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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Thursday, April 21, 1983 - Vol. 27 N° 19

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît; La commission permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux afin d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Tremblay (Chambly), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), M. Blouin (Rousseau), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Saintonge (Laprairie). M. LeBlanc

(Montmagny-L'Islet) est toujours le rapporteur de cette commission.

Les personnes qui sont invitées à venir nous rencontrer aujourd'hui sont, d'abord, M. Lucien Saulnier, pour continuer l'interrogation que les membres de cette commission ont commencée, M. François Aquin, M. Michel Jetté et M. Jean-Paul Cardinal.

Je dois vous faire remarquer aussi que cette commission siège à partir de maintenant jusqu'à 12 h 30. Nous reprendrons après la période des questions jusqu'à 18 heures et nous reviendrons de 20 heures à 22 heures. Ce sont les heures de la journée d'aujourd'hui.

Nous en étions rendus à M. Saulnier hier. M. le député de Marguerite-Bourgeoys aurait quelque chose à ajouter avant?

M. Lalonde: Non, non, c'est pour poser des questions.

Le Président (M. Jolivet): Oui, c'est pour poser des questions. M. Saulnier?

Témoignages M. Lucien Saulnier (suite)

M. Saulnier: M. le Président, avec votre permission et celle des membres de la commission, je souhaiterais ce matin faire une suggestion qui serait accompagnée ou précédée d'un court préambule de trois ou quatre minutes.

Le Président (M. Jolivet): Oui, allez.

M. Saulnier: M. le Président, à ce moment-ci de l'étude qui se poursuit du dossier qui nous occupe, la plupart, sinon tous les membres de la commission, ont dû se poser une question que je m'étais posée en 1979 et que je me suis posée à nouveau depuis qu'on a annoncé les travaux de la commission. C'est en rapport avec une pièce de ce dossier qui me paraît être ou, enfin, qui est pour moi capitale. Il s'agit de la communication des procureurs de la société, dont le conseil a été saisi, soit le bureau Geoffrion et Prud'homme, dans laquelle on cite l'extrait de la loi Norris-La Guardia dont j'ai fait personnellement état dans mes notes, mais qu'il est indiqué, je pense, de relire. Ce n'est pas très long.

On dit: "La sympathie de ce tribunal pourrait naturellement pencher en faveur du défendeur américain, habitué comme il l'est à appliquer l'article 6 du Norris-La Guardia Act, qui stipule comme suit: "No officer or member of any association or organization, and no association or organization participating or interested in a labor dispute, shall be held responsible or liable in any court of the United States for the unlawful acts of individual officers, members or agents, except upon clear proof of actual participation in, or actual authorization of, such acts, or of ratification of such acts after actual knowledge thereof."

Dans mes propos préliminaires, j'ai dit que j'avais trouvé ce texte écrit avec des mots ordinaires de la langue anglaise et qu'il n'était pas difficile à saisir. J'ajoute, après l'avoir relu hier, que le sujet, le verbe et l'attribut, dans chacun des membres de la phrase, sont placés aux bons endroits, selon les règles de la grammaire et que la ponctuation me paraît parfaite.

Sur la foi de ce document et de ce que nous en avions dit, qui pouvait s'en

rapprocher avant, même si nous ne le connaissions pas, j'ai cru comprendre et j'ai affirmé que la possibilité de recouvrer quelque montant de dommages que ce soit du syndicat américain était illusoire. Je ne veux pas utiliser de terme plus fort que celui-là; pour le moment, je dis illusoire. Des questions ont été posées, et à bon droit. Je redis que moi aussi, je m'en suis posé. Comment se fait-il que cette affaire arrive comme un cheveu sur la soupe, à la fin, lorsque vous décidez? Il est évident que cela est ennuyeux. Cela m'a ennuyé à l'époque. Évidemment, il y a déjà quatre ans que je suis parti. J'ai pensé à d'autres choses et l'ennui s'est dissipé. Mais quand le dossier m'est retombé dans les mains, le même ennui a recommencé. Je réponds ici à des questions et on me pose la même question à laquelle je ne peux pas répondre.

Or, M. le Président, hier après-midi, dans cette salle, avant l'ouverture de la séance, j'ai posé cette question à l'avocat au dossier qui a signé la communication, Me Jean-Paul Cardinal, à peu près dans les termes suivants: Pouvez-vous m'expliquer comment il se fait que vous avez trouvé cela seulement à la fin? La question est posée et moi, je me la pose depuis longtemps. Me Cardinal a dit: Venez ici un moment. Il m'a dirigé vers le mur qui est à ma gauche, près d'un banc où était assis le chef du contentieux de la société, qui est ici à ma droite. Il m'a montré un papier que je n'ai pas touché. Il m'a dit: Cela est la date à laquelle on a remis cette opinion au chef du contentieux. Est-ce exact? Il a posé la question à Me Gadbois. Je n'ai rien touché, mais je crois avoir vu la date du 11 ou du 19 décembre - quelque chose du genre -1978. J'ai regardé Me Gadbois et il a opiné affirmativement de la tête.

Ma suggestion serait la suivante: si les membres étaient d'accord - ils connaissent, d'ailleurs, ma disponibilité - je resterais présent dans la salle et je pense qu'il y aurait intérêt, pour donner le meilleur éclairage possible aux travaux de la commission, à ce que les procureurs soient interrogés avant que se poursuive ma collaboration, pour ne pas dire mon interrogatoire, à cette commission.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Saulnier. Est-ce que M. le ministre, qui avait le droit de parole à la fin hier, a encore des questions à poser?

M. Duhaime: Je suis prêt à recevoir favorablement la suggestion de M. Saulnier.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je n'avais que quelques questions à poser à M. Saulnier, lesquelles étaient presque étrangères à tout ce qui a été posé jusqu'à maintenant. Si vous n'avez pas d'objection, on peut peut-être terminer; de toute façon, on allait entendre les avocats.

M. Saulnier: M. le Président, remarquez que je veux bien me rendre aux désirs du député de Marguerite-Bourgeoys, mais j'aimerais savoir d'avance si ma suggestion a été captée.

M. Lalonde: Que vous soyez disponible à revenir après, nous vous en remercions. D'ailleurs, le président a bien indiqué que les invités pourraient être appelés à nouveau, au besoin. Si vous le préférez, j'aimerais mieux terminer les quelques questions que j'ai à vous poser, mais j'accepte cette partie de votre suggestion, à savoir que vous êtes disponible pour revenir sur ce point que vous venez de soulever particulièrement. D'ailleurs, on va sûrement poser cette question aux procureurs de la société et aussi leur demander la signification plus précise du paragraphe qui suit ce que vous avez lu dans leur opinion et qui se lit comme suit: "Les tribunaux fédéraux américains pourraient, dans ce contexte, être tentés d'appliquer la règle de réciprocité que la jurisprudence récente semble avoir répudiée". C'est une réserve très lourde. On pourra sûrement vous poser, M. Saulnier, des questions à savoir si cette réserve ne vous a pas, non plus, frappé. En ce qui concerne cette question, je suis d'accord avec vous, on y reviendra après avoir entendu les procureurs. Maintenant, j'avais seulement quelques...

Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier.

M. Saulnier: M. le Président, si on me le permet, j'apprécierais que le député de Marguerite-Bourgeoys, si je me rends - et, d'ailleurs, je dois me rendre - à ce qui sera décidé ici, ne dise pas: Si vous êtes d'accord. Je ne suis pas d'accord. J'ai fait une suggestion et j'apprécierais, quant à moi, que cette question soit vidée avant que les travaux se poursuivent. Mais si la commission est d'un avis contraire, je m'y soumets respectueusement.

M. Lalonde: C'est tellement court ce que j'ai à couvrir qu'il me semble que c'est dans l'ordre des choses de continuer avec la même personne, à moins d'un cas de force majeure. Même si c'est une question importante...

M. Saulnier: Capitale.

M. Lalonde: ...elle ne m'apparaît pas l'être à ce point. Oui, c'est important, mais cela ne m'apparaît pas de nature à devoir

interrompre votre témoignage.

J'aurais quelques questions. Il y a une question qui a été soulevée par vos procureurs sur les honoraires. Si je mentionne les honoraires de vos procureurs, ce n'est pas du tout pour en discuter, mais cela avait trait à cette règle qui, dans le cas de règlement ou de désistement d'une cause, autrefois - je pense que cette règle a été modifiée - prévoyait le paiement à un procureur d'un défendeur, peut-être même d'un demandeur - du moins, cela semble être le sens de la lettre de Geoffrion et Prud'homme - d'un montant équivalant à 1% de la réclamation. On sait que, la réclamation étant autour de 32 000 000 $, 1%, c'est autour de 320 000 $, 325 000 $.

Est-ce qu'on a attiré votre attention, comme membre du conseil et comme président du conseil, sur cette possibilité que le règlement entraîne des déboursés de cette nature? Avant que vous ne répondiez, j'aimerais faire la précision suivante: je me suis laissé dire qu'un procureur d'une des parties a fait cette réclamation, mais l'a faite à l'aide juridique. Je ne veux pas non plus parler du mérite de cette réclamation parce que c'est actuellement devant les tribunaux, mais, comme le fait que cela a été fait est public, cela ne porte pas à conséquence si on le mentionne ici. Donc, il y aurait actuellement une réclamation qui, si elle était - je ne veux pas vous parler de son mérite du tout - accueillie, grèverait les fonds publics d'une somme de 320 000 $, ce qui est beaucoup plus élevé que ce que la Société d'énergie de la Baie James a reçu.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je voudrais savoir, par votre entremise, si M. le député de Marguerite-Bourgeoys, pour poser sa question, s'est servi de la documentation qu'on a eue hier soir.

M. Lalonde: Non, c'était à notre connaissance avant.

M. Laplante: Non, je veux le savoir parce que vous feuilletez actuellement les documents qu'on a eus hier soir et qu'on est supposé utiliser au moment où les avocats se feront entendre.

M. Lalonde: Je peux feuilleter l'autre.

M. Laplante: Non, mais c'est important, M. le Président...

M. Lalonde: Je peux feuilleter l'autre.

M. Laplante: ...en regard de ce que M. Saulnier a demandé au début. De là toute l'importance de suspendre le témoignage de

M. Saulnier à cause de documents qu'on a reçus, hier soir, et dont nous sommes supposés ne pas avoir pris connaissance avant le témoignage des avocats présents ce matin.

Le Président (M. Jolivet): Bon, alors, juste un instant.

M. Laplante: Laissez-moi finir. En toute justice pour l'invité qu'on a ici, je fais motion pour suspendre le témoignage de M. Saulnier jusqu'à ce que les avocats aient été entendus. J'en fais motion, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, je pense que je dois répondre à la première partie de la question. Si le député de Marguerite-Bourgeoys pose des questions en vertu des documents qui sont déjà déposés devant cette commission, je ne peux en aucune façon accepter votre motion, si elle a trait aux questions déjà existantes dans les documents qui nous ont été déposés. Si, effectivement, le député a utilisé des documents autres que ceux qui ont été déposés hier et qui sont sous embargo jusqu'à ce qu'on puisse entendre les avocats, je pense que la pratique courante veut que, tant et aussi longtemps qu'on n'a pas entendu ces avocats, on ne puisse vraiment pas les utiliser. D'un autre côté, si le député, par les documents qui sont déjà déposés, m'indique à quelle place il a pris son renseignement à l'intérieur des documents, je n'ai aucune objection à ce que les questions puissent être posées en dehors de ce que M. Saulnier a demandé, parce que j'ai cru comprendre que le député de Marguerite-Bourgeoys a accepté la partie qui concerne les questions que M. Saulnier nous a soulevées, mais il est possible que d'autres questions lui soient posées en dehors de ces demandes de M. Saulnier.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je veux rassurer le député de Bourassa. S'il prend le bouquin qui nous a été remis par la SEBJ le premier jour de nos travaux et qu'il l'ouvre...

M. Duhaime: À quelle page? M. Lalonde: À la page 149.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Lalonde: ...il verra une lettre adressée à M. Lucien Saulnier par Me Gilles Legault, avocat en chef adjoint, et qui discute de la demande d'honoraires additionnels des procureurs de la SEBJ. On retrouve les fameux honoraires additionnels de 1% à la page 150 du document, c'est-à-dire à la page 2 de la lettre, et aussi à la page 1, premier paragraphe: "Comme la

somme réclamée par cette action est de 31 275 000 $, "cet honoraire additionnel" s'élèverait donc à 311 750 $, etc.". Je tire aussi ma question de connaissances acquises hors des documents déposés par les avocats. De notoriété publique, j'ai fait ma petite enquête et j'ai appris, par personne interposée, mais je n'ai aucune raison de croire que l'information n'est pas bonne, que, effectivement, il y a actuellement une réclamation d'environ 300 000 $, du fameux 1%, par un avocat. Ce qui me chicote, c'est que cette réclamation n'est pas faite à son client, puisqu'il aurait été engagé - en fait, c'est sous toute réserve - par l'aide juridique de sorte que, s'il réussissait dans sa demande, ce serait les fonds publics. Je demande à M. Saulnier si cette possibilité a été portée à sa connaissance avant de signer.

M. Saulnier: Ma réponse est la suivante. Quant au dernier élément, l'avocat qui aurait été engagé par l'aide juridique, non. J'apprends cela à ce moment-ci. Je renvoie les membres de la commission aux pages 149 à 153 du document où l'avis est donné. J'avais, d'ailleurs, demandé à notre contentieux de nous indiquer quelles étaient nos obligations à l'égard de nos procureurs.

M. Lalonde: C'est cela.

M. Saulnier: C'est dit très clairement. C'est conforme au contrat et à ce qu'on m'a dit, ce contrat est au tarif horaire.

M. Lalonde: Je vous remercie. Il y a un deuxième point qui n'a pas été soulevé, à ma connaissance - mais vous me corrigerez si je fais erreur - par votre témoignage ou, s'il l'a été, il ne l'a pas été avec l'accent que d'autres témoins lui ont mis: la paix sociale sur le chantier. M. Saulnier, vous nous avez expliqué les raisons pour lesquelles vous avez appuyé ce règlement. Est-ce que la paix sociale sur le chantier a été un élément qui a été déterminant dans votre décision?

M. Saulnier: Dans mon esprit, oui, très important, mais pas comme certains l'ont expliqué ici, pas nécessairement de la même façon. Moi, je l'ai compris dans le sens suivant. Un règlement contribue à créer un meilleur climat de travail - je vais prendre une expression que j'ai entendue - qu'un jugement dans sa poche, mais c'est une opinion personnelle.

M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais ici faire un petit rappel; il y a près de trois jours que je réponds à des questions - je le fais, comme je l'ai dit, avec beaucoup de plaisir et autant de sincérité que je suis capable - et des gens pourraient penser: Cet homme qui était président du conseil a bousculé son conseil pour en arriver à cette décision. J'ai bien dit, au début, dans mes remarques préliminaires, que c'était ma perception des délibérations, mon raisonnement sur les documents et sur ce que j'avais entendu. Mon souvenir, je vais maintenant vous le préciser, il est très net. À cette occasion, je me suis comporté comme un président de conseil modèle. J'ai surtout suivi et animé ou assuré la bonne progression des débats. Je n'ai pas été l'élément moteur. (10 h 30)

M. Duhaime: Vous avez été comme d'habitude.

M. Saulnier: Pas toujours, cela dépend.

M. Lalonde: M. Saulnier, je vous remercie de cette précision. En ce qui concerne la paix sociale, est-ce qu'il y avait des éléments, des facteurs, des informations que vous aviez ou que le conseil d'administration possédait qui pouvaient faire penser que l'absence de règlement, c'est-à-dire la continuation de la cause, pouvait créer des problèmes sur le chantier?

M. Saulnier: À mon souvenir, non.

M. Lalonde: Quel est le montant que le syndicat américain a versé à la SEBJ? Pour quel montant a-t-il contribué dans le règlement, mais à la SEBJ? Là, j'oublie les assureurs.

M. Saulnier: On me dit que c'est 100 000 $, mais, de toute façon, on a les photocopies de tous les chèques et on pourrait faire l'addition. Page 185.

M. Lalonde: J'entends encore l'écho de votre déclaration disant que, pour vous, ce n'était pas 32 200 000 $, mais 200 000 $ ou rien.

M. Saulnier: En effet, oui.

M. Lalonde: Est-ce que vous êtes sûr qu'à tout moment pendant cette période c'était le montant maximum auquel le syndicat américain - le montant de 100 000 $ pour la SEBJ - était prêt à contribuer pour ce règlement?

M. Saulnier: Cette conviction, je l'ai acquise à un stade assez avancé - je ne peux pas dire à quelle date - de l'étude de ce dossier. J'ai peut-être été un bout de temps d'avis qu'il y avait peut-être moyen d'obtenir plus de la part d'un des défendeurs ou des défendeurs. J'ai acquis cette conviction au moment où elle s'imposait. On nous disait qu'il n'y avait à peu près rien à tirer des syndicats locaux et qu'on ne pouvait pas établir de lien de droit avec le syndicat américain.

M. Lalonde: J'oublie les syndicats locaux et le lien de droit. Je parle du règlement. Il y a eu un règlement. D'ailleurs, le syndicat américain n'a pas voulu reconnaître sa responsabilité. Donc, il n'y a pas eu de lien de droit d'établi.

M. Saulnier: Absolument pas.

M. Lalonde: II contribue 100 000 $ à la SEBJ. Je vous répète ma question parce que je ne suis pas sûr d'avoir compris votre réponse. Est-ce qu'à ce moment vous étiez sûr que c'était le maximum que le syndicat américain était prêt à verser?

M. Saulnier: Oui, les affirmations qui ont été faites et qui me reviennent à l'esprit étaient dans le sens qu'il n'y avait rien à espérer de plus.

M. Lalonde: Je m'excuse de revenir sur un point que j'ai abordé auparavant, la paix sociale. Selon vous, - c'est une question hypothétique, alors vous pouvez ne pas y répondre; M. le Président, vous allez sûrement le rappeler au témoin mais c'est, quand même, je pense, une question pertinente - si vous n'aviez pas réglé hors cour en mars 1979, est-ce que la paix sociale sur le chantier, le bon ordre, auraient pu être perturbés suffisamment pour empêcher la marche des travaux et l'ouverture à l'automne 1979?

M. Saulnier: En toute franchise, je n'avais pas d'opinion à ce sujet, à ce moment-là, et je n'en ai pas plus aujourd'hui.

M. Lalonde: Seulement quelques questions, M. le Président. Est-ce qu'il y a d'autres documents... Vous savez, les documents qu'on nous a soumis... Si vous ne pouvez pas répondre, vous me le dites, parce que je comprends que vous n'êtes plus en fonction, vous n'êtes plus président du conseil, vous n'avez plus de contrôle sur les travaux de la SEBJ.

M. Saulnier: Je ne peux pas dire que j'en avais beaucoup quand je l'étais.

M. Lalonde: Est-ce qu'il y a d'autres documents pertinents qui auraient pu vous aider à vous former une opinion, et que vous ne retrouvez pas dans les documents qui nous ont été soumis par la SEBJ?

M. Saulnier: À ceci, M. le Président, je vais répondre en me protégeant un peu. Comme je ne connais pas toutes les questions qui peuvent venir et qu'en écoutant les questions il me revient à l'esprit: Mon Dieu, est-ce qu'on n'aurait pas déjà eu quelque chose là-dessus...

M. Lalonde: Je retire ma question parce que je pense qu'elle est trop...

M. Saulnier: Oui, elle est hypothétique.

M. Lalonde: Si je précisais: des opinions juridiques, par exemple. On réfère à des opinions juridiques américaines dans les opinions juridiques qui nous ont été remises. Mais, on ne nous remet pas les opinions juridiques elles-mêmes. Est-ce que vous avez eu accès à ces opinions juridiques américaines?

M. Saulnier: Moi, je n'ai eu - et je ne pense pas, d'ailleurs, que mes collègues du conseil non plus en aient eu - d'autres documents que ceux qui sont devant vous à ce moment-ci. J'ai fait état, cependant, dans ma suggestion tout à l'heure, d'un autre que je n'avais pas vu.

M. Lalonde: Je vous remercie, M. Saulnier.

M. Saulnier: De rien.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Merci, M. le Président. M. Saulnier, dans la déclaration préliminaire que vous avez faite à cette commission, de même que dans le témoignage que vous nous avez rendu depuis sept ou huit heures - un peu mis sur le gril, comme ont dit certains journalistes, par quelques procureurs nostalgiques qui sont en face de nous et qui cherchaient, finalement, des petites puces dans tout cela, mais, il me semble que c'est assez limpide quand je relis votre texte - il y a un élément qui domine tous les autres, il me semble, c'est le doute très sérieux que vous aviez sur la solvabilité des défendeurs et sur la possibilité d'obtenir une compensation pour des dommages qu'on pouvait possiblement démontrer mais qui, de toute façon, une fois démontrés, même s'ils avaient entraîné un jugement, n'auraient pu être compensés par les défendeurs étant donné leur faible solvabilité.

Étant donné que vous nous avez livré ce texte il y a quelques jours, je vais me permettre d'en relater quelques extraits. À la page 1, vous nous indiquez qu'à la séance du 9 janvier - et, là, vous faites référence à un document qu'on retrouve à la page 22 des extraits du registre des procès-verbaux de la Société d'énergie de la Baie James - les procureurs vous disaient: "II y a lieu cependant de s'interroger sur ce que peut être présentement la solvabilité de tous ces défendeurs possibles et surtout sur ce qu'elle serait une fois le jugement final obtenu tenant compte, en particulier, de l'envergure de la réclamation de la société."

À la page 2, vous poursuiviez en nous citant un deuxième extrait qui disait ceci: "En instituant cette action, la société était consciente du fait que la plupart des défendeurs ne seraient pas en mesure de pouvoir satisfaire à un jugement rendu". En bas de page, vous posez la question: "Le conseil d'administration n'était-il pas fondé de comprendre, dès le 9 janvier 1979, que la procédure engagée avait une part de symbolique à son origine même?"

J'essaie de comprendre un peu les raisons qui vous ont amené à retenir ces éléments de l'avis juridique qui vous avait été transmis. En haut de la page 3, je crois déceler une raison qui rejoint un peu une question que j'ai posée à celui qui vous a précédé devant nous, M. Robert Boyd. En haut de la page 3, dis-je, vous nous indiquez: "Or, les procureurs de la SEBJ dans une opinion datée du 5 janvier et vue par les administrateurs le 9, nous informent qu'un syndicat professionnel avait été incorporé le 10 janvier 1973 sous le nom de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec. Les procureurs affirment même: "Les documents obtenus et les témoignages recueillis jusqu'ici nous indiquent qu'après la formation de ce syndicat professionnel les actifs du local 791 lui ont été transférés sans considération apparente afin de permettre au syndicat strictement québécois de contrôler les fonds." Vous concluez qu'on devait, dès lors, entretenir des doutes sur la possibilité d'obtenir des compensations pour dommages.

J'avais posé la question suivante à M. Boyd: N'y avait-il pas risque que des syndicats qui auraient été condamnés puissent facilement former une autre unité syndicale, faire signer des cartes d'adhésion dans une autre unité syndicale et, à ce moment-là, laisser une coquille juridique vide pour payer les dommages auxquels ils auraient été condamnés, ce qui aurait pu tout simplement avoir comme résultat que le jugement n'aurait jamais été exécutable? Lorsque je vous ai entendu lire votre document avant-hier soir, j'ai pu constater que, effectivement, cela semblait être le cas, sauf que, dans la situation présente, ce n'est pas une accréditation distincte qu'on a obtenue, mais on a formé un syndicat professionnel en vertu d'une loi qui a été adoptée au Québec en 1922. Si je me souviens bien, c'est la première loi du travail adoptée au Québec. On a transféré les fonds à ce syndicat professionnel.

Dois-je comprendre que, selon l'opinion qui vous a été donnée à ce moment-là, les actifs du local 791 ayant été transférés à ce syndicat professionnel fondé et incorporé le 10 janvier 1973, vous vous retrouviez devant un local 791 qui, à toutes fins utiles, n'avait plus de fonds, les ayant transférés dans une autre entité juridique pour éviter, justement, d'avoir à payer la condamnation qui lui aurait été imposée par jugement si tel avait été le cas? Est-ce que c'est un des éléments dominants qui ont pu vous porter à conclure que, finalement, les syndicats n'étaient pas solvables?

Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier, avant que vous répondiez, je vous rappelle l'article 68. Je vous laisse...

M. Rodrigue: M. le Président, là-dessus, je me permettrais de vous dire, respectueusement toujours, que je réfère à des renseignements qui nous ont été transmis par M. Saulnier dans sa déclaration préliminaire. Je pense qu'il est bien au courant de ces faits pour les avoir rapportés par écrit. Ma question est: Est-ce que cela a été un élément dominant dans la décision qui a été prise - du moins, dans son attitude -par M. Saulnier vis-à-vis de la possibilité d'obtenir un jugement pour les dommages causés?

Le Président (M. Jolivet): Simplement je rappelle, toujours en voulant être bien à point sur l'ensemble, que, premièrement, c'est justement une question d'opinion et, deuxièmement, que cette question peut être subjective quant aux éléments de la réponse. M. Saulnier, vous pouvez répondre.

M. Saulnier: Si je me souviens bien, c'est un élément très important qui a contribué à me persuader - je parle en mon nom - si j'avais besoin de l'être, de l'immense difficulté, pour ne pas dire de l'impossibilité de recouvrer des syndicats québécois ou de faire exécuter un jugement en notre faveur. Je me souviens que cette question a été débattue assez longuement au conseil - je pense que cela s'est fait en présence des procureurs, je ne l'affirmerais pas, mais je pense que oui - et plus particulièrement par notre collègue M. Thibaudeau qui est assez versé dans ces matières et qui nous a éclairés. (10 h 45)

M. Rodrigue: Dans votre document, vous référiez uniquement au local 791, mais il y avait d'autres syndicats impliqués. Est-ce que, selon ce dont vous vous souvenez, des membres du conseil d'administration ou vous-même auriez souligné le fait qu'il était à craindre que d'autres syndicats puissent utiliser les mêmes tactiques si jamais il y avait condamnation?

M. Saulnier: S'il y avait...

M. Rodrigue: Est-ce que, selon ce dont vous vous souvenez, des membres du conseil d'administration ou vous-même auriez souligné, à l'occasion de ces discussions le 9 janvier... Vous n'étiez pas présent le 9

janvier?

M. Saulnier: Non. Le 9 janvier, j'étais absent.

M. Rodrigue: À ce moment-là, vous n'êtes pas en mesure de savoir si on avait souligné la possibilité que d'autres syndicats utilisent les mêmes tactiques pour tenter de se soustraire à un jugement. M. le Président, je vous signale que lorsque j'ai soulevé cette question, le député de Brome-Missisquoi qui, à l'occasion, aime bien faire un petit peu de démagogie, avait tenté de suggérer que j'étais en train de prôner, de suggérer à des syndicats d'utiliser cette façon un peu cavalière de se soustraire à un jugement. J'avais dû le rappeler à l'ordre en posant une question de règlement à ce moment-là.

M. Paradis: Une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le député, parce que je ne voudrais pas avoir une question de règlement qui est une question de privilège déguisée, cependant. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: C'est sur la question qu'adressait au témoin le député de Vimont, lui demandant de raconter ce qui s'était passé à une réunion à laquelle il n'avait pas participé. Il a retiré sa question; je ne sais pas quel était son motif.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, le député de Brome-Missisquoi, à ce moment, avait tenté de me faire dire des choses que je n'avais pas dites et que j'ai corrigées par la suite à l'occasion d'un question de règlement. Je voudrais tout simplement lui signaler que, dans le cas du local 791, les dirigeants de ce syndicat, tel que cela a été reconnu par la commission Cliche, étaient des organisateurs libéraux.

Le Président (M. Jolivet): Y a-t-il d'autres personnes qui ont des questions? M. le député de Bourassa.

M. Laplante: M. Giroux a déclaré ici que, le Québec étant le seul actionnaire d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James, lorsqu'un premier ministre faisait un voeu, un conseil d'administration qui ne voterait pas en ce sens n'avait pas d'autre choix que de démissionner. Quant à vous, est-ce que vous partagez l'opinion de M. Giroux? Auriez-vous démissionné si vous aviez été obligé de voter contre?

M. Saulnier: M. le Président, je réponds comme ceci: Je respecte l'opinion de M.

Giroux, je ne sais pas ce qu'il aurait fait et je ne sais vraiment pas ce que le conseil, non plus, aurait fait. Disons qu'avant de démissionner, j'aurais fait le nécessaire pour que tous les gens qui devaient être informés d'une question aussi grave le soient.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je vais essayer d'être bref, mais je pense que je n'ai pas abusé de cette commission depuis le début des travaux. On me permettra de clarifier les choses le mieux possible. Sans me prendre pour un autre, je vais essayer de vous faire profiter d'une certaine expérience antécédente à mon élection de 1976, c'est-à-dire celle de professeur de français, pour faire en sorte que la commission se pose les bonnes questions.

On se rappellera qu'à une question du député de Marguerite-Bourgeoys à l'Assemblée nationale, le 20 février 1979, le premier ministre avait répondu ceci: "Premièrement, il est exact qu'il est question d'un règlement, c'est même paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé. Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin dans le bureau du premier ministre que le règlement ou une partie du règlement a eu lieu, mais il y a eu une consultation au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du conseil d'administration d'Hydro-Québec, etc."

Je voudrais qu'on remarque bien que les mots qu'a employés le premier ministre sont de deux ordres. Il y a le mot "règlement" et le mot "consultation". Le journaliste de la Presse récemment a dit, ce qui a déclenché tout cet exercice qui nous fait perdre beaucoup de temps et beaucoup d'argent: "Le chef du gouvernement du Québec, René Lévesque, a induit l'Assemblée nationale en erreur lorsqu'il a déclaré le 20 février 1979 que le bureau du premier ministre n'avait aucunement été impliqué dans les négociations du règlement hors cour intervenu à la poursuite intentée par la Société d'énergie de la Baie James".

Le journaliste, M. Michel Girard, dont le caprice nous a valu tout ce travail en commission parlementaire, emploie donc le mot "négociations". M. le Président, il m'apparaît très important de faire des distinctions lexicologiques ce matin si on veut enfin s'y retrouver. Dans le dictionnaire, quand on parle de négociation, on dit: "Dans son sens premier, série d'entretiens, d'échanges de vues, de démarches qu'on entreprend pour parvenir à un accord, pour conclure une affaire." Il s'agit donc, de toute évidence, d'une démarche.

Quant au mot "régler", on dit dans le dictionnaire: "Dans son sens premier, fixer

définitivement ou exactement, résoudre définitivement, terminer." On dit ce que je viens de lire au mot "régler". Au mot "règlement", on dit: "L'action de régler, son résultat. L'action de régler, de décider, de déterminer quelque chose définitivement ou exactement." M. le Président, de toute évidence, quand on parle de "règlement", on vise le résultat. Donc, pour la négociation, on parle d'une démarche et, pour le règlement, on parle d'un résultat.

La réponse du premier ministre, de toute évidence, évoquait non pas le résultat, mais la démarche... Non... C'est cela. N'évoquait pas le résultat... Évoquait le résultat, je m'excuse.

M. Lalonde: Voulez-vous recommencer?

M. Dussault: On a passé tellement d'heures à discuter de cela...

M. Lalonde: Est-ce qu'on peut faire une reprise?

M. Dussault: ...que ce n'était pas clair. On doit bien comprendre qu'en quelques minutes il se peut même qu'on arrive à les mêler. Donc, le premier ministre évoquait la démarche... évoquait le résultat et non la démarche. D'accord?

M. Lalonde: Est-ce que...

M. Dussault: Évoquait le résultat et non la démarche.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

M. Dussault: M. Saulnier, hier...

Le Président (M. Jolivet): Juste une minute, M. le député de Châteauguay. J'ai une question de règlement de la part du député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je voulais seulement vérifier si le premier ministre a réellement eu le choix de ses procureurs.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, le premier ministre est reconnu pour avoir du vocabulaire. Il n'y a personne qui va douter de cela. Je pense même que c'est une qualité qu'on pourrait prêter à M. Saulnier parce que, depuis le nombre d'heures que l'Opposition le tient ici, à cette chaise, il a fait la démonstration aussi qu'il a du vocabulaire. Alors, M. le premier ministre est donc reconnu pour avoir du vocabulaire. Quand le premier ministre emploie le mot "règlement", il ne veut pas dire "négociation" et, quand il dit "négociation", il ne veut pas dire "règlement". Je n'en doute pas.

M. Saulnier a dit hier que le règlement, selon lui, s'est fait au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, ce qui est tout à fait normal. C'est tout à fait le lieu approprié pour le faire ce règlement. Donc, le premier ministre dit: Le règlement, en tout ou en partie, ne s'est pas fait dans le bureau du premier ministre. Je voudrais savoir de la part de M. Saulnier s'il est d'accord avec cette distinction, si cette distinction est importante et si elle peut être utile pour la compréhension des événements.

M. Saulnier: La distinction entre...

M. Dussault: Le mot "règlement" et le mot "négociation", de façon qu'on comprenne bien que M. Girard a prêté à des mots un sens que le premier ministre ne voulait pas leur donner et que le journaliste, M. Girard, parlait d'une réalité alors que le premier ministre a parlé d'une autre réalité. Nous sommes ici présentement à passer des heures et des heures à discuter sur une ambiguïté. Est-ce que c'est votre point de vue, M. Saulnier?

M. Saulnier: M. le Président, dans mon esprit, les réponses que j'ai données à ce sujet couvraient les deux acceptions du terme, je pense, autant les négociations que le règlement, à savoir que je n'étais pas au courant. C'est dans ce sens que je vous ai répondu.

M. Dussault: D'accord. Je saisis bien la distinction que vous faites. En réalité, vous êtes en train de nous dire qu'il y a des événements que vous ne connaissiez pas; donc, vous ne pouvez pas dire avec certitude si des choses se sont passées comme ceci ou comme cela. Je veux savoir de vous, M. Saulnier, si quand nous parlons de négociation et quand nous parlons de règlement, en réalité, pour quelqu'un qui veut clarifier les choses comme il faut, on peut dire qu'il s'agit exactement de la même chose, négociation et règlement, ou si cette distinction s'impose pour qu'on se comprenne bien.

Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier, je veux simplement vous rappeler l'article 168.

M. Lalonde: C'est une question d'opinion.

M. Saulnier: Remarquez que, encore une fois, cela sort, à mon avis, du cadre de ce dont je peux témoigner, mais je n'ai pas d'objection à donner mon idée si la commission veut bien l'entendre, enfin, à

dire comment je comprends cela. Je dirais que, s'il y a une négociation et qu'il n'y a pas de règlement - et cela arrive qu'il y ait une négociation et qu'il n'y ait pas de règlement - il y a eu juste une négociation; puis, quand il y a une négociation et un règlement, eh bien, il y a eu une négociation et un règlement.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Dussault: Cela confirme tout à fait ce que je disais. Une négociation est une démarche, le résultat étant le règlement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. S'il n'y a pas d'autres questions... Oui, M. le ministre.

M. Duhaime: Je suis convaincu que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys va me permettre d'apporter des précisions que lui-même n'avait pas, il y a quelques minutes, au sujet de ce fameux 1% dont il a été question tout à l'heure. Je ne le ferai pas sous réserve; j'ai fait faire la vérification à l'instant. Il s'agit, d'abord, d'une réclamation qui est portée par M. René Mantha - pour ceux qui l'ignorent, vous n'aurez qu'à relire le rapport de la commission Cliche - un des défendeurs à l'instance, qui a retenu les services de Me Jacques Fortin, de l'aide juridique, pour réclamer 300 000 $. La Commission de l'aide juridique a refusé de payer ce montant. C'est allé en arbitrage et les arbitres ont donné droit aux frais. Lorsqu'il y a eu requête en homologation de cette décision des arbitres devant la Cour supérieure, l'honorable juge Pagé a rendu jugement en refusant l'homologation et en décidant que les arbitres avaient mal statué. Cette affaire est maintenant pendante devant la Cour d'appel. Alors, pour qu'on soit bien clair et bien précis, il s'agit donc d'une réclamation qui a déjà fait l'objet d'un jugement de la Cour supérieure et qui est en appel. Je n'ai pas d'autre chose à ajouter.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Duhaime: J'ai demandé...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Duhaime: Je m'excuse, seulement pour terminer, j'ai demandé que la Commission de l'aide juridique me confirme par écrit ce qu'on vient de nous transmettre par téléphone. Aussitôt que j'aurai cet écrit, je le déposerai ici à la commission, comme je le fais avec tous les documents que j'utilise pour les travaux que nous poursuivons.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je remercie le ministre, par ses services, d'avoir confirmé l'existence de ce que j'avais mentionné. Je répète que je ne discutais pas sur le mérite d'aucune façon, c'est sub judice. La question que je posais à M. Saulnier portait sur sa connaissance de cette possibilité, puis j'ai eu la réponse.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Je remercie M. Saulnier, en lui rappelant que, même s'il est soumis à une possibilité de retour, cela ne l'empêche pas d'aller ailleurs qu'ici, s'il le désire. Mais il peut rester ici aussi.

M. Saulnier: Je vais faire un petit bout. Merci.

Le Président (M. Jolivet): J'invite donc

Me François Aquin à venir ici à l'avant et

M. Jean Bédard, greffier, à procéder au serment.

M. François Aquin

Le greffier (M. Jean Bédard): M. Aquin, pourriez-vous mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi: Je (vos nom et prénom) jure ou déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité?

M. Aquin (François): Je, François Aquin, déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. Bédard, je vous demanderais de rester puisque, selon une demande, on aurait...

M. Aquin: On demande que mes collègues soient assermentés, mais, pour le moment, je suis prêt à commencer.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. La demande est que Me Aquin fasse, en premier lieu, des remarques préliminaires.

À vous la parole, Me Aquin.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...j'aurais seulement une petite communication à faire à la commission avant qu'on entende les avocats de l'étude Geoffrion et Prud'homme. J'ai fait partie de cette étude pendant une quinzaine

d'années, de 1956 comme étudiant jusqu'en 1971. Parmi les trois membres de cette étude qui sont ici aujourd'hui, deux sont d'anciens associés professionnels. J'ai même eu l'occasion de faire partie du comité qui a engagé Me Jetté. Nous ne l'avions d'ailleurs jamais regretté. Je voulais seulement vous dire que je n'ai plus aucun lien avec cette étude depuis nombre d'années, mais simplement par souci d'éthique, je voulais vous déclarer ce fait et vous dire que je ne participerai pas aux délibérations en ce qui concerne l'audition de ces témoins.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Me Aquin.

M. Aquin: M. le Président...

M. Duhaime: Je ne voudrais pas que vous nous priviez de votre présence.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Me Aquin.

M. Aquin: M. le Président, il ne s'agit pas d'une déclaration préliminaire, mais plutôt d'un exposé des différents documents que nous vous avons remis pour que nous puissions ensuite répondre à vos questions. Les questions dont nous allons débattre, surtout celles qui ont trait aux documents que nous avons remis, sont assez techniques. L'exposé sera peut-être un peu long, mais je pense que, de toute façon, en suivant cette méthode, on peut gagner du temps.

M. Duhaime: Je m'excuse, Me Aquin, est-ce que vous pourriez nous présenter votre bras droit et votre bras gauche?

M. Aquin: J'y arrivais, M. le ministre. M. Duhaime: Je vous remercie.

M. Aquin: Je suis accompagné de deux associés de mon bureau, Me Jean-Paul Cardinal et Me Michel Jetté. Nous sommes les trois représentants du cabinet juridique Geoffrion et Prud'homme.

