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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Tuesday, September 20, 1983 - Vol. 27 N° 138

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des effets de la politique énergétique sur le développement économique du Québec


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît'. La commission permanente élue de l'énergie et des ressources reprend ses travaux afin d'étudier les effets de la politique énergétique sur le développement économique.

Les membres de cette commission sont: M. Dussault (Châteauguay), Mme Bacon (Chomedey), MM. Duhaime (Saint-Maurice), Fortier (Outremont), Beaumier (Nicolet), Kehoe (Chapleau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Middlemiss (Pontiac), Perron (Duplessis), Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril (Rouyn-Noranda- Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Dussault (Châteauguay), Leduc (Saint-Laurent), Mathieu (Beauce-Sud), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Tremblay (Chambly), Mme Harel (Maisonneuve).

Ce matin, nous allons d'abord procéder au dépôt de deux mémoires. Le premier mémoire conjoint est présenté à la commission parlementaire par François Allaire et Gary Caldwell sur l'exploitation de l'électricité, à quel prix, de quel droit; de même que le mémoire présenté par l'Association des commissaires industriels du Québec. Nous procéderons sans plus tarder à l'audition de M. Antoine Ayoub qui agira à titre personnel. M. Ayoub, si vous voulez bien vous présenter au microphone. La parole est à vous, M. Ayoub.

Auditions M. Antoine Ayoud

M. Ayoub (Antoine): Je vous remercie, M. le Président. Je dois souligner au préalable que je suis très honoré d'être entendu par votre honorable commission. Je voudrais dans quelques minutes seulement, non pas reprendre l'ensemble de mon rapport qui a été déposé, mais plutôt faire un certain résumé très rapide, en indiquant la structure de ce rapport et en soulignant, chemin faisant, les points qui me semblent importants.

Je partirai, si vous le voulez bien, des changements qui ont eu lieu depuis la publication du livre blanc sur l'énergie du gouvernement du Québec en 1978. Plusieurs changements sont intervenus, soit sur la scène internationale, soit sur la scène du Canada ou celle du Québec et pour les résumer je dirai ceci: sur le plan international, le marché a changé en marché d'acheteurs au lieu d'un marché de vendeurs qui existait depuis les neuf dernières années. Sur le plan canadien, la question principale qui se pose est effectivement le sort du Programme énergétique national qui a été publié en 1980 et mis en oeuvre. Étant donné le lien évident qui existe entre le niveau international et le niveau canadien, la question se pose donc: où va le programme énergétique national? Où doit-il aller? Sur le plan du Québec, deux questions se posent: comment gérer le surplus énergétique à court terme après avoir eu la question des dernières années, comment gérer la pénurie? Faut-il modifier et comment la politique du livre blanc de 1978?

Voilà donc les questions autour desquelles j'ai articulé mes réflexions. Je dois insister, M. le Président, sur un point méthodologique et dans mon rapport, j'ai souhaité volontairement ne pas entrer dans des batailles de chiffres. J'ai voulu faire un rapport de facture politique et économique, beaucoup plus que de facture technique ou statistique. Ceci dit, il est possible, dans la mesure de mes moyens et de mes connaissances, de répondre aux questions qui me seront posées concernant les détails techniques ou statistiques.

Étant donné ces deux questions que je viens de soulever concernant le Québec et qui m'intéressent au plus haut point, j'ai divisé mon rapport en quatre parties: la première où j'ai évoqué les problèmes qui se posent; dans une deuxième partie, j'ai soutenu quelques hypothèses et les contraintes qui leur sont associées et dans une troisième partie, j'ai révisé, très modérément, il faut le dire, les objectifs d'une politique énergétique possible en insistant là où j'ai cru bon de le faire. Finalement j'ai limité mes propos ou mes recommandations sur le plan des politiques énergétiques à deux secteurs qui sont le secteur pétrolier et le secteur gazier. Je n'ai rien proposé - c'est indiqué dans mon mémoire - ni concernant l'électricité ni non plus concernant les problèmes des énergies nouvelles.

Si vous le voulez bien, je voudrais dire quelques mots concernant les problèmes. Bien

entendu, ils sont complexes, enchevêtrés et multiples. Nécessairement, pour clarifier le débat, je les ai ramenés à cinq, mais il y en a certainement d'autres.

Ces problèmes sont les suivants. D'abord et avant tout, le problème que je considère comme fondamental puisqu'il hypothèque l'avenir, c'est les relations entre la consommation énergétique dans ses trois formes, électricité, pétrole et gaz, donc le taux de croissance de la consommation énergétique et le taux de croissance économique du produit intérieur brut, en relation avec un troisième facteur qui est celui des économies d'énergie.

Pour simplifier et aller droit au but, le problème qui se pose est le suivant. Depuis quelques années, depuis effectivement quatre ans, depuis la publication du livre blanc du gouvernement du Québec, on enregistre statistiquement une baisse assez importante de la demande ou de la consommation énergétique, à telle enseigne qu'on peut même tirer une moyenne qui serait proche de zéro pour les quatre dernières années. Peut-on - voilà la question - dire, à partir de cela, que la consommation énergétique pour les années futures serait du même ordre? Question cruciale, question importante puisqu'il y a interférence entre cette baisse de la consommation et la baisse que tout le monde connaît de la croissance économique durant ces trois dernières années, surtout durant les deux dernières années. Cela dénote qu'on a besoin d'un certain rapport, d'un ratio entre le taux de croissance de la consommation énergétique et le taux de croissance de la production ou du produit intérieur brut.

Là, on peut différer et, si on diffère, il y aurait divergence sur le plan prévision de la demande. Ma position là-dessus - je pourrai l'expliquer si vous me le demandez, mais il faut que je sois bref - est que ce taux est de 0,7% et non pas de 0,34% ou de 0,4%... et je m'explique. Il est entendu que si l'on divise le taux de croissance des quatre dernières années, on arrive effectivement à un chiffre qui serait assez ridicule de 0,3% de rapport entre les deux. Mais on ne peut pas prendre ce chiffre, le projeter dans l'avenir et dire que pour chaque 1% de croissance économique on aurait besoin, pour les dix prochaines années, par exemple, de 0,3% de taux de croissance énergétique. Il me semble que cela est exagéré. D'ailleurs, je suis en bonne compagnie, puisque récemment j'ai pu vérifier nos chiffres, nos opinions, et, sans se concerter au préalable de manière approfondie - la plupart de ceux qu'on appelle experts, qui étaient là la semaine dernière - presque magiquement, on a utilisé ce chiffre de 0,7%. Ainsi le représentant de la Communauté économique européenne, par exemple, m'a bien encouragé, parce que j'étais bien réservé de dire 0,7% publiquement, en me disant: Dans toutes nos publications, dans toutes nos projections, on utilise ce chiffre de 0,7%. De la même manière, le président de la Mercantile Exchange de New York a utilisé aussi ce chiffre de 0,7%. Alors il est évident que ce chiffre n'est pas magique, il change par rapport au pays, par rapport au continent, mais enfin, s'il n'est pas de 0,7%, il doit être approximativement de 0,6%. Cela dit, il faut reconnaître devant vous que ce genre de chiffres ne sont pas scientifiquement déterminés. Autrement dit, on ne peut pas trop se chicaner sur ces chiffres, c'est un peu l'expérience que chacun de nous a de la situation et ses propres jugements sur les économies d'énergie. Mais je dirai un peu plus si on me le demande.

Voilà un premier problème qui effectivement affecte les projections soit de la demande énergétique globale, soit de celles, par exemple, de la demande pétrolière. Je vous indiquerai en passant que c'est très important parce que, si vous projetez une demande faible, par exemple en pétrole, évidemment on aurait des problèmes sur le plan du raffinage, de la distribution et tout le reste, et même de la consommation d'électricité; donc surplus, donc vente ailleurs, etc. Par contre, si vous projetez que le taux de croissance économique augmente et que, par conséquent, le taux de consommation énergétique augmente, il y a pas mal de problèmes, je ne dirais pas qui seront résolus par un coup de baguette magique, mais, quand même, qui auront moins d'acuité qu'actuellement. Voilà donc un premier problème.

Le second problème est: que faire dans le secteur pétrolier? C'est-à-dire que peut faire le gouvernement du Québec et le Québec en général pour le secteur pétrolier? C'est un problème crucial. Je vous rappelle quelques faits puisque je parlais de 1978 et je ne veux pas remonter au déluge. Depuis 1978, Petro-Canada s'est introduite massivement, je dirais, sur le marché du Québec. Elle contrôle actuellement une part importante du raffinage et de la distribution. Par ailleurs, les prix pétroliers, comme vous le savez, ne sont pas du ressort du Québec. Nous avons des prix "made in Canada" qui sont déterminés par le gouvernement fédéral, conjointement, mais après de laborieuses discussions et négociations, avec les provinces productrices.

Par conséquent, on peut, bien sûr, soutenir - ce n'est pas mon cas - qu'on ne peut rien faire ou qu'on ne fera rien dans le secteur pétrolier puisqu'il y a quelqu'un qui s'en occupe. Mais, il faut se rendre compte que le Québec est effectivement le principal destinataire des importations pétrolières du Canada. Donc, quand on parle de la sécurité des approvisionnements au Canada, quand on

parle de l'autosuffisance canadienne en matière pétrolière, il faut toujours avoir à l'esprit l'autosuffisance du Québec. Par conséquent, pour vous donner un chiffre, approximativement les trois quarts des importations canadiennes de pétrole sont destinés au Québec. Par conséquent, il est, à mon avis tout au moins, tout à fait légitime que le Québec se penche sur le secteur pétrolier et ne l'abandonne pas malgré le fait qu'il y ait éventuellement pénétration du gaz naturel et malgré le fait que le Québec soit un producteur d'électricité. Il est au premier rang concerné par ce phénomène d'importation et de consommation pétrolières.

Le troisième problème qui se pose directement: Comment harmoniser le triangle entre le pétrole, bien spécifiquement le mazout lourd, la pénétration du gaz naturel et le surplus d'électricité? Je n'ai pas besoin de m'étendre longtemps sur ce surplus; vous le connaissez. Il y a là, bien entendu, une politique à court terme puisque, si on considère que le taux de croissance économique augmentait avec cette hypothèse, il y aurait certainement - selon l'hypothèse que je viens d'indiquer sur le rapport entre le taux de consommation des deux - une baisse des surplus d'électricité et même une certaine baisse dans le surplus du mazout. Mais il faut passer le cap difficile qui est à court terme, d'où la nécessité d'une harmonisation et comment elle peut être faite entre ces trois formes d'énergie. Il faut, bien entendu, avoir bien clair à l'esprit autant que possible de ne pas hypothéquer le long terme par des politiques à court terme. Autrement dit, il faut avoir une vision claire de ce qu'on veut d'ici dix ans, décrire et appliquer une politique économique énergétique par rapport à cette vision et ne pas se laisser handicaper uniquement par des conjonctures qui peuvent être passagères. Voilà donc un troisième point.

Un quatrième point sur lequel votre honorable commission a mis l'accent, c'est les relations, les liens entre le développement économique et l'énergie, ou l'utilisation de l'énergie. Sur ce point, j'ai peut-être une ou deux idées à avancer; je les dirai en temps et lieu. C'est un sujet certes délicat, important, mais ambigu en même temps.

Finalement, une dernière question -mais que je ne traite pas puisqu'elle exigerait, à mon sens, une étude appropriée que je n'ai pas faite - concernant l'électricité. Est-ce qu'il faut produire pour consommer à l'intérieur ou faut-il produire pour exporter, selon une thèse qui a été popularisée ces deux dernières années? Je laisse cela en suspens, avec un point d'interrogation, pour dire simplement qu'il faut effectivement faire des études beaucoup plus poussées pour en connaître les tenants et les aboutissants.

(10 h 30)

Vous me permettrez simplement de dire ceci. À prime abord - je le dis vraiment avec beaucoup de circonspection, comme on dit - puisqu'on dit qu'on peut augmenter la capacité productrice du Québec en termes d'électricité pour la destiner à l'exportation, je veux bien l'exportation vers les États-Unis, il ne suffit que de savoir si les États-Unis en veulent - c'est la condition nécessaire et suffisante - et à quelles conditions ils en veulent. Or, les facteurs qui vont jouer sur la décision des États-Unis, à savoir s'ils veulent ou pas s'engager à long terme dans des importations de l'électricité du Québec, sont des facteurs multiples et aussi complexes. Il faut donc aussi comprendre les Américains. Cela dépend du prix international du pétrole: est-ce qu'il va baisser, est-ce qu'il restera stable, etc.? Il n'est pas facile de dire qu'on pourrait effectivement emmagasiner ou augmenter la capacité productrice pour qu'éventuellement on puisse l'exporter sans problème. Voilà donc les problèmes.

En deuxième lieu, les hypothèses que j'aimerais indiquer, ce sont mes hypothèses et elles concernent d'abord et avant tout le prix international du pétrole. Sur ce plan et avec beaucoup de réserve, puisqu'il faut avoir l'humilité de le dire, durant les dernières années, beaucoup à travers le monde - je suis aussi de ceux-là - se sont trompés puisqu'il y a seulement trois ans il y a eu une unanimité pour dire qu'en 1985, au plus tard en 1990, il y aurait une rupture entre l'offre et la demande sur le plan mondial. Je n'ai pas envie de vous citer les références de ce que je viens d'énoncer mais quand même, soyez assurés que j'ai fait une enquête à ce moment-là et presque cent instituts de recherche et d'experts ont convergé pour dire que la situation serait très grave, très dure durant la décennie quatre-vingt.

Or, ce que nous voyons aujourd'hui, c'est bien le contraire, il y a un surplus de l'offre sur la demande. Par conséquent, il y a eu un retournement des prix, l'OPEP a baissé ses prix de 5 $, suivant en cela le marché Spot, c'est-à-dire ce qu'on appelle le marché Spot ou le marché libre de Rotterdam où, chaque matin, par télex ou directement, il y a des quantités d'offres et des quantités de demandes sur ce marché.

Que va-t-il se passer dans les dix prochaines années? La question manque un peu de modestie, mais il faut quand même la poser pour avoir des tendances lourdes pour un avenir prochain. Pour ma part, j'ai lancé les facteurs qui jouent sur cette tendance. Je crois ceci, pour me résumer. D'ici à 1985, au moins, le prix international du pétrole, c'est-à-dire le prix officiel de l'OPEP, au mieux, se stabilisera en termes nominaux. Cela veut dire que d'ici à 1985, le

baril du "marker crude", c'est-à-dire du pétrole de référence qui est le pétrole de l'Arabie Saoudite, pour une qualité donnée de pétrole, serait de 29 $ le baril, au mieux. Je dis "au mieux" parce que les tendances à la baisse travaillent toujours le marché. Justement, sur le marché Spot, depuis quelques semaines, il y a encore des tendances à la baisse de ce prix d'environ 0,50 $ à 1 $.

L'OPEP, qui devait se réunir et qui s'est récemment réunie à Vienne, la semaine dernière, s'est retrouvée dans une situation moins euphorique que ce qu'elle croyait. Elle s'est rendue compte que, d'une part, les prix baissaient et que, d'autre part, les pays de l'OPEP dépassaient le quota indiqué en mars dernier. C'est-à-dire que de 17 500 000 barils par jour, ils sont arrivés actuellement à 18 000 000 et la situation du marché est effectivement assez tendue.

Donc, à tout prendre, jusqu'en 1985, le prix du pétrole resterait, en termes nominaux, ce qu'il est aujourd'hui. Cela veut dire qu'il baisserait en termes réels puisque, entre-temps, l'inflation joue. Après 1985 et jusqu'à 1990 - pour faire encore une fois bref - je vois que le prix du pétrole augmenterait au taux de l'inflation et pas plus; peut-être que les deux dernières années de la décennie, le prix du pétrole augmenterait en termes réels. De telle sorte qu'on peut dire grosso modo, en tenant compte de ce qui s'est passé depuis 1980, que pour la décennie 1980, le taux d'augmentation du prix réel du pétrole ne dépasserait pas 1%.

C'est là une situation toute nouvelle puisque, qu'on le veuille ou non, le prix du pétrole demeure un prix leader, un prix dominant. C'est à partir de ce prix que se décident les investissements dans les sources substituts; c'est à partir de ce prix que se décident les prix des autres sources alternatives d'énergie. Par conséquent, si vous pronostiquez une stabilisation de prix en termes nominaux, donc une baisse en termes réels, cela va avoir des répercussions normalement sur la consommation. C'est pour cela que si je fais cette prédiction, je dirai que la consommation augmenterait éventuellement pour les mêmes raisons qui l'ont fait hausser, c'est-à-dire que les consommateurs réagiraient à la baisse comme ils réagiraient à la hausse. Il ne faut pas croire que les consommateurs ne réagissent seulement qu'à la hausse. C'est-à-dire que le consommateur, en termes clairs, réagit à une hausse de prix en diminuant sa consommation, mais réagirait pour les mêmes raisons en termes de consommation. Si les prix baissent, il augmenterait ou augmenterait d'une manière différenciée sa consommation. Donc la concurrence va être serrée entre les formes d'énergie sur un marché qui rétrécit.

Deuxième hypothèse. L'autosuffisance pétrolière du Canada, à mon avis, ne sera pas atteinte pour des raisons diverses auxquelles je reviendrai si vous me posez la question, mais dont la plus importante est la politique - je l'ai répété ailleurs, alors je n'ai pas d'inconvénient à le faire ici - des prix "made in Canada". C'est là une politique aberrante qui n'a effectivement pas de support sur le plan de l'intellect économique, mais certainement sur le plan des facteurs politiques, je comprendrais facilement pourquoi une telle politique a été instituée. Elle touche plus la répartition de la rente entre le fédéral, les provinces et l'industrie que l'efficacité économique en tant que telle. Mais c'est un autre sujet. La réalité est que l'autosuffisance ne sera pas acquise pour le Canada d'ici à la fin de 1990 comme le prévoit le programme énergétique national.

Troisième hypothèse. Concernant le Québec, je considère que le contrôle du secteur de l'énergie demeure partagé comme aujourd'hui. Autrement dit, hormis Hydro-Québec, qui est exclusivement du ressort du Québec, il reste que le secteur pétrolier serait partagé entre Pétro-Canada, les multinationales et éventuellement l'introduction d'un troisième joueur qui, potentiellement et juridiquement a le droit mais en fait ne l'a pas fait, c'est-à-dire SOQUIP. Et, sur le plan gazier, eh bien, effectivement, le contrôle sera aussi partagé entre le public et le privé québécois et autre, et le public québécois par l'intermédiaire de SOQUIP et de la Caisse de dépôt.

Quatrième hypothèse - je l'ai dit tout à l'heure - le rapport entre le taux de croissance économique et le taux de croissance énergétique. Mon hypothèse à disputer est effectivement de 0,7, donc je m'inscris un peu en faux concernant les hypothèses qui sont derrière les chiffres qui ont été présentés soit au ministère ou ailleurs.

En troisième lieu, les objectifs. Pour ne pas prendre beaucoup de votre temps, je dirais que je suis d'accord grosso modo avec les objectifs du livre blanc de 1978 mais avec un peu, non pas de modifications, mais d'insistance sur le problème très important, à mon avis, qui n'est pas linguistique mais qui est fondamental entre autonomie et diversification. L'autonomie, en termes bien stricts, veut dire diminuer les importations des sources d'énergie de l'extérieur l'extérieur, dans ce cas, est les autres provinces canadiennes et l'étranger - pour pouvoir susciter à l'intérieur du Québec les sources nécessaires pour pouvoir subvenir à la consommation intérieure. Voilà comment je définis l'autonomie. Plus les importations de l'extérieur, définies comme je viens de le faire, diminuent, plus le degré d'autonomie augmente.

Par contre, la sécurisation des importations c'est une autre paire de manches. On peut effectivement considérer qu'un des moyens puissants pour sécuriser la situation énergétique est de la diversifier. D'ailleurs, le gouvernement du Québec s'est rendu compte facilement, et c'est pour cela que l'option gazière a été mise sur la table il y a deux ans, c'est une diversification. De la même manière, et ce sont là les motivations qui m'incitent à faire des recommandations dans les secteurs pétrolier et gazier, nous sommes actuellement dans une situation où on a le choix entre les importations de l'OPEP, les importations non-OPEP et les importations de l'Ouest canadien. Il faut jouer sur ces trois plans simultanément. Je dirai tout à l'heure pourquoi.

C'est pour cela que je dis diversification et peut-être pas autonomie mais avec l'objectif de sécuriser effectivement l'ensemble de la situation énergétique.

Le deuxième objectif c'est que je suis un adepte du marché et des lois économiques de l'offre et de la demande mais quand même un adepte qui ne se veut pas aveugle. Autrement dit, je considère que le secteur public peut pénétrer ou modifier ou coordonner là où le marché fait des ratés. Dans notre monde actuel le marché fait effectivement des ratés parce qu'il s'éloigne, comme vous le savez, des manuels d'économie que nous enseignons à l'université.

Énergie et développement économique, finalement, comme objectif. Je considère qu'on peut toucher cet objectif de deux manières, avec deux volets possibles, non seulement considérer l'énergie comme un vecteur de développement économique. Baisser les prix de l'électricité pour susciter des industries c'est bien, mais il y a encore mieux, soit considérer l'énergie comme matière première et, facteur entraînant de l'activité économique, c'est-à-dire essayer de la lier aux programmes de recherche et de développement et au virage technologique. C'est là que je vois l'interconnexion entre plusieurs documents du gouvernement du Québec ces dernières années, Bâtir le Québec I et II, le Virage technologique et la politique énergétique. C'est dans ce sens-là qu'on peut aussi creuser le problème.

Voilà donc concernant les objectifs. Je passe maintenant en dernier lieu sur les politiques. Je vais directement au but et d'une manière peut-être un peu brutale, quitte à y revenir. Les politiques concernant le pétrole d'abord. Étant donné la situation que j'ai décrite, j'ai soutenu dans mon mémoire qu'il faut que le Québec s'intéresse au secteur pétrolier parce que, veux veux pas, le secteur pétrolier continuerait avec n'importe quelle projection que vous pouvez faire, à occuper une partie importante du bilan énergétique du Québec durant les prochaines années.

Par conséquent on ne peut pas se désintéresser de ce secteur. Il faudrait donc se demander comment faire pour essayer non pas de le contrôler mais d'exécuter le mandat du secteur témoin, ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent, à mon avis, pour des raisons diverses.

Je dirais que, d'abord et avant tout, il faudrait une implication au plan de l'exploration qui tiendrait compte non seulement du Québec, de l'Ouest et de l'Est canadien, ce qui se fait, ce qui se fait bien et heureusement, mais aussi de l'extérieur, c'est-à-dire de ces fameux pays non membres de l'OPEP. Dans ces fameux pays non membres de l'OPEP, bien entendu, je ne suis pas naïf, le Québec peut être handicapé diplomatiquement ou politiquement. C'est pour cela que j'ai avancé l'idée que le Québec, par sa société SOQUIP, peut, conjointement avec Petro-Canada

International, faire quelque chose sur le plan de l'exploration à l'extérieur.

Si vous me permettez, M. le Président, je vous indiquerai ceci: la semaine dernière il y a eu, ici à Québec, par l'intermédiaire de l'Université Laval et du GREEN que j'ai l'honneur de diriger à l'université, un séminaire qui a groupé 20 directeurs généraux de quinze pays africains différents. Le président-directeur général d'Elf Aquitaine d'Amérique du Nord, M. Portai, est venu parler à ces messieurs du problème d'exploration-développement. Petro-Canada International était là et on s'est rendu compte - et je vous transmets tout simplement ce qui a été dit - qu'il y a eu unanimité de la part de tous ces représentants de quinze pays différents pour dire que la formule Petro-Canada International était vraiment originale pour une simple raison: c'est que personne ne va investir dans l'exploration, ou avec beaucoup de difficulté. Les compagnies multinationales n'explorent que là où il y a des indices - à 100% ou presque - sérieux pour aller investir dans l'exploration, le développement et la production. Par conséquent, quand il y a des indices mitigés ou à 75%, elles sont un peu antirisques si vous voulez, et je les comprends. (10 h 45)

Par contre, Petro-Canada International, avec des sommes relativement modestes, essaie d'aider ces pays à explorer, à passer le cap de l'exploration pour ensuite les laisser se développer puisque s'il y a des prospects intéressants, ils peuvent prendre ces prospects et se faire financer par les banques, et celles-ci financent quand il y a des prospects intéressants.

Alors, c'est par cet intermédiaire que je dis que le Québec a les connaissances

techniques dans l'exploration, le développement et la production, des connaissances nord-américaines, mais en français. C'est ce que veulent la plupart de ces pays; ils veulent diversifier leurs fournisseurs.

Il y a là une occasion, je ne dirais peut-être pas à saisir, mais au moins à étudier, à développer. C'est dans cet esprit en tout cas que j'ai fait la chaîne du raisonnement. Si le Québec, d'une part, s'intéresse selon une formule donnée avec Petro-Canada International qui, effectivement, n'a pas les connaissances données en français - ce que le Québec a; donc, cela fait l'affaire des deux - une partie de la situation, c'est l'intérêt dans l'exploration outre-mer.

L'autre partie, c'est qu'étant donné la situation internationale aujourd'hui et dans l'avenir, ce que je viens de dire tout à l'heure, eh bien, il y a des possibilités d'achat de brut sur le plan international, non pas sur le marché spot, mais de société d'État à société d'État, avec une formule d'achat de brut et de vente de technologie, c'est-à-dire des accords de compensation de ce genre. Ceci dynamiserait l'économie québécoise qui est nécessairement vouée à l'exportation pour les prochaines années. Si on n'exporte pas notre connaissance, nos produits, il y aura un certain handicap dans la poursuite de la croissance économique. Là aussi, dans mon esprit, il faut lier les deux: achat de brut et vente de la technologie et des produits québécois selon des procédures, selon des formules à voir.

C'est dans cet esprit qu'on peut ensuite descendre d'un cran et parler de raffinage et de distribution. On y reviendra, la situation du raffinage a fait l'objet de plusieurs mémorandums ici et le fera aussi dans l'avenir.

Mon opinion là-dessus est la suivante, très ramassée: II me semble, vis-à-vis de ce que je viens de dire concernant l'achat de brut et l'exploration dans les pays étrangers, qu'il ne serait pas déraisonnable que SOQUIP, par exemple, ou une autre société québécoise, publique et privée, puisse contrôler 25% du marché d'ici 10 ans. Mais quel marché? Celui de la distribution d'abord et avant tout. Parce qu'elle réglera en même temps - j'espère qu'elle puisse le régler, c'est mon souhait - le problème des indépendants, de ce qu'on appelle les indépendants québécois. Si la rationalisation -un mot très gentil pour dire la guerre entre les compagnies - continue, eh bien, effectivement, ce secteur des indépendants aura de la difficulté à survivre. Il y a là, je ne dirais pas protection, il ne s'agit pas de protéger des secteurs "mous", mais il s'agit effectivement de dynamiser un secteur, sans parler du secteur de la pétrochimie qui dépend de la place de Montréal comme centre de raffinage, et cela peut effectivement porter préjudice à ce secteur important de l'activité économique si la situation du raffinage subit des dommages importants.

Donc, on doit trouver une formule concernant une société coopérative, entre publique et privée, avec des intérêts québécois de part et d'autre pour jouer une partie de la distribution, quitte, dans un premier temps, peut-être - on doit étudier le problème - à raffiner à façon, de telle sorte que le pétrole qui vient de l'extérieur, ou une partie qui vient par des achats de pétrole brut de société d'État à société d'État et qui vient des explorations éventuelles, peut-être avec Petro-Canada et d'autres, puisse finalement trouver les canalisations dans la distribution et le raffinage qui est une opération qui peut se faire à façon. Voilà donc concernant le secteur pétrolier.

Concernant le secteur gazier, sa justification dans mon esprit est tout à fait directe et ne pose aucun problème. En partant de l'objectif de la diversification, oui, je suis pour la pénétration du gaz naturel puisqu'il répond à l'objectif que je viens d'indiquer, et aussi parce que le gaz naturel est une source de matières premières qui peuvent être utilisées éventuellement dans la création d'autres entreprises. Maintenant, le problème n'est pas de souhaiter que le gaz pénètre, mais de voir quelle est la politique parce qu'il rentre dans un contexte pour le moins difficile. Qu'est-ce que j'ai à proposer concernant, je ne dirais pas la solution de la pénétration du gaz, mais dans le but de créer moins de problèmes pour cette pénétration sans pour autant handicaper la source d'énergie autochtone qu'est l'électricité?

D'abord et avant tout, on ne peut que faire pression sur le gouvernement fédéral, et ce n'est pas au Québec de prendre la décision, pour faire augmenter le prix "made in Canada". D'abord l'abolir aussi simplement et suivre le prix international, parce que, en faisant cela, le prix du pétrole va augmenter et s'il augmente il sera dissuasif pour la consommation pétrolière. C'est ce qu'on veut. On veut diminuer la consommation pétrolière. Donc, il faut que le prix du pétrole monte au niveau international. Bien sûr, on est au Canada et cela peut avoir des implications et des effets sur les indices économiques globaux. Mais alors, il faut profiter de la situation d'aujourd'hui, au moment où le prix du pétrole est effectivement stabilisé et où la marge qui reste encore entre le pétrole canadien et le pétrole international n'est pas si grande, elle est de 10%. Il faut profiter de cette situation, dis-je, pour faire monter le prix pour permettre au prix pétrolier d'être dissuasif par rapport à la consommation.

