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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Beauséjour): À l'ordre!
La commission de l'économie et du travail est réunie ce
matin pour procéder à l'interpellation du député
d'Outremont au ministre de l'Énergie et des Ressources sur le sujet
suivant: les politiques du gouvernement dans le dossier de l'amiante. Je
demanderais au secrétaire de la commission de nous informer s'il y a des
remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Les
remplacements pour cette séance sont les suivants: M. Beaumier (Nicolet)
remplace M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Vallières (Richmond) remplace M.
Bourbeau (Laporte) et M. Brouillet (Chauveau) remplace M. Lavigne
(Beauharnois).
Le Président (M. Beauséjour): Je voudrais rappeler
aux membres de la commission...
M. Grégoire: M. le Président.
Le Président (M. Beauséjour): Oui, M. le
député de Frontenac.
M. Grégoire: En tant que député
indépendant, je voudrais me prévaloir de ce que me permet le
règlement et demander de pouvoir parler à cette commission. Je
sais que d'après l'ordre établi l'Opposition m'a consenti cinq
minutes sur son temps de parole, ce qui est normal. Après
délibéré avec mon ancien collègue, le ministre de
l'Énergie et des Ressources, je lui ai demandé de m'allouer
également une des périodes de cinq minutes dont il dispose, parce
que je crois que cela prend au moins dix minutes pour parler de la politique de
l'amiante. Je crois que j'ai son consentement pour prendre une des
périodes de cinq minutes du parti au pouvoir, ce qui me ferait deux fois
cinq minutes à deux moments différents.
Le Président (M. Beauséjour): M. le
député de Frontenac, pour ce qui est des cinq minutes comprises
dans le temps de l'Opposition, c'est conforme au règlement, mais pour ce
qui est des cinq minutes du temps du gouvernement, cela prendrait l'accord de
tous les membres de cette commission.
M. le député d'Outremont.
M. Fortier: Oui, M. le Président, sur la question de
règlement. Comme vous l'avez bien indiqué, le règlement
prévoit que lorsqu'un député indépendant
désire siéger, il a le droit de le faire et, à ce
moment-là, une des périodes de cinq minutes qui étaient
réservées à l'Opposition lui est attribuée. En ce
qui concerne la demande qui est faite par le député de Frontenac
d'intervenir, pour notre part, si le ministre ou le côté
ministériel reconnaissent le député de Frontenac, qui est
membre du Parti québécois, comme un des leurs, nous n'avons
aucune objection.
Le Président (M. Beauséjour): M. le ministre.
M. Duhaime: Il n'y a pas de problème avec cela.
Le Président (M. Beauséjour): Vous reconnaissez le
député de Frontenac comme un des membres de votre groupe?
M. Grégoire: Soit dans le fait de ma demande...
Une voix: Il l'a dit.
M. Grégoire: Pas de problème? D'accord.
M. Duhaime: Cela va.
Le Président (M. Beauséjour): M. le
député de Frontenac...
M. Fortier: Si je comprends bien, M. le Président, il y a
consentement de la part du ministre.
M. Duhaime: M. le Président, ce n'est pas ce que je
dis.
Le Président (M. Beauséjour): 11 y a un
consentement de la part du ministre...
M. Duhaime: Le député de Frontenac veut avoir cinq
minutes additionnelles. Tout ce que je dis, c'est que je n'ai aucune
espèce d'objection à lui accorder ces cinq minutes. Point,
à la ligne.
Le Président (M. Beauséjour): D'accord.
Comme il y a consentement des deux côtés, le
député de Frontenac pourra avoir cinq minutes
supplémentaires.
Je voudrais, avant que nous procédions à l'interpellation,
vous rappeler les règles de procédure. Le député
qui a donné l'avis d'interpellation intervient le premier pendant dix
minutes. Le ministre interpellé intervient ensuite pendant dix minutes.
Ensuite, il y a alternance dans les interventions. Cette décision
émane d'une entente convenue lors d'une réunion des leaders des
groupes parlementaires, c'est-à-dire que ce sera un député
du groupe ou des groupes de l'Opposition pour une période de cinq
minutes. Ensuite, le ministre pour cinq minutes. Un député du
groupe formant le gouvernement pour cinq minutes. Un député du
groupe de l'Opposition, le ministre, et ainsi de suite.
Je vous rappelle que chaque intervenant a un temps de parole de cinq
minutes. Si un intervenant utilise moins de cinq minutes, le temps non
utilisé est perdu et on passe à un député d'un
autre groupe parlementaire.
À la fin de la séance, nous devons conserver un temps de
vingt minutes. J'accorderai alors un dernier temps de parole de dix minutes au
ministre et ensuite, l'interpellant a un droit de parole de dix minutes. Cela
va. Je donne maintenant la parole au député d'Outremont.
Exposé du sujet M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: Merci, M. le Président. Le dossier de
l'amiante en est un qui nous tient à coeur. Nous l'avons prouvé
d'ailleurs à plusieurs reprises dans le passé. Mes
collègues et moi sommes allés très souvent dans la
région de l'amiante pour y rencontrer la population.
À la suite de ces visites, nous avons interrogé les
ministres en Chambre et nous avons aussi organisé des débats pour
rappeler au gouvernement ses promesses et ses responsabilités. Hier
soir, c'était au tour de notre chef, M. Robert Bourassa, de visiter la
région d'Asbestos. Aujourd'hui, mon collègue de Chapleau, M. John
Kehoe, ainsi que M. Yvon Vallières du comté de Richmond, se sont
joints à moi pour interpeller le ministre de l'Énergie et des
Ressources, sur le dossier de l'amiante.
Les gens de la région de l'amiante tombent de haut. À la
veille de la dernière élection, on leur promettait des milliers
d'emplois. Le premier ministre lui-même leur promettait le paradis sur
terre. Aujourd'hui, ces gens, ces familles, ces chômeurs sont inquiets.
Même ceux qui ont un emploi, très souvent à temps partiel,
sont inquiets parce qu'on leur parle de fusion et de mises à pied.
D'ailleurs, le gouvernement ne fait rien pour soulager ces inquiétudes.
On laisse courir toutes sortes de rumeurs.
Dans ce dossier, le gouvernement agit de la même façon que
dans celui du fer sur la Côte-Nord. Vous vous souviendrez, en effet, que
les ministres Parizeau et Biron ont fait des déclarations fracassantes
sur la fermeture probable de Gagnon, puis se sont tus prétextant que
leur silence était requis pour le succès des négociations.
Donc, pendant de longs mois, on a laissé la population de Gagnon dans le
désarroi le plus complet.
Dans le dossier de l'amiante, nous ne voulons pas que les populations de
Thetford et d'Asbestos restent dans l'ignorance. Nous voulons, au contraire,
qu'elles soient renseignées et nous ne permettrons pas que le
gouvernement du Parti québécois et ses ministres bernent des gens
à qui ils avaient promis mer et monde.
Il y a quelques mois déjà, les représentants
syndicaux nous ont fait connaître le plan du ministre de fusionner Bell
Asbestos et la Société Asbestos Ltée, deux
sociétés d'État. Plus récemment, le
président par intérim de la Société nationale de
l'amiante a déclaré que cette fusion était tout à
fait nécessaire. Le ministre peut-il nous dire combien d'emplois seront
perdus par cette fusion et combien cette transaction coûtera aux
contribuables? Selon plusieurs observateurs, il serait impossible d'assurer la
fusion des deux sociétés d'État sans faire une offre
d'achat aux actionnaires minoritaires de la Société Asbestos.
Est-il possible, M. le ministre, d'offrir à ces actionnaires
minoritaires moins que le prix qui sera payé par le gouvernement du
Québec à la société américaine General
Dynamics, sans encourir des poursuites judiciaires longues et coûteuses?
De plus, M. le ministre peut-il nous confirmer que la fusion de ces deux
sociétés obligera le gouvernement, ou son mandataire, la
Société nationale de l'amiante, à exercer dès
maintenant son droit d'achat des actions appartenant à General Dynamics
des États-Unis? Compte tenu des investissements de 60 000 000 $ à
effectuer prochainement, tel que l'a annoncé M. Marcel Dorais, le
président de la Société Asbestos, et prenant en
considération la nécessité d'augmenter le fonds de
roulement de la compagnie, le ministre peut-il nous confirmer que la fusion de
ces deux sociétés pourrait coûter au Trésor public
quelque 300 000 000 $? Le ministre réalise-t-il que le coût
d'achat par action, qui était de 42 $ en 1981, sera de 65,55 $ le 31
décembre prochain? Réalise-t-il aussi que la valeur aux livres de
la compagnie est en baisse continue, alors que la valeur par action que le
gouvernement du Québec s'est engagé à payer est en hausse
de 16% par année, sans compter qu'il doit payer en plus 16% par
année sur le montant
de 16 000 000 $ qu'il a emprunté de General Dynamics Canada en
1982? Le ministre sait-il que les taux bancaires sont à la baisse
présentement et qu'il paie un taux d'intérêt usurier sur ce
montant de 16 000 000 $?
Somme toute, M. le ministre, vous vous êtes purement et simplement
fait avoir. Admettez-le donc. Vous avez été des enfants
d'école en négociant cette entente avec General Dynamics. Alors
que vous saviez, au moment de faire la transaction, que la situation de
l'amiante serait difficile dans les années à venir, vous n'avez
même pas pensé à ajouter une clause au contrat qui vous
aurait permis d'ajuster le prix d'achat des actions de la compagnie en fonction
des pertes encourues.
Réalisez-vous, M. le ministre, que, plus la Société
Asbestos fait des pertes et des déficits, plus cher vous devrez payer
les actions de la compagnie? C'est d'un ridicule consommé. Vous avez
prouvé par cette transaction que non seulement vous n'aviez pas de flair
en affaires, mais que vous étiez également de mauvais
administrateurs et, encore pire, de mauvais gestionnaires. Pourtant, vous, M.
le ministre, saviez que la conjoncture serait difficile puisque, le 2 octobre
1981, avant même que la décision du cabinet soit prise, vous avez
évoqué cette mauvaise situation. Je cite la Presse du 2 octobre:
"Le ministre de l'Énergie, Yves Duhaime, a déclaré hier
à l'Assemblée nationale que les marchés de l'amiante ne se
redresseront pas avant deux ans, peut-être davantage". Sans oublier aussi
que la veille, le 1er octobre, la Presse titrait: "Amiante, rien de pire depuis
20 ans." Pourquoi n'avez-vous pas écouté votre collègue de
Lotbinière, M. Biron, le présent ministre de l'Industrie et du
Commerce qui, dès 1977, disait: "Le gouvernement provincial commet une
erreur monumentale dans le choix des moyens qu'il entend prendre pour
transformer une plus grande quantité d'amiante au Québec". Une
erreur monumentale, oui. Une erreur qui nous coûtera peut-être 200
000 000 $, 300 000 000 $ avec comme prime une réduction brutale des
emplois depuis que le gouvernement en est devenu le propriétaire.
En passant, M. le ministre, saviez-vous que le dernier rapport de la
SNA, de 1983 à 1984, ne reflète pas la vraie situation
financière de cette compagnie. En effet, saviez-vous que lorsque vous
commanderez à la Société nationale de l'amiante d'exercer
son option d'achat, au même moment, vous devrez prendre dans les livres
de la SNA une perte de 24 000 000 $ puisque aucune provision n'.a
été prévue en fonction de cette éventualité.
M. le ministre, pourquoi vouloir cacher la vérité aux
actionnaires de la compagnie que sont les contribuables du Québec?
Un autre aspect du dossier de l'amiante qui demeure très
important, c'est celui de la défense et de la promotion de l'amiante.
Tout le monde sait que l'amiante est en butte à des attaques sournoises
et répétées de plusieurs mouvements d'activistes et de
plusieurs parlementaires tant aux États-Unis que dans la
communauté européenne. D'ailleurs, à ce sujet, j'ai
inscrit au feuilleton de la Chambre, en mars dernier, quelques questions qui
sont restées sans réponse après déjà sept
mois.
Est-ce là, je vous le demande, M. le ministre, la mesure de votre
intérêt pour ce dossier? Que faites-vous pour assurer la
défense et la promotion de l'amiante? Comment la
télévision peut-elle montrer, sans riposte, des scènes
ridicules où on fait voir l'amiante comme s'il s'agissait d'un produit
né de la dernière apocalypse nucléaire? Pourquoi ne
suscitez-vous des ripostes organisées lorsque de telles scènes
apparaissent à la télévision et dans les journaux?
Pourquoi ne prenez-vous pas la défense de l'amiante et ainsi des
travailleurs de la région de l'amiante? Pourquoi n'êtes-vous pas
aussi agressif à défendre l'amiante que vous l'êtes
à promouvoir la souveraineté du Québec? Pourtant, vous et
votre ministère connaissez la situation ou vous auriez dû la
connaître depuis 1976.
L'étude sur l'industrie de l'amiante réalisée par
la CSN en mai 1983 est très explicite à ce sujet. En effet,
dès 1976-1977, rapporte-t-on, une commission d'enquête au
Royaume-Uni a permis à un nombre d'intervenants sociaux de
témoigner de leur inquiétude à l'égard des dangers
de l'amiante. C'était déjà en 1976. En 1979, l'EPA,
c'est-à-dire l'Environmental Protection Agency des États-Unis,
émet à son tour une opinion recommandant le bannissement de tous
les usages commerciaux et industriels de l'amiante. Dans la même veine,
le Consumer Product Safety Commission, le CPSC, soutient une proposition
énonçant la possibilité de bannir tous les usages de
l'amiante dans les produits destinés aux consommateurs.
M. le ministre, ce n'est pas d'hier que votre gouvernement et votre
ministère sont impliqués dans le dossier de l'amiante. Il est
vrai que votre gouvernement, le premier ministre en tête, était
tellement engagé dès 1977 dans la nationalisation de l'industrie
minière de l'amiante à des fins électorales que vous avez
oublié d'étudier votre dossier et de mettre en oeuvre des
stratégies pour contrecarrer la conjoncture qui se développait
alors aux États-Unis et en Europe.
Après huit ans de pouvoir, qu'avez-vous fait? Bien sûr, le
ministre me dira qu'il s'est enfin entendu avec le fédéral pour
créer l'Institut de l'amiante qui devrait agir pour contrecarrer la
mauvaise publicité. Mais, au fait, que fait cet institut? Nous n'en
entendons pas parler très souvent.
