aujourd'hui non plus sur la question qui concerne M. Laliberté.

La seule chose que l'on doit essayer de faire dans cette commission, c'est que la personne qui pose les questions les pose le plus clairement possible, que la personne qui y répond réponde en tenant compte de son serment et donne les informations qu'elle possède. Si elle ne comprend pas la question, elle peut demander que la question soit reposée. Cependant, si c'est une question d'opinion personnelle qui est posée, vous savez qu'à ce moment, le témoin peut donner son opinion. D'une façon ou d'une autre, il est vrai que cette commission a des règles qui sont les règles des commissions parlementaires habituelles, mais qui en même temps et à certains moments, constituent certaines nouveautés. Je dois vivre avec ces nouveautés, puisque la commission parlementaire a été convoquée de cette façon. Je demanderais à ceux qui posent des questions, de les poser de façon que le témoin puisse répondre.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Toujours sur la question de règlement. Le député de Bourassa a soulevé des reproches qui semblent s'adresser aux députés de l'Opposition sur la façon dont nous nous comportons. Je dois lui faire remarquer que cette commission parlementaire a été convoquée par la volonté du premier ministre qui nous a dit que toutes les questions pourraient être posées pour faire la lumière et qu'elle est tenue conformément à la nouvelle Loi sur

l'Assemblée nationale pour laquelle je suis convaincu le député de Bourassa a voté et qui contient ces pouvoirs.

M. Laplante: ...M. le député.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Chambly.

M. Tremblay: M. le Président, sur une question de directive, si vous permettez. J'ai constaté depuis deux jours, et c'est facile, que cette commission parlementaire est un peu différente de ce qu'on a vécu jusqu'à présent, mais je me demande, malgré cette différence qu'il y a entre cette commission parlementaire et d'autres auxquelles j'ai eu l'occasion d'assister, si nous sommes en droit, comme parlementaires, d'exiger la pertinence des questions, face au mandat qui nous a été donné par l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Jolivet): Vous avez toujours le droit, M. le député, par une question de règlement de soulever la pertinence. Le président lui-même pourrait le faire, s'il juge qu'il y a non-pertinence. Jusqu'à maintenant, je ne crois pas que ce soit arrivé. D'ailleurs, de part et d'autre, personne n'a soulevé la pertinence du débat. Vous savez que les questions qui sont posées doivent avoir trait à un problème examiné par une commission dont on a défini le mandat à chacune des entrées de cette commission. Tant et aussi longtemps qu'on restera à l'intérieur de ce mandat, j'agirai et je permettrai les questions et les réponses.

M. Tremblay: M. le Président, dans ce sens, diriez-vous que toute question qui a trait à l'administration de la SEBJ est pertinente?

Le Président (M. Jolivet): Je ne...

M. Tremblay: Ou si notre mandat est limité aux deux points qui concernent le saccage et à l'implication du bureau du premier ministre dans le règlement? Est-ce que c'est limité à ces deux points ou si on peut poser des questions au président-directeur général sur tous points qui touchent l'administration passée ainsi que les plans futurs de la SEBJ.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous voulez intervenir sur la même question avant que je dise ce qui en est?

M. Duhaime: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Sur la question de règlement qui est rattachée à la dernière question qu'a posée tout à l'heure le député de Louis-Hébert, je veux vous dire essentiellement ceci: Si ce genre de questions aussi vagues, aussi générales, à mon sens, appartiennent plutôt à des questions qu'on devrait adresser à un ministre et non pas à un haut fonctionnaire de l'État qui, de par son mandat même, accomplit une fonction apolitique, je vais renverser la question en disant ceci: Est-ce que le représentant de l'actionnaire de la plus grande société d'État, qui appartient à tout le monde au Québec, à qui on demande son point de vue en consultation, peut donner une orientation? Voilà la vraie question. Quant au reste, M. le Président, c'est du placotage.

Je préviens le député de Louis-Hébert que s'il veut ouvrir cette porte - si vous le prenez comme des menaces, vous êtes assez homme pour le prendre, si vous êtes député, nous ne sommes pas des enfants d'école -nous allons peut-être établir dans quelles circonstances s'est établi un monopole syndical si la commission Cliche n'a pas suffi à le faire. Nous allons peut-être aussi mettre en cause que, dans le passé, il y a peut-être eu des relations un peu particulières, pour avoir la situtation très claire, entre le premier ministre, M. Bourassa, et les sociétés d'État d'une façon générale, et en particulier Hydro-Québec.

Je vous dirai honnêtement, M. le Président, que comme parlementaire, je n'accepterai pas que cette commission serve de tremplin à de la bouffonnerie, comme c'est le cas depuis le début. Oui, comme c'est le cas depuis le début, d'après l'attitude que l'Opposition maintient à cette commission. Je vous rappelle essentiellement que s'il a été décidé un jour de prendre en considération le fait qu'il en coûtait au moins 25 000 $ par semaine - suivant ce qui nous a été dit - pour continuer ce procès, est-ce que je peux rappeler au député de Louis-Hébert que cette commission coûte aux contribuables 15 000 $ par jour et qu'on n'a pas besoin d'entendre des questions aussi stupides que celle qu'il vient de poser?

M. Lalonde: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, que le ministre ait de petits moments de faiblesse, naturellement, c'est tout à fait humain, mais de là à insulter les députés qui font ici...

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre...

M. Duhaime: II n'y a aucun moment de

faiblesse.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je me sens en parfaite santé. Je ne suis pas malade.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Lalonde: Je ne sais pas, j'essayais d'excuser son comportement autrement inexcusable d'insulter des membres de l'Opposition qui sont ici à l'invitation du premier ministre, dans le cadre de notre loi de l'Assemblée nationale, pour faire la lumière, pour examiner les circonstances entourant • la décision de faire un règlement hors cour. Est-ce qu'il y a une...

M. Duhaime: II est pas mal loin avec sa question.

M. Lalonde: II y a deux mandats là-dedans. Pourquoi a-t-on ajouté "le rôle du premier ministre et de son bureau"? C'est pour savoir quel est le rapport entre le bureau du premier ministre, et le premier ministre d'une part, et la décision de la SEBJ, d'autre part.

M. Duhaime: On est d'accord. Posez ces questions.

M. Lalonde: C'est pour cela qu'on est en droit de savoir quelle est la conception, le concept, que se fait le P.-D.G. de la SEBJ vis-à-vis du pouvoir politique, c'est-à-dire le bureau du premier ministre qui est la deuxième partie du mandat. Je pense que je vais laisser le député de Louis-Hébert continuer sa question, je la trouvais très intéressante.

Le Président (M. Jolivet): Avant que le député de Louis-Hébert puisse continuer à poser les questions qu'il a l'intention de poser...

M. Duhaime: Des questions stupides. Il posait des questions stupides. II est capable d'être intelligent s'il le veut, s'il force un peu.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. Le député de Chambly m'a posé une question. J'ai permis au ministre d'intervenir sur sa question de règlement. Le député de Marguerite-Bourgeoys a enclenché par-dessus. Le député de Chambly m'a posé une question. Il est dans la pertinence. Je ne suis cependant pas dans le secret des dieux pour savoir quelle sorte de questions le député de Louis-Hébert va poser. Je ne sais pas non plus le but qu'il poursuit, c'est à lui à le déterminer. À partir de cela, si la question qu'il pose, dans l'ensemble des questions qu'il aura à poser, a pour but de faire des liens que je ne peux pas prévoir dès le départ, je suis donc dans l'impossibilité de vous dire s'il se conforme au règlement.

Je demanderais cependant, et je pense que c'est mon devoir de le demander à tous les intervenants, d'en arriver rapidement à l'ensemble des questions, à éviter des questions d'opinion, mais que ce soient des questions de fait qui soient posées, de façon qu'on puisse savoir, au bout de la course, toutes les réponses aux questions qui peuvent être posées par le député concerné, quel qu'il soit. Je demanderais au député de Louis-Hébert de poser ses questions. Je pense que, vu l'interruption qu'il y a eu, il serait bon qu'il repose sa question en essayant cependant, comme je le disais tout à l'heure, d'éviter d'élargir le débat. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, ma question était à l'effet de savoir du P.-D.G. de la SEBJ quelle était sa conception de l'indépendance qu'il considérait nécessaire ou non nécessaire - ce sera à lui de nous expliquer cela - cette indépendance nécessaire ou non nécessaire, selon son opinion, qu'il nous dira envers le pouvoir politique.

M. Duhaime: ...parler.

M. Doyon: Je parle au moment où il est P.-D.G., au moment où lui est en poste. Quelle est sa conception personnelle de son rôle de P.-D.G. d'une société d'État qui doit être soumise ou non soumise, selon le choix qu'il fait du rôle qu'il exerce, au pouvoir politique? J'attends sa réponse.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. S'il vous plaît, M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, les objets de la SEBJ, je les ai mentionnés succinctement tout à l'heure, sont en fait consignés dans ses lettres patentes. Donc, en tant que gestionnaire principal de cette entreprise, je dois être aux écoutes d'avis, que ces avis me viennent de mes conseillers juridiques, on l'a vu, de mes experts techniques; qu'ils me viennent de personnes de l'extérieur, incluant celui que j'ai obtenu, par exemple, d'indications, de souhaits de M. Boivin, le 3 janvier. Je considère que je dois être aux écoutes.

À partir de ce moment, c'est à moi, en tant que gestionnaire principal de l'entreprise, selon mon bon jugement, de canaliser au conseil d'administration les décisions que je trouve pertinentes, parce que c'est le conseil d'administration qui est

sûrement l'autorité habilitée à prendre la décision finale.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Doyon: Dans cette optique, M. Laliberté, est-ce qu'il vous est venu à l'esprit que la convocation de ce que vous avez qualifié comme étant une convocation par le chef de cabinet du premier ministre pouvait consister dans une intervention qui était de nature purement politique et qui pouvait aller à l'encontre des intérêts propres et particuliers de la société d'État dont vous êtes le président-directeur général?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, je pense encore l'avoir dit parce que, lorsqu'on m'a questionné pour la première fois sur cette rencontre du 3 janvier, j'ai dit que, personnellement, je trouvais normal que le chef de cabinet du premier ministre m'invite pour discuter d'une question aussi importante que celle-là et que, durant cette réunion, on me fasse part d'un souhait. À partir de ce moment, la logique doit être suivie. Il m'appartient donc, c'est mon bon jugement, ma rigueur qui font qu'effectivement on en arrive à un certain moment à préconiser, comme je l'ai fait le 22 janvier, une ouverture pour un règlement hors cour.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert. (16 h 15)

M. Doyon: J'aimerais savoir de M. Laliberté si ce qu'il qualifie de souhait qui lui a été transmis par M. Jean-Roch Boivin était un souhait aussi clair que celui qui lui a été transmis de la bouche même du premier ministre, à la réunion du 1er février. Est-ce que c'était aussi clair, comme message, ou non?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: En soi, je l'ai dit, le souhait a été émis et les arguments ont été employés. Je répète les deux arguments qu'a employés M. Boivin, qui sont la non-solvabilité de la partie québécoise et, deuxièmement, le coût du procès et des procédures à venir. On me demande de comparer par rapport à la réunion du 1er février avec le premier ministre. Un troisième argument a été ajouté, à savoir que les travailleurs ne sont pas responsables. C'est la seule différence que j'y vois, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Plus spécifiquement, M.

Laliberté, est-ce que vous pouvez informer cette commission à savoir si la solution à ce qui était, selon vos mots, un souhait, "vous réglez ou on va régler à votre place", a été employée quand vous avez rencontré M. Jean-Roch Boivin pour la première fois, le 3 janvier?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je n'en ai pas mémoire, M. le Président.

M. Doyon: Est-ce que vous pouvez... Vous nous avez fait valoir, M. Laliberté, qu'un des éléments importants dans votre désir d'en venir à un règlement, c'était le fait que, pour trois syndicats, deux syndicats au tout début, il y avait reconnaissance de la responsabilité. C'était là un élément qui avait pesé énormément dans la balance quant à la décision qui avait à être prise par vous et par le conseil d'administration, sur votre recommandation. Est-ce que vous pouvez informer cette commission, M. Laliberté, à savoir si, en tant que P.-D.G. de la société, vous n'aviez pas la responsabilité primordiale de veiller à ce que les sommes, les actifs éventuels, potentiels de la société soient avant tout préservés?

Ce que je veux dire, M. Laliberté, c'est que vous n'avez pas intenté, par le biais de la société, une action en libelle diffamatoire destinée à laver la société ou ses dirigeants de tout soupçon ou de toute insinuation qui pouvait avoir été faite. Ce n'était pas là la nature de l'action que vous aviez intentée. Ce n'était donc pas une action en libelle diffamatoire destinée à laver la réputation de qui que ce soit. C'était une action en réclamation de dommages-intérêts qui avaient été subis, qui avaient été quantifiés et qui avaient été énumérés de long en large dans une déclaration que vous avez produite en cour.

Ce que je veux savoir, c'est ceci. Comment expliquez-vous que vous fassiez de la reconnaissance de la responsabilité, qui a pour effet, selon vous, de laver la réputation de la SEBJ ou de certains de ses dirigeants, réputation qui était remise en question... Comment conciliez-vous cela avec le fait que le but premier de votre poursuite, étant donné que c'était essentiellement une poursuite en dommages-intérêts, au cours des jours qui ont suivi, ait passé en second lieu, au second plan?

M. le Président, étant donné qu'il s'agit de questions qui s'adressent directement au témoin et qui font appel à son opinion personnelle en tant que P.-D.G. - il ne s'agit pas de documents qu'on cherche, il ne s'agit pas de papiers dont on a besoin, il ne s'agit pas de chiffres, il s'agit d'une opinion personnelle que je demande au P.-D.G., M. Claude Laliberté - je m'oppose, M. le

Président, actuellement, à ce que les réponses, de quelque nature qu'elles soient, lui soient soufflées à l'oreille, parce que ce n'est pas la fonction des personnes qui l'accompagnent.

M. Duhaime: Sur la question de règlement, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président... M. Laplante: ...

M. Duhaime: ...je ne sais pas si le député de Louis-Hébert est là depuis le début. Je crois que oui.

M. Laplante: ...

M. Duhaime: À la suggestion même de mon collègue de Marguerite-Bourgeoys qui pourra me corriger - je n'ai même pas besoin de lui donner la permission de me corriger, je pense qu'il va le faire proprio motu - il a été dit et je crois que c'est à sa suggestion et accepté par la présidence, que M. Laliberté, ou n'importe quel autre témoin, pourrait être accompagné de gens qui, habituellement dans l'exercice de ses fonctions, lui donnent des avis, soit d'ordre juridique, technique ou autre. En l'occurrence, aujourd'hui, j'ai comme l'impression que ce sont des avis d'ordre juridique de par la nature des questions, d'où la présence de Me Gadbois et de Me Bernier. Je n'ai aucune espèce d'objection - je l'ai même suggéré à un certain moment - si on voulait assermenter les personnes, les procureurs qui accompagnent M. Laliberté, qu'on le fasse. Mais je n'accepterai pas que le député de Louis-Hébert dise à la population du Québec que des gens soufflent des réponses. Cela a été convenu comme cela. Si on veut changer les règles du jeu, je n'ai aucune objection mais on va le faire dans les formes et non avec des insinuations telles que celles que je viens d'entendre de la part du député de Louis-Hébert.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Effectivement, lorsqu'on avait suggéré - je ne sais pas qui l'a suggéré - que M. Laliberté soit accompagné, que les assistants de M. Laliberté s'assoient à côté de lui, c'était pour l'aider à trouver dans les documents les réponses ou les références. Le problème est le suivant, quand M. Laliberté répond il prend à son compte, sans aucun doute, les suggestions, les renseignements qui lui sont soufflés - parce qu'on voit qu'à peu près à chaque question ses deux compagnons, l'un ou l'autre, lui soufflent à l'oreille. S'il est prêt à prendre cela à son compte, le dommage est limité. Le but de cette commission est de faire la lumière et de savoir ce que M. Laliberté pense, ce dont il se souvient. Il y a un petit danger là-dedans, c'est que ce ne soit pas sa mémoire qui nous soit communiquée mais peut-être la mémoire de ses voisins, ce qui n'est pas tout à fait le but de notre interrogatoire.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Peut-être que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys me trouvera dur mais je ne voudrais pas qu'il me trouve intimidant. Je dis que je suis inquiet aujourd'hui qu'un jour dans sa vie le député de Marguerite-Bourgeoys ait été Solliciteur général du Québec à la suite de ce que je viens d'entendre. Je le dis devant cette commission parlementaire pour ne rien cacher. Je n'ai jamais vu de ma vie, après des années de pratique devant les tribunaux civils et criminels, sous toutes espèces d'accusations, dans tout genre de procès, une pareille manipulation de cuisinage et de bouffonnerie comme celle qu'on vit aujourd'hui, depuis le matin. Un contre-interrogatoire en règle qu'aucun juge, d'aucun tribunal, ni criminel, ni civil, ni ailleurs, je pense, dans l'Occident chrétien civilisé ne tolérerait cinq minutes. On est en train de faire subir un ... C'est complètement ridicule.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre!

M. Lalonde: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Quand même, les impatiences du ministre ne m'intimident pas, d'un autre côté, je ne voudrais pas que la population soit dupe. Il me semble, M. le Président, que vous-même avez dirigé nos travaux conformément à nos règlements et à la Loi sur l'Assemblée nationale depuis le début. Nous avons, il est vrai, posé des questions pour faire la lumière comme on nous a invités à le faire. Il est vrai qu'on a posé des questions qui font appel à la mémoire sur des faits. On l'a fait aussi sur des gestes que M. Laliberté a posés; c'est lui qui était P.-D.G de la SEBJ lorsque les événements qu'on est appelé à examiner se sont produits. Je ne pense pas - je suis d'ailleurs convaincu que le ministre aurait été le premier à venir à son secours - que nous ayons dépassé, et de loin, au contraire. Je ne sais pas si sa mémoire est courte mais

j'ai déjà été témoin d'interrogatoires et de contre-interrogatoires en cour qui sont drôlement plus sévères. C'est de la petite bière, comme on dirait, ici actuellement à côté de ce qu'on voit dans les cours de justice. Il me semble que le ministre devrait éviter de discréditer la commission parlementaire que son premier ministre a lui-même convoquée et qui se déroule selon nos règlements et suivant la direction du président qui, jusqu'à maintenant, a simplement respecté et appliqué le règlement. Je pense qu'on devrait laisser au moins - on dirait que les péquistes font de l'obstruction systématique - au témoin...

M. Laplante: Je soulève une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Juste avant, je voudrais bien, encore une fois, clarifier la situation bien tranquillement. Est-ce sur la même question, M. le député de Bourassa?

M. Laplante: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Tout à l'heure, lors de mon intervention, je vous ai demandé, à titre de président, la protection du témoin. Voilà qu'il se pose actuellement un geste très précis de la part du député de Louis-Hébert, qui est une mesure d'intimidation en voulant exclure les deux conseillers juridiques du président, M. Laliberté. Pour cela, M. le Président, vous devez intervenir. Comme commission, on a accordé le droit aux conseillers juridiques de M. Laliberté de se parler. Voici qu'un membre de ce Parlement obligerait M. Laliberté à ne pas se servir d'eux parce que c'est absolument personnel. Ce sont des mesures d'intimidation qu'on voudrait faire dans cette commission.

C'est pourquoi je le répète: Je vous demande, je vous supplie de donner une protection au témoin que nous avons ici en la personne de M. Laliberté.

Le Président (M. Jolivet): Je dois d'abord dire que la commission a requis des personnes qui doivent se faire entendre - les témoins donc, comme on a l'habitude de les appeler - pour faire un témoignage, compte tenu du mandat qui nous a été accordé, c'est-à-dire les circonstances qui ont entouré l'ensemble du règlement hors cour du saccage de LG 2 - je résume - ainsi que le rapport qu'il y a eu avec le bureau du premier ministre sur cette affaire.

Il est évident que la commission peut poser toutes les questions qui lui semblent pertinentes afin d'en arriver à faire toute la lumière. Il est vrai que la commission a des pouvoirs. On sait très bien que c'est une commission parlementaire avec ses règlements, ses droits. Il est vrai que cette commission parlementaire a des pouvoirs très forts. On a déjà eu d'autres commissions parlementaires que celle-là; je l'ai mentionné tout à l'heure en disant que cette commission était bien différente d'autres commissions parlementaires. Cependant, à la demande de tout le monde et à la demande du président qui le réitère, la commission doit s'imposer une certaine discipline dans le but, d'abord et avant tout, de ne pas abuser de ses privilèges, de façon qu'on puisse obtenir toutes les réponses des témoins aux questions posées, tout en sachant que ce sont des réponses qui doivent éviter ou qui doivent annihiler, devrais-je dire - pour être plus fort dans mes termes - tout doute ou ouï-dire. Donc, à la meilleure connaissance du témoin, c'est ce qu'il connaît de la situation.

Si on s'arrêtait sur les ouï-dire ou sur les doutes, il est sûr que cela n'aiderait en aucune façon à faire la lumière sur les événements. Je dois aussi rappeler ce que des députés m'ont également rappelé à plusieurs occasions depuis le début de la matinée, à savoir que les questions ne doivent pas être suggestives au point que le témoin puisse être en difficulté de répondre. On me demande de faire en sorte que le témoin soit protégé tout en n'évitant pas d'un autre côté de protéger aussi les questions qui sont posées. Autrement dit, les députés ont des pouvoirs, la commission a des pouvoirs et des privilèges. Donc, il faut éviter que ces pouvoirs et privilèges soient outrepassés.

Le témoin doit répondre au meilleur de sa connaissance. Je dois ici rappeler les circonstances pour lesquelles j'ai demandé, à la suite de ce qu'on me disait de part et d'autre mais qui n'a pas été confirmé autrement que par l'acceptation de la suggestion que je faisais, d'inviter les personnes qui aidaient M. Laliberté à venir s'asseoir à la table, plutôt que de voyager de la chaise arrière vers l'avant, de façon qu'on agisse comme on le fait dans une commission parlementaire afin de permettre au témoin d'avoir le moyen le plus rapide pour répondre aux questions. Il est évident que c'est le témoin qui est sous serment, c'est le témoin qui doit répondre au meilleur de sa connaissance, certifiant que les réponses sont les siennes et non pas celles d'autres personnes. (16 h 30)

Par conséquent, je vous rappellerai donc, encore une fois, qu'il faut poser des questions précises qui amènent des réponses précises, de façon à éviter tout ce qui pourrait entourer le débat, c'est-à-dire des doutes, des ouï-dire ou autre chose qui ne serait pas pertinent.

Nous étions donc rendus à des réponses qui devaient être données. Je ne sais pas si le député avait terminé sa question.

M. Doyon: J'attendais la réponse, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: M. le Président...

M. Laplante: M. le Président, je m'excuse...

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laplante: Est-ce que M. Laliberté a le droit de faire appel à ses conseillers juridiques?

Une voix: Bien non...

Le Président (M. Jolivet): J'ai répondu à cette question en disant que M. Laliberté doit répondre. Deuxièmement, ce doit être ses déclarations propres. J'ai fait mention qu'on était d'accord ici pour qu'il soit aidé.

M. Laplante: J'ai ma réponse, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, je pense qu'il est bon de rappeler que ce qui était recherché par le conseil d'administration, ce n'était pas uniquement de faire déclarer responsables les individus ou les institutions désignés dans la poursuite. Il s'agissait également de faire établir le montant des dommages subis ainsi que d'exécuter le jugement, advenant le cas où la décision rendue soit favorable.