Nous sommes ici pour faire tout l'éclairage sur les sujets que vous étudiez. Nous avons été relevés du secret professionnel par notre cliente, la SEBJ. Je vous lis la résolution ou une partie de la résolution qui est datée du 13 avril dernier: "Conséquemment, il est unanimement résolu de libérer, dans le cadre du mandat de la commission parlementaire, Mes Jean-Paul Cardinal, François Aquin et Michel Jetté de leur obligation envers la compagnie de conserver le secret professionnel qui leur est imparti par l'article 131 de la Loi sur le barreau".

Le 30 septembre 1975 jusqu'au 13 mars 1979, notre bureau a eu, de la SEBJ, les mandats de représenter cette société dans l'instance, dans le procès et aussi, dans la suite des démarches qui ont mené à la transaction finale qui a été déposée le 13 mars devant la Cour supérieure. Pendant cette période - 42 mois - 12 avocats de notre bureau et, plus particulièrement, 7 avocats, ont collaboré à ce travail collectif. Je ne tiens pas compte de tous les travaux ponctuels qui ont pu être requis d'autres avocats du bureau, des stagiaires, des étudiants et même des collaborateurs extérieurs. C'est ce travail collectif immense qui a totalisé environ 4500 heures que nous, les trois représentants du bureau, avons à présenter ou à rendre compte sous certains aspects devant cette commission parlementaire. Vous conviendrez qu'il s'agit d'un travail énorme et, à certains égards, impossible, mais on nous dit toujours qu'impossible n'étant pas français, nous avons quand même la tâche de vous faire le compte rendu de ce travail.

Qui sont les représentants qui sont devant vous? Je les présente rapidement. Me Jean-Paul Cardinal a reçu le mandat le 30 septembre 1975, et le mandat du 14 janvier 1976 d'intenter les procédures. La SEBJ était sa cliente. Le directeur de notre cabinet, Me Cardinal, a eu continuellement la responsabilité de ce dossier. Il a eu la fonction de voir à la planification et à la coordination des tâches ainsi que celle d'assurer les communications avec la SEBJ par le truchement du contentieux de cet organisme. Pendant les mois de janvier, février et mars 1979, M. Cardinal s'est aussi acquitté des différents mandats qui nous ont été confiés par la société et qui ont conduit au règlement de cette cause.

Quant à Me Michel Jetté, il a été à la tête d'une équipe, le maître d'oeuvre - si je peux ainsi m'exprimer - des recherches juridiques et factuelles qui ont conduit aux opinions juridiques fournies et à la rédaction des procédures. Il a assumé la tâche de préparer le procès, de le piloter et, à la cour, il dirigeait une équipe de quatre avocats chargés quotidiennement de l'instance judiciaire.

Pour ma part je suis entré au bureau Geoffrion et Prud'homme le 1er juin 1977 et je suis devenu directeur du contentieux le 1er juillet 1978. C'est surtout à ce titre que je me suis impliqué dans l'instance, un peu à l'été, en allant visiter les lieux à LG 2, mais plus à l'automne et à partir de décembre comme l'instance devait s'ouvrir d'une façon plus intense et aussi, comme vous le verrez, pendant les mois de janvier, février et mars.

J'ai participé avec Me Cardinal à la fonction de planifier, de coordonner les tâches juridiques qui étaient dévolues à notre bureau. Tout en étant personne ressource aux fins du procès, surtout dans le domaine relatif aux lois de la preuve, j'ai, pendant

les mois de janvier, février et mars étroitement collaboré avec Me Cardinal dans l'exécution des différents mandats reçus de la SEBJ et qui ont conduit à la transaction finale.

J'ai accepté d'être le porte-parole. Je suggère qu'après l'exposé que je ferai mes deux collègues puissent être aussi assermentés pour ne pas retarder le débat et pour pouvoir répondre aux différentes questions qui pourront être posées.

Quel est le but de l'exposé que je fais. C'est de faire, même pour des périodes où je n'étais pas au bureau, un survol général. Dans ce survol général, de vous indiquer au passage quelles sont les tâches plus particulières que j'ai pu exécuter pour pouvoir diriger vos questions par la suite aux personnes qui pourront vous donner les meilleures réponses.

Après nous être ainsi présentés, je vous ai remis hier... et j'attire votre attention sur la documentation qui vous a été remise. Nous avons préparé un premier livret que j'appellerai "Correspondance." On dit: Correspondance du cabinet Geoffrion et Prud'homme, projet de transaction et transaction finale. C'est le document avec lequel je travaillerai plus particulièrement ce matin.

Je vous ai aussi remis un autre document qui s'appelle "Correspondance". Celui-ci vient du cabinet Geoffrion et Prud'homme contenant leurs opinions. Nous appellerons ce document "Opinions" si vous le voulez bien. Il comprend toutes les opinions de notre bureau. Si vous prenez la table des matières, vous voyez à la page 6 l'opinion du 16 décembre 1975, à la page 38 l'opinion du 11 décembre 1978, à la page 41 l'opinion du 5 janvier 1979, à la page 55 l'opinion du 26 janvier 1979 et à la page 65 l'opinion du 19 février 1979. Les autres lettres sont là parce qu'elles peuvent être afférentes ou avoir trait à ces opinions.

Un mot sur les procédures. Le saccage de LG 2 a eu lieu le 21 mars 1974. Cela veut donc dire que c'est le 22 mars 1976 que la prescription était acquise. Le 30 septembre 1975, le conseil d'administration de la SEBJ, par l'intermédiaire de son contentieux, a retenu les services de notre bureau aux fins de percevoir pour la société d'énergie les dommages subis par elle à la suite des événements survenus sur le chantier de la Baie-James au cours du mois de janvier 1974. À la même occasion une opinion préalable nous était demandée. Cette opinion fut fournie le 16 décembre 1975. Le 14 janvier 1976, la SEBJ, par l'intermédiaire de son contentieux, confiait au cabinet Geoffrion et Prud'homme le mandat d'intenter les procédures. L'action fut intentée le 27 février 1976. Elle fut modifiée le 29 juillet 1977. Le montant réclamé était de 31 275 000 $. Les intérêts étaient les intérêts de 1056 c, du Code civil, c'est-à-dire des intérêts qui aujourd'hui sur une somme de 31 000 000 $ pourraient à peu près totaliser aussi une trentaine de millions.

La défense du conseil provincial est du 20 octobre 1978. La défense de l'International Union est du 28 novembre 1978.

Un mot sur le procès. Le 28 août 1978, M. le juge Deschênes, juge en chef, convoquait les avocats et établissait à six mois la durée du procès. Il se peut que le procès ait pu durer plus longtemps. Le procès devait être présidé par M. le juge Bisson. Le procès débuta le 15 janvier 1979 devant M. le juge Bisson et l'instance se poursuivit pendant 23 jours, en janvier et février. Il y eut, en janvier, 11 jours d'audience et, en février, 12 jours. À l'audience du 28 février, les procureurs des parties avertirent le juge qu'un règlement de l'instance pouvait être imminent et il n'y eut plus d'autres audiences. Le 13 mars, les parties déposaient devant la cour la déclaration de transaction.

Maintenant, arrivons à ce qu'ont été les pourparlers, les négociations, qui ont mené à la transaction. Le 9 janvier 1979, Me Jetté et moi-même fûmes invités au conseil d'administration de la SEBJ. Nous avons résumé à ce moment-là notre opinion du 5 janvier. Les questions ont porté surtout sur la responsabilité du syndicat américain et sur la solvabilité des défendeurs. Le 10 janvier, à l'occasion d'une rencontre entre Me Jetté, Me Jasmin et Me Beaulé, ce dernier, pour le compte du syndicat américain, fit une proposition que le cabinet de Geoffrion et Prud'homme interpréta comme une offre de 250 000 $. Ce pourquoi je dis que nous l'avons interprétée ainsi, c'est qu'à ce moment-là nous pensions être devant une offre de 250 000 $. Me Beaulé a ensuite soutenu qu'il y avait eu malentendu; j'y arriverai. Le 11 janvier 1979, confirmée à nouveau dans un entretien téléphonique, l'offre de la veille, que nous pensions être de 250 000 $, fut communiquée à Me André Gadbois qui était de passage à notre bureau et il en informa immédiatement M. Claude Laliberté. Le 13 janvier 1979 - c'est un samedi - Me Cardinal reçoit une communication téléphonique de Me Gadbois. La SEBJ nous demande d'appuyer une demande d'ajournement qui sera faite par Me Jasmin, lundi, à l'audience. Le but de cet ajournement, d'au moins une semaine, pourrait permettre à la partie syndicale de formuler une offre. Nous avions eu cette première avance de Me Beaulé, si je peux m'exprimer ainsi. La partie syndicale manifestait l'intention de vouloir faire une offre.

Le 15 janvier 1979, c'est l'ouverture du procès. Les avocats se rencontrent en présence du juge au sujet de l'ajournement,

mais celui-ci est refusé. Au palais de justice, Me Jasmin et Me Beaulé rencontrent Me Cardinal et moi-même. Les procureurs syndicaux se disent prêts à commencer, selon leur expression, des pourparlers de négociations. Me Cardinal et moi-même n'avons aucun mandat à cet effet et Me Cardinal va téléphoner à Me Gadbois à la SEBJ. Ce dernier lui dit que le seul mandat que nous pourrions avoir, c'est d'écouter.

Je tiens ici à ouvrir une parenthèse qui est importante, parce que certains journaux ont dit que nous avions parfois agi sans le mandat de nos clients. C'est une erreur. C'est totalement faux. Nous avons toujours agi en communication constante avec notre cliente, la SEBJ. Mais ce qu'il faut avoir à l'esprit, c'est que nous ne sommes pas en contact avec le conseil d'administration, sauf dans des cas exceptionnels. Nous ne sommes pas en contact avec M. Laliberté, sauf dans des cas exceptionnels. Nous sommes en contact avec le contentieux et la personne avec qui nous communiquons au contentieux est Me Gadbois. Voilà pourquoi je mentionnerai son nom assez fréquemment. Quand on parle d'un contact avec Me Gadbois, c'est un contact que nous avons par le truchement officiel de notre cliente, la SEBJ.

Après cette conversation téléphonique et au cours de cette conversation téléphonique, Me Gadbois souhaite que nous allions à la SEBJ, en fin d'après-midi. À la fin de cet après-midi du 15 janvier, Me Cardinal et moi-même nous rendons à la SEBJ et rencontrons Me Gadbois et aussi -c'est une des rares fois que nous sommes en contact avec le président - M. Claude Laliberté. (11 h 15)

M. Claude Laliberté confirme le mandat du bureau Geoffrion et Prud'homme qui nous avait été mentionné le matin, lequel est, pour le moment, d'écouter sans commencer aucune négociation proprement dite. De plus, M. Laliberté nous dit que, s'il doit y avoir des offres syndicales, elles doivent être faites par écrit pour qu'il puisse les déposer devant son conseil d'administration.

Le 16 janvier 1979, Me Michel Jasmin se rend au bureau de Geoffrion et Prud'homme et rencontre Me Cardinal et moi-même. D'abord, Me Jasmin nous communique la version de Me Beaulé, sur ce que nous avions pensé être une offre de 250 000 $. Me Beaulé se serait dit prêt à offrir autant que le syndicat québécois et ce, jusqu'à concurrence de 250 000 $. Il en faisait une question de principe de ne pas mettre plus d'argent que le syndicat québécois en mettait. C'est l'explication que Me Jasmin nous donne.

Maintenant, comme M. Beaulé semble réticent à nous rencontrer, parce qu'à la cour, il avait dit, "si vous n'avez pas le mandat de négocier, je ne m'ouvrirai pas", Me Jasmin nous dit qu'il prend en main, ce qu'il appelle "les négociations". Il nous remet, à ce moment-là, sa lettre du 16 janvier. Cette lettre du 16 janvier, vous la trouvez à la page 1 de notre dossier "Correspondance". "Tel que convenu lors de notre rencontre, ce matin, au palais de justice -on était retourné au palais de justice ce matin-là. Il nous avait vus et nous avait dit qu'il viendrait nous porter ce document au cours de l'après-midi - nous vous transmettons sous pli une proposition de règlement dans cette cause d'intérêt public." J'attire votre attention sur le troisième paragraphe. "Par contre, je vous fais part que j'ai un mandat de négocier pour l'Union des opérateurs du Québec, pour l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Je vois donc mon mandat comme étant le porte-parole des syndicats québécois dans le présent dossier."

Une proposition de règlement suit. De toute façon, vous l'aviez déjà en main. À la page 3 a, vous avez les propositions finales: "Que l'Union des opérateurs du Québec et l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde admettent leur responsabilité par voie de confession de jugement partiel; que le Conseil provincial des métiers de la construction, sans admettre une responsabilité, participe aux indemnités; qu'un désistement, sur la base de chaque partie payant ses frais, intervienne quant aux autres défendeurs; enfin, qu'une indemnité de 50 000 $ soit versée à la SEBJ.

Me Jasmin ne parle pas pour Me Beaulé, mais il semble bien que, si Me Beaulé est toujours désireux de couvrir les offres de Me Jasmin, on soit effectivement devant une possibilité de proposition de 100 000 $.

En terminant, Me Jasmin nous demande de rencontrer M. Claude Laliberté, parce qu'il veut lui faire valoir, comme il le dit dans sa lettre, à la page 1, dernier paragraphe: "Au soutien de cette proposition de règlement, je vous ferai part également de vive voix de certains arguments qui ne sont pas nécessairement d'ordre juridique". C'est ce qu'il voulait communiquer à M. Laliberté. Quels sont ces arguments? Ce sont les arguments qui avaient trait à la paix sociale sur le chantier.

Le 17 janvier 1979, la lettre de Geoffrion et Prud'homme à Me André Gadbois communique à la SEBJ la teneur de la réunion que nous avons eue la veille avec Me Jasmin. Non seulement, nous avions communiqué cette teneur par téléphone, mais nous l'avons immédiatement écrite, le lendemain. Vous avez cela à la page 4: "Vers 17 heures hier, Me Michel Jasmin est venu au bureau. Lors de cette rencontre, j'étais

accompagné de Me François Aquin. Me Jasmin était porteur d'une lettre du 16 janvier et d'une proposition de règlement. Les deux documents sont joints. Il nous a de plus communiqué que Me Beaulé, procureur du syndicat américain, était prêt à recommander à ses clients le versement d'une somme de 50 000 $. Il ne semble pas que Me Beaulé accepte, du moins pour le moment, de mettre par écrit cette offre qui nous est présentement soumise par Me Jasmin.

À la page 5, la participation du syndicat américain était acquise. Les propositions soumises totaliseraient donc 100 000 $. Nous avons déjà fait part à Me Jasmin de notre étonnement puisque la semaine dernière Me Michel Jetté, de notre bureau, avait reçu de Me Beaulé une offre de transaction de 250 000 $, offre que Me Jetté avait fait confirmer par Me Beaulé lors d'une conversation téléphonique le jour suivant. La version de Me Beaulé, selon Me Jasmin, indiquerait que Me Beaulé s'était dit prêt à offrir la même somme que les syndicats québécois jusqu'à concurrence de 250 000 $. Nous acceptons qu'il y ait eu malentendu mais, pour éviter un nouvel imbroglio, il devient nécessaire que toute proposition de règlement soit, à l'avenir, formulée par écrit comme l'avait d'ailleurs indiqué le président de la société lors de notre rencontre de lundi dernier. Me Michel Jasmin souhaite vivement rencontrer le président de la Société d'énergie de la Baie James pour lui exposer, selon les termes de sa lettre, certains arguments qui ne sont pas nécessairement d'ordre juridique. Il demande que la Société d'énergie de la Baie James ne se prononce pas sur sa proposition avant la tenue de cette rencontre.

Comme je vous l'ai dit, il exposera les arguments qui ne sont pas d'ordre juridique. Il s'agit de tous les arguments qui ont trait à la paix sociale sur le chantier, Me Jasmin parlant à ce moment-là pour les syndicats qu'il représentait. À la SEBJ le 17 janvier, après l'envoi de cette lettre à la SEBJ, on nous informe que M. Laliberté est prêt à rencontrer M. Jasmin. À la SEBJ il y a donc une rencontre entre M. Claude Laliberté, Mes André Gadbois, Jean-Paul Cardinal, François Aquin et, pour une partie de cette réunion, Michel Jasmin. Ce dernier parle de ces arguments qui ne sont pas nécessairement des arguments juridiques et traite surtout de la paix industrielle sur le chantier.

Après le départ de Me Jasmin, M. Claude Laliberté nous déclare que la proposition reçue est inacceptable. Il nous demande de préparer une formule de transaction qui soit acceptable à la société au cas où, à la réunion du conseil d'administration du mardi suivant, on déciderait de commencer des négociations.

M. Laliberté précise que cette formule de transaction doit être remise aux parties syndicales en laissant en blanc le chiffre de l'indemnité. Il nous reconfirme notre mandat d'écouter. Nous avons donc à ce moment-là deux mandats et c'est peut-être ce qui a pu causer des imbroglios parfois dans notre facturation. Nous avons le mandat d'écouter mais nous avons aussi le mandat de préparer une formule de transaction qui, si les offres syndicales sont acheminées au conseil d'administration, serait acceptable à la SEBJ mais serait aussi acceptable à toutes les autres parties en cause.

Le 18 janvier nous communiquons avec Me Michel Jasmin et le prévenons que, si toutes les parties défenderesses sont prêtes à faire une offre, elles doivent la faire par écrit avant le lundi suivant pour être présentée au conseil d'administration le mardi suivant. Nous lui mentionnons aussi avoir reçu le mandat de préparer un projet de déclaration de transaction qui soit acceptable à la SEBJ mais aussi à toutes les autres parties dans l'éventualité d'une telle offre. C'est moi qui devais rédiger la formule de transaction. Ma première réaction est que, si j'essaie de préparer une formule de transaction qui sera signée et acceptée par tout le monde, je pense que je serais encore en train de la rédiger. J'opte donc pour une formule de transaction que j'appellerais une formule multilatérale que j'avais déjà préparée dans d'autres causes. Chaque partie continue de réitérer le gros de ses prétentions et ce qui leur est commun est qu'elles s'entendent sur un règlement. Elles s'entendent pour ne plus soumettre leur litige aux juridictions.

C'est donc la formule pour laquelle j'avais opté. Je prépare donc ainsi le 18 janvier cette formule. Pour les fins de la préparation de la déclaration de transaction, Me Jasmin semble avoir le mandat de représenter les autres défendeurs. Aussi suis-je très souvent au cours de cette journée-là en contact téléphonique avec lui pour être bien sûr que la façon dont je dispose cette formule sera aussi acceptable aux syndicats.

Je suis aussi en contact, cette journée-là, avec Me Gadbois pour être sûr que cette formule est aussi acceptable à la SEBJ. Le texte d'une déclaration de transaction est donc établi et expédié le même jour à Me Gadbois avec notre lettre du 18 janvier 1979. Vous avez ceci à la page six. Vous voyez en haut que c'est une lettre du 19 février, cela dépend des copies, c'est manifestement une erreur, c'est la première lettre, celle du 18 janvier 1979. "À la suite de la rencontre qui réunissait hier - cela corrobore - le président de la société d'énergie, vous-même, Me Jasmin, François Aquin, le procureur soussigné, il nous a été demandé de préparer une formule de transaction qui vous serait acceptable dans le cas où le conseil

d'administration de la société déciderait de donner suite à l'offre de négociation faite par certaines des parties défenderesses".

À la page sept, vous avez la formule que j'ai préparée. Qu'est-ce que je fais dans cette formule? Quand j'écris l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec et le conseil provincial, comme je ne suis pas là pour parler pour eux, je prends la proposition de M. Jasmin que vous avez à la page trois et je la copie telle quelle. Ensuite M. Jasmin me dit que quant à l'union internationale, M. Beaulé ne reconnaît rien, cela facilite beaucoup la tâche, alors vous avez uniquement le paragraphe 9. Elle ne reconnaît pas sa responsabilité mais pour manifester sa coopération avec les syndicats québécois qui lui sont affiliés elle verse la somme. Il me transmet aussi la position de Me Cutler pour le local 134. Lui non plus ne reconnaît pas sa responsabilité et, quant à la société d'énergie, après communication avec Me Gadbois, nous avions eu cette rencontre avec M. Laliberté. Dans cette rencontre il y avait eu d'évoquées la dimension internationale d'Hydro-Québec et la paix sociale.

Je fais quelques paragraphes qui me semblent être des paragraphes, pour bien s'entendre, qui seraient valables dans une cause réglée, c'est-à-dire si un conseil d'administration règle, je comprends que ces motifs pourraient être des motifs qui soient retenus par un conseil d'administration. Nous ne sommes pas là pour dire à nos clients quand régler, oui ou non; nous accomplissons les mandats que nos clients nous donnent. C'est dans cette perspective que je me dis, dans la perspective où il y aurait une offre et dans la perspective où il y aurait une transaction, ceci semble représenter des éléments qui ont été évoqués au cours des discussions avec Me Jasmin et aussi au cours de mes communications avec Me Gadbois, c'est le document que nous envoyons à la SEBJ. Le document vraiment original de cela, vous l'avez en main avec des notes manuscrites dessus, c'est le document qui a été reçu à la SEBJ, on se comprend bien. Vous l'avez ici, mais on a enlevé les notes manuscrites pour le mettre dans sa forme originale. Le document original, ce document, c'est celui qu'on envoie à la Société d'énergie de la Baie James. Je crois, je ne veux pas parler pour d'autres, que c'est Me Gadbois qui a fait les notes. C'est le même, c'est le premier projet de transaction. Me Gadbois, qui, je crois, est celui qui fait les notes sur le document que vous avez, nous téléphone pour faire certaines modifications qui sont conformes aux notes que vous avez, avant que nous remettions le texte au défendeur.

Nous remettons le texte au défendeur toujours dans les mains pour le moment de Me Jasmin. Après cet appel de Me Gadbois qui nous fait certaines remarques, je ne vous les ferai pas toutes parce que c'est vraiment inutile, mais entre autres, il nous demande d'enlever le paragraphe 4 parce qu'il pense -même si c'est la déclaration des syndicats -que cela constitue une menace qui ne sera sûrement pas acceptable par un conseil d'administration. Advenant une condamnation contre les syndicats québécois, car les salariés de la construction se joindraient à d'autres syndicats ou en formeraient de nouveaux rendant ainsi improbable l'exécution du jugement. À un certain moment, il nous demande de remplacer "productivité considérable" par "bonne productivité", c'est au paragraphe 2. Nous, quant à refaire, parce qu'on a travaillé rapidement, on en vient à la conclusion qu'il faudrait ajouter aussi "la seule union internationale" au paragraphe 18. Il apparaît injustifié dans les circonstances de continuer les procédures contre la seule "International Union", le tout, dans la perspective où nos clients décideraient d'une transaction, évidemment.

Alors, après avoir reçu ces appels téléphoniques de Me Gadbois, nous recorrigeons le texte. La déclaration modifiée de transaction - vous l'avez à la page 15. C'est le document que nous remettons à Me Jasmin, avec l'autorisation de notre client et à la demande de notre client, page 14 et suivantes. 19 janvier. Les procureurs syndicaux nous préviennent et font, avec notre accord, certaines modifications au texte. Voyez l'échéancier. Eux doivent nous remettre une offre le lundi pour qu'elle soit soumise le mardi; alors on travaille rapidement. On travaille rapidement à telle enseigne que, si vous regardez l'offre de la page 15, on n'a pas pris la peine de redactylographier et c'est là que vous avez un paragraphe qui est enlevé. M. Gadbois nous a dit: Enlevez le paragraphe 4. On l'enlève, on change l'ordre et on continue. On la remet aux syndicats et vous verrez qu'ils semblent pressés de leur côté aussi parce qu'ils prennent le même texte, ce qui est normal, mais vous avez toujours le trou entre 3 et 4 et l'explication est d'une grande simplicité quand on sait ce qui s'est passé. Quand on ne le sait pas, on peut se poser la question.

Alors les procureurs syndicaux nous appellent mais ils veulent quand même faire quelques modifications au texte. Ils veulent nous le soumettre parce qu'ils n'ont pas envie, je pense bien, que tout bloque uniquement sur une modification qui n'aurait pas été prévue. Quelles sont les modifications? Ils veulent remplacer "Union des opérateurs de machinerie lourde, etc." partout où cela vient dans le texte par "le conseil d'administration de l'Union des..." parce que vous savez que c'était en tutelle à ce moment et que cela pouvait leur poser des problèmes.

Ensuite, pour vous montrer le haut degré de technicité où nous sommes rendus, ils nous demandent à un moment, au paragraphe 6, de remplacer le mot "mitigés" des dommages mitigés, par "compensés". Nous communiquons avec Me Gadbois qui est d'accord sur ces modifications. 22 janvier. Les parties syndicales ont promis de nous remettre leur offre aujourd'hui, 22 janvier, pour qu'elle puisse être étudiée demain, mardi, par le conseil d'administration, selon ce que M. Laliberté nous avait dit. Dans la perspective où ces offres pourraient être acceptées ou considérées par le conseil d'administration comme le point de départ d'une négociation, Me Gadbois nous interroge sur les sommes qui nous seraient dues ce jour à notre bureau par la SEBJ. Il prévoit, j'imagine bien, de son conseil, la question: Où en êtes-vous avec les honoraires de vos avocats?

Nous écrivons, le 22 janvier toujours, pour répondre à cette question. Nous disons qu'au 31 décembre les honoraires et déboursés étaient de 220 000 $ et nous disons qu'à ce jour on pense être à 62 000 $, mais l'ordinateur n'a pas toutes les données; alors, on fait toutes les réserves. Et, à la page 23, il faut rappeler que si la cause se terminait par un règlement, des dépens d'environ 300 000 $ seraient dus par la Société d'énergie de la Baie James à Geoffrion et Prud'homme en vertu du tarif des honoraires judiciaires adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Je vous fais grâce de la lecture de tout ce texte et notre proposition est celle-ci, c'est qu'il est exact que nous avions été engagés à un taux horaire; je n'étais pas au bureau à l'époque mais il est exact que nous avions été engagés à un taux horaire. "Opinions", page 2: "Nous avons convenu que les honoraires de votre étude légale pour ses services seraient basés sur les tarifs horaires établis selon le personnel utilisé." C'était la lettre de M. Gadbois qui nous donnait le mandat.

Par contre, comme dans toute formule de transaction, et c'est d'ailleurs à la demande des procureurs syndicaux, les formules de transaction se terminaient de la façon classique en disant à un certain moment: "Que chaque partie convienne de passer transaction et de régler la présente instance hors cour, chaque partie payant ses propres dépens pour les différentes considérations mentionnées." Dans les corrections apportées par le syndicat, vous le verrez, le syndicat nous avait demandé de faire une correction, disant - je ne l'ai pas dit tout à l'heure, mais on va revoir leur texte quand il va revenir - "chaque partie payant ses propres déboursés et honoraires judiciaires." Ce qui revenait au même; c'était quand même assez précis. M. Gadbois avait accepté cela.

C'est moi qui ai écrit la lettre du 22 janvier. Je ne sais pas qui la signe, mais c'est ma préparation. Alors, dans cette lettre ma position est celle-ci: nous sommes engagés au taux horaire; par contre, prenons n'importe quelle cause, si nous plaidons une cause et la gagnons, les honoraires judiciaires nous appartiennent, sont distraits à notre faveur et sont payés directement par la partie adverse. Même si on a une entente au taux horaire avec notre client, je considère qu'à ce moment-là, on a le droit aux honoraires judiciaires qui nous sont versés par la partie adverse.

Si le client décide de régler, ce qui est toujours la responsabilité d'un client, les avocats sont là pour prendre les actions et les plaider; les clients décident si, oui ou non, ils vont les régler. Si le client décide de régler, M. Bernier le dira dans une lettre du 5 janvier à M. Saulnier, il y a une coutume - il prétend, semble-t-il, qu'elle est un peu discutable, mais de toute façon on n'est pas ici pour plaider la cause - qu'à ce moment-là, l'avocat va demander à son client de payer les honoraires judiciaires. Est-ce que ce texte de 1975 nous empêche de réclamer ceci? À ce moment-là nous nous réunissons au bureau et nous pensons que non. Nous sommes quelques-uns à prendre cette décision. Donc nous demandons ces 300 000 $.

Est-ce que les honoraires judiciaires doivent être sur le montant du règlement ou sur le montant de l'action intentée? Nous pensons que c'est sur le montant de l'action intentée. C'est justement cette question qui est devant la Cour d'appel dans la cause que le ministre a évoquée tout à l'heure; parce que l'avocat vis-à-vis de l'aide juridique demande 300 000 $ sur la cause telle qu'intentée. Donc, nous laisserons les tribunaux décider de cette question, mais pour que tout le monde soit très relaxé immédiatement, je vous dirai que nous avons renoncé à ce montant. Mon client étant ici, je voudrais éviter des chocs.

Alors, ce qui s'est passé, je pense que c'est en mars, M. Cardinal a eu l'attitude suivante de dire: Est-ce vrai ou faux? Je pense que la demande pouvait être justifiée, mais l'esprit que nous avions en 1975 n'était pas cela. Et il a renoncé à cette réclamation de 300 000 $. Cette réclamation s'est faite uniquement en mars et même si notre réclamation n'est pas encore prescrite, je pense que c'est un aveu judiciaire que nous faisons.

Dans cette lettre d'ailleurs, nous disions que nous pensions avoir droit à ce montant et qu'en plus, indépendamment de la question de droit, il est évident, et j'attire votre attention sur la page 24, dernier alinéa: "Sans parler de Me Cardinal et de Me Aquin qui s'étaient réservé le temps requis pour

superviser et orienter le travail juridique à fournir, il ne faut pas oublier non plus que le temps de quatre avocats de notre bureau, soit Mes Jetté, Guèvremont, Dorais et Prud'homme, a été totalement réservé à cette cause jusqu'en juillet prochain; que conséquemment, jusqu'à ce terme de juillet prochain, les procureurs en question se sont libérés de tous les dossiers dont ils avaient la charge. La période de réorganisation qui suivrait la fin immédiate de cette instance requiert, à notre sens, une indemnisation qui est de l'ordre du montant des honoraires judiciaires déjà fixés par le tarif. Les présentes remarques sont faites sans préjudice à notre position, en ce sens que la somme fixée par le tarif est aussi due. Les présentes remarques veulent indiquer simplement qu'une pareille somme juridiquement due correspond aussi aux besoins pratiques de la gestion d'une entreprise engagée dans une telle instance. Il s'agit d'un cabinet juridique de 35 avocats et il est sûr que nous avions prévu au moins six mois de travail à la cour et, à toutes fins utiles, peut-être un peu plus".

Je voulais répondre immédiatement aux questions qui ont déjà évoquées ce matin sur cette question de notre lettre du 22 janvier. Je ne pense pas que ce soit une question déterminante, mais je voulais l'expliquer immédiatement pendant que nous passions à ce chapitre. Si nous avions pu prévoir l'avenir, nous aurions peut-être eu un post-scriptum pour nous demander d'être indemnisés au cas où il y aurait une commission parlementaire.

Le 22 janvier, on nous interroge sur les sommes dues. Vous avez la lettre du 22 janvier. Le 22 janvier, Me Jasmin nous remet sa lettre. La lettre du 22 janvier ou la documentation du 22 janvier commence à la page 26. À cette lettre est jointe la déclaration de transaction que nous lui avions remise. Vous vous souviendrez que M. Laliberté nous avait dit de lui remettre une déclaration de transaction avec le montant en blanc. Me Jasmin a pris notre texte, le texte dont on avait convenu - il ne l'a pas redactylographié, on voit le paragraphe 4 qui est disparu - et il a mis le montant: 125 000 $. Alors à cette lettre est donc jointe la déclaration de transaction qu'on lui a remise et qu'il a modifiée sur des points mineurs avec notre consentement.

Ensuite, vous avez, jointe à ceci, la lettre de Me Beaulé; elle est à la page 48, les autorisations de régler de tous les syndicats impliqués, les signatures données par une ou deux personnes qui ne sont pas représentées par avocat. Si vous suivez bien le scénario jusqu'à maintenant, on avait eu une première avance de Me Beaulé, on avait eu la proposition de Me Jasmin qui nous disait parier au nom d'autres personnes. Là, nous avons une offre complète de toutes les parties en cause. Tout ces gens ont signé. Nous avons tout cela. Vous avez la proposition de transaction avec la lettre de Me Jasmin. M. Beaulé nous remet la même proposition de transaction, évidemment, mais il en a obtenu une traduction anglaise pour la soumettre à ses clients. Donc, nous avons toute la documentation.

Prenons la page 26 à la lettre de Me Jasmin: "Pour faire suite à nos nombreuses discussions, vous trouverez ci-inclus une proposition de transaction qui nous permettrait de mettre fin au litige dans la cause avec la Société d'énergie de la Baie James. "Il est bien évident que les paragraphes concernant la déclaration de la SEBJ ont été préparés par votre firme et ont été incorporés au présent texte. "Comme vous le savez sans doute, les parties impliquées au litige tentent actuellement d'en, arriver avec un règlement avec les assureurs et, à tout événement, cette proposition 'ne saurait porter préjudice aux droits des défendeurs dans les autres causes impliquant les assureurs de la SEBJ. "Nous annexons à cette proposition les lettres d'autorisation pour signer ce document." Vous avez toutes ces lettres.

Si nous allons à la page 48, vous avez le texte de M. Beaulé: "J'annexe à la présente les versions française et anglaise d'une transaction... J'aimerais cependant préciser ce qui suit: Eu égard aux sommes considérables que ma cliente à dû payer -frais d'ingénieurs-conseils, avocats, etc. - il serait irréaliste de penser que l'indemnité forfaitaire - 125 000 $ - payable à la Société d'énergie de la Baie James puisse être augmentée; "Le versement de l'indemnité dont il s'agit serait effectué comptant; "Ma cliente estime qu'un règlement global de toutes les causes mues devant l'honorable juge Bisson doit intervenir simultanément". Je pense qu'il réfère, à ce moment-là, aux causes des compagnies d'assurances.

Nous irons maintenant, si vous le voulez bien, à la page 63. Le même jour, le 22 janvier 1979, je pense qu'il y a une autre erreur. Ces erreurs arrivent en janvier. Cela arrive aussi quand on travaille vite. Je pense que c'est écrit 1978, alors c'est le 22 janvier 1979. M. Cardinal fait la nomenclature de tout ce qu'on a reçu. Il écrit à Me Gadbois: "Vous trouverez ci-joint les originaux des documents suivants...". Il s'agit de la transmission de toutes les lettres que nous venons de recevoir. Me Cardinal porte lui-même cette lettre à la SEBJ et il rencontre MM. Claude Laliberté et André Gadbois. (11 h 45)

Le 23 janvier, il y a la réunion du conseil d'administration de la SEBJ. Nous n'assistons pas à ces réunions sauf quand

nous sommes invités. Dans ce dossier, vous avez vu que M. Jetté et moi-même y sommes allés le 9; MM. Jetté et Cardinal iront plus tard, à la fin de février. Je pense que ce sont les deux seules fois que nous nous rendons au conseil d'administration.

Fin après-midi, Me André Gadbois nous téléphone et veut nous rencontrer le lendemain. Le lendemain, 24 janvier 1979, à la SEBJ, nous rencontrons M. Gadbois; sont présents: M. Cardinal et moi-même. Me Gadbois nous fait part des modifications que le conseil souhaite voir apporter à la déclaration éventuelle de transaction. Ces modifications font l'objet d'une lettre de Me Gadbois du même jour à laquelle est jointe un mémoire portant sur les modifications projetées. Vous avez cela à la correspondance, page 66.

La lettre est celle-ci. "Le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James a pris connaissance à sa réunion d'hier des projets de déclaration de transaction et de déclaration de règlement hors cour qui ont été préparés dans le but d'une négociation possible de règlement hors cour dans cette instance. "Le conseil, sans se prononcer sur la proposition de règlement hors cour, demande d'apporter certaines modifications aux documents présentés, lesquels font l'objet d'un mémoire en annexe. "Veuillez revoir les textes en question et nous transmettre, aussitôt que possible, de nouveaux textes comportant les modifications désirées. "Veuillez également nous faire parvenir un rapport sur les montants des divers chefs de réclamation que, dans votre opinion et compte tenu du développement de la cause à ce jour vous êtes en mesure d'établir et de prouver devant le tribunal."

Nous répondrons à cette question dans notre opinion du 26 janvier que vous avez, dans les "Opinions", à la page 55.

Page suivante: "De plus, vous voudrez bien nous confirmer par écrit votre opinion à l'effet que la société d'énergie sera protégée dans l'éventualité d'un règlement contre toute réclamation en dommages de la part des défendeurs autres que les personnes morales qui, sans admission de leur responsabilité, auront consenti à régler hors cour, chaque partie payant ses frais."

Nous comprenons donc, parce qu'on ne nous le dit pas, qu'au conseil d'administration, les propositions qui ont été transmises n'ont pas été acceptées et que des questions ont surgi. Une question sur le quantum des réclamations à laquelle nous devons répondre et une question qui semble celle-ci: s'il y avait règlement, est-ce qu'on peut être poursuivi par les individus qu'on a poursuivis nous-mêmes, ces individus pouvant alléguer qu'ils ont été poursuivis d'une façon abusive, sans droit, etc? Nous répondrons plus tard.

Dans notre opinion du 26 janvier, Me Jetté répond à la première question sur le quantum. C'est moi qui prépare surtout la base et c'est la seule opinion à laquelle je travaille personnellement qui forme la réponse à l'autre question: Est-ce qu'on pourrait être poursuivi par les défendeurs? Ma réponse est négative, parce que si des défendeurs ont décidé de régler hors cour, chaque partie payant ses frais, je pense qu'ils sont bien mal venus de prendre une action par la suite pour dire: Vous m'avez poursuivi abusivement. Mais il n'y a pas de jurisprudence à cet égard. C'est une opinion de laquelle je suis assez certain. C'est l'opinion que nous avons donnée à notre client sur cette question des recours éventuels de défendeurs contre la SEBJ en cas de poursuite.

En soirée, nous sommes au 24 janvier, à CKAC et au poste de télévision 12, des passages de la déclaration de transaction sont lus au public. Ce n'est pas surprenant, parce que vous comprendrez que pour que les syndicats nous fassent les offres du lundi, il y a au moins une vingtaine de personnes qui ont eu les textes en mains. D'abord tous les défendeurs, certains ne sont pas représentés par un avocat, ils ne sont sûrement pas tenus à la confidentialité des échanges épistolaires; ensuite, tous les membres du conseil provincial, etc. C'est ainsi que, au public de CKAC et de la télévision, on lit des passages de la déclaration de transaction.

