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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Monday, December 12, 1983 - Vol. 27 N° 197

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude de la proposition tarifaire d'Hydro-Québec pour l'année 1984 et du plan de développement 1984-1986


Journal des débats

 

(Seize heures trente minutes)

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources se réunit pour étudier la proposition tarifaire d'Hydro-Québec pour l'année 1984.

Les membres de la commission sont M. Beaumier (Nicolet), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Fortier (Outremont), M. Kehoe (Chapleau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M. Tremblay (Chambly), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Perron (Duplessis), M. Vallières (Richmond).

M. le ministre, auriez-vous une suggestion pour nommer un rapporteur, s'il vous plaît?

M. Fortier: Des substitutions, M. le Président.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Des substitutions?

M. Fortier: J'aimerais que M. Bourbeau (Laporte) remplace M. Ciaccia (Mont-Royal).

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. Ciaccia (Mont-Royal)...

M. Fortier: Remplacé par M. André Bourbeau (Laporte).

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Oui.

M. Fortier: M. Mathieu (Beauce-Sud) remplacé par M. Ghislain Maltais (Saguenay). On va avoir deux autres députés cette semaine. Alors...

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Maintenant, si ces changements sont acceptés, M. le ministre, auriez-vous une suggestion pour nommer un rapporteur?

M. Duhaime: D'habitude, c'est M. LeBlanc. Il fait bien cela.

Une voix: Ah oui, M. LeBlanc. M. Duhaime: M. LeBlanc.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Alors, M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet) sera rapporteur de la commission.

M. Duhaime: C'est pour assurer la continuité.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques préliminaires?

Remarques préliminaires M. Yves Duhaime

M. Duhaime: Oui, M. le Président. Si mes collègues, membres de cette commission étaient d'accord, j'aurais l'intention de faire un très bref exposé. J'imagine bien que quelqu'un de l'Opposition, sans doute le député d'Outremont, va vouloir faire un exposé aussi. Et ensuite, nous pourrions entendre le président du conseil d'administration d'Hydro-Québec, M.

Bourbeau, et le P.-D.G. de l'entreprise, M. Coulombe, de même que toute autre personne d'Hydro-Québec dont les présidents pourraient juger le témoignage utile pour l'information des membres de la commission.

M. le Président, j'aborderai bien brièvement quelques points au début des travaux de notre commission parlementaire qui, normalement, porte essentiellement sur la proposition tarifaire d'Hydro-Québec pour 1984. Or, c'est bien connu qu'au cours des travaux de cette commission qui doit normalement faire l'étude d'une proposition tarifaire, nous avons toujours - et je dirais presque par bonne habitude - débordé de la proposition tarifaire pour parler également du plan d'équipement d'Hydro-Québec ou de tout autre' sujet relatif aux questions d'énergie. Et je pense que c'est souhaitable que l'on puisse poursuivre de cette manière.

Je crois également pouvoir vous dire que nous avons rempli un engagement important. Nous avons acheminé, en temps utile je crois, tout document demandé par l'Opposition pour lui permettre de se

préparer à aborder les travaux de la commission d'aujourd'hui.

Donc, les propositions tarifaires qui ont été rendues publiques par la direction d'Hydro-Québec au cours de la semaine dernière recommandent au gouvernement d'accepter une hausse moyenne de l'ensemble des tarifs pour les onze mois de 1984, c'est-à-dire à compter du 1er février, une hausse moyenne de 3,4%. C'est donc dire que cette hausse varie, suivant la catégorie d'abonnés, de 0% à un maximum de 5,5%.

Je voudrais tout de suite souligner que la hausse demandée par Hydro-Québec est inférieure au taux de l'inflation prévu -prévu aujourd'hui en tout cas - pour l'année 1984 et que, par ailleurs, la proposition d'Hydro-Québec implique un gel effectif du prix de l'électricité utilisée à des fins de chauffage dans le secteur résidentiel. Ce qui signifie en tout état de cause une diminution du coût du chauffage, si on tient compte de l'inflation.

J'ajouterais peut-être au tout début de nos travaux que, traditionnellement, les hausses tarifaires à Hydro-Québec - parce qu'à ma connaissance il n'y a jamais eu de baisse tarifaire - ont toujours été proposées au gouvernement pour prendre effet à compter du 1er janvier. À la réflexion, je crois que nous aurions intérêt à entendre Hydro-Québec là-dessus, mais il n'est pas écrit dans le Nouveau Testament que la hausse tarifaire doive nécessairement se produire le 1er janvier; la preuve c'est qu'en 1984, ce sera le 1er février. Je crois que si cette hausse arrivait en dehors du contexte de nos travaux - d'une année à l'autre, c'est la même chose - fin novembre ou encore en décembre, il serait plus sage de songer à un nouveau calendrier, c'est-à-dire songer qu'une hausse tarifaire d'Hydro-Québec pourrait entrer en vigueur durant l'été, le 1er juillet par exemple, ou le 1er juin, ou le 1er août. Le débat est ouvert là-dessus et si l'Opposition a de sages conseils et des suggestions à nous faire dans ce sens, on l'écoutera très attentivement. Je ne dis pas que cela pourrait prendre effet automatiquement dès l'an prochain sans ajustement. Encore faudra-t-il voir l'impact sur les équilibres financiers d'Hydro-Québec et ses revenus escomptés. Je dis au début de nos travaux que c'est un sujet qui mériterait discussion pour que, dès l'an prochain, on puisse - pour 1985, bien sûr - envisager un scénario comme celui-là.

Bien sûr que toute demande tarifaire d'Hydro-Québec s'inscrit nécessairement dans un plan de développement dont Hydro-Québec nous a fourni les grands paramètres. Ces documents ont été rendus publics et ils sont disponibles; le plan de développement d'Hydro-Québec 1984-1986 sur l'horizon 1993. Toute la question des investissements d'Hydro-Québec et ses tarifs revêt une importance que j'ai à peine besoin de souligner d'une façon plus particulière dans la conjoncture de reprise économique que nous souhaitons vivre de la façon la plus marquée possible. Lors des récents travaux de cette commission, sous le thème: "L'énergie, levier de développement économique", dont les dernières séances ont eu lieu en octobre, il est très clairement apparu qu'Hydro-Québec détenait, selon sa vocation même, une place centrale dans la stratégie de développement économique du Québec, que ce soit en raison des effets directs des investissements consentis par Hydro-Québec ou encore de l'utilisation de nos disponibilités électriques pour attirer de nouvelles implantations industrielles. Le poids relatif d'Hydro-Québec dans l'économie du Québec n'a jamais été aussi considérable et l'attention que nous devons apporter aux orientations de la société d'État est à la mesure, bien sûr, de cette importance.

Un rapide rappel de l'impact des politiques de développement appliquées au cours des dernières années par Hydro-Québec fournit une illustration assez saisissante de la place qu'a prise la société d'État dans la construction au Québec. Au cours des cinq dernières années, Hydro-Québec a consenti des investissements de 13 200 000 000 $, soit en moyenne 21% de tous les investissements publics et privés effectués durant cette même période au Québec. Grâce à ces investissements, la puissance installée d'Hydro-Québec est passée de 13 000 mégawatts à 19 100 mégawatts, soit une augmentation de sa capacité de production de 47%. Les actifs globaux d'Hydro-Québec ont été portés - en chiffres arrondis - de 13 000 000 000 $ à 23 000 000 000 $, soit pratiquement le double sur cinq ans. En 1985, une fois les travaux en cours à LG 3 et LG 4 terminés, la puissance installée disponible d'Hydro atteindra 24 200 mégawatts. Si l'on ajoute à ce total la capacité installée chez les autoproducteurs, comme Alcan, comme Reynolds, comme Quebec North Shore et d'autres, ainsi que la capacité de Churchill, à la fin de 1985, les Québécois disposeront d'équipements de production électrique d'une puissance installée de 32 800 mégawatts, à 95% hydroélectrique.

Donc, au cours des dernières années, nous avons pu assister à une mise en valeur extrêmement rapide des richesses hydroélectriques du Québec, grâce à un effort assumé entièrement par l'ensemble des Québécois. Les conditions techniques et financières dans lesquelles cet effort a été consenti sont plus que satisfaisantes. Hydro est, depuis quatre ans, la première compagnie canadienne sur le plan des actifs comme des revenus nets. Pour les neuf premiers mois de l'année 1983, les revenus nets d'Hydro-Québec se sont élevés à

584 000 000 $, soit 17 000 000 $ de plus que durant la période correspondante l'an dernier. Et tout récemment, la compagnie d'analystes financiers, Kidder Peabody, dans un rapport publié le 8 novembre - c'est donc tout récent - considère qu'aucune autre compagnie d'électricité des États-Unis ou du Canada ne peut être comparée à Hydro-Québec, que l'on fasse référence à ses performances financières ou à sa situation sur le marché énergétique, et par voie de conséquence, je crois que Kidder Peabody indiquait qu'Hydro-Québec mériterait AAA comme cote sur les marchés, ce avec quoi je suis parfaitement d'accord.

Grâce aux investissements massifs consentis, le Québec dispose donc maintenant d'un outil de développement exceptionnel qu'il nous appartient d'utiliser d'une façon optimale.

Indépendamment des effets directs que les investissements d'Hydro ont eus sur l'activité économique - on peut citer pour mémoire le développement à Montréal de firmes de génie-conseil parmi les plus importantes du monde - la mise en valeur de nos richesses hydroélectriques nous donne maintenant une marge de manoeuvre que nous pouvons utiliser d'au moins trois façons.

D'abord, Hydro est en mesure d'offrir des blocs d'énergie et de puissance à des conditions particulièrement avantageuses et cela aussi bien à des entreprises déjà installées au Québec qu'aux compagnies souhaitant venir s'implanter sur notre territoire. Les offres d'Hydro ont été rendues possibles grâce à la disponibilité d'importants excédents, qui résultent eux-mêmes en grande partie du décalage existant entre l'accroissement rapide de la capacité de production et l'évolution de la demande. Un tel décalage est inhérent à la nature même des équipements mis en service par Hydro. Les développements hydroélectriques des dernières années sont effectués à partir de grands projets qui arrivent sur le marché sur une très courte période de temps. Par exemple, depuis cinq ans, la mise en service des centrales du complexe La Grande signifie l'addition de 1500 mégawatts en moyenne chaque année.

C'est pour cette raison qu'en même temps que les nouvelles unités de production ont été mises en service, Hydro-Québec élaborait plusieurs programmes visant à écouler rapidement les surplus momentanément disponibles et cela en vue de favoriser à terme le développement de nouveaux marchés.

Et je voudrais tout simplement, pour mémoire, les mentionner au passage, en tenant pour acquis que, par des questions ou autrement, les dirigeants d'Hydro-Québec pourront revenir là-dessus. D'abord, en 1982, Hydro-Québec mettait en place un premier programme d'installation de chaudières industrielles à l'électricité avec, bien sûr, des subventions à la conversion et un tarif de quatre ans. De même, en 1982, Hydro a offert aux consommateurs résidentiels un programme biénergie. Et ici, c'est important de le rappeler, il s'agit de déplacer du pétrole. Les objectifs initiaux d'Hydro-Québec ont été dépassés; je parle essentiellement du programme biénergie pour les consommateurs résidentiels. Lors du lancement du programme, Hydro-Québec comptait procéder à l'installation de 100 000 systèmes biénergie dont 28 000 en 1983 et 48 000 en 1984.

Au 1er octobre 1983, environ 65 000 demandes de subventions étaient déjà enregistrées, soit plus du double de l'objectif initial. Dès juin 1983, Hydro-Québec rendait public un programme de rabais tarifaire s'adressant aux industries déjà existantes, qui accroîtrait leur consommation d'énergie électrique par rapport au niveau des trois dernières années. Ces rabais peuvent aller jusqu'à 50% durant les premières années et s'étendre jusqu'en 1990. La disponibilité des surplus a permis au gouvernement et à Hydro de provoquer, en outre, la réalisation d'investissements majeurs dans le secteur de l'aluminium. (16 h 45)

En raison même des avantages tarifaires consentis à partir d'excédents prévisibles de production, la compagnie Reynolds a décidé d'un investissement d'un demi-milliard pour accroître sa capacité de production, de même que la compagnie Pechiney Ugine Kuhlmann a commencé ses premiers travaux pour l'implantation d'une aluminerie sur le site de Bécancour pour un investissement d'un milliard et demi de dollars.

Enfin, nous nous trouvons ici devant un phénomène tout à fait nouveau, je dirais, par son ampleur, c'est que nous assistons à la relocalisation de la capacité de production mondiale suite à la hausse phénoménale des prix de l'électricité de certains pays producteurs.

Nous croyons que cette situation qui s'offre au Québec nous donne des possibilités pour attirer d'abord chez nous des investissements majeurs, de grande taille dans d'autres secteurs industriels tels que l'électrométallurgie, l'électrochimie et la chimie minérale.

L'objectif de notre gouvernement est donc de faire en sorte que ce que nous avons observé dans les investissements dans le secteur de l'aluminium se reproduise dans les autres secteurs d'activité où nos disponibilités hydroélectriques nous confèrent un avantage comparatif déterminant.

D'autres programmes tarifaires sont actuellement sur le point d'être lancés. C'est le cas notamment du programme de conversion à la biénergie des édifices des secteurs public et parapublic.

Comme le premier ministre l'annonçait lui-même le 13 novembre dernier, Hydro offrira également un nouveau tarif aux usines d'épuration des eaux construites et gérées par les municipalités. C'est une réduction très importante de l'ordre de 50% des tarifs pour les usines dont la charge d'alimentation est supérieure à 35 kilowatts.

Pour les autres usines, le tarif appliqué sera le tarif G diminué de 25%, ce qui, en éliminant le jargon, ramène le prix de l'énergie à un niveau comparable aux meilleurs tarifs industriels pratiqués par Hydro-Québec.

Également, Hydro-Québec travaille à mettre au point un programme de stabilisation tarifaire applicable au secteur industriel.

Ici, M. le Président, je souligne que c'est grâce aux investissements consentis par Hydro pour accroître sa capacité de production que nous sommes aujourd'hui en mesure d'offrir des conditions d'approvisonnement électrique qui commencent à avoir des incidences significatives sur le développement manufacturier du Québec. Et c'est là notre première priorité.

Les capacités installées d'Hydro-Québec nous permettent également d'envisager de vendre sur le marché américain d'importantes quantités d'électricité qui réduiraient d'autant le déficit de notre balance énergétique.

En 1982, les exportations québécoises d'électricité nous ont rapporté 476 000 000 $, soit 100 000 000 $ de plus que l'année précédente. Durant cette même année, le Québec a exporté 18 000 000 000 de kilowattheures, soit 13,2% de la production totale d'électricité disponible sur notre marché.

Au cours des prochaines années, nos ventes d'électricité sur le marché américain connaîtront un développement supplémentaire. Dès 1984, Hydro-Québec commencera à livrer à New York de l'énergie électrique à la suite de l'entente signée en mars 1982 et qui prévoit la vente de 111 000 000 000 de kilowattheures sur une période de 13 ans.

En 1986, d'autres livraisons seront faites en Nouvelle-Angleterre; il s'agit du contrat conclu en mars 1983 avec le New England Power Pool et qui prévoit la livraison de 13 000 000 000 de kilowattheures sur une période de 11 ans.

Au cours des cinq prochaines années, Hydro-Québec estime être en mesure de vendre, sur le marché américain, environ 80 000 000 000 de kilowattheures d'énergie électrique et encaisser ainsi les revenus de 3 600 000 000 $.

Je rappelle essentiellement que le total des deux contrats de vente d'énergie excédentaire, le contrat de New York et le contrat de la Nouvelle-Angleterre, soit un total de 144 000 000 000 de kilowattheures, devrait rapporter au Québec 12 000 000 000 $, en dollars courants bien sûr.

Je voudrais aussi rappeler de nouveau le contenu de la politique de notre gouvernement en matière d'exportation d'électricité et comment, selon nous, ces exportations doivent être reliées au plan de développement d'Hydro-Québec. Pour le gouvernement, il est essentiel que l'on fasse d'abord porter nos efforts sur la négociation et la signature de contrats d'exportation avant d'ajuster le plan de développement et les investissements aux ventes ainsi conclues. Procéder à l'inverse serait à la fois hasardeux et téméraire et aurait pour effet de nous faire perdre le bénéfice de notre position privilégiée actuelle.

C'est en conformité avec cette stratégie que le gouvernement a obtenu la signature des deux ententes avec le New York Power Authority et le New England Power Pool. Notre objectif est maintenant de conclure des contrats d'exportation d'énergie ferme. C'est d'ailleurs à cette fin que j'effectuais la semaine dernière une tournée dans quatre États de la Nouvelle-Angleterre et que nous recevrons vendredi prochain la visite du gouverneur de l'État de New-York, M. Cuomo. Ce n'est qu'une fois ces contrats conclus que l'on pourra apprécier l'ampleur des investissements effectués et des modifications à apporter au plan de développement d'Hydro-Québec. Une fois ces contrats d'énergie ferme signés et négociés, nous pourrons envisager des contrats d'exportation de puissance ferme vers les États-Unis.

Grâce à la mise en valeur de notre potentiel hydroélectrique, nous avons ainsi la possibilité de limiter le déficit de la balance commerciale du secteur énergétique. En 1982, et pour la première fois depuis dix ans, le déficit des échanges énergétiques n'a pas augmenté se stabilisant à environ 4 400 000 000 $. Ce résultat est d'autant plus encourageant qu'il s'est produit alors que les prix du pétrole brut importé par les raffineurs augmentaient de 21%. Le développement de nos richesses hydroélectriques agit, en fait, de deux façons sur notre balance commerciale. Directement et comme on vient de le voir, ce développement permet d'accroître nos exportations d'électricité et donc de financer une partie de notre facture énergétique. Mais c'est également grâce à nos disponibilités en hydroélectricité que nous avons été en mesure, au cours des dernières années, de réduire considérablement la place relative des formes d'énergie importée en remplaçant le pétrole par l'électricité.

Je termine, M. le Président, en indiquant une troisième série d'actions qui

ont été rendues possibles grâce aux efforts consentis dans la mise en valeur de notre potentiel hydroélectrique. Je veux parler ici des politiques visant à modifier directement la structure de notre bilan énergétique afin de réduire l'importance relative des produits pétroliers.

Je voudrais simplement rappeler que le Québec connaît depuis le milieu des années soixante-dix une mutation rapide de sa consommation énergétique. En six ans, la part de l'électricité dans le bilan énergétique du Québec est passée de 22% à 32% alors que cette part était restée pratiquement constante au cours de la décennie précédente. Simultanément, l'importance relative du pétrole a décru considérablement. Actuellement, cette forme d'énergie, le pétrole, représente moins de 60% du bilan énergétique québécois contre 75% de ce même bilan en 1972. En valeur absolue, la consommation québécoise d'électricité a augmenté de plus de 50% en dix ans tandis que la consommation de pétrole retrouvait, l'année dernière, son niveau de 1966. Sur le plan strictement énergétique, les investissements d'Hydro-Québec ont donc eu pour résultat de renforcer significativement la situation du Québec, d'accroître notre niveau d'autosuffisance et d'améliorer sensiblement la fiabilité de nos approvisionnements en énergie. Ce phénomène de pénétration d'électricité devrait se poursuivre au cours des prochaines années, en raison, notamment, de l'impact qu'auront les programmes spéciaux dont je parlais tout à l'heure. Je rappelle que l'objectif poursuivi par notre gouvernement est de faire en sorte que l'électricité représente, en 1990, 40% de notre bilan énergétique et 50% du bilan en l'an 2000.

M. le Président, je crois vous avoir brossé à grands traits les orientations. Je pense que cette année, Hydro-Québec nous présente un tarif avantageux pour les consommateurs, spécialement pour les abonnés des secteurs résidentiels pour ce qui est de la deuxième tranche, donc la partie chauffage. Nous aurons l'occasion de discuter du plan d'équipement. Et je pense qu'on va noter avec bonheur que les projections d'investissements d'Hydro-Québec, en termes d'investissements nets pour l'année 1984, sont à la hauteur de 1 700 000 000 $ et que l'objectif pour 1985 est de maintenir ces investissements au même niveau. Cela veut dire que, pour 1983, 1984 et 1985 il y aura eu une continuité dans l'effort d'investissement d'Hydro-Québec.

J'ai tenu à rappeler, M. le Président, parce qu'on en parle beaucoup, de ce temps-ci, d'un brunch à l'autre, que nous n'avons pas changé nos priorités. Nous voulons donner la priorité absolue au développement économique du Québec en offrant aux entreprises déjà existantes comme à celles qui veulent s'installer au Québec un politique tarifaire concurrentielle et de longue durée.

Le dossier des exportations reste, pour nous, prioritaire, bien sûr. Je crois que le premier ministre a rappelé, le 13 novembre, à l'aide d'un tableau fort éloquent que ces exportations d'énergie, à peu près inexistantes avant 1976, ont connu une croissance très rapide. Nous allons nous retrouver en 1988 - si ma mémoire est bonne - avec un volume d'exportations d'environ 800 000 000 $.

Je rappelle aussi que le jour où l'Opposition, entre deux brunchs, aura eu l'occasion d'établir ses grandes orientations, à savoir si on privilégie le mazout, le gaz naturel, Hydro-Québec, le soleil ou la tourbe, je pense qu'on pourra discuter de façon un peu plus sérieuse. Quant à nous, j'ai tenu à faire ces remarques préliminaires peut-être un peu longues, mais qui vous permettent de vous faire une bonne idée où nous allons. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Merci, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources. Maintenant, le critique officiel de l'Opposition, M. le député d'Outremont pour les remarques préliminaires.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: C'est bien cela, M. le Président. Au nom de l'Opposition, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue au président du conseil, au président d'Hydro-Québec et aux nombreux cadres qui l'accompagnent. Je suis certain que nous aurons des échanges fructueux et je les en remercie à l'avance. Je les remercie d'ailleurs de nous avoir permis des échanges, la semaine dernière, qui nous ont permis de saisir de plus près l'information contenue dans les documents qu'on nous a remis il y a quelque neuf jours.

Nous avons eu peu de temps pour étudier l'information plus détaillée qu'à l'accoutumée fournie par Hydro-Québec. Nous les en remercions. Comment le gouvernement et le ministre peuvent-ils espérer que nous, parlementaires, puissions faire une étude approfondie des conséquences économiques, financières et politiques des modifications extrêmement importantes apportées au plan de développement d'Hydro-Québec ainsi qu'à sa politique tarifaire en une semaine. Demander aux membres de cette commission parlementaire de faire un tel travail en quelques jours, alors que le gouvernement a eu toute cette documentation et même plus depuis le 29 septembre, c'est faire peu de cas du système parlementaire et cela démontre le mépris dans lequel il tient le public en général ainsi que les divers agents économiques.

En effet, ces derniers ont demandé à

plusieurs reprises d'être entendus ou, à tout le moins, d'avoir le temps d'examiner les demandes d'augmentation de tarifs d'Hyro-Québec pour pouvoir faire connaître leurs commentaires et leurs représentations. Mais non, ce gouvernement, qui est de plus en plus coupé de la population, continue de faire fi de ces doléances. Au contraire, depuis le 29 septembre, il a tenu, semble-t-il, sa propre commission parlementaire en catimini au point où on se demande, M. le Président, si l'exercice qui commence aujourd'hui n'est qu'une parade avant d'officialiser les décisions qui ont déjà été prises par le Conseil des ministres.

On est loin de la transparence et de l'engagement du public dans les questions énergétiques que nous promettait le livre blanc de M. Joron, en 1978. À cause de cette attitude, il ne faut pas se surprendre si la population québécoise, chaque fois qu'elle en a l'occasion, fait connaître d'une façon péremptoire son rejet de ce style de gouvernement.

D'ailleurs, il n'y a pas que la population qui ne fait plus confiance au gouvernement. En effet, de façon très discrète, comme il se doit, mais, néanmoins éloquente pour quiconque sait interpréter les indices économiques, on se rend compte que même Hydro-Québec ne fait pas confiance au gouvernement pour assurer la relance de l'économie. Ceci est extrêmement sérieux et grave de conséquences pour les milliers de chômeurs, des jeunes en très grand nombre. (17 heures)

En effet, je me dois de souligner, M. le Président, que les études très poussées faites par Hydro-Québec concluent à un développement économique pour les prochaines années qui est plus faible que celui prédit par le Conference Board dernièrement. Hydro-Québec, pour sa part, prévoit une croissance réelle du Québec inférieure à celle du Canada en 1983, 1984 et 1985.

Ce n'est, en fait, qu'en 1986, qu'Hydro-Québec envisage pour le Québec, un taux de croissance conforme à l'objectif fixé le 13 novembre dernier par le premier ministre, à savoir, et je cite: "susciter un élan et donner ainsi, pas seulement cette année mais de façon permanente, un rythme de croissance supérieur à la moyenne canadienne".

Cette vision pessimiste de l'action gouvernementale et de l'économie du Québec transparaît encore davantage dans le graphique no 1 du document traitant de la demande d'électricité au Québec jusqu'en l'an 2001 et intitulé "Produits intérieurs réels du Québec de 1966 à 2001".

Quoique toutes les données produites par les experts d'Hydro-Québec pour pouvoir construire ce graphique n'aient pas été rendues publiques, on peut quand même en tirer des informations très précieuses. On y constate que c'est à partir de 1976 que les experts d'Hydro-Québec ont commencé à réduire le rythme de croissance du potentiel de notre économie. C'est également à partir de cette date que s'est creusé, d'après eux, un écart de plus en plus important entre le niveau potentiel et le niveau réel d'activité économique.

Après la récession de 1982, chute de 6,5% du produit intérieur réel, l'écart avec le potentiel pourtant revu à la baisse serait de l'ordre de 8%.

De plus, on y constate que nous terminerons l'année 1983 à un niveau d'activité économique comparable à celui de 1977.

D'ailleurs on ne devrait pas s'en surprendre puisque les investissements totaux qui seront faits par le secteur privé au Québec en 1983, seront de 1 000 000 000 $ de moins qu'en 1976 lorsqu'on fait la comparaison en dollars constants de 1971.

La crise économique de l'an dernier n'explique pas tout, loin de là, puisque ces mêmes investissements totaux du secteur privé ont chuté depuis 1976, année où ils avaient atteint un maximum de 3 800 000 000 $.

Il n'est pas douteux que ces véritables désastres expliquent, en partie, les révisions à la baisse de la demande électrique au Québec et que, par voie de conséquence, l'existence des surplus, la piètre performance du gouvernement dans le domaine économique explique une bonne partie des surplus d'électricité.

Enfin, il convient de noter le jugement sévère que pose indirectement Hydro-Québec sur l'impact des efforts de relance du gouvernement. Il faudra attendre, selon ces projections, jusqu'en 1991, avant que ne se résorbe l'écart de potentiel qui s'est ouvert en 1982. Ce n'est qu'à partir de cette date que l'économie du Québec retrouverait un niveau d'activité en gros compatible avec un niveau d'emploi plus raisonnable.

Dans l'analyse de sensibilité sur la demande énergétique faite par Hydro-Québec, il ressort très clairement que la demande électrique suit de très près le développement industriel du Québec. En effet, au tableau 21, Hydro-Québec nous dit qu'une croissance forte de la demande d'électricité par rapport au scénario de base dépendrait, dans une proportion de 70%, de la demande dans le secteur industriel.

Devant la piètre performance économique du Québec depuis 1976 et comme on vient d'en faire l'analyse, il ne faut pas se surprendre outre mesure si, d'optimiste qu'elle était il y a quelques années, HydroQuébec est devenue pessimiste dans ses prévisions énergétiques.

Mais peut-être Hydro-Québec est-elle devenue trop pessimiste? Selon l'avis de nombreux experts dans le domaine des

prévisions énergétiques, il serait dangereux d'extrapoler à partir de l'expérience vécue des dernières années et de croire que la baisse de la consommation énergétique est permanente et en très grande partie due aux économies d'énergie d'autant plus que les consommateurs ont réagi tout naturellement à des hausses de prix ■ extrêmement importantes alors que l'avenir prévisible nous annonce des prix stables et même plus bas que l'inflation.

En effet, le professeur Antoine Ayoub, directeur du groupe de recherches en économie d'énergie à l'Université Laval et président du conseil d'administration de SOQUIP jusqu'à tout récemment, dans une présentation qu'il faisait le 20 septembre dernier devant cette commission parlementaire, nous faisait part de ses interrogations face à cette question. "Peut-on affirmer, disait-il, que nous sommes installés définitivement et irrévocablement dans une société moins énergivore, que la frénésie de la consommation ne démarrera pas suite à une reprise de l'économie car, s'il est indéniable que la hausse des prix internes du pétrole et des produits dérivés a joué un rôle dans la baisse de la consommation l'exemple de la consommation d'essence est éloquent à cet égard - il serait quand même erroné d'admettre que la totalité de cette baisse lui soit attribuable ou qu'elle soit attribuable aux mesures d'économie d'énergie étant donné la récession qui sévit pratiquement depuis 1979."

Après une analyse de la consommation énergétique en rapport avec le développement économique, il concluait que le ratio de ces deux indices de développement devrait se situer tout près de 0,7. D'ailleurs, ce sujet avait été discuté abondamment lors du colloque international tenu à Québec au début de septembre, où le point de vue du professeur Ayoub avait reçu l'aval de nombreuses sommités, dont celui du secrétaire général de l'Agence internationale de l'énergie, le Dr Ulf Lautzke.

Or, je constate, M. le Président, à la lecture de la documentation que nous a remise Hydro-Québec, que non seulement Hydro-Québec est pessimiste quant à nos chances de sortir rapidement de la crise, mais qu'en plus, celle-ci adopte des prévisions énergétiques globales très pessimistes. En effet, le ratio utilisé par Hydro-Québec pour la période de 1981-2001 s'établit à 0,3, soit la moitié du chiffre proposé par le professeur Ayoub et par d'autres experts de la conjoncture énergétique.

Compte tenu de l'impact considérable d'une divergence de points de vue aussi profonde sur l'économie du Québec, il faudra bien qu'Hydro-Québec justifie ses prévisions d'énergie totale pour le Québec, lesquelles ont un impact direct sur l'apport de l'électricité dans le bilan énergétique, sur le niveau de ses investissements et, par voie de conséquence, sur les niveaux de l'activité économique de cette province.

En conclusion, nous devons constater, à la lumière des chiffres avancés, ici que le développement industriel de notre province a un effet marqué sur la demande d'énergie électrique d'Hydro-Québec et que la faiblesse du développement économique depuis 1976 a amené, au-delà des économies d'énergie, une baisse des investissements de cette société d'État qui, eux aussi, ont un impact négatif sur l'économie.

Disons un mot maintenant des surplus et de l'exportation d'énergie. Malgré les objectifs que s'était fixés Hydro-Québec l'an dernier pour se débarrasser de ses surplus d'électricité, force nous est de constater qu'ils ont presque doublé sur l'horizon 1984-1987. Le plan de développement d'Hydro-Québec, l'an dernier, indique cette année des surplus de 52,3 térawattheures alors que l'an dernier ils étaient de 29,3. Ces surplus représentent donc une perte sèche de 1 500 000 000 $. Comme les réservoir hydrauliques d'Hydro-Québec sont déjà pleins, alors que l'hydraulicité est supérieure à la moyenne, il se pourrait fort bien que de larges quantités d'eau ne soient nullement comptabilisées et que les surplus réels soient plus importants que les chiffres publiés. En effet, comment emmagasiner de l'eau alors que les réservoirs sont déjà pleins?

Devant une telle conjoncture, plusieurs se demandent si le gouvernement et HydroQuébec ont fait dans le passé tout leur possible pour exporter notre énergie. Il est permis d'en douter puisque les résultats témoignent du peu d'attention donnée à l'exportation d'énergie par le gouvernement du Québec. En effet, les exportations d'énergie ont tendance à plafonner depuis 1976. Ainsi, selon Statistiques de l'énergie au Québec, édition 1982, qui est une publication du ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec, le Québec a augmenté ses exportations d'électricité de 6,4 térawattheures en 1970, pour atteindre 15,9 térawattheures en 1976. Celles-ci ont donc augmenté de 9,5 térawattheures en six ans. Depuis 1976, elles n'ont augmenté que de 2 térawattheures pour atteindre 17,9 térawattheures en 1982. Ces données historiques, plus que n'importe quel discours, illustrent le peu d'attention donnée à l'exportation de notre énergie par le gouvernement du Québec. De toute évidence, le gouvernement a manqué le bateau il y a de cela cinq ou six ans. D'ailleurs, cette grave négligence de la part du gouvernement nous a été révélée par l'un des dirigeants d'Hydro-Québec, qui a pris sa retraite récemment.

M. le Président, je voudrais rendre hommage ici à M. Guy Monty, qui a

consacré 37 ans de sa vie à Hydro-Québec, où il a joué un rôle extrêmement important. Je vous rappelle que M. Monty fut commissaire d'Hydro-Québec à partir de 1976 et que, par la suite, il fut membre du conseil d'administration d'Hydro-Québec jusqu'à il y a quelque temps, en plus de diriger les activités d'Hydro-Québec International.

Dans une entrevue qu'il donnait récemment au journal d'entreprise Hydro-Presse, à l'occasion de son départ, M. Monty disait: "II reste que nous avons manqué une bonne occasion, il y a cinq ou six ans, quand les Américains étaient prêts à nous acheter plusieurs milliers de mégawatts sur une période de cinq à dix ans. On aurait pu faire financer l'avancement des travaux à la Baie James avec un tel contrat."

Voilà, M. le Président, le témoignage de M. Guy Monty, un ingénieur et administrateur d'Hydro-Québec. Il aura fallu attendre son départ pour que soient révélées au public les possibilités manquées d'exportation d'énergie et les graves lacunes du gouvernement dans ce domaine. Je crois que le public serait bien intéressé à en savoir davantage sur cette occasion manquée. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il s'agissait là d'une décision du cabinet des ministres ou d'une négligence du ministre de l'Énergie et des Ressources de stimuler une initiative qui méritait d'être encouragée?

Une autre question que la population est en droit de se poser est celle-ci: Est-ce que le gouvernement et Hydro-Québec font présentement tout ce qui leur est possible pour augmenter nos exportations dans l'avenir, surtout vers les États-Unis, et quelle est l'importance de ce marché? Si on examine le tableau neuf du plan de développement donnant la prévision de production d'électricité dans le Nord-Est des États-Unis, on constate que la production d'électricité à partir du mazout et du charbon s'élèvera en 1991 à 48,6 térawattheures pour la Nouvelle-Angleterre et à 67,6 térawattheures pour l'État de New York.

Il s'agit donc là d'un marché potentiel de 116,2 térawattheures, soit l'équivalent d'à peu près 16 000 mégawatts. De plus, sur le même horizon, de nouvelles centrales nucléaires viendront ajouter l'équivalent de 6000 mégawatts. Il faut donc s'acharner à exploiter ce marché et arrêter de voir uniquement les difficultés d'une telle entreprise. Bien sûr, une exportation importante d'énergie électrique vers les États-Unis soulève des problèmes réels. Qui les a niés?

Cependant, il faudra arrêter de considérer presque uniquement les aspects négatifs pour poursuivre les marchés d'exportation avec plus de vigueur encore. Qu'on se rappelle que le véritable objectif n'est pas de se débarrasser de nos surplus, ce qui est l'objectif minimum, mais bien de faire redémarrer les projets de construction de centrales hydroélectriques.