Je pense donc avoir fait la preuve, quant au troisième élément, qu'on ne pouvait pas aller chercher le total de la réclamation du moment, selon moi. Mon but était de faire admettre ces trois choses. À partir du moment où ce but a été atteint, je trouve qu'il était impensable de réenclencher, si l'on peut dire, une poursuite en libelle diffamatoire sur une question que je considérais comme réglée et sur un problème qui datait de 1974.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, très brièvement, j'aimerais savoir de M. Laliberté quelle est la raison fondamentale qui fait que le règlement obtenu a finalement été de 300 000 $, dont 200 000 $ pour la société et 100 000 $ pour les assureurs?

Est-ce qu'on a, d'une façon précise - et j'aimerais qu'il nous l'indique - étudié la possibilité qu'un règlement, par exemple, puisse être de 400 000 $, parce qu'on a vu une gradation dans les possibilités de règlement? Est-ce qu'on a étudié la possibilité d'un règlement de 500 000 $? Est-ce qu'on a étudié la possibilité d'un règlement de l'ordre de 1 000 000 $? Je ferai remarquer en même temps à M. Laliberté qu'il nous a dit dans son témoignage, hier, qu'il avait rejeté, dès le début, la possibilité d'une saisie des cotisations syndicales. Il a dit, à ce moment, qu'on en aurait eu pour 29 ans à saisir les cotisations syndicales pour obtenir l'exécution d'un jugement de l'ordre de 30 000 000 $ ou 31 000 000 $.

Je lui ferai remarquer qu'une saisie des cotisations syndicales pendant seulement deux mois aurait rapporté plus à la société que le règlement qu'elle obtint, règlement hors cour, fait sous pression et qui ne donne pas l'assurance que, finalement, les actionnaires ultimes de la Société d'énergie de la Baie-James, c'est-à-dire les contribuables du Québec, ont obtenu justice. Est-ce que ces éléments ont été considérés?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, la question est double. D'abord, pourquoi le montant final de 300 000 $? Ce montant est le résultat d'un négociation qui a été graduelle. Je crois que le 6 février, au moment où le conseil décidait d'explorer un règlement hors cour, le montant sur la table était de 50 000 $. Donc, compte tenu de l'effort de nos procureurs, ce montant est passé à 125 000 $, à 175 000 $ et finalement à 300 000 $. C'est ce que, finalement, le conseil d'administration a décidé d'accepter. C'est la réponse à la première partie.

La deuxième partie. Il n'était pas dans mon intention, et il ne l'a jamais été, d'impliquer les syndicats de la partie québécoise dans une espèce de paiement qui se répartit ou qui s'établit sur une certaine durée. Je crois personnellement que le scénario qui est soulevé par le député aurait conduit à la disparition pure et simple de ce syndicat. C'est justement ce que nous ne souhaitions pas.

Le Président (M. Jolivet): Question, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, M. Laliberté nous a rapporté textuellement les paroles du premier ministre lors de la réunion du 1er février, qui sont les suivantes. Je cite textuellement ce que j'ai entendu ici: Vous réglez, "crisse", ou on s'en occupe nous-mêmes.

M. le Président, le témoin, M. Laliberté, a qualifié cette expression de

souhait, de voeu, de désir ou quelque chose d'approchant de la part du premier ministre. Ce que je veux savoir est extrêmement important. Quels sont les mots et quelles sont les paroles qu'il aurait considérés -compte tenu que "vous réglez, "crisse", ou on va le faire" me paraît aller assez loin -comme étant de la pression, de l'insistance ou de l'ingérence? Comment pouvait-on, avec de simples paroles, aller plus loin que cela et comment peut-il ravaler cette phrase "Vous réglez, "crisse", ou on s'en occupe" au niveau de simple souhait d'obtenir de la part de la société un règlement? Comment le premier ministre - c'est extrêmement important - pouvait-il exprimer plus clairement non seulement qu'il souhaitait, mais qu'il exigeait un règlement? Comment pouvait-il le dire plus clairement? C'est ce que j'aimerais savoir.

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Pourrait-on suggérer au député de Louis-Hébert de réserver sa question pour le premier ministre? Cela m'apparaît être le premier intéressé et le mieux placé pour répondre à une question comme celle-là. Franchement!

Une voix: Non, non, M. le Président.

Une voix: Demandez au témoin de répondre.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, je me demande réellement comment répondre à une question comme celle-là. Franchement! Tout ce que je peux dire, je l'ai toujours maintenu, la seule autorité habilitée pour régler ce problème, c'est le conseil d'administration. Dans ce contexte, il ne peut y avoir de phrase...

Le Président (M. Jolivet): Je suis un peu embêté, mais j'essaie de faire de l'analogie puisqu'en commission parlementaire on doit appliquer les règlements de l'Assemblée nationale. Je reviens sur cette question de suggestion dont je faisais mention tout à l'heure, en vertu de l'article 168. Je vais le lire pour qu'on puisse vraiment savoir de quoi il s'agit: "Une question ne doit contenir que les mots nécessaires pour obtenir les renseignements demandés. Est irrecevable une question: 1. Qui est précédée d'un préambule inutile - on est habitué à ces questions - 2. Qui contient une hypothèse, une expression d'opinion, une déduction, une suggestion ou une imputation de motifs; 3. Dont la réponse serait une opinion professionnelle ou une appréciation personnelle."

Une voix: Ah! voilà!

Le Président (M. Jolivet): Je dois aussi dire en même temps que le témoin - je vais le rappeler aux membres de la commission et à tous les gens qui nous écoutent - est sous serment. Puisqu'il est sous serment, ce qu'il donne comme réponse doit être pris par les membres de la commission comme étant la vérité. Il est évident, et j'ai bien fait attention de le dire, que l'article 168 est par analogie, puisque c'est une question dans la période de questions prévue à l'Assemblée nationale. C'est évident qu'on pourrait me dire que cela s'adresse à d'autres personnes qu'à un témoin, mais je fais de l'analogie, puisque ce que je dois mettre en pratique comme président, ce sont les règles habituelles d'une commission parlementaire et on a toujours respecté cette habitude en commission parlementaire. À partir de cela, je dois simplement le rappeler pour que les gens puissent vraiment comprendre, à ma gauche et à ma droite, ce que j'ai voulu dire comme président, pour essayer de préserver les droits de chacun.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je dirais seulement quelques mots sur la question de règlement. Je comprends vos remarques, mais j'aimerais insister sur le mot "analogie" que vous avez vous-même utilisé, parce que les règles que vous venez de donner s'appliquent à des questions à un ministre à l'Assemblée nationale et je ne vois pas comment on pourrait les appliquer rigidement à une situation comme celle que nous vivons. Je veux simplement qu'on prenne acte de cette réserve.

Le Président (M. Jolivet): Vous avez bien compris, M. le député, c'est pour cela que j'ai pris le mot "analogie". Deuxièmement, j'ai ajouté - l'importance est là - que le témoin est sous serment et que, par conséquent, on ne devrait, en aucun moment, ignorer le fait qu'il est sous serment et que ce qu'il dit doit être tenu comme tel. Vous savez, en vertu de la Loi sur l'Assemblée nationale que nous avons adoptée, qui existait, mais qui est réécrite dans la loi 90 qu'on connaît, que, si une personne qui témoigne ici fait un faux serment ou un faux témoignage, cette personne est soumise à l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale et à l'article 133 -j'en ai fait mention hier, je le répète - aux dispositions pénales prévues par la Loi sur

l'Assemblée nationale. C'est seulement dans cette circonstance que je vous invite à faire en sorte que ce soit le plus près possible du règlement.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Si vous me permettez, encore une fois. Il ne faut quand même pas suivre, vous ne le faites pas... Mais quand même, le ministre a eu des mots très durs à l'égard de notre façon actuelle de procéder. Je voudrais seulement rappeler que les témoins dans les cours de justice sont aussi sous serment, qu'ils sont assujettis à des peines au moins aussi grandes que celles qui sont prévues par la Loi sur l'Assemblée nationale et qu'ils sont soumis à des contre-interrogatoires dont les règles sont extrêmement plus larges et plus généreuses que celles que l'on retrouve dans notre règlement.

Le Président (M. Jolivet): Sauf que vous savez très bien, M. le député - j'arrêterai là la discussion sur ce sujet - que je dois appliquer les règles de l'Assemblée nationale et pas autre chose.

M. le député de Brome-Missisquoi, avant de vous accorder la parole, je vais demander au député de Louis-Hébert s'il a terminé.

M. Doyon: Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert, oui. M. le député de...

M. Laplante: Sur le même sujet, j'aimerais poser une courte question. M. le député de Louis-Hébert consentira...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Bourassa, vous avez même le temps voulu pour poser les questions que vous voulez.

M. Laplante: D'accord. M. Laliberté, on connaît très bien notre premier ministre, nous autres. On connaît aussi son franc-parler, ce qu'il a dit tout à l'heure en langue québécoise. La façon dont M. le premier ministre vous a parlé, le juron que d'autres députés se sont plu à répéter, lorsqu'il a dit qu'on s'en occupe, est-ce que cela aurait aussi pu vouloir dire qu'il pourrait aller voir les syndicats impliqués là-dedans, qu'il pourrait aller voir d'autres personnes pour en venir à un règlement dans cette affaire? Le ton qu'il a employé aurait-il pu vouloir dire ces choses aussi?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, vous êtes habitué à la présidence des commissions parlementaires. Vous savez très bien que, quant à ce que vous venez de faire, je venais justement de le dire au témoin, devant cette suggestion, je pourrais la rendre irrecevable. Mais si le témoin veut répondre quelque chose, je suis prêt à lui donner la parole. M. Laliberté, avez-vous quelque chose à dire ou la même chose?

M. Laliberté: M. le Président, si on peut me priver d'une question, je vais certainement m'en priver.

Le Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole au député de Brome-Missisquoi, j'aimerais savoir s'il y a d'autres personnes qui veulent intervenir dans un premier tour de table; sinon, je passerai au député de Brome-Missisquoi sur un deuxième tour de table, en disant que ce sont les règles que nous nous sommes données au début de cette commission. M. le député de Brome-Missisquoi, vous avez la parole. (16 h 45)

M. Paradis: Merci, M. le Président. M. Laliberté, dans son témoignage d'hier, nous a dit que les procureurs de la société qu'il préside n'ont obtenu le mandat de négocier, d'explorer plus exactement, que le 7 février 1979 par une lettre de Me Gadbois qui leur était adressée. Donc, avant cette date, il n'était pas au courant s'il y avait eu réunion, s'il y avait eu rencontre de quoi que ce soit. Ce n'était pas le mandat qu'il avait donné à ses procureurs. Est-ce exact?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je confirme qu'on a donné seulement le 7 février 1979 le mandat d'explorer aux administrateurs, si c'est la question du député.

M. Paradis: Je vais tenter de vous citer le plus exactement possible en prenant la page 9 de votre déclaration d'hier. Au deuxième paragraphe, vous avez été très clair. Vous avez dit: "Le jour de l'ouverture du procès, je rencontre nos avocats qui désirent obtenir une précision de mandat en rapport avec cette offre de règlement éventuelle". Parce que vous en aviez reçu une la veille. Là, vous avez dit: "Je leur indique alors clairement que leur mandat se limite à écouter les offres des défendeurs". C'est encore exact.

M. Laliberté: C'est exact, M. le Président.

M. Paradis: Avez-vous, à part la date que vous avez mentionnée, changé ce mandat en cours de chemin?

M. Laliberté: Aucunement, M. le Président.

M. Paradis: Aucunement. J'aimerais que le Secrétariat des commissions parlementaires achemine à M. Laliberté un document 1-D de la commission qui est une communication qu'on a reçue du cabinet du premier ministre et qui liste, entre autres, les dates des visites de certaines personnes impliquées dans ce dossier à son bureau. Est-ce qu'on pourrait le remettre à M. Laliberté?

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vos questions ont rapport à ce document?

M. Paradis: Mes questions ont rapport à ce document. En même temps, M. Laliberté pourrait peut-être prendre immédiatement, pour accélérer le débit, le livre qu'il nous a remis lui-même hier matin, extraits des procès-verbaux de la société, ce à la page 199. M. Laliberté, est-ce que cela va? Le livre que vous nous avez remis hier, à la page 199.

M. Laliberté: Cela va.

M. Paradis: Vous allez trouver, en date du 20 février 1979, une lettre de vos avocats Geoffrion et Prud'homme avec un compte au montant de 82 599 $ qui est en annexe; le chiffre final, vous le retrouvez à la page 213. Vous avez déjà pris connaissance de ce compte. Vous l'avez approuvé et payé à la SEBJ, ce compte-là.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M. Laliberté: Oui, M. le Président.

M. Paradis: À cette époque, si on se réfère à la page 200 - c'est la page suivante - on commence le 13 janvier la nomenclature des travaux qui ont été faits par les avocats. Pour se situer un peu avec le document que je vous ai remis tantôt du bureau du premier ministre, on se rend compte que, déjà au 13 janvier, deux jours avant l'ouverture du procès, il y avait eu six visites d'effectuées par des gens impliqués dans ce dossier au bureau du premier ministre. Ces six visites ont été faites par Me Michel Jasmin, le procureur des syndicats québécois, par Me Rosaire Beaulé, le procureur des syndicats américains, ainsi que par vous-même M. Laliberté, le P.-D.G. de la SEBJ. On se rend donc compte qu'à l'intérieur de ces six visites toutes les parties impliquées avaient déjà rendu visite au bureau du premier ministre. C'est exact à partir du document que vous avez devant vous.

M. Laliberté: Vos six visites, c'est jusqu'au 16 janvier, je présume.

M. Paradis: C'est jusqu'au 13 janvier, si vous voulez être plus précis.

M. Duhaime: Est-ce qu'on pourrait savoir jusqu'à quelle date?

M. Paradis: C'est jusqu'au 13 janvier, je vous le répète, M. le ministre.

Le Président (M. Jolivet): Donc, quatre rencontres.

M. Laliberté: Au 13 janvier, c'est quatre rencontres.

M. Paradis: Non, c'est parce que, lorsque je parle du bureau du premier ministre, j'inclus le premier ministre lui-même naturellement, son chef de cabinet, M. Jean-Roch Boivin, ainsi que M. Gauthier qui est un de ses attachés politiques. Mais pour être encore un peu plus précis, au bas de la page des visites de M. Gauthier au bureau du premier ministre, on indique que "Me Yves Gauthier croit qu'il ne fut pas question de la poursuite de la SEBJ au cours des rencontres du 17 octobre et du 12 novembre". Donc, au cours des autres rencontres, il en a été question. Cela voudrait dire un total de six visites. Peut-être que, dans deux de ces visites, il n'a pas été question de la poursuite de la SEBJ, mais il en reste quatre où toutes les parties impliquées au dossier se sont rendues au bureau du premier ministre. C'est exact?

M. Laliberté: M. le Président, j'aimerais qu'on me clarifie exactement quelles sont les six visites auxquelles on fait référence.

M. Paradis: Je vais vous les identifier.

M. Laliberté: M. le Président, je regarde le tableau...

Le Président (M. Jolivet): Vous prenez la page suivante.

M. Laliberté: La page suivante, d'accord.

M. Paradis: Est-ce que je peux lui expliquer?

M. Laliberté: Ah! Je vois.

M. Paradis: Vous voyez, vous comprenez? Il y a eu une visite le 1er février. Vous vous souvenez de celle-là, je pense?

M. Laliberté: Oui, oui.

M. Paradis: C'était la vôtre. Vous étiez présent au bureau du premier ministre.

M. Laliberté: Le 3 janvier.

M. Paradis: Le 3 janvier, oui, ça va. Le 3 janvier, vous étiez là. Maintenant, il y a eu, au bureau du premier ministre, au bureau de son chef de cabinet, le 4 décembre, Me Michel Jasmin, le procureur des syndicats québécois. Le 11 décembre, il y a eu Me Rosaire Beaulé, le procureur des syndicats américains. Le 3 janvier, c'est vous. Le 12 janvier, Me Michel Jasmin, le procureur des syndicats québécois, y retourne. Maintenant, à la page suivante, on indique que, le 17 octobre et le 12 novembre, Me Michel Jasmin est également allé au bureau du premier ministre. Cela fait donc six visites et, si on se fie aux indications du bureau du premier ministre, il fut question de la poursuite de la SEBJ au cours de quatre de ces six rencontres. C'est exact?

M. Laliberté: C'est exact. Je constate, M. le député.

M. Paradis: Vous constatez, ça va. Le 15 janvier, le lundi qui..

M. Laliberté: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: ...je demanderais la permission de lire le document. Comme les questions s'adressent à moi, je voudrais savoir exactement ce qu'est ce document. C'est la première fois que je le vois.

Le Président (M. Jolivet): Donc, compte tenu que les questions vont se poursuivre, je peux suspendre la séance pour vous donner le temps de le lire, M. Laliberté.

M. Paradis: II y a deux pages. C'est très rapide.

Le Président (M. Jolivet): Je vais suspendre en attendant.

(Suspension de la séance à 16 h 53)

(Reprise de la séance à 17 h 02)

Le Président (M. Jolivet): La commission reprend ses travaux. Nous en étions aux questions posées par le député de Brome-Missisquoi. Allez-y, M. le député, maintenant que M. Laliberté a pris connaissance du document.

M. Paradis: M. Laliberté, est-ce que vous avez eu le temps de prendre connaissance à fond du document?

M. Laliberté: Oui, M. le Président.

M. Paradis: À la page 200 du cahier que vous nous avez distribué, à la date du 15 janvier 1979 - sur les honoraires des avocats, c'est écrit, à gauche, 1979, janvier, 13 et 15; je vous amène au 15 janvier 1979, c'était la première journée du procès - les avocats dans leur facture indiquaient: "vacation à la cour pour procès". Tous les avocats sont là, j'imagine. Le troisième article est: "pourparlers de règlement et entrevue avec les autorités de la Société d'énergie de la Baie-James". Est-ce que vous, à titre d'autorité de la Société d'énergie de la Baie-James, vous avez discuté de règlement cette journée-là?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: J'en déduis que "pourparlers de règlement", c'est ce que j'ai mentionné dans ma déclaration à la page 9, où je dis que la journée de l'ouverture du procès, je rencontre nos avocats qui désirent obtenir une précision de mandat et je leur dis que leur mandat se limite à écouter.

M. Paradis: C'est ce qui a été discuté à ce moment-là?

M. Laliberté: C'est exact.

M. Paradis: La même journée simplement pour qu'on le constate ensemble - je vous indique - cela vient du document dont vous avez pris connaissance durant la suspension - 15 janvier, au bureau du premier ministre, Rosaire Beaulé, le procureur des syndicats américains, et Michel Jasmin, le procureur des syndicats québécois. C'est exact?

M. Laliberté: Je le constate ici, M. le Président.

M. Paradis: Vous le constatez. Le lendemain - parce que ce n'était pas un procès qui s'est réglé dans une journée -mardi, c'était la deuxième journée du procès à la cour. Tous les avocats se rencontrent et vous voyez dans la facturation, mardi le 16 janvier: "discussion de l'offre de règlement avec Me Michel Jasmin." Ce sont vos procureurs qui discutent avec le procureur des syndicats québécois. Avez-vous été informé de cette discussion?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: En fait, cela a été fait en deux étapes. C'est le jour où Me Jasmin a remis à nos procureurs la lettre; le lendemain après-midi, en présence de Me Gadbois, je rencontrais Me Jasmin. C'est dit dans ma déclaration, encore une fois, à la page 9.

M. Paradis: Vous avez discuté du règlement à ce moment-là?

M. Laliberté: II avait une offre écrite. On a donc permis à Me Jasmin de justifier l'offre qu'on faisait à la SEBJ à ce moment-là.

M. Paradis: La même journée, la deuxième journée du procès, on retourne à la liste des personnes qui se promenaient entre la cour et le bureau du premier ministre. On retrouve Me Michel Jasmin dans le bureau du premier ministre. Est-ce que c'est exact?

M. Laliberté: Je l'apprends par la liste qu'on m'a transmise.

M. Paradis: C'est exact, selon cette liste?

M. Laliberté: C'est exact. Je le constate.

M. Paradis: Le lendemain, la troisième journée du procès, soit mercredi le 17, la facturation de vos avocats indique encore "vacation à la cour". Donc, les avocats se rencontrent encore une fois. On prend la liste dont vous avez pris connaissance à la suspension. Le 17 janvier, encore une fois, entre la cour et le bureau du premier ministre, on retrouve Me Michel Jasmin au bureau du premier ministre. C'est exact? Le 17 janvier est un mercredi et la troisième journée du procès.

Le Président (M. Jolivet): Sur la deuxième page.

M. Laliberté: Je le constate également, à partir du document qu'on m'a transmis.

M. Duhaime: Avec qui?

M. Paradis: Avec qui? Demandez-le au témoin. Avec qui?

M. Laliberté: Je ne le sais pas. C'est écrit: au bureau du premier ministre.

M. Paradis: D'accord. Il y a une précision.

M. Laliberté: Liste des rencontres de Me Yves Gauthier.

M. Paradis: C'est cela. Également, pour cette journée, la facturation indique "rencontre avec M. Claude Laliberté". Ce sont vos procureurs. Est-ce qu'il s'agit de vous? Avez-vous eu une rencontre cette journée-là avec vos procureurs?

M. Laliberté: Le 17?

M. Paradis: C'est la troisième journée du procès.

M. Laliberté: Effectivement, c'est la rencontre avec Me Jasmin, dont j'ai parlé tout à l'heure et que j'ai mentionnée dans ma déclaration à la page 9.

M. Paradis: Est-ce que Me Jasmin vous racontait ou vous disait, à ce moment-là, qu'il voyageait entre la cour et le bureau du premier ministre?

M. Laliberté: Je n'en ai pas le souvenir.

M. Paradis: Est-ce qu'il a fait allusion à ce que vous étiez en train de négocier dans une conversation, au moment de toutes ces rencontres? Parce que vous le voyiez tous les jours à cette époque-là.

M. Laliberté: Je tiens à répéter que ce que j'en ai su de ces rencontres nous est parvenu par nos procureurs qui étaient en rapport constant, si je peux dire, avec les procureurs des défendeurs.

M. Paradis: Je vais reformuler ma question dans les circonstances. Est-ce que vos procureurs vous ont informé que les procureurs de la partie adverse fréquentaient quotidiennement le bureau du premier ministre?

M. Laliberté: Je viens de dire que, par l'intermédiaire de Me Gadbois et des procureurs, on savait qu'il y avait eu ce genre de contact.

M. Paradis: Quand l'avez-vous su exactement?

M. Laliberté: Je ne peux vous dire à quel moment.

M. Paradis: L'avez-vous su pendant ces journées ou longtemps après?

M. Laliberté: Je ne peux vous dire à quel moment.

M. Paradis: Vous ne vous en souvenez plus?

M. Laliberté: Absolument pas.

M. Paradis: D'accord. On va continuer. Le jeudi 18, la quatrième journée du procès, encore une fois, dans le compte d'honoraires de vos avocats, on lit "vacation à la cour pour procès". On retrouve aussi "rédaction d'une déclaration de transaction". Par qui vos procureurs étaient-ils mandatés pour rédiger une transaction? Pour vous éclairer, une transaction est ce qui met fin à un procès.

Par qui étaient-ils mandatés pour rédiger cela puisque vous les avez payés?

M. Laliberté: Nous avions reçu par écrit le 16 et en personne le 17 de Me Jasmin un projet de règlement hors cour. On retrouve ce document au procès-verbal de la réunion du conseil du 6 février.

M. Paradis: Quelle page exactement, M. Laliberté, s'il vous plaît?

M. Laliberté: Page 73.

M. Paradis: Page 73. Je m'excuse, mais j'aurais besoin d'une précision additionnelle parce que le projet de proposition de règlement que je retrouve à la page 73 est signé par les avocats de l'autre partie et votre facturation indique que vos avocats vous facturent pour avoir rédigé une déclaration de transaction. Est-ce que vous pourriez m'indiquer où on retrouve celle qui a été rédigée par vos avocats et pour laquelle vous avez payé?