M. le Président, avez-vous déjà entendu parler de
l'Institut de l'amiante? Qu'attend le ministre pour exercer son leadership et
proposer un programme d'action?
M. le ministre, le dossier est accablant. Ce dossier est-il prioritaire
pour vous? S'il l'est, que faites-vous?
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
député d'Outremont. La parole est maintenant au ministre de
l'Énergie et des Ressources.
Réponse du ministre M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, d'abord, je voudrais
féliciter les recherchistes du Parti libéral pour avoir
préparé un beau texte que vient de nous lire le
député d'Outremont. Pour commencer la journée de vendredi,
je vous avoue que c'est pesant.
J'ai ici la transcription des débats de l'Assemblée
nationale, à l'époque où mon collègue, M.
Bérubé, était ministre de l'Énergie et des
Ressources. Tout le monde va se rappeler qu'à la suite de nos
engagements politiques, nous avons décidé de proposer une loi
à l'Assemblée nationale pour créer la
Société nationale de l'amiante et lui donner un pouvoir
d'expropriation. Quant au député d'Outremont, on ne l'accusera
pas trop fort, il n'était pas à l'Assemblée nationale
à ce moment-là, mais il y en avait d'autres de sa formation
politique qui étaient ici. Ils ont fait un "filibuste" infernal qui a
duré ici quatre, cinq ou même six mois.
La position du Parti libéral? Après avoir
écouté la très savante lecture qui vient de nous
être faite ce matin, on n'est pas plus avancés. On ne sait pas ce
que le Parti libéral propose à part critiquer. Il y a une chose
que je vais reconnaître, c'est que ce débat sur l'amiante qui a eu
lieu en 1978-1979, le seul reproche qu'on peut lui faire c'est d'être
venu de façon très tardive et d'être venu en Chambre ici,
à l'Assemblée nationale, au moins 30 ans en retard.
Vu que le Parti libéral a une longue tradition de
continuité dans ses chefs, je dirai au député d'Outremont
qu'il devrait peut-être lire les savants discours de l'honorable
Louis-Alexandre Taschereau, qui a été premier ministre du
Québec et qui, à son époque, disait que le gouvernement du
Québec devrait s'occuper d'une de ses richesses naturelles importantes
qui est la fibre d'amiante. Il n'y a pas eu grand-chose de fait depuis ce
temps. Il est bien évident que les efforts de recherche, de
développement, l'implication en aval, l'implication dans les mines que
nous avons faits en arrivant au gouvernement tout de suite après 1976,
c'est très tardif. Je dirais que c'est même 50 ans en retard.
Louis-Alexandre Taschereau a été premier ministre de
février 1923 jusqu'à avril 1927 - tiens, regardez donc cela, 51
mois, il a dépassé ses 48. Mai 1927 jusqu'en juin 1931.
Août 1931 jusqu'en octobre 1935 et novembre 1935 jusqu'en juin 1936.
Quatre mandats, les libéraux n'ont jamais touché à cela.
Duplessis n'a jamais parlé de l'amiante, Lesage non plus, Bourassa non
plus. Les libéraux, en 1977 et 1978, tout ce qu'ils ont eu à nous
dire: Ne touchez pas à cela, ne vous occupez pas de cela, cela ne nous
intéresse pas et cela ne devrait pas vous intéresser non plus.
Alors, on se retrouve dans une situation où on a un retard incroyable
à rattraper dans ce dossier. Il n'y a pas d'illusion à se faire
dans le dossier de l'amiante, j'ai eu l'occasion de le dire très
clairement à plusieurs reprises, il va falloir y mettre plusieurs
années pour être en mesure de rattraper le temps perdu. Il faut
bien comprendre aussi que cette transaction qui a été
réalisée avec General Dynamics l'a été durant
l'année 1981, après l'élection de 1981. Ce qui veut dire
qu'on a perdu tout notre premier mandat, premièrement à nous
engueuler avec l'Opposition qui faisait "filibuste sur filibuste" et ensuite
cela a été trois ans de procès jusqu'en Cour
suprême. Tout le monde va se souvenir que General Dynamics contestait le
droit à l'expropriation que nous voulions exercer.
Les libéraux ont toujours trouvé très correct que
General Dynamics empêche le gouvernement d'intervenir dans ce
secteur-là. Eh bien, j'avoue que les propos du député
d'Outremont ne me surprennent pas beaucoup ce matin, sauf que je trouve cela un
peu contradictoire. Vous allez vous souvenir qu'au moment où on avait
ces discussions avec General Dynamics, une fois que tous les recours
légaux ont été épuisés, parce que les
tribunaux ont reconnu au Québec le droit d'exproprier, la rumeur
publique voulait que nous nous apprêtions à payer 42 $ l'action
pour les actions d'Asbestos Corporation, que nous allions offrir, nous
disait-on, 42 $ par action et que la même offre irait aux actionnaires
minoritaires.
Je me souviens d'avoir fait un petit débat à la
télévision avec mon collègue d'Outremont, alors que la
transaction se discutait sur la base de 42 $. Je trouvais que c'était un
plafond et le député d'Outremont me suggérait de payer
davantage en disant qu'on allait spolier cette compagnie si on offrait
seulement 42 $. Alors, on n'a effectivement pas offert 42 $; on a fait une
entente avec General Dynamics US et c'est General Dynamics of Canada qui a fait
une émission d'actions en faveur de la SNA jusqu'à concurrence de
51%, et la prise de contrôle ne s'est pas faite au niveau d'Asbestos
Corporation, mais au niveau de General Dynamics of Canada. Sur la base de
81 500 000 $, on a donné 16 000 000 $ comptant et il reste 65 000
000 $ à payer à 16%. C'est cela la transaction.
Quand le député d'Outremont me dit qu'il n'a pas encore
compris cela, je n'en reviens pas parce que c'est simple à compter: 81
000 000 $ moins 16 000 000 $ "cash", il reste une différence de 65 000
000 $ à 16%.
De plus, au moment de cette transaction, le gouvernement avait fait
l'acquisition de gré à gré de la mine Bell. Vous en parlez
de la fusion; je vais vous en dire un petit mot. Je ne suis pas prêt
à vous annoncer ce matin qu'on va faire la fusion entre la mine Bell et
la Société Asbestos. Cependant, j'ai eu l'occasion de dire, il y
a quelques semaines, sinon quelques mois, qu'un mandat avait été
confié à une firme d'experts pour qu'on puisse avoir sur deux
colonnes les avantages et les inconvénients d'une intégration. Il
n'est pas dit qu'on la fera, d'abord. Ce serait peut-être souhaitable
à première vue que cela se fasse; il y a très certainement
des avantages; il y a très certainement aussi des inconvénients.
Alors, on va voir et on va attendre ce rapport d'une firme d'experts.
Aussitôt qu'on l'aura en main, nous allons bien sûr consulter les
travailleurs impliqués au premier chef dans cette transaction, les
conseils d'administration des deux mines de même que le conseil
d'administration de la Société nationale de l'amiante qui aura
à nous faire des recommandations sur une décision finale à
cet égard.
J'aurai l'occasion d'y revenir tantôt, mais je voudrais juste dire
une chose au député d'Outremont. Vouloir profiter d'une mauvaise
conjoncture internationale, que ce soit dans le domaine du fer où,
là, ça va mal aussi, ou encore dans le secteur de l'amiante
où ça va mal... Je vais vous montrer les tableaux tout à
l'heure. Tout le monde sait que le marché international est en
détresse. Autrefois, les ventes de fibre d'amiante au Québec
représentaient jusqu'à 25% du total des activités du
secteur des mines, et aujourd'hui, c'est tombé de façon
draconnienne.
Le Parti libéral se balade dans la région de l'Estrie pour
dire aux gens: Voyez comme ça va très bien, voyez comme ils sont
méchants, voyez comme ils ne savent pas administrer. Est-ce que le Parti
libéral est en train de nous dire que si General Dynamics était
restée propriétaire de la mine Asbestos et si les Britanniques
étaient encore aujourd'hui propriétaires de la mine Bell ils
continueraient d'exploiter ces mines à perte et que, juste pour faire
plaisir aux gens, ils continueraient de faire de l'extraction de la fibre,
d'augmenter les inventaires pour maintenir l'emploi et pour faire plaisir au
Parti libéral du Québec? Je pense que vous prenez les gens pour
des enfants d'école, ce n'est pas ainsi que ça fonctionne.
(10 h 30)
Ce qu'on vous dit tout simplement, c'est que le marché mondial
est en détresse. On espère qu'à long terme ce
marché va se rétablir, mais on ne se fait pas d'illusion, il
faudra qu'on continue nos efforts dans la recherche et le développement.
Pendant que ces grandes multinationales étrangères,
américaines et britanniques amies du Parti libéral du
Québec écrémaient les mines d'amiante - dans les belles
années, il n'y a pas plus de quatre ou cinq ans, Asbestos a fait 38 000
000 $ de profits à l'époque où ça appartenait
à General Dynamics combien d'argent ont-ils investi dans la recherche et
le développement? Zéro! J'aurai les chiffres plus en
détail tantôt, on doit être rendu à 12 000 000 $ ou
14 000 000 $ sur une base cumulative dans la recherche et le
développement depuis que la Société nationale de l'amiante
existe.
C'est là que l'effort aurait dû porter, non pas il y a cinq
ou six ans, comme on l'a fait aussitôt qu'on est arrivé au
gouvernement, mais il y a 25 ou 30 ans. Je pense que c'est la
responsabilité des gouvernements qui nous ont
précédés. On a un retard à rattraper, on en est
conscient et on va prendre les moyens pour le rattraper.
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
ministre. Maintenant, la parole est à un député de
l'Opposition pour cinq minutes. M. le député d'Outremont.
Argumentation M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, le ministre veut nous ramener
à Taschereau, à ce qu'on appelle "1900 tranquille". C'est bien
son droit s'il veut revenir cinquante ans en arrière, mais nous, on vit
en 1984. Il y a des gens qui vivent dans la région de l'amiante et
ils vivent en 1984, ils ne vivent pas en "1900 tranquille". L'objection
que nous avons soulevée, lors du débat, était justement
que c'était une perte de temps, d'énergie et d'argent que
d'acheter une mine. Mais nous ne voulons pas refaire ce débat, nous
disons maintenant que le débat a été fait là-dessus
et que le gouvernement a fait son lit.
Maintenant, ce que nous cherchons à savoir, c'est comment
ça va réellement coûter. Il faut se souvenir - le ministre
Bérubé nous l'a dit si souvent, et M. Parizeau également -
que le gouvernement a dit qu'il avait trouvé une astuce extraordinaire
puisque ça ne nous coûtait rien. En 1982, au mois de
février, lorsque le gouvernement a pris le contrôle de General
Dynamics Canada, il a avancé quelque 16 000 000 $ ou 17 000 000 $ et
s'est
arrangé pour soutirer ou emprunter de l'encaisse de General
Dynamics Canada quelque 16 000 000 $ en disant que, pour le reste, il paierait
plus tard.
Je dois vous avouer, M. le Président, étant donné
le peu d'information que nous avions, qu'il a fallu un certain temps à
fouiller à gauche et à droite pour saisir réellement
combien cela nous coûterait. C'est là la question que j'aimerais
poser au ministre: Combien cela va-t-il nous coûter? Bien sûr, en
consultant les informations qui sont publiques comme dans le rapport annuel de
la Société nationale de l'amiante, on se rend compte que SNA, le
gouvernement du Québec, a une option d'achat pour un montant global de
81 545 000 $ indexé à 16% par année. En regardant le
décret du gouvernement, dont nous avons copie, on se rend compte que ces
81 000 000 $ se divisent en deux montants: un premier basé sur 42 $
l'action qui donne 65 000 000 $ et un autre montant de 16 000 000 $ quiétaient dans l'encaisse de General Dynamics Canada. Le gouvernement
nous a dit: Vous savez, c'est très astucieux, c'est la trouvaille du
siècle; nous avons acheté la compagnie et cela ne nous
coûte absolument rien. Nous déboursons 17 000 000 $ et nous
récupérons 17 000 000 $ le jour même. Ce que je ne savais
pas alors c'est que - je ne sais pas si c'est techniquement vrai - il s'agit
d'un emprunt à 16% par année. Donc, les 16 000 000 $
retirés de l'encaisse portent intérêt à 16% par
année. De plus, le coût de l'action, qui était de 42 $,
augmente année après année de 16% par année. Les
actions de 42 $ chacune valent à la fin de 1982 48,72 $; 52,61 $
à la fin de 1983; 65,55 $ à la fin de 1984; en 1985: 76 $ et, en
1986, 88 $.
M. le Président, il est assez inconcevable que, au fur et
à mesure que la compagnie perd de l'argent, le gouvernement du
Québec soit pris pour payer de plus en plus cher. Ce qui est encore plus
surprenant c'est que cet emprunt qu'il a fait sur les 16 000 000 $ porte
également intérêt à 16%. Le gouvernement, alors que
les taux d'intérêt sont de l'ordre de 10% et 11% -11% pour les
gouvernements - paie 16% par année sur ce même montant.
Le ministre me dit: On étudie la fusion et on verra bien. Mais
quand même, je lui rappellerai que des déclarations ont
été faites de la part du président de la SNA qui dit
qu'elle doit être faite absolument. J'imagine que présentement on
étudie plutôt les modalités, c'est un peu comme la
fermeture de Gagnon. Le ministre recommence encore à dire: Vous savez
aucune décision n'est prise, on étudie. On a entendu les deux
ministres, MM. Biron et Parizeau nous dire la même chose. Ils nous
disaient bien sûr qu'ils étudiaient la situation. Mais c'est plus
qu'étudier, M. le Président et nous voulons demander au ministre:
combien cela va coûter. Pour faire une fusion, il faut qu'en premier
lieu, le gouvernement achète ou devienne propriétaire des actions
de General Dynamics. 11 faut qu'en plus il investisse au moins 60 000 000 $
pour le développement. D'ailleurs, le journal Finance faisait
état en août 1981 de 150 000 000 $ à 200 000 000 $ parce
que la compagnie General Dynamics avait négligé le
développement de la compagnie. 11 n'y a pas de fonds de roulement dans
la compagnie parce qu'il y a eu des pertes considérables. 11 faudra
renflouer le fonds de roulement, c'est 40 000 000 $ de plus au minimum. Tout
cela et l'achat des actionnaires minoritaires, s'il y a fusion, le ministre,
qui est avocat, sait sûrement qu'on ne peut pas fusionner les
exploitations ou fusionner légalement les deux compagnies à moins
d'être propriétaire des actions si on ne veut pas avoir des
poursuites sur le dos.
