To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Commission permanente de l'énergie et des ressources

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Commission permanente de l'énergie et des ressources

Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Wednesday, April 20, 1983 - Vol. 27 N° 17

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Tremblay (Chambly), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), M. Blouin (Rousseau), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Les personnes invitées aujourd'hui à venir devant la commission parlementaire sont, d'abord, M. Lucien Saulnier, pour continuer à répondre aux questions qu'on a à lui poser, M. François Aquin, M. Michel Jetté et M. Jean-Paul Cardinal.

Cette commission siégera aujourd'hui à partir de maintenant jusqu'à 13 heures et après la période des questions, c'est-à-dire vers 16 heures ou 16 h 30, jusqu'à 18 heures. Ce sont les heures prévues par le règlement.

M. Lucien Saulnier, s'il vous plaît, si vous voulez revenir en face de nous. La parole était au député de Laporte, mais je crois que le député de Marguerite-Bourgeoys a quelque chose à demander.

M. Lalonde: Pendant que M. Saulnier s'approche de la table, j'aimerais m'entretenir avec le ministre de deux questions que j'ai posées hier. La première: Quand M. Maurice Pouliot sera-t-il invité à témoigner? Il m'a dit privément qu'il me donnerait une réponse aujourd'hui. Est-ce qu'il est prêt à le dire maintenant?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: J'aurais deux choses, M. le Président. Sur la pertinence que la commission entende M. Pouliot, j'aimerais m'entretenir avec le député de Marguerite-Bourgeoys. Peut-être que son témoignage peut être utile à la commission, mais je ne voudrais pas, non plus, que l'on s'astreigne à convoquer devant la commission parlementaire toute personne qui, à un moment ou l'autre, aurait fait un commentaire sur ce dossier à un journaliste. Au départ, je suis très favorable à ce que toute personne suggérée par l'Opposition puisse être entendue par la commission parlementaire. Pour ce qui est de la date, ensuite, cela m'apparaît secondaire. On pourrait l'entendre demain ou encore vendredi. Si le député de Marguerite-Bourgeoys voulait attendre l'heure du lunch, nous pourrions avoir un entretien. Je dois dire, au départ, que je suis favorable; je veux seulement m'assurer que ce témoignage pourrait apporter des renseignements pertinents dans le cadre du mandat de cette commission.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est la première fois qu'un ministre m'invite à luncher, je vais sûrement y songer.

M. Duhaime: Je ne vous ai pas invité à luncher, je m'excuse.

M. Lalonde: Ah bon! Merci, cela me rassure. Je suis prêt à informer le ministre sur M. Pouliot, en privé ou en public. Il représente une des parties au règlement. Je pense que c'est suffisant. D'ailleurs, pas un seul membre des syndicats n'a été invité par un côté ou l'autre de la table jusqu'à maintenant. Je voudrais simplement rappeler au ministre ce que le premier ministre a dit à l'Assemblée nationale, à savoir que toute personne ayant quelque rapport avec cette question serait admise comme témoin. Je ne veux pas que cette ouverture que je ferais au ministre, à savoir de l'informer sur la pertinence, soit considérée comme une condition, c'est-à-dire qu'on se soumettrait aux caprices du prince et que le ministre

déciderait si M. Untel témoignera ou non. Nous ne nous soumettrons pas à cela. Il est tout à fait pertinent qu'un membre d'un syndicat qui était défendeur soit invité.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que M. le ministre a quelque chose à ajouter?

M. Duhaime: Je voudrais simplement rassurer le député de Marguerite-Bourgeoys. J'ai déclaré que j'étais favorable, avec la réserve que j'ai faite tout à l'heure. Ce n'est pas une question de caprice. Je pense que ce serait manquer à mon devoir que de simplement accepter que Jos. Bleau vienne à la commission parlementaire nous dire ce qu'il pense. S'il s'agit effectivement d'un président d'une des parties défenderesses à ce litige, je donnerai mon accord tout de suite.

M. Lalonde: Merci de votre accord. Il y a une deuxième question que je voudrais vérifier maintenant. J'avais demandé au président de la SEBJ, M. Laliberté, de faire délier ses procureurs de leur secret professionnel, de leur obligation de confidentialité. M. Laliberté m'avait dit qu'il allait recommander au conseil d'administration que cela soit fait. Est-ce que le ministre sait si cela a été fait? On pourrait peut-être poser la question à M. Saulnier.

M. Duhaime: Je ne suis pas en mesure de vous le confirmer. Je vais y aller par intuition, de façon implicite. J'ai eu l'occasion de saluer, tout à l'heure, trois des procureurs de la Société d'énergie de la Baie James qui sont présents, qui m'ont l'air d'avoir des porte-documents avec eux. J'ai l'impression qu'ils sont prêts à être entendus par la commission. Je tiens donc pour acquis qu'ils ont été relevés de leur secret professionnel. M. Laliberté, qui est ici, me fait signe que oui. Nous entendrons, ce matin, ces trois procureurs, Mes Aquin, Cardinal et Jetté, aussitôt que nous aurons terminé le témoignage de M. Saulnier.

M. Lalonde: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Donc, la parole est au député de Laporte.

Témoignages

M. Bourbeau: M. Saulnier, nous avions à peine commencé, hier soir, votre témoignage quand le règlement de clôture nous a obligés à ajourner nos travaux pour la nuit. Ce matin, si vous voulez bien, nous allons nous reprendre. Avant de vous poser des questions sur certains points précis, j'aimerais revenir sur vos occupations présentes. Je crois que vous nous avez dit que vous n'exerciez plus le rôle de président du conseil de la SEBJ. Avez-vous d'autres occupations officielles présentement?

M. Lucien Saulnier (suite)

M. Saulnier: Actuellement, je suis membre du conseil de la Régie des installations olympiques.

M. Bourbeau: N'avez-vous pas été président du conseil à un moment donné?

M. Saulnier: J'ai été président du conseil jusqu'au 1er novembre dernier.

M. Bourbeau: Avez-vous un mandat comme membre du conseil? Quand expire votre mandat?

M. Saulnier: À la RIO?

M. Bourbeau: Oui, à la RIO.

M. Saulnier: Je ne pourrais pas vous le dire de mémoire. Sûrement pour un an. Oui, cela me revient. J'avais été nommé membre et président pour trois ans. Or, j'ai fait deux ans comme président; il reste sûrement un an moins six mois.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il s'agit là d'une occupation à temps plein?

M. Saulnier: Non, non.

M. Bourbeau: Avez-vous d'autres occupations en plus de celle-là?

M. Saulnier: J'ai une autre occupation. Je suis partiellement retraité. Effectivement, je suis retraité, mais pas complètement oisif.

M. Bourbeau: Je m'en doute bien, oui. Quand on vous connaît, il doit être assez difficile d'être oisif. Quant à votre nomination à la SEBJ, M. Saulnier, vous nous avez dit qu'elle était devenue effective le 1er octobre 1978.

M. Saulnier: En effet.

M. Bourbeau: Comment s'est effectuée votre nomination?

M. Saulnier: Par un arrêté en conseil.

M. Bourbeau: À quel moment avez-vous été abordé pour faire partie du conseil de la SEBJ?

M. Saulnier: Au cours de l'été. Je ne pourrais pas préciser à quelle date ou à quel mois; en juin ou juillet.

M. Bourbeau: Qui vous avait approché?

M. Saulnier: D'abord, M. Joron et, ensuite, le premier ministre.

M. Bourbeau: M. Joron qui était à ce moment...

M. Saulnier: Ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Bourbeau: Et subséquemment le premier ministre, vous dites.

M. Saulnier: Oui.

M. Bourbeau: Le premier ministre vous a appelé pour confirmer ou pour vérifier.

M. Saulnier: Pour bien s'assurer que je confirmerais la réponse affirmative que j'avais donnée au ministre.

M. Bourbeau: La demande qu'on vous avait faite à ce moment, est-ce que c'était déjà de devenir le président du conseil d'administration ou uniquement un membre du conseil d'administration?

M. Saulnier: Président du conseil d'administration.

M. Bourbeau: Président du conseil d'administration. Au moment de votre nomination, vous étiez, je présume, déjà au courant de la poursuite qui avait été entreprise par la SEBJ?

M. Saulnier: Comme tous les citoyens qui lisent les journaux, oui.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il en a été question soit avec M. Joron ou avec le premier ministre, lors de vos conversations téléphoniques avant votre nomination?

M. Saulnier: II n'en a pas été question.

M. Bourbeau: Vous avez un très bon souvenir de cela?

M. Saulnier: Excellent.

M. Bourbeau: Est-ce que ces entretiens avaient été courts?

M. Saulnier: Plutôt courts. Dans l'ordre de grandeur en termes de temps, une vingtaine de minutes, 25 minutes.

M. Bourbeau: Et en aucun cas, ni avec M. Joron, ni avec M. Lévesque, vous n'avez touché la question du procès ou du saccage de la SEBJ?

M. Saulnier: En aucun cas.

M. Bourbeau: En ce qui concerne le règlement hors cour, est-ce que vos vues étaient connues du gouvernement à ce moment?

M. Saulnier: II n'y aurait pas de raison, puisque je n'en ai pas parlé.

M. Bourbeau: M. Saulnier, vous nous avez dit hier que, dès le début du mois de janvier, quant à vous, c'était assez clair qu'on devait nécessairement, dans l'intérêt de la Société d'énergie de la Baie James, en arriver à un règlement que votre opinion s'est formée rapidement. Je crois que c'est ce que vous avez dit ou à peu près.

M. Saulnier: Hier, je l'ai dit en indiquant qu'elle était formulée avec un point d'interrogation, à savoir que, sur ce dossier, on pouvait à ce moment, en ce qui me concerne, commencer à poser un point d'interrogation.

M. Bourbeau: D'ailleurs, dans le document que vous avez lu hier dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de cela en disant qu'à votre avis même l'institution de la poursuite avait été faite plutôt comme un geste symbolique, que déjà, d'après vous, on pouvait entretenir des doutes sur la possibilité d'obtenir des compensations pour dommages.

Vous avez cité quelques paragraphes d'un document que nous, ici à la commission, depuis le début, on a appelé un rapport confidentiel. C'est un rapport qui a été préparé à l'intention des membres du conseil et qui est signé de quatre personnes. Là-dedans, il y a deux avocats et deux non-avocats, des gens très au courant du dossier et qui étaient à l'emploi de la SEBJ ou d'Hydro-Québec.

Vous avez cité certains extraits de ce document qui tendaient à conclure qu'il y avait, justement, des doutes sérieux, dès le début de janvier 1979, quant à la possibilité de recouvrer des sommes d'argent des débiteurs. Ce document, à la page précédente, faisait allusion, à un moment donné, à un rapport des procureurs Geoffrion et Prud'homme et disait: "Ce rapport démontre bien que nos procureurs sont en mesure de présenter des preuves qui, selon leur opinion, seront suffisantes pour supporter les conclusions de la société d'énergie contre il nomme certains défendeurs, des individus, M. Duhamel, etc. - le local 791 de l'Union internationale de machinerie lourde (International Union of Operating Engineers, Local 791, en anglais). Il existe également de bons éléments de preuve contre l'International Union of Operating Engineers (FAT-CIO-CTC), qu'on a appelée ici, depuis le début, le syndicat américain. On dit également, en ce qui concerne un autre syndicat québécois, la Fraternité unie des

charpentiers et menuisiers d'Amérique: "Nos procureurs sont d'avis qu'ils ont suffisamment de points de droit pour faire déclarer ce syndicat également responsable."

Le rapport en question semblait conclure qu'à l'égard de la majorité des syndicats, des défendeurs, on avait de fortes chances d'obtenir des jugements et émettait certains doutes - vous l'avez souligné amplement - sur la possibilité de percevoir une somme importante des syndicats québécois.

On disait à l'égard du syndicat américain, déjà, au début du mois de janvier: "Seul le syndicat américain aurait des fonds nécessaires pour satisfaire à un jugement. Parce que ce syndicat a comparu dans notre action, nous sommes avisés que ceci faciliterait de beaucoup les procédures d'exemplification aux États-Unis d'un jugement tenant ce syndicat responsable, s'il était rendu au Québec." On disait aussi: "Advenant que les preuves que nous avons à présenter ne réussiraient pas à convaincre le tribunal de rendre jugement contre le syndicat américain, les gestes posés par ce syndicat portent à croire qu'il ne tolérerait pas qu'un jugement rendu contre un de ses locaux demeure insatisfait".

Donc, au début de janvier 1979, vos procureurs estimaient qu'on avait de très bonnes chances de faire condamner tout le monde et de percevoir des sommes importantes du syndicat américain. Et pourtant, vous nous avez dit qu'en ce qui vous concernait vous ne voyiez pas en quoi on pouvait poursuivre la cause et aller chercher quelque somme d'argent que ce soit. N'y a-t-il pas une contradiction là-dedans?

M. Saulnier: M. le Président, si l'on prend certains passages de cette opinion et qu'on les met en regard d'autres passages de cette opinion, on peut honnêtement dire qu'il y a une contradiction apparente. Je n'ai pas d'objection à cela. Cela répond-il à votre question?

M. Bourbeau: S'il y a une contradiction apparente, est-ce qu'on ne devrait pas éviter de porter un jugement définitif pour dire: Non, la cause n'est pas bonne, s'il y a des doutes importants qui subsistent?

M. Saulnier: M. le Président, j'ai bien indiqué hier - je suppose que c'est à cette partie de mes remarques qu'on se reporte -que ce que j'ai dit, c'était ma perception des travaux du conseil sur tout le dossier. Or, au commencement, on dit ce qui vient d'être cité et ce que j'ai dit hier, mais, à la fin, on est très clair. Alors, ma perception, c'est sur l'ensemble.

M. Bourbeau: Revenons, si vous voulez, aux procédures symboliques. Vous disiez hier que les motifs qui vous incitaient à régler la cause rapidement étaient, en premier lieu, la fragilité des défendeurs québécois, si je me souviens bien des mots que vous avez employés. En fait, vous avez dit: La fragilité de l'ensemble des défendeurs. En ce qui concerne les défendeurs québécois, étiez-vous au courant que, dès 1975, l'un des syndicats québécois, un seul, avait déjà offert de payer 400 000 $ pour régler la cause et que cette offre n'avait même pas été sollicitée par la SEBJ?

M. Saulnier: Je ne pourrais dire si j'ai été informé à ce moment-là. Mais, actuellement, j'en suis conscient parce que je l'ai entendu dire ici.

M. Bourbeau: Vous n'étiez pas au courant?

M. Saulnier: Je ne peux affirmer si cela a été dit à ce moment ou si cela n'a pas été dit. Je n'ai pas de souvenir de cela. Si je ne me trompe pas, cela a surgi dans ce rapport ou dans un autre. Mais, encore une fois, je confirme que je l'ai très bien entendu.

M. Bourbeau: Vous nous avez dit hier que vous lisiez assidûment tous les documents lorsque vous assistiez aux assemblées. C'était dans un des documents que vous aviez devant vous. (10 h 30)

M. Saulnier: Oui, je pense que je n'ai pas nié cela; je dis que je ne l'ai pas entendu. Je crois que c'est ce que j'ai dit.

M. Bourbeau: Vous n'avez pas entendu quoi?

M. Saulnier: Je n'ai entendu faire aucune référence, au conseil, à cette offre qui a effectivement été faite.

M. Bourbeau: Mais ma question n'était pas: Est-ce que vous en avez entendu parler au conseil? Je vous ai demandé si vous, qui lisiez les documents, aviez lu dans vos documents qu'un de vos défendeurs avait déjà offert, deux ou trois ans auparavant, de vous payer 400 000 $, un seul défendeur?

M. Saulnier: Je pense que j'ai répondu oui.

M. Bourbeau: Non, vous avez répondu non.

M. Saulnier: La question, telle que je l'ai entendue ou comprise était à savoir si j'avais entendu parler de cela. Je l'ai lu, c'est différent.

M. Bourbeau: Bon! Pour éviter toute confusion, je vais reprendre ma question. Est-ce que vous étiez au courant, pour l'avoir lu, qu'un de vos défendeurs vous avait déjà offert 400 000 $ bien longtemps avant le début de la cause?

M. Saulnier: Je l'avais lu.

M. Bourbeau: À ce moment-là?

M. Saulnier: Oui.

M. Bourbeau: Donc, en janvier 1979, vous saviez que déjà un des syndicats québécois, un de ceux qu'on prétendait insolvables, avait, auparavant, offert 400 000 $ et cela ne vous a pas plus impressionné que cela?

M. Saulnier: Non. Remarquez que, plus tard, j'ai fait une réflexion. Je pense qu'il est peut-être prématuré de la livrer à ce moment-ci.

M. Bourbeau: Vous avez dit tout à l'heure que la fragilité, l'insolvabilité des défendeurs québécois avait été pour vous un élément décisif ou important. Vous aviez demandé à vos procureurs de vous faire connaître les états financiers des défendeurs québécois pour savoir ce qu'il en était de leur solvabilité. On vous a remis les états financiers le 26 février avec un rapport sur leur solvabilité. Comment pouviez-vous, dès le début de janvier 1979, conclure que vos défendeurs étaient insolvables?

M. Saulnier: M. le Président, est-ce qu'on pourrait nous donner le numéro de la page?

M. Bourbeau: Ecoutez, je me reporte à des documents que j'ai ici. Je n'ai pas été dans le cahier.

M. Duhaime: Page 22, à la séance du 9 janvier.

M. Bourbeau: C'est une lettre de Geoffrion et Prud'homme à Me André Gadbois, du 27 février 1979. C'est la page 143.

M. Saulnier: Quelle est la question, M. le Président?

M. Bourbeau; Comment pouviez-vous connaître la situation financière des syndicats québécois au début de janvier alors qu'elle ne vous a été révélée que le 27 février 1979?

M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Le député, dans sa question, dit que cela a été révélé seulement en février. Cependant, du rapport confidentiel - à la page 22 - de la réunion du 9 janvier, je vais lire le paragraphe si on ne veut pas le lire. Voici l'avant-dernier paragraphe de la page 22: "II y a lieu cependant de s'interroger sur ce que peut être présentement la solvabilité de tous ces défendeurs possibles, et surtout sur ce qu'elle serait une fois le jugement final obtenu tenant compte, en particulier, de l'envergure de la réclamation de la société."

C'est au début de janvier. C'est repris plus tard en février 1979.

M. Bourbeau: Justement, cela justifie ma question. Au début de janvier, vos procureurs...

M. Duhaime: C'est cela.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, à l'ordre! Juste un instant, M. le député. M. le député de Laporte, allez-y.

M. Bourbeau: Au début de janvier, vos procureurs disent que l'on devrait s'interroger sur la situation financière de vos débiteurs québécois. On ne la connaît pas. On devrait s'interroger. Vous avez dit: Très bien, faites des vérifications. On a demandé de faire des vérifications pour savoir si, oui ou non, ils étaient solvables, parce qu'on se posait des questions. Le 27 février, vos procureurs vous disent: Nous avons fait les vérifications, voici ce qu'est la situation financière. Comment, vous, au début de janvier, pouvez-vous nous dire que vous étiez convaincu qu'ils étaient insolvables?

M. Saulnier: M. le Président, j'ai simplement dit, et je le répète, que ma perception à partir de mes souvenirs et des documents consultés me permettait de dire etc., etc. Le 9 janvier - je l'ai dit hier soir à une ou deux reprises - je n'étais pas présent. Alors, c'est à la lecture des documents et nommément du document confidentiel qui dit très clairement qu'il y a lieu de s'interroger, etc., etc.

M. Bourbeau: Oui, mais tantôt, dans ma question, je ne vous ai pas parlé spécifiquement du 9 janvier. J'ai dit: Dès le mois de janvier.

M. Saulnier: Si, M. le Président, la question est plus large et qu'elle s'étend à ce qui peut avoir été dit à d'autres séances où ce sujet aurait été évoqué, là, j'ai le souvenir très clair qu'on a dit à plus d'une reprise qu'il ne fallait pas espérer obtenir

des syndicats un sou de plus que ce qu'il y a dans ce dossier.

M. Bourbeau: Qui disait cela?

M. Saulnier: Le président-directeur de la SEBJ et les procureurs de la société.

M. Bourbeau: Mais sur quoi se basaient-ils pour affirmer qu'on ne pourrait pas avoir un sou de plus?

M. Saulnier: Ils avaient questionné, ils avaient fait les recherches qui leur avaient été commandées au mois de novembre.

M. Bourbeau: Les recherches ont été connues le 27 février 1979. Jusqu'à ce moment-là, il n'y avait pas de preuves.

M. Saulnier: C'est-à-dire qu'elles ont été consignées, je présume, par écrit mais moi, j'en ai entendu parler avant et je pense bien que tous mes collègues aussi.

M. Bourbeau: Alors, vous me dites que votre P.-D.G et vos avocats vous disaient que la partie adverse leur disait qu'ils ne pourraient percevoir un sou de plus. Dans votre expérience d'administrateur, M. Saulnier, est-ce qu'il n'est pas normal que des gens poursuivis en justice disent qu'ils n'ont pas d'argent, qu'ils ne paieront pas?

M. Saulnier: C'est tout à fait normal, M. le Président. C'est tout à fait normal et, à ce moment-là, les procureurs ont à l'égard de leur client l'obligation d'aller vérifier ce qu'ils valent exactement. Il y a une lettre dans ce dossier-là - on la cherche, on va la trouver - qui dit clairement que les biens que les syndicats possèdent ne peuvent pas dépasser 100 000 $. Alors, dans ces cas-là, moi, je tiens pour acquis qu'il n'y a pas moyen d'aller chercher tellement plus que cela.

M. Bourbeau: Mais, M. Saulnier, ce dont vous parlez se basait, sur des vérifications qui dataient d'un certain temps. Au début de janvier, ces phrases-là couraient dans le conseil, comme vous dites, et, pour en avoir le coeur net, puisqu'on n'avait pas de preuves précises, vous avez dit à vos procureurs: Allez donc chercher les états financiers pour qu'on en sache quelque chose. Il n'y avait pas de preuves de l'insolvabilité. Enfin, ce n'était pas une insolvabilité puisqu'il y avait quand même certains actifs.

M. Saulnier: Écoutez... M. Bourbeau: Alors, vous...

M. Saulnier: ...je n'ai aucune hésitation à confirmer que les affirmations qu'on nous a faites, on a demandé de les vérifier. Cela me paraît raisonnable.

M. Bourbeau: Hier, vous nous avez dit que, dès le 30 janvier, le conseil était prêt à accepter le règlement hors cour, vous surtout, enfin, éminemment vous-même, puisque vous étiez absolument très convaincu. Comment pouviez-vous, à ce moment-là, abandonner la poursuite sans savoir si, oui ou non, les vérifications confirmeraient que vos débiteurs étaient aussi insolvables que certains le prétendaient?

M. Saulnier: M. le Président, pour deux raisons. Les 23 et 30 janvier, plus précisément le 23 janvier, nous avons reçu et questionné pendant plusieurs heures les procureurs de la société, qui nous ont fait des affirmations dont nous faisons état ici. Deuxièmement, ce que j'ai dit hier, c'est que mon souvenir très clair était que j'étais prêt à faire un tour de table pour demander si l'on était favorable au principe ou à la décision d'un règlement. Je n'ai pas posé la question. Cela n'est pas allé plus loin que cela, je l'ai à peine esquissée. La proposition de M. Giroux nous a été faite.

M. Bourbeau: Nous avons parlé tantôt du syndicat québécois qui déjà avait offert 400 000 $ auparavant. Il est clairement dit, dans l'opinion de vos avocats du 5 janvier 1979, que les syndicats américains, quant à eux, avaient des moyens financiers très importants et qu'ils avaient, sans l'ombre d'un doute, selon eux - il y avait, d'ailleurs, des documents qui étaient annexés - la capacité de satisfaire au jugement en entier. Est-ce que vous avez pris connaissance de cela?

M. Saulnier: Oui, M. le Président.

M. Bourbeau: Cela ne vous a pas incité à continuer la poursuite?

M. Saulnier: Cela a soulevé dans mon coeur un grand sentiment d'envie.

M. Bourbeau: Mais blague à part?

M. Saulnier: Blague à part, à partir des documents sur lesquels nous délibérions et des renseignements qu'on nous fournissait, il devenait, sinon évident, au moins très douteux qu'on puisse faire le lien de droit qui a été esquissé dès les premiers rapports, d'ailleurs.

M. Bourbeau: Parlons donc des premiers rapports. Le rapport que vous aviez en janvier 1979 disait, au sujet du syndicat américain, que la solvabilité de ce syndicat était telle qu'il semblait que ce syndicat avait les moyens financiers de satisfaire au

jugement qui pourrait être prononcé. Je pense que cela est assez clair pour ce qui est de la solvabilité. En ce qui concerne la question juridique, à savoir si, oui ou non, on pouvait établir un lien de droit, on dit...

Le Président (M. Jolivet): Pardon, M. le député de Laporte, vous travaillez probablement sur un document personnel?

M. Bourbeau: Le document que j'ai est un document personnel.

M. Duhaime: Je ne m'opposerais pas à ce que ce document soit déposé devant la commission. Cela pourrait nous aider.

M. Bourbeau: Je n'en ai qu'une copie et ce n'est qu'un extrait. Les documents, ici, sont tellement importants.

M. Duhaime: Si la commission ne peut pas absorber...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Bourbeau: Je vais vous expliquer une chose, M. le ministre. On nous a remis une tonne de documents et nous avons jugé bon d'en faire une analyse. C'est donc l'analyse que j'ai ici,

M. Duhaime: Ah bon!

Le Président (M. Jolivet): C'est un document personnel.

M. Duhaime: Si c'est le coût des photocopies qui vous inquiète, je ne le ferai même pas payer par la commission, je vais le prendre à mes frais.

M. Lalonde: Ah! Le ministre est riche.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte, est-ce que vous avez retrouvé la page?

M. Duhaime: Avec le budget d'hier, je me sens "loose".

M. Lalonde: L'augmentation de salaire.

M. Bourbeau: En ce qui concerne le syndicat américain...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le député de Laporte. M. Saulnier a demandé à quelle page c'était. Est-ce que vous pouvez nous la donner? (10 h 45)

M. Bourbeau: À la page 30 du document. Vos avocats n'étant pas des experts en droit américain, ils voulaient savoir si, advenant un jugement contre le syndicat américain, on pourrait percevoir les sommes d'argent aux États-Unis. Geoffrion et Prud'homme vous disent alors que les avocats américains confirment "qu'un jugement rendu dans la province de Québec n'est pas automatiquement exécutoire aux États-Unis, mais qu'il peut, cependant, fonder avec succès une action intentée là-bas. Le droit américain fait montre de générosité à l'égard des jugements étrangers, de telle sorte que, si certains prérequis existent, le défendeur à l'action intentée aux États-Unis sur la foi du jugement étranger ne peut plus rouvrir le débat à son mérite. Nous ne pouvons mieux faire que de vous référer à l'affaire Hilton contre Guyot que nos correspondants considèrent comme faisant jurisprudence aux États-Unis."

