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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Thursday, May 19, 1983 - Vol. 27 N° 59

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le râle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Vaillancourt (Jonquière); M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Duhaime (Saint-Maurice); M. Bourbeau (Laporte); M. Laplante (Bourassa); M. Paradis (Brome-Missisquoi); M. Lavigne (Beauharnois); M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet); M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Perron (Duplessis); M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue); M. Desbiens (Dubuc); M. Dussault (Châteauguay); Mme Harel (Maisonneuve); M. Gratton (Gatineau); M. Pagé (Portneuf); M. Doyon (Louis-Hébert); M. Tremblay (Chambly); M. Saintonge (Laprairie).

Le rapporteur est toujours M. le député de Montmagny-L'Islet, M. LeBlanc.

Je tiens à vous faire remarquer que les travaux de cette commission - on aura d'autres détails pour la journée de demain -pour aujourd'hui se dérouleront à compter de ce moment-ci jusqu'à 12 h 30. Nous reprendrons après la période de questions, c'est-à-dire vers les 15 heures, 15 h 30 -puisque la séance de l'Assemblée nationale débute à 14 heures - jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures ce soir.

La personne qui est invitée devant nous ce matin est Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre. J'invite le greffier de... Juste un instant, oui. M. le député de Louis-Hébert.

Mise au point

M. Doyon: M. le Président, vous vous souviendrez sûrement, avec la mémoire qui vous caractérise, que, hier avant-midi, dans un échange que nous avons eu et qui portait sur la troisième demande ou la troisième requête qui avait été présentée par le procureur de Me Gauthier, j'avais tenté de vous faire valoir un certain point de vue sur des allégués de la requête et vous m'aviez empêché de le faire plus longuement de la façon dont j'avais pensé pouvoir le faire, en me disant: J'ai une décision à rendre là-dessus. Je vais établir un certain nombre de points et à partir de là vous verrez si les représentations que vous vouliez me faire ont encore leur raison d'être. Et vous m'aviez dit, M. le Président: Vous êtes d'accord avec moi pour cela, etc.

Vous vous souviendrez, simplement pour situer le débat, que je vous avais répondu: II m'est difficile d'être d'accord avec quelque chose que je ne connais pas encore, et vous m'avez dit: Quoi qu'il en soit vous aurez l'occasion, M. le député, après ma décision, d'intervenir. Vous avez rendu votre décision et je m'y conforme pleinement. Dans cette décision vous avez rétabli un certain nombre de faits qui vont dans le sens de ce que je voulais dire mais qui malheureusement ne me rendent pas, en tant que membre de cette commission, totalement justice. Il y a eu le témoignage de Me Gauthier et, comme la pression avait monté et que les échanges étaient assez vifs, j'ai pensé qu'il était peut-être de bon aloi de permettre aux choses de se dérouler comme vous vouliez qu'elles se déroulent, c'est-à-dire plus calmement, quitte à faire appel à votre souvenir et à votre mémoire pour revenir ultérieurement, et c'est ce que je voudrais faire très brièvement, ce matin, en utilisant mon droit de parole. M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Avant de vous donner votre droit de parole - parce que je suis bien conscient de ce que j'ai dit hier - ... J'avais cru, à la suite de l'intervention que j'avais faite dans le but, justement, de dire à cette personne, qui était le procureur, Me Jutras, que la requête était rejetée, d'abord, parce qu'on ne pouvait pas la considérer comme requête. Deuxièmement, ce qu'il énonçait en termes d'allégations dans sa requête n'avait pas d'application ici, à cette commission, que chacun avait droit à des opinions et qu'il était malheureux, de la part du procureur... À un moment donné, je lui ai même demandé de retirer certaines parties d'opinions qu'il avait exprimées de façon à rendre justice à l'ensemble des membres de cette commission. J'avais cru, à ce moment-là, compte tenu que je vous avais dit que

c'était après l'intervention que je ferais... Vous me dites: J'ai accepté, à ce moment, pour le bien de la commission, qu'on puisse procéder aux questions. D'ailleurs, le député de Mont-Royal avait procédé aux questions qui devaient avoir lieu.

Maintenant, il y a eu d'autres discussions qui se sont déroulées de telle sorte que, à 13 heures, on n'avait pas terminé les questions du député de Mont-Royal qui les avait reprises après la période des questions de l'Assemblée nationale. J'avais cru, à ce moment-là, que vous aviez accepté les correctifs que j'avais apportés en disant que la requête comme telle était irrecevable, deuxièmement, que j'avais accepté qu'on la discute au niveau de certaines parties pour m'éclairer sur la décision finale que j'avais à rendre. Je vous permettrais, si vous me promettez d'être très rapide, de faire le correctif que vous voulez, en sachant, cependant, que je ne veux engager aucun débat sur la question. Mais allez-y rapidement, pour vous rendre justice.

M. Doyon: Très rapidement, M. le Président. Ce que je veux souligner, actuellement, c'est le fait que la requête que vous avez rejetée hier est une requête qui a fait l'objet d'une lecture in extenso de la part du procureur de Me Gauthier. Ce faisant, en tant que membre de cette commission et député de Louis-Hébert, mon comportement à cette commission a été remis en question. Pour citer la requête, le procureur de Me Gauthier m'a accusé d'avoir procédé par insinuations et d'avoir fait des hypothèses sur le dos et au détriment de l'invité. Il a été plus loin que cela quand il a dit que j'ai fait plusieurs interventions - je lis la requête - insinuant qu'il y avait un danger - un danger qu'il avait décrit plus tôt - que, effectivement, Me Jasmin pouvait s'être servi des visites dans le sens suggéré par cette question, alors qu'il n'y avait aucun iota de preuve en ce sens devant la commission.

Le procureur de Me Gauthier référait spécifiquement à une question par laquelle je demandais à Me Gauthier s'il était conscient que certaines visites qu'avait pu lui rendre Me Jasmin pouvaient servir d'arme à Me Jasmin pour déstabiliser Me Aquin, le procureur de la 5EBJ. Quand Me Jutras affirme dans sa requête - et il en a donné lecture - qu'il n'y avait pas un iota de preuve à cet effet, je pense qu'il est essentiel que les faits soient rétablis de façon à ce qu'on puisse bien porter un jugement.

Je me réfère plus particulièrement, M. le Président, au journal des Débats du 21 avril 1983 où c'est M. Aquin qui est interrogé par le ministre de l'Énergie et des Ressources et qui dit ce qui suit à la page

CI-1079; il affirme parlant de Me Jasmin ou de Me Beaulé: "Mais ils nous avaient dit - en parlant des avocats, Me Jasmin ou Me Beaulé -qu'ils avaient eu des contacts avec le bureau du premier ministre au milieu du mois de janvier." Je passe quelques lignes. (10 h 15) "M. Beaulé avait dit: je pense qu'il est normal, entre avocats, de vous prévenir que nous avons eu des contacts avec le bureau du premier ministre, que nous avons vu des gens du bureau du premier ministre." Et c'est Me Aquin qui continue: "Je trouve toujours très déstabilisant ce genre d'information. Alors, je voulais savoir si c'était exact et j'ai téléphoné à Me Gauthier pour lui dire que j'aimerais parler de cela avec lui quelques minutes seulement."

M. Lapilnte: M. le Président, question de règlement.

M. Doyon: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, je m'excuse, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Écoutez, vous avez promis une courte intervention, pensant qu'il y aurait des faits. Tout ce qu'il dit là, il l'a dit hier.

M. Doyon: Pas du tout.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Laplante: C'est une requête qui a été rejetée de votre part, qui n'apporte pas de discussion, qui n'apporte pas rétractation et qui n'apporte rien. On retombe dans le même panneau, M. le Président, lorsqu'on a commencé hier. Vous savez qu'hier cela a coûté 6000 $ à la population le niaisage et l'enfantillage qu'ils ont fait pendant trois heures.

Le Président (M. Jolivet): Écoutez, M. le député, je dois dire qu'hier effectivement j'avais dit au député de Louis-Hébert que je lui accorderais la parole à la fin mais j'avais cru qu'il ne la demandait pas. Ce matin il m'a dit je serai bref. Donc, je lui demande simplement d'être bref et qu'on le règle une fois pour toutes.

M. Laplante: Oui, merci.

M. Doyon: Alors, si les interventions ne sont pas trop nombreuses, M. le Président, je suis à la toute fin de mon intervention.

Le Président (M. Jolivet): Allez, allez.

M. Doyon: Ce que je veux souligner c'est que la requête présentée ou la pseudo requête présentée par le procureur de Me Gauthier, où il affirme sous sa signature que la question que j'ai posée à Me Gauthier demandant s'il était conscient de l'effet que pouvaient avoir les visites qu'il recevait de Me Jasmin sur le travail que faisait Me Aquin en tant que procureur de la SEBJ. Sous sa signature, le procureur de Me Gauthier affirme que j'ai posé cette question alors - et je cite - "qu'il n'y avait aucun iota de preuve en ce sens devant la commission." Ce que je veux souligner, c'est que si le procureur...

Le Président (M. Jolivet): Pas de jugement, M. le député.

M. Doyon: ...Me Jutras, avait lu, comme c'était son devoir de le faire avant d'écrire ce qu'il a écrit...

M. Duhaime: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député. M. le député, s'il vous plaît! Le ministre a soulevé une question de règlement. Je vais l'écouter. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais invoquer le règlement pour que vous mettiez fin à cet exercice matutinal qui n'a ni queue ni tête. On est en train de mettre en cause Me Jutras alors que la chaise qui est devant nous est vide et que Me Jutras n'est pas là. Il y a un vieux principe qui dit - à moins que vous aimiez cela, de votre côté - "avoir des procès par contumace". Et je pense qu'il y a des gens qui sont mis en cause par les propos du député de Louis-Hébert qui auraient peut-être le droit de donner une réplique.

Une voix: Ils viendront.

M. Duhaime: Ils viendront, ouil Si vous pensez qu'on va passer l'été ici à vous écouter niaiser tous les matins, vous, le député de Louis-Hébert, vous allez vous tromper.

M. Doyon: En parlant de niaiseries, on peut se rendre la pareille.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Duhaime: M. le Président, j'invoque le règlement. Si un député veut faire une intervention en utilisant son droit de parole, qu'il le fasse. Mais qu'on mette en cause et qu'on interprète, à partir de procédures qui ont eu lieu hier et qui ont été réglées, je vais m'y opposer.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Non, je vais juste demander une chose... Oui, je sais, je vais vous l'accorder. Mais, juste avant, si je peux le régler, cela pourrait permettre d'aller plus rapidement. M. le député de Louis-Hébert, je vous avais demandé d'aller rapidement. C'est que mon problème n'est pas là. Je vous ai fait signe en vous disant de ne pas faire de procès d'intention pour le moment. Corrigez ce que vous avez à corriger pour vous, mais le plus rapidement possible. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'aimerais, M. le Président, me reporter aux propos du ministre lorsqu'il dit que, étant donné que Me Jutras n'est pas là, on n'a pas le droit, ou il n'est pas à propos, ou il n'est pas indiqué de faire des observations concernant soit ses interventions ou ses demandes. Il est très important d'établir maintenant que la commission est maîtresse de ses travaux, que les députés ont le droit de s'exprimer et vont devoir de plus en plus s'exprimer sur les témoignages qui ont été rendus. Il faudra que des conclusions soient exprimées par les uns et les autres, des deux côtés de la table, j'en suis convaincu; enfin, je réserve mon droit de le faire, et en me reportant à des témoins qui ne sont plus là. On ne peut pas inviter tous les 20 ou 25 qui auront témoigné ici pour rendre un jugement. On ne rendra pas de jugement, mais on aura sûrement une appréciation de la preuve et de tous les travaux de la commission. Je pense que le député de Louis-Hébert est tout à fait justifié de soulever cette question de règlement étant donné qu'il n'a pas eu l'occasion de le faire ou, enfin, qu'il a remis à ce matin cette occasion qu'il avait hier.

M. Duhaime: Je demanderais d'entendre le témoin, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je voulais quand même corriger ce que j'ai pu faire hier, compte tenu que je croyais que le député avait terminé. Terminez rapidement, et on passera à autre chose, M. le député.

M. Doyon: Je pense qu'il est important... Je ne fais pas de procès d'intention et je n'aime pas qu'on dise qu'on en fait. Je prends la peine personnellement de relever le journal des Débats, si c'est faire des procès d'intention que de citer...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, vous allez me rendre la tâche difficile. Allez donc à votre décision.

M. Doyon: Ce que je n'accepte pas, c'est qu'aussi bien le procureur de Me

Gauthier que qui que ce soit m'accuse de procéder par insinuations et hypothèses et de faire des procès d'intention alors que le but de mon intervention est précisément celui de montrer...

M. Laplante: ...

M. Doyon: Le député de Bourassa continue. Je sais que...

M. Laplante: II ne le sait pas, c'est un grand niaiseux, bon Dieu!

Le Président (M. Jolivet): Un moment, s'il vous plaît. Laissez tomber. M. le député de Bourassa, vous n'avez pas la parole.

M. Doyon: Je suis bien prêt à laisser tomber, mais je ne suis pas sûr que quelque chose va tomber.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le députél

M. Doyon: Le but de mon intervention est d'indiquer clairement que mon droit en tant que parlementaire a été brimé par le procureur qui a affirmé des choses qui, à leur face même et à la suite des citations que j'ai faites, sont fausses. Son affirmation à savoir que les questions que j'ai posées concernant les effets de certaines visites que recevait Me Gauthier l'ont été sans qu'il n'y ait eu nulle part un iota de preuve sur les conséquences de ces visites est totalement non fondée et contraire à la vérité compte tenu du fait que c'est verifiable n'importe quand, à la page 1079 du journal des Débats du 21 avril, où il a été établi que Me Aquin s'était lui-même inquiété du genre de visite que recevait Me Gauthier. C'est pour ça que j'ai posé cette question. Si l'accusation d'avoir fait des insinuations est aussi fondée que celle d'avoir posé une question sans avoir un iota de preuve, je pense qu'elle n'est nullement fondée.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, question de règlement.

M. Doyon: C'est ce que je voulais établir clairement ce matin, et je vous remercie de m'avoir permis de le faire, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. J'invite donc Me Jean-Roch Boivin et le greffier de notre commission parlementaire. S'il vous plaît, au micro, Me Boivin.

Une voix: Je suis certain que le Québec aurait été très mêlé ce matin si cette mise au point n'avait pas été faite.

M. Duhaime: Cela a pris 25 minutes.

Vous vous couchez trop tard, les gars, cela n'a pas de bon sens.

Le Président (M. Jolivet): Me Boivin.

Le Greffier (M. Jean Bédard): Monsieur, pourriez-vous mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi: Je - vos noms et prénoms - je déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Témoignage M. Jean-Roch Boivin

M. Boivin (Jean-Roch): Je, Jean-Roch Boivin, affirme solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Greffier (M. Jean Bédard): Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Est-ce que vous avez une déclaration préliminaire?

M. Boivin: Si vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Boivin: ...je voudrais vous présenter mon bras droit, qui se trouve à ma gauche, Me Gilles R. Tremblay, avocat, chef de cabinet adjoint au bureau du premier ministre. Il a eu la chance de suivre vos travaux, ce qui ne fut pas mon cas. Il a connaissance, je crois, des documents qui ont été déposés ici. Il pourra m'être utile, si jamais vous me faites l'honneur de me poser quelques questions et si ces quelques questions devaient m'obliger à me référer aux documents.

Le Président (M. Jolivet): Accordé.

M. Boivin: Deuxièmement, M. le Président, je l'ai déjà remise au secrétariat de la commission - je ne sais pas si c'est selon les règles - je voudrais faire distribuer et vous remettre une lettre du premier ministre, qui m'est adressée, me relevant de mon secret. J'en ai fait des copies pour l'information de tout le monde.

Le Président (M. Jolivet): Pour distribuer.

M. Boivin: L'original est ici pour vous. Enfin, M. le Président, avec votre permission, je ferais une déclaration dont des exemplaires ont été remis également au secrétariat de la commission.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Oui, allez!

M. Boivin: M. le Président, je n'ai pas

et je n'ai jamais eu de note écrite ou de dossier concernant le règlement hors cour de la poursuite civile intentée par la SEBJ, à la suite de ce qu'il est convenu d'appeler "le saccage de la Baie-James". Je témoignerai donc au meilleur de mon souvenir.

C'est dans l'exercice normal de mes fonctions de chef de cabinet du premier ministre qu'il m'a été donné de me renseigner sur ce dossier, de l'étudier et d'en faire rapport au premier ministre.

À l'automne 1978, j'ai reçu un appel téléphonique de M. Louis Laberge, président de la FTQ. Je ne saurais préciser la date de cette conversation téléphonique mais il me semble que ce fut peu de temps avant ma première rencontre avec Me Michel Jasmin, le 4 décembre 1978. Elle aurait donc vraisemblablement eu lieu au cours du mois de novembre. M. Laberge argua que la SEBJ devait régler la cause hors cour. Il m'a énuméré certains arguments au soutien de sa prétention, mais je crois que la conversation téléphonique fut brève, car il m'a alors dit que Me Michel Jasmin demanderait à me voir pour me faire une argumentation plus complète en faveur d'un tel règlement.

Le 1er décembre, j'ai rencontré, à sa demande, Me Rosaire Beaulé à mon bureau de Québec. Il me remit à cette occasion une copie de sa défense à l'action de la SEBJ. Afin de me former une opinion, j'ai écouté les représentations de MM. Laberge, Beaulé et Jasmin. J'ai pris des informations au sujet de la poursuite auprès du bureau d'avocats Geoffrion et Prudhomme et, finalement, j'ai lu le rapport Cliche. J'en suis venu à la conclusion qu'il devrait y avoir un règlement hors cour pour les raisons suivantes:

Premièrement, l'incapacité évidente des syndicats québécois défendeurs de payer une somme d'argent qui puisse avoir quelque rapport que ce soit avec le montant réel des dommages.

Deuxièmement, la non-responsabilité de la très grande majorité des syndiqués ordinaires de ces mêmes syndicats. En effet, j'ai été frappé par ce passage du rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction, le rapport Cliche. Je cite, aux pages 68 et 69: "Les commissaires ont acquis la conviction que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne s'agit aucunement d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée par un noyau de mécréants, dirigés par Duhamel, pour montrer, une fois pour toutes, qui était le maître à la Baie-James. "L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des témoins du saccage est que les travailleurs ont été de simples spectateurs et même des victimes des actes insensés posés par un Duhamel en délire. "C'est à ce genre de catastrophe que devait finalement aboutir l'irresponsabilité des aventuriers sans scrupule qui avaient fait main basse sur le contrôle des principaux locaux de la FTQ-Construction. "Il suffit, à partir de Yvon Duhamel, de remonter le lien de filiation pour voir à qui incombe ultimement la responsabilité morale de son crime. "Car, enfin, l'agent d'affaires travaillait à la réalisation d'un objectif maintes fois déclaré par les dirigeants de sa centrale: l'acquisition du monopole syndical sur les chantiers. Et il le faisait avec des méthodes qui ne détonnent pas du tout avec celles généralement admises dans la FTQ-Construction. Il n'est que de lire le procès-verbal de l'asssemblée mensuelle des membres du local 791, tenue le 25 mars 1974. Une résolution, adoptée unanimement, accepte le rapport par lequel M. René Mantha, après avoir souligné le "beau travail" accompli par M. Yvon Duhamel "pour le local et pour tous les membres", ajoute qu'il "a été grandement apprécié à son dernier meeting à la Baie -James". À noter que les membres sont alors bien au courant du saccage du 21 mars puisqu'il en a été question à la même assemblée."

L'opération consistant à obtenir jugement contre les syndicats québécois et à procéder ensuite à la saisie des cotisations syndicales eut été d'un irréalisme total sans parler d'inéquité à l'égard de la majorité des membres d'alors et des membres futurs de ces syndicats.

La troisième raison de mon opinion qui était favorable au règlement hors cour: mon très grand scepticisme quant à la capacité de la SEBJ de faire établir par les tribunaux canadiens la responsibilité civile du syndicat américain, The International Union of Operating Engineers. Aujourd'hui encore j'entretiens le même scepticisme pour ne pas dire davantage. Il n'est pas inutile de rappeler ici que la SEBJ n'alléguait aucune faute d'action contre le syndicat américain lui-même. Dans un document déposé devant cette commission parlementaire les avocats et les procureurs de la SEBJ écrivent: "Cet organisme international pouvait être engagé à deux points de vue, premièrement, pour être valide le contrat d'agent d'affaires de Yvon Duhamel pour le local 791 avait été ou devait avoir été approuvé par cette union; deuxièmement, de plus cette union avait par ses règlements des pouvoirs structurels de contrôle sur le local 791 qu'elle aurait omis d'exercer". (10 h 30)

Les avocats de la SEBJ ont déclaré devant cette commission qu'il n'y avait pas de précédents judiciaires canadiens au soutien de leurs prétentions. Ces avocats étaient d'ailleurs loin d'être catégoriques au sujet de cette prétendue responsabilité civile. Dans leur opinion du 16 décembre 1975, ces avocats s'expriment en termes prudents. À la

page Il, ils s'expriment ainsi - M. le Président, les soulignés que vous trouvez dans la citation sont du soussigné: "Nous ne savons pas si le contrat d'agent d'affaires qui existait entre le local 791 et Yvon Duhamel a été approuvé conformément à la charte de l'union internationale. Cependant, Yvon Duhamel a été agent d'affaires tant à Matagami qu'à LG 2 pour une période de près de seize mois et il est à présumer qu'une telle approbation a existé." Sur cela, il serait certainement intéressant de poursuivre nos recherches qui n'ont à date rien révélé. "Cependant si l'union internationale n'a pas approuvé le contrat d'agent d'affaires d'Yvon Duhamel, nous sommes tout de même d'avis que l'on peut possiblement impliquer l'union internationale à cause de sa faute d'omission. L'union internationale se devait d'approuver le contrat d'emploi d'Yvon Duhamel comme agent d'affaires du local 791 en vertu de ses règlements et de sa constitution. Qu'une telle approbation ait été donnée ou non l'union internationale a pu possiblement engager sa responsabilité du fait qu'elle aurait sciemment permis à Duhamel d'occuper la fonction."

À la page 14 - "D'autre part vu que l'union internationale a approuvé le contrat d'agents d'affaires d'Yvon Duhamel ou qu'elle lui a permis d'agir comme tel, la responsabilité civile de l'union internationale se trouve peut-être engagée."

Dans leur opinion du 19 février 1979 ces mêmes procureurs s'expriment de la façon suivante - cette fois les mots soulignés se trouvent dans le texte original de la citation: "Si la responsabilité de The International Union of Operating Engineers était retenue ce serait par effet combiné des dispositions de ses statuts et des articles 1054 et 1731 du Code civil qui imposent au commettant et au demandant une responsabilité présumée, tandis que dans l'affaire de Gaspé Copper Mines il a été prouvé que des agents et représentants de l'union internationale avaient "fomenté, organisé, dirigé, soutenu et financé" la grève illégale et que certains actes de violence qui s'en sont suivis ont été commis "avec la participation, l'approbation expresse ou tacite, les encouragements, les incitations ou les appuis matériels et financiers des agents et représentants de la haute hiérarchie et direction" de la même union. "Nous n'avons pas, dans notre cas - ce sont les avocats qui parlent toujours -d'élément de preuve permettant de croire que l'International Union of Operating Engineers aurait participé de semblable façon aux événements de mars 1974."

Comme avocat ayant exercé pendant 20 ans, principalement dans le domaine de la responsabilité civile, je me suis intéressé à la question de la responsabilité du syndicat américain. À titre de chef de cabinet du premier ministre il ne m'appartenait pas, cependant, de trancher cette question ni d'émettre une opinion juridique formelle. Il me suffisait de constater que cette responsabilité civile était fort aléatoire.

Quatrième raison: Cette commission parlementaire a entendu de longs exposés juridiques - je devrais dire de longs et savants exposés juridiques - sur la responsabilité civile possible du syndicat américain. À ce sujet, la conclusion personnelle à laquelle j'en suis arrivé me suffisait. En effet, le caractère très aléatoire de la responsabilité civile du syndicat américain n'était peut-être pas suffisant à lui seul pour me permettre de recommander au premier ministre la cessation de la poursuite contre ce syndicat. L'équité la plus évidente commandait cependant une telle recommandation, puisqu'il était admis de tous que le syndicat américain n'avait pas réellement participé au saccage. En somme, on essayait de faire payer par un syndicat américain les dommages causés par quelques aventuriers québécois sans scrupule.

M. le Président, je pèse mes mots. Je trouvais hier et trouve encore aujourd'hui cela tout à fait inéquitable et j'ajouterais inacceptable.

Cinquième raison: Enfin, mais de façon subsidiaire - je dis bien, M. le Président, de façon subsidiaire - le climat sur le chantier était bon et la productivité excellente puisque les travaux étaient de six mois en avance sur l'échéancier prévu. Il m'apparaissait imprudent de risquer de compromettre de tels acquis pour tenter d'obtenir un jugement contre le syndicat américain, jugement qui était fort aléatoire, lointain et possiblement difficile d'exécution. De plus, à la connaissance même de la SEBJ, les syndicats québécois n'étaient pas en mesure d'y satisfaire.

Donc, avant le congé de Noël, j'ai fait un court rapport verbal à M. Lévesque des faits que je connaissais de ce dossier et des représentations qui m'étaient faites par la FTQ ainsi que par Me Beaulé, le procureur du syndicat américain. M. Lévesque m'a dit -et je cite - qu'"il était évident" que cette cause devrait se régler hors cour aux conditions dont les parties auraient elles-mêmes convenu. Il m'a demandé de faire connaître son opinion au président de la SEBJ et de me tenir au courant de l'évolution du dossier afin de pouvoir l'en informer.

Le 3 janvier 1979, j'ai eu une brève rencontre avec M. Claude Laliberté, comme vous le savez, président de la SEBJ, pour lui dire que le premier ministre était favorable à un règlement hors cour. Si ma mémoire est fidèle, M. Laliberté m'a alors dit qu'il verrait à soumettre cette question au conseil

d'administration. Il disait douter, cependant, que le conseil puisse en arriver à une décision avant le début du procès fixé pour le 15 janvier.

Du 3 janvier jusqu'à la rencontre du premier ministre avec les trois membres du conseil d'administration de la SEBJ tenue le 1er février 1979, j'ai, à quelques reprises, parlé brièvement de cette affaire à M. Lévesque pour l'informer de l'évolution générale du dossier. Il en fut de même après le 1er février.

En bref, M. le Président, j'ai été approché par MM. Laberge, Jasmin et Beaulé qui m'ont fait des représentations. J'ai étudié le dossier et j'ai fait au premier ministre les recommandations que je croyais appropriées. J'ai ensuite rencontré M. Claude Laliberté, comme il est dit plus haut. Enfin, je me suis tenu au courant de l'évolution générale du dossier.

La tenue de la présente commission parlementaire a été ordonnée à la suite de l'article paru dans la Presse du 17 mars 1983 sous la signature du journaliste Michel Girard. Je me permets donc d'examiner les affirmations faites par ce journaliste et au sujet desquelles je peux témoigner. Première affirmation: "Le premier ministre Lévesque, accompagné de M. Boivin, avait rencontré, le 19 février 1979, soit la veille de son intervention en Chambre, MM. Robert Boyd, P.-D.G. de Hydro-Québec, Claude Laliberté, P.-D.G. de la SEBJ, et Lucien Saulnier, président du conseil d'administration des deux sociétés d'État."

Ma réponse à cette affirmation: Cette rencontre a eu lieu le 1er février 1979. Une petite erreur de 18 jours qui n'est pas sans colorer une autre phrase du même article où l'auteur affirme que, le lendemain de la rencontre, soit le jour de l'intervention en Chambre de M. Lévesque, donc le 20 février, la majorité des membres du conseil d'administration de la SEBJ a cédé à l'ultime pression du premier ministre en acceptant de donner à ses avocats un mandat de négocier un règlement hors cour.

De plus, le journaliste a le culot d'écrire, le 19 mars, dans un autre article, dans le même journal: "La date de cette consultation a été confirmée au journal par l'attachée de presse du premier ministre, Mme Catherine Rudel-Tessier, et reconfirmée par la suite par d'autres personnes". Admirons la précision de l'expression "autres personnes" et sachons que Mme Rudel-Tessier n'a jamais confirmé au journaliste Girard la date du 19 février.

Deuxième affirmation du journaliste: "À l'exception de M. Boyd et de deux collègues, tous les autres membres du conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la SEBJ ont cédé à l'ultime pression du premier ministre en acceptant, le jour même de l'intervention en Chambre de M. Lévesque, de donner à leurs avocats un mandat de négocier un règlement hors cour.

Ma réponse: "Cette phrase est un tissu de faussetés. J'en relève quatre. La première: Comme le journaliste se réfère explicitement à la réunion du conseil d'administration de la SEBJ du 20 février 1979, la phrase est complètement fausse, puisque tous les membres du conseil d'administration présents sans exception ont donné ce jour-là un mandat de négocier un règlement hors cour.

Deuxièmement, si d'autre part le journaliste confond avec la séance du conseil d'administration du 6 mars alors que le conseil a voté majoritairement en faveur du règlement, erreur qui serait inadmissible, il serait encore faux d'écrire: "À l'exception de M. Boyd et de deux collègues..." En effet, il aurait alors fallu écrire à l'exception de M. Boyd et de quatre collègues, Mme Nicolle Forget et M. Hébert ayant voté contre le règlement, M. Lucien Saulnier s'étant abstenu et M. Roland Giroux étant alors absent.

Troisième fausseté dans la même phrase. Les membres du conseil d'administration qui ont voté en faveur du règlement le 20 février et ceux qui ont voté le 6 mars en faveur du règlement finalement intervenu l'ont fait librement comme ils l'ont tous affirmé sous serment durant cette commission parlementaire. Les mots: "...ont cédé à l'ultime pression du premier ministre" sont donc une fabrication pure et simple du journaliste.

Quatrième fausseté dans une seule phrase. Il est maintenant prouvé que le mandat donné par M. Laliberté aux avocats de la SEBJ de participer à des échanges l'a été bien avant le 19 février et même avant le 1er février. Il est donc faux d'écrire que ce mandat fut donné le jour de l'intervention en Chambre du premier ministre, le 20 février.

Troisième affirmation du journaliste dans l'article: "Pendant trois mois, soit de décembre 1978 à février 1979, ils, - "ils" se réfère à M. Jean-Roch Boivin et M. Yves Gauthier - ont mené des tractations visant à obtenir un règlement hors cour nettement favorable pour les syndicats de la FTQ." Ma réponse: Le mot "tractations" employé au pluriel a souvent, selon le petit Robert, le sens préjoratif suivant: "négociations de caractère officieux et occulte, où interviennent des manoeuvres et des marchandages". Je n'ai jamais participé à des tractations dans l'exercice normal de mes fonctions de chef de cabinet. J'ai rencontré les avocats ouvertement à mon bureau et j'ai rencontré M. Laliberté officiellement au même endroit.

Je n'ai jamais visé à obtenir un règlement hors cour nettement favorable pour les syndicats de la FTQ par des manoeuvres ou des marchandages. Ce qui est

arrivé, M. le Président, c'est qu'après étude du dossier j'ai dit au premier ministre que j'étais favorable à un règlement hors cour avec les syndicats québécois et le syndicat américain pour les raisons que j'ai mentionnées plus haut. Le journaliste m'impute des motifs partisans alors que c'est l'intérêt public qui m'a guidé lorsque j'ai fait cette recommandation au premier ministre.

Quatrième affirmation du journaliste: "...c'est dans le bureau du premier ministre, à Montréal, qu'une bonne partie de ces négociations ont eu lieu..." Ma réponse: Je n'ai jamais négocié, c'est-à-dire - regardez dans le dictionnaire - que je n'ai jamais établi ou négocié quoi que ce soit entre la SEBJ et les parties adverses. Je n'ai jamais même discuté des termes, conditions et montants du règlement avec qui que ce soit. Enfin les parties ou leurs avocats n'ont jamais négocié en ma présence.

Cinquième affirmation du journaliste toujours dans le même article: "Avant de poser quelque geste que ce soit (offres de règlement, lettres, mémoires, recommandations à leur client respectif, etc.) les avocats consultaient régulièrement M. Boivin". Ma réponse: Faux, et voir la réponse précédente. (10 h 45)

Sixième affirmation du journaliste, toujours dans le même article, et je cite: "D'ailleurs, dès le 22 janvier 1979, cinq jours après le début du procès, les avocats des principales parties impliquées s'étaient entendus, avec la participation de Jean-Roch Boivin, sur un projet de transaction de règlement hors cour". Ma réponse: "Suivant le témoignage des avocats devant cette commission, les avocats ou les parties ne s'étaient pas encore entendus entre eux le 22 janvier sur le montant du règlement. Ils ne s'étaient donc pas entendus sur un projet de transaction. Quant à moi, je n'ai jamais aidé les parties à s'entendre sur ce projet ou tout autre projet de transaction".

Septième affirmation du journaliste, toujours dans le même article, et je cite: "C'est vraisemblablement - c'est un beau mot, "vraisemblablement" - par sympathie envers la FTQ qui avait donné son appui au Parti québécois lors des élections de 1976 que le bureau du premier ministre s'est ingéré dans la négociation du règlement hors cour." Ma réponse: "En fin de phrase, on répète pour la nième fois que le bureau du premier ministre s'est ingéré dans la négociation du règlement". Mais j'admire surtout l'emploi du mot "vraisemblablement". Il n'est malheureusement pas suffisant pour cacher une odieuse calomnie. Enfin, ce bel article était coiffé d'une belle sous-manchette intitulée "Jean-Roch Boivin a négocié avec les avocats". Tout cet article est coiffé d'une belle sous-manchette que je viens de citer.

À part les affirmations du journaliste, M. le Président, rien dans l'article ne prouve cette sous-manchette. Il est maintenant évident, pour toute personne désintéressée, qu'il n'y a pas de telle preuve puisque tous les membres du conseil d'administration de la SEBJ et tous les avocats au dossier, entendus jusqu'à ce jour, affirment ne pas avoir négocié avec moi. J'affirme, sous serment bien sûr, n'avoir joué aucun rôle dans les conditions du règlement, au point que je n'en ai appris le montant que plusieurs jours après sa conclusion. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Alors, M. Boivin, vous occupez cette fonction de chef de cabinet du premier ministre depuis quand?

M. Boivin: Depuis le printemps ou l'été 1978, je crois. Avant, j'étais conseiller spécial depuis le début de 1977.

M. Duhaime: II a été question, avant votre témoignage et, en particulier, lors de sa comparution devant cette commission, de Me Rosaire Beaulé. Est-ce que vous pourriez rappeler à la commission à quelle époque vous avez été en relations d'affaires avec Me Beaulé ou associés professionnels?

M. Boivin: Comme il l'a dit, pendant quatre ans, de 1961 à 1965.

M. Duhaime: De 1961 à 1965? Maintenant, vous-même êtes membre du barreau?

M. Boivin: Depuis 1977, M. le Président, je ne paie plus ma cotisation. Donc, je ne suis pas membre, je ne suis pas inscrit au tableau de l'ordre. Avant d'occuper les fonctions que j'occupe, j'ai été avocat de 1956 à 1976.

M. Duhaime: Pendant ces années de pratique, vous avez été un avocat actif, je présume. Dans quel secteur du droit avez-vous pratiqué d'une façon plus particulière?

M. Boivin: J'étais un avocat de la piétaille, c'est-à-dire un avocat qui devait gagner sa vie en plaidant devant les tribunaux. J'ai plaidé devant les tribunaux pendant quinze ans exclusivement, ou presque exclusivement, en responsabilité civile. Ensuite, j'ai fait du droit ouvrier et un peu de droit administratif.

M. Duhaime: Bon. Maintenant, est-ce que vous pouvez dire à la commission si d'autres personnes que vous avaient reçu un mandat du premier ministre de suivre le dossier de cette poursuite de la SEBJ contre

les syndicats québécois et le syndicat américain?

M. Boivin: Personne d'autre que moi n'a reçu de mandat.

M. Duhaime: Maintenant, je voudrais qu'on en vienne à la rencontre du 1er février 1979. Vous avez corrigé l'article de la Presse qui mentionnait le 19 février. Je pense que c'est acquis pour tout le monde, maintenant; tout le monde s'entend maintenant, je pense, de tous côtés, qu'il s'agit d'une erreur manifeste. Est-ce que vous pouvez nous dire dans quelle circonstance cette rencontre a été organisée, d'abord, et ensuite quel a été son déroulement?