Je reviens rapidement à la lettre de Me Gadbois qu'on avait à la page 66. Vous avez, la page 68, son mémoire concernant les modifications suggérées au projet de déclaration de transaction. Si on résume -parce que, comme je vous le dis, on n'assistait pas aux séances du conseil d'administration et que le voile corporatif de la SEBJ est assez dense. Donc, on n'avait pas d'idée exacte sur ce qui s'était passé. Mais on comprenait que deux questions avaient été posées et qu'aussi on voulait revoir des parties de la transaction. Or, quelles étaient les modifications? Je ne veux pas les prendre une à une, mais vous avez les principales dans le mémoire de la page 68. Le 26 janvier 1979, à l'occasion d'une rencontre qui réunissait Me Gadbois, Me Jean-Paul Cardinal et moi-même, Me Cardinal et moi-même remettons un nouveau texte de déclaration de transaction. À la suite de cette lettre de Me Gadbois du 24 janvier, nous faisons un nouveau texte de déclaration de transaction suivant le mémoire que Me Gadbois nous avait transmis. Ce nouveau texte du 26 janvier 1979, vous l'avez aux pages 70 et suivantes de votre recueil. On laisse le montant de 125 000 $ parce que c'est l'offre qu'on a reçue à ce moment-là et on n'est pas là pour dire au syndicat quel montant nous offrir. Nous

proposons une solution au cas où les paragraphes 14 et 15 ne seraient pas satisfaisants pour le conseil d'administration, selon ce que Me Gadbois nous avait dit. On fait un nouveau texte, un nouvel article 14 -que vous avez à la page 78 - qui pourrait remplacer les articles 14 et 15 si telle est l'idée du conseil d'administration. Le 26 janvier, nous remettons donc ce nouveau texte modifié à Me Gadbois - modifié à sa demande - et, de plus, nous remettons à Me Gadbois l'opinion de Geoffrion et Prud'homme, que vous avez ici dans les opinions, à la page 55, qui avait été requise par Me Gadbois dans sa lettre du 24 janvier, c'est-à-dire quel est le quantum, quel est le montant des dommages que vous pensez pouvoir établir devant un tribunal. Me Jetté fait des nuances. On réclame 31 000 000 $. Il se peut que 19 000 000 $ aient l'air assurés et que certains autres montants puissent être discutables. Et, dans cette opinion, vous avez aussi la partie que je fais sur un recours éventuel des défendeurs que nous ne prévoyons pas, si un règlement devait intervenir.

Nous comprenons donc que tous ces documents que nous avons préparés, c'est-à-dire la nouvelle transaction et notre opinion sur le quantum dont je viens de vous parler, seront soumis au conseil d'administration du mardi 30 janvier prochain. Le 30 janvier, il y a une réunion du conseil d'administration. Ce pourquoi nous notons toujours, nous, qu'il y a des réunions du conseil d'administration, c'est qu'à chaque fois la SEBJ nous dit d'être prêts à venir au conseil si on est requis, ou d'autres en contact avec eux, en fin d'après-midi, pour qu'on nous dise quelles sont les décisions. Le 30 janvier, il y a donc une réunion du conseil d'administration. Le cabinet Geoffrion et Prud'homme est informé par Me Gadbois que la discussion d'un règlement éventuel est remise à une date ultérieure.

Je reviens pour un instant maintenant que nous avons, que vous avez, tous les procès-verbaux de ces réunions, on voit exactement quelles ont été les décisions prises à ces réunions. Nous, on a l'information de Me Gadbois et j'aime autant vous la donner comme on l'a perçue, parce que maintenant on connaît, comme tout le monde, toutes les réunions du conseil d'administration. Mais, là, je vous les donne comme on les a perçues. Et, si vous me dites: Regardez la réunion du conseil d'administration, ce n'est pas exactement cela, ou c'est plus que ça, ou c'est moins ça qui a été décidé, nous, c'est la façon dont on a perçu les événements. On a pu se tromper aussi quelquefois dans notre perception; on travaillait tous assez rapidement à ce moment-là.

Le 2 février 1979, Me Gadbois informe le cabinet Geoffrion et Prud'homme que Me

Michel Jasmin et Me Rosaire Beaulé doivent nous remettre incessamment des rapports destinés à la SEBJ. Ces rapports doivent faire état des difficultés de recouvrement contre les syndicats québécois et, plus particulièrement, contre le syndicat américain. Ils doivent, semble-t-il, révéler la situation financière des syndicats québécois et leurs problèmes dans ce domaine ainsi que la reprise, par Me Jasmin, de cette partie de la déclaration de transaction qui vient de ses clients et dont certains passages n'auraient pas été acceptés ou auraient été jugés offensants par certains membres du conseil d'administration de la SEBJ.

Or, j'assume que Me Gadbois a parlé à Me Jasmin. Il nous avertit que Me Jasmin va nous apporter ses lettres et rapports, tant de lui que de Me Beaulé. Nous sommes au 2 février. Mais, le 2 février, Me Jean-Roch Boivin, qui est directeur du cabinet du premier ministre, fait un appel téléphonique à notre bureau et demande à Me Cardinal et à moi-même si nous pouvons manger avec lui. Sans vouloir faire la publicité d'aucun restaurant ni d'aucune cuisine en particulier, je pense que c'était au Piémontais. Il nous informe que, hier le 1er février, le premier ministre a rencontré MM. Saulnier, Laliberté et Boyd et il est au courant que Mes Jasmin et Beaulé doivent nous faire parvenir des rapports sur les difficultés de recouvrement et la situation financière des syndicats québécois.

Je me souviens lui avoir posé cette question: Est-ce que la rencontre avec le premier ministre est une rencontre officieuse ou confidentielle? Il nous a dit, non. Elle sera communiquée au conseil d'administration de la SEBJ. Je me souviens aussi que je lui parle des nombreux textes de transaction qu'on a faits. Je ne les ai pas en main. Je me souviens qu'il nous répond: "Bien, si vous faites quelque chose, ne vous accrochez pas uniquement dans des papiers ou dans des textes de transaction". À mon souvenir, c'est à peu près tout ce dont je me souviens de cette rencontre, qui est la seule rencontre, pour ma part, que j'aurai avec Me Boivin dans ce dossier. Je ne la considère pas comme une rencontre essentielle au dossier. C'est pourquoi elle n'apparaît pas dans la facturation. C'était un lunch et je vous dis ce dont je me souviens. Vous comprenez que, depuis une couple de semaines, je me suis gratté la mémoire pour être sûr de vous dire grosso modo, au meilleur de ma connaissance, le contenu de cette rencontre.

À la suggestion de Me Gadbois, nous recevons Me Michel Jasmin à notre bureau, aux fins de regarder de nouveau - c'est vers la fin de l'après-midi - la transaction et d'essayer de voir comment il pourrait modifier les passages de la déclaration que certains membres du conseil d'administration de la SEBJ ne semblent pas vouloir accepter.

Me Jasmin devient conscient que ces offres, sans être officiellement refusées, n'ont pas été acceptées. Je me souviens que, là, on a un échange assez long où on lui fait comprendre qu'il devrait peut-être ajouter à sa formule de transaction. Je pense bien qu'un des éléments importants, à ce moment-là, dans l'esprit du conseil d'administration, tel que je le constate d'après l'appel téléphonique de Me Gadbois, est que la SEBJ apprécierait beaucoup que le Conseil provincial des métiers de la construction admette sa responsabilité, du moins dans certains domaines. Il accepte alors de modifier la transaction pour que le Conseil provincial des métiers de la construction admette, avec les réserves que vous connaissez, sa responsabilité.

Donc, nous regardons le texte de la transaction ensemble. Nous lui remettons, afin de ne pas perdre de temps et avec l'autorisation de notre client, le texte de transaction que nous avions préparé le 26 janvier et que nous avions remis à la SEBJ. Il était resté en suspens à la SEBJ. La SEBJ nous dit à ce sujet qu'il y a certains paragraphes qui devraient être revus par les défendeurs, s'ils veulent qu'on représente de nouveau leur offre. Nous remettons ce nouveau texte à Me Jasmin parce que nous voulons qu'il travaille sur le dernier texte. Je pense que c'est l'autorisation expresse de notre client de ne pas le faire travailler sur un texte antérieur - il est déjà assez difficile de finir par en avoir un, comme vous voyez - que l'on travaille au moins sur le dernier en liste. Me Jasmin accepte donc que le Conseil provincial des métiers de la construction admette, dans certaines limites, sa responsabilité. (12 heures)

Un des paragraphes qui n'est pas prisé par le conseil d'administration, du moins par certains membres, c'est le paragraphe où Me Jasmin déclare que la SEBJ et les syndicats sont des partenaires dans l'oeuvre de la Baie-James. On enlève donc le mot "partenaires". On ne le retrouve plus après. Nous savons aussi que la SEBJ souhaite que, s'il y a une formule de transaction, soit incluse dans cette formule l'admission de responsabilité du conseil provincial mais là, il y a matière à discussion et nous aurons une admission de responsabilité mais, comme vous le voyez, à l'intérieur de certains paramètres. Me Jasmin nous assure donc que dès le lundi, soit le 5 février, les lettres-rapports qui nous ont été promis par Mes Jasmin et Beaulé doivent nous être remis ainsi que le texte de la déclaration de transaction. Pour ne pas se tromper, on lui a remis notre texte du 26. On lui a suggéré certaines modifications. Il repart donc avec le texte du 26 et doit nous en remettre un autre le 5.

Le 5 février 1979, le cabinet Geoffrion et Prud'homme reçoit la lettre-rapport de Me Jasmin. C'est la correspondance qui est à la page 79. C'est le rapport qui a été demandé à Me Jasmin. À ce rapport est joint le texte de la proposition de déclaration de transaction. Vous avez ce texte à la page 84. Quand nous recevons le texte il y a encore certaines modifications, surtout dans les admissions de responsabilité du conseil provincial. Au paragraphe 5, vous voyez que le conseil provincial affirme qu'il n'a pas encouragé, etc - c'est assez complexe - mais il reconnaît que sa responsabilité puisse être engagée. À la demande de Me Gadbois qu'on a rejoint par téléphone, on demande que cela soit remplacé par les mots "est engagée". Vous avez des discussions de cette nature. On commence donc à faire des corrections dans le texte mais à un moment donné, pour ne pas abîmer le texte, nous faisons un autre texte à notre bureau. Me Jasmin est présent. C'est le texte du 5 février. C'est le texte que vous retrouverez dans la transaction du mois de mars. Enfin nous sommes arrivés au terme. C'est le texte que vous retrouvez dans la transaction du mois de mars dans laquelle vous remarquerez qu'il n'y a qu'un paragraphe qui a été ajouté. C'est le paragraphe dans lequel il est dit que les assureurs ont été payés. Il fallait évidemment attendre le mois de mars pour le dire. Je m'excuse de la haute technicité de la préparation de cette déclaration de transaction mais je pense qu'on devait la suivre à travers ces six ou sept ébauches jusqu'au 5 février.

Vous remarquerez dans la déclaration de transaction du 5 février que le montant est redevenu en blanc. On a toujours le mandat d'écouter quant au quantum, quant au montant. On a toujours le mandat de préparer une formule de transaction et je pense qu'on a établi clairement - ce qui n'était peut-être pas approuvé mais que nous voulions quand même établir - que cette formule de transaction est faite de concert étroit avec notre client et à sa demande. Vous remarquerez donc que le montant est en blanc. Le montant est en blanc parce que, selon ce dont je me souviens, Me Jasmin nous dit avoir certaines difficultés avec son partenaire, Me Beaulé, sur la question du quantum. Il revient à une idée qu'il avait évoquée devant M. Laliberté, lors de la rencontre que nous avions eue tous ensemble, que le règlement devrait se faire pour 1 $. On n'a pas le mandat de discuter du montant d'argent mais nous comprenons qu'il veut laisser le montant en blanc. Je me souviens lui avoir dit que ce n'était pas ainsi qu'il progresserait bien rapidement. Telle est la situation des choses. Le même jour nous recevons la lettre-rapport de Me Beaulé. C'est à la page 99. On nous avait promis deux lettres-rapports, vous avez celle de M.

Jasmin et celle de M. Beaulé à la page 99.

J'attire maintenant votre attention sur notre lettre du 5 février 1979, à la page 105, qui transmet immédiatement à Me Gadbois les documents que nous venons de recevoir et l'informe de la façon dont les modifications ont été apportées à la déclaration de transaction. Le 5 février 1979, page 105: "Vers midi et trente aujourd'hui, Me François Aquin et le procureur soussigné - c'est M. Cardinal qui écrit - ont reçu au bureau Me Michel Jasmin et Me Rosaire Beaulé, à la demande de ces derniers. Pour partie de la réunion, Me Beaulé était accompagné de son associée, Me Ginette Lafortune. "Me Michel Jasmin nous a remis une lettre du 5 février que nous vous transmettons. Il nous a aussi remis photocopie d'une lettre de M. Guy Van de Weghe, administrateur du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, du 11 janvier 1979, adressée à Me Michel Jasmin. Cette dernière lettre nous a été transmise avec la condition suivante: Vous êtes autorisés à livrer la teneur de cette lettre au conseil d'administration de la société d'énergie mais non pas à en distribuer des copies. Il s'agit donc, comme vous le voyez, d'une communication privilégiée entre avocats." C'était une lettre qui décrivait les finances du syndicat québécois. "Me Michel Jasmin nous a aussi remis un texte modifié de la dernière convention de transaction que nous vous faisions parvenir le 26 janvier dernier. Par contre, il a apporté des modifications séance tenante à ce texte." C'est ce que je vous ai dit tout à l'heure. "Certaines de ces modifications ont été aussi apportées par Me Jasmin, de concert avec Me Beaulé. Me Jasmin nous a demandé, dans les circonstances, de faire dactylographier un nouveau texte - le texte dont je vous ai parlé tout à l'heure et que j'avais évoqué - un nouveau texte de convention qui tiendrait compte du texte qu'il nous apportait aujourd'hui et des modifications verbales qu'il a faites lors de notre rencontre. Nous vous joignons ce texte." Comme je vous le dis, et le répète, les modifications, c'est la teneur de l'aveu de responsabilité mitigé du conseil provincial. "Me Rosaire Beaulé nous a apporté aussi le texte d'une lettre qui doit vous être communiquée, mais il a repris cette lettre pour y faire apporter certaines modifications. À 3 h 45, le texte de cette lettre nous a été remis par son associée, Me Ginette Lafortune, et nous vous en joignons copie." Vous avez vu cette lettre.

Le 6 février, réunion du conseil d'administration de la SEBJ. On doit toujours se tenir à la disposition du conseil, mais nous sommes à notre bureau, nous n'allons pas sur les lieux. Fin de l'après-midi, Me

André Gadbois téléphone au cabinet Geoffrion et Prud'homme. Le conseil d'administration demande - ici, je cite le texte parce qu'on aura la lettre après - que nous explorions auprès des procureurs des défendeurs la possibilité d'un règlement hors cour suivant certaines modalités".

Le 7 février, les modalités à négocier du règlement hors cour sont reflétées dans la lettre de Me Gadbois du 7 février, page 107: "Le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James a considéré, à son assemblée tenue hier, les documents que vous m'avez transmis avec votre lettre du 5 février 1979. Je vous confirme par la présente lettre le mandat dont je vous ai fait part de façon verbale hier après-midi à l'effet que le conseil d'administration demande que vous exploriez auprès des procureurs des défendeurs la possibilité d'un règlement hors cour de la cause ci-haut mentionnée sur la base d'une reconnaissance, par tous les organismes qui sont défendeurs dans cette cause, de leur responsabilité pour les dommages et du paiement à la société d'énergie d'une somme d'argent qui pourrait lui être acceptable, le tout sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient réglées préalablement." Nous avons donc l'autorisation de faire une négociation sur le quantum. Comme vous le voyez, nous avions depuis longtemps l'autorisation de travailler sur la formule de transaction; là, on nous donne des paramètres pour négocier le quantum.

Il semble, dans l'esprit de notre client, même si cela n'est pas mis par écrit, du moins c'est ma compréhension, que le montant qui pourrait être acceptable pourrait correspondre aux honoraires ou à une partie des honoraires payés à notre bureau. Ici, il faut faire une nuance: Quand on parle, grosso modo, de 900 $ de frais, il y a...

Une voix: Combien?

M. Aquin: Pardon? 900 000 $. Il y a dans ceci un montant de 465 000 $ qui nous est versé et l'autre solde est le montant que la société estime avoir été ses frais afférents; ce n'est pas un montant qui nous est versé.

Alors, l'après-midi, Me Jean-Paul Cardinal rencontre Me Michel Jasmin aux fins des négociations. Pour ma part, je rencontre Me Beaulé. Les deux rencontres se font à notre bureau. La discussion que j'ai avec Me Beaulé - Me Cardinal pourra évoquer la discussion qu'il a eue avec Me Jasmin - la négociation que j'ai avec Me Beaulé porte sur le montant. Me Beaulé me réitère à plusieurs reprises... Il pourra vous le dire lorsqu'il sera ici et vous pourrez constater que c'est un dur négociateur. Me Beaulé ne veut absolument pas bouger sur les

offres financières qu'il a déjà faites et, quant à l'aveu de responsabilité du syndicat américain, il m'explique que c'est une chose qui, à toutes fins utiles, même s'il n'a pas eu encore la réponse de Washington, selon lui, est totalement impossible parce que le syndicat américain ne connaît pas les lois du Québec et, quel que soit le montant d'une transaction, un aveu de responsabilité pour eux, me dit M. Beaulé, est une atteinte à leur crédibilité internationale et peut entraîner d'autres poursuites ultérieurement. Il semble que, sur cette question d'un aveu du syndicat américain, ce soit un sujet impossible. Ce sont du moins les représentations qu'il me fait et que nous ferons à notre client.

M. Rodrigue: Voulez-vous nous donner la date encore une fois?

M. Aquin: C'est le 7 février. M. Rodrigue: Merci.

M. Aquin: On a reçu la lettre du 7 et, le 7, M. Cardinal rencontre M. Jasmin et M. Beaulé me rencontre; les deux rencontres se font à mon bureau, mais pas ensemble. Or, j'essaie d'obtenir... L'offre qu'on a eue était de 125 000 $ et, à un certain moment, il y a eu cette manoeuvre de la partie adverse de dire: Ce devrait être 1 $, peut-être de bonne guerre. Ce n'est pas à moi à juger la façon dont mes confrères procèdent. Finalement, on parle à nouveau de 125 000 $ et, avec M. Beaulé, je suis en train de parler de 400 000 $, et je pense, à un certain moment, qu'il va faire un arrêt cardiaque dans mon bureau. De toute façon, il y a ces négociations qui se font cette journée-là et c'est là qu'il m'explique que l'aveu de responsabilité est aussi, selon lui, une chose impossible. Nous sommes toujours au 7 février.

Le 8 février, Me Boivin me téléphone. J'ai eu une rencontre avec Me Boivin et un appel téléphonique. À mon souvenir, il n'y a pas d'autre chose. Me Boivin me téléphone et me dit: Est-ce exact que tout achopperait sur la question de l'aveu du syndicat américain? Alors, je dis que j'ai parlé à Me Beaulé, que nous voulions cet aveu et qu'il semble, d'après M. Beaulé, qu'il n'y aurait pas de tel aveu. C'est la teneur de la conversation que j'ai avec M. Boivin cette journée-là.

Je recommunique avec M. Gadbois pour lui dire la teneur de ma conversation avec M. Beaulé. Je dis à M. Gadbois que M. Beaulé me dit qu'il ne faut pas penser à un aveu du syndicat américain, ce qui, selon lui, est une chose impossible. Je lui dis aussi les montants que j'ai demandés à M. Beaulé, qui me dit qu'il repenserait à la question, mais je ne suis pas très optimiste sur la façon dont il va bouger sur le quantum.

M. Gadbois me dit que, quant à l'aveu du syndicat américain, il se peut que la situation puisse être révisée par le conseil d'administration, parce qu'il comprend que cela peut être un problème et, de toute façon, nous devons nous tenir en contact. (12 h 15)

À la fin de l'après-midi, Me Beaulé me téléphone et me dit qu'il a communiqué avec le syndicat américain et qu'il a eu la confirmation de ce qu'il pensait. Le syndicat américain, d'aucune façon, ne veut signer des documents reconnaissant sa responsabilité. Par contre, les parties syndicales changent leur offre et au lieu des 125 000 $ que nous avions reçus comme offre, elles proposent maintenant une somme globale de 175 000 $ - c'est au téléphone qu'on nous dit cela -soit 100 000 $ à la SEBJ et 75 000 $ aux assureurs. Les assureurs auraient augmenté leurs exigences pour régler cette cause.

Il faut comprendre que les assureurs -pas tous - sont représentés par Me Guy Desjardins. En même temps, les avocats syndicaux, le 7 février et les jours qui suivent, nous parlent du quantum, ils doivent aussi discuter avec le procureur des assureurs qui est Me Guy Desjardins. Je sais que la question a été posée ici: Pourquoi, s'il y avait règlement, fallait-il que les deux causes soient réglées? C'est que la SEBJ avait un devoir de collaboration avec ses assureurs. Ce qui voulait dire que, si la SEBJ réglait, les assureurs pouvaient dire: Nous continuons, voulez-vous nous fournir toute votre aide logistique et technique aux enquêtes, aux avocats, etc., pour continuer? Pour la SEBJ, je pense que cela aurait été un non-sens de dire: On vient de régler, mais on continue de payer à peu près autant de frais pour permettre à nos assureurs de percevoir. Donc, s'il y avait un règlement, je pense bien que les deux devaient se régler ou il n'y avait pas de règlement. Voilà pourquoi les procureurs syndicaux devaient aussi négocier avec Guy Desjardins, procureur des assureurs.

Le 12 février, Me Michel Jasmin se rend au bureau de Mes Geoffrion et Prud'homme et, dans la perspective où la SEBJ accepterait son offre, soit la somme de 100 000 $, nous dit que Me Guy Desjardins serait d'accord pour accepter 75 000 $. Par contre, Me Guy Desjardins - moi, je n'ai pas recommuniqué avec lui, sauf très rapidement à ce moment-là - dans ceci, était un assez dur négociateur et, si le montant à la SEBJ augmente, il veut toujours que son montant augmente aussi. Vous avez dans cette partie des négociations un chassé-croisé. Je ne fais écho que de la partie dont nous nous occupons.

Lettre de Me Jean-Paul Cardinal, faisant rapport du mandat que nous avions reçu le 7. Cette lettre est à la page 108. Il

écrit de nouveau à Me Gadbois: "Nous vous faisons rapport du mandat que nous avons reçu de vous le 7 février dernier. L'offre monétaire globale est augmentée de 125 000 $ à 175 000 $. Sur cette somme, un montant de 100 000 $ serait payé à la Société d'énergie de la Baie James, si cette dernière accepte la transaction. Les assureurs, considérant l'offre de 100 000 $ faite à la Société d'énergie de la Baie James et qui serait acceptée par cette dernière, ont accepté de régler pour 75 000 $." On aurait été mieux de dire "auraient", parce que vous verrez qu'après, ils voudront remonter, eux aussi. "Bien que contribuant à 50% des montants plus haut offerts, l'International Union of Operating Engineers, représentée par Me Rosaire Beaulé, refuse totalement de faire un aveu de responsabilité. La même position nous a été communiquée par Me Phil Cutler, représentant le local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique. Par contre, Me Cutler est toujours prêt à régler, chaque partie payant ses frais. Comme vous le voyez dans le texte antérieur de transaction, les autres organismes admettent leur responsabilité." Il y a des nuances, mais vous avez le texte. Il y a des admissions avec certaines réserves de la part du conseil provincial. "Quant aux individus, Me Michel Jasmin nous représente qu'il est totalement impossible d'obtenir la coopération d'André Desjardins à quelque document de transaction ou de règlement hors cour que ce soit. Cependant, son avocat dans la présente instance, Me Émilien Vallée, est prêt à accepter un désistement sans frais. Les autres individus défendeurs avaient accepté de signer une déclaration de règlement hors cour, chaque partie payant ses frais, et continuent d'être dans les mêmes dispositions. "Quant à l'aveu de responsabilité des individus dans le dernier document de transaction qui vous a été remis, il était représenté qu'Yvon Duhamel admettait sa responsabilité. Yvon Duhamel est présentement en prison et n'est pas représenté par avocat. Il a déjà naturellement admis sa responsabilité judiciaire dans le procès criminel. Les avocats de certains défendeurs sont prêts à tenter de lui faire signer un aveu de responsabilité dans la présente action. Auriez-vous l'obligeance de nous donner de nouvelles instructions? C'est signé: Jean-Paul Cardinal." Cette lettre résume les démarches faites par le cabinet Geoffrion et Prud'homme et demande à la SEBJ - comme vous le voyez - de nouvelles instructions.

Comme il n'y eut pas de réunion du conseil d'administration avant le 20 février, les instructions que nous avions ainsi demandées ne parviendront donc à notre cabinet que le 21 février. Il y a comme une pause dans les événements. Ces instructions -on les reverra plus tard - sont à la page 111.

À ce stade-ci - comme je vous ai dit que je faisais le survol général pour tout le bureau, mais que je vous dis quelle a été sa participation - le 16 février, un vendredi, je quitte pour des vacances de ski en Europe. Ces vacances étaient planifiées depuis le mois de novembre. Je pars avec ma femme faire du ski à Courchevel, c'est à l'hôtel Carnina. Je sais que, souvent, pour l'éclairage de la commission, on demande beaucoup de questions et j'y réponds immédiatement. Je reviens donc le 6 mars au matin.

Je continue quand même le survol des événements à partir du cahier. Le 19 février, vous avez dans les opinions celle de Mes Boulanger, Gadbois et Legault au président de la SEBJ, à la page 68. Le 19 février, vous avez la lettre de Mes Geoffrion et Prud'homme à Mes Boulanger, Gadbois et Legault quant à l'opinion précitée, à la page 65. Le 20 février, il y a une réunion du conseil d'administration de la SEBJ. Me Jean-Paul Cardinal et Me Michel Jetté sont invités à cette réunion et y assistent comme parties. Il y a des échanges, me dit-on, sur les opinions du 19 février.

Le 21 février, lettre de Me Gadbois à Me Jean-Paul Cardinal faisant état des nouvelles demandes du conseil d'administration. C'est à la page 111: "À la demande du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, auriez-vous l'obligeance de: "transmettre au soussigné les états financiers les plus récents disponibles de l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde, local 791, de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et du local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique; "proposer aux procureurs des défendeurs dans la cause ci-haut mentionnée les termes de règlement hors cour de ladite cause sur la base d'une reconnaissance par tous les défendeurs de leur responsabilité pour les dommages et du paiement à la société d'énergie d'une somme représentant substantiellement les frais légaux encourus par elle à date, le tout sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient réglées préalablement; "faire rapport des résultats de vos négociations au président du conseil d'administration, M. Lucien Saulnier, et de lui présenter un projet global d'une déclaration de transaction à être signée entre les parties."

Cette lettre, comme vous le voyez, fait état des modalités suivantes de règlement: reconnaissance par tous les défendeurs de leur responsabilité quant aux dommages, paiement d'une somme représentant substantiellement les frais juridiques.

Le 26 février, lettre de Me Michel Jasmin - c'est à la correspondance, page 113 - remettant à Me Cardinal une copie des états financiers de l'Union internationale des opérateurs-ingénieurs, local 791, en date du 31 mai 1978.

Le 27 février, lettre de Me Jean-Paul Cardinal - c'est à la page 120 - à Me Gadbois. Dans cette lettre, Me Cardinal rend compte des négociations. Je vous lis des passages. Me Cardinal, qui était à l'époque en charge de tout le dossier, vous l'expliquera. Il joint les états financiers. Quant à la reconnaissance, par tous les défendeurs, de leur responsabilité, il réitère "qu'il est peut-être possible d'avoir un aveu de responsabilité d'Yvon Duhamel; que Michel Mantha et Maurice Dupuis sont encore en instance devant la cour au sujet des accusations criminelles portées contre eux, et que leurs procureurs ne permettront pas un aveu judiciaire; qu'André Desjardins n'est intéressé à intervenir personnellement dans aucune transaction; que René Mantha, qui a déjà été condamné à deux ans de pénitencier pour parjure à la suite de l'enquête Cliche, ne fait plus partie du mouvement syndical et qu'il est dans les mêmes dispositions qu'André Desjardins."

Quant aux différents organismes impliqués, soit l'International Union of Operating Engineers et le local 134, ils refusent de faire un aveu de responsabilité. Quant aux autres organismes, ils sont encore prêts à faire un aveu de responsabilité et ils se réfèrent à sa lettre du 12 février 1979. Le 26 février - continue M. Cardinal - lors de la réunion précitée, je fais part à Me Michel Jasmin et à Me Rosaire Beaulé des demandes additionnelles en argent de la SEBJ. Lors de l'entrevue que j'ai eue avec eux ce matin, ils m'ont informé que, si je leur donnais l'assurance que la SEBJ accepte in toto les termes d'un règlement, ils seraient prêts à recommander à leurs clients une augmentation de l'offre financière globale de 175 000 $ à 300 000 $ et j'ai compris que leurs clients respectifs paieraient ce montant moitié-moitié.

J'avais déjà communiqué avec Me Guy Desjardins le 23 février dernier et il m'avait informé que son acceptation de la somme de 75 000 $, dettes et frais, en règlement de l'action des assureurs, était strictement contingente au paiement à la SEBJ d'une somme ne dépassant pas 100 000 $. À la suite des nouvelles offres de Me Beaulé et de Me Jasmin, j'ai rencontré Me Guy Desjardins qui m'a assuré que, dans l'éventualité où la SEBJ accepterait un règlement final de 200 000 $, il serait prêt à recommander à ses clients d'accepter une somme de 100 000 $, dettes et frais. J'ai compris que ses recommandations seraient acceptées. Le 27 février - on me rapporte le fait pour les fins de l'exposé - Me Cardinal se rend à la SEBJ et rencontre M. Saulnier, M. Claude Laliberté et Me André Gadbois pour faire le dernier rapport et, je pense, remettre séance tenante la lettre du 27 février.

Le 6 mars - c'est le jour où je reviens au bureau - on m'informe qu'il y a une réunion du conseil d'administration de la SEBJ. La proposition de règlement négociée par le bureau de Mes Geoffrion et Prud'homme est acceptée par le conseil d'administration de la SEBJ, suivant le procès-verbal que vous avez, qui nous est alors communiqué. C'est le seul extrait de procès-verbal qui nous avait été communiqué. Suit alors toute la correspondance. Il y a eu un travail très important de fait, mais c'est ce qu'on appelle, dans le langage du métier, un travail de "closing", c'est-à-dire s'assurer qu'on a l'autorisation de tous les conseils d'administration, que tout le monde a signé à la bonne place, qu'on est tous d'accord sur le document de transaction qu'il faut remodifier une dernière fois pour ajouter le paragraphe sur le paiement aux assureurs. Il y a toujours un élément de suspense dans tout ce dossier - on a déjà parlé d'Agatha Christie - parce que, si André Desjardins refusait à un certain moment, convainquait son avocat de refuser un désistement sans frais, il est évident que tout ceci deviendrait impossible. À ce moment-là, la SEBJ aurait été dans l'obligation de payer 300 000 $ à l'avocat de M. André Desjardins, parce que cela aurait pu changer les circonstances. Alors, jusqu'à la dernière minute, cet élément de suspense va exister. Le 12 mars 1979, à notre bureau, c'est la signature de la transaction par toutes les parties. Vous l'avez, dans sa forme finale, à la page 156 de notre documentation. Le 13 mars, c'est la production de la transaction à la cour par Me Michel Jetté. Je pense que c'est lui, qui, avec tous les autres procureurs, remet le document de transaction à l'honorable juge Claude Bisson. (12 h 30)

Ce sont les termes principaux de l'exposé que je voulais faire. Dans ce dossier, je pense important pour nous de bien mentionner que nous avons toujours exécuté les mandats que la SEBJ nous a donnés et que, dans tout le travail dont je viens de faire état, tout ce travail a été fait en étroite relation avec notre client, la SEBJ, et pour notre client, la SEBJ. Nous sommes maintenant ici pour répondre à toutes vos questions. Je vous propose - nous en avons déjà discuté avec les représentants des deux côtés - que mes deux collègues puissent être

assermentés pour que, pendant la période de questions, on puisse, à certains moments, diriger une question vers un des trois qui serait le témoin le plus pertinent pour y répondre. C'est une suggestion que nous faisons. Je suis aussi prêt à suivre la première voie qui nous avait été présentée de témoigner à tour de rôle. Je laisse cette question à votre discrétion. Je pense que, pour vous, il sera peut-être plus pratique que les trois soient assermentés pour éviter la chaise musicale, si vous me permettez cette expression. Je laisse cette question à votre décision.

Le Président (M. Jolivet): Me Aquin, cela est déjà accepté par les deux côtés qui sont à ma gauche et à ma droite. Quand nous reprendrons cet après-midi, après la période de questions, vers 15 h 30, puisque l'Assemblée nationale siégera à 14 heures, nous assermenterons vos deux collègues. Nous pourrons procéder ensuite aux questions qui pourront vous être posées. Je suspends nos travaux en rappelant que nous reviendrons vers 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise de la séance à 15 h 59)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux en vue d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: MM. Bordeleau (Abitibi-Est), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau (Laporte), Laplante (Bourassa), Gratton (Gatineau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Tremblay (Chambly), Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril (Rouyn-Noranda-

Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Dussault (Châteauguay), Blouin (Rousseau), Paradis (Brome-Missisquoi), Pagé (Portneuf), Doyon (Louis-Hébert), et Saintonge (Laprairie).

Le rapporteur est toujours M. LeBlanc, (Montmagny-L'Islet).

J'aimerais vous rappeler que nous avons à siéger maintenant - je dois regarder mon heure et non pas celle de l'horloge de l'Assemblée nationale à cause de la panne d'électricité que nous avons eue - de 16 heures à 18 heures, et de 20 à 22 heures. Je crois comprendre que le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, M. Baril, pourrait être remplacé par le député Vaillancourt, de Jonquière.

Avant de donner la parole au député de Bourassa, qui voudrait faire une intervention, m'a-t-il dit, j'aimerais demander au greffier, M. Jean Bédard, d'aller assermenter Me Jetté et Me Cardinal. Vous pouvez vous approcher du microphone qui se trouve à ma gauche.

Le greffier (M. Jean Bédard): Me Cardinal, voulez-vous mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi: Je, (vos nom et prénom), jure ou déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité?

MM. Jean-Paul Cardinal et Michel Jetté

M. Cardinal (Jean-Paul): Je, Jean-Paul Cardinal, jure solennellement que je dirai toute la vérité et seulement la vérité.

Le greffier (M. Jean Bédard): Merci. Le Président (M. Jolivet): Me Jetté.

Le greffier (M. Jean Bédard): Me Jetté, voulez-vous mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi: Je, (vos nom et prénom) jure ou déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité?

M. Jetté (Michel): Je, Michel Jetté, jure solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le greffier (M. Jean Bédard): Merci bien.

Le Président (M. Jolivet): Un instant. M. le député, est-ce une intervention ou une demande de directive?

M. le député de Brome-Missisquoi,

M. Paradis: Comme le leader du gouvernement a annoncé en Chambre qu'on siège demain, est-ce que le ministre pourrait nous indiquer, s'il possède l'information, quels sont les témoins qui seraient entendus au cas où ce serait terminé avec les avocats qui comparaissent aujourd'hui, parce qu'on siège tout de même jusqu'à 22 heures ce soir?

Le Président (M. Jolivet): Quels sont les invités, M. le ministre?

M. Duhaime: M. le Président, je vais dire qu'avec les trois invités qui sont devant nous nous avons très certainement du travail pour quelques heures. Connaissant votre talent naturel vers l'expansion, je ne prendrai pas le risque de vous confirmer qui pourrait être appelé à comparaître demain, mais, en

tout état de cause, je puis dire que, selon le secrétariat de la commission, je crois - on pourra me le confirmer - que Me Beaulé et Me Jasmin ont été convoqués pour demain. J'ai pris sur moi de les faire prévenir que, ce soir, nous allions leur donner une indication, et je peux dire tout de suite qu'il y a très peu de chances qu'ils soient entendus demain matin.

M. Paradis: Autrement dit, ce que le ministre me dit, c'est que ce sont les prochains témoins à être entendus?

M. Duhaime: Vous avez très bien pigé.

Le Président (M. Jolivet): J'aimerais faire une correction. Je me suis trompé, donc j'aimerais corriger tout de suite. M. Lavigne (Beauharnois) est remplacé par M. Vaillancourt (Jonquière) non pas comme intervenant, mais comme membre de la commission.

Nous en étions aux questions et j'inviterais M. le ministre à commencer dès maintenant.

M. Duhaime: Me Cardinal voudrait parler.

Le Président (M. Jolivet): À moins que Me Cardinal n'ait quelque chose à rajouter.

M. Cardinal: M. le Président, quelques remarques préliminaires. Je désire confirmer à cette commission que, le 2 février 1979, j'ai effectivement déjeuné avec MM. François Aquin et Jean-Roch Boivin. Je désire également confirmer les propos qui se sont tenus, que M. Aquin a expliqués ce matin. J'ajouterai simplement que, lorsque M. Boivin m'a informé de la rencontre de la veille entre le premier ministre et les P.-D.G. des sociétés, je n'ai pas été surpris parce que je connaissais déjà cet événement. J'ai vu, avec tout le monde, que mon nom est dans le registre du bureau du premier ministre le 9 février 1979 et le 27 février 1979.

Avant de commenter ces deux rencontres, je veux faire les remarques suivantes. Premièrement, j'ai mon bureau sur le même coin de rue à Montréal depuis 40 ans. Deuxièmement, M. Boivin, je crois, pratique le droit à Montréal depuis au-delà de 25 ans. Personnellement, nous nous connaissons bien tous les deux, nous nous voyons souvent, nous sommes amis et nous parlons très souvent d'autres choses que du saccage de la Baie-James.

Le député de Laporte a eu l'amabilité ce matin de venir me voir pour m'expliquer qu'hier il avait fait erreur en disant qu'il avait trouvé mes rencontres avec M. Boivin dans ma facturation. Je le remercie de cette délicatesse et je désire confirmer que je n'ai jamais facturé à la Société d'énergie de la

Baie James mes rencontres avec M. Boivin.

Ceci étant dit, quant à ma rencontre du 9 février 1979, mon nom apparaissant dans les registres, je suis sûr que j'y suis allé. Je suis sûr également que, si j'y suis allé, j'ai parlé avec M. Boivin des procédures qui étaient en cours et des règlements qui s'y faisaient. Malheureusement, j'ai beau fouiller dans ma mémoire, je ne me souviens pas exactement des termes de notre conversation.

Quant au 27 février 1979, vous verrez que j'étais très occupé en l'absence de M. Aquin cette journée-là et le lendemain, le 28. C'est, d'ailleurs, le 28 février que j'ai remis au président, M. Saulnier, la dernière transaction avec le dernier chiffre qui était de 300 000 $. J'ai été en cour le 28 février au matin et, dans l'après-midi, je suis parti en vacances et je suis revenu vers le 12 mars. Le 27 février, lorsque je suis arrivé pour voir M. Boivin quelques minutes, je lui ai dit: Jean-Roch, cette affaire est maintenant devant le bureau d'administration de la Société d'énergie de la Baie James. Je m'en vais en vacances. Bonjour! Je dis devant cette commission que jamais M. Boivin n'a exercé aucune influence sur moi lors de ces négociations et que je n'ai jamais négocié le saccage avec M. Boivin, tel que le représentent, d'ailleurs, les documents qui sont devant la commission.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, j'aurai, bien sûr, plusieurs questions à poser à nos invités. Chaque fois, pour la bonne compréhension, je poserai simplement une question et l'on verra pour la réponse. Ce sera à l'un ou l'autre des trois de juger, suivant qu'il s'agira d'une question pertinente à la responsabilité civile ou encore aux liens de droit ou aux procédures en exemplification, aux exécutions du jugement ou aux rencontres faites par le bureau de Mes Geoffrion et Prud'homme avec soit le contentieux de la SEBJ ou le conseil d'administration. Enfin, pour faire une histoire courte, l'un ou l'autre des trois pourra répondre. Je voudrais peut-être m'adresser d'abord à Me Aquin puisque, hier, un document nous a été distribué. Il n'a pas encore été officiellement déposé devant la commission.