Je termine là-dessus, M. le Président. Je pose la
question: Étant donné que le ministre va étudier la
situation, combien cela vs-t-il coûter? 200 000 000 $? 300 000 000 $?
Quelle astuce a-t-il trouvée pour nous dire que cela ne coûtera
rien comme il nous le disait il y a quelques années. Nous voulons savoir
combien cette fusion va nous coûter.
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
député d'Outremont. La parole est maintenant au ministre.
M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, je me rends compte que le
député d'Outremont est mélangé parce que, quand
vous additionnez, vous prenez l'intérêt sur 81 000 000 $. Je vous
ai dit tantôt très clairement que la transaction est d'un montant
de 81 545 809 $. 11 y a eu...
M. Fortier: En 1981.
M. Duhaime: ...un montant de 16 000 000 $ comptant et il y a un
emprunt de 65 000 000 $. Les 16 000 000 $, on les a versés en devenant
en position de contrôle sur General Dynamics of Canada. Il y a deux
actifs dans General Dynamics of Canada: les actions d'Asbestos et un montant de
16 000 000 $ en caisse. Alors, 16 000 000 $ moins 16 000 000 $, cela fait
zéro. On a récupéré nos 16 000 000 $ et les 65 000
000 $, on les a négociés sur la base des taux
d'intérêt qui existaient à l'époque. Le taux
d'intérêt, c'est un peu en fonction du taux d'escompte de la
Banque du Canada. À cette époque, nous étions dans une
crise économique et vos amis libéraux, qui étaient au
gouvernement fédéral dans ce temps-là,
c'est eux qui alignaient la politique monétaire. Si vous vous
demandez comment il se fait que les taux d'intérêt sont
élevés aujourd'hui, vous avez certainement oublié vos
journaux de l'époque parce que, nous, on était prêt, bien
sûr, à régler à 11%, à 9% et même
à 6%, mais on a payé selon le taux du marché. Si vous
faites un calcul - vous êtes capable de le faire aussi bien que moi -sur
le solde à payer à 16%, au bout de cinq ans, si on décide
d'exercer l'option, cela aura coûté 171 000 000 $ en dollars
courants.
M. le Président, ceci étant dit, il y a, dans le dossier
de l'amiante, la Société nationale avec deux mines, avec sept ou
huit entreprises en aval, avec un Institut de recherche, mais il y a aussi le
secteur privé dont ne parle pas beaucoup le député
d'Outremont et cela me surprend de sa part. Je comprends de ses propos que nous
avons commis une infamie en intervenant dans le secteur de l'amiante.
J'aimerais que le Parti libéral nous dise ce qu'il entend faire, lui,
avec la société Asbestos ou encore avec la mine Bell et
même avec toutes les entreprises qui sont en aval et qui relèvent
de la SNA, de même qu'avec les programmes de recherche, parce qu'il a
deux discours. Votre collègue à droite, le député
de Richmond, lui, trouve qu'on devrait maintenir les emplois à un
très haut niveau dans nos mines et dans nos entreprises et vous, M. le
député d'Outremont, à l'Assemblée nationale, vous
dites: Le gouvernement devrait se retirer de là. Votre chef, M.
Bourassa, l'a dit également: Vous devriez vous retirer et fermer tout
cela.
Pourquoi avez-vous deux discours, dont un à l'Assemblée
nationale qui ne consiste même pas à accepter le principe que le
gouvernement se soit impliqué dans ce dossier - vous avez
été contre en faisant "filibuster" par dessus "filibuster" - et
un aujourd'hui, alors que vous venez nous dire... Vous attaquez la SNA, vous
attaquez le gouvernement parce qu'on est obligé de réduire
l'emploi. Il faut bien comprendre que les expéditions de l'amiante,
quand on regarde les chiffres des dernières années, en 1976, par
exemple - c'est une bonne année -étaient à 1 300 000
tonnes. L'année suivante, en 1977, on expédiait 1 252 000 tonnes
et à peu près le même montant en 1978. En 1979, cela a
été une des meilleures années, 1 343 000 tonnes
d'expédition; c'est l'année où Asbestos a fait des profits
extraordinaires. Ensuite, ce fut la chute: 1150 tonnes en 1980; 961 tonnes en
1981; 745 tonnes en 1982; 744 tonnes en 1983; 725 tonnes en 1984. Nos ventes de
fibres d'amiante ont coupé de moitié dans le monde entier. Il ne
faut pas se le cacher. Je me pose une question aujourd'hui. Non seulement on
regarde la possibilité de fusionner la mine Bell avec la mine Asbestos,
car il y a des études qui sont en cours, mais je me demande si on ne
devrait pas faire une rationalisation beaucoup plus large en impliquant les
propriétés privées du secteur de l'amiante au plan des
mines et voir si le Québec ne pourrait pas offrir une espèce de
front commun à la concurrence internationale qui vient de la
Grèce, de l'Italie, de l'Union soviétique, du Brésil
maintenant et qui vient d'un peu partout sur nos marchés.
Je dis cela sous une forme interrogative. On a un marché de 725
000 tonnes à 750 000 tonnes d'expédition, il est bien certain
qu'il va falloir qu'on se donne la main, c'est-à-dire l'entreprise
privée et l'entreprise d'État. Je dis à l'Opposition
libérale que, de notre côté, il y a une très grande
ouverture là-dessus.
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
ministre. À la suite de l'accord intervenu tantôt, je donne la
parole au député de Frontenac pour une période de cinq
minutes. Ce qui tient lieu et place du temps de parole d'un
député du gouvernement. M. le député de
Frontenac.
M. Gilles Grégoire
M. Grégoire: M. le Président, comme j'ai deux
périodes de cinq minutes distinctes, dans un premier temps, je voudrais
essayer de résumer ce que se trouve être la situation dans le
secteur de l'amiante au Québec. Dans un deuxième temps,
j'essaierai de faire des suggestions au ministre et à la
Société nationale de l'amiante.
La situation, à l'heure actuelle, c'est qu'il est vrai qu'il y a
une crise dans le secteur de l'amiante. Il y a eu des centaines et des
centaines de mises à pied, que ce soit à Asbestos, que ce soit
à Thetford ou dans les environs, et, pour tous ces chômeurs, qu'on
leur dise que c'est causé par le contexte international ou par la crise
économique ou par ceci ou par cela, pour chacun d'entre eux, le
problème n'en reste pas moins le suivant: C'est qu'il y a toujours le
loyer à payer le 1er du mois; il y a toujours l'épicerie à
faire en fin de semaine. Eux, les travailleurs de l'amiante mis en
chômage, vivent ces problèmes. C'est la situation pour les
travailleurs.
Il y a la crise, c'est vrai. Mais il y a aussi la situation du
chômage. Faisons maintenant un bref résumé de l'histoire de
l'amiante où on verra où on a manqué.
C'est en 1876 que les mines d'amiante ont commencé à
être exploitées au Québec. Environ 60 ans plus tard, en
1933, M. Alexandre Taschereau le disait et commençait déjà
à le réaliser. Il disait aux propriétaires de mines
d'amiante: Messieurs les propriétaires de mines d'amiante, il est temps
que vous construisiez des industries de transformation au Québec.
Aujourd'hui, vous
exploitez des mines, vous exportez notre matière première
et cela finit là. Il n'y avait pas d'usine de transformation, ce qui
laissait la région de l'amiante très vulnérable, tout
comme la région de l'acier était très vulnérable
puisqu'elle n'avait pas d'industrie de transformation. M. Alexandre Taschereau
disait cela en 1933. (10 h 45)
En 1948, non pas en 1975, la revue Relations des pères
jésuites, avec le père D'Auteuil Richard et le père
Richard Arès mettaient la population et le gouvernement du Québec
en garde contre les dangers de l'amiante concernant la santé. Il y avait
des revues qui titraient: "L'amiantose et la silicose" et qui mettaient la
population du Québec et le gouvernement en garde contre les dangers de
l'amiante. Dans le domaine industriel, rien n'a été fait,
même après les mises en garde d'Alexandre Taschereau. Dans le
domaine de la santé, la recherche sur la nocivité de l'amiante a
été inexistante après 1948. En 1975, un document encore
plus grave et plus approfondi était publié par l'hôpital du
Mont-Sinaï et prévenait les populations du globe des dangers de
l'amiante. Et, malgré tout, rien n'a été fait. C'est la
situation que nous avons prise en 1976: aucune recherche pour des industries
nouvelles, aucune fondation d'industrie de transformation au Québec,
aucune recherche sur la santé.
Aujourd'hui, un centre de recherche a été
créé à Sherbrooke. L'une des plus belles
découvertes... Alors que tous les gouvernements depuis 1876 n'avaient
pas bougé, notre centre de recherche de Sherbooke a bougé, de
telle sorte que, dans son rapport de l'année 1981-1982, la
Société nationale de l'amiante pouvait dire dans un de ses
chapitres, Fibre phosphatée - c'était là l'un des
principaux projets examinés au cours de l'année - "La
phosphatation de la fibre d'amiante par l'oxychlorure de phosphore a connu des
progrès sensibles au cours de l'année qui se termine et il est
prévisible d'entrevoir un pilotage industriel dès 1982
relativement à ce projet."
L'objectif visait la production d'une fibre d'amiante modifiée
ayant des caractéristiques biologiques fondamentalement
différentes, tout en conservant les propriétés
physico-chimiques initiales.
En 1984, déjà dans le comté de Richmond, s'est
installée une usine pilote de phosphate pour phosphater l'amiante...
Le Président (M. Beauséjour): M. le
député de Frontenac, je dois vous interrompre, vos cinq minutes
sont écoulées.
M. Grégoire: Déjà, M. le Président?
Le Président (M. Beauséjour): Déjà.
M. Grégoire: Donnez-moi seulement une minute pour
terminer.
Le Président (M. Beauséjour): Je ne peux pas,
à moins d'une entente entre les...
M. Fortier: On lui donne 30 secondes pour conclure.
M. Grégoire: Donnez-moi 30 secondes pour conclure.
Le Président (M. Beauséjour): D'accord.
M. Grégoire: En 1984, dans son rapport, la
Société nationale de l'amiante disait: Cette filiale dans le
comté de Richmond vise à être en mesure, en 1986 ou en
1987, après les essais en cours sur les animaux, de mettre sur le
marché une fibre d'amiante non toxique. Ce qui voudrait dire qu'à
partir de 1986-1987, soit dans deux ans, on pourra produire une fibre d'amiante
qui n'aura plus aucun effet nocif sur la santé, c'est-à-dire que
les dangers de l'amiante pour les usagers seront disparus à 100%. Il
faut donc envisager cette échéance, cette étape que nous
aurons à franchir bientôt.
Le Président (M. Beauséjour): Merci.
M. Grégoire: Je tiens à ajouter comme dernier mot
que...
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
député.
M. Grégoire: ...la Société nationale de
l'amiante est la seule à avoir des brevets sur la fibre
phosphatée d'amiante. Elle a les brevets pour tous les pays du
monde.
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
député de Frontenac. La parole est maintenant au
député d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, j'espère que le
ministre va nous revenir bientôt; j'espère qu'il n'est pas trop
loin. Ce que je voulais lui dire, c'est que j'ai l'impression que le ministre
se croit déjà dans l'Opposition. Il y a trois ou quatre jours, il
demandait ma démission. 11 devrait savoir que c'est le propre de
l'Opposition de demander des démissions. Ce n'est pas tout à fait
normal pour un ministre de demander la démission d'un
député de l'Opposition. J'ai l'impression qu'il se croit
déjà dans l'Opposition. Voilà qu'aujourd'hui, il nous dit:
Qu'est-ce que vous feriez si vous étiez au pouvoir? C'est le
gouvernement du Parti québécois qui est au pouvoir. Nous allons,
un peu plus tard, faire des recommandations et, à la veille des
élections, nous dévoilerons à
la population notre plan d'action. Entretemps - c'est bien malheureux
pour la population - le ministre de l'Énergie et des Ressources, ce
n'est pas moi, et c'est le gouvernement du Parti québécois qui
est au pouvoir. Nous voulons savoir ce que vous faites exactement.
Bien sûr, le ministre a fait état du fait que nous avons
lutté contre l'achat de la Société Asbestos; je ne veux
pas revenir là-dessus. Nous étions d'accord sur une chose: il est
important de travailler dans le domaine de la recherche et du
développement pour assurer la transformation de l'amiante au
Québec. Notre collègue, le député de Frontenac,
vient d'en faire état. Je crois que c'est vrai et, mon collègue,
Claude Forget, qui était député de Saint-Laurent, ena fait état à plusieurs reprises. Nous étions d'accord
sur le fait qu'il fallait mettre l'accent sur la recherche et le
développement et sur la transformation. Ce que nous avons dit, à
ce moment, c'est que l'argent qui serait investi dans l'achat d'une mine serait
de l'argent de moins qui serait disponible pour la recherche, le
développement et la transformation. Malheureusement, la situation nous
donne encore plus raison que nous ne le croyions.
J'ai fait état tout à l'heure du fait que le ministre et
le gouvernement savaient dès 1976 quelle était la situation en ce
qui concerne la réaction populaire en Europe et aux États-Unis,
la réaction des gouvernements. D'autre part - le ministre le savait - le
journal Finance d'août 1981 disait que la Société Asbestos
et peut-être d'autres mines n'avaient pas fait les investissements
nécessaires pour moderniser leurs activités. Ces choses
étaient connues. Ce que nous disons, nous, c'est qu'un gouvernement qui
aurait voulu assurer le développement économique du Québec
aurait eu trois axes de développement. Un plan de marketing très
intensif pour prendre la défense de l'amiante. Un plan de
développement pour aider les mines à se moderniser davantage, un
plan semblable à celui qui a été mis de l'avant dans le
domaine des pâtes et papiers. Et, troisièmement, il aurait fallu
avoir un plan très articulé dans le domaine de la
transformation.
