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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Friday, June 3, 1983 - Vol. 27 N° 82

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Onze heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Vaillancourt (Jonquière), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Marquis (Matapédia), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), M. Perron (Duplessis), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Tremblay (Chambly), M. Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Au moment où nous nous sommes quittés, vers 22 heures hier soir, c'était toujours M. le premier ministre qui était questionné par le député de Portneuf à qui je vais donner la parole. Nous travaillerons de maintenant jusqu'à 13 heures, de 15 heures jusqu'à 18 heures et de 20 heures jusqu'à 24 heures, à moins qu'il n'y ait d'autres ententes qui interviennent en cours de route.

M. le député de Portneuf.

Interrogatoire du premier ministre (suite)

M. Pagé: Merci, M. le Président. Vous vous souviendrez qu'hier soir j'avais amorcé une série de questions dont j'ai seulement quelques-unes, ce matin, qui portent sur le même sujet, à poser à l'honorable premier ministre. Ces questions étaient principalement orientées sur la capacité de payer des syndicats si un règlement hors cour était intervenu pour un montant plus substantiel que 300 000 $. J'avais fait allusion plus spécifiquement à la possibilité d'un règlement hors cour pour une somme de 6 000 000 $.

M. le Président, pour bien se situer dans le contexte, avant d'en arriver à ma question suivante, le premier ministre me permettra certainement de me référer brièvement au texte de la commission parlementaire d'hier soir en tentant de reprendre le plus fidèlement possible l'essentiel de l'échange que nous avons eu.

M. le premier ministre, vous dites, à 21 h 20, au ruban 1764, sur quoi vous vous êtes appuyé pour fonder votre avis et ainsi décider de recommander un règlement: "Je crois que, normalement, cela a dû venir essentiellement des nouvelles et des faits qu'on pouvait obtenir, enfin, au moins en consultation. C'est probablement chez Me Boivin que cela a eu lieu. En ce qui concernait la capacité de payer des syndicats, ce sont leurs procureurs qui étaient les mieux placés pour en parler." Un peu plus tard, à 21 h 30, au ruban 1766, à la page 1, je vous demande: "Dois-je comprendre, M. le premier ministre, que, pour vous forger une opinion sur la capacité de payer des syndicats, vous vous êtes limité à l'opinion émise par votre chef de cabinet, Me Jean-Roch Boivin, lequel s'appuyait sur des commentaires des deux procureurs des défendeurs, Me Jasmin et Me Beaulé?" C'est la question que je vous ai formulée. Maintenant, votre réponse était: "M. Pagé, autant que je m'en souvienne, c'était essentiellement cela, sauf que vous devriez peut-être ajouter qu'on a eu la prudence, parce que tout cela restait une décision à prendre et que c'était notre conviction, qu'on avait bâtie à même les moyens du bord, que des sommes comme celles-là étaient absolument hors de portée par rapport aux syndicats québécois..."

Enfin - je termine là-dessus - un peu plus loin, à la page 2, vous dites: "Notre opinion était faite que ces sommes, d'après une sorte de commune renommée qui nous était parvenue - ne me demandez pas exactement les détails de cet aspect de notre opinion - étaient invraisemblables en ce qui concernait les syndicats québécois impliqués. Et, parce que ce n'était pas à nous de finaliser une opinion là-dessus, on leur a demandé prudemment - je pense que c'est à M. Laliberté - de prendre leurs responsabilités d'administrateurs".

M. le Président, je pose la question suivante au premier ministre. Me Boivin, dans la réunion qu'il a eue le 3 janvier avec M. Laliberté, a indiqué à celui-ci l'avis et l'opinion du premier ministre qui étaient de régler hors cour et celui-ci s'est engagé à les soumettre à son conseil d'administration. Il appert, d'après le registre, cependant, que neuf jours après cette rencontre du 3 janvier, où Me Boivin dit: Le premier ministre veut et a l'opinion que cela doit se régler hors cour, le 12 janvier, Me Michel Jasmin, avocat de la FTQ, se rend au bureau de Me Jean-Roch Boivin. C'est confirmé par le registre.

Mes collègues ont posé des questions à votre chef de cabinet lorsqu'il nous a fait l'honneur de venir témoigner ici. Je cite le ruban 1415 à la page 1: "Me Jasmin était tellement nerveux qu'il était sûr que le 12 janvier..." Votre chef de cabinet lui a dit: "Énerve-toi pas, j'ai transmis à M. Laliberté une recommandation favorable du premier ministre envers un règlement hors cour". À quel moment avez-vous appris que votre chef de cabinet, après avoir rencontré la SEBJ pour lui dire que l'intention du premier ministre était de régler, s'est retourné et a rencontré subséquemment le procureur des syndicats en lui disant: "Énerve-toi pas, j'ai transmis à M. Laliberté une recommandation favorable du premier ministre envers un règlement hors cour"? À quel moment avez-vous appris cela, M. le premier ministre?

M. Lévesque (Taillon): Je n'ai pas la moindre idée et je n'en vois pas, non plus, la pertinence. L'expression "Enerve-toi pas" adressée à Me Jasmin, aujourd'hui le juge Jasmin, je pense qu'il suffit de l'avoir vu ici à la commission, comme on l'a vu dans la vie assez souvent, pour savoir que ce ne sont pas des termes inutiles, parce que c'est un homme qui a une conscience professionnelle très poussée, mais très stressée aussi. Ce qui explique, d'ailleurs, une bonne partie, je pense, des visites qu'il a eues en janvier et février à nos bureaux, c'est qu'il est possédé par ses affaires.

À partir du moment où c'était rendu à la Société d'énergie de la Baie James, je ne vois pas ce que cela peut compliquer dans le paysage que d'avoir appris - ce qui était loin d'être une décision - qu'une opinion, une recommandation avait été transmise. Je ne vois rien là.

M. Pagé: M. le premier ministre, ne croyez-vous pas que votre chef de cabinet, en indiquant au procureur des défendeurs que votre recommandation était de régler hors cour, en lui indiquant, par surcroît, que le règlement hors cour devait faire l'objet de rencontres avec la SEBJ, pavait la voie et assurait aux syndicats qu'ils pouvaient offrir des montants très minimes, très limités parce que, de toute façon, la commande avait été passée à la SEBJ d'abandonner les poursuites?

M. Lévesque (Taillon): La commande. J'aime beaucoup cette façon insidieuse de traduire les faits.

M. Pagé: Ce n'est pas insidieux, M. le premier ministre. Quand on dit: Vous réglez parce que, si vous ne réglez pas, on va régler, c'est une méchante commande!

M. Lévesque (Taillon): De la façon...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député.

M. Lalonde: Le témoin se permet des commentaires.

M. Lévesque (Taillon): De la façon dont on veut qu'ils soient interprétés, je comprends que cela est dans la "game", mais il reste que ce n'était pas une commande; c'était très essentiellement... Sous serment, des gens extraordinairement compétents et responsables, qui étaient les administrateurs, la plupart, de l'époque d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James, ont confirmé ici qu'il n'y avait pas eu de pressions additionnelles, seulement une recommandation et qu'ils se sentaient parfaitement libres de prendre leur décision. Un point, c'est tout, là-dessus.

Quand vous citez la réponse de Me Boivin, vous pourriez peut-être - c'est vrai que, pour gagner du temps, peut-être qu'on ne se sent pas obligé de le faire - au ruban 1415, le bout où M. Lalonde, le député de Marguerite-Bourgeoys, pose la question: "Lors des réunions du 12 janvier, avec Me Jasmin, du 15 janvier, avec Me Beaulé, du 16 janvier, avec Me Jasmin, du 19 janvier, avec Mes Jasmin et Beaulé, est-ce que vous leur avez fait savoir que, le 3 janvier, vous aviez déjà exprimé le souhait du premier ministre auprès du président de la SEBJ, à savoir qu'il fallait, ou enfin que son souhait était -la question est plus prudente - celui d'un règlement ou que la cause soit abandonnée et se termine par un règlement hors cour?" Et Me Boivin répondait ceci, dont vous avez cité une partie: "Cela, je ne m'en souviens pas, mais j'ai le droit de faire de la reconstitution. M. Jasmin était tellement nerveux - enfin, cela correspond un peu à ce que je crois aussi - que je suis sûr que, le 12 janvier, je lui ai dit: Enerve-toi pas, j'ai transmis à M. Laliberté une recommandation favorable du premier ministre envers un règlement hors cour." Et M. Boivin enchaîne: "Parce qu'il serait absolument illogique qu'il vienne me voir tout le temps et que je ne dise pas quelle est la position du bureau du premier ministre sur cette affaire que j'ai

étudiée pendant le mois de décembre." Je pense que c'est parfaitement cohérent, parfaitement logique et que cela n'a pas plus d'importance que cela dans le déroulement des événements.

M. Pagé: M. le premier ministre... M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Pagé: ...après que votre chef de cabinet eut indiqué au procureur des défendeurs de ne pas s'inquiéter, que vous aviez recommandé un règlement hors cour, croyez-vous sincèrement que la SEBJ aurait pu régler pour un montant plus substantiel que 300 000 $?

M. Lévesque (Taillon): C'est évident.

M. Pagé: C'est évident.

M. Lévesque (Taillon): C'est évident.

M. Pagé: Bien oui. Vous croyez cela sincèrement? (17 h 45)

M. Lévesque (Taillon): Sans aller nécessairement jusqu'à vos savants calculs sur les 6 000 000 $ en doublant les cotisations des travailleurs qui n'étaient pas responsables.

M. Pagé: On y reviendra tantôt.

M. Lévesque (Taillon): Mais, je l'ai dit, d'ailleurs, dans ma déclaration, j'ai même été surpris qu'ils n'aillent pas chercher, au moins, l'équivalent des frais judiciaires déjà engagés ou enfin, des dépenses. Enfin, comme c'étaient eux qui administraient et qu'on ne voulait pas se mêler de cette négociation, pour la nième fois, je le répète, je considère qu'ils ont du, comme des gens responsables, comme de bons administrateurs compétents, faire tout ce qu'il fallait d'études de la question pour arriver à ce qui leur semblait le meilleur règlement possible. Un point, c'est tout, encore une fois.

M. Pagé: Quand je fais référence à la rencontre entre Me Boivin et M. Claude Laliberté, le 3 janvier, et que j'utilise le terme "commande", vous dites que ce n'était pas une commande. Vous allez, tout de même, convenir avec moi que, même si ce n'était pas une commande selon vous, la marchandise a quand même été livrée.

M. Lévesque (Taillon): Après des négociations, des études d'évaluation de la capacité de payer que vous avez eues devant cette commission, les administrateurs de la SEBJ, d'Hydro-Québec, dont c'était la responsabilité - on ne voulait pas s'ingérer là-dedans - ont fait le règlement qui leur paraissait indiqué.

M. Pagé: Quand j'ai fait référence hier - et ce sera ma dernière question avant d'émettre un commentaire, M. le Président -à la capacité de payer des syndicats et que j'ai parlé de la possibilité que, premièrement, la FTQ Construction double ses cotisations syndicales pour une période de sept mois de façon à verser un montant de 6 000 000 $, ce qui aurait amené les travailleurs, membres de ce syndicat et de ce groupe de la FTQ-Construction, à contribuer pour 19 $ par mois pendant sept mois, vous m'avez indiqué et vous avez répété en cela ce que vous aviez formulé dans votre mémoire que c'était, pour vous, profondément injuste. À la lumière des actes posés par le gouvernement, à titre d'exemple, l'adoption de la loi 105 où votre gouvernement a coupé les salaires de milliers de travailleurs de 20% par année, en supposant qu'ils étaient, eux aussi, responsables de la crise, trouvez-vous encore qu'un règlement hors cour de 6 000 000 $, demandant aux membres de la FTQ de contribuer pour un montant de 19 $ ou 20 $ par mois pendant sept mois, était si profondément injuste, M. le premier ministre?

M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président. Je voudrais d'abord, avant de faire une très brève réponse à la question elle-même, reprendre ce que vient de dire le député de Portneuf. Là encore, il y a une espèce de laxisme qui est très grave dans la façon dont il pose sa question. Après avoir coupé les salaires des gens de 20% par année, je vous ferai remarquer que les coupures ont été de 20% sur trois mois au maximum, ce qui fait 5% par année, au maximum.

M. Pagé: Par travailleur.

M. Lévesque (Taillon): Grâce au soin que le gouvernement a pris unilatéralement, parce qu'on ne pouvait pas avoir d'accord là-dessus, des milliers et des milliers de travailleurs du secteur public, qui ont les plus petits salaires ou qui ont des salaires modestes, si on veut, ont été, soit complètement, pour des milliers d'entre eux, ou en grande partie protégés contre cette récupération salariale. Il me semble, quand on veut être vraiment honnête, que ce sont des faits qui sont importants, quels que soient les quanta que cela pouvait représenter pour celui-ci ou celui-là.

Deuxièmement, je ne crois pas qu'il y ait de commune mesure entre la récupération, longuement annoncée à l'avance et qui était ouverte à certaines négociations si la partie syndicale l'avait voulu - une récupération, dis-je, d'augmentations qui, dans le contexte de la crise, nous

paraissaient absolument exagérées, exorbitantes, bien que tout le monde ait signé cela de bonne foi en 1979 - et de simples travailleurs de la construction sur des chantiers lointains ou dans des syndicats qui n'étaient, ni de près ni de loin, mêlés à cela, qui s'étaient faits manipuler par une bande, une "gang" de bandits, soigneusement tolérés à ce moment-là sur les chantiers et un peu partout dans les organismes de la construction. Cela, c'est une injustice. L'autre, non. Chacun son opinion.

M. Pagé: Chacun son?

M. Lévesque (Taillon): Son opinion.

M. Pagé: Question d'opinion. M. le Président, j'ai complété mes questions. Je vais faire un bref commentaire au premier ministre plus particulièrement et aux autres membres de cette commission.

Nous avons référé à plusieurs reprises, ici, autour de cette table, à la possibilité que le gouvernement aurait eue de prendre les moyens et de placer les jeux sur l'échiquier de façon que la Société d'énergie de la Baie James puisse obtenir - et, par conséquent, l'ensemble de la population du Québec, l'ensemble des citoyens du Québec qui paient des taxes indirectes à Hydro-Québec pour leur installation et leur équipement - un montant beaucoup plus substantiel. Essentiellement, si le règlement hors cour avait fait en sorte que la SEBJ obtienne un montant substantiel, probablement qu'on n'aurait pas été ici aujourd'hui parce que le premier ministre aurait été plus clair et n'aurait pas escamoté de sujets, possiblement, dans la réponse qu'il a donnée le 20 février. De tout cela, des questions qu'on a posées ici, des questions qu'on a posées au premier ministre hier, les déclarations de celui-ci, il apparaît que le bureau du premier ministre, plus particulièrement son chef de cabinet, M. Boivin, par le contact qu'il a eu avec M. Laberge à la fin de l'année 1978, par la rencontre qu'il a eue avec M. Gauthier, M. Laferrière etc., tous les échanges... La rencontre du 3 janvier, qui est bien importante, évidemment, entre M. Boivin et M. Laliberté, comme l'a indiqué le leader de l'Opposition hier, a véritablement été le démarreur de la mise à exécution du règlement hors cour, cette rencontre du 3 janvier où Me Boivin indique à M. Laliberté la commande, l'avis - peu importe comment on appelle cela - que le premier ministre veut que cela se règle hors cour. Le démarreur, Jean-Roch Boivin du bureau du premier ministre. Ce n'est pas le dernier venu, c'est votre bras droit, M. le premier ministre, c'est votre chef de cabinet, le chef de cabinet du premier citoyen du Québec. Par la suite, mes collègues ont démontré clairement - et cela a été souventefois l'objet de questions ici - que le catalyseur du règlement aura été finalement le bureau du premier ministre: des téléphones, des visites, des échanges, des rencontres d'avocats, etc.

L'aspect de la responsabilité des syndicats a été un élément principal sur lequel les membres de cette commission, du côté de la majorité, plus particulièrement le ministre de l'Énergie et des Ressources, le premier ministre, Me Boivin, votre chef de cabinet, ont insisté. La notion de responsabilité a été discutée longuement, abordée, analysée, scrutée au bureau du premier ministre. Votre bureau a servi de catalyseur à ce règlement.

Enfin, pour l'autre aspect que j'ai eu l'occasion de regarder plus spécifiquement, la capacité de payer des syndicats, le produit du règlement hors cour intervenu, le montant obtenu par la SEBJ, votre bureau a agi comme frein de secours en ce qu'il est assurément venu au secours de la FTQ en faisant en sorte que la SEBJ ne puisse obtenir un montant plus substantiel que 300 000 $.

Je dois, M. le Président, ce matin - je vais le faire bien calmement, de la façon la plus calme et la plus sereine - vous exprimer ma surprise, d'une part, et, d'autre part, ma déception à l'égard du premier ministre du Québec. Ma surprise parce que, dans son mémoire, il nous indique que, comme premier citoyen du Québec, il se devait de voir aux intérêts de la paix sociale et des travailleurs et qu'en aucun moment dans ce document on ne réfère ou on ne sent - cela ne transpire pas, en tout cas, des réponses du premier ministre - que l'intérêt des Québécois et des Québécoises a primé. Déçu que le premier ministre, comme il l'a confirmé, n'ait pas pris les moyens qui étaient à sa disposition -ils étaient là ces moyens - pour voir et véritablement tester la capacité de payer des syndicats.

Vous avez préféré vous référer aux opinions émises par votre chef de cabinet, M. Boivin. Vous avez préféré vous référer à du ouï-dire, aux indications retransmises par votre chef de cabinet, mais formulées par vos amis, MM. Beaulé et Jasmin. Vous me confirmez hier, dans les réponses que vous me donnez, qu'en aucun moment vous ne vous êtes enquis auprès du ministre du Travail de l'époque, M. Pierre-Marc Johnson, de la capacité de payer ou non des syndicats. En aucun moment vous n'avez référé à des documents publics, officiels et qui sont sous votre responsabilité de chef du gouvernement, à l'Office de la construction du Québec.

Je dois dire, M. le Président, que je retiens du témoignage du premier ministre qu'il apparaît très certainement que le premier ministre, lui, a livré la marchandise.

II a livré la marchandise que lui avait demandée son bon ami, le président de la FTQ-Construction à la fin de l'année 1978. Essentiellement, ce sont les Québécois et les Québécoises qui ont à payer le prix de ce règlement hors cour de 300 000 $ pour une réclamation de 32 000 000 $ pour laquelle M. Boyd, membre du conseil d'administration et qui a une longue expérience dans ces secteurs, assurait, lorsqu'il est venu témoigner, à la suite d'avis auxquels vous pourrez référer, M. le premier ministre, dans la volumineuse documentation qui a été déposée ici, qu'il aurait été possible d'aller chercher 17 000 000 $ ou 18 000 000 $. La commande que vous a demandé de livrer la FTQ a été livrée, sauf que vous n'avez pas démontré plus de rigueur dans la vérification de la capacité de payer des syndicats.

Aussi, vous alléguez tout le temps la justice. Permettez-moi, M. le Président, de mettre cela en doute et d'exprimer des réserves à cet égard. Comment peut-on accepter que le premier ministre nous dise qu'il était profondément injuste pour les membres de ces syndicats de payer alors que lui-même vient de faire supporter par des milliers de travailleurs des secteurs public et parapublic le prix d'une crise que ceux-là n'ont pas nécessairement provoquée?

Je me permets, d'ailleurs, de vous dire que je ne suis pas surpris que le premier ministre ait, hier, dans son mémoire, fait part de sa surprise du montant du règlement. Je comprends que vous ayez été un peu surpris parce que, d'une part, 300 000 $, ce n'est pas beaucoup. D'autre part, comment concilier cet énoncé d'incapacité de payer alors qu'il y a quelques semaines M. Louis Laberge vous offrait la constitution d'un fonds en vertu duquel les travailleurs pourraient participer pour un montant de 150 000 000 $ d'ici deux ans? 17 000 000 $, c'est impensable, c'est injuste, c'est inacceptable. Ce même syndicat, l'an dernier, joignait sa voix à celle du gouvernement dans le cadre du programme Corvée-habitation avec une participation de plusieurs millions de dollars. Ce même syndicat participait à un groupe qui, au début de l'année 1983, était disponible pour vous prêter 521 000 000 $ pour vous dépanner. Aujourd'hui, vous dites: Cela aurait été profondément injuste car ces gens-là étaient incapables de payer. Vous vous êtes appuyé sur du ouï-dire, sur des commentaires, sur des bruits qui couraient. Là, je n'exagère pas, c'est vous qui l'avez dit, hier.

J'en conclus donc, M. le premier ministre - et, à cet égard, je vous prierais de prendre acte de mon reproche et je le fais bien modestement, bien franchement, de façon bien réservée - que les Québécois et les Québécoises ont eu à payer le prix du fait que vous avez démarré le règlement hors cour dans votre bureau par Jean-Roch Boivin, du fait que votre bureau a agi comme catalyseur dans ce règlement hors cour, du fait que votre bureau, par des assurances et par des "énerve-toi pas" que vous avez donnés aux avocats des syndicats, a agi comme frein de secours pour la FTQ. Je retiens que vous avez fait passer l'intérêt de la Fédération des travailleurs du Québec, de la FTQ, avant l'intérêt des Québécois et des Québécoises dans ce règlement dans l'énoncé, les décisions et les opinions que vous avez émis.

Je soutiens même que vous avez fait passer l'intérêt du Parti québécois avant l'intérêt des Québécois, des Québécoises et de la société qui a à payer la note et le prix de cela, parce qu'il y avait un référendum qui s'en venait, parce que la FTQ vous avait appuyés en 1976, parce que vous escomptiez et que vous aviez besoin à ce moment-là d'avoir l'appui de la FTQ au moment du référendum. C'est le prix que la société et le Québec ont à payer aujourd'hui. Cela n'a coûté que 30 000 000 $, cette politique de petits becs entre votre gouvernement, dont vous êtes le chef et la Fédération des travailleurs du Québec. (12 heures)

Je terminerai. C'était là l'essentiel des commentaires que j'avais à formuler ce matin. J'ai un dernier commentaire à faire au premier ministre. Je vais le faire bien sereinement, sans agressivité. Je dois dire que j'ai été un peu surpris, là aussi, de voir le malin plaisir, quoique c'était timidement exprimé, j'en conviens, que vous avez manifesté hier, lors du dépôt de votre commentaire, en faisant référence à des événements qui étaient survenus et qui sont cités au rapport Cliche concernant l'activité de certaines personnes, qualifiées de bandits par le rapport Cliche. Vous les avez repris, en faisant référence à leurs activités ou au fait qu'elles aient voté libéral ou appuyé le Parti libéral du Québec. M. le premier ministre, vous savez, il ne faut pas pécher par association. Ce n'est pas parce qu'un bandit, ou deux ou trois bandits travaillent pour le Parti libéral du Québec dans le cadre d'une élection que tous les libéraux sont des bandits, comme il serait injuste de dire que, parce qu'un péquiste est poursuivi devant les tribunaux et accusé, tous les péquistes sont accusés. Enfin, puisque vous avez référé à l'élection de 1973, il serait aussi injuste de soutenir que, parce que certains felquistes appuyaient le Parti québécois et ont déjà voté péquiste, tous les péquistes sont des felquistes.

M. Duhaime: La porno?

M. Pagé: C'est le dernier commentaire que j'avais à formuler. Je reviendrai tout à l'heure au moment de l'étude de la motion

pour faire comparaître M. Pouliot, qui, nous le croyons, devrait comparaître pour apporter un éclairage additionnel sur la capacité de payer des syndicats.

Le Président (M. Jolivet): Je suis assuré que M. le premier ministre a des commentaires à faire à la suite des vôtres.

M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je n'entrerai dans la partie purement partisane des derniers propos du député de Portneuf. Je me contenterai simplement de rappeler - on pourrait aller plus loin, au besoin - que ce n'étaient pas tous les libéraux, bien sûr - pas plus que tous les péquistes ne peuvent être accusés des péchés d'Israël - mais que c'était une tolérance hautement coupable de dirigeants du gouvernement de l'époque très proches du centre de direction. Si le bras droit du premier ministre de l'époque, entre autres, négociait avec M. André "Dédé" Desjardins autour d'un monopole syndical qui, en soi, était contraire à la loi, c'est quand même tout à fait autre chose. Je l'ai situé et le rapport Cliche l'a situé. Il n'a pas dit que tous les libéraux du Québec étaient coupables, d'autant plus qu'ils n'étaient sûrement pas au courant. Mais ce n'était pas correct et c'est une des raisons pour lesquelles il y a eu le saccage de la Baie-James. C'est pour cela qu'il faudrait peut-être aller plus loin, si vous voulez, mais, si on regarde les responsabilités, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elles étaient largement partagées.

Je reviens à l'essentiel. Ce n'est pas nouveau, mais, enfin, le député de Portneuf conclut comme cela: D'une part, on n'a pas négocié, on ne s'est pas ingéré. C'est ce qu'on aurait dû faire. On avait tous les éléments en main, disait le député de Portneuf, il y a quelques instants, ou quelque chose du genre. On n'a pas négocié et on ne s'est pas ingéré dans cette question du contenu d'un règlement. C'est ce que je me suis évertué à dire en réponse au député de Marguerite-Bourgeoys, le 20 février 1979. Je ne suis, quand même, pas pour admettre une responsabilité là où je n'en ai pas, mais j'espère qu'on pourra se brancher à un moment donné sur le genre d'accusation dont on me prétend coupable.

Selon le député de Portneuf, on aurait peut-être dû s'ingérer, négocier. On aurait peut-être dû même, comme mon prédécesseur immédiat à un moment donné, dicter point par point la façon dont les gens d'Hydro-Québec devaient régler. Je ne conçois pas le rôle du chef du gouvernement comme cela. On avait une question: Est-ce qu'on doit continuer et poursuivre les procédures judiciaires ou est-ce qu'on ne le doit pas? On se fait une opinion là-dessus, on donne notre opinion et c'est à eux de régler. À partir du moment où ils décident du principe du règlement qu'ils ont fait librement - ils l'ont dit sous serment - c'est à eux aussi de le négocier; ce n'était pas à nous. Donc, je n'accepte pas cette espèce de curieuse torsion des blâmes qu'on prétend m'adresser. Je n'accepte pas cette idée qu'on aurait dû s'ingérer, qu'on aurait dû négocier à la place des administrateurs qui étaient là.

Je soulignerais aussi au député de Portneuf que, dès le 20 février 1979, c'était clair que ce n'était pas cela, la clé. Ce n'était pas à nous de décider sur des quanta, etc. On n'était pas à un règlement, à ce moment-là. J'étais en Chambre où je répondais aux questions. Il me semble que c'est assez clair que ce n'était pas cela qui était au coeur de notre opinion. Ce qui était au coeur de notre opinion, c'est ceci: "C'est à ce genre de catastrophe que devait fatalement aboutir l'irresponsabilité des aventuriers sans scrupule qui avaient fait main basse sur le contrôle des principaux locaux syndicaux des chantiers de la FTQ-Construction".

Puisqu'on demande les résultats de la consultation que j'ai eue avec les gens qui m'ont demandé mon opinion, il me semble -c'est le sentiment que j'en ai - qu'il serait injuste de faire payer par l'ensemble des travailleurs membres des syndicats défendeurs, les syndicats québécois, des montants importants pour lesquels ils ne sont franchement pas responsables. C'est une question d'équité pour l'ensemble des travailleurs qui, en fait, s'étaient fait détruire leurs emplois pendant des mois par des mécréants ou des fiers-à-bras.

Pour ce qui est des Américains, je donne l'essentiel: les Américains auraient peut-être pu payer beaucoup plus s'ils avaient été vraiment impliqués. Je laisse de côté toutes les questions aléatoires de poursuite et je reprends ma réponse du 20 février. À propos du syndicat américain, il y a, comme je le disais, quelque chose qui est moralement difficile à défendre à certains points de vue, c'est que l'implication réelle des Américains est inexistante dans ces événements. Le coeur, c'était cela, ce n'étaient pas des quanta. Je pense que c'était mon rôle, comme chef du gouvernement, d'en tenir compte en me faisant une opinion. D'une part, devait-on faire payer injustement les pots cassés à des travailleurs brimés, bousculés et souvent assommés et terrorisés sur les chantiers et à certains de leurs camarades qui n'avaient été consultés d'aucune façon là-dessus, tout cela par une "gang" de bandits? D'autre part, comment prétendre embarquer les Américains qui n'avaient rien eu à voir dans ces faits dans la même poursuite? Donc, l'opinion, au-delà de tous les quanta, était que cela ne devait pas se faire.

À partir de là, c'était librement -parce que, évidemment, il y a toujours les deux volets un peu contradictoires que nos amis d'en face essaient de faire valoir -qu'il y avait une décision que devaient prendre les administrateurs de la Société d'énergie de la Baie James. Ils avaient une opinion. Le député de Portneuf, sans compter d'autres membres de l'Opposition, a dit que c'était le démarreur, l'opinion qu'on avait donnée. Je ne me fais pas cette illusion, parce qu'ils sont venus dire sous serment, ces gens responsables, administrateurs d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James, qu'ils avaient, je l'espère, tenu compte - enfin un ou deux l'ont dit; après tout, c'était un élément - de l'opinion qu'ils avaient reçue, de la recommandation qu'ils avaient reçue, mais qu'ils s'étaient sentis parfaitement libres. Ils l'ont dit sous serment. Ils s'étaient sentis parfaitement libre de voter en faveur, d'abord, du principe d'un règlement, c'est-à-dire une décision d'essayer d'avoir un bon règlement et, aussi, d'avoir le meilleur règlement possible. C'est ce qu'ils ont dit sous serment. C'est ce que j'ai dit, moi aussi, sous serment, en ce qui concernait ma participation. C'est ce que mon chef de cabinet a dit. Il me semble que cela doit avoir autant de poids - sauf tout le respect que je lui dois - que l'opinion du député de Portneuf, bien sûr, si éclairée et si désintéressée soit-elle, ce dont je ne doute aucunement, d'ailleurs.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Gratton: M. le Président, l'alternance?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je serai très bref. Je voudrais revenir sur ce que j'appellerais l'échafaudage financier du député de Portneuf. J'espère que ce n'est pas le prochain grand argentier du Parti libéral du Québec, parce que vous aurez de joyeux problèmes. Il a beaucoup parlé de la capacité de payer du local 134 en particulier. Mes remarques, M. le Président, je ne les ferai pas à partir d'une hypothèse; je vais les faire à partir des documents qui ont été produits devant la commission et dont on peut prendre connaissance. Dans la déclaration de transaction déposée à la cour, en mars 1979, qui met fin au litige, il est dit ceci - vous retrouvez cela dans le document de la SEBJ à la page 190 - "Le local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique déclare: II réitère qu'il nie toute responsabilité quant aux faits qui ont donné ouverture à la présente cause, mais consent à régler le présent litige hors cour." Tout au long de toutes les procédures devant le tribunal - qui sont à notre disposition - le local 134 n'a jamais voulu admettre et n'a jamais admis sa responsabilité. Ils étaient prêts à plaider usque ad "boutum" si vous aimez mieux. Faire état du local 134 là-dedans, c'est fou raide, si vous voulez avoir mon avis.

Deuxième syndicat impliqué, c'est le local 791. Or, quant au local 791, il y a eu, devant la commission, des documents déposés. Ce n'est pas n'importe quel document, c'est le rapport des comptables Brisbane, Baird & Co., du 280 avenue Dorval, suite 207, Dorval, Québec. À moins que les comptables vérificateurs qui ont passé dans les états financiers du local 791 ne soient des menteurs - et c'est ce que le député de Portneuf semble dire... Je les ai ici et c'est aux pages 117, 118 et 119 du document Correspondance déposé par le bureau de Geoffrion et Prud'homme au cours de nos travaux.

Je vais aller à la page 117 où on n'a pas la comptabilité assez abracadabrante du député de Portneuf qui consiste à ne tenir compte que de la colonne revenus. Cela fait un curieux de bilan. Pour faire une hypothèse, je ne sais pas quel salaire gagne un whip, mais quelque chose autour de 45 000 $. Supposons qu'il aurait cinq enfants, ma question est bien simple: Est-ce qu'il a 45 000 $ en banque au 31 décembre? Si on ne tient pas compte des dépenses, c'est complètement ridicule. Je pense qu'il faut aller à la colonne revenus et dépenses à la page 118. En 1978, les revenus du local 791 ont été de 1 572 984,12 $. Les dépenses ont été de 1 455 234,17 $, ce qui laisse un revenu net de 117 000 $, moins 7328,27 $ pour l'amortissement, ce qui laisse un net de 110 000 $. Cela est pour les comptes d'opération en 1978, c'est-à-dire l'exercice terminé le 31 mai 1978, pour être précis, donc un exercice de 12 mois. Ce qu'il est important de regarder aussi dans des états financiers, c'est le compte d'opération; donc, un surplus net de 110 000 $. Il faut aussi aller voir à l'actif et au passif.

M. Pagé: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre, mais j'ai une question de règlement du député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je m'excuse, mais je n'ai pas abusé des questions de règlement jusqu'à aujourd'hui. Le ministre réfère à l'état des revenus et des dépenses. Pouvez-vous répondre en fonction d'une augmentation du double des revenus? Lorsqu'on double les revenus, cela n'implique pas qu'on double les dépenses. Vous ne feriez

jamais un bon argentier, vous. M. Lévesque, ne le nommez pas ministre des Finances.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, ce n'est pas une question de règlement. M. le député, M. le député, vous n'abusiez pas, mais là vous êtes en train d'abuser.

M. le ministre.

M. Duhaime: Vous ferez les échafaudages et les hypothèses que vous voudrez, mais je me base sur les bilans vérifiés par des comptables agréés, qui ont été transmis aux procureurs de la SEBJ et qui se sont retrouvés entre les mains des membres du conseil d'administration de la SEBJ, l'actif et le passif.

L'actif qui est l'avoir des membres, c'est en additionnant les 110 421,68 $ pour l'exercice terminé le 31 mai 1978. L'avoir des membres est de l'ordre de 410 000 $ au 31 mai 1978. Maintenant, dans des états financiers, il y a toujours des notes des comptables vérificateurs qui sont très importantes. À la page 119 du document qui est devant nous et qui a été déposé au conseil d'administration, la note 3 est importante: Provision pour impôts non retenus. Je pense que je vais la lire, M. le Président, cela va prendre trois minutes: "Le 17 février 1978, le ministère du Revenu du Québec a émis contre le local 791 un avis d'imposition au montant de 48 216,38 $, incluant pénalités et intérêts, pour impôts non retenus sur des salaires versés au cours des années 1973 à 1976 inclusivement. Un avis d'opposition a été déposé et le ministère doit réviser la cotisation. Une provision faite à cet effet aux livres du local au cours de l'exercice terminé le 31 mai 1977 tient compte d'une imposition équivalente des autorités fiscales fédérales."

Deux fois 48 000 $, cela fait autour du 96 000 $. Si on tient compte des notes des comptables vérificateurs, vous ne viendrez pas me faire croire que le local 791, au 31 mai 1978, était millionnaire, ce n'est drôlement pas vrai.

Cela m'étonne un peu du député de Portneuf; je pense que c'est la troisième ou la quatrième tentative ou opération de "repositionnement" qui vient de notre gauche depuis les 22 ou 23 jours que l'on est ici. C'est drôle, mais sont venus ici - on les a convoqués devant cette commission - tous et chacun des membres du conseil d'administration de la SEBJ. Ou bien Lucien Saulnier ne sait pas compter, Claude Laliberté non plus, M. Monty, qui a quelque 30 années de service à Hydro-Québec, non plus, M. Roquet non plus, Laferrière non plus, Thibaudeau non plus et M. Gauvreau non plus. Ils ont 30 ans de service à l'intérieur de cette boîte. Ou bien ils n'ont vu ni A ni Z, ce que je ne crois pas. (12 h 15)

II faut comprendre aussi, et je l'ajoute, qu'au conseil d'administration de la SEBJ... Le député de Marguerite-Bourgeoys a fait une drôle de digression - probablement que ses propos voulaient m'atteindre; en tout cas, je vais le mettre, le chapeau, parce que je pense qu'il me fait - au sujet du point de vue de M. Boyd. Je pense qu'il faut être honnête avec tout le monde. Quand M. Boyd a fait partie de l'unanimité du conseil d'administration pour régler, il y avait deux conditions dans cette résolution au conseil: premièrement, la reconnaissance de responsabilité par toutes les parties poursuivies et, deuxièmement, que les frais de cour soient substantiellement couverts. Là-dessus, M. Boyd était d'accord. La seule personne qui est venue ici devant la commission nous parler d'un montant assez faramineux ou astronomique de 20 000 000 $, si mon souvenir est bon, c'est M. Giroux. Et M. Saulnier a dit, ici en commission, qu'il n'avait jamais entendu M. Giroux parler d'un pareil montant de 20 000 000 $ à ni l'une ni l'autre de toutes les séances du conseil d'administration sur ce sujet-là. Alors, soyons de bon compte et soyons sérieux. Je ne prends pas M. Hébert pour un imbécile, M. Boyd non plus, Mme Forget non plus.

M. Pagé: Ils ont voté contre.

M. Duhaime: Ils ont voté contre pour la raison suivante. Ils ont voté contre non pas parce qu'ils étaient contre un règlement; ils étaient contre "le" règlement. Mais, deux semaines auparavant, ils étaient favorables à ce que cette cause se règle hors cour suivant les deux conditions que j'ai mentionnées. On ne refera pas de scénarios hypothétiques, mais je pense que, dans un conseil d'administration, c'est la loi de la majorité qui compte. C'est dans ce sens-là que cela a été voté. Ce que j'ai trouvé de remarquable dans le témoignage de M. Hébert, je vais le dire: II a dit qu'il était en faveur d'un règlement, qu'il avait voté contre le règlement, mais il a ajouté un élément qui est peut-être passé inaperçu et qui, pour moi, est très important. Il a dit: J'aurais voté contre parce que je ne voulais pas que le vote soit unanime. Je voulais que ce soit un vote majoritaire pour que personne ne puisse savoir ou même deviner qui avait voté pour et qui avait voté contre. Et si c'était à l'unanimité, il était évident que tout le monde pouvait conclure que c'étaient tous et chacun des membres du conseil, mais, s'il y avait une seule dissidence, personne ne pouvait l'identifier. J'ai trouvé que cette remarque était très sage, très pertinente et qu'elle faisait état d'une longue expérience au sein de conseils d'administration.

Ce n'est pas le député de Portneuf - je

vais le lui dire comme je le pense - qui va venir donner à la commission parlementaire de si éloquents cours de comptabilité, quand lui ne tient compte que d'une colonne. M. le Président, je vais m'arrêter là-dessus en vous disant que moi, je me sens très confortable sur la décision qui a été pri3e quant à la capacité de payer. On l'a dit et on l'a redit depuis le début des travaux de cette commission. Mais le député de Portneuf, semble vouloir changer son tir, changer sa position de départ. Le reproche qui est fait maintenant et à M. Lévesque et à M. Boivin, c'est, d'abord, de ne pas s'être impliqués ou ingérés davantage et de ne pas avoir obtenu plus d'argent. Mais est-ce que le député de Portneuf s'est déjà posé une question, à mon sens, très simple? Si le premier ministre était aussi interventionniste, aussi directif, s'ingérait autant que vous le prétendez, mon Dieu que cela aurait été facile de faire comme Robert Bourassa et, le 14 janvier 1979, de convoquer une séance spéciale de l'actionnaire de la Société d'énergie de la Baie James, de prendre le modèle sur Robert Bourassa, quand il a convoqué les quatre commissaires d'Hydro-Québec. Je peux même vous dire l'endroit, c'était au palais de justice de Montréal. Il leur a mis sur le nez que, le 8 novembre, il voulait que la convention collective d'Hydro-Québec se règle de la manière suivante: en acceptant quatre points que M. Giroux ne voulait pas accepter. Il avait même écrit une lettre en octobre. Je l'ai produite ici, elle est déposée. Ce n'est pas de la broue. Elle a été déposée.