M. Aquin: Est-ce que je pourrais en avoir une copie, parce que j'ai passé ma copie à quelqu'un?

M. Duhaime: Moi, je n'en ai qu'une seule. Est-ce que vous auriez, au secrétariat des commissions, une copie additionnelle pour M. Aquin? Cela s'intitule Le tableau des défendeurs dans l'instance. J'aimerais peut-

être vous laisser la parole, Me Aquin, pour que vous nous expliquiez ce dont il s'agit.

M. Aquin: Voici, M. le ministre, j'ai pensé, la semaine dernière, qu'il pourrait être utile aux membres de la commission et aussi aux médias d'information d'avoir un tableau très schématique, donc, qui n'est pas complet dans ce sens, mais qui donne, quand même, une idée des parties défenderesses et des différentes relations qui pouvaient exister. Cela sera utile après, je pense bien, comme cadre de référence à Me Jetté si des questions lui sont posées plus particulièrement sur la responsabilité, lui-même s'étant occupé plus de la question des opinions.

Nous poursuivions, dans cette cause, Yvon Duhamel. Je donne donc l'explication, parce que, comme je ne suis pas un expert en design, cela peut prêter à confusion. Je pense que, s'il y a une explication, vous allez voir comment cela fonctionne. Yvon Duhamel est agent d'affaires du local 791. Vous voyez donc une ligne entre Yvon Duhamel et le local 791. Ce que nous disons dans la note, c'est que les lignes représentent des rapports reconnus de préposition, alors que les pointillés désignent des rapports de préposition qui devaient être établis par la preuve. Ce que je veux dire, c'est qu'Yvon Duhamel est une personne qui reçoit un salaire payé par le local 791; on est donc devant un rapport clair: c'est un employé. Cependant, lorsqu'on est devant un délégué de chantier comme Maurice Dupuis, dont on pense qu'il peut faire des tâches pour le local 791, c'est ce que j'appelle un rapport de préposition qui ressortira de la preuve. On l'espère!

Donc, Yvon Duhamel a un rapport ferme avec le local 791: il est agent d'affaires. Ce pourquoi vous avez en bas "crim.", c'est parce qu'il y a eu des plaintes au criminel pour le saccage. C'est le cas des trois personnes où vous voyez la même mention. Cela peut devenir pertinent à certains moments, parce que, quand on parle d'aveux de responsabilité, vous savez que certaines de ces personnes sont en appel et ne veulent pas faire d'aveux de responsabilité.

Revenons à Yvon Duhamel. Vous avez, à la page 2, un résumé du cas Yvon Duhamel. C'est un agent d'affaires du local 791 et de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec. Le local 791 et l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec est une tête de Janus; ce sont deux organisations qui recouvrent sensiblement la même chose. Le local 791 est incorporé par l'union américaine, l'union américaine lui a donné une charte. L'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, c'est le même monde, mais incorporé ou constitué ici au Québec. Si la question vous intéresse en profondeur, Me Jetté pourra vous expliquer pourquoi, devant la commission Cliche, on a établi les raisons pour lesquelles ces personnes s'étaient donné ce double chapeau pour remplir les mêmes fonctions. Je ne pense pas trahir la vérité en disant qu'une des raisons, je pense, c'était d'envoyer moins de cotisations aux États-Unis.

Dans le cas d'Yvon Duhamel, vous avez donc un agent d'affaires de ce local 791. Yvon Duhamel pouvait engager, à notre opinion, The International Union en ce que son contrat d'engagement comme agent d'affaires du 791, pour être valide, avait été ou devait être approuvé par The International Union of Operating Engineers. Cela, c'était à prouver, c'est-à-dire que c'était à discuter; c'est ou, ce n'est pas un employé de... C'est pour cela que nous l'indiquons en pointillé.

Vous avez aussi ses relations en pointillé avec le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. De fait, Yvon Duhamel se comportait comme le représentant du conseil provincial à LG 2. C'est ainsi, d'ailleurs, qu'il avait été présenté aux syndiqués par André Desjardins lors des réunions à Matagami et à LG 2. Je pense qu'André Desjardins avait dit: C'est notre homme à LG 2, c'est notre représentant. Il y aura donc, évidemment, de la preuve à faire ici et toute cette preuve pourra vous être résumée par mon confrère Me Jetté.

Nous arrivons au cas de Maurice Dupuis qui était délégué de chantier. Donc, ce n'est pas un agent d'affaires; c'est un délégué de chantier suivant l'article 10.01 du décret relatif à l'industrie de la construction dans la province de Québec. Le délégué de chantier était nommé par le syndicat et choisi par les salariés de l'employeur. Il avait comme fonction de veiller à l'application du décret et des conditions de travail des salariés qu'il représentait. Donc, en soi, le délégué de chantier ne représente pas un syndicat, mais il représente ses confrères de travail.

De fait, outre ses fonctions de délégué de chantier, il semble que Maurice Dupuis assumait d'autres fonctions pour le local 791. Nous avions des raisons vraisemblables de croire que nous étions capables de prouver qu'il agissait, à toutes fins utiles, comme un mini-agent du local 791, ce qui, à notre sens, pouvait engager civilement aussi le local 791.

René Mantha était chef coordonnateur. Donc, il engageait, sans aucune difficulté, le local 791 dont il était l'employé. Le local 791 était représenté par Me Michel Jasmin. L'Union des opérateurs de machinerie lourde était représentée par un autre bureau d'avocats; Me Hugues Leduc la représentait.

Quant à Michel Mantha, c'est un délégué de chantier. Mais, tout ce qu'on a

dit de Maurice Dupuis par rapport au local 791 s'applique à Mantha par rapport au local 134. C'est un délégué de chantier. Comme tel, il n'engage pas le local. Mais, nous avions des raisons sérieuses de croire que nous pourrions établir qu'il était, de fait, une sorte de mini-agent de ce local 134. Et le local 134 était représenté par Me Cutler. (16 h 15)

Quant à André Desjardins, il n'y a aucun doute que, s'il était trouvé responsable, il engageait directement le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction; il en était le directeur général. Par contre, la preuve André Desjardins était une preuve factuelle. Mais, nous pensions être capables d'établir qu'il avait été partie prenante dans les événements de LG 2 et qu'il avait, à toutes fins utiles, conseillé étroitement Yvon Duhamel. Et c'est du ressort de la preuve qui devait être faite.

J'attire votre attention sur le fait que, même si je n'ai pas participé à la cour, il reste qu'au moment où la cause se termine, on n'a pas encore abordé l'étape responsabilité. On vient de terminer, ou à peu près, l'étape établissement des dommages. Quand on parle de la preuve, il n'y en a pas eu en cour. C'est la preuve qu'on pense être capable de faire, compte tenu de ce qu'on a comme documentation, surtout à la suite de la commission Cliche.

Nous arrivons maintenant au Conseil provincial des métiers de la construction. Il s'agissait, au sens de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, de l'association représentative dont la compétence s'étend - c'est la loi qui le dit -"à l'ensemble du Québec pour tous les métiers et emplois de la construction". Cet organisme était, le cas échéant, civilement engagé par André Desjardins - je viens de le dire - et aussi par Yvon Duhamel qui passait, de fait, pour être son représentant à LG 2.

Nous en arrivons à The International Union of Operating Engineers. Cet organisme international pouvait être engagé, à notre sens, à deux points de vue. Pour être valide, le contrat d'agent d'affaires d'Yvon Duhamel pour le local 791 avait été ou devait avoir été approuvé par cette union. De plus, cette union avait - c'est un cas assez fréquent, je pense, dans les syndicats américains; on n'a pas cela au Québec - par ses règlements, des pouvoirs structurels de contrôle sur son local. On voulait prouver qu'elle avait omis de les exercer. On pouvait prouver - Me Jetté le corroborera et complétera cela, d'ailleurs -que, de facto, il était déjà arrivé à l'union internationale d'intervenir dans les affaires de ses locaux pour exercer son pouvoir structurel de contrôle.

C'est le tableau des défendeurs. Je le mentionne parce que je l'ai préparé pour vous, mais sous toute réserve de ce que M. Jetté pourra dire sur la question, parce que c'est lui qui avait le contrôle de la recherche factuelle. Il y a aussi bien des points qui pourront être complétés, renforcés. Donc, c'est le troisième document que nous avons produit, avec les deux autres documents de ce matin.

Comme j'ai la parole, il y a simplement une chose que je voudrais mentionner. Dans la facturation du 23 janvier, on fait état d'une rencontre avec le conseil d'administration et c'est une erreur. Je vous ai parlé des deux fois où on est allé au conseil d'administration. On n'y est pas allé le 23 janvier. Je vous ai dit que, le 23 janvier, on avait attendu toute la journée pour savoir ce qui s'était passé au conseil. On a attendu au bureau. Un de nos avocats a probablement parlé d'une rencontre projetée ou possible, parce qu'on était toujours en disponibilité pour ces réunions du conseil d'administration, mais il n'y a pas eu de rencontre de nos avocats avec le conseil d'administration de la 5EBJ, le 23 janvier.

M. Duhaime: Pendant qu'on est sur ce détail, Me Aquin, vous avez indiqué ce matin - est-ce que vous pouvez le confirmer - que le 30 janvier, cependant, les avocats de votre bureau étaient présents...

M. Aquin: Mes deux associés étaient là, oui.

M. Duhaime: ...au conseil d'administration. Maintenant, je voudrais revenir à cet organigramme, au profit de ceux qui nous écoutent et qui n'ont pas l'avantage de l'avoir en main. Lorsque vous parlez de la ligne pointillée, cela veut dire que, sur le plan de la responsabilité et sur le lien de droit, la preuve est à faire. Dois-je comprendre, par exemple, qu'un jugement contre M. Yvon Duhamel engagerait automatiquement le local 791?

M. Aquin: C'est notre opinion.

M. Duhaime: Mais le jugement n'engagerait pas nécessairement The International Union of Operating Engineers, c'est-à-dire le syndicat américain, pas plus que ne pourrait être engagé, par un jugement contre M. Yvon Duhamel, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Est-ce exact?

M. Aquin: Cela ne l'engageait pas nécessairement parce que, dans le cas d'Yvon Duhamel, pour engager The International Union of Operating Engineers, il faudrait que le tribunal suive notre préposition de droit, à savoir que dans la charte de l'union internationale il fallait que son contrat ait été ratifié par The International Union of

Operating Engineers.

M. Duhaime: D'accord, je reviendrai plus tard sur ce sujet. Mais, pour les fins de la bonne compréhension, ce n'est pas une responsabilité qui est engagée automatiquement; le lien reste à être prouvé.

Un jugement qui pourrait être rendu contre René Mantha, chef coordonnateur, engagerait automatiquement, selon vous, la responsabilité civile du local 791. Par ailleurs, un jugement qui pourrait être rendu éventuellement contre Maurice Dupuis n'engagerait pas nécessairement la responsabilité du 791 et du syndicat américain, l'International Union.

M. Aquin: Dans le cas du 791, il faudrait faire le bout de preuve que Maurice Dupuis, à part d'être un délégué de chantier, était une sorte de mini-agent du local 791 sur les lieux. Après, pour engager The International Union, il faudrait recourir à notre argumentation sur les pouvoirs structurels de contrôle d'International Union sur son local.

M. Duhaime: Dans le cas de Michel Mantha, votre graphique nous indique une ligne en pointillé. Cela veut dire aussi que sa responsabilité n'engagerait pas nécessairement le local 134; il faudrait en faire la preuve.

M. Aquin: C'est la même chose que pour Dupuis. D'ailleurs, M. Cutler avait déjà fait une requête en irrecevabilité, pour dire: Vous ne pouvez pas nous poursuivre au local 134; un délégué de chantier ne représente pas son local. Le tribunal a rejeté cette requête, je crois, en disant: On verra quelle est la preuve pour voir s'il y avait plus d'un délégué de chantier en la personne de Mantha et en la personne de Maurice Dupuis, ce que nous, nous pensons.

M. Duhaime: Dans le cas du défendeur André Desjardins, directeur général, qui était aussi poursuivi, un jugement en responsabilité contre lui aurait entraîné automatiquement la responsabilité du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, la FTQ.

M. Aquin: Exact.

M. Duhaime: C'est exact. Je vais tenir pour acquis que la responsabilité civile de certaines personnes physiques qui étaient sur les lieux pouvait être engagée, en particulier ceux contre qui des jugements devant les cours criminelles auraient été rendus. Ma question serait la suivante. Je voudrais que vous nous expliquiez une chose, non pas tellement sur le plan de la responsabilité civile des syndicats québécois qu'aurait pu entraîner la condamnation de Maurice Dupuis, Yvon Duhamel, René Mantha, Michel Mantha ou André Desjardins. Mais voudriez-vous nous expliquer dans votre opinion -parce que je comprends qu'il y en a eu plusieurs, il y en a un volume que vous nous avez remis ce matin - comment les liens de droit se situent entre un syndicat québécois comme le 791 et The International Union of Operating Engineers, dans un premier temps? Comment est-ce que cela se fait? Comment est-ce que cela se présente sur le plan du droit? Il en a été beaucoup question depuis le début des travaux de la commission. Il m'apparaît important que ce soit clarifié.

M. Aquin: Cela se présente à deux niveaux. Mon collègue, Me Jetté, me complétera sûrement tout à l'heure parce qu'il l'a vécu plus profondément que moi. Si je réponds aussi à votre question sans demander immédiatement à M. Jetté de répondre, c'est parce que ce sont des questions qui m'ont été posées lorsque je suis allé au conseil d'administration de la SEBJ, alors que j'étais présent avec M. Jetté, le 9 janvier.

Cela se situe à deux niveaux: Sur le plan du droit, on avait la charte et les règlements de fonctionnement de l'International Union of Operating Engineers. C'est là qu'on voyait son pouvoir sur l'engagement de l'agent d'affaires, M. Yvon Duhamel, par le local 791 et aussi son pouvoir sur le fonctionnement du local 791, ce que j'ai appelé un pouvoir structurel de contrôle. Sur le plan des faits, la preuve n'était pas commencée. M. Jetté pourra peut-être évoquer qu'il aurait eu l'espoir d'aller plus loin que sur le plan du droit et d'établir peut-être certains contacts entre l'International Union et le local 791, mais c'est un domaine que j'aimerais mieux lui laisser.

Le Président (M. Jolivet): M. Jetté.

M. Jetté: Voici, sur le plan factuel, pour autant que la participation de l'International Union est concernée, il est certain - on l'a dit dans nos opinions parce que tout le monde a remarqué qu'elles avaient été qualifiées - que nous n'avions pas d'élément qui nous permettait de dire que l'International Union ou ses représentants avaient participé ou conseillé ou suggéré quoi que ce soit dans cette affaire. Il ne nous était pas possible d'assimiler cette instance-ci avec celle de la Gaspé Copper. C'était, d'ailleurs, une question qui revenait assez souvent parce que c'était, dans le fond, la cause célèbre au Québec sur ce genre de question. Il fallait toujours faire attention pour distinguer entre la responsabilité directe de la United Steel Workers dans l'affaire de la Gaspé Copper Mines, où la responsabilité

avait été retenue principalement sous l'article 1053 du Code civil, et l'instance à laquelle on faisait face.

Dans ce cas-ci, Me Aquin a précisé vraiment qu'il y avait deux volets. Si vous me le permettez, je vais expliciter un peu. M. Yvon Duhamel, c'était admis - ce n'était pas vraiment contesté ou, si cela l'était, on aurait pu facilement faire la preuve - était, en fait, l'agent d'affaires du local 791 qui détenait une charte en vertu de la constitution de l'International Union depuis à peu près quatorze mois. D'autre part, on savait aussi - parce qu'on avait de la documentation là-dessus - qu'il était payé au moins partiellement par "l'union québécoise". Ce que j'appellerai ainsi, c'est cette union parallèle qui avait été incorporée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels, en janvier 1973. Alors, on avait un lien assez fort.

Maintenant, pour revenir à l'International Union, on avait pris connaissance de la constitution. Ce qui nous avait frappés à l'époque, lorsque la première opinion avait été donnée, c'est que, bien que dans la constitution on disait que c'était le gérant d'affaires du local qui engageait ou nommait les agents d'affaires, il y avait une autre disposition qui prévoyait qu'aucun de ces contrats ne pouvait être considéré comme valide sans avoir été approuvé, je pense que c'était par le président, "The General President of the International Union". Et ceci nous avait amenés à penser que si la véritable autorité pour engager un agent d'affaires résidait dans l'International Union, dans le syndicat américain, à ce moment-là, Yvon Duhamel, si son contrat avait été approuvé, soit implicitement, soit explicitement, devenait l'agent de l'union internationale.

Nous n'avions pas de preuve. Je n'avais pas dans mon dossier, et je n'en ai jamais eu d'ailleurs, des éléments de preuve, à savoir que le contrat d'agent d'affaires d'Yvon Duhamel avait été approuvé, ni implicitement ni explicitement. Cependant, considérant qu'il avait été agent d'affaires pendant une période de quatorze mois, l'on présumait, vu qu'il y avait des contacts entre M. Meloche qui était le gérant d'affaires du local 791 et un M. Hill qui était le vice-président pour le Canada du syndicat américain, qu'il est probable que le nom d'Yvon Duhamel avait dû apparaître quelque part dans des rapports et dans des procès-verbaux, et qu'il avait possiblement été vu par des gens du syndicat américain, auquel cas on se croyait justifiés d'aller de l'avant et de tenter de faire cette preuve, qui n'était pas faite, cependant. (16 h 30)

D'un autre côté, on savait aussi que le local 791 était en chicane en quelque sorte avec le syndicat américain. Rowland Hill avait eu des communications écrites, notamment, avec, bien sûr, le gérant d'affaires, M. Meloche, pour le convoquer afin de discuter de certains problèmes. On avait en main aussi des procès-verbaux du local 791 qui faisaient état, justement, de ce personnage, M. Hill. Donc, on savait qu'il existait des contacts. On savait qu'il y avait une chicane, un conflit. La preuve en était, bien sûr, que les mêmes gens du local 791 avaient parallèlement, un an auparavant, incorporé un syndicat professionnel en vertu de la loi québécoise. Or, les pouvoirs de l'union internationale, en vertu de sa charte, sont tels que, finalement, il y avait un argument valable à faire à mon sens, à savoir que le local 791 n'était, finalement, que l'alter ego, ou un bras, ou un agent de l'union internationale et que, si l'on pouvait faire triompher ce point de vue là, les agissements du local 791 devenaient imputables à l'International Union.

C'était une théorie, je dois dire. On avait étudié la question; il n'y avait pas vraiment de précédent sur cette question. C'est, d'ailleurs, cela qui nous a amenés, à un moment donné, à nous interroger sur le droit américain quelques mois avant le début du procès, lorsque nos recherches, en fait, entre la fin de 1975 et la fin de 1978 ne nous avaient pas vraiment appris d'éléments nouveaux au point de vue factuel. Alors, à ce moment-là, on s'était interrogé sur le droit américain pour voir si aux États-Unis il n'y aurait pas des précédents qui pourraient nous servir afin de présenter, le cas échéant, un argument décent au cas où la preuve nous aurait desservis. Je ne sais pas ce que la preuve nous aurait révélé. On ne le saura jamais. Les gens concernés n'ont jamais été interrogés, bien sûr, et je ne pouvais pas le faire étant donné qu'ils étaient représentés par avocat. Je ne pouvais pas me présenter chez eux et leur faire déballer leur petite histoire.

Il y avait, d'ailleurs - je le signale - un autre élément qui me permettait de croire que l'International Union of Operating Engineers aurait dû exercer certains pouvoirs qu'elle avait en vertu de sa constitution et qu'elle ne l'avait pas fait. Peu de temps après le saccage, je me rappelle - c'est un de mes collègues qui m'assistait particulièrement dans cette affaire, Me Gilles Guèvremont, qui me l'avait appris -qu'un représentant de l'International Union of Operating Engineers était venu s'installer à Montréal pour surveiller les intérêts du syndicat américain. Je pense que, subséquemment, un nettoyage a été fait. On entendait peut-être se servir d'éléments à ce niveau pour tenter de démontrer que, si l'International Union of Operating Engineers avait agi à ce moment, elle aurait pu agir avant et elle aurait peut-être péché par omission. Enfin, c'étaient des avenues à explorer. C'étaient des avenues qui nous

semblaient valables.

Toutefois - je dois faire cette réserve, c'est pour cela qu'elle est faite partout dans nos opinions - nous n'avions pas d'éléments aussi déterminants pour retenir la responsabilité du syndicat américain que nous en avions soit dans le cas du local 791 ou de l'union québécoise ou même du Conseil provincial des métiers de la construction où j'avais, quand même, accès à des témoignages bien précis qui me permettaient d'être sur du terrain un peu plus solide. En bref, c'était la situation. Ce que nous avions découvert en demandant une opinion à nos correspondants américains, c'est que, effectivement, avant l'entrée en vigueur d'un statut dont on a beaucoup parlé, le Norris-La Guardia Act, qui a semblé surprendre bien des gens, aux États-Unis, il y avait une certaine tendance jurisprudentielle, en ce sens que, lorsqu'une constitution prévoyait une mesure de contrôle très forte du syndicat international sur ses locaux, la responsabilité de l'International était engagée parce qu'on disait: Finalement, le local n'est qu'un agent de l'international et c'est à travers les locaux que l'international agit. Donc, il y avait une relation d'"agency", de mandant-mandataire. Alors, il y avait des autorités qui pouvaient nous servir de ce côté.

Donc, si j'avais à caractériser ce que nous avions en main au moment où nous avons amorcé le procès, ce serait à peu près cela. Évidemment, je ne me souviens pas de tous les détails et de tous les documents; on avait accumulé de la correspondance, des procès-verbaux, etc. Mais, substantiellement, c'était la situation au début de 1979 pour autant que nous la percevions.

M. Duhaime: Me Jetté, je voudrais vous poser une question. Vous avez dit tantôt, dans votre exposé, que vous ne connaissiez aucun précédent. Quand on parle d'un précédent dans notre jargon et quand on parle d'un précédent entre avocats, ce sont des choses bien différentes. Pour vous, lorsque vous parlez d'un précédent, est-ce que vous vous reportez au fait qu'il n'existait aucune cause similaire ou aucun jugement rendu par aucun tribunal canadien ou américain en pareille matière?

M. Jetté: Pas américain, justement. Je n'en connaissais pas au Canada. Je vous fais, cependant, remarquer que je me fiais beaucoup sur cet aspect, parce que ma formation de base est une formation de civiliste. J'avais fait du droit public, mais je n'étais pas familier, lorsque j'ai commencé à travailler dans ce dossier à l'automne 1975, avec le droit du travail, le syndicalisme, etc. C'était pour moi quelque chose d'un peu nouveau. Je me souviens, cependant, qu'à l'automne 1978 nous n'avions pas de précédent québécois pour être capable d'affirmer qu'à cause de la structure, de la constitution du syndicat américain il existait entre le syndicat américain et le syndicat local un lien de subordination tel que l'on pourrait dire, à toutes fins utiles, que le syndicat local n'était que l'agent du syndicat américain. C'est rigoureusement exact. Nous espérions, au cas où la preuve nous desservirait, pouvoir nous servir de certains précédents américains. Maintenant quel impact cela aurait pu avoir dans l'esprit du tribunal, compte tenu de la preuve qu'on ne connaît pas, cela ne serait que de la spéculation de ma part.

M. Duhaime: Vous avez référé tantôt à la cause qui est devenu peut-être malgré elle, célèbre, celle de Gaspé Copper. Il a été question aussi de l'affaire Reynolds depuis le début des audiences de cette commission. Pourriez-vous nous expliquer clairement, dans vos mots, s'il y a un rapport quelconque entre l'action qui a été intentée à la suite du saccage de la Baie-James - je parle d'un rapport sur le plan des liens de responsabilité - et l'affaire Gaspé Copper et l'affaire Reynolds?

M. Jetté: La réponse, c'est non.

M. Duhaime: Par rapport au syndicat américain.

M. Jetté: La réponse, c'est non. Reynolds, au point de vue du droit, je pense, ne nous apprenait rien de nouveau. La CSN avait été condamnée parce que l'un de ses préposés était sur les lieux. Alors, le lien de droit était facile à établir. On appliquait l'article 1054, cela ne se rapprochait pas de ce cas-ci. Mais, si on avait pu établir que le contrat d'agent d'affaires d'Yvon Duhamel devait être approuvé par le syndicat américain, à ce moment on pouvait dire: Duhamel, dans le fond, est non seulement le préposé du 791, mais il est devenu un préposé du syndicat américain. Cela mis à part, c'est la seule analogie. Dans le cas de la Gaspé Copper Mines, si je me le rappelle bien, le juge Lacoursière avait retenu la responsabilité sous 1053. C'est pratiquement de façon subsidiaire qu'il avait dû invoquer l'article 1054. La participation du syndicat américain avait été très directe dans cette affaire de telle sorte qu'il n'avait pratiquement pas été nécessaire d'invoquer la responsabilité présumée de l'article 1054.

M. Duhaime: Je vais profiter, M. le Président, de la présence d'un spécialiste ici pour lui poser une question sur une expression qui a été utilisée à de nombreuses reprises depuis le début de nos travaux. Toujours en relation avec les liens de droit à être établis, d'abord, devant les tribunaux au

Québec et, éventuellement, suivant les volontés des parties qui pouvaient y porter cette instance, jusqu'en Cour suprême du Canada, on a beaucoup parlé d'exem-plification. Êtes-vous capable de nous dire ce que cela veut dire? Qu'est-ce qui arrive lorsqu'on a un jugement final de la Cour suprême, dans l'hypothèse ou le lien de droit était retenu contre l'International Union of Operating Engineers, et qu'ensuite vous vous présentez au siège social de ce syndicat américain en disant: J'ai un jugement de la Cour suprême du Canada. Qu'est-ce qui arrive ensuite aux États-Unis?

M. Jetté: Voici exemplification, c'est un mot qu'on utilise pour désigner la réalité suivante. Un jugement, normalement, n'a d'effet que dans la juridiction qui l'a prononcé. Alors, si la Cour supérieure prononce une décision, elle n'a, en soi, aucune valeur à l'extérieur de la province, dans le sens que ce jugement n'est pas exécutoire en dehors de la province de Québec. Cela aurait été le cas. Cependant, ce qu'on appelle des procédures d'exemplification, c'est que, entre pays civilisés, on a des règles en vertu desquelles, normalement, on donne un certain effet à un jugement étranger, en permettant d'intenter, dans cette juridiction étrangère, une nouvelle action fondée, cette fois-là, non pas sur la cause d'action originelle, mais sur la foi du jugement prononcé à l'étranger. À ce moment-là, la cour, normalement, est appelée à vérifier si ce jugement a été rendu suivant les critères habituels d'impartialité, etc. Si ces critères sont respectés et qu'il n'y a pas, dans cette juridiction saisie de l'action en exemplification, de questions d'ordre public qui s'opposeraient à ce qu'on donne effet au jugement étranger, on lui donne effet. Cela, c'est la règle habituelle. En tout cas, ça semblait être le cas aux États-Unis. On sait cependant, que, ici au Québec, on ne donne pas un tel effet à un jugement étranger prononcé en dehors du Canada. On est un peu à contre-courant.

M. Duhaime: Vous parlez de la procédure normale. Mais, l'International Union of Operating Engineers - si j'ai bien compris tout ce qui a été dit depuis le début des travaux de cette commission et, en particulier, lors du témoignage de Me Aquin ce matin, il y a une constante dans ce dossier - n'a jamais admis sa responsabilité.

M. Jetté: Non. Je dois vous dire que c'est vrai que Me Beaulé se défendait avec vigueur. Il n'y a pas de doute.

M. Duhaime: Bon, Me Beaulé se défendant avec vigueur, au nom de sa cliente, le syndicat américain, était-il possible au syndicat américain de faire reprendre toute l'instance à zéro devant les tribunaux américains, tant sur le plan de la responsabilité que sur le plan des dommages?

M. Jetté: Cela, c'était la deuxième question qu'on avait adressée à nos correspondants américains. Vous vous rappelez - je pense que c'est à la fin du mois de novembre - que, dans une lettre, on faisait référence au fait que l'on devait s'enquérir à la fois de la solvabilité du syndicat américain et, en même temps, parce que c'était la première fois qu'on nous posait la question, de ce qu'il adviendrait de notre jugement québécois aux États-Unis. Alors, j'ai obtenu effectivement une opinion vers la fin de décembre. Je pense qu'elle a du être livrée au bureau au tout début de janvier 1979. Le sens de cette opinion indiquait que, probablement, les tribunaux américains permettraient que l'on intente une action sur la foi du jugement québécois et que les chances étaient que l'on puisse exemplifier ce jugement-là aux États-Unis. C'était, d'ailleurs, le sens des remarques que nous avons faites dans notre opinion du 5 janvier 1979. C'était l'orientation générale de cette opinion. Elle allait dans ce sens.

(16 h 45)

L'une des questions que j'avais soulevées avec ces gens est que je connaissais ce principe de la réciprocité, à savoir que, normalement, un pays donne effet à un jugement étranger si, à l'étranger, on lui donne le même avantage. Je leur avais donc expliqué que, ici, la loi de la province de Québec indiquait qu'on ne donnait pas effet à un jugement prononcé en dehors du Canada et que tous les moyens de défense que l'on pouvait faire valoir à l'étranger, on pouvait de nouveau les faire valoir devant nos tribunaux. Cela ne semblait pas poser de difficulté majeure à nos correspondants. Ils ont dit: Nous croyons que, nonobstant cette absence de réciprocité entre la loi américaine et la loi du Québec, les chances sont que l'on donnerait effet au jugement québécois.

Cependant, dès ce moment-là, ils nous avaient fait une réserve. Si vous me le permettez, je vous la lis. En dernière page, ils nous disaient ceci: "As a note of caution, the requirement of reciprocity, although ignored, has not been put to rest." Ils faisaient une petite réserve sur cette question en ce sens que, s'il était vrai que leurs recherches semblaient leur indiquer que, nonobstant l'absence de réciprocité, l'on donnerait effet au jugement, ils ont dit: Faites attention, ce n'est pas encore sorti des livres de droit. Enfin, c'est ainsi que j'ai compris le sens de leur opinion. On pourrait ressusciter cette exigence le cas échéant.

D'ailleurs, cette seconde opinion, on l'avait transmise à Me Gadbois, à l'époque.

On n'en a pas fait état le 5 janvier, parce que l'objet de l'opinion était fondamentalement de rafraîchir celle que l'on avait donnée au mois de décembre 1975. Alors, fondamentalement, le 5 janvier, on s'était plutôt attaché à faire un rafraîchissement, si vous voulez, de cette opinion qui datait déjà, parce que cela avait été demandé. Cependant, on n'avait pas donné de détails sur les nuances d'application des règles régissant l'exemplification, parce que ce n'était pas ce que l'on avait en vue, à ce moment-là, en rédigeant l'opinion. Alors, on avait donné le sens général de l'opinion américaine. Cependant, plus tard, comme vous le savez, on est revenu sur cette question.

M. Duhaime: Mes souvenirs s'éloignent à mesure que les années avancent, mais, si je vous ai bien saisi, aux États-Unis, si l'International Union maintenait son point de non-responsabilité, cela voulait dire qu'il fallait reprendre toute la preuve?

M. Jetté: Non, justement.

M. Duhaime: Réentendre les témoins?

M. Jetté: Non.

M. Duhaime: Ou bien était-ce simplement versé au dossier?

M. Jetté: Non. Justement, c'était la distinction. On donnait, en principe, effet à un jugement étranger, à certaines conditions. Ces conditions me semblaient remplies. Il y avait "due process of law". Enfin, l'International Union aurait eu, normalement, un procès impartial, il n'y a pas de doute. Elle se défendait, etc. Alors, il n'y avait pas de raison en soi pour que le tribunal américain refuse de donner effet au jugement québécois. C'était, à n'en pas douter, l'opinion qu'on recevait de nos correspondants américains, avec la réserve que je vous signalais concernant cet aspect de réciprocité.

M. Duhaime: Au moment où les premières procédures en exemplification sont prises aux États-Unis, j'imagine que c'est fait devant un tribunal de première instance d'un État quelconque, celui du siège social, j'imagine?

M. Jetté: Je crois que je le mentionne dans une des opinions qu'on donnait à la SEBJ; on suggérait la Cour fédérale du district de Columbia comme étant le forum pour débattre cette question.

M. Duhaime: La Cour fédérale du district de Columbia, c'est un tribunal de première instance?

M. Jetté: Oui.

M. Duhaime: Bon. Selon sa teneur, le jugement qui aurait pu sortir de là aurait pu être porté en appel devant un autre tribunal de l'Etat?

M. Jetté: D'après ce que je connais du droit américain, je crois qu'il y avait probablement quelques étapes à franchir avant d'obtenir un jugement final.

M. Duhaime: Bon. Je voudrais qu'on clarifie ceci. II y a la Cour fédérale du district de Columbia; tout le monde va s'entendre pour dire que c'est un tribunal de première instance. Il y a ensuite quelque chose qui s'appelle la Cour d'appel de l'État.

M. Jetté: Oui, il y en a certainement une, j'en suis certain.

M. Duhaime: II y a une Cour d'appel et, ensuite, il y a la Cour suprême des États-Unis.

M. Jetté: Je pense que c'est sur permission aux États-Unis dans tous les cas, mais enfin.

M. Duhaime: Bon. Avez-vous une idée, Me Jetté, combien cela aurait pris d'années dans un premier temps, dans l'hypothèse où le procès suit son cours, pour obtenir un jugement final? J'ai entendu Me Aquin qui l'a dit ce matin ou d'autres. Je ne voudrais pas prêter des mots à personne; je crois qu'on envisageait tout de même six mois de procès en première instance à Montréal devant l'honorable juge Bisson. Mon expérience m'indique que sur un procès de six mois, le délibéré du juge a des chances d'être long avant d'avoir le jugement de la Cour supérieure. En tenant pour acquis qu'il serait porté devant la Cour d'appel du Québec par l'une ou l'autre des parties, peu importe, et ensuite porté devant la Cour suprême du Canada...

M. Jetté: On n'en est pas sorti.

M. Duhaime: Le bureau de Geoffrion et Prud'homme n'en est pas à sa première cause en appel à Québec ou en appel en Cour suprême. Si je vous demandais une évaluation en termes de calendrier, on aurait eu un jugement de la Cour suprême du Canada en quelle année, au meilleur de votre évaluation? J'imagine que c'est un scénario que vous avez pu envisager un jour ou l'autre.

M. Jetté: En 1984 ou en 1985. M. Duhaime: En 1984 ou 1985.

M. Jetté: À mon sens, on n'est peut-être pas sorti de la Cour d'appel encore.

M. Duhaime: En 1984, en 1985.

M. Jetté: Non, je dis peut-être qu'on aurait eu fini au Canada.

M. Duhaime: En 1984, 1985. M. Jetté: Admettons.

M. Duhaime: Cela veut dire qu'à l'heure actuelle on siège en retard ici en commission parlementaire'.

M. Jetté: Certainement.

M. Cardinal: M. le Président, est-ce que je peux intervenir un instant?

Le Président (M. Jolivet): Oui, allez. M. Duhaime: Oui, allez-y.

M. Cardinal: Le gouvernement de Terre-Neuve a poursuivi Hydro-Québec pour 800 mégawatts des chutes Churchill. HydroQuébec a décidé de contester cette action devant les tribunaux de Terre-Neuve. Le jugement n'est pas rendu en première instance à Terre-Neuve et cela fera bientôt sept ans.

M. Duhaime: Sur une procédure incidente?

M. Cardinal: Non, on est au fond.

M. Duhaime: Le jugement n'est pas rendu.

M. Cardinal: Le jugement n'est pas rendu en première instance et cela fera bientôt sept ans que l'action est prise.

M. Duhaime: Cela veut dire que, cette action civile, à la suite du saccage, ayant été intentée dans les derniers délais de la prescription, quelque part en février 1976 -je n'ai pas la date précise d'assignation - il aurait fallu de 1976 à 1984-1985 pour obtenir un jugement final de la Cour suprême du Canada. Est-ce que je pourrais, par extension - j'aime mieux vous poser la question - vous demander si vous avez une idée en quelle année on serait sorti de la Cour suprême des États-Unis dans l'hypothèse où un jugement est rendu en exemplification à la Cour fédérale du district de Columbia, ensuite par la Cour d'appel de l'État de Washington et finalement par la Cour suprême des États-Unis?

M. Jetté: Vous comprenez que c'est une estimation extrêmement sommaire, mais on peut peut-être ajouter cinq ans.

M. Duhaime: Cinq ans. Dans une hypothèse plausible, on se retrouverait quelque part en 1989, 1990. Maintenant, Me Jetté, s'il a été envisagé par votre bureau que ce scénario pourrait être suivi jusqu'au bout, selon la volonté de vos clients, combien cela aurait-il pu coûter en frais?

M. Jetté: On parle en termes de millions.

M. Duhaime: Je ne vous demanderai pas de me répondre en dollars de 1976 ou en dollars d'aujourd'hui, mais une évaluation que vous pourriez faire. Est-ce qu'on parle d'un dossier de 1 000 000 $, de 5 000 000 $ ou de 10 000 000 $?

M. Jetté: On parle certainement, en étant raisonnable, de 2 000 000 $ à 3 000 000 $.

M. Duhaime: 2 000 000 $ à 3 000 000 $.

M. Jetté: À mon sens. Les avocats américains, c'est "cherrant", que je sache. C'est pourquoi je dis que c'est probablement un chiffre modéré.

M. Duhaime: Oui. Puisque vous m'en donnez l'occasion, je voudrais le faire préciser. Vous dites qu'ils sont "cherrants". Tout le monde comprend ce que cela veut dire. Tout le monde a le droit de gagner sa vie. Mais, contrairement à la tarification qui existe ici au Québec, la tarification judiciaire, la tarification extrajudiciaire, etc., est-ce que, aux États-Unis, mais plus précisément dans cet État, vous êtes au courant si c'est exact que les procureurs américains travaillent exclusivement au pourcentage?

M. Jetté: Je ne sais pas si c'est exclusivement au pourcentage. Je ne pourrais pas répondre à cette question.

M. Duhaime: Je ne voudrais pas entrer dans tout le détail de la question des dommages et intérêts. Hier, un de vos collègues a été très insistant sur une expression qui a été utilisée par votre firme dans une opinion. Je vais essayer de me souvenir exactement de l'expression. Je crois que c'était "juridiquement fondés". On en a parlé pendant de longues minutes. Je n'ai pas en mémoire la référence exacte, mais c'était contenu dans une des opinions.

M. Jetté: Je pense que c'est celle du...

M. Duhaime: La page 143 de la brique que j'ai devant moi. Je ne sais pas à quoi

cela réfère dans vos propres documents. M. Jetté: Si vous me le permettez...

M. Duhaime: Vous l'avez dans un de vos documents?

M. Jetté: ...j'ai cette opinion dans l'un des cahiers qui vous ont été remis hier soir par Me Aquin.

M. Duhaime: Oui, page 61. C'est cela?

M. Jetté: En fait, c'est à la page 61, je pense.

M. Duhaime: Bon. Je ne peux pas aller dans tous les détails de votre opinion. Je vais simplement demander que vous nous expliquiez ce que vous voulez signifier lorsque vous dites, à la page 7 de votre opinion, qu'en résumé la réclamation totale peut se détailler comme suit: A. "Les postes suivants sont juridiquement fondés et, selon notre opinion, devraient être maintenus."