Deuxième volet de ma proposition, c'est de libéraliser complètement le prix du gaz naturel au Canada à la tête du puits bien entendu. C'est une vérité de La Palice, le gaz naturel n'arrive pas à se vendre aux Etats-Unis. Le gaz naturel du Canada arrive difficilement à se vendre aux États-Unis. Pourquoi? Pour une raison simple, c'est qu'aux États-Unis, on a libéralisé le prix énergétique, soit du pétrole, soit du gaz, tandis que le prix canadien est un prix indexé au prix du pétrole. C'est un indice clair pour dire que le gaz ne peut pas pénétrer facilement. Il va créer des problèmes si le fédéral n'accepte pas, avec les provinces productrices, de libéraliser le prix du gaz. Or, qu'est-ce qui se passerait si on libéralisait le prix du gaz? Étant donné que les réserves de gaz au Canada sont de loin supérieures aux réserves pétrolières, il y aurait par ailleurs, toute chose étant égale, une baisse relative des prix du gaz par rapport au pétrole, ce qui stimulerait la consommation gazière. C'est ce que nous voulons.

Combiner ces deux politiques avec l'espoir que la consommation énergétique augmenterait avec la reprise économique, ce qui diminuerait les surplus d'Hydro-Québec et combiner au fait très justifié et très valable d'exporter les surplus vers les États-Unis comme politique temporaire, tout ceci mis ensemble, il me semble qu'on pourrait passer le cap difficile et permettre peut-être maintenant de s'occuper des choses à une vision de long terme, concernant, par exemple, le rôle d'un secteur public et privé québécois dans le domaine du pétrole. J'insiste en conclusion parce que je considère qu'il n'est pas souhaitable qu'on risque des réveils difficiles. Il n'est pas souhaitable de ne pas s'occuper du secteur pétrolier qui, encore aujourd'hui, occupe environ 60% de la tarte ou du bilan énergétique en se disant qu'après tout, d'ici dix ans, on aurait le gaz naturel et l'électricité. Mais il faut aussi dire que le pétrole, pour les dix prochaines années, continuera à occuper une place importante du bilan énergétique et, par conséquent, il faudrait passer aux actes, mais aux actes réfléchis. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Ayoub. La parole est maintenant au ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: Merci, M. Ayoub. Bien sûr que votre exposé ouvre des avenues, je ne dirai pas pour un échange d'une demi-heure, mais certainement pour de longs colloques. Ce n'est peut-être pas à moi de faire les excuses, mais je me demande si on cherche du pétrole ou du gaz autour de l'Assemblée nationale. Depuis presque sept ans qu'on fait des travaux tout le tour de la bâtisse, je me demande si on va finir par trouver quelque chose, du moins ce que l'on cherche. Tout cela pour vous dire que vous avez toutes nos excuses pour le bruit qui empêche une meilleure compréhension.

Je voudrais d'abord vous dire que concernant le ratio de 0,7 entre la croissance du PIB et la croissance de la demande d'énergie - je ne sais pas si cela va en faire un de plus dans vos tableaux - le ministère de l'Énergie et des Ressources retient également ce ratio de 0,7, ou du moins autour de 0,7, jusqu'à ce que ce chiffre soit contredit. Cela va rester, je pense, une base de référence dans nos calculs qui est la plus probable pour les présentes années.

Je voudrais d'abord, puisque vous l'avez abordé à la fin de votre exposé et, auparavant, à peu près au coeur de votre énoncé, parler du fameux ménage à trois que nous vivons au Québec, c'est-à-dire l'hydroélectricité, le gaz naturel et le pétrole. Pour ce qui nous intéresse d'une façon plus directe, du point de vue du Québec, il est bien certain qu'on peut agir sur deux des composantes, c'est-à-dire sur l'hydroélectricité et sur le gaz naturel. Je dois vous dire que je suis passablement d'accord avec vous sur les effets d'une déréglementation au Canada pour ce qui est du gaz naturel. Il m'apparaît très clair, avec les niveaux connus des réserves, que cela entraînerait très certainement une baisse du prix du gaz naturel et que cela irait, bien sûr, aussi dans le sens d'une accélération, puisque les consommateurs y verraient très certainement leur profit. Mais, dans la mesure où nous pouvons évaluer la situation telle qu'elle est actuellement au Québec, d'une façon plus concrète, puisque de toute manière la décision de déréglementer ou non le prix du gaz naturel ne relève pas du gouvernement de Québec - vous êtes ce que j'appellerais un des rares experts québécois qui a ses lettres de noblesse sur le plan international dans ce genre de dossier; vous avez également occupé des postes de commande importants, en particulier la présidence du conseil d'administration de SOQUIP - qu'est-ce qu'on pourrait faire davantage pour harmoniser, si cet objectif est réalisable ou souhaitable, le rythme de pénétration du gaz naturel au Québec en fonction des objectifs de la politique énergétique? Vous avez dit que vous étiez, en gros, d'accord avec les objectifs. Qu'est-ce qu'on pourrait faire davantage pour assurer la franche pénétration du gaz naturel au Québec en même temps qu'on maintiendrait cet équilibre entre les différentes sources d'énergie et, en particulier, en maintenant le cap d'hydroélectrifier le Québec à 41% à l'horizon de 1990 et à 50% à l'horizon de l'an 2000? Qu'est-ce qu'on pourrait faire

davantage?

M. Ayoub: M. le Président, effectivement, la question que M. le ministre me pose est très directe, mais elle est complexe. Je reconnais, comme il l'a dit, étant donné que le prix du gaz, finalement, est décidé par le fédéral, que la commande du ménage à trois devient d'autant difficile. Qu'est-ce qu'on peut faire pour répondre directement à cette question? La première chose, c'est effectivement pousser et exercer une pression vis-à-vis du gouvernement fédéral et des provinces productrices, c'est-à-dire l'Alberta en l'occurrence; donc exercer des pressions continues ayant pour objet de déréglementer le prix du gaz. Et nous avons un dossier qui se défend très bien, puisque si le prix du pétrole continue sa chute ou son érosion, si, d'autre part, le gaz naturel n'arrive pas à pénétrer le marché américain adjacent et si, troisième facteur, le gouvernement fédéral subventionne à coup de 500 000 000 $ la pénétration du gaz au Québec, il faut quand même rentabiliser ces investissements. Il faut avoir une politique cohérente pour les rentabiliser et non pas, par exemple, donner d'une main 500 000 000 $ quand la politique gazière fait en sorte que cette pénétration ne se ferait pas ou se ferait avec retard. Tous ces éléments mis ensemble donnent au dossier du Québec une allure qui se tient pour exercer des pressions vis-à-vis du gouvernement fédéral et des provinces productrices pour les inciter à déréglementer le gaz. Cela est le premier point. (11 heures)

Deuxième point... Maintenant je ne sais pas, je suis même persuadé enfin que des pressions en ce sens s'exercent. Je ne connais pas leur intensité ni leur résultat.

Deuxièmement, il est vrai, je l'ai souligné, que la politique de vendre le surplus d'hydroélectricité aux États-Unis - je dis bien le surplus actuel - est la politique à suivre, parce que plus on vend vers les États-Unis, plus on diminue la pression de cette fameuse concurrence entre le gaz et l'électricité dans le secteur industriel, comme on le sait.

Troisièmement, et c'était l'objet d'une des recommandations, si la pression se fait vis-à-vis du fédéral et des provinces productrices - peut-être que cela aussi est un des éléments de négociation, de compensation - on augmente le prix du pétrole, mais on laisse libre le prix du gaz. On augmente le prix du pétrole au niveau international, ce qui fait l'affaire aussi de l'Alberta. Cela a été sa demande depuis les négociations entre Edmonton et Ottawa. C'est très bien. C'est que l'Alberta dit à juste titre: Pourquoi dois-je être traitée comme un producteur spécifique de pétrole et non pas comme tous les producteurs de pétrole partout au monde, c'est-à-dire au Mexique, en Arabie Saoudite et ailleurs? Le prix de mon pétrole doit être relevé suivant le marché international, ce qui répondrait à un "bargain", si vous me permettez l'expression, entre le prix du pétrole et le prix du gaz.

Voilà ce qu'on pourrait humainement faire à côté, bien entendu, de tout ce qui a déjà été fait concernant la détaxation du gaz au niveau québécois, les augmentations des normes de pollution pour désinciter à la consommation du mazout, etc. Ce que je crains très sincèrement, c'est que si le prix du pétrole continue, comme cela semble être le cas, à se stabiliser à la baisse, il y aura des pressions sérieuses pour concurrencer et le gaz et l'électricité à l'intérieur du Québec parce que, en plus de ce phénomène, le mazout lourd est un produit joint dans la production. Autrement dit, les raffineurs peuvent, à la limite, je ne dirais pas brader, mais baisser beaucoup le prix pour faire pénétrer ou pour couper court à la pénétration d'autres sources de rechange et pour occuper le marché.

C'est une politique, certes, à court terme, mais c'est une politique qui pourrait se faire par un raffineur dynamique, stratégique et agressif. Là aussi, il faut faire très attention et voir si le vent sur le plan international souffle du côté de la baisse et non pas du côté d'une certaine hausse. Mais comme on ne peut pas commander tout, au moins qu'on commande ce qu'on peut et qu'on s'ajuste. Je trouve que le noeud du problème, qui ne règle pas le problème une fois pour toutes, mais quand même le noeud du problème est effectivement la politique fédérale des prix "made in Canada", soit du pétrole, soit du gaz, et qu'il serait très souhaitable - le plus tôt serait le mieux - de complètement abolir cette politique. D'ailleurs, il suffit de regarder - parce qu'on regarde souvent nos voisins du sud et on les copie, ce n'est pas péjoratif - le président Reagan. Depuis qu'il est au pouvoir, depuis qu'il est aux affaires, ce qu'il a fait c'est effectivement de déréglementer et les États-Unis ne vont pas mal. Bien au contraire. Je donnerai seulement un chiffre de mémoire. À la fin de la période Carter, la consommation pétrolière des États-Unis dépendait à 50% des importations de l'étranger. Aujourd'hui, elle en dépende à 30%. Donc, la politique d'autonomie, si vous voulez, ou de sécurisation des importations pétrolières se fait par une politique de prix que je dirais de prix raisonnable, de prix du marché. Voilà ce que je vois.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais aborder un autre sujet. On est toujours fasciné

d'entendre un expert nous parler des prévisions sur les fameux 29 $ le baril qui pourraient, en termes nominaux... Si je comprends bien vos propos, suivant toute probabilité, le baril de pétrole serait à 29 $, donc un prix constant jusqu'en 1985, ce qui voudrait dire, en termes réels, une diminution et, après 1985, on suit l'inflation qui pourrait être de 5%, 6% ou 7% de sorte que pour la présente période jusqu'en 1990, il y aurait une augmentation de 1%.

Supposons, pour l'instant, que le prix du pétrole... Est-ce que c'est possible, malgré toutes les boules de cristal qu'on pourrait consulter... on est devenu un peu méfiant parce qu'il n'y a personne qui a discuté du premier choc pétrolier à l'Institut Khan et il n'y a personne parmi les meilleurs futurologues du monde qui l'ont vu venir. Lorsque le premier choc pétrolier est arrivé, ils ont dit: Bon, celui-là, c'est vraiment le dernier. Il en est venu un second. J'avoue que j'entretiens des craintes à ce sujet et je n'ai pas d'idée dans quelle direction cela partira.

Avec raison, vous référez au prix de référence du pétrole de l'Arabie Saoudite, à qualité de brut égale bien sûr, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Il y a deux faits qui me frappent: l'Arabie Saoudite au premier trimestre de 1983, pour la première fois de son histoire, encaisse un déficit commercial. Malgré des revenus pétroliers très élevés, au premier trimestre de 1983, l'Arabie Saoudite encaisse un déficit commercial. Je regarde également les niveaux d'endettement des pays producteurs de pétrole qui sont rendus tels que la pression sur eux va dans le sens de diminuer les prix à l'exportation et, en conséquence, retrouver ce que vous décrivez vous-même comme étant une situation où il y a davantage de produit offert qu'il n'y a de demande sur les marchés internationaux. Est-ce que la dette extérieure, le problème de financement des dettes extérieures des pays producteurs de pétrole ne sera pas, dans les années qui viennent, le premier facteur qui déterminera le prix du baril de pétrole à l'exportation? C'est ma première question.

La deuxième, autour du golfe Persique, les grands pays producteurs membres de l'OPEP, il y a toujours un baril de poudre aussi. Il n'y a pas beaucoup de monde qui croyait, il y a quinze ans, qu'il y aurait une révolution islamique en Iran; il n'y a pas beaucoup de monde non plus qui pensait que l'Irak et l'Iran seraient en guerre depuis maintenant au-delà de deux ans; il y a là aussi beaucoup d'incertitude. Sur quoi se base les scénarios qui vous amènent à dire que d'ici à 1990, par exemple, on peut croire que le prix du baril de pétrole, en termes réels, n'augmentera que de 1%? Je souhaiterais que vous ayez raison mais j'avoue que j'ai des doutes. Est-ce que vous pourriez nous éclairer davantage?

Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.

M. Ayoub: M. le Président, la question que pose M. le ministre est actuellement débattue un peu partout dans les pays soit consommateurs ou producteurs. Avec votre permission, je voudrais d'abord répondre aux deux questions qu'il m'a posées directement et, en troisième lieu, dire quelques mots sur les facteurs qui me poussent à ce genre de scénario, le scénario de 1% grosso modo.

D'abord, la relation entre les dettes des pays producteurs et la fixation des prix. Il est vrai qu'un des facteurs qui poussent aux revendications d'une augmentation des prix est la situation mauvaise de la plupart de ces pays sur le plan financier. Je dis de la plupart pour faire la différence avec des pays comme l'Arabie Saoudite, le Katar, les Emirats arabes unis, le Koweit. Pour ces quatre pays que je viens d'indiquer, la situation, bien sûr, n'est pas aussi rose qu'il y a deux ou trois ans, mais elle est confortable. Autrement dit, ils ont des réserves financières imposantes. L'Arabie Saoudite a environ 150 000 000 000 $ de réserves qui leur rapportent chaque année, seulement en intérêts sur ces réserves, grosso modo environ 15 000 000 000 $ à 20 000 000 000 $ sinon plus. Donc, c'est comme s'ils avaient une autre source pétrolière avec cela. C'est ce qu'ils ont fait; ils ont transformé le pétrole en dollars et ces dollars sont investis et rapportent de l'argent.

Donc, leur situation est certes plus serrée. On a vu que, pour la première fois, leur budget de fonctionnement a subi quelques compressions. On n'est pas les seuls à avoir des compressions ici, même des pays excessivement riches comme l'Arabie Saoudite en ont, mais quand même, je ne peux pas comparer la situation de l'Arabie Saoudite à celle de l'Indonésie, de l'Algérie, du Venezuela, qui est à la limite du tolérable, endettée etc.

Alors, il est vrai que le groupe des pays endettés va et a toujours continué - c'était là sa politique - de faire pression sur l'ensemble des pays de l'OPEP pour augementer les prix pour pouvoir compenser ces dettes. Mais il y a une marge entre la volonté de ces pays de vouloir compenser leur déficit par une augmentation de prix et par la réalité de cette augmentation elle-même, c'est-à-dire en termes plus clairs encore, qu'ils peuvent demander la lune, mais la lune ne leur est pas acquise nécessairement, pour une raison simple: ils se retrouvent dans la situation des autres pays en développement qui ont des matières premières et qui vous disent ceci: Nous avons des matières premières; les prix des matières premières ne sont pas stabilisés, ils

fluctuent, ils vont à la baisse et voilà pourquoi on est structurellement déficitaires et endettés. Stabiliser nos prix, c'est ce qu'ils essaient de faire, augmenter nos prix, depuis 25 ans, ils n'ont que cela à la bouche, mais cela n'a pas été une réalité que les prix, par exemple, du café, du thé et du cacao etc. ont été stabilisés ou ont augmenté en termes réels année après année, d'où effectivement la situation structurellement déficitaire des pays en développement producteurs ou monoproducteurs des matières premières.

Donc, il est vrai que les pays producteurs déficitaires vont jouer cette carte, mais il n'est peut-être pas aussi évident qu'ils auront gain de cause pour l'augmentation des prix et cela pour une raison simple: si le marché ne permet pas cette augmentation, je ne croirai pas que cette augmentation pourrait avoir lieu.

Je me suis livré, ces derniers mois, à l'exercice suivant: j'ai regardé les prix spot sur le marché libre, durant les dix dernières années. J'ai regardé aussi, selon une courbe, les prix officiels de l'OPEP c'est-à-dire du "marker crude" de l'Arabie Saoudite. Ce que j'ai remarqué, c'est que systématiquement, sauf quelques exceptions, mais vite corrigées, le prix officiel de l'OPEP suivait le prix spot du marché et même le suivait avec un peu moins. Autrement dit, quand le prix spot est de 30 $, le prix du marché officiel est de 29 $ et ainsi de suite. Alors, il me semble que l'histoire de la dette - pour en finir avec la dette - jouerait, mais moins, parce qu'il y a un autre facteur en Arabie Saoudite surtout qui est très important. C'est que l'Arabie Saoudite ne veut pas de l'augmentation des prix et n'a pas voulu de l'augmentation de prix de 1979-1980, pas à cette allure, mais elle a été forcée de l'accepter étant donné la situation en Irak, en Iran, dans le golfe Persique et la révolution de Khomeiny, ce qui m'amène au deuxième point.

Il est vrai qu'on peut tous se tromper. La situation au Moyen-Orient contient effectivement beaucoup de matières inflammables. On le voit chaque jour. Ce qui se passe, ce qui pourrait se passer entre l'Iran et l'Iraq peut effectivement menacer la situation des marchés pétroliers. Mais alors là, attention! Je suis de plus en plus convaincu d'une chose, soit qu'effectivement, un embargo, une interruption des importations du flux pétrolier mondial, peut intervenir par le fait de la situation politique à chaud, une guerre vraiment chaude, mais qui sera de courte durée, relativement. C'est cela qu'a compris l'Agence internationale de l'énergie qui a pratiqué la politique du stockage stratégique, ce fameux partage du stock quand il y a une période d'instabilité sur le marché à la suite d'un fait subi aggravant la situation par des problèmes d'ordre politique. (11 h 15)

On ne peut pas, à mon avis, on ne doit pas pouvoir dire qu'on peut complètement écarter tout risque politique, il faut vivre avec. Qu'est-ce qui se passerait? Deux scénarios peuvent être possibles. Si, demain matin, il y a aggravation de la guerre dans le golfe Persique et si l'Iran met à exécution, parce que l'Iraq l'a attaqué avec les Exocet, la menace de fermer le détroit d'Ormuz, il se passerait qu'effectivement, pendant un certain temps, il y aurait problème d'approvisionnement. Les prix sur le marché "spot" flamberaient comme ils ont eu l'occasion de le faire en 1979-1980. Ils flamberaient mais ce serait une flambée de courte durée puisque la situation du marché, fondamentalement, est une situation qui est en faveur de la baisse. Ce qui m'amène à la troisième question: Quels sont les facteurs qui vous poussent à croire que ce scénario peut être crédible?

Avec toutes les réserves qu'on vient de mentionner, voilà pourquoi je dis cela. D'abord, parce que la consommation américaine a subi ces derniers quatre ans, par la politique du président Reagan, une baisse draconienne et, à mon avis, la plus importante partie de cette baisse est permanente. Le président Reagan a clarifié la situation. Il a libéralisé les prix. La consommation énergétique des États-Unis a baissé de 19 000 000 de barils-jour à 15 000 000 de barils-jour, donc 4 000 000 de barils-jour de différence. C'est énorme sur le plan mondial. La consommation américaine est un point clef pour la compréhension de la situation mondiale, comme l'Arabie Saoudite est une situation clef pour comprendre du côté de l'offre. Donc, du côté de la demande la politique américaine va dans le sens d'une orientation... La plus grande partie de cette baisse est une baisse d'ordre structurel qui a permis aux Américains pour la première fois, puisque les pays européens: France, Allemagne, Italie, le Japon, etc., ont fait leur mini-révolution d'économie d'énergie dès le premier choc et à la suite de ce premier choc...

Le Canada et les États-Unis ont pris du temps pour la faire puisqu'on avait un décalage de prix entre le prix intérieur, aux États-Unis et au Canada, et le prix international. Ce qui fait que les consommateurs américains et canadiens n'ont pas subi de plein fouet le premier choc pétrolier et le deuxième choc pétrolier. À compter de 1981, soit au Canada avec l'augmentation à la suite du programme énergétique national, soit aux États-Unis, effectivement, les prix ont augmenté. Ils ont suivi le prix international, d'où une baisse de la demande. Voilà un facteur.

Deuxième facteur. J'ai parlé des pays

non membres de l'OPEP. Dans ces pays, il y a un phénomène très important à souligner et il l'a été dans mon mémoire. Durant toutes les années de 1973 à 1979, la production des pays non membres de l'OPEP a été en pratique stabilisée à 17 500 000 de barils-jour. Voici que, par le fait de l'augmentation du deuxième choc pétrolier, le mouvement d'exploration et de développement dans ces pays... Le grand exemple c'est le Mexique, mais il n'est pas exclusif. Il y a la mer du Nord en Angleterre, la Norvège dans les pays industrialisés et en voie de l'être; dans les pays africains, une multitude de pays qui se sont lancés soit directement soit par l'intermédiaire de compagnies dans l'exploration. Je cite l'Angola, par exemple, le Cameroun, la Côte-d'Ivoire, le Congo.

Tous ces pays, certes, produisent ou sont en train de vouloir produire dans un ou deux ans des quantités qui peuvent paraître négligeables soit 50 000 barils-jour. Quand vous additionnez tout cela, cela donne au niveau statistique le phénomène suivant: on a passé de 17 500 000 ou 18 000 000 à presque 23 000 000 de barils-jour pour les pays non membres de l'OPEP. Cela est permanent. C'est par rapport à ces pays que votre argumentation concernant la dette extérieure joue pleinement.

Un pays comme le Mexique, étant donné qu'il a des dettes, étant donné d'autre part qu'il ne peut pas influer sur les prix, qu'est-ce qu'il va faire? Il va augmenter sa production pour compenser par l'augmentation de la production la baisse des prix. D'où, quand il le fait, lui et les autres, augmentation globale de l'offre et d'où une situation où l'offre est supérieure à la demande. Voilà donc un deuxième facteur qui me semble important, cette fois-ci, du côté de l'offre.

Le troisième facteur - je termine là-dessus - est le suivant. Le scénario que j'ai laissé concernant la guerre du golfe, je le reprends maintenant. Si effectivement, au lieu d'une guerre à outrance entre l'Iraq et l'Iran, les deux pays arrivent finalement, après trois ans de guerre meurtrière, à arrêter la guerre pour ne pas dire s'entendre, la première chose qu'ils vont faire, peu importe qui sera au pouvoir - c'est de restaurer leur économie, c'est-à-dire de remettre sur pied une économie qui a été anémiée par une guerre de trois ans, ce qui indiquerait que les deux vont essayer d'aller à leur capacité de production qui est loin d'être atteinte aujourd'hui. L'Iraq produit à peine 1 000 000 de barils-jour alors qu'il peut produire 3 500 000 barils-jour. L'Iran produit 2 500 000 à 3 000 000 barils-jour avec difficulté alors que sa capacité de production est de 5 500 000 barils-jour.

La première réaction est effectivement une augmentation de l'offre pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Cela aussi vient s'ajouter du côté de l'offre pour indiquer que les prix peuvent effectivement se stabiliser.

Finalement, un des joueurs majeurs, qui est l'Arabie Saoudite - je l'ai dit, mais je le souligne maintenant - ne veut pas d'une augmentation de prix. Permettez-moi de faire référence à un travail que j'ai fait dès 1973 et 1974, où j'ai effectivement annoncé que l'Arabie Saoudite, étant donné ses ratios réserve-production, étant donné ses réserves immenses, étant donné sa capacité d'absorption, a intérêt à un plan lent. Autrement dit, à ne pas faire flamber les prix tout de suite pour ne pas susciter des produits substituts, car dans ce cas elle scierait l'arbre sur lequel elle est assise. Au contraire, elle a besoin d'une période très lente et cette période très lente correspond parfaitement à une politique plus ou moins modérée des prix, mais à une politique des prix modérés pour le long terme. C'est d'ailleurs ce que je vois, le ministre saoudien Yamani, qui est en même temps le président du groupe de la politique à long terme de l'OPEP, qui a refait jour après ces bouleversements récents, qu'est-ce qu'il demande? Ce comité du long terme, présidé par Yamani, demande que le prix du pétrole soit, grosso modo, indexé au taux de croissance économique de la moyenne des pays industrialisés. Ce qui prouve, au-delà de toute autre possibilité, que l'Arabie Saoudite est en faveur d'une modération sur le plan des prix et son mot, étant donné qu'elle est le producteur marginal, est un mot qui peut se faire respecter bien sûr en ouvrant les vannes quand il le faut et en les fermant quand il le faut.

J'ai commencé mon exposé tout à l'heure en disant que nous nous sommes tous trompés, il y a quelques années, dans l'histoire de l'offre et de la demande et quand je dis tous, vous savez des sommités, des gens qu'on entourait de beaucoup de respect et qu'on entoure toujours, mais ce sont des situations très difficiles à pouvoir diagnostiquer. Vous ne vous étonnerez pas, par exemple, qu'on ne puisse pas répondre à la question: Quel serait le taux d'inflation pendant les dix prochaines années ou le taux d'intérêt? D'ailleurs, si on le savait, on serait vraiment milliardaire, mais c'est une autre paire de manches.

M. Duhaime: Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je dois en premier lieu remercier M. Ayoub d'être venu présenter son mémoire ce matin. J'avais déploré, au mois de mars, le fait qu'il avait indiqué que son mémoire était pour dépôt et j'apprécie le fait que nous puissions dialoguer

avec lui, parce que lorsqu'on discute de ces problèmes énergétiques qui ont un entraînement très important sur le développement économique du Québec, il est intéressant d'en discuter avec une personne renommée dans cette matière et qui exprime un point de vue en toute indépendance comme le fait normalement le monde universitaire.

J'ai apprécié le mémoire puisqu'il situe le problème dans l'ensemble canadien et québécois et qu'il met en lumière plusieurs des problèmes que nous vivons présentement et que nous aurons à vivre dans les années à venir, c'est le but de la commission parlementaire, puisque nous cherchons à voir quel aspect de la politique énergétique pourrait être modifié pour augmenter davantage le développement économique du Québec. À ce sujet, vous avez insisté et je voudrais reprendre certains des problèmes.

Le premier, bien sûr, est à la page 8, où vous faites un énoncé en ce qui concerne l'harmonisation du pétrole, de l'électricité et du gaz. Vous dites, et c'est assez précis comme énoncé: "Si aucune politique d'harmonisation entre les trois sources d'énergie, pétrole, électricité, gaz, n'est trouvée ni n'est mise en application, le jeu de la compétition dans les conditions actuelles entraînera probablement, sinon l'exclusion du gaz de la consommation, du moins un retard considérable dans sa pénétration". J'aimerais que vous m'indiquiez, dans un premier temps, quelles sont les contraintes qui jouent présentement contre la pénétration du gaz et quelle est, à votre avis, cette situation? Vous vous référez au jeu de la compétition dans les conditions actuelles. Pourriez-vous préciser pour les membres de la commission ce que vous entendez par le jeu de la compétition dans les conditions actuelles? Et, de quelle façon voyez-vous les contraintes qui peuvent s'opposer, comme vous dites, à la pénétration du gaz au Québec?

M. Ayoub: M. le Président, effectivement, j'ai eu l'occasion d'effleurer ce sujet lors de ma réponse à M. le ministre, mais je répondrai, si vous le voulez bien, par quelques idées là-dessus. Effectivement, j'ai bien indiqué le jeu de la compétition dans les conditions actuelles quand j'ai rédigé - d'ailleurs, je ne trouve pas qu'elles aient changé radicalement; peut-être qu'elles se sont améliorées, je le dirai tout à l'heure. Mais, dans mon esprit, les conditions actuelles sont celles-ci. D'abord, concernant le mazout lourd, j'ai indiqué tout à l'heure qu'il est un produit joint. Chaque fois qu'on raffine un baril de pétrole, on a cela. Alors, c'est un jeu qui est beaucoup joué. Quand on fait face à plusieurs produits joints, il s'agit de fixer la tarification selon ce qu'on appelle l'élasticité de la demande de chacun de ces produits. À la limite, les raffineurs peuvent effectivement - et ils l'ont fait - jouer cette carte-là pour pouvoir se débarrasser du mazout et, en même temps, pour pouvoir couper l'herbe sous le pied d'un concurrent éventuel qui serait le gaz naturel. Voilà un point qui est important.

Un deuxième point important touche -puisqu'on parle des conditions - le gaz naturel lui-même, sa tarification. On peut se poser la question: Est-ce que le prix du gaz naturel est adéquat? Est-ce qu'il reflète les tensions du marché? Or, ma position sur ce problème est très claire: je dis non. Et la raison en est que, quand on dit qu'il reflète les tensions du marché, c'est qu'il reflète les tensions de l'offre et de la demande. Or, l'offre, les réserves pétrolières canadiennes sont de loin supérieures à celles du pétrole. Par conséquent, je ne vois pas, sauf par une politique "politicienne", si vous voulez, pourquoi le prix du gaz doit être à ce niveau. Donc, déjà au départ, le gaz est plus ou moins handicapé par rapport aux deux autres sources. Si vous ajoutez l'histoire du jeu stratégique sur le mazout lourd, il sera encore plus handicapé de pénétrer le secteur industriel - c'est le secteur qui compte - et non pas peut-être le secteur résidentiel.