M. Pagé: Oui, mais je vous ai répondu aussi.

M. Duhaime: II a répondu quoi? Il a répondu qu'il n'était pas là.

M. Pagé: Je vous ai répondu là-dessus.

M. Duhaime: Dans le procès-verbal, on lui a démontré très clairement qu'il a présidé la séance du conseil d'administration du 15 novembre 1976, jour des élections. Le conseil d'administration, les commissaires à l'époque, les cinq présents et M. Giroux, président, ont accepté le diktat de Robert Bourassa qui, semble-t-il, voulait influencer les urnes, j'imagine, ce jour-là.

Le premier ministre aurait pu demander au ministre des Finances, qui détient les actions de la SEBJ au nom du gouvernement, de convoquer, le 14 janvier 1979, une séance spéciale et de dire: Mesdames et messieurs, le gouvernement a décidé que cette cause prendrait fin aujourd'hui et ne même pas commencer le procès le 15 janvier. Il me semble que c'est facile à comprendre quand on veut comprendre et quand on a un minimum de bonne foi.

Le premier ministre a choisi de prendre une décision sur le principe, sur le fond, qui consistait à dire: On souhaite que cette affaire se règle hors cour. Quand le député de Marguerite-Bourgeoys nous fait le grand scénario qu'il y avait trois éléments dans le règlement: la décision de régler, la responsabilité et le quantum, je pense que c'est étirer un peu la logique de n'importe quel cerveau normalement constitué. La première décision à prendre était celle de dire: Nous réglons hors cour ou nous ne réglons pas hors cour. À partir du moment où c'est une décision politique... M. Lévesque l'a dit le 20 février 1979, en répondant aux questions et il l'a répété dans le mini-débat. Il n'y a jamais eu de cachette sur le fait que M. Lévesque souhaitait que cette cause se règle hors cour. Cela a été dit, cela fait, mon Dieu, quatre ans et demi.

Sur les modalités du règlement quiconque a été en pratique pendant quelques années sait comment cela se passe - le chef du gouvernement dit: C'est la responsabilité de la Société d'énergie de la Baie James, de son conseil d'administration, de ses procureurs. Arrangez-vous avec cela. C'est exactement ce qui a été fait. Pour soutenir la théorie qu'on entend de l'autre côté, il faudrait que Me François Aquin, quand il a été entendu ici devant la commission, se soit parjuré à tour de bras. Je le dis comme je le pense, il faudrait qu'il se soit parjuré à tour de bras pour que votre thèse tienne debout. Est-ce que Me Aquin n'a pas dit, sous serment ici, qu'il n'avait jamais négocié le règlement, ni avec Me Gauthier ni avec Me Boivin? Me Jetté, même chose. Me Cardinal, même chose. Ils ont dit tous les trois que, selon les mandats de leur cliente, la SEBJ, ils avaient négocié le règlement hors cour...

M. Lalonde: L'argent!

M. Duhaime: ...avec les procureurs de l'Union internationale, Me Beaulé, et des autres syndicats québécois, Me Jasmin. Qu'est-ce que vous voulez de plus?

Je pense qu'au journal La Presse, aujourd'hui, on doit être en train de se demander si on a fait un bon coup de publier en première page, le 17 mars 1983, une pareille histoire, une "sad story". Ce qu'ils doivent regretter encore davantage, c'est d'avoir confié leur cause aux procureurs qui sont à gauche. Je vous avoue que, en plus de ne pas avoir une grosse cause, après neuf semaines, je n'ai pas été trop trop impressionné par l'exercice de prétoire ici. Honnêtement.

Je vais demander au député de Portneuf de refaire son exercice de comptabilité et de préparer sa prochaine intervention pour nous parler de la colonne des dépenses des syndicats qu'il croit

millionnaires. Je pense que son point de vue, si je l'ai bien compris, était de doubler, tout simplement, les cotisations, etc. Cela aurait voulu dire que le "take-over" qui s'est fait par les amis, par les amis du Parti libéral -cela vous fait mal, je vais vous le répéter -André Desjardins, Yvon Duhamel et les autres qui faisaient les élections dans Taillon et dans Sept-Îles et qui se promenaient d'un bureau de scrutin à l'autre et d'un comté et à l'autre, à Mont-Wright également... Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Ce sont vos "chums". Ce n'est pas ma faute. Ce n'est pas René Lévesque ni Yves Duhaime ni Denis Perron qui ont négocié le monopole syndical à Mont-Wright et à la Baie-James, ce sont vos amis. Ne les reniez pas, ce sont vos amis.

J'avoue qu'à moi aussi cela fait mal d'entendre qu'un chef de gouvernement, M. Bourassa, au su et au vu de tout le monde, laisse son ministre du Travail, M. Jean Cournoyer, laisse son chef de cabinet, M. Paul Desrochers, s'asseoir avec M. André Desjardins et dire: On va s'entendre. Vous autres, les "smarts", vous allez être les seuls du syndicat et à Mont-Wright et à la Baie-James. Cela me fait mal d'entendre cela, premièrement, à cause du caractère de ces individus. Deuxièmement, n'oubliez jamais que, lorsque le monopole syndical a été établi à la Baie-James, il y avait des lois en vigueur qui interdisaient le monopole syndical. C'est une loi que vous avez ensuite adoptée pour régulariser et légaliser la situation. Si c'est cela votre monument, vous allez vivre avec. Si c'est cela votre croix, vous allez la porter tout seuls.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, quand le ministre ne se dit pas impressionné par les interventions de ce côté-ci de la table, je regrette de devoir lui dire que je ne suis pas très impressionné par les siennes, non plus. Je ne m'embarquerai pas à relever toutes les inexactitudes, toutes les extensions de logique, toutes les faussetés et les inepties qu'il invoque à l'appui de sa thèse. Par exemple, quand on parle des "chums" du Parti libéral, une chose est certaine, nous, on les a connus, les "chums" du Parti québécois, parce qu'ils étaient tous un par derrière l'autre impliqués parmi les principaux acteurs dans ce saccage des fonds publics.

Les questions que je veux poser au premier ministre sont d'un tout autre ordre. Hier, dans ses remarques préliminaires, le premier ministre a parlé de ce qu'il a qualifié d'une idée à la mode, c'est-à-dire l'imputabilité qu'il a, d'ailleurs, définie lui-même comme la notion qui veut que, si on a des responsabilités dont l'impact peut affecter les autres, on doit accepter tout simplement d'en rendre compte. Il posait la question: Pourquoi ne pas l'imposer aux médias d'information? Michel Roy, dans le journal La Presse de ce matin, écrit dans un éditorial: "Les entreprises de presse assument des responsabilités à l'égard de l'opinion publique, de leurs lecteurs, du conseil de presse, des tribunaux et même de l'Assemblée nationale qui aurait pu, qui pourrait encore convoquer Michel Girard, reporter à la Presse, qui a signé les articles publiés en mars sur l'affaire de la Baie-James." La question que je voudrais poser au premier ministre, c'est: Si effectivement il souhaite imposer cette notion d'imputabilité aux médias d'information comme il l'a dit hier, pourquoi n'a-t-il pas convoqué et pourquoi ne convoque-t-il pas M. Girard?

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le pourquoi - c'est peut-être là qu'on rejoint cette notion d'imputabilité - c'est qu'on dirait qu'il y a toujours une certaine crainte dans les milieux politiques parce qu'ils ont peur des retombées que cela peut amener. On sait que les journaux, les équipes d'information durent plus longtemps que les carrières politiques. C'est peut-être une certaine crainte qu'on a de les froisser. Je n'exclurais pas du tout si la commission le voulait, parce que je trouve que cela aurait dû être fait dès le début, qu'on convoque ce M. Girard pour vérifier sur pièce la qualité de son reportage, de ce qu'on a appelé son reportage. Ce matin, en lisant certains des articles qui ont paru dans la presse d'aujourd'hui - la presse avec un petit "p" -il y a une chose qui m'est revenue à l'esprit. Je l'ai fait retrouver - c'est de Michel Roy, l'article que vous venez de citer? - c'est un autre article de M. Roy. Si vous me permettez un seul instant de fouiller dans la paperasse, parce que je n'ai pas eu tout le temps de préparation que certains des procureurs peuvent avoir. Ah! voilà. C'est toujours un article important après une longue carrière au même endroit pour un journaliste - si ce n'est pas un article, ce peuvent être des remarques qu'on fait dans un autre métier - c'est normal qu'il écrive quand il quitte une boîte professionnelle où il a été pendant bien des années. (12 h 30)

Alors, en février 1982, M. Michel Roy quittait le Devoir pour passer à la Presse. Son dernier article dans le Devoir - je vous ne le lirai pas au complet, je l'ai ici -contient ce passage: "Le meilleur combat du journaliste est celui de l'information. Une campagne de presse qui ne s'appuie pas sur un dossier complet et limpide, facilement accessible aux lecteurs, risque d'échouer. Dans cette perspective, on doit admettre que le plus grand obstacle à la conquête et à la diffusion de l'information dans cette société

réside moins dans les gouvernements - je répète, moins dans les gouvernements - les fonctions publiques et les organismes officiels que dans les journalistes eux-mêmes, plus friands de surprise que de vérité - c'est dur et ce n'est pas moi qui le dis - enclins à la facilité, peu portés à l'étude attentive des questions complexes, invoquant commodément la brièveté des délais pour négliger de solliciter l'avis de toutes les parties à un différend."

Je relisais cela et cela me rappelait que, parmi ceux que le dénommé M. Girard, M. Michel Girard a négligé complètement d'aviser des doutes qu'il prétendait avoir, il y avait votre serviteur. Ce n'était que moi qui étais l'objet de ce titre en première page, soi-disant d'avoir trompé l'Assemblée nationale, mais je fais partie de ceux qui se reconnaissent dans ce passage de M. Roy "de négliger de solliciter l'avis de toutes les parties à un différend". "L'information, c'est le pouvoir - ajoute M. Roy en citant quelqu'un - mais, entre les deux, se dressent souvent l'incompétence, la paresse ou la mauvaise foi, quand ce n'est pas la foi tout court dans une cause que l'information pourrait desservir."

Comme ancien journaliste - j'ai fait ce métier longtemps - je me suis dit: C'est sévère, c'est dur, mais c'est particulièrement indiqué, je crois, dans le cas qui nous occupe. C'est, au fond, ce qui sous-tend cette notion d'imputabilité. Cela ne s'impose pas. Enfin, je pense qu'on n'est tout de même pas pour devenir un État policier. Personne n'y songe. Cela ne s'impose pas, mais cela devrait être suivi avec beaucoup plus d'attention. C'est tout.

M. Gratton: M. le Président, je prends note du sermon du premier ministre à l'endroit des journalistes en général et, en particulier, de M. Girard.

M. Lévesque (Taillon): Le sermon de M. Michel Roy, aujourd'hui de la Presse.

M. Gratton: La question que je veux poser au premier ministre vise à savoir si sa compréhension de la notion d'imputabilité, surtout les accusations qu'il a portées contre M. Girard en particulier, ne devrait pas le motiver à faire en sorte qu'il soit convoqué devant la commission.

M. Lévesque (Taillon): Je n'en suis pas membre. Je me le suis fait dire avec beaucoup d'insistance, entre autres, par le député de Marguerite-Bourgeoys, dès le début de mon intervention. C'est à la commission de prendre ses décisions.

M. Gratton: M. le Président, la commission - on le sait - n'a pas l'intention de convoquer. Le ministre nous a prévenus, hier. On a déposé une motion qui a été jugée recevable et reçue pour faire témoigner M. Pouliot. On nous a dit: Faites votre motion, elle ne sera pas acceptée. Le premier ministre n'est pas en train de me dire: Faites une motion. La commission ici entend les témoins que le gouvernement veut bien convoquer et le gouvernement, c'est le chef du gouvernement, c'est vous, M. le premier ministre. Pourquoi ne le demandez-vous pas si vous le voulez réellement?

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, je vous dirai, d'abord, simplement ceci. La motion à propos de M. Pouliot sera débattue ici en commission, je suppose, avant la fin. Je n'ai rien à ajouter, sauf qu'entre quelqu'un qui parle par ouï-dire d'une chose qu'il n'a pas vécue - ce qui semble être le cas de M. Pouliot - et quelqu'un qui a été à l'origine... Vous avez souvent utilisé l'expression "déclencheur", "démarreur". À l'origine, ce qui a déclenché, ce qui a démarré tous ces "sparages", c'est l'article que j'ai qualifié de la façon qui me paraît juste, sévère, mais très juste, comme il le méritait; l'article a été le déclencheur, le démarreur. Alors, il n'y a pas de commune mesure entre l'implication de M. Girard, de la Presse, dans cette affaire et celle par ouï-dire de M. Pouliot. Enfin, c'est une autre question. Pour Pouliot, vous aurez votre motion, après tout.

M. Gratton: Laissons Pouliot de côté et je vous pose de nouveau la question: Pourquoi ne faites-vous pas convoquer M. Girard?

M. Lévesque (Taillon): Si la commission le voulait, je n'ai pas d'objection. Au contraire, loin de là.

M. Gratton: Ce n'est pas la commission qui décide; c'est vous, M. le premier ministre.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse.

M. Gratton: Ou c'est votre porte-parole à la commission.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Je m'excuse.

M. Lévesque (Taillon): Si, en discutant avec l'équipe ministérielle, on croit que ce serait indiqué, on verra.

M. Gratton: Bon. Je vous fais remarquer que ce ne serait pas un précédent historique. En fait, pas plus tard qu'il y a quelques semaines le journal The Gazette a été convoqué devant un comité à Ottawa à partir d'accusations qu'ils avaient portées contre M. Mackasey. C'est tout à fait analogue à ce qui se produit ici. On n'a pas

hésité un moment - il n'y a personne qui a fait des grands "eh là" - à ce que The Gazette soit convoquée là-bas. Je ne vous suggère pas de le faire, je vous dis que, compte tenu des propos que vous avez tenus hier, de l'idée que vous avez lancée selon laquelle les médias d'information devraient être imputables de leurs actes, compte tenu aussi des accusations que vous avez portées contre M. Girard en particulier... Vous l'avez traité de menteur à l'Assemblée nationale, vous l'avez traité de "third rate reporter" à CJAD à un moment donné, vous avez parlé de son texte proprement débile, vous avez parlé d'une "job" de bras journalistique. Mon Dieu, si vous le convoquez, vous devriez pouvoir l'enterrer en quelques minutes. Je vous suggère donc de le faire. L'invitation ne vient pas moi; elle vient de Michel Roy. Je pense qu'il est éditorialiste en chef, en tout cas, il est dans une position d'autorité au journal La Presse. Il lance lui-même l'invitation au gouvernement de convoquer M. Girard. Je ne sais pas si le premier ministre veut ajouter quelque chose là-dessus.

M. Lévesque (Taillon): Tout ce que je pourrais dire, c'est que maintenant qu'il y a neuf semaines que vous éternisez ces choses-là on peut se poser la question. On va se la poser et on va regarder cela ensemble ici, de notre côté.

M. Gratton: M. le Président, on me permettra de dire que je devine un peu quelle sera la réponse.

M. Lévesque (Taillon): Non, pas nécessairement.

M. Gratton: On ne le convoquera pas, un peu comme M. Pouliot et tous les autres qui pourraient venir dire des choses ici qui ne cadrent pas avec ce que les 18 témoins favorables au gouvernement sont venus dire jusqu'à maintenant. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas d'autres questions à adresser au premier ministre, mais j'aurais un bref commentaire.

Je dirai tout de suite, en réponse à ce que disait le ministre tantôt, que je ne m'attarderai pas sur le bien-fondé du règlement hors cour de 1979 parce que, que le gouvernement ait eu raison ou pas de favoriser un règlement hors cour, qu'il ait procédé de la bonne façon ou pas pour voir à ce que son souhait se réalise, pour moi, c'est un débat qui aurait dû être fait en 1979 au moment où c'était d'actualité. La raison pour laquelle le débat n'a pas été fait, c'est justement parce que, le 20 février 1979, quand on a posé des questions au premier ministre à l'Assemblée nationale, la réponse qu'on a obtenue nous a laissé entendre que le gouvernement n'avait aucune implication, outre une consultation.

Pour utiliser les termes du premier ministre, je passerai plutôt à l'essentiel du mandat de la commission et, pour moi, l'essentiel, c'est de savoir si le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale le 20 février 1979 en répondant comme il l'a fait aux questions de mon collègue de Marguerite-Bourgeoys. Comme on l'a vu hier lorsqu'on a visionné l'enregistrement de cette période de questions et réponses du 20 février 1979 et comme mon collègue de Marguerite-Bourgeoys l'a souligné tout de suite après, dans la réponse du premier ministre on a parlé de quoi? D'une consultation au bureau du premier ministre avec des gens du conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James. On sait que cette réunion du 1er février avait été demandée, avait été en quelque sorte convoquée par le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, donc à la demande de la société, une consultation. Quand on fait l'exercice qu'a fait hier le député de Marguerite-Bourgeoys, on s'aperçoit qu'à neuf occasions différentes, huit fois durant la période des questions l'après-midi et une neuvième fois au mini-débat le soir, le premier ministre, lorsqu'il a parlé du sentiment, de son opinion selon laquelle il voulait que cette poursuite se règle hors cour, a pris soin de mentionner: C'était à la demande des administrateurs, comme on me l'avait demandé, tel que cela avait été fait en 1975 auprès de l'ancien premier ministre. Tout cela pour démontrer qu'il n'y avait rien d'anormal là-dedans.

Effectivement, il n'y avait rien d'anormal à ce que la Société d'énergie de la Baie James demande l'opinion du premier ministre. Mais nulle part, M. le Président, le premier ministre ne nous a dit le 20 février 1979 que la raison principale qui avait amené les administrateurs de la Société d'énergie de la Baie James à demander de connaître le point de vue du premier ministre de façon officielle, c'est parce que, depuis le tout début du mois de janvier 1979, le premier ministre avait donné instruction que le président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie James, M. Claude Laliberté, soit informé de son "souhait" de voir la société abandonner la poursuite. Il n'y a pas une seule fois, dans toute la transcription, où le premier ministre a dit: "J'ai donné mon opinion" sans spécifier que c'était à la demande toujours, donc, qu'il répondait à une demande de la société.

Dans sa réponse du 20 février 1979, il a expliqué très sommairement à partir de quels arguments il en était venu à se faire une opinion. Il a parlé de la commission Cliche, de la non-responsabilité du syndicat américain et de la non-solvabilité des syndicats québécois. Cependant, il n'a jamais donné d'indication sur la manière dont il en était arrivé à se former cette opinion.

M. le Président, quand on visionne tout cela, que pouvait-on comprendre, le 20 février 1979, de la réponse du premier ministre? À ce moment, ce que j'ai compris et ce que je comprends encore quand je me replace devant les enregistrements, c'est que le premier ministre, au hasard des événements, avait été informé du désir des syndicats de régler hors cour par leurs procureurs ou autrement, mais dans la réponse, ce n'est pas clair. Les procureurs des syndicats avaient indiqué qu'ils voulaient régler hors cour. Il a donc fait étudier la chose par son chef de cabinet, Me Boivin, et lorsque, encore par hasard, le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James a demandé à le rencontrer pour connaître son avis, il l'a tout simplement donné bien humblement et bien calmement dans les termes qu'on connaît. Rien dans sa réponse ne nous permettait de conclure autre chose.

Ce n'est que quatre ans plus tard, ici, à la commission, par suite de l'accusation du journal La Presse, que nous avons réellement appris ce qui s'était passé en 1979, notamment que tout cela a commencé non pas parce que les procureurs des syndicats en avaient parlé, comme cela, vaguement, par hasard, au chef de cabinet du premier ministre, mais parce que M. Louis Laberge, président de la FTQ, avait téléphoné dès le début de novembre ou je ne sais trop quand à la fin de 1978 au chef de cabinet du premier ministre, Me Boivin, pour lui demander d'étudier la possibilité de régler hors cour. C'est seulement après cela que Me Boivin a rencontré les procureurs des syndicats, comme ceux de la Société d'énergie de la Baie James pour obtenir les informations. Il a, ensuite, fait rapport, la veille de Noël, au premier ministre. Le premier ministre a donné instruction à son chef de cabinet de rencontrer le P.-D.G. de la société, M. Claude Laliberté, et de l'informer du souhait du premier ministre que la société abandonne la poursuite et règle hors cour.

M. le Président, c'est cela qui a amené le conseil d'administration à demander de façon officielle l'opinion du premier ministre le 1er février. Si le premier ministre n'avait pas pris l'initiative de demander qu'on règle hors cour au P.-D.G. de la Société d'énergie de la Baie James, peut-être bien qu'on en serait arrivé au même résultat, peut-être bien que la société aurait conclu, comme semble l'avoir fait le premier ministre, qu'il serait préférable de régler hors cour. Mais ils n'auraient sûrement pas senti le besoin d'aller consulter le premier ministre parce qu'ils auraient probablement été convaincus eux-mêmes de leur propre cause. Mais, M. le Président, pourquoi ont-ils demandé à rencontrer le premier ministre? Parce que des rumeurs circulaient partout. M. Laliberté l'avait dit à quelques membres du conseil d'administration seulement. Il n'avait jamais averti le conseil de façon officielle que le premier ministre voulait que cela se règle. C'est tellement vrai que c'était à l'état de rumeurs que même les procureurs des syndicats qui, eux, couchaient presque dans le bureau du premier ministre, dans le bureau de M. Gauthier et dans le bureau de Me Boivin, s'inquiétaient et se demandaient: Est-ce que le message est rendu aux administrateurs de la Société d'énergie de la Baie James? C'est Me Boivin qui est venu nous le dire. C'est lui qui les a rassurés en disant: Ne vous inquiétez pas, j'ai passé le message à M. Laliberté le 3 janvier. (12 h 45)

Donc, M. le Président, en ne nous disant pas cela le 20 février 1979, le premier ministre voulait qu'on croie qu'il n'avait été mêlé d'aucune façon ni de près ni de loin, c'était clair, sauf pour accéder à une demande de rencontre avec les administrateurs de la Société d'énergie de la Baie James. M. le Président, j'ai été trompé par cela. Oui, j'ai été trompé. De l'autre côté, forcément, on n'était pas là et, même si on avait été là, on aurait continué les courbettes devant le premier ministre. Mais moi, je dis que j'ai été trompé parce que rien ne m'indiquait, dans la réponse du premier ministre, ce qui s'était vraiment passé. Pourquoi le premier ministre ne l'a-t-il pas dit? Il n'y avait rien de répréhensible à ce qu'il nous dise: Oui, j'ai reçu des représentations de M. Laberge. Oui, on a utilisé le dossier. Il aurait pu dire ensuite: On a averti M. Laliberté de notre point de vue. Voici comment on en était arrivé à notre point de vue. Cela aurait été tellement plus facile, plus transparent, plus honnête. Cela aurait eu, probablement, le bénéfice de mieux renseigner la population.

J'entends l'écho qui me répond: Vous n'avez pas posé les bonnes questions. C'est cela, la défense du premier ministre. Je vous avoue que...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: ...ce n'est pas très fort comme explication. D'abord, l'essentiel - je le répète - n'était pas la réunion de consultation du 1er février. L'essentiel, c'était le déclenchement de tout le processus qui devait amener à un règlement hors cour et cela, c'est le premier ministre qui a été à l'origine de cela par sa décision de mandater M. Boivin d'en informer M. Laliberté, le 3 janvier dernier.

Comme nous le dit le député de l'autre côté, le premier ministre dit: Le député de Marguerite-Bourgeoys ne m'a pas posé les bonnes questions. Il dit, à la page 16 de son document: "D'aucune façon, le député de

Marguerite-Bourgeoys n'avait cru bon de poser des questions sur la façon précise dont Me Boivin et moi-même nous étions formé une opinion." On ne savait pas que Me Boivin était mêlé à cela. Ce n'est pas la réponse du premier ministre qui nous permettait de le déceler. Le premier ministre ajoute: "Je dois dire que je n'ai absolument pas pensé qu'il fallait évoquer certaines consultations préalables, tellement je suppose que cela me paraissait aller de soi." Les consultations préalables, ce sont celles avant qu'il se soit fait une opinion. Mais les seize rencontres dans le cabinet du premier ministre, ce ne sont pas des consultations préalables, ce sont des consultations ultérieures à la décision du premier ministre, à l'opinion qu'il s'est faite la veille de Noël de dire: Il faut régler cela hors cour. Les consultations préalables qu'il y a eu avant cela, j'ai l'impression qu'il y a eu l'appel téléphonique de M. Louis Laberge, que le premier ministre n'a jamais mentionné le 20 février, et il y a eu la rencontre de Me Boivin avec les procureurs.

Qu'il ne vienne pas nous dire aujourd'hui: Si le député de Marguerite-Bourgeoys m'avait posé les bonnes questions, je lui aurais raconté tout cela. Ce n'étaient même pas des consultations préalables, comme il l'écrit. Est-ce qu'il nous aurait parlé du téléphone de Laberge? Qu'est-ce qu'on devait faire, nous? Deviner? Deviner quelle question poser? Est-ce qu'on devait deviner que M. Laberge avait téléphoné à Me Boivin à un moment donné? Est-ce qu'on devait deviner que cela avait amené le premier ministre à étudier la question par le biais de son chef de cabinet et à en venir à la conclusion qu'il fallait régler hors cour et, plus encore, d'en faire avertir M. Laliberté?

Les seize visites au bureau du premier ministre, on devait les deviner, je suppose? On devait s'imaginer que les procureurs des syndicats qui étaient poursuivis par une société d'État passaient leur temps dans le bureau du premier ministre, le mandataire du seul actionnaire de la société? Franchement, M. le Président!

Le premier ministre nous dit: Mais à la période des questions, vous savez, on n'a pas beaucoup de temps. Mais il a toute la latitude voulue. Ce matin encore, il peut parler tant qu'il le veut, aussi souvent qu'il le veut, et l'alternance y passe même. Je ne vous en fais pas grief, M. le Président. Le premier ministre, on le sait, a toute la latitude. Il a plus de latitude que n'importe quel autre membre de l'Assemblée nationale. Il ne peut quand même pas nous dire qu'il n'avait pas eu le temps de se préparer. Il avait eu en quelque sorte un préavis le 12 février 1979, au moment où le député de Marguerite-Bourgeoys avait questionné le ministre de la Justice qui n'était pas en mesure de donner des réponses. Il a tellement eu un avis que son chef de cabinet lui a préparé des notes en prévision d'une question possible qui pourrait survenir. On l'a vu à la télévision hier, le premier ministre, en répondant le 20 février 1979, s'inspire des notes, il les lit. Pourquoi n'a-t-on pas voulu donner toute la situation?

Entre le 12 et le 20 février, il avait eu le temps de se préparer. Il avait des notes écrites. En supposant qu'il y ait eu une explication quelconque - avec ces gens-là, on va sûrement m'en trouver une bonne - entre les réponses de l'après-midi et le mini-débat le soir, le premier ministre a dû parler à quelqu'un, il a sûrement dû parler à Me Boivin. J'aurais donc voulu être un petit moineau pour entendre ce qui s'est dit. On n'a pas parlé de M. Laberge, on n'a pas parlé des réunions, mais non! Au mini-débat, on a répété la sornette de la commission Cliche.

Ce qu'il y a de plus drôle, c'est que le premier ministre nous dit: Qu'est-ce que j'avais à gagner à cacher quoi que ce soit? Je pense bien qu'il m'ouvre la porte un peu grande quand il pose la question. Il avait sûrement à cacher que le bureau du premier ministre, en tout cas, son chef de cabinet, était impliqué par-dessus la tête dans la négociation, dans les discussions qui devaient éventuellement mener au règlement hors cour. Ce qui les a empêchés, ce qui les a motivés de ne pas dire la situation telle qu'elle était, c'était peut-être qu'ils étaient un peu mal à l'aise, dans le fond, de se voir dans la position de défendre plutôt les intérêts des syndicats, des amis syndicaux, que ceux de la population, des contribuables qu'ils étaient chargés, par leur mandat électoral, de protéger.

Effectivement, M. le Président, quand le premier ministre essaie de nous faire dire qu'on change nos accusations, c'est faux. Je l'ai dit ici très clairement que moi, je considère, je suis convaincu qu'il y en a eu, des négociations dans le bureau du premier ministre. Malheureusement, il y en a eu non pas pour en faire bénéficier les citoyens ou les contribuables du Québec, mais pour en faire bénéficier les amis électoraux, les gars qui étaient responsables en grande partie de l'élection du Parti québécois en 1976. M. le Président, parmi les choses qu'on voulait cacher - c'est sûrement l'un des éléments -c'était de se demander: Oui, mais il y a un peu d'ingérence politique dans le processus de l'administration de la Société d'énergie de la Baie James, d'une société d'État. Le premier ministre, moi, je lui reconnais le droit de protéger les intérêts des citoyens et d'intervenir quand il se sent justifié de le faire. Mais, s'il ne nous l'a pas dit qu'il était impliqué c'est peut-être, justement, qu'il ne se sentait pas justifié de l'avoir fait. En tout cas, toutes les questions sont permises parce qu'à la lumière des faits qu'on a eus le 20 février 1979 et à la

lumière de ce qu'on a appris ici, je vous assure... Est-ce que le premier ministre avait avantage, le 20 février 1979, à ce qu'on dévoile publiquement l'arbre généalogique du Parti québécois? Les acteurs dans ce saccage, dans ce règlement hors cour, s'il fallait les prendre l'un après l'autre, ce sont tous des vieux amis du premier ministre. Il n'y a rien de répréhensible en soi, non plus...

M. Champagne: Nous, on a de bons amis.

M. Gratton: ...sauf que cela va mieux pour s'entendre quand on est entre "chums", comme le disait le ministre tantôt. Moi, quand je vois Me Boivin, un homme respectable, il n'y a pas de problème là-dessus...

M. Lévesque (Taillon): Dites-le donc que vous pensez que c'est un enfant de chienne.

M. Gratton: Ah non! Ne vous inquiétez pas. Moi, quand je fais des accusations, je les fais clairement et je n'ai rien à reprocher à Me Boivin. Je n'ai pas à lui reprocher d'avoir été associé avec Me Rosaire Beaulé, qui était procureur du syndicat américain sur la recommandation de M. Gauthier. Mais il avait mis d'autres noms, notamment le nom du procureur de la Société d'énergie de la Baie James pour être bien sûr qu'on ne puisse pas obtenir ses services. Me Gauthier, c'est un autre ami également qui avait été tuteur du syndicat nommé par le gouvernement et qu'on amenait au cabinet du premier ministre tout à fait comme par hasard, au moment même où on voulait régler hors cour. On ne parlera pas de M. Aquin. On sait qu'il a des... Ce n'est pas un reproche qu'on leur fait. Me Jasmin, la même chose, un ancien trésorier du Parti québécois; M. Laferrière qui venait d'être nommé au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, un ancien permanent du Parti québécois. En voulez-vous? En voilà, des accointances, M. le Président. J'imagine que, s'il n'y avait pas eu la commission parlementaire ici, il n'y a pas beaucoup de citoyens du Québec qui l'auraient su. En tout cas, ils n'auraient sûrement pas su cela en relisant la réponse que le premier ministre avait donnée le 20 février 1979.

En fait, ce que le premier ministre a fait, en 1979, c'est nous dire ce qu'il voulait bien nous dire, ce qui cadrait avec la thèse qu'il avait développée, un peu de la même façon qu'il refuse aujourd'hui d'entendre M. Pouliot en disant que lui, c'est du ouï-dire. Il risquerait d'être le premier des témoins qui sont venus devant la commission à dire quelque chose de différent de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant.

Je conclus en disant que les explications que le premier ministre nous a données hier et aujourd'hui - l'expression est à la mode chez lui - sont cousues de fil blanc. Quand il nous dit qu'il s'est limité à l'essentiel, le 20 février 1979, en disant: Une consultation à la demande de la Société d'énergie de la Baie James, je dis qu'il a trompé l'Assemblée nationale parce que cette demande de rencontre de la Société d'énergie de la Baie James ne serait même pas venue si lui-même n'avait pas donné instruction à son chef de cabinet d'avertir le P.-D.G. de la société d'abandonner la poursuite. Il aurait dû, en conscience... L'essentiel était de nous dire qu'il avait pris cette décision et que le P.-D.G. de la Société d'énergie de la Baie James avait été averti de cette décision, le 3 janvier.

Son explication, c'est que le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas posé les bonnes questions. Quand un premier ministre affirme neuf fois différentes, en tout cas, huit fois pendant la période des questions, que tout ce qu'il y a eu, c'est une consultation, mais toujours en spécifiant, huit fois: J'ai donné mon sentiment à la demande... on me le demandait, le député de Marguerite-Bourgeoys devait faire quoi? Accuser le premier ministre de mentir? Il était obligé de prendre sa parole. Il n'avait, d'ailleurs, aucun des éléments qu'on possède maintenant pour conclure que, effectivement, le premier ministre avait trompé l'Assemblée nationale.

On dit: On n'a jamais parlé d'argent. On n'a jamais parlé d'argent dans le bureau du premier ministre. Ce n'est sûrement pas parce qu'on n'a pas eu d'occasions de le faire, M. le Président. Il y a eu quatre offres différentes, de montants différents, de règlement, formulées par les procureurs des syndicats sans que personne, du côté de la société, ne soit mandaté pour négocier. Cela s'est négocié en l'air. Les procureurs des syndicats négociaient tout seuls.

M. le Président, si ce n'est pas tromper l'Assemblée nationale et, donc, la population, cette réponse du premier ministre le 20 février, je dis que je ne sais pas ce que c'est. D'ailleurs, même des bons péquistes le disent. M. Robert Barberis et M. Yves Miron l'ont écrit dans le journal La Presse la semaine dernière. On y lit: "II y a eu consultation, a affirmé le premier ministre en Chambre. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette affirmation est nettement en dessous de la réalité. En anglais, un "understatement". Il aurait été préférable de dire les choses simplement. Tout le monde sait maintenant ce qui s'est passé. Sur le fond, tout observateur de bonne foi reconnaîtra que la décision de régler hors cour était la bonne décision à prendre. Par conséquent, les libéraux qui harcèlent les témoins qui passent devant la commission ne font que se discréditer eux-mêmes." On voit bien là qu'il s'agit de péquistes qui parlent.

"Mais pourquoi le premier ministre n'a-t-il pas dit les choses simplement, sans ambiguïté?"

M. Rodrigue: II y a des libéraux qui ont dit la même chose aussi.

M. Gratton: "Car l'ambiguïté, ce pourrait être le contraire de la transparence, car l'astuce, dont l'exemple le plus célèbre est la question référendaire, ce pourrait être le signe d'une faiblesse politique. On pourrait multiplier les exemples. L'attitude de M. Lévesque dans l'affaire de la liste du ministère de l'Immigration était ambiguë. L'affaire du saccage de la Baie-James ne pourrait-elle pas suggérer au premier ministre que la transparence est préférable à l'ambiguïté en politique? Ce grave défaut du chef politique est peut-être encouragé par ses conseillers politiques. Au moment où il veut relancer l'option souverainiste, M. Lévesque devrait songer à renouveler son entourage, car nous l'avons toujours dit, l'astuce ne suffira pas à faire accéder le peuple québécois à son indépendance. Nous le disions en 1968, vous vous souvenez, M. Lévesque? Nous vous le redisons aujourd'hui, amicalement comme toujours. Car d'astuces en ambiguïtés, des fêtes nationales à la SHQ, de la liste de l'Immigration à l'affaire de la Baie-James, des échecs du référendum et des négociations avec M. Trudeau sur la constitution et la péréquation, des affirmations que les prochaines élections porteront sur l'indépendance, après avoir traité en ennemis pendant un an les 40% des membres du PQ faisant partie du front commun, que résulte-t-il de tout cela?" Et de conclure, MM. Barberis et Miron: "une baisse de crédibilité". M. le Président, pour employer les termes de ces deux messieurs, même cette condamnation de leur part m'apparaît, à la lumière de ce qu'on a appris ici, ce qu'ils appellent un "understatement". (13 heures)

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le député. Je voudrais vous agacer un peu en vous disant que vous me décevez un peu parce que vous aviez dit que vous aviez un court commentaire à faire, mais je pense que les procureurs ou les avocats vous ont donné un mauvais conseil.

M. Lalonde: Des deux côtés.

Le Président (M. Jolivet): Des deux côtés? Pour les besoins de la cause, je dois simplement vous dire, vu qu'il est 13 heures, que nous allons continuer un bout de temps pour permettre au député de Laporte de poser les questions qu'il a à poser. Le député de Brome-Missisquoi veut revenir pour un deuxième tour et M. le premier ministre, pour terminer. On devrait donc possiblement pouvoir libérer M. le premier ministre vers 13 h 30, 13 h 45 et nous suspendrions les travaux jusqu'à 16 heures de façon à terminer l'ensemble des travaux d'ici, possiblement, à 18 heures. Donc, ce sont les discussions que nous avons eues de part et d'autre tout à l'heure.

M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Le 20 février 1979, à une réponse de mon collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys, le premier ministre disait - on s'en souvient maintenant, tout le monde le sait par coeur - : "Ce n'est pas ni de près ni de loin dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu." Or, dans le dossier de la SEBJ, il y a essentiellement trois acteurs. Il y a la SEBJ qui était représentée par un bureau d'avocats, Geoffrion et Prud'homme, et dont les principaux avocats étaient Mes Aquin et Cardinal; il y avait les syndicats poursuivis, les syndicats québécois et le syndicat américain, dont les avocats étaient Mes Jasmin et Beaulé; finalement, il y avait le bureau du premier ministre qui comprenait le premier ministre et ses adjoints, M. Jean-Roch Boivin, son chef de cabinet, et Me Yves Gauthier, son conseiller spécial.

J'aimerais poser quelques questions au premier ministre pour tenter de voir quels étaient les liens entre ces gens. Évidemment, si je commence par votre bureau, il y a vous-même. Je ne vous demanderai pas depuis combien de temps vous vous connaissez. Je pense bien que cela vous regarde. Mais votre chef de cabinet, M. Jean-Roch Boivin, depuis combien de temps le connaissez-vous?

M. Lévesque (Taillon): Depuis les années soixante. On a, l'un et l'autre, avec quelques autres que vous avez sans doute nommés, fait partie, à une époque où cela nous paraissait plus productif, du Parti libéral en même temps, pendant les années soixante.

M. Bourbeau: Est-ce qu'on peut dire que Me Boivin est à vos côtés essentiellement depuis 1960?

M. Lévesque (Taillon): Non, non, non. M. Bourbeau: Activement en politique.

M. Lévesque (Taillon): Je veux dire qu'on s'est connus, je pense, sur la lancée d'une action politique commune qui, à l'époque, pouvait se poursuivre fructueusement dans le Parti libéral tel qu'il était à ce moment. Mais on ne s'est pas revus constamment. On a fait partie même, quand notre parti actuel a été formé, du même exécutif, je pense, dès le début, l'exécutif national du parti et, forcément, on

s'est revus souvent en cours de route tout le temps jusqu'en 1976 alors que M. Boivin est entré dans mon cabinet.

M. Bourbeau: Quant à Me Yves Gauthier, votre conseiller spécial, pouvez-vous nous dire depuis combien de temps vous le connaissez et qu'il est à vos côtés?

M. Lévesque (Taillon): Je ne me souviens pas si c'est à l'élection de I960 ou de 1962. Je penserais plutôt 1962, l'élection qui portait essentiellement sur la nationalisation de l'électricité. Je crois, en tout cas, que j'ai rencontré Me Gauthier, qui était et est demeuré, vous avez pu le constater, un passionné de politique et un expert organisateur, au moment des élections. Il m'avait donné, je m'en souviens, un sacré coup de main en 1962, quand j'étais encore libéral.

M. Bourbeau: Peut-on dire qu'il a été régulièrement à vos côtés en politique depuis cette date?

M. Lévesque (Taillon): Régulièrement, il faut s'entendre, mais, enfin, on a partagé les mêmes convictions et on les partage encore pour l'essentiel. À ce point de vue là, oui, on a fait route ensemble, si vous voulez.

