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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Wednesday, April 27, 1983 - Vol. 27 N° 25

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux afin d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Dussault (Châteauguay), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Tremblay (Chambly), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Perron (Duplessis), M. Desbiens (Dubuc), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Saintonge (Laprairie). Le rapporteur de cette commission est M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Les travaux de cette journée commencent à l'instant pour aller jusqu'à 13 heures. Nous reviendrons, à la suite d'une motion en Chambre, après la période des questions, c'est-à-dire vers 16 heures, 16 h 30, pour clôturer nos travaux à 18 heures. Les invités sont Me François Aquin, Me Michel Jetté, Me Jean-Paul Cardinal et Me Michel Jasmin.

À la fin de nos travaux, vendredi dernier, à 13 heures, la parole devait être donnée au député de Mont-Royal.

M. le député de Gatineau.

Les personnes convoquées

M. Gratton: M. le Président, avant qu'on aborde ou qu'on continue les questions à nos invités de ce matin, est-ce que je pourrais m'enquérir auprès du ministre sur l'état de certaines demandes, notamment celle du député de Brome-Missisquoi qui, vendredi matin, avait exprimé notre désir d'inviter Me André Gadbois, avocat de la SEBJ? Est-ce que le ministre y a réfléchi?

M. Duhaime: C'est tout réfléchi, M. le Président. En principe, nous n'avons aucune espèce d'objection à ce que Me Gadbois puisse revenir devant la commission. Je crois même me souvenir que nous avions...

Le Président (M. Jolivet): Qu'il puisse venir, puisqu'il n'a pas encore été invité. Il était assistant des gens.

M. Duhaime: Je l'ai vu ici pendant une semaine. Il ne devait être pas bien loin. Franchement!

Le Président (M. Jolivet): Mais comme invité, M. le ministre.

M. Duhaime: II était assis dans le siège à la place de Me Jetté. J'ai le clair souvenir de vous avoir offert de l'assermenter, si vous le jugiez utile, pour qu'il puisse répondre directement aux questions. Vous avez dit non. J'ai été informé, hier, - je ne me souviens plus qui m'a donné cette information parce que je ne voudrais pas revenir devant une autre commission parlementaire, un jour, pour essayer de vous dire qui aurait pu me dire cela - que Me Gadbois a subi une opération - je ne sais pas si elle est chirurgicale ou non chirurgicale -mineure et qu'il a besoin de quelques jours de convalescence. Cela n'a rien à voir avec nos travaux, soyez-en assurés. Je puis vous confirmer qu'il pourrait venir devant la commission, sauf que je ne peux pas vous donner de date, à moins que vous ne me disiez un peu comment vous voyez le scénario des travaux. J'ai fait faire un petit relevé, M. le Président, qui est très éloquent. Je le garde pour plus tard.

J'ai du travail pour la semaine. Si on finit vendredi, on va faire le nécessaire pour s'enquérir auprès de Me Gadbois. Si vous me disiez que vous êtes prêts à siéger vendredi après-midi et vendredi soir, on pourrait peut-être finir cette semaine. Sinon, on finira vendredi, à 13 heures, et on ira dans l'autre semaine. L'Assemblée nationale ajourne ses travaux avant la Saint-Jean-Baptiste. Je veux dire que cela ne pose pas de problème.

Pour ce qui est de M. Pouliot, le député de Marguerite-Bourgeoys m'en avait fait la demande; j'ai fait les vérifications et, sauf erreur, M. Pouliot, à l'époque de 1978, 1979, était directeur général ou un des directeurs généraux de son syndicat. La seule

chose que je sache de la pertinence probable de son témoignage est le fait qu'il ait déclaré que, si cela a coûté plus que 125 000 $ aux parties défenderesses, c'est parce que le député de Marguerite-Bourgeoys avait interrogé le premier ministre à l'Assemblée nationale, en mars 1979, suivant ce que les journaux ont rapporté.

J'avoue honnêtement ne pas voir du tout le lien entre le règlement intervenu entre la Société d'énergie de la Baie James et les parties défenderesses et le témoignage de M. Pouliot qui n'est pas une personne autorisée. À moins que le député de Marguerite-Bourgeoys n'ait d'autres précisions, je n'aurais pas l'intention de lui demander de venir devant la commission. Je suggère au député de Marguerite-Bourgeoys que, s'il a des comptes à régler avec M. Pouliot, il le fasse dans une autre enceinte. Ce n'était pas une personne en autorité. Il n'était pas président de son syndicat, à moins qu'on ne me dise le contraire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je dois répondre à cette question et je vais le faire de la façon suivante. Tout d'abord, je refuse de demander la permission au ministre pour convoquer un témoin. Je refuse cette approche arrogante de la part du gouvernement qui dit: Venez nous dire ce que vos témoins vont dire et, si cela nous plaît et si nous jugeons que c'est pertinent, nous allons les convoquer. Ce serait, d'ailleurs, le premier témoin suggéré par l'Opposition à être refusé...

M. Duhaime: Le deuxième.

M. Lalonde: ...si M. Pouliot n'était pas convoqué le deuxième. Je ne me souviens pas de l'autre s'il y en a eu un autre.

M. Duhaime: Daniel Latouche, c'était le vôtre.

M. Lalonde: Pardon?

M. Duhaime: Daniel Latouche, ce n'était pas à votre suggestion?

M. Lalonde: Daniel Latouche est venu. M. Duhaime: Oui. M. Lalonde: II n'a pas été refusé. M. Duhaime: C'est ce que je dis.

M. Lalonde: Ce serait le premier à ma connaissance à être refusé. Si les scrupules du ministre reposent sur sa présomption que M. Pouliot ne serait appelé ici que pour venir expliquer ce qu'il aurait déclaré dans les journaux, soit que l'offre aurait augmenté à la suite d'une question d'un député, que le ministre dorme en paix, il ne s'agit pas de cela du tout. Mais je refuse tout de même de dire d'avance au ministre ce que je crois que ce témoin peut venir donner comme éclairage à cette commission. C'est une attitude inacceptable et nous n'allons pas entrer dans ce jeu.

M. Duhaime: La réponse va être claire: II ne sera pas convoqué pour la raison suivante. Je n'ai pas l'intention de donner suite à une convocation de tout un chacun qui aurait quelque chose à dire à un journaliste quelque part dans ce dossier, car, on va finir l'année prochaine. Comme membre de l'Assemblée nationale, je sais que des discussions peuvent se faire avec l'Opposition en dehors des caméras. Je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys connaît ce genre de choses; nous ne le pratiquons pas tellement ensemble, mais peut-être que cela viendra, je ne le sais pas; on va s'habituer à travailler ensemble. Je suis prêt à l'écouter, mais comprenez ma position. Si un permanent ou un directeur général d'un syndicat fait une déclaration, est-ce qu'il fait cela au nom de son conseil d'administration ou au nom de son exécutif syndical? Le seul lien que je vois, c'est ce qui est paru dans le journal et, si le député de Marguerite-Bourgeoys veut nous en dire davantage ce matin, je ne veux pas qu'on perde notre temps ici et je ne veux pas qu'on fasse perdre le temps de tout le monde également. Je ne convoquerai pas tous les "faiseux", incluant ceux qui font du travail de recherche bénévolement pour le Parti libéral du Québec et qui font des déclarations ou encore écrivent des lettres à des journaux. Ce n'est pas automatique qu'ils vont comparaître ici, je vous préviens tout de suite.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Comment se fait-il que le ministre et même le premier ministre ont déclaré à différentes reprises que tous ceux et celles qui ont eu un rapport avec le problème que nous examinons pourraient être entendus, et que, maintenant, on les refuse? M. le Président, je vous avise - parce que c'est par vous que je dois exprimer cet avis que l'Opposition n'acceptera pas de travailler dans ce climat de fermeture, qui est tout à fait nouveau, d'ailleurs. Le premier ministre disait ceci, le 23 mars 1983, c'est à la page 4 du journal des Débats: "II me semble, M. le Président, que c'est exactement ce que j'ai dit sans prétendre définir un mandat: tous les gens intéressés de quelque coin qu'ils soient,

pourvu qu'ils aient un lien avec cette affaire."

Il a dit un peu plus tard: "Et là-dessus, non plus, je ne mens pas." Je ne sais pas pourquoi cette distinction. Il a dit un peu plus loin: "J'ajoute simplement ceci: Le mandat le plus large possible, défini convenablement tout de môme; les témoins qui ont quelque rapport pourront être convoqués aussi longtemps qu'on le voudra et cela, dans les meilleurs délais. Et là-dessus, non plus, je ne mens pas à la Chambre." Voilà ce que dit le premier ministre.

Nous apprécions cette précision, mais, s'il ne ment pas, comme il le dit, comment se fait-il que le ministre peut se payer le luxe de venir nous refuser un témoin qui était membre d'un syndicat? On n'a pas abusé de représentants du côté syndical depuis le début. Les seuls que nous avons entendus sont ceux que le ministre a bien voulu inviter, c'est-à-dire tous les membres du conseil d'administration de la demanderesse, la SEBJ. Je pense qu'on n'a pas abusé, en ce qui concerne la représentation des défendeurs. Nous allons commencer à peine aujourd'hui à entendre leur avocat, Me Jasmin. Je vous dis que M. Pouliot doit être entendu; il a un éclairage à donner à cette commission et je réitère ma demande pour qu'il soit entendu.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Pour faire une histoire courte, si le député de Marguerite-Bourgeoys insiste, je vais lui demander de dire à la commission quel est le lien ou quel est le rapport. C'est le droit de la commission parlementaire de prendre une décision et, si la commission parlementaire en vient à la conclusion que M. Pouliot, suivant ce que vous nous direz dans les minutes qui vont suivre, a un lien ou quelque rapport, mais pertinent, au mandat et aux discussions que nous avons depuis maintenant trois semaines, nous allons le convoquer; mais tant et aussi longtemps que je n'en aurai pas davantage, j'avoue honnêtement que je devrai me limiter à ce que j'ai déclaré tantôt. Je ne le dis pas par menace ou par chantage; nous sommes ici depuis 40 heures et 32 minutes, nous entamons la neuvième journée.

M. Paradis: Des parties de journées.

M. Duhaime: Ces sont des parties de journées, oui, je suis bien prêt à le concéder. Je pense que tout le monde avait compris cela.

M. Paradis: C'est bon de le préciser.

M. Duhaime: Le temps utilisé par les partis à ce jour, le parti ministériel: 9 heures 36 minutes; le parti de l'Opposition: 23 heures et 6 minutes. Je regrette que le député de Marguerite-Bourgeoys ait été absent vendredi matin, parce qu'il a raté un plaidoyer de votre collègue de Gatineau sur ce que j'appellerais un procès d'intention.

S'il y a une liste de personnes que vous voulez inviter ici, je pense que le premier ministre l'a dit très clairement à l'Assemblée nationale et je le réitère ce matin, s'il y a un rapport, je vous demande de nous le dire tout de suite. Il n'y a aucun problème avec cela. On va la régler vite la question, cela va prendre quinze secondes.

M. Lalonde: Bon, alors, je pense que...

M. Duhaime: Si cela se limite à la déclaration de M. Pouliot à des journaux, vous réglerez vos comptes avec lui autrement...

M. Lalonde: Je viens de dire que cela n'a rien à voir avec cela.

M. Duhaime: ...et vous vous servirez de votre immunité parlementaire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je pense que le ministre doit prendre ma parole, suivant le règlement: Cela n'a rien à voir avec cela. Que quelqu'un trouve pertinent de lui poser une question là-dessus, fort bien, je ne veux empêcher personne, au nom de la liberté de parole qui existe ici, de poser des questions pertinentes. Mais le but que j'ai de demander à la commission de convoquer M. Pouliot n'est pas directement relié à ce qu'il a dit aux journaux, à savoir que les offres auraient augmenté à la suite d'une des questions que j'aurais posées en Chambre. C'est autre chose. Je n'ai pas à le révéler ici. Je me suis laissé dire, et j'ai raison de le croire, que M. Pouliot a des renseignements pertinents, qu'il occupait à ce moment-là une fonction qui le mettait en état de connaître des choses qu'il a à nous dire. C'est ce que je demande à la commission. Ce n'est pas à moi de faire son témoignage d'avance et de dire ce qu'il dirait. C'est tout ce que je peux dire, parce que je refuse au ministre le droit d'examiner d'avance la preuve que nous avons à offrir à la commission. Tout ce que j'ai à dire, c'est que cela m'apparaît fort pertinent. Je demande au ministre d'être patient, d'attendre et il sera très intéressé par le témoignage de M. Pouliot.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que le ministre a autre chose à ajouter?

M. Duhaime: Quant à moi, c'est réglé, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: J'aurais une question. Une voix: C'est réglé.

M. Gratton: On verra, j'imagine, comment c'est réglé, éventuellement, mais, pour le moment, il m'intéresse de savoir...

M. Laplante: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau a la parole.

M. Laplante: C'est une demande de directive.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, une demande de directive?

M. Laplante: Oui. Il faudra que vous m'écoutiez jusqu'au bout avant de rendre votre directive. C'est très pertinent.

Le Président (M. Jolivet): Je verrai, M. le député.

M. Laplante: Au début du témoignage des invités qui sont ici, le député de Marguerite-Bourgeoys a exprimé le désir de ne pas siéger pendant le témoignage des invités qui sont ici, ne voulant pas être en conflit d'intérêts pour avoir travaillé...

M. Lalonde: M. le Président...

M. Laplante: Voudriez-vous me laisser finir, s'il vous plaît?

M. Lalonde: C'est une question de règlement, parce que je veux quand même corriger...

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement.

M. Laplante: Non.

Le Président (M. Jolivet): Sur une question de règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'ai dit que, aussi longtemps que les avocats de Geoffrion et Prud'homme témoigneraient, je désirais ne pas participer aux débats et non pas ne pas siéger, quoique, à ce moment-là, j'ai quitté mon siège pour ne pas tomber dans le piège et poser une question. C'est par souci d'éthique et pour ne pas me mettre dans une situation de conflit d'intérêts où j'aurais l'air d'être trop méchant ou pas assez compte tenu du fait que j'ai déjà été associé à un ou l'autre de ces avocats.

M. Laplante: C'est justement là-dessus, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Toute la population a compris que le député de Marguerite-Bourgeoys venait de faire deux catégories d'invités à cette commission, dont une où il y aurait probablement conflit d'intérêts. Mais le député de Marguerite-Bourgeoys a toujours dit qu'il voulait une lumière complète sur les allégations, sur les arrangements de la Baie-James. Dans l'opinion publique, on a actuellement l'impression que l'Opposition a voulu faire deux catégories. Il y a un conflit d'intérêts en rapport avec le bureau de Geoffrion parce que le député de Marguerite-Bourgeoys aurait travaillé avec eux. Je me demande où est la justice pour les autres invités qui sont ici si le député de Marguerite-Bourgeoys continue à siéger et à questionner d'autres témoins, parce que, semble-t-il, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, s'il y a conflit d'intérêts, c'est parce qu'il sait des choses et il y a des questions qu'il ne peut poser aux procureurs d'Hydro-Québec. Dans ce cas, on peut se servir de ce qu'on sait actuellement pour essayer de questionner d'autres invités à cette commission.

Pour le bien-être de cette commission et pour une justice - parce que nous sommes des parlementaires avant d'être des avocats, on a une justice à rendre à la population du Québec; on a été élus comme députés, non pas pour protéger un bureau d'avocats - ce serait décent que le député de Marguerite-Bourgeoys puisse se retirer en douce de cette commission et ne plus poser de questions.

Vous trouvez cela drôle, vous autres? C'est cela, votre démocratie actuellement? (10 h 30)

Une voix: Son souci est venu bien tard.

M. Laplante: Oui.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, s'il vous plaît!

M. Laplante: Votre souci est venu tard. Je vous demande une directive, à savoir que le député de Marguerite-Bourgeoys, tout bonnement, puisse s'effacer de cette commission pour la protection des autres invités qu'on peut avoir ici.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, à l'ordre! M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, cette intervention me surprend, mais quand même, je vais essayer de la comprendre. Les seuls

reproches que j'ai eus jusqu'à maintenant de m'être abstenu, c'est que j'avais poussé trop loin, possiblement, le souci d'éthique et que je n'avais pas réellement besoin de me retirer. À cet égard, je veux, dans le cas de conflit d'intérêts, appliquer les règles les plus rigoureuses pour ne pas donner même l'impression que je puisse être en conflit d'intérêts.

Je le répète, j'ai quitté le bureau Geoffrion et Prud'homme au mois d'octobre 1971, cela fait quand même un bon moment. Il y a, à la table, d'anciens associés professionnels et je ne veux pas les mettre dans l'embarras.

M. Laplante: Même chose pour les invités.

M. Lalonde: Maintenant, je pourrais régler le problème du député de Bourassa en allant travailler avec les autres bureaux, mais je ne peux pas le faire rétroactivement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Laplante: Pas de directive.

M. Gratton: Vous ne m'invitez pas à donner une directive?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, dans un autre ordre d'idées, on indique, ce matin, sur la liste des personnes qui doivent être entendues devant la commission après nos invités actuels, Me Michel Jasmin, l'avocat des syndicats québécois. La semaine dernière, j'avais compris que ce serait plutôt Me Rosaire Beaulé, procureur du syndicat américain, qui viendrait avant Me Jasmin. Est-ce que je peux demander au ministre s'il y a eu changement dans l'horaire et pour quelle raison?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Effectivement, on constate qu'il y a eu un changement pour la raison suivante. Me Beaulé - je ne veux pas faire de réclame à son enseigne - est un avocat qui pratique et qui a des causes en instance devant les tribunaux. Nous avons tenté de convenir d'une date qui lui conviendrait. Si ma mémoire est fidèle, il avait à plaider mardi, donc hier. Il avait également une cause pour jeudi; si je me souviens, c'était devant le tribunal de la faillite dans un des districts judiciaires du Québec. Je ne pourrais en dire davantage. Mais je pense qu'avec ses confrères dans ce dossier ils se sont entendus pour que la cause procède aujourd'hui. Cela faisait également l'affaire de l'honorable juge Jasmin qui, lui, est pris dans une autre affaire demain. Alors, c'est la seule raison. Vous savez, au prix qu'on paie pour recevoir les témoignages de gens qui sont dans la pratique, je pense que la première règle est de tenter de marier leur propre horaire avec les travaux de notre commission. Si vous voulez que je me fasse plus rassurant, M. le député de Gatineau, j'ai eu l'occasion de lire les journaux en fin de semaine et je pense que vous ne perdez rien pour attendre, dans votre cas.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau a-t-il autre chose à ajouter avant qu'on passe aux questions?

M. Gratton: Oui. On verra quant à la dernière remarque du ministre. J'accepte volontiers les raisons qu'invoque le ministre pour avoir interverti l'ordre d'invitation des témoins. Je lui rappelle, cependant, que lui-même et surtout le leader du gouvernement en Chambre avaient bien dit qu'on ne ferait plus ce genre de changement qu'on avait dénoncé au début de nos travaux. Le moins que je puisse dire, c'est que nous aurions souhaité, quant à nous, savoir avant les travaux de ce matin que ce n'est pas Me Beaulé qu'on entendrait d'abord, mais Me Jasmin. Cela aurait pu faciliter notre travail de préparation. J'inviterais le ministre, s'il doit y avoir d'autres changements - en souhaitant qu'il n'y en ait pas, sauf pour des raisons de force majeure - à en informer l'Opposition le plus tôt possible.

M. Duhaime: À ce sujet, vous avez mon engagement très clair. Je n'ai pas eu connaissance, personnellement, de tout ce qui a pu se passer hier. Je peux vous raconter ma journée, si ça vous intéresse. J'ai commencé à Varennes, je suis rentré à Québec et j'ai prononcé un discours à l'Assemblée nationale sur les crédits forestiers. J'ai été en réunion pour discuter du problème de la tordeuse. Ensuite, j'ai eu à discuter avec mes hauts fonctionnaires sur des investissements miniers. J'ai passé la soirée d'hier au Comité ministériel permanent du développement économique dont la réunion s'est terminée à 1 h 15, cette nuit. Alors, il y a des gens autour de moi qui font un certain nombre de choses et soyez assuré que nous essayons d'accommoder tout le monde à cette commission.

Je sais que le député de Gatineau n'abuse pas du temps de cette commission. Je le dis même sans rire, ce matin, en espérant qu'il a de bonnes intentions pour la semaine qu'on aborde. Cependant, je ne vois pas tellement ce que cela peut déranger dans les scénarios. Enfin, s'il y a d'autres changements, vous serez prévenus le plus rapidement possible. J'avoue que ce n'est pas

facile de faire le va-et-vient au téléphone avec tous ces gens-là pour le secrétariat de la commission qui téléphone et retéléphone.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

Mise au point de M. Gratton

sur une déclaration de Me Beaulé

M. Gratton: Je remercie le ministre de son engagement. J'aurais un dernier point, M. le Président, avant qu'on procède. Le ministre y a, d'ailleurs, fait allusion lui-même. On a tous lu, dans les journaux de fin de semaine, le compte rendu des événements survenus ici à la commission, vendredi dernier. Me Rosaire Beaulé, procureur du syndicat américain, impliqué dans le règlement hors cour de 1979, a interprété une déclaration que j'ai faite devant la commission comme un abus de mon immunité parlementaire visant à détruire sa crédibilité comme témoin, avant même qu'il soit invité à comparaître devant la commission. Le journaliste Normand Girard lui attribue la déclaration suivante, dans la livraison du 23 avril du Journal de Montréal: "Je considère sa déclaration diffamante et contraire à la Charte des droits et libertés de la personne. La lumière a le droit d'être faite, mais Gratton n'a pas le droit de me diffamer."

De plus, selon le journaliste, M. Louis Falardeau, dans la Presse du 23 avril, Me Beaulé m'aurait invité "à avoir assez de courage et de sens du fair-play pour répéter ma déclaration à l'extérieur de l'Assemblée nationale de façon qu'il puisse me poursuivre pour diffamation devant les tribunaux."

Face à cette accusation grave de Me Beaulé, je me sens dans l'obligation de faire une courte mise au point. M. le Président, je maintiens... Il y a des échos de l'autre côté, c'est achalant!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député, c'est le député de Gatineau qui avait la parole.

M. Blouin: En dehors, en conférence de presse.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Gratton: Avec vous, dehors, on va faire autre chose.

M. Blouin: Un autre avec "les bras". Deuxième cas.

M. Gratton: D'abord, M. le Président...

Une voix: Ils sont forts sur "les bras", eux.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Un instant, M. le député de Gatineau.