J'aimerais maintenant dire un mot des effets dévastateurs de la suspension des travaux à la Baie James. Malgré toutes les explications qu'on peut nous donner, il est bien évident que l'arrêt pendant les dix prochaines années de la construction de centrales hydroélectriques aura des effets dévastateurs sur notre économie. Les membres de cette commission ont entendu des témoignages éloquents en septembre dernier de la part de l'Association des manufacturiers d'équipement électrique et électronique du Canada, de l'Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec, de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec et aussi de la Fédération des travailleurs du Québec. Tous ces témoignages nous ont dit à peu près la même chose: Les travaux qu'entreprendra Hydro-Québec dans le domaine de la distribution ne sauraient compenser l'arrêt des travaux d'étude, de fabrication d'équipement et de construction de barrages hydroélectriques ainsi que de lignes de transport à haut voltage.

D'après ces témoignages, les équipes d'ingénieurs et de techniciens possédant le "know-how" et la technologie propres à ce genre de travaux seront dispersées faute de ressources financières et/ou de motivation pour continuer à travailler dans un secteur sans avenir. Le Québec perdra, dans les années quatre-vingt, les technologies qu'il avait réussi à développer dans les années soixante-dix. C'est là le message des représentants des industries qui comptaient sur le programme d'Hydro-Québec pour assurer la survie et l'épanouissement de leurs entreprises.

Disons maintenant un mot des augmentations de tarifs pour 1984. Coupable d'avoir ralenti le développement économique depuis 1976 par des politiques indépendantistes et d'avoir négligé jusqu'à tout récemment les exportations d'énergie, le gouvernement propose maintenant une vente de feu pour permettre à Hydro-Québec d'écouler une partie de ses surplus. Sans égard pour sa propre politique de pénétration du gaz, le gouvernement nous propose maintenant une politique tarifaire qui mettra sûrement en difficulté les distributeurs de gaz, qui se verront obligés de revoir à la baisse leur objectif de pénétration du marché et, conséquemment, leur plan de développement. Voilà où nous conduit l'inconséquence péquiste dans la gestion des affaires de l'État.

En effet, la vente de feu des tarifs industriels donnera le signal à ceux qui pourront en profiter que le choix de l'électricité s'impose à tout prix. C'est ce

que le ministre de l'Énergie et des Ressources appelle une saine concurrence entre le gaz et l'électricité. Par ailleurs, il est assez curieux pour un gouvernement qui se dit social-démocrate de favoriser une augmentation des tarifs domestiques qui favorise davantage les bien nantis que les plus démunis. Comment un tel gouvernement peut-il favoriser une tarification régressive? En effet, ceux qui n'ont pas les moyens de se payer une conversion à l'électricité ou au gaz se verront infliger une augmentation de tarif de 5,5% alors que les bien nantis pourront bénéficier d'une augmentation de leur facture qui ne sera que de 1%. (17 h 15)

Force nous est de constater que le gouvernement de fin de régime est bien loin des principes et des théories qui l'ont porté au pouvoir.

Bien plus, après avoir, par tous les moyens, depuis quatre ans, découragé l'utilisation de l'électricité pour le chauffage domestique et après avoir pénalisé les grands consommateurs industriels en leur infligeant des tarifs à la hausse avec l'accroissement de leur consommation, voilà que le gouvernement fait marche arrière et met aux rebuts le livre blanc de 1978. On n'en finira plus avec ce gouvernement de défaire, en fin de régime, les erreurs commises au début du mandat. Mais à quel prix? Baisse accentuée de la consommation électrique, surplus d'énergie électrique invendue qui coûtera aux Québécois, 1 500 000 000 $ et arrêt des travaux de la phase 2 de la Baie James.

M. le Président, à la lumière de ces remarques, nous aurons plusieurs questions à poser à Hydro-Québec et au ministre de l'Énergie.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Merci, M. le député d'Outremont. Maintenant, peut-être que le ministre a des remarques à faire.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais féliciter le député d'Outremont parce que c'est la première année que nous avons un texte écrit sauf que, pour la bonne compréhension, je vais référer à la page 9 quand on parle des exportations, pour ne pas que nos collègues de la presse partent avec de telles données.

M. Fortier: M. le Président, question de règlement. Je croyais que l'on avait convenu que c'était Hydro-Québec qui parlait après que chacun d'entre nous ait...

M. Duhaime: Si vous ne voulez pas que je vous réponde tout de suite, cela ne me dérange pas. On va attendre. Je le ferai ce soir.

Le Président (M. Champagne, Mille--

Îles): Non, mais voici...

M. Fortier: Si vous voulez commencer un débat maintenant, vous pouvez le commencer. Mais on va s'engager dans un débat de deux heures, alors qu'on avait dit qu'Hydro-Québec aurait la chance de s'exprimer.

M. Duhaime: Il n'y a pas de problème, M. le Président. Comme vous le savez, je suis toujours de bon compte à cette table sauf que l'on compare des bananes avec des oranges. Alors, cela ne peut donner un résultat très très éloquent et, si M. le député d'Outremont le permettait, à moins que je sois obligé de rencontrer les journalistes à six heures, cela ne me dérange pas. Mais si vous ne me donnez pas deux minutes maintenant, ne me demandez pas d'autres deux minutes ce soir ou demain. La réponse sera non. Ce sera très clair.

M. Fortier: M. le Président, si le ministre veut faire une correction de deux minutes, mais s'il veut s'engager dans un débat qui va durer deux heures, je crois qu'on avait promis à nos invités de se faire entendre. S'il veut faire une correction de deux secondes, qu'il la fasse maintenant. Je ne voudrais pas qu'on parte un débat maintenant. J'oserais espérer que ses remarques seront très courtes.

M. Duhaime: Je vous remercie.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): On pourrait s'entendre au point de départ, peut-être, pour deux à cinq minutes et vous aurez aussi deux à cinq minutes après, comme réplique.

M. Fortier: J'aimerais mieux, M. le Président, que le ministre fasse sa remarque et qu'immédiatement après, l'on entende Hydro-Québec et on engage un vrai débat avec Hydro-Québec par la suite.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): D'accord. Alors, M. le ministre.

M. Duhaime: Alors, à la page 9 de l'exposé du député d'Outremont, puisqu'on voudrait appuyer les dires du député d'Outremont avec une publication du ministère de l'Énergie et des Ressources qui, soit dit en passant vient d'être rendue publique, les Statistiques de l'énergie au Québec et qu'on compare les térawattheures de 1970 à ceux de 1976, je ne sais pas à quelle page on fait la référence mais je vais indiquer tout de suite à ceux qui nous écoutent que, à la page 28, au bas de la page, le total en dollars des exportations pour l'année 1971 à 1982 s'y retrouve. Et, à moins que ma petite machine à calculer ne

soit pas correcte, de 1971 à 1976 - on est de bon compte, je vous donne toute l'année 1976 - le total des exportations en millions est de 346 et de 1977 à la fin de 1982, - je ne compte pas 1983, mais cela va faire six ans aussi - le total est de 1 601 000 000 $. C'est simplement cela que je voulais vous dire.

Une voix: Une petite erreur.

M. Fortier: C'est de bon compte.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Alors, merci, messieurs. Maintenant, M. le président, j'aimerais que vous vous présentiez et que vous présentiez le collègue qui vous accompagne et ensuite, nous allons écouter votre mémoire.

Auditions M. Joseph Bourbeau

M. Bourbeau (Joseph): Merci, M. le Président. Je suis accompagné de M. Guy Coulombe, le président-directeur général d'Hydro-Québec.

M. le Président, M. le ministre et membres de la commission, chaque année, Hydro-Québec se présente devant la commission permanente de l'énergie et des ressources pour faire rapport de sa gestion et de l'évolution de ses affaires au cours de l'année écoulée.

C'est également l'occasion de soumettre au gouvernement et à la population ses prévisions et ses orientations pour l'avenir.

Aussi, avant de vous indiquer les grandes lignes du plan de développement de l'entreprise pour les années 1984-1986, je m'arrêterai quelques instants pour dégager les résultats de l'année 1983 qui s'achève.

Depuis un an, deux priorités ont guidé l'ensemble de l'activité et du personnel d'Hydro-Québec: la commercialisation et la productivité. Bien sûr, ce n'est pas la première fois dans son histoire que l'entreprise est appelée à faire preuve d'un grand dynamisme commercial et à soutenir une situation de concurrence, mais depuis une dizaine d'années, l'entreprise ayant eu peu de difficulté à écouler l'électricité produite, elle s'était plutôt mobilisée vers l'expansion de ses installations de production pour répondre à temps à la demande croissante des consommateurs. Pour reprendre une image familière des économistes, elle s'est concentrée davantage sur les activités en amont de son produit que sur les activités en aval.

Comme vous le savez, les grands bouleversements énergétiques et économiques des dernières années ont amené le conseil d'administration et les dirigeants d'Hydro-Québec à remettre au premier plan la vocation commerciale de l'entreprise en tenant compte de l'intérêt des consommateurs. Il s'agit maintenant de conserver les marchés acquis, d'en pénétrer de nouveaux au Québec comme à l'extérieur, ce qui n'est possible qu'en gardant les tarifs d'électricité hautement concurrentiels avec ceux du gaz naturel et du mazout.

Actuellement, c'est une organisation d'environ 600 personnes qui travaillent activement aux programmes commerciaux qui s'adressent à la clientèle québécoise, y compris Énergain, ainsi qu'à la prospection des marchés américains et canadiens. Les résultats des nouveaux programmes mis en route depuis un an, résultats que M. Coulombe vous donnera tout à l'heure, sont à la hauteur des objectifs visés. Tous ces efforts commerciaux ont fait progresser la part de l'électricité dans le bilan énergétique québécois, qui se situe actuellement à 30%, tout en favorisant la conservation et l'utilisation rationnelle de l'énergie en conformité avec les objectifs énergétiques du Québec.

Au plan économique, ces programmes ont eu des retombées importantes, soit du côté des biens et services liés aux usages de l'électricité, aux économies d'énergie et aux équipements d'interconnexion, soit encore en faisant entrer des devises américaines très utiles dans nos activités financières.

Passons maintenant à la seconde priorité établie depuis un an, soit la productivité. Un effort remarquable de compression des frais de personnel a été demandé à l'entreprise au cours de l'année et cet effort s'est accompagné d'un contrôle non moins rigoureux des autres dépenses d'exploitation. En même temps, l'organisation et les structures étaient réaménagées de fond en comble au siège social et dans les régions dans la perspective d'une adaptation rapide de l'entreprise à ses orientations nouvelles.

Enfin, cette année, le grand changement a été couronné, au début de décembre, par des ententes avec les principaux syndicats et la signature de nouvelles conventions collectives concernant tout près de 16 000 employés. C'est la première fois, depuis l'implantation de syndicats des employés de bureau, de techniciens et de métier, que la convention collective provient d'un accord entre les syndicats et l'entreprise à la table même des négociations. Il convient donc de féliciter les deux parties en présence d'avoir su mener cette tâche à bonne fin.

Est-il nécessaire de dire que cette austérité budgétaire et cette rigueur administrative ont exigé énormément de tout le personnel de l'entreprise et de sa filiale, la Société d'énergie de la Baie James? Mais cet accent mis sur la productivité a heureusement produit des résultats tangibles.

Ainsi, la croissance annuelle des dépenses d'exploitation, déjà ramenée à 14% en 1982 par rapport à 24% au cours des quatre années précédentes, a été contenue à 6% pour l'exercice 1983. Ces pourcentages deviennent peut-être plus parlants si j'ajoute qu'une variation de 3%, en plus ou en moins, dans les dépenses d'exploitation se répercute par une hausse ou une baisse d'un point dans les tarifs.

Tout compte fait, l'accent mis par Hydro-Québec depuis un an sur la productivité et la mise en marché a bien servi l'entreprise et profité directement à sa clientèle. C'est pourquoi le conseil d'administration propose pour les années 1984 à 1986 un plan de développement en continuité avec les orientations, les objectifs et les programmes décidés l'an dernier. Pour les trois prochaines années, Hydro-Québec va continuer à accorder la priorité à l'élargissement des marchés de l'électricité, tant au Québec qu'à l'extérieur, et à la productivité dans la gestion de ses ressources.

Cela signifie aussi que le plan de cette année ne comporte aucune décision définitive concernant de nouvelles installations de production. Bien sûr, Hydro-Québec se tient prête et pourra faire face à tout changement de conjoncture, par exemple, à la manifestation de besoins nouveaux de la part de clients québécois ou étrangers. Il ne faut pas déduire de la prudence que nous montrons actuellement dans nos investissements que nous n'envisageons pas d'autre scénario. Hydro-Québec pourrait lancer sans délai plusieurs grands travaux de construction dès que la situation le justifierait. Le conseil d'administration est d'avis qu'il n'est pas opportun de le faire pour le moment.

Si le plan de cette année est dans la foulée de celui de l'année dernière, il comprend cependant des éléments nouveaux, notamment une orientation visant l'amélioration et la modernisation du réseau. Hydro-Québec, au cours des années 1984-1986, va s'efforcer d'augmenter la fiabilité du réseau en vue de garantir une plus grande continuité de service aux différentes catégories de clients.

Depuis une dizaine d'années, l'ampleur des investissements consacrés aux barrages et aux centrales n'a pas permis d'investir en même temps dans l'amélioration du réseau de transport et de distribution. Avec l'achèvement de la phase I de la Baie James, l'entreprise dispose d'une période de répit qui sera mise à profit pour améliorer la qualité du service. Près de 1 000 000 000 $ seront investis dans un programme spécial d'amélioration du réseau, ce qui portera le total des investissements de transport et de distribution à près de 3 500 000 000 $ d'ici la fin de 1986.

C'est dire qu'en trois ans seulement,

Hydro-Québec dépensera au Québec pour le transport et la distribution de l'électricité des sommes supérieures à tous les investissements reliés au transport et à la distribution du gaz naturel en 30 ans, soit depuis l'introduction du gaz au Québec jusqu'à la fin des travaux annoncés pour 1987.

En outre, la fiabilité du service est un atout indispensable au succès des programmes commerciaux. Dans le marché du chauffage domestique et dans celui des procédés industriels électrifiés, la continuité du service est une considération très importante pour les usagers. À l'exportation, l'intérêt des importateurs dépend en grande partie de la fiabilité avec laquelle le réseau d'Hydro-Québec peut les approvisionner sans perturbations sérieuses. L'accent que nous mettons à compter de maintenant sur les services à la clientèle se traduira aussi par l'amélioration des outils de travail et des systèmes de communications à la disposition du personnel affecté aux relations avec les abonnés.

Les clients d'Hydro-Québec pourront profiter de ces améliorations de la qualité du produit en plus de se voir offrir soit des rabais tarifaires, soit des subventions. En effet, l'entreprise maintient ses divers programmes commerciaux et en ouvre de nouveaux comme la biénergie dans les habitations collectives et dans les établissements industriels et commerciaux.

Sans donner tous les détails, disons tout de suite que ces programmes entraîneront, pendant les trois années visées par le plan de développement, des investissements de 630 000 000 $ dont 40% seront subventionnés par Hydro-Québec. Ces programmes devraient créer plus de 3000 emplois par année au cours de la même période. (17 h 30)

Toutefois, pour les clients d'Hydro-Québec, la meilleure nouvelle du plan de développement concerne les tarifs. Pour les trois prochaines années, les hausses tarifaires devraient être inférieures à l'inflation, c'est-à-dire que les tarifs d'électricité vont diminuer en termes réels. Bien sûr, pour cela il faudra que nos hypothèses se confirment, mais nous ne pensons pas avoir péché par excès d'optimisme. À compter du 1er février 1984, l'augmentation moyenne totale sera de 3,4% pour l'ensemble de nos abonnés.

Les clients des secteurs commercial et industriel connaîtront, pour leur part, des hausses variant entre 3,4% à 4,8%. C'est le tarif domestique qui augmentera le moins, avec une majoration de 3% seulement.

La redevance d'abonnement et la première tranche de 900 kilowattheures par mois, qui correspond aux usages captifs de l'électricité, augmentent à un rythme inférieur à l'inflation. La deuxième tranche

de consommation, la tranche de chauffage, comme nous avons coutume de dire, ne subira aucune majoration.

Cette proposition tarifaire s'agence très bien avec les orientations de base d'Hydro-Québec. D'une part, la modération des hausses tarifaires est rendue possible par la productivité accrue de l'entreprise et, d'autre part, elle permet à l'électricité de soutenir la forte concurrence à laquelle elle fait face sur les divers marchés.

Hydro-Québec doit élargir sa part du marché si l'on veut augmenter l'effet au Québec des dollars que les consommateurs consacrent à leurs besoins énergétiques. L'entreprise prendra donc toutes les mesures en son pouvoir pour offrir à ses clients un produit de qualité à des prix très compétitifs, car l'électricité est encore, et de très loin, la véritable énergie d'ici, celle qui est produite ici, celle qui appartient aux Québécois, bien sûr, mais surtout celle qui leur profite le plus.

Je vous remercie, M. le Président. Avant de passer la parole à M. Coulombe, j'aimerais soulever un point que le député d'Outremont a abordé tout à l'heure, lorsqu'il a parlé de la déclaration de M. Guy Monty, un ancien employé d'Hydro-Québec, ingénieur de renom. Je ne veux pas remplacer les paroles que M. Monty a prononcées il y a quelques semaines, mais je peux vous dire, M. le Président, que moi-même je suis ingénieur, j'ai fait 35 ans à Hydro-Québec, et il y a quatre ou cinq ans, c'est bien vrai, nous avons parlé aux Américains. Moi-même, je faisais partie du comité de négociation.

Nous avons parlé à PASNY et nous avons parlé à NEEPOOL. Nous avons proposé, non pas la vente de la Baie James, mais nous avons proposé aux Américains d'établir des centrales sur deux rivières du Québec, la George et la Caniapiscau. Ces propositions aux Américains ont été accompagnées d'une demande d'un versement de fonds, pour faire des études préliminaires, de 30 000 000 $, de la part des Américains, et ces derniers ont refusé.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Champagne, Mille- Îles): D'accord. M. Coulombe.

M. Guy Coulombe

M. Coulombe (Guy): Nous sommes très heureux de présenter le plan de développement d'Hydro-Québec pour la période 1984-1986. Comme vous le savez, la première version du plan a été transmise au ministre de l'Énergie et des Ressources à la fin du mois de septembre. À ce moment-là, le gouvernement mettait la dernière main à la préparation d'un nouveau plan d'action visant à intensifier la relance de l'économie du Québec.

En ce qui concerne le secteur de l'électricité, le gouvernement a demandé à Hydro-Québec de réexaminer certains aspects de son plan de développement pour maintenir les investissements nets des deux prochaines années au même niveau que ceux de 1983 et faciliter la réalisation d'autres mesures de relance prévues dans le plan d'action gouvernemental.

À la suite de ces discussions, nous avons apporté au plan les modifications suivantes. Hydro-Québec devancera de six mois la mise en service de la cinquième ligne du réseau de transport de la Baie James et amorcera immédiatement les travaux préliminaires de la sixième ligne ce qui entraînera des investissements supplémentaires de l'ordre de 100 000 000 $ en 1984.

Nous construirons, sous peu, avec d'autres partenaires, l'usine de fabrication d'hydrogène liquide d'environ 50 000 000 $, dans laquelle Hydro-Québec détiendra un capital-actions de l'ordre de 7 000 000 $ et nous travaillons activement, à l'heure actuelle, à la mise sur pied d'un centre de recherche en électrochimie.

Nous accélérerons la réalisation d'un programme de réfection des centrales qui représente des investissements supplémentaires de l'ordre de 240 000 000 $ concentrés dans les trois prochaines années.

Nous intégrerons au nouveau règlement tarifaire d'Hydro-Québec, un tarif spécial, un tarif "S" applicable aux installations municipales d'assainissement des eaux pour soutenir le programme gouvernemental d'accélération de projets municipaux d'assainissement des eaux.

Enfin, nous prolongerons de deux ans le programme de rabais tarifaires offert aux industries qui font des investissements en capital augmentant leur consommation d'électricité.

Pour le reste, et comme l'a mentionné M. Bourbeau, il y a un instant, nos objectifs et nos actions prévus pour les trois prochaines années s'inscrivent dans le prolongement de ceux adoptés l'an dernier puisqu'il n'y a pas eu de bouleversements majeurs dans l'environnement de l'entreprise au cours des douze derniers mois.

Notre priorité demeure la même en situation d'excédent, soit stimuler les ventes sur tous les marchés afin de rentabiliser les investissements déjà réalisés dans les équipements de production et éviter des déversements coûteux pour l'entreprise et pour la collectivité québécoise.

Alors, les orientations du plan. La première consiste à accroître les ventes d'électricité sur les marchés internes et externes et réorienter la recherche et le développement technologique vers de nouveaux modes d'utilisation de l'électricité tout en respectant l'objectif d'utilisation

rationnelle de l'électricité.

Au cours des prochaines années, la concurrence des formes d'énergie autant sur le marché interne que sur le marché externe sera plus vive qu'elle ne l'a jamais été. En effet, les programmes de remplacement du pétrole amèneront probablement un grand nombre de consommateurs à remplacer leurs sources d'approvisionnement en énergie et leur choix sera définitif dans la plupart des cas. Par conséquent, si nous voulons accroître nos ventes et rentabiliser les investissements déjà faits, il faudra offrir aux consommateurs le meilleur produit au meilleur prix possible.

Évidemment, cette conjoncture oblige Hydro-Québec à faire certains compromis dont le plus important - et vous l'avez vu dans le plan - est sans doute celui qui touche le bénéfice net de l'entreprise. Afin de soutenir notre stratégie commerciale et de maintenir le prix de l'électricité le plus bas possible, nous avons choisi de laisser diminuer le bénéfice net d'exercice des trois prochaines années. Si nous avions visé à maintenir ce bénéfice au même niveau que par le passé, il nous aurait fallu des hausses de tarifs beaucoup plus fortes. Or, cela n'est pas vraiment nécessaire dans la conjoncture actuelle. D'abord parce que les hausses que nous proposons sont suffisantes pour préserver les principaux critères financiers de l'entreprise et aussi parce que, la situation d'excédent étant provisoire, nous pourrons revenir, dans les prochaines années, à un meilleur équilibre des revenus et des dépenses et à des bénéfices nets d'exercice plus conformes à ceux du passé.

Sur le plan concret, l'action commerciale de l'entreprise est déjà très bien engagée aussi bien au Québec que sur les marchés extérieurs même si, pour l'essentiel, les efforts commerciaux ont vraiment démarré il y a à peine 18 mois.

Le programme de chauffage biénergie connaît d'excellents résultats. Nous prévoyions, l'an dernier, 28 000 conversions pour l'année 1983 et nous en avons réalisé plus de 50 000, de telle sorte que l'objectif total de 100 000 conversions d'ici la fin de 1984 dans les habitations individuelles seulement sera sûrement dépassé. Ce programme s'étend maintenant aux habitations collectives et aux établissements publics. Au cours de 1984, nous espérons l'étendre également aux secteurs commercial et industriel.

Quant au programme d'électrification des chaudières industrielles qui n'a pas de précédent dans les autres entreprises d'électricité, il a remporté un immense succès. À lui seul, il comptera pour plus de la moitié de la croissance de nos ventes d'électricité en 1984. C'est appréciable si l'on songe que ce programme a été lancé en décembre dernier et qu'en mars, nous avions déjà dépassé l'objectif initial.

De plus, nous avons signé avec Reynolds et Pechiney au cours des derniers mois des ententes tarifaires particulières en vue de susciter de nouveaux investissements dans l'important secteur de l'aluminium.

Côté exportations, les contrats de vente d'énergie excédentaire conclus le 21 mars par Hydro-Québec avec NEEPOOL pourraient rapporter au Québec des revenus d'exportation de plus de 5 000 000 000 $, au cours des onze années suivant 1986. Le contrat avec le NEEPOOL est une opération extrêmement fructueuse et ce n'est qu'un début. Hydro-Québec a entrepris et poursuit actuellement des négociations pour des exportations régulières d'électricité à long terme.

Dans l'ensemble, les ventes et les revenus découlant de nos programmes au Québec et des exportations devraient doubler en trois ans. Les ventes additionnelles passeront, de 20 térawatts, en 1983, à 41 térawatts, en 1986, et les revenus de 545 000 000 $ à 1 100 000 000 $. Ces nouvelles ventes compteront pour les deux tiers de la croissance totale de nos ventes, croissance qui s'établira à 11,7, l'an prochain, soit un taux deux fois et demie plus élevé que celui prévu par les autres producteurs canadiens.

Passons maintenant à la deuxième orientation du plan qui consiste à réaliser, d'ici à 1985, les investissements déjà engagés et à limiter les engagements financiers à plus long terme. Comme nous l'avons annoncé, l'an dernier, nous terminerons la construction et la mise en service des centrales de La Grande 3 et La Grande 4 d'ici à la fin de 1985. Quant aux autres projets de centrales, nous n'avons pas à prendre de décision maintenant, étant donné les excédents que nous devons d'abord écouler. Les investissements des trois prochaines années seront donc concentrés sur les éléments qui ont un lien stratégique avec nos programmes commerciaux au Québec et à l'étranger, savoir l'amélioration et la fiabilité du réseau et les interconnexions qui seront terminées à un rythme accéléré.

Il va de soi que le plan des installations que nous retenons dépend de l'évolution de la demande d'électricité régulière au Québec et qu'il pourrait être modifié advenant un rythme de croissance différent de celui prévu. À titre indicatif -je pense que cela peut donner un exemple des problèmes de prévision - le congrès américain, au mois de mai prochain, va avoir une commission parlementaire - oui, son équivalent exactement comme aujourd'hui -sur les prévisions de construction dans l'hydroélectricité ou dans l'électricité aux États-Unis.

Il y a deux organismes américains qui ont fait une prévision sur la demande

d'électricité aux États-Unis, d'ici à la fin du siècle, qui diverge - je demande de prendre note du chiffre - de 311 000 mégawatts. Le département de l'énergie, c'est-à-dire le ministère américain de l'Énergie, estime qu'il faudra, en plus des projets d'installation déjà approuvés, une puissance additionnelle de 438 000 mégawatts, alors que le service de recherche du congrès évalue les mêmes besoins de puissance additionnelle à seulement 127 000 mégawatts. L'écart représente une puissance suffisante pour satisfaire les trois quarts des besoins actuels des États-Unis.

Au Québec, heureusement, les divergences de prévisions sont moins grandes. Mais si de nouveaux facteurs économiques ou énergétiques accéléraient la pénétration de l'électricité dans les nouveaux marchés ou de la croissance des marchés acquis, Hydro-Québec pourrait puiser à même ses excédents ou mettre rapidement en chantier de nouvelles installations dont les études sont déjà terminées. Du point de vue des installations, l'entreprise dispose d'une grande flexibilité.

La troisième orientation du plan vise à assurer à l'entreprise une plus grande souplesse d'adaptation aux changements imposés par la conjoncture en réorganisant ses activités. Nous avons entrepris, il y a à peine 18 mois, une réorganisation complète des activités du siège social et des régions qui vient tout juste de se terminer. Cette réorganisation visait à redéployer nos ressources humaines en fonction des nouvelles priorités de l'entreprise, à accroître leur productivité et à réduire les dépenses d'exploitation par une compression des effectifs globaux, notamment au niveau des cadres. Les résultats obtenus sont significatifs.

L'interruption de l'embauchage extérieur, associée à un programme d'incitation au départ volontaire, a déjà permis de réduire le personnel permanent d'environ 20 000 à 19 000 employés. Cela représente une diminution de 5% et ces effectifs devraient rester stables au cours des trois prochaines années.

L'effectif des cadres a été réduit du tiers, soit de plus de 1000 postes. Quant à la réaffectation des employés devenus excédentaires, à la suite de la diminution du travail dans certaines activités, 715 employés ont été réaffectés à d'autres postes depuis mai 1982 et nous prévoyons en réaffecter 2000 autres d'ici à la fin de 1986. (17 h 45)

Enfin, c'est là un élément très important. Ces mesures nous ont permis de contenir la croissance des dépenses d'exploitation et d'administration de 1983 en deçà du pourcentage visé et de modérer ainsi les augmentations de tarifs nécessaires.

La quatrième et dernière orientation du plan qui a été ajoutée cette année vise à augmenter la fiabilité du réseau en vue d'assurer une meilleure continuité du service aux différentes catégories d'abonnés. Je pense que M. Bourbeau l'a souligné. Ces activités changeront la nature globale de nos investissements qui toucheront désormais au plus grand éventail d'industries québécoises dont les effets sur l'économie seront peut-être supérieurs à ce qu'ils étaient avant. D'une part, en effet, nos investissements seront beaucoup plus décentralisés et profiteront à l'ensemble du Québec, étant donné que l'on retrouve des installations de transport et de distribution dans toutes les régions.

En outre, les investissements en transport et en distribution créent plus d'emplois que ceux réalisés dans les grands travaux de construction. Par exemple, 1 000 000 $ dépensés à la Baie James en 1983 créaient, en moyenne, cinq emplois indirects dans l'industrie manufacturière au Québec tandis que le même million dépensé en transport et en distribution, créera sept emplois et demi.

Ainsi, au chapitre de la distribution en particulier, nous allons moderniser les installations sur l'ensemble du territoire québécois afin que nos abonnés jouissent d'une meilleure continuité de service. Nous avons notamment conclu avec la ville de Montréal, une entente visant à accélérer la réfection du réseau de distribution du centre-ville montréalais. Cette entente prévoit des investissements conjoints de 538 000 000 $ au cours des six prochaines années et ces 538 000 000 $ s'ajoutent au programme spécial de 1 000 000 000 $. Ces travaux réduiront les pannes, hélas trop fréquentes sur l'île de Montréal.

Voilà les orientations et les objectifs du plan de développement 1984-1986. Grâce à une bonne coordination des actions dans tous les domaines d'activité et à une politique de commercialisation dynamique, Hydro-Québec entend soutenir l'essor de l'électricité au Québec et continuer à faire profiter les consommateurs, des avantages indéniables de cette richesse.

Avant de répondre aux questions de la commission, j'aimerais, en terminant, évoquer deux points sur lesquels Hydro-Québec concentre actuellement une réflexion et certaines études. Le premier concerne la tarification et le second, la recherche et le développement. Du côté des tarifs, nous étudions un nouveau programme de stabilisation des tarifs pour les entreprises fortes consommatrices d'électricité. Nous avons déjà un programme de rabais tarifaires mais ce programme est temporaire et s'applique exclusivement à la consommation issue de nouveaux investissements. Or, les abonnés existants, pour qui l'électricité pèse lourd dans les coûts de production, nous ont

dit à plusieurs reprises que leur planification serait beaucoup plus facile s'ils connaissaient d'avance et à long terme leurs coûts d'approvisionnement en électricité. Dans cette optique, nous étudions un mécanisme qui permettrait à Hydro-Québec et aux industries, de définir conjointement les balises des hausses de tarifs à long terme. En vertu de ce mécanisme, Hydro-Québec pourrait, par exemple, garantir sur dix ans un plafond d'augmentation à une industrie si cette industrie consent à garantir à Hydro-Québec un plancher d'augmentation. Un tel programme présente certains risques financiers mais ces risques seraient partagés par Hydro-Québec et les industriels.

Enfin, pour les gros consommateurs comme pour les petits consommateurs d'électricité, il ne suffit pas de disposer d'un approvisionnement en quantité suffisante et à des prix intéressants si ces avantages ne sont pas combinés à des technologies d'utilisation efficace d'électricité. Hydro-Québec entend donc favoriser les investissements dans ses activités de recherche, de développement et de démonstration d'une part, parce que les perfectionnements technologiques nous permettent de réduire davantage nos coûts de fourniture de l'électricité et d'autre part, afin d'appliquer, dans certains secteurs en particulier, dans l'industrie forte consommatrice d'énergie, de nouveaux procédés d'utilisation d'électricité qui, compte tenu de leur meilleure efficacité, permettraient d'accroître la compétitivité de nos industries.

Avec la commercialisation, la recherche nous apparaît aujourd'hui comme l'une des voies privilégiées par laquelle passera le renouveau de l'électricité au Québec et avec lui, une partie importante de notre santé ou de notre essor économique.

Alors, maintenant nous sommes prêts à répondre aux questions.

Période de questions

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Merci, M. Bourbeau et M. Coulombe, pour votre exposé préliminaire. Maintenant, M. le ministre, y a-t-il des questions?

M. Fortier: Une question de règlement. La présentation qui nous a été faite et les documents qui nous ont été remis nous ont permis de nous faire une idée de la situation et nous avons préparé nos questions à partir de cette information.

Le ministre a fait état d'une visite, la semaine prochaine, et Hydro-Québec a fait état de la possibilité d'un ajustement rapide s'il y avait des engagements. Est-ce qu'il y a une information que les membres de la commission devraient connaître? Est-ce que l'information qui est sur la table est toute l'information, ou est-ce que nous faisons un effort de discussion qui pourrait être modifié rapidement la semaine prochaine? Autrement dit, nous cachez-vous de l'information, M. le ministre, ou est-ce que l'information sur la table est toute l'information qui devrait être disponible aux membres de la commission?

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le ministre.

M. Duhaime: Je me demande un peu pourquoi vous me posez pareille question, parce que j'ai mentionné que le gouverneur de l'État de New York, M. Cuomo, venait vendredi.

M. Fortier: Vous avez dit qu'il pouvait...

M. Duhaime: J'ai dit qu'il viendrait vendredi, je n'ai pas annoncé autre chose. Il devait venir il y a quatre ou cinq semaines, je crois, je ne me souviens pas de la date. Son voyage a été décommandé pour des raisons de santé, quant à lui, mais si vous craignez une grosse nouvelle, il n'y en aura pas.

M. Fortier: Alors l'information que nous avons est l'information...

M. Duhaime: Je trouve cela très délicat de votre part de me demander si j'ai fourni toute l'information. La question s'adresse également à Hydro-Québec. Je pense que non seulement on vous donne toute l'information concernant le dossier de l'énergie, mais on est toujours assis autour de la table ici en train d'en parler. Il y a à peine une semaine, on a rendu public un document, Statistiques de l'énergie au Québec, édition 1982, que vous avez mal interprété, d'ailleurs; deuxièmement, on vous envoyé, il y a plusieurs jours, toute la documentation possible et imaginable en répondant, point par point, à chacun de vos desiderata. Vous l'avez eue il n'y a absolument rien de caché. D'ailleurs, je m'étonne que vous demandiez tellement d'information concernant Hydro, parce que, quand on écoute votre chef, vous avez l'air de tout savoir là-dessus.

Soyez assuré que le gouverneur Cuomo vient ici rencontrer le premier ministre dans le cadre d'échanges que tiennent et que devraient tenir plus fréquemment, à mon point de vue, les dirigeants des États de la Nouvelle-Angleterre et de New York sur des questions qui portent, par exemple, sur l'énergie, le transport, l'environnement, etc. Ne vous excitez pas outre mesure.

M. Fortier: Ecoutez, M. le Président, je posais la question pour avoir l'assurance que c'était là toute l'information. Je comprends qu'Hydro-Québec nous a donné l'information qu'elle avait, mais, étant donné que c'est le

ministre qui a fait la visite la semaine dernière, je voulais avoir l'assurance que lui...