M. Jetté: Ce que cela veut, tout simplement, dire, c'est qu'à mon avis, à ce moment - parce que j'étais à la cour, c'est moi qui avais fait la preuve - elle était, à mon sens, d'excellente qualité. Cela voulait dire, tout simplement, qu'en droit, c'était un dommage qui pouvait être accordé par le juge et que ce dommage avait été prouvé. C'est ce que cela voulait dire. La seule réserve que je peux avoir est que je me prononce dans le temps. Je n'ai pas encore entendu la défense. Sauf que, personnellement, je pense qu'on avait une action bien fondée pour la somme de 17 196 419,12 $ qui est mentionnée. J'étais très satisfait de la qualité de la preuve offerte là-dessus.

M. Duhaime: Je ne vous offenserai pas, Me Jetté, en vous disant que, lorsqu'on entendra vos confrères qui agissent en défense, ils pourront sûrement prétendre le contraire.

M. Jetté: Probablement qu'ils vont le faire.

M. Duhaime: Au paragraphe B de la page 7: "Les postes de réclamation suivants, bien que prouvables, risquent d'être rejetés pour raisons de force majeure et de non-subrogation de la part de la société". En arrondissant les chiffres, il y a un total de 2 300 000 $. Est-ce que, à toutes fins utiles, cela voulait dire que vous avisiez votre cliente qu'il fallait abandonner ces postes de réclamation?

M. Jetté: Pas tout à fait. Je vais vous expliquer ce que cela voulait dire dans le contexte. On avait le problème suivant: les sommes qui sont mentionnées dans ce chapitre B étaient des sommes que la Société d'énergie de la Baie James avait accepté de payer après le saccage, soit à des ingénieurs-conseils qui étaient sous contrat, soit à certains entrepreneurs. Mais elle avait accepté de les indemniser, à la suite d'une réclamation, sur une base purement volontaire. (17 heures)

Je m'explique. C'est que, dans le fond, quand les entrepreneurs ou les firmes d'ingénieurs-conseils ont fait des réclamations auprès de la SEBJ, celle-ci, légalement, aurait pu dire: Le saccage constitue, pour autant que je suis concernée, un cas de force majeure et cela m'exonère. Je ne suis pas tenue de vous payer. Si vous voulez vous faire indemniser pour les pertes que vous, entrepreneurs, avez subies, adressez-vous au syndicat ou, enfin, aux personnes qui vous croyez responsables de cet état de fait. Cependant, pour des raisons, probablement, de politique et de bons rapports avec ces ingénieurs et ces entrepreneurs, la SEBJ avait accepté de les indemniser. Cela avait été originellement "computé" dans la réclamation, sauf qu'une fois le paiement fait, s'il n'y avait pas eu de subrogation ou de cession en faveur de la SEBJ, on pouvait certainement prétendre à un moment donné que je ne pouvais pas réclamer ces sommes parce qu'elles avaient été payées sur une base purement volontaire et que la SEBJ n'était pas tenue de les payer. Alors, c'était un argument sérieux à faire valoir. Je vous avoue que je ne sais pas comment j'aurais combattu cela. J'aurais peut-être dit qu'ils invoquent leur propre turpitude pour ne pas payer, mais c'était plus douteux. C'est pour cela qu'on avait fait cette réserve ici.

M. Duhaime: Au paragraphe C, à la page 8 de votre avis, à la page 62 du document que Me Aquin a déposé ce matin, il y a trois postes de réclamations pour 541 000 $; pour faire l'histoire courte, on va dire 500 000 $. Vous dites qu'ils sont "juridiquement discutables puisqu'ils peuvent être considérés comme des dommages indirects, lesquels ne sont pas admissibles".

M. Jetté: C'est à cause d'un principe élémentaire, à savoir qu'à la suite d'un événement délictuel - genre d'événement qui s'est produit ici - on ne peut réclamer que les sommes qui découlent directement de l'événement, qui sont une suite immédiate et directe. Ici, je ne me souviens pas exactement de la preuve, mais mon souvenir, c'est qu'à cette époque je me demandais sérieusement si ce n'était pas plutôt ce qu'on considère en droit comme étant des dommages indirects. Ce sont des dommages réels, mais ce sont des dommages indirects

que la victime d'un délit ne peut pas réclamer. C'est pour cela que j'avais fait cette réserve-ci.

M. Duhaime: Alors, le paragraphe suivant, D, c'est pour 2 900 000 $. Vous dites vous-même: II est inadmissible...

M. Jetté: C'est une erreur. On l'avait "computé" deux fois; on s'en était rendu compte seulement lors de la préparation finale de la réclamation. Il a fallu, à toutes fins utiles, l'abandonner, si vous voulez.

M. Duhaime: À E, il y a un montant de 16 500 $. Je suis quasiment gêné d'en parler. A-t-il été abandonné aussi?

M. Jetté: Oui, cela aurait coûté trop cher de le prouver. Cela ne valait pas la peine.

M. Duhaime: Je voudrais revenir à une autre étape dans le processus judiciaire. Je comprends que vous souhaitiez obtenir un jugement. Vous vous êtes sans aucun doute posé la question: Si jamais nous obtenons un jour un jugement en faveur de notre cliente pour X millions... Nous avons parlé tout à l'heure de la procédure en exemplification qui précéderait l'exécution d'un jugement aux États-Unis, mais quant à l'exécution d'un jugement contre les syndicats défendeurs ou encore contre les défendeurs eux-mêmes, les personnes physiques, vous avez dû sans aucun doute - il en a été fait état abondamment -donner votre point de vue, c'est-à-dire quel montant d'argent on pense raisonnablement pouvoir recouvrer du débiteur contre qui le jugement est rendu.

M. Jetté: Au Québec, dire que c'était extrêmement aléatoire, c'était même trop faible. À mon sens, à moins d'un miracle, je ne vois vraiment pas ce qu'on aurait pu faire avec ce jugement ici, à moins qu'un de ces syndicats ne devienne riche à un moment donné, mais je ne sais pas comment. Évidemment, je vous donne mon opinion avec ce que je savais à l'époque.

M. Duhaime: Est-ce que votre réponse, de façon égale ou inégale - vous pourrez la qualifier - porte sur le local 791, le local 134 et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction?

M. Jetté: C'est exact. C'est à ceux-là que je pense et aussi à cette petite union québécoise, mais qui fonctionnait, à toutes fins utiles, de façon parallèle avec le local 791. L'un n'était pas plus riche que l'autre.

M. Duhaime: Me Aquin, ce matin, a fait état que, à quelques occasions, vous aviez eu, vous-même, à rencontrer les membres du conseil d'administration de la SEBJ, je crois que c'est - avec la correction qui est apportée, le 23 janvier disparaît - le 30 janvier, Est-ce qu'il a été question de la solvabilité des syndicats du Québec à cette date ou à une autre date? Est-ce qu'il en a été question à une réunion avec les membres du conseil d'administration où vous-même étiez présent?

M. Jetté: Je pense qu'il en a été question le 9 janvier. Je vous signale que je pense que vous vous trompez dans vos dates. J'ai été deux fois devant le conseil d'administration: une fois avec Me Aquin le 9 janvier et une autre fois avec Me Cardinal le...

M. Aquin: Si vous me le permettez, c'est le 20 février.

M. Jetté: ...20 février. Le 9 janvier, je pense que cela a été abordé. Maintenant, par qui et en quels termes? Je vous avoue que je ne me le rappelle pas. Je sais qu'on avait fait faire des recherches par nos enquêteurs, c'était pessimiste et, subséquemment, quand on avait demandé des renseignements directement de nos adversaires, cela confirmait à toutes fins utiles ce qu'on pensait, les recherches qu'on avait fait effectuer par notre propre service d'enquêteurs. Je pense que cela a été soulevé le 9 janvier 1979, mais je ne pourrais pas dire plus que cela. Je ne me rappelle pas les détails.

M. Duhaime: Lorsque votre service d'enquête vous a fourni les données, j'imagine que les procureurs des syndicats défendeurs vous en ont aussi fourni quant aux états financiers, quant aux revenus bruts, aux revenus nets, bref, à l'état de solvabilité des syndicats québécois, qu'on parle du local 791, qu'on parle du local 134 ou encore du conseil provincial. Au moment où vos rencontres ont eu lieu avec le conseil d'administration ou encore dans vos conversations avec Me Gadbois qui dirigeait le contentieux de la Société d'énergie de la Baie James, est-ce que vous avez été à même, soit vous-même ou avec vos associés professionnels, de faire une évaluation en cents et en piastres du montant d'argent qui aurait pu être récupéré des syndicats québécois en défense?

M. Jetté: On ne s'est pas livré à cet exercice. Cela n'en valait pas la peine. On commençait un procès. On savait que c'était pour durer et perdurer, il n'y avait pas de doute là-dessus. Il y avait vraiment une décision de principe à prendre pour le conseil d'administration de la SEBJ. Alors, on ne s'est pas livré à ce genre d'exercice à ce moment-là, pas à ma connaissance en tout

cas. Cela n'en valait pas le coup.

M. Duhaime: Mes prochaines questions s'adresseront à Me Cardinal. Vous avez fait état d'une rencontre avec le chef de cabinet du premier ministre, Me Jean-Roch Boivin, j'ai devant moi la date du 9 février et une autre du 27 février. Pouvez-vous, Me Cardinal, informer la commission, au meilleur de votre souvenir - je comprends que cela fait quelques années et que vous avez plusieurs dossiers en main - sur les discussions qui ont eu lieu à l'un ou l'autre de ces deux jours avec Me Jean-Roch Boivin?

M. Cardinal: D'abord, vous comprenez que dans les dossiers que nous avons reconstitués pour la commission - qui représentaient, d'ailleurs, beaucoup de travail, on a été assez chanceux de tous les trouver - je me rends compte qu'il n'y a pas de rencontre avec M. Aquin et qu'il n'y a pas de charge de faite. J'ai souvenir que le 9...

M. Duhaime: Vous voulez dire avec M. Boivin.

M. Cardinal: M. Boivin, pardon. Je ne peux pas me souvenir que, le 9 février 1979, précisément, j'ai rencontré M. Jean-Roch Boivin, sauf que, quand on me dit qu'ayant une entrée au bureau du premier ministre je l'ai vu, cela je le crois facilement. D'autant plus que c'est quelqu'un que je voyais à l'occasion, que je voyais même assez souvent; que je l'aie vu dans l'édifice d'Hydro-Québec où j'étais... Parce que le va et vient dont on a parlé se faisait bien plus, pour autant que je suis concerné, dans le bureau de M. Gadbois que dans le bureau de M. Boivin.

Je pense, d'ailleurs, qu'on pourrait vérifier: je suis certain que ce 9 février, c'était un vendredi. Je sais que M. Boivin est à Montréal le lundi et le vendredi. Que je sois parti du bureau de M. André Gadbois et que j'aie dit: Je vais passer par le bureau de M. Boivin, et que ce soit précisément pour lui parler du règlement sur lequel je travaillais, ce n'est pas une chose qui me choque. J'ai vu d'autres chefs de cabinet avant lui pour les affaires d'Hydro sans que je me pense obligé d'appeler M. Giroux ou un autre. Cela me semble très possible que je sois allé le 9 février 1979 parler à M. Jean-Roch Boivin et que je lui aie parlé de cette affaire très ouvertement à Hydro.

Par exemple, car il n'y a rien de plus difficile que de prouver qu'on n'a pas un compte en Suisse, je peux dire d'une façon négative que je n'ai jamais essayé de régler ce problème avec M. Jean-Roch Boivin, et deuxièmement, qu'il ne m'a jamais donné d'instructions à ce sujet. De cela, je suis sûr.

Le 27 février, cela m'est revenu un peu plus facilement. En regardant les notes que j'ai, je vois que j'ai été très actif les 27 et 28 février, surtout en l'absence de M. Aquin. J'ai eu un vrai va et vient à Hydro-Québec. J'ai vu M. Saulnier, M. Gadbois et tout le monde. Je savais que je partais en vacances le lendemain. Cela, j'ai pu le reconstituer un peu plus facilement, surtout quand on m'a appris que j'avais été quelques minutes dans le bureau de M. Boivin. Je puis dire devant la commission que je suis assez sûr des mots que j'ai dits cette journée du 27 février, à savoir: Pour autant que je suis concerné, mon travail est terminé, je m'en vais en vacances; il reste au conseil d'administration de la SEBJ de prendre des décisions; bonjour.

Ensuite on s'est souvenu, M. Aquin et moi, qu'on l'avait vu le 2 février à un lunch où il nous avait annoncé que, la veille, il avait eu une entrevue avec le premier ministre. On l'a dit à la commission, et il n'y a rien là.

M. Duhaime: Maintenant, est-ce que Me Yves Gauthier, attaché politique au cabinet du premier ministre M. Lévesque, vous a déjà parlé, à vous personnellement, de ce dossier?

M. Cardinal: Non.

M. Duhaime: Est-ce que le premier ministre lui-même vous en a déjà parlé?

M. Cardinal: Non, monsieur.

M. Duhaime: Maintenant, Me Aquin ou Me Cardinal, je voudrais que vous nous précisiez une chose. Vous avez mentionné que, le 2 février 1979, vous étiez tous les deux présents, vous avez pris un lunch avec le chef de cabinet de M. Lévesque. Est-ce que vous pourriez nous apporter davantage de précisions sur votre conversation cette journée-là?

M. Aquin: Je ne pense pas que je puisse aller beaucoup plus loin que ce matin. J'ai beau procéder à des exercices de rafraîchissement et de reconstruction des événements. Je vais vous dire ce à quoi j'arrive présentement. Je me souviens que M. Boivin nous a dit que la veille le premier ministre avait rencontré les trois présidents, MM. Saulnier, Laliberté et Boyd. Je crois me souvenir qu'il avait dit - est-ce que c'est à cette rencontre ou à la suite de cette rencontre? - qu'on avait souhaité - je ne sais pas si ce sont les présidents ou un président - que MM. Beaulé et Jasmin nous remettent des lettres-rapports que nous avons reçus par la suite et qui sont produits.

À par cela, je me souviens que M. Cardinal - je pense qu'il me l'a dit à ce

moment ou tout de suite à la sortie - était déjà au courant de cette rencontre. Je n'étais pas au courant. M. Cardinal, je pense qu'il l'avait appris le matin au bureau et nous ne nous étions pas croisés. Je l'apprenais. J'ai posé la question: Est-ce que c'est un renseignement confidentiel ou est-ce que c'est officiel? Je me souviens, sans employer les mots officiels, qu'il avait dit: Non, il n'y a rien de confidentiel, parce que ces trois personnes vont faire rapport au conseil d'administration. J'ai appris ici - ce que je ne savais pas à l'époque - qu'ils avaient averti le conseil d'administration qu'ils se rendaient à cette rencontre. Cela, je ne le savais pas à l'époque. C'est tout ce dont je me souviens. (17 h 15)

J'ai probablement, comme je l'ai dit ce matin, parlé du travail que j'avais effectué à préparer des formules de transaction et je pense bien que M. Boivin n'avait pas continué sur ce sujet-là. Je ne me souviens vraiment pas d'autre chose de cette rencontre. J'avais compris que l'intention de M. Boivin était que nous soyons au courant de cette démarche et M. Cardinal l'était déjà.

M. Duhaime: Donc, au meilleur de votre souvenir, en dehors de cette rencontre du 2 février 1979 - vous avez parlé également d'une conversation téléphonique du 8 février 1979 - est-ce qu'il y a eu d'autres conversations téléphoniques?

M. Aquin: Le téléphone, j'en ai parlé ce matin.

M. Duhaime: Vous en avez parlé ce matin, oui. Mais, en dehors de ces deux occasions - je parle pour vous-même, principalement - est-ce qu'il y a eu d'autres rencontres, d'autres conversations avec Me Boivin?

M. Aquin: Pas à mon souvenir. Que M. Cardinal voie, assez fréquemment M. Boivin, qu'on se soit croisés dans un corridor du bureau, ce ne serait pas une impossibilité métaphysique, mais cela me surprendrait. Je pense que ce sont les deux seules communications que j'ai eues avec M. Boivin.

M. Duhaime: Est-ce que Me Yves Gauthier, attaché politique au cabinet du premier ministre, vous a déjà parlé à vous-même de ce dossier-là?

M. Aquin: J'attendais cette question. Je n'en ai pas parlé pour une raison. Dans le cas de M. Boivin, quand on mange ensemble, c'est lui qui nous invite. Lorsqu'il y a téléphone, c'est lui qui m'appelle. C'était une journée, d'ailleurs, le 8 février, où M. Cardinal n'était pas au bureau. Alors, il m'a appelé. Dans le cas de M. Gauthier, c'est un geste que j'ai posé à titre purement privé. C'est pour cela que je n'en avais pas parlé. Et je n'ai aucune raison de ne pas le dire. La seule chose, c'est que j'ai beaucoup de difficulté, avec la meilleure volonté du monde, à situer le moment. Mais, par une série de déductions, j'en viendrais à la conclusion que c'est vers le vendredi - je penserais - 26 janvier.

Or, ce qui s'est passé, je vais vous le dire très simplement. Pour ma part, j'avais vu tout le processus du week-end précédent et nous avions reçu le lundi toutes les offres des différentes parties en cause, les formules de transaction que nous avions toutes acheminées à la SEBJ, le 22, en attendant le résultat du conseil d'administration du 23. Vous vous souviendrez qu'au conseil d'administration du 23 on attendait à notre bureau pour savoir ce qui avait pu se passer, à telle enseigne que l'on avait appris, en fin de journée, qu'on voulait nous rencontrer. Et là - vous avez vu - il y avait des modifications à faire. De toute façon, le cheminement semblait stationnaire. Comme j'étais au coeur de cette préparation des documents, je dois vous confesser, M. le Président, que j'ai été curieux. Je me suis demandé ce qui se passait au conseil d'administration.

Ce pourquoi j'ai été curieux, c'est que nos adversaires - je ne me souviens pas si c'est Me Jasmin ou Me Beaulé, ou les deux -nous avaient dit, à un certain moment, qu'ils avaient vu, eux, des personnes du bureau du premier ministre. Je ne savais pas du tout combien de fois. J'ai appris cela dans les journaux, ces semaines-ci. Mais ils nous avaient dit qu'ils avaient eu des contacts avec le bureau du premier ministre au milieu du mois de janvier. Je ne sais pas quand ils avaient eu leurs contacts, mais c'est à ce moment-là qu'ils nous l'ont dit. Si je me souviens bien, M. Beaulé avait dit, je pense: II est normal, entre avocats, de vous prévenir que nous avons eu des contacts avec le bureau du premier ministre, que nous avons vu des gens du bureau du premier ministre.

Dans un processus de travail avec d'autres avocats - et c'est là que ma curiosité entre en jeu - je trouve toujours très déstabilisant ce genre d'information. Alors, je voulais savoir si c'était exact. J'ai téléphoné à Me Gauthier pour lui dire que j'aimerais parler de cela avec lui, quelques minutes seulement. Il me semblait que c'était un jeudi ou un vendredi. Je me souviens qu'il m'a dit: Je passe près de chez vous, j'arrêterai quelques minutes ce soir. C'est la seule fois qu'il s'est arrêté chez moi. Il s'est arrêté, avec sa femme, à peine quelques minutes. Je pense qu'il s'en allait dans un centre commercial.

Je lui ai posé la question suivante: Les

procureurs de la partie adverse me disent qu'ils ont rencontré des membres du personnel du bureau du premier ministre? Je ne me souviens pas exactement de sa réponse à cette question, c'est très vague. J'ai compris de cette conversation qu'il semblait y avoir une volonté, un souhait politique que cette question se règle, que la cause se règle, donc qu'il y avait ce souhait. J'ai compris aussi, par les renseignements qu'il me donnait, qu'au conseil d'administration de la SEBJ il y avait un partage, une certaine division sur la voie à suivre. C'est vraiment tout ce dont je me souviens. C'est pourquoi je ne l'ai pas mentionné. C'était vraiment moi qui avais sollicité non pas cette entrevue, mais cette communication, parce qu'on aurait pu se le dire au téléphone. Je l'avais sollicitée dans un but précis. Je voulais savoir si mes - je sais qu'ils viendront demain ou un autre jour, j'espère qu'ils ne seront pas fâchés adversaires me disaient un fait avéré ou me faisaient un bluff quelconque. J'ai donc posé cette question à Me Gauthier. C'est la seule communication, à ma connaissance, que j'ai eue avec Me Gauthier.

Pour résumer, des communications de M. Boivin: une rencontre et un appel téléphonique venant de lui. C'est pourquoi je vous l'ai mentionné ce matin, j'étais à peu près sûr que la question au sujet de Me Gauthier me serait posée. J'aimais mieux attendre qu'elle me soit posée parce que c'était à titre privé et que cela venait de moi. Vous voyez dans quel esprit je l'ai fait. Je voulais vraiment corroborer les dires que mes confrères me rapportaient, en disant qu'il y aurait une volonté politique de régler cette cause. C'était vers la fin du mois de janvier. Sur la date, on pourrait me questionner trois jours et je ne pourrais pas vous en dire plus que ce que je viens de vous dire. C'est vers la fin de janvier.

M. Duhaime: Me Aquin, je voudrais revenir au début de l'exposé que vous avez fait ce matin, à la date du 11 janvier. Vous avez mentionné que vous aviez reçu une communication - je ne me souviens pas si c'était un appel téléphonique ou une rencontre avec Me Gadbois, qui est chef du contentieux de la SEBJ ou l'avocat au dossier - disant que Me Beaulé, procureur du syndicat américain, avait fait une avance de règlement d'environ 250 000 $ et que cette avance de règlement était liée à une demande d'ajournement que certains des défendeurs voulaient faire à la Cour supérieure au début de l'audience prévue pour le 15. D'après ce qu'indique votre dossier et selon votre meilleur souvenir, est-ce que c'était la première occasion où on vous communiquait que les défendeurs, par la voix de leurs procureurs, transmettaient une avance ou une proposition de règlement?

M. Aquin: J'ai employé le mot "avance", parce que ce n'était tellement pas une proposition qu'il semble que ce n'était pas cela, concernant le montant de 250 000 $. J'ai donc employé le mot "avance", parce que M. Jetté - il va pouvoir s'exprimer sur ce sujet dans quelques instants a rencontré MM. Beaulé et Jasmin et Me Beaulé a fait cette offre de 250 000 $, le 10 janvier. Le même jour, je suis à peu près sûr que, en fin d'après-midi, M. Jetté m'a fait rapport de cette proposition. Mais les avances verbales, dans mon métier, je n'ai jamais tellement cru à cela et c'en est resté là.

Le lendemain, Me Gadbois, passant à notre bureau - là, il s'agissait de faire rapport de cette avance - j'ai donc demandé à Me Jetté de reconfirmer avec Me Beaulé pour être bien sûr qu'il n'y avait pas eu d'erreur la veille et il l'a reconfirmé. Et là, je me souviens qu'il l'a dit à Me Gadbois à notre bureau et il me semble - je peux me tromper - que ce serait de notre bureau que Me Gadbois a téléphoné à M. Laliberté ou nous a dit: Je vais en parler au président.

Je n'ai pas dit, cependant, que c'était nécessairement lié aux instructions que M. Cardinal a reçues en fin de semaine, à savoir de ne pas s'opposer à une demande de remise parce que Me Beaulé était tout de même là avec Me Jasmin, les deux étaient donc dans un processus de faire des avances ou des propositions. C'est dans cette perspective, j'imagine, que voyant qu'un pan s'ouvrait, on nous a dit: Bon, c'est très bien, collaborez à une demande d'ajournement pour que les syndicats, s'ils le désirent, formulent leur proposition plus amplement. C'est Me Jetté qui a reçu cette avance de Me Beaulé.

M. Duhaime: Je voudrais franchir l'étape du 15 janvier qui est la date d'ouverture de ce procès. Le 15 vous avez eu une rencontre entre les avocats, Me Aquin, Me Cardinal, Me Jasmin et Me Beaulé et il y a eu échange de lettres. Je voudrais en venir à la rencontre du 17 janvier à laquelle assistaient, suivant ce que vous avez dit, M. Claude Laliberté, Me Gadbois, vous-même, Me Cardinal en présence de Me Jasmin.

M. Aquin: En présence de? M. Duhaime: Me Jasmin.

M. Aquin: Pour une partie de la réunion.

M. Duhaime: Dans la mesure où c'est possible, on va essayer d'éclarcir une chose.

Il a beaucoup été question du mandat, le 17 janvier 1979. Il en a été tant question ici que je suis convaincu que mes collègues à ma gauche vont revenir sur cela dans

quelques minutes. Il en a été abondamment question dans les journaux aussi, à tort ou à raison. Je voudrais que vous nous apportiez des précisions sur votre discussion, d'abord la partie à laquelle assistait Me Jasmin qui est votre adversaire et, ensuite, la partie de la discussion avec votre client, finalement le P.-D.G. de la Société d'énergie de la Baie James, le 17 janvier pour ce qui est du mandat que vous avez reçu.

M. Aquin: Nous nous sommes rendus et je crois que Me Cardinal et moi avons rencontré Me Gadbois et qu'ensuite on a rencontré M. Laliberté. Est-ce que Me Jasmin était déjà arrivé ou est-ce qu'on l'attendait? Je ne le sais pas, mais, de toute façon, c'était notre intention de nous rencontrer entre nous d'abord. Là, on a précisé que Me Jasmin voulait le rencontrer de nouveau pour lui faire valoir certains points et M. Laliberté a donc accepté de le voir. Pour une partie, tout le monde se trouvait ensemble et Me Jasmin nous explique son point de vue.

Quel est son point de vue? Je pense que c'est par déduction; j'en ai suffisamment entendu pour penser qu'il a probablement redit cette journée-là tout ce qu'il nous redisait souvent, surtout par la suite. C'est que, d'abord, les syndicats québécois étaient dans l'insolvabilité, ne pouvaient pas acquitter de jugement. Deuxièmement, il était possible, si cette cause continuait, que le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et la plupart des défendeurs se retirent du dossier, en ce sens qu'ils ne prennent plus d'avocats et laissent porter la cause. Je ne sais pas si c'était une manoeuvre véritable ou si cela se serait passé, mais il nous a fait valoir cet élément. Il nous a aussi fait valoir - cela, il va vous le dire beaucoup plus précisément que moi -qu'au printemps qui s'en venait un ou deux syndicats avaient des droits acquis à la grève légale au chantier et que tout pourrissement du climat social pouvait amener des difficultés au point de vue de la paix industrielle. (17 h 30)

Il a fait valoir aussi - je mets tout cela cette journée-là parce que je sais qu'il a parlé assez longtemps et c'étaient ses grands thèmes quand, plus tard, on a négocié avec lui - qu'offrir de l'argent, selon lui, ce n'étaient pas des solutions véritables et qu'une chose semblable aurait dû se régler pour 1 $ et autres considérations. Selon lui -je pense que ce n'est pas à moi d'arbitrer si c'est exact ou non - à la Baie-James, grâce au travail de tout le monde et à une meilleure paix industrielle, on avait gagné beaucoup de mois sur l'échéancier et cela valait beaucoup d'argent. Compte tenu de tous ces facteurs, ce n'étaient pas des sommes aussi petites que celles qui étaient en cause à ce moment - je pense qu'il y avait déjà une première proposition de 50 000 $ - qui pouvaient tenir compte de ce que lui pensait être la nécessité d'un règlement au point de vue de la paix industrielle.

Je pense que l'orateur lui-même, quand il viendra, nous dira comment il s'est exprimé, mais cela ont été les grands thèmes qu'il a développés cette journée-là. C'était une plaidoirie devant notre client qui était assez bien, si je regarde le point de vue technique. Je me souviens qu'en sortant je lui avais dit que je le félicitais comme confrère, qu'il avait fait son possible. Ensuite, il a quitté.

Nous sommes restés ensemble et la première chose que M. Laliberté nous a dit, c'est que sa proposition de la veille, qui était de 50 000 $, était inacceptable. Il a dû nous poser quelques questions aussi pour éclaircir ce qui avait été dit par M. Jasmin sur le droit acquis à la grève, etc. Mais je ne me souviens vraiment pas de cela. Ce dont je me souviens parce que, dans la suite des choses, j'ai commencé immédiatement à travailler, c'est qu'il a probablement redit ce qui nous avait été dit le 15, que notre mandat était toujours d'écouter. Est-ce cette journée ou le 15 qu'il nous a dit qu'il voulait que, s'il y avait des offres, elles soient faites par écrit? Je pense que c'est plutôt le 15. Mais ce qui a été, selon moi un point tournant, c'est que, dans l'éventualité où les syndicats feraient des offres, on nous demandait de préparer un document qui - M. Laliberté, je pense bien - soit acceptable à la SEBJ.

Si vous regardez le cheminement, on a une avance de M. Beaulé qui, finalement, avorte, une avance verbale à part cela; c'est le genre de choses qui arrive toujours quand vous avez des avances. Deuxièmement, on a une proposition écrite de M. Jasmin, mais qui ne parle que pour quelques défendeurs et qui ne parle que de sa part, qui ne parle que de 50 000 $ et qui nous explique que probablement Me Beaulé suivrait, mais il ne le sait pas. Il y a, quand même, dans l'air des propositions qui viennent des parties syndicales.

Si je comprends bien les instructions qui nous sont données à ce moment, c'est qu'on nous dit: Si les parties syndicales veulent nous faire des offres, vous, les avocats, voyez à ce qu'elles soient faites dans un document qui nous sera acceptable. Alors, il y a le mandat et, dans tout mandat, il y a une partie expresse et une partie implicite. En d'autres termes, quand on rencontrera les procureurs syndicaux, c'est à nous de voir à ce que chacun des défendeurs ait les autorisations nécessaires pour nous faire l'offre, etc., toute la cuisine juridique. Mais ensuite, il faut une proposition, un cadre dans lequel cette offre

nous vient et c'est là qu'on a le mandat. Est-ce que c'est M. Laliberté qui dit: Faites une formule? Il ne dit pas le lendemain: Faites une formule de transaction, sûrement, parce que le mot est de moi. La plupart des avocats parlent toujours de règlement hors cour; je parle toujours de transaction. C'est un vieux mot français qui est plus exact. Alors, le lendemain, il n'a pas dit: Faites une formule de transaction comme telle. Il a dit: Préparez un document qui soit acceptable à la SEBJ et qui va nous être présenté par les parties syndicales dans lequel elles mettront leurs offres si elles veulent nous faire des offres. En d'autres termes, je pense bien que le point essentiel, c'est que si elles veulent faire des offres, préparez le cadre juridique dans lequel cela va se faire. Là, je passe à l'oeuvre le lendemain pour le préparer.

M. Duhaime: C'est ce que vous avez appelé vous-même ce matin un document de transaction multilatéral?

M. Aquin: C'est le lendemain que, m'assoyant avec moi-même, je me suis dit: Préparer un document que je vais remettre aux parties adverses avec un espace en blanc pour qu'elles mettent leur chiffre dedans et qu'elles nous le renvoient avec toute la documentation nécessaire pour avoir des offres fermes et légales; préparer un document qui soit quand même descriptif d'une situation semblable - c'est tout de même une cause que les avocats ne plaident pas nécessairement à toutes les semaines c'est, d'ailleurs, je pense, la seule qu'on ait eue au bureau de ce chiffre-là - un document qui soit acceptable pour tout le monde le lundi suivant, c'est impossible. En effet, avec le nombre de paragraphes, il y aura toujours quelqu'un, un défendeur quelque part ou la SEBJ pour dire: je n'admets pas tel attendu. Ce qu'on fait très souvent dans les causes beaucoup plus faciles, on dit: Attendu que, attendu que, attendu que, mais là, c'était un sujet beaucoup plus complexe. Du moment qu'il y a un attendu quelque part, il y a trop de parties pour que tout le monde s'entende sur les attendus. C'est là que je procède suivant ce que j'appelle une formule multilatérale de transaction que j'ai déjà employée dans d'autres cas, dans le passé. Chacun continue de déclarer ce qu'il veut bien, mais ils disent, en terminant, que ce sur quoi ils s'entendent, c'est de ne plus soumettre leur litige à la justice en considération d'une somme de... C'est ainsi que je le prépare. Vous connaissez la suite des choses; il y a eu plusieurs autres documents de transactions qui ont suivi.

Il est arrivé quelque chose que je ne prévoyais pas nécessairement à l'époque, c'est que certaines parties n'admettaient pas que l'autre partie déclare ce qu'elle avait déclaré. C'est là qu'on a commencé à faire du découpage et à enlever des paragraphes. Cela veut dire qu'il n'y a jamais de solution parfaite. La mienne, non plus, ne l'était pas.

Le Président (M. Jolivet): C'est tout, M. le ministre?

M. Duhaime: Alors, je vous remercie pour l'instant, monsieur. Je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Le bureau d'avocats Geoffrion et Prud'homme profite de la télévision aujourd'hui.

M. Cardinal: À quel prix?

M. Aquin: C'est la seule indemnisation qu'on ait reçue cette semaine.

M. Paradis: Je ne voudrais pas commencer à vous adresser des questions sans vous permettre d'établir, pour ceux qui nous écoutent et pour les membres de la commission, ce qu'est le bureau Geoffrion et Prud'homme. Je n'en voudrai pas à votre humilité si vous remontez au siècle dernier et jusqu'à Sir Antoine-Aimé Dorion. Ma question s'adresse soit au plus âgé, à celui qui a le plus d'ancienneté ou au plus humble.

M. Cardinal: À ma souvenance, Geoffrion et Prud'homme - moi j'y suis entré en 1971 - on m'a toujours dit que c'était peut-être le plus vieux bureau canadien-français au Canada. Il a été fondé par M. Geoffrion et M. Prud'homme. M. Geoffrion avait la réputation d'être le plus grand avocat au Canada devant le Conseil privé de Londres. Je ne l'ai pas connu. J'ai connu un peu M. Prud'homme qui était un excellent avocat, lui aussi. C'était un bureau qui était essentiellement formé de deux avocats, comme c'était la mode, d'ailleurs, dans ce temps-là. Ensuite, M. Geoffrion a eu deux garçons, Guillaume, qui est encore conseiller chez nous, et Antoine qui est décédé. C'était, d'ailleurs, un de ses titres de gloire d'avoir été trésorier du Parti libéral. Ils ont commencé à pratiquer à quatre avocats, mais c'était encore un bureau qui n'était pas nombreux. Un peu plus tard, Antoine Geoffrion, à la mort de son père, a décidé comme les choses évoluaient, d'en faire un bureau où il y aurait plus d'avocats. C'est à ce moment-là, par exemple, que le député, M. Lalonde, est entré dans le bureau.

Il y avait environ - je pense - 17 avocats en 1971 au moment où je suis entré. Là, le bureau a commencé à se diversifier, à s'agrandir et, au moment dont on parle, en 1978, nous étions environ 34 ou 35 avocats.

C'était un bureau, comme tous ces gros bureaux, où on tâchait d'attirer des experts dans plusieurs matières, par exemple, M. Aquin qui est entré un peu plus tard. On tâchait de répondre à une clientèle plus variée comme ceux qui avaient besoin de droit civil, de droit corporatif, de droit ouvrier, etc. C'est ce qu'était Geoffrion et Prud'homme en 1978.

M. Paradis: Je vous remercie. Le ministre a parlé tantôt du temps que cela aurait pris pour obtenir un jugement final contre toutes les parties, des liens de préposition, etc. Il a également parlé des coûts. Sauf erreur - je demanderais à Me Aquin de me corriger si je fais erreur - dans la poursuite que vous aviez intentée, il y avait également des intérêts que vous réclamiez. Est-ce que vous avez parlé de l'article 1056 c du Code civil et à combien les intérêts annuels se chiffraient-ils, suivant votre opinion?

M. Aquin: Je n'ai pas fait le calcul exact. Mais si on prend l'action, comme on l'a prise, en 1976 et si on assume, ce qui est raisonnable, comme le soumet Me Jetté, que cela ne serait pas terminé au Canada au moment où on se parle - on n'a qu'à regarder la plupart de ces causes, je ne pense pas que ce serait terminé - dans une telle optique, si on avait obtenu - parce que c'est à la discrétion du juge, tout dépend du montant qu'on aurait obtenu, il faudrait vraiment être devin pour le savoir - le plein montant, sur 30 000 000 $, les intérêts de l'article 1056 c... Les intérêts ont beaucoup varié dans les dernières années, ils ont même été jusqu'à 19%. Cela prendrait un calcul très exact si vous voulez avoir un chiffre exact. Ce qu'on fait rapidement quelquefois dans le métier - vous le savez mieux que moi - c'est que, quand on regarde pour six ans, on peut mettre une moyenne d'environ 12% ou 13% par année, mais c'est purement arbitraire, parce que cela varie. C'est publié dans la Gazette officielle au fur et à mesure. C'est le chiffre de l'intérêt du ministère du Revenu, à toutes fins utiles. Présentement, il a baissé. Je ne pourrais même pas vous dire à quel chiffre, je pense qu'on est rendu à 14%. Mais on a été à 19% au moins deux ans.

M. Paradis: On n'ira pas, entre avocats, trop loin dans les chiffres, mais pour avoir une image, cela aurait couvert...

M. Aquin: Si on avait eu un jugement... On est dans un cas assez difficile; d'ailleurs, c'est la première fois que cela nous arrive de plaider une cause qui n'a pas été plaidée devant les tribunaux. Cela nous permet, d'ailleurs, d'être sûrs de ne pas nous tromper. On ne sera contredit par aucune juridiction d'appel. Mais si on avait eu gain de cause sur 30 000 000 $, je pense bien que cela aurait doublé au moment où on se parle. Je pense que je l'ai dit ce matin. On pourrait parler d'au moins 30 000 000 $. Non, un peu moins. Mettez 12% ou 13%, avec 30 000 000 $, vous devriez être dans les 25 000 000 $. Oui.

M. Paradis: Pour nous aider, je viens d'avoir une information du député de Laporte qui est notaire de profession et ils sont assez exacts. Il m'a dit: Le capital double tous les six ans.

M. Aquin: Pardon?

M. Paradis: Le capital de 30 000 000 $ double tous les six ans dans un cas comme cela.

M. Aquin: Oui, il y a du vrai dans cela...

M. Bourbeau: M. le Président, une question de règlement, je voudrais dire un mot là-dessus.

M. Aquin: ...puis il y a du contestable, si on me le permet. C'est que dans le domaine, justement, des investissements qui sont beaucoup du ressort du notaire, il a absolument raison. Dans un domaine comme celui-ci, on n'a pas ce qu'on appelle - tant qu'à être technique, on va l'être pour vrai -l'anatocisme, on n'a pas l'intérêt de l'intérêt ici. Ce pourquoi cela double, c'est parce que cela atteint des chiffres très élevés certaines années, allant jusqu'à 19%. Ce soir, on pourrait probablement vous le donner.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi...

M. Aquin: Ce serait facile de vous donner un chiffre exact. (17 h 45)

Le Président (M. Jolivet): ...simplement avant d'aller plus loin, M. le député de Laporte a soulevé une question de règlement et je l'ai laissé aller. Cela va? D'accord. M. Cardinal.

M. Cardinal: Tout ce que je voulais dire, c'est que, si l'on avait calculé les intérêts, éventuellement, dans un avenir rapproché, M. Giroux ce n'est pas un marteau qu'il aurait eu dans sa poche, mais un tank.