Une voix: Un autre Desjardins.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Permettez au député, en vertu de notre règlement, d'intervenir. Si vous avez quelque chose à dire, vous n'avez qu'à demander le droit de parole, je vous l'accorderai ensuite. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Merci, M. le Président. Je dis donc que, d'abord, je maintiens intégralement ma déclaration de vendredi dernier. Les faits que j'ai allégués quant aux différentes offres de règlement faites par les procureurs des syndicats, Mes Michel Jasmin et Rosaire Beaulé, en janvier et février 1979, ont tous été puisés dans les documents déposés devant cette commission par le président directeur-général de la SEBJ, M. Claude Laliberté, et par les procureurs de la SEBJ, la firme Geoffrion et Prud'homme.

Quant aux rencontres que Mes Jasmin et Beaulé ont eues au bureau du premier ministre avec Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre, ou avec Me Yves Gauthier, conseiller spécial du premier ministre, et auxquelles j'ai fait référence vendredi, elles sont toutes rapportées dans la liste qui a été fournie aux membres de la commission par le premier ministre lui-même.

Dans ma déclaration de vendredi, je me suis limité à faire référence à ces offres et à ces rencontres dans l'ordre chronologique où elles ont eu lieu en janvier et en février 1979. Je répète ce que j'ai dit vendredi. S'il est vrai, comme l'a déclaré le premier ministre à l'Assemblée nationale le 20 février 1979, que des négociations n'ont pas eu lieu dans son bureau, ce n'est pas, à la lumière de la liste qu'il nous a lui-même fournie, parce qu'il n'y a pas eu d'occasion de négocier durant cette période où les procureurs de la SEBJ, soit la firme Geoffrion et Prud'homme, n'avaient pas encore le mandat de négocier sur le montant du règlement, c'est-à-dire jusqu'au 7 février 1979.

La question que j'ai posée, vendredi, à savoir qui avait négocié avec les procureurs des syndicats, demeure toujours aussi pertinente aujourd'hui. Je crois toujours que c'est là une des principales tâches de cette commission que d'établir qui a négocié. Quant à l'appel de Me Beaulé à mon courage et à mon sens du fair-play pour répéter ma déclaration à l'extérieur de l'Assemblée nationale où je ne serais pas protégé par mon immunité parlementaire - ce qui lui permettrait de me poursuivre pour diffamation - je déclare être prêt à le faire, mais pas avant que la commission ait

terminé ses travaux et qu'une conclusion ait été tirée à l'Assemblée nationale sur toute cette affaire.

M. Tremblay: Le courage, d'abord.

M. Gratton: Car, si je devais le faire avant, M. le Président...

M. Laplante: Plus d'immunité parlementaire.

M. Gratton: ...je risquerais de compromettre la bonne marche des travaux de la commission, puisque toute discussion de cette affaire pourrait être interdite durant toute la durée d'une poursuite éventuelle, fondée ou pas. Je n'ai aucune intention de concourir à permettre à quiconque de saborder nos travaux avant que nous nous soyons acquittés du mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale, soit de faire toute la lumière autour de ce règlement hors cour.

Les propos de Me Beaulé m'amènent, enfin, à répéter ici ce que disait le député de Marguerite-Bourgeoys, mardi dernier, à la suite des insultes dont les membres libéraux de cette commission avaient été la cible de la part du premier ministre. Quelles que soient les humeurs du premier ministre ou de toute autre personne impliquée dans ce dossier, nous ne nous laisserons pas intimider et nous ne nous laisserons pas dicter une façon de procéder qui pourrait nous empêcher de faire notre travail de la manière qui nous paraît la mieux indiquée dans le respect du règlement de l'Assemblée nationale. Je le répète également à l'intention du ministre de l'Énergie et des Ressources qui, lui aussi, a eu ses sautes d'humeur qui l'ont amené à apprécier notre travail à sa manière. Il nous a relu plusieurs fois la semaine dernière les mêmes passages d'un éditorial de Marcel Adam dans la Presse. J'aimerais à mon tour lui citer un court passage du billet de Lysiane Gagnon dans le même journal, samedi dernier. En parlant du premier ministre, elle écrivait: "II est inadmissible qu'un homme investi d'une pareille autorité se livre à de tels abus verbaux, qu'il semble incapable de se contrôler et qu'il ne tolère même plus que l'Opposition joue son rôle. Tenez-vous bien, M. le ministre, un rôle d'ailleurs qu'elle joue très convenablement pour autant qu'on puisse en juger à la télévision." Plus loin elle enchaînait: "II est parfaitement normal que l'Opposition, qu'il s'agisse des libéraux cette année ou des péquistes qui ont fait la même chose entre 1970 et 1976, tente d'en savoir plus long sur une question d'intérêt et qu'elle contre-interroge les témoins".

M. le Président, n'en déplaise au premier ministre, au ministre de l'Énergie et des Ressources ou à quiconque, c'est ce que nous entendons continuer de faire et ce, jusqu'à ce nous sachions vraiment qui a fait quoi dans toute cette affaire. En particulier, à l'intention de Me Beaulé qui m'accuse de l'avoir diffamé en insinuant, semble-t-il, des choses concernant son comportement, je dis que je n'ai rien insinué. Je n'ai porté aucun jugement sur son comportement. Je ne l'ai pas fait, parce que, justement, j'estime que c'est seulement lorsque la commission aura terminé ses travaux que moi et les autres membres de la commission serons en mesure de le faire en connaissance de cause. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais remercier le député de Gatineau et le féliciter sur un point. Je pense qu'il reconnaît, ce matin, que, vendredi dernier, la partie de son intervention dans laquelle il formulait des conclusions était, suivant ce que j'ai compris ce matin, prématurée. Je suis heureux de constater que, la sagesse lui étant revenue, il va tirer des conclusions lorsque tous nos travaux seront terminés. Je ne sais pas si quelqu'un écoute pour Me Beaulé la déclaration qui vient d'être faite, qui va sans doute le rejoindre par la télévision, mais je ne puis pas faire plus que prendre acte du fait que le député de Gatineau s'est engagé, devant cette commission parlementaire, à répéter ce qu'il avait dit vendredi dernier, mais lorsque les travaux seront terminés. C'est ce que j'ai bien compris. Ensuite, chacun prendra ses décisions.

Quant au billet de Mme Lysiane Gagnon, on apprécie toujours la lecture de ses écrits, parfois avec beaucoup d'humour. Je vous dirai qu'il y a toujours une ou des exceptions qui confirment la règle et l'impression générale. Je n'aurai pas d'autres commentaires à faire sur ce que Mme Lysiane Gagnon écrit.

M. Gratton: En vertu de l'article 96, très brièvement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau. (10 h 45)

M. Gratton: Je ne peux permettre au ministre de tirer des conclusions sur ce que je viens de dire qui seraient autres que celles que j'ai moi-même tirées. Je ne reconnais pas avoir tiré des conclusions de façon prématurée, vendredi dernier, dans ma déclaration. Je m'en tiens à la déclaration que j'ai faite ce matin, c'est-à-dire une constatation des faits et d'avoir posé des questions. J'espère que le ministre ne me fera pas, lui non plus, de procès d'intention.

Le Président (M. Jolivet): Cela étant

fait, en sachant, cependant, que le but de la rencontre de ce matin était de continuer les questions qu'on avait à poser à nos invités et que, finalement, à 10 h 45, nous débutons, je donne donc la parole au député de Mont-Royal, en espérant qu'on se dirigera vers cette façon d'agir pour le reste des travaux.

Témoignages

Mes François Aquin, Michel Jetté et Jean-Paul Cardinal (suite)

M. Ciaccia: Certainement, M. le Président. Je vous remercie. MM. les procureurs, ne vous sentez pas des invités de deuxième catégorie. J'espère que vous sentez que vous êtes des invités sur le même pied d'égalité que tous les autres, en dépit des propos du député de Bourassa.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, allez donc aux questions.

M. Gratton: Allons donc.

M. Ciaccia: M. Cardinal, M. Aquin ou M. Jetté, juste pour préciser la déclaration de transaction, le règlement hors cour, quelles sont les principales modalités - juste pour résumer - de ce règlement, grosso modo?

M. Aquin: Vous parlez de résumer la formule de transaction?

M. Ciaccia: Non, juste les principales modalités, le contenu de ce règlement.

M. Aquin: Si on regarde le contenu de la formule de transaction...

M. Ciaccia: Par exemple, je présume que le montant serait une des modalités.

M. Aquin: Prenons la formule finale, celle du 12 mars à la page 156. Si on parle de la formule de transaction elle-même, vous avez la déclaration des syndicats québécois, vous avez un aveu de responsabilité du local 791, vous avez un aveu de responsabilité nuancé du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, vous n'avez pas d'aveu de responsabilité des autres syndicats. La Société d'énergie de la Baie James a un texte purement déclaratoire et, évidemment, non pas dans le texte, mais dans la transaction, le montant clé est le montant du règlement.

M. Ciaccia: Alors, d'après vous, si je comprends bien, les principales modalités seraient le montant - sans porter jugement sur le montant - et les aveux de responsabilité.

M. Aquin: Les aveux de responsabilité.

M. Ciaccia: Très bien. Merci. Avez-vous fait rapport, M. Aquin ou M. Cardinal, à Me Gadbois des interventions du bureau du premier ministre?

M. Cardinal: D'abord, le fait que les avocats soient allés au bureau du premier ministre est une chose qu'on savait plus ou moins. C'est seulement ici qu'on a appris vraiment le nombre de fois et les dates. Quant à moi, personnellement, je pense qu'une fois je suis parti directement du bureau de M. André Gadbois pour aller au bureau de M. Jean-Roch Boivin, mais cela ne l'a pas étonné, parce que cela m'arrivait souvent, en dehors de cette cause, quand j'étais à Hydro-Québec, de faire cela quelquefois. Je pense que M. André Gadbois, en tout cas, savait que j'étais allé voir M. Boivin, mais il ne savait pas pourquoi et je n'ai pas eu l'occasion de lui rapporter quoi que ce soit, parce que, lorsque M. Boivin nous a dit, le 2 février, que le premier ministre avait déjà rencontré les P.-D.G., c'est une chose que M. Gadbois savait. Je pense que c'est lui qui me l'avait dit le matin et, quand, le 27 février, je suis allé dire bonjour à M. Jean-Roch Boivin, je suis parti en vacances et je n'ai pas rapporté cela à M. André Gadbois.

M. Ciaccia: Par exemple, M. Aquin, le 26 janvier, quand M. Gauthier nous a confessé que les adversaires se rendaient au bureau du premier ministre, en avez-vous parlé à votre client?

M. Aquin: À M. Gadbois, non. Je penserais que M. Cardinal a peut-être parlé à M. Gadbois - il répondra - ou peut-être moi de la rencontre du 2 février avec M. Boivin.

M. Ciaccia: Mais vous n'avez pas parlé de la rencontre avec M. Gauthier. En avez-vous parlé à d'autres? À M. Saulnier, par exemple?

M. Aquin: Non, absolument. Je ne suis même pas sûr d'en avoir parlé à M. Cardinal. Je vous ai dit pourquoi: C'était un renseignement que je voulais à titre privé; alors, il n'y avait aucune...

M. Ciaccia: Mais avez-vous parlé du lunch que vous avez eu avec M. Boivin le 2, avec M. Laliberté?

M. Aquin: Ah non, pas du tout.

M. Cardinal: Pas avec M. Laliberté.

M. Aquin: La seule possibilité est que M. Cardinal en ait parlé à M. Gadbois. Je le

laisse répondre.

M. Cardinal: C'est cela. On n'en a certainement pas parlé à d'autres, mais ce n'est pas impossible qu'à la suite du lunch j'aie dit à André Gadbois: M. Boivin m'a annoncé ce midi ce que tu m'avais dit ce matin. Sûrement une chose dans ce genre-là, mais on n'a jamais fait rapport parce qu'on n'avait rien à dire.

M. Ciaccia: Par exemple, avez-vous fait rapport à vos clients de l'appel téléphonique de M. Jean-Roch Boivin à M. Aquin le 8 février?

M. Aquin: Je ne penserais pas. J'en ai parlé à M. Cardinal. Je ne sais pas s'il en a parlé après. Moi, je n'ai pas fait de rapport.

M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, vous n'avez pas fait rapport de ces discussions que vous avez eues, soit avec M. Boivin, soit avec M. Gauthier; vous n'avez pas jugé bon que votre client soit au courant de ces conversations et des discussions qui ont eu lieu avec le bureau du premier ministre?

M. Aquin: Je comprends que c'est à moi que vous posez la question, M. Ciaccia. Pour répondre à votre question, je suis obligé de référer aux trois dates. Dans le cas de M. Gauthier, je n'avais pas à faire rapport. C'est une information que je voulais savoir à titre privé et je l'ai eue. Le client aurait peut-être pu nous le mentionner, si le client le savait. Je ne l'ai communiquée à personne, sauf à M. Cardinal. Le lunch que nous avons eu avec M. Boivin, je suis à peu près sûr que M. Cardinal, qui, lui, faisait généralement le lien avec le client, en a parlé. L'appel téléphonique que j'ai reçu de M. Boivin, j'en ai peut-être parlé à M. Cardinal, mais comme c'est un appel téléphonique purement interrogateur qui ne changeait rien à la situation, je ne me suis pas senti dans l'obligation d'en faire rapport, non plus, à qui que ce soit.

M. Ciaccia: M. Cardinal, sur la discussion que vous avez eue avec M. Boivin lors du lunch le 2 février, avez-vous fait un rapport?

M. Cardinal: C'est fort possible et même probable que j'en aie parlé à André Gadbois, mais ce n'est pas une chose à laquelle on attachait beaucoup d'importance à l'époque. J'aurais rapporté à mes clients des négociations et des instructions, mais ce n'était pas le cas. À part cela, quand on rencontre le chef de cabinet du premier ministre, ce n'est pas une chose qui me semble, à moi, en tout cas, répréhensible ou scandaleuse. En effet, à l'occasion de cette cause, j'ai rencontré d'autres conseillers d'autres premiers ministres, parce qu'on préparait notre cause depuis 1975.

M. Ciaccia: Non, je n'ai pas suggéré que rencontrer quelqu'un dans le bureau du premier ministre devrait être répréhensible ou scandaleux; je voulais seulement savoir si, dans le contexte de l'importance du sujet du règlement, spécialement lorsque vous appreniez que vos adversaires faisaient directement affaires avec vos clients, vous aviez rapporté vos discussions avec M. Boivin.

M. Cardinal: Ce n'était pas si clair que cela dans le temps que les avocats des unions se promenaient dans le bureau du premier ministre, pour nous. C'est certainement une chose qu'on a apprise en cours de route. On l'a apprise définitivement ici.

M. Ciaccia: Oui, je réfère encore au 26 janvier lorsque M. Gauthier a confirmé qu'il avait eu des rencontres...

M. Cardinal: Ce n'est pas une chose qu'on ignorait, mais on n'en savait pas vraiment l'ampleur.

M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas dans quels termes vous auriez fait rapport à vos clients de vos rencontres avec M. Boivin ou des pourparlers avec d'autres personnes, soit M. Gauthier?

M. Cardinal: Pour répondre précisément à votre question, je n'ai pas fait rapport officiellement à mes clients de cela. Je leur en ai parlé probablement, mais je n'ai pas fait un rapport comme tel.

M. Ciaccia: Entre le 1er octobre 1978 et le 6 mars 1979, pour situer ces dates, avez-vous remis ou transmis des documents, lettres, projets ou autres, relatifs à ce règlement, à M. Jean-Roch Boivin? Je vais le demander à chacun. M. Aquin?

M. Aquin: Non, d'abord, nous n'en avons pas transmis et, deuxièmement, au 1er octobre, il n'était pas du tout question de transactions. Alors, pour les transactions, les documents commencent à se confectionner en janvier, février et mars. Je n'ai rien transmis personnellement.

M. Ciaccia: Est-ce que M. Boivin lui-même vous aurait transmis ou remis des documents durant la même période?

M. Aquin: Non.

M. Ciaccia: M. Cardinal?

M. Cardinal: Moi, non plus.

M. Ciaccia: Vous, non plus. M. Jetté?

M. Jetté: Dans mon cas, non plus.

M. Ciaccia: À la réunion du 9 janvier 1979, le conseil d'administration de la SEBJ, après avoir eu une rencontre avec les procureurs, donc votre bureau, décide de maintenir et de continuer la poursuite. C'est confirmé dans le procès-verbal. M. Aquin, est-ce que vous avez parlé à Me Beaulé ou à Me Jasmin de votre rencontre avec le conseil d'administration du 9 janvier?

M. Aquin: Non.

M. Ciaccia: M. Cardinal?

M. Cardinal: Je n'étais pas là. M. Jetté était là.

M. Jetté: Je ne pense pas. Je ne pense vraiment pas que j'en aie informé qui que ce soit.

M. Ciaccia: Mais même si vous n'étiez pas là, M. Cardinal, vous avez sûrement eu...

M. Cardinal: Vous avez raison.

M. Ciaccia: ...un rapport de vos collègues de ce qui s'est produit. Est-ce que vous en auriez parlé à M. Beaulé ou à M. Jasmin?

M. Cardinal: Non, M. le Président.

M. Ciaccia: Avez-vous eu des rencontres ou des conversations téléphoniques avec M. Jean-Roch Boivin entre le 25 février et le 6 mars 1983, il y a quelques semaines?

M. Aquin: Entre le 25 février et le 6 mars? M. Boivin, à ma connaissance, est venu deux fois à notre bureau. Il a rencontré M. Cardinal une fois et moi, je l'ai vu quelques minutes. Je pense qu'il venait vérifier de la sténographie ou des pièces de la contestation liée du dossier. Il est revenu aussi pour voir d'autres documents. Je ne pourrais pas vous dire la date. Il me semble que c'est il y a deux semaines. Je l'ai rencontré quelques minutes. Nous avons échangé très brièvement.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a eu des discussions sur le saccage?

M. Aquin: Non, il n'y a pas eu de discussions sur la substance de la commission parlementaire. Je pense qu'il voulait lire des pièces de la contestation liée. M. Cardinal pourra vous dire ce qu'on a mis à sa disposition ou des bouts de la sténographie.

Je sais aussi que - je l'ai rencontré quelques secondes - M. Beaulé avait demandé la permission, je pense que c'était à M. Jetté, de venir lire des bouts de la sténographie. Nous sommes les seuls qui détenons toute la sténographie de toutes les enquêtes. On l'a gardée. Quand j'ai vu M. Boivin, il n'y a pas eu d'autres choses. Je lui ai dit tout simplement comment je voulais procéder. Mon exposé n'était même pas fait à ce moment-là, il n'a pas été question de le lui communiquer. J'ai dit tout simplement comment je voulais procéder en faisant un exposé général de tout ce que j'avais fait.

M. Ciaccia: Durant votre rencontre avec M. Boivin, est-ce qu'il y a eu des conversations téléphoniques?

M. Aquin: Non.

M. Ciaccia: M. Cardinal?

M. Cardinal: Moi, je suis allé chez M. Boivin dans le Nord. Nos femmes nous ont dit que, si on parlait de la commission parlementaire, elles nous mettraient dehors. Vraiment, je n'en ai pas parlé.

M. Ciaccia: Alors, il n'y a pas eu de discussions sur le saccage?

M. Cardinal: Non, pas du tout.

M. Ciaccia: Mais vous l'avez rencontré durant cette période sans parler de...

M. Cardinal: Oui. J'en ai parlé une fois à notre bureau. L'autre fois, on n'en a pas parlé, non pas par principe, mais volontairement, parce qu'on voulait vraiment avoir des vacances et non pas parler d'affaires.

M. Ciaccia: Pendant qu'il était à votre bureau avec vous, est-ce que vous avez eu connaissance qu'il avait eu une conversation téléphonique?

M. Cardinal: Non, il n'y a pas eu de conversation téléphonique.

M. Ciaccia: Non plus que M. Boivin ait eu une conversation téléphonique avec d'autres pendant qu'il était à votre bureau?

M. Cardinal: Non.

M. Ciaccia: Je voudrais revenir à la période du 1er février au 12 février. Il me semble que cette période de 1979 était assez importante et je voudrais en faire un petit résumé. Je voudrais le faire à l'aide de quelques questions. (11 heures)

Si je comprends bien, le 1er février,

dans le contexte des rencontres, à ce moment-là, vous n'aviez pas le mandat de négocier. Vous aviez seulement le mandat de préparer un projet de transaction et d'écouter les offres que les parties adverses pourraient vous faire. Est-ce exact?

M. Aquin: Oui.

M. Ciaccia: Alors, je voudrais juste faire un petit résumé pour situer les questions que je vais vous poser.

Si on se rappelle, le 1er février, il y a eu la rencontre au bureau du premier ministre. MM. Boyd, Claude Laliberté, Lucien Saulnier se rendaient au bureau du premier ministre où M. Jean-Roch Boivin était présent. Durant cette rencontre, le premier ministre a fait savoir qu'il souhaitait un règlement hors cour dans le langage que tout le monde connaît. Il a vraiment pris une position assez claire selon laquelle il voulait un règlement.

Le 2 février, M. Boivin vous a invités, c'est-à-dire MM. Cardinal et Aquin, à dîner au restaurant Le Piémontais et, là, M. Boivin vous a informé de la réunion du 1er février. Il vous a informés également que MM. Michel Jasmin et Rosaire Beaulé devaient vous faire parvenir des rapports sur les difficultés de recouvrement et la situation financière des syndicats québécois. M. Aquin a parlé à M. Boivin de divers textes de règlement qu'il avait rédigés. Si je comprends bien, M. Boivin lui aurait dit -cela est au ruban 692 du journal des Débats - "Si vous faites quelque chose, ne vous accrochez pas uniquement à des papiers, à des textes de transaction." Cela c'est au cours du lunch du 2 février.

M. Aquin: La dernière phrase, c'était de ne pas faire passer l'accessoire devant le principal.

M. Ciaccia: Les mots que je cite, c'est: "Si vous faites quelque chose, ne vous accrochez pas uniquement à des papiers, à des textes de transaction." Je cite textuellement le journal des Débats.

Le 6 février, le conseil d'administration mandate le bureau de ses procureurs d'explorer auprès des procureurs des défendeurs, la possibilité d'un règlement hors cour sur la base d'une reconnaissance par tous les organismes défendeurs de leur responsabilité pour les dommages et du paiement à la SEBJ d'une somme d'argent qui pourrait lui être acceptable. Le tout, sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient réglées préalablement.

Le conseil d'administration prend connaissance des projets de règlement rédigés par MM. Michel Jasmin et Rosaire Beaulé proposant 125 000 $ en dédommagement. Le 6 février, la décision est prise. Le 7 février, M. Gadbois écrit à M. Cardinal pour lui confirmer le mandat d'explorer la possibilité d'un règlement hors cour à la condition que tous les défendeurs reconnaissent leurs responsabilités.