Ils disent, justement, en ce qui concerne la question du rapport avec les syndicats canadien et américain: "Nous savons, de façon certaine - ce sont vos propres avocats qui disent cela - que, peu avant les événements de mars 1974 - donc, le saccage de la Baie-James - et peu après, l'International Union of Operating Engineers (le syndicat américain) dont les bureaux pour le Canada sont situés à Toronto, s'est intéressée aux activités du local 791," donc, le syndicat québécois. Vos avocats concluent - et c'est très important, je pense - "Elle -c'est le syndicat américain - ne peut choisir d'exercer certains pouvoirs que lui donne sa constitution et se cacher derrière elle lorsque sa responsabilité est engagée."

Donc, j'en conclus que vos avocats sont confiants de pouvoir relier ceux qui ont fait le saccage de la Baie-James au syndicat américain. Alors, vous aviez devant vous, en janvier 1979, cette opinion-là. Comment se fait-il que vous ayez décidé d'abandonner la poursuite?

M. Saulnier: D'abord, nous ne l'avons pas abandonnée en janvier.

M. Bourbeau: Non, mais vous étiez prêt à l'abandonner?

M. Saulnier: À la fin du mois de janvier, oui.

M. Bourbeau: Oui.

M. Saulnier: Ensuite, je comprends qu'on me demande mon opinion personnelle; alors, je l'ai fondée sur les documents que j'ai lus. Je n'arrive pas à la même conclusion. J'ai lu cette opinion en entier. On dit cela à un endroit. À un autre, on dit: "Advenant que les preuves que nous avons à présenter ne réussiraient pas à convaincre le tribunal de rendre jugement contre le syndicat américain, les gestes posés par ce syndicat nous portent à croire qu'il ne tolérerait pas qu'un jugement rendu contre

un de ses locaux demeure insatisfait." La Gazette appellerait cela du "wishful thinking".

M. Bourbeau: Bien oui, mais ce n'est pas la Gazette; ce sont vos propres avocats qui le disent.

M. Saulnier: Bien oui, ils disent cela. Mais je ne suis pas obligé de croire cela.

M. Bourbeau: Non. Je comprends.

M. Saulnier: On me demande mon opinion. Je vous l'ai donnée.

M. Bourbeau: Vous nous dites que vous n'êtes pas obligé de croire vos avocats?

M. Saulnier: C'est-à-dire que je crois ce qui est écrit là. Je le vois très bien, mais je vois aussi qu'il y a un doute. Et pas mince. Je vois cela.

M. Bourbeau: Mais dans toute action en justice, il y a toujours un doute. Forcément.

M. Saulnier: Pas dans celles que j'institue.

Des voix: Oh! Oh! Oh!

M. Saulnier: Mais je n'en institue pas beaucoup.

M. Bourbeau: Si je comprends bien, vous les gagnez toutes?

M. Saulnier: Pardon?

M. Bourbeau: Si je comprends bien, vous les gagnez toutes?

M. Saulnier: Le peu que j'engage, je les gagne.

M. Bourbeau: En résumé, vos avocats vous disent - je parle toujours de l'opinion de janvier 1979 - que le syndicat américain a des fonds très importants, qu'il semble qu'on puisse les poursuivre en justice après un certain temps, avec des dépenses importantes, j'en conviens. Et même si -vous l'avez dit vous-même - par hasard, on ne réussissait pas à gagner, encore là, vos avocats croyaient que le syndicat américain n'accepterait pas un jugement contre lui au Canada et se sentirait moralement obligé de payer. Comme président de la société qui poursuit, est-ce que cela ne vous donnait pas confiance?

M. Saulnier: Non, M. le Président. Non.

M. Bourbeau: Cela ne vous donnait pas confiance?

M. Saulnier: Non. Il ne s'agit pas de 0,35 $; il s'agit de 32 000 000 $.

M. Bourbeau: À plus forte raison.

M. Saulnier: Alors, cela m'étonnerait que le syndicat américain, si riche soit-il ou fût-il, aurait réglé la note sur cela tout simplement. Moi, je ne le crois pas. Enfin...

M. Bourbeau: De toute façon, l'opinion juridique était en ce sens qu'on pouvait poursuivre avec succès le syndicat américain, vous disaient vos avocats. C'est la partie juridique de l'opinion.

M. Saulnier: M. le Président, les avocats disaient - et je crois qu'ils étaient très sages de formuler leur opinion dans ces termes - "nous portent à croire". Vous savez, ce n'est pas une garantie très forte. En lisant cela, cela ne me portait pas à croire.

M. Bourbeau: M. Saulnier, une opinion juridique dit toujours ces termes: "cela nous porte à croire que nous croyons".

M. Saulnier: Ah! Peut-être.

M. Bourbeau: Est-ce que ce n'est pas de la nature d'une opinion de dire: Nous croyons?

M. Saulnier: Remarquez que, comme je l'ai dit, je n'institue pas suffisamment de procédures pour souscrire d'emblée, sans en lire plusieurs, à ce qui vient d'être affirmé. Je ne sais pas.

M. Bourbeau: M. Saulnier, je comprends que vous n'en instituiez pas beaucoup, mais en tant que président du conseil d'une société, vous êtes tenu, même si ce n'est pas votre procédure à vous ou votre action personnelle à vous, de prendre connaissance du dossier et de prendre des décisions dans l'intérêt de la société.

M. Saulnier: Certainement. Je pense que c'est ce que le conseil a fait. La preuve, c'est que, le 23, il a convoqué ses procureurs pour les interroger en long et en large sur tous les aspects de ce dossier, dont le lien de droit possible qu'on pouvait établir ou qui aurait pu être établi avec le syndicat américain. On n'a négligé aucune des obligations que nous avions.

M. Bourbeau: En ce qui vous concerne, votre décision était arrêtée que vous ne pensiez pas avoir une bonne cause lorsque vous avez rencontré le premier ministre.

M. Saulnier: M. le Président, je n'étais pas rendu plus loin, mais j'étais rendu aussi loin que ce que j'ai dit.

M. Bourbeau: Le 19 février, vos avocats ont émis une nouvelle opinion, et cela s'est passé comme ceci: Les avocats à HydroQuébec et à la SEBJ, et Me Gadbois vous ont donné une opinion, en date du 19 février, où ils ont repris l'ensemble des opinions juridiques depuis le début et ont fait un peu l'historique du dossier au point de vue juridique. Ils concluaient que les procédures pourraient être très longues et très dispendieuses. C'est ce qui apparaît à la fin de l'opinion. Cependant, si on met de côté la question des frais de justice, on dit dans cette opinion, dans la lettre de votre avocat: II semble qu'une action aux États-Unis aurait de fortes chances d'être acceptée par les syndicats américains. On parle de la doctrine de la réciprocité en vertu de laquelle possiblement on aurait pu refuser aux États-Unis d'accepter le jugement québécois, et on dit que cette doctrine ne s'appliquerait vraisemblablement pas, car on n'a découvert aucune cause en ce sens. "No case has been discovered where recognition has been denied solely on the ground of lack of reciprocity". Donc, votre avocat interne disait: II semble que le jugement, si on l'obtenait au Canada, pourrait être exemplifié aux États-Unis. On ne faisait des réserves qu'en ce qui concernait les frais judiciaires.

Le même jour, le 19 février, vos avocats Geoffrion et Prud'homme, ayant reçu copie de la lettre de Me Gadbois, disent ceci: Nous avons reçu votre opinion et nous y souscrivons. Ceci correspond "aux opinions que nous avions déjà données à ce sujet et plus particulièremet avec ses conclusions à l'effet que les procédures d'exemplification devant les tribunaux américains pourraient être longues et entraîneraient, de part et d'autre, des frais légaux considérables." Donc, vos avocats Geoffrion et Prud'homme retenaient que la question des coûts juridiques était très importante. À ce moment, on parle du cas de la Gaspé Copper Mines, on fait allusion à ce cas. On conclut en amenant dans le décor, si je peux dire, un élément nouveau que jamais on n'avait rencontré jusqu'à ce jour: la question du Norris-La Guardia Act, qui est une loi américaine qui, semble-t-il, si elle était appliquée - ce qui n'était pas entièrement sûr - pourrait empêcher le recours. C'était la première fois, à notre connaissance, que ce point était soulevé, le 19 février.

J'ai ici une autre opinion juridique, du 19 février, de Geoffrion et Prud'homme. En fait, c'est exactement la même que celle que vous retrouvez à la page... Je vais essayer de vous donner la page, je ne sais pas si quelqu'un peut nous donner la page rapidement.

Une voix: Page 134.

M. Bourbeau: À la page 134 dans votre document. Alors, l'opinion de Geoffrion et Prud'homme, page 134. J'en ai une autre ici signée Geoffrion et Prud'homme, par Jean-Paul Cardinal, qui est exactement une copie conforme de celle que vous avez au cahier, mais dans laquelle n'apparaît pas le paragraphe traitant de la Gaspé Copper Mines.

Alors, deux opinions juridiques, même date, même bureau d'avocats, les mêmes mots. Tous les paragraphes ont les mêmes mots, sauf que dans une il y a un paragraphe qui parle de la Gaspé Copper Mines et, dans l'autre, on n'en parle pas. Laquelle des deux avez-vous reçue?

M. Saulnier: Celle que nous retrouvons aux pages 134 et 135 des documents déposés.

M. Bourbeau: N'avez-vous pas reçu celle que j'ai devant moi, de Geoffrion et Prud'homme, où il n'y a pas le paragraphe traitant de la Gaspé Copper Mines?

Une voix: Quelle date?

M. Bourbeau: Même date, c'est la même chose.

M. Saulnier: Cela ne me dit rien, mais remarquez que...

M. Bourbeau: Étiez-vous au courant que le bureau Geoffrion et Prud'homme avait émis deux opinions juridiques le même jour, identiques et avec un paragraphe en moins dans une?

M. Saulnier: Sûrement pas parce qu'on aurait posé des questions.

M. Bourbeau: Ah! bon. Évidemment, maintenant que vous n'êtes plus là, vous ne pourrez plus les poser, les questions.

M. Saulnier: Comment?

M. Bourbeau: Comme vous n'êtes plus à la SEBJ, vous ne pourrez pas les poser.

M. Saulnier: Je peux me les poser et les poser publiquement ici. Je n'ai pas d'objection.

M. Bourbeau: En fait, nous aussi, on se les pose. La rencontre du 1er février 1979. Pourquoi avez-vous senti le besoin d'aller chercher l'assentiment du premier ministre?

M. Saulnier: Moi personnellement? M. Bourbeau: Oui.

M. Saulnier: Je n'ai jamais senti ce besoin. Comme je l'ai dit hier, c'est un voeu qui a été exprimé par un des membres du

conseil, mais, comme j'ai eu l'impression très nette, en faisant le tour de la table des yeux, qu'il n'y avait pas d'objections de la part des membres du conseil, par déférence pour notre collègue, j'ai dit: Certainement que je vais demander au premier ministre de nous recevoir.

M. Bourbeau: Pourquoi ne vous sentiez-vous pas de cette opinion d'aller voir le premier ministre?

M. Saulnier: Parce que j'estimais que c'était une responsabilité du conseil de la Société d'énergie de la Baie James de décider du sort de ce dossier et que l'avis -je le dis aussi en toute déférence - du premier ministre ne me paraissait pas requis pour prendre une décision.

M. Bourbeau: Lors de la réunion dans le bureau de M. Lévesque, le premier ministre, nous avons entendu des témoins avant vous qui ont rapporté les propos du premier ministre, propos qui demandaient d'une façon très ferme, si je peux dire, à ceux qui étaient là, les trois présidents, de voir à régler la cause. Vous savez les mots qui ont été prononcés par M. Laliberté, corroborés par M. Boyd. Vous les avez entendus aussi?

M. Saulnier: J'ai dit hier, M. le Président, que, pour ce qui est du juron, je n'avais pas le souvenir de l'avoir entendu, mais que, remarquez, je ne m'en familiarisais pas parce que je savais que c'était un juron que le premier ministre utilise à l'occasion et que c'en est un que j'utilise également.

M. Bourbeau: Vous saviez que c'était un juron?

M. Saulnier: Je n'ai pas trouvé cela scandaleux.

M. Bourbeau: Vous dites que vous saviez que c'était un juron. Alors, vous l'avez entendu?

M. Saulnier: Non, mais quand vous me le dites, quand je l'ai entendu de M. Laliberté.

M. Bourbeau: Ah! bon. Alors, quand vous avez entendu M. Laliberté, d'accord.

M. Saulnier: Personnellement, j'ai dit: Je ne pense pas l'avoir entendu, je n'ai pas souvenir de l'avoir entendu.

M. Bourbeau: Mais la conversation elle-même, l'essence de la conversation, le résumé de la conversation, vous vous en souvenez?

M. Saulnier: Oui.

M. Bourbeau: Est-ce que vous pourriez nous en faire un récit?

M. Saulnier: Je pense qu'il a spontanément ou presque dit: À notre sentiment, ce n'est pas compliqué. Si vous ne réglez pas, on va régler à votre place.

M. Bourbeau: Cette phrase du premier ministre suivait des propos qui avaient été échangés auparavant entre vous et le premier ministre? (11 heures)

M. Saulnier: À mon souvenir, elle répondait au voeu du conseil que j'ai formulé et que j'ai reformulé, à toutes fins utiles, au début de la réunion pour expliquer au premier ministre quel était l'objet de la démarche que nous faisions. Je pense encore une fois, je le dis sous toute réserve - que c'est spontanément qu'il a dit: Oui, je vais vous le donner tout de suite, mais si vous ne le faites pas, on va le faire à votre place.

M. Bourbeau: Est-ce que M. Boyd, ou quelqu'un d'autre, avait parlé entre-temps, avant que le premier ministre prononce ces paroles?

M. Saulnier: C'est ce que je ne saurais affirmer. Je sais que M. Boyd a sûrement parlé après.

M. Bourbeau: M. Boyd a parlé après? M. Saulnier: Oui, sûrement. M. Bourbeau: Et M. Boivin?

M. Saulnier: II a dû, remarquez, il a pu, pour être plus exact, dire quelque chose au cours de cette rencontre, mais cela n'a pas eu pour effet de m'en laisser un souvenir. Je ne saurais le dire.

M. Bourbeau: Vous avez dit que M. Boyd a parlé après. Pourriez-vous vous souvenir un peu de ce qu'il a dit?

M. Saulnier: Encore une fois, c'est à partir de mes souvenirs, cela ne peut être que très sommaire, mais c'était fondé sur les motifs qui avaient incité la Commission hydroélectrique de l'époque à prendre les procédures, les questions qu'on pouvait se poser ou qu'on pourrait se poser si la Société d'énergie de la Baie James ne persévérait pas dans cette voie. En gros, cela a porté sur cela.

M. Bourbeau: Quelle a été la réaction à ces propos?

M. Saulnier: Rien de particulier. Je crois que tout avait été dit au début.

M. Bourbeau: Mais si M. Boyd a fait valoir un argument, on a dû lui faire valoir un contre-argument.

M. Saulnier: Possiblement, mais comme je n'ai pas de souvenir précis de cela, je ne veux pas l'affirmer.

M. Bourbeau: Est-ce que M. Laliberté a pris la parole?

M. Saulnier: Je répondrai de la même façon.

M. Bourbeau: Vous n'avez pas de souvenir?

M. Saulnier: Possiblement, mais je ne saurais pas l'affirmer.

M. Bourbeau: Bref, il n'y a pas grand-monde qui a parlé à cette réunion.

M. Saulnier: M. le Président, si on me le permet, il n'y a pas eu de débat au cours de cette réunion.

M. Bourbeau: Je comprends. Cela a été le calme plat, si je comprends bien.

M. Saulnier: Tout avait été dit au début.

M. Bourbeau: La tempête était au début et, après, cela a été le calme après la tempête. Cela a vraiment été une réunion paisible, si je comprends bien.

M. Saulnier: Remarquez bien que c'était l'objet de la réunion, de connaître le sentiment... On l'a connu.

M. Bourbeau: Mais quand les trois présidents se font dire: "Vous allez régler, "crisse", ou on va régler pour vous" est-ce que vous appelez cela calme?

M. Saulnier: Je n'ai pas le souvenir que cela a été dit sur ce ton-là, mais cela peut l'avoir été également. Même si cela avait été dit sur ce ton, cela ne soulève pas de grands sentiments de protestation ou de tout ce qu'on voudra, si vous voulez que je vous donne le fond de mon idée, pour la raison suivante en ce qui me concerne: en toute déférence pour le premier ministre, même s'il dit cela, entre le dire et le faire, il y a un océan. Moi, cela ne m'énervait pas.

M. Bourbeau: Est-ce que vous voulez dire: grand parleur, petit faiseur, ou quelque chose comme cela?

M. Saulnier: Non, non, non. Je ne pense pas que les propos que j'ai tenus me permettraient de conclure dans ces termes.

M. Bourbeau: Dans votre carrière d'homme public, vous êtes-vous fait parler souvent comme cela? Est-ce que M. Drapeau vous parlait comme cela?

M. Saulnier: II a des...

Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier, tout en tenant compte que l'article 168 dit que c'est une question qui est peut-être très certainement irrecevable, vous n'avez qu'à donner votre opinion, si vous le désirez.

M. Lalonde: Pourquoi est-ce irrecevable, M. le Président?

M. Duhaime: Si vous continuez comme cela, vous allez vous faire parler comme cela.

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais savoir pourquoi cette question est irrecevable?

Le Président (M. Jolivet): C'est une question concernant l'opinion de M. Saulnier.

M. Lalonde: C'est une question de fait. Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question à vous poser.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, posez votre question.

M. Lalonde: Vous avez déclaré illico que c'était une question irrecevable. Le député de Laporte avait demandé à M. Saulnier s'il lui était souvent arrivé de se faire parler comme cela. Ce n'est pas une question d'opinion, c'est une question de fait. C'est, au moins, aussi pertinent que les questions du ministre à M. Giroux, hier, concernant les réunions de la Commission hydroélectrique en 1976.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, c'est au sujet de la question de règlement. Nous sommes ici pour faire la lumière sur les événements qui ont entouré le règlement hors cour du saccage de LG 2. Nous ne sommes pas ici pour interroger les témoins sur leurs relations avec le maire de Montréal. Il me semble que vous avez parfaitement raison de déclarer que cette question enfreint le règlement. Le député de Marguerite-Bourgeoys a mauvaise grâce de contester et de mettre en doute la sagesse de votre décision.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, tout en vous rappelant que je ne veux pas en faire un grand débat.

M. Lalonde: Non, mais c'est quand même important pour les questions qui suivront. Lorsque M. Giroux, hier, a fait une affirmation, vous avez permis au ministre d'aller cueillir dans le passé pour tester la mémoire du témoin, M. Giroux, même pour le mettre en contradiction avec une de ses affirmations. On a vu avec combien peu de succès le ministre a fait son devoir, mais là n'est pas la question. M. Saulnier a dit qu'il n'a pas été influencé par les propos du premier ministre. C'est un fait. Je pense qu'on doit prendre sa parole. Mais, est-ce que les propos du premier ministre sont de la nature d'une pression? Cela, c'est très pertinent dans le débat. Je pense que les questions du député de Laporte sont dans ce sens. Lorsqu'un premier ministre dit: "Vous réglez, "crisse", ou bien on réglera à votre place." est-ce que ce sont là des pressions ou non?

Le Président (M. Jolivet): Si vos questions portent sur cet ensemble, M. le ministre, je vais les régler rapidement.

M. Duhaime: C'est sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que je pourrais régler ce problème rapidement.

M. Duhaime: Celle-là? Je vais en soulever une autre ensuite.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. C'est simplement pour vous dire que, quant au mandat qui nous est donné, la question qui nous concerne est claire, nette et précise. De plus, j'ai cru comprendre, hier, que le député de Marguerite-Bourgeoys avait dit qu'il n'avait aucune objection. La seule chose qu'il demandait, c'est que les documents lui soient fournis en ce qui concerne M. Giroux. Je continue toujours à maintenir la même décision et à dire à l'invité qui est devant nous qu'il peut répondre s'il le désire.

M. le ministre, est-ce que vous avez une autre question de règlement?

M. Duhaime: Oui, M. le Président, je voudrais la soulever tout de suite, parce que le parallèle que tente d'établir le député de Marguerite-Bourgeoys entre la question qui est posée à M. Saulnier et les questions que j'ai moi-même posées à M. Giroux hier, montre qu'elles sont de deux ordres différents. Je voudrais vous les expliquer. Je n'aurais pas d'objection à ce qu'on pose quelque question que ce soit à M. Saulnier sur des gestes, des actions qu'il aurait faits lui-même ou sur des mots qu'il aurait, dans le passé, lui-même prononcés. C'est exactement ce qui s'est produit, hier, lorsque j'ai interrogé M. Giroux. À la page "830419" du journal des Débats, hier matin, à une question que j'ai posée à M. Giroux, il m'a répondu: "Le gouvernement n'est jamais intervenu quand j'ai été président d'Hydro-Québec." J'avoue avoir été absolument estomaqué par cette réponse. J'ai fait établir trois choses: premièrement...

Une voix: C'est une question de règlement?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je termine, M. le Président.

M. Lalonde: Ce n'est pas une question de règlement, c'est une question d'argumentation.

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant. C'est à moi de décider et non a vous. M. le ministre, je voudrais que vous alliez le plus rapidement possible à votre question de règlement. Sinon, je passerai la parole à M. Saulnier, s'il veut répondre à la question qui lui est posée.

M. Duhaime: Je vais terminer, M. le Président, en vous disant que le parallèle qui a été tenté par le député de Marguerite-Bourgeoys pour essayer de dissiper ce qui s'est produit, hier, ne change pas le fond du dossier. Je dis ici que M. Giroux a été mis en contradiction avec le témoignage qu'il a rendu...

M. Lalonde: Pas du tout, pas du tout.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: ...parce qu'il a présidé le conseil d'administration du 15 novembre 1976.

M. Lalonde: Pas du tout, il n'a pas été mis en contradiction du tout.

M. Duhaime: Très clairement.

Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier.

M. Saulnier: M. le Président, je ne sais pas si cela peut être d'une utilité pour le député qui m'a posé la question, mais je dirai que, dans ces matières, je parle après que les autres intéressés ont parlé. Il faut, d'abord, demander à M. Drapeau si cela est arrivé.

M. Bourbeau: Dans le cas présent, qu'est-ce que vous avez dit après?

M. Saulnier: Après que les autres ont parlé. Mais, dans le cas présent, je n'ai pas hésité à dire ce que j'avais compris du souhait formulé par le premier ministre et l'importance que je lui donnais en ce qui me concerne. Je n'ai pas hésité à le dire, je ne le pense pas.

M. Bourbeau: Donc, pour vous, c'était important, ce que le premier ministre venait de vous dire?

M. Saulnier: Je n'ai pas dit cela, je pense.

M. Lalonde: Ce n'était pas important?

M. Saulnier: J'ai dit qu'entre cela et l'exécuter, il y avait un océan de distance.

M. Bourbeau: Vous venez de dire: L'importance que j'attachais aux propos du premier ministre. Vous venez de dire cela.

M. Saulnier: Comment?

M. Bourbeau: Je vous ai demandé tantôt: Qu'est-ce que vous avez dit après avoir entendu les propos du premier ministre?

M. Saulnier: Je crois l'avoir dit, et si on me le permet, je vais me répéter.

Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier, je m'excuse. Je ne veux pas vous empêcher de parler; c'est parce que je suis dérangé et je veux vous écouter comme il le faut. S'il vous plaît! M. Saulnier.

M. Saulnier: Je croyais...

M. Bourbeau: Le député de Bourassa me dérange aussi.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Saulnier: Je croyais et je crois encore avoir dit, en réponse à la question, que l'effet que ce voeu tel que formulé m'a fait était assez négligeable parce que ma compréhension - et c'est encore la même aujourd'hui - c'est qu'entre un voeu exprimé dans ces formes et l'exécution de la "menace" - avec guillemets - il y a un océan de distance dans mon esprit.

M. Bourbeau: Donc, d'après vous, il y avait une menace et cela ne vous dérangeait pas.

M. Saulnier: Pour autant que je suis concerné, non.

M. Bourbeau: Cette menace, vous, personnellement, cela ne pouvait pas vous déranger parce que ces choses, d'après ce que vous nous avez dit, ne vous perturbent point. En entendant cette menace, formulée comme vous venez de le dire, comme vous l'avez entendue, avez-vous considéré qu'on cherchait à vous influencer ou à peser sur les décisions à venir?

M. Saulnier: Je dirais non, absolument pas. Lorsque je dis cela, cela me ramène à ma dernière ou avant-dernière réponse: la réponse du premier ministre a été spontanée. Je ne pouvais pas lui donner d'autre sens que cela. C'était peut-être pour exprimer le voeu avec une grande ferveur.

M. Bourbeau: Spontanée! Vous voulez dire quoi par spontanée?

M. Saulnier: La réponse spontanée qu'il a donnée à la question que je lui posais, que je lui transmettais du conseil aux fins de connaître les sentiments du gouvernement. Sa réponse a été spontanée, je l'ai dit.

M. Bourbeau: D'une façon objective, lorsque quelqu'un parle comme cela sur un ton de menace, cela ne vous dérange pas. Mais est-ce que cela peut influencer, et qu'on peut penser que cela pourrait influencer quelqu'un?

M. Saulnier: Je parle pour moi. Il y aurait peut-être intérêt à poser la question aux autres.

M. Bourbeau: Comme témoin de cette menace, est-ce que vous n'avez pas pensé qu'on pourrait chercher à influencer quelqu'un ou à peser sur une décision à venir?

M. Saulnier: Je n'ai pas pensé cela, M. le Président.

M. Bourbeau: Le 9 janvier, M. Saulnier, au retour de votre pèlerinage au bureau du premier ministre, vous avez fait rapport...

M. Saulnier: Le 6 février, si vous le permettez.

M. Bourbeau: Je m'excuse, le 6 février, bien sûr. Le 6 février, vous avez fait rapport de votre pèlerinage au bureau du premier ministre, six jours après la rencontre, et vous avez rapporté ses propos. Est-ce que vous avez rapporté le fond des propos ou aussi la forme?

M. Saulnier: Je pense bien que j'ai rapporté la formulation qui est au procès-

verbal. (11 h 15)

M. Bourbeau: Donc, vous avez omis toute la partie qui était folklorique, si je peux dire?

M. Saulnier: Je n'ai pas mentionné cela; à mon souvenir, non.

M. Bourbeau: Tantôt, vous avez parlé de menaces. Est-ce que vous avez fait état aux administrateurs que cela avait été assorti de menaces?

M. Saulnier: Quand j'ai utilisé cette expression, il y a un moment, M. le Président, j'ai bien dit: entre guillemets. Comme c'était entre guillemets, je n'ai pas cru bon de faire état de cela. D'ailleurs, j'ai dit à peu près l'effet que cela me faisait. Cela ne me paraissait pas indiqué.

M. Bourbeau: Pas indiqué de...?

M. Saulnier: De rapporter les propos verbatim.

M. Bourbeau: Ah! bon. Alors, vous avez seulement rapporté l'essence des propos et non pas la...

M. Saulnier: Bah! Vous savez, on avait été chargé de s'enquérir du sentiment du gouvernement. Alors, le sentiment, c'était ce que j'ai dit: d'explorer les moyens. On ne nous avait pas dit: Vous allez régler cela comme ceci ou comme cela. Non, il n'a pas été question de cela.