M. Paradis: Disons que cela aurait facilement pris soin des comptes d'honoraires même des avocats américains, qui auraient été très chers, soit de 2 000 000 $ à 3 000 000 $, dont Me Jetté nous a parlé. Les intérêts auraient pris soin aisément des

comptes d'avocats dans toute cette histoire.

M. Aquin: Je n'ai pas compris la question.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous voulez recommencer?

M. Paradis: Le montant des intérêts qui s'additionnaient aurait pris soin, aurait été équivalent pour le moins au compte des avocats dans la pire des circonstances.

M. Aquin: Non seulement cela, mais la société d'énergie n'aurait pas été obligée d'emprunter à New York.

M. Paradis: D'accord, cela va. Quand vous avez réglé - c'est une question que le député de Marguerite-Bourgeoys a posée ce matin à M. Saulnier - il a été question du fameux 1% dans le tarif. On retrouve cette argumentation dans un des cahiers d'opinions que vous nous avez remis. Le ministre nous a confirmé par la suite qu'il y avait un bureau d'avocats qui représentait un des défendeurs dans la cause qui avait réclamé ce 1%; qu'au niveau du comité d'arbitrage -je ne voudrais pas déformer ce que le ministre nous a révélé - il avait eu gain de cause; mais que, lorsqu'il est arrivé pour faire homologuer cela en Cour supérieure, cela avait été refusé et que c'est présentement devant la Cour d'appel du Québec. Sans préjuger de ce qui va se passer là, c'est sub judice, est-ce que vous étiez au courant, surtout dans un cas comme celui-là où le procureur détenait un mandat de l'aide juridique - donc, c'est le trésor québécois, ce sont les contribuables qui ont à payer ce 1% qui équivaut à plus de 300 000 $ - de cette possibilité lorsque tous les documents ont été signés?

M. Aquin: Non. Voici ce qui est arrivé. C'est que, quand j'ai expliqué pourquoi on avait fait notre demande et à quel moment on a fait notre demande, j'ai dit, justement, qu'il y avait eu une divergence entre notre bureau et le contentieux d'Hydro. J'ai dit que personne ne saura jamais l'issue de cette différence puisqu'on a décidé de renoncer à cette réclamation. J'ai dit que, dans un cas qui n'est pas exactement le même, mais un cas analogue, à celui de cet avocat de l'aide juridique, la décision à été rendue et on l'a précisée après devant la juridiction d'appel.

Ce que nous ignorions à l'époque... Moi, en tout cas, j'ignorais à l'époque que cet avocat était à l'aide juridique, c'est-à-dire avait un mandat de l'aide juridique. Peut-être que M. Jetté le savait. C'est une chose qu'on ne nous a pas demandé d'inventorier. De toute façon, je vais vous avouer bien humblement que je ne connaissais pas les termes du mandat qu'il avait avec l'aide juridique. Selon les termes du mandat, si je me fie à la cause qui est maintenant devant les tribunaux, il semblerait que l'aide juridique, sous toute réserve, s'engageait à lui verser des honoraires judiciaires taxables. C'est le débat qui est maintenant devant les tribunaux. Mais nous, on en a entendu parler quelques mois plus tard, quelques mois après toute la conclusion de cette cause.

M. Paradis: Me Cardinal a fait référence tantôt - sauf erreur - à la cause Churchill Falls, en disant: Cela dure depuis six ou sept ans, même au niveau de la première instance. Est-ce que le bureau de Geoffrion et Prud'homme est impliqué dans cette cause-là?

M. Cardinal: Depuis quinze ans.

M. Paradis: Et votre client, dans cette cause, est-ce Hydro-Québec?

M. Cardinal: Hydro-Québec, oui.

M. Paradis: Vous représentez Hydro-Québec dans cette cause-là?

M. Cardinal: Toujours dans la même cause.

M. Paradis: Toujours dans la même cause. On a inventorié ce matin le cahier -Me Aquin, je pense, a fait un excellent travail là-dessus - de la correspondance du cabinet Geoffrion et Prud'homme et des projets de déclaration de transactions dans l'instance SEBJ contre Duhamel et autres. On a peut-être passé plus rapidement sur le deuxième cahier que vous avez eu la gentillesse de nous préparer et de nous distribuer: Correspondance et lettres du cabinet Geoffrion et Prud'homme, contenant leurs opinions. Si vous étiez d'accord, on pourrait ensemble passer à travers ces opinions que vous avez rendues à l'époque, en commençant par le premier mandat qui vous fut confié par le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, le 30 septembre 1975. Vous retrouvez cela - vous avez écrit le cahier, je n'ai peut-être pas besoin de vous rappeler où le retrouver, Me Aquin - à la page 2.

Cela se lit comme suit: "Tel que nous l'avons mentionné au téléphone, nous vous confirmons - et c'est une lettre du 30 septembre 1975, adressée à Me Jean-Paul Cardinal par André-E. Gadbois - que le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James a résolu à son assemblée tenue ce jour de retenir les services de votre étude légale conjointement avec ceux de l'étude légale Pouliot, Dion et Guilbault, aux fins de percevoir pour la société d'énergie les dommages subis par elle à la suite des événements survenus sur les

chantiers de la Baie-James au cours du mois de mars 1974, sauf ceux qui sont assurés et en raison desquels la société d'énergie a été dédommagée par ses assureurs et leur a donné subrogation." On parlait de 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ à peu près.

À la page 2 de la lettre, au premier paragraphe, on continue: "Les administrateurs de la société d'énergie désirent, avant que toutes poursuites ne soient intentées - et voilà un geste de prudence - obtenir une opinion sur la valeur des droits de la société d'énergie et sur les parties contre lesquelles il sera recommandé d'intenter telles poursuites". Au dernier paragraphe: "Nous demeurons à votre disposition pour tout renseignement additionnel dont vous pourriez avoir besoin. Vous voudrez bien nous tenir au courant du progrès de l'enquête et des recherches qui devront être effectuées pour mener à bonne fin ce dossier et ce, en dedans des délais de prescription - ce que vous avez mentionné, d'ailleurs, ce matin -qui courent". C'est signé: Me Gadbois. C'est Me Cardinal, à l'époque, qui a reçu le mandat original. C'est vous-même qui, au début, avez décidé de prendre la chose en main pour mener l'enquête, finalement?

M. Cardinal: C'est exact.

M. Paradis: Maintenant, à la page 6 du même document, on retrouve, en date du 16 décembre 1975, une opinion qui est signée par - ne bougez pas, elle est assez longue -

M. Aquin: Geoffrion et Prud'homme, par Me Jean-Paul Cardinal.

M. Paradis: ...Me Jean-Paul Cardinal, à la suite du mandat qui a été confié et elle est adressée à la Société d'énergie de la Baie James. À la première page, dernier paragraphe, on retrouve: "Dès lors, le mandat était double - c'est la façon dont vous avez compris ce mandat - recueillir les faits et vous fournir notre opinion sur toute responsabilité qui pourrait en découler." Ce qui est intéressant, c'est de voir la conclusion de cette opinion. Votre conclusion commence à la page 26 du document que vous nous avez remis. Elle se lit comme suit: "Les règles de droit pertinentes et l'ensemble des faits que nous connaissons justifient que la SEBJ prenne action, avec succès, contre Yvon Duhamel, Michel Mantha, Maurice Dupuis, le local 791 et l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec. "D'autre part, si la cour retient le principe que nous avons mis de l'avant, à l'effet qu'un délégué de chantier est véritablement un représentant ou un mandataire du syndicat, la SEBJ aurait également de bonnes chances de succès d'impliquer la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique. "Enfin, il y a des éléments de preuve qui permettent de joindre aux défendeurs précédents, l'International Union of Operating Engineers, René Mantha, André Desjardins et le Conseil provincial des métiers de la construction du Québec. "Évidemment, la preuve qu'il sera nécessaire de faire pour obtenir des condamnations sera principalement de nature testimoniale et l'on ne peut pas, bien sûr, prévoir et contrôler ce qui éventuellement sera dit devant la cour ni surtout prévoir l'impact des témoignages dans l'esprit du juge qui sera saisi du dossier. "Si vous nous donnez instruction de prendre action - vous ne l'aviez pas à l'époque - il est possible, grâce à des compléments d'enquête, que nous trouvions d'autres éléments de preuve incriminants pour les défendeurs éventuels. À cause des délais prévus avant que toute action intentée ne vienne pour procès, nous aurons évidemment le temps d'être plus exhaustifs dans nos recherches. "Il y a lieu, cependant, de s'interroger sur ce que peut être présentement la solvabilité de tous ces défendeurs possibles et, surtout, sur ce qu'elle serait une fois le jugement final obtenu, tenant compte, en particulier, de l'envergure de la réclamation de la société. "Rappelons, avant de terminer, que l'action sera prescrite - on était le 16 décembre 1975 - le 22 mars 1976 et qu'elle doit avoir été déposée et enregistrée au greffe de la Cour supérieure avant cette date. Si des procédures devaient être intentées, il importerait que vous nous donniez vos instructions dans les plus brefs délais possible de sorte que nous ayons le temps nécessaire pour préparer celles-ci, compte tenu spécialement de leur complexité quant à la responsabilité aux dommages à réclamer. Veuillez agréer..." C'est signé: Jean-Paul Cardinal.

À cette époque, est-ce que vous possédiez suffisamment de matière, à la suite des recherchesque vous aviez effectuées entre le 30 septembre et le 16 décembre, pour dire à vos gens: II n'est pas question qu'on abandonne tout de suite, il semble y avoir quelque chose là?

M. Cardinal: Oui.

M. Paradis: Vous en aviez suffisamment.

M. Cardinal: Maintenant, je dis oui et je répète oui. Il faut bien comprendre que la prescription s'en venait. On aurait pu reprocher à la société d'énergie et aux avocats d'avoir peut-être échappé le meilleur défendeur. Cela a été fait rapidement, mais

on était convaincu qu'on avait une action contre ces gens. On ne pouvait pas se permettre, cependant, d'en échapper un.

M. Paradis: On est mieux de les prendre tous...

M. Cardinal: Oui.

M. Paradis: ...et d'en éliminer, si jamais il arrive des complications.

M. Cardinal: C'est cela. Une voix: II connaît cela.

M. Paradis: Une question de règlement?

Le Président (M. Jolivet): Non, non c'est à vous. On me demandait combien de temps il restait, vu que l'horloge s'est arrêtée à cause de la panne. Il reste six minutes avant la suspension de 18 heures.

M. Paradis: M. le Président, je pensais que j'avais encore 45 minutes.

Le Président (M. Jolivet): Malheureusement pas, pour le moment.

M. Paradis: À la page 30 du document que vous nous avez remis, on trouve une lettre que vous avez produite. Je ne vous poserai pas de questions sur cette lettre parce que vous l'avez produite. Elle est adressée à Me André Gadbois, c.r., en date du 18 décembre 1975, et elle provient de Gaston Pouliot, de l'étude Pouliot, Dion et Guilbaut. Je le souligne parce que vous étiez deux études juridiques sur le dossier et que, finalement - et je le lis au texte - elle confirme ce que vous aviez donné comme renseignement au conseil d'administration à cette époque. Me Gaston Pouliot dit ce qui suit: "J'ai eu l'occasion de prendre connaissance de l'opinion préparée à votre intention par l'étude Geoffrion, Prud'homme, Chevrier, Cardinal et Associés et je vous confirme, ayant eu l'occasion de le faire de vive voix, que, me fondant sur les résultats d'enquête qu'on m'a communiqués je partage les conclusions auxquelles cette étude en vient". Cela confirmait tout ce que vous aviez émis. C'est, d'ailleurs, plaisant de se voir confirmer par un collègue ses opinions.

Maintenant, à la page 32 de votre document, on retrouve, en date du 14 janvier 1976, adressée à Pouliot, Dion et Guilbault, qui occupaient également pour la SEBJ, ainsi qu'à Geoffrion et Prud'homme, une lettre de Me André Gadbois qui dit ce qui suit: "Chers confrères. "Nous vous référons aux opinions que nous avons reçues de vous datées respectivement des 16 et 18 décembre 1975, copies desquelles ont été remises aux administrateurs de la société d'énergie pour en prendre connaissance. "Mes Cardinal et Guèvremont, de l'étude Geoffrion, Prud'homme et Associés, ont été présents à une assemblée du conseil d'administration de la société d'énergie tenue le 19 décembre 1975 pour répondre aux questions des adminisitrateurs et discuter avec eux de certains points soulevés dans lesdites opinions. "Il avait été mentionné à l'issue de cette assemblée que vous recevriez au début de janvier 1976 les instructions de procéder à prendre l'action en recouvrement des dommages. "Nous avons été chargés de vous donner instructions de procéder à prendre action pour le recouvrement des dommages dès que vous serez en mesure de le faire."

C'est signé, avec la formule de politesse habituelle, André-E. Gadbois.

Plus spécifiquement quant au paragraphe 2, lorsqu'on dit "Mes Cardinal et Guèvremont, de l'étude Geoffrion, Prud'homme et Associés, ont été présents à une assemblée du conseil d'administration (...) tenue le 19 décembre 1975 pour répondre aux questions des administrateurs et discuter avec eux de certains points soulevés dans lesdites opinions..." je sais que cela remonte à 1975...

M. Cardinal: Je m'en souviens.

M. Paradis: Vous vous en souvenez?

M. Cardinal: Certainement.

M. Paradis: Qu'est-ce qui s'est passé exactement?

M. Cardinal: Je ne me souviens pas dans les détails de ce qui s'est passé, mais ce qui est arrivé, c'est que le conseil d'administration m'a demandé, à la suite de notre opinion, de le rencontrer parce qu'on avait des questions à nous poser. La raison pour laquelle j'ai amené M. Gilles Guèvremont avec moi est qu'il était un avocat de droit ouvrier qui avait collaboré à l'enquête Cliche, à la commission Cliche. Il est venu avec moi et les questions qui nous ont été posées ont surtout porté sur le droit ouvrier. M. Guèvremont a répondu à ces questions. On nous questionnait sur des liens de droit qui étaient mentionnés dans notre opinion. Autrement dit, on nous a demandé de compléter notre opinion écrite par des questions orales que le conseil d'administration nous a posées et auxquelles M. Gilles Guèvremont a répondu beaucoup plus que moi naturellement.

M. Paradis: Je pense qu'il y a répondu de façon satisfaisante parce que le dernier

paragraphe de la lettre conclut: "Nous avons été chargés de vous donner instructions de procéder à prendre action pour le recouvrement des dommages." Pour le moment, disons que les administrateurs de l'époque, en 1975, étaient satisfaits, et des opinions des deux bureaux d'avocats qui les conseillaient et des réponses verbales de vous-même, ainsi que de Me Guèvremont qui était présent à cette assemblée. C'est exact?

M. Cardinal: Exactement.

M. Paradis: M. le Président, pour garder la suite dans mon interrogatoire...

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Dans ce cas, je vais suspendre les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 01)

(Reprise de la séance à 20 h 11)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît;

La commission de l'énergie et des ressources reprend ses travaux. Le député de Brome-Missisquoi avait commencé à poser ses questions à Mes Aquin, Jetté et Cardinal. J'inviterais donc le député de Brome-Missisquoi à continuer à poser ses questions. M. le député.

M. Paradis: M. le Président, j'ai eu, durant la suspension, une demande des avocats du bureau de Geoffrion et Prud'homme de faire certaines mises au point qui s'imposaient.

Le Président (M. Jolivet): De la part de Me Aquin?

M. Aquin: Je vais la faire. Quand nous avons mentionné les plaintes criminelles qui avaient été maintenues contre certaines personnes lors de la présentation du tableau, nous vous avons donné l'état du dossier que nous avions à l'époque, mais il devient nécessaire, dans le cas de Maurice Dupuis, de vous donner l'état actuel de la situation. Nous devons rectifier. Celui-ci fut accusé conjointement avec Mantha dans le dossier 7731-74 et chacun d'entre eux fut condamné sous les mêmes chefs et reçut la même sentence de trois ans. Il en appela de la condamnation et de la sentence et, le 4 janvier 1979, la Cour d'appel ordonnait un nouveau procès dans son cas. Ce nouveau procès eut lieu devant le juge François Beaudoin qui prononça l'acquittement le 27 novembre 1980. Donc, cette personne est acquittée. Nous nous excusons.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, strictement pour résumer où nous en étions avant la suspension de nos débats, Me Cardinal nous avait précisé que l'étude Geoffrion et Prud'homme était le plus ancien bureau d'avocats canadien-français au Canada et fort possiblement en Amérique; qu'ils avaient reçu le 30 septembre 1975 du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James le mandat de percevoir les dommages à la suite du saccage de 1974.

Le 16 décembre 1975, Me Cardinal avait émis une opinion; son opinion avait été confirmée le 18 décembre 1975 par le bureau d'avocats qui travaille conjointement avec celui de Mes Geoffrion et Prud'homme sur ce dossier, soit Mes Pouliot, Dion et Guilbault. Le 29 décembre 1975, il y avait eu rencontre avec le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de Mes Cardinal et Guèvremont et, le 14 janvier 1976, le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James avait donné le mandat d'intenter l'action pour récupérer les dommages à la suite du saccage de 1974. C'est là où nous en étions rendus, M. le Président.

À ce point-ci, je demanderais à Me Cardinal, pour qu'on continue l'analyse des opinions émises par le bureau Geoffrion et Prud'homme, de bien vouloir prendre le cahier des opinions qu'on nous a remis hier. À la page 35 dudit cahier, en date du 29 novembre 1978, une lettre est adressée à Me Jean-Paul Cardinal, de Geoffrion et Prud'homme, par Me André Gadbois. Très brièvement, l'essentiel de la lettre se lit comme suit: "Les membres du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James nous ont demandé, lors de leur réunion du 27 novembre dernier, de leur faire parvenir, pour considération à une réunion ultérieure, un document indiquant la capacité de payer de chacune des personnes physiques et morales impliquées à titre de défenderesses dans l'action ci-haut mentionnée. Ils nous ont également demandé de leur remettre un document indiquant les liens de responsabilité financière entre ces diverses parties". Cela a été demandé par la lettre du 29 novembre 1978. Est-ce exact, Me Cardinal?

M. Cardinal: D'accord, oui.

M. Paradis: Maintenant, à la page 38, nous avons une lettre du 11 décembre 1978 adressée à Me André Gadbois par l'étude Geoffrion et Prud'homme qui, essentiellement, se lit comme suit: "Vous avez requis récemment notre opinion concernant la solvabilité des défendeurs recherchant justice à la suite du saccage de LG 2, le 21 mars 1974. Nous avons donc

demandé à nos enquêteurs de nous aider à donner suite à cette demande et ceux-ci nous informent qu'ils devraient être en mesure de nous communiquer certaines informations précises dans le courant de cette semaine. Cependant, nous pouvons dès à présent vous donner les indications suivantes."

Je vais résumer et, s'il y a des inexactitudes, Me Cardinal pourra me corriger. Quant aux personnes physiques poursuivies, elles ne peuvent d'aucune façon répondre aux 32 000 000 $. Les enquêteurs poursuivent leur étude sur la solvabilité des syndicats québécois. Au dernier paragraphe de la page, on peut lire: "Quant à la capacité de payer de l'International Union of Operating Engineers, elle ne fait pas de doute. Nos correspondants américains, MM. Elarbee, Clark et Paul, doivent nous faire parvenir d'ici peu certains renseignements concernant la situation financière actuelle de ce syndicat aux États-Unis. Il est toutefois peu probable que ce syndicat ait des actifs de quelque importance au Québec, etc. "Afin d'être en mesure de vous éclairer davantage sur les possibilités de recouvrement suite à tout jugement qui pourrait être prononcé contre l'International Union of Operating Engineers, nous avons requis une opinion de nos correspondants américains sur les défenses qui seraient ouvertes à ce syndicat dans l'hypothèse où une action "était" intentée contre lui aux États-Unis sur la foi du jugement québécois. Cette opinion devrait nous parvenir d'ici peu. À tout événement, nous serons en communication avec vous au fur et à mesure, etc." C'était en quelque sorte un rapport intérimaire. Me Cardinal, est-ce exact?

M. Cardinal: C'est exact.

M. Paradis: Maintenant à la page 41, en date du 5 janvier 1979, adressée à Me André Gadbois, qui est l'avocat interne pour la Société d'énergie de la Baie James, une opinion juridique signée par Geoffrion et Prud'homme. Est-ce que vous pourriez m'indiquer, Me Cardinal, qui, chez Geoffrion et Prud'homme, a rédigé ladite opinion ou l'a signée?

M. Cardinal: La plupart du temps, même quand je les signe, c'était mon ami Me Jetté, parce qu'il écrit beaucoup mieux que moi, et celle-ci en particulier.

M. Paradis: Celle-ci en particulier.

M. Cardinal: Naturellement, je les regardais avant de les signer. La confection, la forme, c'est celle de Me Jetté.

M. Paradis: Très bien. À la page 47 de ladite opinion - là, à votre convenance, si Me Jetté veut répondre - on retrouve ce qui suit: "Nous avons reçu une opinion de nos correspondants américains MM. Elarbee, Clark et Paul, sur la reconnaissance, en vertu de la loi américaine, des jugements prononcés à l'étranger. Ils nous confirment qu'un jugement rendu dans la province de Québec n'est pas automatiquement exécutoire aux États-Unis mais qu'il peut cependant fonder avec succès une action intentée là-bas. Le droit américain fait montre de générosité à l'égard des jugements étrangers de telle sorte que, si certains prérequis existent, le défendeur à l'action intentée aux États-Unis sur la foi du jugement étranger ne peut plus réouvrir le débat à son mérite. Nous ne pouvons mieux faire que de vous référer à l'affaire de Hilton v. Guyot que nos correspondants considèrent comme faisant jurisprudence aux États-Unis. Dans cette cause, la Cour suprême statuait comme suit..." Je vous fais grâce de la citation. "L'International Union a donc vigoureusement contesté l'action intentée en invoquant l'absence de lien de préposition entre Duhamel et le local 791 auquel elle avait accordé une charte."

Et plus, loin: "Nous savons de façon certaine - c'est Me Jetté qui rédige - que peu avant les événements de mars 1974, et peu après, l'International Union of Operating Engineers, dont les bureaux pour le Canada sont situés à Toronto, s'est intéressée aux activités du local 791. Elle ne peut choisir d'exercer certains pouvoirs que lui donne sa constitution et se cacher derrière elle lorsque sa responsabilité est engagée."

À la page 49, au bas de la page: "Nos enquêteurs n'ont pu avoir accès ni aux comptes de banque ni aux états financiers des organismes syndicaux et il demeure possible que ceux-ci aient d'autres actifs. "Rappelons enfin que les cotisations dues par les syndiqués aux organismes syndicaux dont la responsabilité aura été établie pourront être saisies en exécution du jugement prononcé. "La solvabilité actuelle du défendeur américain, l'International Union, est telle qu'il semble que ce syndicat a les moyens financiers de satisfaire au jugement qui pourrait être prononcé. Nous annexons à la présente opinion certains rapports déposés par ce syndicat auprès des autorités américaines pertinentes. Ces rapports font notamment état de ses actifs. Geoffrion et Prud'homme, etc."

C'était votre opinion en date du 5 février 1979.

Le Président (M. Jolivet): Janvier.

M. Cardinal: Oui.

M. Paradis: Janvier 1979. Excusez-moi,

M. le Président.

Lorsque vous nous référez à l'opinion que vous avez reçue de vos correspondants américains, on a eu, dans les divers documents qui nous ont été distribués à cette commission, des extraits de ladite opinion. Est-ce que ce serait possible, sans vous occasionner de frais additionnels - peut-être en le faisant faire par les services de l'Assemblée nationale - de distribuer aux membres de la commission l'opinion dans sa totalité?

Le Président (M. Jolivet): Si vous m'en remettez une copie.

M. Jetté: Je l'ai effectivement avec moi. Je n'en ai qu'un exemplaire, mais je peux le mettre à la disposition de la commission pour qu'elle puisse en tirer des copies.

Le Président (M. Jolivet): On va demander à M. Bédard de venir le chercher et de faire faire les photocopies nécessaires.

M. Paradis: Pour faire suite et, encore une fois, poursuivant l'analyse de ce cahier de Geoffrion et Prud'homme, tout au cours de ce litige, à la page 52, on retrouve une lettre en date du 24 janvier - là, on lit 1978, mais il y a un astérisque, c'est 1979 -adressée à Geoffrion et Prud'homme, à l'attention de Me Jean-Paul Cardinal par Me André Gadbois, procureur interne de la Société d'énergie de la Baie James. Au dernier paragraphe de la première page, on dit: "Veuillez également nous faire parvenir un rapport - là, on est le 24 janvier 1979 -sur les montants des divers chefs de réclamations que, dans votre opinion et compte tenu du développement - on se rappelle que le procès avait débuté le 15 janvier - de la cause à ce jour, vous êtes en mesure d'établir et de prouver devant le tribunal." Vous avez bien reçu cette lettre?

M. Cardinal: Oui.

M. Paradis: À la page 55, le 26 janvier 1979, soit deux jours après la lettre de Me Gadbois, il y a une lettre, adressée par Geoffrion et Prud'homme à Me André Gadbois, dont l'essentiel est ce qui suit: "Cher confrère, le 24 janvier 1979, vous nous demandiez notre opinion sur le montant des dommages que nous croyions être en mesure de prouver compte tenu de nos plus récentes informations et du déroulement de la preuve dans ce dossier."

Plus spécifiquement, à la page 61, au milieu de la page, vous dites: "En résumé, la réclamation totale peut se détailler comme suit: A. Les postes suivants sont juridiquement fondés et, selon notre opinion, devraient être maintenus." Le total de ces postes qui sont juridiquement fondés et qui devraient être maintenus: 17 196 419,12 $. "B. Les postes de réclamation suivants, bien que prouvables, risquent d'être rejetés pour raison de force majeure et de non-subrogation de la part de la société." 2 300 000 $, approximativement.

M. Cardinal: Je vous ferai remarquer, M. le Président...

M. Paradis: Tantôt... M. Cardinal: Pardon!

M. Paradis: Excusez-moi. Tantôt, lorsque Me Jetté, je crois, a répondu à une question de l'honorable ministre, il a mentionné que la preuve qu'il avait faite jusqu'ici en cour, depuis le début du procès, et dont il semblait être satisfait - je ne veux pas vous citer exactement - mais je pense...

M. Jetté: Effectivement, je l'étais.

M. Paradis: Vous étiez satisfait. On vous permettait d'établir cela. Était-ce strictement la preuve des dommages ou si cela incluait le lien de droit?

M. Jetté: Non. Dans le cadre de cette opinion, on ne s'adressait qu'à la question du quantum. Il est certain que, pendant le nombre de jours où on a été à la cour, non seulement on a établi le quantum de notre réclamation, mais, évidemment, on a injecté dans tout cela des éléments qui concernaient l'aspect de responsabilité eu égard à certains des défendeurs qui avaient été poursuivis. C'est la seule façon dont je peux vous présenter cela.

M. Paradis: Comment pourrais-je vous poser la question? À cette date, vous aviez été en cour pendant quelques semaines. Est-ce que ce qui s'était passé devant le tribunal vous avait causé des mauvaises surprises ou si cela avait confirmé vos opinions juridiques et votre pensée juridique sur le procès?

M. Jetté: Je dois préciser. J'étais satisfait de ce que l'on avait fait, mais je dois faire une réserve. C'est que, bien sûr, pour des raisons tactiques, nous avions commencé par offrir comme témoins des gens dont la collaboration nous était assurée. En d'autres termes, on avait fait entendre des gens qui faisaient partie des cadres de la SEBJ ou des gens dont la collaboration nous était acquise. La partie la plus difficile devait commencer, il n'y a pas de doute, parce qu'il s'agissait, à partir des étapes franchies, de faire entendre, par exemple, une foule de travailleurs sur lesquels nous n'avions aucun contrôle et dont on savait

plus ou moins ce qu'ils allaient nous dire. C'était là une tâche qui était beaucoup plus délicate. On avait, bien sûr, des renseignements au dossier qui nous permettaient de savoir un peu à l'avance ce qu'ils diraient parce qu'on avait épluché les auditions du commissaire aux incendies, Me Delage; on avait aussi épluché tous les témoignages rendus dans le cadre de l'enquête Cliche. Cependant, dans la mesure où, par exemple, l'International Union, pour parler de ce cas, est concerné et cela s'en venait - on n'avait pas commencé encore à ce moment à établir vraiment un lien de droit, si l'on veut. On avait déjà des éléments qui auraient pu permettre à un tribunal de condamner le 791, l'union québécoise ou même le conseil provincial, mais on n'était pas rendu plus loin que cela.

M. Paradis: Vous avez fait comme tout bon stratège qui a le choix de l'ordre des témoins.

M. Jetté: Commencer par le plus facile et voir quelle sorte de millage je pourrais faire avec les gens dont l'amitié m'était acquise.

M. Duhaime: Qu'est-ce que vous voulez dire par là?

M. Paradis: M. le Président, que le ministre suive nos débats attentivement!

Pour continuer dans le même cahier des opinions, cette fois-ci je vous réfère à la page 65. En date du 19 février 1979, Me Jean-Paul Cardinal, de Geoffrion et Prud'homme, écrit à Me André Gadbois et il dit essentiellement, au premier paragraphe: "Nous avons reçu, ce matin, votre lettre du 19 février 1979 - il avait reçu une lettre de Me Gadbois que vous retrouvez, pour fins de vérification, à la page 68 du cahier -adressée au président et aux membres du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James. "Nous sommes d'accord avec les termes de cette lettre qui correspondent aux opinions que nous avions déjà données à ce sujet et, plus particulièrement, avec ses conclusions à l'effet que les procédures d'exemplification devant les tribunaux américains pourraient être très longues et entraîneraient, de part et d'autre, des frais légaux considérables." (20 h 30)

Vous citez, à la page 66, l'extrait du Norris-La Guardia Act dont nous a parlé de façon très éloquente, ce matin, l'invité, M. Saulnier, et dont nous ont parlé à peu près tous les témoins qui avaient voté en faveur du règlement. Mais, immédiatement après avoir cité cet extrait du Norris-La Guardia Act, sur lequel on reviendra un peu plus tard, parce que je me pose un tas de questions à ce sujet et que je voudrais que, dans un cadre bien précis, on réponde à toutes ces questions, vous dites: "Les tribunaux fédéraux américains pourraient, dans ce contexte, être tentés d'appliquer la règle de réciprocité que la jurisprudence récente semble avoir répudiée." C'est ce que vous avez écrit le 19 février 1979, est-ce exact?

M. Jetté: C'est exact.

M. Paradis: Je vais revenir tantôt sur ce sujet pour qu'on en fasse le tour. Le 8 mars 1979 - maintenant, je vous réfère à un autre cahier, le cahier des projets de déclaration et de transaction, comme tel, aux pages 139 et 140, - Me François Aquin écrit à Me Gadbois, qui est le procureur interne de la SEBJ, et qualifie un communiqué de presse de la Société d'énergie de la Baie James, en parlant du Norris-La Guardia Act sur lequel on va revenir un peu plus tard. Vous avez écrit cette lettre le 8 mars 1979, est-ce exact?

M. Aquin: Oui.

M. Paradis: Très bien. Le 20 novembre 1978... Là, on revient en arrière dans le temps. C'est l'ensemble de vos opinions, on a passé à travers le cahier au complet des opinions que vous nous avez soumises. On est même allé en chercher une du 8 mars 1979 dans le cahier des déclarations hors cour. On a l'ensemble des opinions que le bureau Geoffrion et Prud'homme a émises.

En plus de ces opinions, il est intéressant de remarquer - j'aimerais que cela me soit confirmé - que le 20 novembre 1978... Je vous réfère ici au cahier - je ne sais pas si vous l'avez - qui nous a été distribué par M. Laliberté au début de son témoignage qui s'intitule Extraits du registre des procès-verbaux de la SEBJ. À la page 4 de ce cahier, on a un extrait du procès-verbal d'une réunion de la SEBJ, de la Société d'énergie de la Baie James, qui a été tenue le 20 novembre 1978. On lit: "Après discussion, sur proposition dûment faite et appuyée, il est unanimement résolu d'approuver un engagement monétaire estimé à 500 000 $ pour l'année 1979 au compte (...) pour couvrir les honoraires, déboursés et autres dépenses qui devront être payés à Mes Geoffrion et Prud'homme ou à Mes Pouliot, Dion et Guilbault - ceux qui travaillaient sur la cause avec vous - relativement à la cause-ci..." Est-ce que c'est Geoffrion et Prud'homme, ainsi que Mes Pouliot, Dion et Guilbault qui avaient demandé au conseil d'administration de la SEBJ de débloquer cette somme pour l'année 1979?

M. Cardinal: Non, M. le Président. Je pense que c'est une coutume à Hydro-Québec

de faire des prévisions budgétaires et ceci s'est fait - j'en suis bien convaincu - sans notre connaissance.

M. Paradis: Cela s'est fait normalement dans le cours de...

M. Cardinal: Oui. Hydro-Québec demande toujours des prévisions budgétaires, entre autres, pour payer ses avocats et, j'imagine, pour d'autres choses. Là, c'est une prévision budgétaire pour faire face à un procès qui peut durer six mois ou plus. Cela ne veut pas dire qu'ils nous donneront les 500 000 $ ou qu'ils ne nous les donneront pas.

M. Paradis: Non.

M. Cardinal: C'est seulement qu'il faut qu'ils le prévoient dans leur budget pour des raisons internes.

M. Paradis: On avait prévu, de toute façon, à ce moment-là, que, pendant l'année 1979, pour la Société d'énergie de la Baie James, cela prendrait approximativement cela pour faire l'année, finalement?

M. Cardinal: C'est cela.

M. Paradis: Cela va. On savait, à ce moment-là, que la date du procès était fixée au 15 janvier, que c'était devant l'honorable juge Bisson...

M. Cardinal: C'était planifié pour six mois.

M. Paradis: ...qu'on vous avait également fixé un horaire de six mois. Très bien.

Si on revient au document de règlement hors cour que vous nous avez présenté et, plus spécifiquement, à la page 22 on retrouve une lettre du 22 janvier 1979 adressée à la Société d'énergie de la Baie James à l'attention de Me André Gadbois, l'avocat interne, qui est signée par Geoffrion et Prud'homme, encore une fois. Je vais peut-être présumer qu'elle a été rédigée par Me Jetté, à tort?

M. Cardinal: Pas toujours. M. Paradis: À tort? M. Cardinal: Pas toujours. M. Paradis: J'ai dit: À tort.

M. Jetté: Vous présumez à tort cette fois.

M. Paradis: Je présume à tort?

M. Jetté: Cette fois.

M. Paradis: C'est rédigé par Me Aquin cette fois et signé par Me Cardinal?

M. Cardinal: C'est cela.

M. Paradis: J'ai présumé à raison. Plus spécifiquement...

M. Cardinal: C'est lui qui l'a signée le 22 janvier. Je l'ai devant moi, ses initiales sont en bas en gauche, si j'ai la bonne note.

M. Paradis: Ah oui! Très bien. Ses initiales, ainsi que celles de la personne qui l'a dactylographiée.

M. Cardinal: C'est cela.

M. Paradis: Merci. Au bas de la page 24 et en haut de la page 25, on lit ce qui suit: "Sans parler de Me Jean-Paul Cardinal et Me François Aquin qui s'étaient réservé le temps requis pour superviser et orienter le travail juridique à fournir dans ce dossier, il ne faut pas oublier, non plus, que le temps de quatre avocats de notre bureau, soit Me Michel Jetté, Me Gilles Guèvremont, Me José Dorais et Me Guy Prud'homme a été totalement réservé à cette cause jusqu'en juillet prochain et que, conséquemment, jusqu'à ce terme de juillet prochain, les procureurs en question se sont libérés de tous les dossiers dont ils avaient la charge."

Est-ce qu'on peut penser qu'à partir de toutes les opinions qu'on a résumées bien brièvement, je m'en excuse, à partir de l'engagement du 500 000 $ de la Société d'énergie de la Baie James, à partir du temps que les avocats avaient mis de côté chez Geoffrion et Prud'homme, vous étiez convaincus chez vous que vous aviez une cause sérieuse dans les mains?

M. Cardinal: Bien sûr.

M. Paradis: Une bonne cause sérieuse.

M. Cardinal: Bien sûr.

M. Paradis: Très bien. Maintenant, on a vu tantôt qu'en 1975, soit plus spécifiquement le 29 décembre, Me Cardinal, ainsi que Me Guèvremont avaient assisté à un conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James avec les administrateurs de l'époque pour répondre à diverses questions et, plus spécifiquement pour Me Guèvremont, à des questions de droit du travail dans ce dossier. Par la suite, on sait que, le 9 janvier 1979, à la suite des témoignages qui ont été rendus, Me Aquin et Me Jetté ont assisté à une réunion du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James également pour

répondre à des questions, etc. C'est exact? M. Cardinal: Oui.

M. Paradis: On sait également, mais je vous demanderais de le confirmer, que le 20 février Me Cardinal et Me Jetté ont également assisté à une réunion du conseil.

M. Cardinal: Ce n'est pas seulement d'une commission parlementaire qu'on a des questions.

M. Paradis: Cela va. Maintenant, je voudrais qu'on tire quelque chose au clair parce que ce n'est pas très très précis. Le 23 janvier, à la réunion du conseil d'administration, est-ce qu'il y avait quelqu'un de chez Geoffrion et Prud'homme qui était présent à cette réunion?

M. Cardinal: Non.

M. Paradis: Absolument pas.

M. Cardinal: Maintenant, il y a une divergence un peu. C'est sûr, il n'y avait personne.

M. Paradis: D'accord.

M. Cardinal: Mon souvenir, c'est qu'on attendait dans la salle d'attente, mais le souvenir de M. Aquin, c'est qu'on attendait au bureau.

M. Paradis: Vous n'étiez pas...

M. Aquin: On reste sur nos positions. On n'était pas là.

M. Paradis: Est-ce qu'on peut tenter de s'entendre sur un règlement hors cour là-dessus, chaque partie payant ses frais? Est-ce que vous pouvez affirmer, quand même, que vous n'étiez pas dans la salle de délibération du conseil d'administration et que vous n'avez pas eu à présenter un point de vue ou à répondre à des questions des membres du conseil d'administration?

M. Cardinal: Oui, M. le Président.

M. Paradis: Très bien. Est-ce que, le 30 janvier, il y avait quelqu'un de chez Geoffrion et Prud'homme qui était présent à la réunion du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James?

M. Cardinal: Non.

M. Paradis: Non plus. Personne de chez vous?

M. Cardinal: Non.

M. Paradis: Là, est-ce que vous étiez dans votre bureau à attendre le téléphone ou dans la salle d'attente?

M. Cardinal: Je ne sais pas trop. M. Aquin dit qu'on était au bureau.

M. Aquin: À mon souvenir, si M. Cardinal me le permet, dans cette affaire, on a jamais été au conseil d'administration à attendre et revenir sans assister. Je ne parle pas pour la période de deux semaines où j'ai quitté, mais pour tout le reste; à ma connaissance, j'y suis allé une fois seulement. C'est ce que je vous ai dit ce matin.

M. Paradis: Cela va.

M. Cardinal: Ce qui a pu arriver, c'est qu'un jour, M. Aquin et moi, avons attendu dans la salle d'attente. Mais c'était dans une autre cause, celle de Churchill.