Troisièmement, il ne faut pas se le dissimuler, il y a le problème de surplus en électricité. Or, le surplus en électricité, bien sûr Hydro-Québec passe par la commission parlementaire et par le gouvernement pour faire accepter ses tarifs, mais il demeure évident que, vis-à-vis de ce surplus d'électricité, si on n'arrive pas à le vendre, cela représente moins d'argent pour le Québec, n'est-ce pas? C'est une perte qu'il faut reconnaître; c'est de l'eau qui coule sans contrepartie. Vous savez, même sur le plan financier, pour le gouvernement du Québec, c'est important qu'Hydro-Québec réalise des bénéfices substantiels. Par conséquent, à la limite, ils peuvent jouer sur la tarification pour permettre à l'électricité de pénétrer, ou d'occuper, ou tout au moins de pouvoir compenser une partie de ce surplus. C'est là que je dis que la situation, dans les conditions que je viens de citer et au moment où on veut faire pénétrer le gaz naturel, peut être considérée comme une situation difficile. (11 h 30)

Certes, il faudrait nuancer concernant la consommation et la situation du gaz naturel là où il est installé depuis des années. Je parle de Montréal avec Gaz Métropolitain; la situation est peut-être moins difficile que pour quelqu'un qui n'était pas sur le marché, comme dans l'Est du Québec, et qui veut pénétrer le marché. Normalement, quand quelqu'un veut pénétrer le marché, il doit faire miroiter des conditions que ses concurrents ne peuvent pas soutenir. C'est là où je dis que peut-être cela demanderait un

coup de pouce, mais un coup de pouce qui ne serait pas une entorse à la réalité économique. Je ne suis pas pour cela. Je suis plutôt pour regarder la réalité économique et se conformer à elle. Par conséquent, c'est cela qui me fait aboutir à l'idée de libéraliser le prix du gaz pour effectivement se livrer à une concurrence qui serait alors une vraie concurrence saine. Puisque le prix du gaz serait libéralisé, le mazout lourd, même si c'est au prix d'un produit joint, aurait un peu de difficulté à se faire admettre dans les secteurs industriels. Et surtout, la compagnie qui voulait faire pénétrer le gaz surtout au Québec, dans la région de Québec et dans l'Est du Québec, pourrait effectivement faire avancer l'argument que la politique ou l'engagement qu'elle propose à ces industriels n'est pas à court terme, mais à long terme, qu'il ne s'agit pas seulement de jouer sur le mazout pour un an ou deux, mais de s'engager résolument dans le gaz. Comme on a beaucoup de réserves et qu'il n'y a pas de problème de sécurité d'approvisionnement, tout cela, ce sont des atouts que les chefs d'entreprise peuvent effectivement évaluer en disant: Après tout, je serai tranquille avec le gaz puisqu'il vient du Canada. C'est un atout majeur, effectivement, mais les conditions sont telles que la situation est relativement difficile.

J'ai eu l'occasion, M. le Président, d'indiquer quelles seraient les politiques à suivre, enfin...

M. Fortier: M. le Président, M. Ayoub a indiqué que les conditions présentement ne sont pas trop différentes de celles qui existaient. Est-ce que M. Ayoub serait d'accord pour dire que les conditions sont quelque peu différentes de celles qui existaient il y a trois ans ou quatre ans lorsque la décision a été prise par les deux gouvernements de faire pénétrer le gaz au Québec? Entre autres, on parlait beaucoup moins de surplus d'énergie électrique à ce moment-là. On parlait d'une politique des prix artificielle mise de l'avant par le gouvernement du Québec, à savoir que le prix de l'électricité serait supérieur a celui du gaz en particulier. Je crois que vous avez raison d'insister sur le fait que les prix ont des conséquences déterminantes sur le marché comme tel, mais en voulant jouer sur les prix le gouvernement voulait s'assurer une certaine pénétration du gaz surtout dans le secteur industriel. Alors, on se trouve présentement, en ce qui concerne les prix, dans une situation qui est tout à fait contraire. D'une part, l'électricité, qui est vendue à des prix de dumping aux mêmes industries que recherchent Gaz Inter-Cité ou Gaz Métropolitain se trouve à couper l'herbe sous le pied à ces deux compagnies qui cherchent à les obtenir comme clientes et, de fait, on se trouve devant une guerre des prix qui n'assurera pas, justement, la pénétration du gaz chez les industriels, dans les industries, ce qui est le facteur déterminant de rentabilité pour ces sociétés de distribution. Est-ce que vous êtes d'accord sur cette analyse des difficultés auxquelles font face les deux sociétés de distribution du gaz, mais - je suis d'accord avec vous - plus particulièrement Gaz Inter-Cité?

M. Ayoub: M. le Président, je voudrais répondre au député. Il y a trois ans, la situation, à l'évidence, n'était pas celle d'aujourd'hui, pour une raison aussi simple que le pétrole flambait. Le prix du pétrole avait vraiment atteint des sommets; c'était le deuxième choc pétrolier. Deuxièmement, on ne parlait pas de surplus d'électricité, bien au contraire. Hydro-Québec, si je me le rappelle bien, faisait prévision sur prévision avec des taux de croissance qu'on considère aujourd'hui faramineux, 7%, qui se sont avérés complètement aberrants. Je ne critique pas les prévisions parce que ce n'est pas facile de prévoir. Enfin, c'était cela les prévisions. Par conséquent, il n'y avait pas de problème de surplus et subitement, quand la décision a été prise aux deux paliers de gouvernement de faire pénétrer le gaz, si mes souvenirs sont bons, les conditions étaient effectivement idéales. Tout le monde disait: Bien oui, après tout pourquoi pas? On a du gaz, le gouvernement fédéral subventionne, allons-y pour le gaz, d'autant plus que, dans le livre blanc, c'était clairement indiqué qu'il y avait une option gazière à deux têtes, si vous me permettez l'expression: ou que le gaz continue à occuper, premier scénario, 6% jusqu'en 1990 ou un autre scénario qui doublerait la place du gaz naturel à 12%. C'est le deuxième scénario qui a été mis de l'avant, mais qui était déjà indiqué dans le livre blanc de 1978. Donc, les conditions étaient relativement positives pour la pénétration du gaz.

Sur ces entrefaites, des événements sont arrivés et on ne peut pas dire qu'ils sont de la responsabilité soit du gouvernement du Québec, ou même du gouvernement fédéral. Il y a des choses qui nous dépassent, nous tous, et c'est, par exemple, le prix du pétrole, c'est la consommation des individus, finalement. C'est l'erreur d'Hydro-Québec qui s'est ravisée pour dire: Non, ce n'est pas 7%, c'est 3%; d'où un surplus important. On arrive là. À mon avis, on perdrait beaucoup de temps à se demander: Pourquoi on est arrivé là? Quel va être l'avenir?

Au sujet de l'avenir - je l'ai indiqué un peu en répondant à M. le ministre - j'ai oublié d'indiquer une chose. Dans mon esprit je peux me tromper - la situation conflictuelle ou de concurrence dans des

situations très difficiles, je l'espère, durera au maximum deux ou trois ans si mes prévisions concernant la croissance économique et la croissance énergétique arrivent à se justifier. Autrement dit, si effectivement le taux de croissance de la consommation énergétique augmente - et il peut augmenter pour les raisons que j'ai indiquées - il y aurait moins de surplus d'électricité. Par conséquent si - deuxième hypothèse - on arrive à vendre aux États-Unis, eh bien, il y aurait moins de surplus, donc, à la limite, il faut aménager le ménage à trois pendant les deux ou trois années, un modus vivendi entre les trois.

M. Fortier: Vous dites qu'à moins qu'il n'y ait arbitrage, dans une optique de développement économique qui ferait augmenter l'accroissement de la demande énergétique - je retiens ce que vous venez de dire - la grande partie des surplus d'énergie électrique pourrait disparaître. On pourrait même, si on fait de l'exportation, penser à relancer les projets qui ont été mis de côté pour les prochaines années. Le gouvernement se pose plusieurs questions à savoir comment relancer l'économie. Il va prendre un mois de plus pour y penser. On espère avoir des réponses au mois de novembre. Cela dit, il reste que, durant les trois prochaines années, il va y avoir des problèmes.

Une porte était ouverte; vous l'avez signalé lorsque vous dites qu'on aurait dû faire des représentations auprès du gouvernement fédéral, c'est à la page 39 vous dites: "Le gouvernement du Québec doit, à notre avis, faire des pressions soutenues auprès du gouvernement fédéral et de celui de l'Alberta pour les pousser à adopter une telle proposition s'ils veulent que le gaz naturel pénètre rapidement sur le marché québécois." Vous écriviez cela au mois de février ou mars, alors que nous savions tous qu'il y avait des négociations entre l'Alberta et le fédéral. J'ai moi-même alors demandé au ministre des Finances, responsable du développement économique, de faire des pressions auprès du gouvernement fédéral. Il m'a répondu qu'il ne voulait pas faire le "busy body" et qu'il avait bien d'autres choses à faire que de s'occuper de ce problème.

Il reste que les négociations entre Ottawa et l'Alberta se sont faites sans aucune intervention du gouvernement du Québec, selon la déclaration du ministre des Finances à l'Assemblée nationale.

Aujourd'hui, on fait face à une situation qui, comme vous le dites, ne répond pas tout à fait à la réalité. S'il y avait eu une demande de déréglementation du prix du gaz ou une baisse du prix du gaz de 75% à plus bas, la pénétration du gaz aurait pu être assurée davantage qu'elle ne l'est dans les conditions actuelles. J'espère que vous êtes d'accord avec moi là-dessus.

M. Ayoub: Si vous voulez, il y a le côté analytique, mais il y a le côté fait que j'ignore. Vous savez très bien que je ne suis pas un homme politique. Je ne suis pas dans le secret des dieux. Je ne sais pas ce qu'a fait le gouvernement du Québec ou d'autres concernant cette proposition avant, pendant et après les négociations entre le fédéral et la province de l'Alberta. Je l'ignore, je ne le sais pas. Je laisse la responsabilité aux députés concernant ce qu'a fait ou n'a pas fait le gouvernement du Québec. Ce que je dis, c'est que je souhaite que cette pression se fasse vis-à-vis du gouvernement fédéral et de l'Alberta pour les raisons que j'ai indiquées, qui sont des raisons analytiques. Sur ce point, effectivement, je n'ai qu'à répéter ce que j'ai eu l'occasion de dire à M. le ministre et je vous le répète: Oui, je suis en faveur de pressions vis-à-vis des deux paliers de gouvernement. Est-ce que le gouvernement du Québec l'a fait ou non? Vous me permettrez de ne pas m'engager dans cela.

M. Fortier: Je ne vous demande pas de bénir ou d'absoudre ce que j'ai pu dire ou ce que j'ai pu demander, mais en fait on peut vérifier dans le journal des Débats et c'est justement ce que le ministre des Finances m'avait répondu.

J'aimerais continuer sur les hypothèses d'augmentation du prix du pétrole. Je n'ai pas vu le rapport, mais, à la radio, j'ai ouï dire qu'un comité du congrès avait étudié des possibilités qu'il y ait une guerre dans le golfe Persique qui amènerait une augmentation subite du prix du pétrole. Est-ce que ceci est en contradiction avec ce que vous venez de nous dire il y a quelques instants? Si j'ai bien entendu, à la radio, on disait que, s'il y avait une guerre dans le golfe Persique, le prix du pétrole pourrait augmenter subitement à 30 $ le baril. Je crois que c'était le chiffre qui était mentionné. Dans cette hypothèse, je crois que cela rejoindrait les préoccupations du ministre de l'Énergie et des Ressources, à savoir qu'il y aurait danger; dans cette optique, cela semble contredire ce que vous venez de me dire. J'aimerais que vous éclaircissiez ce que vous avez répondu au ministre avec cette nouvelle qui originait du comité du Congrès américain.

Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.

M. Ayoub: Je dois, mais très rapidement, faire référence à ce qui s'est produit, lors du premier choc et lors du deuxième choc. Chaque fois qu'il y aura un problème politique, il y aura effectivement un mini-choc, suivi ou non d'une

augmentation permanente des prix, et je m'explique. Quand, à la fin de 1973 et en 1974, il y a eu la guerre du Kippour - ce qu'on appelle la guerre du Kippour - entre Israéliens et Arabes, il s'est produit effectivement sur le marché spot, qui est un baromètre, une augmentation faramineuse des prix. Je vous rappelle qu'en 1973, avant la guerre du Kippour, le prix de référence, ce qu'on appelle le prix affiché, était de 1,50 $ le baril, à l'époque. Ces mêmes prix sur le marché spot durant la guerre et après l'embargo ont monté aux enchères à quelque chose comme 22 $ à 24 $ le baril, donc, du simple à 24 $, mais ils n'ont pas duré. Ils ont duré deux mois; c'étaient des prix de folie. Les conditions phychologiques et non pas les conditions réelles ont permis à l'OPEP d'augmenter le prix de 1,50 $ à 4 $; c'était ce qu'on appelait à l'époque le quadruplement. Donc, il faut faire la distinction entre les flambées de prix passagères à la suite d'une rupture comme la guerre ou comme l'embargo et un phénomène de tendance des prix qui est tout à fait différent.

En deuxième lieu, en 1979, la révolution khomeyniste en Iran, baisse de la production iranienne jusqu'à pratiquement ne plus produire à un moment donné, effectivement. Il faut vous dire une chose aussi, c'est qu'à l'époque les stocks stratégiques des pays consommateurs étaient à 30 ou 40 jours de consommation. Actuellement, aujourd'hui, ils sont à 87 jours de consommation, ce qui est très important et ce qui - je ne l'ai pas dit, mais je le dis maintenant - joue sur les prix chaque jour parce qu'il y a toute une stratégie de stockage, déstockage, que les compagnies majeures font, ainsi que les autres compagnies pétrolières. Passons sur ce point. Donc, en 1979-1980, il y a eu le même phénomène que sur le prix spot, le prix libre; il y a eu des niveaux de prix de vent de folie sur le marché, à la suite de la guerre et de la révolution khomeyniste. Ensuite, le prix ou les conditions économiques ont repris leur droit. Donc, c'est pour vous dire que, si jamais il y avait une flambée de violence ou une guerre au Moyen-Orient, il n'est pas interdit de croire qu'il y aurait encore une fois flambée des prix sur le marché spot. (11 h 45)

Ce que j'indiquais, c'est la tendance des prix durant les dix prochaines années -j'ai parlé de tendance lourde - parce qu'il me semble qu'on ne peut pas bâtir une politique énergétique en attendant des flambées de prix permanentes sur un marché qui zigzague. Il y a un marché qui est de tendance et qui est là. Il nous enseigne comment les prix ont évolué durant ces dix dernières années et comment éventuellement ils peuvent évoluer durant les dix prochaines années. On ne peut pas bâtir une politique énergétique sur le fait que demain les prix peuvent monter à 50 $ ou 60 $. Ce sont des prix vraiment conjoncturels. Donc, oui à l'idée que les prix peuvent augmenter sur le marché spot, mais plutôt non à ce que ces prix puissent durer, autrement dit qu'on reste à des sommets de 50 $ ou 60 $, puisqu'ils ne sont pas justifiés par le côté offre et demande. C'est cela qui m'incite à le dire.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Un autre sujet que j'aimerais aborder, c'est que vous avez insisté sur le fait qu'une politique de diversification des sources d'énergie était de beaucoup préférable à une politique d'autonomie énergétique. Bien sûr, on a de l'électricité, on peut avoir du gaz, mais il ne faudrait quand même pas faire en sorte qu'on ne puisse compter sur des importations de pétrole. D'après vous, d'après votre expérience et votre expertise, vous dites que l'approvisionnement en pétrole dans l'avenir ne sera pas aussi dangereux qu'on ne pourrait le penser.

Nous avons eu des représentations la semaine dernière de représentants de compagnies pétrolières, de détaillants d'essence indépendants et de détaillants d'essence de compagnies multinationales qui nous ont demandé, à toutes fins utiles, de remettre en question ce remplacement du pétrole à tout prix. Ils ont demandé de remettre en question la politique énergétique voulant qu'on continue à remplacer le pétrole par de l'électricité et du gaz.

On a dit: Vous remarquez que votre politique, actuellement, amène un chambardement de tout ce qui touche la production et la distribution de l'essence au Québec. Il y a des pertes d'emplois considérables dans les régions. Surtout les détaillants indépendants nous ont dit: Écoutez, s'il y a de moins en moins de personnes qui utilisent de l'huile à chauffage ou de l'essence, ceci crée un bouleversement à un tel point que ce sera impossible d'assurer qu'un indépendant puisse avoir les quelques camions nécessaires pour faire la distribution, surtout si les gens vont vers la formule bioénergie qui fait que la distribution d'huile à chauffage se fera uniquement pendant deux ou trois mois l'hiver. Bref, la pénétration du gaz et l'utilisation de l'électricité d'une façon massive amènent un bouleversement dans l'industrie pétrolière et dans l'industrie qui affecte surtout les distributeurs indépendants.

Vu votre prise de position sur la diversification, une politique de diversification, est-ce qu'on devrait, d'après vous, mettre un frein à la politique qui est présentement engagée? Est-ce qu'on devrait favoriser de nouvelles politiques ou modifier

les politiques qui sont en oeuvre présentement au Québec pour ne pas aller vers l'objectif de l'an 2000 qui verrait - je crois - le pétrole ne représenter que 40% du bilan énergétique alors qu'il était de 75% il y a quelques années? Alors, ma question, à la suite de ce que vous venez de dire, est celle-ci: Est-ce qu'on devrait remettre fondamentalement en question cet aspect de la politique énergétique?

Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.

M. Ayoub: Bien, M. le Président. Effectivement, j'ai souhaité que l'objectif soit la diversification et non l'autonomie, non pas par souci de linguistique. Je l'ai indiqué dans mon mémoire. Je vais donner un simple exemple pour développer mon argumentation, si vous me le permettez, M. le Président. J'ai indiqué ce que j'entends par autonomie: c'est substituer un produit autochtone au produit importé, cette importation venant du Canada ou de l'étranger. Or, il ne faut pas épiloguer trop. On n'a actuellement que l'électricité - je l'ai indiqué, mais je ne l'ai pas dit - on n'a ni pétrole ni gaz au Québec. Donc, la politique d'autonomie, on en a vite fait le tour; il s'agit d'arriver à attraper je ne peux pas dire 100% d'électricité, parce que ce ne serait vraiment pas réel de dire 100% d'électricité. Je ne sais pas réparer ma voiture, mais je sais au moins qu'elle ne fonctionne pas à l'électricité. Â l'évidence, on ne peut se fier à l'électricité pour tout.

Donc, j'indique la diversification, parce que, pour moi, elle est un objectif qui amène une politique énergétique plus souple et la souplesse dans une politique énergitique est un atout majeur. Pourquoi? Parce que nous sommes - quand je dis "nous", c'est-à-dire les pays industrialisés en général, le Québec aussi en fait partie - dans une phase difficile sur le plan économique et je ne suis pas de ceux qui croient qu'elle est là pour quelques mois. Nous sommes dans une mutation profonde de notre système industriel. Alors, cela veut dire que, pendant les prochaines années, nous allons avoir à subir cette mutation. Par conséquent, les phénomènes économiques, c'est-à-dire les prix, vont être d'un intérêt capital. Or, si on se lance dans des investissements - je ne sais pas si, par ricochet, je ne réponds pas à d'autres questions - considérables par souci de vouloir faire l'autonomie... Je vais être très clair. Encore une fois, je n'ai pas étudié le dossier, mais c'est un dossier qu'il faut étudier pour ne pas dire trop de bêtises. Si, par exemple, on se lance effectivement dans deux ou trois autres barrages pour des raisons différentes, entre autres parce qu'on veut l'autonomie énergétique, entre autres parce qu'on veut développer l'emploi, on peut le faire et subir des investissements colossaux, mais à des prix vraiment non compétitifs. On aurait fait une opération qui n'est pas nécessairement efficace, tout compte fait.

Maintenant, vous pouvez adopter la politique de diversification en disant oui aux trois sources d'énergie, mais vous dire quelle est la part de ces trois sources d'énergie. Vous la laissez un tout petit peu floue, pas coupée au couteau, pour une raison essentielle, c'est que, si les prix alternatifs du pétrole par rapport au gaz ou par rapport à l'électricité changent, vous êtes dans une position de pouvoir en bénéficier et de faire profiter vos consommateurs aussi de ce changement de prix.

Donc, le message que je veux passer, c'est, premièrement, de ne pas abandonner le secteur pétrolier - je l'ai dit très clairement - pour dire: On a l'électricité et le gaz, donc il n'y a pas de problème. Je ne suis pas de cet avis. Le secteur pétrolier est important. Deuxièmement, la marche de deux ou trois ans de ménage à trois pendant ces trois ans, il faut en passer le cap, mais il faut avoir une vision de l'avenir et la vision de l'avenir, c'est qu'on aurait besoin des trois sources d'énergie: le pétrole, le gaz et l'électricité. Pour le pétrole, pas seulement en termes d'énergie, mais aussi en termes de matière première, ainsi que pour le gaz.

Tout cela est lié et on ne peut effectivement pas trancher le débat en disant: Aujourd'hui, on décide de faire 20% ou 22% et on n'en bougerait pas. Ce serait une politique rigide, mais la politique souple, c'est la politique de diversification: regarder le marché et voir quel est le rapport de prix pour pouvoir en tirer le maximum de bénéfices.

M. Fortier: Si j'ai bien compris votre réponse, M. Ayoub, vous dites qu'il faut maintenir un secteur pétrolier important si on veut en bénéficier. D'ailleurs, les détaillants dans certaines régions nous ont dit: Si on continue avec la politique actuelle, il n'y aura plus de livreurs d'huile à chauffage; donc, à toutes fins utiles, ce ne sera pas une option dans l'avenir parce qu'elle n'existera plus. Enfin, vous dites qu'il faudrait maintenir un secteur pétrolier au Québec. Cela nous amènerait à faire un examen des conditions qui permettraient de garder un secteur pétrolier d'une certaine importance.

Présentement, la politique énergétique qui a été mise de l'avant à la suite du choc pétrolier de 1973 et avec un autre argument qui était celui de la balance des paiements où on disait: Étant donné qu'on doit payer cet argent à l'étranger, on doit absolument se défaire de tout ce qui est importé de l'étranger, vous semblez remettre cela en question. J'aimerais vous demander deux choses. Comment pourrait-on faire cet examen d'un secteur pétrolier qui serait important? Qu'est-ce qu'on doit examiner?

Est-ce que vous suggérez que cette commission demande que des études soient faites sur cet aspect?

Autrement dit, si je vous comprends bien - je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit - vous dites qu'on devrait prêter attention davantage au secteur pétrolier et examiner d'un peu plus près si la tendance actuelle est la bonne pour l'avenir du Québec. Deuxième des choses, en ce qui concerne la balance des paiements - je sais qu'on en a discuté la semaine dernière lors du colloque auquel j'ai eu l'honneur d'assister et lors de certaines conférences - pourriez-vous me dire si cet argument de vouloir à tout prix se débarrasser du pétrole à cause de l'aspect négatif de la balance des paiements en ce qui concerne le pétrole importé de l'étranger - je ne parle pas du gaz et du pétrole importé du Canada - est un facteur important ou bien si on doit l'accepter comme une contrainte nécessaire pour assurer le développement économique du Québec de toute façon?

Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.

M. Ayoub: M. le Président, je vais essayer de répondre à ces deux questions. Concernant ce qu'on peut faire dans le secteur pétrolier, je n'ai pas la prétention de vraiment dire en détail ce qu'on peut faire. J'ai essayé ici, très modestement, de proposer quelques avenues à la recherche et à l'approfondissement. Je souhaiterais que ces avenues soient étudiées, analysées plus profondément, acceptées ou rejetées. Je vais essayer de les résumer encore une fois. Dans mon esprit, on peut adopter n'importe quel scénario, n'importe quelle politique, il reste que le secteur pétrolier, d'ici à l'avenir prévisible, à l'horizon prévisible, demeure un secteur important, soit dans le domaine de l'énergie, soit dans le domaine de la matière première au Québec. Si on veut avancer des chiffres, je serais enclin à dire que, si tout se passe bien, selon tous les scénarios, il resterait quand même 40% du bilan énergétique, d'ici à 1990 et probablement à l'an 2000, tributaires du secteur pétrolier.

Maintenant, il faut dire tout de suite une chose: Si les prix du pétrole subissent une détérioration - il y a des gens qui pensent ainsi, que le prix du pétrole peut descendre jusqu'au prix marginal des sources de la Mer du Nord, c'est-à-dire à 22 $ - si le prix du pétrole descend à 22 $ et s'il reste à 22 $, il est évident que nos projections pour l'avenir vont nécessairement être changées, sauf si on se trouvait dans une situation complètement paradoxale: quand les prix du pétrole mondial seraient en hausse, au Canada ils seraient en baisse et, quand les prix du pétrole mondial seraient en baisse, le Canada subventionnerait le prix du pétrole pour le hausser et pour permettre illico de réaliser la politique énergétique. Dans les deux cas, ce sont des situations aberrantes. Il faut aller avec le marché.

Par conséquent, il arrive effectivement, si le pétrole baisse à 22 $ ou moins, que les consommateurs ne changent pas d'habitude ou que les consommateurs changent pour revenir au pétrole parce que c'est une affaire de sous et chacun de nous individuellement fait un calcul simple pour voir la source d'énergie qui lui coûte le moins cher, l'industriel comme l'individu consommateur. Par conséquent, le secteur pétrolier n'est pas à dédaigner, il n'est pas mort, il n'est pas fini; il est là pour encore au moins 20 ans.

Par conséquent, je déduis de cela une position en disant: Si le secteur pétrolier est là pour encore une vingtaine d'années et s'il est toujours un secteur leader, il vaut mieux faire quelque chose, d'autant plus qu'il faut bénéficier de ce qui se passe actuellement sur le marché mondial. D'où ma recommandation, ma proposition à débattre touchant les multiples phases de l'industrie pétrolière. Je n'ai pas voulu dire: Demain matin, on va prendre - on, c'est le gouvernement, ce sont les sociétés parapubliques - un secteur de distribution et gérer la distribution pétrolière. Ma position n'est pas cela. Ma position est que, si on veut contrôler une partie de la distribution, c'est parce qu'il y a des préalables à cela et ceux-ci sont: aller explorer, comme on le fait en "joint-venture", non seulement à l'Ouest et à l'Est, mais - parfois, il y a là des occasions très intéressantes - outre-mer. (12 heures)

Dans mon esprit, c'est lié aux avantages comparatifs du Québec. Or, les avantages comparatifs du Québec sont: la technologie nord-américaine en langue française, premièrement, la technologie des barrages, la technologie de la prospection, etc. Tout ceci est en demande. Deuxièmement, nous avons un défi à relever qui est le défi d'exporter nos produits et nos connaissances. Comment le faire? On pourrait peut-être imaginer une formule exportation-importation de pétrole.

Si vous le permettez, je termine. Deuxièmement, lié à cela, il y a le problème de l'achat de pétrole brut de compagnies d'État à compagnies d'État dans des conditions qui sont favorables actuellement à l'acheteur et non pas au vendeur. C'est ainsi seulement, quand on a la matière première, qu'on peut se poser la question d'acheter ou de regrouper les indépendants, de venir avec eux - ce sont tous des intérêts québécois -et de dire: On fait une coopérative - ou je ne sais quelle autre formule juridique - pour permettre le regroupement et le contrôle d'une partie du marché. On aurait fait quoi? On aurait assumé ce que le législateur a indiqué dans la loi créant SOQUIP, en 1969, c'est-à-dire ce rôle de secteur témoin. Ma

crainte, c'est qu'en pensant seulement au gaz naturel et à l'électricité nous perdions de vue une des raisons qui ont poussé à la création d'une société comme SOQUIP qui doit avoir une vision surtout d'initiatives pétrolières.

M. Fortier: Je vais reprendre le premier point. Si vous voulez, on va reprendre ce que vous venez de dire en deux temps deux mouvements. Le premier point, c'est l'exportation de technologies. Pour ma part, en ce qui concerne cette exportation de technologies, c'est certainement un aspect que j'aurais voulu qu'on développe bien avant aujourd'hui. D'ailleurs, si vous vous en souvenez, M. Ayoub, j'étais nouveau député à l'automne 1981 et M. Bérubé, alors ministre, avait fait modifier la loi de SOQUIP justement pour permettre l'exportation de technologies dans des pays en voie de développement où le Québec avait des relations privilégiées. Malheureusement, il semblerait que SOQUIP n'a pas reçu les budgets nécessaires pour ce faire et c'est Petro-Canada maintenant qui a pris l'initiative dans ce secteur. Voilà un domaine où on aurait pu prendre des initiatives depuis 1981, mais on ne l'a pas fait.

Le deuxième point concerne la création de Pétrobec que vous semblez favoriser. Je dois dire que votre position me surprend beaucoup. D'une part, vous préconisez ni plus ni moins que l'avenir énergétique soit joué à partir d'un marché plutôt libre. Vous vous plaignez du fait que le gouvernement canadien favorise une politique des prix qui est artificielle. Vous dites avec raison, et je suis d'accord, que présentement il serait de beaucoup préférable qu'il y ait une déréglementation du prix du gaz pour faire en sorte que le gaz pénètre davantage puisque, avec les surplus de gaz dans l'Ouest canadien, de toute évidence le prix baisserait. Si on continue dans cette direction, je croyais que vous alliez dire qu'une intervention du gouvernement serait d'abolir les subventions de toute sorte et de laisser jouer les prix. Là-dessus, je vous suis. C'était plutôt une intervention du gouvernement pour abolir les artifices qui font que la politique énergétique, compte tenu des contraintes internationales - que ce soit la politique canadienne ou la politique québécoise - ne répond plus, dans une certaine mesure, à la conjoncture réelle internationale. Je vous suivais beaucoup lorsque vous alliez dans cette direction qui était d'un plus grand réalisme, laisser l'avenir économique ou énergétique, dans une certaine mesure, se faire par les prix. Dans le cas du gaz en particulier, c'est certain que, s'il y avait déréglementation, la pénétration du gaz pourrait jouer davantage en concurrence avec Hydro-Québec.

Là où j'ai de la difficulté à vous suivre, c'est quand vous dites "secteurs témoins". Vous savez, de ce côté-ci de la Chambre, quand on parle de secteurs témoins, on pense au secteur de l'amiante ou au secteur de Nordair. Je ne sais pas combien de déficit on a cette année, ce n'est pas 200 000 000 $, mais ce sont plusieurs millions de dollars avec des investissements qu'on aura à payer un jour ou l'autre. Pour Nordair, c'est une centaine de millions pour l'acheter avec le résultat qu'on connaît et on commence à en avoir un peu marre.