M. Duhaime: Si vous voulez que je vous raconte mon voyage.

M. Fortier: ...n'avait pas conclu un rapport ou une entente qu'il dévoilerait la semaine prochaine...

M. Duhaime: Si vous voulez que je vous raconte mon voyage.

M. Fortier: ...parce que cela rendrait notre commission parlementaire caduque. Maintenant, j'ai la confirmation que l'information que nous avons est la plus pertinente.

M. Duhaime: Vous savez, contrairement à ce que votre chef peut penser, ce n'est pas un vol par jet de 55 minutes puis un autre vol de 55 minutes au retour qui permettraient de bâcler une transaction qui se discute depuis plusieurs années et qui porte sur plusieurs milliards de dollars. Ce n'est pas notre façon de faire. D'autant plus, M. le député d'Outremont, que je suis allé passer trois excellentes journées en Nouvelle-Angleterre. J'ai pu rencontrer les gouverneurs, les lieutenants-gouverneurs et les présidents de compagnies de services publics. J'étais d'ailleurs en compagnie de M. Bourbeau. Alors, si vous avez des informations à demander, vous pouvez les demander à M. Bourbeau.

Moi, ici, aujourd'hui, techniquement parlant, je peux bien répondre à vos questions, mais on est ici pour entendre Hydro-Québec. Vous avez développé, depuis deux ou trois semaines, la mauvaise habitude de poser des questions à tout un chacun à l'Assemblée nationale sur le dossier de l'énergie quand je suis absent.

M. Fortier: C'est notre faute!

M. Duhaime: Si vous posez des questions... Bien, j'ai été absent trois jours en Nouvelle-Angleterre et vous avez posé cinq questions au premier ministre concernant mes dossiers. Je trouve cela un peu affligeant, franchement. Surtout vous, vous étiez au courant du dossier du fer. On vous avait même invité...

M. Kehoe: C'est seulement là qu'on a de bonnes réponses.

M. Duhaime: ...sur la Côte-Nord. Si vous avez des questions là-dessus, vous pouvez les poser à M. Bourbeau.

M. Scowen: Est-ce que je peux poser une question à M. Bourbeau?

M. Duhaime: Bien sûr, mais j'avais demandé la parole avant vous.

M. Scowen: Voilà!

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Voici. Pour avoir de l'ordre dans cette commission parlementaire, je pense que chacun des députés aura la chance, pendant 20 minutes, et par alternance comme l'habitude le veut, de s'exprimer pendant ces heures de session.

M. Scowen: Je suis prêt à poser quelques questions.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): La parole est au ministre. M. Bourbeau avait une réponse à l'une des questions?

M. Bourbeau (Joseph): Oui, sur la question posée par M. Fortier, au nom d'Hydro-Québec, je puis dire que nous avons ici toute l'information disponible. Il n'y a aucun lien, je crois, entre la visite de M. Cuomo, vendredi prochain, et des ententes possibles. Il y a actuellement des négociations qui sont en cours mais cela n'a rien à voir avec la visite de M. Cuomo.

M. Fortier: C'était une question préalable et je vous remercie de la réponse.

M. Duhaime: C'est aussi précis que cela. On l'apprécie beaucoup.

J'aurais une brève question, soit à M. Coulombe ou à M. Bourbeau. Ayant eu toute l'information aussi...

M. Fortier: Depuis trois ou quatre mois.

Le gaz naturel et le mazout

M. Duhaime: Je voudrais faire porter ma question sur un sujet qui est d'actualité. Comment Hydro-Québec perçoit-elle la présence du gaz naturel au Québec et comment est-ce que vos efforts de pénétration de marché sur le mazout, bien sûr, s'harmonisent? Parce que, en regardant des chiffres récemment dans le secteur résidentiel, dans le secteur des constructions nouvelles, j'ai cru lire quelque part que c'était à un rythme au-delà de, je crois, 80% ou 85% et même davantage qu'Hydro-Québec abonnait ces nouvelles résidences. C'est là un premier élément.

Deuxième élément, il m'est apparu que, sur le marché de l'énergie au Québec, il y avait deux données nouvelles qu'il nous fallait prendre en considération.

Premièrement, les distributeurs de gaz naturel ont, semble-t-il, mis au point une nouvelle chaudière efficace à 95%. Deuxièmement, les pétrolières ont réagi également. J'imagine que c'est à la suite des

efforts de marketing d'Hydro-Québec - qui méritent d'être soulignés dans le bon sens -que les pétrolières auraient réagi pour offrir des rabais significatifs à leurs abonnés pour ce qui est des approvisionnements en huile à chauffage. Sur ces points, est-ce que vous avez une réaction quelconque ou une stratégie à venir dans les semaines, dans les mois prochains?

M. Bourbeau (Joseph): De quelle façon Hydro-Québec perçoit-elle le gaz naturel? Je crois que, pour nous, c'est un acteur sur la scène énergétique, un acteur qui prend de l'importance, mais nous avions autrefois un autre acteur qui s'appelait le pétrole et qui, je pense, consommait ou plutôt produisait 75% de l'énergie ici au Québec.

C'est un acteur avec lequel nous sommes en concurrence. Je crois que le résultat de tout ceci, c'est que le consommateur retire les bienfaits de cette concurrence entre non seulement le gaz naturel mais aussi le pétrole et l'électricité. Si M. Coulombe veut continuer.

M. Coulombe: Je pense que à propos la présence du gaz, évidemment, comme M. Bourbeau vient de le dire, le gaz est un acteur présent et qui est le plus dynamique possible pour vendre son produit. La réaction à Hydro-Québec - revenons aux chiffres que je vous ai donnés tantôt - ne s'est pas fait attendre. Les programmes de vente qu'on a mis sur pied ont beaucoup de succès et nous espérons que les prochains qu'on va mettre sur pied auront autant de succès. Comme M. Bourbeau l'a affirmé, je pense que c'est exact, c'est le consommateur, qu'il soit industriel ou domestique, qui en profite. Donc, en termes économiques, ce n'est pas négligeable.

Évidemment, la pénétration du gaz au Québec est survenue à un moment où il y avait des surplus d'énergie, que ce soit dans le pétrole, dans l'électricité ou dans le gaz, peut-être pas au Québec, mais, dans le gaz, de façon générale au Canada. Probablement que personne ne pouvait prévoir cette conjoncture dans la fin des années soixante-dix. C'est évident que faire pénétrer une nouvelle forme d'énergie lorsqu'il y a des surplus, soit dans le domaine du pétrole ou du mazout lourd ou un autre, cela donne à la situation des paramètres qui sont différents de ceux qui avaient été prévus au début.

J'ai l'impression que tout le monde cherche à s'ajuster à ces nouveaux paramètres mais, finalement, à Hydro-Québec, on y fait face et on a l'intention d'y faire face, parce qu'on reste persuadé que, comme le disait M. Bourbeau à la fin de sa présentation, l'électricité demeure quand même la seule forme d'énergie qui est produite au Québec. L'exploration de cette forme d'énergie se fait au Québec, la production de cette forme d'énergie se fait au Québec, de plus en plus à 80% par les Québécois. On pense qu'il s'agit là d'un levier qui a été mentionné souvent, qui est en soi une richesse énorme pour le Québec et on a l'impression que la conjoncture actuelle va finir par s'éclaircir lorsque l'état de disponibilité ou de surplus va s'estomper.

En ce qui nous concerne, la stratégie fondamentale qui est expliquée dans le plan et dont je vous ai donné certains chiffres, la baisse de nos coûts d'exploitation, l'augmentation de la productivité, une certaine prudence pour ne pas construire et se réveiller avec des surplus encore plus grands - là, ce ne seront plus des ventes de feu, mais des ventes que je ne pourrais même pas qualifier... Je pense que, si on peut avoir une stratégie claire là-dessus, Hydro va continuer à jouer son rôle, non seulement de producteur d'électricité, mais d'explorateur d'énergie, de distributeur d'énergie. Je pense que c'est la seule compagnie au Québec qui peut se permettre de dire ce genre de choses-là. Je pense que, finalement, cela va profiter non seulement à l'économie mais aux consommateurs d'électricité. Nous sommes persuadés qu'Hydro peut, dans les prochaines années, avec certaines conditions, avoir des tarifs qui vont être de plus en plus concurrentiels et avec des augmentations de tarifs qui vont être limitées - du moins, nous le pensons -dans la conjoncture actuelle.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Alors, on vous remercie. La commission élue permanente de l'énergie et des ressources suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise de la séance à 20 h 8)

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): À l'ordre! La commission élue permanente de l'énergie et des ressources poursuit son étude de la proposition tarifaire d'Hydro-Québec pour l'année 1984. Lorsque nous avons quitté, la parole était au ministre. Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le ministre?

Plan d'équipement

M. Duhaime: Oui, VI. le Président. J'ai annoncé que j'avais deux questions pour le moment. On a répondu à une; la deuxième, ce serait plus une question de clarification qu'autre chose parce que j'ai l'occasion de parler avec nos amis de la presse, de même qu'avec les collègues d'un côté ou de l'autre de cette table. Quand on parle d'énergie

hydroélectrique en particulier et qu'on parle d'un plan d'équipement, il y a très souvent beaucoup de confusion dans les mots et expressions utilisés.

J'ai cru comprendre des exposés qui ont été faits par le président d'Hydro-Québec que le plan d'équipement était basé sur des prévisions de ventes régulières. Par ailleurs, dans le dossier d'exportation, on parle de ventes excédentaires et, tantôt, quand on touchera au dossier d'exportation, on parlera de ventes d'énergie, tantôt d'énergie sur un tarif interruptible, tantôt d'énergie ferme, ou encore de contrat de puissance.

J'aimerais savoir, de M. Coulombe ou de M. Bourbeau, comment à Hydro-Québec s'oriente le processus pour en arriver à établir un plan d'équipement. Est-ce que vous tenez compte des prévisions de ventes régulières seulement ou si vous tenez compte également des prévisions de ventes sur des programmes spéciaux ou d'écoulement d'énergie? Ou encore tenez-vous compte d'une problématique d'exportation, que ce soit d'énergie excédentaire, que ce soit d'énergie tout court ou que ce soit de puissance? Là-dessus, j'aimerais qu'on se comprenne bien pour éviter toute confusion.

Je lisais une manchette d'un journal, il y a quelques jours, qui annonçait... Je pense que le député d'Outremont a péché dans ce sens-là aussi en reprenant qu'avec X milliards de kilowattheure d'énergie en surplus, c'étaient tous ces beaux milliards qu'on voyait s'écouler le long de nos rivières, etc.; il manquait seulement le poème. Et plus loin, dans le même article, on disait: Ces surplus seront affectés à tel programme, tel programme, tel programme de sorte que, sur une période de cinq ans ou de dix ans, les surplus prévus apparaissaient presque comme des quantités négligeables, si on tient compte des ventes faites par Hydro-Québec en fonction de sa capacité de production et des ventes réelles. J'aimerais qu'on se comprenne là-dessus et si on se comprend sur cela, j'aurais peut-être une autre question, mais je ne suis pas sûr.

Le Président (M. Champagne, Mille- Îles): D'accord. M. le président.

M. Bourbeau (Joseph): À venir jusqu'à maintenant, Hydro-Québec a toujours planifié son plan d'équipement sur les ventes d'énergie régulière au Québec. On n'a jamais installé de centrales pour vendre de l'énergie excédentaire ou de l'énergie interruptible. On fait une différence, évidemment, entre le ferme... L'énergie ferme: il y a de la puissance, il y a de l'énergie qui est livrée ou qui peut être livrée à tous les instants, c'est-à-dire 365 jours par année, 24 heures par jour. C'est ce qu'on entend par de la puisssance et de l'énergie fermes.

Au contraire, si on peut dégager de nos installations de l'énergie durant certaines périodes de l'année, mais pas toute l'année, à ce moment, on utilise les termes "énergie interruptible", on dit qu'on a des surplus ou de l'énergie excédentaire.

On pourra parler plus tard - au point de vue de vente aux Américains - du principe de l'énergie ferme. Énergie ferme veut dire: Dans une période de douze mois, on s'entend pour livrer une certaine quantité d'énergie, ce qu'on appelle de l'énergie ferme, mais cela ne veut pas dire qu'elle est livrée durant douze mois par année.

Au point de vue des surplus... Vous avez dit, M. le ministre, qu'on a des surplus. Je crois qu'on a avec nous le vice-président à la planification qui peut démontrer de quelle façon on a des surplus, ce qui a engendré les surplus et de quelle façon on entend disposer des surplus.

On a M. Claude Dubé, vice-président à la planification des équipements, pour nous présenter un tableau qui, je pense, va répondre à toutes les questions.

M. Duhaime: II est beau.

M. Bourbeau (Joseph); On a plusieurs autres tableaux comme cela, si cela peut être...

M. Tremblay: Les tableaux d'Hydro-Québec sont toujours bien préparés.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Maintenant, est-ce que vous pourriez vous identifier, s'il vous plaît, pour...

M. Dubé (Claude): Claude Dubé, vice-président à la planification des équipements. Je me suis permis d'apporter un tableau qui pourrait nous aider à comprendre un peu le phénomène.

En 1983, au moment où on se parle, la consommation d'énergie électrique au Québec se situe autour de 100 000 000 000 de kilowattheures par année. On a parlé, tantôt ou avant le dîner, d'un rythme de croissance prévu de 2,9% par année à partir de 1981. Bien sûr, ces 2,9% comprennent une croissance très rapide dans les trois prochaines années, autour de 4,5% à 5% par année. Mais, à long terme, c'est une prévision de demande qui s'articule autour de 2,9% par année.

Or, si on se situe à 100 000 000 000 de kilowattheures cette année et qu'on croît à 2,9%, on voit ici en rouge la croissance annuelle de la demande d'énergie électrique au Québec. On voit que cette demande monte d'année en année pour aller se situer, en 1999-2000, autour de 165 000 000 000 de kilowattheures. Or, on a ici la capacité moyenne de production du parc d'équipement d'Hydro-Québec à partir de la fin des travaux du complexe La Grande, soit après

la mise en service totale des centrales de La Grande 2, La Grande 3 et La Grande 4. Notre capacité de production se situera en 1985 autour de 165 000 000 000 de kilowattheures et, au moment où on se parle, la consommation annuelle du Québec est autour de 100 000 000 000 de kilowattheures. Il y a donc un écart entre les deux. Cet écart n'est finalement rattrapé qu'en l'an 2000 et le plan qu'on vous a proposé suggère justement que, pour satisfaire les besoins internes du Québec, ce qu'on a appelé tantôt la demande ou les besoins prioritaires, ce n'est qu'à partir de l'an 2000 qu'il y aurait besoin de mettre en service de nouveaux équipements - ce qui est prévu ici, c'est la phase II du complexe La Grande - pour continuer de satisfaire les besoins internes du Québec qui continueraient à croître.

Or, à partir du moment - il y a environ deux ans - où est apparu un écart justement entre notre capacité de production prévue et la demande du Québec, Hydro-Québec a développé la notion de marché global, c'est-à-dire qu'au-delà de la demande interne du Québec vient maintenant s'ajouter une autre demande principalement constituée d'énergie interruptible ou d'énergie excédentaire. On retrouve cette demande principalement en Nouvelle-Angleterre, dans l'État de New York, au Nouveau-Brunswick, en Ontario et, bien sûr, pour les bouilloires industrielles au Québec.

Au total, ce nouveau marché constitué de charge interruptible ou de demande excédentaire se situe autour de 47 700 000 000 de kilowattheures par année. Donc, les besoins internes du Québec, 100 000 000 000; les besoins excédentaires, 47 700 000 000. C'est donc un marché très important.

Pour l'expliquer un peu davantage, ici on se situe en 1988 ou même en 1986, si vous voulez, à partir du moment où toutes nos interconnexions actuellement prévues seront en service. Donc, on parle de New York avec une capacité de 2300 mégawatts, on parle de la Nouvelle-Angleterre avec 690 mégawatts et on parle du Nouveau-Brunswick avec au-delà de 1000 mégawatts de capacité ou de nouveaux marchés qu'on est prêt à aller chercher.

Si on devait satisfaire tous ces nouveaux marchés, au lieu de mettre en service de nouveaux équipements en l'an 2000, c'est plutôt en 1989 qu'il faudrait mettre en service de nouveaux équipements puisque c'est à ce moment-là que la demande rattrape notre capacité de production.

On a séparé ici les marchés excédentaires en deux catégories: ceux où -ils sont indiqués en bleu - notre espérance de revenu dépasse le coût de production et ceux où notre espérance de revenu serait inférieure à notre coût de production. Dans cette catégorie-là, on retrouve, bien sûr, l'Ontario. L'espérance de revenu sur le marché ontarien est nettement plus faible que sur les marchés des États-Unis pour la bonne raison qu'aux États-Unis notre électricité sert à déplacer la consommation de pétrole tandis qu'en Ontario on ne peut réussir qu'à déplacer la consommation de charbon. Il y a une différence importante entre le prix du charbon et le prix du pétrole, de sorte que, pour Hydro-Québec, l'Ontario devient un marché intéressant au moment où on a trop de surplus, mais beaucoup moins intéressant à partir du moment où il faudrait construire pour alimenter ce nouveau marché.

Si on devait maintenant construire un programme d'équipement pour satisfaire non plus les besoins prioritaires du Québec ou notre demande interne, mais aussi ce nouveau marché lucratif, c'est en 1992 qu'on verrait l'apparition de nouveaux équipements de base.

Il faut maintenant tenir compte d'un autre phénomène. On a parlé aussi tantôt de l'état de nos réservoirs et, bien sûr, à partir du moment où on est en état de surplus, nos réservoirs sont remplis à pleine capacité. Au moment où on se parle, nos réservoirs contiennent environ 100 000 000 000 de kilowattheures de réserve. C'est une quantité énorme. Le réservoir le plus important qui contient la majorité de ces réserves est, bien sûr, le réservoir de Manic 5. Pour des fins de sécurité et afin de mettre les consommateurs du Québec à l'abri d'une sécheresse éventuelle, Hydro-Québec désire toujours maintenir dans ses réservoirs un minimum d'accumulation égal à environ 70 000 000 000 de kilowattheures. Il reste donc 30 000 000 000 de kilowattheures qui seront accumulés au-delà de nos besoins propres. Donc, pour satisfaire les besoins ou la demande totale, lucrative, à l'intérieur et à l'extérieur du Québec - on a vu tantôt que c'était en 1992 qu'on aurait besoin de nouveaux équipements - si on ramène le niveau de nos réservoirs à leur niveau normal, c'est-à-dire du niveau de 100 000 000 000 de kilowattheures à 70 000 000 000 de kilowattheures qui serait le niveau normal de nos réservoirs et en tirant sur nos réservoirs, ce n'est maintenant qu'en 1995-1996 que de nouveaux équipements seraient nécessaires pour satisfaire l'ensemble de ces nouveaux marchés. On a ici la notion de besoins prioritaires, de besoins internes du Québec, de besoins excédentaires, de puissance ou charge interruptible et la notion de marché lucratif ou de marché vraiment moins lucratif. C'est un peu autour de ces notions que vous a été présenté le plan des installations.

M. Fortier: J'aurais juste une petite question.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Cela va. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je vais laisser la parole à mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, mais j'ai une question sur le petit tableau. Vous avez dit que votre politique serait de réduire les réserves de Manic 5, mais je n'ai pas compris les raisons. Est-ce que c'est une politique que vous aviez avant ou est-ce à cause des faiblesses du barrage qui ont été évoquées dans certains journaux? Est-ce que c'est une mesure plus sécuritaire?

M. Dubé: Pour des fins de gestion normale, on aurait tendance à maintenir notre niveau de réserve autour de 70 000 000 000 de kilowattheures à l'intérieur de l'ensemble de tous nos réservoirs. Étant donné notre situation de surplus temporaire, il se trouve que, à cette période-ci, 1986-1987-1988, nos barrages auront atteint leur cote maximale, c'est-à-dire qu'ils seront pleins; ils seront au niveau 100 au lieu d'être au niveau 70. C'est à cause de cette anomalie qu'il faudrait d'abord ramener le niveau de nos réservoirs à leur niveau normal avant de construire de nouveaux équipements.

M. Fortier: Quelle est la raison pour laquelle votre politique est de maintenir au niveau de 70? Est-ce une mesure de sécurité? Est-ce que le design était fait pour pouvoir supporter un maximum plus élevé ou si c'est simplement une mesure de sécurité à long terme?

M. Dubé: C'est la gestion normale de nos réservoirs.

M. Coulombe: La vraie raison, c'est tout simplement qu'il est plus payant de gérer des réservoirs de cette façon. En d'autres mots, si les spécialistes disent qu'il faut 70 000 000 000 de kilowattheures de réserve pour bien gérer, on perd de l'argent si on maintient cela à 100 000 000 000. Donc, on est aussi bien de vendre ces 30 000 000 000 plutôt que de les garder inutilement.

M. Bourbeau (Joseph): On parle beaucoup plus de la sécurité d'approvisionnement...

M. Fortier: Oui, d'accord. On parle de la sécurité d'approvisionnement et non pas de la sécurité d'un barrage en particulier.

M. Bourbeau (Joseph): On ne parle pas de la sécurité de barrage.

M. Fortier: Juste un petit mot avant de passer la parole à mon collègue. La Loi sur l'Hydro-Québec qui a été modifiée donne le mandat à Hydro-Québec de gérer son plan d'équipement sur l'ensemble de la demande. Je croyais que le ministre posait la question alors qu'il me semblait que les modifications qui ont été apportées à la loi étaient très claires et que, maintenant, vous devez préparer des plans d'équipement en prenant en considération la totalité des besoins et non pas uniquement des besoins du Québec.

M. Coulombe: Oui, c'est-à-dire que...

M. Fortier: Autrement dit, il n'y a plus de limites géographiques dans la Loi sur l'Hydro-Québec. Cette question de la part du ministre m'a surpris. Je tenais pour acquis que la nouvelle loi vous donnait un mandat très clair de planifier votre plan d'équipement en fonction de besoins du Québec et de l'extérieur du Québec, si besoin en était.

M. Coulombe: C'est exactement ce que M. Dubé vient d'expliquer, sauf que, si on sort du rouge qui est là, on tombe dans de l'excédentaire à l'heure actuelle. Or c'est évident que l'aspect excédentaire ou interruptible est un marché beaucoup plus volatif que le ferme contractuel qui, lui, est soumis au marché interne du Québec.

M. Fortier: C'est par sécurité financière.

M. Coulombe: C'est par sécurité financière. C'est par calcul économique. À un moment donné, dans ces surplus-là, il faut se dire: II y en a où c'est payant de vendre, il y en a d'autres où c'est moins payant de vendre. C'est toujours payant si les installations sont déjà construites, c'est toujours payant. Mais, si elles ne sont pas construites, cela devient une question de rentabilité. En d'autres mots, si tel type d'équipement est bâti, est-ce que les kilowattheures qui vont sortir de là, seront vendus à un prix supérieur à ce qu'il nous en a coûté? C'est la réponse à cette question-là qui va nous dire quand les équipements doivent être bâtis.

M. Fortier: Pour le moment, je n'ai pas de questions.

M. Bourbeau (Joseph): Tout ce que l'on dit dans la loi, c'est qu'Hydro-Québec va évaluer les besoins du Québec en énergie et non pas de construire pour fournir toute l'énergie du Québec.

M. Rodrigue: J'ai également une question sur le tableau, M. le Président.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: On retrouve la notion d'un besoin prioritaire qu'on retrouve également dans le graphique I: Situation des excédents 1984 à 1993, à la page 34 du document Plan de développement d'Hydro-Québec.

On retrouve aussi, dans ce graphique-là, la notion de débouchés. La question que je vous pose, c'est: Est-ce que les débouchés que l'on retrouve dans le graphique 1, Situation des excédents de 1984 à 1993, cela englobe la portion jaune que vous avez en haut ou seulement la portion bleue?

M. Dubé: C'est la totalité. M. Rodrigue: C'est la totalité. M. Dubé: C'est la totalité. M. Rodrigue: Merci.

M. Dubé: C'est la même courbe, exprimée différemment, avec un peu plus de détails.

M. Rodrigue: D'accord, merci.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Le député de Notre-Dame-de-Grâce. Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous mentionnez, en fait, que l'excédent, le surplus serait de 30%, pour être vraiment sécuritaire. Est-ce qu'il pourrait être de plus de 30%? Vous dites, en fait, qu'on a un surplus ou que le réservoir contient l'équivalent de la consommation annuelle; c'est cela?

M. Dubé: Au moment où l'on se parle, c'est cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): Bon. Alors, ce serait quoi le pourcentage critique?

M. Dubé: C'est-à-dire que, lorsque l'on parle de 100%, nos réservoirs sont pleins, sont à pleine capacité.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais la réserve qu'on devrait conserver?

M. Dubé: C'est 70%.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites 70%. Est-ce qu'on pourrait diminuer un peu cette...

M. Dubé: Pour des raisons de fiabilité d'alimentation, on veut s'en tenir à la cote 70%.

M. Leduc (Saint-Laurent): Donc le surplus de 30%, pourrait être vendu s'il y avait un marché.

M. Dubé: C'est une capacité d'emmagasinement en cas de crue plus supérieure à ce qui a été prévu et c'est la gestion normale d'un résevoir, d'un parc d'équipement dont la production est essentiellement liée aux précipitations de neige et de pluie. Et c'est pour ces raisons-là qu'il faut se garder une marge de maneouvre, une marge d'accumulation pour des fins de sécurité d'approvisionnement.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais je veux bien comprendre. Le surplus de 30%. Est-ce qu'on pourrait le vendre sous forme d'électricité ferme, régulière ou bien strictement excédentaire?

M. Fortier: N'importe comment.

M. Dubé: On pourrait le vendre sous forme d'électricité ferme aussi si on avait les équipements pour le faire.

M. Leduc (Saint-Laurent): Donc, il est là et on serait prêt à l'utiliser immédiatement. On pourrait le vendre immédiatement.

M. Dubé: Exact.

M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Est-ce qu'il s'agit d'une question portant sur le tableau, M. le député de Chambly?

M. Tremblay: Pas sur le tableau.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Alors, s'il n'y a plus de questions sur le tableau, je vais laisser la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci. Juste une brève question portant sur le tableau. J'ai remarqué qu'aujourd'hui, le pourcentage d'excédent, le bleu et le jaune, si vous voulez, par rapport au total, cela monte - si mes calculs sont bons - à 30% ou 35% du total de la capacité actuelle de la compagnie. Est-ce que, historiquement, ces écarts entre les demandes fermes et la capacité étaient aussi importants ou si on se trouve aujourd'hui dans une situation...

M. Dubé: C'est strictement une situation nouvelle. On a, depuis longtemps, développé la notion de l'énergie excédentaire. On a toujours parlé d'une petite quantité ou de faible quantité d'énergie.

M. Fortier: Qui variait de mois en

mois.

M. Dubé: Et ce n'est vraiment que depuis deux ans, à partir de l'apparition de ces surplus prévus qu'a été développée la notion de marché global et que de nouveaux marchés ont été approchés et atteints. On parle de ceux de New York, de la Nouvelle-Angleterre, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario.

M. Scowen: Mais vous vous trouvez effectivement avec cet écart important aujourd'hui, par accident et non par dessein. (20 h 30)

M. Dubé: Avec l'Ontario, en particulier, on a des interconnexions qui datent de 30 ans. Il y a toujours eu un échange d'énergie et des ventes d'énergie excédentaire. Avec le Nouveau-Brunswick, la première interconnexion remonte à une dizaine d'années, avec Eel River, où on a atteint un nouveau marché de l'ordre de 500 mégawatts. À New York, on avait déjà une interconnexion de 1000 mégawatts qui sera portée à 2400 mégawatts au printemps prochain. Avec la Nouvelle-Angleterre, on parle vraiment d'une nouvelle interconnexion d'une capacité de 690 mégawatts qui pourrait éventuellement être portée à 2000 mégawatts. Dans l'histoire, c'est la progression de la croissance des interconnexions à Hydro-Québec avec les réseaux voisins.

Prévisions économiques

M. Scowen: Merci beaucoup. M. Bourbeau ou M. Coulombe, dans un premier temps, je voulais vous poser une série de questions qui portent sur vos prévisions économiques. Je le fais parce que je trouve à première vue que vos prévisions, quant à la croissance économique au Québec pour les deux prochaines années, sont dans un état de contradiction flagrante avec celles du premier ministre. Je pense qu'il est important de soulever cette question et de l'approfondir un peu parce que nous sommes devant deux prévisions ou déclarations d'intention qui sont très importantes pour le Québec.

Premièrement, les vôtres sont des prévisions sur lesquelles vous basez toute votre planification financière et votre planification d'équipement pour la plus grande compagnie au Canada, une compagnie qui a une très grande importance pour l'économie du Québec. De l'autre côté, dans le cas du premier ministre, ses intentions sont la base de son plan de relance sur lequel il veut refaire l'économie du Québec et en même temps refaire la crédibilité de son gouvernement. Si les deux calculs sont opposés, ne sont pas conformes, je pense que la population a le droit de poser des questions.

La question que je vous pose est la suivante: Dans le cas du premier ministre, il a déclaré le 13 novembre qu'il avait un objectif très précis. Vous pouvez le trouver à la page 2 des fiches techniques qu'il a fournies aux journalistes et qui sont une précision de son discours. Il dit qu'à court terme, d'ici la fin de 1985 - c'est deux ans - ils ont pour objectif de faire en sorte que notre économie non seulement atteigne, mais maintienne un rythme de croissance supérieur à la moyenne canadienne, ce qui devrait amener une baisse sensible de son taux de chômage.

C'est la première fois que nous avons une déclaration aussi claire d'un objectif de la part du premier ministre. Pour 1984 et 1985, à court terme, un rythme de croissance... Il ne précise pas la croissance, mais on peut imaginer qu'il parle d'abord de PIB et peut-être de création d'emplois supérieure à la moyenne canadienne.

Je regarde vos prévisions pour ces deux années et je sais très bien que vous avez une équipe d'analystes économiques qui sont probablement les meilleurs au Québec sinon au Canada. Vos analyses sont faites d'une façon sérieuse et sont construites sur la base de prévisions sectorielles. Je présume qu'il n'existe probablement pas un seul groupe au Québec qui ait les compétences égales pour au moins évaluer à court terme les tendances économiques probables.

À la page 2 de votre document, je vois, sur le résumé du plan de développement, que vous prévoyez pour 1984 une croissance du PIB de 3,5% qui est 23% plus basse que celle que vous prévoyez pour le Canada. Pour l'année 1985, vous prévoyez une augmentation de notre produit intérieur de 2,7% qui est encore 23% plus bassse que celle du Canada.

Quand je regarde l'autre document qui touche la question d'une demande d'électricité, page 10, tableau 1, je vois que vous prévoyez qu'en 1984 il y aura une création nette, ici au Québec, de 59 000 emplois; pour 1985, 53 000 emplois et, pour 1986, 54 000 emplois. On sait que le premier ministre n'a pas précisé de chiffres sur le plan de la création d'emplois, il en a mentionné plusieurs, mais il ne s'est pas assis sur l'un ou l'autre. Dans ce cas-ci, vous ne donnez pas vos prévisions quant au taux d'emploi au Canada. Mais quand même, lorsqu'on regarde vos prévisions concernant les deux PIN ou PIB, nous avons le droit de dire qu'il existe un écart très important entre votre analyse, votre perception de l'avenir du Québec à court terme - je répète que vous autres, plutôt que n'importe qui au Québec, devez avoir le respect des gens dans vos prévisions - et les intentions du premier ministre. Donc, voici la première question que je veux vous poser et à laquelle vous

pouvez répondre d'une façon très courte: Est-ce que ces prévisions ont été faites en tenant compte du plan de relance du premier ministre?

M. Coulombe: Ces prévisions datent d'août-septembre. En termes de prévisions économiques, nous ne les avons pas changées depuis ce temps, pour une raison très simple. Nous, à Hydro-Québec, n'étions pas au courant de toutes les facettes et de toutes les dimensions du plan de relance gouvernemental, de tous les projets que le gouvernement pouvait avoir là-dedans. On avait deux choix. Soit de dire: On attend de connaître les fondements du plan, de connaître les projets, de connaître les investissements, on va refaire l'ensemble de nos calculs et on va voir ce que cela peut donner. L'autre choix, c'était de dire: On va présenter le plan tel quel, cela nous donnera suffisamment de temps pour voir le contenu du plan de relance et ses effets, lors de la révision du plan, qui est annuelle. À chaque année, on arrive avec des prévisions qui sont modifiées. Tous les "prévisionnistes", contrairement à ce qu'on fait à HydroQuébec, à tous les trimestres, ont de nouvelles prévisions qui arrivent; pour nous, c'est plutôt annuel.

C'étaient donc les deux choix qu'on avait. On a opté pour le premier. En d'autres mots, présenter le plan tel qu'il était, quitte à voir le contenu, les conséquences, les objectifs du plan de relance - ce qu'on commence à connaître à l'heure actuelle - et, dans la révision du plan, intégrer tout simplement ces nouvelles données. C'est le choix qu'on a fait.

Je tiens aussi à dire que vous avez raison de dire qu'en 1984, les prévisions du PIB québécois sont inférieures aux prévisions concernant le Canada, mais nos prévisions sont quand même supérieures aux prévisions du Conference Board pour le Québec. On est plus optimiste pour l'économie du Québec que le Conference Board, légèrement, vous me direz, puisque c'est 3,5% au lieu de 3,2%. Nos prévisions sont légèrement supérieures aux prévisions du Conference Board, mais vous avez raison de dire qu'elles sont inférieures aux prévisions du Canada. Cela s'explique très bien. Nos prévisions datent du mois d'août et de septembre, soit le plan qu'on a déposé au gouvernement. Les données fondamentales du plan de relance ne nous étaient pas connues; elles viennent de nous parvenir. Aussitôt qu'on va en comprendre tous les mécanismes, tout le contenu et tous les projets, on verra si, dans les prévisions du prochain plan, cela doit s'intégrer. Cela correspond à peu près à ce que le premier ministre a dit et - comme je l'ai lu dans les journaux - à ce que le ministre des Finances a dit aussi en fin de semaine, puisque les conséquences de la relance se feront sentir dans quelques mois. Pour le prochain plan, on sera prêt à intégrer ces nouvelles données et on verra si cela donne une croissance plus accélérée. C'est ce que nous souhaitons tous. On pourra combler le retard qu'on a pris depuis quelques années si l'économie fonctionne mieux.

M. Scowen: M. Coulombe, si je comprends bien, les prévisions ne tiennent pas compte du plan de relance. Est-ce que vos analystes il y a déjà un mois maintenant - ont eu l'occasion d'analyser ce plan de relance et de faire une évaluation froide du potentiel, des possibilités de ce plan de relance pour réaliser les objectifs du premier ministre? Pour vous rappeler brièvement le plan de relance, il y a six éléments principaux. Premièrement, il y a une extension du plan de financement des moyennes entreprises pour une période de 18 mois. Il y a un plan de reboisement accéléré des pépinières. Il y a le prolongement du programme Corvée-habitation pour sept mois. Il y a un programme d'investissements publics dont vous faites partie dans un certain sens. C'est pour les institutions culturelles et les équipements touristiques et l'assainissement des eaux. Il y a un prolongement de votre programme de rabais auquel je reviendrai. Il y a une réorientation des programmes d'aide sociale. Ce sont les six éléments principaux.