M. Bourbeau: Lors de la réunion avec le premier ministre, est-ce qu'il a été question du montant de...?

M. Saulnier: À mon souvenir, absolument pas.

M. Bourbeau: ...ou du règlement à venir?

M. Saulnier: Absolument pas.

M. Bourbeau: Cela n'intéressait pas les gens qui étaient là, le...?

M. Saulnier: Je ne dis pas cela. Je réponds: à mon souvenir, non. Je ne dis pas que cela ne les intéressait pas. Mais cela n'a pas été soulevé, à mon souvenir.

M. Bourbeau: Sans discuter du fond, est-ce qu'il a été question des négociations qui étaient en cours, à ce moment-là?

M. Saulnier: Non plus.

M. Bourbeau: Il y avait des négociations en cours à ce moment-là.

M. Saulnier: J'ai lu cela dans les journaux, en 1979 - pardon, en 1983. En 1979, je n'ai pas lu cela dans les journaux, ni en 1980.

M. Bourbeau: Pourtant, on sait que M. Boivin, qui était présent à la réunion, lui-même déjà recevait les procureurs dans son bureau régulièrement.

M. Saulnier: Moi, je ne savais pas cela. Ni en 1979, ni en 1980, ni en 1981, ni en 1982.

M. Bourbeau: Les administrateurs, à qui vous avez fait rapport à la réunion du 6 février, ont-ils été surpris du rapport que vous avez fait?

M. Saulnier: Non, M. le Président, non.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a eu des commentaires?

M. Saulnier: À mon souvenir, non.

M. Bourbeau: Est-ce qu'ils ont pris en considération l'opinion du premier ministre, d'après vous?

M. Saulnier: En d'autres termes: quel poids cela a-t-il pris dans leur décision? Si votre question est dans ce sens, je ne peux pas y répondre.

M. Bourbeau: M. Giroux nous a dit hier, M. Saulnier, qu'en tant que président du conseil vous avez toujours été le contact officiel entre la SEBJ et le gouvernement. C'est exact?

M. Saulnier: Je ne suis pas sûr si la loi le dit. Mais je suis sûr que le règlement - et la loi, je pense - le règlement et la loi, de toute façon, d'après ce que me confirme M. Lalonde...

M. Lalonde: Non, c'est un règlement, d'après la... C'est le règlement qui le dit.

M. Saulnier: Alors, le règlement le dit. Maintenant, comme j'ai donné ce renseignement à l'un des journalistes qui m'ont questionné à ce sujet quand ces nouvelles-là ont paru, j'ai dit qu'il y avait un règlement. Mais, à la réflexion, le 9 janvier, il n'était pas encore adopté.

Ah! La loi le dit, me dit Me Gadbois.

M. Lalonde: La loi aussi? Bon, bravo!

M. Saulnier: Oui. Alors, c'est le président du conseil.

M. Bourbeau: Vous étiez le contact officiel. Donc, les communications devaient, supposément, passer par vous. Est-ce qu'elles ont toujours passé par vous?

M. Saulnier: Toutes celles dont j'ai été témoin, toutes celles qui ont passé, oui. Celles qui n'ont pas passé par moi, je ne pourrais pas le dire, je ne les connais pas.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Bourbeau: À votre connaissance, est-ce qu'il y en a qui n'ont pas passé par vous?

M. Saulnier: Des communications? Oui, mais cela n'a aucun rapport avec le dossier qui nous occupe.

M. Bourbeau: Donc, il n'y a aucune communication ayant rapport au dossier qui n'est pas passée par vous?

M. Saulnier: Absolument - non, je n'ai pas dit cela. Je veux dire des communications dont j'ai été au courant. Je ne le sais pas. J'ai lu dans les journaux qu'il y en a eu d'autres.

M. Bourbeau: Dont vous êtes au courant, évidemment. C'est bien sûr.

M. Saulnier: Je ne le sais pas, moi.

M. Bourbeau: Bien sûr que je ne peux pas vous demander ce dont vous n'êtes pas au courant.

M. Saulnier: Non.

M. Bourbeau: À votre connaissance, par exemple, la rencontre entre M. Laliberté, votre président-directeur général, et M. Boivin, le 3 janvier, ce n'était pas selon la loi, à ce moment-là? C'était un contact en dehors du canal normal?

M. Saulnier: Si elle a eu lieu... M. Bourbeau: II l'a avoué ici.

M. Saulnier: ...il aurait été indiqué qu'elle se fasse selon les règles édictées dans la loi.

M. Bourbeau: M. Laliberté nous ayant dit qu'elle avait effectivement eu lieu, il y a lieu de présumer qu'elle a eu lieu.

M. Saulnier: Je l'ai entendu, ici.

M. Bourbeau: Cela s'est donc fait ni plus ni moins, si je peux dire, dans votre dos.

M. Saulnier: Comme j'ai répondu avant à une question, à savoir si cela était déjà arrivé dans d'autres cas, c'est arrivé. Bien oui.

M. Bourbeau: En qualité de seul porte-parole "officiel" auprès du gouvernement, suivant la loi, vous avez, à l'occasion, eu des conversations ou des rencontres avec des officiers du gouvernement. Vous en avez eu avec le premier ministre le 1er février. Est-ce que vous en avez eu avec des membres du bureau du premier ministre?

M. Saulnier: À ce sujet-là? Non.

M. Bourbeau: Est-ce que vous en avez eu avec M. Joron, le ministre responsable?

M. Saulnier: Non plus.

M. Bourbeau: Est-ce que vous en avez eu avec des membres du cabinet de M. Joron?

M. Saulnier: Non plus.

M. Bourbeau: Son chef de cabinet, M. Claude Dumas, ne vous a jamais contacté?

M. Saulnier: Absolument pas.

M. Bourbeau: Pourtant hier, lors de votre témoignage, vous avez fait état de certaines conversations ou rencontres fortuites avec M. Jean-Roch Boivin et vous avez dit: II est possible - vous avez dit possible - qu'à l'occasion d'un téléphone ou d'une rencontre fortuite il m'ait demandé à quelle étape était rendu le conseil. Vous vous souvenez de cela?

M. Saulnier: Oui, oui, très bien. J'ai ajouté quelque chose aussi en disant cela.

M. Bourbeau: Vous avez ajouté: Ma réponse a été très brève.

M. Saulnier: Avant cela, j'avais également dit: le téléphone ou la conversation n'avait pas pour objet le dossier. C'était donc poser la question en passant, à savoir: Où en êtes-vous avec cela? Je lui ai répondu brièvement où on en était rendu.

M. Bourbeau: Lors d'une conversation téléphonique ou d'une rencontre fortuite -et/ou - M. Boivin, parlant également d'autres choses, en est venu à parler du sujet et vous a demandé à quelle étape en était rendu le conseil au sujet de la cause en question. Vous avez donc parlé de la cause avec M. Boivin.

M. Saulnier: De l'étape où en était la

cause. C'est ce dont j'ai parlé. J'ai répondu à la question.

M. Bourbeau: Est-ce que cela était avant le 1er février ou après?

M. Saulnier: Cela pourrait être avant ou après, je ne pourrais pas le dire.

M. Bourbeau: Vous ne vous en souvenez pas?

M. Saulnier: Je me souviens mais pas à ce point-là.

M. Bourbeau: Quand on demandait à quelle étape en était rendu le dossier, est-ce qu'on parlait de l'étape en cours ou de l'étape des négociations?

M. Saulnier: De l'étape au conseil, des étapes au conseil.

M. Bourbeau: On savait qu'à un moment donné, on voulait poursuivre. À l'étape suivante, on voulait régler. Est-ce que c'est ce qu'il voulait savoir?

M. Saulnier: Selon le moment où la question m'a été posée, j'ai répondu en regard de l'avancement du dossier, l'état d'avancement du dossier, un point c'est tout.

M. Bourbeau: Vous sembliez pourtant hier avoir bonne souvenance. Vous avez dit: Ma réponse a été très brève.

M. Saulnier: Bien oui.

M. Bourbeau: Vous vous souvenez donc d'avoir fourni une réponse très brève.

M. Saulnier: Bien oui. Si par exemple j'ai dit: On a posé des questions aux procureurs qui doivent nous donner des réponses sur la solvabilité des défendeurs -c'est bref cela - et on les attend.

M. Bourbeau: Pourquoi M. Boivin s'informait-il du dossier?

M. Saulnier: M. le Président, je ne le sais pas. Mais aux termes de l'obligation qui m'était faite par la loi, il est bien évident qu'il était impératif que je réponde au chef de cabinet du premier ministre.

M. Bourbeau: Vous êtes-vous enquis auprès de M. Boivin des raisons pour lesquelles il se préoccupait de l'étape où en était le dossier?

M. Saulnier: Non, je ne me suis pas enquis de cela.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a eu plus d'une conversation avec M. Boivin?

M. Saulnier: Une seule, à mon souvenir. Une. J'ai bien dit "si, possiblement".

M. Bourbeau: Comment pouvez-vous dire "possiblement" et, ensuite, que votre réponse a été brève?

M. Saulnier: C'est cela. Possiblement, s'il y a eu une conversation, et vaguement, je pense qu'il y en a eu une. Cela a été soit au téléphone, soit à l'occasion d'une rencontre fortuite, et l'objet de la communication téléphonique ou de la rencontre n'était pas le dossier. Mais c'est venu comme accessoire. Il a posé une question telle que: où en êtes-vous rendu, ou quelque chose du genre.

M. Bourbeau: Donc, vous vous souvenez de cela?

M. Saulnier: Ah! J'ai le souvenir que cela s'est produit.

M. Bourbeau: Donc, ce n'est pas "possiblement", c'est arrivé?

M. Saulnier: C'est arrivé, cela, je ne suis pas prêt à le dire aussi catégoriquement. Je pense que oui.

M. Bourbeau: Bien oui, mais écoutez, une porte ne peut être fermée et ouverte. Vous venez de dire "je m'en souviens et la réponse a été brève"...

M. Saulnier: M. le Président, c'est comme quelqu'un qui passe dans une salle et à qui on demande si la porte était ouverte ou fermée. Il peut dire: Je pense qu'elle était ouverte. Mais il aurait pu être possible qu'elle eût été fermée. Alors, j'ai dit: Je pense que oui, il y en a eu. C'est à peu près cela.

M. Bourbeau: Vous pensez que M. Boivin vous en a parlé. Vous pensez qu'il vous a demandé à quelle étape était rendu le dossier. Mais vous vous souvenez très bien que votre réponse a été brève?

M. Saulnier: Oui.

M. Bourbeau: Pour que la réponse ait été brève, il fallait une question?

M. Saulnier: C'est évident.

M. Bourbeau: Donc, vous en avez parlé?

M. Saulnier: C'est évident.

M. Bourbeau: Donc, ce n'est pas seulement "possiblement". C'est arrivé.

M. Saulnier: J'ai dit que c'est "possiblement arrivé". Remarquez que si cela peut faire avancer les travaux de la commission, je n'ai pas objection à le dire, mais je voudrais qu'on sache bien que, si on vient me démentir, par exemple, c'est par l'insistance que j'ai dit "oui, c'est absolument cela", parce que je ne suis pas absolument certain.

M. Bourbeau: Pour en revenir, M. Saulnier, à l'opinion juridique que vous avez reçue le 19 février, la veille d'une assemblée du conseil, avez-vous interrogé vos procureurs afin de savoir pourquoi leur opinion changeait le 19 février, en ce qui concernait la possibilité de faire exemplifier le jugement aux États-Unis et de percevoir de l'argent des syndicats américains?

M. Saulnier: Dans celle du 19? M. Bourbeau: Du 19 février, oui.

M. Saulnier: Mais en quoi changeait-elle?

M. Bourbeau: On introduisait l'espèce d'argument du "Norris-La Guardia Act"...

M. Saulnier: C'est plus tard, cela. C'est au mois de mars.

M. Bourbeau: Le 19 février.

M. Saulnier: Ah oui! D'accord. Vous avez raison. Et alors?

M. Bourbeau: Avez-vous demandé à vos procureurs comment il se faisait que, tout à coup, il sortait, comme d'un chapeau, cette question du "Norris-La Guardia Act" qui semblait jouer le rôle d'un éteignoir sur la cause, alors que, jusqu'à ce moment-là, il n'avait jamais été question de cette loi américaine?

M. Saulnier: Je ne saurais dire pour quelle raison. Cependant, aux réunions des 23 et 30 janvier, celle du 23 janvier plutôt, au cours de laquelle nous avons reçu les procureurs, j'ai le souvenir que tout ce qui touchait l'examen juridique des liens de droit avec le syndicat américain - je vais donner mon appréciation personnelle - était une faiblesse. (11 h 30)

M. Bourbeau: Mais la possibilité de faire exemplifier un jugement aux États-Unis, mais obtenu au Québec, enfin, de le faire appliquer aux États-Unis, si je puis dire, vos procureurs étaient très convaincus de la réelle possibilité de le faire jusqu'à ce qu'on sorte cet argument in extremis du Norris-La Guardia Act, le 19 février. Avez-vous demandé à vos procureurs comment il se faisait qu'ils sortaient à la dernière minute cet argument?

M. Saulnier: D'abord, je ne pense pas qu'ils aient été aussi formels qu'on le dit dans les opinions précédentes. Au conseil d'administration, au cours des délibérations il y a plusieurs questions qui ont poussé dans le sens d'examiner bien à fond les possibilités réelles d'obtenir satisfaction au chapitre des dommages du syndicat américain. Le souvenir que je garde de cette séance, c'est que les avocats avaient un autre bout de travail à faire.

M. Bourbeau: Un bout de travail à faire pour?

M. Saulnier: Pour creuser le dossier dans sa partie américaine.

M. Bourbeau: Parce que le travail qui avait été fait jusqu'à ce moment indiquait qu'on pourrait percevoir le jugement aux États-Unis.

M. Saulnier: M. le Président, c'est sur ce point que j'ai fait une petite réserve et je la refais de nouveau. Le sens des questions reflétait - disons l'insatisfaction est peut-être fort - une inquiétude profonde chez des membres du conseil et des doutes sur la possibilité d'obtenir satisfaction.

M. Bourbeau: Quand vous avez reçu l'opinion du 19 février de vos avocats Geoffrion et Prud'homme qu'à cause de ce Norris-La Guardia Act même si on avait un jugement aux États-Unis on ne pourrait pas percevoir les sommes d'argent, avez-vous discuté de cela avec vos propres procureurs internes? Me Gadbois, par exemple?

M. Saulnier: Je pense mais cela je le dis sous toute réserve, Me Gadbois est ici à mes côtés, je crois que oui. Il était témoin de ces échanges.

M. Bourbeau: Le même jour, le 19 février, avant l'opinion de Geoffrion et Prud'homme, Me Gadbois vous avait écrit une opinion dans laquelle il n'avait absolument pas fait mention de ce Norris-La Guardia Act, il ne le mentionne même pas. Comme se fait-il que lui ne le mentionne pas puisque c'était un élément décisif et que dans l'après-midi même, vos avocats externes vous disent: "Oui, c'est vrai, mais vous avez oublié cela". Je pense que Me Gadbois...

M. Saulnier: Me Gadbois m'informe que son opinion est allée chez Geoffrion et Prud'homme et c'est là qu'ils ont trouvé cet élément additionnel.

M. Bourbeau: Ah bon! Alors c'est le 19 février que Geoffrion et Prud'homme ont découvert cet argument additionnel?

M. Saulnier: Ils ne l'avaient pas rapporté avant, me dit-on, mais ils avaient pu le découvrir avant.

M. Bourbeau: Ils ne l'avaient pas rapporté au conseil. L'avaient-ils rapporté à vos procureurs internes?

M. Saulnier: Me Gadbois me dit qu'il ne croit pas.

M. Bourbeau: C'est bien évident parce que sans cela Me Gadbois en aurait parlé dans son opinion du 19 au matin. Donc, on peut dire que vos procureurs s'étaient gardés, si je peux dire "un as dans le trou" jusqu'au 19 février parce que jamais ils n'avaient parlé à personne de cet argument suprême qui, tout à coup, a fait surface le 19 février. Est-ce que vous n'avez pas trouvé étrange un peu qu'en bout de piste comme cela on sorte un argument semblable?

M. Saulnier: Personnellement, je n'ai pas trouvé cela étrange. J'ai peut-être trouvé cela malheureux que les membres n'en aient pas été informés avant mais encore une fois, je me reporte à la délibération du conseil d'administration du 23 janvier à laquelle assistaient les procureurs et l'ensemble des réponses indiquait un doute beaucoup plus grand que ce qui avait apparu - parce qu'il y avait des doutes avant, il y en avait depuis le début - beaucoup plus grand que ceux qui étaient apparus dans les documents que nous avions consultés.

M. Bourbeau: Cela a dû être un grand soulagement pour tout le monde quand vous avez vu cet argument, le 19 février?

M. Saulnier: Je ne sais pas quel effet cela a fait sur mes collègues. Je ne peux pas dire que c'était un grand soulagement pour moi. Je n'étais pas tellement convaincu, avant, qu'on irait très loin aux États-Unis.

M. Bourbeau: Le 20 février, à l'Assemblée nationale, le premier ministre, à la suite d'une question du député de Marguerite-Bourgeoys, a dit ceci: En janvier de cette année - l'année 1979, bien sûr -c'est-à-dire il y a quelques semaines - on était au 20 février - si je suis bien informé, la Société d'énergie de la Baie James a reçu des offres de règlement de la part de certains défendeurs et, ce qui est assez normal, de nouveau elle a voulu savoir le sentiment de celui qui vous parle là-dessus. Le premier ministre a dit en Chambre: De nouveau elle a voulu savoir le sentiment. À votre connaissance, est-ce qu'on avait sollicité l'assentiment du premier ministre avant cette date?

M. Saulnier: Sûrement pas celui qui vous parle, M. le Président.

M. Bourbeau: Le premier ministre a dit "de nouveau" - et il parle de la SEBJ - est-ce qu'il y a eu plus d'une rencontre avec le premier ministre?

M. Saulnier: À ma connaissance, non.

M. Bourbeau: Le 19 février, qui est le jour où on a reçu les avis, ceux de Me Gadbois au début de la journée, ceux de Mes Geoffrion et Prud'homme un peu plus tard, en réponse, les deux de Geoffrion et Prud'homme, celui avec la Gaspé Copper Mines et celui sans la Gaspé Copper Mines -les avis juridiques se bousculaient, ils voyageaient vite ce jour-là qui est la veille de l'assemblée du conseil - est-ce que vous avez communiqué avec le bureau du premier ministre?

M. Saulnier: À quel sujet? Au sujet du dossier? Non. Je peux bien avoir appelé pour d'autres sujets mais, au sujet du dossier, absolument pas.

M. Bourbeau: Est-ce que vous vous souvenez avoir communiqué pour d'autres sujets?

M. Saulnier: Non plus. Mais je le dis sous réserve. C'est possible. Je n'ai pas de souvenir de cela.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il serait possible que vous soyez allé au bureau du premier ministre le 19 février?

M. Saulnier: C'est impossible.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il est possible que vous ayez rencontré des gens du bureau du premier ministre le 19 février?

M. Saulnier: C'est impossible également.

M. Bourbeau: Donc aucune visite, aucune rencontre. Et des conversations téléphoniques, vous ne vous en souvenez pas?

M. Saulnier: Sauf celle dont j'ai parlé en la qualifiant comme je l'ai qualifiée, mais ce n'était certainement pas la veille, pas le 19 ni le 20. Absolument pas.

M. Bourbeau: Celle avec Me Jean-Roch Boivin, le chef de cabinet du premier ministre, ce n'était pas le 19 février?

M. Saulnier: Absolument pas.

M. Bourbeau: M. Saulnier, vous qui étiez responsable des contacts officiels avec le gouvernement, étiez-vous au courant qu'il y avait d'autres contacts avec le bureau du premier ministre qui se faisaient au niveau des avocats?

M. Saulnier: Non, M. le Président.

M. Bourbeau: Vous n'étiez pas du tout au courant. Est-ce que vous saviez que vos propres procureurs, que vous aviez engagés, allaient rencontrer le chef de cabinet du premier ministre?

M. Saulnier: Je l'ignorais. D'ailleurs je ne sais pas s'ils y sont allés, remarquez.

M. Bourbeau: Cela a été prouvé dans les comptes de dépenses de Geoffrion et Prud'homme. Dans les comptes d'honoraires il y a des visites de Me... Pour l'intérêt du député de Bourassa, qui ne semble pas être au courant, cela a été prouvé qu'à quelques reprises Me Jean-Paul Cardinal, par exemple, dans ses comptes d'honoraires, dit s'être rendu au bureau du premier ministre. C'était votre avocat et vous n'étiez pas au courant?

M. Saulnier: Je n'étais pas au courant.

M. Bourbeau: Alors vous ne pouvez pas nous dire ce qu'il faisait au bureau du premier ministre?

M. Saulnier: Bien non, je ne suis pas au courant qu'il y était allé. Je n'étais pas au courant.

M. Bourbeau: À quel moment avez-vous été mis au courant?

M. Saulnier: Ici, à la commission parlementaire, en 1983.

M. Bourbeau: Est-ce que cela vous a surpris?

M. Saulnier: Cela fait 29 ans que je suis dans les affaires publiques, alors cela ne m'a pas surpris.

M. Bourbeau: Que voulez-vous dire exactement?

M. Saulnier: J'ai eu connaissance de démarches qu'on pourrait mettre en opposition ou comparer sous tous les régimes.

M. Bourbeau: Bref, comme dirait Saint-Exupéry: On voit sur la terre toutes sortes de choses. Étiez-vous au courant, par exemple, que Me Michel Jasmin, qui représentait les syndicats québécois, allait régulièrement au bureau du premier ministre pendant le procès?

M. Saulnier: Non plus.

M. Bourbeau: Étiez-vous au courant que Me Rosaire Beaulé, qui représentait le syndicat américain, le seul semble-t-il qui était assez en moyen, allait régulièrement aussi au bureau du premier ministre pendant le procès?

M. Saulnier: Je ne suis pas au courant.

M. Bourbeau: Trouvez-vous cela normal que les avocats de la partie que vous poursuiviez se retrouvent régulièrement dans le bureau du premier ministre?

M. Saulnier: II faudrait que je sache ce qu'ils allaient faire. Supposons qu'ils sont allés là pour autre chose, je ne le sais pas.

M. Bourbeau: Le question est très pertinente, bien sûr, mais quand on regarde la chronologie, on voit par exemple que le 15 janvier, c'est le jour où le procès a commencé. Le procès a été ouvert le 15 janvier. Les deux avocats des syndicats principaux, Me Rosaire Beaulé et Me Michel Jasmin, comme par hasard, sont dans le bureau du premier ministre. On sait que lorsqu'un procès commence, c'est une journée importante, c'est comme lorsque commence une commission parlementaire, on se prépare bien, on n'a pas de temps à perdre. Trouvez-vous normal qu'ils se retrouvent dans le bureau du premier ministre le jour du début du procès?

M. Saulnier: M. le Président, si j'avais la certitude que c'est pour aller discuter d'autre chose que ce qui est devant le conseil d'administration de la société, c'est bien sûr que je trouverais cela anormal, mais je n'en sais rien, je ne sais pas de quoi ils sont allés discuter.

M. Bourbeau: Dans les documents qui nous ont été remis par le bureau du premier ministre, on a la liste des visites au bureau de Me Boivin, chef de cabinet du premier ministre; on a toute une série d'avocats qui ont paradé très fréquemment avant même le début du procès et on a également la liste de ceux qui ont paradé au bureau de Me Yves Gauthier, un des conseillers politiques du premier ministre. À la fin de la liste de Me Yves Gauthier, il est écrit que Me Yves Gauthier croit qu'il ne fut pas question de la poursuite de la SEBJ au cours de deux de ces rencontres. On doit en déduire qu'il en a été question pendant les autres visites.

M. Saulnier: C'est possible.

M. Bourbeau: Bon! Trouvez-vous cela normal?

M. Saulnier: Non, j'ai dit que je ne trouvais pas cela normal.

M. Bourbeau: Bon, d'accord. Vous étiez en train, comme président du conseil, de poursuivre des gens pour 32 000 000 $, enfin, votre société. À un moment donné, vous les poursuiviez et à un moment donné vous avez commencé à négocier, je présume que vous étiez intéressé à négocier un règlement le plus important possible. Les avocats de ceux que vous poursuiviez se trouvaient très fréquemment dans le bureau du premier ministre, qui lui, représente votre patron, autrement dit. D'après vous, le bureau du premier ministre négociait-il contre les syndicats ou pour les syndicats contre vous?

M. Saulnier: Je l'ignore, M. le Président.

M. Duhaime: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais soulever une question de règlement.

Si on n'est pas dans un échafaudage sur des hypothèses, je me demande où on se retrouve. Je rappelle à la commission que des faits sont établis. On n'a même pas eu besoin d'entendre quelqu'un à la commission pour les établir. Le bureau du premier ministre a rendu public et à la disposition de tout le monde à la commission qu'à telle date Me Untel est allé au bureau du premier ministre et qu'à telle autre date Me Untel, etc., je pense que tout le monde s'entend là-dessus. (11 h 45)

Ce que le député voudrait savoir maintenant avec ses questions, c'est qu'il suppose des contenus de discussions et de conversations. Moi, je n'en sais absolument rien. J'imagine qu'on le saura quand les avocats intéressés et les membres du bureau du premier ministre qui vont venir devant la commission vont nous le dire. Mais, à partir d'un échafaudage sur des contenus, en toute justice pour le témoin, je me demande qui, à la place de M. Saulnier, pourrait répondre à des hypothèses semblables sur des contenus. Si le député veut connaître le point de vue de M. Saulnier, je lui suggérerais d'attendre, de réserver sa question afin que la commission sache exactement ce qui s'est passé lors de ces réunions et, ensuite, poser des questions. Là, vous êtes en train d'installer votre charrue en avant de votre cheval et vous nous retardez en plus.

Le Président (M. Jolivet): C'est au moment où vous étiez pour intervenir que j'allais dire à M. Saulnier qu'en vertu de l'article 168, considérant ce que j'ai dit jusqu'à maintenant, la question est irrecevable dans les circonstances, mais s'il veut répondre, je ne peux pas l'en empêcher.

M. Saulnier: Je pense que la réponse que je pouvais donner, je l'ai donnée.

M. Bourbeau: En effet, M. Saulnier. Je vais tenter de vous poser des questions qui sont conformes aux règlements. Si jamais elles ne le sont pas, je compte sur le président pour nous le faire savoir.

Le 9 février, Me Jean-Paul Cardinal qui représentait vos avocats, Geoffrion et Prud'homme, s'est présenté chez Me Jean-Roch Boivin, au bureau du premier ministre; à votre connaissance, est-ce que cela faisait partie du mandat que vous lui aviez donné?

M. Saulnier: Du mandat que nous lui avions donné? Je n'ai pas, devant moi, le texte du mandat qui a été donné à l'époque. Il faudrait que je le voie. À première vue, cela ne me paraîtrait pas faire partie du mandat mais, encore une fois, si c'est la reconduction du mandat initial, j'aimerais voir ce mandat.