M. Bourbeau: En ce qui concerne votre bureau, je vais me limiter à ces deux personnages. Si vous voulez, on va passer maintenant à la SEBJ.

M. Lévesque (Taillon): On peut vous fournir la liste, si vous voulez.

M. Bourbeau: Oui, pour tenter de voir quels étaient les liens. À la SEBJ, le président-directeur général était, et il l'est encore, je crois, M. Claude Laliberté. Depuis combien de temps connaissez-vous M. Claude Laliberté?

M. Lévesque (Taillon): Depuis très peu de temps avant qu'il soit nommé. Je pense que je l'avais rencontré à quelques reprises comme fonctionnaire. Il était au ministère de l'Énergie et des Ressources comme fonctionnaire-cadre avant de passer à la Société d'énergie de la Baie James. Je l'ai rencontré quelques fois.

M. Bourbeau: Avez-vous eu un mot à dire dans sa nomination comme président-directeur général de la SEBJ?

M. Lévesque (Taillon): Bien, on se fait toujours une opinion. Enfin, ce sont des nominations. Je pense que dans ce cas-là c'est une nomination du gouvernement tel que cela se présentait. Donc, il faut que chacun se fasse une opinion. Sur des nominations, les gens se renseignent, c'est tout.

M. Bourbeau: Quand il est venu ici, il a dit textuellement: nomination du premier ministre. Est-ce que c'était une erreur de sa part de dire cela?

M. Lévesque (Taillon): J'ai relu une partie du témoignage de M. Laliberté. C'est un excellent ingénieur et je crois que c'est aussi un bon administrateur, mais ce n'est pas nécessairement quelqu'un dont le langage, au point de vue de certains aspects juridiques, politiques, etc., dénote beaucoup d'expérience. Ce n'est pas un reproche que je lui fais, c'est normal, ce n'est pas sa carrière. Alors, ce qu'il a dit, honnêtement, ne tient pas debout, parce que cela ne peut pas être une nomination du premier ministre. C'est une nomination du Conseil des ministres, quand c'est le gouvernement qui est impliqué.

M. Bourbeau: Avez-vous personnellement discuté avec M. Laliberté avant sa nomination?

M. Lévesque (Taillon): Comme il m'arrive très souvent pour des cadres supérieurs, je crois que je l'ai rencontré pour me faire une idée un peu plus précise avant que cela aille au Conseil des ministres. Je crois que oui, mais je ne m'en souviens pas.

M. Bourbeau: Avez-vous alors discuté de la question de la poursuite de la SEBJ avec M. Laliberté avant sa nomination?

M. Lévesque (Taillon): À quelle date? Sûrement pas, parce que c'était avant novembre ou décembre 1978 qu'il a été nommé. Je ne pense pas pouvoir me tromper là-dessus. Par conséquent, non, il n'y avait pas de raison.

M. Bourbeau: Pourtant, le procès devait commencer dans trois ou quatre mois.

M. Lévesque (Taillon): Vous dites: À ce moment-là. Même à aucun moment je ne crois avoir discuté avec M. Laliberté de cela avant que cela nous arrive dans la face, parce qu'on ne court pas après les problèmes, il y en a suffisamment comme cela, merci. Alors, quand tout à coup, on nous a rappelé - mais c'était à la fin de novembre 1978 - que cela devenait imminent, là, on a commencé à s'en préoccuper. Je pense que je ne l'ai pas caché. Mais, avant cela, je ne vois pas de raison, pas plus avec M. Laliberté qu'avec quiconque.

M. Bourbeau: Je n'accuse pas M. Laliberté. Je veux savoir.

M. Lévesque (Taillon): Non, non, je n'avais pas de raison d'en parler à M. Laliberté avant la fin de 1978 et je ne l'ai sûrement pas fait.

M. Bourbeau: Au moment de la nomination de M. Laliberté, est-ce que vous étiez au courant que le procès devait débuter dans quelques mois?

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, est-ce que vous pouvez me rappeler la date de la nomination de M. Laliberté? L'avez-vous?

M. Bourbeau: II est entré en fonction le 1er octobre 1978, trois mois et demi avant le début du procès.

M. Lévesque (Taillon): Sûrement pas, d'aucune façon, parce qu'à ce moment-là on ne l'avait pas à l'esprit.

M. Bourbeau: Vous n'étiez pas au courant que le procès devait débuter sous peu?

M. Lévesque (Taillon): Peut-être que de façon sous-jacente on était au courant qu'un jour ou l'autre il y aurait un procès. Mais, encore une fois, comme cela ne faisait pas partie de nos préoccupations directes à ce moment-là, je n'avais pas cela à l'esprit. C'est tout.

M. Bourbeau: Un autre membre du conseil d'administration de la SEBJ est M. Pierre Laferrière. Depuis combien de temps le connaissez-vous?

M. Lévesque (Taillon): M. Laferrière, sûrement depuis un bon nombre d'années, parce qu'il a travaillé dans la même action politique que nous.

M. Bourbeau: Vous voulez dire au Parti québécois?

M. Lévesque (Taillon): Oui, oui.

M. Bourbeau: Est-ce que, au moment où il était un permanent du Parti québécois, vous aviez l'occasion de le rencontrer fréquemment?

M. Lévesque (Taillon): Oui, comme les autres.

M. Bourbeau: Est-ce que vous avez eu un mot à dire dans sa nomination comme membre du conseil de la SEBJ?

M. Lévesque (Taillon): Si vous voulez insinuer que j'aurais eu un mot à dire dans le sens que c'est un gars avec qui on a travaillé, etc., je n'avais pas besoin de dire cela parce que, au cas où vous ne le sauriez pas, l'ensemble du Conseil des ministres est membre du Parti québécois. Alors, on avait tous connu M. Laferrière.

M. Bourbeau: Oui, oui, je m'en doutais bien, oui. Est-ce que, au moment où M. Laferrière a été nommé au conseil de la SEBJ, vous avez eu l'occasion de discuter personnellement avec lui?

M. Lévesque (Taillon): Monsieur? M. Bourbeau: M. Laferrière.

M. Lévesque (Taillon): Non, pas que je me souvienne. J'ai dû le rencontrer sûrement, mais pas de la même façon que quand on nomme un président-directeur général.

M. Bourbeau: Vous êtes au courant, évidemment, que tant M. Laliberté que M. Laferrière ont voté en faveur de l'abandon de la poursuite le 6 mars 1979?

M. Lévesque (Taillon): Cela fait honneur à leur jugement, à mon humble avis.

M. Bourbeau: Et quant à M. Claude Roquet, qui était un autre administrateur de la SEBJ, est-ce que vous le connaissiez personnellement?

M. Lévesque (Taillon): Oui, mais pas plus qu'on ne connaît un haut fonctionnaire. M. Roquet était déjà un haut fonctionnaire; il l'est encore; il a changé de ministère. Je le connaissais, oui, mais c'est tout.

M. Bourbeau: Est-ce que vous avez eu l'occasion de parler avec lui, de le consulter, avant sa nomination en octobre 1978 au conseil de la SEBJ?

M. Lévesque (Taillon): Cela me surprendrait. Je crois plutôt que cela a dû être discuté avec le ministre de l'Énergie et des Ressources. À ce moment-là, il était au ministère de l'Énergie et des Ressources. Comme il faisait partie des cadres supérieurs de ce ministère, c'est assez normal que la discussion, pour autant qu'il y en ait une, soit faite avec le ministre concerné. En tout cas, moi, je ne m'en souviens pas, d'aucune façon.

M. Bourbeau: Mais vous connaissiez M. Roquet d'une façon générale, quand même?

M. Lévesque (Taillon): Oui, je l'avais rencontré. Je ne peux pas dire que je ne le connaissais pas.

M. Bourbeau: Êtes-vous au courant que M. Roquet a voté en faveur de l'abandon de la poursuite aussi le 6 mars?

M. Lévesque (Taillon): Je l'ai appris ici. À partir du moment où on a pu pousser, quant à moi, un soupir de soulagement, parce que je croyais profondément que c'était mieux que ce soit réglé, je ne me suis pas demandé qui avait voté pour, qui avait voté contre. Je l'ai probablement appris en cours de route.

M. Bourbeau: Avez-vous eu un mot à dire dans la nomination de M. Roquet comme sous-ministre associé à l'Énergie le 15 mars 1979, soit neuf jours après qu'il eut voté en faveur de l'abandon de la cause?

M. Lévesque (Taillon): Je ne vois pas le rapport et je peux vous jurer - j'ai déjà juré, cela devrait suffire - que je ne pouvais faire aucun rapport entre les votes qui avaient été pris, et que j'ignorais pour la plupart, sinon tous, à ce moment-là, et une nomination. M. Roquet, soit dit en passant, soit au gouvernement d'Ottawa, soit au gouvernement du Québec, a quelque 30 ans d'expérience dans les affaires de l'État et il est considéré comme l'un des plus compétents des fonctionnaires qui aient été formés dans les deux ordres de gouvernement. Franchement!

M. Bourbeau: En ce qui concerne M. Georges Gauvreau, qui était également membre du conseil, est-il exact que vous le connaissiez depuis longtemps aussi?

M. Lévesque (Taillon): Oui. M. Gauvreau, avec M. Gignac... Vous savez, Hydro-Québec, jusqu'à ce qu'on change cette structure qui était vraiment démodée et désuète, était administrée essentiellement par ce qu'on appelait une commission, c'est-à-dire un quatuor et parfois, dans les dernières années, par cinq, je ne sais pas. Cette commission était formée de quatre ou cinq personnes qui s'appelaient les commissaires et qui régissaient l'ensemble d'Hydro-Québec. On a substitué - peut-être que le député s'en souvient - vers 1977 ou 1978, à ce mode de direction trop centralisé, extraordinairement hermétique une structure moderne qui est, d'une part, une direction et, d'autre part, un conseil d'administration.

M. Gauvreau, dans les années de l'ancienne commission, si j'ai bonne mémoire, avait été nommé, sur des recommandations qui me l'ont fait connaître à ce moment-là, commissaire en même temps que M. Jean-Paul Gignac, ingénieur originaire de la Mauricie. Mon voisin de gauche me rappelle que c'est, en fait, de Shawinigan. Et ils se sont rejoints, ce petit groupe, l'aréopage suprême d'Hydro-Québec à l'époque, à peu près vers 1960 ou 1961; forcément, je l'ai connu à ce moment-là.

M. Bourbeau: En 1961. Vous étiez ministre, responsable d'Hydro-Québec, n'est-ce pas?

M. Lévesque (Taillon): Ministre de tutelle, comme on dit, oui.

M. Bourbeau: Est-ce exact que vous avez fait vos études avec lui? Je crois qu'il nous a dit cela.

M. Lévesque (Taillon): Avec M. Gauvreau?

M. Bourbeau: C'est ce qu'il a dit lorsqu'il est venu ici.

M. Lalonde: De la même école, mais pas de la même classe. C'est ce qu'il a dit, je crois.

M. Lévesque (Taillon): Je sais que M. Gauvreau a pratiqué - il n'était pas originaire de ce coin - comme notaire dans la région de la Gaspésie. Je ne sais pas si c'est spécifiquement dans mon village natal. Je pense que oui. Mais les études, ça ne me rappelle rien. Il arrive souvent, si on n'était pas dans les mêmes classes, que, quand on arrive dans un collège ou peu importe, on se connaît vaguement. Je n'en sais pas plus long.

M. Bourbeau: II y a peut-être bien des gens qui prétendent avoir fait leurs études avec vous, surtout des études de droit.

M. Lévesque (Taillon): Ah! peut-être en droit, oui. Lui, il l'a fini. Moi, j'avoue que je me suis libéré de cela grâce à la guerre.

M. Bourbeau: En ce qui concerne M. André Thibaudeau, il a été nommé administrateur de la SEBJ au mois d'octobre 1978, quelques mois avant le début du procès. Avez-vous eu un mot à dire dans sa nomination?

M. Lévesque (Taillon): Comme dans les autres cas, cela passe, d'abord, par le ministre de tutelle comme recommandation, c'est normal; comme dans les autres cas, oui, sûrement. Si j'ai eu un mot à dire, il devait être éminemment favorable. C'est tout ce que je pourrais dire.

M. Bourbeau: Vous le connaissiez avant sa nomination? (13 h 15)

M. Lévesque (Taillon): Je l'ai surtout connu quand il était à un poste de direction d'un syndicat, le Syndicat canadien de la fonction publique, si j'ai bonne mémoire, le SCFP. À l'occasion de certains problèmes qui sont survenus à Hydro-Québec, j'ai pu constater à quel point c'était un syndicaliste à la fois compétent et très précis dans ses

opinions, très correct. Il me semble que c'est normal que, dans un ensemble qui est un conseil d'administration, le milieu syndical, qui, forcément, a des répercussions sur l'ensemble des employés très nombreux d'une grande entreprise comme celle-là, ait un représentant.

M. Bourbeau: Je présume que vous étiez au courant que M. Thibaudeau était un des fondateurs du syndicat FTQ à HydroQuébec?

M. Lévesque (Taillon): Oui, sûrement.

M. Bourbeau: Est-ce que vous savez que M. Thibaudeau avait consulté M. Louis Laberge avant d'accepter son poste de commissaire à la SEBJ?

M. Lévesque (Taillon): Non, mais cela me paraît normal.

M. Bourbeau: Est-ce que vous avez discuté personnellement avec M. Thibaudeau avant sa nomination?

M. Lévesque (Taillon): Peut-être, mais cela me surprendrait. Il ne s'agissait pas d'une nomination de cadre supérieur, de direction, etc., où le gouvernement doit évaluer et où je me sens responsable, dans bien des cas, de me faire une opinion précise, ce que je pourrais qualifier d'une opinion faite sur pièces, y compris les rencontres. Quand il s'agit du conseil d'administration, c'est également très important, mais, règle générale, on discute entre nous des recommandations qui viennent du ministre qui est tuteur, si vous voulez, de l'entreprise. Je ne pense pas que j'aie eu l'occasion d'en parler avec M. Thibaudeau à ce moment.

M. Bourbeau: Vous disiez tout à l'heure que cela vous paraissait normal que M. Thibaudeau consulte M. Laberge avant d'accepter. Est-ce que cela vous paraît normal qu'un chef syndical de la FTQ vote pour l'abandon d'une cause contre le syndicat de la FTQ?

M. Lévesque (Taillon): C'est presque un procès. Moi, ce que je trouve - enfin, je ne dirai pas ce que j'en pense - c'est que c'est presque un procès par insinuation qu'on fait d'un homme qui a été à un poste de responsable dans le syndicalisme, qui est un milieu aussi respectable que les autres, j'espère, et qui n'avait plus ce poste parce qu'à ce moment je pense que M. Thibaudeau était déjà passé à l'Université de Montréal, comme professeur aux Hautes études commerciales. Dire qu'à cause de ses antécédents, cela va fausser sa conscience quand vient le moment de prendre des décisions, cela me paraît charrier un peu.

M. Bourbeau: Ce n'est peut-être pas sa conscience, je ne dirais pas cela, mais lui-même a fait état ici, quand il a témoigné, du fait qu'il y avait la CSN et la FTQ, que les deux syndicats se battaient souvent sur les chantiers et que, forcément, étant de la FTQ...

M. Lévesque (Taillon): On sait cela. C'est au moment où l'ancien gouvernement de votre parti était en train de négocier illégalement un monopole syndical avec, hélas, les bandits qui avaient pris le contrôle de la FTQ-Construction.

M. Bourbeau: De toute façon, vous étiez au courant que M. Thibaudeau avait voté pour l'abandon de la poursuite.

M. Lévesque (Taillon): Je ne l'étais pas à ce moment, mais je le suis devenu, sûrement. Je ne pouvais pas faire autrement que de le devenir une fois pour toutes pendant les interminables semaines de cette commission. C'est revenu assez souvent.

M. Bourbeau: Toujours en ce qui concerne la SEBJ, qui était un des trois acteurs dans le dossier, il y avait des avocats, évidemment, qui la représentaient. Il y avait Me François Aquin. Je pense que vous le connaissez aussi depuis assez longtemps.

M. Lévesque (Taillon): Oui, enfin depuis assez longtemps, depuis les années soixante, à partir du moment surtout - je ne pense pas que je l'aie connu avant - où il est devenu député libéral en première étape de sa carrière politique, vers 1962 ou 1966. Enfin, il faudrait que je retrouve cela, 1966, je crois.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il a milité dans votre parti après avoir quitté le Parti libéral?

M. Lévesque (Taillon): Oui, après avoir quitté le Parti libéral, il a milité jusqu'au jour où, à cause de certains différends... Il n'a pas milité très longtemps parce qu'au congrès de fondation de notre parti Me Aquin - enfin, après le congrès de fondation - à cause de certains différends qui avaient été débattus pendant ce congrès, a cessé, disons, d'être actif politiquement.

M. Bourbeau: Vous étiez au courant des liens d'amitié qui unissaient et unissent encore, d'ailleurs, selon leur propre témoignage, Me Aquin et votre conseiller spécial, Yves Gauthier?

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Bourbeau: En ce qui concerne Me Cardinal qui représentait aussi la SEBJ, il y a longtemps que vous le connaissiez?

M. Lévesque (Taillon): Non. En fait, je ne peux pas dire vraiment que je connais ce M. Cardinal. Je le reconnais quand je le vois, on se salue, mais je n'ai jamais eu de contacts assez suivis pour dire que je le connais" au sens un peu étendu du mot.

M. Bourbeau: Est-ce que vous étiez au courant que votre chef de cabinet, Jean Roch Boivin a toujours eu, enfin, depuis longtemps, d'après les témoignages, des liens d'amitié avec Me Cardinal?

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, je ne sais pas comment cela se passe chez les notaires, mais je suppose que c'est vrai dans tous les métiers, dans toutes les professions. Il s'agit de tout un groupe d'avocats de Montréal. Évidemment, ils ne se connaissent pas tous, les quelques centaines ou je ne sais pas combien ils sont à Montréal, mais ceux qui se connaissent deviennent, je suppose, comme cela arrive dans tous les métiers, ou bien des gens qui ne peuvent pas se sentir ou plus ou moins des amis.

M. Bourbeau: Je dis cela parce que Me Cardinal disait que parfois il allait au bureau de Me Boivin pour aucune autre raison que pour lui faire une visite d'amitié. Alors, je présume que...

M. Lévesque (Taillon): Oui. Enfin, c'est leur affaire.

M. Bourbeau: Oui, d'accord. Cela termine, je pense, pour l'acteur qui est la SEBJ. Il reste le troisième acteur.

M. Lévesque (Taillon): Je voudrais rappeler seulement une chose.

M. Bourbeau: Oui.

M. Lévesque (Taillon): Quant à faire la nomenclature, j'ai bien connu - il a même failli militer avec nous au moment de la charnière 1966-1967 - M. Robert Bourassa, à ce moment-là député de Mercier, et beaucoup d'autres.

M. Bourbeau: D'accord. Mais, si j'ai bien compris, il n'était pas un des procureurs au dossier ici. Pour l'instant, on va le laisser de côté.

M. Lévesque (Taillon): Non, mais il était peut-être partie à l'origine au dossier. Mais, enfin, c'est autre chose.

M. Bourbeau: Si vous voulez qu'on termine le tour d'horizon de la famille, j'aimerais passer au troisième acteur, à savoir les défendeurs dans la cause ou les syndicats poursuivis. Les syndicats poursuivis étaient essentiellement représentés par deux avocats, la plupart des syndicats québécois par Me Michel Jasmin et le syndicat américain, par Me Rosaire Beaulé. On peut commencer par Me Jasmin. Pourriez-vous nous dire si vous connaissez bien Me Jasmin?

M. Lévesque (Taillon): Moins bien que d'autres. J'ai rencontré Me Jasmin assez fréquemment au cours des années, je pense, depuis un bon nombre d'années, mais on n'a jamais été mêlés de façon directe ou continue à des choses qui nous auraient permis de dire qu'on se connaissait bien, vraiment bien. Mais je le connais, oui.

M. Bourbeau: Vous êtes président du Parti québécois. Me Jasmin n'a-t-il pas joué un rôle actif au sein du Parti québécois lors de campagnes électorales?

M. Lévesque (Taillon): Oui, surtout au moment des campagnes électorales. Je pense qu'il a toujours - ou à peu près - fait partie des conseillers juridiques dont on a besoin à ce moment-là et dont le rôle... Si ce que vous voulez dire est: Était-il membre du Parti québécois, oui, sûrement, mais il n'était pas un membre avec qui j'avais des relations très fréquentes.

M. Bourbeau: Étiez-vous au courant, par exemple, que Me Jasmin avait des liens d'amitié très serrés avec Yves Gauthier, votre conseiller spécial? Cela a été évoqué ici à plusieurs reprises.

M. Lévesque (Taillon): Oui, mais je ne reprendrai pas ce que M. Gauthier a dit, c'est évident.

M. Bourbeau: D'accord. Enfin, le dernier de ceux que j'ai nommés, Me Rosaire Beaulé. Je pense que vous le connaissez depuis longtemps, celui-là, n'est-ce pas?

M. Lévesque (Taillon): Oui, depuis les années soixante. Encore une fois, dans notre sombre passé libéral, on s'était rencontrés dans les années soixante.

M. Bourbeau: Avez-vous eu l'occasion de travailler avec Me Beaulé au sein du Parti québécois au cours de ces nombreuses années?

M. Lévesque (Taillon): Oui. Je ne pourrais me rappeler aucune occasion particulière, parce que Me Beaulé n'était pas proche, si vous voulez, de l'organisation courante du parti, mais il était toujours éminemment disponible et je suis sûr qu'au moment des élections il a agi aussi comme

conseiller juridique. Je pense qu'il est même venu donner un coup de main dans le comté de Taillon à un moment donné, en 1976; en 1981, je ne m'en souviens pas.

M. Bourbeau: Mais pas plus fréquemment que cela? Il n'était pas plus actif que cela?

M. Lévesque (Taillon): Non, parce qu'il est très actif dans sa pratique. C'est un militant qui est disponible comme bénévole, quand cela lui paraît être le moment, mais il a d'autres chats à fouetter.

M. Bourbeau: Lors de l'élection de 1973, n'avez-vous pas passé vous-même par ce qu'on appelle un recomptage après l'élection?

M. Lévesque (Taillon): Oui. Je pense que oui.

M. Bourbeau: Pourriez-vous nous dire quel était l'avocat qui vous représentait lors de ce recomptage?

M. Lévesque (Taillon): Vous voulez dire que ce serait Me Beaulé?

M. Bourbeau: Pardon?

M. Lévesque (Taillon): Vous voulez dire que ce serait Me Beaulé?

M. Bourbeau: Mais je vous le demande.

M. Lévesque (Taillon): II faudrait que je regarde cela, mais cela ne me paraît pas invraisemblable. Oui, cela se peut, et après?

M. Bourbeau: Je trouve cela étrange que vous ne vous en souveniez pas, parce que j'ai eu un recomptage et je pourrais dire exactement qui était mon avocat. C'est assez important, je pense.

M. Lévesque (Taillon): Avez-vous gagné ou perdu cette fois-là?

M. Bourbeau: J'ai gagné.

M. Lévesque (Taillon): Oui? Eh bien, moi, j'avais perdu. Alors, cela...

M. Bourbeau: Ah bon! Ah bon!

M. Lévesque (Taillon): ...ne m'a pas laissé...

M. Bourbeau: C'est peut-être parce que vous avez la reconnaissance moins aiguë que moi.

Le Président (M. Jolivet): C'est une opinion qui était un peu déplacée, M. le député.

M. Bourbeau: Le premier ministre est tout sourire, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, je sais, mais...

M. Duhaime: C'est dans ce temps-là que vous êtes méchant.

M. Bourbeau: Cela termine la revue des principaux acteurs, M. le Président. Je pourrais en nommer d'autres. Je voulais vous demander, au sujet de Me Raymond Bachand, qui a été nommé ici à cette commission, qui était le chef de cabinet de M. Pierre-Marc Johnson, si vous le connaissiez...

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Bourbeau: ...parce qu'on a dit qu'il avait eu un mot à dire dans la nomination de Me Gauthier au poste de tuteur. Je voulais seulement savoir si...

M. Lévesque (Taillon): Cela me surprendrait beaucoup. Je ne sais pas qui a prétendu cela, mais, enfin, cela se peut qu'il ait eu un mot à dire. Il y a beaucoup de gens qui, à l'occasion...

M. Bourbeau: C'est Me Gauthier qui nous a dit qu'il avait été approché par Me Bachand lors de la nomination.

M. Lévesque (Taillon): Ah oui! Comme chef de cabinet, au moment où il en était sérieusement question, c'est normal, parce que, pour les tuteurs, dans des cas comme ceux-là - il s'agit de syndicats - forcément, le ministère du Travail est impliqué.

M. Bourbeau: D'accord.

Une voix: Faites jouer votre cassette maintenant.

M. Bourbeau: Bon. M. le Président, étant donné que vous nous avez indiqué que vous vouliez qu'on accélère, je laisserai de côté certaines notes. Je passerai à quelques questions et je ferai de très brefs commentaires après.

M. Duhaime: Oui, parce qu'on a faim.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que je dois me méfier des très brefs commentaires?

M. Duhaime: On commence à avoir faim, on vous fera payer le lunch.

M. Bourbeau: Hier, M. le premier ministre, lors de votre témoignage, alors que

vous étiez interrogé par mon collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez très fortement appuyé sur un point. M. le député de Marguerite-Bourgeoys essayait de savoir si vous aviez eu un rôle à jouer sur les questions d'argent. Il évoquait le fait que Me Jasmin était venu au bureau de Me Boivin - je pense que c'était à la suite des allégations de M. Pouliot - et vous avez dit ceci: "Je vous affirme aussi très simplement que, sur aucun des aspects concrets de tout cela, je n'ai jamais parlé à M. Jasmin." Vous nous avez dit que M. Jasmin est venu ici et qu'il a déclaré ne vous avoir jamais parlé d'argent.

M. Lévesque (Taillon): À moi...

M. Bourbeau: Oui, oui. Et vous avez fait la contrepartie en disant: "Moi, non plus, je n'ai jamais parlé d'argent à Me Jasmin." D'après ce que vous nous avez dit, la preuve est bonne. Me Jasmin dit: Je n'en ai pas parlé à M. Lévesque et M. Lévesque dit: Je n'en ai pas parlé à Me Jasmin. En fait, vous vous souvenez d'avoir dit cela hier?

M. Lévesque (Taillon): Oui, oui. M. Bourbeau: Bon, d'accord.

M. Lévesque (Taillon): C'est très simple. Je sais que je n'ai pas parlé d'argent dans le sens de m'impliquer là-dedans, d'aucune façon. Il était entendu que mon bureau ne le faisait pas, non plus. Je n'ai pas de misère à vous dire que je n'en ai sûrement pas parlé à Me Jasmin, pas plus qu'aux autres que, d'ailleurs, je n'ai pas vus de façon personnelle, sauf pour leur dire bonjour quand je les apercevais dans le couloir ou que je les voyais entrer chez Me Boivin. Comme vous l'avez très bien souligné, c'étaient d'excellents, d'honorables et de vieux amis dans la plupart des cas. Me Jasmin, aujourd'hui le juge Jasmin, a pu au moins sortir du carcan du secret professionnel auquel il est encore tenu pour venir dire ici sous serment qu'il ne m'en avait jamais parlé. Alors, c'est cela.

M. Bourbeau: Vous avez été très catégorique qu'en ce qui vous concerne Me Jasmin ne vous a jamais parlé d'argent. Est-ce que vous pourriez également jurer que Me Jasmin n'a jamais parlé d'argent avec Me Boivin?

Le Président (M. Jolivet): La question n'est même pas recevable.

M. Lévesque (Taillon): M. Boivin a dit ce qu'il avait à dire ici sous serment. Ce n'est pas à moi de commencer à entrer dans cela.

M. Bourbeau: C'est parce que, lors de...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne veux pas que cela continue. Elle est irrecevable; donc, passez à une autre question.

M. Bourbeau: Très bien, M. le Président. Le bureau du premier ministre comprend plus que le premier ministre, il comprend aussi un chef de cabinet. Le 20 février 1979, quand vous avez fait en Chambre votre déclaration qui est au centre de nos travaux, comme l'a souligné tout à l'heure mon collègue, le député de Gatineau, à plusieurs reprises, vous avez insisté pour évoquer que le sentiment que vous aviez exprimé répondait à la demande de la SEBJ. Chaque fois, vous avez pris la peine de dire: "Je leur ai dit comme ils me le demandaient." On a souligné amplement que vous avez insisté là-dessus. Mon collègue de Marguerite-Bourgeoys vous a reproché hier de ne pas avoir révélé à ce moment que c'est vous-même qui aviez déclenché le processus en demandant à votre chef de cabinet de faire connaître à la SEBJ, votre désir que la cause soit abandonnée. Évidemment, il vous reprochait de ne pas avoir révélé l'implication précédente, dont, entre autres, cette rencontre du 3 janvier où votre chef de cabinet avait déclenché le processus. Vous avez référé hier à cette rencontre du 3 janvier comme étant: "Cette histoire du 3 janvier". C'est une façon un peu légère de décrire un événement qui, semble-t-il, était assez capital. Pourtant, c'est le 3 janvier que votre décision de faire régler hors cour a été communiquée pour la première fois. Je pense que je ne me trompe pas en disant cela, que c'est à cette date que votre voeu, votre décision, votre désir a été communiqué pour la première fois, lors de cette histoire du 3 janvier.

C'est à partir du 3 janvier que Me Boivin, d'une part, a communiqué votre désir à la SEBJ qui a été transmis par M. Laliberté à certains membres du conseil de la SEBJ, d'après son témoignage, et c'est à partir du 3 janvier aussi que votre chef de cabinet a avisé Me Jasmin que le premier ministre souhaitait un règlement.

M. Lévesque (Taillon): Sauf erreur, cela a été évoqué tout à l'heure, c'était un peu plus tard, vers le 12 janvier, je crois. (13 h 30)

M. Bourbeau: Entre le 3 et le 16 janvier. J'ai dit: À partir de ce moment, je ne voulais pas préciser la date. Donc, le 3 janvier, la réunion a lieu et M. Boivin fait deux choses. Il dit à la SEBJ: Le premier ministre veut que vous régliez, lequel voeu est transmis par le président de la SEBJ à certains de ses collègues. Me Boivin, deuxièmement, dit à l'avocat des défendeurs:

Le premier ministre a fait connaître son voeu, ce qui, tout à l'heure, a fait dire à mon collègue de Gatineau: Énerve-toi pas, le bureau du premier ministre s'en occupe.

La question que je veux vous poser est celle-ci; c'est pour cela que j'ai évoqué ces faits. Donc, le 20 février, vous dites: On m'a demandé mon sentiment, je l'ai donné comme on me le demandait. Pourtant, comme l'a dit mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, le processus avait été déclenché par vous un mois avant. Vous avez, dans votre réponse, plus ou moins escamoté cette réunion du 3 janvier, vous n'en avez pas parlé. Vous avez dit hier: Je n'en ai pas parlé parce qu'on ne me l'a pas demandé. On ne m'a pas posé la question, je n'ai pas répondu. Moi, j'aimerais vous poser une question: Comment le député de Marguerite-Bourgeoys pouvait-il poser la question pertinente...

Le Président (M. Jolivet): Tout cela pour en arriver à une question, qui est une opinion, donc irrecevable. Je pensais que le député faisait des commentaires, je n'osais pas l'arrêter, mais il m'arrive avec une question, qui est une opinion.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question; je ne parlerai pas du commentaire.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc.

M. Lalonde: Cette question se rattache directement à une réponse du premier ministre contenue dans sa déclaration ou en réponse à des questions, à savoir que la question ne lui a pas été posée. Il me semble qu'il va de soi - c'est tout à fait pertinent - qu'on pose au premier ministre la question: Comment pouvait-on poser la question?

Le Président (M. Jolivet): Je pense, M. le député, qu'on va se comprendre.

M. Bourbeau: Je vais la reprendre.

Le Président (M. Jolivet): Bon, d'accord, cela va m'aider.

M. Bourbeau: M. le premier ministre, si tout, dans votre réponse du 20 février 1979, tendait à laisser croire que dans ce dossier votre action n'avait commencé essentiellement que lors de la rencontre du 1er février, est-ce que votre chef de cabinet vous a dit comment mon collègue de Marguerite-Bourgeoys pouvait poser une question pertinente...

Le Président (M. Jolivet): M. le député!

M. Bourbeau: Non, non, je m'excuse. M. le Président, vous me faites faire de l'acrobatie, mais, pour rendre ma question pertinente, je suis obligé de la changer. Si tout, dans votre réponse du 20 février, escamotait, si vous voulez, votre action précédente, votre chef de cabinet vous a-t-il dit comment mon collègue pouvait comprendre votre réponse?

Le Président (M. Jolivet): C'est vraiment une astuce qui ne me permet pas d'accepter la question.

M. Lévesque (Taillon): Plus elle devient acceptable, plus elle devient incompréhensible. Alors...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Bourbeau: M. le Président, de toute façon, moi, je me comprends.

Le Président (M. Jolivet): Donc, vous avez des commentaires pour le moment, je pense?

M. Bourbeau: M. le Président, je vais regarder mes notes...

Le Président (M. Jolivet): Oui, oui, d'accord.

M. Bourbeau: ...pour voir si je ne pourrais pas trouver une façon de poser ma question, mais je vois bien que vous allez la déclarer irrecevable. J'aimerais faire certains commentaires, oui.

Le Président (M. Jolivet): Allez.

M. Bourbeau: Je pense, M. le Président, que ce qui nous importe ici, c'est de savoir si, oui ou non, le journal La Presse a raison de dire que le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale. C'est le point central. Et je pense que, dans cette déclaration que le premier ministre a faite, et qu'on lui reproche, le 20 février 1979, il y a deux éléments essentiels: premièrement, le fait que ce n'est pas dans son bureau, ni de près ni de loin, que le règlement ou partie du règlement a eu lieu, et, deuxièmement, en ce qui me concerne, je pense, le fait aussi que le premier ministre a déclaré que son bureau n'avait pas pesé sur la décision. Alors, deux éléments: il n'y a pas eu de règlement, ni en partie ni en tout, dans le bureau du premier ministre, et, deuxièmement, on n'a pas pesé sur la décision.

Je voudrais analyser avec vous, si vous voulez, pendant quelques instants, ces deux éléments-là. En ce qui concerne le règlement comme tel - je pense que mon collègue l'a fait hier, mais, vous savez, quand on passe le troisième ou le quatrième, quelquefois on est obligé de reprendre certains des propos -le règlement que j'ai devant moi, qui a été

signé par toutes les parties à la fin, lorsqu'on a retiré la cause, en le lisant attentivement, on constate - et c'est très court - certaines choses: premièrement, certains des syndicats reconnaissent leur responsabilité, mais pas tous, il faut le noter. Il y en a deux ou trois qui la reconnaissent et d'autres qui ne la reconnaissent pas. Comme les individus, d'ailleurs; ils n'ont pas tous reconnu leur responsabilité. En ce qui concerne le paiement d'une somme d'argent, certains ont payé et certains n'ont pas payé. Donc, ce sont deux des éléments.

Le troisième élément, le plus important, bien sûr, c'est le fait que la SEBJ a accepté, en contrepartie de ce que je viens de dire, de retirer la poursuite. C'était très important, évidemment, puisque le procès était déjà en cours à ce moment-là. Sans vouloir reprendre au complet l'argumentation qui a déjà été faite en ce qui concerne le retrait de la cause, ceux qui ont passé avant moi ont plaidé éloquemment pour dire que le premier ministre, en faisant connaître son voeu, d'abord, par Me Boivin à la SEBJ, Me Boivin transmettant les instructions subséquemment au président de la SEBJ, qui, lui, les a retransmises à certains des administrateurs, les instructions venant du premier ministre du Québec et non pas de n'importe quel petit pékin, comme on dit, cela avait nécessairement un poids. Sans cela, c'est accorder bien peu d'importance au premier ministre.

Deuxièmement, sur la question du retrait de la cause, il y a aussi le fait que le premier ministre lui-même a rencontré des administrateurs, les premiers, les directeurs généraux et le président du conseil, et s'est permis d'insister de nouveau, mais là d'une façon vraiment énergique. Donc, il n'y avait pas d'équivoque, le premier ministre du Québec exigeait qu'on règle la cause, qu'on abandonne la poursuite et, en plus de cela, il ajoutait même une menace: Si vous ne le faites pas, on va le faire à votre place. En tout cas, comme observateur - j'oserais dire que je ne suis pas avocat, comme on l'a dit; il paraît que c'est bon de le dire -enfin, en simple spectateur, je constate qu'effectivement le bureau du premier ministre et le premier ministre lui-même se sont impliqués fortement dans le fait que la SEBJ a retiré la poursuite.

En ce qui concerne la reconnaissance de responsabilité - et on voit que la SEBJ en a fait une condition essentielle du règlement - encore là, on a vu que votre chef de cabinet, M. le premier ministre, s'en est occupé grandement. D'abord, vous-même en avez discuté lors de la réunion du 1er février avec M. Boyd. Me Boivin, votre chef de cabinet, nous a dit qu'il a fait le commis voyageur entre le président de la SEBJ et les avocats de la défense pour les informer sur cette question. Lui-même, Me Boivin, de votre bureau, a contacté aussi les avocats de la SEBJ, Geoffrion et Prud'homme, pour savoir si c'était exact que la question de la responsabilité était importante. Donc, il s'en est mêlé du début jusqu'à la fin.

Finalement, le troisième élément, la question du paiement d'une somme d'argent, il ne semble pas que c'était important pour quiconque, mais cela fait partie du règlement. En fait, pour le Parti québécois, c'est très important parce qu'il semble que, pour lui, il n'y a que cela d'important là-dedans. Le règlement, c'est de l'argent. On ne peut pas vraiment dire avec certitude qu'on a parlé d'argent dans le bureau du premier ministre. Le seul qui pourrait le dire, c'est Me Jasmin, qui, lui, a discuté dans le bureau du premier ministre, mais il est sous secret professionnel. Donc, on ne peut pas lui poser la question. On a une preuve circonstantielle d'un M. Pouliot qui, lui, dit: Me Jasmin nous a dit qu'il avait discuté d'argent. M. Pouliot, on ne pourra pas l'entendre. En ce qui concerne la question d'argent strictement, un des trois éléments du règlement, on est obligé de garder nos impressions, en espérant, toutefois, que la commission voudra bien convoquer M. Pouliot.

Maintenant, je voudrais revenir sur le deuxième point, la question de peser sur la décision, parce que cela faisait aussi partie de votre déclaration. Est-ce que, oui ou non, le premier ministre ou son bureau a pesé sur la décision? Peser sur la décision, ce sont les propos, M. le premier ministre, que vous avez tenus, au cas où vous...

M. Lévesque (Taillon): Enfin, je ne sais pas là, vous terminez des commentaires par une question?

M. Bourbeau: Je suis encore dans mes commentaires.

M. Lévesque (Taillon): Oui, mais c'est une question que vous me posez?

M. Bourbeau: Pas du tout, je ne pose pas de question.

M. Lévesque (Taillon): Ah! Ah! Je m'excuse. C'est parce que vous me regardiez en pleine face, puis vous disiez: Est-ce que le premier ministre...?

M. Bourbeau: Oui, mais je fais mes commentaires et je vous regarde.

M. Lévesque (Taillon): Non. D'accord, je m'excuse.

M. Bourbeau: Vous n'avez pas d'objection à ce que je vous regarde?

M. Lévesque (Taillon): Vous savez, je ne suis pas plus avocat que vous; alors, on peut se mêler tous les deux.

M. Bourbeau: II me semble que c'est plus facile. Est-ce que, oui ou non, vous ou votre bureau avez pesé sur le règlement? Alors là, le premier ministre lui-même - on peut tirer ses propres conclusions - a rencontré les dirigeants de la SEBJ et a fait connaître son voeu pieux. Comme le disait mon collègue hier: le tout religieusement soumis. Si ce n'est pas, cela, peser sur une décision, je me demande ce que c'est.