M. Paradis: Si on prend, encore une fois, le cahier qui nous a été remis par M. Laliberté, le président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie James, et qu'on l'ouvre à la page 15, on y retrouve un extrait du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James en date du 9 janvier 1979. Et on peut y lire ce qui suit: "Le président-directeur général de la compagnie, M. Claude Laliberté, mentionne aux membres que Me François Aquin, c.r. et Me Michel Jetté, de l'étude légale Geoffrion et Prud'homme, ont été invités à leur présenter des commentaires et à répondre à leurs questions relativement à l'opinion datée du 5 janvier 1979 de ladite firme qui est en annexe au rapport présenté au conseil concernant l'institution de procédures judiciaires au civil contre les responsables des dommages survenus au chantier de LG 2 le 21 mars 1974. À la demande des membres du conseil, Me Aquin et Me Jetté se présentent à la réunion et adressent aux membres leurs commentaires relatifs à ladite opinion et ils répondent aux questions des membres". C'est ce qu'on a dans le procès-verbal. On ajoute que vous avez fait cela de façon efficace, parce qu'on dit au paragraphe suivant: "Après avoir fourni les réponses exigées d'eux, lesdits procureurs se retirent de la réunion et les membres discutent entre eux du rapport".

Lorsque vous avez fait une présentation, lorsque vous avez répondu à des questions, sur quel sujet cela a-t-il porté et dans quel sens ont été ces questions et ces discussions?

M. Aquin: À mon souvenir, les gens avaient en main notre opinion du 5 janvier, qui était quand même récente. Mais je pense qu'ils avaient aussi en main l'opinion d'il y a

quelques années.

M. Paradis: Oui.

M. Aquin: Les questions ont porté surtout sur l'opinion du 5 janvier, qui était une mise à jour de l'ancienne opinion. Les questions ont porté sur la responsabilité des défendeurs et, surtout, sur la responsabilité du syndicat américain. Et là, sur la responsabilité du syndicat américain, indépendamment de ce qu'on apprend ici à la commission, je me souviens que M. Thibaudeau m'avait, si je peux dire, contre-interrogé longuement sur cette question. Aussi, les questions avaient porté sur la solvabilité. Je pense également qu'il avait été question de l'exemplification aux États-Unis. Et, à mon souvenir, la dernière question était relative à nos prévisions quant aux frais dans la perspective de cette cause pour les six prochains mois. M. Jetté peut peut-être compléter.

M. Paradis: Est-ce que cela rentrait dans les 500 000 $ qui avaient été budgétisés?

M. Aquin: Cela, on ne le savait pas.

M. Paradis: Mais les perspectives qu'ils vous ont demandées?

M. Aquin: Oui, j'ai revu nos perspectives qui étaient de 435 000 $. Et quand on a quitté la séance, M. Gadbois nous a félicités. Il nous a appris, ce que nous ne savions pas, qu'on vous avait attribué la somme de 500 000 $.

M. Paradis: Très bien. Vous avez été, d'ailleurs, très convaincants parce que...

M. Aquin: On a fait notre possible. (20 h 45)

M. Paradis: ...on lit dans le procès-verbal: "Après discussion - et là, on est au 9 janvier 1979 et le procès commence le 15 janvier; vous avez dû leur dire ce que vous nous avez dit ici, que vous aviez une bonne cause et que vous saviez où vous alliez avec cela - les membres du conseil indiquent qu'ils sont d'avis que les décisions prises antérieurement par le conseil d'administration de la compagnie de poursuivre au civil les responsables des dommages au chantier de LG 2 le ou vers le 21 mars 1974, n'ont pas été modifiées."

M. Aquin: On n'était pas au courant de cette décision.

M. Paradis: Elle est dans le cahier.

M. Aquin: On a explicité l'opinion du 5 janvier. M. Jetté a réitéré là, grosso modo, ce qu'il disait ce soir sur ce qu'il considérait être nos chances de succès dans une perspective donnée.

M. Paradis: Très bien. On va partir du 9 janvier et on va aller, si vous le voulez bien, au 20 février, soit à l'autre réunion du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James à laquelle ont assisté Me Cardinal et - j'allais dire le perpétuel - Me Jetté, qui est là chaque fois qu'il y a quelque chose ayant trait à ce dossier - vous retrouvez le procès-verbal de cette réunion dans le même cahier, à la page 118.

Extrait du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, tenue le mardi 20 février 1979. On lit sommairement: "Sur appel du président du conseil - c'est M. Saulnier - de l'article concerné, Me André-E. Gadbois, c.r., ainsi que Mes Jean-Paul Cardinal, c.r., et Michel Jetté de l'étude Mes Geoffrion et Prud'homme sont invités à faire rapport verbal aux membres de l'état d'avancement de leurs démarches conformément au mandat qui leur avait été donné par le conseil d'administration suivant la résolution 368.01 adoptée à la réunion du 6 février 1979. "Les membres du conseil prennent connaissance d'une lettre de Me Jean-Paul Cardinal adressée à Me André- E. Gadbois le 12 février 1979, ainsi que d'un projet de déclaration de transaction qui accompagnait ladite lettre. Les membres prennent également connaissance d'une lettre qui leur a été adressée par Me André- E. Gadbois le 19 février 1979, ainsi que d'une lettre de Me Jean-Paul Cardinal à Me André- E. Gadbois en date du même jour. "Après avoir fourni les explications additionnelles requises par les membres sur ces diverses lettres et répondu aux questions additionnelles formulées par les membres, ces trois procureurs se retirent."

Quel était le sens de la discussion, des questions, de la présentation?

M. Jetté: De mémoire, il y a deux choses qu'on a abordées. Il y en a peut-être plus que cela, mais je me souviens pertinemment qu'on m'avait demandé de faire état du dossier à la cour. En d'autres termes, j'avais expliqué sommairement qui avait été entendu, quel avait été le sens de la preuve. J'avais fait une espèce de mise au point de l'état du dossier devant les tribunaux. Aussi, à ce moment-là, certainement qu'on avait discuté des questions d'exemplification du jugement qui pourrait être prononcé contre le syndicat américain.

M. Paradis: Auriez-vous dit, vous-même ou Me Cardinal, aux membres présents du

conseil d'administration, à cette réunion ou à la précédente réunion à laquelle vous aviez assisté - cela s'adresse aussi à Me Aquin parce qu'il y a interaction - le 9 janvier 1979, que votre cause n'était pas bonne?

M. Cardinal: Non.

M. Paradis: Très bien. À cette date, une fois que vous vous êtes retirés, la résolution suivante, en deux volets, est adoptée: "d'autoriser Mes Geoffrion et Prud'homme, les procureurs agissant pour la compagnie dans la cause SEBJ vs Yvon Duhamel et Al., à proposer aux procureurs des défendeurs les termes d'un règlement hors cour de ladite cause, etc."

Également, "de requérir Mes Geoffrion et Prud'homme, les procureurs agissant pour la compagnie dans la cause SEBJ vs Yvon Duhamel et Al., de transmettre à Me André E. Gadbois c.r. - l'avocat interne - les états financiers les plus récents disponibles de l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde, local 791, l'Union des opérateurs, etc.", des syndicats québécois... Donc, deux mandats: proposer un règlement hors cour et, deuxièmement, vous procurer, pour les remettre à Me Gadbois...

M. Duhaime: À quelle page?

M. Paradis: Je suis à la page 118, M. le ministre, du recueil que vous a remis M. Claude Laliberté.

M. Duhaime: M. Cardinal ne suit pas dans le livre. Il est dans autre chose.

M. Paradis: Non, je pense que tout le monde suit. Donc, de requérir les états financiers, de proposer aux défendeurs les termes de règlement hors cour et "de requérir les susdits procureurs de faire rapport des résultats de leurs négociations au président du conseil d'administration et de lui présenter un projet global de déclaration de transaction à être signée." À votre sortie, après vous être expliqués, après avoir dit aux administrateurs que vous aviez une bonne cause, c'est ce qu'ils ont décidé le 20 février 1979.

Sur cela, je ne peux m'empêcher, comme plusieurs des personnes qui nous écoutent, j'imagine, de me remémorer une partie du témoignage de M. Saulnier qui nous citait quelque chose qu'aurait dit M. Giroux à la réunion du 30 janvier. Je le cite au procès-verbal, et cela se retrouve au ruban R/642 et c'est M. Saulnier qui cite M. Giroux. M. Giroux dit: "C'est drôle, quand on a pris cette poursuite, ils nous ont dit que c'était bien bon. Maintenant, ils nous disent que cela ne vaut rien". Qui a bien pu dire cela?

M. Cardinal: M. le Président, j'ai infiniment de respect et même d'affection pour M. Giroux qui, entre autres, est un des responsables, à mon sens, du contrat de l'énergie de Churchill Falls. J'ai beaucoup de respect pour lui, surtout comme financier.

M. Paradis: Me Cardinal, ce n'est pas lui qui le dit; c'est M. Saulnier qui rapporte des paroles qu'il aurait dites. Vous n'étiez pas là, remarquez c'est le 30; j'ai bien spécifié la date, le 30 janvier.

M. Cardinal: J'ai entendu M. Saulnier faire cette remarque. Comme je connais bien M. Giroux de longue date, ce n'est ni sa première ni sa dernière boutade.

M. Paradis: Vous prenez cela comme une boutade.

M. Cardinal: Moi, oui.

M. Paradis: D'accord, cela va.

M. Gratton: Une farce plate.

M. Cardinal: Pardon?

M. Gratton: C'est une farce plate.

M. Cardinal: Non, M. Giroux a beaucoup d'humour.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse; un instant.

M. Paradis: Est-ce que c'est une boutade de M. Saulnier ou une boutade de M. Giroux, pour les fins du journal des Débats?

M. Cardinal: Tel que je connais M. Giroux, c'est plutôt la sienne.

M. Paradis: C'est plutôt la sienne.

Maintenant, au ruban R/530, en réponse à une question de l'honorable ministre, M. Giroux nous dit ce qui suit, et je le cite au texte: "Ce que je me suis toujours dit, c'est qu'on prenait 30 000 000 $ du public et qu'on les remettait - là on a corrigé, il a dit aux "unions", je me le rappelle très bien; au journal des Débats, on a écrit "syndicats", mais je me rappelle très bien qu'il a dit aux unions - aux unions. Ce n'est pas Hydro-Québec qui a fait le saccage". C'est une boutade, cela aussi?

M. Cardinal: Non, mais je dois vous dire une chose. On doit faire une distinction très sérieuse, par exemple. J'ai commenté les remarques de M. Giroux quand il parlait de droit, je ne les commenterai pas quand il parle de finances, et là, dans le moment, c'est cela que vous me demandez.

M. Paradis: Très bien. Là, il parle de ce qu'il connaît.

M. Cardinal: C'est cela. M. Paradis: Très bien. M. Duhaime: ...en Floride.

M. Paradis: M. le ministre, est-ce que vous voulez répéter cela, pour les fins du journal des Débats?

M. Duhaime: Non, ce n'est pas nécessaire.

M. Paradis: Ce n'est pas nécessaire. Ceci s'adresse à Me Cardinal, à Me Aquin et Me Jetté, indifféremment: dans les mandats que vous avez reçus du conseil d'administration - je veux spécifier avant qu'il y a eu des témoignages et que vous-même, Me Aquin, ce matin, vous avez dit avoir reçu d'autres mandats en cours de route, que Geoffrion et Prud'homme n'ont jamais agi dans cette cause sans avoir de mandat, etc, vous avez précisé tout cela ce matin - de la Société d'énergie de la Baie James, vous aviez votre premier mandat de 1975 de regarder ce qui se passait, Me Cardinal; vous aviez votre mandat du conseil d'administration d'intenter les poursuites.

M. Cardinal: D'accord.

M. Paradis: Sauf erreur - et je vous prie de me corriger - un mandat non pas de Me Gadbois, non pas de M. Laliberté, mais du conseil d'administration comme tel. J'ai retrouvé le premier dans le cahier que vous nous avez remis qui s'intitule Projets de déclaration de transaction dans l'instance SEBJ contre Duhamel. Je l'ai retrouvé à la page 107 dudit cahier dans une lettre en date du 7 février 1979 adressée à Me Jean-Paul Cardinal, c.r., par Me André Gadbois, avocat interne de la SEBJ, laquelle se lit comme suit: "Le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James a considéré à son assemblée tenue hier les documents que vous m'avez transmis avec votre lettre du 5 février 1979. "Je vous confirme, par la présente lettre, le mandat dont je vous ai fait part de façon verbale hier après-midi, à l'effet que le conseil d'administration demande que vous exploriez auprès des procureurs des défendeurs la possibilité d'un règlement hors cour dans la cause ci-haut mentionnée sur la base d'une reconnaissance par tous les organismes qui sont défendeurs dans cette cause de leur responsabilité pour les dommages et du paiement à la Société d'énergie de la Baie James d'une somme d'argent qui pourrait lui être acceptable, le tout sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient réglées préalablement." La formule de politesse d'usage et c'est signé par Me Gadbois.

Si la lettre est datée du 7 février. On parle du mandat de la veille et on parle du mandat du 6 février par le conseil d'administration. Est-ce que, dans les 106 pages qui ont précédé, j'en aurais sauté un par accident qui vous venait du conseil d'administration?

M. Aquin: Si vous me le permettez, je ne veux pas vous contredire...

M. Paradis: Non, non, je vous le demande.

M. Aquin: ...mais il y a une directive ou un mandat du conseil d'administration du 24 janvier 1978 à la page 66: "Le conseil, sans se prononcer sur la proposition de règlement hors cour, demande d'apporter certaines modifications aux documents présentés, lesquels font l'objet d'un mémoire en annexe." C'est-à-dire qu'il y a des directives du conseil dans la lettre du 24 janvier 1978.

M. Paradis: On va prendre cette lettre du 24 janvier 1978, pour ne pas l'escamoter. Il se trouve que vous la mentionnez à la page 66. Encore une fois, c'est une lettre de Me Gadbois, avocat interne pour la SEBJ, adressée à Mes Geoffrion et Prud'homme, en date du 24 janvier - c'est écrit 1978, il y a un astérisque qui nous dit que c'est en 1979; en début d'année, les secrétaires font souvent cette petite erreur - à l'attention de Me Jean-Paul Cardinal. On lit bien ce qui suit: "Le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James a pris connaissance à sa réunion d'hier des projets de déclaration de transaction et de déclaration de règlement hors cour qui ont été préparés dans le but d'une négociation possible de règlement hors cour dans cette instance. "Le conseil d'administration, sans se prononcer sur la proposition de règlement hors cour, demande d'apporter certaines modifications aux documents présentés, lesquels font l'objet d'un mémoire en annexe. "Veuillez revoir les textes en question..." Vous avez témoigné à cet effet ce matin. "Veuillez également nous faire parvenir un rapport sur les montants des divers chefs de réclamations que, dans votre opinion et compte tenu du développement de la cause à ce jour, vous êtes en mesure d'établir et de prouver devant le tribunal. "De plus, vous voudrez bien nous confirmer par écrit votre opinion à l'effet que la Société d'énergie de la Baie James sera protégée dans l'éventualité d'un règlement contre toutes réclamations en

dommages de la part des défendeurs (...)"

Vous aviez raison de me souligner qu'à ce moment vous avez reçu mandat du conseil d'administration de corriger ou d'apporter des modifications - on ne se chicanera pas sur les termes - à un projet de transaction que vous aviez rédigé et qui leur avait été présenté à cette époque. Mais au niveau du règlement hors cour vous recevez, le 7 février, une lettre qui vous dit que, le 6 février, le conseil d'administration vous demande d'explorer auprès des procureurs des défendeurs la possibilité d'un règlement hors cour de la cause. Était-ce la première fois que vous receviez un tel mandat du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James? Je spécifie bien du conseil d'administration, de la Société d'énergie de la Baie James?

M. Aquin: La réponse est oui.

M. Paradis: La réponse est oui. On la retrouve à la page 107. Aux pages 108, 109 et 110, en date du 12 février 1979, on retrouve une lettre de Me Cardinal à Me Gadbois qui fait rapport du mandat, finalement. On avait reçu le mandat le 6 février et, le 12 février, il y a un rapport du mandat et la lettre commence comme suit: "Nous vous faisons rapport du mandat que nous avons reçu de vous le 7 février dernier." Vous faites rapport et vous concluez en disant à la page 110: "Auriez-vous l'obligeance de nous donner de nouvelles instructions?" C'était parce que vous aviez rempli cette partie de votre mandat; est-ce exact? (21 heures)

M. Cardinal: C'est exact.

M. Paradis: Maintenant, aux pages 111 et 112, Me Gadbois, en date du 21 février, soit une dizaine de jours après, donne suite à votre lettre et vous dit ce qui suit: "À la demande du conseil d'administration de la SEBJ, auriez-vous l'obligeance de transmettre au soussigné les états financiers les plus récents disponibles de l'Union internationale" - finalement, de tous les syndicats québécois et, deuxièmement, "de proposer aux procureurs des défendeurs dans la cause ci-haut mentionnée les termes d'un règlement hors cour de ladite cause sur la base d'une reconnaissance par tous les défendeurs de leur responsabilité pour les dommages et du paiement à la Société d'énergie de la Baie James d'une somme représentant substantiellement les frais légaux encourus par elle à date, le tout sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient réglées préalablement;" finalement, "de faire rapport des résultats de vos négociations au président du conseil d'administration, M. Lucien Saulnier, et de lui présenter un projet global d'une déclaration de transaction à être signée entre les parties". C'est signé par Me Gadbois.

C'est la première fois que, du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, vous receviez un mandat de proposer aux procureurs des défendeurs les termes d'un règlement?

M. Cardinal: C'est exact.

M. Paradis: À la page 113, on retrouve une lettre de Me Michel Jasmin, le procureur pour l'ensemble des syndicats québécois, à toutes fins utiles, datée du 26 février qui vous est adressée, Me Cardinal.

M. Cardinal: Excusez-moi, je peux vous souligner qu'à cette époque François Aquin était en vacances. Alors, j'ai pris la relève de ce qu'il faisait ordinairement.

M. Paradis: C'est vous qui faisiez cela à sa place?

M. Cardinal: C'est cela. Il avait, jusqu'à ce jour, fait les transactions, il avait parlé aux avocats des syndicats et, tout à coup, il part en vacances; alors, je m'en occupe plus activement.

M. Paradis: Très bien. De toute façon, le style est demeuré, très bien! Me Jetté sourit lorsque je dis cela. Le deuxième paragraphe, donc, de cette lettre du 26 février 1979 qui est envoyée par Me Michel Jasmin, le procureur des syndicats québécois, à Geoffrion et Prud'homme à l'attention de Me Cardinal se lit comme suit: "Je voudrais que ces états financiers..." Excusez-moi, je devrais lire le premier paragraphe pour une meilleure compréhension: "Dans le but d'en arriver à un règlement entre les parties, je suis autorisé à vous remettre une copie des états financiers de l'Union internationale des opérateurs-ingénieurs, local 791, en date du 31 mai 1978. Je voudrais que ces états financiers soient utilisés d'une façon très restrictive pour les motifs que je vous ai expliqués. Il en va de même également pour les états financiers du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Dans ces circonstances, je voudrais que ces documents soient remis à un représentant du conseil d'administration de la SEBJ, de préférence son président, pour fins de consultation et non pas de publication". C'est un peu délicat. Je vais vous le demander, sentez-vous très à l'aise de dire: Je préfère ne pas répondre. Quelles étaient ces raisons invoquées de vive voix?

M. Cardinal: Non. Ce sont des transactions entre avocats et, à un moment donné, on demande un document et l'avocat

dit: Oui, je vais te le donner, mais c'est confidentiel; remets-le à ton client, mais ne le publie pas.

M. Paradis: Ce qui semble me surprendre... Là, il y a un conseil d'administration de 11 membres qui sera appelé à voter.

M. Cardinal: Oui, oui.

M. Paradis: D'après ce que Me Aquin m'a dit tantôt, d'après le témoignage que vous avez rendu jusqu'à maintenant ainsi que celui de Me Jetté, vous n'êtes pas le genre d'étude légale à faire fi de l'éthique professionnelle et, si un collègue ou un confrère vous confie un document en disant: Remettez-le strictement à cette personne pour que seulement elle le regarde, je suis certain que c'est ce qui est arrivé en pratique.

M. Cardinal: Si vous me le permettez, on lit au deuxième paragraphe: "Dans ces circonstances, je voudrais que ces documents soient remis à un représentant du conseil d'administration de la SEBJ, de préférence son président, pour fins de consultation et non pas de publication". Je ne pense pas -en tout cas, ce n'est pas ce que j'ai compris et je pense bien qu'il ne comprenait pas cela, lui non plus - que M. Jasmin pensait, à ce moment-là, que le conseil d'administration ne pourrait pas le voir. Il pensait que je le remettrais à un représentant qui s'en servirait discrètement, mais certainement pas à le cacher au conseil d'administration de la SEBJ.

M. Paradis: Vous, à qui l'avez-vous remis?

M. Cardinal: Probablement à M. Gadbois, comme d'habitude.

M. Paradis: Aux pages suivantes, vous avez une dizaine de pages, ce sont les fameux états...

M. Cardinal: Excusez-moi, on me dit qu'il y a la lettre du 27 février que j'ai écrite à la suite de cela, à Me André Gadbois. Vous verrez à la première page: "Je vous prie de trouver ci-inclus les états financiers de l'Union internationale des opérateurs (...) local 791 (...) Me Jasmin m'a informé que l'Union des opérateurs de machinerie lourde a transféré son compte, etc." Alors, je l'envoie à André Gadbois qui est le représentant de la SEBJ et qui est un avocat.

M. Paradis: Pas de problème. M. Cardinal: Pas de problème.

M. Paradis: Cette lettre confirme, finalement, votre témoignage et le fait que votre mémoire est encore indéfectible. De mémoire, vous dites: Je l'ai remis, à Me Gadbois et la lettre...

M. Cardinal: C'est parce que c'était notre interlocuteur.

M. Paradis: C'est cela, la lettre le confirme. Pour en revenir à cette lettre, vu qu'on y est, qu'on retrouve à la page 120, le 27 février 1979, vous écrivez donc à Me Gadbois. Vous avez mentionné que vous lui envoyiez les états financiers, etc. À la page 122, fin de l'avant-dernier paragraphe. "A la suite des offres nouvelles de Mes Beaulé et Jasmin, j'ai rencontré Me Guy Desjardins -c'était le procureur des assureurs -...

M. Cardinal: D'accord.

M. Paradis: ...qui m'a assuré que, dans l'éventualité où la SEBJ accepterait un règlement final de 200 000 $, il serait prêt à recommander à ses clients d'accepter une somme de 100 000 $, dette et frais. J'ai compris que ces recommandations seraient acceptées. Auriez-vous l'obligeance de me donner de nouvelles instructions?" Vous insistez sur ce sujet encore une fois.

Le 6 mars 1979, vous avez produit dans votre mémoire qui traite des projets de déclaration de transaction, etc., un extrait du procès-verbal de la 370e réunion du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James tenue le 6 mars 1979. On lit ce qui suit, à la page 124. Résolu: d'autoriser la compagnie et Mes Geoffrion et Prud'homme à régler hors cour la cause SEBJ versus Yvon Duhamel et Al. (...) des dossiers de la Cour supérieure conformément aux termes suivants. Vous avez un grand paragraphe a). L'avant-dernier paragraphe, au bas de la page, dit: "La susdite transaction stipulant, entre autres, l'engagement des parties signataires de régler la présente instance hors cour, chaque partie payant ses propres déboursés et honoraires judiciaires pour la considération monétaire forfaitaire de 200 000 $ versés par le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ) et l'International Union of Operating Engineers AFL-CIO à la compagnie." On a vu que c'était 100 000 $, 100 000 $, finalement.

À la toute fin, on dit: De mandater et d'autoriser le président du conseil d'administration ou le P.-D.G. de la compagnie, ainsi que Mes Geoffrion et Prud'homme à signer tout document aux fins de finaliser cette entente.

Je vais vous dire que, tard hier soir, j'ai passé à travers le cahier que vous avez eu l'amabilité de me remettre. Dans un cahier qui compte 175 pages, j'ai été obligé

de me rendre à la page 107 avant de retrouver de la part - je spécifie là-dessus, parce que je tiens à dire que vous avez témoigné que vous avez toujours eu des mandats pour faire tout ce que vous avez fait et cela n'a jamais été contredit jusqu'à maintenant devant cette commission et tout est là, finalement, pour le prouver - du conseil d'administration, c'est-à-dire les onze membres ou de ceux qui assistent aux réunions, un mandat d'aller explorer une possibilité de règlement avec les adversaires. Votre cahier, c'était tout ce qui concernait les projets de déclaration de transaction hors cour, etc. Il y en avait 170 pages et je me rends à la page 107 et je trouve cela.

M. Cardinal: Cela prend 170 pages pour faire un cadre.

M. Paradis: Pour faire un cadre, oui.

M. Cardinal: Et quelques pages pour régler la cause.

M. Paradis: S'il fallait passer à travers, etc. C'est que, finalement, avant que vous ayez le mandat, je retrouve les lettres, les échanges, les projets de transaction, puis tout cela. Encore une fois, pour mettre cela bien au clair, je ne remets pas en question le mandat que Geoffrion et Prud'homme a. J'insiste simplement sur le fait que le conseil d'administration - ce n'est que rendu à la page 107 et au 7 février 1979 que vous l'apprenez, mais il avait pris sa décision le 6 février 1979 - vous donne ce mandat, puis c'était d'explorer; que quelques jours après, le 12 février, une semaine après - on s'entend sur une semaine - vous faites rapport du mandat. C'est très rapide, mais cela ne prend pas beaucoup de pages dans le cahier, non plus.

Là, le 21 février, on vous donne un autre mandat au conseil d'administration. Vous les avez tous suivis à la lettre; là-dessus, je n'ai aucun doute, aucune question. Là, on vous dit: Allez proposer aux parties adverses les termes d'un règlement. Il faut que tout le monde admette sa responsabilité, il faut couvrir nos frais, etc., etc. Le 27 février, vous faites un rapport; une semaine après encore. Cela ne manque pas d'efficacité, c'est le moins que je puisse dire. Le 6 mars, tout cela est réglé. Cela a commencé le 6 février, ces négociations-là, dans une poursuite de 32 000 000 $ où il y a un paquet de parties, un paquet de personnes impliquées. Vous recevez du conseil d'administration...

C'est mon droit de parole, M. le ministre. Encore une fois, j'insiste sur le fait que je ne mets pas en doute le fait que vous ayez reçu des mandats, comme on l'a entendu en commission, soit de Me Gadbois, soit de M. Laliberté, pour faire autre chose.

Mais quand je prends mon cahier et que je me dis: Est-ce qu'il va le donner, le mandat, le conseil d'administration et que je suis obligé de me rendre au mois de février, à la page 107, et que tout cela se règle, se finalise, devrais-je dire, à l'intérieur d'un mois, je me dis qu'il devait y avoir du travail de préparation de fait.

Évidemment, si on prend les pages à partir de la page 1 jusqu'à la page 107, on en retrouve du travail de préparation qui est fait - qui est bien fait, d'ailleurs - et pour lequel vous avez été mandatés. Je voulais seulement, pour la compréhension du dossier, insister sur le fait que ce n'est que le 6 février que le conseil d'administration - et ça, je vous demanderais de confirmer si c'est exact, avec toutes les réserves que j'ai faites - vous a donné le mandat d'aller explorer une possibilité de règlement. C'est exact?

Très brièvement, j'avais promis à Me Jetté tantôt...

Le Président (M. Jolivet): Un instant, M. le député, tout simplement pour les besoins du journal des Débats, j'ai vu un signe de tête disant quelque chose. Mais je vous rappelle que tout le reste était une opinion de la part du député concernant le document. En fait, je sais très bien qu'il y avait une question à la fin de ce qu'il a dit qui était brève, mais je parle du préambule. Si jamais vous vouliez ajouter quelque chose, je fais la restriction que j'ai toujours faite jusqu'à maintenant.

M. Cardinal: En fait, le député a rapporté des faits qui sont exacts. Maintenant, moi, j'ai une opinion là-dessus. Mais comme c'est contre le règlement de la commission, je...

Le Président (M. Jolivet): Mais il n'y a aucune obligation...

M. Cardinal: Alors, si vous le permettez?

Le Président (M. Jolivet): Allez, allez.

M. Cardinal: J'ai entendu depuis de longues semaines, de longs jours, cet argument que nous avons eu 300 000 $, qu'on aurait dû avoir plus, qu'on aurait dû avoir moins. La question est simple: pour autant que je suis concerné, pour autant que le bureau d'avocats est concerné, cette négociation n'était pas une négociation financière. On n'est pas parti de 20 000 000 $ pour se rendre à 300 000 $ en commençant par 100 000 $. Vraiment, là, il serait temps qu'on démissionne. Alors, toute cette négociation, quand on a écouté et quand on a parlé, cela touchait toujours des questions de principe, à savoir qui

admettrait sa responsabilité, qui ne l'admettrait pas. Par exemple, tout à coup, on nous dit: II faudrait tout de même que vous couvriez vos frais...

M. Paradis: Me Cardinal, je n'ai jamais dit que...

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Paradis: Me Cardinal, si vous permettez que je vous interrompe un instant?

Le Président (M. Jolivet): Un instant, M. le député. Juste un instant.

M. Paradis: Je demande sa permission.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le député.

M. Paradis: II n'y a pas de problème, M. Cardinal?

Le Président (M. Jolivet): Simplement pour que les autres comprennent bien la question posée par le député, il s'agit de demander la permission à Me Cardinal de l'interrompre, tout en lui permettant de continuer son intervention.

M. Paradis: C'est cela, oui, oui.

M. Duhaime: Ne perdez pas votre fil.

M. Paradis: Le ministre dit à Me Cardinal de ne pas perdre son fil; il n'est pas ministre, lui, Me Cardinal!

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Paradis: Me Cardinal, pendant que vous me répondez, il y a le témoignage de Me Aquin qui me revient à l'esprit et, sauf erreur, encore une fois - je n'ai pas la transcription devant moi - vous autres, sur le plan financier, vous n'étiez pas tellement impliqués là-dedans. Si j'ai bien compris - on pourrait retrouver la transcription du témoignage de Me Aquin - ce n'était pas votre "bag" cela.

M. Cardinal: C'est sûr qu'on ne l'était pas.

M. Paradis: D'accord. C'était seulement cela que je voulais préciser, l'aspect financier.

M. Cardinal: II faut bien s'entendre. Le principe était que nos clients, avec les faits qu'il y avait sur la table, prenaient un règlement pour d'autres raisons que pour de l'argent. (21 h 15)

M. Paradis: Très bien. Me Jetté, l'opinion du 19 février 1979, qui a été adressée à Me Gadbois par la firme Geoffrion et Prud'homme et que, je présume, à tort ou à raison, vous avez rédigée...

M. Jetté: Quant à celle-là, elle a été faite dans la collégialité. Je me rappelle pertinemment qu'on l'avait travaillée, Jean-Paul Cardinal et moi.

M. Paradis: Vous étiez deux au collège ou il y en avait plus?

M. Cardinal: Ah non! Je peux répondre à cela tout de suite, parce que le député de Mont-Royal, avec raison, s'est demandé ce qui est arrivé. Voici comment on a reconstitué les faits. Me Gadbois écrit une lettre et nous demande notre opinion sur ladite lettre. Ce qui a dû arriver est ceci: comme de coutume, Me Jetté écrit la lettre. Il me la fait voir. Pour ma part, cela fait déjà passablement longtemps que, pour d'excellentes raisons d'hommes d'affaires, tout le monde me parle de la cause de Gaspé Copper, la cause de Gaspé Copper, la cause de Gaspé Copper. Or, en droit, la cause de Gaspé Copper n'a rien à voir avec notre cause. Ce n'est pas la même chose. Je leur réponds verbalement: Bien non, ce n'est pas la même chose. Tout à coup, à l'occasion de ce commentaire que je dois faire à M. André Gadbois, je me suis dit: Mon Dieu Seigneur, là, je vais en parler! Gaspé Copper, ce n'était pas une cachette. Tout le monde connaît cela. Tout le monde sait que cela ne s'applique pas à notre cause.

Entre autres, c'était un des soucis de M. Saulnier. Je le comprends. Pour quelqu'un qui n'est pas avocat, la cause de Gaspé Copper a beaucoup d'importance. Elle en a aussi. Alors, je prends la lettre que M. Michel Jetté me soumet et j'y ajoute le paragraphe concernant Gaspé Copper. Il s'appliquait bien parce que, justement, la cause de Gaspé Copper aurait été beaucoup plus facile à exemplifier aux États-Unis. Cela concordait complètement avec le droit américain. Je signe la lettre et je l'envoie. Probablement que M. Michel Jetté l'envoie, lui aussi. Ils ont reçu les deux lettres, dont une avec un paragraphe que j'ai moi-même ajouté.

M. Paradis: Nous, nous nous comprenons, parce qu'on a fouillé nos dossiers de part et d'autre, mais pour que le public qui nous écoute nous comprenne, finalement, ce qui est arrivé, c'est que le 19 février - et c'est pourquoi je posais la question - on avait deux opinions juridiques de Geoffrion et Prud'homme, mais pas deux opinions bien différentes, pour ne pas effrayer le monde. Dans la première, il manquait, ce que vous avez souligné, un

paragraphe. Un paragraphe qui se lit textuellement, pour concorder avec votre témoignage, comme suit - ce sont les mots exacts qui manquaient dans la première; cela s'insérait dans le paragraphe, cela allait bien ensemble - "Tandis que dans l'affaire Gaspé Copper Mines il a été prouvé que des agents et représentants de l'union internationale avaient "fomenté, organisé, dirigé, soutenu et financé" la grève illégale et que certains actes de violence qui s'en sont ensuivis ont été commis "avec la participation, l'approbation expresse ou tacite, les encouragements, les incitations ou les appuis matériels et financiers des agents et représentants de la haute hiérarchie et direction" de la même union, nous n'avons pas, dans notre cas, d'éléments de preuve permettant de croire que l'International Union of Operating Engineers aurait participé de semblable façon aux événements de mars 1974". Ceci fait la différence entre les deux opinions juridiques du 19 février, si on peut appeler cela une différence.

M. Cardinal: M. le Président, si je peux ajouter quelque chose, c'est la seule fois, je pense, que nos clients ont eu deux opinions pour le prix d'une.

M. Paradis: Ce qui m'inquiète, c'est qu'ils en aient eu trop, peut-être, pour leur argent, justement. Dans le paragraphe qui suit, dans l'une comme dans l'autre - on se retrouve dans un texte identique - on dit une chose qui semble avoir ébahi ou abasourdi différents témoins qui sont venus devant nous et qui ont voté pour le règlement, dont M. Saulnier, ce matin, que vous avez eu l'occasion d'entendre viva voce. Cela continuait comme suit: "Or, sur une action en exemplification intentée devant la Cour fédérale du district de Columbia (comme le suggèrent nos correspondants américains), la sympathie de ce tribunal pourrait naturellement pencher en faveur du défendeur américain, habitué comme il l'est à appliquer l'article 6 du Norris-La Guardia Act qui stipule comme suit..."

M. Saulnier a dit que c'était un texte anglais fait dans des mots simples, avec les virgules aux bons endroits, les points aux bons endroits. Tout était à sa place et c'est ce qui l'a convaincu, lui. C'était son principal argument pour être en faveur du règlement et c'était dans votre opinion. C'est ce qui m'inquiète. C'est le cas de plusieurs membres du conseil d'administration. Je vais le lire même si c'est en anglais.

Je cite le "Norris-La Guardia Act, article 6. "No officer or member of any association or organization, and no association or organization, participating or interested in a labor dispute, shall be held responsible or liable in any court of the United States for the unlawful acts of individual officers, members or agents, except upon - c'est souligné à partir de là - clear proof of actual participation in/or actual authorization of, such acts, or of ratification of such acts after actual knowledge thereof."

Là il y a un paragraphe qui vient de chez vous, j'imagine, qui conclut: "Les tribunaux fédéraux américains pourraient, dans ce contexte, être tentés d'appliquer la règle de réciprocité que la jurisprudence récente semble avoir répudiée." Si me je rappelle le témoignage de Me Jetté cet après-midi, il a dit: Écoutez, c'est encore dans les livres de droit, mais dans la poussière au fond et cela prendrait quelque chose pour les ressusciter. Cela est-il exact?

M. Jetté: Si vous me le permettez, je vais resituer cette opinion dans son contexte.

M. Paradis: Parce qu'elle est capitale. M. Saulnier nous dit qu'elle est capitale.

M. Jetté: Écoutez, il peut dire ce qu'il veut, pour moi, il n'y avait rien de nouveau. Sa perception et la mienne ne sont peut-être pas les mêmes. En ce qui me concerne, ce n'était pas un deus ex machina, cette affaire. Je vous rappelle qu'en septembre 1978 j'avais requis une première opinion de nos correspondants américains sur l'état du droit aux États-Unis eu égard à la responsabilité d'une union locale ou d'un syndicat international. À l'occasion de cette opinion, on nous avait, entre autres, dit ceci... Si vous le permettez, je vais vous en citer certains extraits; cela n'a rien à faire avec l'opinion qu'on vous a remise tantôt. Je vous ai mentionné qu'on en a reçu deux. Là, je vous parle d'une première opinion qui avait été requise dès la fin septembre 1978 alors qu'on savait pertinemment qu'on s'en allait en procès dans quelques mois.

M. Paradis: Excusez, est-ce que je peux vous interrompre un instant?

M. Jetté: Oui.

M. Paradis: Vous me dites que vous en avez reçu deux...

M. Jetté: C'est exact.

M. Paradis: ...des avocats américains?

M. Jetté: Bien sûr.

M. Paradis: On en a une.

M. Jetté: Vous avez la deuxième, celle que j'ai demandée au mois de novembre lorsque les questions de solvabilité ont été soulevées et lorsqu'on nous a demandé si,

effectivement, il y avait moyen de percevoir ces sommes.

M. Paradis: Est-ce que vous pourriez avoir la gentillesse de faire ce que vous avez fait avec l'autre, la communiquer également?

M. Jetté: Bien sûr, je l'ai ici.

M. Paradis: D'accord, citez-la. Après, on l'aura par le système de reproduction.

Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez l'utiliser et, à la fin, la donner pour qu'on puisse en faire des photocopies.

M. Jetté: D'accord. Je peux vous la citer pour vous situer un peu, afin de vous expliquer qu'il ne s'agissait de rien de nouveau sous le soleil. Dans cette opinion qu'on avait reçue probablement... Je dis probablement parce qu'il n'y avait pas de lettre de couverture, sauf que, d'après le compte, je vois qu'on l'a reçue fin octobre, début novembre. D'ailleurs - cela est important - je l'ai transmise à Me Gadbois le 9 novembre 1978.

M. Paradis: Le 9 novembre.

M. Jetté: Le 9 novembre 1978, je lui transmets cette première opinion que j'avais reçue de nos correspondants américains et qui concernait le régime de droit aux États-Unis eu égard à la responsabilité d'un syndicat pour l'acte de son agent ou de son préposé, si l'on veut. Dans cette opinion, il y avait un premier chapitre qui s'intitulait Background on American labor Law. Je m'excuse si c'est un peu long.

Le Président (M. Jolivet): Allez.