D'autant plus que la conjoncture actuelle dans le domaine pétrolier au Québec a été voulue par la politique énergétique des deux gouvernements, il faut bien se l'avouer. S'il y a un chambardement et s'il y a une baisse de la consommation pétrolière, c'est dû au fait que les prix ont augmenté d'une façon vertigineuse. Que l'on pense à la taxe sur l'essence, que l'on pense à la taxe de 5% sur les raffineries - les raffineurs nous ont dit que c'était déterminant - et que l'on pense à tout l'encouragement donné par toutes sortes de subventions pour passer au gaz et à l'électricité. J'ai de la difficulté à comprendre personnellement qu'ayant créé cette situation le gouvernement va dire: Maintenant qu'on a créé une situation à peu près intenable pour les raffineurs, pour les distributeurs indépendants, pour les distributeurs qui font partie du réseau des multinationales, le gouvernement doit intervenir pour régler ce problème-là.

De deux choses l'une: ou bien le gouvernement voulait qu'il y ait une baisse de la consommation du pétrole, ou bien il ne le voulait pas. Et, à ce moment-là, je dois vous avouer que j'ai de la difficulté à comprendre votre point de vue, puisque Esso et d'autres sociétés nous ont dit: Oui, il se peut que les statistiques varient d'une année à l'autre. SOQUIP nous a dit que l'an prochain nous allons consommer plus d'essence qu'il n'en sera produit au Québec. Esso nous a dit: Écoutez, notre raffinerie n'est pas fermée en permanence; s'il y avait un changement dans les statistiques, nous serions les premiers bien heureux de rouvrir notre raffinerie pour bénéficier d'un marché qui existerait à ce moment-là. Par ailleurs, les indépendants et les détaillants d'essence des multinationales et les multinationales elles-mêmes nous ont dit qu'il y avait à peu près 25% de postes de distribution d'essence de trop au Québec. Alors, si on s'entend pour dire qu'il y a une contraction du marché, si on s'entend pour dire qu'il y a trop de postes de distribution d'essence, j'ai de la misère à comprendre comment l'intervention de l'État va régler le problème. Elle va régler le problème pour ceux qui vont faire partie de ce groupement, mais les autres qui n'auront pas l'avantage d'en faire partie vont être obligés de fermer

leurs portes. À ce moment-là, on va avoir changé quatre trente sous pour une piastre et cela aura coûté je ne sais combien de centaines de millions de dollars à l'État.

J'aimerais que vous me donniez vos commentaires sur cette prise de position et sur ces interrogations.

Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.

M. Ayoub: M. le Président, effectivement, je comprends l'honorable député, je comprends ses questions, ses interrogations. Je voudrais, d'abord, avant de répondre rappeler quelques positions de principe, si j'ose m'exprimer ainsi. Il est vrai que je suis, premièrement, pour un marché transparent. Il est vrai que, à partir de ce marché, on peut s'ajuster. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit. Maintenant, je l'ai indiqué, je vois le rôle de l'État, en général - philosophiquement parlant, si vous voulez, et après on l'applique à l'énergie - comme un rôle de correcteur des ratés de ce marché, pour des raisons tout à fait évidentes. Si l'État ne regarde pas ce qui se passe, il peut se produire des situations qui ne sont pas du tout dans l'intérêt à long terme - et je reviendrai sur ce deuxième principe - de la collectivité en question.

Je m'explique. C'est un secret de polichinelle, les compagnies multinationales -c'est leur droit et je les respecte et je les comprends - pensent et agissent à l'échelle mondiale et non pas à l'échelle du Québec. Donc, s'il y a, par exemple, quelque raté ou quelque ajustement à faire au Québec, elles peuvent le faire parce que ce qui les intéresse, c'est le bilan consolidé d'une compagnie à l'échelle mondiale. Donc, il arrive que les intérêts d'une compagnie multinationale coïncident avec l'intérêt de la collectivité, à moyen et long termes, mais ils peuvent aussi diverger. Donc, l'État doit pouvoir avoir un certain regard et non pas se substituer. Je n'ai pas dit de se substituer.

Le deuxième principe, c'est qu'effectivement, M. le Président, je comprends l'honorable député quand il me presse de questions de l'ordre du court terme. Je le comprends parce que nos fonctions ne sont pas les mêmes; je regarde un tout petit peu à moyen et long termes. La vie politique veut, et je comprends, qu'on regarde à très court terme. À court terme, on peut se demander: Pourquoi aller dans ce secteur qui est en déclin? Mais qui me garantit que ce secteur est en déclin permanent? Je dois m'interroger à savoir si le déclin est passager. Bien sûr, on peut diverger jusqu'à demain matin en se demandant: Est-ce que ce que dit Esso est juste? Est-ce que ce que dit SOQUIP est vrai? Est-ce que ce que disent les autres est moins vrai ou plus vrai? Ce sont là des projections qui peuvent être mises en échec comme on le sait. Donc, quand on prend une décision, il faut regarder non seulement le court terme collé sur l'actualité, mais il faut regarder un tout petit peu à long terme. Or, sur ce point, le long terme, pour moi - je l'ai dit et je le répète - c'est que le secteur pétrolier continuerait à avoir une partie importante du gâteau.

Le deuxième point que j'ai indiqué aussi dans la même veine, c'est que, finalement, les importations du Canada sont des importations vers le Québec. Il ne faut pas se le dissimuler, les importations du Canada, les trois quarts des 400 000 barils-jour sont destinés au Québec et cela va en augmentant, peut-être parce que, si les arrivages de l'Ouest, selon les indications de l'Office national de l'énergie, s'amenuisent et s'arrêtent à un moment donné, on sera tributaire de l'étranger.

Le troisième principe de base - enfin, je le dis pour tranquilliser le député concernant la logique de ma démarche -c'est que le fait qu'il y ait un secteur témoin ne veut pas dire, d'abord, annulation du marché. Il est témoin du marché. Ensuite, cela ne veut pas dire qu'on y va sans regarder la rentabilité. Maintenant, ce qu'on m'a avancé concernant d'autres interventions de l'État, du Québec dans tel ou tel secteur, vous savez, je ne suis pas responsable de cela. Par contre, je dis que, si on regarde la situation, qu'on l'analyse bien et si on trouve qu'il y a une rentabilité dans un tel secteur et qu'il y a des intérêts à long terme à préserver, au moins on étudie le dossier. C'est ce que je dis.

Enfin, quatrièmement, toujours sur le principe, vous m'excuserez, M. le Président, mais je n'ai pas prononcé une seule fois l'histoire de Pétrobec; je ne sais pas ce que cela recouvre. Ma position est tout à fait claire. Je dis tout simplement qu'il y a là un problème, soit dans la pétrochimie, soit dans l'exploration, soit dans la distribution, soit dans le raffinage, d'une part. D'autre part, on n'invente pas la poudre, puisque SOQUIP existe. Je n'appelle pas l'existence d'une nouvelle société. Elle existe, elle a un mandat. Ce que je dis, c'est qu'il faut réfléchir et approfondir la réflexion à savoir s'il ne faut pas, si ce n'est pas le moment de prendre ce mandat et de voir dans quel sens on peut le mettre, en partie, à exécution.

Je voudrais conclure en disant au député d'être tout à fait assuré que je n'ai pas dévié sur le fait de laisser le marché agir. Tout ce que je dis, c'est que le marché peut agir parfois d'une manière inconsidérée. Est-ce que quelqu'un, dans cette salle, peut me dire, d'une manière définitive et absolue, que la fermeture des raffineries ou d'une autre raffinerie éventuellement, nous dit-on, est une bonne décision, irrévocable et qu'on ne peut pas regarder d'un peu plus près?

Voilà la question que je me pose. Petro-Canada International est allée et a occupé un avantage comparatif, encore qu'elle souhaiterait que cet avantage soit partagé avec le Québec, parce qu'elle frappe une situation où elle a besoin d'une connaissance nord-américaine exprimée en français. Le député lui-même l'a dit exactement: Pour Petro-Canada International, ce n'est pas un crime de lèse-marché de penser dynamiser un secteur pour aller profiter des avantages comparatifs que le Québec peut avoir. Voilà ma position très clairement.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je vais laisser la parole à mes collègues. En conclusion, j'aimerais dire que ma préoccupation, M. Ayoub, est également à long terme. On peut être politicien et sûrement penser à la prochaine élection, mais on peut penser également aux besoins du Québec à très long terme. Il n'y a pas seulement les universitaires, je crois, qui peuvent avoir des pensées de ce genre.

La dernière courte question que j'aimerais vous poser est la suivante. Compte tenu de ce que vous avez dit, qu'il va y avoir des surplus durant dix ans, est-ce qu'on peut s'attendre à une guerre des prix au Québec entre les différents détaillants d'essence pendant de nombreuses années? Je termine là-dessus.

Le Président (M. Vallière): M. Ayoub.

M. Ayoub: M. le Président, je crois que les prévisions que nous avons faites de part et d'autre et toute la discussion qu'on a eue depuis ce matin indiquent ce qui suit. Premièrement, il y a une rationalisation qui s'est effectuée sur le marché puisque, à l'évidence, il y a des raffineries qui sont fermées. Donc, l'offre a baissé. Deuxièmement, si jamais il y a augmentation de la consommation - d'ailleurs, vous l'avez dit vous-même - Esso serait prêt à revenir. Cela veut dire qu'elle ne ferme pas les portes, elle reviendrait pour profiter de cette augmentation si la reprise économique est durable. (12 h 15)

Si on met le tout ensemble, je ne prévois pas, dans un avenir à moyen terme, dans deux ou trois ans, une guerre des prix entre raffineurs puisqu'ils se sont ajustés. Au contraire, je dirais que, si les perspectives -je dis "si", le conditionnel - de SOQUIP se justifient, si mes souvenirs sont bons - est-ce bien sûr - 40 000 barils-jour de déficit qu'on doit importer de l'extérieur. Cela justifie un peu le fait que nous ayons des raffineries -elles sont là - et qu'on importe. Ce serait une situation de marché très bizarre. C'est dans ce sillage que mes réflexions s'acheminent et je ne croirais pas que pour les prochaines années il y aura une guerre féroce des prix - et permanente, durable -dans le secteur du raffinage puisque je crois encore que la consommation peut augmenter. La consommation peut éventuellement augmenter si la reprise économique se dessine d'une manière plus importante.

Le Président (M. Vallières): J'ai une autre demande d'intervention, cette fois du député de Vimont. M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. Ayoub, dans le mémoire que vous nous présentez ce matin, pour ce qui est de l'option gazière, en particulier, vous proposez une déréglementation complète du prix du gaz naturel. La question que je vous pose c'est: Est-ce qu'il n'y a pas, quand même, certains risques à procéder de cette façon puisque, dans le domaine énergétique, vous avez vous-même souligné la nécessité d'une harmonisation triangulaire entre les prix du gaz, les prix du pétrole et les prix de l'électricité, si j'ai bien compris? D'autre part, si je fais référence en particulier au domaine de l'hydroélectricité, les engagements financiers qui sont pris à l'occasion d'un aménagement hydroélectrique doivent l'être, quand même, assez longtemps d'avance pour que le consommateur puisse être fourni en énergie électrique par cette source d'énergie qu'on veut développer. Cela peut prendre dix ans, cela peut prendre douze ans entre le moment où on prend la décision d'aménager ou qu'on débute l'aménagement d'un complexe hydroélectrique et le moment où les premiers kilowattheures vont être acheminés vers le consommateur.

Par ailleurs, les calculs de rentabilité de ces aménagements hydroélectriques sont quand même fondés sur des amortissements qui couvrent maintenant une période de 50 ans. Ce sont des investissements extrêmement lourds. On sait que, dans l'hydroélectricité, le coût principal, c'est le coût de l'immobilisation à l'occasion de l'aménagement et que, par la suite, les coûts de fonctionnement et d'entretien comme tels sont relativement minimes, comparativement aux coûts d'immobilisation et d'aménagement. Dans une planification à plus long terme, lorsqu'une entreprise comme Hydro-Québec, avec l'accord du gouvernement, décide de s'engager dans un programme d'investissements qui, si on examine un complexe aussi important que celui de la Baie-James, a coûté quelque chose comme 16 000 000 $ et qui s'est échelonné sur une période d'environ quinze ans - les dernières turbines vont entrer en fonction au cours de cette année et au début de l'an prochain pour ce qui est de la phase I du complexe -il y a lieu, à mon sens, de prendre des précautions pour protéger cet investissement.

Si par une déréglementation totale du prix du gaz, on permettait, dans une situation de surplus de gaz, une pénétration "sauvage" du gaz ou une guerre des prix à ce niveau, guerre des prix entre le gaz, bien sûr, et la source d'énergie électrique ou encore la source d'énergie pétrolière, n'y aurait-il pas risque, à ce moment, qu'on mette en danger des investissements extrêmement importants qu'on peut difficilement arrêter en cours de route? Il arrive un stade dans un aménagement hydroélectrique de cette envergure où on a passé le point de non-retour. À Manic 5 actuellement, il y a des excavations qui ont été faites et tout cela, mais on a laissé cela en plan et on a reporté de quelques années le reste de l'aménagement. On n'a pas commandé les turbines, on n'a pas bétonné tellement. C'est un investissement minimal. La même chose est arrivée à Outardes 2 à l'époque. Lorsqu'on a atteint un certain point de non-retour dans un aménagement hydroélectrique, il faut aller jusqu'au bout et compléter l'aménagement. Il y a des investissements extrêmement importants. La décision d'aménager s'est prise il y a huit, dix ans. On est allé de l'avant et, tout à coup, on pourrait très bien se retrouver avec un surplus d'énergie encore plus élevé que celui qu'on connaît présentement, de sorte qu'on mettrait en cause des investissements publics qui ne pourraient pas être rentabilisés avant de nombreuses années. Finalement, n'y a-t-il pas un risque, du moins à court terme, à déréglementer complètement les prix, soit de l'énergie du gaz ou de l'énergie à base de pétrole, ou encore de l'énergie électrique?

Des aménagements de l'ampleur de celui de La Grande, phase I, il en reste peut-être un au Québec de cet ordre et c'est celui de la Nottaway-Broadback-Rupert, d'un potentiel d'environ 7000 mégawatts. Après cela, les autres aménagements hydroélectriques qui viendront sont de l'ordre de 3000 mégawatts. Donc, leur impact sur le parc de centrales d'Hydro-Québec, leur impact sur la production totale d'Hydro-Québec sera beaucoup moins important que l'impact qu'a eu l'aménagement de La Grande avec 10 000 mégawatts, alors que la capacité installée d'Hydro-Québec à ce moment était de l'ordre de 15 000 mégawatts, je crois, si j'exclus Churchill Falls, ou même un peu moins.

À court terme et pour une période peut-être de dix ans, peut-être jusqu'à l'horizon 1995, n'y aurait-il quand même pas lieu d'être extrêmement prudent et d'aborder ce problème avec beaucoup de prudence, parce que justement, si on s'engage dans des aménagements hydroélectriques de cette envergure, à un moment donné, s'il y avait des fluctuations importantes sur le marché, cela risquerait de mettre en cause des investissements qu'on ne peut plus arrêter?

Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.

M. Ayoub: M. le Président, c'est effectivement un sujet d'une importance capitale. Je voudrais tenter un début de réponse à cette question très importante de l'honorable député. Il est évident que, dans la situation floue actuelle, floue dans le sens du marché et des sources alternatives, à mon avis, il serait risqué de s'engager dans des grands travaux d'investissements dans des sources alternatives. D'ailleurs, ce qu'on appelle les mégaprojets, on l'a bien vu de part et d'autre, ils ont été sans lendemain, non pas parce qu'intrinsèquement ils sont mauvais, mais c'est tout simplement parce que les conditions du marché ont changé.

Alors, qu'est-ce qui se passe? Il se passe ceci - c'est aussi une réponse à une intervention que j'ai faite il y a quelques instants - que l'État peut être obligé d'intervenir. J'ai résumé cela tout le temps en disant que, vis-à-vis de l'entreprise, on a l'impression qu'on veut nationaliser le risque et privatiser le conflit. Les risques sont tellement importants qu'on veut les nationaliser parce que, lorsque l'État s'engage, c'est la collectivité qui s'engage, mais, quand il y a des profits, les compagnies privées veulent les privatiser.

Ceci dit, revenons à l'histoire de l'harmonisation. Ce que je propose, c'est l'harmonisation par les prix. C'est qu'actuellement les trois prix sont des prix administrés. Le prix du pétrole est administré, le prix du gaz est administré, le prix de l'électricité l'est aussi. Si on déréglemente les deux autres prix, il reste que le prix de l'électricité, au lieu de récupérer les investissements dans une période de temps X, étant donné que nous passons un cap difficile et étant donné que le gaz doit rentrer parce qu'il faut diversifier, on accepterait volontairement que les récupérations des investissements soient faites sur une période X plus un ou deux, mais cela ne veut pas dire qu'on ne récupère pas les investissements parce que, si on pense ainsi, cela veut dire qu'on est voué ad vitam aeternam à ce que la situation soit celle que nous vivons aujourd'hui. Je ne partage pas ce point de vue et je crois qu'il y a place aux trois sources d'énergie, et qu'il est important d'avoir ces trois sources d'énergie.

Alors, il y a des accommodements à faire. Or, une partie de ces accommodements, pour ne pas dire n'importe quoi concernant les prix, c'est de libéraliser les prix. Il faut que j'attire votre attention sur le fait que je dis libéraliser les prix du gaz à la tête du puits parce que, après, il y a tout le transport du gaz. Les prix du transport sont administrés. Donc, c'est d'introduire un peu la vérité des prix dans ce marché avant de faire une politique

d'harmonisation. Après tout, on peut toujours s'interroger, mais pourquoi a-t-on tarifé le pétrole ainsi, le gaz de cette manière et l'électricité d'une autre manière? Si on introduisait un vent de marché à l'intérieur de ce ménage à trois, on saurait de part et d'autre quelle est la position que le gaz va occuper dans les prochaines années, quelle pourrait être la position qu'il occuperait dans les années futures, mais sans pour autant indiquer que ce qu'on a investi dans l'électricité était investi à perte. Il peut tout simplement subir un décalage dans le temps de récupération. J'indique à ce sujet que, lorsqu'on s'est lancé, par exemple, dans les investissements de la Baie-James, on a évoqué un chiffre qui a été multiplié par je ne sais pas combien, deux ou trois. C'est de l'ordre du vécu et on vit cette situation parce qu'il serait impossible, à mon avis, de prévoir dix ans à l'avance ce qui pourrait arriver exactement.

Mais, actuellement, c'est vrai ce que l'honorable député dit. Je serais très réticent à risquer des investissements colossaux dans des sources d'énergie substitut étant donné la situation qui existe sur le marché tant mondial que canadien, intérieur.

M. Rodrigue: Le problème qui se pose sur ce plan, c'est que, souvent, au moment de l'investissement les prévisions démontrent qu'on a besoin de ces sources d'énergie et qu'elles seront absorbées par le marché. L'exemple qu'on a présentement sous les yeux, c'est un bloc d'énergie extrêmement important, imposant, qui arrive sur les lignes d'Hydro-Québec au moment même où il y a une récession et au moment même où la demande diminue; alors nous sommes pris temporairement - il faut le dire - pour une période de quatre à cinq ans avec des surplus extrêmement importants. Évidemment, cela va se résober dans le temps. Par contre la même question va se poser lorsqu'il s'agira de prendre la décision d'aller de l'avant avec d'autres complexes dont celui que j'ai mentionné tout à l'heure.

Maintenant, dans un autre ordre d'idées, au niveau de la politique énergétique nationale, vous mentionnez, en particulier à la page 2 de votre résumé, que la politique énergétique ne doit pas se substituer au marché, mais se contenter seulement de l'orienter et de corriger ses ratés quand ils ont lieu. Vous dites que cela doit déboucher sur une triple action: la première, faire pression sur le gouvernement fédéral pour réviser sa politique énergétique dans un sens moins interventionniste. Est-ce que vous pourriez nous mentionner des changements spécifiques que vous avez à l'esprit quant à la politique énergétique fédérale qui irait dans le sens de ce que vous prônez dans votre mémoire?

M. Ayoub: M. le Président, le programme énergétique national du fédéral est une construction de l'esprit de bureaucrates et de technocrates; c'est une construction imposante effectivement. Mais c'est une construction qui, quand elle a été publiée, on a eu l'occasion quelques autres collègues économistes et moi-même d'être appelés à Ottawa et de parler de cela et de voir... On était tous d'accord sur un point, c'est que c'est une construction d'intellectuels dans le sens qu'on voudrait presque se substituer complètement au marché. Je donne des exemples: quand vous confectionnez des prix "made in Canada" dont la complexité exige des spécialistes attitrés à temps plein pour pouvoir se comprendre et pouvoir parler du prix de l'ancien pétrole, du nouveau pétrole et de combien le fractionnement dans le temps etc., d'une part, vous êtes entraîné malgré vous, pour pouvoir supporter cette politique, à faire toute une série d'interventions. J'ai recensé un peu dans un document, mais j'ai arrêté parce que c'est vraiment trop long, la liste des interventions du gouvernement fédéral en termes de programmes de subventions, de programmes d'incitation de toutes sortes, de taxes de toutes sortes que cela exige. (12 h 30)

Depuis, il y a eu des spécialistes, des fiscalistes, des juristes qui se sont spécialisés dans la compréhension du dédale, du labyrinthe de tout ce système imposant.

Tout cela n'est pas pour faciliter la réalisation de l'objectif qui était l'autosuffisance. Pourquoi? Je passe outre à l'histoire de la canadianisation qui, à son tour, est très complexe et très difficile. Parce que les compagnies qui veulent investir, si elles se trouvent devant un maquis de textes de lois d'arrêtés et de programmes, tout cela se calcule en termes de coût et de temps, et baisse leur incitation à aller explorer ce qui s'est produit. L'ensemble de l'industrie canadienne ou même étrangère n'a pas regardé d'un bon oeil le programme énergétique national - ce n'est un secret pour personne - pour ces interventions multiples et répétées.

D'ailleurs, au fur et à mesure que les changements qui s'effectuent sur le marché arrivent, on est obligé d'aller faire d'autres interventions pour pouvoir soutenir le bâtiment. C'est ce qu'on a vu quand les prix internationaux n'ont pas épousé les prospectives du concepteur de ce document, à savoir que les prix internationaux vont continuer à monter. Voilà qu'ils baissent et tout a été à redéfinir avec le gouvernement de l'Alberta.

C'est cela qui me pousse à dire que l'interventionnisme de cette manière et la lourdeur bureaucratique va à l'encontre de l'objectif souhaité qui est de trouver des

ressources par ceux qui peuvent en trouver, c'est-à-dire le secteur privé essentiellement.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Ayoub. M. le député de Vimont, vous avez une autre question?

M. Rodrigue: Oui, c'est une dernière question, M. le Président. En fait, il y a un élément spectaculaire, il y a une retombée spectaculaire de tout le branle-bas qui s'est fait dans le domaine énergétique autant au Québec que dans tout le monde industrialisé finalement. Cela a été la fermeture d'un certain nombre de raffineries en particulier à Montréal au cours de la dernière année. Ce qu'on lit dans les journaux et ce qu'on constate présentement, c'est que par ailleurs, il semble qu'il y a importation d'un produit fini, à tout le moins de certains produits finis qui étaient raffinés ici au Québec et qui étaient fabriqués au Québec auparavant.

Est-ce que vous avez pu analyser les causes de cet état de fait? Est-ce que vous avez pu dégager des conséquences potentielles de la fermeture de ces raffineries et du phénomène inverse qui consiste à l'importation au Québec des produits finis en provenance de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick?

M. Ayoub: Oui, M. le Président, les causes de cela sont réelles, c'est la baisse de la demande, c'est la baisse de la consommation. Effectivement, les industries se sont ajustées. La question est à savoir si elles se sont trop ajustées? Autrement dit, il était évident qu'une ou deux raffineries devaient fermer parce qu'il y avait une surcapacité de production. De là à dire que d'autres fermetures doivent se faire, c'est là que je dis que les ajustements sont peut-être allés plus loin que ce qui est souhaitable. C'est dans cette perspective qu'on peut replacer les calculs de SOQUIP que je ne peux pas consigner puisque je n'étais pas à l'origine de ces calculs. Si les calculs de SOQUIP arrivent à se justifier dans la réalité, il est effectivement vrai que - je parle maintenant des conséquences puisque vous me le demandez - les conséquences ne seront pas positives pour le Québec puisque d'un producteur de sous-produits pétroliers, il serait obligé d'importer et là une balance des paiements jouerait dans ce sens. On a proposé un chiffre en termes de dollars, je ne le reprendrai pas mais enfin le chiffre est là.

Deuxièmement, il est évident que sur le plan de l'emploi, cela joue, mais peut-être moins que ce qu'on pense. Il y a très longtemps, on a fait une étude sur les multiplicateurs d'emplois d'une raffinerie. On sait très bien que ce sont des investissements qu'on appelle capital intensif c'est-à-dire que leur intensité de capital est importante. Donc, elle n'emploie pas beaucoup de main-d'oeuvre par rapport aux dollars investis. Il y aurait certainement des effets peut-être indirects. Un de ces effets indirects qu'il faut analyser et que vous auriez certainement le temps avec des spécialistes d'analyser ici au cours de cette commission, c'est l'impact sur le secteur de la pétrochimie. Effectivement, Montréal a suscité un secteur de pétrochimie. Je vous dirai une chose que vous connaissez mais je la rappelle. C'est que cet intérêt pour la pétrochimie est venu non pas seulement du gouvernement mais aussi des entreprises privées qui se sont mises ensemble pour faire de Montréal un secteur pétrochimique. Voilà que la situation change mais je me pose toujours la question: Est-ce qu'elle change autant qu'on nous le dit pour pouvoir mettre en cause éventuellement le secteur de la pétrochimie? Voilà en termes de conséquences... C'est pour cette raison et d'autres que je soutiens mes propositions concernant un terme qu'on trouve un peu, pas à l'ordre du jour maintenant, mais enfin, qui existe qui est l'histoire du secteur témoin, mais sans faire de cela un plat. On peut changer de terme mais la vérité est qu'il faut regarder ce qui se passe dans ce secteur d'une manière attentive avant d'être pris par surprise et que Montréal n'ait plus un secteur de raffinage et par ricochet un secteur de pétrochimie.

M. Rodrigue: M. Ayoub, comme nous aurons le plaisir d'entendre les représentants de Pétromont, j'imagine qu'ils auront des choses à nous dire là-dessus. Je leur poserai également la question. Je vous remercie de vos réponses.

Le Président (M. Vallières): J'ai maintenant deux demandes d'intervention, soit de la part du ministre et une courte question du député de Chapleau. M. le ministre.

M. Duhaime: D'abord, M. Ayoub, je voudrais vous remercier des éclaircissements que vous avez apportés en parlant de SOQUIP et de la nécessité de maintenir en quelque sorte un pouvoir d'initiative dans le domaine pétrolier, si j'ai bien compris, que ce soit au plan de l'achat de brut sur les marchés internationaux, que ce soit au plan de la participation dans les "joint venture" et les projets d'exploration, soit ici sur le continent ou ailleurs ou encore ce que vous nous proposez: de poursuivre l'étude et la réflexion sur l'implication possible en termes d'initiative - vous avez appelé cela un secteur témoin - dans le secteur du raffinage et de la distribution.

Je voudrais vous dire là-dessus que je vous rejoins en quelque sorte. Il faut maintenir cette société qui serait appelée à

prendre des initiatives dans le secteur pétrolier. Je n'arrive pas à comprendre, cependant, les propos du député d'Outremont parce que d'abord, la loi dont il est question n'a pas été débattue en 1981 mais en décembre 1980 et la position libérale avait conduit à une obstruction systématique de ce projet de loi. La proposition de mon collègue, M. Bérubé, à l'époque, était de hausser le capital action de SOQUIP de 100 000 000 $ à 220 000 000 $ et le reproche qu'on nous fait aujourd'hui est parce que SOQUIP n'a pas eu les fonds requis pour aller sur l'international. C'est maintenant Petro-Canada international qui prend sa place. C'est peut-être la fluidité de la pensée du Parti libéral à ce sujet mais j'arrive mal aujourd'hui à faire le lien entre les propos que tient ce matin le député d'Outremont et la position qu'ils ont prise il y a maintenant deux ans et demi à l'Assemblée nationale.

M. Fortier: ...

M. Duhaime: Votre porte-parole n'était peut-être pas le meilleur spécialiste de l'énergie mais c'était M. Ciaccia qui, en troisième lecture, avait donné le point de vue de votre parti. Je voudrais dire également que je me souviens très bien de la réponse un peu à la blague de mon collègue des Finances: Je ne ferai pas le "busybody" entre M. Lougheed et M. Trudeau. Je voudrais, pour la bonne compréhension du dossier, dire que le ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec a, tout au long du printemps que nous venons de vivre, au cours des pourparlers entre l'Alberta et Ottawa, fait valoir essentiellement deux points de vue.

Le premier: la hausse des prix du pétrole et son ajustement au cours mondial. Ce n'est pas d'hier qu'on prétend cela; cela remonte avant la période référendaire; c'était un argument fort utile de faire valoir qu'au Canada on paierait très longtemps passablement meilleur marché le prix du litre d'essence par rapport à la situation de Paris, etc. Notre position a toujours été la même, nous voulons la vérité des prix comme nous avons préconisé la libéralisation.

Aujourd'hui, au Canada, nous nous trouvons dans une situation un peu curieuse: le prix du pétrole est trop bas et le prix du gaz naturel est trop élevé, à travers la réglementation, et il n'y a aucune correspondance avec ce qui se passe ailleurs dans le monde.

La période postréférendaire pour moi elle est importante parce que c'est à partir de ce moment qu'on a décidé de bouger en allant hausser le prix du pétrole au Canada vers le cours mondial.