M. Boivin: Sous toute réserve, si mon souvenir est exact, c'est M. Saulnier qui m'a téléphoné pour demander cette rencontre. C'est la façon dont ç'a été organisé, si on peut employer un aussi grand mot. Deuxièmement, la rencontre elle-même a duré environ 40, 45 ou 35 minutes, dont 25 à 30 minutes sur le sujet, c'est-à-dire sur le dossier de la SEBJ. Le climat était amical, comme il l'est généralement dans ce genre de rencontres. M. Laliberté n'a pas parlé, ou si peu que point.

M. Lalonde: Ou si peu que point.

M. Boivin: Ou si peu que point. C'est une expression...

M. Lalonde: Oui, oui. M. Laliberté muet.

M. Boivin: M. Saulnier a agi un peu comme animateur de la discussion, probablement qu'il s'autorisait de son titre de président du conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la SEBJ. Quant à M. Saulnier - c'est loin, le 1er février 1979 - il me semble qu'il restait neutre, qu'il ne laissait pas voir tellement son point de vue, quoique j'en aie retiré l'impression - c'est une impression personnelle - qu'il était favorable à un règlement hors cour. Quant à M. Boyd, il était contre le règlement hors cour et il l'a dit clairement, et à peu près dans les termes qu'il a utilisés ici.

Selon mes souvenirs quant à ce que M. Boyd a dit - je ne prétends jamais citer verbatim, c'est en substance - la première question qui se posait, selon lui, c'était d'obtenir un jugement contre les responsables pour qu'il soit clairement établi qu'il n'y avait pas dans cette affaire de responsabilité partagée entre la SEBJ et les défendeurs. Je pense qu'il a dit que dans les journaux ou dans le rapport Cliche, je ne m'en souviens plus - je veux être très honnête vis-à-vis de M. Boyd - on avait laissé planer des questions de responsabilité partagée et il y allait de l'honneur ou du bon renom de la SEBJ de ne pas laisser traîner cette possibilité de responsabilité partagée. Donc, il y a eu un jugement. Là-dessus, je ne me souviens pas si c'est moi ou le premier ministre qui avait demandé à ces syndicats d'admettre leur responsabilité; il va être clairement établi qu'il n'y a pas de responsabilité partagée.

Deuxièmement, lorsqu'on lui disait -quand je dis "on", parfois c'est M. Lévesque, parfois c'est moi - que l'incapacité évidente des syndicats québécois de payer quelque montant que ce soit qui puisse ressembler ou s'approcher, si vous voulez, d'un montant possible du jugement, il disait que ça n'avait pas d'importance pour l'instant. Je pense qu'il était logique avec son raisonnement, il s'agissait d'abord d'établir un jugement de responsabilité, et la question de la perception du montant du jugement était une autre question à laquelle la SEBJ devrait voir en temps et lieu. Lorsque je lui ai dit: Bien oui, mais supposons, pour les fins de la discussion, M. Boyd, que vous obtenez un jugement contre les syndicats québécois pour un montant X - que je ne voulais pas discuter parce que je ne sais rien de ce qu'aurait été le montant du jugement - que feriez-vous avec le jugement? Je lui ai dit: Vous l'encadreriez, le jugement? Vous le mettriez aux filières? Qu'est-ce que vous feriez avec le jugement? Il a dit: En tout cas, je l'aurais et ils sauraient qui est le "boss". Ce n'est pas du verbatim. Ou ils sauraient qui est maître ou ce serait une épée, vous savez, en faisant le geste.

J'ai dit à M. Boyd - entre parenthèses, je suis très à l'aise pour le dire parce que j'ai beaucoup de respect pour M. Boyd: vous avez des conceptions ouvrières patronales qui datent d'avant 1940. Elles sont peut-être très respectables, mais je lui ai dit: Je ne les partage pas. Là, on était toujours, comme vous l'avez noté, sur la question d'un jugement possible contre les syndicats québécois. Quant aux syndicats américains, j'ai dit à M. Boyd: Votre cause est loin d'être gagnée contre le syndicat américain. Il a dit: On a une bonne cause, l'affaire de Gaspé Copper Mines. J'ai dit à M. Boyd de faire attention, que je ne lui en voulais pas, qu'il n'était pas avocat mais de consulter les avocats et de faire attention parce que sa cause n'était pas du tout pareille à celle de Gaspé Copper Mines.

À la suite de cette discussion sur l'aspect de la solvabilité des syndicats québécois et de la responsabilité du syndicat américain, M. Lévesque est intervenu. Je ne sais pas en quels termes, mais il a dit à M. Boyd qu'il ne comprenait pas son attitude parce que lui - c'est M. Lévesque qui parle -il dit: Ce que je comprends de cela, c'est que les syndiqués ordinaires des syndicats québécois défendeurs ne sont pas responsables

de cela. Ce que je comprends de la cause c'est que les syndicats québécois ne sont pas capables de payer un montant qui ressemble à un montant d'un jugement qui serait de 3 000 000 $, 4 000 000 $, 5 000 000 $, 7 000 000 $, 8 000 000 $ ou 17 000 000 $ - les avocats ont-ils dit ici - et il dit en plus: Troisièmement, le syndicat américain, si je comprends bien les questions d'avocasse-ries, la responsabilité civile du syndicat américain et aléatoire.

Mais ce qui frappait surtout M. Lévesque - c'est M. Lévesque qui l'a soulevé - c'est que le syndicat américain n'avait rien eu à voir avec le saccage et il disait que cela ne tenait pas debout d'essayer de faire payer par les Américains les dommages causés par des Québécois. Ensuite, il parlait de l'épargne des frais de cour qui pouvaient peut-être s'élever à quelques millions de dollars. Il a dit très clairement aux personnes présentes qu'il espérait fortement un règlement hors cour. Il a répété plusieurs fois que, quant aux modalités du règlement, ceci ne nous concernait aucunement puisque cela concernait le conseil d'administration de la SEBJ. Alors, ce fut en gros, M. le Président, la substance de la rencontre.

M. Duhaime: M. Boivin, lors du témoignage de Me Aquin, devant cette commission, je crois que c'est Me Aquin, lui-même, qui a utilisé cette expression, qui m'a frappé, qu'il a qualifié de "projet de transaction de déclaration multilatérale", indiquant qu'il y avait plusieurs parties en cause. Est-ce que, à quelque moment que ce soit, vous-même avez discuté de cette déclaration multilatérale ou avec Me Aquin, ou avec Me Cardinal ou avec Me Jetté ou avec Me Beaulé ou avec Me Jasmin?

M. Boivin: Pour vous aider, M. le Président, avec personne.

M. Duhaime: Est-ce que vous connaissiez personnellement certains des membres du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James?

M. Boivin: Oui, M. le Président. (Il heures)

M. Duhaime: Au cours de toute cette période, qui va de votre première journée de travail au cabinet du premier ministre jusqu'au 13 mars 1979, qui est le jour du règlement, avez-vous fait pression ou êtes-vous intervenu en dehors de la rencontre du 1er février 1979 pour avoir une discussion sur ce dossier avec M. Lucien Saulnier?

M. Boivin: M. le Président, comme je vous l'ai dit tantôt, au début, je n'ai pas suivi vos travaux à la télévision tout le temps, parce que alors on ne pourrait pas travailler, mais j'ai obtenu de Me Tremblay des résumés de témoignages des personnes qui sont passées ici sur des bouts importants ou des bouts qui semblaient me concerner et je pense - mais je dis cela sous toute réserve, on pourra vérifier tantôt - que M. Saulnier a dit "au meilleur de mon souvenir". Je pense qu'il a dit cela ainsi. Il a dit: Je n'ai pas eu de rencontres avec M. Boivin. Est-ce qu'on s'en est parlé au téléphone? Je ne le sais pas. C'était quelque chose de semblable. Je résume son témoignage peut-être imparfaitement, mais mon adjoint ici va vérifier cela. Je corrobore les propos de M. Saulnier à savoir qu'il n'y a pas eu de rencontre. Je n'ai pas eu de rencontre avec M. Saulnier à ce sujet. Quant au souvenir de conversations téléphoniques, je n'en ai pas, mais je dirais que j'ai l'impression - c'est ce qui est délicat ici quand on parle de 1978-1979 - de lui avoir parlé de cette affaire au cours d'une conversation téléphonique où on parlait d'autre chose. C'est pour cette raison que mon souvenir est très vague. Ce n'était pas une grosse affaire.

M. Duhaime: Quant à M. Claude Laliberté, vous nous avez dit tantôt dans votre déclaration préliminaire que vous lui aviez fait part du souhait du premier ministre lors d'une brève rencontre; c'était le 3 janvier 1979, si je me réfère à la page 8, paragraphe 6, de votre déclaration. En dehors de cette rencontre, avez-vous eu d'autres discussions avec M. Laliberté?

M. Boivin: Je n'ai jamais eu d'autres discussions avec M. Laliberté sur le bien-fondé ou sur l'opportunité pour la SEBJ de régler cette cause hors cour. J'ai eu d'autres conversations téléphoniques avec M. Laliberté. Par exemple, je l'ai appelé pour avoir un renseignement - on reviendra peut-être à cela un peu plus loin - mais je n'ai jamais eu d'autres discussions sur le bien-fondé ou sur les arguments - mes arguments ou les arguments du premier ministre -favorables à un règlement hors cour. Avec M. Laliberté, lors de la rencontre du 3 janvier 1979, ce qui n'a pas été une grande discussion bien longue, je pense... A-t-on les... On indique: entrée et sortie, 20 minutes. S'il a attendu le moindrement... La rencontre aurait duré, en tout cas, au maximum 20 minutes. À part cela, le 3 janvier - je ne sais pas si vous vous en souvenez - je me suis rendu au bureau et je venais seulement pour cela. Après lui avoir servi un café, je ne sais pas si on a parlé de cela pendant 20 minutes. J'ai surtout parlé à M. Laliberté très brièvement, lors de la rencontre, des raisons - pour ne pas me répéter - que vous trouverez dans ma déclaration à la page 2, c'est-à-dire: 1.-l'incapacité des syndicats québécois de payer; 2.- la non-responsabilité des syndiqués ordinaires; 3.- mes très grands doutes quant

à la responsabilité civile du syndicat américain, et 4.- le côté inéquitable, carrément inéquitable à mes yeux de demander aux Américains de payer les pots qu'ils n'ont pas cassés. Ce sont à peu près les quatre arguments que j'ai énumérés ou fait valoir à M. Laliberté.

M. Duhaime: M. Boivin, en dehors de la réunion du 1er février 1979, que vous avez relatée tantôt et à laquelle assistait M. Boyd, avez-vous eu d'autres discussions, rencontres ou conversations avec M. Boyd au sujet de ce dossier?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Duhaime: Avez-vous eu des discussions, rencontres ou conversations avec M. Roland Giroux concernant ce dossier?

M. Boivin: Pour vous aider dans votre tâche, je n'ai parlé à personne du conseil d'administration de cette affaire, sauf, M. Boyd, qui était présent à la rencontre du 1er février, sauf M. Laliberté que j'ai rencontré, sauf M. Lucien Saulnier dans les termes dont je me suis exprimé tantôt et possiblement -là je vais être très poli et mettre des "possibles" parce que M. Giroux dit que je ne lui ai pas parlé de cette affaire - il me semble avoir parlé de cette affaire une fois au téléphone avec M. Giroux. Je ne le jurerais pas si M. Giroux jurait le contraire, mais il me semble avoir parlé au téléphone de cette affaire avec M. Giroux. Tous les autres membres, je ne leur en ai pas parlé.

M. Duhaime: Avec M. Georges Gauvreau?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Duhaime: J'aime autant épuiser ma liste.

M. Boivin: Oui, parce que je n'ai pas la liste devant moi.

M. Duhaime: Avec M. Hervé Hébert? M. Boivin: Non.

M. Duhaime: Avec Mme Nicolle Forget? M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Duhaime: Avec M. André Thibaudeau?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Duhaime: Avec M. Claude Roquet?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Duhaime: Avec M. Guy Monty? M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Duhaime: Avec M. Pierre Laferrière?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Duhaime: Depuis les derniers jours, nous avons entendu Me Yves Gauthier qui est un de vos collaborateurs puisqu'il est attaché politique au bureau du premier ministre. Voulez-vous dire à la commission si à quelque moment que ce soit, vous-même, vous avez eu des discussions avec Me Yves Gauthier concernant ce dossier?

M. Boivin: Je vais faire des reproches à la fin de cette commission à Me Gauthier parce que c'est un cachottier. Ce qu'il a fait dans ce dossier, je l'ai appris lors de la commission.

M. Duhaime: Vous l'avez appris lors de la commission.

M. Boivin: Oui, M. le Président.

M. Duhaime: Me Gauthier nous a raconté, je n'ai pas la date devant moi, je crois même que cette date n'a jamais été clairement établie mais c'était soit la journée où Me Michel Jasmin était en discussion, ou s'était rendu au bureau du Me Yves Gauthier... Je vais essayer de me souvenir du témoignage, de ce que Me Gauthier nous a dit ici, qui rapportait vos propres remarques. Je voudrais que ce soit bien clairement établi devant la commission. Si je me souviens bien, Me Gauthier nous a dit que vous lui aviez dit, à une certaine occasion, dans une forme interrogative en faisant le geste avec propres lunettes: Est-ce que tu es encore ou est-ce que vous êtes encore tuteur du 791? Ou, Ti-Lou es-tu encore tuteur? Je n'ai pas la transcription avec moi. Vous souvenez-vous de ces remarques que vous auriez formulées à l'endroit de Me Gauthier? Dans l'affirmative, pouvez-vous nous éclairer davantage?

M. Boivin: J'ai manqué cet épisode à la télévision, il paraît que c'était drôle. Je ne m'en souviens pas, M. le Président.

M. Duhaime: Je n'aurais pas d'autres questions pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Jolîvet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, si vous me permettez seulement quelques remarques préliminaires pour bien situer les témoins qui auraient eu des questions après.

C'est en effet un témoignage important puisque la lumière que nous sommes chargés de faire dépend de la mémoire des participants aux réunions, cela revient essentiellement à ceci. C'est beaucoup demander aux différents témoins que de se souvenir des conversations qui ont eu lieu il y a plusieurs années. Essentiellement, Me Boivin a mentionné l'article et même analysé une bonne partie de l'article de la Presse du 17 mars. Ce que nous tentons de faire ici, M. le Président, c'est de voir si c'est exact que le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale et quand il l'aurait trompée. C'est lorsqu'il a répondu à une question, le 20 février 1979, de la façon suivante... En toute justice pour ceux qui nous écoutent, je vais citer la question avant la réponse: "Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau du premier ministre, en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants, qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu?"

Réponse: "Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près, ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu." "Mais il y a eu une consultation au bureau du premier ministre?" "Oui. Avec des gens du conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James."

J'arrête là la citation parce qu'à ce moment, le premier ministre avait commencé une longue réponse qu'il avait introduite de cette façon: "Je crois qu'en toute bonne foi, parce qu'il s'agit de quelque chose de très important qui concerne une propriété publique, le député permettra que je donne l'arrière-plan." Là, le premier ministre avait donné l'historique, en fait, les arguments qu'on a entendus ici en faveur d'un règlement hors cour.

Donc, ce n'est ni de près ni de loin dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu. On a fait un peu de sémantique autour de la table, surtout à ma droite, à savoir ce qu'est un règlement qui a lieu. On pourra peut-être se faire éclairer par le premier ministre lui-même parce qu'à une première question que j'avais posée: "Est-il exact qu'un tel règlement est envisagé...

M. Duhaime: À quelle page?

M. Lalonde: Toujours à la même date, page 5739. Le premier ministre avait dit: "II est exact qu'il est question d'un règlement. C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé." Si le premier ministre parle du règlement, de la transaction, du document signé au mois de mars, il ne peut répondre de cette façon. S'il y a un règlement qui est avancé, ce sont les négociations qui sont avancées. C'est pour cela que je pense qu'en se faisant éclairer par le premier ministre on peut voir que, lorsqu'il dit qu'une partie du règlement ou tout le règlement n'a pas eu lieu dans son bureau, dans mon esprit, cela comprend les discussions ou les tractations -sans sens péjoratif - ou, enfin, les échanges, les entretiens.

C'est donc sur la mémoire des membres du bureau du premier ministre, entre autres, qui sont encore à l'emploi du premier ministre, que nous devons compter. Cela impose un fardeau assez difficile à ces témoins et il faut le comprendre.

Si on examine la preuve fournie jusqu'à maintenant, y compris le document que le bureau du premier ministre ou le premier ministre a déposé ici à cette commission, la liste des rencontres et des autres échanges, lunches, qu'on a appris ici, à mesure que se déroulaient nos travaux, on arrive, Me Boivin, à une douzaine - et je dis une douzaine pour être bien en deçà de l'exagération - ou une quinzaine d'interventions ou de rencontres, de conversations de votre part. Vous êtes le chef de cabinet du premier ministre; vous l'étiez à ce moment-là. Le premier ministre est le chef du gouvernement.

Ma première demande - je pense, M. le Président, que vous allez la permettre -c'est que le témoin nous décrive quelles sont ses fonctions. Qu'est-ce qu'un chef de cabinet d'un premier ministre? Quels sont ses pouvoirs? Ensuite, je pense qu'on pourra aller plus directement vers ce qui nous concerne.

M. Boivin: M. le Président, quand les journalistes me demandent quelle est ma fonction, je leur dis que c'est bien difficile à décrire. Et pour la question aussi: Qu'est-ce qu'un chef de cabinet du premier ministre? Je pense qu'elle est théorique parce qu'un chef de cabinet de premier ministre fait un peu... Cela dépend de la personnalité et de la perception du rôle qu'en a le premier ministre lui-même. On peut avoir un chef de cabinet plus administratif, on peut avoir un chef de cabinet plus politique, on peut avoir un chef de cabinet, enfin... Cela dépend de la personnalité du premier ministre, de la personnalité du chef de cabinet et des relations qu'il y a entre les deux. Mais j'imagine que vous ne voulez pas une discussion théorique comme celle-là. Moi non plus. Vous voulez savoir ce que je fais, moi, j'imagine? (Il h 15)

M. Lalonde: ...par rapport à celui qu'on nomme le fonctionnaire numéro un, le secrétaire du Conseil exécutif. On sait que le premier ministre est le chef de l'Exécutif. M. Louis Bernard, aujourd'hui - il y en avait d'autres avant, il y en aura d'autres dans l'avenir - est ce qu'on appelle le fonctionnaire numéro un. Le chef de cabinet, par rapport à cela, est-ce que c'est plus

politique? Est-ce que c'est moins administratif? Je vous laisse...

M. Boivin: Comme vous le savez, M. le Président, le secrétaire général du gouvernement est le sous-ministre du ministère du Conseil exécutif. Dans le ministère du Conseil exécutif, il y a une case qui s'appelle le cabinet du premier ministre ou un programme, pour parler comme si on était devant la commission des crédits. Le cabinet du premier ministre, c'est l'appareil politique de soutien du premier ministre.

M. Lalonde: Est-ce que vos fonctions sont plutôt administratives ou plutôt politiques?

M. Boivin: Plutôt politiques.

M. Lalonde: J'aimerais, M. le Président, si le témoin le permet, commencer l'examen des nombreuses rencontres ou conversations du 3 janvier 1979. Je pense, d'ailleurs, que c'est un peu conforme à votre mémoire. Vous avez, dans votre mémoire, décrit votre préparation et, ensuite, il me semble que la première intervention extérieure au premier ministre est celle du 3 janvier. Vous nous avez dit, dans votre mémoire, à la page 8: "J'ai eu une brève rencontre avec M. Claude Laliberté pour lui dire que le premier ministre était favorable à un règlement hors cour." Je vous cite encore: "Si ma mémoire est fidèle, M. Laliberté m'a alors dit qu'il verrait à soumettre cette question au conseil d'administration". Est-ce que M. Laliberté a répondu à votre demande ou à votre message? Qu'a-t-il dit?

M. Boivin: Je ne répéterai pas tout le temps, pendant deux ou trois jours, que ce sont de vagues souvenirs. Ce sont toujours des souvenirs, je l'ai dit au début de ma déclaration. Le souvenir que j'en garde, c'est que M. Laliberté a été prudent. Je l'en félicite, dans le fond, parce que je trouve que c'était son rôle. En d'autres termes, lorsqu'il est sorti de mon bureau, le 3 janvier - je ne sais pas si c'est le sens de votre question - je ne savais pas, moi, si M. Laliberté allait faire une recommandation favorable à un règlement hors cour ou non.

M. Lalonde: Est-ce que M. Laliberté vous a indiqué des arguments à l'encontre de votre demande?

M. Boivin: Non, il s'est presque contenté d'écouter ce que je lui disais lorsque j'ai développé les arguments. C'est cela.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez fait rapport à M. Lévesque, votre patron, de cette réunion?

M. Boivin: Honnêtement, je ne le sais pas, mais j'imagine que oui.

M. Lalonde: Est-ce que vous étiez seul avec M. Laliberté ou s'il y avait une tierce partie?

M. Boivin: J'étais seul avec M. Laliberté.

M. Lalonde: Est-ce que - par rapport à votre réponse sur le rapport au premier ministre, je ne suis pas trop optimiste quant à la réponse à la prochaine question, parce que vous ne vous en souvenez pas tellement clairement - vous pouvez nous dire quelle a été la réaction du premier ministre à votre rapport de la réunion du 3 janvier?

M. Boivin: Je m'en souviens encore moins, M. le Président.

M. Lalonde: En revenant un peu en arrière, c'est-à-dire avant Noël, lorsque vous avez, selon votre déclaration, fait un court rapport verbal - à la page 7 de vos déclarations - à M. Lévesque, est-ce qu'il a été question, à ce moment-là, de la composition du conseil d'administration de la SEBJ?

M. Boivin: Aucunement.

M. Lalonde: Avant l'intervention de M. Laberge, le président de la FTQ, on retrouve dans votre mémoire, à la première page, vous dites: M. Laberge vous a téléphoné et il argua que la SEBJ devait régler la cause hors cour. Est-ce qu'avant cette intervention que vous situez, je pense, au mois de novembre, à l'automne, vous aviez discuté de cette question soit avec M. Pierre-Marc Johnson alors ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ou des membres de son cabinet, soit avec M. Guy Joron alors ministre de l'Énergie et des Ressources ou des membres de son cabinet?

M. Boivin: Je n'ai jamais discuté de la chose avec les deux ministres dont vous venez de mentionner les noms, sauf qu'une fois en passant - je ne suis pas capable de vous situer quand c'est arrivé - M. Johnson a dit: si je comprends bien, Jean-Roch, cette cause-là relève du bureau du premier ministre. J'ai dit oui. Début et fin de la conversation avec M. Johnson. Avec M. Joron, je pense que je n'ai même pas parlé aussi brièvement que cela de la cause avec lui.

M. Lalonde: Est-ce qu'on vous a informé des rencontres qu'il y aurait eu entre des membres du cabinet de M. Johnson

à ce moment et des membres ou un membre du cabinet de M. Joron sur cette question vers la fin de l'été 1978?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Lalonde: Vous avez dit tout à l'heure - je reviens après le 3 janvier -qu'avec M. Laliberté vous n'avez pas eu d'autre discussion, si je vous cite bien, c'est-à-dire vous n'avez pas eu à échanger à une autre occasion des arguments en faveur de votre position mais qu'il y aurait eu d'autres conversations. Est-ce que vous pouvez être plus précis sur le contenu des conversations et la date?

M. Boivin: Oui, par exemple - mais j'imagine que j'aurai à y revenir si jamais vous me faites l'honneur de m'interroger sur les différentes rencontres...

M. Lalonde: On vous fera l'honneur.

M. Boivin: Merci beaucoup.

M. Lalonde: Puisque vous le demandez.

M. Boivin: Merci. Je vais vous donner un ou deux exemples si vous le voulez, parce que je ne me souviens pas. Le 15 janvier la cause commence. Je pense qu'il y avait eu un conseil d'administration le 9 ou avant et le conseil d'administration n'a pas décidé de régler la cause puisque le procès se déroule. Bien sûr que si M. Jasmin ou M. Beaulé m'appellent et me disent "quand est-ce la prochaine réunion du conseil?" je place un appel téléphonique et je demande à M. Laliberté quand a lieu la prochaine réunion du conseil, et qu'il me dit telle date, je dis à M. Jasmin: la prochaine réunion du conseil sera telle date.

Autre exemple, dont je ne me souvenais pas mais dont le témoignage de M. Aquin m'a fait me souvenir. Me Aquin dit dans son témoignage que je l'aurais appelé - je ne mets aucunement en doute la parole de M. Aquin s'il l'a affirmé ici - le 8 février pour lui dire, est-ce vrai que la SEBJ exige la reconnaissance de responsabilité des syndicats? C'est un exemple que je n'ai pas cité mot à mot.

Je ne sais pas si c'est avant la conversation que j'ai eue avec M. Aquin ou après - mais je présume que c'est avant pour que ce soit logique - Me Jasmin m'avait dit: c'est tout à fait inhabituel que la SEBJ exige notre reconnaissance de responsabilité. Je me souviens - et c'est le témoignage de Me Aquin qui m'en a fait me souvenir -d'avoir téléphoné à M. Laliberté et de lui avoir dit: est-il exact que la SEBJ exige la reconnaissance de responsabilité des syndicats défendeurs? M. Laliberté me rappelle et à ce moment-là au téléphone me dit que la question de la responsabilité est très importante, à savoir qu'il n'y a pas de responsabilité partagée entre la SEBJ et les défendeurs. J'ai dit: cela a bien du bon sens. Je rappelle M. Jasmin et lui dit: en effet la SEBJ exige la reconnaissance de responsabilité. C'est un exemple.

Est-ce qu'il y aurait eu d'autres exemples?

M. Lalonde: Est-ce que Me Jasmin, à ce moment-là, vous a indiqué qu'il devait obtenir l'information de vous parce que les avocats de la SEBJ ne la lui donnaient pas?

M. Boivin: Savez-vous, je vais essayer de choisir mes mots, parce que je trouve cela un peu délicat entre des membres du barreau; mais, ce n'est pas dérogatoire ou quoi que ce soit. Pourquoi Me Jasmin est-il venu si souvent à mon bureau? L'une des raisons, je devrais dire, pour lesquelles Me Jasmin est venu si souvent à mon bureau, et l'une des raisons de cet appel au sujet de la responsabilité - c'est qu'ils me l'ont dit une fois - je suis obligé de vous le dire, et cela me semble une explication plausible. Me Beaulé et Me Jasmin m'ont dit, une fois, qu'ils n'étaient pas certains que leurs messages, que leurs arguments, en faveur d'un règlement hors cour, étaient bien transmis à la SEBJ par les avocats de Geoffrion et Prud'homme et qu'ils se demandaient si le bureau d'avocats Geoffrion et Prud'homme était favorable à un règlement hors cour ou s'il ne faisait pas en sorte qu'il n'ait pas lieu. Alors, je présume qu'il a voulu passer par moi pour vérifier cette information au sujet de la responsabilité, laquelle, comme vous le dites, je présume, cette exigence, avait été demandée ou transmise par le bureau de Geoffrion et Prud'homme à Me Jasmin.

M. Lalonde: Dans votre description de la réunion du 1er février, vous avez, je pense - je ne veux pas vous citer incorrectement, on n'a pas encore la transcription - dit à peu près ceci, pour répondre à un argument de M. Boyd - que ce soit vous, ou M. Lévesque - vous avez eu la prudence de ne pas l'affirmer parce que vous ne vous en souveniez pas exactement. M. Boyd voulait obtenir un jugement, en partie parce qu'il voulait que ce soit bien clair que la SEBJ n'était pas responsable de ce qui est arrivé et ne voulait pas que ce soit reconnu; il voulait laver son honneur, etc., et que, soit M. Lévesque ou vous aviez rétorqué que si les syndicats reconnaissaient leur responsabilité, cela revenait au même; cela accomplissait ce résultat. Il me semble que vous avez dit cela.

M. Boivin: Exact.

M. Lalonde: Bon. Alors, pourquoi -j'essaie de me souvenir, c'est le 1er février le 8 février, appeler Geoffrion et Prud'homme pour leur demander si c'était exact qu'ils demandaient la reconnaissance de la responsabilité?

M. Boivin: Je trouve que vous avez tout à fait raison de soulever cette question, M. le député, parce que, quand j'ai entendu Me Aquin... Me Aquin est un ami, il est honnête et je ne mets pas sa parole en doute. Il doit avoir des notes, donc cela doit être vrai que je l'ai appelé le 8 février. Mais cette question s'est soulevée avant le 1er février, bien avant. Pourquoi je l'aurais appelé le 8 février? Cela m'étonne, mais il l'affirme, donc, je le crois. Pourquoi je l'ai appelé le 8 février? Cela s'est soulevé bien avant cette question-là et bien avant même le 1er février.

M. Lalonde: Parlant de Geoffrion et Prud'homme, M. le Président, Me Boivin me pardonnera, non pas de faire du coq-à-l'âne, mais, enfin, de revenir en arrière. J'ai la page 2 de son mémoire où vous dites au paragraphe 4: "Avant de me former une opinion, j'ai écouté les représentations de MM. Laberge, Beaulé et Jasmin." Et, je comprends - vous me corrigerez si je fais erreur - du déroulement de votre mémoire, que vous vous êtes formé une opinion avant de faire un court rapport verbal à M. Lévesque, avant le congé de Noël, je présume, puisque vous lui avez fait votre recommandation.

M. Boivin: Exact.

M. Lalonde: Donc, c'est en 1978? On était en 1978 à ce moment-là?

M. Boivin: Exact.

M. Lalonde: Donc, vous avez eu des rencontres avec Me Beaulé? Je pense que c'est établi. Le 1er décembre, il vous remet sa défense du 28 novembre et je pense que c'est le Il décembre aussi que vous avez une réunion avec lui, avec Me Beaulé, si mon souvenir est exact.

M. Boivin: C'est indiqué ici, le Il décembre.

M. Lalonde: En ce qui concerne M. Jasmin, on y reviendra. Mais, vous dites: "J'ai pris des informations au sujet de la poursuite auprès du bureau d'avocats Geoffrion et Prud'homme." Et, à moins que j'aie manqué un petit bout de la longue preuve qui a été faite ici, je ne me souviens pas qu'on ait établi qu'il y a eu des rencontres, ou des conversations téléphoniques, avec les avocats de Geoffrion et Prud'homme, en 1978. (Il h 30)

M. Boivin: M. le Président, pour vous montrer que la mémoire est lointaine, je ne me souvenais pas de la rencontre du 1er décembre avec M. Beaulé à Québec. Maintenant que M. Beaulé a témoigné qu'elle a eu lieu, je me souviens qu'elle a eu lieu. Comme l'a dit M. Beaulé, il m'a remis une copie de son plaidoyer. Je ne l'ai pas relu dernièrement, mais il m'apparaissait assez catégorique quant à la négation de responsabilité de son client. Je suis chef de cabinet du premier ministre, il y a une cause prévue, mais je n'agis pas à titre d'avocat.

J'étais étonné que Me Beaulé, dans son plaidoyer, soit aussi catégorique quant à la négation de responsabilité et que la SEBJ ait quand même poursuivi son client. Je suis allé au bureau de Geoffrion et Prud'homme en décembre 1978 où j'ai vu Me Jean-Paul Cardinal et il m'a fait lire ou j'ai pris copie - je ne saurais l'affirmer, mais j'ai fait un des deux - l'opinion dont je parle, celle du mois de décembre...

M. Lalonde: 1975.

M. Boivin: Décembre 1975.

M. Lalonde: La première opinion de toutes.

M. Boivin: Voilà.

M. Lalonde: Avez-vous terminé? Oui. Est-ce que vous pouvez situer de façon plus précise la date de la rencontre avec Me Jean-Paul Cardinal au bureau de Geoffrion et Prud'homme en décembre 1978?

M. Boivin: Non, je ferais des présomptions. Je pourrais m'imaginer toutes sortes de choses à cause des dates, mais je ne m'en souviens pas.

M. Lalonde: C'est sûrement après le 1er décembre.

M. Boivin: Ah, sûrementl

M. Lalonde: Et avant votre rapport au premier ministre, donc avant Noël.

M. Boivin: C'est exact.

M. Lalonde: Est-ce que ce serait aussi, si je peux me permettre cette question, après la rencontre du Il décembre avec Me Beaulé ou avant?

M. Boivin: C'est ce que je voulais vous dire tantôt en disant que je ne le savais pas. Je ne le sais pas.

M. Lalonde: À cette rencontre du Il

décembre avec Me Beaulé, avez-vous discuté de son plaidoyer qu'il vous avait remis le 1er décembre?

M. Boivin: Je vais souvent employer la même tournure de phrase en vous répondant, ça va devenir fastidieux pour vous. Si la réunion du Il décembre n'avait pas été inscrite sur la fiche, je ne saurais pas qu'il y avait eu une réunion le Il décembre. Donc, je ne m'en souviens pas. Comme elle est inscrite et comme elle fait suite à la réunion du 1er décembre, je présume que M. Beaulé a dû me faire voir ses arguments en faveur d'un règlement hors cour. Ne me demandez pas de me souvenir de ce qu'on s'est dit le Il décembre. Il faut bien qu'il y ait une logique dans la vie, de temps en temps. Il m'a vu le 1er décembre et le Il décembre, il a dû plaider en faveur d'un règlement hors cour. Ce sont des suppositions que je fais.

M. Lalonde: Vous vous souvenez de façon assez claire et avec beaucoup de détails de la réunion du 1er février.

M. Boivin: Disons que ce n'est pas pareil, n'est-ce pas?

M. Lalonde: Non. Je ne sais pas s'il y a eu un langage aussi vert dans celle du Il décembre.

M. Boivin: Non, je ne remarque pas le langage vert, alors ça ne me frappe pas.

M. Lalonde: Je vous posais la question concernant le contenu de la réunion du Il décembre avec Me Beaulé pour vous aider à situer la réunion, dont je ne connaissais pas l'existence jusqu'à ce que vous veniez ce matin, avec Geoffrion et Prud'homme. Autrement dit, si vous aviez dit: J'ai rencontré Geoffrion et Prud'homme avant le Il décembre, je vous aurais demandé si vous aviez discuté de l'opinion de décembre 1975 de Geoffrion et Prud'homme avec Me Beaulé. Cela peut vous aider à vous situer.

M. Boivin: M. le député, je crois savoir par votre biographie que vous avez déjà exercé le droit.

M. Lalonde: Que j'ai quoi? M. Boivin: Je crois savoir...

M. Lalonde: Nous étions presque ensemble à l'université, Me Boivin, vous vous souvenez?

M. Boivin: Ce n'est peut-être pas officiel.

M. Lalonde: J'ai été admis en 1957 et vous en 1956.

M. Boivin: Ce n'est peut-être pas officiel, je connaissais plus votre frère que vous, mais enfin.

M. Lalonde: C'est la même chose pour mon frère.

M. Boivin: Concernant votre frère, il y a des choses plus personnelles dont je ne ferai pas état ici.

M. Lalonde: Mais qui ne sont pas dérogatoires, sans doute.

M. Boivin: Aucunement, elles sont même flatteuses pour lui.

Vous m'avez fait perdre le fil de votre question.

M. Lalonde: Vous m'avez demandé si j'avais une formation juridique à la suite de la question que je vous avais posée.

M. Boivin: C'était une question de rhétorique. Vous l'aviez bien saisie. Non, mais vous m'aviez posé une autre question avant.

M. Lalonde: Oui. C'était la réunion du Il décembre. Je voulais situer celle de Geoffrion et Prud'homme.

M. Boivin: J'ai toujours pris soin, M. le Président, de ne pas discuter des opinions de l'un en présence de l'autre. En d'autres termes, je n'ai pas dit à M. Beaulé que j'étais allé m'enquérir de l'opinion de M. Cardinal et qu'elle dit telle chose, puis comment la démolir. Et inversement.

M. Lalonde: Si vous me permettez, vous avez dit tout à l'heure que vous étiez étonné que, dans le plaidoyer de Me Beaulé, vous retrouviez une dénégation de responsabilité catégorique ou, enfin, totale...

M. Boivin: Non, je m'excuse, M. le député...

M. Lalonde: Vous avez fait de la responsabilité civile pendant une vingtaine d'années, est-ce que ce n'est pas courant?

M. Boivin: Non, non. Ce que je voulais dire, M. le député, je me suis sûrement très mal exprimé, puisque vous avez mal compris...