M. Jetté: Je vous en cite un extrait. On disait ceci: "American labor law differs substantially from Canadian law in that in the United States the labor laws are federal statutes which preempt any attempts by the states to enact individual state laws on the fame subject, unless authorized by the federal statute to do so." Là, je vous fais grâce de certaines remarques et j'arrive au deuxième paragraphe de la page 3 de cette opinion où on disait ceci: "The reason that a basic understanding, of this judicial concept of a possible multiple of jurisdictions for suing an international union for damages for the torts of one of its agents, is important in that to day the burden of proof for holding an union liable for the acts of its agents or members is greater in federal court - retenez cela parce que vous vous rappelez que, dans la deuxième opinion, on nous dit que le forum approprié pour débattre une action en exemplification serait une cour fédérale, notamment celle du district du Columbia - than in most state courts. The reason for this variance is the fact that there is a federal statute, the Norris-La Guardia Act, 29 U.S. Code sections 101-115, which sets a different and more difficult standard of proof (clear proof instead of a preponderance of the evidence) to hold a local or international union responsible for the actions of its members or agents. Therefore, a discussion of how the federal courts would now treat an international union under the facts that you now have, due to the clear proof burden of proof under the Norris-La Guardia Act, as well as a pre-Norris-La Guardia standard of proof, will be given in this memorandum." Et cela se poursuit.

Ensuite, on a une première subdivision de cet avis qui s'intitule: Is an international union responsible for the torts-criminal conduct of its local's business agents in the United States? La première chose qu'on nous cite, c'est ceci: "Effect of the Norris-La Guardia Act, 29 U.S., Code, section 106, on federal decisions. Section 6 of the Norris-La Guardia Act provides", et l'on cite cet article que vous connaissez déjà.

Ce qui est inquiétant - et c'est ce qu'on a relevé tout simplement plus tard -c'est que de façon écrite on disait ceci: "The requirements of this section apply to all federal courts of the United States in all federal court litigation growing out of labor disputes covered by federal statutes which do not provide a different standard of proof. In addition, this provision applies to federal court adjudications of state tort claims raised in federal court proceedings against unions arising out of labor disputes". Je vous cite simplement cette partie parce que cela se poursuit; il y a différents sujets qui sont traités dans le cadre de cette opinion.

On avait cela en main. C'était du connu, d'accord? À un moment donné, se soulève la question d'exemplification. Je reçois un deuxième avis. Ce deuxième avis, qui ne concerne pas, cette fois, le régime de droit qui prévaut aux États-Unis sur les questions de responsabilité, dit - c'est ce qu'on a, en fait, tenté d'expliquer dans notre avis du 5 janvier 1979 - ceci: Voici, aux États-Unis, nous pensons que vous pourriez fonder avec succès une action fondée sur votre jugement canadien. C'était le sens général de cette opinion. On discutait, cependant, de façon un peu plus précise de l'aspect de la réciprocité des lois. Cependant, on nous disait - cela avait été déclaré dans l'avis - que cela ne semblait pas faire de problème. Ce n'était pas nécessairement tombé en désuétude, mais cette doctrine de réciprocité ne s'appliquerait pas nécessairement; on n'en tiendrait pas nécessairement compte, sauf qu'il y avait une réserve. On nous disait

aussi dans cet avis, que j'ai reçu, à mon sens, au tout début de janvier 1979, - je le citais ce matin - à la dernière page: "As a note of caution the requirement of reciprocity, although ignored, has not been put to rest".

Dans notre lettre - suivez-moi - du 5 janvier, on n'a pas fait état des problèmes relatifs à l'exemplification, parce que l'objet de cette opinion, c'était une mise à jour. Alors, on n'est pas entré dans les subtiles distinctions parce que la question qu'on nous posait ne s'attachait pas d'abord à cela. On aurait pu le faire, mais cela n'a pas été fait parce que je n'ai pas pensé de le faire à ce moment, ce n'est pas cela que j'avais à l'esprit.

Au mois de février, le contentieux interne de la SEBJ, sans qu'on le sache, prépare un avis pour son conseil d'administration. C'est l'avis du contentieux du 19 février 1979 qu'on retrouve aux pages 68 et suivantes de notre cahier. Entre autres choses, Me Gadbois, qui avait ces documents en main, s'était attaché de façon plus spécifique à la question de l'exemplification. Il avait, de toute évidence, examiné le document que j'avais reçu au début de janvier qui traitait spécifiquement de cette question. Il avait fait, à ce moment-là, une remarque que je considérais pertinente. Ce qui est arrivé, c'est qu'il nous l'a transmise en nous demandant de commenter, infirmer, confirmer ou qualifier les remarques qu'il faisait eu égard à cette question de l'exemplification. (21 h 30)

Lorsque j'en ai pris connaissance, j'ai remarqué qu'il faisait une observation que je croyais extrêmement pertinente. C'est le premier paragraphe de la page 133 dans le cahier que j'ai devant moi; c'est la page 4 de son opinion. Il disait ceci: "En telles circonstances, il est possible et peut-être probable que le syndicat américain, s'il était tenu conjointement et solidairement responsable des dommages avec certains des autres défendeurs, devant une demande de la société d'énergie adressée à un tribunal du district de Columbia pour exemplification du jugement, afin de pouvoir l'exécuter contre les actifs dudit syndicat, pourrait plaider et faire valoir le manque de réciprocité entre le droit québécois et le droit américain en matière d'exemplification. Nous croyons que le tribunal américain pourrait bien considérer cette cause - en parlant de la nôtre -comme un cas d'exception, valant l'application de la règle de réciprocité, vu l'incapacité de payer des défendeurs québécois et la nature de la responsabilité attribuée au syndicat américain."

Quant à moi, les mots qui m'ont particulièrement frappé dans le cadre de cette affaire, c'est que cela me semblait assez réaliste de penser ceci. On savait que la règle de réciprocité était tombée en désuétude. Sauf que nos correspondants nous avaient dit: Ce n'est quand même pas un concept disparu. Ils nous disaient, d'ailleurs, qu'il faudrait regarder cela d'extrêmement près, le cas échéant.

Me Gadbois faisait ressortir qu'on pourrait se retrouver aux États-Unis avec un jugement contre des syndicats québécois qui seraient les premiers responsables de cet événement, mais qui seraient totalement insolvables. On rechercherait en justice un syndicat américain qui, lui, serait solvable, donc appelé à payer les pots cassés, mais qui, au fond, se trouverait dans la position où il aurait été condamné simplement en vertu d'une règle de droit qui veut que le commettant soit responsable pour les actes de la personne dont il a le contrôle. Donc, cela n'aurait pas été une responsabilité directe.

Lorsque j'ai pris connaissance de cette observation, je trouvais qu'elle avait du sens. Alors, tout ce qu'on a fait dans notre opinion du 19 - c'est pour cela que je suis extrêmement malheureux que des journaux aient dit qu'on a changé d'opinion, parce qu'on n'a jamais changé d'opinion - c'est que, cette fois, parce qu'on s'adressait spécifiquement à la question d'exemplification, on a tout simplement fait ressortir cet aspect de la nature même de la responsabilité qu'on pouvait attribuer au syndicat américain. Cela a également suscité chez moi la réflexion suivante: Comme les Américains sont habitués à appliquer un standard qu'on ne retrouve pas au Canada, leur sympathie naturelle pourrait pencher en faveur du syndicat américain et cela pourrait être tentant de ressusciter cette règle de réciprocité. C'est, point à la ligne, ce qu'on a dit dans l'opinion. Alors, ce n'était rien de nouveau.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député, il y a une chose que je voudrais clarifier au départ. Est-ce qu'on pourrait nous remettre, pour en faire faire des photocopies, l'opinion? J'ai une question, je la pose au ministre qui est responsable de la commission, c'est une petite demande de clarification de la part du député de Mont-Royal. Non, je dois avoir la permission.

Une voix: Est-ce qu'il a terminé?

Le Président (M. Jolivet): Malheureusement pas.

M. Ciaccia: Je voulais vous demander si je pourrais poser une petite question à Me Jetté, seulement pour clarifier quelque chose qu'il a dit; c'est seulement pour essayer de comprendre que je veux clarifier un point.

Le Président (M. Jolivet): Je voudrais

vous l'accorder, mais, pour vous accorder cela, compte tenu que c'est l'alternance, il faut d'abord que le député qui a la parole actuellement, le député de Brome-Missisquoi, ait terminé, que le ministre accepte que vous posiez cette question, parce que c'est à lui que je dois m'adresser pour savoir s'il accepte ou pas. S'il n'accepte pas, je serai obligé de donner la parole au député de Vimont.

M. Ciaccia: D'accord. Le ministre refuse que je pose la question.

Le Président (M. Jolivet): Non. Vous aurez, cependant, l'occasion de la poser après. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je m'excuse auprès de mon collègue de Mont-Royal, mais c'est le ministre qui ne veut pas.

Le Président (M. Jolivet): Non. C'est simplement, M. le député, la question de l'alternance.

M. Ciaccia: C'est le ministre qui ne veut pas.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, pour qu'il n'y ait pas d'équivoque, parce que je sais qu'il y a beaucoup de gens qui nous écoutent, je ne donnerai pas mon consentement. Nous avons ici une règle de l'alternance et je dois dire que vous avez abusé abondamment hier de cette règle de l'alternance.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Comme le ministre ne veut pas.

M. Ciaccia: Question de règlement. Est-ce que je peux comprendre, d'après ce que le ministre vient de dire, qu'on a abusé de cette règle?

Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas à comprendre, moi, j'ai à écouter.

M. Ciaccia: Je ne pense pas qu'on ait abusé de rien, M. le Président, hier. C'est pour éclaircir certains faits qui sont...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: ...très importants et on va le voir...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Ciaccia: ...durant les...

M. Paradis: Me Jetté, autrement dit, vous aviez une bonne cause et, le 19 février, ce n'est pas vrai que vous aurez dit que votre cause n'était plus bonne.

M. Jetté: Jamais de la vie! On était conscient que ce n'était pas une cause gagnée d'avance. Il y a avait des éléments de preuve qu'on ne connaissait pas. Il se peut fort bien qu'on aurait perdu joyeusement. Je ne sais pas ce qui s'en venait. On avait des éléments qui me permettaient comme avocat de penser qu'il était justifié de continuer. Ne me demandez pas de spéculer sur l'issue d'un litige où je ne connais même pas la preuve. Cela est un élément. Je parle ici de la cause au Québec.

M. Paradis: D'accord.

M. Jetté: Pour autant que l'exemplification possible était concernée, j'avais une opinion en main qui me disait: Vous auriez de bonnes chances de succès aux États-Unis. Cependant, il fallait de nouveau qualifier, si vous le voulez, cette seconde étape, s'il faut l'appeler de cette façon, en disant: On pourrait peut-être vous faire des problèmes sur une action en exemplification parce que votre cause serait plus ou moins sympathique aux yeux d'un tribunal américain qui est normalement appelé à décider de ce genre de cause sur des bases différentes. Je pense que cela explique bien ma pensée.

M. Paradis: Ce n'est pas vrai que vous avez changé d'idée le 19 février?

M. Jetté: On n'a pas changé d'idée, jamais!

M. Paradis: Très bien. Vous m'avez dit qu'en novembre 1978 cela avait été remis à Me Gadbois qui est l'avocat interne de la SEBJ.

M. Jetté: Vous devez l'avoir, car j'ai remis la lettre de transmission. Vous parlez de la première opinion, celle qui traitait du régime de droit aux États-Unis?

M. Paradis: La première.

M. Jetté: Enfin, je l'ai transmise. Ma lettre est du 9 novembre 1978.

M. Paradis: Le 9 novembre 1978. Est-ce que vous avez entendu le témoignage de M. Saulnier ce matin?

M. Jetté: J'en ai entendu des parties.

M. Paradis: Des parties, d'accord. Cela est une opinion du 19 février 1979. Le lendemain, vous étiez face à face avec le conseil d'administration ou en présence du conseil d'administration de la SEBJ avec Me Cardinal, je crois. Est-ce que M. Saulnier vous a donné l'interprétation qu'il nous a donnée ici ce matin de cet article 6 du Norris-La Guardia Act?

M. Jetté: Cela a été soulevé. Il l'avait sous les yeux. Maintenant, en quels termes, je ne me le rappelle vraiment pas. Je me rappelle que j'ai fait un résumé de la preuve qu'on avait présentée devant M. le juge Bisson. Je me rappelle qu'on a discuté de cette opinion. Je ne me souviens pas qui a posé les questions et dans quel sens c'était.

M. Paradis: Cela a été soulevé.

M. Jetté: Pour moi, oui, assurément.

M. Paradis: Vous vous en souvenez également, Me Cardinal?

M. Cardinal: Oui.

M. Paradis: Peut-être une dernière question à Me Aquin. À la page 139 de votre cahier de règlement hors cour, vous écrivez, le 8 mars 1979, à Me André E. Gadbois, c.r., contentieux, Hydro-Québec. Cela fait suite à une lettre que vous avait envoyée Me Gadbois le 7 mars 1979 avec un projet de communiqué de presse pour annoncer le règlement. Dans ledit projet, on retrouvait un paragraphe qui disait - et là je vous réfère à la page 135 du livre - "La cause de la Gaspé Copper Mines - celle dont Me Cardinal vous a parlé et que tout le monde connaît - qui pourrait être invoquée pour appuyer une poursuite devant les tribunaux d'un syndicat américain comporte, de l'avis de ses conseillers légaux, des éléments qui n'apparaissent pas dans le dossier de la SEBJ."

M. Jetté: Vous avez dit à la page 135?

M. Paradis: À la page 135, Me Cardinal, le communiqué que Me Gadbois avait fait parvenir à Me Aquin, pour être bien précis, le 7 mars 1979. J'ai lu, dans le communiqué de presse de la SEBJ pour annoncer le règlement, le paragraphe qui se rapportait à la cause Gaspé. Et le communiqué se termine comme suit, à la page 136: "C'est pour toutes ces raisons que le conseil d'administration de la SEBJ a accepté l'offre de règlement hors cour de cette cause pour une considération presque nominale", comme vous l'avez mentionné tantôt.

Me Aquin, en date du 8 mars 1979, répond à Me Gadbois et lui donne son opinion sur le communiqué. Je le cite au texte: "Nos commentaires sur le projet de communiqué se limitent, comme il se doit, aux aspects juridiques du communiqué." Autrement dit, vous ne faites pas de politique avec ce communiqué-là, vous autres. "Nous nous permettons de souligner le caractère inopportun de l'alinéa suivant: -vous le citez - La cause de la Gaspé Copper Mines qui pourrait être invoquée pour appuyer une poursuite devant les tribunaux d'un syndicat américain comporte, de l'avis de ses conseillers légaux, des éléments qui n'apparaissent pas dans le dossier de la Société d'énergie de la Baie-James. "Il est exact, comme nous l'avons écrit le 19 février dernier, que l'instance de la Gaspé Copper Mines se situait dans une perspective juridique différente. Par contre, et pour cette raison, nous n'avons jamais invoqué à l'appui de notre cause le précédent de la Gaspé Copper Mines. Le rapprochement fait par le communiqué entre la présente instance - on se rappelle que c'est le communiqué qui venait de la SEBJ - et celle de la Gaspé Copper Mines peut laisser croire que nos chances de réussite contre le syndicat américain étaient bien minces. Ce qui n'est pas exact. Le même rapprochement amène à douter sérieusement de la compétence, etc., etc.,".

M. Aquin: Vous pouvez continuer, c'est bon, la phrase qui suit.

M. Paradis: Je vais y aller. Je ne voulais pas le dire à la télévision. Mais je sais que vous allez rétablir les choses. Alors, je vais continuer. Après avoir dit: "Ce qui n'est pas exact", vous ajoutez: "Le même rapprochement amène à douter sérieusement de la compétence des conseillers juridiques qui auraient mis plus de trois ans à réaliser que l'arrêt de la Gaspé Copper Mines ne pouvait pas être invoqué comme tel au soutien de leur cause. Ce qui n'est pas non plus exact, comme nous l'avons mentionné plus haut. La comparaison entre des instances non comparables nous apparaît donc totalement inopportune et entraînerait vraisemblablement d'autres comparaisons avec l'affaire Reynolds qui vient d'être décidée par la Cour supérieure, il y a à peine quelques semaines. Veuillez agréer..." C'est signé: François Aquin.

À votre connaissance à vous, qui aurait mis cet argument-là, dans le communiqué de la Société d'énergie de la Baie James?

Le Président (M. Jolivet): Me Aquin, en vous rappelant l'article 168.

M. Aquin: Cela, je ne le sais pas. La seule chose, c'est que je reçois le communiqué.

M. Paradis: Par Me Gadbois?

M. Aquin: Oui, ça m'est adressé personnellement.

M. Paradis: Oui, oui, c'est exact.

M. Aquin: Alors, si vous me donnez seulement quelques minutes, je veux, dans ma lettre, d'abord faire très bien la distinction que je ne suis pas un conseiller en relations publiques. Je suis avocat. Alors, je regarde les aspects juridiques seulement. Regardant les aspects juridiques - je viens de revenir d'Europe, mais on m'a montré les opinions du 19, je pense que M. Jetté s'est très bien exprimé sur cette question - je comprends que depuis un bon moment, la cause de la Gaspé Copper était très souvent soulevée au conseil. M. Jetté a voulu mettre un éclairage sur cette question ou M. Cardinal. C'était une chose. Mais voici qu'on annonce le règlement au public et qu'on parle de la cause de la Gaspé Copper Mines. Alors, ma position est très simple. Je pense que je le dis à la page 2. De la façon dont c'est dit - je ne suis pas ici pour qualifier l'opinion du 19 février, M. Jetté l'a fait très bien - quand on regarde cela sorti de son contexte, cela donne vraiment l'impression -vous relirez tout le communiqué - que notre cause contre les Américains était quasiment inexistante, ce qui n'est pas notre position. Et c'est ce que je dis ici: "Le rapprochement fait par le communiqué entre la présente instance et celle de la Gaspé Copper peut laisser croire que nos chances de réussite contre le syndicat américain étaient bien minces. Ce qui n'est pas exact".

M. Paradis: Mais vous avez voulu corriger cette erreur de fait et de droit?

M. Aquin: Je vous laisse porter des jugements; c'est votre privilège ici. Je pensais, d'ailleurs, que ce n'était pas souhaitable de comparer des non-comparables. C'est pour cela que je parle de Reynolds qui n'est pas, non plus, comparable. Dans les deux cas, ce sont des actions où la responsabilité est une responsabilité directe. Parce que la responsabilité qu'on invoquait n'était pas une responsabilité directe, mais une responsabilité présumée, cela ne veut pas dire qu'on avait, pour autant, une cause inexistante. On avait - nous l'avons dit - une bonne cause. C'était une première, on l'admet, mais nous pensions avoir une bonne cause. Mais je pensais - je pense que j'étais le seul ici dans cette opération du 8 mars; c'est moi qui ai écrit la lettre personnellement - que lorsqu'on lit le communiqué, cette allusion à la Gaspé Copper donnait une fausse impression sur la cause. (21 h 45)

M. Paradis: Autrement dit, ce n'était pas comparable. Quand on compare des pommes avec des oranges, on arrive à de drôles de raisonnements. Merci.

M. Aquin: Je trouvais que c'étaient deux instances non comparables. Mais ce n'est pas parce qu'on n'avait pas les éléments de la Gaspé Copper qu'on était nécessairement diamétralement opposé à la Gaspé Copper. C'était un autre cas.

M. Paradis: C'étaient des fruits comme les pommes et les oranges, mais ce n'était pas comparable.

M. Aquin: Sur toute la question des fruits et des légumes, je ne me prononcerai pas, M. le Président.

M. Paradis: Je vous remercie beaucoup, M. Aquin.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Me Aquin, j'imagine que, depuis le début des travaux de cette commission, vous agrémentez vos matinées ou vos soirées en lisant un peu les manchettes de la Presse. Je ne sais pas si vous avez en main celle du 15 avril 1983, du quotidien La Presse. Je vais vous lire le titre: "Dès la mi-janvier 1978 - et en plus gros caractères - LES AVOCATS DE LA SEBJ PRÉPARAIENT UN PROJET DE RÈGLEMENT AVANT D'AVOIR ÉTÉ MANDATÉS." Je ne sais pas si j'ai besoin de vous lire tout cela. C'était sur deux colonnes.

M. Aquin: Non, cela m'a frappé.

M. Duhaime: Cela m'a frappé également. Pour la bonne compréhension, je voudrais vous lire le premier paragraphe. S'il est nécessaire qu'on en fasse des copies, je pourrais vous en transmettre. Mes collègues, à gauche, ont toutes ces coupures de presse. Je ne suis pas inquiet. Je vais le lire. La nouvelle est de Québec, sous la signature de M. Louis Falardeau. "Même si ce n'est que le 6 février 1978 que le conseil d'administration de la SEBJ a donné à ses avocats le mandat d'explorer la possibilité d'un règlement hors cour, ces derniers ont rédigé, dès la mi-janvier, un premier projet de règlement et ce, avant même que les syndicats impliqués en fassent autant."

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre, j'ai une question de règlement soulevée par le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je m'excuse, M. le ministre. Uniquement pour des fins de la

transcription, est-ce que ce ne serait pas 1979 plutôt que 1978? Depuis le début, vous dites 1978.

M. Duhaime: Je vous lis l'article de la Presse.

M. Bourbeau: II dit 1978?

M. Duhaime: Oui. Je lis bien cela.

M. Bourbeau: D'accord. Je voulais simplement...

M. Duhaime: Je peux revérifier. Si on a un zoom sur la caméra, on va le voir.

M. Bourbeau: Non.

Une voix: Attention au zoom!

M. Bourbeau: Je pose la question parce qu'il est arrivé souvent, depuis le début, qu'on ait des lettres datées de 1978 et on a dit qu'elles étaient de 1979. Je voulais être bien sûr que vous ne faisiez pas une erreur de lecture.

Le Président (M. Jolivet): Dans les textes qu'on a distribués, il y avait une erreur, et on l'a corrigée en inscrivant "1979".

M. Paradis: M. le Président, j'aurais une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Vous venez de mentionner qu'on avait corrigé, et je pense que le journaliste l'avait corrigé le lendemain dans le journal.

Le Président (M. Jolivet): Ah! Je ne le sais pas.

M. Paradis: Est-ce que le ministre pourrait le vérifier?

Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une autre, le texte est bien de 1979, d'après les textes présentés ici.

M. Duhaime: Oui, parce que cela me paraîtrait n'avoir aucun sens.

M. Paradis: Oui, mais, quand même, pour rendre justice au journaliste, je me souviens d'avoir lu...

M. Duhaime: Oui, je pense que vous faites bien. Vous savez que je rends toujours beaucoup de justice à tous les journalistes en espérant qu'ils en fassent autant.

Le Président (M. Jolivet): Donc, M. le ministre, ceci étant dit, vous pouvez continuer.

M. Duhaime: Je voudrais relier cet article de la Presse - je ne pourrais pas vous affirmer cela à tout casser, mais, d'après la note que j'ai, ce serait paru en page 3, donc; ce n'était pas dans la page des mots croisés - avec les questions que vient de vous poser le député de Brome-Missisquoi, qui a été très précis dans ses questions sur le mandat du conseil d'administration. Me Aquin, je reviens à votre première déclaration. Dans l'ordre chronologique de l'exposé que vous avez fait brillamment - je dois le dire - ce matin, vous partez du 15 janvier 1979. À un certain moment, vous faites part à la commission d'une rencontre entre vous-même, Me Cardinal et Me Jasmin et c'est à cette réunion que Me Jasmin vous remet sa lettre qui comportait une proposition.

Dans votre témoignage, ce matin, vous nous avez dit que Me Beaulé, qui représentait le syndicat américain, non seulement n'avait aucun mandat, mais ne voulait reconnaître aucune responsabilité. J'ai noté ici - je voudrais que vous me corrigiez si j'ai fait erreur - que, cette journée-là, vous avez eu de M. Laliberté un mandat d'écouter. Le suivi de cette rencontre avec les procureurs Jasmin et Beaulé, cela a été votre propre lettre du 17 janvier 1979 à Me Gadbois. J'arrive au 17 janvier. Vous réitérez dans votre déclaration de ce matin, à la suite de cette réunion à laquelle assistaient M. Laliberté, Me Gadbois, vous-même, Me Cardinal et, pour une partie de la réunion, Me Jasmin, que c'est ce 17 janvier, suivant ce que j'ai noté, que M. Laliberté vous demande de préparer un projet de transaction et vous donne ensuite un mandat d'écouter.

Ma question est très simple. Avec l'étude professionnelle à laquelle vous appartenez et les années d'expérience qu'à vous trois vous cumulez et qu'à 35 encore davantage, j'imagine, dans le cours normal de la pratique, le fait de recevoir du P.-D.G., d'une société d'État, quelle soit publique ou semi-publique, ou encore d'une corporation privée le mandat d'écouter et, ensuite, de préparer une transaction, est-ce quelque chose qui vous a étonné au point de dire: Non, je vais exiger une résolution de votre conseil d'administration ou si, comme procureur, cela vous permettait d'agir?

M. Aquin: Je n'ai pas à prendre de position sur les relations entre un P.-D.G. et son conseil d'administration, ni entre un directeur de contentieux, son P.-D.G. et son conseil d'administration. Comme avocat, j'avais affaire à des personnes autorisées; le P.-D.G. nous donne un mandat de faire ce

que vous venez de dire et nous l'avons fait. A ce moment-là, nous le faisons pour le client.

M. Duhaime: Je voudrais revenir à ce qui est sans aucun doute le coeur du sujet. Vous nous avez dit que vous aviez eu une rencontre avec Me Jean-Roch Boivin et une conversation téléphonique. À l'une ou l'autre de ces deux occasions - ma question sera très précise - est-ce qu'entre vous-même et Me Jean-Roch Boivin il a été question du règlement, d'un montant d'argent ou de discussions de ce dossier en vue d'en arriver au règlement qui finalement a été accepté au conseil d'administration de la SEBJ?

M. Aquin: II n'a pas été question du tout de montant d'argent.

M. Duhaime: II n'a jamais été question de montant d'argent?

M. Aquin: Non.

M. Duhaime: Est-ce qu'il a été question de la responsabilité de l'une ou l'autre des parties?

M. Aquin: Le 8 février, Me Boivin, qui suit l'affaire comme on le voit, m'appelle et me dit: Je viens d'entendre dire que la SEBJ demanderait l'aveu de responsabilité du syndicat américain; est-ce exact? J'ai dit oui. J'extrapole, mais je comprends de son téléphone qu'avec ce que tout le monde savait dans ce dossier demander l'aveu de responsabilité du syndicat américain, cela équivalait à dire qu'il n'y aurait plus jamais de règlement hors cour. C'était l'existence même de la question, je suppose, qui l'intéressait.

M. Duhaime: Pour ce qui est de Me Yves Gauthier, vous nous avez raconté la rencontre que vous avez qualifiée vous-même tout à fait privée. Je voudrais savoir si, au cours de cette rencontre, si brève soit-elle, avec Me Yves Gauthier, il a été question du règlement comme tel.

M. Aquin: Non, il n'a pas été question du règlement comme tel. Je répète pour être bien clair: Je téléphone à Me Gauthier. Il aurait pu, d'ailleurs, me donner la réponse au téléphone, mais il dit: Je passe dans ton bout, je vais te voir. Alors, il vient chez moi et, là, je lui pose la question suivante. Je dis: Je rencontre des avocats qui sont Jasmin et Beaulé. Je pense que c'est Beaulé qui me dit: J'ai été au... j'ai rencontré Jean-Roch Boivin. Je pense pouvoir te dire, me dit-il, que le gouvernement semble plutôt favorable au règlement de cette cause. Ce que M. Beaulé affirmait, c'est que là il me disait que nous avions, selon lui, une cause très faible du côté du syndicat américain et que nous soutenions devant nos clients, avait-il entendu dire, que nous avions une bonne cause. Il voulait toujours nous convaincre que nous étions dans l'erreur, mais il n'a jamais réussi. C'était sa position. Il m'avait dit: Je pense qu'au bureau du premier ministre on est favorable à ce que cette cause se termine par un règlement hors cour. Là, on parle de la fin de janvier.

La question que j'ai posée à M. Gauthier c'est: Est-ce qu'il est exact que les avocats de la partie adverse ont eu ces contacts? Est-ce qu'il serait exact que le gouvernement serait favorable à cette issue? La réponse de M. Gauthier - c'est la seule chose que je voulais savoir lors de cette conversation téléphonique et je l'ai sue - a été - je le connais depuis trente ans et j'ai trouvé qu'il était très prudent dans son exposé - de dire: Je pense que le premier ministre est favorable à un règlement, mais je pense savoir que le conseil d'administration est très divisé sur cette question. C'est ce que je voulais savoir. Pour moi, dans le cours des choses, j'avais à organiser un contentieux. Je voulais savoir si les renseignements que les procureurs syndicaux me donnaient étaient exacts. Vous allez croire que je suis trop prudent, mais j'aime toujours confirmer ce que les procureurs des parties adverses me disent.

M. Duhaime: Maintenant, Me Aquin, dans la Presse du 17 mars 1983 - cette fois-ci, je n'ai pas besoin de faire un effort de mémoire, je puis vous dire que c'était en première page - on lit: "Saccage de la Baie-James: règlement hors cour." En plus grosses lettres: "RENÉ LÉVESQUE A TROMPÉ L'ASSEMBLÉE NATIONALE". Un titre en caractères un peu moins prononcés: "Jean-Roch Boivin a négocié avec les avocats."

Je pourrais vous lire les passages qui sous-tendent le titre. Ma question est la suivante et elle s'adresse également à Me Cardinal et à Me Jetté: Est-ce que vous avez négocié le règlement de ce dossier avec Me Jean-Roch Boivin, oui ou non?

M. Aquin: Je vais répondre le premier: II n'y a eu aucune négociation avec M. Boivin.

M. Cardinal: Je n'ai jamais fait aucune négociation avec M. Boivin, non plus. Je ne le connaissais même pas.

M. Duhaime: Ah! Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec attention l'exposé de Me Aquin ce matin. Je voudrais reprendre

certains points, poser certaines questions qui ont surgi à mon esprit à l'écoute de votre exposé et à la suite de certains renseignements que nous avons eus précédemment. Je sais également que vous avez pris connaissance de certains faits qui ont été mis en évidence devant la commission. Si je reprends la date du 10 janvier 1979, il y a eu, comme vous l'avez mentionné, une rencontre entre Me Jetté, Me Beaulé et Me Jasmin. À ce moment-là, Me Jetté a compris qu'il y avait une offre de Me Beaulé - ce que vous sembliez prendre pour une offre, une espèce d'avance concernant une possibilité de règlement à 250 000 $, si je comprends bien.

M. Jetté: C'est exact.

M. Saintonge: Cela, vous l'avez confirmé le lendemain avec Me Beaulé par téléphone. Ultérieurement, cela s'est avéré un peu compliqué de telle sorte que...

M. Jetté: J'avais cru comprendre -peut-être que c'est la formule qu'il a utilisée - qu'il était prêt à investir ou à mettre sur la table 250 000 $, mais tout cela était, semble-t-il, conditionnel. J'avais probablement mal perçu la façon dont il m'avait exposé cela.

M. Saintonge: Est-ce que Me Beaulé vous avait mentionné que ce montant, qu'il était prêt, si on peut dire, à mettre sur la table ou quelque chose comme ça, était uniquement pour sa partie à lui de réclamation ou si cela pouvait concerner l'ensemble des défendeurs? Est-ce que les discussions sont allées jusqu'à ce point?

M. Jetté: Non, pas du tout. C'est pour cela que c'est un souvenir très réel, les 250 000 $, mais ce qu'il y avait d'attaché à tout cela, je ne me le rappelle vraiment pas. Cela n'avait pas été très loin, c'était plutôt un chiffre qui avait été lancé un peu comme cela. J'ai l'impression qu'il sondait le terrain, je ne le sais pas.

M. Saintonge: Quand vous avez transmis...

M. Jetté: J'en ai parlé à mes associés, effectivement. (22 heures)

M. Saintonge: ...cela à vos associés, cela a été transmis par vous, par Me Aquin ou par Me Cardinal à Me Gadbois, je pense. C'est cela. Cet après-midi, le ministre mentionnait que l'événement qui est arrivé le samedi 13, la demande d'ajournement à une semaine par Me Jasmin, cette demande vous a été communiquée non pas par Me Jasmin à vous comme procureur de la SEBJ, mais par l'intermédiaire de Me Gadbois. C'est bien cela?

M. Aquin: C'est par un téléphone de Me Gadbois à Me Cardinal pendant le week-end; je pense que c'est le samedi.

M. Saintonge: Au bureau ou...

M. Cardinal: Chez moi et M. Gadbois m'a dit: II va y avoir une demande de remise lundi. On aimerait mieux que cette demande soit accordée pour une semaine, je pense, parce qu'il semble que les syndicats veulent négocier.

M. Saintonge: Donc, cette négociation qu'on présupposait, est-ce que c'était une négociation qui originait de l'offre que Me Jetté pensait avoir reçue le vendredi ou si c'était une autre offre qui était dans le portrait?

M. Cardinal: Offre pour offre, c'était une offre.

M. Saintonge: Mais est-ce qu'à votre connaissance il y avait une relation entre l'offre qui a été présentée le jeudi et la demande d'ajournement?

M. Cardinal: M. le Président, les syndicats voulaient négocier ou ils ne voulaient pas. Ils ont fait une offre à Me Jetté sur laquelle ils ne se sont pas compris et, ensuite, on m'informe qu'ils veulent faire une offre. Quelle offre? Est-ce une offre qui se ressemble? Est-ce que c'est la même chose? Je ne le sais pas.

M. Saintonge: Quoi qu'il en soit, il n'y avait pas eu de communication retour. À la suite du téléphone de Me Gadbois, la confirmation à Me Gadbois du vendredi 11, relativement au fait que vous aviez reçu une offre, est-ce que vous aviez eu une information retour de l'information qui devait être transmise à M. Laliberté, le président?

M. Aquin: Oui. Je vais répondre à cette question parce que j'ai un souvenir précis de cela. Il y a un retour parce que le vendredi, avant de quitter le bureau, je pense que M. Gadbois nous téléphone - je ne sais pas à qui - et demande les numéros de téléphone pour rejoindre M. Cardinal et moi-même durant le week-end. Je me souviens que je suis à Sainte-Adèle à ce moment et je donne un numéro du nord; c'est ce qui me l'a rappelé. En fin de semaine, c'est M. Cardinal qui a le téléphone et il m'appelle et il appelle aussi M. Jetté. De toute façon, on avait décidé d'être présents, M. Cardinal et moi, le lundi pour l'ouverture de la cause. C'est comme cela qu'on se retrouve tous en cour le lundi et qu'on appuie la demande d'ajournement qui a été refusée.

M. Saintonge: Dans le fond, vous l'avez appris seulement le lundi des avocats du syndicat.

M. Cardinal: Non, on était en cour et, effectivement, ils ont demandé une remise.

M. Saintonge: Ma question précise porte sur le fait que les avocats du syndicat ne vous avaient pas demandé cette remise le vendredi, par exemple. Vous avez été informés uniquement le samedi par l'intermédiaire de Me Gadbois.

M. Aquin: C'est cela.

M. Saintonge: Maintenant, si on retourne au lundi 15, à ce moment, puisque vous vous retrouvez à la cour avec les avocats, on mentionne, suivant l'exposé de Me Aquin, que les avocats des syndicats, Mes Jasmin et Beaulé, vous informent qu'ils sont prêts pour des pourparlers de négociation. Me Cardinal a alors téléphoné à Me Gadbois qui lui dit: Votre seul mandat est d'écouter. C'est bien cela? À la fin de l'après-midi, vous vous représentez à la SEBJ, Mes Cardinal et Aquin, pour rencontrer Me Gadbois et M. Laliberté et on vous confirme le mandat d'écouter sans commencer aucune négociation. Est-ce que la question de la demande de remise pour les négociations est revenue entre vous, c'est-à-dire entre vous-mêmes, Me Aquin, Me Cardinal, ainsi que Me Gadbois et M. Laliberté?

M. Aquin: Non, il n'en est plus question parce que le juge a été ferme le matin en disant qu'il n'y aurait pas d'ajournement.

M. Saintonge: Est-ce revenu en discussion? Je comprends que l'ajournement avait été refusé, mais entre M. Laliberté, par exemple, et vous la question d'autres propositions est-elle venue? En d'autres mots, ce que je veux mentionner, c'est qu'il y avait la proposition des syndicats, mais est-ce qu'une autre proposition avait été faite directement à Me Gadbois ou à M. Laliberté?

M. Aquin: Je ne le penserais pas. Je ne suis pas capable de faire un lien absolu, mais je pense que, lorsque la SEBJ a été mise au courant que, devant M. Jasmin, M. Beaulé avait ouvert, si on peut s'exprimer ainsi, c'est là que la possibilité de recevoir des offres a dû être considérée et c'est là qu'on nous a donné le mandat d'appuyer une demande d'ajournement. Mais on vous le dit de la façon dont on a vu le processus prendre place.

Le Président (M. Jolivet): Compte tenu qu'il est 22 heures, je vous invite à être de nouveau avec nous demain matin à 10 heures. J'ajourne les travaux à demain, 10 heures, en sachant que ce sera la continuité de la journée d'aujourd'hui, je pense. M. le ministre?

M. Duhaime: Oui. C'est cela, demain à 10 heures.

Le Président (M. Jolivet): Demain, à 10 heures. M. le député de Gatineau?

M. Gratton: Est-ce qu'on pourrait savoir, ce qu'on sait peut-être déjà, si, après qu'on aura fini d'entendre les invités qui sont avec nous aujourd'hui, il n'y aura pas d'autres personnes invitées à témoigner?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Pardon?

Le Président (M. Jolivet): Les seules personnes qui seront ici demain sont les trois qui sont ici actuellement?

M. Duhaime: Nous avions convoqué pour demain - je crois que cela avait été fait par le secrétariat - l'honorable juge Jasmin et Me Rosaire Beaulé. Après avoir discuté avec mes collègues, nous sommes convenus de les aviser par téléphone de se présenter à la commission mercredi matin à 10 heures. Cela veut dire que, demain matin, nous continuerons d'entendre les trois procureurs de la SEBJ. J'espérerais que nous pourrions terminer à 13 heures. C'est un voeu que je formule de tout coeur. Si nous n'avions pas terminé, nous vous demanderons de bien vouloir daigner vous représenter à nouveau mercredi matin.

Le Président (M. Jolivet): Dans ces circonstances, je crois comprendre que nous continuerons demain normalement jusqu'à 13 heures, si nécessaire, et que nous reviendrons ensuite mercredi prochain.

M. Duhaime: Sous réserve, bien sûr, d'une motion que fera le leader du gouvernement et de l'adoption de pareille motion par l'Assemblée nationale mardi.

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Gratton: Donc, je dois comprendre que demain après-midi il n'est pas question que la commission siège, même si nous n'avions pas terminé avec les procureurs de la SEBJ.

M. Duhaime: Si on me fait des promesses, qu'on est prêt à tenir, et qu'on me dit que vous en auriez pour quelques minutes après 13 heures, je vais donner mon accord tout de suite.

M. Gratton: On vous dira cela demain.

M. Duhaime: Mais si vous me dites 13 heures et qu'on se retrouve ensuite... Vous savez, je suis un peu méfiant quand vous me donnez des délais. J'ai des rendez-vous pris pour demain après-midi.

M. Gratton: C'est ce qu'on voulait savoir, où vous seriez demain après-midi.

M. Duhaime: II faut que mon ministère fonctionne.

Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas, j'ajourne les travaux jusqu'à demain 10 heures et on réglera l'autre problème demain à 13 heures.

(Fin de la séance à 22 h 08)

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