M. Bourbeau: Le mandat initial qui avait été donné au tout début.

M. Saulnier: Qui a été donné par la Commission hydroélectrique en 1975, ou quelque chose du genre.

M. Bourbeau: Pourtant, la SEBJ a payé des comptes qui indiquent que M. Cardinal vous a facturé des honoraires pour s'être rendu au bureau du premier ministre.

M. Saulnier: Oui. La question est la suivante: Est-ce que c'est conforme au mandat?

M. Bourbeau: Oui, est-ce que...

M. Saulnier: Encore une fois, le mandat a été donné par la Société d'énergie de la Baie James avant notre arrivée. Quand je parle de notre arrivée, je parle du conseil qui a été installé le 1er octobre 1978. Je ne peux pas vous répondre à savoir si cela est conforme, je ne l'ai pas devant moi et il n'est pas dans ces dossiers, je ne le pense pas.

M. Bourbeau: M. Saulnier, c'est le 6 février que vous avez donné le mandat à vos avocats d'explorer la possibilité d'un règlement.

M. Saulnier: Ah bon! Si on parle de celui-là, oui. Non, cela ne l'était pas.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il donnait à vos

avocats le mandat d'aller au bureau du premier ministre? Est-ce que vous étiez d'accord pour payer des honoraires pour des visistes au bureau du premier ministre?

M. Saulnier: II ne spécifiait pas les endroits que les procureurs pouvaient visiter.

M. Bourbeau: Je suis obligé de vous dire que, dans les comptes d'honoraires, il est dit...

M. Saulnier: J'ai déjà répondu que je ne trouvais pas cela normal.

M. Bourbeau: Le 27 février, alors que le procès est encore en cours, Me Cardinal se retrouve encore au bureau du premier ministre. Est-ce que c'est vous ou quelqu'un d'autre, à votre connaissance, qui donnait les instructions à Me Cardinal d'aller au bureau du premier ministre?

M. Saulnier: Ce ne sont sûrement pas les membres du conseil, ni le président du conseil.

M. Bourbeau: Encore là, ce n'était pas non plus à l'intérieur des mandats qu'il avait reçus.

M. Saulnier: Pas celui du 6 février. M. Bourbeau: Pas celui du 6 février.

M. Saulnier: Mais le précédent, je ne le sais pas.

M. Bourbeau: Le précédent, il avait été ni plus ni moins qu'amendé ou annulé en vertu du dernier. Quand vous avez payé les comptes d'honoraires de Me Cardinal, dont une partie disait que c'était pour s'être rendu au bureau du premier ministre, personne n'a posé de questions sur la pertinence de cette facture?

M. Saulnier: À mon souvenir, non. M. le Président, si on me permet de bien qualifier la réponse, c'est non, mais dans tous les cas où sont présentés à un conseil d'administration généralement, mais nommément à Hydro-Québec et à la SEBJ, les éléments qui apparaissent dans la facturation, cela ne fait pas l'objet d'un débat au conseil, c'est le travail du vérificateur de la société ou des sociétés, en ce qui nous concerne.

M. Bourbeau: Oui, d'accord. Je pense bien que vous avez peut-être pu en sauter des lignes. De toute façon, la preuve de la visite de Me Cardinal nous a été fournie quand même par le bureau du premier ministre. C'est peut-être là qu'on l'a eue.

M. Saulnier, le fait que le bureau du premier ministre souhaitait ardemment, pieusement dans le cas du premier ministre, que la cause se règle, c'était connu des défendeurs, des avocats, n'est-ce pas?

M. Saulnier: Je ne peux pas témoigner de cela, je ne le sais pas.

M. Bourbeau: Vous ne le savez pas. D'après ce que vous avez vu, maintenant vous le savez puisque les rencontres entre Me Boivin et les autres étaient assez fréquentes.

M. Saulnier: On peut faire ce lien et on peut ne pas le faire. Comme je ne le savais pas, je ne fais aucun lien.

M. Bourbeau: Vous aviez quand même fait rapport à tous les administrateurs le 6 février de la volonté du premier ministre de voir la cause se régler.

M. Saulnier: Oui.

M. Bourbeau: Les membres du conseil ou plusieurs d'entre eux savaient depuis le 3 janvier que M. Boivin avait fait savoir à M. Laliberté le désir du premier ministre de régler la cause, enfin d'abandonner.

M. Saulnier: Je ne pourrais pas confirmer cette affirmation pour l'excellente raison que M. Laliberté, selon ce que j'ai compris, a dit que ce serait le 3 janvier qu'il aurait informé un de ses collègues. J'étais absent le 9 et le 3, je n'étais sûrement pas au bureau non plus. Je n'ai donc pas eu connaissance de cela.

M. Bourbeau: Le montant du règlement, 200 000 $, vous en avez parlé un peu hier. Plusieurs administrateurs qui sont venus ici ont trouvé que le montant n'était pas très élevé, n'était pas suffisant. Certains ont dit qu'on aurait dû aussi bien régler pour 1 $ que pour 200 000 $ puisque le montant était symbolique. D'autres, comme M. Giroux, ont dit qu'à leur avis cela aurait dû être 20 000 000 $. On a eu tout le spectre des montants. M. Hébert a parlé de 1 000 000 $ ou 2 000 000 $. Est-ce qu'à un moment donné quelqu'un a demandé qu'on offre au syndicat de régler pour une somme d'argent précise?

M. Saulnier: Ah! oui, c'est-à-dire une somme d'argent précise, pas exprimé en dollars et en cents mais exprimé aux termes qui sont rapportés ici du remboursement à la société de ses frais juridiques encourus jusqu'alors. Cela, c'était de l'ordre de 400 000 $. J'ajoute que cette résolution a résulté d'un examen très serré des possibilités d'avoir plus. Puis 20 000 000 $, je me permets de dire cela en passant, cela

a été lancé en 1983 et en dehors du conseil. M. Bourbeau: En quoi?

M. Saulnier: En dehors du conseil et en 1983. Au conseil il n'a jamais été question de 20 000 000 $ ni de 5 000 000 $ ni de 10 000 000 $ ni de 4 000 000 $ ni de 3 000 000 $ ni de 2 000 000 $ ni de 1 000 000 $. Il a été question de la possibilité d'aller recouvrer le montant de nos frais juridiques à cette date. On n'a même pas pu recouvrer cela.

M. Bourbeau: Quand vous dites qu'au conseil il n'a jamais été question de 2 000 000 $, 1 000 000 $, etc., pourtant on a des gens qui sont venus ici et qui nous ont dit qu'ils auraient espéré qu'on ait 2 000 000 $ ou 1 000 000 $. Je me souviens du témoignage de M. Hébert, qui a dit cela. Mme Forget a dit qu'elle le souhaitait aussi, c'est-à-dire que ces gens le souhaitaient dans leur tête mais n'osaient pas s'exprimer au conseil?

M. Saulnier: Je ne vous dis pas cela. Je dis que ces montants, à mon souvenir, n'ont pas été évoqués au conseil.

M. Bourbeau: Pourtant hier vous avez dit qu'au 30 janvier vous aviez eu deux jours de discussion et que vous aviez épuisé le sujet, et aucune de ces personnes n'avait prononcé des montants ou avait parlé de sommes plus importantes?

M. Saulnier: De parler de sommes plus importantes, tout le monde a parlé de cela. Mais un montant précis exprimé en dollars et en cents, à mon souvenir, non.

M. Bourbeau: Au cours de deux journées complètes de délibérations - enfin, si je me souviens de ce que vous avez dit hier - il y a certainement eu des gens, si vous fouillez votre mémoire un peu, qui ont exprimé le désir de régler pour plus que 400 000 $?

M. Saulnier: Écoutez, M. le Président, je donne ce que ma mémoire me dicte. D'autres peuvent, évidemment, en faire autant. Et ce seront peut-être des chiffres que moi, je n'ai pas en mémoire.

M. Bourbeau: La négociation s'est faite à partir de l'offre initiale de 50 000 $ des syndicats, la première, du 16 janvier 1979. Et, subséquemment, les offres ont monté de temps à autre. À votre connaissance, vos procureurs ou ceux qui négociaient pour vous, ont-ils, à un moment donné, fait une contre-offre d'un montant précis aux syndicats, en vue de régler?

M. Saulnier: À ma connaissance, non, sauf ce qui aurait découlé de la résolution du conseil.

M. Bourbeau: Pourquoi vos avocats ne demandaient-ils pas quelque chose?

M. Saulnier: Je n'ai pas dit qu'ils ne l'ont pas demandé. Mais, le conseil n'avait pas donné de mandat de négocier - je ne sais pas, moi - 5 000 000 $, 2 000 000 $, 10 000 000 $. Il n'avait pas donné de mandat dans ce sens-là.

M. Bourbeau: Mais, quand le conseil avait donné le mandat d'explorer ou de négocier, en fait, c'était négocier quoi? Négocier un montant?

M. Saulnier: Au moment où le conseil a suggéré - c'est-à-dire a résolu - de demander à ses procureurs d'explorer les possibilités, à ce moment-là n'importe quel chiffre pouvait être dans l'esprit des membres. Et, je ne me souviens pas qu'on en ait mentionné. Mais, à ce moment-là, c'était évident que les avocats avaient un mandat d'aller chercher tout ce qu'il y avait moyen d'avoir.

M. Bourbeau: Les avocats avaient un mandat d'aller chercher tout ce qu'il y avait moyen d'avoir. Est-ce qu'ils ont commencé par demander un montant beaucoup plus élevé pour avoir moins?

M. Saulnier: Je n'ai pas assisté aux négociations, M. le Président. Je ne pourrais pas le dire.

M. Bourbeau: Vous ne vous êtes pas informé à savoir comment ils procéderaient, avant de commencer?

M. Saulnier: À mon souvenir, non.

M. Bourbeau: Dans les négociations normales, quand on fait des négociations en général, dans des choses comme cela, les deux parties arrivent au départ avec des positions très éloignées - ça se fait d'ailleurs dans les conventions collectives - et chacun demande la lune pour finir, en général, quelque part au milieu. Pourquoi cela ne s'est-il pas fait comme cela ici?

M. Saulnier: Remarquez que, lorsqu'ils ont eu un mandat d'explorer, et si, comme le dit M. le député, c'est la pratique courante dans les négociations, il y a lieu de présumer qu'ils l'ont fait. Moi, je ne le sais pas.

M. Bourbeau: D'après votre expérience personnelle?

M. Saulnier: Qu'on fait ça comme ça?

M. Bourbeau: Oui.

M. Saulnier: Bien, cela dépend. Si c'est dans le cas d'une cause à l'égard de laquelle on a des certitudes fermes, je pense que là, on dit aux avocats: Ce n'est pas moins que ça. Bon. Dans cette cause-là, ce n'était malheureusement pas le cas.

M. Bourbeau: Là, c'était plutôt: Ce n'est pas plus que ça?

M. Saulnier: Non, non, c'était: Explorez.

M. Bourbeau: Quand vos avocats vous ont fait rapport que c'était 200 000 $ seulement, avez-vous demandé des explications pour savoir pourquoi ils ne réussissaient pas à faire monter les enchères?

M. Saulnier: Ce sont celles qu'on retrouve au procès-verbal. Les personnes à l'égard desquelles on avait un lien de responsabilité avaient des valeurs qui ne dépassaient pas 100 000 $ et on ne pouvait pas espérer obtenir plus que ce qu'elles avaient. Quant aux autres, il y avait un doute très sérieux, pour dire le moins, qui devait être entretenu sur la possibilité de faire le lien de droit requis par la loi.

M. Bourbeau: Le 6 mars, vous avez donné à vos procureurs un mandat de régler la cause, de signer sur la base du document. Or, le 28 février, une semaine avant, le procès avait été suspendu. Donc, je présume qu'à partir du 28 février, les avocats étaient relativement convaincus qu'un règlement s'en venait, puisqu'on suspendait le procès. (12 heures)

Dans une lettre en date du 27 février, la veille de l'ajournement du procès, adressée à Me André Gadbois par Me Jean-Paul Cardinal, du bureau de Geoffrion et Prud'homme, il est dit ceci: "Pour faire suite à votre lettre du 21 février contenant les nouvelles instructions du conseil, j'ai communiqué, les 22 et 23, avec Mes Michel Jasmin et Phillip Cutler. Je n'ai pu communiquer avec Me Rosaire Beaulé alors en vacances." Comment se fait-il que le procureur de votre principal défendeur était en vacances pendant le procès, une semaine avant la fin du procès?

M. Duhaime: Où cela est-il dit, dans les documents qu'on a?

M. Bourbeau: Je ne sais pas à quel endroit...

M. Saulnier: À la page 143.

M. Bourbeau: À la page 143. N'est-il pas étrange que le procureur de votre défendeur le plus solvable soit en vacances en plein milieu du procès?

Une voix: II n'était pas inquiet.

M. Saulnier: Je crois que les personnes qui peuvent le mieux répondre sont précisément celles qui sont nommées là. On pourrait aussi dire qu'il y avait un autre avocat de ce bureau-là qui suivait les dossiers.

M. Bourbeau: Quand vous avez lu cette lettre du 27 février, en tant que président du conseil, cela ne vous a pas frappé de constater que le procureur principal de votre seul défendeur solvable était en vacances pendant le procès?

M. Duhaime: Est-ce qu'on pourrait lire le paragraphe, M. le Président?

M. Bourbeau: Cela n'a pas d'importance, ma question...

M. Duhaime: Oui, oui cela a de l'importance.

M. Bourbeau: Je regrette. Je n'argumente pas sur le fond du paragraphe, je souligne le fait que Me Beaulé était en vacances. Je ne porte pas de jugement sur...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Dans sa réponse, M. Saulnier peut, peut-être, faire...

M. Saulnier: Je pense que si on va à la page 145, c'est-à-dire à la troisième page de la même lettre, au point 3 on lit: "Le 26 février, lors de la réunion précitée, j'ai fait part à Me Michel Jasmin et à Me Rosaire Beaulé des demandes additionnelles en argent de la SEBJ. Lors de l'entrevue que j'ai eue avec eux ce matin, ils m'ont informé que si je leur donnais l'assurance que la SEBJ accepte in toto les termes d'un règlement, ils seraient prêts à recommander à leurs clients une augmentation de l'offre monétaire globale de 175 000 $ à 300 000 $ et j'ai compris que leurs clients respectifs paieraient ce montant moitié-moitié." Je continue: "J'avais déjà communiqué avec Me Desjardins le 23 février dernier et il m'avait informé que son acceptation de la somme de 75 000 $, dettes et frais, en règlement de l'action des assureurs était strictement contingente au paiement à la SEBJ d'une somme ne dépassant pas 100 000 $. À la suite des offres nouvelles de Mes Beaulé et Jasmin, j'ai rencontré Me Guy Desjardins qui m'a assuré que dans l'éventualité où la SEBJ accepterait un règlement final de 200 000 $, il serait prêt à recommander à ses clients d'accepter une somme de 100 000 $, dettes et frais." Il avait donc eu les contacts qu'on

pouvait espérer.

M. Bourbeau: Ma question ne portait pas sur le fait que les avocats aient proposé un montant additionnel. Ma question portait sur le fait que, en tant que président du conseil, vous avez reçu une lettre le 27 février, alors que le procès est encore en cours, vous disant que, quelques jours auparavant, l'avocat principal de votre plus gros défendeur était en vacances. Quel effet cela vous a-t-il fait d'apprendre cela? Est-ce que cela ne vous insécurisait pas par rapport...

M. Saulnier: Encore une fois, il est dit dans cette lettre-là, qui est datée du 27, que la veille, le 26, ils les ont vus.

M. Bourbeau: Oui, je comprends. Le 26, il n'était plus en vacances, mais une semaine avant il était en vacances.

M. Saulnier: Fallait-il qu'ils les voient toutes les cinq minutes?

M. Bourbeau: C'est donc dire qu'au moment où, le 22 ou le 23, on cherchait Me Beaulé, il était en vacances au milieu du procès, enfin pendant le procès. Quand on poursuit quelqu'un et que son procureur est en vacances, il me semble que le défendeur se sent assez sûr de lui. Vous n'en tirez pas de conclusion?

M. Saulnier: Je m'excuse, M. le Président...

M. Bourbeau: Vous n'en tirez pas de conclusion? Vous n'en n'avez pas tiré de conclusion?

M. Saulnier: Sur le fait que l'avocat soit en voyage?

M. Bourbeau: Qu'il était en vacances.

M. Saulnier: En vacances? Non, je n'en ai pas tiré de conclusion. Il travaillait pour ses clients.

M. Bourbeau: C'est bien ce qu'on a aussi considéré.

M. Saulnier: Alors, il faudrait poser la question à ses clients. Les nôtres n'étaient pas en vacances.

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir très rapidement pour souligner pour quelle raison cette commission est réunie. En fait, nous avons, depuis maintenant près de deux heures, fait le tour de toutes sortes de questions plus ou moins pertinentes. Je voudrais revenir à une question qui, elle, est pertinente puisqu'elle est au fond du présumé problème qui a fait en sorte que cette commission se réunisse.

En fait, au coeur du mandat de cette commission, nous devons étudier le rôle qu'a principalement tenu le premier ministre dans cette décision qu'a prise la Société d'énergie de la Baie James et évaluer si ce rôle est conforme à ce qu'il a déclaré à l'Assemblée nationale, le 20 février 1979. C'est, là, le problème, paraît-il.

M. Saulnier, je vais relire trois brefs paragraphes qui reprennent les éléments de fond de la déclaration du premier ministre, du 20 février 1979. Je vais vous demander très simplement d'indiquer à cette commission, si, selon vous, cette déclaration du premier ministre est conforme aux faits.

Voici la déclaration du 20 février 1979 de M. Lévesque, à l'Assemblée nationale. Il dit: "En janvier de cette année, c'est-à-dire il y a quelques semaines, si je suis bien informé, la Société d'énergie de la Baie James a reçu des offres de règlement de la part de certains des défendeurs et, ce qui est assez normal, de nouveau, elle a voulu savoir le sentiment de celui qui vous parle là-dessus." C'est-à-dire le premier ministre, lui-même. "Mon sentiment, dit M. Lévesque à l'Assemblée nationale, a été très clair. La décision appartient forcément à HydroQuébec et à son conseil d'administration qui coiffent toute l'opération chantier, énergie, etc, et, bien sûr, à la Société d'énergie de la Baie James elle-même, qui est là comme partie." Il dit donc que la décision leur appartient. "Tout en étant bien clair là-dessus, poursuit-il, et le demeurant encore aujourd'hui, mon sentiment - et je leur ai donné comme ils le demandaient - est éminemment favorable à un règlement."

Est-ce que cette déclaration de M. Lévesque, du 20 février 1979, dont on a fait grand état, vous paraît en tout point conforme à la vérité?

M. Saulnier: Oui, M. le Président. M. Blouin: Merci, M. Saulnier.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Saulnier, dans la déclaration préliminaire que vous avez faite, hier soir, à la page 5, vous dites: "Les procès-verbaux des 23 et 30 janvier ne font pas état de ces délibérations parce que le procès était en cours." Pourriez-vous expliciter davantage cet aspect de votre déclaration?

M. Saulnier: Elle me paraît complète, M. le Président. J'aimerais savoir sur quel aspect en particulier?

M. Ciaccia: Pouvez-vous expliquer pourquoi les délibérations... Est-ce parce que vous ne vouliez pas donner de mandat aux avocats? On remarque, dans les procès-verbaux des conseils d'administration antérieurs - on les a ici - qu'il y a eu des résolutions. Pourquoi cela ne faisait-il pas état des délibérations?

M. Saulnier: Le mandat, que les avocats avaient jusqu'au 6 février, était de plaider la cause. Or, la cause était en cour. Il n'y avait pas d'intérêt que les discussions des membres du conseil d'administration soient au procès-verbal. C'est la première raison. Voici la deuxième: comme cela n'a pas débouché sur des décisions, c'était une raison additionnelle pour ne pas les consigner au procès-verbal.

M. Ciaccia: Vous dites que les procès-verbaux n'ont pas fait état des délibérations parce que le procès était en cours.

M. Saulnier: La raison principale, c'est cela.

M. Ciaccia: Mais le 6 février le procès était en cours?

M. Saulnier: Oui.

M. Ciaccia: Les procès-verbaux ont fait état des délibérations.

M. Saulnier: Mais il y a une décision. M. Ciaccia: Le 23...

M. Saulnier: Le 23 et le 30 il n'y a aucune décision.

M. Ciaccia: Le 30 non plus? M. Saulnier: Non.

M. Ciaccia: Vous avez dit ce matin que vous vous souvenez que le 23 tout ce qui touchait l'examen des liens de droit avec les syndicats américains, c'était une faiblesse, que cela avait été discuté le 23, que les avocats étaient là que vous avez indiqué aux avocats qu'il y avait plus de travail à faire pour la question de la partie américaine et que le sens des questions reflétait une inquiétude profonde chez les membres du conseil d'administration et le fait de vouloir obtenir satisfaction. Cela s'est produit le 23 janvier. Le 26 janvier il y a eu une opinion écrite de Geoffrion et Prud'homme adressée à Me Gadbois qui fait référence au 24 janvier, qui est la journée après vos délibérations, où vous avez soulevé une série de questions et où je présume que vous avez demandé une réponse aux avocats. On fait état ici de ce que vous leur avez demandé. Je lis le premier paragraphe: "Le 24 janvier vous nous demandiez notre opinion sur le montant des dommages que nous croyons être en mesure de prouver, compte tenu de nos plus récentes informations et du déroulement de la preuve dans ce dossier." Cela a donc du être une des questions que vous avez posées. "Au surplus vous nous avez requis de confirmer notre opinion à l'effet que la Société d'énergie de la Baie James, etc, etc". Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il n'y a pas référence dans ce document aux autres questions que soi-disant vous avez soulevées avec les avocats?

M. Saulnier: Je n'en vois pas.

M. Ciaccia: Vous ne voyez pas de contradiction...

M. Saulnier: Non.

M. Ciaccia: ...ou une omission de la part des avocats de ne pas avoir suivi les délibérations. Cela me porterait à voir... Si vous me dites le 23: On a discuté et on a demandé aux avocats telle ou telle chose et que les avocats semblent faire une liste des points mais que celui-ci n'y est pas inclus...

Dans la même lettre ils disent: "En résumé la réclamation totale peut se détailler comme suit: "A. Les postes suivants sont juridiquement fondés et selon notre opinion devraient être maintenus". Vous avez une discussion le 23, vous n'arrivez pas à une décision, évidemment, et l'avocat répond aux questions qui ont été soulevées sur les montants et "les postes suivants sont juridiquement fondés et selon notre opinion devraient être maintenus". Le paragraphe A, cela totalise 17 000 000 $. Vos avocats vous ont dit que vous pourriez faire valoir ou prouver ces 17 000 000 $. Au paragraphe B il est dit: "Les postes de réclamation suivants, bien que prouvables, risquent d'être rejetés". Ils n'ont pas dit qu'ils le seraient. Il y a là 2 292 000 $. Cela fait presque un total de 20 000 000 $, 19 400 000 $ dont vos avocats vous disent: Vous pouvez prouver ces dommages. Comment expliquez-vous cela avec la déclaration que vous avez faite quand vous nous avez dit que, le 23 et le 30, le conseil était déjà décidé d'aller régler pour les 200 000 $ et on est allé voir le premier ministre juste pour... Ce n'était même pas nécessaire. Comment justifier votre avocat qui vous dit: Vous pouvez aller chercher 20 000 000 $ et on est décidé de prendre 200 000 $.

Je voulais seulement attirer votre attention sur un autre aspect de cette opinion, une autre affirmation qui dit, à la

page 26 du document qui vous a été fourni: "Dans l'espèce, la décision de la société d'intenter la présente poursuite n'a été prise qu'après enquête approfondie et consultation avec ses procureurs."

Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez répondre, M. Saulnier?

M. Saulnier: Ma réponse est donnée à la fin du même paragraphe et elle répond à une question qui avait été posée, à savoir que tous ces éléments ne permettaient aucunement de penser qu'un recours en dommages et intérêts pourrait être maintenu contre la société. C'est une affaire...

M. Ciaccia: Un instant, un instant. Je pense que...

M. Saulnier: C'est le même paragraphe, non.

M. Ciaccia: Oui, mais je pense que vous devrez vérifier la signification de cela avec vos avocats parce que les réclamations dont les avocats parlent, ce sont les réclamations contre la société d'énergie.

M. Saulnier: C'est ce que je dis.

M. Ciaccia: Oui mais cela ne change pas le fait, c'est encore pire, parce que votre avocat vous dit: Ne vous inquiétez pas des dommages contre la société d'énergie par les défendeurs...

M. Saulnier: C'est correct.

M. Ciaccia: ...mais vous avez une réclamation de 20 000 000 $ contre les défendeurs et on l'a prise. Avant de prendre les procédures, c'était approfondi, justifié. Comment pouvez-vous concilier ces déclarations de vos avocats avec vos déclarations d'hier et aujourd'hui quand vous nous dites: Le conseil était d'accord avant d'aller voir le premier ministre pour les 200 000 $; je ne voyais même pas d'intérêt d'aller voir le premier ministre. Il me semble qu'il y a une...

M. Saulnier: C'est dans les réponses que j'ai données et qui étaient toutes fondées sur les délibérations des 23 et 30 janvier et qui portaient, elles, sur la possibilité, premièrement, d'aller recouvrer des syndicats locaux toute ou partie de la réclamation et, deuxièmement, de faire un lien de droit acceptable avec le syndicat américain. Cela portait là-dessus, c'était en réponse à une question qui a été posée à Me Gadbois, je pense, et qui répondait également à une question du même genre qui a été posée, si je ne m'abuse, en novembre. Les gens voulaient savoir exactement ce qu'on peut prouver. Je ne suis pas avocat, je le confesse à ma courte honte, mais il y a une chose entre prouver que j'ai eu des dommages de tant et prouver qu'un tel doit me les payer. Cela me paraît deux choses complètement différentes.

M. Ciaccia: Non, mais je trouve l'échéancier... J'essaie de comprendre l'échéancier. Je peux comprendre qu'au mois de novembre, vous avez soulevé certaines questions. Mais là, vous nous dites que le 23, vous avez eu une réunion. Tout de suite après, le 24, je présume, si j'étais Me Gadbois, je communique avec les avocats pour leur demander les questions qui avaient été soulevées le 23 et vos avocats... Et il y avait deux questions: L'opinion sur les montants des dommages...

Je trouve difficile à croire que vous aviez déjà arrêté votre pensée à 200 000 $ le 23 et, après cela, vous demandez aux avocats, le 24: Combien peut-on aller chercher? On peut prouver, vos avocats vous disent 20 000 000 $. Vous savez, il faut toujours être raisonnable. Sans être avocat, oublions qu'on est avocat, supposons que je ne sois pas avocat, mon avocat me dit: Tu peux aller chercher 20 000 000 $. Comment pouvez-vous demander à la population de croire que j'avais déjà décidé d'accepter 200 000 $? En plus de cela, l'avocat me dit, avant d'avoir commencé les poursuites, que c'était après une enquête approfondie et des consultations avec les procureurs. On ne parle pas de lien de droit, rien de cela. Ce n'est même pas soulevé à ce stade-ci. J'ai l'impression que c'est venu plus tard, mais on va y revenir plus tard, j'ai d'autres questions à vous poser. Comment pouviez-vous dire, hier, que vous ne voyiez pas la nécessité d'aller voir le premier ministre, que le conseil était d'accord? Comment pouvez-vous justifier ces deux...?