M. Lalonde: Ah bon! C'est ce que j'ai compris.

M. Boivin: Alors, c'est parce que c'est ma faute. J'ai été étonné de l'opposition de la distance, si vous voulez, entre les deux

positions, c'est-à-dire d'un côté, le syndicat américain qui affirme catégoriquement - et vous connaissez le style de M. Beaulé et par écrit, il le fait aussi avec beaucoup de vigueur - que sa cliente n'est pas responsable. Et moi, cela ne m'étonne pas en soi parce que je viens de dire, dans mon mémoire, que je suis très très sceptique, pour ne pas dire davantage, quant à la responsabilité civile du syndicat américain. Donc, la position de M. Beaulé ne m'étonne pas du tout. Mais ce qui m'étonne - j'ai dit, à la SEBJ, ce ne sont pas des fous complètement - c'est qu'elle a quand même poursuivi ce syndicat. Donc, elle doit avoir des raisons; donc, je vais voir chez M. Cardinal, enfin chez Geoffrion et Prud'homme.

M. Lalonde: Est-ce que, lors de cette réunion en décembre au bureau de Geoffrion et Prud'homme, Me Cardinal vous a expliqué, au-delà de simplement vous remettre une copie ou, enfin, vous laisser prendre connaissance de leur opinion de trois ans auparavant, quelle était la position de la SEBJ là-dessus?

M. Boivin: Non. Je ne lui ai pas demandé non plus. Vous voulez dire, la position...

M. Lalonde: De la SEBJ sur la poursuite.

M. Boivin: Cela ne m'est pas venu à l'esprit de lui poser cette question-là. Je vois qu'il y a une poursuite de la SEBJ contre les défendeurs, donc, c'est clair que la SEBJ poursuit. Il y a une poursuite officielle enregistrée en cour.

M. Lalonde: Je veux seulement comprendre.

M. Boivin: Oui, je suis sûr que je ne comprends pas votre question.

M. Lalonde: Non, je veux seulement comprendre ce qui s'est passé dans les faits, justement lors de cette réunion. J'ai compris jusqu'à maintenant que vous avez, soit obtenu copie ou pris connaissance de l'opinion de l'étude Geoffrion et Prud'homme de 1975. Je veux vous demander si, au-delà de prendre connaissance de cette opinion, vous avez eu une conversation ou un entretien avec Me Cardinal?

M. Boivin: Au-delà de cela?

M. Lalonde: Au-delà de prendre... Avez-vous simplement lu l'opinion ou bien si vous avez discuté avec lui?

M. Boivin: Non, vous savez bien... Je connais Me Cardinal. J'entre dans son bureau et je lis une opinion. J'en parle avec lui, bien sûr. Je ne suis pas un lecteur muet. Je lis, j'en discute brièvement. Là, je vais encore faire des hypothèses et c'est très mauvais, quand on témoigne, de faire des hypothèses, mais... Je pense que j'ai apporté une photocopie de l'opinion. Je n'en suis pas sûr. Il faudrait quasiment demander à Me Cardinal.

Comme vous le savez, on ne peut pas apprécier à sa juste valeur une opinion juridique sur une simple lecture, somme toute, relativement assez rapide quand même. Parce que je me souviens lui avoir téléphoné après, à Me Cardinal, pour lui avoir dit, toujours en substance. J'ai encore des gros doutes quant à la responsabilité du syndicat américain. Là, Me Cardinal m'a dit: Je vais consulter Me Jetté et je vais te rappeler. Et là, il m'a dit en substance ce qui suit. En substance. Je ne voudrais jamais prétendre que je cite Me Cardinal. Je dis, en substance, il m'a dit ce qui suit: Nous avons, au vu des procédures, un lien de droit apparent. Le reste dépend de la preuve qui sera faite. Il se peut qu'on gagne, il se peut qu'on perde. Autant à poursuivre, il valait mieux poursuivre tout le monde, surtout qu'on était proche de la prescription. Quant à moi, comme avocat, cela me satisfaisait. Je comprenais les raisons pour lesquelles il avait procédé de cette façon.

M. Lalonde: Donc, vous avez eu, après cette rencontre avec Me Cardinal au bureau de Geoffrion et Prudhomme en décembre 1978, si j'ai bien compris, deux autres conversations, c'est-à-dire que vous avez appelé Me Cardinal pour avoir des informations additionnelles et il vous a rappelé après, dit-il, avoir consulté Me Geoffrion. Est-ce que c'est cela?

M. Boivin: Oui, mais quand vous dites "deux autres", j'ai peut-être appelé deux autres fois, mais ces deux-là, je m'en souviens.

M. Lalonde: Oui, c'est cela. Je parle de ces deux-là. Et c'est en décembre, toujours?

M. Boivin: Toujours.

M. Lalonde: Avez-vous eu d'autres conversations ou rencontres avec des avocats de Geoffrion et Prud'homme, à part ces deux appels téléphoniques et cette rencontre qui se situent en décembre 1978 et avant le lunch du 2 février 1979?

M. Boivin: Le lunch dont je ne me souvenais pas et dont ils ont parlé ici, à part ce lunch.., entre le 2 février, vous dites... entre le temps des fêtes et le 2 février?

M. Lalonde: Oui, oui.

M. Boivin: Je regarde là... s'ils ne sont pas venus au bureau, est-ce que je serais allé au bureau? Ma réponse serait: Cela m'étonnerait; je croirais que non.

M. Lalonde: Si vous me le permettez, j'aimerais simplement remettre à plus tard les questions que j'aurais à vous poser en ce qui concerne votre argumentation, parce que vous exprimez une opinion dans votre mémoire, à savoir que vous vous êtes fait une opinion quant à l'incapacité évidente, la non-responsabilité, etc.

M. Boivin: Je ne permets rien, M. le Président, parce que j'imagine que ce n'est pas à moi de permettre. C'est au député de...

M. Lalonde: Non, non. Je veux simplement vous expliquer que si je n'en parle pas maintenant, ce n'est pas parce que je l'accepte. Je veux tout simplement vous rassurer là-dessus.

Vous dites à la page 6 de votre mémoire: "À titre de chef de cabinet du premier ministre, il ne m'appartenait pas, cependant, de trancher cette question ni même d'émettre une opinion juridique formelle. Il me suffisait de constater que cette responsabilité civile était fort aléatoire." Dans vos fonctions, que ce soit à cette époque ou depuis que vous occupez ce poste jusqu'à maintenant, vous est-il arrivé souvent d'examiner les opinions juridiques données par les avocats des commissions, des régies, des sociétés d'État et ensuite d'intervenir comme vous l'avez fait auprès du président de cette société d'État pour lui dire ce qu'était le désir du premier ministre?

M. Boivin: N'importe quand, quand le premier ministre me le demande, je le fais, à moins qu'il ne me demande quelque chose de criminel ou d'illégal, ce qui n'arrive pas. Je n'ai pas de problème avec cela.

M. Lalonde: Vous est-il arrivé, à d'autres occasions, d'examiner les opinions juridiques d'un avocat d'une société d'État?

M. Boivin: Les opinions juridiques des avocats d'une société d'État? Non, je ne le pense pas. Oui, excusez-moi - mais presque par curiosité, parce que je n'avais pas à émettre d'opinion - j'ai étudié très longuement, presque par déformation professionnelle et par ennui de l'exercice de ma profession - je m'ennuie d'exercer ma profession - j'ai étudié longuement les...

M. Lalonde: Qu'à cela ne tienne. Si vous voulez y retourner, vous savez, on ne vous en empêche pas.

M. Boivin: On ne sait jamais. Parfois, on pense perdre des élections et on les gagne. Les mandats se prolongent.

Des voix: Ahl Ah!

M. Lalonde: Enfin! Ne parlons pas de politique ici. Une autre fois.

M. Boivin: J'ai étudié longuement, mais presque par curiosité - je n'avais pas de mandat précis, sauf pour faire un résumé assez bref à M. Lévesque - les opinions juridiques volumineuses et savantes dans le cas de Churchill Falls. (Il h 45)

M. Lalonde: Bon! Je fais encore un petit parcours de votre mémoire. Vous affirmez, à la page 7, au premier paragraphe, vers le milieu: "L'équité la plus évidente commandait cependant une telle recommandation." Vous parlez de la recommandation que vous avez faite au premier minstre pour la cessation de la poursuite. C'est juste dans les lignes précédentes.

M. Boivin: Oui, M. le Président.

M. Lalonde: Puisqu'il était admis de tous que le syndicat américain n'avait pas réellement participé au saccage. De tous, de qui?

M. Boivin: Tous, c'est tout le monde. Même Geoffrion et Prud'homme.

M. Lalonde: Ah boni vous parlez de ceux qui vous ont conseillé sur ce sujet.

M. Boivin: De tous, c'est-à-dire les gens impliqués dans ce dossier.

M. Lalonde: Est-ce qu'avant de faire votre recommandation à M. Lévesque, à laquelle vous vous reportez au bas de la page 7, vous avez aussi discuté avec Me Jasmin?

M. Boivin: Je l'ai rencontré - c'est écrit ici - le 4 décembre, le 12 décembre, le 15 décembre, le 16 décembre. Vous voulez dire discuté de ma recommandation à M...

M. Lalonde: Excusez-moi. Est-ce qu'avant de faire votre recommandation au premier ministre que vous décrivez ici, vous avez parlé à Me Jasmin? Parce que là, on a établi que vous avez parlé à Me Beaulé le 1er et le Il décembre, à Me Cardinal à quelques reprises. Je vous posais la question: Est-ce que vous avez rencontré Me Jasmin pour discuter de cette question de la cessation des poursuites?

M. Boivin: Suivant la liste des

rencontres émise par le bureau du premier ministre, jel'ai rencontré le 4 décembre.

M. Lalonde: Le 4 décembre.

Pouvez-vous nous décrire ce qui s'est passé le 4 décembre 1978 lorsque Me Jasmin vous a rencontré? Qui avait convoqué la réunion?

M. Boivin: La même phrase fastidieuse que tantôt. Je ne m'en souviens pas du tout. Vu qu'elle est là, elle est indiquée: le 4 décembre, Me Michel Jasmin. Je suis sûr que je l'ai rencontré.

Deuxièmement, qu'est-ce qu'on s'est dit: Le même raisonnement de tantôt au sujet de Me Beaulé. Me Jasmin voulait me convaincre... je ne m'en souviens pas du tout, mais cela m'apparaît logique de présumer que Me Jasmin voulait me convaincre de l'opportunité pour la SEBJ de régler hors cour. Je me souviens des raisons parce qu'il les répétait tout le temps chaque fois que l'on se recontrait, c'était même fastidieux, je dois vous le dire: l'incapacité de payer. Les arguments n'étaient pas les mêmes pour tout le monde et je n'attachais pas la même importance à tous les arguments.

Me Jasmin insistait sur l'incapacité de payer des syndicats québécois. Il insistait sur la non-responsabilité des syndiqués ordinaires, le rapport Cliche en somme. Ce sont deux raisons. Comme il ne parlait pas du syndicat américain, on va sauter par dessus. Il insistait beaucoup sur la dernière raison que j'ai mentionnée dans mon mémoire à la page 7-E. Je la qualifie, je dis: enfin, mais de façon subsidiaire.

Est-ce que je parle trop fort M. le Président?

M. Lalonde: Non, le président et quelques autres membres s'inquiétaient de ce que la loi qui interdit de fumer dans les lieux publics ne soit pas encore appliquée.

Le Président (M. Jolivet): Vous parlez pour moi d'une façon ou d'une autre.

M. Boivin: J'ai cessé de fumer depuis 18 mois alors...

M. Lalonde: Je parle d'un membre de la commission.

M. Boivin: Me Jasmin insistait beaucoup sur ce que j'ai exprimé dans mes mots à moi ici: le climat sur le chantier était bon, la productivité excellente puisque les travaux étaient de six mois en avance sur l'échéancier prévu. Il insistait beaucoup sur cela. Je dois vous avouer en toute honnêteté, c'est pour cela que j'ai écrit dans mon mémoire "de façon subsidiaire" que j'attachais moins d'importance à cet argument. Je trouvais que pousser à la limite, cet argument était dangereux et pouvait équivaloir, excusez l'expression, je ne veux pas du tout qualifier Me Jasmin ou ses clients, s'il était poussé à sa limite, dis-je, s'il était grossi et s'il était caricaturé, à presque du chantage. En d'autres termes: on vous a fait des dommages, maintenant qu'on est gentil, ne nous faites pas payer. Je le qualifie de façon subsidiaire. J'y attachais une importance très secondaire. Mais ce n'est pas moi qui ai décidé, alors ce n'est pas important.

M. Lalonde: Je vous avais posé une question sur la réunion du 4 décembre 1978 avec Me Jasmin. Je ne pense pas déformer votre pensée en disant que vous m'avez répondu d'une façon assez générale sur toutes les réunions que vous avez eues avec Me Jasmin. Autrement dit, est-ce que vous m'avez dit que c'était le 4 décembre que Me Jasmin vous a fait valoir ces arguments?

M. Boivin: Je dis que je le présume et que cela m'apparaît logique. Il faut bien qu'il me fasse valoir des arguments, sa cause s'en vient le 15 janvier et il sait bien que je vais aller en vacances comme tout le monde dans le temps des fêtes, alors je présume que c'est à ce moment qu'il me fait valoir ses arguments. Il me semble que ce n'est pas déraisonnable de présumer cela.

M. Lalonde: Qu'est-ce que vous avez... Enfin, avez-vous répondu à Me Jasmin dans ces entretiens? Est-ce que vous avez participé à une discussion?

M. Boivin: Je ne sais pas si on appelle cela des discussions. Je faisais attention, parce qu'à cause de ma fonction il ne faut pas que j'engage trop... Même si je ne parle pas au nom du premier ministre, il ne faut pas donner trop d'espoir non plus. J'ai toujours pris soin de surtout écouter et de poser des questions.

M. Lalonde: Est-ce que vous vous souvenez de quelles questions...

M. Boivin: Mais je dois vous avouer, M. le Président, pour peut-être éviter d'autres questions, quitte à ce que je me sois trompé c'est autre chose si j'ai un mauvais jugement - mais avec Me Jasmin je trouve que les conversations, dans le fond, étaient assez simples parce que c'était évident quant à moi - je ne suis pas un juge et je ne suis pas là pour rendre jugement - que ses clients étaient responsables. Alors...

M. Lalonde: Excusez-moi, je n'ai pas saisi la fin de votre phrase.

M. Boivin: J'ai dit que quant à moi

c'était évident que ses clients étaient responsables. Alors il n'y avait pas de discussions telles que: mes clients ne sont pas responsables, mes clients sont responsables. Il a peut-être essayé de le dire, je ne le sais pas, mais je n'ai jamais écouté cela avec beaucoup de sérieux. Quant à moi c'était fait, ils étaient responsables.

Cela m'apparaissait évident aussi qu'ils n'étaient pas capables de payer un montant approchant, comme je m'en exprime dans mon mémoire, le montant réel des dommages. J'ai employé cette expression "montant réel des dommages" parce que chaque fois que quelqu'un me parlait des dommages... Me Beaulé me disait que la cause ne valait rien, 1 000 000 $. Je leur disais toujours: Votre procès est prévu pour six mois, ce n'est pas moi qui vais déterminer le montant des dommages dans mon bureau. Mais de toute façon c'était évident que la réclamation valait peut-être plus de 1 000 000 $, 2 000 000 $, 3 000 000 $, quelque chose comme cela. C'était évident que les syndicats québécois n'avaient pas cette capacité.

Quand je dis "évident"... Quand j'avais eu la rencontre avec M. Laliberté le 3 janvier - je ne devrais peut-être pas employer le mot "évident" - j'ai lui ai dit: II m'apparaît fort vraisemblable que les syndicats québécois n'aient pas les moyens de payer le montant d'un éventuel jugement mais j'imagine que vous aurez la prudence élémentaire de le faire vérifier. Alors cette question ne me concernait pas tellement mais elle m'influençait. Un argument qui m'a influencé c'est aussi comment percevoir ce jugement autrement qu'en pénalisant indûment - je parle toujours des syndicats québécois, c'est l'aspect de votre question -la grande majorité des membres présents et futurs de ces mêmes syndicats?

M. Lalonde: Si vous permettez, Me Boivin, je voudrais simplement faire un autre retour en arrière et je pense qu'on aura à ce moment complété - ou enfin ce que j'en sais - les rencontres qui ont précédé 1979. Il a été fait état ici, je pense que c'est Me Beaulé qui l'a fait sous toute réserve, d'un lunch qui aurait eu lieu le 26 juin 1978 avec Me Beaulé.

M. Boivin: Ah oui! Me Beaulé m'épatera tout le temps de sa vie. Il a une mémoire d'éléphant. Je ne me souviens de rien de ce lunch.

M. Lalonde: Vous pensez?

M. Boivin: Alors pour répondre à votre question à savoir si j'ai lunché avec Me

Beaulé le 25 juin... Quelle année, dit-il, 1978?

M. Lalonde: Le 26 juin 1978.

M. Boivin: Bon. S'il l'a dit ce doit être vrai.

M. Lalonde: Vous ne vous souvenez pas du tout?

M. Boivin: Bien non.

M. Lalonde: II est difficile pour moi de vous demander si vous vous souvenez de ce qui s'est dit à ce lunch.

M. Boivin: En effet, M. le Président.

M. Lalonde: En plus sérieux, Me Boivin, en vous rappelant ce que tout le monde sait ici, que vous avez peut-être suivi d'ailleurs dans la preuve, Me Beaulé a été nommé avocat du syndicat américain en avril - si ma mémoire est bonne c'est autour du 20 avril 1978. Est-ce qu'en vous rappelant cela - parce qu'à plusieurs reprises, et on ne peut vous en faire reproche, vous faites de la reconstitution, je présume - vous pouvez vous rappeler si Me Beaulé vous a parlé de son nouveau mandat qui était de défendre le syndicat américain contre la SEBJ?

M. Boivin: Je ne m'en souviens pas. C'est fort possible, mais je ne m'en souviens pas.

M. Lalonde: Revenons à une période un peu plus récente, à ce moment-là. Il y a eu, d'après la liste des rencontres que le premier ministre nous a remise, des rencontres entre Me Michel Jasmin, avocat des syndicats québécois ou canadiens, et Me Gauthier qui faisait partie, en quelque sorte, du personnel du cabinet du premier ministre...

M. Boivin: C'est un terme un peu...

M. Lalonde: Vous êtes le chef du cabinet. J'imagine qu'il doit y avoir un cabinet pour en être le chef et que Me Gauthier faisait partie de ce cabinet?

M. Boivin: Un des membres du cabinet, oui.

M. Lalonde: Un des membres. Il y aurait eu des rencontres entre Me Gauthier en octobre, en novembre et plus tard en janvier et en février, est-ce que Me Gauthier vous a fait... C'est-à-dire Me Jasmin, plutôt, excusez-moi, parce que je pense qu'il a été établi que vous n'avez jamais parlé de ce problème avec Me Gauthier?

M. Boivin: Exact.

M. Lalonde: Est-ce que Me Jasmin vous a informé des rencontres qu'il avait avec Me

Gauthier - semble-t-il, d'après les témoignages de Me Gauthier - sur cette question?

M. Boivin: Non.

M. Lalonde: Me Jasmin ne vous a jamais dit qu'il avait rencontré ou qu'il allait rencontrer Me Yves Gauthier de votre bureau?

M. Boivin: Non, mais, M. le Président, il faut que vous vous mettiez dans le contexte, parce que, sans cela, la réponse peut vous étonner.

M. Lalonde: Oui, donnez les explications.

M. Boivin: Le contexte est que Me Jasmin, je le voyais souvent dans le bureau; alors, je ne lui demandais pas ce qu'il venait faire là, s'il est avec M. Gauthier ou s'il est avec M. Carpentier ou s'il est avec... Je le vois et, quand il n'a pas affaire à moi, je ne lui parle pas. C'est dans ce sens que je dis que je n'ai jamais parlé à M. Jasmin à savoir: Qu'est-ce que tu fais dans le bureau? Lui, il ne m'a jamais dit, non plus: J'ai expliqué cela à M. Gauthier ou à "Ti-Lou". Il l'appelait "Ti-Lou". Il ne m'a jamais dit cela. Cela lui apparaissait peut-être normal. Je ne sais pas. Je ne peux pas spéculer sur ce que les autres font.

M. Lalonde: Non, je pense que je ne me suis pas fait comprendre...

M. Boivin: Vous ne me l'avez pas demandé, d'ailleurs.

M. Lalonde: Non, je ne vous ai pas demandé si vous aviez fait une enquête sur la présence de Me Jasmin dans vos bureaux. Je vous ai demandé si Me Jasmin vous avait fait rapport, vous avait dit qu'il avait rencontré ou qu'il allait rencontrer - selon la date à laquelle on se situe dans le temps -Me Yves Gauthier, un membre de votre personnel, avec qui il allait discuter ou avait discuté de cette cause qui vous préoccupait.

M. Boivin: La réponse est non, M. le Président.

M. Lalonde: La réponse est non. Je reviens en 1979. Vous étiez, lorsque nous avons fait un retour en arrière, en train de nous expliquer les communications que vous aviez pu avoir avec M. Laliberté. Vous avez donné un exemple, comme: M. Jasmin vous demande ce qui arrive. Là, vous vous enquérez auprès de M. Laliberté pour savoir quand est la prochaine réunion du conseil d'administration. Je vais poser une question plus précise: Maintenant vous savez - c'est dans les documents de la commission - que, le 9 janvier 1979, à une réunion du conseil d'administration, le conseil a examiné une opinion juridique rafraîchie de Geoffrion et Prud'homme, enfin, une reprise de tout le problème et l'expression de leur opinion sur la cause. La conclusion - je ne parle de l'opinion, mais de la réunion - était que les décisions antérieures étaient maintenues, à savoir qu'on continue de poursuivre. Cela, c'est six jours après votre réunion avec M. Laliberté. Vous lui avez dit qu'il fallait, ou enfin, que le souhait du premier ministre était que cela se règle. Est-ce qu'on vous a fait rapport de cette réunion?

M. Boivin: J'ai pris connaissance de l'existence et de la teneur de cette décision ou résolution lorsque le cahier de la SEBJ a été déposé devant cette commission; à mon grand étonnement, d'ailleurs. Mais, en tout cas, j'en ai pris connaissance ici. (12 heures)

M. Lalonde: J'essaie de rattacher votre réponse précédente à quelque chose. Est-ce que vous vous souvenez de façon particulière que Me Jasmin vous ait appelé pour vous demander ou, enfin, pour vous exprimer la préoccupation que vous avez vous-même décrite tout à l'heure, à savoir que cela ne se règle pas, que le procès continue, que le procès commence le 15: Quand a lieu la prochaine réunion du conseil d'administration? Il me semble que c'est cela vous nous avez dit tout à l'heure.

M. Boivin: En gros, oui.

M. Lalonde: En gros. Est-ce que vous pouvez situer cette demande de Me Jasmin dans le temps? J'imagine que c'est autour du 15 janvier parce que le procès commençait le 15 janvier.

M. Boivin: Regardez, je fais de la reconstitution parce que j'ai devant moi la liste des rencontres de Me Jean-Roch Boivin au bureau du premier ministre, document qui a été déposé ici.

M. Lalonde: Oui.

M. Boivin: Je n'ai pas d'agenda personnel de cette période-là, mais j'ai consulté des agendas personnels du premier ministre et j'ai vu dans l'agenda du premier ministre de janvier 1979 que nous sommes allés en Louisiane et que nous en sommes revenus le Il janvier au soir.

M. Lalonde: C'est après la réunion du 3 que vous êtes allés en Louisiane.

M. Boivin: Oui.

M. Lalonde: D'accord.

M. Boivin: Si vous le voulez bien, mais c'est de la reconstitution, nous sommes allés en Louisiane et nous revenons le Il janvier au soir. Donc, je suis fatigué un peu le Il janvier au soir et je suis au bureau le lendemain matin. Pourquoi je suis au bureau le lendemain matin? C'est probablement -mais là je fais de la reconstitution pure -parce que M. Jasmin avait pris un rendez-vous avec moi pour, probablement, me demander ce qui arrivait de la cause, parce que c'était dans trois jours. J'ai déjà plaidé des causes et, quand ta cause est dans trois jours, tu te prépares. Ce n'est pas la même chose si cela procède ou si cela ne procède pas, n'est-ce pas?

Alors là, et je reconstitue toujours, je ne vous affirme pas sous serment, je fais de la reconstitution... Si vous ne voulez pas, je vais arrêter là.

M. Lalonde: Ce que je veux dire, c'est que, lorsque vous dites que vous n'affirmez pas sous serment, je pense que le président et tout le monde sait que vous reconstituez sous serment.

M. Boivin: D'accord, si vous voulez, si vous voulez.

M. Lalonde: Je ne peux pas vous donner la permission de dire des choses non sous serment ou sous serment.

M. Boivin: D'accord, d'accord. Je suis certain - mais c'est de la reconstitution que M. Jasmin a bien dû me demander -c'est normal, car il a une cause qui s'en vient le 15 janvier - si le conseil d'administration s'était réuni et s'il avait décidé quelque chose, j'imagine, et j'imagine que je m'en suis informé.

M. Lalonde: Est-ce que, au cours de cette réunion, puisqu'on arrive à celle du 12 janvier 1979, vous avez vous-même abordé... On voit ici que l'heure d'entrée au registre est de 15 h 56 - mettons 16 heures aux fins de la discussion - et que l'heure de sortie de Me Jasmin est à 17 h 20, c'est-à-dire une heure vingt minutes plus tard. Compte tenu de l'attente, est-ce que vous pouvez vous souvenir de la durée de cette réunion?

M. Boivin: Je ne me souviens même pas de la réunion, encore bien moins de la longueur. Je parle toujours de cette réunion-là parce qu'elle est inscrite sur les feuilles.

M. Lalonde: Vous n'avez aucun souvenir que le 12 janvier ou, enfin, aidé par le registre, qu'au retour de votre voyage en Louisiane vous avez rencontré Me Jasmin?

M. Boivin: J'ai un vague souvenir parce que je me disais: Maudit, j'arrive de

Louisiane et il y a un gars tout de suite dans mon bureau. J'ai un vague souvenir comme cela, c'est aussi vague que cela. En voulant dire: Je suis fatigué et il y a déjà quelqu'un dans mon bureau. C'est aussi vague que cela.

M. Lalonde: En fait, M. le Président, je dois poser les questions. Je regrette... Non, mais je ne veux pas...

M. Lavigne: ...glissé.

M. Lalonde: Non, je dois poser les questions parce que je ne veux pas que cela ait l'air de harceler le témoin. Malgré le fait que la question précédente n'introduit pas un grand optimisme dans mon esprit pour la question suivante, je dois vous poser la question: Qu'est-ce que Me Jasmin vous a dit le 12 janvier?

M. Boivin: Pardon?

M. Lalonde: Je dois vous poser la question et j'aimerais avoir une réponse, parce que c'est extrêmement important pour nous: Quelle a été - pas verbatim - la substance de l'échange que vous avez eu... Enfin, est-ce que vous avez eu un échange avec Me Jasmin le 12 janvier, lorsqu'il vous a rencontré à votre bureau?

M. Boivin: M. le Président, si je l'ai vu et si la rencontre a eu lieu, aussi courte ou aussi longue soit-elle, qu'elle ait duré une heure ou une demi-heure, nous avons dû nous parler certainement. Mais, je ne peux absolument pas vous dire ce dont il a été question.

M. Lalonde: La cause commençait, le procès commençait trois jours plus tard. Est-ce que Me Jasmin vous a parlé de cette cause qui commençait trois jours plus tard et du fait qu'elle pourrait être ajournée?

M. Boivin: C'est ce que je viens de vous dire tantôt, et mon conseiller me le dit à l'oreille, je pense qu'il a peut-être raison: Je fais de la reconstitution presque pour vous faire plaisir. Je ne m'en souviens pas, de cette rencontre-là, sauf que vous me dites, et c'est vrai, je me souviens, que le procès commençait le 15 janvier. C'est certainement logique qu'il m'ait parlé du procès qui s'en venait. Mais, c'est de la reconstitution.

M. Lalonde: Le 15 janvier 1979... Le 12 janvier est un vendredi, je crois, en tout cas, je vous le suggère; c'est une question suggestive, d'après le calendrier que je consulte. On sait maintenant, c'est mis en preuve, qu'une demande d'ajournement a été faite auprès de Me Gadbois par Me Jasmin

et, si encore là ma mémoire est fidèle, c'est le vendredi après-midi, d'après ce que Me Gadbois nous a décrit, qu'il a reçu un appel téléphonique. Je ne veux pas aller dans les détails, à savoir s'il a reçu l'appel de Me Cardinal ou de Me Jasmin, mais en tout cas. Mais, Me Jasmin était au début de la demande d'ajournement, soit par Me Cardinal ou directement par Me Gadbois. Cela, c'est le vendredi après-midi. On voit qu'il est à votre bureau jusqu'à 17 h 20. Est-ce qu'il a été question de cette demande d'ajournement? C'est-à-dire que - je ne me suis peut-être pas exprimé assez clairement -cette demande faite auprès de Me Gadbois, c'était pour que le procès soit ajourné, c'est-à-dire ne soit pas commencé le lundi suivant. Le 15 janvier, c'était justement le lundi suivant.

M. Boivin: Une remise de cause?

M. Lalonde: Oui. Est-ce que vous vous souvenez s'il a été question de cet ajournement dans...?

M. Boivin: Non.

M. Lalonde: Vous ne vous en souvenez pas?

M. Boivin: Non, M. le Président, je ne m'en souviens pas.

M. Lalonde: Bon. Le 15 janvier 1979, d'après, encore une fois, la liste des rencontres qui nous a été remise par le premier ministre, ou par son bureau, vous avez - enfin, vous avez rencontré, oui... Me Rosaire Beaulé et Me Michel Jasmin se retrouvent à votre bureau de 17 h 34 à 18 heures; ce sont les heures d'entrée et de sortie. Je parle de vos bureaux, c'est le bureau du premier ministre, pas nécessairement en votre présence. Est-ce que vous vous souvenez de les avoir rencontrés?

M. Boivin: Je me souviens vaguement de cette rencontre. Et Me Beaulé a témoigné ici qu'elle avait surtout porté sur le début du procès ou sur le déroulement de la première journée du procès. J'avoue ne pas me souvenir du tout de cette partie-là. Mais, je me souviens que Me Beaulé et Me Jasmin, ou l'un des deux - quand je dis Beaulé et Jasmin, je ne sais pas qui parle, mais c'est l'un des deux - m'ont dit que Geoffrion et Prud'homme n'avaient pas le mandat de négocier mais d'écouter seulement. Je me souviens de cela. Je me souviens avoir répondu - parce que je crois que cela troublait pas mal M. Jasmin qui voyait que si le procès s'engageait, c'étaient des frais chaque jour - à Me Jasmin, ou à Me Beaulé, ou aux deux, que tout cela était entre les mains du conseil d'administration et que, même si je suis bien conscient autant qu'eux qu'il y a un procès qui se déroule, il faut bien attendre les décisions du conseil d'administration. Que voulez-vous que je fasse? C'est tout. C'est cela, mon souvenir de cette rencontre.

M. Lalonde: Si je vous demandais de préciser: Lorsque vous avez dit que l'un des deux vous a informé que Geoffrion et Prud'homme n'avaient pas le mandat de négocier, mais d'écouter seulement, on parle bien de négocier un règlement hors cour?

M. Boivin: Je présume.

M. Lalonde: Non, non, c'est vous...

M. Boivin: Cela va de soi.

M. Lalonde: Cela va de soi, bon. C'est parce que c'est vous qui avez dit "négocier". Je voulais savoir: Négocier quoi?

M. Boivin: Oui, oui. C'est l'expression qu'ils ont utilisée.

M. Lalonde: Le 16 janvier, le lendemain, le mardi, le deuxième jour du procès, Me Michel Jasmin entre à vos bureaux à 15 h 23 et en sort à 16 heures, d'après le registre du bureau du premier ministre. Est-ce que vous vous souvenez d'avoir rencontré Me Jasmin ce jour-là?

M. Boivin: Voici, M. le Président: Er préparant le témoignage que je rends ic aujourd'hui au sujet de cette journée du 1er janvier, j'ai écrit ce qui suit, parce que ça s'applique à d'autres rencontres: "Je ne me souviens aucunement de cette rencontre. I me faut dire ici que je n'ai peut-être pas de raison particulière de m'en souvenir - je parle toujours de cette rencontre - parce que M. Jasmin, qui m'apparaissait très nerveux ' cette époque, est venu quelquefois me voii pour me dire ou redire des choses que j'écoutais par politesse, exemples, qu'il se demandait si la SEBJ voulait ou voudrait régler - deuxième exemple - que ses arguments n'étaient peut-être pas très bien transmis à la SEBJ par Geoffrion et Prud'homme, que ses clients n'avaient pas d'argent et que, s'il n'y avait pas de règlement, ils ne se défendraient même pas jusqu'au bout et laisseraient la cour procéder ex parte quant à eux, que Me Beaulé rendrait le règlement difficile."

Je lui disais: Jasmin, prends un café, que veux-tu que je te dise?

M. Lalonde: Voilà pour la réunion du 16 janvier.

M. Boivin: Pour épargner du temps, quand j'ai vu sur la liste: rencontre de Me

Jean-Roch Boivin, au bureau du premier ministre, le 9 février, avec Jasmin et Cardinal, je suis allé au bureau de Jean-Paul Cardinal, en préparation de cette commission, et je lui ai dit: Jean-Paul, apparemment, tu es venu à mon bureau le 9 février. As-tu des notes dans ton dossier? Je ne sais pas ce que tu es venu faire. Il a dit: Non, je ne m'en souviens pas. Alors, moi, je ne m'en souviens pas.

Quant à Me Jasmin, je n'ai pas osé lui téléphoner. S'il témoigne, j'espère qu'il se souviendra de ce qu'il est venu faire au bureau le 9 février, parce que je ne m'en souviens pas. Cela, c'est pour le 9. Concernant le 16, j'ai répondu tantôt et, pour les deux autres, on va attendre les questions.

M. Lalonde: Celle du 19 janvier, si vous permettez - j'en étais rendu là et vous êtes allé plus loin, vers le 9 février - je ne pense pas que je vous aie posé des questions sur la réunion du 19 janvier.

M. Boivin: Pardon?

M. Lalonde: Celle du 19 janvier.

M. Boivin: Oui.

M. Lalonde: Je ne vous ai pas posé de question sur celle-ci.

M. Boivin: Non, vous ne m'en avez pas posé.

M. Lalonde: Vous avez offert de répondre pour les réunions qui ont eu lieu un peu plus tard; je n'ai pas d'objection, mais, si vous le permettez, on va revenir au 19 janvier. Le registre dit que Me Michel Jasmin et Me Beaulé se retrouvent à vos bureaux le 19 janvier pour rencontrer Me Jean-Roch Boivin. Me Jasmin, étant entré à 15 h 20, est sorti à 16 h 30, et Me Beaulé est entré à 15 h 36 - donc, après Me Jasmin - et est sorti à peu près en même temps, à 16 h 31. Est-ce que vous vous souvenez de cette réunion?

M. Boivin: J'ai vu ce que vous venez de mentionner sur les feuilles. Quand M. Beaulé a témoigné ici au sujet de cette rencontre du 19 janvier, il a dit: J'étais avec Me Jasmin, j'étais avec Me Fanning et Me Woll. Si j'avais témoigné avant Me Beaulé, j'aurais dit, de mémoire, qu'il y avait - les Américains, je ne les distingue pas de nom -un avocat américain, il y avait Me Beaulé et moi-même. Mais, comme Me Beaulé vous affirme que M. Jasmin était là et qu'il y avait deux avocats américains, je prends sa parole. Je me souviens d'avoir parlé en anglais avec un avocat américain. Mais, s'appelle-t-il Me Woll ou Me Fanning...

M. Lalonde: Pouvez-vous nous décrire ce qui s'est passé lors de cette réunion? Combien de temps a-t-elle duré? (12 h 15)

M. Boivin: Je ne me souviens pas. Dans mon souvenir, cela n'a pas été long parce que cela a été une rencontre, enfin, j'ai l'impression que... L'avocat américain m'a dit en substance: On vous remercie de nous avoir reçus, etc., bon. Nous espérons, par votre entremise, sensibiliser le premier ministre à l'injustice qui est faite, que la poursuite, etc. Je l'ai laissé parler un peu, mais pas tellement longuement, parce que je l'ai interrompu en lui disant qu'ils avaient un très bon avocat, que Me Beaulé m'avait fait valoir tous ces arguments-là, qu'on les pesait avec soin, etc., et qu'on regardait cette cause - pas cette cause - ces représentations avec sympathie. Après cela, j'ai commencé à parler des élections présidentielles aux États-Unis. J'ai changé de sujet parce que c'était une visite presque de sensibilisation ou de politesse, quoi; je ne sais pas.