M. Laliberté: M. le Président, c'est ce que j'allais dire. Après avoir reçu cette proposition de règlement de la part de Me Jasmin, j'ai demandé le 19 - je pense que c'est la date qu'on vient de mentionner ou environ -

M. Paradis: Le 18, M. Laliberté.

M. Laliberté: ...le 18, à nos propres procureurs d'élaborer un texte de règlement que je pourrais utiliser au besoin, advenant qu'un règlement hors cour devienne réalité.

M. Paradis: Pouvez-vous nous indiquer où on retrouve ce texte dans' les documents que vous nous avez soumis?

M. Laliberté: C'est un document interne, tout simplement.

M. Paradis: Est-ce que vous pourriez en communiquer le contenu à la commission, s'il vous plaît, M. Laliberté?

M. Laliberté: Je ne l'ai pas ici, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Mais si vous voulez le transmettre, il n'y a aucune difficulté à le faire parvenir dans le courant des jours qui viennent.

M. Paradis: On vous serait obligé.

Le Président (M. Jolivet): Donc, il sera transmis au Secrétariat des commissions?

M. Laliberté: Oui, on le fera parvenir à la commission. Il n'y a aucun problème.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Paradis: Mais c'est à votre demande personnelle que ce papier avait été rédigé?

M. Laliberté: Oui, M. le Président.

M. Paradis: Si je reprends votre témoignage d'hier, à la page 9, vous nous indiquez: "Le jour de l'ouverture du procès, le 15 janvier, je rencontre nos avocats qui désirent obtenir une précision de mandat en rapport avec cette offre de règlement éventuelle. Je leur indique alors clairement que leur mandat se limite à écouter les offres des défendeurs."

N'est-ce pas un peu en contradiction avec le fait de demander à des avocats de rédiger une transaction qui est une finalité de procès? J'ai de la misère à m'expliquer ce petit bout-là.

M. Laliberté: Donc, au moment, M. le Président, où les procureurs viennent chercher un mandat de ma part, je leur dis: Allez écouter au besoin. Donc l'événement a lieu le 16: transmission d'une lettre de la part de Me Jasmin. Ce n'est que le 17 qu'il y a rencontre dans mon bureau. À partir de ce moment, toujours selon mon bon jugement, dans la logique qui se faisait graduellement chez moi, j'ai décidé de me préparer, en quelque sorte, à quelque chose qui se tiendrait mieux - si je peux employer l'expression - que ce premier document que j'avais reçu le 16.

M. Paradis: En quelque sorte, dans votre vision des choses, vous avez demandé à vos procureurs de préparer un règlement à ce moment?

M. Laliberté: C'est bien cela.

M. Paradis: Est-ce que vous avez informé quelqu'un d'autre au conseil d'administration que vous posiez ce geste?

M. Laliberté: Aucunement.

M. Paradis: Très bien. On va aller au lendemain, le 19. D'après la facturation, il n'y a pas de cour, ce qui est normal, de toute façon, car c'est un vendredi. Le 19 janvier, on retrouve, à partir du document que vous avez consulté pendant la suspension, Me Michel Jasmin, le procureur des syndicats de la province, et Me Rosaire Beaulé, le procureur des syndicats américains, dans le bureau du premier ministre. Autrement dit, tous les défendeurs. Est-ce exact?

M. Laliberté: Je constate, d'après la liste, que, le 19 janvier, Me Michel Jasmin et Me Rosaire Beaulé étaient au bureau de M. Jean-Roch Boivin.

M. Paradis: Est-ce que vous avez été informé de cette visite, à ce moment, par vos procureurs?

M. Laliberté: Je ne m'en souviens pas.

M. Paradis: Vous noterez - et je vous demanderais de le confirmer - que cette journée, le 19, vos procureurs ont parlé à Me Rosaire Beaulé, le procureur du syndicat américain. C'est exact?

Une voix: Où est-ce qu'il voit cela, lui?

M. Paradis: La deuxième ligne de la facturation du 19.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Nous sommes le 19 et je reçois une offre de règlement hors cour le 22. J'en déduis, d'après ce que je lis, qu'il y a eu un avertissement.

M. Paradis: On ne vous a pas informé cette journée, ni directement ni indirectement, que les procureurs des défendeurs québécois et américains se promenaient entre la cour et le bureau du premier ministre? (17 h 15)

M. Laliberté: Je répète, M. le Président, que je ne me le rappelle pas.

M. Paradis: Est-ce possible qu'on vous en ait informé?

M. Laliberté: Je ne me le rappelle pas.

M. Paradis: II y a la fin de semaine, le samedi 20 et le dimanche 21, les avocats n'ont pas facturé, ils se sont reposés. Il y a des procureurs qui protestent et qui disent qu'il y en a qui travaillent les fins de semaine. Je pense que c'est vrai. Je m'excuse, je retire mes paroles, M. le ministre.

Le lundi 22, dans la facturation, on retrouve: "négociations sur une entente possible. Conversations téléphoniques avec Mes Jasmin et Beaulé. Rencontre avec Mes Jasmin, Lafortune et Beaulé." À cette époque, vos procureurs négociaient une entente, parce que le mandat que vous leur aviez donné, sauf erreur, si je me fie à votre témoignage d'hier, c'était strictement d'écouter. Étiez-vous au courant, à ce moment-là, qu'ils négociaient et est-ce vous qui leur aviez donné le mandat de négocier?

M. Laliberté: M. le Président, le mandat était toujours d'écouter. Ce 22 janvier, c'est précisément le jour où ils ont reçu de Me Beaulé le deuxième projet de règlement hors cour. En ce qui regarde la terminologie employée ici, où on dit "négociations", il faudra poser la question aux procureurs qui ont envoyé le compte; je ne peux pas l'expliquer.

M. Paradis: Ils avaient négocié également le 19, renégocié le 22 et, entre la négociation du 19 et la négociation du 22, on constate que les procureurs de tous les syndicats impliqués de la province de Québec et du syndicat américain se sont retrouvés dans le bureau du premier ministre.

On continue. Le mardi 23, une autre journée du procès. Là, il y a une rencontre avec le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James. De quoi a-t-on discuté à cette rencontre?

M. Laliberté: Donc, le 23, il n'y a pas de procès-verbal qui nous indique clairement ce qui s'est passé.

M. Paradis: Existe-t-il un procès-verbal qui indiquerait de façon un peu floue ce qui s'est passé?

M. Laliberté: Non, il n'y a aucun procès-verbal là-dessus. Donc, le 23, à la suite des deux projets de règlement hors cour que j'ai reçus, compte tenu du fait que j'avais confirmé personnellement qu'il fallait aller explorer. Donc, j'avais l'intention d'impliquer le conseil. On peut supposer que ce qui est indiqué là, c'est une présence de nos procureurs au conseil d'administration pour expliquer le contexte des deux règlements hors cour proposés par les défendeurs, parce que cela leur avait été soumis et parce que leur mandat jusqu'à cette date avait été d'écouter.

M. Paradis: Pour préciser le mandat jusqu'à cette date, sauf erreur, vous avez dit ultérieurement également jusqu'au...

M. Laliberté: Jusqu'à cette date-là et jusqu'au 6 février.

M. Paradis: Jusqu'au 6 février. Vous avez dit hier, dans votre témoignage, que c'est le 23, justement ce mardi 23, que vous avez changé d'idée.

M. Laliberté: Boum! comme cela!

M. Paradis: Votre progression, votre vision, qui avait commencé le 3, a abouti le 23. Y a-t-il quelque chose qui a été dit lors de cette rencontre qui aurait provoqué cet aboutissement?

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement de la part du député de Chambly.

M. Tremblay: Si j'ai bien compris la leçon que vous nous avez donnée tout à l'heure, vous avez dit qu'un député ne

pouvait suggérer. Le député de Brome-Missisquoi vient de dire une chose qui, à ma connaissance, n'a jamais été dite par M. Laliberté, c'est-à-dire que sa réflexion, que sa progression avait commencé le 3. On pourra me corriger si j'ai tort.

Le Président (M. Jolivet): Je sais que M. Laliberté pourrait rectifier, s'il le faut.

M. Paradis: II est capable de répondre. C'est cela.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que votre question est terminée, M. le député?

M. Paradis: Oui, ma question est terminée.

Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'il serait mieux de la répéter.

M. Laliberté: Oui, excusez-moi.

M. Paradis: Je peux la répéter pour une meilleure compréhension. Vous avez dit hier, sauf erreur, à l'occasion de votre témoignage, que votre opinion, qui avait évolué à partir du 3 janvier, avait abouti le 23. Là, vous étiez fixé dans le ciment -comme on peut dire - et vous saviez à ce moment-là qu'il fallait régler. C'était votre opinion personnelle et non pas l'opinion de la SEBJ, je distingue cela. Que s'est-il discuté à cette rencontre pour que cela se fixe dans votre tête, pour que cela aboutisse?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: Je n'ai jamais prétendu, M. le Président, que cela a abouti exactement ce jour-là. J'ai dit que je recherchais trois objectifs, que l'atteinte d'une partie des deux premiers objectifs était déjà acquise au 22 janvier. Donc, il faut que les choses aient été graduelles jusqu'à un certain point. Le 16 janvier, reconnaissance des responsabilités. Le 22 janvier, reconnaissance du quantum des dommages causés. Donc, on voit là une évolution pour, le 22 janvier au soir, dire: Je vais au conseil d'administration demain avec les procureurs dans le but d'expliquer quel est - comment dire - le contexte dans lequel ils ont écouté ou que ces choses leur ont été présentées. Moi, j'ai enchaîné dans la logique d'une exploration pour un règlement hors cour. Donc, cela a effectivement été la première fois le 23 janvier que le conseil d'administration discutait sérieusement d'une telle possibilité d'exploration.

M. Paradis: À cette réunion, est-ce que vous avez communiqué à vos collègues du conseil d'administration la déclaration de transaction, autrement dit, de règlement final de la cause que vos procureurs vous avaient rédigée le 18 janvier?

M. Laliberté: Oui, M. le Président.

M. Paradis: Vous l'avez communiquée à tous les membres du conseil d'administration?

M. Laliberté: Oui.

M. Paradis: Le mercredi 24 janvier, on se retrouve encore une fois, suivant la facturation, en cour. Le jeudi 25 janvier, on est encore une fois en cour. Là, on retrouve l'élément suivant à la facturation - je vous demanderais d'en confirmer l'exactitude -"évaluation d'un nouveau texte de transaction et de déclaration de règlement hors cour." C'est pour mettre fin de façon absolue au procès. Est-ce exact?

M. Laliberté: Je constate, M. le Président, et cela entre dans la logique de ce que j'ai moi-même préconisé au conseil du 23 janvier. J'avais déjà demandé à mes procureurs de préparer un brouillon de règlement hors cour; je pense que cela date du 19 janvier. On reçoit un deuxième projet de la part des défendeurs le 22 janvier. Le 23 janvier, on discute. On arrive au 25 janvier et j'en déduis, d'après le compte de nos procureurs...

Une voix: Que vous avez payé.

M. Laliberté: ...qu'il faut le revoir, si je peux employer l'expression à la SEBJ dans le but d'une nouvelle démarche au conseil d'administration.

M. Paradis: Donc, c'est à votre demande qu'ils ont évalué le nouveau texte de la transaction et qu'ils ont rédigé une déclaration de règlement hors cour? C'est bien à votre demande?

M. Laliberté: C'est bien cela.

M. Paradis: Est-ce que c'est à la demande des gens du conseil d'administration de la SEBJ que vous aviez aussi rencontrés le 23 janvier?

M. Laliberté: Aucunement, M. le Président.

M. Paradis: C'était une initiative personnelle de votre part, à ce moment-là. Il y a également, deux lignes après: "préparation d'une opinion sur le quantum". Ce qui est reproduit dans la facturation est-il exact?

M. Laliberté: C'est bien cela, M. le Président.

M. Paradis: À la demande de qui cela a-t-il été préparé?

M. Laliberté: À la demande du conseil d'administration du 23 janvier, à la demande des administrateurs.

M. Paradis: Ne bougez pas! On va faire la distinction pour que cela soit très clair, je m'excuse. L'évaluation d'un nouveau texte de transaction et de déclaration de règlement hors cour, selon vous, c'est à votre demande personnelle et non à celle des administrateurs. Mais celle du quantum était à la demande des administrateurs du conseil d'administration. C'est exact?

M. Laliberté: C'est exact, M. le Président.

M. Paradis: Très bien. À l'occasion de cette réunion du 23 janvier que vous avez eue avec les administrateurs, est-ce qu'il y en a qui ont manifesté des objections à ce que vous leur avez décrit?

M. Laliberté: J'ai indiqué, M. le Président, que c'était la première fois que le conseil était assujetti à une telle ouverture. Donc, les discussions ont été très poussées, si je peux employer l'expression, à un point tel, justement, qu'on a fait la demande d'une réévaluation du quantum de la réclamation. C'est ce à quoi on se réfère ici comme "préparation d'une opinion sur le quantum".

M. Paradis: Le 23, lorsque vous avez déposé la déclaration de règlement hors cour, finalement le texte de la transaction, est-ce qu'il y a eu des administrateurs, de vos collègues au conseil d'administration, qui ont lâché des cris, sans être aussi violents que ceux qui ont été entendus ailleurs, ou qui s'y sont opposés d'une façon formelle?

M. Laliberté: Ce qu'il faut dire là-dessus, c'est que, compte tenu du fait qu'on était assujetti à une telle ouverture pour la première fois, les discussions ont été assez séparées, inévitablement.

M. Paradis: Elles étaient séparées entre quels administrateurs et quels administrateurs? Vous parlez d'une division, cela semble assez clair dans votre esprit.

M. Laliberté: Je ne pourrais pas vous dire, M. le Président.

M. Paradis: Vous ne vous souvenez absolument pas de la ligne qui séparait. Vous ne pouvez pas m'en nommer un ou deux?

M. Laliberté: Je ne peux pas vous dire, M. le Président.

M. Paradis: Aucun, aucun nom ne vous vient à la mémoire?

M. Laliberté: Aucun, M. le Président.

M. Paradis: Le jeudi 1er février, là vous vous en souvenez un peu plus, je pense. Vous vous êtes rendu au bureau du premier ministre. C'est exact?

M. Laliberté: C'est bien le cas.

M. Paradis: En compagnie de MM. Boyd et Saulnier. Et assistait également à la réunion, comme vous l'avez mentionné plus tôt, le chef de cabinet de l'honorable premier ministre. C'est exact?

M. Laliberté: C'est exact.

M. Paradis: Le 2, le lendemain de la rencontre au bureau du premier ministre, vos avocats indiquent dans leur compte: "rencontres avec Me Michel Jasmin" - c'est le procureur des syndicats québécois - et indiquent, de plus: "participation aux discussions et à l'élaboration du règlement." Donc, vos procureurs, que vous aviez mandatés pour écouter, élaborent un règlement à ce moment. C'est exact? Le 2 février, vous trouvez cela à la page 208.

M. Laliberté: C'est bien cela. M. le Président, il faudrait poser la question aux procureurs, à savoir qu'est-ce que c'est que cette rencontre.

M. Paradis: Est-ce que vous vous les aviez mandatés, le lendemain de votre visite chez le premier ministre, pour participer à des discussions, puis à l'élaboration d'un règlement?

M. Laliberté: Pardon? Excusez-moi, M. le Président.

M. Paradis: Est-ce que le lendemain de votre visite au bureau du premier ministre ou en tout autre temps vous les avez mandatés pour que le 2 février vos avocats participent à des discussions et à l'élaboration du règlement? C'est bien ce qui est cité au texte et c'est cela qui est écrit.

M. Laliberté: Non. On m'indique - c'est une information, je pense, que j'ai le droit de recevoir des gens qui m'accompagnent -que ces gens sont tous des avocats de l'interne chez Geoffrion et Prud'homme. Ces avocats, en-bas ici, sont tous des avocats de chez Geoffrion et Prud'homme. D'accord.

M. Paradis: Oui, oui, mais c'est une facture de chez Geoffrion et Prud'homme que vous avez approuvée et que vous avez payée 80 000 $. Vous êtes un administrateur

compétent, puis vous trouvez dans la liste des choses qu'ils ont faites: "participation aux discussions et à l'élaboration du règlement." Est-ce que vous avez donné le mandat à vos avocats, le lendemain de votre visite chez le premier ministre, de participer à des discussions et à l'élaboration du règlement dans cette affaire?

M. Laliberté: Je n'ai pas donné de mandat à mes procureurs, le 2 février, de participer à l'élaboration et à la négociation d'un règlement.

M. Paradis: Quand vous avez payé le compte, les avez-vous questionnés là-dessus?

M. Laliberté: Quand j'ai payé ce compte...

M. Paradis: Oui.

M. Laliberté: C'était le 20 mars. Je dois reconnaître, M. le Président, que je ne suis pas allé dans le détail du compte que j'ai devant moi.

M. Paradis: M. le Président, je demanderais au président de la SEBJ de référer au document qu'il a consulté pendant la suspension et qui nous vient du bureau du premier ministre. Cette même journée, est-il exact que MM. Rosaire Beaulé et Michel Jasmin, suivant ce document - Rosaire Beaulé, le procureur des syndicats américains et Michel Jasmin, le procureur des syndicats québécois - tous les défendeurs, sont allés au bureau du premier ministre? (17 h 30)

M. Laliberté: Je constate, à la lecture du même document, M. le Président, que c'est le cas.

M. Paradis: Le 2 février, le lendemain de votre propre rencontre au bureau du premier ministre. C'est exact?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Duhaime: J'espère qu'on ne s'obstinera pas là-dessus, franchement.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! La seule chose à laquelle le témoin doit répondre, c'est qu'il constate, comme nous, à la suite du document et des questions qui sont posées, mais - je veux quand même protéger le droit de tous et chacun ici - le témoin n'a pas à dire s'il en a eu connaissance, à ce moment-là. Ce n'est pas la question qui est posée. C'est qu'il constate comme nous avec le document.

M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: La question que j'ai entendue, c'était: Est-ce que c'est exact que le 2 suit le 1er? Franchement! Le 3 suit le 2.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi, s'il vous plaît! Continuez, M. le député. S'il vous plaît! M. le député, continuez.

M. Paradis: Je prends à témoin tous les auditeurs qui ont compris la vraie question. Ils pourront juger le ministre sur son degré de compréhension.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, allez.

M. Paradis: M. le Président, je reprends maintenant avec le président de la Société d'énergie de la Baie-James, M. Laliberté. À la page 209 de son document. Là, le 5 février, ses avocats ont rencontré Mes Michel Jasmin et Rosaire Beaulé. Est-ce qu'il a été tenu au courant de cette rencontre par ses avocats?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, j'aimerais apporter une correction à ce que j'ai dit au sujet du 2 février. On dit ici: le 2 février, une rencontre des procureurs avec Me Michel Jasmin, et, le 5 février, on parle d'une "rencontre avec Mes Michel Jasmin et Rosaire Beaulé." D'après les notes de l'agenda de Me Gadbois, le 2 février, M. Saulnier demande un mémoire de MM. Jasmin et Beaulé concernant les difficultés de recouvrement contre les syndicats, leur situation financière, le problème d'hypothéquer les cotisations syndicales futures, les modifications demandées à la formule de transaction. Ces documents nous sont effectivement parvenus le 5 février et ils sont au conseil du 6 février.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Paradis: Vous dites que la société d'énergie a demandé aux procureurs de la partie adverse, des syndicats que vous poursuiviez, d'envoyer tous ces documents-là?

M. Laliberté: Par nos procureurs.

M. Paradis: Ah! Par vos procureurs. Le 5 février, rencontre avec Mes Michel Jasmin et Rosaire Beaulé. Encore une fois, Michel Jasmin, le procureur des syndicats québécois, Rosaire Beaulé, le procureur des syndicats américains. Vos avocats les rencontrent. Est-ce qu'ils vous ont fait rapport de cette

rencontre?

M. Laliberté: Revoir le document qui est au conseil du 6.

M. Paradis: Est-ce qu'on retrouve ces documents-là dans le cahier?

M. Laliberté: Au conseil du 6, à la page...

M. Paradis: En annexe au procès-verbal de la réunion du 6.

M. Laliberté: C'est cela, oui.

M. Paradis: Très bien, merci.

Le 6 février, là, on retrouve à la quatrième ligne, ce qui suit, dans la facturation de vos avocats: "réception du mandat verbal de Me André Gadbois en vue d'explorer la possibilité d'un règlement". C'est donc à partir du 6 février. Est-ce exact que c'est à partir du 6 février que la Société d'énergie de la Baie-James mandate les procureurs Geoffrion et Prud'homme pour explorer la possibilité d'un règlement? C'est strictement à partir de cette journée-là?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: C'est bien le cas, M. le Président.

M. Paradis: Est-ce qu'il est exact - en vous référant au document que vous avez eu la chance de consulter et qui nous vient du bureau du premier ministre - que le 6 février également, Me Michel Jasmin, le procureur des syndicats québécois, était au bureau du premier ministre?

M. Laliberté: Je constate, M. le Président.

M. Paradis: Le 6 février, vos avocats indiquent également, à la quatrième ligne, qu'ils ont analysé le mandat qu'ils ont reçu, de façon verbale, de Me André Gadbois. Est-ce exact?

Le Président (M. Jolivet): À la page 210.

M. Paradis: Cela se suit. C'est bien fait, ces facturations d'avocats.

M. Laliberté: À la page 210, vous dites, M. le Président.

M. Paradis: À la page 210, le quatrième article au haut de la page, M. Laliberté.

M. Laliberté: C'est bien cela, M. le Président.

M. Paradis: Le 7 février, le lendemain, vos avocats mentionnent - est-ce que c'est exact - une entrevue avec Me Jasmin? Ils mentionnent également la "réception du mandat écrit dans une lettre de Me Gadbois du 7 février" et une rencontre avec Me Michel Jasmin, procureur des syndicats québécois, Me Rosaire Beaulé, procureur des syndicats américains, ainsi qu'avec Me André Gadbois, qui est votre procureur assis à votre droite. C'est exact?

M. Laliberté: C'est bien le cas, M. le député.

M. Paradis: II y a également une "vacation à la SEBJ". Est-ce que la vacation à la SEBJ était dans le but de vous rencontrer ou Me Gadbois, ou qui?

M. Laliberté: De rencontrer Me Gadbois.

M. Paradis: Me Gadbois. Vos procureurs ont donc eu, en date du 6 février, un mandat verbal de Me Gadbois en vue d'explorer la possibilité de règlement. Ils l'ont analysé au cours de la même journée. Le 7 février, ce mandat leur a été confirmé par écrit. On retrouve, le 8 février: "préparation du rapport qui doit être remis à la SEBJ sur l'exécution du mandat qui a été confié (la veille) le 7 février." Est-ce qu'on retrouve ce rapport quelque part?

M. Laliberté: Nous allons vérifier la date exacte de la réception de ce rapport. Le rapport a été reçu le 12 février. Il est au procès-verbal de la réunion du conseil du 20 février.

Le Président (M. Jolivet): Dans le procès-verbal de la réunion du conseil.

M. Paradis: Est-ce que vous constatez qu'il a été préparé le lendemain de la réception du mandat écrit?

M. Laliberté: On ne le sait pas.

M. Paradis: Qu'indique la facturation que vous avez reçue?

M. Laliberté: Préparation du rapport. Je ne le sais pas. On a pu écrire l'introduction.

Le Président (M. Jolivet): Cela va.