Mais toutes les énergies du gouvernement étaient d'acheter
une mine et maintenant il n'y a peut-être pas assez d'argent pour faire
la transformation avec le résultat, selon les statistiques que j'ai
eues, que c'est environ 3% de transformation de l'amiante au Québec et
l'objectif était d'atteindre 10% ou 20%, 10% cinq ans ou dix ans plus
tard. D'après les informations qu'on m'a données, nous sommes
rendus au chiffre fulgurant de 3,7%. Je ne sais pas si le ministre a des
chiffres plus précis que les miens. C'est justement là qu'on en
est. Nous disons: Un gouvernement sachant la situation comme il la connaissait
aurait dû avoir un plan d'attaque sur trois ans. Un plan de marketing, un
plan de développement pour aider les mines à se moderniser,
peut-être à fusionner, et un plan dans la recherche et le
développement.
Je dois dire que du côté de la recherche et du
développement le gouvernement a fait quelque chose. D'ailleurs, mon
collègue de Frontenac en a fait état. Il y a de nouvelles
trouvailles. 11 y a de la recherche qui se fait. 11 y a de nouveaux produits
qui vont se développer. Mais ce que nous demandons au gouvernement,
c'est de nous dire ce qu'il fait en ce qui concerne la défense de
l'amiante, c'est-à-dire dans le marketing pour aider les gouvernements
européens, les gouvernements des États-Unis à se
convaincre eux-mêmes que l'amiante n'est pas le produit le plus
pernicieux qui puisse exister sur la terre. Qu'est-ce qu'il fait pour prendre
la défense de l'amiante, parce que c'est là qu'est le
problème? Qu'est-ce qu'il fait, qu'est-ce qu'il aurait dû faire
pour assurer le développement des mines, pour s'assurer que les mines
québécoises soient plus modernes et plus en mesure de faire face
à la concurrence internationale? Le ministre nous dit: On étudie
la fusion et ce n'est pas certain. Enfin, c'est sûrement une des options
qui est ouverte, mais comme le ministre l'a dit, nous y reviendrons tout
à l'heure, ce n'est pas uniquement les sociétés
d'État qui sont concernées, ce sont également les autres
sociétés privées et encore là je demande au
ministre quel est son plan d'attaque.
Cela fait huit ans que le gouvernement est au pouvoir. Depuis 1976,
1977, 1978, il y a des études nombreuses qui ont été
faites. Le ministre a raison. Nous aurions dû, au Québec,
considérer ce problème depuis fort longtemps, depuis Taschereau.
Le ministre a raison. C'est depuis Taschereau que nous aurions dû faire
quelque chose de ce côté. Mais le Parti québécois,
quand il est arrivé au pouvoir, connaissait ces choses. Je termine
là-dessus. Quel a été le plan de développement?
Est-ce que le ministre a un plan de développement, un plan d'attaque, un
plan de défense de l'amiante, un plan de consolidation des
minières qui existent au Québec? Ou est-ce qu'on va attendre
encore un plan semblable à celui qui tarde déjà dans le
domaine du fer que le ministre nous a promis depuis plusieurs mois, plusieurs
années déjà?
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
député. Maintenant, la parole est au ministre.
M. Yves Ouhaime M. Duhaime: D'abord, je voudrais tirer
au clair peut-être une incompréhension. Quand je demande au
député d'Outremont de démissionner, ce n'est pas par
plaisir que je fais cela. Le député...
M. Fortier: J'espère que non.
M. Duhaime: ...d'Outremont, c'est un gentilhomme. C'est parce que
son chef, M. Bourassa...
M. Fortier: Répondez donc aux questions.
M. Duhaime: ...avait pris un engagement. C'est de venir nous
rejoindre ici à l'Assemblée nationle à l'automne 1984. Il
y a eu trois élections partielles. Il ne s'est pas
présenté. Là il y a une élection dans
Saint-Jacques. Non seulement il ne s'est pas présenté à la
convention, mais il a désigné d'office un candidat. Sur le plan
de la démocratie, on pourra s'en reparler. Je voudrais que le
député d'Outremont comprenne bien. Quand je lui demande de
démissionner, ce n'est pas parce que cela me fait plaisir de le voir
quitter l'Assemblée nationale. C'est parce que j'aimerais mieux que son
chef se présente dans Outremont.
M. Kehoe: L'amiante, ce matin.
M. Duhaime: Ce que j'ai dit, c'est que j'invoquerais tous les
arguments possibles pour convaincre le premier ministre et notre parti de ne
pas lui opposer d'adversaire pour qu'il soit élu par acclamation dans le
comté d'Outremont. Ce n'est pas pareil.
M. Kehoe: On est d'accord sur quelque chose.
M. Fortier: II aurait fait un bon député.
Le Président (M. Beauséjour): M. les
députés de Chapleau et d'Outremont, s'il vous plaît!
M. Duhaime: Maintenant, M. le Président, on va passer aux
choses un peu plus sérieuses, si vous le voulez. Je suis content de voir
que le député d'Outremont a une approche un peu plus positive,
parce que nous examinons le dossier de l'amiante non pas simplement à
cause de l'implication de la Société nationale de l'amiante, mais
en regardant l'ensemble du secteur de l'amiante d'une façon globale. On
va convenir qu'on se rejoint sur une chose. Le député d'Outremont
reconnaît avec moi que nous sommes en retard sur les plans de la
recherche et du développement, que cela aurait peut-être dû
commencer dans le temps de Taschereau, etc., mais je voudrais rappeler au
député d'Outremont que son chef, l'homme du renouveau, a
été premier ministre de 1970 jusqu'au 15 novembre 1976,
même après le 15 novembre 1976. J'ai regardé dans nos
livres pour essayer de trouver un seul dollar dépensé sous le
gouvernement libéral dans la recherche et le développement de
l'amiante.
M. Fortier: On peut envoyer notre étude.
M. Duhaime: Je n'ai trouvé cela nulle part, pas un cent.
Aujourd'hui, le député d'Outremont nous dit: Bravo! On
reconnaît que vous avez fait des efforts substantiels dans la recherche
et le développement, mais vous êtes assez mal placés pour
émettre un commentaire là-dessus. Je vous rappellerais, par
exemple, que, sur une base cumulative, depuis 1977, sous notre gouvernement, il
s'est dépensé 27 800 000 $ en recherche et développement
de toutes sortes; par exemple, 1 800 000 $, à l'Université de
Sherbrooke; à l'IRDA, 2 400 000 $; avec le Centre canadien de l'Institut
de l'amiante, 250 000 $; au Centre de recherche de la SNA, depuis sa
création jusqu'au 30 septembre 1984, 22 000 000 $; à l'Institut
de l'amiante, 1 250 000 $. Il se fait un effort réel dans la recherche
au niveau des laboratoires, mais aussi, dans des projets d'application
industrielle, des recherches ont été faites. On n'a qu'à
penser au dossier de magnésium métal qu'on appelle MAGNAQ-1,
où il y eu 17 500 000 $, de l'oxyde de magnésium, à
FusoRoc aussi, presque 6 000 000 $.
Il faut qu'on travaille, bien sûr, sur la recherche et le
développement. On va y consacrer encore plusieurs millions au cours des
années à venir. Bien sûr, nous avons aussi des propositions
des P.-D.G des mines, de même que des entreprises en aval pour que le
développement continue. Mais, jusqu'à présent, nous avons
dû compter sur nos seuls moyens. J'ai toujours pensé que, lorsque,
dans un pays, il y avait deux ordres de gouvernement, les deux gouvernements
devaient collaborer. Nous avons fait beaucoup de propositions à l'ancien
gouvernement libéral d'Ottawa et cela a été une fin de
non-recevoir à chaque fois.
Maintenant qu'il y a un ministre fédéral de la
région de l'amiante, on est un peu plus optimiste; on pense qu'il y a
peut-être une entente possible sur une complémentarité
quelconque, mais au moins les dollars viendraient, pour qu'on puisse aller dans
le développement.
Sur le plan du marketing international, je pense que le
député d'Outremont a la mémoire très courte. Il y a
eu un grand symposium mondial d'organisé au Québec, en mai 1983,
si ma mémoire est bonne, en 1982 pardon, à notre initiative, avec
la collaboration des mines, du gouvernement fédéral et des
associations internationales. Les gens commencent à être
sensibilisés,
mais le problème, M. le Président, c'est que, sur le plan
de la défense du dossier de l'amiante, ce n'est pas le Québec qui
peut tout faire; nous payons des impôts au gouvernement
fédéral pour que les ambassades du Canada fassent leur boulot.
J'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs ambassadeurs...
Le Président (M. Beauséjour): M. le ministre!
M. Duhaime: ...et ils n'étaient pas tellement au courant
de ce dossier, en Europe en particulier. On va continuer de faire sonner les
cloches de ce côté-là. Des représentations vont
être faites, mais il faudra compter sur le temps.
Le Président (M. Beauséjour): M. le ministre, votre
temps est terminé.
M. Duhaime: C'est ce que je dis, il faut compter sur le temps, M.
le Président.
Le Président (M. Beauséjour): D'accord. La parole
est maintenant au député de Chauveau. (11 heures)
M. Raymond Brouillet
M. Brouillet: M. le Président, lorsque j'entends parler du
problème de l'amiante et que j'aborde un peu cette question, je ne peux
pas faire comme l'Opposition et tenter de vouloir réduire le
problème à une conjoncture tout à fait ponctuelle.
L'histoire de l'amiante fait partie un peu de l'histoire des 25 et 30
dernières années du Québec et du peuple du Québec,
de même que l'ensemble de nos richesses naturelles. L'amiante
représentait pour nous une richesse naturelle considérable avec
les forêts et. d'autres secteurs des mines comme le fer. Nous savons
comment - et c'est cela qui nous fait mal un peu aujourd'hui - les
gouvernements antérieurs se sont comportés face à
l'exploitation de nos richesses naturelles. On ne peut pas éviter cela
dans le débat, on ne peut pas se fermer les yeux sur cela. La situation
que nous vivons aujourd'hui face à nos richesses naturelles et à
leur exploitation n'est pas indépendante de ce qui s'est passé et
du comportement que les gouvernements ont eu dans le passé.
Actuellement, nous vivons une situation difficile face à l'amiante, face
à son exploitation. Mais si on avait eu dans le passé des
gouvernements qui avaient pris leurs responsabilités, on ne serait
peut-être pas rendus là aujourd'hui.
On a dit tantôt, et on l'a reconnu, que les multinationales n'ont
rien fait en recherche et développement. Si on avait prévu,
à l'époque, par de la recherche et du développement, les
effets nocifs de ce produit, si on avait pu trouver des moyens de contrer cette
nocivité, aujourd'hui on n'aurait peut-être pas à faire
face à une compression du marché et à une réaction
négative face à ce produit. Il ne faut pas oublier cela. M. le
député d'Outremont l'a d'ailleurs reconnu tantôt; il a
reconnu que M. Taschereau et implicitement il a reconnu aussi que M. Bourassa
de 1970 à 1976, lui qui n'a rien fait, aurait dû faire quelque
chose. On l'a dit tantôt, on l'a reconnu: on aurait dû faire
quelque chose avant. Donc, cet avant n'exclut pas, je suppose, dans l'esprit du
député d'Outremont, les années 1960 à 1970 et on
n'a rien fait.
Alors qu'il y avait des profits considérables, si le
Québec avait pu profiter des retombées de ces profits pour faire
de la recherche, pour faire du développement, pour faire de la
transformation aussi, on serait en meilleure posture aujourd'hui pour faire
face à la situation du marché sur le plan mondial. On ne l'a pas
fait et on tente aujourd'hui de rattraper le temps perdu. On veut bien discuter
de certains aspects de l'implication du gouvernement, c'est vrai, mais le
principe d'une intervention ou d'une implication du gouvernement dans le
secteur de l'amiante, c'est un principe qui est sain, qui est important. Ce
principe aurait dû être accepté depuis les années
trente et surtout dans les années quarante, cinquante, soixante et
soixante-dix. Si on l'avait accepté, ce principe, on ne serait pas rendu
où on est aujourd'hui.
La question qu'il faut se poser, je pense à l'heure actuelle, ce
n'est pas exclusivement que le gouvernement n'a pas réussi à
maintenir les emplois dans le secteur de l'amiante malgré la
nationalisation de quelques compagnies. Le gouvernement n'a pas réussi
à maintenir le marché de l'amiante sur le plan international et
on l'accuse du fait qu'il y a moins d'emplois dans l'amiante par le fait qu'il
est intervenu dans le secteur. C'est un peu, si vous voulez, l'impression que
le Parti libéral veut essayer d'engendrer dans la population: que c'est
parce que le gouvernement est intervenu qu'il y a moins d'emplois dans
l'amiante et que le marché international s'est
rétréci.
La question qu'il faut se poser est: Quelle serait la situation
actuellement du marché international et quelle serait la situation de
l'emploi dans l'amiante si le gouvernement n'était pas intervenu en
1979? Voici la question que je poserais à M. le ministre. J'aimerais
qu'il essaie de nous dire, d'après lui, si le gouvernement
n'était pas intervenu, si on avait fait comme les gouvernements
antérieurs, ce que cela donnerait comme résultat au niveau de
l'emploi et au niveau des marchés. Qu'est-ce que cela donnerait au
niveau de la recherche? Est-ce qu'on aurait fait de la
recherche, comme on l'a reconnu tantôt?
Cela, c'est à court terme, mais à long terme cela ne veut
pas dire que cette richesse naturelle est vouée, si vous voulez,
à la disparition. Avec de la recherche, il est possible qu'il y ait des
marchés nouveaux qui s'ouvrent et qu'on puisse reconquérir des
marchés pour l'amiante. Donc, à moyen et à long termes,
qu'adviendrait-il pour l'avantage du peuple du Québec de l'exploitation
de cette ressource si on avait laissé encore les multinationales
exploiter comme elles l'ont toujours fait nos richesses naturelles à
leur profit, sans tenir compte des retombées économiques pour le
peuple du Québec au niveau de la création d'emplois, par le biais
de l'industrie de transformation? Alors, la question que je poserais au
ministre, c'est: Qu'est-ce qui se serait passé dans le secteur de
l'amiante si le gouvernement n'était pas intervenu? Est-ce que cela
irait beaucoup mieux? Est-ce que les marchés seraient meilleurs? Est-ce
que, finalement, on aurait fait plus de recherche qu'on n'en a fait
actuellement? Est-ce qu'il y aurait plus d'emplois?
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
député. La parole est au député de Richmond.