En ce qui concerne votre chef de cabinet, parce que c'est votre bureau qui n'aurait pas pesé sur la décision, Me Boivin n'a pas cessé d'être comme une abeille dans le dossier. Il était aussi actif qu'une abeille. Il s'est promené d'un avocat à l'autre, d'un bureau à l'autre, d'un téléphone à l'autre. Continuellement, il s'est assuré que le train qui avait démarré le 3 janvier était en marche et qu'il se poursuivait.

Ceci est assez intéressant et j'aimerais faire un résumé assez court de ce qui s'est passé. Il faut se remettre dans le contexte. Le premier ministre lui-même, dans sa réponse le 20 février 1979 en Chambre, avait dit au député de Marguerite-Bourgeoys: "Je me permettrai de donner l'arrière-plan." Je me suis arrêté à faire l'arrière-plan et je me suis dit ceci: En 1974, a lieu le saccage de la Baie-James; deux ans après, au début de 1976, la poursuite est instituée en cour, la SEBJ décide de poursuivre; quelques mois plus tard a lieu une élection provinciale où le Parti québécois a été élu avec un préjugé favorable pour les syndicats; après cela, dans les mois ou, enfin, les années qui ont suivi, il y a eu une réforme d'Hydro-Québec qui a fait passer de cinq à onze le nombre des administrateurs. Or, on sait que les administrateurs - avant la réforme, c'étaient des commissaires, je ne veux pas mêler le monde - d'Hydro-Québec et de la SEBJ étaient des vieux de la vieille, comme on dit, des gens qui étaient là depuis 30 ans, qui avaient bâti Hydro-Québec, qui étaient des durs et qui défendaient les intérêts d'Hydro-Québec à mort. Ces gens-là ne voulaient pas régler. M. Giroux et M. Boyd ne voulaient pas régler. Enfin, en ce qui me concerne, les cinq commissaires d'Hydro-Québec n'étaient pas intéressés à régler la cause pour des "pinottes".

Qu'est-ce que le gouvernement pouvait faire? Il avait fait une promesse, il avait un préjugé favorable envers les syndicats et il voyait que, devant lui, il y avait HydroQuébec qui ne bougeait pas et qui ne bougerait pas, non plus. C'est simple, on a amendé la Loi sur l'Hydro-Québec. On a élargi le conseil d'administration de cinq à onze, donc on l'a dilué - on appelle cela une opération de dilution - et on a fait entrer dans le conseil d'administration des nouveaux personnages dont plusieurs avaient des liens familiaux assez rapprochés du Parti québécois, des connaissances, des gens qui, probablement, seraient susceptibles de voter éventuellement en faveur de l'abandon de la cause. C'est un hasard peut-être, mais c'est arrivé comme cela.

Or, à la fin de 1978, voilà que s'amène M. Louis Laberge. M. Louis Laberge me fait penser un peu - et je ne voudrais pas l'insulter, c'est seulement pour rire - à Shylock qui vient chercher sa livre de chair. Le procès arrive. Moi, j'ai livré la marchandise en 1976; maintenant, je veux ma livre de chair. Sa livre de chair, c'est quoi? C'est le règlement de la poursuite de 32 000 000 $ instituée contre ses syndicats. On ne peut pas blâmer M. Laberge. Il avait rendu service; maintenant, il venait chercher sa récompense. Or, le problème, c'est que la récompense n'était pas facile à livrer. Hydro-Québec avait résisté. On venait de modifier le conseil d'administration, mais on n'avait pas fait entrer que des marionnettes dans le conseil d'administration; il y avait des gens là-dedans qui se tenaient debout. C'est tellement vrai qu'après que le premier ministre eut fait connaître au président de la SEBJ son souhait de régler le 3 janvier, ce n'était pas encore sûr que cela passerait. La preuve, c'est que Me Gauthier, le conseiller spécial du premier ministre, nous a dit que le 26 janvier, quand il a parlé à Me Aquin, il lui a dit: II y a un partage dans le conseil d'administration, je ne suis pas sûr que cela va passer. Alors, on était rendu en plein dans le procès et, même malgré l'opération de dilution qu'on avait faite pour élargir le conseil, cela résistait et cela résistait fort, à part cela.

Le 26 janvier, Me Gauthier dit: II y a un partage. Quatre jours après, le premier ministre rencontre les patrons, M. Boyd, M. Laliberté et M. Saulnier et il dit: "Crisse", vous allez régler. Parce que ce n'était pas suffisant, que cela ne passait pas encore, c'est le coup de poing sur la table et ce n'est pas aux petits administrateurs, c'est aux patrons, au président, au P.-D.G. Cela devrait être suffisant. Effectivement, cela a été suffisant et c'est ce qui est drôle quand on regarde cela, parce que, si on regarde les minutes, le 1er février, le premier ministre met le poing sur la table et, six jours après, le conseil d'administration de la SEBJ se réunit. Après avoir dit, un mois avant: On continue la poursuite, le 6 février, le conseil d'administration adopte une résolution disant: On donne mandat à nos avocats d'explorer la possibilité d'un règlement hors cour sur la base d'une reconnaissance par tous les organismes qui sont défendeurs de leur responsabilité, tous, et, deuxièmement, du paiement à la SEBJ d'une somme d'argent acceptable. C'est le 6 février, six jours après

le sommet où le premier ministre a fait savoir ses souhaits d'une façon non équivoque et religieusement soumise. (13 h 45)

Deux semaines plus tard, le 20 février, autre réunion du conseil d'administration et, à ce moment, une autre résolution est adoptée. On dit: On donne mandat aux avocats de proposer un règlement hors cour sur la base d'une reconnaissance par tous les défendeurs de leur responsabilité - encore là, on maintient tous les défendeurs, pas une partie, tous - et, deuxièmement, du paiement d'une somme représentant substantiellement les frais juridiques. Alors, voilà les deux résolutions.

Finalement, que s'est-il passé? Quelques semaines plus tard, tout a foiré, pour employer une expression de chez nous. Tout a foiré. Le conseil d'administration, qui se tenait debout, avait dit: On va régler si tous reconnaissent leur responsabilité et si on obtient nos frais juridiques. On a signé un règlement où seulement une partie des syndicats poursuivis a reconnu sa responsabilité et non pas tous et, deuxièmement, pour un montant d'argent qui est nettement inférieur aux frais juridiques. Donc, le conseil d'administration a carrément perdu la face parce qu'il avait fait connaître ses exigences et il a été obligé de plier, forcément - enfin, c'est ce que je vois -devant un règlement qui ne rencontrait nullement les exigences des deux premières résolutions.

Que doit-on conclure de tout cela? Est-ce que le député de Marguerite-Bourgeoys et l'Assemblée nationale ont été induits en erreur par les réponses du premier ministre, du 20 février, qui escamotaient complètement le rôle de déclencheurs que le premier ministre et son bureau ont joué dans la cause? Quant à moi, je peux dire que je crois en toute conscience que le premier ministre et son bureau, enfin le premier ministre lui-même en ce qui concerne sa déclaration a, sciemment ou non, induit la Chambre en erreur et que, d'une façon générale, les articles qui ont été publiés dans la Presse étaient bien fondés. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le député, en vous rappelant que vous m'aviez dit que vous aviez, comme tous les autres d'ailleurs, des brefs commentaires; je ne voudrais pas ajouter mon commentaire, non plus. M. le député de Brome-Missisquoi, en vous rappelant que nous devions normalement terminer à 13 h 30. On a dit 13 h 30, 13 h 45. Vous m'avez dit que vous avez pour quinze à vingt minutes de questions. Je sais que le premier ministre aussi a un commentaire général avant d'être libéré. Je ne voudrais pas que cela dure trop longtemps.

M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Non, mais je tenais, quand même, à faire mon intervention, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, vous êtes la...

M. Paradis: ...en présence du premier ministre pour qu'il ait l'occasion d'y répliquer. J'y tenais.

Le Président (M. Jolivet): Je crois comprendre que ce sont des commentaires, simplement.

M. Paradis: Oui.

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Paradis: Le saccage de la Baie-James, le règlement hors cour, René Lévesque a trompé l'Assemblée nationale du Québec. C'est l'accusation qui est portée. C'est le mandat de la commission. On a entendu 19 témoins, M. le Président, dont le premier ministre lui-même. La preuve est accablante. On a entendu patiemment, tout au long de la journée d'hier et aujourd'hui, le premier ministre nous présenter sa défense à cette accusation de la Presse et on la retrouve substantiellement dans un document qu'il nous a remis hier. Lorsqu'on analyse ce document, quel genre de défense trouve-t-on? On trouve une défense brillamment, savamment montée, savamment exécutée, une défense qui est basée sur la défense péquiste habituelle.

Ce que nous dit le premier ministre dans un premier temps dans sa déclaration, c'est que, comme premier ministre du Québec, il avait le droit d'intervenir, qu'il était moralement convaincu qu'il fallait qu'il intervienne et que, politiquement, il a pris la bonne décision. C'est aux deux tiers le texte qu'il nous a remis hier pour les seize premières pages, M. le Président. Il a su, en habile politicien également, l'agrémenter de certaines diversions ou de divertissements, style "aviez-vous des revolvers, des 38, des 45?" pour essayer d'amener le sujet ailleurs. C'est très habile, très péquiste comme méthode et je l'en félicite. Cela intéresse les gens, cela capte l'attention. Je vous félicite, M. le premier ministre, mais on vous le reconnaît, le droit de vous en mêler politiquement. Vous êtes le premier ministre du Québec, ce n'est pas l'accusation que la Presse porte contre vous. S'agissait-il d'une décision qui était sage, politiquement fiable? Vous dites que oui. On dit que non. Ce n'est pas cela le but de la commission.

On va en arriver à l'essentiel. L'essentiel est: Avez-vous trompé l'Assemblée nationale du Québec, tel que

vous en êtes accusé par le journal La Presse? Là-dessus, votre défense n'est pas tellement longue, parce que cela n'était pas essentiel, finalement. Après avoir fait la diversion, le monde aurait dû embarquer dans la diversion et ne pas s'occuper du véritable rôle, du véritable but et du véritable mandat de cette commission. Vous dites deux choses, essentiellement: C'est la faute du règlement de l'Assemblée nationale, j'ai dû escamoter. On était à la période des questions; si j'avais eu plus de temps, j'en aurais dit plus. Finalement, j'ai dû escamoter. C'est la faute du règlement. La deuxième défense que vous nous apportez, c'est la faute du député de Marguerite-Bourgeoys; il n'a pas posé les bonnes questions.

En ce qui concerne la faute du règlement, on a eu l'occasion hier - les gens qui nous observaient s'en souviennent - de visionner la période des questions et le minidébat, le soir. À la période des questions, vous êtes le premier ministre du Québec, vous jouissez d'une très grande latitude et, comme les gens ont pu le constater au visionnement du film, vous n'avez jamais été interrompu, ni par la présidence, ni par l'Opposition, lorsque vous avez donné votre réponse. C'est la faute du règlement. Le règlement prévoit également un mini-débat. Cinq heures après, le soir, vous saviez que vous seriez questionné sur ce même sujet. Vous avez la chance de vous préparer. Vous avez la chance de dire toute la vérité. À ce moment-là, que faites-vous? Vous rappliquez essentiellement sur la stratégie de l'après-midi et vous plaidez, comme vous le faites toujours, le rapport Cliche sans répondre aux questions qui vous ont été posées par le député de Marguerite-Bourgeoys. Comme les gens ont pu également le voir à l'écran hier, lorsque vous avez répondu aux questions du député de Marguerite-Bourgeoys, vous aviez un préavis. Votre chef de cabinet vous avait préparé des notes. Vous aviez toute la latitude d'arriver à l'essentiel et de dire toute la vérité. Le règlement vous le permettait. Ce n'était donc pas la faute du règlement. Votre défense sur ce point - je vous le soumets fort respectueusement - doit être rejetée. Vous avez escamoté parce que vous avez voulu escamoter.

Le deuxième point: le député de Marguerite-Bourgeoys ne m'a pas posé les bonnes questions. Toute une défense! On va se situer à nouveau dans le contexte, M. le premier ministre. Le 12 février 1979, huit jours avant le 20, date à laquelle vous êtes accusé d'avoir trompé l'Assemblée nationale du Québec, le député de Marguerite-Bourgeoys demande essentiellement au ministre de la Justice de l'époque, Marc-André Bédard: "Or, la rumeur veut que, conformément au préjugé favorable de ce gouvernement pour les syndicats, il soit question de régler cette réclamation de 32 000 000 $ pour la modique somme de 125 000 $ (...) Est-il question de régler rapidement en sous-main cette réclamation de 32 000 000 $ pour 125 000 $?" Réponse du ministre de la Justice: "M. le Président, je n'ai reçu aucune opinion juridique dans quelque sens que ce soit concernant la cause que mentionne le député de Marguerite-Bourgeoys. À ce que je sache, il s'agit d'une réclamation civile où les parties sont très bien identifiées et le procès se déroulera suivant les règles usuelles." Et, à une question additionnelle, le ministre de la Justice répond: "Mais à la suite de la question du député de Marguerite-Bourgeoys, je prendrai la peine d'en discuter avec le ministre délégué à l'Énergie." On voit donc que les 100 000 $, la surprise de votre vie, en date du 20 février, comme vous l'indiquez dans votre défense, étaient clairement au journal des Débats et votre chef de cabinet, pour peu qu'il suive les périodes de questions, comme il nous l'a dit, et qu'il vous ait préparé quelques notes, était au courant, votre bureau était au courant.

On en vient à la date fatidique, le 20 février 1979, et là on va voir les mauvaises questions - parce que c'est cela, votre défense - du député de Marguerite-Bourgeoys. "Premièrement - et c'est assez clair, précis, concis et français - est-il exact qu'un tel règlement est envisagé?" Règlement de 125 000 $ pour une poursuite de 32 000 000 $. Votre réponse, claire, limpide, franche: "Premièrement, il est exact qu'il est question d'un règlement." Je ne peux pas dire que vous avez trompé l'Assemblée nationale quand vous avez dit cela. Vous avez même ajouté: "C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé". Ce bout, la question et la réponse, n'a induit personne en erreur. Vous avez dit la vérité.

Deuxième question, nous allons la lire: "Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau du premier ministre, en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants, qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu?" Réponse: "Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près, ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie de règlement a eu lieu".

Là, on passe aux aveux complets: "Mais il y a eu une - une - consultation au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du conseil d'administration de l'Hydro et de la Société d'énergie de la Baie James". Par la suite, vous continuez à donner l'arrière-plan de tout cela. Il y a eu une réunion. Étiez-vous sérieux lorsque vous avez répondu cela, une réunion? C'est la question que je me pose. Pourquoi n'avez-vous pas dévoilé les réunions qui... Pourquoi avez-vous dit à l'Assemblée nationale: II y a eu une réunion dans mon bureau, quand vous saviez qu'il y en avait eu plus qu'une, quand vous saviez

tout le "promenage" qu'il y avait eu là? Pourquoi avez-vous dit aux membres de l'Assemblée nationale, à la population du Québec: II y a eu une réunion dans mon bureau et je vais vous dire laquelle? Vous avez été ouvert sur celle-là. Pourquoi avez-vous caché à l'Assemblée nationale du Québec, au député de Marguerite-Bourgeoys, à l'ensemble de la population, tout le "promenage" et le va-et-vient qui s'est passé dans votre bureau? Là-dessus, votre défense n'est pas tellement forte.

Il y a davantage. Vous avez dit aux membres de l'Assemblée nationale, vous avez dit à la population du Québec - vous l'avez dit à sept, huit, neuf reprises - que c'était à la demande de la Société d'énergie de la Baie James, que vous avez finalement cédé à cette forte demande de la Société d'énergie de la Baie James et que vous lui avez donné votre assentiment. Mais ce n'est pas cela qui s'est passé. C'est le contraire de la vérité, M. le premier ministre.

Ce que nous avons comme preuves ici, devant cette commission - et que ceux qui ont des oreilles pour entendre de l'autre côté et qui voteront servilement écoutent - c'est que vous vous êtes fait une opinion de la façon suivante: il y a eu un appel téléphonique de Louis Laberge au chef de cabinet du premier ministre, Jean-Roch Boivin, votre chef de cabinet; par la suite, vous avez discuté de toute l'affaire avec Jean-Roch Boivin et vous vous êtes fait une opinion en décembre 1978. Une fois votre opinion faite, personne ne vous avait demandé d'envoyer votre chef de cabinet voir le président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie James. Personne ne vous a demandé cela, sauf Louis Laberge. Ce n'est pas à la demande de la société que vous êtes allé voir ces gens. Vous avez dit cela sept, huit et neuf fois. À la demande de qui? De Louis Laberge. Vous avez envoyé votre chef de cabinet rencontrer le président-directeur général, le 3 janvier, tout de suite après les fêtes, et vous lui avez dit: Abandonne la cause. Règle hors cour. Ce n'est pas à la demande de la Société d'énergie de la Baie James. Vous avez induit en erreur, encore une fois, vous avez trompé l'Assemblée nationale, vous avez trompé la population du Québec.

Là, comme si ce n'était pas assez et comme si ce que vous aviez à escamoter était bien gros, comme si ce que vous aviez à cacher à la population du Québec était bien gros, vous avez ajouté: "S'il y a un règlement qui est négocié - je sais qu'il y a eu des approches, je l'ai dit dès le début de l'année 1979 - la décision - écoutez bien -ni de près, ni de loin, le bureau du premier ministre ne pèse dessus". Vous déclariez cela en Chambre le 20 février 1979 après - vous deviez vous en souvenir, comme vous vous étiez préparé à la réponse - avoir revisionné dans votre tête le film, entre autres, de la rencontre du 1er février que vous avez eue avec les deux P.-D.G. et le président du conseil d'administration au niveau d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James. Vous leur avez dit, à ce moment-là: "Vous allez régler ou bien on va régler à votre place". Là, vous nous dites, à l'Assemblée nationale du Québec: "S'il y a un règlement qui est négocié, la décision, ni de près, ni de loin, le bureau du premier ministre ne pèse dessus". Vous voulez qu'on croie que vous n'avez pas trompé l'Assemblée nationale avec la preuve qu'on a devant nous? M. le Président, c'est dur à avaler comme défense. (14 heures)

La question du député de Marguerite-Bourgeoys était claire: "Est-il exact que c'est dans le bureau du premier ministre, en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants, qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu?" Est-ce assez clair? On nous a même produit - on ne l'avait pas produit avant - en commission la liste des visites au bureau du premier ministre. Non, ce n'est pas là. Voici les visites. On allait se pratiquer, et vous voulez qu'on croie cela? On allait se pratiquer.

M. le Président, les questions du député de Marguerite-Bourgeoys étaient claires, limpides et complètes. Les réponses du premier ministre étaient fabriquées dans le but de cacher la vérité à l'Assemblée nationale du Québec, dans le but de tromper l'Assemblée nationale du Québec, ses membres et la population du Québec.

M. le Président, il est clair, de la preuve qui nous a été soumise devant cette commission, qu'au niveau du principe, ce n'est pas la Société d'énergie de la Baie James qui a décidé d'abandonner la poursuite et de régler hors cour sans subir les pressions du bureau du premier ministre. M. le Président, vous allez vous souvenir comment cela a commencé. On a un nouveau conseil d'administration à la SEBJ qui entre en fonction le 1er octobre 1978. Il y a d'anciens membres qui restent en place. On élargit le conseil, comme l'a expliqué le député de Laporte. Le 20 novembre 1978, ce nouveau conseil d'administration vote un montant de 500 000 $ pour couvrir les frais de la cause qui est supposée commencer le 15 janvier. On vote cela. C'est ce qu'ils ont dans la tête, ces administrateurs. Ils n'ont pas encore eu la visite, vous en conviendrez, du chef de cabinet du premier ministre et ils ne sont pas encore au courant du voeu pieux du premier ministre.

Le 27 novembre 1978, M. Pierre Laferrière, un des administrateurs qui siègent au conseil d'administration de la SEBJ, après avoir lunché avec le conseiller spécial du premier ministre, Me Yves Gauthier, vient au conseil d'administration et pose deux questions, essentielles dans le dossier, sur la

capacité de payer des syndicats et sur le lien de droit, la responsabilité, deux questions qui étaient à l'étude au bureau du premier ministre. Les administrateurs de la Société d'énergie de la Baie James ont eu la réponse. Ils n'ont pas eu la réponse de Me Jasmin, qui était l'avocat des syndicats québécois. Ils n'ont pas eu la réponse de Me Beaulé, qui était l'avocat des syndicats américains et l'ex-associé d'affaires de votre chef de cabinet. Ils n'ont pas eu la réponse de Ti-Louis Laberge. Ils ont eu la réponse du bureau de Geoffrion et Prud'homme. Leur jugement - vous les qualifiez d'excellents administrateurs, je ne mets pas cela en doute - a été exercé le 9 janvier 1979. Ils ont dit: On poursuit. Le lien de droit et la capacité de payer, on décide qu'avec les réponses qu'on a, on poursuit.

M. le premier ministre c'était leur décision à eux. Ces gens-là ont voté 500 000 $, ils se sont enquis des questions essentielles du procès auprès de leurs avocats. Leurs avocats étaient présents le 27 novembre 1978, leurs conseillers spéciaux. Il y avait des rapports internes. Tout à la Société d'énergie de la Baie James indiquait qu'il n'y aurait pas de règlement hors cour ou, du moins, pas d'abandon de la poursuite sans être placé dans un contexte raisonnable. Vous leur avez forcé la main au niveau, c'est le moins qu'on puisse dire... Oui, vous pouvez montrer des articles de journaux, M. le ministre, les poissons noyés de LG 2. Vous avez l'air de quelqu'un qui est en train d'avaler pas mal d'eau et vous avez aussi l'air de vous chercher une bouée quelque part. Ce n'est pas cette défense de dire que c'est la faute à la question puis la faute au règlement qui va régler votre problème. Vous seriez pas mal mieux de vous préparer à plaider sans sentence qu'à plaider sans...

Une voix: Plaider sans sentence!

M. Paradis: M. le Président, comme le député de Marguerite-Bourgeoys l'a constaté, comme les gens qui nous ont écoutés l'ont constaté, le règlement, l'idée du règlement est venue de votre bureau. Elle est partie de chez vous, puis c'est de bien près, puis de bien proche, puis juste au centre que vous avez pesé dessus avec tout ce que vous aviez de poids politique. Vous l'avez fait au niveau du conseil d'administration de la SEBJ. Vous l'avez fait également au niveau de la négociation de la responsabilité.

Vous vous êtes même échappé - je ne devrais pas vous le reprocher - à l'occasion du mini-débat, sur la responsabilité. Vous vous souveniez sans doute des propos que vous aviez échangés avec M. Boyd, le 1er février, lorsqu'il était à votre bureau. Vous lui aviez dit substantiellement: Vous voulez une admission de responsabilité. Vous voulez un jugement parce que vous voulez que les syndicats soient tenus responsables, mais, si vous aviez une admission de responsabilité de la part des syndicats, ce serait aussi bon et aussi valable. Vous seriez content? C'est vous ou votre chef de cabinet qui avez dit cela. Votre chef de cabinet ne s'en souvient pas. Mais quand vous avez répondu à la question - vous nous dites que vous ne vous êtes pas mêlé de responsabilité dans votre réponse - le soir, lors du mini-débat, vous vous êtes échappé un peu. Vous avez dit: "Donc, si un règlement intervient, cette admission de responsabilité en fera partie." Je comprends que vous pouviez dire cela. Vous le saviez! Avec tout le "promenage" qui se faisait dans vos bureaux, c'est cela qui se négociait dans vos bureaux, l'admission de responsabilité. Quand Jean-Roch prenait le téléphone et qu'il appelait tous les avocats d'un bord et de d'autre, c'est ce qui se négociait, l'admission de responsabilité, et vous étiez en mesure de répondre cela parce que c'est vous qui négociiez. Les administrateurs nous ont dit qu'ils n'ont jamais négocié. Les avocats nous disent qu'ils n'ont jamais négocié avant le 6 février, avant qu'ils en reçoivent le mandat. Où cela se négociait-il?

M. le Président, quant à la somme d'argent comme telle, on a réglé pour 300 000 $, on a eu les montagnes russes des offres de règlement. Quelque temps après que vous avez fait connaître votre humble sentiment au président-directeur général de la SEBJ et que l'avocat des syndicats québécois eut été rassuré par votre chef de cabinet, il lui a fait une offre de 50 000 $. Je comprends, il avait le poids politique du bureau du premier ministre en arrière de lui. Je ne vous critique pas, c'était votre droit de le mettre, mais c'était votre obligation de venir dire la vérité à l'Assemblée nationale, à savoir que vous l'aviez mis. On peut aller à des élections sur ces affaires-là. Vous l'avez mis.

Il y a eu des offres de 50 000 $, 125 000 $, 175 000 $. Cela s'est réglé pour 300 000 $. La SEBJ a eu 200 000 $. Les administrateurs ont qualifié le montant de symbolique et de "pinottes". On voit que personne chez les administrateurs n'était satisfait de la somme obtenue. Ce n'est pas eux qui l'ont négocié. Il y a eu une rencontre chez leurs avocats où Me Aquin et Me Cardinal ont joué dans les montants, mais Me Cardinal nous dit par la suite: Écoutez! Le bureau de Geoffrion et Prud'homme a quand même une crédibilité et a quand même une réputation. On ne veut pas que personne au Québec croie substantiellement qu'on aurait réglé pour 300 000 $ une poursuite de 32 000 000 $ sur laquelle on avait 20 000 000 $ de bien établis en cour. Pour protéger son honneur, il est venu dire bien clairement sous serment: Les questions d'argent, ce n'est pas nous. On

était pris dans un carcan. Il a dit cela sous serment, Me Jean-Paul Cardinal, ici.

M. Duhaime: II n'a jamais dit cela. Ce n'est pas vrai.

M. Paradis: Le ministre dit que ce n'est pas vrai. On va le lui donner... Pauvre ministre!

M. Duhaime: Je n'ai jamais entendu le mot "carcan" ici. Vous lui faites dire n'importe quoi.

M. Paradis: Rubans R/747.1 et R/747.2, Me Cardinal déclare, je cite: "J'ai entendu depuis de longues semaines, de longs jours, cet argument que nous avons. Ils ont eu 300 000 $ et on aurait dû avoir plus, on aurait dû avoir moins. La question est simple. En autant que je suis concerné -c'est Me Cardinal qui parle sous serment -en autant que le bureau d'avocats est concerné - Me Cardinal et les autres avocats de son bureau, c'est lui qui est le patron -cette négociation n'était pas une négociation financière. Toute cette négociation-là, quand on a écouté et quand on a parlé, cela s'adressait toujours à des questions de principe, à savoir qui admettrait sa responsabilité, qui ne l'admettrait pas." C'est exact.

M. Duhaime: Cela ne ressemble pas beaucoup à ce que vous venez de dire.

M. Paradis: Si on veut le citer au texte, je n'ai aucune objection, je suis prêt à le reprendre tout le temps comme cela. Mais ce que j'ai cité était dans l'esprit du texte. Me Cardinal a affirmé sous serment que les questions d'argent, ce n'est pas lui qui s'en était occupé, ni son bureau. Cela, je le répète. C'est clair, c'est dans la preuve, M. le Président.

Mais il y a encore pis. Il y a un témoin, entre autres, qui pourrait nous éclairer, qui pourrait éclairer la commission sur cette question de négociations d'argent. Le ministre va nous abjecter que ce n'est pas la meilleure preuve. Il a déjà pris sa décision, de toute façon, qu'il ne voulait pas l'entendre. Le premier ministre a également pris sa décision qu'il ne voulait pas l'entendre. Il s'appelle Maurice Pouliot. Il a des choses à dire à cette commission qui, d'après ce qu'on a lu dans les journaux, n'auraient pas l'heur de plaire au premier ministre.

Le premier ministre nous dit: Je vous ai dit la vérité dans ce dossier-là, tout au long du dossier. Je n'ai pas trompé l'Assemblée nationale quand j'ai répondu. Vous savez, vous ne l'avez pas trompée seulement une fois, M. le premier ministre. Le 23 mars 1983, quand vous avez répondu à une question du chef de l'Opposition, M. Gérard D. Levesque, vous avez dit ce qui suit, en ce qui concerne la comparution des témoins: "J'ajoute simplement ceci: - c'est vous qui parlez, M. le premier ministre - le mandat le plus large possible - vous parliez du mandat de la commission - défini convenablement tout de même; les témoins qui ont quelque rapport pourront être convoqués aussi longtemps qu'on le voudra et cela, dans les meilleurs délais." Et vous ajoutez: "Et là-dessus, non plus, je ne mens pas à la Chambre". Je vous soumets respectueusement que nous, du Parti libéral, de même que plusieurs observateurs de la scène politique sommes convaincus que le témoin Maurice Pouliot a un rapport avec la présente cause et qu'on devrait l'entendre. Et, si vous voulez qu'on croie que vous ne mentez pas là-dessus non plus, permettez-lui de se faire entendre au lieu de le traiter en son absence de menteur avant de l'avoir entendu, comme vous l'avez fait à l'Assemblée nationale.

M. Duhaime: Vous avez oublié Latouche.

M. Paradis: M. le Président, on a devant nous un premier ministre qui est accusé d'avoir trompé l'Assemblée nationale par un journal important au Québec, le plus grand quotidien français d'Amérique. On a devant nous une défense du premier ministre qui nous dit essentiellement, après avoir fait une tentative de diversion en parlant de revolvers et tout cela: Écoutez, là, j'ai escamoté, j'ai escamoté parce que c'est la faute du règlement. On n'a pas le temps de tout dire et je suis allé à ce que je concevais être l'essentiel. Et on a un premier ministre qui nous dit: Écoutez, si la question m'avait été posée. C'est la faute du député de Marguerite-Bourgeoys.

M. le Président, pour l'essentiel, la preuve a été faite de tout ce qui a été révélé dans la Presse: le "promenage" des avocats, l'implication du premier ministre et de ses proches collaborateurs. Tout cela a été mis sur la table. Je sais qu'il y en a qui vont se fermer les yeux, qui vont se boucher les oreilles et qui ne voudront pas le croire, mais le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale. Maintenant, est-ce qu'il l'a fait volontairement ou involontairement? J'aimerais qu'il nous le dise dans ses remarques. Qu'il nous le dise, s'il l'a fait volontairement ou involontairement, mais cela ne changera rien au fait que, le 20 février 1979, en répondant à des questions du député de Marguerite-Bourgeoys, le premier ministre du Québec a bel et bien trompé l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre, vous avez la parole.

M. Lévesque (Taillon): J'arrive, M. le Président.

M. Duhaime: Tu es mieux d'ajuster ta martingale, parce que, pour moi, cela va brasser.

M. Lévesque (Taillon): Je veux l'englober dans la réponse, parce que je ne voudrais pas abuser du temps de la commission. Donc, je ne reprendrai pas spécialement le plaidoyer dithyrambique du député de Brome-Missisquoi. Mais ce que cela a simplement confirmé dans mon esprit, une partie de l'audition - parce que je n'ai pas pu suivre tout cela - que j'ai faite de cette commission, ce que j'ai pu lire des transcriptions et la façon dont on procédait, c'est que, hélas, peut-être à cause de la nature du sujet, cette commission parlementaire - c'était inévitable peut-être, justement à cause de la nature du sujet -est devenue un forum purement partisan. Je regrette que cela soit ainsi, c'est sûr, mais je pense que c'était inévitable. On passe son temps - je viens d'en entendre encore quelques exemples - à faire des réquisitoires de plaideur, en parlant de moi qui suis en défense, comme s'il s'était agi d'un procès. Tandis qu'en fait ce que font les libéraux, ici à cette commission, c'est chercher par tous les moyens à justifier le fait qu'ayant sauté, comme je l'ai dit hier, sur un tremplin aussi fragile que douteux que leur fournissaient un article et un titre inqualifiables de la Presse de Montréal, ils s'y sont agrippés pendant plus de deux mois pour montrer qu'ils avaient raison.

On devait chercher la vérité, c'était cela le mandat. Mais dès le départ, en fait, la vérité était déjà connue par ces messieurs. Il leur restait seulement à continuer tout le long du chemin à se confirmer à eux-mêmes, mais surtout à essayer de confirmer à la population, parce qu'il y avait une exposition, un "exposure" télévisé quotidien, comme on le dit en anglais - au maximum, par tous les moyens -Dieu sait par tous les moyens - qu'ils avaient eu raison dès le début. C'est cela, être partisan. (14 h 15)

Le député de Marguerite-Bourgeoys, avant même que la commission commence, avait déjà dit: Cela me fait donc de la peine - je le cite à peu près - que mon premier ministre m'ait ainsi trompé. La commission n'avait pas commencé et il était déjà convaincu. Évidemment, c'est normal. Le député de Mont-Royal, à peu près vers la même époque, est allé dire à peu près la même chose à une émission - pas parmi celles que je respecte le plus - radiophonique en public. Il n'est pas surprenant que, à la fin de neuf semaines, ayant pris ce départ, on y tienne mordicus jusqu'à la fin, peu importent, en grande partie, les faits. Il n'est pas surprenant, donc, que le député de Gatineau, tout à l'heure, et, il y a quelques instants, le député de Brome-Missisquoi finissent sur le même ton. Encore une fois, je regrette que ce soit comme cela.

Aujourd'hui - c'est malheureux qu'on n'y ait pas pensé comme à une autre branche de l'alternative dès le mois de mars; c'est vrai, le député de Marguerite-Bourgeoys l'a dit à quelques reprises au cours de la commission - je suis profondément convaincu qu'un autre forum aurait été préférable. Maintenant, c'est fait, c'est fait.

Que les libéraux soient venus ici absolument pas pour établir les faits objectivement, mais, par neuf semaines de contorsion, de distorsion, d'abus flagrant des invités, pour confirmer les intentions partisanes qui étaient claires dès le début, cela je pense que c'est clair et indiscutable. Mais si la suite confirme le moindrement que le mal auquel ils ont ajouté et que j'ai pu ressentir, de même que mon chef de cabinet n'a pas été suffisamment guéri, on peut encore, au besoin, trouver un autre forum. Au besoin, on y pensera, ce ne sont pas les forums qui manquent.

Maintenant, pour résumer rapidement, sur le fond de la question, je comprends bien - forcément, cela découle de ce que je viens de dire - la stratégie qui a sous-tendu l'insistance insidieuse d'une foule de questions des "procureurs libéraux", surtout pour essayer de faire passer - je reprends des termes que j'ai entendus, il y a dû en avoir d'autres, des vertes et des pas mûres aussi, le long du chemin - pour une opération parallèle, pour une action cachée, donc, éminemment suspecte, certains faits. Le fait, d'abord, qu'il y a eu des rencontres des procureurs des parties à mon bureau avant la fin de l'année 1978 et que, le 3 janvier, comme il l'a dit lui-même, mon chef de cabinet, Me Boivin, a rencontré - à partir de l'opinion qu'il s'était formée avec ces rencontres et de celle que je m'étais formée, moi aussi, de mon côté, et qu'on avait mises ensemble - M. Laliberté, président de la SEBJ, pour lui faire part et, logiquement, par voie de conséquence, pour faire part au conseil d'administration de mon opinion et de la recommandation que je faisais en conséquence sur la possibilité d'un règlement hors cour, cela est censé être terrible, parce que cela a eu lieu avant le 20 février - j'y arriverai - et que je n'en ai pas parlé. Le fait aussi qu'il y a eu encore d'autres rencontres avec des procureurs ou des parties à mon bureau en janvier et en février.

Partant de là, comme je n'ai pas raconté tout cela en détail à l'Assemblée nationale, le 20 février 1979, pendant la période des questions, d'abord, et, ensuite, pendant le mini-débat de la fin de la journée, et vu, semble-t-il, que les membres

- cela a été évoqué plusieurs fois - du conseil d'administration n'étaient pas au courant, comme ils auraient pu l'être, de ces rencontres, cela confirmerait tout à coup qu'on a découvert le pot aux roses. Je veux bien, parce que cela fait partie de l'argumentation tordue depuis le début.

En ce qui concerne le deuxième point, je n'ai pas à m'en mêler. Que les membres du conseil d'administration, au mois de janvier, après les fêtes, n'aient pas été mis au courant aussi vite qu'ils l'auraient pu, ce n'est pas de mes sacrées affaires. De toute façon, je veux être juste pour M. Laliberté. Quand on apprend quelque chose le 3 janvier, je sais, ayant vérifié, qu'il n'y avait pas de réunion du conseil d'administration d'Hydro-Québec avant le 15 janvier, je crois, il n'a pas pu le dire à tout le monde. Entre le 15 janvier et le 30 janvier, c'est quand même assez vite. Ils ont suffisamment été mis au courant pour me demander une rencontre pour qu'on élucide ma position et la leur, autant que possible.

Je dois dire que ce que j'ai entendu et ce que je viens d'entendre en particulier me fait penser - je n'ai pas beaucoup d'expérience juridique, mais j'ai certains souvenirs des classiques - à une très mauvaise copie des Plaideurs, de Racine - je m'en souviens - où il y avait, en particulier, un nommé Chicanneau qui avait l'art de tout emberlificoter merveilleusement. Cela a fait une très bonne pièce que me rappelaient remarquablement le député de Brome-Missisquoi tout à l'heure et le député de Laporte. Ce n'est donc pas à ces messieurs que je peux m'adresser en terminant. J'ai fini de m'adresser à eux, sauf pour faire référence à certains points.

Face à la population, pour tâcher de sortir, quant à moi, de tout ce savant emberlificotage, je vais me permettre de résumer à mon tour et d'essayer de placer cela dans le contexte. Avant la fin de 1978, ayant été alerté par les défendeurs syndicaux - ce qui était bien normal - de l'imminence du procès découlant des poursuites de 1976, de l'imminence, en 1978-1979, du procès sur le saccage de LG 2, on a pris tous les moyens disponibles pour rapidement, Me Boivin et moi-même, nous faire une opinion. C'était - je l'ai dit et je le répète - ce que je considérais comme un devoir d'état dans les circonstances. J'ai consulté le rapport Cliche, que certains des gens d'en face ont appelé la sornette Cliche. Peut-être que cela fait mal au Parti libéral de voir l'arrière-plan des événements, mais ce n'est pas une sornette, le rapport Cliche. C'est le seul résultat de la seule enquête globale et rapide qui ait été faite après ces événements.

Les conclusions que j'en ai tirées n'avaient rien à voir avec le soi-disant préjugé favorable, qu'a mal cités, d'ailleurs, tout à l'heure je ne sais pas lequel de ces messieurs d'en face. J'ai toujours dit et je maintiens - je crois que c'est normal - qu'on doit avoir, si on a un minimum de conscience ou d'éveil social, un préjugé favorable pour les travailleurs. On a dit tout à l'heure: pour les syndicats. C'est faux. Je pense que l'action qu'on poursuit depuis quelques années, parfois péniblement, prouve que les appareils syndicaux, les "establishments", si vous voulez, syndicaux, qui peuvent être aussi honorables que n'importe quel groupe constitué dans la société, ne pèsent pas très lourd dans les décisions du gouvernement. C'est comme cela que cela doit être. Ce dont je me suis toujours confessé, c'est d'avoir un préjugé favorable pour les travailleurs, pour ceux qui gagnent péniblement leur vie, que ce soit dans n'importe quel secteur, pas seulement sur les chantiers de la Baie-James. Quand ils sont matraqués, exploités, privés de leur emploi pendant des mois par une "gang" de bandits qui avaient des accointances suffisantes dans les milieux politiques et ailleurs pour prendre un tel contrôle dans la société, je ne vois pas en quoi - cela était mon opinion - on devait les tenir coupables de ce qui leur a été infligé. Non seulement ils n'y ont pas participé, mais cela leur a été infligé. C'était cela, le coeur de mon opinion.