Vos analystes, parce que cela fait déjà un mois, ont-ils pris connaissance de ce plan? Sont-ils capables aujourd'hui de nous dire s'ils pensent que, sur la base de ce plan, vous pouvez maintenant réviser vos prévisions sur le PIB du Québec à un niveau qui sera plus élevé que celles du Canada pour les années 1984 et 1985?

M. Coulombe: En toute honnêteté, on a le contenu depuis plusieurs semaines, mais il y a plusieurs éléments que vous venez de mentionner et dont personne ne sait exactement quelles seront les conséquences concrètes. C'est très facile à comprendre. Si on prend le premier volet du plan, ce sont les prêts aux entreprises; il faudrait que quelqu'un nous dise combien d'entreprises vont s'en servir et combien d'investissements elles feront. Là, on va calculer ce que cela donne en investissements et on sera capable de réviser certains chiffres. Mais il n'y a personne qui le sache, à moins que le gouvernement n'ait des chiffres précis. On ne le sait pas. Combien d'entreprises vont se servir de ces possibilités de crédit? On ne le sait pas.

Pour d'autres volets, dans les investissements, s'ils se réalisent, on est fort bien capable de dire que cela va faire augmenter une partie de la demande. Mais il ne faut pas oublier que, dans les trois

prochaines années, Hydro-Québec prévoit une demande régulière - la partie rouge - plus forte que les quatre ou cinq dernières années, c'est-à-dire de l'ordre de 4% dans les deux ou trois prochaines années, dans la partie rouge seulement. Donc, il y a déjà une partie de la croissance de la demande qui est prévue comme une activité économique supérieure.

Donc, la réponse très nette et très claire consistant à dire qu'on prévoit 3,5% comme PIB l'an prochain, à la question de savoir si le plan de relance, on pourra le changer aujourd'hui de 3,5% à 4,5%, en toute honnêteté, on n'est pas capable de la donner. Si on voulait risquer un peu plus, on pourrait mettre au défi n'importe qui.

M. Scowen: Le premier ministre, M. Coulombe, a prétendu que tout dans ce plan et les fiches techniques qui l'avaient accompagné était clair et complet. Par exemple, lorsque vous dites que vous ne savez pas combien d'investissements va susciter ce plan Biron, M. Lévesque a dit très clairement que ce serait 2 000 000 000 $...

M. Coulombe: Combien d'entreprises?

M. Scowen: Alors, c'est à vous, j'imagine, à décider si ce plan peut susciter des investissements additionnels de 2 000 000 000 $. C'est le chiffre qui est dans son texte. Je peux le citer. Il prétend...

M. Tremblay: Citez-le!

M. Scowen: Vous voulez que je le cite?

Attendez... C'est son texte, c'est à la page 10: "Cette garantie de prêts jusqu'à concurrence de 2 000 000 000 $..."

M. Tremblay: Ah! Jusqu'à concurrence! M. Scowen: C'est cela. Bon!

M. Tremblay: II n'a pas dit que ce serait 2 000 000 000 $.

M. Scowen: Ah! Alors, ce n'est pas clair!

M. Coulombe: On interprète qu'il y a des crédits disponibles pour les entreprises. Vont-elles s'en servir? Cela, c'est l'avenir qui va le dire.

M. Scowen: Alors, est-ce que je peux vous poser une question qui va peut-être raccourcir la discussion? Après avoir pris connaissance de ce plan de relance et des informations disponibles, vous et M. Bourbeau vous avez été portés immédiatement à changer vos prévisions pour les deux prochaines années. Croyez-vous que, d'après les informations que vous avez reçues jusqu'à maintenant de vos analystes et d'après votre propre expérience d'hommes d'affaires québécois, le plan de relance du premier ministre peut avoir comme effet les conséquences qu'il établit comme objectifs? (20 h 45)

M. Coulombe: Tout ce que l'on peut dire, c'est que nous le souhaitons, sauf que, dans les deux prochaines années, et je pense que le tableau est assez éloquent là-dessus, même si le plan de relance donnait une efficacité de 125%, Hydro-Québec n'a pas besoin à notre avis, de prendre de décisions autres que celles qui sont présentées dans le plan de développement que vous avez devant les yeux. En d'autres mots, notre problème, à l'heure actuelle, n'est pas tellement de vous dire qu'on souhaite que cela fonctionne, que cela marche et que l'économie commence à rouler et on verra dans le prochain plan si cela a de l'impact sur les grandes prévisions, mais, à très court terme, dans un, deux, trois ou six mois, on n'a pas besoin de changer les décisions fondamentales d'investissements qui sont contenues dans le plan.

Donc, dans cette perspective, et c'est ce qu'on dit dans le plan à peu près à toutes les pages, la flexibilité qu'on a à l'heure actuelle de réagir à des situations, c'est comme cela que cela s'exprime. Si le plan de relance fonctionne merveilleusement bien, on n'aura pas besoin, même si cela fonctionnait à 125%, l'an prochain, de changer nos décisions d'investissements à Hydro-Québec. Il se peut, comme le disait M. Dubé tantôt, que, si cela a un succès très grand, les décisions qui devaient être prises en 1988 ou en 1990 soient ramenées en 1986 ou en 1985, mais certainement pas dans une période d'un an.

M. Scowen: M. Coulombe...

M. Coulombe: Donc, cela nous place dans une position relativement confortable, en ce sens qu'on peut voir évoluer la situation et réagir, parce qu'on a tout ce qu'il faut pour réagir rapidement à n'importe quel changement de conjoncture. Tout le monde sait que ces conjonctures ne changent pas dans deux, trois ou six mois. Cela prend un peu plus de temps.

M. Scowen: M. Coulombe, avec tout le respect que je vous dois, je pense que vous avez la responsabilité d'aller un peu plus loin que le monde ordinaire qui souhaite bonne chance au premier ministre. Vous avez la plus grande entreprise au Québec. Vous avez une analyse assez complète des prévisions de la demande d'électricité dans tous les secteurs, industrie par industrie. Vous avez toute une gamme de décisions à prendre, sur la base des prévisions macro-économiques.

Vous venez d'entendre une déclaration de votre premier ministre disant qu'il a l'intention que, l'année prochaine, le PIB au Québec ne soit pas de 3,5%, mais de 4,5% au moins, plus de 4,5%. Pour l'année 1985, ce sera encore plus élevé.

C'est une déclaration qu'il a faite. Il a, d'après lui, mis en oeuvre les moyens pour le réaliser. La question que je vous pose est la suivante: Avez-vous pris au sérieux cette déclaration et avez-vous demandé immédiatement à votre personnel de changer le plan pour concorder avec la décision du premier ministre? De dire: Bon, si cela marche, on en a la capacité globalement, je suis certain, mais, pour vous, avec une société qui touche au...

M. Coulombe: Mais, on a réagi immédiatement. D'abord, comme je l'ai mentionné dans mon intervention du début, on a réagi immédiatement en augmentant les investissements. Cela a été un geste concret. On a rapproché dans le temps 350 000 000 $ d'investissements concrets. Deuxièmement, il y a eu un élargissement de certains programmes de vente, deux ans de plus dans les rabais, un programme d'accompagnement du retard que le Québec avait pris dans les usines d'épuration des eaux; il y a un programme spécifique qui concerne cela. Donc, il y a eu une réaction immédiate d'Hydro-Québec.

Là, vous me demandez les conséquences globales d'objectifs gouvernementaux sur le PIB. En toute honnêteté, on n'est pas capable de vous dire si le taux de 3,5% qu'on prévoit cette année, le plan de relance va le mettre à 4,5 ou à 5,5. On ne le sait pas, mais je tiendrais à faire remarquer de nouveau que la réaction d'Hydro a été claire et précise. Je l'ai indiqué tantôt, dans quatre ou cinq secteurs précis, on a mis tout l'effort qu'il fallait, dans le cadre raisonnable, pour appuyer le plan de relance avec des investissements concrets. Cela était à la portée d'Hydro. Maintenant, Hydro, même si elle est la plus grosse boîte au Canada en termes d'actifs, il y a toute une série de décisions dans laquelle elle n'a rien à voir: comment les entreprises vont investir, comment les entreprises vont emprunter, et ainsi de suite.

Tout ce qu'on peut faire, c'est donner le maximum d'appuis, mais c'est tout ce qu'on peut faire. Il faut que l'économie fonctionne par elle-même.

M. Scowen: En fin de compte, vous avez décidé de ne pas changer immédiatement la base de vos prévisions pour concorder avec celles annoncées par le premier ministre?

M. Coulombe: Peut-être que je me trompe, mais je ne suis pas au courant que le premier ministre ait dit formellement que les 3,5% allaient devenir 4,8%, ou 5,2%, ou 5,4%.

M. Scowen: II a dit que cela doit être plus élevé que la moyenne canadienne pour l'année 1984-1985.

M. Coulombe: C'est un objectif poursuivi et sur lequel on peut être en total accord, mais cela ne nous semblait pas pour le moment, pour la présentation du plan actuel... À cause du phénomène dont je vous ai parlé tantôt, même si on changeait les 3,5% pour 4,5% en 1984, cela ne changerait pas les décisions de base d'investissement à cause du temps nécessaire pour les absorber.

M. Scowen: Est-ce que je peux vous poser juste une dernière question dans ce domaine? Cela touche à un aspect de votre part, de l'effort... Je ne parle pas des investissements. Le premier ministre a annoncé comme élément très important d'étendre... Je vais le citer précisément pour qu'il n'y ait pas de malentendus. À la page 15 de son discours, il a parlé des tarifs d'électricité. Il a dit, et je le cite: C'est pourquoi la décision a été prise d'appliquer un équivalent de ce programme non seulement aux alumineries, mais aussi aux industries métallurgiques et électrochimiques et à la chimie minérale. Il y a là en perspective et dans les secteurs de pointe des possibilités sérieuses d'implantation pour plus de 1000 mégawatts de puissance disponible.

Est-ce que cet objectif, cette déclaration de 1000 mégawatts - c'est un chiffre que vous avez donné - pouvez-vous préciser un peu les industries et les compagnies qui peuvent profiter de ce programme à court terme? Si je comprends bien, c'est un rabais de 50% sur le taux grande puissance pour une courte période, une période de moyen terme pour faire des investissements. De toute façon, vous pouvez peut-être même expliquer le plan. Mais voici la question de fond que je veux vous poser: Est-ce que vous pensez que, dans les deux prochaines années, vous aurez des clients pour des investissements qui vont nécessiter 1000 mégawatts de puissance, et qui sont-ils?

M. Coulombe: Ce programme, en ce qui concerne Hydro-Québec, c'est une extension -c'est d'ailleurs ce que vous venez de citer -du programme du secteur de l'aluminium. En d'autres mots, ce n'est pas le programme de rabais temporaire qui est associé à n'importe quelle entreprise qui fait un investissement, qui augmente sa consommation d'électricité. C'est un autre programme, c'est le programme de l'aluminium, c'est-à-dire le programme gouvernemental qui a été annoncé en 1978 ou 1979 pour permettre à de

nouvelles entreprises dans le secteur de l'aluminerie de s'établir au Québec en ayant la possibilité d'obtenir une garantie d'un tarif plafond pour une période de 20 ou 25 ans. Cela a été fait dans le cas de Reynolds, cela a été fait dans le cas de Pechiney. Nous savons, parce que nous sommes en discussion avec le gouvernement, qu'il y a d'autres projets d'aluminerie qui sont en discussion à l'heure actuelle.

Dans les trois autres secteurs, ce serait exactement le même principe, c'est-à-dire des tarifs plafonds dans le cadre de la politique gouvernementale existante. Cette politique prévoit que, s'il y a un manque à gagner de la part d'Hydro-Québec, dépassé un tarif plafond, c'est le gouvernement qui en assume la responsabilité.

Les exemples précis dans les trois secteurs en question, il serait délicat de notre part de les mettre sur la table. On a quelques projets qui se discutent au gouvernement avec des entreprises extérieures. Je pense que cela serait délicat pour nous de donner exactement le nom des compagnies. Est-ce que cela va faire 1000 mégawatts d'ici à deux ans? Je suis incapable de vous le dire.

M. Scowen: Est-ce que vous avez eu des pourparlers sérieux avec des compagnies qui ont le potentiel de faire des investissements d'ici à deux ans qui vont totaliser 1000 mégawatts?

M. Coulombe: Si vous parlez d'investissements qui vont être réalisés d'ici à deux ans, je pense qu'on n'a pas dans nos carnets ce genre d'industrie, ce genre d'entreprise. Mais, si vous parlez d'une période un peu plus longue, les projets en discussion, que cela puisse atteindre 1000 mégawatts, ce n'est pas impensable puisque, si vous avez une aluminerie qui prend tout de suite 200 mégawatts, avec une autre série de cuves de 200 autres, cela fait tout de suite 400 mégawatts. Donc, ce n'est pas illusoire et impensable que cela puisse arriver.

Maintenant si vous me demandez si, d'ici à deux ans, les investissements vont être faits, je vous dirai non. Si on regarde le cas de Pechiney, cela fait deux ans et demi que c'est en discussion et on prévoit pour septembre 1986 le premier lingot. Alors, en septembre 1986, cela fera deux ans que ce sera en discussion, si je ne me trompe, si ce n'est pas deux ans et demi. Donc, cela nous place en... C'est cinq ans. Un investissement de cette envergure, entre le moment où les discussions commencent et l'ouverture de l'usine, c'est quatre ou cinq ans.

M. Scowen: Alors, vous n'avez rien là, dans le contexte de cet élément du plan de M. Lévesque, qui va nous donner une augmentation importante dans les deux prochaines années à l'intérieur desquelles il prévoit cette augmentation importante...

M. Coulombe: C'est-à-dire que l'énergie ou la charge puisse être sur le réseau d'Hydro-Québec d'ici à deux ans.

M. Scowen: En conclusion - je vous remercie beaucoup de vos précisions - vous me laissez avec l'impression que vous êtes un peu comme nous, les membres de l'Opposition, les journalistes et les autres observateurs, qui ont écouté le premier ministre et lu ses documents qui étaient disponibles avec tous les détails. Je pense que vous donnez l'impression de partager l'opinion générale, à savoir qu'on lui souhaite bonne chance, mais qu'on ne pense pas qu'il y ait la moindre chance que ce plan de relance puisse marcher.

Je le dis, parce que, d'après vous, si je comprends bien, aucun changement n'a été fait, à la suite de l'énoncé de ce plan, pour changer vos plans en conformité avec ses intentions.

M. Coulombe: J'ai bien dit qu'on avait fait des changements dans les programmes d'investissements et dans les programmes de vente pour accompagner le plan de relance. J'ai donné les chiffres. Cela, c'est clair. Quant aux effets sur le PIB, la création d'emplois et ainsi de suite, nous pensons qu'au moment où on se parle, pour modifier tous nos chiffres dans cette perspective, il faut attendre quelques mois afin de pouvoir en déduire tous les effets.

Le gouvernement, dans son plan de relance, a des objectifs à atteindre. C'est tout à fait normal de fixer des objectifs semblables. En ce qui nous concerne, on y participe du mieux que l'on peut, mais on n'est pas le moteur unique et fondamental de ce plan de relance. Il y a beaucoup d'aspects qui n'ont rien à voir avec Hydro-Québec.

Donc, on n'a pas de jugement à porter en termes d'entreprise. On y participe et on augmente nos investissements. On met des centaines de millions de dollars de plus. On a élargi nos programmes de ventes et on fait tout l'effort que l'on peut. Quant aux résultats globaux, en tant qu'entreprise, on n'a pas de jugement à porter. On peut en porter comme citoyens. Mais, comme entreprise, on a fait tout ce que l'on pouvait. Pour le moment, c'est ce que cela donne. Dans le prochain plan - et cela c'est dans douze mois, si on prend le même rythme qu'aujourd'hui - on aura les éléments pour pouvoir dire: Compte tenu... Voyez-vous, l'autre année, on prévoit 2,7% d'augmentation du PIB au Québec. Si, dans le prochain plan, cela s'est matérialisé, les entreprises ont embarqué et la reprise s'est faite, on pourra dire que, pour les 2,7%

prévus pour 1985, on a changé d'idée, c'est 3,5% ou 4,5%, ou ainsi de suite.

M. Scowen: En terminant, je peux dire qu'à la suite de la présentation de ce programme télévisé le soir du 13 novembre, vous n'avez pas rappelé tous vos économistes au travail à minuit le même soir pour reprendre tout leur travail.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. Bourbeau voudrait répondre.

M. Bourbeau (Joseph): C'est pour reprendre un point qu'a mentionné M. Coulombe. On a peut-être précédé le plan de relance économique parce que, l'an prochain, on aura de disponibles 6000 mégawatts et on aura 50 000 000 000 de kilowattheures de disponibles. Alors, on peut faire face à la musique n'importe quand. En 1985, on sera aussi dans une situation à peu près semblable. On aura à peu près 6000 mégawatts et 50 000 000 000 de kilowattheures. (21 heures)

M. Scowen: M. Bourbeau, mes commentaires ne touchaient pas la disponibilité de votre électricité, mais plutôt la capacité d'analyse de votre groupe économique. Tout ce que j'ai dit ce soir était en fonction de cet aspect. Il y a d'autres questions, bien sûr, mais c'était simplement à savoir si on était tous sur la même longueur d'onde au Québec quant à l'évolution économique probable du Québec. Je constate qu'on ne l'est pas.

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le ministre. Ensuite, je reconnaîtrai M. le député de Chambly.

M. Duhaime: J'aurais pu interrompre le député tout à l'heure, mais je voulais l'entendre jusqu'au bout de son raisonnement. D'après ce que je viens d'entendre des questions qui ont été posées, l'Opposition veut voir si, dans les documents déposés par Hydro-Québec et dans les réponses du président du conseil ou du P.-D.G. de l'entreprise, il n'y avait pas là une contradiction quelconque avec le plan de relance du premier ministre tel qu'il l'a annoncé le 13 novembre dernier. Pour une Opposition qui très souvent se targue de nous lire in extenso ce qu'il est convenu d'appeler la loi constitutive d'Hydro-Québec et sa propre autonomie de gestion, je dois lui dire qu'elle manque de beaucoup de logique avec son approche traditionnelle.

Deuxièmement, je pense qu'Hydro-Québec a dit tout à l'heure avant la suspension - je crois que c'était dans le texte de M. Coulombe - que du devancement d'investissements et de l'accélération avaient été faits, entre autres sur la cinquième ligne, pour le plan d'équipement de 1984. Tout le monde sait, de ce côté-ci de la table, que ce que l'Opposition souhaite au plus haut point, c'est l'échec du plan de relance de façon que l'Opposition puisse dire dans six mois ou dans un an: Nous vous l'avions bien dit.

Une voix: Des prophètes de malheur. M. Kehoe: On est des bons Québécois.

M. Duhaime: Quand l'Opposition pousse à demander à Hydro-Québec s'il y a des clients potentiels dans le secteur de l'électrométallurgie ou dans l'électrochimie ou dans la chimie minérale, je dirais au député de Notre-Dame-de-Grâce qu'il aurait peut-être dû consulter son collègue de Chapleau, qui nous a accompagnés sur la Côte-Nord pendant une grande journée.

M. Kehoe: II n'y a pas de solution là. C'est bien pis.

M. Duhaime: II y a un bloc d'énergie et de la capacité de conversion qui pourrait aller jusqu'à 400 mégawatts dans l'électrométallurgie, dans les usines de boulettage, seulement là. Dans les secteurs de chimie minérale et de l'électrochimie, je peux vous dire qu'il y a des projets en discussion actuellement entre le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et des investisseurs, de même qu'avec le ministère de l'Énergie et des Ressources. Lorsque nous nous donnons un objectif de 1000 mégawatts sur deux ans en espérant que les conditions de marché et de concurrence puissent être satisfaites, vous serez le premier heureux de dire, je l'espère - vos paroles vont vous suivre - que c'est parce que nous aurons appliqué à ces trois secteurs industriels la même problématique tarifaire que celle que nous avons appliquée dans le secteur de l'aluminium.

Je sais bien que l'Opposition est déçue que Reynolds ait investi 500 000 000 $ au Québec et que l'Opposition est également déçue que Pechiney ait investi 1 500 000 000 $ à Bécancour. Vous auriez aimé mieux dire: Voilà, parce que c'est le gouvernement de René Lévesque qui est à Québec, il n'y a pas d'investissements qui se font. Encore vendredi dernier, mon collègue, M. Biron, annonçait un investissement de 773 000 000 $ de Domtar. Cela rejoint aussi un certain climat de confiance. Ce qui me renverse chaque fois, M. le Président, c'est de voir que de purs étrangers ont davantage confiance dans l'économie du Québec que le Parti libéral. J'avoue que cela me déçoit. Je dis tout de suite, et je l'ai d'ailleurs dit au tout début de mon intervention, que cela fait

déjà quelques années qu'on se livre à ce genre d'exercice.

Si vous l'avez vous-même remarqué, on n'a pas encore beaucoup parlé de la proposition tarifaire d'Hydro-Québec à 3,4% et du plan d'équipement. Alors, l'Opposition s'amuse et, pour rejoindre l'expression utilisée il y a quelques mois, "la croisière s'amuse". Si vous vouliez être sérieux, vous poseriez des questions à Hydro-Québec ou bien sur le plan d'équipement ou encore sur la problématique tarifaire. Je suis convaincu qu'on vous a appris ce soir qu'il y avait 30 000 000 000 de kilowattheures disponibles dans les barrages. Peut-être pourrez-vous dire cela à votre chef. S'il divise cela par 6,3, cela va lui donner le nombre de mégawatts disponibles. Au lieu de faire des "déjeudînes", comme on dit, et d'annoncer à tout le monde qu'il va faire le devancement à Québec, il s'agirait de regarder les tableaux. Je dois dire que les couleurs qui sont indiquées n'ont rien à voir avec les propos qui sont tenus. Cela me paraît très éloquent de dire que, lorsqu'on veut pousser un raisonnement jusqu'à l'absurde, il faut compter sur le député de Notre-Dame-de-Grâce pour réussir ce tour de force.

M. Scowen: M. le Président, je ne sais pas sur quelle question ce sera, mais j'espère que...

M. Duhaime: C'est une question d'appréciation.

M. Scowen: ...vous allez me permettre de répondre. Il y avait des allusions assez personnelles dans la déclaration du ministre et je veux prendre 60 secondes pour m'expliquer.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): On va vous accorder 60 secondes, oui.

M. Scowen: Premièrement, si le gouvernement commence à dire qu'une Opposition qui critique ses politiques est déloyale envers le population, c'est alors que vous ressentez la panique à l'intérieur de ce gouvernement. C'est le dernier recours d'un gouvernement de dire que le critiquer, c'est être déloyal envers la population. Cette Opposition a, depuis sept ans maintenant, essayé de faire comprendre au gouvernement certains faits économiques que, malheureusement, il a commencé à apprendre seulement depuis ces derniers mois. Je parle, entre autres, du rôle du secteur public et du secteur privé. C'est simplement un aspect du discours de M. Parizeau de la fin de semaine dernière; ce n'est pas le même genre de discours qu'en 1976. Le programme du Parti québécois d'aujourd'hui est changé aussi. Ne dites pas de nous que nous sommes déloyaux. On ne critique pas le Québec, on critique les politiques du gouvernement.

Je veux simplement vous dire, en terminant, que je me demande si Hydro-Québec savait, comme vous le prétendez, que tous ses projets étaient pour se réaliser selon les prévisions de ces documents. Par exemple, quand vous prévoyez dans l'industrie des produits chimiques où vous mettrez beaucoup d'emphase, que, de 1980 à 2001, la croissance annuelle moyenne sera de -0,4%, je dis qu'il y a très peu de sérieux dans les déclarations du premier ministre, du moins d'après les dirigeants d'Hydro-Québec. Merci.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): D'accord. M. le député de Chambly.

Surplus et baisse des tarifs

M. Tremblay: Oui, M. le Président. Je dirais que le député de Notre-Dame-de-Grâce vient de démontrer avec beaucoup d'éloquence la confusion qui règne dans l'esprit de l'Opposition. Ces gens préconisent le développement économique par l'entreprise privée. D'autre part, ils voudraient que ce soit Hydro-Québec, compagnie d'État, qui fasse le développement économique.

Je vais poser seulement une question sur la politique tarifaire et je vais garder pour plus tard les questions qui porteraient plus sur le plan de développement.

Les citoyens - je voudrais m'expliquer un peu par ce petit laïus - qui nous rencontrent se disent qu'il y a présentement des surplus d'électricité à Hydro-Québec et que cela nous appartient à nous, Québécois, qui sommes d'une façon directe, jusqu'à un certain point, propriétaires de l'électricité qu'elle produit. Étant donné qu'il y a des surplus, il serait normal que ce soit nous qui en profitions d'une façon directe. Dans ce sens, ils se disent qu'ils pourraient profiter plus de l'électricité si elle était moins chère. Je sais bien que vous nous proposez une augmentation des tarifs qui est fort raisonnable si on compare cela avec l'inflation qui sera d'environ 5%; on parle de 3,5% d'augmentation générale. Il reste que les citoyens seraient bien d'accord pour qu'il y ait non seulement un gel des prix de l'électricité, mais une baisse des tarifs de l'électricité. Qu'est-ce que vous répondez à cela?

M. Coulombe: D'abord, il y a des surplus, c'est d'accord. Deuxièmement, il y a aussi, parallèlement à ces surplus, des investissements faits dans les 40 dernières années, plus particulièrement dans les dix dernières années. On a cité les chiffres au début. Lorsque vous avez un service de la dette, sur une dette générale de 17 000 000 000 $, c'est évident que la roue tourne en termes de remboursement des intérêts et le service donné à la clientèle

augmente aussi d'année en année. Donc, il y a des critères financiers; si on veut continuer d'investir, il faut être capable de garantir le paiement des dettes. Si on veut garder l'équilibre financier, il y a des critères de base qui ont été mentionnés dans la loi, qu'il s'agisse de la couverture des intérêts ou du taux de capitalisation. Il y a donc des critères minimaux financiers qu'il faut respecter. Le pire service qu'Hydro-Québec pourrait rendre non seulement à son actionnaire immédiat, qui est le gouvernement, mais à ses actionnaires ultimes qui sont les 6 000 000 de citoyens qui paient, serait d'ignorer ces faits et de baisser des tarifs et ainsi mettre en péril l'équilibre financier; ce serait la pire erreur à faire.

Consciente de ce que vous dites, Hydro-Québec, depuis quelques années, s'est dit: Si la demande baisse et si on n'a pas le choix - parce que, même si la demande baisse, les financiers ne baisseront pas nos taux d'intérêt; il va falloir continuer à payer quand même, c'est irréversible et incompressible - qu'est-ce qu'on contrôle à Hydro-Québec pour que le consommateur d'électricité profite de tarifs les plus bas possible? Il faut réduire nos dépenses. Le seul moyen que nous avons, c'est de réduire les dépenses, de ne pas avoir de programmes d'investissement qui affectent trop la structure financière et de ne pas mettre en marche des équipements qui ne feraient qu'augmenter des surplus qu'on serait obligé de vendre à des prix peu intéressants. C'est ce qu'a fait Hydro-Québec: elle a réduit ses dépenses radicalement. M. Bourbeau a fait un calcul dans sa présentation: 1% de coupures de dépenses d'exploitation, c'est à peu près 10 000 000 $. Un point de tarif, c'est à peu près 30 000 000 $. Chaque fois que vous coupez les dépenses de 3%, vous permettez à la population d'avoir 1% de tarif de moins. Dans deux ans, on a coupé les dépenses d'exploitation de 120 000 000 $. Ce sont des dépenses qu'on contrôlait.

La question m'a été posée: Pourquoi ne pas donner cette électricité puisque ce sont des surplus? Le problème précis est que, si vous preniez une tranche de clients d'Hydro-Québec, la tranche industrielle ou la tranche de consommation, cela peut être 600 000 000 $ ou 700 000 000 $. Si vous donnez 10% ou 15% d'électricité, il ne s'en consommera pas plus. Cela peut même être dommageable s'il s'en consomme plus. S'il ne s'en consomme pas plus et que vous perdez 50 000 000 $, 75 000 000 $, 100 000 000 $ ou 125 000 000 $ de revenus, ce sont tout simplement des revenus que vous perdez et, là, vous mettez en péril l'équilibre financier. Donc, ce serait une stratégie à ne pas conseiller d'agir de la sorte. Vous avez ici le tableau; vous voyez que tout cela c'est vendu, ce sont des ventes. Quand on parle de surplus, c'est ce qu'il y au-delà de ce tableau et M. Bourbeau a bien indiqué que c'était surtout avant 1988. Le tableau commence à 1988, ici. À partir de là, ce sont toutes des ventes. Les surplus en haut de ce tableau sont véritablement une petite quantité par rapport au tableau global que vous avez là. Cela va se résorber dans les trois, quatre ou cinq prochaines années. On pense que le meilleur service qu'on peut rendre encore à la population, c'est d'avoir une situation financière saine et de ne pas la mettre en péril.

M. Tremblay: Si j'ai bien compris, le fait, par exemple, de mettre en chantier une centrale a un effet direct sur les tarifs de l'électricité.

M. Coulombe: Éventuellement oui.

M. Tremblay: Prenons, par exemple, le cas de Manic 5 qui est votre prochaine centrale dans le plan. Je crois que c'est cela. Si on la mettait en chantier présentement, vous voulez me dire que les tarifs d'Hydro-Québec, cette année seraient augmentés plus que de 3,5%? (21 h 15)

M. Coulombe: Non, pas nécessairement, parce que, lorsque les centrales sont en construction, c'est évident que ces coûts sont capitalisés. Ce n'est que lors de leur mise en service que... On le voit dans le plan que vous avez devant les yeux: dans les trois prochaines années, il va y avoir pour 7 200 000 000 $ d'équipements déjà bâtis, LG 3, LG 4, Gentilly 2 qui vont venir en exploitation. Immédiatement, c'est combien de frais d'intérêt de plus, pour cette année seulement? Vous avez cela au tableau de la page 69; vous avez tous ces équipements qui viennent en exploitation et, en 1983-1984, vous en avez pour 293 000 000 $ de plus de dépenses d'intérêt, 789 000 000 $ de plus de dépenses d'intérêt en 1984 et 1 094 000 000 $ en 1985. Ce sont des équipements qui sortent de la capitalisation qu'on fait et qui viennent en exploitation. Immédiatement, il faut que ces intérêts soient payés au titre de l'exploitation.

Or, si vous n'avez pas des revenus équivalents pour faire face à ces coûts, en termes financiers, vous êtes coincés. En d'autres mots, si vous avez des équipements qui viennent en exploitation et que vous ne vendez pas le produit ou que vous le vendez à un prix pas assez élevé, évidemment, la conséquence est immédiate: il faudra augmenter les tarifs pour trouver le moyen d'équilibrer les finances. La réaction est immédiate.

M. Tremblay: Je voudrais présenter cela à l'envers. Si La Grande 4, par exemple, avait été retardée, si on avait pu voir, dans

le temps, que la baisse de la demande allait être ce qu'elle est, cela voudrait dire que présentement on pourrait avoir un tarif réduit d'électricité, puisqu'elle est excédentaire.

M. Coulombe: L'an passé, on avait ce dilemme, et on l'a étudié à fond, de retarder ou non La Grande 4. On ne l'a pas fait tout simplement parce que ce n'était pas économique; il y avait 85% ou 90% des dépenses déjà investies et cela aurait été antiéconomique d'arrêter les travaux à 90% ou 95% de leur finition. Donc, on a continué et c'est ce qui cause en partie certains des surplus qu'on a, mais là, c'était un raisonnement strictement économique. On s'est dit: Ne pas le faire, on épargne et cela n'ira pas à l'exploitation tout de suite, mais, au point de vue économique, ce n'était pas rentable parce que le projet aurait coûté trop cher et le coût du kilowattheure aurait été trop dispendieux dans deux, trois, quatre ou cinq ans lorsqu'on l'aurait fini. Donc, à ce moment, c'était une décision purement économique. On s'est dit: C'est plus rentable de le terminer que de le mettre en suspens. Techniquement, si on l'avait mis en suspens, cela n'aurait pas été versé à l'exploitation. Remarquez, on paie les intérêts pareil. Il y a une question comptable, on paie les intérêts pareil; cela ne veut pas dire qu'on suspend les intérêts quand c'est capitalisé, on paie pareil.

M. Tremblay: Mais, si je comprends bien, il y a un très grave danger à construire une centrale lorsqu'on n'est pas relativement certain qu'on va utiliser cette électricité. Cela a un effet très grand sur les tarifs.

M. Coulombe: Éventuellement, c'est évident que, si vous construisez des équipements de production et - cela est vrai pour n'importe quelle compagnie, que ce soit une compagnie qui veut faire une chaîne de production ou bâtir une nouvelle usine pour augmenter sa production d'automobiles ou de chocolat ou ainsi de suite - s'il n'y a pas une relative certitude que les marchés sont là, tôt ou tard, vous vous mettez dans le pétrin au point de vue financier.

M. Tremblay: Excepté qu'une entreprise où il y a une concurrence directe, elle, à ce moment, fait faillite, tandis que vous, ce que vous faites, vous augmentez les tarifs.

M. Coulombe: C'est-à-dire non. Il y a d'autres compagnies aux États-Unis qui sont dans ce cas où elles ont des équipements qu'elles ne sont pas capables de payer. Alors, elles augmentent les tarifs, mais normalement la population n'endure pas que cela augmente de façon inconsidérée. Il y a l'autre éternel moyen - vu que c'est un service public - que le gouvernement subventionne. Cela arrive dans certains États américains, cela arrive dans certaines provinces canadiennes que le gouvernement est obligé d'intervenir parce que la charge financière est trop lourde et que personne n'est capable d'augmenter les tarifs de 20%, 25%, 30% ou 40% d'un coup. Mais il y a certaines compagnies américaines qui sont rendues à cet état actuellement; elles ont arrêté leurs centrales nucléaires, elles ont fait des radiations de plusieurs centaines de millions et là, elles sont obligées de dire à leurs clients: On va augmenter les tarifs de 25%, 30% ou 35%, on n'a pas le choix.

Le Président (M. Champagne, Mille-

Îles): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je crois qu'on doit féliciter le député de Chambly parce qu'à l'aide de ses quelques questions il a permis à Hydro-Québec d'évoquer les relations qui existent entre le développement économique, la demande, la construction de centrales qui affectent le plan d'équipement et, éventuellement, la tarification. En étudiant les documents, certains d'entre nous l'avaient saisi, mais je pense que le député nous a permis de saisir davantage les relations. C'est la raison pour laquelle j'oserais espérer que le ministre comprenne davantage le processus dans lequel nous nous sommes engagés. Tout à l'heure, il se posait des questions sur ce que nous faisions. Il est bien évident qu'Hydro-Québec nous a remis trois documents extrêmement importants; d'une part, La demande d'électricité au Québec, qui fait part de la demande d'énergie électrique; deuxièmement, le Plan de développement d'Hydro-Québec 1984-1986 et, finalement, le mémoire sur la tarification. J'espère bien que nous n'allons pas à l'encontre du règlement si nous posons des questions sur ces trois documents pour essayer de comprendre les interrelations entre tous les documents qui nous ont été remis ici. S'il faut que le ministre et toute la batterie d'experts derrière lui ne comprennent pas cela, je ne voudrais pas être le sous-ministre qui aurait à lui donner des explications. Nous, nous allons continuer dans cette voie et essayer de comprendre ces interrelations. C'est pour cela que je crois que les questions du député étaient fort à point pour connaître, justement, les interrelations entre le développement économique, la demande, le programme d'équipement et la tarification.