Le 12 février, vous faites rapport de vos négociations. Le 1er février, il y a la réunion avec le premier ministre. Le 2 février, vous rencontrez M. Jean-Roch Boivin. Le 6 février, le conseil d'administration décide de donner un mandat. Le 7 février, vous êtes avisés. Le 12 février, M. Cardinal écrit à M. Gadbois pour faire rapport du mandat qu'il a reçu le 6 février. La lettre dit que l'offre globale faite par certains défendeurs a été augmentée de 125 000 $ à 175 000 $, soit 100 000 $ pour la SEBJ et 75 000 $ pour les assureurs. De plus, il est fait rapport sur la reconnaissance ou non de leur responsabilité par les divers défendeurs.

Revenons à la réunion du 9 février. Le 9 février, M. Cardinal, vous avez admis être allé au bureau du premier ministre pour rencontrer M. Jean-Roch Boivin. À la page 704, du journal des Débats vous dites ceci: "Quant à ma rencontre du 9 février 1979, mon nom apparaissant dans les registres, je suis sûr que j'y suis allé. Je suis sûr également que si j'y suis allé, j'ai parlé avec M. Boivin des procédures qui étaient en cours et des règlements qui se faisaient."

Est-ce que vous vous souvenez de l'heure à laquelle vous êtes allé voir M. Boivin?

M. Cardinal: Je ne me souviens même pas d'y être allé. Je me rends seulement à l'évidence que j'y suis certainement allé. Le 9 février 1979, vraiment je ne sais pas où j'étais. Et, comme dans tous les rapports qu'on a préparés pour la commission, ce n'est pas tellement le souvenir que nous en avons quand nous racontons ces choses-là, c'est parce qu'on a reconstitué, avec des documents, les événements qui se sont passés. Mais celui du 9 février, je n'ai vraiment rien sur quoi appuyer ma mémoire.

M. Ciaccia: La raison pour laquelle vous auriez pu, peut-être, vous en souvenir, c'est le contexte. C'était vraiment une période cruciale dans tout le processus, quand on parle des réunions... Finalement, cela aboutissait à des décisions, à un mandat, à un mandat plus précis. Là, vous êtes allé voir M. Boivin. Est-ce qu'il y aurait eu quelqu'un d'autre à cette réunion? Je voudrais seulement vous rappeler la réponse que vous avez donnée à cette question à mon collègue, le député de Laprairie. Vous avez dit que vous ne vous souveniez pas, mais vous n'avez pas nié qu'il y avait peut-être quelqu'un d'autre.

M. Cardinal: Je ne pense pas avoir dit cela, non. Mais je suis bien mal placé pour dire: premièrement, je ne m'en souviens pas et, deuxièmement, je me souviens qu'il y avait quelqu'un.

M. Ciaccia: Sur la liste fournie par le bureau du premier ministre...

M. Cardinal: On voit que M. Jasmin y était aussi, cette journée-là.

M. Ciaccia: Oui. On voit que le 9 février, Michel Jasmin était au bureau du premier ministre. Et on voit que le 9 février, Me Jean-Paul Cardinal était au bureau du premier ministre.

Je voudrais demander au ministre: Est-ce que vous pourriez déposer ou nous donner communication du registre démontrant les visites et les heures auxquelles les différentes personnes ont visité le bureau du premier ministre?

M. Duhaime: Je vais m'informer avec plaisir, M. le Président. Je ne suis pas en mesure de dire si ce registre tient compte des heures. Je n'ai jamais signé dans ce registre.

M. Ciaccia: Oui, il tient compte des heures.

M. Duhaime: Je vais m'informer.

M. Ciaccia: Et, est-ce que vous pourriez le déposer à la commission parlementaire?

M. Duhaime: Sous réserve, oui.

M. Ciaccia: Sous réserve de quoi?

M. Duhaime: C'est qu'il y a peut-être...

M. Ciaccia: Je pourrais peut-être porter à votre attention...

M. Duhaime: ...d'autres personnes qui se rendent voir le premier ministre en une journée. Si vous voulez avoir l'ordre du jour complet du premier ministre, sur toute et chacune de ses allées et venues. Est-ce que vous me demandez, si je comprends bien votre question, de voir s'il n'y a pas moyen, à partir du registre, de mettre des heures sur les dates et les noms qui apparaissent sur les listes qui ont déjà été déposées? Alors, je vous réponds que, dans la mesure où ces documents sont disponibles, oui, je vais le faire avec plaisir. Est-ce que vous avez compris ma réponse?

M. Ciaccia: J'ai compris votre réponse, M. le ministre. Mais je voudrais attirer votre attention sur les informations que M.

Laliberté nous a données, en parlant du 1er février et des heures où il a pu y avoir une rencontre avec le bureau du premier ministre. Je lis, à la page 243 du journal des Débats...

M. Duhaime: Quel ruban?

M. Ciaccia: Le ruban 243, page 1. M. Laliberté dit: "C'est bien le 1er février..." -on lui avait demandé si la réunion était le 1er février - "Nous avons les enregistrements de l'accès au bureau du premier ministre. Nous avons consulté ces enregistrements." Alors, plus tard, seulement pour corriger ce qu'il a dit, il dit: "Est-ce que je pourrais faire une correction, je m'excuse, au sujet de la rencontre du 1er février: ce ne peut être dans le registre des signatures parce que cette réunion, cette rencontre, a eu lieu à 18 heures et, effectivement, il n'y a rien dans les registres. Donc, c'est plutôt dans mon agenda." Ce qui a été confirmé, évidemment, par les autres participants à cette réunion. Autrement dit, après 18 heures, ce n'est pas enregistré. Mais, voici un fonctionnaire, un P.-D.G. de la SEBJ qui a accès - c'est un des témoins, un des invités devant cette commission - au registre du bureau du premier ministre. Il me semble que, nous, comme parlementaires, nous devrions avoir le même droit. C'est pour cela que je vous demandais quelles sont vos réserves. Je voudrais que vous preniez l'engagement que vous allez nous fournir ce registre.

M. Duhaime: Non, je ne m'engage pas à vous fournir tout le registre qui peut exister à Hydro-Québec. Ce que je vous dis, c'est que je vais demander des informations...

M. Ciaccia: Seulement pour cette journée du 9.

M. Duhaime: ...pour voir si on peut mettre des heures sur les dates qui apparaissent sur les deux listes qui ont été déposées par le bureau du premier ministre, étant bien convaincu d'avance que vous pourrez comparer le document que je déposerai avec celui que vous avez en main, afin de voir si cela correspond.

M. Ciaccia: On voudrait connaître les heures d'entrée et de sortie des différents invités qui se sont rendus au bureau.

M. Duhaime: Je dois vous dire que vous avez d'excellents recherchistes et, si ces documents sont disponibles, je vais les déposer. Cela fait trois fois que je vous le dis. J'ajoute que vous pourrez comparer ces heures, ces dates et ces noms avec le document que vous avez en main, peut-être pas sous vos yeux, mais vous pourrez les

confronter. On n'a absolument rien à cacher là-dedans. Tout ce que je dis est sous réserve, pour autant que ces documents seront disponibles. Je ne les ai jamais vus. J'ai appris ici, en commission parlementaire, qu'il existait un registre. Je n'ai jamais eu à le signer. Je dois conclure, pour ma propre gouverne, qu'à chaque fois où je mets les pieds à Hydro-Québec, il y a quelqu'un qui prend mon nom et qui inscrit l'heure quelque part. On verra. Ce doit être pour la postérité. Tout de même, je vais m'informer et je vous donnerai une réponse dès cet après-midi.

M. Ciaccia: Merci. M. Cardinal, le but de mes questions est d'essayer de porter certains faits à votre attention afin de rafraîchir votre mémoire, car je sais qu'il est difficile de se souvenir de certaines rencontres et des dates précises. J'espère, en vous rapportant ces faits et en vous rappelant certains aspects du règlement ainsi que certaines choses qui sont contenues dans les registres, que cela pourrait vous aider à vous rafraîchir un peu la mémoire pour qu'on puisse vraiment arriver à obtenir certaines informations.

Si je vous disais que, le 9 février, d'après les registres du bureau du premier ministre, M. Jasmin est entré au bureau du premier ministre pour voir M. Jean-Roch Boivin à 14 h 20 et que l'heure de son départ est inscrite à 17 h 15. Vous êtes inscrit, dans le même registre, chez le même destinataire, M. Jean-Roch Boivin, à 16 h 30 heure d'arrivée et à 17 h 05, heure de départ. Est-ce que cela vous dit quelque chose?

Le Président (M. Jolivet): Un instant! M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais savoir pourquoi le député de Mont-Royal m'a demandé de m'enquérir des heures? Est-ce que celles que vous avez ne sont pas celles que vous souhaiteriez avoir?

M. Ciaccia: Non. C'est l'information que nous avons. La raison pour laquelle je vous l'ai demandé est parce que je voudrais avoir officiellement la confirmation de ces heures. Ce sont les heures qui étaient indiquées au registre et que nous avons obtenues. Elles devraient être les mêmes.

M. Duhaime: Vous avez une photocopie, cela devrait être bon. Ne me faites pas travailler pour rien.

M. Ciaccia: Non, mais on voudrait avoir une confirmation. C'est la seule...

Une voix: Ce n'est pas son rôle.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal, vous avez la parole.

M. Ciaccia: Oui. Je voulais seulement le demander à M. Cardinal, personnellement.

M. Cardinal: Si vos renseignements sont exacts, M. le député de Mont-Royal, j'aurais été une demi-heure dans le bureau du premier ministre pendant que M. Jasmin y était.

M. Ciaccia: Pardon? Vous étiez...

M. Cardinal: Si vos renseignements sont exacts, pendant une demi-heure ou 35 minutes, j'aurais été physiquement dans le bureau du premier ministre pendant que Me Jasmin y était aussi.

M. Ciaccia: Est-ce que vous vous souvenez...

M. Cardinal: Ce qui ne veut pas dire nécessairement qu'on aurait été tous les deux dans le bureau de M. Jean-Roch Boivin, par exemple. Mais enfin, c'est sans...

M. Ciaccia: C'était le même destinataire et les heures sont...

M. Cardinal: Oui. Il est bien sûr que, parlant pour moi, si j'étais là le 9 mai, ce n'était pas pour voir d'autre personne que M. Jean-Roch Boivin. Je ne connais personne d'autre à part lui.

M. Ciaccia: Alors, vous ne vous souvenez pas d'avoir rencontré M. Jasmin ou d'avoir...

M. Cardinal: Non. Vraiment.

M. Ciaccia: M. le Président, pour le moment, je n'ai plus d'autre question. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Cela va. M. le député de Châteauguay. (11 h 15)

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord commencer par rappeler que, si nous sommes ici, à l'Assemblée nationale en commission parlementaire de l'énergie et des ressources, pour discuter du saccage de la Baie-James, c'est parce qu'il y a eu, un jour, le 17 mars 1983, un article dans la Presse signé du journaliste Michel Girard qui disait textuellement ceci: "Le chef du gouvernement du Québec, René Lévesque, a induit l'Assemblée nationale en erreur lorsqu'il a déclaré, le 20 février 1979, que le bureau du premier ministre n'avait aucunement été impliqué dans les négociations du règlement, je répète, dans les négociations du règlement hors cour

intervenu dans la poursuite intentée par la Société d'énergie de la Baie James (SEBJ Hydro-Québec) contre la FTQ construction à la suite du saccage de la Baie-James."

J'ai fait une intervention, M. le Président, à la commission parlementaire jeudi dernier où je faisais des distinctions à caractère sémantique en distinguant les mots "règlement" et "négociation". Je pense d'ailleurs que nos invités, ce matin, étaient présents lorsque j'ai fait cette intervention et c'est dans cette lignée que je vais leur poser deux questions.

Je voudrais savoir de chacun, comme avocats, s'ils font habituellement une distinction entre une négociation d'un règlement et un règlement comme tel? Je voudrais savoir de la part de Me Aquin d'abord. Vous comme avocat, dans votre travail quotidien habituel, est-ce que vous faites une distinction entre une négociation de règlement et un règlement comme tel? Est-ce que les nuances entre les deux sont suffisamment importantes pour que, dans votre travail, vous en teniez compte?

M. Aquin: Oui, j'en tiens compte. La seule chose, c'est que vous avez dit avoir fait une distinction entre les deux et de laquelle je ne me souviens pas parfaitement. Est-ce que vous pourriez me la rappeler?

M. Dussault: Oui, à partir du dictionnaire, j'ai dit que la négociation était une série d'entretiens, d'échanges de vues, de démarches qu'on entreprend pour parvenir à un accord, pour conclure une affaire. La conclusion de l'affaire étant, à ce moment, le résultat de la démarche que je viens d'identifier dans la première partie de la définition. Par contre, pour ce qui est du règlement, le dictionnaire disait: l'action de régler et son résultat, de discipliner son résultat. On dit plus loin: l'action de régler et de décider, de terminer quelque chose définitivement ou exactement. Au verbe régler, on dit fixer définitivement ou exactement, résoudre définitivement, terminer.

M. Aquin: Je fais la même distinction que vous, une négociation est une suite de démarches pour arriver à un accord, c'est-à-dire à un règlement. Il y a donc une différence entre la préparation et le résultat. Si je comprends bien, vous faites cette distinction.

Me Cardinal, est-ce que vous faites aussi cette distinction entre une négociation de règlement et le règlement comme tel?

M. Cardinal: II y a une chose qui m'a frappé depuis que je suis ici. On a souvent parlé des mandats d'écouter; c'est rare qu'un avocat écoute et qu'il ne parle pas.

M. Dussault: Oui. Vous, Me Jetté, est-ce que vous faites aussi cette distinction?

M. Jetté: C'est bien sûr qu'elle est évidente. À mon sens, ce qu'on appelle le règlement c'est l'aboutissement du processus. Alors c'est deux moments bien distincts dans le temps.

M. Dussault: Merci. Deuxièmement, le journaliste a employé l'expression "négociation du règlement" quand il dit que le premier ministre a menti il parle de "négociation du règlement". En ce qui vous concerne vous trois, je vous pose à chacun la question, y a-t-il eu négociation d'un règlement dans le bureau du premier ministre. Vous, Me Aquin, en ce qui vous concerne, y a-t-il eu négociation d'un règlement?

M. Aquin: En ce qui me concerne, il n'y a pas eu de négociation de règlement dans le bureau du premier ministre.

M. Dussault: Vous, Me Cardinal.

M. Cardinal: II n'y a pas eu de négociation dans le bureau du premier ministre en ce qui me concerne.

M. Dussault: Non plus. Pour vous, Me Jetté?

M. Jetté: Ma réponse est exactement la même.

M. Dussault: Je vous remercie vous trois.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, en écoutant le député de Châteauguay, j'ai eu une partie de l'explication du fort pourcentage de "dropout" dans nos écoles secondaires.

Le Président (M. Jolivet): Vous savez très bien que vous devez adresser vos questions en face.

M. Dussault: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Je comprends aussi pourquoi le député de Louis-Hébert s'est procuré autant de dictionnaires quand il est devenu député, il en a besoin, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous

plaît, passons donc en face de nous. Une question aux invités, M. le député de Louis-Hébert.

M. Blouin: II se sert du dictionnaire payé avec les fonds publics.

M. Doyon: M. le Président, pendant que mon collègue de Châteauguay s'énerve pour pas grand-chose, j'aimerais savoir de nos invités si je comprends bien la situation quand j'exprime le fait suivant: préalablement à une certaine date, la modalité d'un règlement éventuel qui aurait consisté dans un aveu de responsabilité de la part de tous les défendeurs, était un élément essentiel de tout règlement que pouvait éventuellement considérer la compagnie, c'est-à-dire la SEBJ. C'est exact? Maintenant, quand je dis que...

M. Aquin: Excusez-moi, je ne voudrais pas vous contredire mais je pense que, formellement, l'aveu de responsabilité de tous les organismes fait partie de notre... Je ne dis pas que ce n'était pas un souhait avant, mais il y a tellement de papier, je ne veux pas me tromper. Mais je pense que c'était peut-être un souhait des clients, il faudrait avoir tous les documents. Mais, formellement, dans un mandat - on trouve cela dans notre mandat du 7, c'est pour cela que cela me surprend. C'est dans notre mandat du 7 qu'on dit: Aveu de responsabilité de tous les organismes défendeurs. Je penserais que c'est la première fois. Il y avait eu avant des demandes pour avoir -d'ailleurs on avait eu dès le début l'aveu de responsabilité du syndicat 791; ensuite, c'est précédemment qu'on a réussi à avoir un aveu de responsabilité mitigé du conseil provincial mais l'aveu des organismes défendeurs, je peux me tromper mais je penserais que c'est dans notre mandat du 7 qui est à la page 107 de nos documents.

M. Doyon: On peut donc situer dans le temps cette exigence de la SEBJ d'un aveu de responsabilité de tous les défendeurs comme se situant le 6 ou le 7 ou à peu près à ces dates. Si on...

M. Cardinal: Vous permettez. Si vous regardez à la page 107, le mandat écrit vient de la SEBJ à cet effet.

M. Doyon: Oui. On se rend compte, en voyant le règlement qui est intervenu et le règlement qui a été discuté ultérieurement, qu'à un certain moment dans le temps, cette exigence qui concernait tous les défendeurs est devenue moins totale, c'est-à-dire qu'elle a pu être morcelée, être parcellaire si vous voulez.

M. Aquin: Oui parce que, comme je l'ai dit dans mon exposé - ce n'est pas que je veuille toujours répondre aux questions mais parce que comme c'est moi qui avais fait cette partie de l'exposé - on a atteint un texte de la transaction le 5. Après, le texte ne bougera plus, sauf le chiffre.

M. Doyon: Et si on se réfère à cet élément important, cette modalité importante que vous avez mentionnée, qui sont les aveux de responsabilité, pouvez-vous nous situer dans le temps à quel moment il vous a semblé que la SEBJ était prête à considérer un règlement tout en n'obtenant pas un aveu de responsabilité de tous les défendeurs, y compris du syndicat américain?

M. Aquin: À mon souvenir, c'est... Je ne l'ai pas dit l'autre fois mais quand on a l'appel téléphonique de M. Gadbois à la suite du conseil d'administration - je vous rappelle toujours qu'on n'est jamais présent au conseil d'administration et on n'en comprend pas toujours la teneur que vous connaissez aujourd'hui. Alors quand on a des communications de M. Gadbois du conseil d'administration du 6 février, à mon souvenir, le conseil d'administration, dans un premier temps, avant d'avoir la lettre de M. Gadbois, laquelle lettre est à notre page 107, à moins que je me sois trompé, M. Gadbois semble me parler d'un aveu de responsabilité de tous les défendeurs. Je ne comprends plus rien parce que ce n'est pas logique, étant donné qu'il y a des individus qui sont en appel de leur propre condamnation.

Quand on reçoit la lettre du 7 - page 107 - on parle d'aveux des organismes défendeurs. À notre esprit - je pense en avoir parlé avec M. Gadbois - il est sûr qu'il ne puisse s'agir que du syndicat américain parce que - M. Jetté pourra s'exprimer sur le local 134 - c'est peut-être le local sur lequel on avait la cause la plus discutable, celui qui était représenté par Me Phil Cutler; les deux autres ne bougeaient sûrement pas.

Ce qui était donc dans l'esprit de notre client, c'était l'aveu du syndicat américain. C'est donc le 7 février que j'essaie d'obtenir cet aveu de Me Beaulé. Le 7 février, M. Beaulé me dit qu'il ne voit pas, ni d'Ève ni d'Adam, comment nous l'aurons. C'est le 8 février qu'il me confirme qu'on ne l'aura pas. C'est aussi le 8 février que j'ai parlé à Me Boivin. Je vous ai dit la teneur de notre conversation. C'est aussi le 8 février, avant l'appel téléphonique de Me Boivin, que j'avais eu un appel téléphonique de Me Gadbois, disant que ce n'était peut-être pas une chose absolument nécessaire, qu'on n'avait peut-être pas les pieds dans le ciment sur cette question. Ce qui ne me surprenait pas dans un sens, parce que j'ai toujours pensé dans mon for intérieur que cet aveu du syndicat américain, on ne l'aurait jamais obtenu. Mais

cela, c'est une impression purement personnelle.

M. Doyon: Est-ce que je me trompe en affirmant que la possibilité d'obtenir un règlement sans aveu de responsabilité du syndicat américain, ce qui fut le cas par après, est devenue une chose réalisable après que vous ayez eu l'occasion d'informer M. Jean-Roch Boivin que le syndicat américain ne voulait d'aucune façon, comme vous le dites vous-même, ni d'Adam ni d'Ève, reconnaître sa responsabilité? Est-ce que cette possibilité d'acceptation de règlement sans aveu de responsabilité de la part du syndicat américain se situe dans le temps après la rencontre et la conversation téléphonique avec M. Jean-Roch Boivin?

M. Aquin: Vous faites une interprétation que je n'ai pas à discuter, mais si vous me permettez, je ne veux pas être long, de reprendre rapidement la marche des choses, vous pourrez faire les déductions que vous désirez. Le 7 février, je rencontre M. Beaulé, on parle du chiffre, mais on parle aussi de l'aveu de responsabilité des syndicats américains. Il me dit que, selon lui, c'est totalement impossible et qu'il va vérifier quand même avec ses clients - je laisse de côté la question d'argent. Le 8 février, M. Boivin me téléphone et me dit: Je comprends que le conseil d'administration demande l'aveu du syndicat américain. Il a l'air surpris. Je pense qu'il a eu une conversation avec M. Beaulé, mais je ne suis pas là pour parler pour eux et je pense qu'il est surpris parce qu'il est peut-être comme moi, pensant qu'on ouvre la première ronde de négociations en demandant quelque chose qui est peut-être plus difficile que l'argent avec le syndicat américain. C'est la seule teneur de ma conversation téléphonique. Je ne voudrais pas aller plus loin. Je téléphone à Me Gadbois, parce que depuis que j'ai reçu le document et depuis que j'ai vu Me Beaulé la veille, je pense qu'on est dans une impasse. Me Gadbois me dit qu'en effet, il pense bien que cette question de l'aveu du syndicat américain pourrait être révisée ou revue.

M. Doyon: À quel moment, M. Aquin? M. Aquin: C'est le 8. M. Doyon: Le 8 février.

M. Aquin: Je reçois un appel téléphonique de Me Boivin et je continue ma journée, mais je sais que ce sera le problème de la journée, parce que M. Beaulé m'a dit qu'il téléphonait aux États-Unis et qu'il attendait sa réponse aujourd'hui le 8 février. Je crois savoir ce que sera sa réponse parce que, comme je vous le dis, c'est une impression personnelle, mais j'ai l'impression, à ce moment-là, que ce sera non. Je téléphone de nouveau à Me Gadbois pour lui dire ce qui se passe. À la fin de l'après-midi, Me Beaulé me rappelle pour dire qu'il a eu la réponse du syndicat américain et qu'il a une réponse négative. Je fais rapport à Me Gadbois verbalement. Le 9 février, je ne suis pas au bureau. Le 12 février, on a notre rapport écrit dans lequel nous vous mentionnons cette chose.