M. Saulnier: Sur la foi et le souvenir de ces deux réunions du conseil où la question a été fouillée de long en large, comme je le dis. Si le chef du contentieux pose deux questions le lendemain, il ne me demande pas mon avis avant de les poser, et c'est son droit de les poser.

M. Ciaccia: II y a plus que ces deux questions, il y a la lettre de Me Gadbois du 24 janvier. Je peux vous la lire pour situer un peu les questions et la situation: "Le conseil d'administration de la société d'énergie a pris connaissance, à sa réunion d'hier, des projets de déclarations de transactions et de déclarations de règlement hors cour qui ont été préparés dans le but d'une négociation possible de règlement hors cour dans cette instance". Cela veut dire que le 23, vous avez regardé vos projets de règlement hors cour et on a dû dire:

200 000 $ ou 175 000 $, dans cet ordre-là.

Le conseil, sans se prononcer sur la proposition de règlement hors cour, demande d'apporter certaines modifications au document. Alors, il y a certaines modifications aux termes du document, mais, évidemment, quelqu'un a dû soulever la question: Ce montant de 200 000 $, c'est dérisoire, demandons à nos avocats combien on peut aller chercher. Il n'y a pas d'autre explication pour cette lettre que les avocats vous écrivent et ce qu'ils vous disent catégoriquement. J'ai rarement lu des opinions d'avocats qui sont assez claires. Des fois, ils se donnent des petites portes de sortie ici et là, mais, ici, il n'y a pas de porte de sortie. C'est pas mal un engagement ferme de leur part. Il est vrai que c'est une opinion, mais c'est une opinion ferme. Ils vous disent qu'à la suite des questions que vous avez posées: vous pouvez aller chercher 20 000 000 $. Quand on a commencé notre cause, c'était approfondi. Cela veut dire que le 23, ce n'est pas tout à fait compris qu'ils étaient tous d'accord sur les 200 000 $; autrement, s'ils avaient été d'accord sur les 200 000 $, pourquoi auraient-ils demandé d'aller chercher les montants? Il a dû y avoir une discussion assez longue, des doutes et pas de décision.

M. Saulnier: M. le Président, cela s'explique de la façon que j'ai déjà indiquée, mais on me mentionne un autre document que les membres du conseil ont reçu, qui est daté du 11 décembre et qui provient du même bureau d'avocats, dans lequel on nous donne une opinion sur la solvabilité des défendeurs, également sur la capacité de payer de l'International Union of Operating Engineers. On dit: On a requis un avis de nos correspondants américains, à savoir que... Bon, le doute continue.

M. Ciaccia: Je suis heureux que vous vous référiez à ces avis, parce qu'ils confirment encore que c'était une bonne cause...

M. Saulnier: Je ne suis pas du même avis.

M. Ciaccia: Lisez l'avis du 11 décembre et celui du 5 et, basé sur cet avis...

M. Laplante: M. le Président, c'est que...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député de Mont-Royal, M. le député de Bourassa a une question de règlement.

M. Laplante: Oui.

Le Président (M. Jolivet): Une question de règlement, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: En même temps, j'ai une demande de directive, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): D'accord: Parfait!

M. Laplante: On a actuellement le témoin, M. Saulnier...

Le Président (M. Jolivet): Un invité.

M. Laplante: ...un invité qui a prêté serment, hier, avant de comparaître. Le député de Laporte a posé toutes les questions, jusqu'à maintenant, que le député de Mont-Royal a posées. Visiblement, M. le Président, tout cela vise à essayer de mettre l'invité en boîte. Je demande, par respect pour cette commission, étant donné que l'invité a fait son serment, si les réponses qu'il a données aux questions du député de Mont-Royal ne devraient pas être prises en considération. Encore une fois - c'est de là que vient la directive que je vous demande -le dédoublement des questions est pour essayer de placer un témoin qui a prêté serment en contradiction, pour essayer de trouver une nuance avec d'autres mots; cela n'en finit plus. C'est le supplice fait à ces invités dont on se plaint jusqu'à aujourd'hui. Cela ne fait pas sérieux dans une commission. Cela fait cour, comme je l'ai déjà dit. Vous ne pouvez pas non plus jouer le rôle de sa seigneurie. C'est cette directive que je vous demande pour protéger ces témoins. Ils n'ont pas l'habitude d'une commission parlementaire. On dit qu'on invente des règles nouvelles ici, mais j'ai très peur pour l'avenir de ces commissions, parce que dans cette commission vous êtes en train d'établir des règles qu'on n'a jamais vues dans des commissions parlementaires. J'ai peur que cela fasse jurisprudence pour l'avenir et je me demande comment on pourra fonctionner dans les commissions parlementaires à venir, M. le Président. C'est cela qui est...

M. Lalonde: C'est une question de directive.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est une question de directive. Je ne me souviens pas d'avoir entendu hier le député de Bourassa exprimer les mêmes objections lorsque le ministre a contre-interrogé - je dis bien contre-interrogé - M. Giroux...

M. Laplante: Référez au journal des Débats, vous verrez ce que le ministre a dit, M. le député.

Le Président (M. Jolivet): M. le député

de Bourassa.

M. Laplante: C'est un manque d'honnêteté intellectuelle que vous avez actuellement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'exprimais simplement le regret que le député de Bourassa n'ait pas exprimé ces mêmes objections hier quand le ministre interrogeait M. Giroux, parce que, depuis le début de cette commission, cela a été admis comme étant conforme au règlement et à la loi que des questions puissent être posées pour rafraîchir la mémoire des témoins pour obtenir des explications sur des contradictions apparentes, des contradictions qui apparaissent comme telles dans l'esprit de l'un ou l'autre des membres de cette commission. Il me semble que le député de Mont-Royal fait preuve d'une grande modération, d'une grande courtoisie, d'une grande articulation dans ses questions à M. Saulnier. Je ne pense pas, M. le Président, qu'il s'agisse actuellement d'un supplice, comme le disait le député de Bourassa.

Une voix: ...celui d'entendre les réponses.

M. Lalonde: S'il n'aime pas les réponses, c'est une autre chose. Il pourra poser les questions lui-même.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur la question de règlement ou de directive.

M. Duhaime: Oui, pour deux raisons. D'abord, l'intervention du député de Marguerite-Bourgeoys me met en cause et également le journal La Presse du mercredi 20 avril 1983. Le chef de l'Opposition, hier, en Chambre, alors que j'étais absent, m'a fait des reproches. Je peux vous dire que le chef de l'Opposition aura sa réponse aussitôt que les travaux de la Chambre reprendront cet après-midi, parce que j'y serai. Je n'ai pas harcelé M. Giroux, hier, je lui ai même demandé à la fin s'il s'était senti harcelé; il m'a répondu que non. Je ne l'ai pas contre-interrogé non plus, mais je l'ai mis en contradiction, cependant, avec l'affirmation catégorique qu'il avait faite devant cette commission - je vais sortir la transcription -disant que...

M. Lalonde: C'est sur la question de règlement, il ne s'agit pas de revenir sur ce qui...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je vais terminer sur ma question de règlement. Vous aurez votre tour.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Lalonde: Non, le ministre...

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant.

M. Laplante: Article 96.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, je suis capable de...

M. Duhaime: Je suis moi-même sur une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais avant que je puisse vous le permettre, je vais d'abord commencer par calmer les esprits. La première des choses est d'entendre la question de règlement. Vous savez très bien qu'en commission parlementaire il n'y a pas de question de privilège et, en conséquence, je ne voudrais pas que la question de règlement ait pour but, de façon détournée, de faire une question de privilège. C'est seulement dans ce but que je voulais intervenir.

M. le ministre, vous pouvez continuer sur votre question de règlement. (12 h 30)

M. Duhaime: II ne s'agit pas d'un contre-interrogatoire que j'ai conduit hier parce que j'ai l'habitude de ce genre de contre-interrogatoire et ce n'est pas comme cela que je m'y prends.

Ce que j'ai dit c'est que M. Giroux a affirmé, et c'est à la page R/527 du journal des Débats, et je cite: "le gouvernement n'est jamais intervenu...

Le Président (M. Jolivet): ...M. le ministre, M. le ministre...

M. Duhaime: ...quand j'ai été président d'Hydro-Québec...

Le Président (M. Jolivet): ...M. le ministre, j'ai une question de règlement à ma gauche. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Duhaime: Je suis moi-même sur la question de règlement.

M. Lalonde: La question qu'attaque le ministre actuellement n'est pas une question de règlement. Il veut simplement répéter ce qu'il a dit hier. Il nous a annoncé qu'il aura une question de privilège à faire, ou enfin

une intervention en Chambre, et ce sera conforme aux règlements à ce moment. Ce qu'il s'agit de décider, M. le Président, c'est si le député de Mont-Royal a la parole et s'il peut continuer de poser ses questions.

Le Président (M. Jolivet): J'ai cru comprendre de la part du député de Chambly qu'il se posait comme question pourquoi j'avais accordé une deuxième question de règlement. C'est qu'une question de règlement n'est pas une question de privilège. Une question de privilège a préséance, mais une question de règlement, si quelqu'un croit que la personne n'est pas conforme au règlement, elle peut le porter à tout effet. En conséquence, il était logique que je donne la parole au député de Marguerite-Bourgeoys puisqu'il posait une question de règlement sur le fait que le ministre n'observait pas le règlement, comme il vient de le souligner.

M. Lalonde: C'est cela.

Le Président (M. Jolivet): En conséquence, je donne la parole au député de...

M. Duhaime: Est-ce que je pourrais terminer ma question de règlement?

Le Président (M. Jolivet): Si c'est une question de règlement, d'accord. Mais si ce n'est pas une question de règlement, je vais donner la parole au député de Mont-Royal.

M. Duhaime: Oui. Je voudrais dire que mon collègue de Bourassa a tout à fait raison d'attirer votre attention et également l'attention de tous les membres de cette commission parlementaire. Je l'ai dit au début, je n'ai aucune espèce d'objection à des questions pertinentes. Mais à des questions à répétition, à répétition et à répétition... Si vous voulez que je vous relise le commentaire de Marcel Adam dans la Presse de samedi dernier, je peux le faire. Mais je demanderais, pour la bonne santé de nos institutions parlementaires, qu'on s'en tienne à des choses pertinentes. M. Saulnier est avec nous depuis 10 heures ce matin et il est 12 h 32. Il a fait déjà 45 minutes hier. Je n'ai pas l'impression d'avoir posé beaucoup de questions ce matin, mes collègues de ce côté-ci non plus. L'Opposition pose des questions les unes par dessus les autres, à répétition...

M. Lalonde: ...en long, en large et en profondeur.

M. Duhaime: ...sur des mêmes faits, continuellement. J'ai comme l'impression que le test que j'ai indiqué hier est en deux colonnes. Je puis dire que ce matin, si j'ai à évaluer la façon de procéder en autres du député de Mont-Royal qui reprend systématiquement les mêmes questions, on n'a rien appris de neuf ici ce matin.

Je le regrette, parce qu'avec chaque journée qui passe nous dépensons 15 000 $.

Le Président (M. Jolivet): J'aimerais...

M. Lalonde: ...M. le Président, je voudrais quand même soulever la question de règlement...

Le Président (M. Jolivet): ...avant que vous fassiez une question de règlement sur quelque chose d'autre, j'ai à donner une réponse à la question du député de Bourassa, qui était une question de directive au départ et qui est devenue en cours de route une question de règlement de part et d'autre. Je dois vous dire que je répéterai toujours la même chose: II n'est pas question que la commission fasse jurisprudence de quelque façon que ce soit.

J'ai fait mention aussi au début de deux séances que l'Assemblée nationale a actuellement à se prononcer sur des projets qui sont en sous-commission de l'Assemblée nationale pour le moment, et qui comportent de nouvelles formes de commissions parlementaires avec des règlements qui vont être beaucoup plus à point que les règlements que nous possédons actuellement. Je crois que cette commission va certainement servir de part et d'autre de l'Assemblée nationale à bien délimiter les pouvoirs qu'une commission parlementaire aura dans l'avenir dans des formes différentes de celles qu'on lui connaît actuellement.

Il y a une deuxième chose que je voudrais rappeler aussi. C'est que la commission parlementaire que nous avons n'est instituée ni en vertu de l'article 68 ni en vertu de l'article 80 du règlement actuel. En conséquence, les règles qui nous régissent sont les règles de la commission parlementaire habituelle, puisque c'est une commission parlementaire élue permanente. En deuxième lieu, j'ai essayé autant que faire se peut de faire, par analogie, l'application de l'article 168 du règlement. Je vous ai même averti au début de la séance de la semaine dernière, c'est-à-dire mercredi dernier, que je pouvais vous donner le pouvoir d'intervenir en invoquant le règlement si vous jugiez que l'intervenant qui posait les questions abusait de ses droits de parlementaire.

Je vais donc rappeler au député de Mont-Royal, à la suite de la demande qui m'est faite, les mêmes recommandations, c'est-à-dire d'éviter que des questions soient basées sur des hypothèses, des suggestions, des opinions; en même temps, je veux rappeler aux autres membres de cette

commission que je ne peux en aucune façon interdire quelque question que ce soit même si elle est répétitive en tenant compte du fait que les gens qui nous écoutent et que les gens qui sont questionnés - les gens qui sont ici autour de cette table - sauront tirer les conclusions que je n'ai, moi-même, nullement à tirer comme président. Mais soyez assurés d'une chose, c'est que je vais essayer de faire en sorte que la commission puisse continuer comme elle s'est déroulée depuis quelques jours, de façon à éviter que l'on abuse de nos droits de parlementaires.

M. Laplante: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Lalonde: J'avais demandé la parole.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.

M. Laplante: Sur la directive que vous venez de donner.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, sur la même question, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Oui. C'est que je voudrais que ce soit très clair pour les autres commissions à venir. Je voudrais que vous déclariez, de façon très claire, que cette commission ne fera pas jurisprudence; que tout ce qui s'est fait comme comportements ne soit pas considéré comme une jurisprudence pour les prochaines commissions. Cela est très important pour l'avenir, ce que je vous demande là.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Sur cette question.

Le Président (M. Jolivet): Sur la même question.

M. Lalonde: Je ne sais pas ce qui inspire la peur du député de Bourassa. On sait très bien que chacun des gestes que nous posons apporte des conséquences. Il n'y a aucun doute que c'est dans cet esprit que nous faisons notre travail actuellement. Nous tentons de le faire conformément aux déclarations du premier ministre qui nous a demandé de faire cela en long, en large et en profondeur.

Et en ce qui concerne la jurisprudence, M. le Président, il n'y a aucun doute - et je suis parfaitement d'accord avec vous - qu'il ne s'agit pas de prendre cette commission comme exemple, mais comme expérience -puisqu'il semble que ce soit la première fois que cela se produise - pour en tirer les leçons les plus favorables à l'institution parlementaire. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que les membres du Parti libéral, à cette commission, ont fait preuve d'une grande modération, tout en tentant de remplir le mandat qui, lui, est très large, selon la volonté du gouvernement et du premier ministre. Alors, je vous demanderais aussi de reconnaître que M. Saulnier - à la différence, par exemple, d'un simple membre du conseil d'administration - est président du conseil d'administration. À ce titre, il a des obligations différentes, comme par exemple d'être le lien entre le gouvernement et la société, comme cela a été affirmé tout à l'heure. Il a fait des déclarations et a émis des opinions qui ont une grande conséquence sur le déroulement de la commission et sur son mandat. Alors, il me semble qu'on doive laisser aux députés tout le loisir de poser des questions. Si M. Saulnier croit que, à cause du temps qu'il passera ici, à cause du fait qu'il est là depuis deux heures, on doive suspendre pendant quelques minutes, on doive attendre plus tard pour continuer, nous sommes parfaitement d'accord pour considérer cela, M. le Président. Nous allons d'emblée suivre vos directives à cet égard. Nous voulons tout simplement que toutes les questions pertinentes soient posées. Je répète que nous ne sommes pas du tout, pas du tout intimidés par les tests du ministre. Il fera tous les tests qu'il voudra. Nous avons l'engagement du premier ministre que cette commission aura tout le loisir de remplir son mandat.

Le Président (M. Jolivet): Sur cette question, M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Je voudrais uniquement rappeler au leader de l'Opposition - et je crois que c'est une mise en garde qui est facile à comprendre - qu'à chaque fois que les députés de l'Opposition ouvrent la bouche inutilement, cela coûte 0,50 $ par seconde aux contribuables.

M. Lalonde: Bon, alors cela vient de nous coûter 5 $, M. le Président.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je veux tout simplement rappeler que, comme président - j'en ait fait, dès le départ, mention, je l'ai aussi répété à plusieurs occasions - je ne pense pas que la commission ait pour but de créer quelque jurisprudence que ce soit. Je pense que cela a été bien clair de ma part. J'essaie, du mieux que je peux - comme peut-être d'autres personnes qui sont ici présentes - de marcher sur des oeufs sans les écraser. Mais une chose est certaine, cela a bien fonctionné depuis quelques jours, et j'espère

que cela va continuer comme cela. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai pas voulu en faire une question de règlement, mais je voudrais préciser quelque chose pour mes questions qui vont venir dans le cours des travaux de cette commission parlementaire. Je ne pense pas que je vais me laisser dire par des membres du gouvernement les questions que je dois poser, et les questions que je ne dois pas poser. Si je pose une question qui va à l'encontre du règlement, le Président se fera un devoir de me ramener à l'ordre. J'ai remarqué une chose, par exemple. Que chaque fois que les membres du gouvernement...

Le Président (M. Jolivet): Je ne veux pas être désagréable...

Une voix: II a droit de parole.

Le Président (M. Jolivet): Oui, je sais qu'il a droit de parole, je ne veux pas le lui enlever. Je veux vous demander si vous continuez sur la même question de règlement ou si on pourrait passer à M. Saulnier pour aider, parce que je pense que chacun a exprimé...

M. Ciaccia: Je voudrais utiliser mon droit de parole pour préciser certains points. Il va falloir que je revienne aux questions que j'ai posées parce que j'ai été interrompu par les membres du gouvernement. J'ai remarqué que chaque fois que les membres du gouvernement sentent qu'ils n'aimeraient peut-être pas les réponses aux questions que je pose, ils m'interrompent sur des questions de règlement. Cela est clair, ce n'est pas la première fois que cela arrive. Cela donne la chance... C'est une tactique que le ministre de l'Énergie et des Ressources connaît bien. Cela donne la chance aux invités de réfléchir, penser aux questions, regarder...

Une voix: C'est une bonne tactique.

M. Ciaccia: C'est une bonne tactique, mais ne nous faites pas croire que vous êtes soucieux des dépenses de la commission parlementaire. Si vous êtes tellement soucieux, vous n'auriez pas voté une augmentation de salaire pour les députés.

M. Blouin: On a coupé le régime de retraite, et cela rapporte 3 000 000 $ par année aux contribuables.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal, je pense que je vais devoir vous arrêter, parce que vous outrepassez le petit pouvoir que j'avais de vous donner le droit de parole. S'il vous plaît, poursuivez vos questions avec M. Saulnier.

M. Ciaccia: Je vais recommencer, M. le Président, et chaque fois que vous allez m'interrompre, cela prendra plus de temps. Il faudra que je récapitule mes questions pour garder le fil de mes questions afin que les réponses se suivent. Je veux bien croire et je ne mets pas en doute les réponses de qui que ce soit, l'honnêteté des témoins, mais nous ne sommes pas pour prendre une déclaration préliminaire et l'accepter telle quelle, si cela soulève des questions. Dans mon esprit, cela soulève des questions, parce que cette déclaration préliminaire de M. Saulnier semble avoir une interprétation complètement différente de ce que tous les autres administrateurs sont venus nous dire. La seule chose que j'essaie d'obtenir de M. Saulnier, c'est des précisions sur sa déclaration.

M. Saulnier: Soyez bien à l'aise.

M. Ciaccia: Je le suis, ne vous inquiétez pas. Je veux que vous aussi soyez à l'aise. J'avais donc commencé avec la réunion du 23; les décisions qui n'étaient pas prises à la réunion du 23, les questions qui avaient été soulevées à la réunion du 23. Ces questions semblent... On les avaient exprimées. C'est une question qui a été soulevée dans une lettre envoyée par Me Gadbois à Geoffrion et Prud'homme relativement à certains problèmes qui avaient été soulevés concernant les dommages possibles et la récupération. Dans l'opinion du 26 janvier, on vous a dit qu'il s'agissait de 20 000 000 $. Les procédures avaient été instituées après que le dossier ait été très approfondi. Vous m'avez cité une opinion du 11 décembre 1978, je pense même du 5 janvier et je vous dis que, selon moi, la lettre du 26 de vos procureurs est dans la même ligne de pensée que l'opinion assez claire du 11 décembre et du 5 janvier. Je vais vous citer une conclusion de l'opinion du 5 janvier. C'est à la page 30 du document. L'opinion se lit comme suit: "Nous avons reçu une opinion de nos correspondants américains, MM. Alarby, Clark et Paul, sur la reconnaissance, en vertu de la loi américaine, des jugements prononcés à l'étranger. Ils nous confirment qu'un jugement, rendu dans la province de Québec, n'est pas automatiquement exécutoire aux États-Unis mais qu'il peut, cependant, fonder avec succès une action intentée là-bas. Le droit américain fait montre de générosité à l'égard des jugements étrangers, de telle sorte que, si certains prérequis existent, le défendeur à l'action intentée aux États-Unis, sur la foi du jugement étranger, ne peut plus rouvrir le débat à son mérite. Nous ne pouvons mieux faire que de vous référer à l'affaire Hilton versus Guyot, que nos

correspondants considèrent comme faisant jurisprudence aux États-Unis."

Ils vous disent cela et plus tard, ils concluent: "Nous savons, de façon certaine, que, peu avant les événements de mars 1974 et peu après, l'International Union of Operating Engineers, dont les bureaux pour le Canada sont situés à Toronto, s'est intéressée aux activités du local 791. Elle ne peut choisir d'exercer certains pouvoirs que lui donne sa constitution et se cacher derrière elle, lorsque sa responsabilité est engagée."

La question que je vous ai posée était celle d'essayer de me justifier votre affirmation d'hier, en ce sens que vous ne voyiez pas l'intérêt d'aller voir le premier ministre, que le conseil était d'accord, avant le 1er février. Cela semble être en contradiction avec ce qui s'est produit, spécifiquement l'opinion du 26 janvier... Les faits... Je ne vous parle même pas de l'opinion; l'opinion est catégorique. Mais je vous parle des faits qui disent que vous pouvez récupérer 20 000 000 $. Comment conciliez-vous votre affirmation avec les faits?

M. Sauinier: Je donne la même réponse, peut-être pas avec les mêmes mots, que j'ai donnée à une question sur le même sujet, soit hier ou ce matin. Ma lecture des opinions juridiques des dates mentionnées, soit les 11 décembre et 5 janvier, ne m'amène pas, personnellement, à la conclusion qu'on a une bonne cause, mais plutôt à un doute très fort, pour ne pas dire que j'estimais qu'elle était plutôt faible.

En joignant maintenant, à cette question, une question relative à la lettre reçue, par les procureurs de la société, en réponse à la lettre de Me Gadbois, du 24 janvier, je pense qu'il n'y a pas, là, de mystère. Nous sommes, le conseil d'administration de la SEBJ - nous sommes au mois de janvier - devant les tribunaux avec une cause de 32 000 000 $. Eh bien! il y a des membres qui se demandent si le montant des 32 000 000 $ est bien fondé. Y a-t-il moyen de revoir cela, avec quatre ans de recul, pour nous dire si c'est encore 32 000 000 $? Il y répond: Non, c'est 20 000 000 $ qu'on peut prouver, mais cela ne veut pas dire qu'on peut les récupérer. C'est une autre affaire. Dans les opinions qu'il y a là, il n'est pas clair qu'on puisse les récupérer. C'est le moins qu'on puisse dire.

M. Ciaccia: M. Saulnier, je ne vous demande pas votre opinion des opinions juridiques. Aujourd'hui, vous pouvez venir nous dire que vous ne croyez pas en vos avocats. C'est votre droit. Comme président du conseil d'administration d'Hydro-Québec, vous pouvez venir nous dire que votre opinion est meilleure que celle de vos avocats. C'est votre droit, je ne pose pas de question sur ce droit. Comme président...

M. Saulnier: Je m'autorise de l'article 168.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: ...du conseil d'administration, vous avez droit à vos opinions et c'est cela que vous nous dites. Mais ce sur quoi je veux parler, c'est sur les faits. Vous nous avez relaté un fait, hier, soit que le 23 et le 30 - je vais même vous citer - "cependant, le souvenir que j'ai gardé de la réunion du 30 janvier que les administrateurs favorisaient suffisamment le règlement..." Vous nous dites qu'on avait décidé de régler, que les 200 000 $, c'était acceptable et que ce n'était pas nécessaire d'aller voir le premier ministre. Je ne peux pas concilier ce fait - ce n'est pas une opinion - que vous nous avez affirmé avec le fait - non pas l'opinion - que quelqu'un ait dit: Écoutez, on va aller voir quel est le montant des dommages.

Il me semble que si j'acceptais 200 000 $ je n'irais pas demander quel est le montant des dommages. C'est seulement sur les faits qu'il me semble y avoir une petite contradiction. Ils se sont fait dire qu'ils avaient une bonne cause pour 20 000 000 $ mais ils ne se sont même pas fait dire qu'il ne faudrait pas aller la récupérer à ce moment.

M. Saulnier: M. le Président, encore une fois, la dernière partie des propos du député de Mont-Royal indique que les opinions juridiques concernant et la solvabilité et le lien de droit sont définitives, complètes et claires.

M. Ciaccia: Non, non. Excusez, je vais vous interrompre ce n'est pas du tout ce que je dis.

M. Saulnier: Je redis donc qu'il y avait des doutes.

M. Ciaccia: Ce que je dis, c'est que je trouve difficile à concilier votre position que les gens étaient décidés de prendre 200 000 $ avec le fait qu'ils ont des demandes à savoir combien on peut aller chercher.

M. Saulnier: Je pense qu'il y a moyen de la concilier en relisant le texte de ce que j'ai dit. Page cinq, deuxième phrase: "Le souvenir que j'ai gardé de la réunion du 30 janvier est que les administrateurs favorisaient suffisamment un règlement hors cour pour m'inciter à demander qu'on vote

sur le principe ou sur la proposition de règlement à cette même séance". Je n'ai pas dit qu'ils voulaient un règlement hors cour, mais que cela m'incitait à faire un tour de table, ne pas aller plus loin que cela. Encore aujourd'hui, c'est le sentiment que j'ai. Il me revient également une phrase d'un membre du conseil que je pourrais citer si on me le demandait.

M. Ciaccia: Allez-y.

M. Saulnier: M. Giroux, au moment où il a fait sa proposition sur un ton tout à fait détendu, a fait la réflexion suivante devant tous ses collègues: "C'est drôle, quand on a entrepris cette poursuite, ils nous ont dit que c'était bien bon; maintenant, ils nous disent que cela ne vaut rien." Je vous rapporte ce qu'il a dit.