M. Paradis: Le lendemain, le 9 février, vos procureurs rencontrent - ils les avaient rencontrés le 8 février aussi - Me Michel Jasmin, procureur des syndicats québécois, et Me Rosaire Beaulé, procureur des syndicats américains. Est-ce qu'ils vous ont fait rapport sur ce qui a été discuté au cours de cette rencontre?

M. Laliberté: Pas spécifiquement, mais le tout est concilié dans le rapport que j'ai reçu, daté du 12 février.

M. Paradis: Ils ne vous ont pas fait de rapport verbal cette journée-là?

M. Laliberté: Je ne m'en souviens pas.

M. Paradis: Si on retourne au document que vous avez eu, qui nous vient du bureau du premier ministre et que vous avez eu l'occasion de consulter à la suspension, est-ce que vous y constatez que, le 9 février, Me Michel Jasmin, procureur des syndicats québécois, était au bureau du premier ministre?

M. Laliberté: Je le constate.

M. Paradis: Est-ce que vous y constatez également que Jean-Paul Cardinal, votre procureur, était également au bureau du premier ministre?

M. Laliberté: Je le constate également.

M. Paradis: Est-ce que vous avez eu un rapport de cette rencontre au bureau du premier ministre?

M. Laliberté: Je n'ai pas reçu de rapport.

M. Paradis: Est-ce que votre procureur avait mandat d'aller au bureau du premier ministre?

M. Laliberté: Nos procureurs avaient mandat d'explorer... Les moyens choisis par nos procureurs devraient être décidés par eux-mêmes.

M. Paradis: On a eu beaucoup de déplacements, entre le palais de justice et le bureau du premier ministre, des avocats des parties syndicales. On a également eu beaucoup de déplacements, de vos avocats, entre le palais de justice et votre bureau, de vos avocats et également le bureau du premier ministre. Avant que le procès commence, avant le 15 janvier, il y avait eu six rencontres au bureau du premier ministre avec toutes les parties impliquées, soit Me Michel Jasmin, procureur des syndicats québécois, Me Rosaire Beaulé, procureur des syndicats américains, ainsi que vous-même, président de la Société d'énergie de la Baie-James. On a constaté cela ensemble.

Le procès débute le 15 janvier. Le seul mandat qu'ont vos avocats, que vous leur avez donné selon votre témoignage, est d'écouter s'il y avait des propositions de règlement. Pendant ce temps-là, on constate également qu'il y a six autres rencontres au bureau du premier ministre entre Me Michel

Jasmin, procureur des syndicats québécois, Me Rosaire Beaulé, procureur des syndicats américains, ainsi que la direction de la Société d'énergie de la Baie-James qui retourne dans le bureau du premier ministre. Est-ce exact? C'est entre le 15 janvier, date du début du procès, et le 2 février, au moment où il y avait seulement un mandat d'écouter.

M. Laliberté: À ce que je peux constater, il n'y a aucune visite des procureurs de la SEBJ.

M. Paradis: J'ai dit de la haute direction.

M. Laliberté: D'accord.

M. Paradis: II y a eu votre réunion du... Vous vous en souvenez?

M. Laliberté: Très bien.

M. Paradis: À ce moment-là, alors que ces rencontres avaient eu lieu, vous nous dites vous-même que vous n'avez pas donné d'autre mandat à vos procureurs que celui d'écouter?

M. Laliberté: C'est le cas, M. le Président.

M. Paradis: De qui, selon votre connaissance personnelle du dossier - c'est peut-être difficile comme question - vos avocats auraient-ils reçu le mandat de rédiger des transactions et des propositions de règlement hors cour?

M. Duhaime: À quel moment?

M. Paradis: Dans la période entre le 15 janvier et le 2 février.

M. Laliberté: J'ai admis tout à l'heure que le 17 janvier, après réception de la première offre de règlement hors cour, j'ai demandé à mes procureurs, dans la logique, si vous voulez, de ce qui s'était enchaîné chez moi, de me préparer un brouillon de règlement hors cour. C'est la seule chose que je leur ai demandée.

M. Paradis: D'accord. C'est la seule distinction que vous faites et vous la prenez sous votre propre responsabilité, à savoir que ce n'était pas à la demande du conseil d'administration de la SEBJ?

M. Laliberté: C'est bien cela, M. le Président.

M. Paradis: Le mandat a été changé. À partir de ce moment, en vous référant au document qui nous vient du bureau du

premier ministre, que vous avez eu l'occasion de consulter amplement, vous pouvez constater qu'il y a eu cinq rencontres au bureau du premier ministre où étaient présents Me Michel Jasmin, procureur des syndicats québécois, ainsi qu'à deux reprises, soit les 9 et 27 février, votre propre procureur dans le bureau du premier ministre. L'aviez-vous mandaté pour aller là?

M. Laliberté: Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure. Les procureurs ont été mandatés verbalement le 6 février et le 7 février, par écrit, par Me Gadbois, d'aller explorer... Donc, à partir de ce moment-là, les moyens choisis par mes procureurs, je n'ai pas à les connaître sur une base journalière.

M. Paradis: Concernant strictement vos procureurs et faisant référence aux visites que ces derniers ont effectuées au bureau du premier ministre les 9 et 27 février, quand avez-vous appris pour la première fois dans votre vie, que vos procureurs s'étaient rendus là?

M. Laliberté: Je ne l'ai appris que tout récemment.

M. Paradis: Vous l'ignoriez complètement?

M. Laliberté: Je l'ignorais complètement.

M. Paradis: Quant aux six visites, pendant le procès, effectuées par Me Michel Jasmin, procureur des syndicats québécois, et par Me Rosaire Beaulé, procureur des syndicats américains, au bureau du premier ministre, quand avez-vous appris cela pour la première fois?

M. Laliberté: J'ai répondu tout à l'heure à cette question de la façon suivante. J'ai dit que j'étais au courant, durant cette période-là, que des réunions avaient eu lieu. Je l'avais appris par l'intermédiaire de Me Gadbois, compte tenu du fait que ces gens se voyaient sur une base journalière.

M. Paradis: Est-ce que ce que vous venez de répondre est exact - je voudrais qu'on le clarifie - à savoir que vous étiez au courant à ce moment-là par l'entremise de vos procureurs?

M. Laliberté: Je ne peux pas indiquer de date exacte, mais c'est certainement dans cette période.

M. Paradis: Cette connaissance du fait que les avocats de la partie adverse fréquentent - les 15, 16, 17, 19 janvier et le 2 février - on pourrait dire quotidiennement le bureau du premier ministre du Québec, alors que vous êtes en procès contre eux en cour, qu'est-ce que cela vous cause comme réaction?

M. Laliberté: Première constatation, ce n'est pas porté à ma connaissance comme cela. Je pense que l'expression qu'on a employée n'est pas juste.

M. Paradis: C'est la vôtre.

M. Laliberté: J'aimerais faire comprendre que les objectifs que je recherchais étaient toujours ceux que nous avions exprimés dès le départ, c'est-à-dire la reconnaissance de la responsabilité, la reconnaissance du quantum des dommages. Donc les moyens, à ce moment, ne me tracassaient pas du tout.

M. Paradis: Mais vous étiez conscient, lorsque vous avez pris les décisions dans ce dossier, comme administrateur de la Société d'énergie de la Baie-James - est-ce que c'est exact? - que les procureurs de la partie adverse se promenaient d'une façon quasi quotidienne dans le bureau du premier ministre du Québec?

M. Laliberté: J'ai dit que j'étais conscient qu'il y avait eu des réunions. De là à déduire que c'était quotidien, je n'étais pas au courant.

M. Paradis: Mais quel sentiment ou quelle réaction cela provoquait-il chez vous comme représentant de la plus importante société d'Etat québécoise - nommé par le Conseil des ministres - de savoir que, de façon au moins régulière, les procureurs de vos adversaires fréquentaient le bureau du premier ministre du Québec, votre patron?

M. Laliberté: M. le Président, je viens de répondre que, compte tenu des objectifs que je recherchais, aussi longtemps qu'ils étaient satisfaits, les moyens pris par les défendeurs m'importaient peu. (17 h 45)

M. Paradis: À ce moment, vous n'aviez pas, comme président de la société, décidé de régler. À ce moment, ces éléments sont portés à votre connaissance que, dans le bureau du premier ministre, les avocats des parties adverses se promènent régulièrement. Est-ce que vous avez pensé que c'était dans le but d'aider votre cause, qui était la défense des intérêts de la société? Les procureurs de la partie adverse, alors que vous étiez en cour à tous les jours!

M. Laliberté: Je répète...

M. Duhaime: II dit qu'il ne le sait pas.

M. Laliberté: ...que les moyens, à ce moment, m'importaient peu.

M. Paradis: Mais là c'étaient les moyens de la partie adverse. Ce n'étaient pas les moyens de vos procureurs, vous êtes d'accord avec cela?

M. Laliberté: Cela s'applique autant pour la partie adverse que pour mes propres procureurs.

M. Paradis: Cela ne vous a pas choqué, cela n'a pas provoqué chez vous une réaction? Vous n'êtes pas intervenu? Est-ce que, lorsque vous avez rencontré vos procureurs, ils vous ont émis des commentaires sur ces rencontres?

M. Laliberté: Je n'en ai pas mémoire.

M. Paradis: Ils ne vous ont fait aucun commentaire?

M. Laliberté: Je n'en ai pas mémoire.

M. Paradis: Vous n'en avez pas discuté avec vos procureurs?

M. Laliberté: Je n'en ai pas discuté avec mes procureurs.

M. Paradis: Très bien. Merci. Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Laplante: Tout ça pour ça.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Laplante: Avocat de fond de cour'.

Le Président (M. Jolivet): S'il n'y a pas d'autres questions je vais remercier monsieur... Excusez. Excusez. À l'ordre! À l'ordre'.

M. Lalonde: J'aurais seulement une question, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. À l'ordre! Ceux qui ne sont pas à la table n'ont pas le droit de parole. S'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'aurais une question à poser à M. Laliberté: Vous savez que vos procureurs seront appelés à venir témoigner dans les semaines qui viennent; êtes-vous prêt à les libérer de leur devoir de confidentialité, dont seul le client peut les libérer, pour qu'ils puissent répondre à nos questions en toute liberté, comme, d'ailleurs, j'ai appris qu'un autre procureur avait demandé à ses clients de le faire?

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, nous allons recommander au conseil de libérer les procureurs.

M. Lalonde: De sorte que, lorsqu'ils seront appelés à venir ici, ils seront en possession de cette libération.

M. Laliberté: Mais je tiens à dire que la décision appartient au conseil d'administration. Il faudrait savoir cependant qu'il n'y a pas de conseil d'administration la semaine prochaine, cela n'ira que le 13.

Le Président (M. Jolivet): II n'y aura pas de problème, je pense. M. le ministre.

M. Laliberté: M. le Président... Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Laliberté: J'aimerais qu'on note que ce compte qui est produit à la page 200 nous est parvenu le 20 février et n'a été approuvé par moi que le 20 mars.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: M. Laliberté, j'aurais quelques courtes questions. Soyez sans inquiétude, je n'en aurai pas pour deux jours. Je voudrais que vous alliez au document que vous avez déposé devant la commission à la page 200, c'est-à-dire à la première page du compte de Geoffrion et Prud'homme. Voulez-vous reprendre connaissance de ce compte, à partir du 15 janvier 1979, jusqu'au 31 janvier inclusivement? Vous prendrez le temps qu'il faut pour prendre connaissance de ces sept pages. Voulez-vous noter avec attention le nombre de fois où apparaît sur ce compte, à chacune des journées, un honoraire ayant trait à des pourparlers de règlement avec les procureurs de la partie adverse? Comprenez-vous ma question? Par exemple, le 15 janvier - c'est pour éviter une répétition que je voulais que vous le fassiez vous-même -pourparlers de règlement et entrevue avec les autorités de la Société d'énergie de la Baie-James, vacation à la cour pour procès. Alors, il n'y a rien cette journée-là. Discussion de l'offre de règlement: Ce que je voudrais que vous identifiiez sur ce compte, c'est si, entre le 15 janvier et le 1er février, il y a eu bien sûr des discussions de règlement avec les procureurs de la partie adverse, il en a été amplement question, je voudrais savoir le nombre de fois et quel jour. Si vous le repassez en revue vous-même, on peut vous donner le temps qu'il faut.

M. Laliberté: Immédiatement, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Oui. M. Duhaime: Oui.

Le Président (M. Jolivet): Je crois comprendre que cela vous prendra un peu plus de temps que ce qu'on peut vous permettre. Je ne sais pas si, compte tenu de cela... Vous voulez le régler immédiatement?

M. Duhaime: Il en a pour deux minutes.

Le Président (M. Jolivet): Je pourrais suspendre quelques instants, si vous voulez.

M. Laliberté: Donc, je veux bien comprendre la question, M. le Président. Il s'agit de discussions d'offre de règlement avec la partie adverse. C'est bien là la question?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Sur ce compte d'honoraires, qui part du 15 janvier et qui s'échelonne jusqu'en février, il y a différentes vacations à la cour, etc. Il y a des références à des honoraires qui sont facturés à la Société d'énergie de la Baie-James et qui ont trait directement à des discussions entre vos procureurs et ceux de la partie adverse, alors même que le procès est commencé. Ce que je voudrais savoir, c'est combien y en a-t-il eu de ces discussions et quels jours entre le 15 janvier et le 31 janvier 1979 inclusivement.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.

M. Laliberté: M. le Président, exclut-on les conversations téléphoniques?

M. Duhaime: Celles qui apparaissent au compte.

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté, est-ce que cela va?

M. Laliberté, est-ce que je peux vous poser une question au sujet des travaux? Est-ce que cela va vous prendre plus de temps, compte tenu du temps qu'il nous reste pour l'heure du souper? Je pourrais proposer qu'on suspende nos travaux jusqu'à 20 heures pour vous permettre de faire ce travail et, à 20 heures, on pourrait revenir avec vous.

M. Lalonde: Si cela vous va, cela nous irait aussi. J'aurais simplement quelques mots en écho à vous suggérer. La décision, en écho de tout ce qu'on vient d'entendre, la décision, ni de près ni de loin, le bureau du premier ministre ne pèse dessus, dixit le premier ministre.

M. Duhaime: Je ne comprends pas, M. le Président, voulez-vous répéter?

M. Lalonde: Le premier ministre a dit, le 20 février 1979, à l'Assemblée nationale: La décision, ni de près ni de loin, le bureau du premier ministre ne pèse dessus. Quand on vient d'entendre le va-et-vient... Il dit aussi: Ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu. Mais il y a eu une consultation. Je vous fais grâce du reste.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Le député de Marguerite-Bourgeoys a développé cette bonne habitude, avant les heures de tombée, de sortir un petit pragraphe qui fait son affaire. Je vais le référer au 20 février 1979, à la page 5740 du journal des Débats, et je vais le lire. "En janvier de cette année - en référence, bien sûr, à 1979 et c'est le premier ministre qui parle - c'est-à-dire il y a quelques semaines, si je suis bien informé, la SEBJ a reçu des offres de règlement de la part de certains des défendeurs et, ce qui est assez normal, de nouveau, elle a voulu savoir le sentiment de celui qui vous parle là-dessus." On est au 20 février 1979 lorsque le premier ministre répond en Chambre. "Mon sentiment a été très clair, la décision appartient forcément à Hydro-Québec et à son conseil d'administration qui coiffe toute l'opération, chantier, énergie, etc., et, bien sûr, à la SEBJ elle-même, qui est là comme partie. "Tout en étant bien clair là-dessus, et le demeurant encore aujourd'hui, mon sentiment - et je leur ai donné comme ils le demandaient..."

M. Lalonde: Très religieusement.

M. Duhaime: "Les modalités, je ne veux pas les connaître, jusqu'au jour où on les connaîtra tous. Ce n'est sûrement pas à mon bureau de commencer à dire que ce sera tant, etc. Ce n'est pas de notre affaire. Mais l'idée, le principe du règlement, oui." Je pourrais continuer, M. le Président.

La déclaration du premier ministre a été faite dans l'après-midi du 20 février 1979, et cela a pu échapper à l'Opposition. Je rappelle au député de Marguerite-Bourgeoys qu'en soirée, il y a eu un minidébat où le premier ministre a eu l'occasion de s'expliquer et ce qu'il a dit le soir est exactement dans le même sens, à peu près avec les mêmes mots, que ce qu'il a dit en répondant aux questions, en cours d'après-midi. Sur le principe du règlement, oui; sur

les modalités à son bureau, non.

M. Lalonde: Oh non! Son bureau n'était pas du tout impliqué!

Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté, compte tenu du temps, je pense que... Vous avez quelque chose à ajouter?

M. Laliberté: Je peux répondre à la question très rapidement: cinq réunions et trois conversations téléphoniques.

M. Duhaime: D'accord, j'ai les dates. Entre le 15 janvier...

M. Laliberté: Entre le 15 et le 31 janvier.

M. Duhaime: Entre les procureurs des deux parties. C'est exact? Donc, pour l'information du député de Brome-Missisquoi, avant la rencontre du 1er février avec le premier ministre et les officiers d'Hydro-Québec ou de la Société d'énergie de la Baie-James. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Messieurs, y a-t-il d'autres questions à poser à M. Laliberté? Cela nous permettrait de le libérer, s'il n'y a pas d'autre personne qui a des questions à lui poser.

M. Paradis: C'est pour ajouter une précision.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Paradis: J'aimerais en discuter avec lui, parce qu'on ne semble pas être d'accord là-dessus, j'en trouve six. Si M. Laliberté veut bien recompter.

M. Laliberté: On pourra confirmer, M. le Président, je pense.

Le Président (M. Jolivet): Donc, je ne peux pas vous libérer et je vais suspendre les travaux jusqu'à 20 heures.

M. Paradis: Écoutez, on vérifiera et on s'entendra. On fera une déclaration en revenant.

Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas, il y a une chose certaine, c'est que nous reprenons nos travaux à 20 heures. Au cas où vous ne seriez pas présent - parce que je pense qu'il ne sera pas nécessaire que vous y soyez - au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre patience, et de la nôtre en même temps. Sachez que la prochaine personne qui devra être ici ce soir, à 20 heures, est M. Hervé Hébert.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise de la séance à 20 h 05)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre! La commission parlementaire élue permanente de l'énergie et des ressources continue ses travaux. Mais, avant de continuer l'ordre du jour qu'on s'était donné avec le témoignage de M. Hervé Hébert, je vais demander au député de Brome-Missisquoi de nous indiquer la question qui restait en suspens avant la suspension des travaux à 18 heures.

M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Pour résumer brièvement la dernière question adressée à M. Laliberté, à qui on demandait combien - c'était le ministre - de rencontres, de pourparlers, de négociations il y avait eu entre le 15 janvier et le 1er février. M. Laliberté, ayant eu très peu de temps avec son entourage pour répondre, a répondu cinq. De mon côté j'avais dit six. Je l'ai rencontré avec son entourage par la suite. Nous sommes demeurés avec notre divergence, à partir d'une donnée qui apparaît dans le compte de Geoffrion et Prud'homme, à la page 202 en date du 19 janvier. Ce qui différenciait notre opinion - pour se replacer il s'agit de la journée où Michel Jasmin, le procureur des syndicats provinciaux, et Rosaire Beaulé, le procureur des syndicats américains, se sont retrouvés au bureau du premier ministre -c'était qu'il était indiqué: négociation d'un règlement, mais sans préciser avec qui. Étant donné qu'il n'est pas indiqué avec qui, il est possible que ce soit entre des avocats du même bureau. Les conseillers de M. Laliberté lui ont conseillé de ne pas le compter et, de mon côté, je l'avais compté. C'est cinq ou six, six ou cinq, selon qu'on parle de politique fédérale ou de politique provinciale.

Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Duhaime: Pour être un peu plus explicite pour les fins du journal des Débats que d'autres reliront un jour et que nous-mêmes aurons à relire, ma question était adressée à M. Laliberté. On va se rejoindre très rapidement, cela prendra 30 secondes. Ce n'est pas entre le 15 janvier et le 1er février mais entre le 15 janvier et le 31 janvier inclusivement.

M. Paradis: Cela ne change rien.

M. Duhaime: Au compte produit par Geoffrion et Prud'homme, les procureurs de la Société d'énergie de la Baie-James, en répondant à ma question à savoir: Combien de vacations pour fins de pourparlers sur un règlement avec les procureurs des parties adverses, c'est-à-dire les syndicats, y a-t-il eu? il m'a répondu: cinq, peut-être six. On

va convenir là-dessus. Mais ce sont des discussions entre les procureurs de la Société d'énergie de la Baie-James et les procureurs des syndicats, alors que le procès était commencé depuis le 15 janvier jusqu'au 31 janvier inclusivement. On s'entend là-dessus?

M. Paradis: Ce qui m'a peut-être inspiré également c'était le fait qu'il y avait eu cinq ou six rencontres; c'était le même nombre de rencontres qu'il y avait eu dans le bureau du premier ministre, six. C'est peut-être cela qui m'avait induit...

M. Duhaime: J'espère que vous vous en souviendrez pour le restant de vos jours.

Le Président (M. Jolivet): Je demanderais donc maintenant au greffier d'aller faire prêter serment à M. Hervé Hébert. M. le député de Rousseau, en attendant.

M. Blouin: M. le Président, au sujet de cette procédure d'assermentation, dorénavant, est-ce que ce sera une attitude régulière et que vous n'aurez pas à demander à chaque fois aux gens qui le veulent, aux députés qui le désirent, si, vraiment ils ont l'intention de faire prêter serment à ces gens? Compte tenu de l'écho que reçoit notre commission parlementaire, je crois que cela laisse une impression de non-confiance à l'égard des témoins qui viennent devant cette commission. Je crois aussi que si des députés ont l'intention de manifester une certaine non-confiance ou, en tout cas, de laisser l'impression qu'il en est ainsi, ils devraient, pour chacun des témoins, exiger qu'ils prêtent serment. Cependant, je ne crois pas qu'on devrait le faire systématiquement par déférence pour nos invités.

Le Président (M. Jolivet): Oui mais, M. le député de Rousseau, la seule chose que je crois comprendre au départ est qu'on avait demandé que tous les témoins soient assermentés. C'est ce qu'on m'a demandé et c'est pourquoi j'ai appliqué cette procédure depuis le début.

M. Blouin: Qui a demandé cela?

Le Président (M. Jolivet): Vous avez cela dans le procès-verbal. Ce sont les gens, à ma gauche, qui me l'ont demandé et je n'ai qu'à appliquer ce que la Loi de l'Assemblée nationale nous indique.

M. Blouin: Est-ce que je peux demander à nos collègues de l'Opposition s'ils ont toujours l'intention de requérir le serment pour chacun des témoins?

Le Président (M. Jolivet): Vous avez toujours le pouvoir de le demander. C'est à eux de me répondre s'ils veulent agir ainsi. Mais ce que j'ai compris depuis le début...

M. Blouin: Est-ce que vous avez vraiment l'intention de poursuivre cela?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Rousseau, j'essaie simplement de vous dire qu'il s'agit d'appliquer la demande formulée au début. Si le député de Marguerite-Bourgeoys, qui m'avait fait cette demande, dit qu'il veut agir autrement, je n'ai aucune objection. Je dis simplement qu'au début de la commission il m'a indiqué que tous les témoins devraient être assermentés. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je suis convaincu que le député de Rousseau ne suggère pas de faire preuve de discrimination d'un témoin à l'autre. Si on demande d'assermenter un témoin et non le prochain, c'est dire qu'on fait confiance à un et non à l'autre. Je lui ferai remarquer que, devant tous les tribunaux, toutes les commissions d'enquête, tous les témoins, sans discrimination, sont assermentés et que la loi sur l'Assemblée nationale, pour laquelle il a sûrement voté en décembre dernier, à l'article 52, donne ce privilège aux membres d'une commission parlementaire de le demander. Nous l'avons demandé et nous ne retirerons pas notre demande.