M. Doyon: Plus spécifiquement, quand apprenez-vous de façon autorisée de la SEBJ, soit par le président, M. Laliberté, soit par M. Gadbois, soit par le président du conseil d'administration, M. Saulnier, en tout cas, d'une personne autorisée qu'un règlement sans aveu de responsabilité par le syndicat américain est concevable? (11 h 30)

M. Aquin: Pour ma part, je dois vous dire qu'on a fait notre rapport le 12 pour dire qu'on n'avait pas réussi sur ce point. Comme je le disais dans mon témoignage, il y a eu une longue pause. Nous attendions la réponse du conseil d'administration. Elle va nous revenir à un moment où je ne suis plus là - je laisserai parler M. Cardinal - dans le nouveau mandat qui nous est donné, le 21 février, qui est à la page 111. Là, je ne pense plus qu'on parle de cet aveu de responsabilité. J'aime autant que Me Cardinal s'exprime sur cette question.

M. Cardinal: Le 20 février, Michel Jetté et moi allons au conseil d'administration où tout se discute en notre présence et, j'imagine, quand nous ne sommes plus là. Si vous remarquez, le 21 février, à la page 111 de notre recueil, on nous dit encore de proposer aux procureurs des défendeurs dans la cause ci-haut mentionnée les termes d'un règlement hors cour de ladite cause sur la base d'une reconnaissance par tous les défendeurs de leurs responsabilités. Même à ce moment-là, le 21 février, on nous demande encore qu'il y ait la reconnaissance de la responsabilité de la part des syndicats, y compris le syndicat américain.

À un moment donné, en cours de route, il paraît que le conseil d'administration change d'idée. Notre dernière lettre est du 27 février, c'est la veille de mon départ... Le 27 février, on réitère que des unions sont prêtes à admettre leur responsabilité et le fait que le syndicat américain n'est pas prêt à admettre la sienne. Je donne mon rapport le 27 février et je m'en vais. Lorsque je reviens, c'est réglé. C'est clair que, à un moment donné, le conseil d'administration ne veut plus régler sans accepter cette reconnaissance de la responsabilité. Même le 21 février, notre dernière instruction par écrit est encore d'avoir l'acceptation de tout

le monde.

M. Doyon: M. Cardinal, M. Aquin ou M. Jetté, on connaît les arguments qui ont été mis de l'avant par Me Beaulé qui visaient à vous expliquer, à vous faire valoir son point de vue en ce sens qu'un aveu de responsabilité était quelque chose qu'il ne pouvait absolument pas donner pour les raisons que vous avez eu l'occasion d'expliquer. Quand vous avez mentionné cela à M. Jean-Roch Boivin et que vous l'avez informé, en même temps, que le syndicat américain se refusait de reconnaître sa responsabilité, est-ce que le chef de cabinet du premier ministre, M. Boivin, vous a fait valoir des arguments en faveur de la non-nécessité d'obtenir cet aveu de responsabilité de la part du syndicat américain?

M. Cardinal: Pour ma part, sur le plan juridique, Jean-Roch Boivin n'a jamais discuté avec moi des opinions que nous avions données. Pour ce qui est du reste, à savoir si cela se réglerait d'une façon ou d'une autre, vraiment, je ne le sais pas. Mais, sur le plan juridique, il n'a jamais discuté de la valeur des opinions qu'on donnait assez souvent dans ce temps-là.

M. Doyon: Sans discuter sur le plan juridique des arguments qui pouvaient être avancés de part et d'autre sur ce point particulier, M. Jean-Roch Boivin vous a-t-il dit ou vous a-t-il fait percevoir, d'une façon ou d'une autre, son idée sur cette nécessité ou non-nécessité d'avoir, dans le règlement, un aveu de responsabilité du syndicat américain?

M. Cardinal: Je pense que M. Boivin savait deux choses. Premièrement, nous persistions, nous, à dire qu'il y avait une cause contre le syndicat américain sur le plan juridique. Deuxièmement, M. Beaulé avait dit à tout le monde que non, le syndicat américain n'accepterait pas d'admettre sa responsabilité. Ce sont des faits qu'il connaissait. Qu'est-ce qu'il en a fait? Je ne le sais pas.

M. Doyon: Selon votre compréhension des choses dans les conversations ou les entretiens que vous avez pu avoir avec M. Boivin, plus particulièrement sur ce sujet, est-ce que vous pouvez informer cette commission à savoir si M. Boivin avait une idée personnelle qu'il vous aurait exprimée d'une façon ou d'une autre sur cette reconnaissance de responsabilité par le syndicat américain?

M. Aquin: À ma connaissance, je ne veux pas parler pour autrui, dans d'autres circonstances, j'ai parlé à M. Boivin une fois au téléphone et je l'ai rencontré une fois.

Cette question de l'aveu de responsabilité n'est évoquée que dans l'appel téléphonique du 8 février. Dans l'appel téléphonique du 8 février M. Boivin me dit: "Est-il exact que vous exigez maintenant un aveu de responsabilité du syndicat américain?" Je lui ai dit oui. Je pense qu'il en avait été informé par M. Beaulé. Sur cela, je ne veux pas parler pour autrui. Cela se termine là. Je ne dis pas que cela est bien ou non. Il a l'air surpris.

M. Doyon: II a l'air surpris.

M. Aquin: Comme je vous le dis, moi aussi de mon côté, j'avais l'air surpris. On n'a pas communiqué les causes de nos surprises. Je ne sais pas du tout si M. Boivin avait la même perception que moi de la difficulté ou non d'obtenir un aveu du syndicat américain. Il ne m'en a pas parlé. J'en avais parlé longuement avec Me Beaulé. Il a répété que c'était, selon lui, totalement impossible.

M. Doyon: Est-ce que lors du lunch que vous avez eu avec Me Boivin le 2 février 1979, auquel lunch Me Cardinal assistait si je ne me trompe pas, il s'est enquis d'une façon ou d'une autre, ou si vous, vous avez donné votre idée sur le sentiment du conseil d'administration, à ce moment précis, concernant un règlement éventuel des procédures qui étaient en cours?

M. Aquin: On va peut-être avoir des versions un peu contradictoires Me Cardinal et moi parce qu'on n'en reparle plus parce qu'on ne veut pas se mélanger. C'est que M. Boivin nous a dit: Hier, le premier ministre a rencontré les trois présidents: MM. Saulnier, Laliberté et Boyd. Il a dit vous allez recevoir des lettres des procureurs.

J'ai eu l'impression, je pense que M. Cardinal avait eu plus d'information que moi, qu'il y avait eu un consensus la veille. Quand j'ai écouté la preuve ici, je me suis aperçu que mes impressions n'avaient peut-être pas été tout à fait exactes. C'est pour dire qu'il ne nous a pas communiqué autre chose sur ce qui était arrivé à cette réunion. Il n'a pas parlé non plus du conseil d'administration.

M. Doyon: Alors, ce que vous nous dites Me Aquin...

Le Président (M. Jolivet): ...un instant, je pense que Me Aquin...

M. Aquin: ...non, non...

M. Doyon: ...c'est pour continuer là-dessus...

Le Président (M. Jolivet): ...cela va.

Allez-y.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Vous dites M. Aquin que vous aviez l'impression qu'il y avait un consensus à l'intérieur du conseil d'administration.

M. Aquin: Le conseil d'administration nous avait dit - cela c'est une interprétation purement personnelle - hier, le premier ministre a rencontré MM. Saulnier, Laliberté et Boyd et puis vous allez recevoir un rapport de Me Jasmin et un de Me Beaulé. J'ai peut-être été trop hâtif. J'ai pensé qu'à ce moment, tout le monde était d'accord lors de la rencontre de la veille. C'est tout simplement ce que je veux dire. Je ne parle pas pour Me Cardinal qui a eu un autre son de cloche.

M. Doyon: Je comprends bien cela mais pour en revenir, est-ce que vous, Me Aquin, le 2 février 1979, vous aviez une idée formée concernant la façon que le conseil d'administration voyait les choses à ce moment précis?

M. Aquin: La seule idée que je pouvais avoir, parce que nous n'avions aucun contact avec le conseil d'administration, c'était l'idée de la rencontre que j'avais eue le 9 janvier ou par les questions qui étaient posées. Il serait très difficile d'établir qui posait quelle question. Par les questions qui étaient posées, je sentais manifestement deux tendances.

M. Ooyon: Un tiraillement. Est-ce que c'était...

M. Aquin: ...et par la suite quand je voyais les mandats qu'on recevait du conseil, je pensais y revoir un caractère évolutif.

M. Doyon: Est-ce que cette impresssion que vous aviez gardée de la réunion du 9 janvier, à l'occasion du lunch que vous avez eu avec Me Boivin, vous lui avez fait part? Avez-vous dit à Me Boivin comment vous aviez perçu l'attitude du conseil d'administration?

M. Aquin: Je pense vraiment que non. Ce n'était vraiment plus mon propos rendu au 2 février.

M. Doyon: Me Cardinal, si je comprends bien, vous avez peut-être quelque chose à ajouter là-dessus?

M. Cardinal: Je pense que j'avais fait plus de contacts personnels avec le conseil d'administration. Il y avait des gens là-dessus, comme M. Boyd, que je connaissais depuis toujours. Je savais peut-être plus que M. François Aquin qu'il y avait des gens au conseil d'administration qui étaient contre le règlement et qui voulaient continuer la poursuite comme MM. Boyd et Giroux, par exemple. Est-ce que, lors du lunch, c'est venu sur le tapis? Si c'est venu sur le tapis, c'est dans ce sens-là que M. Robert Boyd et M. Roland Giroux, pour en nommer deux que je connais très bien, ne voyaient pas ce règlement-là d'un bon oeil. Comme question de fait, je n'ai jamais été sûr que cela se réglerait tant qu'on n'a pas reçu des instructions et tant que je ne l'ai pas appris. Pour autant que je suis concerné, cela n'aurait pas été possible dans mon esprit que cela ne se règle pas.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Duhaime: M. le député de Louis-Hébert. Je ne sais pas si on appelle cela un laïus ou un lapsus, mais, dans votre question tantôt, vous avez parlé du lunch du 9 février. Je crois que vous vouliez dire le 2 février?

M. Doyon: Le 2 février. Si j'ai dit le 9, M. le Président, je m'excuse.

M. Duhaime: C'est pour les fins de notre journal, qui va nous suivre pour de longues années.

Le Président (M. Jolivet): Moi aussi, je me posais la question. La rencontre avec le conseil d'administration avait eu lieu le 9...

M. Doyon: Le 9 janvier.

Le Président (M. Jolivet): ...janvier. D'accord. C'est pour bien comprendre la discussion.

M. Doyon: C'est le lunch du 2 février.

Me Cardinal, vous avez indiqué que vous saviez, personnellement, que M. Boyd et M. Giroux étaient contre un règlement. Est-ce que vous connaissiez d'autres membres du conseil d'administration qui étaient contre aussi?

M. Cardinal: Non. À part ces deux-là, personnellement, je pense que je connaissais seulement M. Saulnier. Je ne connaissais pas les autres. Je dis cela, mais j'ai rencontré également M. Laliberté. Enfin, c'étaient les plus vieux que je connaissais le mieux parce que c'est avec eux que j'avais fait affaires avant.

M. Doyon: Sans les connaître, Me Cardinal, avez-vous appris, à un moment donné, qu'il y avait d'autres personnes que M. Giroux ou M. Boyd qui étaient ou qui seraient contre un règlement? Sans connaître personnellement les personnes qui auraient

été contre?

M. Cardinal: Je ne pense pas, non.

M. Doyon: Est-ce que cette information que vous déteniez, à savoir que M. Giroux et M. Boyd étaient contre, vous en avez discuté avec M. Boivin, à un moment donné?

M. Cardinal: Je ne pense pas, mais cela ne me surprendrait pas non plus. En fait, pour ceux qui étaient au courant de cette affaire-là, c'était une chose connue que ces deux-là ne voyaient pas d'un bon oeil un règlement.

M. Doyon: Et les raisons qui faisaient que M. Boyd et M. Giroux étaient contre vous avaient-elles été communiquées à vous, d'une façon ou d'une autre, Me Cardinal?

M. Cardinal: Au cours de cette période, je n'ai pas vu M. Roland Giroux, qui n'était pas souvent à Montréal, il me semble. Mais j'ai certainement vu M. Boyd, que je connaissais très bien. J'ai probablement dû en discuter avec lui. M. Boyd ne se cachait pas pour dire qu'il était contre le règlement.

M. Doyon: En ce qui concerne une proposition initiale de règlement de 50 000 $ qui a été refusée, d'après ce que je comprends, directement par M. Laliberté, sans qu'elle soit formellement présentée au conseil d'administration - si mes notes sont exactes, cela date du 16 janvier - est-ce que, au moment où M. Laliberté vous a fait part que cette offre était inacceptable, il vous a donné les raisons pour lesquelles il considérait cette offre inacceptable? On a déterminé tout à l'heure qu'il y avait deux éléments principaux, à l'intérieur du règlement qui, éventuellement, est intervenu, c'est-à-dire des reconnaissances de responsabilité et aussi, évidemment, l'offre financière. Premièrement, est-ce qu'il l'a faite, oui ou non? Et, deuxièmement, si c'est oui, quelles raisons ont été invoquées par M. Laliberté pour refuser immédiatement le règlement de 50 000 $?

M. Cardinal: Je me souviens que M. Laliberté avait dit que c'était inacceptable. Il n'a pas été plus loin. Mais si je fais une déduction par le reste de la conversation, je pense que le texte de la proposition était considéré comme inacceptable et le montant aussi. Il nous a dit ensuite d'écouter - et cela, je pense que ça concernait le montant. Il nous a dit de préparer un texte qui lui serait acceptable et qui serait le texte de tout le monde aussi, et, à ce moment-là, cela implique, selon moi, qu'il n'était pas satisfait du texte de la proposition.

M. Doyon: Et pour vous demander de préparer un texte qui répondrait aux exigences de la société, est-ce qu'il vous a donné des indications sur ce qu'étaient, à ce moment-là, ces exigences?

M. Cardinal: Sur le texte?

M. Doyon: Sur le texte, oui. (11 h 45)

M. Aquin: Non, à mon souvenir, il m'a dit qu'il faudrait préparer un texte qui ferait que, si le syndicat voulait faire une proposition sous-entendue ou même claire pour le conseil d'administration qui se réunissait la semaine suivante, c'est-à-dire la semaine du 23, cela prenait un texte qui soit acceptable à la SEBJ et à toutes les parties. Après cela, la conversation que j'ai eue avec Me Gadbois, le lendemain, dans la préparation du texte, où nous avons décidé des tenants et aboutissants, je vous ai dit comment j'avais procédé. La première personne à qui j'ai téléphoné, pour savoir si c'était dans les paramètres de ce qu'il souhaitait, c'est à Me Gadbois. Je n'ai pas eu de détails de la part de M. Laliberté sur cette question.

M. Doyon: Si je comprends bien, le texte de règlement multilatéral que vous nous avez présenté - vous nous avez expliqué comment vous aviez procédé - a été préparé, premièrement, à la suite du refus de M. Laliberté d'accepter l'offre de 50 000 $ et des instructions de sa part d'avoir à préparer un texte qui serait acceptable à tout le monde ainsi que les détails sur ce que serait un texte acceptable, en ce qui concerne la SEBJ, bien sûr, vous sont venus peu de temps après, le lendemain ou le surlendemain, de la part de Me Gadbois.

M. Aquin: Je ne veux pas vous contredire, mais, en fait, ils viennent passablement de moi, dans un certain sens. Une fois que j'ai pensé, le lendemain 18, que la meilleure formule était une formule multilatérale, j'ai pris le texte de Me Jasmin, pour eux et j'ai - Me Jasmin a parlé pour les autres - ensuite pris grosso modo son texte. Je n'y ai pas changé grand-chose. Quand je vous disais, tout à l'heure, qu'il avait trouvé son texte inacceptable, je suis peut-être allé trop loin parce que j'ai pris son texte presque mot à mot.

Ensuite, il m'a dit ce que les autres admettraient. La seule chose qui venait de nous était ce que la SEBJ dirait. Là, j'ai été obligé d'extrapoler. Je me disais que je faisais le cadre dans lequel on allait nous faire une offre. Si notre cliente accepte - la SEBJ - j'imagine qu'elle va dire ce que sont les motifs qui l'amènent à régler. Les motifs qui l'auraient amenée à régler, je faisais référence aux discussions qu'il y avait eu entre Me Jasmin et M. Laliberté sur les

dimensions sociales et internationales. J'en ai parlé à M. Gadbois et il m'a dit de lui envoyer cela et qu'il verrait si, dans la perspective ultime d'un règlement, ce sont des propositions qui seraient acceptables à la SEBJ. Je n'ai pas eu beaucoup de succès parce que c'est le bout qui a été continuellement taillé par nos clients, par la suite, de telle manière qu'il n'en reste que la moitié.

M. Doyon: Cette préparation de la formule multilatérale, M. Aquin, s'est donc faite sans beaucoup de jalons, si je comprends bien.

M. Aquin: Peu. Parce que j'ai proposé un texte aux clients en me disant que si le client veut régler - j'ai toujours dit que les avocats sont là pour donner des opinions, préparer des causes, essayer de les gagner et que les clients décident s'ils vont les régler ou non - comme disait Me Cardinal, ce n'était sûrement pas une question d'argent au point où on en était. On n'a pas commencé à négocier à 30 000 000 $ pour finir à 200 000 $. Dans la rencontre avec M. Jasmin, les dimensions internationales et sociales avaient beaucoup été invoquées par Me Jasmin. J'ai dit que si le client veut régler, ce sont probablement deux dimensions qu'il voudra mettre dans son texte. Mais je parle en mon nom personnel. La preuve, c'est que le client, par la suite, a enlevé la plupart de ces choses de mon texte. Mais M. Gadbois était d'accord sur mon texte parce que, quand je l'ai fait, le 18, je le lui ai envoyé et il l'a corrigé. Je l'ai remis ensuite aux procureurs des parties syndicales.

M. Doyon: Pour revenir à un autre élément, M. Aquin, on fait état ici - M. Jetté, plus particulièrement - des longueurs et des coûts engagés dans des procédures d'exemplification, c'est-à-dire pour obtenir un jugement qui serait exécutoire aux États-Unis à la suite d'un jugement final obtenu dans la province de Québec. Est-ce qu'on peut dire, concernant ces procédures d'exemplification, premièrement, que ces procédures sont beaucoup moins coûteuses qu'un véritable procès, étant donné que le procès, dans ce cas-là, ne porte que sur le jugement et la façon dont il a été obtenu au Québec. Est-ce que je m'avance trop en disant que ce n'est pas du tout le même genre de procès et que les procédures sont moins longues et moins coûteuses que si on recommence de A à Z une preuve avec audition des témoins, etc.?

M. Jetté: S'il s'agit véritablement d'une action en exemplification, on n'a pas à rouvrir le débat à son mérite. C'est certain que cela n'impliquait pas le même genre de preuve que celui qu'on devait faire devant les tribunaux de la province de Québec.

M. Doyon: Par conséquent, cela n'impliquait pas non plus le même genre de coûts.

M. Jetté: Non, mais cela aurait été tout de même coûteux; je présume que les Américains auraient fait flèche de tout bois. Alors, ils n'auraient rien négligé, j'imagine qu'ils auraient attaqué sur la base des questions de juridiction, etc. Il aurait pu y avoir une foule d'incidents, présumément. On ne peut peut-être pas parler d'une enquête de la même ampleur que celle qui aurait eu lieu ici pour débattre la responsabilité du syndicat américain en supposant, bien sûr, qu'une action en exemplification devait être recevable là-bas. Pour être réaliste, je présume que cela impliquait des coûts assez considérables. Ces gens ne se seraient pas laissé condamner par défaut.

M. Cardinal: Je pense que vous avez raison, M. le député: ce sont les frais d'enquête qui n'auraient pas été là, cela aurait été naturellement moins coûteux.

M. Doyon; C'est cela. Il me revient à la mémoire que lors du début des procédures quand on a voté les 500 000 $ en 1978, on parlait d'un procès de six mois avec audition de témoins etc. et c'était cela qui prenait beaucoup de temps et qui retenait en cour trois ou quatre avocats de votre bureau, pour les six prochains mois d'après ce que vous aviez pu évaluer à ce moment. Ce que je voulais savoir de Me Jetté...? Je comprends que les procureurs américains auraient contesté et auraient pris tous les moyens à leur disposition, et on doit reconnaître - si je me trompe, je suis sûr que vous allez me reprendre - qu'on n'était pas dans un cas semblable, devant une cause qui aurait duré six mois avec audition de témoins. C'est difficile de faire une évaluation précise, mais ce n'était pas le même genre de procès qui s'entamait, c'est le moins qu'on puisse dire, aux États-Unis que ce qui se serait passé dans la province de Québec.

M. Jetté: Je pense que vous avez raison.

M. Doyon: À quelques reprises on a fait état, en ce qui concerne l'obtention d'un jugement éventuel contre les syndicats québécois, du fait que cela aurait mis la société dans une situation possiblement difficile en ce qui concerne l'exécution de ces jugements. C'est mon collègue de Vimont qui a fait valoir qu'on pouvait modifier assez facilement - c'était son appréciation - les syndicats de façon que les personnes qui en faisaient partie soient transférées d'un organisme à l'autre, ce qui laissait un syndicat condamné avec finalement peu ou pas de membres éventuellement pour payer

un jugement obtenu contre ce syndicat particulier. Ma question est la suivante: Est-ce que, dans un cas semblable, on n'est pas dans une situation identique quand on poursuit un individu qui, à la suite de l'obtention d'un jugement contre lui, peut aujourd'hui pour demain déclarer une faillite personnelle, ce qui met les détenteurs du jugement dans une situation semblable, à toutes fins utiles? Je comprends que la comparaison est boiteuse, elles le sont toutes vis-à-vis d'un individu contre qui on obtient un jugement. Il a toujours la possibilité de déclarer faillite et à ce moment, se mettre dans une situation où il ne pourra pas payer le jugement qui a été obtenu contre lui, de la même façon qu'un syndicat se voit vidé volontairement de ses membres, comme le faisait hypothétiquement mon collègue de Vimont. Il ne pourrait pas, faute de contribution, satisfaire un jugement obtenu contre lui.

M. Jetté: C'est exact qu'il y a toujours des aléas au plan du recouvrement. Un débiteur qui se voit frappé par un jugement pour une somme substantielle fait parfois faillite ou disparaît; cela arrive.

M. Doyon: Vous êtes des avocats d'expérience, malgré tout cela, normalement, quand le client a une bonne cause, comme vous avez identifié cette cause, ce n'est pas une raison suffisante pour abandonner les poursuites devant cette menace toujours présente d'une faillite d'une personne qui serait trouvée irresponsable civilement.