M. Yvon Vallières
M. Vallières: Merci, M. le Président. Le ministre
nous parle de vastes plans d'ensemble pour redresser la situation dans le
secteur de l'amiante. Compte tenu du fait que cela fait un bon bout de temps
qu'il n'est pas venu dans le comté de Richmond et, en particulier,
à Asbestos, je vais lui tracer un peu le tableau de ce qui se produit
dans une ville comme Asbestos où les gens vivent de l'amiante.
En septembre 1980, la compagnie privée qui exploite l'amiante
à Asbestos, soit Johns-Manville Canada, comptait environ 2708
employés. Au moment où nous parlons, elle en compte 950. La ville
d'Asbestos est en proie à un taux de chômage réel de
l'ordre de 60%. La population de cette ville est passée, d'ailleurs, de
11 000 à 7000. Nous assistons continuellement à des situations et
à des drames que l'on peut qualifier d'inacceptables, à de
véritables drames humains où l'on rencontre des gens vivant de
l'aide sociale qui perdent leur propriété et qui, dans certains
cas, perdent leur automobile. Tout cela est une situation bien concrète
que l'on vit dans nos milieux. Indépendamment de ce que peut dire le
ministre, il devrait reconnaître que, dans les villes de l'amiante, il se
produit actuellement un phénomène inacceptable et que les
politiques qu'il a mises de l'avant à ce jour sont absolument
inadéquates pour faire face à cette situation.
N'est-ce pas ce gouvernement qui, par la bouche de son premier ministre,
avait promis de créer quelque 7000 emplois dans le secteur de l'amiante
avec la transformation? N'est-ce pas ce même gouvernement qui, par la
bouche de M. Landry, beaucoup plus optimiste, en prévoyait 20 000? M.
Bérubé était un peu moins optimiste, il en
prévoyait 2000. Mais, grosso modo, on prévoyait un niveau de
transformation de 20% de l'amiante au Québec. C'est certainement une des
façons que le gouvernement avait choisies pour faire élire des
députés du Parti québécois dans une des
régions de l'amiante qui est Thetford-Mines.
On se rend compte aujourd'hui que le gouvernement n'a pas livré
la marchandise, en particulier dans la région d'Asbestos. Je veux
rappeler au ministre qu'il n'y a pas qu'une seule région de l'amiante,
d'ailleurs. Il y a une région de l'amiante où se situe
Thetford-Mines; il y a aussi une région de l'amiante où se situe
une entreprise privée qui est Johns-Manville Canada. À ce sujet,
le ministre nous démontre que de par ses politiques, depuis
déjà longtemps, il est en conflit d'intérêts et
qu'il privilégie souvent une région au détriment d'une
autre. Il suffit de regarder, par exemple, la composition du conseil
d'administration de la Société nationale de l'amiante. J'aimerais
qu'il me réponde à ce sujet précisément. Est-ce
qu'un jour où l'autre vous accepterez qu'il y ait équité,
équilibre entre le nombre de représentants des villes
amiantifères au conseil d'administration de la Société
nationale de l'amiante? La ville d'Asbestos n'en compte qu'un seul
présentement.
Souvent, on est porté à croire que la situation que l'on
vit dans l'amiante est simplement conjoncturelle. C'est une situation qui est
devenue plus que conjoncturelle; elle est devenue permanente et il faut
espérer que le gouvernement a pensé à prévoir un ou
des plans qui permettraient à ces villes monoindustrielles de faire face
à la situation et de reprendre un regain de vie au plan
économique, à moins que le gouvernement n'ait
décidé de nous réserver le sort qu'il a
réservé aux villes de Gagnon ou Schefferville.
En ce qui nous concerne, dans nos régions, nous refusons ce genre
d'approche. Je voudrais demander au ministre si, comme il l'a fait dans le
secteur du fer... J'ai ici un procès-verbal d'une rencontre ou un
mémoire qu'il a lui-même produit au Conseil des ministres en 1983,
concernant la situation qui prévalait dans le secteur du fer. Entre
autres, on nous indiquait que le gouvernement ne pouvait demeurer inactif
devant une telle alternative proposée par le ministre. C'est
signé par lui.
Pour une région comme Asbestos où on se rend compte qu'on
vit avec une seule industrie, qui est l'amiante, est-ce que votre
gouvernement a pensé à mettre de l'avant une proposition
ou des hypothèses qui viseraient à relancer l'économie de
cette ville amiantifère dans l'amiante, mais également dans
d'autres secteurs afin d'éviter des problèmes comme ceux que je
viens de vous décrire?
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
député. La parole est maintenant au ministre.
M. Yves Duhaime
M. Duhaime: Oui, M. le Président, ce serait mon souhait le
plus cher qu'on puisse en arriver avec l'industrie privée du secteur de
l'amiante à mettre sur pied un plan de rationalisation d'abord et puis
une problématique de développement. Je souhaiterais que cela
connaisse le même succès que l'ensemble des projets miniers que
nous connaissons au Québec actuellement en dehors du secteur du fer et
de l'amiante. Je rappelle qu'en l'espace de 16 mois, avec le programme
d'accélération des investissements dans le secteur minier que
nous avons mis de l'avant, il y a 17 projets qui ont démarré et
qu'on est rendu à 710 000 000 $ ou 720 000 000 $ d'investissements dans
l'or, dans l'argent, dans le cuivre, etc.
J'ai dit tout à l'heure - je ne sais pas si le
député de Richmond était distrait -qu'il y avait une
très grande ouverture de notre côté. Il s'agit maintenant
de faire front commun à l'échelle internationale, avec l'ensemble
du secteur de l'amiante, pour affronter le marché. Si on regarde
l'évolution sur quelques années, en 1974, on part à 3 200
000 tonnes - c'est l'évolution de la consommation d'amiante des pays
à économie de marché, c'est-à-dire les pays libres
- on connaît un sommet de 3 100 000 en 1978, de 2 800 000 en 1979 et on
descend. 11 y a eu une diminution de consommation dans les pays qui sont nos
clients de 1 000 000 de tonnes.
Quand on regarde la répartition géographique - c'est
intéressant de le noter parce que c'est là, en même temps,
notre désespoir et notre espoir - ce qui est en jaune représente
les États-Unis. C'était 37,5% de notre marché en 1976,
c'est tombé à 23% en 1983 et ça continue de diminuer. Pour
les pays européens, 30,8% en 1976, 28,8% en 1983 et une faible
diminution encore en 1984. Cela, c'est notre désespoir. Notre espoir,
c'est l'Asie et les autres pays du monde, 15,9% et 15,8%. On les retrouve ici
à 27,9%, donc une augmentation de 12% de la consommation en Asie, et de
15,8% à 19,8%, une augmentation de 4% dans les autres pays du monde.
Cela, c'est la partie qui nous donne de l'espoir.
Quand on va un peu plus loin et qu'on regarde ce qui s'est passé
aux États-Unis depuis presque 50 ans, ce tableau est très
révélateur de la situation. C'est l'intensité de
l'utilisation de l'amiante, c'est-à-dire combien de tonnes d'amiante
sont utilisées aux États-Unis par 1 000 000 000 $ de produit
intérieur brut. Si vous remarquez, en 1950, il y avait 1234 tonnes par 1
000 000 000 $ de production. Regardez la chute à 872, en 1960. En 1970,
614 tonnes par 1 000 000 000 $ de production; 507 en 1976, et il y a une
stabilisation.
Je disais tantôt au député d'Outremont qu'on
était en retard et que cela aurait dû être fait avant. C'est
de 1950 à 1976 que la chute est la plus forte. Le tableau n'est pas
truqué, c'est le nombre de tonnes d'amiante utilisées aux
États-Unis par 1 000 000 000 $ de production. Pendant ces 25
années où nous avons perdu notre temps - j'ai parlé
tantôt des gouvernements antérieurs - c'est ici sur le tableau. On
voit ensuite une stabilisation. Cette stabilisation se traduit également
au niveau de nos propres expéditions. Si vous prenez ce tableau-ci, en
1974, les expéditions québécoises étaient de 1 400
000 tonnes; on est toujours à 1 300 000 tonnes en 1976, 1 343 000 tonnes
en 1979, en 1980, 1 100 000 tonnes. C'est au cours de l'année 1982 qu'on
est intervenus, qu'on a fait l'acquisition des mines. Regardez la stabilisation
qui s'est faite ici. Ce n'est pas sous notre gouvernement que la chute est
survenue -tout le monde a des yeux pour voir clair -c'est avant.
Pour répondre à la question du député de
Chauveau: Que se serait-il produit sur le marché si nous n'étions
pas intervenus? Mon Dieu, Seigneur! C'est vite fait. Une compagnie qui perd de
l'argent année après année en vient à la conclusion
de, tout simplement, fermer ses portes. C'est parce que nous sommes là
avec la Société nationale de l'amiante qu'on est en mesure de
stabiliser, de rationaliser le secteur de l'amiante dans au moins deux mines.
Ce qu'on fait aujourd'hui et ce qu'on fera, je l'espère, avec
l'entreprise privée, c'est stabiliser l'ensemble du secteur. (11 h
15)
Le Président (M. Beauséjour): La parole est au
député de Nicolet.
M. Yves Beaumier
M. Beaumier: Merci, M. le Président. Je suis de l'avis de
ceux et de celles qui affirment que le gouvernement du Québec aurait
dû depuis toujours, au fond, s'impliquer dans le secteur de l'amiante. Je
dis très simplement être très fier de faire partie de la
formation politique qui a décidé, à l'encontre de
l'Opposition libérale, de s'impliquer dans ce secteur.
J'aimerais porter à l'attention de la commission un fait qui m'a
troublé
particulièrement. Chacun se rappelle qu'en 1982 le gouvernement
du temps, à Ottawa, avait participé très activement dans
le cas de la mine d'amiante de Baie-Verte, à Terre-Neuve, sous forme de
subventions et de prêts. Le gouvernement fédéral, entre
autres, avait fait, par exemple, un prêt total de 13 800 000 $. Ces
prêts ne portent aucun intérêt jusqu'en 1986 et ne sont
remboursables que s'il y a profit. Cela veut dire qu'à partir de 1982,
à Baie-Verte, la capacité de production était de 65 000
tonnes métriques. En 1983, la production réelle a
été de 44 000 tonnes pour environ 400 à 500
employés.
Ce qui me trouble, c'est ceci. On peut estimer que 1000 tonnes d'amiante
représentent approximativement une semaine de travail pour 400
employés. Cela veut donc dire que la production annuelle de 40 000
à 45 000 à Baie-Verte, qui avait été aidée
et appuyée par des subventions et des prêts du gouvernement du
temps à Ottawa, équivalait effectivement à une perte
directe de 400 emplois-année à Thetford-Mines. J'aimerais avoir
la réaction et l'opinion du ministre sur cette situation et voir si,
avec le changement de gouvernement à Ottawa, on peut espérer
à notre tour un apport et un appui de la part du nouveau gouvernement
fédéral à Ottawa. Merci.
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
député. La parole est au député de Richmond.
M. Yvon Vallières
M. Vallières: M. le Président, je veux mentionner
immédiatement au ministre que j'ai le regret de constater qu'il n'a pas
répondu à mes questions de tout à l'heure. On laissera les
gens juger de sa performance.
Je veux également mentionner en cette Chambre, M. le
Président, la foule de promesses faites par les politiciens du Parti
québécois, à savoir que le gouvernement
privilégierait les villes d'Asbestos, Thetford-Mines et Sherbrooke pour
tout développement dans le secteur de l'amiante. Je me
réfère là-dessus au programme du Parti
québécois en Estrie: promesse intenue. Je me réfère
à une déclaration du ministre des Relations internationales, M.
Landry, qui disait qu'Asbestos aurait sa part du gâteau dans quelques
semaines; nous attendons toujours. Je me réfère à une
promesse du premier ténor de ce gouvernement, M. Lévesque, qui
nous promettait plus de vigueur et qui reconnaissait que la
Société nationale de l'amiante n'avait pas fait ce qu'elle aurait
dû faire pour la ville d'Asbestos. Enfin, d'autres, comme le ministre
Landry, disaient: Asbestos sera mieux servie dans l'avenir. Autant de promesses
qui ont été complètement intenues de la part de ce
gouvernement.
Je veux vous rappeler également, M. le Président, que
c'est ce même gouvernement qui, par le biais d'une directive du
ministère de l'Éducation, a voulu subventionner en 1981, pour une
somme de quelque 11 000 $, deux polyvalentes de la région de
Thetford-Mines et de Disraeli pour enlever l'amiante des plafonds des
écoles. Je pose la question très précise au ministre: Au
sein des règles budgétaires transmises aux commissions scolaires,
cette politique apparaît-elle toujours? Dans celles que l'on retrouvait
en 1981, on parlait de travaux de réfection relatifs aux produits de
l'amiante; on disait que les commissions scolaires pouvaient être
subventionnées pour faire de pareils travaux.
Aujourd'hui, la mesure me semble un peu plus hypocrite en ce sens qu'on
parle plutôt de vice de construction: "Cette mesure a pour but de
défrayer le coût des dépenses inhérent à la
réfection d'une composante de la bâtisse qui est affectée
par un vice de construction. Cette mesure peut aussi servir à apporter
les correctifs nécessaires lorsque des problèmes sont
occasionnés par des matériaux représentant un risque pour
la santé." Déjà, depuis la dernière session, j'ai
posé au feuilleton des questions à ce sujet auxquelles je n'ai
pas obtenu de réponses. Peut-être que le ministre pourrait nous
indiquer si cette politique du ministère de l'Éducation continue
de s'appliquer et si effectivement on a subventionné à nouveau
les commissions scolaires pour enlever ce que le gouvernement du Québec
considère comme dangereux dans nos écoles dans les régions
de l'amiante, en particulier.