M. Tremblay: N'en mettez pas trop, j'ai peur dans ce temps-là. Je vous le dis: Cela me fait peur.

M. Fortier: C'est parce que le ministre

n'a pas l'air de comprendre et vous, vous comprenez. Cela me désole un peu! Par ailleurs, M. le Président, le ministre a fait une remarque sur l'autonomie d'Hydro-Québec. Je pense que ce qu'il n'a pas aimé dans les commentaires de mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, c'est que, justement parce que nous avons beaucoup de respect pour l'autonomie d'Hydro-Québec et parce que nous croyons qu'ils sont des gens compétents, ce sont là autant de raisons d'avoir foi aux prévisions économiques qu'ils ont faites, de voir si ces prévisions économiques sont basées sur des hypothèses réalistes - on nous en a convaincus très facilement - et de voir les différences d'opinions qui peuvent exister. Je crois que c'est également dans le meilleur intérêt du public en général et de ceux qui se préoccupent de développement économique.

Toutes ces choses, M. le Président, sont comprises par ceux qui se préoccupent de développement économique. Si certains de l'autre côté de la table ne le comprennent pas, je crois qu'il est encore temps, après sept ans de pouvoir - il est encore temps, vous avez encore un an et demi ou deux ans pour faire vos études économiques d'essayer de comprendre de quelle façon le développement économique se fait.

Prévision de la demande

Ma première question, celle que j'ai évoquée dans mes remarques liminaires, est une question qui apparaît assez académique au départ, mais qui, en pratique, est très importante. Je me réfère à la page 19 de La demande d'électricité du Québec, où vous évoquez votre prévision de la demande totale d'énergie que vous estimez à 0,7% d'ici à l'an 2000. J'ai consulté le document de l'an dernier et je crois que l'an dernier c'était le même chiffre que vous aviez utilisé. Si nous faisons le ratio dont je parlais et dont le professeur Ayoub nous avait parlé, c'est-à-dire le pourcentage d'augmentation de la consommation totale d'énergie divisé par l'indice de l'augmentation du développement économique, si on utilise vos chiffres, entre 1981 et l'an 2001, on utilise 0,7 divisé par 2,3, ce qui nous donne 0,3.

Je sais que dans ce domaine, personne n'a la vérité absolue et je sais qu'on peut utiliser, chacun d'entre nous, différents chiffres. Les commentaires de M. Ayoub sur ce point, qui avaient été confirmés par le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie, le Dr Lantzke, m'amènent à vous poser la question suivante: Quelles hypothèses, quelles sources avez-vous pour utiliser un chiffre qui, de prime abord, est aussi bas? Avant que vous répondiez à la question, j'évoquerai, bien sûr - et vous le savez - qu'avant le choc pétrolier, lorsqu'il y avait un développement économique de 3% ou 3,5% par année, la demande énergétique globale était de l'ordre de 3,5%. Donc, à ce moment, on parlait d'un ratio de 1-1: pour 3,5% de développement économique, on parlait d'une demande totale d'énergie qui était du même ordre de grandeur.

Depuis le choc pétrolier et la crise qui sévit depuis trois ou quatre ans, peut-être que ce n'est plus possible de faire des ratios. Depuis deux ou trois ans, la demande a baissé tellement. Il y a des ajustements, d'ailleurs. Au Québec, on utilise davantage l'électricité pour le chauffage, donc on déplace du pétrole et, comme l'électricité est trois fois plus efficace sur le plan énergétique que le pétrole, il y a des ajustements qui se font qui ne nous permettent peut-être pas à court terme de voir clair. Mais, lorsqu'on regarde sur une période de vingt ans et si on accepte les prémisses du professeur Ayoub, à savoir qu'il serait peut-être malsain de conclure trop vite que toutes les économies apparentes que nous faisons proviennent des économies d'énergie et que, si les choses redeviennent normales et que nous avons un développement économique, il se pourrait bien que la demande énergétique totale soit beaucoup plus élevée que celle que vous utilisez dans votre document, ceci a un impact direct, parce que vous dites qu'en l'an 2000, l'électricité comptera pour 41% de l'énergie totale du Québec; bien sûr, si la demande énergétique totale était du double, cela voudrait dire qu'en l'an 2000, au lieu d'être 41%, ce serait seulement 20,5%.

Donc, je pense que vous connaissez l'importance d'une prévision de l'énergie totale pour le Québec d'ici à l'an 2000, sachant, quand même, les aléas, les difficultés de faire une telle prévision, mais celle-ci est importante puisqu'elle a un impact sur votre marché, le marché intérieur du Québec, et sur le développement économique du Québec.

Alors, en résumé, ma question est à savoir si vous avez fait des études spéciales pour déterminer ce chiffre ou si vous avez, tout simplement, utilisé le même chiffre que le ministère; je crois que le chiffre que le ministère a utilisé est plus élevé durant les années quatre-vingt-dix.

M. Bourbeau (Joseph): M. Michel Grignon, vice-président à la planification générale.

M. Grignon (Michel): Je pense qu'il faudrait, d'abord, souligner que nous ne sommes pas partis avec le chiffre; dans le cadre de la méthodologie de la prévision de la demande, c'est plutôt un résultat. Je pense qu'il serait important de distinguer les périodes. Effectivement, si on considère la période 1981-2001, Hydro-Québec prévoit un taux de croissance moyen pour la demande

d'énergie de 0,7 et le PIB, pour la même période, est prévu à 2,3, d'où le ratio de 0,3 dont vous parlez.

Si on regarde la période 1981-1986, qui est, quand même, une période assez spéciale compte tenu que nous avons eu la plus grave récession que les pays industrialisés aient vécue en 1982, on observe, par exemple à la page 10, que le produit intérieur réel, si on compare 1981 à 1986, a augmenté de moins de 1% par an en moyenne à cause principalement de la récession de 1982.

Du côté de l'énergie, on a une décroissance. La consommation totale d'énergie passe de 1325 petajoules à 1245. Pour cette période, nous avons donc eu un effet inverse.

En fait, si nous prenions la période 1986-2001, nous observerions qu'effectivement la prévision totale d'Hydro-Québec en énergie est de 1,4 par rapport à un PIB de 2,8; donc, nous avons donc un facteur de 0,5. La raison qui explique 0,5, un ratio légèrement plus faible que celui dont le professeur Ayoub a parlé - je pense qu'il en parlait surtout dans un contexte mondial - est précisément qu'au Québec le potentiel de substitution du pétrole est très important, plus important qu'il ne l'est d'une façon générale au Canada ou ailleurs dans le monde. Comme vous l'avez mentionné, la substitution du pétrole est un facteur additionnel aux économies d'énergie qui fait que la croissance d'énergie par rapport à la croissance du PIB, serait implicitement plus faible dans la prévision d'Hydro-Québec.

La période 1981-1986 est particulièrement importante à cet égard parce que, finalement, les 51% de la croissance, par exemple, d'électricité en 1981-1986 dans les ventes régulières, seraient dus à de la substitution du pétrole. Par la suite, évidemment, il y a la saturation du marché et ce phénomène devient moins important. Donc, en résumé, nous sommes à un facteur de 0,54 pour la période des années quatre-vingt-dix, ce qui se rapproche sensiblement, et, finalement, nous serons toujours un peu plus faibles tant que la substitution du pétrole nous amènera, en plus des économies d'énergie, des économies dues à l'efficience de l'électricité par rapport aux combustibles.

M. Fortier: Je crois que c'est un sujet sur lequel on pourrait se pencher longtemps, mais, à titre de référence, je ne sais si vous avez pris connaissance d'un des meilleurs mémoires qui aient été présentés à la commission parlementaire, celui de la compagnie Gulf: La demande et l'offre d'énergie au Québec de 1982 à l'an 2000. Gulf est tout à fait d'accord pour souligner le fait que le pétrole serait déplacé au Québec et au Canada, mais elle utilise un coefficient de la demande - je cite: "Si la demande primaire devait croître au rythme moyen annuel de 1,8% pour atteindre 13,3 hexajoules en l'an 2000" - qui semble encore beaucoup plus élevé. Je me demandais quel genre d'analyse particulière vous faites. Je pense bien qu'à court terme cela n'a pas tellement d'importance, mais à long terme, au point de vue de l'orientation de votre programme d'équipement, cela a certainement une importance cruciale. Est-ce un sujet que vos experts étudient d'un peu plus près présentement? (21 h 30)

M. Grignon: Évidemment, c'est un domaine complexe. Les prévisions sont faites de plus en plus à partir de méthodes analytiques qui impliquent qu'on décortique chacun des marchés, le marché concurrentiel, le marché captif, pour chacune des sources d'énergie. Vous faites référence au mémoire de Gulf. Or, dans le mémoire de Gulf qui a été présenté ici en commission parlementaire, si on regarde leurs prévisions en énergie, ces gens prévoyaient effectivement que, de 1981 à l'an 2000, la consommation d'énergie, au total, n'augmenterait que de 0,1%, ce qui était, en fait, pas mal plus pessimiste que ce que vous avez devant les yeux dans les prévisions d'Hydro-Québec.

M. Fortier: Merci. Un autre sujet, M. le Président, si vous me le permettez, qui a un impact direct sur l'équilibre entre la demande et la disponibilité d'électricité, c'est le dossier de Churchill Falls. Nous savons, par les journaux, qu'à la demande de Terre-Neuve le jugement de la Cour suprême a été retardé jusqu'au 31 décembre de cette année. Je crois que, lorsque vous êtes venus la dernière fois en commission parlementaire, vous avez évoqué vaguement qu'il se pourrait qu'il y ait des négociations. Est-ce que vous pouvez nous dire certaines choses qui nous encourageraient à croire qu'il y a des possibilités d'entente avec Terre-Neuve, que, toutes choses étant égales, les parlementaires de cette commission devraient tenir pour acquis que le bilan énergétique du Québec ne serait pas trop modifié et qu'à l'avenir nous continuerons de pouvoir compter sur l'énergie de Churchill Falls?

M. Bourbeau (Joseph): Je pense qu'on peut dire ici qu'il y a effectivement des pourparlers avec Terre-Neuve. Les négociations sont engagées. Toutefois, il n'est pas d'intérêt public de divulguer, disons, ce qui se dit à la table des négociations. Même, je ne peux pas vous mentionner qu'on a un espoir de régler ou qu'on n'a pas d'espoir. Je pense que le fait principal est qu'actuellement, à Terre-Neuve et à Québec, nous nous parlons, nous négocions.

M. Fortier: Mais, pouvez-vous nous dire

si c'est nouveau que vous vous parliez parce que, moi qui ai suivi un peu le dossier, l'impression que j'en tire, c'est que, durant les deux dernières années, il n'y a pas eu beaucoup d'occasions? Je ne sais si vous avez même eu l'occasion de vous asseoir à la même table. Alors, le fait que les deux parties en présence puissent s'asseoir à la même table, c'est tout de même un facteur encourageant.

M. Bourbeau (Joseph): Depuis le mois d'août, la décision a été prise d'engager des négociations et, à compter du début de septembre, je pense, on a eu des rencontres et on se rencontre encore.

Exportations

M. Fortier: Je crois qu'on va respecter le secret d'État sur cette question.

Un autre sujet qui a un impact déterminant, bien sûr, ce sont les ventes d'exportation. J'évoquais plus tôt ce que M. Monty avait dit à Hydro-Presse et vous avez vous-même évoqué cette possibilité qui a existé à ce moment. Vous l'avez rejetée un peu du revers de la main en disant: On avait demandé aux Américains de payer 30 000 000 $, mais ils avaient refusé. Vous savez, l'impression que j'ai quand je regarde certaines entreprises qui veulent absolument exporter - et je pense à Bombardier, c'est un nom qui me vient comme cela à la tête -c'est que, lorsque ces gens veulent absolument vendre, ils n'acceptent pas le premier non qu'on leur sert. Même si on leur dit non une première fois, ils retournent une deuxième fois voir le client. Ils cherchent d'autres façons de promouvoir leur produit. L'impression que j'ai eue lorsque vous avez donné cette réponse, d'après votre allocution de tout à l'heure, M. Bourbeau, c'est que trop facilement Hydro-Québec, à ce moment, a dit: Bien, ils ne veulent pas payer 30 000 000 $, tant pis, on passe à autre chose. De fait, ce que vous nous avez confirmé dans un certain sens, c'est qu'il y avait une possibilité à ce moment et, la façon dont vous avez abordé les discussions avec les Américains ayant été rejetée, il y avait peut-être d'autres façons de promouvoir cette vente qui serait aujourd'hui bénéfique.

M. Bourbeau (Joseph): Je pense que vous avez fortement raison. On a engagé les négociations en 1979 et, vis-à-vis du refus des Américains de s'engager dans le développement d'une rivière, on a poursuivi avec eux les pourparlers et on a signé avec PASNY un contrat de 111 térawattheures et avec NEEPOOL un contrat de 33 térawattheures pour une période d'environ quinze ans. C'est 33 000 000 000 de kilowattheures. Cela veut dire que, devant le premier refus, on s'est retourné et on a discuté avec les mêmes personnes, les mêmes groupes, et on est arrivé à un autre genre de contrat.

M. Fortier: Quand même, je crois que le président tout à l'heure, M. Coulombe, évoquait dans une certaine mesure la "fragilité", entre guillemets, financière d'Hydro-Québec qui doit compter sur des ventes excédentaires qui sont soumises aux aléas du marché dans une certaine mesure, alors qu'un contrat ferme donnerait une plus grande sécurité financière et permettrait de prendre des décisions sur son plan d'équipement beaucoup plus solides. Je me permets quand même de revenir. La solution que vous avez adoptée à ce moment me semble un peu, j'étais pour dire, une solution de facilité, mais, connaissant les difficultés de négociation dans ce genre de contrat, je n'utiliserai pas ce mot. Quand même, il y avait à ce moment une possibilité d'exportation d'énergie ferme.

Au moment où on se parle, vous négociez avec les Américains. Malgré les difficultés - vous en évoquez plusieurs dans votre document - est-ce que vous utilisez tout l'armement possible des arguments qu'on peut utiliser dans ce genre de négociation pour vous assurer que les difficultés apparentes ou réelles qui peuvent être évoquées par les Américains sont surmontées et qu'éventuellement Hydro-Québec pourrait signer un contrat d'une certaine envergure pour de l'énergie ferme aux États-Unis?

M. Bourbeau (Joseph): Actuellement, il y a des négociations avec les Américains. On regarde la possibilité de signer avec eux un contrat d'énergie ferme, c'est-à-dire que, durant une année, on pourrait leur livrer un montant d'énergie, mais pas durant les douze mois de l'année. C'est la négociation qui est engagée et maintenant la négociation se poursuit. On espère que dans quelques mois, au cours de l'année 1984, on pourra signer un contrat d'énergie ferme avec les Américains.

M. Fortier: Quand on regarde le tableau à la page 23 en particulier, on voit qu'il y a des centrales au charbon et au mazout lourd dans NEEPOOL et dans New York Power Pool, j'imagine, aux États-Unis. On s'aperçoit qu'en additionnant les centrales au charbon et au mazout lourd, il y a un potentiel de 48,6 térawattheures dans NEEPOOL et de 67,6 dans New York Power Pool. Si on divise cela par sept, en moyenne, cela nous donne à peu près 4000 mégawatts dans NEEPOOL et 10 000 mégawatts dans le New York Power Pool. Est-ce bien cela l'abréviation? NYPP, c'est New York Power Pool?

M. Bourbeau (Joseph): New York Power Pool. Oui.

M. Fortier: Ma première question, c'est que je sais que vous vendez votre énergie excédentaire pour déplacer le mazout lourd. Pourriez-vous nous donner des ordres de grandeur du coût de génération d'électricité aux États-Unis? Je ne demande pas nécessairement ce qui apparaît au contrat, qui pourrait être confidentiel, mais vous pouvez nous donner des ordres de grandeur. Je sais que vous vendez votre énergie à 30 mills, ou à peu près, aux Américains, et je crois que vous la vendez à 70% ou à 80 % du coût de génération aux États-Unis.

M. Bourbeau (Joseph): 80% du fuel.

M. Fortier: 80%? Cela veut dire que le coût de génération au pétrole se trouve de l'ordre de 50 mills? Oui? 50 mills?

M. Bourbeau (Joseph): Entre...

M. Fortier: Ce que je voulais savoir, c'est quel était environ le coût de génération par les centrales au mazout et quel était le coût de génération par les centrales au charbon. Est-ce qu'il existe réellement un marché face à ces centrales au charbon?

M. Bourbeau (Joseph): M. Jacques Guèvremont.

M. Guèvremont (Jacques): Pour les centrales thermiques au pétrole, les coûts varient entre 45 $ et 60 $ le mégawattheure. Pour les centrales au charbon, c'est de l'ordre de 20 $ à 25 $ en dollars canadiens.

M. Fortier: C'est donc dire que, pour les centrales au charbon, telles qu'elles existent, le prix de vente d'énergie excédentaire présentement serait légèrement supérieur au coût de génération.

M. Guèvremont: Le prix auquel on vend sur ce genre de marché de l'excédentaire, c'est environ 80% du coût de production. Cela veut dire que, si leur coût de production est 20 $, alors on vendra 80% de 20 $, soit 16 $ le kilowattheure.

M. Fortier: Est-ce que ces centrales au charbon remplissent toutes les conditions de la protection de l'environnement? Je crois que vous mentionnez dans votre texte que, si les normes de l'environnement étaient renforcées, certaines de ces centrales se trouveraient nécessairement en difficulté. On connaît tout le problème des pluies acides non seulement aux États-Unis, mais au Canada. S'il y avait un lobby pour exiger des Américains que leurs centrales au charbon soient équipées de tout l'arsenal moderne de protection de l'environnement, j'imagine que les coûts que vous venez d'évoquer seraient de beaucoup supérieurs.

M. Guèvremont: II faudrait ajouter des équipements pour purifier l'air, c'est juste. Mais actuellement les centrales au charbon ne semblent pas avoir de problèmes pour fonctionner selon les besoins.

M. Fortier: Mais quand on regarde vos chiffres ici, on s'aperçoit qu'entre 1981 et 1991 il y a des augmentations assez substantielles de centrales thermiques au charbon. On voit que dans NEEPOOL en 1981, c'était de 4,5 térawattheures pour passer à 24,9, et à New York Power Pool, de 19,5 à 47,3. Quelle est la stratégie d'Hydro-Québec pour influencer ce marché potentiel? Dans quelle mesure cherchez-vous à alimenter le lobby des pluies acides qui pourrait nous permettre de capturer ce marché?

M. Guèvremont: Nous n'avons pas de lobby aux États-Unis; à ma connaissance, Hydro-Québec n'est pas impliquée dans cet aspect de la question. Il est juste que la meilleure source d'énergie pour les États-Unis, c'est la conversion des usines au pétrole en usines au charbon. C'est ce qui est le plus économique parce qu'ils ont eux-mêmes une production assez importante de charbon.

M. Fortier: Je poserais ma question à M. Coulombe. Compte tenu de ce marché potentiel et compte tenu du fait qu'il y a des arguments qui peuvent être utilisés et qui nous avantageraient, pourquoi Hydro-Québec n'organise-t-elle pas aux États-Unis un lobby - cela se fait couramment aux États-Unis; je n'ai pas besoin de faire de dessin à personne - qui nous favoriserait à court et à long terme? Pourquoi ne pas s'organiser pour appuyer ceux qui, aux États-Unis, militent en faveur d'un renforcement des normes de l'environnement, ceux qui militent pour réduire les pluies acides aux États-Unis et au Canada? Alors, pourquoi ne pas faire ces choses-là en tant qu'entreprise autonome qui cherche à écouler sa marchandise et qui utiliserait, somme toute, des armes que bien des compagnies utilisent aux États-Unis lorsqu'elles font face à des difficultés ou à un potentiel semblable à celui que vous avez présentement?

M. Coulombe: M. Lafond va vous donner un panorama de notre activité.

M. Lafond (Georges): M. le Président, avant de répondre de façon précise à la question du député d'Outremont, il est important de bien voir la mosaïque sur laquelle on travaille. Dans une transaction d'exportation, il faut bien se rappeler que, pour qu'elle prenne fait et lieu, il faut deux

parties: d'une part, un acheteur et, d'autre part, un vendeur.

Le député d'Outremont, dans son allocution a dit: Cependant, il faudrait arrêter de considérer presque uniquement les aspects négatifs. Mais je pense que c'est être réaliste - et on a le devoir d'être réalistes - d'examiner les contraintes, les embâcles, les difficultés. De plus, s'empêcher de souligner l'importance de la loi de l'offre et de la demande, ce serait aussi une erreur.

Dans notre effort de marketing aux États-Unis, on rencontre principalement la philosophie et la culture américaine qui dit ceci: II n'est pas bon pour les Américains de remplacer une forme de dépendance par une autre et de s'exposer à une trop grande importation de kilowattheures du Québec. Si on regarde les chiffres du tableau auquel on faisait allusion dans le plan de développement à la page 23, il est exact d'identifier qu'en 1991 il y aura effectivement 116,2 térawattheures qui auront une origine de charbon et de mazout lourd dans les États de la Nouvelle-Angleterre et dans l'État de New York. (21 h 45)

Cependant, tout dernièrement, le responsable des achats pour NYPA aux États-Unis a dit que sa politique était ferme et qu'il ne voudrait pas dépendre du Canada -cela n'a rien à voir avec le Québec, l'Ontario ou la Colombie britannique - pour plus de 20% de ses besoins. Comme ses besoins en 1991 s'établiront à environ 125 térawattheures, il y a là une limite maximale pour des fins politiques de 25 térawattheures. Par surcroît, pour protéger son risque et son approvisionnement, il a l'intention de diviser cette tarte, si je peux m'exprimer ainsi, à peu près en parts égales entre l'Ontario et le Québec. Si on applique le même raisonnement à la Nouvelle-Angleterre, il y aura un maximum en 1991 de 20,2 térawattheures.

Cette volonté politique de se limiter quant à la dépendance étrangère, elle est le fait des gens qui achètent les kilowattheures; elle est le fait d'entreprises municipales, de coopératives, d'entreprises qui sont la propriété d'actionnaires. De ce côté, il y a déjà une contrainte dont nous devons tenir compte pour aller, si possible, plus loin, mais sans exposer Hydro-Québec, ni le Québec, par surcroît.

Deuxièmement, il faut aussi tenir compte de ce que j'appellerais la compétition des réseaux voisins. Hydro-Québec n'a pas un marché aux États-Unis qui lui soit acquis en propre et de façon exclusive. Du côté de l'État de New York, nous avons l'Ontario; du côté des États de la Nouvelle-Angleterre, nous avons le Nouveau-Brunswick.

Troisièmement, il y a aussi les embouteillages et les goulots d'étranglement sur le réseau de transport et de transmission.

Lorsqu'Hydro-Québec a signé un contrat avec NYPA, c'est Hydro-Québec qui a insisté pour que ses kilowattheures puissent rejoindre le marché le plus lucratif du sud de l'État de New York, pour imposer des investissements additionnels de 500 000 000 $ à 600 000 000 $ à NYPA pour renforcer son réseau de transmission, sans quoi, d'une part, elle ne pouvait pas absorber tous les kilowattheures qu'Hydro-Québec mettait à la disposition de l'État de New York et, d'autre part, le produit du Québec aurait été déprécié. D'ailleurs, la même chose va se produire dans le deuxième contrat avec NEEPOOL.

Quatrièmement, il ne faudrait pas oublier, non plus, que nos amis américains du Sud ont connu les effets de la crise énergétique plus tôt que nous, au Canada, et beaucoup plus tôt que nous, au Québec. La première crise énergétique s'est fait sentir en 1974-1975 lorsque le baril de pétrole est passé de 2,50 $ à 15 $. La deuxième vague s'est produite en 1978-1979 lorsqu'il est passé de 15 $, 16 $ ou 18 $ à 29 $, 30 $ et 31 $. Présentement, dans l'État de New York, il y a un surplus de capacité de 45%. On peut constater aussi le même genre de surplus de capacité dans les États de la Nouvelle-Angleterre. Ce n'est pas, selon les dernières informations que nous avons, avant 1995, 1996 ou 1997 que ces marchés qui sont accessibles à Hydro-Québec pour des raisons géographiques auront besoin de capacité additionnelle.

Dans une perspective comme celle-là, il ne faut pas oublier que le temps de construction d'une centrale au charbon, qui est de sept ou huit ans, ne nécessite pas de décision au sud de la frontière avant 1988-1989. Aujourd'hui, ils ne sont pas acheteurs de puissance. Les Américains qu'on connaît sont davantage acheteurs d'énergie pour des périodes données. Hydro-Québec travaille présentement dans une perspective à long terme avec beaucoup d'agressivité. Au cours de l'année, tous les clients potentiels directement reliés à Hydro-Québec: Niagara Mohawk Citizens Utilities, NYPA, New York Power Pool, NEEPOOL et toute la Nouvelle-Angleterre, ont été rencontrés non pas dans des cocktails, mais dans des séances de travail très sérieuses pour évaluer les besoins, d'une part, et le potentiel à moyen et à court terme.

Quand je dis travailler à long terme, cela veut dire respecter les trois étapes normales d'échanges et de relations commerciales avec les réseaux voisins. Ces étapes, on les a vécues avec le NYPA dans l'État de New York, d'une part, en construisant une ligne en 1976 qui a permis des échanges d'énergie interruptible. Dans un deuxième temps, cela entraîne, lorsque la ligne est construite, un contrat d'énergie ferme qui subséquemment est suivi, lorsque

le besoin existe, d'un contrat de puissance avec NEPOOL, les États de la Nouvelle-Angleterre. La première étape est franchie, mais la ligne, c'est-à-dire l'outil qui va nous permettre de travailler et de franchir d'autres pas, sera disponible vers la fin de l'année 1986. Nous travaillons présentement sur un contrat d'énergie ferme, comme le disait M. Bourbeau. Subséquemment, espérons-le, dès que le besoin sera identifié et que nos intervenants seront prêts à rendre le risque, il y a aura un contrat de puissance.

Mais à travers tout cela, si nous mettions trop de kilowattheures sur le marché, il est évident que le produit serait déprécié. Qu'on l'aime ou que ne l'aime pas, c'est la loi de l'offre et de la demande. Je me permettrais, si vous m'en donnez la permission, de citer mon premier professeur d'économie politique, c'est-à-dire mon vieux papa, qui, ayant été élevé sur une ferme du Québec, m'a souvent rappelé qu'il était inutile d'amener à l'abreuvoir un cheval qui n'avait pas besoin de boire. Si on met trop de kilowattheures, c'est ce qu'on fait.

Dans cette perspective, on pourrait aussi illustrer la valeur du respect des étapes, surtout en allant à la page 22, par exemple, du plan de développement d'Hydro-Québec. Si on regarde la série de l'évolution des prix moyens de vente de kilowattheures aux États-Unis, en 1972, cela valait 6,2$ canadiens par mégawattheure. Il y a eu une ascension régulière, c'est passé à 23,6$ en 1981, et en 1982, un saut absolument exceptionnel de 34,3$. Cela illustre le passage d'une phase à une deuxième phase dans nos relations avec NYPA. Je pense que ce petit saut très significatif illustre les étapes que nous suivons.

M. Fortier: Vous m'avez confirmé un peu mon appréhension. Vous avez dit: Un tel négociateur a dit qu'il avait une limite de 20% de ses achats. Je ne sais pas si cette personne a des responsabilités politiques ou si elle détermine ses propres orientations sans égard aux politiques énergétiques qui peuvent exister dans son patelin ou dans le Nord-Est des États-Unis. Je me souviens qu'il y a quelques années il y avait le tsar de l'énergie, M. Schlesinger qui, lui, avait suggéré, étant donné que le Canada était bien différent de l'Arabie Saoudite ou de l'Iran ou de l'Irak, d'avoir une politique énergétique nord-américaine par laquelle le Canada et les États-Unis seraient soudés ensemble. Au moins, cette personne qui a été très influente dans le domaine énergétique aux États-Unis semblait recommander une politique énergétique qui, à ce moment, ne faisait peut-être pas l'affaire du Canada, mais qui indiquait son désir de s'abreuver au Canada au lieu de s'abreuver ailleurs dans le monde. Dernièrement, lorsque vous avez donné une interview à la télévision, vous nous mettiez dans le même bain que l'Irak ou l'Iran; je dois avouer que j'étais un peu mal à l'aise. Vos réponses me convainquent d'autant plus, si ces gens sont fixés à une limite de 20% qu'un lobby justement nous permettrait de les convaincre qu'il y a moult raisons pour lesquelles ils ne devraient pas accepter un maximum comme celui-là. Je reviens à l'influence politique. Autrement dit, vous regardez cela en tant que Québécois et Canadiens; vous dites: Ils ont leur règle du jeu, on ne les influencera pas. Ce que j'essaie de vous suggérer, c'est qu'on devrait aller aux États-Unis et aller influencer les règles du jeu dans le domaine énergétique, qui nous permettraient d'augmenter notre marché potentiel, si ce n'est pas cette année, si ce n'est pas l'an prochain, dans cinq ans ou dans dix ans d'ici.

M. Bourbeau (Joseph): Au début de la séance cet après-midi, le ministre a mentionné qu'il y a deux semaines on a fait un voyage. On a traversé les quatre États de la Nouvelle-Angleterre en trois jours et ce que vous appelez du lobby, on en a effectivement fait à travers ces États. Le 13 janvier prochain, il y aura une journée dédiée aux exportations d'énergie venant du Québec et, encore là, nous serons là et nous ferons des exposés aux Américains. On développe ces rencontres, on fait du lobbying.

Pointe-Lepreau

M. Fortier: Une dernière question; après, je laisserai la parole à mes collègues. J'aimerais maintenant parler d'une nouvelle qui a paru dans le Devoir de samedi portant sur la centrale nucléaire de Pointe-Lepreau 2. Je crois qu'Hydro-Québec évoquait des appréhensions par rapport à cette nouvelle centrale nucléaire qui pourrait nous voler une partie de notre marché dans une certaine mesure. Je dis tout de go au ministre qu'il devrait présenter - sinon, moi-même, il me fera plaisir de le faire - une motion non annoncée, qui pourrait être unanime à l'Assemblée nationale du Québec pour demander au gouvernement fédéral de ne pas influencer le marché de l'exportation en donnant des subventions à une seule province privant ainsi, peut-être, le Québec de l'exportation d'énergie auquelle elle a droit.

Ceci m'amène à poser une autre question. Si le gouvernement fédéral est prêt à donner des subventions pour faciliter l'exportation d'énergie à partir du Nouveau-Brunswick, est-ce qu'Hydro-Québec ou le gouvernement a pensé à demander une aide du gouvernement fédéral pour faciliter l'exportation de notre énergie vers les États-Unis? Autrement dit, s'il est prêt à aider une province, il devrait avoir comme politique d'aider toutes les provinces, y

compris le Québec. Est-ce que des démarches pourraient être faites dans ce cens?

M. Bourbeau (Joseph): Actuellement, toute notre exportation provient d'énergie hydraulique et on n'a pas besoin de mettre à contribution des centrales nucléaires pour vendre aux Américains.

M. Fortier: Je ne parlais pas de centrales nucléaires, je parlais d'une aide financière quelconque pour les centrales que nous avons.

M. Coulombe: En ce qui concerne Hydro-Québec, toute aide financière sera la bienvenue, de la même façon qu'une aide financière pour notre réseau de transport équivalente à l'aide financière que le gouvernement fédéral donne au réseau du gaz serait la bienvenue; il n'y aurait aucun problème.

M. Fortier: II y a deux politiques là-dedans. Si on reste passif, le Nouveau-Brunswick va peut-être recevoir une aide qui va lui permettre d'exporter son énergie. Ce que je propose au ministre, c'est, pour une fois, d'être solidaire là-dessus pour dire: Nous ne croyons pas que le gouvernement fédéral devrait avoir une politique qui privilégierait une province en particulier. Que la règle soit que le gouvernement fédéral n'aide aucune province et, à ce moment, on se retrouve tous sur le même pied ou, s'il y a une aide financière, que toutes les provinces qui exportent de l'énergie puissent en recevoir au prorata de l'exportation qu'elles font aux États-Unis. Là-dessus, je pense qu'on pourrait s'entendre. C'est la raison pour laquelle je vous demandais si Hydro-Québec avait exploré - en se creusant les méninges un peu, même si les centrales sont déjà construites - les possibilités de chercher à obtenir une aide du gouvernement fédéral qui diminuerait vos coûts de production ou, du moins, les coûts présentement capitalisés, mais qui vont survenir lorsque vous allez faire passer ces dépenses aux dépenses d'exploitation.

M. Duhaime: M. le Président, je pense qu'il y a une question qui m'était adressée. Je peux peut-être prendre 45 secondes pour y répondre.

Je dis tout de suite que je pourrais non seulement donner mon consentement à une pareille motion, mais probablement intervenir en faveur, mais attention! Quand cela vient de mon ami le député d'Outremont, il a parfois des cadeaux de Grecs. Demander au gouvernement fédéral l'égalité de traitement dans un programme nucléaire Nouveau-Brunswick-Québec, je ne pourrais pas endosser une motion semblable pour la bonne et simple raison que, d'ores et déjà, notre décision est prise de tenir un moratoire sur les équipements nucléaires et de le prolonger.

M. Fortier: M. le Président, j'arrête immédiatement le ministre, je n'ai pas parlé de nucléaire dans ma proposition.

M. Duhaime: Je vais répondre tout simplement. Je n'ai malheureusement pas la lettre avec moi, je pourrais peut-être l'avoir demain matin.

Le financement du nucléaire par le gouvernement fédéral ou sa participation a toujours été sur la base des coûts estimés. C'était vrai pour Pointe-Lepreau 1 et c'était vrai aussi pour Gentilly 2. Les coûts estimés à Gentilly 2 - si mon souvenir est bon - en 1972, étaient de 325 000 000 $ ou de 350 000 000 $. Hydro-Québec vient de terminer la centrale Gentilly 2 et cela a coûté 1 400 000 000 $. (22 heures)

Connaissant bien le ministre fédéral de l'Énergie - on est presque voisins - je lui ai adressé une lettre pour lui demander une révision de la contribution fédérale sur le niveau du prêt à bas taux d'intérêt pour ce qui était de Gentilly 2, par rapport, en demandant l'égalité de traitement avec Pointe-Lepreau 1. Je pourrais déposer la lettre demain. La réponse a été négative.

Je comprends, j'ai lu la coupure du journal Le Devoir que j'ai devant moi ici, du 10 décembre 1983. Les gens au Nouveau-Brunswick disent bien ceci à M. Côté, gérant général de Maritime Nuclear, et si les propos qu'on lui prête sont exacts, ils m'apparaissent remplis de sagesse. Il dit ceci: "Nous n'avons pas encore pris de décision définitive à l'égard de ce projet et on ne pourra en prendre avant la fin des négociations avec la Nouvelle-Angleterre."