M. Ciaccia: C'était une bonne réflexion, M. Saulnier. Je me pose la même question.

M. Saulnier: C'est lui qui l'a demandé.

M. Ciaccia: Je me pose la même question. C'est ce qu'on essaie de trouver. Comment se fait-il qu'un...

M. Saulnier: Bien, il faudra poser la question à ceux qui peuvent y répondre.

M. Ciaccia: Oui. Qui était présent à la réunion du 30?

M. Saulnier: Je crois que je l'ai dit, monsieur, je ne sais pas si je l'ai dit.

M. Lalonde: Vous l'avez ici, à la page 4.

M. Ciaccia: Du 30 janvier. C'est bien, je l'ai devant moi. Qui était pour et qui était contre le règlement?

M. Saulnier: Le 30? M. Ciaccia: Oui.

M. Saulnier: II n'y a pas eu de vote. C'est pour cela que j'ai prié le président de revenir à mes remarques. J'ai dit qu'il m'apparaissait suffisamment informé, à toutes fins utiles, pour indiquer que j'allais demander un vote et, comme je l'ai dit hier, c'est généralement un tour de table...

M. Ciaccia: C'était...

M. Saulnier: ...et avant de faire le tour de table, M. Giroux a fait sa proposition.

M. Ciaccia: Est-ce que quelqu'un lui a répondu?

M. Saulnier: Comment?

M. Ciaccia: Est-ce que quelqu'un lui a répondu sur l'opinion qu'il a exprimée?

M. Saulnier: Non, il...

M. Ciaccia: Sur l'observation qu'il a faite?

M. Saulnier: II n'y a eu aucun commentaire là-dessus, à mon souvenir. Je pense que je peux affirmer avec force qu'il n'y a eu aucun commentaire là-dessus, mais c'eût été fort difficile pour la plupart des membres du conseil parce qu'ils n'étaient pas là au début.

M. Ciaccia: Et la proposition que vous aviez le 30 janvier, de quel montant était-elle?

M. Saulnier: 125 000 $, est-ce que cela se peut? Je vous donne cela sous réserve.

M. Ciaccia: 125 000 $?

M. Saulnier: Je pense que c'est cela, oui.

M. Ciaccia: Vous nous dites qu'après la lettre du 26 janvier de vos avocats qui vous font un résumé de votre réclamation, qui vous disent que vous pouvez aller chercher 19 000 000 $, qui vous disent que, dans l'espèce, la décision de la société d'intenter la présente poursuite n'a été prise qu'après enquête approfondie et consultation avec ses procureurs, les membres du conseil d'administration étaient prêts à régler pour 125 000 $. C'est ce que vous nous dites?

M. Saulnier: Je dis ce que j'ai dit. Je l'ai écrit.

M. Ciaccia: Alors, vous l'avez écrit? M. Saulnier: Rien d'autre que cela.

M. Ciaccia: Alors, vous confirmez par écrit que 125 000 $...

M. Saulnier: J'estimais que le conseil me paraissait suffisamment prêt pour donner une indication que je m'apprêtais à demander un vote. C'est ce que j'ai dit et que je répète.

M. Ciaccia: Ce qui m'étonne un peu là-dessus, je ne mets pas en doute vos affirmations, c'est que vous êtes le premier membre du conseil d'administration qui vient nous dire que, le 30 janvier, le conseil était prêt à accepter 125 000 $. Tous les autres...

Une voix: ...question a été posée.

M. Saulnier: Je ne le sais pas.

M. Ciaccia: Alors vous ne m'en voudriez pas si je vous pose des questions là-dessus et si j'ai certains doutes dans mon esprit...

M. Saulnier: Absolument pas, M. le Président, absolument pas! Si la commission veut poser des questions à d'autres qui ont déjà témoigné, je n'ai aucune espèce d'objection.

M. Ciaccia: 125 000 $, il me semble que...

M. Saulnier: C'est ridicule.

M. Ciaccia: Plus que cela, c'est tellement ridicule que personne ne l'oublierait. Pourquoi les autres membres du conseil ne se sont-ils pas souvenus qu'ils avaient accepté 125 000 $ le 30 janvier?

M. Saulnier: II faudrait leur demander, je ne le sais pas.

M. Ciaccia: Dans la lettre du 26 de Geoffrion et Prud'homme, il ne fut pas question de lien de responsabilité et, même, la lettre de Me Gadbois le 19 février, qui vient beaucoup après, ne référait pas à la cause qui a été soulevée par les avocats de Geoffrion et Prud'homme, qui ont cité le Norris-La Guardia Act. Est-ce que c'est possible que la question de lien de responsabilité soit venue beaucoup plus tard en termes d'information au conseil d'administration? J'essaie de vous faire souvenir un peu.

M. Saulnier: M. le Président, sans aller au document, je n'ai aucune hésitation à dire que c'est venu très rapidement. C'est là-dessus que le premier doute...

M. Ciaccia: Cela a été soulevé le...

M. Saulnier: ...s'est soulevé...

M. Ciaccia: Oui.

M. Saulnier: C'est sur le lien de droit.

M. Ciaccia: Cela a été soulevé le 27 novembre par M. Laferrière...

M. Saulnier: Cela, je ne saurais le dire, mais il y a l'avis du 5...

M. Ciaccia: ...qui avait rencontré Me Yves Gauthier...

M. Saulnier: Ah! cela.

M. Ciaccia: ...le 3 novembre 1978 et que cet argument s'était trouvé dans la défense préparée par Me Rosaire Beaulé le 28 novembre, mais cela n'a jamais été contenu dans un avis de vos avocats avant le 19 février. Même le 26, lorsque vous avez soulevé toutes ces questions, ils n'ont même pas référé dans cette lettre au fait qu'ils examinaient le lien de responsabilité. Ils ont dit: Vous avez 19 000 000 $ que vous allez chercher et vous avez une bonne cause. On a bien étudié cela. Malgré cela, le conseil d'administration a dit: On règle pour 125 000 $. Vous nous affirmez cela le 30 janvier.

M. Saulnier: Je n'ai pas affirmé cela, M. le Président. Je proteste. Je n'ai pas affirmé cela, j'ai affirmé ce que j'ai dit.

M. Ciaccia: Vous l'avez écrit?

M. Saulnier: Je l'ai écrit pour être bien prudent.

M. Ciaccia: Bien, affirmé ou écrit, c'est bien.

Une voix: Affirmé par écrit ou oralement.

M. Ciaccia: Alors, vous l'avez affirmé par écrit plutôt qu'oralement.

M. Saulnier: M. le Président, je ne sais pas s'il m'appartient de protester.

Le Président (M. Jolivet): Vous avez le droit.

M. Saulnier: Je proteste. Ce n'est pas cela qui est écrit.

M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais continuer pour une autre minute...

Le Président (M. Jolivet): Donc, à ce moment-là, si vous avez plus qu'une minute, on va suspendre nos travaux jusqu'à la fin de la période des questions. Suspension.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise de la séance à 16 h 35)

Le Président (M. Jolivet): Le commission de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie afin d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974, et plus spécifiquement le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont

M. Bordeleau (Abitibi-Est); M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Duhaime (Saint-Maurice); M. Bourbeau (Laporte); M. Laplante (Bourassa); M. Gratton (Gatineau); M. Lavigne (Beauharnois); M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet); M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Tremblay (Chambly); M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue); M. Desbiens (Dubuc); M. Dussault (Châteauguay); M. Blouin (Rousseau); M. Paradis (Brome-Missisquoi); M. Pagé (Portneuf); M. Doyon (Louis-Hébert); M. Saintonge (Laprairie). M. LeBlanc

(Montmagny-L'Islet) est toujours le rapporteur de cette commission.

Au moment où nous nous sommes quittés à l'heure du dîner, M. Lucien Saulnier, à qui je demande de revenir s'asseoir à nouveau ici à l'avant, était la personne invitée à répondre aux questions des parlementaires. La parole était au député de Mont-Royal. M. le député de Mont-Royal, si vous voulez bien commencer.

M. Ciaccia: M. Saulnier, vous avez informé la commission parlementaire que lors de la réunion du 23 janvier, vous aviez discuté d'un règlement hors cour, et qu'il y avait une déclaration de règlement hors cour distribuée ou discutée parmi les membres du conseil. Qui avait préparé ce projet de règlement hors cour?

M. Saulnier: II est venu par les voies habituelles, à savoir par le président-directeur général et à partir de documents préparés par le contentieux et, évidemment, également par les procureurs au dossier.

M. Ciaccia: Les documents préparés par...

M. Saulnier: Le contentieux et les procureurs au dossier.

M. Ciaccia: Est-ce que vous saviez à ce moment que le projet de règlement hors cour avait été préparé sous l'autorisation ou les instructions de M. Laliberté, qu'il avait été préparé par le bureau de Geoffrion et Prud'homme, qu'il avait été envoyé au bureau des défendeurs et que c'était sensiblement le document qui parvenait des défendeurs? Mais c'était un document préparé par Geoffrion et Prud'homme sur les instructions de M. Laliberté.

M. Saulnier: La question, M. le Président, c'est quoi?

M. Ciaccia: Est-ce que vous saviez que M. Laliberté avait demandé aux procureurs de la SEBJ, Geoffrion et Prud'homme, de préparer un règlement hors cour?

M. Saulnier: À mon souvenir, non.

M. Ciaccia: Alors, le document qui était devant vous, vous présumiez qu'il venait des avocats des défendeurs, je suppose?

M. Saulnier: Non, je ne tirais pas nécessairement cette conclusion. Pas dans mon cas, toujours.

M. Ciaccia: D'où pensiez-vous qu'il venait, s'il ne venait pas de Geoffrion et Prud'homme, sur les instructions de M. Laliberté? S'il ne venait pas des procureurs des défendeurs, d'où venait-il? Du bureau du premier ministre?

M. Saulnier: Je pense que j'ai dit qu'il venait des procureurs de la société. Il venait des procureurs de la société, je pense avoir dit cela.

M. Ciaccia: Mais vous ne saviez pas que c'étaient eux qui l'avaient préparé?

M. Saulnier: Comme il venait de là et qu'il était acheminé par les voies régulières, je n'avais pas de raison de croire que d'autres l'avaient préparé.

M. Ciaccia: J'ai de la difficulté quelquefois à avoir des réponses. C'est pour cela que... Je ne voudrais pas que les membres du gouvernement m'accusent de répéter les questions. La raison pour laquelle je répète la question, c'est parce que la réponse ne me semble pas claire.

Vous m'avez dit tantôt que vous n'étiez pas au courant que M. Laliberté avait demandé aux procureurs de la SEBJ de préparer ce document?

M. Saulnier: Je peux répéter que je l'ai dit, oui.

M. Ciaccia: Alors, est-ce que vous pensez que vos procureurs l'ont préparé de leur propre gré?

M. Saulnier: C'est une question qui n'a pas effleuré mon esprit, à ce moment-là. C'est venu par les voies régulières.

M. Ciaccia: Mais, le document que vous aviez devant vous, c'était un document qui venait du bureau de Rosaire Beaulé, avec certaines corrections par rapport au document qui avait été préparé par Geoffrion et Prud'homme?

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saulnier: Si on me permet de donner la réponse suivante: ce document-là, parmi

d'autres documents que nous avions ce jour-là, je me souviens de l'avoir vu, mais je n'en ai pas tiré de conclusion. Si on me le demande, M. le Président, il y aurait peut-être lieu de dire pourquoi. Je n'ai pas tiré de conclusion parce que cela me paraît être dans la tâche courante des procureurs, dans une cause, de parler aux procureurs de la partie adverse.

M. Ciaccia: De leur parler, oui. Mais je ne vous demande pas s'ils leur ont parlé. Je vous demande qui a préparé le document? Si c'est un projet qui est soumis par les défendeurs, n'avez-vous pas présumé qu'il avait été préparé par les défendeurs?

M. Saulnier: La lettre du 24, qui est adressée, par Me Gadbois, à Geoffrion et Prud'homme, dit bien: "Le conseil a pris connaissance, à sa réunion d'hier, des projets de déclaration de transaction et de déclaration de règlement hors cour, qui ont été préparés dans le but d'une négociation possible d'un règlement hors cour, dans cette cause." Il n'y a rien là-dedans qui me permet de croire que c'est un autre document que celui qui a été préparé par les procureurs de la société. De plus, on me signale que la lettre, à la deuxième ligne, parle de "projets" au pluriel. Alors, il se peut fort bien que l'autre document ait été là aussi.

M. Ciaccia: Ah! Peut-être qu'il y avait deux projets de déclaration de transaction, deux projets de règlement hors cour...

M. Saulnier: C'est possible.

M. Ciaccia: ...à la réunion du 23.

M. Saulnier: C'est possible.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je m'excuse auprès de mon collègue de Mont-Royal. L'heure avance, il est maintenant 16 h 45. Nous aurions normalement entendu, cet après-midi, les procureurs de la Société d'énergie de la Baie James ou, à tout le moins, entamé leur comparution devant la commission parlementaire. Si tout le monde était d'accord, nous pourrions faire, entre les mains du secrétariat de la commission, un dépôt de documents. Ainsi, j'espérerais terminer le témoignage de M. Saulnier, aujourd'hui. S'il n'est pas terminé, on le complétera demain matin. Ce que je voudrais pouvoir suggérer, c'est qu'on puisse libérer Mes Aquin, Cardinal et Jetté, en leur demandant, s'ils le veulent bien, de se présenter demain matin, à dix heures.

M. Lalonde: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): II y a donc consentement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Duhaime: Mais si nos travaux vous intéressent à ce point, vous pouvez toujours nous accompagner.

Une voix: II y a la télévision.

Le Président (M. Jolivet): Donc, je redonne la parole au député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Si je comprends bien, M. Saulnier, le 23 et le 30, à ce moment, dans votre esprit, c'était clair qu'il allait y avoir un règlement. Vous souleviez des doutes sur la question du lien de responsabilité, comme vous l'avez dit dans votre témoignage, hier. À la suite d'une question posée par M. Duhaime, vous avez donné deux raisons pour lesquelles vous vous étiez arrêté à proposer un règlement. La deuxième, je vous la lis: "La deuxième, qui était étroitement reliée, c'était l'impossibilité de faire le lien requis par la loi américaine." Là, on ne parle pas de l'opinion d'un juge ou d'un jugement ou d'une opinion juridique, mais bien du texte d'une loi écrite avec des mots simples de la langue anglaise qui dit comment on peut faire un lien. Nous, nous ne pouvions pas le faire. À partir de ce moment, vous savez - cela me fait revenir sur les 32 000 000 $ - que c'était à peu près l'équivalent, en poursuivant dans cette voie, d'essayer d'accrocher son chapeau sur un clou dessiné au crayon sur un mur. Vous, le 23 et le 30, vous étiez certain de cela? (16 h 45)

M. Saulnier: M. le Président, je ne crois pas avoir dit, hier, que c'était le 23 et le 30.

M. Ciaccia: Je vous le demande parce que vous dites, dans votre déclaration, à un autre endroit - je n'ai pas la citation devant moi - que c'était clair que ce n'était même pas nécessaire... Vous ne voyiez même pas la nécessité de rencontrer le premier ministre. Vous continuez: "Cependant, le souvenir que j'ai gardé de la réunion du 30 janvier que les administrateurs favorisaient suffisamment un règlement hors cour pour m'inciter à demander qu'on vote sur le principe ou sur la proposition de règlement à cette même séance, c'était une proposition de 125 000 $." Il était clair dans votre esprit qu'il n'était pas question de continuer et d'aller chercher 32 000 000 $, c'était le 23 et le 30 cette clarté d'esprit que vous aviez, la décision à laquelle vous vous étiez arrêté.

M. Duhaime: À quelle page?

M. Ciaccia: À la suite de la déclaration de M. Saulnier à la page cinq.

M. Saulnier: C'est à la page 5, dites-vous?

M. Ciaccia: Oui, vous avez cité cela à la page 5.

M. Saulnier: Bon, cela va m1 aider. Je vois bien à la page 5 ce que j'ai dit hier et que je reconfirme, que le souvenir que j'ai gardé de la réunion du 30 janvier, c'est que les administrateurs favorisaient suffisamment un règlement hors cour pour m'inciter à demander qu'on vote sur le principe ou sur la proposition de règlement à cette même séance.

Mais je n'ai pas dit - je l'ai lu et j'ai pris un peu de temps pour regarder si je l'avais dit ailleurs - qu'à cette date j'étais absolument persuadé qu'il n'y avait pas moyen de faire aucun lien de droit. C'était mon sentiment, on le voit par les documents, c'est venu, d'une façon absolument incontestable, un peu plus tard. Mais, je l'ai dit et je le répète encore une fois, des délibérations, des questions, des réponses que nous avions eues de nos procureurs, on pouvait et, dans mon cas, j'ai pu en acquérir la certitude ou la quasi-certitude, que c'était essayer d'accrocher son chapeau après un clou dessiné au crayon.

M. Ciaccia: Cela veut dire qu'à ce moment il n'y avait pas de chance du tout, c'était une cause perdue d'avance. Mais, le 30 janvier, quand vous nous dites - parce que j'ai l'impression que vous essayez, au meilleur de votre connaissance...

M. Saulnier: Je suis obligé de protester, M. le Président.

M. Ciaccia: ...de reconstituer...

M. Saulnier: Je suis obligé de protester...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le député. M. Saulnier.

M. Saulnier: Je n'essaie rien, M. le Président. Je réponds aux questions qui me sont posées.

M. Ciaccia: Non, mais la déclaration que vous avez préparée, vous ne l'avez pas écrite en 1979?

M. Saulnier: Cela, c'est...

M. Ciaccia: La déclaration préliminaire de M. Lucien Saulnier, commission de l'énergie et des ressources, vous l'avez écrite en avril 1983?

M. Saulnier: Oui, je n'essaie rien.

M. Ciaccia: Alors quand vous l'avez écrite, vous avez essayé de...

M. Saulnier: De?

M. Ciaccia: ...de reconstituer...

M. Saulnier: Très bien, M. le Président, je suis d'accord avec cela.

M. Ciaccia: ...les événements au meilleur de votre souvenance.

M. Saulnier: C'est exact. Je n'ai rien dit d'autre.

M. Ciaccia: C'est l'impression que vous avez maintenant de ce qui s'est produit le 30 janvier.

M. Saulnier: Et celle que j'avais.

M. Ciaccia: Mais c'est l'impression que vous ne nous avez pas dite au mois d'avril 1983. Ce que j'essaie de vous dire c'est que, après les témoignages de tous les témoins, on n'a pas les mêmes impressions. Je vais vous poser une question sur la réunion du 30. Vous nous dites: Cependant, le souvenir que j'ai, c'est qu'ils étaient tous prêts à voter pour accepter 125 000 $ ou 200 000 $...

M. Saulnier: M. le Président, je ne crois pas avoir dit cela. J'ai écrit ce que j'ai dit et ce n'est pas là cela.

M. Ciaccia: Oui, mais, ce matin, vous avez dit: Oui, il y avait un règlement de 125 000 $...

M. Saulnier: Ah! il était sur la table, mais je n'ai pas dit que le conseil d'administration était prêt à accepter cela. Je n'ai pas dit cela du tout.

M. Ciaccia: Et qu'il était prêt à voter sur la proposition...

M. Saulnier: II y a deux mots là, la proposition...

M. Ciaccia: Écoutez, on ne jouera pas sur les mots, M. Saulnier. Vous dites que l'on vote sur le principe ou sur la proposition de règlement. La proposition de règlement devant vous, c'était celle de 125 000 $.

M. Saulnier: Oui, mais j'ai bien dit que l'état des délibérations m'incitait à poser la question ou à appeler un vote, soit sur le principe, soit sur la proposition de règlement.

Cela, bien évidemment, si je m'étais rendu jusque-là. C'est le bon plaisir du conseil qui aurait décidé.

M. Ciaccia: Et c'est, à votre sentiment, et vous le dites très clairement, "le souvenir que j'ai gardé - vous êtes en avril 1983, vous gardez un souvenir de cette réunion -les administrateurs favorisaient suffisamment un règlement hors cour pour inciter à demander qu'on vote sur le principe ou sur la proposition." Vous étiez certain de cette proposition, mais, après cela, vous avez dit: Avant de procéder, la suggestion a été faite d'aller voir le premier ministre. Est-ce possible que la raison d'aller voir le premier ministre le 30 janvier - et là, j'essaie de me placer dans la position des administrateurs -c'est que, le 26 janvier, à la suite de la réunion du 23 janvier, vos procureurs vous envoient une lettre vous disant: Sur le montant, vous pouvez aller chercher 20 000 000 $. Dans l'espèce de... La décision de la Société d'énergie de la Baie James d'intenter la présente poursuite n'a été prise qu'après une enquête approfondie et consultation avec ses procureurs. Ne croyez-vous pas que cela semble indiquer que la raison pour aller voir le premier ministre, ce n'était pas si clair que cela? On vous dit: Vous pouvez aller chercher 19 000 000 $, le règlement devant vous est de 125 000 $...

M. Saulnier: M. le Président, je ne veux pas...

M. Ciaccia: ...est-ce que ce n'est pas possible que ce soit celui-là le scénario, plutôt que de dire: On avait tous accepté 125 000 $, c'était clair, on procédait?

M. Saulnier: M. le Président, je dois encore une fois protester. Je n'ai pas dit cela. Je n'ai pas rapporté que qui que ce soit ait dit cela.

M. Ciaccia: Que qui que ce soit ait dit quoi?

M. Saulnier: Quant au document du 26 janvier...

M. Ciaccia: Excusez-moi, que qui que ce soit ait dit quoi?

M. Saulnier: Que qui que ce soit ait dit qu'on va régler pour 125 000 $. Je n'ai pas rapporté cela, je ne pense pas.

M. Ciaccia: Vous parlez de la proposition de règlement et c'était de 125 000 $.

M. Saulnier: Oui, mais cela ne dit pas que quelqu'un ait dit qu'on allait régler pour cela. Je n'ai pas dit cela.

M. Ciaccia: Mais vous étiez en faveur de ce règlement...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député, laissez au moins M. Saulnier répondre à la question sans l'interrompre continuellement.

M. Saulnier: À l'autre volet de la...

Le Président (M. Jolivet): Un instant, M. Saulnier, M. le ministre a une question de règlement.

M. Duhaime: Oui, M. le Président, je voudrais invoquer le règlement. J'ai l'impression de me retrouver dans un commissariat de police alors que quelqu'un tente peut-être d'obtenir des réponses qu'il souhaiterait. Je vous dis que votre façon de procéder est une insulte à l'intelligence, à mon point de vue, et je n'ai jamais vu de ma vie, nulle part - il est vrai que je n'ai jamais fréquenté les commissariats de police - un pareil interrogatoire, aussi vicieux, dans votre façon, d'abord, d'inclure...

M. Lalonde: Bien, voyons donc!

M. Duhaime: ...dans votre question votre commentaire personnel, qui fausse ce qui a été dit par M. Saulnier lui-même depuis de longues heures à cette commission. Je le dis, M. le Président, plusieurs de mes anciens collègues du barreau sont proprement scandalisés par la méthode qui est utilisée par l'Opposition libérale devant cette commission. J'ai fait de multiples mises en garde. Je n'ai aucune objection à ce qu'on aille au fond des choses. Mais je vous demanderais, de grâce: Voulez-vous cesser de niaiser les gens et vous en tenir à ce que j'appellerais l'essentiel et à la pertinence de nos débats? Je l'ai dit ce matin; je l'ai dit hier; je l'ai dit en ouvrant cette commission; je l'ai dit à plusieurs reprises. Mais, M. le Président, vous allez comprendre que je ne peux pas intervenir toutes les cinq minutes. Cela fait au moins quatre fois que M. Saulnier, de lui même, proteste, en disant: Ce que vous dites et ce que vous m'attribuez, c'est faux. Il y a quand même des maudites limites! Passez-moi l'expression. Vous avez l'air de penser que tout ceux qui viennent ici rendre un témoignage devant cette commission ont des choses à cacher! quand même! Vous avez insisté pour que les gens prêtent serment, au moins, vous aussi, et en particulier vous, M. le député de Mont-Royal, essayez donc d'avoir un minimum de bonne foi.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, le ministre tient au moins parole: il nous avait promis des sautes d'humeur et on en a une autre.

M. Duhaime: Vous aurez aussi un ajournement.

M. Lalonde: Je pense, M. le Président... En fait, je viens d'entendre le ministre dire qu'on aurait un ajournement en plus.

M. Duhaime: Vous allez l'avoir à 18 heures.

M. Lalonde: Celui-là, on va l'accepter s'il nous est imposé.

M. Duhaime: C'est le règlement.

M. Lalonde: Je sais et Dieu sait si on ne veut pas être désagréable à l'égard de quiconque. Ce n'est pas un exercice facile auquel nous a conviés le premier ministre lorsqu'il nous a demandé de faire la lumière en long, en large et en profondeur...

M. Duhaime: Je croyais que c'était vous qui l'aviez demandé...

M. Lalonde: ...sur toutes les circonstances entourant la décision de régler hors cour. Je sais aussi - et les témoins le savent plus que nous - comment ce n'est pas facile de se souvenir de choses qui se sont passées il y a plus de quatre ans. C'est pour cela que, à même des déclarations, à même des documents qui nous sont remis volontairement par la SEBJ, des fois par le ministre au compte-gouttes lorsque cela fait son affaire, on essaie de reconstituer ce qui s'est passé.

On ne peut pas reprocher à un témoin, à un invité si vous le préférez, M. le Président. Je sais que le premier ministre parlait de témoin, vous vous parlez d'invité. Comme le premier ministre n'est pas ici, on va dire "invité".

Le Président (M. Jolivet): Mais parce que je suis là, vous devez dire "invité".

M. Lalonde: C'est cela. Puisque vous êtes là, on va dire "invité". On ne peut pas faire de reproches aux invités de ne pas se souvenir proprio moto, automatiquement et immédiatement de certains faits qui ont, ou qui peuvent avoir une importance pour la commission. De là, on pose un certain nombre de questions de nature à les aider.

Je me souviens, par exemple - M. Saulnier, j'espère que vous ne protesterez pas; je le dis de mémoire et vous protesterez si vous le voulez - que, tout à coup, après avoir parlé plusieurs fois de la réunion du 23 ou 30 janvier - je ne sais pas laquelle et je ne sais pas si c'est le député de Laporte et cela faisait quand même un bon moment qu'on en parlait ici et vous en parliez depuis hier soir - vous vous êtes souvenu d'une remarque de M. Giroux. Cela nous a aidé à savoir ce qui s'est passé et, n'eût été ce genre de question - c'était la question du député de Mont-Royal - on n'y aurait pas pensé. On sait que vous ne pouvez pas nous réciter de mémoire tout ce qui s'est dit. Cela aide à reconstituer... Je m'excuse d'avance si cela vous paraît peut-être un peu pénible et c'est aussi pénible pour nous. Si vous ne vous sentez pas à l'aise comme on le disait ce matin...

M. Saulnier: ...c'est très agréable.

M. Lalonde: Ce n'est sûrement pas un supplice comme le disait un député, ce n'est sûrement pas une torture puisque c'était très agréable de la part de l'invité.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Bourassa sur la même question.