M. le Président, le ministre nous parlait également
tantôt des solutions qu'on voulait apporter. J'ai demandé à
plusieurs reprises au gouvernement du Québec d'étudier la
possibilité de faire davantage usage de produits à base d'amiante
dans les constructions gouvernementales. Le ministre a toujours fait la sourde
oreille à cette demande. J'ai ici quelques données dont je veux
lui faire part sur une étude que j'ai fait préparer avec les
minces moyens dont nous disposons. J'ai fait un tableau résumé de
la moyenne pour les années 1980, 1981 et 1982 des dépenses en
immobilisations-bâtiments du gouvernement du Québec et cela donne
ce qui suit en moyenne pour ces trois années. Ce qui figure aux plans et
devis - parce que dans les plans et devis, il y a déjà des
exigences pour l'emploi de matériaux d'amiante - c'est une valeur
moyenne de 817 000 $, soit 0,18% des dépenses en immobilisations pour
ces trois années. Les matériaux d'amiante qui auraient
été potentiellement utilisables, cela aurait été
plutôt de l'ordre de 15 882 000 $, pour une proportion de 3,6%. Si l'on
avait procédé de cette façon, par surcroît, cela
aurait permis au gouvernement de réaliser des économies de
près de 4 000 000 $. Alors
que les dépenses du gouvernement du Québec en
immobilisations-bâtiments pour ces trois années se chiffraient en
moyenne à 446 000 000 $, seulement 0,18% étaient employés
pour des produits à base d'amiante. Vous me permettrez de vous indiquer,
M. le Président, qu'à mon humble avis la Société
nationale de l'amiante, entre autres, doit rajuster son mandat et faire
profiter au maximum de ses travaux les deux régions de l'amiante que
sont Thetford-Mines et Asbestos. Pour vendre notre amiante à
l'étranger, nous devons compter sur un bon marketing et c'est au
Québec que revient cette tâche. Nous devons faire la preuve que
l'amiante est un produit qui permet de concilier la sécurité et
la rentabilité. Voilà des objectifs qui doivent s'ajouter
à ceux déjà poursuivis par la Société
nationale de l'amiante. Si le ministre me le permettait, qu'il désirait
en faire une étude peut-être plus exhaustive et surtout
peut-être mettre à jour les données qui sont dans le
document que j'ai fait préparer en février 1984 et qu'il me
promettait d'en faire un usage très positif, c'est avec plaisir que je
pourrais ce matin lui déposer cette étude dont j'avais fait la
demande en février 1984.
Le Président (M. Beauséjour): D'accord. Il ne peut
y avoir de dépôt en commission ici. Il peut y avoir une
distribution.
M. Vallières: J'aimerais que le ministre m'indique s'il a
l'intention d'en tenir compte.
M. Duhaime: Je vais le regarder pour commencer. Vous êtes
bien gentil de me le donner.
M. Fortier: Fâche-toi pas, fâche-toi pas.
Le Président (M. Beauséjour): La parole est au
ministre.
M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais dire au
député de Richmond qu'il a peut-être oublié une
chose importante. Il demande que la ville d'Asbestos soit
représentée au conseil d'administration de la SNA. Le maire de la
ville d'Asbestos est membre du conseil d'administration de la SNA et je pense
que le maire Fréchette apporte une contribution très solide aux
travaux de la Société nationale de l'amiante. Mais qu'est-ce que
vous voulez avoir de plus? Le conseil municipal au complet au conseil
d'administration de la SNA? Je pense que c'est toute une région qui
est...
M. Vallières: Alors, vous refusez? M. Duhaime:
...représentée.
M. Vallières: Vous refusez. Très bien.
M. Duhaime: II va falloir aussi avoir des gens de
l'extérieur de la région, des spécialistes en marketing
international, en finances, etc. Je pense que vous êtes très
malvenu de dire ici à l'Assemblée nationale qu'Asbestos n'est pas
représentée. Le maire de la ville siège au conseil
d'administration.
La deuxième chose, pour ce qui est des programmes au
ministère de l'Éducation sous la rubrique "vice de construction",
il faut bien rappeler que ces écoles ont été construites
il y a plusieurs années. Cela a été relié non pas
au "danger" - entre guillemets - que pourrait représenter la fibre
d'amiante qui a été utilisée dans ces produits, mais
à la mauvaise installation de ce produit. Il y a toute une marge. J'ai
déjà eu l'occasion de dire que, si le ministère de
l'Éducation versait des subventions à des commissions scolaires
pour faire enlever la fibre parce que c'est dangereux, c'était fou
raide. Je le répète ce matin, parce que cela n'a rien à
voir comme tel. C'est une mauvaise application d'un produit; de la même
façon que si cela avait été du plâtre mal
appliqué à un plafond - c'est un peu le cas de Saint-Guillaume -
on l'aurait enlevé. On dit à la commission scolaire: On va vous
donner un coup de main sur le plan financier pour le faire.
Mais chaque fois que le député de Richmond parle de
l'amiante en cette Chambre, depuis que je le vois travailler, c'est pour
dénigrer le dossier de l'amiante. Je me souviens qu'à
l'époque même où on organisait le Symposium mondial sur
l'amiante, c'était systématiquement pour attaquer le produit dont
il veut lui-même promouvoir les ventes sur le marché international
et cela, sans aucune espèce de justification.
N'oubliez pas ceci. Lors du Symposium mondial de Montréal, les
26, 27 et 28 mai 1982, il y avait là des pays représentés
de tous les coins du monde: des scientifiques, des industriels, des ministres,
des hauts fonctionnaires, etc. Quelle est la conclusion sur le dossier de la
santé et de la sécurité dans le secteur de l'amiante? Cela
a changé. Cela a changé parce que les mentalités ont
évolué et qu'on est sorti de cette espèce de peur
injustifiée qui existait aux États-Unis et qui existe encore. Je
vous en ai donné un échantillon tantôt. Depuis les
années cinquante jusqu'à 1975, 1976, la chute de l'utilisation de
l'amiante a été radicale par 1 000 000 000 $ de production. On se
retrouve aujourd'hui avec une capacité de production qui est peu
utilisée au Québec, à peine la moitié.
Prenez ce petit tableau qui vous donne une idée: L'estimation du
taux d'utilisation de la capacité de production dans l'industrie au
Québec; en 1979, on est à 93% de la
capacité; en 1980 - la SNA n'y était pas -80%; en 1981 -
la SNA n'y était pas, non plus - 67%; en 1982, 52%; en 1983, 51%;
peut-être un peu moins pour 1984. C'est la capacité de production
totale du Québec. Quand je vous dis qu'il faut faire maintenant un
effort de rationalisation, il est évident que le marché est plus
que stabilisé; il était en chute libre depuis des années.
Quand vous avez des mines qui produisent à 45%, 48%, 51% ou 52% de leur
capacité de production, il est évident que ces mines ne font pas
leurs frais, celles de la SNA aussi bien que John-Mansville à Asbestos,
tout le monde sait cela.
Ce qu'il faut faire, c'est réorganiser ce secteur. Mais le
gouvernement n'a pas l'intention d'émettre des diktats à
l'entreprise privée. On a une position d'ouverture, des rencontres se
font. Si on peut arriver à se mettre d'accord sur un scénario,
soyez certain d'une chose, c'est qu'on ira de l'avant là-dedans. Que
vous me fassiez de grands discours qui dénigrent systématiquement
la fibre de l'amiante sur toutes les tribunes que vous pouvez utiliser, cela
n'avancera à rien.
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
ministre. La parole est au député de Chauveau.
M. Raymond Brouillet
M. Brouillet: M. le Président, on a beaucoup
insisté, on a beaucoup parlé depuis le début de
l'importance de la recherche et du développement. C'est, d'ailleurs, la
lacune dans ce secteur qui explique un peu les difficultés
qu'éprouve aujourd'hui cette richesse naturelle que sont les produits de
l'amiante.
Tantôt, nous avons fait état que, depuis que le
gouvernement est intervenu dans le secteur de l'amiante, il a, lui, pris au
sérieux toute la recherche et le développement. Le gouvernement,
à force de bras, a mis sur pied un institut de recherche et de
développement. Le député d'Outremont reconnaissait
tantôt que, dans ce secteur, on peut être fier des efforts fournis
et aussi des premiers résultats qu'on obtient.
Je pense qu'il est nécessaire de s'attarder sur l'importance de
la recherche et du développement. Il s'est fait quelque chose depuis
quelques années, mais il est évident que ce n'est pas encore
suffisant. Il va falloir qu'on accentue nos énergies et nos efforts pour
accélérer davantage la recherche et le développement. (11
h 30)
J'aimerais faire remarquer que, jusqu'à il y a à peine
quelques mois, il n'y a que le gouvernement du Québec qui avait pris le
leadership dans ce secteur, suivi de quelques compagnies qui se sont
associées au gouver- nement pour pouvoir mettre en marche la recherche
et le développement.
Le gouvernement fédéral est intervenu tout
récemment pour accorder un appui au nouvel Institut de l'amiante qui
regroupe à peu près toutes les interventions du gouvernement dans
le secteur.
J'aimerais formuler le voeu que, de plus en plus, tous les partenaires,
tous les intervenants dans le secteur - les différentes compagnies, le
gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral -
puissent ensemble, en collaboration, fournir un effort additionnel pour mener
à terme les quelques résultats qui ont été obtenus
par la recherche. Je pense, entre autres, à la phosphatation de la
fibre. On sait que, si cela pouvait aboutir à des conclusions absolument
probantes, cela pourrait permettre à l'industrie de l'amiante de trouver
de nouveaux marchés et de connaître à nouveau les
années de prospérité qu'elle a connues dans le
passé. Mon voeu serait que tous les intervenants, tous les partenaires
et, en particulier, le gouvernement fédéral interviennent pour
appuyer tous les efforts en ce sens.
On a un espoir de ce côté: le ministre
fédéral de la région de Thetford, M. Masse, est sans doute
très sensible à ce problème et il devrait inciter ses
collègues du fédéral à fournir un appui
significatif dans le domaine de la recherche et du développement. C'est
l'espoir que je formule.
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
député. Je donne la parole au député de
Frontenac.
M. Gilles Grégoire
M. Grégoire: M. le Président, je voudrais continuer
ce que je disais tantôt en essayant d'aller plus vite.
C'est donc grâce aux recherches de la Société
nationale de l'amiante qu'on a trouvé les méthodes pour produire
une fibre d'amiante qui n'entraînera plus de danger pour la santé
des usagers. Le rapport de 1984 de la SNA dit justement que "ce projet,
à lui seul, est susceptible de modifier complètement les
données actuelles du marché de l'amiante en levant
l'hypothèque des questions de santé; cela pourrait être mis
en pratique dès l'année 1986 ou 1987." J'ajoute que c'est la
Société nationale de l'amiante qui a fait les recherches à
ce sujet, qui possède tous les brevets d'invention sur l'amiante
phosphaté et ce, pour tous les pays du monde.
M. le député de Richmond, c'est dans le comté de
Richmond que ces recherches ont été faites et qu'existe l'usine
pilote d'amiante phosphaté. On y consacre un budget de 3 000 000 $ par
année et il y a 10 employés qui y travaillent. Cela n'existait
pas il y a cinq ans dans le comté de
Richmond, mais cela existe maintenant grâce à la
Société nationale de l'amiante.
On aura donc réussi à redonner à l'amiante sa
valeur. Ce ne sera plus un produit nuisible à la santé, mais cela
redeviendra un matériau stratégique dont on doit
reconnaître l'importance et qui reprendra sa place sur le
marché.
Parlons maintenant du deuxième but de la politique de l'amiante,
c'est-à-dire construire des usines de transformation. De 1876 à
1976, il ne s'en est construit aucune dans la région de Thetford. Depuis
ce temps, il y en a trois et une quatrième s'annonce pour très
bientôt, l'usine MINUTT, qui fabrique des produits thermiques à
base de résidus. Elle produit actuellement 5000 tonnes de ces produits.
La demande est très forte et on parle, avant longtemps, d'augmenter la
production à 20 000 tonnes.
Une voix: Il n'y a pas de chômage? M. Grégoire:
Oui, il y a du chômage... M. Vallières: Parlez-en.
M. Grégoire: ...mais je vais vous expliquer pourquoi. Il y
a également l'usine MAGNAQ-I qui a pour objectif de produire 6000 tonnes
d'oxyde de magnésium, l'usine de laine de roche qui doit commencer ses
activités dans les prochains mois, ainsi qu'une quatrième usine,
pour laquelle on a commencé les démarches, dont on pense obtenir
la machinerie d'ici le mois de janvier et qui pourrait commencer ses
activités dès le printemps prochain. Quatre usines en quatre ans.
Depuis 1980, quatre en quatre ans. Quand on considère que, de 1876
à 1976, il y en a eu zéro en 100 ans et que, de 1980 à
1984, il y en aura eu une par année, quatre en quatre ans, je dis que
si, dès l'intervention d'Alexandre Taschereau en 1933, on avait
commencé à créer une usine par année, aujourd'hui,
la région de l'amiante aurait pu faire face à la crise de
l'amiante sans que le chômage augmente comme il a augmenté, parce
qu'on n'était pas prêt à faire face à la crise,
parce qu'on n'avait pas tenu compte des avertissements sur les dangers de
l'amiante pour la santé et qu'on n'avait pas tenu compte des
avertissements qu'il fallait créer des usines autour des mines.
Maintenant, j'ai des suggestions à faire pour l'immédiat.
On parle de créer une nouvelle productivité à la mine
Asbestos et de fusionner les mines Asbestos et les mines Bell. Mais moi, je
n'accepterai pas que cela se fasse avec des perles d'emplois. Cela ne doit pas
se faire avec des pertes d'emplois. Si vous demandez aux travailleurs de geler
leurs salaires ou de réduire leurs jours de congés pour en mettre
300 à pied quand tout cela sera terminé, vous pouvez être
sûrs qu'ils n'accepteront pas et je les comprends et je les appuierai. On
ne fera pas de transformations pour les mettre à pied.
Voici les trois suggestions que je vous fais. Une retraite à 55
ans avec 70% du salaire qu'ils ont présentement. Disons-nous bien que
ceux qui ont 55 ans à l'heure actuelle dans les mines d'amiante, dans
quelque ville que ce soit, ont commencé à travailler pendant la
guerre, c'est-à-dire à l'âge de 15 ans, 16 ans, 17 ans, 18
ans et que cela fait 40 ans qu'ils travaillent. Qu'on leur donne donc leur
pension à 55 ans, comme les professeurs peuvent l'obtenir, et à
70% du salaire, comme les professeurs peuvent l'obtenir.
Deuxième suggestion. Il y a des pays, à l'heure actuelle,
qui ne produisent pas d'amiante-ciment parce qu'ils n'ont pas les moyens
d'acheter l'amiante. Qu'on achète des actions dans des industries
d'amiante-ciment dans d'autres pays, dans les pays en voie de
développement et qu'on paie ces actions sous forme de fibre d'amiante.
Qu'on augmente la production de la fibre de 25% s'il le faut, dès
maintenant et avec cette fibre, qu'on aille acheter des actions dans des usines
d'amiante-ciment au Mexique ou en Algérie qui ont annulé, il y a
moins de deux ans, des achats de 20 000 et de 15 000 tonnes d'amiante.