Nous avons également proposé un deuxième volet pour accentuer la pénétration du gaz naturel au Québec - là-dessus probablement que vous serez en désaccord, M. Ayoub, mais nous l'avons proposé quand même - c'était la mise sur pied de programmes d'avantages incitatifs pour aider la pénétration du gaz naturel dans le secteur industriel en particulier. Alors, dire que nous n'avons rien fait et que nous avons laissé aller à vau-l'eau, ce n'est pas exact. Il faut comprendre aussi une dimension fiscale au problème. Si j'étais le ministre de l'Énergie de l'Alberta, avant d'accepter de renoncer à des revenus fiscaux qui seraient conséquents à une baisse du prix du gaz naturel, j'ai l'impression que je regarderais l'ensemble de l'équilibre budgétaire que cela pourrait impliquer dans cette province productrice en particulier.

J'aurais une toute dernière question, parce que nous allons entamer - je ne sais pas si on va le faire avant le déjeuner - le mémoire de Pétromont. On n'a pas beaucoup parlé de pétrochimie ce matin. J'ai les chiffres ici de la capacité de raffinage au Québec au début de 1982. Cela inclut donc Shell, Esso, Petrocan-Fina, Petrocan-BP, Texaco, Gulf et Ultramar qui sont en exploitation et j'ai un total d'à peu près 600 000 barils-jour de capacité de raffinage. Je me reporte ensuite à la fin de l'année courante, fin 1983, en incluant dans le tableau la suspension des activités de Esso, la fermeture de BP, la fermeture de Texaco et l'ajustement à la capacité de production de la raffinerie d'Ultramar qui est d'environ 120 000 barils-jour de capacité. Cela me donne comme total, à la fin de 1983, une capacité de raffinage au Québec, grosso modo, de 370 000 à 375 000 barils-jour. Est-ce que cette capacité de raffinage est suffisante pour alimenter la pétrochimie au Québe et son aval ou s'il faudrait considérer de maintenir, sur des proportions beaucoup plus élevées la capacité de raffinage au Québec à la fin de 1983?

Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.

M. Ayoub: M. le Président, c'est là un sujet sur lequel je ne voudrais pas m'avancer pour donner un chiffre. Mais je voudrais donner les facteurs qui jouent dans le sens d'une amélioration tout au moins de cette capacité de 370 000 barils-jour. Autrement dit, toute ma position se résume en ceci: il me semble - là aussi il faut analyser d'une manière beaucoup plus profonde; je ne l'ai pas fait parce que ce n'est pas mon propos -qu'il faudrait voir si les ajustements qui ont été faits par les compagnies pétrolières n'ont pas dépassé le nécessaire pour rationaliser un marché à court terme. C'est dans cette perspective que je vois que le geste, par exemple, d'Imperial Oil est un geste de bon sens dans un certain sens, puisqu'elle se laisse un période de réflexion et si la

situation ou les calculs n'ont pas été conluants et justifiés par la réalité, il y a une porte d'entrée à nouveau, elle n'abandonne pas.

Il me semble que cette hésitation en soi doit nous indiquer que l'affaire n'est pas conclue, n'est pas dans le sac et que le Québec pourrait vivre et devrait vivre dans les prochaines années avec une capacité de raffinage de 370 000 barils-jour. La baisse a été plus draconienne à mon avis que la baisse correspondante dans la consommation actuelle et prévisible pour les années futures. C'est sur le plan de la consommation. Par ricochet, éventuellement, effectivement, c'est la place de Montréal... mais je laisse à celui qui va me succéder de parler de cela d'une manière plus compétente dans l'histoire de la pétrochimie. Mais, il me semble - je peux me tromper - que la pétrochimie peut être dans une situation difficile si on ne règle pas le problème du raffinage. (12 h 45)

Aussi, il faut le dire, cela nous ouvre des portes, s'il n'y a pas de prix discriminatoires concernant les prix selon lesquels la pétrochimie est approvisionnée. C'était le cas il y a quelques mois, à ma connaissance. Est-ce que cela pourrait le rester pour les années futures si le prix du pétrole, par exemple, se stabilise? Là aussi, je laisse la question, je n'ai pas de réponse à cela. Ce n'est pas mon intérêt immédiat, la question de la pétrochimie.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Dans votre rapport, à plusieurs endroits, vous parlez de la possibilité de coordonner et d'harmoniser les actions des différents intervenants qui souvent ont des objectifs fort différents, plus spécifiquement la province de Québec et le gouvernement fédéral. Je me demande, dans le contexte... À la page 25 de votre rapport, vous mentionnez que le but visé par le gouvernement fédéral, c'est de renforcer l'unité canadienne. Et, en ce qui concerne le gouvernement du Québec, l'objectif est de préserver et de défendre les intérêts de la collectivité québécoise pour aujourd'hui et pour demain. Dans l'ensemble de l'orientation des objectifs des deux gouvernements, est-ce qu'ils sont vraiment opposés à ce point-là? Y a-t-il une harmonisation qui se fait? Y a-t-il des relations? Quel est l'état généralement des relations entre les deux niveaux de gouvernement pour tenter d'établir une politique nationale?

Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.

M. Ayoub: M. le Président, sur ce point-là, je voudrais, avec votre permission, exposer très rapidement ma philosophie parce que c'est de cela que tout dérive. Ma philosophie, dans cette question, c'est qu'il y a moyen de coordonner les différents paliers des intervenants à l'intérieur du secteur pétrolier, soit les consommateurs, le gouvernement du Québec ou le gouvernement fédéral. J'ai donné des exemples de cela. Bien entendu, peut-être que, dans un premier temps, on n'aurait pas la même vision. Ce que je dis ici concernant la vision ultime du gouvernement fédéral peut être endossé parfaitement par le gouvernement fédéral. Je crois que je ne fais qu'exprimer ce qu'il a dit, c'est-à-dire que le lien énergétique à l'intérieur du pays soit renforcé comme à l'époque de la fin du XIXe siècle où le lien de transport par voie de chemin de fer a été aussi un certain facteur de lien entre les provinces du Canada. Le Québec étant producteur d'une source importante d'énergie qui est l'hydroélectricité et étant, en second lieu - et je le souligne à nouveau - le principal importateur de pétrole de l'ensemble canadien, il est évident qu'il prend une part importante à ce dossier. Le consommateur souhaite - et c'est tout à fait compréhensible - pouvoir s'approvisionner au meilleur prix et les compagnies veulent maximiser leurs profits. Voilà l'état de la situation.

Maintenant, il s'agit que nous - c'est-à-dire le gouvernement et ceux qui font l'opinion ou l'expertise - puissions avoir un peu d'imagination pour voir quelles sont les voies qui peuvent mettre tout ce monde-là dans un certain modus vivendi - je ne dirais pas dans un mariage heureux à 100%, il n'y en a pas dans la vie - et qu'on puisse vivre ensemble et en profiter de part et d'autre. C'est dans cet esprit que j'ai indiqué qu'il y a des projets, non pas à des niveaux politiques importants, mais à des niveaux moins élevés, comme celui par exemple d'une collaboration dont les modalités peuvent être discutées entre Petro-Canada international et, éventuellement, SOQUIP. Et là, ce n'est pas une nouveauté ce que j'avance, puisque SOQUIP est, avec Petro-Canada parfois, dans des explorations de "joint venture" partout et cela se fait dans le mouvement des affaires. Comme SOQUIP peut entrer en "joint venture" avec telle ou telle multinationale pour explorer ou pour développer tel gisement. Cela s'est fait et cela continue à se faire. Je dis qu'il y a des intérêts pour le Québec, il y a des avantages comparatifs et il faut que le gouvernement fédéral et aussi les sociétés de la couronne, nommément Petro-Canada international - je crois qu'il y a une certaine ouverture à explorer de ce côté-là - puissent travailler ensemble dans l'exploration de l'outre-mer. Voilà un point sur lequel il peut y avoir concordance.

Un deuxième point - c'est chaque moment de la vie et je ne veux pas me substituer à qui que ce soit au gouvernement

- c'est l'histoire du prix du gaz; il faut faire référence au fédéral nécessairement et s'entendre avec lui. Le prix du pétrole, c'est la même histoire et, éventuellement, un jour, l'exportation de l'électricité puisque, là aussi, il peut y avoir interférence. Tout ceci m'indique que tant et aussi longtemps que le statut politique est ce qu'il est, il faudrait effectivement trouver les moyens de tirer, comme on dit, directement son épingle du jeu. C'est ma philosophie. C'est ma position.

Le Président (M. Vallières): Nous vous remercions beaucoup, M. Ayoub, de votre témoignage.

Si les membres de la commission n'avaient pas d'objection et si les représentants de Pétromont n'en avaient pas non plus, nous pourrions suspendre nos travaux immédiatement pour les reprendre, cependant, à 14 h 30. S'il n'y a pas d'objection, de part et d'autre...

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Vallières): La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, 14 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 52)

(Reprise de la séance à 14 h 41)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux. Avant de procéder à l'audition du mémoire présenté par Pétromont, j'aurais à faire part à la commission d'une correction - à inscrire au journal des Débats - au mémoire qui a été présenté par l'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers, en date du vendredi 9 septembre 1983. La correction doit être effectuée à la deuxième phrase du dernier paragraphe, page 7 du mémoire de l'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers. La correction est la suivante. "Le président de la Caisse de dépôt et placement affirmait, le 28 février 1983" aurait dû se lire ainsi: "M. Marcel Bélanger, économiste, en parlant de la Caisse de dépôt et placement, affirmait le 28 février 1983".

M. Fortier: Adopté. Je suis toujours d'accord avec l'énoncé, mais ce n'est pas la bonne personne qui l'a dit.

Le Président (M. Vallières): Tel que demandé par les membres de la commission, cet erratum est souligné. Je demanderais maintenant au représentant de Pétromont de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît. Nous entendrons le président, M. John À. Dinsmore, au nom de Pétromont. M.

Dinsmore.

Pétromont

M. Dinsmore (John À.): Merci, M. le Président. Je suis particulièrement heureux d'être en mesure d'offrir le point de vue de Pétromont à la commission. Nous vous remercions sincèrement de l'acceptation de notre demande d'être entendus parce que nous croyons que la relation entre l'énergie et le développement économique est en particulier manifestée par le phénomène de la pétrochimie. Sachant que vous avez discuté déjà sous divers angles toute la question des ressources énergétiques, nous croyons que c'est peut-être utile dans vos délibérations de remarquer qu'une des composantes énergétiques est aussi transformable en matières industrielles par le biais de la pétrochimie. La pétrochimie, enfin, c'est une industrie qui est peu connue, souvent identifiée comme une industrie invisible à la population en général à cause de ses caractéristiques d'activités un peu éloignées des niveaux de consommation. Mais nous connaissons tous la variété de produits qui sont utilisés quotidiennement par nous tous aujourd'hui, qui sont la conséquence des développements dans la pétrochimie depuis une trentaine ou une quarantaine d'années. Les fibres synthétiques, les pneus, les peintures, les toiles, les tapis, toutes variétés et formes de matière plastique qui sont devenues des éléments de base dans une industrie très diversifiée et dans une société de plus en plus moderne.

Alors, nous voulons ici vous informer sur l'état de la pétrochimie au Québec et en particulier indiquer qu'il y a des préoccupations pour le gouvernement dans ce domaine et tout cela portant en particulier sur le développement économique dans l'avenir.

En parlant de la pétrochimie au Québec, il faut, d'abord, indiquer ce qu'est Pétromont. Pétromont est une société en commandite créée il y a trois ans par la mise en place d'une société avec trois actionnaires, Gulf Canada, Union Carbide et par le biais d'une filiale à part entière, la SGF, la Société générale de financement du Québec. Pétromont a été formée pour coordonner les activités de deux usines existantes dans la région de Montréal; une usine qui appartenait autrefois à Union Carbide à Montréal-Est et une deuxième, plus grande, à Varennes, qui était le propriété de Gulf. Par la combinaison de ces deux usines, on est maintenant en mesure de réaliser certains avantages de rationalisation des activités et de consolider toute l'activité de la production pétrochimique de base dans la région de Montréal. Nous alimentons une variété d'industries dans notre région qui, par la suite, sont les fournisseurs de matières

premières à toutes sortes d'industries en aval. Au total, la pétrochimie au Québec peut compter dans la partie primaire, c'est-à-dire Pétromont et ses clients immédiats, des emplois qui sont de l'ordre de 1500 à 2000, mais en aval, dans la variété d'industries attachées aux dérivés de la pétrochimie, on compte, selon des analyses du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme du Québec, environ • 24 000 personnes.

L'étendue de l'industrie est substantielle et, chose peut-être aussi importante, l'industrie est très intégrée dans l'activité de traitement des hydrocarbures dans la vallée du Saint-Laurent. Vous savez déjà que Montréal est un centre important de raffinage de pétrole. Encore ce matin, on constate que cette activité est en train d'être diminuée et que nous traversons une période difficile pour l'industrie du raffinage. De toute façon, le raffinage existe à Montréal depuis au-delà de 50 ans et c'est en fonction de cette présence que la pétrochimie a pu se développer. Nous prenons, comme producteurs de base, des dérivés de pétrole, de raffinage comme matière première et c'est justement en fonction de nos relations avec les raffineurs de Montréal et en partie de l'extérieur de la région montréalaise que nous fonctionnons présentement.

Nous agissons dans les deux sens, d'abord pour offrir un marché aux raffineurs québécois; nous avons à peu près 5% de leur capacité utilisée comme matière première. D'un autre côté, nous comptons sur la diversité des fournisseurs pour nous procurer à la fois la sécurité d'approvisionnement et un environnement concurrentiel qui permette de trouver des prix les plus raisonnables possible dans les circonstances. Nous avons aussi comme activité une relation très intime avec la région, surtout avec la ville de Montréal et les environs. Nous sommes des utilisateurs considérables de services de tous les types qu'on peut imaginer: services d'ingénierie, services de sous-traitance, services professionnels. Nous avons aussi l'avantage des réseaux de transport, toute l'infrastructure pour la réception des matières premières et pour les envois de produits qui sont présentement installés et qui permettent une facilité d'accès non seulement aux matières premières, mais au marché de la région et pour les exportations. Nous devons remarquer que pour la pétrochimie la situation de Montréal vis-à-vis des grands marchés de consommation est un phénomène très spécial et nettement un actif dans le bilan industriel du Québec. On peut aller loin pour trouver un autre endroit qui est aussi bien équipé et situé aussi avantageusement pour l'activité pétrochimique.

Tout ceci dit, il faut admettre que nous avons non seulement une préoccupation pour conserver et continuer la pétrochimie dans la région de Montréal, mais on insiste pour dire que la pétrochimie peut jouer un rôle catalyseur dans le développement industriel de la région que nous définissons comme la vallée du Saint-Laurent.

On a remarqué dans le passé que différents centres ont bénéficié de la disponibilité de certaines ressources pour aider le progrès économique; l'énergie électrique, en particulier, a aidé dans le passé pour le développement de villes comme Shawinigan, Beauharnois, Trois-Rivières, Baie-Comeau. Nous voulons remarquer maintenant que l'énergie électrique est certainement disponible dans la vallée du Saint-Laurent. Il y a aussi d'autres facteurs qui devraient à l'avenir susciter un développement progressif sur le plan industriel.

Si on prend tout le transport maritime, les disponibilités des terres industrielles et si on ajoute à cela - là, nous voulons faire la précision particulière - la disponibilité des matières de base pétrochimiques, on peut faire le joint entre d'autres types d'activités surtout dans l'électrochimie et la production pétrochimique pour réaliser d'autres investissements, d'autres activités industrielles qui profitent justement de la situation bien alimentée dans la région de la vallée du Saint-Laurent. Nous avons, en particulier, identifié la combinaison du chlore et de l'éthylène comme une activité particulièrement appropriée au Québec. Il n'existe pas présentement une production de polychlorure de vinyle. Nous croyons que l'excédent de chlore qui est la conséquence de la production de soude caustique, notamment à Bécancour et à Beauharnois, pourrait se combiner avec l'éthylène pour offrir une activité à plusieurs étapes qui vont amener dans l'Est du Canada et aussi dans le Nord-Est américain une source d'approvisionnement en polychlorure de vinyle qui serait avantagé par les coûts d'électricité dont dispose la vallée du Saint-Laurent combiné avec la disponibilité d'un réseau de transport et une accessibilité au marché de consommation. À titre d'exemple, nous voulons faire remarquer que nous voyons la pétrochimie comme une des grandes industries particulièrement importantes pour l'élaboration du tissu industriel; elle s'ajoute aux autres avantages disponibles dans la vallée du Saint-Laurent pour offir au Québec un avenir prometteur.

Cependant, il faut aussi admettre que la situation de l'industrie pétrochimique en ce moment n'est pas des meilleures. Depuis un certain temps au Canada, nous avons vécu une augmentation dans les coûts de nos matières premières déterminée en fonction de la politique et d'ententes avec les provinces productrices, et cela même s'il y a eu une stabilisation et, ensuite, une certaine

réduction dans le prix des matières premières ailleurs dans le monde.

Au commencement, Pétromont a disposé d'un avantage prononcé dans le coût de nos matières premières, chose qui en partie a incité à la création de l'entreprise. Cette situation est presque éliminée aujourd'hui en fonction de la hausse au Canada du prix du pétrole par rapport au prix mondial. À Montréal, aujourd'hui, on paye à peu près le même prix que les importateurs dans le sud des États-Unis pour le pétrole.

Par contre, il y a eu dans la même période une récession économique, la pire depuis la période d'avant la deuxième guerre mondiale. Une des conséquences de cette récession est ceci: dans tous les centres de production pétrochimique à travers le monde, on a été frappé par une réduction de la consommation des produits au moment où l'industrie avait complété une période d'expansion des plus prononcées depuis son commencement. À travers la période des années soixante-dix, il y a eu des augmentations de capacité particulièrement prononcées, à tel point qu'aujourd'hui l'industrie fonctionne à peu près autour de 60% de sa capacité installée partout dans le monde.

Alors, le résultat de tout cela amène des réductions dans les prix des produits qui sont particulièrement difficiles à absorber en relation avec le coût de nos matières premières. L'industrie de la pétrochimie dans l'Est du Canada, traditionnellement, est basée sur des dérivés du pétrole, c'est-à-dire du pétrole brut. Cette relation a permis la production d'une grande variété de produits qui avantage une variété de secteurs d'industries en aval. Par contre, la production aux États-Unis et ailleurs dans des endroits où la production est le meilleur marché aujourd'hui est basée sur un dérivé du gaz naturel qui s'appelle l'éthane. Le résultat est que, même si leur pétrochimie est plus spécifique en termes de variété de produits, cela permet de concurrencer le produit principal de nos installations; donc, cela nous rend difficilement concurrentiels avec les grands centres de production ailleurs.

Tout cela a amené l'industrie pétrochimique au Québec dans une situation particulièrement difficile, à tel point que nous avons fait des représentations notamment au gouvernement fédéral. Nous avons reçu comme réponse initiale que nous aurions une aide financière à condition que le gouvernement du Québec puisse fournir des montants égaux, condition que le gouvernement a acceptée. Présentement, Pétromont reçoit de l'aide financière pendant les années 1983 et 1984, en attendant les conclusions d'un groupe de travail qui a été mis sur pied par le gouvernement fédéral et qui est composé de représentants de l'industrie et du monde du travail pour développer un cadre politique qui devrait permettre à l'industrie d'envisager un avenir positif. Le travail présentement amorcé n'est pas complété. Normalement, le groupe de travail devrait remettre ses conclusions d'ici à la fin de l'année 1983 et, par la suite, le gouvernement fédéral est censé réagir aux recommandations. (15 heures)

Si on peut déterminer une orientation stratégique pour l'industrie pétrochimique en termes de politique, nous croyons que cette orientation va impliquer une utilisation accrue de gaz pétroliers liquéfiés, les GPL, qui sont spécifiquement le propane et le butane. Évidemment, ce sont des matières premières qui ne sont pas présentement disponibles facilement au Québec. Par contre, il faut remarquer que la production de propane et de butane est excédentaire aux besoins du Canada, à tel point qu'au-delà de 50% de la production est présentement exportée largement aux États-Unis. Il n'est pas impossible que la politique cherche des moyens pour rendre accessibles à Montréal, entre autres à l'industrie pétrochimique, ces excédents de production en fonction de réseaux de transport plus efficaces que le système actuel du chemin de fer ou des camions citernes. Si cela arrive, il sera nécessaire aussi de trouver un mécanisme pour permettre aux GPL de concurrencer les alimentations qui existent présentement parce qu'elles sont devenues trop chères pour permettre à la pétrochimie à Montréal de concurrencer les autres centres de production. Une telle proposition va nécessiter de trouver un mécanisme pour modifier les prix des GPL afin de les rendre concurrentiels vis-à-vis des États-Unis et de l'Ouest canadien.

Cela étant dit, il faut aussi remarquer que ce n'est pas seulement en fonction d'approvisionnement de l'Ouest canadien qu'il faut déterminer l'avenir de la pétrochimie au Québec. Je pense qu'il est particulièrement avantageux pour le Québec de se trouver, et cela prochainement, entre deux sources d'approvisionnement au Canada pour les hydrocarbures. On sait bien le progrès qu'on fait dans les découvertes en face de la Nouvelle-Écosse pour le gaz naturel. On nous informe que le gaz qui sortira de ces gisements va offrir en même temps des quantités considérables de GPL. Il y a aussi les découvertes de pétrole plus loin, à Hibernia, qui en plus du pétrole produiront aussi des GPL en grande quantité. D'ici à la fin de la décennie, le Québec aura le choix entre les hydrocarbures disponibles de l'Alberta et de la Saskatchewan et en même temps à partir des gisements de la côte est. Je crois que c'est une situation particulièrement favorable pour conserver et cultiver la pétrochimie dans la vallée du

Saint-Laurent dans l'avenir.

Très rapidement parce que je ne veux pas m'arrêter trop longtemps sur des détails et aussi pour commencer la période des questions plus spécifiques, j'aimerais terminer en lisant les conclusions de notre mémoire.

Les membres de l'Assemblée nationale du Québec ont eu l'occasion de manifester leur désir de voir se maintenir et se développer une industrie pétrochimique dans la vallée du Saint-Laurent. C'est avec beaucoup de satisfaction que nous avons pris connaissance de la motion adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale afin que Pétromont soit exemptée de certaines taxes sur le pétrole. Plus récemment, l'exécutif du gouvernement du Québec devait, d'ailleurs, décider de pairer l'aide consentie par le gouvernement canadien. À cet égard, nous reconnaissons que cette aide financière venue des capitales nous permet de poursuivre nos activités. Il nous faut, cependant, rappeler que ce n'est que lorsque des mesures à plus long terme garantissant la disponibilité et un prix concurrentiel pour nos sources d'approvisionnement seront en place que nous pourrons tirer un meilleur bénéfice des installations pétrochimiques du Québec.

Pétromont entend participer très activement au comité d'étude créé par le gouvernement fédéral. Nul doute qu'un appui persistant du gouvernement du Québec sera nécessaire afin que les autorités publiques d'Ottawa s'inspirent des recommandations de ce comité d'étude et énoncent des politiques soucieuses des particularités de l'industrie pétrochimique de l'Est et des conditions essentielles à son développement.

Nous souhaitons également que le gouvernement du Québec déploie tous les efforts nécessaires pour raffermir la vocation du centre de raffinage de Montréal. La sécurité des approvisionnements de Pétromont repose sur la continuité et le renouvellement de cette vocation. À plus long terme, le Québec se doit de posséder un dossier très à jour des découvertes d'hydro-carbures de la côte est et imaginer des propositions interprovinciales permettant d'utiliser le plus efficacement les équipements de Montréal. À l'inverse, on pourrait assurer aux provinces productrices un retour de valeurs économiques permettant à celles-ci de poursuivre l'exploitation de leurs ressources et la mise en place d'une activité manufacturière de troisième ou de quatrième niveau dans la chaîne de transformation des bases pétrochimiques.

À l'assurance d'approvisionnement à des prix concurrentiels correspondent directement les marchés et la clientèle. Le Québec doit aussi agir en ce domaine en ayant des politiques de développement économique qui visent à harmoniser les sources d'énergie et à en tirer le meilleur bénéfice au profit de l'ensemble de l'industrie manufacturière. Toutefois, le segment de l'industrie manufacturière relié à la pétrochimie devrait être en tête de liste de ces priorités. Que ce soit en offrant des tarifs d'électricité qui améliorent les chances d'implantation d'usines en aval de la pétrochimie ou par le biais de "joint ventures" entre des sociétés d'État et des entreprises privées, il peut être imaginé plusieurs formes d'appuis et de stimulants à ce secteur. Pétromont offre ses services à cet égard et souhaite examiner avec le gouvernement du Québec les choix stratégiques qui pourraient permettre d'optimiser le développement de cette activité manufacturière.

Le gouvernement du Canada devra, de son côté, réaffirmer son intention de voir se développer, selon leurs avantages distinctifs, l'activité des trois centres pétrochimiques au pays. Il devra également réserver une place de choix à la pétrochimie au sein de sa stratégie industrielle. Les politiques énergétiques devront être modifiées de façon à établir une distinction très nette entre les hydrocarbures destinés au rôle énergétique, par rapport à celui de levier économique et d'atout industriel que représentent les hydrocarbures servant de matières premières à la pétrochimie. Seule une différenciation de prix peut clairement indiquer ce choix.

En terminant, nous remercions les membres de la commision de leur participation intéressée à cette présentation et nous sommes disposés à discuter avec eux des caractéristiques de notre secteur d'activités et des suggestions que nous venons de présenter. Nous aimerions qu'au terme de cet échange les parlementaires du Québec deviennent des promoteurs inconditionnels du développement de la pétrochimie au Québec et fassent partager au plus grand nombre possible de nos concitoyens l'importance économique de cette industrie et le potentiel qu'elle représente dans la hiérarchie des options industrielles du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Dinsmore. Est-ce que vous pourriez identifier la personne qui vous accompagne?

M. Dinsmore: Certainement, M. Marcel Émond, qui est vice-président de la production et approvisionnement de Pétromont.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, M. Dinsmore, à la fois pour votre mémoire et pour la présentation que vous venez d'en faire. En vous écoutant, cela me rappelle des souvenirs de quelques années à peine, alors que j'étais au ministère de l'Industrie, du Commerce et

du Tourisme, avec la responsabilité du dossier de la SGF. Je me souviens que c'est à cette époque que nous avons donné un mandat à la SGF pour lui permettre de mettre sur pied une filiale qui s'appelle Éthylec, je crois, et qui détient le tiers des intérêts dans Pétromont avec Gulf et Union Carbide. Cela remonte déjà, mon Dieu, à presque trois ans. Le défi était de maintenir une industrie pétrochimique à Montréal et d'en faire un complexe de taille mondiale. Vous me corrigerez si ma mémoire fait défaut, mais il me semble qu'on voulait doubler la capacité de vapocraquage à Montréal. On voulait aller rejoindre ce qu'on appelait le seuil mondial qui est de 1 000 000 000 de livres d'éthylène, je crois.

Bien sûr, beaucoup de choses, je devrais dire beaucoup de bouleversements se sont produits sur le marché du pétrole international. Vous rappelez avec justesse le problème no 1, pas tellement la question des approvisionnements comme telle, mais les prix. Dans le jargon, on appelle cela le prix du "feed stock". Cela reste, d'après vos propos d'aujourd'hui et d'après votre mémoire aussi, le problème no 1. Mais, avant d'aborder cette question, je voudrais vous poser une question d'ordre général. Est-ce que c'est toujours logique de penser qu'on peut maintenir au Canada - dans l'Ouest, en Ontario et à Montréal, ou dans la vallée du Saint-Laurent - trois centres pétrochimiques dans la mesure où une partie de plus en plus large des produits est vouée à l'exportation et où la capacité installée sur le marché mondial - quand on se réfère au marché mondial, on se réfère, j'imagine, aux pays industrialisés de l'Ouest - tourne à peu près à 60%? Est-ce que c'est toujours possible de maintenir et de relever ce défi de créer à Montréal un centre de pétrochimie de taille mondiale, tel qu'on l'envisageait il y a trois ans ou trois ans et demi?

Le Président (M. Vallières): M. Dinsmore.

M. Dinsmore: M. le Président, j'aimerais répondre au ministre en deux étapes. Il pose la question de la mission originale de Pétromont qui était de doubler de capacité pour arriver à la taille mondiale. Cet après-midi, j'ai admis que la situation conjoncturelle indique que ce serait très difficile, sinon impossible. Je crois que, si nous devons fonctionner avec des matières premières à partir des raffineries seulement, comme c'était fait traditionnellement et comme cela se fait encore maintenant, nous n'aurons pas la moindre chance de penser à l'expansion. Si, par contre, on accepte qu'il y ait des creux et des périodes expansionnistes qui se succèdent les uns aux autres, si on accepte des projections qui suggèrent qu'il y aura quand même des augmentations dans la consommation de nos produits, d'ici la fin du siècle, de l'ordre de 3% à 4% par année, il faut déterminer si le Canada, spécifiquement, pays très riche en hydrocarbures - en passant, qui possède des hydrocarbures pas tout à fait de la sorte qu'on aimerait avoir; on aimerait beaucoup plus de pétrole et peut-être un peu moins de gaz naturel, mais, de toute façon, on est très riche en hydrocarbures - ayant fait l'examen de toutes ces options industrielles, de toutes ces options manufacturières, arrive à la conclusion qu'il y a au moins, comme un des volets de développement économique, la nécessité de valoriser ses richesses naturelles au maximum, en fonction des marchés disponibles. (15 h 15)

Je pense qu'on peut déterminer des politiques favorables à l'encouragement de la pétrochimie comme, entre autres, une industrie non seulement pour combler les besoins domestiques, mais aussi une industrie d'exportation qui serait, en termes d'emplois, en termes de valeur ajoutée, en termes de contribution économique, au moins l'égale et qui devrait même dépasser considérablement la réalisation que nous avons présentement en faisant l'exportation de nos hydrocarbures sous une forme brute ou en les laissant dans la terre. Je pense que c'est le genre de choix qui, à un moment donné, doit être déterminé non seulement par le gouvernement fédéral, mais aussi par le gouvernement du Québec. Ce n'est pas une question à laquelle la réponse est automatique et claire. Il faut développer un environnement favorable pour permettre le développement de la pétrochimie au Québec.