Partant de là, partant de l'absolue inexistence de toute responsabilité dans les faits d'un syndicat américain qui était, lui aussi, poursuivi, j'ai demandé avant le congé de Noël à Me Boivin de faire connaître l'opinion qui s'était dégagée et la recommandation qui en découlait aux gens de la Société d'énergie de la Baie James, puisque le procès devait venir vers le 15 janvier. C'est ce qu'il a fait le 3 janvier, il l'a dit ici lui-même. De janvier, à partir de là, jusqu'à février, une partie de mon temps a été occupée par un voyage et la reprise, étant toujours assez lente après les fêtes - il faut ne pas vivre dans le monde pour ne pas le savoir - dans les meilleurs délais, avant la fin de janvier, on m'a demandé, au nom du conseil d'administration, une rencontre pour le 1er février.

Je voudrais juste noter, en passant - on est rendu à la veille du 1er février - que je trouve assez infecte aussi la façon dont certains ont prétendu éplucher le conseil d'administration d'Hydro-Québec et les pseudo-raisons qu'on a évoquées sur sa formation. Dans le temps - je l'ai dit -c'était une formule du Moyen Âge. Je me souviens de l'avoir constaté en 1965-1966, après la nationalisation de l'électricité quand Hydro a pris toute sa taille normale, que c'était du Moyen Âge d'avoir quatre ou cinq personnes qui cumulaient totalement à la fois la direction quotidienne de l'entreprise et le rôle normal aussi, qui demande un peu de recul, d'un conseil d'administration. Cela

n'avait plus de sens.

Pendant les années du gouvernement qui nous a précédés, on a gardé cette formule désuète. Elle est devenue de plus en plus ancienne et de plus en plus démodée. Une des premières choses qu'on a faites en arrivant, ce fut de regarder cela - il s'agit de la plus grande entreprise au Québec et d'une des plus grandes du continent - et de voir quelle serait la formule moderne pour essayer d'établir à l'intérieur - c'est ce que cela veut dire - une sorte d'imputabilité entre les niveaux, ce qui implique de séparer la structure de direction quotidienne - ce qui ne l'empêche pas de participer aux deux niveaux - de la structure d'un conseil, d'un "board" comme on dit en anglais, d'administration. Cela s'est fait vers 1977. Là, on prétend qu'on a truffé cela de façon politique. j'ai regardé le nom des gens qui étaient là au moment du règlement hors cour de 1979. Ceux que quelqu'un d'en face a appelés les vieux de la vieille étaient là, c'était normal. Certains étaient vraiment des gens qui avaient fondé Hydro, comme M. Boyd, ou, enfin, qui avaient accompagné toute sa croissance; certains étaient relativement nouveaux, c'étaient des nominations plutôt politiques à l'origine, comme M. Giroux, peu importe. Donc, on a formé un conseil d'administration.

Les vieux de la vieille, c'étaient les gens qui venaient de l'ancienne commission: M. Gauvreau, M. Monty, M. Boyd et M. Giroux dont aucun, que je sache, n'a jamais participé de près ou de loin aux activités politiques du Parti québécois. En fait, je dirais plutôt l'inverse pour certains. Parmi ceux qui se sont ajoutés comme des nouveaux, il y avait, évidemment, M. Saulnier dont la carrière a été municipale et n'a jamais rien eu à voir avec la politique provinciale. M. Saulnier est un des hommes les plus respectés comme administrateur au Québec. Il y avait deux fonctionnaires: un ex-fonctionnaire, M. Laliberté, ingénieur professionnel, que je n'ai jamais vu nulle part dans l'activité politique, mais qui paraissait indiqué comme un nouveau président pour la filiale, puisque c'était dans les nouvelles structures, que devenait la Société d'énergie de la Baie James ou, enfin, elle le devenait un peu plus en pratique qu'auparavant. L'autre fonctionnaire, c'était M. Roquet, aujourd'hui sous-ministre adjoint aux Affaires intergouvernementales et, je crois, un des fonctionnaires les plus cultivés et les plus compétents que j'aie rencontrés, mais qui n'avait rien à voir, ni de près ni de loin, avec notre parti politique. Il y avait M. Hervé Hébert; il est encore là, je crois; il vient des milieux financiers et n'a rien à voir avec la politique. Mme Nicolle Forget, qui venait plutôt des groupes de consommateurs; cela nous paraissait indiqué que son expérience du côté de la défense des consommateurs puisse être représentée; elle n'a rien à voir avec aucune action politique. M. Thibaudeau, qui est, je l'avoue - à supposer que cela rende cela suspect -quelqu'un que je considère comme un ami, mais qui n'a jamais participé activement à une action politique, que je sache. Finalement, le onzième sur onze, M. Laferrière qui, lui, tout en ayant des compétences reconnues dans un domaine qui, lui aussi, peut être représenté dans un conseil d'administration comme celui-là -cela doit tarer tout un conseil d'administration d'en avoir un sur onze -c'est vrai, eu le malheur de faire de l'action politique. Je ferme la parenthèse, car je trouve cela tellement idiot d'essayer de faire des allusions sans aucun fondement par rapport à des gens honorables, d'expérience, responsables, qui ont eu à prendre les décisions qu'on connaît et qui font l'objet de cette commission.

Donc, début de janvier, on fait connaître notre opinion. Jusqu'au 1er février, il y a un certain nombre de rencontres encore qui permettent de se tenir au courant. Ce n'est pas nous - M. Boivin l'a dit assez clairement - qui demandions ces rendez-vous, ce sont les procureurs des deux parties qui continuent de demander des rendez-vous. Il y a tout un va-et-vient. Cela leur permet de se tenir au courant de pas grand-chose puisqu'ils savent que l'opinion est rendue. Il n'y a pas de cachette là-dedans. À nous aussi, surtout, à Me Boivin qui, avec ses années de pratique, peut suivre cela plus en détail, cela nous permet de nous tenir au courant, de la façon dont cela évolue dans les esprits et entre les parties puisqu'elles demandent des rendez-vous. (14 h 30)

J'ai eu l'impression, et je le répète, qu'à certains moments Me Boivin se sentait plutôt comme une sorte de "dispatcher". Après tout, on ne refuse pas de rencontrer des gens qui sont impliqués dans une affaire qui nous intéresse, nous aussi, en fonction de son dénouement. Enfin, Me Boivin devait se sentir plutôt comme un "dispatcher" parce qu'à ce moment on n'avait plus rien à voir, depuis le 3 janvier, avec la négociation, quelle qu'elle soit, sur la décision - elle n'était pas prise la décision - de régler hors cour. Mais on n'avait pas d'autres nouvelles du conseil d'administration. Donc, à ce moment, on attendait comme tout le monde et c'était au conseil d'administration de le faire. On n'avait plus rien à voir là-dedans, à moins qu'il ne nous manifeste que cela l'intéressait un peu, l'opinion que nous lui avions transmise. Et puis, le règlement n'étant même pas décidé, forcément, on n'avait absolument rien à voir, non plus, avec ce que serait éventuellement le contenu d'un règlement.

Alors, c'est là qu'arrive le député de Marguerite-Bourgeoys, le dernier jour de la session, le 20 février dix jours à peu près après avoir posé une question en vain au ministre de la Justice, puisqu'il n'était pas au courant de tout cela. Il y a eu cette rencontre, évidemment - je la laisse de côté parce qu'il n'y a pas eu, je pense, de contestation - le 1er février avec le conseil d'administration. Après tout cela, le 20 février, le député de Marguerite-Bourgeoys arrive en Chambre et pose deux questions. La première était: Est-ce qu'il est vrai qu'il peut être question d'un règlement? Je pense que cela ne se conteste pas. J'ai répondu, d'une façon qui n'est pas discutable non plus, je crois, pour personne: Oui, il est question d'un règlement et même, je pense, autant que je sache, qu'il est assez avancé. C'est exactement comme c'était.

Je pense que la deuxième question mérite d'être reproduite en fonction du climat d'une période de questions. Il est vrai que j'avais des notes sur l'essentiel. Quelle question me pose alors le député de Marguerite-Bourgeoys? Je lis au journal des Débats: "Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau..." Et là, j'écoute, on est en Chambre. C'est cette espèce de corrida habituelle où l'Opposition essaie de jeter des pelures de banane plutôt que d'avoir de l'information et nous, on se dit: Comment pouvons-nous essayer, si on est honnêtes, de dire l'essentiel, s'il y a une question?

Je reprends: "Deuxièmement, est-il exact que c'est (...) en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu?" Qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu. Tout ce qu'on avait fait avant, ce n'était pas de la négociation, d'aucune façon. C'était, d'abord, de se faire une opinion, parce qu'on nous avait indiqué l'imminence d'un procès, et d'essayer d'évaluer, à même des rencontres inévitables, nécessaires, avec les procureurs des parties, le bien-fondé des argumentations afin de nous faire une opinion sur la valeur de la cause. Ce n'était pas de la négociation, cela n'avait rien à voir avec aucune négociation. Le député de Marguerite-Bourgeoys dit: "Une partie de cette négociation de règlement." Il n'y en avait même pas de règlement; on n'était même pas certains que la société déciderait d'en faire un. Alors, il dit: "Qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu?

J'essaie de me replacer. Hier, j'écoutais. On a eu le bon goût de faire rejouer, pour que je puisse, comme les autres, la voir d'abord, cette période de questions et de réponses. Puisqu'on me demandait, dans un temps, qui ne représentait pas huit ou neuf semaines de commission partisane, mais en quelques brèves minutes - les présidents, en général, au bout de deux ou trois minutes, commencent à dire aussi bien à moi qu'à n'importe qui: Ce serait peut-être le temps de commencer à penser à conclure, M. le ministre ou M. le premier ministre - : Est-ce qu'une partie de la négociation d'un règlement a eu lieu avec le premier ministre ou avec le bureau du premier ministre, il est évident que la réponse était non. À ce moment, tout ce qu'il y a eu, c'est qu'ils ont eu mon opinion, puis qu'on attend et qu'on attend encore.

Est-ce que je devais évoquer toute la genèse de notre opinion, y compris les rencontres, le téléphone de M. Laberge, comme si c'était une grande surprise? Est-ce que je devais, en fonction de la question, évoquer tout cela? Je ne le crois pas. Enfin, tel que je devais être en Chambre à ce moment, je ne crois pas, parce que cela n'avait aucun rapport avec la question elle-même. Il s'agissait de répondre par l'essentiel: Est-ce que la négociation d'un règlement en tout ou en partie a eu lieu avec le premier ministre ou dans le bureau du premier ministre? La réponse, quant à moi, était évidente, c'était non. Notre implication était dans le principe du règlement, un point c'est tout. Pas besoin de dire toutes les raisons - elles ont été assez évoquées par moi comme par d'autres, y compris surtout par Me Boivin - pour lesquelles on croyait que cela nous regardait et moi, je pensais que c'était même mon devoir de m'y intéresser. C'était dans l'intérêt des citoyens, dans l'intérêt d'Hydro-Québec; oui, c'était notre affaire.

C'est évident que j'ai référé à l'intervention essentielle, parce qu'à celle-là j'y étais. Celle-là découlait du fait qu'Hydro-Québec, c'est sûr, ayant été mise au courant... Mais on ne me l'a pas demandé; on m'a demandé si cela avait été négocié. Non, cela n'a pas été négocié, d'aucune façon, dans le bureau. Et je pense qu'avec les serments de tous ceux, sauf un, qui n'étaient pas tenus par des secrets professionnels, cela devrait commencer à être un peu clair. Cela n'a pas été négocié, d'aucune façon. Le député de Marguerite-Bourgeoys voulait le savoir, je l'ai dit. J'ai dit aussi qu'on s'était impliqué, que je m'étais impliqué dans la question du principe d'un règlement et je peux même dire que j'étais pour à mort. Cela n'a pas empêché les gens de prendre librement leur décision, comme on l'a vu par les votes qui ont été pris lors de la réunion du conseil d'administration. J'espère qu'ils ont tenu compte un peu de cela. Je l'ai dit raide, oui, oui, j'ai poussé de mon mieux pour le principe d'un règlement et Dieu sait que je ne l'ai pas caché en Chambre.

Seulement, pour tout ce qui était venu avant, cela aurait pu prendre pas les neuf

semaines, dont une grande partie a été gaspillée par l'Opposition pour ses intentions très partisanes, mais un peu plus de temps. Il y a eu le mini-débat le soir. Je ne sais pas ce que j'avais préparé comme notes en fonction de ce mini-débat. Il fallait tout de même que j'attende que celui qui l'avait demandé le même soir, vers 22 heures, le député de Marguerite-Bourgeoys, revienne à la charge. Il est revenu à la charge par une charge. Alors, à quoi je devais répondre? C'est un mini-débat, cela veut dire qu'un député n'est pas content des réponses qu'il a reçues.

Qu'est-ce que je devais répondre, lors de ce mini-débat, à la charge du député de Marguerite-Bourgeoys que je vous résume en vous citant seulement les premiers paragraphes? Vous l'avez entendu hier, voici ce que c'était, juste le début de chaque paragraphe: "M. le Président, cet après-midi - c'est M. Lalonde, député de Marguerite-Bourgeoys - le premier ministre a admis que la Société d'énergie de la Baie James est en train de régler une réclamation de 32 000 000 $ pour un montant qu'il dit ne pas connaître et ne pas vouloir connaître, mais que tout le monde sait être des grenailles, soit environ 120 000 $." Cela a varié entre 120 000 $ et 125 000 $, je pense. Donc, l'argent. Deuxième paragraphe: "Je dis que le premier ministre ne doit pas faire l'autruche, se mettre la tête dans le sable quand la rumeur court partout que la SEBJ est prête à sacrifier une réclamation..." Troisième paragraphe: "S'inspirant d'une impression exprimée par la commission Cliche sur l'absence de responsabilité des travailleurs en général dans cette violence, le premier ministre déclare qu'il serait injuste de faire payer par les travailleurs membres..." Paragraphe suivant: "Ce qu'il ne veut pas faire payer par un groupe de travailleurs membres (...) le premier ministre est prêt à le faire payer par l'ensemble des citoyens." Paragraphe suivant: "Or, le premier ministre lui-même a admis qu'il était normal que la SEBJ prenne action. La deuxième raison serait que les défendeurs n'ont pas les moyens de payer. Si quelques-uns, surtout des individus, sont dans cette situation, les autres ne le sont pas..." Argent. Paragraphe suivant: "Jamais cette Assemblée n'a été témoin d'une ingérence politique aussi irresponsable d'un premier ministre dans une affaire de cour." C'était, soit dit en passant, pour un avocat pas tout à fait... parce qu'une ingérence dans le processus judiciaire, je pense que cela coûte assez cher pour que ceux qui se font poigner, comme on dit, à essayer d'influencer un tribunal en ce qui concerne les procédures. Ce n'est pas du tout aller chercher si possible ou demander qu'on aille chercher un règlement hors cour. Au contraire, ce n'est pas de l'ingérence dans une affaire de cour. "Si le premier ministre veut réparer les dommages de son inconscience politique, il doit, avant que tout règlement n'intervienne, produire en Chambre tous les documents, opinions juridiques et autres qui répondront à nos questions." Sauf qu'il n'en demande aucun. Il passe tout de suite de nouveau à la question d'argent, au paragraphe final: "Quant à moi, je ne veux pas, M. le Président, qu'au nom d'un soi-disant préjugé favorable pour les travailleurs, qui dans ce cas-ci ressemble plutôt à une faveur politique (...) on introduise (...) la règle de l'irresponsabilité, avec faute". Enfin, peu importe ce que cela voulait dire. "L'absence de transparence du premier ministre qui favorise un règlement, n'importe quel règlement sur le dos des fonds publics ouvre la porte à toutes les spéculations..."

Tout le long, il était uniquement question du quantum d'un règlement. Forcément, j'ai répondu essentiellement aux doléances éloquentes et curieusement monnayées d'avance du député de Marguerite-Bourgeoys, mais j'ai, quand même, par scrupule, répété de nouveau, au cours de ma réplique, tout en m'en tenant essentiellement au sujet évoqué, qu'il ne s'agissait pas de favoritisme politique etc. Si un règlement était possible, on avait décidé de le soutenir, de l'appuyer, mais que c'était aux parties, à commencer par la Société d'énergie de la Baie James, la demanderesse, de décider ce qu'elles voulaient faire. Il me semble que n'importe quel esprit qui n'est pas tordu, comme le sont les esprits partisans - cela fait partie de la "game", comme on dit - verrait que, tel que les questions étaient posées, très rapidement à la période des questions et, ensuite, au minidébat, tel que le député de Marguerite-Bourgeoys, à la fin de la même journée de 1979 l'a engagé, j'ai fait mon possible pour dire ce qui me paraissait être l'essentiel.

Je pourrais peut-être me poser des questions, mais je ne vois pas pourquoi j'en ferais un plat, sur le fait que le député de Marguerite-Bourgeoys, après le 12 février ou huit ou neuf jours avant, n'ayant pas eu de réponse du ministre de la Justice pour cause, ait attendu à la toute dernière journée de la session, ce qui ne donne plus grand chances pour des questions supplémentaires les jours suivants, parce qu'il y avait huit ou neuf jours entre ces deux dates-là. Cela, c'est son droit et je ne le conteste pas, mais ça ne me facilitait pas la tâche, à moi non plus, pour aller dans tout le détail comme s'il y avait enquête.

Le dernier jour de la session, en fonction de ce que je viens de dire, je maintiens que, dans le temps dont je disposais, en fonction des questions qui étaient posées, j'ai dit tout l'essentiel. L'essentiel, c'était que, par ma recommandation, j'étais impliqué dans la

décision de principe que, éventuellement, Hydro devait prendre. Cela, je croyais et je crois encore que c'était mon devoir d'état. D'autre part, ni de près ni de loin, la négociation de ce règlement - je reviens à la question telle que posée le 20 février -n'était notre affaire, une fois notre opinion et notre recommandation connues.

Cela veut dire que ni la Chambre, quant à moi, ni la population n'ont ignoré rien d'essentiel, à ce moment-là. Et le journal La Presse, sans même que le reporter en question ait le minimun d'intelligence ou de conscience professionnelle de venir me poser quelques questions là-dessus avant d'établir ses condamnations en noyant le poisson, car c'était vraiment noyer le poisson, aussi bien que les libéraux qui s'en sont fait un tremplin depuis neuf semaines, je crois, n'ont rien ajouté, hélas, à ce qui est foncièrement clair, à mon humble avis, avec tous les dossiers qui se sont promenés ici. Premièrement - et je le serais encore si j'étais dans le même contexte - oui, j'étais férocement, dans un sens, éminemment, comme je l'avais dit en Chambre, favorable à un règlement. L'opinion ayant été faite, on l'a fait savoir, comme c'était normal, à qui de droit. Deuxièmement, ni de près ni de loin, en ce qui concerne même la décision éventuelle qu'il devait prendre, je ne lui aurais plus jamais reparlé jusqu'à ce qu'il demande de me parler. Je ne lui aurais pas parlé du tout, jusqu'à ce qu'il demande de me parler, ni de la décision elle-même ni de tout ce qui a entouré le règlement. On n'avait rien à faire là-dedans et on n'a rien fait là-dedans. Et c'est cela que j'ai dit en Chambre et c'est cela qui est vrai, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le premier ministre. Compte tenu de l'heure, nous allons suspendre jusqu'à 16 h 30.

(Suspension de la séance à 14 h 44)

(Reprise de la séance à 16 h 43)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie dès ce moment jusqu'à la fin des travaux, j'ai cette nette impression.

Nous avons des changements à faire à la liste des membres de cette commission. D'abord, le député de Gatineau, M. Gratton, sera remplacé par le député de Brome-Missisquoi, M. Paradis. Le député de Matapédia, M. Marquis, sera remplacé par M. Gravel, de Limoilou. En conséquence, nous sommes prêts à continuer nos travaux.

Pour le reste de la séance de cette journée, nous aurons probablement à discuter des motions. Nous avions laissé en plan une motion qui doit être replacée dans le contexte de la discussion maintenant. Je laisserai la parole au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je suis un peu hésitant à faire cette motion, puisque vous venez d'annoncer que cette séance sera la dernière de nos travaux, alors que ma motion...

Le Président (M. Jolivet): Pour la journée.

M. Lalonde: Pour la journée?

Le Président (M. Jolivet): Pour la journée.

M. Lalonde: Je m'excuse, cela va. Vous me rassurez.

Le Président (M. Jolivet): Je vous rassure.

Motion pour convoquer MM. Maurice Pouliot et Yvan Latouche

M. Lalonde: La motion que j'aurais, M. le Président - je l'ai présentée hier, je crois - est pour entendre MM. Maurice Pouliot et Yvan Latouche. Je vais la lire: "Qu'en vertu de l'article 51 de la Loi sur l'Assemblée nationale la commission élue permanente de l'énergie et des ressources invite et assigne M. Maurice Pouliot, président-directeur général du Conseil provincial du Québec de la construction (International), ainsi que M. Yvan Latouche à comparaître devant ladite commission lundi, le 6 juin 1983, à 10 heures, pour répondre aux questions qui leur seront posées ou pour y produire toute pièce que ladite commission juge nécessaire à son enquête". Je vous en remets la copie.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): Le parti ministériel donne son consentement pour la modification du texte de la motion.

M. Lalonde: C'est une nouvelle motion.

Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une autre, j'avais bien fait attention...

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est une nouvelle motion, mais l'autre n'avait pas été retirée.

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais disons que j'avais, hier, accepté que la motion soit "tablée", comme je le disais, puisque c'est une façon habituelle que l'on a,

dans les organisations syndicales d'où je proviens, de dire que nous "tablons" une décision à un autre moment. En réalité, selon le règlement de l'Assemblée nationale, la motion était recevable, mais n'était pas discutable. Comme on me la présente actuellement, c'est une motion qui a pour effet d'être reçue immédiatement et qui est débattable immédiatement. Comme le député de Jonquière vient d'en faire part, la motion inclut donc, cette fois-ci, à la fois l'assignation de M. Pouliot et celle de M. Yvan Latouche. En conséquence, la parole est au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, si nous faisons cette motion à ce stade-ci de nos procédures, de nos travaux, c'est que - ce que je veux dire c'est que ce n'est pas une nouvelle et que nous ne prenons pas le gouvernement par surprise - nous avons demandé depuis des semaines que ces deux messieurs soient invités pour venir informer la commission parlementaire des faits qu'ils connaissent concernant le mandat de la commission qui est d'examiner toutes les circonstances entourant la prise de décision de régler hors cour la réclamation de la SEBJ relativement au saccage de LG 2 et le rôle du premier ministre et de son bureau là-dedans. Nous avons fait ces demandes à l'Assemblée nationale à plusieurs reprises; même en ce qui concerne M. Latouche, son nom apparaissait sur la liste maîtresse, la première liste complète de tous les témoins que le gouvernement avait l'intention de convoquer.

Je m'appliquerai davantage, M. le Président, sur le cas de M. Pouliot, laissant à mes collègues le soin d'informer la commission sur les arguments, les raisons pour lesquelles nous devrions entendre M. Latouche.

M. le Président, je vais, tout d'abord, invoquer deux appuis à ma motion, deux appuis dont vous pourrez juger du sérieux plus tard. Je ne veux pas porter de jugement sur ces deux personnes. Je laisserai les députés, surtout les députés ministériels, démontrer leur jugement, leur appréciation de la crédibilité de ces deux personnes. Avant de vous permettre de juger de leur crédibilité, messieurs les députés péquistes, je vais vous citer ce que ces personnes ont dit.

Le premier a dit, à un moment donné, il n'y a pas tellement longtemps, le 23 mars 1983, concernant les témoins, ceux qui seraient appelés, qui seraient invités à témoigner ici à cette commission - il a dit ceci, c'est public et je le cite; je vous dirai quelle est ma source plus tard - "Les témoins qui ont quelque rapport pourront être convoqués aussi longtemps qu'on le voudra et cela, dans les meilleurs délais. Et là-dessus, non plus, je ne mens pas à la Chambre." M. le Président, qui a dit cela? Quelqu'un qui est obligé d'affirmer qu'il ne ment pas pour qu'on le croie. C'est le premier ministre du Québec. C'est au nom de M. Lévesque (Taillon) dans le journal des Débats du mercredi 23 mars 1983.

Il avait dit aussi le lendemain, le 24 mars, en réponse à des questions qu'un député de l'Opposition lui posait, parlant de cette commission parlementaire: "J'aurais bien voulu qu'on aille tout de suite (...) au fond des choses, comme je l'ai dit en long, en large et en profondeur." C'est toujours le premier ministre qui nous disait cela le 24 mars.

On va entendre son écho le 30 mars. Je cite l'écho du premier ministre, que je vous nommerai plus tard, M. le Président: "Nous allons entendre, bien sûr, tous les témoins que l'on souhaiterait entendre. Je dis même que, s'il y avait des témoins qui n'avaient pas été convoqués et qui, à tout hasard, avaient des choses à apprendre à cette commission, ils n'ont qu'à communiquer avec le secrétariat de la commission de l'énergie et des ressources." C'était l'invitation que ce personnage, cet écho du premier ministre faisait. "Ils n'ont qu'à faire connaître leur nom, leur identité. Je pense que je pourrai parler avec mon collègue de l'Opposition et, d'où qu'elle vienne, cette personne, si son témoignage peut éclairer les membres de cette commission, de même que tout le public, je pense que ce serait notre devoir de l'entendre." C'est Yves Duhaime, ministre de l'Énergie et des Ressources et représentant du gouvernement, c'est-à-dire de celui qui doit affirmer qu'il ne ment pas pour qu'on le croie, qui a dit cela le 30 mars, à l'ouverture de nos travaux, au ruban 221.

Alors, j'avais dit, en réponse au ministre, au ruban 227 - c'est la même date, le ministre parlait à 10 h 25, moi, je le faisais à 10 h 50: "Nous avons déjà un témoin dont la pertinence nous est apparue très récemment. Il s'agit de M. Maurice Pouliot qui devrait être ajouté à la liste. Je communiquerai cette demande au ministre dans les heures qui viennent." J'ai communiqué la demande combien de fois au ministre publiquement? Je ne le sais plus. Et cela m'a été refusé. Jusqu'à maintenant et le premier ministre, et le ministre ont refusé d'entendre M. Pouliot.

Mais qui est M. Pouliot? Pourquoi demander à M. Maurice Pouliot de venir témoigner? Est-ce qu'il pourrait avoir quelque rapport avec le règlement, le contrat qui a mis fin à la poursuite? Qu'est-ce que c'est M. le Président, avoir quelque rapport avec un contrat?

Je vous le demande: Si quelqu'un a signé le contrat, est-ce qu'il est possible

qu'il ait un rapport avec le contrat? Il a de bonnes chances d'avoir quelque chose à dire dessus. Il a de bonnes chances d'avoir été consulté sur le contenu du contrat et aussi qu'il puisse nous dire comment ce contrat est venu, quelles sont les circonstances entourant le règlement. C'est cela, le règlement, M. le Président.

Ce règlement a été déposé à l'Assemblée nationale le 16 mai 1979. Quoi qu'on dise, après la question du 20 février, le Parti libéral ne s'est pas tenu coi. Oui, nous avons dû croire la parole du premier ministre en réponse à nos questions, mais j'avais fait une motion, le 26 avril 1979, à peine un mois et quelques jours après la conclusion du règlement hors cour. J'avais fait une motion au feuilleton pour que soit déposée copie du document qui a été paraphé, etc., relativement au règlement hors cour de la poursuite de 31 275 000 $ qui avait été intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 à la Baie-James.

M. Joron, en réponse, le 16 mai - cela lui a pris deux ou trois semaines pour trouver ce document - l'a déposé à l'Assemblée nationale. Et si on examine bien ce document, Déclaration de transactions faites suivant les articles, il y a le conseil d'administration de l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde, l'International Union of Operating Engineers, le local 134, la Société d'énergie de la Baie James qui déclarent des choses, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ), tiens! Allons voir qui a signé, M. le Président. M. Lucien Saulnier signait pour la Société d'énergie de la Baie James. Cela doit être le bon contrat. On voit ensuite les signatures de Me Jasmin, Me Rivest, etc., celle du bureau de Me Jasmin, celle du bureau de Me Beaulé et, tout à coup, à la fin, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ), celle de M. Maurice Pouliot. Est-ce que cela vous intéresse de savoir que c'est lui qui a signé le contrat? Et vous pensez que quelqu'un qui a signé le contrat n'a rien à voir avec le contrat!

Je vais vous dire une chose: II n'y a pas beaucoup de monde à qui on parle, au Québec, actuellement, qui pense que quelqu'un qui a signé un contrat n'a rien à y voir. Il n'y a pas beaucoup de gens qui comprennent pourquoi le gouvernement refuse d'entendre un des signataires du contrat.

Je vais vous citer des articles dans la Presse du 30 mai 1983, Vincent Prince, un des éditorialistes, qui dit: "Prétendre, d'autre part, que M. Pouliot ne pourrait témoigner qu'en ne s'appuyant sur du ouï-dire, c'est oublier que le président du Conseil provincial des métiers a été l'un des signataires de l'entente hors cour sur laquelle enquête la commission parlementaire. C'est oublier aussi qu'il est l'un de ceux qui ont confié le mandat à l'avocat Michel Jasmin, devenu juge depuis (...)." "À ce double titre, il serait assez inconcevable que le leader syndical n'ait pas des renseignements de première main à transmettre à la commission parlementaire. Au surplus, comme le juge Jasmin a laissé plusieurs questions sans réponse en invoquant l'argument du secret professionnel, il y aurait probablement moyen d'obtenir de M. Pouliot qu'il réponde au moins à quelques-unes d'entre elles."

M. le Président, encore dans la Presse... Je ne sais pas si c'est parce qu'il s'agit de la Presse, mais le ministre semble... Il y aurait d'autres journaux, mais, au lieu de parler du journal, je vais nommer les journalistes. M. Louis Farlardeau - c'est un journaliste respectable - le 3 mai, il y a un mois, a dit au gouvernement: "Le gouvernement ne peut donc pas refuser d'entendre Yvan Latouche, d'autant plus qu'il a au départ accepté de mettre son nom sur la liste des témoins. Il doit, de la même façon, accepter d'inviter le syndicaliste Maurice Pouliot. Il est possible qu'il éclaire peu la commission, car il ne semble avoir eu aucune connaissance directe des faits sur lesquels on veut l'interroger. Si c'est le cas et si le président fait son travail, il ne témoignera pas longtemps, mais refuser de l'inviter donnerait l'impression qu'on veut cacher quelque chose et accréditerait la thèse du "cover-up"." Le "cover-up", c'est le journaliste Falardeau qui le mentionne ici.

Donc, si vous votez contre ma motion, vous votez, d'abord, contre la crédibilité de votre premier ministre. De grâce, s'il vous plaît, sa crédibilité est un peu fragile de ce temps-là, il ne lui en reste pas épais, ne le faites pas exprès pour rentrer dedans à grands coups de hache. Votre premier ministre a dit: Je ne mens pas là-dessus, non plus: tous les témoins qui ont quelque rapport... Si vous votez contre ma motion, vous faites mentir le premier ministre. Ce ne sera peut-être pas une première, mais les récidivistes, vous savez, ont moins de chance que d'autres. Une deuxième fois, ce serait récidiver, non?

M. Marcel Adam, toujours du journal La Presse - on sait que c'est un correspondant du ministre - écrit ceci le 30 avril: "Quant au refus du ministre Duhaime d'inviter - cela s'adresse directement au personnage - à témoigner deux personnes suggérées par les députés libéraux, il aura pour effet de faire mal paraître le gouvernement - c'est déjà un peu commencé, mais n'exagérez pas - et d'accréditer l'accusation de "cover-up" lancée au premier ministre par le député Fernand Lalonde s'il persiste dans son dessein. Pour la bonne raison que ces deux personnes, MM. Yvan Latouche et Maurice Pouliot, ont montré par des déclarations publiques qu'elles ont des choses à dire susceptibles de gêner

davantage les personnes qu'embarrassent déjà les allégations de la Presse... Mais si le gouvernement persiste à manipuler de manière discriminatoire la liste des témoins, sous prétexte d'écarter les "faiseux" comme le disait le ministre, je pense ou, enfin, certains de ses acolytes; le ministre, bon, accepte la paternité de cette fleur de notre langue française - qui se cherchent une tribune, il donnera nettement l'impression qu'il ne tient pas à faire toute la lumière sur cette affaire." (17 heures)

Que pourrait nous dire M. Pouliot? À ce moment-là, on ne connaissait pas ce qu'il avait à nous communiquer, parce que la commission n'était pas saisie de documents sur sa connaissance des choses. Voilà que dans un journal, le journal Le Soleil cette fois-ci - puisque le journal La Presse, depuis que le premier ministre a insulté tout le monde hier, c'est sa réaction normale lorsqu'il est mal pris - on a lu, il y a quelques jours, que M. Pouliot a préparé un mémoire pour la commission. Il a même été appelé par le secrétariat - ce sont les fonctionnaires qui préparent nos travaux - et il s'est fait dire qu'il viendrait à la commission. Donc, il s'est donné la peine de préparer un mémoire. Dans son mémoire, on l'a vu dans le journal, je n'ai pas la coupure ici - M. le Président, j'entendais du bruit, est-ce que la fenêtre est ouverte? - il disait à peu près ceci: Le montant final de 300 000 $ du règlement est le résultat de discussions entre Me Jasmin, qui agissait comme avocat du syndicat dont M. Pouliot était à ce moment un des officiers supérieurs, et M. Gauthier, du cabinet du premier ministre, Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre, et le premier ministre lui-même. Du moins, c'est ce que Me Jasmin, d'après M. Pouliot, leur laissait entendre.

C'est extrêmement important de savoir comment les syndicats qui étaient poursuivis se sont fait vendre ce règlement. Est-ce qu'on leur disait: Cela va être réglé, mais cela coûte 300 000 $ parce qu'on en a parlé, c'est le premier ministre, vous savez, qui est intervenu là-dedans, cela s'est réglé à cause du premier ministre, bon, il faut monter de 125 000 $ à 300 000 $, sans cela, cela n'aura pas l'air sérieux? Tout à coup, c'est ce qui est arrivé. Combien d'autres questions on pourrait poser à M. Pouliot, par exemple, sur un mandat que son syndicat a donné à Me Jasmin le 14 janvier 1979, la veille du commencement du procès, et qui dit que Me Jasmin a mandat pour négocier un règlement dans le cadre de discussions intervenues au cours de la présente réunion? C'est très important. C'est rendu dans notre preuve, ce mandat. Ce n'est pas la première fois que je le lis à la commission. Mais M. Pouliot pourrait nous dire comment ils en sont arrivés à ce mandat. Ce n'est pas du ouï-dire parce que je vois son nom dans une des assemblées où il y a eu des discussions. Oui, mais, alors, pourquoi dire qu'un témoin n'aurait que du ouï-dire à nous communiquer avant de l'entendre? Pourquoi dire d'avance qu'un témoin ne peut pas être entendu parce qu'il contredirait le premier ministre?

Une voix: II n'y a pas un juge qui dirait cela.

M. Lalonde: Je pense que la population qui nous écoute a assez de connaissances - à un moment donné, on va en cour, on a des procès, enfin, on voit ce qui se passe autour de soi - pour savoir qu'il n'y a pas un juge qui refuse d'avance d'entendre un témoin parce que la partie adverse dit: Ce témoin va venir contredire le mien.

M. le Président, ce qui me décourage le plus, ce n'est pas que le premier ministre pense de cette façon - lui, il est mal pris et il est prêt à faire n'importe quoi pour se déprendre - mais c'est de voir, entre autres, deux membres du barreau, actuels ou anciens, le député de Jonquière et le député de Saint-Maurice, se rendre complices de cette manoeuvre de camouflage, de "cover-up", de manipulation de la preuve. Combien faut-il avoir oublié les principes de justice naturelle pour refuser un témoin! Si un de ces membres honorables devenait juge un jour - le ministre pourrait être nommé juge, à un moment donné, à la Cour supérieure, je ne sais pas, ou à la Cour d'appel ou au Tribunal de la jeunesse, il y en a plusieurs qui vont là, ou à la Cour municipale - il faudrait qu'il se rappelle qu'il doit entendre tous les témoins.

Le premier ministre a dit: M. Pouliot est un menteur, il dira seulement des maudits mensonges. D'abord, je trouve cela incroyable. Pensez-vous que cela se passe ailleurs, dans d'autres Parlements? Vous n'avez pas honte, vous autres, quand votre premier ministre se lève de son siège, devant les caméras, et dit de quelqu'un, d'un citoyen: C'est un menteur?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne voudrais pas...

M. Lalonde: Je termine, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. C'est parce que c'est 20 minutes sur une motion.

M. Lalonde: Je m'excuse, oui. On est tellement habitué à ne plus avoir de limite.

Le Président (M. Jolivet): C'est cela.

M. Lalonde: Je disais, M. le Président, que d'avance le premier ministre l'a traité de menteur. Mais s'il venait ici, ce soir, devant nous, et se parjurait... Je ne suggère pas qu'il se parjure. J'ai croisé M. Pouliot deux fois dans ma vie. Je ne le connais pas. Je présume qu'il est un homme honorable. Comme tout le monde, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne - cela nous a tellement été souvent répété -il a droit à sa dignité, à son honneur et au respect de sa personne. Mais si, par hypothèse, le premier ministre avait raison et qu'il venait conter des mensonges, à ce moment-là, on prendrait des dispositions.

M. le Président, je ne peux trop . insister pour que la commission, par un vote qu'on prendrait cet après-midi, rachète le discrédit dont le gouvernement - et le premier ministre en particulier - s'est couvert dans ses tentatives d'empêcher la commission de faire son travail et d'empêcher M. Pouliot, en particulier, de venir témoigner ici.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le député. Je tiens à rappeler, comme je l'ai fait au député, que c'est une motion et que le temps limite pour discuter d'une motion est de 20 minutes. Le ministre a maintenant le droit de parole.

M. Claude Vaillancourt

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Ah! C'est M. le député de Jonquière. M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): ...je dois vous dire, en premier lieu, que j'aurais aimé être convaincu par le plaidoyer vibrant du député de Marguerite-Bourgeoys parce que, moi aussi, je n'aime pas, avant d'entendre un témoin, avant d'entendre son témoignage, porter un jugement sur cette personne. Je pense qu'on partage le même point de vue. Le problème, c'est que M. Pouliot a déjà rendu public son témoignage et que nous sommes donc au courant de ce qu'il viendrait dire à cette commission parlementaire, c'est-à-dire rapporter, semble-t-il, des propos que d'autres personnes auraient pu lui tenir.

M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys ne m'a pas convaincu, absolument pas, à la suite du plaidoyer qu'il a présenté. Le seul argument qu'il avance, c'est que le fait que M. Pouliot soit signataire du projet ou de la transaction le rendrait donc susceptible de venir éclairer cette commission parlementaire sur le mandat qu'elle a reçu. M. le Président, je ne sache pas qu'être signataire d'un accord, d'une entente écrite nous donne la possibilité de venir témoigner sur des échanges, sur des rencontres auxquelles on n'a pas participé. M. Pouliot, s'il était ici, pourrait sans aucun doute témoigner sur le contenu de l'accord qu'il a signé, et ce serait de bon aloi puisqu'il a signé cet accord. Il pourrait, donc, répondre à toutes sortes de questions sur le contenu de l'entente.

M. le Président, si on fait un résumé de la preuve qui a été faite ici, on se rend compte qu'à aucun moment M. Pouliot n'a rencontré, du moins cela n'a pas été établi, soit le premier ministre, soit M. Boivin, soit M. Gauthier. Il n'a donc eu aucune connaissance directe de ces rencontres-là. On doit présumer qu'il n'était pas présent parce que je pense que, s'il avait été présent, les différents témoins qui ont été interrogés l'auraient établi. On doit donc présumer - je pense que je pourrais dire que c'est une présomption juris et de jure, c'est-à-dire qu'elle ne peut pas amener une preuve contraire - que M. Pouliot n'a jamais participé directement à un échange ou à une rencontre avec un des membres du personnel du bureau du premier ministre. M. le Président, j'en viens à la conclusion suivante que si M. Pouliot venait témoigner, il témoignerait donc en se servant du ouï-dire, c'est-à-dire des paroles prononcées par d'autres personnes sur des événements où lui-même, M. Pouliot, n'était pas présent.