M. Blouin: Monsieur...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: ...le leader de l'Opposition, il s'agit d'un privilège comme vous le dites bien et l'esprit de la législation était d'appliquer cette procédure par exception et non pas, je crois, de la rendre comme une règle applicable à tous.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je pense que je vais clore le débat sur la question. Je vais prendre la décision. Puisque la loi est claire, je la relis: "Le président ou tout membre de l'assemblée, d'une commission ou d'une sous-commission, peut demander à une personne qui comparaît devant elle de prêter le serment ou de faire la déclaration solennelle prévue en annexe II". C'est ce qui a été fait jusqu'à maintenant et comme la demande m'a été adressée pour que tous les témoins soient assermentés, je l'exécute. M. le greffier, vous pouvez procéder.

M. Hervé Hébert

Le greffier (M. Jean Bédard): M.

Hébert, pourriez-vous mettre la main sur

l'Évangile et répéter après moi: Je, vos nom et prénom, déclare solennellement que je dirai toute la vérité, rien que la vérité.

M. Hébert (Hervé): Hervé Hébert, je déclare solennellement que je dirai toute la vérité, rien que la vérité.

M. Bédard: Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Hébert, est-ce que vous avez une déclaration préliminaire à faire?

M. Hébert: M. le Président, je n'ai pas, en soi, préparé de déclaration. Cependant, il y a une lettre de ma part qui a été déposée à l'Assemblée nationale et, si vous étiez d'accord, j'aimerais qu'on la lise au complet avant d'être interrogé.

M. Duhaime: Consentement.

Le Président (M. Jolivet): Consentement. Allez.

M. Hébert: II y a des copies.

Le Président (M. Jolivet): Vous me demandez à moi de la lire?

M. Hébert: Non, je vais la lire.

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. Hébert.

M. Hébert: La lettre est datée du 18 mars 1983 et elle est adressée à M. René Lévesque, premier ministre. "M. le premier ministre, Avec tout ce qui se vit présentement, j'aimerais vous faire part de ma version des faits, comme administrateur de la SEBJ et d'Hydro-Québec, lors des décisions prises à l'hiver 1979. "Disons, pour commencer, qu'un conseil d'administration n'est pas un gouvernement ni une cour de justice. Le rôle d'un conseil c'est d'administrer dans le meilleur intérêt de l'entreprise dont il a la responsabilité. Dans le contexte des événements de LG 2, cela signifie qu'il ne devrait pas se préoccuper de l'aspect criminel ou punitif, les cours s'en chargeront. Il doit donc s'en tenir à l'aspect "dommages", "pertes", etc. qui relèvent du civil. "Pour ma part, j'étais favorable à un règlement hors cour pour les raisons suivantes: Premièrement, il n'était pas sûr que nous puissions gagner le procès, la relation entre les actes commis par quelques personnes et la responsabilité du syndicat était loin d'être évidente. Le cas échéant, il aurait sans doute fallu remonter à la maison-mère américaine, ce qui aurait signifié un deuxième procès aux États-Unis. "Deuxièmement, en supposant que nous aurions gagné le procès, à terme, les employés syndiqués de la SEBJ auraient été cotisés pour rembourser le montant des dommages commis par quelques personnes, sans leur accord, ce qui aurait provoqué un sentiment de frustration compréhensible. (20 h 15) "Troisièmement, si le montant des dommages pouvait être établi, il était beaucoup plus difficile de déterminer la perte réelle de la SEBJ, puisqu'à l'occasion de ces événements, des méthodes de travail ont été révisées substantiellement, avec le résultat que LG 2 pouvait être réalisé à l'intérieur des budgets prévus et aussi à l'intérieur de l'échéancier prévu: et ce, en bonne partie à cause de la collaboration évidente des syndicats et de leurs dirigeants. "Quatrièmement, l'année 1979 était l'une des plus déterminantes dans le cheminement des travaux: si les employés syndiqués s'étaient trouvés en face d'un jugement qu'ils auraient évidemment trouvé injuste, ils auraient pu diminuer leur zèle et leur ardeur au travail, ce qui aurait pu se traduire par des délais et des coûts bien au-delà de toute somme que nous pouvions espérer d'un jugement. "C'est sur cette base, et cette base uniquement, que je me suis fait une opinion comme administrateur de la SEBJ. C'était une décision d'affaires et non une question de punir des coupables. En aucun moment, n'ai-je subi des pressions de qui que ce soit. Même au conseil, nous n'avons jamais eu de directives. Qu'il y ait eu rencontre des dirigeants avec le premier ministre et d'autres n'a jamais été perçu par moi comme une quête de directives, mais plutôt comme un échange sur la perception du problème et les options possibles. Le conseil demeurait libre de ses décisions. "Voilà donc ma perception de ce qui s'est passé au meilleur de mes souvenirs et sur quoi je suis prêt à témoigner si jamais on m'invite à le faire. Je vous prie d'agréer, M. le premier ministre..."

M. le Président, c'est donc la lettre du 18 mars 1983 que j'avais envoyée au premier ministre, personnelle et confidentielle. J'aimerais mentionner que, au moment où j'ai dicté cette lettre, je ne me doutais pas qu'elle deviendrait aussi connue et aussi célèbre. C'est sûr que si je l'avais deviné, pour commencer, je n'aurais pas utilisé du papier de la fiducie et, ensuite, j'aurais sans doute consulté des avocats ou des notaires, et surtout des linguistes. Maintenant que j'ai lu ma lettre, est-ce que je peux m'en aller?

Le Président (M. Jolivet): Malheureusement pas.

M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, quelqu'un d'autre avant vous a dit, il n'y a pas lieu

d'en douter, que vous étiez membre du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James depuis l'automne 1978, je crois que c'est octobre, est-ce exact?

M. Hébert: Le 1er octobre, oui.

M. Duhaime: Est-ce la première fois que vous faites partie d'un conseil d'administration?

M. Hébert: Non. En fait... Pardon?

Le Président (M. Jolivet): M. Hébert, un instant, j'aimerais rappeler qu'on avait dit au début de la commission qu'il ne fallait pas déranger en aucune façon les témoins. Donc, j'aimerais bien que vous puissiez répondre en toute tranquillité.

M. Hébert.

M. Hébert: Non. Je siège depuis au-delà de 20 ans à des conseils d'administration. J'en ai couvert une trentaine, de mémoire, à peu près. Dans le moment, j'en ai dix de front, y compris Hydro-Québec et la Baie-James, c'est sûr, l'Université de Montréal, enfin, des choses comme cela.

M. Duhaime: Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails, pour autant que cela n'entre pas en conflit avec vos affaires privées ou de caractère de confidentialité que je pourrais ignorer, mais à quels conseils d'administration appartenez-vous actuellement?

M. Hébert: Bon! je vais commencer par celui de la Fiducie du Québec dont je suis le président; je suis membre du conseil d'administration de la Confédération des caisses populaires, qui est le chapeau du mouvement Desjardins; je suis à la Société d'investissement Desjardins, au Crédit industriel Desjardins, à la Caisse centrale Desjardins - je pense que cela couvre le monde Desjardins - ensuite, je suis administrateur et chancelier de l'Université de Montréal; je suis de Sodarcan et de la Nationale compagnie de réassurance, j'en oublie...

M. Duhaime: M. Hébert...

M. Hébert: Hydro-Québec et la Baie-James, cela fait dix.

M. Duhaime: Voulez-vous nous dire pourquoi vous avez écrit une lettre au premier ministre du Québec qui porte la date du 18 mars 1983?

M. Hébert: M. le Président, je pense que c'était pour moi une question de justice.

Une voix: Une question de quoi?

M. Hébert: Je trouvais injuste qu'on accuse le premier ministre d'être intervenu auprès du conseil dans cette affaire, quand, à ma connaissance - je suis là et je parle à beaucoup de gens - ce n'était pas arrivé. Je trouvais aussi injuste qu'on laisse planer la possibilité ou le doute que le conseil d'administration de la Baie-James se soit laissé imposer des directives quand je savais que ce n'était pas vrai; en tout cas, vu par moi. Je pense bien que, finalement, je trouvais injuste d'apprendre cela dans les journaux, bien confortablement assis dans ma chaise, et de ne rien faire. Je me suis dit: Je vais faire quelque chose, mais quoi? Alors, j'ai écrit au premier ministre. J'aurais peut-être pu convoquer une conférence de presse, mais ce n'est pas mon style.

M. Duhaime: M. Hébert, dans votre lettre, à la première page, vous dites: "Pour ma part, j'étais favorable à un règlement hors cour pour les raisons suivantes..." Là, vous énumérez les raisons. Je ne voudrais pas revenir là-dessus. Vous dites quelque part, au point quatre de vos motifs: "L'année 1979 était l'une des plus déterminantes dans le cheminement des travaux..." Je voudrais vous entendre davantage là-dessus. Pourquoi l'année 1979 était-elle déterminante, à votre point de vue?

M. Hébert: L'année 1979 était la plus grosse année qu'on prévoyait pour un bout de temps en nombre d'employés à LG 2. Si je me rappelle bien, dans les chantiers, en 1979, nous devions avoir 18 000 employés ou à peu près. Donc, il était important que le climat soit bon, aussi bon qu'il l'a été d'ailleurs, et que les travaux se fassent dans les plus brefs délais. C'est à cela que je me référais.

M. Duhaime: Maintenant, vous parlez des méthodes de travail - j'aurais peut-être dû commencer par là - au point trois, à la page 2 de votre lettre. Je lis: "Si le montant des dommages pouvait être établi, il était beaucoup plus difficile de déterminer la perte réelle de la SEBJ, puisque, à l'occasion de ces événements, des méthodes de travail ont été révisées substantiellement avec le résultat que LG 2 pouvait être réalisé à l'intérieur des budgets..." En quoi est-ce que cela vous a frappé que des méthodes de travail aient été révisées? Qu'est-ce qui vous fait dire que cela a été si substantiel?

M. Hébert: Je veux être sûr de comprendre la question, M. le Président.

M. Duhaime: Vous dites que des méthodes de travail ont été révisées substantiellement.

M. Hébert: Oui.

M. Duhaime: C'est au sous-paragraphe 3 de la page 2 de votre lettre. "Avec le résultat que LG 2 pouvait être réalisé à l'intérieur des budgets prévus et aussi à l'intérieur de l'échéancier prévu." En quoi, substantiellement, les méthodes de travail avaient-elles été révisées? Ce n'est pas nécessairement pour 1979, cela peut aussi être avant.

M. Hébert: La compréhension que j'ai eue de cela dans le temps - on parle quand même d'environ quatre ans - c'est que, à la suite du saccage, les gens se sont mis ensemble pour dire: On va essayer de réparer cela au plus vite et de rattraper ce qu'il faut rattraper au plus vite, parce qu'il y avait quand même des délais à respecter. La compréhension que j'ai eue, comme membre du conseil, c'est que... Évidemment, je soupçonne que les gens qui avaient fait les travaux, une fois ou en partie, avaient déjà pris une expérience. Là, en se reprenant et en prenant les manières pour aller plus vite, ils sont probablement devenus plus efficaces. Ce que j'ai compris au conseil d'administration, c'est que, finalement, au bout du compte - et probablement à cause de la bonne collaboration, dont je parlais tantôt, des syndiqués, des non-syndiqués et des patrons - cela a eu comme résultat que LG 2 a coûté moins cher, même en incluant les dommages, que ce qui était prévu. En plus de cela, il a été livré en dedans des délais.

J'invoque cela comme argument parce que, dans mon raisonnement, je me disais qu'un juge qui aura un jour à juger cela demandera aux gens de la Baie-James: Quelle a été votre perte réelle? Il y a la perte matérielle dont M. Laliberté a parlé, 1 300 000 $. Cela a été couvert par les assurances. Il y aurait eu d'autres pertes, probablement, comme la démobilisation, la remobilisation; on peut cerner cela. Mais, après cela, cela devient de plus en plus difficile de dire: On a effectivement perdu 25 000 000 $. Un adversaire pourrait démontrer que non. En pratique, cela a coûté moins cher que prévu. Vu par moi, comme un simple administrateur, je me disais que ça allait être difficile à expliquer pour convaincre le juge qu'on a effectivement perdu 31 000 000 $. Cela, c'est ma façon de penser, entre autres, dans le dossier.

M. Duhaime: Si je comprends bien, c'est l'un des points importants dans votre propre décision, comme administrateur de la Société d'énergie de la Baie-James, qu'un changement substantiel dans les méthodes de travail, après révision, bien sûr, avait fait en sorte que vous étiez non seulement à l'intérieur du calendrier, comme vous le dites, mais que cela vous coûtait moins cher que ce qui avait été prévu. Corrigez-moi si je fais erreur, vous en êtes donc venu à la conclusion qu'il était difficile d'établir une preuve de dommage quelconque?

M. Hébert: Pour une partie de la réclamation, en tout cas.

M. Duhaime: Pour une partie de la réclamation?

M. Hébert: Oui.

M. Duhaime: Maintenant, au premier paragraphe de votre lettre - je le garde pour la fin, j'ai terminé dans deux secondes -vous dites: "Premièrement, il n'était pas sûr que nous puissions gagner le procès: la relation entre les actes..." Je ne veux pas relire ce que vous avez lu vous-même tout à l'heure, mais je voudrais que vous soyez un peu plus explicite là-dessus, au meilleur de votre souvenir. Je comprends que cela fait quand même quelques années et que ce n'est pas le seul conseil d'administration auquel vous avez l'honneur de siéger. Enfin, je voudrais avoir un peu plus de détails, si c'est possible.

M. Hébert: Bon, j'aimerais peut-être commencer par ceci. Nous sommes arrivés -tous, à l'exception de M. Boyd - au conseil d'administration de la SEBJ en même temps, le 1er octobre. Pour ma part, la connaissance que j'avais du dossier du saccage se résumait à ce que j'avais lu dans les journaux, comme tout le monde. Initialement, avant la première journée où on en a parlé, je me disais: "Une poursuite comme celle-là ne se rendra pas jusqu'au bout. Si cela se rend au bout, il y a des risques qu'ils ne gagnent pas. S'ils gagnent, il y a des risques que les syndicats ne paient pas". Cela, c'est Hervé Hébert, citoyen du Québec, qui avait cette réaction.

Au conseil d'administration, on s'est mis, au mois de novembre ou je ne sais trop quand, à déposer des opinions légales. Evidemment, on lit attentivement les documents déposés et on essaie de se faire une opinion. J'ai été surpris - c'est là que j'ai eu la preuve, moi, que je ne suis pas avocat - de voir qu'au contraire les avocats disaient que la cause était bonne. Ma réaction a été de dire: "Bravo! On verra et tant mieux si cela arrive". Mais je n'ai jamais, à aucun moment, pensé qu'on irait chercher 31 000 000 $ dans cette affaire.

À mesure que les événements se sont déroulés, entre le mois de novembre et le moment où la décision s'est prise, autour du 6 mars, les documents qu'on avait - pas seulement les documents qu'on avait lorsqu'on a eu l'occasion de recevoir les avocats et de parler avec eux... C'est

malheureux que ce ne soit pas inscrit au procès-verbal, les questions et les réponses des avocats quand ils venaient au conseil. C'est malheureux parce que cela nous aidait à nous former une opinion. Dans ma tête, d'une part, je me disais que c'était de moins en moins bon et, d'autre part, que les dommages étaient de moins en moins élevés. Le risque, en faisant l'hypothèse qu'on gagnerait, je réalisais de plus en plus l'importance que cela pourrait avoir sur les travaux de l'été 1979. Donc, c'est tout ça qui m'a amené à suivre ce cheminement.

M. Duhaime: M. Hébert, je voudrais vous demander si vous avez été informé à un moment quelconque que M. Laliberté - vous avez entendu son témoignage depuis 2 jours -avait rencontré M. Jean-Roch Boivin, le chef de cabinet du premier ministre, le 3 janvier 1979?

M. Hébert: Vous parlez de M. Laliberté seul?

M. Duhaime: Oui, oui.

M. Hébert: Non, cela, je l'ai appris ici.

M. Duhaime: Avant que vous ayez à prendre les décisions que vous avez prises au conseil d'administration de la SEBJ, en votre qualité d'administrateur, avez-vous été informé, à un moment ou à un autre, du souhait du premier ministre du Québec d'en arriver à un règlement hors cour?

M. Paradis: Voeu pieux!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Hébert: Oui. Je pense que M. Saulnier a fait rapport de sa rencontre avec M. Boyd, M. Laliberté et le premier ministre le lendemain de cette rencontre, si je me rappelle bien. Cela venait d'arriver. De mémoire, il a dit au conseil: Écoutez, nous avons rencontré le premier ministre - les paroles exactes étaient à peu près ceci - lui désire qu'il y ait règlement. Bon, bravo. (20 h 30)

M. Duhaime: Est-ce que cela vous a influencé?

M. Hébert: Non pas du tout.

M. Duhaime: Est-ce que cela confirmait ou infirmait votre propre opinion dans le dossier?

M. Hébert: Non. Je vais vous dire mon opinion personnelle c'est qu'il fallait arriver un jour à un règlement. Comme je vous le disais tantôt - probablement sans l'avoir calculé - dans mon raisonnement sur le dossier, je me disais que, si on pouvait aller chercher quelques millions là-dedans, ce serait extraordinaire. C'était un peu mon "feeling". D'apprendre que le premier ministre serait heureux d'un règlement, je me disais: Tant mieux, il pense un peu comme nous. Il n'a pas été question du montant d'argent. Il a simplement dit qu'il serait heureux d'un règlement. Je me suis dit: Tant mieux, on pense pareil lui et moi. C'est une bonne affaire quand un premier ministre pense comme nous. Simplement dans ce sens-là j'étais heureux.

Par la suite le temps a fait que le montant a baissé pas mal. On pourra en reparler tantôt, si vous voulez.

M. Duhaime: M. Hébert, vous avez l'habitude des conseils d'administration, j'imagine bien, depuis une trentaine d'années que vous êtes dans les affaires. Est-ce qu'en aucun moment vous avez reçu, subi ou senti une pression quelconque du chef du gouvernement, c'est-à-dire de M. Lévesque, d'aller dans une direction ou dans une autre sur le jugement que vous aviez à porter comme membre du conseil d'administration à la Société d'énergie de la Baie-James?

M. Hébert: Non, en aucun moment. C'est d'ailleurs ce que je dis dans la lettre. En aucun moment, je n'ai senti de pression, même pas une directive. Quant à moi, non.

M. Duhaime: De la part de M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre?

M. Hébert: Non, jamais.

M. Duhaime: Et de la part de Me Yves Gauthier, attaché politique au cabinet du premier ministre?

M. Hébert: Non. D'ailleurs, je n'ai jamais rencontré ces personnes. Je ne les connais pas.

M. Duhaime: Une dernière question, M. Hébert. Vous êtes actuellement président de la Fiducie du Québec, qui est une des nombreuses filiales du groupe Desjardins. Quel est le chiffre d'affaires dont vous êtes responsable actuellement comme président de ce conseil?

M. Hébert: À la Fiducie du Québec nous...

M. Duhaime: Profitez-en, c'est un petit commercial.

M. Hébert: Oui, c'est merveilleux pour moi, je l'espérais d'ailleurs. À la Fiducie du Québec nous avons présentement 760 000 000 $ d'actifs. Nous gérons à côté

de cela environ 450 000 000 $, c'est-à-dire que sous notre contrôle nous avons environ 1 200 000 000 $. Nous avons dans nos voûtes, sous administration, sous une forme ou sous une autre, environ 6 000 000 000 $.

M. Duhaime: Combien?

M. Hébert: 6 000 000 000 $.

M. Duhaime: 6 000 000 000 $.

M. Hébert: Oui.

M. Bourbeau: Deux fois le déficit du Québec.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Duhaime: Je n'aurai pas d'autres questions pour le moment.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Juste avant de donner la parole à M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Cela allait très bien, je pense que cela continuera à bien aller. Je demanderais qu'aucune intervention ne vienne de la salle de quelque côté que ce soit, sauf des gens qui sont présents à la table, ici. Je tiens à leur faire remarquer qu'à l'Assemblée nationale nous sommes dans une assemblée délibérante et ceux qui délibèrent n'ont pas à recevoir d'applaudissements, de manifestion positive ou négative de quelque part que ce soit du reste de l'assemblée.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. Hébert, je vous trouve un petit peu audacieux d'avoir mentionné le chiffre de 6 000 000 000 $. Cela représente deux ans de déficit du gouvernement. Il va aller vous les chercher! Je connais votre compétence d'administrateur. Je suis sûr que vous allez les conserver très bien. Je sais qu'en plus de cela - le ministre vous a fait décliner vos occupations - vous avez une formation d'actuaire. Est-ce que vous êtes encore actuaire-conseil ou si vous l'avez été?

M. Hébert: Non, je ne suis plus actuaire-conseil. J'ai vendu toutes mes actions dans mon ancien bureau, Hébert et Le Houillier.

M. Lalonde: Je pensais que cette question était nécessaire pour faire le tour du profil. J'aurais seulement deux questions.

M. Duhaime: On peut prendre deux jours, si vous voulez.

M. Lalonde: La réunion du 1er février, avec M. Boyd, M. Saulnier, M. Laliberté et le premier ministre, semble-t-il, aurait été suggérée par le conseil d'administration ou à l'occasion d'une réunion du conseil d'administration?

M. Hébert: C'est exact.

M. Lalonde: Vous vous souvenez de cela, oui?

M. Hébert: Oui.

M. Lalonde: J'imagine que la suggestion a été faite par quelqu'un en particulier. Vous souvenez-vous qui l'a faite?

M. Hébert: Je ne pourrais pas me souvenir qui l'a faite. Mais, pour ma part, j'étais favorable à cela, oui.

M. Lalonde: De retour de cette réunion - ce n'est pas le lendemain - je pense que c'était à la réunion du 5 ou du 6 février que M. Saulnier a fait rapport. En quels termes a-t-il fait rapport au conseil du voeu pieux? Depuis qu'on sait maintenant quels termes ont été employés par le premier ministre, ce n'est plus un souhait, c'est un voeu pieux...

Une voix: Très pieux.

M. Lalonde: ...très pieux. En quels termes a-t-il fait rapport de ce désir du premier ministre?

M. Hébert: Évidemment, selon ma compréhension, c'est ce que j'ai dit tantôt à savoir qu'il avait rencontré le premier ministre avec tel et tel et que le premier ministre souhaitait ou je ne sais quoi, mais en termes exacts, nous les avons au procès-verbal et, si vous voulez, on peut le lire.

M. Lalonde: Très bien. D'ailleurs, je pense qu'il a été produit dans les documents. Est-ce que je pourrais savoir qui s'opposait au règlement? On a demandé à M. Laliberté, ce matin ou cet après-midi, qui avait voté contre le règlement. Dans votre souvenir, est-ce que... Je pourrais peut-être demander au secrétaire de la société, qui a peut-être cela dans ses notes: qui avait voté contre le règlement? Je pense que le vote formel a été pris le 6 mars?

M. Hébert: Oui.

M. Lalonde: À votre souvenance... le vote formel sur le règlement a été pris à la réunion du 6 mars?

M. Hébert: Oui.

M. Lalonde: II y en avait 6 pour, 3 contre et 1 abstention. Vous en souvenez-vous? Ce n'est pas très important, mais juste

au cas où vous vous en souviendriez.

M. Hébert: J'ai vu la question posée ici. J'ai essayé de me creuser les méninges pour savoir si je me le rappelle. D'abord, je me rappelle comment j'avais voté.