Le Président (M. Jolivet): Me Jetté, avant que vous répondiez, en faisant toujours la même réserve, je dis...

M. Jetté: J'allais simplement dire que chaque cas est vraiment un cas d'espèce. Il est impossible d'affirmer un principe général, et ici c'est certain. On ne se trouvait pas devant une situation standard. Je pense bien qu'il n'est pas possible d'affirmer de principe. Chaque cas doit être analysé suivant les circonstances de l'espèce.

M. Doyon: Alors, je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Ce n'est pas une question trop longue, M. le Président. C'est que depuis le début on tourne autour du pot. Personne ne vous pose la vraie question qui devrait être posée ici autour de la table.

M. Cardinal: ...la question...

M. Laplante: Vous faites partie d'une grande maison, tel que vous l'avez dit au début, la maison Geoffrion, une des plus vieilles maisons du Québec, pour qui le député de Marguerite-Bourgeoys a travaillé et qui est un ancien collègue à vous. Je vous pose la question très directement: Avez-vous le sentiment d'avoir été manipulés et d'avoir été forcé de conclure un règlement de 200 000 $ dans le saccage de la Baie-James? J'aimerais que chacun de vous, Mes Aquin, Cardinal et Jetté, puissiez répondre à cette question. C'est à cette question que les auditeurs s'attendent d'avoir une réponse.

M. Aquin: Ce n'est pas nous qui avons conclu un règlement. Nous avons été les exécutants dans la conclusion d'un règlement et, ce faisant, nous n'avons pas senti que nous étions manipulés ni forcés par qui que ce soit.

M. Laplante: Me Cardinal?

M. Cardinal: C'est ma réponse aussi.

M. Laplante: Me Jetté?

M. Jetté: La décision revenait à notre cliente. Nous n'avons pas à la juger. Nous n'avons certainement pas été manipulés au niveau du travail que nous avons eu à exécuter pour le bénéfice de la SEBJ.

M. Laplante: J'espère que le député de Marguerite-Bourgeoys, qui est un de vos collègues, pourra prendre votre parole, vous qui êtes sous serment à ce moment-ci. Je vous remercie, messieurs.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, j'aurais deux petits points à éclaircir avec la collaboration, entre autres, de Me Aquin. On a établi... ce sont les propos de Me Cardinal qui permettent de l'établir. Je pense que, pour le moins, Geoffrion et Prud'homme est un bon bureau d'avocats. Je pense qu'on a établi également - c'est la collaboration de Me Jetté ainsi que de Me Cardinal qui nous a permis de le faire - qu'on avait une bonne cause.

Le procès commence le 15 janvier 1979. Le mandat que votre bureau détient de ses clients est de plaider et, sous la réserve qu'a faite Me Cardinal, d'écouter les offres des syndicats. Je dis "sous la réserve", parce que Me Cardinal a dit: Quand un avocat écoute, c'est bien dur de l'empêcher de parler. C'est la réserve que je fais à ce point.

Donc, on est le 15 janvier 1979. La liste des visites au bureau du premier ministre, qui nous a été remise par le bureau du premier ministre, nous indique que le 15,

la journée de l'ouverture du procès, le 16, le 17, le 19 janvier, dans cette semaine, chaque jour il y a eu des visites, soit de Me Beaulé, soit de Me Jasmin, au bureau de M. Jean-Roch Boivin, qui est le chef de cabinet du premier ministre, ainsi qu'au bureau de Me Yves "Ti-Lou" Gauthier, qui est l'attaché politique au bureau du premier ministre. Me Jetté nous a également dit sous serment: On n'avait pas eu l'occasion d'entendre la preuve de l'autre côté, mais notre preuve allait bien. Ce n'était pas décourageant comme première semaine de procès. Au contraire, cela nous rendait optimistes.

Vous avez été prévenu, vers la fin de janvier - suivant votre témoignage, vous avez été dans l'impossibilité, même en fouillant votre mémoire, de mettre une date exacte -vous avez été prévenu par Me Jasmin et Me Beaulé qu'ils avaient des rencontres au bureau du premier ministre et, à partir du journal des Débats, Me Beaulé vous aurait même dit ce qui suit: II est plus normal, entre avocats, de vous prévenir que nous avons eu des contacts avec le bureau du premier ministre, que nous avons vu des gens au bureau du premier ministre. Cela ressort de votre témoignage, vous en conviendrez, Me Aquin.

Et votre sentiment à ce moment - je reviens également à la transcription - vous avez dit: Dans un processus de travail avec d'autres avocats, je trouve très déstabilisant ce genre d'information. Je voulais savoir si c'était exact, c'est-à-dire qu'il semblait y avoir une volonté, un souhait politique que cette question se règle, que la cause se règle. (12 heures)

Pour vérifier cela, vous avez alors communiqué, et là on est à la fin de janvier 1979, avec Me Yves Gauthier, adjoint politique au bureau du premier ministre que vous connaissiez plus intimement que les autres membres du cabinet du premier ministre. Là, je vous recite encore, c'est vous qui l'avez appelé à son bureau, pour savoir si ce que vos adversaires, c'est-à-dire le procureur de l'union internationale, Me Rosaire Beaulé, et le procureur des syndicats québécois, Me Jasmin, vous avaient dit était un fait avéré ou strictement un "bluff". C'est l'expression que vous avez utilisée. À ce moment-là, suivant votre témoignage, Me Gauthier vous a dit: Je passe dans le coin de votre résidence ce soir, j'arrête vous expliquer ce qui en est. À l'occasion de cette visite, il vous fait part du souhait du premier ministre. On est toujours à la fin de janvier.

Le 2 février 1979, début du mois qui suit, Me Jean-Roch Boivin, suivant les témoignages que vous avez rendus, appelle Me Cardinal du bureau de Mes Geoffrion et Prud'homme. Il vous invite à manger tous les deux, Me Aquin et Me Cardinal. Sans vouloir faire de publicité, vous avez appelé à un bon restaurant Le Piémontais. Il vous informe, suivant votre témoignage, à l'occasion de cette réunion, de la réunion de la veille que le premier ministre du Québec, M. René Lévesque, avait eue dans son bureau avec MM. Lucien Saulnier, Robert Boyd et M. Laliberté, P.-D.G. de la Société d'énergie de la Baie James. Il ajoute, toujours suivant votre témoignage, que Me Jasmin, le procureur du syndicat américain, un de vos adversaires, excusez-moi, le procureur des syndicats québécois, ainsi que Me Beaulé, lui, procureur du syndicat américain, qu'ils doivent vous faire rapport sur les difficultés de recouvrement des sommes d'argent, ainsi que sur la solvabilité des syndicats québécois.

Toujours à l'occasion du même lunch au Piémontais, il vous dit, suivant le témoignage que vous avez rendu: Si vous faites quelque chose, ne vous accrochez pas uniquement à des papiers ou à des textes de transaction. À partir du moment où vous avez été informé par Me Jasmin et Me Beaulé, vos deux adversaires qui représentaient les syndicats, que ces gens avaient des rencontres avec les gens du bureau du PM - parce que là on avait une grosse cause dans les mains, c'étaient 32 000 000 $ et il y avait une vingtaine de millions déjà de pas mal établis en cour - vous avez voulu savoir si c'était un "bluff" ou si c'était un fait avéré. Au cours des jours qui ont suivi, Me Yves "Ti-Lou" Gauthier, conseiller spécial du premier ministre, vous a dit à votre résidence, ce n'est pas un "bluff". Autrement dit, il vous a confirmé les propos de Me Jasmin et de Me Beaulé, les procureurs des syndicats.

Le 2 février, quelques jours après, dans un restaurant à Montréal, le chef de cabinet du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin, vous dit: Écoutez, ce n'est pas un "bluff", on les rencontre. Autrement dit, il vous confirme: Vous avez "callé" le "bluff" pour savoir si c'était un fait avéré. Il vous dit: Non, ce n'est pas un "bluff", des rencontres ont lieu. Vous êtes également mis au courant que le premier ministre lui-même a rencontré des administrateurs de la SEBJ, soit M. Saulnier, M. Boyd et M. Laliberté, pour leur dire qu'il souhaiterait que cela se règle et que la cause soit abandonnée. Vous étiez donc dans une position où vous avez demandé à votre adversaire, c'est-à-dire que vous avez vérifié le "bluff callé" par votre adversaire et vous vous êtes rendu compte que c'était bien vrai que le premier ministre était au courant et qu'il souhaitait un règlement, que son chef de cabinet était au courant et qu'il souhaitait un règlement et que son attaché politique était au courant et qu'il souhaitait un règlement.

Vu qu'on parle de "bluff", cela m'a amené la question suivante: Vous aviez une grosse mise maximale de 32 000 000 $; il y avait déjà une vingtaine de millions de

dollars qui étaient sur la table, si on jouait aux cartes, et là, votre adversaire vous dit: Moi, j'ai tous les as, j'ai même des jokers et des valets frimés. Et vous voyez que votre adversaire, ce qu'on appelle en terme de poker, il a une "straight flush royal". Qu'est-ce que cela vous laissait comme cartes pour négocier?

M. Aquin: La question est assez longue. Vous me permettrez d'en reprendre certains éléments. Le premier élément a trait aux événements de janvier quand surtout M. Beaulé et peut-être aussi M. Jasmin - mais c'est surtout M. Beaulé - m'a dit avoir eu des rencontres au bureau du premier ministre et avoir rencontré Jean-Roch Boivin. Il m'a aussi dit qu'il y avait, semble-t-il, un souhait, un désir gouvernemental que cela se règle. Il ne faisait pas du tout référence aux visites, que je n'ai connues que par les journaux depuis quelques semaines, du 15, 16 ou 17 janvier. C'est...

M. Paradis: Si Me Aquin permet une question à ce moment-là?

M. Aquin: Oui.

M. Paradis: C'est parce que je...

M. Aquin: Si vous me permettez, seulement un instant. Vous questionnerez vous-même Me Beaulé, il est arrivé la semaine dernière. Je pense qu'il l'a répété la semaine dernière. Il a toujours pensé que notre bureau avait abusivement poursuivi le syndicat américain. Il m'a dit dès décembre que notre poursuite contre le syndicat américain était abusive, que c'était un coup de force, qu'on n'a pas pensé que, en droit, ce n'était pas fondé, qu'il y avait des dimensions sociales, internationales, etc. C'est à ce moment-là que l'idée se dégage chez moi, lorsqu'il me dit - est-ce en décembre ou au début de janvier? - qu'il a eu un contact au bureau du premier ministre et qu'il y aurait un souhait gouvernemental. Mais je ne savais pas qu'il y avait eu plusieurs rencontres. Je l'ai appris il y a un mois. Ce que vous avez dit est exact, en mettant côte à côte des faits dont vous avez la preuve. Mais, ce que je savais à l'époque, c'est qu'il y avait peut-être eu une rencontre. Je ne le sais pas. Je sais qu'il y en a eu une, il me l'a dit. Je sais qu'il m'a dit qu'il y aurait un souhait du premier ministre. Cela, je veux le vérifier. Je ne contredis pas ce que vous avez dit, vous ferez vous-même les déductions de la preuve qui est devant vous. Je ne savais pas qu'il y avait des rencontres en janvier au bureau du premier ministre avec les personnes que vous avez mentionnées. Cela, c'était sur les événements de janvier. Ce que je voulais vérifier avec vous, c'est ceci: On parle des rencontres au bureau du premier ministre; dans mon esprit, il n'y en avait peut-être eu qu'une seule.

M. Paradis: D'accord. Vous saviez, d'abord, qu'il y avait au moins eu une rencontre de vos adversaires au bureau du premier ministre...

M. Aquin: Et je savais que...

M. Paradis: ...et vous vous demandiez si cette histoire était un "bluff"?

M. Aquin: Ce n'était pas cette rencontre qui me frappait, c'est qu'on me disait: II y a un souhait gouvernemental voulant que cela se règle. C'est cela que je voulais vérifier.

M. Paradis: D'accord.

M. Aquin: Là, je vérifie avec Me Gauthier en janvier. Vous me diriez que je l'ai vérifié à la toute fin de décembre, ce ne serait pas une impossibilité, mais je crois que c'est plutôt en janvier. Je suis pas mal sûr que c'est en janvier. Je n'ai aucun registre me confirmant cette date. Ensuite, vous évoquez le fait que, le 2 février, nous rencontrons Me Boivin. Là, il nous dit, d'une façon beaucoup plus officielle que Me Gauthier - d'ailleurs, je lui ai demandé si la conversation était officieuse: Non, c'est clair - qu'il y a eu une rencontre la veille et que le premier ministre a manifesté son désir aux trois présidents.

Je reviens donc à votre question: Dans quelle position étions-nous pour négocier? Là, il se passe deux choses. Nous sommes, comme avocats, des gladiateurs engagés pour la guerre. M. Jetté pourra vous le confirmer, on ne ralentit notre preuve d'aucune façon. On y va au fond. On est là pour une cause. Si nos clients veulent régler, ils nous diront dans quelle mesure et on essaiera d'avoir ce qu'ils nous demandent. Alors, dans quelle position étions-nous? On était dans la position d'avoir reçu deux mandats: un, le 7 février - je vous ai expliqué, dans une première ronde de négociations, comment on a essayé de le rencontrer - et l'autre, le 21 février, deuxième ronde de négociations dont M. Cardinal a eu la charge. La réponse que je veux donner à votre question, après avoir fait des précisions sur certains points, est celle-ci: Nous n'étions pas dans le cas de l'avocat agissant pour le client individuel qui dit: Maître, je voudrais régler, voulez-vous me sortir le meilleur de la situation? On n'a pas cela avec des grosses corporations, c'est-à-dire le client qui vous dit: Faites quelque chose. Nous autres, on a eu des mandats précis: le mandat du 7 février et le mandat du 21 février. On exécute ces mandats.

M. Paradis: Mais, rendu au 2 février, vous saviez que...

M. Aquin: ...on continue toujours notre cause à fond. Je dois vous dire, si je vous donne une impression personnelle, que, voyant les mandats que nous recevions du conseil d'administration, quand je pars en vacances le 16 février je n'aurais jamais pu, si on revient au langage du jeu, parier ni sur un bord ni sur l'autre que cela se réglerait ou ne se réglerait pas. Je ne le savais pas.

M. Paradis: Le 2 février, vous aviez vérifié ce que vos adversaires vous avaient dit et le seul actionnaire de votre client, et cela vous est rapporté par Me Boivin, Me Gauthier, il y a le premier ministre, son chef de cabinet, son attaché politique. Donc vous êtes conscient du souhait ou du voeu pieux politique.

Maintenant, on s'en va au mandat - et je suis content que vous le rapportiez - que vous recevez cinq jours après cette rencontre, soit le mandat du 7 février. Textuellement, on le retrouve à la page 107 du cahier que vous nous avez distribué. Votre mandat était que "vous exploriez auprès des procureurs des défendeurs la possibilité d'un règlement hors cour de la cause ci-haut mentionnée sur la base d'une reconnaissance par tous les organismes qui sont défendeurs dans cette cause de leur responsabilité pour les dommages et du paiement à la Société d'énergie d'une somme d'argent qui pourrait lui être acceptable, le tout sous condition que les actions, etc., par les assureurs soient réglées"... en même temps.

La même journée soit le 7 février, suivant votre témoignage, Me Beaulé, le procureur des syndicats américains, et Me Jasmin, le procureur des syndicats québécois, se rendent à vos bureaux. Personnellement, Me Aquin vous négociez ou vous discutez avec Me Beaulé, et votre associé, Me Cardinal, discute avec Me Jasmin. Suivant votre témoignage, dans la discussion que vous avez eue, vous avez dit: J'ai essayé de partir de 1 000 000 $ à peu près. M. Beaulé est un négociateur dur. Il est revenu à dire 1 $ presque. Finalement, cela ne semblait pas aboutir là-dessus.

Le 8 février, il y a un appel téléphonique de M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre à vos bureaux.

Le 9 février, le lendemain, Me Cardinal, votre associé, ainsi que Me Jasmin, suivant les documents qui nous ont été remis par le bureau du premier ministre, se retrouvent au bureau du PM et, le 12 février, vous faites rapport de votre mandat.

J'ai eu l'occasion de prendre la parole précédemment dans cette commission et j'ai adressé des questions à Me Cardinal, votre associé, au niveau de la négociation en espèces. Celui-ci m'a répondu, et là je vous cite le ruban R-747 du 21 avril 1983, et c'est Me Cardinal qui parle: "J'ai entendu depuis de longues semaines, de longs jours, cet argument que nous avons eu 300 000 $, qu'on aurait dû avoir plus, qu'on aurait dû avoir moins. La question est simple: pour autant que je suis concerné, j'imagine, qu'il parlait en son nom personnel et au nom de Geoffrion et Prud'homme, pour autant que le bureau d'avocats est concerné, cette négociation n'était pas une négociation financière. On n'est pas parti de 20 000 000 $ pour se rendre à 300 000 $ en commençant par 100 000 $. Vraiment, là, il serait temps qu'on démissionne. Alors, toute cette négociation, quand on a écouté et qu'on a parlé, cela touchait toujours à des questions de principe à savoir qui admettait sa responsabilité, qui ne l'admettait pas. Par exemple, tout à coup, on nous a dit: II faudrait tout de même que vous couvriez vos frais...

Plus tard, Me Cardinal, à une question que je lui posais sur le plan financier: "Vous n'étiez nullement impliqués là-dedans?" me répond: "C'est sûr qu'on ne l'était pas."

Il ajoute: "II faut bien s'entendre. Le principe était que nos clients, avec les frais qu'il y avait sur la table, prenaient un règlement pour d'autres raisons que de l'argent..."

M. Cardinal: Si vous me le permettez, juste un instant.

M. Paradis: Oui.

M. Cardinal: Ce que j'ai voulu dire, c'est que c'était l'ordre de grandeur qui était là. Je ne veux pas dire par là que cela n'aurait pas fait mon affaire et l'affaire de mes clients d'avoir 600 000 $ au lieu de 300 000 $. Il y avait un autre ordre de grandeur tout à coup que l'ordre de grandeur du montant de l'action qui avait été prise.

M. Paradis: Cela va. Lorsque vous avez eu votre rencontre, c'est un peu dans cet ordre de grandeur qu'on se retrouvait et qu'on parlait de 1 000 000 $ à 1 $ à l'occasion de la rencontre que vous avez eue avec Me Beaulé le 7 février dans vos bureaux. (12 h 15)

M. Aquin: Ce n'est pas lui qui était descendu à 1 $. C'est M. Jasmin avant. Lui, il n'avait cependant pas beaucoup bougé. Je pense que c'est M. Jasmin, avant, qui avait baissé à 1 $.

M. Paradis: De toute façon, ils ont baissé à 1 $.

M. Aquin: Ils n'avaient pas fait un grand bout de chemin.

M. Paradis: Vous, comme avocat dans cette cause, vous aviez vérifié le "bluff" de vos adversaires. Vous vous êtes rendu compte que c'est vrai qu'il y avait un voeu pieux politique, émis par le premier ministre, transmis par son chef de cabinet, transmis par son attaché politique. Lorsque vous avez négocié, est-ce pour cela que vous avez négocié dans le paramètre que Me Cardinal vient de nous expliquer, parce que vous saviez que vous ne pouviez avoir plus à cause d'une décision politique?

M. Aquin: Non, nous avons négocié dans les paramètres du mandat qui nous a été donné dans la lettre que vous retrouvez à la page 107.

M. Paradis: Pour couvrir les frais?

M. Aquin: C'est-à-dire que c'est ça le mandat qui nous a été donné, à la page 107...

M. Paradis: Est-ce que vous avez couvert les frais dans votre négociation?

M. Aquin: Non. M. Paradis: Non.

M. Aquin: À la page 107, on nous dit: "Reconnaissance par tous les organismes qui sont défendeurs dans cette cause de leur responsabilité et du paiement à la société d'énergie d'une somme d'argent qui pourrait lui être acceptable." Là, Me Cardinal vérifie avec Me Gadbois et on parle d'à peu près 500 000 $. Ce sera plus clair dans le mandat du 21 février. Ce sur quoi je voudrais être clair, c'est que nous, dans cette cause-là, on plaide la cause. Si on avait eu des influences gouvernementales, on aurait pu ralentir la cause, essayer d'être moins bons. Ce n'est pas notre genre, on plaide jusqu'au bout. Alors, c'est une chose qu'on continue de faire; on la plaide comme si elle ne devait jamais se régler. Me Jetté sera très...

M. Paradis: Sauf le 15 janvier où vous acceptez une demande d'ajournement?

M. Aquin: Cela arrive de donner une semaine à la partie adverse pour voir s'il va y avoir une offre. Ensuite, on fonctionne à fond et on n'a pas envie d'arrêter. Quand on nous demande de fixer le cadre de référence des négociations ou de négociations éventuelles, on n'est pas du genre de ceux qui facilitent le règlement. La preuve, c'est que c'est moi qui dis: À part cela, si jamais vous réglez, vous nous devez 300 000 $. On veut être assez clair à ce sujet. Ensuite, quand le conseil nous donne le mandat de régler pour une somme qui est acceptable et que son avocat nous dit que c'est entre 400 000 $ et 500 000 $, on commence par demander 1 000 000 $; on ne l'a pas, et vous voyez comment cela se termine. Nous faisons, dans ce cas-ci - comme cela arrive, d'ailleurs, pour de très grosses corporations -des négociations; nous sommes encadrés dans un corset assez précis et assez rigoureux. Ce que M. Cardinal a dit est exact. Si on nous avait dit: On a une cause de 30 000 000 $, essayez de nous régler cela au meilleur taux, je pense qu'on ne serait pas ici, ce matin, on serait trop gêné. Cela n'a pas été une question d'ordre financier.

Quels ont été les motifs qui ont inspiré le conseil d'administration? Vous les avez écoutés. Il y en a qui ont invoqué la dimension sociale, d'autres, la dimension internationale, l'aspect socio-politique. Je ne vais pas du tout revenir là-dessus. Mais on ne les a pas rencontrés, les membres du conseil, dans ce sens-là. Ce qu'on sait, nous, de notre bout de la lunette, c'est que le conseil d'administration a l'air partagé et c'est pour cela qu'on reçoit des mandats très précis. On sait aussi qu'il y a un souhait gouvernemental. Quel est le rapport qui peut se faire entre les deux? C'est l'une des tâches de cette commission de le savoir. Vous n'avez pas encore réussi aujourd'hui, ou vous espérez tous le trouver. Mais, nous, à l'époque - quel est le rapport entre les deux? je ne sais pas s'il y a un rapport entre les deux - tout ce qu'on sait, c'est qu'on fait les tâches qui nous sont dévolues et on ne négocie que dans des paramètres très rigoureux.