J'ai pu constater, au cours des trois ou quatre dernières semaines, parce que je n'ai pas été ici depuis le début, qu'on a malheureusement piétiné la Charte des droits et libertés de la personne, qu'on a battu en brèche le règlement de l'Assemblée nationale, qu'on a foulé aux pieds les règles de la preuve. M. le Président, j'allais dire que, comme membre du barreau, à mon grand regret, j'ai constaté que souvent, et trop souvent malheureusement, durant cette commission, on a piétiné la Charte des droits et libertés de la personne qui a été approuvée, je pense, ou adoptée entre 1970 et 1976, qu'on s'est moqué allègrement du règlement de l'Assemblée nationale, qu'on a battu en brèche des principes de justice naturelle, qu'on s'est servi avec abus de calomnies et de médisances. Après avoir fait tout cela, après avoir brisé des réputations, semé des doutes sur l'honnêteté d'honorables citoyens, on voudrait maintenant, M. le Président, se servir du ouï-dire. Je sais qu'on n'est pas devant un tribunal, mais la preuve du ouï-dire est inadmissible et illégale en droit et on voudrait essentiellement que M. Pouliot se serve de ce moyen de preuve illégal pour venir raconter ces choses-là devant la commission parlementaire.

M. le Président, je pense qu'après tout cela il faut rejeter la motion du député de Marguerite-Bourgeoys. Tous les témoins pertinents ont été invités par la commission

parlementaire et ont été entendus à loisir, interrogés et contre-interrogés. Qui est en mesure mieux que les avocats de la SEBJ, qui est en mesure mieux que le premier ministre, son chef de cabinet et son conseiller spécial, qui est en mesure mieux que les avocats des défendeurs d'éclairer les membres de cette commission parlementaire sur le contenu des échanges, des rencontres, des entretiens, des entrevues - employons le mot que l'on veut - qui se sont déroulés dans le bureau ou dans l'édifice où est logé le bureau du premier ministre? Certainement pas M. Pouliot, M. le Président.

Qui peut nous renseigner là-dessus? Me Jetté, Me Cardinal, Me Jasmin, Me Beaulé, Me Gauthier, Me Boivin et M. Lévesque. Et, à ce que je sache, M. le Président, toutes ces personnes qui ont eu une connaissance directe de ces rencontres, de ces entrevues, de ces échanges et de ces entretiens ont été invitées par la commission parlementaire, ont été entendues et ont même passé plusieurs heures devant cette commission parlementaire. Qu'il suffise de rappeler que Me Beaulé, entre autres, a passé plus de dix heures comme invité et comme témoin de la commission parlementaire. Je pense qu'il est important que les citoyens qui nous écoutent sachent que M. Pouliot n'a jamais participé à ces rencontres et, donc, qu'il n'a jamais eu -c'est l'argument fondamental et majeur - une connaissance directe des faits. (17 h 15)

M. le Président, comme membre du barreau, je voterais pour la motion du député de Marguerite-Bourgeoys si je ne connaissais pas le contenu du témoignage que viendrait rendre M. Pouliot. M. Pouliot, dans l'article du Soleil, à moins que je ne me trompe royalement, vient nous dire qu'il va se servir du ouï-dire devant la commission parlementaire. Il nous dit que ce qu'il sait, il le saurait de Me Jasmin. S'il ne connaissait pas déjà le témoignage de M. Pouliot, s'il était sûr que le témoignage de M. Pouliot ne serait pas fondé sur du ouï-dire, connaissant le député de Saint-Maurice, je suis sûr qu'il voterait, lui aussi, en faveur de la motion. Mais voilà, nous savons d'ores et déjà, depuis maintenant dix jours, que M. Pouliot va se servir du ouï-dire pour venir prétendument, supposément éclairer cette commission parlementaire. En conséquence, le député de Marguerite-Bourgeoys nous comprend certainement, le ministre et moi-même parce qu'il a fait allusion aux deux membres du barreau de ce côté-ci - lorsque nous lui disons que nous ne cautionnerons pas le ouï-dire parce qu'accepter cette motion, ce serait accepter d'avance, alors qu'on le sait, que M. Pouliot vienne rapporter ou vienne témoigner sur des événements auxquels il n'a pas participé. Et cela, devant tous les tribunaux qui se respectent, c'est une preuve absolument illégale.

C'est sûr, M. le Président, que M. Pouliot pourrait être interrogé sur le projet de transaction ou la transaction parce qu'il l'a signée. Et là, il serait un bon témoin. Ce serait la règle de la meilleure preuve, parce qu'à titre de signataire de l'entente il pourrait nous dire s'il a bel et bien signé cette entente, si c'est bel et bien sa signature, si ce sont bien les conditions qui ont été négociées. C'est sûr qu'il pourrait répondre là-dessus. Mais le mandat de la commission, M. le Président, c'est de savoir si le premier ministre du Québec a menti lorsqu'il a dit que ni de près ni de loin, des négociations avaient eu lieu à son bureau relativement au règlement hors cour. C'est le but fondamental, le but premier de la commission parlementaire.

Si M. Pouliot, M. le Président, était en mesure de venir nous éclairer là-dessus, je serais le premier à voter pour la motion. Mais, malheureusement, M. Pouliot n'a jamais participé à ces rencontres. Je pense qu'il est important de le dire. Il y a dix-huit ou quinze ou vingt témoins qui sont venus devant cette commission parlementaire. Les députés de l'Opposition ont pu les questionner à loisir et il a été établi hors de tout doute qu'en aucun moment M. Pouliot n'avait assisté à des rencontres avec MM. Boivin, Gauthier ou le premier ministre. À partir de cela, M. le Président, comment peut-on venir témoigner sur un fait, sur un événement, sur un entretien ou sur un échange si l'on n'a pas participé physiquement à cette rencontre, à cet échange, à cet entretien? C'est la raison fondamentale qui va m'amener à voter contre la motion, bien que je sois membre du barreau, comme l'a si bien dit le député de Marguerite-Bourgeoys. Je ne suis pas scandalisé, M. le Président, du tout de mon attitude, parce que, justement, je connais à l'avance le témoignage de M. Pouliot qui est fondé essentiellement sur du ouï-dire, ce qui est illégal.

Donc, M. le Président, tous les témoins pertinents ayant été invités par la commission, tous ceux qui avaient une connaissance directe des événements ayant pu participer à cette commission parlementaire, à l'éclairage des membres de la commission, je voterai contre la motion. Bien que le député de Marguerite-Bourgeoys parle de "cover-up", je tiens à redire, M. le Président, que, si M. Pouliot avait participé à ces entretiens, à ces rencontres, je serais le premier à essayer de convaincre le ministre actuellement d'accepter cette motion, puisque M. Pouliot pourrait éclairer la commission. Moi aussi, je veux que la vérité, qui a ses droits, sorte et éclate au grand jour. Mais les témoins qui pouvaient nous éclairer et qui nous ont éclairés sur cela sont venus témoigner.

J'aimerais que le député de Marguerite-

Bourgeoys m'indique dans sa réplique comment, à partir du moment où on n'a pas été présent physiquement à une rencontre, où on n'a pas assisté à un entretien, on peut valablement émettre un témoignage sur de tels entretiens, de telles rencontres, de tels échanges. C'est la question, M. le Président, que je pose au député de Marguerite-Bourgeoys en terminant.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie.

M. Jean-Pierre Saintonge

M. Saintonge: M. le Président, sur cette double motion concernant M. Pouliot et M. Latouche, vous me permettrez d'intervenir principalement pour la demande qui concerne M. Latouche. En fait, ce qu'il est important de noter, c'est que M. Latouche était sur la liste des invités le premier jour de la commission. Il a été convoqué par le Secrétariat des commissions. Il a même répondu à la convocation. À plusieurs reprises, nous l'avons vu assister ici à nos séances, attendant son tour. Maintenant, par un hasard des choses, tout à coup, on l'a retiré de la liste sans explications, si ce n'est certaines accusations qui portaient principalement sur la personne même de M. Latouche.

M. Latouche est toujours demeuré disponible aux yeux de la commission. À cet égard, je voudrais ici faire lecture d'une lettre que M. Latouche avait adressée à la commission parlementaire de l'énergie et des ressources à l'attention de M. Bédard, le secrétaire des commissions: "Monsieur, pour faire suite à une invitation, comme invité, pour répondre à certaines questions devant la commission parlementaire de l'énergie et des ressources, dont je m'étais empressé de vous transmettre mon acceptation, j'ai appris par les médias d'information que le ministre Duhaime a décidé de biffer et de rejeter cette invitation en donnant des raisons que je considère inacceptables, parce que je les crois sincèrement fausses et contraires à la vérité. Suite à mon acceptation, j'ai préparé une déclaration que je me proposais de déposer et de lire, tout en ayant obtenu au préalable le consentement du président, M. Jolivet, et ce, après avoir été assermenté. "J'attire votre attention sur cette déclaration à l'effet que j'apporte une restriction lorsque j'affirme avoir été assermenté, ce qui est présentement contraire, compte tenu de la décision du ministre de rejeter mon invitation. Mais pour ce qui est des autres allégués, je les maintiens. "Je vous prierais de transmettre l'original de cette déclaration au président de la commission, M. Jolivet, en lui demandant d'accepter de lire le contenu de ma déclaration, mardi le 26 avril 1983, à l'ouverture ou à sa convenance, devant cette commission parlementaire et de bien vouloir l'informer de ma présence au salon rouge, en lui spécifiant que je suis toujours prêt à répondre à toutes les questions qui pourront m'être posées. J'annexe deux copies conformes, une pour le ministre de l'Énergie, M. Duhaime, et l'autre pour le leader de l'Opposition, M. Fernand Lalonde. C'est avec respect et dignité que je vous prierais d'agréer ma demande, parce qu'il est de mon devoir de citoyen de contribuer à faire la lumière sur ce débat."

Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas vous interrompre inutilement, mais j'aimerais bien, comme j'ai été cité dans cette lettre, avoir une copie de cette lettre, s'il vous plaît.

M. Saintonge: Oui, je vais vous en donner une copie.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Saintonge: D'ailleurs, M. Bédard, le secrétaire des commissions, l'a déjà en sa possession. C'est une lettre qui a été adressée à M. Bédard.

Le Président (M. Jolivet): Mais je ne l'ai pas eue. Alors, je veux savoir de quoi je retourne dans cette chose.

M. Saintonge: En fait, M. Latouche n'a donc pas été entendu à la commission. Il a, cependant, donné sa version ou, tout au moins, une partie de sa version. On l'a vue dans les journaux ou à la radio. En fait, sa version concernait quoi? M. Latouche avait, quand même, été mis en cause d'une certaine façon. Disons que la porte était entrouverte pour entendre son témoignage, si on considère, en fait, que M. Daniel Latouche avait été entendu et avait parlé quelque peu de M. Latouche.

On sait également que deux des témoins importants qui ont été entendus devant cette commission, à savoir le notaire Gauthier, du bureau du premier ministre, de même que Me Jasmin ou M. le juge Jasmin, ont fait allusion à M. Latouche en disant que M. Latouche a participé à une rencontre au bureau de Me Gauthier à laquelle s'est joint Me Jasmin, représentant des syndicats québécois. M. Latouche assistait à cette rencontre et il semble bien qu'il pourrait nous dire certaines choses concernant des déclarations relativement au règlement hors cour de la cause du saccage de la Baie-James qui, en fait, est celle qui occupe cette commission.

Il me paraît à ce moment-ci que M. Latouche pourrait apporter un éclairage important à la commission sur le contenu de

ces discussions, surtout du fait que M. Latouche a quand même redonné avis à la commission de son désir d'être entendu à nouveau à la suite du témoignage du notaire Gauthier. M. Latouche offrait à la commission la possibilité de venir témoigner à nouveau en rapport avec la rencontre qu'il avait eue au bureau de Me Gauthier. Il se disait en mesure d'aider à éclairer la commission sur ce qui s'est passé et sur ce qui s'est dit au cours de la rencontre du 16 février 1979 dans le bureau du notaire Gauthier, conseiller du premier ministre. Surtout, compte tenu que, lors de son témoignage, le notaire Gauthier avait un oubli, que sa mémoire était défaillante sur ce qui s'était réellement passé lors de cette rencontre, il semble que la mémoire de M. Latouche, elle, n'était pas défaillante. Il avait même de bonnes notes là-dessus et il aurait pu renseigner la commission. Puisque M. Latouche a donné en partie le contenu des propos qu'il a pu entendre lors de sa rencontre avec M. Gauthier et Me Jasmin et puisque ces propos ne semblent peut-être pas clairs au ministre, au premier ministre et aux membres du gouvernement, est-ce une raison suffisante pour ne plus l'inviter?

On peut se demander ce que le premier ministre a tant à reprocher à M. Latouche. En fait, M. Latouche est celui qui a osé, à un moment donné, dénoncer certaines irrégularités dans l'affaire du scandale de la SHQ, le scandale de la Société d'habitation du Québec. Si M. Latouche a osé faire certaines dénonciations, est-ce qu'on craint M. Latouche? D'autre part, n'est-ce pas plutôt que personne ne peut rien dire contre le présent gouvernement? Si on parle, si on met en doute, si on fait certaines remontrances, certaines remarques sur l'action du gouvernement, qu'obtient-on à ce moment-là? Qu'en retire-t-on comme individu? Des qualificatifs de menteur et même une pluie d'injures, d'invectives de toutes sortes. Le premier ministre parle même de M. Lalouche en disant: Je n'y toucherais même pas avec une "pôle" de dix pieds, et il a étendu cela à dix mètres. C'était dix pieds, M. le ministre, il y a moins d'un an et, à la commission, quand il s'est rendu compte que M. Latouche pouvait peut-être donner certaines autres informations, on a étendu la "pôle" à dix mètres. C'est comme cela. Lorsqu'on a quelque chose à dire, on est des menteurs, des "faiseux" et des gens qu'on ne touche pas.

Tantôt, j'écoutais le député de Jonquière qui parlait de calomnie, de médisance, de réputations brisées, d'attaques contre la Charte des droits et libertés. Si ce n'est pas cela quand on parle de M. Latouche ou de M. Pouliot en les traitant de menteurs - c'est le premier ministre du Québec qui parle de ces gens-là comme étant des menteurs, comme des "faiseux" -j'en perds mon latin. Pourtant, si on regarde tout cela, je pense que la population ne trouve pas que cela fait tellement sérieux. La population n'est quand même pas dupe. La question qu'on doit se poser vis-à-vis de tout cela et que tout le monde se pose dans les circonstances présentes c'est: Quand le ministre ou le premier ministre dit: On va faire toute la lumière, on va chercher à faire toute la lumière, à quoi fait-on allusion? À quoi fait-on allusion lorsqu'on parle de transparence? À quoi fait-on allusion également quand on dit qu'on fera éclater toute la vérité?

Vous avez là deux témoins, M. Latouche et M. Pouliot, qui nous ont dit qu'ils se souvenaient de choses importantes qui pouvaient concerner la commission parlementaire. M. Latouche est assez clair. Il se souvient très bien de la rencontre qu'il avait eue avec le notaire Gauthier. Il peut donner certains faits qui pourraient éclairer la commission d'une façon correcte. On parle de M. Pouliot. Mon confrère, tantôt, le député de Portneuf, pourra y revenir. Il reste que M. Pouliot aurait peut-être été le seul syndicaliste, le seul représentant des syndicats importants dans cette affaire-là à être en mesure de venir témoigner. Cela n'est pas nécessaire; on parle du ouï-dire que son témoignage pourrait apporter. Le président sera capable de contrôler la preuve qui est devant la commission. C'est le rôle du président de refuser le ouï-dire.

Je voudrais aussi me référer à certaines remarques qui ont été faites ou à certains engagements qui ont été donnés. Dans le journal des Débats le 23 mars 1983, je cite le premier ministre qui disait: "Je m'engage dès maintenant, si c'est la commission parlementaire qui paraît la plus indiquée, en mon nom comme au nom du gouvernement, dans les plus brefs délais, que tous les gens qui sont intéressés, à commencer par votre serviteur, puissent aller à cette commission et faire la lumière." Un peu plus loin, M. Lévesque, député de Taillon, continuait: "Tous les gens intéressés de quelque coin qu'ils soient, pourvu qu'ils aient un lien avec cette affaire. Les témoins qui ont quelque rapport pourront être convoqués aussi longtemps qu'on le voudra." M. Latouche avait sûrement un rapport; Me Jasmin et Me Gauthier se souviennent d'une certaine déclaration. D'autant plus que M. Latouche pouvait nous parler, à propos du règlement de la cause, de discussions qui avaient eu lieu en sa présence. Il ne faut pas oublier un autre élément important qui aurait pu apporter un éclairage particulier au dossier: toute la question entourant le jugement contre M. Boyd. M. Boyd y a fait allusion dans son témoignage. M. Latouche aurait pu nous apporter des précisions supplémentaires là-dessus.

(17 h 30)

Le premier ministre a fait certains commentaires, certaines déclarations concernant l'ouverture d'esprit à la commission. Tantôt, le député de Marguerite-Bourgeoys a cité le ministre de l'Énergie et des Ressources. Je vais citer un autre passage d'une déclaration du ministre de l'Énergie et des Ressources, le 30 mars 1983: "Le mandat de cette commission est donc le plus large possible pour bien nous permettre à tous de situer le contexte de ce règlement hors cour. Les travaux de cette commission sont également télévisés. Je répète que tous les témoins, tant du côté ministériel que de l'Opposition, qui pourraient être convoqués le seront." Du texte que j'ai ici, je comprendrais que notre demande devrait être agréée, mais cela m'étonnait que, lors du dépôt de notre demande, on nous disait que, de toute façon, c'était pour être rejeté. Ce sont les paroles du ministre, du 30 mars 1983.

Un peu plus loin, la même journée, à la page B-184, le ministre continuait: "J'ajoute tout de suite que j'offre au leader parlementaire de l'Opposition d'évaluer avec lui à quel moment cela serait le plus utile, pour l'agencement, le bon entendement et la bonne compréhension de nos travaux, d'entendre les personnes dont ils ont voulu la présence et à quel moment il souhaiterait qu'elles soient entendues, à quel moment nous pourrions les inscrire." Je pense qu'on ne peut pas être plus clair que cela.

On va attendre le résultat du vote sur nos motions. On est obligé de présenter des motions pour les faire inviter. Pourtant, au 30 mars, il n'y avait pas de problème: tous les gens seraient entendus, même ceux que l'Opposition pouvait demander. Je dis, face à ces déclarations, que c'est le temps de faire face à la musique pour le gouvernement, pour le ministre, pour le leader du gouvernement. Que les témoins viennent donner les faits précis dont ils ont eu connaissance et qui ont trait à cette affaire. M. Pouliot, dans le cas présent, et M. Latouche. Ils ont la mémoire. Ils se souviennent de ce qui est advenu. Leurs souvenirs semblent meilleurs que ceux de plusieurs autres personnes qui sont venues témoigner.

Vous avez des craintes sur la pertinence? Quelle crainte existe-t-il? Le président n'est-il pas garant de notre procédure, du mandat de la commission? Vous avez d'autres craintes? Les personnes seront assermentées. Si quelque argument ou quelques faits rapportés par ces personnes sont contraires à la réalité, d'après vous, ces faits seront établis en commission. Ils témoigneront en commission. Vous pourrez les contre-interroger. Vous pourrez les confronter. Vous pouvez tenter de les contredire, mais ce qui est important, vous ne devez pas faire des attaques sur la personne de quelqu'un, sur sa propre réputation, au mépris de la charte des droits, dire des calomnies et des médisances. Cela fait appel à votre sens des responsabilités, à votre sens de la justice et à votre sens de l'équité. Je pense que c'est cela qu'il est important à retenir. Quand on traite des gens de menteurs, de "faiseux", sous prétexte qu'ils peuvent venir dire des choses qui ne font pas votre affaire, contredisez-les devant la commission, mettez-les en boîte. C'est votre rôle.

En terminant, vous me permettrez, M. le Président, de citer un extrait de l'éditorial de M. Vincent Prince dans la Presse du 30 mai 1983. "Le premier ministre Lévesque laisse entendre aussi que son refus d'assigner M. Pouliot viendrait du fait que ce dernier aurait des affinités libérales. En supposant que cela soit vrai, peut-il dire que tous ceux qui ont été entendus jusqu'ici étaient des partisans du PQ et qu'ils pouvaient donc être plus objectifs? Les mêmes considérations valent, évidemment, dans le cas de M. Yvan Latouche que le premier ministre refuse aussi d'entendre sous prétexte que ce serait un autre menteur et un autre personnage à la solde des libéraux. Pour ceux qui ont lu ce que M. Latouche a déjà raconté aux journalistes, il ne semble pas que l'homme ait été sérieusement contredit par les témoins qui, eux, ont été entendus par la commission. On pourrait au moins attendre en tout cas de l'avoir interrogé et contre-interrogé avant de porter jugement. Autrement, on aura de la difficulté à se défendre de l'impression que le gouvernement craint vraiment le témoignage de ces deux hommes." C'est signé: Vincent Prince, la Presse, 30 mai 1983.

En fait, M. le Président, je pense que c'est la meilleure conclusion que je pouvais apporter à mon exposé. Quant à moi, je pense que cette motion, si on réfère surtout principalement aux déclarations du ministre, devrait facilement être agréée par les membres de cette commission. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Avant d'accorder la parole au député de Vimont, compte tenu que j'ai demandé au député de Laprairie de me faire parvenir la lettre dont il faisait mention et qui me concernait, je dois dire qu'effectivement je l'ai reçue de la part du greffier, M. Jean Bédard, comme c'était indiqué à l'intérieur. Si je n'en ai pas fait mention à l'époque - j'en avais, d'ailleurs, discuté au moment où on m'avait demandé si j'avais reçu certains renseignements - c'est que, comme président de la commission ici, je n'ai pas à faire mention de quoi que ce soit qui n'est pas devant la commission. À ce moment-là, je

n'ai pas fait mention de cette lettre, pas plus que du télégramme que j'avais reçu à la demande qu'on m'avait faite, parce que, en aucune façon, la personne n'avait été convoquée devant nous. Dans le cas de M. Latouche, effectivement, il avait été sur la liste de départ, tel que demandé; je pense que personne ne peut le contredire. Mais, dans le cas de Maurice Pouliot, il n'y avait jamais eu de convocation.

Je me permets, donc, de lire la lettre que j'avais reçue, pour clarifier la situation concernant M. Pouliot: "La présente est pour vous informer de la démarche effectuée par le Secrétariat des commissions parlementaires auprès de M. Maurice Pouliot dans le cadre des travaux de la commission de l'énergie et des ressources qui siège actuellement sur le dossier du règlement hors cour qui a fait suite au saccage du chantier de LG 2. Le Secrétariat des commissions parlementaires -bien entendu - n'a eu qu'un contact indirect avec M. Pouliot. Il a eu lieu le ou vers le 31 mars 1983. Il s'agit d'un entretien téléphonique avec Mme France Cousteau, secrétaire de M. Pouliot. Cet entretien avait pour but, conformément à la demande formulée verbalement au soussigné par le directeur du cabinet du leader du gouvernement, d'informer M. Pouliot de la demande du leader parlementaire de l'Opposition officielle à l'effet que son nom soit inscrit sur la liste des invités de la commission et que, en conséquence, il pourrait éventuellement être appelé à témoigner devant celle-ci." C'est signé par le greffier de la commission, M. Jean Bédard.

Cela veut donc dire que ce qu'avait fait le Secrétariat des commissions parlementaires était de demander à M. Pouliot, au cas où il serait convoqué par la commission - la motion est devant nous aujourd'hui - de se tenir disponible. En conséquence, il n'y a jamais eu de convocation officielle dans le cas de M. Pouliot. Je tenais, comme président de la commission, au nom du greffier de la commission, M. Bédard, à en faire mention dans les discussions que vous avez jusqu'à maintenant.

La parole est au député de Vimont.

M. Jean-Guy Rodrigue

M. Rodrigue: Merci, M. le Président. M. le Président, lorsque nous avons commencé les travaux de cette commission, le 30 mars - cela fait déjà 23 ou 24 jours que nous siégeons et que nous entendons des témoins ou des invités, appelons-les comme on le souhaite - nous avions le mandat d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la SEBJ de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Pour être en mesure d'apporter un éclairage à cette commission, il m'apparaît très important que les personnes que nous invitons à venir y témoigner aient eu un rôle direct à jouer dans les pourparlers qui ont entouré toutes les tractations et tous les échanges entre les avocats, qui ont entouré la préparation et la conclusion de l'entente qu'on appelle maintenant la transaction qui a mis fin au procès intenté devant la Cour supérieure et qui a mené au règlement du litige qui opposait la SEBJ à un certain nombre de syndicats.

Or, ni M. Pouliot, ni M. Latouche, de fait, n'ont eu une connaissance directe des échanges qui ont mené au règlement qui a mis fin au procès et qui a réglé d'une façon définitive le problème de la poursuite dont j'ai fait mention. En fait, quand on examine un article sous la signature de Jean-Jacques Samson dans le Soleil du 27 mai 1983, on constate que, effectivement, M. Pouliot, en tout cas, ne peut nous rapporter que ce qu'une autre personne lui aurait dit, c'est-à-dire Me Michel Jasmin, en l'occurrence, le procureur des syndicats. Donc, M. Pouliot ne peut que rapporter ce que M. Jasmin aurait dit des rencontres qu'il avait eues soit avec Me Boivin, Me Gauthier ou avec d'autres personnes, c'est-à-dire les représentants des syndicats de la SEBJ. En langage populaire, M. le Président, cela s'appelle parler à l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours. C'est une expression bien connue au Québec et qu'on comprend très bien, en ce sens qu'on parle à celui qui a parlé à l'autre qui s'est fait dire quelque chose par quelqu'un. Finalement, au bout du compte, on n'est pas en mesure d'être assuré que ce que cette personne nous rapporte, c'est ce qui s'est véritablement passé.

Il y avait un vieux jeu de société au Québec, qui se pratique peut-être encore, c'est celui où on aligne une dizaine de personnes, des amis dans une soirée, dans un cercle et puis le premier énonce un bout de phrase, une idée à son voisin dans le creux de l'oreille et là on fait le tour de la salle. Lorsqu'on arrive au dernier, celui-ci dit tout haut ce qu'il a compris de la phrase qui avait été dite en premier lieu et celui qui l'a dite répète la phrase qui a été mentionnée au départ et, finalement, on se rend compte que, de fil en aiguille, cela sort tout de travers à la fin.

De la même façon, les tribunaux refusent ce genre de preuve et je pense que c'est extrêmement sage, comme l'a mentionné le député de Jonquière. C'est que la personne qui n'a pas eu une connaissance directe des faits, mais qui les a appris par une autre personne qui, elle, se l'était fait dire par un tiers, est toujours très mal placée pour témoigner sur ces faits avec un

minimum de chances de dire véritablement ce qui s'est passé. Dans un contexte comme celui-là, la crédibilité d'un tel témoin est à peu près nulle. Je pense que c'est la sagesse populaire, finalement, qui a voulu que les tribunaux refusent ce genre de preuve parce qu'il est absolument impossible dans un contexte comme celui-là d'arriver à se faire une idée précise des faits qui se sont produits et d'être en mesure par la suite de porter un jugement.

Bien sûr, M. Pouliot est un des signataires de la transaction qui a mis fin à la poursuite devant les tribunaux. Cette transaction-là, M. le Président, nous l'avons tous eue. Elle a été déposée devant cette commission et nous sommes tous en mesure d'en prendre connaissance et de la lire dix fois si nécessaire pour bien la comprendre. Nous n'avons donc pas besoin d'un témoin pour venir nous expliquer le contenu et le sens des termes qui sont contenus dans cette transaction-là, d'autant plus que nous avons eu ici les procureurs de la SEBJ et également des procureurs des syndicats qui sont également partie signataire de cette entente et que nous avons eu tout le loisir de leur poser les questions que nous avions jugées pertinentes pour en connaître le plus long possible sur les tenants et les aboutissants de cette transaction.

M. le Président, dans un contexte comme cela, je ne vois pas comment autant M. Pouliot que M. Latouche pourraient venir ajouter aux témoignages, ajouter aux faits qui ont déjà été portés à la connaissance de cette commission. Pour ces raisons et celles qui ont été énoncées par le député de Jonquière tout à l'heure, je pense qu'il n'y a pas lieu d'accepter la motion du député de Marguerite-Bourgeoys d'inviter ces personnes à se présenter devant cette commission.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je veux intervenir, évidemment, sur la motion présentée par mon collègue de Marguerite-Bourgeoys et, plus particulièrement, à l'égard du volet en vertu duquel nous demandons à la commission parlementaire d'accepter de faire entendre M. Maurice Pouliot, président-directeur général du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction.

Nos auditeurs se demanderont probablement quels sont les motifs pour lesquels l'Opposition, depuis que ce débat a été amorcé à l'Assemblée nationale, a ici même à l'Assemblée, sur le parquet de la Chambre, par des questions qu'elle a posées au premier ministre, insisté sur la présence de M. Pouliot, qui n'est pas membre du conseil d'administration de la SEBJ, qui n'est pas un employé du bureau du premier ministre, qui ne fait pas partie de cette grande famille à laquelle mon collègue, le député de Laporte, a fait référence cet après-midi et qui était en contact étroit et même intime, à certains égards, qui a eu des contacts réguliers, soutenus et constants avec le bureau du premier ministre et, plus particulièrement, avec son chef de cabinet, M. Jean-Roch Boivin, durant la période du règlement hors cour, après que ce dernier eût déclenché le processus du règlement à la suite de la réunion du 3 janvier. (17 h 45)

M. Pouliot n'était pas de ceux-là. M. Pouliot était, à l'époque, secrétaire général du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et il a été appelé, par la fonction qu'il occupait, à donner mandat à Me Michel Jasmin pour le représenter. M. Pouliot, une fois le mandat donné, après avoir signé pour et au nom du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, au nom du syndicat de la FTQ, a certainement eu des contacts réguliers, fréquents avec son procureur, Me Jasmin, pour voir l'évolution de la cause, l'évolution du dossier à la suite de la poursuite entreprise devant la Cour supérieure à la fin de 1975 et au début de 1976. M. Pouliot s'était, d'ailleurs, montré disponible pour venir témoigner, lui qui, essentiellement, à la fin de nos travaux, à quelques heures de la fin de nos travaux, aurait été le dernier témoin probablement, avant ou après M. Latouche, et aurait été le premier témoin représentant le groupe syndical qui a été poursuivi dans ce dossier. Nous avons insisté là-dessus et nous continuons à insister parce que, si on veut vraiment que les membres de cette commission - plus particulièrement, les députés de la majorité - puissent prendre connaissance de ce volet, de cette dimension importante du dossier qui est la voix des syndicats, il faudrait que M. Pouliot ait l'occasion de se faire entendre.

Vous aurez remarqué, M. le Président, tout comme les auditeurs, que, malgré ce que le premier ministre avait énoncé et claironné d'une façon doucereuse, d'une façon un peu mielleuse à l'Assemblée nationale lorsque la tenue de la commission a été demandée, dès l'ouverture de la Chambre -si ma mémoire est fidèle, c'était le 23 mars - malgré que le premier ministre se soit engagé à ce que tous les témoins intéressés ou susceptibles de contribuer et d'apporter des éléments importants puissent venir témoigner, vous savez, avec le gouvernement du Parti québécois, il y a souvent loin de la coupe aux lèvres, comme on dit, et de la parole aux actes - malgré les voeux pieux, malgré cet énoncé exprimé par le premier ministre officiellement à l'Assemblée nationale - mais, en arrière du rideau: II ne faut pas qu'il vienne témoigner; le ministre

de l'Énergie et des Ressources a commis le même péché, si péché il y a, évidemment; quant à nous, c'est un péché contre la démocratie, c'est un péché contre la vérité -on s'est refusé à ce que M. Pouliot vienne témoigner.

M. le Président, je vais vous indiquer, pendant quelques minutes, selon ma perception, pourquoi le PQ ne veut pas, finalement, que M. Pouliot vienne témoigner. Cela s'explique. Et probablement que nos auditeurs et les membres de la commission ne connaissent pas tous les aspects de ce dossier du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. C'est purement et simplement parce que M. René Lévesque, parce que le ministre du Travail, parce que le ministre actuel des Affaires sociales, M. Pierre-Marc Johnson, qui était il y a quelques années ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, en bon canadien ne blairent pas le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Pourquoi ils ne le blairent pas? Ce n'est pas compliqué, vous savez - ils ne l'aiment pas - cela fait suite au débat référendaire de mai 1980.

Pour ceux qui sont un peu familiers avec les syndicats de la construction au Québec, avant 1980, les syndicats de la construction affiliés à la FTQ étaient aussi affiliés au Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Il y avait donc l'entité FTQ et l'entité Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. L'intérêt pour les travailleurs du Québec d'appartenir au Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, c'est qu'il est un organisme national, c'est-à-dire pancanadien, qui a des affiliations avec les syndicats américains. C'est donc dire que le travailleur qui est membre du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction était susceptible d'obtenir plus facilement ce qu'on appelle - les travailleurs de la construction qui m'écoutent vont bien me comprendre - la carte de voyage lui permettant, alors que l'économie n'allait pas bien au Québec, d'aller travailler dans le Wisconsin, dans l'Ohio, dans l'État de Washington ou ailleurs. Donc un syndicat international.

On se souviendra qu'en 1979 et 1980 cela a commencé à brasser un peu dans la FTQ; plus particulièrement l'initiative à laquelle a participé principalement la FIPOE - qui est l'Association des électriciens du Québec, affiliée à la FTQ - qui a demandé, qui a soutenu qu'il devrait y avoir une représentation purement québécoise. C'est à ce moment que les relations entre la FTQ et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction se sont mises à aller moins bien.

Le référendum est arrivé. On sait que le référendum a joué un rôle important, peut-être pas directement, mais indirectement, dans ce règlement. J'ai soutenu ce matin, et je persiste à le croire, que si le gouvernement a enclenché le processus de règlement hors cour, c'était, finalement, pour faire un cadeau substantiel à la FTQ (Fédération des travailleurs du Québec), qui avait appuyé le PQ en 1976 par l'énoncé de son président, M. Louis Laberge. Il était important pour le gouvernement que la même position soit répétée au référendum qui s'en venait, parce que le référendum, c'était, vous savez, la raison d'être du Parti québécois au lendemain de son élection en 1976. L'indépendance passait avant le développement économique. L'indépendance passait avant la sécurité du revenu des Québécois. L'indépendance passait avant plusieurs éléments essentiels de notre société.

Or, les dirigeants du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction n'ont pas voulu supporter le PQ au référendum. Ils ont dit: non, M. Lévesque: nous continuons à défendre les intérêts de nos travailleurs et on ne s'embarque pas dans votre campagne référendaire.

Au lendemain de la campagne référendaire, c'est évident que l'Assemblée nationale a été saisie d'un projet de loi en vertu duquel le gouvernement du Parti québécois livrait la marchandise à la FTQ et plus particulièrement à M. Laberge, en créant, par le projet de loi no 109, une cinquième centrale syndicale dans le monde de la construction, en espérant que la FTQ allait tasser littéralement le conseil provincial. Il y a eu un vote et, finalement, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction représente encore un pourcentage substantiel et important des travailleurs du Québec, malgré les intentions de Pierre-Marc Johnson et compagnie, du Parti québécois et du premier ministre. Depuis ce temps, on constate que, dans l'esprit de ce gouvernement, qui se dit imbu de démocratie et de droits fondamentaux, les gens du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction sont considérés comme des persona non grata dans les officines gouvernementales et, plus particulièrement, au bureau du premier ministre.

M. Pouliot, qui n'est pas un ami du PQ, qui ne fait pas partie de la famille de Jean-Roch Boivin et du premier ministre - famille politique, j'entends - a indiqué qu'il était prêt à venir témoigner pour énoncer des aspects que Me Jasmin était peut-être incapable de donner, compte tenu qu'il n'avait pas été libéré de son secret professionnel par le local 791, International Union of Operating Engineers.

Le ou vers le 8 avril 1983, une fois que l'Opposition eut donné la liste des témoins que nous prévoyions entendre, que

nous désirions entendre, le Secrétariat des commissions parlementaires communiquait, quand même, avec lui pour lui faire part, comme président du conseil provincial -parce qu'il est maintenant président - qu'il était susceptible de venir témoigner dans les jours suivants et de préparer son mémoire. Le conseil provincial a préparé son mémoire. Ils ont indiqué qu'ils étaient disponibles. Mais quand le PQ et Me Duhaime, le premier ministre et ses adjoints ont pris connaissance de ce à quoi M. Pouliot pourrait se référer, cela a été une fin de non-recevoir à cette volonté de venir éclairer les membres de cette commission et les téléspectateurs qui nous écoutent cet après-midi.

Cela s'est posé avec beaucoup plus d'acuité et de certitude à compter du 18 mai où, dans le Soleil, M. Maurice Pouliot donnait une entrevue à M. Jean-Jacques Samson; il disait: "On joue sur les mots à la commission: discussions, négociations, ingérence, ajoute le syndicaliste. Quand nous discutons avec des entrepreneurs des prochains salaires des gars de la construction, est-ce qu'on discute ou si on négocie? Me Jasmin n'allait peut-être pas négocier, mais discuter au bureau du premier ministre. Je présume que c'est ce qu'il va dire puisqu'ils ont tous dit cela." Ils ont tous dit qu'il n'y a pas eu de négociations, qu'il s'agissait de discusssions. Toujours sous la plume de M. Jean-Jacques Samson: "Selon les propos de M. Pouliot, le Conseil provincial des métiers de la construction ne cherche d'aucune façon à dissimuler qu'il y a bel et bien eu des négociations au bureau du premier ministre - au bureau du premier ministre, négociations - en février 1979, impliquant leur procureur, Me Michel Jasmin. "Ce n'est pas marqué dans ses comptes d'honoraires professionnels, mais je pense que c'est tout de même assez connu. C'est évident qu'il y a eu un va-et-vient dans le bureau du premier ministre et sûrement -c'est toujours M. Pouliot qui parle - qu'on ne rencontre pas le premier ministre (ou l'un de ses proches collaborateurs) pour lui parler d'une partie de pêche ou d'une partie de golf ou de choses semblables. C'est évident qu'on discutait du règlement hors cour et, par la suite, le premier ministre a mentionné qu'il était favorable à un règlement hors cour."

Au lendemain du 18 mai, il y a eu un changement d'attitude caractérisé de la part du gouvernement. Il n'était plus question d'entendre M. Pouliot. L'honorable député dont j'oublie le nom et le comté - il vient de prendre la parole il y a quelques minutes, je ne veux pas l'insulter, le pauvre type, il ne parle pas souvent ici et on ne le voit pas souvent, d'ailleurs - a parlé de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours.

Une voix: C'est le député de Vimont.

M. Pagé: C'était le député de Vimont. Je m'excuse pour les électeurs de Vimont et les citoyens de Vimont qui nous écoutent; le problème, c'est que votre gars, on ne le voit pas souvent. Il a fait allusion à l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours. Ce n'est pas l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours; M. Pouliot est l'homme qui a mandaté l'homme qui a rencontré le gros "nounours", chef de cabinet du premier ministre, M. Boivin, qui lui a donné un mandat et qui lui a dit: Vous allez régler cette cause-là. Son procureur, l'homme, est allé voir M. Jean-Roch Boivin. Il l'a même rencontré le 12 janvier et il s'est fait dire par M. Jean-Roch Boivin, le "nounours" du premier ministre: Énerve-toi pas, on a dit à M. Laliberté, président de la SEBJ, que le premier ministre voulait un règlement. Cela a été exprimé aussi par le premier ministre lui-même: - comme il l'a dit hier d'une façon un peu timide - Excédé, j'ai indiqué à M. Boyd que je voulais un règlement. M. Laliberté l'a dit ici. Si vous ne réglez pas, on va régler à votre place.

Nous croyons, M. le Président, bien franchement, que le témoignage de M. Pouliot aurait été important pour les travaux de cette commission. Ce n'est pas du ouï-dire. Il s'agit d'un client d'un syndicat qui a mandaté un procureur avec un mandat particulier de défendre ses droits et ses intérêts. Son procureur a été intimement associé au processus de règlement, au moins sur le volet des visites constantes qu'il a faites au bureau du premier ministre. Son procureur, qui était, à certains égards, un peu nerveux, est allé se faire calmer, se faire rassurer au bureau du premier ministre. Le chef de cabinet l'a dit lui-même.