M. Lalonde: Vous étiez favorable?

M. Hébert: Non, j'ai voté contre.

M. Lalonde: Pardon?

M. Hébert: J'ai voté contre.

M. Lalonde: Contre le règlement?

M. Hébert: Oui. J'ai voté contre. Je me rappelais que Mme Nicolle Forget avait voté contre. Elle l'a confirmé puisqu'elle l'a déclaré elle-même. Elle m'en a encore parlé ce matin. Mais quant aux autres, vraiment je n'ai aucune souvenance. J'ai beau essayer, je ne suis pas capable. Ce serait tout simplement...

M. Lalonde: Excusez-moi, M. Hébert... Une voix: La question n'est pas claire.

M. Lalonde: J'ai cru comprendre de votre lettre et de vos propos ce soir que vous étiez favorable à "un" règlement, depuis le début d'ailleurs. En fait, qui n'est pas favorable à un règlement? Il s'agit du montant à payer et des conditions. Vous venez de me dire que vous avez voté contre le règlement?

M. Hébert: Oui, mais comme je le dis dans ma lettre, j'étais favorable à un règlement. Je n'ai pas dit de "ce" règlement.

M. Lalonde: Alors, vous avez voté contre "ce" règlement?

M. Hébert: Oui, j'ai voté contre "ce" règlement.

M. Lalonde: Est-ce qu'on peut vous demander pour quelles raisons? Est-ce que le montant était...?

M. Hébert: Oui... Comme je vous disais tantôt, d'après mon appréciation, on aurait dû aller chercher peut-être une couple de millions de dollars. À mesure que le temps passait, il y avait toujours autre chose. J'avais l'impression que la cause était de moins en moins bonne, etc. J'acceptais mentalement de diminuer mon prix. Au procès-verbal d'une réunion du conseil, on a dit qu'il fallait au moins couvrir les honoraires des avocats. De mémoire, c'était 450 000 $ environ. La compréhension que j'ai eue de cela était qu'on envoyait négocier nos gens qui demanderaient 1 000 000 $ ou peut-être régleraient pour 750 000 $ ou quelque chose comme cela, mais sûrement pas moins de 450 000 $.

L'assemblée suivante, je l'ai manquée. Quand je suis arrivé à l'assemblée du 6 mars, on nous a déposé le projet de règlement. Je me rappelle très bien avoir dit là-dessus que j'étais extrêmement déçu qu'on n'ait même pas été capable de couvrir nos honoraires, nos frais juridiques. Quand on a pris le vote, à cause de cela et aussi pour d'autres raisons, j'ai décidé de voter contre.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez entendu... et nous nous excusons auprès de vous et à l'égard des autres témoins de la longueur de nos délibérations depuis deux jours. On sait quand un interrogatoire commence mais on ne sait pas quand il finit.

M. Hébert: C'est exact.

M. Lalonde: C'est un peu comme un procès.

Est-ce que vous étiez au courant, pendant cette période, de ce que vous avez appris ici, en particulier de la démonstration que le député de Brome-Missisquoi a faite cet après-midi, de l'espèce de va-et-vient entre le palais de justice et le bureau du premier ministre où les avocats, et vos avocats en particulier, se retrouvaient au bureau du premier ministre? Est-ce que vous étiez au courant de ces choses?

M. Hébert: Non, cela n'a jamais été mentionné au conseil, que je sache.

M. Lalonde: Je vous remercie beaucoup, c'est tout.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres questions? M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Oui. J'avais l'impression, cet après-midi, que M. Laliberté avait dit qu'il s'était confié à quelques membres du conseil d'administration à la suite de sa rencontre avec M. Boivin. J'avais eu l'impression que vous étiez un de ceux à qui il s'était confié. Tout à l'heure vous avez dit qu'il ne vous en avait pas parlé après le 3 janvier.

M. Hébert: M. le Président, ce que j'ai compris et qui m'a fait de la peine d'ailleurs cet après-midi, c'est quand M. Laliberté a nommé ses amis. Cela m'a fait de la peine de découvrir que je n'étais pas son ami mais c'était à ce moment-là heureusement. On venait juste de se connaître. Mais dans la liste des personnes que M. Laliberté a nommées, je n'étais pas là et, effectivement, il ne m'en a pas parlé.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. Hébert, tout à l'heure quand vous nous avez dit que vous avez décidé de voter contre ce projet de règlement, vous avez dit essentiellement que c'était parce que vous considériez que les sommes d'argent proposées n'étaient pas suffisantes, à votre point de vue, et aussi vous avez dit: "Pour d'autres raisons." Est-ce qu'il serait possible de vous demander quelles étaient ces autres raisons?

Le Président (M. Jolivet): M. Hébert. M. Hébert: On m'ouvre toute une porte. Une voix: Prenez-la mon cher monsieur.

Le Président (M. Jolivet): Vous avez le droit, le devoir de répondre.

M. Bourbeau: Écoutez, je suis le député de Laporte. Alors vous pouvez y aller. Ah! Ah!

Une voix: Vous n'y aviez pas pensé à celle-là. Une porte de plus.

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. Hébert.

Une voix: Très, très bien.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le ministre, pour qu'on puisse entendre M. Hébert.

M. Hébert: Je vais vous dire une chose: On en a parlé tantôt, cela fait longtemps que je siège à des conseils d'administration et j'en ai vu plusieurs. Il y a toujours eu une chose à laquelle j'ai tenu énormément, cela a été la discrétion par rapport aux délibérations d'un conseil d'administration. On ne doit jamais parler quand on sort d'un conseil d'administration, jamais, ni sur les délibérations ni sur le vote.

Dans ce dossier-ci, nous étions devant ce que j'appellerais une énormité. C'était gros comme décision. On partait d'un procès intenté de 31 000 000 $ et on réglait à 200 000 $ et je ne me suis pas trompé en pensant que c'était gros parce qu'on en parle encore quatre ans et demi après.

À l'assemblée du 6 mars - comme je vous l'ai dit, j'avais manqué une assemblée -j'ai assisté aux délibérations et ma réaction était que cette affaire-là passait, quelle que soit la couleur de mon vote, cela passait. Je pouvais me tromper mais, c'était mon "feeling".

Dans les autres raisons sur lesquelles vous me questionnez, c'est justement celle-là. Je me suis dit que si, par malheur, cette affaire passait à l'unanimité ou même à l'unanimité moins un ou deux, à ce moment tout le monde des administrateurs pourrait dire: Tu as voté pour. Pourquoi? Et c'est mauvais dans le sens suivant - j'ai déploré par la suite que ce ne soit pas arrivé: On a eu l'occasion de faire un cheminement là-dedans. On a eu des dossiers, des opinions d'experts; on a cheminé à partir du début jusqu'au règlement, c'est évident. Vous voyez d'ailleurs l'épaisseur de ce dossier et il y en a probablement eu d'autres.

Mais M. Tout-le-Monde n'a pas fait ce cheminement et, quant à moi, je pense qu'on aurait dû prendre des moyens pour expliquer au peuple du Québec pourquoi ce qui avait l'air si gros, dans le fond, était une excellente décision et je le maintiens encore aujourd'hui. C'est pour cela que j'ai voté contre. (20 h 45)

Remarquez bien - il y a une logique pour un administrateur des fois aussi. Remarquez bien une chose: Vu par moi, en votant contre, je courais un risque qui était de battre par mon vote la résolution; cela aurait pu arriver. Mais vu par moi, ce n'était pas un gros risque parce que je ne trouvais pas le règlement assez élevé et je me disais: si cela arrive, on va renvoyer nos gars négocier pour une couple de semaines et on se reprendra. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Il y a une chose que j'aimerais ajouter maintenant que j'ai la parole, M. le Président, peut-être que je serais non conforme au règlement si j'étais à votre place, mais je suis un pauvre témoin. Vous savez, j'ai quand même une inquiétude. Je ne peux pas m'empêcher de m'interroger sur la réaction des autres administrateurs d'autres sociétés d'État qui voient ces délibérations -je parle des présents et des futurs - et qui, à l'avenir, à la suite de cette assemblée, auront toujours cette espèce de menace qu'un jour ils devront venir s'asseoir à ma place et se faire poser des questions comme celles-ci: Qu'est-ce que t'as dit? Comment tu l'as dit et pourquoi tu l'as dit ainsi?

M. le Président, je ne vous cache pas mon inquiétude à cet égard.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Ce que je pourrais ajouter, M. Hébert, c'est que s'ils font comme vous, qu'ils disent la vérité et qu'ils la disent simplement, cela ne sera pas plus compliqué que pour vous et cela se terminera rapidement. Je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Jolivet): M. Hébert. M. Hébert: Je regrette, M. le

Président, on ne peut pas administrer une entreprise avec toujours l'inquiétude qu'on devra aller s'expliquer devant le public. Des délibérations, si on veut parler librement et voter librement, en son âme et conscience, il faut que cela soit secret dans une entreprise, quelle qu'elle soit.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: II me reste à vous remercier, M. Hébert. Bonne chance!

M. Hébert: Cela a été un plaisir, merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Hébert. J'invite Mme Nicolle Forget...

M. Laplante: Avant d'appeler un autre témoin...

Le Président (M. Jolivet): Oui, pendant qu'elle s'installe.

M. Laplante: Je n'ai pas voulu déranger M. Hébert tout à l'heure... Non, vous pouvez aller M. Hébert.

Le Président (M. Jolivet): Vous êtes libéré.

M. Laplante: II y a une remarque qui a été faite par le député de Laporte que je voudrais qu'il corrige parce que cela donne un mauvais effet. Lorsque vous avez dit que lorsqu'ils disent la vérité, on ne les interroge pas longtemps, avez-vous fait allusion à M. Laliberté?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte peut s'expliquer s'il le désire.

Une voix: II n'a pas compris.

M. Bourbeau: Tout ce que je dis, c'est que le député de Bourassa n'a absolument pas compris ce que j'ai dit. Vous lirez le journal des Débats et vous allez voir que ce n'est absolument pas ce que j'ai dit.

M. Laplante: J'espère.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Ceci étant réglé, je demanderais à M. le greffier de procéder à la même demande.

Mme Nicolle Forget

Le greffier (M. Jean Bédard): Pourriez-vous mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi: Je, vos nom et prénom, jure et déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Mme Forget: Je, Nicolle Forget, déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que...

Le greffier (M. Bédard): Merci.

Mme Forget: ...la vérité. J'en ai manqué un bout.

Le Président (M. Jolivet): Mme Forget, vous avez probablement une déclaration préliminaire.

Mme Forget: M. le Président, je considère, comme mon collègue du conseil qui m'a précédée, que la lettre qui est devenue publique et qui fait partie des documents sessionnels maintenant est ma déclaration préliminaire; mais je voudrais demander à cette commission de me permettre à la fin de déposer un commentaire final.

Le Président (M. Jolivet): Vous avez tout le loisir.

Mme Forget: Merci.

Le Président (M. Jolivet): Allez, madame.

Mme Forget: J'ai demandé... Que je lise ma lettre?

Le Président (M. Jolivet): Oui, s'il vous plaît!

Mme Forget: Ah! mon Dieu, je pensais qu'elle était connue. Elle est datée du 22 mars et elle est écrite sur le papier de la société. Elle est adressée à M. René Lévesque, premier ministre, à son bureau de Montréal, et elle se lit comme suit: "M. le premier ministre, je suis pour le moins peinée de ce que les médias d'information véhiculent depuis quelque temps sur les à-côtés du règlement intervenu dans l'affaire du saccage de LG 2. "Bien que j'aie voté contre, je tiens à vous assurer que, quant à moi, le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James a pris la décision qu'il jugeait la plus saine pour l'entreprise et je n'ai pas souvenance que des pressions aient été exercées sur le conseil pour qu'il décide d'abandonner les poursuites civiles entreprises quelques années plus tôt. Si cela était jugé nécessaire, je me rendrai disponible pour en témoigner. "Veuillez accepter..." J'ai signé Nicolle Forget, membre du conseil d'administration, parce que je le suis toujours.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, madame. Voulez-vous rappeler la date de votre entrée au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James?

Mme Forget: Le 1er octobre 1978, comme mes collègues.

M. Duhaime: Voulez-vous nous dire si, à l'époque ou encore aujourd'hui, vous avez occupé des postes au sein de conseils d'administration ou encore d'organismes?

Mme Forget: Oui, ma carrière est surtout dans le bénévolat. Pendant 20 ans, j'ai été porte-parole d'une série de groupes et membre fondateur d'une série de groupes, partant de la condition féminine... C'est surtout la consommation qui m'a fait connaître un peu plus et qui m'a amenée devant des commissions semblables à celle-ci, je reconnais des visages. À l'époque qui nous concerne, j'étais membre du conseil d'administration d'Hydro-Québec, de la Société d'énergie de la Baie-James, d'Hydro-Québec International, de l'Association des consommateurs du Québec et du Conseil économique du Canada. J'ai été nommée au Conseil économique du Canada la même semaine où j'ai été nommée au conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la SEBJ. Cela a fait l'objet d'un commentaire de la presse que vous pourrez retracer dans les journaux de l'époque.

Aujourd'hui, je suis membre du conseil d'administration d'Hydro-Québec, de la SEBJ. Je suis présidente du conseil d'administration de Nouveler Inc. Je suis membre de la Fondation Thérèse-Casgrain, de l'Institut Vanier de la famille, du Festival d'été de Lanaudière et j'en oublie quelques-uns.

M. Duhaime: Je voudrais vous demander si, pendant les délibérations auxquelles vous avez participé, au conseil d'administration de la SEBJ, concernant le procès qui était en cours depuis le 15 janvier 1979, mais dont les procédures remontaient à 1976, en aucun moment, soit en 1976, 1977, 1978 ou 1979, vous vous êtes sentie l'objet de pressions de la part du premier ministre du Québec concernant votre attitude dans la décision que vous auriez à prendre et dans le jugement que vous auriez à porter dans cette affaire?

Mme Forget: Avant 1978, de toute façon, je suis obligée d'avouer que je ne connaissais pas grand-chose du saccage de LG 2, sinon ce que les médias d'information véhiculaient. Mes préoccupations étaient davantage, à l'époque, dans le monde de la consommation. De sorte que je m'informais, parce que je suis une citoyenne informée, mais, en dehors de cela, non. À partir de 1978 non plus, je n'ai pas eu d'appel téléphonique, de rencontre, de lettre, même pas de clin d'oeil de personne. Je ne considère donc pas que j'ai subi des pressions.

M. Duhaime: Ni de M. Boivin, le chef de cabinet du premier ministre?

Mme Forget: Je n'ai pas rencontré M. Boivin avant le sommet de Montebello, parce qu'il y avait beaucoup de gens et on était un petit groupe, mais je ne l'avais jamais vu avant.

M. Duhaime: De la part de Me Louis Gauthier, attaché politique...

Mme Forget: Je ne connais pas Me Gauthier. J'ai vu sa photo dans les journaux, c'est tout.

M. Duhaime: Me Yves Gauthier, oui. Je vous remercie, madame.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Mme Forget, M. Laliberté nous a dit, aujourd'hui ou hier, que sa réunion avec M. Boivin, le chef de cabinet du premier ministre, le 3 janvier 1979, il en avait communiqué le contenu, c'est-à-dire le désir du premier ministre, ce qui était le message demandant que la poursuite soit arrêtée, donc, par un règlement, il en avait communiqué le contenu, dis-je, à quelques-uns des membres et je pense que, sauf erreur, vous étiez parmi les membres du conseil d'administration à qui il a communiqué ce message. Est-ce que vous vous en souvenez?

Mme Forget: J'ai été bien flattée d'apprendre que j'étais parmi le groupe de ses amis, mais je n'ai pas souvenance...

M. Lalonde: Vous n'avez pas souvenance.

Mme Forget: ...qu'on ait parlé spécifiquement de cela. On a parlé, à partir de novembre, de ce dossier, mais vraiment tout le temps. On se voyait toutes les semaines. Les conseils siégeaient de 9 h 30 le matin, Hydro-Québec, l'après-midi, la SEBJ, très souvent, jusqu'à 20 heures le soir. On en a beaucoup parlé. Mais je n'ai aucune souvenance qu'il m'ait parlé d'une rencontre avec M. Boivin un 3 janvier.

M. Lalonde: À quel moment à peu près avez-vous pris connaissance - je comprends que vous êtes membre du conseil d'administration, vous ne faites pas partie de la direction à temps plein - des projets de règlement hors cour de cette poursuite?

Mme Forget: Je ne peux pas vous indiquer de moment précis. Évidemment, il s'est dit beaucoup de choses et il faut faire le partage entre ce qu'on reconsidère après coup; c'est sans doute à cette époque-là. Mon souvenir de l'ensemble, c'est plutôt un continuum. Le cheminement commence dès la première question, en novembre, quand cela nous est arrivé. Les dossiers nous arrivaient au fur et à mesure de l'urgence. C'était normal, nous étions nouveaux. Nous avons donc demandé de l'information supplémentaire. Mon souvenir, c'est que vraiment, à partir de là, le dossier a tourné et tourné de plus en plus vite. Enfin, il y avait un sentiment de doute. Il me semble qu'il s'est installé dès ce moment, jusqu'à ce qu'on en arrive à une décision de règlement. Alors, je ne peux pas vous dire quand, exactement, c'est arrivé la première fois. Je peux me référer aux procès-verbaux et dire: "Voici, j'étais présente ou pas et on a déposé telle pièce, mais..."

M. Lalonde: C'est probablement à l'occasion d'une réunion du conseil d'administration, au cours de cette période, on peut retrouver les procès-verbaux dans les...

Mme Forget: C'est le moment le plus normal.

M. Lalonde: Si je comprends bien -vous l'avez d'ailleurs dit dans votre lettre -vous avez voté contre.

Mme Forget: J'ai voté contre.

M. Lalonde: Est-ce que vous pourriez nous dire quelles sont - enfin, si c'est pertinent - les principales raisons qui vous ont amenée à voter contre le règlement?

Mme Forget: C'était une raison de principe, M. le Président. Des milieux où je venais, il me semblait que nous ne pouvions pas régler... Je devrais prendre cela autrement. Je recommence. J'étais favorable à l'exploration. J'étais favorable à la négociation. Ce sont deux choses différentes, cela et le résultat. Le résultat, pour moi, 1 $ ou 200 000 $, c'était un résultat inacceptable. Enfin, cela aurait presque été mieux d'avoir un résultat symbolique de 1 $ plutôt que d'en arriver là. Je ne pouvais pas, compte tenu de mon lien avec les consommateurs québécois et les citoyens en général, les groupes de citoyens, accepter qu'on règle à si bas prix. J'aurais, moi aussi, souhaité qu'on atteigne quelques millions, mais ils n'étaient pas là. Le règlement est venu et j'ai voté contre. Voilà.

M. Lalonde: Merci. Une dernière question. Étiez-vous au courant des tractations et des rencontres avec les différents avocats au bureau du premier ministre, tel qu'il a été démontré aujourd'hui, soit des avocats de la défense ou des avocats de la SEBJ? Pendant toute cette période, est-ce qu'on vous a mise au courant de cela?

Mme Forget: Je ne peux pas me rappeler qu'on nous ait parlé de cela.

M. Lalonde: Merci, madame. Mme Forget: Je vous en prie.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Il n'y en a pas d'autres? Merci, madame.

Mme Forget: Mon commentaire final...

Le Président (M. Jolivet): Oui, c'est vrai. Excusez-moi, je l'oubliais.

Mme Forget: M. le Président, le collègue qui m'a précédée a déjà émis certains commentaires. Je suis obligée, après ces deux journées d'audiences - peut-être que je devrais dire d'enquête - de souligner le fait que c'est un précédent très grave. Nous étions venus ici pour éclairer les élus et la société en général, non comme témoins à charge ni comme accusés, ni comme témoins hostiles, mais vraiment pour vous éclairer sur les motifs qui nous avaient amenés à la décision que nous avons prise en toute liberté, quant à moi; et d'autres l'ont dit déjà ici.

Comme, en cours de route, cela a glissé et que les faits nous démontrent qu'on est quasiment en commission d'enquête - je suis obligée d'invoquer que, professionnellement, je suis peut-être un peu plus au fait de cela - je suis profondément mal à l'aise quant à l'avenir. Qui va accepter...? Je le dis parce que je viens du milieu des citoyens, M. Hébert vient d'un autre milieu, mon collègue précédent vient d'un autre milieu. Mais les citoyens qu'on essaie d'intéresser à la chose publique, qui d'entre eux, dans toutes nos structures - on y croit, à la représentation, je pense que l'ensemble de l'Assemblée nationale y croit beaucoup et c'est important pour une société - va accepter de siéger à des conseils, des régies, des offices, etc., si ces gens ne sentent pas, en dehors du principe d'"accountability" que, de toute façon, on accepte tous en assumant ces fonctions, qu'ils ont un certain véhicule pour les protéger, pour éviter que leur réputation soit entachée juste par le fait qu'il y a un doute qui est créé? (21 heures)

Puisque je suis la seule femme parmi ce "club de mâles", que ça fait 20 ans que c'est comme ça et qu'on essaie de faire

passer des femmes dans des structures, vous comprendrez que, là où, en ce moment, on tente d'obtenir des sièges pour les femmes à des conseils, l'expérience que je vis et le doute qui a été semé sur mon intégrité comme membre du conseil, sur les jugements que j'ai pu porter, sur mon habileté à prendre la juste décision, c'est un tort irréparable. Si je me permets de faire ce commentaire final, c'est pour nous assurer, puisqu'on teste cette loi-ci et ces mécanismes, que ceux qui l'ont vécu, nous tous ensemble finalement, on trouve une façon pour qu'à l'avenir, la lumière soit faite, oui, mais dans un cadre où tout le monde se sentira vraiment très à l'aise de le faire et acceptera d'assumer des charges au nom de la collectivité.

Le Président (M. Jolivet): Un instant,

M. le ministre.

M. Duhaime: Mme Forget, avant de vous remercier, je voudrais essentiellement souligner que votre message a été entendu. J'espère qu'il sera retenu. Si nous avions pu procéder autrement, j'aurais peut-être préféré vous entendre au tout début des travaux de cette commission. Je regrette qu'il n'en fût pas ainsi. Si vos propos sont adressés à tous les parlementaires, j'admettrais au départ qu'il s'adressent aussi à tous ceux - je le dis sans oublier personne - qui sont assis à la même table que vous, madame.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: En ce qui concerne les derniers propos, ils soulèvent un problème extrêmement pertinent. Dans le cheminement que nous faisons actuellement tous ensemble au Québec, dans la fonction publique, il y a la théorie de l'imputabilité qui semble se développer. On va le voir dans la réforme parlementaire qui, je l'espère, verra le jour bientôt. On voit de plus en plus les fonctionnaires devoir répondre, non pas seulement devant l'Exécutif mais aussi devant l'Assemblée nationale. Je comprends vos propos. Il est assez facile pour moi de dire que c'est pour cela mais ce n'est peut-être pas pour cela; je veux quand même souligner que, parmi les témoins que nous avions inscrits sur la liste des témoins convoqués, nous n'avions pas inscrit les membres du conseil d'administration de la SEBJ. Nous voulions les fonctionnaires à plein temps de la SEBJ et d'Hydro-Québec. Nous avions donc M. Robert Boyd, qui était P.-D.G. d'Hydro-Québec en 1979, nous avions aussi M. Lucien Saulnier, qui était président du conseil d'administration de la SEBJ et d'Hydro-Québec en même temps, en 1979. Nous avions M. Claude Laliberté, P.-D.G. de la SEBJ. En 1979, il y avait également M. Roland Giroux. Mais nous ne mettions pas en cause le conseil d'administration comme tel. Il y avait aussi MM. Boivin, Gauthier, Me Michel Jasmin, enfin tous les avocats et les deux cousins Latouche. C'était la liste que nous avions.