M. Laplante: Si je fais appel aussi, c'est que je crois très sincèrement que c'est une atteinte, actuellement, à la Charte québécoise des droits et libertés pour les individus et les invités qui sont ici. Je fais appel aussi à l'organisme, la Commission des droits et libertés, pour qu'elle nous envoie un télégramme afin de protester à propos de ce qui se passe ici avec les invités. Le barreau, aussi, vous avez une responsabilité à prendre actuellement sur ce qui se passe à cette commission. J'aimerais qu'on nous envoie des télégrammes là-dessus aussi, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Tout ce que je pourrais répéter, encore une fois, au niveau des personnes qui posent des questions, c'est d'éviter, comme on en a fait mention à plusieurs occasions, les répétitions de questions. Je pense que ce n'est pas de nature à permettre à personne de faire quelque lumière que ce soit quand on répète les mêmes questions dix ou douze fois. (17 heures)

La deuxième chose que je pourrais dire aussi en même temps, c'est d'éviter toute suggestion ou d'éviter de mettre dans la bouche de la personne qui est invitée des paroles qu'elle n'a pas dites, pour lui faire dire ou l'inciter à dire le contraire. Je pense que les gens qui participent à cette commission ont des droits. Mais, je le répéterai toujours, il ne faudrait pas que les députés abusent de leurs droits parlementaires au détriment des personnes qui sont invitées à venir nous aider, à nous éclairer sur ce qui s'est passé, en vertu du mandat qui nous est accordé. Je le répète encore une fois et je demande à toute personne qui posera des questions d'agir en ce sens.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais vous assurer, je voudrais assurer M. Saulnier - je ne sais pas si j'ai besoin d'assurer le ministre, parce que...

M. Duhaime: Ce serait utile, je pense, en l'occurrence.

M. Ciaccia: ...même si on l'assure, il va accepter cela, mais il va tourner cela à sa façon quand même - que je n'ai aucunement l'intention de harceler le témoin. Je n'ai aucunement l'intention de poser des questions soi-disant - comme le ministre essaie de les qualifier - niaiseuses...

M. Duhaime: J'ai dit "vicieuses".

M. Ciaccia: ...vicieuses, non plus. S'il les interprète de cette façon, c'est son privilège. Mais, il y a des faits troublants, M. le Président, devant cette commission, et, j'essaie, de mon mieux, d'une façon aussi modérée que je le peux, de faire ressortir certains faits, de faire établir la vérité, de voir ce qui s'est produit à différentes réunions, que ce soit de l'interprétation d'un témoin ou d'un autre. On dit toujours que ça fait quatre ans, que ça fait assez longtemps. Je pense que c'est en questionnant que, quelquefois, on peut rafraîchir la mémoire des gens et qu'on peut faire ressortir certains faits que nous - moi, certainement -considérons pertinents. Je pense que c'est dans cet esprit, M. le Président, que je pose mes questions.

Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier avait quelque chose à dire, à moins qu'il demande qu'on lui répète la question, mais je pense qu'il avait un commentaire.

M. Saulnier: À la question du député de Mont-Royal, il y avait un autre volet. J'ai noté ici, en l'écoutant, les mots de la question: c'est en rapport avec l'opinion du 26 janvier 1979. Et c'est avec un document que nous avons devant nous, pas un souvenir d'il y a quatre ans. La question m'a été posée comme ceci, c'était peut-être le préambule: Vos avocats vous ont dit: Vous pouvez aller chercher 20 000 000 $. Quand je lis cela, je ne vois pas un mot, ni un nom, ni un verbe, ni un adjectif, qui me permettrait de dire cela. Ils ont simplement dit: le montant que nous croyons être en mesure de prouver.

Je l'ai dit ce matin, je ne suis pas un avocat, mais je fais des allégories. J'aurais un accident d'automobile et mon avocat - ou mon garagiste - me dirait: Je peux te faire une démonstration que les dommages se chiffrent à 300 $. Je ne tirerais pas la conclusion que je peux aller chercher 300 $.

C'est seulement la valeur des dommages. Et c'est cela qui est dit ici.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais lire textuellement ce que vos avocats vous ont écrit: "En résumé, la réclamation totale peut se détailler comme suit:

A. Les postes suivants sont juridiquement fondés et, selon notre opinion, devraient être maintenus...". C'est le point que je voulais porter à votre attention. Et, dans la liste, au paragraphe A, il y a 17 000 000 $. Au paragraphe B. on dit: "Les postes de réclamation suivants, bien que prouvables, risquent d'être rejetés..." Alors, les faits sont que vos avocats ont donné leur opinion que vous devriez maintenir les réclamations pour quelque 17 196 000 $, plus un autre montant de quelque 2 200 000 $, pour un total approximatif de 19 000 000 $. Et la question que je vous posais, c'était: À la suite de cette opinion de vos avocats - c'est un bureau d'avocats assez connu, avec une assez bonne réputation au Québec - c'était peut-être la raison d'aller voir le premier ministre, si je suis un administrateur, pour lui dire: Écoutez, j'ai une réclamation dont on me dit qu'elle est juridiquement fondée et qui devrait être maintenue à 19 000 000 $. J'ai un projet de règlement de 125 000 $ devant moi. Je me pose la question.

M. Saulnier: M. le Président, je pense que cela illustre que deux personnes, lisant le même texte, peuvent comprendre des choses différentes ou dissemblables. Je lis le même texte et il ne me dit pas cela.

M. Ciaccia: II ne vous dit pas cela.

M. Saulnier: II dit: "Les postes suivants sont juridiquement fondés - pensons à notre automobile - et, selon notre opinion, devraient être maintenus." Je pense bien que cela...

M. Ciaccia: C'est-à-dire que vous auriez pu avoir un jugement...

M. Saulnier: Et on ne dit pas qui va payer.

M. Ciaccia: Non, non. Je n'ai pas dit, non plus, qui va payer. Ce n'est pas cela. Cependant, vos avocats vous ont dit que vous pourriez avoir un jugement pour 17 000 000 $.

M. Saulnier: Où est-ce?

M. Ciaccia: C'est certain. "Juridiquement fondés", cela veut dire que vous pouvez avoir un jugement.

M. Saulnier: C'est une opinion,

"devraient être maintenus".

M. Ciaccia: C'est certainement une opinion. Tous les avocats donnent des opinions. Ce ne sont pas des juges...

M. Saulnier: C'est cela.

M. Ciaccia: ...mais on considère la réputation de l'avocat. À moins qu'il y ait eu une opinion contraire venant d'un autre avocat, je me serais fié, si j'avais été au conseil d'administration, à l'opinion que Geoffrion et Prud'homme nous a donnée. Si vous n'étiez pas satisfait de cette opinion, peut-être qu'il aurait été de votre droit d'en demander une autre. Vous auriez pu leur dire que 17 000 000 $ semblent être un peu élevés. Ce n'est pas raisonnable. Mais, eux, ils vous ont dit: "...juridiquement fondés ... devraient être maintenus". Quant aux 17 000 000 $ en plus des autres 2 200 000 $, ils n'ont pas dit que cela aurait été rejeté. Ils ont dit: "...risquent d'être rejetés". Alors, vous auriez eu des chances d'avoir peut-être 17 000 000 $ sur 19 000 000 $.

La situation que je suggère et dans laquelle je me trouve, c'est que je me dis: si j'ai une offre de règlement de 125 000 $ et que mes avocats me disent que je peux avoir un jugement pour 17 000 000 $, vous trouvez qu'il n'y a pas de questions à soulever sur ce sujet?

M. Saulnier: II y a sûrement une question. Encore une fois, M. le Président, personnellement, je ne lis pas ce texte de la même façon ou, enfin, je ne le comprends pas de la même façon. Je pourrais dire qu'ils n'ont pas dit: Peut-être que vous pourriez obtenir un montant additionnel de 2 000 000 $. Ils ont dit: Cela risque d'être rejeté. Ce n'est pas la même chose. Mais je ne veux pas m'arrêter là-dessus. Le conseil d'administration, les 23 et 30, n'avait pas seulement cela devant lui, il avait les propositions de règlement. Il avait à l'esprit, s'il n'avait pas devant lui les documents dont il avait pris connaissance précédemment, concernant la possibilité de percevoir ces montants, il avait quand même cela à l'esprit, dis-je.

M. Ciaccia: Oui.

M. Saulnier: C'est toujours le même exemple. Peut-être qu'il est grossier, mais je le répète. Comment pourrais-je prouver que ma voiture a 2000 $ de dommages? Il faut que je trouve le responsable et, ensuite, il faut que j'obtienne un jugement. Il faut que la loi me permette de désigner et de poursuivre le responsable.

M. Ciaccia: Oui, jusqu'à cette date...

M. Saulnier: II y a des textes ici qui démontrent que la loi ne dit pas cela.

M. Ciaccia: Jusqu'à cette date, les opinions étaient que la loi vous permettait de poursuivre et de recouvrer certains montants de certains syndicats. Alors, c'était conforme.

M. Saulnier: M. le Président, je vais être d'accord avec le député de Mont-Royal s'il ajoute que, dans ces opinions, il y avait également des réserves, des virgules, une partie de phrase incidente puis une autre virgule. C'est tout à fait normal. À ce moment-là, les procureurs de la société l'informaient totalement. En somme, c'est bon, mais peut-être qu'il y a ceci et peut-être qu'il y a cela. C'est à nous de juger.

M. Ciaccia: Le 23 et le 30, vous avez dit et je le répète: "Le conseil était d'accord, avant la réunion avec le premier ministre." Je ne veux pas contester la façon dont vous interprétez le document que vous avez présenté à la commission, hier, mais vous dites aussi: "Cependant, le souvenir que j'ai gardé de la réunion du 30 janvier est que les administrateurs favorisaient suffisamment un règlement hors cour pour m'inciter à demander qu'on vote sur le principe ou sur la proposition de règlement, à cette même séance." Plus tard vous dites: "II ne faut donc pas se surprendre qu'à cette séance du 6 février 1979, les membres aient résolu de donner mandat à leurs procureurs d'explorer la possibilité de régler hors cour puisque cette éventualité avait été envisagée, sinon décidée aux séances des 23 et 30 janvier." Cela confirme l'interprétation que j'ai de votre témoignage selon lequel, le 23 et le 30, le conseil d'administration avait pris une décision. Ce n'était pas formellement inscrit dans les procès-verbaux, mais vous aviez décidé, juste avant de procéder au vote, d'aller voir le premier ministre et vous aviez même dit, hier: "Je ne voyais même pas l'intérêt d'aller voir le premier ministre". Alors, d'après vous, la décision était prise par le conseil d'administration avant le 1er?

M. Saulnier: M. le Président, je proteste également...

M. Ciaccia: ...d'après vous avant le 1er?

M. Saulnier: ...la décision n'était pas prise.

M. Ciaccia: Dans l'esprit des conseillers.

Le Président (M. Jolivet): Messieurs! Je dois rappeler, pour les besoins de la cause,

au moment où l'on se parle que le témoin -est sous serment. Il a affirmé des choses et je ne voudrais pas que le député puisse interpréter ce qu'il a affirmé. Ce qu'il a affirmé, il l'a affirmé sous serment. Si M. Saulnier continue à dire qu'il a dit telle chose, il faut, au départ, que le député accepte que ce soit cela. Il faudrait donc éviter, à ce moment, de revenir continuellement sur la question.

M. Ciaccia: Très bien. Je veux juste souligner que la lettre dit que la possibilité de régler hors cour avait été envisagée sinon décidée aux séances du 23 et 30 janvier.

Je voudrais vous référer au procès-verbal du 6 février. Les impressions créées selon le témoignage et selon ce que j'ai pu percevoir étaient que tout était décidé avant d'aller voir le premier ministre et celui-ci n'a rien changé à personne. Le conseil d'administration, dans son esprit, avait décidé de régler. Si je vous dis l'impression que j'ai, je ne veux pas qu'on m'accuse de contester l'interprétation de M. Saulnier, je ne le fais pas. L'impression qu'on a créée ici, d'après moi, c'est que le premier ministre n'a pu influencer personne, le 1er février, car tout était décidé dans leur esprit et juste avant de prendre le vote on a décidé d'aller voir le premier ministre. C'est l'impression que j'ai eue d'après votre témoignage.

M. Saulnier: C'est ce que dit mon texte.

M. Ciaccia: C'est cela que vous dites. M. Saulnier: Oui, monsieur.

M. Ciaccia: Voyez-vous, j'ai une bonne impression, M. le Président, c'est le texte qui dit cela.

Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas voulu contester votre impression, M. le député, mais j'ai voulu empêcher que vous ne l'utilisiez au nom de la personne qui est en face de nous.

M. Ciaccia: Je ne l'ai pas utilisée, c'est lui qui a confirmé que j'avais la bonne impression, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je parle d'avant et non pas d'après.

M. Ciaccia: Ah bon!

Alors allons à la réunion du 6 février. Vous avez vu le premier ministre en premier, et certains membres du conseil, et vous décidez, ce jour-là, de donner mandat aux procureurs agissant pour la compagnie dans la cause SEBJ contre Yvon Duhamel et al etc., d'explorer, auprès des procureurs des défendeurs, la possibilité d'un règlement hors cour pour ladite cause sur la base d'une reconnaissance par tous les défendeurs de leur responsabilité pour les dommages et du paiement à la compagnie d'une somme d'argent qui pourrait lui être acceptable, le tout sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient réglées préalablement. Si l'impression que j'ai - et que vous avez confirmée - selon laquelle les administrateurs avaient accepté le projet de règlement de 125 000 $... Vous dites ici que les administrateurs favorisaient suffisamment un règlement hors cour pour m'inciter à demander qu'on vote sur le principe ou sur la proposition qui était de 125 000 $ et, plus tard, à la page cinq, vous dites: "Cette éventualité avait été envisagée sinon décidée aux séances des 23 et 30 janvier." Ne trouvez-vous pas que le mandat du 6 était un recul en regard de cette position? Le 6, vous dites: "On va explorer la possibilité d'un montant acceptable." Vous ne trouvez pas que c'est un peu un recul quant aux positions que vous avez interprétées comme étant quasi-décidées avant le 1er février? (17 h 15)

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: J'aimerais que le député de Mont-Royal résume sa question, parce que je dois admettre que j'ai beaucoup de difficulté à saisir non seulement la pertinence, mais le contenu de sa question, et j'ai l'impression d'être très attentif aux travaux de la commission.

M. Ciaccia: Je suis très content que le ministre m'ait demandé cela.

M. Duhaime: Résumez-vous.

M. Ciaccia: Je vais me résumer, oui. Parce que vous m'avez compris, c'est pour cela que vous m'avez interrompu. On a un conseil d'administration qui a tout...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je vais juste vous avertir qu'en vertu du règlement, vous ne devez imputer à personne autour de la table quelque impression que vous ayez. Gardez-la pour vous.

M. Ciaccia: Non, non. Du tout. Je constate.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, mais ce que je veux dire, c'est de n'imputer à personne...

Une voix: On n'impute pas, on donne.

M. Ciaccia: On a un conseil d'administration et on nous fait dire: Écoutez, c'est décidé, le 30 janvier, la

proposition - c'est l'impression - 125 000 $ puis, tout à coup, le 6 février, on donne le mandat d'explorer la possibilité d'un règlement à un montant qui serait acceptable. On ne dit pas le 6 février, on ne fait pas référence au règlement qui a été présenté le 23, que tout le monde avait accepté, dont tout le monde pensait qu'il était bon, qu'ils avaient peur des liens de responsabilité. Ce n'est pas ce qu'on dit. On dit: Explorer le règlement.

Dans mon esprit, c'est compliqué. La conclusion est qu'il n'y avait rien de décidé le 23 et le 30, même si ce n'était pas dans le procès-verbal. L'interprétation qu'on voit dans ce document, le témoignage, d'après moi, n'est pas conforme au procès-verbal du 6 février. C'est mon impression, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Mais la question?

M. Ciaccia: La question que j'ai posée, lorsqu'il m'a interrompu...

M. Duhaime: Mais, M. le Président, je m'oppose.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: J'aurais une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement de la part du ministre.

M. Duhaime: Je pense qu'on n'est pas ici pour essayer de comprendre ce qu'il peut y avoir dans l'esprit du député de Mont-Royal; cela prendrait plus qu'une commission parlementaire. Je dis cependant: Vous faites de l'interprétation, et vous le dites vous-même. Ensuite, vous vous emberlificotez une question à partir de trois lignes d'une opinion de 26 pages, puis vous posez une question à M. Saulnier. Franchement...

Je vous demanderais, comme parlementaire... je pense que vous avez déjà travaillé en commission parlementaire, vous m'avez fait l'honneur de m'assister pendant 70 heures durant un "filibuster" sur la loi 16 d'Hydro-Québec, je vous demanderais de revenir à ce que j'appellerais un peu plus de... j'allais employer le mot "décence" parlementaire, et de vous comporter comme un député responsable. Je ne croyais pas avoir de leçon à donner ici. Franchement, cela n'a pas de bon sens.

M. Lalonde: Une autre saute d'humeur. M. Duhaime: Cela n'a aucun bon sens. Le Président (M. Jolivet): Juste avant de donner la parole au député de Mont-Royal et de lui demander de poser sa question, je voudrais, pour les besoins de la cause, vérifier auprès des deux représentants du gouvernement et de l'Opposition une demande qui a été faite et qui semble être acceptable, c'est celle de remettre les trois documents qui nous ont été donnés par les procureurs qui vont venir demain, sous embargo cependant, aux journalistes qui sont ici présents, de façon que ces documents ne soient connus qu'au moment de leur présentation demain lors de la venue des procureurs de la SEBJ.

M. Lalonde: M. le Président, je n'ai aucune objection, sauf que je veux être bien sûr que c'est conforme au désir de Me Aquin, qui a bien voulu nous remettre ces documents pour nous permettre de les étudier ce soir, alors qu'il voulait nous les remettre seulement demain en principe. Je ne sais pas s'il y a eu des ententes entre le secrétariat et Me Aquin. Si c'est conforme à ces ententes, c'est parfait avec nous.

Le Président (M. Jolivet): C'est la vérification que j'ai faite auprès de M. Jean Bédard, qui est greffier au niveau du secrétariat des commissions ici pour le moment. Il m'a simplement averti qu'il y avait cette acceptation à condition qu'il y ait embargo sur les trois documents présentés. Comme c'est le cas d'ailleurs, ordinairement, lors de la tenue de commissions parlementaires, pour les documents qui sont envoyés jusqu'à leur présentation officielle ici en commission parlementaire. Il n'y a pas d'objection?

M. Lalonde: Non.

Le Président (M. Jolivet): D'accord! M. le député de Mont-Royal, en agissant cependant le plus rapidement possible dans votre question, pour que M. Saulnier puisse y répondre.

M. Ciaccia: Pour faciliter la réponse, je vais reformuler la question d'une façon peut-être plus claire, à la suggestion du ministre. Comment pouvez-vous expliquer que, dans le procès-verbal du 6 février, on ne confirme pas la décision de régler selon la proposition ou les propositions du 23 au 30, qui ont été soumises au conseil d'administration, mais qu'on décide plutôt d'explorer la possibilité d'un règlement? Ne croyez-vous pas que c'est un recul dans ce sens que, le 30, on voulait régler sur la proposition et là on dit: On va explorer...?

M. Saulnier: M. le Président, je ne crois pas que ce soit un recul. J'ai bien dit à la page 5 de mon texte que le souvenir que j'ai gardé est que les administrateurs

favorisaient suffisamment un règlement hors cour - pour parler des documents qu'il y avait là - pour m'inciter à demander qu'on vote sur le principe ou sur la proposition de règlement à cette même séance. Le conseil n'a pas voté, pour les raisons que nous avons données. Or je ne vois pas de recul dans le fait que, le 6 février, le conseil d'administration donne un mandat d'explorer les possibilités d'un règlement hors cour. Cela me paraît être du semblable au même, sauf qu'il n'y a pas eu de vote, j'en conviens et je l'ai dit, il n'y en a pas eu de vote.

M. Ciaccia: Vous avez mentionné, je ne sais pas si c'était le 23 ou le 30 janvier, un commentaire de M. Giroux, en ce sens qu'il a dit - je ne prends pas vos mots exacts, mais grosso modo: Comment cela se fait-il qu'on avait une bonne cause et que, tout à coup, on n'a plus une bonne cause? C'est une question très valable. On donne l'impression qu'à un moment donné on voyait la cause devant nous comme étant une bonne cause pour 31 000 000 $ et, tout à coup, cela a disparu. Tenant compte que la plupart des administrateurs n'étaient pas au courant de certaines choses qui se passaient hors de leur connaissance, est-ce qu'on peut supposer que, le 23 ou le 30 janvier, lorsque M. Giroux a fait ce commentaire, la cause était moins bonne parce que, le 4 décembre, le procureur, Me Michel Jasmin, était allé au bureau du premier ministre, que, le 11 décembre, Me Rosaire Beaulé était allé au bureau du premier ministre, que, le 3 janvier, M. Claude Laliberté avait eu une rencontre au bureau du premier ministre, que, le 12 janvier, Me Michel Jasmin a eu une autre rencontre au bureau du premier ministre? Je pourrais faire toute la liste de toutes ces rencontres qui ont eu lieu, hors de la connaissance, je crois, des administrateurs. Pensez-vous que cela pourrait être une des raisons pour lesquelles la cause était moins bonne le 30 janvier?

M. Laplante: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: II n'y a rien qui soit encore prouvé. Les avocats qui sont allés au bureau du premier ministre, comme la liste le décrit, on ne dit pas pourquoi ils sont allés là. Il n'y a rien pour prouver actuellement que ces gens sont allés parler de la cause de la Baie-James et de la cause d'un règlement hors cour, du moins à venir jusqu'à maintenant. J'invite notre invité à répondre par un non et par oui. À toutes les questions qui lui ont été posées, il a toujours répondu. Je le soutiendrai jusqu'au bout, s'il ne veut pas répondre.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je pourrais invoquer le règlement. Premièrement, je ne crois pas que ce soit le rôle du député de Bourassa de m'interrompre chaque fois que je pose une question qu'il n'aime pas pour donner des instructions à l'invité de ne pas répondre. Je ne pense pas que cela fasse partie du règlement de l'Assemblée nationale. Deuxièmement, pour son information...

M. Laplante: C'est pour protéger les invités qui sont là.

M. Ciaccia: Deuxièmement, pour son information, il y a une liste de rencontres de Me Yves Gauthier au bureau du premier ministre. C'est un document qui nous a été fourni par le bureau du premier ministre. Il y a eu une, deux, trois, quatre, cinq rencontres. Au bas du document, on peut lire: "Me Yves Gauthier croit qu'il ne fut pas question de la poursuite de la SEBJ au cours des rencontres des 17 octobre et 12 novembre". Autrement dit, il fut question de la poursuite de la SEBJ lors des autres rencontres. Alors, quand le député dit qu'on n'a pas prouvé que les procureurs avaient discuté de la cause de la SEBJ, cette affirmation est niée par le document même qui a été produit pas son premier ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je voudrais ajouter quelque chose, parce que cela, c'est important, M. le Président. C'est vrai que les acteurs, les participants à ces réunions n'ont pas encore été entendus. C'est vrai qu'on ne connaît pas le contenu, les détails des conversations qui ont été tenues là et ce n'est pas notre prétention de vouloir les traiter autrement. Cependant, j'ai posé une question, le 24 mars, il y a quelques semaines, au premier ministre lui demandant de déposer - pour permettre à la commission parlementaire de faire son travail correctement - la liste de toutes les rencontres tenues dans le cadre du mandat, naturellement, de la commission parlementaire. Non seulement la note, au bas d'une des feuilles, de la personne qui a préparé la liste indique bien que, à part les deux réunions, les autres réunions étaient pour le règlement de la Baie-James et qu'on en a parlé, mais le premier ministre lui-même, en déposant cette liste, admet qu'elles ont eu lieu dans le cadre de ce règlement. Je pense que le député de Bourassa est allé un peu trop loin en disant qu'il n'y a rien de prouvé.

Ce qui n'est pas prouvé, c'est ce qui

s'est dit exactement. Ce qui est prouvé, parce que le premier ministre l'a reconnu en déposant sa liste, c'est qu'il y a eu des réunions dans le cadre du règlement de la Baie-James à son bureau aux dates qui sont indiquées dans la liste.

M. Laplante: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Ce que le député de Marguerite-Bourgeoys vient de dire est exact. C'est parce que l'attitude du député de Mont-Royal est de présumer des choses qui se sont dites - c'est là-dessus que je ne veux pas glisser, tant que les autres témoins ne seront pas venus se faire entendre ici - et de mettre des arguments dans la bouche de l'invité.

M. Ciaccia: Je ne présume rien.

Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter ou si c'était dans....

M. Saulnier: J'allais répondre qu'en 1979 le président du conseil, tout au moins -je pense que je peux parler pour quelques membres du conseil, selon ce qu'ils ont témoigné ici - n'était pas au courant de ces allées et venues. Je pense que la suggestion qui a été faite de poser ces questions aux procureurs qui doivent d'ailleurs être entendus serait bien indiquée dans les circonstances.

Le Président (M. Jolivet): Je dois aussi rappeler la décision qui a été prise par la commission en ce sens que, si jamais, à la suite des déclarations de ces invités qui viendront ici, des questions additionnelles pouvaient être posées, on pourrait vous inviter à nouveau.

M. Lalonde: C'est cela.

M. Saulnier: Cela me fera grand plaisir de venir à Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): ...en tenant compte de tout ce qui a été dit.

M. Ciaccia: Je tiens toujours compte de ce qui a été dit, M. le Président.

M. Lalonde: Surtout de ce que vous dites, M. le Président.

M. Ciaccia: C'est pour cela que je pose les questions que je pose.

Dans le procès-verbal du conseil d'administration du 20 février, il y avait une résolution à l'effet d'autoriser Geoffrion et Prud'homme, les procureurs agissant pour la SEBJ dans cette cause, à proposer aux procureurs des défendeurs les termes d'un règlement hors cour pour ladite cause, sur la base d'une reconnaissance par tous les défendeurs de leur responsabilité pour les dommages et du paiement à la compagnie d'une somme représentant substantiellement les frais juridiques encourus jusqu'alors. Quel était le montant des frais juridiques à ce moment? (17 h 30)

M. Saulnier: L'ordre de grandeur, je crois que c'était 400 000 $.

M. Ciaccia: Si je me souviens, est-ce que cela se pourrait que M. Laliberté ait dit que c'était 450 000 $ approximativement, je crois, la première ou la deuxième journée. Est-ce qu'il y avait d'autres frais reliés aux frais juridiques et de l'ordre d'une autre somme de 400 000 $? Je présume que c'étaient des expertises, des frais d'expertise, etc. Est-ce que ces sommes auraient été incluses dans les frais juridiques?

M. Saulnier: Non, je pense pouvoir dire sans me tromper que le chiffre que j'ai donné, l'ordre de grandeur du chiffre que j'ai donné, c'était pour les frais juridiques seulement.

M. Ciaccia: Strictement. Alors, approximativement 450 000 $. Vous avez aussi dit dans votre déclaration préliminaire: "J'aurais pu, en vertu de la résolution du 20 février, accepter un règlement sans le resoumettre au conseil et le dossier ne ferait apparaître alors qu'une décision unanime au 20 février". Est-ce que, en effet, le règlement n'était pas conforme au mandat qui a été autorisé le 20 février?