Je termine là-dessus. J'aurais aimé demander, quant à moi, à M. Pouliot, à quelle date son procureur lui aurait indiqué qu'un règlement s'en venait. J'aurais aimé demander à M. Pouliot s'il est vrai que M. Pouliot, président du Conseil provincial des métiers de la construction du Québec, syndicat poursuivi, lui aussi, s'est rendu, au cours de l'année 1978 - non pas en 1979, non pas en janvier, non pas en février - avant novembre, rencontrer les syndicats américains, à qui son syndicat était affilié, pour leur dire: Ne soyez pas inquiets, cela va se régler hors cour. J'aurais aimé demander à M. Pouliot les échanges qu'il a eus avec son procureur - parce que M. Pouliot n'est pas lié par le secret professionnel - les réponses que son procureur lui a données pendant toute cette période au cours de laquelle celui-ci avait non seulement droit d'entrée, mais pratiquement droit de cité dans le bureau du premier ministre. La majorité péquiste a décidé que, malgré leurs voeux pieux sur la démocratie, la transparence, l'ouverture,

celui-ci n'allait pas témoigner. (18 heures)

M. le Président, vous savez, à plusieurs reprises, on s'est référé au fait que ce n'était peut-être pas le meilleur véhicule, mais nos auditeurs, encore une fois, ont aujourd'hui la preuve que le premier ministre a été accusé par la Presse en mars dernier. Le problème qu'on a depuis ce temps, c'est que le jury est formé majoritairement des membres de la famille de l'accusé. Le jury est formé, ici, majoritairement de députés péquistes qui acceptent les commandes, soit lever la main, dire oui ou non, selon le voeu du chef de leur groupe, le député de Saint-Maurice. C'est cela, le problème. C'est malheureux. C'est une atteinte grave à la démocratie. Comme le disait mon collègue de Marguerite-Bourgeoys tantôt, vous savez, c'est inquiétant quand on voit que deux membres du barreau, deux de nos collègues du barreau voteront contre le fait d'entendre un témoin qui aurait une contribution importante à apporter.

Quand mon collègue de Marguerite-Bourgeoys faisait référence au fait que les deux membres du barreau de la majorité pourraient éventuellement être nommés juges, je me dis ceci: S'il fallait que notre collègue de Saint-Maurice soit nommé juge, avec les talents d'administrateur qu'il a démontrés ce matin, il ne faudrait pas que ce soit pour des conflits allant chercher au-delà de 100 $, 150 $, M. le Président. Je vous dis que son appréciation des bilans et des comptes, ce n'est pas drôle de voir cela.

Nous allons, quant à nous, notre groupe, voter pour. Nous sommes peinés et nous déplorons l'absence de M. Pouliot, l'absence de démocratie et l'ingratitude que les péquistes témoignent à l'égard d'un syndicat qui représente un pourcentage important des travailleurs du Québec qui étaient liés à ce dossier. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Comme il est 18 heures et que normalement nous devrions nous arrêter, je dois convenir qu'il y a, à ma gauche et à ma droite, une entente pour terminer. En conséquence, sur la liste, il reste le député de Bourassa, M. le ministre et, en droit de réplique, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Donc, nous allons dépasser 18 heures.

M. le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: Merci, M. le Président. Je ne serai pas trop long, en signe de coopération pour finir cette commission qui a déjà trop duré. Le pauvre député de Marguerite-Bourgeoys dépose une motion afin d'inviter MM. Pouliot et Latouche à venir se faire entendre à cette commission. Je serais porté à croire qu'inviter M. Pouliot pourrait nous être utile si M. Pouliot avait eu des rencontres avec d'autres personnes que Me Jasmin. Or, tout comme mes collègues de Jonquière et de Vimont l'ont souligné, M. Pouliot n'a assisté à aucune des rencontres auxquelles ont assisté les personnes qui ont été invitées à témoigner ici.

Dans le cas de M. Latouche, je ne m'étendrai pas longtemps sur le sujet, car un homme comme M. Latouche qui, par le biais de frais de voyage, se laisse acheter de l'information par le Parti libéral sur d'autres dossiers, pour moi, cela n'a plus de crédibilité comme témoin. Je ne sais pas combien le Parti libéral a donné à M. Latouche pour ses dépenses pour venir passer ici peut-être la moitié du temps de la commission. M. Latouche était dans la salle. Apparemment, il est pauvre. Il y a quelqu'un qui a payé ses frais et je me demande si ce n'est pas encore le Parti libéral.

C'est un témoin que j'ai éliminé très vite dans mon esprit, surtout lorsque de lui-même il a dit qu'il avait reçu 1400 $ de frais de voyage du Parti libéral pour de l'information qu'il avait distribuée au Parti libéral.

Je serais tenté d'inviter M. Pouliot pour des raisons que le public aurait besoin de savoir. Peut-être que M. Pouliot aurait pu nous dire qui a été le premier responsable du saccage de la Baie-James. Il aurait peut-être pu nous éclairer là-dessus. Il aurait peut-être pu confirmer que c'est le gouvernement du temps, le gouvernement libéral, qui a transgressé les lois sur l'allégeance syndicale, qui a été la source même du saccage de la Baie-James. Si on se base sur les Jeux olympiques, qui ont coûté 1 000 000 000 $, la Baie-James, lorsqu'elle a été annoncée par le premier ministre, était censée coûter 6 000 000 000 $. Ensuite, le montant a été porté à 9 000 000 000 $, puis à 12 000 000 000 $. En 1976, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, c'était déjà rendu à 15 000 000 000 $. Si on fait l'équation, donc, comparativement aux Olympiques où le Parti libéral, pour 1 000 000 000 $ dépensés, a reçu en contributions à sa caisse électorale 750 000 $, combien, pour les 15 000 000 000 $ dépensés à la Baie-James jusqu'en 1976, le Parti libéral a-t-il reçu dans ses coffres? C'est une question qu'on aurait probablement pu poser à M. Pouliot, parce qu'il devait avoir la liste des entrepreneurs pour qui ces gens travaillaient à ce moment-là. Si on fait une équation, cela ferait environ 11 000 000 $, comparativement aux Olympiques, que le Parti libéral aurait reçus des entrepreneurs pour la caisse électorale du Parti libéral. Souvenez-vous qu'en 1976, l'argent sortait par toutes les fenêtres de la part du Parti libéral. Il en coulait partout. Tous ceux qui voulaient de l'argent en avaient à ce moment-là, durant la campagne du Parti libéral, en 1976, pour

essayer de défaire le Parti québécois. Ce sont des questions que j'aurais aimé poser à M. Pouliot. À ce moment-là, probablement qu'on nous aurait dit qu'on était hors du sujet. Alors, la pertinence de venir ici, elle n'existait pas.

Le député de Portneuf - qui est encore parti tout à l'heure - a assisté, je crois, à deux ou trois reprises, dans les neuf semaines, aux séances de la commission. Il a même fait allusion au fait que le député de Vimont, durant neuf semaines, a été ici à chacune des séances, à l'exception d'une seule, je crois, parce qu'il a été obligé de s'absenter pour un autre travail à l'extérieur. Il n'avait pas d'accusation à porter contre qui que ce soit à ce sujet. Mais le député de Portneuf a dit que M. Pouliot n'est pas un ami des péquistes. C'est probablement vrai. M. Pouliot, je ne le connais pas. Je ne l'ai jamais rencontré. Je ne voudrais pas jouer avec la réputation de M. Pouliot non plus, d'aucune façon, comme le Parti libéral a essayé de le faire durant neuf semaines, ici, avec différents témoins. Mais, s'il n'est pas un ami du Parti québécois, il est sûrement un ami libéral, de la façon dont il en a parlé. Je ne sais pas s'il lui a parlé, par exemple, de sa solution de faire payer les travailleurs du Québec en doublant les cotisations. J'aurais aimé avoir une réponse de M. Pouliot là-dessus, à savoir s'il aurait été d'accord avec le député de Portneuf pour doubler les cotisations des travailleurs afin de payer les dommages. Il a présumé que les syndicats auraient été condamnés à 6 000 000 $, à ce moment-là.

Maintenant, si M. Pouliot avait pu nous dire de quelle façon les fiers-à-bras devenaient des travailleurs d'élection à la solde des libéraux, cela aussi aurait été une question intéressante à poser. Peut-être que M. Pouliot nous aurait dit combien était payé Dédé Desjardins et combien était payé Mantha qui a travaillé pour vous autres. Il aurait pu nous le dire. Il aurait pu nous conter tout ce qui entourait les travailleurs d'élection à ce moment-là. Ce sont aussi des réponses que le public, je pense, aurait été intéressé à savoir.

Une voix: On ne le saura pas parce que vous allez voter contre.

M. Laplante: Je consentirais à le recevoir, M. le Président, si j'avais ces assurances-là. Mais, comme je ne les ai pas, je serai dans l'obligation de voter contre cette motion.

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous avez maintenant la parole.

M. Yves Duhaime M. Duhaime: M. le Président, même si j'ai fait valoir, il y a déjà fort longtemps, qu'à moins d'avoir des indications du leader parlementaire de l'Opposition sur la pertinence du témoignage de M. Pouliot - et ces liens ou ces rapports de M. Pouliot ne sont jamais venus - je ne cacherai pas que je n'ai pas l'intention de faire un long plaidoyer pour changer d'idée. Je dirai, cependant, M. le Président, que nous sommes à notre 23e journée de travaux. Pour ceux qui l'ont oublié, nous sommes ici depuis le 30 mars 1983. Jusqu'à ce jour, je crois que toutes les personnes qui avaient quelque chose à voir, un rapport direct, un lien direct avec le mandat de cette commission ont été entendues. Chacun des membres du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, ainsi que les P.-D.G. d'Hydro-Québec et de la SEBJ ont été entendus et, dans au moins deux cas, fort longuement: M. Laliberté, entre autres, et je vais me rappeler très longtemps les heures crucifiantes qu'on a fait subir à un homme comme Lucien Saulnier. On a entendu, également, sans exception, tous les avocats de la Société d'énergie de la Baie James, Me Cardinal, Me Aquin, Me Jetté. On a entendu également le directeur du contentieux de la SEBJ, Me Gadbois. On a entendu aussi Me Beaulé pendant trois ou quatre jours. C'était presque le supplice de la goutte dans le cas de Me Beaulé que le brillant procureur de Mont-Royal lui a infligé et par voie de conséquence, nous a infligé à tous.

Nous avons également entendu Me Jasmin, le principal procureur des syndicats québécois poursuivis. Du bureau du premier ministre, Me Yves Gauthier, Me Jean-Roch Boivin et, depuis deux jours, le premier ministre lui-même. Au total, 20 personnes sous serment qui ont été ce que j'appellerais les acteurs principaux ou les plus impliqués directement dans le dossier; toutes des personnes en autorité.

Au-delà de ces témoins, nous tombons dans ce que j'appelle la liste des placoteux, des faiseux. Je voudrais d'abord, sur le premier volet de la motion, dire quelques mots de M. Pouliot que je ne connais pas; au meilleur de mon souvenir, je ne l'ai même jamais rencontré de ma vie. Mais on sait qu'en 1975 M. Pouliot était agent d'affaires du 144. Pour ceux qui l'ont oublié, c'est le très illustre syndicat des plombiers, tuyauteurs, sous tutelle depuis je ne sais combien d'années. En 1976, M. Pouliot est devenu secrétaire général du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ). En 1980, M. Pouliot est devenu directeur général du Conseil provincial des métiers de la construction (FTQ). En 1981, M. Pouliot est devenu directeur général du Conseil provincial des métiers de la construction (International). Enfin, en 1982, M. Pouliot est devenu

président-directeur général du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International). Je rejoins au moins le député de Portneuf sur un point. À l'heure actuelle, la parenthèse (International) du Conseil provincial des métiers de la construction ne vit pas un roman d'amour avec la FTQ-Construction, c'est le moins qu'on puisse dire. J'ajoute aussi - je comprends que cela n'a rien à voir avec nos débats - pour les fins de l'histoire, que M. Maurice Pouliot est le beau-frère de M. André, Dédé, Desjardins. Je dis qu'il n'est pas coupable par association, parce que c'est le seul...

M. Lalonde: Par insinuation, il est coupable.

M. Duhaime: ...des trois beaux-frères d'André Desjardins qui n'avait pas un emploi au syndicat qui a été mis sous enquête à la commission Cliche.

M. Lalonde: C'est infect. C'est sale.

M. Duhaime: Oui, c'est vrai que c'est sale, ce dossier. Vous avez raison de le dire.

M. Lalonde: C'est sale.

M. Duhaime: M. Pouliot et un des quinze membres parmi les dirigeants du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ) en 1979. Il y a M. Guy Dumoulin, qui était le président; les autres membres de la direction: Claude Labbé, Eugène Gauthier, Patrick Arsenault, Jean Lavallée, André Chartrand, Normand Tousignant, Yves Paré, Étienne Mainville, Carol Boucher, Jean-Paul Ronaldi, Roméo Nadeau, Raymond Boucher, Yvan Bertrand. J'avoue honnêtement que je ne connais aucun de ces personnages. La seule chose que je sais, cependant, c'est que ces gens ont été en contact parce qu'ils étaient au conseil d'administration du Conseil provincial des métiers de la construction avec Me Jasmin. On a même fait état d'un procès-verbal ici en commission parlementaire. Il faudrait donc ajouter à la liste demandée les quatorze autres membres du conseil d'administration du conseil provincial. (18 h 15)

Au sujet de l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde, eux aussi avaient un président qui s'appelle M. Guy Gonthier et leur gérant d'affaires était M. Yves Paré. À la Fraternité unie des charpentiers-menuisiers d'Amérique, le local 134, qui, soit dit en passant, a toujours nié et lors du règlement n'a jamais admis sa responsabilité, il y avait M. Marcel Raymond, qui était le président, et M. Louis-Marie Cloutier, gérant d'affaires.

Parmi les autres avocats qui ont pu être impliqués dans ce dossier il y avait M. Hugues Leduc, qui représentait l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec; il y avait aussi M. Gérard Beaudry, qui était un des trois tuteurs de deux syndicats québécois d'opérateurs de machinerie lourde; il y avait les deux procureurs américains, Me Woll et Me Fanning qui était, lui, "house-counsel" de l'AFL-CIO. Et je pourrais allonger la liste en parlant de M. Laurent Hamel qui était un des principaux dirigeants de la SEBJ.

Finalement, on se serait retrouvé, M. le Président - je n'ai pas l'addition exacte, mais je pense que cela fait une bonne liste -avec 30 ou 35 personnes qui, bien sûr, ont eu, à certains égards, quelque chose à voir avec non seulement tout ce dossier, mais son règlement. Mais, si on veut être sérieux, s'en tenir à ce que je qualifierais, dans mon esprit, en tout cas, d'essentiel et éviter la tentation facile de certains postes de "radio-téléphonique", en particulier un à Québec que tout le monde connaît bien et qui a le monopole des ondes quant aux placotages, je pense, M. le Président, que c'est tout à fait non pertinent même de se poser la question.

Il y a une autre chose aussi - mon collègue de Jonquière en a parlé tantôt, de même que mes collègues de Bourassa et de Vimont - un autre point. Je ne m'attarderai pas longuement là-dessus, mais M. Pouliot a cru bon, comme M. Latouche d'ailleurs, de rendre accessible aux médias d'information un mémoire ou ce qui aurait été une partie de son mémoire. Je ne sais trop, je ne l'ai jamais vu. Dans le Soleil du 27 mai, un article de M. Samson cite un extrait du mémoire qu'aurait voulu nous soumettre ici M. Pouliot et je le cite: "De l'avis de notre procureur, Me Michel Jasmin, la possibilité et la probabilité d'un règlement hors cour sont apparues évidentes pendant l'année 1978". Mon Dieu! Ce n'est pas une grosse nouvelle, on sait cela depuis à peu près deux mois. Mais l'autre volet est important: "Le syndicaliste - et je cite toujours le Soleil du 27 mai - dit aussi que le montant de 300 000 $ - ici, c'est important, M. le Président - fut établi à la suite de discussions entre M. Jasmin et MM. Yves Gauthier, Jean-Roch Boivin et le premier ministre lui-même, du moins selon ce que Me Jasmin aurait alors rapporté aux dirigeants du Conseil provincial des métiers de la construction".

Alors, en plus de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours, dont parlait le député de Vimont, il y a au moins quelque chose, en plus d'être du ouï-dire, qui est foncièrement faux et qui a été démenti par les deux principaux concernés. Me Jasmin, ici au bout de la table, sous serment, a dit qu'il n'avait jamais parlé au premier ministre Lévesque de ce dossier et le premier ministre l'a dit à deux ou trois reprises, dans

• le même sens. Sans qualifier le reste - je me base essentiellement là-dessus premièrement, c'est un témoignage non pertinent et trop loin des événements; deuxièmement, il y a toute la question du ouï-dire qu'ont développée tantôt mon collègue de Jonquière et celui de Vimont. Je n'entends pas m'étendre là-dessus. Troisièmement, le peu qu'on a eu sur ce qui m'apparaît être au moins un élément clé et essentiel, c'est faux.

Si on me disait: M. Pouliot a eu de longues conversations avec M. Claude Laliberté, de longues conversations avec M. Boyd, de longues conversations avec M. Boivin, avec M. Gauthier ou avec le premier ministre, je dirais aux libéraux subito presto: II viendra devant la commission parlementaire. Mais tant et aussi longtemps que, dans ma colonne, il va être sous la rubrique "Faiseux et placoteux", il ne sera pas assigné ici, en commission parlementaire. Après 23 jours, je dirai à l'Opposition libérale, qui m'a l'air de se fouter passablement du sort qu'on fait aux institutions parlementaires, au moins sur le choix des patients, que, pour autant que cela me concerne, ceux et celles dont le témoignage peut être pertinent et directement relié au coeur du sujet seront convoqués.

J'en arrive à M. Latouche. Pour être bien honnête à l'endroit de M. Pouliot, je n'aurais peut-être pas dû relier ces deux noms-là, parce que le cas de M. Latouche, à mon sens, est un peu spécial.

Une voix: Attention à ce que vous allez dire.

M. Duhaime: Oui, je vais faire très attention à ce que je vais dire. Je vais faire aussi attention à ce que je vais dire que prend soin de le faire M. Latouche lui-même quand il parle. M. Latouche travaille pour le Parti libéral du Québec, de son propre aveu - un document de 20 pages a circulé ici parmi les journalistes et on a lu tout cela dans les journaux - et, au surplus, c'est un bénévole rémunéré. C'est un peu curieux. On dirait: II est quasiment bénévole, mais ses frais de séjour et de déplacement lui sont remboursés.

M. Lalonde: Puis? Vous ne payez pas vos recherchistes.

M. Duhaime: Cela fait une bien curieuse histoire. Je me souviens très bien, dans le mémoire de M. Latouche et, ensuite, sur les ondes de la radio, en plus d'avoir eu droit, un peu partout, à la fameuse querelle du cousinage où on a même parlé de tante Gertrude, à qui on va transmettre nos meilleures salutations et nos hommages les plus distingués... Mais qu'est-ce que vous voulez que cela nous fout, les histoires de "ma tante" Gertrude, des cousinages et de l'arbre généalogique de M. Latouche? Soyons donc sérieux.

Un point m'apparaît très important dans la déclaration de M. Latouche, il a dit: Lorsque j'ai rencontré Me Jasmin chez Me Yves Gauthier, c'était la première fois de ma vie que je rencontrais Me Jasmin. Me Jasmin, qui, aujourd'hui, est un honorable juge du Tribunal de la jeunesse, a dit, sous serment, que, quant à lui, ce n'était pas la première fois qu'il le rencontrait. Il l'avait même reçu à son bureau en consultation et cela l'avait tellement frappé qu'il se le rappelait. Au rouleau, pour employer l'expression du député de Brome-Missisquoi -c'est vrai que lui, je le vois dans ma soupe -1646-ER, page 2...

M. Paradis: Bon appétit!

M. Duhaime: ...je vais citer M. Jasmin: "Quand M. Latouche a dit que je ne l'avais jamais vu avant, j'ai essayé, pendant quatre jours, de savoir où j'avais déjà vu cette personne-là. J'ai la nette impression que j'avais rencontré M. Latouche à mon bureau en 1978 pour une consultation juridique et une demande d'emploi. Il y a trois éléments qui me font souvenir de cette réunion-là. Le premier, c'est que M. Latouche rédigeait ses propres procédures et, comme avocat, cela ne s'oublie pas. Quand quelqu'un arrive avec des procédures judiciaires et qu'il rédige lui-même ses propres procédures, cela ne s'oublie pas. J'ai le souvenir de cela." Deuxièmement, troisièmement, etc. Vous aurez tout le loisir de relire cela. Cela m'apparaît tellement clair que ce n'était pas la première fois que M. Latouche rencontrait Me Jasmin. On a bien la mémoire qu'on veut.

M. Lalonde: On a vu cela.

M. Duhaime: C'est vrai, M. le Président, que M. Latouche est, en quelque sorte, un plaideur. J'ai ici quelques-unes des causes où Me Latouche, tout en rédigeant lui-même ses procédures, est inscrit au dossier comme plaideur.

Une voix: Puis?

M. Duhaime: II y en a, M. le Président, long comme cela. Pour que tout le monde comprenne, cela vous donne à peu près une idée de ce que M. Latouche fait devant les tribunaux.

M. Paradis: Puis? On n'a pas le droit?

M. Lalonde: Pas le droit?

M. Duhaime: Je ne dis pas que M.

Latouche n'a pas le droit d'aller devant les tribunaux. Je me demande s'il doit avoir le temps de faire autre chose.

M. Lalonde: Puis?

M. Duhaime: Ce que je dis, M. le Président: Est-ce que M. Latouche a déjà discuté de tout ce dossier et de son règlement avec le conseil d'administration? Ce qui est ressorti - je pense que le Parti libéral a oublié cela en chemin - c'est la manchette de Michel Girard, le 17 mars: "Le bureau de Lévesque donne des armes à la FTQ". Je dirai qu'avec cette manchette, en plus d'écrire des sottises au sujet de M. Robert Boyd, je pense qu'on l'a profondément insulté et blessé dans sa réputation professionnelle et je le regrette vivement.

Ce M. Latouche m'a fait penser, tout à l'heure, aux Plaideurs de Racine. À l'acte III, scène 4, à la fin, c'est Chicanneau qui parle. Cela va vous rappeler des souvenirs de collège. Il dit: "Je vois qu'on m'a surpris, mais j'en aurai raison. De plus de 20 procès, ceci sera la source. On a la fille, soit, on n'aura pas la bourse." On pourrait rayer Chicanneau, puis écrire Latouche et je pense que Racine ne se tournerait pas dans sa tombe.

M. le Président, si on veut être sérieux le moindrement du côté libéral... Je comprends que le député de Marguerite-Bourgeoys a fait un valeureux effort, il y a quelques jours, pour donner de l'encensoir du côté de son service de recherche, que je dois féliciter à nouveau, en passant, qui a mis beaucoup d'énergie dans ce dossier, beaucoup d'efforts, à un point tel qu'il y a un conseil des députés par jour, semble-t-il, du côté de l'Opposition sur ce dossier, négligeant tout le reste bien sûr, c'est leur choix.

Moi, en tout cas, j'en prends toute la responsabilité et dans le cas de M. Pouliot et dans le cas de M. Latouche. Ce sont des témoins qui sont tellement éloignés des faits et des hommes qui ont vu des hommes qui ont vu des ours, cela ne m'intéresse pas. Au surplus, pour le peu qu'on peut savoir de ce qu'ils ont dit jusqu'à maintenant, le moins que je dirai, en tout cas, c'est que, sur des points majeurs et sur ce qu'eux-mêmes considéraient comme des points très importants de l'intervention qu'ils projetaient de faire en commission parlementaire, ils ont été royalement - je devrais peut-être dire libéralement - démentis par les principaux acteurs.

M. le Président, à moins que le député de Marguerite-Bourgeoys ne me donne des grandes nouvelles dans sa réplique, je n'ai pas changé d'idée, je vais voter contre la motion qui est devant la commission parlementaire.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Je rappelle simplement que le député de Marguerite-Bourgeoys a un droit de réplique et qu'à la fin du droit de réplique il sera question d'un vote enregistré, d'une certaine façon, au niveau de la commission parlementaire. Je dois vous rappeler que, pour la fin des travaux, il y a aussi une entente.

M. Lalonde: On va finir cela suivant...

Le Président (M. Jolivet): Les règles habituelles?

M. Lalonde: ...les règles habituelles.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, votre droit de réplique.

M. Fernand Lalonde (réplique)

M. Lalonde: M. le Président, ce que j'ai demandé à la commission dans ma motion, c'est de rendre possible que deux citoyens du Québec, qui sont reliés directement au mandat de la commission, soient entendus. C'est presque humiliant d'avoir à faire cette demande. C'est humiliant quand on sait que le premier ministre a dit, le 23 mars, de son siège qu'il ne mentait pas là-dessus non plus, lorsqu'il a dit que la commission aurait le droit d'entendre tous les témoins qui ont quelque rapport que ce soit avec le règlement du conflit de la Baie-James.

Tout à l'heure, je vous ai montré la signature de M. Pouliot sur le règlement. Je n'ai pas demandé qu'on amène ici la trentaine de personnes qui siégeraient, à ce moment, aux conseils d'administration ou de direction des syndicats défendeurs. J'ai demandé qu'on entende un des signataires, comme on a entendu d'autres signataires, M. Lucien Saulnier, pour la SEBJ, MM. les avocats Geoffrion et Prud'homme, pour la SEBJ, Me Jasmin pour ses clients, Me Beaulé pour ses clients. Et M. Pouliot qui a signé, lui, pourquoi ne pas l'entendre? (18 h 30)

M. le Président, je vais me référer brièvement aux raisons qui ont été invoquées par les quatre intervenants du PQ. D'abord, le député de Jonquière - le député de Jonquière est avocat, aspirant à devenir juge; c'est public, il en a fait la demande - est venu dire ici qu'il savait d'avance ce que M. Pouliot nous dirait. Je dis au député de Jonquière, s'il a le courage de venir voter sur cette motion, qu'il est au moins très présomptueux. Je dis que le député de Jonquière sait ou doit savoir qu'au tribunal ou à une commission d'enquête - c'est une enquête qu'on est appelé à faire ici - on n'empêche pas un témoin d'être entendu parce qu'il pourrait rapporter du ouï-dire. Ce qu'on fait, c'est qu'on s'oppose à une

question, donc à ce qu'une réponse soit donnée à une question, si la réponse est du ouï-dire.

Le député de Saint-Maurice, qui a pratiqué devant les tribunaux pendant quinze ans, sait très bien qu'il n'a sûrement jamais vu un juge, un tribunal refuser qu'un témoin s'avance dans la boîte et soit assermenté parce qu'il pense que ce serait du ouï-dire. Les questions sont posées. D'ailleurs, il y en a eu, des questions qui ont été posées ici et qui ont été refusées, M. le Président. Vous l'avez fait régulièrement parce que la réponse aurait été basée sur du ouï-dire. Du ouï-dire, c'est lorsqu'on a entendu dire quelque chose, mais qu'on n'en a pas été témoin. C'est clair et c'est grave que le député de Jonquière se fonde sur cet argument pour voter contre la motion.

Parlant de ouï-dire, je les vois invoquer cet argument et, depuis des semaines, ils ont accepté que M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre, et le premier ministre lui-même se soient fait une conviction quant à l'incapacité de payer des syndicats - en se formant l'opinion et en prenant la décision d'intervenir à la SEBJ le 3 janvier 1979 - sur du ouï-dire. Ils ont, tous les deux, avoué ici qu'ils n'avaient vu aucun document. Le premier ministre a entendu dire cela de M. Jean-Roch Boivin. M. Jean-Roch Boivin a entendu dire cela de M. Jasmin ou de M. Beaulé. Pas M. Beaulé, parce que lui, c'était un autre problème, c'était la responsabilité du syndicat américain, qui était très riche, dit-on. Eux-mêmes, le premier ministre et son chef de cabinet, ont basé leur conviction sur du ouï-dire. Tout à coup, cela devient inacceptable pour M. Pouliot.

Le député de Vimont aussi a invoqué le ouï-dire. Je ne peux pas lui en tenir rigueur. Il l'a fait dans ses termes, avec sa propre image, et je ne peux pas lui reprocher de ne pas savoir que, lorsqu'on craint que la réponse à une question soit du ouï-dire, on s'oppose et la réponse n'est pas donnée. Mais jamais au grand jamais un témoin n'est refusé par le juge parce qu'il pourrait donner une réponse basée sur le ouï-dire. Ce qu'on fait, on l'invite, les questions sont posées et, si une question est dans le sens que la réponse devrait être basée sur du ouï-dire, elle est refusée. Cet argument ne tient pas du tout. C'est un argument intellectuellement malhonnête, surtout de la part du député de Jonquière qui, lui, devrait le savoir. Je comprends le ministre d'avoir passé très rapidement sur cet argument.

Quant au député de Bourassa, il a donné d'excellentes raisons pour voter favorablement sur la motion et il a conclu en disant qu'il voterait contre. Je lui laisse le soin d'en supporter la responsabilité et d'expliquer aux citoyens, aux électeurs du comté de Bourassa pourquoi ils vont payer, participer au paiement des 30 000 000 $ qui manquent dans le règlement hors cour.

Quant à M. Latouche, le ministre dit qu'il est payé, qu'il travaille pour le Parti libéral du Québec parce qu'il nous a transmis des informations sur le fameux scandale de la Société d'habitation du Québec. C'est vrai et on ne s'en est jamais caché. Et M. Latouche fait partie d'une famille de plus en plus grande de Québécois qui commencent à être proprement écoeurés du gouvernement péquiste et qui nous aident à vous surveiller et à dénoncer vos scandales. Ces bénévoles, M. le Président, sont très nombreux. S'il s'agit de quelqu'un dont on a besoin des connaissances pour nous aider à monter un dossier, fort bien, le Parti libéral paie ses recherchistes et défraie les dépenses de ses recherchistes.

M. Latouche, dans son mémoire que vous mentionniez tout à l'heure, a eu l'honnêteté - c'est un mémoire qu'il n'aura pas le loisir de venir présenter ici si vous votez contre cette motion, mais qu'il voulait présenter - à la page 18, de le dire et je vais le lire puisque vous l'avez mentionné: "Suite à la décision prise avec certaines personnes ne faisant pas partie du groupe libéral, mais du groupe péquiste, j'ai accepté, tel que nous avions convenu, de prendre contact avec l'Opposition et de transmettre un peu d'informations concernant le scandale de la Société d'habitation du Québec". Et je vous passe un papier, M. le Président, que c'étaient des bonnes informations, parce qu'à la suite des questions que nous avons posées à l'Assemblée nationale le Vérificateur général a fait deux enquêtes et a confirmé tout, tout, toutes les informations que nous avions. Toutes les informations et davantage...

M. Laplante: Le juge. Le juge.

M. Lalonde: ...du scandale de vulgaire patronage qui remontait encore où? Au bureau du premier ministre. Directement de chez M. Jean-Roch Boivin, en passant par la bienveillante collaboration du ministre Guy Tardif qui est devenu depuis une espèce de zombie du Conseil des ministres.

M. Duhaime: Ce n'est pas gentil.

M. Lalonde: M. Latouche continue donc: "Pour ce faire, j'ai été, forcément, obligé de voyager du 9 octobre 1980 au 11 décembre 1980 en me faisant rembourser la somme de - pas 1400 $ - 1144 $ pour frais de séjour et de transport, soit 46 jours. J'espère que ces précisions mettront fin définitivement à ces rumeurs".

Il a eu l'honnêteté de le dire. M. le député de Bourassa qui venez d'affirmer avec - je dois le dire - un certain manque d'honnêteté intellectuelle que M. Latouche

est payé par le Parti libéral, si c'est votre problème, pourquoi ne le demandez-vous pas à M. Latouche? On vous demande de l'inviter et vous lui poserez la question. Vous avez peur des réponses?

M. Laplante: II est payé. Vous l'avez dit.

M. Lalonde: De toute façon, M. le Président, je ne pense pas que le député de Bourassa puisse répondre à ma question compte tenu de la cohérence plutôt incertaine dont il a fait preuve tout à l'heure.

M. le Président, le député de Saint-Maurice dirige sa cohorte - sa flopée de "back-benchers", comme le disait un journaliste - sur une décision qui est grave, qui est lourde de conséquences, qui sera sûrement une page très noire dans les annales de nos commissions parlementaires, dans les annales aussi du processus d'enquête du Parlement: refuser d'entendre des témoins qui demandent - et tous les deux ont envoyé, à ma connaissance, une demande au secrétariat - de venir témoigner.

Comment peut-on refuser à quelqu'un de venir témoigner? M. Latouche a été mis en cause non seulement dans l'article de la Presse, il a été mis en cause dans un témoignage de son cousin, M. Daniel Latouche, ancien membre du cabinet politique du premier ministre. Écoutez une seconde. Je vous demande, M. le député de Vimont, si quelqu'un vous donne la moitié d'une histoire, s'il y a deux personnes qui sont, de toute évidence, témoins d'une histoire ou d'un événement et que vous entendez une personne qui vient contredire ce que l'autre a écrit, pourquoi ne pas - et demandez-le sous serment - inviter la deuxième? Sur quel principe de justice naturelle vous fondez-vous pour arriver à l'empêcher de venir un témoin qui a dit publiquement qu'il a des choses à dire sur ce qu'un autre témoin vient de dire, pour le contredire? Si ce n'est pas du "cover-up", si cela n'est pas du camouflage, qu'est-ce que c'est?

Non, ce n'est pas dans un petit rire nerveux, M. le député de Bourassa, que vous allez oublier le geste honteux que vous allez faire tout à l'heure en votant contre ma motion. Je comprends que la partisanerie nous fait faire des choses, poser des gestes, dire des paroles qui peuvent écorcher certains principes. Mais est-ce que la partisanerie, M. le député de Bourassa, peut vous justifier de déchirer un principe de justice naturelle aussi fondamental qu'entendre un témoin qui veut être entendu? Il dit: Celui-là. Oui, pourquoi? Parce qu'il juge d'avance. C'est abject, c'est un peu ce que le ministre a dit tout à l'heure: M. Pouliot est le beau-frère de M. Desjardins.

C'est inqualifiable. Le ministre est descendu bien bas, mais je ne le suivrai pas là. Je demande simplement à la population qui vous regarde de vous juger lorsque vous allez tout à l'heure chacun voter en disant: Je vote contre le fait que M. Latouche soit invité à dire ce qu'il a à dire. Je vote contre le fait que M. Pouliot, signataire du règlement, vienne ici, à sa demande, d'ailleurs, nous dire ce qu'il a à dire. Je vous en laisse la responsabilité. Je vous dis d'avance que, si vous refusez d'entendre ces témoins, les accusations, oui, de "cover-up" que certains journalistes vous ont demandé d'écarter, elles seront valides, elles seront bien fondées. Vous tenterez ainsi d'envelopper, de cacher un scandale par un autre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Le droit de réplique étant donc terminé, je vous lis la motion: Qu'en vertu de l'article 51 de la Loi sur l'Assemblée nationale la commission élue permanente de l'énergie et des ressources invite et assigne M. Maurice Pouliot, président-directeur général du Conseil provincial du Québec de la construction (International), ainsi que M. Yvan Latouche à comparaître devant ladite commission, lundi le 6 juin 1983, à 10 heures, pour répondre aux questions qui leur seront posées ou pour y produire toute pièce que ladite commission juge nécessaire à son enquête."

Le vote étant demandé, je nomme les membres qui ont le droit de vote et je leur demande s'ils sont pour ou s'ils sont contre. M. Bourbeau (Laporte)?

M. Bourbeau: Pour.

Le Président (M. Jolivet): M. Paradis (Brome-Missisquoi)?.

M. Paradis: Pour.

Le Président (M. Jolivet): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Jolivet): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: Pour.

Le Président (M. Jolivet): M. Gravel (Limoilou)?

M. Lalonde: 4 à 0. M. Gravel: Contre.

Le Président (M. Jolivet): M. Lavigne (Beauharnois)?

M. Lavigne: Contre.

Le Président (M. Jolivet): M. Laplante (Bourassa)?

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Jolivet): M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet)?

M. LeBlanc: Contre.

Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue (Vimont)?

M. Rodrigue: Contre.

Le Président (M. Jolivet): M. Duhaime (Saint-Maurice)?

M. Duhaime: Contre.

Le Président (M. Jolivet): Six contre, quatre pour. La motion étant battue, je n'ai d'autre choix maintenant que de mettre fin à la commission parlementaire.

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, je sais. Je tiens, cependant, à faire une conclusion à la commission. Donc, M. le ministre, vous avez, en premier, le droit de parole et on verra, ensuite, les autres qui le demanderont. M. le ministre.

Conclusions

M. Duhaime: Je vais céder mon droit de parole à mon collègue de Vimont, M. le Président, suivant l'entente qu'on avait esquissée. Je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys pourra dire là-dessus ce qu'il a à dire. Il y aurait donc deux interventions, celles de mon collègue de Vimont et la mienne. Au total, si on regarde l'horloge, il est déjà 18 h 45 - nous en aurons, à nous deux, pour à peu près une vingtaine de minutes. (18 h 45)

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, pour ne pas éterniser cette séance, je suis d'accord pour limiter nos interventions, avant la suspension, à une vingtaine de minutes aussi. Je présume qu'on fonctionnera par alternance.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le député de Vimont.

M. Jean-Guy Rodrigue

M. Rodrigue: Merci, M. le Président. Je vais tenter de faire vite. Il y a une question subsidiaire qui, tout au cours des travaux de cette commission, a été présente dans nos échanges. C'est celle du fameux montant de la réclamation qui a été établi initialement à 32 000 000 $. Même si des témoignages et des documents présentés devant cette commission établissent qu'en réalité la véritable poursuite ne portait pas sur un montant de 31 000 000 $ ou de 32 000 000 $, on a entendu encore dans ses remarques finales, en réplique sur la motion qui a été battue tout à l'heure à cette commission, le député de Marguerite-Bourgeoys revenir avec ce chiffre-là.

M. le Président, lorsque M. Gadbois, l'avocat en chef de la Société d'énergie de la Baie James, s'est présenté devant cette commission, je lui ai posé la question. Je lui ai demandé ce qu'il en était de ces fameux 31 000 000 $ ou 32 000 000 $. Au ruban 1119, page 2, j'ai la réponse de M. Gadbois et je vous en donne un extrait. M. Gadbois nous dit ceci: "Le bureau - en parlant des procureurs Geoffrion et Prud'homme - n'avait que du mois de septembre jusqu'à la prescription, c'est-à-dire au mois de mars de l'année suivante, pour préparer l'action, aller dans tous les fondements et faire ressortir les dommages. Devant ce court laps de temps, ils ont tout mis dans l'action, c'est-à-dire qu'ils ont mis ce qu'on appelle communément le "paquet", quitte à prouver la validité ou la non-validité, plus tard, de certains chefs de réclamation."

Et, effectivement, les procureurs de la SEBJ, les avocats Geoffrion et Prud'homme, dans un document qu'ils nous ont remis: Correspondances et lettres, à la page 61, ont résumé la réclamation totale en nous disant ceci: "À. Les postes suivants sont juridiquement fondés et, selon notre opinion, devraient être maintenus." Et il y en a pour 17 000 000 $. Pour tous les autres postes, on dit: "B. Les postes de réclamation suivants, bien que prouvables, risquent d'être rejetés. C. Les postes de réclamation qui suivent sont juridiquement discutables. D. Le poste suivant est inadmissible. E. Le poste de réclamation suivant devrait être abandonné, etc." Alors, les avocats qui ont eu à examiner en détail la réclamation de la SEBJ en viennent eux-mêmes à la conclusion que ce n'est pas un montant de 32 000 000 $ dont il faut parler dans la réclamation, mais bien un montant de 17 196 419,12 $.