Le Président (M. Beauséjour): M. le
député de Frontenac, votre temps est terminé.
M. Grégoire: Je résume en disant: qu'on fasse les
transformations...
Le Président (M. Beauséjour): Non, M. le
député de Frontenac!
M. Grégoire: ...mais que ça n'entraîne pas de
nouvelles mises à pied. Qu'on attende que les nouvelles usines - il y a
quantité de projets...
Le Président (M. Beauséjour): M. le
député de Frontenac! À l'ordre!
M. Grégoire: ...soient construites avant de faire les
transformations.
Le Président (M. Beauséjour):
Maintenant, la parole est au ministre. Je demanderais qu'on respecte
toujours les temps de cinq minutes. Sans cela, vous retardez l'horaire. M. le
ministre.
M. Yves Duhaime
M. Duhaime: Puisqu'on parle d'emplois, j'ai indiqué
tantôt, dans un des tableaux que j'ai montrés - je pense que cela
va être bon de le rappeler - l'évolution de la consommation sur
nos marchés: 3 200 000
tonnes en 1974, on en est à 2 200 000 tonnes en 1982; à
peu près le même volume en 1983. Cela veut dire quoi cette
réduction? Cela veut dire que la capacité de production dans les
mines est passée de 93% en 1979 à 51% en 1983. Je parle du
Québec. Le tableau précédent, c'était le
marché mondial. Qu'est-ce qui est arrivé maintenant en 1982? Cela
a été l'intervention absolument incroyable du gouvernement
libéral d'Ottawa sur le financement de la mine de Baie-Verte qui
était une mine fermée et en faillite. Je pense que le
député de Nicolet avait raison d'en parler tantôt. Je n'ai
pas entendu le député d'Outremont. Je n'ai pas entendu le
député de Richmond. Je n'ai pas entendu un seul
député libéral se lever en Chambre et soutenir ce que nous
on a dénoncé à tour de bras comme étant une affaire
qui n'avait aucun maudit bon sens.
Quand on enlève Baie-Verte, cela veut dire quoi? Prenez la
production de 1983 alors que nos mines à nous sont à 51% de leur
capacité de production. Les fédéraux font un petit cadeau
de 14 000 000 $. Soit dit en passant, cette mine tourne à
déficit, fait du dumping sur le marché international. Ces gens
viennent de nous faire perdre encore un contrat aux Indes. Savez-vous ce que
cela représente, M. le député de Richmond? Écoutez
bien cela. Quand vous irez à Asbestos, à Johns-Manville, vous
irez parler aux travailleurs, vous leur direz ceci. Chaque fois que 1000 tonnes
de fibre sont extraites de Baie-Verte, ça représente une semaine
de chômage pour 400 travailleurs de la région de l'amiante au
Québec. C'est cela que ça veut dire. Cela veut dire que, quand
ces 44 000 tonnes sont sorties de Baie-Verte, ce sont 400 mineurs, sur une base
annuelle, qui sont chez eux en chômage. Vous n'avez pas
dénoncé cela souvent. Je pense que, lorsque votre chef a
décidé de passer au neutre pendant les dernières
élections, il avait peut-être raison, parce qu'il était
rendu indéfendable.
Le député de Frontenac a parfaitement raison - mon
collègue de Chauveau l'a dit tantôt - ce ne sera pas le
Pérou, j'ai l'impression, nos discussions avec le gouvernement
fédéral conservateur, mais il y a un ministre du gouvernement
fédéral qui représente aujourd'hui la région de
l'amiante. Alors que nous avons présenté un plan de
développement pour la mine Asbestos, un plan de développement
pour la mine Bell, cela a été refusé. Cela ne fait pas
plus que deux ans que cela a été refusé. On espère
que, lorsqu'on ira rencontrer le nouveau gouvernement fédéral et
qu'on mettra de l'avant des plans de développement, tant pour Asbestos
que pour Bell, en soutenant aussi les demandes de développement de la
Johns-Manville et des autres mines du secteur privé - maintenant que les
conservateurs sont à Ottawa, cela va aller mieux pour vous de tirer sur
eux - vous tirerez. Comprenez-vous? Si cela peut fonctionner, tant mieux.
Lorsque vous allez dans votre région critiquer la politique de
l'amiante du Québec, vous devriez avoir le coeur de dire que, pendant le
même discours que vous tenez, vos amis libéraux à Ottawa
ont subventionné à tour de bras la mine de Baie-Verte qui
fonctionne actuellement avec un déficit et qui fait un dumping
épouvantable sur le marché international. Chaque fois qu'il sort
1000 tonnes de Baie-Verte à prix coupé, dites-vous que c'est 400
gars d'Asbestos, de Thetford ou de Black-Lake qui sont en chômage,
à cause de vous.
M. Vallières: Vous n'êtes pas informé; on l'a
déjà dit.
M. Duhaime: C'est votre faute à vous; vous avez soutenu ce
gouvernement tant que vous avez pu le faire.
Le Président (M. Beauséjour): À l'ordre!
M. Vallières: On l'a déjà dit, vous
n'êtes pas informé.
M. Duhaime: Vous avez raison d'avoir honte aujourd'hui.
M. Vallières: On l'a déjà dit. On le
dénonce.
M. Duhaime: Vous avez raison d'avoir honte et, si j'étais
à votre place, je deviendrais rouge, ce n'est pas compliqué.
M. Vallières: Comme eux, vous allez être battus la
prochaine fois.
Le Président (M. Beauséjour): M. le
député de Richmond!
M. Duhaime: M. le Président, je le répète:
Nous avons à coeur ce dossier, mais on ne fera pas de miracle. Je l'ai
dit aux travailleurs - lorsque j'ai rencontré M. Bélanger et, il
y a quelques années, M. Lemay, j'ai toujours été avec eux
d'une très grande franchise - N'attendez pas qu'on fasse des miracles,
les gars. Le marché est pourri. Cela fait 25, 30, 40, 50 ans que les
gouvernements à Québec n'ont jamais voulu s'occuper de ce
dossier. On ne fera pas un miracle en quatre ou cinq ans.
M. Vallières: Pourquoi leur avoir parlé de 20 000
"jobs"?
Le Président (M. Beauséjour): M. le
député de Richmond, à l'ordre!
M. Vallières: Qui leur a parlé de 20 000
emplois?
M. Duhaime: Patience. M. le Président, lorsque le
député de Richmond piaille de cette façon...
M. Vallières: C'est votre gouvernement.
M. Duhaime: ...est-ce que c'est quand même compté
sur mon temps?
Le Président (M. Beauséjour): Non, ce n'est pas
compté, mais c'est quand même terminé.
M. Duhaime: Je l'ai dit aux travailleurs que je n'étais
pas...
Le Président (M. Beauséjour): Je demanderais au
député de Richmond de respecter les règlements.
M. Duhaime: ...un marchand d'illusions. Vous autres, votre
gouvernement, votre ancien nouveau chef...
Le Président (M. Beauséjour): M. le ministre!
M. Duhaime: ...M. Bourassa, qu'est-ce qu'il a
décidé?
Le Président (M. Beauséjour): M. le ministre, c'est
terminé.
M. Duhaime: Il a mis 750 000 000 $ dans les mines de fer alors
que le marché était pourri.
Le Président (M. Beauséjour): M. le ministre,
merci.
M. Duhaime: Si on avait cet argent dans nos poches aujourd'hui,
mon Dieu!
Le Président (M. Beauséjour): La parole est
maintenant au député de Chapleau.
M. John J. Kehoe
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Depuis une heure et
demie, on a fait un tour d'horizon sur le problème de l'amiante, et les
conditions désastreuses qui existent dans cette industrie. On a entendu
le ministre essayer de défendre la politique de son gouvernement pour
avoir acheté la compagnie Asbestos. C'était une décision
politique lorsqu'il l'a achetée. Je me demande pourquoi il n'a pas le
courage de prendre une décision politique pour un programme de sauvetage
et un programme de relance dans le domaine de l'amiante.
Vous savez, M. le Président, que, depuis plusieurs années,
la mauvaise publicité qui se fait aux États-Unis et en Europe
cause beaucoup de dommages et occasionne des pertes d'emplois dans l'industrie
de l'amiante.
L'agence américaine pour la protection de l'environnement a aussi
l'intention de bannir, dans un premier temps, les principaux produits de
l'amiante, tels que tuyauterie d'amiante, ciment, papier d'amiante, vinyle et,
dans un deuxième temps, les autres produits divers de l'amiante. Les
propositions de l'EPA concernant le premier groupe de produits seront
déposées bientôt. La date des audiences n'est pas encore
déterminée, mais le jugement final est fixé pour le milieu
de l'année 1985. En attendant, les producteurs québécois
craignent que la mauvaise réputation faite à l'amiante par la
"Consumer's Safety Product Commission ne finisse par causer autant de tort
à leurs ventes que le fera la mise en application de mesures
proposées par ces organismes. Comme les États-Unis, la
Communauté économique européenne prendrait une
décision d'établir des critères très
sévères concernant l'utilisation de l'amiante. (11 h 45)
Nous savons tous que l'amiante n'est pas une substance dangereuse s'il
est utilisé avec discernement. Il est bien évident que le
gouvernement de la province de Québec n'investit pas assez d'argent dans
la publicité pour contrecarrer la mauvaise publicité qui est
faite aux États-Unis et en Europe. Par contre, le gouvernement est
prêt à dépenser des sommes énormes pour la
publicité partisane, que ce soit concernant son option de
séparation ou les autres options qui lui tiennent à coeur. Je
pose des questions très spécifiques et très
concrètes au ministre concernant ce problème de mauvaise
publicité et le lobby québécois qui devrait être
établi pour sauvegarder le marché de l'amiante dans le monde
entier. Pourquoi le gouvernement ne s'engage-t-il pas dans une campagne de
réhabilitation de l'amiante? Le député d'Outremont a
parlé tantôt de scénarios dramatiques qu'on voit à
la télévision. À chaque fois qu'on voit ces choses, il n'y
a pas de réponse de donnée; il n'y a personne, que ce soit le
gouvernement du Québec ou l'industrie privée, qui vienne donner
des réponses sur ces scénarios dramatiques que l'on voit à
la télévision.
Qu'attend le ministre pour activer l'Institut de l'amiante qui
soi-disant sera chargé de la défense de ces produits? Est-ce que
le ministre peut déposer le plan d'action qu'il a sans doute
suggéré à l'Institut de l'amiante? Pourquoi le
gouvernement, en concertation avec l'entreprise privée, ne
crée-t-il pas un lobby québécois qui aura, comme premier
objectif, la réhabilitation de l'image de l'amiante et
deuxièmement, la défense de ce produit à
l'extérieur du Canada, surtout aux États-Unis et en Europe? Et,
finalement - la proposition a été faite, je pense, par un autre
député tantôt -pourquoi le ministre ne met-il pas des
pressions sur le gouvernement fédéral pour
légiférer sur des normes d'utilisation de l'amiante?
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
député.
M. le ministre, vous avez dix minutes pour conclure.
Conclusion M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, je vais enchaîner sur
ce que vient de dire le député de Chapleau. Peut-être que
vos recherchistes ne sont pas au courant de ce qui s'est fait dans ces dossiers
sur le plan international. Je ne peux pas les blâmer parce que ce qui se
passe sur le plan international, les recherchistes n'en sont pas
nécessairement au courant. Mais je voudrais mentionner qu'en 1979, sur
le plan de la concertation avec l'industrie, avec la collaboration des
producteurs québécois, on a mis sur pied l'Institut de recherche
et de développement sur l'amiante qui s'est appelé l'IRDA.
C'était en 1979, au début de l'application de la politique de
l'amiante. En 1980, la SNA a mis sur pied son propre centre de recherche; en
1982, notre gouvernement a collaboré avec l'industrie et avec le
gouvernement fédéral et on a mis sur pied le Centre canadien de
l'information sur l'amiante. On l'a payé à frais partagés.
Plus récemment, cette année, en 1984, le gouvernement du
Québec, l'industrie et le gouvernement fédéral ont mis sur
pied l'Institut de l'amiante qui a comme mission des activités de
recherche, mais principalement un mandat de défense et de promotion de
l'amiante sur les marchés internationaux.
Mais on part de loin, vous savez. Je suis moi-même allé en
Europe il y a deux ou trois ans. J'ai rencontré des ambassadeurs et,
entre autres, l'ambassadeur du Canada à Bonn. Quand on lui a
parlé de l'amiante, il avait l'air un peu découragé, pour
être honnête, dans le sens que c'était un dossier qu'il
connaissait à peine. Il était en poste dans un pays où on
est peut-être le plus en difficulté. Je voudrais assurer le
député de Chapleau que nous allons continuer de travailler
très fort sur les marchés internationaux pour faire la promotion
et la défense de ce dossier de l'amiante. Je voudrais aussi lui donner
l'assurance que nous allons le faire dans un esprit de très
étroite collaboration avec l'entreprise privée. Je dois dire
à cet égard que, même avec l'ancien gouvernement à
Ottawa, à la fin, on a senti que cela commençait à
débloquer, probablement parce que la mine de Baie-Verte était en
opération à ce moment-là. J'imagine que cela a pu
être une incitation. Mais là il avait décidé de s'en
occuper vraiment.