M. Saulnier: C'est la signification que je lui ai donnée. C'est pourquoi il a été resoumis.

M. Ciaccia: À ce moment, vous étiez autorisé à régler avec une reconnaissance de responsabilité de toutes les parties.

M. Saulnier: Au terme d'une résolution.

M. Ciaccia: Cela, vous ne l'avez pas obtenu.

M. Saulnier: Non.

M. Ciaccia: Vous étiez autorisé à obtenir les frais juridiques qui étaient de 400 000 $ à 450 000 $.

M. Saulnier: Substantiellement.

M. Ciaccia: Substantiellement. Oui, moi, substantiellement, mais, encore là, je ne veux pas entrer dans des définitions...

M. Saulnier: ...moi non plus.

M. Ciaccia: Ce que vous définissiez comme substantiellement et ce que, moi, je définis comme substantiellement, mais...

M. Saulnier: ...je ne l'ai pas défini, M. le Président.

M. Ciaccia: Non, mais 200 000 $, est-ce que vous pensiez que c'était substantiellement?

M. Saulnier: Sûrement pas, puisque... M. Ciaccia: ...sûrement pas...

M. Saulnier: ...puisque je l'ai ramené au conseil.

M. Ciaccia: Alors, le règlement hors cour n'était vraiment pas conforme à cette résolution.

M. Saulnier: À la résolution du 6 février...

M. Ciaccia: ...c'était une constatation... M. Saulnier: ...du 20 février, dis-je...

M. Ciaccia: ...est-ce qu'il y a eu des démarches...

M. Saulnier: ...oui. Non, je ne le jugeais pas conforme. Tout ce que je dis, c'est que quelqu'un aurait pu interpréter largement la délégation de pouvoir et dire: C'est conforme et qu'on en finisse.

M. Ciaccia: Alors...

M. Saulnier: ...cela n'a pas été mon avis.

M. Ciaccia: Alors, peut-être est-ce que c'est moi qui ai mal interprété votre déclaration quand vous dites: "j'aurais pu, en vertu de la résolution, accepter un règlement sans le soumettre au conseil".

M. Saulnier: Oui, mais je pense que je n'ai pas dit que cela.

M. Ciaccia: Le dossier ne ferait apparaître qu'une décision unanime.

Le Président (M. Jolivet): Quelle page? M. Ciaccia: Page 7.

Le Président (M. Jolivet): Page 7.

M. Ciaccia: Plus loin, vous dites: "C'est pour cette raison et parce qu'un des défendeurs n'acceptait pas que je me suis senti tenu de resoumettre ce dossier au conseil pour ratification le 6 mars."

M. Saulnier: C'est ça.

M. Ciaccia: Maintenant est-ce qu'il y a eu - quand vous aviez cette résolution, évidemment, vous n'aviez pas une offre de règlement à 450 000 $ plus un aveu de responsabilité - des démarches pour essayer d'obtenir les 450 000 $?

M. Saulnier: Oui. M. Ciaccia: Oui.

M. Saulnier: Ah oui! Le conseil, à sa réunion du 6 mars, entre autres, et aux réunions de janvier, avait indiqué de façon non équivoque qu'un règlement dans cet ordre de grandeur de 200 000 $ n'était sûrement pas satisfaisant. Des membres ont insisté pour que les procureurs fassent les démarches appropriées pour obtenir tout ce qu'il était possible d'obtenir.

M. Ciaccia: Vous êtes au courant qu'il y a eu des négociations pour essayer d'obtenir les 400 000 $ ou 450 000 $, plus l'aveu de responsabilité?

M. Saulnier: De mémoire, oui.

M. Ciaccia: Vous vous souvenez de cela?

M. Saulnier: Oui, parce que, personnellement, j'ai également donné suite à cette résolution.

M. Ciaccia: Qui a fait ces démarches pour obtenir plus d'argent?

M. Saulnier: Elles se faisaient, pour autant que ma responsabilité était concernée, par le chef du contentieux de la SEBJ.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il vous a fait rapport?

M. Saulnier: Les rapports que j'ai eus étaient dans le sens qu'il était complètement illusoire de penser qu'on pourrait obtenir plus ou qu'on obtiendrait plus en faisant traîner les choses. Je crois même me souvenir que la part du règlement assumée par l'International Union of Operating Engineers pouvait être compromise si on ne se décidait pas, parce que cet organisme niait toute responsabilité, et que, si on n'était pas prêt à accepter ce règlement-là, il n'y en aurait

pas du tout. Et on nous disait: Plaidez. Cela, c'est ce que j'ai compris.

M. Ciaccia: À la réunion du 1er février, d'après le témoignage de M. Boyd, M. Jean-Roch Boivin était présent et il aurait discuté de l'aspect juridique. Est-ce que vous avez le souvenir de cela? Est-ce que vous vous souvenez des discussions qui ont eu lieu?

M. Saulnier: Non, malheureusement. Remarquez que c'est fort possible. Mais, je pense que c'est conforme à ce que j'ai dit. S'il y a eu des discussions d'ordre juridique entre ces deux personnes, elles n'ont pas été très longues et je n'en ai pas gardé de souvenir.

M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas que M. Jean-Roch Boivin ait discuté de l'aspect juridique du procès durant la réunion?

M. Saulnier: Je ne nie pas qu'il l'ait fait, mais je ne m'en souviens absolument pas.

M. Ciaccia: M. Boyd a été assez clair et catégorique sur le fait que M. Jean-Roch Boivin avait discuté de l'aspect juridique...

M. Saulnier: Je ne contredis donc pas M. Boyd, mais, moi, je ne m'en souviens pas.

M. Ciaccia: Vous ne pourriez pas nous dire à quel avis juridique M. Boivin se serait référé?

M. Saulnier: Je ne m'en souviens pas du tout.

M. Ciaccia: Vous ne vous en souvenez pas?

M. Saulnier: Encore une fois, il faut toujours se souvenir - et je pense que M. Boyd l'a laissé entendre également - que nous n'avons pas été tellement longtemps dans le bureau du premier ministre. Alors, il ne faudrait pas...

M. Ciaccia: Non, c'est pour cela que vous n'avez pas été longtemps. Et je présume qu'il y avait seulement une réunion et non deux ou trois, parce que vous étiez seulement trois ou quatre personnes.

M. Saulnier: Je n'ai sûrement eu connaissance de l'absence d'aucun des participants.

M. Ciaccia: Vous avez mentionné que vous avez peut-être parlé à M. Boivin, une fois, au sujet du règlement. Est-ce que vous vous souvenez quand cela a pu se produire?

M. Saulnier: Pas précisément, M. le Président, je l'ai bien indiqué hier. Mais, si c'est arrivé - et c'est possible que ce soit arrivé - cela ne portait que sur l'état d'avancement du dossier. Rien de plus. Ce n'était pas l'objet de la conversation ou de la rencontre. Je ne m'en souviens pas plus que ça.

M. Ciaccia: N'aurait-il pas été possible - j'essaie seulement de savoir, je ne conteste pas votre affirmation - que vous ayez parlé à M. Boivin à plus d'une occasion? Vous auriez peut-être indiqué à un journaliste que vous auriez parlé à M. Boivin plus d'une fois?

M. Saulnier: Est-ce que j'en ai parlé à un journaliste? Je ne saurais le dire. Que j'aie parlé à M. Boivin de ce sujet-là plus d'une fois, cela m'étonnerait beaucoup.

M. Ciaccia: Ce n'est pas possible...

M. Saulnier: Cela m'étonnerait beaucoup.

M. Ciaccia: Ce n'est pas possible que vous ayez dit à un journaliste: J'ai parlé à M. Boivin à plusieurs occasions?

M. Saulnier: Ah! ça, sûrement!

M. Ciaccia: Sur le sujet de la SEBJ?

M. Saulnier: De cela, je suis moins sûr. Je suis moins sûr. La seule chose dont j'ai un souvenir, c'est d'avoir répondu à une question relativement à ce dossier.

M. Ciaccia: Mais c'est possible qu'à la suite d'une question qu'un journaliste vous aurait posée vous auriez pu dire: Oui, j'ai parlé à M. Boivin en privé.

M. Saulnier: Encore une fois, il faut être bien clair. Est-ce qu'un journaliste m'a posé la question: Avez-vous parlé plusieurs fois à M. Boivin de ce dossier? À ce moment-là, j'aurais dit non. Mais s'il m'a dit: Est-ce que vous avez parlé plusieurs fois à M. Boivin? Sûrement...

M. Ciaccia: Non, non, sur le dossier.

M. Saulnier: ...il était chef de cabinet du premier ministre.

M. Ciaccia: J'ai clairement spécifié sur le dossier. Est-ce que c'est possible que vous auriez indiqué aussi, à ce même journaliste, que...

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le

ministre.

M. Duhaime: Pour mon intérêt et pour l'intérêt des membres de la commission et de M. Saulnier, je pense qu'il y aurait à observer un minimum de politesse. Si vous vous référez à un article de presse publié sous la signature d'un journaliste, qui porte une date - cela doit exister - voulez-vous le déposer sur la table à la commission afin que tout le monde en prenne connaissance?

Une voix: La Presse coûte 0,35 $.

M. Duhaime: En toute justice pour tout le monde, on va être alors en mesure de savoir ce dont vous parlez.

M. Ciaccia: M. le Président, si le ministre veut obtenir cette information, libre à lui de poser la question, à savoir si ces articles de journaux existent ou non. J'essaie d'obtenir une information de notre invité. Je le fais d'une façon très claire.

M. Duhaime: Celle-là ne passera pas, certain!

M. Ciaccia: Je n'impute aucun motif. Je ne fais aucune affirmation. Je pose la question à savoir si cela s'est produit.

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Ciaccia: Si l'invité a dit non, la réponse est claire, je l'accepte volontiers.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Juste un instant!

M. Ciaccia: Je passe à la prochaine question.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: II y a, à ce jour, plusieurs documents. On commence à en avoir des briques. Bientôt, on va devoir se mettre à trois pour transporter tout cela. Chaque fois que des questions sont posées faisant référence à un document, on dit: Tel document, telle date, page 8, tel autre document, telle date, page 155. Les gens peuvent suivre et on peut savoir ce dont il s'agit. Mais si vous allez à la pêche, dites-le-nous. Mais je vais m'opposer, M. le Président, et fermement, à ce que le député de Mont-Royal pose des questions à partir d'une hypothèse qui existe peut-être seulement dans son esprit. Je ne le sais pas du tout. Ce que je lui demande, en toute justice pour les autres membres de la commission parlementaire et, en particulier, pour M. Saulnier, s'il y a un article de presse - j'ignore complètement s'il est dans Allô Police, Photo Police ou dans la Presse, dans le Soleil, le Journal de Montréal, le Journal de Québec, le Nouvelliste - c'est qu'il le dépose sur la table. À ce moment-là, on va convenir que nous aurons un document en main. Ensuite, vous pourrez poser une question. Il me semble qu'on n'a pas besoin d'être un grand parlementaire ou un grand procédurier, cela me paraît être la règle du gros bon sens. Cela devrait être l'article premier du règlement que vous devriez lire tous les soirs, sinon le matin.

M. Lalonde: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Sur la question de règlement, je comprendrais le ministre si le député de Mont-Royal avait fait référence à un article de journal. À ce moment-là, pour aider tous les gens à comprendre, y compris notre invité, M. Saulnier, il ne serait que juste qu'il produise, qu'il identifie l'article de journal. Mais ce n'est pas ce qu'il a fait. Il a demandé s'il a déjà parlé à un journaliste. Comme, par exemple, quand M. Laferrière...

M. Duhaime: Je connais au moins une soixantaine de journalistes, moi, à 20 milles de Québec.

M. Lalonde: ...a dit ici qu'il avait eu un bon déjeuner, enfin, un déjeuner - je ne peux pas le qualifier - avec M. Gauthier, du cabinet du premier ministre, le 3 novembre 1978, il ne nous a pas donné le menu. Il ne nous a pas passé l'addition, non plus. Il a simplement dit: J'ai parlé à quelqu'un, voici ce qui s'est dit. Enfin, il n'avait pas la mémoire tellement fraîche. C'est de la même façon. Est-ce que vous avez parlé à un journaliste là-dessus, récemment? S'il n'y a pas d'article de presse auquel on peut se référer, on ne peut pas le produire.

M. Duhaime: Au moins, on pourrait peut-être dire, d'abord, qu'il n'y a pas d'article de presse et, au moins, donner le nom du journaliste afin qu'on sache de quoi il s'agit. Est-ce que c'était en 1954 ou en 1978 ou en 1979? Personne ne le sait.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le ministre. Pour le besoin de M. Saulnier, qui doit répondre à la question, on doit aussi avoir la décence de lui faire savoir de qui il s'agit, s'il le faut, afin de lui permettre de savoir quoi répondre. Sinon, ce sont des questions hypothétiques à partir d'hypothèses et, en vertu de l'article 162, je devrai les refuser.

M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, de toute façon, M. le député de Mont-Royal recommence à poser des questions qui ont déjà été posées à notre invité.

Une voix: Vous n'étiez pas là.

M. Dussault: Je pense que c'est le député de Laporte qui a posé cette question, à savoir s'il avait déjà posé des questions à M. Boivin ou M. Boivin des questions à lui-même sur ce sujet. Cela avait déjà été posé ce matin, cette question. On recommence à faire de la redondance, on recommence encore à nous faire perdre notre temps en commission.

M. Blouin: Cinquante cents la seconde!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, en tenant compte de ce que je viens de dire.

M. Ciaccia: M. le Président, si le ministre veut obtenir des informations sur le nom des journalistes, il n'aura qu'à poser la question à notre invité; ce n'est pas le but de ma question.

M. Duhaime: On vous la pose à vous, la question.

Le Président (M. Jolivet): Messieurs, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Ce n'est pas moi, le témoin ici.

M. Duhaime: Je vais m'opposer à ce que des réponses viennent sur ce sujet.

M. Ciaccia: Vous n'allez pas me poser des questions ici. (17 h 45)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le député.

M. le ministre.

M. Duhaime: Vous ne nous ferez pas un échafaudage, je regrette!

M. Ciaccia: Non.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La question que je vous pose, M. le député, est bien claire.

M. Duhaime: Franchement, il y a des limites!

Le Président (M. Jolivet): Si on ne peut pas donner au personnage qui est invité ici devant nous les moyens de répondre, je vais considérer la question comme irrecevable.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, si vous le permettez, je crois que notre invité sait à qui il parle et à qui il ne parle pas. Il sait, je présume, s'il a parlé à un journaliste ou non. Il n'a pas besoin de moi pour lui donner le nom du journaliste, ce que je ne ferai pas de toute façon, je vous le dis bien d'avance.

M. Duhaime: Alors, parlez d'autre chose.

M. Ciaccia: Je pense que j'ai le droit de poser la question à savoir s'il a eu ce genre de conversation. S'il dit non... La question est assez claire, ce n'est pas une opinion que je demande, c'est assez précis. J'identifie qu'il a parlé à un journaliste sur un sujet précis. Je crois que la question devrait être entièrement recevable et parfaitement en accord avec tout ce qui s'est produit ici à cette commission parlementaire.

Le Président (M. Jolivet): Ordinairement, en vertu du mandat qui nous est donné, M. le député, une question doit porter sur les faits. S'il n'y a pas eu de faits, à quoi cela sert-il de poser une question? Je me pose donc à ce moment une question réelle, à savoir si vous avez des questions à poser à M. Saulnier. Si oui, vous pouvez les poser. Mais ce que je ne voudrais pas, c'est qu'il y ait des hypothèses et qu'à partir des hypothèses on pose des questions. C'est tout simplement ce que l'article 168 me demande de faire respecter.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, sur cette question de règlement, je voudrais qu'on s'entende bien. Naturellement, nous posons des questions sur des faits, mais vous nous permettrez de poser des questions sur des faits que nous ne connaissons pas, parce que, si nous connaissions ces faits, nous ne poserions pas de questions. Ce ne sont pas des hypothèses; nous savons qu'il y a des choses qui se sont passées. On nous dit: Faites la lumière sur les faits. Si c'était déjà en preuve, on ne poserait plus de questions. Comme ce n'est pas en preuve, on doit poser ces questions.

Le Président (M. Jolivet): Effectivement, M. Saulnier, dans son travail passé, a certainement eu l'occasion de parler à plusieurs journalistes. Aujourd'hui, je pense qu'avec les événements qu'on connaît il a certainement eu l'occasion d'en rencontrer et de parler avec eux. Il est donc normal, si on lui pose une question à savoir s'il a parlé à un journaliste, qu'on identifie s'il y a un article de journal, s'il y a un journaliste et qu'ensuite on lui pose les questions. Mais s'il

n'y a eu aucun article, ni à la radio, ni à la télévision, ni dans les journaux, il n'y a donc pas eu de faits par rapport à M. Saulnier. En conséquence, cela devient de l'hypothèse, à mon avis.

M. Lalonde: Un instant, je m'excuse.

Le Président (M. Jolivet): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Si vous le permettez, la publication d'un article, c'est un fait, d'accord, mais la conversation avec quelqu'un, c'est aussi un autre fait. Si c'est important pour le député de Mont-Royal que la lumière soit faite sur ce fait, à ce moment, on n'est pas assujetti à la publication des articles de journal.

M. Duhaime: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre! M. le ministre! M. le ministre!

M. Duhaime: On est en plein mystère, M. le Président. Je ne sais pas ce qu'on tente d'échafauder de l'autre côté de la table, mais cela m'apparaîtrait tellement simple de demander à M. Saulnier: Est-ce que, tel jour ou à telle période, vous avez parlé avec un journaliste qui s'appelle M. Untel ou Mme Unetelle? Est-ce que votre conversation a porté sur ce dossier? Est-ce qu'elle...? Enfin, je ne sais pas où on veut s'en aller avec cela, mais je vous dis, M. le Président, que, très fermement, je vais m'y opposer, quitte à ajourner nos travaux et à demander un avis de la présidence et, s'il le faut, à faire un débat à l'Assemblée nationale sur cette question. Je ne laisserai pas passer de questions comme celles qui viennent d'être amorcées: Est-ce que vous avez rencontré un journaliste?

Une voix: Avez-vous parlé à un menuisier, vous?

M. Duhaime: Cela ne mène nulle part.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Duhaime: Alors, vous l'identifiez pour que M. Saulnier, qui est notre invité aujourd'hui, puisse, il me semblerait, en toute lumière, identifier dans sa mémoire d'abord, s'il connaît ce journaliste mystérieux, s'il l'a déjà rencontré, s'il a eu une conversation avec lui et ce sur quoi cela a porté. En dehors de cela, M. le Président, je vais m'opposer très fermement à la question.

M. Laplante: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Non, M. le député de Bourassa, je pense que vous n'avez pas besoin de continuer. Comme président, je vais aussi m'opposer à la question, parce que je pense que la personne qui est devant nous a quand même le droit de savoir sur quoi on lui pose des questions. En conséquence, si ce n'est pas cela, je vais m'opposer, comme président, à ce que la question soit posée. Je la jugerai irrecevable. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne sais pas ce que craint le ministre.

M. Therrien: Je ne crains rien. Mettez votre nom sur la table et vous allez voir.

M. Ciaccia: M. Saulnier, vous nous avez affirmé que vous n'étiez pas au courant que M. Laliberté avait été voir M. Jean-Roch Boivin au bureau du premier ministre le 3 janvier.

M. Saulnier: Oui.

M. Ciaccia: En effet. Et je crois que vous avez aussi affirmé que vous n'étiez pas au courant de... J'ai fait une liste de rencontres qui avaient eu lieu et vous ne sembliez pas... Est-ce que vous auriez, à un moment donné, constaté ou affirmé que vous étiez très frustré que le bureau du premier ministre vous ait passé par-dessus la tête en appelant M. Laliberté plutôt que vous, que vous n'étiez pas tout à fait d'accord avec la façon dont cela se déroulait?

M. Saulnier: Oui, M. le Président, mais je pense que j'ai déjà donné mon avis là-dessus depuis hier. La loi décrète que les rapports ou les liens avec le gouvernement doivent être assurés par le président du conseil. C'est bien évident qu'informé de cela, si on me demande: Est-ce que vous êtes heureux de cela? je réponds: Bien non, je ne suis pas heureux de cela.

M. Ciaccia: Auriez-vous dit que vous étiez frustré que le bureau du...

M. Saulnier: Oh!

M. Ciaccia: Pas heureux, en tout cas, je vais prendre votre parole. C'est une constatation.

M. Saulnier: Remarquez que si vous me demandez si, selon ma mémoire, j'ai dit le mot "frustré", je vous dis: À première vue, je dirais non. Si vous me faisiez la démonstration que je l'ai dit, je conviendrais de l'avoir dit. Cela ne me paraît pas fatal.

M. Ciaccia: Vous n'auriez pas, non plus, dit que c'était le bureau du premier ministre

qui vous avait convoqué?

M. Saulnier: Ah non! J'ai été très précis là-dessus.

M. Ciaccia: Vous n'avez jamais été convoqué?

M. Saulnier: Si je l'ai dit, la langue m'a fourché, parce que, chaque fois que la question m'a été posée, j'ai répondu: C'est nous qui avions demandé l'entrevue.

M. Ciaccia: Quant à votre participation au bureau du premier ministre, vous n'aviez pas été convoqué, c'est vous-même qui avez...?

M. Saulnier: Ah oui!

M. Ciaccia: M. le Président, le premier ministre a fait une affirmation à la suite d'une question du député de Marguerite-Bourgeoys. Je cite le journal des Débats, à la page 5739, en date du 20 février 1979. Est-ce que le ministre est d'accord pour que je procède? Avez-vous la citation?

M. Duhaime: Quelle page avez-vous dit?

M. Ciaccia: Cela ne vous dérange pas trop?

M. Duhaime: Non, j'ai hâte que vous avanciez un peu, par exemple. Quelle page avez-vous donnée?

M. Ciaccia: Page 5739. M. Duhaime: Page 5739.

M. Ciaccia: Le premier ministre a dit: "Ce n'est pas du tout, ni de près - je vais attendre que M. Saulnier soit prêt - ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu". Pouvez-vous nous confirmer cette affirmation du premier ministre?

M. Duhaime: M. le Président, je m'excuse, c'est dans le journal des Débats. Franchement!

M. Ciaccia: Vous avez posé la même question ce matin sur un autre... Un instant, un instant!

M. Lalonde: Question de règlement. Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. Ciaccia: II y a une limite. Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. Duhaime: Non, je m'excuse, non, jamais.

M. Ciaccia: Oui.

M. Duhaime: Franchement, c'est le bout!

Le Président (M. Jolivet): M. le député, un instant! M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Sur la question de règlement, il y a quand même des limites. Je comprends qu'on peut prendre quelques-unes des sautes d'humeur du ministre, mais là cela fait de l'ingérence. Le député de Rousseau a posé lui-même la question à M. Saulnier il y a quelques heures sur une autre déclaration du premier ministre - je pense que c'est le même jour ou, enfin - qui était rapportée. La question du député de Mont-Royal n'est pas de demander à M. Saulnier: Est-ce que c'est bien écrit comme cela dans le journal des Débats ou est-ce bien ce que M. Lévesque a dit? Sa question est: Est-ce que ce que le premier ministre a dit est exact, à votre connaissance? S'il n'a pas eu connaissance de cette déclaration, il dit: Je ne le sais pas. S'il en a eu connaissance, il dit ce qu'il sait.

Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier. M. Saulnier: À ma connaissance, non.

M. Ciaccia: Vous ne pouvez pas confirmer cette affirmation du premier ministre? Je voudrais comprendre votre...

M. Saulnier: L'affirmation est en ce sens que cela ne s'est pas réglé chez lui.

M. Lalonde: Oui, c'est cela.

M. Saulnier: Je confirme cela. Ma compréhension et ma connaissance des faits est en ce sens que cela s'est réglé au conseil de la SEBJ. M. le Président, j'aimerais...

M. Ciaccia: Un instant, je vais vous...

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je voudrais relire. Je vais relire...

Le Président (M. Jolivet): D'accord, vous pourrez le faire, mais M. Saulnier a quand même quelque chose à dire.

M. Saulnier: M. le Président, on me signale qu'il serait indiqué de corriger une affirmation que j'ai faite à savoir que, dans le cas de la SEBJ, selon le lien défini dans

la loi, c'est le président du conseil qui en est chargé. On me signale que cela s'applique à la Loi sur l'Hydro-Québec, mais non pas à la Loi sur la Société d'énergie de la Baie James. Je veux faire la correction. J'avais l'impression que c'était dans les deux cas. J'ajoute, pour la compréhension des membres de la commission, que le conseil étudiait à ce moment-là, mais n'avait pas encore adopté - je pense - peut-être l'avait-il fait, un règlement qui définissait les obligations comme elles le sont dans la Loi sur l'Hydro-Québec. Mais je ne sais pas si le règlement avait été ratifié à Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je vais vous relire le journal des Débats où le premier ministre a dit ceci: "Ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu". Est-ce que vous pouvez nous confirmer ce qu'il a dit?

M. Saulnier: En ce qui concerne les faits que je connais, je le confirme. Je n'ai absolument aucun renseignement, particulièrement à ce moment-là, qui pouvait me justifier ou m'autoriser à croire que c'est là, soit en partie, soit totalement, soit au tiers ou au quart, absolument pas. C'était au conseil de la SEBJ.

M. Lalonde: Si vous me permettez, M. Saulnier, je m'excuse de vous interrompre...

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant.

M. Lalonde: J'avais la même impression lorsqu'il m'a donné la réponse. Je n'avais aucune...

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...confirmation de faits qui pouvaient prouver le contraire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Ce que j'allais ajouter exactement, c'est que les faits que vous connaissiez... Mais vous avez affirmé que vous n'étiez pas au courant qu'il y avait eu toutes ces différentes réunions au bureau du premier ministre, que vous ne saviez pas que M. Laliberté était allé voir M. Jean-Roch Boivin, que vous ne saviez pas que M. Laferrière était allé visiter M. Yves Gauthier le 3 novembre, que tous les avocats avaient été au bureau du premier ministre. Alors, ne sachant pas cela, je pense que cela qualifie un peu votre réponse ou que cela lui donne un autre aspect. C'est sans connaître tous ces autres éléments que vous avez répondu comme vous avez répondu.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres questions, M. le député de Mont-Royal? Il n'y en a pas d'autres. Donc, avant de permettre au ministre...

Une voix: II y a d'autres personnes.

Le Président (M. Jolivet): Oui, il y a d'autres personnes, mais M. le ministre est le prochain orateur à avoir le droit de parole. Il reste une minute; est-ce que M. le ministre veut l'utiliser ou s'il aime mieux attendre à demain?

M. Duhaime: M. le Président, quant à moi, je n'aurai pas d'autres questions à poser à M. Saulnier. Je voudrais le remercier de sa bienveillante et patiente collaboration.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, on n'a pas terminé, quand même, avec M. Saulnier; il doit revenir demain matin puisqu'il y a d'autres personnes sur la liste. J'ajourne les travaux à demain matin, en vous remerciant pour la journée.

M. Duhaime: Très bien.

(Fin de la séance à 18 heures)

Document(s) related to the sitting