M. Lalonde: Lors des réunions du 12 janvier, avec Me Jasmin, du 15 janvier avec Mes Beaulé et Jasmin, du 16 janvier avec Me Jasmin, du 19 janvier avec Mes Jasmin et Beaulé, est-ce que vous leur avez fait savoir que, le 3 janvier, vous aviez déjà exprimé le souhait du premier ministre auprès du président de la SEBJ, à savoir qu'il fallait ou enfin que son souhait était que la cause soit abandonnée et se termine par un règlement hors cour?

M. Boivin: Je ne m'en souviens pas. Mais, j'ai le droit de faire de la reconstitution. M. Jasmin était tellement nerveux que je suis sûr que le 12 janvier je lui ai dit: Énerve-toi pas, j'ai transmis à M. Laliberté une recommandation favorable du premier ministre envers un règlement hors cour. Parce qu'il serait absolument illogique qu'il vienne me voir tout le temps et que je ne lui dise pas quelle est la position du bureau du premier ministre sur cette affaire que j'ai étudiée pendant le mois de décembre.

M. Lalonde: En avez-vous parlé aussi à Me Beaulé?

M. Boivin: Je ne me souviens pas en avoir parlé à Me Beaulé, mais il se peut très bien que je ne lui en aie pas parlé, comme il l'a affirmé ici, parce que, dans ma tête, si je le disais à M. Jasmin, je le disais à M. Beaulé. Dans ma tête, je me disais: Ils ne doivent pas se faire de cachette. Je ne sais pas. Je ne sais pas.

M. Lalonde: Pour être honnête avec vous, il faut que je vous dise quelle est ma

préoccupation quand je vous pose cette question. C'est que Me Beaulé, et c'est dans la preuve, nous répète que les réunions qu'il a eues avec vous étaient pour vous sensibiliser. Nous savons déjà par M. Laliberté que, le 3 janvier - cela a été un des premiers témoignages qui ont été donnés ici - vous aviez transmis la décision du premier ministre de souhaiter que cela se termine sans procès. Je me demandais comment il se faisait que vous vous laissiez sensibiliser sans avoir dit à Me Beaulé que c'était déjà décidé que vous souhaitiez cela.

M. Boivin: Non, mais j'ai vu que cela faisait l'objet de lourdes interrogations devant cette honorable commission. Je devrais peut-être vous dire que ma réponse sera une appréciation personnelle. Je ne sais pas si c'est permis par le règlement. Je présume.

Quant à Me Jasmin, on vient d'en disposer, je le lui ai dit. Mais, cela, c'est la recommandation du premier ministre. Cela ne donne pas une décision du conseil d'administration. Moi, je comprends ces gens d'être nerveux. Il y a un procès et ils plaident à tous les jours. Si nous sommes au 12 janvier, pour les fins de la discussion, Me Jasmin sait que le 3 janvier - je ne sais pas si je lui ai dit la date, mais en tout cas -j'ai rencontré M. Laliberté et que je lui ai transmis, de la part du premier ministre, son sentiment favorable à un règlement. Me Jasmin sait cela le 12 janvier. Il y a un procès qui va se dérouler et il n'y a pas de décision du conseil d'administration du premier ministre. Le 15 janvier - je vous l'ai dit tantôt - il était étonné que Geoffrion et Prud'homme avaient un mandat d'écouter et non pas de négocier. Le 19 janvier, c'est la fête des Américains. J'ai appelé cela une visite de courtoisie; dans ma tête - je ne l'ai pas dit - je l'ai qualifiée ainsi. Il n'y a pas eu tellement de rencontres de sensibilisation de la part de Me Beaulé, mais il a peut-être essayé - et cela aurait été normal, parce que je ne lui disais pas que la chose allait bien ou allait mal, je ne savais pas comment elle allait en haut et, quand je dis "en haut", je veux dire le conseil d'administration de la SEBJ...

M. Lalonde: Je vous suis jusqu'au conseil d'administration de la SEBJ. Vous rencontrez M. Laliberté le 3 janvier. Vous lui dites, d'après son propre témoignage, le souhait du premier ministre que la cause soit abandonnée et que le tout se termine par un règlement. Et le procès continue. Avez-vous rappelé M. Laliberté pour lui demander jusqu'à quel point votre...

M. Boivin: C'est sûr! M. Lalonde: Pardon?

M. Boivin: C'est sûr.

M. Lalonde: Oui?

M. Boivin: Ah oui!

M. Lalonde: À quel moment?

M. Boivin: Je ne le sais pas, mais je lui ai demandé quand la prochaine réunion du conseil d'administration devait avoir lieu et il a dû me le dire. Je ne sais pas quand elle a eu lieu. J'imagine que vos documents l'indiquent. Il a dû me dire la prochaine réunion...

M. Lalonde: Je pense que la preuve indique qu'il y en a eu une le 23 janvier et une le 30.

M. Boivin: II a dû me le dire à ce moment-là.

M. Lalonde: Et une le 16 janvier, mais dont on n'a pas, en fait, de procès-verbal.

M. Boivin: Mais moi - c'était simple -j'étais en faveur d'un règlement hors cour. C'est très simple. Je suis en faveur d'un règlement hors cour et c'est le conseil d'administration qui va décider. Tant mieux! Qu'il se réunisse au plus vite et, quand il le décidera, cela va être parfait. Le reste, c'est de la plomberie qui ne m'intéresse pas. Va-t-on régler pour 500 000 $, 800 000 $, 200 000 $ ou 300 000 $? Je ne connais rien là-dedans. Je ne sais pas qui est capable de payer et qui n'est pas capable de payer. Je ne sais pas pourquoi on fait des mystères avec des affaires simples.

M. Lalonde: Je ne fais pas de mystères. Je veux savoir ce qui s'est passé.

M. Boivin: Cela ne m'a jamais paru compliqué, cette affaire-là, et cela ne m'a jamais empêché de dormir, parce que je trouvais cela simple. Je ferais encore la même recommandation au premier ministre aujourd'hui, à l'heure où on se parle. J'ai peut-être un mauvais jugement, mais c'est une autre affaire.

M. Lalonde: Je ne vous ai pas posé de questions là-dessus. Je n'ai pas l'intention de poser de questions non plus sur votre jugement. Je voudrais simplement savoir...

M. Boivin: M. le député, vous ne me harcelez pas du tout.

M. Lalonde: Non, non. C'est parce que j'aimerais savoir ce qui s'est...

M. Boivin: Je trouve que cela va très bien. Je trouve que cela va très bien.

M. Lalonde: Bon, bravol Cela va très bien, sauf que j'aimerais avoir, si c'est possible, une évaluation du nombre et du contenu - j'y viendrai - des appels téléphoniques que vous avez faits, parce que M. Laliberté a dit qu'il ne pouvait pas nier qu'il y ait eu des conversations téléphoniques; il ne pouvait pas affirmer qu'il y en avait eu après la réunion du 3. On n'était pas très avancé là-dessus. Vous dites que vous avez sûrement communiqué - par des conversations et non par des discussions - avec M. Laliberté après le 3. Je peux difficilement vous demander à quelle date. Vous ne tenez pas d'agenda ou, enfin, ce n'est enregistré nulle part. Je vous demande de nous aider en nous donnant, au meilleur de votre souvenir, une évaluation du nombre de conversations que vous avez eues après le 3 janvier jusqu'à la fin.

M. Boivin: Vous savez très bien, M. le député, que, si on était en cour et que le juge disait que le témoin a dit qu'il ne s'en souvient pas, c'est très dangereux de lui demander une réponse quand même.

M. Lalonde: C'est la première fois que je pose cette question.

M. Boivin: Ce que je veux dire, c'est dangereux. Je vais vous donner un chiffre dans les airs. Ce que vous voulez savoir, c'est si c'est plus de cinq ou moins de cinq ou quoi? C'est cela que vous voulez savoir?

M. Lalonde: Un ordre de grandeur.

M. Boivin: Avec qui?

M. Lalonde: Avec M. Laliberté?

M. Boivin: Moins de cinq. Est-ce deux, trois ou quatre, je ne le sais pas, c'est moins de cinq.

M. Lalonde: Pouvez-vous vous souvenir à quelle époque ces moins de cinq conversations téléphoniques ont eu lieu? Est-ce d'abord à votre initiative ou est-ce qu'il vous a appelé?

M. Boivin: Une bonne question, une minute. Je ne le sais pas. Sûrement que j'en ai fait à mon initiative, je sais cela. Mais, est-ce que lui en a fait envers moi? Je ne le sais pas.

M. Lalonde: Pour l'époque, est-ce que c'est plutôt immédiatement après le 3 janvier ou plutôt - là, je vous pose une question suggestive, vous pourrez ne pas y répondre si elle est trop suggestive...

M. Boivin: Allez-y, cela m'aide des fois.

M. Lalonde: ...autour de la réunion du 6 février - on y reviendra tout à l'heure - qui est assez cruciale dans le déroulement de ce règlement? Je vous demande si vous pouvez nous situer à peu près l'époque où ces conversations téléphoniques ont eu lieu.

M. Boivin: Je ne peux pas. Il y a même un élément dans votre question qui est drôle. Vous dites: Est-ce plus près de l'époque de la réunion du 6 février? J'apprends cela, ces réunions, parce que j'ai lu le cahier, je ne sais pas qu'elles ont lieu, ces réunions et qu'on décide telle affaire. Je viens de tout apprendre cela en lisant le cahier.

M. Lalonde: Je pensais que vous m'aviez dit - je ne veux pas vous coincer sur cela - que vous aviez à l'occasion appelé M. Laliberté pour savoir à quelle date aurait lieu la prochaine réunion.

M. Boivin: Oui, les prochaines réunions; je ne vous ai pas dit et je ne me souviens pas qu'il m'eût dit alors, qu'il y avait une réunion à telle ou telle date. Le 6 février, pour moi, c'est une date que je vais croire, parce que cela doit être inscrit dans le cahier, je présume.

M. Lalonde: Puisqu'on croit ce qui est inscrit dans le cahier, le 6 février, il y a eu une réunion importante - c'est mon appréciation à moi, je peux l'enlever - il y a eu une réunion du conseil d'administration. Est-ce que vous avez eu des communications avec M. Laliberté, à l'époque, de cette réunion?

M. Boivin: Je ne suis pas capable de vous le dire.

M. Lalonde: Bon. On revient à la réunion du 2 février, cela va peut-être nous aider pour répondre à la question précédente. Le 2 février, vous rencontrez MM. Rosaire Beaulé et Michel Jasmin, les deux avocats, entre 10 heures et Il heures - entre 10 heures et midi, quand on englobe les deux. Est-ce que vous vous souvenez de cette réunion?

M. Boivin: Pour préparer mon témoignage, j'ai essayé de gratter ma mémoire et c'est bien tannant, mais en tout cas. Je l'ai fait et j'ai écrit ce qui suit au sujet de la réunion du 2 février: Je ne m'en souviens pas. Avant le témoignage de M. Beaulé, je ne me souvenais pas qu'il m'avait remis un document. Encore aujourd'hui je ne m'en souviens pas, mais, puisque Me Beaulé l'affirme, je veux bien le croire. Mais je me souviens cependant de la lettre du 5 février 1979 adressée à Geoffrion et Prud'homme dont il me fait tenir copie et - je poursuis parce que vous l'avez interrogé là-dessus - je

ne crois pas les avoir mis au courant de la rencontre de la veille - celle du 1er février avec le premier ministre - et j'ajoute: Comme je ne savais pas comment le conseil d'administration de la SEBJ allait traiter cette affaire, je ne voulais pas trop m'engager vis-à-vis des avocats des défendeurs ou encore leur donner trop d'espoir.

M. Lalonde: Est-ce qu'au cours de cette réunion de l'avant-midi du 2 février vous avez informé Me Jasmin et Me Beaulé que vous alliez rencontrer Me Cardinal et Me Aquin au lunch, quelques minutes plus tard?

M. Boivin: Je ne m'en souviens pas, mais ce n'est pas mon genre de dire aux autres où je vais luncher.

M. Lalonde: Est-ce que je peux vous poser la question suivante, à savoir si l'objet du lunch était étranger à l'objet de la visite de Me Jasmin et Me Beaulé dans votre bureau?

M. Boivin: Je vais vous répondre autrement tout en vous répondant. Je ne me souvenais pas du lunch jusqu'à ce que quelqu'un en parle ici. Je m'en souviens bien vaguement. Puisqu'on l'a dit, ce doit être vrai. Je suis prêt à accepter, quant à ce lunch, le témoignage de Me Aquin. C'est bien vague dans mon esprit, un lunch avec Me Aquin et Me Cardinal.

M. Lalonde: Étant donné qu'on ajourne dans quelques minutes, si vous le permettez, je voudrais revenir seulement quelques secondes sur la réunion du 3 janvier. Est-ce que, après avoir rencontré M. Laliberté, vous avez rencontré un avocat de Geoffrion et Prud'homme le 3 janvier, à vos bureaux?

M. Boivin: Le 3 janvier? M. Lalonde: Oui.

M. Boivin: Un avocat de Geoffrion et Prud'homme serait venu à mon bureau?

M. Lalonde: Je vous pose la question.

M. Boivin: Je ne m'en souviens pas et ce n'est pas inscrit.

M. Lalonde: Est-ce que vos registres n'indiquent pas que Me René Beaulac de Geoffrion et Prud'homme serait allé vous voir immédiatement après la visite de M. Laliberté à vos bureaux?

M. Boivin: On peut le vérifier, mais si c'est vrai, M. Beaulac ne m'a jamais parlé de la SEBJ ou de cette poursuite.

M. Lalonde: Donc, je vous remercie.

M. Boivin: Voulez-vous que je vérifie si M. Beaulac est venu le 3...

M. Lalonde: Si vous voulez vérifier, s'il vous plaît.

M. Boivin: Certainement.

Le Président (M. Jolivet): Pour cet après-midi. Donc, je vais suspendre les travaux en disant qu'on reviendra après la période de questions, en vous rappelant, aussi, pour les besoins des membres de la commission, que nous siégerons demain matin, de 10 heures à 13 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

(Reprise de la séance à 16 h 50)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaîtl

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux aux fins d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cours la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier LG 2 survenu en 1974 et plus spécifiquement le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Vaillancourt (Jonquière), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Laplante (Bourassa), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Perron (Duplessis), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Gratton (Gatineau), M. Page (Portneuf) M. Doyon (Louis-Hébert), M. Tremblay (Chambly), M. Saintonge (Laprairie). Le rapporteur de cette commission est M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

À la suite des avis qui ont été donnés à l'Assemblée nationale, je voudrais faire mention d'une correction que je dois apporter à ce que j'ai dit ce matin. Nous ne siégerons pas demain matin; ce sera mardi prochain, à 10 heures, la prochaine séance. Aujourd'hui, nous irons jusqu'à 18 heures, à partir de maintenant, et de 20 heures à 22 heures. Nous avons toujours M. Jean-Roch Boivin qui était questionné, au moment de l'arrêt pour l'heure du dîner, par le député de Marguerite-Bourgeoys.

Simplement aussi rappeler que j'avais indiqué qu'on débuterait vers les 16 heures

ou 16 h 30 mais il y a eu une discussion à l'Assemblée nationale et c'est la raison pour laquelle nous débutons un peu plus tard; à la suite de l'avis donné par motion à l'Assemblée nationale. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole. Oui, Me Boivin.

M. Boivin: M. le député de Marguerite-Bourgeoys m'avait demandé, ou avait affirmé - je ne me souviens pas - s'il était exact que Me René Beaulac, du bureau de Geoffrion et Prud'homme, était venu à mon bureau le 3 janvier 1979, après consultation des registres par M. Tremblay. Il appert que le 3 janvier on ai reçu la visite de M. René Beaulac indiquée comme suit: entrée: 12 h 45, sortie: 14 heures. Je vous avais promis de vous fournir ce renseignement.

M. Lalonde: Je vous remercie.

M. Boivin: Deuxièmement, si vous me le permettez, M. le Président. C'est peut-être de ma faute parce que je parle trop vite ou que je m'exprime mal, mais je crois que mes propos ont été mal transcrits. Je voudrais référer au ruban 1398, page 1, au bas de la page.

M. Lalonde: Page 1399?

M. Boivin: Ruban 1398, M. le député.

M. Lalonde: Ruban 1398.

M. Boivin: Ruban 1398, page 1.

M. Lalonde: Oui.

M. Boivin: Au bas de la page. Lorsque nous parlions, vous vous souvenez, de la rencontre du 1er février 1979, je disais que le premier ministre avait dit, ou moi-même, à M. Boyd que, s'il était important de faire établir clairement - en tout bas de page, M. le député - s'il était important de faire établir la responsabilité des syndicats...

M. Lalonde: Oui.

M. Boivin: ...québécois...

M. Lalonde: Oui.

M. Boivin: Alors, on lit dans la transcription, et je cite, M. le Président: "Là-dessus, je ne me souviens pas si c'est moi ou le premier ministre qui avait demandé à ces syndicats d'admettre leur responsabilité; il va être clairement établi qu'il n'y a pas de responsabilité partagée." D'ailleurs, cela n'a pas de sens.

M. Lalonde: Cela n'a pas de sens.

M. Boivin: D'ailleurs, M. le député de Marguerite-Bourgeoys avait saisi une autre réponse. La preuve...

M. Lalonde: Oui, oui.

M. Boivin: ...c'est qu'il me pose une question au ruban 1405, page 1 et là, M. le député de Marguerite-Bourgeoys résume très bien ce que j'avais dit. Alors, c'est peut-être suffisant pour les fins du journal des Débats.

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Lalonde: Est-ce qu'il y a une demande de correction? Je ne sais pas comment on procède. Est-ce qu'on corrige...

Le Président (M. Jolivet): Je pense que la correction qui est demandée par l'invité et la façon dont il le demande suffiraient. On référerait à ce moment-là à l'intervention de cet après-midi.

M. Boivin: Je présume. Je ne connais pas vos règlements.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Lalonde: Bon. Alors, effectivement, Me René Beaulac est allé à votre bureau. Je pense que, d'après l'heure d'entrée et de sortie de M. Laliberté, le 3 janvier, M. Beaulac se serait trouvé à entrer à votre bureau au moment de la sortie de M. Laliberté; ce qui ne veut pas dire qu'il y a un lien entre les deux. Je voulais seulement savoir: Est-ce que c'était à propos de cette cause...

M. Boivin: Non.

M. Lalonde: ...de la cause du saccage?

M. Boivin: Je n'ai jamais parlé à M. Beaulac de cette cause-là, même aujourd'hui.

M. Lalonde: Bon. M. le Président, nous étions rendus... Enfin, on s'est rendu à différents endroits, sauf que, je pense que j'avais commencé à vous poser des questions sur le lunch du 2 février 1979. Il est en preuve, si vous me permettez l'expression, de la part de Me Aquin et de Me Cardinal, que vous les auriez appelés - ou l'un des deux -le 2 février 1979 pour les inviter à prendre le lunch et qu'il aurait été question de la poursuite de la SEBJ dont ils étaient les avocats contre un certain nombre de syndicats et d'individus. J'aimerais vous demander pourquoi rencontrer les avocats de la partie demanderesse? Quelles étaient les raisons qui vous ont poussé à les rencontrer?

M. Boivin: Je voulais qu'ils le sachent directement de ma bouche. Deuxièmement, je

ne sais pas si je l'aurais fait si ces avocats avaient été de purs étrangers. Comme je connaissais bien Mes Aquin et Cardinal, je me suis peut-être posé moins de questions, mais ce que je voulais, c'était tout simplement qu'ils le sachent directement de ma bouche.

M. Lalonde: Qu'ils sachent de votre bouche quoi? Que la réunion de la veille ou quoi...?

M. Boivin: Oui, exactement.

M. Lalonde: La réunion du 1er février où le premier ministre aurait exprimé, de façon très claire, son souhait. En passant, justement, puisque vous parlez du 1er février, est-ce que vous avez entendu M. Laliberté témoigner ici - enfin, vous avez peut-être lu la transcription de son témoignage - en ce sens que le premier ministre aurait dit, au cours de cette conversation: Vous réglez, avec - j'entends un juron, c'est celui-là - ou bien on règle à votre place, ou quelque chose comme cela?

M. Boivin: J'ai entendu ou j'ai lu M. Laliberté dire cela.

M. Lalonde: Oui. Étant présent, est-ce que vous pouvez confirmer que c'est vrai?

M. Boivin: Non. Je ne peux pas confirmer...

M. Lalonde: Vous ne pouvez pas le confirmer.

M. Boivin: Je ne peux pas le nier non plus.

M. Lalonde: Ah bon! Vous ne pouvez pas le nier non plus.

M. Boivin: Cela ne m'a pas frappé, moi.

M. Lalonde: Je ne vous demanderai pas pourquoi cela ne vous a pas frappé, vous, comme vous le dites.

M. Boivin: Non, non, mais il y a plusieurs mots dans cette phrase. Encore aujourd'hui, comme je viens de vous le dire tantôt, je ne veux pas corroborer ce que M. Laliberté a dit et je ne veux pas nier ce que M. Laliberté a dit, mais je m'interroge fortement sur la mémoire de M. Laliberté lorsqu'il dit le bout de phrase suivant: Sinon, on va régler à votre place. Je cherche encore à savoir ce que cela veut dire et je ne l'ai pas encore trouvé, ce que cela aurait voulu dire.

M. Lalonde: En fait, on peut s'interroger sur la mémoire de plusieurs témoins, Me Boivin.

M. Boivin: Comme sur la mienne.

M. Lalonde: Y compris sur la vôtre, ce matin. Alors, vous ne pouvez pas nier ou confirmer cette phrase de M. Laliberté. Donc, le 2, vous appelez les avocats de la SEBJ pour leur faire connaître de votre bouche ce qui s'était passé la veille. Est-ce que j'ai bien compris votre réponse?

M. Boivin: C'est exact.

M. Lalonde: Est-ce qu'il a été question d'autre chose que de la réunion de la veille?

M. Boivin: Ah oui! cela a duré quelques minutes ma foil Ensuite, comme très souvent quand je rencontre Me Cardinal, et quand je rencontre Me Aquin mais je ne le rencontre pas souvent on a parlé de choses et d'autres, mais surtout de politique.

M. Lalonde: Excusez-moi, je ne voulais pas savoir de quoi vous parliez d'autre que la cause; c'est simplement pour rester dans le mandat, la cause. Vous avez parlé à propos de la cause, qui est la poursuite de la SEBJ à la suite du saccage de la Baie-James.

À la réunion de la veille, encore à propos de la cause, est-ce qu'il y a eu d'autres sujets qui ont été abordés? Je ne veux pas mettre les mots dans votre bouche, mais si vous avez lu la transcription de ce que les autres ont témoigné, de ce qu'ils ont dit, il aurait été question de documents que Me Beaulé et Me Jasmin feraient parvenir à MM. Geoffrion et Prud'homme. Est-ce que vous ne les avez pas informés de cela? (17 heures)

M. Boivin: Non, je n'ai aucun souvenir de cela dans mon esprit. Je vous l'ai dit ce matin, j'ai très peu de souvenir de ce lunch, mais je me souviens vaguement que je leur ai dit: Voici, le premier ministre a rencontré hier messieurs, messieurs et il leur a dit telle chose. J'ai ajouté: J'ai cru comprendre très clairement que M. Boyd était contre. M. Laliberté n'a pas parlé, M. Saulnier a parlé. Je ne pourrais pas affirmer carrément s'il est pour ou s'il est contre, mais je crois qu'il est pour. Grosso modo, c'est la substance du lunch. Après cela, on a parlé d'autres choses. Est-ce que c'était votre question, M. le député? On n'a pas parlé de la cause elle-même.

M. Lalonde: Oui. Qu'est-ce qui a été dit à propos de la cause? Vous m'avez dit: Je le leur ai appris la réunion de la veille. Je vous pose la question parce que d'autres témoins ont rapporté que vous auriez dit à ce moment - je pense que c'est Me Cardinal

ou Me Aquin - qu'ils recevraient les documents de la part de Me Beaulé et de Me Jasmin. Est-ce à ce moment...

M. Boivin: Moi, je leur aurais dit cela?

M. Lalonde: Au moment du lunch, je pense, à moins que ma mémoire me... Voici justement: Ces témoins, Geoffrion et Prud'homme, ont affirmé que le 2 février vous avez fait un appel téléphonique à leur bureau et demandé à Me Cardinal et Me Aquin s'ils pouvaient manger avec vous.

Une voix: Quelle page?

M. Lalonde: C'est le ruban 692, page 1. Maintenant, c'est un résumé que j'ai fait pour m'aider à poser des questions.

M. Duhaime: Je m'excuse, mais vous êtes... Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): ...M. le ministre, vous pouvez y aller.

M. Duhaime: Je vais y aller avec beaucoup de précaution parce que le député de Marguerite-Bourgeoys fait très bien cela depuis le matin. Mais, si vous utilisez des résumés de témoignages d'autres témoins, il faudrait que cela corresponde au ruban 692, page 1.

M. Bourbeau: On a pris des cours de M. Jutras.

M. Duhaime: Pardon?

M. Lalonde: On a pris des cours de Me Jutras pour citer...

M. Duhaime: Vous pouvez choisir l'endroit où vous voulez pour prendre des cours. La mise en garde que je vous fais, c'est que si vous résumez les témoignages je vais m'opposer. Si vous faites référence à la page 692, je pense que Me Tremblay qui accompagne Me Boivin a peut-être ces rubans, mais en toute justice pour Me Boivin...

M. Boivin: Je voudrais demander au député si... M. Tremblay me dit que c'est plus facile lorsque vous mentionnez ce que vous avez mentionné, le ruban et la page, et la date, si vous l'avez. Si vous ne l'avez pas, j'imagine que vous pouvez vous débrouiller autrement.

M. Lalonde: La date...

M. Boivin: Du témoignage, en somme, de... Mais si vous ne l'avez pas...

M. Lalonde: Je sais que le lunch était le 2 février mais la date...

M. Duhaime: La date du ruban?

M. Lalonde: ...du ruban, je ne l'ai pas. En fait, jusqu'à maintenant, quand j'ai essayé de résumer ce que vous aviez dit, vous, ou les autres, je n'ai pas fait de difficultés. Je pense que j'ai pris assez de précautions de langage pour ne pas...

M. Duhaime: C'est que j'éprouve des craintes.

M. Lalonde: Ah bon! Le ministre est nerveux, M. le Président. En fait, je voulais vous demander si vous les aviez informés que Me Jasmin et Me Beaulé devaient leur faire parvenir des rapports sur les difficultés de recouvrement et la situation financière des syndicats québécois. C'est essentiellement ce que Me Aquin et Me Cardinal nous ont dit.

M. Boivin: Pour l'instant, cela n'éveille pas de souvenir.

M. Lalonde: Maintenant, on ne parle plus de rubans puisque cela a été imprimé dans le journal des Débats; c'est à la page CI-1061, du 21 avril 1983. Il faudrait maintenant que je trouve le passage exact. M. Aquin nous a rapporté ceci du lunch. Est-ce que vous vous souvenez leur avoir dit cela?

M. Boivin: De leur avoir dit quoi, M. le Président?

M. Lalonde: Qu'ils recevraient des rapports.

M. Boivin: Non, non, M. le Président.

M. Lalonde: Me Aquin à la même date, le 21 avril - on retrouve cette citation à la page CI-1060 - a dit et je le cite: "Je me souviens lui avoir posé cette question - c'est à vous, lors du lunch -: Est-ce que la rencontre avec le premier ministre est une rencontre officieuse ou confidentielle? Il nous a dit, non. - II, c'est vous - Elle - c'est la rencontre, j'imagine - sera communiquée au conseil d'administration de la SEBJ." Et Me Aquin continue: "Je me souviens aussi que je lui parle des nombreux textes de transaction qu'on a faits. Je ne les ai pas en main." Me Aquin poursuit: "Je me souviens qu'il nous répond - il, c'est vous, Me Boivin -: Bien, si vous faites quelque chose, ne vous accrochez pas uniquement dans des papiers ou dans des textes de transaction." Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela?

M. Boivin: On change de sujet, si je comprends bien. C'est une autre question.

M. Lalonde: Non, non. C'est la question du lunch, ce qui s'est passé au lunch.

M. Boivin: Ce ne sont pas des documents qu'ils devaient recevoir ou je ne sais trop quoi.

M. Lalonde: Ah boni Non, parce que vous avez semblé me répondre que vous ne vous en souveniez pas.

M. Boivin: Je ne m'en souviens pas. M. Lalonde: Ah bon!

M. Boivin: Ce que je veux dire, c'est que vous passez à une autre question. Je ne me souviens pas lui avoir dit cela. Il serait fort possible que je lui aie dit quelque chose de semblable parce que... Mais "pas s'accrocher dans des textes de transaction", cela m'étonne un peu comme expression. J'ai une expression favorite; je lui ai peut-être dit de ne pas s'accrocher dans les fleurs du tapis. J'ai peut-être employé ce genre d'expression dans le contexte suivant. Je reconstitue là, parce que Me Aquin, Me Beaulé et moi-même sommes confrères de classe. Je connais le tempérament des deux et j'ai probablement dû dire: Ne vous accrochez pas dans les fleurs du tapis. J'avais entendu dire que, parfois, ils avaient des exigences en ce sens qu'il fallait que la rencontre ait lieu au bureau d'untel plutôt qu'au bureau d'untel, être prévenu d'avance, etc. J'ai peut-être dit: Ne vous accrochez pas dans les fleurs du tapis. Mais c'est une reconstitution, M. le Président.

M. Lalonde: Enfin, M. le Président, je rappelle au témoin que Me Aquin a bien dit: Ne vous accrochez pas uniquement dans des papiers ou des textes de transaction. Enfin! Est-ce que c'est une remarque que vous avez faite pour encourager les avocats à bien faire leur travail comme avocats de la SEBJ? À quel titre pouviez-vous leur donner des conseils ou des instructions de cette nature? Comme chef de cabinet du premier ministre?

M. Boivin: Je ne me suis pas posé la question. La réponse m'apparaît maintenant -étant donné que vous la posez - normale. Le premier ministre souhaite un règlement hors cour. Moi, j'espère que les avocats, tout en ne sacrifiant aucunement les intérêts de leurs parties respectives, ne s'accrocheront pas dans les fleurs du tapis ou dans des papiers. Je ne sais pas si c'est bienséant ou non, mais c'est la réponse qui me vient à l'esprit.

M. Lalonde: Vous ne voyez rien d'anormal à ce genre d'intervention de la part du chef de cabinet d'un premier ministre auprès d'avocats d'une société d'État?

M. Boivin: En effet, M. le Président.

M. Lalonde: Est-ce que, au cours de votre carrière comme chef de cabinet du premier ministre - je vous ai posé la question cet avant-midi pour les opinions juridiques que vous étudiez - il vous est arrivé, à d'autres reprises, d'intervenir auprès d'avocats de sociétés d'État pour leur donner des instructions?

M. Boivin: Des instructions?

M. Lalonde: "Ne vous accrochez pas dans les transactions ou dans les...

M. Boivin: Ce ne sont pas des instructions, c'est un souhait.

M. Lalonde: On souhaitait beaucoup dans ce cabinet, dans ce temps-là.

M. Boivin: Vous savez très bien que je ne pourrais pas donner d'instructions aux avocats d'une société d'État sans passer par la société d'État.

M. Lalonde: Enfin, M. le Président, je ne poserai plus de question là-dessus précisément. Je voulais la poser, parce que... Je ferai mes commentaires une autre fois. Je les garde pour plus tard et je vous assure que vous allez bien les entendre.

M. Duhaime: Très bien.

M. Lalonde: Est-ce qu'il y a eu d'autres questions qui ont été échangées, soulevées, ou est-ce qu'il y a eu des échanges qui ont été faits entre Me Cardinal, Me Aquin et vous-même lors de ce lunch, le 2 février 1979?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Lalonde: À quel moment avez-vous rencontré Me Cardinal après ce lunch?

M. Boivin: Cela est indiqué sur la liste des rencontres qui a été émise: Me Cardinal apparaît comme étant venu au bureau le 9 février 1979.

M. Lalonde: Pouvez-vous nous décrire ce qui s'est passé lors de cette rencontre?

M. Boivin: Quelle rencontre? M. Lalonde: Celle du 9 février.

M. Boivin: C'est à ce sujet, M. le Président, c'est au sujet de cette rencontre que j'ai parlé ce matin, en parlant d'un

exemple, parmi d'autres, de rencontres dont je n'avais aucun souvenir. J'ai dit que lorsqu'il s'est agi pour moi de préparer ma comparution, à la suite de votre invitation, devant cette commission parlementaire et lorsque la liste des rencontres a été dressée au bureau du premier ministre parce que, entre parenthèses, je ne savais pas que nous avions un registre des visites du premier mandat, du mandat de 1976... Je ne savais pas qu'on conservait cela.

D'ailleurs, cela a été assez difficile parce que notre copie est disparue, notre copie pour l'année 1978 et les six premiers mois de l'année 1979 est disparue de notre bureau. L'original se trouvait cependant au poste de sécurité d'Hydro-Québec.

M. Lalonde: Ah bon!

M. Boivin: Alors.

M. Lalonde: Vous me rassurez.

Une voix: ...un vol ou quoi?

M. Boivin: Je n'ai pas dit un vol, j'ai dit une disparition.

M. Lalonde: Vous me rassurez.

M. Boivin: Lorsque cette liste fut dressée, j'ai parlé à Me Cardinal pour lui dire: Ton nom apparaît sur la liste du 9 février. Comme vous avez des comptes d'honoraires ou des agendas, etc., est-ce que tu sais ce que tu es venu faire à mon bureau le 9 février? Il a dit: Non, je ne m'en souviens pas. Je ne m'en souviens pas non plus. C'est pour cela que je m'étais informé auprès de Me Cardinal du but de la visite.

M. Lalonde: Est-ce que Me Jasmin s'est trouvé dans votre bureau ce même jour?

M. Boivin: Suivant la liste, oui.

M. Lalonde: Est-ce que Me Jasmin, d'après la liste que vous avez et que j'ai aussi - elle nous a été fournie par le bureau du premier ministre - serait entré à vos bureaux - pas nécessairement en votre présence - à 14 h 20 et sorti à 17 h 15, près de trois heures plus tard, et Me Cardinal serait entré à 16 h 30 pour en sortir à 17 h 05? Donc, pendant la période, tel qu'indiqué par l'heure d'entrée et de sortie, où Me Jasmin était à vos bureaux, pas nécessairement dans votre bureau, est-ce que vous vous souvenez que Me Jasmin et Me Cardinal auraient été ensemble en votre présence?

M. Boivin: Mon souvenir, durant toute la durée de toutes ces rencontres, c'est que jamais, je n'ai rencontré les avocats des parties adverses en présence l'un de l'autre.

M. Lalonde: Alors, vous affirmez donc qu'ils n'ont jamais été en votre présence ensemble?

M. Boivin: Oui, M. le Président.

M. Lalonde: Bon. Maintenant, est-ce que... Parce que vous avez très librement tout à l'heure - le président l'a permis - dit que, récemment - il y a, j'imagine, quelques semaines - pendant la préparation de votre comparution ici, vous aviez téléphoné à Me Cardinal pour attirer son attention sur la date du 9 février, pour essayer de vous rafraîchir la mémoire. Est-ce que vous avez fait la même chose avec Me Jasmin?

M. Boivin: J'ai dit ce matin que je n'ai pas osé, vu que M. Jasmin est maintenant juge, je n'ai pas osé lui téléphoner à ce sujet.

M. Lalonde: Est-ce que vous vous souvenez de ce qui est arrivé, de ce qui s'est dit lors de ces deux réunions? Si je comprends bien, elle n'a pas été commune. Il y aurait donc eu deux réunions, l'une avec Me Jasmin, qui aurait duré quelque part entre 14 h 20 et 17 h 15, et une autre avec Me Cardinal, quelque part entre 16 h 30 et 17 h 05. Est-ce que vous vous souvenez et pouvez nous dire, nous éclairer là-dessus? Nous sommes très dépendants de votre mémoire.

M. Boivin: Absolument pas. C'est pour cela que je vous ai dit tantôt que j'ai fait des démarches auprès de Me Cardinal pour essayer de le savoir. Et c'est pour cela que je vous ai dit ce matin que je n'ai pas osé le demander à M. Jasmin parce qu'il est maintenant juge et qu'il - moi, je l'espère, en tout cas - s'en souviendra lorsqu'il viendra ici.