J'admets que ce n'est pas facile de comprendre pourquoi il faut développer la pétrochimie ici et pas ailleurs. Mais c'est peut-être intéressant de remarquer que, si on voulait remplacer les installations de Pétromont aujourd'hui, il serait nécessaire d'investir près de 1 000 000 000 $ simplement pour imiter les équipements en place. Ce serait très difficile de recréer cette industrie ailleurs ou encore de développer le tissu qui assure le fonctionnement de ces installations. C'est quelque chose que le Québec a pu réaliser depuis 40 ans et ce n'est pas quelque chose qui peut être répété rapidement à d'autres endroits, à tel point que nous avons été informés récemment par des hauts fonctionnaires du gouvernement de la Nouvelle-Écosse que ce n'est pas leur intention - dans un avenir rapproché, certainement pas, et peut-être jamais -d'installer, en Nouvelle-Écosse, un centre pétrochimique. On arrive à la conclusion que c'est à la fois un trop grand risque sur le plan financier et un investissement qui dépasserait toute raison.

Je pense qu'ayant été doté des équipements et des infrastructures nécessaires, du fait qu'il y aura une disponibilité d'hydrocarbures non seulement de l'Ouest canadien, mais de l'Est, on peut essayer de déterminer l'environnement favorable pour réaliser l'ambition originale de Pétromont qui vise un centre d'activités d'une importance du double des installations actuelles.

J'aimerais également ajouter un mot relativement à une situation qui s'est produite depuis trois ans. La taille mondiale, telle que définie dans le temps, n'est peut-être plus valable. Tous les centres justifiaient des installations qui avaient la capacité de 1 000 000 000 de livres d'éthylène par année et les produits connexes. Aujourd'hui, c'est moins la taille que la flexibilité des installations qui est importante. Déjà, Pétromont a fait la preuve que la plupart des matières premières peuvent entrer avec les équipements en place. Si nous voulons compléter la capacité en termes de flexibilité de Pétromont, cela va coûter peut-être de 25 000 000 $ à 30 000 000 $ de plus. Déjà, on a presque 80% des besoins en place et nous sommes probablement le centre le plus capable de s'adapter aux GPL, parmi tous ceux du Canada. Je pense que nous partons d'une base très solide et, avec un changement dans le climat économique, on pourrait se développer davantage. Ce n'est pas nécessaire de doubler les installations d'un seul coup; c'est un autre avantage de nos installations. Nous pouvons greffer des tranches beaucoup plus modestes au fur et à mesure du développement des marchés.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Duhaime: Vous connaissez, M. Dinsmore, non seulement notre intérêt, mais notre engagement dans la pétrochimie. Je crois que c'est à la hauteur d'une vingtaine de millions de dollars qu'a été la contribution du gouvernement récemment. On n'a pas l'intention, au contraire, de revenir sur les objectifs. Je voudrais vous parler du prix des matières premières. Depuis la reprise des travaux de notre commission, beaucoup d'intervenants nous font valoir leurs propres scénarios sur l'évolution des prix. Au bas de la page 23 et à la page 24, en particulier, de votre mémoire, vous écrivez: "Les politiques énergétiques devront être modifiées de façon à établir une distinction très nette entre les hydrocarbures destinés au rôle énergétique par rapport à celui de levier économique et d'atout industriel que représentent les hydrocarbures servant de matières premières à la pétrochimie. Seule une différenciation des prix peut clairement indiquer ce choix."

On va s'entendre bien clairement sur les termes. Ce que vous avancez dans votre proposition, c'est un mécanisme de double prix: un prix aux matières premières pour alimenter la pétrochimie et un prix pour le reste. Est-ce que je comprends bien le sens de votre proposition qui serait de faire en sorte que le prix des matières premières à la pétrochimie devrait être distinct du reste du marché? Ce qui voudrait dire quoi? Un prix contrôlé et un prix subventionné? Qu'est-ce que vous avez en tête exactement?

Le Président (M. Vallières): M.

Dinsmore.

M. Dinsmore: Je pense que le ministre identifie une position que nous avons exprimée depuis au-delà d'un an, presque deux ans maintenant, aux autorités fédérales en disant que nous pouvons peut-être comprendre pourquoi le système fiscal doit prélever une contribution aux deniers publics au moment de la production d'un hydrocarbure si sa vocation est d'être consommé par une combustion quelconque qui met fin à sa vie utile. Si, par contre, le système est en mesure de renouveler et même d'augmenter la contribution économique de la matière première par des transformations successives, nous croyons que ce n'est pas nécessaire d'imposer l'hydrocarbure au moment de sa production, mais plutôt d'attendre des recettes, en fonction des différents niveaux de transformation, par le système des impositions bien connu et traditionnel. C'est à cause de cela que nous proposons cette distinction. Les modèles pour arriver là peuvent prendre différentes formes. Probablement que le plus efficace serait d'éliminer la taxation au niveau de la production initiale et de développer des taxes plutôt près de la consommation déterminante de la matière et de permettre à tout hydrocarbure valorisé par la chaîne pétrochimique des exemptions afin d'encourager la transformation ultérieure.

Les modalités d'un tel système n'ont jamais été analysées par nous, parce que nous ne sommes pas des experts fiscaux. Par contre, je pense que le principe a été identifié et la question maintenant reste à savoir si le principe a été accepté. Sinon, il y a peut-être d'autres façons pour régler la question des prix. Entre autres, on a parlé cet après-midi de l'utilisation accrue des GPL. Il y a possibilité, en fonction des surplus de production au Canada, de modifier la situation à l'offre et la demande afin de faire descendre le prix en fonction d'une disponibilité excessive en mettant une limite sur les exportations des GPL. Le Canada, après tout, contrôle les permis d'exportation et, si on peut montrer que c'est véritablement la façon de réaliser une

industrie compétitive, je pense qu'il serait dans l'intérêt de tous d'appliquer ce qu'on appelle des "surplus tests" beaucoup plus sévères pour déterminer le niveau d'exportation des GPL du Canada.

C'est certainement une autre façon, mais dans le texte ici on avait, justement, en tête l'idée de modifier la structure fiscale afin d'exempter toute valorisation de la matière en forme de matière pétrochimique des taxes, afin de simplifier la situation économique.

M. Duhaime: Si je comprends bien vos propos, cela veut dire que, comme acheteurs de matières premières, vous souhaiteriez que la taxation, au lieu de s'appliquer à votre niveau, soit reportée en aval.

Maintenant vous nous avez dit tantôt, si j'ai bien saisi le chiffre, que c'est à 50% que les gaz pétroliers liquéfiés, ce que vous appelez les GPL, principalement le propane et le butane, sont exportés. Est-ce que ces produits qui sont exportés aujourd'hui pourraient être valorisés ici à Montréal, par exemple? Est-ce que vous avez fait l'examen des infrastructures qui seraient nécessaires pour être en mesure de valoriser les GPL plutôt que de les exporter?

Une voix: M. Dinsmore.

M. Dinsmore: M. le Président, Pétromont travaille de concert avec d'autres de l'industrie pour identifier s'il existe déjà au moins des éléments pour rationaliser le système de transport des GPL de l'Ouest canadien et surtout de Sarnia, jusqu'à Montréal parce qu'il y a déjà un réseau en place pour transporter les GPL jusqu'à Sarnia. Ces études sont à un stade très préliminaire et nous n'avons pas de conclusion à vous indiquer cet après-midi, sauf pour dire qu'on va probablement avoir besoin de construction de pipelines ou d'adaptation de pipelines existants. Cela dépend de la condition et des intérêts concernés et ces discussions n'ont pas encore été entamées.

Une fois arrivés à Montréal, les GPL doivent être emmagasinés. Souvent, cela arrive dans un mélange; alors, il y a possibilité d'installer des équipements de séparation. Mais une fois disponibles sur une base fiable à Montréal et à des prix compétitifs, leur introduction dans nos équipements propres à Pétromont ne serait pas très difficile. Comme je l'avais mentionné, nous avons la nécessité de faire certains investissements qui, à la limite, pourraient toucher quelque chose autour de 30 000 000 $ pour réellement les rendre complètement adaptés aux GPL. Mais je pense déjà, en particulier pour le butane, que nous pouvons fonctionner jusqu'à 70% sur le butane à Varennes, qui est notre installation principale.

J'aimerais ajouter, en passant, que nos installations à Montréal-Est fonctionnent déjà exclusivement sur des gaz de raffinerie et le gaz propane. Alors, il n'est pas question là de substituer des dérivés du pétrole comme tels, sauf pour dire que les gaz de raffinerie sont un produit des raffineries de Montréal et cette usine est raccordée par des pipelines aux raffineries voisinantes, ce qui permet à Pétromont une exploitation très efficace. (15 h 30)

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Duhaime: Je suis très heureux de voir que ce dossier fait l'objet d'études et de travaux chez Pétromont et que, éventuellement, si les niveaux de consommation l'indiquaient, cela pourrait peut-être devenir une phase de développement ultérieure pour Pétromont dans cette direction.

Il y a juste un dernier point avant de permettre à mes collègues de discuter avec vous. Vous indiquez vous-même dans votre mémoire que vous souhaitez que notre gouvernement "déploie - je me réfère à la page 22 de votre mémoire - tous les efforts nécessaires pour raffermir la vocation du centre de raffinage de Montréal. La sécurité des approvisionnements de Pétromont repose sur la continuité et le renouvellement de cette vocation." Il a été beaucoup question, depuis la reprise des travaux de la commission, de cette baisse des capacités de raffinage à Montréal. Je sais que vous êtes déjà familier avec ces chiffres, mais je voudrais quand même les rappeler. Au début de 1982, les capacités installées au Québec étaient de l'ordre de 607 000 barils-jour. Avec la projection de fin 1983, en mettant à côté d'Ultramar 130 000 barils-jour de capacité, le Québec se retrouverait, à cause de la suspension des activités d'Esso et des fermetures chez BP et Texaco à 375 000 barils-jour de capacité de raffinage par rapport à l'Ontario qui était de 678 000 barils-jour à la fin de 1982. Il y a eu une fermeture, celle de Shell à Oakville, et des réductions dans d'autres raffineries; l'Ontario se retrouverait à un niveau d'environ 560 000 barils-jour à la fin de 1983 par rapport à 370 000 ou 375 000 barils-jour à Montréal, enfin au Québec.

Est-ce que cette capacité de raffinage de l'ordre de ce que je viens de vous donner comme projection donne suffisamment de garantie à Pétromont quant à la sécurité des approvisionnements pour lui permettre d'envisager de poursuivre ses activités ou bien si, comme le souligne votre mémoire, vous souhaitez que le gouvernement déploie tous les efforts nécessaires pour raffermir la vocation du centre de raffinage de Montréal?

Est-ce que votre proposition va dans le sens que vous invitez le gouvernement à travailler non seulement à maintenir les capacités projetées, mais à les augmenter?

Le Président (M. Vallières): M.

Dinsmore.

M. Dinsmore: Je me demande, M. le Président, si je peux inviter mon collègue, M. Émond, qui est beaucoup plus familier avec le réseau de raffinage au Québec. En passant, M. Émond, était dernièrement, avant de se joindre à Pétromont, le directeur de la raffinerie Ultramar en face de la ville de Québec. Il est très familier avec la situation du raffinage au Québec. Je l'invite à commenter la question.

M. Émond (Marcel): M. le Président, si la capacité de raffinage de 375 000 barils de pétrole brut au Québec demeurait stable, je crois bien qu'avec la capacité de production d'éthylène telle qu'elle est dans le moment, pour Pétromont, qui est de 425 000 000 de livres, on aurait suffisamment de matière première pour s'alimenter. Par contre, toute réduction substantielle de cette capacité pourrait causer certains problèmes à court terme. Par contre, si on continue, disons, à aller dans la même veine et qu'on a une ou deux autres fermetures, la situation pourrait devenir critique.

M. Duhaime: On dit que 375 000 barils-jour de capacité de raffinage installée peut vous fournir de la matière première pour envisager 425 000 000 de livres d'éthylène.

M. Émond: Oui.

M. Duhaime: Si la capacité de raffinage restait ce qu'elle est, cela exclut de toute manière que Pétromont puisse prendre de l'expansion en termes d'augmenter sa capacité de vapocraqueurs.

M. Émond: Pas nécessairement. Les besoins de Pétromont représentent environ 5% de cette capacité de raffinage, ce qui est un bon rapport pour l'alimentation pétrochimique. C'est sûr et certain que, si Pétromont doublait sa capacité, il faudrait trouver les autres 5%. À ce moment-là, on pourrait avoir la côte Est, on pourrait avoir les importations, on pourrait avoir un pourcentage accru des raffineurs; cela devient plus difficile. Ce qui est souhaitable, c'est que la position du Québec comme centre de raffinage ne s'effrite plus.

M. Duhaime: Cela voudrait dire, si je vous saisis bien - vous me corrigerez si je fais erreur - que la capacité de raffinage constante...

M. Émond: Oui.

M. Duhaime: ...qui représente, suivant vos besoins... Vous nous parlez de 5% qui correspondrait à une production chez Pétromont de 425 000 000 de livres d'éthylène.

M. Émond: Exactement.

M. Duhaime: Si Pétromont décide d'augmenter sa production vers ce qu'on envisageait, il y a deux ou trois ans, comme étant, à la taille mondiale à l'époque, 1 000 000 000 de livres - cela m'a l'air que les scénarios ont changé - cela voudrait dire que, parce qu'il manquerait de capacité de raffinage installée au Québec, si on veut donner une expansion à la pétrochimie, il faudrait importer des matières premières requises par Pétromont, si je comprends bien.

M. Émond: Cela pourrait être le cas.

M. Duhaime: Les gens qui viennent ici devant la commission et qui nous disent que les diminutions de capacité de raffinage à la suite d'annonce de deux fermetures, soit celle de Petrocan-BP et celle de Texaco, et la suspension des activités de la raffinerie de Esso peuvent mettre en péril la pétrochimie au Québec, est-ce que vous vous ralliez à cette proposition-là ou si vous croyez que...

M. Émond: Elle ne mettrait probablement pas en péril la position de la pétrochimie au Québec, mais elle la rendrait certainement plus difficile.

M. Duhaime: Elle pourrait couper toute possibilité d'expansion.

M. Émond: Cela pourrait sûrement la rendre difficile.

M. Duhaime: Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je pense que l'exemple de la pétrochimie au Québec est un exemple flagrant de la nécessité d'une collaboration fédérale-provinciale. Je crois que vous l'indiquez en filigrane dans votre mémoire. D'ailleurs, j'ai été celui qui a fait la proposition à l'Assemblée nationale pour demander au fédéral de faire des choses pour que les conditions nécessaires puissent assurer la survie de la pétrochimie au Québec. Lorsqu'on parle de développement économique, on s'aperçoit que les problèmes deviennent tellement difficiles à résoudre, eu égard aux matières premières, eu égard aux politiques énergétiques, que vous indiquez justement dans vos conclusions que, pour

réussir dans le domaine de la pétrochimie au Québec, il faudra que le gouvernement fédéral fasse des modifications importantes à sa politique énergétique. Vous indiquez également qu'il y a une action nécessaire de la part du gouvernement provincial. Je crois que c'est un exemple patent où les deux niveaux de gouvernement doivent collaborer pour assurer la survie et le développement d'une industrie qui, de toute évidence - on parle de 24 000 emplois - est de première importance pour le Québec.

J'aimerais reprendre une à une certaines de vos conclusions. Vous parlez en premier du comité d'étude qui a été formé. J'avais entendu dire, à un moment donné, qu'il y avait certaines inquiétudes, à savoir si les représentants du Québec étaient en nombre suffisant pour faire valoir le point de vue du Québec. Vous avez semblé indiquer que les travaux du comité d'étude allaient dans une bonne direction. Pouvez-vous donner aux membres de la commission une certaine assurance, à savoir qu'il y a un nombre suffisant de représentants du Québec pour assurer que le point de vue du Québec soit bien défendu et que, somme toute, ce comité devrait arriver à de bonnes conclusions en ce qui nous concerne?

Le Président (M. Vallières): M.

Dinsmore.

M. Dinsmore: M. le Président, je veux dire que la représentation des entreprises qui sont installées entièrement ou partiellement au Québec au niveau du "task force", du groupe de travail est très considérable. Je n'ai pas fait la relation, mais il y a au moins 50% des représentants qui composent le groupe de travail qui ont des investissements au Québec. Est-ce que c'est suffisant? Je pense qu'il faut attendre les conclusions.

M. Fortier: Si c'est 50%, c'est beaucoup parce qu'à un moment donné, on m'avait indiqué que cela serait beaucoup moins. Je suis heureux de savoir que le point de vue de ceux qui ont des intérêts au Québec va être entendu.

On parle, un peu plus loin dans vos recommandations, de la nécessité de raffermir la vocation du centre de raffinage et j'aimerais continuer dans la lignée de ce que le ministre a évoqué. Est-ce que le fait de... Peut-être que je ferais mieux de faire porter la discussion sur ce que sont les matières premières utilisées. On a parlé du pétrole et on a parlé du prix du pétrole, donc de la nécessité d'une révision de la politique énergétique fédérale. Il y a d'autres produits ou sous-produits que vous utilisez; vous avez parlé de la possibilité d'utiliser les GPL; vous avez parlé des gaz qui viendraient des raffineries. Quels sont les sous-produits qui proviennent des raffineries de pétrole, à part les gaz, et à quoi servent ces gaz-là? Est-ce que c'est sous forme de combustion? Est-ce qu'il s'agit d'un élément servant à la combustion? Est-ce qu'il s'agit d'une matière première comme telle qui entre dans la fabrication des produits? Pourriez-vous m'indiquer quels sont ces produits qui proviennent des raffineries de pétrole et à quoi ils servent?

M. Dinsmore: Peut-être que je peux de nouveau...

Le Président (M. Vallières): M. Émond.

M. Émond: M. le Président, si on commence par l'énumération des gaz les plus légers, les gaz de raffinerie sont les gaz produits par l'opération du craqueur catalytique. Ces gaz contiennent un certain volume d'éthane, de propane et de butane ainsi que des gaz non saturés comme l'éthylène et le propylène. On en fait le recouvrement et on craque l'éthane, le propane et le butane pour produire nos dérivés.

M. Fortier: Cela sert comme matière première.

M. Émond: Cela sert comme matière première. On n'utilise pas les gaz de raffinerie comme combustible. On utilise nos propres gaz qui sont un produit secondaire de la réaction de craquage et aussi le gaz naturel. Maintenant, on utilise le propane, le butane, différents mélanges de butane qui peuvent sortir des raffineries, un certain niveau de butane normal et de butane-iso que les raffineries utilisent l'hiver dans les essences; durant l'été, c'est en surplus et on peut les acheter. Il y a aussi les naphtes; il y a les naphtes légers, il y a aussi les naphtes lourds. Il y a aussi toute la gamme des distillats qui peuvent servir comme mazout léger ou mazout lourd, mais pas le résidu qu'on appelle "bunker"; on ne touche pas à cela.

On peut dire qu'on peut utiliser les hydrocarbures à partir du propane jusqu'à un point d'ébullition d'environ 750 F, qui est une gamme assez large.

M. Fortier: Ces sous-produits que vous achetez des raffineries, si je comprends bien, vous les achetez de Gulf et d'Union Carbide, mais vous pouvez aussi également les acheter d'autres raffineries qui ne sont pas des actionnaires.

M. Émond: On a acheté de tous les raffineurs au Québec au cours des derniers douze mois.

M. Fortier: À ce moment-là, sans

entrer dans toutes les ententes contractuelles, est-ce que le fait qu'une raffinerie fonctionne à faible capacité peut influencer le prix de ces matières premières? Dans quelle mesure la rentabilité d'une raffinerie a-t-elle un impact positif sur le prix que vous payez vous-mêmes en achetant des sous-produits de raffinerie qui deviennent des matières premières?

M. Émond: Je ne crois pas que le niveau d'exploitation d'une raffinerie ait un impact majeur sur nos prix d'acquisition. C'est plutôt une complémentarité entre la matière qu'on peut acheter et la matière qu'on peut nous vendre. Un exemple: les raffineurs vont garder les naphtes de bonne qualité pour la production de l'essence; les naphtes de mauvaise qualité qui sont plus chers à reformer sont d'excellentes sources d'alimentation pour nous. Si un raffineur peut faire en sorte de libérer cette matière-là, il peut y avoir une entente commerciale entre les deux.

M. Fortier: S'ils ne vous les vendaient pas, que feraient-ils avec ces sous-produits?

M. Émond: Dans certains cas, cela leur coûte un surplus pour les transformer, soit en essence, soit en distillat. Dans d'autres cas, ils peuvent les utiliser comme combustible.

M. Fortier: On peut dire que c'est une complémentarité naturelle entre la pétrochimie...

M. Émond: Exactement.

M. Fortier: ...et la raffinerie et qu'on a avantage à faire en sorte que les deux fonctionnent à un niveau de production économique. Si on porte un jugement global, je crois que c'est un premier jugement qu'on pourrait porter. On n'aurait pas avantage, dans l'ensemble - comme vous l'indiquiez tout à l'heure - à avoir une pétrochimie trop considérable par rapport à la production, à moins d'importer d'ailleurs et, à ce moment-là, cela deviendrait encore une question économique, parce que ce n'est pas tout d'importer. John Dinsmore a indiqué au début qu'on était en compétition internationale ou à peu près; alors, on revient à des coûts de production et il faut avoir la taille que l'économie nous permet de développer pour qu'on puisse entrer en concurrence avec l'industrie mondiale. (15 h 45)

M. Émond: Je suis d'accord.

M. Fortier: Je voulais arriver à ce que vous souhaitez, raffermir la vocation du centre de raffinage. Si j'ai bien compris votre réponse, c'était qu'il y aurait avantage à stabiliser au niveau minimal qu'on a semblé indiquer et qui serait 375 000 barils, quoique les producteurs d'essence, les raffineurs nous aient indiqué que ce qui était déterminant pour eux, ce n'était pas tellement la capacité totale, mais la production d'huile légère et c'est à partir de là qu'ils déterminaient leur niveau de production. C'est la production d'huile légère et non pas tellement la capacité totale de l'usine. Je ne suis pas ingénieur en pétrochimie, mais je peux vous laisser le soin de conclure.

Quand on parle de raffermir, ce que vous dites, c'est que, dans l'état actuel des choses, le niveau qui a été indiqué après les fermetures de raffineries serait à votre avis un niveau souhaitable pour vous permettre de continuer vos activités sur une base économique.

M. Émond: Cela semble un niveau adéquat.

M. Fortier: Un niveau adéquat? M. Émond: Dans le moment.

M. Fortier: Pourriez-vous m'indiquer une chose dont on ne parle pas, sachant que vous êtes en compétition mondiale? Dans quelle mesure Pétromont elle-même peut-elle faire de la recherche et du développement, étant en concurrrence internationale? J'imagine qu'il y a des nouveaux produits qu'on peut développer, il y a des gens qui font de la recherche ailleurs dans le monde et, si vous ne continuez qu'à produire ce que vous produisez dans le moment, tôt ou tard, il y a quelqu'un d'autre qui va trouver une meilleure façon de produire de nouveaux produits, de façon plus économique ou en utilisant des sous-produits différents. Alors, dans quelle mesure, indépendamment de la question de la taille - comme on l'indiquait tout à l'heure - Pétromont ou l'industrie pétrochimique du Québec peut-elle rester à l'avant-garde de ce qui se fait non seulement en Ontario et à Calagary, mais dans le monde? Parce que nous sommes même en compétition avec le Texas. Comment peut-on faire la recherche et le développement? Si on regarde cela comme une industrie statistique, je crois que tôt ou tard on va se casser le nez, comme peut-être l'industrie du fer n'a pas su prévoir qu'il y aurait des boulversements mondiaux. Ma question est celle-ci: Comment peut-on assurer à la pétrochimie montréalaise, indépendamment de la question d'approvisionnement, un développement de nouveaux produits, un développement de nouveaux procédés qui va lui permettre de rester à l'avant-garde, puisqu'il se pourrait fort bien qu'avec le même niveau, la même capacité que vous avez dans le moment, vous pourriez produire

plus de produits qui seraient en plus grande demande?

Le Président (M. Vallières): M.

Dinsmore.

M. Dinsmore: Pour répondre à la question, il est important de souligner que l'activité de production de base détermine des produits qui ne se distinguent pas; l'éthylène peut varier en termes de pureté, mais pas en fonction d'autres attributs. C'est un monomère de base avec presque aucune caractéristique particulière.

Dans une entreprise comme Pétromont, presque aucune activité dans le domaine de l'innovation sur des procédés, sur la définition de produits ne va changer dans l'avenir.

L'activité d'innovation doit s'appliquer au niveau de la production des produits en aval. J'admets que l'activité dans le domaine de la recherche à Montréal, à cet égard, n'est pas énorme, mais il faut remarquer, entre autres, qu'Union Carbide administre son centre technique à Montréal, centre qui détermine les aspects dans le domaine du polyéthylène, à titre d'exemple, et aussi en fonction de sa variété de produits chimiques, à partir de l'éthylène glycol qui est produit à Montréal ainsi que l'oxyde d'éthylène.

On sait qu'il y a des efforts pour déterminer de nouvelles technologies pour la production de monomères et surtout pour utiliser du matériel plus lourd et aussi pour y arriver par la filière de la biomasse. J'ai posé la question à des personnes compétentes dernièrement et la réponse que j'ai eue, c'est que, dans ce domaine, cela devrait prendre au moins une vingtaine d'années avant d'introduire de nouveaux procédés pour la production de produits pétrochimiques de base. Présentement, il n'y a pas une seule idée valable qui semble se présenter pour concurrencer les processus en place. Alors, à Pétromont, on n'aurait sûrement pas les capacités de développer de nouveaux procédés pour remplacer les systèmes de vapocraquage en place, mais je pense même qu'on ne serait pas concurrencé d'ici la fin du siècle par des développements ailleurs. Autrement, il faut admettre qu'on est toujours à la recherche de nouveaux marchés, de nouveaux débouchés. C'est à ce niveau que nous suivons le plus possible les développements dans différentes entreprises pour déterminer si véritablement on peut amener au Québec une entreprise qui est à l'avant-garde dans ce domaine. Présentement, nous travaillons avec plusieurs dans l'espoir que cela pourrait arriver par un emplacement à côté de nos installations pour desservir le marché du Québec. Mais tout ce qui est recherche et développement dans ce domaine, malheureusement, il faut l'accepter, c'est fait ailleurs.

M. Fortier: J'imagine que vos deux actionnaires, Gulf et Union Carbide, dans leur maison mère, font de la recherche. Enfin, j'imagine que toutes les...

M. Dinsmore: Union Carbide, oui, comme je l'ai mentionné...

M. Fortier: Est-ce que, dans l'entente qui a été signée par la SGF, alors que le ministre était responsable du dossier, il a été prévu que, s'il y avait des innovations, Pétromont en bénéficiait automatiquement? Ou est-ce que c'est laissé à la bonne volonté de vos actionnaires d'en faire bénéficier Pétromont au lieu que ces innovations puissent bénéficier à d'autres sociétés où ces deux actionnaires peuvent avoir également des intérêts?

M. Dinsmore: Au niveau des produits, comme je l'ai mentionné, il n'y a pas de recherche qui va effectivement toucher notre gamme de production. C'est surtout au niveau de la transformation de nos produits que cette activité se réalise. Et ce n'est pas pour autre chose que d'augmenter le débouché de notre production en faveur de l'un ou l'autre de nos clients. On avait justement la possibilité de nous adapter à des développements qui sont encore en cours et suivis par Gulf aux États-Unis pour modifier nos fours afin de les rendre plus réceptifs à des matières plus lourdes. Ces développements sont faits en relation avec une entreprise de génie-conseil qui est aussi notre consultant et je présume qu'au moment où ces développements seront perfectionnés, nous aurons la possibilité, comme d'autres, d'acheter cette technologie. Alors, dans le domaine de la production, normalement, n'importe qui peut acheter la technologie une fois qu'elle est développée et déterminée utile pour nos installations. Il n'y a jamais, à ma connaissance - et peut-être que M. Émond pourrait répondre - la possibilité d'en profiter sans payer de redevances, même si on est en relation directe avec l'entreprise en question.

M. Fortier: Alors, si je comprends bien, le succès économique de votre entreprise dépend en très grande partie des matières premières et des coûts d'énergie - vous avez mentionné le coût de l'énergie électrique en particulier - et dépend beaucoup de l'étude du marché, que vous tenez à jour continuellement, pour connaître les besoins de la clientèle et pour assurer la pénétration d'un nouveau produit en fonction des besoins réels qui existent sur le marché. J'imagine que, de ce côté-là, vous êtes à l'affût continuellement pour vous assurer - c'est là que vous parliez de la flexibilité de vos usines - au fur et à mesure des besoins, de satisfaire des besoins bien précis et d'être le

plus concurrentiel possible.