Le gouvernement a cru bon d'inviter le conseil d'administration. Vous avez vu qu'en ce qui concerne le conseil d'administration cela fait un peu moins d'une heure que nous avons commencé et nous avons terminé avec deux des quatre membres qui sont convoqués pour aujourd'hui. C'est surtout ceux qui étaient responsables et qui communiquaient avec le pouvoir exécutif à ce moment-là qui devaient rendre compte de leurs faits et gestes. C'est pour cela d'ailleurs que vous voyez l'extrême différence entre les questions et réponses de M. Laliberté, d'une part, et les questions et réponses - vous êtes la deuxième membre du conseil d'administration ce soir... Il reste quand même que quiconque accepte une fonction d'administrateur d'une société aussi publique que peut l'être une société d'État peut être appelé à rendre compte de ses actes devant les élus du peuple.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: J'en ai presque les larmes aux yeux, pour être bien honnête. Je voudrais simplement relire devant cette commission les propos tenus par M. Lalonde, le 23 mars 1983, au salon bleu de l'Assemblée nationale.

À la page 3, si vos recherchistes veulent me suivre: "M. le secrétaire général, qui présidez cette réunion, j'aimerais que vous m'accordiez la même latitude pour m'exprimer que celle qu'a eue le leader du gouvernement. Je ne l'ai pas interrompu. "Il est de mon devoir de vous informer que notre formation politique, compte tenu de la gravité des accusations portées contre le premier ministre, le leader du gouvernement ne semble pas se rendre compte jusqu'à quel point l'honneur et l'intégrité de l'Assemblée nationale ont été mis en cause. "Nous n'accepterons pas de nous associer à aucun des travaux prévus au feuilleton d'aujourd'hui à cause, justement, du caractère très sérieux des accusations qui ont été portées, à moins d'avoir un engagement du premier ministre de prendre des dispositions claires, définitives pour que toute la lumière soit faite et que tous les témoins entourant cette affaire soient entendus."

Ce que j'entends ce soir, M. le Président, est un reproche voilé, pour prendre le même ton, en ce sens que nous n'aurions peut-être pas dû convoquer ici les membres du conseil d'administration de la

Société d'énergie de la Baie-James. Si vous lisez les articles produits en première page du quotidien La Presse, le 17 mars, répétés le 18, avec des mises au point le 19 mars, si ce ne sont pas l'intégrité et le caractère professionnel et ce que j'appellerais "la confiance" que la population du Québec porte aux hommes et aux femmes qui acceptent de siéger aux conseils d'administration de nos sociétés d'État qui sont mis en cause, je me demande ce qui est en cause. Je suis convaincu que les premiers...

Des voix: Jamais de la vie! Des voix:Je n'ai rien compris.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre. Vous allez pouvoir continuer mais... s'il vous plaît! J'ai cru comprendre, je le répète... M. le député!

M. Lalonde: Vous avez lancé un débat.

Le Président (M. Jolivet): Je crois comprendre une seule chose. Au début de la commission parlementaire, hier matin, on a dit ici qu'il fallait éviter les quolibets, les interruptions. Je vous le demande de nouveau. M. le ministre a la parole, qu'il la conserve. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je vais terminer là-dessus parce que j'aurai l'occasion de revoir ceux de ma gauche, madame, soyez sans inquiétude. Je veux simplement dire ceci. Nous aurions souhaité -je l'ai dit à plusieurs reprises - depuis le début de cette commission, que nous puissions, avec célérité, avec honnêteté, avec franchise et avec justice, puisque la Société d'énergie de la Baie-James a produit ce que j'appellerais une "brique", incluant même, ce que je n'ai jamais vu de ma vie dans une commission parlementaire en tout cas, les honoraires détaillés des avocats et des conseillers juridiques de la Société d'énergie de la Baie-James, au cent près. On a tout mis sur la table. Cela fait maintenant deux jours d'insinuations. Et on arrive à 21 h 09, après deux journées. Peut-être avez-vous écouté le téléjournal? Cela a dû vous inspirer. Vous venez de vous rendre compte que l'accusation de bouffonnerie que j'ai portée sur votre conduite, cet après-midi, avait été perçue comme telle par plusieurs citoyens et citoyennes du Québec. Cela, je peux vous le dire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président...

M. Perron: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Un instant! Oui, M. le député de Duplessis.

M. Perron: Je crois que les interventions faites de part et d'autre de cette table... Je crois que nous avons maintenant fini avec Mme Forget, qui est membre du conseil d'administration de la SEBJ. On pourrait lui permettre, ainsi qu'aux personnes qui l'accompagnent, de se retirer. Étant assermentée - ce avec quoi je ne suis pas tout à fait d'accord - il serait peut-être bon qu'on puisse la libérer avant de continuer le débat que nous avons entre nous.

Le Président (M. Jolivet): Un instant! Avant de répondre à votre question de règlement, il faudrait que je demande d'abord à Mme Forget si elle a terminé. Si elle a terminé, je l'inviterais à se retirer. D'un autre côté, je ne suis pas sûr que je permettrai un débat, puisque le but de la commission parlementaire est d'interroger des témoins que nous avons invités à venir dire les renseignements qu'ils ont à nous donner. Actuellement, j'ai simplement permis à deux personnes de s'exprimer de part et d'autre. Je croyais comprendre que M. le député de Marguerite-Bourgeoys ferait une sorte de conclusion au débat qu'on avait un peu entrepris et qu'on pourrait ensuite passer à une autre personne qui est invitée à venir ici ce soir. Est-ce que vous avez terminé maintenant, Mme Forget. Si vous voulez, on peut vous libérer.

Mme Forget: M. le Président, j'ai terminé et je suis heureuse et malheureuse de constater que vous êtes obligé de mettre fin à ce débat.

M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas fini.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je ne peux pas laisser passer les paroles du ministre qui, d'une part, nous reproche d'avoir demandé et obtenu une commission parlementaire que le premier ministre a dit plus tard, le lendemain, que, de toute façon il s'apprêtait à créer, après une question de privilège.

La commission parlementaire étant la volonté du premier ministre, je pense qu'il est malvenu de reprocher qu'il y ait eu une commission parlementaire. Maintenant je pense que, de notre côté, nous nous sommes conduits comme des élus du peuple qui sont responsables et qui ont très bien préparé leur dossier, qui ont travaillé très fort pour comprendre ce qui s'est passé et obtenir l'éclairage nécessaire pour savoir ce qui s'est passé. Et je n'accepte pas du tout les

accusations de "bouffonnerie" que le ministre nous lance. Je pense que c'est tout à fait exagéré, c'est tout à fait injuste.

M. Duhaime: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, il y avait M. le leader qui semblait vouloir intervenir.

M. Bertrand: Ce sera très bref, M. le Président. Simplement pour dire ceci: Je me rappelle très bien que lorsque nous avons décidé, dans un cadre normal de fonctionnement de commission parlementaire, de convoquer la commission de l'énergie et des ressources, on s'est fait reprocher par le leader de l'Opposition de n'avoir pas convoqué la commission de l'Assemblée nationale pour que cette commission de l'Assemblée nationale puisse être une véritable commission d'enquête. Il a parlé, dans une conférence de presse, de deux procès qui devaient se faire à l'occasion de la tenue de cette commission parlementaire; il a parlé continuellement de témoins. C'est eux, aujourd'hui, qui ont demandé que les personnes qui sont venues se faire entendre ici prêtent serment et je voudrais rappeler qu'au tout début des travaux de cette commission j'ai réitéré - je l'avais dit moi-même en conférence de presse - que la commission parlementaire de l'énergie et des ressources allait être convoquée pour entendre des personnes et que nous allions faire en sorte que toutes les personnes qu'on voulait entendre, de part et d'autre, soient entendues, mais non pas dans un contexte de commission d'enquête. Et le leader de l'Opposition est revenu à la charge quelques fois, aujourd'hui et hier, pour dire qu'il avait demandé qu'il y ait une commission d'enquête publique. Dans ce contexte, il ne peut pas, ce soir, se dérober et laisser entendre aux gens et à la population qu'à toutes fins utiles il n'a pas voulu transformer cette commission parlementaire en commission d'enquête, en véritable tribunal, et surtout avec cette façon de procéder avec les gens qui viennent ici et les faire assermenter à chaque fois.

Je crois que le sens du message qui a été livré au leader de l'Opposition est qu'effectivement, toutes les attitudes qu'il a eues depuis le début, autant dans sa façon de concevoir le travail des parlementaires que dans sa façon de vouloir convoquer une commission parlementaire et le type de commission parlementaire, c'est bien la démonstration qu'effectivement le leader de l'Opposition voulait qu'on soit ici un tribunal.

Le Président (M. Jolivet): M. le leader. M. Lalonde: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, juste avant de vous l'accorder, M. le député. J'avais dit que j'essaierais de clore le débat le plus rapidement possible parce que je pense qu'on a encore trois autres invités à entendre: MM. Gauvreau, Thibaudeau et Laferrière et que j'aimerais être capable, peut-être aujourd'hui, d'écouler l'ordre du jour. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Les propos du leader du gouvernement sont dans le sens de me prêter des motifs indignes pour avoir simplement fait appel à la Loi sur l'Assemblée nationale à l'article 52. C'est la loi que lui-même a présentée à l'Assemblée nationale. C'est lui-même qui a inclus l'article 52 qui permet à un membre de demander qu'un témoin, qu'un invité soit assermenté.

M. Laplante: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. S'il vous plaît!

M. Lalonde: Nous n'avons fait que nous prévaloir des droits et des privilèges qui sont prévus par la loi que lui-même, le leader du gouvernement...

Le Président (M. Jolivet): J'ai une question de règlement de la part du député de Bourassa.

M. Laplante: Je voudrais justement que le règlement soit appliqué. Nous ne sommes pas dans des motions; nous ne sommes pas dans des travaux ou motions préliminaires à nos travaux, c'est que les témoins soient appelés...

Le Président (M. Jolivet): Autrement dit, M. le député, d'inviter le prochain invité, ce que je vais faire d'ailleurs.

M. Laplante: Oui, s'il vous plaît!

Le Président (M. Jolivet): M. Georges Gauvreau, s'il vous plaît! M. le député de Gatineau.

M. Blouin: ...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Dès que vous allez constater que l'Opposition ou quiconque déroge au règlement, signalez-le. Jusqu'à maintenant, depuis deux jours, cela n'est pas arrivé. J'en conclus donc que nous avons agi selon le règlement de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Jolivet): M. Gauvreau.

M. Blouin: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne voudrais pas qu'on s'embarque dans des questions de règlement au moment où j'ai invité M. Gauvreau à prêter serment.

M. Blouin: Ce sera très bref, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Compte tenu de tout ce qui vient d'être dit, pourrait-on demander à l'Opposition d'éviter l'assermentation systématique, s'il vous plaît?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, laissez-moi vous dire que je n'ai pas cet assentiment. Je demande à M. Gauvreau d'être assermenté.

Le greffier (M. Jean Bédard): M.

Gauvreau, voulez-vous mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi: Je (nom et prénom du témoin) jure ou déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

M. Georges Gauvreau

M. Gauvreau (Georges): Je, Georges Gauvreau, déclare que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. Gauvreau, avez-vous une intervention préliminaire?

M. Gauvreau: Non, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous pouvez poser vos questions, puisque M. Gauvreau vous y invite.

M. Duhaime: M. Gauvreau, voulez-vous nous dire à quel moment vous avez été nommé au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James?

M. Gauvreau: En même temps que la fondation de la société, en octobre 1978, mais je pense qu'il est utile de dire que je siège à Hydro-Québec depuis 1961.

M. Duhaime: Depuis quelle année? M. Gauvreau: Mai 1961.

M. Duhaime: Depuis 1961. M. Gauvreau, avez-vous été membre de ce qu'on appelait autrefois la Commission hydroélectrique?

M. Gauvreau: C'est cela. J'ai été membre de la Commission hydroélectrique dès 1961.

M. Duhaime: 1961.

Le Président (M. Jolivet): J'ai aussi de la difficulté à comprendre. Voulez-vous approcher votre micro?

M. Gauvreau: Cela va.

M. Duhaime: M. Gauvreau, on ira rapidement. Vous êtes administrateur à la Société d'énergie de la Baie-James. Vous assistez depuis hier à ces discussions en commission parlementaire. Il y a beaucoup de choses qui ont été dites. Je vais aller dans le vif du sujet et très rapidement.

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, M. Gauvreau.

M. Gauvreau: Pardon. Je ne suis plus administrateur.

M. Duhaime: Je sais. Au cours de janvier et de février 1979, je comprends que vous étiez membre du conseil d'administration de la SEBJ, d'après les procès-verbaux dont on a fait état. Je ne veux pas revenir sur les dates des réunions du conseil d'administration, mais avez-vous participé activement comme administrateur à la SEBJ à la prise de décision sur l'attitude à prendre quant à un règlement hors cour ou non de l'action intentée par la SEBJ pour un montant de 31 000 000 $ contre trois ou quatre syndicats?

M. Gauvreau: J'ai participé à toutes les délibérations. Quand vous dites "aux décisions", je crois que, s'il y a des mandats qui ont été donnés à des avocats, j'ai participé à ces décisions.

M. Duhaime: M. Gauvreau, je voudrais savoir dans vos mots, lorsque le conseil d'administration de la SEBJ a pris ce que j'appellerais la décision finale de donner un mandat à ses procureurs de procéder à un règlement hors cour, si vous avez participé à cette réunion et aux délibérations.

M. Gauvreau: J'ai participé à cette réunion et aux délibérations, oui.

M. Duhaime: Cela me chagrine un peu de vous demander de casser le secret traditionnel des délibérations des conseils d'administration, mais vous allez comprendre qu'après ce qu'on a pu lire dans les journaux et depuis ce qui se dit à cette commission parlementaire, je me sente un peu plus à l'aise, et vous de même, sans aucun doute. Pourrais-je vous demander votre attitude, votre position dans ce dossier et ses motifs?

M. Gauvreau: Mon attitude finale, le 6 mars, c'est que j'ai voté en faveur du règlement. Les motifs, je pense que ce sont les mêmes motifs que tous ceux qui ont été mentionnés au cours des séances de cette commission. Je peux les énumérer en quelques mots. C'était que, à la suite des délibérations, des échanges de points de vue, des arguments... Je pense un peu à ce qu'on nous demande toujours: Est-ce qu'il y a eu une influence, un message, une directive? Il y a aussi les délibérations, les opinions de tous les membres autour de la table qui se parlent, qui s'influencent les uns les autres et qui jouent un certain rôle dans une opinion.

Dans mon cas, à la suite de ces délibérations, j'en suis venu à la conclusion que ce n'était pas une voie qui menait à une solution pratique. Je peux encore les résumer, les reprendre en quelques mots. Le fait que les syndicats n'étaient pas solvables au Québec, que les chances d'exemplification, de réalisation ou d'exécution aux États-Unis étaient très faibles, très éloignées et très coûteuses. Il y avait la commission Cliche qui a siégé pendant un an, un an et demi et qui a établi des responsabilités et à la suite de laquelle il y a eu des condamnations au criminel. Ce sont les principales raisons. Il y a aussi le problème de la valeur de l'exemple sur lequel j'ai évolué un peu, parce que j'étais au courant de cette action depuis 1975. Parce que, lorsque la Société d'énergie de la Baie-James a pris l'action, je n'étais pas un des membres de la Société d'énergie de la Baie-James - il y avait trois commissaires membres de la Société d'énergie de la Baie-James - et j'étais à Hydro-Québec. Nous étions informés. Il y a eu une petite résolution d'Hydro-Québec, je pense, qui donnait son appui à toutes ces démarches.

À ce moment-là, si une action n'avait pas été prise, cela m'aurait paru impensable. Je croyais normal qu'une action soit prise, étant donné l'envergure des dégâts causés et des dommages. Je pense aussi que, à ce moment-là, quelle que soit la possibilité de toucher des dommages des syndicats, même si c'était très incertain, il fallait absolument s'engager dans la cause. Il y avait une autre idée qui était dans la tête, à mon avis, de tous les gestionnaires et qui était dans la tête de bien des gens dans la province en général. C'est que, lorsque des syndicats causent des dommages, ils devraient payer pour cela, il devrait y avoir une pénalité au bout de cela. On ne devrait pas laisser passer cela. À mon avis, la cause devait être engagée, quelles que soient les chances. À mon avis, il n'y a jamais eu beaucoup de chances de récupérer des sommes aussi considérables des syndicats.

Mais, avec l'évolution, avec la discussion qu'il y a eu autour de la table et aussi avec les conclusions de la commission Cliche, il m'a semblé que cette philosophie de la valeur d'exemple ne valait pas pour ce cas, pour une cause aussi considérable. Aussi, vu l'état des travaux à la Baie-James, la paix sociale qui était revenue, la paix syndicale que nous avions tellement désirée et qui était tellement nécessaire, il m'a semblé, à un moment donné, que l'idée de la valeur d'exemple n'avait plus son poids et qu'on s'en allait dans une voie sans issue qui ne menait nulle part et qui pouvait même nous créer des embêtements. Il m'a semblé qu'il était préférable de mettre fin à cette cause, qu'on n'en parle plus.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. Gauvreau, vous avez siégé à ce conseil d'administration - peu importe que cela soit à la Commission hydroélectrique, à Hydro-Québec, à la Société d'énergie de la Baie-James, comme administrateur un jour, commissaire un autre jour - de 1961 à 1979, l'époque de ces événements, donc, pendant 18, 19 et peut-être même 20 ans. Au moment où, en janvier 1979, lors des délibérations du conseil d'administration - cela a été indiqué tout à l'heure, mais je n'ai pas la date en tête -quelqu'un du conseil d'administration a fait valoir qu'il serait peut-être souhaitable que le président du conseil d'administration, M. Saulnier, que le P.-D.G. d'Hydro-Québec, M. Boyd, et que le P.-D.G. de la Société d'énergie de la Baie-James, M. Laliberté, sollicitent une entrevue et demandent une consultation ou un avis au premier ministre du Québec, est-ce que vous étiez présent?

M. Gauvreau: Oui, j'étais présent.

M. Duhaime: Est-ce que cela vous est apparu comme étant quelque chose d'anormal qu'en pareilles circonstances on croie utile de demander l'opinion du premier ministre?

M. Gauvreau: Étant donné qu'on savait que le premier ministre avait déjà indiqué qu'il souhaitait un règlement, on s'est dit: On l'apprend, mais d'une façon assez floue. Quelqu'un a proposé qu'on délègue le président du conseil et les deux P.-D.G. pour aller faire une visite officielle et obtenir directement de lui un mandat. On a pensé que ce serait préférable parce qu'on saurait vraiment quelle est la position du premier ministre.

M. Duhaime: Vous donnerez des détails, si vous le souhaitez, M. Gauvreau mais la seule chose que je voudrais vous demander, c'est ceci: Est-ce que, dans votre cas à vous, cette démarche constituait un précédent?

M. Gauvreau: Sous cette forme, c'était un précédent. Mais, vous savez, j'ai siégé à Hydro-Québec sous cinq premiers ministres et sous sept ministres des Richesses naturelles. Des échanges de points de vue, des interventions, des suggestions, des téléphones, il y en a eu sans fin sous tous les gouvernements, et de conséquences aussi lourdes et même beaucoup plus lourdes pour Hydro-Québec que dans ce cas-là.

M. Duhaime: M. Gauvreau, comme vous connaissiez cette orientation du premier ministre, qui fut exprimée par MM. Saulnier, Boyd et Laliberté au retour de leur entretien du 1er février à votre conseil d'administration qui a suivi, à savoir que le premier ministre favorisait un règlement hors cour - je viens d'entendre ce que vous avez dit, cela confirmait ce que vous saviez déjà, que le premier ministre était favorable à un règlement hors cour - l'attitude du premier ministre, en aucun temps, a-t-elle influencé votre propre décision dans ce dossier.

M. Gauvreau: Pas du tout.

M. Duhaime: Est-ce que le chef de cabinet du premier ministre, Me Jean-Roch Boivin, a communiqué avec vous...

M. Gauvreau: Pas du tout.

M. Duhaime: ...de quelque façon que ce soit dans ce dossier?

M. Gauvreau: Jamais.

M. Duhaime: Est-ce que Me Yves Gauthier, attaché politique au cabinet du premier ministre, a communiqué avec vous de quelque façon que ce soit dans ce dossier?

M. Gauvreau: Jamais.

M. Duhaime: Merci, M. Gauvreau.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. Gauvreau, vous avez dit tout à l'heure que, lorsque le conseil a suggéré qu'on envoie les trois sages rencontrer le premier ministre, le conseil savait déjà que c'était le désir du premier ministre que cela se règle pour mettre fin à la poursuite. Est-ce que vous vous référez à la réunion de M. Laliberté avec M. Boivin?

M. Gauvreau: Non, je ne me réfère à aucune réunion. Je me souviens simplement qu'à ce moment-là nous savions que le premier ministre - cela nous avait été dit à un moment ou à l'autre, mais je ne pourrais pas vous dire à quelle date ni à quelle assemblée - souhaitait qu'on règle.

M. Lalonde: Vous connaissez très très bien M. le premier ministre et de longue date.

M. Gauvreau: Je le connais depuis longtemps, mais je ne le vois pas souvent. (21 h 30)

M. Lalonde: Parmi les sept ministres des Richesses naturelles, il fut le premier. C'était lui qui était ministre des Richesses naturelles quand vous avez été nommé à Hydro-Québec la première fois, en 1961.

M. Gauvreau: Mes expériences de l'intervention de l'État remontent à ce temps-là.

M. Lalonde: Le connaissant...

M. Gauvreau: Cela pourrait être long. S'il fallait toutes les raconter, il y a pas mal de personnes qui y passeraient.

M. Lalonde: Rien ne vous surprend plus. M. Gauvreau: Non, pas du tout.

M. Lalonde: Avec ce rapport tout à fait spécial avec le premier ministre actuel, ami d'enfance, celui qui vous a...

M. Gauvreau: Ce n'est pas un ami d'enfance.

M. Lalonde: Ah bon! Je m'excuse. Je pensais que vous aviez dit que depuis très longtemps vous le connaissiez.

M. Gauvreau: Non, non, c'est étrange. J'ai demeuré où il est né. Nous sommes allés dans le même collège. On s'est connu, mais nous n'étions pas amis d'enfance.

M. Lalonde: C'est le ministre qui était en fonction lorsque vous avez été nommé à Hydro-Québec.

M. Gauvreau: Oui, oui, et il en reste une certaine amitié.

M. Lalonde: Vous maintenez que sa décision ou, enfin, son désir, son voeu pieux ne vous a influencé d'aucune façon?

M. Gauvreau: Écoutez, pendant toutes ces années, surtout sur les choses syndicales, il y a toujours eu des problèmes. On a souvent été en désaccord. On a eu des discussions assez violentes. Je remonte à des années assez lointaines.

M. Lalonde: J'espère qu'il avait toujours un bon langage. J'espère qu'il maintenait quand même un bon langage.

M. Gauvreau: II a toujours eu le même langage, mais cela ne m'a jamais impressionné.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Étiez-vous au courant, pendant toute cette période-là, des voyages, des vacations, comme on dit dans le jargon juridique, des avocats au bureau du premier ministre?

M. Gauvreau: Je savais qu'on avait des avocats au bureau du premier ministre. Je savais qu'on avait des avocats et qu'ils avaient un mandat, mais j'ai été très surpris d'apprendre qu'il y avait eu autant de rencontres. Je ne pensais pas...