Alors, le prix d'un kilowatt électronucléaire par rapport au prix d'un kilowatt hydraulique, il y a une marge entre les deux. Les craintes d'Hydro-Québec et du gouvernement du Québec seraient une intervention massive du gouvernement fédéral au type de subventions directes ou indirectes à Pointe-Lepreau 2 pour, en ultime essor, venir nous concurrencer sur des marchés de la Nouvelle-Angleterre. Si c'est là le sens de la motion du député d'Outremont, on va la faire tout de suite demain. Mais, je ne pense pas que cela soit la stratégie unique du gouvernement fédéral. Tout le monde sait qu'au niveau canadien, on imagine toute espèce de scénarios pour sauver le CANDU. C'est de cela qu'il s'agit. Vous en étiez témoins lorsque M. Després, président d'Énergie atomique du Canada, est venu ici en commission parlementaire et nous a entretenu des trois projets d'Énergie atomique du Canada. D'abord, pour ce qui est

de l'usine d'eau lourde La Prade, il y avait là un immense point d'interrogation. Qu'est-ce qu'ils vont en faire exactement? On n'a pas de réponse sur cela. Deuxièmement, au sujet de Gentilly 1, il n'y a pas de projet non plus d'arrêté pour ce qui est d'Énergie atomique du Canada. Le troisième volet était un projet de recherche dont le coût était de 60 000 000 $ et dont le créneau de recherche n'était pas encore identifié.

Je pense que le plus grand service qu'on pourrait rendre à la population du Nouveau-Brunswick, de la part du gouvernement fédéral, serait de lui indiquer tout de suite que construire des centrales nucléaires au Nouveau-Brunswick à des fins d'exportation vers la Nouvelle-Angleterre, ce n'est pas la meilleure des choses à faire alors que, depuis cinq ans, il n'y a pas eu un seul nouveau permis ou une seule nouvelle autorisation de construire une centrale nucléaire aux États-Unis. Tout le monde sait qu'il y a des problèmes au New Hampshire avec Seabrook, du moins il y a des discussions. Il y a des discussions avec la centrale atomique de Long Island. Il y a des problèmes avec la centrale nucléaire du Vermont. Il y a des problèmes tout récents encore avec l'Ontario. Alors, je suis loin d'être convaincu qu'on ferait un bon coup en sollicitant une intervention quelconque. Il faudrait plutôt aller en sens contraire et laisser les forces du marché en concurrence sur les marchés d'exportation.

C'est un peu comme la position fédérale dans le dossier de Terre-Neuve qui voudrait, bien sûr, pousser nos amis de Terre-Neuve sur des marchés d'exportation pour concurrencer Hydro-Québec. Je ne trouve pas cela tellement catholique de procéder de cette façon. Mais, si l'on maintient une non-intervention, il m'apparaît très clair que Pointe-Lepreau 2 ne se bâtira jamais. Et pour tous ceux qui sont dans ce dossier, de près ou de loin, du côté sud ou du côté nord de la frontière, à moins qu'il n'y ait un transfert de fonds fédéraux massif pour rendre concurrentiel le kilowattheure électronucléaire, cette centrale n'a aucune raison d'être mise en chantier. Pas plus, d'ailleurs, qu'on pourrait avec succès mettre en chantier Gentilly 3 à des fins d'exportation vers les États-Unis ou encore prendre les quelque 700 mégawatts produits à Gentilly 2 et tenter de les vendre aux États-Unis au coût marginal de production. C'est clair et net pour tout le monde.

M. le Président, il est certain qu'au Nouveau-Brunswick, ce n'est pas une affaire bâclée, mais, cependant, si le gouvernement fédéral a décidé d'y mettre une somme additionnelle de 10 000 000 $ dans des études de marché, je crois... On dit: 10 000 000 $ dans l'aventure à la fin de la présente année financière en mars prochain. Des études préliminaires défrayées par le gouvernement fédéral de la même façon que le gouvernement fédéral a 200 000 000 $ d'engagés dans Lower Churchill Falls Corporation. Alors, c'est entendu que, sur cela, on se rejoindrait; si votre motion va dans le sens de dire au gouvernement fédéral de ne pas venir "disturber" les marchés d'exportation en Nouvelle-Angleterre ou à New York, on va être d'accord.

M. Fortier: C'était le sens de ma motion, M. le Président ou de dire qu'ils devaient avoir un traitement égal.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Je me réjouis de la bonne intention qu'a manifestée le député d'Outremont vis-à-vis...

M. Fortier: Je suis toujours plein de bonnes intentions.

M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet): ...du projet de Pointe-Lepreau. J'ai visité cette centrale quelques mois après son entrée en exploitation au cours de l'été et j'avais comme premier point justement ce projet qui est dans l'air depuis quelque temps. Je voudrais avoir un peu plus de précisions de la part de ces messieurs d'Hydro-Québec quant à l'ordre de grandeur du coût de production d'un kilowattheure de la prochaine centrale hydroélectrique qu'Hydro-Québec pourrait bâtir et du coût de production du kilowattheure à Pointe-Lepreau 2; avoir une idée, par exemple, de l'investissement, de la subvention nécessaire pour être capable de concurrencer ce qu'Hydro-Québec pourrait exporter vers les États de la Nouvelle-Angleterre.

M. Bourbeau (Joseph): M. Dubé.

M. Dubé: Règle générale, on peut dire que la prochaine centrale qu'Hydro-Québec pourrait construire pour satisfaire soit ses besoins à elle ou des besoins d'exportation serait la centrale de La Grande 1. Le coût de production de cette centrale serait à peu près identique au coût de production de la phase I du complexe La Grande. Or, on sait qu'un chiffre publié depuis nombre d'années a situé le coût de production de la phase I du complexe La Grande à 27 mills le kilowattheure ou à 27 $ le mégawattheure.

Il faut tenir compte, bien sûr, du jeu de l'inflation, puisque la phase I du complexe La Grande est en train d'être réalisée et que la centrale de LG 1 ne pourra être, à toutes fins utiles, construite ou mise en service avant 1990 ou 1991. Donc, si on tient compte du jeu de l'inflation et du fait que l'intérêt sur l'argent est aujourd'hui beaucoup

plus élevé qu'il ne l'était l'an passé, les 27 mills le kilowattheure pour la phase I du complexe La Grande deviendraient 76 mills le kilowattheure. Ce serait à peu près le coût de production de La Grande 1, entre 70 et 75 mills le kilowattheure.

M. Fortier: Aux lignes de transport d'énergie à la frontière?

M. Dubé: C'est livré à Montréal.

M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet): Le coût de production du kilowattheure à Pointe-Lepreau 2 serait quoi approximativement?

M. Dubé: Pointe-Lepreau 2 serait d'environ 30% à 35% supérieur à ce coût-là.

M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet): Cette somme supplémentaire, ces 30% auraient besoin d'être fournis en subventions pour être capable d'arriver avec un même prix de vente, aux mêmes clients, en Nouvelle-Angleterre, par exemple?

M. Dubé: C'est cela.

M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet): Dans un autre ordre d'idées, nos barrages sont, en réalité, nos entrepôts d'énergie. Sur quels critères évaluez-vous la capacité de remplissage de ces entrepôts, basée, bien sûr, sur les précipitations annuelles? De quelle façon assurez-vous une sécurité de remplissage?

M. Dubé: Bien sûr, on le mentionnait plus tôt, notre production est essentiellement liée aux précipitations, puisqu'elle est à 95% hydroélectrique. Or, ce qu'on fait pour mettre les Québécois à l'abri de périodes sèches, ce sont vraiment des simulations sur de nombreuses années et, finalement, sur plusieurs centaines d'années, de façon à construire des barrages ou des réservoirs qui ont une capacité d'emmagasinage telle que des années successives de faibles précipitations ne mettraient pas en danger notre capacité de production. Pour ce qui est de notre barrage de Manic 5, à titre d'exemple, nous avons pu déterminer que, s'il se produisait, en ligne, les cinq années les plus sèches qu'on n'ait connues depuis les cent dernières années, notre réservoir ne serait pas asséché à ce niveau-là.

M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet): II faudrait encore que Manic 5 ait de plus grands entrepôts.

M. Dubé: Non, c'est notre plus grand entrepôt, et de loin.

M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet): En ce qui se rapporte plus spécifiquement à la tarification, il y a un point qui m'inquiète un peu par rapport à certaines régions du Québec qui ne sont pas desservies par les réseaux de gaz naturel et où il y a nécessairement aussi des possibilités pour nos investisseurs soit de prendre de l'expansion avec leurs entreprises ou d'implanter de nouvelles entreprises. Dans vos propositions de tarification, il y a un parallèle avec nos PME, petites, moyennes et grandes entreprises, car vous avez, dans vos tarifs généraux, petite, moyenne et grande puissance. Je fais un rapprochement entre les deux. Est-ce que l'augmentation de la petite entreprise, de la petite puissance, qui est de 3,4, c'est l'équivalent de l'augmentation moyenne? Est-ce qu'avec ces augmentations, des investisseurs peuvent avoir encore de l'intérêt ou avoir l'assurance que leur coût d'énergie peut être concurrentiel; êtes-vous concurrentiels par rapport au gaz et pouvez-vous nous assurer que ces régions-là ne sont pas automatiquement défavorisées parce que le gaz en est absent?

M. Bourbeau (Joseph): Alors, M. Claude Boivin, vice-président à la mise en marché.

M. Boivin (Claude): Si on parle de la position concurrentielle de l'électricité par rapport au gaz, dans le secteur résidentiel, présentement, pour fins de chauffage, il y a un avantage en faveur du gaz par rapport à l'électricité, mais qui est léger. Par contre, dans les différents secteurs industriels pour fins d'application de chauffage, les tarifs de gaz donnent un avantage au gaz naturel par rapport à l'électricité. Cet avantage-là est variable selon justement l'ampleur de la charge.

Quand vous parlez de petite puissance, je pense que c'est ce niveau qui vous intéresse, chez les petites entreprises qui prennent moins de 100 kilowatts, effectivement, il y a un avantage là aussi du gaz par rapport à l'électricité pour des procédés de chauffage. D'ailleurs, à ce sujet-là, dans le plan de développement, à la page 21, vous avez un tableau, le tableau 7, qui situe la position concurrentielle de l'électricité par rapport au mazout et au gaz dans les différents secteurs d'application, à savoir l'usage domestique, l'usage général et l'usage industriel.

M. Tremblay: Mais cette différence, elle est déterminée aussi en raison du pourcentage du coût de production d'un produit qui est dû à l'électricité ou à l'énergie dans la fabrication du produit.

M. Boivin: Bien, c'est évident que, lorsqu'on parle, normalement, en général, des petites entreprises, à savoir en fait des charges de moins de 100 kilowatts dans la

petite puissance, règle générale, dans ce domaine-là, les procédés industriels ne sont pas des procédés énergivores et la composante énergie dans le coût total des produits finis est relativement faible. On peut dire qu'en moyenne, dans l'industrie québécoise, sauf pour les procédés très énergivores, cela se situe, pour la partie électrique, entre 3% et 5% du coût du produit fini. Ce n'est pas le cas, par exemple, pour l'aluminium ou...

M. Coulombe: Maintenant, il y a un autre aspect à votre question. Évidemment, c'est l'évolution prévisible des prix des deux formes d'énergie. C'est évident qu'au tableau de la page 21, vous voyez que, à l'usage industriel, lentement, l'électricité devient de plus en plus concurrentielle. Dans d'autres marchés, cela se produit différemment.

Mais la question qu'il faut se poser, c'est sur le moyen et le long terme. En d'autres mots, est-ce que la politique du gouvernement fédéral de prix du gaz, qui est un prix de pénétration de marché, va demeurer? Nous, à l'Hydro, à cette question-là, on n'a pas de réponse, on ne le sait pas, mais ce qu'on peut dire, c'est que, toutes choses étant égales, nos coûts de production, on les connaît, et, normalement, on devrait les contrôler. Donc, l'évolution de nos prix est beaucoup plus prévisible, parce que le contrôle est strictement à l'intérieur du Québec. Alors, le point fondamental est de dire comment vont évoluer ces deux formes d'énergie à l'avenir. Ce n'est pas tellement l'année prochaine, dans deux ans ou dans trois ans. Les programmes d'aide du fédéral pour la pénétration du gaz vont se terminer à un moment donné. Quelle va être l'évolution après cela? C'est une question à laquelle nous ne pouvons répondre. Sauf que, pour nos coûts et nos prix de vente, nos tarifs, on pense qu'on peut faire des simulations qui tiennent compte des variables internes contrôlées à 100% par Hydro et le gouvernement. Donc, ce sont le moyen et le long terme qui sont problématiques dans les coûts des énergies. (22 h 15)

M. LeBlanc: Une dernière question qui me préoccupe, c'est: Comment conciliez-vous la diminution de vos effectifs, 1000 postes abolis, et vos projets d'immobilisation pour 1984 dans la rénovation de votre réseau de distribution, ce qui est une activité assez intense? Est-ce que vous avez dû avoir recours à des entreprises à contrats en région et dans quelle partie du Québec cette opération est-elle nécessaire?

M. Coulombe: Peut-être que M. Godin peut venir dire quelques mots sur ce programme spécial, mais simplement comme introduction, c'est évident que ce programme spécial demandera du personnel de plus. Il y aura une montée et une descente rapide de personnel nécessaire pour exécuter ces travaux qui sont distribués dans l'ensemble de la province. M. Godin pourra parler plus longuement du type de travaux et de l'endroit où ils vont se faire.

D'une façon générale, il est évident qu'il faudra engager beaucoup d'entrepreneurs et ainsi de suite, ce qui va nous amener à négocier avec nos syndicats parce que, dans nos conventions collectives, c'est un point très ferme: contrats à forfait, etc. On entend respecter intégralement la convention collective qu'on a signée il y a quelques semaines, mais il va y avoir des discussions sérieuses sur ce mouvement de personnel. Alors, on peut jouer sur les postes temporaires, augmenter ceux-ci, et lorsqu'on dit qu'il y a une diminution de 1000 postes, c'est évident que ce sont des postes permanents dont on parle. Ce sont des gens qui sont à Hydro, théoriquement, pour une très longue durée. Donc, on n'inclut pas là-dedans les entrepreneurs, les postes temporaires, etc.

Il va falloir avoir une balance entre les permanents qui vont diminuer, les temporaires qui peuvent augmenter, les entrepreneurs, etc., et ce sont des négociations relativement complexes qu'il faudra avoir.

Maintenant, M. Godin pourra peut-être donner des détails sur le programme.

M. LeBlanc: Avant la réponse de M. Godin, je vous demanderais à combien vous avez évalué le nombre d'années-hommes que va représenter, en 1984, cette participation à l'emploi.

M. Godin (Pierre): Ce chiffre n'a pas encore été déterminé. Tout cela dépend du type, de la répartition des travaux qui vont être faits. Il y a un ensemble de travaux qui ont été déterminés, à travers lesquels il faut encore faire des choix et c'est une fois seulement que ces choix seront faits que nous pourrons déterminer l'ensemble de la main-d'oeuvre nécessaire pour la réalisation de ces travaux.

Ce que l'on peut dire quand même au départ, c'est que ces travaux exigent beaucoup de main-d'oeuvre, de façon générale, par rapport à la quantité de matériaux requis. Je ne serais pas en mesure de vous donner des chiffres à ce moment-ci.

Quant à la répartition de ces travaux, elle sera faite partout à travers la province mais, là encore, les travaux qui concernent la répartition de ces travaux ne sont pas terminés. De façon générale, on peut dire dès ce moment qu'ils sont répartis un peu partout dans la province.

M. LeBlanc: Dans les endroits où le gaz naturel ne pénètre pas - je pense par

exemple à l'Est du Québec - la conversion à la biénergie, à l'électricité, doit être un petit peu plus intense que dans d'autres régions, les centres très urbanisés, par exemple.

M. Godin (Pierre): Cela n'a pas d'effets très marqués à ce niveau.

M. LeBlanc: Je vous remercie.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le député de Chapleau.

L'industrie du fer sur la Côte-Nord

M. Kehoe: Hydro-Québec récemment, par votre entremise, a annoncé un programme de stabilisation tarifaire pour les grosses industries. Il y avait un reportage dans le Soleil du mercredi, 7 décembre. Dans ce reportage, il est dit que dans les efforts de commercialisation, Hydro multiplie les programmes de subventions et de rabais tarifaires pour élargir sa clientèle et, si possible, amener au Québec des entreprises à forte consommation d'électricité, les alumineries notamment. Dans ce même article, on mentionne les différents autres programmes, celui de biénergie, les programmes de rabais tarifaires de 50% pour des entreprises qui investissent, pour augmenter leur production, qui seraient également prolongés pour deux ans.

Mais c'est le dernier paragraphe de l'article qui m'inquiète beaucoup. Il dit ceci: Par ailleurs, M. Coulombe a indiqué qu'il n'était pas question, pour le moment, de consentir des rabais tarifaires à l'industrie minière, notamment pour permettre de sauvegarder l'industrie du fer sur la Côte-Nord.

La semaine dernière, le 29 novembre, le ministre de l'Énergie et des Ressources et quatre autres ministres ont eu une conférence à Port-Cartier dans laquelle justement étaient avancés plusieurs programmes, plusieurs scénarios, non pour la relance de l'économie de la Côte-Nord, mais pour son sauvetage. À cette conférence, le ministre a promis qu'au mois de mars ou avril il y aurait justement un sommet pour annoncer un vrai programme de sauvetage de la Côte-Nord, plus spécifiquement pour le fer. Maintenant, la déclaration que vous avez faite jette une lumière complètement différente de l'espoir que le ministre a donné à ces gens lors de la conférence du 29, l'espoir qu'il y ait un programme de sauvetage dans lequel un tarif spécial d'électricité serait accordé à des mines pour au moins tenter de sauvegarder ce qu'elles ont actuellement. Quelle est votre position là-dessus?

M. Coulombe: En fait, lorsque cette référence a été faite, la question était posée dans un cadre un peu plus général. C'est tout le problème de la tarification sectorielle, c'est-à-dire ce qu'on doit faire pour certains secteurs qui sont en danger et pour d'autres qui sont plus ou moins dynamiques en termes de tarification de l'électricité.

D'abord, il y a une politique officielle du gouvernement pour certains secteurs déterminés. Il y avait l'aluminium et se sont ajoutées l'électrométallurgie, l'électrochimie et la chimie minérale. On a dit tantôt que, dans ces cas, la politique gouvernementale est très claire. En d'autres mots, s'il y a des plafonds qui sont accordés à ces industries, cela fait partie de ce que le gouvernement a annoncé en 1978 et, en ce qui nous concerne, cela ne nous cause aucune espèce de problème.

Sur la tarification, c'est-à-dire si Hydro-Québec doit assumer le coût d'une tarification par industrie, là-dessus, en toute honnêteté, on est en période de réflexion intense, mais la réflexion nous fait nous poser plusieurs questions du genre de celle-ci: D'abord, les industriels, l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité et plusieurs autres industriels avec qui on a fait affaires - M. Boivin pourra donner plus de détails - sont extrêmement inquiets de cette approche. Nos clients industriels sont très inquiets de cette approche parce que cela pose très certainement le problème de l'interfi-nancement, c'est-à-dire si les secteurs en santé et les secteurs dynamiques industriels vont financer les secteurs moins bien nantis. C'est évident que l'ensemble d'une tarification, c'est le principe des vases communicants: ce qui est perdu d'un côté doit être gagné de l'autre.

L'ensemble des industries est donc réticent vis-à-vis de ce genre de choses. Je vous avoue qu'on partage un peu cette réticence. Il n'y pas de décision définitive de prise. Le dossier complet n'est pas terminé à Hydro-Québec, il n'a jamais été présenté au conseil d'administration, mais la tarification sectorielle, en dehors du cadre d'une politique gouvernementale, c'est-à-dire une tarification sectorielle strictement d'Hydro-Québec, où Hydro-Québec assumerait la totalité des coûts que cela implique, cela nous fait nous poser beaucoup de questions.

M. Kehoe: Est-ce qu'il y a des négociations entre le ministère et HydroQuébec justement pour la Côte-Nord? Lors de la conférence en question, le ministre a dit qu'il faut absolument baisser le coût de production d'une tonne de fer de 7 $ à 8 $ pour être concurrentiel avec le Brésil ou l'Australie et ainsi de suite.

Un des facteurs les plus importants dans le coût de production du fer, c'est

nécessairement le coût énergétique, le coût de l'électricité. Cela peut représenter jusqu'à 30%. Il me semble que c'est la manière la plus facile pour tenter de régler... Le commencement d'un programme de sauvetage, ce serait justement dans ce domaine.

Je pose la question: Est-ce qu'il y a des négociations actuellement entre les deux pour tenter d'établir...

M. Coulombe: Cette discussion nous l'avons avec le ministère de l'Énergie et des Ressources depuis de très nombreux mois. On en discute régulièrement. Au point vue des discussions, cela existe. De plus, HydroQuébec a discuté avec les principaux intervenants auxquels vous faites référence, les compagnies en question. On est en discussion avec eux de façon régulière. Je peux dire que dans certains cas on a fait un effort maximum pour donner toute l'aide qu'on pouvait donner; et cela ce ne sont pas des projets à venir, cela existe à l'heure actuelle. Sans révéler de détails contractuels complexes avec ces compagnies, ce qu'on peut dire c'est que les discussions sont non seulement avec le gouvernement mais avec ces compagnies. Et on fait tout l'effort possible pour en arriver à des ententes qui pourraient leur donner un coup de main.

Le problème fondamental c'est toujours la question du coût à payer pour augmenter la rentabilité d'une entreprise. Il faut bien penser que ces entreprises jouissent tout de même des tarifs les plus bas qu'ils ne peuvent trouver nulle part ailleurs. J'exclus l'hypothèse qu'un pays puisse donner des subventions à des concurrents, mais en termes de tarifs d'électricité on maintient que les tarifs dont ils jouissent sont parmi les plus bas qu'ils peuvent trouver.

Deuxièmement, ils ont historiquement eu des tarifs privilégiés qui représentent des sommes très considérables depuis cinq ans, dix ans ou quinze ans.

Troisièmemement, demander à HydroQuébec d'assumer un coût ou d'augmenter la rentabilité sur un facteur de production, alors que ni les compagnies de pétrole, ni les autres intervenants ne feraient un effort équivalent ou ne seraient soumis à cet effort, cela nous semble pour les autres clients d'Hydro-Québec un problème, comme je vous l'ai expliqué tantôt, assez important.

M. Kehoe: Je comprends mieux la situation. En ce qui concerne le projet Pechiney, où il y a un tarif spécial qui est négocié entre le gouvernement de la province de Québec et la compagnie Pechiney pour la tarification d'Hydro-Québec, ce qui semble très favorable à la compagnie Pechiney... C'est aussi le cas pour Reynolds à Baie-Comeau. Est-ce que vous êtes aussi généreux avec l'industrie du fer que vous l'êtes avec l'industrie de l'aluminium?

M. Coulombe: On pourrait avoir des exemples précis.

M. Kehoe: Semble-t-il, le contrat que vous avez accordé à Pechiney surtout semble extrêmement généreux. Tandis que dans les autres endroits, comme Gagnon qui est en train de fermer, Schefferville qui est déjà fermée, Fermont, Port-Cartier, Sept-Îles, ces villes qui sont dans une situation désastreuse, qui sont sur le bord de la faillite, qui sont sur le bord de la fermeture... Est-ce que d'un côté, vous allez donner des tarifs préférentiels à Reynols et à Pechiney et d'un autre côté, si je lis bien le dernier paragraphe de ce reportage, il n'est pas question en ce moment de consentir des rabais tarifaires à l'industrie, notamment pour permettre la sauvegarde de l'industrie du fer de la Côte-Nord? On dirait qu'il y a un contraste ou une postion complètement opposée dans les deux.

M. Coulombe: Non, je crois qu'il y a une logique générale qui est la suivante. Dans le cas de l'aluminium d'abord, indépendamment du fait qu'il s'agissait de nouveaux investissements au Québec etc., donc de création d'activité économique, de nouveaux clients etc., cela fait partie d'une politique gouvernementale qui est très claire: au-delà d'un plafond qui est accordé par Hydro-Québec et par le gouvernement -puisque c'est le gouvernement qui approuve les choses - c'est le gouvernement dans cette politique qui assume les frais de dépassement du plafond. C'est clair, c'est entendu. En d'autres mots, si c'est le même principe pour les mines de fer, cela ne nous cause aucun problème. C'est très délicat de comparer la situation de l'aluminium à ce que vous décrivez. Ce n'est pas du tout le même contexte. Dans le cas de l'aluminium c'est très clair.

Deuxièmement, en ce qui concerne ces points il faut admettre que ces compagnies ont profité de tarifs extrêmement réduits de la part d'Hydro-Québec historiquement; et sans dévoiler de chiffres précis, le manque à gagner d'Hydro-Québec dans le cadre de ces contrats se chiffre à au-delà de 200 000 000 $ depuis l'existence de ces contrats. (22 h 30)

Je pense que, là, il s'est agi d'une politique d'aide à ces industries, qui a d'ailleurs profité énormément à la création d'emplois et à l'existence même de ces compagnies. Mais de poursuivre sur la même voie, comme je l'ai dit tantôt, pose des points d'interrogation et semble une politique qu'il faudrait examiner beaucoup plus à fond en termes de conséquences sur l'ensemble des autres industries. Tout en comprenant

parfaitement bien ce que vous dites, est-ce c'est logique de demander à l'ensemble des industries d'absorber, finalement, le coût de ces rabais systématiques lorsque cela ne fait pas partie d'une politique générale accessible à l'ensemble des entreprises?

M. Kehoe: La situation de la Côte-Nord est tellement à part, complètement différente des autres.

M. Coulombe: Là, vous faites référence à une politique industrielle du gouvernement. Possiblement qu'à ce niveau les gouvernements peuvent agir.

M. Kehoe: Peut-être que je peux poser une question au ministre. Est-ce qu'il y a une politique spécifique pour la tarification sectorielle en ce qui concerne les mines de fer de la Côte-Nord? Est-ce que le gouvernement a une position? On a entendu la réponse d'Hydro-Québec. Je pense que la balle est dans votre cour maintenant. Quelle est donc votre position dans cela?

M. Duhaime: Je ne sais si vous avez entendu comme il faut quand nous avons soulevé cette question à Port-Cartier. J'ai dit très clairement que nous allions réunir à nouveau, en mars, je l'espérais, ou en avril, cette table de concertation et que, en temps utile, lorsque nos discussions seront terminées avec les quatre ou cinq compagnies impliquées, le gouvernement annoncerait sa position. J'ai indiqué également que dans l'intervalle, dans le cas de trois compagnies, Québec Cartier, IOC et Fer et Titane, des assouplissements aux contrats déjà existants avaient d'ores et déjà été accordés et acceptés par Hydro-Québec et, dans au moins un de ces cas, le gouvernement les a approuvés. Il en reste deux, je crois, à approuver au niveau du gouvernement.

M. Kehoe: Mais le problème, M. le ministre, d'ici le mois de mars ou d'avril, on se demande si SIDBEC-Normines à Gagnon pourra rester ouverte. La situation est rendue au point que c'est une question de vie de ces mines. Je me demande même si elles auront assez de temps pour survivre.

Le ministère a le problème en main. Vous connaissez, depuis trois, quatre, cinq ans, la situation du fer sur la Côte-Nord. Qu'est-ce que vous avez fait en ce qui concerne les négociations des tarifs sectoriels, des tarifs spéciaux pour ces compagnies?

Ce que je sais, c'est que vous avez annoncé - c'est vrai - l'autre jour qu'au mois d'avril vous alliez annoncer autre chose; mais, dans le passé, qu'avez-vous fait outre de dire que, d'ici à ce temps-là, il y a certains contrats mineurs qui seront affectés? Mais dans l'ensemble, concernant l'établissement des tarifs spéciaux pour la Côte-Nord qui auraient pu exister depuis un certain nombre d'années, on vous reproche de ne pas avoir fait cela plus tôt, de ne pas avoir prévu. Gouverner, c'est prévoir.

On savait, depuis les quatre ou cinq dernières années, que la situation était un désastre complet dans la région de la Côte-Nord, et le ministre a fait très peu dans ce domaine des taux d'électricité.

M. Duhaime: Je rappelle, M. le Président, que les dirigeants de ces compagnies nous ont dit que l'énergie comptait pour à peu près 25% du coût de production. Alors, dans l'énergie qui est consommée par l'industrie minière, l'industrie du fer et du titane, bien sûr, il y a l'hydroélectricité mais aussi du mazout importé.

Vous étiez présent lorsque les dirigeants de SIDBEC-Normines ont parlé d'un éventuel programme de conversion du mazout à l'électricité en allant vers un nouveau procédé de fabrication; même chose pour IOC. Je n'ai pas beaucoup d'objections à ce qu'on parle ce soir de l'industrie du fer au Québec mais je vous souligne que l'on est très loin de la proposition tarifaire d'Hydro-Québec.

J'ai eu l'occasion de dire, et je peux vous le répéter, que nous allons continuer de discuter avec les compagnies. Le chiffre qu'a mentionné M. Coulombe tantôt est un chiffre contesté par les entreprises - elles nous l'ont indiqué à Port-Cartier - mais en valeur actualisée, si on prend le coût ou encore si on applique à l'industrie du fer le tarif grande puissance et son évolution depuis son installation, c'est là qu'on retrouve la marge de 210 000 000 $.

Si votre approche consiste à dire qu'il faudrait refiler la facture pour tenter de minimiser les coûts de production à la tonne de fer de 7 $ ou de 8 $, quand on pense que ces cinq compagnies ensemble paient à Hydro-Québec 100 000 000 $ par année et si c'est vrai que cela compte, en arrondissant les chiffres un peu pour les fins de la discussion à 25%, cela représente un montant énorme. Je crois qu'en toute logique, il faut que les discussions qui ont été entreprises avec les industries, avec les travailleurs de l'industrie et avec les milieux municipaux de la Côte-Nord se poursuivent et qu'on voie le bout de chemin que chacune des parties concernées serait disposée à faire pour mettre au point un plan de sauvetage. Si vous me posez la question directement, est-ce que le gouvernement est disposé à absorber complètement la différence à la tonne qu'il faudrait regagner sur le marché international pour maintenir l'industrie du fer? Ma réponse va être carrément non.

M. Kehoe: Ce n'est pas la question que

je vous pose.

M. Duhaime: Nous serons en mesure, dans les trois ou quatre prochains mois, de donner une réponse à l'ensemble de l'industrie pour ce qui est d'une problématique tarifaire pour l'industrie du fer.

M. Kehoe: Juste une dernière question à M. Coulombe. En ce qui concerne les mines de cuivre à Murdochville, est-ce que c'est la même situation? Est-ce que vous adoptez la même politique que celle du fer sur la Côte-Nord? N'y a-t-il pas de tarif spécial en raison de la difficulté qui existe? C'est une question...

M. Coulombe: Murdochville est au tarif normalisé.

M. Kehoe: Est-ce qu'elle a fait une demande? Est-ce qu'il y a des négociations qui se poursuivent? Actuellement, la ville de Murdochville est sur le bord d'une fermeture et d'une faillite complète. La compagnie Mines de cuivre Gaspé a décidé d'investir 32 000 000 $ et le ministère 13 000 000 $ peut-être conditionnels à ce que le marché du cuivre reprenne, etc. Mais en ce qui concerne les négocations avec Hydro-Québec spécifiquement pour un tarif spécial...

M. Coulombe: Je dois vous dire qu'il serait moins long de nommer les industries qui n'ont pas demandé des choses que de nommer celles qui en ont demandé. En définitive, dans la récession qu'on a vécue depuis deux ans, c'est une demande générale de toutes les industries. En tenant cela pour acquis, le cas de Murdochville est au tarif normalisé. Si elle fait des investissements supplémentaires, le programme de rabais lui est accessible. Dans le cas de Murdochville, s'il y a des nouveaux investissements, elle aura accès au programme de rabais comme les mines de fer. Si les mines de fer font des investissements, le programme leur est accessible. Les chiffres des compagnies qui nous ont été fournis estiment que pour la concentration, les coûts d'énergie, pour l'électricité sont de 6% à 15% du coût, pour le mazout 8,5% à 33%. Dans les facteurs de production, l'énergie est importante mais à l'intérieur de l'énergie, le coût de l'électricité, c'est de 6% à 15% du coût comparativement à 8,5% à 33%. Est-ce que les compagnies de pétrole vont avoir une politique pour baisser leur tarif et leur prix de pétrole? C'est beaucoup plus important que l'électricité puisque c'est de 8,5% à 33%, selon les procédés. C'est un peu ce genre de dilemme devant lequel on est. Non seulement dans ce genre de compagnie mais il y en a d'autres compagnies au Québec qui sont en concurrence sur le marché international et qui ont extrêmement de difficultés parce que d'autres facteurs de production sont plus élevés ici. Avec des chiffres semblables, il faut se demander s'il y a un effort énergétique à faire. Cela règle 25% des coûts, mais il en reste 75%. Est-ce qu'il va y avoir un effort général pour baisser les coûts de production? On voit difficilement comment cela pourrait être absorbé en totalité par Hydro-Québec. Les compagnies de pétrole, c'est 33% du coût selon le procédé. Il reste un autre 75%, en dehors de l'énergie, de coût de main-d'oeuvre et de différents autres coûts. Je pense qu'Hydro, là-dedans, est un acteur parmi beaucoup d'autres sur la rentabilité de ces compagnies-là.

M. Kehoe: Ma dernière question porte sur les mines d'amiante dans les régions d'Asbestos et de Thetford-Mines où la situation est critique à cause de différents facteurs. Il ne sert à rien d'entrer dans les détails, mais il y a eu des fermetures de mines, des mises à pied. La situation n'est peut-être pas aussi désastreuse qu'ailleurs, mais elle est très pénible pour les gens de ces régions. Encore une fois, est-ce qu'il y a eu des discussions ou des négociations pour un tarif spécial pour cette région ou pour...

M. Coulombe: La réponse est oui. Il y a eu demande. Des efforts ont été faits, des discussions ont eu lieu avec Hydro-Québec, parce que l'ensemble des compagnies minières ont certains problèmes et ont abordé Hydro-Québec, de façon collective ou de façon individuelle pour demander ces choses-là. Cela ne fait qu'ajouter un peu à notre perplexité devant ce problème, parce que, vous le mentionnez vous-même, il y a trois ou quatre cas: la Côte Nord, les mines de Murdochville, l'amiante. On s'aperçoit tout de suite où la logique pourrait nous conduire s'il y avait des tarifs en termes de politique d'Hydro; le coût que cela pourrait représenter pour les consommateurs d'électricité, finalement, parce que c'est un coût qui va se rapporter directement chez les consommateurs d'électricité.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Vimont.

Production et investissements

M. Rodrigue: Je regarde votre tableau derrière vous. Cela me fascine un peu cette part que représente la production de Churchill Falls, là-dedans. Si on partait de la ligne horizontale qui est la production actuelle, la capacité de production actuelle, cela nous amènerait à quel niveau?

M. Bourbeau (Joseph): On achète

environ 31 500 000 000 de kilowattheures par année.

M. Rodrigue: Cela nous baisserait au niveau de 140 à peu près.

M. Bourbeau (Joseph): On est à 165, alors on se trouverait à 125 ou 130, environ.

M. Rodrigue: Alors, là vous n'auriez plus de problème, il n'y aurait plus de surplus? Vous n'auriez plus de problème si les Terre-Neuviens mettaient à exécution leur menace et qu'il n'y avait plus de surplus à ce moment-là?