M. Lalonde: Est-ce que je comprends que vous ne vous souvenez de rien du tout de ce qui s'est passé cet après-midi-là?

M. Boivin: Absolument pas.

M. Lalonde: Vous souvenez-vous qui a convoqué ces deux réunions?

M. Boivin: Non, M. le Président. Écoutez, c'est le 9 février 1979. Si ce n'était pas écrit sur la liste, je vous affirmerais qu'elle n'a pas eu lieu, parce que je ne m'en souviens pas.

M. Lalonde: Non, écoutez, je sais que vous protestez de votre bonne foi. Je comprends cela.

M. Boivin: Non, je ne proteste de rien. Elle n'est pas mise en cause. Alors, je ne proteste pas de ma bonne foi.

M. Lalonde: Je veux dire... Je vous demande si vous vous en souvenez. Vous ne vous en souvenez pas. Et, maintenant, vous avez une remarque un peu plus énergique. Enfin, je ne veux pas juger votre comportement. Il reste que j'essaie de savoir si, au moins, en trois heures de réunion, vous vous souviendriez de... Parce qu'il y a une réunion du 1er février où vous vous êtes souvenu de pas mal de choses. Celle-là est du 9 février.

M. Boivin: M. le Président, il me semble que rencontrer le premier ministre avec trois présidents de sociétés d'État, ou trois membres d'un conseil d'administration de sociétés d'État, où on a discuté du sujet que vous connaissez, il me semble que c'est très différent que de rencontrer Me Jean-Paul Cardinal, que je rencontre à peu près toutes les semaines, et rencontrer Me Jasmin, que je voyais tout le temps dans le bureau. Il me semble qu'il n'y a aucune commune mesure entre les deux rencontres et que... D'ailleurs, si vous m'interrogiez et que je n'avais pas de liste, je vous dirais que j'ai eu plusieurs rencontres. Mais vous me diriez: Telle date, telle date, que je dirais: Je ne le sais pas, je ne le sais pas, je ne le sais pas, je ne le sais pas. Écoutez, moi, je me fie sur ces listes-là pour vous dire, pour vous affirmer, grâce aux listes, qu'il y a eu des rencontres. Parfois, il y a quelques faits qui font que je me souvienne de quelque chose. Par exemple, la visite des avocats américains. Je me souviens qu'il y avait un avocat américain - Me Beaulé a dit deux. Moi, je veux bien l'admettre. Bon, cela, je m'en souviens. Ce n'est pas tous les jours que je rencontre les grands avocats américains. Ils étaient assez âgés. Ils étaient très polis, etc. Je me souviens de cela. Je me souviens de M. Laliberté, le 3, parce que c'est écrit le 3. Pour le reste, je me fie à la liste et j'essaie de faire des reconstitutions.

M. Lalonde: Est-ce que vous vous souvenez de l'objectif que Me Jasmin vous aurait dit qu'il poursuivait dans les rencontres qu'il avait avec vous?

M. Boivin: II ne s'est pas exprimé dans ces termes, mais M. Jasmin, tout au long -c'était très clair, il ne s'en est jamais caché, M. Jasmin - il voulait à tout prix un règlement hors cour pour les raisons dont je vous ai fait part, je pense, ce matin. À mesure que le procès se déroulait, M. Jasmin était nerveux et il me racontait tous ses problèmes - j'exagère là - dans le sens de: Bientôt, le syndicat n'aura plus d'argent; bientôt, je vais laisser les procédures ex parte... Moi, je lui répétais: Bien, mon cher Jasmin, prends une tasse de café... Qu'est-ce que tu veux que je te dise? C'est dans les mains des gens du conseil d'administration. Ils vont bien décider un jour, à une prochaine réunion. Eux aussi savent que le procès est en cours. Lui, son but était très clair.

M. Lalonde: Je ne veux pas mettre de mots dans votre bouche, mais est-ce qu'on peut dire que, au cours de vos rencontres, vous avez eu des entretiens qui ont porté sur l'objectif de Me Jasmin, c'est-à-dire d'avoir un règlement hors cour?

M. Boivin: Ah! Évidemment, M. le Président. Évidemment.

M. Lalonde: Est-ce que...

M. Boivin: C'est là qu'il me faisait valoir longuement, parfois pesamment, ses arguments pour un...

M. Lalonde: Est-ce que votre rencontre avec M. Laliberté et la rencontre à laquelle vous avez participé, le 1er février, avec MM. Saulnier, Boyd et Laliberté, étaient des démarches en vue d'obtenir ce règlement hors cour?

M. Boivin: Bien, je pense qu'il serait plus exact de dire que, nous, le premier ministre et moi, n'avons pas fait de démarche. C'est M. Saulnier qui a appelé, au meilleur de mon souvenir, pour demander une rencontre avec le premier ministre, pour les motifs, dit-il - là, c'est lui qui le dit, je me réfère à son témoignage ici - de connaître le sentiment du premier ministre.

M. Lalonde: Parlons d'abord de la réunion du 3 janvier.

M. Boivin: Pardon?

M. Lalonde: Excusez-moi! D'abord, si vous voulez, on va mettre de côté la réunion du 1er février. Parlons maintenant de celle du 3 janvier. Je vais vous poser la question, même si je pense qu'elle a déjà été posée. Est-ce vous qui l'avez convoquée?

M. Boivin: J'imagine.

M. Lalonde: Bon. Est-ce que c'était une démarche dans le but d'obtenir l'objectif, c'est-à-dire que la cause soit abandonnée et qu'il y ait un règlement hors cour?

M. Boivin: Oui, M. le Président.

M. Lalonde: Me Boivin, vous avez été en possession de certains documents tout au

cours de cette période. Dans la première liste des rencontres que le premier ministre nous a fournie, parce que j'avais demandé la liste des rencontres et aussi des conversations téléphoniques et des documents... Quant aux rencontres, on avait le registre pour se guider, je présume. Quant aux conversations téléphoniques, le document dit qu'on ne peut pas retracer les conversations téléphoniques. De mémoire, vous nous en avez rapporté quelques-unes. Quant aux documents qui auraient pu être échangés, votre liste, l'avez-vous? Pouvez-vous lire ce que...

M. Boivin: Je l'ai devant moi, M. le Président.

M. Lalonde: Oui, s'il vous plaît.

M. Boivin: "Les membres du personnel du cabinet du premier ministre n'ont pas conservé les quelques documents qui leur furent remis à l'époque, puisque ceux-ci apparaissaient peu importants et n'étaient de toute façon que des photocopies." Fin de la citation.

M. Lalonde: C'est cela que j'avais vu dans le document. Vous en avez eu quelques-uns que vous avez mentionnés au fur et à mesure que vous décriviez. Pourriez-vous faire un résumé des documents que vous avez eus, demandés ou pas demandés, par exemple, à partir du 1er décembre 1978?

M. Boivin: Au meilleur de mon souvenir... C'est assez facile parce que je me souviens que Me Beaulé m'a remis une copie de son plaidoyer. Je ne m'en souvenais pas, mais Me Beaulé m'a fait souvenir qu'il m'a fait parvenir copie de la lettre du 5 février, je crois - je dis cela de mémoire - adressée à Me Aquin. J'affirme qu'il m'a remis aussi - je ne sais pas comment qualifier le document... Me Tremblay, je l'ai dans mes papiers. Ce ne sont pas des bordereaux de paie - je n'appellerais pas cela de même -c'étaient des...

M. Lalonde: Me Beaulé en a fait la description, je pense, dans son témoignage.

M. Boivin: II voulait prouver par ce document que M. Duhamel, je crois, était l'employé du conseil provincial ou de la FTQ elle-même, plutôt que du local 791, ou quelque chose de semblable. Je sais que j'ai le document; si je ne l'ai pas ici, je l'ai au bureau. Ce n'est pas le document original que m'a remis Me Beaulé mais, quand j'ai préparé ma comparution ici, je suis allé voir Me Beaulé et je lui ai dit: II me semble que tu m'as remis ta copie de plaidoyer - quand il m'eut rappelé la rencontre du 1er décembre - il me semble que tu m'as remis une lettre et là il m'a encore donné des photocopies.

M. Lalonde: Si cela peut vous aider ce que Me Beaulé a dit au ruban 1030, il a dit qu'il vous avait transmis des photocopies de factures que la SEBJ envoyait à la FTQ pour le gîte et - là, il manque un mot - de M. Duhamel.

M. Boivin: Je ne sais pas si ce sont des factures, mais je sais que je les ai au bureau ces papiers.

M. Lalonde: Et les photocopies des chèques tirés par l'Union des opérateurs de machinerie lourde pour payer M. Duhamel?

M. Boivin: Non, des copies de chèques, je n'ai jamais vu cela.

M. Lalonde: Vous ne les avez jamais vues?

M. Boivin: Non. Je sais que Me Beaulé a dit cela. Vu qu'il a une terrible mémoire, cela doit être vrai, mais moi je ne m'en souviens pas. Je me souviens de ce que vous appelez des factures.

M. Lalonde: Là, on est au plaidoyer de Me Beaulé, le document de Me Beaulé, qui était une copie d'un document remis le 5 février à Me Aquin, et aussi ces documents. Si vous me le permettez, il y a aussi la copie de l'opinion de Geoffrion et Prud'homme que vous êtes allé quérir au bureau?

M. Boivin: Comme je vous l'ai dit ce matin - c'est pour cela que je ne l'ai pas mis dans la liste que vous venez de me demander - est-ce que je l'ai lu au bureau ou est-ce que j'en ai obtenu une photocopie? Je ne m'en souviens pas.

M. Lalonde: Avez-vous obtenu copie soit du plaidoyer ou d'opinions juridiques de Me Jasmin?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Lalonde: Je vais reposer ma question pour que vous puissiez y répondre. Le document que Me Beaulé vous aurait remis et qui serait une copie du rapport remis le 5 février à Me Aquin portait une date. Est-ce que vous...

M. Boivin: Je viens de le dire. La lettre était datée du 5 février. Je ne sais pas s'il me l'a remise le 5. La lettre est datée du 5 février.

M. Lalonde: Ah bon!

M. Boivin: Je crois que le... Il me semble que vous l'avez fait produire par Me Beaulé, mais j'en ai aussi une copie. Si ce n'est pas ici, c'est au bureau.

M. Lalonde: Cela va. Cela va très bien. Il n'y aurait pas d'autres opinions juridiques que vous auriez consultées...

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Lalonde: ...que celle de Geoffrion et Prud'homme, 1975, si on peut la dater ainsi? Il n'y en a qu'une en 1975.

M. Boivin: Exact.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez vu l'opinion juridique de Geoffrion et Prud'homme du 5 janvier 1979?

M. Boivin: Savez-vous, je pense que non. Ce qui me fait répondre de cette façon, c'est qu'il me semble que c'était la première fois que je la voyais lorsque je l'ai vue. Dans les cahiers où elle a été produite, je l'ai lue.

M. Lalonde: Vous citez dans votre mémoire l'opinion du 19 février 1979. Si je comprends bien, ce serait l'opinion de Geoffrion et Prud'homme parce que vous dites: "Dans leur opinion". Au bas de la page 5.

M. Boivin: Exact.

M. Lalonde: Leur opinion, parce qu'on sait qu'il y en a eu une de Me Gadbois à la même date, adressée... On le sait maintenant, parce que c'est un document de la commission.

M. Boivin: Ah! Je n'avais jamais vu celle de Me Gadbois.

M. Lalonde: Maintenant, celle du 19 février 1979. Quand en avez-vous pris connaissance?

M. Boivin: Pendant les travaux de cette commission.

M. Lalonde: Maintenant? M. Boivin: Oui.

M. Lalonde: Vous ne l'aviez pas vue à ce moment?

M. Boivin: Non.

M. Lalonde: Alors, j'ai mal compris si j'ai pensé que vous aviez invoqué cette opinion du 19 février 1979 pour vous faire une opinion avant d'aller voir le premier ministre avant Noël 1978.

M. Boivin: Ce que... Vous avez mal compris, c'est certain; mais, je me suis peut-être mal exprimé, M. le Président.

M. Lalonde: Non, parce que vous la mettez dans une liste de...

M. Boivin: Non, ce que je veux dire, c'est que j'exprime mon scepticisme quant à la responsabilité du syndicat américain et je tire des arguments d'une opinion que je connaissais à l'époque, c'est-à-dire celle du 16 décembre 1975 et j'utilise, pour les fins de mon propos, l'opinion du 19 février 1979 dont j'ai connu l'existence au cours des travaux de cette commission.

M. Lalonde: Alors, votre très grand scepticisme qu'on retrouve au sous-paragraphe c, à la page 4, n'est pas totalement appuyé sur l'opinion du 19 février 1979?

M. Boivin: Exact, M. le Président. M. Lalonde: Maintenant...

M. Boivin: C'est-à-dire qu'il est en partie appuyé aujourd'hui, mais à l'époque, il ne l'était pas.

M. Lalonde: Aujourd'hui il est en partie appuyé, oui. Ah oui! C'est-à-dire que vous l'invoquez pour confirmer l'opinion que vous aviez à ce moment.

M. Boivin: Voilà. (17 h 30)

M. Lalonde: Vous avez référé dans votre mémoire à l'article de la Presse du 17 mars 1983. Vous l'avez même analysé.

M. Boivin: Superficiellement et brièvement, mais, enfin, je l'ai analysé.

M. Lalonde: Si je comprends bien, oui. Est-ce que ce que le journaliste vous fait dire, quand il dit que vous faisiez rapport régulièrement au premier ministre, est exact?

M. Boivin: Si régulièrement n'a pas nécessairement dans son acception courante l'idée de fréquence, oui. Ma réponse est oui. Pour moi, régulièrement ne veut pas dire à une fréquence rapprochée. Faire rapport régulièrement, c'est faire rapport lorsque nécessaire et dans le cours régulier des choses.

M. Lalonde: Vous situez le début de votre intérêt dans cette cause à novembre 1978 - je pense - lorsque M. Laberge, président de la FTQ, vous aurait appelé. Est-

ce que c'est la première fois que vous entendiez parler de cette cause? Écoutez, je vous mets en garde parce qu'il y a aussi un lunch en juin 1978...

M. Boivin: Cela va, M. le député. M. Lalonde: ...avec Me Beaulé.

M. Boivin: Cela va, M. le député, je vous remercie. Je m'en souvenais parce qu'on a parlé du lunch ce matin. J'avais lu les journaux, mais je n'avais pas une connaissance autre que la connaissance de tout le monde de cette cause-là, une connaissance que je pourrais qualifier de superficielle, une connaissance de commune renommée, quoil C'est exact, j'ai pris connaissance pour vrai de cette cause à l'époque... Je suis prudent quand je situe mon paragraphe 2, à la page 1, lorsque je dis: "À l'automne, j'ai reçu un téléphone de M. Laberge...", et la dernière phrase dit: "Elle aurait donc vraisemblablement eu lieu au cours du mois de novembre." C'est au meilleur de mon souvenir. Si M. Laberge venait jurer que c'est en octobre, je ne le contredirais pas. C'est au meilleur de mon souvenir et c'est pour cela que je m'exprime de cette façon. Il me semblait que c'était peu de temps avant la rencontre avec Me Jasmin.

M. Lalonde: M. Michel Girard rapporte un certain nombre de choses qui vous concernent. Je vais en lire quelques-unes de l'article du jeudi 17 mars 1983: "M. Boivin avait été chargé dès le début de l'automne 1978 de piloter ce litigieux dossier après entente entre M. Lévesque, l'ancien ministre de l'Énergie, Guy Joron, et l'ex-ministre du Travail, Pierre-Marc Johnson." Premièrement, est-ce que vous avez été chargé à l'automne... Est-ce vous-même qui vous en êtes chargé ou est-ce que c'est M. Lévesque qui vous a donné le mandat?

M. Boivin: II ne m'a pas donné de mandat sauf avant Noël. J'ai eu des représentations - comme je le dis dans mon texte - j'ai fait rapport à M. Lévesque. Là, on peut dire qu'il m'a donné un mandat. En d'autres termes, cela fonctionne toujours comme cela au bureau. Je ne vais pas voir M. Lévesque chaque fois pour lui demander la permission de rencontrer quelqu'un.

M. Lalonde: Vous considérez avoir reçu un mandat du premier ministre lors de votre rencontre avant Noël 1978?

M. Boivin: C'est exact.

M. Lalonde: Pouvez-vous décrire en quoi consistait ce mandat?

M. Boivin: M. Lévesque ne s'exprime pas en termes juridiques et ne dit pas: Je te confie le mandat.

M. Lalonde: Je vous invite à nous donner cela en vulgarisant.

M. Boivin: J'ai réfléchi et la meilleure façon dont je peux m'exprimer je l'ai fait dans ma déclaration, la plus condensée, la plus claire, la plus précise. Je pourrais peut-être la citer pour les téléspectateurs: "M. Lévesque m'a dit qu'il était évident que cette cause devrait se régler hors cour aux conditions dont les parties auraient elles-mêmes convenu. Il m'a demandé de faire connaître son opinion au président de la SEBJ et de me tenir au courant de l'évolution du dossier afin de pouvoir l'en informer." J'ai essayé de synthétiser pour la compréhension.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez fait rapport à M. Lévesque, le premier ministre, de toutes vos rencontres?

M. Boivin: Ah non! Cela ne marche pas comme cela chez nous. J'ai sûrement dû dire au premier ministre que j'avais rencontré M. Laliberté, mais je n'ai certainement pas dû dire, parce que ce n'est pas mon style et ce n'est pas le sien: Excusez-moi de vous déranger, M. Beaulé est venu. Excusez-moi de vous déranger, M. Jasmin est venu. Quand j'ai quelque chose à dire d'important, je vais le voir; sinon, je ne vais pas le voir. Je ne le dérange pas.

M. Lalonde: Est-ce que je dois comprendre que vous n'avez pas informé le premier ministre, votre patron, des rencontres dans votre bureau avec Me Jasmin, Me Beaulé et Me Cardinal?

M. Boivin: Je lui ai peut-être dit, c'est bien différent: M. Beaulé est venu me voir. D'ailleurs, je lui ai dit, lorsque je lui ai fait rapport avant le temps des fêtes: M. Beaulé est venu me voir. La FTQ... Quand je parle de la FTQ dans mon texte, je réfère à M. Laberge et à M. Jasmin. Mais, par la suite, je n'ai pas dit: Telle date, telle date. Il devait le savoir - j'imagine - de façon générale, puisque je lui avais dit lorsque je lui avais fait rapport avant la période des fêtes: J'ai eu des représentations de M. Laberge, j'ai eu des représentations de Me Jasmin qui représente des syndicats affiliés à la FTQ, j'ai eu des représentations de la part de Me Beaulé, procureur du syndicat américain. Après cela, je ne vais pas voir le premier ministre pour des rencontres qui se déroulent normalement, parce que le dossier évolue normalement.

M. Lalonde: Est-ce que...

M. Boivin: À titre d'exemple, je ne lui ai pas dit: J'ai rencontré les avocats du syndicat américain, parce qu'il n'y a rien de substantiel dans cette rencontre.

M. Lalonde: Est-ce que vous lui avez fait rapport du lunch du 2 février avec les avocats de la SEBJ?

M. Boivin: Sûrement pas; ce n'est pas mon genre et ce n'est pas le sien, non plus.

M. Lalonde: Selon vous, quel était l'enjeu de ce dossier et quel mandat aviez-vous pour le piloter ou le conduire, le dossier?

M. Boivin: Je saisis très mal votre question. Je la saisis certainement très mal, parce que je viens d'y répondre en citant le texte qui apparaît au haut de la page 8 de ma déclaration. Mais, puisque vous répétez la question, je présume que je la saisis mal, parce que vous ne la répéteriez pas.

M. Lalonde: En fait, j'essaie simplement de comprendre. Vous avez un mandat. Vous dites que vous avez reçu un mandat. Le mandat, ce n'est pas un mandat écrit. Je comprends que, entre chef de cabinet et premier ministre, on ne s'écrit pas de lettres. Mais, vous avez décidé, ensemble, donc, de faire quelque chose ou le premier ministre a dit: J'accepte vos recommandations...

M. Boivin: ...de favoriser un règlement hors cour.

M. Lalonde: C'est cela. Est-ce que vous avez fait rapport au premier ministre des démarches que vous aviez décidé de faire pour faire en sorte que le règlement hors cour se fasse?

M. Boivin: J'aime bien le premier ministre pour cela, il me fait confiance. On ne décide pas ces affaires-là en détail. Il a confiance que je vais accomplir mon mandat selon les formes et la manière que je juge les plus convenables. Je serai blâmé, je présume, si j'agis de façon incorrecte.

M. Lalonde: J'ai déjà posé la question, à savoir si vous aviez fait rapport. Il me semble que vous m'avez dit: Peut-être de la réunion avec M. Laliberté. Est-ce que je fais erreur?

M. Boivin: J'ai dit que je ne m'en souvenais pas, mais cela ne m'étonnerait pas du tout. Ce serait même normal que j'aie dit au premier ministre: J'ai rencontré M. Laliberté, président de la SEBJ, pour lui faire part de... etc.

M. Lalonde: Je ne sais pas si vous avez la transcription des débats du 20 février 1979 où le premier ministre dit... Il faudrait que j'aie la référence exacte, lors du minidébat. On dit, à la page 5793, le 20 février 1979, en parlant... Je ne sais pas si vous avez... Oui, on doit avoir la même photocopie, c'est vers le bas de la page, à la deuxième colonne, au bas de la page. On dit: "Mais ce syndicat américain, d'après les avis juridiques qui m'ont été expliqués longuement avant que je donne mon humble sentiment..." On demandera au premier ministre exactement où cela se situe, ce n'est pas à vous de témoigner là-dessus. Est-ce que vous avez expliqué des avis juridiques au premier ministre?

M. Boivin: J'ai tenté de mon mieux d'expliquer au premier ministre la prétention juridique ou le fondement juridique, si vous voulez, invoqué par la SEBJ, par la voie de ses procureurs, Geoffrion et Prud'homme. J'ai de mon mieux donné mon sentiment sur cet avis juridique.

M. Lalonde: Est-ce que vous situez cela avant Noël, au moment où vous l'avez rencontré, ou si cela a été fait à d'autres occasions?

M. Boivin: Sûrement avant Noël. Est-ce que nous en aurions reparlé après? Je l'ignore. J'ai dit sûrement avant Noël. Est-ce que nous en aurions reparlé, le premier ministre et moi, de cet aspect de la question, si je comprends bien, de la responsabilité juridique du syndicat...

M. Lalonde: Je n'ai pas compris les deux derniers mots, tout simplement. Je l'ignore, avez-vous dit?

M. Boivin: Je l'ignore.

M. Lalonde: Ah bon, c'est ce que je n'avais pas compris. M. le Président, pour l'instant, je vais passer la parole à quelqu'un d'autre.

M. Boivin: Merci, M. le député.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: M. le Président, à la page Il de votre déclaration, sur une réponse que vous faisiez à M. Girard, si l'on retourne à la page 12, vous dites, comme réponse: Je n'ai jamais participé à des tractations dans l'exercice normal de mes fonctions de chef de cabinet. J'ai rencontré les avocats ouvertement à mon bureau. Pourriez-vous expliquer, pour les fins du débat, qu'est-ce que vous considérez être rencontrer ouvertement des avocats?

M. Boivin: Je pense que le texte veut dire que je ne suis pas allé me cacher dans une toilette ou une taverne pour leur parler. Je les ai reçus à mon bureau, qui est un endroit respectable, je crois, jusqu'à preuve du contraire.

M. Laplante: Vous continuez aussi dans le dernier paragraphe: Le journaliste m'impute des motifs partisans alors que c'est l'intérêt public qui m'a guidé lorsque j'ai fait cette recommandation au premier ministre. Ici, en commission, si l'on prend M. Boyd en particulier, pour lui l'intérêt public, c'était de continuer l'action de 32 000 000 $. D'autres avocats de Geoffrion et Prud'homme ont ici pensé à un moment donné la même chose que M. Boyd. Vous, l'intérêt public qui vous a guidé, dans quel contexte le placez-vous?

M. Boivin: Si vous me le permettez, M. le député, je crois que vous confondez deux choses, et je vous le dis respectueusement, lorsque vous parlez du sentiment de M. Boyd et du sentiment des procureurs de la SEBJ. Les procureurs de la SEBJ ont dit telle et telle chose sur le plan juridique. M. Boyd, ne se place pas tellement sur le plan juridique. Pour M. Boyd il en va du bon renom ou du nom de cette société SEBJ, qui est une société respectable, de faire établir clairement par un jugement de cour que la SEBJ n'a aucune responsabilité dans les dommages ou dans le saccage.

Maintenant, lorsque je dis que c'est l'intérêt public qui m'a guidé, je peux avoir ma conception de l'intérêt public. M. Boyd peut avoir la sienne et la sienne peut être aussi respectable que la mienne. C'est une question de jugement, une question d'appréciation.

M. Laplante: Puisque vous avez rencontré Me Boulé...

M. Boivin: Beaulé.

M. Laplante: Puisque vous avez rencontré Me Beaulé à quelques reprises, lors de ces rencontres, avez-vous fait des promesses quelconques en disant: Oui, je vais l'arranger, le dossier. Oui, il y a des choses à faire dedans?

M. Lalonde: C'est très suggestif comme question.

M. Boivin: C'est même dangereux pour le témoin.

Une voix: Ah oui?

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il peut reprendre sa question? M. le député. (17 h 45)

M. Laplante: Oui, on peut toujours reprendre. Est-ce que vous auriez donné à M. Beaulé une affirmation quelconque concernant le dossier qu'il vous apportait, que vous en jugeriez vous-même, que vous seriez sympathique à un règlement dans ce dossier? Est-ce que vous lui auriez promis que vous pourriez régler ce dossier?

M. Boivin: Je crois m'être exprimé, au meilleur de mon souvenir, sur ce sujet ce matin. J'ai dit à Me Jasmin, au mois de janvier, que j'avais rencontré M. Laliberté et que je lui avais dit que M. Lévesque était fortement favorable à un règlement hors cour - j'ai dit cela à M. Jasmin - tant à l'égard des syndicats québécois représentés par Me Jasmin qu'à l'égard du syndicat américain. Est-ce que je l'ai dit à M. Beaulé? Je l'ignore à ce jour. Mais, je présumais - je suis sûr que je présumais -que lorsque je disais quelque chose à M. Jasmin, il le disait à M. Beaulé et que, lorsque je disais quelque chose à M. Beaulé, il le disait à M. Jasmin. Dans une grande mesure et non pas dans toute la mesure, mais dans une grande mesure, leurs intérêts étaient communs.

M. Laplante: Merci, monsieur.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. En relisant votre témoignage de ce matin, M. Boivin, vous faites allusion à plusieurs reprises au fait que Me Jasmin, l'avocat des syndicats québécois, vous est apparu à de nombreuses reprises comme étant très nerveux. Vous l'avez répété cinq ou six fois. Ici, au ruban 1414, page 1: "M. Jasmin qui m'apparaissait très nerveux à cette époque..."

Un peu plus loin... Je l'ai vu à plusieurs reprises, mais... Et, ce que je me demande, moi, c'est: Si Me Jasmin était si nerveux que cela, qu'est-ce qu'il pouvait bien venir faire dans votre bureau? Pourquoi Me Jasmin venait-il vous voir, vous?

Le Président (M. Jolivet): Je pense que...

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est une question qui devrait être posée à Me Jasmin.

Le Président (M. Jolivet): Oui, d'accord. Je ne la reçois même pas.

M. Bourbeau: Vous ne voulez pas la recevoir?

Le Président (M. Jolivet): Non.

M. Lalonde: Est-ce qu'il vous a dit pourquoi...

M. Bourbeau: Quand M. Jasmin est venu vous voir, est-ce qu'il vous a dit pourquoi il était si nerveux?

M. Boivin: Nerveux, vous savez... Vous pouvez juger cela quelquefois, si un gars parle trop vite, si un gars mange ses mots, si un gars tremble ou si un gars te dit deux fois la même chose, deux jours de suite, tu trouves que c'est exagéré un peu. Tu te dis que ce doit être de la nervosité, certainement.

M. Bourbeau: Vous avez dit que les avocats des syndicats défendeurs, Me Beaulé et Me Jasmin, venaient vous voir parce qu'ils avaient l'impression que leurs offres de règlement ne se rendaient pas à la SEBJ.

M. Boivin: Je n'ai pas dit cela, M. le député. Cela, c'est l'une des raisons.

M. Bourbeau: Est-ce que vous pourriez préciser, alors, exactement ce que vous avez dit?

Est-ce que vous avez compris ma question?

M. Boivin: Oui, je l'ai comprise mais c'est parce qu'elle est très large. C'est la façon dont vous formulez votre question qui me rend mal à l'aise. Les deux avocats ne venaient pas me voir parce qu'ils pensaient que leur message n'était pas bien transmis à la SEBJ par les avocats de l'étude Geoffrion et Prud'homme. Ils venaient me voir d'abord pour le motif central, principal - il me semble que cela a été dit par tout le monde depuis 19 jours - qu'ils voulaient un règlement hors cour. Ils voulaient me convaincre de l'opportunité ou de la sagesse ou je ne sais trop quel grand mot de la SEBJ de voir à régler cette cause par la voie d'un règlement hors cour plutôt que de procéder à jugement. C'est le grand cadre, si vous voulez, de leur visite.

À un moment donné, j'ai senti très clairement et je crois même, j'oserais même affirmer, je crois, que Me Jasmin me l'a dit. Il a dit: Je ne suis pas certain que tous nos arguments, que nous te faisons valoir - en me parlant - et que nous faisons valoir également à Mes Geoffrion et Prud'homme, parce qu'il me disait: Est-ce que tu transmets nos arguments à M. Laliberté? Moi, je disais: Ce n'est pas "ma job". Ils ont des avocats. Il me disait: Je ne suis pas sûr qu'ils sont intéressés à un règlement - en parlant des avocats de Geoffrion et Prud'homme - et je ne suis pas sûr qu'ils transmettent, avec toute la conviction, avec toute l'amplitude nécessaire, nos arguments. Voilà ce que j'ai dit ce matin ou ce que je voulais dire.

M. Bourbeau: Oui. C'est effectivement un peu ce qu'on avait compris. Mais les défendeurs, quand ils venaient vous voir et qu'ils vous disaient: On n'est pas sûrs que -j'ai le texte de ce matin, je l'ai retrouvé depuis ce temps-là et c'est essentiellement ce que vous venez de dire. Est-ce que vous leur avez dit, aux avocats de la partie défenderesse, que, normalement, ils devraient s'adresser à leur confrère et non à vous-même?

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je ne veux pas...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): Me Boivin répond très bien et je ne veux pas l'empêcher de répondre, mais il a déjà dit que le point central, que le but principal des visites en question était dans le cadre qu'ils voulaient un règlement hors cour, mais que, à l'occasion, Me Jasmin lui a dit telle chose...

M. Bourbeau: Écoutez, M. le Président...

M. Vaillancourt (Jonquière): On n'a pas exagéré aujourd'hui. Vous faites bien cela, continuez à bien faire cela et on va bien faire nous aussi.

Le Président (M. Jolivet): Non, s'il vous plaît, M. le député.

M. Duhaime: Vous commencez à exagérer, là.

Le Président (M. Jolivet): Je permets tout simplement au député de répéter sa question.

M. Bourbeau: M. le Président, vous le comprendrez, je ne suis pas avocat...

M. Vaillancourt (Jonquière): Cela paraît.

M. Bourbeau: Je peux peut-être à l'occasion ne pas très bien saisir...

M. Boivin: M. le député, j'ai saisi votre question. Si vous voulez que j'y réponde, je répondrai.

M. Bourbeau: Oui. Allez-yl

M. Boivin: J'ai dit ou je crois avoir dit, il est très vraisemblable que j'aie dit à Me Jasmin: Tu es trop soupçonneux vis-à-vis de Geoffrion et Prud'homme. Je suis sûr que si tu leur transmets des arguments, ce sont des avocats responsables, etc., ils vont faire le message à leur client. Deuxièmement, je lui

ai dit, ce qui me paraît bien plus important... Je ne sais pas pourquoi cela l'énervait, parce que les arguments de Me Jasmin pour un règlement hors cour, pas tous, mais les principaux arguments pour un règlement hors cour invoqués par Me Jasmin sont justement ceux que j'ai fait miens et que j'exprime dans ma déclaration d'ouverture. J'ai dit: M. Laliberté et, donc, la SEBJ sait tout cela puisque je lui en ai fait part lors de la rencontre du 3 janvier 1979 et que c'est également le sentiment du premier ministre, bien que le premier ministre ne mettait pas nécessairement le même accent sur chaque argument que moi. Mais comme c'est la décision du premier ministre et non la mienne, vous lui poserez des questions sur cela. Voilà l'essentiel pour répondre à votre question.

M. Bourbeau: Dans le procès dont on parle il y avait essentiellement deux parties. Une partie demanderesse, qui poursuivait la SEBJ, qui avait ses avocats; il y avait même un avocat résident, Me Gadbois, un avocat à l'intérieur de la boîte. Il y avait les défendeurs, des syndicats qui étaient représentés par deux avocats, Me Beaulé et Me Jasmin. Ce que j'ai de la difficulté à comprendre dans cela, n'étant pas avocat, comme je le disais tout à l'heure, c'est que si une partie voulait obtenir un rejet de la cause ou un abandon de la cause ou un règlement, pourquoi cette partie, nommément les défendeurs, n'allait pas rencontrer ceux qui la poursuivaient: la SEBJ ou Me Gadbois s'ils n'avaient pas confiance aux avocats qui représentaient? Pourquoi c'était vous qu'ils allaient voir?

M. Vaillancourt (Jonquière): On pourrait s'opposer à celle-là.

Le Président (M. Jolivet): C'est une question d'opinion et vous n'avez pas à répondre. Elle reste irrecevable.

M. Paradis: S'il le sait.

Le Président (M. Jolivet): Je ne recommencerai pas cette partie. Elle est irrecevable.

M. Bourbeau: Je vais la retirer M. le Président.

M. Lalonde: M. le Président.

M. Bourbeau: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Lalonde: Sur la question de règlement, je pense...

Le Président (M. Jolivet): Je ne sais pas de quelle question de règlement; je n'ai pas reçu la question, elle est irrecevable; je ne veux pas la discuter.

M. Vaillancourt (Jonquière): Si le député de Marguerite-Bourgeoys veut plaider on va plaider. Je fais une objection à cette question.

Le Président (M. Jolivet): Non je ne discuterai pas. La question est irrecevable.

M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas le meilleur témoin.

Le Président (M. Jolivet): M. le député la question est irrecevable, arrêtez d'en parler.

M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. Boivin, est-ce que Me Jasmin ou Me Beaulé vous ont expliqué pourquoi ils venaient vous voir pour tenter d'enlever de sur leur tête cette épée de Damoclès, et non pas les gens qu'ils auraient dû normalement aller voir, soit les avocats de la SEBJ ou peut-être Me Gadbois s'ils ne faisaient pas confiance aux avocats de la SEBJ? Est-ce qu'ils vous ont dit pourquoi c'était vous?

M. Boivin: Non. Je n'avais pas demandé. Cela m'apparaît normal, j'en reçois souvent des visites de ce genre.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a beaucoup d'avocats qui vont vous voir?

M. Boivin: Quand on veut sensibiliser les autorités politiques à une décision, laquelle quand même n'est pas strictement d'ordre juridique, ce genre de démarches se fait souvent. Je ne pose pas de questions.

M. Bourbeau: II y a plusieurs avocats qui vont vous voir régulièrement dans le cours normal de votre travail pour obtenir des règlements de cause?

M. Boivin: Je n'ai aucunement dit cela. J'ai dit que cela m'apparaît normal. Je n'ai pas dit cela, M. le député. Vous me posez une question qui est assez large, elle est presque d'ordre philosophique, de l'exercice du pouvoir.

C'est que je suis fort heureux de travailler pour un premier ministre qui croit que la dernière cour d'appel au Québec, sauf dans l'État fédéral, c'est Ottawa, mais la dernière cour d'appel au Québec, c'est le bureau du premier ministre. Je ne parle pas des litiges d'ordre juridique. Je vois les figures scandalisées à mes propos. Lorsqu'un citoyen s'est fait dire non par deux, trois ministères, lorsqu'il s'est fait dire non par-ci,

lorsqu'il s'est fait dire non par là, il a encore un droit de recours, quitte à se faire dire non à quelque part ou à se faire dire oui.

J'ai reçu, à la demande du premier ministre, toutes sortes de gens dont je ne mentionnerai pas les noms et à toutes sortes de sujets, parfois des députés.