Le 7, à toutes fins utiles, on nous demande d'aller chercher une somme de 500 000 $ et, le 21, on nous demande d'aller chercher une somme à peu près identique. Finalement, notre client se dit satisfait de ce que M. Cardinal fait dans son rapport du 27. C'est notre tâche. Sur le plan des plaidoiries, on est allé à fond. Sur le plan des négociations, on est allé dans les paramètres qui nous étaient fixés par notre client. On n'est pas des enfants. On se doutait qu'au conseil d'administration, il pouvait y avoir une situation évolutive. C'est pour cela qu'on avait des mandats très rigoureux.

M. Paradis: Mais vous avez quand même été mis au courant du souhait directement par le bureau du premier ministre? Ce ne sont pas strictement vos clients qui vous l'ont dit.

M. Aquin: Ah! cela. Comme je vous l'ai dit, M. Gauthier avait été prudent en disant qu'il y avait un souhait du gouvernement, mais que le conseil était partagé. M. Boivin avait été clair. Il avait dit: Hier, le premier ministre les a rencontrés. D'ailleurs, je pensais même qu'il y avait eu une plus

grande unanimité la veille que ce que j'ai appris ici.

M. Paradis: Maintenant...

M. Jetté: Si vous me permettez...

M. Paradis: Oui, Me Jetté.

M. Jetté: ...je voudrais simplement ajouter une petite précision. C'était tellement vrai qu'on était d'abord là pour plaider que j'ai... Si vous avez - comme vous l'avez sûrement fait - épluché nos comptes, vous avez vu que, même dans la semaine qui a suivi le 27 février, on a continué à se préparer. En revoyant mon dossier, je me suis aperçu que j'avais plusieurs subpoenas encore en circulation et que j'avais même établi, pour la semaine du 6 mars, un ordre de témoins.

Alors, il n'était pas du tout certain à la fin de février qu'on allait régler. En tout cas, dans mon esprit, je ne voulais pas entendre parler du règlement parce qu'il est difficile de plaider, quand on sait que tout cela ne mènera peut-être à rien. Je me tenais personnellement un peu loin des négociations et je n'aimais pas en entendre parler.

Je peux vous dire pertinemment que, même à partir du 27, et jusqu'au 6 mars, on a continué à se préparer pour continuer la bataille. Nous avions des témoins d'alignés pour les jours qui suivaient.

M. Aquin: Je suis content que M. Jetté dise cela, parce que l'autre écueil dans ces choses-là, c'est qu'à un certain moment, le client décide qu'il n'y a plus de règlement pour une raison ou pour une autre. Il vous dit: Comment se fait-il que vous ayez ralenti? Comment se fait-il que vous ne soyez plus prêts à continuer? Alors, il faut être prêt à continuer et nous l'étions.

M. Paradis: C'est pour cela que Me Jetté n'allait pas aux lunchs?

M. Aquin: Pardon?

M. Paradis: C'est pour cela que Me Jetté n'allait pas aux lunchs?

M. Jetté: Je fuyais cela.

M. Paradis: Je suis content, Me Jetté, que vous attiriez mon attention sur la facturation du mois de février. Justement, elle nous a été remise par M. Laliberté, dans un document appelé "Lettres et documents annexes transmis par la Société d'énergie de la Baie James à la commission parlementaire de l'énergie et des ressources". À la page 31, en date du 20 février 1979, date fatidique à laquelle le député de Marguerite-

Bourgeoys adresse une question au premier ministre du Québec portant sur cette affaire à laquelle le premier ministre répond, date également à laquelle il y a une rencontre avec le conseil d'administration de la SEBJ, on retrouve, comme dernier article facturé -dans un compte d'honoraires d'avocats, c'est la première fois que je vois cela, je n'en ai peut-être pas vu assez, me direz-vous vérification des dates de session à l'Assemblée nationale du Québec. Qu'est-ce que c'est?

M. Jetté: Je vais vous expliquer pourquoi c'est là. On a eu un petit problème à un moment donné - je pense que cela pouvait être à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février - devant le juge Bisson. Les médias avaient rapporté que la cause se réglait. Je pense même qu'on avait mentionné le chiffre de 125 000 $. Le juge Bisson travaille, lui aussi, comme nous. Le matin, lorsque la cause a commencé, il nous a fait la remarque suivante: J'espère que je ne suis pas en train de siéger pour une cause déjà réglée. La situation est un peu délicate, quand les médias annoncent un règlement et que les avocats et le juge travaillent là-dessus. Cet incident s'était produit et on avait dû rassurer le tribunal en lui disant qu'il n'y avait pas de règlement et qu'on poursuivait cette instance de façon normale.

De mémoire, je me rappelle que, vers cette date du 20, de nouveau les médias d'information avaient laissé entrevoir qu'il pouvait y avoir un règlement. À ce moment-là, j'étais un peu inquiet parce qu'il y avait une question de courtoisie pour le tribunal et il y avait une question de crédibilité pour nous. Je pense qu'on en avait discuté, comme cela, d'une façon très simple au bureau. Quelqu'un avait dit: J'espère qu'il n'y a pas un politicien qui va annoncer à l'Assemblée nationale que la cause est réglée pendant qu'on est en train de la plaider. Je ne me rappelle pas qui c'était, mais je m'en souviens. On avait alors demandé à quelqu'un de téléphoner ou de s'informer pour savoir si l'Assemblée nationale siégeait afin d'essayer d'éviter ou de prévoir si un politicien quelconque ne nous annoncerait pas en Chambre que cette affaire, qu'on débattait, se réglait. C'était cela. Cela a été inscrit dans le compte, parce que probablement que celui qui avait fait la vérification avait inscrit sur sa charge de temps, cette journée-là, qu'il avait fait des appels pour savoir ce qui se passait ici à Québec, à toutes fins utiles. C'est simplement l'histoire.

M. Paradis: II a dû y avoir beaucoup de nouvelles le 20 février, parce que...

M. Jetté: Oui. Il a fallu réitérer que la cause n'était pas réglée parce que je pense que c'est dans ces journées que M. Lalonde a

posé sa question, quelque chose comme cela. C'était simplement cela.

M. Paradis: Cela m'étonne parce qu'en date du 20 février - là, j'y vais de mémoire - le premier ministre a déclaré, justement en réponse à une question de M. Lalonde, le député de Marguerite-Bourgeoys, que c'était en voie de règlement et que cela allait bien.

M. Jetté: Je ne pense pas que ce soit cela qu'il ait dit. Comme je vous le dis, les détails, je ne m'en souviens pas. Je me rappelle simplement la préoccupation, à un moment précis dans le temps, d'essayer d'éviter ce qui s'était produit antérieurement, c'est-à-dire de se faire faire une remarque par le tribunal, en ce sens que c'était un peu discourtois d'apprendre par la voie des journaux qu'une cause qui se plaide est réglée. C'était bien normal.

M. Paradis: Vous m'excuserez d'y revenir, mais j'ai le journal des Débats du 20 février 1979, M. Lalonde, le député de Marguerite-Bourgeoys, ou le premier ministre, sous le titre: "Dommages causés au chantier de LG 2. M. Lalonde dit: "Or, on apprenait, il y a quelques semaines, que la Société d'énergie de la Baie James - cela faisait suite à une question qu'il avait posée le 12 février - envisageait de régler la réclamation de 32 000 000 $ pour la modique somme d'environ 125 000 $. La semaine dernière, j'ai posé des questions au ministre de la Justice, M. le Président, et vous vous souvenez que ses réponses ont fait état d'une ignorance évidente de ce dossier." C'était le cas en relisant les réponses. "Aujourd'hui, je veux poser mes questions au premier ministre - c'est M. Lalonde qui parle - Premièrement, est-il exact qu'un tel règlement est envisagé? Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau du premier ministre, en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants, qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu?"

M. Lévesque de répondre: "M. le Président, il y avait trois questions du député. Premièrement, il est exact qu'il est question d'un règlement..." C'est le 20 février en Chambre...

M. Jetté: C'est possible, vous avez le texte devant vous.

M. Paradis: "C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé." Est-ce que vous avez reçu cette information cette journée-là?

M. Jetté: Non. M. Paradis: Non.

M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: II faudrait lire toute la réponse du premier ministre. Oui, allez-y: "Deuxièmement...

M. Paradis: Si le ministre et le président insistent, je vais continuer à la lire.

M. Duhaime: Oui, c'est important.

M. Paradis: Je la reprends. On est le 20 février et, à la question du député de Marguerite-Bourgeoys, le premier ministre dit: "Premièrement, il est exact qu'il est question d'un règlement. C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé. Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie de règlement a eu lieu. Mais il y a eu une consultation au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du conseil d'administration de l'Hydro et de la Société d'énergie de la Baie James. Je crois qu'en toute bonne foi, parce qu'il s'agit de quelque chose de très important qui concerne une propriété publique, le député permettra que je donne l'arrière-plan." Là, je pourrais...

M. Dussault: C'est très intéressant.

M. Duhaime: Je peux bien le lire. Aimeriez-vous que je le lise?

M. Paradis: Le premier ministre a continué en faisant allusion, dans le paragraphe qui suit, au saccage, aux dommages de 32 000 000 $. Il a insisté sur le fait que la décision appartenait quand même, forcément... C'est mon droit de parole.

M. Duhaime: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Une question de règlement de la part du ministre. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, on fait référence à une réponse qu'a donnée le premier ministre à l'Assemblée nationale le 20 février 1979; c'est rapporté aux pages 5739 et suivantes. Il serait important de bien situer la réponse du premier ministre, puisque je pense que le député de Brome-Missisquoi a l'intention d'enchaîner avec des questions. Le grand danger de ce genre d'exercice, c'est qu'on fasse des extractions d'une déclaration qui forme un tout. On a tout le temps qu'il

faut, vous savez. Si cela vous fatigue de le lire, je peux le lire à votre place. Cela serait important que vous continuiez le paragraphe: "À la suite du saccage dont tout le monde, hélas, se souvient, il y a eu une poursuite d'intentée..." Le reste est très important pour la bonne compréhension.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le député de Gatineau ou M. le député de Brome-Missisquoi?

M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Cela serait important qu'on continue à le lire, s'il veut qu'on le lise au complet, parce qu'on apprend que le premier ministre, contrairement aux avocats, était au courant que l'aide juridique avait une responsabilité financière dans cela et qu'on pourrait finir plus déficitaire...

M. Duhaime: Oui, c'est cela.

M. Paradis: ...même si on réglait pour 300 000 $, que cela pourrait coûter plus cher. Il était au courant de tout cela et il a tout de même réglé sa cause pour... On pourrait tout faire cela.

M. Duhaime: Est-ce que vous le lisez ou si je vais demander à M. le président de me permettre de le lire?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Paradis: Je vais poser ma question. Si le ministre...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.

M. Paradis: ...veut poser d'autres questions en vertu de son droit de parole tantôt, il le fera.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. J'ai cru comprendre que le député de Gatineau voulait poser une question de règlement. (12 h 30)

M. Gratton: Tout simplement pour dire au ministre que, lorsqu'il dit que le député de Brome-Missisquoi doit bien situer la réponse du premier ministre, ce n'est pas ce que le député de Brome-Missisquoi doit faire. Le député de Brome-Missisquoi doit bien situer la question qu'il désire poser à nos invités et, si le ministre n'est pas satisfait de la situation qu'il a faite de la réponse du premier ministre le 20 février 1979, il rétablira les faits au moment où il aura la parole. Mais, présentement, c'est le député de Brome-Missisquoi qui a la parole.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, je reprends donc, pour nous situer dans le décor, une question du député de Marguerite-Bourgeoys qui se lisait comme suit: "Premièrement, est-il exact qu'un tel règlement est envisagé?" On est le 20 février, la date de la facturation. Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau du premier ministre, en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants, qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu? Enfin, dans l'affirmative, en vertu de quel principe la SEBJ renonce-t-elle ou est-elle prête à renoncer à une réclamation de 32 000 000 $ pour moins de 0,4%? Est-ce en vertu du préjugé favorable envers les travailleurs ou en fonction d'une évaluation objective des droits et des intérêts de la population dans cette réclamation?

Le président de l'Assemblée nationale dit: "M. le premier ministre." M. Lévesque (Taillon) dit: "M. le Président, il y avait trois questions du député. Premièrement - et ma question va porter là-dessus, sur le premièrement et le deuxièmement - il est exact qu'il est question d'un règlement. C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé. Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie de règlement a eu lieu. Mais il y a eu une consultation au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du conseil d'administration de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James. Je crois qu'en toute bonne foi, parce qu'il s'agit de quelque chose de très important qui concerne une propriété publique, le député permettra que je donne l'arrière-plan..." Et pendant trois ou quatre autres pages que le ministre lira tantôt, il lui donne un arrière-plan. Il lui donne un arrière-plan. Il le lira tantôt.

Ma question est: Est-ce que cela a été porté à votre connaissance lorsque vous avez fait des vérifications le 20 février 1979? C'est aussi simple que cela.

M. Jetté: Mon souvenir de la chose est que je ne suis pas certain du tout si cette demande de vérification a été faite après que ce que vous m'avez lu tantôt a été connu. Cela a pu être tôt le matin. Mon souvenir est que cela n'avait rien à voir avec cela. C'était plutôt que des médias d'information, peut-être pendant la fin de semaine, à peu près à ce moment, avaient laissé entrevoir de nouveau cette question de règlement, et cela m'avait préoccupé. D'ailleurs, je ne me souviens pas d'avoir pris connaissance, de façon bien formelle à l'époque, de ce que vous avez lu tantôt. Ma

préoccupation était ailleurs.

Ce que je voulais, c'était de ne pas poser vis-à-vis du tribunal un geste qui soit interprété comme étant discourtois et je devais aussi protéger notre crédibilité comme avocats de la demanderesse. Alors, j'étais un peu inquiet de savoir qui dirait quoi et que ce soit de nouveau porté aux oreilles de M. le juge Bisson qui était saisi de l'affaire. C'était vraiment ma seule préoccupation.

Quand cela a été fait, je me souviens que quelqu'un a téléphoné ou a fait des démarches. Qui c'était et à quel moment de la journée c'était? Je ne pourrais vraiment pas vous en dire davantage.

M. Paradis: Est-ce qu'on peut demander à vos collègues qui vous accompagnent si c'est l'un d'eux qui aurait fait ces démarches? Parce que ceux qui ont facturé à votre bureau cette journée sont Me Michel Jetté, Me Guy Prud'homme, Me Jean-Paul Cardinal, Me Gilles Guèvremont, Me José Dorais et Me Jean-Pierre Dépelteau. Donc, ce n'est pas Me Aquin. Est-ce que c'est Me...

M. Aquin: Je n'étais pas là à ce moment, mais je pense que c'est un étudiant ou... Je vais vérifier, mais je pense que c'était un étudiant qui avait facturé.

M. Jetté: Je pense que c'est un des jeunes du bureau. Mais qui était-ce? Je suis vraiment...

M. Paradis: Mais l'important est que ce que je viens de vous lire ne vous a pas été rapporté cette journée.

M. Jetté: Ce que vous m'avez lu tantôt?

M. Paradis: Ce que je viens de vous lire, oui.

M. Jetté: Non, de mémoire, cela ne m'avait pas frappé. Ma préoccupation était plutôt de savoir si les médias nous parleraient encore de règlement, d'une façon ou de l'autre. C'était simplement cela qui me préoccupait.

M. Aquin: Même si je n'étais pas là, je trouve que la déclaration de M. Jetté est fort logique parce que, s'il est exact que les médias avaient commencé à évoquer la question, peut-être que M. Jetté était à juste titre inquiet de savoir si cela arriverait en Chambre. La preuve est que c'est arrivé cette journée.

Je remarque dans notre facturation que, le lendemain, Me Jetté téléphone au juge, ce qui n'est pas dans nos habitudes parce que les juges aiment toujours être les premiers au courant de ce qui se passe dans le dossier et les avocats, à ce moment... Ce que Me Jetté évoquait tout à l'heure, quand cela avait paru à CKAC et au canal 12, c'était le 24 janvier et il avait fallu l'expliquer au tribunal le lendemain matin.

M. Paradis: D'accord. Mais lorsque vous avez téléphoné, Me Jetté, à M. le juge par courtoisie pour le tribunal et pour le tenir au courant de ce que vous possédiez comme information, il n'a pas été question - c'était le lendemain - de cette question en Chambre et de la réponse du premier ministre.

M. Jetté: L'aspect politique dans cette affaire, c'était le dernier de mes soucis. J'avais une cause à plaider et je ne voulais pas manquer de respect vis-à-vis du tribunal et, en même temps, je voulais protéger ma propre position comme avocat qui devait être là tous les jours. Alors, j'ai certainement appelé M. le juge Bisson pour lui dire: Voici, on en parle de nouveau, mais soyez assuré, M. le juge, qu'il n'y a pas de règlement et on continue la cause la semaine prochaine.

M. Paradis: Très bien, M. Jetté.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Me Jetté, on va enchaîner là-dessus. J'avoue ne pas avoir vérifié les journaux d'avant le 20 février, mais, pour vous situer, il y avait eu une question de posée également à l'Assemblée nationale, le 12 février 1979. C'est une question rapportée à la page 5573 du journal des Débats, sous la rubrique Réclamations consécutives au saccage de LG 2, à une question du député de Marguerite-Bourgeoys, M. Lalonde, au ministre de la Justice, M. Bédard. Ce ne serait pas étonnant que les journaux en aient parlé, mais j'avoue ne pas avoir vérifié. Mais cela situe très bien les propos que vous venez de rapporter.

Cependant, M. le Président, je voudrais poursuivre la lecture qu'avait si bien commencée le député de Brome-Missisquoi sur la réponse du premier ministre avant de poser une ou deux questions rattachées à cela. C'est à la page 5739 du journal des Débats du 20 février 1979. La question de M. Lalonde au premier ministre: "Dommages causés au chantier de LG 2", la question a été lue, la réponse...

M. Paradis: Elle n'a pas été lue au complet.

M. Duhaime: Oui, vous l'avez lue au complet...

M. Paradis: Non.

M. Duhaime: C'est-à-dire que vous avez

lu le premier tiers et, tantôt, en posant une autre question vous avez lu à partir de deuxièmement...

M. Paradis: Non, non. M. Duhaime: Alors...

M. Paradis: M. le Président, question de règlement.

M. Duhaime: Vous voulez que je la lise au complet?

M. Paradis: Si le ministre veut être complet.

M. Duhaime: Cela va vous coûter une question de règlement. Cela va être plus vite. M. Lalonde pose la question: "M. le Président, le 21 mars 1974, la violence éclatait sur le chantier de construction de la Baie-James dans ce qu'il a été convenu d'appeler le saccage à la Baie-James, causant des dommages considérables et forçant la fermeture du chantier pour une période de 57 jours. Par suite de ces actes, la Société d'énergie de la Baie James prenait, le 24 février 1976, une action en dommages-intérêts au montant d'environ 32 000 000 $ contre un certain nombre de syndicats et d'individus. Le procès a débuté devant la Cour supérieure à Montréal le 15 janvier 1979, il y a quelques semaines. Or, on apprenait, il y a quelques semaines, que la Société d'énergie de la Baie James envisageait de régler la réclamation de 32 000 000 $ pour la modique somme d'environ 125 000 $. La semaine dernière, j'ai posé des questions au ministre de la Justice - on se réfère nécessairement au 12 février - M. le Président, et vous vous souvenez que ses réponses ont fait état d'une ignorance évidente de ce dossier. "Aujourd'hui, je veux poser mes questions au premier ministre. Premièrement, est-il exact qu'un tel règlement est envisagé? Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau du premier ministre, en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants, qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu? Enfin, dans l'affirmative, en vertu de quel principe la SEBJ renonce-t-elle ou est-elle prête à renoncer à une réclamation de 32 000 000 $ pour moins de 0,4%? Est-ce en vertu du préjugé favorable envers les travailleurs ou en fonction d'une évaluation objective des droits et des intérêts de la population dans cette réclamation?"

Le président dit: "M. le premier ministre". Et M. Lévesque, premier ministre, député de Taillon, répond: "M. le Président, il y avait trois questions du député. Premièrement, il est exact qu'il est question d'un règlement. C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé. Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie de règlement a eu lieu. Mais il y a eu une consultation au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du conseil d'administration de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James. Je crois qu'en toute bonne foi, parce qu'il s'agit de quelque chose de très important qui concerne une propriété publique, le député permettra que je donne l'arrière-plan." Il est 2 h 30 ou 14 h 30, tel qu'indiqué au journal des Débats. "A la suite du saccage - c'est le premier ministre qui continue - dont tout le monde, hélas, se souvient, il y a eu une poursuite d'intentée, autour du mois de février 1976, en dommages-intérêts au montant de 32 000 000 $. Cette décision de poursuivre avait été prise par les autorités de l'Hydro-Québec, après consultation - je vous le fais remarquer - avec le premier ministre du temps, M. Bourassa, vers la fin de 1975. Cette consultation, de même que la décision de poursuivre, étaient absolument normales. Personne n'avait rien à redire là-dessus. Après tout, la responsabilité gouvernementale, au nom des citoyens, existe aussi au niveau politique. La décision appartient quand même forcément à ceux qui ont été chargés d'administrer ces biens publics, y compris pour des poursuites ou pour quoi que ce soit. Il reste cependant que la consultation - des rapports normaux, civilisés, entre des instances avec de telles responsabilités - est normale" et c'est ce qui avait été fait en 1975 avec le premier ministre de l'époque. "En janvier de cette année, c'est-à-dire il y a quelques semaines, si je suis bien informé, la Société d'énergie de la Baie James a reçu des offres de règlement de la part de certains des défendeurs et, ce qui est assez normal, de nouveau, elle a voulu savoir le sentiment de celui qui vous parle là-dessus. "Mon sentiment a été très clair, la décision appartient forcément à l'Hydro-Québec et à son conseil d'administration qui coiffe toute l'opération chantier, énergie, etc. et, bien sûr, à la Société d'énergie de la Baie James elle-même, qui est là comme partie. "Tout en étant bien clair, et le demeurant encore aujourd'hui, mon sentiment et je leur ai donné comme ils le demandaient - est éminemment favorable à un règlement. Les modalités, je ne veux pas les connaître, jusqu'au jour où on les connaîtra tous. Ce n'est sûrement pas à mon bureau de commencer à dire que cela sera tant, etc. Ce n'est pas de notre affaire. Mais l'idée, le principe du règlement, oui. "Si on me le permet, je voudrais dire rapidement pourquoi. Je réfère tout le monde

à la seule enquête - sauf erreur - qui a été faite d'une façon globale, sur ce saccage de la Baie-James et qu'on trouve aux pages 68 et 69 - dont je vais citer un bref extrait -du rapport de la commission Cliche." Je pense qu'il est important, pour l'équité, d'écouter ces deux paragraphes. C'est un paragraphe qui m'a également frappé, j'ai eu l'occasion de le lire à plusieurs reprises. Je vais citer le premier ministre qui, lui-même, cite deux paragraphes du rapport Cliche: "Les commissaires ont acquis la conviction que les travailleurs n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne s'agit aucunement d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée par un noyau de mécréants, dirigés par Duhamel, on s'en souvient, pour montrer une fois pour toutes qui était le maître et le "boss" à la Baie-James. L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des témoins du saccage est que les travailleurs ont été de simples spectateurs et même des victimes des actes insensés posés par un Duhamel en délire. "C'est à ce genre de catastrophe que devait fatalement aboutir l'irresponsabilité des aventuriers sans scrupule qui avaient fait main basse sur le contrôle des principaux locaux syndicaux des chantiers de la FTQ-Construction." Ici, je pense qu'il y a peut-être une erreur au journal des Débats, parce qu'on devrait retrouver un guillemet, ce qui correspond à la citation du rapport Cliche.