M. le Président, ayant eu, lorsque j'étais à Hydro-Québec, à travailler sur des projets d'aménagement hydroélectrique, je me suis intéressé un peu plus en détail à cette question-là et j'ai relevé la preuve qui a été présentée devant nous. Je constate, dans le document de Geoffrion et Prud'homme, que, sur les 17 196 419 $ qu'ils estiment juridiquement fondés, il y a un montant de 16 183 500 $ de frais indirects, c'est-à-dire des frais reliés à la révision du programme

des travaux de Impreglio & Spino, qui devaient construire le barrage principal à LG 2, une fois les galeries de dérivation complétées et la rivière détournée par ces galeries de dérivation, des ajustements sur des quantités, et finalement, un bonus qu'on aurait consenti à l'entrepreneur Spino qui faisait les galeries, pour terminer à temps.

M. le Président, j'ai fouillé cette question pour en avoir le coeur net, parce que cela m'apparaissait assez important de me faire une opinion sur la valeur de cette réclamation qui, finalement, est pratiquement 90% du résidu que les avocats jugeaient pouvoir prouver. J'ai examiné, dans ce contexte, les témoignages de M. Marcel Audet qui, à l'époque du saccage du chantier de LG 2, était chef du service d'entretien et dont les fonctions étaient de voir à l'entretien du campement et aux services connexes nécessaires à l'exploitation du campement. J'ai examiné son témoignage devant la Cour supérieure, le 23 janvier 1979, c'est-à-dire dans l'audition de la cause de la réclamation de la SEBJ vis-à-vis des syndicats.

Or, dans ce témoignage - et je vais le citer à la page 81 de la transcription de la Cour supérieure - à une question qui était posée et qui était la suivante: "Est-ce qu'il n'est pas exact, M. Audet, qu'en ce qui concerne le campement LG 2 en lui-même, faisant abstraction du centre de vérifications, tout le travail de réparation et de remise en service était complété, sauf peut-être en ce qui concerne un des derniers dortoirs qui a été terminé le vingt-trois (23)?" Ici, on parle du 23 avril 1974.

La réponse est: "Monsieur le Juge se référant à la pièce mentionnée il est exact de dire que vers le huit (8) avril mil neuf cent soixante-quatorze (1974) le camp était en opération avec quarante-six (46) dortoirs."

La question suivante lui est posée pour préciser: "Vous pouviez fournir tous les mêmes services qui existaient auparavant, quand on parle d'eau potable, eau usée, carburant et autres?" La réponse de M. Audet: "C'est exact, monsieur le Juge."

Pour résumer, le saccage de LG 2 a eu lieu le 21 mars 1974. Selon le témoignage de M. Marcel Audet, qui est le responsable des campements à LG 2, le 8 avril, soit un peu moins de trois semaines après le saccage, le camp était en opération avec 46 dortoirs et M. Audet a juré qu'il pouvait fournir tous les services qui existaient avant le saccage. C'est donc dire que le retard dans les travaux de LG 2, causé par le saccage de LG 2, finalement, d'après ce témoignage, se résume à trois semaines.

Maintenant, passons à un autre témoignage, celui de M. Laurent Hamel qui était gérant du chantier à LG 2 à ce moment, à la page 65 de la transcription; c'est un témoignage qui a été rendu le 18 janvier 1979. La question portait sur des tableaux d'échéancier, qui donnent la séquence des travaux à exécuter. La question est la suivante: "Des dates réelles par rapport aux dates contractuelles, pourriez-vous les comparer et nous indiquer un peu en fait - c'est ça qui est fondamentalement l'objet de ma question - les activités qui ont, de fait, été réalisées par Spino jusqu'au vingt et un (21) mars et par après?" M. Hamel dit: "D'accord. Alors, on voit dès le départ qu'il y a un décalage." Il fait la distinction: II y a des traits gras et des ronds en couleur. Le point principal de son témoignage, c'est ceci: "Le retard a été causé principalement par le contrat précédent qui avait été accordé à Quebec Engineering ... Limitée, je crois. L'entrepreneur en question avait exécuté ses travaux ... ou complété ses travaux d'une façon tardive selon notre programme. Donc, a nécessairement retarde le début de l'entrepreneur Spino qui attendait après les faces pour commencer à forer sous terre." C'était foré pour faire les galeries de dérivation. Il poursuit en disant: "Spino Construction et on voit qu'effectivement Spino Construction a commencé ses travaux, c'est-à-dire le premier forage ou la première percée le quinze (15) octobre 1973, soit exactement un mois après la date prévue."

M. Hamel poursuit - et là c'est extrêmement important - "Pour nous, ce n'était pas critique dans le sens qu'on avait un coussin au bout parce que dans nos échéanciers on prévoit, d'une façon, je dirais, régulière et raisonnable, des coussins pour des imprévus." À la question: "Votre coussin, quel était-il?" M. Hamel répond: "Disons dans le contrat actuel, on avait prévu la date de la fin des travaux pour le premier novembre soixante-quatorze (1974) mais on pouvait aller à une limite qui était la fin de l'année soixante-quatorze (1974)."

M. le Président, du témoignage de M. Hamel, il découle que, sur le chantier, on avait un coussin de deux mois, que le début du percement des galeries de dérivation par Spino Construction avait commencé avec un mois de retard. Donc, on en déduit qu'on avait encore un coussin d'un mois dans l'échéancier des travaux. Si on met cela en relation avec le fait que le saccage a amené un retard de trois semaines, on est forcé de se poser la question: Mais, puisqu'on avait un mois de coussin et que cela n'a retardé les travaux que de trois semaines, comment peut-on par la suite prétendre que les travaux d'Impreglio et Spino ont été retardés d'une façon telle qu'on aurait dû réviser leur contrat pour un montant de l'ordre de 12 000 000 $?

Cette question, je regrette qu'on n'ait pas le temps de la fouiller davantage, mais elle me paraît extrêmement importante. Je vous avoue que, devant ces faits - et je vais

me limiter à cela parce qu'on manque de temps - je ne peux m'empêcher de réaliser que cette réclamation de 12 000 000 $ pour la révision du contrat d'Impreglio et Spino est extrêmement fragile. Pour avoir fouillé ce témoignage à fond et les documents qui sont devant nous, je vais aller jusqu'à vous dire que, quant à moi, c'est presque une certitude qu'il aurait été à peu près impossible pour la Société d'énergie de la Baie James de démontrer que cette révision était causée par le saccage de la Baie-James vu que, trois semaines plus tard, le chantier était prêt à reprendre ses activités.

Dans ce contexte, M. le Président, je pense que, les dommages directs causés au chantier de LG 2 ayant été remboursés intégralement par les 1 200 000 $ que les assurances ont versés à la SEBJ, plus les 200 000 $ versés par les syndicats, à ce moment, l'intérêt public a été extrêmement bien servi lorsque le premier ministre a demandé à la Société d'énergie de la Baie James de ne pas gaspiller 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ de fonds publics dans une poursuite qui, c'est le moins que je puisse dire, était extrêmement aléatoire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie.

M. Jean-Pierre Saintonge

M. Saintonge: Merci, M. le Président. Vous me permettrez une brève conclusion de quelques minutes, suivant l'entente intervenue entre les deux partis. On s'est fait dire souvent par le parti ministériel, que cette commission parlementaire fut très longue. Cela a duré neuf semaines environ et il y a eu une vingtaine de témoins. On a souvent reproché à l'Opposition de faire traîner les travaux en longueur. On a dit que les interrogatoires qu'on faisait subir aux invités étaient non nécessaires, indus. Pourtant, M. le Président, je considère que tout ce dossier constitue une affaire extrêmement grave. Une accusation extrêmement grave était portée selon laquelle le premier ministre avait trompé l'Assemblée nationale.

Si cela a pris du temps, c'est parce qu'on devait examiner comme il faut, en long, en large et en profondeur - ce sont les paroles mêmes du premier ministre - toute cette situation. Avant de dire que le fait de s'attarder à analyser profondément le dossier, c'est traîner en longueur, c'est créer de la frustration pour les gens, pour les ministériels, c'est faire jouer les gens à la vierge offensée, en plus de la mauvaise humeur du ministre qui nous arrivait à tout moment et du piétinement du premier ministre lui-même, je pense, qu'il faut tenir compte d'une chose: l'accusation est grave, c'est le fondement même de notre institution qui était en jeu. Il fallait donc prendre le temps pour tenter de faire toute la lumière, comme on avait mentionné qu'on devrait avoir le temps de le faire. En fait, nous devions nous interroger sur le rôle du premier ministre et de son bureau à l'égard du règlement de la cause sur le saccage de la Baie-James.

Pour les ministériels, je m'en souviens fort bien, la première journée, la première séance, au premier témoin qu'on interrogeait, M. Laliberté, dans la première demi-heure, l'affaire était réglée. Il n'y avait pas de problème, c'était non coupable. Le premier ministre avait dit la vérité. On se faisait dire cela de tous bords et de tous côtés. On a dit que M. Laliberté aurait eu besoin de quinze minutes pour témoigner. On nous disait que cela prenait moins de deux jours pour arriver à notre conclusion.

Si cela a été long pour les ministériels, je pense que neuf semaines de travail là-dedans, cela a été également long pour les gens de l'Opposition. Également, cela a été frustrant pendant une longue période pour nous aussi. Frustrant pourquoi? Parce que la difficulté principale à laquelle on avait à faire face était l'absence de souvenirs, c'était l'oubli. On dit - je pense qu'on a appris cela à la petite école - que la mémoire est une faculté qui oublie, mais je pense qu'au Québec, aujourd'hui, après ces neuf semaines, il n'y a pas un citoyen du Québec ayant suivi la commission parlementaire qui va douter que la mémoire est une faculté qui oublie. Cela a été la difficulté constante à laquelle nous avions à faire face. Je le dis, M. le Président, pas tellement pour en tenir rigueur aux témoins qui sont venus là, à nos invités qui sont venus ici, mais c'est simplement une constatation. (19 heures)

Ce qui me frappe le plus et ce qui m'étonne - on est dans la question de la mémoire, de l'oubli - dans toute cette affaire - peut-être bien que cela ne devrait même pas m'étonner ni me surprendre -c'est l'oubli d'une dimension importante dans tout le processus qui nous concernait, c'est-à-dire le règlement de la cause. Quand je fais référence à l'oubli d'une dimension importante, c'était l'oubli de la dimension pécuniaire. La question d'argent là-dedans, ce n'était pas important. On l'a complètement oubliée du côté du gouvernement. C'est bien clair. La seule chose importante, c'était l'abandon des procédures. Il fallait arrêter les procédures et, pour compenser cela, obtenir un aveu de responsabilité des syndicats pour satisfaire certaines exigences des gens du conseil d'administration d'Hydro-Québec. C'est tellement vrai que l'argent n'avait pas d'importance qu'on a entendu tous les membres du conseil d'administration et je pense que leur témoignage dénote ce fait, que la question d'argent était

secondaire. Même, certaines des personnes invitées comme témoins nous ont dit que la question d'argent, c'était symbolique. Ce sont des gens mêmes du conseil d'administration qui ont soulevé ce point.

La question d'argent pour les Québécois, ce n'est pas cela qui comptait. Régler la cause de 31 000 000 $ pour des "pinottes", cela n'avait pas d'importance. Ce qu'il fallait, l'important, c'était de satisfaire aux demandes qui avaient été faites. Le premier coup de cloche qui était arrivé, c'était le téléphone de M. Laberge en décembre, suivant ce qu'on a vu ici. Il fallait régler la cause. Ce qui comptait, à ce moment, c'était de régler la cause. Mais la régler comment? Qu'est-ce qu'un règlement d'une cause? Mon confrère de Marguerite-Bourgeoys l'a souligné à diverses reprises, régler une cause, ce n'est pas juste dire: C'est 5 $, c'est 10 $, c'est 20 000 $, c'est 200 000 $, c'est 10 000 000 $, non. Un règlement, cela comprend l'abandon des procédures. Cela comprend également, exceptionnellement, la reconnaissance de la responsabilité, comme dans ce cas-ci. Cela comprend aussi une dimension pécuniaire. La dimension pécuniaire était tellement peu importante. Je veux juste citer cela ici, et c'est Me Boivin qui parle: Me Jasmin, tout au long des rencontres, c'était très clair, il ne s'en est jamais caché, il voulait à tout prix un règlement hors cour. Quand on demande à Me Boivin si, au cours des rencontres, il a eu des entretiens qui ont porté sur l'objectif de Me Jasmin, c'est-à-dire d'avoir un règlement hors cour, Me Boivin répond: Évidemment qu'il me faisait valoir longuement, parfois pesamment, ses arguments. Dieu sait que Me Jasmin n'est pas allé seulement une fois au bureau du premier ministre!

L'important là-dedans, c'est de savoir s'il y a eu participation du bureau du premier ministre ou du premier ministre lui-même dans ce règlement. Il y a trois points que je veux citer dans ce que le premier ministre a déclaré en Chambre le 20 février 1979. "Ce n'est pas du tout, ni de près, ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu. Mais il y a eu une consultation au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du conseil d'administration de l'Hydro et de la Société d'énergie de la Baie James." Un peu plus loin, on dit: "En janvier de cette année, c'est-à-dire il y a quelques semaines, si je suis bien informé, la Société d'énergie de la Baie James a reçu des offres de règlement de la part de certains des défendeurs et, ce qui est assez normal, de nouveau, elle a voulu savoir le sentiment de celui qui vous parle? Finalement, "s'il y a un règlement qui est négocié - je sais qu'il y a eu des approches, je l'ai dit dès le début de l'année 1979 - la décision, ni de près ni de loin, le bureau du premier ministre ne pèse dessus".

Le bureau du ministre ne pèse dessus, ni de près, ni de loin. Je vous dirai, M. le Président, qu'il pèse dessus. Le premier qui a pesé sur la "switch" pour allumer la lumière, le premier qui a pesé sur le bouton pour amener le règlement hors cour, c'est le premier ministre lui-même, par l'intermédiaire de son chef de cabinet qui, le 3 janvier, disait à M. Laliberté: II faut que vous régliez la cause. Vous devez abandonner la cause. C'est la parole qui a été donnée carrément. Tout cela a engendré un processus, en janvier, de rencontres d'avocats avec le bureau du premier ministre. Quand on parle des rencontres de janvier, qu'on se souvienne d'une chose, c'est que la première offre des syndicats, en janvier 1979, de 50 000 $ est arrivée le 16 janvier. On sait, par l'aveu même de M. Boivin ici, que Me Jasmin, procureur des syndicats, a été avisé le 12 que le "motus" était rendu que, la cloche avait été sonnée, que la "switch" avait été allumée, qu'on avait dit qu'il fallait que la cause soit réglée. On l'avait dit le 3 janvier au P.-D.G. de la SEBJ. Me Jasmin était au courant le 12. La première offre dérisoire de 50 000 $, c'est arrivé quand? C'est arrivé le 16, postérieurement à cela.

Donc, je vous soumettrai respectueusement une chose, M. le Président, en terminant, puisque le temps passe vite. M. Giroux disait lui-même, ici, dans son témoignage: Quand l'actionnaire principal et même le seul actionnaire vient vous dire: Vous réglez ou on règle pour vous autres, quand on a ce message-là, il reste deux choix: ou vous réglez suivant le désir qu'on vous a communiqué ou, la deuxième chose, vous démissionnez.

M. Lalonde: Ils n'ont pas démissionné.

M. Saintonge: Ils n'ont pas démissionné. Ils ont réglé. Qui a engendré tout le processus? C'est le bureau du premier ministre. Cela m'apparaît clair. Pour tous les motifs invoqués dans les plaidoiries très brillantes - entre autres, je retiens celle qu'a faite mon confrère de Gatineau ce matin -je vous dirai, comme tous mes confrères: Je suis quand même convaincu que René Lévesque a trompé l'Assemblée nationale enfévrier 1979.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le premier ministre, selon l'entente, il vous reste neuf minutes.

Une voix: Le premier ministre?

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. J'ai dit: M. le premier ministre? Il a terminé. Vous savez, c'est un lapsus. Mais

soyez sans crainte. D'ailleurs, M. le député de Saint-Maurice est à la fois un électeur de mon comté et ce serait gentil de ma part de le...

Une voix: II ne reste pas dans son comté?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

Une voix: On pensait avoir un "scoop". M. Yves Duhaime

M. Duhaime: M. le Président, en une dizaine de minutes, je vais essayer de faire un effort maximal de synthèse, puisque nous sommes à la 23e journée et à la 111e heure.

Cette commission parlementaire qui s'achève a son point de départ dans un article publié à la une et à grande sensation dans la Presse du 17 mars 1983. Ce n'était pas le titre, en tout cas, qu'on pouvait manquer: "René Lévesque a trompé l'Assemblée nationale". Les sous-titres sont intéressants aussi: "Jean-Roch Boivin a négocié avec les avocats". L'autre sous-titre, qu'on retrouve à la page 8: "Le bureau de Lévesque donne des armes à la FTQ". J'ajouterai, M. le Président, un troisième point, qui aurait pu faire l'objet d'un sous-titre également, si on y avait pensé. Cela aurait pu être: "À l'exception de M. Boyd et de deux de ses collègues, tous les autres membres du conseil d'administration ont cédé à l'ultime pression du premier ministre".

Après 23 jours, M. le Président, est-ce que, effectivement, il y a eu des pressions d'exercées sur l'un ou l'autre des membres du conseil d'administration et, si tel a été le cas, est-ce que telle pression a pu influencer ou faire modifier ce qu'avaient l'intention de porter comme jugement dans ce dossier l'un ou l'autre des membres du conseil d'administration? Ma réponse, M. le Président, c'est non.

Pour soutenir ce qui apparaît à la page 8 du journal La Presse du 17 mars, à savoir qu'à l'exception de M. Boyd et de deux collègues, tous les autres membres du conseil ont cédé à l'ultime pression du premier ministre, je pense qu'il faut faire une équation, à mon sens, très simple. De deux choses l'une: ou bien Michel Girard a raison dans la Presse ou il a tort. Si Michel Girard a raison, cela implique que M. Hébert, M. Thibaudeau, M. Boyd, M. Laliberté, M. Saulnier, Mme Forget, M. Giroux, M. Laferrière et M. Gauvreau non seulement ont menti à la commission, mais se sont parjurés parce qu'ils ont dit ici qu'ils avaient pris leur décision en toute liberté, chacun dans leurs mots, bien sûr.

J'ai ici toute la liste des extraits, M. le Président. Je pourrais vous y référer. Je cite M. Boyd, par exemple: "Non, cela - en référant à la rencontre du 1er février - ne m'a pas influencé puisque j'ai voté contre le règlement hors cour." M. Saulnier, qui n'est pas le dernier venu: "J'estime que le conseil a agi de lui-même et qu'il a tiré le meilleur parti d'une situation qu'il avait héritée." M. Thibaudeau: "Non, je ne me suis pas fait tordre le bras." Mme Forget... Enfin, je pourrais tous les citer.

Sur ce point-là, M. le Président, on n'a pas le début du commencement d'une preuve que quelque membre du conseil d'administration ait cédé à l'ultime pression. Ce qu'il y a d'amusant dans l'article de Michel Girard, c'est qu'il dit: "... ont cédé à l'ultime pression du premier ministre en acceptant, le jour même de l'intervention en Chambre de M. Lévesque, de donner à leurs avocats un mandat de négocier un règlement hors cour". Tout le monde sait que c'est faux et que cette réunion entre les dirigeants de la SEBJ et M. Lévesque n'a pas eu lieu le 19 février, la veille même, mais trois semaines avant, pour être plus précis le 1er février.

Ce qui est central, M. le Président, aussi, c'est ce qui a fait l'objet d'un titre diffamant, à mon point de vue: "Le bureau de Lévesque donne des armes à la FTQ". Quand on lit la manchette, on se rend compte de quoi? Que M. Latouche est allé porter, un extrait des recueils de jurisprudence, qui existent à peu près à 25 000 copies au moins au Québec dans à peu près toutes les études de notaires et d'avocats, qui référait à une cause impliquant M. Boyd et un ordre professionnel, je pense que c'est l'Ordre des ingénieurs. Autrement dit, des ragots qui non seulement étaient complètement farfelus, mais, je dirais, blessants et diffamants pour M. Boyd lui-même. Je n'insisterai pas là-dessus parce que les procureurs libéraux n'ont pas beaucoup insisté sur ce sous-titre et tout le monde se rend compte que jamais le bureau de Lévesque n'a donné des armes à la FTQ dans le sens que Michel Girard l'écrivait le 17 mars 1983.

Le troisième point, M. le Président - et sur celui-là, je vais être un peu plus insistant - la clé de la thèse du complot, qui est le lit des libéraux - et la question est très simple - Est-ce que Jean-Roch Boivin a négocié avec les avocats? L'affirmation de la Presse, le titre: "Jean-Roch Boivin a négocié avec les avocats". Et ici, M. le Président, cette photocopie ne rend pas justice à la grosseur des lettres parce que c'est un format réduit. Je réponds clairement ceci: Jean-Roch Boivin n'a pas négocié le règlement hors cour avec les avocats parce que, pour soutenir la thèse de Michel Girard que Jean-Roch Boivin a négocié avec les avocats, il faudrait que les avocats avec qui il aurait pu négocier nous disent: Oui, c'est

vrai, j'ai négocié le règlement avec Jean-Roch Boivin.

Mais que s'est-il produit, M. le Président? Me Aquin n'a pas négocié le règlement avec Jean-Roch Boivin. Me Cardinal n'a pas négocié le règlement avec Jean-Roch Boivin. Me Jetté n'a pas négocié le règlement avec Jean-Roch Boivin. Me Beaulé, non plus, et Me Boivin nous a juré ici que, dans le cas de Me Jasmin, il n'a pas négocié le règlement avec Me Jasmin.

Alors, M. le Président, si Michel Girard a raison et si le titre de la Presse est exact, Me Aquin, Me Cardinal, Me Jetté, Me Beaulé, Me Boivin et Me Gauthier se sont parjurés ici en commission parlementaire. Cela commence à faire pas mal de monde qui se trompe et qui trompe la commission parlementaire parce que, dans ce dossier, aux dires de Michel Girard, il n'y a que lui qui a raison.

Je termine, M. le Président, en rappelant ce que Lucien Saulnier a dit ici en commission, sans que, pour lui, ce soit une certitude. Je me souviens très bien de son témoignage. Avant même la rencontre avec le premier ministre le 1er février, à la dernière séance du conseil d'administration lorsque M. Giroux a cru utile de suggérer une rencontre avec le premier ministre, M. Saulnier a dit: "C'est mon impression." Il a bien insisté sur le fait que c'était son impression que, quant à lui, sur le plan du principe de régler cette cause hors cour, au niveau du conseil, c'était à peu près réglé. Il a dit: "C'est mon impression, sans que j'aie cru nécessaire ou même utile de mettre cette affaire aux voix", parce qu'il présidait le conseil, préférant sans doute attendre que le premier ministre, puisqu'on voulait le voir, ait été rencontré. (19 h 15)

Je termine, M. le Président, en disant ceci et c'est le regret que je voudrais exprimer. J'aurais pensé que nous aurions pu régler cette affaire très rapidement. Jamais de ma vie je n'aurais pensé qu'on se serait infligé 23 jours ici. Nous sommes ici depuis le 30 mars 1983. Mais je dois dire, M. le Président, qu'on a retourné nos montres en arrière de plusieurs années. Je ne lirai pas tout l'éditorial du journal Le Droit du 7 mai 1983 dont le titre est: Le truc de Duplessis. Mes amis à gauche n'aiment pas beaucoup cela quand je le lis. Je vais vous en faire parvenir une copie, M. le Président; je vais gagner du temps.

Dans le journal Le Soleil de ce matin, il y a un éditorial de Raymond Giroux qui, soit dit en passant, écrit parfois des éditoriaux qui ne sont pas toujours drôles, selon moi, en tout cas. "Les poissons noyés de LG 2. "Le Parti libéral, à l'affût des bons coups politiques qu'il pourrait tirer de cette affaire, tout en sachant très bien où étaient les limites des vers qu'il pourrait sortir du nez et de la mémoire de Jean-Roch Boivin, a toutefois réussi à donner un piètre exemple de démocratie. "Les questions posées à répétition par les Fernand Lalonde, John Ciaccia et Pierre Paradis avaient souvent des relents de McCarthyisme, alors que l'Amérique cherchait des communistes dans tous les recoins de l'administration. "Et tout en étant fondamentalement une question de crédibilité dans ce dossier, l'intervention de M. Lucien Saulnier dans les premiers jours de la publication des accusations avait immédiatement éteint le brasier. Si cet homme à la réputation on ne peut plus intègre, qui avait su lâcher la gloire de diriger effectivement Montréal au moment où le maire Jean Drapeau se mit à perdre les pédales, affirmait que la SEBJ avait eu entière liberté de décision quant à maintenir les poursuites ou à en arriver à une entente hors cour, l'Opposition se trouvait en réalité muselée."

M. le Président, je vais terminer là-dessus, en rappelant ce que dirait notre bon ami, Michel Roy - le premier ministre le rappelait ce matin - le 19 février 1982, dans un éditorial du Devoir, son dernier, en fait, dont le titre était: "Ce que je quitte". Je suis convaincu que M. Roy va le relire. Je vais en lire cinq lignes: "L'information, c'est le pouvoir, constate avec raison l'analyste français (à qui il avait référé précédemment). Mais, entre les deux, se dressent souvent l'incompétence, la paresse ou la mauvaise foi, quand ce n'est pas la foi tout court dans une cause que l'information pourrait desservir."

M. le Président, après tout ce que j'ai entendu depuis 23 jours ici, avec tous les procureurs tant de Gatineau, de Mont-Royal, de Marguerite-Bourgeoys, de Brome-Missisquoi, de Laporte, de Portneuf et de Laprairie, pour n'en oublier aucun...

Une voix: Et de Louis-Hébert.

M. Duhaime: Et de Louis-Hébert. Oui, celui-là.

Une voix: Ah! C'est aussi bien de l'oublier, celui-là.

M. Duhaime: J'espérerais que la partisanerie va peut-être permettre à l'Opposition... Je devrais plutôt tourner ma phrase autrement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Pour qu'elle soit recevable.

Une voix: Autrement, elle ne serait pas recevable.

M. Duhaime: Que les prochaines heures

ou encore les prochains jours, quand la fatigue aura tombé, quand nos collègues de l'Opposition auront eu le temps de décanter tout ce qui s'est dit ici et entendu depuis deux mois, quand ils auront ressaisi leur machine et qu'ils auront un nouveau sujet de discussion lors de leur caucus, peut-être que, comme membres de l'Assemblée nationale, ils réfléchiront à savoir si l'accusation portée par le journal La Presse, objectivement parlant, sans partisanerie, a été prouvée.

J'espérerais également, M. le Président, qu'on ne nous entraîne pas à nouveau dans un pareil scénario, parce que je souhaiterais - c'est un voeu que je vais formuler à l'endroit de nos amis à gauche - que votre leitmotiv, votre devise ne devienne pas ce que Dandin disait à la dernière ligne de la dernière scène du dernier acte des Plaideurs, dans Racine: "Allons nous délasser à voir d'autres procès", et que vous repreniez votre rôle de députés de l'Opposition et non pas de procureurs inquisiteurs dans des dossiers qu'en toute franchise, je vous le dis, vous n'êtes pas en mesure de porter.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre. Cela permet au député de Mont-Royal d'avoir quelques minutes de plus. M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas prendre le temps de mon collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys; alors je serai très bref. Vous avez certainement entendu dire que la meilleure défense, c'est de passer à l'offensive. C'est ce que le premier ministre a fait, mais, cependant, dans le cas actuel, cette tactique ne change certainement pas le passé et cela ne change pas la vérité. Ce n'est pas en passant à l'attaque contre la Presse, contre les témoins qui ne sont pas entendus, contre les membres de cette commission que les faits vont changer. Ce n'est pas en reconstruisant une explication aujourd'hui pour expliquer la réponse du 20 février que la vérité va changer. Ce n'est pas par des tactiques de diversion, en évoquant le triste souvenir du saccage de la Baie-James, que la vérité va changer. Et la vérité, M. le Président, c'est qu'il y avait deux opérations parallèles, celle de la SEBJ et l'opération Jean-Roch Boivin qui avait été déclenchée par le premier ministre.

Pour ces motifs qui ont été très bien mis de l'avant par mes collègues, je suis convaincu, M. le Président, que la vérité est i que le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale par sa réponse du 20 février 1979.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais, tout d'abord, en conclusion réfuter ce qui est le fondement de la position du ministre dans cette cause, dans cette enquête, à savoir que, pour conclure que le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale le 20 février 1979, nous devons conclure en même temps qu'à peu près tous les témoins ici se sont parjurés. C'est complètement faux. C'est sur la base de la preuve qui a été recueillie ici et en assumant que tout ce qui a été dit ici est vrai que nous pouvons conclure de la façon dont nous l'avons fait et dont je le ferai un peu plus tard.

Lorsque M. le ministre invoque l'impression que M. Lucien Saulnier nous transmettait il y a quelques semaines, à savoir qu'à la réunion du 23 ou du 30 janvier, c'est-à-dire avant la fameuse rencontre avec le premier ministre le 1er février, le conseil d'administration lui semblait prêt à voter sur le principe du règlement hors cour, je rappelle simplement au ministre le témoignage de Me Gadbois qui a dit ici, ayant assisté à ces deux réunions, que la conclusion de ces deux réunions était que les membres voulaient obtenir encore plus de renseignements, plus d'informations pour se former une idée. Je respecte l'impression, la perception de M. Saulnier, mais je ne peux la prendre comme étant déterminante.

M. le Président, le Parti libéral, depuis neuf semaines, a fait son devoir ici à la commission parlementaire, commission qui a été convoquée par le premier ministre lui-même. C'est lui qui a décidé de l'instrument pour faire la lumière sur cette affaire. Nous avons été invités, convoqués par le premier ministre et nous avons fait le devoir qu'on nous a demandé de faire, c'est-à-dire d'examiner toutes les circonstances. Je n'accepte pas les accusations du premier ministre à l'égard de l'équipe du Parti libéral dont chacun des membres s'est conduit conformément à son devoir et, plus que cela, est allé même à 150% de son devoir en travaillant d'une façon remarquable - je pense que cela a été admis par tous les observateurs - avec une discipline, une connaissance des dossiers et une volonté surtout - qu'on n'a pas trouvée de l'autre côté - d'obtenir la vérité, d'obtenir le plus de renseignements possible.

M. le Président, les accusations, on les connaît, c'est de voir que le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale. Si on n'avait pas eu cette commission parlementaire, on ne connaîtrait pas ce qu'on voit ici sur le tableau que je vais vous montrer. Tout cela ici - on l'a vu - on ne le savait pas avant le 17 mars. "Le tableau "Ni de près, ni de loin", M. le Président, on n'aurait rien vu de cela. On a appris tout

cela ici à cause du travail de l'équipe libérale surtout. Je dirais presque exclusivement. C'est cela, le va-et-vient. C'est cela ici. Cela a commencé ici, quelque part, par un appel téléphonique à M. Jean-Roch Boivin. Ensuite, M. Jean-Roch Boivin fait ses interventions et a une réunion le 3 janvier; c'est cette réunion qui est le démarreur de toute la machine qui a conclu à un règlement hors cour de 200 000 $ pour une cause de 32 000 000 $.

M. le Président, des appels téléphoniques, des lunchs, des rencontres multiples, où trouve-t-on cela dans la réponse du premier ministre: Ni de près, ni de loin, ce n'est dans le bureau du premier ministre qu'il y a eu une négociation de règlement? Je rappellerai au ministre que négocier le règlement, c'est négocier l'abandon de la cause et comment peut-on plus négocier que de dire, que d'ordonner l'abandon de la cause? "Vous réglez, "crisse", ou on va régler pour vous autres". C'est cela, la négociation, c'est cela, participer à la négociation et tout est là: des rencontres, des appels téléphoniques, des lunchs. Un lunch où on dit: Ne vous enfargez pas dans les fleurs du tapis, ne vous enfargez pas dans les réunions. M. le Président, c'est ce que nous avons prouvé ici et c'est ce que nous ne retrouvons pas du tout dans la réponse du premier ministre. Est-ce que le premier ministre nous a dit cela quand on le lui a demandé, le 20 février 1979? Pas du tout. "Ni de près, ni de loin". "Ni de près, ni de loin".

M. le Président, la défense du premier ministre ici a été simplement pitoyable. Une diversion brillante et longue sur le rapport Cliche, un rapport que nous respectons, que nous avons nous-mêmes, lorsque j'étais membre de l'ancien gouvernement, organisé et auquel nous avons donné suite, d'ailleurs. M. le Président, tout ce qu'a dit le premier ministre, après cette diversion, a été: Le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas posé la bonne question. Le député de Marguerite-Bourgeoys a posé une question à laquelle on aurait dû recevoir la réponse qu'on retrouve sur ce tableau un peu plus précisément, de ce que M. Jean-Roch Boivin a fait.

M. Jean-Roch Boivin reçoit du président de la fédération, M. Louis Laberge, un appel téléphonique. Il est là. Et ensuite, tout le va-et-vient commence. Partout. Où est-ce qu'on trouvait cela dans la réponse du premier ministre? Nulle part. "Ni de près, ni de loin". "Ni de près, ni de loin". Est-ce qu'on aurait eu cela, M. le Président - je vous le demande - si nous n'avions pas fait notre devoir ici à l'Assemblée nationale, à la commission de l'énergie, depuis neuf semaines? Cela a pris neuf semaines; c'est trop long. Je le sais. Cela a été très pénible, d'ailleurs, autant pour nous que pour les témoins, surtout à cause de l'interférence des députés du Parti québécois.

Ce qui reste, M. le Président, c'est que le premier ministre, à l'Assemblée nationale, le 20 février 1979, a décrit son rôle, en réponse à la question que j'avais posée, comme un rôle passif. Il a dit qu'il avait donné son sentiment à la demande de la SEBJ, tel qu'on le lui demandait, qu'on l'avait consulté. "Ni de près, ni de loin". Je vais vous répéter la réponse: "Ce n'est pas du tout, ni de près, ni de loin dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu. Mais il y a eu une consultation au bureau du premier ministre." (19 h 30)

D'après la réponse, il n'y avait eu qu'une consultation et, même, la réponse ne donne pas la véritable nature de cette consultation, c'est-à-dire: Vous réglez ou on règle à votre place, y compris la menace. L'ordre et la menace. Et cela, cela ne pèse pas? Est-ce que le résultat a été que tous les membres du conseil d'administration se sont pliés, mis à genoux? Non, heureusement. Mais peser, il l'a fait, par exemple, le 1er février. Peser, il l'a fait le 3 janvier par M. Jean-Roch Boivin. Peser, il l'a fait le 2 février lors du lunch avec les avocats de la SEBJ. Et il a pesé encore plus fort parce que c'était divisé, disait M. Gauthier à Me Aquin, vers la fin de janvier. Le conseil d'administration était divisé. Il fallait encore peser plus fort et peser, il l'a fait.

Je crois les membres du conseil d'administration lorsque, honnêtement, ils viennent dire comment ils ont réagi. Certains ont dit: J'en ai tenu compte. D'autres ont dit: C'était significatif, mais non déterminant, ou à peu près. Mais peser, oui. Peser, oui.

Donc, le premier ministre, à l'Assemblée nationale, devant la population, mis devant cette question dont il avait eu un avis de huit jours, pour laquelle il avait une réponse, des notes préparées par son chef de cabinet qui avait participé à tout cela... Comment se fait-il que M. Jean-Roch Boivin, dont on a vu la participation active très considérable, n'ait pas mis un iota de cela dans les notes du premier ministre? Comment se fait-il que le premier ministre ne le lui ait pas demandé? Qu'est-ce que le premier ministre avait à cacher? Oui, il nous demande: Qu'est-ce que j'avais à cacher? Il nous demande de faire de la spéculation là-dessus. Est-ce qu'il avait à cacher qu'il avait agi directement, à l'initiative du président de la FTQ? Est-ce qu'il avait à cacher qu'il avait donné un ordre, comme on le sait? Est-ce qu'il n'était pas très, très fier de la façon dont... Est-ce qu'il croyait que, s'il avait donné toute cette réponse, parlé de toute cette participation, on aurait pu avoir un débat à l'Assemblée nationale qui aurait pu compromettre le règlement qu'il voulait

tellement pour ses partisans? Il voulait se cacher aussi de ne pas avoir pris la défense des Québécois et d'avoir pris la défense de ses amis partisans.

M. le Président, le premier ministre a reconnu qu'il avait escamoté toute cette participation. Il a dit ici: J'ai escamoté cela. Mais escamoter, M. le Président, ce n'est pas simplement oublier. Escamoter, c'est cacher volontairement. Sachant tout cela, M. le Président, si on reposait la même question aujourd'hui, avec la même réponse, avec les tableaux ici pour illustrer ce qui s'est passé, on croirait que le premier ministre reste sur la lune ou qu'il avait des choses à cacher.

Je suis convaincu, M. le Président, que le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale et si les travaux de cette commission se terminent, surtout avec cette triste performance du Parti québécois qui y a participé et qui a fait du camouflage en refusant des témoins, cet acte extrêmement grave ne peut rester là, car c'est l'intégrité du Parlement des Québécois qui a été souillée par un geste inqualifiable de tromperie à l'égard de son Parlement. Voilà pourquoi, M. le Président, c'est à l'Assemblée nationale que le Parti libéral a l'intention de soulever cette question pour que l'intégrité de cette Assemblée nationale, du Parlement de tous les Québécois soit rétablie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Comme il reste une minute au temps du Parti libéral et que le député de Portneuf m'a demandé de l'utiliser, je la lui donne. M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais être très bref. Cette commission parlementaire se terminera dans quelques minutes, quelques secondes même. J'en retiens que l'exercice de cette commission est un peu comme le bateau qui a pris la mer pour un port qui était le port de la vérité. L'embarquement, M. le Président, dans cette commission était lorsque l'article de la Presse est paru au mois de mars dernier. Cet article indiquait que le premier ministre avait trompé la Chambre et qu'il avait fourni des armes à la FTQ. La sirène signalant l'embarquement a été le premier ministre lui-même qui a indiqué en Chambre que la commission allait siéger pour étudier cette question. Le bateau a démarré, il est parti, il a vogué en mer calme lorsqu'on a interrogé les témoins membres de la Société d'énergie de la Baie James; il a vogué en mer un peu plus houleuse avec la réticence de certains témoins à répondre objectivement, clairement et de façon spontanée aux questions. Je pense, entre autres, à Me Beaulé, à Me Jasmin et à la question du secret professionnel. Il a évité certains récifs, mais il vient de se heurter à un récif qui n'est pas le moindre, qui est le récif de la majorité servile devant l'opinion exprimée du premier ministre. Le port de la vérité, le port de la transparence n'a pas été atteint.

Comme notre capitaine parlementaire, le leader de l'Opposition, vient d'indiquer que, selon lui, le premier ministre avait trompé la Chambre et induit la Chambre en erreur, je voudrais, M. le Président, terminer en vous disant que, comme capitaine du caucus - et ainsi j'ajoute ma voix à mes autres collègues - moi aussi, je suis persuadé que le premier ministre a bel et bien trompé et induit la Chambre en erreur lorsqu'il a répondu à la question de mon honorable collègue, le leader de l'Opposition.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Comme capitaine de cette commission parlementaire et aussi, en même temps, celui qui a toujours le dernier mot, même si, parfois, c'est un peu plus difficile que pour les autres, je dois remercier à la fois les gens qui ont participé à cette commission, tous ceux qui nous ont assistés, soit les gens du Secrétariat des commissions parlementaires, ainsi que les techniciens du journal des Débats et les personnes qui nous ont servis dans notre travail, jusqu'à la télévision. Â tout ce monde et à vous-mêmes, merci et je vous dis à tous...

M. Lalonde: Au revoir, au revoir.

Le Président (M. Jolivet): ...ajournement sine die.

(Fin de la séance à 19 h 37)

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