M. Lalonde: Des ministres. M. Boivin: Oui.

M. Bourbeau: Mais les démarches que vous faisiez, parce que vous en...

M. Boivin: Puis-je vous donner un exemple, M. le député, qui est un exemple assez délicat - si vous voulez - de cette forme d'exercice...

M. Bourbeau: Je cherche à comprendre. Alors, allez-y. Je ne comprends rien.

M. Boivin: Pardon?

M. Bourbeau: Je cherche à comprendre. Alors, allez-y.

M. Boivin: Je suis sûr que vous comprenez, M. le député. Dernièrement, pas dernièrement, mais il y a environ un an, un avocat qui représentait un entrepreneur, lequel entrepreneur avait construit ou réparé, je ne me souviens plus.

M. Bourbeau: ...dans quel genre?

M. Boivin: Un cégep. M. le député, je fais attention de ne pas faire de farce. Il est venu me voir et a dit: Cette réclamation est à la Justice, etc. C'est terrible, mon client va crever, c'est injuste, les délais, si on va... etc. Vous connaissez les genres de représentations. Et même si le ministère de la Justice est un ministère très délicat, dans lequel on ne doit pas intervenir, je me permets d'appeler le ministère de la Justice pour discuter non pas du contenu du dossier, mais pour lui dire: Est-ce que vous pourriez recevoir Me Untel ou est-ce que vous pourriez regarder ce dossier, etc.? En tout cas, dans l'exemple en question, cela s'est réglé dans des délais plus courts que normaux, je présume, et, apparemment, puisqu'on m'a remercié, à la satisfaction des deux parties.

M. Bourbeau: Me Boivin, quand vous intervenez comme, par exemple, auprès de M. Laliberté, parce que c'est une intervention que vous avez faite, est-ce que vous intervenez en tant que conseiller spécial du premier ministre, avec le poids que cela confère, ou si vous intervenez comme un genre d'"ombudsman" qui cherche à rapprocher les parties?

M. Boivin: M. le Président, votre question m'apparaît un peu étrange. Il est évident que lorsque je rencontre qui que ce soit - je dis étrange non pas dans le sens de mal placée, je dis qu'elle apparaît étrange à mes oreilles - je ne lui dis pas: Voici, je te parle pendant ces cinq premières minutes comme chef de cabinet du premier ministre et tout à l'heure ce sera Jean-Roch Boivin, personnellement. Je présume que, lorsqu'on me rencontre, on présume que je suis dans l'exercice de mes fonctions sauf s'il est 23 heures, au restaurant, où je suis en train de prendre un verre de vin, en m'amusant amicalement avec les députés qui fréquentent ces lieux.

Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, nous allons suspendre jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux. Nous en étions rendus, au moment où nous les avons suspendus pour l'heure du souper, au député de Laporte qui avait commencé à poser ses questions à Me Jean-Roch Boivin. Donc, M. le député, vous avez la parole.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Au moment où on s'est laissé, si je me souviens bien, j'étais en train de m'étonner auprès de Me Boivin du rôle qu'il semblait avoir joué. Je lui disais que je ne comprenais pas comment il se faisait que les avocats des syndicats qui étaient poursuivis par la SEBJ, lorsqu'ils voulaient faire valoir leur point de vue, plutôt que d'aller voir les autres avocats avec qui ils auraient du, normalement, converser, les avocats de la partie adverse, ils allaient plutôt voir Me Boivin. Je lui demandais comment il se faisait et si on avait expliqué à Me Boivin pourquoi les défendeurs allaient voir Me Boivin, qui n'était pas partie à la cause, alors qu'il y avait, au dossier, des avocats nommés par la SEBJ pour les représenter. Je pense que j'attendais la réponse de Me Boivin.

M. Boivin: Votre question est celle-ci: Est-ce qu'ils m'ont expliqué pourquoi ils venaient me voir. Pas d'autre chose que de m'exposer des raisons pour lesquelles ils jugeaient que cette cause devait être réglée hors cour. Mais ils ne se sont pas exprimés sur la question précise que vous posez à

savoir: Nous venons vous voir au lieu d'aller dire cela aux avocats pour telle raison. Non.

M. Bourbeau: Vous, est-ce que vous vous êtes posé la question?

M. Boivin: Je pense que je vous ai répondu, avant la suspension, que je ne leur ai pas posé la question, parce que, moi, je trouvais la démarche normale.

M. Bourbeau: Vous la trouviez normale? M. Boivin: Oui, M. le Président.

M. Bourbeau: En quoi la trouviez-vous normale?

Le Président (M. Jolivet): Un instant, c'est une opinion que vous lui demandez, je le sais. Ce que je veux vous dire c'est que vous demandez une opinion et je ne vois pas pourquoi j'accepterais la question.

M. Bourbeau: M. le Président, le témoin vient de déposer qu'il trouvait cela normal. Je lui demande pourquoi il trouvait cela normal. Il me semble que c'est normal que l'on pose la question.

Le Président (M. Jolivet): II n'y a rien d'anormal à ce que vous posiez la question. Il est tout à fait normal aussi que je la déclare irrecevable. C'est une question d'opinion.

M. Bourbeau: M. Boivin, vous avez dit au début de votre témoignage aujourd'hui, que vous aviez reçu un mandat du premier ministre. Je vais vous trouver l'endroit exact... La question de M. le ministre, transcription 1397, page 2: "Maintenant pourriez-vous dire à la commission si d'autres personnes que vous ont reçu mandat du premier ministre de suivre le dossier de cette poursuite de la SEBJ contre les syndicats québécois et les syndicats américains?" Vous avez répondu: "Personne d'autre que moi n'a reçu de mandat". Donc, j'en conclus que vous avez reçu un mandat?

M. Boivin: C'est ce que j'appelle un mandat par la phrase que j'ai utilisée au haut de la page 8 de ma déclaration de ce matin.

M. Bourbeau: Quand vous receviez les avocats à votre bureau, les avocats de la partie défenderesse, Me Jasmin et Me Beaulé, est-ce que vous étiez dans l'exercice de ce mandat?

M. Boivin: Cela m'apparaît évident, oui.

M. Bourbeau: Je vous remercie de la réponse.

Étiez-vous au courant qu'en 1975 le local 791, l'un des syndicats poursuivis, avait lors de négociations avec la SEBJ évoqué la possibilité de payer 400 000 $ dans une tentative de règlement.

M. Boivin: J'ai appris cela au cours des travaux de cette commission. (20 h 15)

M. Bourbeau: Me Jasmin était l'avocat de ce syndicat. Vous l'avez rencontré à plusieurs reprises dans votre bureau, d'après les documents que vous nous avez remis. Est-ce que Me Jasmin vous a communiqué qu'à un moment donné, au cours des mois et des années précédentes, son client avait déjà offert de payer 400 000 $ à la SEBJ?

M. Boivin: Je viens de dire que...

M. Bourbeau: Je regrette, ce n'est pas la même question, M. le Président.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais faire une question de règlement là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Duhaime: En toute justice pour Me Boivin, je pense que le député de Laporte devrait préciser la nature ou l'étendue complète des propositions de règlement qui étaient faites en 1975, parce que je crois bien me rappeler que les 400 000 $ dont il vient de faire mention étaient également reliés à une reconnaissance partielle de la responsabilité de la part de la SEBJ.

M. Bourbeau: M. le Président, ma question porte sur la capacité de payer du syndicat. Alors, indépendamment des autres aspects de cette négociation, à ce moment-là...

M. Duhaime: Ah bon!M. Bourbeau: ...il m'intéresse de savoir si le syndicat en question avait à ce moment-là les fonds nécessaires pour payer 400 000 $.

M. Duhaime: Ce n'est pas ce que vous avez dit.

M. Bourbeau: Alors, au strict point de vue de la capacité de payer, il devient inutile de savoir ce qu'il y avait d'autre dans le paquet. Je demande si son avocat lui a dit que, à un moment donné, lors de négociations antérieures, M. Jasmin lui aurait dit que son syndicat avait 400 000 $ pour payer la SEBJ?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Bourbeau: II ne vous en a jamais parlé?

M. Boivin: Non, M. le Président. C'est-à-dire, oui, M. le Président, il ne m'en a jamais parlé.

M. Bourbeau: Est-ce que vous pourriez répéter? J'ai mal saisi.

M. Boivin: II ne m'en a jamais parlé, M. le Président.

M. Bourbeau: Vous avez dit aujourd'hui, à un moment donné, que le ministre Johnson vous avait appelé - M. Pierre-Marc Johnson, qui était alors ministre du Travail, que vous aviez parlé de la cause, qu'il avait été question de la cause et qu'il vous avait dit: Si je comprends bien, c'est le bureau du premier ministre qui s'occupe de la cause? Vous avez répondu oui.

M. Boivin: Je ne pense pas, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Un instant: Je vois que la demande est à l'effet de citer exactement la réponse donnée par Me Boivin, de façon à bien s'assurer que la question est correcte.

M. Bourbeau: D'accord, M. le Président, je vais vous donner la référence, si on peut la trouver. Alors, c'est au ruban 1404, page 1. Je cite M. Boivin: "M. Johnson a dit: Si je comprends bien, Jean-Roch, cette cause-là relève - Jean-Roch, je présume que c'était vous - du bureau du premier ministre. J'ai dit oui." Alors, vous vous souvenez d'avoir dit cela aujourd'hui?

M. Boivin: Mais oui.

M. Bourbeau: Bon. Très bien.

Le Président (M. Jolivet): Sauf qu'il y a un problème. Pour les besoins de la cause, ce n'est pas la question que vous avez posée tout à l'heure. J'aimerais bien que... ou vous dites que vous retirez votre question, ou bien vous la reposez autrement. Mais la façon dont vous avez commencé votre question n'était pas exacte par rapport à ce qu'on a eu comme réponse ce matin.

M. Bourbeau: M. le Président, je l'ai remplacée par ce que je viens de dire.

Le Président (M. Jolivet): Je voulais m'en assurer.

M. Bourbeau: Alors, vous avez dit à M. Johnson: Cette cause relève du bureau du premier ministre. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que vous vouliez dire par "cette cause relève du bureau du premier ministre"?

M. Boivin: Je voulais dire qu'on s'en occupait. C'est mieux qu'il y ait seulement une place qui s'en occupe plutôt que deux. Cela doit être plus clair.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il serait possible pour vous d'approcher un peu votre microphone?

M. Boivin: Certainement, M. le Président.

M. Bourbeau: J'ai un peu de difficulté à saisir exactement toutes vos réponses. Vous ne parlez pas toujours avec la même intensité.

M. Boivin: Je m'excuse.

M. Bourbeau: Bon. D'accord. Alors, vous dites que c'est le bureau du premier ministre qui s'occupait de la cause.

M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas du tout ce qu'il a dit.

M. Bourbeau: Voulez-vous répéter, s'il vous plaît, parce que j'ai mal saisi votre réponse.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est votre spécialité de mal saisir les réponses.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:

M. Bourbeau: M. le Président, voulez-vous rappeler à l'ordre le député de Jonquière...

Le Président (M. Jolivet): Non. Un instant!

M. Duhaime: Un instant:

Le Président (M. Jolivet): Pour le moment, je vais rappeler tout le monde à l'ordre, tous ceux qui n'ont pas à parler. S'il vous plaît: Me Boivin, on vous demande, pour le bon entendement du député de Laporte, de répéter votre réponse de tout à l'heure.

M. Boivin: Je ne me souviens pas de ce que j'ai dit tantôt, mais je vois "relève du bureau du premier ministre"; je voulais dire par là que c'était le bureau du premier ministre qui suivait l'évolution de ce dossier, c'est-à-dire la recommandation, si vous voulez, du règlement hors cour.

M. Bourbeau: Le bureau du premier ministre, bon. M. Johnson, comme ministre du Travail, est-ce que cela ne relevait pas normalement de son ministère?

M. Vaillancourt (Jonquière): Objection, votre seigneurie... M. le Président.

Des voix: Oh!. Oh! Oh!

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est une question d'opinion.

M. Bourbeau: Qu'est-ce qui se passe?

M. Lalonde: II veut avoir une promotion.

Le Président (M. Jolivet): Je me pose une question. Voulez-vous répéter votre question? Je vais voir si...

M. Bourbeau: Dans le cours normal des affaires au gouvernement - vous comprendrez, M. le Président, que, nous, nous ne sommes pas au gouvernement ici, enfin, moi, je n'ai jamais été dans un gouvernement - normalement, est-ce que ce n'est pas le ministre du Travail qui s'occupe de ces choses-là?

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, le témoin...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Boivin: M. le Président, c'est une question d'opinion, mais si le député ou la commission est intéressée à mon opinion personnelle...

Le Président (M. Jolivet): Non. Je ne peux pas permettre la question telle qu'elle est posée, pour les mêmes principes qu'on a établis. C'est une question d'opinion.

M. Bourbeau: Est-ce que le ministre Johnson vous a dit que, préalablement à votre conversation téléphonique, il avait en main le dossier?

M. Boivin: Non. J'ai d'ailleurs appris, pendant les travaux de cette commission, la rencontre, dont on a parlé, au bureau de M. Johnson. La rencontre avec M. Beaulé et avec les avocats américains au bureau de M. Johnson, je crois.

M. Bourbeau: On parlait, à la suspension des travaux, du fait que les avocats de la défense, Mes Beaulé et Jasmin, avaient peur que leurs arguments ou leur documentation ne se rendent pas à la SEBJ?

M. Boivin: Non pas leur documentation, mais leurs arguments.

M. Bourbeau: Leurs arguments d'accord - ne se rendent pas a la SEBJ. C'est sur cela qu'on s'était laissé. Ils jugeaient bon de venir vous voir parce qu'ils ne faisaient pas confiance, semble-t-il, à leurs propres avocats, d'après ce que...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je m'excuse, vous voyez si vous posiez des questions directes, on n'aurait pas ces problèmes. Vous êtes en train de faire... S'il vous plaît! S'il vous plaît! On a eu deux heures pour le faire. Je pense que le député est capable de poser des questions directes au lieu d'essayer de résumer des réponses à des questions.

M. le député, allez-y donc avec des questions directes.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Lalonde: Si vous me le permettez...

Le Président (M. Jolivet): Oui, je vais vous le permettre.

M. Lalonde: ...chaque question ne suit pas nécessairement la précédente. Il y a eu une longue période de questions aujourd'hui et les députés qui en reviennent, ont des inquiétudes, des précisions à faire apporter. À ce moment, je crois qu'on peut permettre au député de situer la question qui s'en vient, en rappelant ce qui s'est dit, mais pas nécessairement verbatim. D'ailleurs, je pense que les précautions de langage, on les a prises à bon droit aujourd'hui. Lorsque le député décrit l'environnement de la question, cela ne veut pas dire qu'il met des mots dans la bouche du témoin. Je crois qu'on peut lui permettre de situer la question.

Le Président (M. Jolivet): Mon problème est justement là.

M. Lalonde: Comment s'appelle-t-il?

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît; Mon problème est le suivant. En voulant résumer une question, on en arrive à faire de ces résumés ce que la personne a peut-être dit. Donc, c'est une interprétation personnelle que le député de Laporte pourrait faire. Ce que je lui demande, c'est qu'il pose sa question. S'il veut la situer, qu'il lise donc dans les galées, puisqu'il semble les avoir, à quelle place cela se situe et on verra. Qu'il le dise.

M. Bourbeau: M. le Président, le problème qui se pose...

Le Président (M. Jolivet): Oui, allez-y donc.

M. Bourbeau: ...c'est que M. Boivin s'est exprimé devant nous jusqu'à 17 h 55, 17 h 57, 17 h 58 et 17 h 59. On a peut-être 100 pages de texte. Vous comprendrez que c'est difficile pour les députés qui arrivent après 14 heures - ils auront probablement pris 20 minutes pour aller manger - d'avoir appris par coeur les 100 pages de texte. On tente de reprendre ce que M. Boivin a dit dans l'essentiel. Pour aller chercher à chaque page, à chaque ligne ce qu'il a dit après une heure, vous comprendrez que c'est assez difficile alors. Je ne veux pas déformer du tout la pensée de M. Boivin et si je ne résume pas bien ce qu'il a dit je suis bien d'accord pour qu'il me corrige, M. le Président. Mais vous demandez une tâche impossible à des députés d'avoir appris par coeur 100 pages en l'espace d'une heure.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur cette question. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, si Boileau siégeait parmi nous il dirait sûrement que ce que l'on conçoit bien...

M. Lalonde: Ce n'est pas Boileau c'est Boivin.

M. Duhaime: ...s'énonce clairement et les mots qu'on a pour le dire arrivent aisément.

M. Bourbeau: Les mots "qu'on a" sont de trop.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaîtl M. le député. M. le député. Non, non. Non, juste un instant. Juste un instant. S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Ne vous amusez pas. S'il vous plaît! M. le député, on ne vous a pas interrompu quand vous avez posé votre question de règlement. S'il vous plaît, laissez parler le ministre. Non il ne vous a pas interrompu. M. le ministre ne vous a pas interrompu, c'est faux. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Duhaime: Vous pouvez rassurer le député de Laporte en lui disant que je ne l'ai pas cité. Je ne lui prêterai jamais ce talent. J'ai parlé de Boileau. Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que je n'ai aucune espèce d'objection à ce qu'on se reporte aux témoignages antérieurs, aux questions et réponses à partir de la transcription. Mais je ne permettrai pas que quelque député que ce soit, incluant moi-même, M. le Président - si jamais je le faisais vous me rappellerez à l'ordre - puisse résumer des témoignages en y incluant une interprétation pour ensuite poser une question. Je pense que c'est irrégulier. Et je suis parfaitement conscient que le député de Laporte peut avoir des problèmes. Mais je pense que la façon la plus simple est de se reporter aux transcriptions et si les transcriptions de 17 h 55 ou 17 h 50 ne sont pas disponibles, bien mon Dieu, Me Boivin témoigne depuis la matinée, il y a très certainement d'autres questions. Je serais étonné qu'on en ait terminé à 22 heures, on pourra poursuivre la semaine prochaine.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je ne comprends pas la soudaine inquiétude du ministre qui, tout à coup, émet ce qu'on appelle des idées mais qui sont plutôt des bruits, à l'effet que désormais il vient de décréter qu'on ne peut se reporter à des témoignages précédents sans lire la transcription. Je dis au ministre qu'il serait peut-être mieux de partir pour son voyage de pêche maintenant, parce que je regrette...

M. Duhaime: Je pensais que cela faisait six semaines qu'on était à la pêche avec vous autres.

M. Lalonde: ...mais des nouvelles règles là-dessus à mesure qu'on entre dans le bureau du premier ministre je n'accepterai pas cela. J'ai passé la journée à poser des questions et à référer...

M. Vaillancourt (Jonquière): Et on ne vous a pas interrompu.

M. Lalonde: Non. Mais à référer... J'ai fait ce que le député de Laporte fait.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît: M. le député de Jonquière. Excusez. Excusez. S'il vous plaît: De la même façon que j'ai demandé au député de Laporte... S'il vous plaît! M. le député. De la même façon que j'ai demandé au député de Laporte de laisser parler le ministre, je voudrais que vous permettiez au député de Marguerite-Bourgeoys de terminer.

M. Lalonde: J'ai fait ce que le député de Laporte tente de faire le plus honnêtement du monde. Il le fait avec toute la prudence du langage, ne voulant prêter aucune intention, ni imputer aucune parole au témoin mais simplement se situer. Je l'ai fait toute la journée aussi en demandant au témoin, si ce n'était pas cela, de me corriger. Le député de Laporte fait cela et, tout à coup... Je ne sais pas si c'est à cause d'un dîner trop lourd, mais on entend du bruit à droite. M. le Président, je vous

demande d'être juste à l'égard du député de Laporte et de lui permettre non pas d'aller cueillir dans une transcription qui fait je ne sais pas combien de pieds de hauteur depuis les 19 ou 20 jours de séances que nous avons eus - quand on peut le faire, on le fait -mais en ce qui concerne le témoignage d'aujourd'hui, on n'a pas toute la transcription. On n'a pas eu le temps de lire toute la transcription. On peut se souvenir de ce qu'un témoin a dit et c'est ce que, très honnêtement, le député de Laporte tentait de faire. Je pense qu'on devrait lui laisser faire son travail - qui est déjà assez pénible à faire - en toute quiétude.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que je n'empêcherai jamais le député de Laporte de faire son travail, au contraire. Il est ici pour poser des questions. Ce que j'ai voulu dire, c'est que, depuis le début de ses questions, malheureusement, il y a eu des interruptions et même Me Boivin a demandé à corriger certaines choses puisque, effectivement ce qu'il disait n'était pas... Si on passe notre soirée à le corriger, je vous passe un papier qu'on va avoir du temps difficile à passer. J'espère que le député comprendra que tout ce que je lui demandais, s'il avait une référence, c'était de la citer, mais qu'il ne fasse pas d'interprétation des réponses données par Me Boivin. C'est tout ce que je demandais.

M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, pendant que vous discutiez, j'ai eu le temps de retrouver la transcription. M. Boivin, au ruban 1404, page 1, vous nous avez dit aujourd'hui - j'essaie de ne pas relire toute la page mais pour ne pas me faire blâmer, je vais relire au moins le paragraphe...

M. Perron: Lisez-nous cela.

M. Bourbeau: Vous avez commencé en disant... Merci...

Le Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Perron: ...de Duplessis.

Le Président (M. Jolivet): ...de Duplessis, voulez-vous m'aider, s'il vous plaît? (20 h 30)

M. Perron: On va essayer de vous aider.

Le Président (M. Jolivet): Laissez parler le député de Laporte.

M. Perron: II faudrait qu'il comprenne... Le Président (M. Jolivet): Laissez parler le député de Laporte. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Vous avez dit, M. Boivin : "Je vais vous donner un ou deux exemples, si vous le voulez, parce que je ne me souviens pas. Le 15 janvier, la cause commence. Je pense qu'il y avait eu un conseil d'administration le 9 ou avant, et le conseil d'administration n'a pas décidé de régler la cause, parce que le procès se déroule."

M. Lalonde: Excusez-moi, M. le député de Laporte. Je pense que le témoin a de la difficulté à vous suivre.

M. Boivin: C'est-à-dire que je ne trouve pas cela à 1405. Je me demande s'il n'y aurait pas une erreur.

M. Bourbeau: Ruban 1404, page 1. M. Boivin: Excusez-moi.

M. Bourbeau: Au bas de la page, à l'avant-dernière ligne: "Bien sûr que M. Jasmin ou M. Beaulé m'appellent et me disent: Quand est-ce la prochaine réunion du conseil? - on parle évidemment du conseil de la SEBJ - Je place un appel téléphonique et je demande à M. Laliberté - qui est le président de la SEBJ: Quand est-ce la prochaine réunion du conseil? Il me dit: Telle date. Je dis à M. Jasmin - l'avocat qui vous avait appelé: La prochaine réunion du conseil sera à telle date." Vous avez déclaré cela. Je me demande, en lisant cela - vous recevez un appel de M. Jasmin, vous appelez M. Laliberté pour savoir la date de la réunion du conseil, vous obtenez la réponse, vous rappelez M. Jasmin pour lui donner la réponse - quel était votre rôle dans ce cas. Pourquoi jouiez-vous les commis voyageurs comme cela? Qu'est-ce que vous faisiez au juste?

M. Boivin: M. le Président, j'ai décrit ce que je faisais, quant aux conclusions, chacun peut tirer les siennes.

M. Bourbeau: Je comprends, mais pourquoi faisiez-vous cela?

M. Boivin: Je l'ai dit tantôt.

M. Bourbeau: J'ai sûrement mal saisi; alors, pourriez-vous répéter?

M. Boivin: J'avais recommandé au premier ministre que cette cause se règle hors cour et le premier ministre a accepté cette recommandation. Il m'a dit de faire connaître à M. Laliberté son sentiment. Pourquoi M. Jasmin - pour prendre l'exemple que vous citez, qui est vrai, au ruban 1404 -m'appelle pour savoir quand a lieu la

prochaine réunion du conseil au lieu d'appeler Me Aquin ou Me Cardinal ou Me Jetté ou je ne sais qui? Il faudrait lui demander. Moi, il m'a placé un appel, j'ai fait ce que j'ai dit et je crois que j'ai rendu service.

M. Bourbeau: M. Boivin, quel est votre salaire?

Le Président (M. Jolivet): Non, s'il vous plaît.

M. Ouhaime: Je n'aurais pas d'objection à ce que cette information soit dévoilée ici, mais comme mon collègue de l'Éducation dirait, c'est tout à fait superfétatoire.

M. Bourbeau: Je pense que c'est de notoriété publique, le salaire du chef de cabinet.

M. Duhaime: Pourquoi le demandez-vous si c'est de notoriété publique?

M. Bourbeau: Je ne sais pas le montant exact, mais je suis sûr que c'est un document qui est public.

M. Duhaime: Vous devriez aller suivre l'étude des crédits du Conseil exécutif.

M. Perron: ...l'étude des crédits du Conseil exécutif.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! D'une façon ou d'une autre... S'il vous plaît; Je ne vois pas d'objection à ce qu'on y réponde si Me Boivin veut bien y répondre. Me Boivin.

M. Laplante: II faudrait lui demander combien il fait en dehors de son job de député, lui. Il en a deux.

M. Boivin: M. le Président, comme vous le savez, c'est public, cela apparaît dans les comptes publics. Je n'aurais aucune objection à répondre. Mais, comme question de principe, je trouve que cela fait drâle. Est-ce que c'est dans le mandat de la commission? Si on me demandait si j'aime ma femme, est-ce que je serais obligé de répondre? Je peux bien y répondre, cela me fait plaisir, mais je trouve cela drôle.

M. Bourbeau: Je pourrais modifier ma question, si cela gêne le témoin. Je pourrais peut-être dire...

M. Boivin: Non, cela ne me gêne pas du tout, mon salaire ne me gêne pas.

M. Lalonde: ...dire.

M. Bourbeau: Je vais la poser...

M. Boivin: De le dire non plus, mais je trouve qu'on enfreint des principes.

M. Bourbeau: ...comme ceci: Est-ce que vous gagnez plus de 60 000 $ par année?

M. Boivin: Pardon?

M. Bourbeau: Est-ce que vous gagnez plus de 60 000 $ par année?

Le Président (M. Jolivet): Ne répondez pas. J'essaie de voir et je veux quand même vous être agréable, M. le député de Laporte. J'essaie de vous être agréable et non pas désagréable. Je ne vois en aucune façon ce que vient faire cette question avec le mandat que nous avons. Je vous ai laissé aller parce que j'avais cru comprendre que Me Boivin voulait dire quelque chose, mais je me demande... Je la refuse.

M. Bourbeau: Sur la question...

Le Président (M. Jolivet): Je la refuse.

M. Bourbeau: Sur la question, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Non, je la refuse.

M. Bourbeau: Est-elle irrecevable? Le Président (M. Jolivet): Oui. M. Bourbeau: Elle est irrecevable.

Le Président (M. Jolivet): Oui, je ne vois pas en quoi le mandat que l'on a...

M. Bourbeau: Est-ce que je peux vous expliquer, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Non, c'est irrecevable. Allez!

M. Duhaime: M. le Président, pourrais-je soulever une question de règlement?

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, c'est parce que là j'ai réglé un problème et je veux savoir sur quoi porte la question de règlement.

M. Duhaime: Oui.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais vous faire part de l'existence de l'article 45 de notre règlement. Le président peut interdire la parole à un député pour le reste de la séance. On va sauter le numéro 1. Le numéro 2: Si, lorsqu'il a la parole, il

continue à s'éloigner de la question en discussion après avoir été rappelé à l'ordre deux fois. Je vous demanderais de rappeler à l'ordre le député de Laporte.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, allez-y, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Sur la question de règlement qui a été soulevée par le ministre, naturellement je regrette de me répéter, mais je me répète dans la mesure où les sautes d'humeur du ministre se répètent. Voilà qu'à chaque saute d'humeur ou à peu près, il invoque l'article 45. Il faudrait peut-être lui épingler l'article 45 dans le front. On le saurait pour un bout de temps. Vous n'avez pas du tout, dans vos propos, suggéré que le député de Laporte n'était pas docile à vos demandes. Maintenant, je pense que lorsque le député de Laporte vous demande comment poser des questions ou en pose qui ne sont pas recevables, vous déclarez la question irrecevable. Peut-être qu'il serait possible de considérer que dans le rôle du bureau du premier ministre, à l'intérieur de notre mandat, on pourrait se poser des questions, à savoir si un chef de cabinet qui est payé 50 000 $ par année, qui fait des messages à son avocat et...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Je ne permettrai pas la question. Je demande au député de Laporte de passer à une autre question.

M. Lalonde: Je suis de bonne humeur.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que je peux parler sur la question de règlement que soulevait le ministre?

Le Président (M. Jolivet): Non.

M. Bourbeau: Ce n'est pas mon droit...

Le Président (M. Jolivet): Allez, allez, M. le député, une autre question, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: Je suis le seul à qui on ne permet pas de parler sur une question de règlement, M. le Président.

M. Boivin, vous dites au ruban 1404 page 2: "Me Jasmin - deuxième paragraphe, 2e ligne - m'avait dit: C'est tout à fait inhabituel que la SEBJ exige notre reconnaissance de responsabilité. Je me souviens. C'est le témoignage de Me Aquin qui m'a fait me souvenir d'avoir téléphoné à M. Laliberté et de lui avoir dit: est-il exact que la SEBJ exige la reconnaissance de responsabilité des syndicats défendeurs? M. Laliberté, qui était le président de la SEBJ, me rappelle, à ce moment-là, au téléphone. Il me dit que la question de la responsabilité était très importante, à savoir qu'il n'y a pas de responsabilité partagée entre la SEBJ et les défendeurs. J'ai dit: cela a bien du bon sens. Je rappelle Me Jasmin et lui dis: en effet, la SEBJ exige la reconnaissance de responsabilité." C'est un exemple. Je cite ce que vous avez dit.

Encore là, je pense que je vais vous poser la même question. Est-ce que c'était dans l'exercice de votre mandat que vous jouiez les intermédiaires ou les commis voyageurs entre les avocats et la SEBJ?

M. Boivin: J'ai jugé et je juge encore aujourd'hui et ce soir, au moment où je vous parle, que c'était dans l'exercice de mon mandat.

M. Bourbeau: Est-ce que c'était vraiment en tant que conseiller spécial du premier ministre que vous "jouiez" comme cela les téléphones d'un côté et de l'autre?

M. Boivin: M. le député, vous m'appelez toujours conseiller spécial. J'ai eu une promotion, je suis chef de cabinet.

M. Bourbeau: Oui, mais vous nous avez dit que vous conseillez le premier ministre aussi.

M. Boivin: À titre de chef de cabinet.

M. Bourbeau: Alors, est-ce en tant que chef de cabinet, que vous faisiez ces appels téléphoniques de part de d'autre?

M. Boivin: Oui, M. le Président.

M. Bourbeau: Est-ce que M. Laliberté, au moment où vous l'appeliez pour avoir tous ces renseignements dont je viens de parler, vous demandait si cela avait un lien avec le désir du premier ministre de régler hors cour?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Bourbeau: II ne vous a jamais posé cette question-là?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Bourbeau: Est-ce que M. Laliberté vous a demandé si cela avait un lien avec l'objet de la rencontre que vous aviez eue avec lui le 3 janvier?

M. Boivin: Non, M. le Président, il ne me l'a pas demandé, parce que cela était bien évident.

M. Bourbeau: Ah boni Très bien! Quand vous avez téléphoné, M. Boivin, à M. Laliberté et à M. Saulnier, vous nous avez dit aujourd'hui que vous les aviez...

M. Boivin: J'ai dit, possiblement, M. Saulnier.

M. Bourbeau: Alors, M. Laliberté et, possiblement, M. Saulnier. Est-ce que vous avez demandé s'ils avaient reçu des documents des avocats défendeurs?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Bourbeau: Vous n'avez pas posé de question dans ce sens-là?

M. Boivin: Non, M. le Président. Je me demande encore pourquoi j'aurais posé une telle question. Mais, enfin, cela vous appartient.

M. Bourbeau: Oui, en effet. Est-ce que ces gens-là, M. Laliberté et M. Saulnier, vous ont dit qu'ils rencontraient... ou est-ce que vous leur avez dit que vous rencontriez régulièrement les avocats des défendeurs dans votre bureau?

M. Boivin: Ils ne se sont pas informés de cela et je n'ai pas cru de mon devoir de les informer parce qu'il était implicitement, sinon explicitement dit à M. Laliberté, par certains téléphones, que je rencontrais Me Jasmin.

M. Bourbeau: Le 1er février, vous avez assisté avec le premier ministre à la rencontre dont on a parlé beaucoup avec le P.-D.G. de la SEBJ, M. Laliberté, le président du conseil de la SEBJ, M. Saulnier, et le président d'Hydro-Québec, M. Boyd. On en a parlé à quelques reprises. C'est la réunion au cours de laquelle le premier ministre a prononcé les paroles célèbres qu'on a entendues. Le lendemain, vous rencontriez les avocats de la SEBJ, Me Aquin et Me Cardinal, le 2 février 1979, pour être bien précis.

Une voix: Qu'est-ce que c'est ça, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le député de Duplessis, l'article 5 demande de ne pas interrompre celui qui parle...

M. Perron: Vous avez raison, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): ...et vous m'ennuyez.

M. Perron: Vous avez parfaitement raison, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci de le reconnaître. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: II vous ennuie, M. le Président. Mais, moi, il ne me dérange pas du tout. Il peut continuer.

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais j'ai le droit de suivre les débats, cependant, M. le député de Laporte et je veux être tranquille pour les suivre.

M. Bourbeau: Alors, vous nous avez dit aujourd'hui - mon collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys vous a cité les propos qu'a rapportés Me Aquin - Je ne suis pas sûr si c'est cela, mais moi, j'emploie habituellement l'expression "Accrochez-vous pas dans les fleurs du tapis". C'est l'expression que vous avez employée, n'est-ce pas?

M. Boivin: Je présume, comme je l'ai dit. Je n'ai pas le souvenir des paroles exactes évidemment d'un lunch du 2 février 1979.

M. Bourbeau: Oui, mais l'expression que vous avez employée aujourd'hui: Ne pas s'accrocher dans les fleurs du tapis, cela signifiait quoi, dans les circonstances?

M. Boivin: J'ai essayé de l'expliquer ce matin ou cet après-midi, le mieux possible. J'avais peur qu'entre Me Aquin et Me Beaulé, il puisse se développer des flammèches. C'est cela que je voulais dire.

M. Bourbeau: Est-ce que vous pourriez expliciter un peu votre pensée? Ce n'est pas tellement clair.

M. Boivin: Je veux dire que j'avais peur... je ne voulais pas qu'on se chicane pour un point-virgule ou bien si la rencontre était à 3 heures et que l'autre est arrivé à 3 h 30, si la rencontre était à tel bureau, protocolairement, plutôt qu'à tel autre bureau de façon protocolaire. J'avais entendu certains propos de la part de Me Beaulé à savoir que... Vous savez, je parle de deux confrères. Je ne veux pas dire qu'il y avait des froids entre eux, mais je sentais que des étincelles pouvaient être possibles. Je leur ai dit: Accrochez-vous donc pas dans les fleurs du tapis. J'ai dit cela à M. Aquin et à M. Cardinal.

M. Bourbeau: Le témoignage de M. Aquin devant cette commission tendait à dire que c'était plutôt en ce qui concernait les textes et la documentation.

M. Boivin: J'ai très bien lu cela. J'ai

répondu et je ne pourrai jamais répondre mieux que j'ai répondu cet après-midi sur ce sujet.

M. Bourbeau: Alors, l'expression que Me Aquin a employée à l'égard de cette remarque-là: "Ne vous accrochez pas uniquement à des papiers ou à des textes de transaction", vous, ce n'est pas votre version de ce que vous avez dit? (20 h 45)

M. Boivin: Le député de Notre-Dame-de-Grâce a eu la gentillesse de me référer au texte. Donc, je m'en souviens...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Boivin: Non. De Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Jolivet): Ah! De

Marguerite-Bourgeoys.

M. Boivin: Le député de Marguerite-Bourgeoys a eu la gentillesse de me référer au texte. Donc, je m'en souviens. Je ne vous demande pas de faire de même. J'ai dit, en réponse au député, que je ne me souvenais à peu près pas de la rencontre, donc, que je ne prétendais pas rapporter des propos verbatim qui ont pu y être tenus. J'ai dit que si Me Aquin a dit ce qu'il a dit, je ne pouvais pas affirmer que c'était vrai, mais que je ne pouvais pas le nier non plus quant au Verbatim. Mais j'en ai donné mon propre sens, parce que ce n'est pas ma façon de m'exprimer. Je vous ai dit que j'avais une expression commune, une expression que j'emploie souvent - à tort ou à raison, c'est une autre chose - j'ai dû dire: Enfargez-vous pas dans les fleurs du tapis!