Le premier ministre continue ensuite: "Puisqu'on demande les résultats de la consultation que j'ai eue avec les gens qui m'ont demandé mon opinion - en parlant de cela et de quelques autres faits, il me semble - c'est le sentiment que j'en ai -qu'il serait injuste de faire payer par l'ensemble des travailleurs qui sont membres des syndicats défendeurs, les syndicats québécois, qui peuvent être tenus techniquement et juridiquement responsables - d'ailleurs, ils l'admettent - des montants importants pour lesquels ils ne sont franchement pas responsables. Ils ne sont tellement pas responsables qu'en fait ça se passe remarquablement très bien à la Baie-James maintenant; - c'est un mot que je n'entends pas souvent - on sait que, à l'automne 1979, des mois avant les dates prévues, les premiers groupes générateurs vont être mis en service à LG 2. Ce qui veut dire que, depuis ces événements, la productivité s'est accrue sur le chantier et qu'il y a vraiment un climat remarquablement meilleur que jamais auparavant. "J'ajouterais, tenant compte du rapport Cliche, que trois des cinq individus défendeurs, y compris celui qui a été nommé dans le rapport, ont déjà été condamnés au criminel ou sont présentement devant les tribunaux. Quant aux deux autres, si on s'imagine qu'ils pourraient payer les montants éventuels du jugement, on est optimiste. "Il y a évidemment l'implication - je termine là-dessus du syndicat américain qui, lui, est solvable, parce que les syndicats québécois ne sont pas solvables. Il semble que sa responsabilité soit, le moins qu'on puisse dire, aléatoire; de toute façon, s'il y avait un jugement, les recouvrements seraient longs et compliqués, je pense que cela n'est pas difficile à comprendre. Ce qui semble encore plus important, parce qu'il y a quand même quelque chose qui est moralement difficile à défendre à certains points de vue, c'est que l'implication - il y avait un décrochage à peu près complet de la centrale syndicale américaine - réelle des Américains est inexistante dans ces événements. C'est leur faire porter une chose où vraiment, ni de près ni de loin, ils n'ont eu quoi que ce soit à faire. (12 h 45) "Finalement, le coût de la cause, si elle continue, est le suivant, au bas mot, d'après ceux qui nous ont donné leur opinion. Pour obtenir un jugement, cela coûterait à peu près 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ si on inclut les frais de la société d'énergie et même ceux de l'aide juridique du gouvernement qui, pour certains défendeurs, serait obligées de se substituer aux procédures normales où on paie des avocats, parce qu'ils n'ont pas les moyens. "Tout ça résume le sentiment que j'ai donné aux gens qui voulaient l'avoir. Je ne parle même pas du climat social et de la nécessité d'un bon climat sur des chantiers lointains, mais les raisons sont là à partir de là, la décision d'un règlement appartient à la Société d'énergie de la Baie James, mais, comme elle l'avait fait en 1975, au moment de poursuivre, en consultant, elle a eu l'opinion du premier ministre d'aujourd'hui, s'il s'agit d'un règlement éventuel."

Il y a eu ensuite un autre échange de questions et de réponses, mais je pense que le bout le plus pertinent est celui que je viens de citer.

Voici ma question, Me Cardinal. Vous avez commencé tantôt par répondre aux premières questions du député de Mont-Royal en disant, au début du témoignage que vous avez rendu ce matin, que vous ne voyiez rien de répréhensible au fait que vous-même ayez rencontré le chef de cabinet du premier ministre. Vous avez ajouté que vous avez rencontré d'autres conseillers du premier ministre au moment où l'instance a été intentée, c'est-à-dire en février 1976 ou même avant.

J'avoue que j'étais en train de prendre des notes sur d'autres choses et j'ai mal saisi ce bout-là. Est-ce que vous pourriez être un peu plus explicite?

M. Cardinal: La défense des syndicats

américains, de mémoire, c'était que la société d'énergie avait une responsabilité elle aussi dans le saccage. Il fallait revenir en 1975 et même avant cela. À ce moment-là, naturellement, il a fallu que mon bureau, pour préparer sa cause, rencontre les autorités du temps. C'est pour cela qu'un avocat de mon bureau a rencontré quelqu'un du bureau du premier ministre Bourassa. On a eu beaucoup de collaboration de lui. Il aurait été prêt à témoigner. Il ne l'a pas fait, parce que la cause a été réglée.

M. Duhaime: Est-ce que vous avez le souvenir de ce nom?

M. Cardinal: Pardon?

M. Duhaime: Est-ce que vous avez le souvenir du nom de la personne?

M. Cardinal: C'est M. Paul Durocher. M. Duhaime: Monsieur qui? M. Cardinal: C'est M. Paul Desrochers. M. Duhaime: Ah bon!

M. Cardinal: Qui, d'ailleurs, a coopéré à 100% à ce qu'on lui demandait.

M. Duhaime: Est-ce qu'il vous avait mentionné qu'il était même prêt à témoigner?

M. Cardinal: Bien sûr. M. Duhaime: Maintenant...

M. Cardinal: ...la raison pour laquelle je dis cela, c'est parce qu'on me demande si j'ai rapporté à mes clients que j'avais vu M. Boivin. Je ne le leur ai rapporté ni à l'un ni à l'autre. On ne rapporte pas toujours à ses clients ce que l'on fait pour préparer une cause.

M. Duhaime: Vous le pensez, mais, des fois... Je voudrais revenir à ce registre dont on a parlé tantôt. J'avoue que mes collègues pourraient me faciliter la tâche s'ils me remettaient la photocopie, qu'ils ont en main, de la liste des rencontres au bureau de M. Jean-Roch Boivin, avec les heures y attachées. J'avoue que, à moins qu'elle n'ait une filière spéciale, l'Opposition est mieux informée que moi ce matin. Des vérifications sont en cours. Je ne suis pas en mesure de confirmer ou non les heures dont il a été question, pour ce qui est de la date du 9 février 1979.

Mais je voudrais poser ma question à Me Cardinal. Au meilleur de votre souvenir, est-ce que, pendant toute cette affaire, à partir de l'automne 1976, c'est-à-dire lors de l'élection de notre gouvernement, jusqu'à la date du dépôt à la cour du document qui a constitué la transaction mettant fin à l'instance, vous-même vous êtes retrouvé un jour ou à un moment quelconque, quelque part, en présence de Me Jean-Roch Boivin et de Me Michel Jasmin?

M. Cardinal: Je ne crois pas. La seule fois où cela aurait pu arriver, c'est le 9. Je n'ai aucun souvenir d'avoir rencontré les deux ensemble.

M. Duhaime: Est-ce que vous avez le souvenir, durant cette même période que j'ai indiquée dans ma question tout à l'heure, d'avoir été vous-même en présence de Me Jean-Roch Boivin et de Me Rosaire Beaulé, quelque part, un jour, à un endroit que j'ignore?

M. Cardinal: Je n'ai aucun souvenir d'une telle rencontre.

M. Duhaime: Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: C'est seulement pour préciser les rencontres que vous aviez eues avec M. Paul Desrochers, au sujet...

M. Cardinal: C'est un avocat de mon bureau, naturellement, qui préparait la cause. Et M. Desrochers était l'une des personnes qui auraient pu témoigner dans cette cause-là. Alors, en préparant la cause, on a envoyé quelqu'un le voir...

M. Ciaccia: Je comprends. Ce n'était pas pour arrêter les procédures...

M. Cardinal: Non, d'aucune façon...

M. Ciaccia: ...ou pour représenter la partie adverse...

M. Cardinal: ...cela avait affaire avec la défense du syndicat américain.

M. Ciaccia: Ah! Je comprends. C'était pour continuer les procédures contre le syndicat américain. Ce n'est pas la même chose que le lunch du 2, quand M. Jean-Roch Boivin vous a dit: Vous allez avoir des documents de M. Beaulé, des documents de M. Jasmin. On va vous faire parvenir la question de la solvabilité des syndicats. On va vous envoyer un projet de transaction. C'était comme si M. Boivin agissait comme procureur des défendeurs. Ce n'était pas dans ce sens-là du tout? Très bien, je voulais seulement rétablir les faits, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Donc, c'est une opinion que vous avez exprimée. Comme

il n'y a pas d'autre...

M. Ciaccia: Je pose la question.

Le Président (M. Jolivet): Excusez-moi.

M. Ciaccia: Ce n'était pas une opinion.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Juste un instant. Puisque vous n'aviez pas posé de question, j'avais cru comprendre... Mais si vous avez une question, allez-y, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je pose la question pour savoir si les discussions que vous avez eues avec M. Boivin n'étaient pas dans le même genre du tout que celles que vous avez eues avec M. Paul Desrochers.

M. Cardinal: En aucune façon. M. Ciaccia: Merci, monsieur.

M. Aquin: Si vous permettez, M. Ciaccia, il n'y a aucun de nous qui a rencontré M. Desrochers - c'est l'un de nos collaborateurs - dans le but d'un témoignage éventuel et sur lequel - ce n'est pas nous, d'ailleurs, je ne sais pas du tout ce qu'ils se sont dit - j'attire l'attention de la commission, nous ne serions pas techniquement délivrés du secret professionnel. Nous avons un secret avec les futurs témoins dans une cause. Ici, nous avons été libérés du secret professionnel dans les rapports entre notre client et nous.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Il n'y a pas d'autre question. Alors, je remercie Me Aquin, Me Jetté et Me Cardinal d'être venus devant la commission. Et, au nom des membres de la commission, nous vous remercions.

Me Cardinal, oui?

M. Cardinal: Au nom de mes associés et de moi-même, nous vous remercions également, ainsi que les membres de la commission.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Compte tenu de l'heure, sachant que nous avons une autre personne qui est invitée, M. le juge Jasmin, est-ce que je pourrais vous suggérer de suspendre nos travaux jusqu'après la période des questions? Nous reviendrions vers les 16 heures, 16 h 30?

Des voix: D'accord, M. le Président. Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Duhaime: II faudrait prévenir l'honorable juge Jasmin, si...

Le Président (M. Jolivet): II est présent. Me Jasmin est ici. Il est à l'arrière. Donc, nous allons suspendre nos travaux jusqu'après la période des questions.

(Suspension de la séance à 12 h 53)

(Reprise de la séance à 16 h 31)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît; La commission permanente de l'énergie et des ressources est de nouveau réunie aux fins d'étudier les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: MM. Dussault (Châteauguay), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau (Laporte), Laplante (Bourassa), Gratton (Gatineau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Tremblay (Chambly) et Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Perron (Duplessis), Desbiens (Dubuc), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Paradis (Brome-Missisquoi), Pagé (Portneuf), Doyon (Louis-Hébert), ainsi que Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Au moment où nous avons cessé nos travaux à l'heure du dîner, nous en étions rendus à l'invitation de l'honorable juge Michel Jasmin, à qui je demande de s'avancer. J'ai été mis au courant et je pense qu'on aura possiblement des décisions à prendre sur la question du secret professionnel. En conséquence, il a demandé d'être accompagné d'une autre personne. Je ne lui permettrai pas d'être assermenté tant qu'on n'aura pas entendu l'avocat qui l'accompagne, M. Jean-Marie Larivière, à qui je demanderais de faire son explication d'abord.

Un instant. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, avant d'entrer dans cette question, j'aimerais demander au ministre s'il a obtenu les renseignements que nous lui avons demandés au registre du bureau du premier ministre. Ce matin, il nous a dit que, cet après-midi, il pourrait nous informer de ces renseignements.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Oui, je suis en train de

les vérifier pour voir si cela correspond bien aux dates. Dans quelques minutes, je les confierai à la photocopieuse.

Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas, aussitôt que ce sera disponible, on vous les distribuera.

Maintenant, Me Larivière, vous pouvez y aller.

Représentations du barreau du Québec

sur le secret professionnel au moment

de l'appel de Me Michel Jasmin

M. Larivière: M. le Président, je suis Jean-Marie Larivière, avocat de Montréal, membre de l'étude Corbeil, Meloche et Larivière. Je détiens un mandat du barreau du Québec que j'aimerais vous lire. Si la permission m'en est donnée, j'aimerais ensuite faire un certain nombre de représentations préalables au témoignage de Me Jasmin.

Je vous donne lecture d'une lettre du barreau du Québec, le 29 mars 1983, adressée à moi-même, Me Jean-Marie Larivière. Objet: commission parlementaire permanente de l'énergie et des ressources. "Cher confrère, à la demande de M. le juge Michel Jasmin, la présente est pour confirmer votre mandat de représenter le barreau du Québec comme amicus curiae auprès de la commission parlementaire permanente de l'énergie et des ressources, de lui présenter la position du barreau relativement au secret professionnel de l'avocat en tenant compte des lois applicables et de l'ordre public et d'y intervenir si vous le jugez à propos. "M. le juge Jasmin a été invité à se présenter devant cette commission parlementaire. Il pourrait être appelé à répondre à des questions relatives à des mandats qui lui ont été confiés lorsqu'il exerçait la profession d'avocat. Dans les circonstances, il est du devoir du barreau de voir au respect du secret professionnel, principe reconnu par le Charte des droits et libertés et par la Loi sur le barreau. Vous remerciant de votre collaboration, je vous prie d'agréer, cher confrère, l'expression de mes sentiments les meilleurs." Et c'est signé: Le bâtonnier du Québec, Claude Tellier, c.r.

M. le Président, j'aimerais, d'abord, vous expliquer dans quelles circonstances cette chose s'est produite. Quand le juge Jasmin a appris qu'il était convoqué ici, il a communiqué avec le barreau du Québec afin d'avoir des directives quant à son comportement. Il est évident que M. Jasmin, ayant quitté la pratique du droit depuis deux ans environ, n'a plus aucun lien avec ses anciens clients et les fonctions qu'il exerce rendent délicates des tractations entre lui et ses clients.

Alors, dans un premier temps, le barreau du Québec m'a demandé de voir ce que je pouvais faire par rapport aux anciens clients du juge Jasmin, parce que vous savez que le secret professionnel peut céder le pas si les clients renoncent ou libèrent l'avocat de l'obligation. J'ai effectivement communiqué avec trois des quatres clients que représentait le juge Jasmin dans cette poursuite: la Société d'énergie de la Baie James contre un certain nombre de défendeurs. Je dis trois, parce que je n'ai pas réussi à rejoindre un des quatre, qui est une personne physique. Au moment où j'ai tenté de communiquer avec cette personne pour la première fois, c'était le 29 mars même, et j'ai appris tout à fait informellement que cette personne était en dehors du pays. Je ne sais pas pour combien de temps, mais je n'ai jamais eu son adresse.

Dans le cas des trois autres personnes, soit les deux syndicats que Me Jasmin représentait et l'un des deux défendeurs comme personne physique, j'ai communiqué par écrit avec ces personnes et je vais vous donner lecture, si vous voulez, de la communication que je leur ai faite.

Dans le cas de la personne physique: "Monsieur, nos services ont été retenus par le barreau du Québec afin de voir à ce que l'obligation au secret professionnel assumée par le juge Jasmin alors qu'il était avocat et qu'il vous représentait dans l'affaire du "saccage" de la Baie-James soit respectée. "Comme vous le savez sans doute, le juge Jasmin a été invité à témoigner devant le commission parlementaire de l'énergie et des ressources et nous sommes d'opinion que la presque-totalité du témoignage qu'il pourrait rendre est confidentielle et ne peut être révélée sans que lui-même soit libéré par vous-même et ses autres clients de l'obligation au secret. "Votre consentement, si vous décidez de l'accorder, doit être complet et sans réserve aucune, de façon à ce que le juge Jasmin puisse répondre à toutes les questions qui lui seront adressées. "Étant donné que la commission parlementaire siège les 30 et 31 mars 1983, nous vous demandons d'agir avec la plus grande diligence. N'hésitez pas à communiquer avec nous pour tout renseignement additionnel".

Dans le cas des syndicats, il y avait un paragraphe additionnel qui disait: "Veuillez nous faire parvenir votre décision par résolution en bonne et due forme". Nous avons effectivement reçu de la personne physique que nous avons rejointe une communication verbale. Cette personne a informé mon bureau qu'elle ne désirait pas relever le juge Jasmin de son secret professionnel. Nous avons eu également deux communications écrites des deux syndicats, l'un libérant complètement et sans réserve le juge Jasmin de son obligation au secret

professionnel et l'autre, lui refusant une libération de son secret professionnel.

Évidemment, le secret professionnel est indivisible puisque, d'abord, ce sont des mandats qui ont été exécutés en concomitance dans le temps et, même si ce sont quatre mandats distincts, ils sont exécutés d'un seul jet. Comme le secret est indivisible, nous sommes d'avis qu'il faut avoir la libération de chacun des clients pour que M. Jasmin puisse témoigner devant vous. Alors, je vous fais donc état du fait que, pour le moment, sur les quatre clients qu'il avait à l'époque, il n'y en a qu'un qui a consenti à le libérer.

J'aimerais maintenant vous donner lecture des articles pertinents des deux lois qui traitent du secret professionnel de l'avocat. D'abord, l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne: "Chacun a droit au respect du secret professionnel. "Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. "Le tribunal doit d'office assurer le respect du secret professionnel". C'est la disposition pertinente de la Charte des droits et libertés de la personne.

De plus, il y a l'article 131 de la Loi sur le barreau qui stipule: "L'avocat doit conserver le secret absolu des confidences qu'il reçoit en raison de sa profession. Cette obligation cède toutefois dans le cas où l'avocat en est relevé expressément ou implicitement par la personne qui lui a fait ces confidences."

Sur le plan du droit, dans la province de Québec, la notion de secret professionnel est unique en ce sens que, contrairement au reste du Canada, qui se réfère là-dessus à la "Common law", contrairement à la France, pour qui c'est une disposition d'ordre pénal et public - et dans ce système, même le client ne peut pas renoncer - au Québec, la première caractéristique de ce droit du client au secret professionnel, c'est qu'il s'agit d'un droit fondamental. Il est inscrit dans la Charte des droits et libertés. Il a également été reconnu récemment par la Cour suprême du Canada comme étant un droit fondamental qui trouve son assise dans la saine administration de la justice. La Cour suprême estime, en effet, que, s'il n'y a pas de secret professionnel, l'avocat ne peut valablement exercer son métier d'avocat. Or, le métier d'avocat est jugé essentiel pour une saine administration de la justice. Je vous ai refait en bref et en résumé le raisonnement de la Cour suprême. Mais, de toute façon, nos lois en font un droit fondamental.

Je pense que l'Assemblée nationale et ses commissions - je le soumets respectueusement - devraient respecter et donner la plus large extension possible à cette notion qui est le droit d'un client au secret professionnel et, en corollaire, l'obligation d'un avocat, ou d'un ancien avocat dans le cas qui nous occupe, de respecter le secret dont il n'est pas délié.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, Me Larivière. Vos propos vont rappeler avec nostalgie peut-être les années de pratique de plusieurs des membres de cette commission parlementaire. Je voudrais vous poser une ou deux questions. Si vous pensez que cela tombe sous le coup de votre propre secret professionnel, vous l'évaluerez.

M. Larivière: Je vous ferai remarquer que dans ce cas-ci mon client est le barreau du Québec - c'est important de le spécifier -et non pas le juge Jasmin que je ne représente pas ici aujourd'hui.

M. Duhaime: C'est ce que j'ai cru comprendre. D'abord, je pense bien que les deux syndicats défendeurs sont facilement identifiables ici dans les procédures. J'ai cru comprendre que l'un des deux acceptait de libérer l'honorable Jasmin de son secret professionnel et que l'autre refusait. Est-ce que vous auriez objection à identifier l'un et l'autre?

M. Larivière: Non, M. le ministre. M. Duhaime: Alors, allez-y donc.

M. Larivière: Très bien. Le Conseil provincial des métiers de la construction a libéré M. Jasmin de son obligation et l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde, local 791, tel qu'on le décrivait à l'époque dans les procédures, et qui est maintenant l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde. Je voudrais être sûr que j'ai bien les noms. L'Union des opérateurs de machinerie lourde, local 791, qui a pris la succession juridique des deux entités qui s'appelaient, à l'époque, l'Union du Québec, que vous avez décrite comme l'Union québécoise des opérateurs de machinerie lourde, d'une part, et l'Union internationale, local 791.

Ce syndicat, qui s'appelle l'Union des opérateurs de machinerie lourde, local 791, refuse catégoriquement, soit expressément soit implicitement, de dégager le juge Jasmin de son secret professionnel.

M. Duhaime: Cela dispose de deux des clients sur quatre. Les deux autres, ce sont deux personnes physiques dont une n'a pas pu être jointe. De qui s'agit-il?

M. Larivière: De M. René Mantha.

M. Duhaime: L'autre, ce serait M. Yvon Duhamel, par déduction?

M. Larivière: Non. Il s'agit de M. Maurice Dupuis.

M. Duhaime: M. Maurice Dupuis.

M. Larivière: Oui. Le juge Jasmin a représenté M. Yvon Duhamel uniquement pour les fins de la signature d'une déclaration de règlement hors cour, mais ne l'a jamais représenté auparavant. Il y a quatre clients en pratique. (16 h 45)

M. Duhaime: Si j'ai bien compris l'exposé que vous avez fait au nom du barreau du Québec, il y a deux choses là-dedans. Premièrement, l'honorable juge Jasmin représentait différents clients et, si un, deux ou trois sur quatre refusent - même s'il n'y en avait qu'un seul - de le délier du secret professionnel, votre représentation devant cette commission est que, s'agissant d'un secret professionnel indivisible, nous ne pourrions adresser des questions à l'honorable Jasmin.

M. Larivière: C'est la prétention du barreau du Québec, M. le ministre.

M. Duhaime: Maintenant, je voudrais que vous informiez la commission. J'avoue que nous avons un joyeux problème sur les bras et je crains même que nous ne soyons obligés, M. le Président, dans quelques minutes - je vais voir ce que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys va en dire - d'en référer à la présidence de l'Assemblée nationale.

Est-ce que la prétention du barreau du Québec va dans le sens que le secret professionnel couvre tout acte, tout agissement, toute démarche, toute conversation de l'honorable Jasmin dans l'exercice de son mandat pour l'un ou l'autre des quatre clients mentionnés tantôt?