Vous mentionnez, à la page 22, ce qui va se développer lorsqu'on trouvera des hydrocarbures et du gaz près de l'île de Sable et du pétrole au large de Terre-Neuve. Vous avez mentionné, tout à l'heure, le fait que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, du moins les fonctionnaires, vous avaient indiqué qu'il n'était pas dans leur stratégie de favoriser une usine pétrochimique puisque ce n'était peut-être pas souhaitable, compte tenu du marché qui existe et des difficultés de créer une telle usine. Maintenant, il est certain - vous semblez l'indiquer ici - qu'on devra quand même trouver une collaboration avec Terre-Neuve et une collaboration avec la Nouvelle-Écosse, parce que ces gens qui, dans le passé, n'ont pas beaucoup bénéficié du développement dans le domaine manufacturier ou dans le domaine industriel, vont chercher à obtenir le plus de retombées possible. Il y aurait sûrement des ententes qui pourraient être signées conjointement pour tenter d'obtenir le plus de retombées possible au Québec, tout en essayant de trouver des façons de satisfaire leurs aspirations légitimes et également de créer des emplois chez eux. Pourriez-vous commenter là-dessus? J'ai lu entre les lignes ce que vous vouliez dire, mais il est certain que, de ce côté-là, il y a un effort important qu'on devra fournir. J'avais moi-même indiqué la nécessité d'arriver à une entente le plus tôt possible avec Terre-Neuve sur la question de Churchill Falls, parce que, éventuellement, tôt ou tard, on devra entamer des discussions dans le domaine du pétrole et de la pétrochomie et relativement aux retombées qui seront sous-jacentes à ce genre de développement. Pourriez-vous m'indiquer quel genre de collaboration vous croyez souhaitable entre soit le gouvernement de la Nouvelle-Écosse ou soit le gouvernement de Terre-Neuve et le gouvernement du Québec, sur le plan industriel?

Le Président (M. Vallières): M.

Dinsmore.

M. Dinsmore: M. le Président, nous avons, dans nos discussions avec des représentants des instances publiques en Nouvelle-Écosse - j'admets que nous n'avons pas entamé des discussions encore avec Terre-Neuve - déterminé qu'il y aura peut-être intérêt, en Nouvelle-Écosse, à poursuivre certaines spécialisations dans le domaine des transformations possibles découlant de la pétrochimie de base. Ils semblent accepter volontiers une production initiale dans la vallée du Saint-Laurent et peut-être qu'on pourra développer une relation à partir des matières premières, en provenance de l'île de Sable, qui seraient traitées chez nous et, en partie, retournées en Nouvelle-Écosse pour être valorisées et même exportées pour alimenter tout l'Est du Canada dans un domaine précis. Jusqu'ici, nous avons discuté des principes seulement et pas de sujets spécifiques. Nous avons l'impression que la priorité à ce moment-ci, c'est de déterminer des marchés pour les hydrocarbures en provenance de l'île de Sable, de mettre en place l'infrastructure nécessaire pour les transporter et, un peu plus tard, d'examiner des possibilités pour des activités industrielles qui pourraient en découler en même temps. (16 heures)

M. Fortier: Vous avez indiqué la nécessité d'une action à deux niveaux: au niveau fédéral, révision de la politique énergétique et prix spécial pour le brut et, au niveau provincial, certaines initiatives ou collaborations, et là vous indiquez des discussions très préliminaires pour des marchés spécifiques. Je pense que cela reviendra au gouvernement québécois d'aller plus loin et on pourra même suggérer des avenues auxquelles on n'a peut-être pas pensé jusqu'à maintenant. C'est de voir ces deux gouvernements actionnaires de Pétromont. À ce moment, on serait peut-être dans une position de force pour tirer avantage du pétrole et des hydrocarbures de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve et en faire un succès pour justement être en compétition avec l'Ontario et Calgary. Je pense qu'en filigrane, c'est ce que j'ai pu lire et je pense qu'il faudrait retenir cette avenue possible de travailler, d'avoir trois gouvernements provinciaux qui collaboreraient ensemble pour assurer le développement dans l'Est du Canada, ce qui serait à l'avantage de la population de ces trois provinces. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: J'aurais peut-être une couple de courtes questions à poser à M. Dinsmore. Qu'est-ce qui caractérise les marchés de l'industrie pétrochimique et en particulier de Pétromont? Apparemment, il y a de l'interférence, on a un concert de marteaux-pilons à l'Assemblée nationale. J'ai subi cela pendant à peu près trois mois dans mon bureau, au premier étage. J'ai l'habitude. J'aimerais savoir un peu ce qui caractérise les marchés de Pétromont. En termes de localisation géographique, en particulier, est-ce que l'industrie pétrochimique, est-ce que ces marchés sont nécessairement rattachés de près, sur le plan de la localisation géographique, à l'industrie qui fabrique les produits de base, ou est-ce que c'est une industrie qui donne lieu à des exportations dans des centres quand même assez éloignés? Vous parliez tout à l'heure de la possibilité de recevoir de la matière

première de la Nouvelle-Écosse et de retourner des produits de base. J'imagine que cela peut quand même se prêter à des marchés assez éloignés. Qu'est-ce qui actuellement caractérise les marchés de Pétromont? Est-ce qu'il y a des contraintes qu'imposerait, par exemple, la politique nationale de l'énergie dans ce domaine?

En d'autres mots, est-ce que les marchés ont été définis par la politique nationale de l'énergie? Sarnia occupe un certain territoire. L'Alberta en occupe un autre. Le Québec, un autre. Est-ce que c'est à ce point défini ou bien si les règles de la libre concurrence jouent en ce qui concerne la vente des produits de base?

Le Président (M. Vallières): M. Dinsmore.

M. Dinsmore: Pour répondre à la question, je peux peut-être porter attention à la charte dans notre mémoire qui identifie les mouvements. C'est l'annexe 5 dans le mémoire qui indique les mouvements des produits primaires. Dans la liste à droite, on peut déceler entre autres Dupont avec le nylon qui est située en Ontario, à Kingston ou à Maitland plutôt, Polysar qui est située à Sarnia. Mais les autres sont dans la région de nos installations, c'est-à-dire en banlieue de Montréal. À partir de ces usines, nos clients, la production peut aller dans les quatre coins du monde. Pour être plus précis, selon nos estimations, à peu près 40% des produits restent dans le Québec, de 20% à 30% vont être exportés du Québec vers d'autres provinces et le restant part du Canada pour des marchés d'exportation. C'est un phénomène que nous ne pouvons pas empêcher parce que, pour réaliser des économies d'échelle, il faut avoir en place des installations qui dépassent la capacité d'absorption, autant dans la région que maintenant dans le pays qui est le Canada.

Nous pouvons constater aussi que Pétromont livre probablement, par le biais de ses clients immédiats, une plus grande fraction de sa production à des marchés régionaux que tout autre producteur au Canada. En partie, c'est parce que c'est plus intégré au milieu et c'est une industrie d'une taille peut-être plus petite que les autres. En même temps, nous croyons que la présence de l'industrie primaire aide beaucoup pour stimuler la présence des activités en aval. En partie, les fabricants des matières de base vont s'occuper du développement de leur marché et de la façon la plus efficace possible. Alors, ils vont fournir le service technique et toute l'aide nécessaire pour encourager l'utilisation de leurs produits. Aussi, avec un noyau d'importance critique, d'autres activités se greffent facilement et c'est justement la présence de l'usine de Varennes qui a amené une variété de clients à s'installer tout près de cette usine. On nomme, entre autres, Hercules et Les alcools de commerce.

C'est sûr et certain que ce n'est pas exclusivement pour l'utilisation des industries en aval de la région qu'on peut justifier des installations de pétrochimie primaire. Je ne sais pas dans le cas de Pétromont, mais on est plus près de ces marchés de la région que d'autres non seulement au Canada, mais même à d'autres endroits dans le monde.

M. Rodrigue: Je constate que même si Sarnia est un centre pétrochimique extrêmement important, vous exportez des produits dans cette région. Est-ce que c'est dû aux facteurs que vous venez de mentionner, à savoir que les économies d'échelle nécessitent une spécialisation des centres de production à ce moment ou si c'est tout simplement un concours de circonstances qui fait que Sarnia n'a pas développé ce genre de produit?

M. Dinsmore: Quant à Pétromont, il n'y a pas de spécialisation possible autre que celle déterminée par la matière première. Si on n'utilisait que l'éthane comme l'industrie albertaine, c'est l'éthylène seulement qui serait produit. Si c'est le propane, on aura l'éthylène avec un peu de propylène. Cela veut dire qu'on peut alimenter le polyéthylène pour Union Carbide ou l'éthylène glycol qui est l'antigel ou encore on peut fabriquer de l'éthanol qui est de l'activité de Les alcools de commerce. Avec le propylène, on peut alimenter Hercules, on peut travailler avec BASF, mais on n'a pas la production dermatique, à titre d'exemple, qui est la base de l'activité de Gulf à Montréal-Est; on n'a pas alimenté l'industrie des élastomères et peut-être qu'il faut faire une parenthèse parce que toute l'activité dans les élastomères, c'est-à-dire le caoutchouc synthétique, est concentrée présentement à Sarnia et ce depuis le tout début de cette industrie durant la deuxième guerre mondiale.

Si un jour on avait une capacité élargie, il n'est pas impossible d'examiner des possibilités d'installations semblables au Québec dans des domaines sélectionnés, mais jusqu'ici on n'a pas la taille pour justifier ce segment. Spécialiser ou fixer la vocation de Pétromont par rapport à Petrosar à Sarnia ou Alberta Gas-Éthylène, en Alberta, ce n'est pas déterminé spécifiquement par une cédule de production, c'est fixé par la matière première. Quand on admet l'hydrocarbure dans le vapocraquage, on arrive avec une sélection de produits qui est prédéterminée par les caractéristiques chimiques et physiques de la matière première.

C'est surtout la question de savoir quelle est la matière première la plus

économique à utiliser, la plus facile à utiliser et si cela donne le meilleur rendement en termes économiques. Si nous voulons modifier nos activités pour remplacer entièrement des dérivés du raffinage par le GPL ou encore par l'éthane, évidemment, on va changer la variété de produits offerts à nos clients.

Le Président (M. Vallières): J'ai maintenant une demande d'intervention du député de Chapleau.

M. Kehoe: M. Dinsmore, lors de la présentation de votre mémoire, vous avez mentionné que l'industrie pétrochimique fonctionne à environ 60% de sa capacité dans l'Est du Canada. C'est une situation qui existe dans tout le Nord de l'Amérique, aux États-Unis plus spécifiquement. Est-ce que ce sera corrigé à la longue avec la reprise économique ou si c'est une situation plus ou moins permanente?

Le Président (M. Vallières): M.

Dinsmore.

M. Dinsmore: M. le Président, j'espère que j'ai bien mentionné que la situation de faible utilisation de capacité est une condition générale dans le monde à l'heure actuelle. La reprise...

M. Kehoe: ...ici au Québec qu'ailleurs. C'est une situation égale; c'est environ le même pourcentage ailleurs.

M. Dinsmore: Oui. Cette situation est en voie de se confirmer au Japon, en particulier, et mènera à une rationalisation, c'est-à-dire à une compression des capacités à certains endroits. Prenons le Japon où il n'y a pas d'hydrocarbure en provenance de gisements domestiques, sauf un peu. Alors, au Japon, tout est importé. Durant la période de grande expansion, au Japon, on a augmenté les capacités au-delà des besoins domestiques; cette activité a alimenté une industrie d'exportation de commodités assez considérable. On constate qu'avec l'augmentation des prix et la faible demande dans le monde, il n'est plus possible d'exporter ces commodités à partir de matières qui sont entièrement importées. Au Japon, on est en voie de couper les capacités en place de l'ordre de 30%. C'est réalisé par des mesures assez radicales et, il est probable que c'est seulement au Japon qu'il serait possible de procéder de cette façon.

En Europe, ladite rationalisation procède plus lentement, mais cela se réalise quand même. Il y a déjà eu des fermetures définitives en Europe; il y en a d'autres qui sont temporaires ou dites temporaires et qui vont probablement se transformer en fermetures permanentes.

Sur la côte du golfe du Mexique, aux États-Unis - qui est le centre le plus important au monde, en passant, pour la pétrochimie - il y a eu des fermetures; peu sont identifiées comme permanentes encore. On ne sait si, enfin, on aura besoin d'une rationalisation de l'industrie américaine parce que aux États-Unis il y a une capacité en termes de production de matières premières qui est encore considérable. Probablement qu'il y aura moins de fermetures aux États-Unis.

Mais ailleurs, en Europe et au Japon, en particulier, la rationalisation est déjà commencée.

Le Président (M. Vallières): Une dernière question, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je pense que c'est une question qu'on ne vous a pas posée. Le "task force" fédéral qui se penche sur le problème de la pétrochimie, entre autres, notre problème et le vôtre... Vous avez indiqué, tout à l'heure, qu'une façon serait un double prix pour le pétrole servant d'alimentation à votre usine. Est-ce que la possibilité d'utiliser du gaz naturel est également envisagée? Est-ce que c'est possible? À la page 8, il y a des indices qui sont donnés et qui semblent indiquer que le gaz, comme matière première, serait plus économique. De toute façon, est-ce que, techniquement parlant, c'est possible? Est-ce que la possibilité d'utiliser du gaz naturel au lieu d'utiliser du pétrole est considérée?

Le Président (M. Vallières): M.

Dinsmore. (16 h 15)

M. Dinsmore: M. le Président, quand on parle de gaz naturel, nous faisons allusion, à Pétromont, au méthane, surtout au fuel, combustible pour des fournaises et aussi matière première pour la production de méthanol et d'urée mais n'est pas approprié pour la production de base pétrochimique comme telle. Normalement on fait la distinction entre les dérivés de méthanol qui ne sont pas normalement comptés dans les statistiques de la pétrochimie et les autres dérivés qui sont la conséquence du vapocraquage. Le méthanol est stable; dans un four de vapocraquage, cela ne se modifie pas. C'est seulement l'éthane en montant qui est transformé par l'ambiance de chaleur dans les fours de vapocraquage.

M. Fortier: Vous avez indiqué que le gaz naturel rendu à Montréal avait été vidé ou avait été "strippé" des produits qui pouvaient vous être utiles. Est-ce que c'est bien vrai? Cela devient une question théorique si le gaz naturel rendu à Montréal a déjà été vidé de son contenu qui vous

serait utile.

M. Dinsmore: Oui, c'est certainement le cas. Le gaz naturel qui sort de la terre dans le champ est en premier lieu séparé des liquides, à partir du propane, pour faciliter sa transmission par gazoduc. Par la suite, avant que le gaz arrive à la frontière de l'Alberta spécifiquement il y a d'autres équipements pour enlever l'éthane. Il y a même une loi ou un règlement qui détermine que l'éthane ne peut pas sortir de l'Alberta sauf en fonction de permis émis par le gouvernement albertain, et ce en vue de contrôler son utilisation pour concurrencer son industrie pétrochimique.

Le Président (M. Vallières): Alors, je remercie beaucoup les représentants de Pétromont. Je demanderais maintenant aux représentants de Gaz naturel comprimé de bien vouloir se joindre à nous. Alors, nous entendrons au nom de ce groupe M. Nicolas Gravino à titre de président. Alors, M. Gravino la parole est à vous.

GNC Québec Ltée

M. Gravino (Nicolas R.): Merci, M. le Président. J'ai à mes côtés M. Sabin Lemieux, qui est le directeur de la commercialisation pour GNC Québec Ltée.

M. le Président, je voudrais vous remercier pour l'occasion que vous nous donnez de venir vous présenter ce mémoire pour informer aussi la commission sur les projets de GNC Québec, c'est-à-dire l'introduction et la promotion sur le marché québécois du gaz naturel comme carburant pour véhicules.

Les réserves connues de pétrole au Canada déclinent tandis que les réserves de gaz naturel, au contraire, s'accroissent et des nouvelles découvertes viennent s'ajouter à ces réserves continuellement. Le gaz naturel a déjà suppléé au pétrole dans certains domaines tels que le chauffage. Par l'entremise de notre compagnie, nous entendons jouer un rôle prédominant en matière de transport.

Pourquoi choisir le gaz naturel comme carburant? Pour plusieurs raisons essentiellement, et je voudrais entretenir la commission de cinq raisons principales. Les réserves au Canada sont très abondantes. Le coût du gaz naturel est moindre que pour les autres carburants. La combustion est très propre. C'est un produit très sécuritaire qui ne nécessite aucune transformation. Le gaz naturel est peu coûteux car il ne nécessite pas de transformation et se transporte économiquement par le réseau du gazoduc et il est très abondant.

Cet aspect pécuniaire représente un argument majeur pour les utilisateurs de gaz naturel comprimé. Ce qui importe pour le client, c'est de réduire les frais d'opération.

La majorité des clients potentiels du GNC pourrait recouvrer les frais d'adaptation dans une période inférieure à un an grâce aux économies réalisées sur les factures de carburant. À ces économies, s'ajoutent une diminution des coûts d'entretien et une augmentation de la quantité de millage parcouru avec ce carburant.

Le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources du Canada, par le biais du programme de démonstration pour les véhicules au GNC accorde en plus une subvention de 500 $ par véhicule pour augmenter la rentabilité de la conversion. Le gaz naturel a une combustion propre et supérieure à l'essence. Il améliore la durée physique des moteurs et de certaines pièces telles que les bougies et le système d'échappement. Le gaz naturel est déjà gazeux, alors il ne requiert pas de vaporisation dans le carburateur et le démarrage par temps froid est de beaucoup facilité. Son indice d'octane est de 130 ce qui fait un carburant très efficace puisque l'essence a un indice d'octane d'environ 86 et le propane de 95.

Par conséquent, plus tard, les fabricants d'automobiles pourront mettre sur le marché des voitures ayant un taux de compression plus élevé et ainsi obtenir un meilleur rendement. Le gaz naturel est sans danger. Il est non toxique et plus sûr que le propane et l'essence. Le gouvernement fédéral et le gouvernement américain ont fait des tests qui corroborent ces faits. Il est plus léger que l'air et, en cas de fuite, il se disperse rapidement sans former de nappe au sol. Il ne peut s'enflammer que lorsqu'il se trouve dans une proportion de 5% à 15% dans l'air ambiant et qu'il est en présence d'une étincelle dont la température atteint 704 C par rapport à l'essence à la température de l'essence qui est de 460 C.

Le GNC est emmagasiné dans un réservoir sous pression, très résistant, plus résistant que des réservoirs normaux d'essence qui peuvent supporter des pressions considérables. Le record de sécurité détenu par les véhicules propulsés par le gaz naturel est remarquable; il y 500 000 véhicules en opération dans le monde, aucun n'a causé d'accident par son utilisation. Les agents d'assurances estiment que l'utilisation du GNC est aussi sécuritaire, sinon davantage que celle de tout autre carburant actuellement sur le marché.

Le gaz naturel est utilisé dans plusieurs pays au monde: en Italie, en France, en Nouvelle-Zélande, en Australie, au Pakistan, aux États-Unis et depuis maintenant quelques mois au Québec et ailleurs au Canada. Ces transformations au gaz naturel sont l'aboutissement d'une technologie qui est bien rodée, qui existe depuis au-delà de 60 ans. Depuis au moins 30 ans, elle a fait ses

preuves au plan de la sécurité et de sa fiabilité.

Le gaz naturel améliore la qualité de l'environnement parce qu'il brûle efficacement et proprement et ne pollue pratiquement pas. Les émanations de moteurs alimentés au gaz sont environ quatre fois moins réactives que les émanations des moteurs à essence; les émanations de polluants des moteurs alimentés au gaz naturel ne sont pas affectés par une baisse de la température ambiante, contrairement aux moteurs alimentés à l'essence. L'accumulation du kilométrage pour les moteurs au gaz naturel n'augmente pas le niveau d'émanation des polluants, contrairement aux moteurs à essence.

Voilà un aperçu très bref des avantages du gaz naturel comme carburant automobile. Maintenant, si vous me le permettez, un bref historique de ce qu'est GNC, depuis quand on utilise le gaz naturel et où. Le gaz naturel est utilisé depuis 1920; cela a commencé en Italie. Parce que le prix du pétrole était très peu élevé, l'utilisation de carburant ne s'est pas propagée tel que prévu ou tel qu'on aurait voulu, et l'essence a dominé le palmarès des carburants jusqu'à maintenant.

La difficulté d'approvisionnement en pétrole et son coût qui croît depuis quelques années ont amené des changements technologiques importants. En Italie il y a à peu près 400 000 véhicules mus au gaz naturel comprimé; en Nouvelle-Zélande, qui est aussi dépendante des importations de pétrole que le Québec, le gouvernement a mis sur pied un programme d'adaptation au GNC. Maintenant il y a 35 000 véhicules, sur l'île de la Nouvelle-Zélande, mus au gaz naturel et l'objectif du gouvernement néo-zélandais c'est de convertir 150 000 véhicules pour 1986.

Les gouvernements québécois et canadien sont favorables à cette nouvelle orientation pour plusieurs raisons: premièrement, la conservation du pétrole autochtone; la réduction des importations de pétrole; l'amélioration de la balance des paiements; l'autosuffisance énergétique; l'utilisation des vastes approvisionnements autochtones en gaz naturel et la réduction de la pollution qui s'ensuit. C'est pour ces raisons que GNC Québec a été formé par trois actionnaires: Gaz Métropolitain, SOQUIP et CNG Fuel Systems de Toronto.

GNC Québec existe maintenant depuis la fin de 1982, a son siège social à Montréal et propose de réduire la dépendance énergétique du Québec en utilisant le gaz naturel comme substitut au pétrole.

Le rôle d'un de nos actionnaires, SOQUIP, dans cette association est d'assurer la pénétration du gaz naturel au Québec dans le secteur du transport, de poursuivre les démarches pour qu'éventuellement la fabrication des cylindres et des pièces qui servent à la trousse d'adaptation s'effectue au Québec et, par le fait même, crée de nombreux emplois chez nous.

Pour Gaz Métropolitain, l'autre actionnaire, le programme de gaz naturel comprimé lui procure de nouveaux débouchés et lui assure une plus grande consolidation de ses investissements.

Gaz Métropolitain, et par la suite, quand on va s'étendre ailleurs dans la province, Gaz Intercité, est responsable des approvisionnements en gaz naturel; elle maintient aussi les relations avec la Régie de l'électricité et du gaz et participe au programme GNC par la conversion progressive de sa flotte.

Pour le troisième actionnaire, CNG Fuel Systems, celui-ci se charge de développer la technologie et les normes techniques de cette nouvelle industrie. Il fournit les équipements et sollicite la participation fédérale sous forme de subvention pour inciter le public à adopter le gaz naturel.

Notre objectif général est de proposer à certains utilisateurs une alternative sécuritaire, propre, économique et fiable au problème énergétique, tout en assurant une source d'approvisionnement sûre et aussi en fournissant ou en offrant à nos clients potentiels des économies substantielles d'entre 40% à 50%. Plus spécifiquement, nos objectifs sont dans quatre champs d'action. Premièrement, le développement du marché; deuxièmement, l'implantation de centres d'adaptation; troisièmement le développement des postes d'alimentation et quatrièmement la mise en place d'une école de formation pour l'adaptation au gaz naturel. (16 h 30)

Comme objectif du développement du marché, nous croyons adapter, d'ici 1988, 25 000 véhicules, ce qui représente une pénétration fort modeste du marché si l'on considère qu'il y a présentement au Québec un parc automobile d'environ 3 600 000 véhicules et plus particulièrement des véhicules à forte utilisation, au-dessus de 600 000 véhicules. L'année prochaine, en 1984, nous pensons adapter près de 2000 véhicules dans un marché cible qui se définit comme suit: des véhicules basés dans les régions urbaines du Québec; des véhicules à forte consommation utilisant l'essence comme carburant et, très bientôt, on pourra aussi adapter des véhicules mus au diesel. Parmi ces utilisateurs potentiels, nous trouvons les taxis, les autobus scolaires, les flottes commerciales et les véhicules des organismes publics et parapublics. GNC Québec envisage sérieusement de développer un réseau de distribution de gaz naturel comme carburant dans toute la province, partout où le gaz naturel est disponible.

Notre deuxième objectif, c'est l'implantation de centres d'adaptation. Le

rôle de ces centres, c'est, premièrement, de procéder à l'installation de trousses d'adaptation; deuxièmement, d'en assurer la qualité et, troisièmement, le service après-vente. Pour atteindre notre objectif de 25 000 véhicules adaptés en cinq ans, GNC doit établir un réseau d'environ 25 centres d'adaptation répartis sur le réseau desservi par le gaz naturel.

Comme troisième objectif spécifique, nous envisageons l'implantation de postes d'alimentation et nous prévoyons établir, d'ici à cinq ans, 75 postes d'alimentation tant privés que publics dont 11 seront en activité en 1983.

Notre quatrième objectif est de mettre en place une école de formation. De concert avec le ministère de l'Éducation, GNC a mis sur pied une école de formation dont l'objectif est de préparer des techniciens qualifiés. En émettant des cartes de compétence, les autorités provinciales ainsi que GNC Québec pourront s'assurer de la qualité du travail d'adaptation.

Nous voulons tirer les conclusions suivantes. En plus de renforcer l'autonomie énergétique du Québec et de consolider ses investissements dans cette industrie, nous proposons chez GNC d'injecter près de 70 000 000 $ pour l'établissement d'un réseau de distribution de gaz naturel et l'adaptation des véhicules.

Le ministre fédéral de l'Énergie et certains gouvernements provinciaux ont reconnu la valeur et l'importance de cette source d'énergie en élaborant divers programmes d'incitation à l'adaptation des véhicules. À titre d'exemple, l'Ontario a enlevé la taxe de vente sur tout véhicule neuf qui est converti au gaz naturel dans un délai de 30 jours après livraison. En Colombie britannique, une subvention de 200 $ est accordée par le gouvernement provincial pour chaque véhicule adapté au gaz naturel. De plus, B.C. Hydro participe au financement des postes de ravitaillement à des taux d'intérêt très préférentiels.

Le gouvernement du Québec, par l'entremise de SOQUIP, a pris une participation de 25% dans GNC Québec Ltée. L'impact économique et social de cette nouvelle technologie au Québec se fera sentir à plusieurs paliers, mais plus particulièrement au niveau de la création d'emplois, puisque l'adaptation au gaz naturel de véhicules et l'établissement de postes d'alimentation nécessiteront, premièrement, la formation de techniciens spécialisés; deuxièmement, l'ouverture de centres d'adaptation capables d'exécuter ces travaux ainsi que la structure administrative qui s'y rattache. Nous nous proposons de fabriquer, ici au Québec, les diverses composantes de cette technologie aussitôt que la demande le nécessitera.

Bien que nos prévisions de pénétration de marché soient fort modestes, nous estimons qu'en 1988, le gaz naturel pour véhicules contribuera à réduire la demande d'essence d'environ 4500 barils par jour et des importations de pétrole d'environ 11 000 barils par jour, ce qui devrait entraîner une amélioration de la balance commerciale du Québec d'environ 150 000 000 $ par année.

Le gaz naturel pour véhicules est une source d'énergie économique qui contribuera à rentabiliser plusieurs secteurs de transport tels que les taxis, le transport écolier et les flottes commerciales, ce qui rendra l'industrie du transport québécoise des plus concurrentielles. Nul doute que les gouvernements cherchent à diminuer eux aussi leurs coûts d'exploitation et songent déjà à se prévaloir de cette alternative.

Les émanations des moteurs alimentés au gaz naturel sont environ quatre fois moins réactives que les émanations des moteurs à essence, ce qui contribuera à la réduction de la pollution dans les centres urbains principalement. Le gaz naturel pour véhicule représente pour les compagnies gazières du Québec une source de revenus additionnels qui contribuera à l'accroissement de la rentabilité sans générer de dépenses d'investissement élevées. À titre d'exemple, la consommation de chaque poste public d'alimentation est l'équivalent de 350 maisons unifamiliales et ne nécessite qu'un embranchement peu coûteux.

En concluant, nous pouvons affirmer que les sources d'énergie mises de l'avant dans le domaine du transport étaient jusqu'à présent réservées exclusivement aux produits pétroliers. Maintenant, une alternative existe, qui contribuera à la réalisation des objectifs du Québec relativement au réaménagement du bilan énergétique. Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Gravino.

M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: M. Gravino, je voudrais remercier GNC Québec d'avoir accepté de nous transmettre un mémoire et d'être venue nous en parler. Ce n'est pas pour moi un dossier neuf, j'ai eu l'occasion de présider à l'inauguration du premier centre d'adaptation à Montréal, il y a quelques mois, et je dois vous dire que j'ai été impressionné.

Dans le cadre des travaux que nous conduisons, nous voulons que le dossier de l'énergie soit l'un des grands leviers de développement économique. Je pense que vous touchez un point qui me paraît très important. Toute la technologie de l'adaptation au gaz naturel et comprimé pour l'instant, dans les pièces en tout cas, pour une grande partie - vous l'évoquez vous-même dans votre mémoire à la page 10 -pour ce qui est de la fabrication des cylindres et des pièces de la trousse

d'adaptation, ces pièces, ces cylindres sont actuellement importés d'Italie, je crois, ou d'ailleurs.

Il y a quand même déjà plusieurs mois que GNC Québec fonctionne. Votre mémoire indique que des démarches sont poursuivies. Que prévoyez-vous à l'horizon? Envisagez-vous, par exemple, que le contenu québécois de la trousse d'adaptation serait de l'ordre de 90% ou 95%? Sans être un grand ingénieur en mécanique automobile, ce n'est pas ce que j'appellerais de la technologie très avancée. Est-ce qu'on est en mesure de fabriquer cela au Québec, de faire les investissements nécessaires et de créer des emplois plutôt que de continuer à en faire l'importation?

Le Président (M. Vallières): M. Gravino.

M. Gravino: De concert avec le ministère des Affaires extérieures, GNC Québec a entrepris des démarches auprès des fabricants de cylindres italiens, par exemple, ceux qu'on a rencontrés ici, à Montréal, la semaine dernière. Cela nous a permis de regrouper certains fabricants québécois qui seraient intéressés à construire ces cylindres dans notre province et cela pourra faciliter l'échange de la technologie européenne avec les fabricants québécois.

Il y a toujours la question: Qu'est-ce qui vient avant: la poule ou l'oeuf? Premièrement, la demande doit exister pour la fabrication de ces cylindres afin de rentabiliser ce secteur ici, au Québec. Le dossier, comme je vous le disais, est suivi par le gouvernement du Québec, par SOQUIP et par GNC Québec. Des démarches ont été entreprises pour que des fabricants québécois construisent ces cylindres. C'est une question de temps, une question d'avoir la demande suffisante pour rentabiliser les opérations envisagées.