Vous dites: Mais non, Me Aquin se référait à des documents de transaction. Je vous dis que cela m'étonne énormément et je n'ai aucune souvenance de cela.

M. Bourbeau: Est-ce que les avocats de Geoffrion et Prud'homme, que vous avez rencontrés le 2 février, lors de cette entrevue, ont paru offusqués de se faire dire par vous de ne pas s'accrocher aux fleurs du tapis?

Le Président (M. Jolivet): Non, c'est déjà acquis. Reposez votre question. Elle n'est pas recevable comme cela.

M. Bourbeau: Est-ce que les avocats de l'étude Geoffrion et Prud'homme vous ont dit qu'ils étaient offusqués de voir une telle intervention de votre part?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Bourbeau: Est-ce qu'ils vous ont dit qu'ils tiendraient compte de ces recommandations?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il vous a paru à vous...

M. Vaillancourt (Jonquière): Question d'opinion, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Jonquière. Pourquoi? Je ne comprends pas.

M. Vaillancourt (Jonquière): "Est-ce qu'il vous a paru que..." C'est une question d'opinion et d'appréciation personnelle, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): En tout cas, reposez votre question et je vais voir.

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai même pas eu le temps de la poser que le...

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est évident!

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais c'est la façon dont vous commencez votre question. Cela nous donne l'impression qu'elle va constituer une demande d'opinion.

M. Bourbeau: Vous pourriez peut-être attendre que je la pose, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Non, mais vous savez, quand...

M. Bourbeau: Est-ce que vous avez constaté...

Le Président (M. Jolivet): Non, M. le député. Un instant! On ne laissera pas passer cela comme cela. Je vous dis que...

M. Bourbeau: Je n'ai rien dit...

Le Président (M. Jolivet): Non, mais, moi, j'ai dit quelque chose et vous ne m'avez pas laissé finir. Non, non, laissez-moi parler. J'ai le droit de parler. J'ai encore plus raison que vous... Ce que je vous dis, c'est que, de la façon dont vous avez commencé votre question, c'était en apparence, directement, en français, pour un prof de français, une question demandant une opinion. Donc, ne la commencez pas comme cela. Posez-la autrement.

M. Bourbeau: C'est ce que j'étais en train de faire, M. le Président, quand vous m'avez coupé la parole.

Le Président (M. Jolivet): Vous ne

m'aviez pas laissé terminer, cependant, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je vous assure que si j'étais...

Le Président (M. Jolivet): C'était involontaire.

M. Bourbeau: ...un avocat chevronné comme le député de Jonquière, je poserais toujours mes questions...

Une voix: Cela vous aiderait beaucoup.

M. Bourbeau: Mais je n'en saurais pas très long, M. le Président.

Une voix: On ne les saura jamais, il n'en a pas posé.

M. Bourbeau: M. Boivin, lors de cette réunion avec les avocats de l'étude Geoffrion et Prud'homme, les avocats de la SEBJ, lorsque vous avez demandé, selon vos propos, qu'ils ne s'accrochent pas dans les fleurs du tapis, est-ce que, à votre connaissance, cela a donné des résultats?

M. Boivin: Je n'en sais rien. Je ne sais pas s'ils se sont accrochés dans les fleurs du tapis, avant ou après. Je ne le sais pas.

M. Bourbeau: Selon votre connaissance, est-ce que cela a aidé à débloquer le dossier, à accélérer le dossier?

M. Vaillancourt (Jonquière): Objection, M. le Président.

M. Boivin: Je n'en sais rien, M. le Président.

M. Bourbeau: Alors, est-ce que vous répondez?

M. Boivin: J'ai dit que je n'en sais rien, M. le Président.

M. Bourbeau: Vous n'en savez rien du tout.

M. Boivin: Du tout.

Une voix: C'est une question d'opinion.

M. Bourbeau: Laissez donc les avocats parler, vous.

M. Perron: À ce moment-là, vous seriez mieux d'arrêter de parler et de laisser la parole aux autres.

Le Président (M. Jolivet): Boni Là: Cela recommence! Messieurs les députés, de part et d'autre, je pense que je vais vous demander la même gentilhommerie que j'ai demandée. Mais, M. le député, si vous continuez à provoquer de cette façon, je vais être obligé d'utiliser les articles du règlement, moi aussi. Je n'accepterai pas que l'on fasse un dialogue de gauche à droite à cause de ce qu'ils viennent de dire, M. le député. Je ne l'accepterai pas.

M. Bourbeau: Me parlez-vous, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Oui, je vous parle. Je vous demande de vous adresser à moi pour poser des questions à notre invité, de la même façon que j'ai demandé au député de Duplessis de ne pas vous interrompre. Je vous demande aussi de ne pas tenir compte de ce qui peut être dit pour ne pas les provoquer non plus. D'accord.

M. Paradis: Est-ce que je pourrais soulever une question de règlement?

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Pour que ce soit bien clair pour les gens qui nous écoutent, le député de Laporte faisait son travail consciencieusement lorsqu'il a été interrompu par le député de Duplessis.

Une voix: C'était une question d'opinion.

M. Paradis: Non, non. Ce n'était pas une question d'opinion, c'était une question de fait.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, au lieu de vouloir continuer une chicane qui ne doit pas avoir lieu... S'il vous plaît! Tout ce que j'ai voulu demander c'est que ni l'un ni l'autre, à ma gauche et à ma droite ne fasse ces choses.

M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. M. Boivin, sur le ruban 1404, page 1, vous faites état d'un appel téléphonique dont on a parlé tout à l'heure, c'est au bas de la page 1, où Me Jasmin ou Me Beaulé vous ont appelé -je m'excuse, prenez donc le ruban 1404, page 2 - sur la question de responsabilité. Me Jasmin vous a appelé. Je les ai cités tout à l'heure, mais je vais en reprendre une partie. "Est-il exact que la SEBJ exige la reconnaissance de responsabilité des syndicats?" Me Jasmin vous posait cette question. Vous avez vérifié avec M. Laliberté. Vous avez rappelé Me Jasmin pour lui dire qu'effectivement on exigeait la reconnaissance de responsabilité.

Subséquemment, vous nous avez dit - je vous rappelle ceci - que, le 8 février vous

avez communiqué au téléphone avec Me Aquin également au sujet de la responsabilité, un peu le même genre de question. Vous avez discuté de cela avec Me Aquin. En quoi est-ce que ce problème vous intéressait, le problème de la responsabilité des syndicats?

M. Boivin: Tout d'abord, je n'ai pas tout à fait dit que j'avais communiqué avec Me Aquin le 8 février. J'ai dit que Me Aquin l'avait dit et que je ne mettais pas sa parole en doute; quant à moi je ne m'en souviens pas, mais je peux quand même... C'est ce que j'ai dit ce matin ou cet après-midi. Maintenant, en quoi la question de responsabilité m'intéressait-elle? Elle était intéressante pour tout le monde, parce qu'elle était une question centrale, elle était au coeur du règlement hors cour. En d'autres termes, si j'ai bien compris, si les défendeurs représentés par Me Jasmin n'avaient pas admis leur responsabilité, il n'y aurait pas eu de règlement hors cour, puisque cela semblait une exigence sine qua non de la SEBJ.

M. Bourbeau: Est-ce que cette question vous préoccupait particulièrement?

M. Boivin: Je veux dire que si je suis favorable à un règlement hors cour et qu'une des questions qui est au coeur de ce règlement est importante, je m'intéresse à la question. Préoccupé, je ne sais pas le sens précis, mais je m'intéresse à la question.

M. Bourbeau: Quand vous discutiez avec les avocats, est-ce que c'était un des points que vous discutiez d'une façon plus spéciale, la responsabilité?

M. Boivin: Non, je n'ai jamais discuté de la responsabilité des syndicats représentés par Me Jasmin, parce que je ne voulais pas entendre parler de cela. Quant à moi, dans ma tête, c'était clair qu'ils étaient responsables. Me Jasmin n'a jamais essayé de dire: Mes clients ne sont pas responsables.

M. Bourbeau: Par contre, vous avez parlé de responsabilité avec M. Laliberté?

M. Boivin: Quant à l'admission de responsabilité, c'est bien différent. On peut être responsable et ne pas l'admettre dans un écrit. La question de Me Jasmin, ce n'était pas de me dire à moi: Mon client est responsable ou n'est pas responsable. Sa question, c'était de l'admettre dans un écrit.

M. Bourbeau: Quand vous avez parlé à Me Aquin, le 8 février, vous posiez des questions sur la responsabilité aussi?

M. Boivin: Me Aquin a dit, si ma mémoire est fidèle, que je lui aurais dit: Est-il exact que vous exigez la responsabilité des syndicats ou du syndicat américain? Je ne sais pas, vous devez avoir le texte devant vous.

J'ai précisé aujourd'hui que cette question avait été soulevée bien avant et qu'elle l'avait été même avant la réunion du 1er février. J'ai dit que j'étais étonné mais que je ne mettais pas la parole de Me Aquin en doute. J'étais étonné que j'aie fait cet appel le 8 février parce que cette question avait été soulevée bien avant et même avant la rencontre du 1er février. Mais je suppose que cela traînait encore dans le paysage, si Me Aquin dit que je l'ai appelé le 8 février.

M. Bourbeau: Vous dites qu'elle avait été soulevée bien avant. Est-ce qu'elle avait été soulevée devant vous?

M. Boivin: Bien oui. M. Bourbeau: Par qui?

M. Boivin: Soit par Me Jasmin, soit par Me Beaulé, soit par les deux.

M. Bourbeau: À quelle occasion?

M. Boivin: N'importe quand entre le 1er janvier et le 31 janvier. Je ne le sais pas. Lors d'une rencontre.

M. Bourbeau: Donc, lors d'une rencontre que vous avez eue avec les avocats des défendeurs, la question de la responsabilité a été soulevée.

M. Boivin: Dans le sens que... Premièrement, M. le député, avec Me Aquin, avec Me Beaulé, il a été question de la responsabilité proprement dite du syndicat américain; c'est une question. Mon client est-il responsable ou non? Donc on peut dire que la question de responsabilité du syndicat américain a été soulevée.

Deuxièmement, avec Me Jasmin cela ne s'est pas présenté du tout de la même façon. Me Jasmin ne dit pas: Mes clients sont-ils responsables ou non? Il semble l'admettre, enfin je le tiens pour admis ou pour acquis. Mais il dit: Est-ce que je dois l'admettre dans un écrit, c'est inhabituel lorsqu'on règle une cause hors cour? Voilà.

M. Bourbeau: Alors cela a été soulevé avec Me Beaulé?

M. Boivin: La question de la responsabilité de son syndicat? Bien sûr que cela a été soulevé. C'était un de ses arguments principaux.

M. Bourbeau: Alors, vous en avez discuté avec lui?

M. Boivin: Oui, M. le Président.

M. Bourbeau: Et avec Me Jasmin, vous avez discuté de la responsabilité?

M. Boivin: Dans le sens que je viens de dire. Cela ne se posait pas.

Une voix: De quel syndicat? M. Duhaime: Franchement...

Le Président (M. Jolivet): Non, non, je pense que... M. le député. Je vous suis avec attention, mais je pense que tout le monde qui nous écoute comprend très bien la réponse donnée par Me Boivin. Je ne vois pas l'utilité de votre deuxième question. Non, non.

M. Boivin: Je pourrais préciser tout de suite, M. le député. C'est un lapsus de ma part ou un manque. Quand je vous ai dit "discuté de responsabilité ou d'admission de responsabilité entre le 1er janvier et le 31 janvier", pour être précis, il faudrait faire une correction et inclure le mois de décembre, les rencontres du mois de décembre, les rencontres des 4 et Il décembre.

M. Bourbeau: Alors, M. le Président, je ne veux pas poser deux fois les mêmes questions, mais je veux simplement m'assurer qu'à l'égard de Me Beaulé, vous avez eu des entretiens relatifs à la responsabilité du défendeur.

M. Duhaime: M. le Président, je veux faire une question de règlement.

M. Boivin: De son client, oui.

M. Bourbeau: Ce n'est pas la même question, M. le Président, je regrette.

M. Duhaime: M. le Président, je veux soulever une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît: Juste un instant. Juste un instant. Non, non. Attendez une minute. Un à la fois. Oui, oui. C'est paisible là. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, les questions et les réponses qui viennent d'être formulées, de part et d'autre, datent de quelques minutes. Je pense qu'avec un minimum de mémoire et d'intelligence on peut s'en souvenir. Je pense que cela fait au moins trois reprises que Me Boivin explicite. À la demande du député de Laporte, Me Boivin a fait dans ses réponses la distinction très nette entre une discussion sur la responsabilité proprement dite et l'admission de responsabilité qui était une condition sine qua non - pour employer son expression -d'un règlement hors cour.

Ce sur quoi le député de Laporte revient dans ses questions va dans le sens de vouloir varier dans sa formulation les réponses de Me Boivin qui sont à mon sens très claires pour n'importe qui qui a un minimum d'intelligence et de bonne volonté pour comprendre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Sur la question de règlement, et je parlerai de la responsabilité dans son sens large, autant de l'admission que du principe comme tel...

Une voix: ...

M. Paradis: Non, non, c'est sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oh! Mais juste un instant. Non, non, non. Juste un instant. Je ne permettrai pas une discussion. Vous n'avez pas le droit de parole. Vous avez le droit de parole sur une question de règlement mais ne prenez pas d'exemple pour le faire. Allez rapidement sur la question de règlement.

M. Paradis: Je ne prendrai pas d'exemple. Je veux simplement vous dire que si vous avez suivi - je sais que vous le faites toujours - attentivement nos débats, vous avez vu que la première réponse du témoin a été la question de responsabilité dans son sens large. J'inclus les deux principes que j'avais commencé à vous énoncer au début, je les place là, à la place. J'espère que vous ne m'arrêterez pas. La première réponse est "entre le 1er et le 31 janvier 1979." La réponse, à cause des questions additionnelles plus tard, amène une précision. Il y a également le 4 décembre 1978 et c'est le genre...

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Paradis: M. le Président, c'est la réponse du témoin et s'il n'y avait pas eu de question additionnelle...

Le Président (M. Jolivet): Non, non. Mais... Non, non. Non, non, je m'excuse. Je m'excuse. Je m'excuse. Il faut quand même être honnête. L'invité a dit: Je m'excuse, j'ai eu un lapsus... Peut-être à cause d'un lapsus, j'explique. Mais ce n'est pas à la suite d'une question qu'il a répondu à cette question. Il l'a fait de lui-même. Non, non. Il faut être honnête. L'invité l'a fait de lui-même. (21 heures)

M. Paradis: M. le Président, j'admets

que...

Le Président (M. Jolivet): À la suite d'une question.

M. Paradis: ...l'invité l'a fait de lui-même. Mais si la personne qui posait des questions avait quitté le sujet, le lapsus ne serait pas revenu et on n'aurait pas eu l'information.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, cela est une interprétation de votre part. Je ne demanderai à personne de m'expliquer votre interprétation.

M. Paradis: Demandez au témoin.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte, en faisant attention à vos questions.

M. Bourbeau: M. le Président, vous m'avez fait tellement peur que je vais changer de sujet.

Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas à vous faire peur, M. le député. Je vous demande simplement de suivre le règlement.

M. Bourbeau: M. le Président, je vous signale que c'est une blague que je faisais.

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais je ne les aime pas.

M. Vaillancourt (Jonquière): ...M. le Président.

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, le problème qu'on a là, c'est qu'à force de faire des blagues, on ne va pas au vif du sujet. Je vous demande d'aller au vif du sujet, c'est-à-dire les questions. Allez-y!

M. Bourbeau: M. Boivin, vous avez reçu à quelques reprises dans votre bureau Me Beaulé, l'avocat Rosaire Beaulé. On a les dates - je ne vous les répète pas - vous avez comme moi la copie du registre. Vous nous avez dit aujourd'hui enfin je vais me référer encore là au ruban 1406, page 2...

M. Boivin: Page 8?

M. Bourbeau: Page 2. "Je présume que Me Beaulé a dû me faire voir ses arguments en faveur d'un règlement hors cour." Mon collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys, vous demandait ce que M. Beaulé faisait dans votre bureau. Vous avez prononcé ces paroles-là. Je me demande ceci: Quand Me Beaulé venait vous rencontrer et qu'il discutait devant vous de ses arguments...

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, il dit: Je me demande.

M. Bourbeau: Je vais vous poser la question à vous. Est-ce qu'il vous demandait à ce moment-là d'intervenir en faveur de ses clients?

Le Président (M. Jolivet): J'ai un problème encore une fois. Je m'excuse, M. le député. Reposez votre question parce que, de la façon dont elle est formulée, elle n'est pas acceptable.

M. Bourbeau: Est-ce que Me Beaulé vous a demandé lors de ses argumentations...

M. Boivin: Ses arguments.

M. Bourbeau: ...de ses arguments en faveur d'un règlement hors cour d'intervenir en faveur de ses clients?

M. Boivin: II plaidait en faveur d'un règlement hors cour et il me donnait des arguments qui, selon lui, militaient en faveur d'un tel règlement.

M. Bourbeau: C'était évidemment pour favoriser la cause de ses clients, les...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, c'est une question d'interprétation.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il vous a dit que c'était pour favoriser la cause de ses clients?

M. Boivin: C'est-à-dire que c'était très clair qu'il aimait mieux régler hors cour plutôt que de la plaider, pour quelque raison que ce soit. C'est à lui à s'en expliquer. Je pense qu'il s'en est expliqué, mais ce n'est pas à moi à reprendre ses propos.

M. Bourbeau: Est-ce que vous, de votre côté, en écoutant la plaidoirie de M. Beaulé, vous avez fait valoir les arguments de la Société d'énergie de la Baie James?

M. Boivin: M. Beaulé n'a pas fait de plaidoirie devant moi parce que je ne suis pas un juge. Il a avancé des arguments. Est-ce que j'ai pris la part de la Société d'énergie de la Baie James? Ce n'est pas un débat contradictoire lorsqu'on rencontre quelqu'un. Je n'avais donc pas à prendre la part de la SEBJ, à défendre ou à condamner la Société d'énergie de la Baie James. J'avais à écouter attentivement les arguments de M. Beaulé à en peser la valeur et à poser des questions si les arguments ou les faits qui étaient avancés par M. Beaulé ne me paraissaient pas assez complets.

M. Bourbeau: En plus des arguments

visant à faire valoir le point de vue des clients de M. Beaulé, est-ce que vous avez discuté des arguments de la partie adverse, ceux de la SEBJ?

M. Perron: M. le Président, question de règlement. Il a déjà répondu à cette question.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:

M. Perron: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Ouste un instant. Non, non, allez-y donc!

M. Perron: J'ai une directive à vous demander. Lorsque...

M. Lalonde: II a réussi à avoir la caméra.

M. Perron: ...Non, je m'excuse, je me fous de tout cela...

Le Président (M. Jolivet): Allez, allez, M. le député.

M. Perron: Le député de Marguerite-Bourgeoys peut dire ce qu'il veut...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Perron: ...mais je vais m'adresser à vous directement, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Perron: ...parce que les balivernes du député de Marguerite-Bourgeoys, on peut s'en passer.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le député.

M. Perron: La directive que je voudrais vous demander est celle-ci: Est-ce que, lorsqu'un député de l'Opposition, en l'occurrence le député de Laporte, pose une question qui a déjà été posée au même témoin, le témoin est tenu de répondre à une question qui a déjà été posée? C'est la question que je voudrais vous poser. Parce que là...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, non, non...

M. Perron: ...je m'explique, c'est parce que le député de Laporte revient avec les mêmes questions qui ont déjà été posées par le député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Jolivet): Jusqu'à maintenant, c'était bien revenu. On allait bien... Non, s'il vous plaît. M. le député, s'il vous plaît. C'est surtout cela que je voulais.

M. Boivin: ...des problèmes.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc, cela m'aidera beaucoup.

M. Boivin: Je crois avoir répondu indirectement, sinon directement, au député de... Je me trompe toujours de comté.

M. Lalonde: Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Jolivet): Marguerite-Bourgeoys.

M. Boivin: Marguerite-Bourgeoys, je vais l'écrire. Je crois avoir répondu au député de Marguerite-Bourgeoys en disant que je n'avais pas discuté, en présence d'un avocat, de la thèse juridique de l'autre et vice versa. Si je ne l'ai pas dit, je le dis.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte, maintenant, pour une autre question.

M. Bourbeau: Me Beaulé était votre ancien associé dans votre bureau d'avocats lorsque vous avez pratiqué au début de votre carrière.

M. Boivin: Mon, amitié avec lui remontait bien avant.

M. Lalonde: D'accord.

M. Boivin: En 1948 ou 1949, je crois, alors que j'étais en première philosophie. On appelait cela la troisième année de la faculté des arts à l'Université d'Ottawa. Lui, il était en deuxième philosophie, ce qu'on appelle au Québec deuxième philosophie et ce qu'on appelait là-bas quatrième année de la faculté des arts. Cela ne me rajeunit pas.

M. Bourbeau: C'était donc un ami de longue date.

M. Boivin: Oui, M. le Président.

M. Bourbeau: Et un ancien associé professionnel dans votre bureau d'avocats.

M. Boivin: Exact, M. le Président.

M. Bourbeau: Le fait de le recevoir dans votre bureau, comme on vient d'en parler, et qu'il vous demande d'intervenir en sa faveur, est-ce que cela ne vous causait pas des problèmes de conscience?

M. Boivin: Aucun, M. le Président.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le

Président...

Le Président (M. Jolivet): Non, je ne permettrai pas la question.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Non, je ne permettrai pas la question. Ce n'est pas parce que vous me demandez d'intervenir que je n'interviens pas. Mais, d'une façon ou d'une autre, il y a une chose qui est certaine, c'est que vous n'avez pas besoin d'intervenir quand j'interviens, cependant. M. le député de Laporte, je dirais comme M. le ministre: II y a des portes de grange qui sont ouvertes grandes ce soir. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Si vous voulez, on va passer de Me Beaulé vers Me Jasmin, qui n'était pas un ancien associé, cela sera peut-être plus facile.

M. Duhaime: Est-ce que je pourrais faire part de mes anciennes associations professionnelles, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Non, ce n'est pas nécessaire, cela ne fait partie de notre mandat.

Une voix: On va attendre un autre saccage!

Une voix: On ne veut faire honte à personne.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte. À l'ordre!

M. Bourbeau: II a été déclaré à plusieurs reprises que Me Jasmin était très nerveux. Vous nous l'avez dit, Me Gauthier nous l'a dit à plusieurs reprises, lorsque vous étiez dans son bureau, il était très nerveux. Vous l'avez dit également à plusieurs reprises.

M. Boivin: II m'apparaissait nerveux.

M. Bourbeau: II apparaissait nerveux, disons qu'on va régler pour cela. Vous nous avez dit aujourd'hui que, à un moment donné, vous lui avez dit: Prends un café. Je souligne en passant que ce n'est pas la meilleure façon de calmer quelqu'un que de lui faire prendre un café.

Le Président (M. Jolivet): M. le député. Vous voyez ce que vous êtes en train de créer; j'appellerais cela, comme professeur, des moyens détournés de vouloir faire qu'on s'amuse beaucoup, mais ce n'est pas drôle. M. le député de Laporte, posez vos questions et arrêtez de faire toutes sortes de commentaires qui, malheureusement, ne sont pas nécessaires. M. le député de Laporte, je vais utiliser - c'est vrai, cette fois, vous êtes désagréable - certains articles du règlement, si vous continuez.

M. Duhaime: C'est l'article 45, M. le Président, si je peux vous en suggérer un.

Le Président (M. Jolivet): Posez vos questions, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: M. le Président, j'étais en train d'en poser une.

Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse. Vous avez fait mention de l'article 68 en ma faveur ou en ma défaveur, vous le ferez, mais ce n'est pas ce que je dis. M. le député, je dois dire que j'ai un rôle très difficile à remplir ici à cette commission. Je n'accepterai pas qu'on me fasse des menaces à moi. L'article 68, vous le connaissez. Si vous voulez mettre en doute ma conduite, vous le ferez à l'Assemblée nationale. M. le député de Laporte.

M. Paradis: M. le Président, sur la question que vous venez de soulever...

Le Président (M. Jolivet): Vous avez parlé de l'article 68. Lisez-le.

M. Paradis: L'article 68, M. le Président, sauf tout le respect que je vous dois et que je vous porte, le premier qui l'a mentionné dans cette commission parlementaire...

Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse, M. le député, je ne veux en aucune façon faire mention de qui l'a mentionné, la seule chose, c'est que je viens de l'entendre. Non.

M. Lalonde: M. le Président, j'aurais une question de règlement à soulever à ce stade.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y.

M. Lalonde: Je pense que nous n'avons pas abusé de la blague; d'autres témoins l'ont fait beaucoup plus que nous, je dis bien "d'autres témoins", il ne s'agit pas de Me Boivin, il ne s'agit pas de dérider la commission. Tout ce que le député de Laporte a mentionné, de façon tout à fait anodine - que ce n'est peut-être pas une façon de calmer les nerfs de Me Jasmin que de lui offrir un café - ce n'était pas un reproche, c'était seulement pour nous dérider un peu. Je ne vois pas pourquoi on peut faire une colère simplement à cause de cette remarque qui est tout à fait anodine

comparée à d'autres qui ont été faites ici.

Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas sur ce point que j'ai sursauté, M. le député, mais c'est sur l'article 68, qui est venu de ma gauche, et j'ai fait mention de cela. J'ai demandé au député de Laporte de revenir au sérieux de cette commission. Je le maintiens. M. le député, allezl

M. Bourbeau: M. Boivin, on a fait mention à plusieurs reprises de la très grande nervosité apparente de Me Jasmin. Est-ce que je peux vous demander, vous, quand vous avez rencontré Me Jasmin, quel geste vous avez posé pour calmer cette nervosité?

M. Boivin: Aucun geste précis, M. le Président.

M. Bourbeau: Est-ce que vous lui avez promis que vous étiez pour régler son problème?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Bourbeau: Est-ce que vous lui avez dit à quelque moment que la SEBJ allait éventuellement régler hors cour?

M. Boivin: À quelque moment que ce soit, avant quoi? Ma réponse ne se veut pas une farce, parce que je ne possède pas, techniquement, tout le dossier. Il faudrait que je vérifie. Il y a eu la signature d'une transaction de règlement hors cour. De mémoire, je crois que c'est le 12 ou le 13 mars. Je pense, de mémoire aussi, qu'il y a eu une résolution du conseil d'administration du 6 mars autorisant le règlement. Je présume, je ne le sais pas. Avant qu'on ait des règlements formels, il y a souvent des règlements officieux. Est-ce que j'aurais eu vent de quelque chose avant le 12 mars ou avant le 6 mars et que je le lui aurais dit? Je ne sais pas. Cela est peut-être possible, M. le Président. Voici pourquoi je vous réponds de cette façon. C'est que, le 27 février 1979, M. Cardinal est venu me voir. Il a dit: j'arrive de chez Me Gadbois. Je m'en vais en vacances. Je lui ai dit: tu es bien chanceux. Il a dit: le dossier est entre les mains du conseil d'administration et cela me semble en bonne voie. Alors, est-ce que - je vais être tout à fait pointilleux et même scrupuleux - entre le 27 février et le 6 mars, j'aurais dit à Me Jasmin quelque chose lui laissant entendre qu'un règlement était possible ou probable? Je n'en sais rien. Je tenais à faire quand même ces remarques.

M. Bourbeau: Disons, par exemple, puisque vous me demandez de situer ma question, avant le début du procès, avant le 15 janvier 1979, est-ce qu'à quelque moment vous auriez dit à Me Jasmin que la SEBJ était pour régler hors cour?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Bourbeau: Est-ce que vous l'auriez dit à Me Beaulé?

M. Boivin: Non, M. le Président. Je ne le savais pas, je ne pouvais pas le dire.

M. Bourbeau: Est-ce que vous auriez donné des assurances à Me Jasmin?

M. Boivin: Encore moins.

M. Bourbeau: Aucune assurance. Au ruban 1415, page 1, vers le bas de la page, troisième paragraphe...

M. Boivin: Excusez-moi, M. le député, il y en a un qui a toussé pendant que vous disiez le numéro de page.

M. Bourbeau: Le ruban 1415, page 1. M. Boivin: Merci.

M. Bourbeau: Troisième paragraphe de la fin. Vous nous avez dit aujourd'jui: "Me Jasmin était tellement nerveux que je suis sûr que, le 12 janvier, je lui ai dit: Enerve-toi pas, j'ai transmis à M. Laliberté une recommandation favorable du premier ministre envers un règlement hors cour." Quand vous lui avez dit: Énerve-toi pas, en quoi cela pouvait-il ne pas l'énerver que vous ayez transmis à M. Laliberté cette recommandation? (21 h 15)

M. Boivin: II faudrait, M. le Président, que le député se réfère au contexte, c'est-à-dire aux questions et phrases précédentes. C'est que lui il s'énervait, son procès s'en venait, il fallait qu'il procède, etc., dans tout le contexte des déboursés qui s'additionnaient. Alors, j'ai dit: Énerve-toi pas, en voulant dire: Qu'est-ce qu'il y a à faire? J'ai parlé à M. Laliberté le 3 janvier et c'est entre les mains du conseil d'administration. Un jour, il va y avoir une séance et ils vont décider. C'est cela.

M. Bourbeau: Est-ce que ces paroles ont été prononcées par vous dans le but de rassurer M. Jasmin?

M. Boivin: Dans le but... Je ne sais pas dans quel but. J'ai dit ce que je savais.

M. Bourbeau: Quand on dit à quelqu'un: Énerve-toi pas, c'est donc parce qu'on veut le rassurer sur quelque chose?

M. Boivin: Littéralement, peut-être. Mais c'est une expression commune qui peut

être utilisée à bon escient dans ce contexte. Mais, enfin, je ne me suis pas interrogé longuement sur le sens profond de: Énerve-toi pas. Je l'ai dit comme cela ou à peu près. Mais là, ce n'est pas verbatim, n'est-ce pas? Vous avez compris cela, M. le député?

M. Bourbeau: Enfin, moi, je cite ce que vous avez dit. Vous avez dit: Je suis sûr que...

M. Boivin: M. le Président, si on me cite verbatim chaque fois, je vais passer mon temps, tout le temps que vous allez me garder ici, bien vouloir me garder ici, à dire: Je ne dis pas que c'est verbatim. Je vais passer mon temps à faire des... Tout mon témoignage, quand ce sera verbatim, je vous le dirai, j'ouvrirai des guillemets. Dans tout mon témoignage, je ne rapporte pas des mots Verbatim des gens, sur des choses qui se sont passées en 1978 et en 1979. Cela va de soi.

M. Bourbeau: M. le Président, sur la question...

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Bourbeau: ...dont vient de parler le témoin, moi, tout à l'heure, on m'a demandé de m'en tenir au texte.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, mais je veux seulement...

M. Bourbeau: On m'a dit de m'en tenir au texte, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Bourbeau: Alors, je le lis.

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Bourbeau: Et le témoin a dit aujourd'hui: "Je suis sûr que". Alors, s'il m'a dit: "Je suis sûr que", c'était que, pour une fois, il me semble, sa mémoire fonctionnait bien: "Le 12 janvier, je lui ai dit: Énerve-toi pas." Moi, si je me fais dire par quelqu'un: Énerve-toi pas et qu'à ce moment-là, je suis très nerveux, j'en conclus que cela va aller mieux, et que celui qui me dit: Énerve-toi pas, sait de quoi il parle.

M. Boivin: Enfin, M. Jasmin a compris de la façon qu'il a voulu comprendre. Je ne le sais pas, je dis les mots dans ce sens-là.

M. Bourbeau: Alors, Énerve-toi pas, est-ce que cela voulait dire: Ta cause va se régler? C'est cela que je veux savoir.

M. Duhaime: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Non, non, je ne permettrai même pas la question, parce que là, il demande une opinion. Il y a des réponses qui ont été données sur l'ensemble de la question.

M. Bourbeau: M. Boivin, est-ce que vous avez expliqué à M. Jasmin ce que cela voulait dire: Énerve-toi pas?

M. Boivin: Si vous continuez, à la ligne suivante, vous allez avoir l'explication, M. le député. "Énerve-toi pas, j'ai transmis à M. Laliberté une recommandation favorable du premier ministre envers - en faveur, je voulais dire, il y a une faute-là - en faveur d'un règlement hors cour."

Le Président (M. Jolivet): Je veux en profiter justement, parce que vous dites qu'il y a une faute, pour dire que les textes que vous avez, qui sont les galées, ne sont pas les textes définitifs. Il y a des corrections à venir. En conséquence, ce sont les préliminaires, et avant qu'on fasse la dactylographie de l'ensemble, il y a des corrections possibles, parce qu'il peut y avoir des erreurs de frappe. Je pense que c'est important de le dire.

M. Bourbeau: M. le Président, je comprends que vous voulez...

Le Président (M. Jolivet): Non, c'était simplement pour rappeler ce qui s'était passé cet après-midi.

M. Bourbeau: Bon, je serais d'accord sur le fait que, "envers un règlement", c'est probablement "en faveur d'un règlement". Mais, quand on dit: Énerve-toi pas, la correction ne pourrait pas être: Énerve-toi.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, c'est encore quelque chose que je n'accepte pas envers la présidence.

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse. Ce n'est pas le témoin qui a parlé, c'est moi qui, comme président, ai profité de la circonstance pour faire référence à ce qui s'était passé au début de l'après-midi. M. le député de Jonquière, sur quoi?

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je pense que les dernières minutes nous ont démontré, de façon très explicite, la façon habituelle qu'a le député de Laporte de poser ses questions.

M. Lalonde: Ce n'est pas une question de règlement.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le

Président, est-ce que je peux terminer?

Le Président (M. Jolivet): Non, je veux savoir sur quoi.

M. Vaillancourt (Jonquière): II a demandé au témoin: Qu'est-ce que cela veut dire...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, je veux savoir sur quoi, M. le député de Jonquière, pour ne pas ouvrir un débat.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je ne veux pas ouvrir un débat, M. le Président.

M. Lalonde: Si vous voulez l'ouvrir, on va l'ouvrir.

Le Président (M. Jolivet): Non, non. Je sais que vous avez une opinion sur la façon dont le député de Laporte pose ses questions.

M. Vaillancourt (Jonquière): Non, M. le Président, c'est tout simplement pour...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, juste un instant. Je ne voudrais pas que vous m'ouvriez encore une boîte de Pandore.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je pense que même si on avait un débat là-dessus, cela en vaudrait la peine, même jusqu'à 10 heures, parce que je pense que cela s'est produit trop souvent dans le passé. On a encore des témoins...

Le Président (M. Jolivet): Non, M. le député, malheureusement, il n'y aura pas de débat. Non, il n'y aura pas de débat. Je veux savoir si c'est une question de règlement. Bon! Donnez-moi votre question de règlement.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, à sa dernière question, le député de Laporte a posé au témoin la question suivante: Qu'est-ce que cela voulait dire: Énerve-toi pas? Et le témoin a été obligé de répondre: "Lisez la ligne suivante, vous allez comprendre". Je demanderais au député de Laporte...

M. Lalonde: Ce n'est pas une question de règlement.

M. Vaillancourt (Jonquière): Tout simplement, en toute justice pour le ou les témoins à venir - et on aurait dû le faire pour ceux qui sont venus, malheureusement, M. le Président, on a resserré les cordes de la procédure un peu trop tard. Je vous dis que, lorsqu'on cite une réponse d'un témoin, on n'a pas le droit de la citer partiellement. On doit la citer totalement.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement...

M. Vaillancourt (Jonquière): Dans cette question précise du député de Laporte, on a cité les mots "énerve-toi pas", alors que...

M. Lalonde: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Vaillancourt (Jonquière): ...l'explication de ces mots était dans les...

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Une voix: C'est faux! Tu dormais, toi.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je dois simplement...

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, juste avant, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. On reverra dans les galées - on ne les a pas actuellement - mais pour permettre quand même au député de Laporte d'être cité aussi équitablement, il avait effectivement lu au départ l'ensemble du paragraphe. C'est pour cela que je ne voulais pas qu'on ouvre un débat pour rien. M. le député de Laporte, question, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: M. le Président, je vous suis reconnaissant de m'avoir racheté.

Le Président (M. Jolivet): Non, mais j'essaie d'être honnête pour tout le monde.