M. Coulombe: À très très court terme, non.

M. Bourbeau (Joseph): C'est-à-dire qu'on pourrait, pendant quatre ans, subir une coupure de courant. On a assez d'énergie et de puissance.

M. Rodrigue: Justement, cela m'amène à l'explication que donnait M. Dubé, tout à l'heure, concernant la portion de surplus de réserves, on parlait de...

M. Bourbeau (Joseph): 30 000 000 000 de kilowattheures.

M. Rodrigue: ...30 000 000 000 de kilowattheures, qui sont représentés par un surplus de réserves dont on pourrait se passer finalement. Est-ce que je dois comprendre, du fait que vous projetez de réduire cette réserve au cours des prochaines années, que vous vous sentez suffisamment en sécurité, même si, dans le passé, il y a eu quelques menaces de la part des gens de Terre-Neuve, pour pouvoir vous passer de ce surplus de réserves que vous avez actuellement dans les réservoirs?

M. Bourbeau (Joseph): Non, je pense que ce dont on parlait, c'était une réserve normale pour être capable de gérer le réseau. Cela n'a pas de relation directe avec les 30 000 000 000 de kilowattheures qu'on achète de Churchill Falls.

M. Rodrigue: Oui, mais le sens de ma question, c'est que les Terre-Neuviens ont fait des menaces, à certains moments. Cela s'est calmé depuis peut-être un an. On se rappellera des menaces de M. Peckford, qui disait qu'il allait couper le courant si jamais il ne parvenait pas à s'entendre avec le Québec. Tout à l'heure, par ailleurs, je regardais M. Dubé qui expliquait qu'on allait résorber ce surplus de réserves de 30 000 000 000 de kilowattheures. Dans l'hypothèse assez peu plausible, j'en conviens, où les Terre-Neuviens mettraient leurs menaces à exécution, est-ce qu'on ne peut pas penser que ce surplus de réserves pourrait être fort utile pour pallier une baisse importante dans la capacité de production du réseau?

M. Bourbeau (Joseph): Certainement, si tous nos réservoirs sont pleins en 1988, comme l'a dit M. Dubé, à ce moment-là, on pourrait soutirer des réservoirs un 30 000 000 000 de kilowattheures. (22 h 45)

M. Rodrigue: Si je comprends bien, vous ne prenez pas très au sérieux la remarque de M. Peckford de couper le courant parce que, autrement, vous conserveriez cette réserve.

M. Bourbeau (M. Joseph): Évidemment, si M. Peckford avait une centrale et qu'il coupait le courant qui alimente le Québec, il n'aurait pas d'autres clients.

M. Rodrigue: II aurait certains problèmes lui aussi, j'en conviens.

M. Bourbeau (M. Joseph): II aurait certains problèmes, oui.

M. Rodrigue: Je reviens à votre programme d'immobilisations. Lors de votre dernière comparution devant la commission parlmentaire pour les années qui viennent: 1984-1985-1986, vous nous aviez parlé d'investissements ou d'immobilisations de l'ordre de 2 300 000 000 $, 2 400 000 000 $, 2 500 000 000 $ par année. Dans le programme qui nous est présenté ici, on parle plutôt d'investissements de l'ordre de 1 700 000 000 $ en 1984-1985 et 1 600 000 000 $ en 1986. Comment expliquer la différence entre les chiffres qui nous avaient été présentés lors de votre dernière comparution et les chiffres que vous nous présentez aujourd'hui?

M. Coulombe: Lors de la dernière commission parlementaire, les chiffres d'immobilisation qu'on a présentés étaient ceux du plan de 1982. Le mémoire a été fait en février-mars, donc on n'a pas modifié les chiffres du plan 1982. Depuis ce temps, donc depuis bientôt quatorze à quinze mois, il y a deux phénomènes qui se sont produits, que tout le monde connaît; premièrement: la baisse du taux d'inflation et la baisse des taux d'intérêt. Le plan 1982 prévoyait des taux d'intérêt de l'ordre de 15%; en réalité, ils ont été d'environ 11%. On avait prévu l'inflation à un taux plus élevé que les 5% à 6% qu'on va observer. Donc, cela a immédiatement un effet sur l'ensemble des immobilisations par des diminutions assez importantes. À titre d'exemple, si vous regardez, à la page 57, les intérêts impliqués à la construction, on s'aperçoit tout de suite qu'une baisse des taux d'intérêt de 1% représente plusieurs millions. Ce sont les

deux phénomènes. La baisse de l'inflation a eu comme conséquence évidemment que beaucoup de soumissions qui ont été fournies à Hydro lors de la dernière année l'ont été à des prix inférieurs à ceux qui avaient été prévus. Encore là, cela fait baisser les immobilisations.

Quatrièmement, on ne s'en cache pas, il y a eu un effort systématique à Hydro-Québec non seulement dans les dépenses d'exploitation, mais dans les dépenses d'immobilisation, de resserrer et d'aller à l'essentiel.

Par contre, si vous regardez les investissements nets, c'est-à-dire que si on exclut de cela les intérêts qui, en fin de compte, ne sont pas directement créateurs d'emploi...

M. Rodrigue: Page 57.

M. Bourbeau (M. Joseph): ...à la page 57, ces intérêts payés aux banques ne sont pas directement créateurs d'emplois, on les a soustraits des immobilisations nettes ou des investissements bruts pour avoir une notion de l'investissement net. C'est là que vous remarquez que lorsqu'on a dit que, dans le cadre du plan de la relance du gouvernement, on avait augmenté les investissements nets en 1984 par rapport à 1983, vous voyez la différence de 1 650 000 000 $ à 1 742 000 000 $ et, en 1985, 1 713 000 000 $ qui sont aussi supérieurs aux 1 650 000 000 $ de 1983.

M. Rodrigue: Si je comprends bien, les chiffres qui avaient été présentés antérieurement comprenaient les intérêts?

M. Bourbeau (Joseph): Oui, oui.

M. Rodrigue: C'est ce qui expliquerait la différence. En termes de travaux à effectuer, est-ce que c'est sensiblement équivalent à ce que vous aviez annoncé ou s'il y a eu réduction des travaux à exécuter?

M. Bourbeau (Joseph): Ce qui a été augmenté, c'est évidemment l'effort supplémentaire dont on a parlé tantôt dans les programmes de distribution et les programmes de transport. S'ajoute à cela aussi le programme spécial de réfection que vous avez à la page 57 qui est de l'ordre de 240 000 000 $. Donc, cela a été...

M. Rodrigue: C'est les Cèdres... M. Bourbeau (Joseph): Pardon?

M. Rodrigue: C'est la centrale Les Cèdres?

M. Bourbeau (Joseph): Beauharnois-Les Cèdres et deux autres centrales qui vont être remises à neuf parce que ce sont des centrales assez anciennes. Il y a donc une différence dans la structure du plan d'équipement. L'accent sur les équipements de production est moins grand et l'accent sur des équipements de distribution et de transport est plus grand. Cela correspond d'ailleurs au quatrième objectif du plan qu'on vous a présenté, la fiabilité du réseau et le service à la clientèle.

M. Rodrigue: La réfection des centrales, dont celle des Cèdres, est-ce que cela va entraîner une augmentation de la production à ces centrales, de la capacité de ces centrales?

M. Coulombe: Dans le cas des Cèdres, ce sont 30 mégawatts de plus, M. Dubé?

M. Bourbeau (Joseph): Vingt-cinq mégawatts de plus qu'on pourrait soutirer des Cèdres. Évidemment, quand on fait la réfection des turbines et de l'alternateur, à ce moment, on peut dégager, avec de meilleures turbines, un peu plus de puissance.

M. Rodrigue: M. Coulombe, dans votre intervention, cet après-midi, vous avez mentionné que pour des travaux effectués dans la réfection du réseau de distribution et de transport ou dans la construction du réseau de distribution et de transport, il se créerait 7,5 emplois indirects par million investi, je crois, et que dans le cas de la Baie James, il se créait seulement cinq emplois par million de dollars investis.

M. Coulombe: Indirects, oui.

M. Rodrigue: Par ailleurs, les emplois directs générés par ces deux types d'activité, est-ce que cela se compare?

M. Coulombe: M. Grignon a fait quelques calculs sur les deux.

M. Rodrigue: J'aimerais aussi, pour compléter la question, que vous nous disiez quels seront les emplois totaux générés l'an prochain par le programme d'équipement et nous fassiez une comparaison, étant donné qu'il y a une différence ici, 7,5 versus 5 emplois indirects en faveur des travaux effectués dans le transport et la distribution. Pourriez-vous nous indiquer ce que ce sera avec les travaux importants que vous ferez dans le transport et la distribution et ce que cela aurait été? Donc, combien d'emplois supplémentaires seront générés parce que les investissements se font dans le transport et la distribution plutôt que dans l'aménagement hydroélectrique, à la Baie James ou ailleurs?

M. Grignon: En fait, en 1984, si on prenait le budget d'immobilisation que vous

avez devant vous, en termes d'activités économiques en dollars constants, il y aurait à peine le quart dans des équipements de production et trois quarts seraient dans des équipements de transport, de distribution ou de soutien. Compte tenu du fait que les emplois indirects générés dans le secteur manufacturier sont de 7,5 emplois par million de dollars dépensés dans le cas du transport et de la distribution, et de seulement de 5 dans le cas de la production, si on imaginait un programme d'immobilisation de la même ampleur que celui qui est dans le plan en 1984, mais avec une proportion de plutôt 25% dans la production et 75% dans le reste, à l'inverse, ce qui est typiquement ce qu'on a eu dans le programme de construction de la Baie James où on avait 70% en production, effectivement, on aurait, pour un même montant dépensé, entre 1000 et 500 emplois de moins. De sorte que simplement l'effet de structure dans le budget d'immobilisation d'Hydro-Québec en 1984, en mettant l'accent sur les programmes de transport et de distribution, cela crée effectivement de 1000 à 1500 emplois de plus.

M. Rodrigue: Enfin, je vous ai posé la question parce que lorsque M. Laberge est venu ici en commission parlementaire, il s'est inquiété des répercussions sur le niveau de l'emploi qu'entraînait le ralentissement des travaux à la Baie James. Les chiffres que vous m'indiquez finalement démontrent que non seulement il n'y aura pas de réduction du niveau de l'emploi parce qu'on fait un autre type d'immobilisation, mais qu'en réalité il y a un accroissement du niveau de l'emploi du fait qu'on met l'accent davantage sur le transport et la distribution plutôt que sur l'aménagement hydroélectrique.

M. Coulombe: À montant égal.

M. Rodrigue: À montant égal, c'est cela.

M. Coulombe: C'est évident que si on se lance dans de grands travaux de production...

M. Rodrigue: ...de 4 000 000 000 $ ou 5 000 000 000 $.

M. Coulombe: ...il y a beaucoup plus de milliards d'impliqués. Mais, à montant égal, c'est évident que ces chiffres-là sont exacts.

M. Rodrigue: C'est évident. À montant égal, oui.

M. Grignon: Je pense que c'est une particularité du changement dans l'ensemble des activités d'Hydro-Québec. En fait, si on prend Hydro-Québec, il n'y a pas seulement que ses activités de construction qui créent des emplois. Hydro-Québec est une entreprise en croissance et ses activités d'exploitation créent des emplois. Ses activités de vente aussi. Il faut voir que les programmes de vente, qui n'existaient pas il y a à peine 18 mois, vont créer, en 1984, 3000 emplois, parce que, effectivement, plus on va vers la distribution, le transport ou la commercialisation, plus Hydro-Québec a dans ses dépenses des éléments qui amènent des contributions des partenaires. C'est le cas des programmes de vente où, lors d'une conversion, Hydro-Québec y va d'une subvention, par exemple, à la biénergie, ou dans le cas des chaudières. Souvent les gouvernements y vont aussi d'une subvention et les abonnés eux-mêmes.

Quand on regarde les emplois créés par cet ensemble d'investissements de plusieurs partenaires - c'est aussi le cas de l'entente qui a été signée avec la ville de Montréal -et qu'on considère aussi l'impact global, c'est-à-dire les tarifs, par exemple, qui augmentent beaucoup moins vite - les tarifs, c'est aussi un élément qui contribue à augmenter le revenu disponible, à diminuer les coûts de production, donc à relancer l'économie - quand on regarde l'ensemble de toutes les activités d'Hydro-Québec, malgré la diminution dans le programme de construction, en particulier au niveau de la production, il demeure que, dans les trois années qui viennent, Hydro-Québec va susciter une demande de travail qui est sensiblement similaire à ce qu'on a observé dans les trois dernières années, dont certaines étaient des années presque record au niveau de la construction.

M. Coulombe: D'ailleurs, un exemple peut suffire dans cela. À la page 57 du plan, vous avez l'ensemble des immobilisations d'Hydro-Québec.

Prenons un projet comme l'hydrogène. La construction d'usines d'hydrogène est impliquée dans cela pour un montant de 7 000 000 $, à la ligne: placements et avances. C'est un projet de l'ordre d'envion 50 000 000 $, mais 43 000 000 $ ne sont pas dans cette page-là.

Dans le cas de la ville de Montréal, on a parlé d'un montant, cet après-midi, d'environ 500 000 000 $ ou 600 000 000 $. Vous en avez une très faible partie dans cette page, parce que la structure de financement de cet investissement n'est pas directement dans le même cadre que ces investissements-là. Mais ces autres millions de dollars, et même des dizaines et des centaines de millions, générés par ces investissements d'Hydro-Québec, ne sont pas tous considérés ici et eux créent énormément d'emplois. Ce n'est pas dans cette page-là. Comme le disait M. Grignon, plus vous

quittez la production qui, là, est financée à 100% par Hydro-Québec, plus vous allez vers la commercialisation, plus vous allez vers la distribution, plus il y a là des partenaires qui entrent en jeu et qui investissent leur propre argent. Donc, ils créent des emplois qui ne sont pas comptabilisés dans de telles pages, parce que ce n'est pas Hydro-Québec qui paie directement, ce qui est le cas de la production.

M. Rodrigue: La proportion des emplois qui sont générés au Québec avec les programmes actuels, est-ce que cela se compare à la proportion des emplois qui étaient générés il y a trois ou quatre ans quand on avait une plus forte proportion d'investissements dans les équipements hydroélectriques, parce qu'il y a des emplois qui doivent être générés ailleurs, les manufacturiers ne sont pas tous au Québec dans ce domaine et ils ne l'étaient pas tous avant non plus?

M. Coulombe: La majorité des dépenses d'équipement d'Hydro-Québec, c'est dépensé au Québec et la majorité des équipements, on cite souvent le chiffre de 80%, évidemment, il faut s'entendre sur les composantes de tout cela, mais la très vaste majorité des équipements dont se sert HydroQuébec est fabriquée et/ou assemblée au Québec.

Office fédéral d'exportation de l'énergie

M. Rodrigue: J'en viens à une autre question, dans une entrevue ou plutôt un reportage du Devoir du 7 décembre, il est indiqué que M. Coulombe a également mentionné qu'il n'était pas favorable au projet d'un office fédéral d'exportation de l'énergie en raison de la grande complexité des importations en ce domaine. Et d'autres intervenants, semble-t-il, soutenaient la même position. Est-ce que vous pourriez détailler un peu les raisons qui font que vous ne souhaitez pas qu'il y ait création d'un office fédéral d'exportation de l'énergie?

M. Coulombe: La question posée était la suivante: Est-ce que le gouvernement fédéral, actuellement, a mis de l'avant ou semble mettre de l'avant, ou des organismes du gouvernement fédéral une espèce de "pool" des exportations canadiennes d'électricité, soit nucléaire, soit hydroélectrique ou de toute autre forme, qui s'adresserait à un autre "pool" américain qui achèterait?

C'est une idée qui n'est pas nouvelle en ce sens que, lorsque Hydro-Québec fait affaire aux Etats-Unis, Hydro-Québec fait affaire avec un "pool". Quand on parle de NEEPOOL, on pense à 88 compagnies qui se sont mises ensemble pour négocier. Donc, cela existe déjà dans la structure du marché actuel. Notre opinion sur cela, c'est que les relations bilatérales actuelles entre Hydro-Québec et ses clients, malgré ce qu'on peut en dire, vont bien et vont même très bien. Il y a peu de compagnies au Canada, soit dans l'électricité, soit dans d'autres formes d'industries manufacturières, qui peuvent se vanter d'avoir signé pour 6 000 000 000 $ de contrats dans les deux dernières années. Nous sommes optimistes pour 1984, nous sommes confiants d'en signer un d'énergie ferme, comme il a été expliqué plus tôt, ce qui ajouterait encore quelques milliards de dollars de revenus.

Donc, notre opinion est que nos marchés, Hydro-Québec les connaît. Il y a des efforts systématiques pour les pénétrer. Il y a déjà une tradition de communication qui existe. Il y a des contrats qui ont été signés. Il y en a d'autres qui sont sur le point d'être signés et on pense que cela fonctionne très bien en ce qui concerne Hydro-Québec. (23 heures)

J'ai aussi mentionné la très grande complexité de ce genre d'organisation: faire entendre trois ou quatre provinces ensemble, un gouvernement fédéral, un gouvernement fédéral américain, des États, quand on pense qu'au NEEPOOL on fait affaires avec 88 compagnies. D'ailleurs, on avait un tableau du même genre que celui qu'on aurait voulu vous présenter ce soir, mais malheureusement on ne l'a pas terminé parce qu'il était trop compliqué. Juste le tableau des interrelations entre les compagnies américaines et nous, on ne l'aurait pas rentré dans un tableau pareil; il aurait fallu en mettre une quantité, les uns à côté des autres. Alors, on s'est dit qu'au nom de - je n'ose pas dire la simplicité parce que ce n'est pas simple - ce qui existe à l'heure actuelle, on ne voit pas l'intérêt de rendre encore beaucoup plus complexe une opération qui l'est déjà assez. C'est tout simplement ce que j'avais à dire.

M. Rodrigue: Dans les projections que vous avez faites, que vous avez présentées plus tôt, vous avez un scénario à 2,9% d'augmentation au cours des prochaines années. Vous signalez que, pour ce qui est de NEEPOOL, c'est 2,6% et que pour New-York, c'est 1,6%, si je me souviens bien.

Est-ce que cela n'a pas un impact négatif sur les potentiels d'exportation vis-à-vis... parce que...

M. Coulombe: On l'a mentionné tantôt, la demande...

M. Rodrigue: Ah bien! j'étais possiblement absent, j'ai dû m'absenter pour une autre commission parlementaire.

M. Coulombe: ...générale décroît. M. Rodrigue: Oui.

M. Coulombe: Alors, c'est évident que la tarte à partager - pour tous ceux qui s'intéressent à l'énergie - devenant plus petite, les morceaux de tarte vont être plus petits. Maintenant, est-ce que c'est une situation qui va durer cinq ans ou dix ans? M. Fortier faisait allusion tantôt au fait qu'il ne faut pas être trop pessimiste. Est-ce que c'est écrit dans le ciel que cela va rester de même? Je pense qu'il n'y a pas un "prévisionniste" qui pourrait affirmer que cela va être le cas. Mais actuellement, c'est définitif que l'ensemble de la demande énergétique décroît, c'est-à-dire que le rythme de croissance décroît.

M. Rodrigue: II y a toujours le potentiel de remplacement, de toute façon. Merci.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le député de Saint-Laurent.

La vente des surplus d'électricité

M. Leduc (Saint-Laurent): M. Coulombe, on sait qu'actuellement on a de grands excédents, que la solution, ce serait d'exporter. Ce serait surtout d'exporter l'électricité ferme. En tenant pour acquis que le gouvernement actuel entend séparer le Québec du Canada, c'est d'ailleurs dans son programme, ce n'est pas un mystère...

M. Rodrigue: On peut faire séparer les Américains!

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est l'article 1 de son programme. Est-ce que vous ne croyez pas, surtout si on veut vendre l'électricité ferme... Or, je pense que c'est peut-être plus important comme acheteur de négocier des achats de vente ferme que de l'électricité excédentaire. Est-ce que vous ne croyez pas que cela peut être un handicap très sérieux pour négocier des ententes, négocier la vente d'électricité dans ces conditions-là? Surtout, je suis très sceptique quand on parle... Tantôt on a parlé de dépendance; alors, cela ressemble quasiment à indépendance! Alors, on a parlé de dépendance. Les États-Unis ne sont peut-être pas tellement intéressés à négocier avec une province dont on ne sait pas quelles seront les conditions de brisure, dont on ne connaît même pas la monnaie. On ne sait pas quelle sorte de monnaie on aura. Je me demande si cela ne va pas être un handicap très sérieux pour négocier la vente de ces surplus d'électricité.

M. Coulombe: M. le Président...

M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, c'est une question que j'adresse à M. Coulombe.

M. Coulombe: ...vous allez comprendre pourquoi on n'a pas réussi à faire le tableau de tantôt à cause de la complexité du sujet. Si on avait introduit cette variable-là, on en aurait pour longtemps à faire le tableau.

M. Rodrigue: ...une question cousue de fil rouge!

M. Coulombe: Je pense que c'est une question qui s'adresse... Si on introduit le statut politique du Québec dans l'équation des exportations, vraiment c'est un sujet qui s'adresse plus aux gouvernements qu'à HydroQuébec.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...qui s'occupe justement de ces exportations-là. Peut-être qu'il pourrait nous dire ce qu'il en pense.

M. Rodrigue: II en pense sans doute la même chose.

Une voix: Je pense qu'ils ne veulent pas de réponse.

M. Rodrigue: ...qui pendent après votre question.

M. Tremblay: ...nous aussi.

M. Leduc (Saint-Laurent): Non. C'est une question qu'on pense très pertinente. On a de la difficulté à vendre, surtout de l'électricité ferme. Je pense que peut-être c'est plus facile, c'est moins dépendant si on achète de l'électricité excédentaire que de l'électricité ferme. Surtout qu'on oblige... On veut absolument négocier avec deux provinces. Pourquoi l'Ontario alors que, si je comprends bien, l'Ontario ne possède pas les ressources hydrauliques qu'on possède?

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. Lafond? À qui s'adresse la question? M. Lafond.

M. Lafond (Georges): M. le Président, j'aimerais dire que les relations entre le Québec, par le biais d'Hydro-Québec, et les réseaux américains sont excellentes et que les kilowattheures qui sont en demande, d'une part, et offerts, d'autre part, n'ont pas de couleur politique. Alors, que ce soit à gauche ou à droite, ils sont aussi éclairants, aussi réchauffants.

Dans un troisième temps, je dirais que, quoi qu'il arrive à la devise du Québec, les acheteurs paieront toujours en devises américaines. -■

À ce moment-ci, je pense qu'Hydro-Québec est bien placée; elle connaît tous ses marchés, elle n'a pas laissé une pierre non

retournée. Le député d'Outremont faisait allusion au tsar de l'énergie dans sa première question. Celui-ci me rendait visite il y a trois semaines. Il voit la position d'Hydro-Québec comme excellente et il reconnaît qu'il y a un surplus au sud de la frontière, particulièrement dans les États de la Nouvelle-Angleterre et de New York.

En termes de rencontres avec les Américains, évidemment, Hydro-Québec n'en parle pas tout le temps, mais au cours de l'été, nous avons reçu, à la Baie James, les principaux interlocuteurs, tant du marché de New York que du marché de la Nouvelle-Angleterre: les commissaires responsables des différents États, les gens du Parlement, de la Chambre haute ou du Congrès, en particulier tous les maires des municipalités situées le long de la ligne Marcy South aux États-Unis. Je feuilletais rapidement tantôt en me rappelant avec beaucoup de plaisir une liste d'articles de journaux et il y en a 22 qui sont tous positifs, articles qui ont été publiés aux États-Unis. Alors, de façon très discrète, mais je pense extrêmement efficace, Hydro-Québec a très confiance de percer ces marchés, mais encore une fois en respectant l'équilibre des besoins. Quant à l'avenir, nous sommes optimistes et nous avons actuellement comme électriciens, tant sur les plans domestique que de l'exportation, la réputation d'être l'entreprise canadienne qui a le plus de dynamisme.

Ceci dit, M. le Président, je pense que je n'ai pas d'autres commerciaux à faire ce soir et, quant au tableau auquel M. Coulombe faisait allusion avec beaucoup d'à-propos, je pourrais vous donner brièvement une idée de ce que cela peut signifier. Une transaction, par exemple, avec NEEPOOL qui montre que, lorsqu'il y a une construction de ligne - malheureusement, cela n'est pas en couleur, mais il y a six États d'impliqués -cela demande des autorisations après audiences publiques; l'autorisation du département de l'énergie américain, avec beaucoup d'interventions, et cette problématique ne saurait être oubliée. C'est l'autre côté de la clôture dans le cas de NEEPOOL.

Dans le cas du Québec, le tableau est encore passablement plus compliqué et chacun des cercles, carrés, triangles ou rectangles représente une autorité, que ce soit l'Office national de l'énergie, que ce soient les ministères du Québec de l'environnement ou de l'énergie, que ce soit le conseil d'administration d'Hydro-Québec. Alors, toute négociation implique un processus passablement long d'autorisations, de négociations, d'explications et d'audiences publiques. Dans cette optique, c'est une chose que nous connaissons, c'est une chose dont nous nous occupons avec beaucoup d'efforts et de patience, et nous allons livrer un produit.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): ...

M. Leduc (Saint-Laurent): M. Coulombe, vous avez mentionné tantôt que, quand vous investissez, cela a un effet direct sur le coût de l'électricité.

Or, si je comprends bien, vous avez également indiqué que le gouvernement vous avait forcé ou, enfin, vous avait demandé d'augmenter vos investissements de 400 000 000 $, je pense.

Est-ce qu'on peut déduire dès lors qu'il s'agit d'une véritable taxe, qu'on facture une taxe indirecte ou, dirais-je, peut-être directe, aux Québécois?

M. Coulombe: En fait, le gouvernement n'a pas exigé, il nous a tout simplement demandé - et c'était d'ailleurs rendu public -s'il y avait possibilité d'augmenter les investissements pour favoriser la relance. On a examiné en profondeur notre plan d'équipement. Sur les équipements de production, on a eu de longues discussions avec le gouvernement. À partir de ces tableaux, de toutes les discussions et de tous les chiffres, on a dit: ce n'est peut-être pas la voie qu'il faut prendre. Et il y a eu un accord unanime avec le gouvernement là-dessus.

Dans d'autres secteurs, comme la réfection de centrales, c'étaient des programmes prévus qui devaient se faire. La centrale Les Cèdres a combien d'années?

M. Bourbeau (Joseph): 1915.

M. Coulombe: 1915. Elle était due pour une réfection tôt ou tard, et plutôt tôt que tard. Donc, c'étaient des programmes prévus. Mais on s'est dit: Vu qu'on a des surplus, vu que le gouvernement nous demande de participer à la relance en augmentant les investissements, donc l'emploi, voici le genre de projets qu'on peut avancer dans le temps. Car, de toute façon, il va falloir les faire et c'est probablement le meilleur temps possible puisque, comme on a des surplus, au lieu d'arrêter la centrale partie par partie pour pouvoir profiter de la production, on peut avoir une approche qui est mieux organisée, de façon à ne pas perdre de revenus.

Donc, ce sont des investissements - et le devancement de la cinquième ligne c'est la même chose; la cinquième ligne devait se terminer, mais pour accélérer la création d'emplois et le processus économique, on l'a devancée - utiles, nécessaires, qui devaient se faire. Et on les a devancés dans le temps pour ajouter cet input à la relance. C'est exactement le contexte dans lequel cela s'est passé en termes d'investissements.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si on ne vous avait pas demandé la dernière tranche d'investissements - que vous avez évaluée tantôt à 400 000 000 $, je pense...

M. Coulombe: 240 000 000 $ plus 100 000 000 $.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...vous auriez peut-être pu encore diminuer le tarif?

M. Coulombe: Non. Parce que l'impact comme je l'ai expliqué tantôt - des investissements se fait sentir à moyen terme. En d'autres mots, c'est évident que si, au lieu de dépenser 3 000 000 000 $ par année on en dépense 4 000 000 000 $ pendant quatre ans, lorsque ces équipements viennent en exploitation, cela a des impacts précis sur les coûts d'exploitation de l'entreprise. C'est là qu'il faut avoir les revenus nécessaires pour compenser cette augmentation de dépenses. Mais lorsque l'investissement se fait, surtout lorsqu'on parle de 400 000 000 $ - évidemment le premier 100 000 000 $ c'est 1984, mais les 240 000 000 $ cela est sur deux ou trois ans - lorsqu'on parle de ces montants par rapport à des investissements totaux de l'ordre de 5 000 000 000 $ - ce sont 5 000 000 000 $ pour les trois prochaines années - évidemment on ne parle pas de sommes qui ont une influence à très court terme sur les tarifs. Cela n'a pas eu d'impact sur le 3,4%. La preuve est très simple à faire. C'est que dans le plan du mois de septembre, on a proposé 3,4% pour 12 mois et on va avoir 3,4% sur 11 mois, si cela est accepté. Alors, en dépit de cette augmentation on a - en resserrant nos coûts d'exploitation - accepté de relever le défi, de faire notre année avec des revenus de 11 mois plutôt que 12 mois. Et on pense qu'on va passer au travers.

M. Leduc (Saint-Laurent): Quand on regarde la tarification, particulièrement dans le domestique, on voit que par les premières tranches, l'augmentation est élevée, elle est de 5%, je crois, et pour les dernières tranches, elle est nulle. Est-ce qu'à ce moment, ce n'est pas une tarification antisociale, est-ce que vous n'avez pas l'impression qu'on taxe plus les démunis, les petits que...

M. Coulombe: Je pense que c'est une excellente question. Cela a été mentionné au début de la commission. Je pense qu'il faudrait être très clair dans cette espèce de symétrie qu'on semble faire en disant que les petits consommateurs sont plus pénalisés que d'autres. Alors, M. Claude Boivin, qui est vice-président à la commercialisation, peut peut-être donner plus de détails là-dessus.

M. Boivin (Claude): Tout d'abord, il faudrait peut-être revenir à la structure même du tarif domestique et remarquer que la première tranche de 900 kilowattheures par mois du tarif domestique, malgré la hausse de 5,5%, demeure à 15% meilleur marché que la deuxième tranche. C'est-à-dire que la première tranche, qui sert aux besoins fondamentaux, aux tarifs proposés pour 1984, va se vendre 0,0306 $, alors que la tranche de chauffage se vend 0,0362 $ soit 15,5% plus cher.

Deuxièmement, concernant la notion de petits consommateurs, il ne faut pas confondre petits consommateurs et économiquement faibles. Il y a présentement, au Québec, environ 1 000 000, près de 50% du parc de logements qui est chauffé à l'électricité. Il y a une très grande proportion de consommateurs qui chauffent à l'électricité qui sont de gros consommateurs mais qui ne sont pas nécessairement, en fait, des gens qui sont économiquement faibles ou gagnent de petits salaires. (23 h 15)

À titre d'exemple, on peut prendre un bungalow qui serait beaucoup plus grand qu'un bungalow moyen, soit 1500 ou 1800 pieds carrés, et dans lequel il y a un chauffe-eau et un système de chauffage au mazout, ou encore un chauffe-eau et un système de chauffage au gaz. Bien qu'une maison comme celle-là puisse être équipée de tous les appareils électroménagers imaginables, c'est un petit consommateur d'électricité dont la consommation ne dépassera probablement pas 400 ou un gros maximum de 600 kilowattheures par mois. Il y en a énormément dans la même situation.

M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai l'impression, je comprends très bien qu'on taxe un peu plus les démunis, je comprends cela. En ce qui concerne les excédents...

M. Boivin: Si on prend, par exemple, le parc de HLM qui a été construit au Québec au cours des dix ou quinze dernières années, je dirais que ce parc est à 95% chauffé à l'électricité. Donc, ce sont tous de gros consommateurs d'électricité et ils seront moins taxés, en fait, que le petit consommateur d'électricité qui, comme je disais, n'est pas nécessairement un économiquement faible.

En d'autres mots, on ne peut pas établir une relation directe entre le revenu moyen par ménage et la consommation d'électricité. Tous les sondages qu'on fait nous indiquent qu'il n'y a pas de relation entre la consommation d'électricité par famille et le revenu par famille.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ne croyez-vous pas que, où il n'y a pas de chauffage électrique, habituellement, c'est dans les

maisons où vous pouvez peut-être avoir une fournaise dans le centre de certains logements où habitent des gens démunis?

M. Boivin: À titre d'exemple, dans le parc de logements qui demeurent chauffés à une source autre que l'électricité - environ 1 000 000 de logements - on sait qu'il y a encore au moins 375 000 unités dans ce parc qui possèdent un système de chauffage à air chaud au mazout. Il y en a environ 250 000 qui possèdent un système de chauffage au mazout à l'eau chaude. Alors, ce ne sont pas des fournaises centrales de plancher. Il reste un certain nombre de fournaises de plancher, on ne peut pas éviter cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): Quant aux excédents, j'ai lu dans un article - j'ignore si l'information était bonne ou mauvaise - qu'il y aurait l'an prochain 25% d'excédent en électricité et qu'environ 400 000 000 $ d'électricité passerait par-dessus les barrages.

Si on regarde à la page 33, pour 1984 les prévisions en énergie disponible sont de 167 térawattheures. Si on regarde l'excédent net, c'est 25. Cela voudrait donc dire qu'il y aurait un excédent de 15%. Est-ce exact?

M. Coulombe: C'est vrai.

M. Leduc (Saint-Laurent): Donc, ce n'est pas 25%.

M. Coulombe: Non.

M. Leduc (Saint-Laurent): Donc, l'information que vous donniez n'était pas bonne. Est-ce que c'était exact les quelque 420 000 000 $?

M. Coulombe: Bien, cela dépend du prix que vous mettez sur ces 25 térawattheures.

M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, la mention des quelque 420 000 000 $ qui passaient par-dessus le barrage...

M. Coulombe: Si vous multipliez cela année après année, cela peut monter à ces chiffres-là.

M. Leduc (Saint-Laurent): Les excédents réels seraient de 25 térawattheures, ce qui représenterait environ 15% d'excédent. Cela va. Merci.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le ministre, ensuite, M. le député de Beauharnois. M. le ministre.

M. Duhaime: J'aurais seulement une question d'éclaircissement à la suite des explications de M. Boivin quant aux petits consommateurs. Vous avez bien distingué que ce n'était pas nécessairement les économiquement faibles. Vous évaluez le groupe appelé "petits consommateurs", c'est-à-dire dans la première tranche de 900 kilowattheures par mois. Avec la proposition tarifaire pour les abonnés au tarif domestique mais en cents par mois, cela représente combien, en moyenne, d'augmentation dans la catégorie sous la première tranche de 900 kilowattheures.

M. Boivin: Je vous référerais au mémoire tarifaire, au tableau de la page 6, qui donne l'effet du tarif D proposé pour des consommations mensuelles types et vous voyez effectivement que la hausse mensuelle de la facture de l'abonné domestique va varier de 0,55 $ par mois pour l'abonné qui consomme 100 kilowattheures à 1,83 $ comme étant un maximum pour l'abonné qui consomme 900 kilowattheures par mois et plus. Le gel de la dernière tranche fait que la consommation additionnelle ne subit pas de hausse; donc, la hausse maximale de la facture de l'abonné domestique, pour une période d'un mois, sera de 1,83 $ par mois.