M. Lalonde: Toutes ces rencontres au bureau du premier ministre, d'avocat à avocat, vous n'étiez pas au courant de cela?

M. Gauvreau: Non, non. De toute façon, quand on donne mandat - notre contentieux s'occupait du mandat - on fait confiance à nos procureurs. On suppose qu'ils font leur travail. On a des rapports de temps à autre. On ne suit pas cela au jour le jour, le nombre de réunions. Ce n'est pas une façon d'administrer. On n'a pas le temps de s'occuper de cela. On attend qu'ils nous fassent rapport, qu'il y ait des développements significatifs.

M. Lalonde: Est-ce que le montant de 200 000 $ en règlement pour une réclamation de 32 000 000 $... J'imagine que, lorsque la réclamation de 32 000 000 $ a été commencée vous étiez en fonction; à ce moment-là, vous n'étiez pas à la Société d'énergie de la Baie-James, vous étiez à Hydro-Québec.

M. Gauvreau: Oui. Le montant a été établi par l'équipe de la Société d'énergie de la Baie-James, mais je savais que la poursuite était de 32 000 000 $.

Évidemment, c'est un montant considérable à demander à des syndicats, des syndicats québécois. D'avance, on savait qu'on s'en allait vers quelque chose qui serait bien en dessous de cela. Que les économistes et l'équipe d'ingénieurs qui ont travaillé à bâtir le dossier soient arrivés à ce montant, cela ne me surprend pas. N'oubliez pas que, dans ce temps-là, en 1973, 1974, 1975, même dans la période de Manic 5 avant, des retards dans la mise en opération d'une centrale, des millions de kilowattheures perdus pendant une semaine, un mois, deux mois, trois mois, représentaient des millions. Aujourd'hui, la situation est un peu changée. Je n'étais pas surpris qu'on... On tenait toujours, toujours compte, dans toutes sortes de tractations, de ces choses-là. Par exemple, avec les entrepreneurs en construction, si un entrepreneur, parce qu'il était en retard, était responsable d'un délai dans la livraison d'un groupe, on tenait compte de ces kilowattheures. Il est tout à fait normal que le montant du retard ait été inclus même si on savait que cela avait été bâti en vue d'arriver à un règlement inférieur.

M. Lalonde: Excusez-moi. Si on tient compte des dépenses directes, des dommages d'abord, de l'augmentation de la prime d'assurance qui est de plusieurs millions dans la réclamation et d'autres dommages plus directs que le retard qui est autour de 21 000 000 $, est-ce que le montant de 200 000 $ du règlement vous a paru un peu maigre?

M. Gauvreau: Cela me paraît dérisoire et triste. Mais seulement c'est justement une des raisons pour lesquelles j'en suis venu à la conclusion que c'était une cause qui ne menait nulle part, parce qu'on ne pouvait pas, d'après tous nos conseillers, espérer obtenir plus que 300 000 $. À un moment donné, on avait l'impression qu'on travaillait un peu dans le vide.

M. Lalonde: Je vous remercie, maître.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Il n'y a pas d'autres questions? Je vous remercie. M. Gauvreau, je vous libère. J'inviterais M. André Thibaudeau à venir s'installer et M. le greffier à aller le rencontrer.

Le greffier (M. Jean Bédard): Pourriez-vous mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi: Je (nom et prénom) jure ou déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

M. André Thibaudeau

M. Thibaudeau (André): Moi, André Thibaudeau, je jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.

Le Président (M. Jolivet): M.

Thibaudeau, est-ce que vous avez une entrée en matière ou si on passe directement aux questions? M. le ministre, on passe directement aux questions.

M. Duhaime: On va prendre juste une seconde.

Le Président (M. Jolivet): Parfait. Allez, M. le ministre.

M. Duhaime: M. Thibaudeau, vous

siégez comme administrateur au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James depuis quand?

M. Thibaudeau: J'ai siégé à la Société d'énergie de la Baie-James du 1er octobre 1978 jusqu'au 10 ou 12 octobre 1980 à peu près.

M. Duhaime: Parallèlement à ces occupations comme administrateur de la

SEBJ, à l'époque de votre nomination, quel était votre travail?

M. Thibaudeau: Je suis professeur titulaire à l'École des hautes études commerciales. Je suis professeur en relations du travail.

M. Duhaime: Pendant la période 1978-1979, alors que vous siégiez au conseil d'administration de la SEBJ, est-ce que vous seriez en mesure d'évaluer quel était l'état des relations de travail sur le chantier de LG 2?

M. Thibaudeau: Écoutez, étant en relations de travail, étant conseiller en relations industrielles, ayant fait des études là-dedans, ayant milité dans le mouvement syndical, tous ces problèmes m'intéressent; comme le rapport Cliche, je l'ai suivi, je connaissais très bien M. Cliche. J'ai suivi tout cela comme professionnel, cela m'intéressait. J'étais professeur depuis 1968. Tout de même, j'en avais besoin pour mes cours, pour mes élèves. Lorsque je suis arrivé au conseil d'administration de la Baie-James, j'ai constaté, surtout après des visites et des discussions avec M. Hamel ou d'autres, que les relations de travail à la baie James étaient passablement bien. C'est évident que c'est dur de vivre là pendant des semaines et des semaines comme travailleur dans un chantier éloigné, mais j'ai trouvé que les conditions de travail étaient passablement bien et que l'atmosphère, telle que décrite, qui existait avant le saccage, cela était du passé.

M. Duhaime: À titre d'expert, en quelque sorte, en relations de travail, au moment des événements de mars 1974, lors du saccage de LG 2, est-ce que vous avez eu à vous intéresser d'une façon particulière à ces événements lors de vos cours à vos élèves?

M. Thibaudeau: Je n'ai pas été mêlé du tout à ce problème, à ce moment; j'avais démissionné du mouvement syndical en 1968 et j'étais le directeur d'un syndicat industriel et non pas de métiers. C'étaient surtout des syndicats de métiers qui existaient à la Baie-James. J'étais directeur du Syndicat canadien de la fonction publique et vice-président de la FTQ, à ce moment. Ce que je peux dire, c'est que je m'y intéressais, puisque je l'enseigne.

Depuis 1969, je suis arbitre de griefs et, étant arbitre de griefs, je n'avais plus de liens avec le mouvement syndical. C'est l'une des conditions pour être arbitre de griefs, pour être sur la liste officielle des arbitres de griefs: n'avoir aucun lien avec le patronat ou avec les syndicats. Depuis ce temps, je m'en occupais surtout comme observateur. C'est évident que je questionnais des gens lorsque je rencontrais des conseillers techniques, soit patronaux ou syndicaux; je leur posais des questions sur leurs problèmes pour me tenir au courant et donner mes cours. Comme j'étudiais toutes les lois qui étaient adoptées ici, je devais les assimiler, voir les exemples, ainsi de suite. Donc, c'est comme cela que j'ai suivi la commission Cliche; j'ai étudié le livre et j'ai fait faire des travaux aux étudiants sur ce livre, ainsi de suite, et je me suis fait des idées.

M. Duhaime: À la fois comme expert en relations de travail et aussi comme administrateur siégeant au conseil d'administration de la SEBJ en 1978, mais plus particulièrement en janvier 1979, on a évoqué tantôt que le procès, commencé depuis de longues années, avait commencé ses audiences le 15 janvier. À cette période précise, quelle serait votre évaluation du climat des relations de travail sur les chantiers de la SEBJ, des méthodes de travail utilisées, du degré de productivité vis-à-vis de l'échéancier, du calendrier, du budget etc.? Est-ce que vous étiez satisfait?

M. Thibaudeau: Oui, très satisfait. Je trouvais que cela allait très bien. Je ne me souviens plus à quelle date, nous étions allés visiter les chantiers. J'avais parlé à des travailleurs à la cafétéria, je m'étais assis avec eux et je me préoccupais beaucoup des conditions de vie de cet endroit, pour avoir entendu un tas d'émissions qui blâmaient ce genre de vie; certains traitaient cela de Goulag. J'ai tout de même été impressionné par les efforts faits par la société pour donner ce qu'elle pouvait de mieux à ses travailleurs sur place. J'ai senti, tout simplement, que certaines personnes - j'ai parlé à des travailleurs - trouvaient cela long d'être loin de leur famille et des choses comme cela. Mais, en général, beaucoup de gens aimaient travailler à la baie James parce que les conditions semblaient très saines, compte tenu que c'était un chantier éloigné.

M. Duhaime: Maintenant, je voudrais en venir de façon plus précise à ce qui fait l'objet de ces discussions depuis deux jours. On a dit tantôt que vous étiez présent lors des délibérations du conseil d'administration.

M. Thibaudeau: À l'exception du 6 février, date à laquelle j'étais absent.

M. Duhaime: À l'exception du 6 février, mais vous étiez présent aux réunions antérieures et, entre autres, à la réunion où il a été question qu'on irait solliciter le point de vue du premier ministre sur l'ensemble de cette question. Je voudrais simplement vous demander si cela a été pour vous une grande surprise ou si c'était normal que l'on procède de cette façon.

M. Thibaudeau: Absolument normal. J'ai été dans le mouvement syndical pendant 18 ans et j'ai occupé des postes importants. C'était très normal pour moi. Les syndicats font souvent des pèlerinages à Québec. J'en ai fait souvent moi-même; je suis venu voir M. Duplessis vers la fin de son régime, de même M. Lesage, M. Johnson; je suis venu les rencontrer, soit seul ou avec quelques collègues pour faire des représentations. J'ai vu des ministres, M. Bellemarre, M. Lévesque, dans le temps, dans l'exercice de mes fonctions. Pour moi, il était normal qu'on demande l'opinion du chef de l'État. Cela ne m'a pas surpris, pas du tout.

M. Duhaime: Je voudrais que vous nous disiez, M. Thibaudeau - vous avez eu à prendre position comme administrateur, au conseil - quel a été votre jugement personnel et votre propre décision sur le règlement hors cour qui était proposé et quels étaient vos motifs. (21 h 45)

M. Thibaudeau: Je veux donner une petite explication. Je suis tout de même quelqu'un qui connaît un peu les structures syndicales puisque je les enseigne depuis de nombreuses années. J'ai même participé à l'élaboration de certains organismes syndicaux. Je ne connais pas les 160 constitutions de toutes les fédérations qu'on appelle verticales. Je n'ai pas participé à toutes les constitutions qu'on appelle horizontales de tous ces organismes parce qu'il y en a beaucoup. Les structures syndicales sont quand même assez complexes. Avant même que j'aie été approché pour être membre du conseil, dès que j'avais vu cela et que j'avais suivi le procès de Murdochville, j'ai dit qu'ils auraient pas mal de difficultés, avec les structures des unions de métiers, à faire une preuve de responsabilité. Je souligne tout de suite ici que je ne suis pas avocat; je pouvais me tromper, mais je me disais que ce serait très difficile.

M. Duhaime: Consolez-vous, les avocats se trompent souvent.

M. Thibaudeau: Oui, cela, je le sais parce qu'il y a des choses tellement différentes dans les structures. Je viens d'un syndicat industriel où ce qu'on appelle les permanents syndicaux sont, en fait, des fonctionnaires syndicaux engagés par le conseil national avec un fonds de retraite, etc.

Dans les unions de métiers, il y a eu une grande pratique depuis des décennies: soit qu'on nomme par l'exécutif quelqu'un pour un mandat temporaire ou que ces personnes soient élues, mais ceci en dehors de ce que je peux appeler la centrale. C'est très commun. J'ai eu deux de mes syndicats qui ont eu des agents d'affaires qui ne relevaient pas de moi comme directeur provincial de mon syndicat. C'étaient les manuels de la ville de Montréal qui avaient décidé d'avoir un agent d'affaires pour ramasser les griefs, voir si le contrat était appliqué, rencontrer les délégués de département, ainsi de suite. Toutes mes connaissances des unions de métiers et des unions industrielles - et je ne vous dis pas que je ne pouvais pas me tromper m'indiquaient dès le départ... J'avais suivi un peu le procès de Murdochville où j'avais vu de mes amis qui étaient là sur place; c'étaient des représentants internationaux payés par le siège social, parce qu'on avait le même avocat, les métallos et mon syndicat, Me Merril Desaulniers, juge de la Cour supérieure. Mon opinion, avant l'étude des dossiers, c'est que ce sera difficile de faire le lien. Je n'avais aucun intérêt à ce moment, mais, lorsque j'ai été nommé là, cela m'a beaucoup préoccupé. Je me souviens qu'à une séance dont je ne peux vous préciser la date - peut-être que vous pourrez me dire la date - où nos avocats étaient venus, je les avais énormément questionnés sur le lien juridique ou la responsabilité qu'on pouvait avoir.

Mon opinion personnelle, c'est que j'étais moralement convaincu - je ne veux pas dire juridiquement parce que je ne suis pas avocat - qu'on ne pourrait même pas les faire condamner ici au Québec. À ce moment-là, d'après les chiffres et toutes les dépenses qu'on pouvait enregistrer au point de vue des frais d'avocat et autres, si on gagnait au Canada, je n'aurais pas été surpris que ce syndicat de métier conteste aux États-Unis et que cela continue durant des années, ainsi que les frais d'avocat. Comme administrateur, je trouvais que c'était dilapider des fonds, à mon point de vue. Je parle pour moi. C'est l'opinion que j'ai donnée au conseil d'administration, comme je connaissais les syndicats.

Une autre chose qui a motivé mon vote, parce que j'ai voté pour le règlement hors cour, c'est que c'est très fragile lorsqu'on parle de cotisations syndicales. Je me suis fait jouer des tours par la CSN; j'ai perdu certains syndicats et je leur en ai aussi chippé quelques-uns. Lorsqu'on ne donne

pas de services, comme être aux assemblées, répondre à leurs questions, défendre leurs griefs en arbitrage et les aider, on les perd. Beaucoup de membres du syndicat prennent un syndicat un peu comme un abonnement à une compagnie de téléphone. S'il n'y a pas de rendement, ils regardent ailleurs.

Je me disais, quant aux cotisations syndicales: Les saisir, cela va tout probablement - je n'en fais pas une certitude - redéclencher une guerre intersyndicale sur les chantiers. Lorsqu'il y a une guerre intersyndicale dans une compagnie - j'en ai vu une à Hydro-Québec que je dirigeais pour mon syndicat - je me suis rendu compte que le rendement au travail diminue énormément. Ce sont des atmosphères passablement dures, celles des luttes intersyndicales. J'en ai vécu plusieurs, tellement que ma santé en a été affectée. Pour moi, la paix sociale était quelque chose de très important en 1979 pour qu'on arrive à nos échéances. C'est une des grosses raisons pour lesquelles j'ai voté oui. À mesure que j'étais de plus en plus convaincu qu'on ne pourrait rien obtenir de l'union internationale, j'ai voté oui en mon âme et conscience.

M. Duhaime: M. Thibaudeau, j'ai en main ici le rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction de mai 1975, mieux connu...

M. Thibaudeau: Je voudrais voir si vous avez les mêmes pages ou si ce sont des éditions différentes.

M. Duhaime: ...comme le rapport Cliche.

M. Thibaudeau: Oui, oui mais 175...

M. Duhaime: Dans le numéro que j'ai devant moi, je voudrais aller à la page 99. Je ne sais pas si nous avons la même pagination.

M. Thibaudeau: On n'a pas la même pagination.

M. Duhaime: Vous semblez avoir une édition de luxe.

Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas la même pagination.

M. Thibaudeau: Ce n'est pas la même édition.

M. Duhaime: Si j'avais un exemplaire, on pourrait le retrouver rapidement. Sous la rubrique: Le système et ses appuis, chapitre 6.

M. Thibaudeau: Un instant, M. le ministre.

M. Duhaime: II y a différentes rubriques, cela doit être à la fin du chapitre. Un sous-chapitre, son titre est souligné dans mon édition: Yvon Duhamel ou la violence gratuite.

Une voix: Pages 68 ou 69. C'est à la page 70, M. le ministre.

M. Duhaime: Alors, à la page 68. M. Thibaudeau: Oui, je l'ai.

M. Duhaime: À la page 68, au bas de la page. Je voudrais peut-être vous en lire sept ou huit lignes: "Les commissaires ont acquis la conviction que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé."

M. Thibaudeau: Un instant, M. le Ministre.

M. Duhaime: Page 68.

M. Thibaudeau: Bon, d'accord. Je l'ai.

M. Duhaime: "II ne s'agit aucunement d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée par un noyau de mécréants, dirigés par Duhamel, pour montrer, une fois pour toutes, qui était le maître à la baie James. "L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des témoins du saccage est que les travailleurs ont été de simples spectateurs et même des victimes des actes insensés posés par un Duhamel en délire. "C'est à ce genre de catastrophe que devait fatalement aboutir l'irresponsabilité des aventuriers sans scrupule qui avaient fait main basse sur le contrôle des principaux locaux de la FTQ-Construction."

Ce n'est sans doute pas la première fois que vous entendez cet extrait.

M. Thibaudeau: Non, je l'ai lu et relu.

M. Duhaime: Je voudrais savoir de vous, comme expert, d'abord, en relations de travail et, ensuite, comme administrateur, membre du conseil d'administration de la SEBJ, si vous êtes d'accord ou en désaccord. Je voudrais que vous commentiez ce paragraphe.

M. Thibaudeau: Je suis entièrement d'accord avec ce paragraphe. Il faut dire que je n'ai jamais été un conseiller technique dans l'industrie de la construction, mais j'ai tout de même suivi cela de très près dans les postes que j'ai occupés. Le législateur a senti le besoin, en 1968, de sortir du Code du travail toute l'industrie de la construction

par la Loi régissant les conditions de travail dans l'industrie de la construction, le fameux bill 290.

À la suite de cela, ça toujours été au Québec, surtout à cause des luttes intersyndicales CSN, FTQ-Construction, un secteur où il y a eu de la violence. Vous devez vous souvenir des dégâts à Bechtel sur la Côte-Nord, ainsi qu'à Sorel. Il y a toujours eu des difficultés; c'est un milieu très dur. Bien franchement, avec le caractère que j'ai, je n'aurais pas agi dans ce milieu comme conseiller technique. J'aurais trouvé cela trop dur. Souvent, c'était vraiment l'anarchie. C'est pourquoi, en 1979, en voyant les bonnes relations de travail sur le chantier de la Baie-James, il était très important pour moi qu'on garde cette paix sociale qui avait été établie après le saccage de 1974.

M. Duhaime: M. Thibaudeau, au cours des mois de janvier et février 1979, à l'époque où des délibérations sont tenues au conseil de la SEBJ concernant le règlement hors cour, en aucun moment est-ce que le premier ministre du Québec aurait, directement ou indirectement, mais personnellement, à votre endroit, posé quelque geste ou prononcé quelques mots en sous-entendus ou en entendus qui allaient dans le sens d'exercer sur vous quelque pression que ce soit?

M. Thibaudeau: Jamais le premier ministre ou quiconque n'a fait pression sur moi, en aucun moment au cours de ces deux ans du mandat que j'ai assumé à la Société d'énergie de la Baie-James. En aucun moment. J'ai rencontré M. Lévesque à deux cocktails; premièrement, à l'inauguration de LG 2 où on a pris un verre. Il n'était question d'aucun problème. Aussi, lorsqu'on a inauguré le pavillon de la SEBJ aux floralies. C'est tout. Je n'ai ni revu ni parlé à M. Lévesque durant ces deux ans de mon mandat.

M. Duhaime: Durant cette même période, est-ce que vous avez en aucun moment subi quelque pression que ce soit...

M. Thibaudeau: De personne.

M. Duhaime: ...de la part de Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre du Québec?

M. Thibaudeau: J'ai connu M. Jean-Roch Boivin comme arbitre de griefs à l'époque où j'étais président de la conférence des arbitres du Québec. J'ai connu et j'ai rencontré M. Boivin à ce moment-là. Mais, pendant mon mandat, je n'ai jamais parlé avec M. Boivin des problèmes de la SEBJ.

M. Duhaime: Pendant ces mêmes mois de janvier et février 1979, en aucun moment est-ce que vous avez reçu quelque communication que ce soit...

M. Thibaudeau: De personne, M. le ministre.

M. Duhaime: ...de Me Yves Gauthier?

M. Thibaudeau: De personne. Je ne connais pas M. Gauthier.

M. Duhaime: Vous ne connaissez pas Me Gauthier?

M. Thibaudeau: Non.

M. Duhaime: Voici ma dernière question: Est-ce que vous lisez la Presse, de Montréal?

M. Thibaudeau: Oui.

M. Duhaime: Je vous remercie.

M. Thibaudeau: Je pourrais commenter que, dans la Presse de Montréal, il y a tout de même un article qui m'a surpris. C'est lorsque, dans un des articles, on dit que "six administrateurs ont, en fait, cédé aux ultimes pressions du premier ministre". Je me suis senti blessé dans mon intégrité parce que je n'avais subi aucune pression d'aucun genre.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Avant de passer au député de Marguerite-Bourgeoys, compte tenu que je vais dépasser obligatoirement 22 heures, je crois comprendre que j'aurais le consentement pour continuer. Comme il resterait une personne, M. Pierre Laferrière, à être entendue comme invitée, j'ai la certitude, de part et d'autre, qu'on va continuer jusqu'à la fin de l'intervention de M. Laferrière.

M. Tremblay: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Chambly.

M. Tremblay: ...je constate qu'il y a consentement et je voudrais remercier le leader de l'Opposition qui, de toute évidence, a les symptômes sérieux d'une grippe et qui poursuit quand même. Je voudrais le remercier pour son courage.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): C'est ce que je crains.

M. Lalonde: ...la sympathie du député m'inquiète.

M. Duhaime: Je n'ai pas donné de consentement. Je n'ai rien dit.

Le Président (M. Jolivet): Un instant! Je vais régler ce problème immédiatement.

M. Duhaime: Avant de donner mon consentement, M. le Président, je voudrais simplement savoir de quoi on parle. J'étais en train de parler avec quelqu'un qui me donnait une information.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Je vous répète la chose suivante. Nous sommes rendus à 22 heures et je devrais ajourner immédiatement les travaux. Cependant, si on m'accorde le consentement, on pourrait continuer d'abord avec M. Thibaudeau et entendre, ensuite, M. Laferrière de façon à terminer un peu plus tard que 22 heures. Si je n'ai pas le consentement, je devrai immédiatement ajourner les travaux. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, avant de vous donner ma réponse, je voudrais vous dire que je considérerais que nous avons fait une bonne journée de travail. Donc, je ne donnerai pas mon consentement. Demain, c'est vendredi saint et je pense que tout le monde a hâte de rentrer chez soi. Il y a des députés qui viennent de loin et il y a des témoins qui viennent de loin. Nous reprendrons nos travaux en avril. Nous les poursuivrons en mai et en juin si c'est nécessaire. Il n'y a pas de consentement.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais quand même...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je constate que notre consentement devient inutile. Comme M. Laferrière attend depuis deux jours comme tous les autres, si cela avait pu lui éviter de revenir, nous aurions donné notre consentement pour poursuivre 20 minutes ou une demi-heure, mais, puisque le ministre est pressé d'aller faire ses pâques, je respecte cela aussi.

M. Duhaime: Je ne veux pas les faire en renard parce que...

Le Président (M. Jolivet): Donc, je dois, malheureusement - c'est mon devoir -clore...

M. Lalonde: Est-ce qu'on ne peut pas consentir, au moins, à deux questions, pour terminer avec le témoin qui est là?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Deux questions?

M. Lalonde: Deux ou trois questions.

M. Duhaime: Non.

Le Président (M. Jolivet): Donc, n'ayant aucun consentement, je dois ajourner...

M. Lalonde: Vous allez être obligé de revenir à cause de l'entêtement du ministre.

M. Thibaudeau: J'espère que je ne manquerai pas d'autres classes. J'en ai manqué hier.

Le Président (M. Jolivet): Donc, c'est ajourné sine die.

(Fin de la séance à 22 h 01)

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