M. Bourbeau: M. le Président, sur cette question, je vais laisser la parole à un autre.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je dois vous avouer que la première question que je voudrais poser à Me Boivin m'a été inspirée par le député de Bourassa. Quand le député de Bourassa s'est référé à la déclaration de Me Boivin, à la page 12, où Me Boivin dit: "Dans l'exercice normal de mes fonctions de chef de cabinet, j'ai rencontré les avocats ouvertement à mon bureau. J'ai rencontré M. Laliberté officiellement au même endroit." Me Boivin, est-ce que vous pourriez nous dire, entre le 15 octobre 1978 et - disons -le 6 mars 1979, si vous avez dit à M. Claude Laliberté que vous aviez rencontré Me Beaulé?

M. Boivin: Je crois que oui.

M. Ciaccia: Est-ce que vous lui avez dit que vous aviez rencontré Me Jasmin?

M. Boivin: Oui.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez dit à M. Saulnier que vous aviez rencontré Me Jasmin?

M. Boivin: Je ne sais pas.

M. Ciaccia: Est-ce que vous lui avez dit que vous aviez rencontré Me Beaulé?

M. Boivin: Je ne sais pas. M. Ciaccia: Me Cardinal? M. Boivin: Je ne sais pas. M. Ciaccia: Me Aquin?

M. Boivin: Je ne sais pas. Vous en êtes toujours avec M. Saulnier, là?

M. Ciaccia: Oui, oui. Avec M. Saulnier. M. Boivin: Cela va.

M. Ciaccia: Est-ce que vous auriez dit à M. Gadbois que vous aviez rencontré Me Jasmin?

M. Boivin: Je ne sais pas si j'ai parlé... Je crois... Attendez un peu. Je crois que je n'ai jamais parlé à M. Gadbois.

M. Ciaccia: Alors, évidemment, vous n'auriez pas pu lui dire que vous aviez rencontré Mes Jasmin, Beaulé, Cardinal, Aquin.

Le Président (M. Jolivet): C'est une bonne conclusion, cela.

M. Ciaccia: Oui. Merci, M. le Président.

M. Bourbeau: C'est vous, M. le Président, qui faites des blagues.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Bourbeau: Ce n'est pas permis au député de Laporte.

Le Président (M. Jolivet): Oui. Je ne me choquerai pas après moi-même, vous savez.

M. Bourbeau: Je vais invoquer l'article 45, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): II serait peut-être bon pour vous autres que l'article 45 m'oblige à quitter le siège pour faire la levée de cette Assemblée, mais ce n'est pas ce que vous voulez, n'est-ce pas?

M. Lalonde: Mais pas du tout. On ne veut pas se battre.

Le Président (M. Jolivet): Bon. D'accord. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce que vous auriez dit à M. Robert Boyd que vous aviez rencontré Me Beaulé?

M. Boivin: Je n'ai jamais parlé à M. Boyd ailleurs que lors de la rencontre du 1er février. Donc, je ne le lui ai pas dit.

M. Ciaccia: Alors, à cette rencontre, vous ne lui avez pas dit que vous aviez rencontré Mes Beaulé, Jasmin, Cardinal, Aquin?

M. Boivin: Exact.

M. Ciaccia: Vous ne lui avez pas dit cela. Est-ce que vous auriez dit à Me Yves Gauthier que vous aviez rencontré Mes Jasmin, Beaulé...

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Ciaccia: ...ni Me Cardinal ni Me Aquin?

M. Boivin: Exact. Non, M. le Président.

M. Ciaccia: Est-ce que vous auriez dit aux administrateurs de la Société d'énergie de la Baie James que vous aviez rencontré Me Jasmin?

M. Boivin: Comme j'ai dit ce matin, tous ceux à qui je n'en ai pas parlé, on en a fait la liste. Donc, je ne leur ai rien dit.

M. Ciaccia: Donc, si je comprends bien, quand vous dites que vous avez rencontré les avocats ouvertement à votre bureau, ce n'était pas à la connaissance de ceux qui étaient impliqués principalement dans la prise de décision...

M. Boivin: C'était à la connaissance de M. Laliberté que des représentations m'avaient été faites par Me Jasmin et Me Beaulé. Je n'ai pas dit à M. Laliberté, ce n'est pas mon genre: Je l'ai vu deux fois, trois, huit fois ou treize fois. Mais c'était à la connaissance de M. Laliberté que des représentations m'avaient été faites par Me Jasmin et Me Beaulé.

M. Ciaccia: À l'exception de M. Claude Laliberté, que vous avez vu le 3 janvier pour lui faire part du souhait du premier ministre, il n'y avait personne d'autre parmi les

administrateurs ou parmi ceux qui prenaient les décisions, soit M. Giroux, M. Boyd ou M. Saulnier, personne qui savait que vous aviez ces rencontres?

M. Boivin: C'est tout à fait différent quand vous dites: Personne ne savait. Votre question est pour savoir si je l'ai dit. Je fais une distinction fondamentale.

M. Ciaccia: Vous ne l'avez pas dit. Je vais la reformuler d'une autre façon.

M. Boivin: Voilà.

M. Ciaccia: On a établi que vous ne l'aviez pas dit, que vous l'aviez dit seulement à M. Laliberté, et que vous ne l'aviez pas dit à tous les autres que j'ai mentionnés. Est-ce qu'à votre connaissance, M. Saulnier savait que vous rencontriez...

M. Boivin: Je ne sais pas.

M. Ciaccia: Vous ne le savez pas. Est-ce que M. Boyd, à votre connaissance, savait que vous rencontriez...

M. Boivin: La même réponse, je ne le sais pas.

M. Ciaccia: Vous vous êtes référé... Au lieu de continuer à vous interroger et de vous faire dire que vous ne le saviez pas, pour votre information, peut-être que vous le savez, parce que vous avez peut-être fait le relevé de tous les témoignages je ne sais pas si, oui ou non, vous avez regardé les témoignages. Il y a une question que j'ai posée à M. Saulnier. Lui, il a déclaré ici qu'il ne savait pas qu'il y avait des réunions des avocats, soit des avocats des défendeurs, soit des avocats de la demanderesse qui se rencontraient à votre bureau.

M. Boivin: Si M. Saulnier l'a dit, je n'ai pas de commentaire à faire sur cela.

M. Ciaccia: Me Gadbois, je pense, nous a dit la même chose à une question du député de Marguerite-Bourgeoys, je crois. Les administrateurs de la Société d'énergie de la Baie James ont fait les mêmes affirmations, qu'ils ne le savaient pas.

M. Boivin: Les avocats de la SEBJ le savaient.

M. Ciaccia: Les avocats de la SEBJ, Me Aquin l'a appris quand Me Beaulé, celui que vous avez mentionné qui avait une mémoire d'éléphant, le lui a appris pour le prévenir. Apparemment, cela a déstabilisé un peu Me Aquin, parce que, immédiatement, il a appelé Me Gauthier.

Le Président (M. Jolivet): II y a juste un petit problème. Je ne voudrais pas vous être désagréable, et je vais vous redire ce que j'ai dit au député de Gatineau, qui l'avait très bien compris. Si vous avez des commentaires, je peux vous les permettre, mais si vous avez des questions, posez donc les questions et vous ferez vos commentaires après. Le problème que j'ai, c'est que, moi, je suis ici pour essayer de faire en sorte que les questions soient posées. Là, vous faites des commentaires et cela n'amène aucune réponse. Vous avez le droit de faire des commentaires. Jamais je ne vous empêcherai d'en faire, mais je veux savoir si ce sont des commentaires ou des questions. Ce qu'on a essayé d'établir, vous pouvez essayer, posez vos questions et vous ferez vos commentaires après.

Allez-y donc!

M. Ciaccia: M. le Président, je vais y aller. Parfois, il faut se référer à certains faits pour poser la question. Si je dois poser la question...

Le Président (M. Jolivet): Le problème que j'ai, et je ne voudrais pas que cela reprenne, à l'intérieur des commentaires que vous faites, vous passez vos opinions personnelles et je n'ai rien contre cela à condition que ce soient vos commentaires. Mais vous risquez, à travers ces choses, de faire que la personne qui est devant nous doive répondre à des questions. Mais si la durée du préambule est exagérée, je vais être obligé d'appliquer ce que le président a demandé d'appliquer à l'Assemblée nationale, d'éviter des longs préambules. Allez-y, mais, s'il vous plaît, à vos questions. (21 h 30)

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais rétablir certains faits parce qu'il me semble que cela devient de plus en plus difficile pour moi de poser des questions. Je voudrais comprendre exactement le sens des directives. Je n'ai donné aucune opinion. J'ai cité ce que Me Jean-Roch Boivin a dit à propos de Me Beaulé, qu'il avait une mémoire d'éléphant. Je pourrais sortir la transcription. Je n'ai fait aucun commentaire personnel, M. le Président, mais j'ai rappelé certains faits que M. Saulnier avait affirmés devant cette commission et tout le reste. Alors, à moins que vous puissiez me demander...

Le Président (M. Jolivet): Non. Simplement, M. le député, ce n'est que la façon dont vous posez votre question. J'ai déjà rappelé qu'il y a des virgules dans une phrase, il y a des intonations dans une voix, qui font que la façon dont vous la posez, ce sont des opinions par la façon dont vous la posez. Je veux simplement qu'on évite d'entrer dans des préambules où des opinions

sont exprimées sans donner la chance à notre invité de répondre à des questions. C'est simplement cela.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement. Il ne faudrait quand même pas tomber dans la paranoïa, pas parce que le style...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, est-ce que vous m'accusez de paranoïa?

M. Lalonde: Non, pas encore.

Le Président (M. Jolivet): J'espère.

M. Lalonde: M. le Président, si j'avais à le faire, il faudrait que le fasse ailleurs.

Le Président (M. Jolivet): C'est cela.

M. Lalonde: Mais il reste quand même que le député de Mont-Royal n'a exprimé aucune opinion et, s'il n'est pas maître de ses intonations, à ce moment, M. le Président, je me demande où on en est rendu.

Le Président (M. Jolivet): Non, non. C'est tout simplement ce que je veux dire. Allez-y donc de vos questions, cela sera bien plus simple. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Vous avez raison, M. le Président. La façon dont je pose les question est mienne.

Le Président (M. Jolivet): Je le sais, je la connais.

M. Ciaccia: Je ne peux changer ma façon de poser des questions.

Le Président (M. Jolivet): Allez donc, posez vos questions. Allez donc!

M. Lalonde: Elle est excellente. Elle a donné des résultats.

M. Ciaccia: Alors M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Ne demandez pas des conclusions. Il sera assez tôt pour les donner.

M. Tremblay: Non, c'est que le député...

Le Président (M. Jolivet): Oui, j'ai compris. J'ai compris.

M. Tremblay: ...de Marguerite-Bourgeoys avait dit que cela avait donné des résultats.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal. C'est lui qui a la parole. Allez-y, M. le député.

M. Ciaccia: Je peux continuer, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Ciaccia: Me Boivin, quand vous faites l'affirmation, à la page 12 de votre déclaration, que vous avez rencontré les avocats ouvertement, ce n'est pas ouvertement dans le sens que... Je vais formuler. La seule personne qui vraiment était au courant que vous rencontriez les avocats, soit de la défenderesse ou de la défenderesse, était M. Laliberté.

M. Boivin: Je maintiens le mot "ouvertement". Ce n'est pas banal que M. Laliberté le sache et que le premier ministre du Québec le sache.

M. Ciaccia: Oui, mais les autres ne le savaient pas. C'était plutôt...

Le Président (M. Jolivet): Attention, attention. Ne tombez pas dans vos opinions.

M. Ciaccia: Ah! Je ne peux dire que c'était plutôt ouvertement.

Le Président (M. Jolivet): Non mais vous avez... Non, non. Ce que je veux vous dire, M. le député, c'est que si vous voulez faire un commentaire et que vous n'avez plus de questions, je vais vous le permettre, allez-y. Mais si vous avez des questions, posez-les.

M. Ciaccia: Non, mais le petit commentaire, je peux le faire...

Le Président (M. Jolivet): Non, non. Ne le faites pas.

M. Ciaccia: Je ne peux le faire?

Le Président (M. Jolivet): Non, pas tout de suite.

M. Ciaccia: Pas tout de suite? Le Président (M. Jolivet): Non.

M. Ciaccia: Vous allez me donner la permission, je vais pouvoir parler?

M. Lalonde: On est dans le coin.

Le Président (M. Jolivet): À la fin, oui. À la fin. Une question, M. le député.

M. Ciaccia: Ce n'est pas facile, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Pensez-vous que ma tâche est facile, vous? Allez-y donc, M. le député.

M. Ciaccia: Les mémoires sont courtes, les heures sont longues. Je voudrais revenir à la réunion du 1er février, celle dont vous semblez le plus vous souvenir, parce que c'était une réunion importante. Le premier ministre y était, M. Boyd y était, M. Giroux, je crois, M. Saulnier.

M. Boivin: Pas M. Giroux.

M. Ciaccia: M. Giroux n'était pas là. M. Boyd, M. Saulnier, M. Laliberté.

M. Duhaime: Cela fait à peu près 57 fois qu'on le dit. Franchement, vous commencez à être fatigué. Vous manquez de gaz.

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le député.

M. Ciaccia: Avez-vous d'autres commentaires, M. le ministre?

M. Duhaime: Non, non.

Le Président (M. Jolivet): Non, non. Vous savez que je ne permets pas plus de commentaires au ministre qu'à vous. Mais le problème, c'est que je ne peux l'en empêcher, pas plus que vous. Simplement en vous demandant de revenir à votre ligne de direction, c'est-à-dire la question.

M. Ciaccia: Et durant cette réunion, vous avez mentionné, je crois, aujourd'hui, que M. Boyd voulait un jugement. Il voulait avoir un jugement dans la cause et je crois qu'il avait explicité ses raisons. Vous aviez dit, je crois, qu'il voulait une arme. En tout cas, je ne vous cite pas textuellement mais juste pour donner l'idée. C'est M. Boyd qui avait dit cela.

M. Duhaime: C'est M. Boyd qui l'a dit.

M. Ciaccia: Oui, c'est M. Boyd. C'est ce que j'ai dit.

M. Duhaime: À mes questions.

M. Ciaccia: Oui. Ce n'est pas M. Boivin qui l'a dit.

Le Président (M. Jolivet): Cela va être difficile. Cela va être difficile à... Non, mais mon problème, c'est que je pense qu'actuellement il y a du monde qui se pose la question: Le temps est peut-être de l'argent, dit-on? Posez-donc vos questions et, M. le ministre, arrêtez donc de l'interrompre. Cela m'aidera énormément. Donc, M. le député, allez à vos questions.

M. Lalonde: Vous allez devoir ressortir vos martingales!

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais faire une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Duhaime: J'ai mis en garde tout à l'heure le député de Laporte contre cette tentation facile, je comprends que l'heure avance et qu'on puisse manquer de rigueur, être un peu moins sérieux, mais le député de Mont-Royal vient de mettre dans la bouche du témoin des paroles qu'a prononcées M. Boyd à la dernière question que je lui ai posée moi-même, que le jugement pour lui était une arme dans ses mains. Me Boivin n'en a jamais parlé depuis ce matin.

M. le Président, si on veut se référer aux témoignages antérieurs d'autres personnes, c'est pour cela que j'insiste pour qu'on se réfère à une page, à une date, pour que tout le monde suive et pour éviter de perdre du temps. Ce n'est pas parce que l'heure avance que ce sera le laisser-aller à cette commission parlementaire. Je pense qu'il y a un minimum de rigueur qui doit être maintenu et j'insisterais pour que ce soit fait.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, si une épée n'est pas une arme, je ne sais pas ce qu'est une épée.

Le Président (M. Jolivet): Allez donc à votre question...

M. Ciaccia: Mais non, M. le Président, je vais aller à ma question, mais je ne veux pas me faire accuser d'avoir mis...

Le Président (M. Jolivet): Vous avez raison.

M. Ciaccia: ...des paroles dans la bouche du témoin, quand c'est lui-même - je pense qu'il a levé la main, c'était un épée -il a fait référence à quelque chose comme cela.

Le Président (M. Jolivet): Je pense, oui...

M. Ciaccia: Une épée, c'est une arme. M. Bourbeau: Que le ministre retire ses

paroles.

Le Président (M. Jolivet): Allez donc, M. le député.

M. Lalonde: Que le ministre retire ses paroles ou se retire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, allez donc à vos questions.

M. Ciaccia: M. Boivin, est-ce qu'il avait été question, durant les discussions de cette réunion, que M. Boyd ait fait savoir qu'il était opposé à un tel règlement, car ce sont tous les Québécois qui vont devoir payer la note et non ceux qui ont tout saccagé? Est-ce qu'il a, durant cette discussion...

M. Boivin: Possiblement.

M. Ciaccia: À quel moment est venue la réplique du premier ministre?

M. Boivin: Au meilleur de mon souvenir - parce que ce n'est pas une réunion célèbre pour moi, je m'en souviens plus que les autres mais... - c'est qu'à un moment donné, j'ai argumenté avec M. Boyd de la façon que j'ai décrite ce matin. Si vous voulez me le faire répéter, cela me fera plaisir. C'est après cela, après la discussion entre M. Boyd et moi, que le premier ministre est intervenu je crois - d'une façon un peu plus vigoureuse.

M. Ciaccia: C'était au moment où M. Boyd...

M. Boivin: Après le moment où M. Boyd avait fait valoir ses arguments. J'avais fait valoir mes arguments, etc.

M. Ciaccia: Les arguments que tous les Québécois vont devoir payer la note et non ceux qui ont tout saccagé.

M. Boivin: Tous ceux que j'ai mentionnés ce matin, je peux les énumérer de nouveau, si vous voulez, M. le député.

M. Ciaccia: Quand avez-vous su que Me Jasmin était autorisé à négocier ou à signer un règlement hors cour?

Le Président (M. Jolivet): II n'y a qu'un problème, et le député de Laporte va certainement s'en souvenir. Parce qu'on dit: Quand avez-vous...? Il faudrait d'abord poser la question: Avez-vous appris? Je pense que cela est quand même important.

M. Ciaccia: Bon, très bien. Avez-vous appris - je présume que, lorsque je demande quand, c'est inclus...

M. Boivin: M. le Président, il faudrait distinguer pour répondre correctement à cette question. Lorsque M. Jasmin vient me voir et me donne des arguments en faveur d'un règlement hors cour... Lorsqu'on rencontre un avocat, on présume de son mandat, n'est-ce pas? On ne dit pas: Montre-moi ton mandat. Je présumais, dès les premiers instants, qu'il était autorisé à un règlement hors cour, mais je ne savais pas et je ne lui ai pas demandé s'il était autorisé à un règlement de tel ou tel montant.

M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, dès le début, vous avez présumé, puisqu'il voulait un règlement hors cour, qu'il était autorisé...

M. Boivin: C'est exact, M. le Président.

M. Ciaccia: Quand avez-vous appris que Me Beaulé avait un mandat de régler?

M. Boivin: J'ai fait le même raisonnement, M. le Président.

M. Ciaccia: Cela serait la même chose. Pour vous référer au témoignage de Me Beaulé...

M. Boivin: Je vous avoue que cela ne m'intéresse aucunement. Je ne veux pas vous interrompre du tout. Ce que je veux dire, c'est que ce n'était pas ma responsabilité. Quelqu'un vient me voir et me dit: Je veux un règlement hors cour. Je n'aurai pas l'outrecuidance de lui demander s'il a un mandat.

M. Ciaccia: Me Beaulé vous a indiqué qu'il avait reçu le mandat de représenter les Américains dans cette cause lors d'une réunion qu'il a eue avec vous vers le 26 juin 1978.

M. Boivin: C'est-à-dire que, si j'ai bien saisi son témoignage, il dit qu'il m'a informé à ce moment-là qu'il avait le mandat. C'est cela?

M. Ciaccia: Oui. Je le cite au ruban 917: II a indiqué qu'il avait reçu le mandat de représenter les Américains dans cette cause.

M. Boivin: Comme je vous l'ai dit plus tôt dans la journée, je ne me souviens aucunement de cette rencontre, mais, encore là, je ne mets pas en doute la parole de...

M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas de la rencontre, alors vous ne pouvez pas vous souvenir si c'était à cette rencontre qu'il vous a indiqué aussi qu'il avait le mandat de négocier en plus d'un mandat de

représenter...

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Ciaccia: Quand Me Jasmin ou Me Beaulé venait vous voir, ils étaient autorisés à régler hors cour.

M. Boivin: Je n'en sais rien, je l'ai présumé.

M. Ciaccia: Les discussions que vous auriez eues, auraient été dans le sens que vous présumiez qu'ils avaient le droit de régler hors cour.

M. Boivin: Exact, M. le Président. Le Président (M. Jolivet): ...

M. Ciaccia: Objection? Il vient de dire: Exact. Il vient de répondre. Il a dit: Exact.

M. Boivin: Quelquefois, c'est plus vite, M. le Président. Je ne me mêle pas de mes affaires, par exemple, je devrais peut-être attendre que vous décidiez.

M. Ciaccia: Non, c'est correct.

Le Président (M. Jolivet): Non, mais mon seul problème, M. le député de Mont-Royal, c'est que je me suis fait avoir comme cela la semaine dernière.

M. Ciaccia: C'est toujours plus facile, Me Boivin, quand on ne fait que répondre, qu'on donne des réponses franches et claires...

Le Président (M. Jolivet): Allez.

M. Ciaccia: Cela évite beaucoup de questions de règlement et d'ambiguïtés.

M. Boivin: Je vous remercie de qualifier mes réponses de franches, M. le député.

M. Ciaccia: La dernière que vous m'avez donnée, oui.

M. Tremblay: Si les questions étaient plus franches cela irait encore plus vite.

M. Ciaccia: Non, j'ai dit: Quand on les donne claires et franches comme vous l'avez fait à la dernière question que je vous ai posée, cela va toujours beaucoup mieux.

M. Lalonde: Le compliment est un peu réduit.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le député?

M. Ciaccia: J'ai beaucoup d'autres questions...

Le Président (M. Jolivet): Allez.

M. Ciaccia: ...mais il ne me reste que quinze minutes ce soir et j'essaie de déterminer lesquelles je dois poser dans les quinze minutes.

Le Président (M. Jolivet): Allez, je voulais simplement m'assurer.

M. Ciaccia: Vous avez mentionné dans votre déclaration, au début, que vous avez reçu un appel téléphonique de M. Louis Laberge à l'automne 1978. Est-ce que vous pourriez nous dire quel était... En plus de ce que vous aviez spécifié ici, vous dites: Je ne saurais préciser la date, mais il me semble que ce fut peu de temps avant ma première rencontre avec Me Michel Jasmin le 4 décembre. M. Laberge apporta comme argument que la SEBJ devait régler la cause hors cour. Est-ce que vous pourriez nous donner plus de détails sur ce que M. Laberge vous a dit?

M. Boivin: M. le Président, si je me suis exprimé de façon assez vague - comme vous voyez, il a énuméré certains arguments au soutien de sa prétention - c'est que je ne me souvenais pas précisément lorsque j'ai rédigé cette déclaration et maintenant au moment où je témoigne des arguments que M. Laberge a pu faire valoir à ce moment-là: Je pourrais vous les dire mais cela serait de la reconstitution. Je pourrais les imaginer mais ce n'est pas cela que vous voulez savoir.

M. Ciaccia: Non, on ne veut pas reconstituer le dossier. On veut savoir ce qui s'est produit, ce qui est arrivé. Est-ce qu'il vous a mentionné un montant?

M. Boivin: II n'a jamais été question de montant avec qui que ce soit.

M. Ciaccia: Alors, est-ce qu'il voulait strictement que la cause soit retirée et qu'il y ait un règlement pur et simple? (21 h 45)

M. Boivin: Ce que je peux me rappeler, c'est qu'il voulait un règlement hors cour. Il m'a dit: Me Jasmin vous demandera un rendez-vous et il vous l'expliquera plus longuement.

M. Ciaccia: II ne vous a pas indiqué en quels termes il voulait ce règlement hors cour?

M. Boivin: Non, jamais.

M. Ciaccia: Si cela était de retirer la

cause purement et simplement? M. Boivin: Non, monsieur.

M. Ciaccia: Rien du tout, seulement un règlement hors cour comme cela?

M. Boivin: Je ne sais pas s'il a employé l'expression "règlement hors cour", c'est moi qui l'emploie parce que je suis avocat mais lui, est-ce qu'il connaît l'expression, est-ce qu'il l'a utilisée? Enfin, ce que je comprenais, c'était de ne pas se rendre en procès et de régler la cause.

M. Ciaccia: Alors, il n'y a pas eu de montant, il n'y a pas eu de modalité, sur quel terme ou condition, juste un règlement?

M. Boivin: C'était très vague, vous savez, M. Laberge m'a peut-être appelé, la conversation a duré, je vais vous dire cela, deux, trois ou quatre minutes.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il vous a appelé plus d'une fois?

M. Boivin: À mon souvenir, pour ce sujet, il m'a appelé seulement une fois. Il faut que je sois délicat dans mes réponses parce que M. Laberge pouvait me parler d'autre chose parfois; alors, mon souvenir concernant cette affaire, c'est une fois.

M. Ciaccia: Vous avez mentionné que Me Jasmin vous avait donné certains arguments, en faveur de son point de vue, pour un règlement hors cour. Je pense que vous avez mentionné aujourd'hui qu'à l'argument de la paix sociale, vous ne portiez pas trop attention parce que cela aurait pu être une autre forme de chantage. Ce n'était pas une considération principale dans votre esprit.

M. Boivin: Exact, M. le Président.

M. Ciaccia: D'accord. Vous avez aussi mentionné...

M. Boivin: Pour moi.

M. Ciaccia: Oui, oui, je parle pour vous. Vous avez aussi mentionné la question de responsabilité. Il y avait la responsabilité, ce n'était pas la même chose avec les syndicats américains, mais les clients de Me Jasmin étaient légalement responsables.

M. Boivin: À mon opinion.

M. Ciaccia: À votre opinion, toujours à votre opinion. La raison principale qui vous a frappée le plus dans la position de Me Jasmin, si je comprends bien, c'était l'incapacité de payer de ses clients. C'était une des considérations principales.

M. Boivin: Exact, M. le Président.

M. Ciaccia: Comment en êtes-vous venu à cette conclusion? Vous avez admis que c'était une des raisons, comment avez-vous accepté cette conclusion?

M. Boivin: C'était un peu au conditionnel, comme je me suis exprimé ce matin, aujourd'hui je veux dire. Quand j'ai rencontré M. Laliberté, j'ai dit: II m'apparaît évident, sans être un grand connaisseur - et je n'avais pas demandé à ce moment-là, lors de ma rencontre avec M. Laliberté le 3 janvier, je n'avais pas demandé à ce moment-là ni à aucun autre moment d'ailleurs, d'états financiers ou de bilan ou quoi que ce soit à Me Jasmin. Alors, j'ai dit à M. Laliberté: II m'apparaît évident qu'un syndicat local ne peut pas payer un montant qui est d'un ordre de grandeur ressemblant à un jugement possible. Je ne savais pas - je ne sais pas encore aujourd'hui quel aurait été le jugement mais je lui ai dit cela. Et j'ai dit: Bien sûr, il vous appartiendra de vérifier si c'est exact, cette incapacité de payer.

M. Ciaccia: Avez-vous demandé les états financiers de...

M. Boivin: Non, je viens de le dire: jamais. Parce que j'ai confié ce soin - cela ne m'appartient pas tellement, cela fait partie de la négociation - à la SEBJ.

M. Ciaccia: Je vais essayer de comprendre...

M. Boivin: Ce que je veux dire, M. le Président, si vous le permettez...

M. Ciaccia: Oui, oui.

M. Boivin: Si, par hypothèse - on raisonne par hypothèse - ce syndicat avait eu en banque 2 000 000 $, peut-être aurait-il fallu lui faire payer plus cher le règlement que s'il en avait eu 2000 $. Cela appartient vraiment à la négociation. Cela appartient à la SEBJ de s'enquérir de ces choses qui ont une influence directe sur le règlement.

M. Ciaccia: Mais, je voudrais comprendre comment vous acceptez... Vous m'avez dit, je pense - vous avez dit à cette commission - que l'argument qui frappait votre opinion, c'était l'incapacité de payer. Bon! Sur quoi vous basiez-vous pour dire que ces syndicats étaient incapables de payer?

M. Boivin: M. Jasmin me l'affirme et c'est un syndicat local. Sans être un grand connaisseur, un syndicat local ne peut pas avoir et n'a pas, généralement, de fonds

suffisants pour payer des montants de l'ordre de ceux dont on parlait. Mais, j'ai dit - cela me semble élémentaire, mais je pense que si je ne l'avais pas dit, j'imagine que la SEBJ l'aurait fait quand même; ils n'ont pas besoin de mes grands conseils pour savoir comment régler une cause - je leur ai dit: Bien sûr, il vous appartiendra de vérifier cette allégation de M. Jasmin.

M. Ciaccia: Mais quand vous dites: M. Jasmin me l'affirme, est-ce que vous lui avez demandé de vous justifier cette affirmation?

M. Boivin: Non, M. le Président, c'est ce que je viens de dire.

M. Ciaccia: Vous n'avez pas demandé de vérifier?

M. Boivin: Non.

M. Ciaccia: Vous n'avez pas demandé vous-même à voir les états financiers?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Ciaccia: Mais vous étiez convaincu qu'ils étaient incapables de payer?

M. Boivin: Je n'étais pas convaincu, j'étais porté à croire son affirmation à cause des raisons que je viens de vous donner. Et je me disais que cela ne porterait pas à grande conséquence, puisque la SEBJ le vérifierait.

M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, Me Jasmin ne vous a jamais donné de document, ne vous a jamais montré aucun état financier pour vous convaincre de l'incapacité de payer de ses clients?

M. Boivin: Exact, M. le Président.

M. Ciaccia: Est-ce que vous saviez ou est-ce que quelqu'un vous a informé ou vous a communiqué certaines informations: à savoir que le client de M. Jasmin, les clients, les défendeurs: pas les défendeurs américains, les défendeurs québécois, étaient en mesure de payer 3 000 000 $ sur une base de trois ans, sans affecter les services que les syndicats pouvaient ou devaient donner à leurs syndiqués. Autrement dit, sans affecter leur fonctionnement ils étaient en mesure de payer 3 000 000 $ sur une période de trois ans.

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Ciaccia: Personne ne vous a jamais communiqué cette information?

M. Boivin: Exact.

M. Ciaccia: Et vous n'avez jamais... Y a-t-il quelque chose que le ministre...

Le Président (M. Jolivet): Je ne vous ai pas dérangé.

M. Ciaccia: Non, pas vous, mais le ministre.

M. Duhaime: Si vous voulez avoir une suspension pour refaire vos forces, on peut vous la donner. Cela commence à être pesant, à mon avis.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:

M. Lalonde: Une autre saute d'humeur.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, s'il vous plaît:

M. Ciaccia: II se peut, M. le Président, que mes questions ne plaisent pas au ministre, mais ce sont mes questions.

M. Duhaime: C'est le ton que je n'aime pas.

Le Président (M. Jolivet): Oui. M. Ciaccia: Ahl Le ton non plus...

M. Bourbeau: II le trouve trop agressif...

Le Président (M. Jolivet): Allez donc, M. le député de Mont-Royal. Continuez!

M. Rodrigue: II manque de vigueur, comme définition.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! II reste cinq minutes.

M. Ciaccia: Alors, M. Boivin, vous dites que vous êtes le chef de cabinet du premier ministre. Mes Jasmin et Beaulé viennent vous faire des représentations et, spécialement Me Jasmin. Il invoque un argument quant à l'incapacité de payer. Pour vous personnellement, vous l'affirmez encore aujourd'hui, c'était une des considérations majeures. Vous dites à la page 2: J'en suis venu à la conclusion qu'il devait y avoir un règlement hors cour, pour les raisons suivantes: a) - vous la mettez en premier -l'incapacité évidente des syndicats québécois défendeurs de payer. Mais, vous n'êtes pas capable de me donner une information, ce soir, sur cette incapacité évidente. Comment avez-vous pu faire cette affirmation? Quelles informations aviez-vous? Quelle documentation aviez-vous que les syndicats québécois étaient incapables de payer?

M. Boivin: Même si je me forçais, je ne serais pas capable de donner une réponse plus complète. Elle est peut-être insatisfaisante pour vous, mais elle est plus complète que celle que je vous ai donnée tantôt.

M. Ciaccia: Non, la réponse est complète. Elle est claire. Elle est très claire cette réponse.

Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas, M. le député, allez donc aux autres questions, parce que vous allez certainement en arriver à ce que vous avez le droit de faire à la fin, soit de tirer vos conclusions.

M. Ciaccia: Non, avant de tirer des conclusions, M. le Président, je demande au témoin comment il en est venu à cette conclusion.

Le Président (M. Jolivet): II vient de vous donner une réponse indiquant que même si vous le questionnez, cela ne sera certainement pas satisfaisant comme réponse puisque la seule réponse qu'il peut vous donner, c'est celle qu'il vous a donnée depuis longtemps. Allez à une autre question.

M. Ciaccia: Pour continuer dans mes questions, si je comprends bien, vous en êtes venu à cette conclusion sans avoir d'information devant vous?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Je fais une question de règlement parce que, là vraiment, il y a une conclusion très nette qui est incluse dans la question. Il me semble qu'elle est irrecevable. De la façon dont la question a été posée, elle contient une conclusion. Il me semble que c'est tout à fait irrecevable.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que d'une façon ou d'une autre, le député de Mont-Royal a posé une question. Il est évident qu'elle contient, comme on dit, des suggestions. Il est évident qu'elle n'est pas recevable de la façon dont elle a été posée. Oui. M. le ministre

M. Duhaime: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question au député de Mont-Royal?

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Duhaime: Je veux juste savoir s'il en a encore pour cinq minutes ou pour une heure et cinq minutes, parce que j'allais lui proposer que nous pourrions prolonger notre séance jusqu'à 23 heures. Mais s'il en a pour cinq minutes, je pourrais peut-être lui suggérer d'aller un peu plus vite.

Le Président (M. Jolivet): Oui. Le problème que j'ai, c'est qu'il y a une question qui est posée au député de Mont-Royal. Je vais lui demander d'y répondre.

M. Lalonde: Non, M. le Président, c'est une question irrecevable.

M. Ciaccia: Complètement irrecevable.

M. Lalonde: Qui est remplie d'opinions et d'insinuations.

Le Président (M. Jolivet): Tout ce que je veux dire, c'est: M. le député, vous avez le droit de parole, allez donc à vos questions. Mais ne revenez pas sur la même question, on l'avait réglée.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas encore me faire dire des choses que je n'ai pas dites, me faire accuser de poser des questions irrecevables. Je n'ai pas posé une question suggestive, j'ai fait une constatation d'après les réponses que Me Boivin m'a données. Je lui ai demandé, alors, s'il est exact qu'il en est venu à la conclusion que les syndicats ne pouvaient pas payer, sans avoir aucun état financier, sans avoir aucune documentation, sans avoir aucune preuve devant lui pour en arriver à cette conclusion. C'est la seule question que j'ai posée, c'est une constatation d'après les réponses que Me Boivin m'a données.

M. Rodrigue: Donc, c'est une conclusion que vous tirez.

Le Président (M. Jolivet): À partir d'une conclusion, il pose une question. C'est mon malheur dans les circonstances. Il tire une conclusion personnelle et demande ensuite à l'invité de répondre. Ce n'est pas admis de la poser de cette façon.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement...

Le Président (M. Jolivet): Oui, allez-y donc.

M. Lalonde: ...je pense que j'ai bien compris la dernière question du député de Mont-Royal: Est-il exact que vous êtes venu à la conclusion que les syndicats canadiens ou québécois n'étaient pas capables de payer, sans avoir pris connaissance d'aucun document, d'aucun état financier. Je pense que la question est tout à fait recevable. Est-ce que c'est exact? Oui ou non?

M. Boivin: Je répondrai à la dernière question du député de Marguerite-Bourgeoys. C'est exact mais ce n'est pas la même

question que celle du député de Mont-Royal.

M. Duhaime: II n'a pas le droit de parole, M. le Président.

M. Ciaccia: C'est pire.

M. Boivin: Mais je réponds: exact à la question telle que formulée par le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je m'excuse, je n'ai pas le droit de poser de question.

Le Président (M. Jolivet): Oui, j'ai bien vu, d'une façon ou d'une autre, que le problème qu'on a, avec nos questions de règlement, est de peut-être suggérer la façon dont la question doit être posée.

M. Lalonde: C'est comme cela que j'ai compris la question.

Le Président (M. Jolivet): Oui mais compte tenu du temps, je vais ajourner nos travaux à mardi 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 59)

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