Dans certains pays d'Europe entre autres, l'amiante a été
banni. Dans d'autres pays, l'amiante a été
archiréglementé. C'est ce genre de barrière qu'il nous
faut maintenant traverser dans l'avenir. Cela ne s'applique pas seulement
à l'amiante qui est produit par le Québec; cela s'applique aussi
à l'amiante qui est produit par l'ensemble des pays producteurs. Le jour
où l'amiante aura retrouvé ses lettres de noblesse, il y a lieu
d'espérer que nos productions reprennent. Je dois dire à cet
égard - et je l'ai mentionné très rapidement au tout
début de cet échange - que les premiers millions de dollars
dépensés dans la recherche l'ont été en 1979 et en
1980 avec l'arrivée de notre gouvernement. Mais je pense que tout le
monde admet que - je ne vois pas pourquoi les libéraux en face de moi
s'entêtent à ne pas l'admettre - s'il y avait eu des millions de
dollars de dépensés dans la recherche et le développement
dans les années quarante, cinquante, soixante et soixante-dix au
même rythme qu'on le fait actuellement, quelques dizaines de millions qui
auraient pu être investis aux bons endroits, disons 1 000 000 $ par
année, on n'en serait pas là. C'est seulement en 1983-1984 que
nos propres laboratoires viennent de mettre au point la fibre phosphatée
qui, en laboratoire en tout cas, a fait ses preuves et qui garantit que nous
pourrons mettre en marché une fibre inerte. C'est là qu'il faut
gagner dans ce dossier, pour apaiser ce que j'appellerais des craintes de la
part de nos clients. Le jour où un grand groupe européen comme
Eternit, par exemple, qui, lui, achète la fibre, l'utilise dans ses
productions, dans le tuyau-ciment en particulier, dans des matériaux de
construction, etc., sera en mesure de dire à ses clients: Nous achetons
une fibre du Québec, une fibre blanche... Parce que vous savez que
l'ambassadeur canadien en Allemagne, quand on lui avait expliqué qu'il y
avait trois sortes de fibres: la fibre blanche, la fibre bleue et la fibre
brune, était tout surpris de cela. C'était la première
fois de sa vie qu'il entendait parler de cela. Il y a une grosse
différence entre les trois. Je dois dire que c'était la
même chose aussi pour un des ministres de la République
fédérale d'Allemagne que j'avais rencontré et qui n'avait
jamais entendu parler des distinctions entre une sorte de fibre et une autre et
il était convaincu que c'était la même chose.
C'est certain qu'il y a un niveau d'ignorance là-dedans et nous
avons du travail devant nous, mais, d'abord et avant tout, ça va passer
par deux avenues, me semble-t-il, au départ: une rationalisation de
l'ensemble du secteur de l'amiante - là-dessus, il y a une ouverture de
notre côté à toute l'industrie - et, deuxièmement,
nous allons devoir poursuivre et accentuer nos efforts dans la recherche et
le
développement. Souhaitons-le, nous allons mettre les millions
nécessaires pour faire en sorte que cette fibre phosphatée, qui
offrirait des qualités d'inertie, on puisse la développer le plus
rapidement possible à l'échelle industrielle.
On n'en a pas beaucoup parlé ce matin, mais, quand on regarde ce
qui s'est fait en aval, c'est-à-dire l'utilisation et la transformation
de la fibre ici même au Québec, il y a des entreprises qui sont
nées, il y a des entreprises qui existent, il y a des travailleurs qui
se rendent chaque matin à leur travail dans des entreprises qui,
autrefois, n'existaient pas. Prenez l'usine de MAGNAQ-1, par exemple, qui
commence à tourner. Il y a l'usine Laine de Roche qui est en
construction à Thetford, l'usine Distex, FILAQ, LUPEL; ce sont des
entreprises qui sont nées de toutes pièces à la suite de
la politique de l'amiante.
Mon raisonnement est très simple, M. le Président. Nous
allons tenter de concentrer dans la région de l'amiante tout l'aval,
c'est-à-dire tout ce qui vient, en termes d'utilisation industrielle, de
la fibre d'amiante, pour que ces populations et ces travailleurs puissent en
profiter au maximum. Mais ne nous faisons pas d'illusion, les seuils de
production et d'extraction de la fibre d'amiante qu'on a connus pendant les
belles années, ça m'étonnerait que ça revienne
rapidement. Il faut donc consolider le secteur de l'extraction, il faut
accentuer l'utilisation de la fibre d'amiante dans le secteur manufacturier en
aval et, en même temps, pousser au maximum sur la recherche et le
développement.
J'ai confiance qu'avec ce que nous avons mis sur pied, ce qui s'appelle
aujourd'hui l'Institut de l'amiante, alors qu'au Québec, pendant les
premières années de la politique de l'amiante, cela a
été un affrontement stérile entre la Société
nationale de l'amiante et l'entreprise privée, aujourd'hui, il y a une
espèce de coexistence plus que pacifique qui a été
atteinte, on travaille en harmonie, on travaille en coopération, en
collaboration, je dirais aussi, en solidarité, j'ai confiance, dis-je,
qu'avec l'Institut de l'amiante qui est alimenté par de l'argent qui
vient du gouvernement du Québec, qui vient aussi de l'entreprise
privée, du secteur de l'amiante et du gouvernement fédéral
comme il est normal que cela se fasse, on puisse arriver à redorer ce
blason sur nos marchés internationaux.
J'ai donné des indications tantôt. Je vais tout simplement
rappeler un tableau qui illustre très bien ce qui s'est passé au
Québec durant le dernier demi-siècle: Ici, vous avez la
production intérieure brute des États-Unis, l'utilisation de
l'amiante par milliards de dollars. L'Opposition est très silencieuse
sur ce tableau. Dans le fond, je les comprends un peu. 1234 tonnes par milliard
de dollars aux États-Unis en 1950; voyez comment l'escalier tombe: 1950,
I960, 1970, 1976, on est à 445 tonnes de fibre d'amiante utilisée
par milliard de dollars de production. On est ici en dollars constants. Cela se
stabilise. On n'est pas entré dans la production de l'amiante avec la
Société nationale de l'amiante en 1976, on est entré en
1982. C'est passé de 1234 tonnes par milliard de dollars à 167
tonnes par milliard de dollars. Regardez l'escalier qui est ici. On voudrait
aujourd'hui nous en faire porter toute la responsabilité. Le
député d'Outremont qui est un homme intelligent va conclure avec
moi que cela n'a pas d'allure. Si cela avait été fait plus vite -
c'est là notre point - plus rapidement, on ne serait pas dans une
espèce de rattrapage en catastrophe aujourd'hui pour nous maintenir sur
les marchés, pour développer la fibre et aller à pleine
vapeur dans nos laboratoires de recherche. Il faudra compter sur le temps. Dans
le très court terme, il n'y a pas d'illusion à se faire, mais je
retiens la suggestion du député de Frontenac. S'il se fait de la
rationalisation, il est évident qu'on tiendra compte de l'emploi et de
la condition des travailleurs dans la grande région de l'amiante.
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
ministre. M. le député d'Outremont, vous avez un droit de
réplique de dix minutes.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, nous avons voulu parler de
l'avenir de l'amiante et le ministre, lui, nous a entretenus du passé.
C'est un choix qu'il a fait, mais je dois avouer que, pour les gens de la
région de l'amiante, parler du passé ne rejoint pas tellement
leur préoccupation première. Nous parlant du passé, le
ministre nous a dit que, depuis de nombreuses années, le gouvernement
savait que la situation s'était détériorée à
un tel point que la situation serait difficile pour plusieurs années.
Comme le disait tout à l'heure mon collègue, le
député de Richmond, si le gouvernement savait pertinemment la
situation qui existait, pourquoi a-t-il promis 20 000 emplois dans ce secteur?
Pourquoi a-t-il menti à la population d'une façon aussi
effrontée? Pourquoi n'a-t-il pas mis au point justement un plan de
stabilisation, un plan de développement, un plan de défense de
l'amiante sur tous les horizons, dans toutes les régions et dans tous
les pays du monde où une telle action aurait dû porter? Que fait
le gouvernement pour stabiliser l'industrie? Quel est le plan de
coopération entre le ministre de l'Industrie et du Commerce et le
ministre de l'Énergie et des Ressources pour justement assurer le
développement de ces régions qui sont les
plus affectées? Que fait le ministère du Commerce
extérieur dans des pays où justement le ministre dit que les
ministres et les ambassadeurs sont peu renseignés? J'étais dans
le secteur privé avant et nous ne tenions jamais pour acquis que les
diplomates, que les ambassadeurs et que les chargés d'affaires
étaient au courant de notre produit. Nous allions nous-mêmes leur
dire quels étaient les problèmes et quelles étaient les
qualités de notre produit. Mais qu'a fait le gouvernement durant toutes
ces années s'il connaissait la vérité aussi bien qu'il
nous l'exprime maintenant?
M. le Président, nous n'avons pas eu beaucoup de réponses
aux questions posées. Bien sûr, le ministre nous fait des discours
sur les internationales, sur les méchantes internationales, alors que
lui-même essaie d'en attirer le plus grand nombre possible ici, au
Québec, comme Pechiney, Kaiser, Reynolds. Il faudrait bien que le
gouvernement s'aligne sur cette question. Est-il en faveur des multinationales
ou s'il est contre les multinationales? Il ne peut pas être à la
fois pour et contre en même temps.
Le gouvernement - le ministre en a fait la démonstration -
était au courant qu'il y avait une baisse de l'utilisation de l'amiante
aux États-Unis et en Europe et que ceci - je l'ai démontré
tout à l'heure -provient de la mauvaise publicité qui est faite
dans ces pays. Dès 1976, en Angleterre, et aux États-Unis, en
1978 et en 1979, il y a eu des attaques pernicieuses contre l'utilisation de
l'amiante. La question que nous posons - nous savons ce que le gouvernement a
fait - est la suivante: Comment allons-nous rétablir ces marchés?
J'entendais le député de Chapleau parler de recherche et de
développement. 11 est certain que la recherche et le
développement peuvent, dans une certaine mesure, alléger la
situation et trouver des nouveaux débouchés. Mais ce qu'il faut
surtout, et les statistiques du ministre nous le confirment, c'est
reconquérir les marchés que nous avons perdus. C'est convaincre
les gens, les décideurs, les diplomates, les ministres de ces pays, aux
États-Unis et en Europe, dans la communauté européenne,
que l'amiante n'est pas le produit pernicieux dont on fait si souvent la
démonstration.
À ce sujet, mon collègue de Chapleau a fait une suggestion
tout à fait pertinente. Il a dit: Pourquoi ne pas organiser un lobby
actif, agressif à Washington, peut-être même à
Bruxelles, dans les deux capitales, aux États-Unis et dans la
communauté européenne, justement pour reconquérir ces
marchés que nous avons perdus? Encore là, c'est une leçon
du secteur privé. On peut faire de beaux discours. On peut laisser
croire à la population tout ce que l'on voudra, mais, si l'on ne peut
reconquérir les marchés que nous avons perdus, tous nos efforts
seront vains.
Le ministre ne nous a pas parlé, bien sûr, d'une
décision qu'il a prise, semble-t-il, en ce qui concerne la fusion.
Est-ce que le ministre ne nous a pas dit qu'il y a une étude en cours?
Il a certainement dû recevoir certaines bribes d'information sur
l'étude en cours par Cooper and Lybrand, où on fait état
des avantages et des désavantages de cette fermeture. On . parle de
l'impact négatif sur le moral des employés, sur la direction de
ces entreprises. Le ministre n'en dit mot. C'est malheureux parce qu'on vient
de vivre cette situation dans la région de Gagnon où le
gouvernement s'est tu et a caché à la population les
réelles implications des options qu'il examinait sérieusement. Le
ministre n'a donné aucune garantie sur les emplois. Il a dit: Bien
sûr, nous allons tenter de voir à ce qu'il n'y ait pas de perte
d'emploi. Mais quelles sont les garanties, les motifs, les arguments, les
critères? S'il y a consolidation, il pourrait y avoir des pertes
d'emplois, et combien? Je crois que la population est en droit de
connaître ces choses-là.
Le ministre nous a dit également que le Parti libéral du
Québec, lorsqu'il était au pouvoir, n'avait rien fait. C'est une
fausseté monumentale. Le gouvernement Bourassa a été le
premier à s'intéresser de très près à ce
dossier. C'est le ministère de l'Industrie et du Commerce, en
collaboration avec celui des Richesses naturelles, qui commanda des
études de marché pour certains produits à base d'amiante.
Ces études ont été commandées à la
société SNC. Ces premières études se sont
révélées d'un intérêt si certain qu'une
étude plus ambitieuse fut conçue et une décision pour un
financement conjoint - le gouvernement et l'association des mines d'amiante - a
été prise lors des élections de 1976. Un plan d'action,
basé sur ces études et ces informations, a été
défini.
Tout ce que l'on peut dire, c'est que le gouvernement, en se basant sur
cette information qui avait été déterminée par le
Parti libéral du Québec pour définir un plan d'action,
malheureusement, il l'a déviée pour se concentrer sur l'achat de
mines. Il n'a pas considéré - ce qu'il a lui-même dit - le
fait qu'il y avait une chute brutale des marchés internationaux et
qu'une action virulente et déterminée aurait dû être
faite dans ce secteur.
Nous, du Parti libéral, croyons dans l'avenir de l'amiante. Nous
croyons que l'amiante peut reconquérir les marchés perdus.
À une condition, bien sûr, c'est que nos dirigeants y croient et
qu'ils mettent le temps et l'argent qu'il faut pour convaincre ceux qui ont
perdu confiance dans ce produit. Nous croyons que l'amiante a plusieurs
qualités et qu'il nous faut
convaincre ces pays, ces dirigeants qu'ils doivent modifier leur point
de vue sur cette question.
Je crois qu'il est urgent, en parallèle avec le plan d'action qui
existe déjà dans le domaine de la recherche et du
développement, qu'il y ait un plan d'action concerté pour
reconquérir ces marchés, que le gouvernement organise des lobbies
à Washington et à Bruxelles pour faire en sorte que la
communauté européenne et que les Etats-Unis changent d'opinion
sur l'utilisation de l'amiante et pour contrecarrer la mauvaise
publicité qui est faite.
M. le Président, je conclus là-dessus. Nous aurions voulu
savoir ce que fera le gouvernement. Je rappellerai au ministre que, dans la
constitution canadienne, les richesses naturelles sont une
responsabilité provinciale. Il s'agit d'une responsabilité qui
incombe au premier chef au gouvernement du Québec, en particulier au
ministre de l'Énergie et des Ressources. Il ne faudrait pas que le
gouvernement se lave les mains dans cette situation en invoquant la
collaboration ou la non-collaboration du gouvernement
fédéral.
Moi aussi, j'exprime le voeu que M. Marcel Masse, nouveau
député de Frontenac, puisse collaborer davantage avec le
gouvernement qui nous dirige. Mais je rappelle au ministre que c'est sa
responsabilité première. À titre de ministre du
gouvernement québécois, il est responsable au premier chef du
développement des richesses naturelles au Québec. M. le
Président, l'amiante a un avenir, mais il faudrait que le gouvernement
assume ses responsabilités pour assurer cet avenir. Merci.
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
député. Merci également aux membres de la commission et
aux personnes qui les accompagnent.
Ayant accompli le mandat qui lui était confié, la
commission de l'économie et du travail ajourne maintenant ses travaux
sine die.
(Fin de la séance à 12 h 5)