M. Duhaime: C'est pour une consommation qui pourrait aller jusqu'à 5000 kilowattheures. Mais si ça s'arrête à...

M. Boivin: C'est exact, même au-delà de 5000 kilowattheures parce que, même si la consommation augmente, à moins que ce soit un abonné domestique qui ait une charge raccordée d'au-delà de 50 kilowatts, sa hausse ne peut pas dépasser 1,83 $ par mois à cause du gel de la dernière tranche.

M. Duhaime: Je ne trouve pas cela si antisocial, si vous voulez avoir mon avis.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Quand on regarde l'énoncé de politique dans "Bâtir le Québec", on voit qu'on veut plutôt importer des emplois qu'exporter de l'électricité. Je pense que, globablement, on est d'accord avec Hydro-Québec là-dessus.

Par ailleurs, pour pouvoir importer des emplois, il faut avoir de bons prix pour ce qui est de la vente de l'électricité afin que les compagnies viennent s'installer au Québec.

Si on regarde la différence des taux qui existaient entre le Québec et l'Ontario, il y a quelques années, j'ai l'impression que les écarts étaient plus larges qu'ils ne le sont maintenant. Est-ce que cela va continuer à se rétrécir ou si vous prévoyez que l'écart va plutôt s'élargir, comme il l'était dans le passé? Je pense que c'est très important, c'est majeur. Les compagnies seront intéressées à venir s'installer au Québec dans la mesure - surtout les grosses

consommatrices d'électricité - où il y aura économie importante à faire; sinon, elles pourront peut-être aller voir ailleurs. Je ne sais si vous avez une réponse là-dessus, M. Coulombe.

M. Coulombe: L'écart - on peut avoir des chiffres précis - d'il y a quelques années, s'est rétréci dans les trois ou quatre dernières années. Maintenant, si on regarde ce qui se passe en 1984, Hydro-Ontario a demandé 9% d'augmentation de tarifs et la décision finale a été de 7,8%, je crois.

Alors, évidemment, l'écart recommence à s'élargir entre l'Ontario et le Québec. On ne connaît pas les stratégies intimes d'Hydro-Ontario mais, de l'extérieur évidemment, sans avoir d'informations confidentielles, on peut, sans, je crois, se tromper beaucoup, affirmer que la tendance à l'élargissement de cet écart va se poursuivre. Si on regarde la situation financière d'Hydro-Ontario et la situation financière d'Hydro-Québec, à moins de catastrophe ou de secret qu'on ignore, on est à peu près persuadés, nous, à Hydro-Québec, que l'écart va s'élargir dans les prochaines années.

M. Bourbeau (Joseph): Je vous ferai remarquer qu'en 1975 ou en 1976, HydroOntario avait augmenté ses tarifs de 33% et c'est là que l'écart était devenu assez grand; évidemment, après cela, elle a eu des augmentations de tarifs qui étaient moindres. On voit ce rétrécissement mais, comme l'a dit M. Coulombe, dans les prochaines années, sans être un devin, il se pourrait fort bien qu'on ait un écart beaucoup plus accentué.

La vente aux entreprises

M. Lavigne: C'est à souhaiter parce que c'est un facteur important. Vous avez, quand vous avez présenté votre mémoire, au tout début, parlé d'une politique éventuelle, au niveau des contrats signés avec les compagnies, qui pourrait, au lieu d'être répétitive tous les ans, tous les deux ans, essayer de projeter dans l'avenir, une période un peu plus longue. Vous avez même parlé de dix ans, je pense. Est-ce quelque chose d'imminent, cela s'en vient-il bientôt, ou si, avant de prendre cette décision, vous prévoyez que cela pourrait être encore très long?

M. Coulombe: C'est une politique qui est en élaboration, à l'heure actuelle, et en discussion avec le gouvernement. On n'a pas eu l'occasion de la présenter encore, parce qu'elle n'est pas tout à fait mise au point. On ne l'a pas encore présentée au conseil d'administration, mais l'idée centrale c'est qu'on se dit qu'un des problèmes des industries, qui nous a été mentionné par les industriels, c'est l'espèce de prévisions qu'ils font quand une industrie regarde les dix prochaines années. Ils se disent: avec les ventes que nous faisons, avec les revenus que nous avons et les dépenses, nous avons un investissement que nous pouvons prévoir, si nous faisons cet investissement, les coûts de l'énergie, dans la mesure où ils sont importants dans ces coûts de production, vont avoir une influence considérable. Quelles sortes de prévisions pouvons-nous faire là-dessus? Et cela, ce sont les industriels eux-mêmes qui nous l'ont mentionné. De là l'idée d'avoir un programme de stabilisation qu'on appellerait, si jamais il voit le jour, programme de stabilisation tarifaire, qui aurait comme caractéristique de faire partager les risques de l'évolution des prix entre Hydro et les compagnies en question. Le risque serait le suivant: au-delà d'un certain plafond, on absorbe le risque, en deçà d'un certain plancher, ils absorbent le risque.

Évidemment, il reste beaucoup de discussions à faire. On veut en discuter avec les industries. On veut continuer les discussions là-dessus. Il faut répondre à des questions comme celles-ci: quel devrait être le seuil d'utilisation d'électricité? Cela n'est pas encore tout à fait clair. La durée de l'ordre de dix ans, est-ce que cela fonctionne? et ainsi de suite. C'est un programme qui serait nouveau et qui aurait comme objectif de permettre aux industries existantes du Québec, et aux nouvelles évidemment, d'avoir une meilleure planification de leurs investissements, une plus grande certitude.

Pourquoi on peut avancer un tel programme ou faire l'hypothèse d'un tel programme? Cela se réfère à l'ensemble de la situation d'Hydro-Québec. L'actionnaire d'Hydro-Québec et Hydro-Québec étant en position de contrôler les coûts de production, en très grande partie, parce que tout est contrôlé au Québec, tant l'exploration que la production, il est évident que les variables qui influencent le prix à long terme sont plus connues, même s'il reste encore une marge d'inconnu. C'est évident qu'on ne connaît pas les taux d'intérêt des dix prochaines années, et ainsi de suite.

Donc il y a des marges d'incertitude, mais, dans le cas de l'hydroélectricité au Québec, cette marge d'incertitude est beaucoup plus réduite que dans d'autres formes d'énergie et c'est ce qui nous permet d'envisager ce genre de programme. Quand va-t-il être accepté? Ou va-t-il être structuré pour être en application? On ne le sait pas encore. Cela va dépendre des discussions qui sont en cours. On espère en arriver à un concept qui puisse satisfaire l'élément de prudence qu'Hydro devra avoir, parce qu'on parle d'une période assez longue, mais aussi satisfaire les besoins des industriels dans leur planification financière.

La centrale de Beauharnois

M. Lavigne: Merci. Vous avez parlé tout à l'heure de la réfection ou de la réparation de la centrale de Beauharnois. Evidemment, étant donné que cela se situe dans mon comté, cela a piqué ma curiosité. Je voudrais savoir si c'est quelque chose qui peut durer longtemps. S'agit-il de travaux d'envergure, de sommes extravagantes que vous allez investir dans la centrale de Beauharnois? Est-ce que la centrale - on sait que c'est l'une des plus vieilles, je pense, au Québec - est usée, endommagée? J'aimerais que quelqu'un puisse me donner quelques détails là-dessus, pour mon intérêt et celui de tous les gens du comté qui vivent un peu autour de cette centrale.

M. Bourbeau (Joseph): Le vice-président à l'ingénierie construction.

M. Hamel (Laurent): En fait, on a mentionné surtout le complexe Beauharnois-Les Cèdres. Alors, à Beauharnois, on pense peut-être équiper le 37ème groupe. On sait qu'il y a un groupe qui n'est pas encore équipé à Beauharnois. Il est possible d'équiper le 37ème groupe. C'est une facette du problème. De l'autre côté, il y a la réparation, la mise à jour de la centrale Les Cèdres. Il est possible qu'on change certains groupes de la centrale Les Cèdres pour des groupes plus modernes qui pourraient générer un peu plus de puissance, avec un design, disons optimisé. (23 h 30)

M. Lavigne: Quand vous parlez du 37ème groupe, cela consiste en quoi?

M. Hamel: Dans la centrale de Beauharnois, actuellement, il y a 36 groupes qui sont équipés. C'est-à-dire que les turbines et les générateurs sont en place. Il y a un 37ème groupe où le puits et les assises en béton sont en place. Par contre, l'unité n'a jamais été équipée. On n'a jamais installé de turbine ou d'alternateur dans le puits. Alors, il y a une possibilité d'équiper le 37ème groupe et de produire de l'énergie électrique.

M. Lavigne: Les travaux peuvent-ils durer longtemps?

M. Hamel: Disons que pour équiper un puits en place, dans la centrale, on peut parler à peu près de 18 mois.

M. Lavigne: Vous augmentez le potentiel de combien en mettant un groupe de plus?

M. Hamel: À Beauharnois, on parle d'environ 25 mégawatts.

M. Lavigne: D'accord. J'ai une dernière question. On a beaucoup parlé depuis le début de la capacité de produire de l'électricité avec l'équipement que nous avons déjà, de la capacité d'en absorber une grande partie et de la capacité d'en vendre aussi à l'étranger. La démonstration a été faite à l'endroit et à l'envers, sous toutes ses coutures, à partir des différentes questions qui vous ont été posées. Ce que l'on doit comprendre, et bien comprendre, c'est que pour le moment, cela ne sert à rien de vouloir s'acharner à construire de nouveaux équipements, parce que nous avons les équipements requis pour satisfaire à la demande et même pleinement à la demande. Je ne sais pas comment on pourrait qualifier la personne qui, en dépit de ces informations, continuerait à prétendre que ce serait une bonne chose pour Hydro-Québec de continuer à fabriquer des équipements.

C'est plutôt un commentaire qu'une question. Je ne sais pas si vous voulez réagir là-dessus, mais qu'est-ce que cela amènerait comme conséquence de passer outre aux recommandations ou aux explications que vous nous avez données et d'y aller à fond de train dans de nouveaux investissements au niveau de l'équipement plutôt que d'y aller au niveau du transport de l'électricité ou tel programme que vous voulez mettre de l'avant?

M. Bourbeau (Joseph): Évidemment, si on s'engageait dans une nouvelle construction, alors c'est la ligne noire qui est à 165 000 000 000 de kilowattheures qui monterait. Cela voudrait dire qu'on aurait beaucoup plus de surplus. Or, on a déjà des surplus. Comme vous voyez, on n'est pas capable de vendre tous les surplus.

Pour nous, ce n'est pas impérieux de nous lancer dans de nouvelles constructions au moment présent.

M. Lavigne: Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le député de Saguenay.

Manic 5

M. Maltais: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à M. Coulombe. Tout à l'heure, vous avez bien spécifié que dans le cadre du plan de relance, vous avez devancé certaines rénovations de centrales. Ce qui par le fait même a fait reculer certaines constructions qui étaient déjà en marche. Particulièrement, le député de Beauharnois se vante de refaire la centrale de Beauharnois, mais cela ferme Manic 5 PA.

Il y a une chose qui me chicote, c'est que vous dites que Manic 5 PA est une centrale de pointe, ce qui est tout à fait

normal, je pense. C'est un équipement supplémentaire, mais ce qui me chichote, c'est que lorsque vous faites la reconstruction des autres centrales, vous agrandissez votre volume chaque fois. Vous avez déjà un surplus. Vous arrêtez des constructions parce que vous avez déjà un surplus, mais dans le programme de relance, en faisant la rénovation des autres centrales, vous agrandissez votre volume quand même. Comment expliquez-vous cet écart?

M. Coulombe: En fait, dans les chiffres, ce sont deux problèmes complètement différents. Lorsqu'on parle de Beauharnois, la puissance totale de Beauharnois, c'est combien?

M. Bourbeau (Joseph): 1530 mégawatts.

M. Coulombe: On l'augmente de 25 mégawatts. Donc, c'est vraiment au niveau de travaux très restreints, très limités. Lorsqu'on répare la centrale Les Cèdres, ce n'est pas un impératif d'augmenter la production, c'est tout simplement que si on ne veut pas qu'elle s'écroule, il faut faire quelque chose. Ce n'était pas urgent en termes de mois, mais on devait le faire d'ici à quelque temps. Donc, on le fait. Cela n'augmente pas nécessairement. Si les équipements sont plus efficaces, on peut peut-être aller chercher des mégawatts de plus dans ces projets.

Le problème de Manic 5 est totalement différent. C'est une énergie de pointe dont on n'a pas besoin avant plusieurs années; on tombe ici dans des investissements qui sont beaucoup plus considérables. De la même façon que je vous ai dit tantôt que, l'année dernière, on avait examiné la possibilité de retarder LG 4 en même temps, on a fait l'étude sur Manic 5. LG 4, on ne l'a pas retardé parce que ce n'était économiquement pas rentable, mais, dans le cas de Manic 5, c'était économiquement rentable de retarder les projets parce que les travaux étaient beaucoup moins avancés.

Il faut penser aussi que, dans le cas de Manic 5, toute activité n'est pas arrêtée. On a fait des ententes avec les fabricants, qui continuent quand même à fabriquer, mais selon un rythme différent. Cela leur permet de mieux étaler leur production. Il y a beaucoup d'équipements qui sont en construction à l'heure actuelle, qui sont en usine, il y a de l'emploi qui est préservé. On a tout fait aussi pour diminuer l'impact de ce genre de décision qui, économiquement, était la meilleure, mais on a tout simplement fait pour étaler les conséquences. La raison pour laquelle Manic 5 a été retardée, c'est qu'on n'en a tout simplement pas besoin et cela aurait ajouté au fardeau financier de l'entreprise d'avoir un équipement qui, pour le moment, ne serait pas utilisé, mais se serait ajouté aux 7 000 000 000 $ d'équipements qui venaient du côté de l'exploitation. Cela aurait fait un fardeau et un coût à payer qui se seraient finalement répercutés sur les tarifs.

M. Maltais: D'accord. Est-ce que vous pouvez me dire approximativement à quel pourcentage de travaux vous êtes rendus à Manic 5? Je ne veux pas rien de...

M. Coulombe: La proportion des travaux de Manic 5?

M. Bourbeau (Joseph): Entre 15% et 20%.

M. Maltais: Le pourcentage des travaux lorsque vous avez arrêté le 15 de...

M. Hamel: Actuellement, à Manic 5, je crois que c'est de l'ordre de 179 000 000 $ à la fin de 1983...

M. Maltais: ...sur 1 122 000 000 $?

M. Hamel: Sur un peu plus de 1 000 000 000 $.

M. Maltais: Voici ma question. Vous avez commencé Manic 5 il y a environ deux ans, si je ne me trompe, n'est-ce pas? Vous avez planifié depuis cinq ans. C'est quand même un investissement de 1 122 000 000 $. J'ai de la difficulté à comprendre que, du jour au lendemain, vous vous soyez rendu compte que vous n'en aviez plus besoin. Vous aviez planifié un investissement de 1 000 000 000 $.

Comment pouvez-vous m'expliquer cela?

M. Coulombe: Devant la baisse brusque de la consommation, des modifications dans les prévisions de la demande...

M. Maltais: Vous comprenez, M. le ministre?

M. Coulombe: On était en face de deux choix, soit de continuer à avoir certains équipements qui n'étaient pas rentables, soit de limiter les dépenses là-dessus, d'où l'étude économique qui a été faite l'an passé et dont la conclusion montrait que c'était plus rentable de retarder ce projet que de le continuer. Sur le type d'analyse qui a été fait - M. Hamel ou M. Dubé pourrait donner plus de détails - on est très clair là-dessus, la conclusion était qu'il était plus rentable pour l'entreprise, et quand on dit cela, c'est dire aussi que c'est immédiatement plus rentable pour les consommateurs d'électricité.

M. Hamel: J'ai peut-être un petit point à ajouter là-dessus. Lorsqu'on s'est engagé

sur Manic 5, au tout début, la mise en service devait se faire en 1986. Le montant total pour le projet était de 767 000 000 $. J'ai lancé un chiffre tout à l'heure, mais j'ai un chiffre un peu plus précis: au 31 décembre 1983, on aura dépensé 230 000 000 $. Lorsqu'on a décidé de retarder la mise en service de 1986 à 1989, le coût, incluant les intérêts, est passé de 768 000 000 $ à 1 156 000 000 $.

M. Maltais: Dernière question, M. le Président. Dans un mémoire remis à la commission de l'énergie, la FTQ disait qu'il en coûterait presque 300 000 000 $ à 350 000 000 $ pour retarder Manic 5 PA, est-ce que c'est vrai?

M. Coulombe: C'est exact.

M. Maltais: C'est vrai. Ce qui fait la différence entre le coût de 700 000 000 $ prévu et les 1 122 000 000 $...

M. Coulombe: C'est cela.

M. Maltais: Est-ce que c'est correct?

M. Coulombe: Les chiffres sont exacts. C'était la base des chiffres pour l'étude de rentabilité. Ce sont ces chiffres-là qui ont servi.

M. Maltais: Alors, le report de trois ans et demi coûte en réalité à Hydro-Québec 350 000 000 $.

M. Coulombe: Là, il faudrait... M. Maltais: Pardon?

M. Coulombe: Là, c'est parce qu'il faudrait expliquer la méthode. Il faudrait peut-être prendre trois minutes pour expliquer la méthode exacte dont on se sert dans ces cas-là.

M. Bourbeau (Joseph): C'est à cause des intérêts chargés durant la construction qui sont chargés au projet lui-même. Mais le fait de différer de trois ou quatre ans fait qu'on ajoute au coût-capital...

M. Coulombe: Oui. Mais la question de base, c'est: En quoi est-ce rentable pour ajouter 300 000 000 $? C'est cela, en fait, la question que vous posez?

M. Maltais: En fait, moi, je refais un petit calcul: 300 000 000 $ sur 700 000 000 $, c'est quand même, grosso modo, de l'ordre de 35%, ce qui veut dire que cela coûtera, une fois réalisé en 1993 ou je ne sais trop quand, 350 000 000 $ de plus. C'est ça?

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. Dubé.

M. Dubé: En fait, le facteur le plus important dans l'accroissement des coûts, c'est de loin l'inflation. Et quand on reporte une mise en service de 1986 à 1992 et 1993, il y a quand même là six ou sept ans d'inflation à 8% qui viennent drôlement influencer le coût global de la centrale. Cependant, à l'inverse, on doit considérer que le coût de l'argent croît à 11% par année. Donc, c'est vraiment la différence entre les deux, les 3%, qui a justifié l'arrêt des travaux.

M. Maltais: D'accord. Maintenant, tout à l'heure, M. Coulombe, vous avez dit que Manic 5 PA était une centrale de pointe. Advenant que vous ayez des besoins plus pressants d'ici à un an, est-ce qu'il est possible que vous le réexaminiez à nouveau et que vous accélériez la construction?

M. Coulombe: Bon. Dans la structure actuelle du plan d'équipement tel que cela vous est présenté aujourd'hui...

M. Maltais: Il est le troisième dans la liste.

M. Coulombe: ...s'il y avait un projet de pointe à faire, c'est le premier qui serait considéré et donc, s'il y a une accélération à ce niveau des besoins d'équipement, ce serait le premier qui serait devancé.

M. Maltais: Merci.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le député de Nicolet.

Une voix: Oui, je suis d'accord avec vous.

Vente aux États-Unis et emploi

M. Beaumier: Oui, M. le Président, toujours dans l'optique d'un marché potentiel aux États-Unis, qui pourrait être, selon différentes évaluations, de quelques milliers de mégawatts. Vous avez déjà expliqué tantôt les contraintes qu'il y avait à ce marché-là; entre autres, il y a la concurrence, bien sûr, des autres réseaux canadiens, il y a des capacités de transport, des interconnexions, il y a des aspects financiers, il y a des contraintes techniques, etc. Et vous avez aussi signalé cette position américaine - je ne dirais pas mentalité, mais position américaine - qui est de ne pas se mettre dans une situation de dépendance énergétique.

Il y a - je voyais cela dans la revue Finance du 5 septembre 1983 - quelqu'un que tout le monde connaît qui signalait qu'il y

aurait certainement moyen, à ce moment-là, d'amener les Américains à financer eux-mêmes la construction de nos centrales et que dans 30 ans, nous les récupérerions. Et c'est là que cela pourrait justifier des développements d'équipement.

Est-ce que si la première hypothèse, qui était que nous ne pouvons tout de même pas vendre en forçant finalement les Américains à acheter ou se mettre dans une situation de surplus qui fait que les coûts auxquels on pourrait vendre notre électricité seraient en bas de nos coûts de production... Est-ce que l'hypothèse de dire, par exemple, aux Américains: Vous financez tout et tout vous avez l'usufruit, comme on pourrait dire, pendant 30 ans, c'est une chose qui pourrait être agréée?

M. Coulombe: II y a une chose qui a été dite et je pense qu'il faut toujours se la rappeler, c'est que ces marchés-là évoluent. Je pense qu'il n'y a personne aujourd'hui qui peut dire que cette hypothèse-là est radicalement fausse ou radicalement bonne. Tout ce que l'on peut dire à l'heure actuelle, c'est que ce n'est pas l'objet de nos discussions avec nos clients américains. Maintenant, à cela, quelqu'un pourra dire: Bien, pourquoi ce n'est pas l'objet de discussion? C'est qu'on sait - et cela a été mentionné par M. Lafond tantôt - que ces deux marchés, New-York et NEEPOOL, n'ont pas besoin de puissance avant 1995. On pense que l'évolution de la mise en marché dans ce secteur... (23 h 45)

Historiquement, elle a procédé par étapes et elle va continuer de procéder par étapes. L'étape à venir étant de commencer l'excédentaire, raffermir cela en termes d'énergie pour passer à la troisième étape qui est celle de vendre de la puissance et de l'énergie. C'est l'hypothèse de base qui a le mérite d'avoir été vérifiée. C'est exactement ce qui est arrivé dans les marchés - M. Bourbeau l'a expliqué tantôt -à partir de 1976, d'interruptibles petits contrats qui se sont élargis. Donc, c'est l'histoire qui est vécue par Hydro-Québec depuis de nombreuses années. C'est exactement cela, c'est la traversée graduelle de ces étapes.

Maintenant, il n'y a rien qui nous dit que dans un changement de conjoncture ou dans un changement de contexte énergétique, dans une crise au Moyen-Orient, dans tout ce que vous voudrez, toutes les hypothèses que vous pouvez imaginer, la situation ne serait pas renversée radicalement. Je pense qu'on va être les derniers à soutenir que toute situation ne peut pas changer. Tout ce qu'on dit, c'est que l'expérience concrète, et c'est une expérience qui a conduit Hydro-Québec depuis plusieurs années à conclure des marchés de l'ordre de 6 000 000 000 $ ou 7 000 000 000 $... Comme on vous le dit, on espère que la deuxième étape dans le cas de NEEPOOL, qui est l'énergie ferme, va être traversée en 1984. Elle devra tôt ou tard être suivie par une troisième étape qui est la vente de puissance. C'est ce qu'on vit, c'est ce qui a été vécu, c'est ce qui a donné des résultats, c'est ce qui donne des revenus. Évidemment, devant la complexité de l'affaire, on a souvent tendance à dire: Pourquoi cela ne va-t-il pas plus vite et, quand on vend pour 6 000 000 000 $, pourquoi n'en vend-on pas pour 12 000 000 000 $? On en serait les premiers heureux, mais la réalité concrète, au moins, vérifie que ces hypothèses sont plus que des hypothèses, c'est la réalité concrète.

Après avoir dit cela, je ne dis pas que l'idée de vouer des centrales ou de faire ce genre de chose est radicalement impensable ou impossible. Certaines circonstances peuvent se produire où cela deviendrait possible, mais ce n'est pas l'état actuel de nos négociations.

M. Beaumier: Dans l'optique où il y aurait déblocage dans cette voie, vraiment un bon déblocage pour les raisons que vous imaginiez, que j'imagine ou que n'importe qui imagine, est-ce qu'il est dans la réflexion d'Hydro-Québec de voir quel impact cela pourrait avoir en ce qui concerne l'exportation d'emplois par rapport au fait de garder cet attrait ou cet avantage comparatif à l'intérieur du Québec? Autrement dit, en termes d'emplois, est-ce qu'on pourrait dire que, si cela débloquait... Est-ce qu'il y aura quand même un frein à ceci pour ne pas faire en sorte que les emplois temporaires créés par la construction soient les nôtres et que les emplois engendrés par la production - parce qu'ils auraient accès à de l'électricité, à un coût d'énergie assez convenable - soient le lot de nos voisins?

M. Coulombe: Je pense que tout le monde doit admettre que, s'il n'y a pas un équilibre là-dedans, on va être coincés d'un bord ou de l'autre. En d'autres mots, si tous les efforts ne sont pas faits pour que l'électricité - comme avantage comparatif, avec ce que cela implique pour le Québec -soit utilisée au maximum, cela serait une erreur. L'exportation massive, sans considérer cela, serait une autre erreur. Donc, le juste milieu - qui est souvent moins spectaculaire mais plus difficile à expliquer - est justement dans l'équilibre de ces deux marchés. C'est évident que la priorité devrait être de se servir au maximum de l'avantage comparatif qu'a le Québec en termes d'électricité. Comme je l'ai dit au début, c'est la seule forme d'énergie où l'exploration, la production, le transport, la

distribution sont intégralement au Québec. 80% des dépenses qui sont impliquées dans l'hydroélectricité sont faites au Québec et profitent à des Québécois, et Dieu sait si le Québec n'a pas une liste de 50 pages d'avantages comparatifs en termes économiques! Cela en est un majeur; donc, il faut l'exploiter à fond. Mais une façon de l'exploiter à fond, c'est de baisser nos tarifs, et une façon de baisser nos tarifs, c'est d'avoir des revenus supplémentaires, et une façon d'avoir des revenus supplémentaires, c'est de vendre à bon prix notre produit sur des marchés externes. C'est là que se tient l'équilibre. Mais la priorité 1a, l'autre étant 1b, si on veut absolument faire des distinctions entre deux grandes priorités, on pense encore que de maximiser les avantages comparatifs de l'électricité pour le Québec peut avoir énormément d'impact au point de vue du développement économique du Québec. Les revenus engendrés par de bons prix d'exportation peuvent avoir une influence énorme sur cet avantage comparatif en permettant l'augmentation des revenus et la diminution de nos tarifs parce que, par définition, si on a de bons prix, on va vendre plus cher que ce que nos industries vont avoir. Dans ce sens, cet avantage n'est pas contradictoire avec des prix excellents au Québec, au contraire.

M. Beaumier: Merci bien.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je m'excuse, M. le député d'Outremont.

Le projet Archipel

M. Fortier: Merci, M. le Président. J'aurais quelques questions sur le programme d'équipement et demain matin nous continuerons puisqu'il est déjà minuit moins dix.

La politique que vous avez suivie a été de suspendre certains projets - on vient de faire allusion à Manic 5 - et, dans certains cas, d'avancer certains travaux de rénovation. Mais il y a des études qui se continuent et, franchement, il y en a quelques-unes qui sont difficiles à expliquer.

L'an dernier, en commission parlementaire, vous avez entre autres fait état qu'Hydro-Québec n'avait pas évalué à un très haut niveau de priorité les études sur le projet Archipel. Vous nous aviez dit que les études se termineraient à l'automne et ensuite on a appris par les journaux que les études se continueraient jusqu'au printemps. Tout le monde sait que le coût du kilowatt pour l'aménagement des rapides de Lachine serait très élevé. J'ai donc des questions à ce sujet.

Est-ce que les études hydroélectriques, c'est-à-dire celles qui sont assumées et payées par Hydro-Québec, se continuent toujours?

Combien d'argent a été avancé dans ces études à ce jour?

Et, si elles se continuent dans un climat d'austérité, comment expliquer ce genre d'études si réellement c'est votre politique d'appliquer un programme d'austérité?

M. Coulombe: Sur la question du projet Archipel, nous allons remettre notre rapport au conseil d'administration le 18 janvier et au gouvernement dans la première semaine de février.

Quant aux coûts déjà impliqués dans le projet Archipel, ils sont de...

M. Hamel: À la fin de 1983, une somme de 14 000 00 $.

M. Coulombe: Cette somme a été investie dans ces études. Selon le rapport global qui sortira, qui sera remis au gouvernement et qui sera intégré dans un rapport encore plus global, là il y aura une décision à prendre à savoir si l'on arrête ou si l'on continue. Si l'on arrête, ce sera des radiations et, si l'on continue, on verra comment cela se présente.

M. Fortier: Mais le ministre nous a déjà dit à l'Assemblée nationale que les coûts de l'aménagement possible d'Archipel étaient plus élevés que La Grande, LG 1. Dans cette optique, vu d'Hydro-Québec à l'intérieur d'un programme d'austérité, comment pouvez-vous, en tant que dirigeants d'Hydro-Québec, recommander à votre conseil d'administration même une possibilité de continuer de telles études?

M. Coulombe: C'est-à-dire qu'à l'époque où ces études se poursuivaient c'était exact. Il y avait des problèmes d'études de base qu'il fallait régler car il faut bien penser que le problème d'Archipel, d'après ce qu'on m'a dit, était étudié depuis...

M. Bourbeau (Joseph): ...1954.

M. Coulombe: ...1954 à Hydro-Québec. Donc, ce n'est pas un problème totalement nouveau pour Hydro-Québec. On s'était toujours buté au problème des glaces, et là on a été, on le pense - je n'ose pas employer les mots "au fond" - avec une campagne d'études très précises, au coeur du problème. On est plus en mesure que jamais de répondre aux questions de base qui se posaient sur les glaces.

Deuxièmement, il y a eu un effort systématique d'Hydro-Québec, et notre position sur cela par rapport à l'austérité est très simple. Voici un programme qui est commencé depuis très longtemps mais qui

s'est accéléré depuis quatre à cinq ans. Le gouvernement nous avait signifié qu'il était intéressé à regarder l'ensemble des problèmes hydrauliques ou des problèmes de contrôle des eaux de la région Archipel, Je pense que c'était valable qu'Hydro-Québec fasse l'effort que d'autres ministères ou organismes ont fait pour aller au fond du problème. Il s'agissait là d'un plan d'envergure. Négliger l'hydroélectricité dans un tel programme aurait été de la négligence pure de la part d'Hydro-Québec. On ne pouvait pas dire: Bon, sous prétexte qu'on a des surplus pour le moment, on n'étudie pas ce problème. Donc, pour la nécessité de l'étudier, je pense qu'il n'y a pas de problème.

Maintenant, à un certain moment, il va falloir se demander jusqu'où cela va? C'est-à-dire quand est-ce que les coûts vont arrêter et quel genre de problématique va se dégager? Nous, on n'est pas au courant des autres dimensions, on n'est pas partenaire privilégié dans les autres parties du dossier qui regardent le tourisme, les municipalités, etc. Quand ces interlocuteurs auront fait le tour, si on remet notre rapport au mois de février - d'ailleurs, on devait le remettre au mois de décembre; c'est nous qui avons demandé un mois et demi de plus pour le raffiner - on espère que le gouvernement va faire le tour du problème et avoir une solution à ce projet. Il s'agissait d'un projet d'ensemble; Hydro-Québec devait y participer, c'était évidemment parce qu'il y a une possibilité réelle... Si Hydro-Québec l'étudie depuis 1954, il doit y avoir une possibilité de faire de l'électricité dans le coin. Donc, c'était normal d'étudier cette dimension, mais ce serait peut-être anormal de poursuivre cela pendant des années. En d'autres mots, il va falloir que quelque chose se passe autour de cela dans peu de temps; il va falloir arrêter les coûts et ce, non seulement au nom de l'austérité mais du bon sens.

M. Fortier: Lorsque vous évoquez le problème des glaces... indépendamment de ce problème, les coûts rapportés étaient bien plus élevés que les coûts de d'autres centrales.

Il y a eu des secteurs où vous avez eu le coeur encore moins tendre. Énormément d'ingénieurs d'Hydro-Québec nous appellent pour nous dire: vous avez mis la hache dans les équipes nucléaires, vous avez mis la hache dans les études de ci, de ça. J'ai de la difficulté à comprendre moi-même comment vous avez le coeur si tendre, alors que dans d'autres secteurs vous y avez été à coups de hache. Je conçois que les coups de hache que vous avez donnés étaient pour réduire les coûts de fonctionnement et ça se conçoit. Mais dans un domaine où, de toute évidence, Hydro-Québec n'a pas de besoins urgents, où, elle-même est arrivée à des conclusions que c'était un projet non rentable, il y a quelque temps, j'ai de la misère à comprendre que vous pouvez même évoquer la possibilité de continuer de telles études.

M. Coulombe: Le projet a évolué. Je ne peux pas dire à quelle conclusion Hydro-Québec va arriver. Mais le projet a définitivement évolué à l'intérieur d'Hydro et s'est raffiné. On ne sait vraiment pas comment on aurait pu justifier, dans l'état actuel de la connaissance du dossier, d'arrêter il y a six mois ou un an cet effort. Maintenant on admet que l'effort qui est fait actuellement devra avoir un point de chute à un moment donné. Espérons que dans l'année 1984, il y aura des éléments...

Comme cela s'intègre dans un projet qui est beaucoup plus vaste que ce qu'Hydro-Québec contrôle, c'est évident qu'il faut écouter ce que les partenaires ou le gouvernement va dire dans ce genre de projet d'ensemble. Cela, on ne le sait pas. C'était la contribution d'Hydro à une dimension qui regarde Hydro-Québec, c'est-à-dire la génération d'électricité dans un projet d'ensemble que le gouvernement mettait sur la table, et on a pensé que c'était une contribution qui devait être faite parce que, si elle n'était pas faite par Hydro, elle n'aurait pu être faite par d'autres. C'est un élément important du dossier Archipel.

M. Fortier: J'essaie de choisir des sujets qu'on peut évoquer en deux minutes. Il n'y en a pas beaucoup. Enfin, chacun des sujets prendrait beaucoup plus de temps.

Je ne vois pas dans votre liste "programme d'investissements" une possibilité de construire un siège social. Il y en a qui m'ont dit que vous regardiez cela de nouveau. Est-ce que le siège social est revenu à l'horizon, est-ce que c'est une possibilité d'investissement dans l'avenir prévisible pour Hydro-Québec?

M. Bourbeau (Joseph): Pas pour le moment.

M. Fortier: Est-ce que des études sont en cours?

M. Bourbeau (Joseph): II n'y a pas d'étude en cours, que je sache.

M. Fortier: M. Coulombe.

M. Coulombe: II n'y a pas d'étude spécifique sur ce sujet-là. Mais, comme on l'a dit tantôt, il y a beaucoup d'industries qui demandaient des rabais d'électricité. C'est évident qu'il y a beaucoup de promoteurs qui seraient intéressés à ce que l'Hydro fasse quelque chose, mais il n'y a pas d'étude spécifique sur ce sujet.

M. Fortier; Je vous remercie.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Merci. Alors la commission élue permanente de l'Énergie et des ressources ajourne ses travaux sine die.

Une voix: Cela prend un ordre de la Chambre.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Je sais que cela prend un ordre de la Chambre. À dix heures, il y a une période de questions. Cela veut dire que vers onze heures et quart demain, on devrait se réunir ici.

M. Fortier: Très bien.

(Fin de la séance à minuit)

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