M. Duhaime: Est-ce qu'il est envisagé que GNC Québec, comme entreprise, prenne une participation dans ces usines de fabrication de cylindres et autres pièces, de composantes de la trousse d'adaptation, ou si GNC entend exploiter des centres d'adaptation et faire l'implantation du réseau des 75 centres à travers le Québec? En d'autres mots, est-ce que GNC veut être essentiellement un distributeur de gaz naturel comprimé, ou si elle a déjà envisagé la possibilité d'aller dans la fabrication?

M. Gravino: Disons que la question est discutée. Nos analyses ne sont pas encore assez approfondies. On n'a pas pris de décision à savoir si on va prendre une participation dans une entreprise de fabrication, mais la question pourrait se poser et à ce moment, les actionnaires devraient décider si on y va ou non.

Premièrement, nos objectifs sont de faire la promotion de ce carburant, de faire l'implantation d'un réseau de distribution dans tout le Québec et de faciliter la technologie et l'adaptation des véhicules.

M. Duhaime: Quels sont les seuils de rentabilité? Je ne sais pas si vous avez fait ces études, mais pour la fabrication des pièces, ici, vous dites: Notre objectif c'est 25 000 véhicules d'ici à 1988. Quel est le seuil de rentabilité pour justifier les investissements dans la fabrication de pièces?

M. Gravino: Les analyses de l'investisseur qu'on a rencontré indiquent qu'il doit construire environ 8000 cylindres annuellement pour arriver au seuil de rentabilité.

M. Duhaime: 8000 par année. M. Gravino: Oui.

M. Duhaime: Cela m'amène à vous parler de vos objectifs de développement de marchés. Vous avez raison de dire que c'est très modeste, 25 000 voitures sur l'horizon 1988; cela veut dire en moyenne 5000 par année. Si on regarde le parc automobile du Québec, à mon avis, je pense que c'est plus que modeste, c'est presque timide. S'il est vrai que le gaz naturel comprimé est moins polluant, plus économique, plus sécuritaire -j'ai eu l'occasion, comme passager, de faire une balade dans une voiture qui avait été adaptée et j'avoue honnêtement que le son du moteur ne change même pas - est-ce que c'est la prudence ou les craintes de la concurrence, qu'est-ce qui fait que l'objectif de 25 000 sur cinq ans ait été retenu, et pourquoi pas 50 000 ou 100 000?

M. Gravino: Premièrement, la moyenne des coûts d'adaptation d'un véhicule au gaz naturel est d'environ 2000 $ et le gouvernement fédéral donne une subvention de 500 $, alors cela signifie un coût net au consommateur d'environ 1500 $ par conversion. Pour payer ces investissements dans les coûts d'adaptation dans un délai raisonnable, les consommateurs doivent parcourir au moins 20 000 milles par année, pour avoir un retour d'environ un an, ce que nous, on considère raisonnable. Si dans l'avenir on peut réduire ces coûts d'adaptation, ce qui est aussi un de nos objectifs, je pense que nos objectifs pourront changer. Les installations de postes publics, puisqu'on peut se brancher directement au réseau de gaz, nécessitent aussi quand même des compresseurs dont les coûts sont assez élevés. On peut alors envisager qu'un poste de ravitaillement public coûte environ 200 000 $ à 250 000 $. C'est vrai que le gouvernement fédéral donne pour ces postes

une subvention de 50 000 $. Cela ramène le coût net d'un poste d'approvisionnement à environ 150 000 $ à 200 000 $. Pour rentabiliser ces opérations, on doit créer la demande, premièrement, avant d'envisager de changer nos objectifs ou d'augmenter nos objectifs.

M. Duhaime: Du point de vue d'un consommateur, cela veut dire que si je décidais de faire convertir ma voiture au gaz naturel comprimé, au départ, j'ai 2000 $ à débourser. C'est ce que vous avez dit, 2000 $? (16 h 45)

M. Gravino: Le coût net de la conversion est maintenant de 1500 $ après subvention fédérale.

M. Duhaime: Bon, 1500 $ et vous calculez que cela deviendrait économique si la bagnole roulait au moins 20 000 milles par année?

M. Gravino: À peu près 20 000 milles par année.

M. Duhaime: Alors, si on ramène cela au litre d'essence, cela voudrait dire une économie réelle de combien? Sur quelle période de temps pour un consommateur à consommation égale, à 20 000 milles par année, par exemple? Est-ce que des calculs ont été faits là-dessus?

M. Gravino: Oui. Par exemple, pour un véhicule-taxi on pourra récupérer son investissement en deux ou trois mois. Celui qui parcourt 20 000 milles par année va récupérer son investissement dans à peu près douze mois.

M. Duhaime: J'imagine que vous devez avoir ces données dans la trousse du parfait vendeur.

M. Gravino: Bien oui.

M. Duhaime: Cela me surprend. Si les chiffres sont si clairs, dans deux mois, par exemple, pour une voiture-taxi à Montréal on retrouve son argent; donc, le matin du troisième mois, c'est un gain net. Est-ce qu'il y a une réponse au fait qu'il n'y ait pas bousculade au centre d'adaptation pour que la conversion se fasse au gaz naturel comprimé? C'est ce que je n'arrive pas à concilier.

M. Gravino: Premièrement il faut établir une infrastructure de postes d'alimentation, ce qu'on n'a pas présentement. C'est cet objectif principal qu'on s'était fixé. Pour 1983, on s'était fixé comme objectif d'ouvrir huit à dix postes, et il doit être atteint. Quand un particulier ou même un chauffeur de taxi, pour économiser beaucoup d'argent, doit parcourir deux, trois, quatre milles pour aller s'alimenter, il n'ira pas. Alors c'est d'établir une infrastructure de postes d'alimentation dans toute la province et ensuite je pense que les conversions vont se faire. Déjà il y a des individus qui font la conversion même si les postes sont très loin présentement.

M. Duhaime: Soyez rassuré, M. Gravino. Si je vous pose ces questions ce n'est pas parce que j'entretiens des doutes sur les intérêts de SOQUIP dans GNC Québec ou encore les intérêts de Gaz Métro, parce SOQUIP a aussi des intérêts dans Gaz Métro. Mais je voulais vous l'entendre dire.

Une dernière question, parce qu'à cette commission on parle souvent de taxes. Ce carburant de gaz naturel comprimé est-il exempt de toute taxe actuellement?

M. Gravino: Présentement, le gaz naturel est exempt de taxe.

M. Duhaime: Même celui qui sert de carburant pour les voitures?

M. Gravino: Même s'il sert de carburant pour les voitures.

M. Duhaime: Ah! C'est un bon point pour finir la journée. Merci beaucoup.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je crois qu'on doit féliciter ces gens qui essaient de pénétrer un nouveau marché avec l'aide des deux niveaux de gouvernement. On verra dans quelques minutes certaines difficultés. CNG Fuel Systems Limited est une société de Calgary. Je crois même que le président est un ancien ministre du gouvernement Trudeau. Il me fait plaisir de voir que SOQUIP, Gaz Métropolitain et le gouvernement provincial collaborent avec des anciens ministres fédéraux. Cela prouve que, lorsque c'est une bonne affaire, tout le monde embarque en même temps.

M. Duhaime: II faut ajouter que, lorsque M. Judd Buchanan a décidé de partir - il était président du Conseil du trésor à Ottawa - il en avait jusque-là.

M. Fortier: Oui, peut-être que vous pourriez l'engager à votre Conseil du trésor. Ce serait dans le remaniement - comment appelez-vous cela? - du cabinet de guerre que les militants péquistes désirent pour redonner un peu de panache au cabinet qui est en perte de vitesse. Mais, sérieusement, vous avez dit les conditions - cela m'a frappé -plus de 20 000 milles par année et

convaincre les gens. Je vais rejoindre le ministre de ce côté. Je pense qu'au point de vue du marketing cela vous prendrait des gens bien connus qui embarqueraient dans votre système et je crois que la limousine du ministre devrait être convertie au gaz naturel, justement, pour qu'en tant que ministre de l'Énergie et des Ressources il donne l'exemple à toute la population du Québec. Est-ce que vous avez fait la demande pour qu'un ministre, entre autres le ministre de l'Énergie et des Ressources, donne l'exemple si lui-même est d'accord avec tous les chiffres que vous venez de donner?

M. Gravino: M. le Président, nous, cette année, on va installer un poste public à Québec et à ce moment on va solliciter la transformation des voitures des ministres.

M. Fortier: Si vous voulez avoir son numéro de téléphone et son adresse, il me fera plaisir de vous les donner parce que je crois que le ministre, qui vient de conclure qu'il est d'accord avec vous, devrait s'engager lui-même dans cette voie.

Moi aussi, je crois que votre objectif est minime et dans un sens, à la suite des interventions que vous avez entendues - je crois que vous étiez ici ce matin; je ne sais pas si vous y étiez la semaine dernière - les gens qui sont dans le domaine du pétrole, et même M. Ayoub ce matin, nous disent: Écoutez, on doit se poser des questions. Il y a quelques années, on voulait éliminer le pétrole à tout prix. Les deux niveaux de gouvernement ont établi des politiques dans ce sens. Ce matin et la semaine dernière, pour la première fois, on entend des gens qui disent: Faites attention, vous allez trop loin; on est en train de mettre en péril la pétrochimie. Il ne faudrait pas baisser le niveau de production ou le niveau de consommation d'essence parce que, finalement, c'est la production des huiles légères qui détermine le niveau de production d'une raffinerie de pétrole, en particulier. Alors, on sent que les indépendants, les distributeurs et tous ces gens disent: Si vous voulez véritablement que, dans l'avenir, au Québec, il y ait trois formes d'énergie: le gaz, le pétrole et l'électricité, faites attention, vous allez trop loin dans le déplacement du pétrole pour le remplacer par d'autres formes d'énergie.

Je suis d'accord avec le ministre que 25 000 voitures d'ici 1988, ce n'est peut-être pas cela qui va créer un bouleversement global pour ceux qui travaillent dans une station-service ou qui sont des distributeurs et pour ceux qui sont des raffineurs de pétrole. Il n'en reste pas moins que ce n'est pas significatif, mais c'est significatif. Autrement dit, si on veut qu'il y ait une industrie pétrolière au Québec, il faudra trouver des mécanismes pour que les raffineries et les détaillants d'essence puissent vivre et pour que le livreur d'huile à chauffage dans les villages et les villes du Québec puisse vivre également. Il y en a qui sont venus la semaine dernière ou l'autre semaine avant pour nous dire qu'en tant que PME ils trouvaient presque impossible de survivre dans un tel climat.

Je sais bien que ce n'est pas votre fait, ce n'est pas vous qui avez incité votre société ou GNC Fuel Systems Limited à s'associer à Gaz Métropolitain et à SOQUIP. Je suis en train de me demander si vous vous êtes posés la même question que je me pose présentement: Qu'est-ce qu'on est en train de prouver avec ce système? Techniquement parlant, je dois vous dire qu'en tant qu'ingénieur, vous avez parfaitement raison, le gaz est un produit peu dangereux, qu'on peut utiliser en toute sécurité, qui ne donne pas de pollution et qui peut être même économique.

Par ma seconde question j'aimerais savoir s'il serait économique s'il n'y avait pas de subventions. Dans la mesure où tout ce processus est subventionné par le gouvernement fédéral et par le gouvernement provincial en enlevant les taxes, j'aimerais savoir si on devrait continuer dans cette direction, puisque cela ajoute aux difficultés des détaillants d'essence et des pétrolières.

M. Gravino: M. le Président, premièrement - comme vous l'avez dit aussi, M. Fortier - nos objectifs de conversion de 25 000 véhicules auront une répercussion d'environ 3,8% sur la demande globale d'essence au Québec, ce qui est très peu et qui ne devrait pas influencer le marché d'une façon considérable. Deuxièmement, en établissant des postes publics d'alimentation et en faisant des conversions, les postes qui auront ces conversions et ces postes d'adaptation deviendront plus rentables puisqu'ils pourront attirer des clients qui, normalement, vont ailleurs. Ces clients vont amener du travail supplémentaire à ces postes.

En ce qui a trait au prix du gaz naturel, la Régie de l'électricité et du gaz fixe le tarif 8. Présentement, c'est le plus haut tarif des huit qui existent. Alors, à la base, le gaz naturel qui est acheté par GNC n'est pas bon marché et il est à environ 50% supérieur au prix payé par les industriels moyens. Alors, c'est vrai qu'il y a des subventions à la transformation; les subventions ont des limites, elles sont applicables jusqu'en 1986; au-delà de 1986, j'espère que l'industrie et GNC pourront prendre le marché sans ces subventions.

M. Fortier: Dans les provinces où il y a beaucoup de gaz naturel - je pense à l'Alberta - est-ce que les fabricants de

voitures ont pensé à mettre sur le marché des voitures qui n'auraient pas besoin de conversion, dans lesquelles on pourrait utiliser le gaz naturel ou l'essence? Est-ce que les fabricants de voitures ou certains d'entre eux songent à cette possibilité qui vous permettrait de faire un marketing beaucoup plus efficace puisque les gens pourraient s'acheter une voiture déjà transformée? Lorsque c'est 2 500 $ par voiture, c'est assez important. Si on achète une voiture de 8000 $ ou 9000 $, c'est 30% du coût en partant, si on fait abstraction des subventions qui viennent des gouvernements fédéral ou provincial.

M. Gravino: Justement, la compagnie Ford doit sortir, cet automne, des prototypes de véhicules; ce sont de petits camions, des Ford Ranger, déjà convertis en usine. Ils les suivront pendant une année pour voir leur performance et ils songeront plus tard à introduire sur le marché des véhicules déjà convertis au gaz naturel.

M. Fortier: Est-ce que ces véhicules déjà convertis pourraient utiliser l'essence ou si cela va demander des mécanismes? Je pense bien que les gens voudront avoir les deux possibilités.

M. Gravino: Les prototypes que Ford sort cet automne seront mus seulement au gaz naturel, pour suivre la performance de ces véhicules. Peut-être que plus tard les deux carburants pourront être utilisés. Nous, lorsque nous faisons les conversions, nous gardons les deux carburants, mais ceux que Ford va sortir cet automne seront mus seulement au gaz naturel.

M. Fortier: Les véhicules que vous convertissez au gaz conservent la possibilité d'utiliser de la gazoline présentement.

Le Président (M. Vallières): J'ai plusieurs demandes d'intervention. Nous commencerons par celle du député de Chapleau.

M. Kehoe: Est-ce que vous avez tous les postes d'alimentation en place? Après avoir lu votre mémoire, je me pose des questions en ce qui touche les taxis, les propriétaires d'autobus scolaires et autres. Je ne sais pas pourquoi ils n'utiliseraient pas le gaz naturel pour leurs véhicules. Toutes les raisons que vous avez données dans votre mémoire - que ce soit financièrement, que ce soit pour la pollution, que ce soit pour différentes raisons - sont en faveur du gaz naturel en remplacement de l'essence. Pour quelles raisons n'ont-ils pas embarqué immédiatement? Quand vous parlez de 25 000 véhicules, comme pour le ministre et pour le député d'Outremont, cela me semble aussi très peu. Pour quelles raisons les propriétaires de taxis ou d'autobus scolaires ne vont-ils pas immédiatement faire la conversion?

M. Gravino: La tâche qu'on a est de les convaincre d'y aller. Il faut les convaincre même s'il y a beaucoup d'avantages.

M. Kehoe: Quels sont les désavantages?

M. Gravino: Premièrement, avant de parler des désavantages, je pense qu'on a utilisé l'essence pendant tellement d'années; le gaz naturel comme carburant n'était pas connu du tout. Alors, les gens se méfient. On doit les convaincre de ne pas se méfier.

Pour ce qui est des désavantages, présentement, il y a très peu de postes d'alimentation. On ne peut pas s'approvisionner à tous les coins de rue comme on peut le faire avec l'essence. Deuxièmement, en gardant les systèmes mixtes, essence et gaz naturel, il faut ajouter des réservoirs supplémentaires dans la fourgonnette ou à la voiture pour pouvoir fonctionner au gaz naturel ou à l'essence. Cela ajoute des récipients dans l'auto; cela prend de la place dans la malle arrière des voitures. Je pense que ce sont là les deux inconvénients majeurs présentement: le manque de postes d'alimentation et la place supplémentaire que les réservoirs occupent dans une auto.

M. Kehoe: Lorsque vous aurez des postes d'alimentation, il y aura une des deux objections majeures qui sera enlevée. À ce moment-là, les flottes de taxis et les autobus scolaires l'utiliseront; surtout, les autobus scolaires, qui doivent avoir de la place pour mettre ces réservoirs-là n'auront pas de problème avec cela. Est-ce qu'on peut conclure que, lorsqu'il y aura suffisamment de postes d'alimentation, les autobus scolaires s'alimenteront au gaz naturel?

M. Gravino: Tous les autobus scolaires qui auront un réseau de gaz avoisinant, parce que le gaz n'est pas disponible partout dans la province. On espère que tous les véhicules scolaires qui sont près des réseaux gaziers s'alimenteront au gaz.

M. Kehoe: À la page 17 de votre mémoire, vous dites: "En ce qui concerne les postes d'alimentation publics, la participation des compagnies pétrolières à ce programme est plus que souhaitable." N'est-il pas vrai que les deux seront en compétition? Est-ce que vous aurez la coopération des compagnies pétrolières pour l'installation de votre produit dans leurs postes d'essence ou postes d'alimentation? (17 heures)

M. Gravino: II y a M. Viau, qui est représentant de la compagnie Shell, qui tout de suite a cru à notre produit. Maintenant, on a fait une entente avec Shell, nous avons ouvert un poste public à Montréal et on aura quatre autres postes qui seront en activité avec Shell cette année. On a aussi conclu des ententes de principe avec d'autres compagnies pétrolières et des ententes sont écrites maintenant avec Gulf, avec Ultramar, et on négocie avec d'autres compagnies pétrolières. Chaque compagnie pétrolière pense que le produit est bon, qu'il va réussir; alors, elle veut essayer de s'associer avec nous.

Le réseau de distribution est déjà existant, cela permet aussi à ces sociétés de rentabiliser les postes d'alimentation qui sont seulement à l'essence présentement; alors, cela augmente la rentabilité de ces postes.

La coopération des pétrolières est là, je pense qu'on l'apprécie vraiment et on n'a pas eu beaucoup de difficulté à s'associer avec elles.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, à la page 5 et à la page 8, vous parlez de la Nouvelle-Zélande et vous nous dites que le gouvernement de la Nouvelle-Zélande s'est impliqué dans un programme d'adaptation au gaz naturel. Pourriez-vous nous donner plus de détails, comment cela se traduit-il concrètement?

M. Gravino: De deux façons. Premièrement, en convertissant la flotte du gouvernement au complet sur l'île, elle est maintenant adaptée au gaz naturel et, deuxièmement, en garantissant au consommateur la différence entre l'essence et le gaz naturel à la pompe.

M. Perron: Merci. Vous parlez aussi, dans les objectifs de GNC Québec Ltée, de développement du marché, d'implantation de centres d'adaptation, de développement de postes d'alimentation et de mise en place d'une école de formation. C'est entendu que cela implique des investissements quand on fait des développements. Pouvez-vous nous dire ce que représenteraient ces investissements, d'une part, et ce que représenterait aussi le nombre d'emplois qui pourraient être créés à la suite de tels investissements? Si on tient compte de ces investissements, quelle sera la part directement reliée à la création d'emplois et surtout dans quels secteurs en particulier?

M. Gravino: GNC Québec, avec des objectifs quand même très modestes, doit dépenser 75 000 000 $ d'ici quelques années, d'ici cinq ans, dont 50% sont attribuables directement à la main-d'oeuvre; alors, 35 000 000 $ qui peuvent se traduire par une création d'au-dessus de 1000 emplois.

Du point de vue de la fabrication - on a touché le sujet tout à l'heure - aussitôt que la demande se réalisera, on pourra fabriquer les équipements de la province de Québec et possiblement, à ce moment aussi, on pourra les exporter en dehors de la province de Québec, ce qui pourra représenter des emplois dans un secteur technologique de pointe. Par exemple, les études seulement pour la fabrication de cylindres pourraient se traduire - pour fournir la province de Québec seulement -par environ 80 à 100 emplois additionnels pour la fabrication des cylindres. Dans le moment, ici au Canada, il n'y a pas de fabricant de trousses d'adaptation ou de cylindres. Alors, on pourrait penser éventuellement à l'exportation aussi de ces matières, surtout que les cylindres peuvent se fabriquer en aluminium, et que de plus en plus on s'en va vers les cylindres d'aluminium. Vu qu'on a l'aluminium, ici au Québec, je pense qu'on est avantagé par rapport à d'autres provinces.

M. Perron: Merci pour les informations que vous venez de nous donner. Maintenant, dans le secteur de l'exportation, est-ce que vous pourriez me dire combien d'emplois cela pourrait représenter, puisque vous semblez avoir des études qui ont été faites là-dessus?

M. Gravino: Dans le secteur de la transformation, des compresseurs, des cylindres, cela pourrait représenter 500 à 600 emplois directs.

M. Perron: Merci beaucoup, monsieur.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Dans les installations que vous faites actuellement, quel est le degré d'autonomie d'un véhicule? Quelle distance peut-il parcourir avec un réservoir?

M. Gravino: L'autonomie moyenne d'un véhicule moyen est de 250 kilomètres présentement. Mais, on peut adapter le système pour l'autonomie que le client désire.

M. Rodrigue: Donc, environ 150 milles?

M. Gravino: Environ 150 milles. Mais, il faut aussi ajouter à ce rayon-là le fait qu'on garde le système à l'essence. Alors, on ajoute 150 milles à l'autonomie existante du véhicule.

M. Rodrigue: Maintenant, pour ce qui est de l'implantation des centres

d'adaptation, vous indiquez que vous aurez besoin de développer un réseau d'environ 25 centres d'adaptation au cours des cinq prochaines années. Pouvez-vous nous indiquer un peu ce que cela signifie en termes d'équipement et d'investissement, la mise sur pied d'un centre d'adaptation? Quels sont les investissements requis pour mettre sur pied un centre d'adaptation? Qu'est-ce que cela demande comme personnel et également comme équipement?

M. Gravino: M. le Président, les centres d'adaptation, on en a un présentement à Montréal et on a cinq autres concessionnaires qui font aussi l'adaptation pour nous. Les équipements qu'un concessionnaire d'automobiles neuves aurait pourraient servir à l'adaptation des véhicules au gaz naturel. C'est de la mise au point d'un véhicule au gaz naturel et la transformation au gaz naturel. Ce sont des équipements qui sont traditionnellement disponibles chez un concessionnaire d'automobiles ou dans un grand garage.

M. Rodrigue: Alors, n'importe quel concessionnaire d'automobiles pourrait, à toutes fins utiles, devenir un centre d'adaptation. Il pourrait facilement transformer une partie de ses installations en centre d'adaptation.

M. Gravino: Les concessionnaires d'automobiles et aussi les garages des compagnies pétrolières ainsi que les garagistes.

M. Rodrigue: Les garagistes...

M. Gravino: Les garagistes pourraient le faire.

M. Rodrigue: Les garagistes des stations importantes?

M. Gravino: Oui.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Chambly, suivi du député de Pontiac.

M. Tremblay: M. le Président, j'aimerais savoir, pour aller directement au but: Est-ce qu'un automobiliste qui aurait un système au gaz sur son véhicule pourrait le transporter sur un autre de ses véhicules?

M. Gravino: Oui, M. le Président, c'est faisable, puisque la seule pièce qu'il pourrait changer, c'est le mélangeur d'air et gaz qui s'ajoute directement au carburateur. Les cylindres, le régulateur de pression, la boîte électronique, pourraient être transportés d'un véhicule à l'autre.

M. Tremblay: Est-ce que, à ce moment-là, l'apparence intérieure de l'automobile serait modifiée? Est-ce que vous percez le panneau, le tableau de bord ou...

M. Gravino: Si quelqu'un ouvre le capot d'un véhicule qui est transformé au gaz naturel et qu'il ne fait pas attention, il ne verra pas la différence. Il y a deux ou trois pièces qui sont apparentes et qui se marient très bien au reste de la mécanique et cela ne change pas l'apparence du véhicule du tout.

M. Tremblay: Dans un autre ordre d'idées, ce matin, on a parlé avec M. Ayoub, je crois, de la possibilité de réglementer les prix du pétrole ainsi que les prix du gaz naturel. Donc, le gouvernement fédéral ne limiterait plus le prix du pétrole et du gaz naturel. Quel effet une décision comme celle-là aurait-il sur votre entreprise?

M. Gravino: Les prévisions sont que, si le gouvernement fédéral déréglemente le gaz naturel, le prix du gaz naturel devrait descendre. Alors, je pense qu'on en bénéficierait aussi, puisque le prix de la matière première utilisée baisserait et on serait encore plus concurrentiel.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci. Vous mentionnez, dans votre mémoire, que les utilisateurs potentiels du gaz naturel comprimé sont les autobus scolaires. Présentement, au Québec, est-ce que le ministère des Transports a changé la réglementation pour convertir les autobus au gaz naturel? Il semblait y avoir des questions de sécurité en suspens. Est-ce que cela a été réglé, à votre connaissance?

M. Gravino: Nous avons rencontré le ministère des Transports, la Régie de l'assurance automobile du Québec et la Régie de l'électricité et du gaz. II s'agissait, premièrement, pour la Régie de l'électricité et du gaz, d'adopter des normes de sécurité pour les conversions et aussi pour les équipements dans les postes publics ou privés. C'est ce que la Régie de l'électricité et du gaz a fait. La Régie de l'assurance automobile du Québec avait certaines hésitations et, après certaines études, elle nous a indiqué qu'elle approuvait le système. Elle a maintenant en fonction des inspecteurs qui font l'inspection de tous les véhicules qui sont convertis au gaz naturel. À la suite de cela, elle a donné son assentiment au ministère des Transports. Le ministère des Transports doit modifier la réglementation et la soumettre au Conseil des ministres; cela n'a pas encore été fait, mais nous croyons que c'est pour bientôt.

M. Middlemiss: Vous mentionnez d'autres usagers potentiels, des organismes publics et parapublics. Y a-t-il eu des discussions au niveau du gouvernement du Québec pour que la flotte d'automobiles soit convertie au gaz naturel comprimé?

M. Gravino: Nous avons rencontré certains ministères à ce sujet, le ministère de la Justice, entre autres, et on a adapté deux véhicules de la police provinciale qui sont à l'essai présentement. On fait des essais pour voir ce qu'ils en pensent. Par la suite, on fera peut-être la transformation d'autres véhicules.

M. Mîddlemiss: Merci.

Le Président (M. Vallières): J'avais indiqué au ministre qu'il aurait la parole, mais on pourrait passer au député de Chambly à nouveau.

M. Tremblay: Tout à l'heure, vous avez dit que le tarif du gaz était à peu près deux fois plus élevé que le tarif industriel. Y a-t-il des mécanismes de prévus de façon qu'un industriel qui a des autos et des camions fonctionnant au gaz naturel n'utilise pas son gaz naturel, celui qu'il utilise pour sa production, pour faire rouler sa flotte?

M. Gravino: C'est-à-dire avoir le même tarif pour la consommation industrielle et la consommation de la flotte?

M. Tremblay: Si tout fonctionne au gaz et que j'ai un gros réservoir de gaz, si je suis déjà branché sur le gaz naturel et que je paie la moitié du tarif, je vais réinstaller un boyau pour alimenter ma flotte d'automobiles et de camions.

M. Fortier: II va être obligé de se promener avec un tuyau.

M. Tremblay: II va remplir le réservoir, il sera déjà transformé.

M. Gravino: La réglementation ne permet pas l'utilisation, au même tarif, du gaz naturel pour les véhicules. La compagnie gazière serait alors obligée d'installer un compteur séparé pour la consommation comme carburant.

Le Président (M. Vallières): Très bien, la parole est maintenant à M. le ministre.

Une voix: II va y avoir des tricheurs.

M. Tremblay: Cela n'arrivera pas, des tricheurs!

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Duhaime: M. Gravino, vous projetez l'établissement de 25 centres d'adaptation répartis à travers le réseau desservi par le gaz. Je comprends que le gros effort sera fait dans la région de Montréal. Maintenant que le gaz est arrivé à Québec, ce devrait être au tour de Québec. Je serais intéressé de savoir ce que vous allez faire en Mauricie.

Une voix: Et à Laval?

M. Duhaime: Pour Laval, vous poserez vos questions, mon cher collègue. En Mauricie, qu'est-ce qui va se passer? Est-ce qu'un centre d'adaptation est prévu à Trois-Rivières? Y en aura-t-il un à Shawinigan, en allant vers le Saguenay-Lac-Saint-Jean? Avez-vous des informations à ce sujet? (17 h 15)

M. Gravino: Premièrement, c'est concentré dans la région de Montréal. On a ouvert cinq ou six concessions dans la région de Montréal; on doit avoir neuf postes publics d'ici à la fin de l'année à Montréal. Maintenant, la Mauricie. À Trois-Rivières, on a déjà conclu une entente pour ouvrir un poste vers la mi-novembre ou vers la fin de novembre 1983, cette année. Avec l'établissement de postes publics, forcément, on sera obligé de regarder les postes d'adaptation, parce que les deux vont ensemble. Cela va se faire. Dans la région de Québec aussi, cela va ouvrir à peu près en même temps que dans la région de la Mauricie. Le poste est déjà choisi. On a des approches avec certains individus pour ouvrir des postes d'adaptation. Malheureusement, à Shawinigan, le marché n'est pas encore assez grand en ce qui concerne cette région présentement.

M. Duhaime: Pour consoler mon collègue d'Outremont, mettez mon nom sur votre liste parce que nous, on fait 80 000 kilomètres par année et, si jamais vous décidez de vous en venir à Shawinigan, je serai votre premier client.

Le Président (M. Vallières): Merci. Je n'ai aucune autre demande d'intervention de la part des membres ou intervenants de la commission. Je remercie beaucoup M. Gravino, de même que M. Lemieux, de nous avoir livré leurs intentions. La commission ajourne ses travaux à demain 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 17)

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