M. Larivière: La position du barreau du Québec, M. le Président, est qu'il faut donner au droit du client au secret professionnel l'extension la plus large possible. Quand on se réfère au texte même de l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne, vous verrez que, nulle part, on n'utilise les mots "confidences d'un client". Ce qu'on dit dans la charte, c'est que toute personne tenue par la loi au secret professionnel ne peut, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui lui ont été révélés en raison de son état ou de sa profession. Donc, ce n'est pas "qui lui ont été révélés par son client", mais "qui lui ont été révélés en raison de son état ou de sa profession". Alors, de notre point de vue, c'est beaucoup plus large que la simple confidence de bouche à oreille d'un client à son avocat. Ce sont aussi les instructions d'un client à son avocat. C'est aussi la mise en place et l'application de ces instructions avec toutes les conséquences que cela peut avoir.

Je vous signalerais, d'ailleurs, sans connaître absolument toute la jurisprudence -parce qu'il y en a quand même, à travers le Commonwealth, une certaine quantité - que j'en ai vu beaucoup et que, généralement, la question se pose dans les termes suivants: Est-ce que l'avocat est lié ou n'est pas lié? Si l'avocat est lié, on le dispense de témoigner. Si l'avocat n'est pas lié, il témoigne. Et ça se fait globalement. Le dernier précédent dont je pourrais faire état, c'est celui de la commission d'enquête sur les Jeux olympiques, où la ville de Montréal avait refusé de libérer ses avocats, son contentieux, de leur obligation au secret professionnel. Le juge Malouf a reconnu que, effectivement, les avocats étaient liés et que, tant que la ville de Montréal ne les déliait pas, ils n'étaient pas aptes à témoigner. Le juge Malouf les a dispensés de témoigner, généralement et globalement.

M. Duhaime: M. le Président, à ce stade-ci, je me plierai bien volontiers à ce que vous-même ou encore la présidence de l'Assemblée nationale déciderez. Je dois vous avouer, cependant, que nous considérions le témoignage de l'honorable juge Jasmin comme une contribution essentielle aux travaux de cette commission et je trouve dommage que ses ex-clients n'aient pas pris cette responsabilité de le libérer clairement de son secret professionnel.

M. Larivière: M. le Président, est-ce que je pourrais très brièvement attirer l'attention du ministre sur une chose? Il faut faire bien attention. Quand on parle de secret professionnel, c'est un droit pour les gens. Je ne pense pas qu'on ait à mettre en doute les raisons pour lesquelles une personne ne libère pas son avocat. Je ne pense pas, non plus, qu'on ait à commenter cela. Je le dis en tout respect, mais c'est parce que cela nous échappe souvent. Le secret professionnel est un droit, un droit qu'on reconnaît dans nos lois et qui est essentiel à l'exercice de la profession d'avocat et à l'administration de la justice.

Je pense donc que, pas plus qu'on n'a à demander à quelqu'un pourquoi il ne veut pas s'abstenir de voter, on n'a à demander à quelqu'un pourquoi il refuse de libérer son

avocat. Vous comprenez aussi que, s'il fallait qu'une personne se mette à libérer parfois son avocat et à ne pas le libérer d'autres fois, son refus de le libérer prendrait une couleur anormale, compte tenu qu'il s'agit d'un droit.

Je pense que cette commission devrait prendre comme ligne de conduite que, lorsqu'une personne refuse, c'est tout à fait normal. Elle exerce un droit comme n'importe quel autre droit. Je m'excuse, M. le ministre. C'est une remarque que je fais plus qu'autre chose.

M. Duhaime: Elle est fort pertinente. La seule chose que je vous dis, c'est que je ne qualifie pas le geste qui est posé, sauf, cependant, que je dis que la conséquence, sous réserve de voir ce que le président de l'Assemblée nationale en décidera, après consultation avec ses collègues à la vice-présidence, j'imagine, c'est qu'il va y avoir des éléments qui me paraissaient importants qui ne seront pas connus. C'est tout ce que je veux dire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je dois, d'abord, accueillir avec empressement l'initiative du barreau d'avoir étalé devant nous les tenants et aboutissants du problème qui est soulevé. Cela démontre sa vigilance. Naturellement, il faut dire que j'appartiens au barreau, il faut bien que j'en parle en bien. Quand même, cela démontre une vigilance tout à fait remarquable. Je voulais le mentionner au début de mes propos.

Jusqu'à maintenant, on n'a pas rencontré ce problème. Les avocats qui se sont présentés devant cette commission avaient été libérés par leurs clients. Simplement pour tenter de comprendre entièrement les propos de Me Larivière: Si je vous comprends bien, la presque-totalité, d'après la lettre dont vous nous avez donné lecture, du témoignage que M. le juge Jasmin serait appelé à donner serait couverte par cette obligation de confidentialité. J'imagine que, pour en arriver à ces conclusions, vous avez dû vous rendre compte de tout le témoignage qu'il aurait pu être appelé à donner ici puisque vous vous prononcez sur la presque-totalité seulement.

M. Larivière: M. le Président, ce n'est pas après avoir fait un examen détaillé des faits ou du témoignage qu'il pourrait rendre. Parce qu'il y a un certain malaise là-dedans. Dans le fond, Me Jasmin, il est seul ici et ce n'est pas mon client. Je n'ai pas à entrer avec lui dans le dédale du témoignage qu'il pourrait rendre ici, non plus qu'à simuler que je suis la commission parlementaire et que je lui pose des questions.

On a tenté, tout de même, une chose. On a tenté de préparer une déclaration préliminaire comme celle qu'ont faite certains témoins qui soit à peu près à l'abri de la violation du secret professionnel et on est arrivé à quelque chose de tellement insignifiant, finalement, que c'était inutile de vous en faire part. Quand on regarde cela, tout est intimement lié. Il est évident que, si l'avocat va à une rencontre... Vous connaissez déjà les dates des rencontres, elles sont là. Dès qu'il ouvre la bouche pour parler à cette rencontre, il est en train de faire état d'une partie de son mandat ou d'une partie de choses qu'il sait parce que son client les lui a révélées.

Il est évident que Me Jasmin dans ceci n'a jamais agi à titre personnel. Il a toujours agi au sens de la charte en raison de sa profession d'avocat et comme mandataire, et non pas personnellement comme une des parties au litige. C'est pour cela que je vois mal comment on pourrait se mettre à tracer un sillon autour de choses qui peuvent être dites et de choses qui ne peuvent pas être dites.

M. Lalonde: Si je comprends bien, l'opinion que vous émettez, selon laquelle la presque-totalité de son témoignage serait couverte par l'obligation de confidentialité, viendrait plus de l'interprétation large que vous donnez à cette obligation de confidentialité que vous nous avez décrite tout à l'heure.

M. Larivière: D'une part, oui, et, d'autre part, bien sûr, des travaux de la commission que j'ai suivis assez fidèlement depuis le début.

M. Lalonde: II y a le caractère indivisible aussi que j'aimerais examiner avec vous. Un ancien client dit à son ancien avocat: Allez-y vous pouvez dire tout ce que vous connaissez sur cette cause en ce qui nous concerne. Il faut dire que cette question est liée aussi à l'extension que vous donnez à cette obligation. On semble - je n'en plaide pas le bien-fondé, je veux simplement le mentionner - surtout à la suite de certaines décisions - je pense à une décision de la Cour suprême Solosky vs la reine 1980; c'est un jugement de la Cour suprême du Canada - et aussi de certains propos que je retrouve dans le cours de formation permanente du barreau sur le secret professionnel et le droit à la confidentialité, on semble, dis-je, rétrécir un peu plus que vous ne le faites l'extension du secret professionnel aux communications entre le client et son avocat. C'est pour cela qu'en tout respect - je ne fais pas de commentaires sur l'à-propos des clients de libérer ou non, sur leurs droits de ne pas libérer - je vous fais l'hypothèse suivante

qu'en ce qui concerne le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction Me Jasmin pourrait nous révéler ce que ce client lui a confié. Donc, la notion d'indivisibilité pourrait souffrir peut-être cette exception puisque Me Jasmin n'est plus tenu au secret professionnel quant à ses communications avec le Conseil provincial des métiers de la construction.

Là où vous allez un peu plus loin, c'est lorsque vous dites: Ces quatre mandats ont été exécutés conjointement. Lorsqu'il rencontrait les avocats de la partie adverse pour négocier, par hypothèse, il exécutait quatre mandats ensemble. Je pense que c'est relativement facile à comprendre. Mais lorsque, d'après les listes qu'on nous a remises, Me Jasmin rencontrait M. Jean-Roch Boivin ou Me Gauthier au bureau du premier ministre, je comprends que ce n'était pas à titre personnel, mais ces conversations n'étaient plus des conversations de client à avocat.

C'est ce sur quoi, je pense, la présidence va devoir décider. En ce qui nous concerne, je pense que c'est à la présidence de rendre la décision. Si on veut aller plus loin, je ne sais pas à quel tribunal on pourra en appeler d'une décision de la présidence. Je ne me suis pas posé la question, mais il n'y a aucun doute que...

M. Duhaime: Les États-Unis peut-être.

M. Lalonde: ...la première décision, et peut-être la dernière, serait celle de la présidence de l'Assemblée nationale. Est-ce que, réellement, cette obligation de confidentialité couvre non seulement les confidences du client à Me Jasmin, mais aussi les conversations de Me Jasmin avec M. Jean-Roch Boivin ou avec M. Yves Gauthier? En fait, c'est cela le problème; cela ne sert à rien de se le cacher. Il y a eu une douzaine de réunions dont on nous fait état ici et on voudrait bien nous-mêmes exécuter notre mandat.

M. Larivière: M. le Président, j'aimerais, d'abord, faire une rectification. M. le député de Marguerite-Bourgeoys nous parle de la cause de Solosky, le jugement rendu par la Cour suprême en 1980. Il y en a un autre qui a été rendu, en 1982, par la Cour suprême et qui réfère à Solosky notamment et à une partie plus spécifique du jugement de Solosky. C'est une cause que j'ai eu le plaisir de plaider.

M. Lalonde: Vous avez gagné, j'imagine?

M. Larivière: En très grande partie, même si mon appel a été rejeté.

M. Lalonde: Pouvez-vous nous donner la référence?

M. Larivière: Oui, certainement, il s'agit de la cause de Centre communautaire juridique de Montréal et Simon Descôteaux, appelant, versus le juge Mierzynski, qui est décédé aujourd'hui, et impliquant notamment, comme mis en cause, le Procureur général du Québec, le barreau du Québec et la Commission des droits de la personne. C'est un jugement unanime de la cour qui est rendu pour la cour par l'honorable juge Lamer. (17 heures)

Vous verrez, dans la dernière édition de la Revue du barreau canadien, un commentaire que fait de cet arrêt le professeur René Pépin, de l'Université de Montréal, où il en vient à la conclusion que même, si, dans Solosky, il y avait deux types de raisonnements proposés par le juge Dickson, un qui était de la nature du "sollicitor client privilege" qu'on reconnaît dans la "Common Law" et une autre partie qui faisait allusion à un droit fondamental ou à un droit civil fondamental, le juge Dickson se posait la question dans Solosky de dire: Est-ce qu'il ne s'agirait pas d'un droit fondamental?

De toute façon, on n'est pas prêt à aller là. Le juge Lamer a franchi ce pas, je pense, quand il a affirmé dans l'affaire Mierzynski qu'il s'agissait effectivement d'un droit fondamental. Le professeur Pépin, dans son commentaire, en vient également à cette conclusion. C'est pour cela qu'il faut lire les deux arrêts ensemble pour comprendre que la Cour suprême a évolué là-dessus encore récemment. Bien qu'encore là, dans ces affaires, il s'agissait de droit criminel et, donc de choses qui ne sont pas de l'autorité législative de la province de Québec, le barreau du Québec prétend que, lorsqu'il s'agit des lois qui sont sous la juridiction de l'Assemblée nationale, enfin du Parlement du Québec, la notion de secret professionnel est différente, à cause de la Charte des droits et libertés de la personne, notamment, de la notion de secret professionnel que l'on retrouve dans le reste du Canada et que l'on retrouve au Québec en matière criminelle. C'est assez cocasse, mais c'est comme cela.

Alors, c'était la rectification que je voulais faire. Ensuite, sur le plan de la compréhension que nous avons de la notion de droit au secret professionnel et d'obligation au secret professionnel, et pour revenir à votre question: Les entrevues, est-ce que ce serait confidentiel? notre opinion, c'est que, dès que vous entrez dans une conversation, que ce soit avec un confrère ou que ce soit avec une tierce personne, dans laquelle vous exécutez ou vous êtes en pleine exécution de votre mandat et où vous livrez des informations en votre qualité de professionnel, ces informations étant celles

que vous avez reçues de votre client, les choses que vous dites sont confidentielles et sont couvertes par le secret professionnel et non pas seulement ce que votre client vous a dit dans votre cabinet.

De la même façon, vous avez souvent le problème au niveau du médecin de ce qu'il constate sur le corps d'un patient inconscient, qui ne lui a donc rien révélé. Ce qu'il voit, ce qu'il constate professionnellement, c'est couvert aussi par le secret professionnel, et non pas seulement les choses que son client peut lui dire à l'occasion d'une première ou d'une deuxième entrevue. Le diagnostic qu'il pose sur un corps inconscient fait partie de son secret professionnel.

On sait que le vétérinaire, par exemple, est astreint au secret professionnel. Je ne veux pas faire de mauvaises blagues, mais ce n'est sûrement pas ce que son patient lui dit qui fait l'objet de ce secret. Donc, c'est beaucoup plus large que la révélation verbale client-avocat ou patient-médecin.

Pour terminer sur le dernier volet de votre question, à savoir si c'est le président qui aura à rendre la décision, j'aimerais quand même vous faire part d'un éclairage un peu particulier. Ce que nous demandons au président, c'est de reconnaître qu'effectivement l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne et l'article 131 de la Loi sur le barreau s'appliquent devant cette commission parlementaire, puisque la Loi sur l'Assemblée nationale n'exclut par l'article 9 de son application. Nous lui demandons, en conséquence, de dispenser globalement M. Jasmin de témoigner. Si sa décision devait être négative, je crois quand même qu'avant de donner un ordre au sens de l'article 51 de la Loi sur l'Assemblée nationale il serait plus prudent qu'on revienne. J'aurai à ce moment-là d'autres représentations à faire, parce que j'aimerais vous souligner que, lorsque l'Assemblée nationale adopte des lois et exerce sa fonction législative, quand il s'agit de les mettre en application, c'est normalement du ressort du judiciaire de dire quelle est l'extension à donner à cette notion dans toutes les circonstances.

Je ne pense pas que l'Assemblée nationale, bien qu'elle soit en commission parlementaire et qu'elle exerce, en plus de son pouvoir législatif, un pouvoir d'enquête, si vous voulez, mais toujours sur un mandat de l'Assemblée nationale, ait le pouvoir d'appliquer et de trancher l'interprétation de ses propres lois autrement que par amendement. Je le soumets, en tout cas, respectueusement.

Donc, si la décision du président était que le juge Jasmin n'est pas dispensé, j'aimerais qu'on revienne et qu'on discute d'une possibilité, parce qu'il va se poser un problème pratique important qui est de savoir comment nous allons procéder et qui pourra, légalement, donner un ordre au juge Jasmin de répondre à une question donnée quand lui estime qu'elle est couverte pas son secret.

M. Lalonde: Je vais terminer avec une observation et une question. En ce qui concerne le pouvoir de l'Assemblée nationale, il est assez mal connu. Pour ce qui est, par exemple, du pouvoir de contraindre les témoins, c'est un pouvoir qui, traditionnellement, appartient à l'Assemblée nationale, mais qui n'a presque jamais été exercé. Il ne faudrait pas l'oublier dans l'examen de cette situation.

Je terminerais avec une question. Est-ce que je comprends bien que, si l'Assemblée nationale ou la commission voulait s'ajuster, disons, à la notion de secret professionnel qui existe, soit en matière criminelle, soit dans les autres provinces, à savoir en réduire l'extension qu'on retrouve, en fait, à l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne, cela prendrait un amendement à cette charte et/ou à l'article 131 de la Loi sur le barreau? Je vous demande une opinion juridique gratuite.

M. Larivière: Très bien. Cela me fait plaisir de vous la donner. Je pense que l'Assemblée nationale a manifestement fait un choix législatif dans sa rédaction de l'article 9 de la charte. Je vois, par exemple, que la commission de réforme du droit au fédéral a pondu un article relatif au secret professionnel en s'inspirant de la codification américaine. Cela semble être, à peu près mot pour mot, la même chose. Il s'agit d'un choix, j'imagine, que la commission demandera au Parlement fédéral de faire.

Dans notre cas, je m'aperçois que la rédaction de cet article 9 est tout à fait sui generis. Elle n'est inspirée d'aucune autre loi occidentale que je connaisse. Je tiens donc pour acquis que, quand cette rédaction évite systématiquement le mot "client" à côté du mot "confidence" ou "fait révélé", il y a là un choix législatif qui est de donner une extension plus large.

M. Lalonde: Je ne voulais pas vous demander votre opinion sur le bien-fondé de ce choix, parce que c'est une décision politique.

M. Larivière: Non. J'en viens donc à la conclusion que oui, il faudrait des amendements.

M. Lalonde: C'est cela. Techniquement, c'est là qu'est la source.

M. Larivière: Oui, parce qu'il faudrait refaire un choix.

M. Lalonde: C'est là qu'est la source, autrement dit.

M. Larivière: Exactement.

M. Lalonde: C'est ce que je voulais savoir. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Oui, j'aurais seulement une dernière question. Nous avons entendu le point de vue du barreau du Québec par la voix de Me Larivière. Je vais courir la chance de poser une question à l'honorable juge Jasmin, à savoir s'il partage le point de vue qui vient d'être évoqué devant cette commission parlementaire par Me Larivière au nom du barreau du Québec.

M. Jasmin (Michel): Je me suis adressé au barreau du Québec pour avoir une opinion, c'est mon ex-corporation professionnelle. C'est pour cela que j'ai demandé au barreau du Québec de me conseiller en ce qui concerne le secret professionnel. Alors, je partage l'opinion rendue par l'avocat qui a été désigné par le barreau du Québec.

M. Duhaime: M. le Président, dans ces circonstances, je vous proposerais une suspension de la séance. Je vous inciterais, et j'y inviterais également mon collègue, à faire une démarche auprès de la présidence de l'Assemblée nationale et nous reviendrions le plus rapidement possible.

Le Président (M. Jolivet): À la suite de ce qu'on a entendu en face, à ma gauche et à ma droite, c'était l'intention que j'avais; c'est pour cela que j'ai demandé à chacun de s'expliquer. On en a fait mention, il y a des choses qu'on pourrait déjà dire, mais je pense qu'il vaut mieux, à la suite de ces interprétations, de ces mots qui ont été dits, qu'on puisse vraiment examiner à fond cette question. Mais je ne pense pas, compte tenu des circonstances, qu'on puisse rendre une décision d'ici à 18 heures. Je suggérerais beaucoup plus à la commission que l'on ajourne nos travaux à demain, 10 heures. Nous aurions amplement le temps, à la présidence, de regarder l'ensemble du problème et de rendre une décision demain matin.

Il reste une autre chose à régler, cependant, avant qu'on se quitte, c'est la question de savoir qui sera là demain matin. Est-ce que c'est Me Beaulé ou M. le juge Jasmin?

M. Larivière: M. le Président, si vous me le permettez, rapidement, vous noterez que, dans mon mandat, le barreau me qualifie d'amicus curiae. Je vous dis donc que, si la présidence a besoin de quelque éclairage de notre part, nous nous rendrons disponibles avec plaisir à cette fin.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, sans préjuger de ce que pourrait être la décision de la présidence, je prendrais une chance de demander à l'honorable juge Jasmin d'être à la disposition de la commission dans le sens suivant: que le secrétariat de notre commission puisse obtenir les numéros de téléphone de l'honorable Jasmin pour qu'il ne fasse pas de déplacement inutile demain matin ou le contraire, le cas échéant, dépendant de la décision à être prise.

Ensuite, nous pourrions entendre Me Beaulé qui, lui, est l'autre procureur et l'ami maintenant du député de Gatineau, et qui, lui, a été délié de son secret professionnel.

M. Lalonde: Me Beaulé a été délié? M. Duhaime: Pardon.

M. Lalonde: Me Beaulé a été délié de son secret professionnel?

M. Duhaime: C'est ce que j'ai cru comprendre des conversations qu'il a eues avec la presse.

M. Lalonde: Non, je pense que le ministre confond bavardages et le fait d'être délié. On peut être bavard et être lié quand même.

Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une autre, c'est la personne qui sera convoquée pour demain, à 10 heures. Au niveau de la présidence, j'ai tenu pour acquis le message que vous nous avez lancé et, en conséquence, nous le prenons en sérieuse considération. Si je n'ai pas demandé à d'autres personnes autour de la table d'intervenir, c'est que j'avais d'abord l'intention de vous entendre et de faire en sorte que...

M. Laplante: Ce n'est pas sur le même sujet...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, je vais quand même terminer en disant que j'avais besoin de l'éclairage d'un seul représentant de chacun des partis politiques. M. le député de Bourassa, sur une autre question.

M. Laplante: Sur une autre question qui s'adresserait à M. Larivière. Je voudrais savoir si le barreau est sensibilisé aux témoignages que donnent nos invités que l'on reçoit et au traitement qu'ils reçoivent

actuellement.

M. Lalonde: M. le Président, je m'excuse...

M. Laplante: C'est qu'on a su par une émission de télévision que le barreau suivait cela de très près et qu'il devait, à un moment donné, émettre une opinion sur les événements qui se passaient à cette commission.

M. Larivière: Vous comprendrez que je ne suis pas le bâtonnier. J'ai un mandat très limité, très explicite. Je l'ai lue pour tous les membres de la commission. Je ne m'autoriserais jamais de l'autorité subite du bâtonnier pour passer des commentaires sur d'autres questions que celles qui me sont soumises.

Le Président (M. Jolivet): Concernant l'ensemble de cette commission, j'ajourne les travaux... Un instant avant d'ajourner, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Au cas où le ministre aurait terminé ses vérifications et aurait fait photocopier le registre dont on parlait tantôt, est-ce qu'il est en mesure de nous le remettre présentement?

Le Président (M. Jolivet): II a été remis au greffier pour faire les photocopies nécessaires.

M. Duhaime: II est déjà entre les mains du secrétariat, et j'espérerais seulement qu'on m'en remette une copie; autrement, je vais être obligé de le demander aux recherchistes du Parti libéral. Cela me gênerait.

M. Lalonde: Est-ce qu'on peut l'avoir?

Le Président (M. Jolivet): Aussitôt que possible au niveau du secrétariat des commissions. J'ajourne donc les travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 13)

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